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Full text of "Dictionnaire d'ascétisme"

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NOUVELLE 


ENCYCLOPÉDIE 

THÈOLOGIQUE , 


OV  NOU TELLE 


liRii  m  ucnonAniRS  sdr  todtis  us  partds  de  la  sciuce  Rmsinni^ 


Là  PLUS  CLAIRE,  LA  PLUS  FACILE,  LA  PLUS  COMMODE,  LA  PLUS  VARIÉE 

ET  LA  PLUS  COMPLÈTE  DES  THÉOLOCIËS. 

CES  MCnOHHAUlBft  MtU  CEUX  : 

MS  HéCEETS  WS  C0!CCE£GATI0!I»  EOEAIIIES, —  BR  FATEOLOGIE, 
»  DB   MOCKAnU    CEBiTIENHE   ET    ANTI-CHEÉTIBNIIE  ,    —  DES  C0!IFEÉB1E8,  —  DES  CK0ISADE9,  —  DES  MISBIOM, 

—  D*A!fECD0TE8  CEEÉTIEIITIES,  — 
D*ASCÉnSaE  ET  DES  IHTOGATIOIfS  A  LA  TIERCE,  —  DES  I5D1JL6C1ICE8,  —  DES  nOPHIÊTIES  ET  DES  HIEACLES, 

—  DE  STATISTIQUE  CHSÉTlEIfNE,  —  D*ÉC050yiE  CHARITABLE  ,  —  D*ÉDUCAT105, 

—  DES  KRStiCIITIO!»,  —  DES  EEEEORS  SOCIALES, 
—  DB  mUMOraiE  CATBOLIQDE,  — DES  COïlTERSIOIfS  AO  CATHOLICISME,  —  DES  APOLOGISTES  INTOLOFIT AIRES, — 

•"iLOQVElICE  CaRÉTlENNE,  —  DE  LITTÉRATURE  î^., — D*ARCnÉOLOCIE  id.^ —  D^ORIIEHESITATIOX  îd* 
*  D^ABCHITECTORB,  DE    PEINTURE    ET    DE    SCULPTURE     id.,    —    DE  RUHISIIATIQUE    II/.,    —    D*HÉRALDH)CE    M., 

—  DE  HUSIQUB    id.^ —  D^ANTHROPOLOGIE   id,^   —   DE    PALÉOUTOLOCIE    td.^  — 
»*foCRAniE  M.y —  DB  IOTAHIQUE  id.^  —  DE  ZOOLOGIE  id,^  —  D*ETH!fOGRAPHIE,  —  DES  HAlfUSCRITS,  — 

DES  lirVEIlTIORS  ET  D^OUTERTES.  — 
'de  MiDEaRE-PRATIQUE,  —  D*AGRI-SlLV|-TITl-fiT-HORTiCULTURE,  ETC. 

PURLlgE 

PAR   M.    L'ABBÉ   MIGNB, 


ou 


DES  COVM  CN> 


SUR   CHAQUE   RR%?ICIIE  DE  LA    SCIERCE  ECCLÉSIASTIQUE. 

•  €  r|«  LB  TOL.  POUR  LE  SOUKRIPTEUR  A  LA  COLLECTION  ENTIERE,  7  FR.,   8  FR.,  ET  hAmE  10  PB*  POUR 

SOUSCRIPTEUR  A   TEL  OU  TEL  DICTIOMHAIRB   PARTICULIER. 


TOME  ÇUJLRANTE-GINÇUIÈnE. 


DICTIONNAIRE  D*ASCÉTISHE. 


TOMB  PREMIER. 


2  YOL.  PBIX  :  ik   FRANCS. 


^. 


»   ^v^ 


—    'r         \    '"^ 
•   '        .1» 


A 


1\V 


S'IMPRIME   ET   SE  VEND  CHEZ    J.-P.  MIGIVB ,  ÉDITEUR, 

AUX  ATBUBBS  CATUOUQUBS,  RUE  D'AMBOiSI!,  AU  PliiTiï-UONTilOUGE, 

•AKUÈBK    d'bRFBR    OB    PABIt. 

1853 


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cl 


^7 


Imprimerie  MIGNE,  au  Pelit-Monlroog^;; 


DICTIONNAIRE 


D'ASCÉTISME 


? 


COMPRB9IA9T 


l*^IJIi  PIM^OW  PBÉUMlKAnUS 

L*8IiT0UB  GivimàtE    DE    L'ASCiTMMB    DEPUIS    l'ORIGINB    DU  MOUDB  JVSQIl!à 

nos  JOURS  ; 

»  ErE%wmÊA  rar  mjl  «•Lirn^m 

TODTBS  LES  QITBSTIOIIS  SPÉCdLATITES  BT  PRATIQUBS  DE  LA  THiOLOGlE  mrtTIQUB  ; 


fumapinx  adtbdbs  iscinQUEs,  orthodoxes,  depuis  jésus-christ  jusqu'à  nos  jauu  | 

DES  VAUX  MTSTIQUES  ET  DE  LEURS  ERREURS  ; 


•»  MM  CâYAljMHDB  Cl 


:*v  I  :* 


WêM  mmmwM  cmi»N*ijMmfiiB, 


DES  PRIECIPAUX  AUTEURS  ET  OUTRAGES  MTSTIQUES  ; 

«*  mm  tèmmm  ■Ê¥Bmii«inB  mwm  WÊàmimsm 

PmOPRB  A  FACILITER  l'bTUDB  RAttOHEÉE  DE  LA  TBiOLOGIE  MTSTIQUSJ 

PAR  LES  ABBÉS  J.-C.  G.  ET  J.-C.  P. 


PUBUÉ 

PAR  H.   L'ABBÉ  MIGNE , 
buu^vhAcub  mvnrEBittixB  mm  ciif— ats 

ou  • 

SUR  GEAQOE  StàSCIE  M  LA  SCIEHCB  FCCLiSUSTHUOE. 


TOME  PREMIER. 


2  voLDMits,  i«ix  :  Ik  niBCs. 


S^IMPRIME  ET  SE  VEND  CHEZ  J.-P.  MIGNE,  EDITEUR , 

AUX  ATELIERS  CATHOUQDES,  RUE  D'AMBOISE,  AU  PETIT -MONTROUGI, 

•AUUiSB  O'ilfm  DB  PABIf . 


1853. 


L^ 


.  j  ■    ■'~.; 


DISCOURS  PRÉLIMINAIRE. 


Noos  nous  proposons  dans  ce  discours  de  présenter  une  esquisse  historique  de  l'as- 
eétîsme,  et  quelques  considérations  générales  qui  n'ont  pu  trouTer  place  dans  cet  ouTrage 
parmi  les  articles  détachés. 

Ce  DicUomudre  de  myUiciême  est  Y^rilablement  un  traité  complet  de  la  théologie  mys- 
tique et  de  tout  ce  qui  s^j  rattache,  soit  au  point  de  vue  doctrinali  soit  au  point  de  Tue 
pratique,  soit  au  point  de  nie  historique 

Doctrine,  expérience,  maximes  des  Pères  et  des  plus  illustres  ascètes,  bibliographie, 
place  que  le  déTeloppement  de  l'ascétisme  occupe  dans  le  dérelopperaent  de  l'histoire 
du  genre  humain  :  telle  est  la  matière  de  ce  traTaîL  Si  ces  choses  ne  sont  pas  neuves  par 
elles-mêmes,  -et  ce  serait  un  malheur  qu'elles  le  fussent,  du  moins  il  n'existe  encore 
pas  une  collection  de  matériaux  aussi  complète  ui  aussi  facile  k  consulter  que  celle-ci 
pour  s'éclairer  sur  la  question  du  mysticisme  et  de  Tascéti^me. 

Nous  nous  empressons  de  déclarer  tout  en  commençant,  que  notre  tAche  n  a  consisté 
qu*à  choisir  les  meilleures  sources  et  à  y  puiser.  Nous  avons  fait  une  comparaison  générale 
de  ce  qui  a  été  écrit  sur  cette  importante  matière,  depuis  saint  Denys  l'Aréopagite  jus- 
qu'k  saint  François  de  Sales. 

C'est  à  Scrham  que  nous  avons  fait  les  plus  larges  emprunts,  à  cause  de  la  grande  mé- 
mode  et  de  la  parftite  exactitude  théologique  de  Fauteur.  Hais  ce  Dictionnaire  est  com- 
plété par  les  travaux  de  Pierre  de  Blois,  Ferrari,  de  Rodriguez,  saint  Xean  d'Avila,  sainte 
Ther^,  saint  lean  de  la  Croix,  saint  Bonaventure,  saint  François  de  Sales,  Surin,  Cour- 
bon  (J),  Gosselin  (2)  et  autres,  pour  les  articles  ascétiques  ;  de  Feller,  de  Godescard,  de 
Bsrgier,  de  Rohrbacher,  de  la  Biographie  universelle  pour  la  partie  biographique  et  biblio- 
graphique. 

Quoiqu'il  n*y  ait  en  apparence  aucun  ordre  raisonné  dans  un  dictionnaire,  cependant 
ici  les  articles  sont  reliés  entre  eux  par  groupe,  au  moyen  de  renvois,  en  sorte  qu'on  y 
trouve  véritablement  la  marche  d'un  traité  scientifique;  et  sur  chaque  point  on  y  verra 
la  doctrine  appuyée  sur  l'Ecriture  sainte,  les  saints  Pères,  la  pratique  des  saints,  et  sur 
les  meilleures  autorités.  Une  table  méthodique  des  matières  relie  par  un  facile  enchaîne- 
ment les  articles  épars  dans  le  Dictionnaire. 

La  pensée  principale  (de  ce  discours,  celle  qui  domine  et  gouverne  tout  l'ouvrage, 
celle  d'après  laquelle  toutes  les  autres  se  coordonnent  est  celle-ci  :  qu'il  existe  pour  tous 
ceux  qui  s'occupent  de  ces  délicates  matières,  une  nécessité  absolue  de  se  conformer  à 
la  doctrine  et  k  la  pensée  de  l'Kglise  exprimée  par  des  autorités  universellement  res- 
pectées. 

Dans  tout  re  qui  touche  à  la  religion,  dans  toutes  les  parties  do  la  science  sacrée,  la 
raison  n'intervient  qu^  pour  confirmer,  par  des  considérations  qui  lui  sont  naturelles,  les 
irérités  fournies  par  les  sources  approuvées  de  TEglise;  en  sorte  que  son  r6le  n'est  ja- 
mais d'inventer  du  noi|veau,  mais  de  chercher  quelques  motifs  nouveaux  quand,  dans  sa 
fitbiesse  native,  elle  peut  en  trouver,  pour  corroborer  les  vérités  enseignées  par  l'Eglise 
et  TEcriture  sainte.  Voilà  son  rôle,  qui  n'est  pas  fort  considérable;  aussi  noua  devons 
remercier  Dieu  qui  a  voulu  que  le  chemin  de  nos  destinées  éternelles  fAt  éclaira*  par  une 
autre  lumière  que  ee)le  de  la  raison  vacillante  de  l'Jiomme ,  et  quedans  des  affaires  de 
eetle  importance  l'homme  s'en  rapportât  surtout  à  Dieu  lui-même.  Or,  si  ce  que  noua 
disons  est  vrai  quand  il  s'agit  des  vérités  enseignées  par  la  théologie  dogmatique  et  morale, 
on  peut  dire  que  ^|a  est  incomparablement  plus  démontré  quand  il  s*agit  de  la  théolo- 


^)  BUi.  inUf.  de  Ffnelon,  an.  QutétUme. 
Durnoxîi.  n'AscirrsvB.  I. 


il  DICTIONNAIRE  D*ÂSCETISME.  f^ 

gie  mystique»  cette  portion  de  la  science  sacrée  qui  est  pour  ainsi  dire  la  plus  voisine  da 
ciel»  et  qui  est  le  côtô  le  plus  sublime  de  .cette  science.  , 

On  comprend  donc  que  nulle  part  la  raison  privée  ne  doit  p  us  qu'ici  se  défier  d'elle-' 
même  :  sa  seule  fonction  consiste  à  recueillir  et  à  peser  les  auto,  itôs,  à  marcher  pas  à  pas 
avec  l'Ecriture  sainte»  avec  les  conciles  qui  contiennent  la  pen  ée  de  l'Eglise,  avec  les 
appréciations  des  saints  Pères  sur  la  pratique  de  la  perfection  é /angéligue,  avec  les  con- 
sidérants des  bulles  de  canonisation,  avec  les  auteurs  ascétiques  les  plus  autorisés,  avec 
les  vies  des  saints,  accueillies  universellement  comme  parfaitement  authentiques. 

Cette  marche  prudente  et  conseillée  par  la  difficulté  de  la  matière  rend  les  erreurs  bien 
difficiles.  Aussi»  pour  ce  qui  nous  concerne  nous  avons  fait  tous  nos  efforts  pour  ne  point 
nous  en  écarter  en  quoi  que  ce  soit»  même  dans  les  derniers  détails  des  questions  ;  et  si 
malgré  nos  intentions  bien  pures  et  tout  notre  soin»  des  inexactitudes  s'étaient  glissées 
dans  notre  travail»  nous  les  désavouons  et  soumettons  tout  à  la  suprême  autorité  à  laquelle 
il  est  toujours  si  sûr  et  si  doux  d'obéir. 

Nous  n'avons  emprunté  nos  articles  qu'aux  écrivains  ascétiques  qui  ont  compris  cette 
nécessité  de  s'en  tenir  strictement  è  l'enseignement  traditionnel  et  catholique  et  qui  ont 
le  moins  accordé  aux  vues  particulières  et  au  goût  d'une  dévotion  privée,  quoique  d*aiU 
leurs  très-respectable. 

Mais  s'il  faut  être  enfant  docile  de  l'Eglise  et  ne  jamais  s'écarter  de  sa  pensée»  il  ne 
faut  pas  croire  pour  cela  qu'il  faille  repousser  comme  les  effets  trompeurs  d'une  imagi- 
nation peu  réglée»  toutes  les  grâces  particulières  que  Dieu  répand  quelquefois  sur  ses 
fidèles  serviteurs.  Nous  reviendrons  bientôt  sur  ce  point  pour  le  traiter  avec  l'attention 
qu'il  mérite  :  mais  en  attendant  nous  devons  dire  qu*il  serait  également  contre  la  doc- 
trine  de  l'Eglise  de  refuser  à  la  gr&ce  de  Dieu  les  effets  merveilleux  qu'elle  produit  natu- 
rellement et  par  sa  propre  vertu»  quand  elle  tombe  sur  une  bonne  terre  ;  et  de  re- 
connaître les  caractères  de  ces  mêmes  effets  extraordinaires»  dans  certains  états  qui 
sont  le  fruit  d'une  imagination  ardente  ou  d'un  orgueil  déguisé  ou  d'une  excessive 

sensibilité. 
Au  surplus»  nous  n'en  sommes  pas  encore  à  juger  certaines  questions  pratiques  qui 

ressortent  de  la  théologie  mystique.  Quant  au  dogme  et  à  l'ensembe  de  la  doctrine»  nous 

venons  de  faire  notre  profession  de  foi  »  et  maintenant  on  sait  par  quels  motifs  nous 

avons  cherché  h  suivre  les  auteurs  les  plus  savants»  les  plus  orthodoxes»  les  plus  prudents; 

ceux,  en  un  mot»  qui    nous  ont   paru  posséder  la    science  de   la  théologie  avec  le 

plus  de  profondeur  et  d'étendue»  et  aussi  avec  la  plus  grande  somme  de  bon  sens 

pratique. 

La  théologie  mystique  a  contre  elle  de  grands  préjugés»  nous  en  combattrons  quelques- 
uns»  ceux-là  seulement  que  nous  considérerons  comme  sérieux.  Ella  a  contre  elle  les  pré- 
jugés des  philosophes  incrédules;  nous  ne  nous  préoccupons  pas  beaucoup  de  ceux-lè,  et 
toutefois  nons  aurons  quelques  réponses  à  leurs  attaques.  Elle  a  contre  elle  le  mépris  des 
Chrétiens  rel&chés  et  corrompus»  qui  ne  sentent  plus  ce  qui  est  de  Dieu»  nous  n'avons 
rien  h  leur  dire  ;  ils  ne  connaissent  du  christianisme  que  la  superficie  ;  les  croyances  les 
plus  fondamentales-aonl  déjà  mutilées  dans  leur  esprit.  Une  partie  de  la  morale»  celle 
même  qui  est  de  précepte»  leur  parait  du  superflu.  Comment  pourraient-ils  estimer  les  œu- 
vres surérogatoires  du  christianisme»  lorsque  les  motifs  mêmes  des  plus  indispensables 
devoirs  leur  échappent? 

Placés  dans  les  antres  ténébreux  du  vice»  ils  s'indignent  de  ce  aue  ceux  qui  sont  sur  la 
montagne  leur  partent  de  la  majesté  du  ciel  qui  se  déroule  au  loin  devant  eux.  Les  as- 
tres cessent-ils  de  briller  au  firmament»  parce  que  certaines  personnes  ne  veulent  pas  y 
porter  leurs  regards  ? 

Mais  voici  le  grand  mal  :  La  théologie  mystique  a  contre  elle  même  des  Chrétiens  sin- 
Hcères  et  des  personnes  respectables  ;  et  avouons-le»  non-seulement  d'honnêtes  laïques»  mais 
encore  un  bon  nombre  d'ecclésiastiques  d'ailleurs  irréprochables»  ou  ignorant  le  vrai  objet 
de  la  théologie  mystique»  ou  la  dédaignant»  soit  comme  superflu»  soit  comme  ne  rentrant 
pas  dans  leurs  attributions»  et  comme  n'éclairant  aucun  devoir  essentiel  à  remplir.  S'il 


IS  DISCOURS  PREUNINAIRE.  U 

était  bien  vrai  qa'on  ecclésiastique  pût  se  contenter  do  la  simple  obserration  des  précep^ 
tes  sans  se  croire  appelé  par  sa  sainte  Tocation  à  une  perfection  snpériearey  ce  qui  serait 
en  contradiction  arec  renseignement  des  'conciles ,  des  saints  Pères  et  des  pins  grates 
autorités;  au  moins  estnl  certain  que  tout  prêtre  ayant  charge  d'âmes  peut  être  appelé  à 
diriger  des  pénitents  qui  se  lirrent  plus  ou  moins  à  la  rie  contempIatiTe,  qui  se  sentent 
appelés  par  la  grâce  de  JWeu  k  pratiquer  quelques-uns  des  conseils  éyangéliques ,  et  dès 
lors  il  doit  être  familiarisé  avec  les  règles  et  les  maximes  des  saints,  avec  les  règles  reçues 
dans  TEglise  pour  la  conduite  des  âmes  qui  suirent  la  ?oix  de  la  perfection. 

Maintenant  quel  est  l'objet,  la  fin  et  les  moyens  de  la  théologie  mystique? 
•  La  théologie  mystique,  dit  Schram,  est  une  science  qui,  s'appuyant  sur  les  choses  diri* 
nemjent  révélées,  expose  la  doctrine  qui  conduit  h  l'acquisition  de  la  perfection  des 
vertus. 

Ainsi  la  théologie  mystique  n*est  que  le  complément  de  la  théologie  dogmatique  et  mo- 
rale; ou  si  vous  voulez,  une  des  divisions,  une  des  parties  intégrantes  de  la  théologie  ou 
science  de  Dieu.  C'est  une  science^  dit  le  même  auteur,  d*abord  parce  que  son  procédé  d*in* 
duction  n'emporte  pas  moins  d'évidence  que  les  autres  sciences  humaines»  et  ensuite 
parce  que  dans  sa  matière  elle  repose  sur  des  principes  plus  certains  que  les  autres 
sciences;  car  ces  principes  ont  pour  fondement  la  révélation  divine. 

Sa  fin  est  de  conduire  l'âme  par  la  voie  de  la  perfection  jusqu'à  l'union  de  la  charité 
âes  parfaite  avec  Dieu. 

Ainsi  en  même  temps  que  Dieu  est  l'objet  de  cette  science,  la  fin  en  est  la  perfection 
âmes  par  l'union  avec  Dieu. 

Ses  moyens  sont,  outre  l'accomplissement  exact  des  commandements  de  Dieu  et  de  l'E- 
glise, c'est-à-dire  l'accomplissement  des  devoirs  communs  à  tous  les  fidèles,  un  usage  par- 
ticulier de  la  prière,  de  la  méditation  des  vérités  étemelles,  de  la  mortification;  l'accom  • 
plissement  partiel  ou  universel  des  conseils  évangéliques,  et  cela  dans  le  but  d'accomplir 
p!us  sûrement  et  plus  parfaitement  les  choses  de  précepte,  et  d'arriver  par  là  et  avec  la 
grâce  de  Dieu  à  un  parfait  amour  de  Dieu,  à  une  entière  union  avec  lui. 

11  est  naturel  dé  conclure  de  là  avec  Gerson  que  la  théologie  mystique  est  la  sagesse  par 
excellence,  la  sagesse  la  plus  haute  qui  puisse  nous  éclairer  en  ce  monde.  Elle  surpasse,  dit 
Louis  Dupont,  incomparablement  toutes  les  autres  sciences  et  tous  les  arts  de  Tunivers, 
parce  qu'elle  est  plus  haute,  plus  sainte,  plus  noble,  plus  utile,  plus  douce,  plus  durable, 
puisqu'elle  est  la  fin  dernière  d'après  laquelle  et  le  bonheur  de  la  vie  prteente  et  toutes 
les  autres  sciences  se  condamnent. 

Sans  doute  le  but  de  la  théologie  dogmatique  et  de  la  théologie  morale  est  au^si  la  con- 
naissance et  finalement  la  possession  de  Dieu»  la  connaissance  des  règles  à  observer  pour 
y  arriver.  Mais  la  théologie  mystique  enseigne  la  règle  pour  arriver  plus  sûrement  à  ce 
noble  but  et  pour  y  arriver  avec  la  plus  grande  perfection. 

Nous  avons  déjà  vu  que  les  principes  et  les  lieux  théologiques  de  la  théologie  mystique 
sont  les  mômes  que  ceux  de  la  théologie  dogmatique  et  morale.  Or,  il  y  en  a  de  deux 
sortes  :  les  uns  qui  emportent  d'eux-mêmes  la  certitude,  les  autres  qui  fournissent  des 
autorités  respectables  sans  engendrer  la  certitude.  Les  sources  de  première  classe  sont 
l'Écriture  sainte,  prise  dans  le  sens  où  elle  est  interprétée  par  l*Ëglise,  le  consentement 
unanime  fdes  saints  Pères,  l'Église  parlant  ou  dans  les  conciles  généraux,  ou  dans  les 
constitutions  des  Souverains  Pontifes  s'adressent  à  TÉglise  universelle. 

Les  autres  lieux  théologiques  sont  d*un  ordre  inférieur  et  par  eux-mêmes  n'élèvent  une 
proposition  que  jusqu'à  une  plus  ou  moins  grande  certitude  ou  probabilité.  Ce  sont  les 
conciles  provinciaux,  les  saints  Pères,  pris  séparément  et  émettant  une  ooinion  particulière. 
C'estt  encore  l'autorité  de  l'histoire,  de  l'expérience  et  de  la  raison. 

D'oJk  il  suit  que  la  théologie  mystique  a  sa  doctrine  certaine  et  ses  opinions  ou  ses  doutes. 
Les  choses  certaines  réclament  et  commandent  l'unité];  les  douteuses,  la  prudence. 

Voyons  maintenant  comment  cette  science  divise  et  dispose  ses  matières. 

La  fin  de  la  théologie  mystique  étant  de  conduire  une  âme,  par  la  voie  de  la  perfection» 
jusqu'à  Funion  de  la  charité  parfaite  avec  Dieu»  la  première  chose  qu'elle  fait»  c'est  de 


15  DICTIONNAIRE  D*ASGET1SME.  H 

donner  le  caractère  de  la  perfection  et  de  montrer  quels  sont  les  molifs  qui  nous  obligent 
^  y  atteindre,  en  quoi  elle  oblige  chacun  de  nous. 

C'est  ensuite  à  partir  de  ce  point  que  commencent  à  se  ramifier  les  divisions.  Car  comme 
il  n'est  pas  naturel  d'arriver  à  la  perfection  tout  d'un  élan,  mais  successivementt 
et  par  degrés,  on  a  distingué  trois  voies  différentes,  par  lesquelles  on  arrive  au  sommet  de 
)a  perfection,  autant  qu'une  créature  humaine ,  même  aidée  de  la  grâce,  peut  y  arriver.  Il 
y  a  la  voie  purgative,  la  YOie  illuminative  et  la  voie  unitive.  Les  personnes  qui  parcourent 
ces  voies  sont  appelées,  en  conséquence,  les  commençants,  les  progressants  et  les 

parfaits. 

i"  Dans  la  voie  purgative ^  que  suivent  les  commençants,  on  s'occupe  et  de  la  pé- 
nitence des  péchés  passés  et  de  la  fuite,  non-seulement  du  péché  mortel,  mais  aussi  du 
péché  véniel  et  de  la  tiédeur.  Les  deux  principaux  moyens  pour  arriver  à  ce  but,  sont 
J'oraison  et  la  mortification,  dont  on  traite  selon  l'importance  de  ces  matières. 

2r  Dans  la  voie  illuminative ,  que  parcourent  les  progressants,  on  suppose  les  flmes 
purgées  des  péchés  et  délivrées  des  liens  du  vice,  et  occupées  particulièrement  à 
suivre  Jésus-Christ,  qui  est  la  voie,  la  vérité  et  la  vie.  En  imitant  Xésus-Christ,  ces  Ames 
acquièrent  toutes  les  vertus  par  lesquelles  elles  deviennent  les  épouses  de  Jésus-Christ,  et 
'sont  disposées  à  aimer  Dieu  par-dessus  toutes  choses  et  à  s'y  attacher  comme  au  souverain 
bien.  De  là,  dans  cette  partie,  on  traite  particulièrement  de  l'imitation  de  Jésus-Christ, 
de  la  pratique  des  vertus,  de  la  victoire  des  tentations,  et  des  difficultés  qui  se  présentent 

dans  la  vie. 

3*  Enfin,  l'homme  ainsi  illuminé  par  la  pratique  des  vertus  et  par  l'imitation  de  Jésus- 
Christ,  arrive  à  la  perfection,  dans  le  degré  où  il  est  donné  d'y  parvenir,  dans  la  vote 
unitive.  L'Ame  monte  à  cette  vie  unitive  par  la  contemplation,  et  Dieu  l'élève  lui-même 
jusqu'à  lui  par  sa  gr&ce  et  par  des  voies  diverses,  et  ces  voies  diverses,  ces  grAces  spéciales, 
que  Dieu  accorde  à  ces  Ames,  caractérisent  cette  TOie  ,  où  marche  le  petit  nombre  des 
parfaits. 

Mais  il  reste  encore  un  objet  important ,  le  plus  important  même  h  traiter  par  la 
théologie  mystique ,  ce  sont  les  règles  de  conduite  du  directeur  des  Ames  dans  la  vie 

spirituelle. 

» 

Et,  h  ce  propos,  ceux  qui  ont  lii  les  œuvres  de  sainte  Thérèse  goûteront  la  sage  réflexion 
àe  l'un  des  continuateurs  de  Fleury,  M.  l'abbé  Goujet  :  «  Ce  qui  me  plaît  surtout  dans 
sainte  Thérèse,  dont  tous  les  ouvrages  sont  si  mystiques  qu'ils  sont  à  la  portée  de  peu  de 
personnes,  c'est  qu'elle  se  défiait  de  ses  propres  lumières,  qu'elle  craignait  toute  illusion, 
que  les  états  extraordinaires  où  elle  tombait  lui  paraissaient  ordinairement  suspects, 
qu'elle  les  soumettait  au  jugement  de  supérieure  éclairés,  et  que  ce  qu'elle  a  écrit,  elle  ne 
l'a  fait  que  par  obéissance,  et  en  avertissant  même  de  ne  les  lire  qu'avec  précaution.  » 

On  voit  par  là  avec  quelle  attention  la  théologie  mystique  doit  traiter  la  question  des 
qualilés  du  directeur  des  Ames  qui  aspirent  à  la  perfection  évangélique.  On  y  examine 
*  cinq  points  différents  qui  embrassent  cette  matière  :  l^'Que!  doit  être  le  maître  de  la  vie 
spirituelle.  ^  Comment  le  directeur  doit  s'accommoder  aux  dispositions  des  personnes,  et 
distinguer  les  commençants,  les  progressants  et  les  parfaits  ;  les  éclairer,  les  corriger  et  les 
soutenir.  S*  Comment  il  doit  faire  la  distinction  des  bous  et  des  mauvais  esprits,  des  bonnes 
et  des  mauvaises  inspirations.  4*  Distinguer  les  véritables  grAccs  extraordinaires  d'avec  les 
illusions.  5"  Examiner  comment  un  supérieur  doit  conduire  la  ^communauté  et  quelles 
sont  les  qualités  que  les  saints  Pères  lui  supposent  pour  faire  profiter  les  Ames  qui  lui 
sont  confiées. 

La  théologie  mystique  pourrait  encore  se  diviser  en  deux  parties  :  la  partie  spéculative  et 
la  partie  pratique.  Elle  est  spéculative  et  doctrinale  lorsqu'elle  fonde  son  enseignement  sur  la 
base  solide  des  autorités  que  nous  avons  indiquées  plus  haut;  elle  est  pratique  et  expéri- 
mentale lorsqu'elle  entre  dans  le  détail  de  la  vie,  par  l'application  des  principes  démontrés, 


U  DISCOURS  PREUMINAIRBL  iS 

i  (et  ou  tel  cas  particulier»  à  teile  ou  tdie  personne.  El  ici  on  contient  qu'elle  a  lé  même 
genre  de  difficultés  que  la  théologie  morale»  dont  les  principes  généraux  sont  très-clairs  et 
précis,  mais  qui  ne  laissent  pas  d'engendrer  une  foule . d*embarras  et  de  perplexités 
dans  la  pratique,  parce  que  les  circonstances  de  temps  et  de  lieu,  de  personnes»  etc.» 
font  que  ce  qu'il  j  a  d'abso(u,  dans  le  principe»  ne  se  prftte  que  très-péniblement  aux  acci- 
dents des  cas  particuliers.  H  n*est  pas  étonnant  qu'il  j  ait  cette  similitude  entre  ces  deux 
sciences,  puisque  la  théologie  mystique  n*est  réellement,  comme  déjà  nous  TaTons  obsenré, 
qu'un  prolongement»  un  complément  de  la  théologie  morale. 

Cependant»  nous  devons  observer  que  les  difficultés  réelles  que  présente  la  pratique  de 
la  théologie  mystique  ne  sont  pas»  de  leur  nature,  aussi  épineuses»  aussi  embarrassantes 
pour  la  conscience  de  celui  qui  applique  ces  principes»  et  qui  en  a  la  responsabilité»  que 
lorsqu'il  s'agit  du  principe  de  la  théologie  morale  ;  celle-ci  agit»  en  effet»  généralement  sur 
ce  qui  est'de  droit»  de  rigueur» 'd'obligation.  Dès  lors  la  décision»  pour  ou  contre»  a  un 
effet  infaillible  de  bien  ou  de  mal  ;  tandis  que  dans  la  théologie  mystique»  souvent  on  traite 
des  œuvres  et  des  pratiques  de  surérogation.  S'il  y  a  erreur»  elle  n'existe  souvent  que  du 
mieux  au  bien;  tandis  qu'ailleurs  elle  est  du  bien  au  mal. 

C'est  id  le  lieu  de  rappeler  quelques  jugements  peu  iavoranles  à  la  théologie  mystique» 
iwrtés  par  des  hommes  très-considérables. 

Bt  d'abord»  commençons  par  rappeler  la  déGnition  un  peu  obscure  qu'en  donne  Bergier. 
«  Ceux  qui  ont  traité  de  la  théologie  mystique,  dit-il»  disent  que  ce  n'est  point  une  habi- 
tude ou  une  science  acquiu^  telle  que  la  théologie  spéculative  »  mais  une  connaissance 
expérimentale  »  un  goût  pour  Dieu  qui  ne  s'acquiert  point»  et  qu'on  ne  peut  obtenir  par 
êot-mémef  mais  que  Dieu  communique  à  une  âme  dans  la  prière  et  la  contemplation  ;  c'est» 
disent-ils»  nn  étai  surnaturel  de  prière  passive  »  dans  lequel  une  Ame  qui  a  étouffé  en  elle 
toutes  les  affections  terrestres  »  et  qui  s'est  accoutumée  à  converser  dans  le  ciel  »  est  telle- 
inent  élevée  par  le  Seigneur»  que  ses  puissances  sont  filées  sur  lui  sans  raisonnements  et 
sans  images  corporelles  représentées  par  l'imagination.  Dans  cet  état  »  par  une  prière 
tranquille  mais  fervente»  et  par  une  vue  intérieure  de  l'esprit»  elle  regarde  Dieu  comme 
une  lumière  immense»  étemelle  ;  et»  ravie  en  extase»  elle  contemple  sa  bonté  infinie»  son 
amour  sans  bornes.  » 

Quoique  nous  ayons  envisagé  le  mysticisme  comme  une  science  armée  de  toutes  ses 
parties  pour  établir  ses  vérités»  cependant  nous  conviendrons  avec  Gerson  qu'il  consiste 
surtout  &  connaître  Dieu  par  l'expérience  du  cœur  :  mais  cela  n'empêche  point  qu'il  no 
soit  une  des  branches  de  la  théologie  générale  »  qui  spéculalivement  arrive  à  des  consé- 
quences certaines. 

Ainsi»  1*  malgré  i  opinion  de  Beigier  »  le  mysticisme  est  une  science  »  et  en  second 
lieu»  elle  ne  consiste  pas  seulement  dans  les  extases.  Ceux  qui  marchent  dans  cette  voie 
ne  doivent  même  pas  les  chercher.  LiiS  grâces  surnaturelles  dépendent  de  Dieu.  Mais  le 
but  de  la  théologie  mystique  est  d'arriver  à  une  union  continuelle  d'intention  avec 
Dieu  par  la  pureté  du  cœur  et  la  vivacité  de  la  charité. 

Cet  exposé  de  Bergier  ne  donne  pas»  comme  on  voit»  une  idée  juste  ni  bien  favorable 
de  la  chose  qui  nous  occupe.  Bergier  prend  une  partie  pour  le  tout»  et  voilà  pourquoi  H 
est  incomplet  et  obscur  dans  ce  passage  »  et  nous  ne  lui  en  faisons  pas  un  reproche. 
Contre  qui  était  dirigé  son  Dictionnaire  de  théologie?  conire  les  philosophes*  du  xviiT 
siècle.  Or»  aux  yeux  de  ces  hommes»  il  n'avait  pas  à  traiter  la  question  de  mysticisme 
à  fond  »  il  s'agissait  seulement  de  faire  respecter  par  les  ennemis  de  l'Eglise  des  choses 
qu'ils  ne  comprenaient  pas;  et  partant  il  n*a  parlé  à  ces  hommes  que  de  la  prière  pas- 
sive et  des  extases»  de  certaines  grâces  particulières  que  Dieu  fait  aux  justes»  parce  que 
ces  choses-là  seulement  étaient  un  sujet  de  scandale  pour  les  philosophes.  Hâtons-nous 
d'ajouter  que  Bergier»  avec  son  intelligence  ordinaire»  a  noblement  défendu  les  droits 
de  la  grâce  et  la  vie  des  âmes  contemplatives,  il  a  fait  ce  qu'il  devait  faire  ;  il  a»  en  bon 
soldat»  défendu  les  remparls  dans  le  point  seulement  où  ils  étaient  attaqués. 


»  BICTIONNAIRE  D'ASCETISME.  M 

Le  discours  qu'on  lit  dans  les  (Œuvres  de  Fleury,  mais  qui  est  de  l'un  de  ses  contî- 

'  nuateurs,  traite  assez  rudement  les  mystiques,  et  ménage  peu  la  théologie  mystique  elle^ 
même.  Nous  allons  citer  ce  passage  ayant  d'en  exprimer  notre  sentiment. 

«  La  théologie  mystique  en  général  est  une  connaissance  infuse  de  Dieu  et  des  choses 
divines,  qui  émeut  l'Ame  d'une  manière  douce,  dévote  et  affective,  et  l'unit  à  Dieu  in- 
timement ,  éclairant  son  esprit  et  échauffant  son  cœur  d'une  manière  tendre  et  extra- 
ordinaire. Nous  n'avons  garde  de  condamner  cette  théologie ,  enseignée  par  plusieurs 
saints,  et  approuvée  par  l'Eglise.  Mais  il  est  bon  de  remarquer  que  les  anciens,  dont  les 
écrits  brillent  de  tant  de  lumières,  en  ont  peu  fait  sur  cette  matière ,  parce  que,  d'un  côté» 

'  il  est  plus  facile  de  sentir  ces  communications  intimes  de  Dieu  avec  TAme ,  que  de  les 
exprimer,  quand  on  en  est  favorisé;  et  que,  de  l'autre,  il  n'y  a  rien  de  plus  sujet  à  l'illu- 
sipn  que  ces  voies  extraordinaires  oh  Dieu  fait  peut-être  moins  entrer  d'Ames  qu'on  ne 
le  pense.  Les  saintes  Ecritures  et  les  Pères  de  TEglise  ont  recommandé,  comme  autant 
de  préceptes  indispensables ,  d'aimer  Dieu  de  tout  son  cœur,  de  ne  vivre  que  pour  lui,  de 
lui  rapporter  toutes  ses  actions  par  amour,  de  s'acquitter  exactement  des  devoirs  de  son 
état ,  chacun  selon  sa  condition  ,  dans  le  dessein  de  lui  plaire ,  de  le  servir,  et  de  parve- 
nir à  le  posséder  dans  l'éternité  ;  mais  ils  ont  peu  connu  ces  états  habituels  de  visions, 

'  d'illuminations,  d'illustrations  intérieures,  d'oraisons  passives,  etc.,  et  ils  en  ontsûre- 
Sient  ignoré  les  termes:  au  moins,  le  plus  grand  nombre  n'en  a-t-il  rien  dit.  Nous  ne 
voyons  pas  non  plus  que,  quelque  éclairés  qu'ils  aient  été  sur  les  voies  du  salut,  ils.  aient 
fait  un  art  mélhodique  de  l'oraison ,  ni  qu'ils  aient  cru  que  les  sentiments  du  cœur  puis- 
sent être,  pour  ainsi  dire,  mesurés  au  compas,  ni  être  produits  que  les  uns  après  les 
autres,  selon  un  ordre  arbitraire,  et  en  quelque  sorte  mécanique,  qu'on  leur  aurais 
prescrit.  Si  la  plupart  de  ces  spéculations  abstraites  ne  sont  pas  nées  de  l'oisiveté  des 
cloîtres,  je  ne  sais  si  l'on  ne  peut  pas  dire  qu'au  moins  elles  s'y  sont  nourries  et  fortifiées^ 
et  que  c'est  de  là  qu'elles  se  sont  le  plus  répandues. 

«  Le  célèbre  Gerson  f  si  sensé  sur  ces  matières ,  était  persuadé  que  Rusbrock  s'était 
égaré  dans  ses  visions ,  et  que  l'enthousiasme  lui  avait  un  peu  échauffé  l'imagination. 
Cependant  il  a  eu  des  défenseurs  éclairés.  Jean  Taulère,  son  ami,  surnommé  le  Docteu» 
illuminé f  était  beaucoup  plus  théologien;  et  l'on  s'en  aperçoit  dans  ses  traités  spirilueif 
où  il  est  bien  plus  exact  que  Rusbrock.  La  religieuse  Marie  d'Agreda  a  eu  ses  partisans, 
et  peut-être  en  a-t-elle  encore,  malgré  le  ridicule  qui  est  répandu  dans  sa  Cité  myêlique^ 
.où  elle  ne  s'entendait  peut-être  pas  elle-même.  Ce  qui  me  plaît  dans  sainte  Thérèse,  dont 
presque  tous  les  ouvrages  sont  si  mystiques  qu'ils  sont  à  la  portée  de  peu  de  personnes, 
c'est  qu'elle  se  défiait  de  ses  propres  lumières,  qu'elle  craignait  toute  illusion ,  que  les 
états  extraordinaires  où  elle  tombait  lui  paraissaient  ordinairement  suspects ,  qu'elle  les 
soumettait  au  jugement  de  supérieurs  éclairés ,  et  que  ce  qu'elle  en  a  écrit ,  elle  ne  l'a 
fait  que  par  obéissance,  et  en  avertissant  même  de  ne  les  lire  qu'avec  précaution.  Les 
quiétistes  de  ces  derniers  temps  n'ont  eu  ni  cette  humilité,  ni  cette  soumission,  ni  cette 
défiance  d*eux-mèmes  ;  et  l'Eglise  a  condamné  leur  doctrine  et  leurs  écrits,  sans  donner 
atteinte  à  la  vraie  spiritualité,  comme  sans  prétendre  nier  qu'il  y  ait  des  Ames  privilégiées 
h  qui  Dieu  puisse  accorder  des  grAces  singulières  et  extraordinaires;  de  la  vérité  des- 
quelles elle  juge  par  l'imiformité  de  la  conduite,  l'humilité  des  sentiments,  le  règlement 
des  passions,  la  pureté  des  mœurs,  Tinlégrité  de  la  doctrine  de  celles  qui  croient  en  être 
favorisées.  Mais  ce  qui  est  extraordinaire  ne  peut  servir  de  règle,  et,  par  conséquent,  la 
théologie  mystique  n'a  jamais  pu  servir,  ni  pour  la  direction  particulière  des  mœurs,  ni 
pour  la  prédication,  qui  ne  doit  avoir  qu«  deux  buts,  persuader  l'esprit  en  l'éclairant, 
toucher  le  cœur  en  l'échauffant.  » 

Ce  jugement  sévère  a  d'autant  plus  d'autorité  qu'il  est  exprimé  avec  le  ton  de  la  mo-^ 
dëration  et  du  bon  sens. 

tJné  seule  observation  suflira  pour  ramener  celte  mercuriale  h  son  vrai  sens.  Lorsque 

« 

M.  TabbéGoujet  écrivait  ce  discours,  la  France  était  encore  sous  rimj)ression  des  qun* 


tl  DISCOURS  PREUyiNAlRE.  » 

relies  da  quiétisme.  Le  mouvement  de  réaction  de  Topinion  publique  contre  Molinos  et  ': 
ses  disdples  D*éUit  pas  encore  tout  à  fait  apaisé.  Le  mysticisme  Yrai  et  louable  parut  un 
peu  responsable  des  abus  qu'on  en  fit.  Mais  qu*on  remarque  que  Tauteur  s*empresse  de 
déclarer  :  Nou$  n^avons  gardé  de  condamner  eeiie  ihéologie  emtignée  par  plusieurs  saints  et 
mpproutféepar  V Eglise.  Lors  qu'ensuite  il  termine  par  ces  paroles  :  Ce  qui  est  extraordi^ 
noire  ne  peut  servir  de  règle ^  nous  lui  répondons  qu'il  n'y  a  point  de  règle  pour  les  grâces 
particulières  de  Dieu.  Si  donc,  c'est  de  cela  que  Fauteur  veut  parler,  nous  sommes  de  son 
a?is.  Mais  s'il  entend  que  la  théologie  mystique  ne  fournit  pas  des  règles  sûres,  sages  et 
prudentes  pour  conduire  un  grand  nombre  de  personnes,  particulièrement  les  religieux 
et  les  ecclésiastiques,  dans  les  yoies  de  la  perfection  évangélique,  alors  il  se  trompe. 
Car  il  est  vrai  que  la  théologie  mystique  fournit  ces  règles  sûres  et  prudentes,  non  pour 
tous  les  Chrétiens  sans  distinction,  mais  pour  tous  ceux  qui,  touchés  spécialement  par 
la  grâce,  aspirent  à  une  Tie  plus  parfaite  que  le  commun  des  fidèles. 

Mais  pour  trancher  ce  genre  de  difficulté  par  la  racine,  remontons  à  la  source  même  de 
toute  la  doctrine  catholique  et  écoutons  les  euseignements  de  lésus-Christ. 

C'est  dans  le  discours  sur  la  montagne  qu'il  a  réuni  presque  toute  la  substance  de  sa 
morale.  Or,  il  est  aisé  de  Toir  que,  dans  le  plan  de  vie  qu'il  a  tracé  à  tous  les  Chrétiens, 
il  y  a  des  choses  qui  sont  de  précepte  et  d'autres  seulement  de  conseil.  Cette  distinction 
importante  et  fondamentale  dans  la  doctrine  de  l'Eglise  n'est  point  à  l'arbitraire  des  inter- 
prètes; elle  est  fondée  sur  la  tradition  unirerselle,  sur  l'autorité  des  saints  Pères,  des 
conciles  et  de  tous  les  docteurs. 

Un  pieux  auteur  a  très-bien  eiposé  cette  distinction  t 

A  la  suite  des  lois,  dit-il ,  le  Sauveur  passe  aux  conseils. 

A  prendre  les  choses  en  général,  les  conseils  n'obligent  point  chacun  des  Chrétiens, 
mais  il  est  essentiel  qu'ils  soient  toujours  observés  par  un  nombre  de  fervents  disciples, 
et  que  leur  pratique  persévère  dans  le  corps  de  la  société  chrélienne.  Ils  ne  sont  pas  le 
corps  évangélique,  mais  ils  contiennent  l'esprit  de  l'Evangile.  Ce  n'est  pour  personne  une 
obligation  dé  les  .garder  en  tout  temps  et  en  tous  lieux;  mais  se  croire  pour  toujours  dis- 
pensé de  leur  totalité,  c'est  s'exposer  au  péril  prochain  de  s'affranchir  du  précepte.  En  un 
mot,  dans  une  spéculation  abstraite,  aucun  conseil  ne  fait  loi,  mais  il  arrive  quelquefois 
dans  la  pratique,  eu  égard  aux  circonstances  des  lieux,  des  temps  et  des  personnes,  que  le 
conseil  oblige. 

Voilà  le  fondement,  la  règle  et  la  justification  de  la  théologie  mystique.  On  pourrait 
donc  la  définir  :  La  tciencequi  traite  de  la  pratique  des  conseih  évangéliqueSn 

Elle  repose  sur  les  paroles  et  les  discours  de  lésus-Christ.  Elle  est  une  partie  intégrante 
et  substantielle  du  christianisme.  Sans  elle  le  christianisme  est  mutilé  et  privé  de  son 
plus  bel  ornement,  de  son  lustre  le  plus  éclatant. 

Nous  tomberions  dans  l'exagération  si  nous  disions  que  l'accomplissement  du  précepte 
ne  suffit  pas.  Ce  serait  une  erreur  pareille  et  tout  aussi  condamnable  de  dire  que  la  pratique 
des  conseils  n'est  pas  plus  parfaite  et  plus  agréable  à  Dieu,  ou  qu'il  ne  faut  pas  exhorter  les 
fidèles  à  suivre  les  conseils  selon  Tinspiration  de  la  grâce.  C'est  un  devoir  pour  les  pasteuts 
d'en  favoriser  la  pratique,  d'en  faire  l'éloge,  d'en  avoir  de  l'estime  et  d'inspirer  cette  estime 
aux  fidèles  qui  sont  capables  d*en  être  touchés.  Et  remarquez  ici  qu'il  ne  s'agit  nullement 
de  choses  extraordinaires  et  plus  ou  moins  surnaturelles  qu'éprouvent  certaines  âices 
privilégiées.  Ces  choses  sont  la  récompense  anticipée  de  la  sainteté,  mais  ne  sont  pas  la 
sainteté  elle-même.  La  perfection  dont  s'occupe  la  théologie  mystique  embrasse  tous  les 
degrés,  et  même  elle  s'occupe  essentiellement  et  avant  tout  des  plus  bas  degrés,  c'est-à* 
dire  de  la  complète  et  entière  expiation  des  péchés,  des  moyens  de  les  éviter,  de  la  prati* 
que  parfaite  des  vertus  communes  à  tous  les  Chrétiens,  parce  que  c'est  là  la  base  de 
rédifice,  et  que  si  celui-là  manque ,  le  reste  ne  peut  se  tenir  debout. 

On  peut  voir  mainleiiant  combien  sont  abusés  ceux  en  qui  la  théologie  mystique  ne 


13  DICTIONNAIRE  D^ASCETISME:  U 

■ 

réveille  que  des  idées  d*une  piété  malenteDdue  et  sans  règles*  Ceux-là,  bien  loin  de  coûnattre 
la  théologie  mystique»  n'entendent  pas  môme  la  théologie  commune,  o  est-à-dire  rensei- 
gnement de  TEglise  et  le  sens  des  paroles  de  Jésus-Christ;  ils  n'entendent  ni  saiot  Paul, 
ni  saint  Bonaventure,  ni  sainte  Thérèse* 

ESQUISSE  HISTORIQUE  DU  HYSTICISUE 

Avant  de  nous  livrer  à  d'autres  réflexions,  et  pour  jeter  sur  notre  sujet  toutes  les 
lumières  qu'il  peut  comporter,  nous  allons  suivre  le  mysticisme  dans  l'influence  qu'il  a 
exercée  dans  la  suite  de  l'histoire  du  genre  humain.  S*il  y  a  eu  un  mysticisme  Trai  et 
légitime  dès  l'origine  du  genre  humain,  bientôt  aussi  l'erreur  apparut  à  cflté  de  la  vérité.  Un 
mysticisme  faux  commença  à  tenir  une  grande  place  chez  les  Juifs  et  surtout  dans  l'Inde, 
et  depuis,  ce  genre  d'erreurs,  mille  fois  transformé,  s'est  propagé  jusqu'à  nos  jours* 

Tous  les  Pères,  dit  Thomassin,  ont  remarqué  que  le  premier  commandement  que  Dieu 
fit  à  l'homme  dans  la  première  félicité  du  paradis  terrestre  fut  le  commandement  sinon 
d'un  jeûne,  du  moins  d'une  abstinence,  et  ce  fut  le  violement  d'une  abstinence  qui  attira 
sur  Adam  et  sur  tout  le  genre  humain  ce  déluge  de  crimes  et  de  calamités  que  nous 
n'avons  encore  pu  expier  par  tant  de  jeAnes  et  par  tant  d'abstinences. 

C'est  une  chose  bien  digne  de  méditation  que  cette  abstinence  du  fruit  de  l'arore  de 
vie  imposée  à  des  hommes  justes.  Nous  comprenons  les  abstinences  comme  peines  expiai 
toires  imposées  aux  délinquants;  encore,  quand  je  dis  nous,  je  ne  parle  que  des  catholi- 
ques et  des  honnêtes  païens  ;  car  messieurs  les  philosophes  font  profession  de  ne  rien 
comprendre  aux  pénitences  prescrites  par  la  religion,  quoiqu'ils  comprennent  assez  bien- 
celles  imposées  par  les  Codes  delà  société  civile. 

Nous  comprenons,  di&je,  les  expiations  du  péché;  mais  avons-nous  assez  remarqué 
avec  les  saints  Pères  cette  privation  imposée  à  l'homme  juste?  Nous  en  devons  conclure 
avec  certitude  qu'il  y  a  dans  la  privation  volontaire,  un  mode  naturel  et  sans  doute  le 
plus  efficace  de^tous,  de  reconnaître  la  souveraineté  infinie  de  Dieu.  C'est  le  sentimeqt 
du  profond  respect  de  la  créature  qui  se  traduit  en  actes.  L'homme,  composé  d'&me  et  de 
corps,  a  besoin,  môme  dans  l'état  de  justice,  d'exprimer  sa  dépendance  par  la  soumission 
affectueuse  de  son  intelligence;  il  faut  en  même  temps  que  le  corps  participe  à  sa  ma- 
nière à  cette  soumission,  afin  que  tout  l'homme  rende  hommage  à  son  souverain. 

11  parait  que  c'est  la  condition  naturelle  de  Tétat  d'épreuves  des  êtres  raisonnables  et 
créés. 

Il  est  facile  de  comprendre  que  ces  privations  imposées  aux  sens  ont  dû  devenir  plus 
multipliées  et  plus  rigoureuses  dans  l'état  de  Thomme  4échu.  Dieu  s'est  chargé  lui-même 
d'imposer  les  pénitences  que  méritait  le  péché  qui  pèse  sur  la  race  tout  entière  du  genre 
humaiUj  et  ces  pénitences  nous  donnent  dans  leur  rigueur  et  dans  leur  étendue,  une 
haute  idée  du  Dieu  puissant  et  incompréhensible  qui  manifeste  d'une  manière  si  terrible 
son  courroux.  Sans  parler  des  misères  attachées  à  notre  corps  et  des  incommodités  dont 
la  nature,  devenue  ingrate,  nous  harcelle.de  toutes  parts,  pourrions-nous  concevoir  une 
peine  comparable  à  la  mort?  pourrait-on  porter  un  plus  grand  coup  à  celte  portion  ma- 
térielle de  nous-mêmes  et  inspirer  plus  d*horreur  à  notre  sensibilité  ?  Eh  bien,  nos  sens 
ont  beau  se  boulcTerser  à  cet  aspect,  l'arrêt  est  porté,  et,  avec  la  grâce  de  Jésus-Christ, 
notre  réhabilitation  est  à  ce  prix,  c'est-à-dire  au  prix  des  misères  de  cette  vie  et  de  la  mori 
soufferts  en  expiation  et  avec  patience. 

Mais  outre  cette  peine  générale  qui  atteint  ta  race  tout  entière.  Dieu  a  voulu  encore  que 
chaque  offense  eût  sa  peine  et  son  expiation  particulière.  Ce  point  qui  parait  plus  obscu- 
rément dans  la  loi  ancienne  est  devenu  très-clair  dans  la  loi  de  grftce  ;  et  on  peut  dire 
qu'après  le  bonheur  incomparable  que  nous  avons  eu  d'avoir  été  rachetés  par  le  Fils  de 
Dieu,  le  plus  grand  bonheur  qui  vienne  ensuite  est  que  nous  savons  clairement  com- 
ment nous  devons  nous  y  prendre  pour  expier  nos  péchés  et  profiler  de  la  grâce  de  Jésus- 
Christ 


iS  DISCOURS  PRELIMINAIRE.  |(l 

Aussi  le  dogme  de  rexpiatiôn,  si  révoltant  pour  la  philosophie  qui»  de  nos  jours  sur- 
tooty  a  la  vue  si  courte  ;  le  dogme  de  l'expiation,  dis-je»  fait  le  fond  de  toutes  les  religion^r 
de  tous  les  cuites.  Non-seulement  les  jeûnes  et  les  abstinences  se  trouvent  au  berceau 
mémo  des  fausses  religions  et  dans  tous  leurs  rituels  »  mais  aussi  IMmmoIation  des  vic- 
times, comme  si  le  genre  humain  avait  unanimement  compris  qu*il  était  insuffisant  pour' 
satisfaire  par  lui-même,  et  qu'il  devait  chercher  de  toutes  parts  une  substitution.  Voilà' 
la  vérité  voilée.  Un  seul  peuple  parmi  tous  les  autres  a  connu  la  vérité  plus  clairement  : 
c'est  le  peuple  hébreux;  celui-là  même  qui  devait  donner  le  souverain  Réconciliateur.' 
Aussi  est-ce  là  que  nous  trouverons  les  exemples  de  la  vie  contemplative  et  pénitente 
bien  comprise.  ** 

Le  jeûne  de  Hoïse»  pendant  quarante  jours  et  quarante  nuits  avant  que  de  recevoir  la' 
Loi,  fui  une  action  si  héroïque  qu'on  peut  juger  que  ce  n'était  point  son  apprentissage  et 
que  ce  n'était  qu'après  des  jeûnes  fréquents  et  ordinaires,  qu'il  était  monté  à  ce  comble^ 
d*ane  parfaite  abstinence. 

Bie  se  signala  piar  un  jeûne  de  même  nature,  et  l'Ecriture  nous  parlant  si  souvent  des' 
jeûnes  de  tint  de  justes  avant  lui,  il  ne  faut  pas  douter  qu'Elie  ne  fût  aussi  monté  oar' 
degrés  à  C6  haut  point  de  perfection. 

Tous  ces  jeûnes  étaient  arbitraires  et  particuliers  ;  l'Ecriture  en  fournit  un  grana  nom- 
bre d'autres  exemples.  On  ne  peut  taire  celui  de  Judith,  qui  jeûnait  tous  les  jours  de 
Tannée,  excepté  ceux  qui  passaient  pour  jours  de  fête  chez  les  Juifs. 

Mais  on  trouve  également  les  jeûnes  ordinaires  publics  et  commandés.  Le  premier  que' 
Dieu  ait  ordonné  est  celui  du  dixième  jour  du  septième  mois,  fête  de  l'expiation  du' 
tabernacle.  Vous  affligerez  voi  éme$^  dit  le  Seigneur,  vous  vous  purifierez  par  l'expiation/ 
On  comprend  très-bien  la  relation  qu'il  j  a  entre  les  jeûnes,  les  abstinences  et  la  vie  con-' 
templative. 

Par  le  jeûne,  l'esprit  se  dégage  des  sens  et  s'élève  plus  librement  vers  Dieu.  Voilà  ce 
qoe  tous  les  peuples  ont  compris  et  surtout  ce  que  l'on  a  compris  chez  les  Hébreux.  On  ' 
peut  juger  par  l'exemple  de  Moïse  combien  le  jeûne  élève  une  ftme  jusqu'à  la  plus  grande - 
perfection,  et  la  rend  capable  de  la  plus  parfaite  contemplation.  Aussi  ce  grand  homme  ' 
eut-il  la  gloire  la  plus  éclatante  qui  puisse  environner  un  nom  d'homme  dans  les  annales 
du  genre  humain  :  la  gloire  d'être  directement  le  médiateur  entre  la  Divinité  et  tout  son.  peu-  - 
pie  ;  de  leur  porter  de  sa  part  une  loi  dictée  par  ce  Dieu  terrible,  et  cela  dans  les  circons-* 
tances  les  plus  faites  pour  frapper  les  imaginations  et  graver  ce  grand  événement  dans 
la  mémoire  des  hommes.  Si  Moïse  a  été  choisi  pour  ce  noble  et  sublime  ministère,  il  est 
évident  que  sa  grande  âme,  dirigée  par  son  amour  pour  le  Dieu  créateur  du  monde ,  avait 
monté  tous  les  degrés  de  la  contemplation  pour  s'unir  de  cœur  à  son  Dieu  et  lui  offrir' 
hibituellement  le  pur  encens  de  ses  profondes  adorations. 

Ce  que  nous  disons  de  Moïse  nous  pouvons  le  dire  de  Melchisedech,  de  cet  homme  de  ' 
de  Dieu  qui  ne  paraît  si  mystérieux,  sans  doute,  que  parce  qu'il  se  renfermait  plus  soigneu-*' 
sèment  dans  le  silence  de  la  contemplation. 

Nous  pouvons  le  dire  de  Job,  de  Samuel^  de  David  et  de  tous  .es  prophètes. 

Nous  avons  parlé  du  jeûne  d'Elie  qui  dura  quarante  jours;  de  celui  de  Daniel,  qui  dura 
trois  semaines.  On  peut  poser  en  règle  générale  que,  partout  où  il  y  a  jeûne  volontaire 
offert  à  la  Divinité,  il  y  a  purification  de  mœurs  et  élévation  de  Tême  vers  les  régions  su- 
périeures. Il  suffit,  pour  en  donner  une  preuve,  de  raconter  simplement  la  vie  des  pro-  ' 
phèles,  telle  que  nous  la  donne  l'abbé  de  Vence. 

«  Quoique  l'autorité  des  prophètes  fût  grande  dans  Israël,  et  que  le  peuple  et  les  princes' 
pieux  les  écoutassent  avec  respect  et  ne  fissent  point  d'entreprise  importante  sans  leur 
ivisy'cependant  leur  vie  était  fort  laborieuse,  fort  pauvre  et  fort  exposée  aux  persécutions 
et  aux  mauvais  traitements.  Ils  vivaient,  pour  l'ordinaire,  séparés  du  peuple^  dans  h  retraite^ 
k  la  campagne  et  dans  les  communautés  de  Isurs  disciples  ^  occupés  au  travail,  à  la  prière;  à 
instruction,  à  l'étude.  Mais  leurs  travaux  n'étaient  point  de  ceux  qui  exigent  une  trop* 
forte  application  et  qui  sont  incompatibles  avec  la  liberté  d'esprit  que  demandait  leur, 
aisistère. 


13  DICTIONNAIRE  D'ASCETISHEI.  U 

réveille  que  des  idées  d*une  piété  malenteDdue  et  sans  règles*  Ceux-là,  bien  loin  de  coûnatire 
la  théologie  mysliquei  n*entendent  pas  môme  la  théologie  commune,  o*est-à-dir6  rensei- 
gnement de  TEglise  et  le  sens  des  paroles  de  Jésus-Christ;  ils  n'entendent  ni  saint  Paul, 
ni  saint  Bonaventure,  ni  sainte  Thérèse. 

ESQUISSE  HISTORIQDE  DU  HYSTICISUE 

Avant  de  nous  livrer  à  d'autres  réflexions,  et  pour  jeter  sur  notre  sujet  toutes  les 
lumières  qu'il  peut  comporter,  nous  allons  suivre  le  mysticisme  dans  l'influence  qu'il  a 
exercée  dans  la  suite  de  l'histoire  du  genre  humain.  S*il  y  a  eu  un  mysticisme  yrai  et 
légitime  dès  l'origine  du  genre  humain,  bientôt  aussi  l'erreur  apparut  à  cflté  de  la  vérité.  Un 
mysticisme  faux  commença  à  tenir  une  grande  place  chez  les  Juifs  et  surtout  dans  l'Inde, 
et  depuis,  ce  genre  d'erreurs,  mille  fois  transformé,  s'est  propagé  jusqu'à  nos  jours. 

Tous  les  Pères,  dit  Thomassin,  ont  remarqué  que  le  premier  commandement  que  Dieu 
fit  à  l'homme  dans  la  première  félicité  du  paradis  terrestre  fut  le  commandement  sinon 
d'un  jeûne,  du  moins  d'une  abstinenc-e,  et  ce  fut  le  violement  d'une  abstinence  qui  attira 
sur  Adam  et  sur  tout  le  genre  humain  ce  déluge  de  crimes  et  de  calamités  que  nous 
n'avons  encore  pu  expier  par  tant  de  jeûnes  et  par  tant  d'abstinences. 

C'est  une  chose  bien  digne  de  méditation  que  cette  abstinence  du  fruit  de  l'arore  de 
vie  imposée  à  des  hommes  justes.  Nous  comprenons  les  abstinences  comme  peines  expiai 
toires  imposées  aux  délinquants;  encore,  quand  je  dis  nous,  je  ne  parle  que  des  catholi- 
ques et  des  honnêtes  païens  ;  car  messieurs  les  philosophes  font  profession  de  ne  rien 
comprendre  aux  pénitences  prescrites  par  la  religion,  quoiqu'ils  comprennent  assez  bien, 
celles  imposées  par  les  Codes  de  la  société  civile. 

Nous  comprenons,  dis-je,  les  expiations  du  péché;  mais  avons-nous  assez  remarqué 
avec  les  saints  Pères  celte  privation  imposée  à  l'homme  juste?  Nous  en  devons  conclure 
avec  certitude  qu'il  y  a  dans  la  privation  volontaire,  un  mode  naturel  et  sans  doute  le 
plus  efficace  dejous,  de  reconnaître  la  souveraineté  infinie  de  Dieu.  C'est  le  sentimeoit 
du  profond  respect  de  la  créature  qui  se  traduit  en  actes.  L'homme,  composé  d'&me  et  de 
corps,  a  besoin,  môme  dans  l'état  de  justice,  d'exprimer  sa  dépendance  par  la  soumission 
affectueuse  de  son  intelligence;  il  faut  en  même  temps  que  le  corps  participe  à  sa  ma- 
nière à  cette  soumission,  afin  que  tout  l'homme  rende  hommage  à  son  souverain. 

11  parait  que  c'est  la  condition  naturelle  de  l'état  d'épreuves  des  êtres  raisonnables  qi 
créés. 

II  est  facile  de  comprendre  que  ces  privations  imposées  aux  sens  ont  dû  devenir  plus 
multipliées  et  plus  rigoureuses  dans  l'état  de  Thomine  déchu.  Dieu  s'est  chargé  lui-même 
d'imposer  les  péniteices  que  méritait  le  péché  qui  pèse  sur  la  race  tout  entière  du  genre 
humaiuj  et  ces  pénitences  nous  donnent  dans  leur  rigueur  et  dans  leur  étendue,  une 
haute  idée  du  Dieu  puissant  et  incompréhensible  qui  manifeste  d'une  manière  si  terrible 
son  courroux.  Sans  parler  des  misères  attachées  à  notre  corps  et  des  incommodités  doni 
la  nature,  devenue  ingrate,  nous  harcelle.de  toutes  parts,  pourrions-nous  concevoir  un^ 
peine  comparable  à  la  mort?  pourrait-on  porter  un  plus  grand  coup  à  celte  portion  na- 
térielie  de  nous-mêmes  et  inspirer  plus  d'horreur  à  notre  sensibilité  ?  Eh  bien,  nos  sens 
ont  beau  se  bouleverser  à  cet  aspect,  l'arrêt  est  porté,  et,  avec  la  grâce  de  Jésus-Christ^ 
notre  réhabilitation  est  à  ce  prix,  c'est-à-dire  au  prix  des  misères  de  celte  vie  et  de  ia  mort 
soufferts  en  expiation  et  avec  patience. 

Mais  outre  cette  peine  générale  qui  atteint  la  race  tout  entière.  Dieu  a  voulu  encore  que 
chaque  offense  eût  sa  peine  et  son  expiation  particulière.  Ce  point  qui  parait  plus  obscu- 
rément dans  la  loi  ancienne  est  devenu  très-clair  dans  la  loi  de  grftce  ;  el  on  peut  dire 
qu'après  le  bonheur  incomparable  que  nous  avons  eu  d'avoir  été  rachetés  par  le  Fils  de 
Dieu,  le  plus  grand  bonheur  qui  vienne  ensuite  est  que  nous  savons  clairement  com- 
ment nous  devons  nous  y  prendre  pour  expier  nos  péchés  et  profiter  de  la  grâce  de  Jésus- 
Christ 


»  DISCOURS  PRfUMLNAlRE.  M 

Aussi  le  dogme  de  rexpîalioD»  si  réyoltaot  pour  la  philosophie  qui,  de  dos  jours  sur- 
tout, a  la  rue  si  courte  ;  le  dogme  de  Texpiation,  dis-je,  fait  le  fond  de  toutes  les  religions*. 
de  tous  les  cultes.  Non-seulement  les  jeûnes  et  les  abstinences  se  trouTent  au  berceau' 
nAme  des  fausses  religions  et  dans  tous  leurs  rituels ,  mais  aussi  Timmolation  des  vic- 
times, comme  si  le  genre  humain  avait  unanimement  compris  qu'il  était  insuffisant  pour 
satisfaire  par  lui-même,  et  quMI  devait  chercher  de  toutes  parts  une  substitution.  Voilà^ 
la  vérité  voilée.  Un  seul  peuple  parmi  tous  les  autres  a  connu  la  vérité  plus  clairement  : 
c'est  le  peuple  hébreux;  celui-là  même  qui  devait  donner  le  souverain  Réconciliateur.' 
Aussi  est-ce  là  que  nous  trouverons  les  exemples  de  la  vie  contemplative  et  pénitente 
bien  comprise.  ^ 

Le  jeûne  de  Moïse,  pendant  quarante,  jours  et  quarante  nuits  avant  que  de  recevoir  la' 
Loi,  fut  une  action  si  héroïque  qu'on  peut  juger  que  ce  n'était  point  son  apprentissage  et 
que  ce  n'était  qu'après  des  jeûnes  fréquents  et  ordinaires,  qu'il  était  monté  à  ce  comble 
d*ooe  parfaite  al>stinence. 

Bie  se  signala  t»r  un  jeûne  de  même  nature,  et  l'Ecriture  nous  parlant  si  souvent  des 
jeûnes  de  tant  de  justes  avant  lui,  il  ne  faut  pas  douter  qu'Eue  ne  fût  aussi  monté  oar 
degrés  à  ce  haut  point  de  perfection. 

Tous  ces  jeûnes  étaient  arbitraires  et  particuliers  ;  l'Ecriture  en  fournit  un  grano  nom- 
bre d'autres  exemples.  On  ne  peut  taire  celui  de  Judith,  qui  jeûnait  tous  les  jours  de 
Tanoée,  excepté  ceux  qui  passaient  pour  jours  de  tète  chez  les  Juifs. 

Hais  on  trouve  Clément  les  jeûnes  ordinaires  publics  et  commandés.  Le  premier  que* 
Dieu  ait  ordonné  est  celui  du  dixième  jour  du  septième  mois,  fête  de  l'expiation  du' 
tabernacle.  Voum  affligerez  vos  âmes^  dit  le  Seigneur,  vous  vous  purifierez  par  l'expiation/ 
On  comprend  très-bien  la  relation  qu*il  y  a  entre  les  jeûnes,  les  abstinences  et  la  vie  con-  ' 
templative. 

Kbt  le  jeûne,  l'esprit  se  dégage  des  sens  et  s'élève  plus  librement  vers  Dieu.  Voilà  ce 
que  tous  les  peuples  ont  compris  et  surtout  ce  que  l'on  a  compris  chez  les  Hébreux.  On 
peut  juger  par  l'exemple  de  Moise  combien  le  jeûne  élève  une  ftme  jusqu'à  la  plus  grande 
perfection,  et  la  rend  capable  de  la  plus  parfaite  contemplation.  Aussi  ce  grand  homme  ' 
eut-il  la  gloire  la  plus  éclatante  qui  puisse  environner  un  nom  d'homme  dans  les  annales 
du  genre  humain  :  la  glmre  d'être  directement  le  médiateur  entre  la  Divinité  et  tout  son.  peu- 
ple ;  de  leur  porter  de  sa  part  une  loi  dictée  par  ce  Dieu  terrible,  et  cela  dans  les  circons- 
tances les  plus  faites  pour  frapper  les  imaginations  et  graver  ce  grand  événement  dans 
la  mémoire  des  hommes.  Si  Moïse  a  été  choisi  pour  ce  noble  et  sublime  ministère,  il  est 
évident  que  sê  grande  Ame,  dirigée  par  son  amour  pour  le  Dieu  créateur  du  monde,  avait 
iDonté  tous  les  d^rés  de  la  contemplation  pour  s'unir  de  cœur  à  son  Dieu  et  lui  offrir* 
habituellement  le  pur  encens  de  ses  profondes  adorations. 

Ce  que  nous  disons  de  Moïse  nous  pouvons  le  dire  de  Melchisedech,  de  cet  homme  de 
de  Dieu  qui  ne  parait  si  mystérieux,  sans  doute,  que  parce  qu'il  se  renfermait  plus  soigneur' 
•emeni  dans  le  silence  de  la  contemplation. 

Hous  pouvons  le  dire  de  Job,  de  Samuel^  de  David  et  de  tous  .es  prophètes. 

Nous  avons  parlé  du  jeûne  d'Elie  qui  dura  quarante  jours;  de  celui  de  Daniel,  qui  dura 
trois  semaines.  On  peut  poser  en  règle  générale  que,  partout  où  il  y  a  jeûne  volontaire 
offert  à  la  Divinité,  il  y  a  purification  de  moeurs  et  élévation  de  Tftme  vers  les  régions  su- 
périeures. Il  suffit,  pour  en  donner  une  preuve,  de  raconter  simplement  la  vie  des  pro- 
phètes ,  telle  que  nous  la  donne  l'abbé  de  Vence. 

«  Quoique  l'autorité  des  prophètes  fût  grande  dans  Israël,  et  que  le  peuple  et  les  princes 
pieux  les  écoutassent  avec  respect  et  ne  fissent  point  d'entreprise  importante  sans  leur 
avis,  cependant  leur  vie  était  fort  laborieuse,  fort  pauvre  et  fort  exposée  aux  persécutions 
et  aux  mauvais  traitements.  Ils  vivaient,  pour  l'ordinaire,  séparés  du  peuple^  dans  la  retraiie^ 
à  la  campagne  et  dans  les  communautés  de  leurs  disciples^  occupés  au  travail,  à  la  prière,  à 
rinstruction,  à  l'étude.  Mais  leurs  travaux  n'étaient  point  de  ceux  qui  exigent  une  trop' 
fNte application  et  qui  sont  incompatibles  avec  la  liberté  d'esprit  que  demandait  leur. 
Mttstère. 


17  DICTIONNAIRE  D'ASCETISME.  19 

«  Elisée  quitte  sa  cbarrue  dès  qu'il  est  appelé  à  la  fonction  de  prophète.  Amos  dit  qu'il 
n^était  pas  prophète,  mais  pasteur,  quand  le  Seigneur  rappela.  Elle  et  Elisée  bAtissaient  eux- 
mAmes  leurscellules.Elie  était  vêtu  de  peaux  et  portait  un  sac.Lapauvretédes  prophètes  paraît 
dans  toute  leur  vie.  On  leur  faisait  des  présents  de  pains,  on  leur  donnait  les  prémices^ 
comme  à  des  pauvres.  LaSunamite  ne  met  dans  la  chambre  d'Elisée  que  des  meut)les  sim- 
ples et  modestes.  Le  prophète  refuse  les  riches  présents  deNaaman  et  donne  sa  malédic- 
tion à  Giéxi  qui  les  avait  acceptés.  Leur  éloignement  des  personnes  du  sexe  parait  par  la 
conduite  du  prophète  envers  son  hôtesse  :  il  ne  lui  parlait  que  par  l'entremise  de  Giézi; 
elle  n'ose  entrer  ni  se  présoxiter  devant  le  prophète  :  Giézi  l'empêche,  lorsqu'elle  veut  em-. 
brasser  les  pieds  du  prophète. 

«Quoique  quelques  prophètes  fussent  maries,  il  n'y  avait  pointue  lemmes  dans  leurs 
communautés.  Leur  frugalité  éclate  dans  leur  biistoire.  On  sait  ce  qui  est  rapporté  des  co- 
loquintes qu'un  prophète  fit  cuire  pour  laj  réfection  de  -ses  frères.  L'ange  ne  donne  que 
du  pain  et  de  l'eau  à  Elie.  Habacuc  ne  porte  que  de  la  bouillie  à  Daniel;  Abdias  ne  sert  que 
du  pain  et  de  l'eau  aux  prophètes  qu'il  nourrit  dans  les  cavernes; 

«  Souvent  ils  étaient  exposés  à  la  violence  des  princes  dont  ils  reprenaient  les  im- 
piétés ;  aux  insultes  et  aux  railleries  des  peuples  dont  ils  condamnaient  les  dérèglements. 
Plusieurs  d'entre  eux  sont  morts  d'une  mort  violente:  ils  sont  du  nombre  de  ces  hommes 
saints  dont  l'Apôtre  relève  les  souffrances,  lorsqu'il  dit  :  a  Les  uns  ont  été  frappés  de  bAtons, 
«  les  autres  ont  souffert  les  moqueries  et  les  fouets,  les  chaînes  et  les  prisons.  Ils  ont  été 
«  lapidés ,  sciés ,  éprouvés  en  toutes  manières,  morts  parle  tranchant  de  l'épée;  vaga- 
«  bonds  et  couverts  de  peaux  de  brebis,  étant  abandonnés,  affligés,  persécutés,  eux  dont  le 
«.monde  n'était  pas  digne.  » 

«  Mais  au  milieu  de  ces  persécutions  et  de  ces  opprobres,  on  les  voit  toujours  dans  une. 
parfaite  liberté,  mépriser  la  mort,  les  dangers  et  les  tourments,  attaquer  avec  une  intrépi- 
dité merveilleuse  tout  ce  qui  s'opposait  à  Dieu;  mépriser  les  richesses,  la  faveur,  les  bon-*' 
neurs  avec  un    désintéressement  qui  étonnait    ceux  qui  cherchaient  à  ébranler  leur 
constance» 

«  Leurs  maisons  et  leurs  communautés  étaient  des  asiles  contre  l'impiété»  On  y  venait 
consulter  le  Seigneur,  on  s'y  assemblait  pour  faire  la  lecture  de  la  Loi:  c'étaient  des  écoles 
de  vertus  et  des  abris  de  l'innocence.  » 

Changez  les  noms  et  mettez  en  place  celui  de  cénobites,  et  vous  aurez  l'histoire  des 
moines  des  premiers  siècles  de  l'ère  chrétienne.  Voilà  le  même  esprit  de  mortification 
des  sens  pour  sa  propre  amélioration  morale  et  le  môme  esprit  de  dévoument  pour  sa  re- 
ligion et  pour  se3  frères. 

A  cette  époque  Tidolfllrie  n'avait  pas  jeté  chez  tous  les  gentils  des  racines  telles,  que. 
certains  peuples  ne  fussent  encore  capables  de  retour  au  vrai  Dieu,  et  ce  retour  se  prati* 
quait  par  l'abstinence  et  le  jeûne. 

«  Les  Ninivites  reviennent  de  leurs  iniquités  à  la  parole  de  Xonas,  et  leur  pénitence  est . 
accompagnée  des  actions  les  plus  contraires  à  l'inclination  des  hommes  du  siècle,  accoutu- 
més depuis  longtemps  à  une  vie  molle  et  délicieuse.  Ils  étaient  aupararant  habillés  super- 
bement, et  nous  les  voyons  qui  se  revotent  d'un  sac,  et  qui  se  couvrent  de  poudre  et  de  ' 
cendre.  Ils  passaient  leur  vie  dans  les  festins  splendides;  et  ils  embrassent  tout  d'un  coup  . 
un  jeûne  si  austère,  qu'ils  ordonnent  aux  hommes  de  ne  rien  manger  et  de  s'abstenir  même 
de  boire  de  l'eau.   C'est  pourquoi  ils  méritèrent  que  Dieu  dise  d'eux  que,  voyant  qu'ils 
s'étaient  convertis  en  quittant  leur  mauvaise  voie,  il  eut  compassion  d'eux,  et  ne  leur  en- 
voya point  les  maux  dont  il  les  avait  menacés.  » 

Ce  ne  sont  pas  là  les  seuls  exemples  de  vie  spirituelle  et  purifiée  avani  XesuMJorlsU 

11  est  vraisemblable  que  les  réchabites  remontent  juqu'à  Jethro,  parent  de  Moïse,  et  on 
croit  qu'ils  eurent  la  même  durée  que  le  peuple  de  Dieu.  C'est  à  eux  probablement  que  se 
rattachent  les  nazaréens,  du  moins  l'abstinence  du  vm  leur  était  commune. 

Ce  que  l'Ecriture  sainte  dit  des  réchabites  nous  en  donne  une  haute  idée.  C'étaient  des 
hommes  d'une  vie  exemplaire,  d*une  abstinence  rigoureuse,  d'une  grande  retraite,,  et  d'une 
désapproprialion  presque  entière. 


n  MSGOoas  prelihimire.  mi 

Lear  demeare  était  à  la  earopagoe,  et  sous  des  tentes,  négligeant  le  séjour  des  filles  et 
fujaot  le  commerce  du  monde  ;  sans  biens,  sans  terres,  sans  maisons,  sans  retraite  fixe.  On 
les  regarde  oDmme  les  imtlaleors  de  la  vie  des  prophètes ,  et  les  modèles  que  se  sont 
proposés  teseasénieiis  et  les  thérapenles  parmi  les  Hébreux  et  les  solitaires  dans  TEglise 
chrétirane. 

L'obsenrance  des  réehabites  se  soutiotdans  toute  sa  vigueur  pendant  plus  de  trois  cents 
ans,  jusqu'à  la  captivité  de  Babjlone.  Sous  le  r^e  de  loakim,  Nabucbodonosor  étant  venu 
assi^r  Jérusalem»  les  réehabites,  ne  pouvant  plus  en  assurance  demeurer  à  la  campagne,, 
se  retirèrent  dans  la  ville,  sans  toutefois  quitter  leur  coutume  de  loger  sous  des  tentes. 

Leur  abstinence  fut  louée  par  le  Seigneur  dans  la  bouche  de  Jérémie. 

Quelques-uns  croient  que  les  assidéens,tdont  il  est  parlé  au  temps  des  Hachabées,  étaient 
>es  successeurs  et  les  imitateurs  des^  réchaliiles.  Mais  nous  sommes  persuadés  que  les  assi- 
déens  étaient  en  bien  plus  grand  nombre  que  les  réehabites.  Le  nom  d'aisidéem  se  donnait 
à  toutes  les  personnes  qui  laisaient  une  profession  particulière  de  dévotion  et  de  piété. 
Cest  en  ce  sens  qu'il  se  rencontre  souvent  dans  le  texte  hébreu  des  Psaumes  et  des  Paralipo- 
mènes.  Et  qui  oserait  soutenir  que  tous  ceux  qui  consacraient  leur  fie  aux  exercices  de 
la  religion  suivaient  Tinstitut  des  récbabitesT  D'autres  les  confondent  avec  les  esséniens, 
mais  leurs  genres  de  vie  sont  trop  dissemblables.  Les  esséniens  vivaient  à  la  campagne, 
occupés  à  cultiver  la  terre;  ils  n'avaient  point  de  biens  propres  et  mettaient  tout  en  com- 
mun; ils  n'avaient  ni  femmes  ni  esclaves;  ils  faisaient  leurs  oflrandes.au  temple,  mais  n'y 
sacrifiaient  point,  parce  que  leurs  cérémonies  étaient  plusr  pures  et  plus  saintes  que  celles 
du  commun  des  Hébreux  :  ils  faisaient  eux-mêmes  leurs  sacrifices  à  part,  lis  avaient  des 
officiers  qui  prenaient  soin  de  leurs  revenus,  et  qui  les  leur  distribuaient  selon  les  besoins 
de  chacun  :  ils  ne  demeuraient  pas  tous  dans  une  certaine  ville,  mais  ils  étaient  dispersés 
dans  plusieurs  lieux,  où  ils  recevaient  leurs  frères  dans  une  parfaite  union.  Or  tout  cela 
est  contraire  a  l'institut  des  réehabites  qui,  comme  on  l'a  vu,  avaient  des  femmes  et  des 
enfants,  et  observaient  d'autres  pratiques  qui  n'étaient  pas  communes  avec  les  premiers. 

Ainsi  ces  diverses  corporations  avaient  un  fond  commun  d'observance,  qui  consistait. 
à  se  vouer  d'une  manière  particulière  au  service  de  Dieu  et  à  la  pratique  de  la  vertu.  Les 
premiers  étab!is  ont  sans  doute  fait  naître  les  autres,  mais  ils  étaient  séparés  et  de  com- 
munauté et  de  genre  de  vie  spécial.  [Vay,  le  mot  AssiniBirs.} 

Nous  ne  parlons  pas  ici  de  la  secte  des  pharisiens,  ni  de  celle  des  sadducéens  et  des 
hérodiensa 

Quoiqu'il  7  eût  dans  ces  sectes  un  très-grand  nombre  de  personnes  recommandables 
par  la  r^ularité  et  l'austérité  de  leur  vie,  on  doit  les  considérer  comme  hors  de  la 
voie  droite  et  du  chemin  de  la  véritable  vertu,  mémo  comme  elle  devait  être  entendue 
sous  la  loi  de  Moïse.  Ces  sectes  blessaient  le  dogme  jusqu'à  nier  les  plus  fondamentales 
vérités,  comme  l'immortalité  de  l'Ame  et  les  récompenses  et  les  peines  de  l'autre  vie; 
elles  blessaient  la  morale  jusqu'à  éluder  les  soins  que  l'on  doit  aux  parents  devenus 
vieux,  c'est-à-dire  quand  les  obligations  des  enfants  sont  devenues  plus  rigoureuses.  De 
(flusils  avaient  fini  par  surcharger  la  Loi  et  par  l'étouO'er  sous  des  pratiques  superstitieuses 
et  ridicules,  quand  elles  n'étaient  pas  injustes  et  immorales.  Môme  les  esséniens  n'étaienL 
pas  exempts  de  quelques  graves  reproches.  Les  réehabites  soutiennent  mieux  la  critique  : 
leur  vertu  est  mieux  entendue.  En  résumé  cependant,  le  plus  parfait  modèle  de  la  vie 
contemplative  se  résume  sous  la  Loi  ancienne  dans  les  premiers  exemples  que  nous  avons 
donnés  en  commençant  par  Moise  jusqu'aux  prophètes  et  aux  enfants  des  prophètes;  voilà 
des  exemples  autorisés  et  respectables  en  tout  point. 

La  série  des  hommes  contemplatifs  de  l'Ancien  Testament  se  clôt  par  un  saint  per* 
tonnage  qui  mérite  d'avoir  ici  une  place  à  part;  c'est  saint  Jean-Baptiste  qui  a'  reçu  le 
plus  bel  éloge  qui  puisse  être  décerné  ici-bas  à  une  intelligence  créée.  A  l'occasion  des 
deux  disciples  que  ce  saint  prophète  envoya  de  sa  prison  au  Fis  de  Dieu  pour  savoir  s'il 
était  le  Messie,  lésus-Christ  répondit  par  ces  paroles  qui  sont  un  témoignage  si  éclatant 


^  DICTIONNAIRE  D*A$G£TISME.  :  fÊf 

de  sa  dirine  mission .:  Allez  dire  à  Jean  ce  qtM  vous  aves^  entenda  ei  ce  que  vaui  atexvu*  Les 
aveugles  voierU,  les  boiteux  marchent ^  les  lépreux  soni  guéris f  etc. 

Lorsqu'ils  furent  partis,  Jésus  s'adressailt  au*  peuple  leur  parla  de  cette  manière  :  Qui 
fleS'Vous  allés  voir  dan$  ledés^t^  un  ra#eaii  agité  parle  vesUt  Qui  ttes-vous  allés  voir  ^  un 
homme  vêtu  avec  mollesse?  Vous  savez  que  ceux  qui  s'habillent  de  cette  sorte  sont  dans  tesC 
miisons  des  foi9.  Qui  étes'^vons  allés  voir ^  un  ptùpkiUf  Oui^jèvous  enàssûrCf  et  plus  qu'un 
prophète;  car  c'est  de  lui  quHl  a  été  itrit  :  Voilà  que  f  envoie  mon  angs  devanê  vous^  qui  vous' 
préparera  la  voit  par  où  vous  devez  miarcher* 

Eufin  JésaSirChrist  termine  par  ces  paroles  i  En  vérité  je  vous  le  diSy  parmi  ceux  qui  sont 
nés  des  femmes  f  persfinnen'^est  plue  grand  ^que  J^on^i^apIMe.  Voilà  les  honneurs  extraordi- 
Daires  rendus  par  le  Sauveur  à  cesaini  prophète,  C*est  comme  un  acte  de  canonisation 
décernée  co  saint  homme  de  son  vivant  par  l'auteur  inème  et  la  règle  de  la  sainteté. 

■ 

JÉSUS-CHRIST  MODÈLE  DES  CONTEMPLATIFS. 

Nous  devons  maintenant  nous  arrêter  pour  contempler  avec  attention  la  vie  de  Jésus- 
Christ  dans  1o  rapport  qu'elle  nous  présente  avec  la  vie  contemplative,  ou,  si  vous  vou- 
lez trancher  le  mot  qui  n'a  plus  pour  nousniain(enant  qu'un  sens  très-juste  et  fort  relevé,, 
avec  la  vie  mystique.  » 

En  effet,  si  la  vie  mystique  est  non-seulement  un  genre  de  vie  bon  en  soi,  mais  très-dis- 
tingué, nous  devons  en  trouver  le  modèle  en  Jésus-Christ,  qui  renferme  en  lui-môme^ 
tout  ce  qui  est  bon.  i 

C'est  une  chose  vraiment  admirable  que  dans  les  trente-trois  années  de  sa  vie  mortelle, 
passées  avec  cette  majestueuse  simplicité  que  nous  lui  connaissons  et  qu'on  ne  saurait^ 
assez  méditer,  Jésus-Christ  apparaisse  comme  le  modèle  naturel  et  très-parfait  de  tous  les» 
genres  de  vie  très-divers  que  les  hommea  sont  appelés  à  pratiqyer  sur  là  terre.  Il  est  un, 
modèle  des  supérieurs  et  des  inférieurs,  des  riches  et  des  pauvres,  des  savants  et  des» 
ignorants,  de  ceux  qui  mènent  un(ï  vie.  active  dans  les  exercices  du  corps  et  de  ceux  qui 
mènent  une  vie  où  l'occupation  do  l'esprit  fait  les  plus  grands  frais, 

Cependant  pour  être  vrai  et  rendre  à  Jésus-Christ,  les  honneurs  qui  lui  sont  dus,  il  faut 
reconnaître  que  sa  vie  tout  entière  a  été  avant  tout  une  contemplation  continuelle.  N*é-' 
tant  sujet  ni  à  l'ignorance,  ni  à  la  torpeur  de  l'esprit,  ni  aux  attaches  déréglées  des  créa- 
tures, sa  sainte  Ame  &*a.  pas  cessé  un  seul  instant  d'être  élevée  au-dessus  de  ce  monde,, 
déjuger  toutes  les  choses  de  ce  monde  dans  les  rapports  qu'elles  ont  avec  laglotre  de  son' 
Père  et  avec  la  sanctification  des  Ames.  Son  humanité  sainte,  toujours  un)e  au  Verbe 
éternel,  avait  pour  occupation  principale,  incessante  même,  d'oifrir  à  Dieu  son  Père  des' 
adorations  parfaites,  des  actions  de  grâces  pour  les  bienfaits  qu'il  répand  sur  toute  créa- 
ture, des  amendes  honorables  pour  les  outrages  sans  nombre  dont  les  créatures  se  ren-r 
dent  coupables  envers  Dieu.  On  peut  bien  affirmer  que  les  travaux  de  sa  vie,  soit  les* 
occupations  manuelles  de  sa  vie  cachée,  soit  les  travaux  plus  relevés  de  sa  vie  publique, 
étaient  tous  réglés  très-exactement  selon  la  volonté  de  son  Père.  En  soi,  ils  n'araient' 
pour  lui  ni  plaisir  ni  déplaisir.  C^étaient  des  actions  sanctifiées  par  l'intention  de  procu* 
rer  la  gloire  de  Dieu  le  Père.  II  ne  voyait  ce  qui  se  passait  dans  les  sens,  il  n'interve* 
nait  dans  cette  région    sensible  de  la  matière ,  à  laquelle  il  touchait   par  son  corps, 
c'est-à-dire  surtout  par  ses  souffrances  et  ses  privations,  que  pour  spiritualiser  tout  parla 
considération  du  but  où  tendait  tout  son  être,  la  rédemption  du  genre  humain  et  la 
satisfaction  due  à  la  majesté  lésée.  Ainsi,  il  n'y  pas  une  seule  de  ses  occcupations,  si 
Tulgaire  en  apparence,  aui  n'acquière  un  mérite  sans  bornes  par  l'hommage  très-parfait 
dont  elle  était  l'expression  devant  son  Père.  Toutes  les  circonstances  connues  de  sa  vie 
nous  indiquent  clairement  qu'il  en  était  ainsi.  Une  seule  fois,  pendant  sa  vie  cachée,  il 
noua  est  permis  de  le  suivre  k  Jérusalem  ;  et  nous  le  voyons  occupé  k  montrer  aux  docteurs, 
étonnés  d'une  telle  science  dans  un  enfant  de  douze  ans,  le  vrai  sens  des  saintes  Ecritures. 
Il  les  disposait  à  recevoir  dans  peu  de  temps  le  Messie  qui  était  déjà  sur  l'horizon,  quoi- 
qu'on ne  le  vit  pas  encore.  Nous  n'avions  pas  besoin  de  cette  preuve  pour  être  convainpus 


i^  » 


S5  /nSCODRS  rREtlMLXAWE.-  ^ 

qu*aa  milieti  de  ht  vie  actife  de  TartiseD^  il  TÎyait  coDtinaellement  de  la  rie  de  resprit, 
et  que  rien  ne  poaTail  Mre  on  ebslaele  à  tenir  son  intention  unie  à  celle  de  son 
Père» 

•  Noos  doTOns  remarquer  avec  soin  que  ces  trente  ans  de  la  Tie  cachée  de  Jésus-Christ 
sur  trente-trois ,  lorsque  le  Messie  était  appelé  à  fonder  de  ai  grandes  choses  ;  que  ces 
trente  ans  de  rie  cachée  et  inconnue  au  monde  sont  un  modèle  accompli  et  de  la  fie  soli- 
.  taire  des  moines  »  et  de  la  rie  retirée  des  personnes  qui  dans  ce  monde,  voulant  arriver  k 
une  plus  haute  perfection ,  rompent  avec  le  monde  et  ne  conservent  que  les  liens  que  la 
nature  elle-même  veut  qu'on  respecte.  On  a  lieau  crier  que  la  société  s'arrêterait  tout 
conrt  si  elle  n*était  peuplée  qne  de  personnes  de  ce  caractère ,  qui  estiment  si  peu  le  côté 
agréable  et  riant  de  la  vie  ainsi  que  les  relations  sociales  qui  ont  de  Féclat  et  quelque- 
fois de  la  grandeur.  Il  n*est  pas  à  craindre  que  le  grand  nombre  cesse  d*aimer  le  luxe  et 
réclat  qoand  il  est  possible  d'en  iaire  parade  et  d'en  jouir.  Ce  penchant  est  trop  fort 
pour  se  perdre  jamais  ;.  il  est  même  tellement  excessif  et  déraisonnable  qu'il  ne  faut  pas 
craindre  de  lui  donner  de  puissants  contre-poids.  Aussi  voit-on  que  Jésus-Christ  n'a  lait 

m 

aucun  casde  ces  petites  considérations  des  philosophes  politiques  qui  s'inquiètent  des  causes 
pouvant  donner  un  aliment  aux  arts  et  à  l'industrie ,  et  qui  tremblent  de  voir  manquer 
cet  appui  nécessaire  de  la  prospérité  des  nations.  Esprits  étroits  qui  se  croient  les  plus 
profonds  penseurs ,  ils  ne  comprennent  guère  combien  il  y  a  une  philosophie  plus  haute 
dans  ce  simple  mot  de  la  Bible  :  JusiUia  élevai  gentem ,  miseros  auiem  faeit  populoi  peeca- 
ium.  Qu'on  nous  permette  un  exemple  qui  ne  s*écarte  pas  de  notre  sujet.  Au  point'de  vue 
de  la  politique  mondaine  »  saint  Louis  n'aurait  pas  été  très-adroit  *  en  s'astreignant  trop 
minutieusement  à  une  justice  rigide  ;  on  traiterait  aujourd'hui  ses  actes  de  scrupules  mal 
entendus  qui  accusent  un  esprit  faible.  Hais  qu'on  juge  de  l'honneur  que  fait  aujourd'hui 
à  son  règne  cette  équité  sévère  et  cette  simplicité  de  vie,  toutes  les  fois  qu'il  croyait  pouvoir 
mettre  de  côté  les  signes  de  la  grandeur  sans  nuire  à  sa  dignité.  La  noble  simplicité  qu'il  a 
mise  dans  sa  grandeur  et  la  pratique  si  impartiale  de  justice  envers  ses  voisins ,  font 
aujourd'hui  plus  d'honneur  à  la  France,  et  lui  sont  moralement  et  même  politiquement 
plus  profitables  que  les  victoires  et  les  conquêtes  de  dix  règnes. 

Laissons  donc  le3  intérêts  des  arts,  du  luxe,  du  commerce ,  du  brillant  confortable  dé 
la  société,  que  nous  sommes  loin  d'excommunier  ;  laissons-les  seulement  se  défendre 
eux-mêmes ,  ils  ont  de  puissants  avocats  dans  le  cœur  des  hommes.  Ils  ne  cesseront  d'avoir 
trop  d'empire, de  faire  faire  des  bassesses  ,  de  grandes  fautes  et  de  grandes  violences; 
acceptons  ces  choses  conmme  des  maux  nécessaires  :  ainsi  pouvons-nous  comprendre  lo 
sens  profond  des  paroles  de  Jésus-Christ ,  lorsqu'il  semble  lancer  des  anathèmes  contre 
les  riches.  Ce  ne  sont  point  les  hommes  riches  qu'il  hait ,  mais  les  richesses ,  instrument 
de  leur  perte;  il  a  même  indirectement  approuvé  le  bon  usage  des  richesses  en  s'asseyant 
\  la  table  bien  servie  des  riches.  Il  les  voit,  ces  dangereuses  richesses,  comme  un  obstacle 
infranchissable  que  la  passion  leur  met  sur  le  chemin  du  ciel  et  qui  les  empêche  d'arriver 
au  royaume  de  son  Père;  les  hommes  riches,  il  les  aime,  il  est  mort  pour  eux. 

Aussi  les  richesses,  d*après  la  doctrine  de  Jésus-Christ ,  ne  sont  bonnes  que  lorsqu'elles 
sont  arrivées  dans  une  maison  en  compagnie  de  la  justice,  qu'on  les  répand  en  bienfaits 
et  qu'on  sait  en  tenir  son  cœur  détaché  et  son  esprit  libre  d'orgueil.  Voilà  le  problème 
presque  impossible  à  résoudre  que  Jésus-Christ,  la  souveraine  sagesse,  tranche  d'une  ma- 
nière qui  semble  une  folie  pour  le  monde  ;  il  le  tranche  par  le  mépris  et  par  le  renonce- 
ment. C'est  comme  s'il  disait  :  Mes  enfants ,  je  supporte  de  vous  voir  riches  quand  cela 
vous  arrivera  naturellement  et  justement;  mais  vous  courez  si  grand  danger  dans  cette 
position,  que  votre  salut  y  devient  presque  impossible;  prenez  donc,  je  vous  y  invite ,  le 
parti  le  plus  sûr:  délestez  les  richesses.  Soyez  riches  malgré  vous  si  vous  n'êtes  point 
libre  d'être  pauvre  effectivement ,  et  alofs  vous  serez  pourvus  d'esprit,  vous  me  ressemble- 
rez par  le  cœur.  Hais  que  ceux  qui  le  peuvent,  qui  s'en  sentent  le  courage,  vendent  tout  et 
donnent  le  produit  aux  pauvres ,  et  partagent  ma  paurreté  effeclive,  qui  est  la  plus  grande 
de  toutes  les  richesses. 

Toilà  la  théorie  de  la  richesse  et  de  la  pauvreté  d  après  l'Evangile  ;  elle  est  un  peu  diffé- 


^  ACTIONNAIRE  D*ASGETISME.  K 

rente  de  celle  de  réconomiste  du  iix*  siècle  et  de  rhomme  du  inonde ,  qui  croit  que  sa 
grande  fortune  ajoute  quelque  chose  à  son  mérite  ;  elle  est  aussi  très-différente  de  celle 
du  prolétaire  peu  chrétien  de  nos  jours, qui  maudit  son  sort  parce  qu'il  n'arrive  pas 
assez  Tite  à  Taisance.  Mais  c'est  une  doctrine  chère  aux  amis  de  Jésus-Christ,  qu'ils  soient 
dans  léclottre  ou  dans]  le  monde,  dans  les  salons  d'or  et  de  marbre  ou  sous  le  chaume. 
Où  qu'ils  se  trouvent,  ils  ont  du  goût  pour  la  croix  de  Jésus-Christ  et  pour  sa  sainte  pau- 
vreté ,  car  leur  cœur  ne  tient  à  rien  de  ce  qui  est  de  ce  monde  ;  et  on  ne  peut  en  douter  t 
ces  futurs  citoyens  du  ciel  sont  aussi  les  meilleurs ,  les  plus  utiles  citoyens  de  la  patrie 
terrestre  ;  ceux  qui  rendent  plus  facile  la  tAche  des  gouvernements,  qui  se  contentent  le 
plus  Aisément  de  peu  quand  il  faut ,  qui  murmurent  le  moins  contre  leurs  supérieurs 
même  injustes,  qui  nourrissent  la  paix,  qui  sont  empressés  à  apaiser  les  dissensions  et 
h  prier  pour  tous,  pour  le  bien  général ,  quand  ils  ne  peuvent  concourir  d'une  autre  manière 
au  bien  de  leurs  frères. 

Hais  revenons  à  la  vie  simpie  et  sans  apprêt  de  Jésus-Onnst ,  qui  va  droit  à  son  but  » 
sans  toucher  aux  choses  de  ce  monde,  que  pour  la  pure  nécessité  de  l'accomplissement 
d'un  devoir  ;  et  cela  parce  que  son  esprit  parfaitement  juste  ne  pouvait  jamais  se  laisser 
séduire  par  le  faux  éclat  des  choses  périssables  qu'il  estimait  h  leur  juste  valeur,  c'est-à- 
dik*e  comme  n'étant  faites  que  pour  les  besoins  nécessaires  du  corps  et  ne  devant  jamais 
donner  occasion  de  mettre  un  seul  nuage  entre  l'Ame  et  Dieu.  Or,  ce  que  Jésus-Christ  a 
toujours  fait,  nous  devons  y  aspirer  sans  jamais  y  atteindre ,  allourdis  que  nous  sommes 
par  le  péché  originel. 

Comparons  spécialement  la  vie  cénobitique  avec  cette  sainte  et  consolante  vie  de  Jésus* 
Christ. 

Toute  la  vie  cénobitique  repose  sur  les  trois  vœux  d'obéissance,  de  chasteté  et  de 

pauvreté. 

Ces  trois  points  bien  observés  et  établis  sur  le  terrain  solide  de  looservaiion  des 
préceptes  généraux  qui  obligent  tous  les  Chrétiens,  contiennent  l'expression  de  la|plu5 
haute  perfection  à  laquelle  on  puisse  aspirer  en  ce  monde,  par  cette  raison,  que  ceux  qui 
jtrrivent  là  sont  totalement  détachés  de  tout  ici-bas  pour  être  plus  librement  et  plus  intî- 
mement  attachés  à  Dieu. 

Eh  bieni  la  chose  n'est  ainsi  que,  parce  qu'en  suivant  cette  voie,  on  est  parfaitement  sur 
la  trace  de  Jésus-Christ;  on  le  voit  marcher  devant,  et  on  le  suit  de  plus  près  que  les  autres 
Chrétiens,  qui  sont  tenus  sur  la  terre  par  des  liens  très-légitimes,  sans  doute,  comme  sont 
ceux  du  mariage,  du  gouvernement,  de  ses  affaires  pour  le  bien  de  ses  enfants,  du  com- 
mandement sur  ses  inférieurs.  Mais  tous  ces  liens  en  vous  impliquant  dans  les  choses  ma- 
térielles, remplissent  l'Ame  en  grande  partie,  Tétourdissent,  et  laissent  beaucoup  moins  de 
place  à  Dieu;  aussi  personne  ne  peut  savoir  ce  que  Dieu  a  de  complaisance,  de  prédi- 
lections et  souvent  de  douceur  pour  ceux  qui  quittent  tout  pour  lui.  Je  dis  donc  que 
ceux-ci  suivent  de  plus  près  Jésus-Christ;  ils  sont  plus  courageux,  plus  rapides  que  les 
autres  à  s^élancer  à  la  suite  de  Jésus-Christ,  à  s'élever  en  pensée  vers  le  ciel. 

Sans  doute  Jésus-Christ  n'a  pas  fait  les  trois  vœux  dont  nous  parlons.  C'est  le  propre  delà  fai- 
blesse de  s'engager  ainsi  par  des  serments  ;  c*est  un  acte  dedéfiance  de  soi-même,  et  la  possibi- 
jité  et  quelquefois  la  réalité  de  Tinfraction  prouve  que  cette  défiance  n'est  pas  déplacée.  Il  est 
certain  qu'un  serment  solennel  pique  l'amour-propre  et  fait  craindre  la  violation  comme 
un  déshonneur  à  ses  propres  yeux.  L'homme  misérable  et  blessé  par  le  péché  originel  a 
besoin  de  ce  ressort  pour  le  soutenir.  Mais  toutes  ces  idées  répugnent  dans  Jésus-Christ. 
11  sentait  dans  son  propre  fonds  toute  la  force  nécessaire  pour  pratiquer  le  bien  dans  la 
forme  et  dans  la  mesure  la  plus  parfaite;  ce  bien  il  le  concevait  clairement,  sa  volonté  l'y 
portait  sans  détours,  à  travers  tous  les  obstacles  les  plus  pénibles.  Mous  ne  disons  pas 
toutefois  qu'il  le  faisait  sans  effroi  pour  les  sens,  on  l'a  vu  au  jardin  des  Oliviers  ;  mais,  du 
moins,  sans  faiblesse  de  courage  ou  d'intention;  elle  se  maintenait  toujours  à  la  hauteur 
du  but  sublime  qu'il  poursuivait. 

Ainsi  s*il  n'a  pas  fait  les  vœux,  il  les  a  mis  admirablement  en  pratique.  Il  a  pratiqué 
l'obéissance  d'abord  dans  Tintérieur  de  la  sainte  famille.  L'Ecriture  nous  le  dit  :  Il  leur 


57  DISCOURS  PREUMINAIRE..  S8 

élait  soamis  :  erat  subdiius  illis.  Oo  peut  se  rappeler  dans  corubieo  de  circonstances  il 
alléguait  la  Yolonté  de  son  Père»  non-seulement  en  parlant  h  ses  apAtres,  mats  encore  à  sa 
sainte  mère;  pour  les  confaincre  que  ce  qu*i!s  demandaient  de  lui,  il  ne  devait  pas  le  leur 
octroyer»  il  invoquait  la  volonté  de  son  Père,  à  laquelle  il  devait  perpétuellement  se  confor- 
mer. Peut-on  trouver  un  plus  beau  modèle  de  la  vertu  d*obéissance  ;  de  cette  renonciation, 
de  cet  abandon  de  la  faculté  de  notre  âme,  qui,  étant  une  des  plus  malades  dans  Tfaomme  pé- 
cheur, a  le  plus  besoin  d*étre  contenue,  humiliée  et  unie  à  Dieu,pour  se  guérir  et  se  pnrifiert 

Quant  è  la  chasteté,  nous  nous  dispensons  d'exposer  les  raisons  qui  devaient  lui  faire 
choisir  l'état  de  virginité  parfaite.  Le  caractère  de  son  auguste  personne  commandait  cet 
état  de  vie  au  point,  qu'il  a  dû  même  s'étendre  autour  de  lui  ;  de  plus  il  a  voulu  naître 
d'une  mère  vierge,  et  l'homme  du  monde  qu'il  aimait  le  plus  après  sa  sainte  mère , 
•t  qui  fut  son  remplaçant  auprès  d'elle  au  pied  de  la  croix  »  fui  un  homme  vierge  : 
c'est  sans  doute  la  raison  pour  laquelle  saint  Jean  a  mérité  non-seulement  de  re- 
poser sur  le  cceur  de  Jésus  pendant  la  cène,  mais  aussi  d'avoir  une  plus  profonde 
communication  des  secrets  de  Dieu.  Ceci  est  manifeste,  d'abord,  par  son  Evangile,  qui 
expose  un  ordre  d'idées  plus  élevées  que  les  antres  Evangiles,  quoiqu'ils  soient 
tous  admirables  ;  ensuite  dans  VApoealypse,  oik,  è  travers  les  images  gigantesques,  on  en- 
trevoit des  beautés  ravissantes  dont  nulle  poésie  humaine,  nulle  littérature  nationale  n'a 
jamais  donné  d'exemple.  C'est  de  cette  époque  seulement  que  la  virginité  commence  à  être 
connue  comme  une  vertu  qui  a  des  privilèges.  Mais  il  fallait  la  plénitude  de  grâces  de  la 
Loi  noavelle  et  l'exemple  du  Fils  de  Dieu  incamé  pour  triompher  à  ce  point  du  plus 
emporté  des  penchants  du  cœur,  et  soumettre  à  cette  noble  et  pure  vertu  des  légions  d'êtres 
humains,  qui,  en  renonçant  à  être  les  membres  d'une  famille  particulière  deviennent  émi- 
nemment et  exclusivement  les  membres  de  la  famille  sociale. 

Enfin,  Jésu»-Cbrist  a  pratiqué  la  pauvreté,  et  déjà  nous  avons  vu  ce  qu*il  pensait  des 
riches  et  des  richesses  ;  il  plaignait  ceux-là  et  anathématisait  celles-ci.  Sur  ce  point  je 
cède  volontiers  la  parole  à  Fleury  qui,  dans  la  Tie  de  Jéêuê-Chrûi^  a  si  bien  comparé  les 
traits  de  l'Evangile.  cDans  sa  vie  publique.  Ma  vie  était  plue  pénible^dii  Fleury,  que  quand 
il  travaillait  de  ses  mains,  car  il  n'en  avait  plus  le  loisir,  puisqu'il  souifrait  que  des  femmes 
le  suivissent  pour  le  servir  de  leurs  mains,]et  qu'il  gardait  quelque  argent  dont  Judas  était 
le  dépositaire,  tant  il  estimait  peu  l'argent.  Du  peu  qu'il  avait,  il  donnait  l'aumône,  mais 
il  en  manquait  lorsqu'il  fut  obligé  de  iaire  trouver  à  saint  Pierre,  par  miracle,  de  quoi 
payer  le  tribut  des  premiers-nés,  qui  n'était  qu'un  demi-sicle,  environ  16  sous  de  notre 
monnaie. 

«  En  eifet,  il  vécut  toujours  dans  une  grande  pauvreté  ;  il  dit  lui-même  qu'il  n'avait  pas 
où  reposer  sa  tête,  c'est-à-dire  qn'il  ne  logeait  que  par  emprunt  chez  ceux  qui  voulaient 
bien  le  retirer.  A  sa  mort,  on  ne  voit  pas  qull  eût  d'autre  bien  que  ses  habits.  Il  dit  qu'il 
n'est  pas  venu  pour  être  servi,  mais  pour  servir.  Il  voyageait  à  pied,  et  quand  il  monta 
sur  un  âne,  pour  entrer  à  Jérusalem,  on  voit  bien  que  ce  fût  une  action  extraordinaire.  » 

11  faisait  imiter  sa  pauvreté  à  ses  disciples,  les  envoyant  sans  argent  et  sans  ancune  pro- 
vision; même  lorsqu'ils  étaient  avec  lui,  la  faim  les  réduisait  quelquefois  à  prendre  ce 
qu'ils  trouvaient  dans  la  campagne,  comme  les  épis  qu'ils  arrachèrent  le  jour  du  sabbat 

Assorémentf  voilà  bien  la  pauvreté  et  le  mépris  des  biens  pratiqués  dans  toute  sa  sévé- 
rité. Aucun  monastère  n'a  donné  exemple  d'un  abandon  plus  absolu  entre  les  mains  de 
la  Providence. 

Dn  autre  caractère  de  la  vie  ascétique  est  oe  pratiquer  la  mortification  et  de  se  livrer  à 
l'oraison.  Ici  encore  tout  se  trouve  dans  le  divin  modèle. 

C'est  par  des  œuvres  de  pénitence  qu'il  inaugure  sa  vie  publique;  il  s'y  prépare  par  le 
baptême,  la  prière  et  le  jeûne;  il  n'avait  pas  besoin  de  ces  précautions,  c'était,  comme  il  le 
dit  lui-même,  pour  accomplir  toute  justice  et  pour  nous  donner  l'exemple.  Quel  jeûae 
que  le  sien  encore  1  II  reste  quarante  jours  et  quarante  nuits  sans  manger.  Ce  peul^tre 
un  miracle  :  cependant  il  faut  se  garder  de  l'affirmer,  puisque  les  anciens  nous  parlent 
d  antres  exemples  de  pareils  jeûnes.  Du  moins  est-il  certain  que  cette  mortificaL^n  indique 
dans  Notre-Seigneur  combien  grande  était  à  s^  yeux  la  puissance  de  la  mortification  et  le 


59  DICTIONNAIRE  D*ASCET1SME.  iO 

mérite  de  la  répression  des  sens  pour  avancer  dans  les  choses  de  Dieu  ;  et  ce  fait  montre 
.qu*il  devait  être  habituellement  Irès-morliQé  dans  son  corps  et  le  tenir,  comme  nous 
ravoos  déjà  remarqué,  très-détaché  des  objets  qui  flattent  les  sens,  c*est-à-dire  entière- 
ment à  la  disposition  de  Tesprit  et  de  la  volonté  de  son  Père. 

[  Pendant  ce  jeûne  et  dans  cette  affreuse  solitude,  à  quoi  s'occupait  Jésus-^bnst,  sinon  h 
prier?  Mais  qui  oserait  parler  de  son  oraison?  dit  Fleury.  Méditons  humblement  ce  que 
TEcriture  nous  en  rapporte,  entre  autres  cette  admirable  prière  que  nous  voyons  dans 
saint  Jean,  chap.  xvii.  II  suffit  de  la  lire  pour  sentir  son  Ame  élevée  et  se  fondre  d*amour  en 
.sentant  le  cœur  brûlant  de  Jésus  qui  s*échappe  dans  ces  expressions  ravissantes.  Je  ne 
dte  que  deux  versets  : 

Pire  taintf  je  me  sanctifie  moi-même  afin  quih  soteni  sanctifiée  dans  la  vérité.  Je  prie^  non- 
seulement  pour  eux^mais  aussi  pour  tous  ceux  qui  doivent  croire  en  moi  par  leur  parole^ 
■afin  que  tous  soient  un^  comme  vous^  mon  Père^  vous  êtes  en  moi  et  moi  en  vous^jet  queux  aussi 
ils  soient  un  en  nous^  et  que  le  monde  croie  ainsi  que  vous  m'avez  envoyé. 

Trouvez  donc  des  paroles  qui  soient  en  même  temps  et  plus  douces  et  plus  grandes  : 
cette  même  manière  simple  et  large  se  retrouve  dans  le  Pater  qu'il  nous  a  donné  comme 
prière  quotidienne.  Et  qui  pourrait  dire  ce  qui  se  passait  en  son  Ame  dans  ses  prières 
solitaires,  comme  lorsqu'il  s*élevait  sur  la  montagne  pour  se  soustraire  au  peuple,  et  sur- 
tout au  jardin  des  Oliviers?  Mais  ces  prières  et  ces  communications  entre  THomme-Sieu  et 
;Ie  Père  éternel,  nous  devons  les  respecter  comme  des  mystères  où  tout  est  beaucoup  plus 
.admirable  que  nous  ne  pouvons  penser;  d'ailleurs  nous  l'avons  déjà  vu,  sa  vie  tout  entière 
.a  ete  une  oraison  continuelle.  Il  n'est  donc  pas  nécessaire  de  faire  violence  au  texte  sacré 
et  donner  une  interprétation  forcée  à  la  vie  de  Jésus-Christ  pour  y  trouver  le  type  le  plus 
parfait  de  la  vie  contemplalive  et  mortifiée ,  et  en  particulier  le  modèle  le  plus  par- 
afait de  la  pratique  des  trois  vœux  qui  lont  la  base  de  l'ordre  monacal,  vœux  qui  sont 
l'expression  complète  des  conseils  évangéliques  mis  en  actions  ;  et  chose  admirable,  cela 
€st  ainsi  sans  que  Jésus-Christ  cesse  pour  cela  d'être  le  modèle  de  tout  le  monde;  car  il  y 
a  une  telle  harmonie  et  une  telle  simplicité  dans  cette  vie,  que  tout  y  parait  naturel  et 
facile. 

Son  extérieur,  du  reste,  n'avait  rien  de  singulier,  rien  qui  le  distinguât  des  autres 
Juifs ,  des  simples  particuliers  et  ces  hommes  du  commun,  comme  il  le  dit  lui-même, 
,car  il  s'appelle  le  Fils  de  l'Homme.  Sa  vie  était  dure  et  laborieuse,  mais  sans  aucune 
austérité  particulière  que  celle  que  nous  avons  marquée. 

,  One  pareille  vie  devait  exciter  l'enthousiasme  et  l'admiration  de  tous  ceux  qui  Tavaient 
vue  et  qui  l'avaient  comprise  ;  elle  devait  avoir  pour  résultat  de  chercher  à  aiq>rocher  de 
ce  beau  modèle  aussi  près  que  le  permet  notre  faiblesse.  C'est  ce  qui  arriva,  et  nous 
)e  voyons  non-seulement  dans  les  apôtres,  dont  la  vie  et  les  pensées  étaient  devenues 
Routes  célestes  depuis  qu'ils  avaient  compris  à  fond  cette  vie  divine  de  leur  maître , 
nous  le  voyons  aussi  dans  les  premiers  Chrétiens. 

LA  VIE  ASCETIQUE  DEPUIS  JÉSUS-CHRIST 

On  peut  dire  dans  sa  réalit  é  que  cette  vie  des  premiers  Chrétiens,  telle  qu'elle  apparaît 
dans  les  Actes  des  apôtres  et  dans  les  premiers  monuments  de  l'histoire  ecclésiastique, 
était  la  vie  des  gens  de  religion  dans  les  monastères  les  plus  fervents,  le  célibat  seul 
excepté.  Et  on  peut  affirmer  encore  que  le  plus  grand  prodige  de  Tordre  moral  a  été  accom- 
pli alors,  je  veux  dire  celui  d'une  grande  multitude  de  peuple  qui  s'accordent  tous  sans 
exception  à  mettre  leurs  biens  en  commun.  Jamais  la  victoire  sur  l'esprit  de  cupidité 
n'avait  été  ni  aussi  eompidte  ni  aussi  étendue.  Ceci  nonsjndique  jusqu'où  allait  dans 
ces  premiers  temps  l'empire  de  l'esprit  sur  la  chair ,  et  l'habitude  de  Tesprit  de  con- 
templation. Cette  pratique  était  trop  parfaite  pour  se  prolonger  beaucoup,  et  trop  peu 
compatible  avec  la  marche  ordinaire  des  sociétés  civiles,  compliquées  de  toutes  sortes 
ie  passions  et  de  toutes  sortes  de  citoyens,  pour  avoir  son  application  sur  une  grande 
échelle.  U  faudrait  pour  cela  deux  choses  :  et  que  tous  les  citoyens  d'un  même  Etat 


^1  MSCOURS  PRELUilNAIRfi  4i 

fossrat    Chrétiens   orthodoxes,   et    qu'ensuite  la    piété  se    maiultnt  au    niveau  de 
celte  prenûère  byeur;  alors  la  terre  deviendrait  réellement  un  ciel  anticipé,  ou  un 
nouTd  £dea,  plus  les  douleurs  physiques.  Personne  ne  peut  dire,  toutefois,  qu'un  jour 
la  terre  ne  sera  pas  témoin  de  quelque  chose  de  semblable.  Il  ne  faudrait  pas  juger  de  ce 
qui  peut  être  un  jour  par  ce  que  nous  voyons;  et  il  ne  faut  pas  juger  le  christianisme  épuisé 
parce  que  les  peuples  chrétiens  de  ce  temps-ci  sont  bien  dégénérés  des  mœurs  chrétiennes 
des  temps  apostoliques.  Qui  sait  si  le  temps  d'épreuve,  d'enfantement,  de  grands  obstacles  à 
vaiocre*  de  fortes  crises  ne  sera  pas  bientôt  passé?  Hais  ce  qu'il  y  a  de  certain,  c'est  que  dix- 
huit  cents  ans  sont  très-courts  pour  faire  l'éducation  du  genre  humain.  Les  persécutions  ont 
duré  trois  siècles,  ensuite  sont  venues  les  hérésies  qui  ont  tenu  l'Eglise  constamment  en 
action  pour  maintenir  intacte  la  pureté  dogmatique  et  donner  un  sens  net  et  juste  du  texte 
sacré  et  des  vérités  traditionnelles.  Ce  travail  est  accompli.  Voici  maintenant  l'ère  de  la 
crise  purement  intellectuelle  et  philosophique  qui,  depuis  plus  d'un  siècle,  tenant  les 
esprits  en  susiiens,,  fait  demander  à  une  multitude  d'esprits  timides  et  de  peu  de  foi,  si 
l'Evangile  est  le  dernier  mot  du  développement  moral  de  l'humanité;  si  la  raison  seule, 
montant  triomphalement  tous  les  degrés  dé  ses  découvertes  dans  les  sciences  et  dans  ïe 
vaste  domaine  de  la  nature,  et  forte  de  ses  propres  réOexions,  de  sa  propre  intuition  darfs 
le  coup  d*Œil  qu'elle  jette  de  cette  hauteur  sur  l'univers  et  sur  les  destinées  de  l'homme, 
ne  pourra  pas  présenter  une  solution  plus  satisfaisante.  Il  est  certain  que  cette  questioh 
ressort  par  mille  endroits  de  la  littérature  et  de  la  science  de  notre  temps.  Mais  il  est  vrai 
aussi  que  Dieu  a  ménagé  les  événements  contemporains,  depuis  la  fin  du  dernier  siècle 
jusqu*k  ce  jour,  en  1853,  de  manière  k  donner  de  cruels  démentis  et  d'incomparables 
humiliations  à  ceux  qui  avaient  engsgé  leur  honneur  à  voir  réussir  une  combinaison 
sociale  anlicatholique.  La  déroute  des  dieux  de  l'Olympe  devant  le  Ber  et  victorieux 
lupîter,  tel  que  l'a  dépeint  Homère,  ne  -donne  pas  une  idée  assez  forte  de  la  défaite 
complète  des  philosophes  de  nos  jours  devant  l'irrésistible  cours  des  idées  chrétiennes, 
qui  commencent  à  couler  à  pleins  bords  dans  tous  les  esprits,  et  n'attendent  plus  que  de 
passer  dans  les  actes  avec  plus  de  franchise.  Mais  au  moins  on  peut  le  constater,  la  victoire 
intellectuelle  sur  l'esprit  philosophique,  qui  s'appelieou  philanthrope  comme  il  y  a  soixante- 
dix  ans,  ou  panthéiste  et  socialiste  comme  de  nos  jours,  cette  rictoire  intellectuelle  du 
catholicisme  est  décisive.  L'armée  philosophique  est  en  déroute  générale  sur  tous  les 
points,  on  ne  sait  plus  où  poursuivre  les  fuyards;  ils  ont  disparu  :  on  croirait  qu'ils  sont 
rentrés  dans  les  entrailles  de  la  terre,  etqu*ils  n'ont  pu  sauver  un  seul  de  leurs  drapeaux. 
Oui,  ce  serait  une  grande  erreur  de  croire  le  christianisme  épuisé.  Une  simple  lecture  de 
ripaco^pta  laisse  entrevoir,  à  la  fin,  à  travers  ses  figures  cependant  si  mystérieuses  et  si 
étonnantes,  des  siècles  de  prospérité  morale.  Ils  sont  dépeints  en  peu  de  paroles,  car 
l'histoire  des  temps  de  paix  est  courte,  mais  ces  paroles  sont  significatives.— Je  demande 
pardon  |iour  cette  digression,  qui  ne  s'écarte  que  très-peu  de  notre  sujet  :  elle  en  fait 
même  partie  ;  ces  réflexions  nous  feront  mieux  comprendre  comment  la  vie  monastique 
a  pris  naissance  h  côté  de  la  vie  commune.  Car  la  vie  ascétique  et  contemplative  est  la  vie 
parfaite;  el  ee^enre  de  vie  sera  toujours  protégé  dans  l'Eglise.  Elle  sera  toujours  assez 
féconde  poar  enfanter  des  Ames  toutes  spirituelles  et  dominant  les  vanités  du  siècle.  Quand 
les  mœora  communes  des  Chrétiens  dégénérées  se  furent  tout  à  faii  corrompues , 
tes  âmes  d'élite  dont  nous  parlons  ont  dô  prendre  le  parti,  ne  pouvant  rendre  le  monde 
semblable  à  elles,  de  le  laisser  aller  de  son  côté  et  de  marcher  du  leur,  par  un  chemin  plus 
caché,  à  la  suite  de  Jésus-Christ  portant  sa  croix%  Les  unes  ont  pratiqué  cette  vie  pure  et 
néditative  dans  le  monde,  mais  comme  n'usant  pas  du  monde  mm  qyya  parle  saint  Paul  ; 
les  autres  ne  se  croyant  pas  en  sûreté,  ou  ayant  plus  de  facilité  de  se  tetirer,  l'ont  fait 
tourageoaemeBt,  et  sont  allées  peupler  les  déserts  (déserts  pour  le  monde,  mais  vraie  terre 
prooûse  depuis  qu'ils  Curent  peuplés  par  les  anges  de  la  terre),  attirant  les  regards 
cooiplaisanta  du  ciel. 

Il  s'est  élevé  une  controverse  à  laquelle  plusieurs  savante  eut  pris  part.  C'était  do  savoir 
si  les  thérapeutes,  dont  l'origine  est  essénienne,  q'ont  pas  été  des  Juifs  convertis  au 
christianisme.  S'il  en  était  ainsi,  nous  devrions  les  considérer  comn^e  les  oremiers 
DlCTlORH.  n'AscicTisuB.  h  S 


43  DICTlONNAmE  D'ASCETISME.  ^ 

coiilemplalife  do  l'ère  chrétienne  menant  une  vie  distinguée  de  la  vie  commune.  Nous 
n'entrerons  pas  dans  cette  controverse.  Seulement,  nous  avouons  qu'il  nous  partit  que  le 
sentiment  le  mieux  établi  est  celui  qu'ont  soutenu  le  Père  de  Montfaucon  et  le  PèreHélyot, 
savoir  que  réellement  les  thérapeutes  étaient  convertis  au  christianisme,  et  que  c'est  vrai- 
semblablement avec  ces  âmes  si  bien  prédisposées  que  saint  Marc  a  réussi  à  fonder 
une  Eglise  si  florissante  à  Alexandrie,  dans  laquelle  apparaissent,  dès  ce  temps,  des  Chré- 
tiens menant  la  vie  ascétique. 

M  On  demeurera  aisément  d'accord,  dit  le  Père  Hélyot,  qu'il  y  a  eu  une  succession  de 
^loines  depuis  les  thérapeutes  jusqu'à  saint  Antoine,  si  en  quittant  toute  prévention,  l'on 
veut  reconnaître  pour  disciples  des  thérapeutes  les  ascètes,  qui  se  renfermaient  aussi  dans 
des  solitudes  où  ils  gardaient  la  continence  et  mortifiaient  leur  corps  par  des  abstinences 
et  des  jeûnes  extraordinaires,  portankcontinuellement  le  cilice,  dormant  sur  la  terre,  lisant 
l'Ëcrilure  sainte,  et  priant  sans  cesse;  et  on  doit  les  comprendre  dans  l'état  monastique, 
puisque,  comme  remarque  le  cardinal  Bellarmin,  les  Grecs  ont  donné  plusieurs  noms  à 
ceux  qui  l'ont  embrassé:  de  ihérapeuêes^  pour  les  raisons  que  nous  avons  déjà  dites;  d'eu- 
€iiest  c'est-à-^dire  athlètes  ou  exercitants,  parce  que  le  devoir  d'un  moine  est  un  exercice 
continuel  ;  6t  c'est  le  nom  dont  se  sert  saint  Basile,  appelant  Ascétique$  son  traité  de  l'ins- 
titution des  moines.  On  les  nomma  aussi  suppliants f  parce  que  leur  principale  occupation 
était  la  prière  et  l'oraison.  Saint  Chrysostome  et  quelques  autres  les  ont  appelés  philosophes. 
Enfin  le  nom  le  plus  commun  et  que  les  Latins  ont  retenu  est  celui  de  moine  qui  signifie 
proprement  solitaire  ou  ermite  que  saint  Augustin  prétend  devoir  aussi  appartenir  aux 
cénobiieSf  comme  en  effet  il  leur  est  resté.  On  a  encore  ajouté  à  tous  ces  noms  celui  de 
religieuXf  qu'on  donne  indifféremment  à  tofus  ceux  qui  se  consacrent  à  Dieu  par  la  solennité 
des  vœux.  Quelques-uns  disent  qu'avant  Salvien  de  Marseille,  qui  vivait  dans  le  v*  siècle» 
il  n'était  pas  en  usage.  Il  parait  néanmoins,  par  un  des  canons  du  quatrième  concile  de 
Carlhage  et  par  la  traduction  de  la  Règle  de  saint  Basile  par  Ruf&n,  que,  dans  le  iv*  siècle^ 
l'on  donnait  déjà  ce  hom  aux  personnes  qui  se  consacraient  à  Dieu.  » 

«  Saint  Palémon,  avec  qui  saint  Pacôme  se  retira  vers  l'an  3i&,  était  un  anachorète  fort 
.^gé,  et  néanmoins  instruit  par  d'autres  dans  les  pratiques  de  la  vie  solitaire.  Nous 
4rouvons  au  ni*  siècle  saint  Denis,  Pape,  qui,  d'anachorète  qu'il  était,  ayant  été  fait 
prêtre  de  l'Eglise  romaine,  fut  élu  l'an  259  pour  la  gouverner.  Si  nous  remontons  au 
ir  siècle,  nous  trouvons  saint  Télesphore,  qui,  ayant  été  aussi  anachorète,  fut  élevé  au 
souverain  pontificat  l'an  128.  L'hérétique  Harcioo,  selon  ce  que  nous  apprend  saint 
Epiphane,  se  sépara  de  l'Eglise  vers  le  milieu  de  ce  siècle,  après  avoir  fait  profession  de 
la  vie  monastique.  Enfin,  dans  le  i"  siècle,  nous  trouvons,  comme  on  vient  de  le  dire, 
les  thérapeutes,  que  le  P.  Papebroch  ne  veut  pas  néanmoins  reconnaître  pour  moines; 
mais  il  ne  fait  pas  diOiculté  de  reconnaître  pour  tels  les  autres  disciples  dvb  apôtres  dont 
parle  Philon,  qui»  selon  cet  auteur  Juif,  étaient  répandus  chez  les  Grecs  et  les  barbares  : 
Altos  vero  (dit  ce  savant  Jésuite)  quos  in  aliis  regionibus  inler  Grœcos  et  Barbaros  indieai 
Philo f  cUiorum  quoque  apostolorum  vel  apostolicorum  virorum  fuisse  discipuloSf  nequaquam 
ambigOf  et  veros  omnino  monachos  {licei  hoc  nomen  necdum  usurparetur)  id  est  solitarios 
agnosco.  Ei  l'on  peut  croire  aisément  que,  pendant  les  persécutions,  il  y  à  eu  des  commu- 
nautés qui,  à  la  vérité  n'étaient  pas  si  nombreuses  qu'elles  Tont  été,  lorsque  l'Eglise  fut  en 
paix  ;  en  effet  l'Angleterre  et  l'Irlande  possédaient  des  monastères  même  sous  la  persécution.  » 

«  Au  reste,  les  noms  de  thérapeutes,  d'ascètes,  de  moines,  de  solitaires  et  d'ermites  ayant 
été  donnés  indifféremment  à  tous  ceux  qui  ont  fait  profession  de  la  vie  monastique,  on 
doit  reconnattre  une  succession  de  moines  sans  interruption  depuis  saint  Marc  jusqu*à 
saint  Antoine;  presque  tous  les  historiens,  et  M.  de  Tillemont  môme  demeurent 
d*ac<*ord  qu'il  y  a  toujours  eu  des  ascètes  dans  l'Eglise.  On  doit  reconnaître  leurs  laures 
pour  de  véritables  monastères,  quand  bien  même  ils  n'auraient  été  que  de  huit  ou  de  dix 
religieux  au  plus,  puisque  l'essentiel  de  la  vie  cénobitique  n'est  pas  de  demeurer  quatre  ou 
cinq  cents  ensemble»  mais  seulement  plusieurs,  et  que  le  nombre  de  huit  ou  dix,  et  même 
un  moindre  nombre  i  est  suffisant  pour  cela.  Car  il  n*y  a  personne  qui  dise  que  les  Capu- 


45  DISCOURS  PRELIMLNAIRE.  46 

cins  soient  des  solitaires»  et  lear  qualité  -  de  menJiaots  u'empèche  pas  qu'ils  ne  soient 
▼éritablement  cénobites.  » 

c  Tafoue,  continue  le  P.  Héljot,  que,  quoique  ces  monastères  des  trois  premiers  siècles 
fussent  de  Téritables  monastères,  ils  n'étaient  pas  néanmoins  aussi  parfaits  qu'ils  l'ont  été 
au  temps  de  saint  Antoine,  et  encore  da?antage  au  temps  de  saint  Basile,  qui  a  donné  la 
dernière  perfection  à  l'état  monastique  :  c'est  pourquoi  on  peut  les  appeler  de  simples 
monastères  pour  les  dislinguer  de  ceux-ci;  et  je  crois  que  le  P.  Papebrocb  voudra  bien  me 
passer  cette  'distinction  de  simples  monastères  et  de  parfaits,  puisque,  nonobstant  qu'il 
dise  que  les  disciples  des  apôtres,  dont  nous  venons  de  parler,  fussent  de  véritables 
moines,  il  ne  laisse  pas  de  dire  .aussi  qu'ils  étaient  de  simples  moines,  qu'il  compare  aux 
ermites  de  ce  temps-ci,  pour  les  distinguer  de  ceux  du  iv^  siècle,  engagés  par  des  vœux; 
et  comme  il  se  voit  à  présent  des  communautés  considérables  d'ermites  de  dix,  de  vingt, 
de  trente,  et  même  de  plus  grand  nombre,  qui  sont  de  véritables  communautés,  on  peut 
les  comparer  k  celles  des  premiers  siècles,*^!!  l'on  vivait  sans  doute  avec  plus  de  subor- 
dination que  dans  la  plupart  de  celles-ci  qui  sont  néanmoins  gouvernées  par  un  supé- 
rieur. » 

«  Dans  ce  gmtf  nombre  ae  solitaires  qui  ont  peuplé  les  déserts,  il  s'est  formé  deux  es- 
pèces de  moines,  dont  ceux  qui  ont  vécu  en  commun  ont  été  appelés  cénobiteSf  et  ceux 
qui  se  sont  retirés  dans  une  solitude  plus  étroite,  après  avoir  vécu  longtemps  en  commu- 
nauté, et  y  avoir  appris  à  vaincre  leurs  passions,  retinrent  le  nom  d'anaehorites.  » 

II  y  avait  aussi  les  rbémoboles  ou  sarabaîtes,  dépeints  par  saint  Jérôme  et  Cassien  (3;, 
moines  voyageurs  qui  n'étaient  pas  toujours  dignes  de  leur  profession. 

Cassien  les  préfère  aux  cénobites  ,  comme  étant  plus  avancés  dans  la  perfection,  et 
saint  Jérôme  {h)  a  d*abord  cru  que  cet  état  était  le  comble  de  la  perfection  monastique. 

Mais  ce  Père  changea  ensuite  d'avis.  L'expérience  l'a  mieux  éclairé,  et  lui  a  fait  voir 
que  la  vie  cénobitique,  ou  en  commun,  était  celle  qu'on  devait  suivre  le  plus  sûrement, 
comme  la  moins  exposée  aux  tentations. 

c  Saint  Basile,  qui  en  a  fait  l'éloge,  en  a  fait  connaître  les  avantages.  Il  ait  que  Dieu 
ayant  voulu  que  nous  eussions  besoin  les  uns  des  autres,  nous  devons,  par  cette  considé- 
ration, nous  unir  tous  les  uns  aux  autres  ;  que  les  avantages  que  nous  possédons  sont 
inutiles  dans  une  vie  absolument  solitaire  ;  qu'elle  ne  se  propose  qu'un  seul  but  qui 
est  la  commodité  de  celui  qui  l'embrasse,  ce  qui  est  visiblement  contraire  à  la  cha- 
rité que  l'Apôtre  a  si  parfaitement  accomplie,  et  qui  consiste  à  ne  chercher  point  ce  qui 
nous  est  avantageux  en  particulier,  mais  ce  qui  est  avantageux  à  plusieurs  pour  être 
sauvés  ;  que  les  solitaires  ne  reconnaissent  pas  facilement  leurs  défauts,  n'ayant  personne 
qui  les  reprenne  et  les  corrige,  et  qu'on  leur  peut  attribuer  ces  paroles  du  Sage  :  Malheur 
à  celui  qui  est  seul t  parce  que  lorsqu'il  tombe,  il  n'a  personne  pour  le  relever;  qu'un 
grand  péril  qui  est  à  craindre  dans  la  vie  solitaire  est  celui  de  la  complaisance,  dont  il  est 
très-diflicile  de  se  garantir  dans  cet  état;  car  un  solitaire  n'ayant  personne  qui  puisse 
juger  de  ses  actions,  s'imaginera  être  arrivé  au  comble  de  la  perfection  ;  mais  qu'au  con- 
traire, la  vie  cénobitique  a  cet  avantage  que  la  correction  y  étant  faite,  même  par  un  en- 
nemi, est  souvent  une  occasion  à  ceux  qui  jugent  sainement  des  choses,  de  désirer  le  re- 
mècie  de  leurs  maux;  qu'elle  est  une  carrière  où  l'on  s'applique  aux  combats  spirituels, 
un  chemin  facile  pour  s'avancer  dans  la  piété,  un  continuel  exercice,  une  perpétuelle  lué^. 
ditation  des  commandements  de  Dieu  ;  et  enGn  que  ce  genre  de  vie  est  conforme  è  celui 
der  premiers  chrétiens  qui  étaient  tous  unis  ensemble,  et  qui  -n'avaient  rien  qui  ne  fût 
commun  entre  eux.  » 

Du  reste,  en  relevant  le  mérite  de  la  vie  cénobitique,  il  faut  bien  se  garder  de  condam- 
ne^ la  yie  érémitique  ou  solitaire,  quia  donné  de  grands  saints  à  l'Eglise 

II  y  avait  autrefois  des  reclus  qui  étaient  enfermés  Irès-étroitemênt.  Le  concile  tn  Trullo 
leur  ordonna  de  n'embrasser  ce  genre  de  vie  qu'après  avoir  commencé,  dans  le  monastère, 
à  vivre  séparés  comme  des  anachorètes,  et  après  avoir  persévéré  dans  cet  état  pendant 

(S)  Cass.,  coll.  18. 

(4)  Episi.  ad  Eu$t. 


n  DICTIONNAIRE  DASCETISHE.  4S 

trois  ans,  outre  une  année  d^épreuve  qu'ils  devaient  faire  encore  hors  du  monastère, 
après  quoi  ils  pouvaient  être  enfermés;  mais  il  ne  leur  était  pas  permis  de  sortir  du  lieu 
de  leur  réclusion,  à  moins  que  ce  ne  fût  pour  quelque  cause  qui  regard&t  le  bien  public, 
ou  qu'il  n*y  eût  péril  de  mort  pour  eux.  Alors  ils  en  pouvaient  sortir  avec  la  bénédiction 
del'évèque;  et  si  quelques-uns  de  ces  reclus  en  sortaient  autrement,  le  même  concile 
ordonna  qulls  seraient  enfermés,  malgré  eux,  dans  le  même  lieu,  et  qu*on  leur  imposerait 
des  jeûnes  et  des  mortifications.  Le  concile  do  Francfort  n'en  voulut  point  souffrir,  i 
moins  que  les  évoques  et  les  abbés  ne  les  renfermassent  eux-mêmes,  i» 

«  Il  n'y  a  pas  lieu  de  douter  que  saint  Antoine  n'ait  établi  de  véritables  monastères  par- 
faits et  réglés,  où  l'on  vivait  en  commun;  puisque,  comme  dit  saint  Atbanase,  les  monas- 
tères qu'il  établit  étaient  remplis  de  solitaires  qui  passaient  leur  vie  à  chantera  étudier, 
;  à  jeûner;  è  prier,  à  se  réjouir,  dans  l'espérance  des  biens  à  venir;  h  travailler,  pour  pou- 
voir donner  Taumûne,  conservant  entre  eux  Tunion  et  la  charité,  mangeant  aussi  en  com- 
mun, comme  nous  le  pouvons  juger  par  la  complaisance  de  saint  Antoine  qui,  aimant  à 
manger  seul,  ne  laissait  pas  souvent  do  manger  avec  ses  frères,  lorsqu'ils  l'en  priaient, 
afin  de  pouvoir,  avec  plus  de  liberté,  leur  tenir  des  discours  utiles.  » 

PROGRÈS  DE  LA  VIE  MONASTIQUE 

DANS   LES  SIX  PRBIIIEBS  SIÈCLES  l>E  l'BGLISE. 

«  Comme  la  Vie  de  saint  Posthume,  qui  se  trouve  parmi  celles  des  Pères  du  désert,  est 
regardée  par  de  savants  critiques  comme  fausse  et  supposée,  je  ne  m*arrête  pas  è  ce  que 
dit  l'auteur  de  cette  Vie,  que  saint  Macaire  avait  le  soin  et  la  conduite  de  cinquante  mille 
moines  que  saiut  Antoine  lui  avait  laissés  en  mourant.  Je  veux  même  croire  qu'il  s'est 
glissé  quelque  erreur  dans  le  texte  de  la  préface  que  saint  Jérôme  a  mise  è  la  tète  de  la 
Kègle  de  Saint-Pacôme  qu'il  a  traduite,  où  il  dit  que  les  disciples  de  ce  saint  s'assem- 
blaient» tous  les  ans,  à  pareil  nombre,  pour  célébrer  les  fêtes  de  la  Passion,  et  de  la  Ré- 
surrection de  Notre-Seigneur;  et  il  se  peut  faire  que  Pallade  ne  se  soit  point  trompé, 
lorsqu'il  n'a  mis  que  sept  mille  moines  de  cet  ordre.  Mais  au  moins  faut-il  avouer  qu'après 
la  mort  dç  saint  Antoine  et  de  saint  PacAme,  le  nombre  des  moines  et  des  solitaires  était 
înflni,  puisque  Rufln  qui  fit  le  voyage  d'Orient  en  373,  c'est-à-dire  environ  dix-sept  ans 
après  la  mort  de  saint  Antoine,  nous  assure,  comme  témoin  oculaire,  qu'il  y  avait  presque 
autant  de  moines  dans  les  déserts  que  d'habitants  dans  les  villes^  que  dans  celle  d'Oxi- 
rinque  il  y  avait  plus  de  monastères  que  de  maisons;  qu'à  toutes  les  heures  du  jour  et  de 
la  nuit  on  y  faisait  retentir  les  louanges  de  Dieu,  et  qu'il  avait  appris  de  l'évêque  de  ce 
lieu  qu'il  y  avait  vingt  mille  vierges  consacrées  à  Dieu  et  dix  mille  religieux  ;  il  assure 
avoir  encore  vu  le  prêtre  Sérapion,  Père  de  plusieurs  monastères  et  supérieur  d'environ 
dix  mille  religieux  ;  mais  il  est  bon  de  faire  connaître  quels  étaient  les  illustres  capitaines, 
qui  conduisirent  dans  le  désert  et  dans  les  villes  tant  de  saintes  colonies,  après  que  la 
paix  eut  été  rendue  à  l'Eglise.  Nous  avons  déjà  dit  que  saint  Antoine  établit  les  premiers 
monastères  réglés  et  parfaits  dans  la  basse  Thébaide  ;  saint  Amon,  sur  le  mont  de  Nitrie, 
et  saint  Pacôme,  dans  la  haute  Thébaïde.  Le  désert  de  Scété  fut  aussi  fort  célèbre  par  la 
multitude  des  saints  qui  y  ont  demeuré,  et  qui  suivirent  saint  Macaire  l'Egyptien  comme 
leur  chef.  Saint  Hilarion,  qui  avait  été,  de  même  que  saint  Macaire,  disciple  de  saint  An- 
toinoi  se  retira  dans  la  Palestine,  où  ses  miracles  continuels  et  l'éclat  de  ses  vertus  firent 
qu*en  peu  de  temps  un  grand  nombre  de  personnes  se  rangea  sous  sa  conduite.  La  Syrie 
a  eu  l'avantage  d*êlre  habitée  par  de  saints  religieux,  sous  la  conduite  d'Aonès,  qui  don- 
nèrent aux  habitants  qui  étaient  idolâtres  la  connaissance  du  vrai  Dieu.  Elle  a  encore 
Iiroduit  un  illustre  écrivain  qui  nous  a  appris  les  vies  admirables  de  ces  saints  solitaires, 
et  leurs  principaux  exercices,  qu'il  avait  lui-même  pratiqués  dans  un  monastère  dont  il 
fut  tiré  malgré  lu:,  pour  monter  sur  le  siège  épiscopal  de  Tyr.  C'est  le  savant  Théodoret 
qui,  quoique  élevé  à  cette  dignité,  ne  diminua  rien  de  ces  saintes  pratiques.  La  montagne 
de  Sinaï,  si  célèbre  par  la  demeure  de  saint  Jean  Climaque  et  de  saint  Nil,  fut  aussi  babi- 
.  tée  par  de  saints  moines,  dès  le  iv'  siècle  ;  de  même  que  la  Perse,  où  plusieurs  solitaires 
suivant  les  traces  de  sang  des  autres  Chrétiens  qui  le  répandaient  généreusement  pour  la 
fui  de  Jésus-Christ,  couraient  avec  la  même  générosité  au  martyre.  Saint  Grégoire,  apôtre 


li  MSCOURS  PREUMIMàlRE.  5» 

d'Arménie,  introduisit  anssi  la  vie  monastique  dans  ce  pajs-lè.  Enfin  il  n*jr  ent  presque 
poiol  de  prOTince  en  Orient  où  elle  ne  fût  établie.  ^ 

c  Mais  son  plus  grand  accroissement  fut  lorsque  saint  Basile  Teut  introduite  dans  le  Pont 
et  la  Cappadoee,  vers  Tan  383  ;  qu'il  Teut  réduite  à  un  état  certain  et  uniforme;  qu*il  eut 
réuni  les  solitaires  et  les  cénobites  ensemble  ;  qu'il  lui  eut  donné  sa  dernière  perfection 
eo  obligeant  ses  religieux  à  s'y  engager  par  des  vœux  solennels;  et  qu'il  leur  eut  écrit 
des  règles  qui  furent  trouvées  si  saintes  et  si  salutaires,  comme  n'étant  qu'un  abrégé  de  la 
morale  de  TEvangile,  que,  dans  la  suite,  la  plus  grande  partie  des  disciples  de  saint  ln« 
toine,  de  saint  PacAme,  de  saint  Hacaire  et  des  autres  anciens  Pères  des  déserts,  s'y  sont 
soumis,  ce  qui  lui  a  fait  donner  le  nom  de  patriarche  des  moines  d'Orient;  car  il  y  a 
plusieurs  siècles  que  sa  règle  a  prévalu  sur  toutes  les  autres  en  Orient;  et  quoique  les 
maronites,  les  arméniens  en  partie,  les  Jacobites,  les  coptes  et  les  nestoriens  se  disent 
de  Tordre  de  Saint-Antoine,  ils  ne  suivent  néanmoins  ni  la  règle  que  nous  avons  dans  le 
Cedf  des  rigUê  sous  le  nom  de  Saint-Antoine,  ni  aucune  des  anciennes  règles  des  Pères 
d*Orient,  et  ils  n'ont  seulement  que  certaines  pratiques  pour  les  monastères  de  chaque 
secte.  Mais  généralement  tous  les  grecs,  les  nestoriens,  les  melcbites,  les  géorgiens,  les 
mingreliens  et  la  plus  grande  partie  des  arméniens  suivent  la  règle  de  Saint-Basile. 

■  La  profession  monastique  ne  fit  pas  de  moindres  progrès  en  Occident,  où  les  troubles 
excités  dans  l'Eglise  par  la  fureur  des  ariens  la  firent  passer  d'Orient;  car  saint  Alhanase , 
évèque  d'Alexandrie,  s'étant  retiré  è  Rome  vers  Tan  339  avec  plusieurs  prêtres  et  deux' 
moines  d'Egypte,  il  fit  connaître  aux  personnes  de  piété  la  vie  de  saint  Antoine  qui  de- 
meurait alors  dans  son  désert  de  la  Thébaîde«  et  il  y  eut  plusieurs  personnes  qui  voulurent 
embrasser  une  profession  si  sainte.  L'on  bâtit  à  cet  eflét  des  monastères  à  Rome,  ce  qui 
servit  comme  de  modèle  pour  tout  le  reste  de  l'Italie.  » 

«  Saint  Benoît  y  parut  à  la  fin  du  v*  siècle.  Quelques-uns  ont  préfenau  qu'il  n'é- 
crivit point  sa  règle  dans  le  désert  de  Subiaco;  d'antres  ont  cru  qu'elle  ne  fut  publiée 
par  l'abbé  Simplicius  que  l'an  S86,  et  que  saint  Benoit  ne  l'avait  faite  que  pour  les 
moines  du  mont  Cassin.  Hais  depuis  que  dom  Thierry  Ruinart,  religieux  Bénédictin  de 
la  eoDgrégation  de  Saint-Haur,  dans  sa  savante  Dissertation  sur  la  mission  de  saint  Maur 
em  Frmc€,  imprimée  à  Paris  en  1702,  depuis  que  dom  Jean  Mabillon,  de  la  même  congré- 
gation dans  les  Annales  de  Vordre  de  SainS-Benoit,  ont  pnmvé  que  saint  Maur  y  avait  été 
envoyé  par  saint  Benoît,  avec  quatre  de  ses  disciples,  Tan  5V3,  et  qu'ils  y  apportèrent  avec 
eux  la  Eègle  de  ce  saint  patriarche  des  moines  d'Occident,  écrite  de  sa  main,  avec  un  poids 
et  un  vase,  pour  mieux  observer  ce  qu'elle  prescrit  de  la  quantité  du  pain  et  du  vin  dans 
le  repas,  il  n'y  a  point  de  doute  que  saint  Benoit  ne  l'eut  publiée  de  son  vivant,  et  que  ce 
n^était  pas  pour  le  seul  monastère  du  mont  Cassin  qu'il  l'avait  faite,  quoique  les  preuves 
convaincantes  de  ces  savants  Bénédictins  n'aient  pas  satisfait  ceux  qui  avaient  combattu 
cette  mission  et  qu'ils  n'aient  regardé  ces  preuves  convaincantes  que  comme  des  pr^ugés 
et  des  conjectures.  Cette  règle  fut  trouvée  si  sainte  qu'elle  fut  universellement  reçue  en 
Occident,  ce  qui  fit  donner  h  ce  saint  fondateur  le  nom  de  Patriarche  des  moines  d'Occi- 
dent. 9  (HiLTOT.) 

La  France,  avant  même  l'établissement  de  sa  monarchie,  n'a  pas  été  privée  de  la  gloire 
d'avoir  produit  plusieurs  communautés  religieuses.  Dès  le  iv*  siècle,  saint  Martin  qui 
s'était  retiré  dans  la  petite  Ile  Galtinaire,  à  la  côte  de  Ligurie  près  d'Albengue,  ayant  appris 
le  retour  de  saint  Hilaire,  évèqne  de  Poitiers,  dans  sa  ville  épiscopale  après  son  exil,  le 
vint  trouver  et  bâtit  auprès  de  cette  ville  le  monastère  de  Ligugé.  Ce  saint,  ayant  été  élevé 
dans  la  suite  sur  le  siège  épiscopal  de  Tours,  bitit  un  autre  monastère  à  une  lieue  de  cotte 
ville,  qui,  après  sa  mort,  fut  appelé  Marmoutier,  en  latin,  Majus  monasterium^  k  cause 
qu^il  était  plus  grand  et  plus  spacieux  que  celui  qui  fut  construit  dans  la  même  ville,  sur 
le  tombeau  de  ce  saint,  et  que  tous  les  autres  qu'il  avait  aussi  fondés  dans  la  province. 

Saint  Maxime,  l'un  de  ses  disciples,  voulant  vivre  dans  un  lieu  où  il  fût  inwnnu,  se 
rcUra  dans  le  monastère  de  l'Ile  Barbe,  proche  de  Lyon.  Quelques-uns  prétendent  que 
c'est  la  première  communauté  de  moines  qui  se  soit  formée  dans  les  Gaules  :  certain 
aulcur  fait  môme  remonter  la  fondation  de  cette  abbaye  vers  le  milieu  du  m'  siècle^ 


Si  DICTIONNAIRE  D*ASCET1SME.  5t 

en  lui  doQDam  pour  fonckleur  ud  seigneur  du  pays,  nommé  Longin,  qui  Tan  9k0  environ, 
y  assembla  plusieurs  solitaires,  qui  vivaient  séparément  dans  cette  tle,  où  ils  s'étaient 
retirés.  Mais  tous  les  historiens  n'en  demeurent  pas  d'accord,  et  il  est  dillieile  de  savoir  si 
cette  abbaye  était  déjà  fondée  avant  que  saint  Martin  vînt  en  France. 

Cassien,  s'étant  retiré  à  Marseille  vers  Tan  W9,  fonda  deux  monastères,  l'un  d'hommes 
et  l'autre  de  filles.  On  dit  qu'il  eut  sous  loi  jusqu'à  cinq  mille  moines,  et  on  le  reconnaît 
pour  le  fondateur  de  la  célèbre  abbaye  de  Saint-Victor  de  Marseille.  L'île  de  Lérins,  où 
se  retira  saint  Honorât,  l'an  410,  et  où  il  eut  on  grand  nombre  de  disciples,  s'est  rendue 
célèbre  par  la  sainteté  des  solitaires  qui  y  demeuraient  dans  des  cellules  séparées  et  qui, 
par  l'austérité  de  leur  vie,  surpassaient  ceux  delà  Thébaïde.  Saint  Honorât,  dont  elle  porte 
le  nom,  en  fut  tiré  pour  être  évoque  d'Arles.  11  eut  pour  successeur  saint  Hilaire ,  son  dis- 
ciple, et  il  en  sortit  un  si  grand  nombre  de  religieux  pour  gouverner  les  églises  de  France, 
que  l'on  regarda  depuis  cette  île  comme  une  pépinière  d'évéques. 

Nous  ne  parlons  point  de  communautés  établies  par  saint  Césairo  et  par  saint  Aurélien, 
aussi  évoques  d'Arles,  par  saint.Féréol,  évèque  dtJzès,  et  par  saint  Donal,  évèque  de  Besan- 
çon, dont  les  règles  se  trouvent  parmi  celles  qui  ont  été  recueillies  par  saint  Benoît,  abbé 
d'Aniane. Nous  parlerons  en  son  lieu  de  saint  Colomban  qui,  étant  sorti  d'Irlande  avec 
àoiite  compagnons  dans  le  vu*  siècle,  fonda  la  fameuse  abbaye  de  Luxeuil,  dans  le 
comté  de  Bourgogne,  dont  la  communauté  fut  si  nombreuse,  qu'on  y  chantait  jour  et 
nuit  saus  interruption  les  louanges  de  Dieu.  Son  ordre  se  répandit  par  toute  la  France» 
Le  relâchement  y  fut  introduit  en  peu  de  temps  ;  mais  l'ordre  de  Saint-Benoît  s'éten- 
dant  de  jour  en  jour,  envoya  de  ses  meilleurs  sujets  dans  plusieurs  monastères  de 
l'ordre  de  Saint-Colomban,  pour  y  rétablir|la  discipline  régulière  ;  et  dans  quelques-uns 
de  ces  monastères,  les  règles  de  ces  deux  saints  y  furent  observées  conjointement. 

Mais  comme  les  choses  vont  en  décadence,  les  Bénédictins  abandonnèrent  aussi 
l'observance  régulière,  ce  qui  a  donné  lieu  à  tant  de  congrégations  qui  sont  sorties  de 
cet  ordre,  et  qui  en  forment  de  différents  par  la  diversité  de  leurs  habits  et  par  la 
forme  du  gouvernement,  sans  s'éloigner  néanmoins  de  leur  tige,  .ayant  ;  toujours 
suivi  la  règle  de  Saint-Benoît,  que  les  fondateurs  de  ces  congrégations  ont  fait  observer 
plus  exaetement,  en  y  joutant  des  constitutions  particulières  qui  ont  été  approuvées 
par  les  Souverains  Pontifes. 

Le  condie  de  Saragosse ,  en  Espagne,  tenu  Tan  380 ,  qui  condamne  la  conduite 
des  clercs  qui  affectaient  de  porter  des  habits  monastiques,  est  une  preuve  que,  dans  le 
IV*  siècle,  il  y  avait  des  religieux  dans  ce  royaume,  ce  qui  est  encore  confirmé  par  la 
lettre  qu'Immérius,  évèque  de  Tarragone,  écrivit  au  Pape  Sirice,  où  il  lui  demande  sod 
avis  sur  Tordination  des  moines  ;  ce  qui  fait  croire  au  P.  Mabillon  qu'il  y  en  avait 
déjà  en  Espagne,  avant  que  saint  Donat  y  eût'  passé  d'Afrique  avec  soixante-dix  dis- 
ciples, et  qu'il  eût  fondé  le  monastère  de  Sirbite. 

Saint  Augustin,  depuis  archevêque  de  Cantorbéry,  ayant  été  envoyé  en  Angleterre 
par  le  Pape  saint  Grégoire,  l'an  596,  pour  y  prêcher  la  foi,  introduisit  en  même  temps 
dans  ce  royaume  l'état  monastique,  dont  il  faisait  profession,  étant  religieux  de  l'ordre 
de  Saint-Bènolt.  Cet  état  monastique  y  fit  un  si  grand  progrès  et  y  était  dans  une  si 
haute  estime,  qu'un  protestant  de  nos  jours  dit  avec  admiration  que,  dans  l'espace 
de  deux  cents  ans,  il  y  a  eu  en  ce  royaume  trente  rois  et  reines  qui  ont  préféré 
l'habit  monacal  à  leurs  couronnes,  et  qui  ont  fondé  de  superbes  abbayes  où  ils  ont 
fini  leurs  jours,  dans  la  retraite  et  dans  la  solitude.  Il  avoue  que  la  vie  monastique 
y  était  aussi  ancienne  que  le  christianisme,  et  qu'ils  y  ont  fait  également  des  progrès. 
Il  reconnaît  que,  pendant  un  très-long  temps,  les  monastères  étaient  des  séminaires 
de  saints  et  de  personnes  savantes  ;  et  que  ces  lumières  de  la  chrétienté,  Bède,  Àlcuin, 
Yillibrod  et  plusieurs  autres,  en  sont  sortis.  Il  déplore  ce  jour  fatal  où  tant  de  beaux 
monastères  furent  démolis,  dont  il  ne  reste  plus  que  les  ruines,  qui  sont  encore  des 
monuments  de  la  piété  de  leurs  pères  et  de  leurs  ancêtres,  et  il  ne  regarde  qu'avec 
horreur  la  profanation  des  temples  qui  étaient  consacrés  à  Dieu,  et  qui  sont  maintenant 
changés  en  des  écuries,  où  des  chevaux  sont  attachés  au  même  lieu  où  Ton  offrait  au- 


^  DISCOURS  PRELIUI.NAmE.  54 

lrefoi$  le  sacriGce  adorable  de  iios  autels.  EnGn  il  regarde  comme  des  eilravaganls 
et  des  gens  passionnés  ceux  qui  disent  que  les  ordres  religieux  sont  ^rtisde  i'ablme,  pour 
parler  le  langage  de  plusieurs  hérétiques.  Jam  dudum,  (dit-il,)  diem  fatalem  obieruni  mo- 
moMieria  notlra.  née  prœier  semiruiOM  parieies  et  deplormda  rudera  Bupersuni  nohiê  avilis 
pieialiâ  indieia....  Videmus^  heu:  videmus  auguâiisêitna  iempla  ei  siupenda  œtemo  Det 
dtdicaia  monumenia  {quîbus  nihil  kodie  $poliaiiu$)  sub  $pecioso  eruendœ  supersiiUimi  i 
obieniUt  êordidissimo  conspureari  viiuperio^  txiremamque  montre  iniemecionem^  ad  aliaria 
Ckrisii  Mtabulati  eyiii,  martyrum  effo$$a  reliquiœ.  Sunt  quidam  zelaioreê  adeo  religion  deli-^ 
ranies  ut  religiosos  veierum  ordine$  ex  abytsi  puteo  prognaios  aiunl  :  lia  libenter  iibi  tiufti/- 
gel prœconeq^ta  pauio.  C'est  néanmoins  un  hérétique  qui  parle,  et  c*est  ce  qui  doit  rem- 
plir de  confusion  les  aulres  hérétiques  qui  ne  peuvent  parler  de  la  religion  catholique  et 
de  la  ?io  monastique,  qu'en  iiiTectivaoi  et  faisant  paraître  la  passion  dont  ils  sont 
prétenus;  lia  lieenUr  êibi  indulgel  praconeepla  pauio. 

La  profession  monastique  fut  aussi  introduite  dans  l'Irlande  par  le  ministère  de 
aaint  Patrice  qui  est  reconnu  pour  TapAlre  de  ce  royaume;  et  elle  s'y  multiplia  si 
prodigieusement  que  cette  lie  fut  appelée  Tlle  des  Saints,  à  cause  du  grand  nombre  et  de 
réminente  sainteté  des  religieux  dont  elle  fut  remplie.  Enfin,  il  n'y  eut  presque  point  do 
ro/aume  et  de  pro?inee  qui  ne  reçût  le  même  avantage,  et  Ton  peut  juger  oar  li  du  grand 
progrès  de  l'ordre  monastique. 

Il  y  avait  aussi  un  grand  nombre  de  filles  qui  consacraient  à  Dieu  leur  virginité,  soit 
par  le  conseil  de  leurs  parents,  soit  de  leur  propre  mouvement.  Elles  menaient  la  vie 
ascétique,  et  on  comptait  pour  rien  la  virginité,  si  elle  n'était  soutenue  par  nne  grande 
mortification,  par  le  silence,  la  retraite,  la  pauvreté,  le  travail,  les  jeûnes,  les  veilles,  les 
oraisons  continuelles.  On  ne  tenait  pas  |>our  de  véritables  vierges,  celles  qui  voulaient 
encore  prendre  part  aux  divertissements  du  siècle,  même  les  plus  innocents,  faire 
de  grandes  conversations,  parler  agréablement  et  montrer  leur  bel  esprit;  encore 
moins  celles  qui  voulaient  faire  les  belles  se  parer,  se  parfumer,  traîner  de  longs 
habits  et  marcher  d*un  air  affecté.  Saint  Cyprien  ne  recommande  presque  autre  chose  aux 
vierges  chrétiennes,  que  de  renoncer  aux  vains  ornements  et  à  tout  ce  qui  appartient  à  la 
beauté.  Il  connaissait  combien  les  filles  sont  attachées  à  ces  bagatelles,  et  il  en  savait  les 
pernicieuses  conséquences.  Dans  ces  premiers  temps,  les  vierges  consacrées  i  Dieu 
demeuraient  la  plupart  chez  leurs  parents,  ou  vivaient  en  leur  particulier,  deux  ou  trois 
ensemble,  ne  sortant  qne  pour  aller  à  l'église,  où  elles  avalent  leurs  places  séparées  du 
reste  des  femmes.  Si  quelqu'une  violait  sa  sainte  résolution  pour  se  marier,  on  la  mettait 
en  pénitence. 

Les  veuves,  qui  renonçaient  aux  secondes  noces,  vivaient  à  peu  près  comme  les  vierges, 
dans  les  jeûnes,  dans  les  oraisons  et  les  autres  exercices  de  la  vie  ascétique;  mais  elles 
&*élaient  pas  si  enfermées,  parce  qu'elles  s'appliquaient  aux  œuvres  extérieures,  comme  h 
T:si!er  et  à*  soulager  les  malades  et  les  prisonniers,  |  articu!ièrement  les  martyrs  et  les 
confesseurs  ;  à  nourrir  les  pauvres,  è  retirer  et  servir  les  étrangers,  h  enterrer  les  moris, 
et  généralement  *%  toutes  les  œuvres  de  charité.  Toutes  les  femmes  chrétiennes,  veuves  ou 
mariées,  s'y  empIoyaientfort,et  ne  sortaient  guère  que  pources  bonnes  œuvres,  ou  pour  aller 
h  l'église.  Les  veuves,  étant  plus  libres,  s'y  adonnaient  entièrement;  si  elles  étaient  riches, 
elles  fiiisaient  de  grandes  aumûnes;  si  elles  étaient  pauvres,  TEgliseles  nourrissait.  Ou 
choisissait  pour  diaconesses  les  veuves  les  plus  âgées,  c'est-i-dire  de  soixante  ans.  Cet  âge 
fut  réduit  depuis  à  quarante  ans  ;  mais  c'étaient  toujours  les  veuves  les  plus  sages  et  les 
plus  éprouvées  par  toutes  sortes  d'exercices  de  charité.  On  donnait  aussi  quelquefois 
cirtte  cliarge  à  des  vierges,  et  alors  on  leur  donnait  aussi  le  nom  de  veuves.  Les  diaco 
nessf'S  recevaient  l'imposition  des  mains,  étaient  comptées  entre  le  clergé,  parce  qu'elles 
exerçaient,  à  l'égard  des  femmes,  une  partie  des  fonc4ion8  des  diacres.  Leur  charge  était  de 
visi!er  toutes  les  personnes  de  leur  sexe  que  la  pauvreté,  la  maladie  ou  quelque  autre 
misère  rendait  dignes  du  soin  de  l'Église;  elles  instruisaieut  celles  qui  étaient  catéchu- 
mènes, ou  plutôt  leur  répétaient  les  instructions  du  catéchisme  ;  elles  les  présentaient  au 
bai  tème,  leur  aidaient  à  so  déshabiller  et  à  se  rpvêlir,  afin  que  les  prêtres  ne  les  vissent 


DICTIONNAIRE  D'ASCETISME.  56 

pas  dans  un  état  indécent  ;  elles  conduisaient  ensuite  ces  noBTelles  oapltsées  pendant 
quelque  temps,  pour  les  dresser  à  la  Tîe  clirétienne.  Dans  l'église,  elles  gardaient  les  portes 
du  côté  des  femmes,  et  avaient  soin  que  chacune  fût  placée  en  son  rang,  et  obser?At  le 
silence  et  la  modestie.  Les  diaconesses  rendaient  compte  de  toutes  leurs  fonctions  à 
révèque,  et  par  son  ordre  aux  prêtres  ou  aux  diacres.  Elles  serraient  principalement  i  les 
avertir  des  besoins  des  autres  femmes,  et  à  ISûre»  sous  leur  direction,  ce  qu'ils  ne  pouvaient 
faire  eux-mêmes  avec  autant  de  bienséance. 

Les  prélats  usaient  d'une  grande  patience  et  d'une  grande  discrétion  pour  gouverner 
toutes  ces  femmes,  pour  maintenir  les  diaconesses  dans  la  sobriété  et  Tactivité  nécessaires 
è  leurs  fonctions,  mais  difficiles  k  leur  Age,  pour  emiiêcher  qu'elles  ne  devinssent  trop 
fiiciles  ou  trop  crédules,  ou  qu'elles  ne  fussent  inquiètes,  curieuses,  malicieuses,  colères 
et  sévères  avec  excès.  U  fallait  prendre  garde  que,  sous  prétexte  de  catéchisme,  elles  ne 
lissent  les  savantes  et  les  spirituelles;  qu'elles  ne  parlassent  indiscrètement  des  mystères, 
ou  ue  semassent  des  erreurs  et  des  fables;  qu'elles  ne  fussent  parleuses  et  dissipées.  Il 
fallait  encore  bien  de  la  charité  pour  guérir  ou  supporter  les  défauts  des  autres  veuves  et 
des  autres  femmes,  comme  la  tristesse,  la  jalousie,  l'envie,  les  médisances,  les  murmures 
contre  les  pasteurs  même  ;  enfin,  tous  les  maux  qui  suivent  ordinairement  la  faiblesse  du 
sexe  et  de  Tâge,  surtout  quand  elle  est  jointe  k  la  pauvreté,  k  la  maladie,  ou  k  quelques 
attires  incommodités. 

Dès  la  fin  du  m*  siècle,  c'est-k-dire  vers  le  temps  où  florissait  saint  Antoine,  on  vil 
apparaître  également  des  monastères  de  femmes. 

Sainte  Sjnclétique  est  généralement  regardée  comme  la  première  fondatrice  de  ces 
monastères. 

On  croit  cependant,  qu'k  peu  près  dans  le  même  temps,  saint  Pacôme  et  saint  Antoine 
établirent,  chacun  de  leur  côté,  des  monastères  de  vierges,  dont  ils  confièrent  la  direction 
k  leur  sœur. 

Saint  Basile,  peu  après,  en  établit  de  nouveaux  sons  sa  direction.  D'où  il  apparaît  que 
ee  fut  vers  ce  temps  que  l'on  reconnut  dans  l*Église  les  avantages  delà  vie  de  communauté 
pour  toutes  les  personnes  qui  voulaient  arriver  k  la  perfection 

Depuis  ce  moment,  les  communautés  de  femmes  se  sont  multipliées,  en  Orient  et  en 
Oceiilent ,  dans  la  même  proportion  que  celles  d'hommes.  Et,  dans  la  suite,  lorsque  les 
ordres  religieux  se  sont  diversifiés  en  une  multitude  d'instituty,  chaque  fois  qu'il  surgissait 
un  ordre  nouveau,  il  amenait  k  sa  suite,  comme  une  conséquence  naturelle,  la  création  de 
monastères  de  filles  qui  suivaient  la  même  règle.  Il  n'y  a  d'exception  que  pour  certains 
instituts  qui  ne  pouvaient  avoir  leurs  parallèles  dans  l'autre  sexe,  comme  les  ordres 
militaires. 

Aussi,  ce  que  nous  dirons,  dans -la  suite  de  ce  discours,  des  congrégations  d'hommes 
sera  également  applicable,  dans  la  généralité,  aux  congrégations  de  femmes  quoiqu'on  no 
les  nomme  pas. 

Parmi  les  règles  anciennes,  qui  furent  faites  pour  les  monastères  de  femmes,  celle  que 
le  Père  Thomassin  admire  le  plus,  est  celle  de  Saint-Augustin,  qu'il  regarde  comme  un 
chef-d'œuvre.  Hais  tous  les  saints  Pères  de  cette  époque  se  sont  occupés,  dans  leurs  écnits, 
de  la  direction  des  vierges  vivant  en  communauté;  ils  ont  la  plupart  fait  des  traités  pour 
eHes.  Tous  ces  évêqnes  s'occupaient  avec  une  tendre  sollicitude  de  cette  portion  si  pré^ 
cieuse  et  si  délicate  de  leur  troupeau.  Et  rien  n'approche  du  charme  et  de  l'onction  aveo 
lesquels  ils  en  font  Téloge. 


ORDRES  REUGIEDX 
»BPCis  lIuvasion  ntnjcmvB  nss  RàniunBS  HîSQU^t  nos  jocb^. 

)  n*entrè  pas  dans  notre  plan  de  faire  l*historiqne  des  ordres  religieux,  mais  simple* 
ment  de  juger  par  un  coup  d'œil  général  la  place  qu'ils  ont  occupé  dans  l'Eglise.  La  ma- 
tière que  nous  traitons  est  plus  étendue  que  les  ordres  religieux  :  c'est  Tascétisme.  Lo 
monachisme  en  est  la  plus  grande  et  la  plus  pure  expression;  mais  ce  n'est  pas  tout.  II 


57  DiSCODiiS  PRELUONAIRE.  5S 

nous  sufiSra  de  saroir  que  le  nombre  des  religieux  a  été  infini»  que  les  exemples  de  f  ertus 
qoUs  <Hit  donnés  onl  édifié  la  terre  et  Wyotti  le  ciel»  que  TEglise  les  a  eonstamment  favori- 
sés et  protégés  comme  des  enfants  d*éKte,  comme  les  membres  les  plus  précieux  du  corps 
mjslique  de  Jésns-Cbrist. 

Qui  pourrait  assex  louer  Tinnomorable  famille  de  saint  Benoit?  Depuis  douze  siècles 
elle  a  peuplé  toutes  les  parties  de  Tunirers  de  se$  enfacU  :  c'est  à  cet  ordre  qu'une  partie 
da  monde  est  rederable  d'aroir  quitté  Tidolâtrie  et  d'at oir  abandonné  plusieurs  hérésies 
dans  lesqueUes  des  proTinces  entières  étaient  tombées;  c'est  à  lui  que  celles  qui  n'en 
araient  pas  été  infectées  doivent  d'avoir  conservé  la  foi  orlbodoie  dans  ces  siècles  où 
la  science  se  trouvait  tout  entière  dans  les  cloîtres,  et  où  la  piété  était  bien  affaiblie  hors 
des  doltres.  C'est  cet  ordre  qui  a  fourni,  pendant  longtemps,  un  grand  nombre  de  Papes,  de 
cardinaux»  d'archevêques  et  d'évAques.  Il  a  produit  une  infinité  d*hommes  savants  dont 
oo  ne  se  lasse  pas  d'admirer  les  ouvrages. 

Tons  les  monastères  d'Occident»  k  peu  d'exception  près,  étaient  gouvernés  par  la  règle 
admirable  de  Saint-Benoit  Car  c'est  k  partir  du  xii'  siècle  que  la  variété  des  ordres  reli- 
gieux a  commencé  d'une  manière  plus  sensible. 

La  perfection  de  la  vie  religieuse  (5)  à  cette  époque  éclate  dans  l'existence  de  ces  hom- 
mes éprouvés  dont  l'histoire  a  conservé  et  l'Eglise  consacré  les  noms  glorieux  :  Patrik» 
Colomba,  Augustin,  Golomban,  Gall,  Séverin,  Kiliao,  Emmerand,  Norbert,  Corbinien,  Bo- 
Dîface,  Ludger,  apMre  et  missionnaire,  Grégoire  d'Dthrec,  Storm  de  Fulde,  Bède  le  Véné- 
rable» et  tant  d'autres  moines  et  abbés,  qui  formèrent,  dans  leurs  couvents,  ces  générations 
pieuses  et  dévouées,  par  lesquelles  la  vie  intérieure»  la  vraie  et  profonde  piété  se  répandit 
parmi  les  chrétiens. 

Les  moines  de  cette  époque  furent  réellement  les  propagateurs  du  christianisme  et  de 
ses  vertus,  les  premiers  instituteurs  du  peuple,  les  moteurs  de  toute  culture  spirituelle,  do 
toute  civilisation,  les  gardiens  et  les  conservateurs  de  la  science.  Si  l'on  se  rappelle,  en 
même  temps,  leurs  mœurs  austères,  leur  zèle  et  leur  activité,  si  contraires,  on  peut  le  dire, 
à  la  mollesse  du  clergé  de  ce  temps,  on  comprendra  l'amour,  le  respect  qu'ils  inspirèrent 
aux  peuples  et  les  libéralités  doiU  ils  furent  ToLget.  Les  princes  leur  donnaient  en  fief  des 
terres  considérables»  garantissaient  ces  terres  de  tout  pillage  par  de  sévères  lois;  les  papes 
leur  accordaient  toutes  sortes  de  privilèges.  L'abbé  jouissait  d'une  considération  presque 
égale  k  celle  de  l'évèque  diocésain,  et  quoiqu'il  ne  fût  pas  entièrement  exempt  de  sa  sur- 
veillance» il  dépendait  surtout  immédiatement  de  Rome. 

Les  moines  vivaient,  en  général,  comme  nous  venons  de  le  dire,  d'après  la  règle  de 
Saint-Benoit  sagement  modifiée  d'après  les  circonstances  nouvelles,  par  Colomban,  Isidore 
de  Séville»  Fructueux,  évéque  de  Braga  et  saint  Boniface. 

C'est  en  Iki  qu'un  concile  introduisit  la  règle  de  Saint-Benoit  dans  tous  les  couvents  du 
rojanme  firank;  le  zèle  et  la  vigilance  de  saint  Boniface  augmentèrent  le  nombre  des 
eottvents  et  y  relevèrent  la  discipline  singulièrement  déchue  au  milieu  des  orages  |)olitiques 
de  l'époque.  C'est  k  ce  saint  Pontife  qu'en  Allemagne  les  magnifiques  couvents  de  Fulde» 
de  Hersfeld  et  autres»  durent  leur  origine;  ceux  de  Rechenau  et  de  Prûm,  fondés  quelque 
temps  après»  ne  furent  pas  moins  importants,  comme  pépinière  du  clergé.  Ualheureuse- 
ment  leurs  richesses,  leur  indépendance  de  l'évèque,  le  gouvernement  des  abbés  laïques 
les  firent  tomber  dans  le  relftchement  des  mœurs  et  de  la  discipline.  L'ardent  et  pieux  Be* 
Dott  d'Aniane  (821)  soutenu  par  Louis  le  Débonnaire,  devint  le  réformateur  des  moines  do 
sa  congrégation»  et  son  couvent  le  modèle  de  tous  les  monastères  franks.  Hais  les  ré- 
ftrmes  de  ce  second  Benoit  ne  furent  pas  adoptées  partout,  et  elles  furent  peu  durables. 

Cqwndant,  grâce  k  la  piété  active  de  Guillaume  d'Aquitaine,  on  vit  sortir  de  l'abbaye  de 
CInoj  la  semence  d'une  rénovation  spirituelle  et  le  germe  de  la  future  liberté  de  l'Eglise. 
Le  pieux  Bemon,  premier  abbé  de  Cluny»  fonda  la  solide  réputation  de  cette  abbaje.  Plus 
grand  que  son  maître,  saint  Odon,  qui  lui  succéda,  sut  conquérir  au  monastère  qu'il  di- 
rigea l'estime  et  la  faveur  générales.  L'inOuence  de  ce  saint  et  savant  asile  ne  fit  qu'aug« 

(3)  Alzoc.,  I.  n,  p.  6S 


DICTIONNAIRE  D'ASCETISME.  60 

mèntersous  les  successeurs  d'Odon,  Aymar,  Mayeal,  Odilou  et  surtout  Hugon,  si  biea  que 
Ters  la  fin  de  cette  époque  de  nomt)reux  couvents,  même  en  Espagne  et  en  Pologne,  se 
mirent  sous  la  dépendance  et  Tunique  direction  de  Tabbé  de  Cluny. 

Le  moine  Guillaume,  disciple  de  Saint-Mayeul,  digne  de  son  mattre,  restaura  les  cou- 
Tents  de  Normandie  et  du  Nord  de  la  France  et  y  Qt  fleurir  de  pieuses  écoles;  Richard, 
abbé  de  Saint-Vannes,  à  Verdun,  réforma  de  son  côté  les  couvents  de  Belgique.  La  règle 
de  Saint-Benoît  fut  observée  à  Cluny  dans  son  austérité  primitive,  avec  son  silence 
permanent,  l'aveu  public  du  péché,  le  travail  des  mains  adouci  par  la  récilation  du 
psautier. 

Pendant  deux  cents  ans,  cette  congrégation  sérieuse  soutint,  par  ses  exemples  et  son 
influence,  la  vie  spirituelle  dans  la  chrétienté,  sauva  la  science,  conserva  en  honneur 
les  pratiques  de  Tascétisme  chrétien,  eut  sa  part  directe  dans  la  plupart  des  événements  de 
rBglise,  jusqu'au  temps  de  saint  Bernard.  Seul,  le  couvent  des  bénédictins  du  Hont>Cas- 
sin  conserva  les  saintes  traditions  du  christianisme  durant  les  luttes  tumultueuses  des 
factions  d'Italie;  et  quoique  son  influence  ne  put  s*exercer  efficacement  aux*  siècle  sur  les 
autres  couvents  sécularisés,  ce  fut  cependant  dans  son  sein  que  vinrent  se  réfugier  une 
foule  d'âmes  dégoûtées  des  abominations  du  siècle.  Tel  fut  saint  Romuald  de  la  famille  du 
duc  de  Ravenne,  qui,  après  avoir  subitement  changé  de  vie,  se  mit  à  prêcher  le  mépris  du 
monde  et  la  pénitence,  à  remuer  et  à  convertir  les  pécheurs  les  plus  endurcis,  qu'il  ras- 
sembla dans  la  solitude  de  l'Apponnin,  h  Camaldoli,  et  forma  un  ordre  conOrmé  par  le 
Pape  Alexandre  U.  Jean  Gualbert  fonda  à  Vallorabreuse,  en  Toscane,  une  congrégation 
plus  sévère  encore,  dans  laquelle  s'observa ^  avec  la  plus  scrupuleuse. exactitude,  la  règle 
de  Saint-Benoît.  Ces  deux  congrégations,  primitivement  destinées  à  la  vie  érémitique* 
furent  plus  tard  réunies  à  des  couvents,  et  eurent  pour  but  de  mener  l'homme  dans  les 
▼oies  de  la  perfection,  en  lui  inspirant  le  goût  de  In  vie  spirituelle,  par  les  pratiques  sim- 
ples, douces  et  pieuses  d'une  vie  régulière  et  commune. 

La  nouvelle  vie  qui  avait  pénétré  les  ordres  religieux,  vers  la  fin  de  l'époque  précédente» 
exerça  dans  celle-ci  une  haute  influence  sur  le  développement  de  l'Eglise  entière  (6).  Dans 
le  xr  siècle,  le  zèle  réformateur  de  Grégoire  Vil  avait  ranimé,  chez  les  peuples  occi* 
dentaux,  l'esprit  de  pénitence;  les  moines  continuèrent  son  œuvre,  et  bientôt  on  les  vit 
apparaître  au  milieu  du  monde,  tantôt  se  présentant  en  hardis  prédicateurs  devant  les 
princes  et  lés  évèques,  tantôt  se  portant  médiateurs  entre  doux  partis  ennemis,  partout  se 
montrant  les  protecteurs  des  pauvres.  Le  cloître  devint  le  refuge  du  crimes  repentant  et  do  la 
science  amie  de  la  solitude.  On  y  fondait  des  écoles,  on  y  cultivait  les  arts,  on  y  établis- 
sait des  fabriques  et  des  ateliers  (7).  La  faveur  générale  dont  jouissait  la  vie  monastique 
lui  donna  une  telle  extension  et  des  formes  si  variées,  qu'Innocent  III  se  crut  obligé  do 
défendre  l'établissement  de  nouveaux  ordres.  Le  choix  restait  libre  entre  ceux  qui  exis- 
taient. Néanmoins  cette  prohibition  ne  put  empêcher  les  fondations  de  plusieurs  congré- 
gations, qui  se  dévouèrent  avec  une  incroyable  énergie  et  avec  un  succès  non  moins 
extraordinaire  à  combattre  les  dangereux  hérétiques  de  ces  temps.  Le  secret  de  leur.force 
était  dans  la  sévérité  de  la  règle,  et  dans  la  sainteté  des  fondateurs  ;  malheureusement 
en  vit  trop  paraître  une  contradiction  flagrante  entre  le  vœu  de  pauvreté  et  la  possession 
des  grandes  richesses  que  ces  ordres  acquirent,  et  qui  impliquait  une  décadence  plus  ou 
moins  prochaine.  L'appétit  pour  les  jouissances  sensuelles  une  fois  éveillé,  la  vocation 

(6)  HoLSTENU  Codex  regul  monastic,  etc.  Les  ouvrages  d'Hélyot,  de  Schmidl ,  de  BicnJelf.  On  trouve 
aussi  un  tableau  complet  et  fort  intéressant  de  h  vie  relisieusc  à  ceUe  époque ,  dans  Hurter,  t.  Ill ,  p.  4i7- 
6i6;  t.  IV,  p.  4-512.  Le  comparer  avec  Bauher,  Hist.  des  Uohen$tau(en,  t.  VI,  p.  320-430,  et  avec 
ScHRAEKTS ,  Histoire  de  l'Egiise ,  xxvh*  partie.  .  ,.    .  ,  «41^ 

(7)  I  On  est  saisi  d'élonnement  quand  on  lit  le  dénombrement  des  bibnotheoucs  conventuelles.  A  la  fin 
du  XI-  siècle,  un  incendie  consume  5,000  volumes  à  l'abbaye  de  Groylaiid.  En  liiS,  celle  de  Gladslone-Iinry 
renfermait  400  volumes,  parmi  lesquels  on  trouve  plusieurs  poêles  et  historiens  romains.  Le  catalo;5ue  de 
Prifliug  est  moins  riche  ;  toutefois  on  y  rencontre  un  Homère.  Etait-ce  un  original  ou  simplement  une  tra- 
duction latine?  c'est  ce  qu'on  ne  dit  pas.  A  la  même  époque,  BenediclHeurcn  vanUit  son  1^"^»»/»  * .»«»  ""■ 
race,  son  Virgile  et  son  Salluste.  Ce  monastère  posséJait  en  tout  247  volumes.  Souslabl)e  >Vorraiit, 
celui  de  Saint-Michel,  près  de  Bambcrg,  reçut  une  riche  collection  de  livres,  parmi  lesquels  figurent  la  plu- 
part des  p  êtes  latins ,  sans  compter  bcaiico'ip  d'aulros  auîcurs  appartenant  a  rantiquito  païenne  ou  chic- 
ticiinc.  )  (UtRTLR,1.  ill,  p.  5S2.) 


61  DlSCOmS  PRELIMINAIRE. 

uionasUqae  perdit  bienidl  son  caraclère  sacré»  eU  les  oioiacs  lombèreoi  dans  aes  Tices 
cachés  00  dans  des  scandales  publics. 

L*ordre  le  plus  célèbre  de  Tépoqae  précédente  comme  de  celle-ci  fut  encore  la  congré- 
gation de  Cliiny.  Le  costume  de  cet  ordre  était  noir  et  fort  simple.  La  discipline  arait 
déjà  subi  une  profonde  atteinte  sous  la  TÎcieuse  direction  d'un  abbé  Ponticus,  qui  mourut 
en  il2à.  La  science  et  les  bantes  Tcrlus  de  Pierre  le  Vénérable  (1122-1156),  relevèrent  et 
étendirent  la  réputation  de  ce  monastère.  Nous  Tavons  déjà  remarqué,  tous  les  établisse- 
ments de  Bénédictins  reconnaissaient  pour  chef  suprême  Tabbé  de  Clunj,  qui  nommait 
les  prieurs  des  autres  couTeuts.  Chaque  année,  il  se  tenait  à  illunj  une  assemblée  géné- 
rale qui  délibérait  sur  les  plus  grands  intérêts  de  Tordre,  et  y  promulguait  des  lois.  Cette 
congrégation  continuait  encore  de  fournir  des  Papes,  ainsi  que  des  évoques,  à  l'Kglise,  et, 
en  retour»  la  protection  des  Pontifes  augmentait  Tinfluence  de  Tordre,  surtout  en  France. 
Mais  des  richesses  toujours  croissantes  vinrent  arrêter  cette  sève  de  vie  :  Cluny  dot  céder 
subitement  laplaceà  des  monastères  plus  dignes  de  TinOuence  dont  il  avait  joui  jusqu'alors. 

Robert,  mécontent  de  la  léthargie  où  les  biens  de  ce  monde  avaient  plongé  les  Bénédictins, 
et  plus  encore  de  Topiniitreté  avec  laquelle  ils  s'opposaient  à  ses  projets  de  réforme, 
fonda,  en  Tannée  1098,  une  nouvelle  congrégation  à  Cîteaux,  près  de  Dijon,  dans  Tévêché 
de  ChAlons-sur-Saône  (8).  Le  pieux  abbé  eut  à  lutter  contre  une  foule  de  difficultés.  Cl- 
leaox  devait  être  absolument  Topposé  de  Cluny  :  un  parfait  renoncement  h  soi-même,  uno 
simplicité  rigoureuse  dans  le  culte,  la  soumission  au  pouvoir  diocésain,  Texclusion  de 
toute  affaire  séculière,  tout,  jusqu'au  vêlement  blanc,  rendait  le  contraste  plus  frappant. 
Après  la  mort  de  Robert  (1106),  Tordre  reçut  son  organisation  définitive  par  la  charte 
d*amour  (charta  charitatis)  (1119),  et  Pascal  II  la  confirma.  Trois  abbés  se  succédèrent  sans 
voir  augmenter  les  habitants  d'une  maison  aussi  sévère  ;  cependant ,  déjà  les  contem- 
porains y  reconnaissaient  avec  joie  une  image  vivante  des  temps  apostoliques,  et,  quand 
saint  Bernard  y  entra,  en  1113,  Clleaux  brilla  parmi  les  plus  illustres  congrégations. 
Bernard  fonda  immédiatement,  dans  une  forêt  impénétrable ,  une  succursale  qui  prit  le 
nom  de  Clairvaux  (C/ara  ta//»).  Il  avait  alors  vin^t-cinq  ans.  Guillaume  de  Champeaux 
le  nomma  chef  de  ce  nouvel  établissement  (9).  Le  jeune  abbé  appartenait  à  une  noble  et 
pieuse  famille  de  Bourgogne;  il  était  né  à  Fontaine  en  1091,  et  sa  mère  avait  mis  un  soin 
rare  k  lui  inspirer  les  plus  tendres  sentiments  de  religion.  Avant  la  naissance  de  ce  fils, 
un  songe  avait  révélé  à  sa  mère  qu'il  serait  un  fidèle  gardien  de  la  maison  du  Seigneur. 
Le  jeune  homme,  qui  dépassa  bientôt  ses  compagnons  dans  les  études  spéculatives  e^ 
dialectiques ,  se  distingua,  dès  ses  plus  tendres  années,  par  une  vie  grave  et  paisible,  par 
un  grand  penchant  k  la  contemplation  et  i  la  solitude.  Aussi  disait-il  que  les  arbres  de 
la  forêt  lui  avaient  servi  d'instituteurs.  Après  un  moment  de  lutte  contre  les  pencbanls 
de  sa  jeunesse,  Bernard  entra  dans  le  clottre  de  Cîteaux  avec  trente  compagnons  (1113). 
Formé  par  l'étude  de  sa  propre  conscience ,  prêt  à  réaliser  en  lui-même  les  plus  hauts 
enseignements  de  l'Eglise»  aussi  disting&é  par  ses  connaissances  et  sa  prudence  pratique^ 
que  par  son  humilité  profonde  et  son  dégoût  des  honneurs,  cet  homme  étonnant  sut 
vaincre  tous  les  obstacles,  et  accomplir  tons  ses  projets,  par  son  éloquence  entraînante 
que  confirmaient  ses  nombreux  miracles  (10).    kernard  personnifia  son  siècle.  Qui  sut 

(8)  ËeUUio  quaiUer  inetpU  ardo  Ci$tercieH$h.  (Anberti  Miejki  Chran,  Cisterciens,  ord.;  Colon.,  1614; 
ilc9ttiQCEz,  Régula  eanstit.  et  jniviteg.  ont.  Ciiterciensit  ;  Anlvcrp.  1630;  Uolstenius  Bhiockie,  loco  cxt,^ 
fib.  n,_p.  365468.)  Cf.  HAljot,  Hurter,  I.  IV,  p.  164-200. 

(9)  toXAUi,  Opera^eâ.  Habilloii;  Paris,  1667-1690,  6  vol.  in-foL;  Yenet.,  1759,  2  vol.  in-fol.  Sa 
biomphie  a  été  écrite  par  U^ois  de  ses  conteinporains  :  Guîllaame,  abbé  de  St-Thierry,  Gaurred  et  Alain 
des  Des,  tous  moines  de  Clainraax.  (  Mabillo5  ,  Àcta  SS,  ord.  S.  Benedie,^  t.  I  et  VI.)  Parmi  les  modernes , 
yajez  NÉAimER,  Saini  Bernard  et  son  temps;  Berlin,  1815;  Ratisb05I5E,  Vie  de  saint  Bernard  ;  Paris,  1845. 

(10)  L*al»bé  Wibald  de  SlaTdot  dil,  en  parlant  de  cette  circonstance  :  Xir  ille  bonus^  longo  eremi  squalore 
€t  jejmmns  ac  pailore  eonfecius^  et  in  quatudam  sjnriinalis  formœ  tenuitatem  redactus,  prius  persuadet  tisus 
quam  mÊdiins.  Optima  ei  a  Deo  eoncessa  est  natura^  eruditio  summa^  exerciîium  ingens  ^  oronuntiatio  aperta^ 
§estms  earporis  ad  omnem  dieendi  modum  aeeommodatus,  {  Marté5C  et  Di'rai«d  ,  Colucl.  ampiiu.^  t.  Il , 
p.  330.)  Godefroi  de  VendAme  vante  aussi  réloquenœ  de  saint  Bernard  :  Kosse  poterunt  aliquatenus ,  qui 
ipsims  iegerent  uripta^  etsi  longe  minus  ab  eis  qui  terba  ejus  sœpius  amdierunt.  Siquidem  diffusa  erat  gralia 
in  labiis'  ejus  et  igmtum  eloquium  ejus  vehementer^  ut  non  posset  ne  iysius  quidem  slylus,  iicci  eximius,  lotam 
iltmm  dnlcedinem ,  totum  retinere  fervorem. 


63  DICTlOiNNÂlRE  O^ASCETISME.  6A 

mieux  que  lui  co  .  b.itlro  les  formes  multiples  du  génie  fanlaslique  qui  mèlail  les  rôve- 
r!es  d'une  imagination  dévergondée  ou'd*une  raison  indocile  au  grand  réveil  intellectuel 
(!e  ces  temps?  Dévoué  à  TEgliseet  &  Tidénl  qu*il  s*en faisait ,  il  sut,  mieux  qu^aucun  autre» 
attaquer  les  désordres  de  ses  membres»  Papes,  évoques  et  princes,  ou  leur  prodiguer  ses 
bienveillants  conseils.  Grâce  à  lui,  Innocent  H  est  reconnu,  et  Eugène  III  exerce  une 
haute  influence;  Tordre  des  Templiers  reçoit  la  sanction  de  Tautorité  pontiflcale.;  grflce  h 
lui,  une  seconde  croisade  est  prêchée  avec  une  force  irrésistible  ,  et  les  hérétiques  sont 
ramenés  au  sein  de  TEglise.  Que  de  choses  accomplies  par  un  seul  homme I  Cependant, 
ce  puissant  représentant  de  Télément  spirituel,  cet  ange  de  paix  entre  les  peuples  et  les 
rois,  De  tarde  pas  è  suivre  son  ami,  Eugène  III  »  dans  la  tombe  (20  août  1153),  et  bientôt 
les  pressantes  demandes  des  nations  obtiennent  sa  canonisation  (1171).  Après  sa  mort. 
Tordre  de  Cîlcaux  garda  le  premier  rang  parmi  les  congrégations  religieuses,  et  s'étendit 
dans  tonte^l'Europe  ;  car  au  pied  de  ses  murailles  solitaires,  les  orages  du  monde  venaient 
expirer;  dans  ses  tranquilles  cellules,  une  foule  de  cœurs  brisés  trouvaient  un  repos 
eonsolateur.  «  Ah  1  qu'il  me  serait  bien  plus  doux,  écrit  un  moine  de  Ctteaux,  de  cultiver 
1^  sagesse  comme  simple  frère  dans  nos  cabanes,  que  d'accompagner  mon  ami  dans  les 
cités  les  plus  magnifiques.  » 

Etienne  de  Thiers ,  fondateur  de  Tordre  de  Grammont  (Grand  Mont),  naquit  en  Auvergne, 
de  parents  qui  l'avaient  demandé  S  Dieu  par  plusieurs  années  de  supplications  (10^6  [11].} 
Aussi,  son  éducation  fut-elle  extrêmement  soignée,  et,  è  l'Âge  de  douze  ans,  il  accompagna 
son  père  en  pèlerinage  au  tombeau  de  saint  Nicolas  de  Bari.  I!  tomba  malade  au  retour, 
et  Tarchevèque  Milon,  son  compatriote ,  l'accueillit  k  Bénévent.  Etienne  reçut  sous  sa 
direction,  une  instruction  solide  et  propre  à  le  faire  entrer  dans  TEglise.  Mais  le  jeune 
homme  s'était  senti  fortement  ému  en  visitant  le  monastère  de  la  Calabre.  A  peine  revenu 
en  France,  il  j  fonda  le  nouvel  ordre  de  Grammont  avec  la  faveur  toute  particulière  do 
Grégoire  Vil  (1073).  «  Fondez,  dit  ce  dernier,  autant  d*élablissements  qu'il  y  a  d*étoiles  au 
ciel,  mais  obtenez  de  saint  Benoit  plus  de  grftces  spirituelles  que  de  bénédictions  tempo- 
relles. »  Afin  de  se  conformer  au  vœu  du  Pontife,  Etienne  posa  d*abord  pour  fondement 
la  règle  des  Bénédictins ,  mais  plus  tard,  lorsque  ses  religieux  vinrent  lui  demandera 
quel  ordre  ils  appartenaient  :  ^  A  TEvangile,  répliqua -t-il,  qui  a  donné  naissance  à  toutes 
les  règles.  Telle  doit  être  votre  réponse.  Pour  moi,  je  i.o  veux  être  appelé  ni  moine,  ni 
chanoine,  ni  ermite  :  ce  sont  des  noms  trop  sacrés,  trop  appropriés  à  la  perfection,  pour 
que  j'ose  les  usurper.  » 

L'austérité  de  sa  vie,  jointe  à  celle  qu'il  exigeait  des  autres ,  lui  gagna  peu  à  peu  des 
confrères,  qu'il  établit  5  Muret.  Elienne  de  Thiers  mourut  en  1124,  leur  laissant  pour 
héritage  la  pauvreté  et  une  confiance  inébranlable  dans  la  bonté  divine.  Les  enfants  se 
montrèrent  fidèles  à  Thumble  esprit  de  leur  père  :  ils  abandonnèrent  la  légitime  possession 
de  Muret  qu'on  leur  disputait,  pour  ne  point  plaider,  et  suivirent  la  voix  du  Ciel  qui  les 
appelait  à  Grammont.  On  attribue  la  première  règle  écrite  pour  Tordre  au  quatrième 
abbé,  Etienne  de  Lisiac,  ouau  septième,  nommé  Gérard  (1188);  elle  recommande  la  plus 
complète  pauvreté.  «  Jamais,  dit  cette  règle,  l'homme  n'est  plus  assuré  de  l'amour  divin 
que  dans  la  pauvreté;  vous  devez  donc  vous  y  conformer  rigoureusement.  Les  malades 
eux-mêmes  ne  pourront  manger  do  la  viande.  L'administration  do  toutes  les  affaires 
temporelles  sera  confiée  à  des  frères  lais.»  Or,  ce  fut  précisément  contre  cet  écucil 
imprévu  que  se  brisa  cet  ordre  si  pacifique  et  si  estimé.  Il  périt  dans  le  cours  du  xii* 
siècle,  par  les  audacieux  empiétements  des  frères  lais  sur  la  direction  spirituelle. 

Le  fondateur  des  Chartreux  fut  le  prêtre  Bruno ,  de  Cologne  (1085^  [12].)  H  avait  dirigé 
l'école  épiscopale  de  Reims,  et  comptait  Urbain  II  parmi  ses  disciples.  La  vie  mondaine 


Grand 


(il)  HUioria  brevUpriùr,  Grandimontetuium,  historia  protixiar  ffrior.  Grand,  et  vita  S.  SUvham,  ord. 
^:and.,  par  Gsehard,  7-  prieur  de  Grammont.  (MàBTtKE  et  Durakd,  CsolUci.  ampiitê.  t.  VI,  p.  413  sq.,  1Î5 
sa.  et  f 050  sq.  ;  Mabillo»,  Ann.  ord.  S.  Bened.,  t.  V,  p.  65.)  Cf.  Hélïot,  Hurter,  t.  IV,  p.  457  sq. 

(lî)  Viedetaint  Bruno  (Bolland.,  Acia  SS.,  mens.  Octobr.,  1. 111,  p.  494,  sq.;  MabillO!!,  Afin.,  t.  V, 
p.  «02  ;  cîusd.  Acta  SS.  ord.  S.  Bened.,  t.  VI,  p.  41 ,  praîf.,  p.  5«,  sa.)  Vo'.r  aussi  la  terrible  légende 
intitulée  :  De  vera  cqntâ  $eeestu$  S.  Brunoif,  in  ercminm.  (Lai>oy,  0pp.  t.  41,  p.  tl,  p.  52 i,  sq.)  Cf.  Hélvot, 
t.  Vif,  llURTER,  t.  IV,  p.  449,  scq. 


€5  DISCOURS  PRELlMlfCAIRE.  eC 

de  rarebev£que  Ifanassès  riodigua  (13).  Ce  prélat  s*é(ail  laissé  aller  jusqu^à  dire  :  «  Cesi 
une  belle  chose  que  l*arcbeTëché  de  Reims,  mais  il  esl  fâcheux  que,  pour  en  toucher  les 
reTenus»  il  faille  chanter  des  messes.  »  Bruno  se  retira  doue,  avec  quelques  amis  qui  par- 
tagèrent ses  idéeSf  dans  le  diocèse  de  Grenoble,  dont  le  chef  raccucillit  avec  joie.  A  quel- 
ques lieues  de  la  rille  se  trouvait  une  effroyable  solitude  nommée  la  Chartreuse  (Car/tutum), 
destinée  k  devenir  le  berceau  d*un  ordre  plus  rigoureux  que  tous  les  autres.  La  règle 
prescrivait  un  silence  perpétuel ,  Tabstinence  de  la  viande,  et  un  cilice  pour  vêtement. 
Hais,  en  même  temps,  Bruno  communiqua  &  ses  frères  son  amour  pour  la  science.  A  côté 
des  pratiques  religieuses  et  des  travaux  manuels,  il  leur  enjoignit  la  transcription  des 
auteurs  anciens  et  des  actes  les  plus  importants,  afin  de  leur  assurer  des  titres  à  la  recon- 
naissance de  la  postérité.  Malgré  la  rigueur  de  ses  observances,  Tordre  se  propagea 
rapidement  et  vit  même  se  former  une  branche  collatérale  pour  les  femmes.  Le  profond 
spiritualisme  qui  distinguait  les  Chartreux  leur  acquit  une  haute  importance  durant  la 
grande  querelle  des  investitures.  Urbain  II  voulut  avoir  auprès  de  lui  l'austère  Bruno  (1090); 
mais  le  saint  était  peu  fait  pour  la  vie  active  des  cours,  moins  encore  pour  Tévêché  de 
Beggio,  qu*on  voulut  enfin  lui  conférer.  11  trouva  une  nouvelle  Chartreuse  k  Torré»  en 
Calabre,  où  il  mourut  en  1101.  L'esprit  du  fondateur,  la  rigueur  primitive  et  le  génie  de 
la  contemplation,  se  conservèrent  plus  intacts  qu'ailleurs  dans  les  monastères  de  son 
ordre  ;  Téclal  même  qui  les  environna  plus  tard,  ne  pat  j  porter  aucune  atteinte*  Le 
prieur,  Guigo,  qui  gouverna  la  première  Chartreuse  (f  1137),  laissa  un  précieux  legs 
ei  une  riche  peinturé  de  la  vie  ascétique  dans  son  écrit  intitulé  :  manuel  des  moines,  c  II 
7  a ,  dit-il  »  quatre  degrés  presque  inséparables  pour  s*élever  vers  le  ciel  :  la  lecture,  la 
méditation,  la  prière  et  la  contemplation.  Cherchez  d*abord  la  lecture,  elle  vous  conduira 
vers  la  méditation  ;  frappez  à  la  porte  de  celle-ci  avec  la  prière,  elle  rouvrira  pour  vous 
laisser  entrer  dans  le  domaine  de  la  pure  contemplation.  La  lecture  porte  les  aliments  à 
la  bouche  ;  la  méditation  les  brise  et  les  miche  ;  la  prière  éveille  le  goût,  mais  la  véri- 
table jouissance  c'est  la  contemplation  :  elle  seule  renouvelle  Têtre,  elle  seule  procura  le 
bonheur.  Dans  certains  plaisirs  sensuels,  Tâme  et  le  corps  semblent  se  confondra; 
j*homme  n'est  plus  que  matière  ;  de  même  aussi,  k  l'autre  extrémité  de  la  ligne  et  dans 
la  plus  haute  contemplation»  tous  les  mouvements,  tous  les  penchants  du  corps  sont 
tellement  absorbés,  neutralisés  par  rime,  que  la  chair  ne  contredit  plus  l'esprit.  L'homme 
devient  complètement  spirituel.  Il  y  en  a  qui  courent  k  Jérusalem  ;  quant  k  vous,  allez 
plus  loin,  poussez  jusqu'k  la  patience  et  k  l'humilité.  Vous  trouverez  la  cité  sainte  id-bas, 
mais  les  deux  autres  sont  au  delk  du  monde.  * 

Eo  11^1,  s'éleva,  pour  la  première  fois,  la  pensée  de  convoquer  k  la  Chartreuse  de 
Grenoble  ane  assemblée  générale,  que  présida  le  chef  de  cette  maison.  Tous  les  prieurs 
des  divers  établissements  y  parurent.  On  s'j  occupa  de  règlements  pour  l'ordre  entier  et 
d*uoe  rigoureuse  surveillance  k  établir  dans  chaque  monastère. 

Herbert  de  Genuep,  fondateur  des  Prémontrés,  naquit  k  Santen,  dans  le  duché  de 
QèTes  (1^).  D'abord ,  chapelain  de  Henri  V,  puis  chanoine  k  Cologne,  il  avait  une 
grande  fortune,  et  sa  position  lui  permettait  d'aspirer  k  tous  les  honneurs  ecclé- 
siastiques. Hais  pendant  qu'il  se  laissait  l>ereer  par  ses  illusions  mondaines  et  ses 
brillantes  espérances,  la  foudre  vint  tomber  un  jour  k  ses  pieds.  Ce  coup  du  ciel 
lui  montra  le  néant  des  choses  humaines.  N'ayant  pu  faire  partager  ses  idées  de  ré- 
forme aux  chanoines  de  quelques  cathédrales,  il  distribua  ses  biens  aux  pauvnrs ,  et 
se  mit  k  prêcher  la  pénitence  en  France  et  en  Allemagne.  Les  clochettes  des  bergers 
servaient  k  rassembler  les  auditeurs  autour  de  lui.  Son  éloquence  grave  et  mkle  pro- 
duisait une  profonde  impression  ;k  sa  voix,  on  vit  quelquefois  des  chevaliers  armés  sus* 


(13)  L*idée  mère  de  rafireuse  légende  xilée  dans  les  sources,  se  lie  évidemment  k  rhistoire  des  désonires 
wpiuiliéi  à  iiaiuiSBès. 

(14)  Norbeni  Vita  pr  le  Jésuite  PAPctaocH.  (BoiXABn».,  Àcla  SS.^  mens,  laa.,  t.  1,  p.  S04.)  flESSAim 
BOBsehi,  De  tmrmeulU  S.  Mariœ  lamdêê^  ill,  2  sq.  (Gcuesti  0pp.,  éd.  d*Acfcéry,  p.  5ii  ;  Hcco,  vf>  de 
tmmi  Norbert;  Lniemb.,  170i,  iii-4*;  Bibliol.  ord.  Prem.  aat.  i.  Le  Paige  :  Paris  i6^.)  Cf.  Héltot. 
L  11,  p.  206,  sq  ;  Hcetch,  t.  iV,  p.  200. 


G7  DlGTlONNÀlUE  DÂSCETISUE.  68 

penJio  leurs  hostilités  et  s'embrasser.  Tous  se  disputaient  l'honneur  de  recevoir  chez 
eux  l'homme  de  paix.  En  1119»  au  concile  de  Reims,  Calixle  II  lui  donna  rautorisalion 
de  fonder  un  ordre,  et  l'année  suivante  Norbert  réalisa  ses  projets  dans  une  vallée  fort 
insalubre,  au  fond  de  la  forêt  de  Coucy,  près  de  Reims,  nommée  Préraonlré.  Les 
conslitulions  des  Augustins  servirent  de  base  à  la  règle  des  chanoines  réformés,  qui 
furent  soumis  aux  rigoureux  devoirs  des  moines  (15). 

Honorius  II  conflrma  cette  organisation.  Quoique  Norbert  recherchât  avec  le  plus 
grand  zèle  la  prospérité  de  son  ordre,  il  était  si  loin  de  le  préférer  à  aucun  autre  genre 
de  vie,  qu'il  repoussa  les  avances  du  vieux  Théobald,  comte  de  Champagne,  qui 
Toulait  s'attacher  à  lui  avec  toutes  ses  richesses.  «  Loin  de  moi,  s*écria-t-il  à  celte  occa- 
sion, de  vouloir  détruire  l'œuvre  de  Dieu.  Songez  donc  que  votre  démarche  anéantirait 
le  bien  que  vous  faites  comme  prince.  »  Lorsque  le  saint  chanoine  vint  prêcher  à  la  diète 
de  Spire,  en  1126,  on  le  choisit  pour  archevêque  de  Magdebourg;  sa  résistance  fut  opi- 
ni&tre,  et  quand  il  entra  dans  sa  ville  épiscopale,  la  pauvreté  de  ses  vêtements  contrastait 
singulièrement  avec  la  pompe  du  cortège.  Cependant  sa  rigueur  devint  non  moins  odieuse 
au  clergé  qu'au  peuple;  Norbert  dut  fuir.  Il  avait  fait  un  voyage  en  Italie,  quand  il  mou- 
rut en  1134.  Sa  mort  éveilla  les  plus  vifs  regrets,  en  lui  conciliant  tous  les  cœurs.  Per- 
sonne n'osa  disputer  à  Prémontré  les  saintes  reliques  de  son  corps. 

L'ordre  des  Carmes  dut  son  origine  au  croisé  Berthold  de  Calabre,  qui,  en  1156, 
bfltit  pour  lui  et  ses  (compagnons,  sur  les  hauteurs  du  Carmelynon  loin  de  la  caverne 
où  s'était  retiré  le  prophète  Elie,  quelques  cabanes,  qui  devinrent  bientôt  un  mo- 
nastère (16).  Comme  depuis  bien  des  siècles ,  des  solitaires  avaient  habité  cette 
montagne,  pour  y  perpétuer  le  souvenir  d'Elie  et  d'Elisée  (17),  ces  Carmes  se  crurent  auto- 
risés à  reconnaître  pour  leur  fondateur  le  prophète  lui-même  (18).  A  la  prière  de  leur 
second  abbé,  le  patriarche  de  Jérusalem,  Albert,  leur  imposa  une  règle  sévère  (1209).  La 
pauvreté  absolue,  la  réclusion  dans  les  cellules  isolées^  l'abstinence  de  toute  viande,  etc. 
Honorius  III  la  confirma  en  1321^.  Les  conquêtes  des  Sarrasins  Grent  perdre  aux  Carmes 
et  leur  monastère  et  leur  vie  d'anachorète.  Innocent  IV  leur  donna,  dès  lors,  avec  de  nou- 
veaux domaines  en  Occident,  le  titre  de  Frèrei  de  Notre-Dame  du  Mànt-Carmel.  Selon  une 
pieuse  légende,  le  sixième  général  de  l'ordre,  Simon  Stock,  reçut  de  la  sainte  Viei^o 
elle-même  le  vêtement  ou  le  scapulaire  (icapulare)  (19).  Bientôt  après,  les  Carmes 
furent  compris  dans  les  ordres  mendiants  (12Ui),  et  lorsque  Eugène  IV  adou- 
cit et  développa  leur  règle,  ils  furent  divisés  en  Convenlaelt  ou  Chaussée^  Observants  ou 
Déchaussés.  Dans  la  suite,  il  se  réunit  à  leur  ordre  une  foule  de  confréniies  du  scapulaire, 
dont  l'objet  immédiat  était  d'honorer  la  sainte  Vierge  d'une  manière  toute  particulière  et 
de  se  livrer  à  des  œuvres  pies. 

On  peut  rapprocher  des  Carmes  l'ordre  de  Fontevrault,  qui  se  voua  aussi  spécialement  au 
culte  de  la  Reine  du  ciel  (20).  Robert  d' A rbrissel  en  fut  le  fondateur  en  1094.  Il  avait  professé 
la  théologie  à  Paris,  et  avait  été  coadjuteur  de  Tévêque  de  Rennes  (1085),  fonctions  dans 
lesquelles  il  avait  déployé  la  plus  grande  énergie  pour  la  réforme  ecclésiastiaue.  Après 

(15)  U  s*éleYa  une  discussion  entre  les  moines  et  les  chanoines,  pour  savoir  lesauels  étaient  supérieurs 
airx  autres.  Voyez  pour  les  derniers,  Lamb.,  abb.  saneti  Rufi,  Ep,  ad  Ogerium  (Martène,  Thesaur.,  t.  I, 
p.  329  sq.)  ;  pour  les  premiers,  ABiCLARu  ep.  111,  Ruperti  Tuit.  $up.  quœd,  capitula  reg.  Ben.  (0pp.,  L  U, 
p.  965. 

(16)  JoAN  Phocas  (1185),  Compendiaria  descriptio  easiror.  et  urbium  ab  urbe  Antiochia  usque  ad  Hiero- 
solym.  (Léon.  Allàtu  Symmicta  ;  Venet.,  1733,  in-fol  ;  Jacob  de  Vitriaco,  HisL  Hierosolym.,  c.  !)2; 
BoNGÀRS,  p.  1,  p.  1075  ;  Alberti  Begula  dans  Holstenivs,  t.  III,  p.  18  sq.)  Cf.  Dan,  a  Virg.  Maria,  spé- 
culum carmelitar.  Antv.  1680,  4  vol.  in-fol.  Hélyot,  u  1,  Hurter,  t.  IV,  p.  211. 

(17)  ///  Reg.  xvui,  19  sq.;  IV  Reg.  ii,  25  ;  iv,  25. 
îbfoch  a  ramené  les  choses  à  la  vérité  dans  qaelques-uns  de  ses  traités  (BoLLAi<n>.,  mens.  Apr., 


(17)  ///  Reg.  : 

(18)  Papebfocl 
1. 1,  p.  774  sq.). 


(19)  Ladnot,  Di$s.  V  de  Simon  Stockti  riso,  de  sabbathinœ  bultœ  prtvf'/.,  et  scapularis  Carmelitar.  soda- 
tidate,  (Opp^^  t.  U,  p.  n). 

(20)  Mabillon,  A«n.  t.  Y,  o.  511  sq.  •  Bolland.,  Acta  SS.  mens.  Fobr.,  i.  UI,  p.  593  sa.  Cf.  IUliot, 


C9  DISCOURS  PRELiaiINAIRE  70 

la  mort  de  Févéque»  Robcrl,  désespérant  d^amender  les  chanoines»  reprit  momenlaoé- 
luent  l'enseignement  dans  la  TÎlle  d*Angers;  mais  il  Tabandoona  bientôt  pour  se  consa- 
crer à  une  Tie  de  pénitence  et  d'abnégation  dans  la  sauvage  forêt  de  Craon.  Des  racines  et 
des  herbes  lui  servirent  d'aliments,  et  il  n*eut  d'autre  couche  que  la  terre.  On  accourut  vers 
Termite  pour  partager  son  genre  de  vie.  Il  se  vit  obligé  de  former  trois  divisions  de 
Frères  qu'il  distribua  dans  les  forêts  voisines.  Lui-même  bâtit  un  monastère  à  Crâbn,  dans 
la  Drofondeur  de  la  solitude  (iOM),  et  lui  donna  la  règle  de  Saint-Augustin.  Le  Pape 
Urbain  U  envoya  à  Robert  Tordre  de  prêcher  la  croisade,  et  sa  parole  ardente  ébranla  toutes 
les  Ames.  A  sa  voix  on  abandonnait  le  vice  pour  commencer  une  nouvelle  vie  (21). 
Dans  la  dernière  année  du  siècle,  il  éleva  deux  nouvelles  maisons  à  Fonlevrault  {Fon$ 
Ebraldi)^  lieu  couvert  d'épines  et  de  ronces.  De  ces  deux  établissements,  l'un  fut  destiné 
aux  hommes,  l'autre  aux  femmes.  Ils  devinrent  bientôt  trop  petits  pour  la  foule  qui  y  ac- 
courait; il  fallut  en  fonder  de  nouveaux  (1100).  Pascal  II  confirma  l'ordre  en  1106  et  1118. 
A  l'exemple  du  Sauveur  mourant,  qui  recommanda  le  disciple  bien-aimé  à  sa  mère, 
Robert  confia  ses  monastères  d'hommes  et  de  femmes  à  la  sainte  Vierge,  en  les  sou- 
mettant à  Tabbesse  de  Notre-Dame  de  Fontevrauit.  Enfin,  il  leur  assigna  la  difficile 
et  délicate  mission  de  ramener  au  bien  les  femmes  livrées  au  désordre,  œuvre  pénible,  à 
laquelle  il  avait  dévoué  toutes  les  forces  de  sa  vie,  oubliant  trop  souvent  peut-être  et 

les  convenances  de  sa  position  et  le  soin  de  sa  propre  réputation.  Robert  mourut 
en  1117. 

» 

■  Ohl  que  tu  es  heureuse!  »  s'écriait,  à  la  vue  d'une  fille  entrant  au  cloître,  un  fidèle 
interprète  des  sentiments  de  son  siècle  1  «  Que  tu  es  heureuse  d'avoir  repoussé  les  fils  des 
hommes,  et  d'avoir  choisi  le  Fils  do  Très-Haut  pour  ton  époux.  Tu  lui  seras  d'autant  plus 
cnère  que  ton  vêtement  sera  plus  pauvre,  l'éclat  de  ta  virginité  plus  pur.  Tu  as  bien  fait 
de  fouler  aux  pieds  des  richesses  périssables  et  des  trésors  perfides  ;  mais  que  désormais 
rien  de  mondain  n'entre  en  ton  âme;  offre  toi  tout  entière  en  sacrifice  à  ton  céleste  fian- 
cé. »  (Peti.  Rlbs.,  ep.  55.) 

U  n*7  a  pas  une  répugnance  de  la  nature,  pas  un  sentiment  de  dégoût  que  la  charité 
chrétienne  ne  sache  vaincre.  Aussi,  dans  les  temps  malheureux  où  d'épouvantables  épi- 
démies ravageaient  des  régions  entières,  cette  charité  enfanta  des  associations  religieu- 
ses deslinéès  à  porter  des  secours  spirituels  et  corporels  aux  malades,  aux  pestiférés. 
A  côté  de  la  lèpre,  qui  s'était  glissée  de  TOrient  en  Eurof^e,  on  vit  s'avancer  une  aflTreuse 
eontiigion,  appelée  le  feu  sacré  ou  fou  saint  Antoine,  qui  emportait  le  patient  après  d'a- 
troces douleurs,  on  le  laissait  mutilé  pour  la  vie. 

Le  fils  d'un  gentilhomme  dauphinois,  nommé  Gaston,  fut  atteint  de  cette  maladie.  Le 
père  eut  recours  à  l'intercession  de  saint  Antoine  et  conserva  son  enfant.  Tous  les  deux , 
pleins  d'une  profonde  gratitude,  se  rendirent  en  pèlerinage  k  Didier-la-Motbe,  où  le  saint 
était  (larticulièrement  vénéré,  et  cocsaerèrent  leur  fortune  à  la  fondation  d'un  nouvel 
ordre,  destiné  k  soigner  les  maladies  du  même  genre.  Ces  religieux  prirent  le  nom  d'iiii- 
Umi$U$  on  d* Hospitalière^  après  avoir  été  confirmés  par  Urbain  II ,  en  1096.  Leur-  habit 
était  noir  avec  la  moitié  d'une  croix  bleue  sur  la  poitrine  ;  Tordre  fut  composé  d'abord 
de  laïques,  et  dans  la  suite  de  chanoines  soumis  k  la  règle  de  Saint-Augustin  (2â). 

11  se  forma  également  une  association  de  laïques  et  d*ecclésiasliques  pour  se  vouer  k  la 
louable  et  pénible  tâche  de  soigner  les  lépreux.  <  Ces  Frères,  dit  le  contemporain  Jacques 


(21)  Balderic  s'exprime  ainsi  dans  sa  Biographie  (Bollând.,  Àeta  SS,  d.  25  mens.  Fébr.),  c.  4,  n*  93  : 
TtmUm  prmtUctûmU  gratiam  Dominm$  domaverat ,  ut  qunm  commmnem  terwMcimUiamem  populo  facereî , 
MUfvts^M  gaod  êihi  eonveniebat^  acciperet.  Ibid  :  Ego  audenter  dico  ;  Robertmm  ta  mirMcufu  i^piosum , 
nper  dœmotie$  imperiotum^  $mper  principes  gUmosum.  Quis  emm  nosiri  temporis  toi  iangmidoê  eurovit^  toi 
leprosoê  flMUMtani,  loi  morimot  nueitaoit?  Qui  de  terra  est  de  terra  loguitur  et  mracula  in  eorporihu$  ûdmà' 
ralmr.  Qui  auum  spiritualiê  est,  languidot  et  leprosot^  mortuoi  quoque  convaluisu  lestaturj  quando  quilibet 
amuMbus  languidis  et  Uprotiê  iuscitandiê  consulit  et  medetur, 

(12)  BoLLAMD.  ActaSS.^  mens,  ian.,  t.  Il,  p.  160;  Kapp.,  De  Fratribns  sancii  Àntonii  ;  Lypsiac,  1757, 


Il  DICTIONNAIRE  D*ASCETISIIE.  7t 

de  Vilry  {vers  1240),  se  font  une  violence  incroyable  au  milieu  d'une  dégoûtante  corrup- 
tion et  des  plus  nauséabondes  odeurs;  ils  souffrent  pour  l'amour  de  Jésus-Christ  une  pé- 
nitence è  nulle  autre  pareille.  On  pourrait  la  comparer  aux|tourments  des  saints  martyrs.  » 

Quant  aux  Trinitaires  (23),  on  peut  considérer  comme  leur  fondateur  le  Pontife  Inno- 
cent III,  qui,  après  avoir  interprété  un  songe  qu'avaient  eu  en  même  temps  Jean  de 
Hatha,  théologien  de  Paris,  et  Félix  de  Valois,  dirigea  leurs  pensées  vers  la  rédemption 
des  Chrétiens  pris  par  les  Sarrasins,  traça  les  règles  de  Tordre  {ordo  de Redempiione  captù 
vorum)^  et  lui  donna  la  dénomination  d*ordre  des  Trinilaires.  Leur  vêtement  était  blanc 
avec  une  croix  rouge  et  bleue.  La  France  les  accueillit  avec  faveur ,  leur  fournit  de  fortes 
sommes  d*argent  et  un  grand  nombre  de  membres  dont  plusieurs  fort  savants.  En  1200,  on 
vit  arriver  du  Maroc  une  première  troupe  de  200  Chrétiens  rachetés^  qui  regagnèrent  leurs 
foyers  depuis  si  longtemps  désirés.  Les  membres  de  l'ordre,  appelés  aussi  Mothurins,  du 
nom  de  leur  première  église  à  Paris,  s'étendirent  avec  rapidité^  dans  la  France  méridio- 
nale, et  y  fondèrent  des  établissements  pour  les  femmes.  Ce/froy  devint  la  résidence  du 
général  [mini$ier  generalii).  L'ordre  pénétra  en  Espagne,  (À  les  guerres  continuelles  avec 
les  Maures  lui  offrirent  l'occasion  de  rendre  des  service^  éminenls.  Grflce  è  un  Français 
dedistincliou,  Pierre  deNolasque,  et  &  Raymond  de  Fennafort,  les  Trinitaires  obtinrent 
en  1218,  une  constitution  particulière  et  furent  pltriés  sous  la  protection  spéciale  de  la 
sainte  Vierge  (ordo  B.  Mariœ  de  Mercede).  Les  Pères  de  la  Merci  devaient  vouer  non-seu- 
lement leur  fortune,  mais  aussi  leur  vie  au  rachat  des  esclaves.  Grégoire  IX  confirma  un 
ordre  qu'animait  d'une  façon  si  admirable  l'esprit  de  dévouement. 

Les  Humiliés  (2&-)  formèrent  comme  un  degré  intermédiaire  entre  le  monde  et  le  cl 
tre.  Ce  furent  d'abord  quelques  pieuses  personnes  qui  se  réunirent  pour  prier  en  commun» 
telles  par  exemple  qu'un  petit  nombre  de  familles  chassées  de  Milan  au  xi*  siècle  par 
Henri  II.  Les  Humiliés  se  composaient  généralement  d'ouvriers;  car  ils  avaient  pour  prin- 
cipe de  vivre  du  travail  de  leurs  mains,  ils  s'occupaient  surtout  de  préparer  les  laines  et 
de  fabriquer  du  drap.  Chaque  membre  travaillait,  non  pour  lui-même»  mais  pour  la  com- 
munauté, qui  pourvoyait  à  tous  ses  besoins.  On  compensait  ainsi  lu  travail  plus  faible  des 
valétudinaires  et  des  vieillards  par  celui  de  la  jeunesse  et  de  l'flge  mûr,  et  l'on  évitait  le 
mécontentement  et  les  soucis.  Plus  tard,  des  moines  et  des  prêtres  se  joignirent  à  cette  as- 
sociation. Innocent  III  modifia  pour  elle  la  règle  de  Saint-Benott.  Grégoire  IX  adoucit  la 
rudesse  des  travaux  &  cause  des  jeûnes  rigoureux  observés  par  les  Humiliés ,  qui  obtin* 
rent  un  grand  matlre  en  12U.  L'activité  et  la  pureté  de  mœurt  qui  les  distinguaient  Jeur 
attirèrent  le  respect  généiiil ,  et  quelquefois  la  voix  publique  les  portai  des  fonctions 
éminuntes.  Néanmoins,  dans  la  suite,  l'ordre  s'étant  laissé  envahir  par  des  préoccupatbns 
mondaines,  Pie  Y  le  supprima  en  1571. 

Vers  ce  même  temps  apparaissent  les  ordres  militaires. 

Au  rapport  de  Tacite,  la  cavalerie  formait  déjà  chez  les  Germains  le  principal  corps 
d*armée.  Sous  le  régime  féodal,  et  surtout  sous  les  Carlovingiens,  les  grands  propriétaires 
qui  servaient  à  cheval,  formèrent  une  classe  à  part  et  distincte  des  bourgeois,  L'Eglise  eut 
besoin  de  toutes  ses  forces  pour  mettre  des  bornes  aux  duels  des  chevaliers  et  à  la  barba- 
rie  de  leurs  tournois;  elle  parvint  par  les  croisades  è  donner  à  la  chevalerie  une  direction 
plus  noble  et  plus  bienfaisante.  Désormais,  pour  être  admis  dans  ses  rangs,  il  fallut 
faire  preuve  d'une  parfaite  connaissance  de  l'usage  des  armes  et  d'une  conduite  chré- 
tienne. En  effet,  à  partir  de  la  première  croisade,  ceux  qui  s'étaient  acquis  une  incon- 
testable réputation  de  valeur ,  et  ne  s'étaient  rendus  coupables  d'aucun  acte  déshonorant 
jusqu'à  l'âge  viril,  prirent  un  rang  supérieur  dans  leur  propre  classe  (militeê  equiiei)^  et 
subirent  une  sorte  d'initiation  précédée  d*un  serment  public  et  solennel.  Dès  lors  les  che- 
vaners  furent  entourés  d'une  considération  d'autant  plus  grande  qu'on,  attribua  à  leur 

(tt)  BoRAVENTCRA  Baro,  A$in.  ordîfi.  s,  Trtfi.  ;  Rom.  iG8i  ;  Régula^  dans  Holstktc.,  t.  lU,  p.  5  sq.  Tf. 

IlÉLIOT,  t.  Il  ;  Ht'RTER,  t.  IV,  p.  %13. 

(24)  TiRABOSCHi,  Vêlera  Humilialor.  moHumenta  ;  Hcdiol.,  17CC  sq.,  5  vol.  in'4*  ;  IIurter,  t.  IV,  p.  2«fô. 


n  MSCOCRS  PRELHilNàlRE.  74 

prodeoGe^  non  moins  qu*à  leur  aadace,  Fbeureax  succès  do  la  croisa  Je.  Ce  noble  exem- 
ple éveilla ,  dans  ceux  qui  n'avaient  point  pris  part  à  l'entreprise»  un  héroïque  désir  dn 
se  signaler  par  des  prouesses  analogues  9  et  créa  ces  brillantes  assemblées  de  la  chevale- 
rie qui  fournirent  un  si  raste  champ  k  Timagination  et  à  la  poésie.  L'Occident  s*élanç«i 
dans  une  carrière  nouvelle,  comme  autrefois  la  Grèce  aux  jeux  de  Némée  et  de  Corir.- 
the.  Puis  y  quand  fenthousiasme  religieux,  nourri  par  les  Croisades,  fut  éteint,  et  que  les 
femmes  et  les  jeunes  Biles  prirent  la  place  dans  les 'tournois,  un  élan  nouveau,  mais  fac- 
tice, poussa  le  chevalier  à  veiller  sur  les  grandes  routes  et  à  protéger  le  laboureur  pour 
plaire  à  sa  dame,  mais  priva  Tinstitution  elle-même  de  sa  véritable  dignité.  Ainsi  tomba 
peu  k  peu  la  chevalerie,  el  Ton  vit  reparaître  les  farouches  combats  des  temps  primitifs* 
Les  ordres  militaires  combinent,  darts  leur  organisation,  Texistence  du  religieux  et 
celle  du  guerrier.  La  pensée  mère  du  premier  est  de  renoncer  à  sa  propre  volonté,  soie 
en  s*élevant  par  la  contemplation  jusqu'aux  choses  éternelles,  soit  en  se  modelant  sur 
Tamour  divin  par  la  consécration  de  sa  vie  au  service  du  prochain.  Les  ordres  militaires 
naquirent  de  celte  dernière  idée,  et  ajoutèrent  aux  trois  yœux  monastiques  celui  de 
combattre  les  infidèles.  Le  régime  féodal  étant  fondé  sur  la  possession  du  fief  par  le  fils 
atné,  les  cadets  purent  trouver  dans  le  nouvel  ordre  une  position  convenable,  assortie  k 
leur  rang  et  sanctifiée  par  la  religion. 

Au  temps  où  florissail  le  califat  du  Caire,  plusieurs  marchands  d'Amalfi  bAlirent  une 
église  k  Jérusalem  et  la  placèrent  sous  l'invocation  de  la  sainte  Vierge  (1048).  Peu  k  peu 
ils  j  joignirent  un  premier  hApital,  puis  un  second  pour  les  pèlerins.  Ceux  qui  y  faisaient 
le  service  sous  Gérard  prirent  le  nom  de  Frire$  ho$piUdier$  de  Saim^ean-Baptisie  (1099). 
Son  successeur,  Raimond  du  Puj,  ajouta  aux  premiers  devoirs  d'offrir  Thospitalilé  et  de 
soigner  les  malades,  celui  de  combattre  les  infidèles  (1118).  Plus  tard  on  établit  de  nou- 
Tolles  divisions  :  il  y  eut  des  prêtres,  des  chevaliers  el  des  frères  servants,  gouvernés  par 
on  grand  maJlre,  des  commandeurs  et  des  chapitres  de  chevaliers.  Innocent  11  sanctionna 
celle  organisation  et  permit  aux  Hospitaliers  de  porter  une  croix  blanche  sur  la  poitrine 
âTec  une  croix  rouge  sur  leur  étendard  (25).  Les  chevaliers  de  Saint-Jean  conservèrent 
toujours  une  réputation  digne  de  leur  vocation  :  accablés  par  les  Sarrasins,  ils  se  retirè- 
rent à  Rhodes  en  1310,  et  enfin  k  Malte  en  1530. 

An  moment  où  le^  Hospitaliers  se  chargeaient  ainsi  de  comba!tre  les  mécréants,  neuf 
rbeTaliers,  sous  la  conduite  de  Hugues  des  Pajens  {magititr  miliiiœ)  ajoutaient  k  leur 
^œa  ordinaire  ceux  de  religion,  et  le  roi  Baudouin  II  leur  donna  son  palais  pour  habitation. 
Il  était  sitaé  sur  remplacement  de  Pancien  temple  de  Salomon,  qui  donna  k  la  nouvelle 
milice  sacrée  le  nom  de  Templiers,  pouperes  commUiiones  ChrUti  tempKque  Salomoniê. 
Cependant  le  nouvel  ordre  allait  mourir  en  naissant,  quand  quelques-uns  de  ses  membres 
se  rendirent  en  France  pour  s'y  présenter  au  concile  de  Troyes  (1127)  et  lui  demander 
une  règle.  GrAce  k  Tintervention  de  saint  Bernard,  H(Miorius  II  leur  assigna  pour  fonc- 
tion de  défendre  les  pèlerins  centre  les  brigands  qui  infestaient  les  routes.  Leur. vêtement 
fut  d*une  grande  simplicité  :  un  manteau  blanc  avec  une  croix  rouge  (26).  Les  Templiers^ 
puissamment  soutenus  par  TOccident,  rendirent  les  plus  grands  services  k  la  chrétienté 
contre  les  Turcs  et  les  Sarrasins.  Lorsque  Ptolémaïs  fut  arrachée  aux  Chrétiens,  ils  s'éta- 
bliront dans  l'Ile  de  Chypre,  et,  peu  de  temps  après,  ils  revinrent  en  Europe,  où  ils  se 
fixèrent  dans  les  immenses  domaines  qu'ils  avaient  acquis  comme  association  générale 
de  la  noblesse.  Paris  devint  le  centre  de  Tordre. 

(iSj  Wnxcuics  Tift.,  Itb.  i,  10  ;  xvm,  i  sq.;  Jacob,  db  YrraiACO,  Biêi.  BUtûêolp».^  c  64  ;  Siatuta  ord, 
BoUUm.^  t.  II,  p.  m  aq.;  PrUfUepa  ,  Masis  ,  t.  XXI,  p.  780  sq.';  Vertot,  BUt,  àe%  chevaliert  kospitaGen 
dé  Sl-J^4ui; Paris,  1726,  4  vol.  in-4%  4761  ;  7  vol.;  Himin,  t.  IV,  p.  515;  Gamgek,  La  ordfe$  de  dtevaUrie 
de  Méru$eiem  au  Uê  Haitait ,  é^aprè$  des  doeumenu  iaédiu  et  amihemthiques  ;  Carlsnilie,  1844. 

(26)  WuxEL.  Tte.,  xu,  7;  Jac.  dc  Vitruco,  c.  65;  Bcaiiâmai,  Trmei.  de  no9.  mi/liiii,  nvehortatione  ad 
miUL  Templi  ;  Befula  dans  Holstui.,  U  II,  429,  sq.;  M  ami,  t.  XXI,  p.  565  fiq.;  Mchtcr,  Statutê  de  tordre 
des  Tempiien :  Balm  ^  1794;  Dorav,  ITttf.  de$  Templien;  Paria,  1650;  Unix.  4754,  în^*;  v^Estivat, 
ITtsf.  cnt.  et  apolog.  des  eheveliers  du  TempU;  Paris,- 1789,  2  vol.  iii-4*;  HttvoT,  t.  Vi  ;  Wilcxc,  Bitt.  d^ 
Temptiers,  Leipzig ,  1896-35;  Addiso!i,  Bistory  of  Ihe  kneight  TempUrs;  Lood.,  18il. 

I>i€Tio^5.  d'Ascétisuk.  I  3 


75  DICTIONNAIRE  D^ASCETISME.  7(1 

Les  frères  Hospitaliers  offraient  leurs  soins  aux  pèlerins  de  toutes  les  nations,  mais  il 
leur  était  souvent  impossible  de  se  faire  comprendre  par  les  Allemands.  Cette  circoos- 
lance  donna  Tidée  d*un  hospice  germanique  (11%),  qui  fut  soumis  à  Tinspeclion  du 
grand  maître  de  Saint-Jean  de  Jérusalem.  Hais  comme,  malgré  cette  amélioration,  les 
pèlerins  allemands  furent  négligés  pendant  le  siège  d*Accon,  les  bourgeois  de  Bi-ème  et 
de  Lubeck  formèrent,  dans  la  ville  sainte,  un  nouvel  établissement  national  auquel  se 
joignit  bientôt  le  premier.  Telle  fut  Torigine  de  Tordre  Teutoniqmj  placé  également  sous 
l'invocation  delà  sainte  Vierge, dont  Walpot  de  Bassen  fut  Je-premier  chef  (1190},  et  doat 
le  vêtement  consistait  en  un  manteau  blanc  orné  d*mie  croix  rouge  (37).  Ou  ne  tarda  pas 
%  obtenir  la  double  confirmation  de  Clément  III  et  de  Henri  VI.  L*ordre  compta  bientôt 
deux  mille  membres,  et,  lorsqu^avec  leur  concourt  Damiette  fut  prise  en  1219,  on  leur 
assigna  des  terres  en  Prusse  (1226),  avec  fa  mission  de  protéger  les  chrétiens  de  ces  con- 
trées contre  les  incursions  de  leurs  voisins  idolâtres.  Différentes  cités  durent  leur  exis- 
tence à  ces  cheraliers;  de  ce  nombre  sont  Marienwerder,  Torn,  Culm,  Rheden,  Elbing 
et  Kœnisberg  (1232-55).  Après  la  perte  d'Accon,  le  grand  mettre  résida  quelque  temps  à 
Venise,  d*où  il  transporta  son  siège  k  Marienbourg  en  1309.  L*ordre  des  Porte$-glaive$ 
qui  s'était  élevé  en  1202,  en  Lithuanie,  se  réunit  trente«cinq  ans  après  à  Tordre  Teuto« 
nique  (28). 

Cette  époque,  si  féconde  en  institutions  de  tout  genre»  produisit  aussi  dans  ces  ordres 
mendiants  une  sorte  de  chevalerie  purement  spirituelle,  plus  héroïque  encore  que  la 
première,  et  qui,  unique  dans  Thistoire,  accomplit  de  la  manière  la  plus  admirable  la 
plus  difficile  des  missions  (29).  Une  foule  de  causes  contribuèrent  à  leur  établissement  : 
les  dangers  de  la  religion  menacée  au  milieu  de  son  triomphe,  les  besoins  du  peuple 
désirant  avec  ardeur  des  guides  animés  d*un  esprit  apostolique  qu'il  ne  trouvait  point 
dans  le  clergé  séculier,  Taudace  des  Cathares  et  des  Vaudois  répandant  partout  leurs  rê- 
veries mystiques,  et  enfln,  l'intervention  générale  des  moines  dans  l'éducation  du  peuple 
et  la  direction  des  &mes.  Tout  se  réunissait  donc  pour  amener  la  formation  d'un  nouvel 
ordre  qui,  supérieur  aux  sectes,  en  austérité,  en  esprit  de  renoncement  et  de  pénitence, 
devait  par  le  fait  détruire  les  objections  des  hérétiques  et  élever  en  face  d'eux  une  vraie 
chevalerie  spirituelle.  Cette  pensée  une  fois  écloie  fit  nattre  celle  d'étendre  la  sphère  de 
l'activité  monastique,  et  de  combiner  les  devoirs  du  moine  et  du  prêtre,  à  l'exemple  de 
ce  qui  venait  de  se  passer  pour  les  ordres  militaires.  Au  commencement  du  xiii'  siècle» 
deux  esprits  également  éminents  s'occupèrent  de  ce  problème.  Tous  deux  eurent,  dans  la 
suite,  des  rapports  d^amitié,  quoique  chacun  d'eux  résolût  la  question  d'une  manière 
différente  (30). 

François  d'Assise  naquit  en  1182,  au  royaume  de  Naples,  d'un  riche  négociant.  Au  mi- 
lieu des  plaisirs  et  des  caprices  de  la  jeunesse»  François  conserva  la  véritable  noblesse  de 
l'âme;  il  se  montrait  compatissant  et  généreux  jusqu'à  la  prodigalité.  Une  longue  ma- 
ladie, jointe  à  de  terribles  angoisses  spirituelles,  l'arracha  à  sa  vie  futile  et  légère  :  une 
caverne  solitaire  devint  son  lieu  de  retraite  et  de  prière.  Un  jour  (1208)  il  entendit  lire 


(27)  Jac  de  Vitriaco,  t066;  HBimiNG,  Statutt  âei  orare$  ailemands  ;  Kœnisberff,  iS06;  Pétri  de  Dois- 
Bimc  (vers  1236),  Chron.  Pruu,^  siveJiist.  TeuL  ord.;  éd.  HarCknoch. ,  len»,  1679,  in-4«;  Duelli,  UUi. 
ord,  etfuit.  TeuL;  Viennae,  1727,  in-foL;  Voigt,  Histoire  de  Prusse  jusqu'à  la  chute  des  ordres  ailemaudi; 
Kœnigsb.,  1827,  9  vol. 

(28)  PoLL.  De  Gladiferis,  sive  fratribus  milit.  Chnsti;  Erlang,  1806. 

(29)  Vita  S,  Francisci ,  par  Thom.  de  Celano  ,  en  1229 ,  puis  complétée ,  en  1246 ,  par  Léo  Arcelub  et 
RcFFiMiTa,  surtout  fioNAVEfiTuiu  (BoLLAND.,  Acia  SS.,  mens.  Oct.,  t.  Il ,  p.  653  seq.)  ;  Régula  dans  Holst^r, 
Bbom  .  t.  m  ;  Cf.  Luc  Wadding  ,  Ann.  Minor.,  1S40,  Lugd.,  1625,  sq.,  8  vol.  in-fol.,  1564;  Rom»,  1731» 
19  vol.  in-fol.,  éd.  Voigt;  St  François  d* Assise,  Essai  historique;  Tubingue,  1840;  E.  Chavin  de  Malan , 
Hist.  de  saint  François  d'Assise  (  1182-1226) ,  Paris ,  1841.  Cf.  Hdrter  ,  t.  IV,  p.  249-82.  —  Yita  5.  Do- 
minici  par  ses  successeurs  Jordanus  et  Huhbertus,  5*  général  (Bolland.,  Aeta  SS.,  mens.  Aug.,  t.  1,  p. 
358  sq.)  ;  Constitut.  Frat.  ard.  Prwd.^  dans  Holsten.,  t.  IV,  p.  10  sq.;  RnK>Li  et  Bremond.,  Bullar.  ord. 
Praà.^  1757,  sq.,  6  vol.  in-fol.;  Monachii  aliorumque  Ann.  ord.  Prœd.^  Rom»,  1746;  LACORDAmE,  Les 
Ordres  relimeux  et  notre  temps;  Paris,  1839;  Joah,  Vie  de  saint  ihminique;  Hdrter  ,  t.  IV,  p.  282-312. 

(30)  f  L  un  était  environné  de  tout  Téclat  d*un  séraphin  (François)  ;  Tautre  marchait  dans  la  sagesse  et 
la  sainteté,  entouré  de  la  splondeur  d'un  chérubin  (I>ominique).  i  Daute,  Paradis^  chant  si,  v.  38-40. 


7T  USCODRS  PRELDONAIRE.  n 

le  passage  de  l*Efangile  où  Nolre-Stigneor  envoie  ses  disciples  an  milieu  des  honmies, 
sans  or  ni  argent»  sans  bâton  ni  aliments  pour  le  voyage  (Maiik.  x,  8, 10.  ).  A  ces  paroles, 
le  jeone  Napolitain  se  sentit  ému  d*ane  immense  joie.  «  Yoili,  s*écrie-t-il,  Tobfet  de  mes 
rcaaXf  Yoilà  le  Tœo  aoqnel  mon  cœar  aspire  I  »  Malgré  ses  richesses,  il  se  sentit  sar-Ie- 
champ  dans  un  Yéritable  dénûment»  et  conçut  le  projet  d'une  association  dont  les  mem* 
bres  seraient  destinés  k  parcourir  le  monde  en  préchant  la  pénitence  comme  les  apôtres. 
Hais  cette  subite  conrersion  lui  attira  le  mépris  de  ses  compatriotes  et  la  malédiction  de 
son  propre  père.  Quelques  esprits  cependant  furent  touchés  de  respect  en  Tojant  cette 
haute  sainteté»  ce  profond  mépris  du  monde»  cette  humilité  sincère»  cet  amour  de  Dieu 
sans  partage»  cette  rigoureuse  imitation  de  la  rie  indigente  du  Sauveur.  Bientôt  quelques 
persoimes  se  joignirent  à  lui  pour  aspirer  à  la  même  perfection.  Une  longue  robe  brune 
surmontée  d*un  capuchon  et  une  corde  pour  ceindre  les  reins  devint  le  simple  et  noble 
▼élément  des  associés.  Cependant  les  recommandations  de  Tarchevéque  Guido  d'Assise 
et  du  cardinal  Jean  de  Saint-Paul  permirent  à  François  d'approcher  du  grand  Pontife 
Innocent  III.  Qui  done»  demanda  le  Pape»  tous  fournira  la  subsistance  nécessaire?  — 
J'ai  mis  ma  qonfianceen  notre  Seigneur  Jésus-Christ,  répondit  le  saint;  celui  qui  nous 
promet  la  gloire  de  la  vie  éternelle  ne  nous  refusera  pas  la  nourriture  du  corps.  ~  Allez 
donc  avec  Dieu»  cher  fils»  reprit  Innocent»  et  à  mesure  qu'il  vous  éclairera»  prêchez  à  tous 
la  pénitence.  Si  le  Seigneur  daigne  augmenter  votre  nombre  et  la  grâce  en  vos  cœurs» 
mandez-le-nous  ;  alors  nous  tous  accorderons  avec  plus  de  sécurité  de  plus  grandes 
faveurs.  —  Il  faut  se  rappeler»  en  effet,  qu'Innocent  avait  défendu  rétablissement  de 
nouveaux  ordres.  François  d'Assise  se  prosterna  pour  prêter  serment  d'obéissance  et 
dlionimage  au  Samt-Père.  Peu  après»  il  envoya  ses  compagnons  dans  toutes  les  direc- 
tions (1209).  «  Partez, disait-il  au  moment  de  ladieu»  voyagez  toujours  deux  à  deux. 
Louez  Dieu  dans  le  silence  de  vos  cœurs  jusqu'à  la  troisième  heure;  alors  seulement 
vous  pourrez  parler.  Hais  que  votre  prière  soit  simple»  humble  et  de  nature  à  faire  ho- 
norer le  Seigneur  par  celui  qui  vous  écoulera.  Annoncez  partout  la  paix»  mais  commencez 
par  la  gardcjf  dans  votre  propre  Ame.  Ne  vous  laissez  jamais  aller  à  la  haine  ni  à  la  colère, 
ni  vous  détourner  de  la  route  que  vous  avez  choisie»  car  nous  sommes  appelés  i  rame- 
ner dans  la  voie  droite  ceux  qui  s'égarent»  à  guérir  les  blessés»  à  redresser  les  estropiés.... 
La  panvreté  est  l'amie»  la  fiancée  du  Christ;  la  pauvreté  est  la  racine  de  l'arbre»  elle  est  la 
pierre  angulaire»  la  reine  des  vertus.  Si  nos  frères  la  délaissent»  nos  liens  sont  brisés; 
mais  s'ils  s'j  attachent,  s'ils  en  donnent  au  monde  le  modèle»  le  monde  se  chargera  de 
les  nourrir.  » 

François  passa  ensuite  en  Espagne»  ocux  fois  en  Syrie  et  en  Egypte.  Honorius  III  ac 
eorda  aux  Franciscains  [Fratres  minores)  le  privilège  de  prêcher  et  d'entendre  les  confes- 
sions dans  tous  les  lieux  où  ils  se  présenteraient  (1223).  Néanmoins  l'ordre  s'imposa  la 
missioD  de  prêcher  plutôt  par  la  pratique  que  par  la  parole.  Le  génie  de  saint  François  a 
inspiré  les  plus  suaves  accents  de  la  littérature  mystique.  L'esprit  intérieur  anime  partout 
sa  rè{^e,  personne  ne  peut  l'adopter  avant  l'Age  de  15  ans  et  sans  subir  un  noviciat  d'une 
année.  Des  vceux  de  chasteté»  d'obéissance  et  de  pauvreté  sont  de  rigueur;  aucun  membre 
n*a  le  droit  de  rien  posséder»  ni  dans  le  présent  ni  dans  l'avenir;  les  frères  doivent»  par- 
dessus tout»  se  garder  de  l'hypocrisie  ou  piété  étroite  ;  montrer  une  douce  joie  dans  le 
Seigneur»  une  disposition  permanente  k  servir  amis  et  ennemis*  innocents  et  criminels^ 
pauvres  et  riches  ;  tel  doit  être  le  cara<^ère  d*un  Franciscain.  Le  saint  rédigea  une  règle 
pour  son  élève  et  amie  spirituelle  la  B.  Claire  d'Assise  (ISSfc)»  qui  avait  fondé  un  ordre 
analogue  pour  les  femmes  (31)  dès  l'année  (i21S)  {Ordo  saneiœ  Clarœ). 

François  se  vit  obligé  aussi  d'instituer  une  confrérie  dont  les  membres»  vivant  dans  le 
monde  nouèrent  des  rapports  intimes  entre  l'ordre  de  Saint*François  et  les  laïques,  et  lui 
assurèrent  partout  une  l>ase  large  et  solide  (Teriiuê  ordo  de  Pmnitaitia^  TeriiariU  1221).  Le 

(3t)  HoLSTcmos,  Brocsie,  tom.  m,  p.  54,  sq,  et  poor  ia  règle  du  tiers-erare,  ibia,,  page  59,  sq. 


79  DICTION^lAinE  D'ASCETISItE.  80 

saint  ne  saraîl  pas  préparer  des  discours  médités  et  écrits  d^nvance,  comme  celui  qu'il 
devait  prononcer  devant  le  Pape  AleModre  et  les  cardinaux  en  1217;  mais  ses  improvisa- 
tions respiraient  une  éloquence  incomparable,  quand  elles  s'échappaient  toutes  brûlantes 
de  son  cœur.  Rien  de  plus  admirable  que  le  profond  sentiment  de  la  nature  qui  lo  rap- 
prochait (32]  des  créatures  et  attirait  à  lui  les  animaux  des  champs  et  les  oiseaux  de  l'air» 
qu'il  interpellait  eomme  des  frères  et  des  sœurs  chéries^  Les  hymnes  de  saint  Frangois 
sont  d'une  grande  élévation  el  doivent  6tre  rangées  parmi  les  plus  magnifiques  produc- 
tions de  la  poésie  chrétienne  (33).  Il  obtint  de  nombreuses  indulgences  du  Saint-Siège  et 
de  grandes  grâces  du  Ciel  pour  le  petit  coin  de  terre  {poriiuncula)  oik  s'éleva  sa  cellule  el 
où  il  bâtit  l'église  de  Sainte-Marie,  sanctuaire  de  prédilection,  témoin  de  ses  extases  et  vrai 
centre  de  son  ordre.  Le  bienheureux  s'identiGa  tellement  avec  les  souffrances  terrestres  du 
Sauveur,  que  le  Christ  lui  apparut  sous  la  forme  d'un  séraphin  et  imprima  sur  sa  chair 
les  stigmates  de  la  Passion  (34),  dont  les  douleurs  remplissaient  le  saint  d'une  joie  toute 
divine.  Etendu  nu  sur  le  pavé  de  l'église,  il  expira  comme  un  séraphin  en  chantant  son 
triomphe.  «  Heureux,  s*écriait-ii,  d'être  enfin  délivré  et  de  se  retrouver  dans  le  sein  du 
Seigneur  I  {k  oct.  1226.)  »  Grégoire  IX  avait  canonisé  saint  François  en  1228;  BenoU  XU 
élabiil  pour  les  Franciscains  la  fôle  de  ses  stigmates  {Festum  ttigmatum  S.  FranciêciU 
qui  devint  générale  sous  ses  successeurs  (17  septembre). 

Les  Dominicains  ne  furent  pas  moins  célèbres  que  les  Franciscains.  Dominique»  leur 
fondateur,  appartenait  à  la  puissante  maison  de  Guzman  et  reçut  le  jour  à  Callaroga 
(Calahorra)  en  1170.  Il  étudia  pendant  quatre  ans  à  TUniversité  de  Valence,  reçut  la  pré- 
irise des  mains  de  l'évéque  d'Osma  et  fut  bientôt  élevé  au  rang  de  chanoine.  Le  bonheur 
et  le  malheur  des  hommes  faisaient  l'objet  constant  des  pensées  de  Dominique.  C'était  au 
temps  où  Innocent  III  avait  envoyé  dans  le  midi  de  la  France,  pour  convertir  tes  hérétiques, 
les  moines  de  Clleaux,  qui  avaient  échoué  dans  leur  mission,  parce  que,  disait  Diego, 
l'évéque  d'Osma,  ils  s'étaient  montrés  dans  l'appareil  de  la  religion  triomphante,  au  lieu 
de  déposer  toute  pompe  extérieure,  de  voyager  à  pied  et  de  confirmer  leurs  prédications 
par  l'exemple  d*une  vie  mortifiée.  Peu  h  peu  les  missionnaires,  qui  avaient  vainement 
arrosé  de  leurs  sueurs  cette  terre  désolée,  finirent  par  l'abandonner  ;  Dominique  seul  per- 
sistait encore.  Dix  ans  se  passèrent  pour  lui  dans  cette  œuvre  ingrate,  et  sa  parole  (>acifique« 
ses  prières,  sa  patience  inaltérable,  formaient  un  contraste  consolant  avec  la  croisado 
sanglante,  récemment  commencée  contre  les  Albigeois.  Enfin,  après  avoir  mûri  sa  réso* 
lulion,  Dominique  partit  pour  Rome  en  1215  et  soumit  à  Innocent  III  le  projet  de  doter 
l'Eglise  d'un  nouveau  moyen  de  défense,  en  combinant  la  vocation  du  moine  avec  celle  du 
prfttre  séculier.  Le  Pontife  prescrivit  la  règle  de  Saint-Augustin,  modifiée  par  celle  des 
Prémontrés,  qui  permettait  encore  la  propriété.  Honorius  lli,  d'après  les  prédictions  de  son 
illustre  prédécesseur,  donna  aux  membres  de  Tordre  le  nom  de  Frêres-^Prétheuré  (Prmdica^ 
toreê),  avec  le  droit  de  se  livrer  partout  k  la  direction  des  âmes.  Les  ft^mmes  eurent  aussi 
leur  part  dans  le  nouYel  institut  {Sorore$  de  Militia  Christi)-  Le  but  spécial  en  était  d'bssu- 
rer  le  salut  des  âmes,  en  annonçant  la  foi  qui  seule  peut  le  procurer.  La  prédication  et 
l'enseignement,  principales  armes  des  Dominicains,  ne  les  empêchaient  pas  de  se  donner  à 
toutes  les  œuvres  utiles  au  prochain.  On  exigeait  de  l'aspirant  une  année  de  noviciat^ 
après  laquelle  il  fallait  en  consacrer  neuf  ides  études  philosophiques  et  théologiques,  pour 
se  préparer  à  figurer  dignement  dans  les  universités  et  les  chaires  chrétiennes.  Lorsque, 
plus  tard,  le  moine  espagnol  rencontra  saint  François,  il  voulut  fondre  les  deux  ordres  en 
un  seul  ;  mais  celui-ci  lui  dit  ;  «  Par  la  grâce  de  Dieu,  les  lois»  l'austérité,  le  but  mémo 
de  nos  congrégations  établissent  entre  elles  de  profondes  différences,  afin  que  l'une  serve 

(32)  c  Comme  il  avait,  dit  Gcerres,  éleint  en  kii  le  péché,  Ifes  suites  du  jpéché  orifinel  avaient  aussi 
,comptéiemeDt  disparu  eu  loi.  La  nature  devint  son  amie  ;  elle  obéit  à  l*énergie  de  sa  voionié  :  les  animaux 
entrèrent  dans  des  rapports  fomiliers  avec  lui,  comme,  suivant  les  traditions  antiques,  ils  obéissaient  à 
rhomme  avant  la  grande  catastrophe.  >  (Le  Cathotique.) 

(33)  GœaRES,  tainî  François  camidéré  comme  troubadour.  Voyez  aussi  ta  traduction  de  ses  poésies  par 
Scnlosser,  et  surtout  le  Lever  du  so/et/.  Les  cantiques  en  allem.  et  italien  ;  Francf.-s.-le-M.,  1842. 

(34)  RiTNJXDUS  ad.  an.  1237,  n*  60  ;  Waduuig.,  cd.  Rom.,  t.  II,  p.  459.  Cf.  GoEnass,  Myit.  chreu^  U  H, 
f  V  440. 


,j  .«ISCOURS  PRELIIUNAIRE.  .«* 

d«  modèle  el  d'«guiUoo  à  l'aulre,  et  qae  celai  qui  ne  se  plairait  point  parmi  nous  puisse 
ÎttuS^V  eo^^^^CeUe  déclaration  ne  permit  donc  pas  la  fusion  projetée  P«;  «o^-j 
^.„™o7n«  a  en  résulta  un  rapprochement  fondamental,  puisque,  au  chapitre  généra  qu 

rJ:;C'"X"^rduT-^^^^^^^    "---  -  "-  •"  -^- 

Cette  conformité  se  fit  encore  sentir  dan.  la  hiérarchie,  les  ^«"'«'«"i;^;"™;'^; 

g.Sren.Sles  Dominicains  nn  prieur,  pour  diriger  chaque  "'«"«'*'«•  ^'«*''*'"î*°dê 
un  iéoL\  (minuter  generali.,  fnagUter  ardim^  gouvernait  tout  »«  corps.  B«  outre  .de 
^rt  et  d'au  re  on  établit  un  défnU,Hr  (d^finUor)  pour  représenter  et  présider  »«  ««^mu 
r^uté  ^  conseiller  les  hauts  fonctionnaires.  Des  chapitres  co»Tentu«ls  «""f)^^^;;-'  «^^ 
réglementaient  les  établissements  particuliers,  et  un  chapitre  «entrai  don«n«t  1  ense»^^^^ 

Dominique  termina  sa  vie  si  remplie  en  menaçant  ^«i'»»^  ?'"  iT^rrorbllTe 
ordre  par  des  richesses  temporelles  (6  août  laij.  Ce  fut  encore  Grégoire  IX  q«  «^«"^^  J« 
Î>ie  toute  la  chrétienté  en  le  canonisant  (123^).  Les  Frères-Précheurs  prirent  une  rap^^ 

Utension  en  Europe.  Les  Bolonais,  poussés  par  une  ?«««*«  ^''«"""^^sd;  Wseiusai'à 
orner  le  tombeau  de  Guzman.  et  les  plus  célèbres  artistes,  depuis  Nicolas  f  f^/^  J^* 
Michel-Ange  Buonarotti.  y  portèrent  le  tribut  de  leur  »«»«»»«»  «^riîifr.UTn  S  w^^ 
celle  de  Dominique.  L'austère  Dante  lui-même  glorifia  les  deui  fondateurs  en  les  pré 

sentant  comme  les  réritables  héros  de  leur  siècle. 

Lorsque  ces  moines,  forU  de  leurs  privilèges  et  plus  encore  d.  lardente  &»  <»"« ^ 
.«aient  léguée  leurs  fondateurs,  se  mirent  à  travailler  au  salut  <1«^*"*';,^"  ^^  J"^ 
voir  l'Eglise  revenir  à  sa  jeunesse  primitive.  Cne  vénération  «"V«"?"*  '"^J'* '*"." 
pas  (35).  Les  ordres  mendiants  devinrent.en  même  temps  un  des  plus  '«^^  «PPf  f 
iVpipauté,  qui  leur  avait  accordé  de  grands  privilèges;  celui  qui    ««J^*»;""'^ '«^^^^^ 
dinûuence  était  le  droit  d'enseigner,  dont  les  Dominica  ns  ««;»«"»  *f;rj,„""S^^ 
succès.  Us  avaient,  en  effet,  reconnu  de  bonne  heure  que  le  seul  moyen  d^jonj»*""-  '» 
consUéraUon  publique  éUit  de  s'illustrer  par  la  science  et  de  P'^^'»™  P'f  *  ^r/  '^^ 
universités,  lis  obtinrent  «ne  chaire  à  Paris  en  1230.  Bientôt  '««»>«»«/•"'*' ï'/'l^is 
a  du  chancelier  leur  procurèrent  deux  chaires  de  Ihéologie  h  la  place  ^*'\Pl^'r'f^\''^ 
q.ii  les  remplissaient  avant  eux.  Les  nouveaux  titulaires  f»'f  «' '"/'^'^'f;'°^^^^^^^ 
3e  Saint-Gilles.  En  même  temps  les  Franciscains  élevèrent  des  P^*^«"7^;:^^^^^^^^ 
le  grand  théologien  de  leur  ordre,  Alexandre  de  Haies,  fut  pourvu  de  »«  P'^"»'^;^^^*'  ^ 
de  nJniversilé  (36).  Aux  xiu'  et  xiV  siècles,  les  ordres  mendiants  ^^«P^.^"» '«J^^^^ 
plus  élevé  dans  la  science  théologique.  Saint  Thomas  d'Aquio  fut  la  gloire  J<^*  »7'«' 
Lins,  s«nt  Bonaventure,  et  plus  tard  Duns  Scot  (  t  i^^S).  furent  I  ^-"«»^J«»  ^^^^ 
ciscains.  les  uns  et  les  autres  les  Dambeaux  et  les  colonnes  de  '  «f  "'^J;. ^^.  "«.^'"'X 
se  distinguèrent  par  un  zèle  incomparable  pour  les  missions;  la  «"'f  "«•  '^j;*'?; 
lArménie, la  Perse,  la  Tartane,  l'Inde,  l'Ethiopie.  l'Irlande,   l'Ecosse,  le  Danemark,  la 
Pologne,  la  Prusse  et  la  Russie  forent  tour  à  tour  le  théâtre  de  leurs  courses  «PO*'»»'q«^s. 
Us  visitèrent  les  peuples  où  la  foi  avait  été  prêchée,  mais  où  elle  n  avait  P«s  J«»6  de  pro- 
fondes racines,  el  où  une  foule  de  vieilles  saperslilions  continuaient  de  '  "«»^[' Jf  * 
premières  brises  qui  poussèrent  au  Groenland  des  vaisseaux  européens  y  portèreni  aussi 
les  Frères-Prôcheurs,  et  au  commencement  du  xvii-  siècle,  les  Hollandais  ne  furent  pas 
pea  surpris  d'y  trouver  un  couvent  de  Dominicains  dont,  en  1280,  le  capitaine  Nicolas  Hani 

avait  déjà'fait  mention.  .      .      ,        ,•      .•  ^,,iiJ„ 

Cependant  ces  efforts  et  ces  succès  excitèrent  la  jalousie  du  clergé  séculier,  et  particu- 
lièremeat  des  universités.  Il  en  résulta  des  attaques  ouvertes,  et  malheureusementla 
rivalité  des  deux  ordres  donna  trop  souvent  lieu  à  des  plaintes  légitime»;  car,  œaigr» 
leurs  leodanees  communes,  la  diversité  des  o|nnions  théologiques  Ût  naître  de  fréquents 

(35)  lHATTS.,  Pauis  ,  ad  Ii45.1«6.  Cf.  Emm.  Rodehici  ,  Xota  coUectio  pritiUgior,  apost,  ReçuL  mendir 
€ùmt.;  AntT.  46i3,  in-fol. 

(36)  BtuEi,  Hist.  uniten.Pamienê.^uUL 


M  DICTIONNAIRE  D^ÂSCETISME,  U 

conflits  entre  eux  (37).  Coite  opposition  contre  les  ordres  mendiants  éclata  daos  la  ?io- 
lenie  attaque  de  Guillaume  de  Saint-Amour,  qui  les  compara  aux  pharisiens  (38).  Saiat 
Thomas  d*Aquin  et  saint  Bonaventure  se  chargèrent  de  I*apologie  de' leurs  fràre$(39)« 
Leurs  réponses  humilièrent  profondément  Guillaume,  et  les  deux  ordres,  sibieo  défendus, 
recueillirent  les  fruits  de  la  victoire.  Au  moment  où  saint  François  avait  entrepris  son 
second  YOjage  de  Syrie  et  d'Egypte,  et  conGé  te  gouYernement  de  Tordre  à  son  yicaire, 
Elie  de  Cortone,  le  caractère  moins  austère  de  ce  dernier  avait  déjà  fait  naître  un  parti  qui 
voulait  un  adoucissement  de  la  règle.  François,  en  le  ménageant,  Tavait  empêché  d'écla- 
ter. Mais»  à  la  mort  du  saint,  Elie  devint  général,  et  la  môme  tentative  se  renouvela  avec 
succès.  Un  autre  parti,  dirigé  par  Antoine  de  Padoue,  voulut,  au  contraire,  maintenir  la 
sévérité  primitive.  Antoine  resta  Gdèle  à  l'esprit  de  saint  François;  pour  lui,  le  salut  était 
dans  le  mépris  absolu  du  monde,  et  quand  il  trouvait  les  hommes  rebelles  à  sa  parole,  il 
s'adressait  aux  animaux  (f  1231).  Padoue  lui  éleva,  d'après  les  dessins  de  Nicolas  de 
Pise,  une  église  magnifique  qui,  sous  plusie^urs  rappocts,  surpassa  celle  d'Assise;  et  le 
tombeau  du  saint,  orné  de  tout  le  luxe  des  arts,  n'est  pas  moins  digne  d'admiration  que 
celui  de  saint  Dominique.  Cependant  les  deux  partis  continuaient  une  lutte  fort  animée  ; 
Elie,  deux  fois  élu  général,  fut  deux  fois  renversé  (t  1253).  Qans  leur  ardeur,  les  rigo* 
ristes  allèrent  jusqu^à  rompre  avec  le  Pape  pour  s'allier  avec  Frédéric  U*  l'eanemi  de 
l'Eglise.  La  réputation  de  saint  Sonaventure  procura  encore  quelque  temps,  même  après 
sa  mort,  la  victoire  à  ces  derniers.  Néanmoins  l'antagonisme  éclata  de  nouveau;  les  modéf 
rés  prirent  le  nom  de  Frairet  de  communitaU;  les  rigoristes,  celui  de  Zelatores  ou  de 
Spirilualei^  et  bientôt  ils  furent  regardés  comme  des  sectaires.  Les  Pontifes  Grégoire  IX, 
Innocent  IV  et  Nicolas  III  furent  décidément  opposés  aux  rigoristes  (t^O).  Ce  dernier  inter- 
préta la  règle  dans  le  sens  de  l'indulgence  par  sa  bulle  Exiit  (41),  Le  parti  vaincu  se  laissa 
emporter,  dans  ses  écrits,  à  des  attaques  contre  le  Pape  et  l'Eglise  romaine,  opposant, 
comme  les  sectes  hérétiques»  1^  pauvreté  des  temps  apostoliques  à  la  pompe  dont  l'Eglise 
s'entourait  alors.  Il  ne  craignit  pas  de  prophétiser  un  nouvel  ordre  de  choses,  en  faisant 
allusion  particulièrement  à  une  prédiction  du  Calabrais  Joachim  de  Floris  (t  1202),  su^r 
les  trois  Ages  du  monde»  prédiction  plus  amplenient  développée  par  les  deux  Franciscains 
rigoristes,  Gérard,  dans  son  introduction  à  YEvangile  itpnel  (1254),  et  Jean  d'Oliva,  mort 
on  1297  (42).  La  faveur  que  montra  le  saint  Pape  Céleslin  Y  aux  rigoristes  sembla  mettre 
un  terme  à  la  dispute.  Ce  Pontife  les  réunit  auxCélestins  ;  mais  après  l'abdication  de  leur 
protecteur,  ils  recommencèrent  la  querelle.  Boniface  VUI  les  poursuivit  avec  vigueur  el 
les  contraignit  à  se  dissoudre  (  1302  [43]  ). 

En  Tannée  1233,  les  puissantes  exhortations  de  Boniface  de  Monaldo  portèrent  plusieurs 
riches  négociants  de  Florence  à  renoncer  au  monde.  Ils  se  défirent  de  leurs  biens,  embras- 
sèrent une  vie  mortifiée  sur  le  mont  Sénatorio,  y  élevèrent  une  église  et  des  cellules,  dont 
les  habitants  se  consacrèrent  surtout  à  honorer  les  souffrances  de  la  sainte  Vierge  (sem 
B.  M.  F.  Strvitvt).  Alexandre  lY  confirma  l'ordre  des  Serviljes  (12S5J  ;  Martin  Y  en  devint  le 
principal  bienfaiteur.  Cette  congrégation  s'assura  une  influence  durable  en  s'adonnant  aux 
sciences.  L^historien  passionné  du  concile  de  Trente,  Paul  Sarpi  (t  1623),  et  le  célèbre 
archéologue  Ferrari  (f  1636)^  furent  tous  d,e\ix  Servîtes  (44).  En  1244  et  1245,  innocent  IV 

^57)  Mattu.,  Paris  (ad  an.  1239)  nous  donne  le  récitée  la  dispute  animée  qui  8*éleva  entre  les  deux 
orares  sur  la  priorité  de  Tuq  ou  de  Tautre. 

(58)  Gdilleliius,  De  Pericul.  novistimor.  tem,^  1256.  (Onp,  Constant.  1652-  Paris ,  éd.  J.  Alethoplittus 
Cordesius.)  Cf.  Natali  Alex.,  Hiit.  eccUitast.,  sasc  xin,  c.  5,  art.  7. 

(59)  S.  Thomas,  Contra  retrahentei  areliffioniê  ingressu;  contra  impugnantee  Dei  cuttt^m  (Ojtp,;  fmn  ^ 
t,  XX};  BoNAVEiiTURA,  Lit.  apotof.  in  eos  qui  ordini  Minor,  adversantur;  de  Pauvertate  ehr,  eontra  Cuil.; 
Exposttio  in  reautam  Fratrum  Mtnor.  (Ojtp.^  Luc[d.,  1778 ,  t.  VU).  Cf.  Rapmer,  ui$t.  des  Hokem  lamfen , 
1. 111,  p.  615.  Cf.  CoU,  catkoL  contra  pertcula  eminentia  Eccl^$.  per  hypoeritoif  etc.  (Dvpi^,  Biblioth.  dee 
tmteurteccU$ia$t,^X.Ji.) 

(40)  RoDERici,  CoUectio  nova  privilegior.  apo$t.  Reguiarium  mendieantium  et^non  mendicantium.;  Antv., 
162S,in-fol.<,  p.  8,  sq. 
(4t)  Cf.  Waddwg,  toco  df.,  l.  V,  p.  75. 
(42)  Cf.  IVaddwg,  ioco  cit.,  t.  V  ,  p.  514-558. 
U5)  Cf.  Wadding,  ad  an.  1502,  n<»  7,  8,  an.  1507;  n*  2,  sa. 
(44)  Cf.  Palli  Flore.nt.  Diahg,  de  Orlg,  ord»  Serv.  (Lauii  De  lie,  eruditor.^  t.  h). 


S5  MSCODRS  PREUMINAIRE.  S6 

réunit  plusieurs  anachorètes  sous  la  ràgle  de  Saint  Augusiia  ((5);  Alexandre  IV  imita  cet 
eiemple  (1256),  et  les  Ermites-Auguslins  obtinreni  les  mômes  priTÎléges  que  les  ordres 
mendiants. 

Cette  tendance  générale  k  la  Tie  intérieure,  que  Ton  ne  trouvait  pas  toujours  dans  le'ciergé 
séculier,  une  idée  erronée  de  la  véritable  piété,  et  le  désir  de  procurer  on  asile  aux  ?eu?es 
et  aux  jeunes  filles  privées  de  protection  par  suite  des  croisades,  portèrent,  dès  le  xi*  siècle, 
de  pieuses  chrétiennes  i  former  des  associations  religieuses  et  édifiantes,  dans  les  Pays- 
Eas  et  en  Allemagne.  Ces  associations  tenaient  le  milieu  entre  le  monde  et  le  cloître.  Les 
associées,  nommées,  depuis  le  xii*  siècle.  Béguines  (de  Beghtn  ou  Jfefai,  prier),  s'adon* 
naient  particulièrement  aux  œuvres  de  charité,  et  devinrent  une  ressource  précieuse  pour 
le  peuple.  Mais  elles  n'avaient  pas  de  règle  fixe,  et  leurs  conciliabules  ne  tardèrent  pas  è 
être  le  théâtre  d'une  foule  de  rêveries  fantastiques.  On  les  poursuivit,  et  elles  finirent  par 
se  réunir  an  tiers  ordre  de  Saint-Fcançois.  A  cAté  des  Béguines,  on  eut  aussi  des  Beggardê. 
composés  de  jeunes  gens  et  d'hommes  bits  (fc6).  Ceux-ci  se  choisirent  pour  patron  saint 
Alexis,  dont  ils  prirent  même  le  nom;  mais  il  se  changea  plus  tard  en  celui  de  LoUardi^ 
qui  signifie  gtne  qui  dumieui  à  voix  Aoiif ,  et  qui  leur  fut  donné  parce  qu'ils  portaient  les 
morts  i  la  sépolture  en  chantant  k  voix  basse  et  sur  un  ton  lugubre.  Ils  se  distinguèrent 
paiement  par  leur  industrie,  par  les  soins  pieux  qu'ils  donnaient  aux  malades,  aux  indi- 
gents et  è  la  jeunesse  ;  les  souverains  et  les  grands  les  accueillirent  avec  laveur.  Malheu- 
reusement les  Beggards  imitèrent  aussi  les  erreurs  de  leurs  soours  aînées,  et  tombèrent 
comme  elles  dans  un  panthéisme  mystique  qui  dégénéra  en  une  véritable  hérésie. 

Après  avoir  vu  les  œuvres  que,  fidèles  à  l'esprit  de  Dieu,  les  ordres  religieux  essayèrent 
et  accomplirent,  ce  ne  sera  pas  sans  un  profond  sentiment  de  respect  et  d'admiration  qu'on  lira 
le  tableau  de  la  vie  d'un  couvent  bien  réglé  et  d'un  véritable  moine,  tracé  par  un  pieux  écrivain 
qoif  pour  reconnaître  sérieusement  sa  vocation,  avait  attentivement  examiné  les  habitudes 
d'un  monastère  et  de  ses  habitants  (47).  c  J*|iabitai  Marmoutiers  {Major  monasitrium)  pen- 
dant huit  mois,  écrit  Guii»ert  de  Gemblonrs  à  Philippe,  archevêque  de  Cologne.  J'y  fus 
traité,  non  comme  un  hôte,  mais  comme  un  frère.  Dans  ce  paisible  lieu  on  né  voit  ni 
haines,  ni  disputes,  ni  aigreurs;  un  silence  maintenu  avec  sagesse  leur  en  ferme  la  porte. 
Le  simple  coup  d'œil  d'un  supérieur  suffit  pour  rappeler  au  devoir.  Chaque  fonction  est 
confiée  à  un  homme  d'une  vertu  éprouvée.  Nulle  part  on  ne  rencontrera  plus  de  piété  aux 
offices,  plus  de  respect  dans  la  célébration  des  saints  mystères,  plus  d'affabilité  et  de  dé- 
vouement au  service  des  hôles.  En  toute  chose  tous  trouvez  la  bonne  foi,  la  sérénité»  la 
complaissance  ;  rien  au  deli,  rien  en  deçà  de  la  mesure.  Le  fort  porte  le  faible,  l'inférieur 
respecte  le  supérieur,  et  celui-ci  est  occupé  de  ses  subordonnés.  Ici  le  chef  et  les  membres 
fbrment  vraiment  un  seul  et  même  corps.  Quand  il  s'agit  d'élire  un  abbé,  on  s'y  prépare 
par  d'ardentes  prières.  Une  fois  que  le  choix  est  proclamé,  Félu  jure  de  maintenir  inviolé* 
bkmeot  la  r^Ie  de  la  maison,  et  de  n*e  jamais  rien  prendre  hors  du  réfectoire  et  des  heures 
fixées  pour  le  repas.  Cette  disposition  contribue  au  bien  être  temporel  de  l'établissement. 
Chaque  jour  l'abbé  fait  manger  à  ses  côtés  trois  pauvres,  comme  les  représentants  de  Jé« 
sus-Christ  Celui  qui  remplit  aiyourd'hui  ces  fonctions  possède  toutes  les  vertus  nécessai* 
res  pour  diriger  une  communauté  aussi  nombreuse  ;  en  lui  la  prudence  s'unit  à  la  douceur.. 
Parmi  les  frères,  personne  ne  senge  à  sa  naissance,  aux  dignités,  aux  charges  dont  il  jouis- 
sait autrefois  dans  le  monde  ;  il  n'y  a  plus  là  que  des  serviteurs  du  Christ.  Grâce'  aux 
jeûnes  et  aux  veilles,  on  parvient  à  dompter  complètement  le  corps  de  ses  passions  et  de 
ses  caprices.  La  force  du  lion  empêche  l'un  d*ètre  ébranld  par  la  prospérité  ou  par  le  mal* 
heur,  l'autre  s'élance  comme  un  aigle  vers  le  ciel  ;  tous  allient  la  prudence  du  serpenlà 
la  douceur  de  la  colombe.  Dans  les  choses  extérieures,  tout  porte  l'empreinte  d'une  sa- 
gesse consommée.  A  l'église  comme  dans  l'atelier,  tout  se  fait  avec  mesure,  an  temps  coa* 
veuable,  car  ces  hommes  admirables  se  tiennent  continuellement  en  la  présence  de  Dieu. 
On  accorde  à  la  nature  ce  qui  lui  est  indispensable  ;  le  reste  du  temps  est  donné  an  Seigneur. 

(15)  Bmliar.  Rom.,  1. 1,  p.  100.  Cf.  Boluhd.  meos.  lébr.,  t.  U,  p.  744. 

(46)  MosKiM,  Jk  Beghmrdiê  et  Seguitiëkui;  éd.  Martini,  Lipsiae,  1790. 

(47)  QodL  HimTxa,  t  lU.  p.  599-tfOl. 


S7  DlCTlONNAmE  D*AS€ET1SME.  M 

On  dirait  une  armée,  dont  les  armes  retentissent  depuis  l'aube  du  jour  jusqu'à  la  siiième 
heure.  On  voit  des  files  entières  de  moines  se  prosterner  devant  Jes  autels  ;  h  peine  une 
messe  esl-elle  finie  qu'une  autre  commence.  Il  serait  impossible  de  calculer  ce  qu'ils  dis- 
tribuent en  aumônes  dans  le  couvent»  de  compter  les  flmes  que  leurs  prières  arrachent  au 
purgatoire.  Le  temps  se  partage  entre  la  lecture  et  les  eiercîces  de  chant.  On  ne  parle  qu'à 
certains  jours»  peu  de  temps»  et  seulement  afin  de  suspendre  une  trop  longue  contrainte  et 
d'empêcher  les  entretiens  secrets.  Jamais  personne  ne  mange  hors  du  réfectoire  ou  de 
rinfirmerie.  Quant  aux  hôtes  qui  n'appartiennent  pas  à  un  ordre  religieux,  on  les  accueille 
dans  un  bâtiment  séparé.  Pendant  les  repas»  l'attention  des  frères  se  dirige  plus  vers  là 
lecture  que  vers  les  aliments  placés  devant  eux.  La  majeure  partie  de  ce  qu'on  sert  reste  pour 
les  pauvres.  Le  dortoir  est  continuellement  éclairé  ;  les  lits,  exposés  à  tows  les  regards, 
sont  durs  et  grossiers.  La  lampe  qui  brille  pendant  la  nuit  indique  que  les  habitants  de  ces 
lieux  veulent  être  des  enfants  de  lumière  et  non  de  ténèbres. 

Aussi  le  Seigneur  a-t*il  répanda  sur  eux  des  flots  de  bénédictions  ;  car»  outre  une  ma- 
gnifique église  et  des  richesses  de  tout  genre»  le  monastère  a  encore  deux  cents  celloles 
extérieures  sous  sa  dépendance.  Les  manuscrits  nombreux  et  précieux  qui  couvrent  toutes 
les  tablettes  sont  une  preuve  visible  des  vertus  qu'on  cultive  et  qui  fleurissent  dans  le 
louvent,  grâce  aux  avis,  aux  exhortations  et  aux  sages  leçons  que  d'habiles  interprètes  de 
la  parole  divine  donnent  chaque  jour»  et  surtout  aux  grandes  fêtes»  à  leurs  frères  réunis 
en  chapitre,  pour  s'édifier  mutuellement.  Je  les  entendais  continuellement  s'encourager»  se 
.consoler,  se  rappeler  les  uns  aux  autres  les  voies  du  ciel.  Si  je  n'avais  été  obligé  de  retour- 
ner chez  moi ,  je  ne  m*en  serais  point  séparé»  je  l'avoue ,  tant  mon  âme  se  trouvait  bien 
•  n  leur  compagnie  :  mais  si  mon  corps  en  est  éloigné  désormais,  mon  esprit  demeurera, 
toujours  avec  eux.  »  , 

Voilà  pour  la  vie  du  cloître.  Quant  au  religieux  lui-même ,  il  apparaît  dans  le  portrait 
suivant,  qui  a  été  copié  d'après  nature  :  «  Le  frère  Robert  de  Saint-Marien  d'Auxerre  était 
fort  versé  dans  les  sciences,  remarquable  par  son  %éIoquence,  et  aucun  de  ses  contempo^ 
rains  ne  le  surpassait  dans  la  connaissance  de  l'histoire.  Il  avait  TEcriture  sainte  si  pré- 
s(»nte  à  la  mémoire  qu'il  pouvait  résoudre  sur-le-champ  toutes  les  questions  par  unecita^ 
tion  textuelle  :  son  érudition  à  cet  égard  tenait  du  merveilleux.  Il  y  avait  dans  sa  per- 
sonne je  ne  sais  quelle  grâce,  quelle  affectueuse  bonté  qui  était  comme  le  reflet  de  la  pu-^ 
reté  de  son  âme.  Sa  loyauté  le  rendait  étranger  à  la  méfiance  ,  qu'il  repoussait  toujours 
par  ces  mots  de  Sénèque  :  La  confiance  seule  peut  faire  de  thomme  un  véritable  ami;  com-. 
6/en,  par  la  crainte  d'être  trompés^  enseignent  la  ruse  aux  autres  et  donnent  en  quelque  sorte 
au  mal  le  droit  de  natlre,  en  le  soupçonnant  avant  qu'il  tCexiste.  Robert,  ardent  pour  la  jus- 
tice, haïssait  profondément  Tiniquilé,  suivant  en  cela  les  paroles  du  sage  :  Vous  ne  pou^. 
tez  trop  détester  ce  qui  est  méprisable.  Par  contre,  dévoué  au  pécheur»  quels  qu'en  fussent 
les  crimes,  il  déployait  une  admirable  charité  pour  le  relever;  car  il  savait  que  la  miséri-. 
corde  est  la  compagne  d'une  vertu  véritable»,  tandis  que  la  dureté  |caractérise  la  faussa 
vertu.  Il  témoignait  au  pénitent  la  plus  pure  compassion  :  jamais  le  malheur  (l*autrui  ne 
le  trouvait  insensible.  Ses  efforts  tendaient  à  entretenir  l'union  des  esprits  par  la  paix  inté- 
rieure; il  ne  faisait  la  guerre  qu'à  ceux  qui  cherchaient  à  semer  la  discorde»  convaincu, 
selon  la  parole  du  Sage»  qu'ils  sont  odieux  an  Seigneur.  Il  était,  en  outre»  sincère  et  ferme 
dans  ses  discours»  zélé  pour  le  service  de  Dieu»  modéré»  économe»  conseiller,  prudent» 
sage  confesseur.  Parmi  tant  de  brillantes  vertus ,  celles  que  nous  devons  le  plus  admirer, 
apprécier  et  imiter»  étaient  son  humilité  et  sa  chasteté;  car  il  vécut  comme  s'il  n'avait  pas 
eu  de  corps»  et  mourut  emportant  sa  virginité  dans  la  tombe.  » 

Mais  si  parmi  les  institutions  humaines  il  n'en  est  pas  qui»,  dans  le  cours  des  siècles» 
aient  jamais  correspondu  parfaitement  à  l'idéal  de  la  pureté,  ni  qui  se  soient»  sauf  de  rares 
exceptions»  complètement  et  constamment  réalisées»  pourquoi  s'étonner  si»  parmi  tant  de 
milliers  de  monastères,  il  s'en  est  rencontré  beaucoup  qui  contrastèrent  péniblement  avec 
le  tableau  que  nous  venons  de  tracer,  qui  tombèrent  dans  l'ignorance  et  la  grossièreté,  au 
milieu  du  tumulte  de  la  guerre»  qui  s'endormirent»  amollis  au  sein  des  richesses»  et  dont 
les  religieux,  au  lieu  d'offrir  l'image  de  rhumilit^^,  de  la  concorde,  s'élevèrent  leç^uns  con-« 


DISCOURS  PREUMilfàlRE.  90 

tre  ks  aatresy  pleins  d'orgueil  et  d*ambilîon,  au  lieu  de  pratiquer  la  chaMeté  à  laquelle  ils 
f 'étaient  voués,  se  dégradèrent  par  les  Ti'ces  les  plus  honteux  et  permirent  ainsi  à  des  his- 
toriens hostiles  de  prendre,  pour  les  traits  caractéristiques  delà  vie  claustrale,  ce  qui  n'en 
était  qu'une  déplorable  aberration? 

Les  canons  des  conciles  ne  montraient  que  trop  clairement  combien  les  sainicâ  yujs  des 
premiers  fondateurs  avaient  dégénéré  dans  les  anciens  ordres  religieux  (48). 

D*ttu  cAté,  les  troubles  occasionnés  parle  schisme,  de  Tautre»  les  richesses  croissantes  des 
monastères,  éteignaient  de  plus  en  plus  la  charité,  la  sagesse,  Tindustrie  et  Tamour  de  la 
science,  que  Ton  avait  vu  fleurir  autrefois  :  la  t)onne  chère  et  le  désordre  des  mœurs  en  pri- 
rent la  place.  Il  n*y  avait  pas  jusqu'aux  couvents  de  femmes  qui  n'eussent  leur  part  de 
ces  tristes  expériences.  Nicolas  de  Clémenges  est  souvent  déclamateur  exagéré  dans  ses 
peintures  ;  cependant  le  tableau  qu'il  nous  trace  de  cet  état  de  choses  porte  un  grand 
caractère  de  simplicité  et  les  marques  d'une  douleur  réelle. 

c  Dire  que  parmi  les  moines  et  les  religieux  il  ne  s'en  trouve  pas  un  seul  qui  déplore 
des  vices  pareils,  dît-il,  ce  serait  certes  s'avancer  beaucoup;  mais  pourtant  que  pouvons- 
nous  alléguer  en  leur  bveu.r?  Leurs  vœux  les  obligent  d'être  les  plus  parfaits  des  enfants 
de  l'Eglise;  de  ne  s'occuper  en  rien  des  choses  de  ce  monde  ;  de  s'adonner  uniquement  à 
la  contemplation.  £h  bien!  ils  font  précisément  tout  le  contraire  :  ce  sont  les  plus  avares, 
lis  plus  ambitieux  des  hommes;  ils  recherchent  le  monde  au  lieu  de  le  fuir.  Ce  qu'ils 
délestent  le  plus,  c'est  leur  cellule,  c'est  leur  cloître,  c'est  la  prière,  la  lecture,  la  règle  et 
la  religion  (49).  » 

Mais  pendant  ce  même  temps  et  par  un  contraste  frappant,  les  ordres  mendiants  offraient 
une  image  tout  opposée,  continuant  leur  vie  de  sacrifice  et  d'activité,  s'adonnant  avec 
ardeur  à  la  scolastique  et  méritant  l'estime  générale.  Insensiblement  aussi  la  lutte  des 
Dominicains  et  des  Franciscains  perdit  de  son  âpreté,  surtout  quand  chacun  des  deux 
ordres  se  fut  choisi  une  mission  différente.  Les  premiers  s'imposèrent  pour  devoir  spé- 
cial de  maintenir  la  pureté  de  la  foi  catholique  contre  les  hérétiques;  les  seconds  s'adon- 
ii«^:  ent  presque  exclusivement  au  soin  de  consoler  et  de  soutenir  le  peuple. 

Parmi  les  Franciscains,  les  spirituels  ou  rigoristes,  excitèrent  seuls  quelques  troubles,  et 
le  Pape  Jean  XXII  les  poursuivit  avec  sévérité  (1318).  Une  partie  d'entre  eui,  sous  la  direc- 
tion du  général  Uichel  de  Cézènes, s'attachèrent  à  Louis  de  Bavière;  mais,  après  la  môrc 
jdece  prince,  ils  furent  réconciliés  avec  l'Eglise  au  concile  de  Constance  (50),  et  dès  ce 
nîoment  elle  en  approuva  l'existence  sous  le  nom  de  Fralres  regularis  observanliœ  ^  titre 
qui  leur  valut,  dans  la  suite,  plus  de  privilèges  qu'aux  Frères  conventuels,  Fralres 
eanveniuales. 

Dans  l'oppojsi lion  qui  s'éleva  contre  le  Saint-Siège,  les  ordres  mendiants  défendirent 
généralement  les  Papes,  leurs  protecteurs,  et  quelquefois  les  soutinrent  jusque  dans  leurs 
prétentions  les  plus  exagérées  :  par  là  ils  se  trouvèrent  engagés  dans  une  lutte  fort  animée 
avec  laSorbonne.  En  même  temps,  Topiniâtretéque  ces  ordres  mirent  à  soutenir  une  sco- 
lastique dégénérée  et  l'exagération  avec  laquelle  ils  accusèrent  d'hérésie  les  nouvelles 
études  classiques,  que  Ton  poursuivit  avec  tant  d'ardeur  pendant  la  (première  moitié  du  xv*^ 
siède,  leur  firent  perdre  une  partie  de  leur  considération  et  les  exposèrent  aux  traits  acé- 
rés d'one  mordante  ironie. 

hà  désir  si  souvent  manifesté  de  voir  la  réforme  opérée  dans  les  chefs  et  les  membres 
de  l'Eglise  devait  nécessairement  attirer  rattenlion  sur  la  décadence  trop  manifeste  des 
monastères.  Les  Pères  du  concile  de  Constance  imposèrent  aux  Bénédictins  d'Allemagne 
l'obligation  de  tenir  un  chapitre  provincial,  et  prirent  en  outre  des  précautions  pour  que 
les  délibérations  en  fussent  plus  longues  et  plus  sérieuses  que  dans  une  autre  occasion 
du  même  genre  (U17  [51]).  Ce  précédent  fut  approuvé  et  imité  dans  plusieurs  pajs.  Le 


(48)  UoLSTEiiius,  Codex  regularum  monasticarum.  Cf.  Héltot,  BiE?iDciirELD. 

^49)  NicoL.  De  Clem.,  De  ruina  eccle$iaêiic.<,  c.  if.  (S,  de  Hardt,  1. 1,  par.  lu,  p.  55.) 

(50)  Sess.  XII  apod  V.  de  Hardt.,  C0nc.  Cojul.,  t.  IV,  p.  515. 

(51)  Cf.  Tbitdemii  Chwon.  Hinaugienu  2d.  ao.  1417,  t.  IT,  p.  546  sq. ,  Y.  de  HiaDT,  Cenc,Con$t.f  U  h 
p.  1086.  Cf.  5IV5SI  e.  XXVm,  p.  1037. 


91  DICTIONNAIRE  D  ASCETISME.  M 

concile  de  Bâic  agit  plus  énergiquement  encore,  et  ]e  cardinal  Nicolas  deCusa»  en  sa  qua- 
lité de  légat»  s^occupa  efficacement  de  ce  sujet  en  Allemagne.  Le  gaspillage  des  biens  de  la 
communauté  par  les  individus  était  la  cause  de  nombreux  désordres  dans  les  monastères, 
et  l'on  s'efforça  d'y  mettre  un  frein»  malgré  l'égoïsme  intéressé  d'un  petit  nombre  de  con- 
tradicteurs. D'ailleurs»  parmi  les  moines  eux-mêmes»  il  ne  manqua  pas  non  plus  d'hommes 
généreux  qui  réclamèrent  avec  vigueur  contre  les  dérèglements  de  leurs  frères.  Ou 
soumit  aussi  à  la  réforme  les  établissements  des  ordres  mendiants  qui  s'étaient  aussi  relA- 
cbés  de  leur  austérité  (52)»  quoique  leur  dévouement  pour  la  science  leur  assurflt  une  haute 
estime  dans  l'opinion  publique.  Le  concile  de  Constance  se  déclara  même  pour  les  conven- 
tuels rigoureux  (53),^fln  d'inspirer  une  noble  émulation  aux  autres  branches  de  l'ordre; 
mais  malheureusement  la  plupart  ne  le  comprirent  pas  et  répondirent  à  cet  appel  par  une 
froide  indifférence. 

Cependant  la  vie  spirituelle  ne  s'éteignit  jamais  complètement  dans  l'Eglise  :  à  mesure 
que  de  nouveaux  besoins  se  faisaient  sentir»  ils  donnaient  naissance  à  des  ordres  nou- 
veaux qui  y  répondaient  à  leur  tour  par  une  nouvelle  activité.  Un  professeur  de  philoso- 
phie ,  Jean  Tolomei  de  Sienne»  ayant  recouvré  la  vue  miraculeusement,  fonda  par  grati- 
tude» en  1313,  l'ordre  des  Olivétains  {Congregalio  S.  Mariœ  moniis  Oliveti).  11  s'établit  dans 
une  solitude  couverte  d'oliviers»  près  de  sa  ville  natale,  et  Jean  XXlI^approuva  le  nouvel 
inslilut»  qu'il  soumit  à  la  règle  de  Saint-Benoît  (1319  [5^]).  A  Sienne  même»  Jean  Colom- 
bino  fonda  les  Jésuates  (55).  Une  Vie  de  sainU  Marie  d'Egypte  le  charma  tellement  qu'il 
renonça  à  la  plus  haute  dignité  de  l'État  pour  se  consacrer  au  service  des  pauvres  et  des 
malades.  Lorsque  Urbain  V  quitta  Avignon  pour  Rome,  en  1367,  il  approuva  rétablisse- 
ment des  Jésuates  sous  la  forme  d'une  congrégation  de  Frères  lais,  qui  furent  rangés 
parmi  les  Frères  Mendiants  et  soumis  à  la  règle  de  Saint- Augustin.  Ce  fut  seulement  au 
commencement  du  xvii*  siècle  qu'on  imposa  aux  Jésuates  l'obligation  de  recevoir  la  prê- 
trise; mais  peu  après  Clément  IX  abolit  Tordre»  quand  les  riches  Padri  deW  aqua  vite  s'oc- 
cupèrent de  distillation  en  même  temps  que  de  pharmacie  dans  quelques-uns  de  leurs  mo- 
nastères (1668).  En  Espagne  et  en  Italie»  on  vit  encore  un  certain  nombre  d'ermites  se  réu- 
nir en  congrégation  et  prendre  le  nom  dCHieronymiies  (56),  soit  qu'ils  prissent  saint  Jérôme 
pour  patron»  tout  en  suivant  la  règle  de  Saint-Augustin»  soit  qu'ils  eussent  extrait  leur 
règle  des  écrits  du  solitaire  de  Bethléhem.  Leur  premier  supérieur  en  Espagne  fût  Pierre 
Ferdinand  Pécha»  chancelier  de  Pierre  le  Cruel;  Grégoire  XI  leur  donna  l'approbation 
nécessaire»  et  les  Hiéronymiles  se  répandirent  bientôt  en  Italie,  sous  la  conduite  de  Pierre 
Gambacorli,  autrement  dit  Pierre  de  Pise. 

Sainte  Brigitte»  issue  de  la  famille  royale  de  Suède,  s'était  déjà  affiliée  au  tiers  ordre  de 
Saint-François  pendant  qu'elle  remplissait  encore  les  devoirs  d'épouse  et  de  mère  (57)  ;  après 
la  mort  de  son  époux»  elle  eut  des  révélations  que  les  Pontifes  Grégoire  XI  et  Urbain  Vl» 
ainsi  que  les  conciles  de  Constance»  reconnurent  solennellement  pour  vraies.  Ce  fut  dans 
une  de  ces  visions  que  le  Seigneur  lui  ordonna  de  fonder  un  nouvel  ordre»  qui  fut  réalisé 
à  Wadstena»  en  1363,  et  les  enfants  de  sainte  Brigitte»  après  avoir  été  formellement  recon- 
nus par  Urbain  V  (t  1370)»  devinrent  pour  les  Etats  septentrionaux  de  l'Europe  une 
source  abondante  de  grflce  et  de  bénédictions.  La  suprématie  de  l'abbesse  de  Wadstena 
était  reconnue  par  tous  les  établissements  de  l'ordre»  qui  ne  pouvait  recevoir  que  soixante 
religieuses  dont  les  besoins  spirituels  étaient  contiés  à  treize  prêtres  et  quatre  diacres,  tan- 
dis que  huit  Frères  lais  dirigeaient  les  affaires  temporelles.  Le  nombre  entier  des  monas- 
tères devait  rappeler  celui  des  treize  apôtres  et  des  soixante-douze  disciples.  Sainte  Bri- 
gitte mourut  en  1373. 

(M)  NicoL.  DB  Glem.»  De  rvùna  euie$iast.^  c.  35.  (Y.  de  Habdt»  1 1»  par.  m»  p.  33«,) 

(53)  Avud  V.  DE  Hardt,  Conc.  Consl.,t.  IV,  p.  515,  sq. 

(54)  Cr.  Retnald,  ad  an.  1320»  n**  50;  Hélyot  ,  Holsten.»  Brockie^  t.  V,  p.  f  ,  sq. 

(55)  BoLLAND.,  Acta  SS.,  mens.  Jul.,  t.  VU,  p.  533,  sq. 

(56)  Holsten.,  Brocki,  t.  Ill,  p.  43;  t.  VI,  p.  1,  sq. 

(57)  Brigittœ  retelationei^  éd.  turrccremala,  Lub.  1492;  Romae,  1628;  Vie  de  sainte  Brigitte.  (Yaslovii,^ 
Vuiê  aquifonia^  seu  Vit^  SS.  in  Scandinavia  ;col.  1623,  in-fol.,  cum  notis  Erici  Bciizel.;  Ups.»  1708»  îilr4".) 
La  règle  est  dans  Holst.»  1. 111,  p.  100,  sq.;  Hélyot. 


98  DISCOURS  WlKUmNAIBK,  M 

Knfln  François  de  Paule,  originaire  d'une  petite  ville  de  ce  nom^  située  dans  la  Calabie, 
derint  aussi  on  fondateur  d'ordre  (58).  Plein  d'une  beureuse  témérité,  il  s'efforça  d'imiter 
la  çanvreté  de  Notre-Seignenr  plus  parfaitement  encore  que  les  Franciscains;  il  vécut  d'a- 
bord en  ermite  dans  le  voisinage  de  sa  ville  natale;  mais,  vers  {l'an  1(57,  il  lui  vint  des 
eompagnons  disposés  à  se  mettre  sous  sa  direction,  et  pour  renchérir  sur  les  Minorités, 
ils  prirent  le  nom  de  Minimes.  La  haute  piété,  la  pureté  angéliqne  de  ces  moines,  jointes 
aux  miracles  de  leur  chef,  donnèrent  à  leur  ordre  une  rapide  extension  en  Italie,  en 
France  et  en  Espagne,  surtout  quand  Sixte  IV  l'eut  approuvé  {iVîk)  {Ordo  Mininu^rum Fn- 
irum  eremiiorum^  Fratrym  Framciâei  dePaula)^  Léon  X  combla  la  joie  des  Jf  mimei  en  cano- 
nisant saint  François,  qui  mourut  en  1507. 

Pendant  Tépoque  précédente,  on  a  vu  se  former  les  Beggards  et  les  Béguines  ;  pendant 
eelle^  leurs  opinions  hérétiques  et  leur  conduite  irréguliëre  leur  attirèrent  des  persécu- 
tions qui  pourtant  n'empêchèrent  pas  l'Allemagne  et  les  Pajs-Bas  de  rechercher  de  préfé- 
rence ces  associations  indépendantes,  dont  l'heureuse  iniuence  sur  la  société  porta  bien- 
tôt TEglise  à  les  autoriser  sous  une  forme  plus  parfaite.  Déjà  fort  de  l'expérience  acquise, 
Gérard  Groot  de  Deventer  (t  138b)  établit  une  congrégation  de  clercs  libres  dans  la  Hol- 
lande, le  pays  pratique  par  excellence  {clerict  ei  frairu  witœ  eommtinû).  Gérard,  après 
avoir  d'abord  étudié  à  Paris,  et  professé  avec  distinction  la  théologie  à  Cologne,  obtint  on 
bénéfice  important  (59)  ;  mais  bientôt  il  se  d^oûla  de  sa  vie  mondaine  et  en  adopta  une 
plus  austère,  quoique  non  moins  active.  Son  expérience ,  comme  prédicateur ,  lui  apprit  à 
connaître  à  fond  la  misère  et  la  pauvreté  des  clercs.  Pour  soulager  cette  indigence,  il  consacra 
tonte  sa  fortune  i  la  fondation  d'un  institut  dont  les  membres  devaient  suivre  les  traces 
des  apôtres,  alliant  le  travail  des  mains  aux  exemples  et  aux  enseignements  de  la  piété 
ctirétienne.  Le  monastère  des  Chanoines  réguliers,  créé  en  1386,  à  Windesfaeim,  devint 
le  centre  de  ces  associations  auxquelles  s'attachèrent  insensiblement  des  laïques  apparie* 
nant  aux  deux  sexes,  et  tous  se  conformèrent  aux  observances  des  Beggards  et  des  Bégui- 
nes, et  se  répandirent  insensiblement  dans  les  Pajs-Bas  et  la  Westpbalie,  où,  par  une  sage 
disposition,  on  introduisit  parmi  eux  des  études  philologiques.  Ce  fut  précisément  d'une 
semblable  association  que  sortirent  le  célèbre  Thomas  A'  Kempis  et  Gabriel  Biei,  le  dernier 
des  sententiaires.  Eugène  IV  et  Paul  II  accordèrent  de  nombreux  privilèges  à  ces  confré- 
ries spirituelles,  où  l'élite  du  clergé  trouvait  une  excellente  sauvegarde  contre  les  désor- 
dres du  temps. 

Les  membres  oes  ordres  religieux  s'étaient,  pour  ainsi  dire,  rendus  inutiles  dans  l'Eglise, 
au  milieu  des  graves  et  nouvelles  luttes  qu'elle  soutenait;  les  uns  étaient  restés  froids  et 
impassibles  spectateurs  du  combat,  les  autres  avaient  embrassé  le  luthéranisme.  L'Esprit, 
toujours  vivant  dans  l'Eglise,  produisit  alors  un  ordre  nouveau,  qui,  né  de  la  force  des 
Mrconstances,  était  par  là  même  propre  à  répondre  aux  besoins  du  temps.  Cet  ordre,  devant 
surtout  faire  contre-poids  dans  l*Eglise  au  protestantisme,  a  toujours  effrayé  l'imagination 
des  protestants,  qui  n'y  ont  vu  qu'un  épou vantail  pour  l'humanité,  aussi  redoutable 
qu'odieux,  et  rarement,  au  sein  même  de  l'Eglise  catholique,  ou  s'est  formé  un  jugement 
exact  et  vrai  sur  cette  société  célèbre.  Due  exposition  impartiale  et  fidèle  devient  donc, 
plus  que  jamais,  un  devoir  pour  l'historien. 

Ignace,  fondateur  de  l\>rdre ,  né  d*une  famille  noble  au  château  de  Loyola,  en  Espa- 
gne (U91),  se  signala  et  fut  blessé  au  siège  de  Pampelune  (1521).  Durant  les  longues 
journées  de  sa  convalescence,  à  défaut  de  romans,  il  lut  l'Ecriture  sainte  et  la  Vie  des 
saints,  et  fut  pris  de  l'ardent  désir,  comme  jadis  François  d'Assise,  de  conquérir  la  gloire 
du  ciel  par  les  souffrances  et  les  misères  de  ce  monde.  Il  résolut,  aussitôt  qu'il  fut  guéri, 
d'embrasser  la  vie  la  plus  austère,  d'entreprendre  un  pèlerinage  à  Jérusalem  et  d'y  tra- 
vailler à  la  conversion  des  infidèles.  Détourné  de  son  pieux  et  imprudent  projet,  sur  les 

(5S)  BoLLA90.,  Acla  S5.,  mens  Aprilis.  t.  l,p.  103,  sq. 

(59)  VofessaTie,  par  Tbomas  A^Kehfis  (OnPf  éd.  Sommstius;  Antr.,  1607.  in-V,  p.  765);  Chro- 
«cm  coliegn  wmdeêkemensii  (Gddem,  SsUoge  prinut  twrwr.  dipUmatonorum^  &c.;  Franccf.,  IJ^*.^- 
MO)  ;  DeLPftAT ,  (her  de  Broedenchap  van  G.  Groot.  ;  Ltrecht ,  1830.  €f.  Uuurai,  Jean  Wcsscl,  Uaiiai., 
4tU,  1'^  appendice. 


05  DiCnON.NAlRE  D*ASCaSTISIlE.  M 

lieax  saints  mèoiest  par  le  proïîDcial  des  Franciscaioa,  et  déterminé  à  revenir  ea  Europe, 
il  eonçut  l'idée  d*an  ordre  nouveau.  Pour  le  réaliser,  il  ne  roogil  pas  de  se  remettre  sur 
les  baoes,  parmi  des  enfants,  d'apprendre  le  latin,  et  d'achever  son  éduralion  littéraire 
dans  les  universités  d'Âlcala  et  de  Paris,  où  il  parvint  à  communiquer  sa  ferveur  et  à  faire 
embrasser  son  sévère  genre  de  vie  i  quelques  compagnons  d*étude,  qui  lui  transmirent 
ft  leur  tour  leurs  connaissances,  et  le  mirent  à  même  de  recevoir,  après  une  sérieuse 
épreuve,  le  grade  de  docteur  (153fc).  Ses  principaux  associés  furent  Pierre  Lefèvre  de 
Itevoie,  le  Navarrais  François-Xavier,  les  trois  Espagnols  Jacques  Lainez,  Alphonse 
Salméron,  Nicolas  Bobadilla,  et  le  Portugais  Rodriguez.  Bientôt  leurs  idées  s'élargirent, 
leur  projet  mûrit;  ils  se  décidèrent  à  se  consacrer  au  salut  des  âmes.  Ayent  dû  renoncer 
au  dessein  de  se  rendre  en  Orient,  Ignace  Lefèbre  et  Lainez  vinrent  à  Rome,  firent  vœu 
de  pauvreté,  de  chasteté,  d'obéissance  absolue,  et  se  déclarèrent  prêts  à  se  rendre  partout 
où  le  Père  de  la  chrétienté  voudrait  les  envoyer.  Paul  lil  ne  put  résister  à  des  vœux  si 
fermes  et  si  sincères,  et  approuva  c  la  société  de  Jésus  b  (I5M),  'qui  ne  devait  d'abord  se 
composer  que  de  soixante  personnes.  Cependant,  les  premiers  résultats  de  leurs  travaux 
firent  bientôt  lever  cette  restriction  par  le  Pape  (15^3),  et  ses  successeurs  leur  accordèrent 
de  grands  privilèges.  L'ordre  se  propagea  rapidement  en  Europe.  François-Xavier  le  trans- 
porta au  deli  des  mers. 

La  constitution  de  l'ordre,  beaucoup  plus  nette  et  plus  forte  que  toutes  celtes  des  autres 
ordres,  se  résume  comme  il  suit  : 

Le  but  principal  de  l'ordre  est  la  plus  grande  gloire  de  Dieu  (il.  Jf.  D.  G.);  donc  les 
membres  de  la  Société  doivent  travailler  au  salut  du  prochain  comme  au  leur.  Ils  travail- 
lent au  salut  du  prochain  parla  prédication,  les  missions,  les  catéchismes,  la  controverse 
contre  les  hérétiques,  la  confessiou,  et  surtout  par  l'instruction  de  la  jeunesse;  à  leur 
propre  salut,  par  la  prière  inlérieurcy  l'examen  de  conscience,  la  lecture  des  livres  ascé- 
tiques et  la  fréquente  communion. 

L'ordre  ne  reçoit  que  des  membres  sains  de  corps  et  doués  de  talents. 

Les  nouveaux  membres  passent  par  un  sévère  noviciat  de  deux  ans,  durant  lesquels 
toutes  les  études  sont  interrompues,  et  qui  est  principalement  employé  à  des  exercices 
spirituels. 

A  la  fin  du  noviciat  se  font  les  premiers,  souvent  les  seconds  vœux,  semblables  i  ceux 
des  autres  ordres. 

La  pauvreté  des  membres  consiste  en  ce  qu'ils  ne  peuvent  posséder,  soit  indifiduelle- 
ment,  soit  collectivement,  ni  revenus,  ni  propriétés,  et  doivent  se  contenter  de  ce  qu'on 
leur  donne  ponr  leurs  besoins.  Mais  les  collèges  sont  dotés,  pour  que  ceux  qui  enseignent 
et  ceux  qui  étudient  ne  perdent  pas  leur  temps  aux  soins  de  leur  entretien. 

Après  le  noviciat  commencent  les  études,  qui  consistent  principalement  dans  la  con- 
naissance des  langues,  de  la  poésie,  de  la  rhétorique,  de  la  philosophie»  de  la  théologie, 
de  l'histoire  ecclésiastique  et  de  l'Ecriture  sainte. 

Ceux  qui  se  livrent  à  ces  études  doivent,  pour  entretenir  la  piété  dans  leur  cœur,  faire 
de  fréquents  examens  de  conscience,  s'approcher  des  sacrements  tous  les  trois  jours ,  et 
renouveler  leurs  vœux  deux  fois  par  an. 

Chaque  membre  est  surveillé  par  un  confrère,  il  sort  toujours  accompagné. 

Alors  vient  le  second  noviciat ,  qui  dure  un  an ,  et  pendant  lequel  on  est  employé  h  la 
prédication ,  aux  catéchismes ,  à  l'enseignement. Cependant,  la  majeure  partie  du  temps 
doit  être  employée  à  la  contemplation, dont  Ignace  a  dressé  le  plan  dans  les  exercices 
spirituels (farerciVJa  tpiriiualia). 

D'après  leur  talent,  les  membres  de  la  société  sont  partagés  en  trois  classes  :  f*  Les 
profës ,  qui,  outre  les  trois  vœux  monastiques,  font  le  quatrième  vœu  d'obéissance  absolue 
au  Pape ,  par  rapport  aux  missions.  Il  y  a  peu  de  profès  ou  de  Jésuites  du  quatrième 
TOBu.  C'est  parmi  eux  que  sont  élus  le  général  et  les  autres  chefs  des  instituts  de  l'ordre. 
Ces  iostituts  sont  :  Les  maisons  professes ,  dirigées  par  un  préfet  ;  les  collèges ,  compre- 
nant au  moins  treize  membres ,  sous  un  recteur;  les  collèges  afliliés  ou  résidences  i  ayunt 


17  DISCOURS  PREUUINÂIRE.  9S 

uo  supérieur  et  dao9  lesquels  les  Pères  Agés  trouvent  une  retraite  pour  se  reposer  ou 
mettre  la  dernière  main  à  leurs  écrits  ;  enGo  les  roaîsoos  de  mission  ,  pour  venir  au  se- 
cours des  curés  dans  les  campagnes.  Les  prétendus  Monita  sécréta  des  proies  qu'on  a  si 
souvent  reprochés  à  la  société,  ne  sont  qu*une  méprisable  calomnie,  comme  la  proposition 
qu*on  prétend  tirer  des  constitutions,  et  qui  donne  è  un  supérieur  le  pouvoir  d'ordonner 
un  péché ,  résulte  d'un  perfide  malentendu. 

3*  Les  coadjuleurs ,  qui  comprennent  la  majorité  des  membres  de  la  société ,  chargés 
de  renseignement  des  colKges  et  du  ministère  pastoral ,  et  parmi  lesquels  les  scolastiques 
(  icohutici  approbaii  )  sont  destinés  aux  plus  hauts  emplois  de  l'enseignement. 

3*  Les  coadjuteurs  temporels   (  coadjiUores  temporales  ),  frères  laïques ,  destinés  aux 

serrices  manuels  et  aux  plus  basses  fonctions. 

A  la  tète  de  chaque  province  est  placé  un  provincial. 

Tout  Tordre  est  gouverné  par  un  général ^  qui  réside  è  Rome,  jouit  d'un  pouvoir  absolu  , 
en  tant  qu'il  observe  les  anciennes  lois  de  Tordre.  Les  modifications  ne  peuvent  être  intro- 
duites que  dans  les  assemblées  générales.  Le  général  nomme  les  supérieurs,  pour  empêcher 
les  troubles,  les  intrigues,  parmi  les  subordonnés  :  cependant  il  consulte  le  provincial 
et  trois  autres  Jésuites.  Les  supérieurs  de  tous  les  instituts  sont  obligés  de  rendre  compte 
chaque  année ,  au  général ,  de  la  conduite  et  des  talents  de  leurs  subordonnés. 

Le  général  a  six  assistants ^  hommes  éprouvés  et  expérimentés,  appartenant  à  l'Allema- 
gne, la  France,  l'Espagne  ,  le  Portugal,  l'Italie  et  la  Pologne  »  qui  sont  élus  dans  les 
assemblées  générales. 

Le  général  est  soumis  à  leur  contrôle.  Ils  peuvent,  dans  des  cas  urgents,  le  déposeï  ; 
en  temps  ordinaire,  il  ne  peut  être  déposé  que  par  les  assemblées  générales. 

Vadmoniteur^  adjoint  encore  au  général ,  a  pour  mission  de  le  soutenir  comme  un  ami , 
un  père,  un  confesseur. 

Ainsi  la  société ,  présentant  le  modèle  d'une  monarchie  constitutionnelle  fortement 
organisée ,  d'une  législation  sage  et  parfaite ,  devait ,  autant  par  cette  organisation  que 
par  Tesprit  vigoureux  qui  l'animait ,  ol>teDir  une  grande  autorité  et  exercer  une  immense 
influence  dans  le  monde. 

La  constitution  maintenait  l'unité  la  plus  rigoureuse  dans  le  fond  de  l'enseignement , 
au  milieu  de  l'activité  la  plus  vivante;  elle  ordonnait  de  réprimer  avec  le  plus  énergique 
empressement  tout  ce  qui  s'écarterait  de  la  doctrine  de  l'Eglise ,  et  accordait  en  même 
temps,  pour  ce  qui  était  de  pure  opinion  »  une  très-grande  liberté  »  4on4  on  fil  plus  tard 
un  déplorable  abus. 

11  ne  faut  pas  oublier ,  pour  bien  juger  le  quatrième  rœu  des  Jésuites  et  quelques  au- 
tres particularités  de  leur  constitution  et  de  leur  manière  d'agir,  qu'ils  avaient  pour  but 
de  former  une  société  absolument  contraire  au  protestantisme.  Le  protestantisme  ajaiii 
attaqué  le  centre  de  Tunité  et  v(*ulu  renverser  le  Pape ,  les  Jésuites  prenaient  par  là  même 
Tobligation  de  se  rattacher  fortement  au  Saint-Siège.  Les  protestants  poussaient  la  liiierîé 
jusqu'à  la  licence  ;  les  Jésuites  imposaient  Tobéissance  la  plus  absolue ,  de  manière  à  sa* 
erifier  la  volonté  de  l'individu  aux  intérêts  de  la  société.  Les  protestants,  ayant  le  plus 
sourent  procédé  avec  passion  et  agi  sans  réflexion  ni  prudence  »  étaient  restés  longtemps 
sans  pouvoir  s'organiser  ni  se  constituer  ;  les  fondateurs  de  Tordre  des  Jésuites ,  guidés 
par  une  haute  et  religieuse  inspiration ,  merreilleosement  unis  entre  eux,  agirent  avec 
la  prudence  la  plus  consommée ,  avec  la  prévoyance  la  phis  réfléchie. 

Aussi,  des  éléments  qui  sont  le  plus  souvent  opposés  vinrent  se  fondre  ici  dans  la  plus 
parfaite  harmonie.  Ignace,  rempli  d'un  enthousiasme  noble  et  pur,  qui  pouvait  paraître 
parliiis  exagéré,  brûlait  dezèle  pour  le  Christ  et  pour  TBglise,  et  ne  connaissait  que  TEi^lise 
et  Jésus-Christ.  Lainez,  homme  d'une  raison  calme,  pénétrante,  d'un  esprit  positif  et  or- 


99  DICTIONNAIRE  D*ASCETISMC.  fOft 

ganisateur,  semblait  né  pour  gouverner  de  grands  empires.  Au  zèle  plein  de  foi  d'Ignace, 
Lainez  joignait  la  science  des  choses  de  la  foi.  Ignace  posa  le  principe  de  la  vie  intérieure, 
qui  fonda  la  Société;  Lainez  lui  donna  la  forme  et  l'organisation  nécessaires  pour  qu'elle 
p'ût  se  manifester  et  atteindre  son  but.  Les  qualités  de  ces  deux  hommes,  qui  s*idenliGèrent 
dès  Torigine,  se  sont  toujours  conservées  d'une  manière  remarquable  dans  la  Société  qu'ils 
ont  fondée  et  qui  a  été  si  active*  si  vigoureuse»  qu'on  ne  peut  en  lire  Thistoire  sans  le 
plus  vif  intérêt. 

Il  fallait,  pour  arrêter  les  progrès  du  protestanlismei  une  grande  énergie,  un  véritable 
dévouement,  une  prudence  consommée,  une  vue  claire  du  but  k  atteindre;  tout  cela  so 
rencontra  dans  Tordre  des  Jésuites. 

Les  faits  que  nous  allons  résumer  prouvent  toute  Tactivité  que  les  Jésuites  déployèrent 
dans  rintérêt  de  TEglise.  Il  semblait  qu'une  véritable  barbarie  allait  s'étendre  sur  TAlie- 
magne,  berceau  du  protestantisme*  Les  universités  étaient  en  décadence  et  menaçaient 
ruine.  Le  peuple  était  tombé  dans  la  plus  profonde  ignorance;  et  comme  pour  être  pro- 
testant il  suffisait  de  rejeter  quelques  points  de  la  foi  catholique,  on  sentait  même  dans 
les  pays  strictement  catholiques,  comme  l'Autriche,  une  tendance  prononcée  vers  le  pro- 
testantisme. Pendant  vingt  ans  il  n'était  pas  sorti  un  prêtre  de  l'université  de  Vienne, 
autrefois  si  florissante.  Les  ecclésiastiques  protestants  apparaissaient  de  tous  côtés.  Cette 
situation  porta  Ferdinand  I"  à  demander  des  Jésuites  (1551).  On  distingua  dès  lors  parmi 
ceux  qui  furent  envoyés.  Le  Jay  et  Canisius.  Canisius,  par  aes  instructions  suivies,  des 
prédications  fréquentes,  une  nouvelle  organisation  de  l'université  de  Vienne,  la  publica* 
tion  d'un  nouveau  catéchisme  et  l'administration  prudente  du  diocèse,  rétablit  Tordre  en 
peu  de  temps,  et  non-seulement  arrêta  les  progrès  du  protestantisme,  mais  riimena  la 
plupart  des  protestants  au  catholicisme.  Le  célèbre  collège  des  Jésuites  de  Fribourg,  en 
Suisse,  rappelle  également  l'activité  de  Canisius  (béatiQé  le  21  novembre  1843). 

Les  mêmes  circonstances  amenèrent  les  Jésuites  en  Bavière.  Le  Jay  y  combattit  d'abord 
le  protestantisme;  puis  on  conQa,  h  Ingostadt,  l'enseignement  de  la  théologie  aux  Jé- 
suites (1549).  Le  Jay  expliqua  les  Psaumes;  Salméron,  les  Epîtres  de  saint  Paul  et  les 
Evangiles;  Canisius,  la  dogmatique.  Bientôt  après,  Munich  appela  à  son  tour  les  Jésuites 
(1559).  Ils  surent  y  réveiller  le  goût  des  éludes  classiques,  littéraires  et  scientiaques,  dont 
les  protestants  proscrivaient  l'enseignement,  comme  une  occupation  mondaine,  inutile, 
dangereuse  à  l'éducation  religieuse,  tandis  que  TEglise  avait  appris  par  une  triste  expé- 
rience tout  ce  qu'elle  avait  eu  à  souffrir  du  défaut  de  ces  connaissances. 

Dès  lors  TEglise  catholique  de  Bavière  fut  garantie  contre  les  attaques  ennemies.  Il  en 
fut  de  même  lorsque  les  Jésuites  fondèrent  des  collèges  à  Cologne  (1556),  Trêves  (1561), 
Mayence  (1562),  Augsbourg  et  Dillingen  (1563),  Paderborn  (1585),  Wurtzbourg  (1586), 
Munster  et  Salzbourg  (1588),  Bamberg  (1595),  Anvers,  Prague,  Posen  (par  Tévêque  Adam 
Konarski,  1571,  confirmé  par  le  roi  Henri,  12  avril  1574),  et  dans  d'autres  contrées;  par- 
tout ils  devinrent  Tappui  et  le  rempart  de  TEglise.  Leurs  remarquables  travaux  sur  toutes 
les  parties  de  la  théologie,  de  la  philosophie  et  de  la  philologie,  se  répandirent  partout. 
Tels  furent  les  travaux  de  Tursellin  {De  particulis  linguœ  latinœ) ,  de  Viger  (De  idioiiimit 
linguœ  grœcœ)f  sur  la  grammaire;  de  Jean  Perpiniam  (f  1566),  Pontanus,  Vernuleus  et 
d'autres,  sur  la  bonne  latinité;  de  Jacques  Balde,  Sarbiewski,  Jouvenci,  Varrière,  Spée, 
sur  la  poésie;  de  Clarius,  Hell,  Scheiner,  Schall,  de  Bell,  Poczobut,  à  Wiina,  sur  les 
mathématiques  et  l'astronomie;  de  Kircher,  Nieremberg,  Raczinski,  sur  l'histoire  natu- 
relle; d'Acunha,  de  Charleroix,  Dobrizhofer,  Gerbillon,  sur  la  géographie;  d'Aquaviva,  de 
Mariana,  de  Ribadeneira,  sur  les  sciences  politiques.  Les  hommes  les  plus  judicieux  ont 
toujours  reconnu  que  la  méthode  des  Jésuites,  alliant  la  science  et  la  religion,  et  soutenant 
l'esprit  par  toutes  sortes  de  moyens  extérieurs  ingénieux,  est  parfaitement  appropriée  à 
Tinstruction  de  la  jeunesse.  Nous  ne  rappelons  ici  en  témoignage  que  les  paroles  de 
Louis  XVI,  faisant  le  portrait  de  Choiseul  :  t  Le  gouvernement  a  toujours  trouvé  un  appui 
spécial  dans  cette  célèbre  Société,  qui  élevait  la  jeunesse  dans  l'obéissance  à  l'Etat,  dans 
la  connaissance  des  arts,  des  sciences  et  des  bollcs^leltres.  Choiseul  a  livré  les  Jésuites 


ffl  MSCOimS  PREUMINAIRE.  în 

aux  perséoitioDS  des  par.emenis  ;  il  a  Ii?ré  la  jeunesse  eux  systèmes  de  la  (Ailosophie, 
00  aux  infloeoces  des  opinions  parlementaires  les  pins  dangereuses.  En  renrersaoC  les 
Jésuites,  il  a  bit,  au  grand  détriment  de  Téducation  et  de  la  science,  un  Tide  qu'aucune 
autre  corporation  ne  pourra  jamais  remplir.  » 

Les  exemples  donnés  par  8.  Ignace  agirent  puissamment  sur  les  siens.  Il  combatlit  aTOC 
succès,  en  Italie  et  à  Rome  surtout,  le  désordre  des  moeurs  ;  institua  des  maisons  spécia- 
les pour  ser? ir  de  refuge  aux  femmes  repenties,  reçues  et  dirigées  par  la  Sociéli  de  SahUe- 
Marik€t  qu*il  arait  fondée,  ainsi  que  le  couvent  de  Sainte-Catherine,  pour  les  jeunes  per- 
sonnes dont  la  chasteté  était  en  danger.  En  Portugal,  les  Jésuites  avaient  lutté  si  victo- 
rieusement contre  le  luxe  et  la  corruption  des  mœurs»  qu'un  témoin  oculaire  dit,  en  par- 
lant de  leurs  eflbrfs  :  €  C'est  une  seconde  Sparte  qu'ils  veulent  fonder,  k  Cette  activité 
morale  et  scientiQque  fit  naître  le  désir  d'avoir  des  évèques  jésuites.  Ignace  ne  voulut  point 
7  consentir,  parce  que  cette  élévation,  contraire  à  la  pauvreté  et  à  l'humilité  de  Tordre, 
pouvait  fomenter  et  nourrir  l'ambition,  et  nuire,  sous  bien  des  rapports,  è  la  Société,  dont 
les  membres,  disait-il,  doivent  être  des  soldats  du  Christ,  toujours  prêts  k  se  rendre  par- 
tout où  Dieu  les  appelle.  Cette  rigueur  fut  légèrement  adoucie  sous  Lainez,  second  géné- 
ral de  l'ordre,  et  complètement  rétablie  sous  le  troisième  général,  François  de  Borgia.  Il 
n'est  pas  étonnant  que  l'habileté  et  les  vertus  morales  des  Jésuites  les  fissent  souvent  ap- 
peler et  réussir  auprès  des  princes  et  dans  leurs  cours.  L'expérience  avait  prouvé  com- 
bien, à  cette  époque,  les  princes,  par  leurs  bonnes  ou  mauvaises  dispositions,  avaient 
d'influence  sur  les  destinées  de  l'Eglise.  Néanmoins,  on  regrette  que  quelques  Jésuites  se 
soient  trop  immiscés  dans  les  affaires  politiques.  François  de  Borgia,  dans  les  circulaires 
adressées  aux  membres  de  la  Société,  blâma  fortement  celte  immixtion  dans  les  affaires, 
ainsi  que  les  travaux  purement  scientifiques  des  Jésuites,  c  Vous  avez  bien,  disjkil-îlt 
dompté  Toiigueil,  qui  se  nourrit  au  milieu  des  dignités  de  l'Eglise,  mais  vous  le  satisfaites 
d'une  autre  manière  par  vos  ambitieux  travaux.  »  II  se  plaint  de  ce  que,  dans  l'admission 
des  nouveaux  sujets,  on  a  plus  égard  à  leur  aptitude  pour  la  science  et  à  leurs  avantages 
temporels,  qu'à  la  sainteté  de  leur  vocation. 

Plus  d'un  homme  de  bien  avait  reconnu  que  la  dégénération  du  clei^é,  et,  par  suite, 
rignorauee  et  la  misère  du  peuple,  avaient  préparé  les  voies  au  protestantisme  :  aussi  di- 
verses congrégations  rivalisèrent  de  zèle  pour  remédier  à  ces  tristes  maux  et  subvenir  à 
rinstruction  du  peuple.  Il  fallait,  à  cet  effet,  d'abord  tendre  à  une  réforme  du  clergé,  afin 
qu'il  remplit  son  devoir.  C'est  dans  ce  but  que  se  formèrent  : 

1*  Les  Capucins.  Cet  ordre  manifesta  sa  force  et  sa  vertn  d'une  manière  toute  diffé- 
n»te  de  celle  des  Jésuites.  Il  prit  à  tâche  de  combattre  l'amour  des  richesses  et  l'esprit 
noDdaiu  des  vieux  couvents  dégénérés,  par  une  pauvreté  rigoureuse,  par  l'abnégation  la 
plus  entière,  l'humilité  la  plus  complète,  et  de  servir  ainsi  de  modèle  au  monde,  et  surtout 
au  clergé  des  paroisses,  en  le  secondant  dans  le  soin  des  âmes.  Les  Capucins  ne  furent 
qu'une  modification  des  Franciscains.  La  sévérité  de  la  règle  avait  de  bonne  heure  excité 
des  discussions  parmi  ceux-ci  ;  ce  fut  une  discussion  de  ce  genre  qui  amena  la  modifica- 
tion de  l'ordre,  opérée  par  Matteode  Bassi,  dans  le  couvent  de  Monteftlco.II  appartenait  au 
parti  rigoriste  des  Minimes,  et  voulut  ramener  l'ordre  à  la  sévérité  primitive.  Il  commença 
parle  dehors,  et  ajouta  à  la  robe  des  religieux  un  capuchon  pointu,  tel  que  l'avait,  disait<on, 
porté  saint  François.  Puis,  il  communiqua  ses  pensées  de  réforme  au  Pape  Clément  VU 
(1588),  dont  il  obtint,  pour  ses  religieux,  l'autorisation  de  porter  un  capuchon  et  une 
longue  l)arbe  ;  de  vivre  selon  la  règle  de  Saint-François,  dans  des  ermitages ,  de  prêcher 
et  de  s'occuper  du  salut  des  grands  pécheurs.  D'après  ces  principes  austères,  les  églises 
des  Capucins  devaient  être  sans  ornements,  leurs  couvents  de  la  plus  grande  simplicité. 
Us  se  rendirent  d'abord  extrêmement  utiles  et  populaires  par  l'intrépidité  avec  laquelle  ils 
secoururent  les  malades,  durant  la  peste  qui  ravageait  alors  l'Italie.  Le  troisième  vicaire 
général  de  l'ordre ,  Ochino,  porta  une  rude  atteinte  à  la  réforme  naissante.  Après  avoir 
été  un  zélé  prédicateur,  il  séduisit  une  jeune  fille,  embrassa  le  protestantisme  (1548),  se 
maria,  et  fit,  par  sa  honteuse  conduite,  interdire  la  prédication  aux  Capucins ,  pendant 


105  DICTIONNAIRE  D'ASCETISME.  *0* 

deui  ans.  Mais  ils  se  reievèrenl  tigoureusement,  et  fournirent  une  noble  et  fruclueuse. 
carrière.  La  rapide  propagaUon  de  l'ordre,  la  faveur  qui  l'accueillit,  les  grands  person- 
nages qui  y  entrèrenti  tels  qu'Alpnonse  d'Esté,  duc  de  Modène  (1626),  Henri,  duc  de 
Joyeuse,  et  d'autres,  prouvent  combien  cet  ordre  mendiant  élait  populaire,  et  répondait 
aux  besoins  du  temps. 

a-  Les  Théatîns.  Dès  1525,  plusieurs  prélats  s'étaient  associés  en  Italie  dans  le  but 
immédiat  de  soigner  les  malades,  et  par  là  môme  de  travailler  au  salut  des  âmes.  Cette 
oeuvre  de  charité  fit  peu  à  peu  naître  le  désir  et  le  projet  d'améliorer  le  clergé,  de  ma- 
nière que,  pur  de  mœurs,  instruit  et  désintéressé,  il  remplit  les  fonctions  du  culte  avec 
dignité,  repoussât  du  langage  de  la  chaire  toute  expression  basse  et  profane,  se  dévouât 
au  service  des  malades,  et  préparât  les  condamnés  à  la  mort.  Gaétan  de  Tbienne 
peut  être  considéré  comme  le  fondateur  de  cette  association.  11  se  rendit,  d'après  l'avis 
de  son  confesseur,  à  Rome,  y  gagna  Carafifa,  évoque  deChieti  (Theaêi  en  latin),  et  lui  fit 
accepter  la  supériorité  de  la  société.  Caraffa  élu  Pape  sous  le  nom  de  Paul  IV,  donna  le 
nom  de  Théatins  aux  membres  de  l'ordre,  déjà  confirmé  par  Clément  VU  (ISâk),  sous  le 
nom  de  Chanoines  réguliers  de  la  congrégation  de  Lalran.  Les  Théatins  devinrent, 
comme  prédicateurs  et  missionnaires,  la  pépinière  du  haut  clergé.  D'après  leurs  statuts, 
ils  ne  devaient  pas  mendier,  mais  vivre  sous  la  protection  de  la  divine  Providence, 
c'est-à-dire  de  dons  volontaires. 

3"  Les  Somnsqucs.  Celle  congrégation  de  clercs  réguliers  fut  ainsi  nommée  d^une 
ville  du  Milanais.  Jérôme  Emiiien,  fils  d'un  sénateur  de  Venise,  en  fut  le  fondateur  (1528). 
Paul  m  la  confirma  (1540),  et  Pie  IV  l'honora  de  divers  privilèges.  En  1568,  le 
Pape  Pie  V  la  rangea  parmi  les  autres  ordres  monastiques.  La  règle  prescrivait  aux 
Somasques  une  vie  austère,  la  prière  continuelle,  môme  pendant  la  nuit,  l'instruction  des 
peuples  de  la  campagne,  et  surtout  l'éducation  des  orphelins.  Ils  fondèrent  aussi  des 
écoles  supérieures  à  Rome,  à  Pavie,  et  dans  d'autres  villes  de  l'Ilalie. 

&"  Les  Barnabites.  C'était  également  des  clercs  réguliers.  Ils  tinrent  leur  nom  d'un<i 
église  dédiée  à  saint  Barnabée,  à  Milan,  et  se  réunirent,  comme  les  premier^  Chrétiens, 
pour  vivre  en  commun,  et  se  livrer  à  l'enseignement.  Ils  eurent  pour  fondateurs  trois 
gentilshommes  (1530),  Antoine-Marie  Zaccaria,  de  Crémone,  Barthélémy  Ferrera,  de 
Milan,  et  Jacques-Antoine  Morigia.  Clément  VII  confima  cet  institut  {1532),  qui  fut 
principalement  destiné  à  des  missions  dans  les  pays  chrétiens,  à  l'instruction  de  la  jeu- 
nesse et  à  la  surveillance  deis  séminaires.  Il  obtint  quelques  chaires  dans  les  universi- 
tés de  Milan,  de  Pise  et  d'autres  villes  italiennes. 

5*  Les  OratorienSr  fondés  par  le  célèbre  Philippe  de  Néry,  né  à  Florence.  Philippe, 
après  de  brillantes  études,  se  livra  de  bonne  heure,  dans  Evine,  à  Tinstruction  de  la  jeu- 
nesse et  aux  soins  des  malades  dans  les  hôpitaux.  Il  y  fonda  la  confrérie  de  la  Sainte-Tri- 
nité (ISM),  qui  fut  accueillie  si  favorablement  que  Philippe,  n'ayant  d'autres  ressour- 
ces que  la  charité  des  âmes  généreuses,  bâtit  un  grand  hôpital  pour  les  pauvres  pèlcrinsl 
Cet  oratoire  {orcUoriumjt  dans  lequel  on  lisait  et  expliquait  les  saintes  Ecritures  aux 
pèlerins,  fut  bientôt  trop  étroit.  Paul  IV  fit  présent  à  Philippe  d'une  église  (1358). 
Les  Pères  de  IX)ratoire,  autorisés  par  Grégoire  XIII  (1574),  composé  de  laïques  et  d'ec- 
clésiastiques^, sans  vœux  particuliers,  se  répandirent  de  Rome  dans  les  autres  Etats  de 
l'Italie.  Philippe  avait  désiré  que  sa  société  devint  le  refuge  de  ceux  qui  ne  se  senti- 
raient point  propres  à  entrer  dans  un  ordre  religieux.  Quoique  le  but  principal  de  l'Ora- 
toire fût  l'instruction  du  peuple,  on  s'y  adonna,  dès  le  principe,  à  de  hautes  et  fortes  études. 
Baronius  Ordérit*,  Rainald,  Galloni,  appartiennent  à  POraloire,  qui  eut  le  bonheur  de 
voir  son  fondateur  canonisé  par  Grégoire  XV  (1622).  C'est  d'après  l'exemple  de  saint  Phi- 
lippe de  Néry  que  le  cardinal  de  fiérulle  institua  en  France,  avec  quatre  prêtres,  les 
Pères  de  l'Oratoire  de  Jésus  (Wtl),  pour  la  réforme  et  l'éducation  du  clergé  français. 
Les  Oratoriens  de  France  furent  autorisés  par  Paul  V  (1613).  Ils  se  composaient  d'incor- 
|H)rés  et  d'associés,  cft  ne  faisaient  ni  vœux  solennels,  ni  vœux  simples.  Ils  se  multi- 
plièrent rapidement,  et  formèrent  d*illnstrcs  savants  et  de  grands  prédicateurs,   tels 


lOS  MSGOURS  PREUnNAIRB.  lOS 

que  Valebranche ,  Mortn ,  Tbomasrâ  ,  Ricliard  Slrnoo  ,  Beraard   Laoïy ,   Boubigant  » 
Massiilôû. 

€r  La  congrégaCîon  de  daint-Maur.  L*ordrc  des  Bénédictîos^  jadis  si  puissant  el  si 
actif,  était  tombé,  en  France  comme  ailleurs,  dans  la  tiédeur,  et  avait  été  euvahi  par 
l'esprit  du  siècle.  Il  s*était  appauvri  au  milieu  de  ses  îmmebses  richesses;  Après  bien  des 
essais  infructueul,  Didier  de  La  Gour,  prieur  de  Tabbaye  de  Seint-Vaones,  en  devint  le  ré- 
formateur. I^lacé,  jeune  encore,  à  la  tète  de  cette  abbaye,  il  s*j  prépara,  par  vn  tra? ail 
assidu  et  des  études  sérieuses,  à  visiter  avec  fruit  one  université  savante.  II  en  revint  plein 
de  zèle,  et  résolut  d*exhorter  ses  frères,  destitués  de  foute  culture  intellectuelle, à  se  livrer 
à  rétude  et  à  recevoir  une  réforme  indispensable.  Ce  ne  fut  qu'avec  la  pins  grande  peine 
qu*il  parvint  à  réformer  Tabbaye  de  Hoyen-lfoutier,  qui  s*unit  k  la  congrégation  de  Saint- 
Tannes  et  de  Saint-Hidulphe,  et  à  remettre  en  vigueur  la  règle  de  Ijînt-Benott.  Le  Fape 
Clément  TIII  ayant  confirmé  cette  règle  (1601),  elle  fut  favorablement  accueillie  dans 
un  grand  nombre  de  couvents  de  France.  Dès  lors  le  chapitre  général,  tenu  à  Saint- 
Mansuy,  à  Tulle  (1618),  résolut  de  former  une  congrégation  particulière  de  ces  couvents 
réformés,  sous  finvocation  de  saint  Ifaur,  le  plus  grand  disciple  de  saint  Benoit. 
Grégoire  XV  autorisa  cette  congrégation.  Richelieu  s'y  intéressa  vivement,  et  elle  compta 
bientôt  cent  quatre-vingts  abbayes  et  prieurés  conventuels.  La  congrégation  avait,  outre  la 
règle  des  Bénédictins,  quelques  statuts  particuliers,  un  supérieur  général  qui  demeurait 
à  Paris,  dans  le  cloître  Saint-Germain.  La  vertu  nouvelle  de  la  congrégation  se  manifesta 
parrexcellenle  organisation  qu'elle  donna  aax  séminaires,  et  surtout  par  les  savants  solides 
qu'elle  forma,  et  qui,  tels  que  Mabillon,  Montfaucon,  Ruinart,  Thuillier,  llarlène«  Durand, 
D'Achery,  Nourry,  H^irtianay,  s'acquirent  un  nom  immortel  par  leurs  travaui  sur  les 
Pères  et  l'histoire  de  l'Eglise. 

7*  Les  Carmélites.  Sainte  Thérèse  régénéra  cet  ordre,  dont  la  vie  s'était  évanouie  apris 
les  adoucissements  apportés  à  la  règle  par  Eugène  M....  Pille  d'un  grand  d'Espagne,  bée  k 
Avila,  en  Castîlle  (1515),  Thérèse  eut  dès  son  bas  âge  une  grande  tendance  i  la  ptété. 
Destinée  de  Dieu  à  guider  les  flmes  dans  les  voies  de  la  perfection,  elle  apprit  à  connaître, 
par  sa  propre  expérience,  les  faiblesses  et  l'instabilité  du  cœur  humain.  Longtemps  ballotéo 
entre  Je  zèle  et  la  négligence  de  ses  devoirs,  désireuse  d'être  à  Dieu  et  inclinant  vers 
le  monde,  elle  finit  par  être  arrachée  \  cet  état  d'incertitude,  après  une  vive  lutte  qn  elle  a 
dépeinte  avec  une  grande  sincérité,  comme  jadis  saint  Augustin,  dans  Thistoire  de  sa  vie. 
On  y  reconnaît  tout  ensemble  la  sensibilité  la  plus  vive  et  l'intelligence  la  plus  Inmineuse. 
L'Eglise,  dans  l'office  de  la  sainte,  appelle  céleste  la  doctrine  contenue  dans  ses  écrits,  et  qui 
a  servi  de  guide  à  des  milliers  d'âmes  en  Espagne.  Autorisée  par  Pie  IV,  Thérèse  commença, 
euiSfSif  à  réformer  les  couvents  de  femmes  de  l'ordre  des  Carmélites.  Elle  rencontra  la  plus 
violente  opposition;  mais  Dieu  lui  avait  départi  un  courage  qui  surmontait  \0xis  les 
obstacles.  Sa  réforme  passa  même  dans  les  couvents  d'hommes  qui  s'étaient  te  t>lQ^  éner- 
giqueœent  prononcés  contre  elle  d'abord  (1568),  grâce  à  Théroique  concours  du  Séraphin 
Jean  de  La  Croix,  dont  les  oeuvres  mystiques  sont  plus  remarquables  encore  que  Celles  de 
sainte  Thérèse  (t  158S).  Les  Carmes  déchaussés,  hommes  et  femmes,  se  distinguèrent 
par  leur  dévouement  à  soigner  les  malades,  à  instruire  les  ignorants,  el  \e\it  réforme  s'é- 
tendit bientôt  dans  presque  toute  la  catholicité. 

9*  L'ordre  de  |la  Visitation.  Il  fut  également  fondé  par  le  concours  de  deux  âmes 
saintes,  unies  dans  le  Seigneur,  saint  François  de  Sales,  et  la  baronne  Françoise  de 
Chantai,  l^rançots,  né  an  château  de  Sales,  en  Savoie  (1567),  après  avoir  reçu  une  éducation 
chrétienne  et  une  solide  instruction,  étudia  le  droit  à  l'université  de  Padoue.  Il  y  trouva 
pour  confesseur  un  homme  éclairé  de  Dieu,  le  Jésuite  Possevio,  dont  les  sages  instruc- 
tions révélèrent  au  jeune  étudiant  que  les  plaies  de  l'Eglise  provenaient  de  la  corruption 
tlu  clergé.  François,  pénétré  du  désir  de  servir  Dieu,  résolut  d'embrasser  l'état  ecclésias- 
tique, malgré  la  résistance  de  sa  famille,  qui  voulait  le  marier  et  le  destinait  à  une  riclie 
alliance.  Les  vertus,  la  piété,  la  vie  tout  intérieure  du  saint  prêtre,  le  fir^t  bientdt  élire 
évèqne  de  Genève.  Son  éloquence  affectueuse  et  populaire  ramena  des  milliers  d'h^rS- 

DlG110!lll.  o'AscftTISMC.   I.  k 


107  NCTiONNAlRE  D'ASCETISME.  lOS 

tiqaes  en  sein  de  l'Eglise.  Ses  écrits,  pleins  d*onctioDS,  de  grâce  et  d'originalité,  guidèrent 
plus  d'âmes  fidèles  encore  dans  les  voies  de  la  dévotion  chrétienne.  La  congrégation  de 
femmes  qa'il  fonda,  de  concert  avec  sainte  Françoise  de  Chantai,  à  Annecy,  en  Savoie  (1610), 
n'obligea  pas  d'abonl  ses  membres  aux  règles  invariables  de  la  vie  commune  ;  elle  avait 
pour  but  principal  le  soin  des  malades.  Plus  tard,  cependant,  saint  François  lui  imposa  la 
règle  de  Saint-Augustin,  avec  des  constitutions  particulières,  et  Paul  V  érigea  la  congré- 
gation eu  un  ordre  religieux.  (De  VUitaiione  B.  M.  F.,  1618.)  Saint  François  vit,  avant  sa 
mort,  quatre-vingts ix-sept  maisons  de  son  ordre  fondées  en  Savoie  et  en  France  ;  elles  se 
propagèrent  plus  tard  en  llalie,  en  Allemagne  et  en  Pologne. 

9*  Les  Drsulines,  fondées  vers(lS37}  par  Angèle  de  Brescia,  une  de  ces  vierges  angéli- 
ques  qui  mettent  leur  joie  à  s'oublier  elles-mêmes  pour  soulager  toutes  les  misères.  C'est 
dans  cet  esprit  d'abnégation  qu'Angèle  se  voua  d'abord  au  salut  des  femmes  perdues,  et 
s'unit  plus  tard  à  d'autres  âmes  saintes  sous  la  protection  de  sainte  Ursule.  Les  associées 
devaient  vivre  dans  la  maison  de  leurs  parents,  soigner  les  malades  indigents,  et  diriger 
réducation  des  jeunes  filles.  Dans  la  suite  elles  s'organisèrent. en  ordre  religieux.  Paul  III 
le  confirma  (15U),  en  l'autorisant  â  se  modifier  suivant  le  temps  et  les  circonstances.  Le 
but  principal  de  l'ordre  devait  être  l'éducation  des  femmes.  Madeleine  de  Sainte-Beuve  le 
propagea  en  France  depuis  (1604),  où  on.Iui  confia  bient6t- jusqu'aux  plus  jeunes  enfants. 
Tous  les  pays  catholiques  raccueillirent  avec  joie.  On  retrouve  le  même  esprit  et  la  même 
tendance  dans  ia  congrégation  française  des  Père$  de  la  Doctrine  ehrUienne^  fondée  par 
César  de  Bus,  confirmée  par  Clément  VIII  (1596),  et  qui,  après  sa  réunion  avec  les  somas- 
,  ques  (1616-47),  forma  une  société  de  prêtres  séculiers,  liés  par  des  vœux  simples.  Il  en  fut 
de  même  des  Sœutê  de$  écoles  de  VEnfant  Jitui^  réunies  par  le  Franciscain  Nicolas  Barré 
(1681),  qui  institua  des  séminaires  de  maltresses  d*écoles  qui  devaient  donner  l'enseigne- 
ment gratuitement. 

10*  Les  Piaristes,  qui  rivalisèrent  de  zèle  avec  les  Jésuites,  eurent  pouj  but  l'éducation 
des  jeunes  gens,  et  pour  fondateur  l'Espagnol  Joseph  Galasauzio  (f  1648).  Après  s'être 
démis  des  fonctions  de  vicaire  général  de  l'évêché  d'Urgel,  Calasauzio  s'était  rendu  à 
Rome,  y  avait  mené  une  vie  extrêmement  mortifiée  et  édifiante,  s'était  signalé  par  son 
.zèle  à  porter  des  secours  corporels  et  religieux  aux  malades,  durant  une  longue  épidémie, 
el  c'avait  pas  cessé  de  prendre  un  soin  tout  paternel  des  orphelins.  Il  institua ,  avec 
l'approbation  de  Clément  VIII  (1600),  une  congrégation  de  prêtres  séculiers  pour  l'ins- 
truction des  jeunes  geus«  La  faveur  de  Paul  V  et  de  Grégoire  XV  valut  à  la  congrégation 
le  caractère  d'un  ordre  religieux  {Ordo  Patrum  sehàlarum  piarum)  dont  la  mission  fut 
d'élever  la  jeunesse  dans  la  piété  autant  que  dans  la  science. 

11*  Les  Frères  de  la  Charité,  institués  par  le  Portugais  Jean  de  Dieu.  Né  en  U95 1 
Jean  mcMi  une  vi?  dissipée  Jusqu'à  l'âge  de  quarante-cinq  ans.  Il  se  convertit  alors  à 
Grenade,  et  se  consacra  au  soin  des  malades  (dep.  J545).  Ses  héroïques  efforts  pour 
imiter  par  son  active  charité  la  miséricorde  du  Seigneur,  lui  firent  donner  le  surnom  de 
Jean  de  Dieu  par  l'archevêque  de  Grenade  et  par  l'évêque  de  Ticy.  Il  mourut  en  ISSO, 
pauvre  des  biens  de  ce  monde,  riche  de  bonnes  œâvres.  Ses  amis  les  continuèrent,  en  se 
liant  plus  étroitement  par  les  trois  vosux  monastiques  et  l'obligation  de  soigner  gratuite- 
ment les  malades  dans  les  hôpitaux.  Paul  Y  approuva,  en  1617,  l'ordre  des  Frères  de 
Saint-Jean  de  Dieu,  qui  rendit  d'éminenls  services  dans  tous  les  pays  catholiques,  et  se 
montra  non  moins  généreux  envers  les  hérétiques  que  ses  constitutions  lui  faisaient  une 
loi  de  secourir.  Urbain  VIII  canonisa  le  fondateur  en  1630. 

12*  Les  Prêtres  des  Missions  de  France,  qui  devaient,  sous  certains  rapports,  réaliser 
le  but  de  toutes  les  congrégations  précédentes,  furent  en  effet  bien  souvent  les  plus  solides 
appuis  du  christianisme.  Leur  fondateur  fut  saint  Vincent  de  Paul,  né  dans  le  village  de 
Pouy,  au  pied  des  Pyrénées,  de  parents  pauvres,  mais  pieux  (1576).  il  commença  d'abord 
par  garder  les  troupeaux  jusqu'au  moment  où  ses  parents  jugèrent  que  sa  vive  intelli- 
gence et  sa  bonté  de  cœur  rappelaient  à  quelque  chose  de  plus  élevé,  el  le  mirent  dans 
un  couvent  de  Franciscains  (1S88),  dans  lequel  il  reçut  l'instruction  et  acquit  la  conscience 
de  sa  vocation  ecclésiastique.  Après  avoir  fréquenté  l'université  de  Toulouse,  il  obtint  la 


109  DISCOURS  PREUMINAmE.  116 

préirise  (1600),  deviol  instituteur  à  Buzel,  et  y  forma,  eutre  autres  élèves,  deui  petits 
neveux  do  célèbre  défenseur  de  Malte,  le  grand  maître  Jean  de  la  Valette.  Ces  occupations 
ne  Tempèchèrent  pas  de  cultiver  la  science,  et,  en  16W^,  il  se  fit  recevoir  bachelier.  Dans 
QO  voyage  par  mer  de  Marseille  à  Toulouse  (  1605) ,  il  fut  pris  avec  ses  compagnons  de 
roule»  par  des  pirates  qui  le  vendirent  à  Tunis.  Vincent  parvint  à  convertir  son  troisième 
mat&e,  un  renégat  de  Nice,  qu'il  fit  entrer  dans  un  couvent  des  Frères  de  la  Charité 
à  Reme,  après  leur  commun  retour  à  Nice.  Adressé  par  Tambassade  française  de  Rome 
au  roi  Henri  IV  (1609),  Vincent  fut  admis,  après  diverses  épreuves,  parmi.  les 
ecclésiastiques  attachés  à  la  reine  Marguerite.  Les  loisirs  trop  grands  que  lui 
laissaient  ces  fonctions  nouvelles  ne  pouvant  convenir  à  Tactivité  et  au  zèle  de  Vin- 
cent» il  entra  dans  le  nouvel  ordre  fondé  par  M.  de  Bérulle,  fut,  sur  la  recommanda- 
tion de  ce  pieux  personnage,  nommé  à  la  cure  de  Clicby,  et,  plus  tard,  chargé  de  Tédnca- 
lion  des  enfants  du  comte  de  Gondy ,  général  des  galères  du  roi.  Lk  rîen  n*échappa  i 
rardente  charité  de  Vincent,  qui  s'occupait  alternativement  d'instruire  les  enfants  de  la 
lanûlle  de  Gondy,  d'édifier  leurs  parents  par  ses  exemples  et  ses  conseils»  d'administrer 
sagement  leur  immense  patrimoine,  de  soigner  les  malades,  de  catéchiser  les  pauvres.  Ce 
fol  là  aussi  qu*après  avoir  entendu  la  confession  générale  d'un  malade  qui  jouissait  de 
l'estime  générale  sans  la  mériter,  il  conçut  le  projet  des  missions  de  France,  dont  la  pieuse 
comtesse  de  Gondy  réclama  une  des  premières  la  réalisation  pour  ses  domaines.  Nommé 
plus  lard  curé  de  ChAtillon,  Vincent  y  déploya  une  activité  prodigieuse,  et  y  créa  des 
oeuvres  dont  chacune  semblait  réclamer  toute  la  vie  d'un  homme.  Ainsi  il  fonda  l'institut 
des  Fittes  de  la  CkarUé  ou  des  Semrs  gri$t$^  auxquelles  il  donna  plus  tard  une  règle  (1618), 
et  qu'il  chargea  du  soin  des  hôpitaux.  Il  s'occupa  d'adoucir  le  sort  des  malheureux  détenus 
sur  les  galères,  dont  il  fut  nommé  supérieur  général,  quand  son  infatigable  zélé  l'eut  fait 
connaître  à  la  cour  de  Louis  XllI.  11  consentit  également,  sur  la  demande  de  sou  ami 
saint  François  de  Sales,  i  se  charger  d'une  œuvre  toute  différente,  en  acceptant  la  direction 
des  Dames  de  la  Visitation  à  Paris  (1620).  Enfin,  le  prcget  qu'il  avait  conçu  de  fonder  des 
missions»  qui  devaient,  sous  l'autorité  des  évèques  et  avec  le  consentement  des  curés» 
évangéliser  le  peuple  .des  campagnes,  se  réalisa,  grâce  aux  largesses  de  la  famille  de 
Gondy,  auxquelles  s'iyoutèrent  bientôt  de  nouvelles  et  plus  riches  dotations.  En  Ifôl, 
Louis  XIII  autorisa  les  prêtres  des  Missions  de  France.  En  16S»  le  Pape  Urbain  VUI  les 
reconnut  et  chargea  leur  pieux  fondateur  de  leur  donner  une  règle.  Vincent  de  Paul, 
prévoyant  que  le  succès  de  ces  missions  ne  serait  que  passager»  si  le  clergé  des  paroisses 
ne  continuait  leur  œuvre  avec  zèle  et  persévérance»  et  ne  pouvant  méconnaître  la  déca- 
dence de  ce  clergé,  instituai  de  concert  avec  plusieurs  évèques,  pour  le  réveiller  de  son 
fatal  sommai»  de  sévères  examens,  des  exercices  spirituels»  des  ccihférences  pour  la 
prédication.  Après  la  mort  de  la  comtesse  de  Gondy  (1625)»  Vincent  entra  en  rapport 
îmime  avec  une  femme  aussi  distinguée  par  son  cœur  que  par  son  esprit,  Louise  de 
Marillac  »  veuve  de  M.  Le  Gras,  dont  il  mit  la  vocation  sérieusement  i  l'épreuve  pendant 
quatre  années,  et  qu'il  chargea  alors  de  la  supériorité  générale  de  toutes  les  communautés 
de  Sœurs  grises  (1639).  Quant  à  son  ordre  de  missionnaires,  qu'il  établit  dans  la  maison 
du  Saint-Lazare  de  Paris»  et  dont  les  prêtres  reçurent  dès  lors  le  nom  de  Lazaristes,  il  se 
propagea  rapidement»  grAce  à  son  activité  inlatigable.  Elle  s'étendit  aussi  à  l'œuvre  des 
séminaires  qu'on  fondait  dans  diverses  provinces»  conformément  aux  prescriptions  du 
concile  de  Trente»  et  dont  on  confia  la  direction  aux  Prêtres  des  Missions. 

Il  en  envoya  même,  plus  tard,  en  Italie  (16fcS),  à  Alger,  à  Tunis»  à  Madagascar,  en  Pologne, 
oji  la  reine  Marie-Louise,  femme  du  roi  Casimir»  les  avait  appelés»  et  où  ils  apparurent  au 
moment  d'une  peste  et  d'une  famine»  dont  les  premières  victimes  furent  le  chef  même  de 
la  mission»  Lambert  et  son  successeur  Ozenne.  Vincent  de  Paul  fit  lui-même  des  missions 
jusqu'à  l'âge  de  soizaote-di;c-huit  ans,  s'occupent  en  même  temps  de  fonder  en  divers 
lieux  des  hôpitaux  sous  l'invocation  du  saint  nom  de  Jésus,  et  de  ranimer  le  zèle  des 
associations  religieuses  par  l'institution  des  conférences  tenues  dans  les  maisons  de  son 
ordre,  et  qui  eurent  la  plus  heureuse  influence  sur  l'avenir.  Après  une  vie  si  active  et  si 


1 1 1  DICTIONNAIRE  D*ASCËT1SIIE.  1 1 1 

pleine,  Vincent  de  Paul  obtint  la  couronne  de  justice,  dans  j  autre  monde*  par  sa  sainte 
mort  (27  septembre  1660),  dans  celui-ci  par  sa  canonisation  sous  Clément  XIl  (1737). 

MISSIONS  ÉTRANGÈRES. 

La  charité  et  le  dévouement  des  Gdèles  ministres  de  l'Evangile  ne  s'exercèrent  pas 
seulement  parmi  les  peuples  appartenant  depuis  longtemps  à  l'Eglise  chrétienne,  mais 
s'étendirent  aux  peuples  païens  les  plus  éloignés  et  les  plus  sauvages.  Nul  ordre  ne  montra 
\m  zèle  plus  héroïque  à  cet  égard  que  celui  des  Jésuites,  dont  un  grand  nombre  n'ont 
d'autre  ambition  que  celle  de  mourir  dans  les  missions  étrangères  pour  l'amour  ^u  Christ. 
Les  découvertes  des  Portugais  et  des  Espagnols  leur  en  fournirent  l'occasion  et  leur  en 
facilitèrent  les  moyens,  et  les  conversions  entreprises  parmi  les  païens  par  ces  hardis 
missionnaires  furent  singulièrement  encouragées,  et  en  quelque  sorte  régularisées,  par 
l'institution  de  la  Propagande,  fondée  sous  Grégoire  XV.  (  Congregaiio  de  propaganda  Fide^ 
1622.)  Cette  congrégation  se  composa  de  quinze  cardinaux,  de  Irois  prélats  et  d'un 
secrétaire.  Leâ  abondantes  aumônes  des  catholiques  obtinrent  ainsi  une  destination  sûre 
et  régulière.  Urbain  YIII  dota  l'institut  de  la  Propagande  (  1627)  d'un  grand  bâtiment 
(  collegium  de  propaganda  Fide),  qui  devint  le  séminaire  des  missions  étrangères.  L'exemple 
du  Pape  fut  noblement  imité:  de  riches  dotations  assurèrent  Tœuvre;  de  nombreux  ouvriers 
de  tontes  nations  s'j  formèrent  à  l'apostolat,  et  l'on  vit  se  renouveler  à  Rome^  chaque 
année,  aii  dimanche  après  celui  de  la  Trinité,  le  sublime  spectacle  de  la  Pentecôte.  Cette 
fête  de  la  Propagande,  oil  le  nom  du  Seigneur  est  glorifié  dans  toutes  les  langues  de  la 
terre,  est  une  des  solennités  qui  exprime  et  révèle  le  mieux  l'idée  fondamentale  âe  TEglise 
catholique. 

La  conversion  de  l'Inde  a  tonjours  présenté  les  plus  grandes  difficultés,  malgré  les 
rapports  qui  semblent  exister  entre  les  mystères  du  christianisme  et  certains  dogmes  des 
Té  las,  comme  celui  de  la  Trinité,  représenté  par  les  trois  personnes  de  Brah'ma,  Vischnou 
et  Si  va,  manifestation  de  l'être  primordial,  et  celui  d'une  secte  d'incarnation  dans  Vischnou. 
liais  la  doctrine  religieuse  des  Indes,  embellie  par  les  sages  et  les  poètes,  avait  jeté  de 
trop  profondes  racines  dans  l'esprit  des  peuples,  pour  permettre  un  facile  accès  h  l'Evangile. 
Quoique  soumis  depuis  près  de  dix  siècles  à  la  domination  musulmane,  le  peuple  indien 
conservait  avec  un  rare  courage  ses  sanctuaires,  défendait  avec  persévérance  ses  idées 
religieuses,  et,  presque  indifférent  au  joug  extérieur  qui  l'opprimait,  se  nourrissait  avee 
joie  des  souvenirs  de  son  antique  gloire.  Il  était  réservé  aux  généreux  efforts  des  Jésuites 
de  vaincre  ces  obstacles. 

François-Xavier,  dont  le  zèle  ardent  pour  le  salut  des  hommes,  laconfianceenDieu,  lecou* 
rage  et  l'héroïque  patience  font  un  second  saint  Paul,  partit,  d'après  les  ordres  deLéon  UI» 
roi  de  Portugal,  et  avec  l'autorisation  duPape,  pour  Goa  (  1542),  où,  dès  ISlOJes  Portugais 
avaient  essayé  quelt^ues  conversions  et  opéré  la  réconciliation  des  nestoriens  avec  l'Eglise. 

Maisles Chrétiensde  Goa  ne  Tétaient  quedenom;lapoljgamie,ledivorce,  l'iniquité,  régnaient 
généralement  parnli  dux.  François  vit  qu'il  fallait  d'abord  convertir  les  colons  chrétiens. 
Il  se  mit  en  rapport  avec  les  enfants,  par  là  avec  les  parents;  exerça  une  puissante  in- 
fluence, consola  les  malades,  secourut  les  affligés,  et  sut,  par  son  active  charité,  gagner 
les  pins  puissantes  ftmilles.  Il  se  dirigea  bientôt  après  vers  les  rivages  de  Travancor,  et 
parvint  au  bout  d'un  moi^,  par  ses  incontestables  miracles,  sa  douceur,  sa  bonté,  et  à 
l'aide  d*excellents  interprètes,  à  baptiser  à  peu  près  dit  mille  idolâtres.  «  C'était  un  tou- 
chant spectacle,  dit«-ildans  sa  relation,  de  voir  avec  quelle  sainte  émulation  ces  néophytes 
renversaient  les  temples  de  leurs  idoles.  ^  De  là  François  se  rendit  à  Halacca,  dans  les 
îles  Moluques  et  de  Ternate.  L'effrayant  tableau  qu'on  lui  Gt  des  mœurs  de  ces  peuplades 
ne  put  arrêter  son  zèle.  «  Des  nations  moins  sauvages  et  plus  riches,  dit-il,  ne  manqueront 
pas  d'ouvriers  évangéliques  ;  mais  une  moisson  qui  répugne  à  tout  le  monde  est  bien 
celfe  qui  m'est  réservée.  »  Comblé  des  plus  douces  consolations  intérieures,  au  milieu  des 
fatigues  les  plus  dures,  des  souffrances  les  plus  cruelles,  il  écrivait  à  saint  Ignace  :  a  tes 
dangers  auxquels  je  suis  exposé,  les  travaux  que  j'entreprends  pour  la  gloire  de  Dieu. 


n^  DISCOURS  PREUMLNAIRE.  IU 

sont  des  sources  inépuisables  de  joies  spiriiaelles;  el  celle  eonsolaliOD  eslsi  pure,  si 
douce  et  si  persévérante,  que  mon  corps  luirmême  derient  insensible  k  la  douleur.  » 
Fraii(MS  forma  des  disciples  parmi  ces  nou?eaux  cooTerlis.  L'un  d*eux  entreprit  d'an- 
noncer TErangile  dans  File  de  Maoar.  L>p6tre,  après  a?oir  fait  traduire  en  langue  in- 
dienne les  Psaumes  de  la  pénitence,  les  Evangiles  et  un  Calécbismei  fojant  le  cbristia- 
nisme  fleurir  parmi  les  peuples  qu'il  avait  évangélisés  jusqu'alors,  se  rendit  au  Japon 
(15^),  qui  était  divisé  en  plusieurs  royautés  subordonnées  k  un  empereur  (Dairo).  Fran- 
çois avait  également  fait  traduire  en  japonnis  le  sjmbole  de  la  foi,  avec  des  explications. 
Malgré  les  mauvaises  dispositions  de  ce  peuple  et  Topinifllre  réMStance  des  bonzes,  il 
parvint  k  poser  les  fondements  de  l'Eglise  do  Japon,  surtout  k  Amangoucbi,  et  dans  le 
royaume  de  Bungo,  où,  dans  l'espace  de  deux  ans  et  demi,  il  réussit  k  baptiser  plusieurs 
milliers  d'idolfltres.  Plus  tard  quelques  princes  japonais  embrassèrent  le  cbristianisroe, 
et  envoyèrent,  en  signe  de  leur  pieuse  reconnaissance,  une  ambassade  au  Pape  Gré- 
goire XIII  (1502),  qui  l'accueillit  avec  une  joie  extraordinaire.  Xavier  eut  encore  le  vif 
désir,  avant  de  mourir,  de  porter  l'Evangile  dans  la  Gbine,  dont  l'entrée  était  sévère- 
ment défendue  aux  étrangers.  Après  avoir  surmonté  d'incroyables  obstacles,  il  aborda 
dans  rUe  de  Sancian,  k  six  milles  du  continent  de  la  Chine.  Lk  était  marqué  le  terme  des 
travaux  et  des  courses  apostoliques  de  Théroîque  missionnaire  ;  il  resta  douze  jours 
étendu  sur  le  rivage,  sans  secours,  et  mourut  le  S  décembre  1S53.  en  s'écriant  :  Sdgneur^ 
c'et r  en  eons  que  fat  mis  ma  ampmce^  je  ne  serai  pas  confondu  ! 

Les  Jésuites  continuèrent  l'œuvre  de  saint  Frangois.  Le  P.  Nobili  apparut  dans  les  Indes, 
avec  raotorisalion  de  J'archevèque  de  GbaQdemagor,  sous  la  forme  et  les  habitudes  d'un 
brahme  pénitent  (sofitas) ,  évita  le  contact  des  parias,  gagna  la  confiance  et  l'estime  des 
braiunes,  en  convertit  soîxante-dix,  qui  entraînèrent  facilement  k  leur  suite  une  nom- 
breuse  population.  Ce  mode  de  conversion,  ce  système  d'accommodation,  occasionna  entre 
les  Jésuites  et  les  autres  ordres  religieux  de  longues  controverses,  que  le  Pape  Alexan- 
dre VU  (1636)  trancha  en  partie  en  faveur  des  Jésuites.  En  1597,  le  Japon,  qui  comptait 
déjk  deux  cent  mille  Chrétiens,  deux  cent  cinquante  élises,  treize  séminaires  et  un 
noviciat  de  Jésuites,  vit  éclater  une  violente  persécution  contre  le  christianisme.  Les 
iésuites  reçurent  rordre  de  quitter  en  masse  le  pays;  mais  la  protection  de  quelques 
princes  leur  permit  de  s'y  maintenir  encore.  A  peine  le  calme  fut-il  rétabli  que  le  zèle  in- 
discret des  Franciscains  renouvela  l'ancienne  querelle,  et  la  jalousie  des  Hollandais  contre 
les  Portugais  porta  enfin  le  dernier  coup  k  l'établissement  du  christianisme  dans  l'Ile. 
La  persécution  qui  s'éleva  alors  arrosa  le  sol  du  Japon,  plus  abondamment  qu'aucune 
contrée  du  monde,  du  sang  des  Chrétiens.  Ce  sang  ne  serait-ii  pas  le  gage  d'une  restau- 
Tttion  future? 

Le  désir  d'évangéhser  la  Chine  survécut  k  saint  François  dans  son  ordre.  Les  Jésuites 
surent  résoudre  et  vaincre,  avec  le  zèle  ingénieux  que  donne  la  charité,  les  graves  difll- 
cultes  et  les  opiniâtres  préjugés  que  leur  opposaient  les  Chinois.  Ils  en  étudièrent  avec 
soin  les  nuBurs,  les  caractères,  les  habitudes  ;  tour  k  tour  savants,  artistes,  mécaniciens, 
ourriers,  ils  se  firent  tout  k  tous  pour  les  gagner  tous  è  Jésus^hrist.  Trois  Jésuites,  parmi 
lesquels  se  distingua  surtout  Matth.  Ricci  (1582*1610),  trouvèrent  accès  en  Chine.  Kicci, 
habile  mécanicien,  parvint  k  se  faire  accueillir  k  la  cour,  et  obtint  l'autorisation  de  s'éta» 
blir  à  Canton,  et  plus  tard  k  Nanking.  il  bâtit  un  observatoire,  acquit  une  grande  considé- 
ration, et  en^profita  pour  répandre  les  principes  de  l'Evangile  et  gagner  k  la  vérité,  outre 
beaucoup  de  simples  habitants,  quelques  mandarins.  Sa  réputation  lui  ouvrit  le  chemin  de 
Péking(  1600),  et  lui  valut  la  protection  de  l'empereur,  dont  il  obtmt  l'autorisation  de 
construire  une  i^lise,  après  avoir  converti  plusieurs  grands  de  la  cour.  Il  mourut  en  1610, 
et  fut  enseveli  avec  pompe.  On  remarque  parmi  ses  successeurs,  aussi  actifs  que  lui, 
Adam  Schall,  de  Cologne  (  dep.  1622),  qui  devint  président  d'une  société  mathématique 
de  Péking,  et  obtint  aussi  la  permission  de  bâtir  des  églises.  En  1661,  les  ministres  de 
l'empereur,  encore  jeune,  profitant  de  sa  minorité,  suscitèrent  un  commencement  de  per- 
sécution aux  Chrétiens  .et  firent  emprisonner  les  missionnaires.  CepMidant  les  Jésuites 


lis  DICTIONNAIRE  DASCETISME  M 

reconquirent  la  faveur  impériale  sous  le  règne  de  Lhangi,  monté  sur  le  trône  en  1669,  et 
firent  élever  un  monument  à  la  mémoire  d'Adam  Schall,  qu'avait  remplacé  le  Néerlandais 
Verbiest.  Plusieurs  circonstances  heureuses  augmentèrent  la  faveur  dont  jouissaient  les 
Jésuites,  telles  furent  les  leçons  que  Verbiest  donna  à  Tempereur,  les  services  qu*il  ren- 
dit aux  Chinois  par  une  sorte  de  canons  fort  commodes  de  son  invention,  et  la  paix  obte- 
nue entre  les  Chinois  et  les  Eusses  (1689),  par  Tentremise  du  P.  Gerbilion.  Ainsi  le 
christianisme  gagnait  de  jour  en  jour  en  Chine;  malgré  le  petit  nombre  de  missionnaires, 
on  y  comptait  vingt  mille  Chrétiens.  Louis  XIV  envoja  un  renfort  de  six  Jésuites,  fort 
habiles  mathématiciens,  .et,  en  1692,  la  prédication  de  l'Evangile  fut  légalement  autorisée 
dans  le  Céleste  Empire. 

En  Amérique,  la  propagation  rapide  du  christianisme  était  arrêtée  par  Tintelligence 
bornée  des  Indiens,  dont  on  mettait  parfois  en  doute  les  droits  et  la  dignité,  malgré  les 
décisions  formelles  de  Paul  III  en  leur  faveur  (1537).  D'ailleurs  les  Dominicains,  pour 
la  plupart  Espagnols,  ne  montraient  plus  le  zèle  apostolique  des  anciens  missionnaires. 
Ces  difficultés  n'effrayèrent  point  les  Jésuites,  animés  encore  de  toute  l'ardeur  d'un  ordre 
naissant.  Six  Jésuites,  parmi  lesquels  le  P.  Emmanuel  Robriga,  se  rendirent  au 
Brésil  (IStô),  apprirent  rapidement  la  langue  du  pays,  et  parvinrent  à  faire  embrasser  la 
doctrine  sévère  et  les  mœurs  chastes  du  christianismi»  à  des  peuplades  si  sauvages  et  si 
féroces,  qu'elles  mangeaient  leurs  ennemis  et  s'abandonnaient  aux  excès  les  plus  mons- 
trueux. En  1550,  on  érigea  l'évôché  de  Saint*Salvador  pour  ces  nouveaux  convertis  (1551). 
Mais  la  mission  la  plus  importante  des  Jésuites  fut  celle  du  Paraguay. 

Les  Espagnols  avaient  découvert  le  Paraguay,  situé  sur  les  bords  de  la  Plata,  en  1516, 
ei  s'en  étaient  emparés  en  1536.  Les  premiers  essais  de  conversion  avaient  été  faits  sans 
succès  par  les  Franciscains  (1580-83).  Trois  Jésuites,  qui  arrivèrent  dans  la  province  de 
Tucuman,  en  1586,  furent  plus  heureux.  D'après  l'expérience  qu'ils  avaient  des  hommes 
et  la  connaissance  de  l'histoire,  ils  résolurent  de  s 'y  prendre  comme  les  missionnaires  du 
moyen  Age  à  l'égard  des  peuples  germains ,  en  identifiant  la  conversion  de  ce  peuple 
sauvage,  avec  sa  civilisation  politique  et  la  culture  du  pays  lui-même,  et  en  formant  peu 
à  peu,  des  paroisses  chrétiennes  du  Paraguay,  un  État  indépendant.  Us  en  obtinrent 
Tautorisation  de  Philippe  III,  roi  d'Espagne  (1610),  avec  cette  clause,  qu'ils  avaient 
demandée,  qu'aucun  Espagnol  ne  pourrait,  sans  le  consentement  des  Jésuites,  pénétrer 
dans  les  réductions  fondées  par  l'ordre.  Ils  formèrent  rapidement,  de  leurs  néophytes 
dociles,  des  ouvriers,  des  artistes,  des  agriculteurs,  des  soldats  ;  ils  leur  procurèrent  des 
armes  et  de  l'artillerie  pour  se  défendre  contre  leurs  voisins,  et  les  amenèrent  ainsi  peu  à 
peu  aux  habitudes  régulières  de  la  famille  et  de  la  vie  civile;  l'exécution  des  lois  était 
confiée  à  des  confréries  religieuses.  Les  Jésuites  s'étaient  réservé  le  soin  des  malades; 
leurs  connaissances  médicales,  l'ingénieuse  et  prudente  charité  des  Pères  au  milieu  des 
épidémies  fréquentes  et  dangereuses  du  pays,  leur  assurèrent  rapidement  l'empire  des 
Ames.  Malheureusementcette  prospérité  fut  troublée  par  les  discussions  qui  s'élevèreùt  entre 
eux,  l'évAque  Bernardin  de  Cardenas  (1640)  et  Jean  de  Palafox,  évéque  d'Angélopolis  (1647). 
On  ne  leur  épargna  aucune  espèce  d'incrimination,  et  on  alla  jusqu'à  les  accuser  de  n'avoir 
cherché  autre  chose,  dans  le  Paraguay,  que  des  trésors. 

Leur  mission ,  dans  la  province  voisine  de  Cbiquitos,  n'était  pas  moins  florissante  que 
celle  du  Paraguay.  On  y  déplore  encore  aujourd'hui  la  malheureuse  expulsion  des 
Jésuites,  qui  a  certainement  arrêté  pour  des  siècles,  la  civilisation  indo-américaine. 

UTILITÉ  DES  ORDRES  REUGIEUX. 

La  grande  variété,  que  nous  avons  remarquée  dans  les  ordres  religieux,  n'a  pas  pour 
premier  fondement  la  variété  des  goûts  de  la  nature  humaine;  le  vrai  motif  qui  a  donné 
Jiaissance  à  tant  d'instituts  si  divers,  c'est  la  variété  des  besoins  de  l'Église  ;  et  l'on  a  dit 
avec  vérité  que,  pour  savoir  le  nombre  des  instituts  religieux,  il  fallait  compter  le  nombre 
des  misères  humaines  à  soulager,  soit  de  l'esprit,  soit  du  corps. 


117  DISCOURS  PRELIMINAIRE.  itS 

Après  le  motif  géuéral  de  se  coDsacrer  enliàremenl  i  Diea ,  au  des  plus  dara- 
bles,  des  plus  nobles,  des  plus  saints,  qui  eicila  le  zèle  d*an  plus  grand  Dombr* 
de  saintes  âmes,  c'est  celui  de  la  propagation  de  la  foi,  de  la  conversion  des 
infidèles  et  des  hérétiques  :  et  il  faut  dire  à  la  louange  des  communautés  d*hommes,  qu'il 
j  en  a  très-peu  qui  n*aient  participé  à  celte  gloire  de  la  propagation  de  l'Éfaugile. 
Lorsqae  l'Eglise  était  menacée  par  le  croissant,  non-seulement  elle  a  trouvé  en  elle 
assez  d'énergie  pour  soutenir  les  guerres  gigantesques  des  croisades,  mais  des  religieux 
militaires  se  sont  créés,  à  point  nommé,  afin  de  mettre  une  force  régulière  et  permanente 
au  serriee  de  l'Église  contre  ses  terribles  ennemis,  qui  étaient  aussi  les  plus  dangereux 
eonemis  de  la  civilisation. 

Quand  on  entendit  des  plaintes  lointaines  de  captib  chrétiens  qui  gémissaient  dans  les 
prisons  des  mahométans,  et  qui  couraient  le  danger  de  perdre  la  Ibi,  on  vit  se  fonder  les 
ordres  admirables  de  la  rédemption  des  captib. 

SU  y  avait  quelques  lieux,  dans  l'univers,  où  les  voyageurs,  où  de  pieux  pèlerins 
couraient  quelque  péril,  on  y  voyait  s'établir  un  couvent  d'hospitaliers,  qui  étaient  la 
providence  des  voyageurs. 

Si  certains  religieux  se  sont  faits  mendiants,  c'était  surtout  pour  partager  la  honte  du 
mendiant  involontaire  et  l'adoucir  en  la  partageant. 

Des  religieux  et  religieuses  se  sont  trouvés  tout  prêts  pour  servir  les  malades  dans  les 
bdpilaax,  pour  recueillir  les  enfants  trouvés,  les  filles  perdues,  les  filles  du  repentir  ;  pour 
donner  l'instruction  gratuitement  aux  enfants  indigents,  pour  aller  servir,  è  la  suite  des 
■nssioonaires,  de  l'autre  côté  des  mers,  les  malades  et  les  ignorants.  Chaque  infirmité 
morale  et  diaque  infirmité  corporelle  a  eu  un  moine  ou  une  religieuse  a  son  service, 
cTesi-è-dire  un  ange  de  consolation  ;  et»  chose  remarquable,  non-seulement  des  secours 
ont  été  organisés  pour  les  besoins  que  l'on  n'avait  jamais  eu  la  pensée  de  secourir,  mais 
lorsqu'ils  ont  eu  une  concurrence  purement  civile  ou  philanthropique,  c'est  pour  constater 
la  décisive  victoire  du  génie  chrétien. 

Les  bi^iCuls  que  les  ordres  religieux  ont  versée  sur  le  monoe  sont  infinis.  Ils  ont  été  un 
des  bras  de  la  religion.  On  peut  voir  à  notre  article  :  Moines f  MonasiireSf  etc.,  une  esquisse 
des  bienfaits  divera  dont  la  religion,  l'humanité,  les  lettres,  les  sciences,  la  civilisation 
tout  entièra,  leur  sont  redevables. 

Hons  supposons  id  ces  choses  connues,  et  nous  supposons  aussi  qu'on  a  une  idée 
qipioximative  du  nombre  de  ces  âmes  courageuses  qui  se  sont  enrôlées  dans  les 
légions  d'avant-garde  du  peuple  chrétien;  marchant  comme  une  armée  immense  à  traven 
^e  désert  de  cette  vie,  sous  la  conduite  non  plus  de  Moise,  mais  du  Messie,  vera  la 
véritable  terre  promise.  Si  du  temps  de  saint  Antoine  et  peu  après  il  fallait  compter  par 
cent  mille  les  habitants  du  désert,  que  sera-ce  lorsque  les  enfants  du  grand  Basile,  du 
grand  Augustin,  du  grand  patriardie  Benoit,  peupleront  la  terre  et  sembleront,  à  eux  seuls, 
avoir  hérité  des  bénédictions  données  autrefois  i  Abraham  pour  sa  postérité  ? 

Que  sera-ce  lorsque  plus  tard  encore  s'a^oindront  les  enfants  de  saint  François»  de 
saint  Dominique  et  ceux  de  saint  Ignace,  en  qui  Dieu  semble  avoir  suscité  un  courage  ^1 
à  la  grandeur  de  l'hérésie  qu'ils  ont  eue  à  combattre. 

Ces  légions  infinies  d'ascètes,  de  vierges  et  de  moines,  légions  innombrables  comme 
celles  de  saint  Jean  dans  ses  visions,  diversifiées  selon  nos  besoins  et  toujoura  à  leur 
poste  ;  et  cependant,  dans  cette  diversité  fondée  sur  la  diversité  même  des  misères  de 
l'humanité,  marchant  sans  cesse,  comme  un  seul  homme,  sous  un  seul  commandement, 
sons  un  seul  chef.  N'est-ce  point  un  vrai  prodige  dans  l'ordre  moral  T  Une  parole,  une 
seule  parole  tombée  des  lèvres  du  saint  vieillard  qui  habite  le  Vatican  fait  voler  comme 
on  éclair  ces  forts  bataillons  d'un  bout  de  l'univera  à  l'autre,  là  où  les  appelle  de  nouveaux 
besoins  de  l'Église  aflligée  ou  de  l'humanité  souffrante. 

Voilà  le  plus  beau  spectacle  qu'on  puisse  avoir  en  ce  monde  ;  et  en  parlant  ainsi  je  n'ou- 
Uie  pas  le  sacerdoce  chrétien,  puisqu'il  est  lui-même  compris  dans  ce  merveilleux  tableau. 

Nous  venons  de  contempler  le  combat  visible  de  ces  milices  saintes,  avec  les  puissances 
ennemies  de  ce  monde  ;  mais  combien  serait  plus  ravissant  le  travail  invisil^le  de  ^ces 


lit  DICTIONNAIRE  D^ASCETISME.  ItO 

Amcê  se  répafidfint  coplinuellement  devant  le  trône  de  Dieu  en  amour^  en  adorations,  en 
action»  fie  grAces  et  en  amendes  honorables  pour  les  péchés  des  hommes. 

Dieu,  «0  créant  le  mondei  en  formant  des  êtres  intelligents»  a  droii  à  leurs  hommages 
et  i  )0ur  culte  :  si  ce  but  qu'il  s'est  proposé  cessait  un  seul  instant  d'être  rempli»  Dieu 
iQangueraii  de  motif  pour  conserver  le  monde  davantage,  et  le  temps  des  vengeances  serait 
arrivé^  Maïs  heureusement  pour  le  salut  de  la  société»  à  côté  des  crimes  du  siècle  il  y  a 
les  prières  de  la  solitude;  à  côté  des  plaisirs  criminels»  il  y  a  les  pénitences  et  les  macéra- 
lions  gui  s'unjssent  à  l'hostie  vivante  et  sans  tache  qui  s'offre  pour  la  rémission  des  péchés. 
Sans  doute  îl  y  a  dans  le  monde  chaque  jour»  et  qui  pourra  assee  en  pleurer  I  des  millions 
de  crimes  qui  se  commettent;  mais  il  y  a  aussi  des  millions  de  victimes  s'offrant  è  Oieu 
ppjur  le  salut  de  leurs  frères,  et  qui  s'immolent  sur  la  croix  de  Jésus-€hrist  pour  expier  et 
leurs  iautes  et  celles  du  monde  corrompu.  Le  jour  a  ses  saintes  occupations»  la  nuit  a  ses 
saintes  veilles.  L'adoration,  la  pénitence  et  l'expiation  ^ont  perpétuelles  comme  l'offense. 
Malgré  les  péchés  commis,  l'Eglise  est  encore  rassemblée  des  saints.  Le  nombre  des 
saints  est  encore  innombrable  dans  le  sanctuaire»  dans  les  dottres»  dans  les  solitudes» 
dans  le  monde  lui-mCme,  où  t^nt  de  personnes  vivent  en  union  avec  Die^  avec  d'autant 
plus  de  mérite  qu'il  leur  faut  plus  de  courage  pour  résister  à  ses  séductions. 

Le  philosophe  superficiel  pour  qui  les  intérêts  de  l'humanité  sont  bornés  par  l'horizon 
de  la  vie  présente  ne  comprend  pas  les  intérêts  d*un  ordre  plus  élevé...  Il  n'apprécie  les 
monastères  que  par  1-e  hieo  social  et  terrestre  qu'ils  ont  produit»  que  par  la  part  qu'ils  ont 
prise  &  l'avancement  de«la  civilisation.  Mais  nous»  catholiques  et  hommes  de  foi,  nous 
jugeons  les  choses  différemment.  Nous  sommes  loin»  bien  loin  de  mépriser  ce  qui  sentîtes 
intérêts  de  ce  monde;  nous  savons  que  chaque  homme  doit  payer  sa  dette  terrestre  par 
son  travail  en  passant  ici-bas;  mais  cela  ne  nous  fait  pas  oublier  que  les  droits  de  Diea 
passent  avant  ceux  des  hommes  et  ceux  delà  civilisation,  et  bien  loin  que  ces  iatéràta 
soient  au  fond  incompatibles»  bous  <^royon5  que  l'on  ne  sert  jamais  mieux  les  intérêts  de 
la  terre  que  lorsqu'on  lest  en  paix  avec  le  ciel;  car 'tous  \^  succès  durables  sont  dans  les 
mains  de  celte  Providence  qu'on  y  adore  et  qui  n'oublie  jamais  ce  qu'on  fait  pour  elle. 

Il  suffirait,  pour  faire  un  éloge  com^riet  des  ordres  religieux»  el  en  même  temps  pour 
en  faire  f  histoire  «abrégée»  de  rapporter  la  série  des  grands  noms  qu'ils  fournissent.  Le 
plus  grand  nombre  des  maints  dont  «^honore  le  christianisme»  Tétat  monastique  les  re- 
vendique. Parmi  les  noms  glorieux  que  fournit  l'histoire  voilà  les  plus  beaux  ;>  la  gloire 
h  plus  pure  est  sans  doute  la  plus  sainte. 

Si  saint  Antoine,  saint  Hilarion»  saint  Pacôme,  etc.,  ont  été  les  patriarches  de  la  vie 
monastique,  saint  ^Rasile,  sefint  (Augustin  et  saint  Benoit  en  ont  été  les  législateurs. 
Nous  ne 'voulons  pas  donner  tin  sens  exagéré  à  ce  mot  de  législateurs.  Nous  l'avons  vu 
déjè,  la  lé^^ktion  fondamentale  des  ordres  religieux  se  trouve  dans  l'Evangile  et  son 
application  dans  ^la  vie  de  Jésus-Christ. 

Toutes  les  constitotions  monastiques  n'ajoutent  à  ce  qui  se  trouve  dans  l'Evangile  et 
dans  Ja  vie  de  Jésus-Christ  que  quelques  règlements  spéciaux  qui  déterminent  le  temps 
et  la  manière  du  travail  et  de  la^  prière»  par  le  bon  ordre  et  la  discipline  de  la  vie  de 
communauté.  Sous  ce  point  de  vue  on  peut  dire  que  toutes  les  règles  de  religions  ont 
beaucouj),plus  de  ressemblance  que  de  différence:  elles  sont  les  mêmes.  Les  similitudes 
sont  dans  le  Tond»  dans  les  choses  essentielles  :  les  différences  à  la  superGcie  ou  dans 
quelque  but  spécial  que  poursuivent  les  différents  ordres  dans  leurs  occupations  exté« 
rieures  et  dans  leurs  rapports  avec  le  prochain. 

Malgré  ces  réserves  cependant  tl  reste  encore  une  grande  part  de  gioire  à  saint  Basile» 
à  saint  Augustin  et  à  saint  Benott.  Ces  grands  hommes  avaient  prévu  presque  toutes  les 
difficultés  de  détail  et  y  jBvaient  remédié.  Leurs  travaux  ont  fourni  la  matière  do  toutes 
les  fondations  postérieures. 

A  la  suite  de  ces  grands  fondateurs  d'ordres,  quelle  série  d'honwnes  extraordinaires  par 
la  sainteté  de  leur  vie  el  le  parfum  de  bons  exemples  qu'ils  ont  laissé»  par  les  ouvra- 
gés qu'ils  ont  écrits»  où  respire  l'esprit  de  Dieut  {Yoy.  le  Catalogue  à  la  On  du  t.  H;) 

Saint  Martin,  Cassien,  saint  "Vincent  de  Lérins,  saint  Colomban,  le  Vénérable  Bède»  saint 


Ml  DISCOURS  PREUMINÂIRE.  I2i 

BoDîfâce,  ap6tre  de  rAUeniagne,  Alcuio,  saint  Fraoçois  d*Assîse,  saint  Dominique,  saint 
BoMTeoture,  saint  Thomas,  l'autear  de  r/mt/a/ion,  saint  Ignace,  sainte  Thérèse,  saint 
François  de  Sales,  voilà  de  quoi  gioriGer  l'ordre  moiiasltque,  et  tous  ces  noms  sont  des 
étoiles  brillantes  qui  forment  le  centre  de  grandes  et  magniGques  constellations  qui  peu- 
plent'le  ciel  et  que  personnes  ne  peut  compter,  tant  elles  sont  nombreuses  aussi  bien  que 
Tariées  dans  leur  éclat. 

L'ASCÉTISME  JUSTIFIÉ 

Le  mooachisme  tout  entier  est  un  fruit  et  un  développement  naturel  de  Tascétisme  ou 
dtt  désir  de  la  perfection  ;  mais  Fascétisme,  c'est-à-dire  la  pratique  des  conseils  évangé- 
iiqôes  D*est  pas  renfermé  dans  les  limites  des  monastères  :  on  le  trouve  non -seulement 
dans  le  sanctuaire,  mais  encore  au  milieu  du  monde.  Le  clergé,  Tordre  sacerdotal  surtout, 
est  voué  à  une  perfection  plus  haute  que  le  commun  des  fidèles.  Il  appartient  à  Dieu  par 
un  contrat  spécial,  dont  les  clauses  principales  sont  les  vœux  de  chasteté,  celui  de  la 
prière  pour  le  peuple  chrétien,  avec  la  promesse  d'obéissance.  Et  si  on  mesure  la  perfec- 
tion de  ces  observances  avec  la  difQcullé  de  les  remplir  au  milieu  du  monde,  on  sera 
étonné  que  le  clergé  catholique  puisse  se  conserver  aussi  digne  et  aussi  zélé  qu'on  peut 
Tadmirer  dans  tout  l'univers  catholique.  Nous  pouvons  bien  faire  la  part  de  la  faible  hu- 
manité, sans  craindre  de  diminuer  Testime  que  commande  l'attitude  du  clergé  au  milieu 
des  populations.  On  a  pu  admirer  sa  prudence  au  milieu  des  commotions  politiques  de 
l'Europe  :  mais  la  sainteté  de  sa  vie  et  la  pureté  de  ses  mœurs,  au  milieu  des  séductions 
du  monde,  sont  aussi  merveilleuses  que  le  fait  des  trois  jeunes  hommes  jetés  dans  la  four- 
naise  ardente  sans  en  être  consumés. 

11  est  elair  que  c'est  l'esprit  de  contemplation,  l'union  avec  Dieu,  une  naoitude  de  voir 
et  de  juger  les  choses  de  ce  monde  au  point  de  vue  de  l'autre  monde,  qui  produit  ces  ad- 
miratries  effets  dans  le  clergé  catholique.  Aussi  que  de  saints  Pontifes,  que  de  saints  prêtres 
depuis  les  apAtres  jusqu'à  saint  Vincent  de  Paul  et  jusqu'à  nos  jours,  ont  donné  au  monde 
l'exemple  d'une  vie  consommée  dans  la  vertu,  et  toute  dévouée  au  salut  des  Ames  et  à  la 
bien&isance  chrétienne  1 

Ne  craignons  pas,  malgré  la  corruption  du  siècle,  d'jr  jeter  un  regard  attentif  pour  y 
démêler  un  grand  nombre  d'Ames  justes,  dans  les  villes  i*t  dans  les  campagnes,  adorateurs 
en  esprit  et  en  vérité;  elles  touchent  la  corruption  sans  être  souillées,  et  si  le  péché  leur 
a  lait  de  profondes  blessures,  elles  les  ont  lavées  dans  les  eaux  salutaires  de  la  pénitence; 
elles  continuent  tous  les  jours  leur  vie  pénitente,  en  supportant  avec  courage  et  résigna- 
tion les  travaux  et  les  contradictions  de  la  vie  présente. 

Nous  avons  vu,  dans  la  primitive  Eglise,  des  vierges  chrétiennes  qui  pratiquaient  la 
chasteté  sans  sortir  du  monde.  Le  tiers  ordre  de  Saint-François  avait  enrôlé  un  très-grand 
nombre  de  personnes  séculières  qui  vivaient  dans  leur  famille  comme  dans  les  clottres. 
Sainte  Elisabeth  de  Hongrie  appartenait  au  tiers  ordre  de  Saint-François. 

Plusieurs  ordres  ont  eu  des  affiliations  dans  le  monde  et  enseignaient  aux  Chrétiens  à 
trouver  les  douceurs  de  la  solitude  au  milieu  de  l'agitation  du  siècle. 

Ainsi,  dans  tous  les  temps,  l'esprit  de  Dieu  agissant  dans  ces  Ames  vertueuses  est  le 
même;  il  les  pousse  à  la  contemplation  des  choses  divines,  et  pour  s'y  élever  plus  sûre* 
ment,  on  donne  un  frein  à  la  chair  et  aux  sens,  on  cherche  la  solitude  et  le  silence,  on 
mène  une  vie  pénitente  et  modeste,  voilà  les  caractères  étemels  de  la  vraie  piété  et  le  seul 
chemin  de  la  perfection.  Que  l'on  vive  dans  un  cloître,  ou  dans  le  sanctuaire,  ou  dans  le 
monde,  la  mortification  des  sens  et  le  recueillement  intérieursont  la  base  de  la  solide  vertu. 
Les  mœurs  divers  et  les  temps  différents  ne  changent  pas  le  fond  des  choses,  parce  que  les 
deux  termes  dont  la  pratique  de  la  vertu  est  l'objet,  restant  immuables,  c'est  un  Dieu 
offensé  et  tout-puissant,  d'une  part,  et  une  créature  coupable,  ingrate,  et  cependant  tou- 
jours prête  à  retourner  à  ses  infidélités,  de  l'autre.  Voilà  ce  qu'ont  compris  les  patriarches 
qui  marchaient  sans  cesse  dans  la  présence  du  Seigneur;  les  prophètes,  qui  vivaient  dans 
la  retraite;  les  solitaires,  dans  leurs  déserts  ;  les  moines,  dans  leurs  couvents;  et  tous  les 
justes  }|ui,  au  milieu  du  monde,  usaient  du  monde  comme  n'en  usant  pas. 


125  DICTIONNAIRE  D*ASGET1SME.  124 

A  côté  de  rascétisme  orthodoxe  et  saint,  on  peut  remarquer  dans  la  suite  de  l'histoire, 
un  ascétisme  faux  et  erroné,  un  mysticisme  de  faux  aloî,dont  la  racine  est  l'orgueil  d*abord 
et  un  désir  violent  de  se  distinguer  des  autres  par  des  pratiques  extraordinaires;  ensuite, 
la  corruption  qui  quelquefois  trou? e  son  compte,  dans  ses  calculs  diaboliques,  à  prendre 
un  air  dévot  pour  trouver  des  complices  ou  des  victimes. 

U  j  a  eu  les  faux  prophètes  à  côté  des  prophètes  inspirés  de  Dieu|;  ils  affectaient  aussi 
un  air  austère. 

Dans  les  sectes  juives  que  nops  avons  eu  occasion  d'admirer,  les  réchabiu$,  les  théro' 
peuUs  et  les  essénienSf  il  y  avait  aussi  le  côté  exagéré.  Nous  avons  vu  quelques  principes 
faux  qui  devaient  donner  naissance  à  ces  vices  qui  se  personnifient  surtout  dans  la  secte  des 
Pharisiens. 

Nous  pourrions,  en  traversant  tous  les  siècles,  trouver  çii  et  là  des  esprits  exagérés  ou 
des  hérétiques  formels,  comme  les  gnostiquis,  les  montanisies^  les  manichéens^  les  albigeois^ 
les  fratricilles^  les  flagellants j  les  beghards^  les  quiitistes^  les  illuminés^  etc.,  etc.  (Foy.  ces 
mots.)  Dans  ces  derniers  temps  nous  avons  vu  les  théophilantropes,  les  disciples  de 
Vintras,  etc. 

Hais,  depuis  l'hérésie  de  Lumer,  il  n'est  plus  possible  de  compter  les  sectes  qui  pullu- 
lent au  fond  de  ce  gouffre  d'erreurs;  sectes  qui,  la  plupart,  ont  senti  le  besoin  de  revenir 
à  un  culte  plus  empreint  de  piété  que  celui  que  leur  faisait  l'hérésie.  Hais,  séparés  de 
l'unité,  au  lieu  de  revenir  au  vrai  culte  consacré  par  la  tradition  de  seize  siècles,  ils  retom- 
bent dans  de  déplorables  extravagances.  Demandons  à  Dieu  que  l'heure  du  retour  sonne 
bientôt.  A  quelques  signes  on  pourrait  conjecturer  que  ce  moment  approche. 

Nous  n'avons  que  faire  de  remuer  cette  poussière  d'hérésie,  qui  ne  peut  jeter  un  grand 
jour  sur  la  pieuse  matière  que  nous  traitons.  Laissons  là  ces  coupables  tentatives  de  l'orgueil 
et  de  la  corruption,  qui  ressemblent  à  la  vraie  piété  bien  moins  que  le  singe  ressemble  h 
l'homme.  Au  fond,  cependant,  la  comparaison  est  assez  juste,  car  ces  faux  mystiques 
n'ont  pas  l'Ame  de  la  piété;  ainsi,  c'est  l'Ame  qui  manque  des  deux  côtés. 

Cependant  les  temps  modernes  nous  ont  fourni  deux  exemples  d'un  mysticisme  fort  dan- 
gereux pour  l'entraînement  des  Ames  naturellement  austères  et  aimant  la  piété;  c*est  le 
molinosisme  et  le  jansénisme.  L'un  étalait  des  principes  d'une  pureté  et  d'une  perfection 
apparente  si  séduisante,  que  plus  on  sentait  dans  son  cœur  de  penchant  aune  haute  vertu 
plus  on  était  facilement  entraîné  à  suivre  ces  maximes.  {Yoy.  Holinosisme,  QuiiTUME.) 

Quoi  de  plus  sublime,  en  apparence,  que  de  dire  que  la  perfection  chrétienne  consiste 
dans  la  tranquillité  de  l'Ame,  dans  le  renoncement  des  choses  extérieures  et  temporelles, 
dans  le  silence  absolu  imposé  à  tous  les  mouvements  de  l'esprit  et  de  la  volonté.  Voici 
le  serpent  caché  sous  cette  spiritualité  si  rafinée;  c'est  que  tandis  que  l'on  supposait  Tes* 
prit  tout  absorbé  en  Dieu,  la  partie  inférieure,  c'est-à-dire  le  sens,'pouTait  être  livrée  aux 
dérèglements,  pourvu  que  la  partie  supérieure  se  tint  en  repos  en  Dieu. 

Les  jansénistes  sont  les  montanistes  du  xvii*  siècle,  sévères,  exagérés,  subtils  et  in- 
soumis comme  eux|;  dans  ces  deux  époques,  dans  ces  deux  siècles  on  voit  de  grands  noms, 
de  nobles  vertus.  Il  ne  manque  qu'une  chose  à  ces  deux  branches  si  fortes  en  apparence, 
c'est  d'être  attachées  au  tronc  vital,  c'est  de  tenir  à  la  racine  de  l'Eglise,  qui  seule  peut 
communiquer  la  vie,  la  durée  et  le  mérite.  Par  leur  résistance,  ces  deux  branches  qui 
paraissent  couvertes  non-seulement  d'un  beau  feuillage  mais  de  bons  fruits,  on  les  a  vues  se 
dessécher  comme  des  branches  mortes.  La  vraie  piété,  la  perfection  ne  peut  exister  que 
dans  le  corps  mystique  de  Jésus-Christ  :  —  Ut  sint  consummati  in  tititim.  —  Nous  observons 
ici  que  ce  qui  est  vrai  pour  les  sectes  l'est  pour  les  particuliers.  11  faut  se  défier  des  dévo- 
tions particulières  extraordinaires  :  la  règle  est  que  les  fidèles  qui  veulent  se  perfectionner 
doivent  suivre  la  direction  de  celui  qui  s'est  chargé  de  leur  conscience.  11  est  pour  elle  la 
voix  de  l'Ëglise;  si  en  se  trompant  il  nous  trompe,  il  est  seul  responsable  de  ses  erreurs, 
du  moment  où  l'Ame  qui  s'est  volontairement  confiée  à  sa  garde  a  mis  toute  la  bonne  foi 
possible  dans  ce  discernement. 


tu  DISCOURS  PREUMINAIRE.  126 

Qa*j  a-t-fl  au  monde  de  plus  inoffeDsif  et  en  même  temps  de  plus  utile  qu'un  Chrétien 
fenreni  priant  Dieu  pour  lui  et  pour  son  prochain,  dans  un  cloître  ou  au  milieu  du  monde, 
toujours  prêt  à  Atreutile  selon  son  pouvoir,  maître  de  ses  passions,  se  contentant  de  peu, 
oubliant  les  injures  et  ne  cherchant  que  la  paix  ?  11  semble  que  ces  sortes  de  personnes 
devraient  être  en  tout  temps  un  sujet  d'admiration.  Il  n'en  est  rien  cependant  :  la  seule  vue  du 
juste  est  une  accusation  contre  le  pécheur,  sa  présence  le  condamne.  Voilà  le  secret  de  la 
baine  dont  il  est  l'objet. 

Depuis  trois  siècles  le  génie  du  mal,  l'antique  ennemi  qui  rôde^sans  cesse  autour  de  l'E- 
l^lse  pour  ISûre  une  bràche  au  bercail,  a  fait  consister  sa  tactique  à  abaisser  le  christianisme 
an  nifeau  des  de?oirs  généraux  de  la  loi  naturelle. 

Le  premier  acte  d'hostilité  de  cette  guerre,  dont  le  dernier  combat  n'est  pas  encore  li? ré^ 
quoiqu'elle  dure  depuis  trois  siècles,  a  été  une  admiration  exagérée  pour  l'antiquité  païenne* 
Mien  ne  paraissait  plus  innocent  d'abord  ;  on  ne  songeait  qu'à  l'éclat  d'une  littérature  har- 
monieuse et  aux  formes  magiques  des  arts.  On  a  poussé  cette  fièvre  d'admiration  jusqu'à 
méconnaître  les  incomparables  chels-d'œu?re  daus  tous  les  genres  dont  le  génie  du  chris- 
tiamsme,  longtemps  arrêté  par  la  chute  des  empires  et  le  sac  des  barbares,  commençait 
seulement  depuis  une  période  assez  courte  à  doter  le  monde  chrétien.  Ce  n*est  qu'au 
bout  de  trois  siècles  d'ingratitude  qu'on  commence  à  être  juste* 

Ce  que  nous  roulons  signaler  dans  cette  guerre  gigantesque  contre  l'Eglise  et  contre 
l'esprit  de  l'Evangile,  c'est  que  l'enthousiasme  pour  le  paganisme  a  été  contemporain  de 
la  haine  contre  les  monastères  et  la  politique  de  la  perfection  érangélique. 

Le  cAté  rationnel,  en  apparence,  de  cet  argument  contre  le  christianisme,  tel  qu'il  était 
entendu  par  nos  pères  du  moyen  Age,  était  que  les  conséquences  extrêmes  du  principe  de 
renoncement  et  de  mépris  des  choses  du  monde  conduisait  directement  à  arrêter  le  mou- 
fement  aseensionnel  de  la  cirilisationdans  ses  développements  les  plus  brillants.  Nous  ne 
nous  écartons  pas  de  notre  sujet  :  nous  sommes  au  cœur  même  du  sujet. 

Connaissez-vous  une  institution  qui  ait  été  attaquée  avec  plus  d'acharnement  que  la  vie 
céoobitique  depuis  cette  époque.  On  a  prétendu  lui  faire  son  procès  au  nom  do  tous  les 
intérêts  et  au  nom  de  tous  les  droits.  On  criait  à  la  violation  de  la  liberté  individuelle;  à  la 
sauvage  et  inatile  cruauté  des  macérations;  à  l'insulte  faite  à  la  Providence,  qui  convie 
tous  les  hommes  à  jouir  sans  réserve  des  biens  matériels  qu'il  répand  sur  nous  ;  au  déplo- 
rable larcin  que  le  célibat  fait  à  la  société  en  diminuant  le  nombre  des  citoyens;  aux 
charges  exborbitantes  que  les  ordres  mendiants  imposent  inutilement  à  la  société.  Quel 
thème  fertile,  en  discours  et  en  livres  éloquents,  depuis  Luther  jusqu'à' Eugène  Suel 
Patience,  Messieurs  I  Dieu  ne  semble  pas  se  presser,  mais  il  sait  bien  se  donner  raison.  Et 
id  Dieu  s'est  si  bien  donné  raison,  que  nous  n'avons  plus  rien  à  ajouter  pour  défendre  sa 
cause.  Oui,  la  Providence  a  donné  de  nos  jours  trois  grandes  réponses  qui  réduisent  à 
néant  et  les  faux  politiques  et  les  faux  philosophes  qui ,  depuis  le  xvi*  siècle ,  ont 
déclamé  contre  les  ordres  religieux.  Aux  politiques.  Dieu  a  répondu  par  deux  plaies  :  celle 
du  paupérisme,  et  celle  de  l'effrayante  exutiérance  de  population  dans  les  pays  qui  ont 
remplacé  exclusivement  les  monastères  par  les  usines,  qui  ont  fait  jeter  des  cris  de 
détresse  aux  plus  fameux  docteurs,  et  qui  ont  réclamé  le  célibat  forcé  au  nom  de  la  loi. 
Aux  philosophes  il  a  donné  un  démenti  plus  éclatant  et  plus  humiliant  encore.  Il  a  répondu 
par  ce  hideux  déchaînement  socialiste  de  18^8.  Que  pensent-ils  aujourd'hui  des  droits  de 
l'homme  et  de  la  société  violés  dans  un  moine  qui  ne  se  plaint  jamais  et  qui  console  sou- 
vent, en  face  de  ces  socialistes,  qui  sont  leurs  enfants ,  et  qui  prétendent  avoir  trouvé  le 
droit  du  pillage  et  du  massacre? 

M.  Chassay  a  victorieusement  répondu  aux  attaques  des  principaux  philosophes  de 
notre  temps,  qui  ont  voulu  flétrir  la  vie  monastique.  On  peut  consulter  son  eicelleni 
ouvrage  du  Mysticisme  eaiholique.  Un  des  plus  sérieux  adversaires  du  mysticisme  catho- 
lique est  11.  Jouffroy  dont  nous  allons  relever  quelques  assertions.  En  lui  répon- 
dant, nous  répondons  à  tous.  La  vie  monastique  blesse  profondément  lés  tendances 
sensualistes  de  sa  philosophie,  la  religion  chrétienne  est  trop  .spiritualiste  pour  lui;  il 


ii7  DICTIONNAIRE  D*ÂSCET1SM£.  Ii8 

ne  manque  pas  d*en  faire  un  chef  d'accusation.  Le  spiritualisme  exalté  du  christianisme 
naissant^  dit-il,  tournant  au  mépris  de  la  terre  et  au  désir  du  ciel.  Nous  acceptons  le 
reproche. 

Les  communautés  reh'gieuses  sont  peuplées  d*Ames  courageuses*  qui  ne  tiennent  aux 
biens  de  la  terre  que  par  les  liens  de  la  stricte  nécessité.  Laissez-les]  donc,  je  vous  prie, 
dans  cette  simplicité  de  goûts.  La  soif  des  biens  est  inextinguible  dans  ie  monde,  Jamais 
i*appétit  des  richesses  ne  s'est  traduit  en  menaces  aussi  formidables  contre  les  pro- 
priétaires. Les  passions  aspirent  aux  jouissances,  non  plus  par  le  trayail  mais  par  la 
spoliation,  et  tous  voulez  fermer  la  seule  soupape  de  sûreté  qui  vous  reste  peul-^tre. 
Hélas  1  il  n'y  a  pas  assez  de  biens  pour  tous.  Laissez  donc  des  Chrétiens  modestes  vivre 
sans  bruit  dans  un  coin  de  terre,  se  contentant  d'un  morceau  de  pain  noir  et  de  légumes: 
la  part  des  gens  du  monde  en  sera  meilleure.  Le  superflu,  s*ils  en  avaient,  passera  aux 
malheureux.  N'entendez-vous  pas  les  plaintes  de  quelques  économistes  qui  vous  me- 
nar^nt  d'un  excès  de  populations  et  des  fléaux  qui  viennent  à  sa  suite  ;  ces  craintes 
n'ont  rien  perdu  avec  le  temps  de  leur  caractère  sérieux.  Le  mysticisme,  (fDinme  vous 
dites,  vaut  bien  la  corruption  et  la  débauche  pour  mettre  un  frein  a  l'exubérance  de  la 
population. 

\Le  plus  grand  développement  mystique  que  notis  connaissions  a  eu  lieu  dans  les  temp$ 
qui  ont  suivi  la  naissance  du  christianisme^  et  vous  savez  dans  quel  état  se  trouvait  le 
monde  à  celte  époque.  Le  scepticisme  le  plus  complet  de  philosophie  s'unissait,  dans  la 
décadence  de  l'empire  romain,  à  la  corruption  la  plus  profonde  en  morale  et  à  la  tyrannie 
la  plus  dégradante  en  politique  :  la  vérité^  la  vertu^  la  liberté^  ne  s&nblaieni  plus  que  des 
mots,  et  tout  paraissait  se  réunir  pour  décourager,  rhomme  de  tout  effort,  pour  lui  en  dé- 
jncnt^er  l'inutilité.  A  quoi  bon,  si  la  vérité  est  introuvable,  la  chercher?  Si  tout  est  indiffé- 
rai, agir  d'une  manière  plutôt  que  d'une  autre  ?  A  quoi  bon  même  agir,  si  des  siècles 
d'héroïsme  et  de  victoires  ne  conduisent  une  société  qu'à  vivre  malheureuse  et  sans  glotrCf 
soius  des  oppresseurs  inAéciles  où  sanguinaires?  Voilà  ce  que  semblait  dire  aux  hommee  la 
grande  époque  dont  nous  parlons  et  sous  quel  aspect  elle  tendait  à  faire  envisager  la  destinée 
humaine.  D'un  autre  côté  l'inondation  des  barbares  grondait  aux  portes  de  l'empire,  et  la 
menace  de  cette  fatale  et  inévitable  calamité  parlait  peut-être  encore  plus  haut  de  la  vanité 
4e$  choses  d'ici-bas  et  de  l'impuissance  humaine,  que  la  voix  du  passé  et  le  spectacle  du 
présent.  Ajoutejs  le  spiritualisme  exalté  du  christianisme,  qui  tournait  au  mépris  de  la 
terre  et  au  désir  du  ciel,  des  âmes  que  tout  concourait  déjà  à  pousser  dans  cette  direction , 
,et  vous  comprendrez  que  jamais  circonstances,  ne  furent  plus  favorables  au  développement  de 
cette  doctrine  (60). 

Nous  ne  sommes  pas  loin  d'accepter  cette  interprétation,  nous  faisons  nos  réser* 
Tes  sur  ce  qu'il  y  a  d'absolu  dans  l'esprit  de  l'auteur  sur  la  puissance  de  ces  causes  ; 
car  le  christianisme  porte  en  lui-même,  indépendamment  de  l'esprit  et  de  l'état  de  chaque 
siècle,  des  motifs  permanents  qui  appellent  certaines  Ames  orivilégiées  à  la  vie  contem- 
plative, à  la  séparation  du  mon  jh. 

Du  reste  peu  s'en  faut  que  cette  éloquente  peinture,  de  la  décrépitude  de  l'empire 
romain  ne  soit  applicable  à  notre  époque.  Heureusement  il  y  manque  encore  bien  des 
traits  pour  une  ressemblance  parfaite.  Mais  qui  nous  dit  que  nous  «  saurons  nous 
arrêter  sur  cette  pente  ou  nous  glissons.  Qu'il  est  sombre  l'aspect  de  notre  société  (61), 
et  que  nos  douleurs  sont  déchirantes  1  et  vous  arrêtez  ceux  que  les  scandales  de  noire 
çorruptiofii  affligent  et  dégoûtent  et  qui  voudraient  s'enfoncer  dans  la  solitude  pour 
servir  Dieu  et  prier  pour  leurs  frères  égarés.  Tel  est  l'esprit  libéral  de  notre  temps, 
qu'on  refuse  cette  dernière  consolation  à  ceux  qui  la  réclament. 

Cet  immense  entraînement,  ajoute  notre  auteur,  faillit  détourner  cette  grande  religion  de 
son  véritable  esprit  et  l'absorber  dans  un  ascétisme  impuissant. 

On  peut  se  rassurer  :  Tesprit  de  Dieu  gouverne  son  Eglise  sur  la  terre.  Par  le  principe 
même  de  la  liberté  humaine,  on  a  pu  voir  quelques  communautés  religieuses  s'éloigner 

f60|  Cours  de  droit  naturel,  1. 1*'. 

(61)  Ceci  a  été  écrit  avant  le  2  décembre. 


1Î9  DISCOURS  FREUMINAIRE.  130 

du  7érilable  esprit  qui  devait  les  aDÎmer  ;  mais  le  christianisme  aura  toujours  assez  de 
jeunesse  et  de  rigueur  ponr  recruter  cette  milice  d*élites  des  communautés  religieuses» 
a?aDt-garde  de  TEglise  militante,  prête  à  tous  les  dévouements,  à  toutes  les  souffrances  pour 
Uea  et  pour  leurs  semblables. 

Oo  peut  se  rassurer  surtout  de  la  crainte  de  voir  la  religion  chrétienne  a  aucune  époque 
pousser  les  générations  en  masses  vers  la  vie  purement  contemplative. 

Joollroj  oe  pouvait  pas  se  douter  que  le  régime  chrétien  a  deux  parties,  les  préceptes 
et  les  conseils. 

Il  7  a  les  préceptes  positifs,  absolus,  le  décalogue  :  c'est-à-dire  des  lois  générales;  et  il 
e2»t  de  ressence  de  toute  loi  véritable  d*étre  générale  et  absolue.  H  y  a  ensuite  les  conseils, 
comme  lorsque  Jésus-Christ  dit  à  un  jeune  homme  :  Vendez  votre  bien  et  donnez-le  anx 
pauvres;  conseils  qui  n'obligent  personne  précisément,  parce  qu'ils  invitent  aune  perfection 
morale,  qui  n'est  faite  que  pour  quelques  âmes  d'élite.  L'héroïsme  de  la  vertu  n  est  pas  si 
vulgaire  qu'on  doive  craindre  que  le  genre  humain  périsse  par  cet  endroit. 

La  masse  du  genre  humain  est  appelée  par  la  religidb  à  mener  la  vie  active  du  travail 
des  mains,  à  manger  son  pain  h  la  sueur  de  son  front,  et  cette  vie  l'Eglise  l'hoûore  el 
Tencourage. 

Jouffroj  a  en  une  incroyable  distraction  lorsqu'il  a  dit  :  Le  dogme  mystique  attire  à  lui 
rawuneparune  nécessité  invincible^  ou  le  dogme  du  maniehéismet  ou  le  dogme  dupéchéf  la  chute 
de  rhomme  (62). 

te  dogme  mystique ,  singulière  expression  qui  accuse  les  notions  superficielles  de  Tauteur 
sur  cette  matière ,  attire  à  lui  le  dogme  du  manichéisme.  Hais  l'Eglise  a-t-elle  été  mani- 
chéenne quelque  part?  N'a-t-elle  pas  condamné  cette  erreur  dans  plusieurs  conciles? 
A-t-elIe  toléré  cette  doctrine  monstrueuse  dans  les  cénobites  qui  suivaient  son  esprit  7 

Suns  doute  les  moines  étaient  manichéens,  parce  qu'ils  croyaient  au  démon  ^  principe 
du  mal  qui  séduisit  Eve  et  qui  s'efforce  de  détourner  rhomme  de  cette  patiente  soumission 
et  de  Fattirer  dans  les  voies  insensées  de  Tactivité  mondaine. 

Remarquez  que  la  croyance  aux  mauvais  esprits  nous  est  donnée  ici  comme  une  croyance 
particulière  aux  moines  el  non  comme  un  dogme  de  l'Eglise  universelle  ;  première  erreur. 
Cette  croyance  des  anges  déchus  est  prise  pour  le  manichéisme  ;  seconde  erreur  plus 
grossière  que  la  première.  Les  enfants  savent  qu'il  n'y  a  aux  yeux  des  Chrétiens  qu'un 
seul  être  nécessaire ,  seul  principe  de  toutes  choses,  qui  permet  au  démon ,  ange  déchu  , 
de  tenter  les  hommes,  mais  qui  ne  souffre  jamais  qu'il  entame  la  liberté  humaine* 

Toute  cette  leçon  brille  d'aper^s  de  cette  justesse  et  de  parfaite  connaissance  de  son 

sqjel. 
Par  une  bizarre  contradiction ,  dit  le  même  auteur,  ces  idées  coexistent  avec  la  doctrine 

tout  opposée  de  répreuve ,  qui  est  la  vraie  doctrine  du  christianisme  sur  cette  vie ,  celle  par 
laquelle  il  a  exercé  sur  Vhumanité  une  influence  sî  puissante  et  si  utile ,  et  opéré  en  morale 
si  heureuse  et  si  magnifique  révolution, 

sommes  heureux  enfin  d'entendre  une  appréciation  juste  dans  cette  longue  et  fts- 
tidieuse  leçon.  Oui,  la  doctrine  de  l'épreuve  est  à  la  base  du  christianisme  ,  parce  qu'elle 
suppose  la  réhabilitation  comme  la  suite  nécessaire  d'une  chute  primitive  ;  oui,  la  rengioo 
chrétienne  a  exercé  par  là  une  heureuse  influence  sur  le  genre  humain,  parce  que  seule  elle 
a  bien  jugé  le  cœur  de  l'homme  et  saisi  la  maladiequ'elle  était  appelée  à  guérir.  Cet  aperçu 
aurait  dû  Tavertir  qu'il  pouvait  bien  tomber  à  faux  datis  ses  critiques  précédentes ,  et 
qu'il  n'y  avait  pas  contradiction  entre  le  manichéisme  et  l'idée  de  Tépreuve,  attendu  qu*il 
n'y  a  pas  de  manichéisme  :  il  n'y  en  a  pas  non  pins  avec  le  dogme  du  péché  originel. 
Etrange  distraction  de  l'auteur  I  s'il  y  a  eu  chute  primitive,  cela  n'appelle-t-il  pas  naturelle- 
ment répreuve  de  la  réhabilitation  ?  Je  m'empare  de  cette  idée  d'épreuve  que  Jouffroy 
admet  dans  son  système,  du  moins  en  principe ,  car  chez  lui  elle  n*influe  pas  la  réalité  de 

(S2)  thoit  uaiur.^  1. 1'',  p.  148. 


151  DICTIONNAIRE  D'ASCETISIfE.  »i 

la  yle;  je  m*en  eiiipare,^dis-je»  et  avec  cette  idée  je  le  forcerai  k  admettre  un  spiritualisme 
plus  franc  que  le  sien. 

L*épreuve  suppose  le  provisoire  et  s'achemine  vers  le  définitif,  comme  ]*exil  appelle  la 
patrie.  A  ce  point  de  vue  le  monde  se  rapetisse  et  la  TÎe  n*a  de  grandeur  que  par  Té- 
preuye  bien  supportée ,  parce  qu'elle  établit  ou  fortifie  nos  droits  à  la  possession  de  la 
chose  qui  est  le  but  final  de  répreuve. 

Ne  plaisantez  donc  plus  les*cénobites  qui  éteignaient  les  appétits  de  la  chair  et  fermaient 
ainsi  Fun  des  chemins  par  lesquels  les  choses  extérieures  nous  tenieni  et  nous  aitireni  plus 
puissamment. 

On  pourrait  rappeler  ici  à  l'auteur  les  immenses  services  qu'ont  rendus  les  ordres  reli- 
gieux ,  et  lui  prouver  que  cette  portion  si  intéressante  de  la  famille  chrétienne  n'est  pas 
une  pièce  inutile  au  monde,  même  sous  le  rapport  de  la  civilisation.  Hais  Jouffroy  a  jugé 
les  ordres  religieux  avec  les  plus  mauvais  préjugés  de  son  temps ,  et  son  travail  n'est 
qu'un  tissus  de  bévues  et  de  fausses  allégations;  je  ne  crainspasmême  d'avancer  qu'il  n  est 
pas  assez  sérieusement  préparé  pour  motiver  la  critique  que  j'en  ai  faite.  J'ai  voulu  seu- 
lement montrer  comment,  avec  beaucoup  de  talent  et  d'esprit,  un  philosophe  savait  estro- 
pier un  sQjet  et  se  moquer  de  ses  auditeurs. 

M.  Thiers,  autrefois  si  rude  adversaire  des  ordres  religieux,  a  senti  la  rigueur  de  ses 
préjugés  se  détendre.  Le  monde  mieux  compris ,  l'expérience  des  événements  et  de  l'âge 
lui  ont  découvert  déjà  bien  des  côtés  avantageux  dans  la  vie  du  cloître  ;  op  le  trouvera 
cependant  encore  plus  éloquent  que  théologien.  Ecoutons-le  signalant  un  des  bienfaits 
du  cloître,  qui  h  nos  yeux  n'est  point  le  principal. 

«  Le  christianisme  saisit  au  passage  ce  désespéré  qui  allait  attenter  à  sa  vie ,  arrête  son 
bras,  l'emmène ,  le  conduit  dans  la  solitude ,  l'arrache  h  cette  vie  agitée  des  cités ,  à  ces 
sensations  infinies ,  tour  à  tour  délicieuses  ou  poignantes ,  qui  le  troublaient  sans  cesse  ; 
l'enferme  dans  ces  cloîtres  silencieux  et  tristes ,  où ,  dans  un  espace  étroit ,  entre  les  qua- 
tre faces  d'un  portique  uniforme ,  il  se  le  vera ,  priera ,  travaillera,  tous  les  jours  aux  mêmes 
heures  ;  n'entendra  que  la  cloche  du  couvent ,  n'aura  d'autre  événement  que  le  lever  et  le 
coucher  du  soleil,  et  sentira  son  ardeur  s'éteindre  dans  la  sublime  et  douce  uniformité 
de  la  prière ,  remède  puissant  et  unique  contre  Tagitation  morale ,  capable  de  calmer 
jusqu'à  l'âme  tendre  et  passionnée  d'Héioîse  et  de  la  Vallière  (63).  » 

Je  termine  par  cette  réflexion  :  Jamais  on  n'a  mieux  compris  que  de  nos  jours  que  le 
bonheur  n'est  point  fait  pour  la  terre  que  nous  habitons.  Le  mécontentement  des  masses 
semble  croître  et  s'aigrir  de  plus  en  plus  à  mesure  que  la  civilisation  étale  de  plus  éton- 
nantes merveilles  et  de  plus  abondantes  richesses.  Il^doit  $tre  clair  pour  tout  le  monde 
que  nous  aurons  toujours,  comme  le  dit  l'Evangile,  des  pauvres  parmi  nous,  et  que  la 
satisfaction  des  sens ,  le  calme  même  de  l'esprit  n'est  point  le  but  de  la  vie.  Ceux  donc 
qui  jugeraient  la  vie  monastiquaau  point  de  vue  des  privations  qu'elle  impose,  et  qui  la 
condamneraient  parce  qu'elle  refuse  à  l'homme  les  jouissances  auxquelles  il  peut  et  doit 
prétendre  en  ce  monde,  feraient  preuve  d'un  esprit  très-étroit.  Ceux-là  ne  comprendraient 
guère,  d'abord  la  diversité  des  vocations,  des  goûts  qui  sont  dans  le  cœur  de  l'homme  et 
que  l'Evangile  a  si  bien  discernés ,  ni  les  charmes  secrets  que  la  grâce  et  l'amour  de  Dieu 
savent  répandre  sur  les  habitudes  calmes,  et  presque  toujours  bienfaisantes  et  utiles  au 
prochain ,  des  personnes  qui  se  séparent  du  monde  à  la  voix  de  la  religion.  Voilà  ce  que 
Jouffroy  a  été  loin  de  comprendre ,  nous  ne  l'en  féliciterons  pa^ ,  ni  tous  ceux  qui  ont 
partagé  ses  sentiments.  (Voy.  Mtsticisiie,  Théologie  mystique   Asc&tbs,  Moines  et 

MONASTiRES.} 

C'est  peut-être  trop  nous  occuper  des  ennemis  de  la  vie  contemplative  dans  un  ouvrage 
comme  celui-ci.  Qu'avons  nous  besoin  de  nous  troubler  pour  ces  serviteursde  Dieu  e(|denous 
tnquiéteiidu  jugement  qu'en  portent  les  impies.  Puisqulls  ne  craignentrien  pour  eux-mêmes 
et  que  leur  confiance  est  en|Dieu,  ajous  nous-mêmes  cette  confiance  dans  cette  douce  pro* 

(63)  De  la  propriété. 


131  DISCOURS  PREUMlNAIfiE.  134 

Tidenee  qui  a  des  miséricordes  el  des  longanimités  infinies  même  poar  les  méchants  : 
Defons-noos  craindre  qu'elle  oublie  de  protéger  ses  amis  T 

Ce  qui  nous  préoccupe  darantage  ce  sont  ces  préjugés  dont  nous  ayons  déjà  dit  un 
mot*  que  les  gens  de  bien  eux-mêmes  ont  conseryés  contre  tout  ce  ^ui  se  rapporte  au 
mysticisme. 

An  début  de  ce  discours,  nous  a?ons  posé  des  principes  certains  et  clairs  que  nous 
ne  répéteras  pas  ici,  et  que  nous  supposons  incontestables  et  acceptés.  Toutefois,  il 
n*est  pas  hors  de  propos  d'entrer  dans  quelques  détails,  et  de  nous  appuyer  sur  quelques 
aolôrités,  afin  de  faire  tomber  le  dernier  nuage  de»  préjugés,  s'il  pouvait  encore  en 
rester. 

Les  uns  Tondraient  qu'on  s'en  tint  à  une  vie  régulière,  mais  commune,  qui  ne  se  dis- 
tingue en  rien  des  Chrétiens  irréprochables  qui  vivent  dans  le  monde.  Tout  ce  qui  dé- 
passe ce  niveau,  ils  le  regardent  ou  comme  superflu  ou  comme  dangereux  et  sujet  à  iliu- 
s  ion*  ou  nourrissant  l'orgueil  ou  poussant  sur  le  penchant  des  excentricités  et  des  extra- 
vagances. 

Cette  considération  a  un  côté  séduisant,  puisqu'on  effet  on  peut  supposer  une  personne 
très-parfaite  tout  en  vivant  de  la  vie  commune.  Il  n'est  pas  même  rare  de  voir  des  per- 
sonnes du  monde  conserver  une  Ame  bien  pure  et  un  cœur  très-innocent,  qui  cependant 
ne  font  à  Textérieur  que  ce  que  font  les  Chrétiens  tièdes  qui  les  entourent.  Ils  observent 
rigonreusement  les  commandements  de  Dieu  et  de  l'Eglise  et  ne  vont  pas  au  delà.  Us  ne 
savent  ce  que  c'est  qu'oraison  mentale  ;  ils  ne  pratiquent  que  les  jeûnes  commandés  par 
TEglise,  ne  connaissent  ni  contemplation,  ni  extase,  ni  pénitence  extraordinaire.  Ils 
prennent  part  même  aux  plaisirs  innocents  que  Ton  se  donne  dans  leur  condition  ;  mais, 
du  reste,  ils  sont  bons,  pacifiques  et  justes  avec  le  prochain,  patients  dans  les  adversités, 
craignant  f:mndement  le  péché  mortel.  Certes,  il  serait  à  souhaiter,  nous  dira-t-on,  que 
le  monde  fût  peuplé  de  pareils  Chrétiens  i  ainsi  soit-ii,  disons-nous  à  notre  tour.  La  terre 
serait  un  Sden  ;  mais  cela  n'est  pas  ainsi,  et  nous  avons  la  douloureuse  certitude  qu'il  n'en 
sera  jamais  ainsi.  Le  mot  de  Jésus-Christ  sera  toujours  vrai  :  Fdr  mundo  a  seandalii. 

Nous  avons,  certes,  confiance  que  Dieu  saura  trouver  ses  prédestinés,  et  nous  aimons 
i  espérer,  puisque  l'Eglise  ne  nous  le  défend  pas,  que  le  grand  nombre  sera  sauvé.  Mais 
il  est  évident  que  pour  cela  il  faut  compter,  d'une  part,  sur  ceux  qui  meurent  avant  l'Age 
de  raison,  et,  d'autre  part,  sur  ceux  qui  se  convertissent  à  l'article  de  la  mort  ;  nous 
sommes  persuadés  qu'il  y  a  de  grands  trésors  de  miséricorde  répandus  sur  les  mourants. 
Ces  considérations  n'empêchent  pas  d'accepter  ce  que  nous  voyons  de  nos  yeux ,  que 
le  monde  est  une  masse  de  corruption.  Les  justes  y  sont  des  exceptions;  les  prévarica- 
teurs y  triomphent;  la  veriu  y  est  non-seulement  rare,  mais  persécutée;  on  y  tend  des 
emt>ûcfaes  à  l'innocence;  tout  y  est  pièges  pour  elle,  et  il  faut  une  force  presque  surhu- 
maine pour  se  conserver,  je  ne  dis  pas  entièrement  pur,  mais  exempt  des  péchés  graves, 
an  milieu  de  l'entraînement  général. 

Nous  tirons  de  Ik  cette  conclusion  :  que  celai  qui,  vivant  au  milieu  d'un  monde  aussi 
séducteur,  sera  presque  certainement  entraîné  par  le  courant,  s'il  ne  prend  quelques  pré- 
cautions au  delà  de  celles  qui  sont  rigoureusement  exigées. 

0  Ciut  éloigner  le  combustible  du  foyer  argent  si  on  ne  veut  pas  qu'il  s'enflamme.  Il 
iant  même  quelquefois,  selon  la  parole  de  Jésus-Christ  qui  se  rapporte  directement  i 
notre  objet,  jeter  son  pied  et  sa  main,  et  même  son  œil  s'il  nous  scandalise  ;  c*est4i-dire 
qu'il  faut  d'une  manière  on  d'une  autre  rompre  avec  le  monde,  il  faut  le  haïr  et  le  fuir, 
smt  que  l'on  consomme  cette  séparation  comme  les  cénobites,  en  cherchant  la  solitude, 
soit  que,  restant  dans  le  siècle,  on  tranche  nettement  avec  le  monde  par  une  conduite 
opposée  à  la  sienne.  Et  nous  disons  que  les  précautions  ordinaires  ne  suffisent  pas  ;  il 
dut  avoir  recours  à  quelques  précautions,  à  quelques  œuvres  de  surérogation  ;  et  c'est 
dans  ce  sens  que  quelques  spirituels  ont  dit  que  dans  certains  cas  les  conseils  évan'gé- 
liques  deviennent  des  préceptes;  et  c'est  le  commentaire  naturel  et  exact  des  paroles  de 
Jésus-Christ  :  Sivotrtmil  voui  seandalistt  arroehez-Uf  etc 


135  DICTIONNAIRE  D  ASCETISME.  156 

Nous  admettons  volontiers  lapéAexion  de  Gudescarty  qui  est  aussi  celle  des  maîtres  de 
la  vie  spirituelle. 

11  dit  à  la  fin  de  la  ViQ  de  saint  fionaventure,  que  la  perfection  de  la  vie  chrétienne  con- 
siste à  bien  faire  chacune  de  ses  actions. 

Mais  nous  ajoutons  :  Qui  peut  se  flatter  de  bien  faire  toutes  ses  actions  en  vue  de  Dieu, 
s'il  a  la  prétention  Je  rester  perpétuellement  sur  les  frontières  du  péché  mortel.  Pocfssé 
a  riniquité  par  tout  c6  qui  Tentoure,  s'il  ne  prend  pas  certaines  résolutions  hénoiques, 
certains  remèdes  plus  forts  et  plus  efficaces  contre  le  péché,  soit  dans  les  mortîGcations, 
Soit  dans  les  prièrres  et  Toraison;  il  tombera. 

D'ailleurs,  concevez-vous  que  celui  qui  est  arrivé  à  bien  faire  chacune  de  ses  actions, 
y  soit  parvenu  sans  avoir  arraché  de  son  cœur  l'affection  au  péché  véniel,  non  qu'il  ne 
tombe  souvent  encore  dans  les  fautes  légères;  mais  nous  concevons  que  de  bien  faire' 
chacune  de  ses  actions,  c'est  une  si  grande  perfection,  un  si  haut  degré  de  sainteté^  qu'il 
vous  parafa  impossible  d'y  parvenir  avec  l'affection  au  péché  véniel,  et  disons-le  aussi, 
sans  pratiquer  plus  ou  moins  quelques-uns  des  conseils  évangéliques. 

Celui  qui  en  est  venu  à  cette  perfection,  y  est  arrivé  au  prix  de  bien  des  victoires  sur 
ies  passions;  il  vit  maintenant  en  union  bien  intime  avec  Dieu,  et  il  nous  est  trop  difficile 
de  croire  qu'il  marchande  avec  son  Dieu,  si  bien  servi,  le  strict  nécessaire  de  la  loi. 

Ainsi,  pour  conclure,  les  propositions  suivantes  sont  certaines  sans  s'exclure  :  il  y  a 
beaucoup  de  personnes  vertueuses  dans  le  monde. 

Il  est  possible  de  vivre  très-saintement,  et,  dans  la  réalité,  les  saints  n'aiment  point  le 
monde  et  le  fuient  autant  qu'ils  peuvent.  On  peut  faire  relativement  assez  bien  chacune 
Je  ses  actions,  et  être  peu  avancé  dans  le  chemin  de  la  perfection,  comparativement  aux 
saints,  et  même  aux  personnes  avancées  dans  la  perfection. 

Mais  à  Dieu  ne  plaise  que  nous  paraissions  hésiter  dans  la  défense  des  conseils  évan- 
géliques, et  qu'on  pense  que  nous  ayons  besoin  de  longs  discours  pour  les  sauvegarder. 
Ils  subsistent  par  eux-mêmes,  depuis  que  Jésus-Christ  les  a  formulés  dans  ses  divines 
maximes,  depuis  qu'il  les  a. mis  si  saintement  en  œuvre  dans  sa  vie. 

Outre  les  préceptes  de  la  vie  commune,  il  a  fait  un  appel  à  tous  les  cœurs  généreux, 
aux  âmes  d'élite  de  tous  les  siècles  et  de  tous  les  climats,  pour  les  appeler  à  une  perfec- 
tion plus  haute,  à  un  renoncement  plus  parfait,  à  un  genre  de  vie  plus  spirituel. 

C^est  une  marque  de  divinité  de  la  religion  chrétienne,  qu'elle  fasse  un  appel  à  une  si 
haute  perfection.     • 

C'en  est  encore  une  plus  grande  que  tant  de  millier^  d'&raes  aient  répondu  généreuse- 
ment à  cet  appel  d'en  haut.  Quelques  lambeaux  de  vertus,  qui  sortaient  de  la  voie  com- 
mune chez  les  païens,  vertus  imparfaites  encore,  ont  jeté  un  vif  éclat  sous  la  plume  bril- 
lante de  leurs  historiens;  mais  ces'  vertus,  infiniment  plus  pures,  plus  solides  et  plus  mo- 
destes, sont  devenues,  pour  ainsi  dire,  communes  chez  les  Chrétiens,  et  on  les  admire  à  peine. 

O  religion  de  Jésus-Christ  1  vous  seule  avez  compris  la  perfection  véritable  ;  vous  seule 
avez  les  modèles  accomplis  et  d'admirables  imitateurs.  Oui,  c'est  l'éternel  honneur  du 
genre  humain  que  le  génie  sanctificateur  du  christianisme  ait  pu  élever  si  haut  certaines 
Ames.  Imaginez-vous  quelque  chose  de  plus  sublime  qu'un  saint  Paul,  qu'un  saint  Louis, 
]u'une  sainte  Thérèse,  etc. 

Mais  comment  ne  pas  craindre,  nous  dira-l-ôn,  les  excès  de  l'illuminisme,  qui  ont  fati- 
gué si  souvent  l'Eglise,  et  qui  fournit  une  si  ample  matière  à  lâ  risée  des  incrédules? 

A  cette  crainte  nous  répondons  par  celte  question  :  Doit-on  cesser  de  pratiquer  la 
vertu,  parce  qu'il  y  a  des  hypocrites?  devons-nous  cesser  de  vénérer  les  saints  et  de  nous 
les  proposer  pour  modèles^,  parce  qu'il  y  a  eu  des  citravagants  qui  ont  fait  pat*ade  d*uno 
fausse  perfection  et  d'inspirations  mensongères? 

Cette  difficulté,  dans  sa  généralité,  est  donc  simplement  inepte,  et  ne  vaut  pas  qu'on 
sy  arrête;  mais  elle  paratt  plus  sérieuse,  si  on  la  réduit  à  des  points  plus  précis^  Ainsi 
on  peut  demander  quelles  sont  les  règles  pour  discerner  les  communications  surnatu- 
relles, les  effets  de  la  gr&ce,  qui  tiennent  du  merveilleux,  qui  ne  peuvent  plus  être  expli- 
qués par  les  règles  ordinaire^,  ou  bien  les  effets  de  la  grâce  qui  sont  tout  à  fait  des  prodiges. 


I»  DISCOURS  PREUHiNAlRE.  43S 

Qaelqaes  mots  d*al)ord  sar  la  chose  en  elle-même.  Posons  en  principe  qa*on  ne  peut 
mettre  en  question  que  la  grâce  de  Dieu  ne  puisse  produire  et  n*ait  produit  en  effet  bien 
souTeot  dans  les  âmes,  sanctifiées  par  la  pratique  de  la  Tertu,  des  effets  merreilleui  qui 
surpassent  les  forces  de  la  nature.  Gelaseprou?e  par  saint  Paul,  par  les  bulles  de  cano* 
Disation,  par  toute  la  tradition  de  l'Eglise. 

Au  surplus,  cette  question  se  confond  ayec  celle  des  miracles  et  des  prophéties;  puisque 
Tune  est  certaine  et  sert  de  fondement  à  la  divinité  du  christianisme,  Feutre  ne  peut  non 
plus  être  ébranlée.  Nous  admettons  les  miracles  opérés  par  saint  François-Xa?ier,  les 
merveilles  de  la  vie  de  sainte  Thérèse,  les  stigmates  de  saint  François,  les  prodiges  de 
saint  Bernard,  an  même  titre  que  les  miracles  des  apôtres  et  de  Notre*Seigneur  lui-même. 

Nous  les  croyons,  parce  que  leur  authenticité  est  à  Tabri  de  toute  séduction.  Us  sont 
rerêtue  de  Tautorité  de  l'Eglise ,  ils  sont  rappelés  par  la  liturgie  dans  les  fêtes  de  TEgliset 
comme  ceux  de  Jésus-Christ  et  des  apêlres. 

La  difficulté  n'est  pas  plus  grande  ici  que  Ik,  c'est  le  même  esprit  tout-puissant  qui  agit 
et  qui  souffle  où  il  veut.  Qu'il  surgisse  des  âmes  éminentes  en  sainteté,  et  que  le  bien  de 
J*£giise  le  demande,  et  nous  verrons  les  mêmes  miracles  se  reproduire;  et  en  effet,  chaque 
siècle  aura  ses  prodiges,  ses  prophéties,  ses  avertissements  surnaturels.  Mais  il  est  vrai 
aussi  que  chaque  siècle  aura  ses  incrédules.  Combien  de  Juifs  révoquèrent  en  doute  les 
miracles  de  Jésus-ChrisI,  sinon  en  eux-mêmes,  du  moins  dans  leur  principe  et  leur  valeur 
morale»  ce  qui  revient  au  même.  Ces  Juiis-là  ne  meurent  jamais:  ils  dureront  autant  que 
les  siècles,  c'est-à-dire  autant  que  l'orgueil  et  que  la  perversité  du  cœur  humain,  qui  ne  se 
prête  pas  aisément  à  lire  sa  propre  condamnation  dans  un  miracle.  11  est  plus  simple 
de  le  nier. 

Est-il  plus  difficile  à  Dieu  de  procurer  un  ravissement,  une  extase,  à  une  sainte  âme,  de 
la  consoler  par  des  apparitions  surnaturelles,  de  donner  à  son  corps  quelques  qualités 
anticipées  des  corps  glorieux,  que  de  ressusciter  un  mort?  0  homme$  dédaigneux ^  s*écrie 
FéneloD  en  parlant  des  ravissements  de  sainte  Thérèse,  qui  osez  tout  mesurer  à  vos  couries 
epéenlaiians  ;  ô  vaut  gui  eorrompex  le$  vérités  mêmes  que  Dieu  nous  fait  eennaUre^  tt  qui 
hloMpkimez  les  ntj/stires  intérieurs  que  vous  ignorez  ;  taisez-vous^  esprits  impies  et  superbes  ; 
apprenez  ici  que  nul  ne  peut  sonder  les  profondeurs  de  T esprit  de  Dieu^  que  Fesprit  de 


Y  a-t-il  des  marques  de  discerner  la  vraie  communication  du  ciel  et  les  fausses  extases  t 
n  est  juste  ici  de  laisser  parler  les  saints.  Ecoutons  saint  François  de  Sales. 

«  Afin  donc  qu'on  puisse  discerner  les  extases  divines  d*a  vec  les  humaines  et  diaboliques» 

les  serviteurs  de  Dieu  ont  laissé  plusieurs  docuroens.  Mais  quant  à  moy,  il  me  suffira 

pour  mon  propos  de  vous  proposer  deux  marques  de  la  bonne  et  sainte  extase.  L'une  est 

que  l'extase  sacrée  ne  se  prend  nj  attache  jamais  tant  à  l'entendement  qu'a  la  volonté^ 

laquelle  elle  esmeut,  eschauffe  et  remplit  d'une  puissante  affection  envers  Dieu  ;  de 

manière  que  si  l'extase  est  plus  l>elle  que  l)onne,  plus  lumineuse  que  chaleureuse,  plus 

spéculative  qu'affective,  elle  est  grandement  douteuse  et  digne  de  soupçon.  Je  ne  dis  pas 

qu'on  ne  puisse  avoir  des  ravissemens,'.dos  visions  mesme  prophétiques,  sans  avoir  la 

charité;  car  je  sçay  bien  que  comme  on  peut  avoir  la  charité  sans  estre  ravy  et  sans 

prophétiser,  aussi  peut-on  estre  ravy  et  prophétiser  sans  avoir  la  charité  ;  mais  je  dis  que 

celuy  qui  en  son  ravissement  a  plus  de  clarté  en  l'entendement  pour  admirer  Dieu,  que 

de  chaleur  en  la  volonté  pour  l'aimer,  il  doit  estre  sur  ses  gardes  :  car  il  y  a  danger  que 

cette  extase  ne  soit  fausse,  et  ne  rende  l'esprit  plus  enflé  qu'édifié,  le  mettant  voirement 

comme  Saûl,  Balaam  et  Caîphe,  entre  les  prophètes,  mais  le  laissant  néantmoins  entre  les 

réprouvez. 

«  La  seconde  marque  des  vrayes  extases  consiste  en  la  troisiesme  espèce  d'extases  que 
nous  avons  marquée  cy-dessus.  Extase  toute  sainte,  toute  aimable,  et  qui  couronne  les 
deux  autres;  et  c'est  l'eitase  de  l'œuvre  et  de  la  vie.  L'entière  observation  de  commande- 
mens  de  Dieu  n'est  pas  dans  l'enclos  des  forces  humaines,  mais  elle  est  bien  i>onrtant 
dans  les  confins  de  l'instinct  de  l'esprit  humain,  comme  très  conforme  à  la  raison  et 
lumière  naturelle;  de  soHe  que  vivant  selon  les  commandemens  de  Dieu,  nous  ne  sommes 
DicnoHW.  D'AscinsiiB  L  5 


ISD  DICTIONNAIRE  D'ASCETISME.  Ild 

pos  pour  cela  hors  de  noslre  inclination  naturelle.  Mais  outre  les  commandemens  divins» 
il  y  a  des  inspirations  célestes  pour  Teiécutiori  desquelles  il  ne  faut  pas  seulement  que 
Dieu  nous  esiève  au-dessus  de  nos  forces,  mais  aussi  quMl  nous  tire  au-dessus  des 
instincts  et  des  inclinations  de  nostre  nature,  d'autant  qu'encore  que  ces  inspirations  ne 
sont  pas  contraires  à  la  raison  humaine,  elles  Texcèdent  toutefois,  la  surmontent,  et  sont 
au-dessus  d*icelle;dc  sorte  que  lors  nous  ne  vivons  pas  seulement  une  vie  civile,  honneste 
et  chrestienne,  mais  une  vie  sur-humaine,  spirituelle,  dévote*et  extatique,  p'est-à-dire 
une  vie  qui  est  en  toute  façon  hors  et  au-dessus  de  nostre  condition  naturelle.  Ne  point 
desrober,  ne  point  mentir,  ne  point  commettre  de  luxure,  prier  Dieu,  ne  point  jareren 
vain,  aimer  et  honorer  son  père,  ne  point  tuer:  c'est  vivre  selon  ia  raison  naturelle  do 
l'homme.  Mais  quitter  tous  nos  biens,  aimer  la  pauvreté,  l'appeler  et  tenir  en  qualité  de 
très-délicieuse  maîtresse  ;  tenir  les  opprobres,  mespris,  abjections,  persécutions,  martjres 
pour  des  lélicitez  et  béatitude;  se  contenir  dans  les  termes  d'une  absolue  chasteté,  et  enfin 
vivre  emmy  le  monde  et  en  cette  vie  mortelle  contre  toutes  les  opinions  et  maximes  du 
monde,  et  outre  le  courant  du  fleuve  de  cette  vie,  par  des  ordinaires  résignations, 
renoncemens  et  abnégations  de  nous-mesmes  :  ce  n'est  pas  vivre  humainement,  mais  sur- 
faumainement  ;  ce  n'est  pas  vivre  en  nous,  mais  hors  de  nous  et  au-dessus  de  nous.  Et 
parce  que  nul  ne  peut  sortir  en  cette  façon  au-dessus  de  soi-mesme  si  le  Père  éternel  ne 
le  tire,  parlant  cette  sorte  de  vie  do(4estre  un  ravissement  continuel  et  une  extase  perpé- 
tuelle d'action  et  d'opération. 

«  Quand  doncques  on  voit  une  'personne  qui,  en  l'oraison,  a  des  ravissemens  par  les- 
quels elle  sort  et  monte  au-dessus  de  soy-raesmeen  Dieu,  et  néantraoins  n'a  point  d'extase 
en  sa  vie,  c'est-à-dire  ne  fait  point  une  vie  relevée  et  attachée  à  Dieu  par  abnégation  des 
convoitises  mondaines,  et  mortification  des  volontcz  et  inclinations  naturelles  par  une  in- 
férieure douceur,  simplicité,  humilité,  et  sur-tout  par  une  continuelle  charité,  croyex, 
Théotime,  que  tous  ces  ravissemens  sont  grandement  douteux  et  périlleux  :  ce  sont  ra- 
vissemens propres  à  faire  admirer  les  hommes,  mais  non  pas  à  les  sanctifier.  Car  quel 
bien  peut  avoir  une  ame  d'estre  ravie  à  Dieu  par  l'oraison,  si  en  sa  conversation  et  en 
sa  vie  elle  est  ravie  des  affections  terrestres,  basses  et  naturelles.  Estre  au-dessus  do  soy- 
môme  en  l'oraison,  et  au-dessous  de  soy  en  la  vie  et  opération,  estre  angélique  en  la  médi. 
tation,  et  bestial  en  la  conversation,  c'est  clocher  de  part  et  d'autre,  jurer  en  Dieu,  et 
jurer  en  Melchon;  et  en  somme,  c'est  une  vraye  marque  que  tels  ravissemens  et  telles 
extases  ne  sont  que  des  amusemens  et  tromperies  du  malin  esprit.  Bienheureux  5ont 
eeux  qui  vivent  une  vie  sur-humaine,  extatique,  relevée  au-dessuis  deux-mesmes,  quoy- 
quUls  ne  soient  point  ravis  au-dessus  deux-mesme6  en  l'oraison.  Plusieurs  saincta  sont  au 
ciel  qui  jamais  ne  furent  en  extase  ou  ravissement  de  contemplation.  Car  bien  de  martyrs 
et  de  grands  saincts  et  sainctes  voyons-nous  en  l'histoire  n'avoir  jamais  eu  en  l'oraison 
autre  privilège  que  celuy  do  la  dévotion  et  ferveur.  Mais  il  n*y  eut  jamais  sainct  qui  n'ayt 
eu  l'extase  et  ravissement  de  la  vie  et  de  l'opération,  se  surmontant  soy-mesmo  et  ses 
inclinations  naturelles.  » 

Le  moyen  le  plus  certain  de  ne  point  tomber  dans  l'illusion  en  Jugeant  lesefforts  extraor- 
dinaires de  la  grâce  dans  certaines  âmes  est  donc  déjuger  les  personnes  par  Ie3  œuvres, 
d'apprécier  les  ravissements  et  autres  grâces  par  la  vie,  et  non  |a  vie  par  les  ravissements. 
Saint  François  de  Sales  confirme  encore  cette  pensée. 

«  C'est  dans  de  pareilles  circonstances  qu'il  faut  une  prudence  consommée  et  une 
connoissance  solide  des  maximes  désignées  par  les  maistres  de  la  vie  spirituelle.  Car  il 
n'est  pas  moins  dangereux  de  rebuter  une  ame  innocente,  et  de  l'exposer  h  luy  faire  faire 
fausse  route,  que  de  s'exposer  à  accepter  comme  des  inspirations  de  Dieu  des  extrava- 
gances d'un  esprit  faux  ou  des  illusions  de  l'esprit  malin.  » 

Sainte  Thérèse  Ja  séraphique,  sainte  Thérèse  n'a-t-elle  pas  été  l'objet  d'une  véritable 
persécution  de  la  part  de  ses  premiers  confesseurs  qui  la  traitèrent  comme  une  vision*- 
naire.  Ils  allèrent  même  jusqu'à  la  croire  possédée  du  dénaon.  Laissons  Fénelon  nous 


«**  DISCOCRS  PRELIMINAIRE.  142 

rappeler  cette  înstruclire  circonstance  dans  le  panégyrique  de  cette  illustre  sainte. 
€  Dîi-huit  ans  s'éloienl  écoulés  du  milieu  de  sa  solitude  dans  ce  feu  dévorant  de  la 
peine  intérieure  qui  purifie  Fâme  en  la  détournant  sans  cesse  contre  elle-même.   Mou 
cœur,  dit-elle,  étoil  sans  cesse  déchiré.  Aui  craintes  du  dedans  se  joignirent  les  combats 
du  dehors  ;  les  dons  intérieurs  augmentèrent  en  elle.  De  cette  oraison  simple  où  elle  étoit 
déjà.  Dieu  Tenlève  Jusque  dans  la  plus  haute  contemplation;  elle  entre  dans  l'union  où 
se  commence  le  mariage  virginal  de  l'époux  avec  l'épouse;  elle  est  tout  à  lui,  il  est  tout  à 
oiîe,  révélations,  esprit  de  prophéties,  visions  sans  aucune  image  sensible,  ravissements, 
tourments  délicieux,  comme  elle  le  dit  elle-même,  qui  lui  font  jeter  des  cris  mêlés  de  joie 
el  de  douleur,  où  l'esprit  est  enivré  et  où  le  corps  succombe,  où  Dieu  lui-même  est  si 
présent  que  Fâme  épuisée  et  dévorée  tombe  en  défaillance,  ne  pouvant  sentir  de  près 
tant  de  majesté;  en  un  mot  tous  les  dons  surnaturels  découlent  sur  elle.  Ses  directeurs 
d^abord  se  trompent.  Voulant  juger  de  ses  forces  pour  la  pratique  des  vertus  par  le  degré 
de  500  oraison,  et  par  le  reste  de  faiblesse  et  d'imperfection  que  Dieu  laissoit  en  elle  pour 
l'humilier,  ils  concluent  qu'elle  est  dans  une  illusion  dangereuse,  et  ils  veulent  l'exor- 
ciser. Hélas  I  quel  trouble  pour  une  âme  appelée  h  la  plus  simple  obéissance  et  menée 
comme  Thérèse,  par  la  voie  de  la  crainte,  lorsqu'elle  sent  tout  son  intérieur  bouleversé 
par  ses  guides  :  €  J'étois,  dit-elle,  comme  au  milieu  d'une  rivière,  prête  à  me  nojer  sans 
«  espérance  de  secours.  »  Elle  ne  sait  plus  ce  qu'elle  est,  ni  ce  qu'elle  fait  quand  elle  prie. 
Ce  qui  faisoil  sa  consolation  pendant  tant  d'années,  fait  sa  peine  la  plus  a  mère.  Pour  obéir, 
elle  s'arrache  &  son  attrait;  mais  elle  y  retombe  sans  pouvoir  ni  en  sortir,  ni  se  rassurer. 
Dans  ee  doute  elle  sent  Jes  horreurs  du  désespoir;  tout  disparait,  tout  l'effraye,  tout  lui 
est  enlevé.  Son  Dieu  même  en  qui  elle  sereposoit  si  doucement  est  devenu  un  songe  pour 
elle.  Dans  sa  douleur,  elle  s'écrie  comme  Madeleine  :  Us  me  Coni  enlevé  et  je  ne  $aiê  où  Us 
r&ni  mis. 

«  O  vous,  oints  du  Seigneur,  ne  cessez  donc  jamais  d'apprendre,  par  la  pratique  de 
l'oraison,  les  plus  profondes  et  les  plus  mystérieuses  opérations  de  la  grflce,  puisque  vous 
en  êtes  les  dispensateurs.  Que  n'en  coûte-t-il  pas  aux  Ames  que  vous  conduisez,  lorsque  la 
sécheresse  de  vos  études  curieuses  et  votre  éloignement  des  voies  intérieures  tous  font 
coodamoer  tout  ce  qui  n'entre  pas  dans  votre  expérience?  Heureuses  les  Ames  qui  trouvent 
l'homme  de  Dieu,  comme  Thérèse  trouva  enfin  les  saints  François  de  Borgia,  les  Pierre 
d'AIcantara,  qui  lui  aplanirent  la  voie  par  où  elle  marchait.  Jusqu'alors,  dit-elle,  j'avoLs 
plus  de  honte  de  déclarer  mes  révélations,  que  je  n'en  aurois  eu  de  déclarer  les  plus  grands 
péchés. 

m  Et  nous  aussi  aurons-nous  honte  de  parler  de  ces  révélations  dans  un  siècle  où 
l'incrédulité  prend  le  nom  de  sagesse?  Rougirons-nous  de  dire,  à  la  louange  de  la  grAce, 
ce  qu'elle  a  fait  dans  le  cœur  de  Thérèse?  Non,  non,  tais-toi,  ô  siècle I  où  ceux  mêmes  qu^ 
croient  toutes  les  vérités  de  la  religion,  se  piquent  de  rejeter  sans  examen,  comme  fables, 
toutes  les  merveilles  que  Dieu  opère  dans  ses  saints.  Je  sais  qu'il  faut  éprouver  les 
esprits  pour  savoir  s'ils  sont  de  Dieu.  A  Dieu  ne  plaise  que  j'autorise  une  vaine  crédulité 
pour  de  creuses  visions  I  Mais  à  Dieu  ne  plaise  que  j'hésite  dans  la  foi  quand  Dieu  se  fait 
semir!  Celui  quirépandoil  d'en  haut,  comme  par  torrents,  les  dons  miraculeux  sur  les 
premiers  fidèles,  en  sorte  qu'il  falloit  éviter  la  confusion  parmi  tant  d'hommes  inspirés, 
n'a4-il  pas  promis  de  répandre  son  esprit  sur  toute  chair?  N'a-t-ii  pas  dit  :  Sur  mes  servi- 
teurs et  mes  servantes.  Quoique  les  derniers  temps  ne  soient  pas  aussi  dignes  que  les 
premiers  de  ces  célestes  communications^  fandra-t-il  les  croire  impossibles?  La  source  en 
est-elle  tarie?  Le  ciel  est-il  fermé  pour  nous?  N'est-ce  pas  même  l'indignité  de  ces  derniers 

temps  qui  rend  ces  grAces  plus  nécessaires  pour  rallumer  la  foi  et  la  charité  presqu'é- 
teintes? 

«  N'est-ce  pas  après  ces  siècles  d'obscurcissement,  où  il  n'y  a  eu  aucune  vision  mani- 
bsie,  que  Dieu,  pour  ne  se  laisser  jamais  sans  témoignage,  doit  ramener  enfin  sur  la 
terre  les  merveilles  des  anciens  jours?  Hé  1  où  en  est-on,  si  on  n'ose  plus,  dans  l'assemblée 


U5  DICTIONNAIRE  D  ASCETISME.  lU 

des  enranls  de  Dieu,  publier  les  dons  de  leur  Père?  Pourquoi  ces  ris  dédaigneux,  hommes 
de  peu  de  foi,  quand  on  vous  raconte  ce  que  Ja  main  de  Dieu  a  fait?  Malheur  à  celle 
sagessecharnelle  qui  nous  empêche  de  goûter  à  ce  qui  est  de  l'Esprit-Saintl  Mais  que  dis-je, 
notre  raison  est  aussi  faible  que  notre  foi  môme.  N'y  a-t-il  donc  qu'à  refuser  de  croire 
pour  s*érîger  en  esprit  fort?  N'est-on  pas  aussi  foible  et  aussi  aveugle  en  ne  pouvant 
croire  ce  qui  est,  qu'en  refusant  de  croire  ce  qui  n'est  pas?  Le  seul  nom  de  miracle  et  de 
révélation  vous  choque,  ô  esprits  foibles,  qui  ne  savez  pas  encore  combien  Dieu  est 
grand,  et  combien  il  aime  à  se  communiquer  aux  simples.  Devenez  simples,  devenez 
petits,  devenez  enfants  ;  abaissez-vous,  abaissez-vous,  âmes  hautaines ,  si  vous  voulez  en- 
trer au  royaume  de  Dieu.  Cependant  taisez-vous,  et  loin  de  douter  des  grâces  que 
Thérèse  a  reçues  en  nos  jours,  pensez  sérieusement  à  faire  qu'elles  rejaillissent  jusque 
ur  vous.  » 

LlTÏÉtlATURE  DES  ECRIVAINS  ASCÉTIQUES. 

Les  saints  personnages  qui  dans  tous  les  siècles  nous  ont  laissé  des  écrits  sur  la  perfec- 
tion chrétienne,  ne  se  sont  guère  préoccupés  de  l'art  de  bien  dire.  Ils  n'avaient  qu'un  but, 
celui  d'être  utiles,  en  parlant  clairement,  simplement.  A  leur  insu  cependant,  l'amour  qui 
les  enflammait  les  a  souvent  élevés  jusqu'à  la  plus  haute  éloquence  (6^).  Les  plus  tendres 
poésies  de  Virgile  me  paraissent  fades,  même  au  point  de  vue  de  rintérêt  purement  arlis- 

24).  Qu*oii  nous  permette  une  citation  qui  fournira  rexemple  d*an  ffenre  unique  d*exposilion  dans  la 
Logîe  mystique  :  nous  voulons  parler  de  certaines  pages  oe  saint  Denis  rAréonagite,  qui  paraissent 
singulièrement  originales  et  peu  intelligibles.  On  croirait  que  Tidée  se  subtilise  et  s*évapore  par  les  efforts 
qu*elles  font  pour  se  passer  de  Texpression  matérielle.  Nous  citons  en  latin. 

c  Tu  lautero,  o  amice  Timothee,  drca  mysticas  vîsiones  forti  contentione  et  sensus  derelinque,  et  in- 
tellectuaîes  operationes,  et  omnia  sensibiliâ  et  intelligibilia,  et  omnia  existentia  ;|  et  sicot  est  possibile, 
ignote  consurjge  ad  ejus  unitionem,  qui  est  super  omnem  substantiam  et  cognitionem.  Etenini  exccssu  tuî 
ipsius  et  omnium  irretentibili  et  absoluto,  munde  ad  supersubstantialem  radium,  cuncta  auferens,  et  a 
cunctis  absolutus,  sursum  ageris  (/.  Scoti  Expos,  in  Myst.  Theolog.  S.  Dionys.^  éd.  Migne,  Patrologim 
t.CXXii,col.  27i).  I 

c  Yideautem,  ut  nullus  indoctorum  ista  audiat;  istos  autem  dico,  qui  in  existentlbus  sunt  formati, 
DÎhil  super  existentia  supersubstantialiter  esse  opinantes,  sed  putantes  scire,  qu»  secondum  ipsos  est  co- 
gnitione  eum,  qui  ponit  tenebras  ad  latibulum  suum.  Si  autem  super  istos  sunt  divinae  doctriiiae  myste- 
riorum,  quid  dicat  quidem  aliqids  de  ma^is  indoclis,  quicunque  omnibus  superpositam  causam  et  ex 
I)ostremis  in  existentlbus  figurant,  et  nihil  ipsam  habere  dicunt  super  eompositas  ab  ipsis  impias  et  mul- 
tiformes formationes  (Ibid.  col.  272).  i 

c  Oporlet  autem  enim  in  ipsa  et  omnes  existentium'ponere  et  affirmare  positiones,  sicut  omnium  causa, 
et  omues  magis  ipsas  proprie  negare,  sicut  super  omnia  superexistente,  et  non  negatioues  oppositas  opinari 
esse  aflirmalioaibus,  sed  multo  prius  ipsam  super  privationes  et  quae  est  super  omnem  ablationem  et  po- 
sitionem  (Ibid,  col.  275).  i 

La  scbolie  de  saint  Maxime  avertit  qu'on  ne  doit  pas  prendre  le  sens  de  tous  ces  mots  quand  ils  s*ai^- 
quent  à  la  cause  première,  comme  lorsque  nous  les  appliquons  aux  êtres  créés 

Voici  un  exemple  bien  autrement  subtil  et  apocalyptique. 

cCaput  V.  Quod  nihil  est  intelligibilium  omnis  intefltgibilis  per  excellentiam  eausalis,  —  Synopsis  eapitis» 
— Docet  (Dionysius)  Deum  nihil  esse  eorum  quae  nos  cognoscimus;  sed  esse  supra  omnia  ista  quxcunque 
quomodocunque  a  nobis  concipi  vcl  intelligeutia  percipi  possunt. 

4  Rursus  autem  ascendentes  dicimus,  quod  neque  anima  est,  ncc  mens,  nec  phantasiam,  nec  opinîo- 
nem,  aut  rationem,  aut  intellectum  habet,  nec  ratio  est,  nec  iniellectus,  nec  dicitur,  nec  intelligitui',  nec 
uumerus  est,  nec  ordo,  nec  magnitude,  nec  parvitas,  nec:aequalitas,  nec  similitudo,  nec  dissimilitudo,  nec 
stat,  nec  movetur,  neque  silentium  agit,  nec  virtutem  habet,  nec  virtus  est,  nec  lumen,  nec  vivil,  neqnc 
vita  est,  nec  substanlia  est,  nec  aevum,  neque  tempus,  nec  tactus  ejus  intelli|;ibilis ,  nec  scientia  «  ncc 
Veritas,  nec  regnum,  neque  sapientia,  nec  unum,  nec  unitas,  nec  deitas,  aut  bonitas,  nec  spiritus  est,  sicut 
nos  videmus,  nec  filiatio,  nec  palernitas,  nec  aliud  aliquid  cognitum  a  nobis,  aut  al)  alio  quodam  existen- 
tium,  nec  aliquid  est  existentium,  neque  aliquid  est  essentium,  nec  existentia  ipsum  cognoscunt  esse 
secundum  quod  ipsa  est,  nec  cognoscit  ea,  quae  sunt  existentia,  secundum  quod  existentia  sunt,  nec  ratio 
ipsius  est,  nec  nomen,  nec  coguitio,  nec  tenebrae,  nec  lumen,  nec  error,  nec  veritas,  nec  universaUs  ipsius 
positio,  nec  ablatio,  sed  eorum,  quae  sunt  praeter  ipsam,  positiones  et  ablationes  faclentes  ipsam,  oec 
pouimus,  nec  auferUnus,  quoniam  et  super  omnem  ablationem  est  perfectiva  et  uoita  et  unitiva  omnium 
causa,  et  super  omnem  ablationem  est  excessus  ab  omnibus  simpliciter  absoluti  et  supra  totum  (Ibid.  col. 
281,282).  I 

Notre  mtention  en  rapportant  ces  passages  de  saint  Denys  a  été  simplement  de  donner  une  idée  de  tous 
les  styles  les  plus  divers  qui  ont  été  employés  par  les  mystiques.  Nous  ne  voulons  nuUement  le  proposer 
pour  modèle,  même  quand  il  s*agit  d'un  saint  personnaffe  qui  a  conféré  avec  les  apêtres  (car  Topuiion  que  ces 
ouvrages  dont  nous  parlons  sont  réellement  de  saint  lienys  est  la  plus  accréditée,  quand  il  s'agit  d'un  saint 
qui  a  eu  pour  commentateurs  saint  Bonaventure,  et  même  saint  François  de  Sales,  et  tant  d'autres  person- 
nages, il  n'est  pas  plus  permis  de  critiquer  lajorme  que  le  fond),  (luelque  surprenante  et  inexpliquable 
qu  elle  soit.  Toutefois,  en  méditant  sur  ces  étonnantes  paroles  on  finit  par  entrevoir  des  sens  sublimes  qui 
vous  accablent,  et  on  Anil  par  admirer  singulièrement  la  capacité  métaphysique  d'une  psi^Ue  intelligence* 
Ce  sont  des  coups  de  tonnerre  qui  éclatent  dans  la  nue. 


I4S  OiSGOORS  PREUMINAIRE.  U» 

tiqoe  f  quand  je  lis  les  toachantes  conrersatioDs  de  saint  François  d'Assise  sTec  tons  les 
êtres  qui  peoplent  la  nature.  Ici  ce  sentiment  est  plus  Tif ,  parce  qu'il  est  plus  vrai  et  plus 
profond.  Les  plus  nobles  fibres  de  ]*âme  humaine  sont  touchées  arec  une  délicatesse  infi- 
nie  ;  on  sent  que  c'est  un  ange  qui  tient  la  lyre  :  chez  les  classiques  ce  n'est  que  le  génie 
de  l*bomme. 

Quelle  richesse,  quelle  abondance,  quelle  souplesse  dans  la  manière  dont  saint  Bona- 
Tenture  parle  de  Dieu  et  de  la  rertul  Quel  métaphycien  a  écrit  des  pages  plus  nobles,  plus 
lucides,  sur  la  nature  de  Dieu  et  sur  toutes  les  branches  les  plus  élefées  de  la  métaphysi- 
que !  Et  quand  il  descend  aux  détails  de  la  rie  pratique,  il  est  plus  simple  sans  cesser 
d'être  noble  ;  pourtant  il  défoîle  sa  belle  âme  si  unie  à  Dieu,  si  pure,  si  doucement  zélée 
pour  attirer  les  coBurs  aux  suares  jouissances  de  l'amour  de  Dieu. 

Tout  le  monde  connaît  le  génie  supérieur  du  docteur  Angélique,  esprit  unirersel  ;  ses 
ourrages  sont  l'encyclopédie  du  xiu*  siècle;  après  six  siècles,  il  reste  le  plus  grand,  le  plus 
profond,  le  plus  renommé  des  théologiens,  également  exact  dans  la  morale  et  profond  dans 
le  dogme  ;  et  cependant  ce  grand  esprit ,  nourel  athlète ,  qui  portait  la  science  de  son 
temps,  qui  paraissait  dCToir  être  accablé  sous  les  amas  d'éruditions  et  la  sécheresse  des 
froides  discussionSi  tous  le  trouTez,  dans  ses  opuscules  de  piété,  un  des  plus  onctueux,  des 
ascétiques. 

On  croirait  que  c'est  saint  Jean,  l'apôtre  bien-aimé  qui  lui  dictait,  lorsqu'il  écriTait 
won  sermon  sur  l'amour  du  prochain,  ou  ses  pages  sur  l'Eucharistie. 

Jean  Tauler  s'est  frit  une  grande  réputation  parmi  les  mystiques  ;  il  a  eu  aussi  un  cer- 
tain nombre  d'adTersaires  qui  l'ont  accusé  d'exagération,  mais  on  peut  se  rassurer,  non- 
seulement  sur  son  orthodoxie  mais  encore  sur  sa  sagesse  de  Tue,  lorsqu'il  a  pu  mériter  les 
étoges  des  hommes,  tels  que  ceux  que  nous  allons  citer  :  Bellarmin  l'appelle  un  prédica- 
teur iriâ'émmmU  tn  piéié  €i  tn  savoir;  Louis  de  Blois  :  défenseur  iris*xéléde  la  foi  ealholique^ 
domi  les  éeriis  soni  non-seulement  orthodoxes^  mais  encore  tout  divins  ;  et  te  Docte  Sponde  : 
Ceoi  «n komme  digne  d^admiraiion :  ses  ouvrages  sont  pleins  de  Fonction  et  delà  grâce  do 
FEeprii-^Saint. 

Je  Tondrais  faire  conbattre  au  lecteur  son  entendement  dans  les  secrets  de  la  Tie  spiri- 
toélle.  n  a  un  génie  très-souple  et  très-fin,  pour  saisir  tout,  peindre  toutes  les  situations 
de  rime;  je  prends,  dans  ses  InstUutionSf  son  chapitre  sur  la  Tue  simple  de  Dieu.  II  traite 
un  siget  traité  depuis  afec  un  grand  succès  par  saint  Jean  de  la  Croix,  c'est  peut-être 
dans  la  lecture  de  ces  écrits  de  Tauler  que  l'auteur  du  Hont-Carmel  s'est  si  bien  inspiré. 

<  Quelqu'un  me  demandera  peut-être,  dit  Jean  Tauler,  s'il  faut  bannir  toutes  sortes 
d'images,  et  s'attacher  à  Dieu  par  un  acte  d*esprit  pur  et  dégagé  de  toute  imagination.  A 
quoi  je  réponds  qu'on  peut  se  dépouiller  de  toute  image  en  deux  manières,  pour  s'appli- 
quer purement  è  Dieu.  L'une  est  utile,  l'autre  est  nuisible.  Car  si  je  dissipais  les  images 
qui  sont  bonnes  afant  que  de  les  bien  connaître,  ce  serait  agir  imprudemment,  et  sans  rai- 
son, parce  que  ce  serait  dérober  à  ma  connaissance  la  vérité  qu'elle  pouvait  acquérir  par 
les  images.  » 

Ensuite  l'auteur,  après  avoir  observé  qu'il  faut  songer  è  ses  péchés  passés  avec  une  forte 
aversion,  i  sa  conduite  présente  pour  la  purifier,  à  la  passion  de  Jésus-Christ  et  à  toute 
sa  vie,  il  ajoute  que  les  images  les  plus  sublimes  et  les  plus  parfaites  sont,  1*  l'union  pro- 
fonde et  incompréhensible  de  la  nature  divine  avee  la  nature  humaine;  9*  la  noblesse, 
l'excellence  et  la  richesse  de  l'esprit  humain  ;  3*  le  corps  précieux  du  Sauveur. 

m  Si  on  s'applique  à  considérer  ces  choses,  dit-il ,  on  connaîtra  que  les  Images  en  sont 
très- relevées, 

m  Mais  enfin,  quelles  sont  les  images  les  plus  parfidtes  et  les  plus  nettes?  Ce  sont  celle» 
que  la  foi  nous  donne  sujet  de  former  de  la  Trinité  adorable  des  personnes,  ensuite  la 
génération  étemelle  du  Fils  de  Dieu,  et  de  son  existence  dans  le  Père  qui  l'engendre, 
eomme  aussi  de  la  procession  du  Saint-Esprit,  qui  émane  de  tous  les  deux,  du  Père  et  da 
Yeriie,  et  qui  demeure  en  eux.  Ensuite  l'essence  dé  la  Diviniléi  simple  et  infinie  tout  en- 


U7  DIGTIONNAIHË  D'ASCETiSMEj  'i48 

(embloi  Xl'ast  en  pensant  à  ces  objets  divins,  autant  que  ntrtrè  foi  en  est  capablOi  qu^'on 
se  forme  des  idées  et  des  images  qui  surpassent  toutes  les  autres  en  pureté. 
.  «  Que  si  on  veut  savoir  pourquoi  il  faut  renoncer  à  toutes  sortes  d'imagesi  la  raison 
en  est  qu*elles  ne  sont  que  des  moyens  pour  nous  conduire  à  la  vérité  toute  simj^le  et 
toute  nue.  Si  je  veux  donc  arriver  à  cette  vérité,  il  faut  que  je  laisse  après  moi,  pas  à  pas, 
le  chemin  qui  m'y  conduit  ;  il  faut  parcourir  la  série  de  toutes  les  pensées  qui  nous  gui- 
dent; commencer  par  les  plus  basses,  passer  à  celles  qui  tiennent  le  milieu»  pour  s'élever 
enfin  aux  plus  sublimes^  afin  de  ne  pas  perdre  un  seul  point  de  la  vérité  que  1  on  cherche. 
Car  une  des  plus  nobles  occupations  de  l'homme  eu  cette  vie,  est  de  s'élever  par  la  raison 
dans  les  idées  qui  nous  représentent  la  Divinité. 

«  11  y  a  trois  marques  qui  nous  font  connaître  quand  nous  devons  nous  dépouiller  des 
images  matérielles,  afin  de  ne  pas  les  chasser  trop  tôt:  i*"  lorsque  bous  avons  du  dégoût 
pour  t«ut  ce  que  nous  concevons,  et  tout  ce  que  nous  entendons  dire;  2°  que  rien  de  ce 
qui  entre  dans  notre  pensée  ou  frappe  notre  ouïe  ne  nous  cause  aucun  plaisir;  3**  lorsque 
nous  sentons  en  nous  une  soif,  un  désir  du  souverain  bien,  où  nous  ne  saurions  néan- 
moins atteindre,  et  que  nous  disons  dans  l'ardeur  qui  nous  presse  de  plus  en  plus  :  Mon 
Seigneur  et  mon  Dieu ,  je  ne  puis  que  vous  adresser  mes  prières,  c*est  à  vous  de  les 
exaucer  ;  je  ne  puis  aller  plus  loin.  » 

.  C'est  alors  que  l'auteur  conseille  d'aller  à  Dieu  par  une  Yue  simple  et  formée  sans 
images,  par  la  pure  pensée  et  le  pur  amour. 

.  Evidemment,  celui  qui  a  tracé  cette  page  avait  accoutumé  son  esprit  et  son  cœur  à 
habiter  une  région  très*élevée.  11  y  a  de  plus  un  grand  talent  d'expression  dans  cette 
manière.  On  aura  remarqué  un  trait  bien  digne  de  Pascal,  dans  cette  énergique  expres- 
sion de  l'auteur  en  parlant  des  images  :  Je  laisse  après  moi ,  pas  à  pas^  le  chemin  qui  m'y 
conduii. 

MaiSf  de  tous  les  auteurs  mystiques,  le  plus  admirable  dans  les  ^temps  modernes  est 
sans  contredit  sainte  Thérèse. 

Voici  le  jugement  qu'en  porte  saint  François  de  Sales  : 

«  La  bienheureuse  Thérèse  de  Jésus  a  si  bien  escrit  des  mouvemens  sacrés  de  la  dilec* 
tion  en  tous  ses  livres  qu'elle  a  laissés,  qu'on  est  ravi  de  voir  tant  d'éloquence  en  une 
si  grande  humilité,  tant  de  fermeté  d'esprit  en  une  si  grande  simplicité  :  et  sa  très  savante 
ignorance  fait  paroltre  très  ignorante  la  science  de  plusieurs  gens  de  lettres,  qui  après  un 
grand  tracas  d'estudes,  se  voyent  honteux  de  n'entendre  pas  ce  qu'elle  escrit  si  heureu- 
sement de  la  practique  du  saint  amour.  Ainsi  Dieu  élève  le  trosne  de  sa  vertu  sur  le 
théâtre  de  notre  infirmité  •  te  servant  des  choses  faibles  pour  confondre  les  fortes.  » 

Ecoutez  maintenant  Fénelon  disant  à  peu  près  les  mômes  choses.  On  croirait  qu'il  avait 
eu  un  entretien  avec  le  doux  apôtre  de  Genève  sur  la  ravissante  sainte  Thérèse  : 

«  Plutôt  m'xtublier  moi-même,  dit-il,  que  d'oublier  jamais  ces  livres  si  simples,  si  vifs, 
si  naturels,  qu'en  les  lisant  on  oublie  qu'on  lit  et  qu'on  s'imagine  entendre  Thérèse  elle- 
même  1  O  qu'ils  sont  doux  ces  tendres  et  sages  écrits,  où  mon  âme  a  goûté  la  manne 
cachée  I  quelle  naïveté,  mes  frères,  quand  elle  raconte  les  faits  I  ce  n'est  pas  une  histoire, 
c'est  uD  tableau.  Quelle  force  pour  exprimer  ses  divers  états.  Je  suis  ravi  de  voir  que  les 
paroles  lui  manquent,  comme  à  saint  Paul,  pour  dire  tout  ce  qu'elle  sent.  Quelle  foi  vivel 
les  deux  lui  sont  ouverts,  rien  ne  l'étonné,  et  elle  parle  aussi  familièrement  des  plus 
hautes  révélations  que  des  choses  les  plus  communes.  Assujettie  par  l'obéissance,  elle 
parle  sans  cesse  d'elle  et  des  sublimes  dons  qu'elle  a  reçus  ^  sans  affectation,  sans  com- 
plaisance, sans  réflexions  sur  elle-même  :  grande  âme,  qui  se  comptant  pour  rien,  ne 
voyant  plus  que  Dieu  seul  en  tout,  se  livre  sans  crainte  elle-même  à  l'instruction  d'autrui. 
O  livres,  si  cbers  à  tous  ceux  qui  servent  Dieu  dans  l'oraison,  et  si  magnifiquement  loués 
par  la  bouche  de  toute  l'Eglise,  que  ne  puis-je  vous  dérober  à  tant  d'yeux  profanes  i  Où 
Ates-vous  âmes  simples  et  recueillies  à  qui  ils  appartiennent  I  % 

Mous  ne  pouvons  nous^dispenser  de  citer  plusieurs  passages  des  œuvres  de  celte  illustre 


149  DiSCODRS  PiœtIMINAIRE*  tSO 

saiote^afin  qu'on  sache  bien  que  l'amour  de  Dieu  qui  s'évapore  d'une  âme  agrandit  l'espriti 
lui  donne  plus  de  justesse  et  de  force:  Pieias  ad  omnia  utilis  est. 

leootez  sainte  Thérèse  rendant  compte  des  faux  jugements  des  hommes  sur  les  person- 
nes pieuses  et  les  peines  qui  en  reviennent  à  celles-ci. 

«Certes,  je  ne  vois  rien  de  bon  dans  ce  misérable  monde,  sinon  qu'il  ne  peut  souffrir 
les  Bioindres  iœperfeotions  dans  les  gens  de  bien,  et  qu'ainsii  à  force  de  murmurer  contre 
eax«  il  les  force  i  devenir  meilleurs.  C'est  ce  qui  me  bit  croire  qu'une  personne  qui  n'est 
pas  parfaite  a  besoin  de  plus  de  courage  pour  marcher  dans  le  chemin  de  la  perfection  que 
pour  souffrir  le  martyre,  parce  qu'il  faut  beaucoup  de  temps  pour  devenir  parfait,  si  Dieu, 
par  une  faveur  toute  particulière,  ne  nous  accorde  cette  grâce.  Les  gens  du  monde  ne 
Yoientpas  plutôt  une.personne  entrer  dans  ce  chemin  qu'ils  veulent  qu'elle  soit  sans  aucun 
défaut;  ils  aperçoivent  de  mille  lieues  loin  les  moindres  fautes  qu'elle  commet  et  considè* 
rent  eommo  mal  ce  qui  peut  être  une  vertu,  parce  que,  jugeant  les  autres  par  eux-mêmes, 
ils  auraient  commis  cette  faute,  s'ils  avaient  été  à  sa  place.  Ils  voudraient  que,  dès  qu*uno 
personne  s'est  résolue  à  servir  Dieu^elle  ne  mangeât  ni  ne  dormit,  ni  n'osât  presque  respirer. 
L'estime  qu'ils  ont  de  sa  vertu  leur  fait  oublier  qu'elle  a  un  corps  comme  les  autres,  et 
que*  quelque  parfait  qu'on  soit,  on  ne  peut  vivre  sur  la  terre  sans  être  sujet  à  des  misères, 
quoique  la  partie  supérieure  de  l'âme  s'élève  au-dessus  et  les  foule  aux  pieds.  » 

m  N'ai*je  donc  pas  raison  de  dire  que  ces  personnes  ont  besoin  d'un  grand  courage,  puis- 
qu^elles  ne  eommenoent  pas  plutôt  à  marcher  que  l'on  voudrait  qu'elles  volassent,  et  que, 
bien  qu'elles  ne  soient  pas  encore  victorieuses  de  leurs  passions ,  ]on  s'imagine  qu'elles 
doivent,  dans  les  occasions  les  plus  capables  de  les  ébranler,  demeurer  aussi  fermes  que 
les  saints  l'ont  été  après  avoir  été  confirmés  en  grâce  ?  » 

Ce  tour  vif  et  naturel  ne  la  quittera  pas,  alors  qu'elle  parlera  de  choses  plua  élevées. 
Dans  une  de  ses  visions  qui  rappelle  le  ravissement  de  saint  Paul,  elle  voit  la  vérité  comme 
dans  sa  source.  Sur  Tordre  pieux  de  son  confesseur,  elle  rend  compte  comme  elle  peut  de 
ses  sublimes  communications,  qui  ne  peuvent  être  comprises  que  par  eeux  qui  les 
éprouTent. 

Voici  d'abord  les  paroles  bien  remarquables  que  Jésus-Christ  lui-même,  par  une  faveur 
spéciale,  lui  adressa  et  qu'elle  entendit  distinctement  :  t  La  foveur  que  je  vous  fais  main- 
tenant est  une  des  plus  grandes  dont  vous  m'êtes  redevable,  parce  que  tous  les  malheurs 
quiarrirent  dans  le  monde  viennent  de  ce  que  l'on  n'j  connaît  que  confusément  les  vérités 
qui  sont  dansTEcriture,  qui,  jusqu'au  moindre  to/a,  ne  manqueront  pas  de  s'accomplir  ;  et 
il  ajouta  :  Ah  I  ma  fille,  qu'il  y  en  a  peu  qui  m'aiment  véritablement!  et  s'ils  m'aimaient 
autant  qu'ils  doivent,  je  ne  leur  cacherais  pas  mes  secrets.  Mais  savex-rous  ce  que  c'est 
qu'aimer  véritablement  7  C'est  de  croire  que  tout  ce  qui  ne  m'est  pas  agréable  n'est  que 
mensonge;  que  si  vous  ne  le  comprenez  pas  k  cotte  heure,  vous  le  connaîtrez  plus  claire- 
ment un  jour  par  l'avantage  que  vous  recevcx  d'en  être  bien  persuadée.  » 

m  Les  effets,  dit  sainte  Thérèse,  m'ont  confirmé  la  rérité  de  ces  paroles,  et  je  ne  saurais 
trop  en  rendre  grâces  à  Dieu;  car,  depuis  ce  temps,  tout  ce  qui  n'a  point  rapport  à  son  ser- 
Tice  me  parait  si  évidemment  n'être  que  vanité  et  que  mensonge,  que  je  ne  puis  exprimer 
jusqu'à  quel  point  il  me  semble  digne  de  mépris:  et  quelle  est  ma  compassion  de  ceux  qui 
ignorent  cette  vérité?... 

«La  véritable  connaissance  de  celte  divine  vérité,  contenue  dans  l'Ecriture,  qui  me  fut 
représentée,  je  ne  sais  comment,  fit  une  si  forte  impression  sur  mon  âme  qu'elle  me  donna 
un  nouveau  respect  pour  Dieu,  par  une  vue  si  claire  de  sa  majesté  et  de  son  pouvoir  qu'elle 
ne  se  peut  exprimer,  et  que  l'on  comprend  seulement  que  c'est  une  chose  merveilleuse. 
Je  demeurai  dans  un  grand  désir  de  ne  plus  parler  que  de  ces  vérités  si  élevées  au-dessus 
de  ce  qui  passe  dans  ce  monde  pour  des  vérités;  je  commençai  à  souffrir  avec  peine  de 
continuer  à  vivre  ici-bas,  quoique  je  m'estimasse  heureuse  de  goûter  avec  humilité  et  un 
sentiment  plein  de  tendresse  la  douceur  des  faveurs  que  Dieu  me  faisait  ;  et  quelque 
extraordinaires  qu'elles  fussent,  je  ne  pouvais  être  touchée  de  la  moindre  cramte  qu  il  X 
entraide  rillusion;je  ne  vis  rien,  mais  je  compris  le  grand  bien  que  c'est  de  ne  faire  i^^ 


151  DICTIONNAIRE  D'ASCETISME.  151 

que  de  ce  qui  nous  peut  approcher  de  Dieu  et  de  ce  que  c*est  que  de  marcher,'  en  vérhé» 
en  présence  de  la  vérité  qu*il  me  fit  connattre  étre> lui-même. 

^  «  J'ai  appris  tout  ce  que  j'ai  rapporté  jusqu'ici,  tantôt  par  des  paroles  que  l'ai  distinc- 
tement entendues,  et  d'autres  fois  d'une  manière  inexplicable  qui,  sans  que  l'on  me 
parlât,  me  faisait  comprendre  les  choses  plus  clairement  que  si  on  me  les  eût  dites  de 
vive  voix  ;  et  j'ai  connu  de  beaucoup  plus  grandes  vérités  touchant  cette  vérité  que  je 
n'aurais  pu  en  être  instruite  par  plusieurs  personnes  très- savantes,  puisqu'elles 
n'auraient  su  me  les  imprimer  de  cette  sorte  dans  l'esprit,  ni  me  faire  con- 
naître si  évidemment  quelle  est  la  vanité  du  monde.  J'appris  par  ces  divines  instructions 
que  cette  vérité  dont  je  parle  est  la  Vérité  même  ;  qu'elle  est  sans  commencement  et  sans 
fin  ;  que  toutes  les  autres  vérités  en  procèdent  comme  de  leur  source,  toutes  les  autres 
Igrandeurs  comme  de  leur  origine,  et  toutes  les  autres  amours  comme  de  leur  souverain 
principe.  Par  quoi  tout  ce  que  j'en  dis  ici  n'est  qu'obscurité  en  comparaison  de  la  clarté 
et  de  la  lumière  avec  laquelle  Dieu  me  le  fit  voir.  On  peut  voir  par  là  quelle  est  la  puis- 
sance de  cette  suprême  majesté  qui  opère  de  si  grands  effets  dans  les  flmes,  et  les  enri- 
chit presqu'en  un  moment  par  une  telle  effusion  de  ses  grftces. 

«  O  grandeur  infinie ,  ô  suprême  majesté,  ô  Dieu  tout-puissant  I  à  quoi  pensez-vous  : 
à  quoi  pensez-vous,  mon  Sauveur,  lorsque  vous  me  comblez  de  tant  de  faveurs  ?  Avez- 
Tous  oublié  que  j'ai  été  un  déluge  de  vanité  et  un  abtme  de  mensonge,  et  cela  purement 
par  ma  faute,  puisque  vous  m'aviez  donné  par  mon  naturel  tant  d'aversion  pour  le 
mensonge  ?  Gomment  donc,  Seigneur,  avez-vous  pu  accorder  tant  de  grâces  à  une  per^ 
sonne  qui  s'en  était  rendue  indigne  ?  » 

On  n'ose  comparer  à  rien  autre  chose  ce  genre  de  beauté.  Gela  est  beau  comme  les 
plus  belles  pages  de  Malebranche  ou  de  Platon,  plus  la  sainteté  et  une  inimitable 
candeur. 

Peut-on  trouver  une  comparaison  plus  ingénieuse  et  plus  juste  pour  peindre  les  dif- 
férents degrés  d'oraison  dont  se  sert  la  sainte. 

«  Je  dis  que  celui  qui  commence  doit  s'imaginer  qu'il  entreprend  de  faire,  dans  une 
terre  stérile  et  pleine  de  ronces  et  d'épines,  un  jardin  qui  soit  agréable  à  Dieu,  dont 
il  faut  que  ce  soit  notre  Seigneur  lui-même  qui  arrache  ces  mauvaises  plantes  pour  en 
mettre  de  bonnes  en  leur  place  ;  et  il  peut  croire  que  cela«est  fait  quand  il  s'est  résolu 
de  pratiquer  l'oraison.  Il  s'y  exerce,  et  qu'à  l'imitation  des  bons  jardiniers,  il  cultive  et 
arrose  ces  nouvelles  plantes  afin  de  les  faire  croître  et  produire  des  fleurs,  dont  la  bonne 
odeur  invite  sa  divine  majesté  à  venir  souvent  se  promener  dans  ce  jardin,  et  prendre 
plaisir  à  eonsidérer  ces  fleurs  qui  ne  sont  autres  que  les  vertus  dont  nos  âmes  sont 
parées  et  embellies. 

«  Il  faut  maintenant  voir  de  quelle  sorte  on  peut  arroser  ce  jardin  ;  comment  on  doit  y 
travailler;  considérer  si  ce  travail  n'excédera  pas  le  profit  qu'on  en  tirera,  et  combien  de 
temps  il  doit  durer.  Il  me  semble  que  cet  arrosement  peut  se  faire  en  quatre  manières.  En 
tirant  de  l'eau  d'un  puits  à  force  de  bras,  ou  en  en  tirant  avec  une  machine  et  une  rouei 
comme  j'ai  fait  quelquefois,  ce  qui  n'est  pas  si  pénible  et  fournit  davantage  d'eau,  ou  en 
la  tirant  d'un  ruisseau  par  des  rigoles,  ce  qui  est  d'un  moindre  travail  et  arrose  néan^ 
moins  tout  le  jardin,  ou  enfin  par  une  abondante  et  douce  pluie  que  Dieu  fait  tomber  du 
ciel,  ce  qui  est  incomparablement  meilleur  que  tout  le  reste  et  ne  donne  aucune  peine  au 
jardinier.  Ges  quatre  manières  d'arroser  un  jardin  pour  l'empêcher  de  périr  étant  appli- 
quées à  mon  sujet  pourront  faire  connattre  en  quelque  sorte  les  quatre  manières  d'orai- 
son, dont  Dieu ,  par  son  infinie  bonté,  m'a  quelquefois  favorisée.  Je  le  prie  de  tout  mon 
eœur  de  me  faire  la  grâce  de  m'expliqucr  si  bien,  que  ce  que  je  dirai  serve  à  l'un  de  ceux 
qui  m'ont  ordonné  d'écrire  ceci,  et  à  qui  il  a  fait  faire  en  quatre  mois  plus  de  chemin 
dans  ce  saint  exercice  que  je  n'en  ai  fait  en  dix-sept  ans.  Aussi  y  est-il  mieux  préparé  que 
je  n'avais  fait ,  et  il  arrose  par  ce  moyen  sans  grand  travail  ce  jardin  de  toutes  ces  quatre 
manières.  » 

La  manière  dont  la  sainte  applique  cette  comparaison  est  tout  aussi  admirable  que  sa 
conception.  Où  trouverez*- vous  plus  de  grâce,  de  justesse  et  d'énergie? 


18  MSCOURS  PRELDONAIRE.  I54 

Aq  point  de  vae  simplemeDl  littéraire,  les  plus  belles  poésies  lyriques,  les  monvementf 
les  plus  éloTés  des  tragiques,  ne  me  paraissent  pas  approcher^  de  cette  Tébéraence  de 
sentimenis  qai  jette  un  cœur  tout  enflammé  vers  le  ciel ,  comme  sainte  Thérèse  le  fiût 
dans  ses  cantiques  d'actions  de  grâces  après  la  communion.  C'est  un  genre  différent,  sans 
doole,  mais  sublime  pour  sublime  celui  de  la  sainte  surpasse  les  autres  comme  le  mont 
Blanc  surpasse  une  pjramide. 

La  plus  profond  et  le  plus  savant  de  tous  les  mystiques  est  assurément  (udnt  Jean  de 
la  Croix. 

Je  rappellerais  volontiers  le  métaphysicien  de  la  perfection  évangéliquOi  tant  il  a  de 
précision  et  de  hauteur  de  vue  en  traitant  ces  matières. 

n  n'a  pas  ces  épanchements  doux  et  affectueux ,  ces  élans  séraphiques ,  où  ressort  sur- 
tout la  tendresse  de  l'amour  de  Dieu,  comme  on  la  trouve  habituellement  dans  l'auteur 
de  l'Imitation ,  dans  sainte  Thérèse  et  saint  Bonaventure.  Il  y  a  dans  saint  Jean  de  la 
Croix  quelque  chose  de  plus  mflle,  de  plus  sé?ère.  Aussi  il  n*a  pas  écrit  pour  les  com« 
mençants,  mais  pour  les  parfaits;  et  encore  la  perfection  à  ^laquelle  il  s'efforce  de  eon* 
duire  est  la  plus  sublime,  et  on  voit  qu'il  en  connaît  bien  le  chemin.  Le  caractère 
le  plus  frappant  de  ses  écrits  est  une  logique  serrée,  une  grande  force  dans  le  raisonne* 
ment,  une  profonde  connaissance  de  l'Ecriture  sainte  dont  il  fait  un  usage  merveilleux; 
CD  admire  aussi  une  grande  noblesse  de  style  qui  est  parfaitement  à  la  hauteur  des  cho- 
ses qu'il  traite.  Il  est  difficile  de  le  citer,  car  tout  se  tient  dans  la  chaîne  de  ses  écrits.  H 
faut  le  lire,  mais  tout  le  monde  ne  peut  pas  le  lire,  car  il  laut^  étre'préparé  par  un  grand 
désir  de  servir  Dieu  parfaitement,  et  aussi  par  une  certaine  mesure  d'intelligence.  Nous 
allons  cependant  en  donner  quelques  extraits  qui  seront  un  exemple  de  précision  théo- 
logique. Il  apprécie  les  première  mouvements  des  passions  : 

<  J'appelle  en  cet  endroit  première  mouvements  ceux  où  la  raison  et  la  volonté  n'ont 
point  de  part  soit  en  ce  qui  les  précède,  soit  en  ce  qui  les  accompagne,  soit  en  ce  qui  les 
suit  :  car  il  est  impossible  de  les  déraciner  en  cette  vie  et  de  les  faire  mourir  tout  à  fait; 
étant  comme  elles  sont  des  épurations  nécessaires  de  la  nature.  » 

m  L*âme,  agissant  selon  l'esprit  et  la  raison,  se  peut  défendre  de  leur  impression;  elle 
peut  même  quelquefois  être  élevée,  selon  la  volonté  ou  la  partie  supérieure,  à  une  sublime 
union  avec  Dieu,  et  jouir  du  repos  et  des  douceurs* qu'elle  y  goûte  pendant  que  les  pas* 
sions  et  les  mouvements  naturels  et  nécessaires  se  feront  sentir,  même  avec  violence 
dans  la  partie  inférieure ,  parce  qu'ils  n'ont  nul  commerce  avec  la  raison  et  la  volonté  qui 
peut  pendant  ce  temps-là  s'appliquer  à  la  contemplation 

m  C'est  pourquoi  on  ne  peut  voir  sans  compassion  certaines  personnes  qui  sont  chargées 
des  richesses  de  la  grâce,  de  la  vertu  et  des  bonnes  œuvres,  et  qui  n'arrivent  jamais  au 
port  d'une  parfaite  union  avec  Dieu,  parce  qu'elles  n'ont  pas  le  courage  de  détruire  l'at- 
tachement qu'elles  ont  à  une  petite  satisfaction  des  sens  ou  amitié  trop  naturelle,  à  quel- 
ques bagatelles  de  cette  nature,  quoique,  aidées  des  secoure  de  Dieu ,  elles  aient  brisé 
les  chaînes  de  l'orgueil,  de  la  sensualité,  de  plusieurs  vices  grossière  et  de  plusieurs 
péchés  grieb.  » 

Voici  maintenant  une  charmante  interprétation  du  mot  de  l'Evangile  :  Beaucoup  tap^ 
pelée  eipeu  dCilui.  «Notre-Seigneur  dit  que  le  chemin  est  étroit,  c'est-à-dire  le  chemin  de  la 
perfection ,  pour  nous  apprendre  que  celui  qui  désire  d'y  entrer  doit  non*seulement  pas* 
wtr  par  cette  petite  porte,  en  abandonnant  tout  ce  qui  flatte  les  sens ,  mais  renoncer 
encore  à  toute  propriété ,  affranchissant  tout  ce  qui  concerne  l'esprit  et  la  partie  supé- 
rieure. Ainsi  nous  pouvons  appliquer  à  la  partie  animale  ce  que  le  Fils  de  Dieu  dit  de  la 
porte  très-petite 

«  Au  reste,  quand  il  affirme  qu'il  y  a  peu  de  personnes  qui  trouvent  cette  voie,  cela 
vient  de  ce  que  peu  de  gens  connaissent  ou  veulent  pratiquer  ce  dépouillement  d'esprit, 
car  le  chemin  qui  conduit  à  la  montagne  de  perfection  va  nécessairement  en  haut  et  est 
fort  étroit;  il  faut  donc  que  ceux  qui  soobaitoot  d>  [passer  w  WMir  cbaigéi  d'ancua 


Ki  DICTIONNAIRE  D'ASCETISHE.  iSé 

fardeau  qui  les  tire  en  bas.  Et  coraine  Dieu  est  le  seul  terme  où  Ton  prétend  arriver  dans 
te  commerce  sacré,  on  ne  doit  s'occuper  qu*à  le  chercher  seul  et  qu'à  parvenir  à  sa  po6<- 
<ession.  » 

Mais  on  n'admire  jamais  assez  les  quelques  vers  où  l'illustre  saint  parle  de  la  nuit 
bbscure.  Nous  ne  trouvons  rien  d'exagéré  dans  le  magnifique  éloge  qu*en  a  fait  le 
*.  Berlhîer. 

Quoi  de  plus  ingénieux,  de  plus  gracieuxi  que  cette  image  où  la  raison  dans  l'homme 
'est  comparée  au  maître  de  la  maison,  et  le  corps,  les  sens,  sont  le  logis.  Or  it  s'agit  d'en 
sortir  pour  aller  au  loin  et  bien  haut  s'unir  à  Dieu.  Cette  union  ne  peut*  se  consommer 
dans  le  tumulte  des  passions,  dans  l'agitation  des  sens;  elle  ne  s'accomplit  que  dans  le 
calme  et  le  silence.  La  nuit  est  le  moment  du  profond  silence;  c'est  le  moment  des  ré- 
flexions sérieuses.  Cette  nuit  des  passioiJs,Mans*saibt  Jean  de  la  Croix,  est  un  moment 
sublime  ;  la  raison  les  a  vaincues;  leoorps  est  vaincu,  la  partie  sensitive  de  l'âme  est  vain- 
cue avec  tous  ses  penchants,  les  coupables  curiosités  mèmede  l'intelligence  sont  vaincues  ; 
la  raison,  guidée  par  Tamour  de  Dieu,  les  a  forcés  à  sommeiller:  tout  dort  dans  la  maison, 
fendant  ce  sommeil,  l'âme  peut  sortir  avec  précaution  par  une  porte  secrète,  et  va  con- 
sommer son  mariage  virginal  avec  l'Epoux  divin,  et  elle  ne  rentre  à  la  maison  que  pour 
consolider  la  victoire  obtenue  à  grands  frais  sur  les  esclaves  qui  l'habitent,  qui  conser- 
vent toujours  des  projets  de  révolte. 

J'ai  admiré  dans  Platon  avec  quel  succès  il  nous  démontre  la  difficulté  avec  laquelle  la 
vérité  arrive  à  Tintelligence  de  Thomme,  parla  comparaison  de  ces  ombres  humaines  qui 
se  dessinent  dans  le  fond  d'une  caverne,  où  il  n'y  a  qu'un  demi*jour  pour  juger  les  cho- 
ses. J'ai  admiré  le  discours  de  Socrate  pendant  que  le  poison  était  déjà  dans  sa.  poitrine; 
le  Songe  deScipion^  dans  CicéroUi  et  d'autres  beautés  de  cette  valeur;  tnaià  la  hauteur  et 
la  profondeur  de  saint  Jean  de  la  Croix  sont^plus  remarquables  dansjes  pages  dont  nous 
parlons.  Il  y  a  beaucoup  moins  de  prétention;  ce  coup  d'œil  sur  la  nature  humaine 
est,  d'une  part»  plus  large,  plus  profond,  et  les  conséquences  plus  précises  et  plus  vraies. 
Je  ne  connais  nulle  part  une  philosophie  plus  sublime,  plus  transcendante. 

Nous  ne  ferons  pas  l'éloge  du  livre  à(^\  Imitation  de  Jésus-Christ,  Il  aura  un  article  à  part. 
Nous  ne  voulons  en  ce  moment  que  dire  un  mot  du  charme  de  cettediction  naturelle  et  simple, 
qui  est  dans  ce  livre  admirable  au  service  d'une  connaissance  si  juste  du  cœur  humain, 
qu'elle  en  peint  toute  la  mobilité  ;  et  cela  avec  un  accent  si  céleste  et  si  doux^^qu'on  a  partout, 
quelque  chose  qu*il  traite,  le  désir  de  devenir  meilleur  et  de  s'amender.  Il  se  peut  que  la 
sainteté  toute  seule  produise  ces  fruits;  je  n'en  reste  pas  moins  certain  qu'il  y  a  dans  ces 
productions  un  grand  art  littéraire,  un  talent  d'écrire  d'autant  plus  remarquable,  qu'il  ar- 
rive a  son  but  en  ne  faisant  pas  songer  à  lui. 

En  parlant  des  écrivains  qui  se  sont  fait  une  grande  et  juste  renommée,  en  traitant  des 
règles  de  la  vie  spirituelle,  nous  ne  pouvons  passer  sous  silence  le  savant  Jésuite  Rodri- 
guez.  Peu  d'hommes  ont  eu  un  esprit  plus  juste  et  plus  sensé.  Il  connaissait  l'histoire 
profane  et  sacrée;  il  a  su  assaisonner  ses  traités  d'exemples  et  de  traits  puisés  à  toutes 
les  sources,  comme  son  contemporain  Montaigne.' Ceux  qui  ont  voulu  lui  faire  la  guerre 
pour  ses  exemples  peu  admissibles,  historiquement  parlant,  ont  oublié  quUl  suffisait, 
pour  le  but  de  l'auteur  et  le  fruit  du  lecteur,  qu'ils  eussent  une  valeur  parabolique.  Riais 
quelle  exactitude  dans  le  théologien  I  quelle  prudence  consommée  dans  le  moraliste  ! 
quelle  manière  large  et  naturelle  d'embrasser  un  sujet!  quelle  suite  dans  l'exposition  des 
preuves  I  quelle  force  dans  le  raisonnement  I  Quoiqu'il  ne  semble  marcher  que  pas  h  pus^ 
et  sans  se  presser,  vers  son  but«  il  l'atteint  infailliblement  et  force  son  lecteur  à  se  plier 

I  insensiblement  sous  le  joug  de  la  conviction  à  sa  belle  et  pure  doctrine,  qui  respire  sans 

cesse  la  fleur  de  l'Evangile. 

I  Ce  n'est  pas  un  génie  médiocre  qui,  dans  le  temps  où  il  vivait,  trouvait  des  comparai^ 

\  sons  telles  que  celles-ci  : 

Comme  les  mathématiciens  ne  considèrent  dans  les  corps  que  le$  dimensions  et  les  figtires^ 
et  font  toujours  abstraction  de  la  matièrcf  parce  qu'elle  ne  fait  rien  à  leur  sujet  :  de  mime  le 

véritable  serviteur  de  pif  u^nfi  49it  êonger,  dans  to^tes  ses  actions.  fu*à  foire  la  volonté  de 

■••»»•-.  p»  ,•        .1.'  ^„ 


DI8C0CRS  PREUVINAIRE.  ISS 

«  • 

Dieuy  e/y  pour  cet  effets  il  faut  qu*il  fasse  une  entière  abstraetioftf  de  la  matOref  c^est-à-dire 
ju*il  ne  regarde  points  ni  dans  quelle  charge  an  remploie^  ni  quelle  chose  on  lui  com^ 
mamâej  parée  que  ee  n*est  vas  en  cela  que  consiste  notre  perfection^  mais  à  faire  la  volonté 
de  Dieu. 

Ce  n*esl  pas  un  écriTaio  ordinaire  qui,  dans  Faction  de  grâces  après  la  Communion,  sailf 
trouTer  des  images  aussi  ingénieuses  et  d'un  aussi  boo  goût  que  eelles-ci  :  «  Ceux  qui 
ont  reçu  la  Communion  se  représentent  Jésus«Cbrist  au  dedans  d'eux-mêmes  et  appellent 
toutes  leurs  puissances  et  tous  leurs  sens  pour  le  Tenir  reconnaître  comme  leur  roi  et 
fiour  se  soumettre  à  lui  ;  de  même  que  dans  U  monde  un  bomme,  qui  recevrait  cbez  lui 
un  grand  seigneur,  ferait  Tenir  ses  parents  pour  le  saluer  et  lui  rendre  leurs  deToirs.  Ou 
bien  ils  considèrent  leurs  sens  comme  des  malades,  et  regardent  en  même  temps  Jésus- 
Christ  comme  un  médecin;  ils  le  mènent  de  Tun  à  l'autre,  comme  un  médecin  qu'on 
mènerait  dans  une  inûrmerie  où  il  y  aurait  plusieurs  malades,  et  lui  disent  :  Seigneur, 
reoes  et  TOjez,  ayez  pitié  de  moi  et  de  mon  infirmité.  » 

Les  œuvres  de  Rodriguez  ne  Tieillîroni  jamais,  parce  qu'elles  portent  le  caractère  du 
naturel,  de  la  solidité  et  du  bon  goût. 

Disons  donc  en  terminant  :  Le  mysticisme  contient  la  fleur  de  la  pensée  chrétienne,  et 
cherche  à  réaliser  le  beau  idéal  de  ITvangile.  Il  aspire  à  échapper  à  toutes  les  illusions  du 
monde. 

Quelle  erreur  !  les  plus  innocents  d'entre  les  hommes  se  regardent  devant  Dieu  comme 
des  repris  de  justice,  des  flétris,  et  ils  ne  se  trompent  pas  :  et  les  plus  coupables  se  Tan- 
tent  d'être  irréprochables  et  se  posent  comme  des  maîtres  à  qui  tout  est  dû.  Avec  la  foi 
00  sait  de  quel  côté  est  la  sagesse  dans  ces  extrêmes  ;  cependant  même  aTeo  de  la  foi 
notre  sagesse  est  souTent  en  délaut  pour  juger  sainement  de  bien  des  choses  en  parti- 
culier. 

La  pensée  chrétienne  élevée  jusqu'à  l'habitude  de  la  contemplation,  accompagnée  de  la 
rralîque  de  laTcrtu,  peut  seule  faire  monter  nos  intelligences  jusqu'à  la  juste  appréciation 
de  ce  que  nous  sommes  et  de  ce  que  nous  entreprenons. 

Le  monde  ne  ressemble  pas  mal  à  ces  situations  où  par  un  jeu  d'optique  les  objets  pa- 
raissent renversés  :  ceux  qui  montent  paraissent  descendre,  ceux  qui  descendent  paraissent 
monter.  Cromwel,  qui  multipliait  les  forfaits  pour  arriver  à  sa  fin,  semble  grandir  aux  yeux 
du  siècle.  Cbarles-Quint,  abdiquant  la  couronne  qu'il  portait  si  fièrement  pour  se  réduire 
à  l'état  de  simple  particulier  et  méditer.sur  la  mort  deTant  un  cercueil,  parait  se  rapetisser. 
Yoilà  comme  les  jugements  du  monde  ne  sont  que  vanité. 

Les  âmes  vraiment  contemplatives,  qui,  au  milieu  des  travaux  de  la  vie  présente  ont 
assez  de  force  d'Ame  et  de  chaleur  dans  le  cœur  pour  rester  habituellement  unies  de  pensée 
à  leur  Dieu,  sont  véritablement  la  portion  d'élite  du  genre  humain.  Malgré  leur  extérieur 
simple  et  modeste,  Dieu  les  comble  d'honneur  même  en  ce  monde.  Us  sont  vraiment  les 
familiers  du  grand  roi  ;  aussi  sont-ils  constamment  admis  non-seulement  à  sa  cour,  et 
à  sa  itable,  mais  encore  à  toutes  ses  communications  et  à  ses  familiarités  les  plus  intimes. 


w 


DICTIONNAIRE 

D'ASCETISME 


A 


ABANDON.  (Voy.  Von  uviTirB.)  —La 
première  union  de  l'âme  avec  Dieo  {Voir 
UffiOR),  est  Vunion  obscure  qui  dispose  à 
l'union  euave^  et  se  fait  au  mo^en  de  l'a- 
bandon. Par  cet  abandon  on  doit  entendre 
tout  cbfttiment  que  Dieu  nous  envoie  par 
une  volonté  positive  oa  permissive,  dans 
te  but  de  purifier  notre  flme^et  de  la  disposer 
à  l'union  suave. 

Les  mystiques  et  les  ascètes  ont  donné 
k  cet  état  diverses  dénominations.  1*  On 
l'appelle  disolaiion^  en  ce  sens  qu'il  exclut 
la  consolation  sensible  et  accidentelle;  3* 
on  l'appelle  aridité^  en  ce  sens  qu'il  exclut 
la  dévotion  sensible  et  accidenleile;  9^pur» 
gaiion  paime,  en  tant  qu'envoyé  de  Dieu 
pour  la  purification  de  1  âme.  Il  n'est  donc 
pas  ici  question  de  ces  pénitences  volontai- 
rement entreprises,  ni  de  la  mortification 
des  passions»  par  laquelle  on  s'efforce,  avec 
la  grâce  divine,  de  se  purifier  du  pécbé  et 
de  toutes  ses  traces,  ce  qui  constitue  la 
puraation  active.  Il  ne  s'a^t  pas  nom  plus 
de  la  purgation  paesive^  qui  est,  en  un  cer- 
tain degré,  du  domaine  de  tonte  la  vie  et 
propre  a  toutes  les  conditions  de  l'humanité, 
puisqu'il  n'est  personne  à  qui  Dieu  n'envoie 
quelques  châtiments  pour  purifier  son  âme. 
Il  en  frappe  les  pécheurs,  pour  bss  rappeler 
au  bien  :  \qs  nouveaux  convertis,  pour  les 
affermir  dans  leurs  bonnes  résolutions; 
ceux  qui  tendent  à  la  perfection  dans  la 
voie  purgative,  pour  les  purifier  du  vice; 
dans  la  voie  illurainative,  pour  faciliter  leurs 
progrès  dans  ia  perfection  et  dans  l'exer- 
cice des  vertus;  dans  ia  voie  unitive,pour  les 
perfectionner  par  l'union  avec  Dfeu.  C'est  ce 
qui  se  fait  dans  l'union  obscure  dont  il  s'agit 
ici.  Et  k  ce  propos  remarquons  que  dans  la 
voie  unilive  on|peut  aussi}Clistinguerdes  com- 
mençants, des  progressants  et  des  parfaitsqui 
éprouvent  tous  alternativement  quelque  çur- 
gationpassivedecoosolationetdedésolation. 
Mais  comme  ceuxqui  commencent  à  marcher 
dans  celte  voie,  qui  est  aussi  ordinairement 
celle  de  la  contemplation,  sont  éprouvés 
préalablement  par  une  pursation  passive 
toute  spéciale,  nous  allons  ici  la  décrire  sous 
le  nom  A'abandon^  prélude  ordinaire  de  la 
contemplation  de  l'âme  en  Dieu. 

Vabandon  est  appelé  par  saint  Jean  de  la 
Croix  nuit  obscure  {Lib.  de  noct,  obsc.)^  et 

lUviié  m  pwgotion  paam  imêibh,  c*esl«4« 


dire  qui  agit  dans  la  partie  sensible  des'fSi- 
cultes  sensitives  de  Tâme,  et  purgation 
passive  spirituelle  qui  s'exerce  sur  la  partie 
intellectuelle.  De  même  qu'au  milieu  de 
la  nuit,  le  voyaçeur  marche  tout  tremblant 
et  comme  privéde  ses  sens  etde  ses  facultés, 
de  même  dans  ces  deux  pulsations,  en 
l'absence  de  toute  lumière  et  de  toute  con- 
solation sensible  pour  elle ,  l'âme  s'avance 
avec  crainte  dans  l'obscurité,  et,  dépouillée 
en  quelque  sorte  de  ses  sens  et  de  ses 
facultés ,  elle  ne  trouve  rien  qui  lui  plaise 
hors  de  Dieu,  et  se  trouve  ainsi  disposée  à 
ne  chercher  que  Dieu  seul,  à  la  clarté  de  la 
lumière  nouvelle  qu'il  lui  envoie.  Il  ne 
faut  pas  toutefois  confondre  cet  état  avec 
l'apathie  stoïque  ou  l'inaction  des  faux  illu- 
minés; car  dans  ces  sortes  d'abandon,  no- 
tre coopération  est  toujours  réclamée  par 
la  pulsation  active.  Il  est  une  autre  division 
de  l'abandon  :  abandon  de  la  vie  ac/tve, 
abandon  de  la  vie  contemplative^  et  abandon 
de  la  vie  mixte.  Quoique,  en  effet,  le  don 
de  contemplation  convienne  mieux  à  la  vie 
contemplative  et  v  prépare  l'âme  par  cetl( 
épreuve  toute  spéciale  de  Vabandon^  comm' 
cependant,  aucune  de  ces  trois  vies  indiquée: 
n'exclut  l'autre.  Dieu  peut  aussi  accorder 
la  contemplation  aux  âmes  qui  marchent 
dans  la  rote  active  et  dans  la  voie  mixte  ; 
et  ainsi  ces  âmes  peuvent  se  préparer  pa- 
reillement à  la  vie  contemplative  par  un 
abandon  spécial.  Nous  exposerons  tour  à 
tour  les  diverses  espèces  d'a6andon,  après 
avoir  traité  d'abord  de  Vabandon  en  gé- 
néral : 
1*  L'abandon  est  ordinairement  et  pres- 

Ï[ue  toujours  une  sorte  de  disposition  préa- 
able  à  fa  contemplation  divine.  Ainsi  nous 
le  montrent,  1*  les  saintes  Ecritures  :  Il  y  a 
un  temps  pour  fleurer  et  un  temps  pour 
rire  (Eccle.  m,  V).  Heureux  ceux  qui  pleu^ 
rent^' parce  qu'ils  seront  consolés  (Matth.y^  5). 
Ces  textes  nous  montrent  que  la  consolation 
qui,  selon  saint  Thomas  (1-3,  q.  69,  a  3), 
est  la  béatitude  contemplative  de  cette  vie, 
est  ordinairement  précédée  de  la  tristesse 
ou  de  Tabandon.  L'Ancien  et  le  Nouveau 
Testament  nous  font  voir  beaucoup  d'âmes 
saintes,  éprouvées  d'abord  par  la  tribula- 
tion,  admises  ensuite  à  goûter  les  consola- 
tions promises  de  la  béatitude,   témoins 

Abrabami  I$aaC|  Jacob,  Job|  Moiisoi  David'» 


Hî 


abT 


DICTIONNAIRE  U'ASCETISlfE: 


ABà 


in 


Tobîe  et  saiot  Jean-Baptiste  ;  ensuite  Jésus 
lui-mémey  notre  Sanveur,  Marie ,  Joseph, 
les  apôtres ,  les  martjrs ,  les  confesseurs 
et  les  Tiei^es.  —  3*  Les  saints  Pères.  Saint 
Jean-Cbrysostome  (m  Matth.  yiu)  démon- 
tre cette  Térité  par  Texemple  de  Jésus» 
souffrant*  dès  son  berceau,  les  persécutions 
d*Hérode,  €  afin  que*  fortifiés  par  cet  exem- 
ple, noos  supportions  avec  courage  toutes  les 
tribulations,  sachant  qu'elles  sont  les  coropa* 
gnes  inséparables  de  la  vertu  ;  »  et  concluant 

Kr  l'exemple  de  la  sainte  Vierge  et  de  saint 
sepb,  en  butte  à  toute  sorte  d'épreuves, 
il  ajoute  :  €  que  Dieu  a  fait  en  sorte  de  ne  lais- 
ser aucun  de  ses  saints  au  milieu  des  consola- 
tions ou  des  tribulations  perpétuelles;  mais 
iîa  parsemé  la  vie  des  justes  d'une  admirable 
Yariétédefélicitéset  d'épreuves.»  Saint  Bona- 
venture  {in  iv  Proc.  relig.  )  expose  minutieu- 
sement toutes  les  tentations  par  lesquelles 
Dieu  éprouve  lésâmes  justes  dans  Ieurintér6l, 
et  pour  les  faire  arriver  à  la  contemplation. 
GersoD  dit  [Théol.  mysi.,  caus.  9)  :  t  Que  la 
pourriture  pénètre  mes  os  et  me  ronge  inté- 
rieurement,afinqiiejemere[)Oseaujourdela 
trikulalion  et  que  je  m'élève  (par  la  contem- 
plation) jusqu  à  notre  peuple  ceint,  »  c'est- 
à-dire  jusqu'aux  hommes  parfaits.  Sainte 
Thérèse,  qui,  pendant  dix-huit  ans,  fut  dis- 
posée à  la  contemplation  par  l'aridité,  dit  au 
chap.  X  de  sa  vie  :  c  Je  pense  que  le  Sei- 
gneur, toujours  au  commencement,  quel- 
quefois à  la  fin  de  la  vie  spirituelle,  éprouve 
ceux  qui  l'aiment  par  des  tourments  inté- 
rieurs et  des  tentations,  afin  de  savoir  s'ils 
pourront  boire  son  calice  et  porter  sa  croix, 
avant  de  leur  confier  des  trésors  d'un  prix 
infini.  »  3*  La  raison.  L'âm  eest  puri- 
fiée par  l'abandon  et  par  le  feu  d'une  tri 
bulation  spéciale,  afin  aue,  exempte  des 
dé&uts,  même  les  plus  légers,  elle  puisse 
s'enflammer  tout  entière  du  feu  de  l'amour 
divin  et  de  la  flamme  de Ja  contemplation. 
Saint  Jean  de  la  Croix  nous  en  donne  une 
belle  explication  {Noct.  obscur,  lib.  ii,  c.  10) 

Sr  la  comparaison  du  bois  qu'on  met  au 
A.  D'abord,  il  perd  l'humidité  qu'il  con- 
tient, il  noircit  ensuite;  bienlAt  il  s'éclair- 
cit,  et  enfin,  après  l'expulsion  de  toutes 
les  matières  contraires  à  l'action  du  feu,  il 
s'enflamme  et  se  transforme  en  un  feu  ar- 
dent. Ce  saint  continue  en  ces  termes  :  «  Il 
en  est  de  même  pour  ce  feu  de  l'amour  et 
de  la  contemplation.  Avant^de  s'unir  et  de 
transformer  rame,  il  la  purifie  de  tout  ce 
qui  lui  est  contraire,  il  la  fait  paraître  dans 
toute  sa  laideur,  il  la  rend  noire  et  obscure, 
pire  même  qu'elle  n'est  en  réalité;  car  cette 
divine  purification  agite  les  humeurs  vi- 
cieuses et  les  maux  intérieurs  qui,  pro- 
fondément enracinés  dans  l'âme,  lui  avaient 
échappé,  en  sorte  qu'elle  était  loin  de  se 
croire  dans  un  aussi  triste  état.  Bientôt, 

EUT  expulser  et  anéantir  toutes  ces  souii- 
res,  cette  épreuve  les  lui  montre  claire- 
ment  à   l'éclat  de  la  lueur  divine ,  qui 
rayonne  du  sein  même  de  cette  obscurité.  » 
JL'abandon,  avons-nous  dit,  précède  ordi- 
nairement la  contemplation  et  y  dispose 


l'flme  ;  car  il  n'est  pas  douteux  que  Dieu, 
dans  sa  providence  infinie  et  sa  bonté,  ne 
Teuille  parfois  élever  l'âme  du  premier  de- 
gré de  la  sainteté  jusqu'à  la  contemplation, 
comme  il  nous  l'a  montré  dans  la  subite  con- 
version deSaul,  et  dans  la  sanctification,  dès 
le  sein  de  sa  mère,  de  son  saint  précurseur. 
Outre  cette  disposition  à  la  contemplation. 
Dieu  se  propose  encore ,  dans  cet  abandon, 
d'autres  fins,  très-utiles  pour  nous,  lesquel- 
les sont  autant  d'effets  et  d'avantages  que 
Dieu  nous  procure  par  ce  moyen.  En  effet. 
Dieu,  qui  est  si  bon,  ne  tourmenterait  pas 
spécialement  les  âmes  qui  lui  sont  si  chè- 
res, s'il  n'avait  voulu  leur  accorder  par  là 
des  laveurs  toutes  particulières.  Sans  comp- 
ter les  autres  fins,  qui  ne  sont  connues  que 
de  la  seule  sagesse  infinie,  saint  Jean  Chry- 
sostome  (bom.  i,  ad  popu/.),  saint  Bona- 
venture  (in  vu  Proc.  rel.)^  Gerson  IMyst. 
théoLf  caus.  6),  Rodriguez  (p.  ii  Èxerc, 
perf.^  t.  IV,  c.  *),  en  ont  indiqué  plusieurs, 
dont  nous  donnons  les  principales.  La  pre^ 
mièrt  de  ces  fins  est  d'instruire  l'âme  par 
l'expérience,  à  ne  pas  trop  s'attacher  à  la 
douceur  de  la  consolation^  mais  à  se  laisser 
éloigner  de  la  mamelle  par  l'amertume  de 
Taloès ,  afin  de  puiser  its  forces  dans  une 
plus  solide  nourriture,  selon  ces  paroles 
d'isaïe  (xxviii,  9)  :  A  qui  le  Seigneur  ensei* 
gnera-t-il  sa  loi?  à  qui  donnerort-il  Fintelli^ 
gence  de  sa  parole  7  à  des  enfants  sevrés  ei 
arrachés  de  la  mamelle.  •  Il  y  a,  dit  saint  Gré- 

?;oire  (I.  xxiv  Jtfor.,  c.  7),  trois  degrés  dans 
a  conversion  »  le  commencement,  le  milieu 
et  la  perfection.  Au  commencement,  les 
convertis  éprouvent  le  charme  d'une  déli- 
cieuse douceur;  au  milieu  de  la  conversion, 
ils  ont  à  lutter  contre  les  tentations;  mais  à 
la  fin  ils  goûtent  la  plénitude  de  la  perfec- 
tion. Ils  ressentent  donc  d'abord  une  dou- 
ceur qui  les  console,  ensuite  une  amertume 
qui  les  exerce,  enfin  de  suaves  délices  qui 
les  affermissent.  » 

La  seconde  fin  de  l'abandon,  c'est  de  faire 
désirer  à  l'âme,  avec  plus  d'ardeur,  la  con- 
solation dont  elle  est  privée ,  de  la  lui  faire 
considérer  comme  une  pure  faveur,  et  de 
l'exciter  à  mieux  rechercher  son  bien-aimé, 
dont  elle  déplore  la  perte.  C'est  par  ce  senti- 
ment  que  l'âme  sainte  disait  a  son  bien- 
aimé  :  Le  voici  qui  se  tient  derrière  notre 
mur,  qui  regarde  par  les  fenêtres^  qui  jette  sa 
vue  au  travers  des  barreaux  [Cant.  ii,  0);  et 
que  saint  Jean  Cliniaque  s'écriait  {Scal.^ 

f.  7)  :  t  La  mère  du  petit  enfant  se  cache 
dessein,  et  elle  se  réjouit  de  le  voir  la 
chercher  avec  inquiétude  ;  elle  lui  apprend 
ainsi  à  ne  f^s  s'attacher  constamment  à  ses 
pas,  elle  lui  fait  mieux  apprécier  tout  son 
amour,  et  l'excite  à  l'aimer  elle-même  avec 
plus  d'ardeur.  » 

La  troisième  /m  consiste  à  ffréserver  l'âme 
d'un  subtil  sentiment  d'or j^uet/,  qui  se  glisse 
avec  les  biens  que  lui  piocure  la  consola* 
tion.  En  effet,  dit  l'Ecclésiastique  (ii,  5)  : 
Vor  et  l'argent  s^éprouvent  par  le  feu  :  mais 
les  Aommet  que  Dieu  veut  recevoir  au  nombre 
des  siens  $^ éprouvent  dans  h  creuset  de  TAu-* 


\f& 


ARA 


DICTIONNAIRE 


ABA 


464 


miliation.  «  Si  Vhomme,  dit  .^aint  Bonaven- 
ture,  n'était  pas  quelquefois  privé  de  lalcon- 
solation  spirituelle,  il  s'enflerait  trop,  per- 
drait la  grâce  et  périrait;  Dieu  la  lui  enlève 
donc,  pour  l'orapôcher  de  la  perdre.  C'est 


jusqu'à  ce  qu  -  #» 

sacne  le  conserver  avec  prévoyance.  »  (Pro" 
cess.  Tii  Relig.^  c.  1.)  «  Comme  une  mère, 
dit  saint  François  de  Sales  {Introd,^  p.  5, 
c.  lî),  refuse  du  sucre  à  son  fils,  parce 
qu'il  engendre  des  vers;  ainsi  Dieu  nous 
enlève  les  consolations ,  guand  elles  font 
nattre  en  nous  des  sentiments  de  vaine 
complaisance  et  qu'elles  nous  exposent  aux 
vers  de  la  présomption.  » 
'La  Quatrième  fin  est  d'affermir  de  plus  en 
plus  I  âme  dans  Vhumililé  du  cœur,  par  la 
connaissance  d'elle-même  et  de  sa  misère. 
Rien,  en  effet,  n'inspire  mieux  ce  sentiment 
que  l'abandon,  comme  l'atteste  David  :  Cest 
un  bonheur  pour  moi  d*avoir  été  humilié  par 
vous  [Ps,  Gxviii,  71).  Comme  rien  ne  convient 
mieux  à  l  humilité  que  la  tristesset  dit  saint 
Jean  Climoque  [Scala^  grad.  7),  rien  ne  lui 
est  plus  opposé  que  le  rire.  «  Pour  réprimer 
.l'audace  de  Thomme ,  écrit  saint  Laurent 
Jusl.  (i  De  cart.  connub.^  c.  15),  parfois  la 
sagesse  divine  se  soustraif  sagement  h  ses 
regards,  non  par  haine  ou  par  mépris,  mais 
par  amour  ;  car  Jamais  on  ne  reconnaît  mieux 
isa  faiblesse  que  quand  on  se  voit  abandonné. 
Un  succès  continuel  est  une  cause  de  va- 
nité. C'est  à  peine  si  l'âme  instruite  par 
l'adversité  et  brisée  par  les  sens,  ^ûs,  peut 
reconnaître  son  infirmité.  » 
'  La  cinquième  fin  est  de  faire  pousser  à  la 
crainte  filiale  de  Dieu  de  plus  profondes  ra- 
cines dans  l'âme.  Sur  qui  jetterai-je  les  yeux , 
dit  le  Seigneur,  sinon  sur. le  pauvre  qui  a  le 
cœur  brisé  let  qui  écoute  mes  paroles  avec 
tremblement?  (Isa.  lxvi,  2.)  Et  saint  Jérôme 
ajoute  ce  commentaire  :  oc  Le  Seigneur  jette 
donc  ses  regards  sur  quiconque  est  humble 
et  paisible,  et  écoute  ses  paroles  avec 
crainte.  » 

La  sixième  fin  est  d^eiciter  l'âme  à  la 
prièrCf  en  lui  faisant  reconnaître  tous  ses  be- 
soins. C'est  ce  que  faisait  David  :  Sauvez- 
moij  Seigneur,  parce  que  les  eaux  des  tribu- 
lations sont  entrées  jusque  dans  mon  àme 
(Ps.  Lxviii,  2).  Ez^chiàs  s'écriait  aussi,  sur 
le  point  de  mourir  :  Le  Seigneur,  comme  un 
lion,  a  brisé  tous  mes  os.  Le  matin  je  disais  : 
Seigneur,  vous  finirez  ma  vie  ce  soir.  Je 
criais  comme  le  petit  de  Vhirondelle,  je  gé- 
missais comme  la  colombe  (Isa.  xxxviii,  13, 
H).  Voici  comment  saint  Jérôme  explique 
ce  passage  :  «  Xa  mort  qui  s'approche,  la 
douleur  qui  m'accable,  ont,  comme  un  lion, 
brisé  tous  les  os  de  mon  corps.  Et  moi, 
comme  l'hirondelle  et  la  colombe,  je  passais 
toutes  mes  nuits  dans  les  pleurs  et  tes  gé- 
missements ;  et,  les  yeux  levés  vers  le  ciel, 

je  n'attendais  de  secours  que  de  Dieu,  qui  <■  la  vérité  de  Dieu,  tant  que  vous  ne  you« 
seul  pouvait  me  venir  en  aide.  »  éloignerez  pas  volontairement  de  lui  »  en 

La  septième  fin  est  d'exercer  l'âme  duiusle     consentant  a  transgresser  ses  préceptes.  »  • 
%  ]$L  patieneef  selon  ces  paroles  de  VEccli-    i    Là  dixième  fin  est  de  purifier  l'âme  dans 


siastique  (ii,  k)  :  Recevez  de  bon  cceur  tout  ce 
qui  vous  arrivera  :  demeurez  en  paix  dans 
votre  douleur,  et  au  temps  de  votre  humilia- 
tion conservez  la  patience.  Car  Vor  et  l'argent 
s'épurent  par  le  fcu;  mais  les  hommes  que 
Dieu  veut  recevoir  au  nombre  des  siens^ 
s^ éprouvent  dans  le  creuset  de  r humiliation. 
Saint  Jacques  dit  aussi  :  Mais  vous  autres, 
mes  frères ,  persévérez  dans  la  patience  jus- 
qû*à  Vavénement  du  Seigneur  :  vous   voyez 

?nie  le  laboureur,  dans  Vespérance  de  recueil^ 
ir  le  fruit  précieux  de  la  terre,  attend  pa- 
tiemment la  première  et  r arrière-saison.  Soyez 
ainsi  patients  et  affermissez  vos  cœurs;  car 
Vavénemcnt  du  Seigneur  est  proche  [Jac.  v,  7 
et  8).  Saint  Augustin  dans  son  Commentaire 
sur  le  ps.  Lxi,  s'exprime  ainsi  :  «  La  four^ 
naise,  c'est  le  monde  ;  la  paille,  les  mé- 
chants; l'or,  les  justes;  le  feu,  la  tribula- 
tion;  l'orfèvre.  Dieu.  Je  fais  ce  que  veut 
l'orfèvre;  je  supporte  les  épreuves  qu'il 
m'impose.  Mon  devoir  est  de  les  supporter» 
et  c'est  par  elles  qu'il  me  purifie.  »  Voici 
comment  saint  Jean  Chrysostome  explique 
la  comparaison  de  saint  Jacques  (hom.  jh, 
ad.  pop.)  :  «  La  pluie  ne  fait  pas  germer  et 
croître  la  semence,  autant  que  les  larmes 
répandues  font  grandir  et  fleurir  les  semen- 
ces de  la  piété.  Ces  larmes  purifient  Tâme 
et  arrosent  l'entendement;  elles  font  croître 
en  peu  de  temps  le  germe  de  la  doctrine  ; 
aussi  est-il  nécessaire  de  tracer  un  profond 
sillon.  » 

La  huitième  fin  est  de  fortifier  l'âme  dans 
la  foi  pure,  indépendamment  de  Texpé- 
rience  de  la  consolation.  Aussi  VEccléstas- 
tique,  parlant  de  ceux  qui  sont  livrés  à 
Tabandon  (ii,  8),  dit  :  Vous  qui  craignez  le 
Seigneur,  croyez  en  lui,  et  votre  récompense 
ne  sera  pas  vaine.  C'est  ce  que  prouve  saint 
Bonaventure  {Proeess.  vu  Relig.,  c.  1)  :  a  Le 
Seigneur  veut  nous  instruire,  par  la  priva- 
tion de  consolation,  à  nous  appuyer  sur  la 
vérité  de  l'Ecriture  et  de  la  foi,  plutôt  que 
sur  notre  expérience,  quelle  quelle  soit; 
car  la  foi  n'aurait  pas  do  mérite,  si  elle  con- 
sistait dans  la  seule  expérience.  » 
'  La  ^neuvième  fin  est  cf'affermir  davantage 
l'âme  dans  Vespérance,  indépendamment  du 
secours  des  consolations.  V Ecclésiastique 
nous  le  montre  encore  (ii.  9)  :  Vous  qui 
craignez  le  Seigneur,  espérez  en  lui,  et  sa  mi-- 
séricorde  vous  consolera.  Saint  Bonaventure 
le  prouve  {loc.  citât.),  en  montrant  que 
l'espérance  qui  s'appuierait  sur  l'expé- 
rience, ne  serait  pas  une  espérance  vérita- 
ble, et  que  nous  devons  par  conséquent 
plutôt  espérer  par  la  patience  et  la  consola- 
tion des  Ecritures,  a  M'ayez  donc  aucune 
défiance,  dit-il,  si  Dieu  vous  prive  des  dou- 
ceurs de  la  consolation  intérieure,  comme 
s'il  vous  délaissait  et  n'agréait  pas  vos  bon- 
nes œuvres;  mais  recourez  à  ces  témoigna- 
ges véritables  et  qu'ils  vous  consolent ,  de 
manière  à  vous  remplir  de  confiance  pour 


les 


ABA 


D'ASCETISMEs. 


ABA 


1641 


Yamour  de  Dieu^  abstraction  faite  de  toute 
consolatioa  et  de  toute  jouissance  particu- 
lière. C'est  encore  VEcclésiastique  qui  nous 
renseigne  (Tf  10)  :  Vou$  qui  craignez  le 
Seigneur^  ckérissex  îe ^  et  rot  caurt  seront 
éclairés,  Jean  d*AriIa  dit  à  ce  sujet  (m  Audi 
filia^  c.  26]  :  €  De  môme  que  c'est  la  marque 
d*un  bon  Chrétien  d*aimer  pour  Tamour  de 
Bieu  celui  qui  m*a  fait  du  mal,  car  il  n'est 
personne  qui  n*aiaie  son  bienfaiteur;  de 
même  rendre  grâces  à  Dieu  dans  Tadvcrsité, 
et  ne  pas  s*arrèler  à  la  rigueur  qu'il  nous 
montre  extérieurement,  pour  ne  considérer 
que  la  récompense  cachée  qu'il  nous  nré- 
pare  par  ces  épreufes,  c'est  la  marque  d'un 
homme  qui  ne  voit  pas  avec  les  yeux  de  la 
chair,  et  qui  aime  Dieu,  puisqu  il  se  con- 
forme à  sa  Yolonté  dans  les  peines  qu'il  a  à 
souffrir.  » 

La  oiixteme /ttt  est  d*enseigner  à  l'âme,  par 
le  langage  en  quelque  sorte  nouveau  que 
Dieu  lui  parle  dans  Tabandon,  i  connaître 
minutieusement,  à  discerner  et  à  extirper 
tous  ses  défauts^  toutes  ses  intentions  mau- 
vaises ,  toutes  ses  affections  vicieuses  ca- 
chées dans  sa  partie  sensitive  ou  intellec-» 
luelle.  En  effet,  la  tribulation  et  l'abandon 
soitl  cette  parole  de  Dieu^  vivante  et  efficace^ 
qui  perce  plus  quune  épie  à  deux  tranchants  ; 
elle  entre  et  pénètre  jusque  dans  les  replis  de 
Came  et  de  t esprit^  jusque  dans  les  jointures 
et  dans  la  moelle  ;  et  elle  démêle  les  pensées  et 
Us  mouvements  du  cœur  [Hebr*  iv,  12).  Car, 
«linsi  que  le  remarque  saint  Grégoire  (m 
Ezech.^  bom.  31)  :  Souvent  nous  pensons  une 
chose  et  nous  avons  intention  d'en  faire  une 
autre. 

La  douzième  fin  est  d'orner  l'âme  de  vertus^ 
de  la  rendre  digne  de  son  divin  époux,  de  la 

uriQer  complètement  par  le  feu  de  la  tri- 

ulation  et  (le  la  rZ/bnner  tout  entière  d'une 
manière  conforme  a  la  volonté  de  Dieu.  C'est 
ainsi  que  David  s'écriait  :  Je  me  suis  écoulé 
cornsne  Teau,  tous  mes  os  se  sont  déplacés;  mon 
cœur  au  milieu  de  mes  entrailles  est  devenu 
semblable  à  la  cire  qui  se  fond  (Ps.  xxi,  15,. 
Aussi  Thaular  nous  enseigne  (c.  11  Just.)  : 
m  Toute  âme  qui  voudra  devenir  la  reine 
bien-aimée  et  [^référée  de  son  é{>oux  éternel 
ne  peut  v  parveni&que  par  le  feu  ardent  des 
adversités  ou  des  aJUictions,  qui  étendent 
leurs  ravages  uisque  dans  la  moelle  de  ses 
os,  et  qui  préparent  l'âme  comme  le  feu 
prépare  la  cire  à  recevoir  toutes  les  impres- 
sions que  Touvrier  voudra  lui  faire  pren- 
dre. 9 

Pour  que  Tabandon  poisse  obtenir  toutes 
tes  fins,  nous  devons,  avec  le  secours  de  la 
grâce,  coopérer  à  la  volonté  de  Dieu.  Ainsi 
nous  l'enseigne  TEcriture  sainte  :  Efforcez^ 
mauê  de  plus  en  plus^  mes  frères^  d  affermir 
votre  vocation  et  votre  élection  par  les  bonnes 
eeuvres  (II  Petr.  i,  10).  Mes  frères  bien-^imés^ 
demeurez  fermes  et  inébratitables^  et  travaillez 
soiu  cesse  de  plus  en  plus  à  l'ouvre  de  DieUf 
êoehani  que  votre  travail  ne  sera  pas  sans  ré^ 
compense  en  Notre-Seigneur  (I  Cor.  xv,  58). 
C  est  aussi  l'avis  du  concile  de  Trente,  qui 
exhorte  les  justes  à  la  persévérance  en  disant  : 


c 


//  faut  opérer  son  salut  avec  crainte  et  trem- 
blement dans  les  travaux^  les  veilles  et  les  au^ 
ménes^  dans  les  prières  et  les  offrandes^  dans 
les  jeûnes  et  la  chasteté  (sess.  n,  c.  13).  Donc 
les  âmes  d'élite,app"lées  par  la  dure  épreuve 
de  Tabandon  h  la  douceur  de  la  contempla- 
tion et  à  une  perfection  complète,  doivent 
fortement  s  appliquer  à  la  pratique  des  bon- 
nes œuvres  en  supportant  avec  courage  cet 
abandon  ;  elles  doivent  rester  fermes  et  im- 
mobiles et  coopérer  h  la  grâce  divine;  car 
leur  labeur  ne  restera  pas  stérile  aux  yeux 
de  Dieu. 

;.  Cependant  certaines  âmes  affligées  ont 
coutume  de  prétexter  des  excuses  d'im|)os« 
sibiiité,  et  1'  elles  disent  que»  dans  leur 
abandon,  il  leur  est  impossible  de  continuer 
]a  pratique  des  bonnes  œuvres,  qu'elles  ne 
se  reconnaissent  propres  à  rien  de  bien  et 
sont  obligées  de  s'écrier,  en  gémissant  avec 
saint  fiernard  (serm.  54,  in  Cant.)  :  «  Je  ne 
trouve  aucun  goût  dans  Jes  psaumes  ;  la  lec- 
ture et  la  prière  sont  pour  moi  sans  dou- 
ceur; je  ne  puis  plus  me  livrer  à  mes  médi- 

iations  accoutumées Paresseux  pour  le 

travail  manuel,  endormi  Quand  je  voudrais 
veiller,  je  suis  devenu  prompt  à  la  colère, 
opiniâtre  à  la  haine,  intempérant  dans  mes 
pdroles  et  mes  repas,  lourd  et  négligera 
dans  la  prédication.  »  J'ompfunteraif  pour 
leur  répondre,  les  paroles  de  l'Apôire:  Dieu 
est  fidèle  et  Une  permettra  pas  que  vous 
soyez  tentés  au-dessus  de  vos  forces  ;  mais  il 
vous  fera  tirer  avantage  de  la  tentationméme^ 
ajin  que  vous  puissiez  persévérer  (I  Cor.  x,  Vi). 
Car,  selon  Je  concile  do  Trente  :  t  Dieu 
n'ordonne  pas  rimjiOssible;  en  ordonnant, 
il  vous  avertit  de  faire  ce  que  vous  pouvez, 
de  demander  ce  que  vous  ne  pouvez  pas,  el 
il  vous  aide  pour  que  vous  le  puissiez  (sess. 
6,  c.  llj.  n  Dieu  lui-môme  dit  formellemeni 
aujusle  :  Je  suis  avec  lui  dans  la  tribulations 
je  le  délivrerai  et  je  le  glorifierai  {Ps.  ic,  15). 
Donc  bien  que,  par  uous-mômes,  nous  oe 
puissions  seuls  faire  de  bonnes  œuvres  au 
milieu  d'une  telle  contradiction ,  nous  le 
pouvons  toutefois  avec  celui  qui  peut  tout« 
Quoique  nous  paraissions  et  môme  que  nous 
2»ojons  réellement  abandonnés  de  lui,  quant 
à  sa  présence  sensible  et  expérimentale, 
toutefois  par  sa  présence  insensible  et  pu« 
rement  spirituelle,  il  est  avec  nous  et  il 
travaille  avec  nous  par  sa  grâce.  — â*Ces 
âmes  disent  encore  que,  malgré  tous  leurs 
efforts,  elles  ne  pensent  pas  pouvoir  coopé-* 
rer  à  la  grâce  de  Dieu,  et  qu'elles  éprouvent 
en  elles-mêmes  le  sentiment  que  désigne 
l'Apotre  {Rom.  vu,  18)  :  Je  trouve  en  moi  la 
volonté  défaire  le  frien,  mais  je  ne  trouve  point 
le  moyen  de  l'accomplir.  Saint  Thomas  leur 
répond  (lect.  30)  :  €  Je  trouve  en  moi  la  vo* 
lonté  de  faire  le  bien  depuis  que  j'ai  été  ré* 
généré  par  la  grâce.  En  effet,  c'est  par  l'opé^ 
ration  de  cette  grâce  divine  que  non-seule* 
ment  je  veux  le  bien,  mais  ensore  que  je  fais 
quelque  bien,  puisque,  guidé  par  l'esprit, 
je  résiste  è  la  concupiscence;  mais  \e  ne 
trouve  pas  en  mon  pouvoir  les  moyens 
d'accomplir  entièrement  le  bien,  c*est-a^dire 


167 


ABA 


MCTIONNAtRE 


ABA 


168 


de  repousser  complètement  Ta  concupis- 
cence.» Résistons  donc  &la  partie  inférieure, 
luttons  contre  elle,  voulons  efficacement  le 
bien  dans  la  partie  supérieure  ;  qu'il  soit 
Tobiet  de  tous  nos  désirs  ;  car  si  nous  le 
désirons  ardemment,  dit  saint  Augustin, 
pourquoi  ne  Tobtiendrions-nous  pas?(conc. 
§  m  ps.  Gxnii)  :  «  Ce  .qui  seul  nous  em- 
pêche d'obtenir  les  justifications  de  Dieu, 
c'est  que  nous  ne  les  désirons  pas  réelle- 
ment. »  Si  ces  Ames  ont  encore  des  craintes 
sur  Tefficacité  de  leur  coopération,  |  il  ne 
leur  reste  plus,  dit  saint  Bonaventure  (  in 
IV  Proe.  retig.f  c.  4),  «  qu'à  élever  vers  le 
Seigneur  leurs  cris  et  leurs  instances,  quand 
elles  souffrent  la  Iribulation,  aQn  d'être  dé- 
livrées de  leurs  nécessités.  »  —  3*  Elles  di- 
sent aussi  qu'elles  connaissent  bien  toute  la 
vertu  de  la  prière,  mais  qu'elles  en  sont  com- 
plètement incapables,  qu'elles  peuvent  à 
Seine  dire  un  seul  mot,  à  peine  élever  leur 
me  à  Dieu.  Répondons-leur  avec  saint  Lau- 
rent Justinien]  (7'r.  de  perf.  mon.,  c.  18)  : 
«  Dans  cette  situation,  loin  de  négliger  la 

firière,il  faut  y  persévérer  avec  constance.... 
I  faut  élever  ses  cris  vers  le  ciel  avec  un 
humble  et  ardent  désir  de  cœur,  toujtes  les 
fois  que  notre  esprit  est  assailli,  pendant  la 
prière,  par  le  choc  des  pensées  mauvaises.» 
C'est  la  nécessité  elle-même  qui  nous  donne 
ce  conseil.  Aussi  ce  grand  saint  ajoute: 
«  Après  avoir  perdu  le  port  du  paisible  re- 
pos, on  doit  s'écrier  sans  cesse  vers  le  Sei- 
gneur el  lui  dire  :  Sauvex-moi,  mon  Dieu^ 
puisque  les  eaux  ont  pénétré  jusqu'à  mon 
âme.  »  «  Faites  une  prière,  dit  saint  Augus- 
tin, aussi  courte  et  aussi  parfaite  que  jpossi- 

ble  :  Di^u  est  toujours  le  même Puissé-je 

me  connaître  et  vous  connaître!  Une  invo- 
cation semblable  sufTit.  »  Qu'on  ne  résiste 
donc  pas  aui  desseins  de  Dieu,  mais  qu'on 
se  soumette  à  sa  volonté  avec  humilité  et  ré- 
signation.—4"*  Elles  disent  enGn  que  cette 
résignation  leur  serait  moins  difficile  si  elles 
avaient  la  certitude  que  l'abandon  intermi- 
nable auquel  elles  sont  livrées,  est  seule- 
ment une  épreuve,  et  non  une  punition  de 
leurs  fautes  présentes  et  passées.  Mais  si 
quelqu'un  est  puni  par  l'abandon  des  fautes 
qu'il  a  commises  ou  qu'il  commet  encore 
tous  les  jours,  c'est  une  raison  pour  lui  de 
s'abstenir  d'en  commettre  de  nouvelles,  et 
de  subir  le  chfttiment  de  ses  péchés  avec 
patience  et  résignation  à  la  volonté  divine, 
en  s'écriant  avec  Job  (xxxni,  27)  :  J'ai  p^- 
chéf  foi  vraiment  offensé  Dieu  et  je  n'ai  point 
été  châtié  comme  je  le  méritais.  Ecoutons  cet 
avis  de  Louis  de  Blois(65)  (Consol.pusillan.^ 
c.  25)  :  «  Si  dans  les  afflictions  votre  âme 
n'est  pas  toujours  également  résignée,  vous 
n'avez  pas  perdu  pour  cela  tout  espoir  de 
aalut,  ni  même  la  grâce  de  Dieu  ;  gardez- 
TOUS  seulement  do  résister  à  Dieu  avecim- 
patience  et  opiniâtreté.  Car  si  vous  conser- 
vez, autant  qu'il  vous  est  possible,  une 
humble  et  douce  patience,  vous  serez  chéri 
de  Dieu,  et  vous  parviendrez  enfin  à  la  féli- 
cité de  son  céleste  roj^aume.  » 


L'âme  affligée  coopérera  en  effet  henrea- 
sèment,  dans  l'état  d'abandon,  à  la  volonté 
et  à  la  grâce  de  Dieu,  si  ell;  observe  avec 
soin  les  règles  suivantes  : 

L  Que  la  personne  affligée  se  confie  hum- 
blement et  simplement  à  un  sage  et  pieux 
directeur  spirituel.  C'est  le  conseil  de  saint 
François  de  Sales  (p.  k  Introd.^  c.  ii)  «  Al- 
lez trouver  votre  confesseur,  ouvrez-lui 
votre  cœur,  dévoilez-lui  tous  les  replis  de 
votre  âme;  acquiescez  on  toute  simplicité 
et  toute  humilité  aui  conseils  qu'il  vous 
donnera:  car  Dieu,  qui  aime  surtout  l'obéis- 
sance ,  rend  souvent  utiles  les  conseils  que 
l'on  reçoit,  surtout  les  conseils  des  direc- 
teurs des  âmes,  quand  même  nous  n'en 
apercevrions  pas  1  utilité.  »  Le  saint  prélat 
le  prouve  par  l'exemple  du  Syrien  Naaman, 
c^ui  vint  trouver  Elisée  pour  obtenir  la  gué- 
rison  de  sa  lèpre  (  lY  Reg.  v  ). 

Cette  règle  est-universelle  et  en  quelque 
sorte  transcendante.  En  effet,  toutes  les  rè- 
gles suivantes  peuvent  bien  être  pratiquées 
par  celui  qui  souffre  l'abandon  ;  toutefois, 
dans  leur  observation,  il  doit  toujours  se 
laisser  guider  par  les  conseils  de  son  direc- 
teur; et  le  directeur  doit  aussi  s'en  servir 
pour  venir  eii  aide  à  l'âme  abandonnée. 
|r  IL  Si  rame,  en  proie  à  l'abandon  et  aux 
tribulations  est  souillée  de  péchés,  qu'elle 
se  tourne  de  tout  cœur  vers  le  Seigneur,  se 
rappelant  que  c'est  par  cette  voie  que  Dieu 
rappelle  ordinairement  les  pécheurs  à  son 
amitié;  il  les  trouble  par  les  adversités,  aQn 
de  leur  apprendre  à  ne  chercher  de  vérita- 
ble paix  qu'en  Dieu  seul  C'est  ce  que  le 
concile  de  Trente  nous  enseigne  (sess.  iit, 
c.  k)  par  l'exemple  des  Ninivites  et  par  ce 
qui  est  arrivé  au  roi  Manassès  (//  Paralip. 
xxxiu ,  12)  :  la  tribulation  de  la  captivité 
inspira  à  ce  prince  un  véritable  repentir. 
Beaucoup  d'autres  ont  été  de  même  con- 
duits à  la  pénitence  par  les  afflictions  ;  mais 
cette  pénitence  par  leur  faute  est  demeurée 
stérile ,  parce  qu'ils  n'ont  pas  convenable- 
ment répondu  a  la  grâce  :  témoin  le  roi  An- 
tiochus  [I  Mach.  vi;   f/,  ix). 

Dans  ce  dernier  cas,  l'âme  pécheresse 
n'est  pas  disposée  à  la  contemplation  par 
rabandon  et  les  adversités,  à  moins  que , 
par  une  faveur  toute  particulière,  qui  ne 
peut  faire  règle,  on  ne  s'élève,  au  moment 
même  de  la  conversion  jusqu'à  la  hauteur 
de  la  contemplation.  Alors  cette  faveur  se 
manifeste  d'une  manière  toute  spéciale. 
Ainsi  Saiil  est  terrassé,  aveuglé,  en  proie  à 
de  vives  tribulations;  quand  il  se  relève,  il 
s'appelle  Paul,  il  est  ravi  jusqu'au  troisième 
ciel  [Act.  ix).  Remarquons  néanmoins  que 
dans  ces  cas  extraordinaires,  où  Jésus  veut 
lui-même  servir  de  maître  au  nouveau  con- 
verti, il  envoie  son  disciple,  malgré  sa  haute 
perfection,  à  Ananie,  a  un  directeur  hu- 
main (Act.  vn).  C'était, selon  la  remarque 
de  Cassien  [Collât.^  ii,  c.  15),  pour  donner 
un  exemple  à  la  postérité,  et  pour  réprimer 
la  présomption  de  ceux  qui  prétendraient 
ne  prencire  d'autre  maître  que  Dieu  seul,  et 


(65)  JB/ostaii,  en  français  Loais  de^Blois,  né  (à  Liège,  écrivain  du  xvi*  siècle,  voir  Tart.  m  Blois« 


ABà 


D*ASCET1SM£. 


ABA 


!:• 


préféreraient  8*ea  tenir  exclosiTement  à  sa 
doctrine,  méprisant  les  enseignements  des 
personnes  expérimentas. 

III.  Si  TAme  en  proie  à  la  tribulalion  est 
iiide  dans  le  service  dirin,  n'aspirant  pas  h 
la  perfection  et  cherchant  k  peine  à  fuir  le 
péché  mortel ,  qu'elle  onvre  ses  yeux  acca- 
blés par  le  sommeil  de  la  tiédeur,  qu'elle 
Voie  dans  cette  tribnlation  un  mo^en  dont 
Dieu  se  sert  pour  rinstruire,  lui  faire  con^ 
nattre  les  dangers  qu'elle  court,  et  la  faire 
marcher  avec  fermeté  et  avec  ferveur  dans 
la  voie  de  Dieu.  C'est  pourquoi  le  Roi-Pro* 
phèCe  priait  ainsi  le  Seigneur:  Camprimeg 
f «NT  bouAe  aoec  te  mors  et  le  frein ,  parce 
qu^oHiremetu  iU  me  $*  approcher  aient  pat  de 
«MU  {Pt.  xxs.  9K  C'est  aussi  de  ces  Ames 
que  parle  Gerson ,  en  disant  (  Tr.  de  mont. 
comiempL^  c.  15]  :  «  Il  en  est  d'humeur  et 
de  condition  aiflérentes,  qui  sont  plus 
endurcis^  et  ont  un  caractère  aussi  rétif  que 
rtoe  même  ;  ils  ont  besoin  d'être  stimulés  : 
les  tribulations  et  les  adversités  sont  les 
meilleurs  mo/ens  de  les  ramener  à  Dieu.  Ce 
IKeu  tout-fmissant  les  attire  è  Inî,  comme 
une  mère  attire  son  enfant  qui  Ta  quittée. 
Elle  fait  en  sorte  oue  d'autres  l'attaouent  et 
le  tourmentent  :  renfant  appelle  alors  sa 
mère  et  retourne  auprès  d'elle  en  pleurant. 
Bile  le  reçoit  dans  ses  bras ,  et  ''avertit  de 
ne  point  s  éloigner  d'elle  à  l'avenir,  ajoutant 

Sue  partout  ailleurs  il  ne  peut  qu'éprouver 
u  mal.  » 

Dans  ce  cas  encore  Tabandon  n*est  pas 
4ioe  disposition  k  la  conlempletion  ;  car  de 
la  tiédeur  A  la  contemplation»  le  chemin  est 
long  A  parcourir.  Et  si  Dieu,  par  un  miracle, 
n'y  dispose  pas  autrement,  il  faut  d'abord 
dusser  toute  tiédeur,  éveiller  la  ferveur  en 
son  Ame,  rentrer  dans  la  voie  spirituelle,  et 
y  faire  de  grands  proj^rès.  L'âme  tiède  doit 
donc  suivre  ce  conseil  de  Y  Apocalypse  (ui, 
19):  Animex-vous  de  zèle  et  faites  pénitence^ 
c*est-iHlire,  selon  l'explication  d'Alcazar; 
«  Reconnaissez  à  la  fois  TOtre  misère  et 
mon  amour,  et  animé  du  feu  de  mon  amour, 
enQammez-vous  de  zèle  contre  la  tiédeur  et 
laites  pénitence.» 

IV.  ^i  l'Ame  éprouvée  par  la  tribulalion 
s'applique  avec  une  entière  résignation  au 
service  divin,  et  au*elley  persévère,  évitant 
les  péchés  mortels  et  les  fautes  légères  les 

filus  notoires  et  les  plus  fréquentes,  faisant 
e  bien,  s'avançant  par  Texercice  des  vertus 
et  aspirant  A  la  perfection  ;  mais  que  d'un 
autre  côté  elle  fasse  peu  de  progrès  dans  la 
mortification  de  ses  passions,  dfans  la  con- 
naissance de  soi-même  et  de  ses  défauts,  et 
ne  soit  pas  en  état  d'agir  d'une  manière 
héroïque,  elle  doit  s'efforcer,  au  milieu  de 
ses  tribulations ,  de  les  supporter  avec  une 
sainte  résignation,  et  d'avancer  dans  la  vertu, 
surtout  dans  la  vertu  d'humilité.  Voici  ce 
que  nous  lisons  dans  YEccUsiasîique  (ii,  i  ), 
an  sujet  de  ces  Ames,  quand  elles  commen- 
cent A  marcher  dans  la  voie  spirituelle: 
Mon  fUSf  lorsque  vous  entrerez  au  service  de 
Dieu^  demeurez  ferme  dans  ta  justice  et  dans 
la  crainte^  et  préparez  votre  âme  à  ta  tentation. 

Diction!!.  n'AscftDsxE.  1. 


Quant  h  ceux  qui  sont  en  voie  de  progrès, 
Jésus-Christ  leur  dit  lui-même  :  Je  mti 
venu  apporter  te  feu  sur  la  terre^  et  que  veusp* 
je,  sinon  qu'il  s'allume?  {Luc.  xii,  lo.)  Qu'il 
s'agisse  ici  du  feu  de  la  tribulation,  comme 
Teotend  Maldonat,  d'après  Tertullien;  qu'il 
s'agisse  du  feu  de  la  charité,  selon  Taccep- 
tion  commune ,  cela  prouve,  dans  l'un  et 
l'autre  sens,  que  Jésus-Christ  veut  allumer 
par  la  tribulation  le  feu  de  la  charité,  comme 
par  un  bûcher. 

Ce  n'est  pas  encore  là  une  disposition  à 
la  contemplation  ;  il  faut,  dans  cette  situa* 
tion  d*esprit,  s'appliquer  aussi  persévéram* 
ment  que  possible  à  la  méditation.  Voici  ce 
que  dit  Gerson  A  ce  siyet  (7r.  de  perf.^ 
consid.  5  )  :  «  Il  est  aussi  difficile  d'allumer 
le  feu  de  la  dévotion  spirituelle  au  souffle 
de  la  méditation,  que  d  allumer  un  feu  ma- 
tériel avec  du  bois  humide,  vert  ou  souillé 
de  boue.  Soufflez,  faites  les  plus  grands 
efforts  ;  ce  bois  ne  produit  d'abord  que  des 
nuages  de  fumée  qui  tous  aveuglent.  A 
peine  si  Ton  voit  briller  une  étincelle,  qui 
's'évanouit  aussitôt.  A  moins  de  persister 
avec  constance,  vous  aurez  bientôt,  dans 
▼otre  dépit,  dispersé  tout  le  bois  :  cette  pei^ 
sévérance  doit  ici  se  joindre  à  la  méditation.  » 

V.  Si  l'Ame  délaissée  a  déjA  fait  de  grands 
progrès  dans  la  mortification  de  ses  passions, 
et  dans  la  connaissance  de  soi-même  et  de 
ses  défauts;  si  die  agit  héroïquement, 
qu'elle  s'exerce  alors,  au  milieu  de  ses  tri- 
bulations, A  pratiquer  héroïquement  les 
Tertus  et  surtout  I  humble  résignation  au 
bon  plaisir  de  Dieu.  Si  elle  n'y  manque  pas, 
elle  peut  espérer  qu'A  cette  épreuve  succé- 
dera le  don  de  la  contemplation.  Qu'elle  se 
rappelle  l'exemple  de  Jérémie,  s'élevant  de 
cet  état  d'abandon  jusqu'A  la  contemplation, 
il  l'atteste  lui-même  (Thren.  ni,  1)  :  Je  suis 
un  homme  voyant  ma  pauvreté^  sous  la  verge 
-de  rindignation  du  Seigneur.  Il  trace  un 
tableau  terrible  de  son  abandon;  ensuite  il 
prie  Dieu  humblement  :  Souvenez-vous  de  la 
pauvreté  où  je  suis  et  de  r excès  de  mes  maux 
{tfttd.,  19).  Alors  Tespérauce  renaît  dans 
son  cœur  :  Ce  souvenir  que  f  entretiendrai  dans 
mon  cœur  deviendra  te  sujet  de  mon  espérance 

Iibid. ,  21  ).  Il  est  bon  d'attendre  en  silmee 
e  salut  que  Dieu  nous  promet  (t6td. ,  96]. 
Il  dit  entin  :  îl  s'assiéra^  il  se  tiendra  soli- 
taire  f  et  il  se  taira ,  parce  qu'il  a  mis  ce  joug 
sur  lui  (t'Aid.,  SB)!,  ou,  selon  d'autres, 
parce  qu'il  s'est  élevé  au-dessus  de  lui- 
même.  Voici  comment  saint  Basile  expose 
ce  passage  (  De  laud.  vit.  solit.  )  :  «  L  âme 
qui  désire  Dieu  avec  ardeur,  s'élève 
au-dessus  d'elle-même,  et  en  s'arrachant 
des  choses  terrestres,  elle  parvient  A  la 
hauteur  de  la  contemplation  divine  ,  se 
sépare  des  actions  du  monde,  et  pa'  ses 
célestes  désirs  s'envole  dans  les  réçons  les 

f»Ius  éleyées  de  la  contemplation.  Lorsque 
'homme  s'efforce  d'apercevoir  celui  qui  est 
au-dessus  de  tout,  il  s'élève  au-dessus  de 
lui-même  et  de  toutes  les  bassesses  de  cette 
vallée  du  monde.  » 
Louis  de  Blois  (  Consol.  pusitlan. ,  c.  96  ) 

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171 


ÂBÂ 


DlGTlONiNAlRE 


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172 


nous  montre  combien  doit  ôlie  parfaite  la 
résigaation  de  l'Aoïe  dans  l*abandon«  pour 
la  disposer  à  la  contemplation  :  «  La  morti- 
fication, TabnégatioD,  la  résignation  Ja  perte 
et  l'annihilation  de  soirméme«  voilà  le  fon- 
dement du  salut.  Si  vous  vouiez  être /ce  que 
vous  u*êtes  pas,  détachez -vous  d*abord  de 
ce  gue  vous  êtes.  Qu'on  se  persuade  bien  c|u'il 
ne  laut  pas  se  flatter  de  résignation,  ni  s'ima- 
jginer  qu'on  est  réellement  résigné,  tant 
qu'il  reste  une  seule  goutte  de  sang  dans 
les  veines  qui  n'ait  été  purifiée  par  une  véri- 
table résignation.  »  Il  ajoute  avec  sagesse  : 
«  Ne  vous  laissez  point  abattre,  mes  bien- 
aimés  I  l'entrée  du  céleste  royaume  vous 
est  ouverte,  quand  même  vous  ne  parvien- 
driez pas  au  faite  de  la  perfection.  Il  y  a 
dos  petits  et  des  grands  dans  la  divine 
patrie.  Faites  tout  ce  qui  dépend  de  vous, 
persistez  dans  vos  bonnes  résolutions  et  dans 
vos  saintes  pratiques.  Et  si  vous  ne  pouvez 
atteindre  au  sommet  de  la  montagne,  vous 
n'en  serez  pas  moins  sur  le  chemin  du 
salut  éternel.  » 

VI.  Si  l'Ame  parfaite^  éprouvée  par  l'afflic- 
tion, tombe  dans  quelques  défiiuts,  que 
loin  de  perdre  confiance,  elle  cherche  à  se 
perfectionner,  en  s'bumiliant,  en  faisant  à 
son  directeur  l'aveu  de  ses  fautes,  et  en 
ayant  toujours  recours  à  Dieu.  «  Les  délais 
que  l'on  éprouve  dans  la  voie  de  la  perfec- 
tion, dit  saint  Bonaventure  (Pr0e.  yii  Relig,^ 
c.  2  ) ,  sont  eux-mêmes  un  moyen  de  per- 
fection, quand  on  s*humilie.  Aussi  Dieu 
modère  sagement  notre  course,  pour  que 
nous  puissions  aller  plus  loin  et  mieux 
nous  défendre  de  l'orgueil.  Car  souvent 
des  progrès  trop  sûrs  et  trop  rapides  et  une 
ferveur  continuelle  épuisent  les  forces  du 
corps.  »  Voici  comment  Louis  de  Blois  le 
démontre  (  De  eons.  pusill.  c.  30  )  :  «  Les 
apôlrcs,  les  disciples  et  les  amis  de  Dieu 
désiraient  avec  ardeur  posséder  toutes  les 
vertus  et  s'élever  à  la  plus  haute  perfection; 
mais  en  cette  vie  ils  n  ont  pu  se  débarrasser 
entièrement  do  toute  imperfection.  »  Aussi 
disaient-ils  :  Nous  faisons  tous  beaucoup  de 
fautes  {Jac.  m,  2),  et  :  Si  nous  disons  que 
nous  sommes  sans  péchi^  nous  nous  séduisons 
nous-mêmes^  et  la  vérité  n'est  point  en  nous 
(/  Jom.  I,  8  ). 

Consignons  encore  ici  une  sage  remarque 
de  Louis,  de  Blois  i^loc,  cit.^  c.  16  ): 
«  Presque  toujours  Dieu  permet  que  ses 
amis  les  plus  chers  aient  encore  quelque 
défaut,  qu'ils  soient  prompts  à  la  colère  et 

à  l'emportefoent Les  serviteurs  du  Christ 

ne  doivent  en  concevoir  aucune  crainte  : 
s'ils  n'ont  pas  trop  de  confiance  en  eux- 
mêmes  et  s'ils  se  connaissent  parfaitement, 
ils  remédieront  facilement  à  ces  défauts  et 
seront  plus  précautionnés  è  l'avenir.  »  C'est 
ce  qui  fait  dire  à  sainte  Thérèse  (Mans,  vi, 
cl),  è  propos  d'un  confesseur 'inexpéri- 
ineniô  :  «  Quand  il  remarque  dans  une  âme 
arrivée  à  cette  extraordinaire  perfection , 
quelque  faute  légère,  il  l'attribua  de  suite 
andéinon  ou  à  des  humeurs  noires;  car 
U  s'imagine  qure  les  personnes  '  que  Dieu 


gratifie  de  ces  faveurs,  deviennent  des 
anges,  ce  qui  est  impossible,  tant  que  nous 
sommes  dans  ce  corps  terrestre.  »  C'est 
pourciuoi  les  amis  de  Job  ont  été  biftuiés 
de  Dieu,  de  ce  qu'au  lieu  de  le  consoler,  ils 
lui  reprochaient  amèrement  les  fautes  les 
plus  légères,  et  leur  supposaient  une  gra- 
vité qu'elles  étaient  bien .  loin  d'avoir 
(  Job  xLii,  7  ). 

VU.  L'Ame  parfaite  peut  se  consoler  par 
la  pensée  qu'elle  n'est  pas  abandonnée  de 
Dieu  en  réalité;  car  Dieu  l'aime  toujours 
secrètement  et  ne  se  cache  à  elle  que  pour 
un  temps.  C'est  ceque  montre  Notre-Seigneur 
Jésus-Christ  lui-même,  qui,  dans  l'extrême 
abandon  où*il  était  réduit,  fut  visité  par  un 
ange^envoyé  du  ciel  pour  te  fortifier.  D'ailleurs 
nous  voyons  dans  r£crilure  sainte  et  dans 
la  Vie  des  saints,  que  Dieu  console  habituel- 
iement  les  &mes  désolées  par  des  anges  ou 
par  ses  ministres.  Aussi  Louis  de  Blois  nous 
art  (  in  jConsol.  pusill.f  c.  23):  «  Ayez  boo 
courage,  ô  ftme  patiente  ;  car,  dans  toutes 
vos  amertumes,  Jésus-Christ,  l'élu  de  votre 
cœur,  saura  [)énétrer  en  vous,  bien  que  les 
portes  lui  soient  fermées,  c'est-à-dire  mal- 
gré tous  les  eiforts  que  votre  dureté  lui 
oppose,  et  il  saura  vous  remplir  d'une  dou- 
ceur nouvelle  et  que  vous  n'avez  pas  encore 
éprouvée:  souffrez  donc  avec  patience  l'amer- 
tume de  votre  abandon,  pour  votre,  enfer,  et 
votre  purgatoire.  » 

Le  sage  directeur  ou  confesseur  d'une  de 
ces  &mes  délaissées  peut  lui  permettre  d? 
chercher  quelque  secours,  soit  en  Dieu^  en 
le  priant  avec  humilité  et  avec  amour,  ou 
même  en  lui  faisant  entendre  quelques 
plaintes  innocentes,  afin  que,  s'il  ne  montre 
pas  son  visage,  il  donne  au  moins  quelques 
marques  de  sa  présence  ;  aot/  dans  les  moyens 
naturels^  en  cherchant  è  calmer  un  peu  les 
angoisses  de  son  cœur  par  quelaue  prome- 
nade ou  quelq^ue  innocente  récréation.  Ces 
moyens  de  cnercher  quelque  consolalioo 
dans  la  prière  ou  dans  quelque  déiassemeat 
se  trouvent  fréquemment  indiqués  dans  les 
Psaumes  et  les  Cantiques.  Jésus-Christ  lui- 
même,  dans  le  jardin,  au  moment  de  son 
abandon,  priait  son  Père  d'éloigner  de  juif 
s'il  était  possible,  le  calice  de  sa  passion. 
Sainte  Thérèse   (in  Ftia,  c.  11)  remarque 

3ue  parfois  ces  sortes  d'aridité  proviennent 
e  quelque  indisposition  du  corps  ou  de 
quelque  agitation  des  humeurs  :  et  dans  ce 
cas,  la  situation  s'empire,  si  l'on  a  trop  de 
contention  d'esprit.  «  Il  faut  donc,  dit-elle» 
que  les  directeurs  sachent  reconnaître  quanu 
la  sécheresse  vient  de  cette  cause,  pour  ou  il-^ 
n'achèvent  pas  d'accabler  cessâmes  malheu- 
reuses. Ils  doivent  alors  les  'traiter  coma^^ 
des  malades,  et  changer  l'heure  de  leur 
prière,  souvent  même  pour  plusieurs  jours.»' 
Elle  ajoute  que  ce  discernement  est  d'autan 
plus  nécessaire,  qxxe  l'aridité  peut  encore 
être  causée  par  le  démon.  Aussi  n'esl-il  P** 
toujours  utile  de  se  dispenser  de  la  prière, 
sous  prétexte  de  distraction  et  de  gr»"'' 
trouble  dans  l'intelligence,  et,  d'un  ai» ^J^^ 
côté,  il  ne  faut  pas  forcer  l'àmeàfalre  cf 


lis 


ABA 


D*ASC£T1SME. 


ABA 


i?i 


qu'elle  ne  peut  eiâcater.  Cesi  pourquoi  la 
même  sainte  a|oate  :  c  II  ne  manque  pas 
d'autres  œuvres  extérieures  de  charité,  de 
lecture  spirituelle,  etc.»  pour  s'occuper.  Et 
si  rame  Tenait  k  ne  se  trourer  capable  d*au- 
cune  de  ces  œurres, qu'elle  s'ooeupe  alors  du 
corps  pour  l'amour  de  Dieu,  afin  d'obtenir 
la  grâce  de  s'occuper  plus  souvent  d'elle- 
même  ;  qu'elle  Se  soulage  par  quelque  sainte 
récréation,  comme  une  pieuse  conversation, 
une  promenade  dans  un  jardin  ou  dans  la 
campagne,  d'après  le  conseil  du  confes- 
seur. » 

YUL  L'Ame  affligée  doit  concevoir  l'espé- 
ranee  d'une  future  consolation,  sans  toutefois 
calculer  en  elle-même  le  temps  que  doit 
l  urer  l'abandon,  et  sans  déterminer  à  l'a- 
vance le  moment  de  la  consolation.  Qu'elle 
soit  toujours  animée  du  généreux  sentiment 
de  se  conformer  toujours  au  bon  plaisir  de 
Dieu,dût-elle  rester  toute  sa  vie  dans  l'aban- 
don. C'est  ce  que  nous  enseigne  VEcelésioi^ 
iiipu  (  XI,  27  et  28 J  :  i^Te  perdez  pas  le  souvenir 
du  mal  au  jour  heureux^  ni  le  souvenir  du 
bien  au  jour  malheureux.  Car  il  est  aisé  à 
Dieu  de  rendre  à  chacun^  au  jour  de  la  mort, 
selon  ses  voies.  Il  faut  donc  peu  s'inquiéter 
de  la  consolation  qui  doit  suivre  l'abandon 
en  cette  vie,  mais  s'inquiéter  plutôt  de  la 
eonsolation  après  la  mort,  guand  même  la  vie 
tout  entière  serait  en  proie  k  la  désolation. 
Jésus-Cbrist  lui-même,  après  avoir  déclaré 
que  son  abandon  durerait  jusqu'à  sa  mort 
(  JfolA.  xxvu,  M  ),  dit  bientôt  qu^il  ne  cher- 
che de  consolation  que  dans  celte  mort: 
Mon  Pire,  je  remets  mon  esprit  entre  vos 
mutins  [Lue,  xxiii,  46 j. 
i  Thaulcr  (in  Serm.  de  SS.  Mart.)  appelle 
martyrs  spirituels  ces  flmes  qui  parfois 
sont  éprouvées  ;par  l'abandon,  après  s'être 
élevées  à  la  peiiection,  par  la  voie  moins 
ordinaire  et  moins  ferme  des  consola- 
tions. Le  plus  souvent  les  consolations 
n'arrivent  que  quand  les  épreuves  ont 
fait  faire  des  progrès  solides  dans  la  perfec- 
tion. Alors  ces  Ames  doivent  éviter,  dans 
leur  affliction,  d'offenser  Dieu  par  leurs 

{plaintes,  et  de  perdre  par  leur  abattement 
es  progrès  qu  elles  ont  déjà  faits,  en  ne 
montrant  aucune  résignation,  et  en  trouvant 
trop  pénible  de  supporter  ces  adversités 
jusqu  à  la  mort.  Leur  peu  de  courage  ne 
fera  que  prolonger  et  aggraver  ces  souffran- 
ces, que  la  bonne  volonté  el  famour  leur  au- 
raient lait  trouver  légères.  Plus  leur  résigna- 
tion serait  sincère,  plus  elles  en  recueille- 
raient de  fruit  et  de  gloire.  Après  cette  nuit 
obscure  de  l'abandon,  éclate  la  urillante  clarté 
de  la  lumière  parfaite,  qui  fera  luire  l'éter- 
nelle vérité  sur  l'homme,  dont  la  conduite 
aura  toujours  été  droite  et  sans  reproehe. 
IX.  Quoique  le  confesseur,  d'après  des 
signes  sagement  remarqués,  puisse  espérer 

Îu'une  telle  Ame  sera  consolée  par  l'élévation 
la  contemplation  et  les  faveurs  qui  en  dé- 
coulent, il  n  est  toutefois  utile  qu  à  lui  seul 
de  constater  tacitement  ces  effets,  et  de  se 
conformer,  selon  cette  observation,  aux 
desseins  de  Dieu  ;  il  n'y  a  donc  ni  avanlagCi 


ni  nécessité  d'en  prévenir  cette  Ame  k  l'a- 
vance, ni  même  de  l'encourager  par  l'espoir 
certain  dVriver  k  la  contemplation.  Car  au- 
trement, cette  Ame  serait  exposée  au  péril 
de  désirer  avec  excès  cette  fkveur  et  de  servir 
Dieu  dans  cette  seule  intention  ;  il  pourrait 
même  arriver  qu'après  avoir  vaillamment 
supporté  toutes  ces  épreuves,  Dieu  refu- 
sAt,  dans  la  profondeur  de  ses  desseins,  de 
lui  accorder  la  grAce  de  la  contemplatîo». 
En  effet,  comme  le  remarque  justemeut 
Louis  de  Blois  {De  eohs.pusitt.,  c.  28)  :  «  Lé 
Seigneur  Jésus,  Roi  des  roii,  n'a  pas  permis 
k  tous  les  hommes  de  venir,  pendant  la  du* 
rée  die  leur  exil,  s'asseoir  avec  lui  k  sa  table* 
c'est-k-dire  jouir  pleinement  des  délices  et 
de  la  quiétude  de  la  sainte  contemplation. 
H  en  a  choisi  plusieurs  pour  se  tenir.devant 
sa  table,  comme  ses  serviteurs,  et  le  servir. 
Il  ne  veut  pas,  dans  son  vaste  palais,  dans 
son  Eglise,  n'avoir  que  des  jeunes  filles  déli- 
cates et  parées,  mais  il  établit  des  princes^ 
des  cheis,  des  soldats  et  des  serviteurs: 
chacun  a  son  rôle  k  remplir,  et  se  tient  tou- 
jours prêt  k  s'en  acquitter.  Dieu  n'aime  pas 
uniquement  les  délices  intérieures  de  la 
haute  contemplation;  il  voit  aussi  avec 
plaisir  les  exercices  extérieurs  des  occupa- 
tions utiles,  qui  sont  exclusivement  pratiqués 
pour  sa  gloire  et  son  amour.  Au  reste,  après 
cet  exil,  tous  ceux  qui  sont  k  Jésus-Christ 
viendront  s*asseoir  k  sa  table  éternelle  et 
bienheureuse.  Qu'ils  ne  perdent  donc  pas 
courage,  ceux  qui,  tout  en  pratiquant  avec 
soin  la  mortification,  Tabnégation  et  la  rési- 
gnation, n'obtiennent  pas  toutefois  ici-bas 
la  çrâce  de  la  parfaite  contemplation  ;  mais 

3u  ils  persévèrent  fidèlement  dans  le  service 
u  Seigneur,  et  qu'ils  aiment  cette  grAce 
dans  les  autres, k  qui  Dieua  daigné  l'accorder 
en  cette  vie,  par  une  bonté  toute  gratuite.  » 
Saint  Jean  de  la  Croix  indique  trois  man- 
ques pour  reconnaîtra  si  l'abandon  doit  être 
suivi  de  la  contemplation.  1*  Quand  la  par- 
tie sensitive  ne  prend  aucun  goût  pour  les 
choses  divines  ou  humaines  ;  2*  quand  Tâme» 
au  milieu  de  Taridité,  et  avec  une  viv« 
crainte  de  rien  faire  qui  déplaise  k  Dieu, 
conserve  toujours  la  résolution  bien  ferme 
de  lui  plaire;  3*  quand,  malgré  ses  efforts, 
elle  ne  peut  méaiter  comme  auparavant. 
Mais  ces  marques  ne  sont  toujours  que  des 
conjectures;  car,  ainsi  que  l'observe  en 
concluant  le  même  saint  ascète  (1.  i  Noet. 
obscj  c.  9)  :  «  Tous  ceux  qui  s'exercent 
avec  soin  dans  la  voie  de  l'esprit,  ne  sont 
pas  tous  élevés  de  Dieu  k  la  contemplation 
parfaite.  »  Pourauoi?Dieu  seul  le  sait.  Quant 
a  cette  opinion  ue  certains  auteurs  qui  croient 
que  l'abandon  est  une  disposition  prélimi- 
naire k  la  contemplation,  quand  l'âme  affli- 
gée n'a  la  conscience  d'aucune  faute  délibé- 
rée, même  légère,  c'est  un  moyen  qui, 
habilement  employé,  peut  consoler  cette 
Ame,  afin  de  prévenir  de  cruelles  anxiétés^ 
en  lui  insinuant  que  .Dieu  ne  punit  en  elle 
gue  des  fautes  purement  présentées  par  son 
imagination  obscurcie  par  les  épaisses  ténè- 
bres qui  Tenvironnent.  Au  reste,  le  directeur 


m 


ABA 


DIGTIONISAIRE 


ABA 


171 


t 


doit  toujours  laisser  celte  âme  dans  une 
sainte  appréhension,  tempérée  par  l^cspé- 
rance,  de  peur  qu'elle  ne  succombe  à  quel- 
que faute  de  surprise,  d'ignorance  ou  de 
malice,  qui  la  fasse  abandonner  de  Dieu. 

Aspirons  donc  ardemment  à  supporter 
avec  une  sainte  résignation  l'abandon  auquel 
Dieu  nous  soumet,  et  cela,  non-seulement 
avec  joie,  daus  l'espoir  d'une  consolation 
future,  c'est-à-dire  de  la  consolation  qui  doit 
suivre  dans  le  temps  ou  dans  l'éternité, 
mais  encore  avec  cette  ioie  dont  l'esprit  est 
capable  au  milieu  de  la  tribulation.  C'est 
ainsi  que  soupirait  Jésus-Cbrist,  quand  il 
s'écriait  :  Je  dois  êêre  baptisé  d'un  baptême,  et 
combien  me  sens-je  pressé  jusque  ca  qu'il 
s'accomplisse  !  {Luc.  xii,  50.)  C'est  ainsi  que 
tes  apôtres  sortirent  tout  joyeuse  du  conseil^ 

Ïarce  quits  avaient  été  jugés  dignes  de  souffrir 
ignominie  pour  le  nom  de  Jésus -Christ 
(Act.  V,  ki).  Saint  Paul  dit  aussi  :  Je  suis 
rempli  de  consolation ,  Je  suis  comblé  de 
joie  parmi  toutes  mes  souffrances  [Il  Cor,  vu, 
%).  Écoutons  Henri  Suso  nous  transmettre 
les  enseignements  qu'il  a  reçus  de  la  sagesse 
divine  [uialogi,  sapieht.^  c*  13)  :  «  L'afflic- 
tion est  un  don  caché  que  rien  ne  çeut 
compenser.  On  me  demanderait  une  croix  à 
genoux,  pendant  cent  ans,  qu'on  ne  parvien- 
drait pas  à  la  mériter  par  là L'affliction 

est  un  breuvage  salutaire,  une  herbe  pré- 
cieuse entre  toutes  les  herbes  du  paradis.... 
L'affliction  entraîne  et  pousse  l'homme  vers 
Dieu,  qu'il  le  veuille  ou  non...  Quiconque 
demeure  gai  au  milieu  des  adversités,  sait 
tirer  parti  et  p.roGte  du  bonheur  et  de  la 
raisère,  des  amis  et  des  ennemis....  J'aime- 
rais mieux  créerdes  afflictions  de  rien,  que  de 

laisser  mes  amis  sans  croix  à  supporter 

Kester  patient  dans  le  malheur  vaut  mieux 
que  de  rappeler  des  morls  à  la  vie  et  do 
faire  d'autres  miracles.  »  En  effet,  par  l'afflic- 
tion et  l'abandon  on  arrive  à  la  mortification 
et  l'abnégation,  au  moyen  de  laquelle  on  est 
en  quelqus  sorte  mort  au  monde.  C'est  là  la 
mort  mystique,  par  laquelle  l'homme  mort  à 
lui-même  ne  vit  plus  que  pour  Dieu  seul,  de 
sorte  que,  selon  saint  Bernard  (serm.  7  De 
Quadr^  :  «  11  est  également  insensible  au 
bl&me  et  à  la  louange,  car  il  est  mort.  Mort 
vraiment  heureuse,  par  laquelle  l'homme 
devient  et  reste  complètement  étranger  au 
monde.  Non-seuletnehtil  est  mort  au  monde, 
continue  ce  saint  Père,  il  est  aussi  crucifié, 
ce  qui  est  le  genre  de  mort  le  plus  ignomi- 
nieux. Puisque  Jésus  a  été  cruciflépour  moi; 
Îourquoi  ne  le  serais-je  pas  aussi  pour  lui? 
outceque.le  monde  aime  est  une  croix 
f)our  nlôi,  les  plaisirs  charnels,  les  honneurs, 
es  richesses,  les  vaines  louanges  des  hom- 
mes; tout  ce  que  le  monde  regarde  comme 
une  crdfx,  je  m'y  attache  tout  entier,  je 
l'embrasse  avec  amour,  v  C'est  pour  cela, 
comme  nous  l'avons  dit,  que  Thauler  don- 
nait le  nom  de  martyrs  spirituels  aux  ftmes 
éprouvées  par  l%bandon. 

Après  avoir  considéré  la  nature,  les  ^van- 
tnçes,  ta  fin  et  lefs  règles  de  Tétat  d'abandtin 
uns  en  général ,  il  est  important  d'enétu-^ 


dier  les  différentes  es[)èces,  telles  que  la  pur- 
gation  passive  de  la  partie  sensible  et  lapui*' 
gation  passive  de  làpartie  intellectuelle.  Nous 
renvoyons  à  ces  articles  pour  donner  à  celte 
question  tout  le  développement  dont  elle  est 
susceptible.  '{Voir  Partie  sensible,  Paetib 

INTELLECTUELLE.)  t 

Aphorisves  de  l'abandon.  —  l.  L'homme  ^ 
qui    n'éprouve    ni    tentation,  ni   tribula- 
tion, ignorera  toujours  cequ'îl  y  a  de  plus 
subtil  et  de  plus  délicat  dans  la  vie  spiri- 
tuelle. 

IL  L'abandon  est  comme  un  creuset  de 
purification  qui  rend  le  cœur  de  l'homme 
plus  capable  de  toute  perfection. 

IIL  La  douleur,  l'altération  de  la  santé,  de 
ruies  tribulations  sont  les  dispositions  qui 
précèdent  habituellement  la  contemplation. 

IV.  La  voie  la  plus  courte  et  la  plus  sûre 

[lour  arriver  à  la  perfection  est  de  supporter 
es  plaintes  et  les  injures. 

y.  Dans  l'abandon,  plus  se  fait  vivemeot 
sentir  Tabsence  divine,  mieux  on  goûte 
ensuite  les  douceurs  de  la  divine  présence. 

VL  Plus  l'âme  abandonnée  souffre  de 
violence,  moins  elle  éprouve  alors  le  besoin 
des  bénitences  corporelles. 

VIL  Le  pénitent  qui  néglige  les  mortiHca- 
tions,  quand  même  sa  chair  serait  morte, 
con.serve  vivantes  toutes  ses  passions. 

VIIL  La  pénitence  corporelle  est  toujours 
ulile  à  l'oraison;  mais  la  mortification,  qui 
est  une  pénitence  spirituelle,  lui  est  plus 
utile  encore. 

IX.  Souffrir  en  punition  d'une  faute  est  le 
propre  des  crimmets;  souffrir  sans  avoir 
commis  de  faute  est  le  propre  des  saints. 

X.  Celui  qui  souffre  la  persécution  et 
l'abandon  atteindra  le  comble  de  la  perfec- 
tion. 

XI.  L'intempérance  peut  exister  en  même 
temps  que  la  pénitence  extérieure  :  cepen- 
dant oh  existe  la  désolation,  doit  se  trouver 
ensuite  la  consolation. 

XIL  L'abnégation  de  la  volonté  person- 
nelle est  le  signe  le  plus  certain  d'une  sain- 
teté solide. 

XIII.  Ceux  qui  dans  leurs  pénitences  veu- 
lent ne  suivre  d'autre  guide  que  leur  vo- 
lonté, outre  des  vices  cachés,  montrent 
.toujours  beaucoup  de  vanité.  • 

XIV.  Qu'est-ce  que  la  pénitence  sans  l'o- 
béissance, sinon  une  vertu  et  une  sainteté 
seulemrent  apparentes? 

XV.  'tes  pénitences  que  l'on  pratiqué 
uniquement  d'après  sa  propre  volonté,  in- 
troduisent ordinairement  dans  l'Ame  une 
vanité  secrète. 

XVI.  Les  pénitences  que  Ton  pratique 
sous  la  direction  d'un  père  sj)irituel,  noû- 
seulement  purifient  l'esprit,  mais  assurent 
l'efiicacité  de  l'oraison  mentale. 

XVII.  Une  fastueuse  austérité  dégénère  en 
vanité  ambitieuse. 

XVIIL  Celui  qui  désire  ne  commettre  ou- 
cune  erreur  dans  la  pratique  de  la  pénitence 
corporelle,  doit  se  conformer  en  toute  chose 
à  la  volonté  d'e  son  père  spiritu«^l. 

XIX.  Que  l'homme  se  [lersuade  bien  qu« 


177 


ABA 


D*ASC£T1SME. 


ABB 


I7S 


sans  répreuve  de  la  pénitence,  jamais  il  ne 
poonn  obtenir  la  pnreté  de  conscience. 

XX.  De  la  parole  à  Taction  grande  est  la 
distance  ;  mais  il  y  à  encore  beaucoup  plus 
loin  de  l'action  è  la  tolérance  des  afllictioiis. 

XXI.  Celai  qni  fait  beaucoup  de  bien, 
Biais  n*a  pas  beaucoup  de  maux  è  endurer, 
ne  deviendra. pas  un  borome  parfaileoient 
spiriloel. 

XXII.  La  prièro  faite  aTec  persévérance, 
que  raridité  arcompagoe  d'ordinaire,  en- 
tendre ordinairement  dans  les  flmes  une 
saÎBleté  solide. 

XXIII.  Les  larmes,  la  douceur,  la  ten- 
dresse et  la  dérotion  sont  de  peu  d  utilité 

Four  Tavancement  spirituel»  s'il  ne  s'y  joint 
eipiation. 

XXIV.  La  suavité  exquise  de  la  contem- 
plation est  pleine  de  douceur,  mais  !  amer- 
tame  de  l'abandon  est  très-utile. 

Nous  devons  un  mot  d'explication  à  quel- 
ques-uns de  ces  apborismes. 

L*apborisme  V  doit  s'entendre  de  l'aban- 
don dans  lequel  l'âme  ne  souffre  pas  préci- 
sément et  fait  le  bien  comme  elle  peut.  L'a- 
phorisme VI  signiGe  que  la  pénitence 
corporelle  n'est  d*aucane  utilité  pour  la 
consolation,  jusqu'à  ce  que  la  mesure  défi- 
nitive des  épreuves  à  souffrir  ait  été  entière- 
ment comblée  de  Dieu;  il  faut  néanmoins  se 
garder  de  négliger  cette  pénitence,  ou  de  la 
pratiquer  avec  excès  et  sans  discernement  ; 
il  faut  se  conformer  è  la  règle  prescrite  par 
nn  sageet  prudent  directeur.  L'aphorisme  VII 
doit  s'entendre  du  pénitent  qui  ne  pratique 
que  les  mortifications  corporelles,  et  né- 
glige les  mortifications  intérieures  et  spiri- 
tuelles. 


AmCAHSS     DB    L'ABA!fD0!f.   —    I.  QucIqUCS 

personnes  spirituelles  ,  en  même  temps 
qu'elles  sont  intérieurement  tourmentées 
par  labandon,  la  Iristesse  et  l'aflliction,  res- 
aeolenl  extérieurement  dans  le  corps  de 
terribles  douleurs.  En  effet,  à  ces  passions 
de  l'Ame  correspondent  divers  mouvements 
el  divises  altérations  des  humeurs,  qui 
oecasionnenl  ces  sortes  de  douleurs ,  dont 
la  gnérison  ne  dépend  ni  des  médecins,  ni 
de  la  médecine,  mais  plutAt  des  consolations 
que  procure  un  prudent  directeur.  L'expé- 
rience a  plus  d'une  fois  montré  qu*il  suffisait 
de  calmer  ces  passions  désordonnées,  pour 
rétablir  entièrement  la  santé.  Néanmoins  il 
ne  faut  pas  complètement  exclure  le  secours 
de  la  médecine. 

If.  Les  Ames  prédestinées  à  la  contem- 
plation éprouvent  presque  toi^ours  en  elles- 
mêmes  une  sorte  d'abanoon;  car  l'abandon 
étant  une  certaine  amertume  spirituelle, 
Diea,  dans  sa  prévoyance,  en  a  fait  une  dis- 
position h  la  céleste  forme  de  la  contempla- 
tion, qui  unit  enfin  la  créature  avec  son 
Créateur  :  aussi  est-il  bien  rare  de  voir  une 
personne  comblée  des  délices  de  la  contem- 
plation, sans  avoir  passé  par  quelqu'un  des 
sentiers  de  l'abandon.  C'est  pourquoi,  si  la 
rontemplation  survient  sans  cette  disposi- 
tion, ou  elle  ne  sera  pas  de  longue  durée. 


on  elle  sera  une  exception  5  la  rè|ile  géné- 
rale.    . 

III.  L'abandon  n'a  pas  une  durée  déter- 
minée; quelquefois  il  persiste  pendant  vingt 
années  et  plus ,  jusqu'à  ce  que  lui  succède 
la  contemplation. 

IV.  On  ne  peut  absolument  définir  su 
dans  ces  terribles  combats  qu'ont  à  soutenir 
les  Ames  éprouvées  par  l'abandon,  surtout 
au  milieu  des  blasphèmes,  du  désespoir  et 
dés  tentations  contre  la  chasteté,  on  se  rend 
coupable  de  quelques  péchés,  au  moins  vé- 
niels :  c'est  la  profire  conscience  de  chacun 
qui  doit  l'indiquer.  On  peut  néanmoins  pré- 
sumer, s'il  s'agit  de  personnes  d*unc  5oin- 
teté  éminente.  Qu'elles  ne  commettent  aucun 
péché,  et  qu'elles  n'y  consentent  jamais, 
soit  parce  que  leur  raison  est  alors  aveuglée, 
obscurcie,  opprimée  et  violentée  par  la  pas- 
sion prédominante,  circonstances  qui  sont 
incompatibles  avec  la  liberté;  soit  parce  que 
Dieu  permet  que  ses  enfants  soutiennent  ces 
terribles  combats,  non  pour  les  laisser  suc- 
comber, mais  pour  les  faire  triompher, 

V.  Les  actes  héroïques  de  pénitence, 
comme  de  porter  un  cilice  sur  la  chair  nue, 
de  se  charger  de  chaînes,  de  jeûner  pendant 
un  long  espace  de  temps,  etc.,  sont  plus  di- 
gnes aètre  admirés  qu'imités,  et  doivent 
être  le  résultat  d'une  inspiration  plutôt 
divine  qu'humaine  :  ils  sont  alors  une  dis- 
position très-prochaine  è  une  sainteté  émir- 
nente. 

VI.  Autant  il  j  a  de  di&tance  entre  parler 
et  agir,  autant  i!  yen  a  entre  açir  et  souffrir; 
et  il  est  plus  difficile  de  se  laisser  frapper» 
même  une  seule  fois,  par  une  main  étran- 
gère, que  de  se  frapper  dix  fois  de  sa  propre 
main  ;  aussi  le  signe  le  plus  certain  d'une 
solide  sainteté  est  plutôt  de  souffrir  que 
d'agir.  Cependant  il  est  parfois  plus   im- 

Fortant  d'agir  que  de  souffrir,  c*est  quand 
un  offie  plus  que  Taulie  la  véritable  cha- 
rité. C'est  pourquoi  il  est  impossible  d^as^i- 
gner  sur  ce  point  aucune  règle  certaine; 
et  celles  que  donnent  quelquefois  des  per-^ 
sonnes  spirituelles  sont  de  pures  exagéra- 
tions. 

ABBÉ ,  ABBESSE.  —  Ce  mot ,  tiré  de  l'hé- 
breu, ab ,  pérCf  est  le  nom  qu*on  donne  au 
supérieur  ou  à  la  supérieure  d'un  monas- 
tère ou  d'une  communauté  religieuse.  On 
les  appelle  ainsi  pour  montrer  que  la  dou- 
ceur ooit  être  la  principale  vertu  d'un  céno- 
bite qui  préside  ses  frères.  Dans  une  société 
où  l'homme  se  consacre  volontairement  à 
Dieu  pour  pratiquer  la  pi  rfeclion  évangé- 
lii|ue,  le  chef  de  la  maison  ne  doit  pas  ou- 
bl!er  qu'il  est  appelé  à  donner  l'exemple  de 
toutes  les  vertus,  et  que  l'orgueil  de  la 
prééminence  et  la  dureté  du  commandement 

§ui  en  est  la  suite,  sont  des  choses  odieuses, 
i  le  religieux  se  soumet  à  l'obédience  de 
l'abbé,  s'il  fait  le  sacrifice  de  sa  volonté  pour 
avoir  une  ressemblance  de  plus  avec  le  Fils 
de  Dieu  qui  s'est  rendu  obéissant  jusqu'à  la 
mort,  le  sacrifice  est  assez  héroïque  pour 
qu'un  supérieur  n'aggrave  pas  cette  condi- 
tion par  la  sévérité  de  ses  caprices,  et  pour 


.♦ 


-♦  •  I 


179 


ABB 


DICTIONNAIRE 


ABB 


180 


qu'il  ne  rende  pas  ce  joug  intolérable  sous 
prétexte  qu'il  est  le  maîlre.  Il  est  certain, 
néanmoins,  que  la  douceur  de  Tabbé  ne  doit 
pas  dégénérer  en  faiblesse,  etque,s*il  est  le 
père  des  religieux,  il  est  aussi  le  dépositaire 
de  la  règle  ;  qu'il  doit  veiller  avec  soin  à  ce 

Su'on  ne  l'enfreime  point  ;  sans  cela ,  toute 
iscipline  périrait.   Saint  Benoit ,  dans  sa 
judicieuse  règle  monastique,  donne  à  l'abbé 
des  avis  très-prudents  pour  sa  conduite  »  Il 
doit,  dit-il ,  instruire  les  religieux  de  deux 
manières  ^  par  ses  actions  et  par  ses  paroles. 
Sa  vie  doit  être  un  modèle  toujours  digne 
d'être  copié  par  ses  disciples,  en  sorte  qu  ils 
apprennent,  en  le  voyant ,  ce  qu'ils  doivent 
faire  ou  éviter;  l'abbé  ne  doit  faire  acception 
de  personne  parmi  ses  religieux;  mais  il 
doit  les  aimer  tous  également,  puisque  nous 
sommes  tous  assujettis  au  jorig  d'une  même 
servitude  et  d'une  même  milice,  sous  un 
môme  Seigneur  en  qui  il  n'y  a  acception  de 
personne,  S*il  doit  reprendre  avec  zèle  ceux 
qui  manquent  à  la  règle  ou  qui  troublent 
leurs  frèreSt  il  doit  encourager  ceux  qui  sont 
faibles  dans  la  vertu  ;  il  doit  surtout  se  sou- 
venir de  son  nom  et  de  la  pesanteur  de  la 
charge  qu'il  porte,  et  ne  pas  oublier  qu*il 
rendra  compte  à  Dieu  de  son  administration 
et  du  soin  ou  de  la  négligence  çu'il  aura  eus 
pour  le  salut  des  âmes  qui  lui  étaient  con- 
fiées ;  aussi  doit-il  avoir  plus  d'estime  pour 
elles  que  pour  les  choses  terrestres  et  pé- 
rissables, »  —  Tels  sont  en  abrégé  les  pré- 
ceptes de  saint  Benoit;  malheureusement 
{)lus  d'un  abbé  ne  les   mit  pas  en  pra- 
tique, et  de  là  naquit  le  relAcnement  dte  la 
discipline    monastique  et  le  mépris  trop 
grand  oil  plusieurs  ordres  religieux  tom- 
bèrent, et  dont  ils  ne  purent  se  relever  par 
les  plus  saintes  réformes  (66).  —  On  distin- 
guait deux  sortes  d'abbés  :  les  réguliers  et 
les  coounendataires.  Les  premiers  gouver- 
naient l'abbaye  sous  le  rapport  spirituel  et 
temporel  ;  les  seconds,    sous  le  ra{iPOi^( 
temporel  seul ,  et  ils  confiaient  le  soin  du 
spirituel  à  un  prieur  claustral.  L'abbé  com- 
mendataire  jouissait  des  revenus  de  l'abbaye; 
il  devait  seulement  acquitter  les  charges  du 
monastère,  veiller  à  ce  que  l'office  divin  se 
célébrAt  avec  décence,  et  distribuer  les  au- 
mônes :  il  ne  pouvait  aliéner  les  immeubles; 
mais   les  règles  canoniques  avaient  beau 
prescrire  de  sages  règlements  ,  la  plupart 
des  abbés  commeudataires  ne  se  mettaient 
malheureusement  guère  en  peine  de  les  ob- 
server. Les  commendes  dataient  de  si  loin 
et  favorisaient  tant  de  personnes ,  que  les 
bulles  de  certains  Papes  et  les  canons  des 
conciles  ne  purent  jamais  les  abolir.  Les 
premiers  abbes  étaient  laïques,  ainsi  que  les 
moines  qu'ils  gouvernaient  ;  ils  ne  furent 
ecclésiastiques  que  lorsque   le  Pape  saint 
Sirice  eut  appelé  les  moines  à  la  cléricature. 
Kn  817,  quelque  temps  après   le  concile 
d'Aix-la-CnapeUe,  qui  avait  approuvé  les 
réformes  de  saint  Benoit  d'Aniane,  quelques 
abbés  devinrent  seigneurs;  ils  eurent  de$ 

(66)  0.  Vidal... 


vassaux  et  furent  admis. aux  parlements  avec 
les  évoques,  que  parfois  ils  éclipsaient  ou 
avec  qui  ils  allaient  de  pair.  Suivant  la  loi 
des  fiefs,  ils  furent  obligés  de  prendre  parti 
dans  les  guerres  civiles  comme  les  autres 
seigneurs;  les  capitulaires  les  dispensèrent 
seulement  de  rendre  en  personne  le  service 
militaire;    mais  plusieurs  le  continuèrent 
longtemps,  s'imagiuant  qu'une  telle  dispense 
dégradait  leurs  fiefs.  Cette  coutume  ne  fut 
abolie  que  vers  la  fin  du  xi' siècle;  il  est  vrai 
que  dans  ces  temps  de  luttes  continuelles, 
ils  n'avaient  souvent  d'autre  moyen  de  se 
garantir  du  pillage,  que  de  se  mettre  à  la 
tête  de  leurs  serfs  ou  de  leurs  vassaux. 
Néanmoins,  ce  qui  surtout  introduisit  et 
conserva  si  longtemps  cette  coutume ,  c'est 
que  les  abbayes  furent  données  pour  récom- 
pense à  des  soldats  qui  introduisirent  leurs 
mœurs  dans  le  cloître,  et  que  des  seigneurs 
laïques,  sous  prétexte  de  protection,  se  mi- 
rent en  possession  des  abbayes  ,  soit  par 
concession  des  rois,   soit  de  leur  propre 
autorité,  et  prirent  le  nom   d'abbés,  sans 
rien  changer  à  leur  vie  mondaine.  Cet  abus 
dura  deux  ou  trois  cents  ans;  ces  abbés 
laï(]ues  qui  ne  s'occupaient  nullement  du 
spirituel,  furentappelés  abbates  milites.  C'est 
ainsi  que  Hugues  le  Grand,  père  de  Hugues 
Capet,  prenait  le  titre  d'àbbé;  il  possédait  à 
lui  seul  cinq  ou  six  abbayes  considérables. 
Philippe  r%  Louis  VI,  et  ensuite  les  ducs 
d*Orléans,  prirent  le  titre  d'abbés  de  Saint- 
Aignan  d'Orléans;  les  ducs  d'Aquitaine  por- 
taient le  titre  d'abbés  de  Saint-Hilaire  de 
Poitiers;  les  comtes  d'Anjou,  celui  d'abbés 
de  Saint- Aubin,  et  les  comtes  de  Yerman- 
dois,  celui  d'abbés  de  Saint-Quentin. 

On  sent  qu'au  sortir  d'un  pareil  état,  les 
abbés  commendataires  ne  durent  pas  paraî- 
tre une  anomalie;  aussi  cet  abus,  si  favo- 
rable à  quelques  familles,  s'enracina-t-il  si 
fort,  qu'il  rendit  vaines  toutes  les  prohibi- 
tions laites  à  ce  sujet.  Les  abbés  furent  élus 
*  jusqu'en  1556,  époque  du  concordat  entre 
Léon  X  et  François!*'.  Le  concordat,  avant 
aboli  en  France  les  élections  des  monastères 
et  dès  évèchéSy  donna  au  roi  le  pouvoir  de 
nommer  aux  abbayes  et  aux  prieurés  élec-^ 
tifs  :  l'élection  fut  conservée  seulement  aux 
abbayes  chefs-d'ordre,  comme  Cluny.  L'abbé 
régulier  devait,  avant  d'être  élu,  avoir  pra- 
tiqué la  vie  monastique  pendant  plusieurs 
années.  Du  reste,  le  gouvernement  différait 
suivant  les  différentes  espèces  de  religieux. 
Dans  l'ordre  de  Saint-Benoit ,  chaque  mo- 
nastère était  dirigé  par  un  abbé  qui  était 
gouverneur  pour  le  spirituel  et  la  conduite 
intérieure;  il  devait  disposer  du  temporel 
comme  un  bon  père  de  famille  ;  les  religieux 
le  choisissaient  entre  eux,  et  Tévéque  dio- 
césain Tordonnail  abbé  par  une  bénédiction 
solennelle.  L'abbé  vivait  comme  un  simple 
moine,  si  ce  n'est  qu'il  était  chargé  du  soin 
de  la  maison,  et  qu  il  avait  sa  manse  (table) 
è  part,  pour  y  recevoir  ses  hôtes.  L'orare  de 
Cluny,  au  contraire,  avait  à  sa  tète  un  seul 


»l 


hm 


D*ASCET1SME. 


ABN 


m 


abbé,  et  les  maisons  qui  en  ilépeDdaienl  n'a- 
▼aient  que  des  prieurs.  L'ordre  de  Citeaux 
eut  des  abbés  dans  chaque  monastère,  mais 
ils  s'assemblaient  sourent  en  chapitre  gé-' 
Déral  pour  y  discoter  les  affaires  de  l'ordre. 
Les  ehanoines  réguliers  suirirent  d*dbord  le 
rétament  des  moines,  mais  la  plus  grande 
pailîe  finit  par  abandonner  la  Tie  commune. 
Les  ordres  mendiants  mirent  à  leur  tète  un 
chef  connu  sous  le  nom  de  généra!,  nommé 
à  rie  dans  quelques  ordres,  et  à  temps  dans 
d'antres.  Les  diverses  maisons  ont  des  supé- 
rieurs particuliers  élus  dans  le  chapitre  gé- 
néral ne  l'ordre.  On  ne  parle  pas  ici  des 
congrégations  créées  dès  le  xti*  siècle;  les 
Msuiles ,  les  plus  célèbres  de  tous ,  col 
adopté  pour  leur  gouyemement  la  forme  de 
la  monarchie  absolue.  Tout  est  soumis,  dans 
celte  société,  k  un  général  à  Yîe ,  et  se  fait 
par  ses  ordres.  —  Dès  que  les  abbés  eurent 
une  puissance  assez  grande,  ils  tâchèrent  de 
s'exempter  de  la  juridiction  de  i'évèque  ;  si 
ces  exemptions  produisirent  du  bien  sous  le 
rapport  de  la  prospérité  du  monastère,  elles 
enfantèrent  des  désordres,  puisque  ces  abbés 
n'appartenaient  à  aucun  diocèse.  La  puis- 
sance de  l'abbé,  toute  grande  qu'elle  était, 
n'allait  pas  jusqu'à  empêcher  qu  un  religieux 
passAt  à  une  plus  étroite  observance  ;  ii  ne 
pooTait  pas  non  plus  renvojer  un  moine 
dans  on  autre  monastère,  sinon  pour  des 
causes  grares. — Les  abbesses  ne  jouissaient 

Ks  d'un  pouvoir  aussi  étendu  que  celui  de 
bbé  ;  elles  étaient  aussi  nommées  à  vie, 
Eur  trois  ans,  quand  l'ordre  roulait  em- 
r  qu'elles  ne  devinssent  trop  absolues, 
inutile  de  s'étendre  sur  un  sujet  qui 
n'a  pour  nous  d'autre  intérêt  que  le  souve- 
nir historique.  —  Les  canons  uéterminentia 
Înissance  des  abbés.  [Voir  Mohastèek, 
[omB,  ObDRBS  BKLI6IBUX  Ct  SiHPÉBIBURS.) 

ABELLI  (Louis),  grand  vicaire  de  Ba  jonne. 
curé  de  Paris,  puis  évèque  de  Rodez,  na*; 

Suit  dans  le  Veiin  français  en  1604.  Il  se 
émit  de  son  évêcbé  en  1667,  trois  ans 
a;»rès  sa  nomination,  pour  vivre  solitaire 
dans  la  maison  de  Saint-Lazare,  à  Paris.  Il 
mourut  en  1691.  C'était  un  homme  rempli 
d^ioutes  les  vertus  sacerdotales.  Outre  sa 
MtduUa  iheologiea  et  sa  Tradition  de  l* Eglise 
sur  U  enlie  de  la  sainie  Vierge^  il  a  laissé 
plusieurs  livres  ascétiques  ct  propres  à  nour- 
rir la  piété,  dont  les  principaux  sont  :  1*  La 
He  de  saini  Vineeni  de  Paul^  oii  il  se  déclare 
ouTertement  contre  les  disciples  de  iansé- 
nius,  et  surtout  contre  Tabbé  do  Saint- 
Cjran.  2*  Des  médiiatiansy  en  2  vol.  in-12» 
Irès^répandues  et  fort  estimées. 

\B?ikGATION,  renoncement  à  soi-même . 
—  J^sus-Christ  dit  dans  l'Evangile  :  Si  quel- 
an  un  veut  venir  après  mot,,  qu  il  renonce  à 
iui'fnéme ,  qu*il  porte  sa  croix  et  qu*U  me 
suive.  Par  là,  le  Sauveur  nous  ordonne-  t-il 
d'étooffer  Tamour  de  nous-mêmes  et  de 
notre  bonheur,  de  renoncer  à  notre  intérêt 
bien  entendu?  Non,  sans  doute,  puisqu'il 
nous  iorite  à  la  vertu  par  l'attrait  de  la  ré« 
compense  et  du  bonheur  qu'il  nous  promet, 
conséqucmmont,  par  un  motif  (rnitcTôt  trOs* 


solide.  Il  Teut  donc  nous  dire  que  nous  re* 
noncions  à  l'amour  de  nous-mêmes,  aveugle 
et  mal  réglé;  à  nos  passions,  à  nos  inclina- 
tions vicieuses,  que  nous  confondons  mal  à 
propos  avec  notre  intérêt.  C'est  nous  haïr, 
en  effet,  et  pour  l'Ame  et  pour  le  corps,  que 
de  ne  pas  nous  renoncer  nous-mêmes.  Saint 
Augustin  parlant  sur  ce  passage  de  saint 
Paul  :  Vesprit  combat  contre  la  chair  :  A 
Dieu  ne  plaise,  dit-il,  que  l'esprit  baisse  la 
chair  en  combattant  contre  elle;  l'esprit 
hait  seulement  ies  vices  de  la  chair;  il  hait 
la  prudence  delà  chair;  il  hait  la  révolte  et 
la  contradiction  de  la  chair,  qui  est  capable 
de  donner  la  mort  à  notre  Ame.  Car  pour  la 
chair,  il  l'aime  en  effet  en  la  mortifiant  et 
en  la  contrariant;  c'est  ainsi  que  le  méde- 
cin ne  hait  nas  le  malade,  il  ne  hait  que  la 
maladie;  cest  contre  eilo  qu'il  comt>at; 
quant  au  malade,  il  l'aime,  bien  loin  de  le 
haïr.  En  effet,  aimer  quelqu'un  n*est  autre 
chosequede  lui  vouloiroubien  ;etle  haïr  n'est 
pareillementautre  chose  que  de  lui  vouloir  du 
mal.  Or,  celui  qui  s'attache  à  mortiGer  son 
corps,  qui  résiste  à  ses  appétits  et  è  ses  désirs 
déréglés,  veut  et  procure  à  son  corps  le  plus 
grand  bien  qu'il  puisse  jamais  obtenir  ,  le 
repo»  et  le  bonheur  éternel  ;  et  ainsi  il  aima 
véritablement  son  corps;  mais  celui  qui  le 
flatte,  qui  lui  laisse  suivre  ses  mauvaises 
inclinations,  loi  procure  le  plus  grand  mal 
qui  puisse  lui  arriver,  une  éternité  de  pei* 
nés  et  de  souffrances;  donc  il  hait  son  corps 
effectivement.  Car  de  même,  dit  saint  Au« 
gustin,  que,  suivant  les  paroles  du  prophète  t 
Celui  qjui  aime  riniouité»  hait  son  Ame,  parce 
qu'il  lui  procure  i  enfer  ;  de  même ,  celui 
qui  aime  l'iniquité,  bût  son  corps,  puisqu'il 
fui  procure  le  même  maiheur.  Auj»si  les 
théologiens  disent  que  les  justes  et  les  gecs 
de  bien  s'aiment  beaucoup  plus  eux-mêmes 
oue  ne  font  les.  pécheurs,  non-seulement  à 
1  égard  de  l'Amet  mais  aussi  à  l'égard  du 
corps,  puisqu'ils  souhaitent  è  leurs  corps^ 
et  lui  procurent  le  véritable  bien  qui  est  la 
béatitude  étemelle,  è  laquelle  il  doit  partici- 
per à  sa  manière.  Saint  Thomas  ajoute,  pour 
cette  même  raison,  que  le  juste  aime  son 
corps,  non  pas  d'un  amour  ordinaire,  mais 
d'un  amour  de  charité,  qui  est  le  plus  su- 
blime et  le  plus  élevéde  tous. 

Saint  Bernard  répondit  à  des  gens  du 
monde  qui  s'étonnaient  de  l'austérité  do 
ses  religieux,  en  disant  qu'il  fallait  qu'ils 
eussent  bien  de  la  haine  pour  leur  corps» 
puisqu'ils  le  traitaient  si  mal.  Vous  vous 
trompez,  leur  dit-il  :  c'est  vous  autres  qui 
haïssez,  en  effet,  votre  corps,  puisque,  pour 
quelques  plaisirs  passagers  que  vous  lui  pro- 
curez, vous  l'exposez  a  des  tourments  éter- 
nels ;  ceux-ci,  au  contraire,  aiment  vérita- 
blement leurs  corps,  puisqu'ils  ne  le  mal- 
traitent pendant  quelque  temps,  que  pour 
lui  acquérir  un  repos  et  un  bonheur  éter- 
nel. Voilèpour  l'abnégation  du  corps.  Mêmes^ 
raisons  pour  l'abnégation  de  Vesprit. 

Cette  vérité  en  effet  du  renoncement  à 
l'esprit  nous  est  enseignée  par  le  Fils  do 
Dieu  dans  rEvongile.  Car,  aigres  avoir  dit  : 


1» 


AB9 


MCTIONNAmE 


▲BS 


«SI 


Que  Celui  qui  veut  tenir  apri$  moi^  renonce  à 
lùû'méme^  porte  sa  croix ^  et  me  suive,  il  en 
donne  aussiiôt  celle  raison  :  Car  celui  qui 
voudra  sauter  son  âme  la  perdra  ;  mais  celui 
qui  la  perdra  pour  Vamour  de  moi^  la  iroun 
vera  ensuite.  Saint  Aagasiin  sar  ces  paroles 
a  fait  co  commentaire  :  «  Voilé,  dit-il,  une 

5ran«le  et  admirable  sentence,  que  l'amour 
e  l'homme  pour  son  flme  soit  cause  de  sa 
perte;  que  la  haine  qu'il  lui  porte  soit 
cause  de  son  salut.  C'est,  continue-t-il,  que 
c'est  la  haïr,  en  effet,  que  de  l'aimer  d'une 
manière  déréglée,  et  que  c'est  l'aimer,  en 
effet,  que  de  la  haïr  comme  il  faut,  parce 
que  c'est  la  conserver,  en  effet,  pour  l'éter- 
nité, suivant  ces  paroles  de  Jésus*Christ  : 
Celui  qui  hait  son  dme  en  ce  monde^  la  conn 
serve  pour  la  vie  éternelle»  Bienheureux, 
poursuit  le  saint,  ceux  qui  la  baissent  en  la 
conservant,  de  peur  do  la  perdre  en  l'aimant 
trop  :  c'est  pourc^uoi  gardez-vous  bien  de 
l'aimer  en  cette  vie,  de  crainte  de  la  perdre 
élernelicment  en  l'autre.  »  Ces  paroles  peu- 
vent s'entendre  aussi  bien  du  renoncement 
il  son  propre  esprit,  è  toutes  les  facultés  de 
son  âme  par  l'abnégation,  que  du  renonce- 
ment  à  la  sie.  (Voyez  Moetificatioh.) 
ABSOLUTION.  Voy.  Confessicm. 
ABSTINENCE.  —  Le  motif  général  de 
l'abstinence  est  de  mortifier  les  sens  et  de 
dompter  les  passions  ;  l'on  connatt  assez 
les  suites^  naturelles  de  la  gourmandise. 
Selon  BuQon  lui-m6me,  la  mortification  la 
plus  efficace  contre  la  luxure,  est  Vabsti- 
nence  et  te  jeûne.  (  Hist.  nat.,  tom.  111,  in-12, 
cap.  4,  pag.  105.)  Dieu,  après  avoir  créé  nos 

{crémiers  parents,  leur  accorda  ponr  nourrî- 
ure  les  plantes  et  les  fruits  de  la  terre;  il 
ne  leur  parla  point  de  la  chair  des  animaux 
(Gen.  1,29).  Mais  vu  les  excès  auxquels  se 
livrèrent  les  hommes  antérieurs  au  déluge, 
il  n'est  guère  probable  qu'ils  se  soient  abste- 
nus d'auiun  des  aliments  qui  pouvaient 
flatter  leur  goAt. 

Après  le  déluge,  Dieu  permit  h  Noé  et  à 
ses,  enfants  de  manger  de  la  chair  des  ani- 
maux ;  mais  il  leur  défendit  d'en  manger  le 
sang  (  Gen.  ix,  3  et  suiv.).  Par  les  termes 
dans  lesquels  cette  défense  est  conçue,  il 
})aralt  que  le  motif  était  d'inspirer  aux  hom- 
mes l'horreur  du  meurtre.  L'habiluded'égor- 
^erles  animaux  et  d'en  boire  le  sang  porte 
jnfailliblemônt  les  hommes  à  la  cruauté. 

Moïse  par  ses  lois  défendit  aux  Juifs  la 
chair  de  plusieurs  animaux  qu'il  nomme 
impurs^  il  exclut  nommément  tous  ceux  dont 
la  chair  pouvait  être  malsaine,  relativement 
au  climat,  et  à  cause  des  maladies.  Quelques 

f>hilosoplios  ont  rapporté  au  même  motif 
*usage  des  Egyptiens,  de  s'abstenir  de  la 
chair  de  plusieurs  animaux. 

L'usage  du  vin  était  interdit  aux  prêtres 
])endant  tout  le  temps  qu'ils  étaient  occupés 
au  service  du  temple,  et  aux  Nazaréens  pour 
tout  le  temps  de  leur  purification.  Les  ré- 
chabites  sont  loués  d'avoir  observé  la  dé- 
fense de  boire  du  vin(J^.  xxx,  6).  A  la 
naissance  du  christianisme,  les  juifs  voulaient 
que  l'on  assujetttt  les  païens  convertis  à 


foutes  les  observances  de  la  loi  judaïque,  à 
toutes  les  abstinences  quMIs  pratiquaient. 
Les  apôtres  assemblés  à  Jérusalem  décidè- 
rent qu'il  suffisait  aux  fidèles  convertis  du 
paganisme  de  s'abstenir  du  sang,  des  viandes 
suffoquées»  de  la  fornication  et  de  l'idole^ 
trie  {Act.  xv).  Saint  Paul  dans  ses  Lettres  a 
donné  sur  ce  point  des  règles  très-sages. 
Bientôt  même  cette  abstinence  se  trouva  su- 
jette à  des  inconvénients  ;  Tertullien  nous 
apprend  que  les  païens,  pour  mettre  les 
Chrétiens  à  l'épreuve,  leur  piié^enlaient  à 
manger  du  sang  {ApoLf  c.  9).  Les  ob- 
s^tfifncrs  prescrites  à  Noé,  aux  Juifs,  aux 
fidèles,  démontrent  l'abus  que  les  protes* 
tants  ont  fait  de  la  maxime  de  rEvanrilef 
que  ce  n'est  point  ce  qui  entre  dans  la  Bou-^ 
che  qui  souille  Tbommej  (Matth.  iv,  il). 
C'est  en  vain  qu'ils  contestent  l'usage  où 
Vabstinence  dans  les  premiers  siècles  de 
l'Eglise  :  Origène  nous  apprend  que  plu- 
sieurs Chrétiens  fervents  s  abstenaient  pour 
toujours  de  la  viande  et  du  vin,  afin  de  ré- 
duire leur  corps  en  servitude  (I.  v  Contra 
Ceh.).  Saint  Jérôme  constate  contre  Jovinien 
le  mérite  de  Vabstinence  {Ad  Jov.  ).  Jésus* 
Christ  n'a- t-il  pas  loué  l'abstinence  de  saint 
Jean?  Cetterépugnancemanifestedes  héréti- 
ques de  tous  les  siècles  pour  une  loi  dont  l'aoti* 
quité  nepeutêtre  mise  en  doute,  devrait  d'au« 
tant  plus  étonner,  si  l'on  ignorait  tout  ce  queles 
appétits  contrariés  de  l'homme  peuvent  ics- 

fnrer  d'injustes  préventions.  Admise  par 
e  plus  grand  nombre  des  philosophes  et  des 
médecins  anciens,  comme  loi  morale  et  hy- 
giénique de  la  plus  haute  importance,  elle 
est,  à  ne  la  considérer  même  que  sous  ce 
point  de  vue  purement  humain,  plus  propro 
que  toute  autre  à  contribuer  à  la  perfectioa 
et  au  bonheur  de  l'homme.  Si  Épictète  a 
résumé  toute  sa  doctrine  par  ces  deux  mots: 
Absline,  sustine  ;  sache  f  abstenir  et  supporter  ; 
si  Porphyre  a  laissé  un  traité  complet  sur 
cette  matière,  si  les  pythagoriciens  et  les 
orphiques  ont  chaleureusement  pris  sa  dé- 
fense, c'est  que  tous  avaient  compris  quelle 
force  donne  à  l'homme  l'empire  au'il  ac- 
quiert sur  ses  passions  par  rhabitude  de  les 
modérer.  Comme  il  est  incontestable,  en 
effet,  que  plus  on  les  satisfait,  plus  leurs 
exigences  deviennent  tyranniques,  il  est 
évident  par  là  même  que  plus  on  les  resserre 
dans  des  bornes  étroites,  moins  leurs  ca- 
prices sont  impérieux.  Le  domaine  que  l'es- 
prit de  l'homme  acquiert  ainsi  sur  la  ma- 
tière n'est-il  pas  d'ailleurs  une  de  ses  plus 
belles  prérogatives  î  Et  quand  on  voit  cha- 
que jour  la  profondeur  du  crime  se  creuser 
au  sein  des  désirs  d'autant  plus  immodérés 
qu'ils  sont  plus  docilement  satisfaits  ;  quand 
on  voit,  d'un  autre  côté,  les  passions  d'autant 

Iilus  facilement  comprimées,  au'on  s'est  plus 
onguement  disposé  à  fermer  l'oreille  à  leurs 
voix  impétueuses,  ne  doit-on  pas  convenir 
que  l'abstinence,  si  l'Eglise  ne  l'inoposait 
pas  comme  un  devoir,  devrait  être  pratiquée 
comme  le  plus  puissant  auxiliaire  de  ta 
vertu,  estimée  comme  l'arme  la  plus  ®ffi^ço 
contre  le  vicô  et  les  attraits  du  monde?  liiiO 


ACB 


D*A5CEnSMC 


ACtt 


•Si  (Tailleurs  la  source  des  pensées  diasies, 
des  eonseils  saiataires,  des  résolations  sages 
el  prudentes.  Si  elle  oontribae  à  réduire  le 
corps  en  serritode,  sniraot  Tei^ression  de 
saint  tëuh  (  Gniai.^  xiiv;  /  Carmi.  ix,  97), 
ce  n*esC  que  pour  donner  plus  de  Jiberté  à 
Fesprity  poor  dteager  TAme  des  liens  trop 
terrestres  qui  rétreignent  et  la  dominent; 
elle  agit  à  Tégard  du  corps,  comme  un  écuyer 
prodeot  k  l'égard  d*un  cheval  fougueux  dont 
il  veut  dompter  les  écarts,  et  qui  retranche 
quelque  cboae  à  la  qualité  ou  a  Tabondance 
mm  seê  aliments  pour  le  rendre  plus  docile» 
cl  ne  pas  être  précipité  par  lui  dans  la  boue. 
—  Déoz  excès  doivent  être  cependant  pré- 
vus et  évités,  soit  dans  la  pratique,  soit 
dans  les  principes  de  l'abstinence.  Le  pre- 
mier est  celui  des  hérétiques  encratitest 
Dontanistes,  manichéens,  etc.,  qui  regardent 
Fosage  de  la  chair  comme  impur,  toujours 
illicite  et  mauvais  en  soi.  Ils  ont  été  con- 
damnés k  Tavance  par  saint  Paul  {I  Tim. 
iT,  3).  Le  second  est  celui  de  Jovinien,  élo* 
quemment  refuté  oar  saint  Jér6roe,  et  des 
protestants  qui  prétendent  que  Tabstinence 
de  la  viande,  sans  aucun  mérite  en  elle* 
même,  est  superstitieuse,  judaïque,  ab* 
sarde,  etc.  —  Plus  sage  et  plus  raisonnable, 
l*Eglise  catholique  la  regarde  comme  méri- 
toire, quand  de  bons  motifs  en  dirigent  la 
pratique,  et  comme  obi  içatoire,auaod  aucune 
raison  plausible  n*en  dispense.  Elle  Fimpose 
è  la  mflice  chrétienne  comme  un  bouclier 
contre  les  attaques  du  vice  ;  comme  une  ré- 
paration du  premier  péché,  source  de  tous 
les  maux  et  de  toutes  les  faiblesses  de  lliu- 
maoité;  comme  le  roojen  le  plus  ^cace 
pour  rhorame  de  racheter  la  liberté  qu'il  a 
perdue,  et  de  reconquérir  l'empire  de  lui- 
même,  dont  il  a  si  malheureusement  abusé. 
Sôos  tous  ces  rapports,  et  quoi  qu'en  disent 
les  hérétiques  anciens  et  les  épicuriens  mo* 
demes,  la  loi  de  l'abstinence  est  pleine  de 
sagesse  et  de  haute  raison.  (  Voir  Jsuas.  ) 

La  plupart  des  ascètes  ont  pratimé  les 
plus  rudes  abstinences.  Les  ordres  religieux 
ne  se  sont  point  contentés  de  la  loi  générale 
de  l*Eglise,  ils  ont  fixé  dans  leur  règle  un 
grand  nombre  de  jours  consacrés  à  I  absti* 
nence.  Nous  ne  voyons  pas  que  ce  régime 
austère  si  utile  au  point  de  vue  de  Tasser* 
▼issemeot  des  passions,  ait  été  nuisible  au 

Ï3inl  de  vue  hygiénique.  La  Thébaïde,  la 
rappe,  Ctteani,  le  Cannel  ont  offert  et 
offrent  chaque  Jour  de  nombreux  exemples 
de  longévité.  Une  longue  vie  est  en  effet  la 
suite  ordinaire  et  naturelle,  non  d'une  ali- 
mentation succulente  et  confortable,  mais 
bien  du  calme  des  passions  et  de  l'asservis* 
sèment  des  sens  à  l'esprit. 
ABSTRACTION  de  L'asparr.-^  Foy.  la- 

ABUS  DBS  oaicBS.  —  foy.  Gbacbs,  Avbo- 
GLEMB1VT  spiarruEL. 

AGHERY  (Dom  Luc  d'),  né  en  1609  h 

(67)  Pour  trouver  plus  de  deuils  sur  les  oavragiet 
ascétiques,  il  soflU  de  consolter  le  Caialogoegénéral, 
$m  da  I,  il;  oa  B*est  eooienté  dans  chaque  notice 


Saint-Quentin  en  Kcardie,  fit  profession 
dans  la  congrégation  de  Saint-Maur,  ordre 
de  Saint-Benoit.  Il  s'jr  rendit  recommanda» 
ble  par  un  savoir  profmid  et  une  piété  ten» 
dre.  Il  mourut  à  Saint-Germain  des  Prés  en 
1685,  Agé  de  soixante-^seise  ans,  avec  la  con- 
solation d'avoir  consacré  toute  sa  vie  à  la 
retraite  et  à  l'étude.  Ses  œuvres  spirituelles 
et  ascétiques  sont  :  1*  Son  Spicilége^  en  13 
vol.  in-4*9  oà  l'on  trouve  entre  autres  choses» 
une  foule  de  Vies  de  saints,  de  légendes,  de 
lettres  spirituelles  inédites.  Il  orna  ce  re- 
cueilv  fait  avec  choix,  de  préfaces  pleines 
d'érudition.  2*  RjBgula  soliiariorum.  3*  Un  ca* 
talogue  in-i*  des  Outrages  aseétiqties  des  Pè- 
res.  Il  a  aussi  publié  les  Œuvres  de  Lan» 
franc  (67).  [Voy.  ceuùm.] 

ACORMÈTES  ou  Acêmàtes  (qui  ne  dar-- 
meni  point).  — Hom  de  certains  religieux 
fort  célèbres  dans  les  premiers  siècles  de 
l'Eglise,  surtout  dans  TOrient,  appelés  ainsi, 
non  qu'ils  eussent  les  yeux  toujours  ou- 
verts sans  dormir  un  seul  moment,  comme 
quelques  auteurs  l'ont  écrit,  mais  parce 
qu'ils  observaient  dans  leurs  églises  une 
psalmodie  perpétuelle  sans  l'interrompre 
ni  jour  ni  nuit.  Ce  mot  est  grec,  composé 
d'à  privatif  et  de  koi^âv,  dormir. 

Les  Acœmètes  étaient  partagés  en  trois 
bandes,  dont  chacune  psalmodiait  à  son 
tour  et  relevait  les  autres  :  de  sorte  que 
cet  exercice  durait  sans  interruption  pen^ 
dant  toutes  les  heures  du  jour  et  de  la 
nuit.  Suivant  ce  [partage  chaque  Actemète 
consacrait  tous  les  jours  religieusement  huit 
heures  entières  au  chant  des  psaumes,  à  quoi 
ils  joignaient  la  vie  la  plus  exemplaire  et  la 
plus  édifiante  :  aussi  ont-ils  illustré  VEffiise 
orientale  par  un  grand  nombre  de  saints, 
d'évèques  et  de  palriarcbes. 

Nicéphore  donne  pour  fondateur  aux 
Acœmètes  un  nommé  Marceilus,  que  quel- 
ques écrivains  modernes  appellent  Marcei- 
lus d'Apamée;  mais  Bollandus  nous  apprend 
que  ce  fut  Alexandre,  moine  de  Syrie,  an- 
térieur de  plusieurs  années  à  Marceilus. 
Suivant  Bollaodus,  relui-là  mourut  ^ers  l'an 
390.  Il  fut  remplacé  dans  le  gouvernement 
des  Acœmètes,  (>ar  Jean  Calyoe,  et  celui-ci 
par  Marceilus, 

On  lit  dans  saint  Grégoire  de  Tours  et  plu- 
sieurs autres  écrivains,  que  Sigismond,  roi 
de  Bourgogne,  inconsolable  d'avoir,  à  l'ins- 
tigation d'une  méchante  princesse  au'il 
avait  épousée  en  secondes  noces,  et  qui  était 
fille  de  Théodoric,  roi  dltalie,  fait  périr  soa 
fils  Géséric,  prince  qu'il  avait  eu  de  sa  pre- 
mière femme,  se  retu*a  dans  son  monastère 
de  Saint-Maurice,  connu  autrefois  sous  le 
nom  d'Agaune,  et  y  établit  les  Acœmètes, 
pour  laisser  dans  l'Eglise  un  monument 
durable  de  sa  douleur  et  de  sa  pénitence. 

Il  n'en  fallut  pas  davantage  pour  que  le 
nom  d*Acœa»èteet  la  psalmodie  perpétuelle, 
fussent  mis  en  usage  dans  l'Occident,   et 


d'bidiqacr  temmairemeni  les  écnls  ks  plos 
Ues. 


m 


àCS 


MCnONNÂlRE 


ACT 


m 


maxÊonû  «n  France.  Plusieurs  monastèras, 
entre  autres  celui  de  Saint-Denis,  suivirent 
l'exemple  de  Saint-Maurice.  Quelques  mo- 
Dastères  de  filles  se  conformèrent  à  la  môme 
rè^ie.  Il  parait  par  l'abrégé  des  actes  de 
sainte  Salaberge,  recueillis  dans  un  manus- 
crit de  Compiégne  cité  par  le  P.  Ménard, 
que,  cette  sainte,  après  avoir  fait  bâtir  un 
▼aste  monastère  et  y  avoir  rassemblé  trois 
cents  religieuses,  les  partagea  en  plusieurs 
cboaars  différents,  de  manière  qu'elles  pus- 
sent faire  retentir  nuit  et  jour  leur  église 
du  chant  des  psaumes. 

On  pourrait  encore  aujourd'hui  donner  le 
nom  d*Acœmètes  )  quelques  maisons  reli- 
gieuses, où  l'adoration  perpétuelle  du  Saint- 
Sacrement  fait  partie  de  la  règle  ;  en  sorte 
3u*il  y  a  jour  et  nuit  quelques  personnes 
e  la  communauté  occupées  de  ce  pieux 
exercice. 

On   a  quelquefois  appelé  les  Stylites  , 
Acœmètes,  et  les  Acœniètes,  Sludiles, 
ACTES  DE  l'intelligence,  de  la  volonté. 

—  Foy.  Intelligence,  Volonté. 

•    ACTIONS  (rapport  des  actions  a  dieu). 

—  Sort  que  vous  mangiez  ^  soit  que  vous  bu- 
vieZf  soit  que  vous  fassiez  quelqu  autre  chose, 
faites  tout  pour  la  gloire  de  Dieu,  dit  TA- 
pôtre.  Ce  qui  rend  ce  point  d'une  grande  im- 
portance, dit  Rodriguez,  c'est  que  notre 
avancement  et  notre  perfection  consistent 
dans  la  perfection  de  nos  actions,  et  que  plus 
elles  seront  saintes  et  parfaites,  plus  aussi 
nous  serons  saints  et  parfaits.  Cela  supposé 
comme  infaillible,  il  est  encore  vrai  de  dire 
que  nos  actions  auront  plus  de  mérite  et  de 
perfection  selon  que  notre  intention  sera 
plus  droite  et  plus  pure,  et  que  nous  nous 

Eroposerons  une  fin  plus  haute  et  plus  su- 
lime.  Car  l'intention  et  la  fin  sont  ce  qui 
donne  le  caractère  aux  actions,  conformé- 
ment à  ce  passage  de  l'Ecriture  :  Votre  œil  est 
lalampe  de  votre  corps  :si  votre  œil  est  simple, 
tout  votre  corps  sera  éclairé;  mais  si  votre  œil 
estmauvais,  toutvotre  corps  sera  dans  les  téni- 
hre$.  Par  l'œil  les  saints  entendent  l'inten- 
tion qui  regarde  et  qui  prévoit  ce  qu'elle 
doit  faire  ;  et  par  le  corps  ils  entendent  Tac- 
lion  qui  suit  l'intention  qui  la  dirige,  comme 
lecorns  suit  lesyeuï  qui  le  conduisent.  Le 
Fils  de  Dieu  veut  donc  dire  en  cet  endroit 

Sue  c'est  l'intention  qui  donne  de  l'éclat  et 
e  la  lumière  à  l'action,  et  qu'ainsi  l'action 
sera  bonne  ou  mauvaise  suivant  la  bonté  ou 
la  malice  de  l'intention.  Si  la  racine  est 
saine,  dit  saint  Paul,  les  branches  le  seront 
aussi.  Que  doit-on  attendre  d'un  arbre  dont 
la  racine  est  gâtée,  sinon  qu'il  pousse  du 
bois  qui  n'aura  presque  aucune  sève,  et 
qu'il  porte  des  fruits  qui  seront  de  mauvais 

f;oût  et  se  corrompront  facilement?  Hais  si 
a  racine  est  saine,  tout  l'arbre  sera  beau  et 
produira  de  bons  fruits.  Aussi  la  bonté  et  la 
perfection  des  actions  dépendent  de  la  pureté 
de  l'intention  qui  en  est  comme  la  racine;  et 
plus  l'intention  qui  les  fait  produire  est  pure 
et  droite,  plus  elles  sont  vertueuses  et  ac- 
complies. Saint  Grégoire,  expliquant  eu  pas- 
sage de  Job,  Sur  quoi  ces  bases  onl  elles  été 


appuyées,  dit  que  comme  souvent  tout  un 
bâtiment  est  soutenu  par  de$  colonnes,  et 
les  colonnes  par  leurs  bases;  de  même  toute 
la  vie  spirituelle  est  soutenue  par  les  vertus, 
dont  la  base  est  la  pure  et  droite*  intentiou 
de  ccËur. 

Mais  afin  de  garder  quelque  ordre  dans  ce 
que  nous  avons  h  dire,  nous  parlerons  pre- 
mièrement de  la  fin  que  nous  devons  évilep 
d'avoir  dans  nos  actions,  qui  est  de  les  faire 
par  un  motif  de  vaine  gloire,  ou  par  quelque 
autre  respect  humain.  Nous  traiterons  en- 
suite de  la  fin  que  nous  devons  nous  pro- 
I)Oser  en  les  faisant,  et  nous  garderons  ainsi 
a  méthode  que  le  Psalmiste  nous  enseigne 
quand  il  dit  :  Evitez  le  mal,  et  faites  U 
bien.  Tous  les  saints  nous  avertissent  de 
nous  donner  garde  de  la  vaine  gloire,  parce 
que  c'est,  disent-ils,  un  voleur  subtil  qui 
nous  dérobe  souvent  de  nos  bonnes  actions 
et  qui  se  glisse  si  secrètement,  qu'il  a  plus 
tôt  fait  son  coup  que  nous  ne  l'avons 
aperçu.  Saint  Grégoire  dit  que  c'est  an  voleur 
qui  aissimule  et  qui  s'accoste  d'un  voyageur, 
en  feignant  de  tenir  la  même  route  que  lui, 
et  (lui  le  vole  après  et  l'assassine  lorsqu'il 
est  le  moins  sur  ses  gardes,  et  qu'il  se  croit 
être  le  plus  en  sûreté.  «  Je  confesse,  dit  ce 
grand  saint  dans  le  dernier  chapitre  de  ses 
Morales,  que  quand  je  me  mets  à  examiner 
mon  intention,,  en  écrivant  ceci,  il  me  sem« 
ble  que  je  n'y  ai  point  eu  d'autre  but  que  de 
plaire  à  Dieu  :  mais  néanmoins  quand  je  ne 
suis  pas  en  garde  contre  moi,  je  trouve  qu'il 
s'y  mêle,  je  ne  sais  comment,  quelque  désir 
de  contenter  les  hommes,  et  quelque  vaine 
complaisance  d'y  avoir  peut-être  réussi;  et 
quoi  qu'il  en  soit,  je  m'aperçois  fort  bien  que 
ce  que  je  fais  n'est  pas  entièrement  si  net 
de  poussière  et  de  paille  qu'au  commence-| 
ment.  Car  je  sais  que  je  l'entrepris  d'abord 
avec  la  meilleure  intention  du  monde  et  dans 
la  seule  vue  de  plaire  à  Dieu  ;  et  maintenant 
je  vois  bien  qu'il  se  mêle  encore  h  tout  cela 
d'autres  considérations,  qui  rendent  mon 
intention  moins  pure  el  moins  droite  qu*aa< 
paravant. 

«  H  nous  arrive  en  ceci^ajoute-l4l,lamômo 
chose  qu'au  manger  :  au  commencement, 
c'est  par  nécessité  que  nous  mangeons; 
mais  la  sensualité  s'y  glisse  ensuite  si  adroi- 
tement que  ce  que  nous  avons  commencé 
pour  subvenir  aux  besoins  xle  la  nature  et 
pour  conserver  notre  vie,  nous  le  conti- 
nuons à  cause  du  plaisir  et  du  goût  Qoe 
nous  y  prenons.  L'expérience  ne  nous  wit 
voir  que  trop  souvent  la  même  chose  dans 
les  actions  les  plus  saintes,  nous  nous  aban- 
donnons d'abord,  ou  à  la  prédication  ou  a 
quelque  autre  chose  de  pareil,  par  le  seu 
motif  de  la  charité  et  du  salut  des  âmes;  ei 
ensuite  il  entre  de  la  vanité  dans  tout  cela; 
nous  désirons  de  plaire  aux  hommes  et  d^» 
'être  estimés,  et  quand  cela  vient  à  nous 
manquer  il  semble  que  le  cœur  nous  man- 
que pareillement,  et  nous  ne  faisons  pio» 
rien  qu'à  regret.  »  .. 

La  malignité  de  ce  vice  consiste  en  ce 
que  ceux  qui  en  sont  infectés,  tâcheni  uu 


itt 


ACT 


Ifk 


ÂCl 


19» 


dirober  à  Dieu  la  gloire  qui  n'appartient 
gai  lai  senly  suivant  ces  paroles  :  A  Dieu 
isal  soit  honneur  et  gloire»  et  de  laquelle 
n  fst  si  jaloux  qu'il  dit  lui-même  dans 
IsAie  :  Je  ne  donnerai  f)oini  ma  gloire  à  un 
aii/re/ C'est  pourquoi  saint  Augustin  parlant 
sur  ce  sujet  :  «  Seigneur,  dit-il,  celui  qui 
Teat  être  loué  de  tos  dons,  et  qui,  dans  le 
bien  on'il  fait,  ne  cherche  pas  votre  gloire, 
mais  fa  sienne,  celui-là  est  un  Toleur,  et  il 
ressemble  au  démon,  qui  prétendait  tous 
rîîir  TOlre  gloire.  » 

I  Dans  toutes  les  œuvres  de  Dieu  on  peut 
considérer  deux.choses  :  l'utilité  et  la  gloire; 
à  regard  de  l'utilité,  il  la  laisse  tout  entière 
8QI  hommes  :  mais  il  veut  aussi  que  toute 
la  gloire  soit  réservée  pour  lui  seui.  Le  Sei- 
gneur 8  opéré  toutes  choses  pour  lui-même, 
c'est4-dire  pour  sa  gloire  ;  et  il  a  créé  tou- 
tes les  nations  pour  louer  et  gloriGer  son 
saint  nom»  Aussi  voyons-nous  que  toutes 
choses  nous  parlent  de  sa  sagesse,  de  sa 
bonté  et  de  sa  providence  ;  et  c'est  pour 
eetle  raison  qu'il  est  dit  que  le  ciel  et  la 
terre  sont  pleins  de  sa  gloire.  Quand  donc 
il  arrive  que  dans  les  bonnes  œuvres  on 
cherche  à  s'attirer  l'estime  et  la  louange  des 
hommes,  on  .pervertit  l'ordre  que  Dieu  a 
élahli,  et  ou  lui  fait  injure,  puisqu'on  veut 
fûre  en  sorte  que  les  hommes,  qui  ne  de- 
vraient être  occupés  qu'à  le  louer  et  à  l'ho- 
Dorer,  s'emploient  à  louer  et  à  honorer  la 
créatare,  et  qu'on  essaie  de  remplir  d'estime 
pour  soi-même  des  cœurs  que  Dieu  a  faits 
pour  être  des  vases  qui  ne  fussent  pleins 
que  de  ses  louanges  et  de  sa  doire.  C'est 
lui  dérober  les  cœurs,  et  en  quelque  sorte  le 
chasser  de  sa  propre  maison  *:  peut-on  com- 
mettre an  plus  grand  mal  que  celui-là,  et 
s'imaginer  quelque  chose  de  pis  que  de  ra- 
vir de  telle  sorte  la  gloire  de  Dieu,  que  tan- 
dis que  de  bouche  vous  avertissez  les 
hommes  de  ae  regarder  que  lui,  vous  sou- 
haitez dans  le  fond  du  cœur,  qu'ils  en  dé- 
tournent les  yeux  et  qu'ils  les  arrêtent  sur 
voasfCelui  qui  est  véritablement  humble 
ne  veut  point  vivre  dans  le  cœur  d'une  créa- 
tare,  mais  dans  celui  de  Dieu  seul  ;  ne 
(Perche  point  sa  nropre  gloire ,  mais  celle 
(le  Dieu  seul,  ne  uésire  point  que  personne 
s'entretienne  de  lui,  mais  de  Dieu  seul  ; 
enfin,  il  veut  que  tout  le  monde  ait  telle- 
<neri(  Dieu  dans  le  cœur,  que  nul  objet  ne 
ptiisse  jamais  y  avoir  place. 
.  U  grièveté  de  ce  péché  pourra  encore 
aisément  se  comprendre  par  cette  comparai- 
^n  :  Si  une  femme  mariée  se  parait  et  s'a- 
joslait  pour  plaire  à  un  autre  qu'à  son  mari, 
^lle  lai  ferait  sans  doute  une  grande  injure, 
les  bonnes  œuvres  sont  la  parure  et  lajus- 
tenneni  de  votre  âme  :  si  vous  les  faites  pour 
piaire  h  d'autres  qu'à  Dieu  qui  en  est  l'é- 
poui,  TOUS  lui'  faites  une  injure  signalée. 
l>e  plus,  imaginez  quelle  honte  ce  serait, 
*t  UD  particulier  faisait  extrêmement  valoir 
inelque  léger  service  qu'il  aurait  rendu  à 
nn  grand  roi  qui  auparavant  se  serait  ex- 
F^>^  f>our  l'amour  de  lui  à  mille  peines  et 
«tnille  dangers!  Que  si  outre  cela  il  se  van- 


tait à  tout  le  monde  du  service  peu  amsi- 

dérable  qu'il  aurait  rendu  à  son  prince;  et 
si  le  prince,  dans  tout  ce  qu'il  aurait  fait 
pour  cet  homme  n'avait  regu  aucun  secours 
de  lui,  au  lieu  que  cet  homme  n'aurait  rien 
fait  qu'avec  celui  du  prince,  et  y  étant  ex- 
cité par  de  grandes  récompenses  qu'on  lui 
aurait  promises  auparavant,  et  qull  aurait 
reçues  ensuite:  sa  vanité  ne  paraîtrait-elle 
pas  insupportable,  et  son  procédé  ne  serait- 
il  pas  Iflcbe  et  indigne?  Mous  devons,  cha- 
cun en  particulier,  nous  appliquer  ceci  à 
nous-mêmes,  afin  que  nous  rougissions  de 
la  bonne  opinion  qne  nous  avons  de  nous, 
avec  si  peu  de  fondement,  et  que  nous  ayons 
honte  de  nous  vanter  et  de  nous  louer  de 
quoi  que  ce  soit,  puisqu'en  comparaison  de 
ce  que  Dieu  a  fait  pour  nous  et  ce  que 
nous  devrions  faire  pour,  lui,  ce  que  nous 
faisons  est  si  peu  de  chose,  que  nous  devrions 
en  avoir  de  la  confusion  plutôt  que  d'en 
concevoir  de  la  vanité. 

Ce  qui  nous  marque  encore  sufSsamment 
la  difformité  de  ce  Yice,e'est  que  les  saints  et 
les  théologiens  le  mettent  au  rang  des  pé- 
chés que  I  c)n  appelle  ordinairement  morieli^ 
et  que  l'on  nomme  encore  plus  proprement 
capitaux,  puisqu'ils  sont  comme  la  tête  et 
la  source  de  tous  les  autres  péchési  Quelques* 
uns  en  mettent  huit  de  cette  nature,  et  di- 
sent que  le  premier  est  l'orgueil  et  le  se- 
cond la  vaine  gloire,  mais  la  commune  opi-> 
nion  des  saints  et  celle  qui  est  reçue  par 
l'Ëglise  est  qu'il  y  a  sept  péchés  capitaux; 
et  saint  Thomas,  nommant  la  vaine  gloire 
comme  le  premier,  dit  que  l'orgueil  est  la 
racine  de  tous  les  autres  conformément  à 
ces  paroles  du  Sage  :  Le  commencement  de 
toute  sorte  de  péché  est  orgueil. 

Le  préjudice  que  la  vaine  gloire  nous 
porte,  nous  est  assez  clairement  expliqué 
par  le  Fils  de  Dieu  dans  l'Evangile,  lorsqu'il 
dit  :  Prenez  garde  de  ne  point  faire  vos 
bonnes  actions  devant  les  hàmmes^afin  d'atti- 
rer leurs  yeux  sur  vous^  autrement  vous  n*en 
recevrez  ntUle  récompense  de  votre  Pire  ^ui 
est  dans  le  ciel.  N'imitez  pas  les  hypocrites 

Sut  ne  font  rien  que  pour  être  vus  et  estimés 
es  hommes.  En  vérité^  je  vous  dis  qu'ils  ont 
reçu  leur  récompense.  Vous  avez  désiré  d'ac- 

Juérir  de  la  réputation';  elle  a  été  le  motif 
e  vos  actions,  elle  en  sera  la  récompense  ; 
mais  n'en  attendez  point  d'autres.  Malheur 
à  vous  qui  avez  déjà  reçu  votre  salaire,  et  à 
qui  il  ne  reste  plus  rien  à  espérer.  Uespé" 
rance  de  Vhypocrite  périra^  dit  Job,  il  ne  lui 
demeurera  que  le  déplaisir  de  son  peu  d'en- 
tendement. 

Saint  Cyprien  parlant  de  la  seconde  ten- 
tation dont  le  démon  se  servit  contre  Jésus- 
Christ,  lorsque  le  portant  sur  le  pinacle  du 
temple  il  lui  dit  :  Si  vous  êtes  le  Fils  de 
IHcu^  jetez^vous  en  bas  ;  O  exécrable  ma- 
lice du  diable,  s'écrie-t-il,  il  s^imaginait,  le 
malheureux,  que  celui  qu'il  n'avait  pu  vain- 
cre par  la  gourmandise»  il  le  surmonterait 
par  la  vaine  gloire.'C'est  pourquoi  il  tâche 
de  lui  persuader  de  se  jeter  en  l'air,  afin 
que  venant   à  voler  il  soit  un  spectacle 


«91 


AGT 


DlCTtONflAlRB 


ACT 


m 


d*admiration  h  tout  le  peuple.  Le, démon 
6*iniaginaitqu*il  aurait  contre  Jésus-Christ 
le  même  succès  qu*il  avait  eu  contre  beau- 
coup d'autres.  Il  avait  éprouvé,  dit  saint 
Gyprieuy  que  souvent  il  avait  dompté  par 
la  vaine  gioire  ceux  dont  il  n'avait  pu  venir 
à  bout  par  d'autres  moyens,  et  c'est  pour 
cette  raison  qu'après  Tavoir  tenté  inutile- 
ment de  gourmandise,  ille  tenta  de  vaine 
gloire,  comme  de  quelque  chose  de  plus 
considérable  et  à  quoi  il  est  plus  difficile 
de  résister.  Car  il  est  rare  de  n'être  pas 
touché  des  louanges;  et  comme  peu  de  gens 
sont  bien  aises  d'entendre  dire  du  mal 
d'eui,  il  y  en  a  peu  aussi  qui  ne  soient 
ravis  que  l'on  en  parle  avantageusement. 
Ainsi  la  tentation  de  la  vaine  gloire  n'est 
pas  simplement  une  tenlaiion  de  gens  qui 
ne  fassent  que  de  commencer  dans  la  vertu, 
elle  attaque  encore  ceux  qui  y  sont  les  plus 
avancés;  c'est  même  à  ceux-là  principale- 
ment qu'elle  s'adresse. 

Le  saint  abbé  Nil,  qui  avait  été  disciple 
de  saint  Chrysostome,  rapporte  que  les  Pè- 
res du  désert  les  plus  anciens  et  les  plus 
expérimentés  élevaient  et  instruisaient  les 
nouveaux  religieux  d'une  manière  toute 
différente  de  celle  qu'ils  pratiquaient  à  l'é- 
gard des  autres.  Aux  jeunes,  ils  recomman- 
daient et  enjoignaient  la  tempérance  et 
l'abstinence,  parce  que  celui,  disaient-ils, 

aui  se  laisse  aller  à  la  gourmandise,  s'aban- 
onne  encore  plus  facilement  à  l'impureté, 
Îiuisqu'ayant  succombé  à  une  tentation  plus 
àible,  il  n'y  a  pas  d'apparence  que  jamais  il 
puisse  résister  à  une  plus  forte  ;  mais  h  l'é- 
gard des  anciens,  ils  les  avertissaient  do 
veiller  et  d'être  continuellement  sur  leurs 

Ïardes  pour  se  garantir  de  la  vaine  gloire, 
omme  ceux  qui  naviguent  sur  mer  doivent 
soigneusement  éviter  les  bancs  et  les  écueils 
qui  sont  voisins  du  port,  parce  que  souvent, 
après  une  navigation  très-heureuse,  on  vien* 
faire  naufrage  au  port  ;  ainsi  il  faut  que  les 
plus  consommés  oans  la  vertu  se  défendent 
extrêmement  de  la  vanité,  parce  que  sou 
vent  il  est  arrivé,  qu'après  avoir  heureuse 
ment  voKué  pendant  tout  le  cours  de  sa  vie 
et  résisté  coura([eusement  à  tout  ce  que  le 
démon  avait  excité  de  tempêtes,  àlaûn, lors- 
qu'on était  à  la  vue  du  port  et  comptant  sur 
ses  victoires  passées  on  se  croyait  hors  de 
tout  danger,  par  son  orjgueil  et  par  sa  noncha- 
lance on  est  venu  à  faire  un  triste  et  lamen- 
table naufrage.  C'est  pour  ce  sujet  que  les 
maints  appellent  la  vaine  gloire,  une  tem- 
pête dans  le  port;  et  que  quelques  autres 
disent  qu'elle  fait  dans  les  plus  parfaits  ce 
que  ferait  un  homme  qui,  montant  un 
▼aisseau,  bien  équipé  de  toutes  choses  e* 
chargé  de  beaucoup  de  marchandises,  ferait 
lui-même  un  trou  par  lequel  Teau  entrant  è 
gros  bouillons  le  submergerait  à  la  fln. 

Ainsi  les  anciens  Pères  no  croyaient  pa5 
qu'il  fût  nécessaire  de  donner  aux  novices 
aueun  avertissement  et  aucun  remède  parti 
entier  contre  la  vaine  gloire,  parce  qu'ils 
supposaient  que  ceux  qui  ne  faisaient  quF 
de  sort'r  du  monde  tout  couverts  des  bles- 


sures du  péché,  et  die  qui  les  plaies  sai- 
gnaient encore,  avaient  en  eux-mêmes  une 
assez  grande  matière  d'humilité  et  d'abais- 
sement, et  qu'ainsi  il  ne  fallait  leur  parler 
aue  d'abstinence,  de  pénitence  et  de  morli- 
cation.  Véritablement  les  anciens  qui  ont 
déjà  pleuré  leurs  péchés,  qui  en  ont  fait  de 
rudes  pénitences,  et  qui  se  sont  longtemps 
exercés  dans  la  pratique  de  la  vertu,  doivent 
être  continuellement  en  garde  contre  la 
vaine  gloire;  mais  ceux  qui  commencent, 
qui  n'ont  encore  acquis  aucune  vertu,  qui 
ne  se  sont  pas  défaits  des  inclinations  vi- 
cieuses et  des  mauvaises  habitudes  qu'ils 
ont  contractées,  et  qui  n'ont  pas  encore 
achevé  de  pleurer  les  péchés  et  l'oubli  des 
choses  de  Dieu  dans  lequel  ils  ont  vécu; 
ceux-là  n'ont  pas  besoin  de  se  précaution- 
ner  contre  la  vanité,  puisqu'ils  ne  voient 
en  eux  que  des  sujets  de  douleur  et  de  con- 
fusion. Ce  qui  devrait  cependant  en  donner 
encore  à  beaucoup  de  gens,  c*est  de  voir 
qu'ayant  tant  de  raison  de  s'humilier  en  une 
infinité  de  choses,  ils  s'enQent  d'orgueil  pour 
une  seule  par  laquelle  ils  sont  recomrnan- 
dables.  C'est  un  grand  abus  :  un  seul  défaut 

Îue  nous  aurions  devrait  suffire  pour  nous 
nmilier  et  nous  confondre,  parce  qu'il  ne 
faut  pas  que  rien  manque  à  ce  qui  est  bien, 
et  qu'au  contraire  la  moindre  défectuosilé 
rend  une  chose  imparfaite  et  mauvaise. 

Nous  en  usons  cependant  tout  autrement: 
tant  de  fautes,  tant  de  péchés  (jue  nous  com- 
mettons tous  les  jours,  ne  suffisent  pas  pour 
nous  inspirer  des  sentiments  d'humilité; et 
le  moindre  avantage  que  nous  croyons  pos- 
séder, nous  donne  de  la  vanité,  et  nous  fait 
soupirer  après  l'eslime  et  Tapprobation  du 
monde.  Par  là  il  est  aisé  cfe  voir  que  la 
vaine  gloire  est  extrêmement  dangereuse, 
puisqu'elle  n'épargne  personne  et  qu'elle 
nous  attaque  même  sans  aucun  fondement. 
C'est  la  première  chose  qui  nous  fait  suo 
comber  et  la  dernière  qui  résiste.  C'est  pour- 
quoi, mes  frères,  dit  saiot  Augustin,  ar- 
mons-nous et  précautionnons-^nous  couire 
ce  vice,  comme  faisait  le  Prophète  ro.vai 
quand  il  disait  :  Seigneur,  détournez  mes yeus^ 
de  peur  qu'il»  $e  laissent  charmer  à  la  vanité,. 

Quoique  tout  le  monde  ca  général  ait  be- 
soin de  se  précautionner  contre  la  vaine 
gloire,  cependant  ceux  qui  par  leur  état  et 

far  leur  charge  sont  employés  au  salut  des 
mes,  ont  encore  une  obligation  plus  par- 
ticulière d'être  continuellement  en  garde 
contre  ce  vice.  Car  leur  ministère  étant  si 
snWime  et  si  exposé  aux  yeux  du  public, 
ils  ont  d'un  côté  beaucoup  plus  à  craindre 
que  les  autres,  et  ils  se  rendent  f  a'»'^^{[^f 
appluscoup'* 
n  ils  ne  rei 

jcherchentqi ,  ^ 

hommes.  Ce  serait  se  servir  des  grâces  ei 
des  dons  de  Dieu  comme  d'un  instrumen 
de  révolte  contre  lui  :  c'est  pourquoi  saiw 
Bernard  s'écrie  :  Malheur  à  ceux  qui  ont  io 
don  d'avoir  de  grands  sentiments  de  Pieu 
et  d'en  parler  avec  éloquence;  s'ils  regar- 
dent la  uiélé  comme  un  tiafic,  s'ils  tournent 


195 


ACT 


ITASCETISMB. 


ACT 


191 


à  riotérèt  dHine  Taine  gloire  ce  qu'ils  ont 
re^u  pour  l'appliquer  à  l'a? aolage  de  Dieu, 
et  si  réiéTation  de  Tesprit  ne  s'accorde  pas 
en  eui  avec  rbumilité  du  cœur,  qu'ils  crai- 
gnect  que  ce  qui  se  lil  dans  le  prophète 
0»ée  (il,  8)  ne  soit  dit  pour  eux.  Je  teur  oî 
donné  de  rargeni  et  de  Far^  ei  ils  en  ani  faii 
$me  idole  de  Boai.  Ile  en  ani  formé  une  idole 
à  leur  vaniié. 

Lorsque  les  maîtres  de  la  vie  spirituelle 
veulent  expliquer  de  quelle  manière  on  peut 
foire  ces  actions  avec  une  extrême  perfec- 
tion, ils  ont  coutume  de  se  servir  d'une  com- 
paraison très-juste.  Comme  les  maibémali- 
ciens,  disent-ils,  ne  considèrent  dans,  les 
corps  que  les  dimensions  et  les  figures,  et 
font  toujours  abstraction  de  la  matière, 
parce  gu'eSIe  ne  fait  rien  à  leur  sujet  ;  de 
même  le  véritable  serviteur  de  Dieu  ne  doit 
songer  dans  toutes  ses  actions  qu'à  faire  la 
volonté  de  Dieu,  et  fiour  cet  effet  il  faut 
qu'il  lasse  une  entière  abstraction  de  la  ma- 
tière, c'est-à-dire  qu*il  ne  regarde  point 
ni  dans  quelle  chaire  on  l'emploie,  ni 
quelle  chose  on  lui  commande  ;  parce  que 
ce  n'est  pas  en  cela  que  consiste  notre  per- 
fection, mais  seulement  à  faire  la  volonté 
de  Dieu  et  à  chercher  sa  gloire  dans  tout 
ce  que  nous  faisons.  C'est  ce  que  nous  en- 
seigne le  grand  saint  Dasile  après  l'Af^ôlre  : 
c  'fôutela  conduite  d'un  chrétien,  dit-il,  no 
se  propose  qu'un  but  •  qui  est  la  gloire  de 
Dieu.  9 

Les  actions  qui  sont  faites  d«9  la  façon  que 
nous  avons  dit ,  s'appellent  actions  pleines  ; 
et  saint  JérAme  et  saint  Grégoire  disent 
que,  quand  l'Ecriture  sainte  parle  de  ceux 
qui  ont  vécu  de  cette  sorte,  elle  dit  qu'ils 
ont  vécu  des  jours  pleins  et  qu'ib  sont 
morts  pleins  de  jours,  quoique  cependant 
ils  soient  morts  fort  jeunes.  C'est  ce  que  le 
Sa^e  nous  apprend  lorsque,  parlant  du  juste, 
il  dit  que  dans  le  peu  qu'il  a  vécu  il  a  rem- 
I»li  an  grand  espace  de  temps.  Mais  com- 
nieiit  peut-il  se  faire  qu'en  peu  de  temps 
on  Tire  beaucoup,  et  que  l'on  renferme  un 
grantl  nombre  d'années?  Voulez-vous  savoir 
comment  en  faisant  des  actions  pleines,  et 
ea  vivant  des  jours  pleins,  on  trouvera  en 
eux  dee  jours  pleinst  dit  le  Psalmiste,  et  de 
ce  second  passage,  il  est  facile  de  tirer  Tex* 
plicatîon  du  premier. 

Tons  les  jours  des  véritables  serviteurs 
de  Dieu  sont  des  jours  de  vingt-quatre 
heures  entières.  Ils  ne  souffrent  pas  qu'il 
j  ait  un  moment  de  vide  etd'inutile  dans  une 
journée;  et  elle  est  toujours  pleine  et  en- 
tière pour  eux,  parce  qu'ils  l'emploient 
toujours  toute  à  faire  la  volonté  de  Dieu. 
Les  heures  mêmes  du  repas,  de  la  récréation 
et  du  sommeil,  ne  sont  point  pour  eux  des 
heures  Tides  et  inutiles,  parce  qu'ils  rap- 
portent toutes  ces  choses  a  la  plus  grande 
gloire  de  Dieu,  et  qu'ils  ne  le  font  qu'à 
cause  ^m  Dieu  veut  qu'ils  le  fassent.  Ils  ne 
mangent  que  pour  leur  besoin,  jamais  pour 
leur  plaîsiff,  et  ne  cherchent  leur  propre 
satisfaction -en  rien;  au  contraire,  ils  vou- 
draîest,  si  c'était  la  permission  de  Dieu, 


pouvoir  se  passer  de  manger,  de  dormir  et 
de  se  dissiper  l'espnt  par  les  récréations; 
ils  voudraient  n'être  jamais  occopés  qu'à 
aimer  Dieu,  et  ils  désireraient,  avec  le  Pro- 
phète royal,  qu'il  les  délivrAt  de  leurs  be- 
soins, c'est-à-dire  qu'il  les  dégageât  de 
l'esclavage  des  misères  du  corps,  et  qu'ils 
fussent  exempts  de  satisfaire  à  ses  besoins, 
pour  être  toujours  ateorbés  dans  l'amour  et 
dans  la  contemplation  de  Dieu. 

Saint  Grégoire  établit  une  bonne  marque 
pour  discerner  si  dans  les  ministères  où  1  on 
est  employé  pour  le  salut  du  prochain,  ou 
cherche  purement  la  gloire  de  Dieu,  ou  ai 
l'on  envisage  aussi  la  sienne  propre.  «  Re- 
gardez, dit-ril,  si,  lorsque  quelqu  un  prêche 
bien,  qu'il  est  extrêmement  suivi  et  qu'il 
fait  un  grand  fruit  dans  les  âmes,  vous  en 
avez  la  même  joie  que  lorsque  vous  pro- 
«iuisez  les  mêmes  effets.  Car  si  tous  ne 
TOtis  en  réjouissez  pas  autant,  et  qu'au 
contraire  ses  succès  vous  donnent  quelque 
sorte  de  chagrin. ou  quelque  espèce  d'envie, 
c'est  une  marque  infaillible  que  vous  ne 
cherchez  pas  purement  la  gloire  de  Dieu, 
-  puisque  l'apôtre  saint  Jacques  dit  en  termes 
exprès  :  Si  tous  avez  une  jalousie  amire,  et 
que  vous  nourrissiez  dans  voire  cœur  des 
sentiments  de  contention  ei  d'envie^  votre 
sagesse  ne  vient  point  d^tn  haut  ;  mais  elle  est 
terrestre^  animale  et  diabolique,  » 

Nous  pouvons  recueillir  de  la  doctrine 
des  saints  Pères  et  principalement  de  celle 
de  saint  Bernard,  qu'il  y  a  trois  degrés  de 
perfection  par  lesquels  nous  pouvons  nous 
élever  à  une  extrême  pureté  d'intention  et 
à  un  très-parfait  amour  de  Dieu.  Le  pre- 
mier est  de  ne  chercher  que  la  gloire  de 
Dieu;  de  manière  qu'en  tout  ce  qu'on  fait 
on  ait  l'esprit  absolument  dégagé  de  toutes 
les  choses  du  monde,  et  que  mettant  tout 
son  contentement  en  Dieu  seul,  on  se  borne 
à  songer  que  l'on  a  accompli  sa  volonté. 
«  Voulez-vous,  dit  saint  Bernard,«avoir  une 
bonne  marque  pour  ciinnattre,  autant  au'on 
le  peut,  si  vous  aimez  extrêmement  Dieu, 
regardez  s'il  y  a  quelque  chose  hors  de  Dieu 
qui  puisse  vous  donner  de  la  satisfaction 
et  de  la  joie,  et  par  là  vous  verrez  quels 

Erogrès  vous  avez  faits  dans  l'amour  de 
lieu.  Certes,  tant  que  je  suis  capable  de 
recevoir  quelque  consolation  et  quelque 
contentement  d'ailleurs,  je  n'ose  pas  dire 
que  ce  soit  Dieu  qui  occupe  entièrement 
toute  la  tendresse  de  mon  cœur.  »  Saint  Au- 
tin  est  du  même  sentiment,  quand  il  dit  : 
«  Seigneur,  on  vous  aime  moins,  lorsqu'on 
aime  encore  avec  vous  quelque  chose  que 
l'on  n'aime  pas  pour  vous.  »  Cette  manière 
d'aimer  est  bien  éloignée  de  i'exoellence  et 
de  la  pureté  de  l'amour  de  cette  grande 
reine,  qui,  au  milieu  de  la  pompe  et  du 
faste  de  la  majesté  royale,  disait  à  Dieu  : 
«  Vous  savez.  Seigneur,  qne  depuis  que  j'ai 
été  amenée  ici,  justju'à  piéstAt  votre  sar- 
"vante  ne  s'est  jamais  r^onio  qu'en  tous. 
Seigneur,  qui  êtes  le  m&a  d'Abraham.  » 
Voilà  sans  doute  une  f^yon  d'aimer  bieli 
parfaite  et  bien  épurée.   Saint  Grégoire , 


W5 


AGI 


DICTIONNAIRE 


ACT 


sur  ces  paroles  de  Job  :  Qui  $e  bdti$$eni  une 
solitude^  demande  ce  que  c'est  que  se  bAtir 
une.sôlitude;  et  dit  que  celui  qui  est  tellement 
détaché  de  toutes  les  créatures,  et  qui  s*est  si 
absolument  dépouillé  de  Taffectioo  de  toutes 
les  choses  de  la  terre,  qu*au  milieu  delà 
foule  et  des   divertissements  il  ne  laisse 
pas  de  se  trouver  seul,  celui-là  s*esti>flti  une 
solitude,  parce  que  rien  de  tout  cela  ne  le 
touche,  et  qu'ayant  mis  tout  son  contente- 
ment en  Dieu,  il  ne  peut  trouver  ni  entre- 
tien, ni  consolation  ailleurs.  Nous  éprou- 
vons même  tous  les  jours  que  quand  on 
s'est  attaché  d'affection  à  quelqu'un  et  qu'on 
vient  à  le  perdre  par  l'ansence  ou  par  la 
mort,  on  est  alors  dans  une  solitude  ef- 
frojable  au  milieu  des  meilleures  compa- 
gnies, parce  qu'on  n'y  est  point  avec  celui 
avec  qui  on  se  plaisait  d'être.  La  mémo 
chose  arrive  à  quiconque  a  banni  entière- 
ment de  son  cœur  toutes  les  créatures  pour 
ne  le  remplir  que  de  Dieu  :  au  milieu  des 
plaisirs  et  dans  les  plus  grandes  assemblées 
il  se  trouve  seul,  parce  qu'il  ne  prend  nul 
plaisir  aux  choses  du  monde  et  ({u'il  n'y  a 
que  l'objet  de  son  amour  ciui  [)uisse  l'occu- 
per agréablement.  Ceux,  dit  saint  Grégoire, 
3ui  sont  parvenus  à  ce  point,  jouissent 
'une  très-grande  tranquillité  d'Ame,  rien 
ne  les  inquiète  et  rien  ne  leur  fait  peine,  et 
ni  l'adversité  ne  les  trouble  et  ne  les  abat, 
Téi  la  propérité  ne  les  enorgueillit  et  ne  les 
enfle.  Comme  ils  n'out  aucun  attachement 
aux  choses  du  monde,  tous  les  changements 
qui  y  arrivent  ne  produisent  en  eux  aucune 
«altération  ;  et  se  faisant  ainsi  un  bonheur 
qui  ne  fieut  dépendre  des  événements,  ils 
en  méprisent  la  vissicitude.   Savez-vous» 
ajoute-t-il,  qui  s'était  élevé  jusqu'à  ce  de- 
gré de  perfection  et  qui    s*élait  bAti  une 
solitude?  Celui  qui  disait  :  J'ai  demandé 
une  chose  au  Seigneur ^  je  ne  cesserai  point 
qu'il  ne  me  Vaccordé  ;  c'est  de  demeurer  toute 
ma  vie  dans  la  maison  du  Seigneur,  Car, 
après  tout,  quelle  autre  chose  y  a-t-il  à 
chercher  et  a  désirer  dans  le  ciel  et  sur 
terre?  et  quelle  est  maintenant  mon  attente, 
si  ce  n'est  Dieu? Le  saint  abbé  Silvain  était 
encore  parvenu  à  ce  même   état;  car  on 
raconte  de  lui  que  lorsqu'il  sortait  de  l'orai- 
son, toutes  les  choses  de  la  terre  lui  sem- 
blaient si  méprisables,  que  se  bouchant  les 
yeux  avec  les  mains  :  Fermez- vous,  mes  yeux, 
dit-il,  fermez-vous  et  ne  regardez  point  les 
choses  du  monde,  car  il  n'y  en  a  aucune 
qui  mérite  d'être  regardée.    Nous  lisons 

Î pareillement  de  saint  l^nace^  que  quelque- 
ois  élevant  la  vue  au  ciel  et  le  cœur  à  Dieu, 
il   s'écriait  :  Hélas  1  que  la  terre  me  dé- 
plaît, lorsque  je  contemple  le  ciel  1 
Le  second  degré  par  lequel  nous  pouvons 
^  monter  à  la  perfection  dont  nous  parlons, 
i  est  celui  qu'établit  saint  Bernard  dans  le 
Traité  de  Famour  de  DieUf  je  veux  dire  non- 
seulement  d'oublier,  toutes  les  choses  du 
monde-mais  de  s'oublier  aussi  soi'-même,  et 
de  ne  s'aimer  soi-même  qu'en  Dieu  et  pour 
Dieu  ;  car  si  nous  voulons  être  parfaits,  il  faut 
que  nous  soyons  tellement  absorbés  dans  cet 


198 


oubli  de  nous-mêmes  et  de  tout  ce  qui  peut 
regarder  notre  avantage  et  notre  iatérét  *  il 
faut  que  nous  aimions  Dieu  d'une  rnsoiàre 
si  pure  et  si  élerée,  que  dans  tous  les  bi«os 
que  nous  recevons  de  sa  main,  soit  dans 
ceux  de  la  grAce,  soit  dans  ceux  delà  gloire 
ce  ne  soit  point  le  profit  que  nous  eo  reli- 
rons ,  mais  que  ce  soit  I  accomplissement 
de  sa  volonté  sur  nous  qui  fasse  notre  con- 
tentement et  notre  joie.  C'est  ce  que  pra- 
tiquent les  bienheureux  dans  le  ciel  ;  ils 
se  r^ouisseut  plus  de  la  volonté  de  Dieu 

3ui  s'accomplit  en  eux,  que  de  l^éiévation 
e  gloire  ou  ils  sont,  et  ils  aiment  Dieu 
d'une  façon  si  sublime,  ils  sont  tellement 
transformés  en  lui  et  tellement  unis  à  sa 
volonté,  qu'au  milieu  des  contentements 
ineffables  où  ils  sont  plongés ,  c'est  moins 
à  cause  d'eux-mêmes  qu'à  cause  de  Dieu 

au'ils  aiment  la  félicité  qu'ils  possèdent. 
'est  de  cette  sorte  que  nous  devons  aimer 
Dieu,  dit  saint  Bernard;  et  c'est  ainsi  que 
faisait  ce  saint  prophète  qui  disait  :  Bénis- 
sez le  Seigneur  parce  qu'il  est  bon.  Il  ne  dit 
pas,  parce  qu'il  m'est  bon  ;  mais  simple* 
ment,  parce  qu'il  est  bon.  Il  ne  l'aime  point 
et  ne  le  loue  point  par  rapport  à  sou  propre 
intérêt,  comme  ceiui  dont  il  dit  dans  un 
autre  endroit  :  Il  vous,  ft^ntra,  lorsaue  vont 
lui  aurex  fait  du  bien  ;  mais  il  1  aime  et 
le  loue,  parce  qu'il  est  bon  en  lui-mêoQe,  pa^ 
ce  que  Dieu  estDieu,et  que  sa  bonté  estinfinie. 
Le  troisième  et  dernier  degré  de  perfec- 
tion est,  dit  saint  Bernard,  de  faire  les  choses 
non  pas  pour  plaire  à  Dieu,  mais  parce  oue 
Dieu  nous  plait,  ou  que  ce  que  nous  hi* 
sons  plait  à  Dieu.  De  cette  sorte,  sans  soq< 
ger  aucunement  à  soi,  non  plus  que  si  Ton 
n'était  pas  au  monde,  on  n'envisage  que  le 
seul  contentement  de  Dieu  ;  et  voilà  une  ma< 
nière  de  l'aimer  très-parfaite  et  très-épurée. 
«  Cetamour,  continue-t-il,  est  véritablemeni 
la  montagne  du  Seigneur,  une  montage 
très-élevée,  une  montagne  grasse  et  fertile; 
car  ce  terme  de  montagne  de  Dieu  ne  peul 
dire  autre  chose  dans  l'Ecriture,  que  i( 
comble  de  l'excellence  et  de  la  perfection. 
Mais  qui  montera  sur  la  montage  du  Sei 
gneur  et  qui  me  donnera  des  ailes  commi 
à  une  colombe,  afin  que  j'y  vole  et  queji 
m'y  repose?  Hélas  I  s  écrie  ce  grand  saint 
le  mal  est  que  dans  cette  terre  d'exil  je  ni 
puis  m'oublier  entièrement  moi-même 
misérable  que  je  suis,  qui  me  délivrera  di 
ce  corps  mortel?  Seigneur,  je  souffre  y'v> 
lence,  répondez  pour  moi.  Quand  mourrai 
je  entièrement  à  moi,  pour  ne  plus  vivr 
qu'à  vous?  Pourquoi  faut-il  que  mon  en 
soit  prolongé?  Otiand  iraine  me  présente 
devant  la  face  de  Dieu?  Seigneur,  quam 
serai-je  uni  tout  à  fait  à  vous,  et  transport 
en  vous  par  amour?  Quand  serai-je  enlii 
remeni  détaché  de  moi-même,  quand  n 
serai-je  plus  qu'un  esprit  avec  vous,  i 
quand  enfin  n'aimerai-je  plus  rien  en  moi 
ni  pour  moi,  mais  tout  en  vous  et  pou 
vous?  Car  ne  se  chercher  et  ne  se  trouve 
non  plus  dans  tout  ce  qu'on  fait,  que  si  o 
était  perdu  soi*même>  pour  ainsi  dire»  o 


•<•» 


191 


ACT 


D'ASCETISME. 


ACT 


m 


qae  l'on  ne  fût  plus  du  lout;  no  se  sentir 
soi-même  «i  oolie  Cacon  et  s'anéantir  enfin 
soi-même,  c*est  refifet  de  ta  charité  des 
bienheareax,  et  non  pas  le  parlasse  d*iine 
affection  humaine.  C'est  pourquoi  le  Pro- 
phète royal  disait  :  TmUrtrai  dans  la  pms-- 
ÊOMê  dmSeigmaÊr^  et  alarM,  Seigneur^  je  ne  me 
êowriendrai  plue  de  rien  que  de  voire  jmtice. 
Lorsqu'après  nous  être  comportés  comme 
des  semteurs  fidèles,  nous  entrerons  dans 
la  joie  do  Seigneur  et  que  nous  serons  eni* 
vres  de  l'abondance  ue  son  amour;  alors 
nous  serons  tellement  absorbés  et  transfor- 
més en  loi,  que  nous  ne  nous  souviendrons 
plus  de  nous-mêmes;  alors  nous  lui  serons 
semblables,  parce  que  nous  le  verrous  tel 
qu'il  est;  alors  la  créature  se  conformera  à 
son  Créateur;  et  comme  il  a  fait  toutes 
choses  ^ur  loi-même,  selon  le  témoignage 
de  l'Ecriture,  aussi  n'aimerons-nous  rien 
que  lui,  et  nous-mêmes  nous  ne  nous  ai- 
merons qu'en  lui  et  pour  lui.  Ce  qui  fera 
notre  joie,  ne  sera  pas  tant  la  consiaération 
de  la  misère  dont  nous  serons  dégagés,  ou 
de  la  félicité  que  nous  aurons  obtenue, 
que  de  voir  que  sa  volonté  sur  nous  aura 
été  accomplie  en  nous.  Et  c'est  ainsi  qu'on 
entre  dans  la  joie  du  Seigneur.  » 

«  O  amour  saint  et  chaste  I  s'écrie  saint 
Bernard  en  cet  endroit,  6  douce  et  tendre 
afleeiion!  ô  droite  et  pure  intention  de 
volonté,  d'autant  plus  droite  et  plus  pnfe 
qu*il  n'/  reste  plus  aucun  mélange  d'intérêt 
propre!  affection  d'autant  plus  tendre  et 
plus  douce  que  l'on  ne  sera  touché  de  rien 
qui  De  soit  divin  I  Etre  épris  de  cette  sorte, 
c*esl  être  déifié.  Pour  expliquer  comment 
nous  serons  alors  déifiés  et  transformés  en 
Dîea,  le  même  saint  se  sert  de  trois  com- 
paraisons, et  dit  que  de  même  qu'une  goutte 
d*eaa,  jetée  dans  une  grande  quantité  de 
vin,  [icrd  toutes  s%s  propriétés,  et  prend  la 
couleur  et  le  goût  du  vin;  de  même  qu'un 
fer  rou^  dans  la  fournaise  ne  parait  plus  du 
fer,  mais  du  feu  ;  enfin  de  même  que  quand 
l'air  est  éclairé  des  rajons  du  soleil  il  devient 
si  Iqmineux  qu'il  semble  qu'il  soit  la  lu- 
mi^  même  ;  de  même  quand  nous  serons 
dans  la  gloire,  nous  perdrons  entièrement 
DOS  premières  qualités,  nous  serons  déifiés  et 
transformés  en  Dieu,  et  nous  n'aimerons 
rieo  que  lui  et  en  lui  :  autrement,  comment 
est-ce  que  Dieu  serait  alors  toutes  choses 
eo  tout,  si  dans  l'homme  il  restait  quel- 
que chose  de  Thomme?  11  n'y  aura  donc 
rien  lè  qui  soit  notre  gloire  même,  et  notre 
joie  sera  la  gloire  et  la  joie  de  Dieu,  et  non 
ras  la  n6tre,suiv<'intcesparolesduPsaImiste: 
Foaif  iUe  nui  gloire^  et  e*e$l  vous  ,qui  nC exal- 
tez; enfin,  nous  ne  mettrons  point  notre 
satisfaction  en  notre  propre  félicité;  mais 
ce  sera  en  Dieu  seul  que  nous  rétablirons 
Imit  notre  contentement.  Uais  quoique  dans 
ce  monde  nous  ne  puissions  jamais  parvenir 
i  on  si  haut  point  de  jperfeclion,  nous  de- 
vons essayer  d*y  avoir  les  yeux  continuel- 
lement attachés,  parce  que  plus  nous  appro- 
chons de  ce  but,  plus  notre  union  avec  Dieu 
sera  étroite.  » 


Concluons,  avec  ce  grand  saint,  et  disons  : 
Seigneur  c'est  en  cette  union  que  consiste 
la  volonté  de  votre  Fils  en  nous;  c'est  ce 
qu'il  vous  a  demandé  par  la  prière  qu'il 
vous  a  faite  pour  nous,  quand  il  vous  a  dit  : 
Faites  que  comme  vous  et  moi  ne  sommes 
qu'un,  ils  ne  soient  aussi  qu'un  en  nous; 
c'est-à-dire  qu'ils  vous  aiment  pour  vous,  el 

2\\\\s  ne  s'aiment  eux-mêmes  qu'en  vous, 
'est  là  véritablement  la  fin,  la  consomma- 
tion et  la  perfection  de  toutes  choses  ;  c'est 
la  paix,  c'est  la  joie  du  Seigneur,  c'est  la  joie 
dans  le  Saint-Esprit;  c*est  le  calme  et  le 
silence  des  bienheureux  dans  le  ciel. 

ACTIONS  DE  GRACES  APais  la  gommd- 
NiOR.— Comme  avant  que  de  manger,  dil 
Rodriguez,  il  est  bon  de  faire  un  peu  d'exer- 
cice, pour  réveiller  la  chaleur  naturelle,  il 
est  bon  aussi  avant  que  de  s'approcher  de 
la  sainte  table  de  s'exercer  à  quelque  sainte 
méditation,  qui  puisse  réveiller  la  dévotion 
et  la  ferveur,  qui  est  à  l'égard  de  l'âme  ce 
que  la  chaleur  naturelle  est  à  l'égard  du 
corps.  Il  est  bon  encore  de  donner  quelque 
temps  à  la  conversation  après  le  repas  ;  et  il 
sera  de  même  très«à  propos  d'employet 
quelque  temps  à  s'entretenir  avec  Dieu,  au 
sortir  de  ce  divin  banouet.  C'est  là  le  temps 
le  plus  favorable  et  le  plus  propre  pour 
traiter  avec  Dieu,  et  pour  nous  unir  avec 
lui  :  c'est  pourquoi  il  faut  tAcber  d'en  pro- 
fiter, et  de  ne  pas  en  perdre  la  moindre  partie. 
Ne  laissez  pas  perdre  un  si  bon  jour,  et  ne 
laissez  pas  échapper  la  moindre  partie  d'un 
don  si  précieux. 

Pour  cet  effet,  il  faut  employer  ce  temps-là 
à  faire  Quelques  médilations  pieuses;  sur- 
tout il  faut  s'occuper  à  louer  Dieu,  et  à  le 
remercier  de  tous  les  bienfaits  qu'on  en  a 
reçus,  et  particulièrement  du  bien  inestima- 
ble de  noire  rédemption,  et  de  la  grêce  qu'il 
nous  fait  de  se  donner  lui-même  à  nous  de 
cette  sorte.  Comme  cependant  nous  ne  pou- 
vez jamais  de  nous-mêmes  lui  en  rendre  les 
remercîments  qui  lui  sont  dus,  il  faut,  pour 
suppléer  à  notre  délaut,  lui  offrir  toutes  les 
bénédictions  et  toutes  les  louanges  que  lui 
ont  jamais  données  tous  les  anges  ensemble^ 
depuis  le  commencement  du  monde,  et  tous 
les  bienheureux  pendant  leur  vie;  toutes 
celles  qu'ils  lui  donnent  maintenant  dans  le 
ciel,  et  toutes  ceHes  qu'ils  lui  donneront 
durant  toute  l'éternité.  Il  ftut  joindre  nos 
intentions  à  leurs  intentions,  et  le  prier  de 
commander  que  nos  voix  soient  admises 
avec  les  leurs.  Il  faut  enfin  inviter  toutes 
les  créatures  à  le  louer  avec  nous,  et  dire 
avec  le  Prophète  :  Célébrez  la  magnificence 
du  Seigneur  avec  mot,  et  glorifions  ensemble 
son  nom.  Mais  parce  que  Dieu  est  infiniment 
au-dessus  de  toute  sorte  de  louanges,  et 
que  toutes  celles  que  toutes  les  créatures  peu- 
vent jamais  lui  donner  n'approchent  point  de 
celles  qui  lui  sont  dues,  il  lautdeplussouhai- 
terqu'ils'aimeetqu*ilselouelui-même  comme 
il  le  mérite,  puisque  lui  seul  peut  le  faire. 

Secondement,  il  faut  employer  ce  temps-là 
à  produire  des  actes  d'amour  de  Dieu;  car 
c*est  alors  principalement  qu'on  ceut  exal- 


4M 


ACT 


UCTIOMNAIRE 


ACT 


ter  son  eœur  en*de  saintes  aspirations  qai 
ne  sont  antre  chose  que  des  actes  d*amour 
et  des  désirs  ardents  de  s'unir  h  Dieu.  C'est 
alors  qu'il  faut  lui  dire  avec  le  Prophète 
ro jal  :  Stignewr^  voum  éies  ma  farce^  fue  je 
vous  (Urne  toujours.  Mon  âme  soupire  tnees^ 
sammeni  après  vous^  ô  mon  Dieu^  comme  le 
terf  poursuivi  des  chasseurs^  soupire  après  la 
source  des  eaux. 

Il  faut  en  troisième  lieu  employer  ce 
temps-là  à  demander  des  grâces  à  Dieu,  car 
iTest  un  temps  propre  pour  en  obtenir  et 
pour  bien  faire  nos  affaires  avec  lui.  L'Ecri- 
ture sainte  rapporte  que  la  reine  Eslber» 
ajant  à  demander  quelque  chose  au  roi 
Assuérus,  ne  voulut  point  d'abord  lui  dé- 
clarer ce  que  c'était;  elle  l'invita  seulement 
à  venir  manger  chez  elle,  se  réservant  à  lui 
expliquer  alors  ce  qu'elle  souhaiterait.  Il  y 
fut;  et  elle  en  obtint  tout  ce  qu'elle  lui 
demanda.  C'est  ainsi  que  dans  ce  saint  barf- 
quet,  où  le  Roi  des  rois  est  notre  convié  et 
où  nous  sommes  les  siens,  pour  mieux  dire^ 
nous  obtiendrons  de  lui  tout  ce  que  nous 
lui  demanderons  ;  car  nous  sommet  venus 
dans  un  jour  heureux,  et  nous  poilvous  lui 
dire  ce  que  Jacob  dit  à  l'ange  crvec  qui  il 
avait  lutté  toute  la  nuit  :  Seigheur^je  ne 
TOUS  laisserai  point  aller  que  vous  ne  m'ayez 
hini.  Seigneur,  lorsque  vous  entrâtes  dans 
la  maison  de  Zachée,  vous  dites  :  Cette  mat- 
son  a  re}u  aujourd'hui  le  êalut  ;  dites-en 
autant  maintenant  de  la  nAaisou  où  vous 
venez  d'entrer;  dites  à  mon  âme:  Je  suis 
votre  salut. 

C'est  aussi  alors  qu'il  faut  demander  par- 
don è  Dieu  de  nos  péchés,  et  lui  demander 
en  même  temps  la  lorce  de  vaincre  nos  pas- 
sions et  de  résister  aux  tentations  du  démon, 
et  la  grâce  d'acquérir  l'humilité,  l'obéissance, 
la  patience,  la  persévérance  et  les  autres 
Tenus  dont  nous  avons  le  plus  besoin. 
Mais  il  ne  faut  pas  seulement  demander 
alors  pour  nous-mêmes  ;  il  faut  aussi  prier 
pour  tous  les  besoins  de  TEdise,  tant  en 

(général  qu'en  particulier,  pour  le  Pape,  pour 
e  souverain,  cour  tous  ceux  qui  gouver- 
nent la  république  chrétienne,  ou  dans  le 
spirituel  ou  dans  le  temporel,  et  pour  toutes 
les  personnes  particuL^es  à  qui  on  a  quel- 

Îue  obligation,. comme  ii  se  pratique  dans  le 
femento  de  la  messe,  et  comme  nous  le 
dirons  ensuite. 

Quelques-uns  font  leur  action  de  grâces 
après  la  communion  de  la  manière  que  nous 
allons  dire*  Ils  se  représentent  Jésus-Christ 
au  dedans  d'eux-mêmes,  et  appellent  toutes 
leurs  puissances  et  tous  leurs  sens,  pour  le 
venir  reconnaître  comme  leur  roi,  et  pour 
se  soumettre  à  lui;  de  même  que  dans  le 
monde  un  homme  qui  recevrait  chez  lui  un 
grand  seigneur,  ferait  venir  ses  parents  pour 
Te  saluer,  et  pour  lui  rendre  leurs  devoirs. 
Ensuite  à  chaque  sens  et  à  chaque  puissance 
qu'ils  présentent,   ils  font  trois  choses.  La 

t crémière,  de  remercier  Dieu  du  don  qu'il 
eur  en  a  fait.  La  secondci  de  s'accuser  de 
n'en  avoir  pas  fiait  tout  le  bon  usage  qu'ils 
doivent,  et  la  troisième  de  lui  demander  la 


grâce  d'en  faire  un  meilleur  usage  à  l'avoDir. 
Cette  sorte  d'action  de  grâces  peut  être  très- 
utile;  et  des  trois  méthodes  d'oraison  que 
saint  Ignace  marque  dans  le  livre  des  EieN 
cices  spirituels,  celle-là  est  la  première. 

Quelques  autres  considèrent  toutes  leura 
puissances  et  tous  leurs  sens  comme  autant 
de  malades  ;  et  regardant  en  même  temps 
Jésus-Christ  comme  un  médecin  qui  guérit 
toutes  nos  maladies,  ils  le  mènent  de  i*UQ 
à  l'autre»  comme  un  médecin  qu'on  mèn^ 
rait  dans  une  infirmerie  où  il  ^  aurait  plu- 
sieurs malades,  et  lui  disent  :  Seigneur,  venez 
et  voyez  ;  ayez  pitié  de  moi  et  de  mon  in- 
firmité;  guérissez  mon  âme  qui  est  malade, 
parce  que  j'ai  péché  contre  vous.  Or,  il  faut 
remarquer  que  dans  ce  temps-là  il  n'est  pas 
nécessaire  de  feindre  un  lieu  ni  de  le  cher- 
cher  hors  de  nous,  puisque  Jésus-Christ 
est  alors  présent  au  dedans  de  nous»  non- 
seulement  quant  à  sa  divinité,  qui  est  tou- 
jours partout,  mais  aussi  quant  à  son  huroa** 
nité  sacrée ,  qui  est  réellement  dans  nos 
entrailles,  et  qui  y  demeure  autant  de  temps 
que  durent  les  espèces  sacramentelles»  c'est- 
à-dire  autant  de  temps  que  la  substance  du 
f»ain  pourrait  y  durer,  si  elle  y  était.  Que  si 
a  vue  d'une  imase  nous  donne  du  recueil^ 
lement  et  de  la  dévotion,  que  ne  doit  point 
faire. la  vue  de  Jésus-Christ  lui^onême,  qui 
est  présent  en  personne  au  dedans  de  nous? 
C'est  pourquoi,  que  chacun  tourne  alors  ses 
regards  sur  soi,  et  qu'il  considère  Jésus- 
Christ  au  dedans  de  soi,  comme  la  sainte 
Vierge  le  considérait  au  dedans  d'elle-même 
lorsqu'elle  le  portait  dans  ses  entrailles; 
qu'il  s'entretienne  avec  son  bien-aimé,  et 
qu'il  dise  avec  l'épouse  :  J'ai  trouvé  celui 
que  mon  âme  chérit  ;  je  le  tiens  et  je  ne  le 
laisserai  point  aller.  Quelques  théologiens 
disent  une  chose  qui  peut  nous  porter  à 
employer  encore  plus  de  temps  à  notre 
action  de  grâces.  As  disent  que  tant  que 
durent  les  espèces  sacramentelles  et  la  pré* 
sence  réelle  de  Jésus-Christ  au  dedans  de 
nous,  plus  on  fait  de  semblables  actes,  plus 
on  reçoit  de  grâces,  non-seulement  à  cause 
du  mérite  des  actes,  mais  à  cause  de  là 
vertu  du  sacrement,  suivant  ce  que  nous 
avons  déjà  dit  en  parlant  de  la  préparation 
à  la  communion. 

Par-là  on  peut  connattre  combien  font  mal 
ceux  qui  laissent  perdre  un  temps  où  il  y  a 
tant  à  gagner,  et  qui  n'ont  pas  plutét  reçu 
un  si  grand  hôte  chez  eux ,  qu'ils  lui  tour- 
nent le  dos,  qu'ils  sortent  par  une  porte, pour 
ainsi  dire ,  au  même  moment  qu'il  acnère 
d'entrer  par  l'autre,  et  qui  le  reçoivent  froi- 
dement sans  lui  rien  dire.  Si  dans  le  monde 
ce  serait  commettre  une  incivilité ,  de  rece- 
voir chez  soi  une  personne  de  considéra- 
tion, et  de  ne  lui  rien  dire  et  de  ne  lui  bire 
aucune  offre  de  service^,  que  sera-ce  d*en 
user  ainsi  envers  Dieu  même  ? 

Surius  rapporte  que  toutes  les  fois  que 
sainte  Marguerite ,  olle  de  la  reine  de  Bon- 
grie ,  devait  communier,  elle  jeûnait  h 
veille  au  pain  et  à  l'eau,  à  cause  du  ban- 
quet céleste  qu'elle  devait  faire  le  lendemnio» 


toi 


ACT 


D'ASCETISME. 


ACT 


2Ci 


et  passait  toute  la  nuit  en  prières  ;  et  qu'après 
avoir  communié  »  elle  employait  tout  ce 
joar-U  à  la  prière  jusqu'à  ia  nuil  qu'elle 
prenait  quelque  nourriture. 

iésQS-CbrisI  pendant  sa  vie  mortelle  a 
plusieurs  fois  marqué  Timportance  que 
rbomme  devait  attaclier  è  la  reconnaissance 
des  bienfaits  de  Dieu» et  en  particulier  à 
l'occasion  des  dix  lépreux  guéris,  dont  un 
seul  vint  le  remercier  de  sa  guérison.  Si 
nous  devons  être  reconnaissants  des  dons  de 
Dieu ,  de  sa  grâce ,  de  ses  secours ,  quelle 
sera  notre  reconnaissance  lorsque  nous  au- 
rons à  le  remercier  pour  l'avoir  reçu  lui- 
même  ? 

La  rerx>nnaissance  des  bienfaits  reçus  est 
d'ailleurs  le  meilleur  titre  auprès  cie  Dieu 
pour  recevoir  de  nouvelles  faveurs. 

ACTIONS  ORDINAIRES  (pBRFficnoN  des). 
-—  Il  est  constant  que  l'état  tN)n  ou  mauvais 
de  notre  âme  dépend  de  nos  bonnes  ou  de 
nos  mauvaises  actions  »  parce  que  nous  se- 
rons tels  que  seront  nos  œuvres  et  qu'enfin 
ce  sont  elles  qui  découvrent  ce  que  nous 
sommes.  L'arbre  se  connaît  par  le  fruit*  et 
saint  Augustin  dit  que  l'bomme  est .  l'ar- 
bre, que  les  œuvres  en  sont  Je  fruit; 
qu'ainsi  par  le  fruit  des  œuvres  on  voit 
bientôt  ce  que  chacun  est.  C'est  pourquoi  le 
Sauveur  parlant  des  hypocrites  et  des  faux 
prophètes  :  Vous  les  recannaUrex ,  dit-il , 
par  leurs  fruits;  et  au  contraire,  parlant  de 
lui-même  :  Les  œuvres  ^  dit-il ,  que  je  fais  au 
iMM  de  mon  Pirt  rendent  témoignage  de  mot , 
€i  si  vous  ne  voulez  pas  me  erotre ,  croyez  du 
siêoius  à  mes  œuvres ,  elles  vous  diront  qui  je 
suis.  Mais  les  actions  ne  disent  pas  seule- 
ment ce  que  l'on  est  en  cette  vie ,  elles  pré- 
disent aussi  ce  que  l'on  doit  être  en  l'autre, 
et  telles  qu'elles  aiuront  été  en  celle-ci ,  tels 
nous  serons  en  l'autre  pour  iamais;  car 
Dieu  récompensera  chacun  selon  ses  œu- 
vres» comme  la  sainte  Ecriture  nous  rap- 
prend en  divers  lieux  de  l'Ancien  et  du 
nouveau  Testament  :  Seigneur^  dit  le  Psal- 
miste ,  vous  rendrez  à  ckaeun  selon  ses  «im- 
vrtê.  Et  saint  Paul,  écrivant  aux  Galates  :  Ce 
^ue  rhomms,  dii^iU  aura  semé  pendant  savie^ 
tlle  moissonnera  après  sa  mort.  (Rodbjoukx.) 

liais  venons  au  détail  des  choses ,  et 
▼oyons  quelles  sont  les  actions  desquelles 
tout  notre  bien,  tout  notre  avancement 
toute  notre  perfection  dépendent.  Je  dis  que 
ce  sont  les  actions  les  plus  ordinaires, 
et  c|tie  nous  taisons  tous  les  jours  ;  c'est 
à  bien  faire  Toraison  que  nous  avons  ao* 
eootumé  de  ftire,  h  bien  faire  notre  examen 
ordinaire ,  à  entendre  ou  a  célébrer  la  messe 
avec  le  respect  que  nous  devons,  à  dire 
notre  office  et  nos  prières  avec  attention  et 
avec  ferveur  ;  è  nous  exercer  coutinueile- 
ment  dans  la  pénitence  et  dans  la  mortifi- 
cation; è  nousbienacquitterde  noire  charge 
et  de  tout  ce  que  l'obéissance  nous  impose; 
enfin  c'est  à  bien  faire  les  choses  qui  nous 
sont  les  plus  fréquentes  et  les  plus  fami- 
lières dans  la  vieque  consistent  notre  avan- 
cement et  noire  perfection. Nous  serons  par- 
faits si  nous  les  faisons  parfaitement  bien  ; 
DicnoRH.  D'AscftnsuB.  I. 


nous  serons  imparfaits  si  nous  les  faisons 
imparfaitement.  Voilà  proprement  tout  ce 
qui  met  la  différence  entre  un  parfait  chré- 
tien et  celui  qui  ne  Test  pas;  car  elle  no 
vient  point  de  ce  que  l'un  fait  plus  de  choses 
gue  l'autre,  mais  seulement  de  ce  qu'il  les 
fait  mieux;  et, à  proportion  de  la  manièio 
dont  chacun  les  fera»  chacun  sera  infailli- 
blement plus  ou  moins  parfait. 

Le  Fils  de  Dieu  ,  dans  sa  parabole  du  se- 
meur, nous  dit  que  le  grain  qui  fut  semé  en 
bonne  terre,  en  un  endroit  rendit  le  tren- 
tième ,  en  un  autre  le  soixantième ,  et  en  un 
autre  rapporta  jusqu'au  centuple;  et  par  là, 
disent  les  saints ,  le  Sauveur  nous  a  marqué 
les  trois  degrés  de  ceux  qui  servent  Diiu , 
c'est-à-dire,  ceux  qui  commencent,  ceux 
qui  sont  dans  le  progrès  et  ceux  qui  sont 
en6n  arrivés  au  comble  de  la  perfection. 
Nous  semons  tous  le  même  grain,  parce  que 
nous  faisons  tous  les  mêmes  choses;  nous 
avons  tous  la  même  heure  pour  l'oraison , 
et  depuis  le  matin  jusqu'au  soir  nous  som- 
mes tous  occupés  à  ce  qui  nous  est  prescrit 
par  le  devoir.  Hais  avec  tout  cela ,  combien 
y  a-t-il  de  distance  d'homme  à  homme  I 
En  quelques-uns,  les  œuvres  qu'ils  sèment 
rapportent  au  centuple,  parce  qu'ils  les  font 
avec  une  extrême  ferveur  d'esprit  et  une 

f grande  pureté  d'intention ,  et  ceux-là  sont 
es  parfaits  ;  en  quelques  autres ,  elles  ren- 
dent le  soixantième ,  et  ceux-là  ne  sont  en- 
core que  dans  le  progrès,  ils  ne  sont  pas  ar- 
rivés a  la  perfection  ;  enfin ,  la  récolte  eu 
d'autres,  n'est  que  de  trente  pour  un,  et 
ceux-là  ne  font  que  de  commencer  à  servir 
Dieu.  Que  chacun  re^rde  du  nombre  des- 
quels il  est ,  voyez  hi  vous  n'êtes  point  de 
ceux  qui  ne  rendent  que  le  treniième  ,  et 
Dieu  veuille  que  personne  ne  soit  do  ceux 
dont  l'Apôtre  dit  que,  sur  le  fondement  de 
la  foi,  ils  ont  entassé  du  bois  et  de  la 
paille  pour  brûler  au  jour  du  Seigneur.  Pre- 
nez g^rde  de  ne  rien  faire  par  ostenta- 
tion, par  respect  humain,  pour  contenter 
les  hommes,  pour  vous  attirer  leur  estime  ; 
car  ce  serait  bâtir  un  édifice  de  bois  et  de 
paille  I  pour  brûler  du  moins  dans  le  pur- 
gatoire. Mais  t&chez  de  faire  toutes  choses 
dans  la  dernière  perfection ,  et  ce  sera , 
comme  dit  saint  Paul ,  vous  élever  un  bâti- 
ment tout  d'or  et  d'argent ,  et  de  pierres 
précieuses. 

La  vérité  de  tout  ce  que  je  viens  de  dire 
se  comprendra  encore  plus  clairement,  en 
élablissant  ce  principe  :  que  notre  avance- 
ment et  notre  perfection  ne  consistent  qu'en 
deux  choses  :  à  faire  ce  que  Dieu  veut  que 
nous  fassions,  et  à  le  faire  (x>mnie  il   veut 

Sue  nous  le  fassions  ;  car,  assurément,  ces 
eux  points  comprennent  tout.  Quant  au  pre* 
mier,  tous  les  religieux  y  sont  déjà  parve- 
nuspar  la  miséricorde  deDieu.  Et  sans  doute, 
c'est  un  des  grands  avantages  et  une  des 
grandes  consolations  de  ceux  qui  vivent  dans 
la  reliffion,  d'être  certains  que  les  choses 
qu'ils  font  par  obéissance  sont  justement 
celles  que  Dieu  veut  qu'ils  fassent  I  Cette 
proposition  est  dans  la  religion  comne  une 

7 


S05 


\CT 


DICTIONNAIRE 


ACT 


a^i 


espèce  de  premier  principe»  et  la  doctrine 
de  ]*Evangi)e  et  des  saints  y  est  entièrement 
conforme,  comme  nous  le  ferons  ?oir  am- 
friement,  lorsque  nous  parlerons  de  l'obéis- 
sance :Celui  qui  vous  écoute  m'écoute.  Obéis- 
sant au  supérieur,  nous  obéissons  è  Dieu, 
et  nous  faisons  sa  volonté ,  parce  que  c'est 
là  ce  qu'il  demande  précisément  de  nous. 
Les  gens  du  monde  trouvent  la  volon- 
té de  Dieu  écrite  aussi  dans  les  comman- 
dements de  Dieu  et  de  l'Eglise  et  dans  les 
devoirs  particuliers  de  leur  état.  Il  ne  reste 
plus  que  le  second  point  qui  est  de  faire  les 
choses  comme  Dieu  veut  que  nous  les  fas- 
sions, et  d'autant  qu'on  ne  peut  pas  douter 
qu'il  ne  veuille  que  nous  les  fassions  avec 
toute  la  perfection  possible  :  il  n'est  pas 
besoin  de  s'étendre  davantage  pour  prou- 
ver une  vérité  claire. 

Lorsque  le  P.  Natal ,  de  la  Compagnie  de 
Jésus,  nomme  illustre  pour  sa  aoctrine  et 
pour  sa  vertu,  visita  les  provinces  d'Espa- 
gne, il  ne  recommanda  rien  davantage  que 
l'enseignement  continuel  de  cette  vérité, 
sjBvoir  :  que  tout  notre  avancement  et  toute 
notre  perfection  consistent,  non  pas  à  faire 
des  choses  extraordinaires,  ou  à  être  occu- 
pés dans  les  emplois  les  plus  élevés  et  U*s 
ulus  laborieux»  mais  seulement  à  bien  faire 
les  choses  ordinaires  et  à  nous  bien  acquit- 
ter de  celles  où  l'obéissance  nous  appelle, 
quelque  basses  ou  Quelque  faciles  qu'elles 
puissent  être.  C'est  la  ce  que  Dieu  demande 
de  nous,  et  c'est  là  par  conséquent  sur  quoi 
nous  devons  arrêter  nos  veux,  si  nous  avons 
envie  de  lui  plaire  et  d  acquérir  la  perfec- 
tion.Voyons  maintenant  et  examinons  à  com- 
bien peu  de  frais  nous  pouvons  l'obtenir, 
puisque,  sans  rien  faire  de  plus  que  ce  que 
nous  faisons  tous  les  jours ,  nous  pouvons 
nous  rendre  parfaits ,  et  nous  trouverons, 
sans  doute,  que  ce  doit  être  une  très-grande 
consolation  pour  chacun  de  nous  et  un  très* 
puissant  motif  pour  nous  exciter  à  la  perfec- 
tion. Si  on  ne  pouvait  y  arriver  que  par  des 
occupations  sublimes,  de  grandes  élévations 
d'^espritetdes  méditations  fort  relevées,  vous 
pourriez  avoir  quelque  excuse,  vous  défen- 
dre sur  votre  incapacité,  et  dire  que  vous  ne 
sauriez  voler  si  haut.  Si  on  exigeait  de  vous 

3ue  vous  vous  donnassiez  tous  les  jours  la 
Iscipline  jusqu'au  sang,  que  vous  jeûnas- 
siez au  pain  et  à  l'eau ,  que  vous  allassiez 
toujours  nu-pieds  et  que  vous  portassiez 
continuellemeAt  la  baire  et  le  cilice,  vous 
pourriez  répondre  que  vous  ne  vous  sentez 
pas  assez  de  forces  pour  cela.  Hais  ce  n'est 
pas  là  aussi  ce  que  l'on  souhaite  de  vous  ni 
d'où  votre  perfection  dépend ,  elle  dépend 
simplement  de  faire  les  mêmes  choses  que 
vous  faites.  Vous  pouvez ,  avec  cela,  vous 
rendre  parfaits.  Si  vous  voulez ,  toute  la  dé- 
pense est  déjà  faite  :  il  n'est  pas  besoin  d'y 
ajouter  d'autres  œuvres.  Qui  ne  s'encoura- 
gera donc  à  acquérir  la  perfection ,  puis- 
qu'elle est  tellement  à  notre  portée,  et  qu'elle 
consiste  en  des  choses  si  ordinaires  et  si  fai- 
sables !  Dieu  disait  à  son  peuple,  pour  l'ex- 
citer à  le  servir  et  à  observer  sa  loi  :  Le  eom- 


mandement  que  je  voue  donne  aujourd'hui  ne 
consieie  pas  aan$  une  chose  qui  soit  au- 
dessus  de  vous^ni  qui  soit  fort  éloignée^  ni  qui 
soit  dans  leciel:de  sortequevouspuissiexdtre: 
Qui  de  nous  autres  pourra  monter  au  ciel  pour 
nous  l'apporter^  afin  que  nous  l'entendions  et 
que  nous  raccomplissions  en  effet  ?  Ce  n'est 
pas  non  plus  une  chose  qui  sott  au  delà  des 
merSi  de  façon  qu'il  y  ait  lieu  de  s'excuser  et 
de  -dire  :  Qui  de  nous  passera  les  mers  pour 
l'aller  quérir  y  afin  que  nous  puissions  entendre 
et  foire  ce  qui  nous  est  ordonné.  Mais  c'est 
une  chose  qui  est  proche  de  vous ,  un  précepte 
dont  on  vous  entretient  souvent,  que  vous 
avez  souvent  dans  la  bouche ,  et  rexécution 
ne  dépend  que  de  votre  cosun  Nous  pouvons 
en  dire  autant  de  la  perfection  dont  nous 
parlons  :  et  c'est  aussi  le  moyen  dont  saint 
Antoine  se  servait  pour  exhorter  ses  disci- 

[>les.  Les  Grecs,  dit-il,  qui  s'abandonnent  à 
'étude  delasagesse,  entreprennent  de  grands 
voyages  par  mer  et  parterre,  endurent  beau* 
coup  de  fatigues  et  s'exposent  à  de  grands 
dangers  pour  l'acquérir;  mais  vous,  pour 
acquérir  la  vertu,  qui  est  la  sagesse  véritable, 
vous  n'avez  que  faire  d'aller  si  loin,  ni  d'es- 
suyer tant  de  périls  ;  il  ne  faut  pas  môme 
sortir  de  vos  cellules  :  car  c'est  là  que  tous 
la  trouverez ,  ou  plutôt  le  royaume  de  Dieu 
est  au  dedans  de  vous-mêmes  ;  et  c'est  dans 
les  choses  qui  vous  sont  les  plus  familières, 
et  que  vous  faites  tous  les  jours»  que  consiste 
votre  perfection. 

Lorsqu'on  approche  des  teraps  qui  sont  le 
plus  consacrés  à  la  piété,  comme  par  exem- 
ple celui  de  l'Avent,  du  Carême,  de  la  Pente- 
côte, on  nous  demande  ordinairement,  dans 
les  conférences  spirituelles,  de  quels  moyens 
nous  nous  servirons  pour  nous  préparer  à 
renaître  avec  Jésus-Christ ,  '  à  mourir  et 
à  ressusciter  avec  lui,  à  recevoir  le  Saint- 
Esprit  ;  et  l'on  ne  manque  pas  de  proposer 
une  infinité  de  moyens  très-propres  et  très- 
salutaires.  Mais  le  plus  important  de  tous»  et 
celui  sur  lequel  nous  devons  le  plus  nous 
arrêter,  est  celui  dont  nous  parlons  mainte- 
nant :  je  veux  dire  de  nous  perfectionner 
dans  les  choses  que  nous  avons  coutume  de 
faire.  Corrigez-vous  chaque  jour  des  fau- 
tes et  des  imperfections  aue  vous  commet- 
tez dans  ces  sortes  de  cnoses ,  appliquez- 
vous  chaque  jour  à  les  faire  de  mieux  en 
mieux,  et  ce  sera  là  une  très-bonne  prépa- 
ration pour  tout  ce  que  vous  voudrez.  Enfin 
attachez-vous  principalement  à  cela ,  et  ne 
regardez  tout  le  reste  que  comme  des  moyens 
qui  peuvent  vous  servii. 

Mais  voyons  en  quoi  la  bonté  de  nos  ac- 
tions consiste»  afin  que»  parla,  nous  veniorii 
à  mieux  connaître  les  moyens  de  bien  les 
faire.  Je  dis  qu'elle  consiste  en  deux  choses 
dont  la  première ,  et  la  principale  »  est  que 
nous  agissions  purement  pour  Dieu.  Saint 
Amboise  demande  quelle  est  la  cause  pour 
laquelle»  dans  la  création  du  monde»  Dieu, 
après  avoir  créé  les  choses  purement  corpo- 
relles et  les  animaux,  les  loue  dans  le  mèu)e 
instant.  //  créa  les  plantes  et  tes  arbres,  et  H 
vit,  dit  rEcriture»  que  cela  était  ban  ;  il  créa 


ACT 


DASCETISME. 


ACT 


soa 


leM  animaux  de  la  terre^  les  oiseaux  et  les  pois- 
sans^  ei  il  vit  que  cela  éiaii  ban  ;  il  créa  les 
cieuXf  les  étoiles  ^  le  soleil  et  la  lune^  et  il  vit 
aue  cela  était  bon,  EnGn  tout  ce  qu'il  créa,  il 
le  loua,  dès  aa*il  eut  achevé  de  le  créer, 
liais  quand  il  vient  h  créer  rbomme»  il  sem- 
ble qu  il  le  i&isse,  lui  seul ,  sans  louanges, 
puisqu'il  D*ajoule  pas  aussitôt  que  cela 
était  bon,  comme  il  TaTait  ajouté  a  tout  le 
reste  des  choses.  Quel  mystère  y  a-t-il  lA- 
dessous,  et  quelle  peut  être  la  cause  de  cette 
dilTéreor^e  que  Dieu  fait? 

Jl  regarde  arec  quelle  intention  chacun  fait 
les  choses,  et  c'est  i)0ur  ce  sujet  qu'il  ne 
loue  pas  l'homme,  immédiatement  après 
ravoir  créé,  comme  il  avait  loué  toutes  les 
autres  créatures.  L'intention  est  le  fonde^ 
ment  de  la  bonté  de  toutes  nos  actions.  Les 
fondements  ne  se  voient  point,  et  néan- 
moins c'est  ce  qui  soutient  tout  l'édifice  : 
il  en  est  de  même  de  l'intention. 

La  seconde  chose  qui  est  requise  pour  la 
perfection  de  nos  actions,  c'est  que  nous 
fassions  tout  notre  possible  pour  bien  les 
Ciire.  Il  ne  suffit  pas  que  votre  intention  soit 
lionne ,  il  ne  somt  pas  que  vous  disiez  que 
vous  les  faites  pour  Dieu;  mais  il  faut  que, 
poor  lui  plaire  davantage,  vous  ticbiez  de  les 
faire  du  mieux  que  vous  pourrez. 

Le  troisième  mojen,  pour  faire  bien  les 
choses,  est  de  les  foire  chacune  séparément, 
comme  si  on  n'en  avait  point  d'autres  à 
faire  ;  de  vaquer  à  l'oraison,  de  célébrer  la 
messe,  de  dire  son  chapelet  et  ses  heures; 
et  ainsi  de  tout  le  reste,  comme  si  effecti- 
▼ement  on  n'avait  aucune  autre  chose  à 
fiiire  que  celle  qu'on  fait.  Nous  n'avons 
rien  qui  nous  presse,  ne  nous  troublons 
point  dans  ce  que  nous  faisons,  et  qu'une 
chose  n'embarrasse  pas  l'autre  ;  mais  appli- 
quons-nous entièrement  à  celle  dont  il  s'a- 
git. Pendant  l'oraison*  ne  pensons  ni  à 
rétude,  ni  aux  affaires,  ni  aux  devoirs  de 
notre  emploi;  car  cela  ne  sert  qu'à  nous 
détourner  de  l'oraison  et  à  empêcher  que 
Doos  nous  acquittions  bien  de  quoi  que  ce 
soit.  Nous  avons  tout  le  reste  du  jour  libre, 
soit  pour  étudier ,  soit  pour  satisfaire  aux 
obligations  de  notre  charge,  et  faire  toutes 
choses  en  leur  temps  :  ne  confondons  point 
l'ordre  mal  à  propos,  et  songeons  qu'A  cha- 
que jour  suffisent  son  inquiétude  et  son  afflic- 
tion particulière.  Ce  moyen  est  si  propre 
et  si  conforme  A  la  raison  que  les  païens 
mêmes  le  pratiquaient  pour  se  tenir  dans 
un  profond  respect  en  présence  des  idoles 
de  leurs  bux  dieux,  et  c'est  de  lA  qu'est 
venu  cet  ancien  proverbe  :  Que  ceux  qui 
adorent  soient  assis.  Que  ceux  qui  adorent 
Dieu  dans  la  prière,  qui  s'entretiennent  avec 
lui  dans  l'oraison,  le  fassent  en  repos  et 
avec  attention,  et  non  pas  en  courant  et 
comme  songeant  A  autre  chose.  Plutarque, 
parlant  de  la  révérence  avec  laquelle  les 
prêtres  de  son  temps  s'approchaient  de  leurs 
dieux  ,  dit  que  pendant  que  le  prêtre  fai- 
sait le  sacrifice,  il  y  avait  un  homme  qui 
ne  cessait  de  crier  A  haute  voix  :  Faites  ce 
que  vous  faites  :  comme  s'il  eût  voulu  dire  : 


Ne  pensez  qu'A  ce  que  vous  failes  ;  ne  vous 
détournez  point,  mais  appliquez  y' entière- 
ment votre  esprit.  C*est  lA  maintenant  le 
moyen  qu'il  nous  propose  pour  bien  fiaiire 
toutes  choses  ;  attachez- vous  fermement  et 
uniquement  A  chacune  comme  si  vous  n'en 
aviez  aucune  autre  A  faire  :  n'ayez  d'atten- 
tion que  pour  ceUelè,  mettez*y  tout  votre 
soin ,  éloignez  de  vous  toutes   les  autres 

[>ensées,  et  vous  ne  manquerez  jamais  de 
a  bien  faire.  Faisons  ce  qu'il  y  a  mainte- 
nant A  faire,  disait  Aristipe,  et  sans  son- 
ger ni  au  passé  ni  A  l'avenir,  renfermons 
toute  notre  application  dans  le  présent;  car 
il  n'y  a*que  cela  seul  qui  soit  en  notre  pou- 
voir, puisque  le  passé  n'étant  plus,  ne  peut 
pas  dépendre  de  nous,^et  que  l'avenir  étant 
incertain,  nous  ne  saurions  nous  répondre 
de  ce  qui  arrivera.  Que  l'on  serait  heu- 
reux si  on  pouvait  gagner  la  même  chose 
sur  soi,  et  si  on  était  seulement  maître  de 
son  imagination  et  de  ses  pensées,  que 

Bmais  on  ne  songeât  qu'A  ce  que  l'on  fait! 
ais,  hélas,  l'instabilité  de  notre  cœur  est 
trop  grande  ,  et  d'aiHeurs  te  démon  est  si 
adroit  A  profiler  de  notre  légèreté  natu- 
relle, que  quand  nous  taisons  quelque  chose 
il  nous  remet  devant  les  yeux  ce  que  nous 
devons  faire  dans  un  autre  temps,  pour  nous 
dissiper  l'esprit,  et  nous  détourner  de  ce 
que  nous  faisons  alors.  Cette  façon  de  nous 
tenter  lui  est  d'autant  plus  ordinaire,  qu'elle 
est  très -dangereuse  et  très-pr^udiciable 
pour  nous,  parce  que  de  celte  sorte  il 
empêche  que  nous  ne  fassions  jamais  rien 
parfaitement.  Pendant  l'oraison,  il  nous  re- 
met dans  l'esprit  des  pensées  d'étude  et 
d'affaire,  afin  que  nous  ne  puissions  pas 
bien  faire  notre  oraison,  et  pourvu  qu'il 
réussisse  A  nous  détourner  de  l'attention 
que  nous  devons  y  avoir,  il  ne  se  souciera 

Eas  de  nous  avoir  su^éré  mille  moyens  de 
ien  faire  ensuite  les  autres  choses  ;  car, 
lorsque  nous  viendrons  A  les  faire,  il  ne 
manquera  pas  d'en  avoir  encore  d'autres  A 
nous  remettre  devant  les  yeux ,  afin  que 
pareillement  nous  nous  acquittions  mal  de 
celles  dont  il  est  question,  et  de  celte  sorte 
il  lAche  de  nous  tromper  continuellement 
et  de  rendre  toutes  nos  actions  défeclueu- 
ses.  Mais  puisque  nous  n'ignorons  plus  ses 
artifices,  laissons-IA  les  choses  A  venir,  et 
rejetons-les  dès  qu'elles  se  présenteront  : 
il  sera  bon  d'y  songer  dans  leur  temps; 
mais  il  est  mal  de  le  faire  quand  on  doit  être 
occupé  A  d'autres  pensées.  Que  si  la  crainte 
de  ne  pouvoir  pas  peut-être  ensuite  vous, 
souvenir  de  ce  qui  s'offre  alors  A  votre 
imagination,  est  ce  qui  vous  porte  A  vous 
y  arrêter,  cela  même  doit  vous  faire  con- 
naître que  ce  n'est  pas  une  inspiration  de 
Dieu,  mais  une  tentation  du  démon;  car 
D.eu  est  ami  de  la  paix  et  de  l'ordre  ;  et 
ainsi  ce  qui  trouble  votre  repos  et  décon- 
certe l'ordre  des  choses  ne  vient  pas  de 
Dieu,  mais  du  démon,  qui  n'aime  que  la 
confusion  et  le  désordre.  Rejetez  donc  tout 
ce  qui  se  présente  A  votre  idée  sous  ce  pré- 
texte, pour  vous  détourner  de  ce  que  vous 


i(n 


ACT 


DICnONNAIRE 


ÀCT 


m 


faites;  et  assurez-vous  que  si  vous  fbites 
bien  ce  qui  est  alors  Je  votre  devoir.  Dieu 
ne  manquera  pas  de  faire  rerenir  en  son 
temps  dans  votre  mémoire  les  idées  que 
vous  en  aurez  hannies,  et  de  vous  les 
remettre  encore  plus  avantageusement  dans 
Tesprit.  Si,  par  eiemple,  il  arrive  que  pen- 
dant vos  exercices  spirituels  vous  soyez 
surpris  de  quelques  pensées  d'étude,  et 
qu'il  s'offre  a  vous  quelques  raisons  con* 
vaincantes  sur  un  point  important,  quel- 
que lumière  sur  un  passage  obscur,  ou 
quelque  solution  sur  un  doute,  éloignez 
tout  cela  de  vous  également,  et  croyez  que 
vous  y  gagnerez  au  lieu  d'y  [)erdhe.  La 
science  que  Ton  méprise  pour  la  vertu, 
dit  saint  Bonaventure,  s'acquiert  ensuite 
beaucoup  mieux  que  la  vertu  même,  et 
le  P.  Avila  donne  cet  avertissement,  que 
lorsque  quelque  affaire  se  présente  à  con- 
tre-temps h  l'esprit,  on  dise  :  Dieu  ne 
m'ordonne  point  cela  maintenant,  c'est 
pourquoi  je  n'y  veux  point  penser;  quand 
il  me  le  commandera,  alors  je  m'y  applique- 
rai avec  soin. 

Dn  autre  moyen  que  les  saints  nous  en- 
seignent pour  bien  faire  nos  actions,  est 
de  les  faire  toutes  de  môme  que  si  celle 
que  nous  faisons  devait  être  la  dernière  de 
notre  vie.  Saint  Bernard,  parlant  de  la  ma- 
nière dont  un  religieux  doit  se  comporter 
dans  tout  ce  qu'il  fait  :  Que  dans  toutes 
ses  actions,  dit-il,  il  se  répète  souvent  è  lui- 
même  :  Si  tu  devais  mourir  maintenant , 
ferais-tu  cela.  Saint  Basile  nous  donne  les 
mêmes  préceptes  quand  il  dit  :  Ayez  tou- 
jours votre  dernière  heure  devant  les  yeux  ; 
quand  vous  vous  lèverez  le  matin,  doutez  si 
vous  irez  jusqu'au  soir,  et  lorsque  vous  vous 
jcoucherez  le  soir,  ne  vous  assurez  point  de 
Tevoir  le  lendemain  ;  par  ce  moyen,  il  vous 
sera  bien  plus  facile  de  vous  réprimer  sur 
toutes  sortes  de  vices.  Thomas  A'Kempis  en 
dit  autant,  et  presque  dans  les  mêmes 
termes.  Saint  Antoine  donnait  souvent  aussi 
jin  pareil  avertissement  à  ses  disciples,  pour 
les  encourager  à  la  vertu  et  à  la  perfection  » 
et  sans  doute  il  n'y  a  point  de  meilleur 
moyen  pour  nous  porter  k  bien  faire  les 
choses,  que  de  croire  que  chaque  jour  est 
le  dernier  de  notre  vie.  Si  nous  pouvions 
nous  bien  mettre  cela  dans  l'esprit,  et  que 
nous  fissions  chaque  chose  comme  si  nous 
devions  mourir  aussitôt,  assurément  nous 
ferions  nos  actions  d'une  autre  manière  et 
avec  bien  plus  de  perfection.  Avec  quelle 
ferveur  un  prêtre  ne  dirait-il  pas  la  messe, 
s'il  croyait  que  ce  dût  être  la  dernière  action 
de  6a  vie,  et  qu'il  ne  lui  rest&t  plus  de 
temps  ensuite  pour  faire  aucune  bonne 
œuvre  et  pour  mériterl  Quelle  attention  et 
quel  zèle  n'aurait-on  point  dans  son  orti- 
son,  si  l'on  était  persuadé  que  ce  fût  la 
dernière,  et  que  jamais  on  ne  dût  avoir  le  loi- 
sir do  demander  pardon  de  ses  péchés  à 
Dieu,  et  d'implorer  sa  miséricorde  I  C'est 
pour  cela  qu'on  dit  ordinairement  qu'il  n'y 
a  point  de  lieux  où  l'on  apprenne  mieux 
à  prier  Dieii  que  sur  la  mer  ;  car  la  fer- 


veur est  tout  autre  quand  on  a  la  imn 
devant  les  yeux,  que  quand  on  ne  croit  avoir 
rien  i^  craindre. 

Pylha^ore  donnait  un  très-bon  conseil  à 
ses  disciples  et  à  ses  amis  pour  les  faire  de- 
venir vertueux,  et  leur  rendre  la  pratique 
de  la  vertu  douce  et  facile  Que  chacun,  di- 
sait-il, se  choisisse  une  manière  de  vivre  qui 
soit  honnête;  et  que  l'on  ne  prenne  pas 
garde  au  commencement  si  elle  est  diflit  ile 
et  pénible,  parce  que  la  coutume  la  rendra 
ensuite  agréable  et  aisée.  Voilk  un  moyen 
très-important  et  duquel  nous  devons  nous 
aider,  non  pas  {>arce qu'il  vient  du  très-grand 
philosophe,  mais  parce  que  le  Saint-Esprit 
lui-même  nous  le  suggère,  comme  nous 
allons  le  voir,  et  qu'il  est  très-propre  pour 
parvenir  à  notre  Qn. 

Cette  doctrine  nous  est  enseignée  par  le 
Saint-Esprit  en  plusieurs  endroits  de  rEcri- 
ture.  Je  vous  montrerai^  dit-il.dans  les  Pro- 
verbes, le  chemin  de  ta  sageue ,  c'est-à-dire, 
suivant  le  sens  de  saint  Bernard  qui  pré- 
tend que,  dans  l'Ecriture  sainte,  le  mot  de 
sagesse  doit  se  prendre  pour  une  connais- 
sance délicieuse  de  Dieu  ;  je  vous  montrerai 
le  chemin  où  vous  viendrez  è  prendre  goûl 
&  la  eonnaissance,  à  l'amour  et  au  seivice 
de  Dieu  :  Je  vous  minerai  par  le*  eentiers  de 
Véquilé;  et  quand  voue  y  $erex  une  fois  en- 
iréf  rien  ne  contraindra  vo$  pas  et  ne  vous 
fera  broncher  en  courant.  Le  Saint-Esprit 
appelle  sentier  le  chemin  de  la  vertu,  parce 
que  notre  méchante  inclination  natureiloi 
nous  rend  la  vertu  si  difficile  dans  les  com- 
mencements, qu'il  semble  que  l'on  n'y  en- 
tre que  par  des  sentiers  étroits;  mais  après 
qu'on  les  a  passés, on  trouve  le  chemin  large; 
on  marche  a  son  aise,  et  même  on  y  peut 
courir  sans  rencontrer  rien  qui  fasse  chan- 
celer. C'est  ainsi  que,  par  une  métaphore 
très-élégante,  il  nous  enseigne  qu'encore 
que  la  pratique  de  la  vertu  nous  semble  fâ- 
cheuse d'abord,  il  ne  faut  pas  toutefois  per- 
dre courage  pour  cela,  parce  qu'ensuite 
non-seulement  nous  n'y  trouverons  aucune 
difficulté,  mais  nous  y  aurons  même  du 
plaisir ,  et  nous  dirons  avec  le  Sage  :  Tai  un 
peu  travaillé^  eifai  trouti  un  profond  repos* 
A  peine f  dit-il  dans  un  autre  endroit, aures- 
rottf  un  peu  travaillé  à  acquérir  la  tagesse^ 
que  voue  mangerez  des  fruits  qu^elte  vous 
rapportera.  Bt  sair^  Paul  nous  enseigne  la 
même  chose,  quand  il  dit  :  Toute  discipline 
semble^  au  eommencemeni  donner  plutôt  du 
chagrin  que  de  la  joie;  mais  ceux  qui  y  auront 
été  accoutumés  en  recueilleront  en  paix  des 
fruits  de  justice.  C'est  è  peu  près  ce  que  l'on 
éprouve  tous  les  jours  dans  toutes  sortes 
darts  et  de  sciences  i  quelle  difficulté,  par 
exemple,  ne  trouve-t-on  point  au  commen- 
eement  dans  les  études  I  II  faut  souvent 
qu'on  nous  y  entraîne  de  forcoj  et  qu  on 
nous  y  retienne  par  le  châtiment  ;  de  là 
vient  le  proverbe  qui  dit  :  Que  la  science 
entre  avec  le  sang.  Cependant,  quand  on  j 
est  accoutumé,  qu'on  vient  à  y  faire  quelques 
progrès,  et  qu'on  sait  déjà  quelque  chose,  on 
y  prend  quelquefois  tant  de  goût,  aue  Ton 


t9 


ACT 


D'ASCETlSilE^ 


ACT 


210 


fAïC  tout  50O  divertissement  et  tout  son 
plaisir  d^étndier  11  en  est  de  même  du  cbe- 
miii  de  la  Terlu  et  de  la  perfection. 
^  Le  tout  dépeod  donc  de  Thabilude  que 
ToD  a  ani  cnoses  :  de  sorte  que  si  tous 
ayez  de  la  peine  A  observer  toutes  les  cir* 
coDstaoces  qui  sont  nécessaires  pour  bien 
faire  votre  oraison  ou  votre  eiamen*  c*esl 
que  vous  n*/  êles  pas  assez  accoutumé.  Si 
A  votre  réveil,  ou  dans  le  temps  de  vos  priè- 
res, vous  ne  sauriez  retenir  votre  imagina- 
tion, et  Fempècher  de  se  promener  de  cAté 
et  d'autre,  c  est  que  vous  ne  vous  êtes  ja- 
mais fait  de  violence  pour  vous  accoutumer 
A  la  recueillir,  et  pour  faire  en  sorte  qu*elle 
ne  se  dissipAt  point  A  d'autres  choses  qu*A 
ce  qui  doit  être  le  sujet  de  votre  méditation; 
si  le  silence  et  la  retraite  vous  donnent  du 
ehagrir,  c'est  que  vous  u*y  êtes  pas  habi- 
tué. On  trouve  de  la  douceur  dans  sa  cham- 
bre, quand  on  v  demeure  souvent  ;  mais  on 
s^j  ennuie  cruellement  quand  on  ne  s'est  pas 
accoutumé  A  s'y  tenir  :  rendez-vous  la  re- 
traite familière,  elle  vous  deviendra  agréa- 
ble. L'oraison  et  le  jeûne  ne  paraissent  dif- 
ficiles aux  gens  du  monde,  que  fiarce  qu'ils 
d]j  sont  pas  assez  exercés.  Saùl  rt  vêtit  Da- 
vid de  ses  propres  armes,  quand  il  l'envoya 
eombattre  les  Philistins  ;  et  parce  que  David 
D*avait  pas  accoutumé  d'en  porter,  il  s'en 
trouva  embarrassé,  et  il  les  quitta  :  il  s'y 
habitua  néanmoins  depuis,  et  elles  ne  Tin- 
commodèrent  plus  dans  le  combat.  Ce  que 
je  dis  de  la  vertu  doit  s'entendre  pareille- 
ment du  vice;  car  si  vous  vous  laissez  aller 
A  une  mauvaise  habitude,  le  mal  augmentera 
et  prendra  des  forces  de  jour  en  jour,  ei  en- 
fin il  vous  sera  si  difficile  d'y  apporter  re- 
mède, que  vous  serez  en  danger  de  n'en 
guérir  de  votre  vie. 

Si  dès  le  commencement  vous  vous  étiez 
accoutumé  A  bien  faire  chaque  action,  vous 
seriez  maintenant  heureux,  et  la  vertu  vous 
serait  devenue  douce  et  aisée.  Commencez 
dès  maintenant  A  vous  y  habituer;  il  %aut 
mieux  tard  que  jamais.  Que  de  mérites  vous 
pouvez  encore  acquérir!  Ne dissifiez  pas  les 
richesses  que  Dieu  place  devant  vous;  il  n'y 
a  (iu*A  prendre  et  A  vous  les  approprier,  eu 
faisant  oien,  les  unes  après  les  autres,  tou- 
tes les  actions  ordinaires  de  votre  état. 

ACTIVE  (Vib).  —  Les  auteurs  ascétiques 
désignent,  sous  le  nom  dei?ûac/ii^,cellequi 
est  plus  particulièrement  consacrée  aux  oc- 
cupations extérieures,  aux  travaux  de  l'es- 
firiton  du  corps,  par  opposition  A  la  vie 
contemplative.  C'est  iÏMis  l'union  simultanée 
de  la  vie  active  et  de  la  vie  contemplative 
que  la  pluiuirt  des  fondateurs  d'ordres,  ins- 
pirés de  Dieu,  ont  (ait  consister  la  perfec- 
li#>a  de  la  vie  religieuse  ;  les  uns  donnant 
un  peu  plus  à  la  contemplation,  les  autres 
un  peu  moins.  Si  la  vie  contemplative  a  fait 
des  saints,  la  vie  active  nous  a  donné  ces 
illustres  docteurs,  ces  artistes  distingués,^ 
qui»  dans  les  temps  barbares,  ont  sauve  du 
naufrage  général  les  monuments  de  l'anli- 
^uité,  et  préparé  la  civilisalion  moderne. 

(1  0jf.  M0t3iES,  OaDBES  ftEUGIEUX.}  La  Ut.\-cs- 


sité  du  travail  est  proclamée  dans  foutes  les 
constitutions  religieuses.  Qui  ne  connaît  les 
immenses  travaux  scientifiques  des  Béné- 
dictins ;  les  écrits  et  la  vie  apostolique  des 
disciples  de  saint  Ignace  ;  les  missions  des 
Dominicains,  des  Lazaristes,  etcl  En  re- 
montant plus  haut,  nous  voyons  les  Pères 
de  la  Thébaïde  tresser  des  nattes,  sans  in- 
terrompre la  prière.  I«es  religieux  de  Cas- 
sien,  de  saint  Colomban,  etc.,  avaient  ordre 
de  s'appliquer  A  l'étude  et  au  travail  de» 
mains;  les  religieuses,  établies  par  sain 
C^ire,  transcrivaient  les  manuscrits,  ou 
vaquaient  au  soin  des  liApitaux.  Les  reli- 
gieux du  moyen  Age  furent  A  la  fois  tbéoio- 
giens,jurisconsultes,  littérateurs,  historiens, 
agriculteurs,  architectes,  peintres,  scul|>- 
teurs,  musiciens,  fondeurs,  etc.  ;  en  un  mot, 
les  seuls  savants,  et  presque  les  seuls  artis- 
tes  de  ces  temps,  appelés  barbares.  Pendant 
que»  tour  A  tour.  Vandales,  Suèves,  Bour- 
guignons, Angles,  Saxons,  Normands,  se- 
maient partout  les  ruines,  une  autre  armée, 
celle  des  moines,  relevait  en  silence  les  res- 
tes éparsdela  dévastation,  et,  sur  les  débris 
de  la  civilisation  romaine,  préparait  et  ache- 
vait l'œuvre  de  la  restauration  chrétien  ne. 
Les  savants  de  nos  jouis  sont  donc  bien  in- 
grats, lorsqu'ils  nous  représentent  modes- 
tement nos  instituts  religieux  comme  des 
écoles  de  quiétisme  et  de  fainéantise;  lors- 
qu'ils traitent  d'ignorants  ceux  même  dont 
ils  pillent  les  œuvres,  |.our  s'en  attribuer 
traminillenient  la  gloire. 

ACTIVITÉ  NATLIiELLK.  —Par  aciitiié 
naiurelle  on  entend  la  force  de  l'Ame  lor^- 
qu'elle  agit  par  ello-inéiiie  au  préjudice  du 
mouvement  de  la  grâce. 

Le  mal  de  cette  activité  est  un  obstacle  A 
la  grâce,  au  mouvement  de  laquelle  elle 
substitoe  son  propre  mouvement  et  sa  ma- 
nière d'agir  qui  est  bouveni  très-imparfaite. 
Nous  en  avons  parlé  ailleurs,  mais  non 
pas  aussi  amplement  que  le  demande  l'im- 
|H>rtance  de  cette  matière. 

Celte  activité  est  plus  ou  moins  dange- 
reuse, selon  le  principe  qui  la  produit  et 
les  effets  qu'elle  cause.  On  peut  en  distin- 
guer trois  degrés. 

Le  premier,  qui  est  le  plus  grossier  et  le 
plus  dangereux,  consiste  dans^  une  ardeur 
naturelle  qui  fait  que  certaines  personnes 
ne  peuvent  rien  entreprendre  qu  avec  im- 
pétuosité et  sans  quelque  mouvement  do 
passion.  Ce  n'est  iamais  la  raison  seule  qui 
les  fait  agir,  ou  la  seule  nécessité  qui  les 
mène;leur  action  est  toujours  véhémente 
et  fougueuse.  Cette  disposition  est  fort  con- 
traire A  la  grâce,  parce  qu'elle  est  suivie  de 
dérèglements,  et  qu'elle  jette  dans  les  ténè- 
bres. Le  principe  de  cette  activité  est  la- 
mour-propre  et  le'désir  de  se  satisfaire;  A 
peine  a-t-on  commencé  qu'o» voudrait  avoir 
achevé.  De  lA  vient  une  rapidité  que  rien 
n'arrête  et  qui,  pr<|duisaut  la  précipiiatiou 
et  le  trouble,  dérange  le  cœur  et  lui  ôto  ^a 
tranquillité. 

Le  second  degré  d'activité  est  une  autre 
sorte  d'impétuosité  itui  u  est  pas  bi  daugc* 


su 


ACT 


DICTIONNAIRE 


ACT 


M 


reuse  qae  la  première,  parce  qu*elle  se 
trouve  dans  des  personnes  qui  ont  la  cons- 
oience  délicate,  et  qui  ne  veulent  souffrir 
aucun  désordre  dans  leur  intérieur.  Cepen- 
dant, faute  de  réflexion,  elles  se  laissent  al- 
ler à  leur  empressement  naturel,  et  n'écou- 
tent pas  assez  le  Saint-Esprit,  qui  n*agit  que 
dans  le  calme  et  avec  tranquillité.  Elles 
B*ont  pas  aussi  assez  de  soin  pour  empê- 
cher que  la  propre  volonté  ne  se  glisse  dans 
leur  action  ;  de  sorte  que  si  le  succès  ne 
répond  pas  à  leur  attente,  il  leur  en  revient 
du  trouble,  du  chagrin  et  de  la  tristesse; 
ce  qui  n*arriverait  pas  si,  au  lieu  de  se  dé- 
terminer par  elles-mêmes  et  d'agir  par  leur 
propre  choix,  elles  altenJaient  le  mouve- 
ment de  la  grâce  pour  n*agir  que  par  le 
motif  de  la  volonté  de  Dieu.  Voilà  ce  que 
c*G$t  que  l'activité  naturelle,  qu'on  peut  ap- 
peler empressement  dans  ce  second  degré, 
où  elle  n'est  point  si  vicieuse  ni  si  iiréjudi- 
ciable  que  dans  le  premier,  vien  des  âmesqui 
désirent  la  perfection  sont  sujettes  à  ce  aé- 
faut  et  le  comptent  pour  rien,  parce  qu'elles 
ne  comprennent  pas  combien  il  est  con- 
traire à  la  perfection  où  elles  aspirent,  et 
auel  grand  obstacle  il  apporte  à  I  opération 
u  Saint-Esprit,  qui  les  aiderait  beaucoup 
plus  s'il  les  trouvait  plus  tranquilles. 

Le  troisième  degré  d'activité  est  un  dé- 
faut beaucoup  plus  subtil  et  beaucoup  plus 
difficile  à  connaître  que  les  deux  autres. 
Il  se  trouve  dans  les  personnes  qui  ont  les 
passions  fort  modérées  et  les  intentions  fort 
pures.  Quoiqu'elles  désirent  sincèrement  la 
plus  grande  perfection,  par  un  trait  d'amour» 
propre  dont  elles  ne  s'aperçoivent  point, 
elles  se  font  une  habitude  d^açir  par  leur 
propre  mouvement,  sans  consulter  et  sans 
attendre  la  gr&cOi  ce  qui  leur  porto  un  pré- 
judice plus  grand  qu'elles  ne  sauraient 
croire;  ear  il  arrive,   par  cette   conduite, 

au'il  se  forme  entre  Dieu  et  l'âme  une  espèce 
e  milieu  qui  empêche  de  voir  la  lumière 
«livinc,  de  sorte  qu'on  opère  souvent  dans 
les  ténèbres.  Le  Saint-Esprit,  voyant  que 
l'âme  s'introduit  elle-même,  se  retire  en  la 

f)rivant  de  son  assistance  particulière,  et  la 
aisse  agir  avec  beaucoup  moins  de  perfec- 
tion que  si  elle  avait  attendu  le  mouvement 
de  ce  divin  Esprit.  Pour  bien  comprendre 
cette  vérité/il  faut  savoir  que  nous  avons 
en  nous  deux  principes  qui  concourent  à 
nos  actions,  qui  sont  la  nature  et  la  grâce. 
Le  bon  ordre  demande  que  la  grâce  gou- 
verne et  que  la  nature  obéisse.  Lorsqu'un 
écrivain  conduit  la  main  de  son  élève  pour 
le  former  à  l'écrituret  il  faut  aue  l'élève 
agisse,  autrement  il  n'apprendrait  rien; 
mais  il  faut  qu'il  agisse  mu  et  guidé  par  la 
main  du  matlre  qui  conduit  la  sienne.  Si 
l'élève  prévient  le  maître,  il  ne  peut  que 
Hâter  l'ouvrage,  son  avancement  dépend  de 
son  attention  et  de  sa  dociHté  à  suivre  le 
mouvement  de  celui  qui  le  conduit.  Il  en 
est  de  même  de  la  grâce,  elle,  est  prête  à 
nous  guider  dans  nos  actions;  le  défaut  des 
hommes,  même  les  plus  vertueux,  est  d'a- 
gir par  eux-mêmes,  ciest-idire  de  prévenir 


la  grâce  au  lieu  d'attendre  que  la  erâce 
commence.  Ge  mouvement  précipité  de 
l'homme  vient  de  l'activité  naturelle  qui  in- 
terrompt l'action  de  Dieu  et  met  obstacle  à 
l'entière  perfection  des  âmes.  C'est  pour 
cela  que  les  derniers  et  les  plus  grands  ef- 
forts des  personnes  vertueuses  tendent  à 
supprimer  cette  activité. 

Pour  en  venir  à  bout,  il  faut  se  servir  de 
ces  trois  pratiques  :  la  première  est  de  faire 
une  étude  particulière  de  se  retenir  lors- 
qu'on se  sent  porté  avec  impétuosité  è  quel- 
que chose  qu'on  désire,  si  on  n'est  pas 
pressé  de  la  faire  par  obligation;  car,  quoi- 
qu'on puisse  faire  ce  qu'on  désire,  lorsqu'oa 
ne  désire  rien  de  mauvais,  c'est  toujours 
un  mal  de  le  faire  par  un  principe  naturel, 
tel  qu'est  celui  de  contenter  son  désir.  II 
est  bon,  dans  ces  occasions,  de  s'arrêter  et 
de  suspendre  son  action  pour  modérer 
l'activité  qui  emporte;  par  là  on  apprend  è 
se  rendre  maître  du  mouvement  naturel 
qui  presse  le  cœur  avec  importunité,  et  qui 
y  laisse  toujours  quelque  trouble  et  quel- 
que espèce  d'obscurcissement  dont  on  ne 
sapergoit  point.  La,  seconde  pratique  pour 
réprimer  l'activité  naturelle  et  pour  se  dis- 
poser à  recevoir  le  mouvement  de  la  grâce, 
c'est  de  consulter  souvent  Dieu  dans  Tes  af- 
fnirps  un  peu  considérables,  de  soupirer 
après  la  lumière  divine,  de  la  demander 
avec  constance,  et  (comme  le  conseillait 
saint  Ignace  à  ses  enfants)  de  ne  rien  en- 
treprendre d'important  qu'après  avoir  eu 
recours  à  l'oraison,  pour  connaître  la  vo- 
lonté de  Dieu.  C'est  un  des  exercices  les 
plus  essentiels  de  la  vie  intérieure,  par  le- 
quel on  s'attire  l'assistance  particulière  du 
Saint-Esprrt.  Et  quoique  la  volonté  divine 
ne  se  manifeste  pas  d  abord  avec  évidence 
à  ceux  qui  la  cherchent  de  cette  manière, 
il  est  vrai,  pourtant,  que  cette  fidélité  à  re- 
courir à  Dieu  lui  est  très-agréable  et  qu'elle 
prépare  bien  l'esprit  â  recevoir  la  lumière 
divine.  La  troisième  pratique  qu'il  faut 
ajouter  aux  deux  autres,  c'est  que  dans  les 
affaires  de  quelque  importance  on  ne  se 
contente  pas  de  consulter  le  Seigneur,  mais 
ou'en  effet  on  attende  pour  Texécution  le 


mouvement  de  la  grâce.  Dieu,  qui  a  beau- 
coup d'égards  aux  efforts  qu'on  fait  pour  lui 
plaire,  content  de  cette  fidélité,  ne  man- 
quera point  de  faire  connaître  à  une  âme, 
par  quelque  mouvement  intérieur  ou  par 
quelque  trait  de  lumière ,  le  parti  qu'elle 
noit  prendre  et  la  manière  dont  elle  doit  se 
comporter.  Il  est  vrai  que,  comme  nous 
sommes  grossiers  et  que  cette  lumière  est 
fort  subtile,  l'home  aura  de  la- peine  à  la 
distinguer  au  commencement;  mais  dans  la 
suite  elle  se  rendra  sensible  et  remplira 
d'une  joie  parfaite  l'homme  qui  se  verra 
ainsi  sous  la  main  de  Dieu  et  conduit  oar 
son  Esprit  en  toutes  choses. 

Lorsqu'on  n'aperçoit  pas  cette  lumière,  le 
meilleur  parti  qu'on  puisse  prendre  pour 
être  certîiin  de  ce  qu'on  doit  faire,  c'est  de 
diriger  son  intention  à  Dieu,  s'appliquanl 
sincèrement  et  de  toutes  ses  forces  à  se  dé- 


tîZ 


ADf 


D'ASCETISME. 


ADV 


S1I 


gager  de  tooteaUaefae  à  ses  propres  lutérèts, 
ï  renoncer  è  toutes  les  vues  hamaioes  et  à 
toutes  les  satisfactions  naturelles,  pour 
chercber  uniquement  la  plus  grande  gloire 
de  Dieu,  sans  se  flatter  ni  se  ménager  en 
rien.  Par  cette  fidélité  on  acbèTO  de  se  dis- 
poser h  sentir  le  mouvement  de  Dieu  et  à 
distinguer  sa  lumière  ;  et  on  arrive  enfin  à 
réiat  dont  nous  avons  parlé  ailleurs,  lors- 
que nous  avons  défini  1  homme  parlait,  ce- 
lui qui  est  conduit  en  toutes  choses  par  le 
mouTement  de  la  grâce  et  par  la  direction 
du  Saint-Esprit.  Cet  état,  qui  est  la  disposi- 
tion ordinaire  des  saints,  n*empéche  pas 
qu*ils  ne  donnent  dans  quelques  faiblesses 
qui  sont  des  suites  de  la  fragilité  humaine, 
liais  comme  ces  faiblesses  sont  rares  et  de 
ptfu  de  conséquence,  et  que  peu  doit  être 
compté  pour  rien  en  celte  matière,  il  reste 
toujours  vrai  que  les  saints  sont  Kuidés  en 
tout  par  l'esprit  de  Dieu  qui  habile  en 
eui. 

ADAM  DE  SAINT-TICTOR,  chanoine  ré- 
gulier de  Tabbaye  de  Saint  Viclor  les  Paris, 
mourut  Tan  1177,  et  fut  inhumé  dans  le 
cloître  de  cette  abt>a7e,  où  l'on  vit  longtemps 
son  épilaphCt  en  quatorze  vers,  qu'il  avait 
composée  lui-même.  Il  a  laissé  plusieurs 
traités  de  dévotion,  entre  autres  une  prose 
en  rbonneur  de  la  sainte  Vierge,  dont  on 
trouve  une  traduclion  française  dans  le 
Grmid  Martial  de  la  Mire  de  vie;  Paris, 2  vol. 
in-4%  1539. 

ADAM  (Jean),  Jésuite,  prédicateur  et  con- 
troversiste  fameni,  connu  |Kir  son  zèle  ar- 
dent contre  les  jansénistes  et  les  calvinistes, 
recleor  du  colléçe  de  Sedan,  procureur  de 
la  province  de  Champagne  è  Rome,  était  né 
h  Limoges  en  1608.  Il  entra  dans  la  Compa- 
gnie de  Jésus  en  1622,  h  l'âge  de  quatorze 
ans.  Après  avoir  professé  les  humanités  et 
la  uhilosophîe  pendant  quelques  années,  il 
l»reclia  dans  les  ririncipales  villes  de  France 
et  à  la  cour.  Il  fut  envoyé  par  Louis  XIV  à 
Sedan,  pour  y  travailler  au  rétablissement 
de  la  foi  catholique.  Il  mourut  en  168%,  su- 
périeur de  la  maison  professe  de  Bordeaux. 
Panni  les  nombreux  ouvrages  qu'il  publia 
oo  remarque  les  livres  ascétiques  qui  sui- 
vent z  V  La  règle  deê  fidileêf  ttrée  de  CEcri- 
îwre  Mainte  et  des  saints  Pères;  Paris*  1651, 
iii-9*.  — 2*  Heures  catholiques  contenant... 
les  règles  de  la  vie  chrétienne^  etc.  —  3r  La 
rondmiie  des  fdèles  par  les  règles  de  la  foi, 
les  wMximes  de  rEvangile  et  tes  saints  detoirs 
de  ious  les  Chrétiens  dans  tous  les  états  ;  tirée 
de  FEcriture  sainte;  Paris,  1656,  in-12.  -• 
Ces  ouvrages,  comme  tous  les  autres  du 
même  auteur,  sont  dirigés  spécialement 
contre  les  calvinistes. 

ADELMfi,  ou  mieux  Adhelmb,  fils  de 
Kentred  et  neveu  d'Inas,  roi  des  Saxons 
ocddenlaux,  fut  élevé  dans  le  monastère  de 
Saint-Augustin  de  Cantorbéry,  et  parvint  à 
TéTèché  de  Sherbum,  aujourahui  Sarisbury 
On  a  de  lui  un  traité  De  laude  virginum^  et 
un  autre  De  virginitate.  Adelme  mourut  en 
709. 

ADVERSITÉS.  -  Elles  signifient  plus  spé- 


cialement les  événements  filcbeux,  les  acci- 
dents imprévus  qui  bouleversent  notre  exi 
stence. 

«  il  y  a  trois  sortes  d'accidens,  observe  un 
vieil  auteur  anonyme,  qui  ont  coutume  de 
nous  surprendre  :  c'est  a  sçavoir  des  accr- 
dens  imaginaires,  qui  n'ont  aucune  subsis 
tance  que  dans  l'imagination,  lorsqu'elle 
se  représente  des  choses  qui  ne  sont  et  ne 
furent  jamais.  Ces  accidens  changent  queU 

anefois  des  troupeaux  de  brebis  en  soldats, 
es  roseaux  et  des  cannes  en  lances,  des 
lieux  obscurs  en  autant  de  tombeaux,  d'où 
les  aïeuls  et  les  bisaïeuls  sortent  enseTelis 
dans  leurs  suaires;  et  tout  cela  ne  subsiste 
que  dans  l'imagination  qui  nous  tourmente 
ordinairement  par  des  maux  fantastiques, 
quand  les  véritables  nous  épargnent. 

«  Il  y  a  des  accidens  qui  ne  regardent  que 
l'âme  et  la  conscience,  c  est-è-dire  les  péchez, 
qui  la  surprenent  et  qui  la  frapent  tout  d'un 
coup;  car  c'est  un  grand  accident  pour  l'ame, 
qu'un  emportement  de  colère,  qui  altère  la 
tionté  de  son  tempérament  :  c'est  un  grand 
accident  pour  la  conscience  que  le  consente- 
ment au  mal,  où  elle  tombe  en  un  moment. 
Il  y  a  des  accidens  temporels,  comme  ceux 
qui  nous  arrivent  tous  les  jours  en  nos  biens 
et  en  nos  corps;  c'est  de  ceux-cy  que  nous 
parlons.  Il  y  en  a  peu  qui  les  reçoivent 
comme  il  faut  ;  car  imrmy  les  gens  du  com- 
mun, ils  donnent  des  ailes  aux  pieds  des 
uns,  et  des  entraves  aux  pieds  des  autres, 
faisant  prendre  la  fuite  inconsidérément  aux 
uns,  et  arrestant  quelques  autres  par  uno 
espèce  d'immobilité  de  tous  leurs  membres  ; 
ils  étouffent  la  voix  des  uns,  et  font  plaindre 
hautement  les  autres,  ils  jettent  les  uns  dans 
(les  emportemens,  dans  des  murmures  et 
dans  des  impatiences  qui  témoignent  l'alie 
nation  de  leur  esprit;  ils  poussent  les  autres 
a  des  plaintes  et  des  lamentations  qui  mar- 
quent la  foiblesse  de  leur  naturel. 

«  Parmi  les  gens  sça vans  et  les  esprits  forts, 
nous  trouvons  des  philosophes  qui  font  pro- 
fession de  ne  s'etonuer  de  rien,  et  qui,  af- 
fectant une  gravité  stoïcienne»  veulent  s'é- 
lever au  dessus  de  tous  les  accidens ,  et 
veulent  que  l'on  croye  qu'ils  ne  sentent  pas 
ce  qui  ébranle  tout  le  re^^te  des  hommes  ; 
mais  quoy  que  Casse  cette  vaine  philosophie 
pour  éviter  la  peur  et  l'impression  des  acci- 
dens, elle  ne  fera  jamais  si  bien  que  Tigno- 
rance  et  la-stupidité  qui  ne  craint  rien  bien 
souvent  dans  les  accidens  qui  nous  arrivent. 
Et  pourquojr  voulez-vous  que  ce  qui  est 
envoyé  de  Dieu  pour  nous  étonner  ne  non» 
étonne  pas,  et  que  nous  soyons  insensibles 
aux  choses  que  Dieu  nous  envoyé  pour  nous 
punir  ?  Pourquey  vouler-vous  que  ce  qui 
nous  arrive  |K)ur  nous  humilier  nous  fasse 
lever  la  teste  |iar  un  espril  d'orgueil  et  de 
témérité?  Ce  n'est  pas  là  le  temps  de  dis- 
courir en  nhilosophe,  nj  de  faire  ostentation 
de  gravite,  quaftd  l'accident  ne  nous  laisse 
du  temps  qae  pour  crier  miséricorde. 

«  Le  sag«  s'y  comporte  bien  autrement,  il 
se  possède  en  ce  moment,  mm  pas  comme 
ces  anciens  i^iilosophes,  qui,  faisant  profes 


^15 


ADV 


DICTIONNAIRE 


ADV 


i\î 


sion  de  se  iK>.ssedër  en  ces  grands  accidens, 
se  laissoieut  posséder  par  )a  superbe,  dont 
ils  faisoient  ostentation  dans  les  dangers, 
et  qui,  roulant  paroistre  gens  d'un  esprit 
fort,  cessoient  d'estre  hommes  et  quittoiont 
la  condition  de  la  nature  humaine,  dont  le 

Î propre  est  de  suer,  de  pasiir,  de  frémir  dans 
es  grands  accidens,  pour  vouloir  trop  s'éle- 
ver au  dessus;  mais  le  sage  se  possède  dans 
la  surprise  en  homme,  en  philosophe  et  en 
chrestien;  en  homme  qui  appréhende,  en 
philosophe  qui  modère  ses  craintes  par  la 
force  de  son  esprit,  en  chrestien  qui  cherche 
son  secours  et  la  force  en  Dieu.  Il  n'a  pas 
le  loisir  en  ce  temps-là  de  raisonner,  mais 
il  a  le  loisir  de  reconnoistre  la  foiblesse  de 
la  nature  et  de  lever  les  yeux  au  ciel;  il  n'a 
pas  le  temps  de  parler  en  théologien  des  at- 
tributs de  Dieu,  mais  il  a  le  temps  d*invo* 
quer  sa  miséricorde  ;  il  n'a  pas  le  temps  de 
porter  son  esprit  dans  le  ciel,  mais  il  a  le 
lemps  de  reconnoistre  sa  dépendance  et  le 
besoin  qu'il  a  de  son  secours. 

«  Le  sage  craint  donc  pour  lors,  mais  d'une 
crainte  qui  est  plutost  capable  de  reveiller 
la  force  de  son  esprit  que  de  l'abattre;  il 
frémit,  mais  d'un  frémissement  qui  montre 
plutost  la  foiblesse  de  noire  nature  que  la 
foiblesse  de  son  cœur;  il  est  alarmé,  mais 
d'unealarmequi  est  plulost  capable  d'eiciler 
son  industrie  que  de  l'embarrasser;  il  appre 
Iiende,  mais  d'une  apiirehension  qui  con- 
siste à  aller  au  devant  du  mal  et  de  ses 
suites,  par  la  vivacité  de  son  esprit  plutost 
qu'à  le  grossir  par  l'imagination  ;  il  s'humilie, 
mais  d*une  humiliation  qui  est  plutost  pour 
faire  paroistre  la  soumission  qu'il  a  aux 
ordres  de  Dieu  que  pour  découvrir  !a  bas-> 
sesse  de  son  esprit. 

«  Nous  ne  sçavons  pas  ce  qui  doit  nous  ar- 
river, tenons-nous  prêts.  On  se  prépare  aux 
accidens  dont  on  presse  la  violence  par  le 
raisormement. 

a  On  se  prépare  aux  accidens  que  Ton  ne 
peut  prévenir  par  la  résignation.  Dieu  nous 
.  cache  la  conuoissanco  de  ceux*cy,  et  quanl 
il  nous  les  revSle,  ce  n'est  pas  tant  pour 
nous  les  faire  éviter,  que  pour  nous  y  pré- 
parer par  un  esprit  d'humilité. 

a  Si  nous  ne  pouvons  pas  reconnoistre  les 
circonstances  et  les  suites  de  l'accident  qui 
nous  arrive,  rcxonnoissons  la  providence 
qui  nous  l'envoyé;  si  nous  n'avons  pas  la 
liberté  de  nous  échapper,  nous  avons  la 
liberté  de  nous  humilier  devant  Dieu. 

«  Puisque  la  méditation  ne  peut  abattre 
notre  superbe,  il  est  raisonnable  que  les 
accidens  Ja  soumettent.  Heureux  si  ces  ac- 
cidens-là  nous  pouvoient  délivrer  du  péché 

3ue  jious  pouvons  nommer  le  plus  grand 
e  tous  les  accidens. 

«  Dieu  a  monstre  le  baston,  nous  en  avons 
fremy*;  craignons  davantage  la  maiu  qui 
frappe  sans  advertir.  Dieu  nous  a  menacés, 
nous  en  avons  tremblé  ;  tremblons  davan- 
t-ige  d.ns  le  silence  et  dans  le  repos  qui  nous 
attaque  sourdement.  Si  nous  craignons  l'ac- 
cident qui  marche  devant  la  miséricorde 
qai  nous  voulait  reveiller,  craignons  davan- 


tage Ja  prospérité  qui  nous  endort  dans  les 
approches  de  la  justice  qui  vient  pour  nous 
donner  le  dernier  coup.  » 

Ne  quittons  pas  ce  siiyet  sans  nous  adresser 
au  grand  saint  Cbrysostome,  qui  a  si  excel- 
lemment donné  l'exemple  dans  lea  adver- 
sités, et  qui  en  a  si  dign^oa^n^  parlé* 

tf  L'adve'*s*té  nous  visite  et  nous  tente  de 
bien  des  manières,  dit-il  ;  ce  sont  :  ou  des 
infirmités,  ou  des  pertes  de  biens  temporels, 
ou  la  perle  des  personnes  qui  nous  sont 
chères,  comme  il  arriva  h  Job  et  à  Tobie. 
Toute  adversité  qui  nous  atteint  en  ce 
monde,  sans  que  noas|y  donnions  occasion, 
est  un  baptême  de  feu,  si  nous  la  suppor- 
tons sans  murmurer  contre  Dieu  qui  nous 
l'envoie  pour  expier  nos  péchés.  Si  par  ha- 
sard vous  n'aviez  pas  péché,  ce  qui  est  dif- 
ficile à  supposer,  et  que  ce  feu  ne  trouve 
rien  de  souillé  à  ronger  autour  de  votre 
Ame,  il  la  rendra  elle-même  plus  splendide, 
et  votre  âme  brillera  d'un  éclat  d'autint 
plus  vif  que  l'épreuve  aura  été  plus  violeole. 
Nous  ne  sommes  l)aplisés  qu'une  seule  fois 
nar  l'eau,  mais  nous  le  sommes  souvent  par 
le  feu.  Comme  notre  vie  n'est  jamais  pure 
de  péché,  car  l'âme  se  souillé  par  la  vue, 
par  l'ouie,  par  la  parole,  par  la  pensée; 
ainsi  le  feu  de  la  tribulation  ne  doit  jamais 
nous  quitter.  Et  il  est  profitable  aux  sages 
qu'il  en  soit  ainsi,  car  il  est  écrit  :  Heureux 
celui  que  le  Seigneur  éprouve  sur  la  terre, 

«  LËglise  est  l'aire,  le  grenier,  c'est  fo 
royaume  céleste  ;  le  champ  c'est  le  monde. 
Le  père  de  famille  envoie  ses  moissonneurs 
recueillir  les  épis  dans  soii  champ  et  ks 
porter  dans  l'aire;  et  là  on  les  triture,  on 
les  ventile,  afin  que  le  grain  se  sépare  de  la 
paille.  Un  grain  lourd  et  nourri  se  sépare 
aisément,  un  grain  maiçre  se  sépare  difficile- 
ment, et  un  épi  vide  a  beau  être  foulé,  il  ne 
rend  rien.  C'est  ainsi  que  les  hommes  profi- 
tent plus  ou  moins  des  adversités  selon 
leurs  dispositions. 

a  Ainsi  un  Chrétien  fidèle,  qui  a  un  cœur 
bien  disposé,  quelque  peu  qu'il  soit  atteint 
de  la  tribulation,  néglige  ce  qui  est  de  la 
chair  et  s'empresse  de  courir  à  Dieu.  Celui 
qui  commence  h  être  infidèle  est  à  peine  ra- 
mené à  Dieu  par  de  grandes  tribulations; 
enfin  celui  qui  est  infidèle  et  vide  de  mé- 
rites, quelque  agité  qu'il  soit  par  l'adversité, 
ressemble  a  un  grain  vide  qui  reste  avec  la 
paille  :  il  ne  peut  se  dégager  des  affections 
de  la  chair,  des  empiétements  mondains;  il 
ne  peut  se  décider  a  aller  à  Dieu;  et  ainsi  il 
est  broyé  par  les  maux,  et  il  est  rejeté  au 
dehors  comme  une  pailleinutile.  »  (ZnAfaM., 
serm.  &.) 

f^  plus  bel  exemple  que  l'Ecriture  nous 
propose  de  la  résignation  dans  les  adversités 
est  celui  de  Job.  Dieu  a  épuisé  en  lui  tous 
les  genres  d'épreuves;  elles  ont  été  rendues 
aussi  vives,  aussi  sensibles,  aussi  univer- 
selles qu'on  pouvait  l'imaginer,  et  sa  verta, 
avec  la  grâce  de  Dieu,  a  été  plus  grande  et 
plus  forte  que  toutes  ses  tribulations.  Il  a  été 
éprouvé  dans  ses  biens  au  point  que  de  la 
I>lus  florissante  prospérité  il  est  tombé  dans 


«17 


AIT 


D'ASCmSME. 


AFP 


<IS 


une  paorreté  absolue;  il  a  perdu  ses  mai- 
sous»  ses  troupeaui  el  tous  ses  biens.  Dans 
sa  famille  il  pefd  ses  enfants,  et  sa  femme 
ne  surrit  çie  pour  Tinsulter.  Dans  son  corps» 
il  devient  un  instrument  de  douleur  et  de 
dégoût.  Dans  ses  amis,  qui  se  coalisent 
|our  piquer  son  amour-propre,  ridiculiser 
sa  vertu ,  et  faire  de  sa  sagesse  et  de  sa  pru- 
dence Tobjet  de  leurs  amers  sarcasmes.  Et 
tous  ces  fléaux  Taccablent  coup  sur  coup, 
sans  que  la  nature  éperdue  ait  le  temps 
de  se  remettre  d'un  coup  à  Tautre.  Il 
tombe  de  revers  en  revers,  d'adversités 
en  adversités,  jusqu'au  fond  d'un  abîme  de 
maux;  et  le,  dans  cet  abîme,  seul  avec  lui* 
même,  il  donne  le  plus  beau  spectacle  que 
nous  puissions  admirer.  Il  se  courbe  avec 
résigution  et  calme  sous  la  main  de  Dieu.  Il 
ne  se  plaint  pas,  et  h  chaque  coup  de  la  Pro- 
videncequi  lui  ravit  Quelque  chose,  il  répond 

Kr  cette  parole  :  Dieu  me  ratait  dinné^ 
euwu  Fa  M;  que  êon  êaitU  nom  soii  béni! 
Ce  saint  a  été  assurément  incomparablement 
plus  çrand,  plus  admirable,  plus  méritant 
dans  les  revers  que  dans  les  succès.  Les 
revers  ont  donc  été  pour  lui  une  véritable 
richesse  et  une  grande  fortune.  La  natieoce, 
selon  Dieu,  est  donc  dans  la  religion  la 
pierre  philosophale  qui  change  tout  en  or. 
Cherchons  cette  pierre  précieuse,  et  nous 
aurons  du  succès  même  dans  les  revers  ;  et 
f*our  la  trouver  sûrement,  cette  pierre  pré- 
cieuse, il  faut  la  chercher  au  pied  ae  la  croix: 
on  est  toujours  sûr  de  ly  trouver. 

iEKLREDE,  ou  Etbmulède^  abbé  de  Re- 
verfoj,  puis  de  Kiéval,  en  Angleterre,  con- 
temfiorain  de  saint  Bernard,  est  auteur  du 
Miroir  de  la  chariié^  ouvrage  dans  lequel  ce 
Père  aurait  reconnu  son  caractère  et  son 
stjle.  Il  mourut  en  1166,  en  réputation  de 
r»iété  et  de  savoir.  Ses  Œuvres  ont  été  pu- 
bliées par  le  Jésuite  Gibbon,  à  Douaj, 
en  1631,  in-fol. 

AFFECTIONS.  Yay.  Anmé,  Chabite. 

AFFECTION  (OaAisoN  d*),  ou  Obaisou  af-- 
FEcnvK  ;  M  fkoture^  ses  effets^  ses  diffieuliés, 
ses  faveurs.  —  On  sait  que  les  auteurs  mys- 
tiques distinguent  plusieurs  états  ou  degrés 
dans  l'oraison.  Le  premier  est  la  médilaiion 
firoprement  dite,  ou  Toraison  mentale  ordi- 
naire (Fejf.  l'art.  MiotTATiosi  )  ;  le  second 
c'est  I  oraison  affective^  dont  il  s'agit  ici.  11 
faut  passer  par  ce  second  état  d'oraison 
avant  que  l'âme  puisse  s'élever  jusqu'aux 
oraisons  de  reeueiUemeni  actifs  de  quiétude 
ou  recufiilemeni  passifs  d'union  et  de  trans* 
formation,  ijoy.  ces  mots,)  Or  on  doit,  pour 
arriver  à  Voraison  affective^  éviter  trois  in- 
convénients :  Le  premier,  c'est  de  ne  point 
vouloir  quitter  du /oiU  la  méditation;  car  si 
la  méditation  est  le  premier  degré  d'oraison, 
il  faut,  pour  avancer  en  ce  saint  exercice,  se 
rendre  digne  de  passer  au  second  degré  ; 
autrement  ce  serait  s'arréier  en  chemin 
et  commencer  un  ouvrage  sans  vouloir 
l'achever.  Le  second,  c'est  de  la  quitter  trop 
tard.  C'est  encore  perdre  t>eaucoup  et  se 
priver  de  grands  biens  que  de  se  permettre 
des  ajouruements.  Ceux  qui  lombeiil  dans 


3 


ce  défaut  perdent  un  temps  précieux  qu'ils 
auraient  mieux  employé  s'ils  fussent  montés 
au  second  degré  quand  il  le  fallait.  Il  en  est 
de  ces  personnes  comme  de  celles  qui  sont 
sous  un  maître  qui  leur  a  appris  tout  ce  qu'il 

r^uvait  leur  apprendre,  et  qui  s'opiuiâtrent 
n'en  point  cnanger;  ils  perdent  donc  et 
leur  temps  et  leurs  peines.  Le  troisième  in- 
convénient, c'est  de  la  quiUer  trop  tôt.  C'est 
une  imprudence,  en  effet,  d'at>andonner  trop 
tAt  l'exercice  de  la  méditation;  agir  ainsi, 
c'est  imiter  les  écoliers  qui  montent  dans 
une  classe  avant  d'en  être  capables,  et  qui 

t'amais  ne  deviennent  savants; c'est  ressem- 
>ler  aux  fruits  qui  mûrissent  avant  le  temps 
et  ne  sont  jamais  t>ons. 

Les  marques  pour  connaître  qu'il  n'est  ni 
troptdt  ni  trop  lard  de  quitter  la  méditation 
pour  entrer  dans  l'oraison  affective,  sont  : 
1*  quand  on  a  de  la  peine  à  méditer  el  qu'on 
se  sent  porté  aux  affections;  2*  quand  on  s'a- 
perçoit que,  loin  de  retirer  quelque  fruit  de 
la  méditation,  on  n'en  rapporte  que  de  l'é- 
puisement et  du  dégoût,  qu'on  en  sort  froid 
et  sans  résolution  de  mieux  faire  ;  3*  quand 
on  est  assez  instruit  des  mystères  de  la  reli- 
gion et  des  maximes  de  Jésus-Christ,  et 
u'on  est  pénétré  des  vérités  chrétiennes  et 
e  ses  obligations  ;  k*  quand  on  a  les  vertus 
convenables  au  premier  degré  d'oraison , 
comme  sont  l'horreur  du  péché,  le  dégoût 
des  divertissements,  la  fuite  des  occasions 
dangereuses  du  péché,  la  retenue  dans  les 
paroles,  la  mortification  des  sens.  Quand  on 
est  bien  affermi  dans  la  pratique  de  ces  ver- 
tus, alors  on  peut  hardiment  laisser  la  mé- 
ditation de  côté  pour  s'abandonner  aux 
affections. 

Il  ne  faut  pas  quitter  tout  d'un  coup  la 
méditation  pour  entrer  dans  l'oraison  affec- 
tive, à  moins  qu'on  n'y  soit  poussé  d'une 
manière   extraordinaire;    car  Dieu   réduit 

Sufelquefois  dans  une  si  grande  impuissance 
e  méditer,  qu'on  ne  pourrait  pas  le  iaire 
malgré  tous  ses  efforts;  mais  hors  ces  cas 
peu  ordinaires,  on  ne  doit  pas  quitter  la 
méditation  tout  d'un  coup.  On  la  quittera, 
en  diminuant  les  considérations  et  les  lé- 
flexions.  et  en  augmentant  en  môiue  temps 
les  affections.  Le  temps  ôté  aux  considéra- 
tions sera  donné  aux  affections,  en  sorte  qoe 
les  unes  irunt  toujours  en  augmentant,  et 
les  autres  en  diminuant,  jusqu'à  ce  ou'enfln 
les  affections  occupent  entièrement  la  place 
des  considérations. 

L'oraison  affective  est  un  état  d'orai* 
son  où  l'âme,  éprise  de  l'amour  de  Dieu 
el  des  vertus,  tend  è  lui  et  à  elles  par  di- 
vers actes  de  sa  volonté.  Il  y  a  plusieurs 
différences  entre  le  premier  état  d'oraison 
et  le  second.  La  première  différence,  c'est 
que  dans  l'état  de  la  médilaiion  on  raisonne 
sur  quelque  sujet,  on  médite  quelque  pas- 
sage, on  réfléchit  sur  quelque  venté,  sur 
quelque  mystère  pour  en  tirer  des  affec- 
tions; et  dans  l'état  de  l'oraison  affective, 
les  raisonnements  ont  cessé,  il  n'v  a  pliis 
ni  méditations  ni  réflexions,  mais  renie  se 
porte  d'elle-même  à  produire  des  affections, 


M9 


AFF 


DICTIOMMIRE 


AFF 


m 


sans  le  secours  dont  elle  avait  oesoin»  lors- 
qu'elle n*était  encore  que  dans  le  premier  de- 
tfré  d*oraison.  La  seconde  différence  est  que 
dans  la  méditation  Tâme  produit  des  affec- 
tions avec  peine  et  travail  d^esprit,  il  faut 
s'appliquer  et  réfléchir  altentivement  pour 
en  venir  à  bout  ;  ici  ce  n*est  plus  de  même, 
les  affections  ne  coûtent  rien  à  produire , 
elles  sortent  de  la  volonté  avec  beaucoup  de 
facilité  et  de  suavité.  Dans  le  premier  état 
d'oraisooy  les  affections  étaient  comme  une 
eau  qu'on  tire  à  force  de  bras  d'un  puits 
très-profond  y  et  dans  celui-ci  elles  sont 
comme  une  eau  qui  roule  fort  naturellement 
par  un  canal  ou  par  le  lit  d'une  rivière.  Dans 
le  premier  état,  les  affections  étaient  un  feu 
qu  il  fallait  allumer  à  force  de  souffler,  et 
qui  ne  pouvait  s'allumer  au'en  y  mettant 
presque  incessamment  du  oois  :  ce  souffle, 
c'était  la  multiplicité  des  actes  par  lesquels 
le  cœur  s'excitait  k  produire  les  affections; 
le  bois,  c'étaient  les  considérations  dont  ce 
feu  avait  toujours  besoin  pour  se  conserver; 
mais  actuellement  les  affections  sont  non- 
seulement  un  feu  plus  ardent  que  celui  de 
l'oraison  de  méditation,  mais  un  feu  plus 
constant,  plus  fixe  et  presque  continuel. 

Il  en  est  de  l'oraison  comme  de  l'appren- 
tissage d'un  art  quelconque,  les  commen- 
cements coûtent  ;  mais  avec  le  temps  et  un 
peu  de  peine,  on  acquiert  une  facilité  mer- 
veilleuse ou  à  faire  un  ouvrage,  ou  h  exer- 
cer l'art  appris  avec  tant  de  travail.  Quand 
on  apprend  k  jouer  de  la  guitare  ou  de 
quelque  autre  instrument,  les  premiers 
mois  demandent  de  la  peine  et  du  soin , 
mais  ensuite  cette  exercice  devient  peu  à 
))eu  si  aisé,  qu'on  en  joue  presque  sans 
s'appliqner.  De  même  la  méditation  qui  est 
comme  l'apprentissage  de  l'oraison  est  pé- 
nible, et  dans  cet  état  on  ne  produit  les 
affeclions  qu'avec  difficulté  ;  mais  quand 
une  fois  l'habitude  est  prise,  que  Ion  a 
acçiuis  un  penchant  vers  Dieu,  ou  vers  les 
saints,  ou  vers  le  ciel  et  les  vertus,  on  s'y 
sent  porté  sans  peine  et  on  s'y  laisse  aller 
sans  y  penser. 

Il  se  fait  quelquefois  dans  l'oraison  affec* 
tive  des  réflexions  et  des  considérations , 
mais  rarement,  et  cela,  quand  le  Saint-Es- 
prit nous  porte  à  en  faire  ;  ce  qu'on  con- 
naît quand  on  s'aperçoit  qu'on  tirera  du 
profit  de  quelque  mut  entendu,  de  quelque 
passage  qu'on  aura  lu,  d'un  mystère  qui 
aura  été  représenté.  Quand  on  se  sent  en- 
flammé par  ces  objets,  c'est  un  signe  (jue 
c'est  la  volonté  de  Dieu  ;  qu'on  y  réfléchisse 
un  peu.  De  mémo  quand  on  se  trouve  par- 
fois sec  et  aride,  et  qu'on  pense  que  quel- 
ques considérations  ou  réflexions  remet- 
traient dans  le  premier  état,  il  ne  faut  pas 
manquer  d'en  faire. 

Il  n'est  pas  nécessaire  de  garder  quelque 
méthode  dans  cette  oraison  comme  dans  la 

1)récédente;  car  dans  cet  état,  on  commence 
i  s'abandonner  plus  pai'faitement  aux  mou- 
vements du  Saint-Esprit  que  dans  l'autre; 
w«emblable  à  ces  oiseaux  qui  no  peuvent  s'é- 
lancer en  Tair  sans  un  vent  favorable,  on 


aoit  de  même  aans  celte  oraison  attendre  le 
secours  de  l'Esprit  saint  qui  par  son  souffle 
nous  portera  ou  il  lui  plaît. 

Dans  ce  second  état,  il  faut  prendre  un 
sujet  d'oraison,  mais  dans  la  disposition  de 
le  quitter  quand  il  plaira  à  Dieu  de  nous 

I porter  ailleurs.  Celui  dont  on  croira  tirer 
e  plus  de  profit  sera  le  meilleur  :  si  Jésus 
crucifié  est  aussi  utile  que  les  autres,  qu'on 
le  préfère  ;  si  l'on  aime  mieux  quelque  at- 
tribut de  Dieu,  ou  la  considération  de  quel- 
que mystère  ou  quelque  mot  de  la  sainte 
Écriture,  il  faut  s'y  attacher  et  s'y  appli- 
quer. Ce  sujet  de  méditation,  quand  même 
on  ne  s'en  servirait  pas,  servira  comme 
d'entrée  aux  affections.  On  ne  donne  pas  de 
sujet  pour  occuper  l'esprit,  mais  comme  ud 
secours  pour  enflammer  le  cœur  ;  après  auoi 
on  le  laisse  pour  s'abandonner  aux  auec- 
tions. 

Les  effets  que  l'oraison  affective  peut  pro- 
duire dans  une  Ame  peuvent  se  réduire  à 
douze  principaux.  Le  premier  effet  est  un 
grand  amour  pour  Dieu;  c'est  dans  cette 
oraison  que  s'allument  ces  grands  feux  qui 
ont  embrasé  tant  de  saintes  âmes  ;  c'est  ià 
qu'elles  ont  puisé  pour  Dieu  tant  de  saintes 
affections  répandues  dans  leurs  ouvrages. 
Ce  feu  sacré  ne  peut  demeurer  renfermé  eo 
elles  ;  il  s*exhaie  par  mille  élans  qu'elles 
poussent  vers  Dieu,  et  par  mille  soupirs 
(ju'elles  tirent  du  fond  de  leur  cœur;  cest 
dans  cet  état  d'oraison  que  se  produisant 
une  infinité  d'actes  d'amour  de  prifératct^ 
iï amour  de  complaisance^  et  d^amour  de  bien" 
veillance. 
On   appelle  amour  de  préférence  celui 

Ear  lequel  on  aime  Dieu  par-dessus  tout. 
ne  Ame  qui  est  persuadée ,  d'un  côté,  des 
grandeurs  et  des  perfections  de  Dieu,  et  de 
l'autre  de  la  vanité  des  créatures,  s'écrio  aveu 
David  :  «  Qu'y  a-t-il  dans  le  ciel  et  sur  la 
terre  que  je  doive  aimer  comme  vous,  A 
mon  Dieu  I  qui  êtes  le  Dieu  de  mon  cœur, 
mon  partage  pour  l'éternité  ?»  Ou  bien 
avec  saint  François  d'Assise.:  Vous  êtes  mon 
Dieu  et  mon  tout.  C'est  par  ce  saint  amour 
que  tout  ce  qu'il  y  a  de  bon,,  de  riche,  de 
grand  et  de  puissant  dans  le  monde,  ne  nous 

[>aralt  que  comme  vil,  comme  des  bagatel- 
es  et  comme  des  amusements  d'enfants  ea 
comparaison  de  Dieu. 

L'amour  de  complaisance  est  celui  par 
lequel  nous  sommes  ravis  de  ce  que  Dieu 
est  ce  qu'il  est  ;  le  plus  grand  de  nos  conten- 
tements est  de  savoir  que  Dieu  est  bon, 
Çrand,  puissant,  juste,  immense,  inGni, 
incompréhensible.  Une  Ame  pénétrée  de  cet 
amour  sacré  est  beaucoup  plus  contente  da 
bien  de  Dieu,  de  sa  félicité,  de  ses  gran- 
deurs, que  de  tout  ce  qui  regarde  ses  amis  et 
l'intéresse  elle-même. 

L'amour  de  bienveillance  est  celui  aui  nous 
fait  désirer  du  bien  h  Dieu,  outre  celui  qu'il 
a  déjà  :  quoiqu'il  possède  des  biens  et  des 
perfections  inûnies,et  que  tout  ce  que  nous 
pouvons  lui  souhaiter  de  bien  ne  puisse  rieu 
ajouter  à  son  bonheur,  l'Ame  ne  laisse  pas 
d  exercer  ces  actes  d'amour  de  bienveillance  ctt 


.'  ^ 


AFF 


D^ASGETISMf 


AFF 


deai  manières  :  l*eo  désirant  que  Dîen 
soit  aimé  de  toot  le  monde,  looé  et  glorifié 
de  toote  la  terre;  9*  en  souhaitant  à  Dieu 
f  oos  les  biens  qu*il  a»  supposé  qu*it  ne  les 
eût  JMB.  Mon  Dieu  I  dit-elle,  si  vous  n*éliez 
aussi  puissant  que  tous  Tètes,  je  désirerais 
que  TCMis  le  fussiez  I  s*il  ma  nouait  quelque 
chose  k  Yotre  bonheur,  je  ▼oodrais  que  vous 
eossies  ce  oui  vous  manquerait,  aux  dépens 
de  ma  rie,  de  mon  honneur  et  dé  ma  liberté  ! 
Quand  ces  actes  d*amour  ne  sont  pas  ac- 
compagnés des  œuvres,  il  est  à  craindre 
qa*on  ne  soit  abusé,  sMmaginant  aimer, 
<|iioîqn*en  effet  on  n*aime  pas.  La  marque  de 

I  amour  vrai  ou  faux  se  trouve  dans  les  effets. 

II  faut  que  Tamour  ne  soit  pas  seulement 
mgeeiif,  mais  effectif.  L*amour  effectif  est  ce- 
lui (|Qi  est  suivi  d*effets:  par  exemple,  après 
«Toir  conçu  dans  son  cœur  un  ardent  amour 
de  préfirenee  pour  Dieu,  on  doit  dans  les 
occasions  préférer  les  intérêts  de  Dieu  aux 
siens, sa  gloire  à  la  sienne;  quand  il  s'agira 
de  contenter  Dieu  et  un  ami,  on  devra  pré* 
férer  Dieu  è  cet  ami  ;  s*il  est  question  de 
satisfaire  Dieu  ou  soi-même,  on  devra  donner 
^  Dieu  la  préférence.  Celui  qui  se  sent  em- 
brasé de  Pamour  de  eomplaieanee  pour  son 
l^leu^  et  se  réjouit  de  s^  perfections  infinies, 
doit  conformer  sa  vie  k  se^  sentiments,  se 
soumettre  à  la  toute-puissance  de  Dieu,  se 
consacrer  è  son  service  et  ne  rien  faire  que 

Eur  lui.  Si  Ton  se  sent  pénétré  d'amour  de 
mtciltemce  pour  Dieu,  il  faut  travailler 
pour  sa  gloire,  et  faire  tous  ses  efforts  pour 
qu*il  soit  connu  et  servi  de  tout  le  monde. 
Voilà  l'amour  effectif.  —  Le  second  effet  de 
Toraison  affective,  c'est  qu'elle  inspire  un 
wérUable  désir  de  faire  la  volonté  de  Dieu  en 
tomtts  choses.  On  est  dans  cette  oraison 
comme  cette  fleur  qui  se  tourne  selon  les 
divers  mouvements  du  soleil.  Ainsi  il  faut 
s'abandonner  à  Dieu  pour  suivre  en  toot  sa 
sainte  volonté,  et  se  dépouiller  de  la  nêlre 
pour  revêtir  la  sienne;  c'est  l'exemple  que 
nous  a  laissé  le  Fils  de  Dieu  dans  son  orai- 
son au  jardin  des  Olives  :  «  Mon  Père,  di- 
sait-il, que  votre  volonté  soit  faite  et  non  pas 
la  mienne.  >  Il  est  vrai  que  tous  les  jours,  en 
récitant  le  Pater^  nous  disons  :  «  Que  votre 
volonté  soit  faite  en  la  terre  comme  au  ciel,  » 
mais  il  est  difficile  d'entrer  parfaitement 
dans  cette  sainte  pratique.  Il  n'y  a  que  les 
âmes  d'oraison  'qui  puissent  y  parvenir. 

Cette  pratique  de  renoncer  à  sa  propre 
volonté  pour  laire  en  toutes  choses  celle  de 
Dieu,  consiste  non  i  consulter  ses  inclina- 
tions naturelles  et  s^s  propres  lumières,  mais 
à  consulter  ce  que  Dieu  veut  de  nous  ;  à  agir, 
Doo  par  un  motif  de  propre  intérêt,  mais 
par  le  bon  plaisir  de-Dieu.  Par  exemple,  si 
quelqu'un  me  demande  un  service,  je  ne  dois 
pas  consulter  l'inclination  ni  la  répugnance 
que  j'aurais  è  le  lui  rendre,  mais  examiner  si 
c'est  la  volonté  de  Dieu  :  »i  je  reconnais  que 
non,  je  ne  le  lui  rendrai  bas;  sinon,  je  le 
loi  rendrai.  —  S'il  s'agit  d'aller  en  quel«iue 
lien,  on  ne  le  fera  point  par  le  plaisir  qu'on  y 
aurait  ou  qu'on  procurerait,  mais  parce  oue 
c'est  la  volonté  de  Dieu  qu'on  y  aille.  —  s'il 


est  question  de  dire  quelque  chose  ou  de 
se  taire,  on  ne  consultera  pas  ses  propres 
désirs  ni  son  propre  avantage;  si  Dieu  veut 
qu'on  parle,  on  le  fera;  sinon,  on  gardera  le 
silence. 

Vous  connaîtrez  la  volonté  de  Dieu,  quand 
une  chose  est  commandée  ou  de  Dieu,  ou 
par  l'Eglise,  ou  par  ceux  qui  ont  autorité;  il 
est  clair  alors  que  c'est  la  volonté  de  Dieu. 
Quand  une  chose,  au  contraire,  est  défendue 
par  les  commandements  de  Dieu,  ou  de  son 
Eglise,  ou  par  les  supérieurs,  il  est  certain 

Î|ue  c'est  la  volonté  de  Dieu  qu'on  ne  le 
asse  ^s.  Quand  la  chose  n'est  ni  comman- 
dée ni  défendue,  il  faut  voir  ce  qui  est 
meilleur  en  soi,  ou  bien  eu  égard  à  noire  état. 
Par  exemple,  il  s'agit  d'aller  è  la  messe  un 

f'our  ouvrier  :  si  la  charité  ou  Fabéissanee  ne 
e défendent  pas,on.doit  y  aller;  car  on  doit 
croire  que  Dieu  exige  ce  qui  est  le  meilleur; 
je  dis,  it  la  charité  ou  F  obéissance  ne  le  dé- 
fendent pas:  car  la  charité  pourrait  retenir 
auprès  d'un  malade,  ou  porter  h  rendre  que)- 
qu'autre  service  important  au  prochain;  ou 
bien  les  supérieurs  auront  pour  de  bonnes 
raisons  employé  à  quelque  lonction,  qui  ne 
permettra  |ias  de  faire  antre  chose  ;  en  ce 
cas-là,  c'est  la  volonté  de  Dieu  qu'on  n*aille 
pas  h  la  messe. 

Si  l'on  ne  peut  connaître  dans  une  occa^ 
sion  ce  qui  est  meilleur,  ou  la  chose  dont 
il  s'agit  est  importante  ou  non;  si  elle  est 
importante ,  comme  serait  de  choisir  un  état 
de  vie ,  de  fïiire  un  long  vovage ,  d'entre- 
prendre un  procès ,  etc.,  il  but  beaucoup 
I^rier  Dieu  pour  qu'il  fasse  connaître  sa  v6- 
onté ,  offrir  des  communions  pour  cette  fin, 
faire  des  aumênes ,  faire  dire  des  messes , 
faire  quelques  austérités ,  et  surtout  consul- 
ter son  directeur  qui  est  celui  parla  bouche 
duquel  Dieu  a  coutume  de  narler ,  et  s'en 
tenir  è  ce  qu'il  dira.  Si  la  cnose  est  de  peu 
d'importance,  comme  serait  de  faire  une 
visite  on  de  ne  la  pas  faire ,  de  dire  quelque 
chose  indifférente  ou  de  la  taire ,  de  lire  un 
bon  livre  plutêt  qu'un  autre  également  bon , 
en  ces  occasions  il  faut  éviter  deux  extré- 
mités ;  l'une  serait  de  faire  toutes  ces  choses 
sans  se  mettre  en  peine  de  connaître  la 
volonté  de  Dieu ,  et  I  autre  serait  de  se  trop 
embairasser  et  d'être  trop  long  è  se  déter- 
miner. Il  faudrait  dans  ces  rencontres  ren- 
trer un  peu  en  soi-même  avec  la^disposition 
d'écouter  Dieu ,  et  se  déterminer  aussitôt  à 
faire  ou  non  la  chose  en  question.  Il  est  vrai 
qu'il  peut  arriver  quelquefois  qu'on  ne  ren- 
contre pas  comme  il  faut,  et  que  peut-être 
il  eût  mieux  valu  faire  le  contraire  de  ce 
u'on  a  fait  ;  mais  en  cela  il  n'y  aurait  rien 
e  notre  faute ,  et  nous  aurions  bien  mal 
fait  de  perdre  le  temps  dans  une  plus  lon- 
gue délibération ,  pour  une  chose  de  si  peu 
d'importance.  Saint  François  de  Sales  dit 
lè-dessus  que«  l'on  n'a  pas  coutume  de 
peser  la  menue  monnaie*;  ainsi,  ajoulc- 
t-il ,  il  ne  faut  pas  s'amuser  h  peser  l<*s 
menues  actions  qui  se  présentent  à  faire. 
Ce  ne  serait  pas  bien  servir  un  maître 
d'employer  autant  de  temps  à  considérer 


3 


fis 


kFV 


DICTIONNAIRE 


AFF 


m 


I 


1 


ce  qu'il  fiut  fairo  cotuine  à  faire  ce  qui 
est  requis.  »  Il  suffit  doqc  de  rentrer  en 
soi-même ,  et  de  renouveler  le  désir  qu'on 
doit  avoir  de  faire  en  cette  action  et  en  tou- 
tes les  autres  la  volonté  de  Dieu. 

Le  troisième  effet  de  Toraison  alT^'ctive  , 
c'est  d'inspirer  un  grand  zèle  pour  ta  gloire 
de  Dieu.  Une  âme  qui  est  dans  Toraison  af- 
feclive  voudrait  donner  autant  de  gloire  h 
Dieu  que  tous  les  anges  et  tous  les  saints 
lui  en  ont  jamais  donné  ;  elle  voudrait  que 
tous  les  hommes  ensemble  se  joignissent  à 
elle  pour  gloriiier  Dieu;  elle  désirerait  que 
toutes  les  feuilles  des  arbres  fussent  autant 
de  langues  pour  louer  leur  Créateur  ;  elle 
convie  à  cela  toutes  les  créatures  animées  et 
inanimées;  tant  le  zèle  de  la  gloire  de  Dieu 
la  dévore  1 

Pour  que  ce  zèle  soit  véritable»  il  faut 
qu'il  soit  accompagné  des  œuvres;  aussi  les 
personnes  qui  sont  véritablement  dans  cette 
oraison  accomplissent-elles  très-parfaite- 
ment le  précepte  de  TApôtre  :  «  Soit  que  vous 
mangiez,  soit  que  vous  buviez,  et  quel- 
que chose  que  vous  fassiez,  faites  tout 
pour  la  gloire  de  Dieu.  »  Elles  ne  feraient 
pas  un  pas  qu'elles  ne  le  fissent  pour  glori- 
fier Dieu  ;  elles  ne  diraient  pas  un  mot  que 
ce  ne  fût  pour  la  gloire  de  Dieu;  et  parce 

Îu*elles  savent  qu*iT  n'est  rien  qui  donne  à 
•ieu  plus  de  gloire  que  Jésus-Christ,  elles 
unissent  toutes  leurs  actions  aui  siennes , 
et  les  teignent  en  quelque  sorte  de^  son  sang, 
afin  qu'elles  glorifient  davantage  sa  divine 
majesté,  et  qu'elles  lui  soient  plus  agréables. 
Elles  prient  la  sainto  Vierge  de  présenter 
ao  qu'elles  font,  afin  de  Thonorer  davantage 
par  des  actions  ainsi  présentées  par  la  mère 
de  Dieu.  Elles  supplient  la  très-Sainte-Tri- 
nité  de  se  vouloir  glorifier  elle-même,  n'jr 
ayant  rien  au  monde  qui  le  puisse  faire  aussi 
dignement  qu'elle.  Elles  voudraient ,  pour 
ainsi  dire ,  se  mettre  en  pièces  et  eu  mor- 
ceaui ,  pourvu  que  de  la  sorte  elles  pussent 
donner  quelque  gloire  à  Dieu.  Tels  étaient 
un  saint  Ignace,  fondateur  de  la  compagnie 
de  Jésus,  qui  faisait  toutes  ses  actions  pour 
la  plus  grande  gloire  de  Dieu,  et  une  sainte 
Thérèse  qui  avait  fait  vœu  de  faire  toujours 
ce  q^u'el le  croirait  être  plus  agréable  et  plus 
glorieux  à  Dieu. 

^  Le  quatrième  effet  de  loraison  affective , 
c'est  un  grand  désir  de  communier.  Il  y  en  a 
qui  ont  une  faim  si  pressante  de  ce  divin 
sacrement,  qu'ils  ne  font  que  soupirer  jus- 
qu'à ce  qu'ils  soient  rassasiés  de  cette  nour- 
riture sacrée.  On  dit  que  sainte  Catherine 
de  Sienne  brûlait  d'une  si  grande  ardeur  de 
s'unir  à  Notre-Seigneur  dans  ce  divin  sacre- 
ment, qu'elle  en  desséchait  et  mourait 
Eresquededésirs.La  faim  gu'on  avait  sainte 
atherine  de  Gènes  n'était  pas  moindre  ; 
lorsqu'elle  voyait  Tbostie  entre  les  mains 
du  prêtre,  elle  s'écriait  avec  une  ferveur 
tout  extraordinaire  :  «  HAtez-vous ,  envoyez 
Jésus  au  plus  profond  de  mon  cq9ur, 
puisq^u'il  est  sa  nourriture.  »  On  rapporte 
do  sainte  Thérèse  qu'elle  avait  des  désirs  si 
violents  de  la  sainte  communion,  qu'aucune 


peine  ni  aucun  danger  n'euss*  ni  été  capa- 
bles de  l'empêcher  de  s'en  approcher.  Telles 
sont  les  dispositions  des  saintes  Ames  à  l'é- 
gard de  la  communion.  Où  les  prennent- 
elles  ces  dispositions  ?  Dans  l*oraison  affec- 
tive. 

Cette  ardeur  de  communier  doit  nous  faire 
approcher  souvent  de  la  sainte  Table,  selon 
l'état  où  Ton  se  trouve.  Les  plus  avancés  doi- 
vent s'en  approcher  plus  souvent,  mais  la 
meilleure  règle  qu'on  puisse  donner  à  ce 
sujet,  c'est  de  Suivre  en  cela  la  volonté  du 
directeur  qui  vous  accordera  la  sainte  com- 
munion autant  de  fois  qu'il  le  jugera  pour 
votre  bien  ;  et  il  penchera  plutôt  à  vous  le 
permettre  souvent  que  rarement. 

Le  cinquième  effet  de  l'oraison  affective 
e^i  de  parler  en  son  corps  et  en  son  âme  la 
mortification  de  Jésus -Christ.  Jamais  un 
mondain  n'a  eu  plus  de  passion  pour  les 
plaisirs,  qu'une  Ame  dans  cet  état  d'oraison 
n'en  a  pour  les  croix  et  les  mortifications. 
Une  des  grandes  peines  d'un  din  cteur  est 
de  la  retenir,  de  peur  qu'elle  ne  donne  dans 
quelque  excès.  Il  est  certain  que  la  mortiti- 
cation  intérieure  est  préférable  à  l'exté- 
rieure; car  par  elles,  on  règle  le  cœur  et 
l'esprir,  qui  sont  les  principales  parties  de 
nous-mêmes,  et  Ton  modère  les  passions, 
qu'il  est  de  la  dernière  importance  de  bien 
morlifior;  il  s'en  faut  de  beaucoup  qu'on 
trouve  tant  d'avantagesdaos  les  mortilications 
corporelles,  qu'on  peut  dire  n'être  que  des 
movens  pour  la  mortification  intérieure;  il 
ne  faut  pourtant  pas  les  négliger  ni  les  mé- 
priser, comme  font  quelques-uns.  Toutefois, 
il.  faut  en  user  avec  modération  et  ne  le  pas 
faire  sans  l'avis  d'un  directeur.  {Yoy.  Mor- 

TIFICATIOi«.) 

Ofi  ne  peut  pas  précisément  les  déterminer 
en  particulier,  il  raut  avoir  égard  aux  forces, 
i  la  santé  et  au  lieu  où  l'on  se  trouve.  Tons 
n'ont  pas  assez  de  forces  pour  faire  beaucoup 
déjeunes,  ni  assez  de  santé  pour  porter  la 
baire  et  le  cilice,  et  autres  instruments  de 
pénitence;  quelciues-uns  en  auront  assez 
pour  en  user  un  jour  ou  deux  de  la  semaine, 
et  non  continuellement.  On  se  trouve  endos 
lieux  où  l'on  ne  peut  coucher  sur  la  dure, 
ni  pratiquer  certaines  austérités,  parce  que 
ces  mortifications  pourraient  être  aperçues; 
dès  lors  il  les  faut  omettre,  car  il  est  impor- 
tant  qu'elles  se  fassent  en  secret.  Mais  oira 
toujours  mille  occasions  de  pratiquer  des 
mortifications  qui,  quoique  petites,  ne  lais- 
seront pas  d'être  plus  agréables  à  Dieu,  plus 
exemptes  de  vanité  que  les  autres  qui  ont 
plus  d'apparence,  et  d^étre  plus  méritoires 
a  cause  de  leur  nombre,  et  parce  qu'elles  sont 
faites  plus  purement  pour  Dieu.  Dans  celles 
qui  sont  considérables,  on  ressent  un  appui 
et  un  soutien  secret  qui  les  rend  faciles;  on 
a  le  plaisir  de  penser  qu'on  a  fait  pour  Dieu 
quelque  chose  qui  en  vaut  la  peine,  et  qui 
ne  se  trouve  point  dans  les  petites  morun- 
calions.  Par  exemple,  qui  nous  empêche  «e 
nous  abstenir  de  regarder  toutes  sortes  d  ou* 
jets  que  nous  aurions  envie  de  voir,  de 
retenir  beaucoup  de  paroles  que  nous  vou- 


^--^ 


AFP 


I^ASCETSSIIE. 


AFF 


(trions  dire,  de  mortîQer  notre  curiosilé  en 
U3e  infinité  de  rencontres  où  nous  serions 
bienais6td*apprendredesnoaveltes  ou  antres 
choses  indifférentes.  Qui  empêche  dans  le 
repas  de  se  mortifier  en  beaucoup  de  ma- 
oièreSp  soit  dans  le  boire,  soit  dans  le  man- 
ger, sans  qu'on  s*en  aperçoive  ?  Ces  petites 
mortifications  et  autres  semblables  dont  la 
pratique  ne  peut  nuire  h  la  santé,  ni  être 
aperçues  du  monde,  ni  donner  prise  è  la 
TBnité,  doivent  être  conseillées.  On  peut  en 
faire  usage  chez  soi,  dans  les  rues,  dans  l»s 
églises,  h  la  campagne,  seul  et  en  compagnie. 
Il  table  et  hors  de  table,  dans  le  loisir  et  le 
travail,  dans  Toraison  et  hors  de  Toraison, 
dans  les  affaires  âcheuses  et  dans  les  agréa- 
bles, en  un  mot,  partout  et  à  tout  moment. 
Souvenons-nous  que  ce  qui  rend  un  mar- 
chand riche,  c*est  le  soin  qu'il  apporte  à  ne 
pas  laisser  échapper  le  moindre  gain.  Imi- 
tons-le,  et  ne  laissons  pas  échapper  la  moin- 
dre occasion  de  nous  mortifier,  et  nous  ver- 
rons  bientôt  le  ç^nd  profit  que  nous  retire- 
rons de  cette  sainte  pratique. 

Le  sixième  effet  de  Toraison  affective, 
c^est  d'inspirer  un  grand  désir  de  la  solitude^ 
et  de  porter  au  détachement  de  toutes  les  af- 
faires^ au  moins  non  nécessaires.  Comme  on 
voit  dans  le  monde  des  personnes  qui,  avant 
certaines  passions  dans  le  cœur,  cherchent 
les  endroits  les  plus  écartés  pour  soupirer 
k  leur  aise  et  exhaler  leurs  plaintes;  ainsi 
les  amants  de  Dieu  aspirent  après  la  soli- 
tude pour  être  libres  ae  produire  toutes  les 
affections  que  Faraour  leur  inspire.  Il  est 
bon  d*étre  aussi  silencieux  et  aussi  soli- 
taire que  possible,  mais  il  est  dangereux , 
sans  une  vocation  particulière,  de  se  jeter 
dans  une  solitude  extérieure  trop  grande  ; 
il  Test  surtout  de  quitter  l'état  où  l'on  était, 
et  oii  l'on  croyait  avoir  été  appelé  de  Dieu 
pour  en  éprendre  un  autre,  sous  prétexte 
d'une  solitude  plus  exacte.  On  peut  jouir 
partout  d'une  solitude  intérieure,  sans  la- 
quelle Textérieure  serait  plus  nuisible 
quantité. 

Par  solitude  intérieure  on  entend  un  état 
où  Time  se  vide  et  se  dénué  de  tout,  pour 
demeurer  seule  avec  Dieu ,  comme  s'il  n' j 
avait  que  lui  et  elle  au  monde.  Telle  a  été 
la  solitude  de  saint  Philippe  de  Nér^  dans 
là  ville  de  Rome ,  au  milieu  d'une  infinité 
d'affaires  que  sa  charité  lui  faisait  entre- 
prendre. Ce  saint  avait  eu  envie  de  se  reti- 
rer dans  quelque  désert ,  mais  Notre-Sei- 
gnear  lui  fit  connaître  qu'il  le  voulait  soli- 
taire dans  Rome,  non  pas  solitaire  d'une 
solitude  extérieure ,  mais  intérieure.  Telle 
fut  celle  de  sainte  Catherine  de  Sienne,  qui 
s*était  bftti  un  petit  oratoire  au  fond  de  son 
eœur,  pour  s';  retirer  et  s'y  entretenir  avec 
Dieu ,  au  milieu  des  embarras  du  ménage, 
dont  ses  parents  l'avaient  chargée  pour  la 
distraire  de  ses  dévotions.  Telles  ont  été 
relies  de  saint  François  Xavier,  de  saint 
François  de  Sales,  et  de  tous  les  autres  qui 
se  sont  employés  au  salut  des  âmes,  et  qui, 
parmi  les  embarras  de  leurs  fonctions  et  de 
leurs  emplois ,  étaient  plus  solitaires  de  la 


véritable  solitude  que  tous  les  ermites  de 
leur  temps. 

Le  septième  effet  de  l'oraison  affective 
est  une  certaine  avidité  de  sUnstruire  de  tout 
ce  qui  regarde  Dieu  et  des  voies  qui  con- 
duisent à  lui.  On  veut  lire  tons  les  livres 
dans  lesquels  on  pense  trouver  les  lumières 
dont  on  croit  avoir  besoin  ;  on  cherche  ceux 
que  l'on  regarde  comme  capables  d'éclaircir 
ses  doutes;  on  écoute  avec  soin  les  sermons, 
et  on  va  dans  les  conférences  spirituelles  où 
l'on  peut  apprendre  ce  qu'il  faut  faire  pour 
avancer  avec  sûreté  dans  les  voies  intérieu- 
res. Dans  cette  manière  d'agir,  le  principe 
est  bon,  mais  il  peut  y  avoir  de  l'excès;  le 
trop  grami  empressement  ne  vaut  rien.  11 
est  dangereux  de  consulter  tant  de  monde 
et  de  lire  tant  d'ouvrages;  car  ce  grand  nom- 
bre de  gens  et  cette  quantité  de  livres  peu- 
vent engendrer  de  la  confusion  dans  un 
esprit.  Pour  tenir  un  juste  milieu,  il  faut 
lire  et  consulter,  mais  sans  trop  le  faire*  Il 
faut  lire  des  livres  bien  choisis,  et  consulter 
des  personnes  bien  intérieures;  mais  qu'on 
se  persuade  bien  que  Dieu  dans  l'oraison 
nous  en  apprendra  plus  que  tous  les  livres 
et  tous  les  docteurs  ensemble. 

Le  huitième  effet  de  l'oraison  affective, 
c*est  daimer  à  parler  de  Dieu.  On  parle  vo- 
lontiers de  ce  qu'on  aime,  et  comme  cette 
oraison  est  celle  de  toutes  où  l'on  a  de  plus 

{grands  sentiments  d'amour  pour  Dieu ,  il  ne 
aut  pas  s'étonner  si  on  aime  à  en  parler. 
Tous  les  autres  entretiens  sont  insupporta- 
bles aux  personnes  de  cette  oraison  ;  elles 
Easseraient  les  jours  et  les  nuits  è  parler  de 
^ieu,  comme  autrefois  firent  saint  Benoit  et 
sa  sœur  sainte  Scholastique.  Si  un  père 
aime  à  parler  de  ses  enfants,  parce  qu'il  les 
aime  ;  si  l'on  se  plaît  h  raconter  ses  ancien- 
nés  aventures,  parce  qu'elles  nous  touchent 
de  près;  si  un  plaideur  parle  continuelle- 
ment de  ses  procès,  parce^qu'il  y  a  son  cœur; 
si  un  soldat  aime  à  s'entretenir  de  la  guerre 
et  des  occasions  où  il  s'est  rencontré,  pour« 
quoi  un  serviteur  de  Dieu  n'aimerait-il  pas 
k  parler  de  celui  qui  seul  doit  être  l'objet  de 
son  amour?  Hais  pour  cela  il  faut  être  dans 
l'oraison  affective ,  parce  que,  si  l'on  n'était 
que  dans  fétat  de  méditation  ^  on  n'aurait 
pas  tant  de  facilité  ni  tant  d'ardeur  pour 
parler  de  Dieu;  et  si  Ton  était  dans  une 
oraison  plus  avancée  que  l'affective,  comme 
Tamour  ne  serait  pas  si  sensible,  on  ne 
pourrait  pas  non  plus  parler  si  facilement 
de  Dieu ,  ni  avec  tant  de  ferveur. 

Il  peut ,  sans  doute .  se  glisser  bien  des 
défauts,  lorsqu'on  parle  beaucoup  de  Dieu; 
car  de  le  on  peut  prendre  occasion  de  quel- 
que vanité,  en  se  persuadant  fiiussement 
qu'on  est  bien  avancé ,  et  que  la  facilité  à 
s  expliquer  sur  les  matières  spirituelles  est 
une  marque  assurée  du  progrès  qu'on  y  a 
fait.  Or  cela  n'est  pas  toujours  vrai.  En  ef- 
fet, on  trouve  souvent  des  personnes  qui 
sont  parfaitement  à  Dieu ,  et  qui  cependant 
parlent  peu  des  choses  spirituelles,  parce 

au'elles  sont  tellement  occupées  de  Dieu  au 
edans  d'elles-mêmes,  qu'elles  n'ont  pas  la 


w 


AFF 


DICTIONNAIRE 


AFF 


Si8 


liberté  de  se  produire  au  dehors.  Le  saint 
homme  Grégoire  Lopez  ût  connaître  au  P« 
Loza  que  de  parler  beaucoup  des  choses  « 
même  Donnes  et  excellentes»  n'était  pas  le 
meilleur.  Celui-ci  lui  demandait  un  jour 

KMirquoi,  étant  si  éclairé  dans  les  voies  de 
icu«  il  s'était  tu ,  tandis  que  les  religieux 
qui  étaient  venus  le  voir  avaient  beaucoup 
parlé  et  dit  de  très-bonnes  choses?  Le  ser- 
viteur de  Dieu  lui  répondit  ce  peu  de  mots  : 
«  Mon  Père»  laissons- les  dire,  et  faisons» 
nous  autres.  »  Il  voulait  par  là  nous  faire 
entendre  que  souvent  ceux  qui  parlent  le 
plus  de  Dieu  ne  sont  pas  ceux  qui  sont  le 
plus  à  Dieu.  Un  autre  serviteur  de  Dieu  di- 
sait qu'il  valait  mieux  parler  à  Dieu  que  de 
parler  de  Dieu.  D*après  cela»  il  sera  bon 
de  parler  de  Dieu  dans  Toccasion»  mais  de 
le  faire  modérément»  non  comme  faisant  le 
suilisant  et  Téclairé»  mais  seulement  pour 
s'enflammer  avec  les  autres  de  plus  en  plus 
dans  Tamour  de  Notre-Seigneur. 
'  Le  neuvième  effet  de  l'oraison  affective» 
c'est  d'in$pirer  un  grand  courage  pour  iur- 
monter  toutei  les  difficultés  qui  se  rencontrent 
dans  le  cours  de  (a  vie  intérieure.  Il  n'est 
rien  de  si  diflicile  dont  on  ne  vienne  à  bout 
tant  qu'on  est  dans  la  ferveur  que  donne 
cette  oraison ,  c'est  alors  qu'on  dé&e  avec 
saint  Paul  toutes  les  pui:ssances  du  ciel,  de 
la  terre  et  des  enfers  ;  que  l'on  ne  craint  ni 
les  menaces,  ni  les  tourments»  et  qu'on  se 
rit  de  la  malice  des  hommes  et  des  démons. 
D'où  vient  ce  grand  cœur  7  C'est  de  l'oraison» 
QÎL  l'on  boit  de  ce  vin  nouveau  qui  donne 
cette  hardiesse  qu'eurent  autrefois  les  apô- 
tres» lesquels  étaient  (oujoi^rs  prêts  à  se 
piVsenler  devant  les  tribunaux  des  juges  et 
des  empereurs.  Ce  courage  n'est  pas  loujours 
bien  solide  ;  car  souvent  il  est  appuyé  sur 
une  ferveur  qui  passe»  et  qui»  nous  étant 
6tée,  nous  laisse  dans  la  faiblesse  qui  nous 
était  naturelle;  ainsi  en  arriva-t-il  a  David» 
comme  il  le  rapporte  lui-môme:  «  Pour 
moi,  j'avais  dit  dans  mon  abondance»  je 
se  serai  jamais  ébranlé;  mais.  Seigneur» 
vous  n'avez  pas  détourné  plutôt  votre  vi- 
sage de  moi»  que  je  suis  tombé  dans  le 
trouble.  »  Le  moyen  d'éviter  ce  malheur» 
c'est  de  ne  pas  s'appuyer  sur  soi-même,  mais 
sur  la  grAce  de  Dieu  ;  de  ne  pas  regarder  les 
difficultés  comme  faciles  à  surmonter,  mais 
comme  insurmontables  sansle  concours  parti- 
culier de  Dieu»  et  de  persévérer  toujours  dans 
loraison»  par  laquelle  s'augmentera  de  plus 
en  plus  notre  amour»  qui  est»  dit  le  Saint- 
Esprit»  fort  comme  la  mortf  à  laquelle  rien  ne 
{}eut  résister.  Cet  amour  ayant  jeté  de  pro- 
ondes  racines  dans  nos  Âmes  nous  rendra 
courageux  et  invincibles  à  nos  ennemis. 

Le  dixième  effet  de  l'oraison  affective  est 
de  nous  donner  un  grand  désir  de  mourir; 
afin  d'abord  d'être  délivrés  du  danger  conti- 
nuel d'offensor  Dieu  en  cette  vie»  et  ensuite 
afin  de  voir  Dieu  et  de  l'aimer  parfaitement» 
ce  qui  ne  peut  se  faire  sans  sortir  de  ce 
monde.  Si  nous  avons  égard  à  Iji  chose  en 
elle-môme»  il  est  plus  parfait  d'être  indiffé- 
rent à  tout»  que  d  avoir  quelque  désir  pour 


quoi  que  ce  soit;  et  si  Ton  a  égard  à  ta  diver- 
sité des  dispositions»  il  sera  meilleur  pour 
3uelques-uns  de  désirer  la  mort,  pour 
'autres  de  souhaiter  la  vie»  et  pour  d'autres 
d'être  indifférents  pour  l'une  et  pour  l'autre. 
Saint  Paul  a  désiré  la  mort»  saint  Martin  a 
été  indifférent  pour  la  mort  et  pour  la  vie,  et 
saint  Ignace  eût  choisi  de  vivre,  plutôt  que 
d'aller  seul  au  ciel»  s'il  eût  su  que  sa  vie  eût 
été  utile  pour  le  salut  des  hommes.  Tout 
dépend  de  la  disposition  où  Dieu  nous  met; 
ce  qu'il  veut  nous  est  toujours  le  meilleur, 

S[uoique  ce  ne  soit  pas  toujours  le  plus  pa^ 
ait  considéré  en  soi-même.  H  est  cepen- 
dant certain  que  c'est  un  très-bon  effet  dn 
l'oraison,  que  de  nous  donner  d'ardents  dé- 
sirs de  mourir  pour  les  Ans  et  les  mot  fs 
indiqués,  et  c'est  alors  que  s'accomplit  lo 
proverbe,  que  les  saints  ont  la  vie  en  patience, 
et  la  mort  en  désirs. 

Le  onzièmec  effet  tle  l'oraison  affective, 
c'est  un  grand  xéle  pour  le  salut  d$s  àmu. 
On  ne  saurait  s'imaginer  jusqu'où  va  le  zèle 
des  personnes  d'oraiaon  ;  c'est  un  feu  qui 
Ihs  brûle  et  les  consume  ;  elles  passent  avec 
joie  les  mers  pour  le  salut  des  Ames,  elles 
se  privent  de  tout  plaisir  et  de  toute  satis- 
faction pour  les  secourir;  et  ce  qui  est  plus 
admirable,  elles  s'offrent  à  la  justice  divine 
pour  souffrir  les  peines  qui  seraient  dues 
aux  ftmes  dont  elles  ont  entrepris  le  salut. 
Et  il  ne  faut  pas  douter  que  cette  offrande 
ne  soit  un  très-grand  acte  de  charité; 
ff  car,  personne,  disait  Notre^Seîgneur, n'eu 
saurait  avoir  une  plus  grande  nue  de  mou- 
rir pour  ses  amis.  »  C'est  ce  zèle  oui  faisait 
dire  à  sainte  Thérèse:  «  Quel  grand  malheur 
serait-ce  donc  quand  je  serais  jusqu'au 
jour  du  jugement  dans  le  purgatoire,  si 
jiar  ce  moyen  une  seule  &me  pouvait  être 
sauvée?  »lt  est  bien  certain  qu'un  prêtre 
qui  est  dans  cette  oraison»  quand  il  est 
appliqué  à  la  conversion  des  ftmes»  prêche, 
catéchise»  fait  des  conférences»  entend  les 
confessions  avec  beaucoup  plus  d'onction  et 
d'utilité  que  les  autres.  Quelquefois  Dieu  se 
contente  de  la  bonne  volonté  de  ceux  qui 
s'offrent  pour  recevoir  la  peine  due  aux 
Ames  dont  on  désire  le  salut  d'une  ma- 
nière particulière;  mais  d'autres  fois  il  les 
prend  au  mot  et  leur  fait  sentir  la  pesaotiur 
de  son  bras»  de  telle  sorte  qu'il  n'y  a  pas  de 
peine  comparable  è  la  leur,  comme  on  le 
verra  plus  loin»  en  parlant  des  peines  de 
cette  oraison;  il  n'y  a  que  les  grandes  âmes 
qui  soient  capables  d'un  si  généreux  dessein; 
si  quelques  autres  se  mêlent  de  vouloir 
s'olirir  de  la  sorte»  c'est  qu'elles  ne  savent 
[)as  ce  qu'elles  font.  Pour  s'offrir  de  cette 
manière»  il  faut»  1*  être  déjà  avancé  et  bien 
établi  dans  la  vertu;  2*  se  sentir  portée 
faire  cette  offrande  par  un  mouvemeotde  1a 
grâce  ;  3"  faire  approuver  ce  dessein  par  ua 
directeur  habile. 

Le  douzième  et  dernier  effet  de  l'oraison 
affective,  c'est  le  mépris  que  l'on  fait  de  et 
que  dira  le  monde.  On  commence  à  n'avoir 
plus  de  respect  humain,  quand  on  est  une 
fois  dans  l'oraison  affective.  Dans  le  premier 


V» 


AFF 


D^ÂSCETISME. 


AFF 


SM 


degré  d*oraison,  od  garde  encore  quelques 
mesures,  on  ressemble  à  ces  disciples  de 
Nolre-Seignear  qui  le  venaient  trouver  ia 
nuit,  parce  qu'ils  craignaient  les  Juifs.  11 
est  un  temps  où  il  convient  de  cacher  ses 
bons  desseins,  et  d*Atre  de  ces  serviteurs 
cachés  de  Jésus-Christ;  mais  quand  une  fois 
le  feu  de  Tamourde  Dieu  est  fortement  allu- 
mé dans  un  cœur,  il  n*est  pas  possible  de  le 
cacher,  il  faut  qu'il  paraisse;  et  il  peut  le 
bire  sans  danger,  parce  que  l'on  est  affermi 
dans  de  bonnes  résolutions.  Lorsque  quel- 
que plante  a  été  nouvellement  transplantée, 
on  la  couvre,  de  peur  que  les  ardeurs  du 
soleil  ne  la  fassent  sécher,  ou  que  le  trop 
grand  froid  ne  la  fasse  périr;  mais  quand 
une  fois  elle  a  pris  racine,  ces  précautions 
sout  inutiles.  Il  est  très-bon  sans  doule,  et 
même  nécessaire  de  ne  faire  jamais  osten* 
laiioD  du  bien  qui  est  en  nous  ;  mais  il  est 
très-bon  aussi  de  paraître,  dans  certaines 
occasions  et  dans  certains  temps,  serviteurs 
déclarés  de  Jésus-Christ. 

L'oraijson  affective  est  exposée  à  des  dé- 
fauts. Il  n'est  rien  au  monde,  quelque  excel- 
lent qu'il  soit,  dont  on  n'abuse;  et  l'oraison 
affective  n'est  pas  exceptée  [de  cette  règle 
générale.  Tous  ceux  oui  la  pratiquent  ne 
vont  pas  toujours  si  droit  dans  cette  route 
qa*ils  ne  se  trompent  quelquefois  et  ne 
s  égarent  même,  s'ils  ne  sont  bien  sur  leurs 
gardes,  et  s'ils  n'ont  de  bons  guides  pour  les 
préserver  de  leurs  égarements. 

Parmi  les  défauts  auxquels  on  est  exposé 
dans  l'oraison  affective^  le  premier  est  Vipui^ 
semmt.  On  se  laisse  aller  quelquefois  telle- 
ment à  sa  ferveur,  que  la  poitrine  et  la  tète 
en  souffrent  beaucoup,  en  sorte  qu'on  se 
trouve  dans  l'impossibilité  non-seulement 
de  continuer  son  oraison,  mais  même  do 
s'acquitter  de  ses  autres  fonctions  ;  cela  ar- 
rife  è  force  de  faire  des  actes  et  de  pousser 
des  sou{^s  et  des  élans  avec  trop  de 
violence. 

Le  remède  à  ce  défaut  est  de  se  persua- 
der que  les  actes  les  plus  sensibles  ne  sont 
pas  les  meilleurs,  que  Dieu  est  esprit,  et 
qu'il  aime  à  être  servi  beaucoup  mieux  quo 
par  le  sentiment.  Pour  bien  entendre  ceci, 
il  faut  savoir  que  notre  Ame,  tout  indivisible 
qu*dle  est,  fait  en  nous  des  fonctions  diver- 
ses. Elle  nous  fait  croître  comme  les  plantes, 
elle  nous  &it  sentir  comme  les  bétes,  et  elle 
iait  de  plus  ia  fonction  d'Ame  raisonnable. 
Or  il  est  certain  qu'en  tant  que  raieonnablef 
elle  produit  des  actes  beaucoup  plus  par- 
faits qu'en  tant  que  eenêitive.  Les  actes  rai- 
sonnanles,  absolument  parlant,  ne  sont 
point  sensibles  ;  ils  ne  le  deviennent  que 
f^r  une  espèce  de  rejaillissement  et  de  con- 
nexion; cest  ainsi  que,  lorsqu'on  remue 
une  chose  jointe  à  une  autre,  il  est  presque 
impossible  que  l'autre  ne  remue  en  même 
temps.  Ainsi,  quand  je  produis  un  acte  d'a- 
mour de  Dieu,  cet  acte  n'est  point  sensible 
l«r  lui-même  ;  mais  comme  l'âme,  en  même 
lemps  qu'elle  est  raisonnable,  est  aussi  sen- 

sitive,  elle  ne  fait  pas  plutôt  cet  acted'a- 

uiour  de  Dieu  par  la  volonté  raisonnable  et 


spirituelle,  qu'il  rejaillit  sur  la  volonté sèn-l* 
suive,  si  on  peut  rappeler  ainsi,  et  par  le 
cet  acte  est  rendu  sensible.  Si  donc  Ton 
pouvait  faire  en  sorte  que  notre  acte  fût 
seulement  spirituel,  et  qu'il  fût  dégagé  des 
sens,  il  ne  laisserait  pas  d*être  très-bon;  car 
il  ne  platt  pas  à  Dieu  en  tant  qu'il  est  sen- 
sible, mais  seulement  en  tant  qu'il  est  pro- 
duit par  la  volonté  spirituelle  aidée  de  la 
grflce.  De  là  vous  devez  conclure  que  ces 
efforts  que  l'on  fait  pour  rendre  l'amour  ou 
d'autres  actes  sensibles,  sout  fort  inutiles, 
ne  profitent  point  à  l'&me,  et  ne  font  qu'af- 
faiblir le  corps.  Il  vaut  donc  mieux  s'accou-^ 
tumer  de  bonne  heure  à  simpliQer  et  à  spi-' 
ritualiser  ses  actes. 

Il  est  assez  difficile  de  faire  comprendre 
comment  il  faut  simpliOer  et  spiritualiser  ses 
actes  :  voici  cependant  ce  qu'on  en  peut  dire. 
Imaginons-nous  que  notre  âme  est  comme 
un  petit  chflteau  (cette  comparaison  est  de 
sainte  Thérèse);  ce  ch&teau  a  ses  dehors  et 
ses  dedans  ;  les  sens  résident  au  dehors,  et 
la  volonté  au  dedans  ;  quand  les  actes  sont 
poussés  avec  véhémence,  ils  prennent  bien 
naissance  de  la  volonté  qui  est  au  dedans, 
mais  ils  se  répandent  jusqu'au  dehors, 
c'est-à-dire  jusqu  aux  sens,  et  voilà  pourquoi 
ils  sont  rendus  sensibles;  donc,  pour  les 
simplifier,  les  spiritualiser  et  les  rendre 
moins  sensibles,  il  faut  faire  en  sorte  qu'ils 
ne  sortent  point  de  Tintérieur  de  l'âme,  les 
produisant  non  avec  ces  efforts  qui  les  font 
rcgaillir  jusqu'au  dehors,  mais  sans  bruit, 
d'une  manière  douce  et  suave  ;  c'est  ainsi 
que  nos  actes  seront  simples  et  dégagés  des 
sens.  Voici  une  pensée   qui  vous  rendra 

f)eut-être  la  chose  plus  claire  ;  Si  noua  vou- 
ions nous  imaginen  quelque  objet  spirituel, 
nous  nous  formerions  l'idée  d'une  chose  dé* 
liée,  mince  et  délicate,  tout  au  contraire  des 
objets  sensibles,  qui  sont  toujours  grossiers. 
Pour  rendre  donc  nos  actes  ainsi  déliés, 
minces  et  délicats,  il  faut  les  simplifier. 
Voici  encore  une  autre  manière  de  faire 
comprendre  la  chose  :  Quand  on  demande,  en 
théologie  oomment  les  anges  et  les  âmes 
bienheureuses,  séparées  de  leurs  corps, 
parlent  ensemble,  plusieurs  théologiens  ré- 
pondent que  ces  bienheureux  esprits  par- 
lent entre  eux  par  une  direction  d'intention, 
c'est-à-dire  qo^ls  veulent  se  parler  de  quel** 
que  chose;  cette  volonté  est  leur  langage,  ils 
n'en  ont  point  d'autre;  un  seul  acte  de  leur 
volonté  communique  leurs  pensées.  Qui 
nous  empêche  de  faire  de  même  pour  parler 
à  Dieu?  Un  petit  signe  de  notre  volonté  suf- 
firait, et,  sans  élans  et  sans  affections  sen- 
sibles, ce  petit  signe  lui  dirait  ce  qu'on  au« 
rait  à  lui  dire,  et  plus  éloquemment»  et  sans 
danger  de  s'épuiser. 

On  ne  conseille  pas  d'en  venir  là^  tout 
d'un  coup,  mais  peu  à  peu,  parce  qu'on  a 
besoin  pendant  quelque  temps  d'un  peu  de 
sensibilité  pour  se  soutenir,  et  qu'on  s'expo- 
serait à  supprimer  les  grâces  sensibles  qu'il 
platt  à  Dieu  d'accorder  pour  nous  fortifier 
dans  les  premiers  états  de  la  vie  spiritoelle. 
Quand  ce  Dieu  de  bonté  veut  conquérir  le 


fU 


AFP 


DlGTiONNAIEE 


AFP 


m 


petit  ébftteao  de  notre  ftme»  il  cooimence 
par  les  dehors*  c'esl-à-dire  par  les  sens,  pour 
nnir  par  le  dedans,  c'est-à-dire  par  le  spiri- 
tuel, il  gagne  les  sens  en  j  répandant  ses 
douceurs,  et  il  Tiendra  ensuite  h  gagner  la 
Tolonté  par  une  paix  qui  surpasie  tout  sen- 
timent: il  faut  le  laisser  faire,  nous  tenant 
cependant  dans  la  disposition  de  simplifier 
nos  actes  peu  à  peu,  jusqu'à  ce  qu'enfin  ils 
deviennent  tout  spirituels,  autant  qu'il  est 
possible  en  ce  monde,  où  Tâme  dépend  trop 
des  sens,  pour  que  les  actes  soient  tout  à 
fait  dégagés,  comme  ils  le  seront  en  l'au- 
tre vie. 

Le  second  défaut  dans  lequel  on  peut 
tomber  dans  l'oraison  affective^  c'est  de  met- 
tre toute  sa  dévotion  dans  les  ferveurs  de 
l'oraison,  sans  faire  attention  aux  bonnes 
œuvres  qu'on  doit  produire,  et  aux  vertus 
que  l'on  doit  acquérir.  Agir  de  la  sorte,  ce 
n'est  pas  agir  raisonnablement,  mais  faire 
du  moyen  la  fin.  Le  moyen  pour  acquérir 
les  vertus,  c'est  l'oraison  ;  ce  serait  donc 
une  erreur  de  s'arrêter  à  l'oraison,  comme  si 
c'était  la  fin  et  non  un  moyen.  De  ce  vice 
naissent  de  grands  maux. 

Le  premier,  c'est  que,  ne  travaillant  point 
à  s*exercer  dans  la  pratique  des  vertus,  on 
n'est  ni  humble,  ni  doux,  ni  patient  ni  cha- 
ritable, ni  mortifié. 

Le  second,  c'est  que  les  passions  restent 
pleines  de  rie,  et  au'ainsi  on  est  à  tout  mo-> 
ment  en  danger  de  tomber  en  de  grandes 
fautes,  et  on  n'v  tombe  en  effet  aue  trop 
souvent.  Et  voilà  ce  qui  scandalise  les  gens 
du  monde  :  quand  ils  voient  une  personnel 
faisant  profession  d'oraison,  être  emportée, 
être  délicate  sur  le  point  d'honneur,  aimer 
ses  aises,  rechercher  ses  petits  intérêts,  ils 
en  sont  plus  mal  édifiés  que  de  tous  les  pé- 
chés que  les  mondains  peuvent  commettre. 

Le  troisième,  c'est  que  ces  personnes  s'at- 
tachent tellement  à  l'oraison,  qu'il  n'y  a  pas 
moyen  de  la  leur  faire  quitter,  quand  Dieu 
même  les  appellerait  à  d^utres  occupations; 
si  quelqueiois  on  les  tire  de  là,  elles  en  sont 
fort  chagrines  et  de  mauvaise  humeur ,  à 
peu  près  comme  un  petit  enfant  qu'on  ôte 
du  sein  de  sa  nourrice;  vous  1  entendez 
crier,  se  tourmenter,  jusqu'à  ce  qu'on  le  re- 
mette à  l'endroit  où  il  était.  Il  en  est  ainsi 
des  personnes  qui  font  consister  toute  leur 
dévotion  dans  les  ferveurs  de  l'oraison. 

Le  remède  à  ce  défaut,  c'est  de  se  désa- 
buser et  ne  pas  prendre  le  change ,  c'est-à-- 
dire, le  moyen  pour  la  fin  ;  de  ne  jias  aspi- 
rer seulement  à  la  douce  conversation  avec 
Dieu,  ni  aux  tendres  embrassements  de 
l'Ame  avec  lui,  mais  de^  se  perfectionner 
tous  les  jours  de  plus  en  plus,  et  de  mêler 
la  pratique  des  bonnesSœuvres  et  l'eiercice 
des  vertus  à  celtii  de  I  oraison.  Il  sera  bon 
de  prier  pour  cela  votre  directeur  de  vous 
exercer  et  de  vous  faire  pratiquer  la  vertu. 
Avec  ces  moyens,  il  est  à  espérer  qu'on  ne 
tdmbera  pas  dans  le  malheur,  où  plusieurs 
se  trouvent  engagés,  de  faire  oraison,  sans 
en  être  meilleurs. 

Le  troisième  défaut  dans  lequel  on  tombe 


dans  Toraison  affective,  c'est  de  se  persua- 
der  qu'on  est  beaucoup  plus  avancé  dans  la 
vie  spirituelle  qu^on  ne  l'est  en  effet;  de 
mesurer  ses  progrès  sur  les  grands  senti- 
ments qu'on  éprouve,  de  compter  sur  ses 
bonnes  intentions,  sur  ses  saints  désirs,  et 
sur  certains  desseins  de  procurer  la  gloire 
de  Dieu  ;  tout  cela  est  quelque  chose,  mais 
ce  n'est  pas  tout,  à  beaucoup  près.  Cependant 
il  arrive  de  là  qu'on  vient  à  mépriser  ceux 
qui  ne  sont  pas  dans  cet  état  de  ferveur,  et 

2ui  pourtant  peuvent  être  plus  parfaits, 
eux-ci  n*ont  pas  tant  de  paroles,  ils  n'ont 
pas  tant  de  bons  sentiments,  ils  n'ont  pas 
une  ferveur  si  sensible,  ils  agissent  avec 
plus  de  modération  que  les  autres ,  et  c'est 
pour  cela  qu'ils  en  sont  méprisés  comme 
gens  qui  n'ont  pas  d'amour  de  Dieu  ni  de 
zèle  pour  sa  gloire.  Mais  ces  premiers  se 
trompent  et  ne  s'aperçoivent  pas  que  cet 
amour,  qu'ils  se  vantent  tant  d'avoir,  n'est 
encore  que  dans  les  dehors  de  l'Ame,  cest-è- 
dire  dans  les  sens;  il  n'est  souvent  que  su* 
perficiel,  pendant  aue  celui  des  autres  est 

I)eut-être  dans  le  lond,  et  pénètre  jusoa'à 
'intime  de  l'Ame. 

Un  peu  plus  d'humilité  est  le  remède  qu'il 
faut  employer.  Les  vrais  humbles  s'estiment 
toujours  pires  que  les  autres  et  croient  les 
autres  beaucoup  meilleurs.  Il  faut  donc  se 

{persuader  qu'on  ne  doit  pas  juger  de  la  par* 
action  d'après  les  apparences.  Il  n'est  rien 
de  plus  aisé  que  de  se  tromper  en  ce  point. 
Il  n'y  a  que  Dieu  qui  puisse  juger  de  la 
perfection  qui  est  tout  intérieure.  Il  faut 
encore  bien  croire  que  tout  le  monde  n'est 

{)BS  conduit  par  la  même  voie,  car  11  y  a  dif« 
érentes  routes  dans  la  vie  spirituelle,  et  si 
les  uns  sont  attirés  par  les  grandes  ferveurs, 
d'autres  pourront  être  conduits  par  une 
autre  route  qui  n'aura  pas  tant  d'apparence, 
mais  qui  ne  laissera  pas  de  les  mener  aussi 
droit  et  peut-être  plus  sArement.  Ainsi,  Ton 
se  tiendra  donc  petit  devant  Dieu  et  defant 
les  hommes. 

Le  quatrième  défaut  dans  lequel  on  peut 
tomber  dans  l'oraison  affective,  c'est  de  se 
croire  conduit  et  poussé  par  le  Saint-Esprit 
en  tout  ce  qu'on  fait  ;  de  penser  être  inspiré 
du  Saint-Esprit  pour  entreprendre  quelque 
bonne  œuvre  que  le  Saint-Esprit  ne  demande 
nullement;  de  croire  être  éclairé  d'en-baat 
pour  donner  des  avis  aux  uns,  reprendre  les 
autres,  ou  pour  remédier  à  quelques  désor- 
dres. 

R  Voici  quelques  marques  qui  feront  con- 
naître si  c'est  le  Saint-Esprit  qui  inspire 
Îuand  on  se  sent  poussé  à  quelque  chose  : 
*  quand  l'inspiration  nous  porte  à  quelque 
chose  de  bon  et  de  conforme  à  notre  étal  et 
à  notre  condition;  â*  quand  l'inspiration 
est  suivie  d'une  grande  paix;  3*  quand  elle 
est  accompagnée  de  beaucoup  d^humilité  et 
de  bas  sentiments  de  nous-mêmes;  4*  quand 
elle  vient  dans  les  temps  oii  l'on  est  plus 
attentif  à  Dieu,  comme  dans  l'oraison  et 
après  la  communion;  ce  sont  là  des  marques 
que  l'inspiration  est  bonne.  Que  si  la  chose 
pour  laquelle  on  se  croit  inspiré  est  con- 


fS5 


AFP 


D'ASCETISME. 


ÂFF 


t34 


traire  à  rétat  ou  &  la  conduite  ordinaire  de 
rEglise  el  aax  aris  des  directeurs,  H  est 
bien  à  craindre  que  ce  ne  soit  une  illusion  ;  de 
même,  si  lapen5eequ*onainquièteet  trouble, 
OQ  si  elle  jette  dans  un  grand  embarras  d*es- 
prit.  Il  en  faut  dire  autant,  si  cette  prétendue 
inspiration  donne  des  sentiments  d'orgueil, 
si  elle  Ote  le  dessein  qu*on  doit  avoir  de 
s'éclairer  en  consultant  son  directeur  et  des 
gens  expérimentés  dans  le  discernement  des 
esprits,  et  surtout  si  elle  est  accompagnée 
d'ane  grande  opposition  à  se  soumettre  à 
leurs  afis. 

Le  cinquième  défiiut  dans  lequel  on  peut 
tomber  dans  Foraison  affectire,  c*est  une 
trop  grande  actirité  et  un  trop  grand  empres- 
sement dans  les  bonnes  œuvres  qn*on  entre- 
prend.  Car  certaines  personnes  ne  pense* 
raient  pas  correspondre  comme  il  faut  à  la 
grande  ferveur  que  Dieu  leur  donne,  si 
elles  ne  se  jetaient  pas  comme  à  corps  perda 
dans  les  saintes  occupations  extérieures 
cr»iiforroes  à  leur  état.  Elles  s'y  donnent  de 
toat  leur  cœur,  sans  se  ménager,  mais  aussi 
sans  se  souvenir  qu'elles  perdent  la  paix  de 
l'âme  par  cette  grande  activité,  et  que  ce 
n*esi  point  là  imiter  Dieu  qui  fait  toutes 
choses  fortement,  è  la  vérité,  mais  suave- 
ment et  avec  une  tranquillité  qui  ne  peut 
jamais  être  troublée. 

n  ne  vaut  pas  mieux  tomber  en  ce  défaut 

Îoe  dans  on  autre  tout  contraire,  qui  serait 
e  faire  ses  exercices  de  piété,  ou  les  l>onnes 
enivres  que  Dieu  demande  de  nous,  avec 
négligence  et  tiédeur.  La  diOérence  qu'il  y 
a  entre  ces  deux  manières  d'agir,  c'est  que 
la  première  tire  son  origine  d'une  bonne 
cause  dont  pourtant  on  ne  se  sert  pas  comme 
il  dut;  et  la  seconde, d'un  mauvais  principe, 
qui  n'est  autre  chose  que  la  paresse  et  la 
tiédenr.  Ceux  qui  opèrent  de  la  première 
façon  doivent  laire  comme  le  cavalier  monté 
sor  un  cheval  fougueux,  qu'il  retient  dans 
son  ardeur  en  lui  tirant  la  bride  de  temps 
en  temps,  afin  de  le  modérer;  et  ceux  qui 
agissent  de  la  dernière  manière,  doivent 
ressemblera  celui  qui  est  monté  sur  un 
cheval  lent  et  paresseux,  qu'il  faut  exciter 
souvent  de  l'éperon. 

Le  sixième  défaut  dans  lequel  on  peut 
tomber  dans  l'oraison  affective,  c'est  le  zèle 
indiscret.  Il  y  a  des  personnes  qui  entre- 
prennent des  affaires  trop  au-dessus  de  leur 
portée  ;  il  suffit  qu'une  œuvre  soit  bonne, 
ou  en  aitseulepaent  l'apparence,  pour  qu'elles 
se  mettent  en  devoir  de  la  faire,  sans  con* 
sulter  si  elle  est  faisable,  si  elle  convient  à 
leur  état,  et  surtout  si  elle  est  de  la  volonté 
de  Dieu.Ilyen  a  d'autres,  ou  qui  invectivent 
trm  âprement  contre  les  pécheurs,  en  sorte 
qujl  j  parait  plus  de  passion  que  de  zèle, 
ou  qui  les  reprennent  à  contre-temps,  lors- 
qu'us  ne  sont  pas  en  état  de  profiter  de  la 
correction  qu'on  leur  lait,  ou  qui,  ne  pou- 
vant sapporter  la  moindre  imperfection  dans 
leur  prochain^  se  choquent  de  tout,  se  scan- 
cUîseot  de  tout,  et  voudraient  que  les  autres 
fussent  parfaits  tout  d'un  coup.  II. en  est 
encore  qui  exposent  tém(^ra*r«^mon(   l*ur 


salut,  sous  prétexte  de  sauver  le  prochain, 
comme  quand  on  se  mêle  sans  vocation, 
sans  conseil  et  sans  prévoyance,  de  retirer 
certaines  personnes  de  leurs  désordres;  ou 
de  fréquenter  d'anciens  amis  sans  religion 
et  sans  principes,  dans  l'espérance  de  les 
ramener  de  leur  égarement;  ou  bien  quand 
on  abandonne  l'état  où  l'on  était  appelé  de 
Dieu,  sous  prétexte  d'aller  convertir  ses  psh  ' 
rents  ou  ses  compatriotes.  Quelquefois,  on 
se  met  en  tète  d  aller  faire  des  avertisse- 
ments à  des  personnes  considérables ,  qui, 
sans  doute,  ne  les  recevront  pas  en  bonne 
part.  D'autres  fois,  on  a  un  empressement 
étrange  pour  enseigner  l'eiercice  de  l'orai* 
son,  voulant  y  mettre  tout  le  monde,  se 
fftcbant  si  on  ne  veut  pas  écouter,  blâmant 
aisément  ceux  qui  ne  sont  pas  de  notre  sen- 
timent. On  tombe  enco:  e  en  ce  défaut  quand 
on  s'accable  de  mortifications  extérieures, 
qu'on  fait  des  jeûnes  excessifs,  des  veilles 
trop  longues,  des  austérités  au-dessus  de 
ses  forces,  qu*on  entreprend  des  travaux 
auxquels  on  est  ensuite  obligé  de  renoncer. 
C'est  un  autre  zèle  indiscret,  que  de  vouloir 
communier  plus  souvent  que  ne  le  veut  le 
directeur,  que  de  murmurer  de  sa  conduite, 
et  de  trouver  à  redire  qu'il  permette  à  d'au- 
tres plus  de  communions  au  à  nous;  que  de 
passer  la  règle  qu'il  a  donnée  là-dessus,  et  de 
se  cacher  de  lui  pour  communier  contre  ses 
ordres.  Enfin,  c'est  un  zèle  indiscret  de 
vouloir  avancer  dans  les  voies  de  l'oraison 
plus  que  Dieu  ne  veut.  Comme  Dieu  lait 
toutes  choses  sagement,  et  que,  pour  lor- 
dinaire,  il  veut  que  nous  allions  à  lui  pas  à 

{>as  et  par  degrés,  il  ne  convient  pas  de  vou- 
oir  monter  au  premier  degré  avant  d'avoir 
passé  par  les  premiers.  Voilà  les  dangers  où 
peuvent  se  trouver  les  personnes  qui  ne  se 
conduisent  pas  comme  il  faut  dans  l'oraison 
aOèctive,  ou  qui  abusent  de  ce  saint  exer* 
cice. 

Les  diflicultés  et  les  peines  qui  accompa- 
gnent l'oraison  aOéctive  sont  les  mêmes  qoe 
celles  rapportées  dans  la  méditation  ;  elle» 
sont  communes  à  tous  les  états  d'oraison  ; 
dans  tous  se  trouvent  des  distractions,  des 
sécheresses,  dès  dégoûts,  des  vides,  les  per« 
sécutions  des  hommes,  des  tentations  du 
démon;  mais  avec  cette  différence  que  dans 
le  second  d^ré  d'oraison,  les  peines  sont 
plus  grandes  que  dans  le  premier.  Les  dis- 
tractions, par  exemple,  sont  plus  sensibles 
dans  l'oraison  affective,  parce  qu'elles  vien- 
nent nous  troubler  lorsque  nous  possédons 
une  plus  grande  paix.  Les  privaitions  sont 
plus  difficiles  à  supporter,  parce  qu  elles 
nous  privent  d'une  plus  grande  jouissance. 
Les  persécutions  du  côté  du  monde  sont 
plus  fréquentes  et  plus  rudes,  parce  que 
nous  nous  éloignons  encore  plus  de  ses 
maximes  que  dans  l'état  de  méditatiou.  Les 
attaques  du  démon  sont  plus  terribles,  parce 
qu'il  est  irrité  contre  nous,  et  que  Dieu, 
voyant  que  nous  sommes  plus  forts  pour  lui 
résister,  lui  permet  de  nous  tenter  avec  plus^ 
de  violence. 
Voici  les  tentations  les  plus  communes 

q 


tS5 


AFF 


DICTIONNAIRE 


AFF 


VB 


du  démon  dans  Toraison  aiTective  :  la  pre- 
mière, c'est  la  tentation  de  vanité;  on  se  voit 
en  cet  état  tout  plein  do  ferveur»  rempli  do 
bons  désirât  tout  ardent  d'amour  de  Dieu  et 
du  prochain;  on  se  sent  en  soi-même  un  si 
grand  mépris  des  biens  du  monde,  des  plai- 
sirs et  des  vanités  du  siècle,  que  Ton  croit 
être  quelque  chose;  on  en  vient  même  quel- 

3uefois  jusqu'à  douter  si  on  peut  avancer 
avantat^e,  et  s'il  est  un  état  meilleur;  de 
cette  pensée,  le  démon  nous  inspire  de  l'es- 
time Dour  nous  et  pour  tout  ce  que  nous 
faisons,  et  nous  donne  du  mépris  pour  les 
autres  et  pour  leur  état. 

Le  remède  à  celte  tentation,  c'est  que  ce- 
lui qui  est  ainsi  tenté  se  persuade  bien  qu'il 
n'est  encore  que  novice  dans  les  voies  inté- 
rieures ;  que  ce  ne  sont  pas  les  bons  senti- 
ments qui  rendent  meilleurs,  qu'il  y  a  en- 
core bien  du  chemin  à  faire  avant  d'arriver 
«u  terme  où  Ton  tend.  Il  faut  se  souvenir 
qu'on  peut  perdre  son  trésor  en  un  instant, 
par  une  seule  parole,  par  une  seule  pensée 
de  son  esprit,  par  un  seul  désir  de  son  cœur. 
II  faut  cacher  a  tout  le  monde  le  peu  de  bien 

au'on  a  en  soi,  et  ne  pas  s'exposer  h  le  per- 
re  en  le  faisant  paraître  sans  nécessité; 
qu'on  se  le  cache  autant  gue  possible  à  soi- 
même,  et  qu'on  prie  Dieu  avec  David  de 
détourner  $e$  yeux  de  peur  guHh  ne  voient  la 
tanité.  On  doit  arrêter  ses  regards  sur  ses 
imperfections  qui  sont  encore  en  assez  bon 
nombre»  croire  qu'on  ne  les  voit  pas  toutes, 
se  souvenir  de  ses  péchés  passés,  faire 
comme  certaines  personnes  qui,  ayant  été 
élevées  è  une  haute  fortune,  conservent  les 
marques  de  leur  première  condition  pour  se 
rappeler  ce  qu'elles  ont  été,  et  pour  empê- 
cher par  ce  moyen  que  leur  condition  pré- 
sente ne  les  aveugle.  Si  l'on  est  fidèle  à 
suivre  ces  avis»  la  vanité  ne  trouvera  point 
d'entrée  dans  notre  esprit. 
'  La  deuxième  tentation  du  démon,  c'est 
celle  de  la  colère.  Le  démon  tente  de  ce 
eôté^li,  parce  que,  dans  l'oraison  affective, 
on  est  plein  d'ardeur  pour  Dieu,  pour  le 
prochain,  pour  le  ciel,  etc.;  et  ces  ardeurs, 
toutes  saintes  et  toutes  spirituelles  qu'elles 

I)ui8sent  être,  ne  laissent  pas,  à  cause  de  la 
iaison  qui  se  trouve  entre  la  partie  raison- 
nable et  la  partie  animale,  d'échauffer  la 
partie  inférieure  de  notre  Ame  où  résident 
les  passions.  Or,  de  toutes  les  passions» 
celle  qui  prend  le  plus  tôt  feu,  c*est  la  co* 
1ère»  et  ainsi  cette  partie  de  nous-mêmes» 
Dù  la  colère  réside,  étant  échauffée,  elle  se 
ressent  plus  que  toutes  les  autres  passions 
-de  cette  chaleur.  Le  démon»  qui  voit  cette 
-disposition»  soufSe  de  son  côté  et  achève 
•d'allumer  en  nous  le  feu  de  la  colère.  On  est 
encore  tenté  de  colère  dans  l'oraison  affec- 
tive» parce  qu'il  est  malaisé  d'être  sans  quel- 
que attache  pour  les  douceurs  de  l'oraison, 
lesquelles  sont  plus  sensibles  dans  ce  degré 
que  dans  les  autres;  or,  quand  quelqnun 
interrompt  ces  douceurs  en  nous  détournant 
de  l'oraison,  soit  pour  nous  parler  d'affai- 
reS|  soit  pour  quelque  autre  chose,  comme 
il  nous  arrache  de  ce  que  nous  aimons,  il 


nous  arrive  alors  ce  qui  arrive  à  ceux  que 
Ton  retire  d'un  granci  divertissement»  tels 
que  la  comédie,  la  chasse  ou  un  festin»  ctc.^ 
on  est  disposé  à  la  colère,  à  Timpatiencc  et 
auchagrid;  le  démon,  voyant  cette  disposi- 
tion, no  manque  pas  de  faire  tous  ses  efforts 
pour  nous  v  lairo  tomber. 

Le  remède  à  cette  tentation,  c'est»  1*  d'a- 
voir recours  à  Jésus-Christ  qui  nous  dit  : 
Apprenez  de  moi  que  je  suis  doux  et  humble 
de  cœur.  Celui  qui  se  sent  porté  à  la  colère 
doit  donc  s'adresser  h  Dieu  et  lui  dire  avec 
confiance:  Mon  divin  maître,  enseignez-moi 
la  douceur»  permettez-moi  d'être  'votre  dis- 
ciple et  apprenez-moi  cette  grande  leçon  do 
mansuétude  que  vous  êtes  venu  enseigner 
au  monde.  2'  Ne  pas  parler»  ne  pas  dire  un 
seul  mot  quand  on  se  sent  ému  de  colère; 
mais  tAcher  de.se  retirer  à  l'écart  et  de  s& 
mettre  en  oraison  jusqu'à  ce  qu'on  ait  re- 
couvré sa  première  tranquillité.  3*  Si  on  a 
le  malheur  défaillir»  ne  pas  s'en  émouvoir, 
ce  qui  serait  le  moyen  de  tout  g&ter  ;  mais 
s'humilier  alors  profondément  devant  Dieu 
et  reconnaître  que  les  emportements  sont 
les  fruits  delà  terre  maudite  de  notre  cœur. 
Par  cet  acte  d'humilité,  l'on  profite  de  sa 
chute  et  Ton  entre  dans  l'intention  que  Dieu 
a  en  permettant  que  nous  sovons  tentés  et 

Sue  nous  succombions  même  a  la  tentation, 
veut  nous  faire  comprendre  notre  fai- 
blesse et  le  besoin  que  nous  avons  de  sou 
secours  dans  la  tentation.  4*  H  faut  se  déta* 
cher  des  douceurs  de  l'oraison  pour  qu'elles 
ne  servent  plus  d'occasion  à  la  colère,  et  être 
content  d'en  être  privé  si  Dieu  le  juge  à 
propos.  5"*  S'imposer  une  pénitence  et  se 
punir  de  s'être  laissé  aller  h  quelque  empor- 
tement. Ce  remède  est  général  pour  toutes 
sortes  de  chutes.  11  n'y  aurait  qu  à  s'en  ser- 
vir pour  ne  plus  tomber,  ou  du  moins  pour 
tomber  plus  rarement. 

La  troisième  tentation  du  démon  dans 
l'oraison  affective»  c'est  l'impureté.  Il  arrive 
quelquefois  que  quand  T&me  se  sent  embra- 
sée d'un  feu  tout  sacré  et  tout  céleste»  le 
corps  se  trouve  en  proie  à  un  feu  infernal. 
Le  démon  forme  en  nous  mille  représenta- 
tions infâmes»  en  faisant  comme  passer  en 
revue  dans  notre  esprit  tous  les  objets  que 
nous  avons  pu  voir  dans  notre  vie,  et  qui 
peut-être  nous  ont  autrefois  fait  tomber 
dans  le  péché  :  cette  tentation  est  une  des 

Elus  pénibles  pour  des  âmes  qui,  aimant 
>icu  comme  elles  font  »  doivent  avoir  en 
même  temps  un  grand  amour  pour  la  sainte 
vertu  de  pureté.  Quelle  confusion  pour  elles 
de  se  présenter  à  leur  chaste  époux  se 
croyant  pleines  de  souillures!  De  quelles 
craintes  ne  sont-elles  point  agitées»  dans  le 
doute  si  elles  ont  consenti  oudion,  si  ces 
pensées»  si  ces  mouvements  ne  sont  pas 
volontaires!  Quelles  peines  n'ont-elles  point 
è  s'expliquer  là-dessus  à  leur  confesseur  1 
Elles  pensent  ne  s'être  jamais  bien  déclarées 
ou  que  leur  confesseur  ne  les  a  pas  bien 
entendues  et  n'a  pas  bien  compris  ce  qu'elles 
voulaient  dire.  On  voit  par  là  combien  cotte 
teplalian  est  fâcheuse. 


VI 


kft 


D*ASCETISMË. 


AFT 


S» 


Les  ftutears  (}ui  ont  traité  celle  matièt-e 
ont  marqué  beaucoup  de  pratiques  très- 
t)oiiDes  pour  se  garantir  de  la  Tioieiice  de 
cette  teutation.  Il  suffira  d*en  rapporter 
deui  :  La  première  est  de  s*humilier  beau- 
coup, car  la  fin  que  Dieu  se  pro|>ose  ordinai- 
remeot  eo  permettant  qu*onsoit  ainsi  tenté, 
c'est  rhumilité.  En  effet»  rien  de  si  bumi-^ 
liant  que  ce  qui  se  passe  dans  cette  espèce 
de  tentation,  il  fikut  donc,  pour  accomplir 
en  cela  le  Immi  plaisir  de  Dieu,  s'abîmer 
detaot  lui  à  la  Vue  de  ses  misères  ,  recon- 
Aitlre  de  bonne  foi  que  toutes  ces  pensées, 
ces  représetttatiotis  et  ces  mou?emeots  ne 
sont  aue  de  mauvaises  exbalaisons  qui  sor- 
tent de  nous  comme  d*un  fumier  iniècl,  tel 
que  nous  sommes  Téritablemeot;  que  si 
Dieu  De  nous  soutenait,  il  n*y  a  pas  d'abo- 
minations auiquelles  on  ne  se  laisserait 
aller.  La  deuxième  pratique,  c'est  de  mépri- 
ser la  tentation  le  plus  qu'on  pourra.  Qu'on 
se  donne  bien  de  garde  de  s*alarmer,  quelque 
chose  qui  arrife  en  cette  matière;  qu'on  ne 
s'amuse  pas  à  se  trop  agiter  et  h  trop  se  re« 
taaer,  comme  le  font  quelqneS'^uns,  croyant 
qu'en  changeant  si  souvent  de  posture,  de 

{lace,  de  lieu  et  d'occupation,  ils  viendront 
bout  de  cette  tentation.  Cela  peut  servir 
quelquefolsi  et  quand  ou  a  l'expérience  que 
ces  mojeds  sont  utiles ,  ou  peut  en  user  ; 
mais  pour  l'ordinaire  ils  sont  plds  nuisibles 
que  profitableSé  Tous  ces  mouvements  ne 
serrent  qu'à  amuser  le  démon  qui  ne  cber*^ 
che  qu*à  nous  inquiéter,  car  il  sait  bien  qu'il 
ne  pourra  jamais  faire  tomber  dans  un  pé- 
ché pour  lequel  on  a  tant  d'horreur;  le  vé- 
ritable moyeu  de  le  tromper  et  de  le  vaincre, 
c'est  de  ne  pas  s'ébranler  de  tousles  assauts 
qu'il  liTrci  mais  de  rester  sur  le  champ  de 
bataille»  sans  faire  aucun  cas  de  toutes  ses 
attaques,  quelque  violentes  qu'elles  soient. 
Qu'on  se  donne  garde  surtout  d'abandonner 
Toraison,  sous  prétexte  que  c'est  pendant 
qu'on  la  fait  qu  ou  est  agité  de  cette  impor- 
tune tentation.  C'est  justement  cet  abandon 
que  le  démon  désire  ;  il  n'en  demande  pas 
dayaolage.  Sors  de  l'oraison»  disait*il  un 
jour  à  une  flme  accablée  de  toutes  sortes  de 
imtations  impures  ;  ne  vois-tu  pas  que  tu 
pèches  grandement,  puisque  tu  continues 
nu  exercice  qui  eat  la  cause  de  tous  ces  dé« 
soffdres  qui  se  passent  en  toi  7  mais  cette 
âme  oe  fit  pas  semblant  de  l'écouler  et  de^ 
deora  victorieuse. 

11  but  encore  avoir  liien  soin  de  ne  ja- 
mais parler  avec  ses  amis  spirituels  de  ce 
qui  se  passe  touchant  la  tentation  d'impu* 
relé  ;  Il  faudrait  même  qu'on  n'en  parlât  que 
fort  sobrement  avec  son  directeur;  et  si 
Too  est  obligé  de  se  confesser  de  quelque 
chose  qui  regarde  cette  matière,  il  faut  le 
bire  en  des  termes  qui  ne  puissent  renou- 
veler aucune  mauvaise  idée.  Il  faut  de  plus 
éviter  l'empressement  oii  sont  quelqueS-uns 
de  lire  les  livres  qui  traitent  de  ce  sujet,  et 
de  consulter  plusieurs  maîtres  de  la  vie  spi- 
rituelle pour  éclaircir  leurs  doutes;  au  lieu 
d'exagérer  les  peines  que  cause  cette  tenta- 
tion, le  mieux  est  de  les  méi)risor  et  d*en 


détourner  son  esprit,  parce  que  plus  on  y 
pense,  plus  on  en  parle,  plus  on  la  regarde 
comme  quelque  chose  de  considérable,  plus 
elle  s'imprime  dans  l'esprit,  et  plus  on  a  de 
peine  à  Peu  bannir. 

Enfin ,  quand  quelque  chose  tous  est  ar» 
rivé  que  vous  doutez  être  un  péché,  il  faut 
non  vous  chagriner  et  vous  désespérer,  mais 
garder  toujours  la  tranquillité  de  votre  âme» 
et  continuer  vos  exercices  spirituels,  vous 
contentant  de  vous  humilier  et  de  deman-^ 
der  promptement  pardon  à  Dieu  de  votre 
infidélité,  s'il  y  en  a  eu,  vous  réservant  de 
vous  en  confesser  à  l'occasion ,  sans  y  son* 
ger  davantage.  ^-  L'oraison  affective  est 
quelquefois  une  oraison  sumaiurelUf  pa$^ 
site  et  infuse.  Or,  on  appelle  oraison  suma* 
turelle,  passive  et  infuse  celle  que  Dieu 
opère  en  nous,  par  une  grâce  spéciale  et 
extraordinaire  «  et  où  nous  n'avons  d'autre 
part,  sinon  que  nous  la  recevons,  et  qu'eu 
agissant  par  l'impression  donnée,  nous  con- 
sentons à  l'opération  divine  qui  se  fait  en 
nous.  Pour  bien  entendre  ceci  »  il  faut  corn- 

f>arer  l'oraison  commune  et  ordinaire  avec 
'oraison  surnaturelle  et  passive.  La  pre* 
inière  se  fait  en  nous  et  par  nous  avec  la 
grâce  commune;  on  fait,  par  exemple,  des 
considérations» on  produit  des  affections  :  ce 
sont  là  des  actes  de  Toraison  ordinaire  que 
tout  le  monde  peut  fidre  avec  la  grâce  de 
Dieu,  laquelle  grâce  est  donnée  commune^ 
ment  et  ordinairement  k  tout  le  monde* 
Pour  la  seconde,  il  n'en  est  pas  de  même  t 
Dieu  la  donne  k  qui  il. lui  plaît  et  quand  il 
lui  plaît;  c'est  un  don  qui  n'est  pas  commun 
et  ordinaire,  mais  spécial  et  particulier»  et 
c'est  pour  cela  qu'on  l'appelle  opération  de 
Dieu  en  nous.  On  l'appelle  encore  oraison 
passive^  parce  qu'elle  est  reçue  en  nous,  k 
la  différence  delà  première,  nommée  oc/tee» 
parce  que  c'est  nous  qui  agissons  en  cette 
oraison  en  produisant  des  actes»  tandis 
qu'en  celle-ci,  c'est  Dieu  qui  agit,  et,  pour 
nous,  nous  ne  faisons  que  recevoir  sou 
opération,  et  consentir  à  ce  qu'elle  se  fasse 
en  nous;  non  que  notre  esprit  et  noire 
cœur  n'agissent  alora ,  mais  c'est  qu'ils  agis> 
sent  par  une  impression  particulière  que 
Dieu  leur  donne,  et  qui  n'est  point  de 
nous ,  mais  que  nous  recevons  et  k  laquelle 
nous  nous  soumettons. 

Quant  k  savoir  s'il  y  a  quelquefois  du 
surnaturel  et  du  passif  dans  l'oraison,  il  est 
certain  que  Dieu  se  communique  quelque- 
fois spécialement  k  certaines  âmes  dans  cet 
état  aoraisou  affective ,  et  qu'il  opère  par^ 
ticnlièrement  en  elles. 

Les  opérations  de  Dieu  dans  ces  âmes  se 
montent  k  huit,  mais  elles  n'ont  pas  lieu 
dans  toutes  les  âmes  qui  sont  dans  Tétat 
d*oraison  affective.  Il  y  ade  ces  grâces  qui  ne 
sont  accordées  qu'a  des  âmes  choisies ,  ou 
parvenues  dans  les  derniera  degrés  de  la  vie 
spirituelle.  Ainsi  beaucoup  de  personnes  ne 
laisseront  pas  d'être  très-avancées  dans  les 
voies  de  l'oraison, ;ans  que  pour  cela  elles 
aient  jamais  éprouvé  aucune  desopératio  - 
divines  dont  on  va  parler* 


m 


hFV 


DICTiONNAIHE 


ÂFF 


M 


La  première  opération  ou  grftce  dont  Dieu 
'farorise  certaines  personnes  dans  Toraisoa 
effective  est  le  don  des  larmes  que  Dieu 
donne  à  quelques-uns  en  si  grande  abon-* 
dancOf  que  jour  et  nuit  ils  eq  sont  tout 
baignés.  Un  D)0t  qu'ils  entendront  ou  qii*ils 
'liront,  le  souvenir  de  leurs  péchés,  un  re- 
gard sur  quelqu*une  des  souffrances  de 
Notre-Seigneur ,  la  vue  d*une  image  ou  do 
quelque  autre  objet f  leur  tire  aussitôt  les 
larmes  des  yeux ,  et  leur  en  fait  répandre 
par  torrents.  Si  nous  ne  regardions  simple- 
ment que  les  larmes,  ce  serait  peu  do  cho- 
se; mais  il  faut  voir  la  source  d*où  elles 
coulent,  qui  n'est  autre  chose  ;qu*une  cer- 
taine tendresse  d'âme;  or  cette  tendresse  est 
une  grande  grâce ,  de  même  que  la  dureté 
du  cœur  est  un  grand  malheur. 

La  deuxième  grâce  sont  certains  entre- 
tiens tendres  et  amoureux  entre  Târae  et 
Nfttre-Seigneur.  Ce  n*est  ni  par  findustrie 
ni  par  les  efforts  de  cette  âme  que  ces  col- 
'loques  ont  lieu;  car  il  n*est  pas  en  son  pou- 
voir d'en  obtenir  de  semblables,  quelques 
efforts  qu'elle  fasse  pour  cela.  Aussi  les  a- 
*t-e)l6  souvent  lorsqu'elle  y  pense  le  moins, 
^t  est-elie  tout  étonnée  quand  elle  s*en  aper- 

Soit«  Tout  ce  qu'elle  a  a  faire  alors,  c'est 
e  se  tenir  passive,  c'est-à-dire  sans  agir 
S ar  aucune  propre  opération,  laissant  faire 
!otre-Seigneur,  consentant  seulement  à  ce 
qu'il  fait  en  elle,  et  se  tenant  dans  un  grand 
repos,  tant  que  cette  grâce  dure. 

La  troisième  grâce  dont  Dieu  favorise  cer- 
taines personnes  dans  l'oraison  affective, 
sont  des  embrassements  fort  étroits  de 
i'âme  avec  Notre-Seigneur.  On  a  vu  des  per* 
sonnes  qui,  dès  le  matin,  en  s'éveillant,  se 
trou? aient  dans  ces  divins  embrassements, 
qui  leur  continuaient  pre3que  toute  la  jour- 
née. Cette  çrâce  leur  durait  pendant  des 
4emps  considférables,  et  avec  tant  de  dou- 
càixt  qu'elles  ne  pouvaient  l'expliquer  que 
par  des  exclamations*  Ohl  si  l'on  savait 
'Combien  le  Seigneur  est  douxl  disaient- 
olles;  ô  hommes,  s'écriaienl-elles,  à  quoi 
songez-YOus  de  quitter  le  service  d*un  Dieu 
«i  bon ,  pour  suivre  de  misérables  créatures 
qui  n'ont  d'autre  récompense  à  vous  don- 
ner que  beaucoup  d'amertume  l  Ces  deux 
dernières  grâces  produisent  de  grands  dé- 
tachements de  toutes  choses,  des  mépris  de 
tout  ce  qui  est  estimé  dans  le  monde ,  des 
désirs  de  souffrir,  d'être  méprisé,  foulé 
aux  pieds  et  autres  semblables;  il  suffit  do 
dire  qu'il  ne  faut  que  jouir  un  moment 
d'une  de  ces  gr£cQS  pour  en  ressentir  des 
eilets  qui  durent  quelquefois  toute  la  vie. 
La  quatrième  grâce  dont  Dieu  favorise 
certaines  personnes  dans  Toraison  affective, 
c'est  celle  qu'on  nomme  langueur  d'amour, 
qu'éprouvait  l'épouse  des  cantiques  quand 
elle  disait  :  Je  vous  conjure^  filles  de  Jéru^' 
salem ,  de  dire  h  m.7n  bienraimé  que  je  lan- 
guis d'amour.  C'est  ce  qu*ont  éprouvé  beau- 
coup de  saintes  âm  )s  qui  menaient  une  rie 
languissante,  et  é'^ient  presauo  toujours 
comme  dans  des  défaillances  d  amour.  Tels 
étaient  saint  Bernard  et  saint  François  d'As- 


sise, sainte  Catherine  de  Sienne  et  sainte 
Thérèse,  sainte  Angèle  de  Faligny  et  sainte 
Catherine  Qe  Gènes,  comme  on  peut  le  yoir 
en  leurs  Vies,  et  comme  nous  en  assure  sain* 
François  de  Sales  dans  son  livre  De  ramour 
de  Dieu.  Tel  était  encore  saint  Philippe  de 
Néri,  dont  le  cœur  était  si  enflammé,  qu'il 
en  serait  mort  si  la  Providence  n'y  avait 

f>ourvu;  on  sait  que  deux  Je  ses  côtes  s'é- 
evèrent  et  se  rompirent,  pour  donner  plus 
d'espace  à  son  cœur  embrasé,  afin  que,  res- 
pirant plus  d'air,  i-l  en  fût  rafraîchi.  Tels 
étaient  enfin  plusieurs  grands  serviteurs  de 
Dieu,  dont  I  amour  était  si  ardent,  qu'il 
leur  fiillait  mettre  plusieurs  linges  mouillés 
sur  la  poitrine  pour  les  empêcher  de  mou- 
rir. 

La  cinquième  grâce  -do  Dieu  dans  l'o- 
raison afleclive  est  celle  qu'on  appelle  {i- 
Îuéfaction,  ou  écoulement  de  l'âme  en 
ieu,  et  dont  parle  le  saint  roi  David,  quand, 
regardant  d*un  esprit  prophétique  les  tour- 
ments du  Fils  do  Dieu,  il  dit  :  Mon  cœur 
s'est  fondu  comme  de  la  cire  au  milieu  de 
mes  entrailles.  Saint  François  de  Sales,  par- 
lant de  cette  grâce  que  Dieu  fait  è  une 
âme,  et  de  la  manière  dont  ell»  s'opère  en 
elle,  s'exprime  ainsi  :  «  Comment  se  fait 
cet  écoulement  sacré  de  l'âme  en  son  bien 
aimé?  Une  extrême  complaisance  de  l'a- 
mant en  la  chose  aimée  produit  une  certaine 
impuissance  spirituelle,  qui  fait  que  l'âme  ne 
se  sent  plus  aucun  pouvoir  de  demeurer  en 
soi-même.  C'est  pourquoi,  comme  un  baume 
fondu  qui  n'a  plus  de  fermeté  ni  de  solidi- 
té, elle  se  laisse  aller  et  écouler  en  ce  qu'elle 
aime;  elle  ne  se  jette  pas  par  manière  d'é- 
lancement, ni  elle  ne  serre  pas  par  manière 
d'union,  mais  elle  va  doucement,  coulant 
comme  une  chose  fluide  et  liquide  dedans 
la  divinité  qu'elle  aime,  et  comme  nous 
voyons  que  les  nuées,  épaissies  parle  vent 
du  midi,  se  fondant  et  se  convertissant  en 
pluie,  ne  peuvent  plus  demeurer  en  elles- 
mêmes,  mais  tombent  et  s'écoiilenten  bas, 
se  mêlant  si  intimement  avec  la  terre 
qu'elles  détrempent,  qu'elles  ne  sont  plus 
qu'une  même  chose  avec  elle;  ainsi  i'âme, 
laquelle,  Quoique  amante,  demeurait  en- 
core en  efle-même,  sort  par  cet  écoule- 
ment sacré,  cette  fluidité  sainte,  et  se 
quitte  soi-même,  non-seulement  pour  s'unir 
au  bien-aimé,  mais  pour  se  mêler  toute  et 
se  détremper  en  lui.  »  Voilà  comme  ce 
grand  saint  explique  cette  opération  divine 
dans  une  âme  qui  aime  Dieu  sincèrement. 

La  sixième  grâce  de  Dieu  dans  l'oraison 
affective  est  celle  qu'on  no&ime  plaie  ou 
blessure  d'amour.  C'est  ainsi  que  furent 
blessés  sainte  Thérèse  par  le  dard  dont  an 
séraphin  lui  perça  le  cœur  ;  sainte  &fade- 
leine  de  Pazzi,  qui  courait  par  la  maison 
avec  un  crucifix  à  la  main,  s'écriant:  O 
amour ^  tf  amour/ saint  François  d'Assise* 
qui  allait  tout  transporté  en  criant  de  tou- 
tes ses  forces  :  Lamour  n'esi  point  aimé. 
Voici  comme  saint  François  de  Sales  expli* 
que  cette  opération  de  Dieu  daus  les  âmes  : 
«  Il  y  a  une  sorte  de  blessure  que  Dieu 


ut 


àFW 


D^ASCETISME. 


àFP 


laiHDéme  SriC  quelquefois  ea  Tâme  qu'il 
Teut  grandement  perfectionner.  Car  il  lui 
donne  des  sentiments  admirables,  et  des 
attraits   non  pareils  pour   sa    souferaine 
bonté,  comme  la  pressant  et  la  sollicitant 
d*aimer,  et  alors  elle  s'élance    de   force 
eomme  pour  Yoler  plus  baut  vers  son  diyin 
objet  ;  mais  demeurant  courte»  parce  ou'eile 
oe  peut  pas  tant  aimer  comme  elle  le  uésire» 
A  Dieu  !  elle  sent  une  douleur  qui  n*a  point 
«Inégale;  et  en  même  temps  qu'elle  est  attirée 
puissamment  à  voler  Ters  son  cher  bien-aimé, 
elle  est  aussi  retenue  puissamment  et  ne  peut 
▼oler,  comme  aUacbée  aux  basses  misères 
de  cette  rie  mortelle,  et  de  sa  propre  im* 
fioissanee  ;  elle  désire  dei  ailes  de  colombe 
pomr  roter  em  son  repoê,  et  elle  n'en  trouve 
|K>inl.  La  roîlà  donc  rodement  tourmentée 
entre  la  violence  de  $iis  élans  et  celle  de  sou 
impuissance.  O  misérable  que  je  suis,  disait 
l*uD  de  ceui  qui  ont  expérimenté  ce   tra- 
vail, qui  me  délivrera  de  ce  corps  de  mort. 
Alors,  si    vous   j  prenez    garde,  Tbéo- 
time,  ce  n'est  pas  le  désir  d'une  chose  al>- 
sente  «{ui  blesse  le  cœur,  car  Fâme  sent  que 
«on  Dieu  est  présent,  il  l'a  déjà  menée  dans 
son  etUier  à  rie,  il  a  arboré  sur  son  ceeur  Pé^ 
Undard  de  famour  ;  mais  quoique  déjà  il  la 
voie  toute  sienne,  il  la  presse  et  décoclie 
de  temps  en  temps  mille  el  mille  traits  de 
son  amour,  lui  montrant  par  de  nouveaux 
moyens  combien  il  est  plus  aimable  qu'il  n'est 
aimé  et  elle  uui  n'a  pas  tant  de  force  pour 
l'aimer  que  d  amour  pour  s'efforcer,  voyant 
ses  efforts  si  faillies  en  comparaison  du  dé* 
sir  qu'elle  a  pour  aimer  dignement  celui 
que  nulle  force  ne  peut  assez  aimer,  hélas  I 
elle  se  sent  outrée  uun  tourment  incompa- 
rable :  car  autant  d'élans  qu'elle  fait  pour 
voler  plus  haut  en  son  désirable  amour,  au- 
tant reçoit-eUe  de  secousses  de  douleur.  Ce 
cœur  amoureux  de  son  Dieu,  désirant  inS* 
niment  d'aimer,  voit  bien  que  néanmoins  il 
ne  peut  ni  assez  aimer,  ni  assez  désirer.  Or 
ce  désir  qui  ne  peut  réussir  est  comme  un 
dard  dans  le  flanc  d'un  esprit  généreux  ; 
mais  la  douleur  qu'on  en  reçoit  no  laisse 
pas  que  d'être  aimable,  d*au(ant  que  qui- 
conque désire  bien  d'aimer  aime  aussi  bien 
à  d&irer,  et  s'estimerait  le  plus  misérable 
de  Tuniverss'il  ne  désirait  continuellement 
d'aimer  ce  qui  est  souverainement  aimable. 
Désirant  d'aimer,  il  reçoit  de  la  douleur  § 
mais  aimant  à  dé:iirer,  il  reçoit  de  la  dou- 
ceur. ■  C'est  ainsi  que  ce  grand  saint  nous 
explique  ce  que  c'est  que  celte  blessure 
d'amour. 

La  septième  grâce  de  Dîcu  dans  l'oraison 
affective,  c'est  fine  certaine  vue  (ju^il  donne  à 
cesâmes  de  leur  néant  cl  ilu  mauvais  fond  qui 
est  en  elles;  en  sorte  qu'elles  ont  une  hor- 
reur extrême  d  elles-mêmes,  et  se  regardent 
Mmme  abominables.  C'est  ain^i  que  saint 
Frznçois  d'Assise  et  autres  saints,  se  disant 
.  si  grands  pécheurs,  parlaient  sincèrement, 
I«arr45que  Dieu  leur  avait  donné  celle  vue 
de  leur  misère  et  de  leur  mauvais  fond. 
Sainte  Catherine  do  Gênes  assurait  que  si 
Dieu  nous  montrait  dans  toute  son  étendue 


le  fond  de  péché  qui  est  en  nous,  cette  ?uo 
nous  ferait  mourir  do  peur.  Elle  ajoutait 
qu'il  avait  plu  à  Dieu  de  lui  montrer  une 
partie  de  sa  malice,  et  qu'elle  avait  pensé 
en  mourir.  11  est  des  âmes  à  qui  Dieu  a 
donné  cette  vue  du  péché,  et  qui  au  milieu 
des  plus  héroïques  vertus,  ne  sérient  jamais 
de  celte  pensée  qu'elles  ne  valent  rien  et 
qu'elles  sont  pires  que  les  démons.  Quand 
Dieu  veut  faire  part  de  te  don  à  quelqu'un, 
il  devient  en  un  moment  plus  humble  que 
ceux  qui  se  sont  exercés  dans  la  vertu  d'hu- 
milité pendant  plusieurs  années.  A  la  vérité, 
Dieu  ne  fait  pas  toujours  ce  don  dans  l'é- 
tat d'oraison  affective,  il  le  réserve  ordinai- 
rement aux  âmes  les  plus  avancées  dans  la 
voie  de  la  perfection. 

La  huitième  grâce  de  Dieu  dans  l'oraison* 
affective  est  une  si  grande  abondance  de 
douceur,  que  les  âmes  qui  reçoivent  ce  jlon 
seo\blent  être  des  vases  trop  petits  pour 
pouvoir  les  contenir;  elles  disent  avec 
saint  François-Xavier  :  Cest  assez^  Seigneur^ 
c'est  Mf«x. Telle  est  une  partie  des  dons  sur- 
naturels que  Dieu  fait  à  quelques  âmes  dans 
l*oraiscn  affective.  Toutefois,  a'ils  nous  sont 
inconnus,  ne  nous  découraçeons  point; 
mais  allons  selou  les  voies  ordinaires,  puis- 
qu'il le  veut  ainsi  ;  soyons  fidèles  à  la  grâce 
commune  qui  ne  nous  manquera  pas,  ei 
Dieu  nous  fera  entrer  dans  le  troisième 
état  d*oraison,  ou  de  recueillement  actif.. 
Notre  âme  y  trouvera  des  i^lturages  infini- 
ment plus  gras  et  plus  fertiles  que  dans  les 
états  précédents,  et  elle  se  perfectionnera 
beaucoup  mieux  et  plus  aisément  ou'ello 
n'avait  jamais  fait.  (Cqurbon  ,  Etats,  aorai'^ 
sonJUYoy.  Rbcueillbmeutactif.) 

AFFLICTIONS.  —  Ce  sont  les  peines  do. 
corps  ou  de  l'esprit  que  Dieu  nous  en- 
voie, soitpoor  nous  donner  l'occasion  d'ex- 
pier une  faute  passée  et  nous  détourner  de* 
celles  que  nous  pourrions  commettre;  soit 
pour  nous  éprouver,  afin  d'augmenter  nos. 
mérites,  si  nous  les  supportons  avec  rési- 
gnation. Plusieurs  esprits  superficiels  ont  eu 
peine  h  concilier  les  contradictions  infinies 

Îui  aflligent  la  vie  humaine  avec  l'idée  d'un 
îeu  juste  et  bon.  Ceux-là  oublient,  d'uno^ 
part,  le  dogme  du  péché  originel,  qui  ex- 
plique nettement  Télat  de  souffrance  perpé- 
tuelle du  genre  humain  et  de  tous  srs  mem<» 
bres  ;  de  1  autre*  ils  ne  comprennent  rien  h. 
la  destinée  de  Tbomme.  Ils  prennent  la  vie 
présente  pour  une  patrie,  lorsqu'elle  n*est 
qu'un  temps  d'épreuve,  d'expiaton.  et  do 
transformation  :  Afi7t7ta  est  vita  hominis  su- 
per lerram;  ntmo  coronabitur  nisi  qui  legi* 
time  certaterit,  dit  saint  Paul.  Qu'on  ne  se 
plaigne  pas  que  l'épreuve  est  trop  longue, 
puisqu'elle  n  est  qu'un  point  en  comparai- 
son d'une  récompense  éternelle;  ni  trop 
dou!oureuse,  puisque  la  rémunération  est 
sans  mesure  et  au-dessus  de  toute  concep- 
tion :  rœil  de  Vhomme  n"a  point  en,  To- 
rei7/e  n'a  point  entendu^  le  cœur  n*a  point 

compris  ce  que  Dieu  prépare  à  ceux  qu'il 

aime. 
Les  afflictions  atteignent  l*homme  toul 


149 


ÀFF 


bICTIONMAIRE 


A6A 


tu 


limier 9  parce  qu*elles  doivent  le  transfor- 
fùer  et  le  purifier  tout  entier  t  Tesprit  et  le 
corps  avec  toutes  leurs  i^uissauce;^.  11  y  a 
les  contrariétés  et  les  afQictions  c|e  reufance, 
(le  Tadolescence,  de  l'Age  rqûr»  et  elles  seqa* 
illent  encore  s'aggraver  pour  la  vieillesse. 
L'esprit  est  éprouvé  par  sqs  imperfections^ 
les  impuissances  naturelles,  par  les  bornos 
opposées  à  la  curiosité  de  qotre  raison» 
par  les  obstacles  qui  s'opposent  ^  ses  des- 
peins, bons  Qu  mauvais  ;  par  Torgueil  et  les 
prétentions  d*autrui  ;  par  les  caractères  acer- 
pes  ou  déraisonnables  des  personnes  qui 
vivent  avec  nqus,  («o  corps  est afiligé  par  les 
infirmités  naturelles,  par  ses  difformités,  sa 
pesanteur,  par  le  mauvais  service  qu'il  donne 
^  Hntelligence,  par  ses  passions  brutales 
pi  impétueuses,  qui  en  font  un  cheval  fou- 
gueux et  emporté  dans  les  mains  de  la 
raison.  \l  est  affligé  par  les  malaises,  les 
fnaladies*,  qui  le  reudeqt  un  oiiijet  inutile 
et  incommode  à  soi  et  à  autrui,  qui  appor- 
tent les  souffrances  et  les  gémissements,  et 
iouvent  nous  tiennent  misérableipent  sus- 
pendus sur  Tabîme  de  la  mort,  yoilà  cet 
empire  que  les  a(I}ictions  ont  sur  nous,  Eli 
^ienl  ces  afflictions  tombient  ^galpment  sur 
tous  indistinctement.  Mais  en  tombant  sur 
jes  hqmmes,  elles  trouvent  trois  sortes  (\e 

1>e|;!SQnnes,  bieù  diversetpent  disposées  re 
ativeruent'  à  T^ffliction,  et  elle  produit  en 
pui  des  énfets  bien  différents.  Elle  atteint 
d'abord  les'  sensuels  qui  vivent  comme  sans 
pieu  sur  la  (erre.  Ceux-là  sont  désespérés 

Ï)ar  Taffliction  ;  ils  en  sont  écrasés  |  elle  est 
eursoqVerain  mal ,  parcequ'elle  n'a  pour  eux 
fiucifne  compensation.  Ils  tournent  le  dos  h 
eur  destinée,  et  le  revers  est  pour  eux  un 
(nalhe^r  insupportable,  et  la  mort  uu  mal 
'  infini,  Quand  l'affliction  atteint  les  Chrér 
iîens  tiôdes,  elle  perd  beaucoup  de  sa  ri- 
gueur. Ceux-ci  ont  une  foi' faible  et  lan- 
guissante; mais  enfin  ils  ont  là  fpf,  et  finis- 
sent pi|r  reconnaître  la  main  de  Dieu  qui  les . 
châtie  ou  les  éprouve  dans  T'affliction;  ils 
(inisseqt  par  se  résiijner  avec  patience  aux 
paaux  inévitables. 
Enfin,  l'affliction   atteint  aussi  |e  petit 

Îiombre  de  justes  et  de  contemplatifs,  ^ui 
ugent  des  cnoses  de  ce  monde  d^ns  leur 
rapport  avec  l'éternité.  Ceux*ci,  non-seule- 
inent  ne  s'irritent  pas  contre  la  main  dç  Dieu 

aui  le^  châtie  paternellement;  non-seule? 
lenl  souffrent  avec  résignation,  mais  en- 
core t]|énissent  la  main  qui  frappe.  Ils  re- 
mercient Dieu  qui  les  visite  par  la  tribulation. 
Ils  comprennent  l'ei^cellent  parti  qu'ils  peu- 
tent  tirer  des' souffrances  et  des  contradic- 
tions; ils  se  souviennent  que  la  vie  est  une 
épreuve  et  une  expi-itioii;  qu'il  faut  imiter 
Jésus-Christ  et  porter  sa  croix  avec  lui,  châ- 
tier son  cQrps  el  le  réduire  en  servitude,  et 
femercieiit  Dieu  qui  leur  aidCi  par  les  ma* 
{adies,  h  atteindre  ce  but. 

Voi'là  ce  qu'entendait  saint  ^ean-Qhrjsos- 
tome,  lorsqu'il  disait  à  son  peuple  :  «  ?/e 
flous  troublons  pas  TesprU^  lorsque'nous  som- 
fàes  affligés^  mais  prions,  de  peur  de  succom- 
liter  dans  1^  (entalion.  Acceptons  ce  qui  nous 


est  envoyé,  et  ainsi  nous  nous  dépouillerons 
de  nos  péchés,  et  s'il  y  a  quelaae  jusllcfl 
en  nous,  elle  paraîtra  plus  brillante.  Les 
vignerons  no  permettent  pas  aux  boor- 

f;eons  d*étendre  au  loin  leur  chevelure  trop 
uxuriante;  on  ne  le  permet  pas  plus  dans 
les  arbres,  mais  la  faux  s'empresse  défaire 
tomber  tout  le  superflu ,  de  peur  que  la 
sève,  consommée  «n  feuilles  vaines,  ne 
produise  ensuite  que  des  fruits  stériles.  Il  en 
est  ainsi  des  hommes.  L'âme  quiYépuise 
en  soius  pour  les  douceurs  frivoles  da 
mpnde,  devipiit  impuissante  à  produire  des 
fruits  mûrs  et  parfaits  de  piété.  8i  vous 
pressez  des  objets  peu  résistants  et  gonflés 
d'air,  ils  s'affaissent;  mais  ceux  qui  suppor- 
tent courageusement  les  afllictions,  ressen* 
tent  un  effet  contraire.  S'ils  paraissent  pe- 
tits et  abjects,  ils  se  relèvent  et  s'agrandissent 
par  la  ré$istauce.  Puisque  nous  savous  ceii 
choses,  continue  le  saint  docteur,  acceptons 
donc  les  afflictions  avec  actions  de  grâces, 
et  de  pette  sorte,  nous  nous  accoututnerons 
h  les  porter,  et  elles  nous  deviendront  k 
prix  des  biens  immortels.  »  (/n  ps.  CXLl.) 

AGAP^T,  diacre  de  l'Eglise  deConstanli- 
pople  au  vr  siècle,  adres^  une  IsUrs  à 
l'empereur  Justinien  sur  les  devoirs  d'un 
prince  chrétien.  Les  G^ec^ ,  qui  faisaient 
^rand  cas  de  cette  lettre,  l'appelaient  h 
royale,  l^lle  a  été  insérée  dans  la  Bibliothi- 
qiie  des  Père^f  et  a  ét^  plusieurs  fois  impri- 
mée iri-fr', 

AGAPETES.-- C'étaient,  dans  la  prîmi^ 
tivo  Eglise,  des  vierges  qui  vivaient  eu 
communauté,  et  qui  servaient  les  ecclésiasr 
tiques  par  pur  motif  de  piété  et  de  charité. 

Ce  mot  signifie  bien^aimée^  et  comme  le 
précédent^  il  est  dérivé  du  grec. 

Dans  la  première  ferveur  de  l'Eglise  nais^ 
santé,  ces  pieuses  sociétés,  loin  d'avo'rrien 
de  criminel ,  étaient  qécesspires^  à  bien  des 
égards.  Ce  pqtit  nombre  de  yierges  qui  fai- 
saient, avec  la  mère  du  Siauveuf,  paftie  de 
TEglisc,  et  dont  la  r:!upart  étaient  pareple» 
de  Jésus-Christ  ou  de  ses  apôtres,  ont  vécu 
en  coiqmun  avec  evix  comme  avec  .tous  les 
autres  fldèlels.  Il  en  fut  de  même  de  celles 
que  quelques  apôtres  prirent  avec  eux  en 
allant  prêcher  TÉvangile  aux  nations  :  outre 
qu'elles  étaient  probablement  leurs  pmcbes 
parentes,  et  d'ailleurs 'd*un  âge  et  d'une 
vertu  hoi's  de  tout  soupçon,  ils  ne  les  retin- 
rent auprès  de  leurs  personnes  qpe  pour  Ip 
seul  intérêt  de  1  Evangile,  apii  d^  nouvoir 
par  leur  mojeq ,  comme  dit  isàiht  Llémenl 
d'Alexandrie,  introduire  la' foi  dans  certain 
nés  maisons  dont  l'accès  n'était  |)erniis 
qu'aux  feinmes.  Qn  sai(  quechez  les  Grec^ 
leur  appartement  était  séparé  et  qu'elles 
avaient  rarement  communication  avec  le^;^ 
hommes  du  dehors.  On  peut  dire  la  même 
chose  des  vierges  dont  Iq  père  était  promu 
aux  ordres  sacrés,  corume  des  quatre  filles 
de  saipt  Philippe,  diacre»  et  de  plusieurs 
Hutres,  Mais,  hors  do  ces  cas  privilégiés  el 
de  nécessité,  il  ne  paraît  pas  que  l'Kglise 
oit  jamais  soufferf'qùe  des  vierges,  sou^ 
quel<]im  prétexte    que  ce  fût,  vécusseçl 


lis 


AlC 


tk^ASCETISXE. 


AMB 


SM 


nfec  des  ccclésiasliques  autres  que  leurs 
plus  proches  parents.  On  voit  par  ses  plas 
anciens  mODuœenls  qu'elle  a  toujours  in- 
terdit ces  sortes  de  sociélés,Tertullien,dans 
son  livre  sur  le  voile  des  vierges^  peint  leur 
état  comme  un  engagement  indispensable  è 
TJTre  éloignées  des  regards  des  hommes  ,  è 
plus  forte  raison,  à  fuir  toute  cohabitation 
avec  eux.  Saint  Cjprien ,  dans  une  de  ses 
épitres,  assure  aux  vierges  de  son  temps, 
que  FEgiise  ne  pouvait  souffrir  non^^seuie- 
ment  qu'on  les  vtt  loger  sous  le  même  toit 
avec  les  hommes,  mais  encore  mander  h  la 
même  table: le  même  saint  évôaue,  instruit 
qu*un  de  ses  collègues  venait  d'excommu- 
nier UQ  diacre  pour  avoir  logé  plusieurs  fois 
avec  une  vierge,  félicite  ce  prélat  de  cette 
action  comme  d'un  trait  digne  de  la  pru- 
dence et  de  la  fermeté  épiscopales  ;  enfin, 
L*s  Pères  du  concile  de  Nicée  défendent  ex- 
pressément &  tous  les  ecclésiastiques  d'avoir 
chez  eux  do  ces  femmes  qu'on  appelait  sub- 
introduciœ^  si  ce  n'élait  leur  mère ,  leur 
sœur,  ou  leur  tante  paternelle,  è  regard 
desquelles,  disent-ils,  ce  serait  une  horreur 
de  f»enser  que  des  ministres  du  Seigneur 
fussent  capables  de  violer  les  droits  de  la 
nature. 

Par  cette  doctrine  des  Pères,  et  par  les 
précautions  prises  par  le  concile  de  Nicée, 
il  est  probable  que  la  fréquentation  des  aga- 
pèles  et  des  ecclésiastiques  avaient  occa- 
sionné des  désordres  et  des  scandales.  C'est 
ce  que  semble  insinuer  saint  Jérôme,  quand 
il  demande  avec  une  sorte  d'indignation  : 
Unde  agapeiarum  pe$ti$  in  Ècclesiam  introi^ 
fit?  C'est  à  cette  même  fin  que  saint  Jean 
Chrysostome,  après  sa  promotion  au  siège 
de  Constantioople,  écrivit  deux  petits  traites 
sur  le  danger  de  ces  sociétés;  et  enfin  le 
concile  général  de  Latran,  sous  Innocent  III, 
en  (139,  les  abolit  entièrement. 

ALBERT  LE  Gband  naquit  avec  le 
xiir  siècle  ;  sa  grande  gloire  a  été  d'avoir 
eu  pour  disciple  saint  Thomas,  et  d'avoir 
contribué  à  former  ce  grand  génie.  Les 
âmes  pieuses  lui  doivent  le  Paraaie  de  Vdme. 
ALBI  (Heiri),  né  è  Bolène,  dans  le 
Comtat-Vouaissin,  en  1590,  entra  chez  les 
Jésuites  à  TAge  de  yehe  ans.  Après  avoir 
professé  les  humanités  et  la  théologie,  il 
fut  successivement  recteur  des  collèges 
d'Avignon,  d'Arles,  de  Grenoble  et  de  Lyon. 
il  mourut  à  Arles  le  6  octobre  1659.  Ses 
ouvrages  ascétiques  sont:  1*  Uart  d'aimer 
Dieu;  Lyon,  163«.  —  ^  Du  renouvellement 
d^tifrit:  »bid.  1651,  in-4\  —  3*  Quelques 
Vies  de  Sainf$. 

AI^OCK  (Jeao)»  savant  et  pieux  évo- 
que anglais,  naquiiè  Beverleyen  Yorkshire, 
au  milieu  du  xv*  siècle,  et  lit  ses  études 
dans  l'université  de  Cambridge,  où  il  prit 
ses  degrés.  Il  dut  son  avancement  à  son 
tuérite.  Une  des  premières  places  qu'il 
occupa  fut  celle  de  doyen  de  Westminster  ; 
il  fut  nommé,  en  1&70,  à  l'évôchéde  Roches* 
ter,  d*où  il  passa,  en  1^76,  sur  le  siège  de 
Wurcesler,  et  en  1W6  sur  celui  d'Ely.  Henri 
^U  le  fit  ^rand  cJiancclicr  d'Angleterre^  cl 


l'envoya  en  ambassade  prè^  du  roi  de  Cas- 
tille.  Il  mourut  en  l'année  1500,  au  mois 
d'octobre  à  Wisbeach,  en  odeur  de  sainteté. 
Parmi  les  écrits  qu'a  laissés  ce  savant^pré- 
lat,  on  remarque  les  livres  ascétiques  qui 
suivent  :  1**  Mons  perfectionis  ad  Carihueia-- 
nos;  1501,in-V.~-  ^Galli  cantus  ad  confra- 
très  suos  curatos^  etc.;  H99,in-4*'.— 3**  Aoba-- 
tiœ  sancii  Spirilus  in  pura  conscienlia  fun-- 
data;  1531,  in-4.*. —  4'  Medilationes  piœ,  — 
5^  Le  mariage  d*une  vierge  avec  Jisus-Christ. 
C^s  différents  ouvrages  ont  tous  été  publiés 
à  Londres. 

ALCDIN  [Flaceus  Albinus)^  diacre  de 
l'Eglise  d'York,  où  il  enseignait  les  sciences 
eccTésiatiques,  fut  appelé  en  France  par 
Charlemagne  qui  le  prit  pour  son  maître. 
Alcuin  fonda,  sous  les  auspices  de  ce  grand 
empereur,  plusieurs  écoles  a  Aix-la-Chapelle,, 
à  Tours,  etc., et  fit  renaître  les  lettres  dans 
les  vastes  Etats  de  ce  prince.  Il  mourut  en 
804,  dans  son  abbaye  de  Saint-Martin  de 
.Tours.  Ses  œuvres  ont  été  publiées  i  Paris 
en  1617,  par  André  Duchesne,  in-fol.  Le 
P.  Chi(Qet  a  aussi  édité  un  écrit  intitulé: 
La  confession  d  Alcuin  ^  1656,  iB-4-*,  que 
dom  Mabillon  prouve  être  de  ce  savant.  Il 
y  a  dans  ces  œuvres  do  la  théologie,  de  la 
philosophie,  des  histoires,  des  légendes,  des 
epitres  spirituelles,des  poésies,  eic.Yoj/s  fin 
du  2'  voL  le  catal.  de  ses  Œuvres  ascétiques* 
ALOMBRADOS.—  Yoy.  Illuminés 
AMBITION.  —  Foy.  Ëleghqjc,  Amour- 

PROPRR 

AMBBOISE  (Saint)  naquit  vers  Tan  340^ 
Fils  d*un  préfet  des  Gaules,  il  suivit  d'abord^ 
la  carrière    du    barreau.    Après    la    mori 
d'Auxence,  évèquede  Milan,,  i!  fut  élu  DOur 
lui  succéder,  par  le  peuple,,  qui  le  proclama 
d'une  voix  unanime,  et  ce  choix  fut  conUrmé 
par  l'empereur  Valentinien.  Ambroise  lut 
sacré  le  7  décembre  37<k  11  se  montra  inflexi* 
Ûe  contre  l'hérésie  des  ariens.  On  connaît  sa 
ferme  résistance  à  l'empereur  Théodose  qu'il 
refusa  de  recevoir  dans  l'Eglise,  après  le 
massacre  de  7,000  habitants  de  Thessaloni- 
que,  et  auquel  il  imposa  la  pénitence  publia 
que.  Il  vendit  ses  vases  sacrés  pour  rache- 
ter les  captifs  que  les  Goths,  dans  leurs  dé- 
vastations, entraînaient  de  toutes  parts.  Eih 
6x1  après  av.oir  donné  à  l'Eglise  l'exemple 
des  plus  sublimes  vertus,  il  mourut  la  veille, 
de  Pâques»  l'an  397,  ftgé  de  cinquante-sept 
ans.  Ses  œuvres  ascétiques  sont  :  le  l"£tt>ra' 
de  Cain.  —  Isaac  ou  lÀme.  —  Des  avantages, 
de  la  mort.-- Jacob  o\h La  vie  bienheureuse,  — 
La  fuite  du  siècle,  —  David  pécheur  et  pini- 
tenL—ElU  ou  Le  j/eûne.  --Interpellations  do 
Job   en  deuxMivres.  —  Discours    sur  te* 
Psaumes.  —  Chap.  3  et  il^  sur  Jont^s,  ou  L& 
saint  Traité  du  Jeûne  et  de  la  Pénitence.  — 
Di»ux  livres  sur. la  Pénitence.  —Trois  livres 
Des   devoirs.  —  Plan  de  conduite  pour   une 
vierge.  — Livre  à  une  vierge  sage.  — Livre  à 
une  vierge  tombée.  —De  la  dignité  du  sacer^ 
doce.  —  Sermons  :  le  \>\  sur  la  charité;  les 
25%  26*,  29*  et  3i*  du  jeûne  quadragésimal  i 
les  36%37%  38' 39%  W,41*  Wd«  larmes  d^ 
Pierre;  le  3Ji*  de  la  manière  de  faire pén*'* 


}Ainé*m 


M7 


AMI 


l>ll.lU)XNAm£ 


AMI 


818 


—  Livre  de  la  Vie  et  de$  maure  des  prélate.  — 
Uû  &*  livre  sur  divers  sujets,  utile  surtout 
aui  jeunes  gens  et  aux  personnes  affligées. 

AME,  eee  divers  étais  dans  Varaisan.  — 
Yay,  Obaiso?!, 

AMES  (DiBECTioii  DBs).-«Foy.  Diebctbue. 

AMENDEMENT  DE  LA  ViE.  —  Voy.  Mob- 
riKiCATfON,  PÉfrrrENCB. 

AMITIÉ.  —  L*amitié,  en  général,  se  définit  : 
:  une  bienveillance  réciproque,  connue  et 
i  désintéressée  entre  des  personnes  oui  se 
'  veulent  du  bien  mutuellement  et  désirent 
se  combler  de  bienfaits  réciproques.  Il  ré- 
sulte évidemment  de  ces  paroles  :  1*  qu*il  y 
a  une  différence  extrême  entre  Tamour  pro- 
prement dit  et  Tamitié  :  en  effet,  Tamour  peut 
u*étre  pas  réciproque,  il  peut  être  même  in- 
connu de  la  personne  aimée  :  d*où  il  arrive 
ï^ue  Tamitié  renferme  toujours  l'amour,  et 
que  l'amour  ne  suppose  pas  toujours  Fami- 
tié  ;  2*  que  pour  l'amitié,  il  faut  une  récipro- 
cité de  .rapports  honnêtes  et  de  vertueuse 
bienveillance,  sans  quoi  elle  ne  pourrait 
exister  et  serait  plutôt  une  liaison  corrup- 
trice qu'une  amitié  réelle;  3* que  cet  amour 
mutuel  doit  être  désintéressé  et  gratuit  :  re- 
cherchef  son  intérêt  particulier,  son  utilité 

Iiropre,  serait  non  le  rôle  de  i'amilié,  mais 
e  caractère  du  mercenaire.  Ainsi,  une  so- 
ciété contractée  entre  des  négociants,  dans 
l'espoir  et  la  rechorcli**  d'un  gain  mutuel 
pour  les  associés ,  un  traité  conclu  entre 
des  princes,  dans  l'intérêt  mutuel  de  leurs 

Etats,  nedoiventpoint  être  considérés  comme 
des  rapports  d'amitié,  mais  comme  des  rela* 
tions  qui  ont  pour  base  et  pour  motif  un 
avantage,  un  gain  quelconque.  De  même 
encore,  une  liaison  fondée  sur  lenlaisirmême 
innocent  qui  a  sa  source  dans  la  beauté  du 
corps,  dnus  la  bonté  de  caiactère,  dans  un 
rapport  sympathique  entre  deux  personnes 
de  même  sexe  ou  de  sexe  différent,  ne  peut 
être  non  plus  considérée  comme  une  amitié 
réelle;  et  si  cette  liaison  dégénère  en  un 
amour  honteux  et  impudique  et  amène  un 
mutticl  consentement  à  des  actes  obscènes, 
loin  d*êlre  une  amitié,  elle  n'est  plus  qu'un 
faux  amour,  qu'une  fausse  amitié,  qu'une 
liaine  ?éritable,  puisqu'elle  cherche,  non  pas 
ce  qui  est  bon,  mais  ce  qui  est  mauvais. 
D'où  il  faut  conclure  que  l'amitié  honnête 
seule  est  véritable,  et  que  celle-là  seule  est 
honnête,  qui  tend  à  rendre  l'ami  meilleur  ;  et 
elle  sera  plus  ou  moins  une  amitié  vérita- 
ble, selon  qu'elle  sera  plusou  moins  honnête. 
L'amitié  est  naturelle  ou  surnaturelle ,  gi" 
nérale  ou  particulière.  L'amitié  naturelle  est 
celle  qui  se  fondesur  une  honnêteté  morale, 
nnturulleou  philosophique:  c'est  de  celle  ami- 
tié que  s'aiment  mutuellement  par  l'inclina- 
tion de  la  nature,  les  frères  et  sœurs ,  les  pa- 
rents et  les  enfants,  l'époux  et  l'épouse,  les 
membres  d'un  même  corps  d'état,  d'une  so- 
ciété littéraire,  eto.  L'amitié  .surnaturelle  et 
tliéotogiquecstcu!lec|ui,ajanlsasourcedans 
'in  principe  elun  motif  surn^urels,tendaussi 
h  une  fin  surnaturelle,  comme  dans  le  cas  où 
lainitié  entre  les  personnes  que  nous  ve- 
nous  do  désigner  I  serait  jointe  &  la  c!:arité 


chrétienne,  principalement  si  elle  portait  des 
amis  unis  entre  eux  par  la  charité  parfaite, 
si  elle  les  portait  et  les  conduisait  a  la  per- 
fection et  à  l'avancement  spirituel.  L'amitié 
^nérale  ou  universelle  est  l'amour  de  cha- 
rité par  lequel  nous  aimons  tous  nos  sem- 
blables. Cet  amour  peut  être  appelé  une  vé^ 
ritable  amitié»  en  ce  sens  qu'il  est  an  amour 
d'amitié  et  non  d'intérêt  propre ,  quoiqu'il 
lui  manque  plusieurs  caractères  de  l'amitié 

f)roprement  dite,  comme  la  réciprocité  dans 
'affection,  le  don  et  le  retour  d'actes  de 
bienfaisance»  etc.  L'amitié  particulière  est 
l'amour  de  la  charité  par  lequel  une  personne 
en  aime  une  autre  de  préférence  à  toute 
autre;  par  exemple»  un  parent  »  un  conci- 
toyen, etc. 

L'amitié  universelle  et  Tamitié  particu- 
lière peuvent  être  également  naturelles  ou 
surnaturelles.  L'amitié  particulière  peut  être 
bonne  ou  numvaise  :  bonne,  si  elle  a  un  prin- 
cipe et  une  fin  honnêtes;  mauvaise»  dans  lo 
cas  contraire;  et  alors  elle  n'est  point  pro- 
prement une  amitié.  Dans  ce  dernier  cas, 
elle  n'est  pas  autre  chose  que  l'association 
de  quelques  personnes  unies  entre  elles  par 
ries  intentions  perverses  et  conspirant  clan* 
deslinement,  sous  la  maligne  influence  du 
démon,  pour  porter  atteinte  à  la  loi. 

L  Cette  amitié  mauvaise  doit  être  évitée 
avec  le  plus  grand  soin»  et  surtout  dans  les 
communautés  religieuses  :  car  une  amitié  de 
la  sorte  portant  au  mal,  quand  même  ce  ne 
serait  qu*indirectement ,  ne  doit  point  être 
qualifiée  du  beau  nom  d'amitié  et  n'en  a 
point  les  aimables  caractères,  puisqu'elle 
veut  le  mal  et  non  le  bien.  Aussi  lisons- 
nous  dans  saint  Matthieu  :  Si  votre  ail  droite 
c'est-à-dire,  selon  saint  Augustin,  si  votre 
ami  vous  scandalise ,  rejetex-le  et  éloignex-ls 
de  vous  (Matth.  v,  iO).  Les  Pères  de  I  Eglise 
et  les  maîtres  de  la  vie  spirituelle  s'élèvent 
hautement  contre  cette  amitié  mauvaise. 
Voici  oe  que  dit  saint  Basile  :  «  La  loi  de  la 
charité  ne  permet  point  que,  dans  cette  com- 
munauté, il  se  contracte  u'amitié  ou  d'union 
particulière,  puisqu'il  est  inévitable  que  ces 
affections  ne  portent  plus  au  mal  qu'au  bien» 
et  ne  causent  un  préjudice  considérable  à 
l'union  générale.»  (Basil.,  Serm.  1  Ascet,) 
Selon  saint  Jean  Chrysostome»  se  lier  inti- 
mement à  deux  ou  trois,  pour  se  séparer  dés 
autres,  ce  n'est  point  là  la  charité,  mais  la 
division  de  la  charité.  (Chrtsost.»  in  II 
Thessal.^  homil.  3.)»  Nous  devons  éviter  soi* 
gneusement,  ajoute  saint  François  de  Sales, 
do  nous  laisser  séduire  par  ces  sortes  d'ami- 
tiés, surtout  entre  personnes  de  différent 
sexe,  sous  quelque  prétexte  que  ce  soit  :  car 
le  démon  corrompt  souvent  1  amitié  de  ceux 
qui  s^aiment  de  la  sorte.  On  commence  par 
un  amour  honnête  et  vertueus,  puis,  à  moins 
d'une  extrême  prudence ,  on  en  vient  à  un 
amourfrivole:de  là  à  un  amour  sensuel, eteu- 
fin  à  un  amour  charnel  et  grossier,  (S.  Fbaîi- 
çois DE  Sales. Intr. à lavie  dév.  m,  p.,c,  20.) 
11.  Ou  doit  éviter,  surtout  en  religion,  de 
faire  amitié  particulière  avec  ses  parents, 
soit  séculiers,  soit  môme  religieux.  Siqucl^ 


U9 


AMI 


DASCETISMe. 


AlU 


V» 


am*im  vient  à  moi,  dît  Noire-Seigneur,  et  ne 
matt'poini  Mon  père  et  sa  mère^.,.  et  $es  frère$ 
ei  $e$  sœurs,  il  ne  peut  être  mon  disciple 
(  Lue,  xiT,  96).  ~  Et  ailleurs  :  Suivex-moi^ 
dît-il  encore,  et  laissez  les  morts  ensevelir 
leurs  morts  (Matth.  viu.  23).  Telle  est  aussi 
la  doctrine  des  Pères,  et  entre  autres  de 
saint  Basile  qui  s'explique  à  ce  sujet  de  la 
maDîàre  la  plus  précise  :  «  Si  l'on  trouve 
que  quelqu'un  témoigne  une  trop  grande 
iDclInatioo  pour  un  frère  en  religion,  ou 
pour  un  parent,  ou  pour  qui  que  ce  soit, 
sur  quelque  prétexte  qu'il  fonde  cette  ami- 
tié, il  faut  lui  infliger  un  châtiment,  une 
punition,  è  raison  du  préjudice  qu'il  porte 
a  la  charité  commune.  »  (Serm.  1  Àseet.) 
II  est,  en  effet,  facile  de  voir  que  l'amour  de 
la  chair  et  du  sang  ne  peut  que  nuire  ex- 
trêmement à  l'amour  spirituel  qui  doit  ani- 
mer parliculièroment  les  personnes  de  re- 
ligion. Une  amitié  excessive  et  trop  tendre 
pour  les  parei'its  remplit  d'inquiétude,  et 
distrait  nécessairement  le  cœur  et  l'esprit 
des  devoirs  de  la  vie  monnslique  et  spiri- 
luelle.  De  là  tant  de  religieux,  entraînés 
par  trop  d'altacliement  pour  leurs  proches, 
recherchent  leurs  intérêts  malériels,  s'oc- 
cupent de  leurs  affairt-s,  songent  è  faire 
avancer  dans  le  monde  un  frère,  une  sœur, 
un  neveu,  toujours  au  préjudice  de   leur 
âme  à  eux-mêmes,  et  de  leur  propre  voca- 
tion quelçiuefAis.  De  là   cette  anxiété  in- 
quiète qui  rend  certains  religieux  trop  sen- 
sibles aux  diverses  chances  de  succès  ou 
d'infortune,  d'adversité  ou  de  pros|iérité 
qu'ils  voient  éprouver  à  leurs  proches.  Dn 
religieux  est  mort  pour  le  monde,  il  est  cru- 
cifie pour  le  monde;  que  peut-il  donc  avoir 
de  commun  avec  les  gens  du  siècle,  aux- 
quels il  a  renoncé  en  renonçant  au  monde? 
III.  On  doit  éviter  encore*,  surtout  en  re- 
ligion',  l'amitié  particulière  pour  les  per- 
sonnes de  même  pays,  de  même  nation. 
Car,  bien  que  cette  amitié  particulière  entre 
gens  de  même  \ajs  puisse,  retenue  dans 
les  Itm'tes  d'une  sage  modération  et  dans 
les  règles  de  la  nature  et  de  la  grâce,  être 
quelquefois  fort  louable,  comme  nous  avons 
lieu  de  l'admirer  en  ceux  qui  se  sacrifient 
au  bien  spirituel  Je  leur  patrie,  souvent  re- 
peodant  elle  ne  prend  sa  source  et  ne  fait 
que  consister  en  une  tendre  et  douce  incli- 
nation pour  le  sol  natal  ;  et  elle  devient  fa- 
cilement excessive  et  déréglée,  si  on  ne  lui 
met  un  frein,  si  on  ne  la  retient  dans  de  jus- 
tes bornes,  ainsi  qu'il  convient  h  un  Chré- 
tien et  particulièrement  è  un  religieux  de  le 
faire.  //  n'y  a  point  de  distinction  entre  le 
Juif  et  le  Gree^  comme  dit  saint  Paul,  car 
c^est  le  même  Dieu  que  tous  invoquent  {Rom. 
X,  12).  «  Savez-vous,  dit  saint  Grégoire  de 
Nazianze,  quelle   est  ma  patrie?  Toute  la 
terre  est  ma  patrie,  et  ma  patrie  n'est  nulle 
l»art  sur  la  terre.  »  (Orat.  28,  n.  35.)  En 
t  érité,  il  n'y  a  rien  de  plus  contraire  à  la 
r.iisoa    et  à  la  sainteté  de  la  vie  religieuse, 
que  de  se  laisser  emporter  par  une  aveugle 
préférence  nationale,  et  de  s'attacher  è  une 
I*ersonne,  de  la  préférer  à  toute  autre,  uni* 


quemeut  parce  qu'elle  est  de  la  même  nation, 
de  la  même  province,  de  la  même  ville 

IV.  L'amitié  particulière  doit  être  éviflëo 
entre  personnes  âgées  et  jeunes  gens,  si  elle 
n*a  sa  source  que  dans  une  affection  toute 
naturelle  et  toute  bumaîpe,  si  elle  n'a 
sa  raison  d'être  que  dans  un  principe 
frivole,  comme  la  bonté  du  caractère,  la 
beauté  du  visage,  ou  quelqu'autre  avantage 
physique.  Aussi  saint  Jean,  en  tête  de  sa 
deuxième  épitre  qu'il  adresse  k  une  dame 
nommée  Electa  et  à  ses  enfants,  a-t-il  soin 
de  dire  qu'il  les  aime,  les  chérit  dans  la  vé- 
rité. Senior  Electœ  dominœ  et  natts  ejus^  quos 
ego  diligo  in  veritate,  pour  faire  comprendre 
qu'il  ne  veut  avoir  d'amitié  avec  cette  dame 
et  ses  enfants  que  dans  le  Seigneur.  Ajoutes 
à  cela  la  chute  du  roi  David  à  la  vue  de 
Betbsabée,  le  crime  des  vieillards  qui  cher- 
chaient k  déduire  la  chaste  Suzanne  dont 
l'aspect  avait  allumé  en  eux  le  feu  d'un 
amour  infime.  —  La  beauté  extérieure  des 
jeunes  gens,  fussent-ils  des  anges,  doit  suflire 
pour  détourner  les  personnes  plus  âgée^  de 
contracter  imprudemment  avec  eux  aucune 
amitié  particulière.  «  Ordinairement,  dit 
saint  Basile,  les  jeunes  gens,  même  les  plus 
ciiastes,  ont  je  ne  sais  quelle  fleur  de  jeu- 
nesse, quelle  fraîcheur  de  teint,  qui  excita 
le  plus  souvent  l'aiguillon  de  la  chair  et  des 
sens  en  ceux  qui  les  regardent  »  (Serm.  1 
Àscet.)  —  c  Evitez,  autant  que  voua  le 
p«iurrez  décemment,  dit  saint  Bernard,  la 
compagnie  et  Tamitié  des  jeunes  gens,  et 
surtout  de  ceux  qui  ont  encore  la  flgure  en* 
fantine.  ■  {Form.  hon.  Fiï.,  o.  6.  )—  «  Si 
l'on  s'aperçoit,  ajoute  saint  Pacôme  dans 
la  rè^le  qu'il  donne  k  ses  moines ,  si 
Ton  s*atierçoit  qu'un  frère  s'amuse  volon- 
tiers â  jouer  et  k  badiner  avec  les  enfants,  k 
leur  faire  des  caresses  d'amitié,  on  l'avertira 
par  trois  fois  de  renoncer  k  de  telles  liai- 
sons, de  se  rappeler  la  crainte  de  Dieu  et 
de  revenir  k  des  habitudes  plus  honnêtes  ; 
s'il  ne  veut  pas  cesser,  il  sera  puni  du  châti- 
ment le  plus  sévère,  ainsi  qu'il  le  mérite.  » 
(  Pacbov.  iteg.,  c.  90.  )  —  Quant  k  ce  qui 
concerne  ces  sortes  d'amitiés  entre  per-- 
sonnes  de  différent  sexe,  voici  ce  qu'en  dit 
saint  Bonaventure  :  «  Si  vous  ne  dé^iaîgnez 
pas  mon  avis,  je  vous  conseille  de  ne  jamais 
contracter  d'amitié  particulière  avec  au- 
cune femme,  quand  ce  serait  une  religieuse, 

3uand  ce  serait  une  sainte  ;  car  outre  le 
anger  des  tentations  de  la  chair  qu'une 
telle  iiaison  amène  toujours;  outre  les 
soupçons  et  la  mauvaise  idée  qu'elle  suggère 
aux  autres  sur  la  pureté  de  ceux  qui  s'jr 
laissent  prendre,  une  telle  affection  ftarticu- 
lière  engendre  toujours  une  excessive  in* 
quiétude  dans  le  cœur.  ■  {Opusc.  de  inform. 
novit,,  39.  ) 

V.  Les  jeunes  gens  doivent  également 
éviter  de  contracter  entre  eux  une  amitié 
trop  particulière.  La  raison  en  est  que,  si  les 
glaces  de  la  vieillesse  ne  suilisent  point  pour 
résister  au  feu  de  la  jeunesse,  k  plus  Jforte 
raison  les  rapports  intimes  déjeune  homme 
k  jeune  bumuio  seront-ils  dangereux.  S*il 


251 


àMI 


DlCnONNÂinB 


AMI 


2!» 


suffit  pour  allumer  un  eharbon  éteint  de 
rapprocher  d*un  cliarbon  en  feu,  que  se- 
ra-ce si  les  deux  charbons  sont  embrasés  ? 
Une  amitié  particulière  entre  deux  ou  plu* 
sieurs* jeunes  gens  qu*un  caractère  sympa- 
thique unit  entre  eux,  à  moins  de  s*éle?er 
et  de  s*enDoblir  }iar  Tamour  de  la  vertu  et 
le  zèle  pour  l'arancement  spiriluelt  ne  peut 
produire  (|ue  des  effets  yaîns,  que  des  dis- 
tractions inutiles  et  étrangères  h  Tesprit  re- 
ligieux; et  cette  seule  raison  sufQt  pour 
qa*on  l*éTite.  Il  j  a  en  outre  un  gra?^  dan- 
ger (témoin  bien  de  tristes  expériences!) 
que  de  ces  inutilités  on  ne  passe  h  des  actes 
Ticieox  et  scandaleux»  et  qu'il  n'en  résulte 
un  dommage  sourent  irréparable  pour  Thon- 
nèteté  publique  et  privée.  «  Il  serait  trop 
long  de  raconter,  dit  saint  Laurent  Justinien, 
les  paroles,  les  actions,  les  pensées  obscè- 
nes nue  produit,  sous  ce  voile  de  la  rliarité, 
une  liaison  trop  familière  peu  à  peu  dégéné- 
rée en  amitié  déréglée.  »  (De  dise,  mon.^ 
c.  2S.)  Cassien,  traitant  le  même  sujet,  rap- 
porte que  chez  les  anciens  moines  d'Egypte 
on  veillait  avec  la  plus  scrupuleuse  atten- 
tion à  ce  que  deux  frères,  jeunes  surtout, 
ne  restassent  ensemble  à  Técart,  ne  s'é- 
loiçnassent  des  autres,  ne  se  donnassent  la 
main.  (  xxi  InslUul.^  c.  15.) 

VI.  L*ami(ié  particulière  doit  être  évitée 
entre  ceux  qui  se  conduisent  avec  tiédeur 
dans  le  service  de  Dieu.  •  Que  faites-vous  le, 
disait  le  propriétaire  de  la  vigne  h  des  ou- 
vriers inoccupés ,  que  faites-vous  Ih  sans 
travailler  de  tout  le  Jour  :  Quid  hic  stalis 
iota  die  otioiif»  (Matih.  xx,  6.)  Ce  repro- 
che s'adresse è  tous  les  Chrétiens,  et  particu-. 
lièrement  aux  religieux,  qui  au  lieu  de  tra- 
vailler à  la  vigne  du  Soigneur,  ainsi  que 
les  y  oblige  leur  proi)re  vocation,  au  lieu  de 
planter  les  vertus  dans  leur  c^Kur  et  dans 
celui  du  prochain,  se  tiennent  tout  le  jour, 
comme  aes  serviteurs  inutiles  et  des  ou- 
vriers inoccupés,  loin  de  ceux  qui  travaillent, 
et  passent  le  temps  è  des  riens,  à  des  frivo- 
lités en  compagnie  d*amls  particuliers;  ce 
temps  qu'ils  devraient  employer  au  service 
de  Dieu,  ils  le  sacrifient  à  leur  amour-pro-^ 
pre;  ils  devraient  toujours,  en  raison  de 
leur  état,  avancer,  faire  des  progrès  dans  la 
voie  de  la  perfection  ;  mais  non,  ils  sont  là 
k  rien  faire,  et  au  lieu  d'avancer,  ils  reçu* 
lent.  Saint  Lnurent  Justinien  s^élève  avoc 
véhémence  contre  une  telle  conduite.  «  On 
lei  voit,  dit-il,  toujours  courir  cà  et  là,  cher-» 
chant  ceux  qui  Jour  ressemaient  ;  ils  se 
réunissent  à  I  écart,  ils  se  livrent  à  de  longs 
entretiens  pendant  le  temps  du  silence,  ils 
attaquent  et  déchirent  les  absents,  et  non 
contents  de  leur  propre  damnation,  ils  s*ef- 

forcentde  perdre  les  autres  avec  eux Et 

afm  de  pnuvoir  se  laisser  entrainer  à  leurs 
alTections  déréglées ,  ils  violent  les  règles 
des  Pères,  ils  n'observent  point  les  consti- 
tutions du  monastère,  ils  font  peu  de  cas  du 
silence,  ils  dédaignent  la  prière,  ils  négli- 
gent le  saint  et  srcret  repos  de  la  cellule, 
el,  malgré  les  remords,  qui  comme  un  ver 
rongeur  déchirent  leur  consciente,  ils  se 


laissent  dominer  tout  entiers  par  leurs  sen- 
timents et  leurs  désirs  dépravés...  Dans  leurs 
entretiens  familiers,  hélas  1  trop  assidus,  il 
n'y  a  que  paroles  vaines,  mépris  des  autres, 
détractions,  rires  bouffons  et  immodérés  : 
de  là  dissipation  du  cceur  et  distraction  de 
l'esprit,  perle  de  la  componction,  soustrac- 
tion de  la  grâce,  scandale  du  prochain,  ou- 
bli de  la  prière,  ténèbres  et  endurcissement 
de  la  conscience,  et  enfin  perte  déplorable 
d'un  temps  si  précieux...  Ils  aiment  i  se 
trouver  avec  leurs  amis,  avec  ceux  qui  leur 
ressemblent,  ils  se  livrent  à  de  frivoles 
amusements,  ils  se  tiennent  à  Kécart,  ils 
veulent  toujours  apprendre  et  voir  de  nou- 
velles choses,  et  ne  cessent  de  s'occuper 
avec  una  curiosité  inquiète  de  ce  qui  con< 
cerne  les  autres  ;  et  ils  ne  s'aperçoivent  pas 
que,  plus  ils  se  repaissent  de  ces  aliments 
grossiers  de  la  chair,  plus  l'esprit  intérieur 
s'affaiblit  en  eux  ;  et  que,  comme  des  ma- 
lades hvdropiques,  plus  ils  s'abreuvent  i  la 
coupe  des  joies  passagères  de  cette  vie,  plus 
ils  sentent  une  soif  cruelle  les  dévorer,  b 
(De  diic.  mon,^  c.  22.) 

VII.  Les  amitiés  particulières  mauvaises 
doivent  être  évitées  avec  encore  plus  de 
soin  par  les  gens  du  monde.  Ailulterei,  m 
taveX'Vous  paSy  dit  saint  Jacques,  jue  Tamt- 
tié  de  ce  monde  est  ennemie  de  Dieu?  Celui 
donc  qui  voudra  être  ami  de  ce  ei^cle^  h  fait 
l'ennemi  de  Dieu  (Jacob,  iv,  h).  —  If  aimez 
point  le  monde^  ajoute  saint  Jean,  ni  ce  qui 
est  dans  le  monde.  Si  Quelqu'un  aime  le  monde, 
la  charité  du  Pire  n  est  poinf  en  lui;  parce 
que  tout  ce  qui  eH  dans  te  monde  n'est  que 
concupiscence  de  la  chair  et  concupiscence  du 
yeuXj  et  orgueil  de  la  vie;  or  y  cette  concupis* 
cence  n'est  point  du  PirCf  mais  elle  est  du 
monde  (IJoan.  ii,  15). 

De  là  il  suit  que  toutes  ces  mauvaises 
amitiés  particulière^,  que  nous  avons  com- 
battues jusqu'ici,  doivent  être,  à  plus  forte 
raison, évitées  par  les  gens  du  monde: 

i*  Pour  ce  qui  concerne  l'amitié  particu- 
lière fondée  sur  la  concupiscence  de  la  cAair, 
c'est*à-dire  la  gourmandise  et  la  luxure, 
voici  ce  qu'en  dit  saint  Paul  :  Il  en  est  beau- 
coup  dont  je  vous  ai  dit  souvent  et  dont  je 
vous  dis  encore  en  pleurant ,  qu'ils  sont  en- 
nemis ois  la  croix  du  Christ^  dont  la  fin  est  la 
perdition^  qui  font  leur  dieu  de  leur  venlre^rt 

!fut,  n'ayant  du  goût  que  pour  Us  choses  de 
aterre,  mettent  leur  gloire  dans  leur  igno- 
minie (Philipp.  III,  18).  Le  même  apôlre 
énumère,  au  chap.  y  de  son  EpUreaux  Ga- 
latesy  les  oeuvres  de  la  chair  qui  excluent 
du  royaunae  de  Dieu ,  quoniam  qui  ww 
aguntf  regnum  Dei  non  possidebunt;  et  dans 
son  Epitre  aux  Romains^  chap.  xni,  il  i^ovs 
avertit  de  ne  point  vivre  dans  l'intempé- 
rance et  rivrognerie,  dans  l'inoonlinence  et 
l'impureté.  Et  quant  à  ce  qui  regarde  la 
luxure,  saint  Grégoire  de  Naziaoze  s'aurcs- 
snnl  à  la  femme  trop  élégan\raenl  paréjJ  f 
«  Vous  vous  plairez  a  voir,  lui  dit-il»  celui 
qui  admire  votre  beauté;  vous  rendrez  re* 
gard  pour  regard;  de  doux  sourires  vien- 
dront biculOtf  puis  les  çntretie^s  dwW 


àin 


D^ASCfTiSME. 


AMI 


151 


quelqao  pea  limiJes  et  réseryés,  se  ch.iD- 
geroot  eo  discours  libres  et  sans  pudeur. 
Au  reste*  je  tous  le  dis  eu  vérité*  en  tout 
ce  que  les  femmes  disent  ou  font  en  badi- 
lunt  irec  les  jeunes  gens.  Il  y  a  un  dange- 
reux aiguillon  pour  l'impureté.  »  {Adv. 
wmlier^  ambii.  $e  onuml.)  En  effet,  n'est-il 
pas  évident  qu'une  telle  amitié  ne  oeut  être 
chrétienne,  qu'elle  ne  peut  être  qu  une  ami* 
lié  fausse,  aésbonnète  et  vicieuse,  qu'elle 
ne  peut  Aire,  en  un  mot,  qu*une  liaison 
d*intemi>érance  et  d'impudicité? 

De  là  il  faut  conclure  que  toutes  les  ami- 
tiés qui  n*ont  pour  fondement  qu'un  amour 
sensible,  et  que  les  hommes  du  monde  ap- 
pellent mcrars  polies  et  galantes,  etc.,  sont 
pleines  de  péril,  et  la  source  de  tristes 
ehates,  et  qu  il  but  se  garder  de  croire  que 
Ton  puisse  éprouver  et  inspirer  un  amour 
violent,  surtout  entre  personnes  de  diQé- 
rent  sexe,  pour  la  beauté  extérieure  ou 
fioiir  d'autres  qualité»  qui  enflamment  les 
sens,  et  s'en  tenir  à  un  amour  abstrait,  p/a* 
l^mftfe,  comme  ils  disent,  et  par  conséquent 
être  à  l'abri  de  tout  danger.  De  tels  4>s* 
cours  sont  de  vrais  paradoxes,  «  Vouloir  se 
modérer  dans  l'amour,  dit  Sénèque,  en  s'y 
laissant  aller,  c*est  vouloir  déraisonner  avec 
la  raison.  ■  Selon  saint  François  de  Sales  et 
saint  Laurent  Juslinieu,  l'amour  spirituel 
eft  dégénéré  en  amour  sensible  et  cnarnci, 
entra  personnes  de  sexe  différent,  lors- 
qu'elles cherchent  à  se  trouver  ensemble, 
qu'elles  sont  tristes  d'être  séparées,  qu'elles 
aiment  à  converser  seule  k  seule, 

2"  L'amitié  particulière  fondée  sur  la  con- 
cupiscence des  jeux,  c'est-à-dire  sur  Tava- 
ciceet  la  curiositié,  doit  être  évitée  avec  non 
moins  de  soin  par  les  gens  du  monde.  Je 
f  oiâ  éefi9f  dit  saint  Paul  aux  Corinthiens, 
pour  que  vau$  noyez  aucun  commerce^  pour 
que  90Ui  ne  mangiez  poini  à  la  mime  îable^ 
fitec  le$  fomieateurs  ni  le$  avaree^  avec  les 
idolâtrée^  axec  les  médisante^  atee  les  iwoanes 
pt  Ifi  rôtisseurs  du  bien  d'auirui  (/  Cor* 
T,  li).  Saint  Grégoire,  commentant  ces  pa- 
fole$  de  Jérémie  :  Aseendii  mors  per  feae^ 
^tras  nosiras  (ix,  21),  s'exprime  en  ces  ter- 
mes !  «  La  mort  monte  par  no»  fenêtres  et 
^ntre  che^  nous,  lorsque,  par  les  sens  du 
corps,  la  concupiscence  pénètre  jusqu*à 
notro  Ame,  et  j  lait  sa  demeure*  Celui  qui 
re^rde  imprudemment  an  dehors  par  ces 
fenêtres  est  ordinairement,  et  malgré  lui, 
entraîné  à  la  délectation  du  péché;  et  com- 
inence,  poussé  qu'il  est  par  la  concupiscence, 
^  vouloir  ce  qu'il  ne  voulait  pas...  Pour 
que  l'âme  se  conserve  pure  dans  ses  pen- 
sées, il  faut  détourner  les  yeux  de  ce  qui 
les  flatte  voluptueusement  :  car  nos  yeux 
sont  comme  des  voleurs  qui  cherchent  à  lui 
ravir  son  tnqocence.  i  (L.  ixi  Mor.f  c.  9.) 

3*  L'amitié  particulière  fondée  sur  l'o'r- 
gnetl  de  la  vie,  ou  sur  l'amour  déréglé  fie 
^  propre  sup^rioriié,  doit  être  principaler 
nient  évitée  par  las  personnes  du  monde. 
4^  commencement^  la  source  delout  péché  est 
Çorgueily  dit  TEcritore.  iEccli.  x,  15.)  «  Aussi, 
^çqle  s^int  TUomas«  le  pretu^er  p^cbé  du 


premier  homme  fut  l'orgueil.  »  {Secundo  se- 
eundœ^  q«8^,  a.  2.) Saint  Jean  Chrysostoroe, 
prouvant  la  même  vérité  par  la  chute  de  nos 
premiers  parents,  remarque  les  diverses 
fautes  qui  amenèrent  cette  chute  lamenta- 
ble :  la  première,  c*est  que  la.  femme,  éioi* 
gnée  de  la  présence  de  son  mari,  engage 
avec  le  serpent  un  entretien  secret  et  ami(»l 
en  quelque  sorte  ;  la  seconde,  qu'elle  l'in* 
terroge  indiscrètement  sur  le  dessein  de 
Dieu  ;  la  troisième,  qu'elle  se  laisse  séduire 
par  l'orgueil  et  par  ces  paroles  qui  flattent 
son  amour«propre  :  «  Vous  sere^  comme  des 
dieux;  »la  quatrième,  que, pour  se  procu- 
rer cet  honneur  divin  qui  uii  est  promis, 
elle  mançe  du  fruit  que  Dieu  lui  a  interdit; 
et  enfln,  la  cinquième,  qu'elle  séduit  à  son 
tour  son  mari,  et  le  porte  an  même  orgueil  et 
à  ta  même  désobéissance.  Voilà  bien  tous 
les  caractères  de  l'amitié  particulière  fondée 
sur  Torgueil  et  l'ambition;  car  c'est  par  sa 
triste  influence  que  le  pauvre  cherche  à  deve« 
nir  riche  et  noble;lc  noble  àdivenir  prince  $ 
le  prince  à  devenir  roi,  et  te  roi  à  se  faire 
le  monarque  suprême  de  l'univers.  Pour  ar« 
river  à  cette  Gn,  et  snns  égard  à  l'ordre  éta- 
bli par  la  sagesse  de  Dieu,  on  emploie  toutes 
sortes  de  moyens,  bons  et  mauvais;  on  re^ 
cherche  la  faveur  des  grands  et  l'amitié  des 
autres  pour  l'honneur  et  l'intérêt  d'un  ami; 
le  prince  ambitieux  recherche  de  nombreux 
aillés  pour  entreprendre  toutes  sortes  de 
guerres  justes  ou  iqjustes;  le  marchand,  des 
associés  |>our  toutes  sortes  de  spéculations 
commerciales,  licites^ ou  illicites;  le  dueN 
liste  des  témoins,  pour  soutenir,  par  une 
lutte  homicide,  un  faux  point  d'honneur.  Si 
un  emploi  considérable  se  présente,  on  y 
pousse  son  ami,  sans  le  moindre  égard  à  sa 
capacité,  et  bien  quM  doive  résulter  de  là 
un  grave  préjudice  [>our  l'intérêt  public* 
Pour  ne  point  contrarier  une  femme  ou  des 
enlbnts,  on  les  laisse,  par  une  lâche  conni- 
vence de  cette  amitié  de  la  chair  et  du  sang, 
se  II?rêr  à  leurs  mauvaises  inclinations, 
s'adonner  au  vice,  etc.  Concluons  donc  que 
de  telles  amitiés  ne  peuvent  que  produire 
de  funestes  effets  et  doivent  être  évitées 
avec  le  plus  grand  soin. 

VIU.  Si  l^mitié  particulière  fondée  sur 
un  principe  mauvais  et  portant  au  mal  doit 
être  évitée,  il  n'en  est  pas  de  même  de  Ta-r 
mitié  particulière  dans  le  Seigneur;  celle-ci 
n'a  pour  but  que  ï'avancemenl  spirituel  dans 
la  perfection  chrétienne,  et,  par  conséguemt, 
elle  est  fort  louable  ,  et  même  un  religieux 
doit  la  pratiquer.  Faites  amitié  ^  dit  l'Hcri^ 
Inref  et  troutez' tous  souvent  avec  Phomme 
sainte  avec  celui  qui  a  la  crainte  du  Seigneur, 
et  dont  rdme  est  en  rapport  avec  votre  dme; 
si  vous  venez  à  trébucher  dans  les  ténèbres,  il 
vous  relèvera  et  vous  consolera  {Eccli.  xxxTIt, 
15.)  —  Ouil  est  bon,  qu'il  est  doux  pour  des 

(rires  dnabiln-  ensemble  et  dans  /'ufiion/dit 
e  Psalmiste.  [Ps.  cxxxii,  1.)  Saint  Basile, 
traitant  de  cette  amitié,  s'exprime  ainsi: 
«  On  doit  avoir  soin  dans  toute  communauté, 
nonobstant  la  charité  génér<ile  qui  nous  unit 
à  tous  les  memlircs,  de  rendre  cependant 


VIS 


AMI 


MCTIONMAIRE 


AMI 


M» 


S 


• 
If 


)Ins  dlioancur  à  ceux  qui  sont  plus  utiles 
i  notre  avancement,  et  de  leur  témoigner 
plus  de  conHance  et  d*affeclion.  »  (Serm.  2 
Ascet.)  Ce  saint  docteur  en  a  donné  lui-même 
un  exemi'le  admirable  par  sa  liaison  indis- 
soluble et  sa  tendre  amitié  avec  saint  Gré- 
goire de  Nazianze.  «  Nous  {paraissions»  Jit 
ce  dernier  à  ce  sujet ,  n'avoir  (|u'une  âme 
animant  deux  corps.   L'un  et  Tauire,  nous 
n^avions  qu*un  désir»  qu'une  occu()ationt  la 
pratique  ue  la  vertu;  nous  ne  vivions  que 
pour  les  espérances  immortelles»  et  nous 
cherchions  a  n'être  plus  de  ce  monde  même 
avant  notre  mort.  Les  yeux  constamment 
fixés  vers  ce  but  sublime»  nous  dirigions 
notre  vie  et  nos  actions  dans  la  voie  des 
commandements  de  Dieu»  nous  nous  ani- 
mions l'un  l'autre  à  Tamour  de  la  vertu,  et» 
si  vous  me  permettez  de  le  dire»  nous  étions 
le  modèle  l'un  de  l'autre»  nous  étions  l'un 
pour  Taulre  la  règle  qui  nous  faisait  distin- 
guer le  bien  du  mal.  »  (Serm.  20  In  obit,  S. 
Basil.)  Selon   saint  François  de  Sales»  l'a- 
mitié fondée  sur  la  vertu  et  n'ayant  pour 
but  que  la  vertu»  la  charité,  la  dévotion»  la 
perfection  chrétienne,  doit  èlre  appelée  une 
amitié  sublime  :  sublime»  parce  qu  elle  vient 
de  Dieu  ;  sublime,  parce  que  Dieu  même  en 
est  le  lien;  sublime»  parce  qu'elle  doit  durer 
éternellement  avec  Dieu.  {Vie  dévote,  u*  part.» 
ch.  19.)  En  effet»  deux  ou  plusieurs  per- 
sonnes, unies  par  une  telle  amitié,  ne  s'ai- 
ment que  pour  s'animer  davantage  h  l'amour 
de  Dieu  par  de  saints  entretiens  et  par  des 
prières  réciproques;  et  en  s'aimant  parfai- 
tement dans  le  Seigneur,  elles  remplissent 
dans  sa  \)\as  haute  perfection  le  beau  pré- 
conte d*aimer  le  prochain  comme  soi-même, 
selon  celte  parole  de  saint  Augustin  :  a  Heu- 
reux celui  qui   vous   aime,  ô  Dieu,  et  qui 
niiiie  son  and  en  vous!...  car  celui-là  seul 
ne  perd  aucun   de  ses   amis  »   puisqu'il  lès 
aime  tous  en  celui  qui  ne  se  perd  point.  » 
(Confess.^  I.  iv,  c.  9.) 

I\.  Celte  amitié  dans  le  Seigneur  est  en- 
core plus  louable  dans  les  personnes  du 
siècle.  Ex|)0S(^es  comme  elles  le  sont  à  toutes 
sortes  d*enncmis  de  part  et  d'autre,  elles  ont 
besoin  d'un  ami  (idèle  qui  les  environne  de 
sa  p.oleclion  et  les  aide  à  se  procurer  la 
sainteté  de  vie  et  l'immortalité.  {Eccli.  vi, 
H.)  C*esl  aux  gens  du  monde  (|ue  s'adresse 
parliculiùrcmenl  cet  avis  de  l'Ecrilure  i^flQ 
nous  avons  rapporté  au  numéro  précédent  : 
Faites  amitié  et  trouvez-vous  souveni  avec 
rhomme  saint,  avec  celui  qui  a  la  crainte  de 
Dieu,  et  dont  Vdme  est  svmpathiaue  à  votre 
âne  :  si  vous  venez  à  trébucher  dans  les  té^ 
n-'bres,  il  vous  relèvera  et  vous  consolera, 
(Eccli.  xsxvii»  Ij.)  —  «  La  consolation  do 
celle  vie,  dit  saint  Ambroise»  c'est  d'avoir 
quelqu'un  à  qui  nous  ouvrions  notre  cœur 
avec  ses  pensées  et  ses  secrets»  c'est  de  se 
choisir  un  homme  fidèle  qui  prenne  parla 
nos  joies»  qui  compatisse  a  nos  douleurs  et 
nous  soutienne  dtns  l'adversité.»  (L.  m  De 
offic,^  c.  22.J  Sainte  Thérèse  et  sainl  Fran- 
çois de  Sales  recommandent singuliè.ement 
CCS  saintes  amitiés  particulières»  et  en  ensei- 


gnent môme  la  nécessité  pour  les  gens  du 
monde  :  «  par  ce  moyen»  ait  ce  dernier»  ils 
sont  animéSi  aidés  et  conduits  au  bien.  »  [Vit 
dév.) 

X.  Mais  pour  que  cette  bonne  amitié  par- 
ticulière ne  dégénère  point,  et  ne  soit  point 
nuisible»  mais  utile  à  la  perfection»  quelques 
précautions  sont  nécessairement  è  prendre. 
l""  La  première  est  que  toute  amitié»  ou  in- 
différente» ou  moralement  bonne»  telle  que 
l'amitié  naturelle  entre  parents,  ou  l'amitié 
civile  entre  concitoyens,  etc.»  soit  relevée 
par  le  motif  de  la  charité  et  de  la  perfection 
chrétienne» et  qu'elle  tende  à  une  fin  surna- 
turelle. Aussi,  le  Sauveur  a<-t*il  dit  :  Si  vous 
aimez  ceux  qui  vous  aimenif  quelle  récom- 
pense m  aurez-vous?  (Mat th.  y»  i6.)  De  là 
encore»  quoique  Dieu  nous  commande  d'ai- 
mer plus  spécialement  nos  père  et  mère,  il 
dit  aussi  :  Si  quelqu'un  vient  à  mot»  e^fieAat^ 
point  son  père  et  sa  mêre^  ^tc.»  il  ne  peut  être 
mon  disciple  (Luc.  v»  26).  <  Or  »  dit  saintGré- 
goire»  commentant  ce  texte»  nous  devons 
régler  cette  haine  de  nos  parents»  de  telle 
sorte  que  nous  aimions  en  eux  ce  qu'ils  soni, 
et  que  nous  haïssions  en  eux  ce  qui  nous 
empêche  d'arriver  à  Dieu.  »  (Homil.  37  m 
Evang.)  Saint  Thomas  nous  enseigne  lama* 
nière  de  relever  ces  amitiés  par  la  charité: 
a  Je  puis»  dit-il»   vouloir  par  un  principe 
de  charité»  que  cette  personne  qui  m'est  pa- 
rente soit  meilleure  qu'une  autre^  et  puisse 
par  là  obtenir  un  plus  haut  degré  de  gloire 
cl  de  béatitude  dans  le  ciel.  Cela  peut  eacoro 
se  fin're  autrement»  selon  que  nous  aimons 
de  diverses  manières.  Car»  quant  à  ceux  qui 
ne  nous  sont  point  unis  par  le  sang,  nous 
n'avons  pour  eux  qu'une  amitié  de  charité; 
mais»  pour  ceux  qui  nous  sont  unis  |iar  le 
sang»  nous  Us  aimons  de  diverses  manières, 
selon  les  divers  degrés  de  parenté  qu'ils  ont 
avec  nous.  Et  ainsi»  cet  amour  que  nous 
avons  pour  quelqu'un  »  ou  parce  qu'il  est 
notre  parent,  ou  parce  qu'il  est  notre  com- 
patriote» ou  pour  quelque  autre  motif  louable 
et  susceptible  d'être  relevé  par  la  charité,  cet 
amour  peut  être  commando  par  la  charilé.» 
C'est  ainsi  que  les  hommes  vraiment  spin- 
luels  aiment  ceux  qui  leur  sont  unis  par  le 
sing;  ils  les  aiment  d'une  amitié  purement 
spirituelle»  en  rapportant  tout  motif  de  les 
aimer  au  désir  et  à  la   recherche  de  leur 
bien  spirituel.  On  peut  lire  à  ce  sujet  les 
excellents  avis  de  sainte  Thérèse.  [Youdtla 
perfection^  ch.  9.) 

2*  L'amitié  particulière  dans  le  Seigneur 
ne  doit  point  exclure,  mais  plutôt  reufertiier 
et  produire  l'amitié  générale  et  proporlioo- 
nolle  pour  lous»même  pour  les  pécheurs el  les 
ennemis.  Car  le  précepte  delà  charilé  "'» 
sans  exception  :  Vous  aimerez  votre  prochatn 
comme  vous-même  [Matth,  xxn,  39).  EtNolr^- 
Seigneur  ajoute  :  Pour  moi  je  vous  le^i^f 
c%:nez  vos  ennemis  (Matth.  v»  W).  t  Nous  ne 
devons  haïr  dans  les  pécheurs  que  le  péelio» 
dit  saint  Thomas,  el  nous  devons  \e^^^^^!^ 
en  ce  qu'ils  sont  appelés  à  la  béalilufje  c^ 
lesle,  cl  c'est  ainsi  que  Ton  aime  vérilauje- 
muni  i)0ur  Dieu.  »  (2-2,  q.  25,  a.  t)^^^' 


AMO 


D'ASCEnSVE. 


mitié  de  eharilé,  ajoute-t-ii,  s'éleod  aussi 
«QX  eonemis  ,  qoe  dous  devons  aimer  de 
charité  et  poor  Dieu,  h  qui  se  rapporte  prin- 
cipalemenl  Tamitié  de  cbarilé.  >  (/6ûl.,  a.  6.) 
Or,  cet  amoor  de  charité  enrers  les  pécheurs 
et  les  eonemis  peut  Téritablement  se  dire 
amitié ,  parce  que  c'est  un  amour  non  do 
concupiscence  ,  mais  d*amitié ,  bien  qu*tl 
manque  de  retour  et  qu'il  n*y  ait  point  com- 
munication et  réciprocité  de  bien^.  C'est 
aussi  une  amitié  fondée  sur  l'honnêteté  «  en 
ce  sens  que,  si  elle  n'est  pas  fondée  sur 
rhonnèteté  du  prochain,  elle  l'est  sur  l'hon- 
Dételé  qn'on  lui  désire.  EnGn  celte  amitié 
oniYerselle  n*est  point  un  obstacle  à  une 
amitié  plus  grande  pour  quelques-uns,  ni  k 
une  amitié  [larticulière  pour  une  ou  deui 
personnes,  ainsi  que  nous  allons  le  dire  pour 
terminer  ce  long  article. 

3*  Dans  Famitîé  particulière  entre  deux 
personnes ,  principalement  dans  la  même 
communauté,  on  doit  éviter  avec  soin  toute 
commuHieaiion  extérieure  qui  ne  soit  pas 
purement  spirituelle,  ou  qui  cause  quelque 
scandale.  Prenez  garde ^  dit  saint  Paul,  que 
reiie  permission  que  je  vous  accorde  ne  soie 
us  scandale  pour  Us  faibles  (f  Cor,  nii,  9). 
«  La  sainte  amitié,  selon  saint  Jérôme,  ne 
eonnatt  point  ces  petits  présents,  ces  petites 
eoterieSy  ces  douces  et  tendres  correspon- 
dances, ces  billets  flatteurs.  Toutes  ces  ex- 
pressions de  tendresse,  ces  petites  politesses, 
ces  empressements  ,  ces  prévenances  ridi- 
cules nous  font  rougir  même  dans  des 
amants  de  comédie  »  et  nous  les  détestons 
dans  les  personnes  du  monde;  que  serait-ce, 
si  Doas  les  trouvions  chez  les  religieux  et 
les  clercs?  ■  (Micaoït.,  Epist.  2  ad  Nepoi.) 
Saint  Jean  Climaque  rapporte  q-i'il  connais- 
sait deux  jeunes  gens  qui  s'aim  lient  de  l'a- 
mitié la  plus  chaste  et  selon  Dieu,  et  qui, 
cependant,  s'apercevaiit  que  la  conscience 
des  autres  en  était  offensée,  convinrent 
entre  eux  de  s'éloigner  pour  quelque  temps. 
Sainte  Thérèse,  qui  permettait  les  amitiés 
particulières  dans  les  communautés  nom- 
breuses, les  défendait  dans  les  petites  com- 
ronflantes.  Il  est  érident,  enfin,  que  si  l'a- 
mitié particulière  était  accompagnée  de 
quelque  communication  extérieure  et  aen- 
saelle,  ou  si  elle  était  pour  les  autres  une 
source,  une  occasion  de  scandale ,  elle  ne 
serait  ptns  alors  une  amitié  vraiment  spiri- 
tuelle, et  n'aurait  plus  pour  fin  l'avancement 
et  le  progrès  dans  les  TOies  spirituelles  et 
parCiites. 

AMOUR  DE  DIED  ET  DU  PROCHAIN.  *a 
Fejf.  CHAmrri. 

AMOUR-PROt'RE.  —C'est  l'amour  exagéré 
de  nous-mêmes.  L'amoor-propre  n'est  consi« 
déré  généralement  que  comme  on  diminutif 
de  l'orgueil  :  souvent  il  a  le  môme  sens  que 
Toniiéf  c'est-à-dire  qu'il  s'applique  à  des 
choses  plus  superficielles.  Quoi  qu'il  en  soit, 
il  tient  de  la  nature  de  Toi^ueil,  et  doit  être 
comtMttu  par  les  mêmes  moyens.  Saint 
Paul  a  caractérisé  durement  Tamour-propre 
en  pariant  prophétiquement  des  hérésiar- 
ques :  //  tiendra^  dit-il,  des  hommes  amouieux 


d'oix^émeSf  hauiams^  superbes^  violenis,  etc. 

Un  homme  qui  s'aime  à  l'excès  rapporta 
tout  à  son  propre  intérêt  ;  il  veut  une  préfé- 
rence exclusive,  ne  rend  justice  à  personne  : 
cest  un  ennemi  commun;  plus  il  est  sensi* 
ble  et  chatouilleux,  plus  il  est  aisé  de  le 
chagriner  et  de  le  mortifier. 

Voici  comment  le  peint  un  moraliste  que 
nous  nous  garderons  bien  de  citer  souvent, 
Larochefoucauld  :  «  Rien  n'est  si  impétueux 
que  ses  désirs,  rien  de  si  caché  que  ses  des- 
seins, rien  de  si  habile  que  sa  conduite 

L'amour-propre  est  le  plus  grand  de  tous  les 
flatteurs.  ■ 

L'amour  de  nous-mêmes,  pris  dans  un 
sens  raisonnable  et  mesuré,  est  légitime, 
puisque  Jésus-Christ  nous  commande  d  ai- 
mer notre  prochain  comme  nous-mêmes; 
1  amour  que  nous  avons  pour  nous-mêmes 
est  on  modèle  que  Dieu  nous  propose. 
Charité  bien  ordonnée,  disent  les  théolo- 
giens,  commence  par  soi-même;  et  Abba- 
die  dit  très-philosophiquement  :  l'amour- 
propre  entre  essentiellement  dans  Texercico 
des  vertus,  ei  une  lionne  action  n'est  qu'une 
manière  de  s'aimer  plus  noble  que  les  au- 
tres. Dieu  intér&sse  famour-propre  par  ses 
promesses  et  par  s^  menaces,  et  il  en  fait  un 
motif  pour  nous  conduire  à  la  sanctification. 
Ainsi  on  peut,  on  doit  même  s'aimer,  mais 
selon  la  règle,  c'est«è-dire  en  aimant  Dieu 
par-dessus  tout,  et  en  aimant  son  prochain 
comme  soi-même  et  en  respectant  tous  ses 
droits,  en  pratiquant  envers  lui  tous  les 
éffards  qoe  commande  ou  qu'inspire  la 
charité. 

On  doit  s'aimer,  mais  sans  oublier  ses  dé- 
fauts, sa  petitesse,  ses  misères,  ses  péchés,  ses 
mau  vais  penchants,  ses  torts  effectifs  envers  le 
prochain,  ceux  dont  on  est  encore  capable.  On 
doit  s'aimert  mais  en  songeant  que  nous  n'a- 
vons pas  ledroitde  nous  enorgoeillirbeaucoup 
de  ce  ou'il  y  a  de  bon  en  pous,  puisque  la 
grâce  ue  Dieu,  les  dons  naturels  comme  les 
surnaturels,  les  bons  exemples,  les  bons 
avis  j  entrent  pour  une  si  grande  part,  et 
que  ce  qui  reste  notre  pre^triété  dans  nos 
lionnes  œuvres  n'est  presque  rien  en  com- 
paraison de  ce  qui  nous  est  étranger. 

Nous  devons  nous  aimer,  et  si  nous  vou- 
lons le  faire  parfiiitement,  il  faut  nous  aimer 
tout  pour  Dieu  qui  nous  a  mis  au  monde 
pour  sa  gloire,  et  qui  désire  que  nous  ten- 
dions sans  cesse  et  simplement  et  purement 
vers  ce  but  digne  de  lui  et  de  nous. 

L'amour-propre  trahit  ses  intérêts  à  fgrce 
d'être  intéressé.  Celte  maxime  est  vraie,, 
même  appliquée  aux  intérêts  de  ce  monde  ; 
elle  est  encore  vraie  appliquée  aux  choses 
du  ciel.  Plus  on  aime  Dieu*  pour  lui-même ,  ^ 
avec  le  moins  de  retour  possible  vers  l'a- 
mour de  soi,  plus  nous  sommes  agréables 
à  Dieu,  el  plus  aussi  nous  faisons  Mlle  la 
part  qui  nous  est  réservée  dans  le  rojaume 
de  Dieu. 

François  de  Sales  a  parlé  de  l'amour- 
propre  dans  les  choses  extérieures  avec  un 
esprit  et  une  vivacité  bien  capnbles  d'en  gu<V 
rir.  Ce  qu'il  dit  semble,  il  est  vrai,  s'appli- 


tt^ 


ÂMO 


DICTI0?INÂ!RE 


AMO 


260 


quer  plus  spécialement  b  la  vanité;  'néan'* 
moins  il  va  aussi  à  notro  sujet. 

c  H  y  en  a  qui  se  rendent  tiers  et  morgants 
pour  estro  sur  un  bon  chevali  pour  avoir 
un  paonache  en  leur  cbappeau,  pour  estre 
habHlei  somptueusement;  mais  qui  ne  voit 
cette  folie?  Car  s*il  y  a  de  la  gloire  pour 
cela»  elle  est  pour  le  cheval,  pour  Toyseau» 
et  pour  le  tailleur.  Et  quelle  lascbeté  de 
courage  est-ce  d*emprunter  son  estime  d*un 
cheval,  d'une  plume,  d*un  goderon  I  Les  au- 
tres se  prisent  et  regardent  uour  des  nrous- 
taches  relevées,  pour  une  barbe  bien  peignée» 
})Our  des  cheveux  crespez,  pour  des  mains 
douillettes,  polir  savoir  danser,  joiier,  cbsn« 
ter  ;  mais  ne  sont-ils  pas  lasches  de  courage, 
de  vouloir  enchérir  leur  valeur,  et  donner 
du  surcroist  à  leur  réputation  par  des  choses 
si  frivoles  et  folastres?  Les  autres  pour  un 
peu  de  science  veulent  estre  honorez  et 
respectez  du  monde  :  comme  si  chtMicun 
devoit  aller  k  l'escole  chez  eux,  et  les  tenir 
pour  maistres  :  c*est  pourquoy  on  les  ai>- 
pelle  pedans.  Les  autres  se  pavannent 
sur  la  considération  de  Ijour  beauté,  et 
croyent  que  tout  le  monde  les  muguetto. 
Tout  cela  est  extrêmement  vain,  sot  et  im- 

Eerttnent  :  et  la  gloire  qu*on  prend  de  si  fai* 
les  sujets,  s'appelle  vaine,  sotte  et  frivole. 
On  cognoist  le  vray  bien  comme  le  vray 
baume  :  on  fait  Tessay  du  baume  en  le  dis- 
tillant dedans  reau|,  car  s*il  va  au  fond» 
et  qu*il  prenne  le  dessous»  il  est  jugé 
pour  estre  du  plus  Gn  et  précieux  :  ^insi 
pour  cognoistre  si  un  homme  est  vravo- 
ment  sage ,  sçavaut ,  généreux  ,  noble  , 
il  faut  voir  si  ses  biens  tendent  h  Thu» 
roanité,  modestie  et  soubmission  :  car 
alors  ce  seront  de  vrais  biens;  mais  s'ils 
surnagent  et  qu'ils  veuillent  paroistre,  oe 
seront  dès  biens  d'autant  moins  véritables 
qu'ails  seront  plus  apparens.  Les  perles  qui 
sont  cooceiies  ou  nourries  au  vent  et  au  bruit 
des  tonnerres,  n'ont  que  l'escorce  de  perle,  et 
sont  vuides  de  substance,  et  ainsi  les  vertus 
et  belles  qualitez  des  hommes  qui  sont  re- 
ceuës  et  nourries  en  Torguéil,  en  la  ventauce 
et  en  la  vanité,  n'ont  qu'une  simple  appa-* 
rence  du  bien,  sans  suc,  sans  moûelle,et  saiis 
solidité. 

«  Les  honneurs,  les  rangs,  les  dignitez, 
sont  comme  le  saffran,  qui  se  porto  mieux 
et  vient  plus  abondamment  d'estre  foulé  aux 
pieds.  Ce  n'est  plus  honneur  d'estre  beau 
quand  on  s'en  regarde  ;  la  beauté  pour  avoir 
bonne  grâce  doit  eslro  négligée  :  la  science 
nous  des-honore  quand  elle  nous  enfle,  et 
qu'elle  dégénère  en  pédanterie. 

«  Si  nous  sommes  poinctilleux  pour  les 
rangs,  pour  les  séances,  pour  les  tiltres, outre 
qnenous  exposons  nos  qualitez  à  l'examen, 
•  Tenqueste  et  è  la  contradiction,  nous  les 
rendons  viles  et  abjectes  :  car  l'honneur  qui 
est  beau  estant  receu  en  don,  devient  vilain 

auand  il  est  exigé,  recherché  et  demandé. 
>oand  le  paon  fait  sa  roiie  pour  se  voir,  en 
levant  ses  belles  plumes,  il  se  hérisse  tout  le 
reste,  et  monstre  de  part  et  d'autre  ce  qu'il 
a  d'infâme  :  les  fleurs  qui  sont  belles  plan* 


lécs  en  terre,  tie$tt*issent  estant  maniées.  Et 
comme  ceux  qui  odorent  la  mandragore  de 
loin,  et  en  passant,  reçoivent  beaucoup  de 
suavité;  mais  ceux  qui  la  sentent  de  près  et 
longuement,  en  deviennent  assoupis  et  ma- 
lades :  ainsi  les  honneurs  ren-lent  une  douce 
consolation  h  celuy  qui  les  odore  de  loin  %i 
légèrement  sans  s'^  amuser,  ous*en  empres- 
ser :  mais  à  qui  s'y  affectionne  et  s'en 
repaist,  ils  sont  extrêmement  blasmables  et 
vituperablea. 

«  La  poursuite  et  amour  de  la  vertu  €om« 
mence  à  nous  rendre  vertueux»  mais  la  pour- 
suite et  amour  des  honneurs  commence  à 
nous  rendre  mesprisables  et  fituperables. 
Les  esprits  bien  nays  ne  s'amusent  pas  i  ces 
menus  fatras  de  rang,  d'honneur,  de  saluta- 
tions ;  ils  ont  d'autres  choses  à  faire  x  c'est  le 
propre  des  esprits  fainéants.  Qui  peut  avoir 
des  perles,  ne  se  charge  pas  de  coquilles,  «t 
ceux  qui  prétendent  à  la  vertu,  nes'emprcs* 
sent  point  pour  les  honneurs.  Certes, cbascuri 
peut  entrer  en  son  rang,  s'y  tenir  sang 
violer  l'humilité ,  pourveu  que  cela  se  fasse 
négligemment  et  sans  contention.  Carcomme 
ceux  qui  viennent  du, Peru,  outre  l'or  et 
Targent  qu'ils  en  tirent,  apportent  encore  dos 
singes  ei  perroquets,  parce  qu'ils  ne  leur 
coustent  gueres,  et  ne  chargent  pas  aussi 
beaucoup  leur  navire  :  ainsi  ceux  qui  pre* 
tendent  a  la  vertu,  ne  laissent  pas  de  pren- 
dre leurs  rangs  et  les  honneurs  qui  leur 
sont  deus  pourveu  touteafois  que  cela  m 
leur  coustepas  beaucoup  de  soiu  et  d'atten- 
tion, et  que  ce  soit  sans  estre  chargez  de 
trouble,  d'inquiétudes,  de  disputes  et  cou- 
tentions.  Je  ne  parle  néanmoins  pas  de 
ceux  desquels  la  dignité  regarde  le  public, 
ny  de  certaines  occasions  particulières  qui 
tirent  une  grande  conséquence  :  car  en  cela 
il  faut  que  chascun  conserve  ce  qui  luy  ap- 
partient avec  une  prudence  et  discrétion  qui 
soit  accompagnée  de  la  charité  et  courtoisie.  » 

Voici  la  comparaison  que  fait  Féneloa 
entre  l'amour  de  Dieu  et  i'amour-propre  t 

t  L'amour-propre  est  un  amour  jaloux ,  dé-* 
licat,  ombrageux,  plein  d'épines,  douloureuif 
dépité.  Il  veut  tout  sans  mesure,  et  sent 
que  tout  lui  échappe,  parce  qu'il  n'ignore 
pas  sa  faiblesse.  Au  contraire»  l'amour  de 
Dieu  est  simple,  paisible, pauvre  et  content 
de  sa  pauvreté,  aimant  l'oubli,  abandonné  à 
tout,  endurci  k  la  fatigue  des  croix  et  ne 
s'écoutant  jamais  dans  sa  peine.  Heureux  qui 
trouve  toutdans  ce  trésorau  dépouillementtt 

La  .détit'vnce  de  soi-même  et  une  juste  ap* 
nréciation  de  ses  défauts  sont  déjà  une  habi- 
leté au  point  de  vue  des  rapports  sociaux* 
Ne  point  se  flatter  sans  raison»  ne  point 
s'aveugler  sur  ses  qualités,  ses  vertus  et  ses 
mérites,  comme  sur  l'esprit  et  les  capacité! 
des  autres,  sont  un  des  rares  apanages  du 
bon  sens  et  de  sa  propre  capacité.  C'est  une 
chose  mal  habile  et  dangerense  de  ne  pas 
connaître  les  autres  pour  ce  qu'ils  sont  ou 
de  ravaler  leur  mérite»  parce  que  c'est  une 
œuvre  de  mensonge,  d'injustice»  et  que  le 
jour  de  la  révélation  des  mensonges  et  des 
injustices  peut  être  bien  amer  pour  vous»  et 


m 


AMO 


D*ASCEnSMB. 


4M0 


bieo  préjudiciable  k  totrc  considération  ci  à 
voire  ioléréL 

Vous  accorder  trop  et  accorder  trop  peu 
;iu  prochaio  par  Taoïlé,  c*esl  donc  une  ma* 
n<eu?red*un  esprit  bas  et  petit»  qui  se  tend 
:i  lui-mèoie  des  embûches  en  même  temps 
lii'il  s'éloigne  de  la  charité  de  TEvangile  et 
|u*il  chasse  de  son  cœur  la  plus  fondamen* 
ule  des  vertus  du  christianisme»  rbumîlilé. 

Mais  ce  que  nous  avons  le  plus  à  cœur  de 
démontrer  dans  cet  article,  et  ce  qui  va  le 
pius  directement  k  J*instructiou  de  ceux  qui 
aspirent  k  la  perfection  »  c*est  de  montrer 
les  détours  d*un  amour-propre  subtil  qui 
fait  sertir  toutes  ses  délicatesses  à  repousser 
Topération  crucifiantede  la  main  de  Dieu  pour 
le  déraciner.  Et  ici  nous  empruntons  la  plume 
pleine  de  douceur  et  de  suavité  de  Fénelon. 

m  le  TOUS  laisse  k  Dieu  et  je  souhaite 
que  TOUS  tous  y  laissiez  aussi.  Oh  1  si  vous 
réccMiliez  et  si  tous  ne  vous  écoutiez  point, 
quelle  seroit  votre  paix  1  Mais  vous  com- 
nieoeez  par  prêter  Toreille  aux  délicatesses 
el  aux  dépits  de  Tamour-propre.  Cette  inG- 
délité  manifeste  en  attire  cent  autres  qui 
sont  moins  faciles  k  découvrir.  Vous  cher* 
chez  k  TOUS  étourdir  et  k  autoriser  votre 
égarement.  Vous  voulez  vous  soustraire  k 
la  souffrance,  comme  si  Tamour-proprc 
pouvoit  échapper  au  feu  vengeur.  Vous 
espérez  du  repos  loin  de  Dieu.  Vous  fermez 
votre  oœnr,  et  vous  employez  toute  votre 
industrie  k  repousser  la  grâce.  Eh  1  qui  est- 
ce  qui  a  résisfé  k  Dieu  et  qui  a  eu  la  paix  ? 
Rendez-vous,  revenez,  hâtez-vous  ;  chaque 
moment  de  délai  est  une  infidélité  nouvelle. 
Mon  cœur  est  bien  serré  ;  c'est  en  vous  que 
je  devruis  trouver  un  vrai  soulagement. 
O  ma  chère  fille,  laissez-vous  dompter  par 
l'esprit  de  grâce.  Souffrez  que  je  vous  repré- 
sente ce  qu  il  me  semble  que  Dieu  veut  que 
jo  vous  mette  devant  les  yeux.  Le  fond  que 
voos  avez  nourri  dans  votre  cœur  depuis 
l'enfance,  en  vous  trompant  vous-même,  est 
on  amour-propre  effréné  et  déguisé  sous 
Tapparence  d'une  délicatesse  et  d  une  géné- 
rosité héroïque;  c'est  un  goût  de  roman 
dont  personne  ne  vous  a  montré  Tillusion. 
Vous  l'aviez  dans  le  monde  et  vous  l'avez 
porté  jusque  dans  les  choses  les  plus  pieu- 
ses. Je  vous  trouve  toujours  un  goût  pour 
l'esprit,  potir  les  choses  gracieuses  et  pour 
la  délicatesse  profane,  qui  me  fait  peur. 
Cette  habitude  vous  a  fait  trouver  des  épines 
dans  tous  les  états.  Avec  un  esprit  très-droit 
et  très-solide,  vous  vous  rendez  inférieure 
aux  gens  qui  en  ont  beaucoup  moins  que 
vous.  Vous  êtes  d'un  excellent  conseil  pour 
les  antres,  mais  pour  vous-même  les  moin- 
dres bagatelles  vous  surmontenc.  Tout  vous 
ronge  le  cœur;  vous  n'êtes  occupée  que  de 
la  crainte  de  faire  des  fautes,  ou  du  dépit 
d*en  avoir  fait.  Vous  tous  les  grossissez  par 
un  excès  de  Tivacité  d'imagination,  et  c  est 
toujours  quelque  rien  qui  vous  réduit  au 
dés^poir.  Pendant  que  vims  vous  voyez  la 
plus  impariaile  personne  du  monde,  vous 
avez  l'art  d'imaginer  «lans  les  autres  des 
perfections  dont  elles  n'ont  pas  l'ombre. 


D'un  cAté,  vos  délicatesses  et  vos  généroai^ 
tés  ;  de  l'autre,  vos  jalousies  et  vos  défian- 
ces, sont  outrées  et  sans  mesure.  Vous 
voudriez  toujours  vous  oublier  vous-même 
pour  vous  donner  aux  autres;  mais  cet  oubli 
tend  k  vous  faire  Tidole  et  de  vous-même  et 
de  tous  ct-ux  pour  qui  vous  paraissez  vons 
oublier.  Voilk  le  fond  d'idolâtrie  raffinée  de 
vous-même  que  Dieu  veut  arracher. 

«  L'opération  est  violente,  mais nécessairo. 
Allassiez-vous  au  bout  du  monde  pour  sou- 
lager votre  amour-propre,  vous  ii  en  seriez 
que  plus  malade.  Il  faut  ou  le  laisser  mourir 
sous  la  main  de  Dieu,  ou  lui  fournir  quelque 
aliment.  Si  vous  n'aviez  plus  les  personues 

3ui  vous  occupant,  vous  en  chercheriez 
'autres  bientôt  sous  de  beaux  prétextes,  et 
vous  descendriez  jusqu'aux  plus  vils  sujets, 
faute  de  meilleurs:  Dieu  vous  humilieroit 
même  par  quelque  entêtement  méprisable, 
ou  il  vous  laisseroit  tomber  ;  Tamour-propre 
se  nourriroit  des  plus  indignes  aliments, 
plutêt  que  de  mourir  de  faim. 

«  Il  n*y  a  donc  qu'un  seul  véritable  re* 
mède,  et  c'est  celui  que  vous  fuyez.  Les 
douleurs  horribles  que  vous  souffrez  vien- 
nent de  TOUS  et  nullement  de  Dieu.  Vous 
ne  le'  laissez  pas  faire.  Dès  qu'il  commeico 
l'incision,  tous  repoussez  sa  main,  et  c'est 
toujours  k  recommencer.  Vous  écoutez  Toiro 
amour-propre  dès  que  Dieu  l'attaque.  Tous 
vos  attachemenis,  faifs  par  goût  naturel  et 
pour  flatter  la  vaine  délicatesse  de  votre 
amour-propre,  se  tournent  pour  vous  en 
supplice,  (/est  une  espèce  de  nécessité  o& 
vous  mettez  Dieu  de  vous  traiter  ainsi. 
Allassiez-vous  au  bout  du  monde,  vous  trou* 
vericz  les  mêmes  peines,  et  vous  n'échap- 
periez pas  k  la  jalousie  de  Dieu,  qui  veut 
confooure  la  nêtre  en  la  démasquant.  Vous 
porteriez  partout  la  plaie  envenimé*^  de 
votre  ixeur.  Vous' fuiriez  en  vain  comme 
Jouas,  la  tempête  vous  engloutiroit. 

m  Je  veux  bien  prendre  pour  réel  tout  ce 
qui  n'est  que  chimérique  :  eh  bien  t  cédez  à 
Dieu  et  accoutumez  vous  k  vous  voir  telle 
que  vous  êtes.  Accoutumez- vous  k  vous  vo  r 
vaine,  ambitieuse  pour  l'amitié  d'dutrui, 
tendant  sans  cesse  à  devenir  Tidole  d'autrui 
pour  l'être  de  vous-même,  jalouse  et  déliante 
sans  aucune  borne:  vous  ne  trouverez  k 
a^ermir  vos  pieds  ((u'au  fond  de  l'abîme.  11 
faut  vous  familiariser  avec  tous  ces  mons« 
très.  Ce  n'est  que  par  Ik  que  voos  vous  désa« 
buserez  de  la  délicatesse  de  votre  cteur.  Il 
en  faut  voir  sortir  toute  cette  infection  ;  il  en 
faut  sentir  toute  la  puanteur.  Tout  ce  ({ui 
ne  vous  seroit  pas  montré  ne  sortiroit  |)Oinl, 
et  tout  ce  qui  ne  sortiroit  point  seroit  un 
venin  rentré  et  mortel.  Voulez-vous  accour- 
cir  l'opération?  ne  Tinterrompez  pas.  Laissez 
la  main  crucifiante  agir  en  toute  liberté.  Ne 
vous  dérot>ez  point  k  ses  incisions  salutaires. 
N'espérez  pas  de  trouver  la  paix  loin  de 
Foraison  et  de  la  communion.  Il  ne  s'agit 
pas  d'aimiser  votre  amour-propre  en  ré|»ar- 
gnant  et  en  résistant  k  l'esprit  de  grâce  ; 
mais  au  contraire,  il  s'agit  de  vous  livrer 
sans  réserve  k  l'esprit  de  g-âce,  pour  o'épar** 


«j» 


AN\ 


DÎGTIONNÂIRB 


ANA 


i6i 


gner  plus  votre  araour-propro.  Vous  pouvez 
vous  élourdir,  vous  enivrer  pour  un  peu  de 
temps  et  vous  donner  des  forces  trompeuses 
telles  que  la  fièvre  ardente  en  donne  aut 
malades  qui  sont  en  délire;  mais  la  vraie 
paix  n'est  que  dans  la  mort.  On  voit  en 
VOUS9  depuis  quelques  jours,  un  mouvement 
convulsif  pour  montrer  du  couraze  et  de  la 
Kaietéy  avec  un  fond  d'agonie.  On!  si  vous 
luisiez  pour  Dieu  ce  que  vous  faites  coutrei 
quelle  paix  n*auriez-vous  posi  Oh!  si  vqus 
souiïriez,  pour  laisser  faire  Dieu,  le  quart  de 
ce  que  vous  vous  faites  souffrir  pour  Tem* 
pocher  de  déraciner  votre  amour-propre, 
quelle  seroit  voire  tranquillité!  Je  prie  celui 
à  qui  vous  résistez  de  vaincre  vos  résistances, 
d'avoir  pitié  de  cette  force  contre  lui,  qui 
n*et  que  foiblesse,  et  de  vous  faire,  malgré 
vous,  autant  de  bien  que  vous  vous  faites 
de  mal.  Pourmoi,  comptez  queje  vous  pour* 
suivrai  sans  relâche,  et  que  je  ne  vous  quit- 
terai point.  J'espère  beaucoup  moins  de  mes 
paroles  et  de  mes  travaux  pour  vous,  que 
de  ma  peine  intérieure  et  de  mon  union  à 
Dieu  dans  le  désir  de  vous  rapprocher  de  lui.» 
AMOUR  PUR.  —  Yoy.  Charité, Béatitude, 

QuiÊTISlfK,MOLlIfOSISUE,FÉNELON,M"*GDTO!l. 

AMPHILOQUE  (Saint),  issu  d'une  noble 
famille  de  Cappadoce,  se  livra  d*abord  au 
barreau,  nuis  se  relira  dans  la  solitude,  par 
le  conseil  de  saint  Grégoire  de  Nazianze. 
Elevé  sur  le  siège  épiscopal  dlcone,  vers 
Yen  34<^,  il  se  montra  plein  de  zèle  contre 
rhérésie  arienne;  il  assista  au  premier 
concile  général  de  Constanlinople,  en  381, 
et  présida  celui  de  Side.  Il  mourut  vers  3%. 
Saint  Grégoire  de  Nazianze  Tappelle  unançe 
(  t  un  héros  de  la  vérité.  Les  œuvres  ascéti- 
ques de  saint  Ampbiloque  sont:  l'^un  Dis^ 
cours  sur  lapéniience,  — 2*  Une  Lettre  à  Se- 
leucus^  en  vers  iambiqucs,  sur  les  vertus 
tshi'élipnnfis 

ANACHORÈTES.  —  Ermite  ou  solitaire, 
homme  retiré  du  monde  par  motif  de  reli- 
eion,  qui  vit  seul,  alîn  de  ne  s'occuper  que 
de  Dieu  et  de  son  salut.  Ce  mot  vient  du 
grec  «va^u^fliv,  se  retirer,  de  môme  qu'er- 
mite est  dérivé  d*ip>3fioc,  solitude,  lieu  dé- 
sert. THins  Torigino  ou  a  encore  donné  aux 
solitaires  le  nom  de  moines^  tiré  de  fiovoc 
seulf  retiré. 

Ce  genre  de  vie  a  toujours  été  connu  dans 
rOrient.  Saint  Paul  (Hebr.  11,  38)  dit  que 
les  prophètes  ont  erré  dans  l^s  déserts  et 
sur  les  montagnes,  qu*ils  ont  demeuré  dans 
les  ancres  et  les  cavernes  de  la  terre.  Saint 
Jean-Baptiste,  dès  son  enfance,  se  retira  dans 
le  désert,  et  y  vécut  jusqu*à  TÂge  de  trente 
^  ans;  Jésus-Christ  lui-même  Gt  l'éloge  de  sa 
}  vie  austère  et  de  ses  vertus.  (Matth.  11,  7.) 
Mais  saint  Paul  de  Thèbcs  en  Egypte  est  re- 
gardé comme  le  premier  ermite  ou  ana^ 
chorite  du  christianisme.  Il  se  retira  dans  le 
désert  de  ta  Thébaïde ,  Tan  %0,  pendant  la 
persécution  de  Dèce  et  de  Valérien  ;  bientôt 
il  y  fut  suivi  par  saint  Antoine  et  par  d*au- 
très  qui  voulurent  mener  le  même  genre  de 
vie.  Plusieurs  se  réunirent  ensuite  pour  vi- 
vre en  commun I  el  furent-  nommés  cénobi^ 


tes.  Cet  eiomplo  fut  même  suivi  par  les  fem- 
mes; quelques-unes  s*cnfoncèrent  dans  les 
déserts  pour  faire  pénitence  et  pour  éviter 
les  dangers  du  siècle,  d*autres  se  renfermè- 
rent dans  les  cloîtres  pour  y  vivre  ensemble 
sous  une  même  règle.  Telle  a  été  rorigino 
de  rétat  monastique.  (Foy.  Moins,  Cêno- 
BrtE,  Rblioibuse,  etc.) 

Sur  la  fin  du  iV  siècle,  la  vie  érémiliquo 
passa  d'Egypte  en  Italie,  et  bientôt  après 
dans  les  Gaules;  on  y  v  t  des  anachorcMes 
et  des  cénobites.  L'irruption  des  h/irbaro^ 
arrivée  au  commencement  du  v*  siècle,  con- 
tribua à  les  multiplier  :  pour  se  soustraire  au 
bri{;aodage,  un  crand  nombre  d*hommes  se 
retirèrent  dans  des  lieux  déserts;  plusieurs 

(guerriers,  tourmentés  par  des  remords  et  par 
a  crainte  de  retomber  dans  de  nouveaux 
désordres ,  allèrent  expier  leurs  crimes  dans 
la  solitude  :  on  admira  leur  courage  et  leur 
vertu.  La  même  raison,  oui  faisait  i^ugmenter 
le  nombre  des  monastères ,  servit  aussi  à 
multiplier  les  ermites  ou  anachorètes,  et  te 
goût  pour  ce  çenre  de  vie  s*est  conservé  jus- 
qu'à nous.  Mais  les  supérieurs  ecclésiastiques 
ont  reconnu  depuis  ionglom|)s  quMI  était 
mieux  de  réunir  plusieurs  ermites  dans  une 
même  habitation  que  les  laisser  vivre  ab- 
solument seuls. 

Cette  manière  de  vivre  singulière  ne  pou- 
vait manquer  d*exciter  la  bile  des  ennemis 
de  la  religion  ;  aussi  a^t-elbe  été  blAmée  avec 
autant  d*aigreur  par  les  protestants  que  par 
les  incrédules.  Ils  en  ont  censuré  Torigine, 
les  motifs,  les  pratiq^ues;  ils  en  ont  relevé 
les  inconvénients  et  les  pernicieuses  censé* 

Sfuences.  Leclerc ,  Mosheim,  Brucker,  el  la 
ouïe  des  protestants,  ont  déclamé  h  Tenvi 
sur  ce  sujet,  et  nos  philosophes  mouton- 
niers ont  enchéri  encore  sur  leurs  invectives- 
Les  uns  ont  dit  que  le  goût  pour  la  vie 
solitaire  était,  dans  TOrient,  et  surtout  en 
Egypte,  un  vice  de  climat,  un  effet  delà  mé- 
lancolie et  de  la  paresse  que  la  chaleur  ins- 
pire; d'autres  ont  jugé  qu  il  a  été  augmenté 
chez  les  Chrétiens  par  les  notions  de  la  phi- 
losophie de  Pythagore  et  de  Platon,  selon 
lesquels  on  croyait  que  plus  Téme  se  déta- 
chait du  corps  et  des  sens,  plus  elle  s'appro- 
chait de  Dieu.  Quelques-uns  ont  deviné  que 
dans  les  premiers  siècles  du  christianisme, 
on  renonçait  au  moude,  parce  que  Ton  croyait 
qu'il  allait  finir.  Presque  tous  ont  décidé  que 
1  estime  pour  la  vie  austère  est  née  d'une 
notion  fausse  et  absurde  de  la  Divinité.  Us 
Chrétiens,  disent-ils,  se  sont  persuadés  que 
Dieu,  non  content  d'exiger  le  sang  de  son 
Fils  pour  apaiser  sa  justice,  se  plaisait  en- 
core au  tourment  de  ses  créatures. 

A  toutes  ces  réflexions,  il  ne  manque 
que  du. bon  sei  s.  Si  tous  ces  savants  dis- 
serlateurs  avaient  passé  la  plus  grande 
partie  de  leur  vie  à  la  campagne  et  loin  du 
tumulte  des  villes,  ils  auraient  éprouvé  par 
eux-mêmes  que  l'on  contracte  Irès-aiséraent 
le  goût  de  la  solitude  absolue»  sans  penser 
à  la  fin  du  monde,  sans  connaître  la  pliilo* 
sophic  de  Pythagore,*  et  sans  avoir  des  no- 
tions absurdes  de  la  Divinilé.  Une  prouve 


»5 


AM.\ 


DASCETISIiE. 


ANA 


S€6 


qu*il  ne  Tient  point  du  clim  t,  c'est  i|u*il  a 
été  pour  le  moins  aussi  commun  et  aussi 
Tîf  dans  les  contrées  du  Nord  que  dans  les 
ré^'ons  du  Midi.  Mais  bornons-nous  à  des 
considérations  religieuses. 

11  est  ficheux  d*al>ord  que  les  protestants 
aient  condamné  aTec  tant  de  hauteur  un 
genre  de  Tie  que  Jésus-Christ  a  daigné  louer 
dans  son  saint  précurseur,  et  que  saint  Paul 
a  proposé  pour  modèle  dans  les  prophètes. 
Dirons-nous  des  uns  ou  des  autres  ce  <(ue 
Mosbeim  a  osé  dire  de  saint  Paul,  premier 
ermite,  que,  retiré  dans  le  désert,  il  mena 
une  rie  plus  digne  d'une  bmte  que  d*un 
homme?  {HtMi.  ecelés.  dm  m*  iiicle^  ii*  part., 
c  3,  i  3.)  Ou  penserons-nous  qn*£lie,  les 
autres  prophètesetsaint  Jea'^-Bapliste  avaient 
paîsé  le  goût  de  la  solitude  dans  les  écrits 
de  Pytbagore  ou  de  Platon,  dans  la  crainte 
de  la  fin  du  monde,  etc.?  Voilà  comme  les 
protestants  respectent  TEcriture  sainte. 

En  second  lieu,  nous  les  défions  de  faire 
contre  les  solitaires  aucun  reproche  qui 
n*ait  été  fait  aux  premiers  Chrétiens  par  les 
païens.  Nous  Tojons,  par  V Apologétique  de 
Tertullien,  que  ceux-ci  appelaient  les  Chré- 
tiens insensés»  hommes  inutiles  au  monde, 
misanthropes  on  ennemis  du  genre  hu- 
main; on  tournait  en  ridicule  leur  air  aus- 
tère et  pénitent,  leur  goût  pour  la  solitude, 
la  société  particulière  qulls  faisaient  entre 
eax,  etc.  Les  protestants  semblent  n'avoir 
£iît  que  oopier  tous  ces  sarcasmes,  en  faisant 
la  satire  des  moines  et  des  afaachorèles. 

Aussi  les  incrédules  n'ont  pas  manqué  de 
tourner  contre  le  christianisme  même  la 
c^isure  que  les  protestants  ont  faite  de  la 
Tîe  monastique  ou  érémitiqne.  Jls  disent 
que  les  maximes  de  rEvangile  tendent  i  sé- 
|)arer  Fbomme  d'arec  ses  semblables,  et  à 
le  détacher  absolument  du  monde;  que  c'é- 
tait d^à  la  morale  des  esséniens  et  des  thé- 
rapeutes, et  que  Jésus-Christ  sTait  puisé  sa 
doctrine  parmi  eux.  Us  soutiennent  que  les 
premiers  Chrétiens  furent  de  vrais  moines, 
puisque  saint  Antoine  ne  prétendit  faire  au- 
tre chose  que  de  suivre  l'Evangile  à  la  lettre, 
d'où  ils  concluent  que  la  morale  évangéli 
que  n*est  fSaiite  que  pour  les  moines.  «  En 
ffîct,  saint  Antoine,  dit  M.  Fleury,  saint 
Hilariou,  saint  Pacdme  et  les  autres  qui  les 
imitèrent,  ne  prétendirent  pas  introduire 
fine  nouveauté  ou  renchérir  sur  la  vertu  de 
lear  père:  ils  voulurent  seulement  conser- 
ver la  tradition  do  la  pratique  exacte  de  TE- 
«an^île  qu'ils  vojaieut  se  relâcher  de  jour 
C'a  lour.  Ils  se  iiroposaient  toujours  pour 
modèles  les  ascètes  ou  lés  Chrétiens  fer- 
vents  qpii  les  avaient  précédés.  »  (Mœurs  des 
CkrH.^  i  32.)  Bingham  lui-même,  quoique 
1  protestant,  avoue  qu'à  Texception  de  la  so- 
J.tude  absolue,  la  vie  des  Asciies  était  la 
luème  que  celle  ée$  anachorètes  et  des 
rnoioes.  {Orig.  seclés. ,  I.  vu,  cl.)  —  Voyez 


îious  prions  les  protestants  de  vouloir 
bien  justifier,  contre  la  censure  des  incrédu- 
les, les  premiers  Chrétiens  formés  par  les 
i^rçons  de  Jésus*Ch'i«t  et  des  apôtres,  ce 

Bicnci!!.  d'Ascétissie.  I. 


qu'ils  diront  nous  servira  de  même  à  faire 

I  apologie  des  solitaires  qui  ont  renoncé  au 
monde.  Mais  ils  n'en  feront  rien;  peu  leur 
importe  de  livrer  le  christianisme  au  mé- 
pris des  incrédules,  pourvu  qu'ils  satisfas- 
sent leur  propre  haine  contre  l'élise  ro- 
maine. 

On  ne  sait  que  penser  quand  on  lit  leurs 
lamentations  sur  la  multitude  des  erreurs 

a  n'a  fait  naître  dans  l'Eglise  la  philosophie 
e  Pjrthagore  et  de  Platon.  De  là  est  née,  di- 
sent-ils, cette  folle  idée  que  l'on  pouvait 
mener  une  vie  plus  sainte  que  celle  de  Jésus- 
Christ  et  des  apôtres,  et  pratiquer  des  ver- 
tus plus  parfaites  que  celles  qui  sont  com- 
mandées dans  l'Evangile;  de  là  l'estime  in- 
sensée pour  les  austérités  corporelles,  pour 
l'abstinence  et  le  jeûne,  pour  le  célibat  et  la 
virginité;  de  là  la  condamnation  des  secon- 
des noces,  le  mépris  pour  l'état  du  ma- 
riage, etc.  (Bbcckeb,  Hisi.  philos. ,  tom.  111.) 
On  croit  entendre  raisonner  des  déistes 
ou  des  épicuriens.  En  parlant  do  ces  diffé- 
rents articles  de  la  discipline  chrétienne, 
nous  leur  ferons  voir  que  tous  sont  fondés 
sur  l'Ecriture  sainte,  sur  les  leçons  formel- 
les de  Jésus-Christ  et  des  apôtres,  et  nous 
les  mettrons  à  couvert  de  leur  folle  censure. 

II  s'ensuit  déjà  que  les  platoniciens  et  les 
pythagoriciens,  qui  ont  fait  cas  de  toutes  ces 
pratiques,  étaient  plus  raisonnables  que  les 
protestants  et  les  incrédules  modernes. 

Ajoutons  que  la  rie  des  solitaires  de  la 
Thébaîde,  qui  nous  parait  si  terrible,  était 
à  peu  près  la  même  que  celle  des  pauvres 
et  du  peuple  en  Egypte.  Selon  le  récit  des 
▼ojageurs,  le  seul  habit  des  deux  sexes  est 
une  chemise  ou  un  morceau  de  toile.  Tous 
couchent  sur  la  dure,  dans  la  rue  ou  sur  les 
toits  des  maisons,  et  avec  deux  poignées  de 
riz  un  homme  peut  vivre  pendant  vingt-qua- 
tre heures,  sans  avoir  besoin  d'autre  nour- 
riture, il  en  est  de  même  dans  les  Indes; 
et  telle  y  fut  toujours  la  vie  des  brachmanes, 
ou  des  philosophes  de  ce  pajs-là.  Mais  des 
épicuriens  septentrionaux  sont  eflra jés  de 
ce  genre  de  vie;  gâtés  par  un  luxe^désor- 
donoé,  ils  regardent  les  austérités  comme 
un  miracle  lent  et  comme  une  folie;  ils 
s'emportent  contre  les  anachorètes,  parce 
que  ceux-ci  étaient  plus  robustes  et  plus 
sobres  qu'eux. 

Ecoutons  néojmioins  leurs  déclamations. 
Si  saint  Paul,  disent-ils,  et  saint  PacAmeont 
bien  fait  de  renoncer  au  monde  et  de  se  re- 
tirer dans  les  déserts,  tout  homme  qui  fera 
comme  eux  sera  anssi  louable  qu'eux;  il 
faudra  donc  rompre  toute  société  avec  nos 
semblables,  et  jiyre  comme  les  animaux 
sauvages,  pour  être  Chrétiens  parfaits.  Dès 

aue  Dieu  a  créé  l'homme  pour  la  société, 
est  absurde  d'imaginer  un  état  plus  saint 
et  plus  respectable  que  l'état  social,  ou  des 
devoirs  plu.s  sacrés  que  ceux  du  sang  et  de 
la  nature.  Se  détacher  du  monde  et  s  en  sé- 
parer, c*est  dans  le  fond  renoncer  à  l'hu- 
manité et  se  soustraire  à  l'ordre  général  do 
la  Providence,  se  rendre  inutile  aux  autres; 
c'est  un  travers,  un  altenlat  punissable,  il 


ne  peut  venirque  d'un  fond  de  misanthropie, 
de  paresse  ou  de  vanité  :  le  canoniser  et 
ranger  en  vertu,  c'est  un  trait  de  démence. 

—  Si  les  anacborètes,  eo  cherchant  la 
solitude,  avaient  mant^ué  aux  devoirs  du 
sang  ou  de  la  nature,  violé  les  engagements 
d'homme  et  de  citoyen,  résisté  à  Tordre  de 
la  Providence,  nous  avouons  qu'ils  n'au- 
raient élé  Di  saints  ni  louables.  Mais  c'est  h 
leurs  détracteurs  de  prouver  1*  qu'ils  ont 
abandonné  leurs  parents  et  leur  famille  dans 
des  circonstances  où  ils  pouvaient  avoir  be- 
soin de  leurs  secours  ;  2°  qu'ils  n'avaient 
tias  reçu  de  la  nature  un  goût  décidé  pour 
a  retraite,  pouf  la  prière,  pour  un  travail 
auquel  ils  pouvaient  vaquer  seuls;  3*  qu'il 
n'y  avait  aucun  danger  pour  eux  à  demeu- 
rer daus  le  monde;  J»°  qu'ils  n'ont  élé  d'au- 
cune utilité  pour  leurs  semblables.  Au- 
trement, nous  soutenons  qu'ils  n'ont  man- 
qué ni  h  la  nature  qui  les  portait  au  genre 
(le  vie  qu'ils  ont  embrassé,  ni  h  leurs  pa- 
reuts  qui  pouvaient  se  passer  d'eux,  ni  à 
leurs  concitoyens  auiquels  leur  retraite  ne 
portail  aucun  pr^udice,  ni  aux  emplois  pu- 
blics pour  lesquels  ils  ne  se  sentaient  pas 
faits,  ni  à  la  foix  de  Dieu,  puisque  au  con- 
traire, ils  croyaient  lui  obéir.  Avant  de  con- 
clure que  tout  homme  fera  bien  de  les  imi- 
ter, il  faut  savoir  si  tout  homme  se  trouve 
dans  les  mêmes  circonstances  qu'eut. 

Mais  si  tout  homme  prenait  ce  parti,  que 
deviendrait  la  société  T  Folle  supposition. 
U  eu  y  a  pourvu.  11  a  tellement  varié  les 
goûts,  les  caractères,  les  talents,  les  besoins 
des  hommes,  qu'il  est  impossible  que  tous 
embrassent  le  même  état  de  vie,  des  qu'ils 
seront  maîtres  de  choisir.  C'est  pour  ct;la 
que  toutes  les  conditions  se  trouvent  tou- 
jours fa  peu  près  également  remplies,  et 
tgn'aucune  ne  demeure    vacante  :   le  choix 

3ue  font  les  solitaires,  loin  de  gêner  celui 
es  autres,  leur  laisse  une  place  de  plus. 
11  n'est  donc  pas  vrai  qu'ils  aillent  contre 
les  ordres  de  la  Providence,  puisque  )a  Pro- 
vidence veut  que  chacun  choisisse  l'état 
aui  lui  codvieutle  mieux;  ni  contre  le  bien 
0  la  société,  imisqu'elle  est  intéressée  fa 
ce  que  personne  ne  soit  gêné  dans  son 
choix;  ni  contre  le  droit  de  leurs  sembla- 
bles, puisque  ceux-ci  n'en  reçoivent  aucun 
préjudice;  les  solitaires  nuisant  moins  au 
public  que  les  )i>iniiùles  fainéants  oui  sur- 
chargent la  sociC-itj  du  poi'ls  ei  du  l'ennui 
de  leur  oisiveté.  Il  n'est  pas  vrai  non   plus 

?u'ils  soieut  inutiles  su  monde.  Dans  les 
emps  de  caljtniii^,  de  dévaslalina  et  de 
eoolagioOf  lorsrjue  la  rt^ll^ioti  ^'ust  trouvée 
en  danger,  lorsque  les  peuples  ont  manqué 
de  secours  spirituels,  lorsque  le  clergé  sé- 
culier a  été  fa  peu  près  anéanti,  on  a  vu  les 
solitaires  quitter  leur  retraite,  aci-,ourir  au 
secours  de  leurs  frères,  exercer  la  cbarilé 
d'une  manière  héroïque.  Souvent  les  rois 
sont  allés  les  chercher  au  désert  pour  leur 
conSer  les  affaires  les  plus  importantes. 
Ceux  de  la  Thébaïde  travaillaient  non-seu- 
lement pour  se  procurer  la  subsistance, 
mais  encore  pour  assister  les  pauvres  du 


Erii  de  leur  travail.  D'ailleurs,  plus  [f$ 
ommes  sont  vicieux,  plus  les  mœurs  publi- 
ques sont  corrompues,  plus  il  est  utile  et 
nécessaire  de  leur  donner  des  exemples  à» 
frugalité,  de  désintéressement,  demortîQca- 
tion,  de  patience,  de  piété,  de  soumission  h 
Dieu,  de  mépris  des  choses  du  moude. 
Quoi  qu'on  en  dise,  les  solitaires  l'eut  fgil 
dans  tous  les  temps,  et  les  peuples  ne  les 
ont  respectés  qu'autant  qu'ils  le  mérilniei'l 
par  leurs  vertus. 

Un  humilie  fatigué  du  tumulte  de  la  so- 
ciété, rebuté  par  les  vices  de  ses  semblsbles, 
dégoûté  des  objets  qui  excitent  les  passion, 
n'a-t-il  pas  droit  d'aller  cJiercher  dans  la  s(.- 
litude  la  paix,  le  repos,  l'innocence,  la  li- 
berté, le  calme  de  la  couscienceT  Celui  qui 
fuit  le  (langer  de  la  corruption,  qui  B'occu[Hi 
fa  prier,  fa  méditer,  fa  trarsiller,  qui  s'accou- 
tume fa  retrancher  fa  la  nature  tout  ce  dool 
elle  peut  se  passer,  n'est-il  pas  louableT  11 
donne  aux  autres  une  grande  leçon,  savoir 

aue  l'un  peut  trouver  avnc  Dieu  un  repos, 
es  consolations,  uu  bonheur  que  le  monda 
ne  peut  donner. 

ANDKADA  (Alphonse  d'},  jésuite  rspa- 
gnol,  né  fa  Tolède  en  iSW,  fil  de  si  boim» 
éludes  qu'on  lui  confia  une  chaire  do  nhi- 
losophie,  quoiqu'il  fût  jeune  encore;  il  la 
quitta  fa  l'âge  de  vingt-deux  ans,  nour  em- 
brasser l'institut  dès  lésuites.  Il  y  tut  chargé 
d'enseigner  la  théologie  morale,  devint  qui- 
lificaieur  de  l'Inquisition,  et  travailla  soi 
missions  d'Espagne  pendant  près  de  cin- 
quante ans.  11  mourut  fa  Madrid  enjuin  16Tî. 
Outre  un  /Cinéraire  kitlorique,  et  les  Via 
dti  JéiuUtê  itlutlres,  on  a  dû  lui  des  ttiii- 
taiioni  pour  tout  Ut  jourt  de  l'tMnét  :  uas 
Traduction  dei  cinq  tivru  ateHiquti  du  car- 
diiml  Bellarmin,  et  d'autres  livres  de  jii^ié 
dont  il  est  fait  mention  dans  la  Biblioihffa 
det  écrivaint  iéiuilet  de  Folwol.Tous  les  ou- 
vrages d'Alphonse  d'Andrada  sont  ccrilseii 
espagnol. 

.ANDBADA  (Thomas],  plus  connu  soiisie 
nom  de  Thomas  dsJéttu,  réformateur  des  Au- 
gusiius  Déchaussés,  naquit  fa  Coïmbro  tcd 
1530.  Il  était  (ils  du  grand  trésorier  du  toi 
Jean,  en  Portugal.  11  suivit  la  roi  Sébastien 
dans  la  malheureuse  expédition  d'Afrique. 
Jl  y  mourut  en  captivité  en  11^,  lai^^^nt 
uu  livre  plein  d'onction,  intitulé  les  Sauf- 
(rancei  de  Jiiut,  composé  dans  sa  prison; 
il  a  élé  traduit  en  français,  3  vol.  in-lS. 

ANSELME  (Saint),  abbé  du  Bec,  nuis  sr- 
chevêque  de  Cantorhéry.  Il  mérita  les  bon* 
neurs  dt>  la  persécution  de  Guillaume  'a 
Roux,  pour  avoir  soutenu  les  immuoilés 
de  son  siège,  et  passo  plusieurs  années  lui'i 
""e  SB  patrie.  Pendant  son  glorieux  eiil.  «' 
homme,  si reoiaiquable  par  son  profond  sa- 
voir et  par  sa  saitilulé,  reçut  un  accueil 
trfts-honorable  en  France  et  fa  Rome.  Sous 
Hen.'i  II,  roi  d'Angleterre,  il  revint  prendra 
possession  de  son  siège;  il  eut  le  uonbeur 
de  réconcilier  le  roi  avec  Robert,  son  frÉfe, 
au  retour  de  la  terre  saiule  et  de  calmer  la 
guerre  civile.  L'ingratitude  du  prince  fui '■ 
récompense  de  cette  belle  action.  11  mourut 


ANT 


D^AScensyE. 


AXT 


270 


en  1100.  (Voir  au  Coialoguif  fin  du  toro.  il, 
U  nomenclalure  de  ses  ouvrages  ascétiques. 
lis  sont  instructifs,  édifiants,  pleins  d'onc* 
lion  et  d*une  certaine  tendresse  d*amour 
pour  Dieu.  Un  stjrle  simple*  naturel,  clair  et 
conds.(ait  le  pnncipal  mérite  de  ses  lettres. 
On  retrouve  partout  dans  les  écrits  de  saint 
Anselme  une  Krande  connaissance  de  la 
philosophie  et  de  la  théologie.) 

ANTOINE  (Paul*Gabriel),  théologien  jé- 
>uîte,  né  en  1670,  à  Lunéville,  mort,  en 
17U,  à  Pont-à-Mousson,  où  il  avait  long- 
ttf^raps  occupé  une  chaire  de  théologie,  est 
auteur  d'un  ouvrage  intitulé  :  Theologiœ 
tueetico-moraliâ  in$Uiuiiotu$:  Cologne,  1760, 
îo-lS,  et  de  phisieurs  livres  de  piété. 

ANTOINE  DE  MÉLISSE  vivaU  dans  le 
▼ui*  siècle,  il  est  auteur  de  deux  livres  de 
Sentences  tirées  des  saints  Pères;  ils  peu- 
vent être  lus  par  ceux  qui  s'occupent  de  la 
vie  spiri:uelle. 

ANTOINE  (Saint),  patriarche  des  céno- 
bites. —  Saint  Antoine  vint  au  monde  Fan 
251  de  Jésus-Christ.  II  naquit  au  village  de 
CôiDe,près  d*Héraclée,dans  la  haute  Egypte. 
Ses  parents  qui  étaient  Chrétiens,  et  encore 
plus  distingués  par  leur  piété  que  par  leurs 
richesses,  prirent  un  soin  particulier  de 
son  éducation.  Ils  le  gardèrent  toujours  au* 
près  d*eux,  dans  la  crainte  que  les  mauvais 
exemples  et  les  discours  des  personnes  vi- 
cieuses ne  corrompissent  sou  innocence. 
Antoine,  ainsi  retenu  dans  la  maison  pater- 
nelle, ne  s'appliqua.  |)oint  h  l'étude  des 
belles-lettres,  et  ne  sut  jamais  lire  que  Té- 
gyptien,  qui  était  la  langue  Je  son  paVs  (68). 
Mais  il  était  bien  dédommagé  du  début  de 
quelques  coimaissances,  dont  il  n*est  que 
trop  ordinaire  d*abnser ,  par  les  excel- 
lentes dispositions  que  Dieu  mit  dans  son 
âme.  On  le  vit  dès  son  enfance  aimer  la  so- 
briété, assister  régulièrement  aux  oiBces 
de  l'église  et  obéir  à  ses  parents  avec  une 
I^onctoalité  singulière.  La  mort  les  lui  ajant 
enlevés.  Il  devint  possesseur  d'une  fortune 
considérable,  et  se  trouva  chargé  du  soin 
de  pourvoir  à  l'éducation  d'une  sœur  plus 
jeune  que  lui.  Il  n'était  point  encore  dans 
sa  vingtième  année  (60). 

(6g)  Sent  Alhanase  dit  (p.  795  A)  ijtie  saint  An- 
UHae  ■  apprit  point  ies  ieitres^  afin  d*evi)er  plus  sa- 
ftmeoi  1»  mauvaises  compagnies,  f n^ll  n%sl  pas 
rare  de  troever  dans  les  écoles  publiques.  Evagore 
et  d*anCfes  auteurs  rapportent  ^u'un  philos^ibe 
ajant  marqué  sa  surprise  de  ee  qa*il  pouvait  viTre 
sans  le  pbisir  que  Ton  goàte  dans  b  lecture,  il  ré- 
pomâU  qee  la  nalnre  lui  servait  de  livres  (Soceate, 
i.  I?,  c  »:  RosvEiM,  Ftf.  Pafr.,  t.  Yl,  c.  4;  saint 
XiL,  t.  1?,  p.  €0).  Il  paraîtrait  naturel  de  condnre 
ée  ces  passages  que  saint  Antoine  ne  savait  pas  lire, 
tt  saint  Augustin  a  été  de  ce  souiment,  puisque,  selon 
fan,  aocie  saint  n*avait  appris  FEcriture  sainte  qu'en 
Tcnlemlant  liie  aux  autres  (saint  Au«.,  De  doeu 
tkriêi.^  looL  III,  p.  5).  n  nous  semble  assez  |>ro- 
kaUe,  néanmoins,  que  saint  Athanase  a  voulu  sim- 
ileuicnt  marquer  que  saint  Antoine  avait  négligé 
léiode  des  sciences  de  la  Grèce,  et  de  tout  ce  que 
ToB  n  appelé  beUes-lettres  Nous  nous  fondons  sur 
(e  qu'il  affi-rroe  que  le  #2iDt  aimait  beaucoup  la  lee- 
htf>^,  soit  lorsqu  n  éta't  chez  son  père,  soit  lorsqu'il 


Six  mois  après,  Antoine  entendit  lire 
dans  réglise  ces  |iaroles,  adressées  au  jeune 
borome  de  l'Evangile  :  AlUz^  vendez  ee  que 
vous  aveXf  dannex-le  aux  pauvres^  et  vous 
aurez  un  trésor  dans  le  ciel.  {Maiih.  xix»  âl.; 
Il  s'en  6t  de  suite  rapj[)lication  à  lui-même, 
et,  de  retour  à  sa  maison,  il  atiandoona  à 
ses  voisins  environ  140  arpents  de  bonne 
terre  (70),  à  condition  qu'ils  payeraient  pour 
lui  et  sa  sœur  tous  les  impôts  publics.  Il 
vendit  le  reste  de  son  bien  et  en  distribua 
le  prix  aux  pauvres,  ne  se  réservant  que  ce 
qui  était  nécessaire  à  sa  subsistance  et  à 
celle  de  sa  sœur.  Quelque  temps  après, 
ajant  entendu  lire  dans  l'église  ces  autres 
paroles  :  Ne  soyez  poini  en  peine  du  lende- 
main {Maiih.  VI,  3fc),  il  se  dent  de  ses  meu- 
bles en  faveur  des  pauvres,  et  mit  Sà  sœur 
dans  un  monastère  de  vierges  (71),  où  elle 
devint  la  conductrice  d'un  grand  nombre 
de  personnes  de  son  sexe.  Quant  h  lui,  il 
se  retira  dans  un  désert  du  voisinage,  afin 
d*imiter  un  saint  vieillard  qui  y  vivait  en 
ermite  (72).  Là,  il  partageait  son  temps  entre 
le  travail  des  mains,  la  prière  et  la  lecture. 
Sa  ferveur  était  si  grande,  que  lorsqu'il  en- 
tendait parier  de  qùelaue  anachorète,  il 
allait  le  trouver  pour  profiter  de  ses  instruc- 
tions et  de  ses  exemples.  Ils  se  fit  une  rèsle 
de  pratiquer  tout  ce  que  pratiquaient  Tes 
vrais  serviteurs  de  Dieu  ;  voilà  ce  qui  le 
rendit  en  peu  de  temps  un  modèle  accompli 
de  toutes  les  vertus. 

Le  démon,  jaloux  des  progrès  qu'Antoine 
faisait  chaque  jour  dans  les  voies  de  la  per- 
fection, mit  tout  en  œuvre  pour  le  perdre. 
Il  lui  représenta  d'abord  toutes  les  bonnes 
œuvres  qu'il  eût  pa  faire  dans  le  monde 
par  le  moven  de  ses  richesses,  et  les  diffi- 
cultés qu'il  aurait  à  surmonter  dans  la  soli- 
tude; artifice  qu'il  a  coutume  d'employer 
quand  il  vent  dégoûter  une  âme  de  l'état 
auquel  Dieu  l'appelle.  Cette  première  at- 
taque ne  lui  ayant  pas  réussi,  il  tourmeoti 
le  saint  nuit  et  jour  par  des  pensées  con- 
traires à  la  pureté.  Mais  le  jeune  ermite 
triompha  de  cette  tentation  par  une  exacte 
vigilance  sur  ses  sens,  par  des  jeûnes  ri- 
goureux,  par  l'humilité  et  la  prière.  Le 

vivait  seni  (Atha5.,  p.  795,  B,  p.  97).  Si  Ton  ré- 
pond qu*U  s  agît  senlement  de  la  lecnire  qve  fTao- 
très  loi  faisaient,  nous  demanderons  par  qui  il  se 
faisait  lire  quand  il  était  seul  (  Vvyex  Rosweioc,  nef. 
in  Vit,  sancti  Aiitonii;Bollandas,  17  januar,  p.  119, 
S4;  TiLLEMOsiT,  noc  1,  p.  666;  Godescaid). 

(69)  La  vie  de  saint  Antoine,  résumant  ceHe  des 
ascètes  de  la  primitive  Eglise,  ne  pouvait  manquer 
de  prendre  place  dans  notre  DUtiotinaire. 

(76)  Le  texte  dit  trois  cent  arurss,  Varura  conte- 
nait cent  coudées,  c'est-à-dire,  environ  la  moitié 
d'un  arpent  (Voyei  le  Lexieom  de  Cotutaniin^  et 
Flecbi ,  L  VUI,  p.  418). 

(71)  C^est  la  première  fois,  selon  la  plupart  des 
modernes,  qu*il  est  parlé  dans  THistoire  ecdësiastî- 
que  d*un  monastère  de  filles. 

(72)  On  voit  que  la  vie  ascétique  chez  les  Cbré* 
tiens  est  antérieure  à  saint  Antoine;  Cassien  fait 
remonter  à  saint  Marc  Tinstitution  de  la  vie  reli- 
gieuse dans  les  déserts  de  TEgypte. 


DICTIONNAIRE 


djiDoa  revint  encore  k  la  charge;  il  se  ser-  j'étais  auprès  de  toi  ;  j*ai  él6  speclaïuur  de 
vit  du  piège  de  Ia  raine  gloire*  il  prit  les  combats,  cl  parce  que  lu  as  résista 
diveraes  formes  pour  séduire  on  pour  épou-     courageusemenl  h  tes  ennemis,  je  le  prolé- 


vaoler  Anloine.  Ses  roses  n'eurent  poinl 
l'effet  qu'il  en  attendait;  il  fut  toujours 
Taincu,  il  fut  même  forcé  d'arouer  sa  dé- 
faite. Antoine,  averti  par  le  danger  au'il 
avait  couru,  redoubla  ses  nustériles.  Il  ne 
prenait  pour  toute  nourriture  qu'un  peu  de 


gérai  pendant  le  reste  de  ta  vie,  etjeren- 
(irai  ton  nom  célèbre  sur  la  terre.  ■  A  co 
mots  le  saint,  rempli  de  conâolalion  etdt 
force,  se  lève  pour  témoigner  sa  recoDnaii* 
sancc  à  son  libérateur. 
Depuis  sa  retraite,  saint  Anloine  aviil 


nain  et  de  sel,  et  ne  buvait  jamais  que  do  demeuré  dans  dos  lieux  solitaires  neii  éloi- 
l'eau.  Une  faisait  par  jourqu'un  seul  renas,  gnésdcsa  patric(73);  mnis,  ftl'^gedstreDl»- 
et    toujours   après    le    coucher  du    soleil,     cinq  ans,  il  résolut  de  s'enfoncer  davanlags 


Quelquefois  il  gardait  une  abstinence  totale  dans  le  désert.  Il  passa  donc  le  brasorieiH 

pendant  deux  et  même  quatre  jours.  Sou-  lai  du  Nil  ;  puis,  s'étant  retiré  sur  le  somiDït 

Tent  il  passait  la  nuit  sans  dormir;  et  le  d'une  montagne,  il  s'y  renferma  dam  on 

peu  qu'il  accordait  h  la  nature,  il  le  preuatt  vieux  château,  où  il   vécut  dans  une  telle 

ou  sur  une  simple  natte  de  jonc,  on  sur  un  séparation  du  monde,  pendant  près  de  viogl 

ciljca,  ou  sur  la  terre  nue.  EnGn  il   em-  ans,  qu'il  ne  voyait  guère  que  celui  qui  loi 

ployait  tons  les  moyens  pro|)res  h  chAlier  apportait  du  pain  de  temps  en  temps, 
son  corps  et  ï  le  soumetire  parfaitement  i        Cependant  le  bruit  de  sa  sainteté  attinit 

la  loi  de  l'esprit.  auprès  de  lui  un  grand  nombre  de  disciplej. 

Le  désir  d'une  solitude  plus  entière  porta  Use  rendit  k  la  longue  au  désir  qu'ils  avaient 

notre  saint  à  se  retirer  dans  un  vieux  se-  de  vivre  sous  sa  conduite  ;  )i   deHeodil 

pnicre,  où  an  de  ses  amis  lui  portait  du  donc  do  sa  montagne  vers  l'an  305,  et  fooda 

pain  de  temps  en  temps.  Dieu  permit  encore  le  monastère  de  Phaium  (7^.  La  dissipation 

au4  le  démon  vint  l'y  attaquer.  Il  ticha  occa-iionnée  par  cette  entreprise  fut  somo 

'abord  de  l'effrayer  pr  un  horrible  fracas,  d'une  tentation  de  désespoir;  mais  il  s'en 

It  le  battit  même  un  jour  si  rudement,  qu'il  délivra  par  des  prières  ferventes  et  par  une 

le  laissa  tnut  couvert  de  blessures  et  k  demi-  forte  application  au  travail  des  mains.  Sa 

mort,  il  fut  trouvé  dans  cet  état  par  l'ami  nourriture,  dans  ce  nouveau  genre  de  i\i, 

charitable  qui  pourvoyait  à  sa  subsistance,  consistait  en  six  onces  de  pain  trempé  dans 

A  peine  eut'il    repris  ses   sens,   qu'avant  l'eau  et  un  peu   de   set  ;   il  y  ajoulail  île 

mdme  de  se  ri'levur,  il  cria  aux  démons  :  temps  en  temps  quelques  dattes.  Ce  De  fui 

«  Eh  bien,  me  voilà  encore  prêt  k  combat-  oue  pendant  sa  vieillesse  qu'il  usa  d'un  peu 

tre.  Non,   rien  ne  sera  capable  de  me  sépa-  o'huile.  Souvent  il  passait  trois  ou  qualto 

rer  de  Jésus-Christ,  mon  Seigneur.  »  Les  iours  sans  prendre  aucune  sorte  de  nourri- 

esprit's  des  ténèbres  acceptent  aussitôt  le  ture.  Do  cilice  lui  servait  de  tunique;  il 

défi.  Us  redoublent  leurs  efforts,  poussent  poriait  par-dessus  un  manteau  faii  de  peam 

des  rugissements  épouvantables,  et  se  re-  de  brebis,  attactté  avec  une  ceinture.  Dci 

vêlent  des  formes  les  plus  hideuses  elles  austériiésiiussirigoureusesnerempéchaient 

plus  effrayantes.  Cependant  Antoine  reste  pas  de  parattie  robuste  et  content.  Son  plut 

inébranlable,  parce  qu'il  met  en  Dieu  toute  grand  plaisir  était  de  vaquer  dans  sa  «Hua 

sa  conSance.  Un  rayon  do  lumière  céleste  aux  exercices  de  la  prière  et  de  la  conleœ- 

descend  aussilât  sur   lui,  et  les  démons  plalinn.  Eiant  à  table  avec  ses  frères,  il  Inî 

prennent  honteusement  la  fuite.  ■  Où  étiez-  arrivait  souvent  de  fondre  en  larmes,  et  de 

vous  donc,  mon  Seigneur  et  mon  Maître  T  sortir  sans  avoir  rien   pris,  tant  était  tits 

s'écria-l-il  alors.  Que  o'ètiei-vous  ici  dès  le  l'impression  que  faisait  sur  lui  la  pensée  il» 

commencement  du  combat  T  Hélas  I  vous  bonheur  des  saints,  qui  n'avaient  dans  1c 

auriez  essuyé  mes  larmes  et  calmé  mes  ciel   d'autre   contemplation  que  relie  d* 

peines  1  >  Cne  voix  lui  répondit  :  <  Antoine,  louer  Dieu  continuellement  (75)-  De  11  ce 


f73)  Saint  Antoine  mena  la  vie  des  Atcita,  tant 

S  lit  resta  dans  !■'  i'>i~în;i^<- Jr  rniin!,  sa  patrie, 
ais,  au  rapport  de  s.iint  AiIkiii.-i>i'.  jI  -iirpassa  tous 
lesiutrcfi  parureiM'iiri'i  ^s  nii'^i  riu^.  Son  éloi- 
gnemcnt  oes  lieui  lr;<l>ii<'s,  h  l«' iti mi  de  viequ'il 
embrassa ensuilediiii-^  li's 'tc^^ri^  trAr~inoé,  etc.,  le 
rendirent  te  Père  et  i  in-iii'ii'fir  Ar  !.i  vie  monasti- 
que et  cénobititjuc.  l'ii  '■■•  ••i-u-..  .m  rimliis,  qs'il  ré- 
gubrisa  celle  tnslitut:»])  (V.  ijii.  Mji.ies).  Il  y 
avait  des  ascètes  parmi  les  andens  Juifs,  tels  furent 
les  Naiaréens  perpétneb,  comme  Samson;  les  flis 
des  propliètes  (saint  Hiei.,  ep.  13,  ad  Paulin.  ;  saint 
r.iiF.G.  Naz.,  Carm.,  S,  ad  tirgin.,  p.  58),  et  les  Ihé- 
ripcntes  dont  parle  Pliilon,  quoique  cei  derniers, 
selon  certains  auteurs,  paraissent  avoir  été  des 
Chrélims.  au  molni  en  partie,  comme  nons  l'assu- 
rent Ensébe  (But.,  t.  Il,  c.  17),  ei  saint  Jéhohe 
tCatat.  tir.  illuitr.).  Nons  trouvons  dea  modèles  de 
l*  vie  ascétique  dam  celle  de  saint  Jean-Baptiflie. 
dans  celle  des  premiers  Chrétiens  à  Jérusalem,  cl 


dans  celle  des  disciples  de  saint  Hart  1  AleuDdne 
(  Voir  Ascètes). 

(74)  Ce  monasiére,  qui  nt  le  premier  de  sûil 
Antoine,  ne  fol  d'atwrd  composé  que  de  qidqM> 
ceUutes  éparses  ci  et  U.  Il  n>uil  ptt&mpéiilt 
h»le  Emie,  etde  l'Egypte  da  miliea.  QodqMmi 
it  est  designé  soos  le  nom  de  Mimiutin  r<*.  " 
IkuM,  et  on  le  met  à  peu  de  distance  d'Aphrodiir. 
dans  l'Heptamone,  ou  l'Ëgvptc  du  milieu,  l*  ^ 
d'A^ilirodite,  dont  il  s'agit  ici,  était  la  plas  Imm  rt 
la  pfas  ancienne  de  ce  nom.  Saint  Aihanaw  »■>* 
placer  le  même  monasiére  dans  la  Tbéhiide,  w 
Uaute-lil^-pie,  sans  doute  parce  aa.'U  était  voi»" 
des  frontières  de  celle  contrée.  D'auleurs,  «putiidM 
ne  divisaii  l'Egypte  qu'en  bute  el  ixsse,  cmm 
pinsieurs  l'ont  laii,  les  frontières  de  la  ptww" 
avaicnl  licaucoiip  plus  d'étendue.  ,, 

(75)  Saint  Atuhise,  VU.  5.  Aulm.,  u*  *>< 
pagefoo. 


Î73 


AXT 


D'ASCETISME. 


ANT 


87  i 


zèle  à  recommander  à  ses  disciples  de  donner 
au  soin  de  leur  corps  le  moins  de  temps 
•possible,  afin  qu'il  leur  en  restât  davantage 
pour  louer  et  adorer  les  grandeurs  dirines. 
Il  était  pourtant  bien  éloigné  de  croire  que 
la  perfection  cousistAt  dans  la  seule  morlifih 
cation  du  corps;  persuadé  que  les  meilleures 
œuvres  ne  sont  rien  sans  la  charité ,  il  s'ap- 
pliquait à  en  allumer  de  plus  en  plus  le  feu 
dans  son  ime. 

Quelles    instructions  un  tel  maître    ne 
devait-il  pas  donner  à  ses  disciples?  Voici 

ÎnelquesHines  des  maximes  qu'il  ne  cessait 
e  leur  répéter  :  c  Que  le  souvenir  de  Téter^ 
nité,  disait-il,  ne  sorte  jamais  de  votre 
esprit.  Pensez  tous  les  malins  que  peut-être 
TOUS  ne  vivrez  pas  jusqu'à  la  lin  du  jour; 
pensez  tous  les  soirs  que  peut-être  vous 
oe  verrez  pas  le  lendemain  matin.  Faite» 
chacune  de  vos  actions  comme  si  elle  devait 
être  la  dernière  de  votre  vie,  c'est-k-dire 
avec  toute  la  ferveur  et  1  esprit  de  piété  dont 
vous  êtes  capables.  Veillez  sans  cesse  contre 
les  tentations,'  et  résistez  courageusement 
aux  efforts  du  démon  ;  cet  ennemi  est  bien 
faible  quand  on  sait  le  désarmer.  11  redoute 
lejeûae,la  (Rière,rhumilité  et  les  bonnes 
œuvres;  quoique  je  parle  contre  lui,  il  n'a 

BIT  la  force  de  me  fermer  la  bouche.  Il  ne 
ut  que  le  signe  de  la  croix  pour  dissiper ^es 
prestiges  et  ses  illusions  (76).  Oui,  ce  signe 
de  la  croix  du  Sauveur,  qui  Ta  dépouillé  de  sa 
naissance,  suffit  pour  le  taire  trembler  (77).  » 
Le  saint  fortifiait  ces  dernières  instructions 
par  le  récit  des  divers  assauts  qui  lui  avaient 
été  livrés  par  le  démon. 

«  Cest  par  la  prière,  aioutait-il,  que  j*ai 
triouiphé  de  tous  ses  pièges.  11  me  dit  un 
îoor,  après  s'être  transformé  en  ange  de 
lumière  :  Antoine,  demandez  ce  que  vous 
Tondrez,  je  suis  la  puissance  de  Dieu.  Mais 
je  n*eus  pss  plutôt  invoqué  le  nom  de  Jésus, 
qu'il  disparut.  »  Le  saint  avait  merveilleu- 
sement le  don  de  discerner  les  esprits.  Voici 
la  r^e  qu'il  donnait  à  ses  disciples  sur  ce 
sujet  (78).  «  La  vue  des  bons  anges,  disait-il. 
D'apporté  aucun  trouble  ;  leur  présence  est 
douce  et  tranquille;  elle  comble  TAme  de 
joie,  et  lui  inspire  de  la  confiance.  Ils  font 
concevoir  un  «tel  amour  des  choses  divines, 

Îtt'on  voudrait  quitter  la  vie  pour  les  suivre 
anf  la  bienheureuse  éternité.  Au  contraire, 
l'apparition  des  mauvais  anges  remplit  de 
trouble.  Ils  se  présentent  avec  bruit;  ils 
jettent  TAme  dans  une  confusion  de  pensées, 
ou  dans  une  frayeur  qui  la  déconcerte.  Ils 
dégoûtent  de  la  pratique  des  vertus,  et  ren- 
deot  Tâme  inconstante  dans  ses  résolu- 
lions.  » 

Pendant  qu'Antoine  était  ainsi  occupé, 
dans  la  solitude,  de  sa  propre  sanctification 
et  do  celle  de  ses  disciples,  l'Eglise  se  vit 
attn«|uée  par  llaximin,qui  ralluma  le  feu  de 
la  fiersécution  en  311.  L  espérance  de  verser 

(76)  Pag.  814. 

(77)  Ceue  règle  a  reçu  de  justes  louanges  da 
rarJiaal  Booa»  et  de  tous  ceux  qui  ont  bien  écrit 
sur  le  diseememeot  des  esprits. 

(78;  Pag.  825,  édit.  Ben. 


son  sang  pour  Jésns-Clirist  l'engagea  k  sortir 
de  son  monastère.  11  prit  la  route  d'Aleian- 
drie,  afin  d'aller  servir  les  Chrétiens  renfer- 
més dans  les  prisons,  et  condamnés  à  travail- 
ler aux  mines.  11  les  engageait  tous  h  rester 
inébranlables  dans  la  confession  de  la  foi, 
et  cela  jusque  devant  les  tribunaux^  et  dans 
les  lieux  où  se  faisaient  les  exécutions.  11 
portait  publiquement  son  habit  monastique, 
sans  craindre  que  le  ju{;e  le  reconnût.  11  ne 
voulut  pourtant  point  imiter  l'exemple  de 
ceux  qui  se  livraient  eux-mêmes  aux  tjrans, 
parce  qu'il  savait  qu'on  ne  peut  asir  ainsi 
sans  une  inspiration  particulière  uo  Dieu. 
Là  persécution  ayant  cessé  l'année  suivante, 
il  retourna  dans  son  monastère,  résolu  d'v 
vivre  plus  que  jamais  dans  une  entière  sù- 
paration  du  monde.  Ce  fut  ce  qui  le  porta  k 
laire  murer  la  porte  de  sa  cellule.  11  en  sortit 
néanmoins  quelque  temps  après,  et  quitta 
la  contrée  où  étaient  ses.  premiers  monastè- 
res, que  saint  Athanase  appelle  le$  Manoê^ 
lires  m  dekorê.  Ils  étaient  aux  environs  de 
M  emphis,  d'Arsinoé,  de  Baby  looeet  d'Aphro- 
dite (79).  Le  nombre  des  solitaires  de  co 
premier  désert  de  saint  Antoine  s'accrut 
prodigieusement  ;  et  Rufin,  en  parlant  de 
saint  Sérapion  d*Arsinoé,  peu  après  la  mort 
de  saint  Antoine,  dit  qu'il  était  supérieur 
de  dix  mille  moines,  il  qoute  qu  on  ne 
pouvait  presque  compter  ceux  qui  habitaient 
les  solitudes  de  Memphis  et  de  ftabylone.  Do 
ces  solitaires,  les  uns  vivaient  ensemble  et 
formaient  des  corps  de  communautés.  Les 
autres  menaient  la  vie  anachorétiqoe  dans 
des  cavernes  séfiarées.  Saint  Athanase,  qui 
les  visita  souvent,  n'en  parle  qu'avec  des 
transports  d'admiration. 

«  Il  y  a,  dît-il,  des  monastères  qui  sont 
comme  autant  de  temples  remplis  de  per- 
sonnes dont  la  vie  se  passe  à  chanter  des 
psaumes,  h  lire,  à  prier,  k  jeûner,  à  veiller; 
qui  mettent  toutes  leurs  espérances  dans  les 
biens  à  venir,  qui  sont  unies  par  les  liens 
d'une  charité  aamirable,  et  qui  travaillent 
moins  pour  leur  propre  entretien  que  pour 
celui  des  pauvres.  C'est  comme  une  vaste 
région  absolument  séparée  du  monde,  et 
dont  les  heureux  habitants  n'ont  d'autre 
soin  que  celui  de  s'exercer  dans  la  justice 
et  la  piété.  >  Tous  ces  solitaires  étaient 
conduits  par  le  grand  saint  Antoine,  qui  no 
cessait  d  animer  leur  ferveur  par  sa  vigi- 
lance, ses  exhortations  et  ses  exemples.  Et, 
quoiqu'il  eût  établi  des  supérieurs  subal- 
ternes, il  ne  laissa  pas  de  conserver  toujoucs 
sur  eux  une  surintendance  générale,  mémo 
après  qu'il  eût  changé  de  demeure. 

Cependant  le  saint,  après  avoir  recom- 
mandé à  Dieu  ses  disciples,  résolut  de  pé- 
nétrer plus  avant  dans  les  déserts,  afin  d*j 
vivre  plus  éloigné  du  commerce  des  hommes, 
et,  pour  ainsi  dire,  seul  avec  Dieu  seul.  Par 
là  il  se  préservait  encore  de  la  tentation  de 

<79)  C*est-à-dire,  dans  les  déserts,  situés  autour 
de  la  moougne,  où  était  le  vieux  château  quil 
avaii  habité,  el  d'où  il  était  sorti  pour  fonder  ci 
gouverner  ces  monastères. 


1 


275 


ANT 


DICTIONNAIRE 


ANT 


!76 


la  vanité,  qu'il  craignait  extrômomont.  H 
se  détermina  donc  à  s  ^  retirer  dans  un  lieu 
de  la  haute  Egypte,  où  il  n'y  avait  aue  des 
hommes  sauvages.  Etant  arrivé  sur  le  bord 
du  Nil,  il  5*arrèta  dans  un  lieu  commode» 
attendant  qu'il  passât  un  bateau  sur  lequel 
il  pût  remonter  le  fleuve  vers  le  sud.  Mais, 
par  une  inspiration  particulière  de  Dieu,  il 
cliangea  de  dessein  ;  et  au  lieu  do  s'avancer 
v^rs  le  sud,  il  se  joignit  k  quelques  mar- 
chands arabes  quiailaient  vers  la  mer  Rouge, 
du  c6téde  l'Orient.  Enfin,  ayant  marché  trois 
jours  et  trois  nuits  porté  apparemment  sur 
un  chameau,  il  gagna  le  lieu  où  le  ciel 
voulait  qu'il  fixflt  sa  demeure  nour  le  reste 
de  ses  jours.  C'était  le  mont  Coizin,  ({u'on  a 
depuis  nommé  le  mont  Saint- Antoine,  et 
qui  n'est  qu'à  une  journée  de  la  mer  Rouge. 
Au  bas  est  un  ruisseau  sur  le  bord  duquel 
on  voit  un  grand  nombre  de  palmiers,  qui 
contribuent  beaucoup  à  rendre  ce  lieu  com- 
mode et  agréable.  Cette  montagne  était  si 
haute  et  si  escarpée,  qu*on  ne  pouvait  la 
regarder  sans  frayeur;  on  la  découvrait  du 
Nil,  quoiqu'il  y  eût  trente  milles  ou  douze 
lieues  (80),  à  l'endroit  où  elle  en  était  le 
plus  proche.  Saint  Antoine  s'arrêta  au  pied 
de  cette  montagne,  et  fixa  sa  demeure  dans 
une  cellule  si  étroite,  qu'elle  ne  contenait 
en  carré  qu'autant  d'espace  qu'un  homme 
en  peut  occuper  en  s'étendant. 

Il  y  avait  aeux  autres  cellules  toutes  sem- 
blables, taillées  dans  le  roc,  sur  le  sommet 
de  la  montagne,  où  Ton  ne  montait  que  très- 
difficilement,  par  un  petit  sentier  fait  en 
forme  de  limaçon.  Le  saint  se  retirait  dans 
l'une  de  celles-ci,  lorsqu'il  voulait  se  déro- 
ber à  la  presse  ;  car  il  ne  put  rester  long- 
temps.inconnu.  Ses  disciples  le  découvrirent 
i  la  fin,  après  beaucoup  de  recherches,  et  se 
chargèrent  du  soin  de  lui  procurer  du  pain  ; 
mais  il  voulut  leur  épargner  cette  peine.  Il 
les  pria  donc  de  lui  apporter  une  bêche,  une 
cognée,  et  un  peu  de  blé  qu'il  sema,  et  qui 
lui  rapporta  suffisamment  de  quoi  se  nour- 
rir. Sa  joie  fut  extrême  quand  il  vit  qu'il  n'é- 
tait plus  à  charge  à  personne. 

Quelque  désir  qu'il  eût  de  vivre  dans  la 
retraite,  il  ne  put  résister  aux  instances 
qu'on  lui  fit  d'aller  visiter  ses  premiers  mo- 
nastères. Il  y  fut  regu  a?ec  les  démonstra- 
tions de  la  joie  la  plus  vive.  Ses  discours 

(80)  Saint  Antoine  passa  les  dernières  années  de 
sa  vie,  et  moumt  sur  sa  montagne.  Il  est  dit,  dans 
la  vie  de  saint  Hilarlon,  qu'un  diacre  d* Aphrodite, 
nommé  Baisan,  louait  des  chameaux  à  tous  ceux 
qui  avaient  envie  de  visiter  notre  saint,  et  qu^il  y 
avait  trois  journées  de  chemin  à  faire  pour  gagner 
sa  montaffne;  encore  tallait-il  que  ces  animaux 
-allassent  fort  vite.  Le  monastère  de  saint  Antoine, 
fondé  sur  cette  montagne,  a  toujours  été  célèbre 
dq[)uis  par  un  grand  nombre  de  pèlerinages 
(Voyez  leg  Commeniaireê  de  Kocher  sur  le$ 
fa$tes  des  AbysiitUt  dans  le  Journal  de  Berne^ 
an  1761,  t.  1«%  p.  160  et  169).  On  voit  encore  un 
peu  au-dessus  de  Tancienne  ville  d'Aphrodite,  sur 
le  bord  du  Nil,  un  monastère  dont  saint  Antoine  est 
patron.  On  l'appelle  dans  le  pays  der  Mar.  Aitlo- 
titous  êl  bahf.^  c'est-à-dire,  le  monastère  de  saint 
Antoine  sur  le  fleuve  {Voyez  Pococke,  p.  70,  avec  ta 


inspirèrent  à  ses  disciples  une  nouvelle  ar* 
deur  de  croître  en  vertu  et  en  sainteté.  Ce 
fut  dans  ce  même  voyage  qu'il  visita  sa  sœur, 
supérieure  d*une  communauté  de  vierges, 
qu  elle  édifiait  par  rexem|)le  de  tontes  les 
vertus.  Après  avoir  satisfait  à  ce  devoir  de 
cliarité,  il  reprit  la  route  de  sa  montagne. 
Les  solitaires  et  les  personnes  affligées  Te- 
naient de  toutes  parts  le  consulter.  Il  don- 
nait aux  uns  des  avis  salutaires,  et  obtenait, 
par  ses  prières,  des  miracles  du  ciel  en  fa- 
veur des  autres.  Nous  apprenons  de  saint 
Atbanase  qu'il  guérit  un  nommé  Fronton, 
de  la  famille  de  l'empereur,  d'une  maladie 
si  extraordinaire,  qu*il  se  coupait  la  langue 
avec  les  dents.  Il  rendit  la  santé  h  une  fille 
paraljliaue  et  à  plusieurs  autres  malades.  Si 
quelqueiois  Dieu  n'accordait  pas  è  ses  priè- 
res la  guérison  des  malades,  il  se  soumet- 
tait à  la  volonté  du  ciel,  et  exhortait  forte- 
ment les  autres  à  faire  la  môme  chose.  Sou- 
vent il  les  envoyait  à  d'autres  solitaires, 
afin  qu'ils  obtinssent  parleurs  prières  ce  qui 
avait  été  refusé  aux  siennes.  «  Je  leur  suis 
bien  inférieur  en  mérite,  disait-il,  et  je  m'é- 
tonne qu'on  vienne  me  trouver,  tandis  qu'on 
pourrait  s'adresser  à  eux.  » 

Le  lieu  de  la  retraite  du  saint  ayant  élé 
découvert,  comme  nous  l'avons  dit,  plusieurs 
de  ses  disciples  se  rendirent  au[)rès  de  lui; 
mais  ils  ne  purent,  malgré  l'envie  qu'ils  en 
avaient,  obtenir  de  lui  la  permission  de  s'é- 
tablir sur  sa  montagne.  Ils  bAtirent  donc, 
avec  son  consentement  et  par  son  avis,  le 
monastère  de  Pispir  ou  Pispiri  (81).  Ce  mo- 
nastère» peu  éloigné  du  Nil,  et  peut-être  sur 
le  bord  de  ce  fleuve,  était  du  c6té  de  Torient, 
et  à  douze  lieues  de  la  montagne  du  saint. 
Macaire  et  Amathas  y  restèrent  iusqu'ao 
temps  où  ils  demeurèrent  auprès  du  saint, 

Fiour  le  servir  dans  son  extrême  vieillesse. 
I  s'y  forma  une  communauté  aussi  nom- 
breuse que  dans  les  déserts  d'au  delà  du  Nil. 
On  dit  qu'après  la  mort  du  saint  patriarche, 
Hacaire  y  eut  sous  sa  conduite  jusqu'à  cinq 
mille  moines.  Dans  la  suite,  Amathas  etPi- 
thirion  gouvernèrent  aussi  un  grand  nombre 
de  moines,  qui  habitaient  dans  des  cavernes, 
sur  la  montagne  même  du  saint.  Il  y  atail 
beaucoup  de  ces  cavernes,  à  cause  de  la 
quantité  de  [>ierres  qu'on  avait  tirées  pour 
la   construction  des   pyramides  d'Egypte. 

carte  quMl  a  mise  à  la  tète  de  cette  partie  de  ses 
voyages ,  ibvà, ,  p.  128  ;  Changer  ,  Relatm  dt 
voyage^  etc.,  p.  107  ;  Nouveaux  tném.  de*  miistaitft 
tome  V,  p.  156;  Maillet,  DescripL  de  CEq^^ 
p.  320,  etc.). 

(81)  Quelqaes-uns  appellent  saint  Antoine  fon- 
dateur du  mouastère  de  Pispir;  d'autres  dooneat 
ce  titre,è  Macaire,  son  disciple,  qui  en  eut  la  coo- 
duite.  Pispir  était  situé  sur  le  bord  du  Nil,  dans  la 
Thébaide.  Pallade  (Latia,  c.  63),  le  met  à  irenie 
ffnfaûc  de  la  montagne  de  Saiut-AntoÎDe.  Les  cnti- 
ques  sont  partagés  sur  les  mesures,  appelées  eo 
grec  êemeia.  Les  uns  lès  entendent  des  milles  ro- 
mains, les  autres  des  schœnei  égyptiens,  dont  clia; 
cun  était  de  30  stades.  Pispir  devait  être  fort  éloi- 

fné  des  premiers   monastères  de  saint  Anloiw 
Voyez  Kocher,  ioc.  cit.). 


•n 


ANT 


DÀSCËTtSME. 


AMT 


SIS 


Saint  Aotoine  était  trop  éloi^é  de  ses  pre- 
miers disciples  pour  les  visiter  souvent; 
mais  il  ne  négligeait  pas  pour  cela  leurs  be- 
soins spirituels.  Outre  les  instructions  |)ar- 
timlièrâs  qaMl  donnait  à  ceux  qui  venaient 
la  visiter  de  temps  en  temps,  il  leur  écrivait 
encore,  comme  nous  rapprenons  de  saint 
JéfOme.  Quant  au  monastère  de  Pispir,  qui 
éiait  plus  près»  il  j  allait  fréquemment.  Ce 
fut  là  qu'il  confondit  les  philosophes  et  les 
sophistes  qui  voulurent  disputer  avec  lui. 
Celait  lA  aussi  qu'il  instruisait  les  étran- 
gen$,  surtout  les  grands,  qui  ne  pouvaient 
arec  leur  suite  gagner  le  haut  de  la  monta- 
gne. Macaire,  son  disciple,  chargé  de  rece- 
Toir  les  étrangers,  Tinformait  de  ce  dont 
voulaient  lui  parler  ceux  qui  demandaient  à 
l'entretenir.  Ils  étaient  convenus  entre  eux 
d'appeler  Egyptitns  les  personnes  du  monde, 
HJérosolymitaini  celles  qui  faisaient  pro- 
fessioD  d'une  rare  piété.  Ainsi,  lorsque  Ma- 
caîre  disait  A  son  mattre  que  les  lérosoljmi- 
ittios  étaient  venus  pour  le  visiter,  il  s'as- 
sejait  avec  eux  et  leur  parlait  des  choses  de 
Dieu;  s'il  lui  disait  au  contraire  que  c'était 
des  E^pticDs,  il  se  contentait  de  leur  faire 
une  petite  exhortation,  après  laquelle  Ma- 
eaire  les  entretenait  et  leur  préparait  des 
lentilles.  Dieu  lui  ayant  un  jour  fait  voir 
toute  \a  surface  de  la  terre  tellement  cou- 
verte  de  pièges,  qu'il  était  presque  impossi- 
ble de  Cure  un  pas  sans  y  tomber,  il  s'écria 
tout  tremblant  ;  «  Qui  pourra  donc,  Seign.eur, 
éviter  le  danger?  »  Une  voix  Jui  répondit 
aussitôt  :  «  Ce  sera  l'homme  vraiment  hum- 
ble (81*).  » 

Antoine  était  assurément  dans  le  cas  de 
oe  rien  craindre,  car  il  se  regardait  toujours 
comme  le  dernier  des  hommes  et  comme  le 
rebut  du  monde.  11  écoutait  et  suivait  les 
avis  qai  lai  étaient  donnés  par  toutes  portes 
da  personnes  ;  ses  leçons  sur  l'humilité 
étaient  anssi  admirables  que  son  exemple. 
U  disait  A  son  disciple  :  «  Lorsque  vous  gar- 
dez le  silence,  ne  vous  imaginez  pas  pour 
cela  faire  an  acte  de  vertu;  mais  reconnais- 
sez plutôt  que  vous  n'êtes  pas  digne  de  par- 
ler. 9 

Aotoine  avait  auprès  de  sa  cellule  un  petit 
jardin,  qu'il  cultivait  de  ses  propres  mains. 
Il  en  tirait  de  quoi  procurer  quelques  ra- 
fraîchissements aux  personnes  qui,  pour  ar- 
river jusqu'A  lui,  étaient  obligées  de  traver- 
ser avec  beaucoup  de  fatigues  un  vaste  dé- 
sert. La  culture  de  son  jardin  n'était  pas  le 
seul  travail  auquel  il  s'occupait  ;  il  faisait 
encore  des  nattes.  Un  jour  qu'il  s'affligeait 
de  ne  pouvoir  se  livrer  avec  une  continuité 
tssidue  au  saint  exercice  de  la  contempla- 
tiiin,  il  eut  la  vision  suivante  :  un  ange  lui 
apparut;  cet  esprit  céleste  se  mit  à  faire  une 
natte  avec  des  feuilles  de  palmier,  et  il  quit- 
tait de  temps  en  temps  son  ouvrage  pour 
s'entretenir  avec  Dieu  dans  l'oraison.  Après 

(SI*)  RoswEiDc,  t.  111,  c.  129;  Cotbl,  etc 
(82]  Saint  Nu.,  ep.  24;  Cotel,  Apophth.  Patr.^ 
p.  34è;  RoftWEiDE,  t.  m,  c.  105;  t.  V,  c.  7. 
(85)  pALLAa.,  Laui, 
(84>  Cassun.,  Collât.  9,  cap.  5!, p.  495. 


avoir  ainsi  entremêlé  plusieurs  lois  ie  tra* 
vail  et  la  prière,  il  dit  au  saint  :  «  Faites  la 
môme  chose,  et  vous  serez  sauvé  (8S).  » 
Antoine  n'omit  jamais  cette  pratique,  et  il 
tint  toujours  son  cœur  uni  à  Dieu  pendant 
que  ses  mains  travaillaient.  Qu'on  ju^e  de 
la  ferveur  de  ses  prières  et  de  la  sublimité 
de  sa  contemplation  par  ces  traits  1  II  se  le- 
vait à  minuit,  priait  à  genoux,  les  mains  r 
levées  au  ciel,  jusqu'au  lever  du  soleil,  et 
souvent  jusqu'à  trois  heures  après  midi  (83). 
Quelqueiois  il  se  plaignait  de  ee  que  le  re- 
tour de  l'aurore  le  rappelait  à  ses  occupa- 
tions journalières  ISk).  «  Qu'ai-je  affaire  de 
ta  lumière,  disait-il  au  soleil,  lorsqu'il  com- 
mençait k  paraître,  pourquoi  viens-tu  me 
distraire?  pourquoi  ne  te  lèves-tu  que  pour 
m'arracberè  là  clarté  de  la  véritable  lumière?  » 
Cassîen,  qui  rapporte  ce  trait,  ajoute  que, 
pendant  l'oraison,  il  disait  que  celle  d'un 
religieux  n'était  pas  parfaite  lorsqu'en . 
priant  il  s'apercevait  lui-même  qu'il  priait  : 
ce  qui  fait  voir  combien  sou  oraison  était 
sublime. 

Les  visions  dont  nous  avons  déjà  parlé  ne 
furent  pas  les  seules  dont  Dieu  favorisa  son 
serviteur.  Il  lui  découvrit,  sous  la  figure  de 
mulets  qui  renversaient  l'autel  à  coups  de 
pieds,  les  horribles  ravages  que  les  ariens 
causèrent  deux  ans  après  dans  la  ville  d'A- 
lexandrie. Et  de  çraves  auteurs  (85)  nous 
assurent  qu'il  prédit  clairement  les  excès 
auxquels  la  fureur  de  ces  hérétiques  se 
porta.  U  détestait,  en  général,  tous  les  en- 
nemis de  l'Eglise;  il  les  chassait  de  sa  mon- 
tagne,en  les  traitant  de ierpentê  venimeux ^9ê)f 
et  jamais  il  ne  leur  parlait,  à  moins  qu'il  ne 
fût  question  de  les  exhorter  k  rentrer  dans 
l'unité. 

Plusieurs  évoques,  persuadés  que  per^ 
sonne  n'était  plus  propre  que  notre  saint  à 
confondre  lus  ariens ,  l'engagèrent,  vers 
l'an  355,  à  faire  un  vojage  à  Alexandrie.  11 
se  rendit  à  leurs  sollicitations.  A  peine 
fut- il  arrivé  dans  cette  ville,  qu'on  l'enten- 
dit prêcher  hautement  la  foi  catholique.  IL 
enseignait  que  le  Fils  de  Dieu  n'était  point 
une  simple  créature,  mais  qu'il  était  consubs- 
tantiel  au  Père  :  «  U  n'appartient,,  disait-il, 
qu'aux  sectateurs  impies  d'Anus  de  le 
traiter  de  créature.  Aussi  ne  diffèrent-ils 

f»as  des  païens,  qui  rendaieni  un  culte  sacri- 
ége  à  la  créature^  au  lieu  d^adorer  le  Créateur. 
Tout  le  monde  s'empressait  d'aller  le  voir  et 
de  l'entendre.  Les  idolâtres  partageaient  cet 
empressement  avec  les  Gnrétiens.  Nou$ 
voulons  voir  Vhomme  de  Dieu,  disaient-ils. 
Il  j  en  eut  plusieurs  d'entre  eux  qui,  frap- 
pés de  ses  discours  et  de  ses  miracles,  de- 
mandèrent le  baptême.  Antoioe  vil  à  Alexon* 
drie  le  célèbre  Dydime,  qui,  quoique  aveu- 
gle dès  rage  de  quatre  ans»  s'était  néanmoins 
rendu  très-habile  dans  toutes  sortes  de 
sciences,  et  qui,  k  cause  de  son  zèle  à  dé- 

(85)  SaiBt  Athah.,d.  82,  p.  857;  saint  CbetbosTh 
hom.  8  in  MaHh.;  saint  Jêrphb,  ep.  16;  Sozoa., 
l.  \1,  c.  5. 

(86)  Saint  Atha!«.,  n.  68, 69,  p.  847 


279 


ANT 


DICTIONNAIRE 


ANT 


feoilre  ta  foi  de  Ni<:ét»,  élait  fort  estimé  de 
saint  Atbanase  et  du  tous  les  évoques  catho- 
liques. Il  lui  dit,  un  jour  quMIs  s'entrete- 
naient 'ensemble  :  «  Fourriez-Yous  regretter 
la  perte  de  la  vue?  Les  yeux  vous  étaient 
communs  avec  les  mouches,  les  fourmis  et 
les  animaux  les  plus  méprisables.  Vous 
defez  plutôt  vous  réjouir  de  posséder  une 
lumière  qui  ne  se  trouve  que  dans  les  apô- 
tres, les  saiQts  et  les  ançes,  lumière  par  la- 
quelle nous  voyons  Dieu  même,  et  qui 
allume  dans  nous  le  feu  d'une  science  tonte 
véleste.  La  lumière  de  l'esprit  est  infiniment 
préférable  à  celle  du  corps.  Il  ne  faut  qu'un 
regard  impudifiue  pour  que  les  yeux  char- 
nels nous  précipitent  dans  l'enfer.  »  Le  saint 
ayant  passé  quelques  jours  à  Alexandrie,  ne 
pensa  plus  qu'à  retourner  dans  sa  cellule. 
En  vain  le  gouverneur  d'Egypte  voulut  le 
retenir  plus  longtemps;  il  ne  répondit  ft  ses 
invitations  que  par  ces  paroles  :  «  II  en  est 
d'un  moine  comme  d'un  poisson;  l'un  meurt 
s'il  quitte  l'eau,  et  l'autre  s'il  quitte  sa 
solitude  (87}«  »  Saint  Atbanase  le  reconduisit 

{)ar  respect  jusqu'aux  portes  de  la  ville,  où  il 
e  vit  çuérir  une  ûUe  possédée  du  démon. 

Plusieurs  philosppbos  païens,  curieux  de 
voir  un  solitaire  dont  la  renommée  publiait 
tnntdemerveilles,  visitèrent  souvent  Antoine, 
dans  le  dessein  de  disputer  avec  lui.  Il  leur 
prouvait  d'âne  manière  invincible  que  la 
religion  chrétienne  est  la  seule  vraie,  la  seule 
qu'on  puisse  professer  avec  sûreté.  «  Nous 
autres  Chrétiens,  leur  disait-il,  en  pronon- 
çant seulement  le  nom  de  Jésus-Christ  cru- 
cifié, nous  mettons  en  fuite  ces  démons  que 
vous  adorez  comme  des  dieux.  Leurs  presti- 
ges et  leurs  charmes  perdent  tontes  leurs 
forces  où  le  signe  de  la  croix  est  formé.  »  Il 
confirmait  ce  qu'il  avait  avancé  en  invoquant 
le  nom  de  Jésus,  et  en  faisant  le  signe  de  la 
croix  sur  des  possédés  qui,  se  trouvant 
tout  k  coup  délivrés,  se  levaient  pour  té- 
moigner à  Dieu  leur  reconnaissance  (88). 
Quelques-uns  de  ces  philosophes  lui  deman- 
dèrent un  jour  k  quoi  il  pouvait  s'occuper 
dans  son  désert,  puisqu'il  était  privé  du 
plaisir  que  l'on  goûte  dans  la  lecture.  «  La 
nature,  répondit'^il,  est  pour  moi  un  livre 
oui  me  tient  lieu  de  tous  les  autrtts.  »  Quand 
il  y  en  avait  qui  voulaient  tourner  en  ridi-^ 
cule  son  ignorance  dans  les  sciences  profa- 
nes, ri  leur  demandait,  avec  une  simplicité 
admirable,  qui  de  la  raison  ou  de  la  science 
était  la  première,  et  laquelle  des  deux  avait 
produit  l'autre?  «  C'est  sans  doute  la  raison, 
répondirent-ils.  La  raison  suffit  donc,  repre- 
nait le  saint.  »  C'était  ainsi  qu'il  réfutait  ces 
t Prétendus  savants,  et  qu'il  prévenait  toutes 
eurs  objections.  Us  s'en  allaient  si  frappés 
de  la  sagesse  de  ses  discours,  qu'ils  ne 
pouvaient  lui  refuser  leur  admiration.  D'au- 
tres, dans  le  dessein  de  le  trouver  en  défaut, 
l'interrogeaient  sur  les  raisons  qu'il  avait  de 
croire  en  Jésus-Christ.  Mais  il  leur  ferma  la 

(87)  Saint  AthaN.,  n.  85,  p.  859. 

(88)  Saint  Athan.,  o.  89,  p.  855. 

(89)  Saint  Antoine,  comme  le  rappoiic  saint 


bouche  en  leur  montrant  que  d'attribuer, 
comme  eux,  les  vices  les  plus  infâmes  i  la 
Divinité,  c'était  la  dégrader;  que  le  mystère 
purifiant  de  la  croix  était  la  preuve  la  plui 
sensible  de  la  bonté  divine,  et  aue  les  humi- 
Hâtions  passagères  de  Jésus-Cnrist  avaient 
été  amplement  effacées  par  la  ^oire  de  sa 
résurrection  et  parles  miracles  sans  nombre 
qu'il  avait  opérés,  en  rendant  la  vie  aux 
morts,  la  vue  aux  aveugles,  la  santé  aui 
malades.  Il  établissait  ensuite  que  la  foi  en 
Dieu,  et  les  œuvres  dont  elle  est  le  principe, 
avaient  quelque  chose  de  bien  plus  clair  et 
de  plus  satisfaisant  que  les  rêveries  des 
Grecs  (80). 

On  ne  peut  douter  de  rattachement  de 
saint  Antoine  à  la  doctrine  'du  concile  de 
Nicée  après  ce  que  nous  avons  dit  de  son 
voyagea  Alexandrie.  Cen^est  cependanf  pas 
la  seule  occasion  où  il  fit  connaître  ses  seati- 
ments  ;  car  il  n'eut  pas  été  plutôt  informé 
que  le  faux  (>atriarche  Grégoire,  soutenu  de 

I  autorité  du  duc  de  Balac,  persécutait  les 
orthodoxes  avec  fureur,  qu'il  lui  écrivit  de  la 
manière  la  plus  pressante  pour  Texhorterà 
ne  pas  déchirer  le  sein  de  l'Eglise.  Malheu- 
seoient  sa  lettre  ne  produisit  aucun  effet; 
le  duc,  au  lieu  d'y  avoir  ésard,  la  mit  en 
pièces,  cracha  dessus  et  la  foula  aux  pieds. 

II  menaça  même  le  saint  de  décharger  sar 
lui  le  poids  de  son  indignation.  Mais  la  jus- 
tice de  Dieu  ne  tarda  guère  à  le  punir.  Eo 
effet,  allant  cinq  jours  après  i(90},  sur  des 
chevaux  de  sa  propre  écurie,  avec  Nestor, 
gouverneur  d'Egypte,  ces  animaux  se  mirent 
ajouter  ensemble,  et  celui  (;^ue  Nestor  mon- 
tait, quoique  très-doux,  se  jeta  sur  Balac,  le 
renversa  par  terre,  et  hennissant  contre  lui, 
le  mordit  plusieurs  fois  à  la  cuisse.  Le  duc, 
extraordinairement  maltraité,  fut  portée  la 
ville,  où  il  mourut  au  bout  de  deux  jours.' 

La  vénération  qu'on  avait  pour  notre  saint 
était  si  universelle,  que  le  grand  Constantin 
et  ses  deux  fils.  Constance  et  Constant,  lui 
écrivirent  vers  l'an  337.  Ces  princes,  dans 
leur  lettre  commune,  sollicitaient  le  secours 
de  ses  prières,  et  lui  témoignaient  le  plus 
vif  empressement  de  recevoir  une  réponse 
de  sa  part.  Les  disciples  d'Antoine  étant 
surpris  de  l'honneur  que  lui  faisait  le  maître 
du  monde,  il  leur  dit  :  «  Vous  ne  devez  pas 
vous  étonner  de  ce  que  je  reçois  une  lettre 
de  l'empereur;  c'est  un  homme  qui  écrit  a 
un  autre  homme.  Hais  étonnez^vous  de  ee 
que  Dieu  nous  a  fait  connaître  ses  volontés 
par  écrit,  et  de  ce  qu'il  nous  a  parlé  par  son 
propre  Fils.  »  11  ne  voulut  pas  d'abord  taire 
de  réponse,  alléguant  pour  raison  qu'il  ne 
savait  pas  comment  s  y  prendre.  A  la  un 
pourtant  il  céda  aux  représentations  réitérées 
de  ses  disciples,  et  écrivit  h  Tempereur  et  a 
ses  enfants  une  lettre  dans  laquelle  il  [^ 
exhortait  à  mépriser  le  monde,  et  i  oe  i^ 
mais  perdre  de  vue  la  pensée  du  jugement 

Athanase,  n.   77,  p.  852,  se  servit  d'un  inierprèÉe 
pour  discuter  contre  ces  philosophes  grecs. 
(OOj  Saint  Athan.,  n.  86,  p.  8G0. 


tu 


ANT 


DASCETISHK. 


ANT 


sa2 


dernier.  Elle  nous  a  été  oonserrée  par  saint 
Athanase. 

Le  saîBt  écririt  aussi  plusieurs  lettres  (91) 
à  divers  iponastères  d'Egypte,  dans  les- 
quelles on  trouve  le  stjle  des  apAtres  et  la 
solidité  de  leurs  maximes.  11  insiste  forte- 
ment ,  dans  celle  qui  est  adressée  aux  moi* 
Des  d*Ar$inoé ,  sur  la  nécessité  d*opposer 
aux  tentations  la  Tigilance,  la  prière,  la 
mortification  et  rhumilité.  Il  ;  obseive  , 
pour  mieux  faire  sentir  le  danger  de  Tor- 
gueil ,  que  c'est  ce  péché  oui  a  perdu  le 
oémon,  et  par  conséquent  celui  dans  lequel 
il  s'efforce  particulièrement  d'entraîner  les 
hommes.  Il  répète  souvent  que  la  connais- 
sance de  nous-mêmes  est  Tunique  moyen  de 
nous  élever  à  la  connaissance  et  è  l'amour 
de  Dieu  (92).  Il  ne  parait  pas  que  saint  An- 
toine ait  écrit  de  règle  pour  ses  disciples  (93), 
du  moins  les  anciens  auteurs  n'en  ont  rien 
dit.  Ses  exemples  et  ses  instructions  étaient 
une  règle  vivante  à  laquelle  les  saints  moi- 
nes de  tous  les  siècles  ont  toujours  essayé 
de  conformer  leur  vie. 

Dieu  fit  connaître  au  saint  la  décadence 
future  de  Tétat  monastique.  Il  en  avertit  ses 
disciples  un  jour  qu'ils  marquaient  leur 
surprise  de  ce  qu'un  si  grand  nombre  de 
personnes  venaient  pratiquer  dans  la  soli- 
tude tout  ce  que  la  pénitence  a  de  plus  ri- 
(;oureux.  «  Du  jour  viendra ,  leur  dit-il  les 
armes  aux  yeux  ,  que  les  moines  se  cons- 
truiront des  bâtiments  magnifiques  dans  les 
villes ,  qu'ils  aimeront  la  bonne  chère ,  et 

Îu'ilsnese  distingueront  plus  des  personnes 
u  monde  que  par  leur  habit.  Cependant , 
malgré  cette  corruption  générale ,  il  s'en 
trouvera  toujours  quelques-uns  qui  conser- 
veront l'espnt  de  leur  état  ;  aussi  leur  cou- 
ronne serait-elle  d'autant  plus  glorieuse,  qou 
leur  vertu  n'aura  pas  succombée  la  multi- 
tude des  scandales  »  (  Roswetob  ,  Vit.  Patr.^ 
t.  y,  c.  8).  C'était  dans  l'intention  de  préve- 
nir ce  malheur,  que  le  saint  inculquait  si 
fréquemment  k  ses  disciples  le  mépris  du 
monde,  la  nécessité  d'avoir  toujours  la  mort 

f Présente  à  son  esprit ,  d'avancer  cootinuel- 
ement  dans  la  perfection ,  d'être  sans  cesse 

(91)  6àiBt  iéréme  parle  de  sept.  Im  originanx 
écrits  es  langue  égyptieBoe  se  cooservent  encore 
daas  ffasieurs  monasléres  d'^yple.  Nous  n*en 
avons  qn'oiie  assez  mauvaise  traductico  bcine  faite 
sor  le  grec  (In  Bibt.  Pair.  Coton,^  tom.  IV,  p.  26). 
Toyez  le  Ihrre  intiuilé  :  S»  Antomi  Magtd  £»»- 
$uim  tt,  cura  Abraham  Eckelleniis^  imprimé  à  Pa- 
ns, en  IMl.  De  ces  vingt  lettres  attribuées  à  saint 
Antoine,  il  n'y  a  qne  tés  sept  dont  nons  avons 
parié  et-derant  qui  soient  véritablement  de  lui  ;  on 
ne  peut  m  non  plus  lui  ôcer  les  discours  rapportés 
dans  sa  Vie  par  saint  Athanase. 

(»)  Les  BoUandistes  ont  publié,  Mail,  tom.  m, 
p.  555,  «ne  courte  lettre  de  saint  Antoine  à  saint 
Théodore,  aUié  de  Tabenne,  dans  laqueUe  il  dit  que 
Dieu  lui  avait  assuré,  dans  une  révélation,  que  tous 
W  pécheurs  sincèrement  repentants  de  leurs 
butes  en  obtiendraient  le  pardon. 

(95)  Celle  que  Ton  trouve  sons  son  nom  dans 
Abrwam  Eckeliensîs  est  de  beaucoup  postérieure 
au  temps  oà  il  vivait.  En  Orient,  plusieurs  moines 
de  Saint-Basile  portent,  depuis  le  xvii*  siècle,  le 
de  moines  de  Saint-Antoine,  mais  ils  suivent 


en  garde  contre  les  ariiflces  du  démon ,  et 
de  bien  discerner  les  esprits  (  S.  Athah., 
n.  16  et  43  ). 

Antoine ,  qui  sentait  que  sa  fin  approchait , 
entreprit  la  ? isiie  de  ses  monastères  ;  ses 
disciples,  auiquels  il  prédit  sa  mort  pro- 
chaine, le  conjurèrent  tous,  les  larmes  aux 
jeux ,  de  rester  avec  eui  jusqu'à  son  der- 
nier moment  ;  mais  il  ne  voulut  jamais  y 
consentir.  Ils  craignaient  qu'on  n'embaumât 
son  corps,  suivant  la  coutume  des  Egyp- 
tiens ,  abus  qu'il  avait  lui-même  condamné, 
comme  ayant  la  vanité  et  quelquefois  la  su* 
perstition  pour  principe;  et  ce  fut  pour  empé* 
cher  qu'on  ne  le  commit  è  son  égard ,  qu'il 
avait  expressément  recommandé  è  Macaire 
età  Amathas,  qui  demeurèrent  avec  lui  les 
quinze  dernières  années  de  sa  vie,  de  l'en- 
terrer comme  les  patriarches  l'avaient  été , 
et  de  garder  le  secret  sur  le  lieu  de  son 
tombeau.  De  retour  dans  sa  cellule ,  il  y 
tomba  malade  peu  de  jours  après;  il  réitéra 
k  ses  deui  disciples  les  ordres  qu'il  leur 
avait  donnés  précédemment  sur  sa  séfiulture, 
puis  il  ajouta  :  «  Lorsque  le  jour  de  la  ré- 
surrection sera  venu ,  je  recevrai  ce  corps 
incorruptible  des  mains  de  Jésus-Christ. 
Partagez  mes  habits  ;  donnez  è  révéaue 
Athanase  une  de  mes  peaux  de  brebis ,  fyk) 
avec  le  manteau  (95)  sur  lequel  je  couche; 
donnez  à  Tévêque  Sérapion  l'autre  peau  de 
brebis,  et  gardez  pour  vous  mon  cilice. 
Adieu ,  mes  enfants,  Antoine  s'en  va  et  n'est 

Blus  avec  vous.  »  Quand  il  eut  ainsi  parlé , 
[acaire  et  Amathas  l'embrassèrent,  il  éten- 
dit ses  pieds  et  s'endormit  paisiblement 
dans  le  Seigneur.  Ceci  arriva  l'an  3S6.  Il 

f tarait  que  ce  fût  le  17  janvier ,  jour  auquel 
es  plus  anciens  Martyrologes  le  nomment, 
et  auquel  les  Grecs  célébrèrent  sa  fôte  peu 
de  temps  après  sa  mort.  11  était  âgé  de  cent 
cioa  ans ,  et  malgré  ces  grandes  austérités, 
il  n  avait  éprouvé  aucune  de  ces  infirmités 
qui  sont  le  partage  ordinaire  de  la  vieillesse  ; 
il  fut  enterré  comme  il  l'avait  ordonné. 

Son  corps  ayant  été  découvert  en  561 ,  il 
fut  transféré  avec  beaucoup  de  isolennité  h 
Alexandrie  (96).  Les  Sarrasins  s'étant  em- 

toujours  la  rèj^e  contenue  dans  les  ouvrages  ascé- 
Uques  de  samt  Basile.  Ds  oiisenrent  encore  les 
jeunes  et  les  antres  pratiques  oui  sont  en  usage 
(kws  les  monastères  d4  Tordre  Saini-fiasile.  U  en 
est  de  même  des  Maronites,  et  Tiilemont  se  trompe 
en  disant  le  contraire. 

(91)  Saint  Athanase  se  sert  du  mot  épmdytes 
(o.  46,  p.  831),  ce  qui  a  fort  embarrassé  les  criti- 
ques, n  semble  que«  c*était  un  manteau  de  laine 
blanche. 

(95)  Il  voulait  montrer  par  là  qu^il  mourrait  dans 
la  communion  de  saint  Athanase. 

(96)  La  translation  des  reUques  de  saint  Antoine 
à  Alexandrie  a  été  révoquée  en  doute  par  idusieurs 

ÇrotestanU;  mais  eUe  est  attestée  par  Victor  de 
unies  (CArofi.,  p.  22,  tu  Scaliges.  Theêamrc)^  oui 
éuit  alors  reloue  il  Ganspe,  bourg  éloi^  seule* 
ment  de  quatre  à  cinq  lieues  d'Alexandrie,  et  qui 
pouvait  avoir  été  témoin  oculaire  de  cette  cérénio-* 
nie.  Saint  Isidore  de  Séville,  qui  vivait  dans  le  même 
siècle,  Bède^  Usuard,  etc.,  ont  aussi  parlé  de  cette 
transtadon,  conune  d'un  fait  certain. 


fhZ 


AJVT 


DICTlOiNNÂlRË 


APA. 


tu 


i)arés  de  TEgypte ,  vers  l*an  635 ,  on  le  porta 
I  Conslantinople  (RoLLAf«D.,  p.  162,  113^). 
De  cette  Tille  il  fut  transporté  dnns  le  dio* 
cèse  de  Vienne  en  Daupnîné  ^h  la  fin  du 
X*  siècle  ou  au  commencement  du  %i%  vers 
l'an  980.  Un  seigneur  de  cette  province  , 
nommé  Josselin,  auc[uel  l'empereur  de 
Constantinople  en  avait  fait  présent,  le  dé* 
posa  dans  Téglise  prioralede  La  Motte-Saint- 
Didier  (97),  laquelle  devint  dans  la  suite  le 
chef-lieu  de  Tordre  de  Saint-Antoine.  Il  s*est 
opéré  plusieurs  miracles  par  intercession 
du  saint,  dont  les  reliques, è  l'exception 
d'un  bras ,  furent  transférées ,  sur  la  fin  du 
XIV*  siècle,  à  l'abbaye  de  Montmajour-les- 
Arles;  elles  y  sont  restées  jusqu'au  9  jan- 
vier 111^91,  qu'elles  furent  transférées  de' 
nouveau ,  et  déposées  danis  l'église  parois- 
siale de  Saint-Julien  de  la  ville  d'Arles ,  où 
elles  étaient  enfermées  dans  un  beau  reli- 
quaire de  vermeil  (98).  Voici  un  des  plus 
célèbres  miracles  du  saint  (  Voyez  Bollan- 
Dfjs).  Un  érysipèle  contagieux,  connu  sous 
le  nom  de  feu  sacrée  causait,  en  1089, 
d'horribles  ravages  dans  plusieurs  provin- 
ces de  France.  On  ordonna,  pour  écarter  ce 
fléau ,  des  prières  publiques  et  des  proces- 
sions. Un  grand  nombre  de  personnes  s'é- 
lant  trouvées  miraculeusement  guéries , 
après  avoir  prié  devant  les  reliques  de  saint 
Antoine,  il  se  fit  un  concours  prodigieux  à 
l'église  où  elles  re|iosaieut.  Toute  la  France 
implora  la  protection  du  saint  contre  une 
mniadie  qui  emportait  tant  de  monde,  et 
l'événement  prouva  que  ce  n'était  pas  en 
vain  qu'on  avait  mis  sa  confiance  dans  l'in- 
tercession du  serviteur  de  Dieu  (99). 

L'amour  extraordinaire  de  saint  Antoine 
pour  la  retraite  lui  mérita  le  don  de  la  prière 
et  de  la  contemplation  dans  le  plus  sublime 
degré.  Ces  saints  exercices  avaient  pour  lui 
tant  de  charmes ,  qu'il  y  consacrait  les  nuits 
entières ,  encore  lui  paraissaient-elles  trop 
courtes.  Une  union  avec  Dieu  aussi  intime 
et  aussi  continue  supposait  nécessairement 
dans  notre  saint  une  pureté  incomparable, 
un  détachement  sans  bornes  ,  une  numililé 
profonde,  une  mortiOcation  absolue  des 
sens  et  de  toutes  les  puissances  de  l'Ame. 
De  là  cette  inaltérable  tranquillité  qui  an* 
nonçait  un  homme  accoutumé  à  maîtriser 
toutes  ses  passions.  Il  ne  faut   pourtant 

(97)  Ce  prieuré  relevait  alors  des  Bénédictins  de 
ral)baye  de  Montmajour,  près  d'Arles. 

(98)  On  peut  coiisulter  Thistoire  manuscrite  de 
l'abbaye  de  Moutmajour,  qui  était  à  Saint-Ger- 
main-des-Prés. 

(99)  Un  seigneur  des  environs  de  Vienne,  nommé 
Gaston,  fonda,  de  concert  avec  son  filsGiroud,  qui 
avait  recouvré  la  santé  par  Fintercession  de  saint 
Antoine,  un  hôpital  auprès  du  prieuré  de  La  Motte- 
Saini-Didicr,  afan  d'être  à  portée  de  servir  tous  les 
pauvres  qui  seraient  attaqués  de  la  maladie  du  feu 
sacré  (appelé  depuis  le  feu  de  Suint-Antoine).  Sept 
autres  personnes  s'étant  jointes  à  eux,  il  se  forma 
une  congrégation  de  laïques,  qui  se  dévouèrent  au 
service  des  pauvres  malades.  Bonifacc  Vil!  fit  du 
prieuré  de  La* Motte-Saînt-Didier  une  abbaye  qu'il 
doniia  àt  ces  Frères  Hospitaliers.  11  érieea  leur  so- 
ciété en  religion,  leur  prescrivit  la  règle  des  cha- 


pas  s'imaginer  qu'Antoine  fût  un  de  ces 
dévols  sombres  et  farouches  qui  n'ont 
rien  que  de  rebutant.  Nous  apprenons 
le  contraire  de  saint  Athanase  (100).  La  mi- 
santhropie n'approche  pas  d'un  cœur  où  ré- 
gnent ,  avec  la  paix ,  la  simplicité,  la  douceur 
et  la  charité.  La  vraie  vertu ,  toujours  in- 
flexible lorsque  le  devoir  parle,  ne  peut 
rendve  intraitable  celui  qui  la  possède; elle 
sait  que  le  défaut  d'affabilité  et  de  complai- 
sance pour  le  prochain  a  communément  sa 
source  dans  l'orgueil ,  vice  qui  ternit  l'éclat 
de  toutes  les  vertus  que  l'on  aurait  d'ail- 
leurs, et  qui,  en  nous  éloignant  de  cette 
ressemblance  que  nous  devons  avoir  a?ec 
la  nature  divine,  nous  rend  en  quelque 
sorte  participants  de  celle  des  démons;  et 
nous  apprenons  encore  de  saint  Athanase, 
que  saint  Antoine  possédait  la  vertu  de  pa- 
tience dans  le  plus  héroïque  degré;  la  paix 
de  son  âme  paraissait  sur  son  visage  par 
une  douce  sérénité  et  une  grflce  merveil- 
leuse ,  qui  faisaient  que  ceux  quina  rayaient 
vu  le  reconnaissaient  au  premier  abord,  et 
le  distinguaient  aisément  des  autres  frères, 
lorsqu'il  était  en  leur  compagnie  (  Voir  les 
art.  Ascètes, Moines ,  Caloyers ,  ANicHosè- 
TES ,  Abbés,  Abbaye ]. 

APATHIE  SPITITUELLE.  —  Le  mol  apa- 
thie, dans  le  langage  mystique,  désigne  ou 
la  tiédeur  spirituelle^  ou  cette  impassibUiU 
de  l'ime  dont  les  quiétistes  ont  si  souTeot 
abusé.  Nous  expliquons  au  mot  Tiédeue  l'a- 
pathie entendue  dans  le  premier  sens.  Reste 
donc  à  établir  ce  qu'il  faut  penser  de  celle 
doctrine  de  Pimpassibilité  ou  de  Tapathie 
des  Ames  parfaites. 

Depuis  que  les  erreurs  de  Jovinien  et  de 
Pelage  ont  rendu  l'Eglise  plus  attentire 
h  cette  matière,  saint  Jérôme,  en  écri- 
vant contre  ce  dernier,  a  remarqué  qu'E- 
vagre  de  Pont  avait  publié  un  livre  et  des 
sentences.sur  Fapathie,  «que  nous  pouvons, 
dit-il,  appeler  impassibilité  ou  imperturba- 
bilité.  C*est  un  état  où  l'Ame  nW  émoe 
d'aucun  trouble  vicieux,  où ,  à  parler  fran- 
chement, on  est  une  pierre  ou  un  Dieu.  Les 
Latins  n'avaient  jamais  donné  dans  ces 
sentiments,  et  ne  connaissaient  pas  ces  ei- 
pressions;  mais  Rufiin  traduisit  ce  livre  de 
grec  en  latin,  et  le  rendit  commun  en  Occi- 
dent. Cassien,  dans  les  conférences  qui! 

noînes  réguliers  de  Saint-Augustin,  et  créa  leur 
abbé  général  du  nouvel  ordre,  qui  était  connu  sous 
le  nom  de  Chanoines  réguliers  de  Saint-AnUn^' 
On  l'a  supprimé  ei  incorporé  à  celui  de  Malte,  par 
bulles  des  17  décembre  1776  et  7  mai  1777.  Ij  T 
avait  en  France  plusieurs  maisons  d'Antonins,  qu  ou 
appelait  Commanderies,  à  cause  de  la  dcstinaiioa 
primitive  de  cet  institut.  Dé  là  vient  que  les  supé- 
rieurs de  chaque  maison  portaient  le  titre  de  com- 
mandeurs. Le  général  seul  était  qualifié  abbé,  étani 
abbé  de  SainirAntoine  en  Dauphiné,  r.hcf-lie«  de 
rOrdre.  Cette  abbaye  est  à  quatre  lieues  de  Ro'^JÏf; 
et  à  une  demi-lieuè  de  Tlsère.  La  magnifique  égttse 
subsiste  encore  (Voyez  Bollandus;  BiimwR,  »•  "» 
p.  980;  le  Père  Longoeval,  Hist.  de  VEgl.  w/w» 
1.  xxn,  t.  VllI,  p.  16,  et  la  nouvelle  édition  de  Mo- 
héri,  par  Drouet,  au  mot  Antoine. 
(m)  N.  67,  p.  817;  n:  73,  p.  850. 


APA 


D^ASCETISXE. 


APn 


SSS 


publie  des  Orientaux,  parle  beaucoup  d'à- 
palbie,  mais  avec  de  grands  éclaircissements. 
Du  temps  de  saint  JérAme,  cette  matière  fut 
un  grand  sujet  de  contestation  parmi  les 
solitaires.  Ce  Père*  comme  tous  les  Occi- 
dentaux, fut  fort  opposé  à  Tapathie*  et  en- 
i  ourut  pour  cela  I  indignation  de  la  plupart 
des  moines  d*Orienty  comme  il  paraît  dans 
Palladius.  A  la  fin,  les  livres  d'Evagre  furent 
condamnés  dans  le  cinquième  concile,  avec 
ceux  d*Origène,  dont  u  était  sectateur,  et 
la  doctrine  de  Tapalhie  a  été  mise,  depuis 
ce  temps-lè,  parmi  les  erreurs.  On  voit 
même,  dès  auparavant,  et  même  dans  saint 
Jérdme,  qu*£vagre  avait  été  condamné  de 
son  temps  par  les  évoques,  et  la  condam- 
nation ae  l'apathie  passe  pour  constante. 
Il  dut  pourtant  demeurer  d'accord  que  ce 
terme  d  apathie  était  familier  aux  spirituels 
parmi  les  Grecs,  tant  avant  le  cinquième 
concile  que  depuis.  On  le  trouve  dans  saint 
Uacaire,  disciple  de  saint  Antoine.  L'apa- 
thie (ait  un  des  degrés  de  l'Echelle  de  saint 
Jean  Clîmaque  ;  mais  partout  on  en  parle 
plutôt  comme  d'une  chose  où  l'on  tend,  que 
comme  d'une  chose  où  l'on  arrive.  Vojez 
ces  spirituels  Grec^  dans  un  combat  perpé- 
tuel contre  leurs  pensées,  et,  selon  Isaac  Sy- 
rien, ce  combat  durait  jusqu'à  la  mort. 
Combattre  ses  pensées,  c'était  combattre  les 
passions  qui  les  faisaient  natlre.  C'est  à 
cause  des  passions, qu'on  n'avait  jamais  as- 
sez vaincues,  que  saint  Jean  Climaque  di- 
sait c  qu'après  avoir  passé  tous  les  degrés 
des  vertus,  il  fallait  encore  demander  la 
rémission  de  ses  péchés,  et  avoir  un  conti- 
nuel recours  à  Dieu,  qui  seul  pouvaitfixernos 
inconstances.  »  Il  n'v  avait  rien  qu'on  fit 
tant  craindre  aux  solitaires  que  la  pensée 
d'être  arrivé  à  la  perfection  ;  et  on  raconte 
de  saint  Arsène,  ce  grand  solitaire,  dont  la 
vertu  était  parvenue  à  un  si  haut  degré, 
qu'en  cet  état  il  faisait  à  Dieu  cette  prière  : 
«  G  mon  Dieul  faites-moi  la  grâce  qu'au- 
jourd'hui, du  moins,  je  commence  à  bien 
faire,  ji  Ainsi,  lésâmes  les  plus  consommées 
dans  la  vertu,  bien  éloignées  de  se  croire  dans 
U  perfectionne  l'impa  ssibili  té,  ou  défaire  ces- 
ser leurs  demandes, faisaient  celles  des  com- 
mençants. Comment,  s'ilsne  sentaient  rien  à 
combattre  en  eux?  11  faut  avouer  après  cela 
que  le  terme  d'apa^Ate  n'est  guère  de  saison 
en  cette  vie.  Saint  Clément  d'Alexandrie  s'en 
est  servi  très-souvent  pour  attirer  les  philo- 
sophes, qui  ne  connaissaient  de  vertu  que 
dans  cet  état  :  tous  y  aspiraient,  jusqu'aux 
épîcariens.  C'est  par  là  que  ce  Père  a  mis 
ce  terme  en  vogue  ;  mais  il  y  a  apporté  les 
tempéraments  qu'on  a  vus,  qui  reviennent 
à  la  doctrine  de  saint  Augustin  et  de  toute 
rÉgtise  catholique,  sur  les  combats  et  l'im- 
perfection de  la  justice  de  cette  vie.  Après 
saint  Clément  d'Alexandrie ,  celui  des  an- 
ciens le  plus  propre  à  confondre  les  no- 
vateurs, cest  Cassien,  parce  qne,  comme 
saint  Clément,  il  a  expressément  traité  de 
l'oraison  des  parfaits  contemplatifs,  et  même 
de  leur  apathie,  qu'il  appelle,  comme  lui, 
liur   immobile  et    perpeiuelle   tranquillité^ 


mais  avec  les  mAmes  correctlis;  car,  d'a- 
bord ,  dans  la^  neuvième  conférence ,  où 
l'abbé  Isaac  commence  à  traiter  de  l'oraison, 
il  enseigne  que  les  parfaits  doivent  «  tendre 
à  cette  immobile  tranquillité  de  l'esprit,  et 
à  la  parfaite  pureté  de  cceur,  autant  que  la 
fragilité  humaine  le  peut  souffrir  :  quantum 
humanœ  fragilitati  eoneeditur,  s  Or,  cette 
fragilité  qui  reste  dans  les  parfaits  consiste 
ea  deux  points,  dont  l'un  est  le  perpétuel 
combat  de  la  convoitise  jusqu'à  la  fin  de  la 
vie;  le  second  est  l'inévitaule  assujettis- 
sement au  péché  tant  qu'on  est  sur  la  terre. 

Il  pousse  si  loin  le  premier  point,  dans 
ses  institutions  monastiques,  qu'il  ne  craint 
pas  d'assurer  que«  les  combats  augmentent 
avec  les  triomphes,  de  peur  oue  l'athlète  de 
Jésus-Christ,  corrompu  par  roisivté,  n'ou- 
blie son  état  ;  »  ce  gui  est  vrai  principalement 
de  l'orgueil,  à  qui  tout,  jusqu'à  la  vertu  et 
à  la  perfection,  sert  de  pâture  :  «  Et,  dit-il, 
l'ennemi  que  nous  combattons  est  enfermé 
au  dedans  de  nous;  il  ne  cesse  de  nous 
combattre  tous  les  jours,  afin  que  notre 
combat  soit  un  témoignage  de  notre  vertu.  » 

Pour  venir  aux  conférences,  la  sixième, 
qui  est  de  l'abbé  Théodore,  nous  montre  les 
plus  parfaits  en  cette  vie,  «  comme  des 
gens  qui,  remontant  une  rivière,  en  com- 
battent le  courant  par  de  continuels  efforts 
de  rames  et  de  bras;  d'où  il  conclut  que, 
pour  peu  qu'on  cesse  d'avancer,  on  est  en- 
traîné, ce  qui  oblige  à  une  sollicitude  qui 
ne  se  relâche  jamais;  «par  où  il  fait  voir, 
dans  les  plus  parfaits,  des  exercices  actifs 
jusqu'à  la  fin  de  la  vie.  U  conclut  encore 
qu'il  n'y  a  personne  de  pur  sur  la  terre;  ce 
qui  démontre  que  le  repos  et  la  pureté  de 
cette  vie  ne  peut  jamais  avoir  ce  nom  à 
toute  rigueur,  ni  autrement  qu'en  compa- 
rant un  état  à  l'autre. 

Bans  les  vingt-deuxième  et  vingt-troisième 
conférences,  1  abbé  Théonas  entreprend  de 
prouver  que  ce  n'est  pas  en  la  personne  des 
infidèles,  mais  en  la  sienne  propre ,  c'est-à- 
dire  en  celle  de  tous  les  ndèles,  sans  en 
excepter  les  plus  parfaits,  que  saint  Paul  a 
dit  :  Je  ne  fais  pas  le  bien  fue  je  veux;  et  le 
reste  :  où  ce  saint  apôtre  porte  ses  gémisse- 
ments sur  le  combat  de  la  convoitise  jusqu'à 
cette  exclamation  :  Malheureux  homme  que  je 
euis!  Le  docte  abbé  conclut  de  là  «  que  les 
plus  forts  ne  soutiennent  pa^un  combat  si 
continuel,  sans  y  recevoir  quelques  blessu- 
res; que  les  plus  saints  et  les  plus  justes  ne 
sont  pas  sans  péché;  que  ce  n'est  pas  seu- 
lement par  humilité,  mais  en  vérité  qu'ils  se 
reconnaissent  impurs.  » 

APHORISME.  —  On  désigne  sous  ce  nom 
une  sentence  ou  une  maxime  énoncée  en 
peu  de  mots  expressifs.  Tout  le  monde  con- 
naît les  Sentences  ou  Aphorismei  d'Hippo- 
crate;  en  jurisprudence,  le  livre  des  Apho^ 
riêmeSf  les  Pandectee  de  Pothier.  Par  imita- 
tion, les  auteurs  ascétiques  ont  désigné 
sous  ce  nom  les  plus  belles  maximes  de  la 
perfection  chrétienne.C'est  ainsi  iqu'aux  mots 
Peefbctioii,  Abahdoh,  etc.,  nous  donnons 
les  principaux  aphorismes  qui  y  ont  rap- 


287 


APP 


DICTIONNAIRE 


APP 


M 


port,  tels  que  nous  les  ont  laissés  les  meil* 
leurs  maîtres  de  la  vie  spirituelle. 

APOTACTITES  ou  apotagtiqubs,  en  grec 

hroTOfxzlrgUf  COmposé  de  ftiro  et  Tarrwy  je  re* 

nonce.  —  C'est  le  nom  d'une  secte  de  faux 
mystiaues,  qui  renonçaient  à  tous  leurs  biens 
et  voulaient  imposer  à  tous  les  Chrétiens 
l'obligation  de  faire  de  môme,  pour  suivre 
les  conseils  évangéliques ,  et  pour  imiter 
l'exemple  des  apôtres  et  des  premiers  fi- 
dèles. 

11  ne  parait  pas  qu'ils  aient  donné  d'a- 
bord dans  aucune  erreur.  Selon  Quelques 
auteurs  ecclésiastiques,  ils  eurent  des  vier- 
ges et  des  martyrs  sous  la  persécution  de 
Dioclétien,  au  iv*  siècle.  Ensuite  ils  tombè- 
rent dans  l'hérésie  des  encratites. 

APPARITION.  —  Action  par  laquelle  un 
esprit  tel  que  Dien,  un  ange  bon  ou  mau- 
vais, l'Ame  d'un  mort  y  se  rend  sensible, 
agit  et  converse  avec  les  hommes.  Les  exem- 
ples en  sont  fréquents  dans  TEcriture  sainte 
{Voir  Vision.) 

Les  auteurs  profanes  ont  aussi  rapporté 
une  multitude  (Tapparitions  des  esprits;  les 
philosophes  du  m*  et  du  iv*  siècle  de  l'É- 
glise, entêtés  de  théurgle,  de  théopsie  et 
de  magie,  croyaient  ou  faisaient  semblant 
de  croire  que  l'on  pouvait  converser  avec 
les  génies  ou  dieux  du  paganisme;  que  plu- 
sieurs hommes  en  avaient  vu,  leur  avaient 
parlé  et  en  avaient  reçu  des  réponses.  Quel- 
ques Pères  de  TÉglise  ont  été  persuadés 
qu'en  effet  le  démon  s'était  rendu  sensible 
à  ses  magiciens,  en  particulier  à  Julien  l'A- 
postat, et  que  Dieu  l'avait  permis  pour  pu- 
nir leur  impiété.  On  ne  peut  savoir  avec 
certitude  jusqu'à  quel  point  l'imagination , 
les  prestiges  de  l'esprit  impur,  ou  Timpos- 
ture,  ont  eu  lieu  en  ces  circonstances.  Com- 
ment nous  fier  à  de  prétendus  philosophes, 
dont  la  mauvaise  foi  allait  de  pair  avec  leur 
fanatisme?  Porphyre  et  Jamblique,  moins 
entêtés  que  les  autres ,  ont  témoigné  qu'ils 
n'ajoutaient  aucune  foi  h  toutes  ces  visions; 
les  Chrétiens  ont  plus  d'une  fois  défié  les 
païens  de  faire  agir  en  leur  présence  ces 
génies  dont  on  vantait  la  puissance  (Ter- 
TULLiEN ,  Apolog.,  ch.  22  et  23.)  Si  l'on  veut 
en  croire  les  voyageurs,  les  magiciens  ont 
souvent  commerce  avec  le  démon. 

Quant  aux  apparitions  des  morts,  rien 
n'estplus  commun  chez  les  historiens  païens  ; 
c'est  ce  qui  avait  fait  naître  dans  le  pa- 

f;anisme  la  nécromancie,  ou  l'art  d'évoquer 
es  morts,  pour  apprendre  d'eux  l'avenir; 
mais  aucun  de  ces  faits,  dont  les  auteurs 

{)aïens  repaissaient  leur  crédulité,  n'est 
bndé  sur  des  preuves  assez  fortes  pour 
nous  obliger  à  le  croire.  S'il  y  en  avait  de 
bien  prouvés,  nous  n'aurions  aucune  ré- 
pugnance à  y  ajouter  foi.  D'autre  part ,  les 
doutes  que  nous  inspirent  des  narrations 
apocryphes  ne  dérogent  en  aucune  ma- 
nière à  la  certitude  des  faits  rapportés  dans 
les  livres  saints;  vainement  ^s  incrédu- 
les se  croient  eu  droit  de  tout  nier,  parce 
que  tout  n'est  pas  également  prouvé. 


l""  Ceux  qui  admettent  un  Dieu  peuvent- 
ils  mettre  des  bornes  k  sa  puissance,  régler 
ses  décrets,  prescrire  la  conduite  qu'il  a dA 
tenir  envers  les  hommes  depuis  la  création? 
Dieu,  sans  doute,  peut  se  revêtir  d'un  corps, 
c'est-à-dire  rendre  sa  présence  plus  sensi- 
ble, par  la  parole  et  par  l'action  qu'il  donne 
à  un  corps  quelconque;  que  ce  corps  soit 
igné,  aérien,  lumineux  ou  opaque,  cela  est 
é^al  ;  on  ne  prouvera  jamais  que  cette  ma- 
nière d'instruire  les  hommes,  de  leur  dic- 
ter des  lois,  de  leur  prescrire  une  religion, 
est  indigne  de  la  sagesse  et  de  la  majesté 
divine;  Dieu  a  donc  pu  s'en  servir.  Com- 
ment prouvera-t-on  qu'il  ne  l'a  pas  fait? 
Une  preuve  qu'il  Ta  fait  à  l'égard  des  pa- 
triarches, de  Moïse,  et  d'autres,  c'est  qu'ils 
nous  ont  laissé  les  monuments  d'une  reli- 
gion plus  pure,  plus  sainte,  plus  sensée, 
plus  vraie  que  toutes  celles  des  peuples  qui 
n'ont  pas  pas  eu  le  môme  secours.  Il  faut 
donc  que  Dieu  la  leur  ait  révélée.La  manière 
dont  ils  disent  que  cette  révélation  leur  a  été 
faite  était  donc  convenable,  puisqu'elle  a 
produit  l'effet  que  Dieu  se  proposait. 

Les  apparitions  des  anges  et  des  morts  ne 
renferment  pas  plus  de  difficultés  que  les 
apparitions  oe  Dieu.  Il  ne  lui  est  pas  moins 
aisé  de  donner  un  corps  à  un  ange  que  d'en 
revêtir  une  flme  humaine.  Lorsque  celle-ci 
est  séparée  de  nos  corps,  Dieu  peut  certai- 
nement la  faire  reparaître,  lui  rendre  le 
même  corps  qu'elle  avait,  ou  un  autre,  la 
remettre  en  état  de  faire  les  mêmes  fonc- 
tions qu'elle  faisait  avant  la  mort.  Ce  moyen 
d'instruire  les  hommes  et  de  les  rendre  do- 
ciles est  un  des  plus  frappants  que  Dieu 
|iuisse  employer. 

2"  Les  matérialistes  m  Ames,  qui  ne  croient 
à  Dieu  ni  aux  esprits,  et  qui  nient  tous  les 
faits  capables  d'en  prouver  l'existence,  ne 
raisonnent  pas  conséquemment.  Bayle  a  dé- 
montré que  Spinosa,  dans  son  système  d'a- 
théisme, ne  pouvait  nier  ni  les  esprits,  ni 
leurs  apparitions,  ni  les  miracles,  ni  les  dé- 
mons, ni  les  enfers.  {Dici.  crit.f  art.  Spinoia^ 
rem.  Q  et  suiv.) 

En  effet,  selon  l'opinion  des  matérialistes, 
la  puissance  de  la  nature ,  c'est-à-dire  de  la 
matière,  est  inBnie  ;  or,  elle  ne  le  serait  pas, 
si  elle  ne  pouvait  pas  faire  tout  ce  qui  est 
rapporté  dans  l'Ecriture  sainte.  Un  défen- 
seur de  ce  sytème  nous  dit  que  nous  ne 
savons  pas  si  ^a  nature  n'est  pas  actuelle- 
ment occupée  h  produire  plusieurs  êtres 
nouveaux ,  si  elle  ne  rassemble  pas  dans  son 
laboratoire  les  éléments  propres  afaire  éclore 
des  générations  toutes  nouvelles,  et  qui 
n'auront  rien  de  commun  avec  ce  que  nous 
connaissons.  (  Système  de  la  nat. ,  tom.  I"» 
ch.  6,  pag.  86,  87.  )  Donc  nous  ne  M^ons 
pas  non  plus  si,  plusieurs  milliers  d'années 
avant  nous,  elle  n'a  pas  produit  des  phéno- 
mènes .singuliers,  et  que  nous  ne  concevons 
pas.  Nous  ignorons  si,  par  quelques  combi- 
naisons fortuites  de  la  matière,  il  ne  s'est 
pas  allumé  au  sommet  du  mont  Sinaï  un  feu 
terrible,  d'où  sortait  une  voix  qui  a  dicté 
le  Décaloguc.  Nous  ne  pouvons  décider  h 


APP 


DASCETISIIE. 


APP 


S«0 


par  daatres  combinaisons  il  ne  sVst  pas 
lormé  tout  à  coup  une  figure  d^homme  qui  a 
conduit,  protégé  et  comblé  de  biens  \o  jeune 
Tobie;  si,  par  magie  ou  autrement,  il  nVbt 
pas  sorti  de  terre  un  spectre  semblable  à 
Samuel,  qui  à  parlé  à  Saiil ,  etc.  Puisque  la 
nature,  par  sa  toute-puissance,  a  fait  des 
faommes  tels  que  nous  sommes,  pourquoi 
ne  pourrait-efle  pas  former  des  anges 
beaucoup  plus  puissants  que  les  hommes* 
%ïes  corps  ignés  ou  aériens  capables  de  faire 
des  choses  supérieures  aux  forces  humaines? 
2r  En  bonne  logique,  les  sceptiques  peu- 
vent encore  oioins  rejeter  le  témoignage  des 
auteurs  sacrés;  selon  leur  système,  il  n*y  a 
aucune  connexion  nécessaire  entre  les  idées 
qui  nous  Tiennent  à  Tesprit  par  les  sensa- 
tions et  Tétat  réel  des  corps  existants  hors 
de  nous;  nous  ne  sommes  pas  sûrs  s*ils 
sont  réeliements  tels  qu'ils  paraissent  à  nos 
sens.  Donc  le  cerveau  de  Moïse  a  pu  être 
affecté  de  manière  qu*il  ait  pu  Toir,  enteu- 
dte,  et  (aire  tout  ce  qu*il  racobte;  les  sens 
des  parents  de  Tobie  ont  pu  se  trouver 
daus  la  même  situation  que  si  un  ange  leur 
était  apparu»  leur  avait  parlé,  et  avait  fait 
tout  ce  qu'ils  ont  cru  voir  et  éprouver  ;  les 
organes  de  Saùl  ont  pu  être  modiliés  de  la 
même  manière  que  si  Samuel  était  réelle- 
mtrot  sorti  du  tombeau,  etc.  Nous  aurions 
donc  tort  de  suspecter  la  sincérité  de  ceux 
qui  ont  écrit  ces  faits.  A  la  vérité,  si 
c*étaieot  des  illusions,  tous  cas  gens-là 
n'étaient  pas  dans  leur  bon  sens;  qu'im- 
porte 7  nous  ne  sommes  pas  sArs  si  à  ce 
moment  notre  cerveau  et  celui  des  scepti- 

Îues  ne  sont  pas  aussi  malades  que  celui 
es  personnai^es  dont  nous  parlons* 
Si  donc  les  mcrédules  savment  raisonner, 
ils  ne  borneraient  jamais  les  forces  de  la 
nature,  ni  le  nombre  des  possibles;  ils 
seraient  aussi  crédules  que  les  vieilles,  les 
enfants  et  les  ignorants  les  plus  grossiers. 
Ceux  qui  croient  à  la  magie  sans  croire  en 
Dieu  ne  sont  pas  ceux  qui  raisonnent  le 
plus  mal. 

hr  Le  grand  argument  est  de  dire  :  Si  tout 
cela  était  arrivé  autrefois,  il  arriverait 
encore;  puisqu'il  n*arrive  plus  depuis  qu'on 
est  mieux  instruit,  c'est  une  preuve  qu'il 
n*est  jamais  arrivé.  Faux  raisonnement 
Selon  l'opinion  des  matérialistes,  il  est 
sorti  autrefois  du  sein  de  la  terre  ou  de  la 
mer  des  hommes  tout  formés,  il  n'en  sort 
plus  aujourd'hui;  tous  viennent  au  monde 
par  one  suite  de  générations  régulières;  si 
nous  en  croyons  les  sceptiques,  il  n'y  a 
aucune  connexion  nécessaire  entre  ce  qui  se 
bit  aujoard*hui  et  ce  qui  s'est  fait  autrefois. 
Dès  qu^il  n'v  a  point  de  providence  qui 
entretienne  oans  la  nature  un  ordre  cons- 
tant, il  n'est  rien  qui  ne  puisse  arriver  par 
hasard,  ou  par  des  combinaisons  inconnues 
de  la  matière. 

Les  déistes,  i  leur  tour,  se  fondent  mal 
à  propos  sur  ce  même  argument.  S'il  y  a 
un  Iheo ,  il  a  pu,  et  il  a  dû  conduire  autre- 
ment le  genre  humain  dans  son  enfance 
que  dans  les  âges  postérieurs.  Ii  fallait  alors 


des  miracles,  des  prophéties,  des  apparitions 
et  des  inspirations  pour  établir  la  vraie 
religion  ;  une  fois  fondée»  elle  n'en  a  plus 
besoin;  les  mêmes  fnits  qui  lui  ont  servi 
d'attestation  dans  l'origine  lui  en  serviro:  t 
jusqu'à  la  fin  des  siècles  ;  il  n'est  donc  plus 
nécessaire  que  Dieu  fasse  aujourd'hui  ce 
qu'il  a  fait  autrefois.  CVst  la  réflexion  de 
saint  Augustin.  Il  s'en  faut  beaucoup  que 
les  dissertations  de  dom  Calmet  sur  les 
apparitions  aient  été  faites  avec  la  sagacité 
et  le  bon  sens  qu'exigeait  une  roalièrn 
aussi  délicate.  L'abbé  Langlet  lui  a  fait, 
avec  raison,  plusieurs  reproches  dans  son 
traité  sur  le  môme  sujf  t  (  tome  II»  p.  91  ). 
Celui-ci  prouve  fort  bi>«n  (|ue  le  très  grand 
nombre  des  apparitions  dos  morts  rappor- 
tées par  les  écrivains  des  bâs  siècles  man- 
quent de  preuves  et  de  vraisemblance 
(p.  393etsuiv). 

APPETIT.  —  Pour  traiter  ceci  à  fond,  il 
est  nécessaire  de  supposer,  en  premier  lieu, 
<-u'il  y  a  deux  parties  principales  dans  notre 
auie»  c[ui  sont  appelées  par  les  théologiens 
su|>érieure  et  inférieure,  et  qu'on  distingue 
ordinairement  sous  les  noms  de  raison  et 
d'appétit  sensitif.  Avant  le  péché,  et  dans  le 
bienheureux  état  de  l'iniiocence  et  de  la  jus- 
tice originelle  oà  Dieu  créa  I  homme,  la 
rrtie  inférieure  était  parfaitement  soumbe 
la  partie  supérieure,  comme  une  chose 
moins  noble  à  une  plus  noble,  et  comme  un 
serviteur  ^  son  mattre.  Dieu  fit  l'homme 
droit,  dit  l'Ecriture.  H  ne  le  créa  point  déréglé 
comme  nous  le  sommes.  L'appétit  obéissait 
alors  à  la  raison,  sans  peiue  et  sans  répu- 
gnance; et  l'homme  se  portait  lui-même  à 
aimer  son  créateur  et  è  le  servir,  sans  que 
rien  l'en  détournât.  Cette  sujétion  de  Tap- 
pétit  sensitif  à  la  raison  était  si  grande  qu  il 
ne  pouvait  alors  exciter  aucun  mouvement 
désordonné  dans  1  homme,  ni  aucune  ten- 
tation, s'il  ne  le  voulait  de  lui-même.  En 
cet  état  uous  n'eussions  été  sujets  ni  à  la 
colère,  ni  à  l'envie,  ni  à  la  gourmandise,  nî 
à  l'impureté,  ni  à  aucune  autre  inclination 
corrompue,  si  de  nous-mêmes,  et  par  une 
volonté  déterminée,  nous  ne  nous  y  lussions 
portés.  Mais  la  raison  s'étant  depuis  révol- 
tée contre  Dieu  par  le  péché,  l'appétit  sen- 
sitif se  révolta  aussi  contre  la  raison  ;  de 
sorte  que  malgré  nous,  et  contre  notre  con- 
sentement, il  s'élève  quelquefois  dans  noire 
aj^pétit  sensitif  des  mouvements  et  des  affec- 
tions que  nous  condamnons  suivant  ces  pa- 
roles de  TApAtre  :  Je  ne  fais  pas  le  bien  que 
je  veux  ;  mais  ije  fais  le  mal  que  je  ne  veux 
pas.  Que  si  l'homme  n'eût  point  péché,  le 
corps  aurait  toujours  été  disposé  à  uire  sans 
peine  et  sans  contradiction  ce  une  l'âme  eût 
voulu  de  lui  ;  mais  è  présent  la  corruption 
du  cor|is  appesantit  l'Ame.  Le  corps  l'empêche 
de  bien  iles  choses  qu'elle  pourrait  et  qu'elle 
voudrait.  C'est  un  méchant  cheval  sur  leque 
on  a  beaucoup  de  chemin  à  faire;  qui  n*a 

Eoint  de  pas,  qui  va  un  traia  rude,  qui 
ronclie  souvent,  qui  se  lasse  en  moins  de 
rien,  qui  est  quelquefois  rétif  et  ombrageux, 
et  qui  se  couche  lorsqu'on  a  le  plus  de  be- 


291 


APP 


DICTIONNAIRE 


APP 


soin  de  le  Taire  aller.  Celte  punition  était 
bien  due  à  IMiomme;  il  avait  désol)éi  à  sou 
créateur,  et  le  juste  jugement  de  Dieu  sur 
lui  veut  que  sa  chair  aussi  lui  désobéisse, 
et  que  la  révolte  de  son  appétit  excite  une 

f;uerre  continuelle  en  lui-même.  Les  théo- 
ogiens  disent  avec  le  vénérable  Bède  que, 
par  le  péché,  Thomme  a  été  dépouillé  des 
dons  de  la  grâce,  et  qu*il  a  reçu  une  plaie 
dans  les  dons  de  la  nature.  Car,  non  seule- 
ment il  a  été  privé  de  la  justice  originelle 
et  des  dons  surnaturels  qui  y  étaient  atta- 
chés, mais  il  a  souffert  aussi  une  grande  al- 
tération dans  les  dons  qui  sont  purement 
naturels.  Son  entendement  s*est  obscurci, 
son  libre  arbitre  s*est  affaibli,  sa  volonté 
pour  le  bien  s*est  rçiflchée,  son  appétit  s'est 
rendu  violent  pour  le  mal,  sa  mémoire  a 
diminué,  son  imagination  est  devenue  si 
inguiète,  si  aisée  à  dissiper,  qu'à  peine  peut- 
il  faire  la  moindre  prière  avec  attention,  et 
sans  qu*aussitôt  elle  s*échnppe  et  se  promène 
de  tous  c^tés  ;  ses  sens  ont  perdu  ce  qu'ils 
avaient  d*exquis,  sa  chair  est  demeurée 
pleine  de  corruption  et  de  mauvaises  incli- 
nations ;  enfin,  la  nature  a  été  tellement  al- 
térée, tellement  gfltée  en  lui,  que  ce  qui  lui 
était  alors  aisé  lui  est  devenu  désormais 
comme  impossible.  Avant  le  péché,  Thommc 
aimait  Dieu  plus  que  lui-même  ;  depuis  le 
péché,  il  s'aime  plus  que  Dieu,  ou  plutôt  il 
n*aime  que  soi;  il  n'a  d'ardeur  que  pour 
faire  sa  volonté,  que  pour  contenter  ses  ap- 
pétits, que  pour  se  laisser  emporter  h  ses 
passions,  quelque  contraires  qu'elles  puis- 
sent être  à  la  raison  et  aux  lois  de  Dieu. 

De  plus,  il  faut  remarquer  que  auoique  le 
baptême  nous  ait  délivrés  du  péché  originel, 
qui  est  la  cause  de  tout  ce  désordre,  il  ne  nous 
a  pas  délivrés  de  la  rébellion  de  notre  appétit 
contre  la  raison  et  contre  Dieu,  qui  est  ap- 
pelée parles  théologiens  l'aliment  du  péché. 
C'est  par  un  juste  jugement  et  par  une  pro- 
vidence adorable  que  Dieu  a  voulu  que  cette 
rébellion  subsistât  toujours  pour  punir  et 
pour  réprimer  notre  orgueil,  et  afin  que  la 
considération  de  notre  misère  et  <le  notre 
bassesse  servit  à  nous  humilier  devant  lui. 
Il  avait  comblé  l'homme  de  dignité  et  d'hon- 
neur en  le  créant;  il  l'avait  paré  et  embelli 
de  ses  dons  et  de  ses  grâces;  mais  l'homme 
en  ayant  mal  connu  le  prix,  et  ayant  été  in- 
grat envers  son  créateur,  mérita  d'en  être 
privé  et  d'être  fait  semblable  aux  bêtes,  en 
devenant  sujet  aux  mêmes  désirs  et  aux 
mêmes  inclinations  quiles  emportent.  Ainsi, 
Dieu  a  touIu  abaisser  l'homme,  aGn  gu'il 
rentrât  en  lui-même,  et  qu'il  n'e&t  plus  croc- 
casions  do  s'enorçueillir;  comme,  en  effet,  si 
nous  nous  connaissions,  nous  verrions  bien 
que  nous  n'en  avons  aucune,  mais  que  plu- 
tôt nous  en  avons  une  infinité  de  nous  hu- 
milier à  tout  moment.  Secondement,  il  faut 
supposer  encore  une  autre  vérité  principale, 
et  qui  est  une.  suite  nécessaire  de  ce  que 
nou5  venons  de  dire,  c'est  que  le  dérègle- 
ment de  notre  appétit  et  la  perversité  de 
rinclination  de  notre  chair,  est  le  plus  grand 
obstacle  qui  s'oppose  à  notre  avancement 


dans  la  vertu.  C'est  ce  qu'on  dit  ordinaire* 
ment,  que  la  chair  est  notre  plus  grand  en- 
nemi, parce  qu'en  effet  c'est  de  là  que  vien- 
nent  toutes  nos  tentations  et  toutes  nos  chu- 
tes. D'où  viennent  les  guerres  et  les  contra- 
dictions  que  vous  sentez  en  vous-mêmes? 
dit  l'apôtre  saint  Jacques.  N'est-ce  pas  de 
vos  passions  qui  combattent  dans  votre  es- 
prit ?  La  sensualité,  la  concupiscence  cl  le 
dérèglement  de  l'amour-propre,  sont  la  causo 
de  toutes  nos  guerres  intestines,  de  tous  les 
péchés,  de  toutes  les  fautes  et  de  toutes  les 
imperfections  que  nous  commettons,  et,  par 
conséquent,  le  plus  grand  empêchement  que 
nous  rencontrions  dans  le  chemin  de  la  per- 
fection. Les  philosophes  anciens,  qui  n'é- 
taient éclairés  que  de  la  seule  lumière  de  la 
raison  naturelle,  ont  connu  cette  vérité. 
Aristoto  établissait  toute  la  difficulté  de  la 
vertu  dans  la  modération  des  plaisirs  et  des 
chagrins.  Epiclète  réduisait  toute  la  philo- 
sophie à  ces  deux  mots  :  souffrez  et  abste- 
nez-vous. En  effet,  toute  la  vertu  consiste 
à  souffrir  constamm  nt  les  afflictions  et  les 
douleurs,  et  à  s'abstenir  sagement  des  plai- 
sirs; et  nous  le  voyons  tous  les  jours  par 
expérience  :  car  on  ne  pèche  que  pour  éviter 
quelque  peine  et  quelque  chagrin,  ou  pour 
avoir  quelque  plaisir  ou  quelque  commodité, 
ou  pour  ne  savoir  pas  s  en  priver.  Les  uns 
pèchent  par  le  déiir  ou  des  richesses,  ou  des 
honneurs,  ou  des  plaisirs  sensuels  ;  les  autres 
par  la  crainte  de  la  peine  qu'ils  trouvent 
daub  la  pratique  des  commandements  de 
Dieu  et  de  l'Eglise,  par  la  difficulté  qu'ils 
ont  à  aimer  leurs  ennemis,  h  observer  le 
jeûne,  et  h  confesser  leurs  péchés  honteux 
et  secrets.  Tous  les  péchés  viennent  donc  do 
ces  deux  sources,  et  non-seulement  tous  les 

()échés  considérables,  mais  toutes  les  fautes 
é^ères  et  toutes  les  imperfections  où  nous 
tombons  darfs  le  chemin  de  ia  vertu. 

.Tout  ceci  supposé,  il  n'est  pas  difficile  de 
concevoir  que  la  mortiGcation  consiste  è  ré- 
parer ce  désordre  de  nos  passions,  c'est-à- 
uire  à  réprimer  en  nous  les  mauvaises  in- 
clinations et  le  dérèglement  de  l'amour- 
propre.  Saint  Jérôme  écrivant  sur  ces  paroles 
de  Jésus-Christ  :  Si  quelqu'un  veut  venir 
apriê  moU  ^uHl  renonce  à  lui-même^  et quil 

Jwrie  sa  croix  et  me  suive^  dit  :  c  Que  celui- 
à  renonce  à  lui-même,  et  porte  sa  croix, 
qui  était  auparavant  impudique,  et  qui  de- 
vient chaste;  qui  était  auparavant  sans  mo- 
dération, et  qui  devient  tempérant  ;  qui  élait 
auparavant  taible  et  timide,  et  qui  devient 
fort  et  courageux.  C'est  là  renoncer  vérita- 
blement à  soi-même  que  de  devenir  tout 
autre  que  Ton  était,  n  » 

Mais  ce  qui  nous  fait  bien  voir  la  néces- 
sité de  la  mortiGcation,  c'est  que  le  Sauveur, 
comme  le  remarque  très-bien  saint  Basile, 
dit  premièrement  :  quHl  renonce  à  lui-même, 
et  qu'il  ajoute  après,  el  qu'il  me  suive:  c'est- 
à-dire  que  si  vous  ne  renoncez  première- 
ment à  vous-mêmes,  et  si  vous  ne  vous  dé- 
pouillez entièrement  de  votre  propre  vo- 
lonté; si  vous  ne  mortifiez  vos  mauvaises 
incliualix)ns,  vous  rencontrerez  mille  eui* 


m 


APP 


D*ASCETISME. 


APP 


291 


barras  et  mille  obstacles  qui  tous  empoche- 
ront de  pouvoir  suivre  Jésus-Christ.  Il  faut 
dooc  que  vous  vous  aplanissiez  première- 
meot  le  chemin  par  la  mortification  ;  et  c'est 
pour  cela  qu'il  Ta  établie  comme  le  fonde- 
ment* non-seulement  de  la  perfection,  mais 
de  toute  la  vie  chrétienne.  C*est  là  celte 
croit  que  nous  devons  toujours  norter  avec 
D0US9  si  nous  voulons  suivre  Jésus-Christ. 
C*est  ainsi  que  nous  devons  toujours  porter 
sa  mort  en  notre  corps,  afin  que  la  pureté  de 
sa  vie  paraisse  aussi  dans  notre  corps.  14a  vie 
de  rhomme  sur  la  terre  est  une  guerre  per- 
pétuelle. Car /a  chair^  comme ditsaint  Paul, a 
du  dinrê  coniraire$  à  ceux  de  V esprit ^el  Ves- 
prit  en  a  decontraires  àceuxde  la  chair.  Voilà 
d'où  vient  la  guerre  continuelle  que  nous 
avons  avec  nous-mêmes;  celui  qui  saura  le 
uieui.  vaincre  sa  chair  etsesappétitSy  celui-là 
sera  le  meilleur  et  le  plus  brave  de  tous  les 
soldatsde  Jésus-Christ.  Saint  Grégoire  et  Saint 
Imbroise  disent  que  c'est  en  cela  que  con- 
siste la  Téritable  valeur  des  serviteurs  de 
Dieu  ;  la  force  du  corps  n'y  fait  rien  ;  il  n'est 
question  que  de  celle  du  courage  qui   va  à 
vaincre  sa  chair,  à  gourmander  ses  passions, 
à  mépriser  les  plaisirs  de  cette  vie,  et  à  en 
supporter  patiemment  les  adversités  et  l^s 
travaux.  En  eifet,  ajoutent-ils,  cVst  quelque 
cboie  de  plus  grand  de  se  commander  et 
tf  être  maître  de  soi-même  et  de  ses  passions, 
que  de  commander  aux  autres.  Un  homme 
paiieot,  dit  le  sage,  est  plus  à  estimer  qu'un 
oooune  vaillant  ;  et  celui  qui  est  maître  de 
M  colère,  que  celui  qui  emporte  des  villes 
d*assaut.  La  raison  qu'en  rend  saint  Am- 
broise,  c*est  que  nos  mauvaises  inclinations 
sont  des  ennemis  bien  plus  dangereux  que 
tous  les  ennemis  étrangers;  aussi  dit-il  que 
Joseph  acquit  plus  de  gloire  en  se  commen- 
dam  à  lui-même,  et  en  résistant  aux  sollici- 
tations de  Pntipbar,  qu'en  commandant  en- 
suite à  toute  l'Egypte.  Saint  Chrysoslome  est 
de  ce  même  sentiment,  et  dit  que  David 
remporta  une  plus  belle  victoire  lorsque, 
pouvant  se  venger  de  Saùl  et  le  tuer  dans  la 
caverne,  il  ne  le  voulut  point  faire,  que 
lorsqu'il  vainquit  Goliath*.  Les  trophées  de 
cette  première  victoire  furent  érigés  non  pas 
dans  la  Jérusalem  de  la  terre,  mais  dans  la 
Jérusalem  céleste;  et  c'est  de  là  aue  sortent 
au  devant  do  lui,  non  pas  les  filles  d'Israël 
en  chantant  ses  louantes,  comme  lorsqu'il 
eut  vaincu  Goliath,  mais  tous  les  chœurs  des 
aoçes»  qui  se  réjouissent  du  haut  du  ciel  et 
qui  admirent  sa  vertu  et  son  courage.; 

Pour  connaître  mieux  la  nécessité  où 
nous  sommes  de  mortifier  notre  chair,  et 
pour  nous  encourager  davantage  à  prendre 
•es  armes  contre  elle,  il  importe  extrêmement 
que  nous  sachions  combien  c'est  un  ennemi 
dangereux.  C*en  est  un  si  redoutable,  que  les 
saints  disent  qu'une  des  plus  grandes  puni- 
tions de  Dieu  et  où  il  montre  le  plus  sa  co- 
lère contre  le  pécheur,  c'est  lorsqu'il  le  livre 
entre  les  mains  de  cet  ennemi  et  qu'il  l'a- 
baodonne  à  ses  désirs  et  à  ses  appétits  sen- 
suels, comme  à  de  cruels  bourreaux.  Ils 
lapltortent,  à  ce  sujet,  plusieurs  passages  de 


rEcrilure  sainte,  et  entre  autres  celui  du 
1  rophèle  :  Mon  peuple  [n^a  point  écouté  ma 
voix;  Israël  ne  s'est  point  attachée  moi; 
c'fst  pourquoi  je  les  ai  abandonnés  aux  désirs 
de  leurs  cœurs  ;  ils  ne  suivront  plus  que  leur 
propre  fantaisie.  jSainl  Paul  dit  que  c'est  cio 
celte  sorte  que  Dieu  voulut  châtier  l'orgueil 
des  philosophes,  qui  ayant  connu  Dieu,  ne 
le  glorifièrent  pas  comme  Dieu,  et  ne  lui 
rendirent  pas  les  grâces  qu'ils  lui  devaient, 
mais  s'égarèrent  en  de  vains  raisonnements. 
St  c'est  pour  ceta^  ajoute-t-il,  que  Dieu  les 
livra  aux  désirs  de  leur  cœur  et  à  l'impureté, 
afin  que^  venant  à  s'y  abandonner,  ils  déshono- 
rassent eux-mêmes  leur  propre  corps.  Le  châ- 
timent que^Dieu  exerça  contre  eux  fut  de  les 
livrer  à  leurs  désirs.  Mais  il  faut  remarquer 
ici,  en  passant,  avec  saint  Ainbroise,  que 
quand  TEcricure  dit  que  Dieu  livre  un 
nomme  à  ses  désirs,  on  ne  doit  pas  enten- 
dre par  là  que  Dieu  incite  quelqu'un  au  mal, 
et  fasse  tomber  personne  dans  le  péché, 
mais  seulement  qu'il  permet  que  les  mau- 
vais désirs  ou'on  avait  conçus  dans  le  cœur 
viennent  à  éclater  au  dehors,  et  à  être  mis 
entin  en  exécution  par  l'instigation  et  par 
le  secours  du  démon. 

On  peut  voir  combien  celte  sorte  de  châ- 
timent est  horrible  par  tout  ce  que  l'Apôlre 
ajoute  ensuite.  Il  montre  de  quelle  manière 
ces  philosophes  superbes  furent  traités  par 
cet  ennemi  furieux,  à  qui  Dieu  les  avait  li'- 
vrés;  et  on  ne  saurait  dire  à  quel  excès  de 
désordre  il  ne  les  porta  point.  Il  les  entraîna 
dans  toutes  sortes  de  vices,  jusque  à  les 
plonger  enfin  en  des  péchés  honteux  et  abo- 
ininables.  Dieu  les  livra,  [dit-il,  à  des  pas- 
sions infâmes.  Malheur  à  vous  si  vous  vous 
laissez  tomber  entre  les  mains  d'un  ennemi 
si  terrible,  entre  les  griffes  d'une  bêle  si 
cruelle  et  si  indomptable!  Savez-vons  com- 
ment vous  en  serez  traités?  Ecoutez  saint 
Ambroise  :  «  Celui,  dit-il,  qui  ne  sait  pas 
commander  à  ses  désirs  se  trouve  bientôt 
emporté  par  ses  désirs  comme  par  un  che- 
val indompté,  qui  a  pris  le  mors  aux  dents, 
qui  court  de  toute  sa  force  par  des  lieux 
inaccessibles,  et  qui  ne  s'arrèle  point  qu'il 
ne  soit  tombé,  avec  son  homme,  dans  un 
précipice.  C'est  ainsi  que  si  vous  ne  gour- 
mandez  la  concupiscence,  si  vous  ne  la 
domptez,  elle  vous  emportera  de  désordre 
en  désordre,  de  vice  en  vice,  et  ne  s'arrêtera 
point  qu'elle  ne  vous  ait  précipité  dans  des 
péchés  énormes  et  dans  les  abîmes  de  l'en- 
fer. Ne  vous  laissez  point  aller  à  la  concupis- 
cence, diiVEcdésiasiique,  et  gardez-vous  bien 
de  suivre  votre  propre  volonté  :  si  vous  don- 
nez à  vos  désirs  ce  qu'ils  vous  demandent, 
vous  deviendrez  un  spectacle  de  joie  et  de  risée 
à  vos  ennemis.  Nous  ne  pouvons  donner  un 
plus  grand  sujet  de  joie  aux  démous,  qui 
sont  nos  ennemis,  que  de  nous  livrer  nous- 
mêmes  à  nos.passions;  car  elles  nous  traite- 
ront de  manière  que  tout  l'enfer  ensemble 
ne  pourrait  point  nous  traiter  si  mal.  C'est 
pourquoi  le  même  Ecclésiastique  demande 
si  instamment  à  Dieu  qu'il  détourne  ce  châ- 
timent-là  de  lui  :  Seigreur^  qui  êtes  mon 


i35 


APP 


DICTIONNAIIIE 


APP 


m 


Pare  et  mon  Dieu»  détournez  de  moi  toute 
sorte  de  ()ensées  impures;  ne  permettez 

f>oint  que  je  sols  possédé  par  les  désirs  de 
n  chair,  et  ne  me  livrez  pas  à  l'égarement 
d*un  esprit  sans  honte.  Et  certes,  c*est  avec 
grande  raison  que  les  saints  disent  que  la 
plus  grande  marque  aue  Dieu  puisse  donner 
de  sa  colère  à  un  pécheur,  c'est  de  l'aban- 
donner k  sa  propre  volonté,  et  de  lui  laisser 
suivre  en  liberté  les  mouvemeuls  de  ses 
passions.  Cest  un  mauvais  si^ne  pour  un 
malode  quand  un  médecin  iui  laisse  boire 
et  manger  tout  ce  qu'il  lui  plaît;  c'est  dire 
qu'il  en  désespère  entièrement,  (  t  qu'il  le 
regarde  déjà  comme  un  homme  mort.  Dieu 
en  use  de  fa  même  sorte  envers  le  pécheur 
qui  Ta  irrité;  il  lui  laisse  faire  tout  ce  qu'il 
veut  :  et  que  peut  vouloir  un  homme  dans 
un  état  si  déréglé  et  avec  des  inclinations  si 
méchantes,  si^ion  tout  ce  qui  lui  est  le  plus 
contraire  et  qui  lui  donne  la  mort?  Il  est 
aisé  de  comprendre  par  là  combien  est  dé- 
plorable et  malheureuse  la  condition  de  ceux 
qui  mettent  leur  bonheuràfaire  tout  ce  qu'ils 
veulent. 

Si  nous  faisons  bien  réflexion  sur  ce  que 
nous  venons  de  dire,  cela  suffira  pour  nous 
donner  cette  sainte  haine  et  cette  sainte 
aversion  de  nous-mêmes  que  Jésus-Christ 
veut  de  nous,  et  sans  laquelle  il  dit  que 
nous  ne  pouvons  être  ses  disciples.  Car 
que  faut-il  davantage  pour  nous  laire  haïr 
notre  corps,  que  de  savoir  que  c'est  le  plus 
grand  ennemi  que  nous  ayons,  et  le  plus 
traître  qu'on  ait  jamais  vu;  mais  un  ennemi 
mortel  ;  mais  un  traître,  qui  cherche  à  toute 
heure  à  donner  la  mort  et  une  mort  éter- 
nelle à  l'Ame  qui  le  soutient,  et  qui  fournit 
à  tous  ses  besoins;  un  traître  qui,  pour  un 
>  plaisir  passager,  ne  se  soucie  pas  d'offenser 
Dieu,  et  de  la  précipiter  pour  toujours  dans 
les  abîmes  éternels.  Si  on  disait  à  un 
homme  :  Sachez  qu'un  de  vos  domestiques, 
qui  boit  et  manee  tous  les  jours  avec  vous, 
machine  une  trahison  pour  vous  tuer,  quelle 
devrait  être  sa  crainte?  Que  si  on  ajoutait  : 
Il  y  a  encore  plus,  car  il  vous  hait  de  telle 
sorte,  qu'il  ne  se  soucie  pas  de  mourir, 
pourvu  qu'il  vous  tue;  il  sait  bien  qu'on  le 
prendra  aussitôt  et  qu'on  le  fera  mourir 
cruellement;  mais  il  compte  sa  vie  pour 
rien,  (>ourvu  qu'il  vienne  à  bout  de  son  en- 
treprise :  de  quelle  fraveur  n'en  serait-il 
point  saisi?  N'appréhenderait-il  pas  à  toute 
heure  et  à  tout  moment  qu'on  ne  lui  vînt 
donner  un  coup  de  poignard  ?  et  s'il  pouvait 
découvrir  le  traître,  quelle  haine  ne  conce- 
vrait-il point,  et  quelle  vengeance  ne  vou- 
drail-il  pas  en  prendre?  Or,  notre  corps  est 
ce  traître,  qui  boit  et  mange,  qui  couche 
avec  nous,  et  qui  sait  bien  qu'en  faisant  du 
mal  à  notre  Ame,  il  s'en  fait  a  lui-même,  et 
qu'il  ne  saurait  la  précipiter  dans  l'enfer 
sans  y  tomber  aussi  après  elle.  Cependant, 
k  l'appétit  de  faire  ce  qu'il  lui  plaît,  il  foule 
tout  aux  pieds  et  ne  considère  rien.  Regar- 
dez si  nous  avons  raison  de  le  haïr.  Com- 
bien de  fois  ce  traître  vous  a-t-il  poussé  au 
bord  de  l'abîme  1  Combien  de  fois  vous  a-t- 


il  fait  offenser  la  bonlé  de  Dieu  1  Combien 
de  grAces  vous  a-t-il  fait  perdre  I  Et  com- 
bien de  fois  tous  les  jours  met-il  en  danger 
votre  salut  I  Quelle  sainte  indignation  do 
devez-vous  donc  point  avoir  contre  un  en- 
nemi oui  vous  a  fait  tant  de  maux,  qui  vous 
a  prives  de  tant  de  biens,  et  qui  vous  met  à 
toute  heure  en  de  si  étranges  [lérils?  Si  nous 
baissons  te  démon,  et  si  nous  le  regardons 
comme  notre  principal  ennemi,  à  cause  du 
mal  qu'il  nous  fait  continuellement,  com- 
bien davaiitage  devons-nous  haïr  notre  chair, 
qui  est  pour  nous  un  ennemi  bien  plus 
cruel  et  plus  dangereux!  Les  démons  se- 
raient bien  faibles  si  noire  chair  ne  s'était 
uiise  de  leur  narti  pour  nous  faire  une 
guerre  continuelle. 

Voilà  ce  qui  faisait  que  les  saints  avaient 
une  si  grande  haine  d'eux-mêmes;  et  de  là 
naissait  en  eux  cet  esprit  de  mortification 
et  de  pénitence  par  lequel  ils  se  vengaieiu 
de  leur  ennemi,  et  le  tenaient  toujours  dans 
la  sujétion.  Ils  n'avaient  garde  de  trailer 
doucement  leur  corps,  et  de  lui  donner  au- 
cun plaisir,  étant  persuadés  que  c'eût  été 
donner  des  armes  à  leur  ennemi,  et  lui  fa.re 
reprendre  une  nouvelle  vigueur  et  de  nou- 
velles forces  contre  eux.  Prenons  garde,  dit 
saint  Augustin,  de  ne  point  laisser  prendre 
trop  de  forces  à  notre  corps,  de  [leur  qu'il 
ne  s'en  serve  à  faire  la  guerre  contre  notre 
Amo;  mais  appliquons-nous  plutôt  à  le  mal- 
traiter et  à  le  mortifier,  pour  l'empècberde 
se  révolter  :  car  celui  qui  élève  un  dômes- 
4  tique  avec  trop  de  délicatesse,  le  trouvera 
ensuite  insolent. 

Les  anciens  solitaires  s'appliquaient  avee 
tant  d'ardeur  è  cet  exercice  de  la  roortili- 
.calion  du  corps  et  croyaient  qu'il  était  si 
nécessaire  d'en  aSaiblirles  forces,  que  quand 
les  autres  moyens  ne  suffisaient  pas,  ils 
avaient  recours  à  des  fatigues  excessives 
Qu'ils  s'imposaient  pour  l'atténuer  et  pour 
1  abattre.  Pallade  raconte  qu'un  saint  ana- 
chorète, se  trouvant  extrêmement  tourmenté 
de  quelques  pensées  d'orgueil  et  de  vanité 
dont  il  ne  pouvait  se  défaire,  s'avisa  ilc 
prendre  une  hotte  et  de  transporter  conti- 
nuellement do  la  terre  d'un  endroit  à  un 
autre;  et  comme  on  lui  demandait  ce  qu il 
faisait  :  Je  fais  de  la  peine,  répondit-il,  à 
celui  qui  m'en  fait;  je  me  venge  de  mon 
ennemi.  On  dit  la  même  chose  de  saint  Ma- 
caire;  et  on  rapporte  de  saint  Dorothée 
qu'il  faisait  de  grandes  pénitences  et  de 
urandes  austérités,  et  qu'un  jour  quelqu'un 
lui  ayant  demandé  pourquoi  il  tourmentait 
tant  son  corps  :  «  C  est  parce  qu*il  me  tour- 
mente moi-même,  »  répondit-il.  Saint  Ber- 
nA.rd,  enflammé  d'une  sainte  colère  contre 
son  corps,  comme  contre  son  ennemi  capi' 
t^ij  :  «  Que  Dieu  s'élève,  s'écriait- il,  que  ce 
g«3ant  armé  tombe  devant  lui;  qu'il  tombe  et 
qu'il  soit  écrasé  cet  ennemi  de  Dieu,  cet 
amateur  de  lui-même,  ce  partisan  du  monde, 
cet  esclave  du  di^mon  ;  que  vous  en  semble, 
ajoutait-il  ?  Certes,  si  vous  en  jugez  saine- 
ment,  vous  vous  écrierez  avec  moi,  quil 


197 


AQU 


D*ÂSCETISME. 


ARY 


298 


est  coupable  de  mort,  qu'on  le  peade  I  qu'on 
le  crucifie  !•» 

C'est  arec  ce  courage  et  ces  armes  que 
Dous  derons  combattre  notre  corps  et  l'as- 
sujettir» de  crainte  qu'il  ne  se  soulève  et 
qu'il  n'entraîne lesprit  et  la  raison  dans  la 
rérolte.  Cette  victoire  nous  en  attirera  une 
autre  ;  car  la  chair  étaot  vaincue,  il  nous 
sera  aisé  de  vaincre  le  démon.  Comme  c'est 
j  ar  le  mojen  de  la  chair  dont  il  fomente  la 
rébellion,  qu'il  nous  fait  la  guerre;  il  faut 
lui  foire  pareillement  la  guerre,  en  morli- 
Oant  notre  chair,  en  la  macérant,  en  l'em- 
\  ècbant  de  pouvoir  se  révolter.  Saint  Au- 
gustin écrivant  sur  ces  paroles  de  l'Apôtre  : 
Pour  mot,  je  cours  de  nutniire  que  je  ne  coure 
pas  au  hasard;  je  combats  de  sorte  que  je  ne 
donne  pas  des  coups  en  Vair  :  mais  je  mal^ 
traite  moncorps^  et  je  le  réduis  en  servitude^ 
remaroue  que  c'est  là  le  véritable  moyen  de 
triompher  au  démon.  Maltraitez  votre  corps, 
et  vous  vaincrez  les  démons;  car  c'est  ainsi 
que   l'Apôtre  nous  a  enseigné  qu'il  fallait 
(ombatlre  contre  eux.  Quand  un  capitaine, 
qui  est  en  garnison  sur  une  frontière,  en- 
tend sonner  l'alarme,  s'il  a  quelque  prison- 
nîer,  il  le  met  aussitôt  aux  fers  dans  un 
cacbot,  de  peur  qu'il  ne  se  soulève  contre 
lui  et  ne  secoure  ses  ennemis.  Nous  devons 
en  user  de  la  même  sorte  à  l'égard  de  notre 
chair  :  il  faut  la  mortifier,  il  fiiut  la  mettre 
à  la  chaîne,  de  crainte  qu'à  l'approche  de 
nos  ennemis  elle  ne    se  range  de  leur 
parti. 

les  divers  appétits  que  nous  portons  en 
nous  sont  comme  des  séducteurs  qui  sem- 
blent avoir  fait  une  ligue  pour  nous  entraî- 
ner dans  leurs  pièges.  Leurs  armes  sont  des 
caresses;  ils  nous  flattent,  ils  cherchent  à 
nous  faire  comprendre  que  leurs  intérêts 
sont  les  nôtres,  nue  le  bopheur  consiste  à 
se  laisser  aller  à  leurs  sollicitations;  mais  si 
nous  avons  le  malheur  de  mordre  àcet  appAt, 
nous  sommes  perdus;  car  les  appétits  sen- 
suels, une  fois  qu'on  leur  a  laissé  prendre 
rautorité,»nous  mènent  tout  droit  à  des  pré* 
cipices.  Il  n'est  pas  un  appétit,  pas  une 
passion  qui  n'aboutisse  à  un  précipice.  . 

Pour  conclusion  de  ce  sujet,  nous  pou- 
vons donc  admettre  comme  une  maxime 
i'indée  sur  l'Evangile,  sur  l'eipérience 
uuiverselie,  qu'on  ne  peut  gouverner  les  di- 
vers appétits  du  cœur  humain  et  conserver 
r<;'Utorité  de  la  raison  au  milieu  de  ce  peuple 
u'esclaves  qu'en  commandant  avec  dureté, 
en  usant  de  terreur  :  ce  sont  des  ennemis 
arec  lesquels  la  paix  est  impossible.  Ils  ne 
^jrit  soumis  que  lorsqu'ils  voient  brillei  les 
armes  dans  nos  mains.  Si  vis  pacem ,  para 
bellum^  comme  disaient  les  païens,  des  enne- 
iiiisde  la  patrie;  mais  le  Sauveur  du  monde 
nous  l'a  dit  souvent  des  ennemis  de  notre 
^iui,  et  en  particulier  dans  ces  paroles  : 
Celui  qui  perd  sa  rie  pour  Famour  de  mot, 
'a  tauvera,  {Voy.  Mobtification  et  Purga- 

TIOM  PASSIVE  DE  LA  PARTIE  SEflSlBLE. 

AQUAVIVA  (Claude) ,  de  la  famille  des 
(i^cs  d'Atri,  au  royaume  de  Naples,  devint 
Boiterai  des  Jésuites  en  1581,  et  mourut  eu 

DiCTi0X!i.  d'Ascétisme.  1. 


1615,  âgé  de  soiiante-douze  ans.  On  le  re* 

Sarde  avec  raison  comme  l'un  des  généraux 
e  la  société  qui  ont  montré  le  plus  de  fer- 
meté et  de  prudence  dans  le  gouvernement. 
Ses  œuvres  ascétiques  sont:  1*  des  Lettres 
sur  divers  sujets  spirituels  ;  2*  des  Médita- 
tions en  latin  sur  les  psaumes  44  et  93;  3* 
Oratio  de  Passions  Doinini  ;  kr  Industria  ad 
curandos  animi  morbos,  1606,  in-12  :  cçt  ou- 
vrage qui  annonce  une  grande  connaissance 
du  cœur  humain,  a  été  traduit  en  français 
sous  le  titre  de  Manuel  des  supérieurs.  Paris. 
1776,  in.12.  i'  »         f 

ARCANES.  —  Les  alchimistes  désignaient 
sous  le  nom  d'arcanet  certains  remèdes  se- 
crets, dont  la  composition  n'éudt  connue 
que  de  l'inventeur,  et  qui  possédaient, disait- 
on,  des  propriétés  toutes  merveilleuses.  Les 
auteurs  ascétiques  se  sont  emparés  de  cette 
expression  pour  désigner  les  moyens  se- 
crets qu'ont  pratiqués  les  maîtres  les  plus 
expérimentés  de  la  vie  spirituelle,  pour  con- 
duire les  âmes  dans  les  voies  de  la  perfec- 
tion. C'est  ainsi  que  nous  donnons  d'après 
eux  les  arcanes  de  l'abandon  et  des  différen- 
tes voies  de  la  vie  spirituelle.  (Voy.  les  mots 

ABA1ID05,  PeRPECTION,  CtC.) 

ARIAS  fFrançois) ,  Jésuite  de  Sévîlle  , 
mourut  en  1605,  âgé  de  soixante-douze  ans, 
en  odeur  de  sainteté.  Ses  ouvrages  de  piété 
avaient  le  suffrage  de  saint  François  de  Sales, 
ils  ont  été  traduits  d'espagnol  en  latin,  en 
français  et  en  italien.  Nous  signalons  en 
particulier  :  1*  Son  Traité  sur  l'avancement 
spirituel:  —  2*  un  autre  sur  la  Défiance  de 
soi-même  ;  —  3*  sur  la  Mortification ,  —  k* 
sur  ta  Présence  de  Dieu  ; —  5*surla  gravité  du 
péché  ;  —  6*  une  Imitation  de  Jésus-Christ. 

ARNAULD,  abbé  de  Bonneval,  ordre  de 
Saint-Benoit,  diocèse  de  Chartres,  nommé 
aussi  Arnauld  de  Chartres,  était  ami  de  saint 
Bernard,  qui  lui  écrivit  sa  dernière  lettre, 
peu  de  jours  avant  sa  mort.  Arnauld  est 
auteur  du  second  livre  de  la  Vie  de  saint 
Bernard^  attribué  mal  à  propos,  comme  Ta 
prouvé  dom  Habillon,  à  un  autre  AruauM , 
abbé  de  Bonneval,  en  Bauphiné.  11  passe 
pour  être  le  véritable  auteur  des  douze 
traités  De  operibus  Christi  cardinalibus^  at- 
tribués par  quelques-uns, sans  fondement,  à 
saint  Cyprien.  Ils  sont  adressés  au  Pape 
Adrien  IV.  On  a  encore  de  lui  :  1*  Tractatus 
de  septem  verbis  Domini  in  cruce  ;  2"  Sermo  de 
laudibus  B.  MariŒf  dans  la  Bibliothèque  des 
Pères  :  le  P.  Titelman,  cordelier,  et  le  P. 
Scholt,  Jésuite,  les  ont  publiés  l'un  et  Tau- 
ire  ;  3**  Tractatus  de  operibus  sex  dierum^  pu- 
blié  par  Denys  Pertonnet  de  Melun,  théo- 
logal d'Auxerre. 

ARVISËNET  (Claude),  chanoine  et  vicaire 
général  de  Troyes,  puis  archidiacre  dé  Lan- 
gres,  sous  Mgr  de  La  Luzerne,  naquit  à 
Laugres,  le  8  septembre  17&5,  et  mourut  à 
Gray  le  17  février  1831.  Forcé  par  k  révolu- 
tion de  se  retirer  à  Lucerne,  Arvisenet  com- 
posa dans  Texil  plusieurs  ouvrages  de  piété, 
et  entre  autres  le  Memoriale  titœ  sacerdota-' 
lis,  répandu  dans  toute  TEurope  catholique, 

10 


M9 


ASC 


DICTIONNAIRE 


ASC 


.300 


et  qui  a  mérité  à  l'auteur  les  éloges  du  Papo 
PieVlî. 

ASCÈTES,  du  grec  àerx»îT»3c,  mot  qui  signi- 
fie, è  la  IcUre,  une  personne  qui  s'eierce, 
qui  (ra?aillo.  Ce  nom  a  été  donné  en  général 
à  tous  ceui  qui  embrassaient  un  genre  de 
vie  plus  ausière,  et  qui  par  là  s'exerçaient 
plus  à  la  vertu,  ou  travaillaient  plus  forte- 
ment ^  l'acquérir  que  le  roram.un  des  hom- 
mes. En  ce  sens,  les  esséniens  chez  les  Juifs, 
les  pyUiagoriciens  entre  les  philosophes, 
pouvai<3nt  être  appelés  ascètes.  Parmi  les 
Chrétiens,  dcus  les  premiers  temps,  on 
donnait  le  mô^ne  litre  à  tons  ceux  qui  sedis- 
tinguaient.des  autres  par  l'austérité  de  leurs 
mœurs,  qui  s'abstenaient ,  par  exemple,  do 
pain  et  de  viande.  Depuis,  la  vie  monastique 
ayant  été  mise  en  honneur  dans  l'Orient,  et 
regardée  comme  plus  parfaite  que  la  vie 
commune,  le  nom  d'a5mc5  est  demeuré  aux 
moines,  et  particulièrement  à  ceux  qui  se 
retiraient  dans  les  déserts,  et  n'avaient  d'au- 
tre occupation  que  de  s'exercer  à  la  médita- 
tion, h  la  lecture,  aux  jeûnes  et  aux  autres 
mortifications.  On  l!a  aussi  donné  à  des  re- 
ligieuses ;  c'est  nourquoi  on  a  nommé  asce- 
teria  les  monastères,  mais  surtout  certaines 
maisons  dans  lesquelles  il  y  avait  des  mo- 
niales et  des  acolytes,  dont  rofllce  était  d'en- 
sevelir les  morts.  Les  Grecs  donnent  géné- 
ralement le  nom  A'ascêtesh  tous  les  moines» 
soit  anachorètes  et  solitaires,  soit  cénobites. 

M.  de  Valois  dans  ses  Notes  sur  Eusèbe, 
et  le  P.  Pagi,  remarquent  que  dans  les  pre- 
miers temps,  le  nom  A'ascètes  et  celui  de 
moines  n'étaient  pas  synonimes.  Il  y  a  ton- 
|oui*s  eu  des  ascètes  dans  l'Eglise ,  et  la  vie 
monastique  n'a  commencé  h  y  être  en  hon- 
neur que  dans  le  IV'  siècle.  Bingham  observe 
plusieurs  diiïérences  entre  les  moines  an- 
ciens et  les  ascètes;  nar  exemple,  que  ceux-ci 
vivaient  dans  les  villes,  qu'il  y  en  avait  do 
toute  condition,  même  des  clercs ,  et  qu'ils 
ne  suivaient  point  d'autres  règles  particu- 
lières que  les  lois  de  l'Eglise  ,  au  lieu  que 
losmoincs  vivaient  dans  la  «olilude,  étaient 
tous  laïques,  du  moins  dans  les  commence- 
ments, et  assujettis  aux  règles  ou  constitu- 
tions do  leurs  fondateurs.  De  là ,  on  a 
nommé  vie  ascétique^  la  vie  que  menaient 
les  fervents  Chrétiens.  Elle  consistait,  selon 
Flenry,  à  pratiquer  volontairement  tous  les 
exercices  do  la  pénitence.  Les  ascétiques 
s'enfermaient  d'ordinaire  dans  des  maisons, 
où  ils  vivaient  en  grande  retraite,  gardant  la 
continence,  et  ajoutant  à  la  frugalité  chré- 
tienne des  abstinences  et  des  jeûnes  extra- 
ordinaires. Ils  pratiquaient  la  xérophagieet 
les  jeûnes  de  d^ux  ou  trois  jours  de  suite» 
ou  plus  encore  ;  ils  s'exerçaient  à  porter  le 
cilice,  à  marcher  nu-pieds,  à  dormir  sur  la 
terre,  à  veiller  une  grande  partie  de  la  nuit, 
h  lire  assidûment  l'Ecriture  Sili.nte»  à  prier 
le  plus  contintfellement  qu'il  était  possible. 

Il  est  souvent  parlé  des  ascètes  dans  Ori- 
gène  et  dans  les  autres  auteurs  ecclésiasti- 
que». Les  plus  célèbres  dont  ils  fassent 
mention,  sont  :  saint  Sérapion,  élu  évéquo 
d'Anlioche  sous  Commode  (S.  Hier.,  Calai); 


Piérius,  prêtre  d'Alexandrie  f/iiU);  saini 
Lucien,  martyr  (S.  Atuan.,  velalius,  Synopi. 
sacr.  scriptor, ,  in  fine,  p.  20i,  7,2);  saint 
Pierre,  martyr  en  Palestine  (Eus.,  De  mer/. 
Palest.^  c.  20}  ;  saint  Pamphile  et  saint  Se- 
leucios,  martyrs  (/6id.,  cil)  ;  saint  Justin, 
martyr  (S.  EpiPH.,hœr.  46);  sainlCyrilIo  do 
Jérusalem  {Synax.  grœc.  mss,  colleg»  Jesuit, 
Paris,,  et  Bolland.,  t.  Il,  mart.,  ifppend., 
p.  748);  saint  Basile  et  saint  Grégoire  de 
Naziaaze,avnnt  qu'ils  eussent  embrassé  l'état 
proprement  monastique  ;  saint  Chrysoslome, 
saint  Amphiloque  ,  saint  Athanase,  saint 
Martin,  saint  Jean  d'Egynte ,  saint  Suipicc- 
Sévère,  saint  Paulin,  Heliodore,  Népolico, 
Finien  (Pallad.,  Laus.,  c.  84, 121,  lâ2,ctc.). 
On  appelaitquelquefois  les  ascètes,  abstinents 
(RuFi?i,£fM(.,  t.  Il,c.  id),  solitaires  (S.Epiph., 
or.  2;  S.  Cyr.,  Hier.,  caL  4, 12  et  16;,(f(f- 
vots  (S.  Jac.  Nisib.,  Or,  de  devotis),nazarém 
(S.  Greq.  Naz.,  or.  20, 32,  etc.) ,  enfin  con- 
fesseurs,  parce  que  leur  vie  était  une  con- 
fession perpétuelle  de  la  foi  dont  ils  prati- 
quaient les  œuvres  avec  un  zèle  vraiment 
héroïque  (Du  Gange,  Glossar. ,  v.  Confets.), 
C'est  de  là  qu'est  venu  le  nom  de  confetsm 
h  saint  Martin,  le  premier  qui  Tait  port(^ 
dans  les  calendriers ,  et  ensuite  aui  autres 
saints  qui  n*étaient  pas  martyrs  (Foy.M.AN- 

TONELU  ,   C.  4,  p.  134). 

Parmi  ces  ascètes,  il  y  en  avait  qui  étaient 
solitaires,  et  qui  menaient  une  vie  purement 
contemplative  ;  dMutres  s'appliquaient  aui 
travaux  du  ministère  ecclésiastique,  et  à 
rinstruclion  du  peuple.  (Foy.  S.  Gbégohb 
DE  Nazianze,  or.  23,  p.  411  ;  or.  12,  p.  191; 
(T.  20,  p.  358;  S.  Basile,  ep.  9,  cl.  4). ad 
Maximum,  etc.)  Saint  Sérapion  saiut  Jus- 
tin,  Aristide,  Quadrat,  Athénagore,Pan- 
Ihône,  Clément,  Origène ,  Héraclas,  etc., 
furent  du  nombre  de  ces  derniers. 

Il  est  clair,  par  saint  Ambroise  (Cp. 58 
ad  Sabinum  episc,  n.  3,  t.  Il), que  Icsaj^cMcs 
avaient  des  habits  dilTérents  de  ceiisdis 
personnes  du  monde  ;  et  ces  habits  élaionl 
pauvres,  et  ordinairement  de  couleur  noiic 
ou  brune.  (Svnes.,  ep.  146,  p.  282,  etc.)  Les 
uns  se  consacraient  à  Dieu  par  des  vœuï.il 
les-autres  sans  vœux.  Saint  Jacques  de  Ni- 
sibc  (or.  6,  De  devotis,  p.  203)  distingue  for- 
mellement ces  deux  sortes  cl'nscètcs.  Tous 
ceux  qui  avaient  embrassé  la  vie  ascétique 
vivaient  dans  une  grande  pauvreté,  et  f»i- 
saieni  profession  d'une  continence  p«'rpi^- 
tuelle.  (Orio.,I.i,  contra  Cels.,  n.  6,etl.  vu, 
n.  48  ;  S.  Cyril.  Hierosol.,  calecb.  4  et  12: 
S.  Basil.,  ep.  1184  ;  S.  Greg.  Nazianz^op. 
12,  p.  191  ;  Carm.  18,  p.  218  ;  S.  Chbys.,  De 
virginit.,  etc.)  Ils  ne  mangeaient  point  de 
viande,  et  pratiquaientdes  jeûnes  rigoureux. 
(pRàO.,  i  contra  Cels.,  p.  264,  ethoro.  lî^»»» 
Jerem.,  n.  7.)  Leurs  veilles  étaient  lonjîues 
et  leurs  autres  mortifications  lort  ausiùrcs. 
{Clkm.  Alex.,  Pœdag,,  et  Strom,,  i.  ">• 
p.  538;  Eus.,  //m.,  I.  v,  etc.  ;  m ,  eic.)Kn- 
fin,  la  lecture,  la  prière  et  le  travail,  faisai^'^j 
toute  leur  occupation.  (S.  Basil.,  vp.  3  nn 
Greg,  Naz.)  Le  nombre  des  ascètes  i^lai' 
très-considérable  5  Nnzianze.  (SJinFC  Nt/j 


3D1 


ASC 


D'ASCETISME. 


ASC 


302 


or.  19);  à  Césarée,  en  Cappadocc  {Idem^  or. 
âO,  et  S.  BAsn..«  ep.  323 ,  alias  29];  en  Ar- 
ménie (S.  Geeg.  NAZ.y  Corm.kSadnellmium 
Armenum^  et  S.  Jacob.  Nisib.^  or.  6^  De  de- 
voiis^  p.  202)  9  et  surtout  en  Egypte. 

Les  ascètes  avaient  un  rang  disiingné  dans 
TE^Iise,  et  étaient  placés  entre  le  clergé  et 
le  peuple.  (Voy.  S.  De^tis,  De  EccL  Hier,,, 
c.  6, 1.  lu,  p.  386;  les  ConstituHans  aposio- 
iiqueSf  1.  nii,  c.  13;S.Ctbil.  dbJébcsalbii, 
cat.  4,  n.  2%;  cat.  12,  n.  33,  et  cat.  6,  n.23; 
S.  GBteoiBB  DB  Naziahzb»  op.  12,  etc.)  Saint 
Basile  (Ep.  canon,  ad  Amphiloc.)  parle  aussi 
de  Tordre  des  vierges.  L*Eglise ,  dans  une 
des  oraisons  du  vendredi  saint,  qui  est  de 
la  plus  hante  antiquité,  puisqu'on  la  trouve  « 
dans  les  sacramentaires  ne  Gélase  et  de  saint 
Grégoire,  prie  pro  oi^tartu,  canfessaribuit 
rirginibtiât  viduM,  etc.  Ménard  croit,  con- 
formément au  sens  du  quatrième  concile  de 
Cartbage,  que  les  confetteur$  dont  il  s*agit 
sont  les  chantres;  mais  on  peut  aussi  bien 
les  entendre  des  asciies  avec  M.  Antonelli. 
y^Voyez  sur  les  ascètes,  S.  Jacqcbs  db  Nisibb, 
or.  6  Dedevoiis^ei  la  dissertation  De  aecetiê 

3ue  M.  Antonelli  a  insérée  dans  son  édition 
es  Œuvres  de  ce  Père,  depuis  la  p.  107, 
jusqu*à  la  p.  2flâ.  Cette  édition  do  saint  Jac- 
ques de  Nisibe  parut  à  Rome  en  1756.) 

On  conçoit  que  la  vie  ascétique  telle  que 
nous  Tenons  de  la  décrire,  ne  pouvait  man- 
quer de  déplaire  aui  protestants,  et  qu'il  est 
de  leur  intérêt  de  la  faire  envisager  comme 
un  effet  de  Tenlbousiasme  de  quelques 
Chrétiens  mal  instruits.  Ce  fut,  selon  leur 
opinion,  une  erreur  capitale,  un  système 
extravagant,  qui  a  causé  dans  tous  les  siè- 
des  les  plus  grands  maux  dans  TEglise. 
«  On  distmgua,  dit  Mosheim,  les  précepies 
que  Jésus-Cbrist  a  établis  pour  tous  les 
hommes,  d'avec  les  conseils  auxquels  il  a 
exhorté  seulement  quelques  personnes;  on 
se  flatta  de  s'élever,  parla  pratique  de  ceux- 
ci,  à  an  degré  supérieur  de  vertu  et  de  sain- 
teté, et  de  Jouir  d'une  union  plus  intime 
avec  Dieu.  Dans  cette  persuasion,  plusieurs 
Chrétiens  du  ii'  siècle  s'interdirent  l'u- 
sage du  vin,  de  la  viande,  du  mariage,  du 
commerce;  ils  exténuèrent  leurs  corps  par 
les  Teilles, l'abstinence, le  travail  et  la  faim: 
bientôt  ils  allèrent  chercher  le  bonheur  dans 
les  déserts,  loin  de  la  société  des  hommes. 
Ce  travers  d'esprit  lui  a  paru  né  de  deux  cau- 
ses; la  première  fut  l'ambition  d'imiter  les 
philosophes  platoniciens  et  pythagoriciens, 
dont  Porphyre  a  rendu  les  folles  idées  dans 
son  Troiié  de  FabsHnence;  le  second  fut  la 
mélancolie  qu'inspire  naturellement  le  cli- 
mat de  l'Egypte,  maladie  dont  étaient  affec- 
tés les  esséniens  et  les  thérapeutes,  qui 
avaient  déjà  mené  cette  vie  triste  et  lugubre 
loDKtemps  avant  la  venue  de  Jésus-Cbrist. 
De  là,  dit-il,  elle  passa  dans  la  Syrie  et  dans 
les  contrées  voisines, dont  les  habitants  sont 
à  peu  près  du  même  tempérament  que  les 
Egyptiens;  et  dans  la  suite  elle  infecta  môme 
les  nations  européennes.  Telle  a  été  l'orjgioe 
des  vœux,  des  mortifications  monastiques, 
'lu  célil  «t   des  prêtres,  des  oénitcnccs  in- 


fructueuses et  des  antres  superstitions  qui 
ont  terni  la  beauté  et  l'a  simplicité  du  chris- 
tianisme.» [Hist.  ecciés.  du  ii*  siècle,  ii'part., 
c.  3,  S  11  et  suiv.)  C'est  le  langage  de  tons 
les  protestants. 

Amsi,  suivant  leur  opinion,  c'est  dès  le 
n*  siècle,  et  immédiatement  après  la  mort 
du  dernier  des  apôtres,  qne  le  cnristianisme 
a  commencé  à  se  corrompre,  à  devenir  un 
chaos  d  erreurs  et  de  superstitions  ;  ce  sont 
les  disciples  mêmes  des  apôtres  qui  ont  pré« 
féré  à  la  doctrine  de  leurs  maîtres  celle  des 
philosophes  païens»  et  qui  ont  fait  dominer 
celle-ci  dans  l'Eglise.  Et  c'est  ainsi  que  Jésus- 
Christ  a  tenu  la  promesse  qu'il  avait  faite 
dêtre  avec  son  Eglise  jusqu à  la  consomma- 
tion des  siècles.  Quand  on  considère  ce 
système  des  prolestants,  on  est  tenté  de  leur 
demander  s'ils  croient  en  Jésus-Christ. 

Au  mot  CoTisEiLsév  ANGÉLIQUES,  nous  ferons 
voir  que  la  distinction  que  les  premiers 
Chrétiens  en  ont  faite  d'avec  les  préceptes, 
n'a  pas  été  une  vaine  imagination  de  leur 
part,  et  que  Jésus-Christ  Fa  faite  lui-même; 

Sie  c'est  lui  qui  a  dit  qu'il  y  a  quelque 
ose  de  plus  parfait  que  ce  qu'il  a  prescrit 
et  ordonné  à  tons  les  hommes,  et  qu'en  le 
faisant  on  peut  mériter  une  plus  grande 
récompense.  Ici  nous  avons,  à' prouver  que 
c'est  encore  lui  qui  a  donné  l'exemple  de  la 
vie  ascétique,  et  que  ses  apôtres  l'ont  prati- 
quée comme  lui  :  les  Chrétiens  n'ont  donc 
pas  eu  besoin  d'en  aller  chercher  le  modèle 
chez  les  philosophes  païens,  ni  chez  les 
esséniens  ou  chez  les  thérapeutes  juifs. 

Jésus-Christ  a  loué  la  vie  solitaire,  péni- 
tente, chaste  et  mortifiée  de  saint  Jean-Bap- 
p:iste  (Malth.  xi,  8),  vie  ascétique  s'il  en 
fut  Jamais:  il  a  pratiqué  lui-même  la  chas- 
teté, la  pauvreté,  la  mortification,  le  jeûne, 
le  renoncement  à  toutes  choses,  la  prière 
continuelle:  tout  cela  cependant  n'est  pas 
commandé  à  tous  les  hommes  ;  nous  per- 
suadera-t-on  qu'il  y  a  de  l'enthousiasme  et 
de  la  folie  à  vouloir  imiter  Jésus-Christ? 
Il  dit  qu'il  y  a  des  hommes  qui  se  sont  faits 
eunuques  pour  le  royaume  des  cieux.  (Maîth. 
XIX,  12.  )  11  appelle  bienheureux  ceux  qui 
pleurent;  il  prédit  que  ses  disciples  jeûne- 
ront lorsqu'ils  seront  privés  de  sa  présence; 
il  leur  promet  le  centuple  parce  qu'ils  ont 
tout  quitté  pour  le  suivre.  {Matth.  v,  5;  ix, 
15;  XIX,  29.)  Il  ne  reste  aux  protestants 
qu'à  se  joindre  aux  incrédules  et  à  dire 
comme  eux,  que  Jésus-Christ  était  d'un 
caractère  austère,  fâcheux,  mélancolique, 
comme  les  Egyptiens;  qu'il  avait  été  élevé 
parmi  les  esséniens,  et  s'était  imbu  de  leur 
morale  arbitraire;  que  le  christianisme,  tel 
qu'il  l'a  prêché,  n'est  propre  qu'à  des  moines. 

Ils  auront  encore  le  même  reproche  à 
faire  à  saint  Paul  :  Je  châtie  mon  corps  et  je 
le  réduis  en  servitude^  dit-il,  de  peur  qu*aprés 
avoir  prêché  aux  autres^  je  ne  sois  moi-même 
réprouvé,  (/  Cor.  ix,  27.)  —  Ceuj:  qui  sont  à 
Jesus-Christf  crucifient  leur  chair  avec  ses 
vices  et  ses  convoitises.  {Galat.  v.  2Î.)  — 
Montrons^nous  dignes  ministres  de  Dieu,  par 
la  patience f  par  les  souffrances,  par  le  travail, 


503 


ASC 


DICTIONNAIRE 


ACS 


364 


par  les  veilles^  par  les  jeûnes,  etc.  (//  Cor., 
VI,  4.)  Il  a  loué  la  vie  pauvre,  austère  et 
pénible  <les  prophètes.  {Hebr.  xi,  37.)  Nous 
avons  cherché  vainement,  dans  les  commen- 
tateurs prolestants,  des  explications  et  des 
subterfuges,  pour  esquiver  les  conséquences 
de  ces  passages  :  nous  n'y  en  avons  point 
trouvé  ;  nous  serons  forcés  de  les  répéter 
aux  mots  Abstinence,  CéuBàT,  Jeune,  Mor- 
tification, Moines,  Voeu,  etc.,  parce  que 
les  protestants  ont  blâmé  toutes  ces  prati- 
ques avec  la  même  opiniâtreté,  et  toujours 
sans  fondement. 

Mais  ils  se  flattent  de  répondre  à  tout  par 
un  seul  passage  de  saint  Paul,  qui  dit  à 
ïiraothée  :  (/  Tim,  iv,  7.)  Exercez-vous  à 
la  piété,  car  tes  exercices  corporels  sont  utiles 
à  mu  de  chose  ;  mais  la  piété  est  utile  à  tout, 
elle  a  les  promesses  de  la  vie  présente  et  de  la 
vie  future.  La  question  est  de  savoir  si,  par 
exercices  corporels,  TApôtre  entend  la  prière, 
le  travail,  les  veilles,  les  jeûnes,  etc.,  quMl 
recommandait  aux  fidèles;  dans  ce  cas, 
TApôlre  se  serait  contredit  grossièrement, 
et  nous  demanderions  encore  ce  qu*il  faut 
entendre  par  s'exercer  à  h  piété.  Pour  nous 

auicrai^jnons  de  mettre  saint  Paul  en  contra- 
iction  avec  lui-môme,  nous  pensons  que 
par  les  exercices  corporels,  il  a  entendu  la 
course,  le  pugilat,  le  jeu  du  disque  et  les 
autres  exercices  violents  dont  les  Grecs  et 
les  Romains  faisaient  beaucoup  de  cas  et 
beaucoup  d*ttsage:  que  s'exercer  à  la  piété, 
c*est  s'occuper  de  la  prière,  de  la  méditation, 
de  la  lecture,  des  louanges  de  Dieu,  des 
veilles  et  des  jeûnes,  comme  TApûtre  le 
recommande,  et  comme  faisaient  les  ascètes 
de  TEglise  primitive;  nous  soutenons  que 
ces  exercices  font  partie  de  la  vraie  piété,  à 
laquelle  Jésus-Christ  a  pronis  les  récom- 
penses de  la  vie  présente  et  de  la  vie  future. 
(JUatth.  XIX,  29.) 

Nos  rationalistes  contemporains  n*ont  pas 
mieux  traité  les  ascètes  que  ne  i*avaientfait 
les  écrivains  protestants.  Pour  eux,  les  as- 
cètes chrétiens  ne  sont  que  d.es  espèces  de 
fakirs,  le  mysticisme  catholique  n'étant 
qu'une  copie  du  mysticisme  indien.  Point 
de  différence  pour  le  fond  entre  les  pratiques 
de  la  perfection  chrétienne  et  celles  do  la 
perfection  enseignée  par  Bouddha  et  par  ses 
lidèles  disciples.— Il  suQit  de  lire  bs  écrits 
et  la  vie  admirable  de  nos  plus  célèbres 
mystiques,  de  saint  Antoine,  de  saint  Hila- 
rion,  de  saint  Jean  Climaque,  de  sainte 
Thérèse,  de  saint  Jean  de  la  Croix,  pour 
faire  tomber  de  pareilles  objections.  Com- 
ment oser  comparer  les  pratiques  si  pures 
de  la  vie  spirituelle,  avec  les  puérilités 
cruelles  et  absurdes  que  nous  retrouvons 
dans  les  livres  sacrés  de  llnde?  Ces  receltes 

(iOl)  Il  parle  à  Ardjouna  qu^il  initie  aux  vé- 
rités divines,  et  qui  rappelle  le  Télémaquc  de  Fé- 
ueion. 

(102)  Ou  ont,  syllabe  mystique  et  sainte,  qui  dé- 
signe les  trois  dieux  de  la  trimouni.  —  Le  Manava- 
Dharma-Sastra ,  explique  ainsi  Torigine  de  ce  mot 
célèbre,  c  La  leure  A ,  la  leUre  U  et  la  lettre  M ,  qui 
par  leur  réunion ,  forment  le  monosyllabe  sacre,  ont 


du  mysticisme  indien  sont  trop  cuiieuses 
pour  que  nous  ne  les  mettions  pas  sous  ^es 
yeux  du  lecteur;  elles  serviront,  à  fairo 
juger  de  l'exactitude  de  certains  prallèles. 

Le  Rhagavad-Gita  prescrit  à  celui  qui  as- 
pire à  la  sagesse,  «  de  se  tenir  dans  la  soli- 
tude, dans  une  contrée  pure,  sur  un  siège 
qui  ne  soit  ni  trop  haut  ni  trop  bas,  qui  soit 
couvert  de  vêtements  ou  d*une  peau  de  ga- 
zelle, ou  d'un  peu  d'herbe  sacrée;  de  domp- 
ter ainsi  ses  sens,  ses  pensées  et  ses  actloos, 
en  se  purifiant  lui-môme;  de  tenir  le  corps, 
la  tête,  la  nuque. immobiles;  de  regarder 
fixement  la  pointe  du  nez,  sans  détourner 
ses  yeux  ;  de  rester  calme,  libre  de  crainte, 
chaste  ;  de  ne  songer  qu'à  Dieu  ;  c'est  ainsi 
que  l'yogi  arrivera  à  cette  tranquillité  voi> 
sine  de  Tabsorption.  »  {Rhagavad-Gita,]]!, 
VI,  il,  16.  — Chassay,  Essai  sur  le  mj/ui- 
cisme. } 

«  Lechemin,dilKrichnadanslemèmepoë- 
me,  le  chemin  que  suivent  ceux  quise domp- 
tent, quisont  libresdecolère,que  recherchent 
ceux  qui  vivent  dans  la  chasteté,  c'est  te  che- 
min queje  t'indiquerai  (lOi).  llsfermenl  toules 
les  portes  du  corps  (  les  sens  ),  renferment  Jc 
sens  intérieur  dans  le  cœur,  retiennent 
l'haleine  dans  la  tète,  persévèrent  dans 
^*yàgti,  prononcent  Aum  (102),  c'est*àdin) 
la  divinité  éternelle,  et  pensent  à  moi. Celui 
qui  s'applique  à  cette  pratique  s'élèvera 
après  la  mort  sur  le  sentier  suprême.!  (AAa* 
gavad'Gita,  liv.  viii,  11.) 

Il  faut  lire,  dans  l'analyse  que  H.  Lanjui- 
nais  a  donnée  de  VOupnek'Jiat,  comment  les 
livres  sacrés  de  la  première  classe  envisagent 
la  manière  de  se  réunir  h  la  substance  uni- 
verselle (103].— On  apprend,  dans  ce  curieux 
résumé  de  la  doctrine  philosophique  des 
védas,  qu'il  faut  «  retenir  son  baleine,  lier 
sa  pensée  à  un  objet  particulier,  raisonner 
on  soi  selon  les  védas,  penser  que  l'Ame  est 
une  avec  Dieu.  Retenir  rhaleine,  c'est  Tatti* 
rer,  ou  la  garder,  ou  l'expirer.  Quand  on 
Tattire,  il  faut  s'en  'gonfler  pleinement; 
quand  on  la  garde,  il  faut  rester  sans  mou- 
vement, et  dire  autdht  de  fois  le  nom  de 
Dieu  ;  quand  on  l'expire,  il  faut  penser  que 
le  vent  est  sorti  de  i'éther  et  va  s'y  absor- 
ber. Dans  cet  exercice,  il  faut  se  rendre 
commeaveugle  et  sourd,  et  immobile  comme 
un  morceau  de  bois.  » 

Cette  manière  de  respirer  et  de  relenir 
l'haleine  est  encore  décrite  plus  spéciale- 
ment :  «  Avec  un  doigt  on  terme  une  aile 
du  nez,  par  l'autre  on  attire  l'air,  puis  on  la 
ferme  avec  un  doigt  en  pensant  que  le  Créa- 
teur est  dans  tous  les  animaux,  dans  Ia 
fourmi  comme  dans  Téléphartt.  —  D'abord 
on  dit  douze  fois  Aum;  pendant  chaque as- 
piration,on  doit  dire  quatre-vingts  fois  Am* 

éié  exprimées  aes  trois  livres  saints  par  Brahmà,  le 
Seiçneur  des  créatures,  t 

(Manava-Dharma-Sastra ,  traduction  LoiSELsri- 
Deslongciiamps,  I.  II,  stance  76.) 

(103)  Cf.  LANJUiNAid,  Analyse  de  Loupnek'hat, 
surtout  le  chapitre  intitulé  :  Méthodes  praliq^ 
d'unifié  ^(ion. 


305 


ÂSC 


D'ASCETISME. 


ÂSC 


306 


puis,  autant  de  fois  que  possible,  se  repré' 
senlanl  le  Créateur  comme  un  être  parfait^ 
et  pensant  qu'on  peut  le  voir  par  le  moyen 
de  sa  lumière.  Faitesceia  pendant  trots  mois 
^ns  crainte,  sans  paresse,  mangeant  etdor* 
mant  peu  :  au  quatrième  mois,  les  bons  an- 
giS  ▼ous.apparaltront;  au  cinquième,  tous 
aurez  acquis  les  qualités  des  anges;  au 
si  lième,  vous  serex  devenu  Dieu  !  » 

Terminons  ces  curieuses  citations  par 
Texposé  d'une  méthode  d*unificaiion  four- 
nie par  rOupjieika/;  c  A?ec  lo  taian  bou- 
cliez  puis  tirez  le  ?ent  de  t>as  en  haut 

par  le  côté  droit;  faites-le  tourner  trois  fois 
autour  de  la  seconde  région,  ensuite  au 
nombril  qui  est  la  troisième,  puis  à  la  qua- 
trième, qui  est  le  milieu  du  cœur,  puis  à  la 
oLociuièmequi  est  è  lagorge,  puis  à  la  sixième 
^  riolérieur  du  nez.  Le,  retenez  le  ?ent, 
il  est  defenn  celui  de  i*âme  uniferselle; 
alors  pensez  au  grand  Aum  qui  est  le  nom 
da  Créateur,  la  Toix  universelle,  pure  et 
t!idi visible,  qui  remplit  tout,    qui  est    le 

Créateur  (IM).» 

Mais  pourquoi  tant  de  pénibles  efforts  ? 
^j  a-C-il  pas  des  moyens  plus  prompts, 
/>'us  énei^iques  pour  rentrer  dans  la  suti- 
siance  universelle  ? — Arrivés  là,  nous  allons 
voir  éclater  toutes  les  redoutables  consé- 
a'Jences  du  quiétisme,  de  cette  fausse  et 
o'risoire  piété  qu'on  veut  comparera  cellede 
rEvangile,etIe  mysticisme  hindou  venirenfm 
a^utir,  comme  le  scepticisme  du  xix'  siè- 
cle, à  une  théorie  raisonnée  du  ^icide. 

«  Que  l'anachorète,  est-il  dit  dans  le  Ma- 
nata'd'Barma'S€ulraf  se  roule  sur  la  terre, 
ou  qu'il  se  tienne  tout  un  jour  sur  le  bout 
lies  pieds,  dans  la  saison  cnaude  (grichma)  ; 
qu'il  supporte  l'ardeur  de  cinq  feux,  pendant 
les  pluies  (varchai);  qu'il  s*expose  tout  nu 
aux  torrents  d'eau  que  versent  les  nuages 
durant  la  saison  froiue  {hemania)  ;  qu'il  porte 
un  vêtement  humide,  augmentant  par  de- 
grés ses  austérités.  —  Trois  fois  par  jour,  en 
taisant  son  ablution,  qu'il  satisfasse  les  dieux 
(*t  \ts  mânes  par  une  libation  d'eau,  et  se  li- 
vrante des  austérités  de  plus  en  plus  rigou- 

(101  On  verra  dans  rcavrage  du  vénérable  abbé 
DqMs  ,  de  curieux  détails  sur  les  extravagances  du 
qaiirlisiBe  hindou.  (Cf.  Dubois,  Mamn  des  Hindous, 
4,  «71.) 

(105)  Mmuna-Dkarma-Sattra ,  tradurlion  Loise- 
uni-4>csL03iGCHAHPS,  lîv.  VI ,  staoccs  ii-4i.  —  Le 
leite  de  la  24'  slance  laisse  tûen  des  obscurités  sur 
^  Uu  de  ces  péniteoces ,  mais  la  stauce  St*  éclaircil 

il06)  Sur  la  péuiteiiec  appelée  Tapas,  cf.CLAVEL, 

Wist.  des  reiig.,  1 ,  20-1;  liocuiNCCN ,  Vie  contemplât, 

in  Hindous^  i"  part.  chap.  9,  10,  et  surtimt  Ma- 

Mp«  Dkarma-Sastra ,  liv.  ix  ,  stances  25^24^.  — 

{^a(>rèsoe  livre  sacré,  <  la  puissance  du  Tapas  est 

H  tmiide,  qn*il  fait  aller  au  ciel  les  vers ,  les  ser- 

^'p.ls ,  les  sauterelles  et  les  plantes.   »  Kt  c*est  de 

^-Ues  extravagances  qu^on  voudrait  tirer  FEvangile  ! 

-^  Du  reste  ,  la  science  est  aussi  eflicace  que  le  Ta- 

/^s:  fl  car  an  lirahinane  possédant  le  Rig-Yéda  tout 

botter,  ne  serait  souillé  d aucun  crime,  même  s'il 

^fail  tué  tons  les  habitants  des  trois  mondes  !  » 

iMamâsva-Dharma-Sastra,  Ut.  xi,  stance 261.) Quels 
^^iranjîes  rapports  avec  le  gnosticisme! 

(107j  Mûnava-Dharma-Sattra ,  traduction  LoiS£- 


reuses,  qu'il  dessèche  sa  substance  mor- 
telle (105).> 

Le  Ramayana  et  le  Mdhâbàraia  abondent 
en  exemples  de  ce  terrible  tapas  (106).  Mais 
tout  cela  n'a-t-il  pas  été  autorisé  par  la  lé- 
gislation révélée?  Ecoulez  un  de  Sfts  con- 
seils :  c  Qu'il  s*avance  vers  la  région  invin- 
cible (nord-est),  et  marche  d'un  pas  assuré 
vers  la  dissolution  de  son  eorps^  aspirant  à 
Vunion  divine^  et  ne  vivant  que  d*eau  et 
d'air  (107).  «Quand  on  entend  les  livres  sa- 
crés prêcher  une  telle  doctrine,  et  qu'on  les 
voit  arriver  aux  plus  funestes  conséquences 
du  quiétisme,  faut-il  s'étonner  que  le  suicide 
rel  igieux  soit  devenu  dans  Tlnde  une  profonde 
et  incurable  maladie,  que  la  conquête  an- 
glaise et  les  progrès  de  la  civilisation  n*ont 
pu,  jusqu'ici,  parvenir  à  faire  disfiarattre? 

Citons  quelques  exemples  qui  forment  un 
contraste  curieux  avec  l'antipathie  que  l'E- 
vangile professe  pour  la  mort  volontaire  et 
avec  la  résignation  qu'il  recommande  sans 
cesse  aux  décrets  du  ciel  :  la  pémtenes  car- 
dagni  consiste  à  se  couvrir  entièrement  de 
bouse  de  vache,  à  !a  laisser  sécher  et  à  se 
laisser  brûler  avec  elle.  Par  ce  moyen,  tous 
les  péchés  sont  consumés,  et  l'âme  du  pé* 
nitent  va  droit  au  ciel  (108).  —  M.  Bochinger 
cite  encore  quelques  pénitences  mortelies« 
comme  de  se  faire  enterrer  dans  la  neige, 
de  s'exposer  à  l'embouchure  du  Gange,  aux 
alligators,  de  se  couper  la  gorge  au  con- 
fluent du  Gange  et  de  la  Djumna  (109). 

H.  Clavel  raconte  les  suicides  qui  accom- 
pagnent encore  de  nos  jours  la  procession 
deDjaggernÀtha(llO).  —  La  pénitence  ap«* 
pelée  Rayopastescha^  dont  il  est  parié  dans 
le  Ramayana ,  consiste  à  se  laisser  mourir 
de  faim  (lit).  Autrefois  le  suicide  par  le  feu 
n'était  pas  rare;  les  Hindous  et  les  Grecs 
l'attestent  unanimement  (lia).  Mais  pourquoi 
recourir  à  de  si  rudes  moyens  pour  précipi- 
ter la  délivrance  de  l'ârae  ?  Les  privilèges 
du  ceux  qui,  pendant  celte  vie,  parviennent 
à  s'idenlilier  avec  Rrahm ,  ne  sont-ils  pas 
tellement  glorieux  qu'ils  sembleraient  bien 
faits  pour  satisfaire  les  désirs  les  plus  insa- 

LEL'R-DESLO.waïAMPS,  Uv.  6,  stancc  31.  —  Plus  bas 
la  rentrée  en  Brabm,  ou  délivrance,  est  appelée 
Moekcba.  (Cf.  liv.  vi,  stauce  35,  et  liv.  i,  slance  98.) 
Dans  le  dernier  passage ,  on  dit  que  le  Brahmane 
est  destiné  à  s'identifier  avec  Rrahm.)  —  Sur  la 
pénitence  du  Mahaprasthama,  que  cite  ici  le  code 
sacré,  cf.  le  Ramayana,  édition  Carey  et  Marsbam, 
2,  451.  —  Au  reste  ,  les  Yédas  eux-mêmes,  la  plus 
grande  autorité  théologique  de  rindc,nerccomman* 
dent-ils  pas  le  suicide  religieux? 

(108)  Cf.  MooR,  Panthéon  hindou,  t38.  ^ 

(109)  Cf.  RocHi?(CER,  Vie  contemplât,  des  Hindous, 
!'•  partie,  ch.  9. 

(110)  Ou  Jagrenat,on  Jaguernat,  oo  Djagannatba, 
ou  Djagîçemal,  car  on  trouve  ces  différents  nom». 

—  Cl.  Clavel,  Uist.  des  religions,  liv.  i,  ch.  11; 
ButiLLEV  ,  Dictionn.    universel ,   article   Djagger- 

nai.  ^  -- 

(111)  Cf.  lAtRamagana,  édition  Carrey  et  Mar- 

sbaui.  II,  451. 

(1 12)  l^  Ramayana,  UI,  74;  Wn.so3i,  Théâtre  «in- 
dou,  I,  ti,  UI,  130;Steaboîi,  C^09riipAt>,xv,U'aduct. 

LàrORTE  DU  TllEIL,  GoSSELW,  COBAI  ,  et  LETEOSJiE. 

—  Maiulcuaut,  au  lieu  de  se  brûler  et  de  s  empoi- 


907 


^x 


ss 


DICTIONNAIRE 


AUG 


308 


liables  ef  contenter  la  plus  audacieuse  am- 
bition?— En  effet,  une  fois  que ,  par  l'abs- 
traction et  Tanéantissement  de  sa  person- 
nalité, un  yogi  est  arrivé  à  s'élever  au-des- 
i  sus  des  agitations  passagères  de  ce  monde, 
1  il  obtient  alors  cette  inamissibilité  de  la 
jtistice  attribuée  par  Calvin  à  la  justification, 
et  par  Molinos  à  la  vie  vraiment  contempla- 
tive.  Ces  étranges  assertions  qui  ruinent  la 
morale  par  la  base,  sont  une  des  chimères 
qu'a  toujours  le  plus  volontiers  caressées  la 
folle  iiùagination  des  quiélistes  de  l'Inde. 
Pendantque  TEvangile  recommande,  comme 
la  voie  suprême  de  la  perfection,  la  simpli- 
cité des  petits  enfants,  le  mysticisme  pan- 
théiste précipite  l'humanité  dans  toutes  les 
extravagances  d'un  orgueil  effréné.  En  effet, 
quel  plus  sûr  moyen  d'égarer  la  raison  de 
1  homme,  que  de  le  présenter  dès  ici-bas 
comme  revêtu  d'une  sainteté  qu'aucune 
chute  ne  peut  affaiblir,  qu'aucune  souillure 
ne  peut  jamais  ternir?  Exposer  de  pareilles 
doctrines,  c'est  réfuter  les  conséquences 
que  Ton  voudrait  en  tirer  contre  l'ascétisme 
catholique  (113). 

ASCETIQUES  (Livres  et  auteurs.)  ^Voy. 
le  Catalogue  fixa  du  tom.  H. 

ASCÉTISME.  —  Foy.  Ascètes,  Théologie 
mystique. 

ASPIRATION  A  LA  BÉATITUDE.  —  Foj/.  Es- 

pérangb. 

ASSELINE,  d'abord  professeur  d'hébreu  à 
la  Sorbonne,  puis  éveque  de  Boulogne,  na- 
quit à  Paris  en  17i2.  11  eut  la  gloire  de  con« 
yertir  le  comte  de  Stolberg.  Ses  principaux 
ouvrages  spirituels  sont  :  ConsidércUions  sur 
rEucharistte;  des  Méditations;  Réflexions  sur 
les  Vertus  théologales:,.. 

ASSIDEENS  ou  Hassidéens.  —  Secte  des 

1*uifs  mystiques,  ainsi  nommés  du  mot  hé- 
)reu  hhasiaim  justes.  Les  assidéens  croyaient 
les  œuvres  de  surérosation  nécessaires  au 
salut.  Ils  furent  les  prédéceseurs  des  phari- 
siens, desquels  sortirent  les  esséniens  qui 
enseignaient,  comme  eux,  que  leurs  traditions 
étaient  plus  parfaites  que  la  loi  de  Moïse. 
Serrarius,  jésuite,  et  Drusius,  théologien 
protestant,  ont  écrit  l'un  contre  l'autre  tou- 
chant les  assidéens ,  à  l'occasion  d'un  pas- 
sage  de  Joseph,  (ils  de  Gorion.  Le  premier 
a  soutenu  que,  par  le  nom  d'assidéens, 
Joseph  entend  les  esséniens,  et  le  second  a 
prétendu  qu'il  entendait  les  pharisiens.  Il 
serait  facile  de  concilier  ces  deux  senti- 
ments, en  observant  qu'assidéens  a  été  un 
nom  générique,  donné  à  toutes  les  sectes 
des  Juifs  qui  aspiraient  à  une  perfection 
plus  haute  que  celle  qui  était  prescrite  par 
la  loi  :  tels  que  les  cinéens,  les  réchabiles, 
les  esséniens,  les  pharisiens,  etc.,  à  peu 
près  comme  nous  comprenons  aujourd'hui, 
sous  le  nom  de  religieux  et  de  cénobites, 
tous  les  ordres  et  les  instituts  religieux. 

.  sonner,  on  se  noie  ou  on  se  fait  enterrer.  (Cf.  lie- 
cherches  asiatiques,  Yll,  25()  ;  Journal  asiatique,  XXY, 
205,  et  H,  259.)  —  Nous  n'avons  sur  celte  question 
du  suicide,  cité  que  les  faits  les  plus  importants.  On 
trouvera  des  détails  plus  étendus  dans  un  écrivain 
que  nous  avons  sur  ce  point  souvent  consulté  nous- 


'Mais  tous  les  assidéens  n'étaient  pas  pha- 
risiens. (  Bbuckeb,  Histoire  de  la  phtlos,, 
tome  H,  p.  713.) 

ATHANASE  (Saint),  surnommé  le  Grand, 
naquit  à  Alexandrie  d  une  famille  distinguée. 
Il  fut  élevé  au  diaconat  par  saint  Alexandre, 
évêque  de  cette  ville.  Dieu,  qui  le  destinait 
à  combattre  la  plus  terrible  des  hérésies, 
armée  tout  à  la  fois  des  subtilités  delà  dia- 
lectique et  de  la  puissance  des  empereurs 
de  Constantînople,  avait  mis  en  lui  tous  les 
dons  de  la  nature  et  de  la  grâce  qui  poa-' 
vaient  le  rendre  propre  à  remplir  cette 
haute  destination.  Il  accompagna  son  évéque 
au  concile  œcuménique  de  Nioée,  et  s*j  dis- 
tingua par  son  zèle  et  son  éloquence.  Saint 
Alexandre  le  choisit  pour  son  successeur 
Tannée  suivante,  en  â26.  Athanase  signala 
son  entrée  dans  Tépiscopat  en  refusant  de 
recevoir  Arius  à  sa  communion.  Après  une 
vie  continuellement  agitée  par  la  persécu- 
tion, et  toute  consacrée  à  la  défense  de  la 
vérité  catholique,  il  mourut  le  2  moi  373, 
après  M  ans  d*épiscopat.  Il  avait  l'esprit 
juste,  vif  et  pénétrant;  le  cœur  généreux  et 
désintéressé  ;  une  foi  vive,  une  charité  sans 
bornes,  une  humilité  profonde;  un  chris- 
tianisme mâle ,  simple  et  noble  comme 
l'Evangile.  Ses  œuvres  ascétiques  sont  : 
V  Traité  de  la  virginité: — ^Lettre  à  Ammon^ 
où  il  établit  que  le  péché  seul  peut  souiller 
l'homme  ;  3*  Abrégé  de  l'Ecriture  sainte;  - 
k"*  Vie  de  saint  Antoine,  la  plus  belle  qu'on 
puisse  lire;  —  5*"  Exhortation  aux moine$; 
—  6"  De  ta  perfection  de  la  vie  monastiqut, 

ATTENTION. Foyejs  intelligence, prière, 

DISTRACTION. 

AUGE,  premier  archidiacre  de  la  métro- 
pole de  Paris,  mort  le  12  novembre  18U,à 
quatre-vingt-sept  ans,  était  originaire  de 
Beauvais.  Il  composa  pendant  l'émigration, 
de  concert  avec  M.  Coquatrix,  grand  vicaire 
de  M.  Asseline ,  évoque  de  Boulogne,  le 
livre  si  estimé  et  si  répandu ,  intitulé  : 
Miroir  du  clergé. 

AUGUSTIN  (Saint),  né  à  Tagaste,  en35i, 
de  Patrice  et  de  Monique,  étudia  d'abord 
dans  sa  ville  natale,  ensuite  à  Madaureetà 
Carthage.  Ses  mœurs  se  corrompireot  dans 
cette  dernière  ville  autant  que  son  esprit  s'y 
perfectionna.  Il  eut  un  fils  nommé  Âdéodal 
(  a  Deo  datus },  fruit  d'un  amour  criniinc), 
mais  né  avec  le  génie  de  son  père.  La  secte 
des  manichéens  fit  d'Augustin  un  adepte  qui 
devint  bientôt  son  plus  ferme  appui.  Il  pro- 
fessa ensuite  la  rnétorique  à  Tagaste,  à 
Carthage,  à  Rome,  à  Milan,  où  le  prt^fot 
Symmaque  l'envoya.  Ambroiso  était  alors 
évoque  de  celte  dernière  ville.  Augustin» 
qui  alla  l'entendre,  touché  de  ses  discours 
et  des  larmes  de  la  pieuse  Monique,  sa  mère, 
pensa  sérieusement  à  quitter  sa  vit  «iéré- 
glée  et  le  manichéisme.  Il  se  fit  bautiser  à 

même.  (Cf.  Bociiinger,  Vie  complatire  chez  tes  Hin- 
dous,   I"  parli«,  ch.  9.  —  M.  Cfavel  esl  Dicn  moir^ 
complet  sur  la  question  des  pénitences  el  du  suiciu** 
rclitfieux.) 
(115)  Voij.  Chassay,  Essai  sur  le  mysticisme.  {\^'^ 

Van,  MOLNES,   Mo.NASltRES.} 


:w 


AVA 


D'ASCETISME. 


ATA 


310 


Ififan,  \A  veille  de  Pâ^jues,  en  387,  Jnns  la 
ireiUe-nJeuxième  année  de  son  Age.  Il  re- 
n43nça  dès  lors  à  la  profession  de  rhéteur. 
De  retour  à  Tagaste,  il  se  livra  au  Jeûne  el 
à  la  prière,  donna  ses  biens  aux  pauvres,  et 
forma  une  communauté  avec  quelques-uns 
de  seâ  amis.  Il  se  rendit  peu  après  à  Hip- 
p3ne,  et  Vaière,  qui  en  était  évéque,  le  Gt 
r>rétre  malgré  lui  au  coromencement  de 
Tan  391.  L^nnée  suivante,  Augustin  con- 
fondit Forinnat,  prêtre  manichéen,  dans 
une  conférence  publique,  et  avec  d'autant 
I  lus  de  succès,  qu'il  avait  connu  le  fort  et 
le  faible  de  cette  secte.  En  393,  il  donna 
une  explication  si  savante  du  symbole  de  la 
fjî,  dans  un  concile  d'Hipponc,  que  les  évô- 
q*jes  pensèrent  unanimement  qu'il  méritait 
d'être  élevé  à  l'épiscopat.  Un  aulre  concile, 
tena  en  3%S,  le  donna  pour  coaJjnteur  à 
Yalère.Ce  fut  alors  que  l'on  vit  éclater  toutes 
les  vertus  et  tout  le  génie  d'Augustin,  il  eut, 
eitre  autres,  l'occasion  de  déployer  toutes 
les  ressources  de  sa  science,  de  son  élo- 
quence et  de  sa  pénétration ,  dans  une  con- 
férence des  évéques,  catholiques  et  dona- 
tistes,  à  Carthage  en  ill.  Il  y  ût  éclater  son 
zèle  pour  l'unité  de  l'Eglise,  el  le  commu- 
niqua à  ses  collègues.  Consumé  de  travaux 
et  d'aostérité5,  il  mourut  en  J^30,  âgé  do 
soixante-seize  ans,  dans  sa  ville  é'piscopale, 
•]uî  était  assiégée  depuis  plusieurs  mois  par 
U^s  Vandales.  Ce  grand  homme  vivait,  pour 
ainsi  dire,  des  succès  de  la  religion  et  de  la 
gloire  de  l'Eglise.  Possidonius,  évoque  de 
Calame,  son  ami,  écrivit  sa  vie.  Cet  histo- 
rien compte  1030  de  ses  ouvrages,  en  y  corn- 
prenent  ses  Sermons  et  ses  Lettres.  On  re- 
marque dans  tous  un  génie  vaste,  un  esprit 
|iénélrant,  une  force  de  raisonnement  admi- 
rable et  un  style  plein  d'énergie  et  de  vi- 
gueur. {Voir  pour  ses  œuvres  ascétiques,  le 
Catalogue,  è  la  fin  du  tome  II.) 

AUSTÉRITÉS.  —  Voy.  MoRTiFiCATioîf. 

AVANCEMENT  SPIRITUEL.  —  C'est  une 
miximé   générale  de  tous  les  saints,  que 
c'est  reculer  dans  la  voie  de  Dieu,  que  de 
n'y  point  avancer.  C'est  ce  que  nous  préten- 
dons montrer  ici,  afin  que  cette  considération 
nous  serve  d'un  moyen  efficace  pour  nous 
encourager  à  faire  tous  les  jours  de  nouveaux 
progrès  dans  la  perfection.  Car  quel  est  ce- 
lui qui  voudrait  retourner  en  arrière  après 
avoir  longtemps  cheminé,  sachant  prîncipa- 
li-ment  qu'il  aurait  contre  lui  celte  sentence 
ilu  Sauveur  dans  l'Ëvangije  i  Quiconque  met 
la  main  â  la  charrue  et  regarde  derrière  soi, 
ntst  pas  propre  au  royaume  de  Dieu.  Voilà 
des  paroles  qui  devraient  nous  faire  trem- 
l»!er,  et  le  grand  saint  Augustin  dit  là-des- 
sus :  Nous  ne  pouvons  nous  empêcher  de 
descendre  qu'en  nous  etTorçant  toujours  de 
monter.  Car  dès  que  nous  commençons  à 
nous  arrêter,  nous  descendons,  et  c*est  re- 
culer que  de  ne  pas  avancer  :  de  sorte  que 
si  nous  ne  voulons  retourner  en  arrière,  il 
faut  qne  nous  courions  toujours  sans  nous 
reposer.  Saint  Grégoire,  saint  Chrysoslome, 
saint  Léon  Pape  et  plusieurs  autres  saints 
disent  souvent  la  môme  chosci  et  i^rcsque 


dans  les  mômes  termes.  Mais  saint  Bernard 
retend  bien  davantage.  Dans  deux  de  ses 
épttres,   s'adressant  au  religieux  lâche  et 
tiède  qui  se  contente  de  mener  une  vie  or- 
dinaire, sans  songer  à  son  avancement,  il 
Timerroge,  et  fait  le  dialogue  suivant  :  «  £h 
quoi,  ne  voulez-vous  point  proOter?  — Non. 
—  Vous  voulez  donc  retourner  en  arrière?— 
Je  veux  demeurer  comme  je  suis,  et  ne  de- 
venir ni  meilleur  ni   pire.  —  Vous  voulez 
donc  l'impossible,  puisque  dans  le  monde  il 
n'y  a  aucun  état  de  consistance?  C'est  un 
avantage  qui  n'appartient  qu'à  Dieu  seul, 
dans  lequel  il  n'y  a  point  de  changement, 
ni  même  la  moindre  oiLbre  de  vicissitude  : 
Je  suis   le  Seigneur ^  dit-il,  et  je  ne  change 
poini.  —  Mais  toutes  les  choses  du  monde 
sont  sujettes  è  tfn  changement  perpétuel. 
Ils  s^ useront  comme  un  vilement,  (lit  le  Psaî- 
miste,  parlant  des  cieux,  et  tous  les  change- 
rez aussi  aisément   quon    change   d  habit  ; 
mais  pour  tous.  Seigneur,  vous  îles  toujours 
le   mime  ,    et     vos   années   sont  .  éternelles. 
L'homme  surtout,  selon  le  témoignage  de 
Job,  n'est  jamais  dans  une  même  situation.  H 
fuit  comme  l'ombre  et  no  demeure  jamais 
dans  le   môme  état.  Et  Jésus-Christ  môme, 
ajoute  saint  Bernard,  tant  qu'il  a  été  sur  la 
terre,  et  qu'il  a  conversé  avec  les  hommes, 
s'est-il  arrêté?  — 11  croissait  en  sagesse,  en 
âge  et  en  grâce  devant  Dieu  et  devant   les 
hommes  :  c'est-à-dire  qu'à  mesure  qu'il  crois- 
sait en  âge,  il  donnait  des  marques  plus  écla- 
tantes de  sagesse  et  de  sainteté,  el  se  pré- 
parait è  courir  comme  un  athlète  dans  la 
carrière  des  peines  et  des  souffrances.  Saint 
Jean  dit  aussi  que  celui  qui  veut  demeurer 
avec  Jésus-Christ ,   doit   marcher   dans  le 
môme  chemin  et  au  môme  pas  que  lui.  Mais 
si,  lorsciu'il  court,  vous  vous  arrêtez,  n'est- 
il   pas  évident  que  vous  vous  éloignez  de 
lui,  au  lieu  de  vous  en  approcher?  L'Ecri- 
ture sainte  nous  aprend  que  Jacoh  vit  uno 
échelle  oui  tenait  depuis  la  terre  jusqu'au 
ciel,  au  naut  de  laquelle  Dieu  était  appuyé 
et  qui  était  pleine  d'anges  qui  montaient  et 
c|ui  descendaient  incessamment  sans  qu'au- 
cun d'eux  s'arrêtât,  pour  nous  donner  à  en- 
tendre, dit  saint  Bernard,  ({ue  dans  le  che- 
min de  la  vertu  il  n'y  a  point  de  milieu  en- 
tre monter  et  descendre,  entre  avancer  et 
reculer.  Lorsqu'on  travaille  au  tour,  la  roue 
retourne  sur  elle  dès  qu'on  veut   l'arrêter; 
de  môme  aussi ,  dès  qu'on  cesse  d'avancer 
dans  la  vertu,  on  recule  nécessairement  en 
arrière,  j»  L'abbé  Théodore  nous  explique 
les  mômes  sentiments  en  ces  termes,  rap- 
|K)rtés  par  Cassien  :  «  Nous  devons,   dit-il, 
nous  appliquer  sans  relâche  à  l'étude  de  la 
vertu ,   et  en  pratiquer  sérieusement    les 
exercices,  do  peur  que  cessant  d'y  profiter, 
nous  ne  commencions  aussitôt  à  y  devenir 
moins   parfaits;  car  l'esprit,   comme  nous 
l'avons  dit,  ne   peut  demeurer  dans   une 
niôme  assiette  ;  il  faut  ou  qu'il  augmente 
ou  qu'il  diminue  en  vertu  ;  c'est  perdre  que 
de  ne  pas  acquérir,  et  l'on  est  en  danger  de 
déchoir  bientôt,  dès  qu'on  ue  se  sent  plus 
Teuvic  Je  faire  des  progrùîj.  • 


911 


A  VA 


DICTIONMIRE. 


AYA 


312 


Le  même  Cassiea  nous  explique  celle  vé- 
rilé  par  une  comparaison  (rès-jusle,  (jui  esl 
aussi  de  sainl  Grégoire  :  «  Ceux  oui  mar- 
chent* dît-il,  dans  la  YÎe  spiriluelle  »  res- 
semblent h  un  homme  qui  sérail  au  milieu 
d'un  fleuve  rapide;  s*il  vouiail  s'arrôler  le 
moins  du  monde,  et  qu'il  ne  s*eSbrçAl  pas 
toujours  d'aller  contre  le  courant,  il  risque- 
rait d'en  être  emporté.  Le  chemin  que  nous 
avons  è  tenir  est  si  directement  contraire 
au  penchant  de  notre  naturç  corrompue  par 
le  péché,  que  si  l'on  ne  travaille,  et  si  1  on 
ne  s'efforce  d'aller  toujours  en  avant,  on 
sera  sans  doute  entraîné  par  le  cours  impé- 
tueux de  ses  passions.  Le  royaume  du  ciel 
souffre  violence;  il  n'y  a  que  les  violents 

8 ni  l'emportent.  Quand  on  s'avance  contre 
i  marée,  on  doit  toujours  ramer  sans  relA- 
che,eiron  ne  peut  cesser  un  moment,  qu'on 
ne  se  trouve  fort  éloigné  du  lieu  où  l'on 
était.  De  même  ici,  il  faut  toujours  ramer 
sans  relâche,  et  il  faut  toujours  voguer,  et 
fiiire  force  contre  le  courant  de  nos  passions 
déréglées,  si  nous  ne  voulons  nous  voir 
bientôt  extrêmement  éloignés  du  degré  de 
perfection  où  nous  étions  auparavant  arrivés.  » 
Les  six  moyens  qui  contribuent  surtout  à 
notre  avancement  spirituel,  sont  le  recueil- 
lement, la  paix  du  cœur,  le  détachement 
des  créatures,  le  renoncement  à  soi-même, 
l'esprit  de  douceur  et  de  résignation  parfaite 
à  Id  volonté  de  Dieu. 

On  pratique  le  recueillement  en  gardant 
le  silence  et  la  retraite  et  en  ne  se  mêlant 
point  des  affaires  d'autrui.  Le  silence  con- 
siste k  ne  parler  que  lorsqu'il  est  néces- 
saire, et  alors  même  à  parler  peu,  à  moins 
qu'on  ne  s'entretienne  sur  des  matières  qui 
regardent  Dieu;  autrement,  parler  beaucoup 
nuit  toujours  à  la  dévotion.  On  garde  vrai- 
ment la  retraite,  lorsqu'on  suit  ce  conseil  du 
prophète  Isaïe  :  Entrez  dans  le  secret  de 
votre  chambre^  fermez  vos  portes  sur  vous 
(  Isa.  XXVI,  20  )  ;  c'est-à-dire  qu'il  faut  se 
tenir  chez  soi,  s'éloigner  du  commerce  des 
créatures,  ne  chercher  leur  conversation  que 

Eour  la  nécessité,  ou  lorsque  la  gloire  de 
ieu  l'exige;  se  passer  des  visites  et  de 
toute  communication  au  dehors  autant  que 
la  bienséance  et  l'état  de  chacun  peuvent  le 
permettre.  On  ne  s'éloignerait  pas  autant 
qu'il  est  nécessaire  de  ce  qu'on  appelle 
affairesd'autrui,$i  Ton  n'était  déterminé  à  se 
borner  à  son  emploi,  et  à  s'intéresser  sim- 
plement à  ce  qui  est  du  devoir;  à  ne  point 
s'informer  des  nouvelles  et  des  bruits.qui 
oaurent,  et  à  renoncer  aux  connaissances 
mondaines;  car  toutes  ces  choses  doivent 
être  mises  au  nombre  des  inutilités  dont 
il  ne  faut  Jamais  permettre  à  l'esprit  de 
s'occuper,  afin  que,  donnant  toute  son  atten- 
tion è  la  présence  de  Dieu,  aux  mystères  de 
Jésus-Christ  et  aux  paroles  do  'l'Ecriture 
sainte,  on  ne  perde  jamais  de  vue  la  pratique 
des  vertus  et  surtout  de  la  charité  et  de  ' 
rhumilité,  et  qu'on  entretienne  toujours  en 
soi  une  ferme  résolution  de  s'y  perfection- 
ner. 

Trois  choses  contribuent  surtout  h  entre- 


tenir la  paix  du  coour  :  la  première  esl  de 
renoncer  à  toute  affection  aux  objets  créés  ; 
de  n'avoir  nulle  prétention,  nul  désir,  nul 
soin  qui  inquiète  :  quand  on  ne  préteod 
rien,  qu'on  ne  cherche  rien  hors  de  Dieu, 
on  possède  son  âme  en  paix;  la  seconde  esl 
de  réprimer  tout  mouvement  de  passion, 
tout  sentiment  un  peu  vif  et  tout  empresse* 
ment  qui  pourrait  troubler  le  calme  inté- 
rieur. Pour  y  réussir,  il  faut  avoir  soin  d'é- 
viter toute  sorte  de  contestation  avec  le 
prochain  ;  la  troisième  est  de  conserver  le 
goùl  des  choses  divines  et  de  faire  toutes 
ses  actions  dans  le   même  goût,  prenant 

garde  de  ne  donner  aucun  lieu  au  trouble, 
^n  sent  alors  comme  un  baume  céleste  qui 
se  répand  sur  le  ccHur  et  qui  contribue  à  le 
maintenir  dans  une  assiette  tranquille.  Par 
ce  moyen,  on  parvient  à  la  paix  aoot  parle 
sainl  Paul,  laquelle  surpasse  toute  pensée 
(Philip.  IV,  7).  Celle  paix  s'arrête  quelque- 
ibis  dans  la  partie  supérieure  de  l'âme,  sans 
passer  jusque  dans  les  sens.  Alors  l'âme, 

Suoique  sans  goût  sensible,  ne  laisse  pas 
'être  tranquille,  parce  qu'elle  est  péné- 
trée d'une  suavité  divine  purement  spiri- 
tuelle. 

Le  détachement  des  créatures  consiste, 
l"*  à  renoncer  par  un  dépouillement  effectii 
ou  du  moins  par  détachement  du  cœur  à 
tous  les  biens  de  la  terre,  de  sorte  qu'il  n'y 
ait  rien  de  temporel  en  quoi  l'on  cherche 
quelque  appui  ou  le  moindre  contentement; 
2^  à  user  avec  modération  de  toutes  choses 
extérieures,  à  fuir  l'abondance,  à  se  passer 
de  tout  ce  qui  est  précieux ,  de  tout  ce  qui 
ne  sert  qu'aux  aises  de  la  vie,  ou  à  conten- 
ter la  curiosité;  de  tout  ce  qui  n'est  pas  pré- 
cisément nécessaire;  3*  en  un  entier  déga- 
gement de  tout  ce  qui  nous  environne,  si 
bien  que  nous  ne  tenions  à  rien  et  gue  les 
choses  les  plus  nécessaires  nous  deviennent 
indifférentes. 

Le  renoncement  à  soi-même  consiste  à 
sacrifier  ses  intérêts  pour  ne  se  chercher  en 
rien,  à  se  mortifier  en  tout,  combattant 
sans  relâche  les  inclinations  et  les  senti- 
ments déréglés  de  la  nature,  et  n'accordant 
à  son  esprit  et  à  son  corps  aucun  soulage- 
ment ni  aucune  satisfaction,  que  la  raison 
et  la  nécessité  ne  l'ordonnent;  à  s'oublier, 
à  se  haïr  soi-même  d'une  sainte  haine,  et  à 
se  traiter  comme  une  créature  insupporta- 
ble qui  mérite  que  tout  le  monde  la  foule 
aux  pieds. 

L'esprit  de  douceur  comprend  deux  cho- 
ses :  1*  une  égalité  d'âme  et  une  humeur 
accommodante,  qui  se  prêle  à  tout  dans  la 
société  civile,  et  qui  ne  sache  ce  que  c'est 
que  de  témoigner  de  l'aigreur  et  du  ressen- 
timent, lorsqu'elle  se  voit  contrariée; 
2"  une  invincible  patience  dans  les  acci- 
dents fâcheux,  à  l'exemple  de  Jésus-Christ 
et  des  saints  à  qui  ce  divin  Sauveur  a  ex- 
pressément recommandé  cette  vertu,  lors- 
qu'il leur  a  dit  qu'il  les  envoyait  coffime  des 
brebis  au  milieu  des  loups;  voulant  leur 
faire  entendre,  que  les  plus  grandes  adver- 
sités et  les  persécutions  les  j)lus  cruelles  ne 


SIS 


A\A 


D'ASCETISME. 


AVE 


3U 


doirent  jamais  altérer  la  paii  el  la  douceur 
de  leur  cœur. 

La  résignation  parfaile  renferme  trois  ex- 
cellentes pratî(|ues  :  de  soumission  sincère 
à  tout  ce  qui  rient  de  la  part  de  Dieu,  d  a- 
bandoo  areugle  à  sa  conduite*  de  confor* 
mité  sincère  à  sa  sainte  volonté. 

i*  La  soumission  consiste  à  nous  résigner 
de  ocBur  aux  ordres  de  Dieu,  jusqu'à  j  trou- 
Ter  notre  contentement  et  notre  plaisir. 
Cette  résignation  doit  s'étendre  première- 
ment, h  tout  ce  qui  nous  regarde  nous-mê- 
mes :  Doos  devons  être  bien  aises  que  la 
volonté  de  Dieu  s'accomplisse  sur  nous,  et 
trouver  bon  tout  ce  qui  nous  arrive,  quel- 
que desagréable  et  quelque  fâcheux  qu'il 
puisse  être,  â*  La  résignation  doit  s'étendre 
à  tous  les  malheurs  publics,  tels  que  sont  les 
renversements  des  royaumes,  les  guerres, 
les  révolutions  qui  arrivent  dans  l'Etat  ou 
dans  l'Eglise  ;  toutes  ces  calamités  doivent 
être  acceptées  avec  une  soumission  cordiale, 
ce  qui  n'empêche  pas  qu'on  ne  supplie  la 
bonté  divine  d'y  remédier.  3*  La  résignation 
doit  encore  ^e  pratiquer  à  l'égard  des  cho- 
ses que  Dieu  n'ot donne  point  et  qu'il  ne 
vent  point  ordonner,  mais  qui  ne  sauraient 
arriver  sans  sa  permission,  comme  sont  les 
scandales  publics,  les  fautes  considérables 
qui  font  ton  à  la  religion  et  à  la  vertu  :  en 
tout  cela  nQiis  |)ouvons  et  nous  devons  ado- 
rer avec  soumission  la  volonté  de  Dieu, 
sans  cesser  de  détester  le  péché  qui  lui  dé- 
plaît. 

L'abandon  aveugle  entre  les  mains  de 
Dieu  doit  aller  jusqu'à  être  parfaitement 
tranquille  sur  toute  sorte  d'événements; 
mais  en  particulier,  il  faut  en  user  :  1*  à 
l'égard  de  la  Providence.  Tout  ce  qui  nous 
vient  de  sa  part,  ou  qui  arrive  aux  person- 
nes que  nous  chérissons,  la  maladie  aussi 
bien  que  la  santé,  la  perte  aussi  bien  que 
le  profit,  tout  cela  doit  être  accepté,  non- 
senSement  sans  murmurer,  mais  encore 
avec  plaisir,  â*  En  matière  d'obéissance  il 
ne  snmtpas  de  se  soumettre  aux  ordres  des 
supérieurs,  il  faut  s*j  livrer  sans  examen 
el  sans  réserve.  3*  Dans  la  manière  d'obser- 
ver la  loi  évangélique,  il  faut  tout  sacrifier, 
lout  risquer  pour  y  être  fidèle,  se  confiant 
pleinement  en  la  sagesse  et  en  la  bonté  de 
celai  qui  en  est  l'auteur.  Ainsi  le  pratiqua 
saint  Antoine,  lorsqu'ayant  entendu  ces  pa- 
roles :  AUeZf  vendez  tout  ce  que  vous  avez^ 
etc.,  il  se  dépouilla  de  tout  pour  obéir. 
Ainsi  l'observent  tous  les  jours  ceux  qui 
quittent  père  et  mère  et  tout  ce  qu'ils  pos- 
sèdent pour  Tamourde  Jésus-Christ,  sans 
se  mettre  en  peine  de  tout  ce  qui  peut  ar- 
river. 

Mais  de  toutes  les  pratiques,  la  plus  excel- 
lente et  la  plus  utile,  c'est  la  conformité  à 
la  volonté  divine.  Elle  consiste  à  faire  ce 
que  Dieu  veut,  à  le  faire  comme  il  veut  et 
ryce  qu'il  le  veut.  C'est  à  quoi  une  âmo  qui 
d'jsire  son  avancement  doit  apporter  une 
attention  continuelle.  Il  faut  qu'à  lout  mo- 
ment elle  se  demande  à  elle-même  :  La  vo- 
lonté de  Dieu  se  trouve-t  clic  dans  rac'.ion 


que  je  vais  faire?  La  manière  doni  je  fais 
cette  action  est-elle  conforme  à  la  volonié 
de  Dieu?  Est-ce  bien  le  motif  de  la  volonté 
de  Dieu  qui  me  la  fait  entropre»idre  ?  On 
doit  pendant  plusieurs  mois  s'examioor 
tous  les  jours,  et  plusieurs  fois  par  jour, 
sur  ces  trois  points ,  jusï|u'5  ce  que  celle 
sainte  pratique  ait  passé  en  habitude,  et 
qu'elle  nous  soit  devenue  aisée  et  fami- 
lière. {Voir  Perfectios). 

AVANCIN,  Ji^suite,  originaire  duTyrol, 
enseigna  la  rhétorique  ,  la  morale  et  la 
philosophie  à  Gratz,  puis  devint  profes- 
seur de  théologie  à  Vienne.  On  remarque 
parmi  ses  œuvres  l'ouvrage  ascétique  inti- 
tulé :  Via  et  doctrina  Jesu  Christi;  Vienne, 
1667. 

AVEUGLEMENT  SPIRITUEL.  -  L'aveu- 
glement spirituel  est  un  élat  d'obscurité  qui 
em|>êche  l'âme  de  voir  bien  des  choses  im- 
portantes pour  son  salut  et  sa  perfection. 

L'aveuglement  produit  dans  les  Ames 
trois  elîets  principaux,  dont  chacun  est 
une  espèce  particulière  d'aveuglement.  La 
première  espèce  est  de  ne  point  apercevoir 
le  mal  qu'elles  font  ;  la  seconde,  d'ignorer 
le  bien  qu'elles  pourraient  faire  et  qui  leur 
est  nécessaire  ;  la  troisième,  de  no  pas 
connaître  le  fond  de  leur  âme. 

1*  La  première  espèce  d'aveuglement  sup- 
pose, comme  tout  aveuglement  spirituel, 
une  privation  de  lumière  et  des  infidélités 
qui  nous  attirent  cette  privation.  L'effet 
que  produit  ce  premier  aveuglement,  c'est 
de  nous  empêcher  de  voir,  ou  de  nous  faire 
compter  pour  rien,  certains  désordres  de 
l'intérieur  qu'on  peut  réduire  à  trois.  It 
est  des  âmes  qui  s  imaginent  n'avoir  d'au- 
tre dessein  que  celui  de  contenter  Dieu  : 
c'est  en  cela  qu'elles  s'aveuglent;  car  elles 
sont  toujours  occupées  à  former  des  projets 
qui  marquent  peu  de  vertus  et  beau- 
coup d'imperfections.  Mais  ce  sont  des 
projets  cachés  et  presque  imperceptibles, 
qui  se  dérobent  à  leur  connaissance  par  le 
moyen  du  trouble  el  du  tumulte  qu'ils  jet- 
tent dans  leur  âme.  Cependant  elles  sont 
très-ardentes  à  la  poursuite  de  ce  qu'elles 
désirent;  elles  eu  attendent  l'accomplisse- 
ment avec  beaucoup  d'impatience;  elles 
comptent  tous  les  moments.  £t  comme  elles 
forment  plusieurs  desseins  qui  se  succèdent 
les  uns  aux  autres,  toute  leur  vie  se  passe 
dans  une  agitation  continuelle  dont  elles  no 
s'aperçoivent  pas.  D  autres  personnes,  d'un 
autre  caractère,  se  laissent  emporter  par 
leur  activité  naturelle  :  elles  ne  sauraient 
rien  faire  qu'avec  un  certain  empressement 
qui  gâte  tout,  parce  qu'il  est  touiours  ac- 
compagné de  quelque  trouble,  et  fort  con- 
traire à  la  paix  du  cœur  et  au  recueillement 
intérieur.  Cependant  elles  ne  se  détient 
point  de  cette  disposition,  parce  qu'elles 
n'en  comprennent  point  les  conséquences. 
D'aulres  parlent  trop  Ibrement,  décident 
hardiment  de  tout,  coupent  el  tranchent 
pour  ainsi  dire,  et  commettent  en  cette  ma- 
tière une  infinité  de  péchés  qu'elles  n'aper- 
çoivent pointi  parce  que  le  lorrcul  de  l'ha- 


515 


AVE 


DlCTIONNAiriE 


AVI 


516 


Inludo  les  eniraîiie,  cl  que  leur  dissipa- 
lion  les  cinpôehe  de  veiller  sur  leur  in- 
térieur. Leur  aveuglement  esl  semblable  à 
celui  de  David  qui ,  après  sou  adultère 
vi  son  homicide,  fut  longtemps  sans  se 
reconnaître. 

2*  La  seconde  espèce  d'aveuglement,  c'est 
d'ignorer  le  bien  qu'on  pourrait  faire  pour 
la  gloire  et  le  service  de  Dieu.  Les  lumières 
naturelles  no  découvrent  ordinairement  que 
ce  qui  flatte  Tamour-propre;  et  quand  on  les 
prend  pour  guides,  on  cherche  à  se  faire 
valoir,  a  pousser  ses  prétentions,  h  s'attirer 
l'estime  des  hommes.  Mener  une  vie  cachée, 
ê!re  abandonné  des  créatures,  prendre  pour 
soi  ce  qu'il  y  a  de  plus  incommode,  faire 
fonds  sur  l'humilité,  sur  la  pauvreté  d'es- 
prit et  sur  la  souffrance,  toutes  ces  maximes 
évangéliques,  où  la  lumière  du  Sainl-Espiit 
découvre  de  si  grandes  richesses  aux  saintes 
Ames,  ne  présentent  au  commun  des  hom- 
mes que  p.iuvreté  et  disette,  parce  qu'étant 
dans  l'obscurilé,  les  vérités  les  ])lus  lumi- 
neuses ne  sont  pour  eux  que  ténèbres.  C'est 
pour  cela  que  saint  François  Xavier,  parlant 
de  cette  sentence  de  l'Evangile  :  Celui  qui 
en  ce  monde  hait  sa  v/e,  s'en  assure  pour  la 
vie  éternelle  {Joan,  xii,  25),  dit  que  rien 
n'est  plus  clair  que  cette  vérité  puur  ceux 
qui  la  contemplent  dans  l'oraison,  et  que 
rien  n'est  plus  obscur  dans  la  pratique,  pour 
ceux  qui  n'en  ont  pas  l'intelligence  et  le 
goût. 

3'  La  troisième  espèce  d'aveuglement 
consiste  à  ignorer  ce  qu'il  y  a  de  plus  pro- 
fond et  de  plus  secret  dans  le  cœur.  Il  y  a 
des  personnes  qui  paraissent  vertueuses, 
qui  se  croient  telles,  et  qui  le  sont  au  juge- 
ment de  bien  dos  gens  :  il  s'en  faut  pourtant 
de  beaucoup  qu'elles  le  soient  autant  qu'el- 
les le  paraissent,  parce  qu'elles  n'ont  pas 
poussé  la  mortification  assez  loin,  et  quVu 
attaquant  leur  orgueil,  leur  vanité  et  leurs 
autres  vices,  elles'ne  sont  pas  allée.s  assez 
ayant  pour  les  détruire  jusqu'à  la  racine.  Ces 
vices  demeurent  cachés  au  dedans,  à  la  fa- 
veur de  leurs  ténèbres  intérieures;  il  faut 
que  quelque  occasion  imprévue  les  fasse 
paraître,  et  alors  ils  se  montrent,  du  moins 
aux  yeux  de  ceux  qui  sont  éclairés. 

On  poul  comparer  les  âmes  plongées  dans 
J^aveugleraent  spirituel,  à  des  étangs  dont 
J'eaa  paraît  claire  et  tranquille.  Pour  l'agiter 
et  la  troubler,  il  ne  faut  qu'y  jeter  quelque 
appât  :  on  voit  alors  des  poissons  mons- 
trueux monter  jusqu'à  la  surface  de  l'étang, 
et  se  replonger  incontinenl  dans  le  fond  d'où 
ils  sont  sortis;  c'est  dans  ce  fond  bourbeux 
qu  ils  habitent,  et  ils  ne  le  quittent  que  pour 
courir  à  quelque  proie.  Ainsi  en  est-il  des 
vices  cachés  :  ils  demeurent  tranquilles  dans 
le  fond  de  l'âme,  et  on  ne  les  connaît  point  ; 
mais  que  quelque  accident,  auquel  on  ne 
«attendait  pas,  vienne  à  les  exciter,  ils  se 
montrent  tels  qu'ils  sont,  et  on  commencée 
les  connaître.  Or  il  importe  beaucoup  aux 
âmes,  que  ces  sortes  d'accidents  leur  arri- 
vent, et  qu'elles  trouvent  des  gens  qui  les 
ctcrcent  et  les  éprouvent,  pour  leur  apjir'ju- 


dre  h  se  connaître.  On  peut  encore  compaptr 
les  personnes  dont  nous  parlons  à  ces  mers 
pleines  d'écueils  dangereux,  cachés  dans  le 
fond,  et  qu'on  ne  découvre  que  lorsqu'on 
s'en  approche,  et  que  le  vaisseau  vient  à 
toucher. 

La  plupart  des  hommes  ne  connaissent 
pas  le  fond  de  leur  cœur;  leurs  vices  s'y 
tiennent  cachés  sous  une  montre  de  vertu  et 
sous  une  tranquillité  apparente  ;-  il  faut 
qu'on  les  heurte  pour  les  leur  faire  connaî- 
tre. Comme  la  connaissance  des  écueils  ca- 
chés est  la  grande  science  du  pilote,  on  peut 
dire  que  l'ignorance  des  vices  occultes  esl  le 
plus  mneste  aveuglement  et  le  plus  grand 
malheur  d'une  âme.  On  ne  peut  remédiera 
ce  mal  qu'avec  le  secours  de  la  grâce  el  par 
la  conduite  ferme  d'un  directeur  éclairé  : 
deux  moyens  qui  doivent  concourij  ensem- 
ble pour  opérer  une  entière  guérison.  L'âme 
est  ensuite  capable  des  dons  exlraordinaires 
de  la  grâce,  qui  demande  beaucoup  do  pu- 
reté dans  le  sujet  qui  les  reçoit.  (Voy.  Tari. 
Abandon.) 

AVILA  (Jean  d') ,  né  à  Almodovar  de! 
Campo,  bourg  de  l'archevêché  de  Tolède, 
dans  la  Nouvelle-Castille,  vers  l'an  Î500,  fut 
surnommé  V Apôtre  de  IWndalousie,  W  eut 
pour  Diaîlro  de  philosophie  Dominique  Solo, 
à  Alcala.  Après  la  mort  do  ses  parents,  il 
distribua  tous  ses  biens  aux  pauvres,  il  exer- 
ça le  ministère  de  la  parole  avec  un  zèle 
admirable,  el  opéra  de  nombreuses  conver- 
sions. François  de  Borgia  et  Jean  de  Dieu 
lui  durent  la  leur.  Sainte  Thérèse  lui  fut 
aussi  redevable  d'avoir  décidé  sa  vocation. 
On  peut  le  regarder  comme  le  père  de  tant 
de  saints  qui  édiQèrent  l'Espagne  au  xvi' siè- 
cle. C'était  un  génie  universel,  un  directeur 
éclairé,  un  prédicateur  célèbre,  un  homme 
révéré  dé  toute  l'Espagne,  connu  de  tout 
l'univers  chrétien;  sa  réputation  était  parvie- 
nne à  un  tel  point,  que  les  princes  se  sou- 
mettaient à  ses  décisions,  el  que  les  savanls 
lui  demandaient  le  secours  de  ses  lumières; 
enlln  il  mérita  par  sa  doctrine,  par  son  zèle 
el  par  ses  autres  vertus,  d'ôtre  l'édification, 
le  soutien  et  Toracle  de  l'Eglise.  11  mourut 
le  10  mai  1560.  On  a  de  lui  des  Lettres  spi- 
rituelles et  des  Traités  de  piété  y  traduits  en 
français  par  Robert  Arnauld  d'Andilly.  Jean 
d'Avila  a  reçu  l'honneur  de  la  béatification. 
Louis  do'Grenade,  Louis  Munnoz  el  Martin 
Kuiz  ont  écrit  sa  vie. 

AVRILLON  (Jean-Bapliste-Elie),  né  à  Pa- 
ris en  1652,  Minime  distingué  par  ses  ser- 
mons el  par  sa  piété,  mourul  à  Paris  en 
1729,  âgé  de  soixante-dix-huit  ans.  On  a  do 
lui  plusieurs  ouvrages  ascétiques.  Les  prin- 
cipaux sont  :  V  Méditations  et  sentiments  sur 
la  sainte  communion,  in-12;  —  2^  BeiraiU 
de  dix  jours  pour  tous  les  étals  ^  in-12;  — 
3'  Conduite  pour  passer  saintement  le  tempt 
de  rAvent,  in-12  ;  pour  passer  saintement  U 
temps  du  Carême,  in-12;  pour  passer  sainte- 
ment les  octaves  de  la  Pentecôte,  du  Saint-Sa- 
crement et  de  VAssomptiont  in-12;  —  h"* Com- 
mentaire affectif  sur  le  psaume  Miserere, 
vir  de  préparation  à  ta  mort,  ia-l-> 


pour  sert 


*3.. 


517 


BAS 


D'ASCETISME. 


IXS 


518 


—  S*  VAnmée  affective^  oa  Seniimeniê  sur 
ramumr  divim^  tirés  du  Cantique  des  canti- 
ques, in*12  ;  —  6*  Réflexions  ihéologiques , 
muMraUs  et  affectives  sur  les  attributs  de  Dieu^ 
in-i2  ;  —  7*  Commentaire  affectif  sur  le  grand 
précepte  de  Famour  de  Dieu^  in«12  ;  —  8*  Ré- 
flexions pratiques  sur  la  divine  enfance  de 
Jéstt^^^\rist ,  ui-12;  —  9^  Set^iments  d'un 
in  retraite  pendant  V  octave  du  Saint- 


Sacrement^  in-94;  —  10*  Traité  de  Vamour 
de  Dieu  à  regard  des  hommes^  et  de  l'amour  du 
prochain^  in-i2  ;  — 11*  Pensées  sur  divers  su- 
jets de  morale^  in-lâ.  Tous  ces  ouvrages  sont 
très-estimés  par  les  boainies  ? ersés  diins  les 
Toies  spirituelles  et  dans  la  connaissance 
des  cœurs.  Ils  sont  écrits  avec  beaucoup 
d*onction,  d*une  manière  attachante  et  per- 
suasive. Le  style  est  clair,  noble  et  naturel. 


B 


BACCHIARIUS,  philosophe  chrétien,  flo- 
rissail  au  T*  siècle.  On  a  de  lui  une  lettre 
écrite  à  l'évéque  Januarius,  touchant  Tin- 
eoDtiDeoce  d'un  moine.  On  y  voit  autant  de 
prudence  que  de  zèle,  autant  de  sévérité 
que  de  diarité. 

BACON  (Jean),  provincial  des  Cannes, 
docteur  de  Sorbonne,  appelé  le  docteur  Ré- 
solu^ naquit  à  Baconthrop,  dans  la  province 
de  Norfoick,  en  Angleterre,'  et  mourut  à 
Londres  vers  Tan  13V6.  Outre  ses  Corn- 
wtentaires  sur  le  Maître  des  sentences^  on  a 
de  lui  un  Traité  de  la  règle  des  Carmes, 

BAIL  (Louis),  docteur  de  Sorbonne,  et 
50us-pénitencier  de  Paris,  né  à  Abbeville, 
est  auteur  de  plusieurs  ouvrages  fort  peu 
estimés  :  1*  L'Examen  des  confesseurs^  livre 
rempli  d'inexactitudes;  —  2*  une  Biblio- 
thèque des  prédicateurs^  en  latin,  sous  le 
titre  pompeui  de  Sapicntia  foris  prœdicans; 
—  J*  Summa  concîliorum^  2  vol.  in-fol. 

BAKER  (David),  Bénédictin  anglais,  né 
dans  la  religion  jprotestaute,  1575,  dans  le 
comté  de  Kent,  fit  ses  premières  études  h 
Oiford,  et  vint  ensuite  à  Londres  où  il  fit 
son  droit.  Ayant  embrassé  la  religion  ca- 
tholique, il  se  rendit  en  Italie  et  entra  dans 
Tordre  de  Saint-B^nolt.  Ses  supérieurs  le 
renroyèrent  à  Londres  en  qualité  do  mis- 
sionnaire, sous  Charles  ^^  Il  y  mourut  en 
IMI.  Il  publia  une  explication  de  Walter 
HiltOD,  intitulée  :  V Echelle  de  perfection^ 
ourragede  spiritualité  qui  prouve  les  pro- 
grès que  David  Baker  avait  faits  dans  la 
science  de  la  vie  intérieure.  Il  était  d  ailleurs 
très-^rudit,  et  il  a  laissé d^inimenses  recueils. 

BARRY  (Paul  de),  provincial  des  Jé- 
suites de  la  province  de  Lyon,  mort  à  Avi- 
gnon, en  1661,  publia  plusieurs  ouvrages  de 
K'été  où  il  y  a  plus  de  bonne  morale  que  Je 
m  goût.  La  plupart  furent  traduits  en 
latin,  en  italien  et  en  allemand.  Voici  les 
titres  singuliers  de  quelques-uns  :  1"  Les 
saints  accords  de  Philagie  avec  le  Fils  de 
Dieu;  — 2*  La  riche  alliance  de  Philagie  avec 
les  SMnts  du  paradis;  —  3**  La  Pédagogie  cé- 
leste;—  k*  L^instruction  de  Philagie  pour 
vivre  à  la  mode  des  saints.  Paul  de  Barry  est 
aussi  l'auteur  du  Pensez-y  bien. 

BASILE,  pieux  et  savant  évoque  deSék'U- 
CÎ3,  fut  dé(>osé  au  concile  de  Chalcédoin'^, 
en  Wl,  i)0ur  avoir  souscrit  au  conc.îc  d'E- 


phèse;  mais  il  reconnut  sa  faute  et  fut  lé- 
tabli.  Nous  signalons  plusieurs  de  ses  ser- 
mons, son  travail  sur  roflice  dos  pasteurs, 
sur  rhumilité  et  ses  exhortations  aux  pê- 
cheurs. Ses  ouvrages  conviennent  à  ceux 
qui  ont  des  âmes  à  conduire. 

BASILE,  qui  de  mendiant  devint  empe- 
reur et  empereur  assez  sage  et  vertueux, 
ce  qui  était  rare  en  ce  temps-là,  nous  a 
laissé  des  Avis  h  £0n  Gis,  où  Ton  trouve  de 
bonnes  maximes  de  piété  chrélienue. 

BASILE  (Saint),  surnommé  le  Grande 
naquit  en  329,  à  Césarée  en  Cnppadoce.  Il 
alla  continuer  ses  éludes  à  Couslanliiiople, 
où  il  proûta  des  leçons  des  plus  célè- 
bres philosophes,  puis  à  Athènes,  où  il 
cultiva  Tamilié  de  saint  Grégoire  de  Na- 
zianze.  Il  revint  de  là  à  Césarée,  où  il  plaida 

auelques  causes  avec  succès.  Mais  bientôt, 
égoûtédubarreauetdu  monde,  il  alla  sVnse- 
velir  dans  un  désert  de  la  province  du  Pont, 
oùsa  sœur  Macrine  et  sa  mère  Emilie  s'étaient 
déjà  retirées.  Saint  Grégoire  et  plusieurs  au- 
tres vinrent  se  former  à  la  vertu  dans  la 
solitude  de  Basile.  Après  la  mort  de  révo- 
que de  Césarée,  en  309,  Basile  fut  élu,  contre 
son  gré,  pour  lui  succéder.  L'empereur 
Valens,  partisan  fanatique  des  ariens,  es- 
saya de  rengager  dans  cette  secte,  et  em- 
ploya auprès  de  lui  les  prières  et  les  me- 
naces. Mais  ce  fut  en  vain  :  ni  la  crainte  de 
subir  Texil  ou  la  perte  de  ses  biens,  ni  la 
menace  de  la  mort,  rien  ne  fut  capable 
d'ébranb^r  le  saint  évèque.  Cette  gramleur 
d*ânie  désarma  Valens.  B.isilo  mourut  en 
379,  laissant  de  volumineux  écrits.  On  y 
trouve  des  Homélies;  des  Commentaires; 
des  Traités  de  morale,  et  enfin  des  Lettres 
où  les  fondateurs  lies  monastères  occiden- 
taux ont  puisé  bien  des  points  de  leurs 
constitutions,  et  où  l'on  admire  plusieurs 
avis  fort  judicieux  que  la  plupart  des  moines 
o*U  pris  pour  leur  rè^le.  Dans  ces  divers  ou- 
vrages de  saint  Basile,  tout  respire  une  élé- 
gance, une  pureté  que  la  solitude  n'avait 
pu  altérer.  Son  stylo  est  élevé  et  majes- 
tueux, ses  raisonnements  profonds,  son 
érudition  vaste.  Ses  écrits  étaient  lus  de 
tout  le  monde,  même  des  païens.  On  lo 
comparait  aux  plus  célèbres  orateurs  de 
l'antiquité,  et  on  doit  le  mettre  au  rang  des 
Pères  de  l'Eglise  les  plus  éloquents.  La  Vie 
de  saint  Basile  a  été  écrite  par  Godefroi  lier* 


319 


OËA 


DICTIONNAIRE 


DEA 


SïO 


mnnl,  docleur  de  Sorbonne,  2  vol.  in-l^'*, 

un. 

BASTIDE  (Marc),  Bénédictin  do  la  con- 
grégaiion  de  Saint-Maur,  niquit  à  Sainl- 
Benoît-du-Saull,  en  Berry.  Il  fit  profession 
à  Sainl-Augiistin  de  Limoges,  en  1616.  Il 
passa  par  toutes  les  charges  de  son  ordre, 
ce  qui  ne  l*empècha  pas  de  composer  plu- 
sieurs ouvrages,  tous  traitant  de^piritualité, 
parmi  lesquels  on  remarque  :  1"  Des  Direc- 
tions pour  les  novices  ;  —  2'  des  Méditations; 
—  3'  Traité  de  l'esprit  de  la  congrégation  de 
Saint'Maur;  —  le  Carême  bénédictin,  Marc 
Bastide  mourut  à  Saint-Denis,  le  7  mai  1668, 
dans  de  grands  sentiments  de  piété. 

BADDKAND  (Barthélemi),  Jésuite,  né  à 
Vienne,  en  Dauphiné,  entra  jeune  dans  la 
société,  et  après  sa  suppression  se  retira  à 
Lyon,  où  il  s'occupa  de  la  composition  d'ou- 
vrages de  piété  bien  connus  et  estimés  des 
I  ersonnes  religieuses  et  des  ecclésiastiques 
qui  les  dirigent.  Ces  ouvrages  sont  :  V  Uis- 
toires  édifiantes  et  curieuses  tirées  des  meil- 
leurs auteurs;  —  2"  VAme  contemplant  les 
grandeurs  de Dieu^  avec  l'Ame  se  préparant  à 
r Eternité,  Lyon,  1775,  in-12;  —  .S«  VAme 
élevée  à  Dieu^  etc.,  Lyon,  1776,  in-12;  tra- 
duite en  Allemand,  Ausbourg,  1790;  — 
4"  rAme  éclairée  par  les  Oracles  de  la  sagesse^ 
dans  les  paraboles  et  béatitudes  évangéliques, 
Lyon,  1776,  in-12;  —5°  iAme  affermie  dans 
la  foi,  Lyon,  1776,  in-12;  —6'  l'Ame  inté- 
rieure ou  Conduite  spirituelle  dans  les  voies 
de  Dieu,  Lyon,  1776,  in-12;— 7*  Gémisse- 
ments  d'une  âme  pénitente  ;  —  8"  Réflexions, 
Sentiments  et  Pratiques  de  piété;  —  9"  Pané- 
gyriques des  saints,  etc.  Le  pieux  Baudrand, 
qui  n'est  connu  que  par  ses  ouvrages,  aux- 
quels il  n'avait  pas  mis  son  nom,  et  sur  la 
vie  duquel  on  n'a  pas  de  détail,  est  mort  le 
3  juillet  1787. 
BÉATIFICATION.  —  Voy.  Canonisation. 
BÉATITUDE  (Motifs  de).  —On  sait  que 
les  faux  mystiques  ont  prétendu  qu'il  y 
avait  un  certain  amour  pur  tellement  désin- 
téressé (Ju'il  excluait  tout  motif  de  béati- 
tude; c'était  pour  eux  le  beau  idéal  de  Ta- 
mour  des  parfaits;  or  cette  doctrine  cnsei 
gnée  par  1  école  quiétisic,  est  certainement 
contraire  à  l'Ecriture. 

En  effet,  ce  motif  de  béatitude  est  égale- 
ment proposé  à  tous  dans  les  termes  les 
plus  généraux  sans  aucune  restriction,  de 
sorte  qu'on  n'en  peut  excepter  personne.  Il 
n'y  a  point  de  restriction  dans  les  huit  bép- 
lîiudes;  il  n'y  en  a  point  dans  cette  parole. 
Réjouissez-vous,  parce  que  vos  noms  sont 
écrits  dans  le  ciel,  ni  dans  toute  VEpUre  aux 
Hébreux^  où  la  cité  permanente  nous  est 
proposée,  ni  en  aucun  des  endroits  de  l'Ecri- 
lur-e,  oii  toute  l'Eglise,  sans  distinction  de 
parfaits  et  d'imparfaits,  est  mise  en  mouve- 
ment vers  le  ciel. 

Ce  motif  nous  est  proposé  avec  le  grand 
et  premier  commandement,  qui  est  celui 
d'aimer  Dieu;  ce  qui  paraît  par  ces  panJes 
àyi  Deutéronome  :  Ecoute,  Israël,  et  prends 
garde  à  observer  les  commandements  que  le 
donne  h  Seigneur  ton  Dieu,  afin  que  tu  sois 


heureux  (ut  bene  sit  tibi),  que  lu  sois  muUi- 
plié,  et  que  tu  possèdes  la  terre  où  coulent  U 
miel  et  le  lait,  comme  le  Seianeur  te  Va  pro* 
mis.  Cette  terre  où  coulent  le  lait  et  le  miel, 
est  pour  nous  la  patrie  céleste,  qui  est  U 
terre  des  vivants  et  le  royaume  de  Dieu,  à 
quoi  le  Seigneur  attache  le  commandement 
en  ces  termes  :  Ecoute,  Israël,  le  Seigneur 
notre  Dieu  est  un  seul  Dieu.  Tu  aimeras  U 
Seigneur  ton  Dieu  de  tout  ton  cœur,  de  toute 
ton  âme,  et  de  toutes  tes  force», 

U  n'est  pas  ici  question  de  discuter  les 
motifs  de  I  amour  de  Dieu  spéculatifs,  g<^né- 
raux,  immédiats,  subsidiaires,  ou  autres 
dont  on  dispute  dans  l'école;  mais  seule- 
ment de  considérer  les  choses  que  Dieu 
veut  unir  ensemble   en  (Quelque  manière 

3ue  ce  soit  ;  qui  sont  d'aimer  Dieu  à  tltro 
e  Seigneur;  ce  qui  est  un  titre  relatif  à 
nous  :  à  titre  de  notre  Dieu,  Deum  tuum, 
d'un  Dieu  qui  veut  être  à  nous  en  toutes 
manières,  et  autant  par  ses  bienfaits  que 
par  son  empire  naturel  :  et  enfin,  avec  le 
motif  de  désirer  d'être  heureux,  et  de  pos- 
séder la  terre  qu'il  nous  a  promise. 

Ces  annexes,  inséparables  du  premier 
commandement,  ont  la  même  étendue  que 
le  commandement  même,  et  entrent  dans 
les  motifs,  sinon  spécificatifs »  dont  il  no 
nous  importe  pas  à  présent,  du  moins  exci- 
tatifs  de  Tamour  de  Dieu,  comme  il  parait 
encore  dans  ces  paroles  du  Deutéronomt: 
Regarde  que  le  ciel,  et  le  ciel  des  deux,  est  au 
Seigneur  ton  Dieu,  avec  la  terre  et  tout  ce 
qu'elle  contient  ;  et  toutefois  le  Seigneur  tciA 
Dieu  s' est  attaché  et  collé  à  tes  pères  (couglu- 
tinatus  est),  et  les  a  aimés  et  leur  postériti 
après  eux  :  pour  en  veriir  à  conclure,  Airm 
donc  le  Seigneur  ton  Dieu,  ce  qui  montre 
que  l'union  de  Dieu  avec  nous  pour  nous 
rendre  heureux,  et  son  amour  bienfaisant, 
entre  en  quelque  manière  que  ce  soit  dans 
le  motif  de  l'aimer,  et  ne  peut  en  être  ab- 
solument séparé.  Bossuer. 

Ce  motif  de  notre  béatitude  n'entre  pas 
seulement  dans  le  culte  de  l'Ancien  Testa- 
ment, comme  il  paraît  par  ces  passages: 
Heureux  l'homme  qui  ne  marche  point  dans 
le  conseil  des  impies  :  heureux  ceux  dont  les 
péchés  sont  remis  :  heureux  ceux  qui  marchent 
sans  tache  dans  la  voie  du  Seigneur  ;  et  eent 
autres  de  cette  nature  :  mais  il  est  encoie 
présupposé  ,  comme  un  fondement  do  la 
nouvelle  alliance,  dès  le  sermon  sur  la 
montagne ,  où  Jésus-Christ  commence  à 
établir  la  loi  nouvelle  par  les  huit  célèbres 
béatitudes,  qui  sont  le  fondement  de  ce 
grand  éditice. 

Jésus-Christ,  en  proposant  ce'raotif,  n'use 
pas  de  paroles  de  commandement,  mais  il 
procède  en  présupposant  que  de  soi  il  est 
voulu  de  tout  le  monde,  et  le  donne  aussi 
pour  motif  commun  de  tous  les  commande- 
ments qui  doivent  suivre  dans  les  5',  6"  et 
7'  cliap.de  saint  Matthieu. 

Ces  commandements  regardent  les  par- 
faits comme  les  autres,  et  môme  plus  que 
les  autres,  puisque  Jésus-Christ  y  établit 
rexccllence  de  TEvangile  par-dessus  la  loi  » 


311 


BEA 


DWSCETISME. 


PE-l 


;2î 


ainsi  les  bédlitudes,  qui  en  sout  les  fonde- 
meols  el  les  motifs,  les  regardent  aussi. 

Le  motif  de  la  récompense  est  clairement 
exprimé  par  ces  paroles  adressées  à  tous  : 
Quoi!  touM  me  rouies  pas  venir  à  moi  pour 
avoir  la  vie?  (Joan.)  Qu*est-ce  que  ?euir  à 
iiiî.  sinon  s'unir  à  lui  par  une  foi  vive,  ce 
qui  revient  à  cette  parole  :  Maître^  que 
frrai-je  pour  posséder  la  rie  étemelle?  (Luc.) 
Celui  qui  parte  ainsi,  déclare  assez  de  quel 
motif  il  est  poussé;  et  loin  de  Ten  détour- 
ner, le  maître  céleste,  après  lui  avoir  fait 
léciter  le  commandement  de  la  cliariié,  le 
conGrme  dans  son  intention  en  lui  disant  : 
Faites  ceta^  et  vous  vivrez. 

Pour  exclure  toute  exception,  ce  motif 
e.4  proposé  nommément  aux  plus  parfaits, 
à  ceux  qui  font  les  plus  grands  miracles, 
lorsqu'on  leur  dit  :  Ne  vous  réjouissez  pas  de 
ce  que  les  démons  vous  soni  assujellis,  mais 
de  ce  que  vos  noms  sont  écrits  dans  le  ciel  : 
il  est  proposé  à  ceux  qui  souffrent  persécu» 
tion  pour  la  justice  (matth.)^  qui  sont  au 
[nos  baul  degré  de  la  perfection  chrétienne^ 
auxquels  on  dit  néanmoins  :  Réjouissez-vous 
U  tressaillez  de  joie  ^  parce  que  votre  récom- 
pense est  grande  dans  le  cieU  ce  que  Jésus- 
Christ  conGrme,  lorsqu'il  promet  le  centu- 
ple avec  la  vie  éternelle;  il  est  proposé  à 
ceux  qui  ont  pour  lui  un  si  gra  id  amour, 
quil  leur  fait  quitter  pour  son  nom  leurs  mai^ 
$ons^  leurs  frères^  leurs  sœursy  leur  père^  leur 
Viértf  leur  femme^  leurs  enfants^  leurs  terres  ; 
co  sont  sans  doute  les  plus  parfaits  :  et  tou- 
tefois, il  ne  trouve  pas  indigne  d'eux,  ni  de 
lui  9  de  les  exciter  par  la  récomucnse  éter- 
nelle. 

Si  on  répond  que  ce  motif  doit  être  pro- 
f«osé  à  tous  les  justes,  et  môme  aux  |>lus 
;»ar£ii(5,  mais  non  pas  précisément  comme 
le  motif  de  la  charité;  oa  oublie  cetie  pa* 
rAe  de  saint  Paul  :  La  fin  du  précepte  est  la 
charité;  ce  qui  montre  que  Dieu  se  propose, 
dans  tous  les  préceptes,  de  la  faire  régner 
oa  nous  déplus  en  plus;  et  c'est  aussi  re 
qui  a  fait  dire  à  saint  Augustin  «  que  !'£- 
i  riture  ne  défendait  que  la  convoitise,  et  no 
commandait  que  la  charité  :  Non  vetat  nisi 
cupidiiaiem^  non  prœcipit  nisi  ckariiatem. 

Les  exemples  secondent  les  piéceptes  : 
Abraham  est  le  père  des  croyants  et  le  mo- 
dèle de  la  justice  chrétienne,  même  dans  les 
plus  parfaits.  Son  premier  pas  a  été  de  fout 
quitter  pour  l'amour  de  Dieu,  et  de  le  sui- 
vre aveuglément;  et  néanmoins  Dieu  ne  juge 
pas  indécent  dattirer  par  la  rtcompeuse 
un  homme  si  parfait,  en  lui  disant  :  Je  suis 
ton  protecteur  et  ta  trop  grande  récompense 
lGenJ)\  h  quoi  Abraham  consent  en  disait  : 
Seigneur ^qjue me  donnerez-vous?  pnrce  qu'on 
ne  peut  mieux  répondre  à  la  liberté  de  Dieu 
qu'en  Tacceptant. 

Moïse  est  si  parfait,  que  lorsque  Dieu  lui 
promet  Jésus-Christ,  il  se  sert  de  ces  paro- 
les :  Je  leur  donnerai  un  prophète  comme 
tottf,  (sicut  te)  [Deut.]^  ce  qui  montre  qu'il 
devait  être  la  plus  parfaite  image  de  Jésus- 
Christ,  et  néanmoins  saint  Paul  ne  croit  pas 
se  rjbaisser  en  disant  que  s'il  proférait  à 


tous  les  trésorsde  V  Egypte  Vopprolre  de  Jésus- 
Christ^  cest  parce  quil  regardait  à  la  récom- 
pense, (Uebr.) 

Si  l'on  ré[)ond  que  lorsqu'il  agissait  par 
cette  vue,  il  n*élait  pas  encore  si  parfait,  ou 
qu'en  tout  cas,  ce  n*étiit  pas  là  sa  plus  par- 
faite action,  il  faudrait  rendre  raison  pour- 
quoi c'c't  celle-là  que  s«iint  Paul  remarque, 
el  demander  s'il  voiilait  par  là  dégrader 
Uoïse,  un  si  parfait  ami  de  Dieu,  qui  dès 
lors, //an/ dfrenu  ^ran^/,  ne  voulut  plus  être 
le  fils  de  la  fille  de  Pharaon  (Htbr.),  ni  chan- 
ger pour  celte  naissance  royale,  la  sienne, 
si  méprisée  et  si  haïe  dans  l'Egypte.  Il  fau- 
drait aussi  expliqu  r  si  ce  n'est  pas  au  plus 
haut  état  de  la  perfi^ction  qu'il  disait  à  Dieu  : 
Si  f  ai  trouvé  grâce  devant  vos  yeux ^  montrez- 
moi  votre  face  (Exod,),  et  encore  :  Montrez- 
moi  votre  gloire  :  et  Dieu  ré|K)ndit  :  Je  vous 
montrerai  tout  bien,  [Exod.)  Que  ne  disait-il 
une  fois  à  ces  parfaits  qu'ils  étaient  encore 
trop  intéressés,  et  que  contents  de  l'ain.er 
sans  rien  désirer  de  lui,  ils  ne  devaient  pas 
demander  do  voir  sa  face. 

J'en  dis  autant  de  David,  cet  homme  se- 
lon le  cœur  de  Dieu,  qui  confesse  qu'il  a 
incliné  son  cœur  à  observer  les  commande- 
ments^ à  cause  de  la  récompense.  (Ps.  cxviii.} 
Je  me  suis  souvent  éionné  de  quelques  au- 
teurs scolasliques,  qui,  pour  éluder  ce  pas- 
sage, remarquent  qu'il  est  cité  dans  1  hé- 
breu un  peu  autrement,  sans  considérer 
qu'il  est  indiqué  précisément  selon  la  ver- 
sion Vulgale  pour  le  concile  de  Trente,  pour 
établir  le  motif  de  la  récompense.  Les  Se|v- 
tanle  j  sont  conformes;  saint  Jérôme  en 
traduisant  selon  l'hébreu,  et  [tour  en  mieux 
prendre  lesprit,  a  mis,  propter  œtemam  re- 
tributionem;  cette  virsion  e^t  conforme  à 
l'esprit  de  Da\id,  qui  dans  ce  psaume,  l'un 
des  plus  parfjils  et  des  plus  pr(»fonds,  ne 
cesse  de  s\'XCiter  («ar  tous  les  motifs  à  aiintr 
Dieu,  comme  on  le  voit  par  ces  mots  :  Ré- 
tribue servo  /tfo,  récom()enscz  votre  seivi- 
teur;  et  par  ceux-ci,  dans  la  sécheresse  : 
Quand  me  consolerez-vous?  quando  conso- 
laberis  me?  et  autres  semblables  pour  ne 
pas  parler  des  autres  psaumes,  où  il  disait  : 
Le  Seigneur  est  mon partageetmon héritage,.  : 
Je  ne  lui  demande  quune  chose  que  je  ne  ces- 
serai de  lui  demander.,,.  Que  désirai-je  dans 
le  ciel^  et  quai-je  voulu  sur  la  terre?  Vous 
êtes  le  Dieu  de  mon  cœur^  et  Dieu  est  mon 
partage  pour  jamais;  et  autres  endroits 
sans  nombre.  Il  ne  reste  plus  qu'a  dire  qu'A- 
braham, Moïse  et  David  étaient  de  ces  saints 
qu  il  (allait  laisser  dans  ces  motifs  imparfaits 
et  intéressés. 

On  ne  peut  donner  un  autre  sens  à  ces 
exemples  de  Moïse  et  de  David,  sans  encou- 
rir la  condamnation  du  concile  de  Trente 
qui  les  rapporte  expressément  pour  mon*- 
trer  qu'on  peut  «  exciter  la  paresse»  et  sVn- 
courager  par  la  vue  de  la  récompense,  quoi- 
que ce  soit  principalement  pour  glorifier 
Dieu,  »  ce  qui  montre  qu'il  reste  toujours 
dans  la  nature,  et  même  daiis  les  plus  grands 
saints,  un  fond  de  paresse  qu'il  faut  exciter 
par  le  molif  de  la  récompense. 


323 


BExV 


DlCTIONiNAIRE 


BEA 


llk 


l\  y  a  donc  plusieurs  niotirs  d'aimer  Dieu  : 
Vexcellenco  de  sa  nature,  comme  quand  on 
Mil  :  Lo  Seigneur  est  grand,  Magnus  Domi^ 
nus;  sa  bonté  communicative,  ou,  co  [qui 
est  la  môme  chose,  sa  magnificence,  comme 
quand  on  dit  et  qu*on  répète  avec  un  vif 
sentiment  :  Louez  le  Seigneur  parce  qu'il 
est  bon,  et  sa  miséricorde  est  éternelle, 
qnoniam  in  œternum  misericordia  ejus;  le 
bienfait  particulier  de  la  création,  comme 
quand  on  dit  :  11  nous  a  faits,  et  nous  ne 
nous  sommes  pas  faits  nous-mêmes  :  IpÈe 
fecU  nos^  et  non  ipsi  nos  :  tous  les  bienfaits 
réunis,  lorsqu'on  dit  :  Je  vous  aimerai,  5et- 
gneur,  qui  êtes  ma  force;  le  Seigneur  est  mon 
appuiy  mon  refuge,  mon  libérateur,  mon  Dieu, 
mon  secours ,  et  f  espérerai  en  lui  :  où  l'on 
prend  pour  motif  de  son  amour,  les  grâces 
reçues,  et  celles  qu'on  en  espère. 

C'est  un  grand  motif  surtout  de  Taîmer 
pour  la  rémission  de  Ses  péchés,  et  si  elle 
n'était  pas  un  des  motifs  aes  plus  naturels 
d'un  grand  amour,  Jésus-Christ  n'aurait  pas 
dit  que  celui  à  qui  on  remet  plus  aime  plus, 
et  que  celui  à  qui  on  remet  moins,  aime  moins» 
{Luc)  Il  s'agit  certainement  de  l'amour  de 
charité,  puisqu'il  s'agit  de  l'amour  à  qui  les 
péchés  sont  pardonnes  :  Plusieurs  pécnés  lui 
sont  pardonnes, d\i-\\, parce qu*elle  abeaucoup 
aimé;  c'est  donc  s'opposer  directement  a 
IMntention  et  à  la  parole  de  Jésus-Christ  que 
d'ôter  ce  motif  à  la  charité. 

C'est  encore  un  grand  motif  d'aimer  Dieu,' 
que  d'élre  prévenu  de  son  amour,  et  le  dis- 
ciple bien-aimé  dont  Tamour  était  si  parfait 
en  est  si  ému,  qu'il  s'unit  à  tous  les  fidèles 
pour  dire  avec  eux  d'une  seule  voix  :  Aimons 
donc  Dieu,  puisqu'il  nous  a  aimés  le  premier, 
quoniam  ipse- prior  dilexit  nos;  quoniam 
])ar  cette  vue,  par  ce  motif.  La  charité  a  donc 
plusieurs  motifs  nécessaires  en  tout  état, 
elle  en  a  une  infinité,  puisqu'elle  en  a  autant 
qu'il  y  a,  pour  ainsi  parler,  de  grandeur  en 
Dieu  et  de  bienfaits  envers  l'homme. 

Tous  ces  motifs  sont  compris  dans  l'orai- 
son dominicale,  qui  n'est  pas  moins  l'oraison 
des  parfaits  que  des  imparfaits;  et  l'on  y 
joint  l'excellence  de  la  nature  divine  à  la 
grandeur  de  ses  bienfaits,  d'abord  sous  le 
nom  de  Père,  ensuite  en  le  regardant  dans 
les  cieuXf  où  il  jouit  de  sa  grandeur  et  où  il 
en  fait  jouir  ceux  qu*il  aime  :  toute  la  tra- 
dition reconnaît  que,  par  la  première  de- 
mande, son  nom  saint  en  lui- môme  devait 
être  sanctifié  en  nous  :  que  son  règne  en  lui- 
môme  toujours  invincible  devait  nous  arri- 
ver; que  sa  volonté,  toujours  accomplie 
dans  le  ciel,  le  devait  être  en  nous  et  par 
nous,  en  sorte  que  nous  fussions  saints  et 
heureux;  et  ainsi  du  reste,  où  la  charité 
parfaite  nous  fait  joindre  la  grandeur  de 
Dieu  à  notre  bonheur  et  à  ses  bienfaits. 
Quand  donc,  en  considérant  tous  ces  motifs 
de  la  charité,  on  demande,  en  théologie, 
quel  est  le  premier  et  le  principal,  ou,  ce 
qui  est  la  môme  chose,  quel  est  l'objet  spéci- 
fique de  cette  vertu,  on  demande  quel  est 
l'objet  sans  lequel  elle  ne  peut  ni  être,  ni 
être  entendue,  robjetqu*on  ne  peut  sé|>arer 


d'elle,  pas  môme  par  abstraction  et  par  la 
pet  sée;  et  on  répond  que  c'est  l'excellence 
et  la  perfection  do  la  nature  divine;  mais  ea 
pratique  on  ne  prétend  pas  dire  qu'on  doive 
négliger  les  autres  motifs,  ou  les  regarder 
comme  faibles,  0U9  ce  qui  serait  encore  plus 
faux,  les  exclure  d'entre  les  motifs  de  la 
charité;  ce  serait  contredire  directenoent 
l'Ecriture.  On  peut  bien  n'y  pas  penser  tou- 
jours, et  le  seul  objet  qu'on  ne  peut  pas  sé- 
parer absolument  des  autres,  môme  par  la 
conception  et  la  pensée,  c'est  celui  de  l'ex- 
cellence et  de  la  perfection  divine;  car  qui 
peut  songer  seulement  à  aimer  Dieu  sans 
songer  que  c'est  à  l'être  parfait  qu'il  se  veut 
unir?  C  est  la  première  pensée  qui  vient  à 
celui  qui  l'aime;  et  sans  elle  on  ne  connaît 
même  pas  les  bienfaits  de  Dieu,  puisque  ce 
qui  en  fait  la  valeur  est  qu'ils  viennent  de 
cette  main  divine  et  parfaite  qui  donne  le 
prix  à  ses  présents. 

BEATITUDES.  —  Los  huit  béatitudes 
sont  comme  le  fondement  de  cette  morale 
sublime  dont  Jésus-Christ  a  posé  les  prin- 
cipes dans  son  premier  discours  sur  la  nion« 
tagne.  Co  sont  les  règles  de  la  perfection 
chrétienne,  et  les  dispositions  habituelles  dn 
l'àroe  qui  marche  à  la  poursuite  de  son 
bonheur  éternel. 

Première  béatitude.  La  pauvreté  d'esprit. 
—  Par  cette  pauvreté  d'esprit,  nous  nous 
alTranchissons  de  tous  ]es  embarras  du 
siècle;  qui  sont  comme  autant  d'entraves  à 
l'âme  chrétienne  ;  nous  aspirons  uniquement 
à  être  riches  des  biens  de  Dieu,  et  nous  pre- 
nons la  voie  qui  mène  à  la  vie  des  anges. 
Cette  vertu  ne  suppose  p9S  seulement  qu'on 
a  su  vaincre  tous  les  désirs  criminels  et 
qu'on  est  convaincu  de  la  vanité  de  toutes 
les  choses  de  la  terre,  mais  elle  est  encore 
une  preuve  que  l'humilité  règne  dans  le 
cœur,  et  que  la  vaine  gloire  y  a  fait  place  à 
la  basse  opinion  de  soi-même;  disposition 
qui  est  le  fondement  de  toutes  les  vertus,  et 
attire  infailliblement  les  dons  de  la  grÂce. 
Les  plus  hautes  et  les  plus  sublimes  leçons 
nous  ont  été  données  par  le  Fils  de  Dieu  sur 
cette  double  pauvreté  d'esprit,  que  Ton  re- 
trouve dans  sa  doctrine  et  dans  ses  exemples. 

Seconde  béatitude.  Les  larmes.  —  Par  les 
larmes  de  la  componction  nous  purifions 
nos  cœurs,  nous  les  ouvrons  au  règne  de  la 
grftce,  à  la  joie,  à  la  paix  intérieure,  et  nûns 
y  allumons  toutes  sortes  de  saints  désirs 
pour  le  ciel. 

Troisième  béatitude.  La  douceur,  —  Par 
la  douceur,  nous  asservissons  la  colère  et 
toutes  les  passions  qu'elle  irrite  en  nous. 
La  morale  et  la  conduite  du  Sauveur  nous 
apprennentque,  parmi  les  vertus  chrétiennes, 
eue  tient  un  des  premiers  rangs,  et  qu'elle 
est  d'une  extrême  importance  pour  le  salut. 
Il  n'en  est  point,  en  eifet,  d  une  pratique 
plus  étendue,  et  qui  contribue  davantage  à 
assurer  la  paix  de  notre  âme,  soit  avec  le 
prochain,  soit  avec  nous-mêmes.  Il  n*ea  est 
point  qui  nous  aide  davantage  à  soumettre 
notre  orgueil,  h  réprimer  Tambilion,  à 
élouUer  1  envie,  à  nous  guérir  do  la  vanité» 


BEA 


D  ASCETISME 


V,E\ 


326 


de  Tamouf-propre,  de  la  curiosilé,  des  mau- 
vais soupçons,  de  la  trop  grande  crédulîlé, 
de  la  précipitation,  de  la  négligence  et  de  la 
légèreté  OQ  irréflexion  de  Tesprit.  Elle  sem- 
Me  être  la  seule  béatitude  à  laquelle  Notre- 
Seigneur  promet  expressément  les  récom- 
l^enses  de  la  terre  avec  celles  de  l'éternité. 
Heureux  Us  hommes  douXf  parce  quils  pos^ 
séderoni  ta  terre.  Paroles  qu'il  ne  faut  pas 
entendre  des  biens  ou  des  richesses  de  ce 
monde,  qui  ordinairement  embarrassent  et 
p-^ssèdent  plus  l'homme  qu'il  ne  les  possède 
lui-même.  Ce  qu'elles  signifient,  c'est  que 
ceux  qui  possèdent  les  biens  de  la  terre  en 
jouissent  avec  consolation,  avec  plaisir  et 
tranquillité  d'esprit,  parce  qu'ils  savent  en 
jrjîr  et  en  user  selon  les  ?ues  de  Dieu.  Avec 
cette  paix  intérieure,  on  goûte  vraiment 
toutes  les  jouissances  que  l'on  tient  de  sa 
]ruvidence  toute  paternelle;  elle  nous  as- 
sure les  bécédictions  du  ciel,  nous  g.igne 
rdfifcction  du  prochain;  elle  triomphe  eniin 
*ïe  la  malice  et  de  la  méchanceté  même,  en 
apaisant  les  hommes  les  plus  emportés,  et 
4]uelquefois  en  nous  rendant  chers  à  nos 
iiropres  ennemis.  C'est  ce  que  nous  enseif^ne 
le  saint  roi  Prophète,  lorsqu'il  dit  :  La  terre 
tombera  en  héritage  à  ceux  qui  sont  doux^  et 
ils  se  verront  comblés  de  joie^  dans  Vabon- 
dance  dune  paix  constante  et  invariable.  Un 
bien  médiocre  vaut  mieux  au  juste  qui  jouit 
de  cette  paix,  que  les  grandes  richesses  des 
pécheurs. 

QciTKifeME  BBATiTCDE.  La  faim  et  la  soif 
de  ta  justice.  —  Par  la  faim  et  la  soif  de  la 
justîco,  c'est-à-dire,  par  les  désirs  ardents, 
|i<ir  la  demande  fervente  et  la  poursuite  con- 
tinuelle de  toutes  les  vertus,  par  les  efl*orts 
que  nous  faisons  pour  croître  en  sainteté  et 
en  grâce,  nous  dilatons  la  capacité  de  notre 
C'Cur,  nous  sentons  croître  en  nous  le  goût 
des  choses  spirituelles,  nous  jetons  les  fon- 
d«-ments  d'une  immense  fortune  pour  Téter- 
iiito,  et  chaque  jour  nous  mulli;)lions  nos 
trésors  pour  le  ciel  ;  car,  le  conimencemenl 
do  la  sagesse,  c'est  de  la  désirer  avt-c  ardeur. 
Plus  nous  dilatons  notre  cœur  par  la  vélié- 
i:i«.'nce  de  nos  soupirs,  plus  Dieu  nous  rera- 
piit  de  ses  dons  et  de  ses  giâces  dès  celte 
vîe,  et  nous  remplira  un  jour  des  biens  de 
la  gloire. 

Ci!«QtiiiiB  BÉATrrcDB.  La  miséricorde.  — 
Par  la  miséricorde,  c'esl-h-dire  par  le  senti- 
ment de  compassion  qui  nous  inspire  la 
volonté  et  la  résolution  de  secourir  tous 
ceux  qai  gémissent  sous  le  poids  des  misères 
temporelles  ou  spirituelles,  et  par  la  dispo- 
sition à  pardonner  toutes  les  injures  per- 
sonnelles, nous  imitons  le  Père  des  miséri- 
cordes et  nous  l'engageons  à  se  montrer  mi* 
séricordieux  envers  nous;  c'est  là  le  seul 
fondement  de  toute  notre  espérance  et  de 
tous  les  droits  que  nous  avons  de  pouvoir 
prétendre  à  sa  grâce  et  à  sa  gloire.  Nous  ne 
vovoos  qr.e  misères  en  ce  monde,  soit  en 
nous-mômes,  soit  dans  tout  ce  qui  nous  en- 
vironne. Telle  est  la  bonté  de  Dieu,  que  dans 
ui»c  si  triste  condition,  nous  ne  trouvons  de 
r-TMÙLs  à  nos  |To:»re>  maux  que  dans  la 


pratique  de  ia  midéricordo  envers  les  autres. 

SixièyE  BÉATITUDE.  La  pureté  du  cœur.  — 
La  pureté  du  cœur  ou  le  détachement  de 
toute  affection  aux  choses  qui  passent,  aUire 
sur  nous  les  gr,lccs  par  lesquelles  Dieu 
manifeste  les  richesses  de  son  amour  en  cette 
vie,  en  attendant  qu'il  se  découvre  à  nous 
face  à  face  dans  sa  gloire  pendant  toute  Té- 
temité.  Cette  vertu  n*est  pas  une  condition 
moins  essentielle  pour  être  saint  que  pour 
être  heureux,  soit  dans  ce  monde,  soit  après 
cette  vie.  Fille  porte  Dieu,  la  sainteté  même, 
à  venir  habiter  en  nous  par  sa  grâce,  pour 
commencer  ici-bas  l'union  spirituelle  qui 
doit  nous  consommer  en  lui  éternellement 
dans  le  séjour  de  sa  gloire.  Ainsi,  tout 
homme  qui  a  le  cœur  pur  verra  Dieu,  selon 
la  promesse  du  Sauveur,  en  ce  sens  que, 
durant  les  jours  de  son  pèU*rinage,  il  aura 
une  connaissance  ftlus  parfaite  de  sa  bonté 
et  de  ses  mystères,  en  ce  svns  qu'il  mettra 
ses  délices  à  les  contempler  dans  la  lumière 
de  la  foi,  en  altend.mt  qu'il  les  contemple 
éternellement  lui-mônic  dans  sa  gloire. 

Septiëue  BÉATiTiDE.  Vcsprit  de  paix.  — 
Par  Tesprit  pacifique,  nous  devenons  Timago 
de  Dieu  lui-niCMue  et  nous  portons  sur  nous 
un  caractère  de  ressemblance  avec  Dieu,  ce 
qui  est  le  propre  de  ses  enfants.  Il  est  le 
Dieu  de  la  |  aix,  et  Jésus-Christ  son  Fils  est 
appelé  lange  et  le  prince  de  la  paix.  Il  a 
légué  la  paix  à  ses  disciples,  comme  le  der- 
nier présent  de  la  tendre  charité  qu'il  leur 
portait,  et  la  dernière  prière  qu'il  fit  avant  sa 
passion,  fut  pour  la  paix  et  Tunité  de  son 
Eglise.  Si  nous  chérissons  cette  sainte  paix, 
et  si  nous  (»renons  soin  de  la  cultiver,  nous 
la  conserverons  premièrt*ment  dans  nous- 
mêmes,  en  rési>lant  au  péché  et  en  subju- 
guant nos  passions.  Secondement,  avec  \es 
autres,  par  une  conduite  chari'able,  douce 
et  souverainement  ennemie  de  tout  ce  oui 
pourrait  altérer  Tunion  et  la  concorde.  ZikAfz 
d'avoir  la  paix  avec  Jlout  le  monde^  dit  saint 
Paul,  et  de  conserver  la  sainteté^  sans  laquelle 
nul  ne  verra  Dieu.  Virez  en  paix^  si  cela  se 
peut^  dit-il  encore,  et  autant  quil  est  en  rous^ 
avec  toutes  sortes  de  personnes.  11  dit,  si  cela 
se  peut,  parce  que,  malgré  la  dispositif;n  où 
nous  devons  toujours  être,  pour  le  bien  de 
la  paix,  de  nous  dépouiller  de  nos  propres 
droits,  nous  ne  devons  cepenciant  pas  aban- 
donner ceux  de  Dieu,  en  renonçant  à  notre 
foi  ou  en  violant  sa  sainte  loi,  et  en  trahis- 
sant la  vérité,  ne  fût-ce  que  dans  un  seul 
point.  Les  méchants  veulent-ils  nous  forcer 
à  des  actions  incompatibles  avec  nos  devoirs 
essentiels,  nous  devons  leur  résister,  au 
fiéril  même  de  notre  vie;  mais  nous  devons 
aussi  les  traiter  en  esprit  de  pa  x,  autant 
qu'il  est  en  notre  pouvoir,  c'est-à-dire,  leur 

fiardonner  tout  le  tort  qu'ils  nous  font,  et 
eur  rendre  le  bien  pour  le  mal;  montrant 
ainsi  combien  nous  désirons  sincèrement 
conserver  la  paix  à  quelque  prix  que  ce 

Cette  disposition  suppose  qu  on  a  déjà  su 
établir  dans  son  âme  le  fondement  de  beau- 
coup d'autres  grandes  vertus ,   comme   !a 


527 


BEA 


DICTIONNAIRE 


BËG 


5Î8 


parfaite  hamilité,  la  douceur,  la  charité  et 
la  piété  ;  car  elle  est  un  des  plus  hauts  de* 
grés  do  la  perfection  chrétienne  et  un  des 
plus  beaux  traits  de  l'imaga  de  la  divinité 
formée  en  nous  par  lesprit  de  Jésus-Christ. 
11  n*est  donc  pas  étonnant  que  l'adorable 
Trinité  se  plaise  à  habiter  dans  une  âme  si 
riche  en  vertus ,  et  déploie  en  elle  les  tré- 
sors de  sa  toute-puissance  et  de  son  inGnie 
bonté,  qu*elle  la  comble  de  ses  grâces  ,  et 
qu'elle  répande  en  elle  ses  chastes  délices. 
L'esprit  de  paix  qui  règne  en  elle  est  une 
sorte  de  titre  à  ses  faveurs  les  plus  chères  , 
et  particulièrement  à  la  dignité  d'enfant  de 
Dieu ,  par  la  ressemblance  avec  Dieu  ,  et  par 
les  prérogatives  de  grâces  dont  il  l'honore. 

Huitième  béatitude.  Lapatience  dans  les 
persécutions,  —  Le  dernier  et  le  degré  le  plus 
parfait  de  béatitude  est  réservé  à  ceux  qui 
souffrent  persécution  pour  la  justice,  avec 
patience ,  douceur ,  résignation  et  charité. 
Les  souffrances,  prises  dans  l'esprit  dii  chris- 
tianisme, appellent  à  leur  suite  toutes  ces 
vertus  avec  beaucoup  d'autres  et  les  élèvent 
jusqu'à  l'héroïsme.  Elles  sont  le  remède  le 
plus  efficace  contre  toutes  les  maladies  de 
rame ,  et  nous  assurent  un  poids  immense 
de  gloire  dans  le  ciel.  C'est  le  sens  de  ces 
paroles  :  Le  royaume  des  deux  leur  appar- 
tient.  L'homme ,  en  effet ,  ne  peut  offrir  à 
Dieu  un  sacritice  plus  parfait  de  lui-môme , 
puisr[u'il  est  accompagné  des  vertus  les  plus 
sublimes  et  du  degré  de  ferveur  I9  plus  par- 
fait ,  ou  de  tout  ce  aue  le  divin  amour  peut 
inspirer  de  plus  généreux  ;  car  nos  sacrifices 
n'ont  de  mérite  devant  Dieu ,  qu'à  propor- 
tion de  cette  ferveur  ;  il  ne  lui  manque  donc 
rien  pour  prétendre  au  plus  haut  degré  de 
gloire.  De  là  cette  doctrine  de  saint  Jacques: 
Considérez j  mes  frères  ^comme  un  grand  sujet 
de  joie  les  diverses  afflictions  qui  vous  arri- 
vent ,  sachant  que  répreuve  de  votre  foi  pro- 
duit la  patience.  Or  la  patience  est  parfaite 
dans  ses  œuvres;  pratiquez- la  fidèlement ,  et 
vous  serez  des  hommes  parfaits ,  des  chrétiens 
accomplis  ,  en  qui  Dieu  trouvera  tout  ce  quil 
récompense  dans  ses  élus. 

Les  vertus  renfermées  dans  les  huit  béa- 
titudes sont  autant  de  vertus  morales  d'un 
ordre  sublime  et  héroïc^ue;  mais  pour  appar- 
tenir aux  béatitudes,  il  faut  qu'elles  aient 
des  motifs  surnaturels  pour  fondement, 
qu'elles  soient  infuses  dans  l'âme  par  une 
grâce  spéciale ,  qu'elles  découlent  du  pur 
amour  de  Dieu,  qu'elles  soient  par  consé- 
quent élevées  à  un  ordre  supérieur  et  con- 
formes à  la  dignité  de  leur  source. 

Les  vertus  morales  peuvent  bien  s'acqué- 
rir jusqu'à  un  certain  degré  par  les  forces 
naturelles  et  à  l'aide  des  motifs  que  suggère 
la  simple  raison.  Mais  dans  les  hommes 
d'oraison  ,  remplis  de  ferveur  et  de  charité, 
elles  deviennent  infuses  ^  et  s'obtiennent  de 
nouveau  d'une  manière  bien  plus  noble  et 
bien  plus  parfaite  que  par  les  efforts  et  les 
artes  répétés,  gui  en  laisaienl  auparavant 
des  vertus  acquises,  khm  rhumililé,  quand 
elle  est  infuse ^  donne  à  l'âme  une  vue  bien 
plus  profonde,  et  une  connaissance  bien 


plus  vive  de  sa  bassesse  et  de  son  néant, 
qu'elle  ne  pourrait  l'acquérir  par  des  moyens 
naturels,  quand  môme  elle  serait  assistée 
des  grâces  actuelles  ordinaires.  De  là  il  ar- 
rive qu'il  lui  semble  être  transportée  dans 
une  nouvelle  région  de  lumières,  où  elle 
voit  et  où  elle  sent  les  plus  importantes  vé-' 
rites  avec  bien  plus  de  clarté  que  jamais, 
selon  la  remarque  de  saint  xhomas,€t 
qu'elle  s'élève  beaucoup  plus  haut  dans  la 
voie  de  la  perfection ,  par  des  actes  bien 
supérieurs  aux  voies  orainaires.  | 

BËAUMONT  (  Guillaume-Robert-Philippe-l 
Joseph  de  ),  curé  de  Saint-Nicolas  de  Rouen, 
sa  ville  natale,  mourut  au  mois  de  septem- 
bre 1761 ,  regretté  de  son  troupeau  qu'il 
édiQait  et  instruisait.  On  a  de  lui  quelques 
ouvrages  ascétiques,  qui  ne  sont  pas  du 
premier  ordre  :  l*"  De  V Imitation  de  lasainU 
Vierge  ;  —  2°  Pratique  de  la  dévotion  du  divin 
Cœur  de  Jésus;  —  3*  Exercice  du  parfait 
chrétien  ;  —  4"  Vie  des  saints  ,  en  2  vol.  ;  — 
5"  Méditations  pour  tous  les  jours  de  Fosh 
née    6lo 

b'eAuVaiS  (  Vincent  de  ) ,  Dominicain , 
ainsi  appelé  du  lieu  de  sa  naissance,  s'ac- 
quit l'estime  du  roi  saint  Louis  et  des  prin- 
ces de  sa  cour.  Ce  pieux  monarque  l'honora 
du  titre  de  son  lecteur ,  et  lui  donna  inspec- 
tion sur  les  études  des  princes  ses  enfants. 
Vincent  mourut  en  126^.  On  a  de  ce  savant 
religieux  :  l*"  Spéculum  majus ,  raste  collec- 
tiou  divisée  en  quatre  parties  :  Speculumna- 
turale^  Spéculum  doctrinale^  Spéculum  moro/e, 
Spéculum  historiale;  —  2*  Un  Traité  de  Cédur 
cation  des  princes ,  et  quelques  autres  traités 
en  latin  écrits  d'un  style  assez  barbare.  La 
collection  de  ces  ouvrages  a  été  publiée  à 
Douai  en  162!^. 

B£DË  (Le  Vénérable),  docteur  de  l'Ëglise, 
le  plus  savant  homme  de  son  temps  en  An- 
gleterre et  peut-ôtre  la  plus  vive  lumière 
de  l'Eglise  universelle  au  viii*  siècle,  passa 
presque  toute  sa  vie  au  monastère  de  Jar- 
rjw,  au  diocèse  do  Hexham.ll  écrivit  sur  la 
philosophie,  l'astronomie,  l'arithmétique,  le 
calendrier,  la  grammaire,  l'histoire  ecclé- 
siastique, etc.  Ses  œuvres  théologiques  com- 
posaient cependant  la  principale  partie  de 
ses  ouvrages.  On  trouve  dans  ses  écrits 
beaucoup  de  clarté  et  de  prééision.  11  y 
règne  une  aimable  simplicité,  avec  union 
de  fraîichiseï  de  piété,  de  zèle,  qui  intéres- 
sent vivement  le  lecteur.  La  candeur  et  Ta- 
raour  de  la  vérité  caractérisent  ses  livres 
historiques.  Personne  ne  sanctifie  mieui ses 
études  par  une  vie  innocente  et  le  plus  pur 
désir  du  bien  et  de  1  utilité  du  prochain. 
Aussi  Dieu  s'en  est-il  servi  pour  éclairer 
l'Ëglise  dans  un  siècle  où  la  lumière  com- 
mençait è  faire  défaut  par  suite  des  inva- 
sions des  Barbares.  II  a  eu  la  gloire  de 
compter  parmi' les  plus  brillants  flambeaux 
qui  éclairaient  le  monde  dans  ces  siècles 
malheureux  ;  il  fit  des  efforts  inouïs  pour  re- 
nouer les  anciennes  traditions  de  la  scionci3 
avec  le  monde  nouveau.  Une  de  ses  gloires 
fut  d'avoir  formé  Alcuin,  le  précepteur  des 
Gaules.  Oa  nous  pardonnera  de  donner  uno 


m 


BEG 


D*ASC£TISME. 


B£G 


Si4) 


liste  un  peu  étendue  des  ouvrages  de  ce 
^and  homme  ;  tous,  même  ceux-qui  ont  des 
titres  profanes,  respirent  une  odeur  de 
piété  et  de  sainteté.  [Voir  le  Catalogue^  au 
KNne  ll.j 

BEGARDS  ou  Beghards.  —  Secte  de  faux  ^ 
nystiifues  ou  de  faux  dévots,  qui  parut  en' 
Italie,  en  France  et  en  Allemagne  sur  la 
lin  du  lur  et  au  commencement  du  xiv* 

Avant  celte  époque,  tes  Albigeois  et  les 
Vaudois  s*étaient  fait   remarquer  par   un 
extérieur    simple ,   mortifié ,  dévot  ;    plu- 
sieurs renonçaient  à  leurs  biens,  vaquaient 
à  la  prière  et  à  la  lecture    de  l'Ecriture 
sainte,  faisaient  profession  de  pratiquer  les 
conseils  évangéliques.  Cette  régularité  vraie 
ou  feinte,  comparée  à  la   vie  licencieuse 
4e  la  plupart  aes  catholiques,  et  d^utie 
partie  €«  dergé,  avait  contribué  beaucoup 
lux  progrès  de   Thérésie  et  au  discrédit 
de  la  foi  catholique.  Plusieurs  personnes, 
touchées  de  ce  malheur,  sentirent  la  néces- 
sité de  réformer  les  mœurs  et  de  tenir  une 
conduite  plus  conforme  aux  maximes  de 
l'Evangile,  c'est  ce  qui  fit  naître  la  radii- 
laiie  d  ordres  religieux  et  de  congrégations 
que  l'en  vit  éclAre  dans  les   temps   dont 
noua  parions.  Les  esprits  une  fois  tournés 
decec6té-b,  seraient  encore   allés  plus 
loin,  51  fe  concile  de  Latran,  tenu  l'an  12t5, 
fl*arait  défendu  d'établir  do  nouveaux  or- 
dres religieux ,    de  peur  que  leur  trop 
Çrifide  diversité  ne  mit  de  la  coefusion  dans 
Tf^lise. 

Plusieurs  séculiers,  sans  prendre  l'habit 
religieux,  formèrent  aussi  des  associations 
^  piété,  «t  «'unirent  entre  eux  pour  va- 
quer à  des  pratiques  de  dévotion  ;  mais 
par  le  défaut  d'instruction  et  de   lumièret 
plosieurs  donnèrent  bientôt  dans  ^illusion, 
t\  d'un   excès  de  piété  tombèrent  dans  ua 
eioës  de  libertinage.  Tels  furent  ceux  que 
Yon  nemma  beggaras,  frère t«  on  fraticeiles, 
«luioinistesv  apostoliques,  etc.  Ces  différent 
les  sectes  n'avaient  entre  elles  aucune  liai- 
fon  ;  elles  ne  se  ressemblaient  que  par  la 
juanière  dont   chacune  s^était   égarée  de 
ion  e6té« 

Il  faut  distinguer  des  beggards  de  plu- 
iieurs  espèces.  Les  premiers  furent  des  fran- 
ciscains austères  que  Ton  appelait  le$  spiri- 
tëeU  :  ils  se  piquaient  d'observer  la  règle 
de  âainU'François  dans  toute  la  rigueur,  de 
oe  rien  posséder  eu  iirepre  ni  en  commua, 
ie  vi'Tre  d'aumônes,  d'être  couverts  de  hail- 
c>n5,  etc«  Comme  ils  se  séparèrent  de  leur 
ordre  et  refusèrent  d'obéir  k  leurs  supé- 
rieurs«  Boniface  Vlll  condamna  ce  schisme 
ters  l'an  1360.  Alors  ces  révoltés  se  mirent 
ï  déclamer  contre  le  Pape  et  contre  les  évê- 
ques  ;  ils  annoncèrent  la  réformatioa  pro- 
tbaine  de  l'Eglise  par  les  vrais  disciples 
de  &inl-Francoi5,  et  adoptèrent  Jes  rêve- 
ries de  Tabbe  Joachim,  etc.  Ils  attirèrent 
dans  leur  parti  un  bon  nombre  de  frères 
iais  da  tiers  or<jre  de  Saini-François,  que 
i  on  nomme  fratietlUs  ou  i^etits  frères,  en 
Italie  bixocki  ou  besaeiers,  en.  France  bé^ 

DiCTIO».  pAsciTisME^  I 


êtunf,  dans  les  Pays-Bus  et  en  Alle;nngna 
oeggards:  do  \h  tous  ces  noms  furent  do;  jnés 
h  la  sectH  en  général  :  comme  tous  les  pré- 
dicanls,  ils  en  imposèrent  par  leur  exté* 
rieur  mortifié  et  firent  des  prosélytes 

Au  commencement  du  xiv*  siècle,  il  s'en 
trouvait  un  grand  nombre  en  Allemagne,  le 
long  du  Rhin,  surtout  à  Cologne;  et  comme 
leur  fanatisme  était  ailé  toujours  en  crois- 
sant, leurs  erreurs  se  réduisaient  à  huit  chefs 
principaux.  1*  Ils  prétendaient  que  l'homme 
peut  acquérir  en  cette  vie  un  tel  degré  do 
iteifection,  qu'il  devienne  impeccable  et  ne 
puisse  plus  croître  en  grâce.  2*  Ceux  qui  sont 
parvenus  à  ce  degré  n'ont  plus  besoin  do 
prier  ni  déjeuner;  leurs  sens  sont  teltemeol 
assujettis  à  la  raison,  quils  peuvent  accorder 
librement  h  leur  corps  tout  ce  qu'il  demande. 
3*  Parvenus  à  l'état  de  liberté,  ils  ne  sont 
plus  tenus  d'obéir  ni  d'observer  les  préoep- 
tes  de  l'Eglise.  %r  L^liomme  peut  parvenir 
ici-bas  à  la  parfaite  béatitude,  et  posséder  le 
même  degré  de  perfection  qu'il  aura  dans 
l'autre  vie.  5*  Toute  créature  intelligente  est 
naturellement  bienbeureuse ,  et  n'a  pas 
besoin  de  la  lumière  de  ^oire  peur  voir  et 
posséder  Dieu.  6"  La  pratique  des  vertus  est 
pour  les  âmes  imparfaites;  celles  qui  ont 
atteint  la  perfection  sont  dispensées  de  les 
pratiquer.  7*  Le  simple  baiter  d'une  femme 
est  un  péché  mortel,  JEnais  le  commeree 
charnel  avec  elle  n'en  est  pas  un,  lorsqu'on 
est  tenté.  8*  Pendant  Télévation  du  corps  de 
Jésus-Cbrist,  lesparlaitsnesont  pas  obligés 
de  se  lever,  ni  de  lui  rendre  aucun  rcvoeel^ 
ce  serait  un  acte  d^imperfection  f)Our  eux  de 
se  distraire  de  la  contemplation,  pour  penser 
h  l'Eucharistie  ou  h  la  Passion  de  Jésus-Christ. 
{Voytex  Bcpior  et  le  P.  ALBmnDajB  sur  le 
XIV*  siède.J 

Ces  erreurs  furent  comdaamées  dans  ie 
concHe  général  de  ITienne,  sous  Clément  Y, 
en  1311;  mais  celte  condamnation  n'étoulFa 
pas  entièrement  l'erreur  ni  les  désordres 

Îui  en  étaient  la  suite,  llssubsistaient  ericor») 
ans  le  xV  siècle.  Leurs  partisans  se  nom- 
maient alors  ies  frirtê  €i  Itê  êmurê  ém  libre 
esprit;  on  les  appelait  en  Allemagne  beg-* 
gardé  et  êchutes  triones^  traduction  du  latin 
i^r^rius;  en  Bohème  pigardt  ou  pieardi;  en 
France  picards  et  iurl^pim.  Ils  avaient  se- 
coué toute  honte;  ils  disaient  que  l'on  n'est 
parvenu  à  l'état  de  liberté  et  de  perfection 
que  auand  on  peut  voir  sans  émotioo  le  corps 
nu  d  une  personne  de  sexe  difl'éreni;  pour 
Aire  conséquent,  ils  se  dépouillaient  de  leurs 
babits  dans  leurs  assemblées,  ce  qui  leur  fit 
donner  le  nom  d^adamisies.  .Ziskn,  géné.al 
des  hussites,en  extermina  un  grand  nombre 
l'an  lt^21.  Quelques-uns  ont  donné,  par  er« 
reur,  le  nom  de  frères  picards  aux  bussiles, 
mais  ces  deux  sectes  n  avaient  rien  de  com- 
mun. 

Au  xvji*  siècle  les  sectateurs  de  Holinos 
ont  renouvelé  une  partie  des  erreurs  des 
beggards.X'en  est  assez  pour  nous  convain- 
cre que  les  anciens  Pères  de  l'élise  uSÊb 
ont  point  imposé,  lorsqu'ils  ont ani|sy^ 
mêmes  égarements  et  le"  ^^ 


531 


DEL 


DICTIONNAIRE 


BEN 


5ô» 


aiiYgnostiaues.  Les  hommes  se  ressemblent 
dans  les  différents  sièck*s,  et  les  mêmes 
p:!S3ions  produisent  les  mêmes  effets.  {Hist. 
de  l'EgL  gallic,^  1,  m»  an  1311. 

Beggards,  Béguins  e(  Béguines,  sont  aussi 
les  noms  qu*on  a  donnés  aux  religieux  du 
tiers  ordre  de  Saint-François.  On  les  appelle 
encore  à  présent,  dans  les  Pays-Bas,  beg~ 
gards,  p/irce  que  longtemps  avant  qu'ils 
eussent  reçu  la  règle  du  tiers  ordro  de  Saint- 
François,  et  qu*its  fussent  érigés  en  commu- 
nauie  régulière,  ils  en  formaient  déjà  dans 
plusieurs  villes,  vivaient  du  travail  de  leurs 
mains,  et  avaient  pris  pour  patronne  sainte 
Begghe,  fille  de  Pépin  le  Vieux,  et  mère  tic 
Pépin  d'Héristal,  princesse  qui  fonda  le 
monastère  d'Andoune,  sV  relira  et  y  mou- 
rut, selon  Sigebcrt,  en  692.  A  Toulouse,  on 
]es  nomma  héguim ,  parce  qu'un  nommé 
BarthélemiBéchin  leur  avait  donné  sa  maisan 

{>our  les  établir  en  cette  ville.  De  cette  con- 
brmité  de  nom,  le  peuple  ayant  pris  occa- 
sion de  leur  imputer  les  erreurs  des  beg- 
gardn  ^i  (ÏQS  béguins  y  condamnés  au  concile 
de  Vienne,  les  Papes  Clément  V  et  Benott  XII 
déclarèrent,  par  dos  bulles  expresses,  que 
ces  religieux  du  tiers  ordre  n'étaient  nulle- 
ment l'objet  des  analbèraes  lancés  eontre 
les  beggards  et  les  béguins  répandus  en  Alle- 
magne. Mosheim  dérive  les  noms  beggard^ 
béguin,  bégatte,  bigote  du  vieux  mot  allemand 
beggtny  demander  avec  importunité»  prier 
avec  ferveur. 

BEGUINE,  BEGUINAGE.  —  C'est  le  nom 
qu'on  donne  dans  les  Pavs-Bas  à  des  filles  ou 
veuves  qui,  sans  faire  de  vœux,  se  rassem- 
blent pour  mener  une  vie  dévote  et  réglée. 
Pour  être  aggrégé  au  nombre  des  béguines, 
il  ne  faut  (ju'ap})0rter  suffisamment  de  quoi 
vivre.  Le  lieu  où  vivent  les  béguines  s^a|>- 
pelle  béguinage  ;  celles  qui  Tbabitent  peu* 
vent  y  tenir  leur  ménage  en  particulier,  ou 
elles  peuvent  s'associer  plusieurs  ensemble. 
Elles  portent  un  habillement  noir,  assez 
semblable  à  celui  des  religieuses.  Elles  sui- 
vent de  certaines  règles  générales,  et  font 
lies  prières  en  commun  aux  heures  marquées; 
le  reste  du  temps  est  employé  à  travailler  à 
des  ouvrages  d'aiguille,  à  faire  de  Ta  dentelle, 
de  la  broderie,  etc.,  et  à  soigner  les  mala- 
des. Il  leur  est  libre  de  se  retirer  du  bégui* 
nage.  Elles  ont  aussi  une  supérieure  qui  a 
droit  de  commander,  et  à  qui  elles  sont 
len  ues  d*obéi  r  tant  qu'elles  demeureront  dans 
Télar  de  béguines. 

Il  y  a  dans  plusieurs  villes  des  Pays-Bas 
des  béguinages  si  vastes  et  si  grands  qu'on 
les  prendrait  nour  de  petites  villes.  A  Gand, 
en  Flandre,  il  y  en  a  deux,  le  grand  et  le 
uetil,  dont  le  premier  peut  contenir  jusqu'à 
iiuit  cents  béguines. 

11  ne  faut  pas  confondre  ces  béguines  avec 
certaines  femmes  qui  étaient  tombées  dans 
les  excès  des  béguines  et  des  beggards,  qui 
furent  condamnés  comme  hérétiques  parle 
Pape  Jean  XII,  et  dont  il  ne  reste  aucun 
vesligi*.  iyoyez  Beggabds.) 

BELING AN.  — Jésuite.  On  a  de  lui  :  Con- 
naissanca  de  Jésus-Christ:  —  Retraite  pour 


les  dames;  —  Retraite  pour  les  personnes  du 
monde;  —  Sur  les  Vertus  de  Jésus-Christ, 

BELLARMIN,  cardinal»  né  en  1620,  l'un 
des  plus  illustres  et  des  plus  éclairés  défen. 
seurs  de  l'Eglise  et  du  Saint-Siége;  outre  ses 
œuvres  de  controverse,  on  a  aussi  quelques 
opuscules  qui  peuvent  être  offerts  aux  spi- 
rituels :  tels  que  son  Elévation  de  resprii 
à  Dieu  :  "^  les  Gémissements  de  la  Colombtt 
ou  du  Don  des  larmes. 

BELLECIIUS.— Jésuite»  auteur  de  plusieurs 
ouvrages  ascétiques  fort  estimés  :  Medulk 
ascetica;  —  De  virtutis  solidœ  impedimtntis 
et  in  citamentis, 

BELLEVUG  (Armand  de),  religieux  Domi- 
nicain, ainsi  a|)pelé  du  lieu  de  sa  naissance, 
en  Provence,  vivait  au  xiv*  siècle.  Il  était 
attaché  au  Pape  Jean  XXII,  qui  te  fit  doclcur 
en  tiiéologio,  et  lui  donna  l'emploi  de  lec- 
teur du  sacré  palais.  Il  mourut  de  1332  à 
i33k.  On  a  du  lui  entre  autres  ouvrages, 
des  Conférences  sur  les  psaumes^  sous  la  dé- 
nomination pompeuse  de  Sermones  dtrinj,et 
un  Recueil  de  prières  et  de  méditations  sur  la 
vie  et  les  bienfaits  de  Notre-Seigneur. 

BENARD-  (Dom  Laurent),  religieux  de 
l'ordre  de  Cluny,  et  l'un  des  promoteurs  de 
la  réforme  bénédictine,  né  à  Nevers  en  1573, 
avait  fait  profession  de  la  règle  de  Saint-Be- 
nott  au  prieuré  de  Saint-Etienne  de  cette 
ville.  Devenu  prieur  du  collège  de  Clunj, 
et  zélé  pour  la  discipline  et  les  observances 
religieusei«,  il  se  rendit  à  I  abbaye  deSainl- 
Vanne  à  Verdun,  y  fit  profession  le  5  mars 
lGi5,  suivant  la  réforme  qui  venait  de  s'éta* 
blir  dans  cette  congrégation.  Il  fut  un  des 
commissaires  pour  Térection  d'une  seconde 
congrégaticm  qui  fut  établie  en  1618  sous  le 
titre  de  Saint-Alaur.  Uom  Bénard  mourut  au 
collège  de  Cluny,  le  21  avril  1620.  Ses  œu- 
vres ascétiques  sont  :  1*  Pensées  chrétiennes 
ou  Sermons  très-utiles  à  toutes  personnes^ 
tant  laïques  f  ecclésiastiques  que  régulières, 
Paris,  1616;  —  2«  De  Vesprit  des  ordres  nli" 
givux,  et  spécialement  de  Vesprit  de  Cordre  de 
Saint-Benoit,  Paris,  1616;—  3*  Police règu- 
Hère  tirée  de  la  règle  de  Saint-Benoit  ^  1619. 
Ces  ouvrages  sont  pleins  d'excellentes  cho- 
ses, propres  à  inspirer  et  à  nourrir  la  \^\M, 

BENEDICTINS.  -  Vop.  saint  BekoÎt  (w 
vie  et  sa  règle). 

BENOIT  (Saint),  abbé  d'Aniane,  nu  dio- 
cèse de  Montpellier,  était  tils  d'Aigulfe, 
comte  de  Maguelone.  Après  avoir  servi 
avec  distinction  dans  la  maison  et  dans  les 
armées  de  Pépin  et  de  Ctiarlemagne,  il  s'en- 
ferma dans  un  monastère  dont  il  devint 
abbé.  Il  se  retira  ensuite  dans  une  terre  de 
son  patiimoino,  où  il  fonda  l'abbaye  d'i- 
niane.  Ses  réformes  et  son  zèle  lui  lireol  uo^ 
nom  en  France.  Louis  le  Débonnaire  l'éla-^ 
biit  chef  et  sujtéricur  de  tous  les  monastères 
de  son  empire.  Benott  mourut  en  821.  Ooa. 
d3  lui  Codex  regularum,  qui  niontre.ce  qi^e, 
la  règ'e  de  Saint-Benoît  a  do  commun  avec 
celles  des  aulies  fondateurs.  Sa  vie  a  éi^^ 
écrite  par  Ardon  Smar.  gdus,  et  a  élé  pu- 
bliée en  1638  par  dom  Hugues  Méiw<rc1,  ave 
lo^Concorde  des  règles^  duiLêuie  sa"nl  Benoit. 


BEN 


D^ASCETIbME. 


BEM 


5:>i 


BENOIT  (Saint),  naquit  en  UN),  an  terri- 
foire  de  Norcia,  dans  le  duché  de  Spolète. 
Il  fût  élevé  à  Rome  dès  sa  plus  tendre  jeu- 
nesse, et  s>  distingua  f^ar  son  esprit  et  sa 
Tertu.  A  rtgé  de  seize  ans  il  se  retira  du 
monde  où  sa  naissance  lui  promettait  de 
grands  avantages.  Une  caverne  affreuse  dans 
le  désert  deSubiac,  à  M  milles  de  Rome,  fut 
sa  première  demeure  ;  il  y  resta  caché  trois 
ans.  Ses  austérités  et  ses  vertus  Tajanl  rendu 
eél&re, unefôulede  gens  de toutâgese rendit 
auprès  de  lui.  Il  bâtitiusqu*è  douze  monastè- 
res. Ses  succès  excitèrent  l'envie.  Il  quitta 
cette  retraite  et  vint  à  Cassin,  petite  ville 
sur  le  penchant  d^une  haute  montagne.  Les 
paysans  de  ce  lieu  étaient  idolâtres;  à  la  voii 
de  Benoît,  ils  devinrent  chrétiens.  Leur  tem- 
ple dédié  à  Apollon  fut  changé  en  église.  On 
y  vit  bientôt  s'élever  un  monastère  devenu 
le  berceau  de  Tordre  bénédictin.  Son  nom 
se  répandit  dans  toute  l'Europe.  Totila ,  roi 
des  Golhs,  passant  dans  la  Campanie,  voulut 
Je  voir,  et  pour  éprouver  s'il  avait  le  don  de 
prophétie,  comme  on  le  disait,  il  lui  envoya 
un  de  ses  oflScîers,  nommé  Riggon  qu'il  avait 
lait  revêtir  de  ses  babils  royaux,  et  auquel 
il  avait  donné,  pour  l'accompagner,  trois 
des  principaux  seigneurs  de  sa  cour  avec  un 
nombreux  cortège.  Le  saint,  qui  était  alors 
assis,  ne  Feût  pas  plutôt  aperçu  qu'il  lui  cria: 
Qmliex^  mon  fU$j  les  habits  que  vous  portez  ; 
iis  me  sont  pas  à  vous.  Riggou  saisi  de  crainte, 
et  confus  d'avoir  voulu  tromper  ce  grand 
bomme,  se  jeta  à  ses  pieds  avec  sa  suite. 
Lorsqu'il  fut  de  retour ,  il  raconta  au  roi  ce 
qui  lai  était  arrivé. Totila  vint  alors  lui-même 
visiter  le  saint  A  sa  vue,  il  se  prosterna  h 
terre»  et  il  y  resta  jusqu'à  ce  que  Benoit  Teût 
relevé.  Il  uit  bien  plus  étonné  d'entendre  le 
saint  lui  dire  :  <  Vous  failes  beaucoup  de 
mal,  et  je  prévois  que  vous  en  fcrc^z  davan- 
tage. Vous  prendrez  Rome,  vous  |>asserez 
la  mer  et  régnerez  neuf  années,  mais  vous 
mourrez  dans  la  dixième,  et  vous  serez  cité 
au  tribunal  du  juste  juge  pour  lui  rendre 
compte  de  vos  œuvres...  L'événement  vériGa 
la  pr^iction.  Totila,  qui  en  avait  été  effrayé, 
se  recommanda  aux  prières  de  Benoît  et  fut 
moins  cruel.  Ayant  pris  peu  après  Naples,  il 
traita  les  prisonniers  avec  beaucoup  d'bu- 
nunilé.  Benoît  mourut  Tannée  suivante,  en 
5V3,  suivant  le  P.  Mabillon,  et  quelques  an- 
nées plus  tard  suivant  d'autres.  Sa  règle  a 
été  adoptée  presque  par  tous  les  cénobites 
d'Occident.  Sa  vie  a  été  écrite  par  saint  Gré- 
goire le  Grand  dans  le  second  livre  de  S(*s 
MHaioçues.  Pau!  Diacre,  moine  du  Mon t-Cassiu 
en  aparié  fort  amplement  dans  V Histoire  des 
Lomoards.  Soa  ordre  a  été,  sans  contredit, 
an  des  plus  étenJus,  des  plus  illustres  et  des 
pÎQS  riches,  c  11  fut  longtemps,  dit  un  écri- 
rain  célèbre,  un  asile  ouvert  à  ceux  qui  vou* 
iaient  fuir  les  oppressions  du  gouvernement 
guih  et  vandale.»  Le  peu  de  connaissances  qui 
n^staieot  chez  les  barbares  fut  perpétu(5  dans 
les  cloîtres.  Les  Bénédictins  transcrivirent 
beaucoup  d*auteurs  sacrés  et  profanes.  Nous 
leur  devons  en  partie  les  plus  précieux  res- 
tes de  l'antiquité,  ainsi  que  b;;aucoup  d'in- 


ventions modernes.  On  a  reprochée  cet  ortire 
célèbre  ses  grandes  richesses,  mais  on  ne 
fait  pas  attention  que  c'est  en  défricha  m 
avec  beaucoup  de  peines  des  forêts  incultes 
et  des  terres  ingrates  qu'ils  se  les  ont  pi-o- 
curées.  Tel.'e  ville  aujourd'hui  flo.issnnte 
n'était  autrefois  qu'un  rocher  nu,  ou  un  ter- 
rain en  friche, devenu  fertile  sous  des  mains 
saintes  et  laborieuses.  «  De  quoi,  dit  un  au- 
teur judicieux  et  é()uitable,  auraient  vec;u 
S  and  nombre  de  solitaires  s'ils  n'avaient  été 
borieuxTOn  ne  leur  donnait  ni  des  ter- 
res cultivées,  ni  des  colons  pour  les  faire 
valoir,  puis(]u'ils  se  plaçaient  tous  dans  des 
déserts.  Miiis  les  censeurs  de  la  vie  monas- 
tique demandent  pourquoi  renoncer  aux  af- 
faires de  la  société,  pour  aller  passer  sa  vie 
dans  la  solitude.  C  est  pour  se  soustraire 
aux  fureurs  des  tyrans  et  des  guerriers'  qui 
ravageaient  tout,qui,  cependant,  respectaient 
encore  les  moines  dont  la  vie  les  étonnait  et 
dont  les  vertus  leur  imposaient.  ■ 

Quant  à  leurs  richesses,  qui  étaient  le  fruit 
de  leur  travail,  de  leur  sage  et  ju  licieuse 
économie,  quel  usage  en  faisaient-ils?  On 

f^eut  bien  dire  qu'ils  ne  les  avaient  que  pour 
es  répandre;  que,  sobres  et  économes  pour 
ce  qui  les  regardaient,  ils  n'étaient  magni- 
Gques  que  quand  il  s'açissait  d'orner  la  mai- 
son de  Dieu,  d'enrichir  des  bibliothèques, 
de  concourir  à  des  amusements  utiles,  de 
porter  des  secours  aux  pauvres  et  aux  affli- 
gés. Cette  observation  pouvait  s'étendre  à 
tous  les  religieux  qui  avaient  conservé  Tes* 
prit  de  leur  état.  L'ordre  de  saint  Benoit  a 
produit  beaucoup  de  grands  hommes  en 
tous  eenres,  sauf  ou'il  soit  vrait  de  dire 
que  l'on  compte  dans  son  sein  quarante 
Papes,  deux^cents  cardinaux,  cinquante  pa- 
triarches, mille  six*cents  archevêques,  quatre 
mille^  six  cents  évèques,  quatre  empereurs, 
douze  impératrices,  quatre  reines,  et  trois 
mille  six  cents  saints  canonisés.  Ce  détail, 
puisé  dans  la  chronique  de  l'ordre  de  Sciint- 
Benolt,  ne  peut  partir  que  d'un  zèle  outré 
et  maladroit.  C'est  ne  savoir  pas  louer  que 
dé  recourir  à  l'exagération.  Dom  Bastide, 
Bénédictin  de  Sainl-Maur,  fâché  de  ce  que 
Itfabillon,  son  confrère, avait  retranché  quel- 
ques saints  dans  le  grand  recueil  des  Act^^^s 
des  saints  de  l'ordre  de  Saint-Benott,|Té?ei,(a 
contre  lui  une  requête  au  chapitre  gén:5ra( 
de  1677;  mais  ceux  qui  composaiei.t  C'  tic 
assemblée  n'y  eurent  aucun  égard.  [Voy. 
Cajetax,  Co!fSTA?iTi?i.)  Dcpuis  l'an  900,  l'or- 
dre de  Saint-Bcnolt  s  est  divisé  en  plusieurs 
branches.  De  là  sont  sortis  les  Camaldulcs, 
les  Cisterciens,  lesGilbertins,lesSylvesti  ins, 
les  moines  de  Fontevrault.  Toutes  ces  obst-r- 
vances  ne  sont  que  des  réformes  de  Tordre 
de  Saint-Benott ,  qui  ont  ajouté  qurliiues 
constitutions  particulières  à  la  rè^le  priuii* 
tive. 

On  compte  parmi  les  Bénédictins  plusieurs 
congrégations,  telles  que  celles  deCluny,  de 
Sainte-iusline,  de  Savigny,  de  Tiron,  de 
Rorsfeld,  de  Sainl-Maur,  etc.  La  règle  de 
Saiut-Bcnolt  a  été  imprimée  plusieurs  lois, 
et  notamment  en  173i,  en  deux  vol.  in-^s 


ZSi  D£N  DlCTiONNAlRC 

ATec  les  Commentaires  de dom  Calmât;  dom 
Mége/i  écrit  sa  Vie  en  un  vol.  in  b 


nEN 


SôS 


Sa  règle.  —  La  règle  de  Saint-Benoit,  qui 
a  été  celte  de  presque  tous  les  moines  oc- 
cidentaux, résume  trop  bien  la  perfection 
de  la  vie  monastique,  pour  être  omise  dans 
notre  travail. 

Saint  Benoit  la  commence  par  la  distinc- 
tion de  quatre  sortes  de  moines  :  les  céno- 
bites vivant  dans  une  communauté  réglée, 
sous  la  conduite  d'un  abbé;  les  anachorèles 
ou  ermites,  qui,  après  s*6(re  longtemps  exer- 
cés dans  une  communauté,  se  retiraient  pour 
mener  seuls  une  vie  encore  plus  pariaite. 
Les  deux  autres  genres  étaient  de  la  pire 
espèce  :  les  iarabaUe$f  qui  demeuraient  deux 
ou  trois  ensemble,  ou  entièrement  seuls,  vi- 
vant h  leur  fantaisie,  et  sans  suivre  de  rè^lc; 
les  gjfTovagues^  ou  vagabonds,  qui  couraient 
continuellement  de  monastère  en  monastère^ 
sujets  k  rintempéranco  et  à  tous  les  plaisirs: 
c'étaient  les  pires  de  tous. 

Quant  aux  ollices  divins,  saint  Benoît  \ts 
règle  ainsi  :  L*hiver,  depuis  le  1"  novem- 
bre jusqu'à  Pâques,  on  se  lèvera  ii  la  hui- 
tième heure  de  la  nuit,  cVst-h-dire  k  deux 
heures.  L'abbé  lui-même  annoncera  Theure 
de  roffice,  ou  en  commettra  le  soin  à  un 
Frère  très-exact.  Ce  ^ui  restera  de  temps 
après  les  vigiles  jusqu  au  jour  sera  employé 
è  apprendre  les  psaumes,  oii'à  les  méditer, 
ou  à  quelque  lecture  nécessaire.  Saint  Be« 
noit  appelle  vigiles  Tolllice  nocturne  que 
nous  appelons  Matines,  et  il  appelle  matines 
rofiice  du  point  du  jour  que  nous  nommons 
Laudes.  Pour  Tété,  c  est-à-dire  depuis  Pâques 
jusqu'en  novembre,  il  ne  règle  point  le 
temps  précis  de  commencer  les  vigiles  :  il 
vput  seulement  qu'on  les  règle  de  telle  sorte 

au'on  puisse  commencer  Matines  au  point 
ujour. 

Tous  les  jours,  aux  vigiles,  on  chantera 
douze  psaumes  après  l'hjmne  que  saint  Be- 
noit nomme  l'AniDroisien,  parce  que  la  plu- 
part étaientdesaintÀmbroise.  Après  six  psau- 
mes, tous  les  Frères,  étant  assis,  liront  tour 
à  tour  trois  leçons,  à  chacune  desquelles  on 
chantera  un  répons  ;  ensuite  on  dira  six  au- 
tres psaumes  avec  Alléluia  ;  puis  une  leçon 
de  l'apôtre,  que  l'on  récitera  par  cœur,  avec 
le  verset  et  la  litanie,  c'est-à-dire  Kyrie  elei- 
ton.  Ainsi  Rnira  l'offiee  de  la  nuit.  En  été, 
comme  les  nuits  sont  plus  courtes,  on  ne 
lira  point  de  legons;  mais  on  en  dira  seule* 
liient,  par  cœur,  une  de  l'Ancien  Testament, 
nui  sera  suivie  d*un  répons  bref.  Los  leçons 
des  vigiles  seront  de  l'Ecriture  sainte,  ou 
des  expositions  des  Pères.  Les  dimanches 
on  se  lèvera  plus  matin,  et,  après  avoir 
chanté  six  psaumes,  on  lira  quatre  leçons 
-avec  leurs  répons,  puis  six  autres  psaumes 
et  quatre  leçons;  puis  trois  cantiques  tirés 
des  proptiètes,  ettiuatre  leçons  du  Nouveau 
Testament.  Après  le  dernier  répons,  l'abbé 
commencera  I  hymne  7e,  Deum.  Si,  par  mal- 
heur, on  s'étciit'levé  plus  tiu*d,  on  abrégerait 
quelque  chose  des  leçons  ou  des  répons, 
|)0urdire  toujours  Matuiesau  point  du  jour. 
Aux  i'êlitô  des  saints  et  aux  autres  solenni- 


tés, on  fera,  comme  le  dimanche,  cxecplé  les 
psaumes,  les  antiennes  et  les  leçons  propres 
du  jour. 

A  Matines,  on  dira,  outre  les  psaumcs.ut) 
cantique  tiré  dos  prophètes,  comme  clianlc 
l'Eglise  romaine.  C'est  ainsi  que  parle  saint 
Benoit;  et  par  là  il  montre  qu'il  suivait  Tu- 
sage  de  celte  Eglise.  11  nomme  bénédiction 
le  cantique  BenedicUe,  qui  se  dit  les  dininn* 
ches;  et  Laudes  ou  louanges,  les  trois  dcN 
niers  psaumes  qui  se  disent  tous  les  jours, 
et  commencent  par  Laudaie.  Le  Pa(fr  se  dira 
tout  haut  à  la  fin  de  Matines  et  de  Vêpres. 
afin  que,  si  quelqu'un  avait  quelque  peine 
contre  un  autre,  il  soit  pressé  de  pardonner, 
par  ces  paroles  :  Bemcttrznons  nos  dellrs 
comme  nous  remettons  aux  autres.  M  ne  ta- 
rait pas  qu'il  y  eût  alors  d'autre  oraisoo  pour 
la  conclusion  des  oflices. 

Pour  marquer  la  fin  de  chaque  heure, 
saint  Benoit  se  sert  de  ces  mots  :  Et  missa 
/lan^;. c'est-à-dire  que,  l'office  étant  achevé, 
on  renvoie  Tassistance.  H  fait  en  détail  la 
distribution  des  psaumes  pour  chacune  d(S 
heures,  telle  que  son  ordre  l'observe  encore; 
puis  il  ajoute  :  si  quelqu'un  n'est  pas  con* 
tent  de  cette  distribution,  il  peut  ks  ranger 
autrement,  pourvu  que,  chaque  semaine,  on 
dise  le  psautier  tout  entier  ;  cal*  c'est  le 
moins  que  nous  puissions  faire,  puis(]ue 
nous  apprenons  que  nos  Pères  le  lisaient 
tout  entier,  chaque  jour,  avec  ferveur. 

Saint  Benoit  ne  prescrit  point  d'aulres 
prières  ;  il  suppose  que  les  moines  s'appli- 
queront d'eux-;r.êmes  à  Toraison  menlale, 
lorsqu'il  dit  :  que  Toraison  doit  être  courte 
et  pure,  à  moins  qu'on  ne  la  continue  plus 
longtemps,  par  un  mouvement  de  la  grâce. 
Après  l'ollice  tous  doivent  sortir  de  l'ora- 
toire, afin  de  ne  pas  troubler  ceux  qui  vou- 
draient prier  en  particulier,  et  ceux-ci  le 
doivent  faire  sans  parler  haut,  tnnis  avec 
larmes  el  application  de  cœur.  On  voit  aussi 
dans  sa  vie,  que  les  moines,  après  avoir 
achevé  déchanter  les  psaumes,  se  rueltaient 
en  oraison;  et  qu*un  d*entre  eux,  tenté  par 
le  démon,  n'y  pouvait  durer,  et  sortait  du 
l'oratoire.  Après  la  prière,  le  reste  de  la 
journée  des  moines  était  employé  au  tra- 
vail ou  à  la  lecture.  En  été,  e  est-à^lire  de- 
[ mis  Pâques  jusqu^au  1*' octobre,  itssortaienl 
e  matin  pour  travailler,  depuis  la  preinièie 
heure  jusqu'à  la  quatrième,  c'est-à-dire  de- 
puis six  heures  jusqu'à  dix,  allongeant  ou 
diminuant  les  heures  suivant  la  iongueir 
des  joui  s.  Après  ces  quatre  heures  de  tra- 
vail, ils  vaqueront  à  la  lecture,  dit  la  règle, 
pendant  deux  heures,ju5qu'à  Sexte  environ. 
Après  Sexte  et  le  dîner,  ils  se  reposeront 
sur  leurs  lils  en  silence.  Si  quelqu  un  v<ul 
lire,  il  le  fera  sans  troubler  les  autres.  Cn 
avancera  None,  et  on  la  dira  au  milieu  de  la 
huitième  heure,  c'est-à-dire  à  une  heure  et 
demie,  et  on  travaillera  jusqu'au  soir.  Ce 
sont  au  moins  sept  heures  de  travail  psc 
jour,  avec  deux  heures  de  lecture*  Saint  Be- 
noit ajoute  que  si  la  nécessité  du  lieu  ou  la 
pauvreté  les  oblige  à  s*occuper  eux-ménies 
de  la  récolle  de  leurs  fruits,  ils  ne  s'en  ai* 


557 


DEN 


DASCKTISME. 


BEM 


33g 


lligeol  |K)inl  ;  puisque  c*es(  alors  au'Hs  se- 
ront véritdblemcnl  moiues,  quand  ils  vivrooi 
du  travail  de  leurs  mains,  comoie  uos  Pères 
et  les  apAlres. 

En  hirer,  e*est-à-diro  depuis  le  1*' octobre 
jusqu'au  Carême»  les  sept  heures  de  travail 
se  prenaient  de  suite.  On  comuieoçait  par  ia 
lecture,  qui  dgrail  jusqu'à  la  seconde  heure, 
c*esi-i-dire  è  huit  heures  du  matin.  Alors  ou 
disait  Tierce,  puis  on  vaquait  è  la  lecture, 
ou  à  apprendre  les  psaumes  par  cœur.  Kn 
Carême,  la  lecture  durait  jusqu'à  Tierce,  et 
le  travail,  depuis  neuf  heures  du  matin  jos- 
qu*à  quatre  heures  après  midi.  Au  commen- 
cefloeot  du  Carême,  on  donnait  à  ebacun  un 
livre  de  la  bibliothèaue,  pour  le  lire  de  suite. 
Pendaut  les  heures  de  la  lecture,  un  ou  deux 
«iiciens  visitaient  le  monastère,  pour  voir  si 
(|aeiqu*un  dormait  ou  s'amusait  à  causer  et 
interrompre  les  autres.  Le  dimanche,  tous 
étaient  occupés  à  la  lecture ,  excepté  ceux 
qui  étaient  chargés  de  divers  oflkes.  Si  quel-^ 
']a*un  ne  pouvait  méditer,  ni  lire,  on  le  fai- 
^ittravailler.  On  donnait  dis  travaux  plus 
tuiles  i  ceux  qui  étaient  faibles  et  délicats. 
Ceux  qui  travaillaient  trop  loin,  pour  venir 
i  loratoiro  aux  heures  marquées,  se  met- 
Idieniè  genoux  au  lieu  du  travail,  et  y  fai- 
SM^Qt  leurs  prières;  ceux  qui  étaient  en 
themin disaient  aussi  rofBce  aux  heures, 

selon  qu'ils  le  pouvaient.  Personne  nechoi- 
^'t^Jitson  travail;  mais  il  était  imposé  par 
'fô5»))érieurs.  Ceux  qui  savaient  des  mé- 
tiers 1)0  |K)uvaienC  les  exercer  que  par  la  oer- 
D)is$iuu  de  Tabbé,  et  en  toute  humilité. 
>  One  si  quel(iu*uii,  dit  saint  Benoit,  s*élève 
i'^  la  science  ae  son  art,  s'imaginant  appor- 
ter quelque  utilité  au  monastère,  on  le  re- 
iirera  de  son  métier.  Si  Ton  vrnd  quelque 
ouvrage,  ceux  qui  en  siéront  chargés  pren 
JlruiU garde  égalementà  rien  rotenirdu  prix, 
en  fraude  du  monastère,  et  à  ne  le  pas  aug* 
meoter  par  avarice;  mais  ils  donneront 
ioujours  les  ouvrages  un  peu  à  meilleur 
marché  que  les  séculiers,  afin  que  Dieu  soit 
gioriGé  en  tout.  »  Celte  distinction  des  arti- 
»^os  fait  voir  que  le  commun  des  moines  se 
W'fliposait  de  simples  ouvriers,  comme  les 
eens'de  journée,  et  que  les  plus  nobles  se 
réduisaicQt,  par  humilité ,  au  rang  du  plus 
>^t  peuple.  Ils  n*avaient  pas  besoin  d*études 
P^iur  entendre  la  langue  latine,  qui  était  en- 
core vulgaire. 

Ils  étaient  simples  laïques,  et  il  ne  paratt 
pu  que  saint  Benoit  lui-même  ait  eu  aucun 
ryi^dans  le  clergé.  Toutefois  il  prêchait, 
puisquM  convertit  plusieurs  infidèles  par 
^s  instructions  ;  et  il  envo.yait  souvent  ses 
luoines  faire  des  exhortations  à  des  religieu- 
ses voisines.  <  Si  un  prètrn,  dit-il,  veut  être 
^^\ï  dans  le  monastère,  on  ne  se  pressera 
pssde  le  lui  accorder;  mais  s*il  persiste,  il 
doit  garder  toute  la  règle  sans  aucune  dis* 
P^nse.  On  lui  accordera  toutefois  la  pre- 
"iiere  Diace  après  Tabbé,  et  le  droit  de  don- 
iitîr  la  bénédiction  et  de  présider  à  l'oRice, 
?'|^1>M  l'ordonne  ;  mais,  dans  les  assem- 
blées i)our  les  affaires,  il  ne  tiendra  que  le 
^^^  de  son  entrée  au  monastère.  Si  quel- 


qu'un des  clercs  inférieurs  veut  êfre  reçu  au 
monastère, on  lui  accordera  un  moindre  rangi 
Si  l'abbé  veut  faire  ordonner  un  prêtre  ou 
un  diacre, il  choisira  d*en!re  les  siens  celui 
qu'il  en  croira  digne.  Mais  le  nouveau  prê- 
tre n'en  sera  pas  moins  soumis  à  la  disci- 
pline régulière  et  aux  supérieurs.  Que  s'il 
est  rebelle,  il  pourra  être  châtié,  et  même 
chassé  du  monastère,  toutefois  avec  la  par- 
ticipation de  Té  vêque.»  Toutes  les  heures  de 
la  journée  sont  terlement  remplies  par  la  rè- 
gle, qu'on  n'y  voit  point  de  place  pour  la 
messe,  les  jours  ouvriers;  ce  qui  fait  croire 
que  les  moines  ne  l'entendaient  que  le  di- 
manche. 

Quant  à  la  nourriture,  saint  Benott  donne 
à  chaque  repas  deux  portions  cuites ,  afin 
que  celui  qui  ne  pourrait  manger  de  l'une, 
mangeât  de  l'autre.  Le  mot  de  pulmentarium, 
dont  il  se  sert,  signitie  proprement  des  lé- 
gumes ou  des  grains,  réduits  en  bouillie  ou 
en  purée,  quoiqu'il  se  puisse  étendre  à  tou- 
tes sortes  de  viandes  bouillies  ;  mais  la 
pauvreté  des  4noines  ne  donne  pas  lieu  do 
croire  qu'ils  y  comprissent  le  poisson,  que 
les  anciens  plaçaient  entre  les  mets  les 
plus  délicieux.  La  règle  permet  une  troi- 
sième portion  de  fruits  ou  de  légumi^  crois- 
sant sur  les  lieux.  Elle  ne  donne  qu'une  livre 
de  pain  par  jour,  c'est-à-dire  seize  onces, 
soit  qu'on  fasse  un  repas  ou  deux.  L'abbé 
pourra  augmenter  la  portion,  s'il  y  a  quelque 
travail  extraordinaire,  et  on  donnera  moins 
aux  enfants.  La  chair  des  bêtes  à  quatre 
pieds  est  défendue  à  tous ,  hors  les  cas  de 
maladies.  Pour  la  boisson,  ils  auront  chacun 
une  hémiiiede  vin  iiar  jour ,  c'est-à-dire  un 
demi-setiorsuivant  la  meilleure  exjilicaiion , 
à  moins  que  le  travail  ou  la  chaleur  n*oblige 
à  en  donner  plus.  Saint  Benoit  loue  ceux 
qui  pouvaient  s'en  passer,  et  ajoute  :  «  Quoi- 
que le  vin  ne  convienne  point  du  tout  aux 
moines,  toutefois, dans  notre  temps,  il  n'est 
pas  possible  de  le  leur  persuader;  au 
moins  gardons  la  tempérance  nécessaire. 
Que  si  la  qualité  du  pays  fait  qu'il  ne  s'y 
en  trouve  point  du  tout,  que  ceux  ouï  y  de- 
meurent en  louent  Dieu,  et  se  gardent  d'en 
murmurer.  » 

Quant  aux  heures  des  repas ,  depuis  Pâ- 
ques jusqu'à  la  Pentecôte ,  ils  dîneront  à 
Sexte,  et  ils  souperont  le  soir.  Tout  le  reste 
de  Tété,  ils  jeûneront  jusqu'à  None,  le  mer- 
credi et  le  vendredi  ;  si  le  travail  de  la  cam- 
pgne  ou  la  chaleur  excessive  ne  les  empêche 
les  autres  jours,  ils  dîneront  à  Sexte.  I>epuis 
le  13  septembre  jusnu'au  caiême,  ils  man- 
geront toujours  à  None,  et,  pendant  le  ca- 
rême, au  soir  :  en  sorte  toutefois  qu*ils  sou- 
pent  toujours  au  jour  »  en  quelque  temps 
que  ce  soit.  En  la  (wiitie  dllalie  où  vivait 
saint  Benoit,  le  soleil  ne  se  couche  jamais 
plus  t6t  que  quatre  heures  et  demie.  Il  exhorte 
les  moines  à  faire  en  carême  ouelque  absti- 
nence particulière,  mais  avec  le  conseil  du 
supérieur.  On  fera  la  lecture  pendant  le  re- 
pas, et  le  lecteur  sera  choisi  toutes  les 
semaines ,  don  par  ordre  mais  selon  qu'il  y 
sera  plus  propre. 


339 


BEN 


DlCTlONNAtRE 


BEK 


340 


l4es  moines  se  servaient  les  unsIesautreSy 
cl  faisaient  tour  à  tour  la  cuisine  par  se- 
raaine.  Ce  qui  montre  combien  leur  nourri- 
tui^e   était    simple  «   puisque    tous  étaient 
capables  de  Tapprèter.  On  avait  grand  soin 
dos  malades:  ils  avaient  une  chambre  par- 
ticulière et  un  des  frères  pour  les  servir.  On 
leur  donnait  delà  viande  et  du  pain  toutes 
]«^s  foisquMI  était  à  propos.  Maison  n'accor- 
dait guère  Tusaçe  du  bain  en  santé,  princi- 
jialement   aux  jeunes.   Les   babils  étaient 
réglés  à  la  discrétion  de  Tabbé ,  suivant  la 
qualité  du  pays,  nlus  chaud  ou  plus  froid. 
«  Nous  croyons,  dit  saint  Benoît,  que  dans 
les  climats  tempérés,  c'est  assez  d  une  eu* 
cullcetune  tunique;  la  cuculle  nlus  épaisse 
nonr  l'hiver,  plus  légère  pour  rété;  et  un 
capulaire  pour  le  travail.  »  C'était  depuis 
uigtemps  1  habit  ordinaire  des  pauvres  et 
'  3S  paysans.  Saint  Benoît  n'en  marque  ni  la 
juleur  ni  la  longueur,  qui  sans  doute  était 
t  o.jortionnée  à  la  commodité  du  travail. 
*  scapulaire  était  plus  large  et  plus  court 
i  ù  présent,  et  avail  son  capuce.  C'était 
liabil  de  dessus  pendant  le  travail ,  on  l'ô- 
il  pour  prendre  Ifr^uculle,  qu'on  portait 
e  reste  du  jour.  Chacun  avait  deux  tuniques 
l  deux  cuculles,  soit  pour  changer  la  nuit, 
ii  pour  les  laver.  Ils  les  prenaient  au  ves- 
,/ive  commun,  et  y  remettaient  les  vieilles. 
.5  étoffes  étaient  celles  qui  se  trouvaient 
ns  le  pys  è  meilleur  marché.  Pour  ôter 
ai  sujet  de   propriété,  l'abbé  donnait  à 
a  un  toutes  les  cnoses  nécessaires  :  c*est- 
-  .il c,  outre  les  habits,  un  mouchoir,  un 
r.:oau,  une  aiguille,  un  stylet  et  une  ta- 

'0  pour  écrire. 

•.  urs  lits  consistaient  en  une  natte  ou 

liasse   piquée,  un  drap  de  serge,  une 

iverture  et  un  chevet.  Chacun  avait  son 

*  mais  ils  couchaient  tous  en  un  même 

«  au  moins  dix  ou  vingt  ensemble,  si  la 

lunauté  était  grande.  Une  lampe  brû* 

1  Loute  la  nuit  dans  le  dortoir,  et  toujours 

me  ancien  y  couchait,  pour  observer  la 

)  aite  des  autres.  AQn  d'être  toujours 

'  ;  à  se  lever  pour  l'office,  ils  couchaient 

\s  vêtus,  même  avec  leurs  ceintures  de 

.  ou  de  corde;  seulement  ils  devaient  en 

'  les  couteaux  de  ()eur  de  se  blesser  en 

'  lant.  On  nç  parlait  plus  après  Compiles 

"  gardait,  la  nuit,  un  profond  silence;  le 

.  :  même,  on  parlait  rarement.  Les  bouffon- 

:•  7,  les  paroles  inutiles  ou  propres  à  iaire 

.  étaient  entièrement  bannies  des  monas- 

s,  et  la  règle  ne  fait  aucune  mention  de 

M  jréation.  alais  elle  ordonne  qu^en  tout 

T'S,  après  le  soupert  les  frères  soient 

."^ssis  en  un  même  lieu,  et  qu'un  d^en- 

X  lise  des  conférences ,  des  Vies  des 

,  ou  quelque  autre  livre  d*édiGcation. 

moines  ne  recevaient,  sans  ordre  de 

^'•j>u  ni  lettres,  ni  présents  de  personne,^ 

tnôme  de  leurs  parents.  Ils  ne  sortaient 

'\i  sans  permission  de  l'enclos  du  mo- 

• -re.  Et,  pour  leur  ôter  tout  prétexte,  on 

issait,  autant  qu*il   était  possible,  de 

i  sorte  qu^ils  eussent  au  dedans  toutes 

uQses  nécessaires ,  l'eau,  le  jardin,  le 


o 

Ol 


.«■*' 


moulin,  la  bouiangene,  et  les  commodités 
pour  les  métiers  différents.  La  porte  était 
gardée  par  un  vieillard  sage  et  discret,  qui 
sût  répondre  aux  pauvres  et  aux  autres  sur- 
venants. Si  quelques  frères  étaient  enToyés 
dehors,  ils  se  recommandaient  aux  prières 
de  la  communauté,  et  h  leur  retour  demeu- 
raient prosternés  dans  l'oratoire  pendant 
toutes  les  heures  de  l'office,  pour  expier  les 
distractions  et  les  autres  fautes  qu'ils  pou- 
vaient avoir  commises.  Il  leur  était  étroite- 
ment défendu  de  rien  dire  de  ce  qu'ils 
avaient  appris  au  dehors. 

On  recevait  les  hôtes  avec  beaucoup  de 
charité  et  de  respect.  On  les  menait  à  I  ora- 
toire pour  prier,  on  leur  faisait  une  lecture 
d'édification ,  puis  on  les  traitait  avec  toute 
l'honnêteté  possible.  L'abbé  leur  donnait  à 
laver,  et  mangeait  avec  eux;  aussi  avait-il  sa 
cuisine  et  sa  table  à  part,  pour  être  en  ét/it 
de  les  recevoir  à  toute  heure  sans  troubler 
la  communauté.  Personne  ne  leur  parlait, 
que  le  moine  destiné  è  les  recevoir,  et  ils 
avaient  leur  logement  préparé. 

L'abbé  qui  devait  gouverner  le  monastère 
était  choisi  par  toute  la  communauté ,  ou  la 
plus  saine  partie,  eu  égard  au  seul  mérite. 
sans  considérer  son  rang.  Que  s'ils  s'accor- 
daient tous  à  choisir  un  mauvais  sujet»  I  é« 
vêaue  diocésain,  les  abbés,  nu  les  simples 
fidèles  du  voisinage,  devaient  empêcher  ce 
désordre,  et  procurer  un  digne  pasteur  au 
monastère.  L  abbé  étant  choisi,  était  ordonné 
par  l'évêque  ou  jpar  d'autres  abbés.  Il  devait 
être  instruit  de  la  loi  de  Dieu,  charitable, 
prudent  et  discret,  montrer  en  tout  rexcm- 
ple,  et  n'être  que  l'exécuteur  de  la  rè^le, 
pour  la  faire  garder  fidèlement.  «  Qu'il  se 
souvienne  toujours,  dit  saint  Benoit,  qu*il 
est  chargé  du  gouvernement  des  âmes,  cl 
qu'il  se  garde  bien  de  les  négliger  pour 
s'appliquer  davantage  aux  choses  tempo- 
relles ;  mais  qu'il  ait  grande  foi  en  la  Pro- 
vidence. Il  doit  tout  faire  avec  conseil. Dans 
les  moindres  choses,  il  consultera  seulement 
les  anciens  ;  mais  dans  les  plus  importantes, 
il  assemblera  toute  la  communauté,  propo- 
sera le  sujet,  et  detnandera  l'avis  de  cnacuo: 
à  la  charge  toutefois  que  la  décision  dépen- 
dra de  lui,  et  aue  tous  lui  obéiront.  »  Au- 
dessous  de  l'aboé  il  y  avait  un  prieur  ou 
prévôt  (prœpositus)  et  plusieurs  doyens.  En 
Quelques  monastères ,  le  prévôt  était  or- 
donne par  l'évêque  ouparlesabbés,comroe 
Fabbé  même  :  ce  qui  lui  donnait  sujet  dose 
regarder  comme  un  second  abbé,  et  de  n*ëtre 
pas  assez  soumis.  C'est  pourquoi  saint  Be- 
noît rcgette  cet  usage,  et  veut  que  le  monas- 
tère ne  soit  gouverné  sous  l'abbé  que  par 
des  doyens  dont  l'aulorité  étant  partagée, 
sera  moindre.  Que  si  l'on  iu^e  a  propos 
d'avoir  un  prévôt,  il  sera  étaoli  par  l'abbé, 
et  lui  demeurera  soumis.  Ces  doyens,  dég- 
arni, étaient  établis  pour  veiller  surdjx 
moines,  au  travail  et  a  leurs  autres  exer- 
crées,  et  soulager  l'abbé  qui  ne  pouvait  être 
partout.  On  les  choisissait,  non  par  Vbi\' 
cicnnelé ,  mais  par  le  mérite,  et  on  pouvait 
les  déposer  après  trois  aclmonilions.  Voila 


5tl 


BtN 


HASCKTISVE. 


BEN 


343 


les  officiers  poar  le  gouTernemenC  du  mo* 
naslère. 

Il  j  en  ataiC  d*aufres  pour  le  service  : 
comme  le  cellérier,  Tiofirmier»  rhospitalier, 
le  portier.  Le  cellérier  avait  la  garde  des 
proTÎsîoDS  et  de  teus  les  ustensiles,  et  dis- 
tribuait à  chacun,  selon  l'ordre  de  Tabbé, 
ce  qui  lui  était  nécessaire  pour  les  besoins 
de  la  fie  ou  pour  le  travail.  L'abbé  avait 
un  étal  de  tous  les  objets  appartenant  au 
monastère,  afin  que  rien  ne  se  perdit,  et  la 
propriété  était  étroitement  défendue  jusgue 
dans  les  moindres  choses,  un  livre,  une  ta- 
blette,  un  sljlet.  Ceux  qui  se  présentaient 
pour  entrer  dans  le  monastère  n'étaient 
ftçQS  qu'après  de  grandes  épreuves.  Pen- 
dant quatre  ou  cinq  jours,  on  laissait  le  pos- 
tolanl  frapper  à  la  porte,  et  on  lui  faisait 
des  difficultés,  jusqu'à  le  maltraiter.  S'il 
persislail,  on  le  mettait  pour  quelques  jours 
dans  le  logement  des  hôtes,  puis  dans  ce- 
lui des  nOTîces,  et  on  lui  donnait  un  ancien 
pour  examiner  sa  rocation,  lui  proposant 
combien  le  chemin  du  ciel  est  rude.  Au 
bout  de  deux  mois  on  lui  lisait  la  règle, 
puis  six  mois  après,  et  une  troisième  fois 
an  bout  de  quatre  mois.  Après  un  an  de 
persévérance,  on  le  recetait.  La  profession 
^e  £iîsdit  âsna  Toratoire  devant  toute  la 
communauté,  et  if  ne  promettait  autre 
chose  que  la  stabilité,  la  conversion  de  ses 
mœurs  et  Fotiéissance.  Il  en  faisait  la  cé- 
dule  écrite  de  sa  main,  et  la  mettait  sur 
TanteK  S'il  avait  quelque  bien  il  le  donnait 
aux  pauvres  ou  au  monastère  par  un  acte 
solennel.  Alors  on  le  revêtait  de  l'habit  du 
monastère,  et  on  zardait  le  sien  pour  le  lui 
rendre  si  par  malheur  il  sortait.  Les  pères 
ponTaient  offrir  leurs  enfants  en  bas  â^e 
|K>or  être  reçus  dans  le  monastère.  Ils  fai- 
saient pour  eux  la  promesse  qu'ils  envelop- 
Kienl  de  la  palle  ou  nappe  de  l'autel,  avec 
ur  offrande,  de  la  main  de  l'enfant.  Ils  ne 
poaraient  lui  rien  donner;  mais  seulement 
an  monastère,  pour  lui  ôter  tout  sujet  de 
teolation.  Si  *uo  moine  étranger  demandait 
Thospitalité,  on  le  gardait  tant  qu'il  vou- 
lait. On  recevait  ses  avis,  et  si  Ton  était  édi- 
fié de  sa  conduite,  on  le  priait  de  demeurer 
dans  le  monastère.  Mais  on  ne  recevait  point 
nn  moine  d'un  monastère  connu  sans  le 
coiisentement  de  l'abbé.  On  gardait  dans  le 
monastère  le  rang  de  la  réception  ;  et  les 

Îilus  jeunes  rendaient  honneur  aux  anciens, 
es  appelant  nonnes,  c'est-à-dire  Pères,  se 
lerant  devant  eux  et  leur  demandant  la  bé- 
nédiction. 

Il  n'était  pas  permis  aux  Frères  de  se  dé^ 
fendre  l'un  l'autre,  ni  de  se  frapper,  ou 
s'excommunier  de  leur  autorité  privée.  Si 
quelqu'un  manquait  à  la  règle,  ou  désobéis- 
sait aux  supérieurs,  les  anciens  l'avertis- 
saient en  secret  jusqu'à  deux  fois.  S'il  ne 
se  corrigeait,  on  le  reprenait  publiquement, 
puis  on  rexcommuniait,  si  on  jugeait  qu'il 
comprit  la  grandeur  de  cette  peine  :  s*il 
était  trop  dur,  on  usait  de  punition  corpo- 
r^'lle,  c'est-à-dire  de  jeûnes  ou  de  coups  de 
fimel,  el  on  traitait  de  même  à  pru[K>rtion 


les  enfants,   l^es  moindres  fautes   étaient 
châtiées,  mais  plus  légèrement  quand  le . 
coupable  s'en  accusait  le  premier.  i 

La  règle  appelle  excommunication  tonte' 
séparation  de  la  communauté,  plus  ou  moins 
grande,  à  proportion  des  fautes,  comme  de 
ne  point  entonner  de  psaumes  ou  d'antien- 
nes, ou  de  ne  point  lire  de  Leçons  à  Toffice , 
de  manger  seul  après  les  autres,  d'être  ex- 
clu tout  ensemble  de  la  taille  et  de  l'ora* 
toire,  de  ne  fiarlcrà  personne,  d'être  séparé 
de  tous,  même  dans  le  travail.  Saint  Benoit 
applique  à  cette  entière  séparation  les  paro- 
les de  l'Apôtre,  qui  dit  que  l'excommunié 
est  livré  à  Satan  :  ce  qui  fait  croire  qu'il 
parle  d'une  véritable  censure  ecclésiastique; 
mais  il  veut  que  l'abbé  prenne  un  soin  |iaf-^ 
ticulier  de  l'excommunié.  Que  si  quelqu'un 
ne  profitait  point  des  corrections,  même  cor-^ 
porelles ,  après  avoir  essayé  tous  les  moyens 
de  le  corriger,  on  le  chassait  enfin  du  mo- 
nasière  de  peur  qu'il  ne  corrompit  les  au- 
tres. Que  s'il  voulait  revenir,  promettant  de 
s'amender,  on  le  recevait  jusquà  trois  fois. 
Telle  est  la  règle  de  Saint- Benoit  quipréteo^l 
n'j  mettre  rien  de  rode  ni  de  diflicile,  et 
ne  la  traite  que  d'un  petit  commencement» 
bien  éloigné  de  la  peifection  qui  est  écrite 
dans  les  conférences  de  Cassien,  les  Vies 
des  Pères  et  la  règle  de  Saint-Basile. 

BERNARD  (Saint),  né  en  1091,  dans  le  vil- 
lage de  Fontaine,  en  Bourgogne,  d'une  Ci- 
mille  noble,  se  fit  moine  à  I  âge  de  vin^t* 
deux  ans,  à  CIteaux,  avec  trente  de  ses  com- 

Baguons.  Quoique  à  peine  sorti  du  noviciat, 
ernard  fut  choisi  pour  être  le  premier  at>t>é 
de  Clairvaux  en  1115.  Son  nom  se  répandit 
bientôt  partout.  Il  eut  jusuu'à  sept  cents  no- 
vices. Le  Pape  Eugène  111,  Jescardinaux,  une 
foule  d*évêaues  et  d'abliés  furent  tirés  de 
son  monastère.  Du  sein  de  son  cloître,  ii 
était  souvent  pris  pour  arbitre  desdiflérends 
dans  l'Eglise  et  l'Etat.  En  1128,  à  la  prière^ 
du  grand  maître  des  Templiers,  il  rédigera* 
les  statuts  de  cet  ordre  religieux  et  miU- 
taire.  En  1130,  Louis  le  Gros  le  chargea  de 
décider  qui  on  devait  reconnatire  pour 
Pape  dlnnocent  11  ou  d'Anai:let.  Bernard  se 
prononça  pour  Innocent  11,. et  l'Eglise  en- 
tière se  soumit  à  sa  décision.  Peu  d'années 
après,  il  fut  envoyé  à  Milan  pour  concilier 
le  clergé  de  cette  ville  avec  celui  do  Rome. 
Il  réussit,  et  les  Milanais,  enthousiastes  do 
ses  talents  supérieurs  et  de  ses  vertus,  vou- 
lurent l'élever  sur  le  siège  archiépiscopal  de 
saint  Amiiroise;  mais  il  se  déroba  à  leurs 
hommages  et  retourna  dans  son  cloître.  En 
1140,  il  se  signala  au  concile  de  Sens  par  sa 
véhémence  contre  les  derniers  écrits  d*A- 
bailard,  et  en  poursuivit  inflexiblement  la 
condamnation.  L'influence  de  son  génie 
allait  se  faire  plus  universellement  sentir. 
Le  Pape  Eugène  111,  l'un  de  ses  anciens  re- 
ligieux, l'exhorta  à  prêcher  une  s«H!onde 
croisade.  L'activité  et  l'éloquence  de  Ber 
nard  subjuguèrent  toutes  les  résistances; 
el,  malsré  I  opposition  du  sage  abbé  Suger,. 
Louis  vil  prit  la  croix  avec  une  foule  dr 
seigneurs.   De  France,  Bernard,  passa  eu 


343 


deh 


DJCTlOriNAlRE. 


BIE 


M 


Àllemagno,  et  détermina  l'emporeur  Gon- 
rné  III  h  prendre  aassî  la  croix.  On  sait  qoe 
celleseconde  croisade  échoua  complètement. 
Cet  échec  n'empêcha  pas  le  saint  religieux 
de  j^uir  de  l'a  conQance  de  toute  TEurope. 
11  fut  de  noureau  consulté  dans  toutes  les 
grandes  questions  et  forcé  k  cbaaue  instant 
de  quitter  sa  vie  studieuse  du  r lettre  pour 
se  mêler  aux  débats  du  monde.  Mais  fatigué 
de  ses  courses  et  de  sa  vie  active»  il  résolut 
f  nfin  de  se  retirer  complètement  dans  la  so- 
litude de  son  clottre  ue  Clairreauxy  et  il  y 
succomba,  en  liSM,  à  ses  austérités»  à  Tâge 
de  soixante-deux  ans.  Il  fut  canonisé  vingt 
ans  après  sa  mort,  en  1173.  C'était  un  de  ces 
hommes  puissants  d*intelligence  qui  ne  sau- 
raient passer  à  travers  les  siècles  sans  y 
laisser  des  traces  profondes  de  Pinfluence  de 
leur  génie.  Il  fut  également  un  grand  écri- 
Tain.  La  vivacité»  la  noblesse»  Tènergie  et 
la  douceur  caractérisent  son  style.  11  est 
plein  de  force»  d*onetion  et  d'agrément.  Ses 
sermons  surtout  respirent  cette  éloquence 
tendre  et  douce»  qui  touche  le  cœur  et 
oliarme  l'esprit.  S;iint  Bernard  est  regardé 
comme  lo  dernier  des  Pères  de  l'Eglise,  ville- 
fort»  le  Maistre  et  dom  Clémencel  ont  pu- 
blié sa  Vie.  Ses  ouvrages  sont  nombreux  » 
mais  on  rcmarcfue  principalement  ses  livres 
ascétique^,  qui  sont  :  1"  Le  Traité  de  la 
ConnidiraHon^  ouvrage  écrit  k  la  demande 
du  Pape  Eugène;  saint  Bernard  y  enseigne 
éloquemment  aux  Papes  l'importance  et 
détendue  de  leurs  devoirs»  expose  avec  vi- 
gueur les  désordres  du  clergé,  et»  en  traçant 
mi  Pape  Eugène  les  règles  morales  qui  doi- 
Tent  le  diriger,  offre  en  même  temps  è  tous 
les  hommes  les  meilleures  règles  a  suivre; 
—  2*  Le  Traité  des  devoirs  et  des  mœurs  des 
étiques  ;  —  3"  Le  Traité  de  la  conversion  des 
wtœurs  des  religieux;  —  k"  Des  degrés  de 
rhumilité  et  de  Voraueil  ;  —  5*  Apologie  de 
la  vie  et  des  mœurs  des  religieux;  —  6*  Traité 
de  V amour  de  Dieu;  —  7*  De  nombreux  ser- 
mons ;  8*  Une  foule  de  Lettres  spirituelles. 

BERNARD  (Claude)»  dit  le  Pauvre  Prêtre, 
et  vulgairement  le  Père  Bernard^  naquit  h 
Dijon  le  26  décembre  1588.  Il  se  consacra 
entièrement  an  service  des  pnuvres  et  des 
malades  de  THûtel-Dieu  et  de  rbOnital  de 
la  Charité,  à  Paris.  Il  mourut  en  oueur  de 
sainteté  le  S3  mars  16M.  On  a  imprimé  le 
Testament  du  H.  P.  Bernard^  et  ses  Pensées 
pieuses  f  Paris»  16!^1,  in-8^  Plusieurs  bio- 
graphes ont  écrit  saTte. 

BERNARDIN  DE  SIENNE  (Saint)  naquit 
en  1380»  à  Blassa-Carrara»  d'une  famille 
distinguée.  Après  sa  philosophie,  il  entra 
dans  une  conlrérie  de  l'hôpital  de  la  Seala, 
h  Sienne.  Son  courage  et  sa  charité  se  firent 
admirer  pendant  la  peste  de  HOO,  Deux  ans 
après  il  prit  l'habit  de  Saint-François,  réfor- 
ma l'étroite  observance  et  fonda  près  de 
trois  cents  monastères.  Son  humilité  lui  fit 
refuser  les  évèchés  de  Sienne,  de  Ferrare 
et  d'Urbin»  qui  lui  furent  successivement 
proposés.  Après  une  vie  laborieuse,  il 
mourut  à  Aquila  en  ihkh.  Il  fut  mis  au 
rangdes  .saints  six  ans  après.  Il  a  laissé  plu- 


sieurs ouvrages  parmi  lesquels  on  remarque 
des  Sermons 9  des  Traites  de  spiritualité, 
des  Commentaires  sur  r Apocalypse^  etc 

BERTHIER  i  Guillaume-François),  célè- 
bre Jésuite»  ne  à  Issoudun  en  Berri,le7 
avril  170!^,  professa  les  humanités  h  Blois. 
la  (ihilosophie  è  Rouen,  et  la  théologie  à 
Paris.  Ses  supérieurs  lui  confièrent  la  conti- 
nuation de  l'Histoire  de  l'Eglise  gallicane, 
et  la  direction  du  Journal  de  Trévoux,  11 
mourut  le  15  décembre  1782»  11  a,  outre 
plusieurs  ouvrages^  laissé  des  OEuvrei 
spirituelles^  en  5  vol  iu-12»  1790  et  1811. 

BÉRDLLE  (  Pierre  ),  né  en  1575,  au  chi- 
leau  de  Serilly^  près  de  Troyes  en  Cbaropa- 
gnp^  se  distioçoa  dans  )a  fanoeiise  coufé* 
rence  de  Fontainebleau»  où  Duperroa  com- 
ballit  du  Plessis-Mornay,  qu'on  nommait  fe 
pape  des  huguenots.  Il  fut  envoyé  en  Espa- 
gne par  Henri  IV,  dont  il  élait  aumônier, 
pour  amener  quelques  Carmélites  k  Paris. 
Ce  fut  par  ses  soins  que  cet  ordre  Ôeurit 
en  France.  Quelque  temps  après  il  fonda  la 
congrégation  de  l'Oratoire  de  France,  dont 
il  fut  le  premier  général.  Urbain  VIII  récom« 
pensa  le  mérite  de  Bérulle  d'un  chapeau  de 
cardinal.  Henri  IV  et  Louis  XUI  avaient 
voulu  inutilement  lui  faire  accepter  des 
évêchés  considérables.  L*autori té  qu'il  avail 
dans  l'Eglise  et  l'Etat  ne  lui  fit  point  aban- 
donner son  premier  plan  de  vie.  La  simpli- 
cité,la  modestie,  la  pauvreté,  la  tempérance, 
furent  toujours  ses  vertus  favorites.  Il  neps- 
sait  aucun  iour  sans  offrir  le  saint  sacriuce. 
Il  mourut  d  apoplexie  à  l'autel,  le  3  octobre 
1629,  à  rage  de  cinquante-cinq  ans.  saint 
Ftançois  de  Sales,  César  de  Bus,  lecardinal 
Bentivo^lio,  etc.,  avaient  été  ses  amis  et 
les  admirateurs  de  ses  vertus.  Ses  ouvrages 
ascétiques,  qui  respirent  la  plus  grande 
piété,  sont:  un  livre  sur  Fêtai  et  la  grandeur 
de  Jésus;  —  des  Elévations x  Lettres  à  m 
prêtres;  divers  petits  Traités. 

BESSË  (Pierre  de),  docteur  de  Sorhorne, 
prédicateur  de  Louis  XllI,  naquit  au  bourg 
de  Rosiers,  en  Limousin,  au  milieu  dux?i" 
siècle,  c;t  mourut  à  Paris  en  1639.  Outre  ses 
Sermons,  il  a  laissé  les  ouvrages  de  piélé 
qui  suivent:  1*  Des  qualités  et  deh  bonnet 
mmurs  des  prêtres.  —  2*  Triomphe  des  saintn 
et  dévotes  confrairies.  —  3*  La  royale  prê- 
trise. —  kr  Le  démocrite  chrétien.  —5*  Le  bon 
Pasteur.  —  6*  Lhéraclite  chrétien. 

BEUVELET  (  Matthieu  ) ,  prêtre  du  sémi- 
naire de  saint-Nicolas  du  Chardonnet,  à 
Paris,  y  fit  fleurir  la  science  et  la  piété.  Il 
est  connu  particulièrement  par  ses  œuvres 
ascétiques  ;  1*  Méditations ,  in-4%  sur  les 
principales  vertus  chrétiennes  et  ecclésiatiqmi 
—  2*  Manuel  pour  les  ecclésiastiques.  Matthieu 
Beuvelet  mourut  vers  166Q.'  ' 

BIENS  (Communauté des).  —  La  vocation 
religieuse  repose  sur  les  trois  vœux  de 
pauvreté,  d^obéissancH  et  de  chasteté. 

Le  vœu  de  pauvreté  ne  peut  se  pratiquer 
qu'en  renonçant  à  toute  propriété  person- 
nelle. Mais  è  moins  de  vivre  exclusivement 
d'aumônes,  il  en  résulte  la  conséquence  que 
la  communauté    monastique   doit  pouvoir 


uz 


niE 


D^ASCETISMC 


S4« 


po$$é:ier  ve  qu'il  n*esi  point  permis  à  un 
simple  religîeui  d'avoir  en  son  nom.  Le 
frail  même  de  son  traTail  quotidien  n*e&l 
pis  h  tnt;  ce  qu'il  consomme  de  nourritures 
et  de  ▼êtemf'Dts,  fiM-il  Tœuvre  de  ses  mains, 
est  un  don  de  la  communauté  pour  laquelle 
chacun  travaille, 

AGd  de  mieux  entendre  la  communmté 
des  biens  dans  la  vie  religieuse,  rappelons 
sommairommt  les  principes  évangiliques, 
qni  démontrent  la  {>crfeclion  et  les  avantages 
lie  la  fiauvreté,  matière  qui  sera  traitée  selon 
son  importance  dans  l'article  Pauvreté. 

Bienkeuretix  les  pauvres  (Tesprit^  nous  dit 
le  Sauveur,  parée  que  le  royaume  de  Dieu  est 
ieux. 

Pourez«¥ou5  faire  un  marché  plus  aranta- 
geux  que  de  changer  tout  ce  que  vous  nos* 
sédez.  ootilre  un  trésor  de  si  grand  prix? 

Il  dit  encore  :  Le  royaume  du  ciel  est  sem" 
hlable  à  un  marchand  qui  cherche  de  Ifelles 
pertes  9  et  quif  en  ayant  trouvé  une^  s'en  va  et 
Tfnd  tous  ce  quil  avait  ^  et  rachète.  Or  de 
même,  dit  Uûwlriguez,  nue  cette  perle  est  h 
ce  marchand,  parce  qu'il  Ta  achetée  de  son 
«rgeut ,  de  même  le  royaume  du  c:iel  est  à 
vous,  parce  que  vous  Vavez  aclieté  de  tout 
Yotre  bien. 

Saint  Pierre  ayant  dit  un  jour  h  Jésus- 
Christ  :  Toità  que  nous  avons  tout  quiUé ,  et 

«ue  «ouf  vous  avons  suivi  ;  quaurons-nous 

aoncpour  récompense?  —  En  vérité^  je  vous 
dis,  répondit-il.  Que  dans  te  temps  de  ta 
régénération^  quand  le  Fils  de  l'Homme  sera 
auis  sur  le  siège  de  Sa  Majesté ^  vous  qui  m'avez 
ftttn,  vous  serez  de  mime  as^is  sur  douze 
sièges  pour  juger  les  douze  tribus  d'Israël. 

Ces  paroles  doivent  s'entendre  non-seule- 
ment oes  apôtres ,  mais  aussi  de  tous  ceux 
qui  imitent  leur  esprit  de  pauvreté. 

Voilà  donc  le  rovaume  du  ciel  promis  i 
ta  pauvreté,  et  m^me  des  distinctions  lui 
sont  réservées  dans  ce  lieu  de  félicité. 

Ce  n'est  pas  encore  tout.  Le  Sauveur  pro- 
met encore  dès  cette  vie  des  compensations 
ponr  les  sacrifices  qu'on  fait  en  son  nom. 
QuiconquCf  dit-il,  quittera  sa  maison^  ou  ses 
frères f  ou  ses  sœurs^  ou  son  père^  ou  sa  mire^ 
om  sajemme^  ou  ses  enfants^  ou  ses  terres 
pour  fanMur  de  mot,  recevra  le  centuple  et 
possédera  la  vie  éternelle:  et  afin  qu*on  ne  se 
trompe  pas  sur  le  sens  du  centuple,  saint 
Marc  dit  le  centuple  dans  le  temps  présent. 

Sans  df'Ute  cette  expression  désigne,  selon 
quelques  interprètes,  les  biens  spirituel's,  les 
richesses  du  mérileoKMral;  cependant  d'autres, 
avec  Ca^aien»  entendent  le  centufile  dans  le 
sens  do  lx>nbeur  de  ce  monde,  mais  non  du 
bonheur  grossier  des  sens.  On  peut  l'cnten* 
dre  de  la  paix  du  cœur,  des  jouissances  de 
la  pureté  de  la^eooseience,  des  faveurs  par- 
tscalières  que  Dieu  fiiit  à  ceux  qui  se  don<< 
Dent  è  lui  sans  réserve.. 

Ces  paroles  n'ont-elles  pas  une  applica- 
tion as^ez  juste  dans  les  communautés  reli- 
gieoses  où  les  bons  religieux  sont  heureux 
ielenrdépouillement,  et  h  qui  le  nécessaire 
ëe  la  vie  est  d'autant  plus  doux  qu'il  est 
plus  modeste^  qu'ils  u  ont  besoin  d*aucun 


souci,  d'aucune  crainte  fatigante  pour  se  le 
procurer?  Ils  sont  délivrés  de  la  soif  de  l'or 
qui  consume  les  séculiers,  et  toute  i'affec* 
lion  et  les  désirs  que  le  mondain  accorde 
aux  biens  terrestres,  le  religieux  les  fait 
monter  vers  Dieu.  Ces  réjouissances,  que  l'on 
trouve  dans  les  communications  intimes  avec 
Dieu,  sont  plus  délicates  et  plus  durables 

3ue  celles  que  fournissent  les  fragiles  biens 
e  la  terre. 

En  partant  de  ce  principe  si  bien  établi 
dans  l'Evnngilc,  que  les  richesses  sont  un 
grand  danger  pour  le  salut,  et  que  la  pau- 
vreté volontaire  est  une  des  plus  belles  vie-* 
toires  qu'un  chrétien  puisse  remnorler  sur 
ses  mauvais  penchants,  que  les  plus  magni-^ 
fiquos  bénédictions  y  sont  attachées,  tousi 
ceux  qui  ont  aspiré  à  la  perfection  ont  dA 
commencer  par  rompre  avec  les  biens  du 
monde. 

Les  premiers  Pères  du  désert,  comme 
saint  Antoine,  commençaient  par  abandon- 
ner tout  avant  deseconsacrer  à  la  vie  con- 
templative ;  ils  s'abandonnaient  à  la  Pro- 
vidence au  point  de  ne  compter  que  sur  le 
travai^l  des  mains,  travail  simple  et  peu 
lucratif,  comme  de  faire  des  nattes,  pour 
l'entretien  de  la  vie,  et  se  contentaient  des 
choses  les  plus  srossières,  et  pour  la  nour- 
riture, et  pour  le  vêtement,  et  pour  l'habi- 
tation. 

Plus  taird,  lorsque  les  moines  se  réunirent 
en  monastères,  ce  qui  d'après  l'expérience 
des  saints  est  la  manière  la  plus  parfaite  de 
vivre  des  religieux,  on  trouva  le  moyen  de 
posséder,  tout  en  affranchissant  chaque  re- 
ligieux des  liens  de  la  propriété.  Ce  qui  est 
à  tous  u'est  à  personOe,  et  profite  néan-* 
moins  k  chacun.  Les  besoins  sont  satisfaits, 
et  non  la  cupidité;  car  la  cupidité  aime  à 
dire  :  Ceqi  est  à  moi  ;  je  puis  en  disposer 
pour  mon  agrément  ou  mes  plaisirs.  Il  va, 
sans  dire  que  sous  prétexte  que  1rs  biens 
de  la  communauté  ne  sont  à  personne,  il 
ne  convient  pas  que  ces  monastères  devien- 
nent opulents.  Il  V  a  à  cela  plus  d*nn  dan- 
ger. D'abord  les  Clirétiens  du  siècle  ne  sont 
pas  édifiés;  ensuite  il  est  difïïcile  de  se 
tenir  alors  sur  la  ligne  tracée  par  la  règle 
qui  veut  qu'on  donne  rigoureusement  aux 
pauvres  ce  qui  passe  le  modeste,  nécessaire^ 
du  religieux.  L'usage  le  moins  répréhensi- 
ble  qu'un  puisse  faire  alors  de  ses  richesses 
est  de  les  prodiguer  en  bâtiments  somp* 
tueux,  ce  qui  s'écarte  visiblement  de  la  vo- 
cation religieuse.  00  ne  peut  citer  aucun 
fondateur  d'ordre  qui  ait  eu  des  vues  pareil- 
les :  tous,  au  contraire,  ont  recommandé  la 
simplicité.  In  pauvreté  pour  la  cOmmunauU' 
comme  pour  les  particuliers. 

Le  premier  exemple  fameux  de  la  commu- 
nauté des  biens  est  celui  qui  a  été  donnt 
par  les  premiers  Chrétiens  :  exemple  d'au- 
tant plus  étonnant  qu'il  a  trouvé  son  applj- 
cation  dans  une  société  composée  d'une 
grande  diversité  de  rangs,  de  fonctions  et 
d'états.  On  avait  vu  auparavant  quelquea 
essais  de  communauté;  mais  entre  person- 
nes de  même  condition»  comme  quelques 


S47 


BIË 


DICTIONNAIRE. 


BIE 


3iS 


% 

t 


fectes  juires;  mais  il  était  inouï  qu*un  eût 
Jamais  rencontré  quelque  chose  d'une  exé- 
cution aussi  (iifQcile,  par  eonséquenU  aussi 
a<lminiiile.  Evidemment  la  sociétéchrétienne 
s*élendantde  plus  en  plus,  la  communauté 
des  biens  devenait  impossible;  mais  il  n*est 
pas  moins  admirable  qu*un  tel  exemple  ait 
pu  être  donné.  Ce  genre  de  vie  n*a  point 
péri  cependant,  puisque  nous  l'avons  vu  re« 
vivre  dans  les  monastères. 

Nous  avons  ru,  de  notre  temps,  des  tenta- 
teurs de  communautés  des  biens  établis  en 
dehors  de  rinfluence  de  la  religion  chré- 
tienne. Nous  n'essaierons  pas  d*en  faire  la 
réfutation,  ce  n'est  pas  ici  le  lieu.  Nous  vou- 
lons seulement  faire  remarquer  que  toutes 
ces  conceptions  pèchent  par  un  point  capital 
qui  se  rattache  à  notre  siyet. 

La  vie  de  communauté  est  le  genre  de 
vie  qui  impose  le  plus  de  sacrifice,  surtout 
lorsqu'il  8*agit  d'une  communauté  étroite 
confondant  les  intérêts,  qui  octtupent  une 
aussi   grande  place  dans  le  oœnr  humain 

Sue  ceux  qu*on  voulait  pla«^r  en  commun, 
est  contre  la  nature  de  ftire  des  sacrifices 
constants,  perpétuels,  qui  se  font  sentir  à 
chaque  instant  tels  que  les  demande  la  vie* 
de  communauté  imaginée  par  les  réforma- 
teurs sociaux.  Dans  la  rie  commnne,  entre 
uu  grand  nombre,  les  droits  de  tons  écra- 
sent la  volonté  particulière,  et  la  rolonté 
personnelle  ne  se  résigne  pas  ainsi  à  n'être 
rien. 

Voici  en  quoi  consiste  Terreur  de  ces 
coupables  systèmes.  C'est  que  les  modernes 
réformateurs  ont  roulu  établir  des  commu- 
nautés au  nom  des  intérêts  matériels  an 
profit  du  bien-êlre,  de  la  sensualité  :  au  lieu 
lie  modérer  les  passions  pour  les  mettre  en 
intime  contact,  ils  les  ont  exaltées.  La  mé- 
prise est  profonde  et  grossière. 

Les  communautés  religieuses  n*ont  pas 
pris  ainsi  le  twar  bumam  à  rebours,  ni 
accepté  les  obstacles  comme  des  moyens. 
Qoedit  un  fondalenr  d*ordre  à  ses  disciples? 
U  leordit  :  Ven^  Tivre  de  la  vie  commune, 
non  pour  j  Ironver  les  jouissances  terres- 
tres, poor  y  faire  votre  volonté,  pour  aug- 
menter ros  ricbesses  en  les  associant,  pour 
at^^meoter  la  somme  de  plaisir  en  unissant 
▼of  mojrehs  et  vos  ressources,  mais  venez-y 
poor  briser  votre  vDlonté  contre  la  règle  ;  la 
cupidité,  contre  la  pauvreté  absolue  ;  la  vo- 
l0pté^  contre  les  mortifications;  en  un  mot, 
méprisez  la  vie  présente,  n'en  tenez  que  peu 
de  compte  pour  posséder  plus  sûrement  la 
vie  k  Tenir  :  Ik  seulement  sont  vos  espéran- 
ces. 

La  foi,  et  une  foi  vive,  est  donc  le  mobile 
de  la  communauté  religieuse,  et  celte  foi 
rend  tous  les  sacrifices  possibles;  elle  fournit 
une  raison  à  toutes  les  privations. 

Dans  le  système  sensualiste  des  réforma- 
teurs les  sacrifices  ne  s'y  peuvent  com- 
mander ni  pratiquer  par  aucun  motif, 
pour  aucune  raison. 

Au  contraire»  krorigine  de  la  vie  monastique 


les  opinions  furent  partagées  k  l'occasicDde 
la  vie  commune.  Les  uns  préféraient,pourles 
religieux,  la  viesolilairecomme  favorisaiUla 
vie  contemplative  :  et  saint  Jérôme  lui-même 
fut  pendant  quelque  temps  de  cette  opinion. 
Les  autres,  k  la  tête  desquels  il  &ut  placer 
saint  Basile,  conseillèrent  la  vie  de  la  com- 
munauté comme  étant  un  remède  auxexcen-  ' 
trîcités  et  aux  autres  dangers  de  la  vie  soli-  ' 
taire,  comme  ofl^rant  plus  de  ressources 
contre  l'ennui  de  la  solitude,  contre  la  pa- 
resse, par  l'exemple  et  les  ressources  de  la 
charité  fraternelle. 

Il  est  certain  que  les  communautés  reli- 

Sieuses,  dans  leurs  rapports  avec  la  richesse 
es  nations,  non-seutêment  n'offrent  aucun 
inconvénient^  mais  encore  sont  une  véritable 
ressource,  tant  que  ces  communautés  res- 
tent dans  la  mesure  de  l'esprit  évangilique. 

D*autre  part,  on  ne  peut  di^e  que  ces  bras 
renfermés  dans  les  cloîtres  soient  inutiles 
ou  k  charge  k  la  société,  puisqu'il  est  bien 
établi  que  les  monastères  ont  largement  payé 
leurs  dettes  k  la  sodélé  et  k  la  civilisalion 
par  des  serriees  de  tous  les  genres,  comme 
ce  peot  le  voir  dans  les  articles  :  MonasU- 
T€$f  etc. 

Ajonlottsqiie  les  moines  vivant  en  commun 
dépensent  excessivement  peu,  et  ils  sont 
par  Ik  utiles  au  monde  et  comme  modèles 
de  modération,  et,  comme  consommateurs 
économiques,  et  comme  citoyens  soumis  et 
faciles  k  gouverner,  qui  ne  murmurent  ja- 
mais. 

Au  point  de  vue  ascétique,  la  communauté 
des  biens  a  aussi  nn  caractère  inappréciable 
en  ce  qu'elle  ôte  au  religieux  tous  soins  de 
la  vie  matérielle,  soit  parce  qu'il  y  tient  peu» 
soit  parce  qull  reçoit  son  petit  nécessaire 
régulièrement  comme  une  aumône  de  son 
couvent.  Ainsi  dépjôuillé  et  libre  des  biens 
terrestres,  il  devient  pour  ainsi  dire  un 
homme  purement  spirituel.  Il  a  trouvé  le 
moyen  de  spiritualiser  même  son  travail 
manuel,  car  il  ne  travaille  plus  pour  lai; 
Tesprit  de  renoncement  le  fait  travailler  pour 
ses  Frères,  c'est-k-dire  pour  la  communauté, 
et  c'est  alors  que  le  travail  se  spiritualise 
réellement  par  la  charité. 

BI£NS  SUKNATURELS.  —  Les  biens  sur- 
naturels,  dans  le  langage  mystique,  sont 
ceux  dont  Dieu  gratifie  les  personnes  qui 
suivent  en  tout  le  mouvement  du  Sainl-ES' 
prit.  Il  ne  faut  pas  les  confondre  avec  les  eQels 
ordinaires  de  la  grflce;  il  ne  s'agit  ici  que 
des  effets  extraordinaires  dont  la  *grâce^  est 
tellement  le  principe,  que  la  nature  ny  a 
rien  et  ne  peut  y  avoir  aucune  part.  On  oe 
saurait  s'y  méprendre  pour  peu  qu'on  soil 
versé  dans  la  connaissance  de  l'intérieur. 

Il  y  a  trois  sortes  de  biens  surnaturels: 
les  uns  sont  dans  les  sens  des  hommes  par- 
faits; les  autres  pénètrent  plus  avant  etju»- 
qu'où  les  sens  ne  sauraient  aller;  les  l'^Jl  ^ 
mes  sont  très-intimes.  —Ceux qui  s'arrôtem 
dans  les  sens,  c'est-k-dire  dans  la  première 
région  de  l'âme,  sont  des  impressions  seosi- 


d 


SI» 


D'ASCETISanw 


DîE 


5.70 


bles  des  olgets  samaturels,  impressions  que 
la  foi  seule  ne  produit  pas,  mais  seulement 
la  foi  appliquée  par  une  grâce  extraordi- 
naire; ce  soDt  des  attraits  puissants  oui 
touchent  et  qui  élèTentà  Dieu  aune  manière 
sublime  ;  ce  sont  des  goûts  merTeilleui  et 
des  sentiments  délicats  qui  Tiennent  sou- 
▼eut  à  la  rencontre  des  choses  les  plus  com- 
munes. Sainte  Thérèse  dit  qu*en  prenant 
de  Tean  bénite  elle  ressentait  le  même  nlaisir 
que  lait  une  boisson  agréable  à  quelqu'un 
pressé  par  la  soif.  D  autres  éprouvent  de 
I^reils eOets,  qui  remplissent  leurs  sens  î  ilé- 
rieurs,  k  rapproche  des  églises,  des  autels  et 
des  images  ae  piété.  Quelquefois  la  commu- 
nion leur  communique  la  même  vigueur  que 
la  nourriture  la  plus  succulente,  avec  une 
chalenr  divine  qui  les  fortifie  et  les  console, 
et  cette  chaleur  produit  è  sou  tour  une  douce 
lumière  qui  leur  donne  une  infinité  de 
connaissances.  La  grâce  donne  à  quelques- 
uns  nn  attrait  sensible  pour  les  pauvres,  de 
sorte  qu'ils  trouvent  un  plaisir  plus  eiquis 
\  panser  et  à  baiser  leurs  ulcères  qu'à  user 
des  Tîandes  les  plus  délicates. 

Les  biens  surnaturels  de  la  seconde  sorte 
sont  des  images  intellectuelles,  môme  des 
choses  qui  ne  tombent  pas  sous  les  sens  :  ces 
images  produisent  la  joie,  la  paix  et  une 
suavité  merveilleuse.  Il  ne  manque  pas 
d'exemples  de  telles  faveurs.  Combien  de 

r^rsonnps  qui,  i  l'oraison,  sesententaitirées 
considérer  le  côté  ouvert  de  Jésus-Christ  et 
à  s*attacher  è  cette  j)Iace  sacrée,  comme  si 
elles  la  voyaient  véritablement,  et  qu'elles 
eussent  fe  bonheur  de  la  toucher,  et  qui 
après  l'oraison  conservent  celte  même  dis- 
l'Osition  et  ce  même  goût  spirituel,  sans  que 
le  tumulte  des  choses  extérieures  puisse  le 
leur  iaire  perdre,  et  sans  qu'il  leur  en  coûte 
aucune  application  !  Combien  d'autres,  éle* 
vées  en  esprit  dans  le  ciel,  vivent  sur  la  terre 
eomme  si  elles  n'y  étaient  pas,  et  jouissent 
de  cette  insigne  uveur  au  milieu  des  occu- 

e lions  du  dehors  qui  ne  sauraient  troubler 
félicité  du  dédans.  Voilà  ce  qu'on  ap|>el!e 
des  biens  surnaturels,  et  avec  raison,  parce 
que  ce  u)  sont  pas  de  simples  pensées  pas- 
sagères, mais  des  opérations  marquées  et 
sensibles,  qui  durent  nn  temps  considérable, 
et  on  ne  doit  pas  être  surpris  que  la  grâce 
qui  produit  ces  opérations  fasse  sur  l'âme 
plus  d'impression  que  tous  les  objets  des 
sens  n'en  peuvent  faire.  On  rapporte  de 
sainte  Liduvine,  gu'étant  réduite  à  garder  le 
kU  elle  se  sentait  transportée  en  esprit  par 
Jésus-Christ,  son  époux,  dans  tous  lieux  de 
dévotion  les  plus  célèbres  de  la  chrétienté, 
et  gue  la  force  de  l'occupation  intérieure 
était  si  grande ,  qu'elle  s  entretenait  de  la 
même  manière  et  sentait  la  même  consola- 
tionqne  si  el  le  eût  été  corporell  emen t  présen  le 
dans  ees  lieux.  On  peut  mettre  au  nombre 
de  ees  faveurs  le  souvenir  des  mystères,  de 
la  naissance,  de  la  vie  et  de  la  passion  de 
Notre-Seigneur,  lorsque  ces  mystères  font 
sur  l'âme  la  même  impression  que  s'ils 
V  avaient  été  pavés.  L'idée  du  mystère  de 
la  Sainte-Trinité  avait  été  en  effet  gravée 


dnns  l'âme  de  la  bienheiu^use  Claire  de 
Moutefalco,  comme  on  en  peut  juger  par  les 
trois  petits  globes  qu'on  trouva  dans  Sim 
corps  après  sa  mort,  lesquels  y  avaient  élé 
mis  snrnaturellement,  comme  pour  entrete- 
nir en  elle  le  souvenir  du  mystère.  Ces  sor- 
tes de  faveurs  sont  commedes  gages  précieux 
qui,  étant  possédés  au  dedans,  presenlent 
continuellement  à  l'esprit  le  sujet  de  ses  en- 
tretiens, et  au  cœur  l'objet  de  son  amouf. 

Les  biens  surnaturels  de  la  troisième  sorte» 
qu'on  a  dit  être  très-intimes,  sont  certaines 
opérations  faites  dans  la  substance  de  Tâme, 
et  commedes  attouchements  divins,  par  les- 
quels elle  est  unie  à  Jésus-Christ  si  étroite- 
ment et  avec  une  telle  impression  de  l'hu- 
manité et  de  la  divinité  de  ce  Dieu-Homme, 
qu'il  semble  ï  cette  âme  qu'elle  ne  fasse 
qu'une  même  chose  avec  lui*  ce  qui  la 
transporte  hors  d'elle-même.  Sainte  Ger- 
trude  témoigne  avoir  eu  part  à  cette  faveur, 
un  jour  qu'on  célébrait  la  fête  de  la  Purifi- 
cation de  la  sainte  Vierge,  ce  qu'elle  regar- 
dait comme  la  plus  grande  grâce  qu'elle  eût 
reçue  de  sa  vie.  L'âme  de  Jésus-Christ  fut 
imprimée  sur  la  sienne,  comme  un  sceau, 
comme  elle  le  dit  elle-même;  et,  depuis  ce 
temps-lè,  elle  en  consenra  l'empreinte  et  une 
ressemblance  avec  Jésus^hrist  qu'elle  sen- 
tait en  elle-même.  Cela  se  fait  d'une  ma- 
nière inexprimable.  Les  docteurs  mystiques 
qui  en  ont  traité  disent  que  l'âme  par  1  at- 
touchement, qui  est  la  plus  délicate  des 
opérations  intérieures,  reçoit  une  impres- 
sion de  Jésus-Christ  et  de  la  substance  di- 
Tine,  et  que  c'est  en  cette  faveur,  lorsqu'elle 
devient  ordinaire,  que  consiste  l'état  qu'ils 
appellent  les  noces  spiriiuelles.  Tout  ce  qui 
concerne  ce  divin  mariage  appartient  à  cette 
troisième  sorte  de  biens  surnaturels,  et  ren- 
ferme tant  de  faveurs  et  de  caresses  céles- 
tes, qu'on  croirait  cet  état  iroaçînaire,  s'il 
n'était  attesté  par  le  témoignage  de  plusieurs 
grands  saints,  et  en  particulier  par  celui  de 
sainte  Brigitte.  Sans  entrer  dans  aucun  dé- 
tail, il  suffit  de  dire  qne  ces  grâces  surpre- 
nantes sont  fort  ordinaires  aux  âmes  d  une 
grande  élévation.  Oser  dire,  comme  font 

auelques*uns,  qu'il  n'y  a  en  tout  cela  que 
e  simples  pensées  suivies  de  quelques  af- 
fections agréables,  ce  serait  vouloir  prouver 
i  un  homme  qui  a  passé  par  tous  les  remèdes 
de  la  médecine  que  ce  n'a  été  qu'en  idée. 
Les  effets  de  la  grâce  dans  l'état  dont  nous 
parlons  sont  si  réels,  si  sensibles,  si  mani- 
festes, qu'on  ne  saurait  s'y  tromper;  et 
d'ailleurs  ils  produisent  des  changements  et 
des  altérations  considérables,  non-seulement 
dans  l'âme,  mais  encore  dans  le  corps,  jos- 

Î|u'à  déranger  les  humeurs,  jusqu'à  ecbauf- 
er  le  sang  d'une  manière  extraordinaire. 
Lorsqu'on  ouvrait  la  veine  à  sainte  Cathe- 
rine de  Gênes,  celui  qui  tenait  la  palette 
pour  recevoir  le  sang  n  en  pouvait  soutenir 
la  chaleur,  tant  il  était  bouillant.  La  force 
de  Tamour  dont  saint  Philippe  de  Néri  était 
embrasé,  fit  élever  et  rompre  deux  de  ses 
côtes  pour  pouvoir  se  dilater.  Sainte  Ma- 
deleine de  Pazi  et  plusieurs  autres  sainia 


551 


POE 


DICTIONNAIRE 


BOL 


5^ 


Oïl  éorouvé  (les  eiïi^ts  semblables.  Et  si  ce 
sont  là  des  opérati<ins  de  la  grftce  qui  ont 
leur  principe  dans  la  partie  la  plus  intime 
do  l'âme,  et  qui  rendent  Thomme  heureux 
autant  qu'il  peut  Tôtre  ici-bas,  D*a-t-on  pas 
raison  de  les  mettre  au  rang  des  biens  sur- 
naturels les  pins  excellents? 

BIENVEILLANCE  (Amour  de).  —  Yoy. 
Oraisoti  affective  et  Charité. 

BLOIS  (Louis  df»),  de  In  maison  dn  Châtil* 
lon-sur-Marne  et  de  Blois,  illustrée  par 
plusieurs  alliances  avec  les  tôles  couronnées 
et  par  les  liin^s  des  souverainetés  qu'elle 
possédait  elle-môme,  naquit  nu  châleau  de 
Doustienne,  dans  le  pays  de  Liège,  en  150G. 
A  Tâgn  de  quatorze  ans,  il  entra  dans  Tah- 
baye  dé  Lîessies,  près  d'Avesnes.  Il  fut 
nommé  abbé  de  cette  raai5;on  en  1530,  quoî- 

2u*il  n*eût  que  vingt-quatre  ans.  Il  avait 
té  élevé  auprès  du  prince  Charles,  devenu 
depuis  l'empereur  Charles-Quint,  qui  con- 
serva toujours  pour  lui  son  aflTection^  d'en- 
fance, il  offrit  môme  à  Louis  de  Blois  l'ar- 
chevêché de  Cambrai  et  l'opulente  abbaye 
de  Tournay  ;  mais  le  modeste  religieux  pré- 
féra la  retraite  paisible  de  son  couvent , 
qu'il  réforma  en  15W,  par  d»  nouveaux 
statuts  approuvés  par  le  Pape  P.ml  III.  Il  y 
mourut  saintement  le  7  janvier  1566,  âgé  de 
soixante  ans.  Livré  tout  entier  aux  médita- 
tions religieuses,  il  avait  composé  î)lu$ieurs 
ouvrages  de  haute  piété.  Le  plus  célèbre  est 
son  Spéculum  religiosorum^  composé  h  la 
demande  .  d'un  de  ses  religieux  nommé 
Odon.  Cet  ouvrage  a  été  plusieurs  fois  trar 
doit  en  français;  la  meilleure  traduction  est 
celle  qu'en  a  faite  le  Jésuite  de  la  Nauze, 
sous  le  titre  de  Directeur  des  âmes  religieuses. 
On  aime  aussi  à  lire  les  Entrjtîiens  spiri-- 
tuets  de  Louis  de  Blois. 

.BOÈCB  (Anicius-Manlius  Torquatus  Boe- 
ihiuê)  naquit  vers  l'an  455,  dans  la  ville  de 
Rome,  où  ses  ancôtres  avaient  exercé  les 
premières  charges  de  l'Etat.  Dès  l'âge  de 
dix  ans  il  fut  envoyé  à  Athènes  pour  y  étu- 
dier la  langue  et  les  sciences  de  la  Grèce« 
et  il  j  resta  dix-huit  ans.  En  485,  il  f<il 
nommé  consul  de  Rome;  en  500  il  devint 
ministre  de  Théodoric,  roi  des  Osirogoths, 
dont  il  avait  fait  l'éloge  à  son  entrée  dans 
Rome.  Sur  un  frivole  soupçon  que  le  sénat 
de  cette  ville  entretenait  des  intelligences 
secrètes  av«c  Justin ,  empereur  de  Constan- 
tinople,  le  roi  Théodoric  fit  mettre  en  pri- 
son Boèce  et  Symmaque,  son  beau-père,  les 
plus  distingués  de  ce  corps.  Conduit  h  Pa- 
vie,  Boèce  y  endura  divers  genres  de  sup- 
plices et  eut  la  tête  tranchée  le  23  octobre 
524.  C'est  dans  sa  prison  qu'il  composa  son 
beau  livre  :  De  consolatione  philosophiœ^  en 
vers  et  en  prose.  Ce  traité  a  été  traduit  dans 
presque  toutes  les  langues  de  l'Europe,  et 
même  dans  les  langues  grecque  et  hébraïque. 
La  meilleure  traduction  française  est  celle 
de  Léon  Colesse,  publiée  en  1771,  à  Paris. 
Les  Consotations  de  la  philosophie^  écrites 
par  Boèce  dans  sa  prison  sans  le  secours 
d*aucnn  livre,  sont  un  i]es  plus  beaux  mo- 
numents de  la  philosophie  chrétienne. 


BOILEAU  (  Jean- Jacques  ),  chanoine  do 
Saint-Honoré,  de  Paris,  était  originaire  du 
diocèse  d'Agen.  II  mourut  en  1735,  âgé  de 
quatre-vingt-six  ans.  On  a  de  lui,  outre  la 
Vie  de  madame  Combe^  institutrice  du  Bon- 
Pasteur,  des  Lettres  sur  différents  sujets  de 
morale  et  de  piété;  2  vol  in-12. 

BOLLANBISTES,  continuateurs  de  Bol- 
landus,  savants  Jésuites  d'Anvers,  qni, 
depuis  plus  de  deux  siècles,  se  sont  occupés  à 
recueillir  les  actes  et  les  vies  des  saints, 
d'après  les  auteurs  originaux,  et  ont  ainsi 
réussi  h  éclairer  plusieurs  faits  importanîsde 
l'Histoire  ecclésiastique  et  civile.  —  Cet 
utile  et  vaste  projet  fut  formé  au  ccromen- 
remont  du  xvir  siècle,  par  le  P.  Béribéri 
Roswoid,  Jésuite  d'Anvers;   mais  on  sent 

3u'il  était  beaucoup  au-dessns  des  forces 
*un  seul  homme  :  le  P.  Rosweid  ne 
put  faire  pendant  toute  sa  vie  qn'aroas- 
ser  des  matériaux;  il  mourut  en  1629,  sais 
avoir  commencé  à  leur  donner  une  forme/ 
L'année  suivante,  le  P.  Jean  Bollandos, 
son  confrère,  reprit  ce  dessein  sous  un  autre 

f^oint  de  vue,  t*t  se  proposa  de  composer 
ui-m6me  les  vies  des  saints  d'après  les  au- 
teurs originaux,  en  y  ajoutant  des  notes 
semblables  à  celles  dont  les  éditeurs  des 
Pères  ont  accompagné  leurs  ouvrages,  soit 
pour  éclaircir  les  passages  obscurs,  soit 
pour  distinguer  le  vrai  du  fabuleux.  En 
16*15,  il  s'associa  le  P.  Godefroi  Hensclu^ 
nius,  et,  en  1643,  ils  firent  paraître  les  actes 
des  saints  du  mois  de  janvier,  en  2  vol.  in- 
fol.  Ce  livre  eut  un  succès  qui  augmenta 
beaucoup,  lorsque,  en  1658,  ces  deux  sa- 
vants eurent  donné  trois  autres  volumes 
dans  la  même  forme,  qui  contenaient  les 
actes  du  mois  de  février.  Bollandus  s*étnii 
encore  associé,  en  1650,  le  P.  Papebrocli, 
et  travaillait  h  donner  le  mois  de  Mars,  lors- 
qu'il mourut,  en  1665. 

Après  la  mort  d'Enchenius,  le  P.  Pape- 
broch  eut  la  principale  direction  de  cet  ou- 
vrage, et  prit  successivement  pour  collabo* 
rateurs  les  Pères  Baert«  Jauni ng,  Dusolier 
et  Raie,  qui  ont  publié  2i  vol.  contenant  les 
vies  des  saints  jusqu'en  juin.  Aprè.^  la  mort 
du  P.  Papebroch,  en  1714,  les  Pères  Duso- 
lier,  Cuper,  Piney  et  Roch  ont  continué 
l'ouvrage  et  ont  fait  paraître  successivement 
les  actes  des  saints  aes  mois  suivants.  Cette 
immense  collection  contenait  alors  plus  de 
50  vol.  in-fol.  Elle  avait  été  longtemps  in- 
terrompue par  la  suppression  des  Jésuites, 
mais  elle  fut  reprise  sous  la  protection  et 
par  les  bienfaits  de  l'impératrice  reine.  Au 
moment  où  les  Jésuites  furent  supprimés 
dans  la  Belgique,  les  premiers  tomef  d'oc- 
tobre, qui  com))létaienl  le  nombre  deSO  vn!., 
avaient  paru.  La  dernière  publication  étitit 
de  l'année  1770. 

A  cette  époque,  les  Jésuites  chargés  de  la 
rédaction  de  Acta  sanctorum^  étaient  Cor- 
neille de  Bye,  Ignace  de  Bue,  Ignace  Hj* 
bens  et  Joseph  Ghesquière.  Celte  suppres- 
sion eut  lieu  le  13  septembre  1775.  Mais  le 
gouvernement  s'occupa  bientôt  de  la  conti* 
nuation des  ilc/asanc^orum.  Le  19  juin  1778, 


BOI 


D*AS0I£I1S1IE. 


BON 


.V.i 


an  décret  do  prince  Charles  de  -Lurmine 
urdoDfia  que  rétablissement  des  Bnilandis- 
tes  serait  transféré  à  Kabliaye  de  Caudcn- 
berg,  et  régla  la  manière  dont  cette  corn- 
pitation  derrait  parattreà  TaTenîr.  Toutefois 
ce  ne  fut  qn*ea  17H0  que  cet  établissement 
eut  toute  sa  consistance.  Le  lA'  volume 
de  Àeia  Maueiarumf  qui  était  le  quatrième 
da  moisd'octobre,  parut  vers  la  Go  de  la  même 
ann^.  Les  rédacteurs  de  ce  volume  étaient 
l«^  abbés  do  Bjre,  de  Bue  et  Hul>cns.  En 
1786»  parut  le  volume  Lit*.  Mais  à  peine  cet 
établissement  était-il  ainsi  constitué,  que 
de  nouveaui  embarras  vinrent  arrètt  r  ses 
Iravaai.  Le  16  octobre  1188 ,  le  gouverne- 
ment notiiia  à  la  Chambre  des  comptes  qn*il 
avait  résolu  de  faire  cesser  le  travail  des 
Bollandi^tes.  et  qu'en  conséquenee,  à  fiartir 
du  i"  novembre  suivant,  on  devrait  se  bor- 
ner à  payer  aui  abbés  de  Bjre,  de  Bue, 
Foiison,,Gbesquière  et  de  Smet,  leur  |ien- 
siao  annuelle  de  800  florins.  La  suppression 
répandit  une  véritable  consternation  parmi 
les  amis  des  lettres.  De  toutes  parts  arrivè- 
rent au  gouvernement  des  propositions 
Cdur  racqtiisition  de  cet  établissement. 
*al»liajre  de  Tongarloo  remporta  sur  ses 
compétiteurs  ;  par  une  convention  en  date 
du  18  mai  17^,  le  gouvernement  lui  trans- 
féra la  propriété  de  rélablissem(*nt  des 
Bellandistes,  et  elle  reçut  dans  son  sein  les 
alitiés  de  Bye,  de  Bne,'Sooton,  Chesquîère 
et  deSuiet.  Un  dernier  volume,  le  Lllt'de  la 
e^lledion,  et  le  V*  du  mois  d'octobre  parut 
^a  i7M.  Trois  religieui  de  l'abbaye  de 
Tangerloosont  désignés  dans  le  titre  comme 
ajant  coo^ré  avec  les  BoilanJistes  à  <a  ré- 
daction L  entrée  des  Français  dans  ta  Be- 
gîqoe*  qui  eut  lieu  la  même  année,  (lorla 
le  dernier  coup  k  pet  élibiissement.  Les 
moines  de  Tongerloo  se  dispersèrent,  et  les 
rédacteurs  de  Aeia  stmetorum^  réfugiés 
dans  diffôreats  pays,  moururent  successi- 
vement sans  avoir  pu  continuer  leurs  tra- 
vaux. La  bibliothèque  royale  de  Bruxelles 
possède  sous  les  n*"*  368  i  386,  rangés  dans 
un  très-l>on  ordre,  jour  [lar  jour,  du  16  oc- 
t«4ire  au  3t  décembre,  tous  les  matériau  i 
rassemtriés  |Mir  les  Bullandistes.  Il  y  a  à  peu 
près  UD  an  iju'un  prospectus  fut  publié  par 
It^  Bénédictins  de  Solèines,  annonçant  la 
continuation  des  Aeîa  sanc/onim ,  mais  cette 
promesse  n'a  |ias  encore  été  suivie  d'eifet. 

On  a  reproché  à  Bollandus  de  n*avoir  pas 
été  assez  en  garde  contre  les  légendes  apo- 
cryphes et  labulcuses;  Papehrock  et  9e% 
successenrs  ont  en  une  critique  plus  éclairée 
et  plus  exacte  dans  le  choix  des  monuments 
ilonl  ifs  se  sont  servis.  Leur  premier  soin, 
(lès  le  commencement  de  leur  travail,  fut 
d'établir  des  correspondances  avec  tous  les 
savants  de  TEurone,  de  faire  chercher  dans 
les  archives  et  bibliothèques  les  titres  et  les 
monoments  qui  pouvaient  servir  à  leurs 
desseins  ;  les  matériaux  rassemblés  forment 
une  bibliothèque  considérable.  Avant  de 
(aire  usage  d'aucun  titre*  Itê  Bollandisies 
ru  examinent  rauibcnticîté,  son  degré  d'ao- 
t  irîtc,  et  le  rejettent  s'ils  y  découvrent  des 


indices  de  si«p{iosttion  et  de  fausseté  :  s'ils 
le  jugent  vrai,  ils  le  publient  tel  qu'il  est 
avec  la  plus  grande  fidélité,  et  en  éclaircis- 
sent  les  endroits  obscurs  f>ar  des  notes  ;  >i 
c'est  une  pièce 'douteuse,  ils  e\|K>sent  les 
raisons  do  douter  ;  s'ils  n'ont  que  dvs  ex- 
traits, ils  en  font  une  histoire  suivie'.  Lors- 
qu'ils  reconnaissent  qu'ils  se  sont  trompés, 
nu  ont  été  induits  en  erreur,  ils  le  disent  tou- 
jours dans  le  volume  suivant  et  le  rcctiiient 
avec  toute  la  candeur  et  la  t)onne  foi  possibl**. 
On  trouve  souvent  dans  cet  ouvrage  im- 
portant des  traits  qui  intéressent  non  seul**- 
meut  l'histoire  ecr.lésiastique,  mais  ei.corc, 
rhisloire  civile,  la  chronologie,  la  (;éi>gra- 
phie,  les  droits,  les  prétentions  des  souve- 
rains et  des  peuples;  tous  les  volumes  sont 
accompagnés  de  tables  exactes  et  trèsrt'-om- 
modes.  Les  soins  qu'ont  ces  laliorieui  écri- 
vains de  se  former  des  successeurs  semblent 
répondre  au  public  ^ue  cet  immense  pnjet 
sera  un  jour  conduit  à  sa  fin.  Comme  les 
premiers  volumes  donnés  par  Bollandus 
étaient  devenus  très-rares,  on  a  réimprimé 
à  Venise  toute  la  collection;  mais  celte 
édition  ne  vaut  pas  celle  d*Anvers. 

BONA  (Jean),  né  kMondovi  en  Piémont, 
l'an  1609,  général  tles  Feuillants  en  IGoU 
fut  honoré  de  la  nourpre,  en  16G9,  r*ar 
Clément  IX.  Après  la  mort  de  ro  P«iniife, 
bien  des  gens  le  désignèrent  pour  son  suc- 
cesseur, ce  qui  donna  lieu  h  celle  mauvaise 
pasquinadc  :  Papa  Bona  $arebbe  un  goiecis* 
mo.  I.C  P.  Dau^ièrcs  répondit  à  Pasq  lin, 
par  l'épigrammc  suivante  : 


ieffes  plerunufue  Ecclesta  spernit; 
Fon  erii  ui  liceaî  dieere  Papa  Ham, 
Varna  ioiœcUmi  me  le  coaturbet  imago, 
Eiêet  papa  bomoê^  si  Bona  papa  foreL 

Bona,  digne  de  la  tiare,  ne  l'eut  ponrlant 
pas.  H  mourut  à  Rome  en  1674,  dans  «a 
soixante-cinquième  année.  Il  joignit  a  une 
profonde  érudition  et  à  une  connaissance 
vaste  de  l'antiquité  sacrée  et  ecclésiastique, 
une  piété  tendre  et  éelairée.  On  a  de  lui  plu- 
sieurs écrits,  recueillis  à  Turm  en  1747- 
1753,  k  vol.  in  fol.  Les  principaui  sont: 
!•  De  rébus  liiurgieiê^  plein  de  reclierihes 
curieuses  et  intéressantes  sur  les  rites,  les 
prières  et  les  cérémonies  de  la  messe  ;  — 
9r  Mnnuduciio  ad  cœium^  traduit  en  franijais 
en  1771;  —  3*  Hofologium  a$eeticum;  — 
k*  Deprineipiiê  vUœ  chriêiianœ.  traduit  en 
français  par  le  président  Cousin  et  parlabbé 
Gouget  ;  —  5*  Putlleniie  eecleêiœ  harmwaia  ; 
—  6*  De  $aeru Psalmodia^  et  plusieurs  autres 
bons  ouvrages  de  piété,  qui  vont  également 
à  respril  et  au  cœur.  Si»s  cuivres  complètes 
(optra  oamia]  ont  été  ptililiées  h  Turin,  avec 
des  Utiles  de  Roliert  Sala. 

BONAVENTURE  (Saint),  né,  Tao  1«M,  t 
Baçnarea  en  Toscane,  entra  dans  Tordre  des 
Frères  Mineurs,  et  fut  disciple  d'Alexandre 
de  Aies.  Son  ordre  le  fit  successivement 
professeur  de  philosophie,  de  théologie,  et 
cnlin  général  en  1256.  Cléuieul  IV  lui  offrit 
rarclievéclié  dYork,  et  le  saint  religieux  le 
refusa.  Ai)re5  la  mort  de  ce  Souverain  Fon- 


555 


BOR 


DICTIONNAIRE 


BOS 


5S6 


life,  les  cardinaux  s'engagèrent  d*élire  celui 
que  Bonaventure  nommerait;  ce  fat  sur 
Grégoire  X  qu'il  jeta  les  yeux.  Ce  Pape 
l'honora  de  la  pourpre  romaine,  et  lui  donna 
révèché  d'Albaito.  Le  nouveau  cardinal 
suivit  Grégoire  au  concile  de  Lyon,  en  1274, 
et  y  mourut  des  fatigues  qu'il  s'était  don- 
nées pour  préparer  les  matières  à  traiter  dans 
le  concile.  On  Ta  honoré  du  surnom  de 
Docteur  séraphique.  Saint  Bonaventure  est 
mis  au  rang  des  docteurs  de  l'Eglise.  Outre 
des  Commentaires  sur  VEcriture^  des  Ser^ 
mons  et  des  Commentaires  sur  le  Maître  des 
sentences,  il  a  laissé  de  nombreux  ouvrages 
ascétiques,  des  Opuscules  moraux^  des  M^- 
dilations^  des  Opuscules  pour  les  religieux 
Ces  divers  ouvrages  portent  l'empreinte 
d'une  piété  affectueuse,  qui  saisit  encore 
plus  le  cœur  que  l'esprit. 

BONHEUR  ETERNEL.  —  Yoy.  BÉATI- 
TUDE et  FIN  DERNIÈRE. 

BONNEFONS  (Amable),  Jésuite,  hé  à 
Riom,  est  auteur  de   plusieurs  livres  de 

£iété,  qui  eurent  la  vogue  dans  leur  temps, 
es  principaux  sont  :  1**  Vannée  chrétienne, 
2  vol.  in-12;  —  2**  La  Vie  des  saints,  2  vol. 
in-8^  Il  mourut  à  Paris  en  1653 

BONIFACE  (Saint),  apôtre  d'Allemagne  , 
né  en  680.  Il  est  illustre  par  un  zèle  vrai* 
ment  apostolique,  par  le  grand  nombre 
d*églises  nouvelles  qu'il  fonda  en  Allema- 
gne, par  la  quantité  de  peuples  qu'il  con- 
vertit à  la  foi,  et  de  ceux  qui,  déjà  fidèles, 
conservaient  encore  les  rocBurs  païennes.  Sa 
piété,  son  obéissance  profonde  envers  la 
Chaire  de  saint  Pierre;  sa  haute  prudence 
dans  les  affaires  épineuses  qu'il  eut  è  con- 
duire au  milieu  de  la  diute  des  trônes  et  de 
la  transformation  des  empires,  furent  égales 
à  l'ardeur  djc  son  zèle.  On  a  de  ce  grand 
saint  quelques  lettres  qui  peuvent  être  mé^ 
ditées  par  ceux  qui  aspirent  à  la  perfection. 

BORDE  (Vivien  la),  prêtre  de  TOratoire, 
né  à  Toulouse  en  1080,  supérieur  de  la  mai- 
son de  Saint-Magloire,  à  Paris,  mourut  dans 
cette  ville  en  ilkS,  Il  avait  été  envoyé  À 
Hume,  par  le  cardinal  de  Noailles,  pour  les 
affaires  de  la  Constitution.  Ses  ouvrages  as* 
céliques  sont  :  1*"  Retraite  de  dixjours^  1755, 
iu-12;  —  2**  Conférence  sur  la  pénitence, 
in- 12.  Cet  ouvragé  est  d'une  morale  exacte. 

BORDONip  (loscph-Anloine),  savant  Jé- 
suite italien,  naquit  à  Turin  en  1682,  et 
entra  au  noviciat  de  la  Société  en  16%.  Il 
professa  les  humanités  à  Pignerol,  d'où  il 
passa  à  Gênes,  et  do  là,  en  1703,  à  Turin, 
pour  y  occuper  la  chaire  de  rhétoriquo.  Plus 
tard,  en  1715,  il  professa  la  théologie.  Il 
mourut  en  17&2,  Agé  de  soixante  ans.  Ce 
religieux,  non  moins  recommandable  [lar  sa 
piété  que  par  son  savoir,  a  laissé,  entre  au- 
tres ouvrages,  un  livre  ascétique  intitulé  : 
ùiscorsi  per  t  esercizio  délia  huonu  morte; 
Venise,  3  vol.  m-k^  17W-175I.  C'est  Tun 
des  meilleurs  livres  ascétiques  qu'ait  l'I- 
talie. 

BORELLISTES,  disciples  d'Adam  Borell, 
Ziilandais.  Ils  suivaient  les  erreurs  des  meiu- 


nonites.  Leur  vie  était  très-austère,  et  ils 
employaient  en  aumônes  une  partie  de  leurs  f 
biens. 

BORROMÉB  (Frédéric),  cardinal  et  arche- 
vêque de  Milan,  naauit  à  Milan  le  18  août 
15611-  et  mourut  le  zl  septembre  WSî.  il 
était  cousin  germain  de  saint  Charles  Bor- 
romée.  {Voir  ee  nom.)  Frédéric  Borromée 
avait  professé  les  humanités  à  Parie.  Il  avait 
eu  aussi  le  bonheur  d'être  l'héritier  de  la 
science  et  de  la  piété  de  saint  Charles.  C'est 
lui  qui  a  fondé  la  célèbre  bibliothèque  am- 
brosienne.  On  a  de  lui  Sacra  colloçjUa  et 
d'autres  ouvrages. 

BORROMÉE  (Saint  Charles)  naquit  en 
1538,  au  cb&teau  d'Arone,  d*un  père  illustre 
par  sa  naissance  et  par  sa  piété.  Son  oncle 
maternel,  Pie  IV,  1  appela  auprès  de  lui,  le 
lit  cardinal  et  archevêque  de  Milan.  Charles 
n'avait  alors  que  vingt-deux  ans.II  conduisit 
les  affaires  de  l'Eglise  comme  un  homme  qai 
l'aurait  gouvernée  depuis  longtemps,  le 
concile  de  Trente  se  tenait  alors,  et  pour 
répondre  au  vœu  d'une  réforme  générale 
exprimé  par  les  Pères  du  concile,  Charles 
donna  l'exemple,  et  après  l'avoir  conseillée 
aux  autres,  il  l'exécuta  sur  lui-même  et  sur 
sa  maison.  Il  tint  des  conciles,  renouvela 
son  clergé  et  les  monastères,  établit  des  sé- 
minaires, des  collèges,  des  communautés, 
et  fit  de  sa  maison  un  séminaire  d'évêques. 
Il  fonda  également  des  établissements  pour 
les  pauvres,  les  orphelins  et  lés  filles  expo- 
sées à  se  perdre  ou  revenant  de  leurs  éga- 
rements. Il  finit  sa  carrière  en  158&,  à  l'âge  de 
quarant-septans,  et  fut  canonisé  par  Paul  V 
en'lSlO.  O  a  recueilli  ses  œuvres  en  5  vol. 
in-fol.,  17<i'7,  Milan.  On  y  trouve  un  grand 
nombre  de  traités  sur  des  matières  de  piété 
et  de  morale,  des  lettres,  des  instructions 
pour  les  confesseurs,  etc.  Le  P.  Tourona 
écrit  sa  vie  en  3  vol.  in-12,  Paris,  1761. 

BOSSUET  (Jacques-Bénigne)  naquit  à  Di- 
jon, en  1627,  d'une  ûimille  ae  robe,  noble 
et  ancienne.  Il  vint  è  Paris  eu  1642,  et  re- 
çut le  bonnet  de  docteur  de  Sorboniie  en 
1652.  De  retour  à  Bfrtz,  où  il  était  chanoine, 
il  s'appliqua  à  rinstruction  des  protestants 
et  en  ramena  plusieurs  à  la  vérité.  Ses  suc- 
cès lui  firent  dès  lors  un  nom.  La  reine- 
mère,  Anne  d'Autriche,  lui  fit  donner,  à  l'âge 
de  trente-quatre  ans,  TA  vent  de  la  cour  eu 
16Gl,et  le  Carême  en  1662.  Il  eut  le  bonheur 
de  faire  de  nouvelles  conversions,  et  entre 
autres,  celle  du  srand  Turenne.  Le  roi  lui 
donna  Tévôché  de  Condom  en  1669,  et  lui 
confia  l'éducation  du  dauphin  en  1670.  Un 
au  après,  il  se  démit  de  son  évôché  de 
Condom,  ne  croyant  pas  devoir  garder  une 
épouse  avec  laquelle  il  ne  vivait  pas,  disnil' 
il.  Los  sdins  que  Bossuet  s'était  donnés 
pour  l'éducation  du  dauphin  furent  récoai- 
ponsés  par  la  charge  de  pr^jmier  aumônier 
de  la  dauphiue,  en  1080,  et  par  l'évêché  de 
Meaux,  en  1681.  Fénelon,  archevéaue  «le 
Cambrai,  venait  de  publier  son  livrede'''^* 
plication  des  maximes  des  saints  sur  la  vie 
intérieure.  Bossuet,  qui  voyait  dans  cet 
ouvrage  des  restes  de  molinîsme,  s'éleva 


357 


DOU 


D^ASCETISIIE. 


0OU 


contre  loi  dans  des  éerils  n^iléré»,  eo  |KNir- 
suÎTÎt  el  eo  obtint  la  condamnation  rar  la 
ei>ur  de  Rome.  Ce  grand  liomoiet  qn  on  a» 
d''|iuîs,  surnommé  Mi|f/e  de  Mtaux^  fut  en- 
levé à  son  diocèse,  à  la  France  et  à  l'Bglise 
^n  17M,  i  I  â^  de  soiiante-dix-sept  ans. 
Ses  oufrages  ascétiques  sont  :  1*  ses  di?ers 
ëcrîU  sur  le  qmAume;  2*  deux  volumes 
de  différents  ouvrages  de  piété;  dr  des  In$' 
Imrltans  pasiarates,  elc;  k*  Eléraiians  sur 
ie*  tmifsiires:  Sr  Médiiaiion»  sur  FEvangtle. 

BOUDON  t Henri-Marie),  grand  archidiacre 
d'EtreuXy  était  né  i  la  Fère,  le  tk  janvier 
i6i^.  Il  eut  pour  marraine  Madame  Henriette, 
âUe  de  Henri  tV,  depuis  reine  d'Angleterre. 
Ou  ignore  ce  qni  procura  cet  honneur  à  sa 
lauiille,  qui  était  pauvre  et  obscure.  Il  6t 
ses  premières  études  à  Rouen,  d'où  il  vint 
à  Paris  faire  ses  cours  de  philosophie  et 
de  théologie,  édiûant  partout  ceux  qui  le 
coî.naîssaient  par  la  r^ularilé  de  sa  con- 
duite. Etant  entré  dans  les  saints  ordres,  il 
obtint,  par  résignation,  l'archidiaconé  d'E- 
vrf^ui,  dont  il  remplit  fidèlement  toutes  les 
obligations.  Il  mourut  à  Evrenx  en  1709, 
dans  la  soisanle-dix-neuvième  année  de  son 
à^t^^  laissant  la  bonne  odeur  de  ses  vc-rtus. 
U  est  auteur  de  t>eattC0up  d'ouvrages  ascéti- 
ques, qui  respirent  tous  la  piété  la  plus  ten- 
drv  :  f  *  Dieu  seuif  ou  te  sami  eseiatage  de  Cad* 
mirable  Mère  de  Dieu^  Paris,  167i;  —  S*  Xa 
ri*  eackée  avec  Jésus  eu  Dieu,  1676  et  1691  ; 
--  Jr  ija  conduise  de  la  divine  Providence, 
f678;  4*  La  science  et  la  pratiqi$e  du  Chré^ 
tien  ;  —  5*  Dieu  présent  parioui  i—tT  Delà 
profanation  ei  du  respeci  qu^on  doit  avoir 
aux  églises  ;'^1*  La  sainieié  de  Fétat  ucU^ 
siasiique; — 8*  La  dévotion  â  la  irês^saisUe 
Trùûté;  —  9r  La  gloire  de  Dieu  dans  des 
âmes  du  purgatoire;  —  10*  Le  Chrétien  m- 
connu,  ou  idée  de  la  grandeur  du  Chrétien; 
— 11*  Vie  de  Marie-Elisabeth  de  la  Croix,  fon^ 
datrice  des  religieuses  de  Sotre-Davse  du  Me- 
fuge.  Eroielles,  1686  et  1720;-:- là*  Vie  de 
Marie-Angélique  de  la  Providence ^  Paris, 
1760;  —  13*  rie  de  saint  Taurin,  évéque  dE- 
creux^  Rouen,  I69i;  —  IV  Vie  du  P.  Sevrin, 
Paris,  1689  ;  —  15*  enfin  des  Lettres  spiri^ 
tudtes,  etc.  Collet  a  écrit  la  vie  du  pieux 
Boudon,  en  2  vol.  in-12, 173V. 

BOCETTE  DE  BL£MtR  (Jacqueline),  née 
en  1618,  d'une  iamille  noble,  prit  Tbabit  île 
B^nàdîctîne  à  Tâge  de  onue  ans,  dans  l'ab- 
baje  de  la  Sainte-Trinité  de  Caen.  La  du- 
chesse de  ilecklembourg,  avant  projeté  d'é- 
Uldir  à  Cliâtillon  des  Bénédictines  du  Saint- 
Sacreuienl,  demanda  la  ]dère  B  melle.  Celle 
sainte  religieuse,  de  prieure  qu'elle  était  à 
la  Trinité,  se  ri'dui.sit  à  i^lre  novice  à  Cbâ- 
liSiuu.  Elle  éUiii  alors  â^ée  de  s«>ixa  île  ans. 
L«rsabba>'es  qu*on  lui  olFrit  ne  purent  lui  faire 
quitter  sa  nouvelle  demeure;  elle  y  mourut 
saintement  en  1696,  Ou  a  d'elle  :  1*  U Année 
bénédictine,  7  vol.  iu-V; — ^Eloges  de  plu- 
Sieurs  personnes  illustres  en  piété  des  der- 
niers siècles,  2  vol.  in-4*;  —  3*  Yitdes  saints, 
iu-r«»l.,  2  vol. 

BOUiiiS  (  Dom  Simon  ),  pieux  et  savant 
supérieur  général  de   la  congrégaûou    de 


Saint-Maur,  était  né  à  Séez  en  1690,  et  avait 
lait  fvofession  dans  I  abbajre  de  Vendôme, 
le  6  juillet  1651.  il  s'appliqua  à  l'étude  des 
saints  Pères,  et  particulijrement  de  saint 
Augustin  et  de  saint  Bernard.  Religieux 
e&act  rt  ami  de  la  règle,  il  fut  élu  oar  ses 
confrèros  pour  leur  supérieur-général,  en 
1703.  Il  mourut  le  l''  juillet  17U,  âgé  de 

Suatre-vingl-quatre  ans.  Il  est  auteur  de 
ivers  ouvra^^es  dans  le  genre  ascétique,  et 
propres  à  exciter  ou  h  nourrir  la  piété.  Les 
princifiaux  sont  :  1*  Méditations  pour  les  no- 
vices, \Tl\,  în-4*;  —2*  Méditations  pour 
tous  les  fours  de  Vanmée,  2  vol.  in-^*;  —  S* 
Méditations  sur  les  principaux  devoirs  de  la 
vie  religieuse,  Paris,  1699,  in-fc^ 

BODHODRS  f  Dominique  ),  né  h  Paris  en 
1628,  Jésuite  à  l'âge  de  seize  ans,  fut  ch«»r/é, 
après  avoir  professé  les  humanités,  de  v<sil- 
.1er  â  l'éducation  du  marquis  de  Seignelay, 
fils  du  ç'and  Colbert.  Il  mourut  à  Paris  en 
1702,  laissant  plusieurs  ouvrages  de  littéra- 
ture. Ses  enivres  de  piété  sont  :  1*  Vie  de 
saiut  Ignace,  in-12  ;  —  2*  lu  de  saint  Pran-^ 
çois-Xavier,  2  vol.  in-12  ;  Ces  deux  Vies 
sont  écrites  d'une  manière   intéressante, 

{»ropre  à  nourrir  les  sentiments  de  piété  et 
e  zèle  pour  la  religion. 

BODQC£T  SPIRITUEL.  —  Vou.  Onaison 
(  Méthode  i  ). 

BOCRDALODE  (  Louis },  né  k  Bourges  en 
1632,  se  fit  Jésuite  en  16to.  Si*s  heureuses 
dispositions  pour  la  cliaire  engagèrent  ses 
supérieurs  â  le  faire  passer  de  la  province  à 
la  capitale.  Les  diaires  de  Paris  et  bientôt 
la  conr  retentirent  de  9fi%  sermons.  On  rap- 
pelait U  roi  des  prédicateurs  et  le  prédicateur 
des  rois^  Il  mourut  en  ilQk,  admiré  de  son 
siècle  et  regretté  même  des  ennemis  de  sa 
com|iazuie.  On  publia,  en  1707,  la  première 
et  la  plus  belle  édition  de  ses  ouvrages  en 
16  vol.  in-8*.  Outre  ses  Sermons,  ses  «euvres 
ascétiques  sont  :  des  Exhortations,  une  Jb- 
traite  et  des  Pensées  spirituelles. 

BOCRGOING  (  François  ),  troisième  Géné- 
ral de  l'Oratoire,  naquit  à  Paris  en  15t3,  et 
mourut  en  1662.  Il  publia  les  ouvrages  du 
cardinal  de  Bérule,  dont  il  avait  été  un  des 
coopérateurs,  et  quelques  autres  écrits  as- 
cétiques de  sa  i'Oni|io>ition.  Bossuet  pro« 
nonça  son  oraison  funèbre. 

BOURIGNON ISTES,  disei|»les  d'Antoinette 
Buurignon,  célèbre  quiéliste  dont  la  secte 
s'est  un  instant  répandue  clans  les  Pajs-Bas 
protestants. 

BOUSSARD  (Godefroi  ),  docteur  rn  théo- 
logie, do>en  de  la  Faculté  de  Paris  Pt  cban- 
ceâerde  TUniversité,  lit  briller  son   élo- 

auencc  et  la  solidité  de  ses  raisonnements 
ans  plusieuis  occasions  d'éclat.  Vers  1518, 
il  se  retira  au  Mans  d'uù  il  était  originaire, 
et  mourut  vers  1320.  On  a  de  lui  un  traité 
assez  rare.  De  continentia  sacerdotum,  Paris, 
1515,  in-V,  et  quelques  ouvrages  de  tiiéoSo- 
gie  et  de  morale. 

BOUTAULO  (Michel),  Jésuite  parisien, 
né  en  1607,  exerça  (ilusieurs  années  le  mi- 
nistère de  la  i^rédication,  et  mourut  k  Pou- 
toise  eu  1688.  Ou  a  de  lui  plosieucf  ou- 


8îi9 


BRI 


oiniiONNAme 


CCS 


3IK) 


Trages  estimés.  Les  principaux  sont  :  1*  Les 
Conseils  de  la  sagesse^  in-12;  —  2"  Méthode 
pour  converser  avec  Dieu^  Paris,  168^,  in-16. 
-Ce  petit  fiuvragc  est  plein  d'onction. 

BRETAGNE  (Dom  Claude),  Bénédictin  de. 
la  congrégation  de  Saint-Maur,  né  àSaumur 
en  Au!ioi8,  diocèse  d'Aulun,  en  1625,  fit 
profession  à  Moutior-Saint-Jean,  le  9  novem- 
bre 16H. 

Universellement  estimé  pour  la  beauté 
de  son  esprit  et  plus  distingué  encore  par  sa 
piété  solide  et  éclairée,  il  remplit  avec  ap- 
plaudissement les  postes  les  plus  importants 
de  sa  congrégation.  Il  était  visiteur  de  la 

i)rovince  de  Normandie,  lors(ju*il  mourut  à 
kmnc-Novel!e  de  Rouen,  le  ISJuilIel  1691^. 
Ses  ouvrages  ascétiques  sont  :  1*  Médita- 
lions  chrétiennes  sur  les  principaux  devoirs 
de  la  vie  religieuse^  marqués  dans  les  paroles 
de  la  profession  des  religieux  ;  avec  aes  lec- 
iures  spirituelles ,  tirées  des  Ecritures  des 
saints  Pères,  pour  une  retraite  de  dix  jour  s, 
Paris  1689,  souvent  réimprimées.  0:i  petit 
regarder  cet  ouvrage  comme  un  bon  extrait 
de  ce  qiront  écrit  de  plus  édifiant  et  de  |Hus 
proftre  à  émouvoir  le  cœur,  les  saints  Pères 
et  les  mailres  de  la  vie  spirituelle,  —  2" 
Constitutions  pour  les  filles  de  Saint-Joseph^ 
dites  de  la  Providence,  établies  dans  le  fau- 
bourg Saint'Germain,  1691,  in-8% 

BRETONiNEAU  (François),  né  h  Tours 
«1  1660,  Jésuite  en  1675,  mourut  à  Paris 
eti  ilki^  après  avoir  pas^é  par  tous  les  em- 
plois de  sa  compagnie.  On  a  de  lui  :  Bé^ 
flexions  chrétiennes  pour  les  jeunes  gens  qui 
entrent  dans  le  monde,  in-12.  Il  a  revu  aussi 
les  OEuvres  spirituelles  du  P.  Valois,  et  édité 
les  sermons  de  ses  confrères  Bourdaloue, 
Cheminais  elGiroiist. 

BRÉVIAIRE.  —  Voy.  Heures  canoniales, 

PmÈRE. 

BRlDOrOL( Toussaint),  iésui(e  flamand, 
élait  né  à  Lille  et  avait  i^it  firoiession  en 
1618.  âgé  de  vingt-trois  ans.  Il  se  distingua 
dans  la  compagnie  par  sa  piété  et  son 
amour  pour  le  travail.  Il  mourut  à  Lille  en 
1672.  Il  avait  une  tendre  dévotion  è  la  sainte 
Vierge,  et  consacra  à  sa  louange  qu«!(j|ue9- 
uns  de  ses  écrits.  Ses  œuvres  ascétiques 
sont  :  1*  Le  paradis  ouvert  par  la  dévotion 
envers  la  sainte  Vierge^  Lille  1671,  in-12; 
— ^  2*  Venfer  fermé  par  la  considération  des 
peines  des  damnés,  il)id.  —  3"  Itinéraire  de 
ia  vie  future,  traduit  de  Titalien  du  P.  Vin- 
neiU  Caratfa. 

BRIGNON  (Jean),  Jésuiie^  est  aul«ur 
Cuiie  traduction  du  Combat  spirituel,  ou- 
vrage Justement  estimé  et  irès-pronre  à 
conduire  lesChrétiens  è  la  perfection  ou  leur 
foi  tes  appelle.  On  n'eu  connaît  fias  Tautear. 
«Quelques  écrivains  i'attriJ^ueut  au  P.  Lau- 
rent i»cupoli^  tbéatin^  d*auti*es  k  Jean  Cas- 
(aâisa^  Béuédielin  es]tagiiol;Tliéopiiile  Ray- 


naud  le  donne  au  Jésuite  Achille  Gaglia^do. 
On  a  encore  de  Jean  firiçnon  les  Penséa 
-consolantes^  et  une  traduction  de  Hmitation 
de  Jésus-Christ.  Il  est  mort  vers  1725. 

BRUNO  (Saint),  fondateur  do  Tonire  des 
Chartreirx,  naquit  à  Cologne,  Tan  1060,  rjc 
panants  nobles  et  vertut^ui.  Après  avoir  fait 
ses  études  à  Paria,  il  fut  chanoine  d^^  Colo- 
gne, puis  de  Reims.  Il  était  chancelier  et 
maître  des  grandes  études  de  cette  dernière 
ville,  lorsqu'il  prit  la  résolution  de  quitler 
le  monde  pour  se  retirer  dans  la  solitude. 
Si  première  rotraitef  tt  Saisse-Fonlaine, au 
diocèse  de  Langres.  Il  passa  de  le  è  Greno- 
ble, vu  108^,  et  alla  habiter  le  désert  de  la 
Clinrtreus'î.  —  Urbain  II,  disciple  de  Bruno 
à  Técole  de  Reims,  l'obligea,  en  1090,  de  se 
rendre  à  Rome,  pour  Taider  de  ses  conseils 
et  de  ses  lumières.  Le  saint  solitaire,  dé- 
placé dans  cette  cour,  se  retira  dans  un  dé* 
sert  de  le  Calabre.  Il  y  finit  saintement  ses 
jours  en  llOt,  dans  le  monastère  qu*il  avait 
Ibndé.  Il  fut  canonisé  en  151^.  On  a  de  loi 
deux  Lettres,  Tune  à  Raoul  I\î  Verd,  arche- 
vêque de  Reims,  et  l'autre  h  ses  religieui 
deja  Grande-Chartreuse.  Les  OBuvres  de 
saiiit  Bruno  furent  imprimées  h  Paris  ea 
1509;  mais  on  lui  a  attribué  plusieurs  ser- 
mons qui  so'it  de  saint  Bruno  de  Ségny,  ou 
de  Bruno,  évoque  de  Wurlzbourg.Oa  lui  ett 
connaît  cependant  quelques-uns. 

BRUNO  oe  Ségny  (Saint),  appelé  aussi 
Bruno  astensis^pnvcQ  qu'il  était  de  Soléria, 
du  diocèse  d*Asti,  se  distingua  an  concile 
de  lionie  contre  Bérenger ,  en  1079.  Gré*» 
goire  VII  le  lit  ensuite  évé;^ue  de  Ségny; 
mais  ilse  retira  quelque  temps  après  (IM) 
au  monastère  du  Mont>Cas$in,  dont  il  de- 
vint abbé.  Un  ordre  du  Pape  le  rappela 
auprès  de  son  troupeau  qui  le  redemandait 
instamment.  Il  mourut  en  1125.  Ses  ouvra* 
ges  ont  été  publiés  à  Venise  en  1051,  en  2 
vol.  in-fol.  Ils  se  composent  de  Sermons, 
de  Traités  dé  piété  et  de  Lettres  spiritutUejf 
de  Commentaires  sur  l'Ëcriture  sainte,  elc 

BRUNO,  évoque  d3  Wurtzbourg,  était  rrp- 
cle  de  Tempereàr  Conrad  H.  Il  se  rendit 
recoramandabte  par  sa  science  et  par  sa 
vertu,  et  mourut  le  17  mai  lOVS^  en  Hongrie. 
11  est  auteur  de  plusieurs  Comnuniaires  sur 
fEcrUure  et  de  plusieurs  Traités  de  piéié, 
qui  ont  été  quelquefois  imprimés  cous  lo 
nom  du  saint  fondateur  des  CiuarlreuT. 

BUSÉE  (Jean  L  Jésuitn,  né  à  Niuièguc 
en  iWl,  mort  a  Majence  en  1611«  où  il 
avait  été  iiendarU  vingt-deux  ans  professeur 
de  tbéologie,  est  auteur  de  quelques  ou- 
vrages de  piété  estimés,  et  de  |Jusieur« 
livres  de  controverse.  Il  a  publié  une  édi- 
tion des  Œuvres  de P.erre de Blois, dUinc- 
flaar  et  deTriihème.—  Gérard  Busée,  son 
frère^  s'est  fait  con  laître  i^ar  un  Catéchiffntt 
Cologne,  1572. 


Cal 


D'ASiXTfSliE. 


CkH 


knà 


c 


CACHET  (lean-Ricolas),  lésnitei  origi- 
naire de  Neofcbftleaa  en  Lorraine»  entra 
dans  la  Société  en  1613 ,  âgé  de  16  ans.  Il 
écrivit  la  Vie  de  plusieurs  saints.  Il  mourat 
en  163fc,  n*ajant  qne  trente^^sepC  ans.  Ses 
(BOTresascétigaessont  :  1*  Canférenees  ipiri' 
imeUegf  îroduUu  de  Fetpagnol  du  P.  Nieoioi 
Anaga,  Paris  »  1690 ,  in-4*;  ~  9-  Vkarreuf 
dm  pécké^  Pont^k-Mousson,  163^,  in-4*;  et 
Rouen  f  1681,  in-13. 

CA  LOYER  ou  Calogbr.— Moine,  reiigieox 
et  religieuse  grecs  qui  suivent  la  règle  dé 
Sainl-Basile.  Les  caloyers  habitent  par- 
ticolièrement  le  mont  Athos;  mais  ils  des» 
serrent  presque  toutes  les  églises  d*Orieot. 
Us  font  des  tomix  ,  comme  les  moines  en 
Occident.  Il  n'a  jamais  été  fait  de  réformé 
ches  enx  ;  ils  gardent  eiactement  leur  pre^ 
Dîer  institut,  et  conserrent  leur  ancien 
Yêteoseot.  Taremier  obserTe  qu'ils  mènent 
on  genre  de  lie  fort  austère  et  fort  retiré  ; 
ils  ne  Dum^ent  jamais  de  viande ,  et  outre 
eela  ils  ont  quatre  carêmes  et  oliservent 
plusfeors  antres  jeûnes  de  l'Église  grecque 
xrtc  une  extrême  régularité.  Us  mangent 
da  pain  après  l'aroir  gagné  par  le  travail 
de  leurs  mains  ;  il  jr  en  a  oui  ne  mangent 
qu'une  Ibis  en  trois  jours,  d  autres  une  fois 
par  semaine.  Pendant  leurs  sept  semaines 
de  carême,  ils  passent  une  grande  partie  de 
la  mait  à  pleurer  et  h  gémir  pour  leurs  pé- 
chés ei  ceni  des  antres.  --Quelques -uni 
disent  qu'on  donne  paKicuKèrement  ce  nom 
aux  religieux  vénérables  par  leur  âge ,  leuf 
retraite  et  l'austérité  de  leur  vie,  et  le 
dérivent  du  grec  ««ak  beau,  et  f^pitc^ 
vieillesse.  Il  est  h  remarquer  que  quoiqu'en 
Prmnce  tous  les  moines  soient  compris  sous 
le  ooBâ  de  taloytr$^  il  n*en  est*  pas  de  même 
eo  Grèce;  il  o*;  a  (fxe  les  rrèrès  qu'on 
Bonme  ainsi,  car  ceux  qui  sont  prêtres  sont 
ap|ielés  Jiéimtmamuê  (sacHGcateurs).  Le^ 
Tores  donnent  quelquefois  le  nom  de  catoi/erê 
èleorsdervmbesou  retigieok.  Les  religieu^ 
iwlmfita  sont  reiifermées  datas  des^  monas-^ 
tères  où  elles  virent  séparément  ebaennd 
dans  leor  naisoii.  Eller  pértent  toutes  un 
habik  de  laitie  noire  et  un  manteau  de  même 
caolenr  ;  elles  ont  la  tète  rasée ,  les  bras  el 
les  mninlr  couverts  jusqu'au  bout  des  doigts.. 
Chacune  a  une  cellule  séparée,  et  lootM 
aont  eoomises  h  une  supérieure  oo  abbesise. 
BUes  ^n'observent  poortaol  paS  nue  détore 
régnKère,  pmsqne  l'entrée  ne  leur  couvent^ 
întcjptiite  aax  prêtres  grecs,  ne  l'est  pas'  aux 
Turcs  qui  Tont  j  acheter  de  petits  ouvraees 
i  PeigÉille  laits  par  ellesj  Celles  qni' vivent 
sans  être  en  communauté  sontpoî^rln  plu^ 
p«t  des  reuTes  qui  n'ont  fiiit  d'autre  twa 

3 ue  de  mettre  un  virile  sur  lenr  tête,  et  de 
ire  qu'elles  ne  Tenlent  plus  se  marier.  Le^ 


unes  et  les  autres  vont  partout  où  il  leur 

{lait,  et  jouissent  d'une  assez  grande  liberté 
la  ftrvenr  de  l'habit  religieux. 

CAMBET  (Jeanne),  nommée  en  religion 
Jeaane'iÊarie  dr  la  Présêuiaiion^'  Ûle  de 
Michel  Cambrv,-  docteur  en  droit,  naquit 
è  Toumay.  Bile  était  douée  de  tous  les 
avantages  oui  rendent  une  jeune  personne 
recommandable.  Bile  avait  de  la  fortune,  de 
la  beauté ,  de  l'esprit ,  des  connaissances , 
tout  ce  qui  peut  donner  l'espoir  de  feire  uù 
faon  établissement  dans  le  monde.  Elle  pré- 
féra se  consacrer  k  Dieu ,  et  entra  dans  l'or- 
dre de  Saint-Augustin.  Bn  lôSS;  elle  se  fit 
recluse  à  Lille,  et  y  vécut  occupée  de  lec- 
tures spirituelles,  de  méditations  et  de  la 
composition  de  quelques  ouvrages  de  piété. 
On  a  d'elle  :  1*  Traiude  la  rume  de  raniour- 
breipre:  —  S*  Bdlimeni  de  rameur  dMn. 
Jeanne  mourut  le  19  juillet  \9lSè, 

CANONISATION DfiS  SAINTS  (11»).— U 
dmonitatiau  dans  la  priniilive  Eglise  con- 
sistait dans  l'insertion  simple  du  nom  d'un 
confesseur  dé  la  foi  dans  le  Cneande  la  mes- 
se. Les  noms  que  nous  y  lisons  et  qui,  dans 
certaines  Liturgies,  sont  en  très-grand  nenr- 
bre ,  forment  le  seul  acte  de  eanentMiton 
des'  sainu  qui  les  portent ,  et  cette  inser- 
tion stffBsail  pour  leur  iiriré  rendre  le 
culte  de  dolie.  Bellarmin,  en  prenanf  éé 
terme  dans  une  plus  grande  latitude  tfâe  sa 
valeur  étymologique ,  fait  remonter  la  emie- 
itfitfitbii  a  l'Ancien  Testament,  etil le  prouvé 
par  les  paroles  du  chapitre  xtnr  du  liire 
de  tBecUskutique  :  Lamdemuâ  véroiê  gtoriô^ 
io$^  lesquelles  exaltent  les  mérites  des 
anciens  patriarches  et  des  prophèlés;  tout 
ce  chapitre  en  effet  retrace  les  vertus  de  ces 
hommes  glorieui.  Les  louanges  der  6aitM 
ne  sont  donc  point  une  innovation  dans 
l*Église  catholique,  et  la  emoniiotiotKt  n'a 
d'autre  butque  de  leur  procurer  rhontiéiiî* 
dont  ils  sont  dignea. 

L'acte  par  lequel  on  canonisait  était  dond 
bien  simple  dan9  les  premiers  siédes  :  lors- 
qu'un Chrétien  avait  sooflért  lé  martyre, 
on  élevait  un  autel  sur  sa  sépulture  et  l'en 

Ï  offrait  le  saint  sacrifice;  aussi  l'on  appe- 
rit  ces  oratoires  Mariyria.  La  M  des  peu* 
pies  a  ainsi  devancé  la  sanction- solenoeller 
de  l'Église,  parce  que  ces  canonisation^ 
s)M)htanées  étaient  inspirées  [tar  l'Espint- 
Saint  t  un  peuple  rempli  de  la  plus  ardente 
plélé.  Plus  tero  on  dut  prendre  dé'  sègés 
précautions.  L'évèque^  dans  le  diocèse  du- 
quel un  Chrétien  avait  SuM  le  martyre; 
n'inscrivaircdotM^idans  le  Mèrlyrologe  où 
les  Dyptiqepca  qu'éprès  s*èlrë  as^ré  qu'il 
avait  souffert  pour  lu  fol  àiihdliiioé.  HMis 
comme  ce  if  est  pas  seolèméot  en  souffrant 
la  mort  pour  Jésus'^brist  qdë  Vàh  peut 


<ltl^  Ran  i^avmi  paa  cra  ua\m  atiid«  sttr  la     Bktièirtkalré  éTéÈtHl^ê,  ]à  étÉibé»itiM  ek  coiMe# 
niiwiaiiia  éeésamu  fêt  aô  Kr^-d'oravre  dans  oà     TapoUiéoae  de  la  peilieclliMi  chéâeiMè. 

Ihcno^s.  p'AscÉTiçMF.  I.  13 


^3 


CAN 


DIGTIONMAIRB 


CAN 


3G4 


acquérir  le  ciel,  et  qu'il  y  a  d*aulres  sortes 
de  témoignages  ou  martyres  non  moins 
agréables  a  Bieu,  c'est-à-dire  une  Tie  mor- 
tifiée, des  travaux  apostoliques,  de  grands 
services  rendus  à  rbumanité  par  amour 
'pour  Jésus-Christ,  on  inscrivit  pareillement 
sur  les  Byptîques  les  noms  de  ces  autres 
martyrs  ou  témoins  de  la  foi  chrétienne.  Les 
évoques  étaient  juges  suprêmes  du  mérite 
de  ces  vertueux  personnages ,  et  une  dé- 
cision  émanée  de  leur  autorité  sanctionnait 
le  culte  de  dulie  qui  leur  devait  être  rendu. 
On  croit  que  c*est  vers  le  iv*  siècle  que  Ton 
assimila  aux  martyrs  qui  avaient  répandu 
leur  sang,  ces  autres  martyrs  non  moins 
vénérables. 

Vers  la  Gn  du  x'  siècle,  il  fut  jugé  plus 
prudent  de  laisser  au  Pape  le  droit  de  cano- 
nisation. Le  premier  exemple  d'un  acte 
solennel  de  ce  genre  fut  donné  en  993 ,  lors- 
<|ue  le  Pape  Jean  XV  canonisa  Udalric, 
évéoue  d'Augsbourg.  Ce  pontife  était  mort 
en  ^3.  Le  second  exemple  est  la  canonisa- 
tion de  saint  Siméon  de  Trêves  par  Benoit 
YIII,  en  1042.  Le  dernier  saint  canonisé 
sans  le  concours  direct  du  Souverain  Pon- 
tife est  saint  Galtier  de  Pontoise.  Cette 
canonisation  fut  faite  par  Tarchevèque  de 
Rouen ,  en  1153.  Une  bulle  d'Innocent  111 , 
en  date  du  3  avril  1300 ,  à  l'occasion  de 
sainte  Cunégonde  canonisée  par  ce  Pape , 
confirma  pour  toujours  la  constitution  a'A» 
lèxandre  111 ,  qui  avait  réservé  le  droit  de 
canonisation  au  Saint-Siéçe.  La  procédure 
Ikite  pour  une  canonisation  fut  toujours 
accompagnée  d'une  grande  prudence  et  de 
scrupuleuses  formalités  qui  ne  peuvent  lais- 
ser aucun  doute  sur  le  mérite  réel  du  per- 
sonnage inscrit  dans  le  catalogue  des  saints. 
Ces  formalités,  bien  loin  de  se  simplifier, 
sont  devenues  au  contraire  plus  sévères ,  et 
les  hérétiques  de  bonne  foi  ont  été  forcés 
d'avouer  que  la  prudence  était  poussée  à 
ses  dernières  limites.  On  cite  entre  autres 
un  gentilhomme  anglais,  auquel  un  prélat 
de  ses  amis  communiqua  un  proeès-verbai 
contenant  la  preuve  de  plusieurs  miracles  : 
tt  Si  tous  les  miracles  reconnus  par  l'Eglise 
roiBaine,s'écria-t*il,étaientaussiévidemment' 
démontrés  que  ceux-ci ,  je  n'aurais  point  de 
peine  à  y  souscrire.  »  Le  prélat  lui  répondit  : 
a£h  bien!  de  tous  ces  miracles  qui  vous 
semblent  si  bien  prouvés  la  congrégation 
des  Rites  n'en  a  pas  admis  un  seul ,  parce 
que  les  preuves  ne  lui  en  ont  pas  semblé 
suffisantes.» 

Pour  .nous  renfermer  dans  notre  plan, 
nous  devrons  nous  borner  au  cérémonial  de 
la  canonijsatiou,  après  avoir  exposé  succinc- 
tement les  préliminaires.  Lorsqu'une  per- 
sonne est  décédée  en  odeur  de  sainteté,  et 
qu'elle  s'est  rendue  célèbre  par  des  mira-: 
clos,  si  un  souverain,  un  corps,  une  com- 
munauté ou  môme  un  simple  particulier, 
veut  la  iaire  placer  autlientiqnement  dans 
le  catalogue  des  saints,  une  requête  est 
adressée  au  Pqpe,  une  commission  est  in- 
stituée pour  instruire  la  cause,  elle  est  en- 
suite examinée  dans  un  consistoire  secret, 


composé  des  seuls caruinaux  ;  la  même  couse 
est  appelée  dans  un  consistoire  public,  et 
puis  dans  un  troisième,  qui  na  qiruiic 
demi-publicité.  Dans  le  premier,  ou  exa- 
mine la  vie,  les  vertus  et  les  miracles  du 
saint  qui  est  proposé;  l'abrégé  de  cette  pro- 
cédure est  adressé  aux  patriarches,  arche- 
vêques et  évêques  qui  devront  être  présenis 
au  consistoire  à  demi  public.  Après  anur 
recueilli  les  voix  et  avoir  entendu  les  avo- 
cats consistoriaux  qui  débattent  la  cause, 
S|uoique  le  jugement  paraisse  devoir  6lre 
avorable,  le  Pape  ordonne  des  prières  pu- 
bliques pour  demander  les  lumières  da 
Saint-Esprit.  Le  Saint-Sacrement  est  exposé 
pendant  trois  jours  dans  les  basiliques  pa- 
triarcales de  Rome;  une  indulgence  |iléiiièr« 
est  accordée  à  ceux  qui,  après  avoir  jeûné 
pendant  trois  jours  et  s  être  confessés,  auroiU 
reçu  la  communion  et  visité  ces  églises. 
Le  Pape  lui-même,  les  cardinaux,  les  pa- 
triarches, archevêques  et  évêques  font  ces 
visites.  Ces  grâces  spirituelles  s'étendent 
aux  monastères,  dont  les  membres  s*unis- 
sent  d'iniention  dans  leurs  prières  pour  la 
sainte  Eglise  et  le  Souverain  Pontife.  Au 
consistoire  où  doit  être  votée  la  canonisalioD, 
les  cardinaux  et  les  autres  prélats  votent 
individuellement  en  s'inclinant  devaat  le 
Pape,  assis  sur  son  trône,  en  cbape  rouge 
et  mitre  de  lames  d'or.  De  nouvelles  prières 
sont  ordonnées,  et  enfin  la  canonisation  est 

Crononcée  dans  un  consistoire  à  jdemi  pu- 
lie,  par  un  décret  solennel. 
Le  jour  de  la  solennité  de  la  canonisation 
est  fixé.  Le  Pape  concède  une  indulgeuce 
plénière  à  ceux  qui  assisteront  à  la  cérémcH 
nie.  Elle  s'étend  même  aux  personnes  qui 
seroqt  légitimement  empêchées,  telles  que 
les  membres  des  congrégations  religieuses 
qui  observent  la  clôture,  les  infirmes,  les 

t>risonniers,  pourvu  qu'elles  se  soient  con- 
èssées  et  aient  reçu  la  communion,  et  ré- 
citent, en  l'honneur  de  la  très-sainte  Trinité, 
trois  Paimr  ii  trois  Ave,  à  genoux,  au  si- 
gnal qui  est  donné  par  le  canon  du  château 
Saint-Ange  et  des  cloches  de  la  ville.  La 
cérémonie  commence  par  une  procession 
très-solennelle.  La  description  abrégée  de  la 
canonisation  du  Pape  Pie  V,  en  1712,  suiSn 
pour  en  donner  une  idée.  On  dressa,  au 
milieu  de  Saint-Pierre  du  Vatican,  un  vaste 
et  magnifique  théAtre,  couvert  de  riches 
étoffes  ;  un  trône  destiné  au  Pape  Clément  XI 
y  fut  placé;  des  deux  côtés  étaient  les  sta* 
tues  de  l'Eglise  et  de  la  Justice;  aux  extré'* 
mités,  celles  de  la  Foi  et  de  rEspéronce. 
L'église  était  illuminée  d'un  nombre  prodi- 
gieux  de  cierges,  et  les  murs  étaient  ornés 
de  draperies  chargées  d'emblèmes  propres 
à  caractériser  la  fête  qu'on  célébrait. 

La  procession  sortit  de  l'église.  Elle  était 
ouverte  par  les  enfants  de  l'hôpital  aposto* 
lique  de  Saint-Michel,  qui  portaient  des 
flambeaux;  puis  venaient  les  orpheliasde 
tous  les  ordres  monastiques  de  la  ville;  eo^ 
suite  marchaient  les  membres  du  clergé  sé- 
culier précédés  des  bannières,  les  cbanoioes 
de  Saiule*Marie*Uaieure,  de  Saint^Pierre  et 


m 


CAN 


D*ASCET1SME. 


CAN 


le  Saint-Jean  du  Latnin;  les  ordinaires  de 
&  cbapeile  papale*  les  procureurs  généraux 
les  ordres  mendiants,  les  camériers  en 
"obe,  tous  les  fonctionnaires  de  la  cour  pon- 
iGcale  précédaient  une  nombreuse  musique, 
|ui  etécutait  VAve  maris  Stella;  après  eux 
)aralssaient  les  bannières  de  saint  Pie  et 
les  trois  saints  qui  Turent  canonisés  avec 
ui.  Après  une  longue  file  composée  des 
;énéraux  d*ordres,  des  abbés,  des  éTÔgues, 
ircbeîôques  et  patriarches,  venait  le  Sacré 
ioilége  des  cardinaux  avec  le  connétable  et 
e  gouverneur  de  Rome. 
La  chaise  ou  sedia  gestaloria  du  Pape 
ftaii  portée  par  les  officiers  chargés  de  cette 
bndion.  Le  Ponlife  y  était  assis  sous  un 
nagnifique  baldaquin.  La  procession  élait 
ermée  parles  protonotaires  apostoliques, 
es  ordres  mendiants,  etc. 
QoaDd  le  Pape  entre  dans  Saint^Pierre, 
les  chantres  entonnent  Tanlienne  :  Tu  es 
NrutAl  descend  de  la  chaise,  pour  se  pros- 
terner devant  le  Saint-Sacrement,  et  puis 
w  place  sur  son  trône  où  il  est  entouré  de 
tOQte  sa  cour.  Le  cardinal  procurateur  de  la 
canonisation,  accompagné  de  Tavocat  con- 
sislorial,  et  des  autres  avocats  qui  doivent 
faire  la  demande,  se  mettent  à  genoux  de- 
vant le  Pape,  et  la  demande  est  faite  en  ces 
larmet*.  i  Beaiissime  Paler^  Reverendissimus 
cardmfllti  ff.  hic  prœsens  instanter  petit  per 
Sonetitatm  Yestram  catalogo  sanctorum  D, 
^*  /  C.  ascribi  et  tanquam  sanciumf  ou 
^/0i,  ob  omnibuê  Christi  fidelibus  pronun" 
tisritenerandumf  ou  foenerandosp  beatum  ou 
^09,  NN...  Très-saint  Père,  le  cardinal 
M*  ici  présent,  demande  avec  instance  que 
!V.  soil  incrit  par  Votre  Sainteté  au  catalo- 
Soe  des  saints  de  Notre-Seigneur  Jésus- 
Christ,  et  que  son  vénérable  nompuisseètre 
Eonoocé  comme  celui  d'un  saint  par  tous 
\  fidèles  chrétiens.  »  Le  prélat  secrétaire 
les  brefs  aux  princes  répond,  au  nom  du 
^p^i  que  les  vertus  et  les  mérites  de  ce 
Henheurenx  sont  bien  notoires,  mais  qu'il 
^t  encore  invoquer  Dieu  par  Tinterces- 
)^0Q  de  la  sainte  Vierge,  des  saints  apôtres 
"met  Paul  et  de  tous  les  autres  saints. 
ilûrs  le  Pape  se  met  à  genoux,  et  les  chan- 
weDloDoeat  les  litanies  des  saints  en  les 
rsuivant  juspu'à  VAgnus  Dei.  Une  se- 
1e  instance  esl  faite  an  Pape  selon  la 
(ule  précitée.  On  répond  de  même,  et  le 
ioal-diacre  ajant  dit  :  Oremus  et  Levate, 
\  le  monde  se  lève,  et  le  Pape,  un  cierge 
Usa  main,  entonne  l'hymne  Yeni  Créa- 
•CelleKïi  est  suivie  du  verset  et  de  l'o- 
ordinaires.  Lé  Pape  s'assied  encore 
son  trône  et  le  cérémonial  de  l'instance 
f^pété  pour  la  troisième  fois.  La  pre* 
'e  instance  est  dite  instanter;  la 
lème,  instantius:  la  dernière,  instan- 
^.  Ici  le  nrélat  secrétaire  des  brefs  ré- 
Que  Sa  Sainteté,  étant  bien  persuadée 
la  canonisation  de  tel  saint  est  agréable 
i<:u,  va  prononcer  la  sentence  ;  alors  le 
l««  assis  sur  son  trône,  et  couvert  de 
pitre,  la  prononce  en  ces  termes,  ^u 
^^u  d  uo  silence  solennel .  «  Ad  honorem 


sanctm  et  individuœ  Trinttatis^  ad  esatiaiiO'- 
nem  fidei  catkolicœ,  et  christianœ  retigionis 
augmentum^  auciorilate  D.  iV.  /•  C.,  beQ- 
torum  apostolorum  Pétri  et  Paulin  ac  nostra 
matura  deliberatione  prohabita  et  divina  ope 
implorataj  ac  de  venerabilium  fratrum  fio- 
slrorum  S.  A.  £.  cardinalium^  patriarcha^ 
riim,  archiepiscoporum^  episcoporum  in  Ùrbe 
existentium  consilio ,  beatos^  NN.  sanctos  et 
sanctos,  ou  bien  beatum  N.  sanctum  decerni^ 
mus  esse  et  definimus^  ac  sanctorum  catalogo 
ascribimus  ;  statumtes  ab  Ecclesia  untvfr- 
sali  eorum  memoriam  quolibet  anno^  die  «o- 
rum  natalif  nempe  beali  N.  die^  e/c,  pia 
devotione  recvli  debere^  in  nomine  Patrie  f 
et  Filii  f  et  Spiritus  f  saneti.  Amen.  A 
l'honneur  de  la  sainte  et  indivisible  Trinité, 
pour  l'exaltation  de  la  foi  catholique  et 
l'augmentation  de  la  religion  chrétienne; 
par  l'autorité  do  notre  Seigneur  Jésus-Christ 
et  des  bienheureux  apôtres  Pierre  et  Paul, 
et  la  nôtre,  après  une  mûre  délibération,  et 
après  avoir  imploré  la  protection  divine, 
ainsi  qu'après  avoir  pris  I  avis  de  nos  véné- 
rables frères  les  cardinaux  de  la  sainte 
Eglise  romaine,  les  patriarches,  archeTéques 
et  évêquos  qui  se  trouvent  dans  la  ville, 
nous  déflnissons  et  décrétons  que  le  bien- 
heureux N.  est  saint',  et  nous  l'inscrivons 
au  catalo^e  des  saints.  Nous  statuons  que 
sa  mémoire  doit  être  honorée  par  l'Eguse 
universelle  avec  dévotion,  le  jour  de  sa 
naissance,  au  nom  du  Père,  etc.  » 

Après  cette  sentence  l'avocat  consistorial 
remercie  le  Pape,  et  le  conjure  de  faire 
expédier  les  lettres  apostoliques,  ce  qui  lai 
est  promis  ;  il  y  a  pour  cela  quelques  for- 
roules  peu  importantes  que  nous  omettons. 
Le  Pape  dépose  la  mitre  et  entonne  le  Te 
Deum  que  poursuit  la  musique  pontificale  ; 
en  ce  moment  les  trompettes  de  la  garde 
noble  se  font  entendre,  et  à  ce  signal  oq  met 
en  branle  les  cloches  du  Vatican.  Les  tam- 
bours roulent,  on  tire  des  boites  d'arti- 
fice placées  près  de  IVglise.  L'artillerie  du 
chAteau  Saint-Ange  et  la  grosse  cloche  du 
Capitole  répondent  è  ce  signal,  ainsi  que  tou- 
tes celles  de  la  ville,  et  cela  dure  au  nioins 
l'espace  d'une  heure.  Quand  le  Te  Deum 
est  fini,  le  cardinal  premier  diacre  entonne 
le  verset  Ora  pro  nobis  i^.,  eu  s'ils  soni 
plusieurs  saints  canonisés,  il  s'exprime  au 
pluriel.  G*est  la  première  fois  qu'une  m- 
vocation  liturgique  est  adressée  au  nou- 
veau saint.  On  fait  la  réponse  ordi-* 
naire  :  Ut  digni  efficiamur...;  puis  le  cardi- 
nal second  diacre,  se  tenant  a  la  gauche  du 
Pape,  chante  le  Confieor  dans  lequel,  après 
les  apôtres  saint  Pierre  et  saint  Paul,  le 
nouveau  saint  est  nommé.  Enfin  le  Pape, 
après  l'absolution  qui  suit  le  Confiteoff 
donne  la  bénédiction  solennelle,  et  ejoufe 
à  la  formule  ordinaire  :  Preeibue  et  meri^ 
tis  bèatœ  Mariœ^  etc.,  le  nom  du  saint  qui 
vient  d'être  canonisé.  La  cérémonie  de  la 
canonisation  est  terminée.  On  peut  placer, 
la  canonisation  parmi  les  plus  solennelles 
et  les  plus  magnifiques  cérémonies  de  TE- 
g)i$e  romaine.  C'est  là  que  brille  da.is  tout 


S67 


GAN 


DiCTIONNAïRE 


CâN 


ses 


son  éclal  le  principe  d'égalilé  devant  Dieu, 
ce  principe  que  ta  philosophie  des  hommes 
a  Toulu  établir  par  le  meurtre  et  le  pillage, 
et  que  la  philosophie  chrétienne  sanctionne 
par  la  prière  et  la  bénédiction.  Ainsi  en 
i712  furent  confondus  en  une  même  cano- 
nisation, et  dans  une  égale  pompe,  le  Pon- 
tife-Roi qui  portait  la  triple  couronne,  et 
rhumbic  Félii  de  Cantalice  qui  avait  porté 
il*  simple  et  modeste  froc  de  capucin. 

Quand  le  Pape  le  juge  à  jiropos,  il  célèbre 
la  messe  solennelle  ou  la  fait  célébrer  par 
11.1  cardinal,  et,  en  ce  cas,  il  y  assiste  sur 
son  trône.  A  Toffertoire  de  cette  messe  est 
annexé  un  rite  que  nous  ne  devons  point 
omettre.  Nous  voulons  parler  de  l'offrande 

3ui  est  présentée  par  les  personnes  qui  ont 
lé  désignées.  La  marche  est  ouverte  par 
deux  massiers  pontiticaux  suivis  d'un  maître 
des  cérémonies,  après  lequel  marchent  deux 
gentilshommes  dn  cardinal-évêque  qui  por- 
tent chacun  un  gros  cierge,  dont  le  plus 
Srand  pèse  soixante  livres,  et  qui  sont  ornés 
e  diverses  peintures  au  milieu  desquelles 
brille  l'image  du  nouveau  saint.  Le  plusan^ 
tien  cardinal-évè(|ue,  le  cardinal  procura- 
teur  de  la  canonisation  et  plusieurs  autres 
ofliciers  viennent  h  la  suite.  EnBn,  deux  per- 
sonnages choisis  parmi  ceux  que  la  canoni- 
sation intéresse  plus  spécialement,  portent, 
)*unutt  cierçé  beaucoup  moins  gros  que  les 
deux  premiers,  et  l'autre  une  belle  cage 
dorée,  dans  iaauelle  sont  deux  colombes. 
A  ceux-ci  succèdent  deux  gentilshommes 
du  cardinal  de  Tordre  des  prêtres,  ponant 
deux  pains,  l'un  doré  et  l'autre  argenté  et 
ornés  des  armes  ponliOcales.  Après  ces  gen- 
tilshommes vient  le  cardinal-prétre,  suivi 
de  deux  personnes,  choisies  comme  les  pre- 
mières parmi  celles  qui  ont  provoqué  la  ca- 
nonisation, et  dont  Tune  porte  un  petit 
eier{[e  et  l'antre  une  seconde  netite  cage  qui 
contient  deux  tourterelles.  L  ordre  des  car- 
dinaux-diacres y  est  représenté  comme  les 
deux  premiers,  et  les  gentilshommes  por- 
tent deux  barillets  do  vin,  dont  l'un  est 
doré,  l'autre  argenté.  Ifs  sont  suivis  du  car- 
dinal-diacre et  des  autres  personnes  inté- 
ressées, dont  Tune  porte  un  cierge  et  l'autre 
une  troisième  cage  contenant  plusieurs  es- 
pèces d*oiseaux.  Chacun  des  personnages 
présente  au  Pape  son  offrande..  Les  cardi- 
naux baisent  seuls  la  main  et  le  genou  du 
Pontife,  les  autres  baisent  le  pied.  Les  cier- 
ges et  les  autres  offraniles  sont  reçus  par 
)e  Pape,  qui  les  touche  de>  la  main,  et  puis 
on  les  place  sur  les  crédences.  Un  sens  niysr 
tique  est  attaché  h  chacun  dt^s  objets  offerts. 
Les  cierges  figurent  les  actions  vertueuses 
du  nouveau  saint,  et  ils  sont  placés. sur  des 
chandeliers  conime  pour  répandre  une  lu- 
mière d'édiBcfttioo  sur  les  fidèles.  Le  pain, 
symbole  de  toute  sorte  de  nourriture,  ex- 
primai, qu'h  l'exemple  de  lésus-Christ,  la 
prinofpale  nourritufe  du  nouveau  saint  a 
été  de  faire  la  volonté  de  notre  Père  qui  est 
dans  les  ciein.  Le  vin  est  l'embième  de  la 
grâce  sanctifiante.  Les  colombes  sont  le  signe 
de  la  douceur,  les  tourterelles  celui  de  la 


fidélité,  les  divers  oiseaux  celui  de  la  con- 
templation céleste.  Autrefois  on  lâchait  ces 
oiseaux,  mais  comme  l'empressement  des 
assistants  k  les  saisir  occasionnait  beaucoup 
de  tumulte,  cette  coutume  fut  abolie. 

Le  Pape  Grégoire  XVI  a  ajouté  une  nou- 
velle pompe  à  la  canonisation.  Comme  celte 
cérémonie  amène  à  Rome  une  grande  quan- 
tité d'étrangers,  il  a  jugé  à  propos  de  leur 
donner  la  bénédiction  solennelle  du  haut  de 
la  loge  du  Vatican,  comme  cela  se  fait  dans 
les  grandes  fêtes  de  l'année.  En  outre,  par 
ses  ordres,  la  grande  coupole  du  Vatican 
est  illuminée  le  soir  de  cette  mémorable 

t'ournée.  Pie  VII  avait  déjà  introduit  cette 
>rillante  innovation. 

Les  bannières  ou  étendards  qui  représen- 
tent les  saints  canonisés,  et  que  Pou  porte  à 
la  procession  ou  que  Ton  suspend  aux  voû- 
tes de  l'église, méritent  une  mention  sp<jciale. 
Cette  coutume  remonte  à  la  canonisation  da 
saint  Stanislas,  martyr,  évAque  de  Cracovie. 
Le  jour  où  se  fit  cette  canonisation,  sous 
Innocent  IV,  le  17  décembre  1253,  au  mo- 
ment où  le  Pape  venait  de  prononcer  la  sen- 
tence ,  on  vit  apparaître  aans  les  airs  une 
bannière  soutenue  par  des  an^es.  Elle  était 
rouge ^  et  au  milieu  on  voyait  dépeint  un 
évêque  en  habits  pontificaux.  Cette  apparition 
frappa  les  resards  d'un  grand  nombre  de 
fidèles  qui  s'écrièrent  que  la  couleur  rouge 
exprimait  le  sang  du  maityretque  l'image  de 
l'évêque  représentait  saint  Stanislas,  évoque 
deCracovie.C'estde là, selon Papebrocke,  que 
tire  son  origine  l'usage  de  pavoiser  féglise 
de  ces  étendards  sacrés  et  de  les  porter  eo 
procession,  lorsqu'on  célèbre  une  canonisa- 
tion. 

il  n'y  a  rien  de  réglé  touchant  le  jour  où 
doit  avoir  lieu  cette  cérémonie.  On  vient  de 
voir  que  saint  Stanislas  fut  canonisé  le  17  dé- 
cembre. Nous  avons  des  exemples  de  cano- 
nisations faites  les  jours  de  la  Pentecôte,  de 
l'Epiphanie,  etc. 

Les  postulateurs  d'une  canonisation  doi- 
vent fournir  au  Pape  et  h  ses  principaux 
ministres  les  ornements  et  autres  objets  qui 
seront  employés  dans  cette  circonstance.  Ils 
doivent  être  rouges»  si  le  saint  a  été  martyr; 
blancs,  s'il  a  été  confesseur;  mais  si  lej^ouf 
fixé  pour  la  cérémonie  esLcelui  d^uae  grande 
fôte  dd  TEglise,. les. ornements  doivent  être 
de  fa  Gouliiur  convenable. 

Pour  ne  pas  Caire,  un  article  spécial  sur  la 
béiktificationf  nous  allons  fournir  ici  ce  'qu*il 
est  utile  de  counattre  en  cette  matière  qui  se 
rattache  h  la  ca[nonisatLon.  La  béatification 
n'est  point  un  jugement  solennel. en  vertu 
duquel  le  Pape  déclare,  ex  caêhcdr<i^  qu^uu 
personnage  mort  en  odeur  de  sainteté  jouit 
du  bonheur  des  saints  dons  le  ciel.  C^est  une 
simple  permission  que  le  Pape  accorvie 
d'honorer,  par  un  culte  particulier,  un.  ser- 
viteur ou  une  servante  de  Dieu»  Ce  culte  se 
borne  à  une  église,  à  une  contrée,  &  un 
diocèseï  tandis  que  la  canonisation  ordonne 
que  le  saint  soit  vénéré  dans  toufe  la  catho- 
licité. La  congrégation  des  Rites,  instituée 
par  Sixte  V,  en  1S87,  est  chargée  de  procédei 


CAN 


DASCËTISMZ:. 


CAR 


570 


ii«ns  des  eauses  de  cette  nature.  L^ordîoaire 
da  lien  fournit  tous  les  documents  néces- 
saires, après  afoir  pris  des  infûrmations  au- 
près des  personnes  qui  ont  pu  connaître  par 
elles -meoics,  ou  par  tradition  certaine, 
le  serviteur  de  Dieu  mort  en  odenr  de  sain- 
teté. La  congrégation  des  Rites,  munie  de 
ces  procès-verlKiux  9  eiamine  la  cause  et 
présente  le  résultat  de  cet  examen  au  Sou- 
verain PùDtife,  qui  décide  s'il  y  a  lieu  de 
BonuneruDa  eommission  spéciale.  Si  la  dé* 
eision  est  IkTorable,  la  commission  destinée 
i  exaiDioer  les  doeumeuts  reçoit  son  organi- 
sation et,  dès  ce  nomenl,  le  titre  de  vétié- 
ffBble  est  donné  an  serriteur  de  INeu  ;  mais 
on  ne  peut,  en  raison  de  ce  titre,  loi  acoor^ 
der  aucun  cutte:  La  vie,  les  vertus,  les  mi* 
racles  do  vénérable  sont  examinés  et  discu- 
tés avec  le  plus  grand  aoin,  et  sont  Tobiet  de 
plusieurs  rapports  en  assemblée,  ou  les 
avocats  sont  entendus  pour  et  contre  la 
cause.  Quant  aux  miracles  oui  lui  sont  attri- 
bués, on  consulta  les  médecins  el  les  chi- 
rurgiens, qui  donnent  leur  avis  sur  les 
curas  opéi'ées.  Après  de  aombreuses  forma- 
lités, qui  tendent  toutes  à  bien  constater  la 
vérité,  la  cause  est  eneore  envoyée  à  la 
coogrésation  des  rites.  Si,  eoSo,  de  ces 
scrupuleuses  recherches  il  résulte  un  juge- 
ment favorable,  le  jour  de  la  solennité  de  la 
béatification  est  fixé. 

L'église  où  la  cérémonie  doit  avoir  lien 
eet  parée  de  draperies ,  et  devant  la  porte 
IMfineijpale  est  suspendue  une  grande  kwn- 
Dîère  qui  représente  le  bienheureux  dan^s  le 
séjîour  de  la  ^oire.  On  y  voit  aussi  des  in- 
scriptions qui  rappellent  les  principaux  traits 
de  sa  vie  et  de  ses  miracles.  L'image  du 
bienheureux  est  aussi  placée  dans  Tégliseau 
ohilîeu  d'un  brillant  luminaire,  et  si  la  cé- 
rémonie se  fait  à  Saint-Pierre  de  Rome ,  cette 
image  est  fixée  sur  le  magnifiaue  transpa- 
rent qui  domine  la  tribune.  Sur  las  co- 
lonnes qui  soutiennent  celle-ci ,  sont  des 
ttédailloos  figurant  les  deux  miracles  ap- 
prouvés pour  la  béatification.  Les  cardinaux 
de  la  congrégation  des  Rites,  accompagnés 
d'autres  prélats ,  ainsi  que  les  chanoines  du 
Vatican ,  prennent  les  places  qui  leur  sont 
réservées,  fin  discours  est  prononcé ,  on  y 
lait  uu  court  éloge  du  bienheureux ,  et  l'o- 
rateur demande  au    cardinal-préfet  de  la 
congrégation  qu*il  soit   publie  un   décret 
[loulifical  de  béatification.  Après  quelques 
autres  formalités  du  cérémonial ,  le  secré- 
taire des  brefs  monte  sur  une  estrade  placée 
du   côté  de  l'Epltre  et  publie  le   aécret. 
A|irès  la  lecture ,  on  enlève  les  voiles  qui 
cachaient  les  bannières  dont  nous   avons 
|iarlé ,  tandis  que  le  château  Saint-Ange  fait 
tirer  des  salves  d'artillerie  et  que  Ton  sonne 
les  cloches  du  Vatican.  On  expose  les  reli- 
ques du  bienheoreox  el  lé  Tt  lèeum  est  en- 
tonné. Pendant  ce  temps  on  encense  de  trois 
coups  les  images  du  bienheureux  ,  puis  on 
chante  la  messe  qui  est  prise  du  commun 
des  martyrs  ou  des  cofifesseurs ,  selon  la 
ifualité  du  bienheureux.  Ensuite  le  Pape , 
accompagné  du  Sacré  Collège ,  fient  révérer 


les  images  et  les  reliques  du  nouveau  bienheu- 
reux. Ce  rite  de  béatification  a  pris  l'exten- 
sion que  nous  venons  d'exposer  briève- 
ment, depuis  le  xvii*  siècle.  Anciennement 
on  se  bornait  i  allumer  uni^  lampe  et  des 
cierçes  devant  le  tombeau  du  bienheureux  ; 
son  iniaçc  était  suspendue  devant  b  («ortede 
réglise  a  laquelle  le  Pa[>e  accordait  la  per- 
mission de  célébrer  l'oflice  de  la  mosse  du 
même  bienheureux.  La  première  béatifica- 
tion solennelle  faite  dans  l'église  de  Saint- 
Pierre  de  Rome  est  celte  de  saint  François 
de  Sales  par  Alexandre  Vlll ,  le  8  janvier 
i66il.  Dn  peu  plus  de  trois  ans  après,  le 
même  Pape  canonisa  le  bienheureux  évéque 
de  Genève,  dans  la  même  basiliuae,  le  19 
avril  1665. 

La  béatification  n'est  qu'un  acte  prépara* 
toire  pour  la  canonisation.  On  en  trouve  des 
exemples  dans  les  premiers  siècles  de 
l'Eglise  ;  non  pas  que  le  terme  et  le  céré- 
monial y  fussent  connus,  mais  à  cause  ées 
équivalents.  Ainsi,  saint  Pie  l*%Pape,  élu 
en  158 ,  écrivait  è  saint  Jost  de  conserver 
les  corps  des  saints  martyrs,  comme  les 
apôtres  avaient  conservé  celui  de  saint 
Slienne.  Saint  Cjrprien ,  au  ui*  siècle , 
recommandait  à  son  cleiîsé  de  consigner 
dans  liss  registresie  jour  de  la  mort  des  confes- 
seurs. C'est  ce  qui  se  faisait  dans  lesdyptiques. 

Le  culte  de  dulie  rendu  aux  bienheureux 
doit  êtrç  moins  solennel  que  celui  qu  on 
rend  aux  saints.  Ou  ne  peut,  sans  un  Induit 
apostolique,  les  prendre  pour  patrons  d'un 
royaume,  d'une  cité,  dune  église.  Leur 
office  ne  peut  avoir  d'Octave,  et  le  jour  où 
se  fait  leur  fête ,  ne  peut  être  de  précepte  , 
etc.  Ainsi,  pour  aussi  grande  el  même 
aussi  iuste  que  puisse  être  la  vénération  pro> 
noncée  pour  un  bienheureux ,  elle  ne  doit 
jamais  dépasser  les  bornes  qui  sont  prescri- 
tes par  l'Église.  Une  neuvaine  solennelle  en 
son  honneur,  avec  offices  chantés,  ne  sau- 
rait être  célébrée  sans  méconnaître  la  sa- 
gesse des  règles  que  nous  venons  d'exposer. 
La  béatification  ne  peut  el  ne  doit  être  ({u'uo 

E réliminaire  de  la  canonisation.  (  TratX^  de* 
I  tanonis.^  par  Baiiorr  XIV.  ) 
CARCADO(Madame  Pohcbtob  la  Rtviisa, 
veuve  de),  d'une  famille  nobie  et  ancienne, 
et  parente  de  Mathîas  Poncet  de  la  Rivière, 
évéque  de  Troyes,  né  è  Paris,  mort  en  1780, 
a  écrit  un  ouvrage  de  piété  intitulé  :  VAme 
imte  à  J.-C.  dans  le  iaini  sacremeni  de  FauieL 
L'abbé  Duquesne  en  a  donné  une  édition 
après  la  mort  de  cette  dame^  vers  1780,  avec 
un  éloge  de  sa  vie. 

CARKEL. — Il  y  a  deux  montagnes  qui  ont 
porté  ce  nom  dans  la  Palestine,  Tune  au  midi 
prèsd'Hébron,  I  autre  plus  au  nord ,  près  de 
Ptolémaide.  Saint  Jérôme  dit  que  c'elait  un 
lieu  planté  de  vignes,    très-fertile  et  fort 

agréable» 

Souvent  ce  nom  est  employé  dans  l'Ecri- 
ture pour  exprimer  la  fertilité  et  l'abondance. 
C'est  sur  la  seconde  de  ces  montagnes  que  le 

Crophète  Elle  et  son  disciple  Elisée  ont  ha- 
ité;  mais  il  n'y  a  aucune  preuve  que  c'ait 
été  un  lieu  de  dévotion. 


Kl 


CAS 


DICTIONNAIRE 


CAS 


La  Montée  du  Mont-Car mel^  ouvrage  d  ô  piété 

•  composé  j)ar  saÎDtieao*<le-la-Croii,  est  un  des 

plus  profonds  etdes  plus  parfaits  qui  existent. 

CARTHAGBNA  (Jean  de),  Jésuite  esna- 
gnol»  sortit  de  la  Société  pour  entrer  chez  tes 
Mineurs  Observantinsy  et  professa  la  théolo- 
gie à  Rome  et  à  Salamanaue»  h  fa  fin  du  nry 
siècle.  II  mourut  à  Napîes  en  1617.  Outre 
plusieurs  ouvrages,  on  a  de  lui  :  Praxis  ora- 
tionis menialii;  Venise,  1618» in-12. 

GASSIEN  (Jean).  —  .Fondateur  du  monas- 
tère de  Saint-Victor  de  Marseille,  Scythe,  ou 
plutôt  Gaulois  de  nation;  selon  l'histoire  lit- 
téraire de  France,  il  sortit  d'une  famille  il- 
lustre et  chrétienne.  Ayant  été  élevé  parmi 
les  solitaires  de  îa  Palestine  et  de  T^yple, 
il  se  proposa  de  bonne  heure  leur  exemple 
à  suivre.  H  s'enfonça  avec  Germain,  son 
ami,  son  parent  et  son  compatriote,  dans  les 
déserts  les  plus  reculés  de  la  Thébaïde.  Après 
avoir  étudié  et  admiré  les  honunes  merveil- 
leux de  ces  déserts,  il  vint  àConstantinople, 
et  y  fut  fait  diacre  par  samt  ChrysostomOt 
qui  lui  avait  servi  de  maître;  de  là,  il  passa 
è  Marseille  où  il  fut  vraisemblablement  or- 
donné prêtre.  Il  y  fonda  un  moaastère  d'hom- 
mes et  un  autre  de  filles,  leur  donna  une 
règle,  et  eut  sous  lui  justiu'a  5,000  moines. 
On  ignore  Tépoque  précise  de  sa  mort;  il 

jvivait  encore  en  «33,  selon  la  chronique  de 
saint  Prosper.  Dupin  recnle  sa  mort  jusqu'en 
UO,  Baillet  la  porte  en  Vi»:  l'un  et  l'autre 

'le  font  mourir  à  onatre-viD^t-dix-sept  ans. 
Dom  Rivet  pense  qu'il  termina  ses  jours  en 
kSh  ou  435.  On  a  de  lui  :  l**  IK)uze  livresd*/n- 
êtitutions  mt^nasiiques  et  vingt-quatre  Con/<^ 
renées  des  Pires  du' disert^  qu  il  composa  à  la 

'prière  de  saint  Castor,  évéque  d'Apt,  en  Pro- 
vence. Elles  furent  traduites  en  2  vol.  in-8*, 

'1663,  par  Nicolas  Fontaines;  3"  un  traité  de 

^r/ncama/Con, contre Nestorius,  faite  la  prière 
du  Pape  saintCéleslin.  Le  style  des  livres  de 
Cassien,  écrits  en  latin,  répond  aux  choses 

'qu'il  traite  :  il  est  tantôt  net  et  facile,  tantôt 

Ipathétique;  mais  il  n'a  rien  d'élevé  ni  de 

Srand.  Il  y  a|  dans  la  treizième  Conférence, 
,  es  propositions  qui  ne  paraissent  pas  exac- 
tement conformes  à  la  doctrine  de  l'Eglise 
sur  la  grftce;  Cassien  n'avait  jamais  pu  goû- 
ter celle  de  saint  Augustin  :  il  pensait  quelle 
avait  des  conséquences  fâcheuses  contre  la 
;bonté  de  Dieu  et  la  lib^rté  de  l'homme  ;  mais, 
eu  voulant  éviter  une  extrémité,  il  ne  s'éloi- 
gna pas  assez  de  l'autre.  Saint  Prosper,  dis- 
ciple et  défenseur  de  saint  Augustin,  écrivit 
son  ouvrage  intitulé  :  Contra  Collatorem,' 
pour  le  réfuter.  «  Mais  du  temps  de  Cassien, 
dit  un  critique,  l'Eglise  n'avait  pas  encore 
prononcé  sur  ce  point  ;  il  ne  fut  décidé  qu'au  . 
concile  d'Orange,  en  529.;  conséquemment, 
la  méprise  de  Cassien  n'a  pas  empêché  que 
sa  mémoire  fttt  en  vénération.  »  La  dernière 
édition  des  œuvres  de  ce  saint  solitaire  est 
de  Leipsick,  1723,  in-fol.,  avec  des  commen- 
taires et  des  notes.  Il  y  en  a  aussi  une  édition 
de  Paris,  iu%  in-fol.  On  les  trouve  dans  la 
Bibliothèque  des  Pires.  Tous  les  écrivains  qui 


'te 


ont  traité  de  la  vie  contemplative  ont  puisé 
avec  fruit  dans  ses  (nstitutions  monastiqm 
et  ses  Conférences  sur  tùvie  cénobitique.  C'est 
toutefois  une  mer  imipense  où  il  faut  plon- 
ger bien  des  fois  ^vant  d'èQ  retirer  des  ri- 1 
chasses  utiles.  Le  savant  Cassiodore  n'en 
permettait  la  lecture  à  ses  moines  qa'arec 
discernement. 

Le  Pape  Géiase  avait  mis  ses  livres  m 
nombre  des  ouvrages  apocryphes.  Saint  Be- 
noît les  recommandait  cependant  à  ses  reli- 
gieux. —  Dans  ses  Institutions  mondstiqttes^ 
Cassien  déclare  d'abord  qu'il  ne  parlera  point 
dps  miracles  des  moines  d'Egypte,  quoiqu'il 
en  eût  entendu  raconter  un  grand  nombre,  et 
qu'il  en  eût  vu  plosieursde  ses  yeux  ;  il  entend 
seulement  parler  de  leur  règle  de  vie  et  de 
leurs  maximes  pour  régler  les  mœurs. 
Dans  le  premier  lîivre  »  il  décrit  leur  habit; 
dans  le  second,  l'ordre  de  leurs  prières  du 
^oir  et  de  la  nuit  ;  dans  le  troisième,  l'ordre 
des  prières  que  les  autres  moines  orien- 
taux, c'est-à-dire  de  Palestine  et  de  Méso^ 
•potamie,  faisaient  pendant  le  jour  ;»  car  les 
Egyptiens  ne  s'assemblaient  que  pour  V6p 
près  et  pour  les  Nocturnes  ;  les  autres  reli- 
gieux s'assemblaient  aussi  pourTierce,  Seite 
et  Npne.  U  maraue  que  l'heure  de  Prime 
avait  commencé  de  son  temps ,  et  dans  soa 
monastère  de  Bethléem,  pour  obvier  à  la  pa- 
resse de  ceux  qui ,  après  les  prières  de  la 
nuit,  dormaient  jusqu'à  Tierce,  etpourinaD- 
-quer  ainsi  le  commencement  du  travail  oj^ 
la  journée.  Dans  le  quatrième  livre  des  Jmft- 
triions  9  il  parle  de  la  manière  d'examiner 
et  de  recevoir  les  moines,  particulièrement  à 
Tabenne,  où  il  observe  qu'ils  ne  souffraient 
pas  que  le  novice  donnât  de.  son  bien  au  mo- 
nastère. Dans  les  huit  autres  livresdes  Institu- 
tions.^  il  traite  de  la  maniera  de.  combattce 


paresse,  la  vanité  et  l'orgueil.  A  l'occasion 
île  la. paresse,  il  traite  amplement  de  la  n^. 
cessilÀdu  travail. des  mains. 

Dans  se$.  dix  premières  Conférences^  Cas- 
sien  ne  fait  intervenir  que  des  moines  de 
ScétiX;  dans  les  sept  suivantes  «^  adres;sées> 
saint  Honorai,  abbé  dé  Lérinst  et  k  saint 
Çucher,  moine ,  puis  évèquQ  de  Lvon,  il  fait 
parler  les  moines  qu'il  avait  vu3  à  son  pre- 
mier voyage.  d^Egypte  :  l'un  de  ses  interlo- 
cuteurs, Cnérémon^  jparle,  en^re  autres  cho- 
ses, de  la  protection  de  Dieu,  c'est-è-dire  (le 
la  grAce,  mais  d'unç  manière  peu  orthodoxe. 
Lus  sept  qui  terminent  sont  adressées  à  dès 
mointes  de  Marseille^  Ces  vingt-quatre  Con- 
férmces  sont  rangées.,  non  selon  l'ordre  dû 
^  temps,  mais  selon  l'ordre  des  matières. 

Sa  ràolb.  — ^  Ce  fut  dans  le  monastère  de 
S^inl- Victor  que,Cassieiii  entreprit  de  mettre 
en  pratique  ce  qu'il  avait  appris  dans  ses  ' 
voyages  parmi  les  cénobites  et  les  anacho- 
rètes de  l'Orient;  autant  du  moins  que  les 
différences  du  climat  et  des  mœurs  le  lui 
pouvaient  permettre. 


373 


CAS 


DASCbiTiSME. 


CAS 


374 


Lbabit  des  moines  de  Saint- Victor  (115) 
st*  rapprochait  beaucoup  de  celui  des  moi- 
nes égyptiens;  il  cousislait  en  une  robo 
loiigue*et  une  tunique  à  manches,  serrées 
sur  la  poitrine  par  deux  bandes  de  laine 
lissée  (Ckss  ,  De  insiii.^  lib.  i,  c.  6),  en  une 
cucuile  assez  ample  qui  couvrait  la  tète 
llbid,,  c.  4  et  11)»  une  ceinture  (/6id.,  c  2. 
^Episi.CœUsiinipap.f  n""  t)  »  et  un  man* 
teau.  (/6ttf.,  C.7. —  EpUl.  Calestini  pap,^ 
irl.)Cassien  ne  put  adopter  la  chaussure 
égyptienne,  à  cause  de  la  rigueur  du  climat 
delatiaule  (Cass.,  De  instU.^  lib.  i,  c.  llj, 
d  la  peau  de  brebis  que  portaient  les  moi- 
oe$  orientaux  dans  leurs  voyages  eût  été 
ridicule  en  Occident  {Ibid.),  11  ne  donna  pas 
non  plus  à  ses  moines  le  cilice  (#6td.,  c.  31) 
que  portaient  les  enfiints  de  saint  Martin, 
pce  qu'il  gênait  pour  le  travail  des  mains 
il  pouvait  inspirer  de  la  vaine  gloire;  caf 
on  Id  nortnit  par-dessus  tous  les  autres  ba- 
bils (^DLPiT.  Sbv.,  dial.  1,  c.  1). 

Cassien  reconamande  le  travail  des  mains 
el  le  croit  nécessaire  au  maintien  de  la  dis- 
ciplioe  monasliaue.  Il  blâme  les.  cénobites 
gaulois  (Ciss.,  m  imtit*^  lib«  ii)  de  ne  pas 
IrdTailler.  Saint  ITartiir  avait,  en  eflfèt,  établi 
è  Uarmoutier  l'usage  de  consacrer  tout  te 
temps  à  la  prière  et  à  la  méditation.  Nous 
w  pouvons   évidemment  nous  donner  le 

ridicule  de  prononcer  entre  les  opinions 
contradictoires  de  nos  premiers  législateurs 
ŒOfiastiques,  qui  avaient  sans  doute  l'un  et 
Taulre  de  très-graves  raisons  en  faveur  de 
leur  sentiment. 

Le  travail  des  mains  n'absorbait  pas  ce- 
I»endant  tout  le  temps  qui  restait  aux  moines 
de  Saint-Victor  après  les  prières  communes, 
et  ils  s'appliquaient  en  outre  à  la  lecture 
des  livres  sainîs  et  à  la  théologie.  C'est  au 
monastère  de  Saint -Victor  que  Leporius 
avait  conçu  el  organisé  son  système  héré- 
tique, et  qu'il  avait  trouvé  des  adeptes.  C'est 
encore  ce  monastère  qui  fut  comme  le  foyer 
de  toutes  les  discussions  ardues  sur  la  grAce 
et  le  libre  arbitre. 

On  peut  donc  croire  que  Cassien  partagea 
la  journée  entre  le  travail  des  mains,  l'étude 
et  la  prière. 

La  prière  commune,  ou  office  canonique, 
^e partageait  en  trois  parties  principales: 
ri  oflScedu  soir  ou  les  V'èpres  ;  2*  l'office  de  la 
tiuit,appelé  depuis  Matines  ;  3*  l'office  du  jour. 

Cassien  trouva  dans  ses  voyages  des  usa- 
ges bien  différents  relativement Tlt6)  (Cas»., 
^MRiftf.,  lib.  II, c. 9) au  nombre  des  psaumes 
qu'on  devaityéciterè  chaque  partie  de  l'office. 

Il  établit  à  Saint-Victor  la  coutume  des 
monastères  de  l'Egypte  pour  les  Vêpres 
i't  loflice   nocturne,  et    celle  des  moines 

(115)  Ce  fui  Cassien  pariicaliércmeni  qui  apporta 
^  modifications  au  o»slume  monastique,  qui 
ililBérail  peu,  pour  les  t;b06e&  essentielles,  du  cos- 
I  l<i<De  des  pauvres;  il  en  (ut  bien  différent  dans  la 
«oiie»  paite  qu*il  resta  le  même;  tandis .^ue  les 
(ofUmes  civils  subirent  de  continuelles  variations. 

(HS)  Les  Vêpres  cDDiprenaient  ce  que  rpn  appelle 
waJnlenanl  Vêpres  et  (emplies. 

(11 7j  L*olttce  du  jour  a  encore  anjourd^hui  le 


de    Mésopotamie    pour    Toffice    du    jour. 

Aux  Vêpres  (117),  on  récitait  douze  psau- 
mes (Cass.,  De  instU.f  lib.  ii,  c.  6),  après 
lesauelson  lisaitdesleçons  tirées,  lapremière, 
de  l'Ancien  Testament,  la  seconde,  du  Nou- 
veau. A  l'office  nocturne,  on  disait  également 
douze  psaumes  suivis  de  deui  leçons.  (Ibid.) 

Aux  Vêpres  du  samedi,  le  dimanche,  et 
pendant  la  Quinquagcsime,  c'est-à-dire  pen« 
dant  les  cinquante  jours  de  Pâques  a  la 
Pentecôte,  les  leçons  étaient  tirées,  l'une  et 
l'autre,  du  Nouveau  Testament.  La  première» 
des  Epttres  ou  des  Actes  des  apôtres,  la 
seconde,  de  l'Evangile. 

L'office  du  jovrr  se  disait  k  tmis  heures 
différentes.  A  la  troisième  heure  du  jour  ou 
Tierce  (neuf  heures  du  matin)  ;  à  la  sixième 
ou  Sexte  (midi)  ;  et  à  la  neuvième  (trois 
heures  après  midi)  ou  None.  A  chacune  de 
ces  heures,  on  disait  trois  psaumes  suivis 
d'une  prière.  (CAss.,l>e  tiif^i^,  lib.  m,  c.  2.) 

Dans  rOcciJent,  ou  avait  partagé  en  deux 

f)arties  l'office  nocturne.  (Cass.,  De  instiê., 
ib.  III,  c.  k.)  La  première  partie  était  com- 
posée de  neuf  psaumes,  el  se  disait  au  mi- 
rieu  de  ta  nuit  (ilS);  la  seconde  partie,  coœ« 
posée  de  trois  psaumes,  se  disait  à  la  pre- 
mière heure  du  jour  ou  à  Prime  (six  heures 
du  matin);  on  avait  établi  cette  coutume 
dans  les  monastères ,  pour  empêcher  les 
moines  de  dormir  jusqu'à  Tierce,  ce  qu'ils 

{mouvaient  tout  naturellement  être  tentes  de 
aire  après  avoir  passé  une  partie  de  la  nuit 
à  l'office  nocturne. 

Cassien  établit  cette  coutume  de  l'Eglise 
d'Occident  h  Saint-Victor,  et  les  moines  de 
ce  monastère  ne  devaient  donner  au  som- 
meil que  le  temps  qui  s'écoulait  depuis 
l'heure  du  coucher  jusqu'à  l'office  nocturne, 
et  depuis  l'olfice  nocturne  jusqu'à  Prime. 
Il  était  contraire  à  la  règle  de  se  coucher 
après  cette  heure.  (CASs.,l>etnirfil.,Ub.  iii,o.5.) 
Les  jours  de  vigiles,  ils  ne  se  couchaient 
pas  avant  l'office  nocturne^  Pour  vaincre  le 
sommeil^  on  divisait  alors  l'office  en  trois 
parties,  entre  lesquelles  on  mettait  un  cer- 
tain intervalle  (119).  Chacune  de  ûes  parties 
était  alors  composée  de  trois  psaumes  et 
de  trois  antiennes.  (Cass.,  De  insiU.^  lib.  m, 
c.  8.)  On  appelait  alors  antienne,  un  chant 
alternatif  qui  suivait  la  récitation  de  cbaquu 
psaume;  le  psaume  était  toujours  chanté 
par  un  seul  (Cass.,  de  instU.j  lib.  ii,  c.  11), 
et  les  autres  assistants  devaient  écouter 
assis  et  dans  le  plus  profond  silence.  Lors- 
que deux  moines  seulement  disaient  l'office, 
ils  devaient  réciter  chacun  la  moitié  des 
psaumes.  S*ils  étaient  trois,  chacun  le  tiers; 
s'ils  étaient  quatre,  le  quart- dans  les  (»ffices 
des  vêpres  et  nocturne.  Au  chœur,  un  même 
moinenopouvftitdiremoinsde  trois  psaumes. 

même  nombre  de  psaumes,,  et  se  compose  des  prières 
de  Tierce,  Sexte  et  None. 

(118)  L'oflice  noeuirne  a  encore  neuf  psaumes 
et  on  dit  Prime  composé  aussi  de  trois  psaumes.^ 

(119)  C'est  là  Torigine  des  trois  nocturnes  qui 
composeni  ToOice  de  la  nuit  au  jour  du  rit  double 
et  au  dessus.  Chaque  nocturne  est  composé  de  trois 
psaumes,  etr  ou  peut  mettre  un  certam  intervalle 
entre  la  récitation  de  l'un  et  de  Fautre. 


Apri^^  |a  fr^cilp^îoQ  (}e  chaque  psaume^el 
de  1  antif^nne,  tous  je^  assistjints  9e  levaient^ 
^t  après  9?p|rj||ns»i  prié  /^uelqjiès  iostabts 

ne 

liait  la  çqllep)^,  qui  était  une  prière  résu- 
inaat  ciVn^  manîàrq  générale  fpiftes  les 
prières  partici)lières. 

Dan^  lés  Gaulps  (Cass.«  BIç  inslit.^  libi.  u» 
f  •  8)  OQ  avait  |a  coutume  de  réciter  après  chà« 
aM9  jisaûi^q  ja  dôxolc^^ie  fî/prfVi  Paitrjl»  etc^ 
|5n  Pfiem  ,  on  pp^  J^a-  aisaijt  qii>près  l'an- 
tienne (lâQ);   Cassiea  établit  saps  doute  il 

^aifllrVictor  'a  cpMtnme  gauloise.  ' 
Aù|C  vêpres  dji  samedi»  le  dimanchey  et 

depuis  PAqiies  jiisqu'^  la  Pe^tecOte  (Quin- 

quagésimç),  bp  ne  se  mettait  p^s  &  genoux 

pçndapt  rpffice(12f). 
Le  dfoiaacb^iy  pp  f)e  9e  réunissait  qu'une 

foispo);|r  î'officp  pi|  jour^  ^  Vheure  de  Tierce. 

L'office  y  é)^t  plus  long  &  cause  de  la  com- 

0,11  dJsiiit  de^  psaïuh^  et  des  leçons  qui  te^ 
n^jept  Ueu4eSe^|é  §t  de  Nooe.(i22^.  Quand 
JI^QUice  était  terminé/ chaque  moine  devaif 
se  retirer  c(aas  le  recueillement  et  en  silence. 
Celui  qui  mapguâit'l  cette  prescription 
{Qa9^.,  Pe  mii^f  Ub.  1^  ç.  13  el  16)  était 
ipterdit  de  19  prière  publique  »  jusqu'^  ce 
qu'il  eût  ^e(band4>  à  genoux^  pardon  à  ses 
Irëcéil  et  obtenu  sa  réconciliation  de  Tabbé. 
ileluî  qui ,  k  rpQc9  dé  la  nuit ,  n'arrivait 
pas  avant  la  génuflexion  qu\  suivait  le 
deuxième  pSduqp  {^'(îd.,  lib.  iii,  ç.  7)»  et  à 
l'ollice  dMjQur  a/9pt  ce)le  du  premier  psau- 
me, ne  pouvait  entrer  dans  I  oratoire.  Il  se 
mettait  a  genoux  à  la.  porte,  et,  quand  les 
fières  sortaient,  il  leur  demandait  pardop 
de  sa  négligence.  S.ur  tout  autre  point,'  la 
discipline  du  monastère  de  Saint-Victqf 
n'était  pa^  tno.iM  sévère. 

{«orsqu'ua  postuliint  se  présentait  pour  7 
4tre  admis,  il  d^vaît,^  pendapt  dix  jours 
^Cass..  ih  instii.f  lib.  iv.  a  cap.  3  ad  cap.  7), 
rseater  àla  porte  et  7  implorer  la  grâce  d*6t- 
tre  reçu.  S'il  siy)p9rtajt  cette  première 
épreuve,  on  le  dépouillait  cfe  ses  habits  sé^ 
culiers,  on  le  revêtait  de  riiâbit  monastique, 
et,.f)epdant  un  an,  son  occupation  était  de 
servir  les  l\Ote^.  11  devenait  ensuite  novice, 
et  entrait  sous  la  conduite  d'uu  moine  ^ui 
avait  le  titre  ^Q  senior^  et  auquel  il  (fèvait 
découvrir  toutes  ses  pensées.  Sii»  pendant  le 
noriciat,  il  ne  dionpalt  pas  de  preuves  de 
TOcatîon,on  lui  remettait  ses  habits  séculiers 
çt  or^  Je  renvo7ait  dçihs  le  m.on,de.  SL'il  était 
admis,  on  ne  lui  pero^ettait  pas  de  dbnpér 
son  bien  au  monastère  ,  de^  pexir  qi^'il  qe 
s'estimât  pius  qu'un  autre.  Il  né  pouvait 
plus  rien  posséder  en  propre,  él  était  obligé 
a  une  obéissance  parfaite.  (/frtd.Jib.  i,Vy  a 
cap.7  ad  fin.  passlmS 


(ISO)  Antienne,  en  latin  antiphona,  vient  du  grec 
inm^'iJi,  qui  emporte  Tîdée  d'un  chant  alternatif; 

^1213  Diaprés  l^yroologie  du  mot  antienne,  et  ee 
qu  on  en  trouve  çà  et  1&'  dans  les  auieiirs  HUirgis- 
les,  elle  devait  avoir  une  grande  analogie  avec 
et  qu^oii.appcUe  aujourd'hui  répons  bref. 


DlCTfOdiNAfRE  C^T  &]fi 

Jejs  furent  les  règlements  établis  par 
Cassieq  à  Saint- Victor  de  Marseille,  et  qu9 
çi^ivji*ent,  en  tout  ou  en  partie,  la  niupurt 
des  monastères  des  Gaules,  jusqu'à  l^adop- 
tîon'de  là  règle  de  Saint-Benoit. 

CASSlODQRE  (Uagnus  -  Aurélius),  Cala- 
brais, d'une  famille  illustre ,  princi[ial  mi- 
nistre du  roi  Théodoric,  consul  en  5)1,  puis 
préfet  du  prétoire,  quitta  le  monde  vers5&0, 
et  se  retira*  âgé  de  soixante-dix  ans^  dans 
un  monastère  qu'il  avait  bâti,  pour  ne  s'ir 
occupprqujs  de  son  salut.  C'est  dans  cette 
retraité  qu'il  mit  au  jour  son  Commentain 
$ur  les  psaumes  et  sesin^ltfu/torif  des  divina 
Ecritures^  recueil  de  règles  pour  ses  moine^ 
sur  la  manière  de  les  étudier.  Il  indique  les 
principaux  auteurs  de  Ja  science  ecclésiasti- 
que, tnéologiens,  historiens,  ascétiques.  Ou-, 
tré  ces  ouvrages,  on  a  encore  de  lui  des  Trai- 
fés  philosophiques.  Ce\m  de  l'dme  est  un  des 
pi.etlléurs.  Cassiodore  mourut  en  563,  âgé 
de  plus  de  quatre-vingt-treize  ans.  Sa  Vie  a 
été  écrite  par  le  P.  de  Sainte-Marlbe,  supé- 
rieur général  de  la  congrégation  (|e  S^fot- 
Jdftur. 

^  CASTANNISA  (Jean  de),  religieux  béné- 
dictin dé  la  congrégation  de  valladolid  eii 
]^spague,  peut  être  regardé  comme  un  de 
çeui^  qul|  par  leur  piété  et  leur  savoir,  ont 
le  plus  honoré  l'ordre  de  Saint-Benott  au 
XVI'  siècle.  Ses  talents  pour  la  chaire  le 
ârent  nommer  prédicateur  général  de  l*o^ 
die,  ^t  Téclat  de  son  mérite  parvint  jusque 
Philippe  II.  qui  lui  ^nna  une  place  dans 
son  conseil  ae  conscience,  le  fit  son  aumô^ 
nier,  et  censeur  de  théologie  aupi:è5  des 
ju^es  apostoliques  de  la  foi.  Ce  prince  voulut 
VéTever  à  des  dignités  plus  émioentcs  en-. 
core«  mais  l'humble  religieux  s'y  refusa.  Il 
mourut  à  la  0^uir  de  l'âge  à  Salamanqoe  en 
1^98.  Ses  œuvres  ascétiques  sbn(,  outre  la 
Vie  dé  ^  plusieurs  saints  :  ^"^  Inslitulionum 
divines ptetalis  libriquinquet  Madrid,  IS^i 
in-y;—^  Deçlar^çion  d^lpadre  nwo^^ro,  1604; 
—-3*  Dfi  là  perpcçipn  dfi  (^  t^tdfa  chri$tiana. 
C'est  l'ouvraj^e  si  coniiu  saus  le  titre  ds 
Combat  spirilu^  ^  et'  plusieurs  auteurs 
prétendepf  que  c'es(  ('•priginf  1.  Cependant 
lesi  Jésuites  et  les  Théatins  en  réveodiqueot 
rhonneur  pourïeûr  ordre,  l'aliri^uant,  les 
premiers,  k  AchilJe  Gagliardo,  et  les  autres, 
au^TÇhéatinScupoIi IVoy. Tâf t.  muquoHJ. Mais 
le  P.  Gerberon,  qui  l'a  traduit  eh  fraoç^is 
^ur  l'original  manuscrit,  en  167$  ;  Nicolas 
AntoniOi  auteur  de  h  Bibliothèque  fStpa- 

3 ne,  ainsd  que  tes  savants  ^om  H^billûo  et 
pià  Luc  d  Acbéryt  prouveat  qi;^  (Joo^  Cas* 
iânuisa  en  est  le  véritable  auteur. 

CATHERINE  de  Sienne  (Sainte),  née  en 
1^7,^  embrassa,  à  Tâgè  de  ^  ans,  riostitut 
(ief^  sœurs  de  Salnt-jiomihique,  Ses  révéla- 
tions^' son  zèle  et  ses  écrits  lui  Arent  un  nom 
célèbre.  Elle  réconcilia  lea  FloreiMio^  ^^^^ 

(112)  Cass.,  Be  instiL,  lib.  n,  c.  i^  —  ^f 
encore  la  eouiume,  après  chacune  des  paiiies  de 
l'offieè,  de  faine  des  prières  à  geiÎQur  ea  c^mias 
temps  de  Tannée ,  partîcnlièreipent  pendant  la 
Cardmeé  Ces  prières  se  terminent  par  la  collede  oa, 
oraison. 


S71 


m 


i>*i^CëlfJHI& 


CEL 


m 


Grégoiro  XI,  qui  rHUl^i  k  Avigapn.  Ella 
joua  un  grand  rôle  dans  toutes  1^$  querelle^ 
du  schisme;  elle  écrivit  de  tous  cAlés  en 
faTtur  idu  Pape  Drbaûi,  et  moonf  t  eu  1389, 
è  <3  Mos.  Elle  STait  paru  partout  9? ec  écU|, 
et  joai  «Tuu  grand  crédit  par  son  émineotçi 
piété.  On  a  d  elle  quelques  traités  de  d^vch* 
tion  et  des  lettres  spirituelles,  qui  sonteçrj.<f 
tes  avec  pureté  en  italien.  Toutes  ses  OEuTres. 
ont  été  iiubliées  ^  Sienué,  ep  1113,  ep  4  voU 

in-**. 

CELPBAISO^  DE  LA  MESSE,— |i  cour 
rieni  que  tous  les  prêtres,  généralemeaf 
parlant,  céièhreot  cnaque  jour  la  suinta 
sesse.  Les  paroles  du  conçue  de  Trente  h 
ce  sujet  soqt  digues  dé  remarque  :  €  Que 
l'éfèque  tienne  la  main,  dît-il,  à  ce  que  le^ 
prêtres  célèbrent  la  messe  ov  moins  les  jours 
de  dimanches  et  les  fêtes  solennelles  ;  et 
s'ils  ont  charge  d*âmes,  aussi  sourent  que 
leur  charge  leur  en  fait  un  devoir,  i  (Sess, 
3txiu,  c.  18,  Dereform.)  D'où  il  suit  que  le 
concile  ordonnant  la  célebt  atioo  de  la  messe, 
p«  ■lotl^  pour  les  dimanches  et  fêtes,  cou? 
seille  implicitement  et  d*uoe  manière  claire 
la  célébration* quotidienne.  Aussi  écoutons 
le  langage  des  Pères  de  TEglise  :  €  Eq  cél^ 
brant  cfaçuê  jour  le  sacrifice  de  Dieu,  di| 
saint  Cjpriên,  préparons  pour  Dieu  d^ 
hosties  et  des  victimes,  »  enlendaqt  par 
cette  dernière  parole  les  fidèles  qu'il  fallait 
préparer  au  martyre  par  la  particiiiation  à  la 
dinne  Eucharistie.  (Ep.  f^f  ad  Corn.)  €  Le 
Christ,  lôoute  saint  Augustin,  n*a-Ml  pa« 
été  immolé  une  fois  en  lui-même,  et  ne 
l'esl-il  pas,  non*seulement  à  la  fête  de  ?&▼ 
ques»  mais  encore  eliaque  jour  dans  le  sacre^ 
meott  9  (Ep.  23,  ad  ponif.)  Saint  Grégoire 
loue  en  plusieurs  occasions  saint  Gassius, 
éTèqae  de  Namit  de  ce  qu'il  avait  la  cou* 
tome  d'offrir  chaque  jour  le  saint  sacrifice, 
«  en  sorte,  dit-il,  qu'il  n'y  eut  presque  aucun 
jour  de  sa  vie  qu'il  n'immolit  au  Dieu  tout- 
puissant  la  victime  de  propitiation.  »  (ffem. 
97  in  Evamg.;  et  Dîoi.,  I.  ^v,  c.  $6.)  Le  grand 
èerson  s'eiprime  à  cet  égard  d'une  manière 
fort  précise  :«  Toutes  choses  égales,  dit-il, 
et  sauf  un  empêchement  légitime,  il  est  plus 
loualile  de  célébrer  chaque  jour.  »:(  jteo.  mm-.; 
et  Tr^  defrœp.  odinit(.,  copsid-  4^-)  M  suffit. 
dureste,decoiisîdérer  tous  les  précieui  avan- 
tages qui  en  résultent  soit  pour  le  célébrant 
laiHDème,  comme  communiant  et  comme 
sacrifiant;  soit  pour  l'Eglise  universelle,^ 
c'eat-à-diro,  tous  les  fidèles  i^ivants  et  tr6r. 
passés,  pour  rec^snnallr^  combien  est  avan- 
tageuse et  louable  la  célébration  quotidienne. 
Enfin  le  prêtre  qui  agît  autrement,  manque 
MUMt  saintes  fonctions  qui  lui  ^ont  psposees, 
et  enfontt  dans  la  terre  lo  la/enf  que  Dieu 
lui  a  confié.  Ajoutons  encore  que  la  félébitr 
tioo  quotidienne  est  plus  cooforme  à  l'insti- 
tution de  l'Eucharistie  et  h  llnleoliîon,  à 
respritdeaon  divin  Instituteur,  quia  vxiulu 
que  ce.  sacrement  soit  lu  pain  quotidieii  des 
fidèles  et  wrtout  des  préM'es. 

Mais  pour  que  les  prêtres  soient  dignes  de 
célébrer  chaque  jour,  ib  doivent  s'appliquer 
a  viv^re  saipleopent  9t  se  préparer  k  l'offrande 


de  ^^  mgmy^  sawR^e,  Si  la#  pfétrfs  de  fo 
loi  ^apaîeni^e  devaient  Aire  aaiols,  Sanciificfi^ 
mni  qm  ftrêU  ^m  f^ommi,  pour  immiifer  A 
Piçu  d^  seerifiees  qui  n'étaient  que  iWhrp 
du  plus  grand  de  nos  mystères,  k  enni^ieà 
plu9  forte  raispp  lea  pr4tres  d9  la  neuvellf 
Loi  doivenNIs  êlr^  faints,  m%  qui  sont 
çharefts  d'imo^oler  le  6«in(  des  saints  I 
V  Fopr  comprendre,  dit  le  concik  de  Trente, 
ayee  qnel  sentiment  de  religion,  de  piété  et 
de  respect  on  doit  célébrer  le  tre«-<saiAt 
Mcriûce  de  la  messe,  il  suffit  de  9e  rappeler 
que  les  saintes  Ecritures  appellent  msedit 
celui  qqi  fait  Tœuvre  de  Dieu  négligemmeiii^ 
Or,  comme  il  faut  nécessairement  reconnaU 
tre  qu*il  n'y  a  dans  la  religion  chrétienne 
rien  de  si  saint,  de  si  divin  que  ce  redou* 
table  mystère,  oà  les  nrètres  immolent  tona 
les  jours  sur  nos  autels  la  victime  vivifiantfl 
qui  nous  réconcilie  avec  Dieu  le  Père,  H  en 
résulte  évidemment  que  nous  devons  appor-* 
ter  tous  nos  soins,  toute  notre  attentions 
pour  que  ce  haut  mystère  soit  célébré  av.ee 
la  plus  grande  pureté  de  cœur,  et  avec 
rextérieur  le  plus  pieux  et  le  plus  respeor 
tueux  qu'il  est  possible,  s  (S^.  xui,  J)$ 
ttUbr.  mîss.)  Le  prêtre  dait  donc  s'efforeer 
d'acquérir  la  sainteté  que  réclame  son  sur 
blime  ministère,  et  par  conséquent  vivre  de 
telle  sqrte,  se  préparer  avec  tant  de  soin  à 
ce  divin  mystère,  qu'il  soit  digqe  de  l« 
célébrer  chaque  jour. 
Noua  aligna  maintenant  établir  lee  règles 

J pratiques  pour  la  célébration  quoCidienne  ea 
iréquente  de  la  messe. 

1*  La  prêtre,  avant  de  célébrer,  doit  s'^ 
prouver  lui-mtm^^  examiaer  s'il  n'est  |>as 
en  état  de  péché  mortel  :  célébrer  en  cet  état 
serait  commettre  un  horrible  sacrilège.  Par 
conséquent,  quelque  urgente  obli^tion 
qu'il  y  ait  pour  lui  de  célébrer,  on  il  doit 
s'abstenir  et  satisfaire  à  son  ot>ligation  en 
se  faisant  remplacer  |)ar  nn  autre,  ou  sortir 
de  son  état  n'indi^ité  par  la  confassian 
sacramentelle,  ou  bien,  k  défaot  de  confes» 
seor,  par  la  contrition  parfaite  avec  l'inten^i» 
tien  formelle  de  se  confesser  au  plus  tôt. 
C'est  ainsi  que  le  veut  le  concile  de  Trenle, 
en  rapportant  ces  terribles  paroles  de  TA- 
f  lôtre  :  Cdui  qui  mauge  ei  boit  indignemoui  le 
corps  el  U  samg  du  SHgueur^  mamge  ei  boii 
sa  propre  eondamnaiion.  (I  Cor.  u,  29.)  «  Ce 
qu'il  y  a  de  plus  affreux,  dit  saint  Bonaven- 
tore,  c'est  que  quelques-uns  en  sont  venus 
de  nos  jours  h  une  telle  perversité,  qu'ils 
pensent,  les  malheureux!  etpier  par  la  cé- 
lébration quotidienne,  sans  pénitence  et 
sans  confession,  leurs  crimea  el  Ic^  pécliés 
Ignominieux  dont  ils  remettent  la  confession 
de  jour  en  jour.  »  {Traei.  de  prmp.  ad  e^fs., 
c.  a.)  €  Ce  ne  sont  iKûm  là  des  prêlres,ajoule 
fr^il,  mais  des  sacrilèges  9  ce  ne  sont  poiiU  des 
Chrélaees,  mais  des  hérétiques;  car  s'ils 
avaient  la  foi,  ou  ila  éviteraient  de  pèches, 
ou  ils  cesseraient  de  célébrer.  »  (MtdC) 

Sr  Pow  célébrer  la  mesa»  chaque  jour 
avec  fruit,  le  nrèlre  ne  doit  paa  seuhrnient 
se  contenter  de  se  confesser  anparavani  dB 
SA%  péchés  mortels,  mais  ik  ihm  aussi  tra- 


tni 


CEL 


DICTIONNAIRE 


CEL 


S80 


Tailler  efBicacement  h  Vamendement  de  $a  vie^ 
en  évitant  avec  soin  de  tomber  dans  le  péché 
mortel,  au  moins  d'y  tomber  fréquemment. 
N*est-il  pas  honteux  au  plus  haut  point,  et 
de  la  dernière  indécence,  de  céléorer  fré- 
quemment et  chaque  jour,  et  de  tomber  en 
même  temps  dans  des  fautes  graves  fré- 
quemment)  presque  chaque  jour?  D'ailleurs 
rhabilude  seule  de  rechutes  graves,  du 
moins  quand  cette  habitude  ne  diminue 
pas  moralement,  est  une  preuve  morale 
qu'il  n'y  a  pas  eu  pénitence  suffisante,  et 
i;u'tl  y  a  par  conséquent  célébration  sacri- 
lège. Aussi  saint  Paul  a-4-il  dit  :  Je  ne  veux 
point  que  voue  soyez-  en  société  avec  les  démons. 
Vous  ne  pouvez  boire  le  calice  du  Seigneur  ei 
le  calice  des  démons.  Vous  ne  pouvez  parti* 
ciper  à  la  (abk  du  Seigneur  et  à  la  table  des 
démons.  (/  Cor.  x,  90.) 

3^  Pour  célébrer  avec  fruit  la  messe  cha- 
que jour,  le  prêtre,  bien  que  sa  conscience 
lui  reproche  rarement  des  fautes  graves, 
doit  en  outre  s'efforcer  eflicacement  de  sor- 
tir d'une  vie  tiède  et  négligente»  et  éviter  la 
rechute  fréquente  dans  les  fautes  vénielles. 
Autrement  agir,  ce  serait  déchoir  de  l'état 
de  perfection  sacerdotale,  et  se  rendre  moins 
digne  de  ce  ministère  auguste  par  lequel  le 
prêtre  consacre  et  reçoit  le  corps  et  le 
sang  de  Jésus-Christ.  Et  en  outre,  ilj  aurait 
juste  sujet  de  craindre  que  l'on  ait  commis 
quelque  faute  grave  par  l'effet  d'une  igno^- 
rancë  coupable,  qui  n  excuserait  point  d  une 
consécration  et  d'une  communion  sacrilè- 
ges. «  Il  faut  éviter,  dit  saint  Bonaventure, 
non-seulement  les  péchés  mortels,  mais 
aussi  les  péchés  véniels,  qui,  multipliés  par 
la  négligence  et  la  tiédeur,  rendentl'homme 
appesanti,  le  remplissent  de  ténèbres,  et  le 
privent  des  dispositions  saintes  qu'il  doit 
apporter  à  la  célébration  de  la  messe;  à 
moins,  ajoute-t-il,  que  par  la  ferveur  du 
cœur  et  par  la  considération  de  sa  propre 
indignité  et  de  sa  misère,  il  ne  fasse  dispa- 
raître la  poussière  de  ces  fautes  vénielles  au 
souiQe  de  l'esprit,  et  qu'il  n'en  brûle  les 
mauvaises  herbes  au  feu  de  la  charité.  » 
{  De  prœp.  ad  mû«.,  c.  S.) 

k*"  Pour  célébrer  avec  iruit  chaque  jour,  le 
prêtre  ne  doit  pas  seulement  éviter  la  tié- 
deur,^ mais  il  doit  encore  tendre  avec  zèle  à 
la  perfection  de  son  état,  tant  par  sa  con- 
-duite  que  par  sa  préparation  au  saint  sacri- 
fice. «  Voyez  quelle  est  votre  intention  en 
célébrant,  dit  saint  Bonaventure;  prenez 
garde  de  le  faire  par  avarice,  ou  par  habi- 
tude, ou  dans  l'espoir  d'un  gain  temporel, 
comme  plusieurs  le  font  de  nos  jours  pour 
leur  propre  perte.  »  (De  prœp.  ad  mm., 
c.  8.)  De  là  le  conseil  que  le  pieux  Ayila 
donnait  à  un  de  ses  disciples,  d'employer 

Eour  préparation  à  la  sainte  messe  deux 
eures  et  demie  de  méditation,  et  pour  l'ac- 
tion de  grflces  une  heure  ou  au  moins  une 
demi-heure.  Il  y  a,  sans  aucun  doute,  exa- 
gération dans  ce  conseil.;  mais  il  montre  au 
moins  ce  qu'il  faut  penser  de  la  triste  pré- 
paration et  de  la  pauvre  action  de  grâces  de 
certains  prêlres,  qui,  ne  discerMairt  point  le 


corps  du  Seigneur,  ne  célèbretit  que  par  liahi- 
tude,  et  peut-être  même  que  pour  l'honoraire. 

5"  Le  prêtre  qui  a  la  perfection  de  son 
état  doit  célébrer  chaque  Jour  avec  confiance, 
afin  de  se  sanctifier  de  plus  en  plus,  de  sorte 
cepandant  que  l'amour  lui  fasse  mettre  en 
Dieu  toute  sa  confiance,  et  que  d*autre  part 
la  crainte  ne  lui  laisse  point  oublier  sa  pro- 
pre indignité,  c  Qu'il  y  ait  dans  les  prêtres, 
dit  saint  Laurent  Justinirni,  conformité  qd- 
tre  la  vie  et  la .  dignité,  entre  la  science  et 
la  piété,  entre  la  charité  et  la  foi.  Si  celte 
conformité  existe  en  eux,  ils  seront  aimés 
de  Dieu,  glorifiés  par  Jésus-Christ,  proté- 
gés par  les  anges,  vénérés  par  les  peuples, 
enrichis  des  dons  de  la  gr&ce,  comblés  des 
consolations  spirituelles,assoèiés  aux  cligeurs 
des  bienheureux,  et  quelquefois  ravis  dans 
la  contemplation  des  choses  célestes...  Quel- 
ques progrès  qu'ils  aient  fait  dans  la  vertu, 
ait-il  encore,  quelque  haute  que  soit  leur 
sainteté,  qu'ils  sachent  bien  qu  ils  sont  en- 
core indignes  de  leur  sublime  ministère, 
puisque  les  anges  eux-mêmes  n'en  seraient 
pas  dignes.  »  (Serm.  de  EucA.) 

6*  La  pollution  pleinement  involontaire 
dans  le  sommeil  ne  doit  pas  empêcher  de 
célébrer  chaque  jour,  pas  même  è  titre  de 
conseil,  à  moins  qu'il  n'en  reste  quelques 
effets,  quelques  inquiétudes,  et  qu'il  n'y  ail 

Kint  espoir  d'avoir  de  la  dévotion  dans 
cte  même  de  la  célébration.  Telle  est  la 
doctrine  de  saint  Bonaventure,  de  saiut  Tho- 
mas, de  saint  Pierre  C^lestin,  de  Gerson,  et 
d'une  foule  de  maîtres  de  la  vie  spirituelle, 
ff  Dès  là,  dit  saint  Bonaventure,  que  vous 
n'avez  donné  ni  sujet,  ni  occasion  k  une 
telle  |>ollulion  par  des  actes  (précédents  de 
concupiscence  ou  par  des  excès  dlntempé* 
rance>  et  qu'il  n'en  est  point  résulté  pour 
Time  dé  notable  souillure,,  par  l'effet  de  la 
réminiscence  ou  de  Tillusion  fantastique 
produite  par  les  impressions  sensuelles,  ju 
crois,  sauf  meilleur  avis,  que  vous  pouvez 
monter  h  l'autel,  surtout  si  vous  y  êtes  porté 
par  une  dévolion  particulière,  à  raison  de 
quetaue  grande  fêle  ou  pour  quelque  autre 
iH0tirsenî4)lable.  »  {Deprœp.  ad  miai.,c.  ».) 
«  Que  l'homme  s'accoutume,  ajoute  Gerson, 
è  juger  spirituellement  des  choses  spiri- 
tuelles, et  parla  il  saura  s'absoudre  lui- 
même  d'une  foule  de  fensalions  itnpurps 
nées  de  fantômes  et  d'illusiTons  involootai; 
res.  Par  là  il  s'inquiétera  moins  de  ce  qui 
en  efifel  ne  doit  point  l'inquiéter,  je  vcui 
parler  des  souillures  purement  corporelles. 
Par  là  enfin  il  mettra  plus  sa  confiance  dans 
la  pureté  du  cœur  que  dans  celle  du  corps.  > 
{De  prœp.  ad  miss.,  cons.7.)  Et  à  ce  sm 
Gerson  rapporte  une  vision  qu'eut  sam» 
Pierre  Célestin.  Ce  pieux  Pontife  étant  dans 
une  profonde  anxiété  au  sujet  de  la  célébra- 
tion quotidienne,  à  cause  de  celte  misère  o« 
la  nature  et  des  avis  différents  de  plusieurs 
docteurs  qu'il  avait  consultés,  adressa  a 
Dieu  une  prière  fervente,  et  vil  en  songe 
tjue,  au  moment  où  il  essayait  de  roonier 
jusque  dans  le  palais  du  souverain  »<>J« 
l'âne  sur  lequel  il. était  couvrit  le  chenim 


5tl 


i!EL 


KàaasmmL 


CEL 


'582 


„  «I  qoB  uêmêM  pottr  cela 
ilajQgaeQt»  il  entendit  cette 
|Mirole  :  «  Approebe,  approche;  pourquoi 
n'-approches^ta  pas?  Est-ce  pour  ce  que  ton 
âne  a  fait,  selon  sa  coutume?  Que  t'importe? 
approche,  approche.  >  (Gers., /fttd.) 

7"  Toutes  les  fiDis  qu'il  est  permii  aux 
prêtres  de  célébrer,  on  doit  leur  eotueiller 
Je  célébrer  chaque  jour,  ordinaîrémeat  par- 
iant, en  ayadt  toujours  soin  cependant  qu'ils . 
aient  une  parfaite  disposition,  prochaine  et 
éloignée,  autant  qu'ils  le  peuvent  ayec  te 
grâce  de  Dieu.  La  raison  en  est,  selon  saint 
Bonaventure,  quele  |ir6tre  qui  s'abstient  de 
cé]ébrer,sepri?edetouslesfruitsque  produit 
la  lainle  communion,  qui  sont  :  la  rémission 
des  péchés,  iecalmedes  passions,  la  lumière 
de  l'esprit,  la  réfection  intérieure,  l'incor- 
poration de  Jésus-Christ  et  de  son  corps 
OTstique  ;  en  outre  elle  fortifie  la  vertu, 
die  est  une  arme  contre  le  démon ,  elle 
anime  la  foi,  elle  élève  l'espérance,  elle 
excite  la  charité,  elle  augmente  la  dévotion 
et  noos  fait  participer  au  banquet  des  anges. 
De  plus,  le  prêtre  qui  s'abstient  de  célébrer 
ne  remplit  point  le  devoir  que  lui  impose 
sa  haute  dignité,  il  manque  de  rendre  à 
Dieu rbommage  qu'il  lui  doit;  sans  recon- 
Baissanee  pour  les  bienfaits  de  Pieu,  il  lui 
nVise,  autant  qu'il  est  en  lui,  le  culte  et 

l'adonlioQ.Kfforcez-vousdonc,de  tout  votre 
poofoir,  par  l'exercice  des  bonnes  œuvres, 
|4rles  lannes  du  repentir  et  par  le  feu  de  la 
charité,  de  rejeter  loin  de  vous  toute  tié- 
ileoret  toute  négligence,  et  de  ne  point  dé- 
daigner les  trésors  de  tant  de  grAces. 

8*  On  peut  sagement  conseilier  k  quelques 
prêtres  ae  s'abstenir  quelquefois  de  la  célé- 
WatioD  quotidienne,  pour  leur  inspirer  un 
plus  profond  respect' envers  les  augustes 
mystères,  pourvu  que  cela  ne  provienne 
point  de  négligence  ou  de  paresse,  et  qu'il 
n'y  ait  point  quelque  circonstance  qui  soit 
on  obstacle  à  cette  abstention.  C'est  ainsi 
<{»e  l'enseime  Louis  Dupont  :  a  Si,  dit-il, 
I  habitude  de  célébrer  souvent  le  saint  sa- 
crifice diminuait  dans  un  pr&tre  le  respect 
et  la  Ténération  qu'il  doit  à  une  action  si 
sublime,  il  ferait  bien  de  s'abstenir  quel- 
quefois par  le  motif  d'une  sainte  crainte, 
aûa  de  s'en  approcher  ensuite  avec  plus  de 
ferveur  et  plus  d'amour.  »  {P^f*  Christ. ^ 
Ir.  2,  c,  15.  ) 

^  Poar  la  célébration  quotidienne,  i(  faut 
ooD-sealement  une  convenable  dévotion 
intérieure,  mais  encore  la  dévotion  exté- 
neure.  Car  ce  serait  un  abus  intolérable., 
4^  an  ministre  de  Dieu  se  conduisit  avec 
(ndécence  et  sans  respect  dans  l'acte  le  plus 
sugoste,  dans  le  mystère  le  plus  sublime 
<1u christianisme.  Aussi  le  concile  de  Trente 
H-il  ordonné  d'apporter  au  sacrifice  de  la 
messe  la  plus  grande  pureté  intérieure  qu'il 
^t  possible,  et  en  même  temps  l'extérieur 
^  plas  dévot,  l'attitude  la  plus  pieuse. 
(Ses8.  itu,  D$  celebr.  mUê.^  Les  paroles  et 
l^s  actions  que  l'Eglise  a  voulu  que  les 
piètres  emploient  dans  le  sacrifice  de  la 
ut^w,  seul  de  la  plus  haute  importance,  et 


l'on  doit  s'y  conformer  sous  peine  de  péché 
grave;  par  conséquent,  il  faut  obsei'ver 
avec  le  plus  grand  soin,  avec  le  plus  de 
décence  et  die  gravité  possibles,  toutes  les 
r^les  qui  concernent  les  vêtements,  le  lieu, 
le  teinps,  les  cérémonies,  les  vases  sacrés, 
etc. ,  et  en  même  temps  éviter  cette'préci- 
pitation  indécente,  contré  laquelle  s'élèvent 
tous  les  maîtres  spirituels,  et  qui  est  loin 
d'être  compatible  avec  la  dignité  du  saint 
sacrifice. 

10*  %  l'avancement  spirituel  ne  répond 
pas  à  la  célébration  quotidienne  ou  fré- 
quente, il  est  fort  à  craindre  que  le  célé- 
brant, qui  se  croit  en  étot  de  grflce,  ne  soit 
réellement,  aux  yeux  de  IMeu,  en  état  de 
péché,  n  y  a  surtout  lieu  de  le  craindre  en 
ceux  qui  retombent  habituellement  dans 
des  fautes  graves,  car  alors  la  contrition  et 
b  bon  propos  sont  bien  suspects.  Il  faut 
aussi  le  craindre  en  ceux  qui  sont  fort  tiè- 
des,  qui,  habitués  à  ne  point  s'inquiéter  des 
fautes  vénielles,  tombent  facilement,  et  sans 
s'en  douter,  dans  les  fautes  mortelles,  et  quel- 
quefois pendant  l'acte  même  de  la  célébra- 
tion. Enfin  il  faut  le  craindre  dans  les 
imparfaits,  qui,  en  ne  s'appliquent  pas  à 
faire  des  progrès,  s'exposent  peu  k  peu  à 
tomber  dans  rabtmé,  car  si  une  communion 
bien  faite  sufiit  pour  rendre  une  Ame  fort 
parfaite,  que  faut-il  penser  do  tant  de 
communions,  de  tant  de  célébrations,  avec 
peu  ou  point  de  progrès? 

CÉLIBAT.  —  Le  célibat  est  l'état  de  ceux 
qui  ont  renoncé  au  mariage  |>ar  motif  de 
religion  ;  c'est  une  des  conditions  inhérentes 
à  la  vie  ascétique. 

L'histoire  du  célibat,  considéré  en  lui- 
même,  l'idée  qu'en  ont  eue  les  peuples 
anciens,  les  lois  qui  ont  été  faites  pour 
l'abolir,  les  inconvénients  qui  peuvent  eh 
résulter  dans  les  circonstances  où  nous  ne 
sommes  point,  sont  des  spéculations  étran- 
gères è  l'objet  de  la  théologie  mystique. 
Nous  devons  nous  borner  à  examiner  si 
l'Eglise  chrétienne  a  eu  de  bonnes  raisons  ôy 
assujettir  ses  ministres,  et  d'en  autoriser  le 
vœu  dans  l'état  monastique,  si  les  préten- 
dus avantages  qui  résulteraient  du  mariage 
des  prêtres  et  des  religieux  sont  aussi  cer- 
tains et  aussi  solides  qu'on  a  voulu  le  per-. 
suader  de  nos  jours* 

Béjè  les  censeurs  de  cette  discipline  de 
l'Eglise  conviennent  que  le  célibat,  consi- 
déré en  lui-même,  n'est  point  illégitime, 
lorsqu'il  est  établi  par  une  autorité  divine  ; 
que  Dieu,  sans  doute,  peut  témoigner  qwe 
la  pratique  de  la  continence  lui  est  agréable; 
or  il  l'a  témoigné  en  elTet. 

Jésus-Christ,  après  avoir  dit  :  Heureux  U$ 
eœunpurSf  parce  quHls  verront  Dieu  (Maith, 
V,  8),  ajoute  ailleurs:  Il  y  a  de$  eunuques 

Jui  ont  renoncé  au  mariage^  pour  le  royaume 
e$  dieux;  que  celui  qui  peut  le  concevoir  y 

fane  attention Quiconque  aura  quitté 

$a  famille  f  eonépouief  ses  enfante  ^  $e$  pos^ 
sessions  à  cause  ae  mon  nom^  recevra  le  cen^- 
tùplcy  et  aura  la  vie  éternelle.  (  Matth*  xix, 
12,  2d.  )  Si  celui  qui  vient  ù  moi  n*eit  poi 


385 


CEL 


dictionmahœ 


CEL 


SI 


di$po$éà  if^iêttf  f  <m  pére^  éa  mèn^itm  épouêê, 
ses  enf(wt$t  $ti  firèrM,  in  $muT€^  napropt  «»» 
i7  ne  ppii  être  mvndiseipU.  (Luc.  xiv^  26.  ) 
Tel  e9t»  en  ^flbl,  la  sacrifice  que  les  tpAtres 
ont  été  objigfésilelaire;  oailssofitderBeurés 
d«ns  le  eéii£9l,  ou  ils  ont  toui  quitté  pour 
^e  livrer  à  i«  pfédication  de  l*Bvaiigile  et 
AUi  |ra?iua  de  rapoaiolat.  Cependant  cer^ 
tains  Qritiquea  ont  afDrrué  avec  une  entiàre 
(K^Ofiançe  que  Jésas-Christ  u*a  imposé  à  per- 
sonne roblîgation  de  la  continence^  pas 
Qiânia  auK  ipAtrea.  (  BAaBBnuc,  Traiii  de 
l0  morale  dm  Piree^  cb.  8,  {  4  el  suivants.  ) 

Saim  Paul  dit  aui  fidèles  :  Ce  n\H  point 
m  ardre  que  je  voue  donne^  nuxU  un  coneeil: 
j>  pondrun  que  vous  fussiez  taus  comme  moi  ; 
piai$  eh^eun  reçoU  de  Dieu  le  don  (fui  lui 
convint  te  dis  donc  A  ceux  qui  sont  dans 
le  célibat  ou  dtms  le  neuvage.  yuil  leur  est 
^0%  d'y  demeurer  comme  moi.  S'ils  ne  peuM)ent 
garder  (a  eontinenee^  qu*ils  se  marient  ;  cela 
vaut  mieux  ma  de  brûler  d'un  feu  impur. 
.(  /  Cor^  yii»  6.  )  II  avait  commenoe  par  pa&er 
pour  maxime  qu'il  est  bon  à  Chomme  de  no 
pas  toucher  une  femme.  (/6td.,  1,  )  Poor  dé- 
tourner le  sens  de  ce  passage,  les  protes*- 
tants  disent  que  saint  Paul  parlait  ainsi,  à 
cause  des  perséoutiona,  et  non  pour  tous 
les  temps  ;  mais  le  texte  mémo  réfute  cette 
explication.  La  raison  que  donne  saint  Paol, 
est  que  celui  qui  est  marié  est  occupé  des 
choses  de  ce  monde  et  du  soin  de  plaire  à  son 
épouse  ;  au  lieu  que  celui  oui  vit  dans  le  céli- 
bat n'a  d'autre  soin  fua  de  servir  Dieu  et  de 
lui  plaire.  {Ibid.,  33.)  Cette  raison  est  cer- 
tainement pour  tous  les  temps.  Il  exhorte 
Timothée  à  se  conserver  chaste.  (/  Jtm,  r, 
32.  )  Entre  les  qualités  d*un  évéque»  il  de- 
mande quil  n'ait  eu  qu'une  femme  et  qu'il 
foit  continent.  (  TU.  i^  &  )  Par  continence, 
laruais  saint  Paul  n*a  entendu  l'usage  mo^ 
déré  du  mariage,  mais  rabstinenoe absolue; 
cela  est  clair  par  le  premier  passage  que 
pous  venons  de  citer. 

Mosheim  convient,  que  dès  Torigine  du 
clu*iatianisme,  les  paroles  de  Jésus-Christ  et 
celles  de  saint  Paul  ont  été  prises  à  la  let- 
tre, et  que  c'est  ce  qui  a  inspiré  aux  pr^ 
miers  Chrétiens  tant  d*cistiroe  pour  le  céli- 
iiat ,.  il  le  prouve  par  des  passages  d'Athéna- 
gore  et  de  Tertulllen.  (  Hist.  dkrist.  sect  8, 
§35,  note  1.) 

Saint  Jean  représente  devant  le  trône  de 
Dieu,  une  foule  de  bienheureux  plus  élevés 
eu  gtoire  que  les  autres:  Fot7â,  dit-il,  ceux 
qui  ne  sesoni  point  souillés  avec  lu  femmes; 
ils  sQuA  VMryes,  Us  suivent  rianeau  partout 
où  il  fpo;  ce  êont  les  prémices  de  eeux  qu'il  a 
rachetés  à  Dieu  parmi  les  hommes  {Apoc. 
uv,  4  >;:  al  l'Quese  encore  décider  que  l'E- 
criture a'attache  aucuoft  idée  de  sainteté  ou 
de  nerfeciioa  à  la  conàiofloce.  (  ftAusTHÀC, 
Uid».)> 

VaiMoieat  quelques,  incrédule»  ont  con»- 
cliiiia laquelle  ckfistianismt avili!  le  ma- 
riage, et  eft  détoUMii»  las.  hommes ;. au  coo- 
ttave,  e'eaè  Jésu^Chnàl  qui  lui  a  rendu  sa 
saintelé  et  sa  dignité  primitives.  Les  apô- 
tres um  coadamné  les  héritiiues ,  qui  le 


regardaient  comme  un  état  impur r  mais  iis 
nous. représentent  la  corilinence  comme  un 
état  plus   parfait,  par  conséquent  comme 

1>lus  convenable  aux  ministres  du  Seigneur.' 
h\  état  moins  parfiiit  qu'un  autre  n*est  pas 
pour  cela  criminel  ou  impur. 

Los  mêmes  critiques  avooerU,  en  secûDd 
lieu,  que  tous  les  peuples  anciens  ont  atta- 
ché une  idée  de  perfection  à  Téuit  de  conti- 
nence,  et  ont  jugé  que  cet  état  convenail 
surtout  aux  Jiommes  consacrés  au  culte  de 
In  Divinité.  Juifs,  Egyptiens^  Perses,  In- 
diens, Grecs,  Thraces,  Romaiiis^  Gaulois, 
Péruviens,  pliilosophes,  disciples  de  Pytlia- 
gore  et  de  Platon,  Cicéron  et  Soerate,  loiu 
ae  sont  accordés  sur  ce  point.  On  sait  Tex* 
cèades  prérogatives  que  les  ttomains  aYnieol 
accordées  aux  vestales.  11  n'est  donc  pu 
étonnant  que  les  fondateurs  du  christia- 
nisme aient  reciiGé  et  consacré  cette  mémo 
idée.  Malgré  la  haute  sagesse  dont  se  flat- 
tent nos  politiques  modernes,  nous  jh^su- 
mona  que  l'opinion  des  anciens  pouvait itre 
mieux  fondée  que  la  leur. 

En  troisième  lieu ,  ils  conviennent  que 
l'esprit  et  le  v<bu  de  TEçlise  ont  toujours 
été,  que  ses  principaux  ministres  vécussent 
dans  la  continence,  et  qu'elle  a  toujours 
travaillé  à  en  établir  la  loi.  En  effet,  le  cou- 
oile  de  Néooésarée,  tenu  «n  315,  dii  aos 
avant  celui  de  Nicée,  ordonne  de  déposer 
un  prêtre  qui  se  serait  marié  après  son  or^ 
dinalion.  Celui  d'Ancyre,  deux  ans  aupara- 
vant, n'avait  permis  le  mariage  qu'aux  dia* 
ères  qui  avaient  protesté  contre  l'obligatioD 
du  célibat  en  recevant  l'ordination. 
Le  26*  canon  des  apôtres  ne  permettait 

Ju'aux  lecteurs  et  aux  chantres  ue  prendre 
es  é(K>uses.  Selon  Socrate  (I.  t«  c.  11  ),  et 
Sbzomène  (1.  i,  c.  23),  c'était  l'ancienna 
tradition  de  TBglise,  à  laquelle  le  concile  de 
Nicée  trouva  bon  de  se  fixer,  et  qui  est  en- 
core observée  aujourd'hui  dans  les  diffé- 
rentes sectes  orientales. 

Nous  concevons  que  ces  conciles  D'obli« 
gèrent  point  les  évéques ,  les  prêtres  ni  les 
diacres  à  quitter  les  épouses  qu'ils  avaient 
prises  avant  d'être  ordonnés,  mais  ou  ne 
peut  montrer  par  aucun  exemiple  qu'il  leur 
sit  jamais  été  permis  de  se  maner  après 
leur  ordination^  ni  dfi  vivre  con)UgalemeDt 
avec  tes  femmes  qu'ils  avaient  épousées  au- 
paravant. Saint  Jérôme  (  Adv.  figitanti.^  [v 
S81),  et  saint  Bpiphane  (  bœr.  S9,  n*  I  ) at- 
testent que  les  canons  le  défendaient. 

Nos  adversaires  sont-ils  en  état  de  prou- 
.ver  que  saint  Jérôme  et  saint  Spiphane  os 
ont  imposé?  Dodwel  (Dissert,  qtprian.n  3> 
a*  15)  cite  l'exemple  de  plusieurs  ecclésias- 
tiques qui  vivaient  avee*  leurs  épeases 
eomme  avec  leurs  sœurs.  Eusèbe  (M.  iDt- 
monst.  evang.^  c.  9)  en  donne  pour  raisoo 
qm  les  prêtres  de  la  loi  nouvtfle  sont  en- 
tièrement occupés  du  service  de  Dieu  et 
du  soin  di'élever  une  faodlle  spirituelle. 

En  Occident  Ift  loi  du  célibat  est  plus  an- 
cienne ;  elle  se  trouve  dans  le  trente-trot- 
siëme  canon  du  concile  d'Elvire,  que  "on 
croit  avoir  été  tenu  l'an  300.  Elle  fat  cou* 


sss 


CEL 


D'ASCETISME. 


CEL 


flrmëe  par  le  Pape  Sirice  Tan  385,  par  Inno* 
veni  1*'  l'aD  hOk^  par  le  coneile  de  Tolède 
Yèù  iOOy  par  ceux  de  Carthage,  d'Orange^ 
dArleSt  de  Tours»  d'A9de,d*0rléaDSy  etc*,  et 
par  les  capitulaires  de  nos  rois. 

Celle  loi  n*est  qae  de  discipline;  qu'im-» 
Tiorte?  elle  est  fondée  sur  les  maximes  de 
Jésus-CbrisI  el  des  apôtres»  sur  le  vœu  de 
relise  prîmiliTe»  sur  la  sainteté  des  de* 
Tuirs  d'un  ecci<^siaslic|ue»  sur.  dos  raisons 
néme  d*une  sage  politique  ;  nous  le  verrons 
diDs  un  moment.  Que  faut*il  de  plus  pour 
U  rendre  ioriolable? 

Les  devoirs  d*un  ecclésiastiçiue»  surtout 
d'un  pasteur,  oe  se  bornent  oointè  la  prière 
et  au  eulte  des  autels;  il  doit  administrer 
les  sacrements»  surtout  la  pénitence*  ior* 
s Iruire  par  ses  discours  et  par  ses  exemples, 
léiifiter  les  malades.  Il  est  le  père  des  pau-* 
1res»  des  veuves»  des  orphelins»  des  en-« 
faots  abandonnés;  sou  troupeau  est  sa  &«• 
mille;  il  est  le  distributeur  des  aum6nes# 
rKlmiQÎstra tour  des  établissements  de  cha*-^ 
riié)  la  ressource  de  tous  les  malheureux. 
iialte  multitude  de  fonctions  pénibles  et  dif* 
Iwùles  est  ittconipatitde  avec  les  soins»  les 
embarras,  les  ennuis  de  l'état  du  mariage. 
Cn  prêtre  qui  y  serait  engagé»  ne  pourrait 
phift  se  concilier  le  degre^  de  respect  et  de 
(ftn&iBee  nécessaire  au  succès  de  son  mi-* 
Bisièfe;  nous  en  sommes  convaincus  par  la 

(tNkltijie  des  Grecs  envers  leurs  papas  ma-* 
Tiés,  et  des  protestants  envers  leurs  mi-» 
sistres. 

I/Sglise  ne  force  personne  à  entrer  dans 
les  ordres  sacrés  ^  au  coRtrairCy  elle  exiger 
des  épreuves^  et  prend  toutes  les*  précau^ 
tiens  possiblea  pour  s'assurer  de  la  voea-» 
lioB  et  de  la  vertu  de  ceux  qui  y  aspirent  9 
^«n  qui  s'jT  engagent  le  font  par  choix  et 
de  leurpleiB  gré»  à  un  Age  auquel  tout 
bonne  est  eensé  connattre  9ts  forces  et  son 
tempérament»  longatemua  après  l'époque  à 
hqoelle  il  eei  habile  a  contracter  le  uia^ 
rii^e.  S'il  y  a  de  fausses  vocations^  ellea 
vieDotnt  de  tai  cupidité  et  de  ranibilion  de» 
>^liers,,et  non  de  le  discipline  eeolésias-* 
U'iue^ 

Aqai  la  eoolineDee  est«elle  pénible?  A 
ceui  qui  n'ont  pas  toujours  été  chastes,  à 
€eai  qu*inf&cte?  la  dépravation  acIudM 
des  BUBurs  pabliques»  Il  faut  retitmotan*  la» 
cause,  et  la  vertu  rentrer»  daas  tous  ses 
^ts.  Lorsqu'il  arrive  des  soindalesi.  ils  ne 
vienaent  pas  de  la  part  des  ouvriers  acoa*' 
Ms  du  poids  des  fonctions' eceléstastiques^ 
nais  de  eaux  que  l'intérêt  iait.  enirer  dane 
'Eaiise  malgré  elle. 

Oa  nous  oppose  l'intérêt  politique  de.  le 
soeiétéi.  les  avantages  qui  résulteraient  dt» 
triage  dee  clercs»  surtout  l'aocfoisseounl 
delà  population..  Cet  te  discussion  ne  devieifr 
pas  oeus  rag9fder;.il  UnU  eapendast  y  aa« 
liibirei 
l' U  est<  fiax^  toute»  chosee  égales  c^ail^ 

jeun»  que  la-  poputattoe  soit  plus  nom^ 

muse  dans  les  pays  où  le  célibat  est  pros* 

ant.  L'Italie^  aulgré  le  nomtire  des  ecolé- 

«iastiqoes.et  des  oioines,  est  plus  peuple 


mi'elle  ne  Tétatt  sous  le  goov'emement  des 
Komaiiis;  on  peut  le  prouver»  non-s«ule<^ 
ment  par  un  passage  de  saint  Ambroise  qui 
rassurait  déj^L  de  son  temps»  mais  par  Pline 
le  Naturaliste,  qui  avouait  que  sans  les  es- 
pèces de  prisons  qui  renfermaient  les 
esclavesy  une  partie  de  Pltalie  aurait  été 
déserte;  s'il  y  a  donc  encore  aujourd'hui 
des  parties  dépeuplées,  elles  le  sont  par  la 
tyrannie  des  gouvernements»  et  non  par 
1  hnfluence  du  célibat  relixieux^  Lorsque  la 
Suède  était  catholiqife,  elle  était  p(us  peu- 
plée qu'elle  n'est  depuis  qu'eMe  est  devenue 
f>rotestante.  Les  cantons  catholiques  de  TAI- 
emagne  ont  autant  d'habitants»  k  propor- 
tion, que  les  pays  protestants.  Il  en  est  de 
même  des  cantons  de  la  Suisse  et  de  l'Ir- 
lande en  comparaison  de  l'Angleterre.  On 
prétend  que  la  France  était  plus  peuplée  il 
y  a  oeux  siècles  qu'elle  n'était  avant  93; 
nous  n  en  croyons  rien  ;  cependant  il  y  avait 
alors  un  plus  ^rand  nombre  d'eociéstasti- 
gués  et  de  religieux  qu'il  n'y  en  a  de  nos 
^our& 

S*  Il  est  absurde  d'altribizer  te  mal  k  une 
cause  innocente»»  lorsqu'il  y  en  a  d'autres 

3ui  sont  odieuses»  et  sur  lesquelles  il  fau- 
rail  frapper.  Dans  les  grandes  villes  ou 
compte  plus  de  célibataires  voluptueet  et 
libertins  que  de  prêtres  et  de  moines,  et  lé 
nombre  des  prosHteées  excède  de  beaucoup 
celui  des  religieuses  :  fiiut-il'  épargner  le 
vice  f)our  bai<nir  la  verictt  Danites  campa^ 
gnes»  le  défaut  de  subsistance  éloigne  d\i 
mariage  les  deux  setesf^  ce  n*esr  pas  au 
eélibol  dés  prêtres  que  l'on^  doit  s'en  pren^ 
dre. 

Lehixre  qui  rend  l^s  mariages  reines x, 
la  corruption  des  moEurs  qer  y  pdfi^  I  a^ 
mertume  el  rignomtniis,  (d  fastey  l'oisiveré, 
les  prétentions  des  fe^mmes»  le  préjugé  de 
naissance  qui  Ihît  éviter  des  aMianoes  iàé^ 
gales,  le  multitude  des  deinesllc^es  et  des 
artisans  dont  la:  subsis^nce  est  im^rtainé^ 
le  libertinage  des  eniïnts  mt  fair  Miouier 
la  paternité,  l'irréUgioiir  et  Végplsme  eeî  ne 
veuient  souffrir  auouir  joug;  etci  v  fùim  les 
désordres*  qui»  de  tout-  temna^  ont  dépmrplé 
l'univers^  contre  lesquels  il  ftiut  séfk^'tfMaiH 
de  touchera  ce  que!  Ir relMea  a  sagemetit 
établi. 

»  LeapoUtiqeesqutse^smt  éltmM^ohtt^ 
le  mariage  des  soldats»  onr  dit  q^é  Vém 
serait  surcharaé  des  teMmev  des  enllÉhB 
qu'ils  laisseraient  dans  la  mi^^ére  i  il  le'  seMit 
encore  davantage  par  les  veuves  ei  l^  en^ 
fànts'  des.  ecclésiastiques; 

il  y  aurait  bien  d'autres  rénevions  il  fMrt 
sur  les  dissertations  politiques  Qe9  délrhc^ 
teiirsdtt  oélibali  mais  nous  y  répondrons 
bientôt. 
Un  tbëèlogien  anglalsv  nommé  Werthon» 
,ui a: traité  cette q[ueiitioâia  voulu  pr<>uver» 
*  que  le  célibat:  du  eterj^é  n'a'  été*  institué 
ni  par  Maus-Ghrist»  m  paV'  \ei  apOtres; 
B*  qu'il  n'Urien  d'dx»e)lent  en^  so^  et  ne 

Eocureaucnri  wantage  k^rBgKs^  ni  k  la  re^ 
jion  chrétienne;  3*  que  le  iDi  qui  rimiiosa 
au  clergé  est  injuste^ et  cotftns ire* b  lar loi  fia 


i 


sn 


CEL 


DIGTIONNAIRE 


GEL 


3j» 


Dieu  ;  h"  qu'il  n'a  jamais  élé  prescrit  ni  pra- 
liqué  uDiverseilement  dans  l'ancienne 
Eglise.  Voilà  de  grandes  prétentions  ;  Tau- 
teur  les  a-t-il  bien  établies? 

Sur  le  premier  chef,  nous  arons  cité  les 
paroles  de  Jésus-Christ  et  celles  des  apô- 
tres, qui  prouvent  Testime  qu'ils  ont  faite 
de  la  continence,  la  préférence  au'ils  lui 
ont  donnée  sur  Tétat  du  mariage,  la  dispo- 
sit4on  dans  laquelle  doit  être  un  ministre 
de  TEvangile,  de  renoncer  h  tout  pour  se 
livrer  entièrement  à  ses  fonctions.  Ils 
D*ont  pas  prescrit  le  célibat  par  une  loi  ex- 
presse et  formelle,  parce  qu'elle  n'aurait 
pas  été  praticable  alors.  Pour  les  ^onctions 
apostoliques,  il  fallait  des  hommes  d'un 
âge  mûr:  il  s'en  trouvait  très-peu  qui  ne 
fussent  mariés.  Hais  ils  ont  suffisamment 
témoigné  que,  toutes  choses  égales  d'ail- 
leurs, des  célibataires  seraient  préférables. 
11  est  plus  aisé  de  renoncer  au  mariage  que 
de  quitter  son  épouse  et  une  famille,  comme 
Jésus-Christ  l'exige.  L'Eglise  l'a  compris,  et 
s'est  conformée  aux  intentions  de  son  divin 
maître  dès  qu'elle  a  pu  le  faire. 

Warthon  dit  que  le  célibat  du  clergé  tire 
son  origine  du  zèle  immodéré  pour  la  virgi- 
nité qui  régnait  dans  l'ancienne  Eglise;  que 
cette  estime  n'était  ni  raisonnable,  ni  uoi- 
Terselle,  ni  juste,  ni  sensée.  Cependant  elle 
était  fondée  sur  les  leçons  de  Jésus-Christ 
et  des  apôtres;  c'est  la  prétention  des  pro- 
testants contre  la  virgiuité  et  le  célibat  qui 
n'est  ni  raisonnable  ni  sensée  :  elle  vient 
d'un  fond  de  corruption  et  d'épicuréisme, 
qui  est  l'opposé  du  christianisme.  (Foy.  Via- 
eiNiri.) 

n  entreprend  de  prouver  par  saint  Clé- 
ment d'Alexandrie,  que  plusieurs  apôtres 
ont  été  mariés.  Ce  Père,  disputant  contre 
les  hérétiques  qui  condamnaient  le  mariage, 
dit  :  «  Condamneront-ils  les  apôtres?  Pierre 
et  Philippe  ont  eu  des  enfants,  et  ce  der- 
nier a  marié  ses  filles.  Paul,  dans  une  de 
sts  EpUreif  ne  fait  point  difficulté  de  parler 
de  son  épouse;  il  ne  la  menait  pas  avec  lui, 
parce  qu  il  n'avait  pas  besoin  de  beaucoup 
de  services;  il  dit  dans  cette  lettre  :  lfavan$' 
nouM  pa$  le  pouvoir  de  mener  avec  noue  une 
femme j  notre  iesur,  comme  font  les  auireê  apô- 

êre$? Mais  comme  ils  donnaient  toute 

leur  attention  à  la  prédication,  ministère 
qui  ne .  veut  point  de  distraction,  ils  me- 
naient ces  femmes,  non  comme  leun  époueeêf 
mais  comme  leurs  sodurs,  afin  qu'elles  pus- 
sent entrer  sans  reproche  et  sans  mauvais 
soupçon  dans  l'appartement  des  femmes,  et 

Jr  porter  la  doctrine  du  Seigneur.  »  (Strom.^ 
.  m,  c.  6,  p.  535,  édil.  dePotter.)  Warthon  a 
supprimé  ces  dernières  paroles,  et  a  tronqué 
la  moitié  du  passage. 

Nous  avons  prouvé  par  saint  Paul  lui- 
même  qu'il  n'était  pas  marié.  Le  Philippe 
qui  avait  deux  filles  était  l'un  des  sept 
diacres,  et  non  l'apôtre  saint  Philippe.  Ces 
deux  méprises  de  saint.  Clément  d'Alexan- 
drie ont  été  remarquées  par  les  anciens  et 
par  les  modernes.  {Yoy.  les  notes  des  criti- 
ques sur  cet  endroit  des  Stromateê  et  sur 


Eusèbe,  Hi$i.  eccle'e.t  liv.  m,  c.90et31.)|i 
résulte  du  passage  même  de  saint  Clément 
d'Alexandrie,  c|4ie  les  apôtres  ne  vivaient 
point  copjugalement  avec  ces  prétendues 
épouses.  Saint  Pierre  est  donc  le  seul  dont 
le  mariage  soit  incontestable,  mais  il  l'avait 
contracté  avant  sa  vocation  à  l'apostolat,  e( 
il  dit  lui-même  h  Jésus-Christ  :  fioui  avoni 
iout  quitté  pour  vous  suivre.  (Matik, 
XIX,  37.) 

Au  m*  siècle,  on  était  si'persuadé  que  les 
apôtres  n'avaient  pas  été  mariés,  que  la 
secte  des  apostoliques  renonçait  au  mariage- 
afin  d'imiter  les  apôtres. 

Sur  le  second  chef,  ce  n'est  pas  assez  de 
prouver,  comme  fait  Warthon,  que  Tusage 
chrétien  du  mariage  n'a  rien  en  soi  d'impur 
ni  d'indécent,  c'est  la  doctrine  formelle  de 
saint  Paul  ;  il  faut  encore  démontrer,  contre 
l'Evangile  et  contre  saint  Paul  lui-même, 
que  la  continence  n'est  pas  an  état  plus 
parfait  et  plus  agréable  k  Dieu,  lorsqu'on  y 
demeure  afin  de  mieux  servir  Dieu.  Elle 
renferme  en  soi  le  mérite  de  dompter  une 
passion  très-impérieuse;  et  si  le  nom  de 
vertUf  synonyme  de  celui  de  farce,  signifie 
quelque  chose,  la  continence  est  certaine- 
ment une  Tertu. 

Le  livre  de  VExode  (xix,  15)  et  saint  Paul 
(/  Cor.  vu,  5)  attachent  une  idée  de  sainteté 
et  de  mérite  k  la  eontinence  passagère; 
comment  celle  qui  dure  toujours  peut-elle 
être  moins  louable  ? 

Le  célibat  des  ecclésiastiques  procure  k 
l'Eglise  et  k  la  religion  chrétienne  un  avan- 
tage  très-réel,  qui  est  d'avoir  des  ministres 
uniquement  livrés  aux  fonctions  saintes  de 
leur  état  et  aux  devoirs  de  charité,  des  mi- 
nistres aussi  libres  que  les  apôtres,  toujours 
prêts  à  porter  comme  eux  la  lumière  de  TE* 
vangile  aux  extrémités  du  monde.  Les  eo- 
gages  dans  l'état  du  mariage  ne  se  consa- 
crent point  à  servir  les  malades,  k  secourir 
les  pauvres,  k  élever  et  k  instruire  les  en- 
fants, etc.  Il  en  est  de  même  des  femmes: 
cette  gloire  est  réservée  aux  célibataires  de 
TEglise  catholique.  Il  n'est  pas  étonnantque 
les  protestants,  après  avoir  retranché  le 
saint  sacrifice,  cinq  des  sacrements,  l'ofGce 
divin  de  tous  les  jours,  etc.,  aient  trouvé 
bon  d'avoir  des  ministres  mariés  ;  on  sait 
comment  ils  ont  réussi  k  en  faire  des  mis- 
sionnaires et  des  saints. 

Sur  le  troisième,  chef,  Warthon  n'a  pas 

Erouvé,  selon  sa  promesse,  que  la  loi  du  cé- 
batirnoosée  aux  clercs  est  injuste  et  con- 
traire k  la  loi  de  Dieu.  Elle  pourrait  paraître 
injuste,  si  l'Eglise  forçait  quelqu'un,  comme 
elle  l'a  fait  autrefois,  k  entrer  aans  le  clergé, 
et  k  se  chaîner  du  saint  ministère.  Lorsqu'un 
homme  marié  avait  d'ailleurs  toutes  les  lu- 
mières, les  talents  et  les  vertus  nécessaires 
pour  être  un  e;LceUent  pasteur,  l'Eglise,  en 
fui  faisant  une  espèce  de  violence  pour  se 
J'attacher,  né  croyait  point  devoir  pousser  ta 
rigueur  jusqù'k  réiôigher  de  son  épADse; 
cette,  femme  aurait  eu  droit  d'alt^er  Is 
sentence  de  Jésust-ChVist  :  Qut  fkomme  ne 
sépare  point  ce  que  Dieu  a  uni  (JÊattk*  içrx,  6J. 


z» 


CKL 


D*ASCETl$liE. 


CEL 


W» 


Pendant  les  perséculions  des  trois  pre- 
miers siècles  les  nrAtres  étaient  les  priiici- 
l».iux  objets  de  la  haine  des  païens;  ils 
étaient  forcés  de  prendre  des  précautions 
l»our  ne  pas  être  connus,  et  de  rifre  à  rex* 
térieor  comme  les  laïques  :  il  n'y  aurait  donc 
l>as  eu  'de  prudence  à  leur  imposer  pour 
lors  extérieurementla  loi  du  célibat,  ou  klaf 
obliger  d'abandonner  leurs  épouses. 

Mais  on  ne  peut  pas  citer  un  seul  exemple 
d*éTé<|ues  ni  ^e  prêtres,  qui,  après  leur  or- 
dination, aient  continué  a  ? i?re  conjugale- 
ment aTec  leurs  épouses,  et  en  aient  eu  des 
enfants.  Les  protestants  ont  Tainement  fouillé 
dans  tous  les  monuments  de  Tanliquité  pour 
eo   tronrer;  celui  de   Syoésius,  dont  ils 
triomphent,  proufe  contre  eux.  Ce  saint 
p€^rsoDnage,  pour  éfiter  Tépiscopat,  protes- 
tait qa*il  ne  foulait  quitter,  ui  son  épouse, 
ui  ses  opinions  philosophiques;  on  ne  laissa 
pas  de  rordonner.  «  Je  ne  Yeux,  disait-il,  ni 
■  me  séparer  de  mon  épouse,  ni  l'aller  voir  en 
€  secret»  et  déshonorer  un  amour  légitime 
«  par  des  manières  qui  ne  conviennent  qu*à 
€  des  adultères.  »  Ce  bit  même  prouve  que 
les  évèques  ne  vivaient  plus  conjugalement 
aTec  leurs  épouses  après  leur  ordination 
(Btacsb,  HisL  eeclés.9  lib.  i,  c.  15).  Beau- 
sobre,  qui  a  senti  cette  conséonence,  dit 
que  c'était  une  discipline  particulière  au  dio- 
cèse d'Alexandrie;  mais  oit  en  est  la  preuve? 
Sur  le  quatrième  chef  allégué  par  Warthon, 
il  oe  sert  à  rien  de  citer  un  grand  nombre 
d'érêques  mariés  et  qui  avaient  des  en- 
fants, à  moins  que  Ton  ne  Cisse  voir  qu'ils 
les  avaient  eus  depuis  leur  éniscopat,  et  non 
auparavant.  Voilé  ce  dont  les  ennemis  du 
célibat  ecclésiastique  ne  fournissent  encore 
aocone  preuve.  Socrate  (liv.  i,  c.  11)  et  So- 
loiDèoe  niv.  I,  c.  9k)  rapportent  qu'au  con-. 
cite  général  de  Nicee,  les  évêques  étaient 
d'aria  de  défendre,  par  une  loi  expresse,  aux 
érêques,  aux  prêtres  et  aux  diacres,  qui  s'é- 
taient mariés  avant  leur  ordination,  d'habi- 
ter eonjogalemeat  avec  leurs  femmes  ;  que 
rérêqne  Apbnuce,  quoique  célibataire  lui- 
même  et  d'une  chasteté  reconnue,  s'y  op- 
posa ;  qu'il  insista  sur  la  sainleté  du  ma- 
riage, sor  la  rigueur  de  la  loi  proposée,  et 
sur  les  inconvéniebts  qui  en  résulteraient  ; 
que,  sur  ses  représenutions,  les  Pères  du 
concile  jugèrent  qu'il  fallait  s'en  tenir  à  l'an- 
ciemie  tradition  de  l*Bglise,  selon  laquelle 
il  était  défendu  aux  évêques,  aux  prêtres  et 
aux  diacres,  de  se  maner,  dès  qu'une  fois 
ils  araient  été  ordonnés. 

Four  comprendre  la  sagesse  des  réflexions 
de  Paphnnce  et  de  la  conduite  du  concile  de 
Rtcée,  il  laut  savoir  aue,  pendant  les  trois 
premiers  siècles  de  l'Eglise,  il  y  avait  eu 
plusieurs  sectes  d'hérétiques  qui  avaient 
condamné  le  mariage  et  la  procréation  des 
enfants  comme  un  crime.  Outre  ceux  dont 

Crie  saint  Paul  (/  Jtm.  iv,  3),  les  docètes, 
I  marcionites,  les  encratites,  lés  mani- 
chéens, étaient  de  ce  nombre.  Sous  l'empiré 
deGallîen,  mort  l'an  S68,  plusieurs  évêques 
forent  misa  mort  comme  manichéens,  parce 
que  Ton  supposa  qu'ils  gardaient  le  célibat 


par  le  même  principe  que  ct^s  h<'réliqiies 
(  Rb?iaddot  ,  bisi.  Pairiareh.  Aiejran^, , 
p.  VI).  Si  la  loi  proposée  au  concile  de  Nii'é«) 
avait  eu  lieu,  elle  aurait  paru  lavoriser  e<^ 
sectaires,  et  ils  n'auraient  pas  manqué  Ua 
s'en  prévaloir;  Paphnuce  avait  donc  raison 
d'insister  sur  la  sainteté  du  mariage  et  sur 
l'innocence  du  commerce  coorjugal,  et  les 
évêques  n'eurent  pas  lort  d'y  avoir  ^rd 
dans  ces  circonstances;  c'est  pour  cela  que  le 
43' canon  des  apôtres  condamne  les  ccclésias* 
tiques  qui  s'abstiennent  du  mariage,  en  haine 
de  la  création. 

Malgré  ces  fiiits,.  Beausobre  affirme  que 
les  Pères  de  l'Eglise  avaient  puisé  Irtur 
estime  pour  le  célibat  dans  les  erreurs 
des  docètes,  des  encratites,  des  marcio- 
nites et  des  manichéens;  mais,  par  une 
contradiction  grossière,  ii  avoue  que  plu- 
sieurs Chrétiens  donnèrent  dans  ce  fana- 
tisme dès  le  commencement,  par  conséquent 
avaut  la  naissance  des  hérésies  dont  nous 
parlons  ÇBist.  du  manich.f  liv.  ii,  c.  6,  ^  2 
et  7);  preuve  certaine  qu'ils  avaient  puisé 
ce  prétendu  fanatisme  dans  les  levons  ne  Jé- 
sus-Christ et  des  apôtres.  En  eSét,  Beanso- 
bre  avoue  encore  ailleurs  qu'il  venait  de  la 
fàîMsse  idée  du  bien  et  du  mieux,  dont  saint 
Paul  a  parlé  (i  Car,^  vu,  8»  9;  i,  7;  iv, 
12).  Mosheim,  plus  judicieux,  lait  le  même 
aveu  {Hisi.  ekrisi.^  s»c.  u,  S  M*  note);  il 

Srouve  la  réalité  du  lait  par  le  témoignage 
'Atbéoagore  et  de  Tertuliien;  il  n'a  pas  osé 
blâmer  cette  estime  |iOur  le  célibat,  aussi 
ancienne  que  le  christianisme. 

Ces  mêmes  faits  prouvent  que  les  Pères  de 
Nicée  attachaient  une  idée  de  perfection  et 
de  sainteté  au  célitMt  ecclésiastique  et  reli- 
gieux ;  qu'ils  le  regardaient  comme  l'état  le 
plus  convenable  aux  ministres  des  autels; 
qu'ils  auraient  désiré  |K>uvoir  y  assujettir 
dès  lors  le  clergé.  Eu  eOet,  les  inconvénients 
^ui  suivaient  du  mariage  des  ecclésiastiques 
tirent  bientôt  sentir  la  nécessité  d'en  venir 
Ik,  ou  de  prendre  di'S  moines,  obligés  par 
VŒU  k  la  continence,  pour  les  élever  k  l'é- 
piscopat  et  au  sacerdoce;  et  si  cette  Un 
n'existait  pas  déjà,  un  serait  bientôt  forcé 
de  l'établir  ;  sans  cela  l'on  verrait  renaîtra 
les  mêmes  désordresqui  arrivèrent  au  n*  siè- 
cle et  dans  les  suivants,  lorsque  les  grands 
s'emparèrent  dés  étêchés,  des  atibayes  et  des 
cures  ;  eo  firent  le  patrimoine  de  leurs  en- 
tànis  ;  déshonorèrent  relise  par  les.  vices 
des  intrus,  et  anéantirent  enfin  le  clergé  se*, 
culier  par  leurs  rapines. 

S'il  était  vrai,  comme  le  prétendent  nos 
adversaires,  que  la  loi  du  célibat  fût  iiynsta 
en  elle-même,  et  contraire  à  la  loi  de  Dieu, 
il  ne  serait  pas  moins  ii^uste  d'empêcher  les 
clercs  de  se  marier  après  leur  ordination 
qu'auparavant.  Cependant  nous  voyons,  par 
tous  les  monuments  ecclésiastiques,  que  ni 
dans  l'Orient,  ni  dans  l'Occident,  on  ne  leor 
a  jamais  laissé  cette  lit>erté.  Quel  avantage 
des  censeurs  imprudents  peuventils  donc 
tirer  de  l'ancienne  discipline,  et  de  la  pru- 
dence avec  laquelle  se  conduisirent  les  Pè- 
res de  Nicée?  Eosèbei  qui  avait  assisté  k  cf 


501 


GEL 


DICTIONNAIRB 


GSL 


o93 


concite,  dit  qtiâ  les  prêtfe^de  Tan^refme  Loi 
TivAientdanâ  Pélaldu  matiage,  et  désiraient 
avoir  des  enfanta,  au  lieu  que  leS  prôtres 
de  la  Loi  Nouvelle  s'en  absticfAaent,'  parce 
qu'ils  $ont  entièrement  oeeupés  à  servir  Dieu 
et  à  élever  une  famille  Spirituelle  {DimàiUst. 
éwingéliqut^  iiv.  h  C  9). 

Aussi  la  loi  du  célibat  poui^  le^  évèqués^, 
les  prêtrfS  et  les  diacres,  après  leur  ordina^ 
tion,  a  continué  d'A(#e  observée  par  lea  jff- 
cobites  et  par  les  nestoriens,  après  leur 
schisme.  Elle  fut  interrompue  chez  ees^  der- 
niers Tan  485  el  en  496.  (Assémani,  Biblioik. 
orteniale^  iotù*  IV,  c.  14,  p.  857). 

En  1549,  le  parlement  d'Angleterre,  quoi- 
que réformateur,  fut  plus  raisonnable  que 
les  écrivains  moderues  de  cette  nation.  Dans 
la  loi  même  qu'il  porta  pour  permettre  le 
mariage  aux  ecclésiastiques,  il  dit  :  «  Qu*it 
eonvenait  mieux  aux  prêtres  et  aux  ministres 
de  TEglise  de  vivre  cnastes  et  sans  mariage, 
rt  qu*il  serait  h  souhaiter  qu'ils  voulussent 
d'eux-mêmes  s'abstenir  de  cet  engagement.  » 
(D*  Ku^fB,  ffisiùire  de  la  maison  de  TudoTf 
tom.  III,  p.  204.) 

Un  auieur,  dan»  une  brochure  intitulée  : 
Les  inûonténieniê  du  célibat  des  prêtres^  a 
rassemblé  tous  les  sophismes,  les  reproches, 
lois  impèstwea  det^  protestants  sur  ce  sujet-; 
il  n'y  a  rien  ajouté  que  quelques  passages 
qu'il  a  faisifiés,  d'autres  qu'il  a  forgés,  en 
citant  des  auteurs   inconnus,  et  quelques 

G'  rases  impiidiques,  copiées  dans  nos  phi«- 
ophes  épleurieïis;  nous  ne  relèverons  de 
cet  ouvrage  qoé  les  endroits  les  plus  ab<- 
sufdés. 

L'aotetfr  (r«  pii'tie,  c.  2)  prétend  que  le 
célibat  peut  nFUire  K  la  santé  et  abréger  la 
vief;  il  exagère  l'extrême  difBcUlté  de  garder 
laMntiireoce.  Si  cette  fertu  est  si  pienible 
el  ai  meurtrière,  il  est  dé  Thumanité  de  nos 
oenseurs  de  permettre  l'adultère  aux  per^- 
•OHMS  mariées,  qui  se  trouvent  séparée^ 
pour  longtemps,  ou  dont  l'une  est  tombée 
dans- un  état  d'infirmité  qui  lui  rend  la:  vie 
etffijilgifle impossible.  Ilfaudraii encore  per- 
BfetH*0  la  fornication  aux  particuliers  des 
i^fii  aèxes  qui  ne  peuvent  pas  trourer  à  se 
marier,  maljÇré  lé  désir  qu'ils  ènont;  T  a-til 
mmWÊ  de  vietllardd  parmi  les  céKbataire^ 
mslésiasliquea  ou  reltgieoit,  eiuer  pérôri  leè 
gcfni  maries? 

Selon  lui^  l§  ôéKbat  e^t*  un  signe  èértaiâ 
cte  la  déeadentsé  et  de  la  corruption  de^ 
mœurs;  S'il  emerrU  parfei'  du  célibat  volup^ 
tueux  et  libertin  des  laïques,  nous  pensons 
oomriiafuit'mtfi^est'^fl  en  étcft  de  prouver 
qoe  tea  iiitBU¥#s<^nt  plùî^pùrësidan^  les  lleui 
oit  le  olerg«  dr'ôbàerve  point  le  célibat  T 
Qéond  ri  a  dit  i  MmipKtt  léà  frtàtiagéÉ\'  et 
hs'  mamrs*  émiènd¥énê  Hàemaréi;  il  déVtfit 
clianger  ia>pbnig|^ët  diM  :  PUrifiéif  lesfMum 
H  lt9  mofia^  itnvuUipH^Mîi  sans*  qu'il 
ioil  besoiii  à»  êhaï^érrétAt  des'  eedëèié^ti^ 
ifues  ni  dea  i^ligtenr  (&  9  èl  4)i  i 

A  l'éxempl0<  deis  pH>të*Uint»/  il  Miitiittft 
(chj  8)  qiÊ^  Ii9s  pahMea  d^Dieii^  adressées  à 
lios  prieliriers  pàrentsr  :  Crdbléji^,  iMMpKéi\ 
ptupU%  laterrSf  rdttfei^i^ât  uAë  loi;  Cepêb^ 


dant  le  texte  dépose  que  c*est  une  bénédic- 
tion et  non  une  loi.  Ouand  c'en  eût  été  une 
Iiour  les  premiers  hommes,  elle  n'a  plus 
iéu  depuis  que  le  monde  est  peuplé.  Sou- 
liendra-t-onr  que  tout  homme  qui  ne  se  ma- 
rie pas  pèche  contre  la  loi  de  Dieu?  On  dit 
que  si  lecélibat  devenait  général,  le  genre 
Dumain  périrait.  Nous  répondons  que  si  le 
mariage  était  général,  la  terre  ne  ponrraft 
plus  nourrir  ses  habitants  :  la  population  ne 
coYisiste  pas  seulement  à  mettre  des  hommes 
âU' monde,  mais  à  les  faire  subsister. 

Dans  la  n*  partie,  ch.  2,  notre  grand  cri- 
tique prétend  que  le  célibat,  lom  d*êlre 
loué  ou  recommandé  dans  l'Evangile,  y  est 
formellement  condamné  par  ces  mots  iQut 
VhomMe  nt  sépare  point  ce  que  Dieu  a  uni; 
saint  Clément  d'Alexandrie,  dit-il,  Fa  ainsi 
entendu  fS/romo/.,  Ht.  m,  p.  544}.C*esluDe 
citation  fausse.  Saint  Clément  prouve  seule- 
ment, par  ces  paroles,  que  le  mariage  n'est 
point  un  état  criminel,  comme  l'entendaleat 
certains  hérétiques.  Mais  autre  chose  est 
de  vouloii^  séparer  ceux  que  Dieu  a  unis 

Ear  le  mariage,  et  autre  chose  de  trourer 
on  que  oeul  qui  ne  sont  pas  mariés  con- 
tinuent ft  virre  ainsi,  lorsque  cela  peut  être 
lïtile  pour  eui  et  pour  les  autres;  saiot 
Paul  lui-même  a  fait  cette  distinction. 

Après  avoir  censuré  tous  les  commenta- 
teurs de  l'Etangile,  ce  même  écrivain  s*é- 
rige  en  interprète  des  paroles  du  Sauveur 
(ilfarfA.  X,  12)  :  Il  y  a  dés  eunuques  qui  ont 
renoncé  au  mariage  pouf  le  royaume  da 
cieust  :  que  àèlui  qui  peut  le  eonee^oit  Hatu 
aiteiition.  «  Si  ces  paroles^.  dit-Il,  signifient 
qnc  cette  sentence  est  obscure^  elles  ne 
prouvent  rienj  si  cela  veut  dire  qu'il  &ut  une 
grâces  l^artîculréfre  pour  pratiquer  cette 
maxime',  ce  ne  peut  pas  être  lîne  loi;  le 
sens  le  plus  naturel  de  ce  passage  est  que 
ceux  (^î  sé'  trouvent  séparés  par  un  di- 
vorce, feront  fort  bied:  de  s'db^eliir  d'un 
siecond  mariage.  » 

•  Cette  découverte  n'est  pas  henfèuse.  Une 
preuve  que  la  m«[xime  du  Sauveur  n'e^t  pas 
obscùre,r  c'est  que  tout  le  monde  renlend 
très-bien,  à  rexcepliorf  des  anri-è(^liba!airej 
qui  fofit  lai  sourde  oreille.  JéSii^ChriSt  fait 
entendre  qu'il  faut  une  grflce  et  utte  voca- 
tion particulières  pourbieh  entendre  ce  qu'il 
dit,  par  conséquent,  té  n'est  pas  une  loi 
poti^  tous,  mais  pour  ceux^à  qui  Dieu  donne 
cette  grJce  et  Cette*  vocation.  Mais',  après 
que  le  Sauveur  a  déclaré  foi'mellement  que 
ceux  qui  se  remarriënt  dprès  un  divorce^ 
ôommettent  un  adultère,  il  est  absurde  de 
lui  faire  dit^e  sin^plement  que  ceut  qui  ool 
fait  diyorce  feront  ttês-bien  de  ne  pas  se 
marier.  Il  est  d'ailleurs'  évident  (}ue  ceut 
qui-  arai^  renoncé  ad'  mariage  pour  li 
royaume  de$  cieusé  étaient  iean-6i(ptiste  et 
les'  apôtres,  puisque  ceux-ci  disiâieût  h  leur 
làattrëf  :  Seigneu^,  ntnh  at^ong"  toUt  quiUf 
poùt  voUè  mhtnre: 

•  Le  pa^slègé'dè  saint  Paul  [ICot.^  vu)  est 
élaik*  r  71  «rT  bon  à  Vhatàmê.  dit -il,  de  m 
pas^  rMdIeH  tirii^  fèmmél..  Je  Mite  que  roui 
s&yM  toké  tdmum  mtrt  ;  fhaii  éhatm  d  ftç^ 


CEL 


D^ASCETISME. 


CEL 


SM 


de  Diem  mm  don  parhcuiier^  Fun  d'une  ma- 
nière^ Foutre  d^une  autre.  Mais  je  dis  à  ceux 
qui  sont  dans  le  célibat  ou  dans  le  veuvage^ 
quii  leur  est  bon  de  demeurer  en  cet  état 
comune  moi.  Que  sUls  ne  sont  pas  continents^ 
qu'ils  se  marient.  Il  est  mieux  de  se  marier 
que  de  irûier  d'un  feu  impur.  Notre  censeur, 
ûJèle  écolier  des  protestants,  dit,  c.  3,  que 
Mînt  Paul  parle  ainsi  à  caus«  des  persécu- 
tiftns;  faux  commentaire.:  TApAlre  ajoute  : 
quit  donne  ce  conseil^  parce  que  ceux  qui  ne 
sont  pas  mariés  s'occupent  du  sertice  de  Dieu 
et  du  soin  de  lui  plaire j  au  lieu  que  ceux  qui 
te  sont  s*occwent  des  affaires  du  monde 
(/Car.Tii,32). Ensuite,  noire  critique  prétend 
que  saint  Paul  parle  seulement  des  Teufs, 
et  les  exhorte  à  ne  pas  passer  à  de  secondes 
noces.  Nouvelle  satisfaction  ;  TApôtre  s'ex- 
plique clairement  :  Je  dis  aux  veuls  et  à 
ceux  qui  ne  sont  pas  mariés  :  Dico  autem 
stan  nuptis  et  viduts^  )•  8;  il  parle  même 
des  Tier^  {f  25).  11  dit  que  celui  qui  marie 
sa  fille  &i  bien,  et  que  celui  qui  ne  la  ma- 
rie pas  fait  mieux  {j  98).  Si  c  était  une  loi 
el  on  devoir  de  se  maner,  comme  nos  ad* 
Tersaires  le  soutiennent,  de  quel  front  saint 
Paal  aurait-il  pu  y  donner  atteinte  d*uoe 
manière  aussi  formelle. 

Maïs  nous  avons  affaire  à  des  oisputeurs 
fertiles  en  ressources  ;  saint  Paul,  disenl- 
its,  était  marié,  ou  du  moins  l'avait  été  : 
c'est  le  sentiment  de  saint  Ignace,  dans  son 
EpUreaux  Pkiladelpkiens;  de  saint  Clément 
d'Alexandrie  (Stromates^  liv.  ui,  cb.  6, 
p.  533);  d'Ori^ène  (  in  Epist.  ad  Rom.^  1. 1, 
o.'  1)  ;  de  saint  Basile  (De  abdic.  serm.)  ; 
d*Busèbe  {Hist.  ecclés.^  liv.  m,  ch.  30),  et  de 
plusieurs  autres  Pères.  Saint  Paul  lui-même 
le  témoigne  assez  dans  sa  Lettre  aux  Php^ 
lippiens  T\.  ir,  3  ).  Donc  il  a  voulu  seule- 
menl  détourner  les  fidèles  des  secondes 
noces,  et  encore  ce  conseil  est-il  contraire 
à  celui  qu'il  donne  aux  jeunes  veuves  (  I 
Tim.  t)  :  Je  «mx,  dit-il,  quelles    se  ma-- 


Si  nos  censeurs  étaient  moins  aveugles  7 
ils  auraient  vu  que  saint  Paul ,  qui,  suivant 
eux,  était  veuf  lorsqu'il  écrivit  aux  Corin- 
thiens, n'a  pas  pu  parler  de  son  épouse 
eomme  vivante,  dans  sa  lettre  aux  Pnilip- 
piensy  qui  ne  fut  écrite  que  cinq  ou  six  ans 
après  ;  mais  la  prévention  leur  Ole  la  pré- 
sence d*e$prit.  La  plupart  des  citations  qu'ils 
nous  opposent  sont  infidèles  ;  il  n'est  parlé 
du  prétendu  mariage  de  saint  Paul  aue  dans 
la  lettre  interpolée  ou  falsifiée  de  saint 
Ignace  aux  Pbiladelphiens,  et  non  dans  le 
texte  grec  autbentique.  Il  n'est  pas  vrai 
qu'Ortgène  soit  de  ce  sentiment;  il  dit  que, 
selon  Topinion  de  quelques-uns,  saint  Paul 
était  marié  lorsqu'il  fut  appelé  à  l'apostolat; 
que,  suivant  d'autres,  il  ue  l'était  pas.  Nous 
n^avons  rien  trouvé  daus  saint  Basile  de  ce 
qu'on  lui  attribue  ;  saint  Clément  d'Alexan- 
drie est  le  seul  des  Pèrrs  qui  ait  cru  le  ma- 
riage de  saint  Paul.  Eusèbe,  h  la  vérité,  cite 
ce  qu'a  dit  saint  Clément,  mais  il  n'y  donne 
aucune  marque  u'approbation  ;  et  cette  opi- 

DiCTuns.  D'AscfrnsMK.  I. 


nion  n'est  fondée  que  sur  un  passage  de 
saint  Paul  mal  entendu. 

Aussi  Tertullien  (lib.  i  Ad  uxor ,  c.  3  ; 
lib-  De  monogam,  c.  3,  8)  ;  saint  Hilaire  (in 
ps.  cxxTii)  ;  saint  Epipbane  (hœr.^  58)  ;  saint 
Arobroise  (m  Exhortât,  ad  tirgines);  saint 
Jérôme  (liv.  i  contra  Jotin.^  et  Enist.  22  ad 
EustochiamYy  saint  Augustin  (L.  ae  Grat.  et 
lib.  Arb.9  c.  k;  Lib.  de  bono  conjug.^  c.  10; 
lib.  I  De  adult.  conjug.^  c.  i^  ;  Ltb.  de  opère 
monach.^  c.  (),  affirment  unanimement  que 
saint  Paul  ne  fut  jamais  marié.  L'opinion 
l>articulière  de  saint  Clément  d'Alexandrie 
ne^peut"pas  prévaloir  sur  cette  tradition  con- 
stante. 

Il  n'y  a  aucune  opposition  entre  les  divers 
avis  que  donne  saint  Paul  ;  il  veut  que  les 
jeunes  veuves  se  remarient,  parce  qu'elles 

en  ont  le  désir,  quia nubere  volunt^  et 

parce  que  plusieurs  ont  manqué  à  la  foi 
qu'elles  avaient  jurée.  {ITimoth.  v«  11, 12). 
Sans  doute,  il  était  mieux  pour  elles  de  se 
remarier  que  de  brûler  d'un  feu  impur  (/ 
Car.Tii,9). 

Quant  au  passage  de  saint  Paul,  tiré  de 
la  même  Lettre  aux  Corinthiens  (ix,  5),  qui 
a  trompé  saint  Clément,  et  sur  lequel  nos 
adversaires  insistent,  il  ne  fait  aucune  dif- 
ficulté. tTavons^ous  pas,  dit  l'Apôtre,  le 
pouvoir  de  mener  avec  nous  une  femme, 
comme  notre  smur,  comme  font  Us  autres 
apôtres^  et  les  frères  du  Seigneur  et  Céphasf 
Saint  Clément,  disent  ces  critiques,  sous  le 
nom  de  femme^  a  entendu  une  épouse;  cette 
traduction  est  fautive.  Mais  nos  censeurs, 
toujours  frappés  du  nëme  vertige,  veulent 
que  saint  Paul ,  après  avoir  parlé  comme 
veuf,  dans  le  chapitre  vir,  ait  fait  mention 
de  son  épouse  dans  le  cbapitre  ix. 

Suivant  leur  coutume  ordinaire,  lorsqu'un 
Père  de  l'Eglise  a  dit  Quelque  chose  qui 
leur  est  favorable,  ils  en  lont  un  éloge  pom- 

r»eux,  pour  tous  ceux  qui  ne  sont  pas  de 
eur  avis,  ils  les  dépriment  et  en  parlent 
avec  dédain. 

A  force  de  spéculations,  ils  ont  deviné 
l'origine  de  l'estime  que  Ton  a  eue,  dès  les 

i premiers  siècles,  pour  la  Tirginité  et  pour 
e  célibat  ;  elle  est  venue,  disent-ils,  de  la 
croyance  dans  laquelle  étaient  les  premiers 
chrétiens  que  le  monde  finirait  bieniôt,  de 
la  mélancolie  qu'inspire  le  climat  de  TEgypte 
et  des  Indes,  aes  idées  chimériques  de  |>er- 
fection  puisées  dans  la  philosophie  de  Py- 
thagore  et  de  Platon;  et  cette  supetstition 
s'est  répandue  partout. 

Nous  voilà  donc  réduits  à  croire  que  Jé« 
sus-Chfist  et  ses  disciples,  saint  Paul  et 
l'auteur  de  l'Apocalypse,  qui  ont  fait  cas  de 
la  virginité  et  du  célibat,  étaient  dans  Topi- 
ni(«n  de  la  prochaine  fin  du  monde,  qu'ils 
étaient  attaqués  de  la  mélancolie  de  FEgypte 
et  des  Indes  ;  qu'ils  étaient  prévenus  des 
idées  de  Pythagore  et  de  Platon. 

Qui  n'admirerait  l'entêtement  de  nos  ad- 
versaires? ils  disent  que  l'estime  pour  la 
virginité  et  le  célibat  est  absurde,  injurieuse 
à  la  na!ure,  contraire  aux  desseins  du  Créa- 
teur, aux  intérêts  de  l'humanité,  aux  plu(3 

13 


S95 


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DICTIONNAIRE 


CEL 


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pures  lumières  du  bon  sens;  et,  par  une 
contagion  déplorable,  celte  superstition  s^est 
répandue  partout  ;  elle  a  passé  de  PEgypte 
aui  Indes  et  à  la  Chinet  elle  a  infecté  les 
ignorants  et  les  philosophes.  Avec  le  chris- 
tianisme, elle  a  pénétré  en  Italie  et  dans  les 
Gaules,  en  Angleterre  et  dans  les  climats 
glacés  du  Nord  ;  elle  est  allée  jusqu'au  Pérou 
faire  établir  les  vierges  ou  Soleil.  Ils  se 
flattent  néanmoins,  par  la  supériorité  de 
leurs  lumières,  de  guérir  ennn  l'univers 
entier  de  cette  maladie,  et  de  lui  rendre  le 
bon  sens  qu^eux  seuls  croient  posséder  ex- 
clusivement. Ils  disent  que  cette  estime 
aveuele  pour  la  continence  a  été  poussée  à 
l'excès  par  les  Pères  de  l'Eglise,  et  ils  s'ef- 
forcent de  prouver  que  les  Pères  n'ont  ja- 
mais pensé  à  en  faire  une  loi  au  clergé.  Ils 
disent  que  les  Pères  ont  eu  le  même  luépris 
pour  l'état  du  mariage,  çiue  les  docètes,  les 
marcionites  et  les  manichéens ,  et  à  peine 
ces  hérétiques  ont-ils  paru,  qu'ils  ont  été 
réfutés  et  condamnés  par  les  Pères. 

Mais  c'est  ici  un  fait  dont  la  discussion 
est  importante.  Notre  dissertateur,  instruit 
probablement  par  Beausobre,  soutient  que 
ces  anciens  hérétiques,  détracteurs  du  ma- 
riage, ne  le  condamnent  pas  comme  absolu- 
ment mauvais  et  criminel ,  qu'ils  le  regar- 
daient comme  un  état  moins  parfait  que  le 
célibat,  doctrine  qui  est  à  présent  celle  de 
rEglise  romaine,  mais  qui  a  été  condamnée 
par  les  Pères. 

Heureusement,  le  mattre  et  le  disciple  se 
contredisent  et  se  réfutent  chacun  de  leur 
cOté.  Le  premier,  après  avoir  fait  tous  ses 
efforts  pour  prouver  que  (es  manichéens  ne 
pensaient  pas,  touchant  le  mariage,  autre 
mont  que  fes  Pères,  est  forcé  de  convenir 

Î(ue  ces  hérétiques  ne  pouvaient,  suivant 
eurs  principes,  ni  approuver  le  mariage, 
ni  le  regarder  comme  une  institution  sainte, 
puisqu'ils  enseignaient  que  c'est  le  démon 
ou  le  mauvais  principe  qui  a.  construit  le 
corps  humain,  et  qu'il  s'est  proposé  de  per- 
pétuer, tant  qq'il  le  peut,  par  la  propaga- 
tion, la  captivité  des  âmes  ;  c'était  aussi 
Terreur  de  plusieurs  sectes  gnostiques 
{Hist.  dumanich.,  liv.  vu,  c.  3,  §  13;  c.  5» 
S  9).  Le  second  n'a  pu  s'empêcher  d'avouer 
que  les  encratites  et  les  apostoliques  reje- 
taient le  mariage  comme  absolument  mau- 
vais, qu'Eustate  de  Sébaste,  en  Arménie,  fut 
condamné  au  concile  de  Gangres,  vers  l'an 
241 ,  parce  qu'il  interdisait  la  cohabitation 
aux  gens  mariés  (Inconv,  du  célib,^  seconde 
part.,  c.  9,  10, 13).  Voilà  ce  que  les  Pères 
ni  l'Eglise  n'ont  jamais  enseigné,  mais  ce 
qu'ils  ont  toujours  proscrit  et  censuré. 

Nous  ne  suivrons  pas  cet  auteur  dans  ses 
déclamations  contre  les  vœux,  contre  l'état 
monastique ,  contre  les  couvents  de  reli- 
gieuses, contre  les  superstitions  portées 
dans  le  Nord  par  les  missionnaires  dans  le 
neuvième  siècie  et  les  suivants;  ces  invec- 
tives copiées  d'après  les  protestants ,  et  re- 
battues par  les  incrédules,  seront  réfutées 
chacune  dans  leur  place.  Quant  aux  mœurs 
du  clergé  daub  les  bas  siècles  ,  cl  oux  scan- 


dajes  qui  ont  affligé  l'Eglise,  ces  désordres 
n'ont  eu  lieu  qu'après  la  chute  de  la  maison 
:de  Charlemagne ,  et  après  la  révolniion  qui 
bouleversa  les  gouvernements  dans  nos 
contrées.  Les  seigneurs ,  toujours  armés , 
s'emparèrent  des  bénéfices  ,  en  firent  leur 

[patrimoine ,  y  placèrent  leurs  enlanfs  et 
eurs  protégés;  ces  {intrus  ne  pouvaient 
manquer  d'avoir  tous  les  vices  de  leurs  pâ- 
trons ,  la  simonie  et  le  concubinage  allèrent 
itoujours  de  compagnie,  Mosheim  et  d'autres 
îprbtestants  l'ont  remarqué  aussi  bien  que 
nous.  £n  général,  q^ui  sont  les  prélats  qui  ont 
Ile  plus  déshonoré  rEglise  ?  Ceux  qui  avaient 
|eu  des  enfants  légitimes  avant  leur  ordina- 
jtion  ,  ou  qui  avaient  eu  des  enfants  natu- 
rels. Faut-il  renouveler  aujourd'hui  les  dé- 
sordres  qu'ils  ont  causés?  11  est  faux  cjuele 
mariage  permis  aut  ministres  de  la  religion, 
dans  Tes  pays  du  Nord ,  y  ait  rendu  les 
mœurs  plus  pures;  Bayle  a  prouvé  le  con- 
traire (  Dict.  crit.y  art.  Ermite ,  rem.  1,  S  3). 

Pour  ne  rien  laisser  à  désirer  sur  cette 
question  tant  rebattue ,  il  nous  reste  à  eia- 
miner  si  le  changement  de  discipline  sur  ce 
point  produirait  des  effets  aussi  avantageux 
qu'on  le  prétend. 

Dans  les  Annaltt  politiques  de  1782,  n* 21, 
il  y  a  une  lettre  dont  l'auteur  se  propose  do 
démontrer,  par  le  calcul,  que  la  suppression 
du  célibat  ecclésiastique  ei  religieux  serait 
une  fausse  politique ,  une  'puérilité  indigne 
de  l'attention  d'un  grand  législateur,  et  une 
innovation  sans  fruit  pour  la  population. 

«  La  haine ,  dit-il ,  la  jalousie ,  la  crédu- 
lité» l'enthousiasme  réformateur ,  la  rivalitf 
des  philosophes  avec  le  clergé ,  ont  exagéré 
jusqu'au  ridicule  le  nombre  des  ecclésiasii- 

Sues  et  des  moines;  mais  voici  le  résultat 
es  dénombrements  les  plus  exacts. 
)  «  Sur  plus  de  dix  millions  d'habitants , 
l'Espagne  compte  cent  soixante  mille  céli- 
bataires religieux  ,  dont  un  tiers  forme  la 
clergé  séculier  ;  c'est  un  et  demi  pour  cent 
de  la  génération  complète.  En  Italie,  il  y  a 

Quatorze  millions  et  demi  d'individus,  et 
eux  cent  quatre-vingt  mille  ecclésiasliques; 
ce  sont  deux  hommes  par  cent  sur  la  totalité 
des  habitants  :  mais  plus  de  la  moitié  dVn- 
tre  eux  se  trouvent  aans  le  royaume  de  Na- 
pies  et  dans  les  Etats  du  Pape;  le  reste  de 
l'Italie  ne  suppose  qu'un  soixanle-ouinziènie 
ou  environ  de  sujets  voués  à  la  religion. 

0  II  faut  observer  que  l'Italie  a  peu  de 
grandes  villes  qui  absorbent  la  population; 
elle  n'entretient  point  d'armées  ni  de  marine 
militaire.  Dn  climat  doux  et  uu  sol  fertile» 
en  diminuant  les  besoins ,  augmentent  jes 
subsistances. 

«  Les  calculs  faits  sous  l'administration  de 
M.  Necker  ont  porté  la  population  de  ta 
France  à  vingt-trois  millions  cinq  cent 
mille  habitants;  en  y  supposant  deux  cent 
mille  célibataires  religieux ,  comme  l'ont  iâit 
les  plus  grands  exagéra teurs ,  c'est  moins 
d'un  centième  de  la  nation. 

«  11  y  a  plus  :  sur  le  total  de  six  millions 
et  plus  de  deux  cent  mille  femmes  propres 
au  mariage ,  il  y  en  a  un  million  et  quiiranie 


Z»1 


€EL 


D'ASCtTISME. 


CEJL 


3?S 


iiiiile  qui  ne  sont  point  oiariees,  et  on  ne 
yaai  coiuprer  que  soixante  et  dix  mille  reli- 
peuses,  c'est  le  quinzième  des  femmes  ce- 
iibalaires.  Sur  la  totalité  des  hommes  ,  on 
f<oit  en  compter  au  moins  un  million  qui 
pourraient  être  mariés  et  qui  ne  le  sont  pas  ; 
sur  oe  mîHion  il  n'y  en  a  qu'entiron  cent 
trente  mille  ecclésiastiques  ou  religieux,  ce 
n*est  que  le  dixième. 

«Rendez  au  monde,  continue  l'auteur , 
tous  les  bommes  enfermés  dans  les  monas- 
tères, ce  sera  soixante  mille  célibataires  de 
moins  sur  un  milKon.  Mais  tous  n*auront  pas 
les  facultés ,  le  penchant ,  la  fortune,  la  vo- 
cation ,  nécessaires  au  lien  conjugal.  Les 
cadels  de  famille,  les  vieillards ,  les  in6r- 
mes,  ceux  qui  préféreront  la  liberté  et  l'in- 
dépendance du  célibat  au  joug  du  mariage , 
etc.,  sont  à  retrancher ,  et  c'est  au  moins 
une  moitié.  Vous  gagnerez  donc ,  sur  un 
million  d*babitanls,  environ  trente  mille 
sujets,  snr  lesquels  la  mort,  la  pauvreté, 
l'abstinence  forcée,  prendront  leurs  tributs: 
voilà  à  quoi  se  réduisent  les  romanesques 
visions  des  déoiamateurs. 

«  La  seole  capitale  renferme  plus  de  do- 
mestiques qu'il  n'y  a  de  religieux  dans  tout 
«e  royaume ,  le  nombre  de  ces  esclaves  du 
luxe ,  dans  toute  la  France ,  est  un  douzième 
de  la  population.  Aux  serviteurs,  le  mariage 
est  intordit  comme  nuisible  à  l'intérêt  des 
maîtres  ;  dans  les  femmes ,  on  tolère  le  li- 
bertinage ,  et  non  la  fécondité  légitime.  Le 
célibat  forcé  des  domestiques  est  an  foyer 
de  désordres ,  celui  des  ecclésiastiques  est 
contraint  dans  ses  penchants  par  la  sainteté 
de  son  institut,  par  la  crainte  de  la  honte , 
par  rhonnenr  du  corps  ;  un  religieux  a  de- 
vant Isi  dix  exemples  de  vertus  iKmr  un  de 
dépravation. 

•  Deux  cent  cinquante  mille  soldats  on 
ii<«ttelots  sont  enlevés  sur  la  population ,  et 
I  on  choisit  les  individus  les  plus  capables 
des  services  civils.  La  débauche ,  les  mala- 
<iies  honteuses ,  empoisonnent  les  armées , 
tandis  que  la  désertion  les  diminue. 

«  Compta  les  mendiants ,  les  employés 
des  fermes  »  les  rentiers ,  les  journaliers ,  la 
nuée  des  gens  de  lettres ,  mais  surtout  les 
philosophes  :  Tesprit  philosophique ,  oui 
n'est  autre  chose  <)ue  l'esprit  d  égoisme ,  fut 
toujours  antipathique  du  mariage.  Voyez 
nos  moBors,nas  capitales,  nos  ménages; 
observes  le  luxe  dans  ses  gi^ntesqnes  pro^ 
grès ,  le  coiiccd>inage  imp<»sible  à  réprimer, 
la  puissance  maritale  et  paternelle  de  jour 
eo  Jour  plus  relâchée  et  plus  insupportable, 
le  ton  et  la  conduite  des  femmes  ;  flattez- 
vous  ensuite  que  la  propagation  de  l'espèce 
ta  couvrir  la  terre ,  lorsque  cinquante  mille 
BMines  auront  renoncé  au  voeu  du  célibat. 

<  Il  existe  en  France  plus  de  |iro6tituées 
que  de  religieuses;  lesquelles  sont  les  plus 
funestes  à  la  population?  Le  nombre  des 
enbnls  trouvés  augmente  chaque  jour  d'une 
luatiiêre  effrayante. 

«  L'auteur  des  Recherchts  philosophiques 
«w  (e  céltbal  s'écrie  :  «  Voyez  les  Etats 
■  protestants,  ils  fourmillenl  de  bras,  et  la 


«  catholicité  de  désitris.  »  Vingt  antres  ont 
fait  cette  comparaison. 

«  Mais  en  Suisse,  le  plus  peuplé  des  cju^ 
tons  est  celui  de  Soleure,et  il  estcatholi- 

3ue;  il  a  des  ecclésiastigues,  des  moines  d 
es  religieuses.  Si  la  Sicile  est  pleine  <  e 
masures  »  c'est  l'effet  du  gouvernement  féo- 
dal, le  plus  atroce  et  le  plus  destructeur 
qu'ait  inventé  l'usurpation.  Les  Pays-Bas 
catholiques ,  les  riches  républiques  d'Italie , 
étaient-elles  dépeuplées  dans  le  xv*  ot 
le  XVI"  siècle?  Avaient- elles  moins  de 
prospérité  que  la  Hollande?  La  Prusse 
est-elle  plus  féconde  en  habitants  que  les 
contrées  catholiques,  et  la  Suède  que  la 
Lombardie?  La  fertilité  du  sol ,  la  position 
topograpbique  et  le  gouvernement ,  ont  une 
tout  autre  force  que  les  couvents. 

«  Réformer  et  non  pas  détruire ,  telle  doit 
être  la  maxime  qui  spécule  en  politique. 
Changez  des  asiles  inutiles  en  hosfHces  de 
la  pauvreté ,  de  l'âge ,  de  la  douleur,  du  re- 
pentir et  de  l'abnégation ,  la  société  pourra 
y  gsgner,  mais  non  sa  population.  L'amour 
du  paradoxe  n'inspire  poirtt  cette  opinion: 
quand  on  se  défend  avec  des  chiffres,  on 
iie  peut  guère  être  soupçonné  d'imposture. 

«  Il  nous  parait  une  cet  auteur  ne  craint 
pas  d'être  réfuté  ;  s  il  se  trompe,  il  est  très- 
s  propos  de  démontrer  son  erreur. 

«  L'auteur  de  l'article  CéUbaif  dans  le 
Dictionnaire  de  Jurisprudence^  a  copié  les 
diatribes  de  l'abbé  de  Saint-Pierre,  placées 
dans  Tandenne  Encyclopédie,  et  il  y  a  joint 
ce  que  les  protestants  ont  dit  dans  celle 
dTverdun.  Nous  ne  pouvons  nous  dispen- 
ser de  relever  quelques-unes  des  contradic- 
tions de  cet  article. 

«  Aprte  avoir  soutenu  que  le  célibat  était 
prosent  chez  les  Juifs  en  vertu  de  la  préten- 
due loi  :  Croissez  ei  muUipliex^  on  nous 
assure  qu'£lie,  Elisée,  Daniel  et  ses  trois 
compagnons,  vécurent  dans  la  continence. 
Voila  donc  des  propliètes,  des  amis  de  Dieu, 
^ui  ont  violé  publiquement  la  loi  de  Dieu 
portée  dès  la  création.  L'on  nous  vante  les 
lois  que  les  Grecs  et  les  Romains  avaient 
faîtes  contre  le  célibat,  l'espèce  d'infamie 
dont  ils  l'avaient  noté,  les  privilèges  qu'ils 
accordaient  aux  personnes  mariées  ;  ce|>eu- 
dant  Ton  nous  fait  observer  que  tous  Us 
peuples  ont  attaché  une  idée  de  sainteté 
et  de  perfection  à  la  continence  observée  par 
motif  de  religion;  il  n'est  donc  pas  vrai  que 
toute  espè<»  de  célit)at  ait  été  notée  d'infamie. 
D'un  côté  r^n  dit  qu'il  n'y  a  guère  d'hommes 
à  qui  le  célibat  ne  soit  difficile  à  observer, 
que  les  célibataires  doivent  être  tristes  et 
mélancoliques;  de  l'autre  on  cite  une  haran- 
gue de  lletellus  Numidius,  adressée  au 
peuple  Romain ,  dans  laquelle  il  avoue  que 
c'est  un  malheur  de  ne  pouvoir  se  ^a^  er 
des  femmes,  que  la  nature  a  établi  qu  on  ne 
peut  guère  vivre  heureux  avec  elles.  Pour 
^tre  heureux,  il  faudrait  donc  n'être  m 
marié,  ni  célibataire.  Un  de  ces  oraeies  dit 
que,  dans  le  christianisme,  la  loi  du  célibat 
|)OUr  les  ecclésiastiques  est  aussi  ancienne 
que  l'Eglise,  que  Dieu  l'a  jugé.iiécessairn 


«69 


CEIN 


dictionnaire: 


CES 


m 


pour  approclier  plus  dignement  de  ses  autels  ; 
un  autre  prétend  que  le  célibat  n'était  que 
de  conseil,  et  que,  malgré  ce  qu'en  a  pensé 
le^concile  de  Trente,  la  question  que  nous 
examinons  esl  purement  jpolitique.  Dans  la 
même  page  on  lit  au'en  Occident  le  célibat 
était  prescrit  aux  clercs,  et  qu'il  était  libre 
dilns  I  Eglise  latine;  il  faut  donc  cpxQ  celle* 
ci  ne  soit  pas  la  même  que  r£glise  d'Occi- 
dent. 

a  Ce  cfue  disait  Tabbé  de  Saint-Pierre,  que 
les  ministres  protestants  sont  aussi  respectés 
du  peuple  que  les  prêtres  catholiques  est 
absolument  faux.  Il  est  certain,  par  cent 
exemples,  que  les  protestants  sensés,  même 
les  souverains»  ont  toujours  témoigné  plus 
de  respect  pour  les  prêtres  catholiques, 
dont  ils  connaissaient  les  mœurs,  que  pour 
leurs  propres'^ministres  ;  on  sait  d'ailleurs 
qu'en  Angleterre  le  bas  clergé  est  très-mé- 
prisé.  »  {Londres,  1.  ii,  p.  2fcl.) 

Nous  n'avons  garde  de  blimer  ce  qui  esl 
dit  dans  cet  article  contre  le  célibat  volon- 
taire ou  forcé  des  séculiers  ;  mais  les  moyens 
que  Ton  propose  pour  y  remédier  sont  à 
•  peu  près  impraticaoles,  et  ceux  que  l'abbé 
de  Saint-Pierre  avait  rêvés  pour  prévenir  les 
inconvénients  du  mariage  des  prêtres  sont 
absurdes. 

CELLULB.  —  Diminutif  du  mot  celle, 
qui  a  signifié  autrefois  un  Heu  fermé,  et 
conséquemment  un  monastère.  C'est  une 
petite  chambre  habitée  par  un  religieux 
ou  par  une  religieuse,  qui  fait  partie  d'un 
couvent.  Elle  renferme  ordinairement  un  lit 
ou  un  grabat,  une  chaise,  une  table,  quel- 
ques images  et  quelques  livres  de  piété  :  le 
reste  serait  superflu.  Les  premières  habi- 
tations des  moines  d*Orient  s'appelaient 
laurei. 

Un  religieux  qui  sait  s'occuper,  dans  sa 
cellule,  à  prier,  h  lire,  à  méditer,  à  écrire,  à 
faire  quelques  ouvrages  des  mains,  est  plus 
heureux  qu'un  çrand  seigneur  dans  un  vaste 
appartement.  S'il  lui  arrive  d'entrer  dans  un 
de  ces  palais  qui  renferment  les  chefs- 
d'œuvre  des  arts,  et  des  meubles  précieux, 
dont  le  roattre  ne  se  sert  jamais,  il  peut  dire, 
comme  un  ancien  philosophe  :  Combien  de 
choies  doni  je  n'ai  pas  besoin  ! 

Dans  la  Thébaïcfe  il  y  avait  trois  déserts 
habités  par  les  solitaires  anachorètes  :  l'un 
appelé  des  cellules,  l'autre  de  la  montagne  de 
Nitrie,  le  troisième  de  Scété;  c'était  le  plus 
éloigné  du  centre  de  l'Egypte;  il  confinait 
la  Libye.  L'auteur  de  Vltnitalion  a  dit  : 
Cella  bene  cuitodita  dulceesil. 

CENOBITE.  —  Religieux  qui  vit  dans  une 
communauté,  sous  une  règle  commune, 
avec  d'autres  religieux.  Ce  nom  vient  de 
«oivôc,  commun,  et  Sioc,  vie.  Un  cénobite  est 
ainsi  distingué  d'un  ermite  ou  d'un  ana- 
chorète qui  vit  dans  la  solitude. 

L'abbé  Piammon  parie  de  trois  espèces  de 
moines  qui  se  trouvaient  en  Egypte,  dans  la 
ïhébaide,  savoir  :  les  cénobites,  qui  vivaient 
rassemblés  en  communauté  ;  \esanachoriles, 

Îui  demeuraient  seuls ,  et  les  sarabaltes^  qui 
talent  vagabonds  ;  ces  derniers  ont  toujours 


été  regardés  comme  de  faux  moines.  Il  rap- 
porte  au  temps  des  apAtres  l'institution  des 
cénobites;  c'est,  selon  lui ,  une  imitation  de 
la  vie  commune  des  fidèles  de  Jérusalem; 
mais  ces  fidèles  étaient  des  gens  mariés,  qui 
n'avaient  pas  renoncé  au  monde.  Saint 
Pacême  passe  pour  le  premier  instituteur  de 
la  vie  cénobitique,  parce  qu'il  es^le  premier 
qui  ait  fondé  des  communautés  réglées. 
Avant  lui,  les  moines  étaient  anachorètes  ou 
solitaires.  On  prétend  cependant  que  saiut 
Antoine  avait  bftti  un  monastère  ringt  ans 
plus  tôt  que  saint  Pac6roe;  mais  celui-ci  est 
te  premier  qui  ait  écrit  une  règle  monas- 
tique. 

Dans  le  Code  théodosien  (I.  ii,  tit.  30,  De 
appellat.,  leg.  57),  les  cénobites  sont  appelés 
synobitm,  h  la  lettre,  gens  qui  marchent  en- 
semble, qui  suivent  le  même  chemin;  ee ne 
sont  donc  pas  les  domestiques  des  moines, 
comme  l'ont  imaginé  quelques  glossateurs, 
mais  les  cénobites.  (BiivGBAMf  Orig.  ecci^ 
tom.  111,1.  vu,  c.  3,  §3.  ) 
•  CEPARl  (Virgile  de),  Jésuite  du  commen- 
cenlent  du  xvii*  siècle,  a  laissé  plusieurs 
Vies  de  saints  très-estimées  :  nous  signalons 
seulement,  dans  le  but  plus  spécial  que  nous 

Soursuivons,  son  opuscule  de  la  Présence  de 
Heu. 

CESAIRE  d'ARLBs  (Saint),  né  en  MO,  prêt 
de  Chftlons*sur-Saône,  se  consacra  à  Dieu 
dans  le  monastère  de  Lérins.  Ses  austérités 
ayant  altéré  sa  santé,  on  l'envoya  à  Arles 
pour  la  rétablir.  Trois  ans  après  il  fut  élevé, 
malgré  lui,  sur  le  siège  épiscopal  de  celle 
ville.  Il  fonda,  à  Arles,  un  monastère  de 
filles»  et  leur  donna  une  règle  adoptée  der 

Kuis  par  plusieurs  communautés  religieuses, 
ans  son  voyage  qu'il  fit  à  Rome,  le  Pape 
l'honora  du  pattium,  et  du  titre  de  son  vi- 
caire dans  les  Gaules.  Césaire  présida  le 
concile  xi'Agde  en  506,  et  le  second  concile 
d'Orange  en  529.  Il  mourut  en  54i,  après 
avoir  gouverné  son  diocèse  en  apôtre.  Nous 
avons  de  lui  des  homélies  et  des  traitéaïe 
piété,  qui  ont  été  insérés  avec  ses  autres 
ouvrages  dans  la  Bibliothèque  des  Pères. 

Sa  RÈGLE.  —  Un  des  plus  anciens  monu- 
ments de  la  vie  ascétique  en  France,  après 
les  institutions  de  Cassien,  est  la  règle  que 
fit  saint  Césaire  pour  les  religieuses  aArles; 
elle  fut  depuis  généralement  adoptée,  et  eo 
particulier  par  sainte  Radegonde,  pour  son 
monastère  de  Sainte-Croix  de  Poitiers.  C'est 
à  elle*môme  et  à  ses  religieuses  que  saiut 
Césaire  adresse  cette  règle  devenue  le  mo- 
dèle de  tant  d'autres.  Nous  lui  conservons  sa 
forme  épistolaire. 

«  Aux  saintes  et  vénérables  sœurs  en  Jésus- 
Christ,  habitant  le  monastère  que  nous  avons 
fondé  par  V inspiration  et  avec  le  secours  de 
Dieu^  Césaire,  évéque. 
«  Puisque  le  Seigneur  nous  a  inspiré  de 
fonder  voire  monastère,  nous  avons  recueilli 
dans  les  écrits  des  anciens  Pères  les  avis 
spirituels  les   plus  propres  à  diriger  voire 
vie.  Par  vos  prières,  attirez  le  Fils  de  Dieu 
dans  vos  Ames,  afin  que  vous  puissiez  les 
observer  et  dire  :  Nous  avons  trouvé  celui 


401 


ces 


D*ASCETfSllE. 


CES 


102 


rie  DOS  cœars  cbercliaient.  —  Je  demande 
Dieu  que  toqs  sojrez  toujours  du  nombre 
de  ces  Tierges  sages  qui  attendent  le  Sei- 
gnenr  aTec  leurs  lampes  allumées,  et  j*es- 
père  que  tous  prierez  pour  moi,  qui  ai  tant 
travaillé  pour  élever  votre  monastère.  — 
Les  avis  que  je  vous  adresse  sont  extraits  de 
toutes  les  règles  en  usage,  où  j*ai  choisi  ce 

3 ai  m*a  paru  le  mieux  convenir  è  des  vierges 
e  tout  âç4  oui  doivent  vivre  en  commu- 
nauté. Yoiri  le  point  fondamental  que  vous 
devez  toutes  observer. 

«  Si  une  vierge  quitte  ses  parents  et  re- 
nonce au  monde  pour  entrer  dans  la  sainte 
bergerie  et  échapper,  avec  Taide  de  Dieu,  à 
la  dent  des  loups,  elle  doit  prendre  la  réso- 
lution de  n'en  sortir  jamais  jusqu'à  sa  mort, 
et  de  ne  pas  même  aller  dans  la  basilique 
qui  touche  au  monastère  et  qui  a  une  porte 
extérieure.  —  On  ne  donnera  l'habit  de  reli- 
gion h  une  postulante  qu'après  des  épreuves 
multipliées.  On  la  mettra  d'abord  sous  la 
conduite  de  l'une  des  p!us  anciennes  reli- 
gieuses pendant  une  année  entière,  et  ce  ne 
sera  ordinairement  qu'après  ce  temps  qu'elle 
pourra  r<!cevoir  l'habit  et  être  admise  dans 
le  dortoir  des  religieuses.  La  prieure  pourra 
prolonger  ou  abréger  le  temps  des  épreuves 
en  quelques  circonstances  particulières,  sui- 
vant le  degré  de  ferveur  de  la  postulante. 
—  Les  femmes  veuves  ou  les  femmes  mariées 
qui,  du  consentement  de  leurs  maris,  les 

Ïuilteraient  pour  entrer  dans  le  monastère, 
erroat  donner  ou  vendre  leurs  biens  et  se 
débarrasser  de  toutes  leurs  affaires  tempo- 
relles suivant  cette  parole  du^ Seigneur  :  Si 
iu  veux  être  parfait^  va  et  vends  tout  ce  que 
tu  poi$ide$.  Celui  qui  ne  quitte  pas  tout  pour 
me  svttTTf ,  ne  peut  être  mon  disciple.  Je  vous 
parle  ainsi,  vénérables  filles,  parce  que  les 
religieuses  qui  posséderont  quelque  bien  ne 
posséderont  jamais  la  perfection.  Ainsi,  les 
vierges  elles-mêmes,  qui  ne  renonceront  pas 
à  leurs  biens,  ne  pourront  être  reçues  parmi 
vons.  On  ne  leur  donnera  Thabit  qu  après 
qu'elles  seront  entièrement  débarrassées  des 
soins  du  monde. 

«  Celles  qui  auraient  leurs  parents  et  ne 
posséderaient  pas  encore  leurs  biens,  ou  qui 
seraient  mineures,  devront  faire  un  acte  de 
vente  ou  de  donation  qui  aura  son  effet  au 
moment  où  e]Us  entreront  en  possession  do 
lenrs  biens  on  dans  leur  flge  de  majorité. 

«  Aucune  religieuse  n'aura  de  servante , 
pas  même  J'abbesse.  Les  plus  jeunes  lui 
rendront  les  seivii^es  dont  elle  pourrait  avoir 
besoin.  On  ne  recevra  pas  dans  le  monas- 
tère d'enfant  au-dessous  de  six  ou  sept  ans, 
et  on  ne  prendra  en  pension  aucune  fille, 
soit  noble,  soit  plébéienne,  pour  enlairei'é- 
ducalion.  —  Personne  n'aura  le  choix  do 
son  ouvrage.  Chaque  religieuse  fera  ce  qu'or- 
donnera l'abbesse;  aucune  n'aura  ni  cham- 
bre î  part,  ni  meuble  fermant  à  clef.  Toutes 
coucheront  dans  un  même  dortoir,  en  des 
lits  séparés;  les  anciennes  et  les  malades 
auront  seules  une  salle  particulière. 

>  Jamais  on  ne  doit  parler  è   haute  voix, 
et  pendant  la  psalmodie  il  nn  faut  ni  parler 


ni  travailler.  —  Celle  qui,  au  signal  donné» 
ne  se  rendra  pas  avec  empressement  à  l'of- 
fice ou  à  l'ouvrage,  sera  fortement  répri- 
mandée; si  elle  ne  se  corrige  pas  après  deux 
ou  trois  avertissements,  elle  sera  privée  de 
la  table  commune  et  excommuniée.  »  Oit 
appelait  excommunication,  dans  les  monas- 
tères, l'exclusion  des  prières  communes. 

«  Cne  religieuse  qui  sera  réprimandée 
devra  écouter,  sans  répondre,  les  avertisse- 
ments qu'on  lui  donnera.  Celle  qui  refusera 
de  se  soumettre  à  la  correction,  sera  privée 
de  la  communion  de  la  table  ou  de  la  prière, 
suivant  la  gravité  de  la  faute.  —  Les  religieu- 
ses chargées  de  la  cuisine  auront  à  leur 
repas  un  peu  plus  de  vin  que  les  autres. 
Toutes  seront  chargées  alternativement  de 
la  faire  et  de  remplir  tous  les  autres  oflices 
domestiques.  La  mère  et  la  prieure  en  sont 
seules  exemptes.  —  Pendant  les  veilles  on 
s'occupera  à  faire  des  ouvrages  qui'éloigne- 
root  le  sommeil,  et  ne  pourront  distraire  de 
l'attention  qu'on  devra  apporter  à  la  lecture. 
Si  une  religieuse  s'endort,  elle  sera  con- 
damnée à  se  tenir  debout  tandis  que  les 
autres  seront  assises. 

«  Toutes  recevront  humblement  la  tâcho 
qui  leur  sera  donnée  pour  leur  journée  et 
raccompliront  du  mieux  possible.  Personne 
ne  fera  rien  pour  soi  et  ne  possédera  rien 
en  propre,  ni  vêtement,  ni  autres  choses.  — 
Après  Dieu,  c'est  à  la  mère  qu'il  faut  obéir; 
on  doit  aussi  se  soumettre  a  la  prieure.  — 
A  table,  on  écoutera  attentivement  la  lecture, 
et  on  continuera  à  la  méditer  du  fond  de  sou 
cceur  quand  elle  est  terminée.  On  demandera 
par  signes  les  choses  nécessaires  à  celle  qui 
servira  la  table  ;  il  faut  songer  à  écouter  la 
parole  de  Dieu  tandis  que  le  corps  prend  sa 
nourriture.  —  Toutes  les  religieuses  a(>- 
prendroot  k  lire.  En  tout  temps,  les  deux 
premières  heures  du  jour  seront  consacrées 
a  la  lectufa;  le  reste  du  jour,  au  travail  et  à 
la  prière.  Depuis  la  deuxième  heure  jusqu'à 
la  troisième  ou  tierce  ,  une  sœar  lira  k 
haute  voix  pendant  que  les  autres  travaille- 
ronL  Durant  le  temps  qu'on  ne  fera  pas  do 
lecture,    on    méditera    intérieurement    la 

Îiarole  de  Dieu,  et  on  pariera  seulement 
orsqu'on  ne  pourra  s'en  dispenser. 

c  Celles  qui  possédaient  quelque  chose 
dans  le  monde  l'offriront  humblement  à  la 
mère  pour  la  communauté;  celles  qui  n'a- 
vaient rien  ne  chercheront  pas  à  acauérir 
dans  le  monastère  ce  q[u'elles  ne  possédaient 
pas  dans  le  monde.  Celles  qui  étaient  riches 
ne  mépriseront  pas  leurs  sœurs  qui  étaient 
pauvres.  A  quoi  leur  servirait-il  d'avoir 
quitté  leurs  richesses  si  elles  avaient  gardé 
lour  orgueil?  Vivez  toutes  ensemble  dans 
l'union  et  la  concorde,  et  respectez  mutuel- 
lement en  vous  le  Dieu  dont  vous  avez  mérité 
d'être  les  temples. 

«  Quand  vous  chantez  des  psaumes  et  des 
hymnes,  que  vos  cœurs  s'unissent  à  vos 
voix.  Quand  vous  travaillez,  ayez  toujours 
dans  l'esprit  quelques  passages  des  saintes 
Ecritures,  —vous  aurez  soin  de  bien  trai 
ter  les  malades,  afn  qu'elles  se  rétablissent 


40S 


CES^ 


DICTIONNAinE. 


CM 


101 


promptement,  et  puissent  reprendre  leurs 
absiinences  accoutumées.  On  leur  donnera 
tout  ce  qui  leur  sera  nécessaire,  et  comme 
G*est  Tordinaire  de  n'avoir  pas  de  bon  vin 
pour  la  communauté,  l'abbesse  aura  soin 
d'en  avoir  de  meilleur  pour  les  malades  et 
celles  qui  auraient  une  sauté  délicate. — 
Votre  vêtement  n*aura  ricnde  remarquable. 
Vous  ne  devez  pas  chercher  à  plaire  par  vos 
habits,  mats  par  vos  vertus,  ce  qui  convient 
mieux  À  votre  profession.  Les  vêtements 
seront  confectionnés  dans  la  communauté. 
Ils  seront  simples  et  honnêtes;  ils  ne  seront 
ni  noirs  ni  d'une  couleur  éclatante,  mais  de 
laine  blanche. 

«  Comme  la  mère  du  monastère  doit  pren- 
dre soin  du  spirituel,  avoir  des  rapports 
avec  les  personnes  du  dehors,  tenir  la  corres-» 
pondance  et  surveiller  le  temporel,  la  prieure 
aura  la  surveillance  du  vestiaire,  et  aura 
soin  qull  y  att  toujours  des  vêlements  pour 
les  sœurs  qui  en  auraient  besoin.  —  yous 
n'userez  jjfimais  d'argenterie,  et  il  n'y  en 
aura  dans  le  monastère  que  paur  le  minis- 
tère <le  l'oratoire.  Les  ornements  de  l'oratoire 
seront  en  laine.  On  n'y  mettra  ni  tableaui, 
ni  fleurs,  parce  qu'il  ne  doit  rien  y  avoir 
dans  le  monastère  qui  puisse  flatter  les  re^ 
gards;  —  Si  on  fait  pour  l'oratoire  quelque 
présent  dont  Tusage  est  prohibé,  on  le 
vendra  et  on  te  mettra  dans  la  basilique  de 
Sairtte-Marie. 

(c  Ayez  toutes  beaucoup  de  pudeur  et  de 
réserve  dans  vos  reganis.  Si  vous  remarquez 
un  peu  de  légèreté  en  quelqu'une  de  vr>s 
sœurs,  reprenez-la  secrètement.  Si  elle  mé- 
prise votre  avertissement,  dites-le  à  la  mère, 
et  ne  pensez  pas  être  malveillante  quand 
TOUS  agissez  avec  une  intention  droite.  Vous 
seriez  coupables,  si,  par  votre  silence,  vous 
laissiez  périr  une  de  vos  sœurs  que  la  cor- 
rection pouvait  sauver.  —  Si  une  sœur,  ce 
3u'à  Dieu  ne  plaise!  était  tellement  avancée 
ans  le  mal  qu'elle  reçut  en  cachette  des 
lettres  ou  de  petits  présents,  on  devrait  user 
d'indulgence  et  prier  pour  elle,  si  elle 
avouait  sa  faute  avec  candeur;  mais  elle  de- 
vrait être  sévèrement  punie,  si  elle  la  niait, 
quoiqu'elle  fût  convaincue. 

«  On  punira  de  la  même  manière  celle  qui 
fera  des  présents  ou  écrira  des  lettres  ;  seule- 
ment, si  une  religieuse, par  affection  pour  ses 
parents,  voulaitleurenvoyerdeseulogies,  elle 
en  demanderait  la  permission  à  la  mère,  et,  si 
elle  l'obtenait,  lelJe  les  ferait  remettre  par 
les  portières.  —  Si  une  des  sœurs  commet- 
tait un  vol  ou  se  laissait  aller  à  des  injures, 
elle  devrait  recevoir  la  discipline  en  pré- 
sence de  toute  la  communauté.  —  Une  reli- 
gieuse, qui  aura  mérité  d'être  excommuniée 
et  séparée  de  la  communauté,  restera  dans 
le  lieu  que  l'abbesse  lui  aura  désigné,  jus- 
qu'à ce  qu'elle  ait  demandé  pardon  de  sa 
faute. 

«  Avant  tout,  et  pour  conserver  intacte 
voire  réputation,  que  jaipais  aucun  homme 
n  entre  dans  l'intérieur  du  monastère  ou 
da  is  l'oratoire,  excepté  les  évêques,  le  pro- 
v.seur  de  la  communauté,  un  prêtre,  un 


diacre,  unsous^iacre  et  un  ou  deux  lecteurs, 
tous  recommandables  par  leur  âge  et  par 
leurs  vertus,  et  qui  n'y  entreront  que  pour 
célébrer  la  messe.  Les  ouvriers  ne  seront 
admis  qu'accompagnés  du  proviseur,  et 
encore  iaudra-t-il  que  In  mère  Tait  su  d'a- 
rance  et  Tait  permis.  Le  proviseur,-  lui-même, 
n'entrera  jamais  dans  le  monastère  que  dans 
les  cas  indispensables,  et  encore  sera-t-il 
toujours  accompagné  de  l'abbesse  et  d'une 
autre  sœur  des  plus  respectables.  —  Les^ 
dames  du  monde,  les  ieunes  personnes  on 
autres  femmes  ayant  l'habit  laïque  ne  pour- 
ront non  plus  y  être  admises. 

ic  L'abbesse  elle-même  ne  pourra  aller  au 
parloir  sans  être  accompagnée  de  deux  cm 
trois  sœurs.  Les  évêques,  les  abbés  et  au- 
tres religieux  recommandables  par  leur 
sainteté,  seront  admis  dans  l'oratoire  pour  y 
prier,  s'ils  le  demandent.  —  La  porte  du 
monastère  devra  être  ouverte  à  certaines 
heures  convenables,  aux  personnes  qui  vou- 
draient rendre  aux  religieuses  leurs  devoirs 
de  politesse.  —  Jamais,  ni  dans  le  monas- 
tère,.ni  dehors,  vous  ne  donnerez  de  repas  aux 
évêques,  auxabbés,aux  moines,  aux  clercs, 
auxîaïques,  aux  femmes  portant  l'habit  sécu- 
lier, ni  même,  au  proviseur.  Seulement,  vous 
pourrez  admettre  à  votre  table,  et  encore 
très-rarement,  les  religieuses  de  la  cité  qui 
auront  une  grande  réputation  de  vertu  et 
honoreront  votre  monastère.  Si  cependant 
une  femme  venait  de  loin  pour  voir  sa  Gile 
dans  la  communauté,  on  pourrait  l'inviter  à 
partager  le  repas  des  sœurs,  si  elle  était 
pieuse  et  si  l'abbesse  y  consentait. 

«  Si  on  vient  rendre  visite  à  l'une  des 
sœurs,  on  lui  permettra  d'aller  au  parloir, 
accompagnée  de  l'une  des  plus  anciennes 
religieuses.  —  On  ne  fera  pas  d'aumônes 

Îuûtidiennes  à  la  porte  du  mouastère;  si 
^ieu  vous  donne  la  faculté  de  secourir  les 
pauvres,  l'abbesse  chargera  le  proviseur  des 
aumônes  du  monastère.  » 

S.  Césaire  termine  sa  règle  par  ces  paroks: 
«  Nous  vous  avions  composé  une  règle  dès 
la  fondation  de  votre  monastère,  et  nous 
avons  été  obligé  plusieurs  fois  de  la  modi- 
fier. Mais  après  avoir  fait  l'expérience  de  ce 
que  vous  pouviez  faire,  nous  avons  fixé  au- 
jourd'hui définitivement  ce  que  nous  avons 
cru  possible,  raisonnable,  utile  à  votre 
sanctification.  Nous  avons  tellement  adouci 
cette  règle,  que  nous  vous  croyons  capables, 
avec  le  secours  de  Dieu,  de  l'accomplir  par- 
faitement. Nous  vous  conjurons,  en  présence 
de  Dieu  et  de  ses  anges,  de  n'y  jamais  rien 
changer.  » 

Après  avoir  composé  cette  rèçle,  Césaire 
l'envoya  au  Pape  Hormisdas  qui  Tapprouva- 

CHAIR  (Mouvement  de  la).  —  Yoy.  Ap- 
pétits, Mortification. 

CHAMPION  (Pierre),  Jésuite,  né  à  Afran- 
ches,  en  Normandie,  le  19  octobre  1631, 
entra  dans  la  société  à  l'âge  de  vingt  ao^ 
et  y  professa  les  humanités.  Il  partit  ensuiti; 
pour  les  missions  d'Amérique,  puis  reviril 
en  France  el  mourut  à  Nantes  le  28  juin  1701. 
Ses  ouvrages  ascétiques  sont  :  1"  La  vie  eiln 


405 


tHA 


DAbt&llhlIE. 


iMk 


40^ 


aoci  iî%e  êpiriiuelU  dn  Ê^.  Louis  Lallemand, 
Jé5iiie.  Paris,  16%,  iD-i2.  ;  —  â*Xa  rie  des 
fomlnteurê  de  retraite*^  etc.  Nantes»  1696, 
in-12.  —  Il  a  en  outre  publié  les  Lettrée 
$piritueUe$  et  les  Dialogues  du  P»  Surio. 
(  Voir  ce  nom.) 


CHAPELETS.  —  Ce  sont  plusieurs  grains 
attachés  les  qds  aux  autres  et  oui  servent  à 
compter  les  pater  et  les  we  qu  on  récite  en 
rhonueur  de  Dieu  ou  de  la  sainte  Vierge. 

Dans  la  basse  latinitéi  ils  ont  été  nommés 
capiUina^  et  chez  les  Italiens  corona;  ils 
contiennent  cinq  dizaines  de  grains  et  les 
rosaires  en  ont  quinze.  L*usage  de  réciter  le 
chapelet  n*est  pas  fort  ancien*  Qaelques-iiiia 
le  font  remonter  k  Pierre  l'Ermite;  le  ro- 
saire fut  institué  par  saint  Dominique. 

I!  7  a  un  chapelet  du  Sau?eur  composé 
de  trente-trois  grains,  h  Thonneur  des  trente- 
trois  ans  que  Notre-Seigneur  a  passé  sur  la 
terre;  il  a  été  imaginé  par  le  P.  Michel, 
de  Tordre  des  Camaldules.  Ces  divers  ins- 
truments de  dévotion  ont  été  mis  en  usage 
afin  qu'aucun  travail  de  mémoire  n'empêche 
les  affections  du  corar  de  monter  vers  Dieu 
avec  la  prière  vocale. 

CHAPITRE.  —  Un  moyen  qui  contribue 

Puissamment  au  bien  de  la  vie  religieuse  et 
la  conservation  de  la  discipline  dans  les 
monastères,  c'est  la  célébration  des  (^pi- 
tres. Là  s'assemblent  les  supérieurs  avec 
les  religieux  députés  par  les  communautte» 
pour  r^er,  corriger,  modifier»  décider  tout 
ce  qui  peut  concourir  à  l'avantage  de  la 
vie  monastique  et  k  la  conservation  de  la 
discipline  régulière.  C'est  dans  ces  chapi- 
tres que  les  uutes  commises  contre  la  règle 
sont  punies  par  des  peines  régulières;  que 
les  supérieurs  rendent  compte  de  leur  ad- 
ministration, et  reçoivent  une  nouvelle  ins- 
titution ou  sont  maintenus  dans  leur  charge  ; 
c'est  là  encore  que  sont  discutés,  examinés 
et  édairds  les  points  douteux  de  la  règle. 
On  comprend  donc  combien  les  chapitres 
sont  utiles  au  bien  de  la  vie  monastique. 
Aussi  leur  institution  date-t-elle  de  Tinsti- 
tntîon  même  des  monastères.  Saint  Pacôme, 
qui  avait  fondé  plusieurs  communautés,  réu* 
oissait  chaque  année  les  abbés  et  les  supé- 
heors,  traitait  avec  soin  des  affaires*  im- 

Krtantes  de  l'ordre,  rétablissait  la  paix  et 
nion,  quand  elles  étaient  altérées;  nom- 
mait des  supérieurs  pour  maintenir  la  paix 
dins  les  monastères,  etc.,  ainsi  qu'on  peut 
en  juger  par  sa  Règle,  ch.  27.  Le  concile  de 
Latran,  de  Tan  1215,  ordonne  de  célébrer 
c^  chapitres  tous  Iqs  quatre  ans.  Benoît 
XII  prescrit  également,  en  13%,  la  tenue 
des  chapitres  généraux,  provinciaux  et  par- 
ticuliers. 

Les  chapitres  généraux  sont  ceux  où 
s^assembleiit  les  préfets  de  toutes  les  pro- 
vinces, comme  chez  les  Mendiants,  et  chez 
les  religieux  des  ordres  qui  sont  divisés  en 
certaines  congrégations.  Les  chapitres  pro- 
vinciaux, chez  les  Mendiants,  sont  ceux  où 
se  réunissent   les  préfets  des   monastères 


d'une  province.  Enfin  les  chapitres  particu- 
liers sont  ceux  qui  ont  lieu  chaque  semaine 
pour  le  bien  de  la  disciplioe,  dans  les  mo-* 
nastères  bien  réglés.  Quant  à  la  manière 
dont  ces  chapitres  doivent  être  célébrés,  il 
faut  suivre  en  cela  les  constitutions  de  cha- 
que ordre  ;  ce  qui  imfwrte  le  plus,  c'est  que 
ces  réunions  aient  toujours  pour  but  le  bien 
seul  de  la  religion. 

CHAPPONEL  D'ANTESCOURS  (Raimond), 
chanoine  régulier  de  Sainte-Geneviève,  et 
prieur-curé  de Saint-Eloi  deRoissj, s'est  fait 
connaître  par  ses  Recherches  historiques  sur 
Fordre  canonique.  On  a  de  lui  un  ouvrs^ge 
ascétique  intitulé  :  Examen  des  voies  inté» 
viomres^  1700,  in-12.  Il  j  prémunit  ses  lec- 
teurs contre  les  illusions  des  quiétisles.  Sa 
mort  est  arrivée  en  1700. 

CHARITÉ.  —  La  charité  est  une  vertu 
théologique  divinement  infuse,  par  laquelle 
nous  aimonM  Dieu  pour  lui-même  et  par- 
dessus  tout,  et  toutes  les  autres  choses  pour 
Dieu.  1*  C'est  une  vertu;  car  la  charité 
rend  Thomme  bon  et  ami  de  Dieu  ;  elle  est, 
d'après  saint  Paul,  la  vertu  la  plus  excellente 
de  toutes,puisqu'elle  arrive  jusqu'à  Dieu,  et 

?in'elle  demeure  en  lui  :  Ces  trois  vertus,  la 
oi,  r espérance  et  la  charité  demeurent  à  nré- 
sent;  mais  la  charité  est  la  plus  excellente 
des  trois  (/  Cor,  xiii,  13).  —  2*  Théologique 
divinement  infuse,  selon  ces  paroles  :  Vamour 
de  Dieu  a  été  répandu  dans^nos  cœurs  par  le 
Saint-Esprit  qui  nous  a  été  donné  ^Rom. 
V,  5).  —  3*  Pour  lui-^mémCf  c'est-à-dire,  à 
cause  de  ses  perfections.  —  i^*  Et  par-dessus 
tout,  c'est-à-dire  au-dessus  de  toutes  les 
choses  créées. — 5*  Et  tout  le  reste  pour  Dieu. 
«  En  effet,  dit  saint  Augustin,  nous  aimons 
Dieu  et  le  prochain;  mais  nous  aimons 
Dieu  (>our  lui-même,  et  nous-mêmes  et  le 
prochain  pour  Dieu.  »  (L.  viii  De  Trin.^  c.  8.) 
cr  Ces  deux  amours,  dit  saint  Grégoire  le 
Grand, sontdeuxanneaux  et  uneseulechalne, 
deux  actions  et  une  seule  vertu,  deux  œu- 
vres et  une  seule  charité.  »  (Moral.,  I.  vu, 
c.  10.)  Et  assurément  le  sentiment  qui  nous 
fait  aimer  quelqu'un  est  identique  à  celui 
qui  nous  lait  aimer  son  image. 

11  j  a  diverses  sortes  de  charité.  Elle  est 
ou  habituelle,  et  se  définit  Vhabitude  infuse 
par  elle-même  des  actes  de  charité,  rendant 
capable  d'une  manière  permanente  de  produire 
des  actes  de  charité;  ou  actuelle, ei  se  définit, 
selon  saint  Augustin,  lemougfement  mimé' de 
rame,  pour  jouir  de  Dieu  à  cause  de  lui-même^ 
et  de  soi-même  et  du  prochain  à  cause  de  Dieu; 
ou  appréciative;  c'est  celle  qui  fait  préférer 
Dieu  a  toutes  les  créatures;  ou  intensive; 
c'est  celle  qui  non-seulement  aime  Dieu  par 
dessus  tout,  mais  de  plus  produit  pour  lui- 
même  certains  dearés  de  ferveur^  par  un  vif  et 
puissant  effort  au  cœur  et  de  la  rolonté.  La 
charité  est  encore  affective,  quand  elle  ne 
réside  que  dans  le  cœur,  et  effective  quand 
elle  se  manifeste  par  des  œuvres.  Il  est  en- 
core une  autre  division  vulgaire,  que  nous 
croyons  devoir  mentionner  ici.  Quand  elle 
se  rapporte  à  Dieu,  la  charité  s'appelle  chm- 
rilé envers  Dieu;  rt  quand  elle  re^«ude  |epri>« 


i07 


CHA 


DICTIONNAIRE 


CHA 


40g 


I 


ctaain»  charité  envers  le  prochain  :  toutefois 
ces  deux  vertus  n*en  font  qu*oDe,  comme 
dit  saint  Thomas  (2-9,  q.  S5,  a.  1),  puis- 
qu'elles a*ODt  qu'un  seul  et  même  motii,  qui 
est  Dieu. 

C'est  Dieu  qui  est  Vohjet  matériel  premier 
de  la  charité,  selon  ces  paroles  :  Vous  aime- 
re%  le  Seigneur  votre  Dieu^'voilà  le  premier  et  le 
plus  grand  commandement  (JlfanA.xxii);robiet 
matériel  secondaire,  c'est  nous-même^'  et 
rolre  prochain.  Car  c'est  le  propre  de  l'ami- 
tié parfaite  de  ne  pas  aimer  seulement  les 
personnes  avec  lesquelles  on  est  en  com- 
merce d'amitié,  mais  aussi  celles  qui  sont 
liées  avec  nos  amis.  Or  les  créatures  intel- 
lectuelles, capables  de  la  béatitude,  sont, 
Eour  ainsi  dire,  en  relations  intimes  avec 
^ieu.  L'objet  formel  et  le  motif,  c'est  la  bonté 
divine,  en  tant  qu'aimable  en  elle-même  et 
pour  elle-même.  De  là  nous  voyons  que 
ramour  de  charité  diffère  de  l'amour  de  con- 
cupiscence, en  ce  qu'ils  ont  uii  motif  diffé- 
rent. La  cliarité  est  supérieure  à  toutes  les 
autres  vertus; elle  peut  toujours  s'accroître, 
et  l'acte  de  charité  nous  est  de  grave  obli- 
Kalion.  Saint  Thomas  même  enseigne 
(22,  (].  2&,  a.  8)  que  la  charité  peut  être 
larfaite  en  cette  vie,  soit  alors  que 
*homme  met  tous  ses  soins  à  -ne  s'oc- 
cuper que  de  Dieu  et  des  choses  divines, 
en  négligeant  tout  le  reste,  autant  que  le 
comportent  les  besoins  de  cette  vie;  cette 
perfection  n'est  pas  commune  à  tous  ceux 
qui  ont  la  charité;  soit  dors  qu'il  place  ha- 
bituellement son  cœur  tout  entier  en  Dieu, 
de  manière  à  n'avoir  aucune  pensée,  aucun 
vouloir  contraire  è  l'amour  divin  :  cette 
perfection  convient  à  tous  ceux  qui  ont  la 
cbaritë. 

Saint  Thomas,  saint  Bernard  et  saint  Bo- 
navonture  nous  donnent  les  différents  degrés 
de  la  charité  envers  Dieu.  1*  Languir  utile- 
ment :  Je  languis  d*amour  (Cant.  n,  5)  ;  2" 
Chercher  Dieu  sans  cesse  :  Cherchez  le  Sei- 
gneur et  fortifiez-vous  {Ps.  av,  k);  3"  agir 
sans  relAche  :  Jacob  servit  pour  Racheta  et 
tout  ce  temps  lui  paraissait  peu  de  chose  ^  à 
cause  de  la  grandeur  de  son  amour  (Gen» 
XXIX,  20).  <k*  Tout  supporter  avec  un  cou- 
rage infatigable  :  Heureux  ceux  qui  souffrent 
persécution  pour  la  justice.  (Matth,  v,  10). 
5"  Désirer  avec  impatience  :  Mon  âme  désire 
d'entrer  dans  la  maison  du  Seigneur ^  et  elle 
est  presque  en  défaillance  (Ps.  lxxxiii,  3).  6** 
Courir  avec  empressement  :  J'ai  couru 
dans  la  voie  de  vos  commandements^  lorsque 
vous  avez  élargi  mon  cœur  (Ps,  cxviii,  32)  ; 
7*  Montrer  une  énergie  pleine  d'audace  : 
Quy  a-t'il  pour  moi  dans  le  ciel?  et  que 
déstré-je  sur  la  terre^  sinon  cous^  mon  Dieu  ! 
Ma  chair  et  mon  cœur  ont  été  dans  la  défail- 
lanccy  à  Dieu  l  qui  êtes  le  Dieu  de  mon  cœur 
et  mon  partage  pour  toute  V éternité  (  Ps. 
Lxxii,  25  et  26).  8"*  Lier  cet  amour  par 
des  tiens  indissolubles  :  Jésus-Christ  est 
toute  ma  vie  {Phil.  i,  21)  ;  9"  Brûler  d'une 
douce  ardeur  :  Mon  .cœur  s'est  échauffé  au 

dedans  de  moi  {Ps.  xxxviii,  4)  ;  iO**    Une 
ressemblance  compiëto  avec  Dieu,  autant 


du  moins  qu'il  est  permis  ft  la  créature  ici< 
bas  :  C'est  ainsi  que  vous  deviendrez  partiei- 
panis  de  la  nature  divine  (II  Petr.  i,  i).  C'est 
par  ces  différents  degrés  que  rhomme  de- 
vient le  principe  des  opérations  surnaturel- 
les et  moralement  parfaites,  en  raison  des- 
quelles il  est  assimilé  à  la  manière  surnala- 
relie  d^agir  de  la  nature  divine,  et  il  sed^ 
tourne  des  œuvres  de  concupiscence  et  de 
corruption. 

1"  L'exercice  de  la  charité  envers  Dieu 
est  un  des  meilleurs  moyens  d'avancer  dans 
la  perfection.  On  le  prouve  :  1"  par  l'Ecri- 
ture sainte,  qui  fait  surtout  consister  la 
perfection  chrétienne,  dans  la  charité.  Et 
au-dessus  de  tout  cela  (c'est-è-dire,  des  au- 
tres vertus,  que  l'Apôtre  venait  de  recom- 
mander), ayez  la  charité,  qui  est  le  lien  de  k 
perfection  (Coloss.  m,  !%)•  Voici  le  premier 
et  le  plus  grand  commandement  :  Yovn 
aimerez  le  Seigneur  votre  Dieu  de  tout  votre 
cœur,  de  toute  votre  âme  et  de  tout  votre  nprit 
{Matth.  xxiT,  37).  Enfin,  c'est  par  la  charité 
que  Dieu  habite  en  nous  :  Dieu  est  la  charité, 
et  celui  qui  demeure  dans  la  charité  demeure 
en  Dieu  et  Dieu  en  lui  (/  Joan.  iv,  16).  La 
charité  est  donc  absolument  nécessaire  pour 
Tavancement  spiritueL 

2'' Par  les  saints  Pères.  «Comme  la  cu- 
pidité est  la  racine 'de  tous  les  maui, 
de  même  la  charité  est  la  racine  de  tous 
Jes  biens.  »  (S.  Augustin,  serm.  39,  De 
Temp.)  —  «  Notre  cœur  est  l'autel  de  Dieu , 
sur  lequel  nous  devons  toujours  entretenir 
une  flamme  ardente  ;  car  il  est  nécessaire 
d'allumer  sans  cesse  à  ce  feu  la  flamme  de 
la  charité  pour  le  Seigneur.  »  (S.  GaftooiaB, 
I.  XXXIV  Mor. ,  c.  7.)  —  «  Dieu  veut  que 
nous  le  craignions  comme  notre  Seigneur, 
que  nous  Thonorions  comme  notre  Père, 
que  nous  l'aimions  comme  notre  époux. 
Parmi  ces  obligations,  quelle  est  la  plus  im- 
portante? C'est  l'amour A  Dieu  seul 

l'honneur  et  la  gloire  ;  mais  Dieu  n'accep- 
tera ni  l'un  ni  l'autre,  s'ils  ne  se  sont  ren- 
dus agréables  par  le  miel  de  l'amour.  •  (S. 
Bernard,  serm.  83,  in  Cant.) 

3r  Par  la  raison.  D'abord  la  perfection 
consiste  principalement  dans  la  charité  en- 
vers Dieu,  et  cette  charité,  qui  forme  le  pins 
grand  précepte,  est  la  reine  de  toutes  les 
autres  vertus.  Ensuite  sans  elle  nous  ne 
pouvons  rien,  pas  même  acquérir  le  moin- 
dre mérite  pour  la  vie  éternelle.  Car,  quand 
même  je  parlerais  le  langage  des  hommes  et 
des  anges....  si  je  n'ai  pas  la  charité,  tout 
cela  m  est  inutile.  (/  Cor,  xiii,  1.)  Enfin  paroi 
toutes  les  vertus,  la  charité  est  celle  qui  se 
rapporte  plus  parfaitement  à  Dieu:  elle  ré- 
side et  repose   en  lui. 

Les  saints  Pères  et  les  écrivains  ascéti- 
ques pous  indiquent  les  différents  motifs 
d*aimer  Dieu,  tirés  de  la  souveraine  bonté 
de  Dieu  ,  de  l'amour  qu'il  nous  porte,  des 
bienfaits  de  la  création,  de  rincarnation  et 
de  la  rédemption,  de  notre  conservation  et 
de  notre  gloire  future,  etc.  On  les  trouve 


It9 


OIA 


DASCETISIE» 


CIIA 


410 


dans  «aînt  Augustin,  dans  saînt  Thomas , 
ssi'Yl  Bonavenlure  et  saint  François. 

Nous  avons  dit  qu*il  faut  aimer  Dieu  ap- 
préciatîTement  par-dessus  tout.   Puisqn*il 
e>i  aimable  par-dessus  tout,  quoi  de  plus 
raisonnable   de   Testimer  plus  que   toute 
chose  et  de  lui  Atre  si  fermement  attachés, 
Don-seuiement  d'esprit  ou  spéculatiTement, 
mais  aussi  de  conir  ou  pratiquement,  qne 
Doos  soyons  prêts  è  tout  perdre  plutôt  que 
son  amitié?  Car  c'est  là  ce  qu'exige  de  nous 
Tamour  de  ioui  noire  concr.  Le  Catéchisme 
romain  dit  que  ramowr  de  Dieu  doit  être 
prrferé  à  ioule  choee^  à  tel  point  qu'il  tCest 
pas  permie  de  pécher^  même  pour  Muver  ea 
rie.  Cesi  là  la  contrition  efficace  et  véritable 
(  De  peenii.  c.  5  ].  Aussi  ne  faut^il  pas  écou- 
ler les  théologiens  de  Louvain  et  quelaues 
Français  modernes,  qui  prétendent  qu une 
certaine  inteusitéd*amourdéterminée,  outre 
la  perfection  apprécia  ti  ve,  es  t  nécessai  re  pour 
la  contrition  parfaite.  C'est  tout  au  plus  si 
l'on  peut  admettre  quelque  intensité  indé- 
lerminée    dans  quelque    moindre   degré, 
pour  que  la  contrition  soit  appréciât!  vement 
efficace  ;  quoique  la  ferreur  et  l'intensité  de 
Tamour  devenant  de  plus  en  plus  titc  soit 
d'une  irés-grande  utilité  pour  la  perfection. 
Or,  l'amour  de  Dieu,  ainsi  appréciatifement 
parfait,  doit  renfermer  la  volonlé  efficace 
d'obsenrer  tous  les  préceptes  divins  :  Celui4à 
wCmune  qui  garde  mesfiommandementê  et  qui  les 
•frf€ro0(J<Kiii.xiy,21);  volonté  non  pas  efficace 
effectivement,  soit  au  elle  agisse  ou  qu'elle 
commande,  de  manière  que  toute  action  s'ac- 
complisse en  effet;  mais  efficace  affactive- 
ment, c'est-à-dire,  actaellement  déterminée  à 
remplir  tous  les  préceptes  dont  l'observation 
se  présentera,  et  par  suite  de  celte  détermi- 
nation habituelle,  refusant  son  consentement 
à  tout  grave  (léché.  C'est  ce  que  doit  nous 
procurer  la  considération  de  la  grandeur  de 
Dieu,  l'affermissementde  notre  espérance  en 
Dieu,  d'humbles  prières,  la  mortiûcation  et 
Tabnégation  de  soi-même.  Bien  qu'il  soit 
louable  pour  les  âmes  parfaites  de  desceo* 
dre  à  un  cas  particulier,  comme  de  souffrir 
plutôt  le  martyre  que  de  pécher,  ce  qui  in- 
dique le  plus  |iarfait  amour  ae  Dieu,  cepen- 
dant pour  les  faibles,   dit  saint  Thomas 
\QHodlib.  I,  c.  9),  cette  application  partie 
u  iiière  de  l'amour  a  quelque  chose  de  diffi- 
cile qui  n'est  ni  nécessaire  ni  convenable  ; 
à  moins  que,  comme  le  remarque  Louis  Du- 
pont (  t.  I  Christ,  perf.,  c.  3),  il  ne  s'agisse 
de  tentations  sur  des  choses  oui  se  présen- 
tent fréquemment  et  qui  ont  été  antérieure^ 
ment  pour  nous  une  cause  de  chute.  Si 
alors   le  tentateur  présente  à  notre  esprit 
des  cas  extraordinaires  et  excessivement 
difficiles,  il  suffit  en  général  de  prendre  la 
résolution  d'être  Gdèle  à  Dieu,  avec  sa  grâce, 
en  toute  circonstance,  et  de  mépriser  ainsi 
les   menaces  de    notre    ennemi    furieux. 
Concluons  de  là  qu'il  peut  bien  se  faire  que 
Tamour  de  Dieu  soit  efficace  affectivetnent 
sans  Têtre  effectivemenl,  parce  que  celui 
uui    possède  i  maintenant    un   amour  af- 
fectif, peut  bientêti  par  suite  de  la  fragilité 


hnmaine,  manquer  à  cet  amour,  et  à  son 
effet  qui  consiste  dans  l'observation  des 
commandements.  De  sorte  que,  outre  la 
grâce  requise  pour  posséder  l'amonrde  Dieu 
fiar-dessus  tout,  il  faut  une  nouvelle  grâce 
requise  pour  persévérer  longtemps,  sans 
commettre  de  faute  grave.  Toutefois  tom- 
ber bientôt  dans  le  péché  mortel,  ou  y  re- 
tomber fréquemment,  est  une  marque  que 
l'acte  d'amour  n'a  pas  été  assez  anective- 
ment  efficace,  et  oue  même  il  a  manqué 
tout  à  fait;  car  il  n  est  pas  naturel  de  voir 
le  cœur  de  l'homme  passer  si  facilement 
d'une  extrémité  à  l'autre,  de  la  plus  pro- 
fonde vénération  pour  Dieu  au  mépris  de 
Dieu  pour  les  choses  les  plus  viles. 

Les  actes  d'amour  de  Dieu  sont  :  1*  de  se 
réjouir  de  tout  son  ccsur  de  ce  que  Dieu  est 
Dieu  et  tout  notre  bien,  et  de  souhaiter  qu'il 
soit  reconnu,  aimé,  loué,  adoré  par  toutes 
les  créatures,  et  que  sa  volonté  soit  faite 
et  glorifiée,  parce  qu'il  est  Dieu  et  qu'il  est 
digne  de  tout  amour,  â*  De  produire  très- 
souvent  un  acte  d'amour  de  Dieu.  3"  De 
faire  présider  l'amour  de  Dieu  è  tous  les 
mouvements  et  les  battements  de  i.otre 
cœur,  à  tous  nos  pas,  toutes  nos  pensées, 
nos  paroles,  nos  actions  et  nos  œuvres,  de 
manière  à  ne  rechercher  en  toute  chose  que 
la  gloire  de  Dieu,  que  sa  volonté  et  son 
amour,  k*  De  chercher  à  foire  connaître, 
aimer,  et  gloritîer  Dieu  de  tout  le  monde, 
et  à  faire  accomplir  sa  volonté  en  toute 
chose.  5*  De  s'offrir  tout  entier  à  Dieu,  de 
lui  sacrifier  sa  vie  et  de  verser  tout  son 
sang  pour  son  amour.  6*  D'avoir  toujours 
Dieu  présent  à  l'esprit,  de  vivre,  de  s'en- 
tretenir avec  lui,  de  s'unir  à  lui,  de  le  louer, 
de  s'humilier  soi-même,  de  lui  rendre  grâ- 
ces, de  le  bénir,  de  l'adorer,  de  se  résigner 
tout  à  fait  à  sa  volonté,  et  d'accepter  avec 
reconnaissance  tout  de  sa  main.  7*  De  dé- 
sjrer  souvent  de  jouir  de  Dieu  dans  la  ce* 
leste  patrie. 

Ici  se  placent  naturellement  les  erreurs 
du  molinosisme  et  du  quiétismct  dont  on 
trouvera  Texposition  à  chacun  de  ces  arti- 
cles. Nous  j  renvoyons  le  lecteur. 

Le  désir  de  jouir  de  Dieu  est-il  un  acte 
de  charité?  Oui,  quand  il  tend  à  jouir  de 
Dieu  pour  la  gloire  de  Dieu  même.  C'est 
bien  plus,  un  acte  de  charité  parfaite,  parce 
que  la  jouissance  de  Dieu  est  la  consomma- 
tion de  la  charité.  C'est  pour  cela  que  saint 
Augustin  définit  la  charité  tin  mouvement  de 
rdme  à  jouir  de  Dieu  pour  lui-même.  De 
même  c'est  un  acte  de  charité  que  de  chérir  la 
bonté  divine ,  comme  nous  donnant  les 
moyens  d'accomplir  la  volonté  de  Dieu  et^  de 
parvenir  à  notre  fin  dernière.  En  effet,  c'est 
chérir  Dieu  à  cause  ées  bienfaits  qu'il  nous 
accorde,  mais  en  ne  considérant  ces  bien- 
faits que  comme  la  communication  de  la 
bonté  de  Dieu  ;  c'est  enfin  cLcrir  la  bonté 
de  celui  qui  nous  donne  ses  faveurs. 

La  charité  héroïque  envers.  Dieu  se  re- 
connaît, selon  Benoit  XIV  (  De  serv.  Dei 
beatif.  1.  lu,  c.  23  ),  par  les  actes  extérieurs 
suivants  :  le  zèle  du  culte  et  de  l'honneur 


411 


ŒK 


DICTIONNAIRE 


CIIA 


i!i 


divin,  le  disir  de  mourir  pour  être  entiè- 
rement réuni  à  Dieu,  la  joie  intérieure  ma- 
nifestée extérieurement  quand  on  parle  de 
Dieu,  la  paix  dans  les  adversités,  la  joie 
quand  il  arrive  de  souffrir  quelque  chose 
pour  Dieu  :  aussi  sarnt  Maxime  loue  la  cha- 
rité de  saint  Pierre»  parce  que^  placé  sur  le 
navire,  il  considère  le  Seigneur^  et  conduit 
par  son  amour ^  descend  dans  la  mer.  (  Hom.  V.) 
Sainte  Agnès  répondit  è  un  jeune  homme  qui 
l'aimait  éperdument  :  Retirez-vous  de  moi,. ^ 
je  ne  puis  abandonner  celui  auquel  je  suis  unie 
par  les  liens  de  la  charité.  Saint  Jérôme 
nous  propose  un  .noble  exemple  d*amour  de 
Dieu  par-dessus  tout»  quana  il  nous  mon- 
tre sainte  Paula  sortant  de  la  ville  pour  aller 
visiter  les  lieux  saints,  et  méprisant  ramour 
de  ses  enfants  à  cause  de  son  vif  amour  pour 
Dieu.  (Ep.  ad  Eustoch.)  Snint  Laurent  oisait 

an  tyran  :  Vous  perdez  votre  temps »  vos 

flammes  ne  pourront  vaincre  la  flamme  de  la 
ciiarité  de  Jésus-Christ.  (Saint  Léon,  .Serm. 
de  saint  Laur.  )  Quand  ces  actes  sont  pro« 
duits  fréquemment»  d'une  manière  prompte 
et  empressée»  avec  joie  dans  les  dimcuUé5;» 
au  péril  de  la  vie  ou  des  richesses,  ils  dé- 
notent une  charité  héroïque»  ainsi  que  le 
montre  Laurœa  (  in  m»  t.  II»  d.  32  )»  et  pro- 
cèdent du  don  de  sagesse.  La  charité  se 
reconnaît  encore  par  la  tension  continuelle 
de  Tesprit  en  Dieu,  par  de  fréquents  entre- 
tiens sur  Dieu»  par  une  considération  con- 
tinuelle de  la  bonté  divine  et  des  mjrstères 
de  notre  religion»  surtout  de  la  passion  du 
Seigneur,  par  les  méditations  en  vue  d*ex- 
citer  I  amour  de  Dieu,  par  un  grand  déplai- 
sir de  l'absence  de  Jésus-Christ,  par  une 
observation  très-exacte  de  sb%  préceptes  et 
de  ses  conseils»  par  les  extases»  les  ravisse- 
ments, et  les  autres  signes  extérieurs  au 
moyen  desquels  Dieu  daigne  manifester 
parfois  la  charité  intérieure  de  ses  servi- 
teurs. 

Puisque  la  charité  envers  Dieu  est  abso- 
lument nécessaire  pour  notre  avancement 
spirituel,  et  que  Dieu  par  lui-môme  est  in- 
finiment aimable»  aimons-le  donc  autant 
du*il  nous  est  possible»  efforçons-nous  de 
1  aimer  de  tout  notre  cœur  et  d'un  amour 
infini.  En  effet,  comme  dit  saint  Thomas  : 
c  Malgré  tous  vos  efforts,  vous  ne  pourrez 
jamais  l'y  renfermer,  parce  qu'il  est  plus 
grmd  que  tout  votre  cœur.  »  (m  Matth,  xxii.) 
«  Voulez-vous  apprendre  de  moi,  dit  saint 
Bernard,  pourquoi  et  comment  on  doit  ai- 
mer Dieu  ?  Voici  ma  réponse  :  la  cause  de 
Tamour  de  Dieu»  c'est  Dieu  ;  la  manière  de 
l'aimer»  c'est  de  l'aimer  sans  mesure.  » 
(Tr.  de  dilig.  Deo^  c.  1.)  «  L'épouse  court 
avec  empressement,  attirée  par  l'odeur  de 
vos  parfums,  elle  aime  avec  ardeur»  et  sem- 
ble encore  ne  pas  rendre  assez  d'amour  pour 
celui  qu'elle  reçoit,  même  lorsqu'elle  s'est 
livrée  tout  entière  h  l'amour....  Et  en  effet, 
comment  reconnaître  un  amour  si  grand  et 
si  précieux?  »  (  /6td.,  c.  k.  )  Concluons 
donc  avec  saint  Thomas  de  Villeneuve  : 
«  Seigneur,  vous  m'avez  accordé  le  don  de 
votre  amour,  accordcz-raoi  de  pouvoir  m'ac- 


Îuilter  envers  vous  ;  car  si  je  ne  suis  pas 
igné  de  vous  aimer,  vous  êtes.  Seigneur, 
bien  digne  d'être  aimé  de  moi...  Je  vous 
chérirai  donc  de  toute  manière,  car  ce  que 
vous  avez  fait  pour  moi  est  sans  mesure.... 
Il  n'est  pas  bien  grand»  l'amour  qui  met 
une  mesure  dans  son  action  ou  gui  cher- 
che à  trouver  la  mesure  qu'il  y  doit  mettre. 
Car  la  mesure  de  l'amour  est  de  faire  tout 
sans  mesure»  et  sa  raison  de  n'en  examiner 
aucune.  L'amour  spirituel  n'a  ni  loi»  ni  rai- 
son» ni  mesure  ;  il  est  lui-même  la  loi,  la 
mesure  et  la  raison  sunérieure.  i^{Serm.  de 
S.  Magdal.  ) 

La  même  vertu  théologique  de  charité,  qui 
mène  à  l'amour  de  Dieu»  conduit  aussi  à 
fmmûmr  du  prochain;  car  il  est  dit  iNtm 
avons  reçu  de  Dieu  ce  précepte  que  celui  qui 
aime  Dteu,  aime  aussi  son  frère  (/.  Joan  iv, 
21  ].  Quant  è  la  raison  et  a  la  manière  d*ai- 
mer  le  prochain,  saint  Thomas  nous  les  en- 
seigne. (2-2»  p.  4%,  c.  7.)  Laraison  de  Tai- 
mer,  c'est  que  nous  devons  aimer  les  autres 
avec  charité,  parce  qu'ils  sont  nos  proches, 
en  tant  qu'ils  sont  comme  nous  l'image  na- 
turelle de  Dieu  et  aptes  à  sa  gloire.  La 
manière  est  que  nous  devons  aimer  notre 
prochain  pour  Dieu,  comme  nous  devons 
nous  aimer  nous-mêmes  pour  Dieu;  que 
nous  ne  devons  nous  réjouir  que  du  bien 
et  jamais  du  mal  du  prochain»  et  cela»  non 
pour^  notre  utilité  ou  notre  plaisir,  mais 
avec  le  même  sentiment  qui  nous  fait  dé- 
sirer le  bien  pour  nous-mêmes  :  cet  amour 
du  prochain  doit  même  s'étendre  jusqu'à 
nos  ennemis. 

C'est  par  la  même  espèce  de  charité  qu'on 
aime  Dieu  et  le  prochain,  Dieu  pour  lui- 
même  et  le  prochain  pour  Dieu,  caria  raison 
formelle  d'aimer  le  prochain,  c'est  Dieu. 
Ce  que  nous  devons  aimer  dans  le  prochain, 
c'est  qu'il  soit  en  Dieu  et  qu'il  s'attache  è 
lui  comme  à  sa  Gn  dernière,  c'est  par  con- 
séquent que  Dieu  soit  aimé»  loué  et  glori6é 
à  cause  de  sa  bonté  infiniev  De  sorte  qu*ain$i 
le  motif  formel  d'aimer  le  prochain,  c'est  la 
bonté  infinie  de  Dieu  aimable  en  lui  et  oour 
lui.  Donc,  si  quelqu'un  aime  son  procnain 
è  cause  des  bienfaits  qu'il  en  a  reçus  ou  de 
quelques  éclatantes  qualités  naturelles  ou 
surnaturelles,  ce  n'est  plus  qu'un  amour 
naturel,  k  moins  que  l'on  ne  considère  ces 
qualités  comme  des  participations  de  la  per- 
fection divine»  et  que  l'on  n'aime  unique- 
ment en  elles  que  la  perfection  même  de 
Dieu. 

Notre  prochain  le  plus  proche,  c'est  nous- 
mêmes.  L'hommedoitdonc  s'aimer  lui-même 
par  un  acte  intérieur  de  charité.  Dieu  est 
digne»  comme  infiniment  bon»  d*être  aimé 
par  tous  d'un  amour  de  bienveillance;  donc 
rhomme  doit  aussi  exiger  pour  lui-même 
cet  amour  à  cause  de  Dieu.  Or,  c'est  là  s'ai- 
mer soi-même  d'un  amour  de  charité.  Donc. 
rhomme  doit  s'aimer  lui-même  pour  Dieu. 

L'homme  doit  avoir  pour  lui-même  plus 
de  charité  que  pour  le  prochain.  Car  il  est 
dit  {Matth.  xxu)  :  Vous  aimerez  votre  pro- 
chain comme  vous  même;  cet  amour  de  soi* 


115 


CBA 


D'ASCETISME. 


CSA 


414 


iLéiDe  doit  donc  èlre  le  modèle  de  Tarnoor 
f\n  prochain;  or,  le  modèle  est  toujours  sa* 
p  *rieur  à  sa  reproddctioa.  C'est  ce  qui  fait 
d  re  à  saint  Augustin  (I.  t  Deciv»  Dei^  c.  20)  : 
•  L*amoar  qu'on  se  porte  k  soi-même  est  la 
rèj:le  de  celui  qu*oo  doit  porter  au  procbaio. 
D'ail  leurs  on  aime  Dieu  comme  le  principe 
du  liien  :  or,  Thomme  s'aime  lui-mAme, 
comme  participant  à  ce  bien,  et  il  aime  le 
prochain  comme  associé  ahfHuiageaU  dans 
ce  tneo.  •  Mais  la  participation  est  supérieure 
à  frassociation,  comme  Tunité  Tant  mieux 
qae  Tunion,  donc  l'homme  doit  s'aimer  lui- 
riK^me  plus  que  le  prochain.  Voici  quel  ordre 
)i  faut  observer  dans  la  charité  :  1*  Dieu  doit 
Hre  aîflié  rmr-Jessus  ^  tout  ;  2*  chacun  doit 
«aimer  soi-même  en  rue  des  biens  spirituels  ; 
3"  on  doit  au^ssi  aimer  le  prochain  en  vue 
des  biens  spirituels  ;  4*  on  doit  ensuite  s*ai- 
ffîer  soi-même  en  vue  des  biens  du  corps  ; 
5'  puis  aimer  le  prochain  en  Tue  des  biens 
4  j  corps  ;  6*  enfin  s'aimer  soi-même  et  aimer 
le  prodiain  en  Yue  des  biens  extérieurs. 

Il  nous  faut  aussi  aimer  nos  ennemis  par 
Tii  acte  intérieur  et  formel  de  charité. 
I  Ainsilereoommande Jésus-Christ(JfallA.T): 
Aimez  vot  ennemis.  Il  nous  déclare  que  c'est 
fin  précepte^,  en  ajoutant  :  Afin  que  vous  toyez 
W  fnfanlt  de  votre  Pire  qui  eii  dont  le  ciel. 
It.'s  effet,  il  est  nécessaire  an  salut  de  tous 
t)  éire  )es  enfants  du  Père  céleste.  Ensuite, 
'i^ns  Toraison  dominicale,  nous  demandons 
£  Dieu  qu'il  nouspardonnenofo/fauet  comme 
noMspardomnons  à  ceux  qui  noue  oni  offeneie, 
Cest  donc  un  précepte  de  pardonner  à  ses 
ennemis  :  autrement  nous  ne  serions  pas 
iv^nioonés.  Car  Jésus-Christ  dit  encore  : 
Sx  tous  ne  pardemnex  aux  hommes^  votre  Père 
p.e  touspardonnerapoêvoipéehéi,  2*  L'amour 
vi^s  eiiuerois  nous  élève  k  la  perfection  spi- 
r.tuelle  et  natu^-eile,  et  nous  évite  bien  des 
faiiîes,  en  domptant  nos  passions  désordoo- 
Rées;  il  établit  en  nous  la  paix  intérieure, 
ii  amène  notre  ennemi  à  rechercher  notre 
imitié,  et  nous  en  fait  un  ami  fidèle  dans 
«Vccasion.  Cet  amour  ramène  notre  ennemi 
^  de  meilleurs  sentiments;  d'ailleurs,  ne 
v^.jlons-nous  pas  nous-mêmes  que  ceux  que 
b^.us  avons  offensés  nous  paidonnentetnous 
£  ment?  Nous  devons  donc  aimer  nos  enue- 
T  is  comme  nos  proches,  par  un  acte  inté- 
r-urde  charité. 

L^amonr  d'un  ami,  en  lui-même,  et  toutes 
'ircoi.stances  égales,  est  absolument  meil- 
\-'iT  et  plus  méritoire  que  Tamour  d'un  en- 
^  r.i.  Car,  un  ami  est  un  olijct  meilleur  et 
;  u^  uni  à  Dieu  et  à  nous-mêmes  qu'un  en- 
r^.iii,  du  moins  si  Tami  est  considéré  en 
f'iS'in  de  Tamilié  et  relativement  à  celui 
Tu  aime.  Donc  l'amour  d'un  ami  est  meil- 
'^ur.  Certes,  absolument  parlant,  il  vaut 
i^^'ins  haïr  un  ami  qu*un  ennemi.  Donc,  ab- 
Ki!  liment  parlant,  il  vaut  mieux  aimer  un 
^iDî  qu'un  ennemi.  Si  cependant  on  consi- 
dère le  mérite  de  ces  actes  de  charité  par 
>^i[>;)Ort  k  la  didicnlté  vaincue,  à  l'effort  fait 
r-^înr  triompher  de  ses  passions,  on  dira 
9  •il  j a  plus  de  mérite  a  aimer  ses  enne- 
^is,  car  le  nint if  surnaturel  de  l'amour,»' 


apparaît  plos^pur.  Si  Ton  objecte  que  l'amour 
des  amis  ne  mérite  aucune  récoropensOt 
selon  ces  paroles  de  saint  Matthieu  (v)  :  ^t 
voui  aimez  ceux  qui  voue  aifneni^  quelle  récom^ 
pense  aurez ^ vous?  Nous  répondrons  que 
l'amour  des  amis  ne  mérite  point  de  récom- 

Ksnse,  seulement,  si  ce  n  est  point  pour 
ieu  qu'on  les  aime,  et  si  Ton  n'aime  point 
en  même  temps  ses  ennemis. 

On  assigne  habituellement  i  la  vertu  de 
charité  envers  le  prochain  certaines  parties 
riotentielles  qui  sont  :  la  bienveillance,  la< 
bienfaisance  et  la  miséricorde.  La  bienveil- 
lance a  rapport  aux  choses  surnaturelles  et 
ne  se  distingue  pas  de  la  charité;  la  bien- 
faisance entraîne  un  acte  correspondant  de 
bienveillance,  et  oonséquemment  produit 
par  la  charité  :  en  sorte  qu*il  n'v  a  que  la 
miséricorde  qui  soit  une  vertu  spéciale,  con- 
sidérée non  comme  douleur  ou  passion  de 
Pappéfit  sensitif  produite  par  une  misère 
étrangère,  mais  comme  mouvement  de  l'ap- 
pétit intellectuel,  sentiment  pénible  causé 
par  la  misère  d'autrui  et  la  volonté  de  la 
secourir  d'une  manière  directe.  L'acte  de 
miséricorde  estroiim4)fi€,  c'est-k-dire  l'action 
de  donner  quelque  chose  à  un  indigent  par 
compassion  à  cause  de  Dieu.  Les  aumônes 
sont  spirituMes  et  corporelles.  Les  aumênes 
spirituelles  sont  au  nombre  de  sept,  savoir  : 
1*  Enseigner  les  ignorants.;  2r  conseiller  ceux 
qui  sont  dans  l'incertitude;  3*  consoler  ceux 
qui  sont  affligés;  4*  corriger  les  pécheurs  ; 
5*  pardonner  les  offenses;  6*  supporter  ave& 
patience  les  personnes  ennuyeuses  et  d*hu- 
meur  intolérable;  7*  prier  pour  tous.  Les 
auroênes  corporelles  sont  aussi  au  nombre 
de  sept  :  1*  Donner  à  manger  à  ceux  qui  ont 
faim;  2*  donner  à  boire  à  ceux  qui  ont  soif; 
3*  vêtir  ceux  qui  sont  nus;  4*  donner  l'hos- 
pitalité aux  étrangers;  5*  visiter  lesinfirmes  ; 
6*  racheter  les  captifs;  7*  ensevelir  les  morts. 

Alin  donc  de  faire  des  progrès  dans  la 
Toie  de  la  perfection,  nous  devons  nous 
exercer  avec  ferveur  doiu  la  charité  du  pro- 
chain,  (K>ur  l'amour  de  Dieu.  En  effet,  V  l'Ecri- 
ture sainte  ajoute  immédiatement  après  le 
premier  et  le  plus  grand  commandement» 
celui  de  l'amour  de  Dieu.  Le  second  est  sem-- 
blabfe  à  celui-ci  :  Vous  aimerez  votre  prochain 
comme  vous-même {Matth.nxîU^).  De  même 

S  de,  dans  rficriture  sainte,  l'amour  seul  de 
ieu  est  plus  d'une  fois  recommandé  comme 
son  précepte ,  de  même  l'amour  seul  du 
prochain  y  est  déclaré  comme  la  meilleure 
preuve  de  l'amour  de  Dieu  et  en  quelque 
sorte  comme  l'abrégé  de  tous  les  comman- 
dements. Nous  avons  reçu  de  Dieu  ce  com- 
mandement^ que  celui  qui  aime  Dteu  chérisse 
aussi  son  frère  (1  Joan.  iv,  21;  Joan  xni,. 
34;  XV,  12).  Celui  qui  aime  le  prochain^  ac- 
complit la  loi  {Rom.  xiii,  8  ;  GaL  v,  14)- 
2*  On  le  prouve  aussi  par  les  SS.  Pères  : 
c  Celui  qui  aime  Dieu,  dit  saint  Augustin,, 
doit  faire  ce  que  Dieu  ordonne,  et  son  amour 
est  proportionné  à  ses  actions.  Il  doit  donc 
aimer  le  prochain,  puisque  Dieu  Ta  ordonné» 
et  celui  qui  aime  le  prochain  doit  aimer 
parti^^ulièrement  cet  amoiur  lui-même.  Or» 


415 


CIIA 


DlCTiONNAIRC 


CHA 


416 


c*est  Dieu  qui  est  cet  amour,  et  celui  qui 
demeure  dans  Tamour  demeure  en  Dieu, 
donc  on  doit  aimer  Dieu  particulièrement.  » 
(L.?iii  De  Trtn.9C.7);saint  Jérôme  (Comment. 
ad  GaL);  saint  Isidore  {Différent,  spir.); 
saint  Laurent  Justioien  (Groa.  Perf.^  c.  13)» 
tienDeo.t  h  peu  près  le  même  langage,  3^  La 
raison  vient  d'en  être  donnée  par  saint  Au- 
gustin :  de  même  que  la  cbarilé  envers  Dieu 
est  absolument  nécessaire  pour  l'avance- 
ment spirituel*  de  même  aussi  la  charité 
envers  le  prochain,  sans  laquelle  la  cbarilé 
envers  Dieu  n'est  rien. 

Les  actes  de  cbarilé  envers  le  prochain 
sont  :  t"*  de  se  réjouir  des  bonnes  œuvres  du 
prochain  et  des  biens  que  Dieu  lui  accorde; 
2*  de  s'attrister  du  mal  du  prochain»  tant 
spirituel  que  corporel;  3*  de  prier  pour  tous, 
môme  pour  ses  ennemis;  ^*  de  s'eiposer  aux 
plus  dures  extrémités,  bravant  la  mort  même 
pour  leur  salut;  5°  d*exercer  envers  eux  des 
œuvres  de  miséricorde  tant  corporelle  que 
spirituelle.  Pratiquer  souvent  ces  actes  et 
d  autres  semblables,  malgré  toutes  les  dif- 
Ocullés,  avec  joie,  promptitude  et  empresse- 
ment, dénote  une  chariti  kiroxque ;  elle  se 
prouve  le  plus  souvent  par  un  zèle  ardent 
pour  le  salut  des  Ames,  par  d'abondantes 
aumônes,  par  la  fondation  d'hôpitaux  pour 
les  malades  et  de  collèges  pour  la  jeunesse. 
(Yoy.  Benoit  XIV,  De  serv.  Dei  beatif.,  c.  S3.) 

Que  notre  amour  envers  Dieu  soit  donc 
nop-seulement  affectif,  ce  qui  regarde  plus 
principalement  Dieu  en  lui-même,  mais 
qu'il  soit  encore  effectir,  ce  qui  a  plus  de 
rapport  au  prochain,  et  en  même  temps  à 
nous-mêmes,  fin  effet,  le  zèle  pour  le  salut 
des  Ames,  de  notre  Ame  surtout,  est  le  meil- 
leur effet,  la  marque  et  la  preuve  d'un  véri* 
table  amour  de  Dieu.  Or,  ce  zèle  ne  doit  pas 
être  désordonné  au  point  que  le  trop  grand 
désir  d'être  utiles  aux  autres  nous  fasse 
négliger  le  soin  de  notre  propre  salut.  La 
charité  doit  être  sagement  ordonnée,  selon 
ers  paroIe&  :  //  a  ordonné  en  moi  la  charité, 
{Cant.  II ,  k.)  Saint  Bernard  distingue,  à  ce 
sujet,  entre  la  charité  en  acte  et  la  charité 
en  affection.  La  charité  d'affection  doit  aller 
jusqu'à  faire  ce  qu'il  y  a  de  mieux,  sinon  par 
nous-même,  au  moins  par  les  autres,  pour  l'a- 
luour  de  Dieu  ;  la  charité  d'acte,  commandant 
les  œuvres  extérieures,  doit  rester  dans  les 
limites  de  l'ordre  prescrit,  soit  à  nous, 
soit  aux  autres.  Concluons  donc  avec  saint 
Jean  Chrysostome  :  c  Puisque  nous  tfvons 
un  Seigneur  si  miséricordieux,  si  bienveil- 
lant et  si  doux,  prenons  soin  de  nous-mê- 
mes et  de  nos  frères.  N'ayant  pas  de  solli- 
citude exclusivement  pour  nous  seuls, 
sojrons  aussi  utiles  à  notre  prochain  ;  con- 
duisons-le en  quelque  sorte  parla  main  vers 
la  voie  de  la  vérité  ;  ce  sera  pour  nous  une 
preuve  et  une  occasion  de  salut.  »  (Hom.  3 
1»  G  en.) 

Congeili  pratiques  aux  directeurs  sur  la 
charité  envers  Dieu^  sur  son  essence^  ses  pré-- 
rogatives  et  les  moyens  de  Vacquérir.  — I.  Le 
directeur,  pour  ne  pas  commettre  d'erreur 
Sur  le  degré  de  charité  auquel  s'élève  son 


pénitent,  doit  distinguer  la  substance  des 
accidents  de  cette  vertu  théologale;  autre- 
ment, il  court  risque  de 'regarder  comme 
ayant  atteint  la  dernière  limite  de  la  cha- 
nté divine,  une  personne  qui  à  peine  aura 
mis  le  pied  dans  cette  voie.  Il  doit  donc 
considérer  qye  le^  vertu  de  charité  est  une 
habitude  infuse  par  Dieu  dans  l'Ame  eu 
même  temps  que  la  grico,  et  remarquer  si 
celte  habitude  est  autre  chose  que  la  grâce 
sanctifiante,  et  si  elle  s'en  distingue  véri- 
tablement. L'acte  de  la  charité  est  /a* 
mour  pour  Dieu,  amour  qui  résulte  de  la 
volonté  et  de  l'habitude  infuse,  avec  le 
concours  de  certains  secours  surnaturels, 
par  lesquels  Dieu  élève  l'intelligence  ptfor- 
titie  la  volonté  pour  aimer.  Il  suit  de  laque 
l'acte  de  charité  n'est  pas  sensible  par  lui 
même;  car  étant  un  effet  de  la  faculté  spi- 
rituelle, il  est  spirituel  aussi,  tout  comme  la 
mère  qui  l'a  engendré.  Il  est  vrai  que  rH 
acte  spirituel  se  manifeste  bien  souvent 
dans  la  partie  inférieure  del'&me,  oCk  réside 
l'appétit  seusitif  ;  alors,  il  se  rend  sensible 
par  une  sorte  de  tendre,  suave  et  délicieuse 
affection;  et  s'il  se  développe  avec  forcctil 
se  transforme  en  ardeur,  en  ferveur,  en 
élancements  impétueux;  il  éclate  même  ea 
soupirs,  en  gémissements  et  en  larmes 

Cela  posé,  il  faut  savoir  que  la  charité 
divine,  en  tant  que  vertu,  consiste  dans  une 
habitude  infuse,  et  en  tant  qu'acte  d'amour. 
dans  un  certain  mouvement  de  la  volonté 
envers  Dieu,  qui,  par  lui-même,  n'est  pai 
sensible.  Les  tendresses,  les  douceurs,  les 
ardeurs  et  les  larmes  spirituelles  qui  sui- 
vent l'acte  de  la  volonté,  sont  un  pur  acci- 
dent de  la  charité,  et  leur  absence  n'enlève 
rien  à  la  substance  de  cette  vertu.  H  faut 
aussi  remarquer  que  la  sensation  de  cet 
amour  est  parfois  plutôt  un  effet  de  la  nature 
que  de  la  grâce.  Un  tempérament  sanguin  et 
porté  à  la  tendresse  se  répand  facilement 
en  douces  affections  envers  l'objet  aimé: 
de  sorte  que,  malgré  le  peu  d'énergie  que 
sa  volonté  déploie  dans  l'amour  de  Dieu, 
non-seulement  son  cœur  s'attendrit  et  s*en- 
ilamme  avec  facilité,  mais  il  en  vient  mtm 

t' usqu'à  verser  des  larmes.  Au  contraire,  uu 
lomme  d'une  complexion  moins  sensibk 
et  plus  rude,  quelle  que  soit  la  viracité 
de  son  amour  pour  Dieu,  bien  qu*il  le 
préfère  à  toute  créature  et  qu'il  soit  prêta 
accomplir  pour  lui  les  plus  grandes  choses, 
ne  peut  cependant  éprouver  aucune  affec- 
tion de  tendresse,  m  ressentir  aucune  de 
ces  douceurs  qui  transportent  des  penson- 
nés  moins  affermies  dans  la  fbarité.  11  peut 
encore  se  faire  qu'on  aime  Dieu  avec  beau- 
coup de  tendresse  et  de  douceur,  sans  avoir 
le  moindre  sentiment  de  charité.  En  effet. 
l'homme  constitué  en  grflce,  et  animé  {lar 
l'habitude  de  la  charité,  produit  fréquem- 
ment des  actes  surnaturels  d'amour  sensi- 
ble, d'où  résulte,  dans  son  appétit  seosH 
tif ,  une  sorte  d'habitude  et  de  facilité  à 
concevoir  ces  actes  d'amour  remplis  de  ten- 
dresse et  de  douceur,  ce  qui  constitue  une 
habitude  acquise  et  non  infuse,  et  par  cou- 


iî7 


eux 


D*ASCETISME. 


CIU 


418 


st^^uent  oatorelloy  et  non  surnaturelle.  Si 
cette  persoone  vient  à  tomber  en  péché  mor- 
tel, il  est  certain  qu*elle. perdra  a  la  fois  la 
grêce  et  la  charité.  Si,  dans  ce  cas,  elle  arrive 
à  fixer  naturellement  sa  pensée  sur  Dieu  (car 
la  nature  nous  annonce  que  Dieu  est  un  être 
iufioiment  parfait),  l'appétit  sensitif,  par 
suite  de  cette  habitude  acquise,  s'abandon- 
nera facilement  à  des  affections  d*amour 
sensibles  et  délicieuses,  affections  qui  n*ont 
aucun  mérite,  et  qui  ne  sont  certainement 
pas  des  actes  de  charité,  car  elles  n'ont 
aucun  principe  surnaturel  d*où  elles  puis- 
sent proTenir.  Le  directeur  comprendra 
far  là  combien  grande  est  Terreur  de  ces 
ères  spirituels,  qui,  pour  mesurer  le  de- 
gré d'amour  de  leurs  disciples,  prennent 
fiour  règle  certaines  tendresses ,  certaines 
ardeurs  et  certaines  défaillances  pleines  de 
suavité.  Car  il  peut  arriver  que,  pour  les 
nns^  la  charité  soit  en  raison  inverse  de 
l'intensité  de  ces  sortes  d'affection,  tandis 
que  d'autres  qui  éprouvent  beaucoup  moins 
lie  ces  tendres  sentiments,  possèdent  une 
charité  beaucoup  plus  vive  et  plus  pré* 
aeuse. 

Toutefois,  que  le  directaur  n'aille  pas 
s'imaginer  que  nous  prétendions  blâmer  ici 
l'amour  et  la  piété  sensible  envers  Dieu,  ni 
nous  associer  aux  impiétés  de  Moiinos,  qui 
a  osé  traiter  cet  amour  sensible  de  honteux 
et  d'abominable.  Toute  personne  raisonna- 
ble sait  que  l'amour  sensible  de  Dieu  est 
saint  et  pieux  ;  que  cet  amour  est  un  vérita- 
ble don  de  Dieu,  par  leauel  les  âmes  sont 
attirées,  entraînées  dam  Vodeur  de  se$  par^ 
fum»^  et  détachées  des  vains  plaisirs  du 
monde  ;  que,  oien  que  nous  sojrons  de  purs 
esprits,  nous  avons  aussi  des  sens,  qui  de- 
mandent un  certain  aliment  ;  enfin  que  ces 
atfeLtious  sensibles,  si  nous  en  faisons,  à 
l'exemple  des  saints,  un  usage  régulier,  nous 
sont  très-avantageuses.  Nous  disons  seule- 
ment que  les  directeurs  ne  doivent  pas  s'en 
exagérer  l'importance,  au  point  de  les  pren- 
dre pour  mesure  de  la  charité.  Autrement 
ils  tomberaient  dans  une  grossière  et  hon- 
iffuse  illusion.  Car  ces  affections  ne  sont  ni 
le  suc,  ni  la  moelle,  mais  seulement  l'é- 
lorce,  c*est-à*dire  un  pur  accident  de  la 
charité.  D'ailleurs  elles  proviennent  bien 
souvent  en  grande  partie,  et  quelquefois 
b.ème  exclusivemeni,  de  la  nature.  Nous 
di>eas  donc  que  non-seulement  il  ne  faut 
p:is  s'exagérer  la  valeur  de  ces  affections, 
mais  qu*on  doit  même  se  garder  de  mani- 
fester extérieurement,  l'importance  au'on  y 
attache,  afin  de  ne  pas  exciter  par  là  dans 
\t  pénitent  des  sentiments  de  vaine  complai- 
sance. En  effet,  quelque  saintes  et  nrofilaol  s 
que  soient  ces  affections  sensibles,  elles 
Uevieouenl  nuisibles  quand  on  en  abuse, 
et  sont  un  grand  obstacle  à  la  perfection 
chrétienne. 

Ainsi  le  directeur,  dans  l'appréciation 
de  la.  charité  de  ses  disciples,  doit  doue 
)>rendre  pour  règle»  non  la  tendresse,  mais 
la  forée;  non  la  douceur  des  affections, 
ii.dis  la  vigueur  des  opérations.  Saint  Jean 


nous  en  donne  le  précepte  (/  Joan.  m, 
18).:  Aimons,  non  en  parole  ni  de  bouche^ 
maie  en  action  et  en  vérité.  Ce  saint  ajiAtre 
nous  l'enseigne  encore  d'une  manière  sym- 
bolique, par  cet  ange  de  l'Apocalypse,  qui, 
pour  mesurer  la  JéruMolem  céleste,  fait  usagis 
non  d'un  fragile  roseau  des  champs,  mais 
d'un  roseau  d'or,  c'est-à-dire  eoihposé  d'un 
solide  et  dur  métal,  qui,  loin  de  se  détruire, 
s'épure  et  se  perfectionne  au  contact  du  feu. 
Il  mesura  ta  ville  avec  une  toise  if  or,  et  la 
trouva  large  de  douze  mille  stades  (Apoc.  xxi, 
16).  Quelle  est  cette  toise  d'or  que  le  di- 
recteur doit  avoir  continuellement  k  la 
main ,  pour  mesurer  avec  vérité  les  pro- 
grès de  ses  pénitents  dans  la  charité  ei  la 
perfection,  c  est  ce  que  nous  allons  exa-^ 
miner. 

II.  La  charité  ne  doit  pas  se  mesurer  par 
les  impressions  qu*on  éprouve,  mais  par 
ce  qu'on  fait  et  ce  qu'on  souffre  pour  Dieu. 
Ce  sont  le  les  deux  toises  d'or,  dont  la  me- 
sure est  infaillible.  Voici  ce  que  dit  à  ce  sujet 
sainte  Thérèse,  dont  Tautonié  est  si  grande 
en  matière  spirituelle  :  €  Si  vous  medemc-n- 
dez  comment  peut  s'acquérir  cet  amour,  je 
vous  répondrai  :  c'est  en  agissant  et  en  stiuf- 
fraut  pour  Dieu  d'une  manière  sérieuse  et 
efficace,  soit  en  se  proposant  d  agir,  soit  en 
exécutant  cette  résolution  quand  l'occasion 
s'en  présente.  »  (Fundnt,  c.  10.)  Quant  è 
ces  opérations ,  le  directeur  doit  toujours 
avoir  sous  les  yeux  ces  paroles  de  saint 
Grégoire  (Hom.  30  m  Evana,)  :  c  L'amour 
de  Dieu  n'est  jamais  oisif  :  s'il  refuse  d'agir, 
ce  n'est  nlus  de  l'amour.  »  La  raison  en  est 
claire.  L  amour  est  un  feu  ;  et  le  Sauveur 
a  dit  :  Je  suis  venu  apporter  le  feu  sur  la 
terre  ;  et  que  veux-je  sinon  qu'il  s'allume? 
Ainsi  l'amour  a-t-il  toutes  les  propriétés 
du  feu.  De  tous  les  éléments  il  n'en  est  pas 
de  plus  actif,  ni   d'une  action  plus  |)roiiinie 

?ue  le  feu.  Il  réduit  en  poussière  les  plus 
normes  rochers,  il  amollit  le  fer  le  plus 
dur,  il  fond  les  métaux  rebelles.  Il  ravage 
les  champs,  les  bois,  les  pala's,  tout  ce  qu  il 
.  rencontre:  De  même  l'amour  divin  ne  laisse 
fias  languir  dans  une  honteuse  oisiveté 
l'âme  qu'il  occupe  ;  mais  il  la  pousse  sans 
cesse  a  accomplir  de  grandes  choses  en 
elle-même  et  dans  le  prochain,  pour  plaire 
à  son  bien-aimé  Seigneur.  Il  crie  sans  cesso 
en  son  cœur,  comme  autrefois  Rarhel  à  son 
époux  Jacob  :  Donnex-moi  des  enfants  ou  je 
mourrais  {Gen.  xxx,  18.)  Donnez-moi  di  s 
gages  d'amour,  donnez-moi  des  fat  gués, 
donnez-moi  des  peines',  donnez-moi  des 
inGrmités,  donnez-moi  des  âmes,  donnez- 
moi  des  sueurs  :  car  tout  cela  platt  à  mon 
bien-aimé. 

Si  la  personne  spirituelle  en  est  arnr.'e  au 
point  ue  sopporier  pour  Dieu  les  travaux 
les  plus  pénibles,  sans  en  ressentir  aucune 
peine,  et  même  de  trouver  du  plaisir  à  eft- 
durer  ces  falîgues  et  ces  difficultés,  elle 
est  parvenue  à  un  degré  plus  parfait  d'à*- 
mour.  Saint  Augustin  a  dit  {De  bono  vidait. ^ 
c.  21)  :  Les  fatigues  de  ceux  qui  aiment  ne 
leur  sont  nullement  pénibles  :  dits  v>f^I  nlu^ 


1*19 


CHA 


DICTIONNAIRE 


CHA 


4îe 


tôt  pour  eux  une  source  de  plaisify  comme  la 
pêche  et  la  chasse...  Car  quand  on  aime^  on 
ne  souffre  aucune  peine^  ou  bien  on  aime  la 
peine  quon  endure. 

Si  donc  le  directeur  voit  ses  pénitents  se 
donner  beaucoup  -de  mal  et  de  peine  pour 
arriver  à  la  perfection  et  pour  rendre  ser^- 
vice  à  leur  prochain ,  et  n'épargner  pour 
le  soulagement  de  leurs  besoins  corporels 
ou  spirituels  ni  peine,  ni  fatigues,  ni  tra- 
vaux ,  ni  difficultés ,  ni  argent  ;  n*agir 
enlin  dans  aucun  motif  d^utilité  personnelle 
ou  de  vanité,  mais  i)0ur  Dieu  seul  ;  il  peut 
l^iir  dire  alors  que  la  vraie  charité  règne 
dans  leurs  cœurs.  Mais  si  le*  contraire 
arrive,  si  cette  femme,  qui  vient  souvent 
se  jeter  aux  pieds  du  directeur,  aime  peu  le 
travail,  et  s'efforce  peu  de  s'occuper  de  ses 
affaires  domestiques  ou  de  venir  en  aide  à 
ses  compagnes;  si  elle  ne  s'inquiète  que 
de  fréquenter  les  églises  et  de  réciter  des 
prières  vocales  ;  le  directeur  peut  lui  dire 
sans  hésitation  avec  saint  Jean,  quelle  aime 
de  bouche  et  non  en  action  et  en  vérités  Si  le 
pénitent,  ecclésiastique  ou  séculier, ne  s'ap- 
plique pas  à  mortifier  ses  passions,  et  ne  veut 
endurer  aucune  incommodité  pour  le  soulage» 
ment  de  ses  frères  ;  mais  s'il  se  repaît  seu- 
lement de  pieuses  affections  dans  ses  priè- 
res et  de  soupirs  poussés  au  pied  de  l'autel  ; 
il  peut  lui  dire  encore  qu'tl  aime  de  bouche 
et  non  en  action  et  en  vérité.  11  doit  ensuite 
graver  dans  leurs  esprits  ces  paroles  de  saint 
Augustin  et  de  saint  Grégoire  :  L'amour  vé- 
ritable^  dit  le  premier  (m  /oati.,  tract.  75), 
pour  ne  pas  être  un  vain  nom^  doit  se  prou^ 
ver  par  les  œuvres.  La  marque  de  Vamourf 
dit  saint  Grégoire  (  m  Heg.^  U  xi,  c.  4  ], 
consiste  non  dans  Vaffection  de  Vàme^  mais 
dans  le  zèle  de  Vaction. 

L'autre  mesured'or,  avec  laquelle  il  faut  me- 
surer la  charité  des  pénitents,  c'estde  voir  s'ils 
y  souffrent  avec  joie  pour  Jésus-Christ.  Cette 
mesure  est  infaillible.  En  effet  là  où  l'amour 
propre  ne  peut  pénétrer  (comme  dans  l'amour 
des  souffrances),  il.nepeuty  avoir  deplaceque 

Jour  l'amour  divin.  «  Il  n'est  rien,  dit  saint 
ean  Chysostome  (Hom.  64.  adpopul.)^  que 
ne  surmonte  l'amouravec  le  désir.  Or,  comme 
cetamour  est  le  désirde  Dieu,  c'est  l'amour  le 
plus  sublime;  et  ni  le  feu,  ni  le  fer,  ni  la  pau- 
vreté, ni  les  inûrmités,  ni  la  mort  ne  semble- 
ront pénibles  à  quiconque  possède  cetamour; 
méprisant  tous  les  obstacles,  il  volera  vers 
le  ciel,  et  se  conduira  en  toute  chose  comme 
ceux  qui  y  habitent;  ni  le  ciel,  ni  la  terre, 
ni  la  mer  n'occuperont  son  esprit,  il  ne  con- 
sidérera uniquement  que  la  beauté  de  la 
gloire  du  Créateur,  et  m  la  tristesse  de  la  vie 
présente  ne  pourra  le  décourager,  ni  les  dou- 
ceurs et  les  consolations  spirituelles  l'enor- 
gueillir. »  Saint  Augustin  en  dit  autant  en 
quelques  mots  :  «  U  n'est  rien  de  si  dur  et 
de  si  difficile  que  ne  puisse  surmonter  le  feu 
de  Tamour.  Si  Tflme  sur  les  ailes  de  ce  feu 
s'élève  en  Dieu,  elle  volera  libre  et  digne 
d'admiration  au-dessus  de  tous  les  suppli- 
ces, »  [In  Joan.y  tract.  48.) 
Voulez- vous  avoir  sous  Icsyuux  un  exem- 


ple do  cette  charité  forte  et  robusie,  invin- 
cible au  milieu  des  adversités,  voyez  l'Apô- 
tre des  nations.  Considérez-le,  tantôt  chargé 
d'entraves  au  fond  d'un  cachot,  taotèt  suc- 
combant sous  le  poids  de  ses  chaînes,  un- 
tôt  poursuivi  à  coups  de  pierres  par  i.i  mul- 
titude, déchiré  à  coups  de  fouet  parles  ty- 
rans, mis  à  mort  par  ses  persécu leurs,  e( 
écoutez  ce  qu'il  écrit  aux  Corinthiens  (/] 
Cor.  VII,  k)  :  Je  suis  rempli  de  comolatm^ 
je  surabonde  de  joie  au  milieu  de  mes  adter^ 
stï^^.  Entendez  l'apôtre  André  s'écrî<r  à  Tas^ 
pect  de  la  croix  où  il  va  être  attaché  :  f  0 
bonne  croix,  depuis  si  longtemps  l'objet  de 
mes  désirs,  de  mon  amour  le  plus  ardeot, 
que  j'ai  recherchée  sans  cesse,  mainlenanl 
enGn  mes  vœux  sont  accomplis  et  je  viens  à 
toi  sans  crainte  et  avec  allégresse.  »  {Bm. 
Rom.^  in  fest.  S.  Andreœ>  30  Nov.)  Ecoutez 
Sainte  Thérèse  de  Jésus  qui  refuse  lic  vivre 
sans  douleurs  et  qui  désire  ou  souffrir  on 
mourir  pour  sou  bien-aimé.  Kt  sainte  Ma- 
deleine de  Pazzi,  qui  souhaite  de  vivre  afin 
de  souffrir  davantage  pour  son  bien-aimé, 
et  qui  s*écrie  :  Non  fui^urtr,  mais  souffrir. 

Donc  si  le  directeur  voit  que  son  pènileol 
supporte  avec  plaisir, par  amour  pour  Dieu, 
les  douleurs  et  les  inûrmités;  lui  oiïre  avec 
un  cœur<satisfait  les  calomnies,  lesinjureset 
les  persécutions;  supporte  avec  patience  la 
perte  de  ses  biens,  ae  son  honneur,  de  se» 

f>roches  et  de  ses  amis  les  plus  chers;  aime 
a  mortification  et  pratique  la  pénitence;  il 
doit  alors  se  réjouir,  parce  que  cette  âme  est 
pleine  de  charité.  Mais  si  le  pénitent  bc  mon- 
tre ennemi  de  toute  affliction,  de  toute  ad- 
versité et  de  toute  mortification,  etqucloute 
la  force  de  son  amour  consiste  en  de  tciidres 
affections,  et  s'il-  n'aspire  dans  son  «nuour 
qu'à  éprouver  la  douceur  des  cousolc.lioiis 
sensibles,  si  enGn,  lorsqu'il  s'en  voitcoibbi^ 
il  s'y  complaît,  tout  comme  s'il  était  ûlevé 
à  l'amour  des  Séraphins,  le  directeur  duil 
s'attrister,  parce  qu'un  tel  disciple  est  eucore 
faible  dans  la  charité;  et  il  est  hors  de  doute 
que,  malgré  ces  consolations  sensibles,  il 
n'aime  Dieu  que  d'un  amour  languissant. 
Je  dirai  plus:  cette  flme,  en  aimaul  Dieu, 
s'aime  plutôt  elle-même  que  Dieu,  car  elle 
recherche  plutôt  dans  eet  amour  une  satis- 
faction personnelle  que  le  goût  de  Dieu. 

Il  est  encore  une  autre  mesure  de  la  cba* 
rite,  c'est  la  conformité  en  toutes  choses  à 
la  volonté  de  Dieu.  Cette  conformité  est  l'acte 
principal  de  la  charité,  et  par  conséquent  !a 
marque  la  plus  certaine  du  véritable  à\noiit 
de  Dieu.  (V.  Confommitê.) 

Conseils  pratiques  sur  Vamour  de  confor- 
mité; ses  fondements^  ses  motifs  et  son,  utiU^é, 
—  I.  La  bonne  direction  d'un  Père  spirituej 
est  d'une  grande  utilité  pour  le  péiiileut  qui 
veut  acquérir  une  véritable  conformité  à  la 
volonté  de  Dieu,  et  par  conséqu^'nt  une  cha- 
rité véritable,  puisque  c'est  $iirtuul  daus 
cette  conformité  que  consiste  la  charité. 
Quand  le  directeur  remarque  fSaws  une  âiue 
exempte  de  péché  mortel  q.uelques  senti- 
ments d'amour  qui  s'y  maiûfcstent  peu  i 
peu,  il  d  il  l'appliquer  à  en  saint  exeicice. 


m 


CHA 


D'ASCETISME. 


CHA 


afin  de  transformer  ces  seutimenls  en  un 
amour  solide  el  iéoood  en  œuvres.  Aussi 
doil-il  lui  proposer  sou f  en t  la  considération 
des  motifs  eiposés  plus  haut,  aûn  qtie  sa 
Tolonté  prenne  h  détermination  de  ce  sou- 
mettre surtout  dans  les  choses  pénibles  à  la 
faililesse  de  noire  nature.  11  faut  donc  lut 
enjoindre  de  prendre  et  de  répéter  plusieurs 
fois  dans  la  journée,  comme  oraisons  Jaou* 
latoires,  certaines  paroles  de  l'Ecriture,  où 
se  trouTe  eiprimé  un  désir  ardent  de  con- 
furuiité  à  la  volonté  de  Dieu.  Ainsi  :  Quevo- 
ire  volonté  se  fasse  et  non  la  mienne,  —  Non 
comuneje  veux,  mais  comme  vous  voulez,  — 
Que  votre  volonté  se  fasse  sur  la  terre  comme 
au  ciel.  —  Seigneur  f  que  voulez^vous  que  je 
fasst  ?  —  //  est  écrit  de  moi  en  tête  du  livre^ 
qu^je  fasse  votre  volonté.  —  Mon  Dieu  ^  je  le 
veux.  Sainte  Gertrude  répétait  jusqu'à  365 
fu.s  (4ir  jour  ces  paroles  :  Mon  doux  Jésus! 
que  votre  volonté  se  fasse ^  et  non  la  mienne. 
Ce  pieux  exercice  aura  pour  fruit,  e!i  inspi- 
rant au  pénitent  des  aspirations  fréquentes 
d'accomplir  la  volonté  de  Dieu,  de  conserver 
toujours  vivant  daus  son  cœur  ce  saint  désir; 
de  sorte  que  s'il  se  présente  quelqu'une  de 
ces  adversités  et  de  ces  tribulations ,  qui  ne 
manquent  jamais  dans  cette  misérable  vie,  il 
sera  toujours  prêt  à  se  soumettre  aux  ordres 
divins. 

11.  Que  le  directeur  instruise  aussi  son 
disciple  è  joindre  à  cette  conformité  la  con- 
tiaoce  en  Dieu.  Ce  dernier  sentiment  dis- 
pose au  premier  et  le  rend  plus  facile.  Si 
l'homme,  en  butte  aux  tribulations  provo- 
quées soit  par  les  hommes,  soit  par  les  dé- 
mons, soit  par  des  causes  nécessaires,  croit 
avec  une  loi  vive  que  tout  a  été  ordonné 
^e  Dieu  pour  son  plus  grand  bien,  il  espère 
aussi  fermement  que  !e  résultat  de  toutes 
ces  épreuves  ne  peut  que  lui  être  avanta- 
geux, el  il  se  confie  en  Dieu  avec  un  gé- 
uéreux  abandon.  Par  ce  sentiment  d'espé- 
rance, il  se  conforme  facilement  à  la  volonté 
de  Dieu,  et  supporte  avec  patience  et  rési- 
gnation toulis  les  adversités  qui  lui  arri- 
vent, en  ré|iéiant  ces  paroles  de  David  :  Je 
danmiraiet  me  reposerai  dans  la  paix  que  je 
trouve  en  vous^  parce  que  vouê  m^aveZf  Set- 
gmessr,  affermi  dans  l'espératue  tune  mtunière 
iOMte  singulière  {Psed.  ir,  9,  10}.  Au  con- 
Iraire  si  rboiume  est  dépourvu  de  cette 
eonfiance  dans  la  providence  divine,  s'il 
craint  un  fâcheux  résultat  des  adversités 
qui  loi  surviennent,  il  se  conformera  diffi- 
alement  h  la  volonté  de  Dieu,  et  même  n  j 
parviendra  jamais,  k  moins  de  posséder  une 
Tertu  à  toute  épreuve. 

C'est  ceque  prou veadmirablement l'exem- 
ple du  moine  Martin,  rapporté  par  saint 
iirégoire  {Dial.^  1.  ui,  c.  16}.  Ce  digne  ser- 
viteur de  Dieu  habitait  une  caverne  prati- 
quée dans  une  montagne  :  Dieu  pour  mon- 
trer la  bienveillante  sollicitude  qu'il  lui 
partait,  en  fil  jaillir  une  source,  qui  lui  four- 
nissait sa  boisson.  Le  démon,  supportant 
avec  peine  la  sainte  vie  que  Martin  menait 
dans  cette  caverrie,  tenta  de  l'effrayer  par 
CLur^.bU:s  citions.  Pendant  que   le  saint 


moine  était  cti  ornison,  ii  lui  apparut  foiis 
la  forme  d'cîn  affreux  serpent,  qui  s'appro- 
chait de  lui  comme  pour  le  dévorer  et  s'en- 
laçait autour  de  ses  membres,  afin  de  le  dé- 
tourner de  ce  saint  exercice.  S'il  se  piéfia* 
rait  à  se  livrer  au  repos,  le  serpent,  pour 
troubler  son  sommeil,  s'étendait  a  ses  côtés. 
Mais  si  grande  était  la  conformité  de  Martin 
à  la  volonté  de  Dieu,  que  dans  sa  conliance 
que  ce  serpent  ne  pouvait  lui  faire  aucun 
mal,  €  ce  saint  homme,  comme  le  raconte 
saint  Grégoire,  approchait  ses  mains  ou  ses 
pieds  de  sa  gueule,  en  lui  disant  :  Si  tu  as 
reçu  le  pouvoir  de  me  faire  du  mal,  qui  te 
retient?  je  ne  m'y  oppose  pas.  »  Cette  ten- 
tation diabolique  dura  trois  années  consé- 
cutives. Enfin,  vaincu  par  tant  de  constance, 
le  monstre  infernal  se  mil  à  pousser  d'af- 
freux s.filemeots ,  et  vomissant  feux  et 
flammes,  se  précipita  du  sommet  de  la  monta- 
gne, entraînant  avec  lui  les  arbres,  les  rochers, 
tout  ce  qu'il  rencontrait  sur  son  passage.  Le 
saint  docteur  termine  ainsi  ce  récit  :  «  Pen- 
sez combien  il  fallait  de  confiance  à  cet 
homme  du  Seigneur,  pour  vivre  ainsi  trois 
ans  sans  crainte,  au  sommet  d'une  mon- 
tagne, avec  un  serpent.  »  Tant  a  de  force 
la  conformité  à  la  volonté  de  Dieu,  quand 
elle  est  soutenue  par  une  rive  confiance  que 
Dieu  viendra  à  notre  secours  et  fera  tourner 
è  notre  avantage  les  maux  qui  nous  arri- 
Tent.  Le  directeur  doit  donc,  dans  les  ad- 
versités, exciter  dans  le  cœur  du  pénitent 
cette  pensée,  que  Dieu  ordonne  toute  chose 
en  vue  de  son  plus  grand  bien.  Celte  eon- 
fiance aplanira  les  difficultés  de  la  nature» 
et  déterminera  sa  volonté  h  se  couformer 
facilement  à  la  volonté  divine,  et  à  lui  té- 
moigner toute  la  soumission  qu'il  lui  doit. 

lu.  Un  moyen  très-utile  d'arriver  à  cette 
sainte  conformité,  c'est  de  s'habituer  à  faire 
toutes  ses  actions,  quelle  que  soit  leur  im- 
portance, en  vue  déplaire  a  Dieu,  et  d'avoir 
toujours  pour  motii  et  raison  d'agir  le  bou 
plaisir  de  Dieu  et  l'accomplissement  de  sa 
sainte  volonté.  Si  l'homme  en  effet  daus  les 
œuvres  de  son  propre  choix  se  propose  ha- 
bituellement ce  bon  |>laisir  divin,  il  se  dis- 
pose fortement  h  se  proposer  le  même  but 
dans  les  œuvres  qui  ne  dépendent  pas  de 
son  libre  arbitre,  et  même  dans  celles  qui 
arrivent  par  la  permission  de  Dieu  et  qui 
sont  contraires  k  son  caractère  et  h  son  in- 
clination naturelle.  De  cette  sorte,  dans  ces 
circonstances,  il  s'y  conforme  avec  plus  de 
facilité,  et  il  n'a  pas  de  répugnance  à  vou- 
loir ce  que  Dieu  veut.  Remarquons  à  ce  su- 
jet que  cette  sainte  disposition  qui  préside 
a  nos'actions,  doit,  pour  produire  l'ilfet  dé- 
siré, être  tellement  pure  qu'on  n'ait  jamais 
en  vue  dans  ses  opérations  autre  chus.*  que 
la  volonté  de  Dieu,  et  si  souvent  r.  pétéo, 
qu'elle  ne  puisse  être  souillée  par  i«-  con- 
tact des  autres  iuis  humaines  el  iiitc  itioi<s 
terrestres. 

IV.  Le  directeur  doit  amener  peu  à  peu 
ses  pénitents  à  cet!e  sainte  conformité  de 
l'âme,  de  manière  à  les  iaire  passer  d'un 
ilc^rC'  l  l'autre,  jusqu'à  ce  qu'enfin  ih  abj^*- 


425 


CIIE 


DiCTIONNAIftE 


CtIR 


lït 


renl  nu  desré  le  plus  subtil  et  le  plus  par- 
fait. Qu'il  s  efforce  d'abord  de  leur  persuader 
de  sup|iorter  avec  patience  les  tribulations 
qui  leur  viennent  de  la  roain  de  Dieu.  En 
effet,  le  meilleur  moyen  de  soumettre  sa  vo- 
lonté propre  à  la  volonté  divine  consiste  5 
comparer  entre  elles  ces  deux  volontés,  et  h 
considérer  quelle  audace  i!  y  aurait  à  vou- 
loir préférer  h  la  volonté  suprême  et  domi- 
natrice de  Dieu  celle  d'un  homme  qui  n*c$t 
que  bassesse  et  néant.  Sainte  Ludivine  s'é- 
criait au  milieu  de  ses  cruelles  infirmités  : 
«  Seigneur,  je  vous  remercie  infiniment  de 
ne  pas  m'épargner  les  douleurs  et  les  afllic*- 
tions  :  car  la  pensée  que  votre  volonté 
s'accomplit  en  moi  est  pour  moi  une  source 
d'ineffables  consolations.  »  Que  le  directeur 
remarque  aussi,  auel  que  soit  le  degré  de 
conformité  auquel  aspire  le  pénitent,  ^u'il 
est  toujours  necessai.''e  do  le  demander  ins- 
iammeut  h  Dieu;  car  si,  pour  acquérir  quel- 
que vertu,  il  est  besoin  de  prières  ferventes 
et  continuelles,  à  plus  forte  raison,  pour 
arriver  à  la  conformité  parfaite,  qui  est  la 
reine  de  toules  les  vertus,  ces  prières  se- 
ront-elles indispensables.  Aussi  le  nénitent, 
désireux  d'unir  sa  volonté  h  la  volonté  di- 
vine, devra-t-il  s'écrier  souvent  en  présence 
du  Seigneur  :  Enseignex-moi  à  faire  votre 
volonCé^  parce  que  vous  êtes  mon  Dieu  (  Ps» 

GXLII,  10)» 

V.  Le  directeur  rencontrera  des  personnes 
pieuses,  qui,  dans  les  maux  terrestres, 
comme  dans  la  perte  de  la  santé,  des  hon- 
neurs ou  des  ricnesses,  savent  se  conformer 
k  la  volonté  de  Dieu;  mais  il  en  rencontrera 
bien  peu  qui  sachent  s*y  soumettre  pleine- 
ment, quand  elles  sont  privées  des  consola- 
tions sensibles,  quand  elles  sont  en  proi«) 
à  la  sécheresse  ou  à  l'abandon  spirituel.  Il 
doit  donc  leur  persuader  que  cette  séche- 
resse ot  cet  abandon  viennent  de  Dieu,  et 
qu'elles  sont  tenues  de  s'y  conformer,  non 
moins  que  dans  les  autres  adversités. 

CHARTREUX.—  Voy.  Discours  prélimi- 
naire. 

CHAUCHEMER  (François),  Dominicain, 
né  à  JBloisen  16^0,  et  docteur  en  théologie, 
se  distingua  dans  son  ordre  par  son  talent 
pour  la  prédication.  Il  prêcha  souvent  à  la 
cour,  et  y  recueillit  des  applaudissements 
mérités.  II  fut  provincial  de  Paris.  Il  mourut 
dans  cette  ville  le  6  janvier  1713,  dans  le 
couvent  de  son  ordre,  rue  Saint- Jacques. 
Ses  œuvres  ascétiques  sont:  t''  Sermons  sur 
les  mystères  de  la  religion  chrétienne^  Paris, 
1Ï09,  in-12;  — 2-  Traité  de  piété  sur  les^ 
avantages  de  la  mort  chrétienne^  ibid.  1707, 
a  vol.  in-12. 

CHEMINAIS  (Timoléon),  Jésuite,  né  à 
Paris  en  1G52,  6t  admirer  son  talent  pour  la 
chaire  à  la  cour  et  à  la  ville.  Il  mourut  en 
1689,  Agé  de  trente-sept  ans,  en  digne  mi- 
nistre de  cette  religion  qui  l'avait  animé 
{rendant  sa  vie.  Sa  carrière  fut  courte,  mais 
ûen  remplie.  Outre  ses  sermons,  on  a  de 
lui  Les  sentiments  de  piété,  1691,  in-12,  ou- 
vrage qui  se  ressent  un  peu  trop  du  style 


brillant  de  la  chaire,  et  pas  assez  du  langa(;e 
affectueux  do  la  dévotion. 

CBEVASSUS  (Joseph;,  curé  de  Rousses 
dans  le  diocèse  de  Saint-Claude,  mort  à 
Saint-Claude,  sa  patrie,  le  25  octobre  1753, 
Agé  de  78  ans,  était  l'exemple  du  troupeau 
qu*il  instruisait.  On  a  de  lui  des  Méditations 
ecclésiastiques^  6  vol.  in-12,  1764,  où  il  y  a 
des  choses  solides  et  neu  de  touchantes 

CHOEUR.-— Parmi  les  devoirs  de  la  vie 
reliKieuse,  un  des  principaux  est  l'assiduité 
au  chœur.  Sur  la  fidélité  a  ce  devoir  on  peut 
mesurer  la  ferveur  et  la  régularité  dune 
communauté;  et  lorsqu'il  n'est  point  rem- 

|)li,  c'est  une  marque  certaine,  dit  Bourda- 
oue,  du  dépérissement  de  la  diseiplinr. 
Les  supérieurs  doivent  donc,  sous  peine  de 
faute  grave,  veiller  à  l'exacte  observanc6  de 
cette  grande  obligation.  Nous  nous  conten- 
tons ici  de  faire  remarquer  quelques  abus 
qui  doivent  être  soigneusement  corrigés, 
pour  le  bien  de  la  religion  ;  nous  voulons 
parler  des  motifs  frivoles  qu'on  allègue  sou* 
vent   pour  s'exempter  de  Tassistance  au 
chœur.  Clément  VIII  et  Urbain  VIII  ont  or- 
donné qu'aucun  réçuijer,  quel  qu*il  soit,  et 
nonobstant  tout  privilège,  ne  soit  exempté 
du  chœur,  pas  même  .Tes-  généraux,  ni  les 
provinciaux,  ni  les  autres  supérieurs  quel- 
conques, à  moins  qu'ils  ne  soient  actuelle- 
ment occupés  aux  fonctions  de  leur  charge. 
Sainte  Thérèse  s'élève  avec  force  contre  les 
religieux  qui,  sous  prétexte  de  quelque  in- 
disposition légère,  se  dispensent  facilement 
du  chœur  et  des  autres  exercices  de  la  rè^^le; 
elle  ne  voit  dans  une  telle  conduite  qu'une 
lAcheté  honteuse,  une  affligeante  tiédeur  et 
un  piège  dangereux  du  démon,  qui,  sous  le 
frivole  prétexte  do  la  santé  du  corps,  attaque 
]*Ame  a'une  maladie  mortelle.  (Jùant  à  la 
durée  des  oflices,  D.  Calmet  remarque  que 
leur  longueur  démesurée  n'est  pas  toujours 
avantageuse  à  la  religion.  Les  prières  voca- 
les trop  longues  et  trop  multipliées,  non- 
seulement  n'entretiennent  pas  la  dévotion 
et  l'esprit  d'oraison,  mais  elles  l'épuisent  et 
l'éteignent,  pour  ainsi  dire.  Ces  longues 
prières,  souvent,  n'engendrent  que  l'ennui 
et  le  dégoût,  et  donnent  lieu  de  nouveau  à 
ce  reproche  du  prophète  :  Ce  peuple  m'honore 
des  livres,  et  son  caur  est  loin  de  moi.  Il 
sera  donc  plus  utile,  pour  les  communautés 
religieuses,  de  partager  le  temps  entre  Ws 
exercices  du  chœur,  l'oraison  mentale,  les 
lectures  particulières  ou  publiques  de  piété, 
et  l'étude  ou  le  travail  des  mains. 

CHRODEGAND  (Saint),  évèque  de  Metz, 
mort  en  766,  fut  employé  par  le  roi  Pépin 
en  diverses  négociations.  La  plus  honorable 
est  celle  de  I  année  753,  où  il  fut  chargé 
d'amener  en  France  le  Pape  Etienne  III,  qui 
lui  accorda  le  pallium  avec  le  titre 'd'arche- 
vêque. Il  institua  une  communauté  de  clercs 
réguliers  dans  sa  cathédrale,  et  leur  donna 
une  Règle,  qui  a  été  publiée  par  le  P.  Labbe, 
dans  sa  Collection  des  conciles.  Ce*  saint 
évoque  est  regardé  comme  le  restaurateur 
de  la  vie  commune  des  clercs,  et 'comme 
Tinslituteur  des  chanoines  réguliers. 


CBR 


D^ASCETISMC 


ClIR 


4S0 


SA  «tete.  —  Le  plus  beau  titre  de  gloire 
de  saint  Cbrodegang ,  après  ses  éaiinentes 
▼erlus  9  fut  la  r^e  qu'il  composa  pour  ses 
clercs.  Il  la  tira  en  grande  partie  de  la  règle 
de  Saint-Beoolt  qull  modifla  de  manière  à 
la  rendre  praticable  à  des  ders  destinés  au 
service  de  l'Eglise. 

Les  dercs  des  différentes  ^lises»  Tivant 
en  commun,  étaient  bien  déjè  une  règle 
tirée  des  canons  «et  que  pour  cette  raison 
on  appelait  l'ordre  canonique.  Mais  les  dis- 
positions de  cette  règle  étaient  oubliées  et 
trop  peu  pratiquées.  Peut-être  aussi  qu'elles 
ne  repondaient  plus  aux  besoins  du  clergé 
de  cette  époque  et  que  certaines  modifications 
étiiient  devenues  nécessaires.  Saint  Cbrode- 
gang entreprit  ce  travail  ;  sa  rèdefut  si  es- 
timée ,  que  plusieurs  érèques  l'adoptèrent 
pour  leurs  clercs  canoniques  ou  cbanoines 
(123),  c'est-è<Kiire  les  clercs  rivant  en  com- 
munauté. 

La  règle  de  saint  Cbrodegang  {iVk)  ne 
contient  que  trente -quatre  articles  avec 
une  préface  »  où  il  déplore  le  mépris  des 
canons  et  la  négligence  des  pasteurs,  du 
clergé  et  du  peuple.  Il  n'engage  pas  les 
clercs  de  sa  communauté  k  une  pauvreté 
absolue ,  mais  il  veut  que  quiconque  j  en- 
trera fasse  une  donation  soieonelle  de  tous 
ses  biens  à  l'église  de  Saint-Paul  de  Metz , 
permettant  de  s'en  réserver  l'usufruit  et  de 
disposer  de  ses  meubles  pendant  sa  vie. 
Les  prêtres  auront  la  disposition  des  aumô- 
nes qui  leur  seront  données  pour  leurs 
niessbs ,  pour  la  confession  on  l'assistance 
des  malades  »  si  ce  n'est  que  l'aumêne  soit 
donnée  pour  la  communauté  (1%).  Pour  la 
clôture ,  les  cbanoines  ont  liberté  de  sortir 
le  jour  t  mais  k  l'entrée  de  la  nuit ,  tous  doi- 
vent se  rendre  k  Saint*Etienne  qui  est  la  ca- 
tbédrale  de  Metz  «  pour  cbanter  compiles , 
Sfirès  lesquelles  il  n'est  plus  permis  de 
lK>ire,  de  manger  et  de  parler;  on  doit  gar- 
der le  silence  jusqu'après  prime  du  lende- 
main. Celui  qui  ne  s'est  pas  trouvé  k  com- 
piles ne  peut  entrer,  ni  même  frapper  k  la 
porte ,  jusqu'k  ce  qu'on  vienne  aux  noctur- 
nes. L'arcbidiacre ,  leprimicier  ni  le  por- 
tier ne  donneront  aucune  dispense  de  cette 
règle  dont  ils  ne  puissent  rendre  compte  k 
révoque.  Tous  les  cbanoines  logeaient  donc 
dans  un  cloître  exactement  fermé ,  et  cou- 
chaient en  différents  dortoirs  communs,  où 
chacun  avait  son  lit.  Aucune  femme  n'en- 
trait dans  le  cloître  ni  aucun  laïque  sans 

(13^  Les  dercs  caiieiiîqiics  eu  chanoines  éuieni 
les  clercs  qu  n'avaient  |ias  de  bénéfice  et  ne  rece- 
Taieot  le«r  nécessaire  que  des  revenos  eodésbsU- 
f«es  disCrilNiés  par  les  HMlrini/arti,  soos  la  surreil- 
b«ee  de  rérèqûe.  On  donnait,  an  vin*  siècle  et 
ptms  tard,  le  nom  de  chanoines  ans  dercs  virant 
en  eonuinnauté,  soit  dans  la  maison  épiscopale, 
ftoit  dans  les  diflérenles  écoles  ecdésiasliqoes.  An* 
joanThni  on  le  donne  seulement  à  des  prities 
diaraés  de  dire  pabli<iuenient  Toflloe  canonique  dans 
rq^fise  Msoopale. 

(It4)  woff,  LccociTE,  Xfina/.,  t.  Y,  et  Labbc, Cor- 
ciln,  t.  YHI.  Nous  Uanscrivons  à  peu  près  rexcellente 
anaiiM  qn*a  laite  de  œUe  règle  Ijeurr*  dans  son 
Uulmre  êedénmsti^^,  Uv.  Ilui,  i|  37, 1»,  39. 

.  d'Ascétisme.  I. 


permission.  Si  on  donnait  k  manger  k  quel- 
qu'un ,  il  laissait  ses  armes  hors  du  réfec- 
toire (196-7)t  et,  aussitôt  après  lerepas,  sortait 
du  cloître.  Les  cuisiniers  mêmes,  si  on  en 
prenait  de  laïques ,  sortaient  aussitôt  qu'ils 
avaient  fait  leur  service. 

Les  cbanoines  se  levaient  la  nuit  k  deux 
heures  pour  les  nocturnes  comme  les  moi- 
nes, suivant  la  règle  de  Saint-Benoît,  et 
netlaient  entre  los  nocturnes  et  les  mati- 
nes ou  laudes,  un  intervalle  pendant  lequel 
il  était  défendu  de  dormir.  On  devait  j  ap- 
prendre les  psaumes  par  cœur,  lire  ou 
chanter.  Pendant  le  jour ,  ceux  qui  se  trou* 
vaient  trop  loin  de  l'église  au  moment  où 
on  sonnait  l'office,  pouvaient  le  réciter  au 
lieu  où  ils  se  troufaient.  Il  est  défendu  aux 
clercs  de  tenir  des  bâtons  k  la  main  dans 
l'église ,  sinon  pour  cause  d'infirmité.  Les 
cban'oines  doivent  garder  entre  eux  le  rang 
qu'ils  tiennent  dans  le  clergé ,  se  traiter 
avec  respect  et  ne  se  point  nommer  simple* 
ment  nar  leur  nom. 

Apres  l'office  de  prime,  on  tiendra  le 
chapitre  tous  les  jours.  On  lira  un  article 
de  la  règle ,  des  homélies ,  ou  quelque  au- 
tre livre  édifiant.  L'évéque  ou  le  supérieur 
J  donnera  ses  ordres  et  j  fera  les  correc- 
tions. Au  sortir  du  chapitre,  chacun  ira  au 
travail  manuel  qui  lui  sera  prescrit. 

Quant  k  la  nourriture ,  depuis  Pâques  jus^ 
qu'k  la  Pentecôte ,  on  fera  deux  repas ,  et 
on  pourra  manger  de  la  chair,  excepté  le 
vendredi  seulement.  De  la  Pentecôte  k 
la  Saint^Jean ,  on  fera  deux  repas,  mais 
sans  manger  de  chair.  De  la  Saint- Jean  à  la 
Saint  -  Martin ,  deux  repas  et  abstinence 
de  chair,  les  mercredis  et  vendredis.  De  la 
Saint-Martin  k  Noël,  al>stinence  de  chair 
et  jeûne  jusqu'k  none.  Depuis;  Noël  jusqu'au 
carême,  jeune  jusqu'k  none,  le  lundi, 
le  mercredi  et  le  vendredi,  avec  abstî* 
nence  de  chair  ces  deux  derniers  jours  ; 
les  autres  jours ,  deux  repas.  S'il  vient  une 
fête  en  ces  fériés,  le  supérieur  pourra 
permettre  la  chair.  En  carôme ,  on  jeûnera 
jnsqu'k  ? épres ,  avec  défense  de  manger  bore 
du  cloître.  Il  y  aura  sept  tables  dans  le  ré- 
fectoire, la  première  pour  révéque«  les 
hôtes  avec  fes  étrangers,  Tarchiniacre  et 
ceux  que  l'évéque  y  appellera;  la  seconde 
pour  les  prêtres,  la  troisième  pour  les  diacres, 
la  quatrième  pour  les  sous-diaeres  ,  la  cin- 
quième pour  les  autres  cleres ,  la  sixième 
pour  les  abbés  et  ceux  que   le  su|»érieur 

(125)  c  Cest  la  première  fois,  dit  Fleory  k  cet 
eiidroit,aiie  je  trouve  des  aaménes  ou  rétributioiis 
particulières  pour  des  messes  oo  d*aotres  fonctioiis 
ecdësisstiques.  t  Le  docte  historien  eûtpu  remarquer 
auparavant  ces  rétributions,  en  particnlier  dans  le 
canon  deuxième  du  premier  coneUe  de  Yaison,  le 
canon  douzième  du  denûéme  condie  d*Âiies.  Noos 
ponnrions  dter  on  grand  nombre  d*aatres  conciles 
de  rEg;lise  de  France,  où  il  est  fait  mention  des  of- 
frandes des  fidèles  k  Toccasion  des  fonctions  ecclé- 
siastiques. On  les  trouve  indiquées  dans  le  deuiième 
volume  de  VHUtaire  de  VEglue  de  Framee^  aux  d(f  • 
férentes  expositions  des  travaux  législatifs*  sous  le 
titre  :  Bietu  eeeUnaêtiqnet. 

(1^7)  Les  Francs  allaient  urajo^ifs  armes. 

1% 


4i7 


CHR 


DICTIONNAIRE 


CHR 


428 


voudra ,  la  septième  pour  les  clercs  de  la 
ville  »  les  jours  de  fête  (128).  La  quantité  du 
pi^in  n'est  point  fixée.  A  dîner ,  les  cbanoi^ 
nés  auront  un  potage,  deux  portions  de 
viande,  ou  un  e  portion  de  viande  et  une  autre 
d*un  certain  aliment  maigre  appelé  cibaria. 
A  souper,une  demi-portion  de  chair  et  une 
portion  de  cibaria.  Les  légumes  et  le  fromage 
remplaçaient  la  viande  les  jours  maigres. 
La  boisson  est  réglée,  et  l'es  chanoines 
avaient  une  petite  mesure  qu*on  remplis- 
sait deux  ou  trois  fois ,  suivant  les  jours. 
Ils  devaient  faire  la  cuisine  tour  à  tour, 
excepté  l'archidiacre  et  autres  fonctionnaires 
occupés  plus  utilement. 

Pour  les  vêtements ,  on  donnera  tous  les 
ans ,  aux  anciens,  une  chape  neuve ,  et  les 
vieilles  serviront  anx  jeunes.  Les  prêtres  et 
les  diacres  qui  arrivent  continuellement 
auront  deux  tuniques ,  ou  de  la  laine  pour 
en  faire ,  et  deux  chemises.  Tous  auront 
chaque  année,  pour  leur  chaussure,  un 
cuir  de  vache  et  auatre  paires  de  semelles  ; 
on  leur  donnera  ae  Targent  pour  acheter  le 
bois  ;  et  toute  cette  dépenso  du  vestiaire  et 
du  chauffage  se  prenait  sur  les  rentes  que 
]*£glise  de  Metz  levait  sur  la  ville  et  aux 
campagnes.  On  aura  un  soin  particulier  des 
chanoines  malades ,  sMIs  n'ont  pas  de  quoi 
subvenir  à  leurs  besoins  ;  ils  auront  un  lo- 
gement séparé  et  un  clerc  pour  les  servir. 
Ceux  qui  seront  en  voyage  avec  l'évêque  ou 
autrement,  garderont,  autant  qu'il  leur  sera 
possible,  la  règle  de  la  communauté. 

Celte  communauté  de  chanoines  était 
gouvernée  par  Tévéque,  et  sous  lui  par 
l'archidiacre  et  le  primicier,  que  l'évêque 
pouvait  corriger  et  déposer  s'ils  manauaient 
à  leurs  devoirs.  Il  j  avait  aussi  un  celiérier , 
un  portier,  un  infirmier. 

Il  est  ordonné  aux  clercs  de  se  confesser 
à  l'évêque  deux  fois  l'année  :  au  commen- 
cement du  carême,  et  depuis  la  mi-août  jus- 
qu'au premier  jour  de  novembre.  Ils  pour- 
ront se  confesser ,  dans  les  autres  temps, 
toutes  les  fois  qu'ils  le  voudront,  soit  à  l'évê* 
que ,  soit  à  un  prêtre  désigné  par  lui.  Celui 
qui  aura  celé  quelque  péché  en  se  confes- 
sant à  l'évêque  et  cberctiera  à  le  confesser  à 
d'autres,  si  l'évêque  peut  le  découvrir,  il  lo 
punira  en  le  faisant  mettre  en  prison  et  en 
Juî  donnant  la  discipline(tâ9). Saint  Chrode- 
gang  veut  que  les  clercs  reçoivent  le  corps 
et  le  sang  de  Notre-Seiçneur  tous  les  di- 
manches et  les  grandes  lêtes ,  è  moins  que 
leurs  péchés  neleâ  en  rendent  indignes. 

Lo  chanoine  coupable  de  grands  crimes  , 
homicide,  fornication,  adultère,  larcin, 
recevra  d'abord  la  discipline  ,  puis  sera  mis 
en  prison  à  la  discrétion  du  supérieur  sans 
communication  avec  personne  ;  au  sortir  de 

(12^)  LcB  communautés  des  clercs  n'excluaient 
donc  point  le  clergé  séculier,  même  dans  les  villes 
où  elles  étaient  éiablies. 

(129)  Nous  ne  croyons  pas  qu'il  s'agisse  dans  ce 
passage  d'une  confession  sacramentelle,  mais  de 
ce  que  dans  les  communautés,  on  appelait  la  coulpe. 
Si  révêque  ou  le  prêtre  désigné  par  lui  eût  entendu 
uii«  conlessioa  sacramentelle,  il  n  eût  pas  pu  décia- 


la  prison ,  il  fera  encore  pénitence  publique, 
si  Je  supérieur  le  juge  a  propos.  Celui  qaj 
était  en  pénitence  venait  h  toutes  les  heu- 
res de  l'oiOce  à  la  porte  de  l'église,  et  j  de- 
meurait prosterné  jusqu'à  ce  que  tous  fus- 
sent entrés.  Il  récitait  l'ofTice  debout  en 
dehors  de  l'église,  il  gardait  l'abstinence 
telle  qu'elle  lui  était  imposée  par  le  supé- 
rieur. 

Pour  les  péchés  graves,  comme  désobéis- 
sance ,  révolte,  murmure ,  médisance ,  ivro- 
gnerie,  transgression  du  jeûne,  ou  quel- 
qu'autre  précepte  delà  règle,  saint  Chrode- 
gang  établit  qu'il  y  aura  deux  admonitions 
secrètes,  puis  une  publique,  et  si  le  cou- 
pable ne  se  corrige,  il  sera  excommunié; 
s'il  est  trop  grossier  ou  trop  dur  pour  élre 
touché  de  Texcommunication ,  on  usera  ï 
son  égard  de  punitions  corporelles. 

Quant  aux  fautes  légères ,  comme  d'être 
venu  tard  à  l'ofQce  ou  au  repas,  on 
donnait  pour  pénitence  de  se  tenir  quelque 
temps  debout  ou  à  genoux  auprès  de  la 
croix  qui  était  à  côté  du  cloître ,  ou  on  im- 
posait quelau'autre  punition  toujours  moin* 
are  pour  celui  qui  s'accusait  lui-même. 

Les  clercs,  qui  n'étaient  point  de  la  com- 
munauté et  demeuraient  dans  la  ville  de 
Metz ,  devaient  venir  les  dimanches  elles 
fêtes  aux  nocturnes  et  aux  matines  (c'esl-à- 
dire  laudes)  dans  la  cathédrale;  ils  assis- 
taient au  chapitre  et  à  la  messe,  et  man- 
geaient au  réfectoire  h  la  septième  table, 
qui  leur  était  destinée.  Les  chanoines  pou- 
vaient avoir  des  clercs  pour  les  servir ,  avec 
la  permission  de  l'évêque.  Ces  serviteurs 
étaient  sujets  k  la  correction  et  devaieot 
assister  aux  oilGces  en  habit  de  leur  ordre, 
comme  les  clercs  du  dehors ,  mais  ils  B*as- 
sistaient  point  au  chapitre  et  ne  mangeaient 
point  au  réfectoire. 

A  la  fin  de  sa  règle ,  saint  Chrodegang 
prescrit  les  aumônes  qu'on  devra  faire  aux 
pauvres  inscrits  sur  les  matricules  des 
églises,  et  recommande  fortement  de  leur 
donner  en  même  temps  l'aumône  spirituelle, 
l'instruction ,  les  bons  conseils ,  les  secours 
de  la  religion. 

Cette  règle  de  saint  Crhodegang  fut  adop- 
tée par  toutes  les  communautés  de  clercs 
réguliers  ou  chanoines,  comme  celle  de 
saint  Benoît  le  fut  par  les  moines  ;  seule- 
ment elle  fut  modifiée  en  ce  qu'elle  avaltde 
particulier  concernant  l'Eglise  del^]etz,et 
augmentée  au  concile  d'Aix-la-Chapelle. 

CHROMACE  (Saint),  pieux  et  savant  évé- 
que  d'Aquilée,  au  iv*^  siècle,  succéda  à  saint 
Valérien,  en  387,  défendit  avec  zèle  Rufioet 
saint  Jean  Chrysostome,  fut  ami  de  saint 
Ambroise  et  de  saint  Jérôme,  et  mourut 
versIS^OG.  Il  nous  reste  de  lui  quelques  ou- 

rcr  que  telle  ou  telle  faute  lui  aurait  été  célëe ,  sani 
trahir  le  secret  de  la  confession.  La  cou Ip  était  an 
acte  d*faumilité  que  pouvaient  s'imposer  (es  moines 
et  les  chanoines  plus  souvent  que  ne  rordoonait 
la  règle,  par  esprit  de  pénitence  et  de  componction. 
Cette  coulpe  ou  confession  non  sacramentelle  éuit 
en  usage  même  dans  les  communautés  de  femmes, 
et  se  faisait  à  Tabbcsse. 


4i9 


CLO 


D*ASCET1SHE. 


COE 


450 


▼rages  ascétiques,  imprimés  dans  la  Biblio- 
thèque des  Pires,  Ce  sonl  des  homélieSf  au 
nombre  de  dix-huit,  dans  lesquelles  on 
trouve  une  explication  de  l'Oraison  domini- 
cale, et  d*exceileotcs  maximes  surTaumône, 
le  jeûne  et  les  autres  vertus  chrétiennes 

CIANTÈS  (Joseph),  né  à  Rome  Tan  1612, 
entra  dans  I  ordre  de  Saint-Dominique,  s'y 
distingua  par  ses  rertas  et  sa  science,  fut 
nommé  è  un  évêché  dans  la  Calabre,  et 
iiiourut  è  Rome,  en  1670.  On  a  de  lui,  entre 
autres  ouvrages,  un  livre  intitulé  :  De  laper* 
feclion  de  la  rie  épiscopale^  en  italien. 

CILICE.  —  Large  ceinture,  ou  espèce  de 
scapulairc,  que  Ton  met  autour  des  reins, 
(•otjr  se  livrer  à  la  mortification. 

Il  existe  une  opinion  qui  fait  venir  cette 
expression  du  pajs  où  cet  instrument  fut 
tJ*abord  mis  en  usage  ;  c'est  la  Cilicie. 

CLÉMENT  d'Alkxandrie  (Saint)   succéda 
k  Portonies  dans   l'école  d'Alexandrie,  en 
190.  11  s'illustra  par  ses  savants  travaux  :  le 
Seul  qui  nous  intéresse  dans  le  but  aue  nous 
l'OursuîvonSj  c'est  son  Traité  de  pédagogie ^ 
en  trois  livres,  où  il  donne  une  haute  idée  de 
ia  sainteté  à  laquelle  un  Chrétien  doit  tendre. 
CLÉMENT  (Denis-Xavier),  de  l'Académie 
de  Nancy,  doyen  de  l'église  collégiale  de 
l.îgoj,  prédicateur  du  roi,  né  è  Dijon  en 
1706*,  mourut  en  1771,  avec  une  grande  ré- 
ttutation  de  piété.   Il  se  consacra  de  bonne 
licare  k  la  chaire  et  è  la  direction,  et  il  ser- 
ait utilement  l'Eglise  dans  ce  double  emploi. 
Outre  ses  Sermons^  h  vol.,  nous  avons  de  lui 
quelques  ouvrages  de  piété,  dont  les  prin- 
cipaux sont  :  1*  Avis  à  une  personne  engagée 
dans  le  monde ^  in-8*;  —  ^  Méditations  sur  la 
pntiionj  in-12;  —  3*  Maximes  pour  se  con- 
duire chrétiennement  ;   —  %"   Exercice    de 
fâme^  etc. 
CL£MENTdeBoisst  (Athanase-Alexandre), 
né  à  Créteil,  près  de  Paris,  en  1716,  d'une 
f>miile  parlementaire,  dévouée  aux  opinions 
•le  Port-Rojal,  maître  des  comptes,  est  au- 
tour de  plusieurs  ouvrages  spirituels,  dont 
îes  principaux  sont  :  !•  Jésus-Christ^  notre 
amour  ^  1788,  in-12;  — 2*  Traïf^  de  la  prière^ 
178^,  in- 12;  —  3*  Le  mépris  des  choses  hu- 
maines^ 179L  II  eut  un  frère  qui  devint  évé- 
q»it'  constitutionnel  de  Versailles,  en  1797. 
U 'ment  de  Boissj  mourut  le  22  août  1793 

CLOTURE  DES  RELiGIEDSES.  —  Lei  lois 
ecclésiastiques  pour  la  clôiure  des  religieu- 
sr»^  étaient  très-sévères.  Il  y  a  des  canons 
>]•]  ir"  siècle,  qui  défendent,  même  auxévè- 
qties,  d'entrer  dans  les  monastères  des  vier- 
^'••s  sans  nécessité,  et  sans  être  accompagnés 
'i  ecclésiastiques  vénérables  par  leur  âge  et 
rar  la  gravité  de  leurs  mœurs.  Cette  sévé- 
rité était  nécessaire,  surtout  en  Afrique  et 
dans  l'Orient,  où  les  femmes  ont  toujours 
été  plus  renfermées  que  dans  les  contrées 
i\\i  nord,  et  où  la  moindre  familiarité  avec 
V*  >  hommes  suilisait  pour  rendre  leur  con- 
duite suspecte.  Dans  nos  climats  septen- 
trioiaux,  où  les  mœurs  sont  plus  douces  et 
la  so:.cté  plus  libre  entre  les  deux  sexes, 


on  s'est  relâché  de  cette  austérité,  sans  qu*il 
en  soit  arrivé  de  grands  inconvénients.  Il  y 
a  des  maisons  de  filles  non  cloftrées,  où  les 
mœurs  sont  aussi  pures  que  dans  celles  qui 
gardent  la  clôture  la  plus  sévère.  Mais  ce 
n*est  point  une  raison  de  donner  alteinte  à 
Tancienne  discipline,  ni  de  blâmer  les  pré« 
cautions  que  TEglise  a  toujours  prises  pour 
entretenir  une  parfaite  régularité  dans  les 
cloîtres.  Les  communautés  les  plus  renfer* 
roées,  et  qui  ont  le  moins  de  communica- 
tions avec  les  personnes  séculières,  sont  or- 
dinairement les  mieux  réglées,  les  plus  pai- 
sibles et  les  plus  heureuses.  On  sait  qu*il 
est  défendu,  sous  peine  d'excommunication, 
aux  personnes  séculières,  d'entrer  dans  les 
maisons  des  religieuses  sans  nécessité.et  sans 
la  permission  des  supérieurs  ecclésiastiques. 

La  clôture  monacale  est  un  mur  de  sépa- 
ration entre  le  monde  et  le  serviteur  de 
Dieu,  qui  trouve  un  abri  dans  cette  retraite 
contre  les  scandales  t'i  les  perfides  amorces 
du  péché.  Le  monde  ne  peut  plus  étaler  le 
spectacle  de  ses  sollicitations  séduisantes  à 
ces  âmes  qui,  se  défiant  de  leur  faiblesse, 
ont  rompu  avec  lui  et  ont  juré  même  de  ne 
plus  le  voir.  Ellestrouventqu*ellesont encore 
assez  à  combattre,  ({uc  d'avoir  à  vaincre  le 
monde  intérieur  qui  se  porte  avec  elles  dans 
la  solitude.Elles  goûtent  la  parole  de  Fauteur 
de  V Imitation  :  Quoties  inter  homines  fui^  mi- 
nor  homo  redii  ;  et  cette  autre  :  In  silentio 
et  quiète  proficit  amma  devota, 

CLCGNY  (François  de},  né ,  en  1637,  à 
Aigues-Mortes,  entra  fort  jeune  dans  la  con- 
grégation do  rOratoire,  à  Paris.  Après  avoir 
enseisné  avec  réputation  dans  divers  collé- 
f  s,  il  fut  envoyé  a  Dijort  en  16C5. 11  y  passa 
e  reste  de  ses  jours,  occupé  à  la  direction 
des  âmes,  et  mourut  en  169&,  à  cinquante- 
sept  ans.  Ses  Œuvres  spirituelles  ont  été 
recueillies  en  10  vol.  in-12.  Elles  sont  plei- 
nes d*idées  singulières  et  bizarres. 

COEFFETEAU  (Nicolas),  Dominicain  célè- 
bre du  temps  de  Henri  IV  et  de  Grégoire  XV, 
Sui  tous  deux  le  chargèrent  de  réfuter,  Tun, 
[enri  YIII ,  et  Tautre,  Duplessis-Mornay  ot 
deDominis.  Il  s*acquilta  de  cette  commis- 
sion avec  succès  :  ses  sermons  étaient  goû- 
tés; mais  le  seul  ouvrage  que  nous  ayons  à 
signaler  à  nos  lecteurs  est  son  ouvrage  de  la 
Pénitence, 

COEUR  DE  JÉSUS  (Dévotion  au).  —  La 
dévotion  au  sacré  cœur  de  Jésus,  quelque 
nouvelle  qu'elle  paraisse  au  premier  abord, 
et  qu*clle  soit  en  effet  à  raison  de  quelques- 
unes  de  ses  pratiques,  est,  dans  le  rond, 
aussi  ancienne  que  le  christianisme,  et  in- 
timement liée  avec  ses  principes  fondamen- 
taux (130). 

C'est  un  dogme  de  la  foi  chrétienne,  qu*il 
y  a  en  Jésus-Christ  deux  natures  distinctes, 
la  nature  divine  et  la  nature  humaine,  in- 
séparablement unies  eu  la  personne  du 
Verbe.  En  vertu  de  cette  union,  que  les 
théologiens  appellent  hyposlatique  ou  per« 
sonnelle,  il  se  fait  entre  les  deux  natures 


f, 


(i3(»)  Coss£Li5,  ïiistructions  hisUniques^  dogmaiiqnet  et  morales. 


131 


COE 


DICTIONNAIRE 


cor 


m 


une  communication  mutuelle  de  noms»  d'at- 
tributs et  de  propriétés;  d'où  il  résulte  que 
les  propriétés  d'une  nature  peuvent  être  at- 
tribuées à  l'autre,  et  que  les  deux  natures, 
avec  leurs  propriétés,  peuvent  être  attri- 
buées à  la  personne  du  Verbe.  De  là  ces  ex- 
pressions consacrées  par  l'usage  et  l'ensei- 
gnement universel  de  l'Eglise  :  Le  Verbe  in- 
carné, ou  le  Fils  de  Dieu  fait  homme,  est 
Dieuel  homme  tout  ensemble;  il  est  tout  à 
la  fois  passible  et  impassible,  mortel  et  im- 
mortel; et  autres  ex[)ressions  semblables, 
par  lesquelles  on  attribue  à  Tune  des  deux 
natures  les  propriétés  de  l'autre,  h  cause  de 
leur  union  étroite  et  inséparable  dans  la 
personne  du  Verbe.  En  vertu  de  cette  môme 
union,  la  divinité  de  Jésus-Christ  et  son  hu- 
manité sont  dignes  du  môme  culte  de  latrie; 
avec  cette  seule  différence,  que  la  divinité 
mérite  ce  culte  par  elle-même  et  par  sa 
propre  nature;  tandis  que  Thumanité,  étant 
par  elle-même  un  objet  créé,  ne  mérite  ce 
culte  qu'i  raison  de  son  union  avec  la  per- 
sonne du  Verbe.  Par  la  mêmeraison,  le  culte 
de  latrie  peut  être  rendu,  non-seulement  à 
riiumanilé  entière  de  Jésus-Christ,  mais  en- 
core à  toutes  les  parties  de  son  humanité, 
en  tant  qu'elles  sont  personnellement  unies 
au  Verbe  ;  en  sorte  que  la  sainte  âme  de  Jé- 
sus-Christ, son  corps,  son  sang,  et  toutes 
les  parties  de  son  corps,  ne  sont  pas  moins 
dignes  de  ce  culte  que  son  humanité  tout 
entière.  Conséquemment  à  ces  principes, 
les  théologiens  enseignent  que,  pendant 
les  trois  jours  de  la  mort  de  Jésus-Christ, 
non-seulement  son  âme  sainte,  mais  son 
corps  et  son  sang,  séparés  l'un  de  l'autre, 
étaient  dignes  du  culte  de  /o/rte,  parce  qu'ils 
étaient  toujours  unis  k  la  personne  du  Verbe, 
A  plus  forte  raison  peut-on  leur  rendre  ce 
même  culte,  maintenant  qu'ils  sont  insépa- 
rablement unis  entre  eux,  aussi  bien  qu  au 
Verbe  divin.  La  légitimité  de  ce  culte,  selon 
la  remarque  des  theoloi^iens,  est  fondée  sur 
ce  que,  en  adorant  l'humanité  de  Jésus- 
Christ,  ou  quelqu'une  de  ses  parties,  on  ne 
les  considère  pas  séparément  de  sa  divinité, 
mais  en  tant  qu'elles  lui  sont  inséparable- 
ment unies;  à  proprement  parler,  on  n'ho- 
nore pas  une  partie  considérée  isolément 
et  en  elle-même,  mais  on  honore  la  partie 
avec  le  tout,  dont  elle  ne  peut  être  sépa- 
rée (131). 

Le  langage  de  la  tradition  est  parfaite* 
ment  conforme  à  ces  notions  ;  rien  n'est  si 
ordinaire»  dans  les  écrits  des  saints  docteurs 
et  de  tous  les  auteurs  ecclésiastiques,  que 
les  expressions  de  cuUe  de  latrie^  appliquées, 

(131)  Pour  le  développement  de  ces  notions , 
voffez  MuzEARKLLi,  ubt  Bupra^  Du  bon  usage  de  la  /»- 
giqueen  matière  de  religion,  p.  7-11, 23-26. 

(132)  On  trouve  un  recueil  de  ces  témoignages 
dans  les  ouvrages  du  P.  Galiffet  et  du  P.  deMontnard. 

(133)  Sanguiê  quem  effudit  de  corde^  testis  est 
dilectioniê  maximœ,,..  fudit  tanguinem  de  vulnere 
tatorti  et  con/ts,  ut  disctpulot  in  fide  dubios,  et  a/tos 
muttoê  in  fide  et  bonœ  vitœ  êtabiiitale  tentatos, 
et  ideo  [rigtdos  guasi  mortuos  calefaceret  et  revivid- 
earet.  (Opusc.  58,  cap.  27  et  28.) 


soit  à  la  sainte  humanité  de  Jésus-Christ  en 
général,  soit  à  certaines  parties  de  son  hu- 
manité, à  son  corps,  k  son  sang,  k  ses  plaies, 
et  surtout  à  son  cœur  sacré.  Qu'il  nous  suf- 
fise de  rapporter  ici  quelques  passages  de 
ces  auteurs,  qui  expriment  d'une  roaoière 
plus  touchante  la  dévotion  singulière  dont 
ils  étaient  pénétrés  pour  le  sacré  cœur  de 
Jésus,  longtemps  avant  que  l'Eglise  eût  éta- 
bli une  fête  et  des  pratiques  spéciales  en 
rhonueur  de  ce  divin  cœur  (132). 

L*angc  de  Técole,  saint  Thomas,  repré- 
sente le  cœur  de  Jésus,  ouvert  sur  la  croix 
d'un  coup  de  lance,  comme  le  (^motn  de  am 
immenee  charité  envers  len  hommes,  comme 
la  source  des  grâces  qui  ont  confirmé  sa  dis- 
ciples dans  la  /ot,  et  ressuscité  tant  d'àma, 
mortes  devant  Dieu  par  le  péché  (133).  Saint 
Bonaventure  parle  des  plaies  de  Jésus-Christ, 
de  son  sang  et  de  son  cceur,  comine  des 
sources  de  la  grâce  et  du  salut.  «  O  aimable 
passion  de  mon  Sauveur  Is*écrie-t-il;  A  mort 
admirable  1  »  Qu'y  a-t-il  en  effet  de  plus  admi- 
rable que  cette  mort  qui  nous  vivifie,  que  ce» 
blessures  quinotM  guérissent,  que  ce  sang  qui 
nous  purifie,  que  ce  côté  ouvert  qui  unit  k 
cœur  de  Jésus  a  notre  cœur  f  O  mort  aimable 
et  délicieuse!  Non,  je  ne  veui  plus  me  se- 

f»arerde  Jésus;  je  veux  être  è  jamais  avec 
ui  ;  je  veux  établir  en  lui  trois  demeures, 
Tune  dans  ses  mains,  une  autre  dans  ses 

f)ied8,  et  une  plus  continuelle  dans  son  côté; 
à,  je  parlerai  à  son  cœur,  et  j'obtiendrai  de 

lui  tout  ce  que  je  voudrai O  aimables 

plaies  de  mon  Sauveur  1  Qui  pourrait  expri- 
mer le  bonheur  d*une  Ame  qui  s*unit  au  coeur 
de  Jésus  par  ces  sacrées  ouvertures?  Non, 
je  ne  puis  Texprimer;  mais  faites-en  vous- 
même  Texpérience,  et  vous  le  compren- 
drez (13^}.  Saint  Bernardin  de  Sienne,  pour 
exprimer  l'amour  infini  que  Jésus-Cbrisl 
nous  a  témoigné  sur  la  croix,  dit  qu*î/fiotf' 
y  montre  son  cœur  comme  une  fournaise  du 
plus  ardent  amour,  capable  d'embraser  f  uni- 
vers (135).  Les  plus  célèbres  auteurs  mjsli- 
ques,  Blosius,  saint  Vincent-Ferrler,  sainl 
François  de  Sales,  et  plusieurs  autres  par- 
lent des  plaies  sacrées  de  Jésus^hrisK  et 
surtout  de  son  cœur  sacré,  comme  d*un  lien 
de  refuge,  où  les  Ames  fidèles  trouvent  tout 
à  la  fois  une  source  de  délices  ineffables  et 
un  asile  assuré  contre  toutes  les  attaques 
de  leurs  ennemis.  «  Que  le  Seigneur  est 
bon  I  dit  le  saint  évêque  de  Genève  ;  que  son 
cœur  est  aimable!  Demeurons  Ik»  dans  ce 
saint  domicile;  que  ce  cœur  vive  toujours 
dans  nos  cœurs.  »  (136).  Mais  il  entrait  dans 
les  desseins  de  la  Providence  de  doQuer, 

(134)  Saint  Bohavcnturb,  Stimnl.  Amer.,  ca^  1- 
Ge  teite  du  saint  docieur  forme  la  sixième  leçon 
des  matines  de  la  féie  da  Sacré-Cœur  de  icsus, 
dans  le  Bréviaire  de  Paris. 

(455)  Saint  Bernardin  de  Sienne,  De  pasusm 
Domtat,  serra.  51,  part,  n,  art.  i. 

(136)  Saint  François  de  Sales,  LoUre  61  da 
livre  IV.  Voyez  aussi  les  lettres  C9  et  101  du  n^ 
livre.  {Œuvres  de  saint  François  de  Sales,  U  1"  oS 
réditioa  in-folio  de  Paris,  i«fi3.) 


133 


COS 


D*ÂSCEnSHE. 


COE 


134 


dsDs  ces  derniers  tempSt  un  noaveau  dé- 
Teloppement  à  cette  dévotioD,  toujours  si 
chère  aui  âmes  ferrentes  ;  et  la  même  sa- 
gesse, qui  a  souvent  inspiré  à  TEglise  d'é- 
tablir ou  de  propager,  suivant  les  circons- 
tances, certaines  fêtes  et  certaines  dévotions, 
propres  à  ranimer  la  piété  des  fidèles  (137), 
devait  rengager  à  étendre  de  nos  jours  le 
coite  du  sacré,  cœur  de  Jésus,  comme  un 
puissant  remède  contre  la  tiédeur  univer- 
selle et  contre  les  plaies  cruelles  de  Findif- 
férence  et  de  Timpiété.  La  France  elle-même, 
qui  devait  être  le  théâtre  des  plus  terribles 
attaques  livrées  à  la  religion  par  l'esprit 
dlncrédulité,  devait  aussi  être  comme  le 
berceau  d*une  dévotion  réparatrice,  destinée 
à  eipier  tant  d  excès. 

Un  des  plus  zélés  propagateurs  de  celte 
dévotion ,  au  xvu*  siècle,  fut  le  P.  Eudes, 
fondateur  d*une  congré^tion  principale- 
ment destinée  à  la  direction  des  séminaires 
et  à  Tœuvre  des  missions  (138).  Ayant  éta- 
bli, en  16!^,  dans  la  ville  de  Caen,  celte 
pieuse  congrégation,  il  voulut  qu'elle  fût 
particulièrement  dévouée  aux  sacrés  cœurs 
de  Jésus  et  de  Marie.  Dans  cette  vue,  il  en 
ûl  célébrer  la  fête  dans  les  séminaires  de  sa 
congrégation,  avec  i  approbation  de  plu- 
sieurs évêc{nes  et  archevêques  de  France, 
et  il  obtint  du  Pape  Clément  X,  en  16*72^, 
Tapproftiation  de  plusieurs  confréries,  éri- 
gées dans  les  mêmes  séminaires  en  l'hon- 
neur des  sacrés  cœurs  de  Jésus  et  de  Marif*, 
avec  plusieurs  brefs  d'indulgences  à  per- 
pétuité, pour  les  membres  de  cette  con- 
frérie. 

Vers  ce  même  temps ,  la  dévotion  au  sacré 
cœur  de  Jésus  prit  encore  de  plus  grands 
accroissements,  par  suite  du  zèle  et  des 
efforts  de  la  vénérable  mère  Marguerite- 
Marie  Âlacoque,  religieuse  de  la  Visitation, 
et  du  P.  de  la  Colombière,  Jésuite,  son 
directeur  (139).  Dieu ,  qui  avait  suscité  au- 
trefois la  bienheureuse  Julienne,  prieure 
d'un  monastère  de  Liège,  pour  donner  com- 
mencement à  la  Fête  du  saint  sacrement, 
adoptée  depuis  par  toute  l'Eglise,  parut  sus- 
citer, au  XVII'  siècle,  la  mère  Marguerîle- 
Marie,  religieuse  du  monastère  de  la  Visita- 
tion de  Paray-le-Monial,  au  diocèse  d'Autun, 
pour  procurer  Tétablissemeut  de  la  fête  du 
Sacré-4>Bur  de  Jésus,  et  pour  ranimer  dans 
r£glise  la  dévotion  des  fidèles  envers  ce  di- 
vin eoeur.  Cette  religieuse,  d'une  éminente 
vertu  et  favorisée  de  grâces  extraordinaires, 
crut  avoir  reçu  de  Jésus-Christ  lui-même 
l'ordre  de  s'employer  de  tout  son  pouvoir 
pour  l'établissement  d'une  fête  particulière- 
en  Tbonneur  du  sacré  cœur  de  Jésus.  Nous 
rapporterons  ici  cette  révélation  dans  les  pro- 
pres termes  qu'a  employés  la  mère  Uargue- 

(157)  n  est  i  ranarqoer  qne  plosieurs  dévotions, 
aB|o«rd*hiii  très  répandoeSy  et  plusieurs  fêles  ao- 
jourdlmi  câébrées  par  toute  FEglise,  doivent  leur 
ori^iiie  k  certaines  provinces,  à  certaines  villes,  à 
certains  ordres  religieux»  quelquefois  même  à  des 
révélations  particulières. 

(138)  De  MoiiT5AaD,  ubi  ^f^p"*  i"  part.,  chap.  5, 
p.  51    etc.;  Alsas  Bctleb,  frailé  des  fêtes  mod.. 


rite-Marie,  dans  la  relation  qu'elle  en  écrivit 
par  ordre  du  P.  de  la  Colombière ,  son  di- 
recteur. <  Etant  devant  le  saint  sacrement, 
un  jour  de  son  octave,  je  reçus  de  mon  Dieu 
des  grâces  excessives  de  son  amour.  Comme 
j'étais  touchée  .du  désir  d'user  de  quelque 
retour,  et  de  lui  rendre  amour  pour  amour, 
il  me  dit  :  Tu  ne  peux  m'en  rendre  un  plu» 
grand  qu^enfaUani  ce  que  je  faidéjàiant  de 
foie  demandé.  Puis,  me  oécouvrant  son  divin 
cœur  :  Yoiià ,  dit-il ,  ce  cœur  qui  a  tant  aimé 
le$  hommeây  quil  n*a  rien  épargné^  jusqu'à  #'/- 
puiser  et  se  consumer  pour  leur  témoigner  son 
amour  ;  el,  pour  reconnaissance^  je  ne  reçois  de 
la  plupart  d'entre  eux  que  des  ingratitudes , 
par  les  mépris^  les  irrévérences^  les  sacrilèges 
et  la  froideur  quHls  ont  pour  moi  dans  ce 
sacrement  d'amour.  Mais  ce  qui  m*est  encore 
plus  sensible^  c'est  que  ce  sont  des  cœurs  qui 
me  sont  consacrés  qui  me  traitent  ainsi,  Cest 
pour  cela  qtu  je  te  demande  que  le  premier 
vendredi  après  Coctave  du  saint  sacrement 
soit  dédié  à  une  fête  particulière^  pour  hono- 
rer  mon  cœur^  en  lui  faisant  réparation  d'hon- 
neur par  une  amende  honorable  ^  communiant 
ce  jour-là  pour  réparer  les  indianités  quil  a 
souffertes  pendant  le  temps  quil  a  été  exposé 
sur  les  autels  ;  et  je  te  promets  que  mon  cœur  se 
dilatera^  pour  répmdre  avec  abondance  les 
influences  de  son  amour  divin  sur  tous  ceux 
qui  lui  rendront  cet  honneur»  > 

D'après  cette  révélation,  la  mère  Margue* 
rite-Marie  avant  prié  Dieu  avec  ferveur  de 
choisir  u ne *^ personne  plus  capable  qu'elle 
d'exécuter  un  si  important  dessein,  il  lui 
ordonna  de  s'aitreser  au  P.  de  la  Colom- 
bière, son  serviteur,  et  de  lui  dire  de  sa  part 
qu'il  n'oubliât  rien  pour  établir  celte  dévo- 
tion; qu'il  trouverait  de  la  difficulté,  mais 
qu'il  lui  ferait  la  grftce  de  la  surmonter.  Le 
P.  de  la  Colombière ,  doué  d'un  rare  dis- 
cernement, et  digne  par  sa  haute  piété  de 
conduire  une  âme  favorisée  de  grâces  extra- 
ordinaires, examina  soigneusement  devant 
Dieu  les  révélations  dont  nous  venons  de 
pirler;  et  le  résultat  de  cet  examen  fut 
de  les  lui  faire  regarder  comme  venant  ef- 
fectivement de  Dieu.  Il  entra  donc  pleine- 
ment dans  les  vues  de  la  mère  Marguerite- 
Marie,  et  prit  la  résululion  de  s'employer 
désormais  de  tout  son  pouvoir  à  l'exécution 
des  ordres  qu'il  croyait  avoir  reçus  de  Dieu 
par  lorgane  de  cette  âme  privilégiée.  Il  se 
consacra  lui-même  au  cœur  de  Jésus,  et  ne 
négligea  rien  pour  répandre  de  tous  c6tés 
celle  dévotion.  Ses  efforts  furent  puissam- 
ment secondés  par  la  réputation  de  sainteté 
dout  il  jouissait,  aussi  bien  que  la  mère 
Marguerite-Marie,  et  qui  s'accrut  de  plus  en 

Elus  jusqu'à  leur  mort.  Le  P.  de  la  Colom- 
ière  mourut  en  1682,  et  la  mère  Marguerite- 

édit.  de  UUc,  1854;  I2*  traîlé,  cbap.  Il ,  p.  441  ; 
Picot,  Essai  sur  Pinf  menée  de  la  religion^  t.  il,  p. 
369;  VAnù  de  la  religion,  i,  XIX,  p.  1*25;  XlO, 
538;  YUdu  P,  Eudes;  Paris,  1827,  in-li. 

(139)  De  MoïfTHAaa..  Ibid.,  p.  52,  etc.;  Al»a5 
BLTLEa.,ii6i  s«pra,p.  194;  Vie  de  la  mère  Margue- 
nte-Marie  Alacoane  ,  par  M.  Lakgi-et  ,  arclicvéquo 
de  Sens;  Paris,  I  .^,  in-4^ 


455 


COE 


DICTIONNAIRE 


COE 


436 


Marie  en  1690.  La  canonisalion  de  celte 
sainte  religieuse  se  poursuit  à  Rome  en  ce 
roorcent\  le  28  mars  182^4',  elle  a  été  déclarée 
vénérable  par  un  décret  de  la  congrégation 
des  Rites;  et,  le  23  août  1846»  le  Souverain 
Pontife  Grégoire  XVI,  après  avoir  entendu 
le  rapport  de  la  même  congrégation,  a  pu- 
blié le  décret  qui  déclare  «  que  la  vénérable 
servante  de  Dieu,  sœur  Marguerite-Marie 
Âlacoque ,  a  pratiqué  les  vertus  au  degré 
héroïque,  et  qu'en  conséquence  il  peut  être 
passé  à  l'examen  des  trois  miracles  néce0* 
saires  pour  obtenir  sa  béatiGcation  (lU)}.  » 
Sa  Vie,  écrite  par  M.  Langue!»  archevêque 
de  Sens,  donne  la  plus  haute  idée  des  grAces 
singulières  dont  elle  avait  été  prévenue,  et 
de  sa  fidélité  à  les  mettre  à  profit.  Dans  la 
préface  de  cet  ouvrage,  Tauteur  discute  avec 
soin  et  prouve  de  la  manière  la  plus  satis- 
faisante la  vérité  des  révélations  de  la  mère 
Marguerite-Marie;  il  rapporte  un  des  mira- 
cles opérés  après  sa  mort,  par  son  interces- 
sion ;  miracle  qu'il  dit  avoir  lui-môme  vérifié 
sur  les  lieux,  lorsqu'il  était  grand  vicaire 
d*Autun. 

Quoi  qu'il  en  soit  de  la  vérité  de  ce  mira- 
cle et  des  révélations  de  la  mère  Marguerite- 
Marie,  sur  lesquels  le  Sainl-Siége  n*a  rien 
prononcé  jusqu'ici,  les  efforts  du  P.  de  la 
Colombière  et  de  sa  pénitente  ne  tardèrent 
pas  à  obtenir  le  but  qu'ils  se  proposaient. 
La  dévotion  au  sacré  cœur  de  Jésus  se  ré- 
pandit en  peu  de  temps  dans  toutes  les  par- 
ties du  monde  chrétien,,  malgré  les  obstacles 
et  les  difficultés  qui  ne  manquent  jamais  de 
traverser  les  œuvres  de  Dieu.  La  nouveauté 
apparente  de  cette  dévotion,  et  les  difficultés 
que  lui  opposaient  quelques  esprits  critiques 
et  railleurs,  n'empêchèrent  pas  les  évoques  et 
le  Saint-Siège  lui-même, de  Tautoriserouver- 
tement,  et  de  favoriser  à  cet  égard  le  pieux 
empressement  des  fidèles  (1^1).  Les  religieu- 
ses de  la  Visitation,  surtout,  embrassèrent 
avec  ardeur  les  pratiques  de  cette  dévotion, 
avec  la  permission  des  évoques  sous  la  juri- 
diction desquels  se  trouvaient  leurs  mona- 
stères. La  dévotion  au  sacré  cœur  de  Jésus 
fut  d'abord  établie  dans  celui  de  Moulins  en 
1678,  dans  celui  de  Dijon  on  1681,  et  dans 
celui  de  Paray  en  1686.  La  fête  du  Sacré- 
Cœur  de  Jésus  fut  autorisée  dans  le  diocèse 
de  Coutances  en  1688,  dans  celui  de  Besan- 
çon en  1694,  dans  celui  de  Lyon  en  1718; 
et  dans  ces  diocèses,  comme  dans  plusieurs 
autres,  il  se  forma  bientôt  de  nombreuses 
confréries  en  l'honneur  du  sacré  cœur. 

11  est  à  remarquer  que  le  diocèse  de  Paris 
fut  un  des  premiers  où  cette  dévotion  s'é- 
tablit, et  où  les  pieux  fidèles  témoignèrent 
plus  d'empressement  h  l'embrasser,  il  est 
vraisemblable  qu'on  y  célébrait  déjh  la  fôle 
du  Sacré-Cœur  de  J(^sus,  au  moins  dans 
quelques  églises,  avant  Tépiscopat  du  cai- 

H40)  Alban  Butler  ,  Vies  des  saints,  cdit.  de 
Lille,  Ï83i,  t.  XX,  p.  491;  VAmi  de  la  religion, 
t.  XXXIX,  p.  308;  LXÎU,  54;  LXXXil,  5i7;  CXXX, 
B67, 

(lit)  De  Montnard,  ibid,  chap.  C;  Alba.\  Bitlek 
ubi  supra,  p.  194,  etc. 


dinal  de  Noailles;  car  on  voit  la  fête  du 
Sacré-Cœur  de  Marie  célébrée  pendant  les 
premières  années  de  l'épiscopat  de  M.  de 
Harlay  et  avec  son  approbation,  dans  l'é- 
glise des  religieuses  du  Saint-Sacrement,  où 
la  reine,  mère  de  Louis  XIV,  aussi  tîien  que 
la  reine  son  épouse,  avaient  coutume  d'as- 
sister chaque  année  à  la  célébration  de  cette 
fête  {ik2).  ti  n'est  guère  probable  que  la 
fête  du  Sacré-Cœur  de  Marie  ait  été  auto- 
risée dans  le  diocèse  de  Paris  avant  celle 
du  Sacré-Cœur  de  Jésus.  Mais,  quoiqu'il  eu 
soit  de  cette  particularité,  il  est  certain  qu'on 
voit  la  conirérie  du  Sacré-Cœur  de  Jésus 
établie,  sous  M.  de  Noailles,dans  huit  églises 
ditrérenles  du  diocèse  de  Paris,  particulière- 
ment dans  celle  des  Récollels  de  Versailles, 
en  1695  ;  dans  celle  de  la  Visitation,  de  la 
rue  Saint-Jacques,  à  Paris,  en  1699;  dans 
celle  de  la  Visitation  du  faubourg  Saint- 
Germain,  eii  1700  ;  et  dans  celle  des  Filles 
de  Tunion  chrétienne,  en  1706  (143). 

Parmi  lesprélatsqui  établirent  depuis  cette 
dévoliondans leurs  diocèses,  on  doit  surtout 
remarquer  M.  de  JBeIzunce,  évéque  de  Mar- 
seille, qui,  pendant  la  peste  dont  son  troupeau 
fut  frapj[)é  en  1720,  se  dévoua  avec  tant  de 
générosité  au  service  des  malades.  Tous  les 
moyens  ordinaires  paraissant  inutiles  pour 
remédier  à  ce  fléau  ,  le  pieui  évoque 
résolut ,  de  concert  avec  les  magistrats 
do  la  ville,  de  la  consacrer,  par  un  acte 
solennel,  au  sacré  cœur  de  Jésus.  Il  indi- 
qua pour  cet  effet  une  procession  soleu* 
nelie  qui  eut  lieu  le  1"  novembre  1720,  et 
pendant  laquelle  il  voua  pour  toujours  à  ce 
divin  cœur  la  ville  et  le  diocèse  de  Mar- 
seille, avec  tous  leurs  habitants.  Dieu  se 
laissa  toucher  par  lesinstances'du  charitable 
pasteur  ;  depuis  le  jour  de  cette  consécra- 
tion, la  violence  du  fléau  diminua  sensible- 
ment; le  jour  dePâaues  1721,  on  put  rouTrir 
les  églises  fermées  depuis  le  commeueenient 
de  la  contagion;  et  le  20  août  suivant,  H. de 
Beizunce  publia  un  mandement  pour  an* 
noncer  la  fin  de  cette  affreuse  calamité;  il  y 
déclare,  en  termes  exprès,  que  la  diminu- 
tion de  la  peste  date  du  jour  de  la  procès* 
sion  qu'il  avait  ordonnée  au  mois  de  nevem- 
bre  de  l'année  précédente. 

Un  si  heureux  événement  contribua  beau- 
coup à  étendre  de  plus  en  plus  la  dévotion 
au  sacré  cœur  de  Jésus.  Les  évéques 
voisins  deMarseille,  dont  les  diocèses  étaient 
atteints  ou  menacés  de  la  contagion,  ordon- 
nèrent aussi  la  célébration  de  la  fête  du 
Sacré-Cœur.  Nous  citerons  en  particulier  les 
archevêques  d'Aix ,  d'Arles  et  d'Avignon, 
les  évoques  de  Toulon  et  de  Carpentras; 
leurs  mandements  parurent  en  1721  et  1722. 
Depuis  ce  temps,  le  nombre  des  confréries 
du  Sacré-Cœur  se  multiplia  de  jour  en  jour. 
Le  P.  Galiffet,  Jésuite,  dans  son  ouvrage 

(lia)  Galiffet,  Excellence  de  la  divoiion  «• 
Sacré-Cœur  de  Jésus^  liv.  ui,  chap.  4;  6'  ëdit.,t.  f, 
p.  277;  l.  n,  p.  207. 

(ir>)  Ibid,,  t.  H,  p.  206,  etc.  —  Yoyei  aussi  le 
MumlenuiHl  de  monseigneur  de  Quélcn,  sur  ta  (éiedn 
S.uré-Cœur,  du  2  jniÙol  1822. 


137 


C0£ 


D^ASCETISME. 


OQE 


43t 


publié  en  1733,  sur  VexceUenee  de  la  déto^ 
iiom  au  cœur  adorable  deJéeuif  donne  la  liste 
de  ces  confréries  alors  établies  en  France 
et  aîliears,  et  il  en  compte  plus  de  quatre 
cents,  toutes  autorisées  par  des  brefs  parti- 
culiers ;  un  de  ces  brefs,  du  28  février  1732, 
autorise  l*élid)lissemeot  de  la  confrérie  h 
Rome. 

Il  est  cependant  à  remarquer  que  ces  brefs 
n'autorisaient  pas   précisément  la  fête  du 
Sacré-Cœur  de  Jésus,  mais  seulement   les 
confréries  établies  en  son  honneur.  Le  Saint- 
Siège  voulait  examiner  la  chose  plus  k  fond 
avant  d*autoriser  une  fête  nouvelle,  et  qtii 
éprouvait  quelques  oppositions  dans  un  cer- 
tain nombre  de  diocèses  {ikk).  Ce  fut  par 
ce  motif  que  le  Souverain  Pontife,  sans  blâ- 
mer la  conduite  des  évéques  qui  avaient  cru 
pouvoir  rétablir,  refusa  pendant  quelque 
temps  de  l'autoriser.  Des  motifs  également 
graves  Oreot  mettre  h  Tindei  quelques  ou- 
vrages qui  ne  s*exprimaient  pas  avec  assez 
d'eiactitude  sur  le  culte  du  sacré  cœur  de 
Jésus  (145).  Mais  la  réserve  dont  le  Saint- 
Siège  crojait  devoir  user  en  celle  matière, 
n*empèehait  pas  qu'il  ne  lui  arrivât  de  plu- 
sieurs parties  du  monde  chrétien  de  fré- 
quentes sollicitations  pour  Tapprobation  de 
la  (%te.  Auguste,  roi  de  Pologne,  écrivit  pour 
cet  effet  au  Pape  Benott  Xill,  en  1726,  et 
Philippe  V,  roi  d'Espagne,  en  1727;  leurs 
demandes  étaient  appuyées  par  celles  de 
Plusieurs    évoques  et  congrégations    reli- 
gieuses de  leurs  Etats.  Ces  demandes,  sou- 
vent renouvelées  depuis,  se  multiplièrent 
particulièrement  sous  le  pontiûcat  de  Clé- 
ment XIII  qui  fut  élu  en  1758.  Ce  Pontife, 
depuis  lon^^lemps  favorable  au  culte  du  sacré 
cœur,  le  Cl  examiner  avec  soin  dans  la  con- 
gré^tion  des    Rites;  et  le  résultat  de  ret 
examen  fut  un  décret  du  26  janvier  1763, 
qui   accorde  aux  évèques  du  royaume  de 
Pologne  et  à  larchiconfrérie  romaine,  la 
permission  de  célébrer  la  i'èle  du  Sacré-Cœur 
de  Jésus.  Voici  les  propres  termes  de  ce 
décret  :  c  La  congrégation  des  Rites,  assem- 
blée le  26 janvier  de  la  présente  année  1765, 
considérant  que  le  culte  du  sacré  cœur  de 
Jésus  est  déjà  répandu  dans  presque  toutes 
les  parties  de    l'univers  catholique,  avec 
Tapprobationde  leurs  évèques;  que  le  Saint- 
Sié^  lui-méiue  l'a  jusqu'ici  encouragé  par 
ti.-ïefnnititudiide  brefs d  indulgences,  accor- 
des h  ues  confréries  presque  sans  nombre,. 
et  cano!iiquemeot  érigées  sous  le  titre  du 
Sacré-Cœur  de  Jésus;  que,  par  la  célébration 
de  Toflice  et  de  la  messe  du  Sacré-Cœur,  on 
ijt:f  fart  que  donner  un  nouveau  lustre  à  un 
culte  déjà  établi,  et  renouveler  symbolique- 
lucfjt  la  mémoire  de  ce  divin  amour,  par 

i  I  i4)  BcMiT  XIV,  Ik  Cam.  SS.,  lib.  iv,  parL  ii, 
cap.  31,  n*  19,  etc. 

(  1  iô)  Uo  décret  du  11  mars  1704  mil  à  riiidei 
l^oa  «rage  do  P.  Croise!,  La  dévotion  am  Sacré-Cttur 
de  JéâÊu:  Lyoa,  1691,  îii-12.  Noos  isnorons  le  véri- 
uihle  motif  de  ce  décret  :  peol-étre  euil-ce  rineiac- 
iito  le  de  quelques  eipressions  employées  par  le 
P.  Croiset,  peut  être  était-ce  seulemeol  la  publica- 
SÂ>fi   d*uB  oflîce  non  autorisé,  qni  se  trouve  à  U 


lequel  le  Fils  unique  de  Dieu  s'est  revêtu^ 
de  la  nature  humaine, .et,  obéissant  jusqu*à 
la  mort,  a  déclaré  ou'il  nous  donnait  TVxem- 
pie  d'éire  doux  et  numblei  de  cœur;  h  ces 
causes,  ladite  congrégation,  se  désistant  de 
la  décision  rendue  par  elle  le  30  juillet  1729 
(et  qui  refusait  d'autoriser  ladite  fête),  croit 
oevoir  acquiescer  aui  prières  des  évèques 
de  Pologne  et  de  l'archiconfrérie  romaine, 
se  réservant  à  délibérer  sur  l'office  et  la 
messe,  avant  de  les  approuver  comme  ils 
doivent  l'être.  Et  ce  vœu  de  la  congrégation 
ayant  été  mis  sous  les  veux  de  notre  Saint- 
Père  le  Pape  Clément  XIII,  Sa  Sainteté,  après 
avoir  lu  le  présent  décret,  l'a  approuvé  dans 
tout  son  contenu,  le  6  février  1765  (IM).  » 
En  France  la  dévotion  au  sacré  cœur  de 
Jésus  faisait  toujours  de  nouveaux  progrès. 
Le  1"  septembre  1748,  on  célébra  avec  ma- 

Fnificence,  dans  l'église  de  Saint-Su  Ipice  de 
ans,  la  consécration  d'un  autel  dédié  aux 
sacrés  cœurs  de  Jésus  et  de  Marie.  Cette 
consécration  fut  faite  par  Mgr  Durini,  nonce 
du  Pape  et  archevêque  de  Uhodes.  L'année 
même  où  Clément  Xlil  adressa  aux  évèques 
de  Pologne  le  décret  que  nous  venons  do 
citer,  les  évèques  assemblés  è  Paris,  et  solli- 
cités par  la  pieuse  reine  Marie  Leczinska, 
femme  de  Louis  XV,  convinrent  entre  eux 
d'établir  dans  leurs  diocèses  la  fête  du  Sacré- 
Cœur;  ils  invitèrent  aussi,  par  une  lettre 
circulaire,  tous  les  archevèaues  et  évèques 
qui  n'étaient  pas  de  rassemblée,  à  faire  de 
même.  La  plupart  se  conformèrent  è  cette 
invitation,  en  ordonnant  ou  oermettant  la 
célébration  delà  fête  du  Sacré-Cœur  de  Jésus. 
Quelques-uns  même  publièrent  h  cette  occa- 
sion des  mandements  aussi  solides  que 
touchants,  sur  le  culte  et  la  fête  du  Sacré- 
Cœur.  Parmi  ces  mandements,  on  remarque 
en  particulier  ceux  des  évèques  de  Boulogne 
et  de  Lodève.  L*archevêque  de  Paris,  Chris- 
tophe de  Beaumont,  par  un  mandement  du 
22  juin  1767,  exhorta  aussi,  dans  les  termes 
les  plus  pressants,  tous  les  chapitres,  pa- 
roisses,  séminaires  et  communautés,  tant 
régulières  que  séculières,  de  son  diocèse,  à 
célébrer  chaque  année  la  fête  solennelle  de 
ce  divin  cœur. 

Depuis  cette  époque,  la  dérotion  au  sacré 
cœur  de  Jésus  se  répandit  en  France  et  dans 
les  autres  parties  de  l'E^^lise,  avec  une  rapi- 
dité toujours  croissante,  et  avec  les  Plus 
heureux  fruits  pour  le  renouvellement  de  la 
piété  et  pour  la  consolation  des  âmes  fi- 
dèles. Les  pratiques  de  cette  dévotion  ne 
trouvèrent  plus  guère  d'autres  adversaires 
que  des  hommes  de  parti ,  connus  pour  la 
hardiesse  et  la  singularité  de  leurs  opi- 
nions (1^7).  Ils  furent  quelques  temps  sou- 

soile  de  Fouvnge,  dans  quelques  éditions.  Un  antre 
décret,  du  22  mai  1745,  proscrini  le  livre  intitulé  : 
La  détoliom  à  VaimabU  cœur  de  Jé$u$j  exiraiu  det 
oavro^et  de  Jean  ËMiuperg^  Chartreux^  auteur  aêcéti- 
Que  du  XVI*  siècie» 

(146)  Alsas  Bctlee,  «W  iupra,  p.  IM;  Mcxxa- 
BCLLi,  ubi  iujfra^  p.  20. 

(147)  On  peut  voir  dans  Touvrage  d*AIban  Bntler 
{ubi  mpra,  p.  200-202),  findication  des  principaax 


459 


COL 


DICTIONNAIRE 


COL 


m 


tenus  par  un  prélat  italien,  Scipion  RicGi« 
évéque  do  Pistoie,  qui,  dans  un  synode  tenu 
en  1786,  leva  pour  ainsi  dire  Tetendard  de 
la  révolte  contre  TE^Iise,  eo  renouvelant 
plusieurs  erreurs  déjà  solennellement  con- 
damnées, particulièrement  sur  les  matières 
de  la  çrAce.  Hais  les  actes  de  ce  svnode 
scandaleux  furent  bientôt  condamnés  par 
une  bulle  dogmatii^ue  de  Pie  VI,  datée  du 
38  août  179<h,  et  commençant  par  ces  mots  : 
Auctorem  fidd.  Parmi  les  propositions  que 
le  Pape  condamne  dans  cette  bulle,  on  re- 
marque plusieurs  assertions  du  svuode 
contre  la  dévotion  au  sacré  cœur  de  Jésus, 
et  particulièrement  celle  qui  rejette  celte 
dévotion  comme  nouvelle  ^  erronée  f  ou  du 
moins  dangereute.  Cette  assertion  est  con- 
damnée comine /buste,  téméraire^  pemicieufe, 
offensive  des  oreilles  pieuses,  et  injurieuse  au 
Saint-Siège  (148).  Le  Saint-Père  s*élève  en- 
suite contre  tout  rcprochefait  aux  fidèles  qui 
adorent  le  cœur  de  Jésus  comme  le  cœur 
même  du  Verbe  auquel  il  est  inséparable- 
ment uni  (1<^9). 

*  Ce  jugement  solennel  du  Saint-Siège,  ac- 
cepté sans  difficulté  par  tous  les  évoques  du 
monde  catholique,  et  souscrit,  en  1805,  par 
l'évéque  de  Pistoie  lui-même  (150),  parait 
avoir  terminé  toutes  les  controverses  rela- 
tives au  culte  et  à  la  fête  du  Sacré-Cœur. 
Il  est  aujourd'hui  bien  peu  d'églises  parti 
culières  où  ceHe  dévotion  ne  soit  en  hon- 
neur, et  où  la  fête  du  Sacré-Cœur  de  Jésus 
ne  soit  célébrée  chaque  année  avec  pompe. 
Partout,  les  Âmes  pieuses  accueillent  avec 
empressement  cette  dévotion  :  son  nom  seul 

Ïmrait  avoir  une  onction  secrète  qui  lui  gagne 
es  cœurs,  et  une  sorte  de  persuasion  géné- 
rale s*est  répandue  parmi  les  fidèles,  que  le 
triomphe  de  la  peligion  sur  l'impiété  est 
attaché  à  cette  dévotion ,  particulièrement 
eu  France,  où  elle  a  pris  son  origine. 

COLBERT  (Michel),  abbé  de  Préraontré, 
était  de  la  famille  du  ministre  de  ce  nom. 
Il  entra  très-jeune  en  religion,  fit  ses  cours 
de  théologie  eu  Sorbonne,  et  passa  par 
toutes  les  charges  de  son  ordre.  Il  fut  élu 
abbé  général  en  1670,  et  mourut  h  Paris  le 
29  mars  1702,  Agé  de  soixante-neuf  ans.  On 
a  de  lui  :  1"  Lettres  d*un  abbé  à  ses  religieux^ 
Paris,  3  vol.  in-8*.  Elles  traitent  de  divers 
sujets  relatifs  à  l'état  religieux.  -^  2"  Lettres 
de  consolation;  elles  sont  adressées  à  sa 
sœur,  qui  venait  de  perdre  son  mari,  pre- 

ouvrages  publiés  depuis  celte  époque  par  les  aii« 
versaires  de  la  dévotion  au  Sacré-Cœur  de  Jésus. 
Un  des  plus  ardents  et  des  plus  opiniâtres  fut  le 
rédacteur  des  Nouvelles  ecclésioitique»  ,  voué  à  la 
défense  du  puiii  de  Janséuius  et  de  Quesnel.  — 
Voyez,  à  ce  sujet,  VAmi  de  la  religion,  I.  XXI,  p. 
m;  t.  XXII,  p.  344,  385,  etc. 

(148)  c  Doctrîna  (synodi)  qux  devotionem  erga 
sacrailssimum  cor  Jesu  rejicit  mter  devoiioiics  quas 
notât  velutnovas,  erroneas,  aut  sa  Item  periculosas; 
intellecta  de  hac  devotione,  qunlis  est  ab  apostolica 
Sede  probata;  falsa,  lemeraria,  perniciosa,  piarum 
uurium  o/fensiva  ,  in  apoUolicam  sedem  injurio$a,  » 
(BiiUa  Auctorem  fidei,  prop.  62.) 

(149)  f  Item  ineo  quod  cultores  cordis  Jesu  hoc 
eUain  naininc  arguit  quod  non  advertant  sanctîssi- 


mier  président  au  parlement  de  Rouea. 
COLLET  (Pierre),  prêtre  de  la  ooogrégS' 
tion  de  la  Mission,  docteur  et  professeur  de 
théologie,  né  à  Ternaj  dans  le  Vendômois, 
le  6  septembre  1693,  et  mort  le  6  octobre 
1T70,  s  est  fait  un  nom  distingué  parmi  les 
théologiens,  et  a  mérité  Testime  des  per- 
sonnes  pieuses  par  ses  écrits  et  par  ses 
mœurs.  Ses  ouvrages  de  piété  sont  :  1*  fie 
de  saint  Vincent  de  Paul,  à  vol.  in-4%  1748; 

—  a*  Vie  de  M.  Boudon,  3  vol.  iu-12,  1753; 

—  3*  Vie  de  saint  Jean  de  la  Croix,  1769, 
in-12  ;  —  k'*  Traité  des  saints  mystères,  2  vol. 
in-12, 1768;  — 5**  Les  devoirs  aes  pasteurs^ 
in-12,  1769;  —  6**  Devoirs  de  la  vie  re/t- 
gieuse,  2  vol.  in-12,  1765;  —  7*  Traité  de$ 
devoirs  des  gens  du  monde,  in-12,  1763;  -* 
8*  Devoirs  des  écoliers,  in-12;  —  9*  InslruC' 
tion  pour  les  domestiques,  in-12,  1765;  — 
10*  Instruction  à  Vusage  des  gens  de  la  cam- 
pagne,  in-12, 1770;  —  11"  Méditations  pour 
servir  aux  retraites,  in-12,  1769;  —  12*  La 
dévotion  au  sacré  cœur  de  Jésus,  établie  et 
réduite  en  pratique,  in-16, 1170. 

COLLÉCjIALE.  —  Eglise  desservie  pardes 
chanoines  séculiers  ou  réguliers.  Dans  les 
villes  ou  il  n'y  avait  point  d'évèque,  le  dé 
sir  de  voir  célébrer  Tofficc  divin  avec  la 
même  pompe  que  dans  les  cathédrales,  fit 
établir  des  églises  collégiales,  des  chapitres 
de  chanoines  qui  vécurent  en  commun  et 
sous  une  règle  comme  ceux  des  églises  ca- 
thédrales. Un  monument  de  cette  ancienne 
discipline   sont  les  cloîtres  qui  accompà- 

Î;nent  ordinairement  ces  églises.  Lorsque 
e  relAchement  de  la  vie  canoniale  se  fut 
introduit  dans  quelques  cathédrales,  les 
évoques  choisissant  les  plus  réguliers  d*eDlre 
lescnanoines  en  fnrmèrentdesdétachemenls, 
et  établirent  ainsi  des  collégiales  dans  les 
villes  épiscopales.  Avant  la  révolution  de  la 
fin  du  dernier  siècle,  la  vie  commune  des 
chanoines  avait  cessé,  et  depuis  la  restau- 
ration du  culte  en  France,  il  n'est  resté 
que  les  chanoines  séculiers  attachés  aux  ca- 
th  éd  rai  6s 

COLOMBAN  (Saint).  —  Sk  ntoLB.  — Saint 
Colomban,  Tun  des  plus  grands  restaura- 
teurs de  la  vie  monastique  en  France, foudn, 
vers  Tan  590,  la  célèbre  abbaye  de  Luicuil. 
Il  donna  k  ses  religieux  une  règle  courle, 
mais  pleine  de  Tesprit  de  Dieu.  Elle  ne 
contient  que  dix  chapitres  oui  traitent  de 
Tobéissance,  du  silence,  de  la   nourriture, 

mam  carnem  Christi,  aut  ejus  partem  alîquam,  aui 
ctiam  bumaiiitalem  totam  cum  separalione  aut 
praeeisione  a  divinitate,  adorari  non  posse  culiu 
lalriae  ;  quasi  fidèles  cor  Jesu  adorareni  cum  sepa- 
ralione vel  praeeisione  a  divinitaie ,  dom  ilind  tAo- 
ranl  ut  est  cor  Jesu,  cor  nempae  personae  Verbi,  ciii 
inseparabililer  unitum  est,  ad  eum  modura  quo 
exsangue  corpus  Chrisli  in  triduo  mortis,  sine  se- 
paralione aul  praeeisione  a  divinitate ,  adorabilc  fuit 
in  sépulcre;  capliosa,  In  fidèles  cordis  Chrisli  cul- 
lores  injuriosa.  >  (Ibid.,  prop.  63.) 

(150)  Mémoires  pour  servir  à  V histoire  ecdétiai' 
ihue  pendant  le  xvni*  siècle,  t.  111,  p.  260  cl  Itîâ; 
t.  IV,  p.  646;  LAmi  de  la  religion,  t.  XXXU.P 
177. 


441 


OOL 


D*ASCETISXE. 


OOM 


Hf 


de  to  MOTreléy  de  la  Tiiiité»  de  la  cbapté, 
de  l'office  dÎTin,  de  la  diseréUon«  de  la  locir* 
tifieatioD,  de  la  perfection  du  moine.  Tou- 
chant la  noorriture,  il  dit  :  <  Les  moines  ne 
prendront  leor  repas  qoe  Ters  le  soir  ;  leur 
nourriture  doit  être  grossière  «  et  jamais 
asseï  abondante  pour  les  rassasier;  elle 
cDQsialera  en  légumes,  un  peu  de  farine  dé- 
trempée d*eau,  ayec  un  petit  pain.  Il  faut 
néanmoins  r^ler  Tabstinence  ayee  discré- 
tion. On  doit  jeAner  chaque  jour;  mais  il 
lirat  aussi  chaque  jour  manger,  prier,  tra- 
▼ailler,  lire  et  croître  en  Tertos.  »  Au  cha- 
pitre de  la  pauTreté,  saint  Colomban  dit 
qu'un  moine  doit  non-seulement  ue  pas 
avoir  de  superflu ,  mais  n'en  point  désirer, 
et  que  le  déoûment  absolu  n*est  que  le  pre- 
mier degré  de  la  perfection  roooaslique.  H 
règle  ainsi  la  psalmodie  :  k  tierce,  seite  et 
none,  trois  psaumes  avec  des  versets  ;  aux 
▼èpres,  douze  psaumes.  L'office  de  la  nuit 
est  différent,  le  samedi  et  le  dimanche,  des 
jours  ordinaires. 

Les  jours  ordinaires,  nendant  les  six 
mois  d  hiver,  en  disait  36  psaumes  sons 
12  antiennes.  C'était  la  coutume  de  ne  dire 
qu'une  antienne  pour  trois  psaumes.  Pen- 
dant les  six  mois  d'été,  comme  les  nuits 
étaient  moins  longues,  on  récitait  seule- 
ment fk  psaumes  sous  8  antiennes.  Le  sa- 
medi et  le  dimanche,  le  nombre  de  psaumes 
à  Toflice  de  la  nuit,  variait  suivant  la  sai- 
son. Pendant  les  trois  mois  de  décembre, 
janvier  et  février,  où  les  nuits  sont  plus 
longues,  on  disait  S5  antiennes  et  75  psau- 
mes, ce  (fui  disait  tout  le  psautier  dans  les 
deux  nuits.  Dans  les  mois  de  mai  et  juin, 
Foffiee  de  la  nuit  se  composait  seulement 
de  12  antiennes  et  96  psaumes,  12  pour 
l'office  nocturne,  et  2%  pour  celui  du  matin, 
car  l'office  de  la  nuit  se  divisait  ainsi  eu 
deux  parties. 

Pendant  les  autres  mois  de  l'année,  l'on 
auçmentait  ou  Ton  diminuait  l'office  do  la 
nuit  de  trois  psaumes  par  semaine,  selon  la 
diminution  ou  l'augmentation  des  jours. 
Saint  Colomban  tenait  ces  règlements  sur  la 
psalmodie  de  ses  frères,  c'est-è-diredes  moi- 
nes de  Bankor.  Il  a  bien  soin,  après  avoir 
réglé  la  prière  vocale,  d'qouter  Qu'elle  se- 
rait complètement  inutile,  si  on  nj  joignait 
la  prière  du  cœur  et  Funion  continuelle 
avec  Dieu. 

La  règle  de  saint  Colomban  est  suivie  de 
son  Pémientiet.  C'est  un  recueil  de  péni- 
tences qu'on  imposait  aux  moines  pour  les 
différentes  fautes  où  ils  tombaient,  quelque 
légères  qu'elles  fussent.  Le%  coups  de  fouet 
soiit  la  (NUS  ordinaire.  On  donnait  six  coups 
de  fouet  à  celui  qui  ne  répondait  pas  Amen 
i  la  prière,  qui  causait  pendant  le  repas, 
qui  souriait  à  l'office,  au  prêtre  qui  disait 
la  messe  sans  s'être  coupe  les  ongles,  au 
diacre  qui  servait  à  l'autel  sans  s'être  fait 
la  barbe.  Celui  qui  ne  faisait  pas  le  signe 
de  la  croix  sur  sa  cuiller,  qui  ne  ramassait 
par  les  mirttes  pi*ndant  le  repas,  qui  ne  de- 
mandait pas  d'ouvra^^e  après  avoir  6ni  sa 
tâche,  qui,  dans  ses  vornges  couchait  dans 


une  maison  où  il  y  avait  une  femme,  était 
également  soumis  k  diverses  pénitences. 
Pour  les  fautes  légères,  la  pénitence  était 
ordinairement  de  six  coups  de  fouet  ;  pour 
celles  qui  étaient  plus  graves,  de  douze, 
cinquante  et  même  deux  cents;  mais  on 
n'en  donnait  jamais  plus  de  vingt-cinq  k  la 
fois.  Quelquefois  on  prescrivait  pour  péni- 
tence des  jeûnes  et  des  psaumes  k  réci- 
ter. 

Le  Pémiemiid  de  saint  Colomban  contient 
plusieurs  particularités  remarquables.  Les 
moines  faisaient  le  signe  de  la  croix  sur  tout 
ce  qu'ils  prenaient,  comme  une  lampe,  une 
cuiller,  etc.  En  sortant  de  leurs  cellules,  ils 
demandaient  la  bénédiction  et  allaient  se 
présenter  devant  la  croix.  Lorsqu'ils  sor- 
taient du  monastère,  ils  portaient  sur  eux 
un  petit  Tase  appelé  ehryimalf  dans  lequel 
il  y  avait  de  l'huile  bénite  ou  l'Eucharistie. 
H  y  avait  des  |iénitences  pour  celui  qui 
laissait  tomber  une  hostie  consacrée,  la  |)er- 
dait  ou  la  laissait  manger  par  les  vers.  Saint 
Colomban  ne  se  servait  que  de  vases  de 
cuivre  pour  le  saint  sacrifice,  et  ses  moines 
faisaient  eux-mêmes  le  pain  qui  servait  à 
la  consécration. 

Les  moines  couchaient  habillés,  mais  ils 
avaient  un  vêlement  particulier  pour  la 
nuit;  pour  le  prendre  ou  le  quitter,  ils 
étaient  obligéi  de  demander  chaque  fois 

CDrroission.  Leur  vêtement  du  jour  était 
lanc.  Ils  se  lavaient  souvent  la  Xéie,  mais 
ceux  qui  étaient  en  pénitence  ne  pouvaient 
se  laver  que  le  dimanche.  Il  y  avait  dans 
chaque  monastère  deux  économes.  Le  prer 
mier,  appelé  aussi  fMrévôt^  étai  chargé  des 
choses  extérieures;  le  second,  du  détail  de 
l'intérieur;  un  supérieur  ou  abbé  ne  s'oc- 
cupait que  du  spirituel. 

COLOMBIÈRE  (Claude  m  La),  Jésuite 
célèbre,  né  k  Saiol-Symphorien  près  de 
Lyon,  se  fit  un  nom  par  ses  talents  pour  la 
cnaire.  Il  mourut  Agé  de  quarante  et  un  ans, 
en  1682,  k  Paray  dans  le  Cbarolais.  C'est  lui 
qui,  avec  Mario  Alacoquc,  a  donné  une 
forme  k  la  célébration  de  la  fête  du  Coeur  de 
JésuSf  et  qui  en  a  composé  l'office.  Outre 
des  Scfiiums,  on  a  de  lui  des  Ré/lexion$  mo- 
rale$  et  des  Leiire$  ipirituelles. 
COLOMME  (Jeaii-Baptiste-Sébastien),  su- 

fërieur  général  des  Barnabites,  naquit  k 
au,  le  12  avril  1712,  et  mourut  k  Paris  m 
1788.  Ses  ouvrages  ascétiques  sont  :  1*  Vie 
ckrétiemUf  ou  principes  de  la  sagesse,  1774, 
2  vol.  in-12.  —  2*  Manuel  des  religieux, 
1778,  in-12;  —  Btemiié  malkeureusef  ou  te 
supplice  étemel  des  réprouvés,  traduit  du  la- 
tin de  Dreielius,  in-12,  Paris,  1788. 

COMBAT  SPIRITDEL.--La  viedelliomme 
est  un  combat  sur  la  terre  :  chaque  jour, 
le  soldat  chrétien  doit  être  préparé  au  com- 
bat. Il  est  placé  sur  cette  terre  d'épreuves 
comme  au  milieu  d'ennemis  qui  lui  dis- 
putent le  royaume  céleste.  La  première 
chose  que  vous  devez  laire  k  votre  réveil, 
c'est  d'ouvrir  les  yeux  de  l'Ame,  et  de  vous 
considérer  comme  dans  un  champ  de  ba- 
taille, en  présence  de  votre  ennemi  et  dans 


44S 


COM 


DICTIONMIRE 


COM 


444 


la  nécessité  ou  de  combattre,  ou  de  périr 
pour  jamais.  Figurez-vous  donc  devant  vous 
cet  ennemi,  qui  n'est  autre  chose  qu*un 
vice,  qu'une  passion  déréglée,  dont  vous 
tâchez  depuis  quelque  temps  de  vous  dé- 
faire; Ogurez-vous  ce  monstre  furieui  qui 
vient  se  jeter  sur  vous  pour  vous  dévo- 
rer. Représentez -vous,  en  même  temps 
à  la  droite, Jésus-Christ,  votre  invincible  ca- 
pitaine, accompagé  de  Marie  et  de  Joseph, 
de  |)lusieurs  troupes  d'anges  et  de  bienheu- 
reux, et  particulièrement  du  glorieux  ar- 
change saint  Michel  ;  à  la  gauche,  Lucifer 
avec  ses  ministres,  résolus  de  soutenir  cette 
passion  ou  ce  vice  que  vous  avez  à  com- 
battre, et  de  mettre  tout  en  œuvre  pour  vous 
y  faire  succomber. 

Cependant,  imaginez-vous  entendre  au 
fond  du  cœur  la  voix  de  votre  ange  gar- 
dien  qui  vous  parle  de  la  sorte  :  C*est  au- 
jourd'hui que  vous  devez  faire  les  derniers 
tifforts-^  l^>ouc  vaincre  cet  ennemi  et  tous 
ceux  qui  ont  conspifé  contre  vous.  Ayez 
bon  courage;  ne  vous  laissez  vaincre,  ni 
par  une  vaine  frayeur,  ni  par  quelnue  con- 
sidération que  ce  suit,  parce  que  Jésus  vo- 
tre capitaine  est  ici  auprès  de  vous,  avec  les 
troupes  de  l'armée  céleste,  dans  le  dessein 
de  vous  défondre  contre  tous  ceux  qui  vous 
fonl  la  guerre,  et  de  ne  permettre  jamais 
qu'ils  vous  réduisent  sous  leur  puissance, 
ni  par  force,  ni  par  adresse.  Demeurez 
ferme,  et  quelquepeinequevousy  trouviez, 
faites-vous  violence,  criez  au  Seigneur  du 
plus  profond  de  votre  âme,  invoquez  con- 
tinuellement Jésus  et  Marie,  priez  tous  les 
saints  de  vous  secourir;  et  ne  doutez  point 
après  cela  que  vous  ne  gagniez  la  victoire. 

Quelque  faible  que  vous  vous  trouviez, 
quel(]ue  redoutables  que  vos  ennpmis  vous 
paraissent,  et  par  leur  nombre,  et  par  leurs 
forces,  ne  craignez  rien;  car  les  troupes  qui 
viennent  du  ciel  à  votre  secours  sont  plus 
nombreuses  que  celles  que  l'enfer  envoie 
pour  vous  ôter  la  vie  dtt  la  grâce.  Le  Dieu 
qui  vous  a  créé  et  qui  vous  a  racheté  est 
tout-puissant;  il  vous  aime,  il  vous  pro- 
tège, et  il  a  sans  comparaison  plus  d*envie 
de  vous  sauver,  que  le  démon  n'en  a  de 
vous  perdre. 

Combattez  donc  vaillamment,  ne  vous 
lassez  point  de  vous  mortifier;  parce  qu'en 
faisant  une  continuelle  guerre  a  vos  mau- 
vaises inclinations,  à  vos  habitudes  vicieu- 
ses,  vous  remporterez  enfin  la  victoire  ;  et 
parla  vous  entrerez  dans  le  royauiro  du 
ciel,  où  Târae  demeure  éternellement  unie 
à  son  Dieu.  Commencez  dès  maintenant  à 
combattre  au  nom  du  Seigneur,  ayant  pour 
épée  et  pour  bouclier  la  défiance  de  vous- 
même,  la  confiance  en  Dieu,  l'oraison, 
l'exercice  saint  de  vos  puissances  spiri- 
tuelles. 

Avec  ces  armes  vous  attaquerez  l'ennemi, 
je  veux  dire  cette  passion  dominante,  que 
vous  vous  Êtes  proposé  de  vaincre,  ou  par 
un  mépris  généreux,  ou  par  une  ferme  ré- 
sistance, et  par  des  actes  réitérés  de  la  vertu 
qui  lui  e8t  contraire,  ou  enfin  par  d'autres 


moyens  que  le  ciel  vous  fournira  pour  l'ex- 
terminer de  votre  cœur.  Ne  vous  donnez 
1)oint  de  repos  que  vous  ne  l'ayez  tout  à 
ait  domptée;  vous  mériterez  par  votre  cons- 
tance de  recevoir  la  couronne  des  mains  du 
souverain  Juge  qui,  avec  toute  l'Eglise 
triomphante,  sera  spectateur  de  votre  com- 
bat. Je  vous  le  dis  encore  une  fois,  vous 
ne  devez  point  vous  ennuyer  de  cette 
ffuerre.  Considérez  seulement  que  tous  les 
nommes  sont  obligés  de  servir  Dien  et 
de  tâcher  de.  lui  plaire;  que  c'est  d'ailleurs 
une  nécessité  de  combattre,  puisqu'on  ne 
peut  prendre  la  fuite,  sans  s'exposer  à  être 
Liesse,  et  mémo  à  perdre  la  vie;  et  qu'après 
tout,  quand  on  voudrait  se  révolter  contre 
Dieu,  embrasser  le  parti  du  monde,  s'abau* 
donner  aux  plaisirs  des  sens,  l'on  ne  serait 
pas  exempt  de  peines,  puisau'on  aurait 
touiours  è  souffrir  beaucoupet  dans  le  corps 
et  dans  l'âme,  pour  satisfaire  sa  sensua- 
lité et  son  ambition.  Quelle  plus  grande 
folie  que  de  ne  pas  craindre  en  ce  monde 
des  peines  très- rudes,  qui  sont  suivies 
d'une  éternité  de  tourments;  de  craindre 
quelques  peines  assez  légères  qui  se 
terminent  n  une  éternité  de  bonheur  et  k 
un  repos  où  Ton  jouit  pour  jamais  de 
Dieul 

Entre  les  choses  nécessaires  pour  réussir 
dans  le  combat  spirituel,  il  faut  compter  la 
persévérance,  qui  est  la  vertu  par  laquelle 
nous  nous  appliquons  à  mortifier,  sans  re- 
lâche, nos  passions  déréglées,  qui  ptsridaoi 
que  nous  vivons  ne  meurent  point,  mais 
poussent  et  croissent  toujours  dans  notre 
cœur,  comme  dans  un  champ  fertile  en 
mauvaises  barbes.  C'est  en  vain  que  Ton 
prétend  faire  cesser  cette  guerre,  puisqu'elle 
ne  peut  finir  qu'avec  notre  vie,  et  que  qui- 
conque ne  voudra  pas  combattre  peaira  in- 
failliblement la  liberté  ou  la  vie.  Hé!  com- 
ment ne  serait-il  pas  vaincu,  ayant  en  lélc 
des  ennemis  résolus  de   ne  lui  donner  ni 

fm\x  ni  trêve,  parce  que  plus  on  recherche 
eur  amitié,  plus  on  éprouve  leur  haine? 
Vous  ne  devez  pourtant  vous  étonner  ni  d^ 
leurs  forces,  ni  de  leur  nombre,  puisqu'on 
cette  sorte  de  combat,  nul  n'est  vaincu  que 
celui  qui  veut  l'être,  et  que  d'ailleurs  vos 
ennemis  n'ont  de  pouvoir  que  ce  que  leur 
en  donne  votre  capitaine,  pour  l'honneur 
duquel  vous  combattez.  Or  jamais  il  ne 
permettra  que  vous  tombiez  entre  leurs 
mains;  il  sera  lui-même  votre  défenseur; 
comme  il  est  infiniment  plus  puissant  qu'eux 
tous,  il  vous  donnera  victoire,  pourvu  que, 
combattant  avec  lui,  vous  mettiez  votre 
confiance,  non  pas  en  vos  propres  forces, 
mais  en  sa  toute-puissance  et  en  sa  bonté 
souveraine.  Que  s'il  tarde  à  vous  secourir, 
s'iJ  vous  laisse  dans  le  danger,  ne  perdez  pas 
pour  cela  courage;  croyez  fermement,  et 
servez -vous  de  celte  considération  pour 
vous  animer  au  combat  ;  croyez,  dis-je,  fer- 
mement qu'il  disposera  les  choses  de  sorte 
que  tout  ce  qui  semble  devoir  faire  obstacle 
h  votre  gloire  tournera  à  votre  avantage. 
Témoignez-lui  seulement  de  la  résolutioB  et 


445 


r.oM 


D*ASCET15ME. 


COM 


4i« 


de  la  Gdélilé;  suivez  partout  votre  chef,  qui 
s*est  exposé  pour  tous  à  la  mort,  et  qui  en 
moarant  a  vaincu  le  roondo;  comliatiez 
oourageosemenl  sous  ses  enseignes ,  et  ne 
quittez  point  les  armes,  que  vous  n'ayez  dé- 
truit tous  vos  ennemis;  car  si  vous  négligez 
de  TOUS  défaire  d*un  de  vos  vices,  ce  sera 
toujours  une  paille  que  vous  porterez  dans 
rcetl,  ou  une  flèche  que  vous  aurez  dans  le 
cœur,  et  qui,  vous  empêchant  de  combattre, 
retardera  votre  victoire. 

COMMUNAUTE  (Vie  db).  —  Pour  conser- 
Ter  la  pauvreté  religieuse,  et  partant  le  vé- 
ritable esprit  de  rétat  religieux  rien  n*est  plus 
nécessaire  que  la  vie  commune:  et  les  supé- 
rieurs doivent  veiller  h  sa  conservation  avec 
soin  sous  peine  de  faute  grave.  Aussi  le  concile  ' 
de  Trente  ordonne-t-il  que  les  réguliers 
observent  toutes  les  règles  qui  concernent 
la  vie  commune,  la  nourriture  et  le  vête- 
ment  Si  Ton  n^observe  pas  exactement, 

3Joute-l-il,  ces  règles  gui  sont  la  base  et  le  . 
fondement  de  toute  discipline  régulière,  il 
en  résulte  l'écroulement  de  tout  l'édiGce. 
.Sess.  25.)  Qu'il  ne  soit  donc  permise  aucun 
religieux,  à  aucune  religieuse,  dit  encore  le 
niéme  concile,  de  posséder  en  propriété  ni 
même  au  nom  du  monastère,  aucuns  bien?, 
meubles  ou  immeubles,  à  quelque  titre 
qu'ils  les  aient  acçiuis  et  de  quelque  nature 
que  soient  ces  biens  ;  mais  (]u*aussitêt  ils 
soient  remis  au  supérieur  et  incorporés  au 
monastère,  (ibid.) 

Les  Pères  n'avaient  point  parlé  autrement  ; 
pojr  n'en  citer  qu'un,  voici  ce  que  dit  à  ce 
sujet  saint  Basile  :  «  Que  tout  soit  commun 
à  tous,  que  personne  n'ait  rien  en  propre, 
ni  le  vêtement,  ni  la  chaussure,  ni  rien  de 
ce  qui  est  h  Tusige  du  corps,  muis  que 
chacun  reçoive  de  Téconome  ce  qui  lui  est 
nécessaire.  >  (Serm.  1  A$cei.)  On  peui  con- 
sulter encore  saint  Benoit,  saint  Laurent 
Justinien,  Gerson  el  une  foule  d'autres,  qui 
n'ont  point  un  autre  langage.  D'où  il  suit 
que  non-seulement  les  biens  d'un  monas- 
tère doivent  être  possédés  par  Us  religieux 
en  commun,  mais  encore  que  la  vie  doit  être 
commune,  la  table  commune,  le  vêlement 
commun,  le  travail  commun;  et  cette  règle 
s'applique  aussi  bien  aux  supérieurs  des 
communautés  qu'aux  autres  religieux. 

COMMUNION  FREQUENTE.  -  La  com- 
munion fréquente  est  de  la  plus  grande 
utilité,  non-seulement  pour  ceux  qui  com- 
mencent  à  marcher  dans  la  voie  de  la  per- 
iectioD,  mais  encore  pour  ceux  qui  ont  déjà 
fiit  des  progrès  et  pour  ceux  qui  sont  par- 
faits. Chacun  y  trouve  la  force  nécessaire 
pour  éviter  le  mal  et  pratiquer  le  bien.  Nous 
allons  donc  en  tracer  les  règles,  à  '*usage 
des  directeurs,  d'après  la  doctrine  de  l'E- 
glise, des  saints  Pères  et  des  maîtres  de  la 
vie  spirituelle.  [Voy.  Eucharistie.) 

Le  concile  de  Trente  «  exhorte  du  fond 
d*un  cœur  tout  paternel,  il  prie,  il  conjure 
par  tes  entrailles  de  la  miséncorde  de  notre 
Dieu  tous  ceux  oui  portent  le  beau  titre  de 
Chrétien,  de  vénérer  les  mystères  sacrés  du 
corps  et  du  sang  de  Jésus*Christ,  et  d*avoir 


pour  ce  sacrement  auguste  une  telle  dévo- 
tion, une  telle  piété,  un  tel  respect,  qu'ils 
puissent  recevoir  fréquemment  ce  pain  di- 
vin. »  (Sess.  XIII,  c.  18.)  c  Le  même  concile 
désirerait  que  les  fidèles,  chaque  fois  qu'ils 
assistent  à  la  messe,  communiassent  non- 
seulement  en  esprit,  par  la  communion  Mpi» 
rituelle^  mais  encore  réellement,  par  la  ré- 
ception sacramentelle  de  rEucbaristie,  afin 
de  recueillir  de  ce  saint  sacrifice  des  fruits 

f)lus  abondants.  »  (Sess.  xxii,  c.  16.)  Ce  sont 
es  propres  termes  dont  se  sert  le  concile. 
Le  Rituel  romain  de  Paul  Y  dit  encore  : 
«  Que  les  curés  emploient  tous  leurs  soins, 
pour  que  le  peuple  qui  leur  est  confié  vé- 
nère et  reçoive  saintement  et  fréquemment 
ce  sacrement  auguste,  particulièrement  aux 
grandes  solennités.  »  Enfin,  selon  le  décret 
de  la  sacrée  congrégation  du  concile,  en 
date  du  12  février  1679,  et  publié  par  ordre 
d'innocent  XI,  c  on  ne  fteutrien  statuer  de 
certain  sur  la  communion  quotidienne,  à 
Kégard  de  tous  les  fidèles  en  général,  mais 
la  communion  plus  fréquente  ou  même  quo-. 
tidienne  doit  être  accordée  au  jugement  des 
confesseurs,  eu  égard  à  la  disposition  de 
ceux  qui  la  demandent.  »  Cela  posé  : 

1"  La  communion  fréquente  est  utile  à 
ceux  qui  ne  sont  pas  encore  dans  Tétat  de 
perfection.  Cette  proposition  s'appuie  sur  le 
témoignage  de  l'Êcrilure  sainte,  sur  la  doc- 
trine des  Pères  et  sur  les  enseignements 
ûes  docteurs  et  des  maîtres  de  la  vie  spiii* 
tuelle. 

c  Venez  à  moi^  voue  tous  qui  iravailiez  et 
oui  ête$  chargée^  et  je  vous  soulagerai^  dit  te 
Seigneur.  »  {Matth,  ii,  28.)  «Oh  I  s'écrieà  ce 
sujet  l'auteur  de  Vimitation^  que  cette  parole 
est  douce  et  tendre  à  Toreille  d'un  pécheur, 
lorsque  vous-même.  Seigneur  mon  Dieu, 
appelez  à  la  communion  de  votre  très-saint 
corps  le  pauvre  et  l'indigent  1  »  «  Pour  moi, 
ajoute-t-il,  qui  suis  si  faible  et  pèche  si 
souvent,  qui  tombe  sitôt  dans  l'engourdis- 
sement et  dans  l'abattement,  il  est  néces- 
saire que  je  me  renouvelle,  que  je  me  purifie 
et  que  je  m'enflamme  par  des  prières,  des 
confessions  et  des  communions  fréquentes, 
de  peur  que  m'en  abstenant  trop  longtemps 
je  ne  m'écarte  de  mes  saintes  résolutions.  • 
(De  Imitât.  Christi,  lib.  iv,  c.  1  et  3.) 

«  Il  est  hors  de  doute,  dit  saint  Basile, 

S  lue  communier  fréquemment  c'est  recevoir 
réquemment  la  vie;  aussi  communions- 
nous  quatre  fois  chaque  semaine.  »  (Ep.  93.) 
Et  Cassien  ajoute  :  «  Nous  ne  devons  point 
nous  éloigner  de  la  communion  du  Sei- 
gneur, parce  que  nous  nous  reconnaissons 
pécheurs,  quia  nos  agnoscimus  peecalores; 
mais  nous  devons  y  recourir  de  plus  en  plus 
pour  guérir  et  purifier  notre  âuie.  »  (Coll. 
23,  c.  21.)  Telle  est  aussi  la  doctrine  do 
saint  Augustin  (I.  ii  De  scrm.  Dom.  in 
monte);  de  saint  Jérôme  (Ep.  52j;  de  saint 
Isidore  (\.  i  De  off.  eccl>,  c.  18.);  de  saint 
Bernard  ISerm.  in  cœn.  Dom,);  de  saint  Lau- 
rent Justinien  IDe  perf.  mon.^  c.  19),  et 
d'une  foule  de  uocteurs  de  J'Eglise. 
2*  Cependant  il  ne   convient  [^as  d'ad- 


417 


GOM 


DICTIONNAIRE 


COU 


M 


mettre  à  la  communion  de  chaque  jour  tous 
les  justes  indistinctement»  mais  ceui-ià  seu- 
lement c{ui  sont  dans  un  état  de  perfection 
fiarticulière. 

Le  concile  de  Trente,  rappelant  (Sess. 
X11I9  cil.  7)  ces  paroles  de  1  Écriture  :  que 
Chomme  $  éprouve  lui-même^  et  quaimi  il 
manqe  ce  pain  et  boive  ce  calice;  car  celui 
qui  le»  mange  et  boit  indignement^  mange  et 
hoit  ion  propre  jugement^  ne  discernant  pa$ 
le  corps  au  Seigneur  (/  Cor.  11, 28),  le  concile 
de  Trente  enseigne  que  pour  éviter  le  sa- 
crilège, il  suffit  d'avoir  la  conscience  libre 
de  fanle  grave;  mais  que  la  communion 
fréquente,  qui  n'est  que  de  conseil,  exige 
une  plus  grande  disposilion  ;  et  la  commu- 
nion quotidienne,  une  préparation,  une 
épreuve  plus  grandes  encore.  Et  le  niéme 
concile  ajoute  que,  toute  désirable  que  lui 
semble  la  coramunio  1  quotidit^nne,  si  elie 
se  fait  avec  fruit  et  les  dispositions  requises, 
il  ose  cependant  à  peine  espérer  que  Ton 
puisse  atteindre  communément  un  assez 
haut  degré  de  perfection,  et  que  partant  il 
ne  la  conseille  point  à  tous  indistinctement. 
Si  l'on  consulte  les  saints  Pères,  on  trouve 
les  mêmes  enseignements.  Ainsi  saint  Ba- 
sile, tout  en  louant  la  communion  quoti- 
dienne, n'osait  cependant  s*éloigner  de  la 
coutume  de  communier  seulement  quatre 
fois  chaque  semaine.  «  Quant  à  la  commu- 
nion quotidienne,  disait  saint  Augustin,  je 
ne  veui  ni  la  louer  ni  la  blâmer';  cependant 
je  conseille  fortement  de  communier  tous 
\^%  dimanches,  si  l'Âme  est  dégagée  de  l'af- 
fection pour  le  péché.  »  [De  EccL  dogm.^ 
c.  53.)  Enfin  nous  trouvons  encore  la  même 
doctrine  chez  les  maîtres  de  la  vie  spiri- 
tuelle, saint  François  de  Sales,  saint  Jean 
de  la  Croii,  sainte  Thérèse,  etc.,  lesquels 
exigent  pour  la  communion  quotidienne, 
outre  l'absence  du  péché  mortel  et  de  Taf- 
fection  au  péché  véniel,  1*  que  Ton  ail  ré- 
primé en  grande  partie  ses  indinations 
mauvaises;  2*  que  Ton  n'açisse  ainsi  que 
d'après  le  conseil  du  père  spirituel. 

3*  Les  laïques  ne  doivent  pas,  absolu- 
ment parlant,  être  exclus  de  la  communion 
fréquente  ou  quotidienne,  mais  plutôt  ils 
doivent  y  être  admis,  s'ils  sont  à  un  degré 
surTisant  de  perfection,  et  qu'aucun  empêche- 
ment extérieur  ne  s'y  oppose.  L'esprit 
souffle  où  il  veut^  dit  rÉcriture,  {Joan.  m, 
Yiii.)  Et  ailleurs:  Dieu  ne  fait  acception  de 
personne^  et ,  dans  toute  nation^  celui  qui  le 
craint  et  pratique  la  justice f  lui  est  agré<U)le. 

IAct.  x],  dk.  L'espnt  de  Dieu  -peut  donc 
aire  disparaître  tous  les  obstacles  qui  em- 
pêcheraient les  gens  du  monde  de  commu- 
nier chaque  jour,  et.les  rendre  dignes  d'une 
telle  faveur.  Aussi  la  Sacrée  Congrégation , 
par  un  décret  daté  du  mois  de  janvier  1587, 
a-t-elle  rejeté  le  statut  d'un  évêque,  par  le- 

Ïuel  il  défendait  d'administrer  la  sainte 
ucharistie,  si  ce  n'était  en  certains  jours 
seulement,  à  quelques  personnes  de  certain 
état,  de  certain  sexe.  Et  en  effet,  puisque  ce 
sacrement  est  un  pain  quotidien,  il  est  à 
croire  qu'aujourd'hui  encore  il  y  a  dans 


l'Église ,  outre  les  prêtres,  quelques  per- 
sonnes qui  peuvent  être  admises  \  la  coin- 
mufiion  plus  d*nne  fois  par  semaine.  Et  de 
même  que,  dans  la  primitive  Eglise,  les 
apôtres  administraieiit  chaque  jour  ce  sacre- 
ment à  une  foule  de  fidèles,  de  même  il  est 
à  croire  qu'il  y  a  encore  dans  l'E^lis»  quei« 
ques  personnes,  quoique  en  petit  nombre, 
qui  sont  dignes  de  le  recevoir  aussi  souveut. 

kr  Pour  la  communion  quotidienne,  il 
faut  bien  que  la  conscience  rende  k  chacun 
le  témoignage  qu'il  a  pour  cela  les  disposi- 
tions nécessaires;  mais  ce  témoignage  n'est 
pas  suffisant:  il  faut  encore  le  consentement 
du  père  spirituel  et  du  supérieur.  La  raison 
en  est  que,  agir  sans  le  consentement  du 
supérieur  dans  une  chose  aussi  grave,  c'est 
s'exposer  au  danger  imminent  de  ne  suivre 
que  son  propre  jugement,  que  sa  volonté 
propre,  et  d'éprouver  pnr  là  les  pertes  les 
plus  déplorables.  Aussi  tous  les  auteurs 
ascétiques  exigent-iis  avec  Vincent  de  Blois 
le  consentement  du  père  spirituel,  et  en- 
seignent-ils que  ce  n'est  pas  déplaire  à  Dieu, 
mais  lui  plaire,  que  de  remettre  une  com- 
munion par  obéissance. 

5*  La  marque  d'une  bonne  disposilion, 
delà  vocation  à  ta  communion  quotidienne, 
c'est  une  faim  spirituelle,  un  oésir  ardent, 
inspiré  par  la  charité,  de  se  nourrir  de  ce 
pain  céleste.  En  effet  cette  faim  suiriluelie 
n'est  autre  chose  que  le  désir  do  s  unir,  de 
s'incorporer  à  Jésus-Christ  de  plus  en  plus 
par  un  saint  et  brûlant  amour.  Et  chacun 
conçoit  combien  cette  disposition  est  néces- 
saire. Ceux  qui  me  mangent  auront  encore 
faim,  lisons-nous  dans  l'Écriture.  lEccli, 
xxiv,  29.)  c  11  n'y  a,  dit  saint  Grégoire, 
que  ceux  qui  sont  affamés  et  qui,  s'exerçant 
à  un  jeûne  parfait  du  péché,  reçoivent  les 
divers  sacrements  dans  la  plénitude  de  la 
vertu,  il  n'y  a  que  ceux-là  de  rassasiés,  i 
(  /  Reg.  c.  1. }  Et  saint  Antoine  ajoute  :  t  Pe^ 
sonne  ne  doit  s'en  approcher  sans  un  ardent 
désir;  or,  comme  il  convient  à  un  Chrétien 
de  vivre  de  telle  sorte  (ju'il  mérite  toiiyours 
de  recevoir  la  communion,  il  ne  doit  jamais 
être  sans  le  désir  de  la  recevoir  toutes  les 
fois  qu'il  le  pourra  convenablement  et  qu'il 
le  jugera  utile.  »  (m  p.  Sum.^  U  XIU,  c.  6.) 

6*  Pour  permettre  la  communion  quoti- 
dienne, il  faut  avoir  égard  k  la  perfection 
des  vertus  solides,  particulièrement  de 
l'humilité  et  de  la  mortification,  et  en  outre, 
examiner  si  ce  ne  serait  point  un  sujet  de 
scandale  pour  les  autres.  On  ne  doit  pas  en 
effet  violer  la  loi  de  la  charité,  et  parfois  il 
sera  mieux  de  s'abstenir  de  la  communion 
quotidienne,  à  l'exemple  de  sainte  Thérèse, 
s'il  y  a  lieu  de  craindre  que  les  autres,  ^ 
moins  disposés,  ne  prennent  de  là  occasion 
de  murmurer  et  de  jeter  le  ridicule  et  le 
mépris  sur  leur  frère  plus  parfait,  ce  quif 
dans  les  communautés  surtout,  serait  la 
source  d'un  grand  désordre.  Quant  è  ce  qui 
concerne  les  gens  du  monde  liés  par  le  ma- 
riage, il  faut  également  prendre  garde  que 
la  communion  quotidienne  ne  nuise  au  soiA 


4(9 


am 


D'ASCETISME. 


COH 


iSt 


qu'ils  iloiTenl  i  leur  famille«  ou  à  Tobéis- 
sance  qn*ane  femme  doit  à  son  mari. 

7*  C*esl  d'après  les  cBurres  qu'il  laul  juger 
de  rbumîlilé*  de  la  morlification  et  des 
antres  Tertus»  et  ce  n'est  que  d'après  les 
cMiTres  que  l'on  doit  permettre  la  commu- 
nion quotidienne,  selon  qu'elle  est  plus  ou 
moins  fructueuse.  Un  décret  du  Pape  Inno- 
cent Xlt  déjà  citét  ordonne  aux  confesseurs 
et  aux  évéques  de  faire  attention  aux  fruits, 
aux  vertus  que  la  communion  produit,  afin 
que  par  elle  les  grâces  et  les  yertus  prennent 
un  accroissement  simultané,  c  Chacun  doit 
examiner  en  soi-même,  dit  saint  Thomas, 

auel  fruit  il  retire  de  la  réception  fréquente 
e  ce  sacrement.  »  (L.  t  in  ICar.,  xi.) 
Sr  Tous  ceux  qui  aspirent-à  la  perfection 
cbrétiennejpeuTeot  être  admis  à  la  commu- 
nion une  lois  par  semaine.  C'est  ainsi  que 
pensent  une  rouie  de  maîtres  spirituels. 
m  le  conseille,  dit  Gennade,  de  communier 
tous  les  dimanches,  si  toutelbis  l'âme  est 
d^gée  de  l'affection  au  péché.»  {De  êcel. 
dog«i.,c.53.)  Dans  les  communautés  reli- 

geuses,  où  l'on  est  tenu  et  où  il  est  plus 
cile  d'aspirer  k  la  perfection,  la  commu- 
nion de  chaque  semaine  est  établie  comme 
un  point  de  la  règle  approufée  par  Cassîen 
(Coll.  23,  c.  31),  ainsi  que  de  celle  de  saint 
PaeOme.  (C.  5.)  Telle  est  aussi  la  doctrine 
de  saint  BonaTcnture.  (tu  Proe  reliqioi.f  c. 
21.)  Par  là,  en  effet,  on  sauTegarde  suffi- 
samment et  le  respect  dû  an  sacrement  et  le 
fruit  que  les  âmes  doiTent  en  tirer,  puisque, 
à  raison  des  dîTers  obstacles  qui  se  pré- 
sentent dans  la  ne  humaine,  il  n'  y  a  point 
ordinairement  d'autre  moyen  de  se  préparer 
con? enablement  etdelSiire  l'action  de  graces. 

9*  Quant  k  ceux  qui  tendent  moins  à  la 
perfection  ou  qui  éprouvent  de  plus  grands 
obstacles  extérieurs,  on  doit  leur  conseiller 
de  communier  tous  les  quinze  jours,  on 
chaque  mois,  ou  encore  aux  principales 
fêtes  de  l'année-  C'est  ainsi  que  saint 
François  de  Sales  conseille  à  une  TeuTe  de 
communier  chaque  mois,  tout  en  l'exhortant 
k  se  confesser  plus  souvent.  (L.  ni,  ep.  13.  ) 
Avila  admet  plus  difficilement  les  gens 
mariés  que  les  célilMtaires,  et  les  jeunes 
gens  que  ceux  qui  sont  d'un  âge  mûr,  k  la 
communion  de  tous  les  huit  jours.  {Ep.  ad 
prœd.  )  Et  il  lui  parait  suffisant  pour  ceux 
qui  commencent,  de  communier  aux  fêtes 
principales,  c'est-à-dire,  dix  ou  douze  fois 
par  an  (  L.  n,  ep.  46.  ) 

ÎQr  II  est  plus  louable  de  faire  précéder, 
autant  que  possible,  la  communion  de  la 
confession  sacramentelle,  qaelqoe  fréquente 
que  soit  la  communion,  et  oien  que  la 
conscience  ne  soit  chargée  d'aucun  péché 
mortel.  Tel  parait  être  l'esprit  de  l'Église, 
telle  est  l'intention  des  Pères.  Car  si  l'Eglise 
ordonne  pour  la  communion  la  confession 
préalable,  lorsqu'il  y  a  péché  grave,  ne  peut- 
on  pas  conclure  que  cette  confession  est  de 
conseil,  lorsqu'il  y  a  péché  véniel?  Bien 
plus,  saint  Bonaventure  et  saint  François  de 
Sales,  ainsi  iju'  une  foule  d' autres  maîtres 
de  la  vie  spirituelle,  conseillenl  de  se  con- 


fesser plus  souvent  que  l'on  ne  communie. 
«  Si  vous  pouvez  vous  confesser  chaque 
jour, dit  le  premier,  vous  faites  bien;  sinon, 
efforcez-vous  de  ^ous  confesser  au  moins 
tous  les  trois  jours.  »  {Reg.  nov.,  c.  k.)  Du 
reste  on  comprendra  combien  il  est  louable 
de  se  confesser  avant  de  communier,  si  l'on 
considère  quelle  est  la  dignité  de  la  sainte 
Eucharistie,  quelle  augmentation  de  grâce 

Eroduit  le  sacrement  de  pénitence,  et  com- 
ien  les  actes  de  vertus  que  Ton  produit  en 
se  confessant,  l'humilité,  la  contrition,  la 
charité,  etc.,  sont  propres  k  servir  de  pré- 
paration k  la  sainte  communion. 

11*  Quant  k  ceux  qui  retombent  encore 
facilement  dans  des  péchés  graves,  il  sera 
très-utile  de  leur  conseiller  de  se  confesser 
et  de  communier  de  temps  en  temps,  pourvu 

Ïu'il  y  ait  quelaue  espoir  d'amendement, 
'est  ainsi  que  s  exprime  le  Rituel  romain, 
tout  en  ordonnant  cependant  de  différer 
l'absolution,  quand  le  pénitent  ne  veut  pas 
renoncer  au  péché  et  changer  de  vie.  La 
raison  en  est  que  la  réception  fréquente  des 
sacrements  de  Pénitence  et  d'Eucharistie  est 
un  remède  puissant  qui  guérit  notre  âme  et 
la  purifie;  et  que  ceux  qui  les  reçoivent 
souvent  tombent  plus  rarement  dans  le 
péché  mortel,  k  cause  des  secours  particu- 
liers qu'ils  y  trouvent,  tandis  que  ceux  qui 
s'en  approchent  rarement  les  reçoivent 
aussi  rarement  avec  les  dispositions  re- 
quises. D'où  l'on  peut  conclure  que  non- 
seulement  on  fera  bien  de  conseiller  aux 
pécheurs  qui  retombent  facilement,  de  se 
confesser  et  de  communier  de  temps  en 
temps,  mais  même  qu'on  pourra  leur  donner 
pour  pénitence  de  le  faire  plus  souvent. 

COMPONCTION.  ^  Ce  mot  exprime  une 
douleur  qu'on  adans  l'âme  pour  avoir  offensé 
Dieu  :  on  doit  éprouver  ce  sentiment  quand 
on  s'approche  du  tribunal  de  la  pénitence. 

Dans  la  vie  spirituelle,  il  a  une  significa- 
tion plus  étendue;  la  componction  se  prend 
non-seulement  pour  la  douleur  qu'on  a  d'a« 
voir  offensé  Dieu ,  mais  aussi  pour  un  sen- 
timent pieux  de  douleur,  de  tristesse,  de 
d^oût,  qui  a  différents  moliCi  :  comme  les 
misères  de  la  vie,  le  danger  où  l'on  est  de 
se  perdre  dans  le  monde,  l'aveuçlement  des 
mondains,  et  le  désir  de  voir  Dieu  et  de  se 
reposer  en  lui  sans  crainte  de  le  perdre,  etc. 
On  a  un  air  humble  et  modeste  quand  on  a 
la  componction  dans  le  cœar.  Si  ce  senti- 
ment devient  habituel,  il  est  un  signe  do 
prédestination.  (Foy.  coiifbssior,  contbi- 
TiOH ,  péiirrsircB.) 

CONCUPISCENCE,  --roy.  appétit,  mom- 

T1FIC  ATIOH  . 

CONDRÊN  (Charles  de),  général  de  la 
congrégation  de  l'Oratoire,  docteur  de  Sor- 
bonne,  naquit  k  Vaubuin,  près  de  Soissons, 
en  iSSS.  l)  refusa  constamment  le  chapeau 
de  cardinal,  l'archevêché  de  Reims  et  celui 
de  Lyon.  Après  avoir  travaillé  longtemps 
dans  son  ordre  pour  la  gloire  de  Dieu  et  le 
salut  du  prochain,  il  mourut  k  Paris  en 
1641.  On  a  de  lui  :  Idée  du  eaeerdoee  d€ 
Jéêus-Chrieip  in-i2,  qui  ne  parut  qu'après 


48i 


CON 


DICTtOiNNAIRE 


CON 


4aS 


2ia  mort;  et  des  Letires  el  des  Diêcours  en 
2  vol.  in-12.  Le  P.  Amelode  a  écrit  sa 
Vie,  in-8». 

CONFESSION  FRÉQUENTE.  —  Nons 
montrerons,  en  parlant  de  rEucHARisnE, 
que  la  confession  en  est  la  préparation 
indispensable  pour  toat  homme  en  péché 
mortel  ;  il  nous  reste  ici  h  donner  quelques 
aris  pratiques  sur  la  confession  fréquente. 

1*  On  ne  doit  nullement  approuver  la 
conduite  de  certains  confesseurs  qui  don- 
nent rarement  Tabsolution  à  quelques  per- 
sonnes d*une  piété  éminente.  On  en  a  vu 
qui  ne  raccordaient  qu*une  fois  en  six  mois 
à  des  pénitents,  qui,  du  reste,' avaient  une 
conscience  fort  délicate,  tout  en  les  admet- 
tant fréquemment  h  la  sainte  communion; 
et  d'autres  qui  permettaient  aux  religieuses 
de  toute  une  communauté  de  s'asseoir  sou- 
vent à  la  sainte  table,  et  en  même  temps 
ne  leur  donnaient  que  rarement  l'absolution 
au  tribunal  de  la  pénitence.  Il  est  difficile 
de  comprendre  comment  il  se  fait  que  des 
'  prêtres  aient  le  triste  courage  de  priver  les 
Ames  de  leurs  pénitents  d'un  bien  spirituel 
aussi  grand  que  celui  qui  est  produit  par 
Tabsolulion  sacramentelle.  Car  il  est  cer- 
tain que  l'absolution  communique  la  grâce 
è  l'âme  qui  l'a  perdue,  et  augmente  cette 
grâce  sanctifiante  eu  l'âme  qui  1  a  conservée. 
D'où  il  suit  que,  par  Tabsolutiou,  celte  âme 
acquerra  un  nouveaudegre.de  grâce  sanc- 
tiQante,  de  sainteté  et  de  justice,  qui  lui 
méritera  un  nouveau  degré  de  gloire  et  de 
benheur  dans  le  ciel.  D'ailleurs,  celte  aug- 
mentation de  grâce  produit  en  elle  un  nou- 
veau degré  de  force  pour  ne  plus  retomber 
dans  ses  péchés  d'habitude,  et  pour  avancer 
dans  la  vertu  et  la  perfection.  Pourquoi 
donc  priver  ainsi  l'âme  de  ses  pénitents  de 
trésors  aussi  grands,  de  richesses  aussi  pré- 
cieuses, lorsqu'on  peut  les  en  rendre  parti- 
cipants par  l'exercice  d'un  pouvoir  qui  n*a 
été  accordé  au  prêtre  que  dans  l'inlerét  do 
ceux  qui  lui  sont  conliés? 

En  vain  objectera-t-on  que  dans  les  con- 
fessions de  ces  sortes  de  personnes,  il  n'y 
a  pas  matière  suffisante;  que  les  défauts 
dont  elles  s'accusent  sont  de  peu  de  gravité, 
et  difficiles  à  corriger,  comme  étant  le  fond 
même  du  caractère,  et  par  conséquent  qu'il 
y  a  lieu  de  douter  si  ces  confessions  sont 
accompagnées  des  dispositions  requises  ,  à 
savoir,  la  contrition  et  le  ferme  propos.  Car, 
premièrement,  lés  théologiens  s'accordent  à 
dire  que  le  même  péché  peut  être  la  matière 
de  plusieurs  absolutions,  eu  sorte  que  le 
pénitent,  pourvu  qu'il  soit  contrit  et  s'ac- 
cuse d'un  péché  de  sa  vie  passée,  présente 
au  confesseur  une  matière  suffisante  pour 
une  absolution  légitime  et  fructueuse.  En 
second  lieu,  les  théologiens  enseignent  que, 
pour  la  validité  de  la  coufession  et  do  I  ab- 
solution,  il  suftlt  que  le  pénitent  conçoive 
une  douleur  efficace  sur  un  seul  des  péchés 
véniels  dont  il  s'accuse,  quoiqu'il  déleste 
avec  moins  d'efficacité  quelque  autre  péché 
véniel,  à  cause  du  graud  danger  où  il  se 
voit  d'y  retomber.  En  fait  de  fautes  légères. 


il  suffit  de  se  repentir  d'une  seule,  &  la  ri* 

(;ueur,  pour  ioomir  une  matière  certaine  à 
'absolution  ;  et  une  antre  faute  légère  dont 
on  n'a  pas  un  repenlir  suffisant,  ne  rend  pas 
l'absolution  nulie.  Que  le  directeur  habitue 
donc  ses  pénitents  à  s'accuser  d'un  ou  de 
plusieurs  péchés  de  la  vie  passée,  sor  le 
repentir  desquels  il  ne  reste  aucun  doute; 
et  ainsi,  quand  même  ils  n'auraient  pas  un 
regret  suffisant  pour  les  fautes  légères  dont 
ils  s'accusent,  I  absolution  ne  laisserait  pas 
d'être  bonne,  et  le  sacrement  ne  serait  ex- 
posé à  aucun  danger  de  nullité.  De  cette 
manière,  la  confession  fréquente  et  même 
quotidienne  sera  bonne  et  utile.  Je  ne  veux 
pas  dire  cependant  qu'un  pénitent,  qui  doit 
recevoir  la  sainte  communion  plusieurs 
jours  de  suite,  soit  obligé  de  se  présenter 
chaque  jour  au  tribunal  de  la  pénitence 
pour  y  recevoir  l'absolution  ;  je  dis  seule- 
ment que,  si  entre  une  communion  el  la 
suivante  il  y  a  plusieurs  jours  d'intervalle, 
et  que  le  pénitent  demande  la  grâce  de 
l'absolution,  on  ne  doit  point  la  lui  refuser, 
de  peur  qu'il  ne  soit  privé  d'une  augmenta- 
tion de  grâce  sanctifiante,  et  d'un  nouveau 
degré  de  force  qu'il  trouverait  dans  l'abso- 
lution sacramentelle  pour  se  corriger  de 
plus  en  plus  de  ses  défauts. 

2*"  Un  directeur  doit  éviter  de  s'en  rap- 
porter trop  facilement  ft  certaines  âmes  mé- 
ticuleuses ,  qui  croient  ne  pouvoir  conce- 
voir aucune  douleur  de  leurs  péchés,  et  qui, 
par  suite  de  cette  crainte,   tombent  dans 
une  profonde  anxiété  toutes  les  fois  qu'elles 
s'approchent  du  tribunal  de   la  pénitence. 
Avec  des  personnes  de  ce  caractère,  on 
doit  se  rappeler  la  doctrine  de  saint  Thomas 
et  de  tous  les  théologiens  h  sa  suite  :  «Dans 
la  contrition,  dit  ce  grand  docteur,  il  r  a 
deux  douleurs  différentes  :  l'une  qui'est 
iians  la  volonté  et  est  essentiellement  la 
contrition  elle-même,  puisque  la  contrition 
n'est  autre   chose  que  le  déplaisir  conçu 
pour  les  péchés  passés ,  et  l'autre  qui  et 
dans  la  partie  sensitive,  et  vient  de  la  dou- 
leur.de  la  volonté  ou  de  la  nature  du  tem- 
pérament, selon  que  les  f&rces  de  la  partie 
inférieure  suivent  le  mouvement  de  la  par- 
tie  supérieure.  9    ISuppl.  m  part.  ,q.  3, 
art.  1,  in  corp.  )  Nous  devons  donc  nous 
rappeler  toujours  que  la  douleur  essentielle 
h  la  contrition  est  celle  qui  est  produite  par 
la  volonté,  et  nullement  celle  qui  se  fait 
sentir  dans  le  cœur  ou  dans  la  partie  sensi- 
tive.  Cette  dernière  est  indépendante  do 
l'autre,  et  il  arrive  souvent  que  la  volonté 
éprouve  une  douleur    réelle   et  sérieuse, 
sans  que  cependant  cette  douleur  se  fasse 
sentir  dans  le  cœur  ;  d'où  il  suit  que  cer- 
taines personnes,  qui  n'éprouvent  pas  cette 
douleur  dans  la  partie  sensitive,  s'imaginent, 
mais  à  tort,  qu'elles  n'ont  pas  de  contrition, 
quoiqu'elles  aient  la  contrition  réelle  dans 
la  volonté.  Si  donc  le  directeur  s'aperçoit 
que  son  pénitent  demande  à  Dieu  la  douleur 
nécessaire,  qu'il  ne  néglige  rien  pour  s'ex- 
citer h  la  contrition,  et  qiril  a  le  fônne  nro* 
pos  bien  arrêté  de  ne  plus  retomber  oans 


45S 


CON 


D*ASCET1S1IE 


CON 


45i 


5<>s  fautes  passées»  il  doit  le  soulager  de 
toute  aoxiéféy  ef  le  rassurer  sur  la  réalité 
de  sa  contrition,  bien  qu'il  se  sente  le  cœur 
plus  dur  que  le  marbre.  Un  directeur  éclairé 
veillera  à  ce  que  ces  Ames  craintires  pro- 
duisent les  actes  de  leur  douleur  arec  paix 
et  sans  inquiétude.  Car  ces  angoisses,  cette 
aniiété  inquiète  mettent  obstacle  à  la  lu- 
mière et  au  mouTement  intérieur  de  l'Esprit 
saint,  qui  n'agit  d'ordinaire  que  dans  les 
âmes  tranquilles,  sereines  et  calmes. 

3*  La  confession,  pour  être  un  moyen 
d'arriver  k  la  perfection,  doit  être  d'une  telle 
intégrité  qu'elle  s^étende  à  l'accusation  des 
fautes  même  légères  et  peu  graves.  Mais,  il 
faut,  dans  cette  accusation,  éviter  l'excès  et 
ne  point  outrepasser  les  l>orne$  de  la  pru- 
dence et  d'une  sage  modération.  Car  on 
trouve  de  ces  personnes  qui  sont  pénétrées 
d'une  douleur  si  vive  pour  leurs  égarements 

Kssés,  qu'elles  ne  se  rassasient  jamais  de 
s  accuser  en  confession,  et  que,  si  on  le 
leur  permettait,  elles  voudraient  s'en  con- 
fesser chaque  jour.  Il  faut  les  avertir  que  la 
pénitence  ne  consiste  point  en  cela.  Saint 
Thomas  distingue  deux  sortes  de  pénitence; 
Tune  intérieure,  l'autre  extérieure.  La  péni- 
tence intérieure  consiste  dans  la  douleur  et 
le  déplaisir  des  péchés  commis  ;  et  celle-lè, 
dît  saint  Thomas,  après  saint  Jean  Chrysos- 
tome,  on  ne  doit  jamais  la  quitter,  on  doit 
ta  conserver  pendant  tout  le  cours  de  sa  vie. 
La  pénitence  extérieure  est  celle  par  la- 
quelle on  donne,  on  produit  des  signes  ex- 
térieurs de  douleur,  et  l'on  fait  à  un  prêtre 
laccusation  de  ses  péchés  pour  en  obtenir 
labsolufion.  Or  il  n est  pas  nécessaire  que 
cette  pénitence  dure  jusqu'à  la  Gn  de  la  vie  ; 
il  suffit  qu'elle  ait  une  durée  déterminée, 
selon  la  mesure  et  la  gravité  du  péché. 
(  Saint  Thomas,  lu  part.,  g.  ^,art.  8,  in  corp.) 
D  après  cette  doctrine,  si  un  directeur  trouve 
de  ces  âmes  si  virement  pénétrées  de  dou- 
leur pour  leurs  péchés  qu'elles  désirent  tou- 
jours les  effacer  par  de  nouvelles  accusa- 
tions, il  devra  les  exhorter  à  produire  des 
actes  de  repentir,  en  leur  particulier,  au 
pied  de  la  croix  et  en  présence  de  Dieu 
seul  ;  à  renouveler  souvent  leur  douleur 
dans  leurs  méditations  et  leurs  prières,  et  à 
se  tenir  constamment  dans  un  sentiment  de 
confusion  intérieure,  d'humilité  profonde  et 
de  douleur  amère  au  souvenir  de  leurs  fau- 
tes, sans  qu'elles  aient  besoin  de  les  accuser 
tant  de  fois  au  tribunal  de  la  pénitence, 
supposé  toutefois  qu'elles  aient  fait,  h  re- 
gard de  ces  fautes,  ce  qui  était  nécessaire 
l>our  en  obtenir  le  pardon.  De  cette  manière, 
non-seulement  elles  feront  plus  de  progrès 
dans  la  perfection,  mais  elles  acquerront 
encore  une  confiance  plus  grande,  une  tran- 
quillité plus  parfaite  a  l'égard  de  la  rémis- 
sion de  leurs  péchés.  (Voy.  Ecchabistie.) 

CONFORMITÉ  A  LA  VOLONTÉ  DE  DIEU. 
—  Un  des  principaux  moyens  de  perfection 
chrétienne  donnés  par  Jésus -Christ,  c'est 
rentière  conformité  à  la  volonté  divine. 
C'est  une  doctrine  que  non-seulement  il 
Dous  a  enseignée  par  ces  paroles  de  lorai- 


son  dominicale  :  Que  voire  rotonde  soit  faitt 
êur  la  terre  comme  dans  le  ciel,  mais  qu'il 
nous  a  aussi  confirmée  par  son  propre  exem- 
ple, puisqu'il  dît  lui-même  :  Je  suis  descendu 
du  ciel  non  pour  faire  ma  volonté^  mats  celle 
de  celui  qui  m'a  envoyé.  {Joan,  vi.j  C'est 
pourquoi,  dans  son  oraison  au  jardin  des 
Olives,  étant  sur  le  point  de  donner  le  der- 
nier accomplissement  i  l'œuvre  de  notre  sa«* 
lut,  quoiqu  il  eût  horreur  de  la  mort  en  tant 
qu'homme,  et  que  p^our  faire  voir  qu'il 
1  était  véritablement,  il  dit  :  Mon  Pire,$Hl 
est  possible^  faites  que  ce  calice  passe  loin  de 
moi  [Matih.  xxvi),  sa  volonté  demeura  tou- 
jours parfaitement  conforme  à  celle  de  son 
Père,  et  il  ajouta  aussitôt  :  Toutefois,  qu'il 
soit  fait  non  comme  je  veux,  mais  comme 
vous  voulez.  {Matlh.  xxvi.) 

Pour  bien  traiter  cette  matière  et  établir 
la  pratique  de  cette  conformité,  il  faut  sup- 
poser deux  principes  sur  lesquels  roule  toute 
cette  doctnne.  Le  premier  est  que  notre 
avancement  et  notre  perfection  consistent 
en  la  conformité  à  la  volonté  de  Dieu,  et 
que  plus  cette  conformité  sera  grande,  plus 
notre  perfection  le  sera  aussi.  Ce  principe 
est  très-clair  et  très-aisé  à  comprendre» 
parce  qu'il  n'y  a  pas  de  doute  que  la  perfec- 
tion consiste  essentiellement  dans  la  charité 
et  l'amour  de  Dieu,  et  que  plus  ou  aimera 
Dieu,  plus  par  conséquent  on  sera  parfait. 

L'Evangile  est  plein  de  celte  doctrine, 
ainsi  que  les  Epîtres  de  saint  Paul  et  les 
livres  des  Saints.  Vamour  de  Dieu  est  le  plus 
grand  et  le  premier  commandement  de  tous 
[Matth.  xxii)  ;  la  charité  est  le  lien  de  la  per^ 

{ection  [Coloss,)  ;  la  charité  remporte  sur  tout 
e  reste.  (/  Cor.  xiii.)  Or,  comme  ce  qu'il  v  a 
de  plus  élevé  et  ue  plus  parfait  dans  les 
vertus,  est  d'aimer  Dieu,  de  même  ce  qu'il  y 
a  déplus  exquis,  de  plus  sublime  et  de  plus 
pur  dans  cet  amour,  est  de  se  conformer  en- 
tièrement à  la  volonté  divine,  et  de  n'avoir 
en  tout  d'autre  volonté  que  celle  de  Dieu  ; 
car  l'amitié,  dit  saint  Jérôme  après  l'ora- 
teur romain,  n'est  véritablement  ferme  et 
solide  que  quand  nous  ne  savons  vouloir  et 
ne  vouloir  pas  que  ce  que  notre  ami  veut  et 
ne  veut  pas  ;  et  ainsi,  plus  on  sera  conforme 
k  la  volonté  de  Dieu,  plus  on  sera  parfait. 
Outre  cela,  il  est  constant  qu'il  n  y  a  rien  de 
meilleur  et  de  plus  parfait  que  la  volonté 
de  Dieu,  par  conséquent  on  ne  deviendra  plus 
parfait  qu'autant  qu'on  s'unira  davantage  à 
cette  volonté,  suivant  cette  parole  de  Cicé- 
ron  :  «  Si  Dieu  est  ce  qu'il  y  a  de  plus  par- 
fait, il  est  certain  que  plus  une  chose  lui 
ressemblera,  plus  elle  sera  parfaite.  » 

Le  second  principe  est  qu'il  ne  peut  rien 
arriver  dans  le  monde  sans  Tordre  et  la 
volonté  de  Dieu,  ce  qu'il  faut  entendre  au 
péché  près,  dont  il  ne  peut  être  ni  la  cause, 
ni  l'auteur;  car  s'il  est  contraire  h  la  nature 
du  feu  de  refroidir,  à  celle  delà  glace  d'é- 
chauffer et  à  la  lumière  d*obscurcir,  il  répu- 
gne bien  plus  à  la  bonté  inCnie  de  Dieu 
d'aimer  le  mal  et  d'en  être  la  cause  Vos  yeux 
sont  purs^  Seigneur^  dit  le  prophète  Haba- 
eue  j  roiif  ne  pouvez  voir  le  mal  ni  regarder 


453 


CON 


DICTIONNAIRE 


CON 


45(S 


Viniquilé.  (Hàbae.  i,  13.)  De  même  que 
dans  le  monde  on  dit  de  quelqu'un  qu  on 
n*Arme  pas«  qu*on  ne  saurait  le  regarder,  de 
mémo  le  prophète  dit  que  Dieu  ne  saurait 
voir  riniquité,  pour  exprimer  toute  l'horreur 
qiril  en  a.  You$  n'éles  pa$  un  Dieu  à  qui 
fittiquité  soit  a^réable^  dit  le  Psalraiste;  roui 
avez  aimé  la  juitice  et  vous  avez  kai  Vini' 
quité.  (P$.  y  et  xuv.)  Enfln  l'Ecriture  parle 
dans  une  inQnité  d'endroits  de  la  haine  que 
Dieu  porte  au  péché;  ainsi  il  n'en  peut  être 
ni  la  cause,  ni  l'auteur.  Mais  hors  le  péché, 
tout  le  reste*  les  souffrances,  les  atllictions, 
les  peines,  tout  arrive  par  Tordre  et  la  vo* 
ionté  de  Dieu.  Ce  principe  est  incontes- 
table, et  ce  que  les  païens  ont  supposé  tou- 
chant la  fortune,  n  est  qu'une  chimère.  La 
fortune  n'est  rien;  ce  n*est  point  elle  qui 
donne  les  biens  qu'on  appelle  communément 
les  biens  de  fortune,  mais  Dieu  seul,  comme 
nous  le  dit  le  Saint-Esprit  par  la  bouche  du 
Sage  :  Que  les  biens  et  les  mutix,  la  vie  et  la 
mort,  les  biens  et  les  richesses  nous  viennent 
également  de  Dieu,  {Eccli,  xi,  ik.) 

Quoique  toutes  ces  choses  arrivent  par 
l'intermédiaire  des  causes  secondes,  il  est 
certain  cependant  que  rien  ne  se  fait  dans 
1  univers  que  par  Vordre  et  la  volonté  du 
souverain  matlre  qui  le  gouverne,  ilien  ne 
se  fait  par  hasard  à  l'égard  de  Dieu;  il  a 
arrêté  tout  lui-m£me  de  toute  éternité;  il  a 
compté  les  cheveux  de  votre  tête,  et  aucun 
ne  tombera  sans  son  ordre.  Hais  pourquoi 
no  parler  que  des  hommes,  comme  si  la 
Providence  ne  s'étendait  pas  sjur  tout  le 
TésieJ  Deux  passereaux f  dit  Jésus-Christ,  ne 
se  donnent'ifs  pas  pour  une  obole?  Cependant 
aucun  d^eux  ne  tombera  à  terre  sans  lapermis-' 
sion  de  votre  Père  céleste,  [Matth.  x,  29.)  Il  ne  se 
remue  pas  même  une  feuille  d'arbre  sans  sa 
volonté,  et  c'est  par  celte  même  volonté  que 
se  régissent  les  choses  auxquelles  le  hasard 
semble  avoir  le  plus  de  part.  On  tire  au  sort^ 
dit  le  Sage,  mais  c'est  Dieu  qui  règle  le  sort. 
(Prov.  XVI.)  Il  ne  faut  pas  croire  qu'il  y  ait 
dans  cela  du  hasard;  ce  qui  parait  avoir  été 
déterminé  le  plus  par  le  sort  est  un  effet  de 
l'ordre  immuable  de  la  Providence  qui  inuste 
tout  à  ses  fins.  Le  sort  tomba  sur  Mathias, 
dit  saint  Luc;  ce  fut  par  une  disposition 

fiarticulière  de  cette  même  Providence  qui 
'avait  destiné  de  toute  éternité  k  l'apostolat, 
et  qui  voulait  se  servir  de  cette  voie. 

La  seule  lumière  naturelle  a  suffi  pour 
taire  parvenir  quelques  philosophes  à  U  con- 
naissance de  6ette  vérité,  et  à  leur  faire  dire 
que,  quoique  ayant  eu  égard  aux  causes  se- 
condes, plusiein*s  choses  arrivassent  par  ha- 
sard ,  cependant,  eu  égard  à  la  cause  pre- 
mière, elles  n'arrivaient  que  par  ordre  de  la 
Providence.  C'est,  disent-ils,  comme  si  un 
mattre  ayant  envoyé  quelque  part  son  servi- 
teur pour  affaire,  en  envovait  un  second 
pour  autre  chose,  sans  que  l'un  eût  aucune 
connaissance  de  l'envoi  de  l'autre,  mais  avec 
intention  pourtant  qu'ils  se  rencontrassent 
tous  deux  dans  lé  môme  lieu  :  leur  rencon- 
tre, h  leur  égard,  serait  véritablement  for- 
tuile;  mais  à  l'égard  du  maître  ce  serait  un 


dessein  prémédité.  De  même  pour  ce  qui 
semble  arriver  ici-tias  fortuitement;  è  Tégard 
des  hommes  qui  voient*  arriver  les  choses 
contre  leur  attente  et  sans  y  avoir  songé, 
c'est  un  effet  du  hasard  ;  mais  à  l'égnrd  de 
Dieu,  c'est  la  suite  nécessaire  et  TeiécutioD 
de  l'ordre  éternel  de  sa  providence  qui  Ta 
voulu  ainsi  pour  des. raisons  secrètes  et  ca- 
chées qui  ne  sont  connues  que  de  lui  seul. 
Ce  que  nous  devons  conclure  de  ces  deux 

Brincipes,  c'est  que  toutes  choses  venant  de 
ieu,  et  que  notre  perfection  consistant  k 
nous  conformer  è'sa  volonté,  il  faut  les  re- 
cevoir toutes  comme  venant  de  lui  et  nous 
conformer  entièrement  è  ce  qu'il  veut.  Ne 

[irenez  rien  comme  arrivé  par  hasard,  ou  par 
a  conduite  et  la  malice  des  hommes;  €ar 
c'est  là  ce  qui  a  coutume  de  faire  le  plus  de 
peine  ;  ne  vous  imaginez  pas  qu'une  chose 
vous  est  arrivée  parce  que  quelqu'un  s'en 
est  mêlé,  et  qne  sans  telle  circonstance  elle  se 
serait  tournée  autrement.  Ce  n'est  pas  là  ce 
qu'il  faut  examiner;  mais  de  quelque  ma- 
nière qu'elles  nous  arrivent,  recevez-les 
toutes  comme  venant  de  Dieu,  puisque  c'est 
lui,  en  effet,  qui  vous  les  envoie  par  ces 
moyens.  --  Un  des  anciens  Pères  du  désert 
disaitordinairement  qu'un  homme  nepouf  ail 
avoir  de  véritable  repos  et  de  vraie  satisfac- 
tion dans  la  vie,  s'il  ne  s'imaginait  bien  que 
dans  le  monde  il  n'y  avait  rien  que  Dieu  el 
lui.  Saint  Dorothée  rapporte  que  ces  ancieDS 
Pères  s'étaient  tellement  habitués  à  prendre 
toutes  choses  comme  venant  de  la  main  de 
Dieu,  de  quelque  nature  qu'elles  fussent  el 
de  quelque  manière  qu'eues  leur  vinsseolf 
que  par  ce  moyen  ils  se  maîntenaieat  dans 
une  profonde  tranquillité  d'esprit,  et  me- 
naient  toujours  une  vie  céleste. 

Cette  conformité  offre 'les  plus  grands 
avantages.  1*  Elle  produit  la  véritable  rési- 
gnation, ou  plutôt  elle  est  elle-même  cette 
résignation  parfaite  et  entière  dont  les  saioU 
el  les  maîtres  de  la  vie  spirituelle  font  tant 
de  cas,  qu'ils  disent  que  c'est. la  racine  et  le 
principe  de  la  paix  et  de  la  tranquillité  de 
l'Ame  ;  car,  par  cette  résignation,  l'homme 
se  remet  entre  les  mains  de  Dieu,  afin  d'y  être 
comme  un  peu  d'argile  entre  les  mains  d'an 
potier;  c'est-à-dire  afin  que  la  divine  Prori- 
dence  dispose  de  lui  comme  elle  voudra,  ne 
désirant  plus  dès  lors  être  à  lui-même»  ni 
vivre  et  ne  plus  rien  faire  pour  lui;  mais 
voulant  faire  toutes  choses  pour  Dieu  seul» 
et  dans  la  seule  vue  de  son  service  et  de  sa 

f;Ioire,  La  conformité  à  ia  volonté  divine  fait 
e  même  effet  ;  car  par  elle  l'homme  s'aban- 
donne tellement  à  cette  volonté,  qu'il  ne 
sait  ni  désirer,  ni  chercher  autre  chose  que 
d^en  voir  l'accomplissement  en  lui,,  non- 
seulement  en  toiit  ce  qu'il  fait,  mais  aussi 
en  tout  ce  qui  lui  arrfve  dii  dehors,  et  non- 
seulement  dans  la  prospérité  et  les  consola- 
tions, mais  aussi  dans  l'adversité  et  les 
souffrances.  Celte  soumission  est  si  agréabie 
à  Dieu  que,  pour  cela,  il  appelle  David  iio 
homme  selon  son  cœur.  J  ai  trouvé^  dit-il» 
un  homme  selon  mon  caur^  qui  fera  toute$ 
mes  volontés.  (/  Reg.)  En  effet,  David  éUiU^ 


157 


CON 


D^ASCETISME. 


CON 


45f 


ioumis  iiix  ordres  de  la  Providence,  qu  il 
était  toujours  disposé  à  recevoir  également 
toutes  choses  de  la  main  de  Dieu»  comme 
une  cire  reçoit  lellfi  figure  qu'on  y  veut  Im- 
l>riiner;  aussi,  il  s'écrie  en  plusieurs  en- 
droits :  Mon  cœur  est  dispoié^  6  mon  Dieu! 
mon  cmur  est  disposé.  {Ps.  lvu) 

^  Celui  qui  aura  une  pleine  et  parraîte 
conformité  a  la  volonté  de  Dieu,  aura  ac- 
quis une  parfaite  mortification  de  ses  passions 
et  de  ses  mauvais  penchants.  On  sait  com- 
bien cette  mortification  est  nécesssaire  à  un 
Chrétien,  eC  combien  elle  est  recommandée 
par  TEcriture  et  par  les  saints.  Or,  pour 
parvenir  è  une  entière  conformité,  cette 
mortification  doit  être  absolument  supposée, 
parce  que  la  conformité  est  considérée 
comme  la  fin,  et  la  mortification  comme  le 
moyen  pour  l'obtenir  ;  et  la  fin,  comme  on 
sait,  est  dIus  parfaite  et  plus  élevée  que  le 
moyen.  Que  la  mortification  soit  un  moyen 
nécessaire  pour  acquérir  une  véritable  con- 
formité, rien  trest  plus  elair;  car  il  est  cer- 
tain que  notre  propre  volonté  et  le  déré- 
g^ment  de  nos  désirs  sont  autant  d'obsta- 
des  en  nous  à  cette  conformité;  par  consé- 
quent^  plus  on  renoncera  à  soi-même  et 
l'on  mortifiera  sa  volonté  et  ses  désirs  plus 
on  s'unira  et  on  se  conformera  h  la  volonté 
divine.  Pour  joindre  une  pièce  de  bois  rude 
H  mal  polie  avec  une  autre  bien  travaillée, 
il  faut  la  rabotter  et  la  polir,  sans  cela  ou 
lie  pourra  bien  les  rassembler.  Voilà  ce  que 
fait  en  nous  la  mortification:  elle  retranche, 
«Ile  polit  ce  qui  pourrait  empêcher  notre 
union  avec  Dieu,  afin  que  nous  puissions 
ensuite  nous  joindre  plus  étroitement  k  lui 
tit  nous  conformant  entièrement  à  sa  divine 
volonté.  Ainsi,  plus  on  se  mortifiera,  plus 
aussi  on  s'unira  à  Dieu,  et  quand  on  se 
sera  mortifié  entièrement  sur  tout,  on  par- 
viendra alors  à  une  entière  union  et  è  une 
conformité  absolue  à  la  volonté  de  Dieu  en 
toutes  choses. 

9*  Cette  résignation,  et  cette  conformité 
entière  est  le  plus  grand  et  le  plus  agréable 
Mcrifice  de  soi-même  qu'on  puisse  oH'rir  à 
Pieu.  Dans  les  autres  sacrifices,  on  n'offre 
que  quelque  chose  de  soi,  mais  dans  celui-ci, 
on  s  offre  soi-même.  Dans  les  autres  sacit- 
fices  et  les  autres  mortifications,  on  ne  se 
mortifie  que  sur  quelque  chose  do  narlicu- 
lier:  dans  la  tempérance,  par  exemple,  Tliu- 
milité,  la  modestie  et  la  patience,  le  Chrétien 
D  offreèDieu  qu'une  parliede  lui-même;  mais 
ici,  il  s'offre  tout  entier  en  holocauste,  afin 
qoe  la  majesté  diviita  fasse  de  lui  tout  ce 
quelle  voudra,  connue  elle  voudra  et  quand 
elle  voudra,  sans  eicepter  quoi  que  ce  soit, 
tt  sans  se  réserver  rien  pour  lui-même. 
Ainsi,  autant  il  jr  a  de  différence  entré 
riiomme  et  ce  qui  ap^iartient  è  l'homme, 
entre  le  tout  et  la  partie,  autant  il  y  en  a 
entre  ce  sacrifice  et  tout  ce  qu'il  y  a  d'au- 
tres sacrifices  et  d'autres  mortifications.  — 
Au  reste.  Dieu  fait  tant  de  cas  de  cet  holo- 
raustede  notre  cœur,  que  c'est  là  précisé* 
Dtent  ce  qu'il  demande  de  nous.  Donnez-moi^ 
dit'il,  votre  cmur^  mon  fils,  {Prot,  xxiii.) 

DlCTIOSSr    P*A3CÉTIS¥B.  1. 


De  même  que  loiseau  royal  ne  se  repaît 
que  de  cœurs;  de  même  ce  que  Dieu  estima 
le  plus  est  le  cœur,  et  si  vous  ne  lui  don- 
nez le  vôtre ,  vous  ne  pouvez  lui  Caire 
ailluursaucun  présent  qui  le  contente.  Après 
tout,  ce  n!est  pas  nous  demander  beaucoup; 
car  si  pour  nous  satisfaire  pleinement,  nous, 
cendre  et  poussière,  il  ne  suffit  pas  de  tout 
ce  que  Dieu  a  créé  ;  et  si  pour  remplir  no- 
tre t)auvre  cœur  il  ne  faut  pas  moins  que 
Dieu,  comment  pouvoir  contenter  Dieu  on 
ne  lui  donnant  qu'une  partie  de  noire  cœur« 
et  en  réservant  l'autre  pour  nous  ?  C'est  s'a- 
buser que  de  le  prétendre;  notre  cœur  ne 
peut  être  ainsi  partagé:  Car  le  lit  est  si 
étroit f  dit  Isate^  qu'il  faut  que  Vun  ou  Vautre 
tombe^  et  la  couverture  si  courte  quelle  ne 
saurait  les  couvrir  tous  deux.  {Isa.  xxviii). 
Le  cœur  de  Thomme  est  un  lit  étroit^  il  n^y 
peut  tf*nir  qoe  Dieu  seul»  c'est  pour  ctlM, 
que  t'É[>ouse  l'appelle  un  petit  lit.  J'ai  cher* 
ché^  dit-elle,  tous  les  jours  dans  mon  petit 
lit  cdui  que  j'aime  de  toute  mon  âme.  ICant. 
m  )  Elle  avait  telJemenl  rétréci  le  lit  de  sou 
cœur,  qu'il  n'y  avait  de  place  que  pour  soa 
époux;  et  celui  qui  voudra,  au  contraire* 
élargir  son  cœur  pour  y  l'aire  place  è  uu 
autre,  en  chassera  Dieu  aussitôt.  C*est  de 
ce  passage  aue  le  Seigneur  se  plaint  par 
Isaie,  quand  il  dit  :  Vous  m'avez  découvert 
pour  recevoir  l'adulttre  pris  de  moi.  Vous 
avez  élargi  votre  lit^  et  vous  avez  contracté 
alliance  avec  d'autres.  (Isa.  ltii,  8.}  Si  nous 
avions  mille  cœurs,  nous  devrions  le»  offrir 
tous  à  Dieu,  et  croire  encore  que  ce  sérail 
peu  en  comparaison  de  ce  que  nous  lui 
devons. 

4"  Celui  qui  aura  une  paif^Jte  conformité 
à  la  volonté  divine,  aura  aussi  une  charité 
parfaite,  et  plus  il  augmentera  dans  eette 
conformité,  plus  aussi  il  augmentera  dans 
la  charité  ti  l'amour  de  Dieu,  et  par  consé- 
quent dans  ta  peifection  qui  consiste  dans 
ces  deux  choses  :  car  Tamour  de  Dieu  ne 
consiste  pâl  dans  les  pa4'0les,  mais  dacHs' 
les  actions.  La  preuve  de  Tamour,  dit  ssiiK 
Grégoire,  est  dans  les  œuvres,  et  plus  \ef 
œuvres  nous  coûtent  et  sont  difficiles,  ptuir 
elles  marquent  d'amour.  Aussi  saint  Jean 
voulant  eipliqucr  Texrès  d*aniniirde  Dietf 
pour  le  monde  dit  :  Dieu  a  tdlemtnt  aimet 
le  monde,  qu'il  a  donné  son  Fils  unimse, 
(  Joan.  uu  }  Et  Jésus-Christ,  parlaiH  lui- 
même  de  l'amour  qu'il  portait  h  son  Pètes 
Afin,  dit*il ,  qtie  le  monde  connaiste  fus 
j'aime  mon  Pêre^  et  que  je  fais  ce  qu^il  m'n 
commandé^  levez-vous^  allons^ous  en.  (afosii. 
xiT.)  Où  allait-il  ?  souffrir  la  mort  sur  une 
croix,  et  c'est  en  «Iccomplissaiit  un  ordre  si 
rigoureut  qu'il  a  vraiment  téj&pjgi  é  au 
mon  Je  qii'il  aimait  son  Ptre.  iiifisj  Tamour 
se  tiiniôigne  par  les  actions;  et  plus  les 
actions  s6nt  grandes  et  pénibles  plus  on 
fait  paraître  d*amour.  Or  la  conformité  è  la 
volonté  de  Dieu  est  le  i>lus  gtand  lacrifice 
que  nous  [fuissions  hii  faire  de  nOi*6-niémes; 
parce  qu'elle  supposé  une  mortification 
parfaite  de  nos  sens,  et  une  résii^nation  ab- 
solue par  laquelle  ojus  nous  offrons  à  Di^i^ 

Si 


c^ 


DICTtONNAmC 


CON 


IGO 


et  nous  nous  remettons,  entre  ses  mains 
pour  faire  de  nous  ce  qu*il  lui  plaira.  11  n'y 
a  donc  pas  de  meilleure  preuve  d'amour  que 
celte  conformité,  puisque  par  elle  on  lui 
donne  et  on  lui  offre  tout  ce  qu*on  a  et  ce 
qu*on  pourrait  jamais  avoir  ou  désirer;  et 
qu'on  lui  donnerait  plus  si  on  pouvait  Tavoir. 

5"*  Celui  qui  sera  parvenu  h  cette  pleine 
conformité  à  la  volonté  de  Dieu,  prenant 
toutes  choses  comme  envoyées  par  la^  Pro- 
vidence, et  se  conformant  à  tout  ce  que 
Dieu  voul,  aura  acquis  la  suprême  félicité 
des  serviteurs  de  Dieu  sur  la  terre,  puis- 
gu'il  possédera  pleinement  celte  paix  pro- 
fonde et  cette  joie  intérieure  dans  laquelle 
consiste  la  véritable  béatitude  de  cette  vie. 
Car  ce  qui  faitj  dit  TApôtre,  le  royaume  de 
DieUf  c'est-à-dire  le  bonheur  des  Saints 
itans  le  monde,  ce  n'est  ni  le  boire  et  le  man^ 
ger^  mais  la  justice,  la  paix  et  la  joie  dans  le 
Saint-Esprit.  Voilà  le  royaume  du  ciel  sur  la 
terre,  voilà  notre  paradis  de  délices,  ici-bas,  et 
c'est  avec  raison  qu'on  l'appelle  béatitude , 
-|>uisque  par  là  nous  devenons  en  quelque 
sorte  semblables  aux  bienheureux.  Comme  il 
n'ya  pas  de  changement  ni  de  vicissitude  dans 
le  ciel,  et  que  les  bienheureux  sont  toujours 
xlans  le  même  étal,  €t  y  jouissent  continuel- 
lement de  Dieu,  aussi  dans  le  monde,  ceux 
oui  sont  parvenus  à  celte  conformité  et  à 
établir  tout  leur  contentement  en  celui  de 
Dieu,  ne  s'inquiètent  et  ne  se  troublent  nul- 
lement de  rinstabilité  des  choses  et  des  di- 
vers accidents  de  la  vie.  Leur  volonté  est  si 
soumise  à  celle  de  Dieu,  que  la  connais- 
sance qu*il  ont  que  tout  vient  de  lui,  et  que 
-e'esi  sa  volonté  qui  s'accomplit  dans  tout  ce 
qui  leur  arrive  de  fâcheux,  fait  que  préfé- 
rant la  sienne  à  la  leur,  leurs  souffrances 
et  leurs  peines  se  changent  on  joie,  et  leur 
iimertumeen  douceur  et  consolation.  Aussi, 
rien  ne  peut  les  troubler;  et  comme  il  n'y  a 
que  les  déplaisirs,  les  traverses,  les  dou- 
leurs et  les  affronis  qui  en  sont  capables, 
cui  le»  recevant  comme  une  faveur  singu- 
lière de  la  main  de  Dreu  qui  les  leur  envoie, 
il  ne  reste  {)lus  rien  qui  puisse  en  quelque 
manière  altérer  la  paix  et  la  Iranquulité  de 
leur  Ame. 

CONFORMITÉ  (obaison  de).  —  Yoy.  cou- 

CONFRÉRIE.  —  Sociélé  do  plusieurs  per- 
somies  pieuses  établie  dans  quelques  églises 
pour  lK)norer  particulièrement  un  mystère 
'OU  un  saint  et  pour  pratiquer  les  mêmes 
exercices  de  piété  et  de  charité.  Il  y  a  des 
confréries  du  saint  Sacrement,  de  là  sainte 
Vier^t» ,  de  la  Croix  ou  de  la  passion ,  de9 
Agonisants.  Plusieurs  sont  établies  par  des 
bulles  de  Pafiesqui  leur  accordent  desindul- 
j$ences;  toutes  ont  pour  but  d'exciler  les 
iidèles /aux  'bonnes  œufres.  de  cimenter 
'«ntre'eitx'Iapîix  et  la  fc'alurnité  et  de  leur 
iacilîier.  les  plus  saintes  pratiques  do  là 
jiiété  et  de  la  perfection  chrélienhe. 

CONURÉGATION  DE  PIÉTÉ.  —  Ce  sont 
lies  associations  pieusos,'  intlniment  utiles 

(Kwr  eucoui'ager  le?  tidèlcs  dans  les  voies  do 
1  ifcviu  ta  de  la  jperfeclion,  par  les  avis 


qu'on  y  reçoit,  par  tes  exemples  qui  s'y 
donnent,  par  la  surveillance  charitable  qu'on 
peut  exercer  les  uns  sur  les  autres,  parla 
communauté  de  prières  toujours  plus  puis- 
santes au()rèsde  Dieu.  Par  cela  môme  quel- 
les sont  faites  en  commun,  nos  prières  ont 
en  effet  bien  plus  d'efficacité,  selon  celte  pa- 
role :  Si  deux  ou  trois  se  rassemblent  en  mon 
nom ,  je  serai  au  milieu  d'eux. 

CONNAISSANCE  DE  SOI-MÊME.  -  Il  est 
'peu  de  vertu  plus  utile  et  plus  importante 
que  la  connaissance  de  soi-même. 

1°  Elle  est  la  source  de  l'humilité  et  le 
princii)al  moyen  pour  l'acquérir.  Ou  a  perdu 
une  drachme,  dit  saint  Jérôme,  et  c'est 
dans  la  boue  et  l'ordure  qu'on  la  retrouve. 
C'est  dans  la  corruption  de  nos  péchés  et 
de  notre  misère  qu'on  retrouve  la  précieuse 
vertu  de  l'humilité.  Pour  procéder  avec 
ordre,  considérons  l'homme  dans  son  état 
naturel.  Ayez  toujours  présent  à  l'esprit,  dit 
saint  fiernard,  ce  que  vous  avez  été,  ce  que 
vous  êtes  et  ce  que  vous  serez.  Qu'avez- 
vous  été?  Une  semence  impure.  Qu'ètis- 
vousî  Un  vase  niein  d'immondices?  Que 
serez-vous  ?  La  pâture  des  vers.  Quel  plus 
grand  sujet  do  méditation ,  aussi  le  pape 
Innocent  s'écrie  avec  raison  :  O  misérable 
et  honteuse  condition  de  la  nature  humaine] 
Voyez  les  plantes  et  les  herbes,  elles  pro* 
duisent  des  Oeurs  et  des  fruits  »  et  le  corps 
liumain  n'engendre  que  pourriture.  C'est 
cette  considération  qui  fait  dire  à  Job  :  fai 
dit  à  la  pourriture  :  Vous  êtes  mon  pire; 
et  aux  vers  :  Vous  êtes  ma  mère  et  ma  saur, 
{Job  XVII.}  En  effet,  l'homme  est-il  autre 
chose  qu'une  source  de  corruption?  De 
quoi  donc  pouvons  nous  tirer  vanité?  De 
quoi  peut  s'enorgueillir  la  poussière  et  la 
cendre?  Ce  ne  sera  pas  de  ces  choses,  car 
nous  n'y  trouvons  que  des  sujets  de  nous 
humilier  et  de  nous  mépriser  nous-mêmes. 
Le  souvenirdes  infirmités  et  des  misères  de 
l'homme  est  un  bon  gardien  do  l'humilité 
dit  saint  Grégoire,  cest  sous  ces  misères 
que  celte  plante  se  conserve  en  bon  étal. 
{Perfect.  Chrét.  de  Kodmgvez.)  Mais  allons 
plus  en  avant  encore.  Regardez  ce  que  vous 
étiez  avant  voire  création,  vous  verrez  que 
vous  n'étiez  rien«  que  vous  ne  pouviez  de 
vous-môme  vous  tirer  de  l'abîme  du  néant, 
mais  que  c'est  Dieu  par  sa  bon  lé  qui  vous 
en  a  tiré  en  vous  donnant  l'être  dont  vous 
jouissez.  Nous  ne  sommes  donc  rien  de 
nous-mômes,  et  nous  ne  devons  pasnouse^U- 
iner  plus  que  les  choses  qui  ne  sont  pos« 
c'est  à  Dieu  seul  qu'il  fiut  attribuer  ce  que 
nous  avons  de  plus  qu'elles.  Si  fuWyu'a/', 
dit  saint  Paul ,  s'imagine  être  quelque  chosft 
quoiquil  ne  soit  rien  eti  effet,  il  se  trom^i 
lui-même,  (Galat, yi,)  Voilà  de  quoi  uous 
enrichir  d'humiliié  toute  notre  vie. 

Mais  de  plus,  c'est  qu'après  avoir  reçu  Tô- 
tre,  nous  ne  subsistons  pas  de  nous-iuéiues. 
Ce  n'est  pas  comme  une  maison  que  l'ai- 
chilecto  abandonne  après  lavoir  bâlie,  et 
qui  se  soutient  a'elle-niëme  saiis  aucun 
besoin  de  lui.  Nous  avons  autant  besoiu  (i^ 
Dieuaj)rès  la  création  et  à  chaque  inâlatii 


451 


€0N 


D'ASCETISME. 


CON 


*et 


de  uolre  vie  poar  ne  pas  perdre  notre  exis- 
tence, que  nous  en  avons  eu  pour  l'acquérir, 
quand  nous  n*élions  rien.  Il  nous  soutient 
«ans  cesse  de  sa  main  puissante,  pour  nous 
eoif^ècher  de  tomber  dans  le  néant  dont-il 
nous  a  tirés;  c*est  pourquoi  le  Prophète 
royal  lui  dît  :  Vous  m'avez  formé  ^  Sei^eur; 
ri  vouM  avez  étendu  votre  main  $ur  mot,  (  Ps. 
cxxYviii.)  Cest  cette  main  qui  me  soutient, 
me  conserve  et  m'empêche  de  retomber  dans 
le  néant  d'où  je  suis  sorti.  Nous  dépendons 
tellement  de  Dieu,  que  s'il  venait  à  nous 
manquer  et  à  retirer  sa  main  un  seul  moment» 
nous  manquerions  nous-mêmes  aussitôt  « 
nous  cesserions  d'être,  comme  la  lumière 
ce^se  quand  le  soleil  se  cache,  et  nous 
reloornerions  'dans  noire  premier  néant. 
Toutes  les  nations ,  dit  Isaîe,  sont  devant  lui, 
tornsÊU  si  elles  n  étaient  pas,  et  elles  sont  comme 
rien  à  ses  yeux.  (  Isa.  il  ,  17.  )  Allons  encore 
pins  avant,  approfondissons  et  creusons 
dans  la  connaissance  de  nous-mêmes.  Y 
»-t-il  quelque  chose  au  delà  du  néant?  Oui; 
il  j  a  le  péché  que  vous  avez  ajouté.  Et 
quel  abîme  plus  profond  !  Il  est  plus  grand 
que  le  néant ,  parce  qu'il  est  pire  que  lui» 
et  qu'il  vaudrait  mieux  ne  pas  exister  que 
de  pécher.  //  aurait  mieux  valu  pour  lui 
au  il  ne  fût  pas  n/,  dit  Jésus^Chrisl,  en  par* 
tant  de  Judas  qui  voulait  le  trahir.  Il  n'y 
a  rien  de  si  abject  et  de  si  méprisable  aux 
jeux  de  Dieu^  dans  toute  l'étendue  de  l'être 
et  du  néant»  que  Thomme  coupable  de  pé- 
ché mortel ,  banni  du  Ciel ,  déclaré  ennemi 
de  Dieu,  et  condamné  aux  peines  éternelles 
de  l'enfer.  Ce  qu'il  j  a  encore  de  plus  fort 
en  cela,  c'est  que  malgré  l'espéraocc  que 
nous  devons  avoir  en  Pieu  pour  le  pardon 
de  nos  fautes,  nous  n'avons  pourtant  aucune 
certitude  qu'il  nous  les  ait  remises.  L'Aomme, 
dit  le  sage»  ne  sait  s'il  est  digne  d'amour  ou 
de  haine.  (  Eccle.  ix.  )  Ma  conscience  ne  me 
reproche  rien ,  dît  VApô're ,  mais  je  ne  suis 
pas  justifié  pour  cela.  (/  Cor.  iv,  4.)  Si,  par 
malheur,  je  ne  le  suis  pas ,  è  quoi  bon  avoir 
embrassé  la  vie  religieuse ,  et  converti  des 
Ames  à  Dieu  7  Quanaje  parlerais  le  langage 
des  hommes  et  des  anges  ^  si  je  n'ai  pas  la  cAa- 
rite  9  je  suis  comme  une  trompette  ou  une 
cymbale  retentissante  :  quand  f  aurais  le  don 
de  prophétie  et  que  je  pénétrerais  dans  les 
secrets  de  toutes  les  sciences  ^  que  f  aurais 
assez  de  foi  pour  transporter  toutes  les  mon- 
tagnes ,  ft  je  fi'ai  pas  la  charité  je  ne  suis 
rien  :  quand  je  donnerais  tout  mon  bien  pour 
ta  nourriture  des  pauvres ,  et  que  je  livrerais 
mon  corps  pour  être  brûlée  tout  cela  ne  me 
servira  arten,  si  je  n'ai  pas  la  chari:é(I  Cor. 
XIII,  i,  2,  3).  Masheur  donc  à  vous,  si  vous 
n'avez  pas  la  charité,  si  vous  n'êtes  pas  dans 
la  grftce  de  Dieu,  car,  sans  cela ,  vous  n*êtes 
rien, et  moins  que  rien.  C'est  un  grand  mojren 
|Kiur  demeurer  toujours  dans  Thumilité,  et 
avoir  peu  d'opinion  de  soi,,  de  ne  pas  sa-z 
voir  SI  on  est  ej)  état  dé  grâce  ou  non.  Nous . 
savons  certainement  que  nous  afons  oCTensô. 
Dieu,  mais  nous  ne  savons  pas  s*U  nous, 
a  pardonné. Qui  osera  marcher  tête  levée? 
Qmî  ne  se  confondra  et  ne  s'abaissera  pas 


jusqu^au  centre  de  la  terre,  dans  une  incer- 
titude si  étrange  ?  C'est  ce  qui  a  fait  dire  à 
saint  Grégoire ,  que  Dieu  a  voulu  que  nous 
ne  fussions  pas  assurés  de  sa  grâce,  afin  que 
nous  eussions  toujours  une  ^âce  assurée^ 
qui  est  celle  de  Thumilité. 

Si,  outre  cel<%  nous  nous  arrêtons  à  consi- 
dérer  les  malheurs  et  les  préjudices  causés 
par  le  péché  originel,  que  de  sujets  de  nous 
numilîer  et  de  nous  méi^iser,  en  songeant 
combien  la  nature  a  été  corrompue  en  nous 
par  le  péché  !  De  même  qu'une  pierre  est 
attirée  en  bas  par  sa  pro;)re  pesanteur,  de 
inême  par  le  pédié  originel  nous  som* 
mes  portés  à  tout  ce  qui  regarde  notre 
chair,  notre  vanité  et  notre  intérêt.  Nous 
avons  un  sentiment  très-vif  pour  les  cho- 
ses de  la  terre,  et  très-peu  de  goût  pour 
celles  du  ciel;  ce  qui  devrait  obéir  en  nous 
y  commande,  et  ce  qui  devrait  y  comman^ 
der,  obéit.  Nous  sommes  si  malheureux^ 
gu'étaiit  nés  pour  le  ciel,  nous  avons  des 
inclinations  de  bêtes,  et  des  cœurs  inclinés 
vers  la  terre.  Le  cœur  de  Vhomme  est  trom^ 
peur  et  plein  de  détours^  dit  Jérémie;  quji 
pourra  le  connaître?  (Jer.  xvii.)  C'est  cette 
muraille  d*Ezéchiel  :  (lus  .on  y  creusera, 
plus  on  découvrira  d*aboroinations.  Mais 
si  nous  jetons  la  vue  sur  nos  défauts  qui 
sont  notre  propre  fonds,  que  de  motifs 
de  nous  confondre  ny  verrons-nous  pas? 
Quelle  est  l'intempérance  de  notre  Jangue^ 
et  avec  quelle  négligence  ne  gardonss-noas 
pas  notre  cœur!  Comme  nous  sommes  io-r 
constante  dans  nos  bonnes  résolutions  et 
amateurs  de  notre  intérêt  etde  nos  aisesl 
Comme  nous  sommes  ardents  à  faire  ce  qui 
nous  platt,  et  remplis  d'amour  propre  | 
Comme  nous  sommes  attachés  à  noire  vo- 
lonté et  à  nos  sentiments  ;  violents  dans 
nos  passions,  fermes  dans  nos  mauvaises 
habitudes,  et  faciles  à  nous  laisser  aller  à 
nos  mauvais  penchants.  Saint  Grégoire 
écrivant  sur  ces  paroles  de  Job  :  Vous  mom^ 
irez  votre  pouvoir  contre  une  feuille  que  U 
vent  emporte  (Job  xiii),  dit  avec  raison  que 
l'homme  est  semblable  A  une  feuille  d'arbre^ 
car  de  même  qu'une  feuille  remue  au  moin^ 
dre  vent,  de  même  l'homme  se  laisse  agiter 
facilement  par  les  vents  des  passions  et  des 
tentations.  Tantôt  il  se  laisse  emporter  à 
la  colère,  et  tantôt  il  s'abandonae  A  une 
vaine  joie  ;  tantôt  l'avarice  et  l'ambilion.  la 
tourmentent,  tantôt  le  plaisir  et  la  sensua- 
lité Tenlrainent  ;  tantôt  l'orgueil  Télève,  et 
tantôt  la  crainte  ou  le  trouble,  l'abat.  Aussi 
lé  prophète  Isaïe  dit-il-avec  raison  :  que  noiif 
sommes  tous  tombés  comme  des  feuilles,  et  qus 
nos  iniquités  sont  U  vent  qui  nous  emporte, 
(Isa.  Liiv.)  Le  nK>indre  vent  des  tentations 
nous  renverse  et  nous  emfiorte  ;  nous  n'a- 
vons aucune  fermeté  dans  la  vertu  et  nos 
bonnes  résolutions  ;  nous  avons  donc  eu 
cela  bien  sujet  de  nous  humilier  et  d% 
nous  cou i'ondre.  Non-seulpment  nos  péchés 
et  nos  défauts  nouS:en  d<«nncnt  sujet,  mais 
même  nos  bonnes  actions,  si  ^nous  ex^mir 
nous  do  près  de  combien  de  fautes  et  d'iuay 
perfections  elles  sont  souvent  mêlées^  sjvj«- 


^M» 


CO.N 


MCTSONNAinE 


CON 


4a 


» 
I 

^ 


ynht  les  paroles  du  même  prophète  :  Nom 
$otnme$  ious  devenue  comme  des  gens  immon-^ 
des,  et  toutes  nos  bonnes  œuvres  sont  comme 
un  linge  souillé  de  sang  corrompu  {Isa.  Liir.) 
2"*  La  connaissance  dé  soi-même  est  le 
iieroin  le  plus  sûr  pour  arriver  à  la  con- 
naissance et  fa  Taraour  de  Dieu.  La  raison 
qu*en  donne  saint  Bernard  est  que  cette 
science  étant  bien  aussi  sublime  que  les 
autres,  elle  nous  mène  aussi  plus  directe- 
ment à  Dieu.  Saint  Bonaveolure  dit  que 
c*e$t  ce  que  le  Sauveur  du  monde  nous  a 
fait  entendre  par  la  guérison  de  l'aveugle- 
né  ;  il  lui  donna,  en  lui  frottant  les  yeux 
d'un  peu  de  boue,  la  vue  du  corps  pour 
se  voir  lui-même,  et  celle  de  Tâme  pour 
connaître  Dieu  et  Tadorer.  C*est  ainsi,  dit- 
il  ,  qu'étant  nés  aveugles  et  dans  Tigno- 
rance  de  Dieu  et  de  nous-mêmes,  le  Sei- 
gneur nous  éclaire  en  nous  frottant  lesyeui 
du  limon  dont  nous  sommes  nés,  afin  que 
nous  commencions  d*abord  à  nous  connaî- 
tre, et  que  nous  adorions  ensuite  avec  une 
foi  vive  celui  dont  nous  avons  reçu  la  lu- 
mière. C*est  aussi  ce  que  TEglise  nous  ensei- 
gne dans  la  cérémonie  des  cendres  en  nous 
disant  :  Souvenez-vous^  homme,  que  vous  êtes 
poussière^  et  que  vous  retournerez  en  pouf- 
siêre.  (Gen.  m.)  Elle  nous  remet  devant  les 
yeux  ce  que  nous  sommes,  ajin  que  par  la 
connaissance  de  nous-mêmes^  nous  venions 
h  reconnaître  Dieu,  à  nous  repentir  de  nos 
fautes  et  è  en  faire  pénitence.  La  connais- 
sance de  nous-mêmes  est  donc  un  moyen 
de  parvenir  à  celle  de  Dieu;  et  plus  nous 
considérerons  la  bassesse  de  notre  origine, 
plus  nous  connaîtrons  la  grandeur  de  Dieu, 
suivant  cet  adage  que  rien  ne  fait  mieux 
connaître  les  choses  opposées  qu'en  les  rap- 
prochant Tune  de  rautre.  Or,  Thomcue  est 
rextrême  bassesse  et  Dieu  l'extrême  gran- 
deur ;  c*esi  pourquoi,  plus  l'homme  se  con- 
naît et  sait  que  de  lui-même  il  n'est  que 
misère  et  péché,  plus  il  connaît  quelle  est 
)a  bonté  et  U  miséricorde  de  Dieu  d'aimer 
une  chose  ao>si  abjecte  que  l'homme.  Par 
cette  considération,  l'âme  s'enflamme  en- 
core de  plus  en  plus  dans  l'amour  de  Dieu, 
ne  cessant  de  le  remercier  pour  tant  de 
bienrnits  répandus  sur  une  misérable  créa- 
ture, et  de  s'étonner  que,  les  hommes  ayant 
lant  de  peine  fa  se  souUrir  mutuellement. 
Dieu,  non-seulement  aii  la  bonté  de  les 
»oufTrir,  mais  de  dire  que,  ses  délices  sont 
d être  avec  les  enfants  des  hommes  [Prov.  viii). 
C'est  ainsi  que  pour  parvenir  è  une  plus 
grande  connaissance  et  è  un  plus  grand 
4imour  de  Dieu,  les  saints  s'appliquaient  fa 
ia  connaissance  d'eux-mêmes  ;  c'est  pour 
«ela  que  saint  Augustin  avait  coutume 
de  dire  :  «  Mon  Dieu,  faites  que  je  me 
connaisse  et  ()ue  je  vous  connaisse.  »  Saint 
François  Xavier  s'écriait  jour  et  nuit  :  «  Qui 
êtes-vous,  6.  mon  Dieu  1  et  qui  suis-je?  » 
C'est  pir-lfaque  tant  de  saints  sont  arrivés 
à  une  si  haute  connaissance  de  Dieu.  Cette 
vole  eit  donc  infaiUilHe  :  car  plus  vous  vous 
anéantirez  dans  la  connaissance  de  voUs- 
^lutmes,  plus  vous  vou^  élèverez  dans  celle 


de  Dieu  ;  et  plus  vous  vous  élèverez  dans 
celle  de  Dieu,  plus  vous  profiterez  dans 
celle  de  vous-mêmes,  parce  que  la  lumière 
du  ciel  pénètre  dans  les  replis  les  plus  se- 
crets duciBur,  et  nous  fait  trouver  des  sujets 
de  confusion  dans  les  choses  qui  parais» 
sent  les  meilleures  aux  yeux  du  monde.  De 
même,  dit  saint  Bonaventure,  que  quand 
les  rayons  du  soleil  entrent  dans  une  cbam- 
bre  on  y  découvre  mille  atomes  qu'on  D*y 
voyait  pas  auparavant  ;  de.  même  lorsque 
notre  cœur  est  irappédes  rayons  de  la  grAcei 
Tême  y  aperçoit  jusqu'aux  moindres  im- 
perfections dans  les  choses  qui  semblent 
parfaites  fa. ceux  qui  ne  sont  pas  frappés 
d'une  lumière  si  vive. 

3^  De  tout  ce  qu'on  vient  de  dire,  ood« 
cluons  combien  il  importe  de  se  bien  con- 
naître. Thaïes ,  l'un  des  sages  de  la  Grèce 
interrogé  quelle  était  la  connaissance  la  plus 
difficile  fa  acquérir,  répondit  que  c'était  celle 
de  soi-même,  comme  ayant  pour  obstacle 
l'amour-propre.  De  Ifa,  cet  axiome  si  célèbre 
parmi  les  anciens  :  Connaissez-vous  vo}u* 
même.  Puis  celte  autre  d'un  philosophe  :  «  De- 
meurez avec  vous.  »  Mais  laissons  de  cêté  ces 
enseignements  païens  pour  en  venir  fa  ceux 
des  philosophes  chrétiens,  les  meilleurs  maî- 
tres en  cette  matière.  Saint  Augustin  et  saint 
Bernard  disent  :  la  plus  sublime  et  la  plus  utile 
des  connaissances  est  celle  de  soi-même.  «Les 
hommes,  dit  saint  Augustin ,  font  beaucoup 
de  cas  des  sciences  qui  leur  apprennent  ta 
disposition  du  ciel  et  de  la  terre  et  leur  donne 
la  connaissance  du  mouvement  descieui.da 
cours  des  planètes,  de  leurs  influt^nces  et  de 
leurs  vertus,  mais  ia  science  la  plus  utile  et 
la  plus  élevée  est  celle  de  soi-même.  »  «  Les 
autres  sciences,  dit  saint  Paul,  nous  enflent 
et  nous  détruisent,  mais  celle-ci  nous  abaisse 
et  nous  édifie.  »  Aussi  les  maîtres  de  la  vie  spi- 
rituelle n  )us  recommandent  cet  exercice  pen- 
dant l'oraison,  et  blâment  ceux  qui  passant  lé- 
gèrement sur  les  défauts  qui  leur  font  le  plus 
de  peine  fa  regarder,  perdent  du  temps  sur 
une  mêdilatiou  pieuse  où  ils  éprouvent  de 
la  douceur,  a  Si  vous  voyiez  ce  que  tous 
êtes,  dit  saint  Bernard,  parlant  au  nom  de 
Dieu,  vous  vous  déplairiez  et  vous  me  plai- 
riez; mais,  comme  vous  ne  vous  voyez  pas, 
vous  vous  plaisez  et  tous  me  déplaisez.  Un 
temps  viendra  que  vous  ne  plairez  ni  k  tous 
ni  fa  moi.  Vous  ne  me  plairez  pas,  parce  que 
vous  avez  péché;  vous  ne  vous  plairez  pas, 
parce  que  vous  aurez  causé  votre  perte  éier- 
nelle.  ^  -—  Saint  Grégoire  traitant  le  même 
sujet  dit  qu'il  y  en  a  qui  croient  ê.refoints 
i\^  qu'ils  commencent  fa  servir  Dieu,  et  à 
faire  quelques  actes  de  vertu  :  ils  s^altacbent 
tellement  fa  regarder  le  bien  qu'ils  font,  qu*ils 
perdent  de  vue  leurs  péchés  et  ne  voient  pas 
même  parfois  ceux  qu*ils  commettent,  ûs 
véritables  gens  de  bien  font  ie  contraire, cor 
remplis  de  veftus  et  de  bo  mes  oeuvres,  ils 
regardent  ce  qu'il  y  a  de  uiauvaîs.en.euxal 
ont  toujours  V^s  yeux  sur  leurs  imperft'C- 
tiens  et  leurs  défeuls.  D  après  cela,  il  arrîTe 
aue  tous  s'humiliant  fa  ta  vue  de  leurs  dé- 
lauis,  conservent  eu  eux  leurs  verluSf  taudis 


AWt 


CON 


D^ASCCTISUE. 


CO^ 


4«e 


qae  les  «utres  se  glorifiant  de  leurs  bon- 
nes actions»  les  perdent  par  leur  orgueil 
•t  se  perdent  eux-mêmes.  Ainsi  les  uns 
se  serrent  si  bien  de  ce  qu'ils  ont  de  mau- 
vais qa*ils  en  tirent  du  proGt,  et  les  autres 
tournent  k  leur  dommage  le  bien  qu'ils 
o  t.  «  Lorsque  le  démon»  dit  le  même  saint» 
Teul  TOUS  inspirer  de  la  vanité  pour  vos 
bonnes  actions»  opposez- lui  le  souvenir 
de  Tos  péchés.  »  C'est  ce  que  faisait  ra|i6- 
tre»  qui,  craignant  que  la  grandeur  de 
ses  révélations  et  des  merveilles  que  Diea 
aT  it  Ofiérées  par  lui  ne  lui  donnât  trop  de 
▼.snité»  se  souvenait  d*aToir  été  on  blasphé- 
mateur et  d*avoîr  pt*rsécuté  et  outrage  les 
serviteurs  de  Jésus-Chi ist.  JenesuUpoM  di- 
gne déire  appelé  apôtre^  disait- il»  puismefai 
perêéemié  FEgtise  de  Dieu.  .7  Cor.  it.)  Con- 
tre de  telles  attaques»  il  n  /  a  pas  de  meil- 
leur moyen  que  de  se  rappeler  ses  péchés 
passés. 

Saint  Jérôme  écrivant  sur  ces  paroles  de 
range  Gabriel  au  projihète  Daniel  :  Fils  de 
rkowume^  écoutes  ce  que  je  veux  voue  dire  {Dij^ 
miel  vni}»  dit  que  les  anciens  prophètes  sem- 
b  aient  déjà  être  devenus  des  anges  par  la 
soblimilé  de  leurs  révélations  continuelles. 
De  peur  qu'ils  n'oubliassent  leur  condition 
en  se  croyant  d'une  nature  tout  angélique; 
l'ançe  leur  rappelait  par  ordre  de  Dieu  la 
fragi!i;é  et  la  misère  de  leur  origine»  en  les 
appt-lant  /f/i  de  Vhomme^  a6n  qu^n  considé- 
rant ce  qu'ils  étaient,  ils  s'humiliassent  dans 
la  connaissance  de  leur  nature.  Dans  Tfais* 
toire  ecclésiastique  et  l'histoire  profiine» 
nous  avons  beaucoup  d'exemples  sembla- 
bles, où  plusieurs  saints  et  autres  grands  per- 
sonnages se  servaient  d'un  tel  moyen  pour 
se  préserver  de  la  vanité;  ils  gardaieht  au- 
prâ  d'eux  quelqu'un  pour  les  avertir  de 
temps  en  temps  qu*ils  étaient  hommes. 

CX>NSEILS  EVANGBLIQUES»  ou  Maxixes 
wm  rBBFBcnoif.  —  Jésus-Chrisl  les  distingue 
évidemment  d'avec  les  préceptes.  Un  jeune 
homme  lui  demandait  ce  qu'il  faut  iaire 
pour  obtenir  la  vie  éternelle»  Jésus  lui  ré- 
pondit :  Gardes  les  commandements.  —  Je  les 
a  observée  die  ma  jeunesse^  répondit  ce  prose* 

Zle»  gue  me  manque  t-il  encore  f  Si  vous  vou* 
t  être  par  fait  f  répliqua  le  Sauveur»  allex 
tendre  ce  que  vous  possédez^  donnez-le  aux 
pauvres 9  vous  aurez  un  trésor  dans  le  ciel, 
alor»  venez  et  suivez-moi.  IMatth.  xix»  16; 
Jforc.  X»  17  ;  Lue.  xviii»  18.)  Selon  ces  paroles» 
ee  que  Jésus-Christ  lui  pro(K)sail  n'était  pas 
o^^essaire  pour  obtenir  la  vie  éternelle»  mais 
pour  pratiquer  la  perfection  et  pour  être  ad- 
mis au  ministère  a|»ostolique. 

Plusieurs  censeurs  de  l'Bvangile  ont  dit 
que  la  distinction  entre  les  préceptes  et  les 
conseils  e^t  une  subtilité  inventée  par  les 
thécdogiens  |K)ur  pallier  l'absurdité  de  la 
morale  chrétienne.  Il  est  clair  que  ce  repro- 
che est  trèf-mal  fondé.  La  loi  ou  le  précepte 
se  borne  à  défi?ndrecequi  est  crime»  è  com- 
mander ee  qui  est  devoir;  les  conseils  doi- 
vent aller  plus  loin  pour  la  sûreté  même  de 
la  loi;  quiconque  veut  &'en  tenir  à  ce  qui 


est  étroitement  commandé,  ne  tardera  pas 
de  violer  la  loi. 

D'autres  ont  été  scandalisés  du  terme  de 
conseils  ;  il  ne  convient  pas  k  Dieu,  disent- 
ils  de  conseiller»  mais  d'ordonner.  Cette  ob- 
servation n'est  pas  plus  juste  que  la  précé- 
dente. Dieu  législateur  sage  et  non»  ne  me*, 
sure  point  l'étendue  de  ses  lois  sur  celle  de 
son  sonverain  domaine»  mais  sur  la  faiblesse 
de  l'homme;  après  avoir  commandé  en  ri- 
gueur, sous  raitemative  d'une  récompense 
ou  d'une  peine  éternelle,  ce  qui  est  absolu- 
ment nécessaire  an  bon  ordre  de  l'univers 
et  au  maintien  de  la  société,  il  peut  montrer 
è  rhomme  un  p!us  haut  degré  de  vertu»  lui 
promettre  des  grtces  pour  y  atteindre,  lui 
proposer  une  plus  erande  récompense.  C'est 
ce  qu'a  fait  Jésus-Christ.  En  général,  on  ne 
peut  donner  à  l'homme  une  trop  haute  idée 
de  la  perfection  k  laquelle  ilpeut  s'élever 
avec  le  secours  de  la  grâce  divine.  Dès  gu'il 
est  pénétré  de  la  noblesse  de  son  origine  » 
de  la  grandeur  de  sa  destinée,  des  pertes 
qu'il  a  faites,  des  moyens  qu'iPa  de  les  ré- 
parer, do  prix  que  Dieu  r&erve  à  la  vertu, 
il  n'est  rien  dont  il  ne  soit  capable,  l'exem- 
ple des  saints  en  est  la  preuve. 

Au  reste,  la  prévention  des  incrédules 
contre  les  conseils  évangéli(]iies  leur  vient 
des  protestants  ;  ceux-ci  n'en  ont  pas  parlé 
d'une  manière  plus  sensée.  Ils  ont  dit  que 
Jésus-Christ  avait  prescrit  à  tous  ses  disci- 
ples une  seule  et  même  règle  de  vie  et  di; 
mœurs;  mais  que  plusieurs  chrétiens,  soit 
par  le  goût  d'une  vie  austère,  soit  pour  imi- 
ter certains  philosophes ,  prétendaient  que 
le  Sauveur  avait  établi  une  double  règle  de 
sainteté  et  de  vertu  :  l'une  ordinaire  et  com- 
mune» l'autre  extraordinaire  et  plus  sublime; 
la  première»  pour  les  personnes  engagées 
dans  le  monde;  la  seconde»  pour  ceux  qui, 
vivaiit  dans  la  retraite,  n'aspiraient  qu'an 
bonheur  du  ciel;  qu'ils  distinguèrent  con- 
séquemment,  dans  la  morale  chrétienne,  les 
préceptes  obligatoires  pour  tous  les  hommes, 
et  les  conseils  qui  regardaient  les  Chrétiens 
plus  parfaits.  Celte  erreur,  dit  Mosbeim, 
vint  plutôt  d'imprudence  que  de  mauvaise 
Tolo'ité;  mais  elle  ne  laissa  pasd'en  produire 
d'autres  dans  tous  les  siècles  de  l'Eglise,  et 
de  multiplier  les  maux  sous  lesquels  l'Evan-. 
gile  a  souvent  gémi.  Hais  nous  demandons 
aux  protestants  si  Jésus-Christ  imposait  un 
précepte  i  tous  les  Chrétiens,  lorsqu'il  di- 
sait :  Quiconque  Centre  vous  ne  renonce  pas 
à  tout  ce  quHl  possède^  ne  peut  pas  être  mon 
disciple.  (Luc.  XIV,  33.}  Heureux  les  pauvris^ 
ceux  qui  ont  faim^  ceux  qui  pleurent  t  don^ 
nez  à  quiconque  vous  demande^  et  s'il  vous  m- 
lève  ce  qui  vous  appartient^  ne  le  répétez  pas^ 
{Luc.  VI,  20,  30.)  Si  quelqu'un  veut  venir 
après  moi,  ^u'il  renonce  à  lui-même^  qu'il 
porte  sa  croix  tous  lesjours^  et  qu'il  me  suite, 
{Luc.  IX,  S3.}  il  y  a  des  eunuques  qui  oni  re* 
nonce  au  mariage  pour  le  royaume  des  deux; 
que  celui  qui  peut  le  comprendre  le  eom-- 
prenne  {Uatth.  xix,  12.)  Les  commentateurs, 
même  protestants,  ont  été  forcés  de  re- 
connaître dans  ce  passage  un  conseil  et  non 


^67 


COiX 


DiGTIONNAmE 


coii 


«M 


ùQ  préeepte.  Voyez  la  Synapse  sur  cet  en- 
droit. 

Saint  PauJ  a  dit  (ICor.  vu,  40)  :  Une  veuve 
êera  plus  heureuse  si  elle  demeure  dans  cet 
étatf  selon  mon  conseil  :  oVf  je  pense  que  fai 
aussi  l'Esprit  de  Dieu,  En  exhortant  les  Co- 
rinthiens èdes  aumônes,  il  leur  dit  :  Je  ne 

t>ous  fais  pas  wa  cotftmandement mais  je 

vous  donne  un  conseil^  parce  que  cela  vous  est 
utile.  (II  Cor.  yiii,  8,  10.)  £l  aui  Galates 
(v,  ^\)  :  Ceux  qui  sont  à  Jésus-Christ  ont 
'crucifié  leur  chair  avec  ses  vices  et  ses  corrup- 
tions. Si  les  Chrétiens  du  ii*  siècle  se  sont 
trompés  en  distinguant  les  conseils  d*avec 
les  préceptes,  c'est  Jésus-Christ  et  saint 
taul  qui  les  ont  induits  en  erreur.  Pour  es- 
timer et  pour  pratiquer  des  austérités,  des 
mortifications,  des  abstinences,  et  le  renon- 
eemenl  aux  commodilés  de  la  vie,  ilsn*ont 
pas  eu  besoin  de  consulter  l'exemple  des 
philosophes,  le  goût  des  Orientaux,  ni  les 
fnœurs  des  essériiens  et  des  thérapeutes;  il 
leur  a  suffi  de  Tire  l'Evangile. 

Voici  comment  le  docteur  Angélique  ex- 
pose la  doctrine  des  conseils  évangéliques. 
Cette  exposition  est  on  no  peut  plus  daire 
et  plus  juste. 

11  y  a  cette  différence  entre  le  conseil  et  le 
précepte^  que  le  précepte  emporte  la  néces- 
sité, et  le  conseil  repose  sur  le  choix  de 
celui  h  qui  il  est  proposé  :  c'est  pourquoi 
dans  la  loi  nouvelle  qui  est  une  loi  de  liberté^ 
on  a  convenablement  surajouté  les  conseils 
aux  ()réceptcs  ;  mais  on  ne  Va  point  fait  dans 
)a  loi  ancienne  qui  est  une  loi  de  servitude. 
Il  faut  donc  comprendre  que  les  préceptes 
de  la  nouvelle  loi  sont  donnés  pour  ordon- 
[iier  les  choses  oui  sont  nécessaires  pour 
obtenir  la  fin  de  réternelle  béatitude,  dans 
laquelle  la  loi  nouvelle  introduit  immédia-^ 
lemont.  Mais  les  conseils  ont  pour  objet  les 
choses  parlesquelles  riiommeoblient  mieux 
ai  plus  sûrement  laQn  susdite.  L'homme  est 

t)(acé  entre  les  biens  de  ce  monde  et  les 
nens  spirituels,  dans  lesquels  consiste  l'é- 
ternelle béatitude,  de  manière  à  ce  qu'il 
s'approche  d'autant  plus  de  l'une  de  ces  sor- 
tes de  biens  qu'il  s  éloigne  plus  de  Tautre, 
et  vice  versa.  Celui  donc  qui  s'attache  tota- 
lement aux  choses  de  ce  monde,  qui  y  trouve 
sa  fin<  les  considérant  comme  les  raisons  et 
les  régulateurs  de  ses  actions;  celui-là  est 
tout  à  fait  fruslré  des  biens  spirituels  :  et 
ce  genre  de  désordre  est  combattu  par  les 
i)récept(;s.  Mais  que  l'homme  se  dépouille 
lolalement  de  ce  qui  est  de  ce  monde,  cela 
n'est  point  nécessaire  pour  atteindre  la  Qn  de 
Thomine  :  car  il  peut  atteindre  réternelle 
iiéalitude  en  usant  des  choses  de  ce  monde, 
pourvu  qu'il  n'y  place  pas  sa  fin,  mais  il  y 
parviendra  plus  sûrement  et  plus  vile  en.se 
dépouillant  totalement  des  biens  de  ce 
Inonde  i  c'est  dans  ce  but  que  sont  donnés 
les  conseils  évangéliques.  Or  les  biens  de 
Çd  monde  qui  servent  à  Tusage  de  la  vie  se 
divisent  en  trois  classes  :  Il  y  a  les  richesses 
des  biens  extérieurs  qui  se  rapportent  à  la 
concupiscence  des  yeux;  et  les  délices  de  la 
Oboir  qui  ee  rapportent  à  la  concupiscence 


de  la  chair;  et  les  honneurs  qui  se  rappor* 
tent  à  l'orgueil  de  la  vie,  comme  il  parait 
par  l'apôtre  saint  Jean,  chap.  ii.  Fouler  aux 
pieds  ces  trois  sortes  de  biens  autant  qne 
cela  est  possible,  voilà  l'objet  des  conseils 
évangéliques.  C'est  dans  ces  trois  points 
que  se  résument  tous  les  instituts  religieux 
qui  se  destinent  à  la  pratique  de  la  perfec'* 
lion  :  car  les  richesses  sont  méprisées  par  la 
pauvreté;  les  déliées  de  la  chair  par  la  chas- 
teté perpétuelle;  et  l'orgueil  de  la  tie  par 
la  servitude  de  l'obéissance. 

Ces  choses  simplement  observées  appar- 
tiennent aux  conseils  absolument  proposés: 
mais  l'observance  de  chacun  d'eux  dans  un 
cas  particulier  appartient  au  conseil  évangé" 
Tique  dans  un  sens  restreint  {secundumquiit\i 
par  exemple  lorsque  quelqu'un  fait  une  au- 
mône à  un  pauvre  auquel  il  n'est  pas  obligé 
de  donner,  il  suit  le  conseil  dans  celte  ac- 
tion spéciale.  De  même  lorsque  pendant  m\ 
temps  déterminé  il  s'abstient  des  plaisirs 
permis  de  la  chair  pour  vaquer  à  l'oraison^ 
il  suit  le  conseil  pendant  ce  temps.  De  mêtua 
lorsque  quelqu'un  ne  suit  pas  la  volonté 
(tans  un  cas  particulier,  ce  qui  cependant 
est  supposé  trés-permis,  par  exemple,  îors- 

Su'il  fait  du  bien  à  un  ennemi  ou  qu'il  ne 
oit  point  ce  bienfait,  ou  s'il  n*exi|j;e  point 
de  satisfaction  d'une  offense  pour  laqucilo 
ri  pourrait  en  exiger,  il  accomplit  un  con- 
seil dans  ces  circonstances*  C'est  ainsi  que 
tous  les  conseils  pratiqués  dans  les  cas  par- 
ticuliers se  rapportent  à  ces  trois  conseils 
généraux  et  pariaits  que  nous  avons  vus.  > 
'  Les  conseils  évangéliques  sont  la  raison 
de  l'existence  des  ordres  religienx,  des  SO' 
litaires,  des  contemplatifs,  des  ouvrages 
mystiques  et  de  tout  ce  qui  touche  à  la  vio 
ascétique,  puisque  sans  les  conseils  évan- 
géliques tout  retomberait  dans  la  vie  com- 
mune. [Voy.  Moines.) 

Les  conseils  évangéliques  sont  la  gloire 
de  la  religion,  ce  beau  idéal  de  la  perfec- 
tion morale^  Nos  anciens  apologistes  nous 
attestent  que  la  mortification,  la  cliastdé, 
le  désintéressement  des  premiers  Chrétiens, 
aussi  bien  que  leur  douceur,  leur  chariié 
et  leur  patience  ont  causé  de  Tadmiiation 
aux  païens,  et  ont  produit  une  infinité  de 
conversions.  Dans  les  siècles  suivants,  les 
mêmes  vertus,  pratiquées  par  les  solitaires, 
ont  fort  adouci  la  férocité  des  barbai*es;  et 
si  les  missionnaires  qui  ont  converti  les 
peuples  du  Nord  n'avaient  pas  pratiqué  les 
conseils  évangéliques,  ils  n'auraient  pas  at- 
tiré peut-ôtre  un  seul  prosélyte. 

CONTEMPLATION,  sa  définition,  ses  pro- 
priétés, sa  division,  les  règles  pour  s'y  préparer 
et  s'y  bien  conduire.  —  1%  A  l'union  obscure 
de  Vabandon  succède  ordinairement  une  au- 
tre union  de  l'âme  avec  Dieu,  union  pleine 
de  suavité  et  qui  se  fait  parla  contemplation. 
(Yoy.  Abandon.)  La  contemplation  mysti- 
que est  une  élévation  de  Ta me^  vers  Pieu 
et  vers  les  choses  divines,  par  une  siinj)le 
intuition  admiralive  et  toute  brûlante  dua 
suave  et  ardent  amour  pour  les  choses  tli* 
vinos* 


469 


C05I 


D'ASCETISMB. 


GON 


Noas  parlons  ici  de  la  cooleroplatîoa  di- 
vine, théologique,  mystique  et  affective,  qui 
illumine  Tintelligence  et  enflamme  l'affec- 
tion d*une  manière  spéciale,  sublime  et  en 
quelque  sorte  surhumaine,  non  par  le  rai- 
sonnement, mais  autant  qu'il  e$i  possible 
ici-bas,  par  l'intuition  des  mystères  de  Dieu, 
intuition  qui  excite  à  l'amour  divin.  C'est 
ce  qui  a  fait  donner  par  les  mystiques  à 
la  contemplation  le  nom  de  théologie  mysti" 
qu€»  il  ne  s'agit  donc  pas  ici  de  la  contem- 
plation purement  philosophique,  par  la- 
quelle les  philosophes  peuvent  aussi  con- 
templer Dieu  par  les  lumières  de  la  nature, 
ainsi  que  le  tirent  ou  purent  le  faire  ces 
philosophes  dont  fiarle  saint  Paul  (Hoir,  i, 
2):  Il  ne  s'agit  pas  non  plus  de  la  contem- 
plation théoTogique  purement  spéculative, 
par  laquelle  le  théologien,  aide  de  la  lu- 
inière  de  la  foi,  contemple  Dieu;  cardans  le 
philosophe  comme  dans  le  théologien,  cette 
contemplation  est  vaine,  si  elle  procède  de 
la  curiosité  et  ne  tend  pas  vers  l'amour. 

La  contemplation  a  été  diversement  dé- 
finie par  différents  mystiques.  Saint  Au- 
gustin, ou  plutôt  quelque  autre  docteur 
postérieur  à  Boèce,  la  aéOnit  ainsi  (L.  de 
spir.  et  anim.^  c.  33)  :  c  La  contemplation 
est  l'admiration  délicieuse  de  Téclatante 
vérité.  »  Saint  Bernard  (L.  de  tckoL  clausir.^ 
c.  1),  dit  :  «  La  contemplation  est  une  cer- 
taine élévation  de  l'âme  attentive  vers  Dieu, 
goûtant  les  joies  de  réternelle  douceur.  • 
Il  dit  encore  (£.  de  consid.  c.  2)  :  c  La  con- 
templation peut  se  déQnir  une  intuition 
▼éritable  et  certaine  de  l'âme  sur  chaque 
chose,  ou  bien  la  possession  non  douteuse 
du  vrai.  »  Richard  de  Saint-Victor  (L.  i  De 
eoHiempt.^  c.  k)  en  donn*3  une  double  défi- 
nition :  la  première  est  de  lui-même  :  «  La 
eoutemplation  est  une  libre  perspicacité  de 
l'esprit,  en  suspens  dans  la  considération 
et  I  admiration  du  spectacle  de  la  sagesse.  » 
La  seconde  est  de  Hugues  de  Saint-Victor  : 
«  La  contemplation  est  une  intuition  perspi- 
cace et  libre  de  l'esprit  se  livrant  à  la  con- 
sidération des  choses.  »  Saint  Bonaven- 
ture,  Gerson  et  Harpius  la  déiinissent  de 
la  même  manière  que  Richard  de  Saint- 
Victor.  Selon  saint  Thomas  (2-2,  q.  180, 
a  3,  ad.  i),  c  la  contemplation  se  rapporte  à 
la  simple  intuition  de  la  vérité.  »  Il  «ijoute 
(ad  3}  «  qu'elle  se  termine  en  affection.  » 
C'est  ce  que  prouve  saint  Bonaventure  d'a- 
près la  déOuition  de  Richard,  en  disant  : 
•  Ou  voit  par  là  que  Richani  ne  regarde  pas 
la  contemplation  précisément  comme  un 
acte  de  l'intelligence,  mais  comme  renfer- 
uiaot  encore  une  affection  pleine  de  dou- 
ceur. Le  mot  sagesse  {sapieniia)  vient  de 
iapor  (goût),  comme  le  dit  saint  Bernard, 
et  l'objet  principal  et  premier  de  la  sa- 
gesse est  Dieu  lui-même;  aussi,  la  vérité, 
en  tant  qu'elle  eicite  la  volonté  à  ce  suave 
amour  aelle^méme  et  constitue  ainsi  l'acte 


(151)  Ighur  tpeeîacula  sapientiœ  êicufeognitioveri 
et  amof^  nve  $apor,  boni,  (S.  Beay.)  Speclacnla  sa- 
piemiim^  mot-à-mot ,  phénomène*  de  U  sagcs^;  il 


véritable  de  sagosse,  consiste  dans  la  con- 
templation de  Dieu,  non  faite  d'une  ma- 
nière ordinaire,  mais  accompagnée  d*amour 
et  d'une  certaine  douceur  expérimentale. 
L'acte  même  proprement  dit  de  la  sagesse 
consiste  donc  dans  la  connaissance  du  vrai 
et  l'amour  on  le  goût  (sapor)  du  bien  (151^.  • 
Enfin,  Benoît  XIV  {de  Beatif.  et  canon,^  1.  m, 
c.  26)  décrit  ainsi  la  contemplation  :  c  C'est' 
une  simple  intuition  intellectuelle  a\i€  un 
amour  suave  des  choses  divines  et  des  véri- 
tés révélées,  procédant  de  Dieu,  qui  appliquo 
d'une  manière  spéciale  l'intellect  à  l'intui- 
tion et  la  volonté  è  rinlelligence  de  ces  vé- 
rités révélées,  et  qui  concourt  à  ces  actes 
ftar  les  dons  du  Saint-£«pril,  c'est-à-dire  par 
'intelligence  et  la  sagesse,  en  éclairant  l'io- 
tellect  et  en  enflammant  la  volonté. 

Toutes  ces  déûuitions  de  la  contempla- 
tion, bien  qu'elles  ne  soient  pas  toutes  es- 
sentielles et  spéciûques,  coïncident  cepen- 
dant avec  la  nôtre  en  tant  qu'elles  s'efforcent 
de  la  décrire  par  ses  propriétés.  £n  effet 
cette  admiration  pleine  de  douceur  de  Vécla-- 
tante  vérité^  cette  élévation  de  Pâme  attentive 
vers  Dieu  f  et  y  goûtant  les  joiei  éternelles^ 
cette  véritable  et  certaine  intuition  de  Ves^ 
pritf  celte  intuition  perspicace  de  l'esprit^ 
en  suspens  dans  le  spectacle  de  l'éternelle 
sagesse,  enGn  celle  intuition  simple  de  la 
vérité^  se  terminant  en  affection  et  accompa- 
gnée d'un  délicieux  amour  dtrin,   ne  sont 
autre  chose  qu'une  certaine  élévation  do 
l'esprit' en  Dieu,  par  une  intuition  simple  et 
h  la  fois  ardemment  affectueuse  :  dans  les 
actes  de  contemplation,  en  effet,  l'admira- 
tion, la  suspension,  le  goût,  la  libre  diffu- 
sion,  etc.  ,•   sont  au   moins   viriuellemenC 
contenus,  ou  du  moins  en  résultent.  Ensuite 
rien  ne  convient  mieux  h  la  contemplation, 
que  de  l'a^ipeler  une  élévation  de  rame  en 
Vieuy  détînition  qui  convient  à  toute  prière, 
et  surtout  è  la  prière  mentale.  La  contem- 
plation est  une  élévation  de  l'âme  par  sim- 
ple  intuition;  c'est  en  cela  qu'elle  diffère  de 
la  méditation,  qui  procède  par  le  raisonne- 
ment et  qui  émeut  la  volonté.  Enfin  cette 
intuition  est  ardemment  affectueuse,  ou  ei^ 
citant  la  volonté  aux  affections  les  plus  ar- 
dentes ;  c'est  ce  qui  distingue  la  contempla* 
tion  mystique,  de  la  contemplation  nhiloso- 
phique  et  de  la  pure  spéculation  tliéologi- 
que.  «  il  faut  remarquer,  dit  Albert  le  Grand 
(  De  adhœr.  Deo,  cap.  1  ),  la  différence  qui 
existe  entre  la  contemplation  des  Gdèles  ca- 
tholiques, et  celle  des  idiilosonhes  païens. 
La  contemplation  des  pnilosoplies  se  lait  en 
vue  du  p»erfeciionnemeut  de  la  contempla- 
tion  ;  aussi  réside-t-elle  dans  rintelligence, 
et  a-t-elle  pour  fin  la  cofinaissance  intellec- 
tuelle. Hais  la  contemplation  des  catholiques 
est  la  conlempUtion  de  Dieu  même  :  aussi 
n'a-t-elle  pas  pour  Gn  dernière  la  connais- 
.sance,  et  ne  résidc-t-elle  pas  dans  l'intelli- 
gence;  mais  elle  s'élève  à  ralTeclion  par 

faut  prendre  ici  phénomène*  non  dans  son  accep- 
tion vulgaire,  mais  dans  le  seus  philosophique. 


471 


COW. 


DICTiONMAiaC 


a» 


n 


ï 


Tamour.  Çesl  pourquoi  las  saints  dans  leur 
contemplation»  ont  Tamour  de  Dieu  pour 
objet  principal.  > 

Cette  contemplation  mystique  telle  que 
nous  l'avons  définie ,  existe  réellement  : 
i* L'Ecriture  sainte  nous  l'enseigne;  Goûtez 
€t  noyez  combien  le  Seigneur  est  doux,  (  Pi. 
iLXTiii,  9).  Soyez  dam  un  saint  repos  et  eon*^ 
sidérez  que  c'est  mot,  ^j  suis  Dieu.  { Ps, 
SLT,  11  ).  Bienheureux  ceux  qui  ont  le  ecgur 
pur^  parce  quUls  verront  Dieu.  (  Matth.  v,  8  ). 
Ces  passages   nous   montrent  qu*un  cœur 

J^iir^  délivré  de  toute  inquiétude,  peut  s'é- 
ever»  par  une  intuition  simple  et  affective, 
jusqu'à  voir  et  goûter  Dieu,  ce  délicieui 
époux  de  TAme,  qui  Texalte  et  la  réjouit. 
9*  Outre  les  saints  Pères  que  nous  avons 
déjà  cités  dans  la  déGnition,  Hugues  de 
saint-Victor  (  c.  2  De  cœl.  hier.^  I.  m  )  dis- 
lingue trois  sortes  d*yeux;  Tœil  de  la  chair, 
par  lequel  on  voit  le  monde  et  les  choses  du 
monde;  l'œil  de  la  raison,  par  lequel  on  voit 
Tâme  et  les  choses  de  Târne  ;  et  Tœil  de  la 
contemplation ,  par  lequel  on  voit  Dieu  et 
les  choses  divines,  ou  bien  ce  qui  est  en  soi 
et  au-dessus  de  soi.  Saint  Bonaventure 
adopte  celte  distinction  (7r.  de  itiner,  œter.f 
lu  3  itin.  9  d.  7) ,  et  ajoute:  «  C*est  de  cet 
œil  de  la  contemplation  que  parle  l'époui, 
en  disant  :  Vous  avez  blessé  mon  cœur  ^  ma 
sœurf  mon  épouse^  par  un  de  vos  yeux  (Cant. 
IV»  9);  c'est-à-dire,  par  votre  intelligence 
simpliQée,  vous  avez  pénétré  toutes  choses, 
vous  êtes  parvenu  jusau*à  mon  cœur.  » 
Saint  Bernard  (  1. 1  De  aign.  amor.f  c.  8) 
remarque  dans  Tâme  deux  yeux,  qui  sont 
l*amour  et  la  raison,  palpitant  sans  cesse  du 
désir  de  voir  Dieu,  et  il  ajoute  ;  «  Lorsque 
Tun  agit  sans  Tautre,  Dieu  ne  bénit  pas  ses 
efforts;  mais  lorsqu'ils  se  prêtent  un  mutuel 
secours,  leur  action  est  très-puissante,  parce 
qu'ils  ne  font  pins  qu'un  seul  et  môme  œil.  » 
D'après  saint  Thomas  (1-2,  q.  69,  a.  2)  : 
«  Même  en  cette  vie,  on  peut  en  quelque 
sorte  voir  Dieu,  au  moyen  de  l'œil  purifié 
par  le  don  de  TinteHigence.  »  Et  en  expli- 
quant (loct.  7  )  ce  passage  de  saint  Denis 
(L.  de  div.  nom, ,  c.  &,  p.  1 }  :  Le  mouve- 
ment circulaire  de  /'dme  n'est  autre  chose 
que  le  retour  de  Vdme  revenant  des  objets  ex- 
térieurs vers  elle  mime  ;  il  consiste  dans  l'uni' 
forme  évolution  des  puissances  intellectuelles 
sur  elles-mêmes;  Saint  Thomas  dit  :  «  Re- 
marquez que  saint  Denys  place  eu  premier 
lieu,  dans  le  mouvement  circulaire  de  l'Ame, 
le  retour  de  l'Ame  quittant  les  objets  exlé* 
rieurs  pour  revenir  h  elle-même;  et  qu'il 
affirme  en  second  lieu  que  l'évolution  uni- 
forme des  puissances  intellectuelles  de 
l'flme  est  nécessaire,  afin  que  tout  raisonne- 
ment venant  h  cesser,  l'œil  de  l'Ame  se  fixe 
uniquement  dans  Ja  contemplation  de  la 
simple  vérité.  9"  La  raison  nous  montre  que 
le  jugement  de  simple  intuition  peut  exis- 
ter sans  le  secours  du  raisonnement,  non- 
Seulement  en  Dieu  et  dans  les  anges,  mais 
aussi  dans  Tbomme,  qui  par  l'intelligence 
ie$  premiers  principes,  donne  son  assenti- 
ment à  leur  vérité  ^ans  le  setcours  du  rai- 


sonnement, et  qui  |>ar  la  foi  adhère  aux  vé- 
rités révélées,  toujours  sans  le  secours  do 
raisonnement.  Or  ces  vérités  peuvent  exci- 
ter la  volonté  aux  afleclions  les  plus  arden- 
tes, et  c'est  en  cela  que  consiste  imciséffleni 
la  contemplation. 

Il*  LouisDu  Pont  distingue  quatre  proprié- 
tés principales  de  la  contempatiao  fjn  Duct 
spir.,  tr.  3,  c.  3,  §  2).  1-  L'élévation  de 
I  esprit  au-dessus  de  lui-même;  2*  la  sus- 
pension de  ce  même  esprit  dans  les  choses 
qu'il  contemple;  3*  l'admiration;  k'  la  dou- 
ceur spirituelle.  En  effet,  cette  extraordinaire 
intuition  simple  des  choses  divines  élève 
l'homme  au-dessus  de  lui-même;  ensuite 
elle  tient  Tesprit  en  suspens  par  ce  mode 
nouveau  et  plus  élevé  ae  contempler  les 
choses,  ou  encore  par  le  charme  qu'il  trouve 
dans  la  vision  de  choses  nouvelles;  l'âme 
alors  ne  s'occupe  exclusivement  que  de  le 
connaissance  et  de  l'amour  de  Dieu.  Aussi  se 
prend-elle  pour  lui  d'une  vive  admiration,  ce 
qui  est  la  suite  ordinaire  do  la  nouveauté; 
enfin  l'Ame  y  ressent  une  spirituelle  douceur, 
qui  surpasse  tout  sentiment,  et  que  produit 
1  intuition  des  choses  divines. 

m*  La  contemplation  se  divise  générale- 
ment en  ordinaire  et  extraordinaire.  Toutes 
deux  sont,  ou  chérvbiques^  c'est-A-dire  intellcc- 
tives,  ou  séraphiqueSf  c'est-à-dire  affectives. 
La  contemplation  chérubique  se  subdivise 
en  différentes  espèces,  telles  que  la  contem- 

tilation  mystique  de  la  Sainte  Trinité,  de 
'Incarnation,  de  l'Eucharistie  et  des  attri^ 
buts  divins,  les  entretiens  symboliques 
intérieurs,  le  silence,  etc.,  sorte  de  contem- 
plation où  la  partie  intellectuelle  aie  plus  de 
part.  La  contemplation  sérapbique  se  divise 
en  contemplation  embrasée  {tgnea)^  vulnérantê 
(vulnerans) ,  etc.,  auxquelles  a  plus  de  i^srl la 
partie  affective  ou  la  ferveur  de  1  amourdivin. 
Le  cardinal  Lourac  (opusc.  keil  De  orat.) 
et  d'autres  mystiques  divisent  plus  commu- 
nément la  contemplation  en  acquise  et  infuse^ 
ou  en  active  et  passive,  ou  en  produite  par 
V effort  humain  et  produite  par  la  grâce,  ou 
en  naturelle  et  surnaturelle;  mais  comme 
ces  termes  sont  équivoques,  nous  avons 
cru  devoir  préférer  la  division  précédente, 
que  nous  avons  donnée  d'après  le  P.  Reguers. 
(Théol.  myst.,  t.  I,  p.  788  ) 

La  contemplation  ordtfiatre  est  donc  une 
élévation  de  1  Ame  en  Dieu,  par  simple  intui- 
tion :  élévation  ardemment  affectueuse,  et 
qui  ne  surpasse  pas  les  lois  de  la  divine 
Providence  dans  l'ordre  surnaturel. 

1*  La  contemplation  ordinaire  peut  6(re 
dite  acquise,  entant  que  l'homme  peut  s'y 
préparer  d'une  manière  dispositive  et  i  la 
fin  l'obtenir,  non  cependcnt  par  les  forces 
de  la  seule  nature,  ni  comme  une  chose 
tout  à  fait  due,  pouvant  être  acquise  sans 
une  grAce  nouvelle,  ou  que  l'on  puisse  mé- 
riter, sinon  d'un  mérite  de  comfenanee.  De 
même,  2*  on  peut  aussi  l'appeler  aetivef  mais 
elle  Test  seulement  d'une  manière  disposa 
tive.  3*  On  peut  encore,  dans  ce  même  senfi 
dire  qu'elle  est  produite  par  Hos  propres  ef- 
forts f  en  supposant  toutefois  quo'  nos  tffufis 


•I 


GOM 


D^ASCKTISMC 


GON 


471 


tt  DOS  disfiositioos  sont  duit»  non  aux  forces 
de  notre  nalore,  mais  principalement  aux 
r<>re  :s  de  la  grâce,  k*  On  )ieut  bien  moins 
eiactemenl  aitpcler  la  contemplation  oriii- 
naire  naimreUe  d'une  manière  absolue,  si  ce 
n  est  dans  un  sens  com^iaratif,  en  ce  sens 
qo*elle  est  moim  sumaturelie  que  la  con- 
templation eitraordinaire;  car  la  contempla- 
lioo  même  ordinaire  est  intrinsèquement 
sumatnrelle  et  infuse. 

On  ne  peut  contester  Texistence  de  cette 
contemplation    ordinaire,   que  l'âme  peul 
aequtrîr»  selon  les  lois  de  la  dirioe  Provi- 
d«  me  dans  l'ordre  surnaturel,  en  ce  sens 
que  l'homme,  par  la  fçrâce  de  Dien,  peut  s'y 
préparer  d'une  manière  dispositire  et  l'ob- 
leair,   non  toutefois  par   les  forces  de  la 
seule  nature,  ni  comme  une  chose  tout  à  fait 
due  ;  car  sans  une  grâce  nouvelle  on  ne  la  peut 
méiîter  autrement  que  d'un  mérite  de  con- 
remamee.  •  Nous  arançons  Quelquefois  dans 
la  Tertn,  dit  Richani  de  saint -Victor  (De 
eouiemp.  I.  r,  c.  2),  par  suite  de  nos  efforts; 
mais  en  disant  que  cet  avancement  est  le  ré- 
sultat de  nos  ellorls,  il  ne  faut  pas  toutefois 
s'imaginer  que  nous  puissions  rien  sans  le 
secoars  de  la  grâce;  car  nous  ne  serions 
capables  même  d*auean  effort  sans  la  grâce.  » 
On  prouve  Texistence  de  la  contemplation 
ordinaire  ainsi  déflnie  :  1*  Par  les  textes  déjà 
ctlés  de  TEcriture-Sainte  :  Goûtez  et  voyez 
combiem  U  Seigneur  est  doux,  etc.  Tous,  en 
général,  sont  invités  h  la  contemplation  ;  tous 
«)Dt  appelés  k  se  préparer  an  repos  en  Dieu, 
par  on  amour  pur  et  une  grande  pureté  de 
eceur.  Il  faut  par  conséquent  admettre  une 
contemplation  ordinaire  pouvant  s'acgnérir 
4e  la  manière  que  nous  avons  indiquée. 
D'ailleurs  les  i>éatitudes  sont  dans  l'Evangile 
proposées  h  tous  en  général,  ei,  selon  la  pro- 
vidence ordinaire,  sont  accessibles  h  tous. 
l>onc  nous  pouvons  tous  acquérir  cette  béa- 
titude, an  moyen  de  laquelle  chacun  se  dis* 
fiose  par  la  pureté  do  cœur  h  voir  Dieu 
per  la  contemplation  ordinaire.  2"   On  le 
prouve  par  les  SS.  Pères  et  par  les  Mvsli- 

Î[ues.  Saint  Denys  (c.  i  De  myst.  iheol!)  ex- 
lorte  son  Timothée  i  se  dis|K)ser  au  plus 
êublime  exercice  de$  visiom  mytHaues^  c^st- 
â-dire,  à  la  contemplation,  en  s  abstenant, 
autant  goe  possible,  de  tout  acte  des  sens 
o«j  de  rinteiligence.  a  Tandis  que  par  notre 
effort,  dit  saint  Grégoire  (in  I.  Reg  ),  nous 
v>iiuDes  en  'suspens  dans  la  méditation  des 
C7jo5es  divines,  cet  état  de  contemp!atiop 
tleTienlpour  noos  comme  l'éclat  d'un  nou- 
veau jour»  Et  en  effet  nous  jr  voyons  comme 
^certains  rayons  d'une  lumière  toute  spiri- 
Xaelle,  nous  en  attirons  d'autres  au  fond  de 
"VMHre  âme,  et  bientôt  nous  nous  élevons  de 
notre  humble  humanité  jusque  dans  les 
îj^oos  les  plus  sublimes.  »  L'auteur  de 
yitheUe  clauMirale  (c.  2,  k)  tient  le  même 
^^ifgsge.  Hugues  de  Saint-Victor  dit  anssi 
(Bom.  1,  in  Eccli.)  :  «  Ce  que  cherche  la 
flKmileiion,  la  contemplation  le  trooTe.  »  Et 
^lleurs  (1.  m  De  anima,  c.  h8  et  k9)  :  •  Jus- 
^u'è  ee  que  par  la  méditation  nous  nous 
^levions  à  la  contemplation.  »  --  «  Autant 


de  fois  Joseph  se  jette  au  cou  de  Benjamin, 
dit  Richard  de  Saint- Victor  (£.  de  prœp.  ad 
coniempl.^  c.  87),  autant  de  fois  la  méditation 
se  change  en  contemplation.  »  Ce  fiassage 
réguKer  et  ordinaire  de  la  méditation  à  la 
contemplation  est  constaté  par  saint  Jean  de 
la  Croix  et  sainte  Thérèse.  Cette  dernière 
enseigne  que  l'esprit  par  la  méditation  tire 
comme  par  des  canaux  liabilement  prati* 
qués,  ou  comme  d'un  puits,  avec  beaucoupde 
|>eine,  Feau  de  la  grâce  divine,  qu'elle  ob- 
tient du  ciel  par  la  contemplation,  avoc 
beaucoup  plus  d'abondance  et  presque  sans 
fdtigiie.  Selon  saint  François  de  Sales,  «  la 
méditation  est  la  mère  de  l'amour,  la  con- 
templation en  est  la  fille.  »  (L.  vi  De  amor. 
Dei^  c.  S).  Selon  Louis  du  Pont  ({  JO,  Introd. 
ad  suas  medi^,}^  «  on  ne  parvient  d'ordinaire 
à  la  contemplation  que  par  un  fréquent 
exercice  de  la  méditation  et  du  raisonne- 
ment. 9  3*  Saint  Thomas  en  donne  la  raison 
(in  3,  d.  3%,  q.  1,  a.  1).  La  méditation  pro- 
cède du  concours  du  raisonnement  humain 
ou  théologique,  et  par  conséquent  est  le 
fait  de  l'homme;  la  contemplation  s'obtient 
par  le  don  de  l'intelligence,  de  la  sagesse  et 
de  la  science,  et,  par  conséquent,  est  au-des- 
sns  des  forces  de  l'homme;  donc  comme  la 
foi.  aussi  bien  que  le  don  d'intelligence,  de 
sazesse  et  de  science,  est  donnée  à  tous  d'a- 
près les  lois  ordinaires  de  la  Providence, 
pour  servir  à  leur  avancement  spirituel,  on 
peut,  selon  les  lois  ordinaires  de  la  Provi- 
dence, arriver  non-seuleuient  à  la  médita- 
tion, maisencoreà  la  contemplationordinaire. 
En  outre,  saint  Bonaventure  enseigne  (in  ni 
'  et  vu  //m.  œter.f  d.  1),  «  que  le  mouvement  et 
la  recherche  de  la  méditation  resteraient  im- 
parfaits et  moins  utiles,  sans  le  terme  et  le 
repos  delà  contemplation;  caria  méditation 
doit  avoir  son  terme  et  sa  Gn  dans  la  con- 
templation, celle-ci  étant  un  degré  plus  par- 
fait. »  Donc,  selon  les  lois  ordinaires  de  la 
Providence,  la  contemplation  vient  après  la 
méditation,  comme  le  ternie  du  voyage,  la 
fin  après  le  moyen,  et  cela  autant  qu'il  est 
possible  en  cette  vie,  à  moins  de  vouloir 
accuser  la  Providence  de  manquer  de  sa- 
gesse dans  le  mode  régulier  de  ses  opéra- 
tions. 

La  coniemplation  extraordinaire  est  nue 
élévation  de  i  âme  en  Dieu,  par  une  intuition 
simple  ardemment  affectueuse,  en  vertu 
d*un  privilège,  et  an-dessus  des  lois  ordi- 
naires de  la  Providence  divine  dans  l'ordre 
surnaturel. 

Voici  comment  Louis  du  Pont  exotique  la 
contemplation  extraordinaire  (S  11,  InirodJ)  t 
«  il  est  une  autre  voie  extraordinaire,  qui 
embrasse  les  autres  modes  extraordinaires 
d'oraison,  plus  surnaturels  et  spéciaux,  et 
que  nous  appelons  oraison  de  quiétude  ou  de 
silence,  accompagnée  de  suspensions,  d'ex- 
tases, de  ravissements  ;  cet  état  donne  une 
vue  extraordinaire  des  vérités  cachées,  ou 
en  découvre  quelquefois  seulement  la  lu- 
mière intellectuelle.  11  est  encore  signalé 
par  des  révélations,  \ynr  des  entretiens  in- 
térieurs,' cl   par    un    très- grand    nombre 


47S 


CON 


l)lCTlONNAinK. 


COU 


47G 


d'aatrcs  privilèges ,  par  lesquels  Dieu  se 
co:niiiuniqu3  ani  âmes,  et  dont  la  vérifable 
rè^le  ne  peut  être  prescrite  ;  car  celte  règle 
n'est  autre  chose  que  rimpulsion  et  la  di- 
rection du  Mattre  suprême,  qui  n'instruit 
et  ne  favorise  ainsi  que  ceui  qu'il  veut  et 
comment  il  le  veut.  >  Cette  contemplation 
extraordinaire  peut-être  appelée  avec  les 
auires  mystiques  :  1*  lnfu$e,  non  en  ce 
sens  que  la  contemplation  ordinaire  ne  se- 
rait pas  également  infuse;  mais  parct^  que 
fa  contemplation  extraordinaire  ne  peut 
s'acquérir  d'une  manière  dispositive;  2* 
passive  dans  le  même  sens;  3' produite  par 
la  grâcCf  non  comme  si  la  contemplation 
ordmaire  n'était  pas  aussi  produite  par  la 
gf'Ace;  mais  parce  que  la  contemplation  ex- 
traordinaire est  toujours  accompagnée  de 
quelqu'une  des  grâces  données  gratuite- 
tnenl;  k'  on  peut  encore  l'appeler  en  ce  sens 
surnaturelle,  surtout  d'une  manière  compa- 
rative, en  tant  que  la  contemplation  ordi- 
naire est  en  quelque  sorte  moins  surnatu- 
relle que  Textraordinaire. 

La  contemplation  extraordinaire  existe 
réellement^  et  nous  devons  lad  mettre  :  1* 
L'Ecrilure  sainte  en  fM  mention  :  Le  sci- 

J^neur  Dieu  envoya  un  sommeil  à  Adam 
Gen.  II,  21.)  Les  Pères  afiirmeut  communé- 
ment que  ce  fut  un  sommeil  extati(]ue.  Man- 
oeXf  mes  amis,  et  buvez  :  enivrons-nous,  mes 
lien-aimés  {Cant.  v,  1.)  Richard  de  Saint- 
Victor  (I.  IV  De  contempl.  c.  16)  applique 
ces  paroles  aux  transports  de  Tesprit  causés 

fmr  la  contem[)lation  exlraordinaire.  Tout 
e  livre  du  Cantique  des  cantiques  nous  pro- 
pose le  degré  suprême  de  la  contemplation, 
au  témoignage  do  Hugues  de  Sainl-Viclor 
(Hom.  1,  m  eccles).  Je  répandrai  mon  esprit 
sur  toute  chair,  dit  le  prophète  Joël  (ii,  28), 
et  vos  fils  prophétiseront,  ils  auront  des 
songes^  et  vos  jeunes  hommes  verront  des 
visions.  Ces  paroles  eurent  leur  accomplis- 
sement. Les  exemples  en  sont  nombreux  ; 
car  c'est  ainsi  que  Dieu  en  agit  avec  ses  pa- 
triarches et  ses  prophètes,  el  beaucoup  plus 
parfaitement  encore  avec  ses  aj)ôlres,Ie  lOir 
de  la  Pentecôte  (Act.  ii,  16),  où  ils  s  éle- 
vèrent de  la  contemplation  ordinaire  h  la 
contemplation  extraordinaire.  Cette  faveur 
n'a  jamais  manqué  h  TEglise,  comme  le  té- 
moignent les  Actes  des  saints  et  les  motifs 
de  leur  canonisation;  2*  les  saints  Pères 
en  font  foi.  Saint  Denys,  en  f)arlant  de  Hié- 
rothée  (c.  2  De  div,  nom,,,  p.  2),  atteste  qu'il 
fut  instruit  partie  par  les  apôtres,  partie  par 
Tétude  des  saintes  Ecritures,  a  II  puisa  la 
science  b  une  autre  inspiration  plus  divine 
encore,  en  recevant  passivement  en  lui 
(patiendo)  rins()iration  divine,  et  dans 
cette  es()èce  de  passivité  intérieure  [corn- 
passioncU  s'il  est  permis  de  s'exprimer 
ainsi,  il  fut  instruit  dans  celle  foi  el  celle 
union  mysli'^uequi  ne  peut  être  enseignée.» 
Saint  Bernard  (I.  v  De  cons,^  c.  ult.)  assigne 
comme  le  plus  haut  degré  de  contemplation 
Tadmiration  de  la  majesté  divine,  admira- 
tion qui  élève  f.iciicmenl  le  cœur  aux  choses 
céleslesi  si  elle  le  trouve  bien  purifié,  «  et 


3 ni  parfois  transporte  celui  qui  admire  par 
es  extases  et  des  ravissements.  •  Saint  Bo- 
naventure  (m  Jtin.  mentis,  c.  7)  donne  pour 
exemple  de  cette  contemplation  extraorii- 
naire  saint  François,  quand  il  fut,  dans  lo. 
transport  de  la  contemfilation,  transformé 
en  crucifié,  et  placé  comme  modèle  de  la  con- 
templation parfaite.  Saint  Laurent  Juslinien, 
saint  Jean  de  la  Croix  parlent  de  celle 
espèce  de  contemplation.  Sainte  Thérèse 
(Fi7.,  c.  18-20)  la  désigne  sous  le  nom  do 
quatrième  eau  tombée  du  ciel.  Enfin  tous  les 
mj^stiqnes  sont  d*accord  sur  ce  point,  lors« 
qu'ils  traitent  des  ravissements,  des  risions 
et  des  autres  caractères  qu*accompagnenl 
la  contemplation  exlraordinaire;  3*  nous  en 
empruntons  encore  la  raison  à  saint  Tho- 
mas (2-2,  q.  45,  a.  5),  qui  enseigne  qu^il 
jr  a  une  contemplation  non  comrauDc  à 
tous  les  justes,  dont  la  cause  est  la  grâce 
gratuite  (gratis  data)  de  la  sagesse,  qui 
perfectionne  le  don  ue  la  sagesse  el!è-mô- 
me;  cette  contemplation  n'est  pas  néces- 
saire au  salut ,  ni  même  à  lai  perfection,  et 
le  Saint-Esprit  en  fait  part  a  qui  il  veut  : 
c'est  précisément  la  contemplation  extraor- 
dinaire, et  elle  peut  aussi  procéder  des 
autres  grâces  données  gratuitemenl. 

Ces  considérations  nous  montrent  corobiea 
la  contemplation  divine  est  un  bien  précieui. 
En  efTet,  si  contempler  et  aimer  Dieu  par 
une  intuition  simple  et  une  ardente  atfeLlioa 
est  le  plus  grand  bonheur  qu'on  puisse 
avoir  en  cette  vie;  si  c'est  le  frnil  le  plus 
glorieux  des  vertus,  des  dons  ou  des  grâces, 
ou  plutôt  du  Saint-Espril  i'éoondant,  suit  par 
lui-même,  soit  par  ses  dons,  l'esprit  et  le 
cœur  de  Tâme  sainte,  quel  bien  est  plus  ho- 
norabiei  et  plus  utile  et  plus  délectable,  quel 
avantage  lui  peut  être  comparé?  La  conleic- 
plation,  c'est  cette  belle  Rachel,  pour  la- 
quelle Jacob  voulut  servir  pendant  quatorze 
ans.  (Gen.  xxix.  )  Elle  est  ce  bien  dont 
Dieu  dit  à  Moïse  {Gen.  xxxiii,19):  Je  vous 
montrerai  tout  bien.  Elle  est  cette  meill'uro 
part  dont  parlait  Jésus  (Luc,  x,  42):  lifarie 
a  choisi  la  meilleure  part,  et  elle  ne  lai  sera 
point  enlevée.  Ecoutons  à  ce  sujet  HiclianI 
de  Saint- Victor  (1.  i  De  contempl.^  ci)' 
«  Quelle  est  celte  meilleure  part  que  Marie  a 
choisie,  sinon  de  se  reposer  et  de  voir  com- 
bien le  Seigneur  est  doui  ?....  Elle  com;  ro- 
uait en  l'écoutant,  et  elle  voyait  en  la  com- 
prenant, cette  souveraine  sagesse  de  DitUt 
cachée  dans  la  chair,  qu'elle  ue  pouvait  vujf 
des  yeux  du  corps;  et  en  se  tenant  siiH 
assise  auprès  de  Jésus  pour  l'écouter,  elle 
se  livrait  à  la  contemplation  do  la  vérité  su- 
prême. Voilà  la  |)art  qui  ne  sera  jamais  eu- 
levée  aux  élus  el  aux  parfaits.  Voilà  Tocci" 
pation  qui  n'aura  jamais  de  tin.  Car  la  cou- 
lemplation  de  la  vérité  commence  en  celle 
vie,  n)ais  se  conlitme  gloritiusemenl  J^'»^ 
l'éternité  bienheureuse.  O  grâce  singulière» 
grâce  que  nous  devons  rechercher  avt:c  une 
préléreoce  toute  spéciale  1  C'est  par  elle  que 
nous  devenons  saints  dans  celte  vie  et  bic"- 
heureux  dans  l'élernilé.  »  — «  Il  n'ya,  u'» 
Cassien,  qu'une  seule  vision  ou  conieuipi*' 


177 


CON 


D^ASCETISIIE. 


cm 


478 


don  de  Bîea.  Elle  e^l  juslement  estimée 
supérieure  è  tous  les  mérites  de  la  justifica- 
tion et  de  la  rertu  (collât.  23,  c.  3);  »  si» 
selon  la  remarque  d'un  auteur»  elle  unit 
Fâme  ï  Dieu  par  l*amour  parfait.  Il  faut  doue 
afec  ardeur  nous  disposer  à  la  cont^iu;  la- 
lion,  et,  par  le  secours  de  la  grâce  divine* 
éloigner  tous  les  obstacles  et  surmonter  les 
plus  pénibles  épreuves,  afin  de  n'en  pas 
devenir  indignes.  Combattons  donc,  résis- 
tons aol  nombreuses  afDictions  de  ce  désjit 
de  la  vie,  si  nous  ne  voulons  pas  être  exclus 
de  cette  manne  et  de  cette  terre  promise. 
Traraillons  des  jours  et  des  aunées  pour 
cette  belle    Raenel.    PuriQons    auparavant 
notre  âme  par  des  larmes  avec  Marie,  afin 
de  pouvoir  trouver  la  meilleure  part  aux 

(Hects  du  Seigneor.  Grarissona  péniblement 
a  montagne,  afin  de  |)OuToir,  avec  Moïse, 
contempler   Dieu,   ou,  avec  les  disciples, 
apprendre  du  Christ  les  moyens  d'être  bien- 
heureux en  ce  monde  et  en  Vautre  ;  ou  trtiln^ 
avec  les  ai>ôtres  favoris,  goûter  la  gloire  de 
la  transfiguration  de  Jésus-Christ,  li  est  né- 
cessaire, dit  saint  Grégoire  (1.  xviii  Mor.^ 
c.  âS),  que   l'esprit  contemplatif   meure 
d*aliord  au  monde,  et  que  le  monde  soit 
mort  à  lui;  alors  il  entre  et  se  cache  dans  la 
contemplation  des  choses  éternelles.  »  Et 
ailleurs  (hom.  11^,  in  Exech.):  «  La  douceur 
de  la  vie  contemplative  est  souverainement 
aimable.  »  Saint  Thomas  ajoute  que  la  dou-» 
ceur  de  la  contemplation  surpasse  tout  plai- 
sir terrestre,  et  il  en  donne  celte  raison 
(2-2,  q.  180,  art.  7)  :  •  Puisque  la  vie  con- 
templative   consiste    principalement    dans 
la  contemplation  de  Dieu,  vers  lequel  la 
charité  nous  porte,  il  en  résulte,  dans  la  rie 
contemplative,  un  plaisir  provenant  non- 
seulement  de  cette  même  contemplation, 
mais  encore  de  l'amour  divin  lui-même.  Et 
ce  plaisir  surpasse  tout  plaisir  humain.  Car 
la  jouissance  spirituelle  est  préférable  à  la 
jouissance  charnelle,  comme  nous  Tavons 
montré  en  parlant  des  passions,  et  l'amour 
divin   sur|>asse  tout  amour.»  (S.  Thomas, 
i-2,  q.  180,  ait.  7.) 

Puis  donc  que  la  contemplation  est  un  bien 
si  précieui,  il  est  saint  et  utile  pour  tous 
d  j  aspirer  avec  un  esprit  prudent.  1*  La 
siiute  Ecriture  nous  fournit  de  nombreux 
exem;  les  de  ces  sortes  d'aspirations.  Mon 
cœur  vous  a  parlé  ;  mes  yeux  vous  ont  cher^ 
rA^;  je  chercherai^  Seigneur ^  votre  visage 
'  Ps,  xxTi,  8j.  Répandez  votre  lumière  et 
Votre  vérité.  Ce  sont  elles  qui  m*ont  conduit 
et  qui  m* ont  amené  jusqu'à  votre  montagne 
sainte  et  votre  tabernacle  (Ps.  xlii,  3  ).  Qui 
me  donnera  des  ailes  comme  à  la  colombcy  afin 
que  je  puisse  m*envoler  et  me  reposer?  (  Ps, 
UT,  7).  O  vous  qui  êtes  le  bien-aimé  de  mon 
dme^  apprenez^noi  où  vous  menez  paître  votre 
troupeau,  ou  vous  vous  reposez  à  midi,  de 
peur  que  je  ne  nCéqwre,  en  suivant  les  trou- 
peaux de  vos  compagnons  (Cant,  i,  6).  Venez 
â  moi,  vous  tous  qui  êtes  dans  la  peine  et 
taevablement,  et  je  vous  soulagerai,.,,,  et  vous 
trouverez  le  repos  pour  vos  âmes  (  Malth, 
xj,  2i  ]^  Si  quelqu'un  entend  ma  voix  et  m*oii- 


rre  la  porte,  f  entrerai  chez  lui  et  je  souperai 
avec  lui  (Âpoc,  m,  90  }é  Dans  ces  passages, 
tous  les  hommes  sont  invités  à  l'intuition, 
au  repos,  au  soulagement  et  au  festin  do  le 
eonteinniation  divine  :  donc  il  est  saint  et 
utile  dy  aspirer  avec  prudence.  2*  On  le 
prouve  aussi  par  les  SS.  Pères  et  les  mysti** 
c|ues.  Saint  Grégoire  |hom.  17,  in  Ezech,  ), 
a  propos  de  ces  paroles  :  Entrant  intérieur 
rement  dans  le  vestibule  par  Vouverture  de  la 
fenêtre,  remarque  «  que  non-sculement  les 
membres  les  plus  éminenls  de  la  sainte 
Eglise  reçoivent  la  grâce  de  la  contemplation, 
mais  encore  que  ce  don  est  le  partage  de 
ceux  qui,  tout  en  se  faisant  remarquer  nar 
l'élévation  et  l'ardeur  de  leurs  désirs,  n  en 
r^fmplissent  pas  moins  les  fonctions  les  plus 
obscures;  car,  si  le  Dieu  tout-puissant  ne 
répandait  pas  la  lumière  de  la  contempla^ 
lion  sur  ceux  qui  semblent  voués  au  mépris, 
il  n'y  aurait  pas  besoin  de  fenêtres  dans 
le  vestibule  dont  parlait  le  Prophète.  » 

Puisque  la  contemplation  est  proposée  aux 
fidèles  de  toute  condition,  tous  doivent  donc 
y  aspirer  sagement.  L'auteur  de  VEchelle 
claustrale  (c  3),  parlant  de  l'âme  médita-^ 
tive,  enseigne  comment  on  doit  désirer  la 
contemplation.  «Que  ferait-elle?  Elle  est 
tourmentée  du  désir  de  la  posséder,  mais 
elle  ne  sait  comment  y  parvenir;  et  plu» 
elle  la  cherche,  plus  elle  soupire  après  elle. 
Elle  a  recours  à  la  méditation,  et  n'éprouve 
aue  de  Id  douleur;  car  elle  ne  ressent  pas  la 
douceur,  que  la  méditation  montre  bien 
comme  la  compagne  des  cœurs  purs,  mai» 
qu'elle  ne  procure  pas.  »  Richard  de  Sainl^ 
Victor  (\*  Y  De  contempL,  c.  6)    enseigne 

3ue  le  désir  de  la  conlenijilation  procède 
un  saint  désir.  «  Le  premier  transport  de 
Tesprit,  diMl,  naît  de  fanxiété  du  désir  et 
de  la  gran'ieur  de  la  dévotion.  >  3*  Aux  au- 
torités se  joint  la  raison.  11  est  en  effet  utile, 
il  est  saint,  il  est  même  nécessaire  pour 
tous  les  hommes  d'aspirer  à  la  perfection 
clirétienue  :  or ,  la  contemplation  est  le 
mei.leur  moyen  d'arriver  à  la  perfection, 
comme  étant  la  prière  la  plus  parfaite.  Donc 
il  est  saint  et  utile  d'y  aspirer;  car  elle  est 
la  seule  chose  nécessaire  et  la  meilleure  part« 
{Luc,  X,  42.)  D'ailleurs,  toute  la  perfection 
chrétienne  consiste  essentiellement  dans  la 
chaiité.  Donc,  puisque  rien  n'augm(*nte 
plus  la  charité  que  la  contemplation,  il  con« 
vient  d'y  aspirer.  Enfin,  il  est  saint  et  utile 
pour  tous  d'aspirer  à  la  coniemplatiou  de  la 
patrie,  comme  aussi  è  la  méditation  de  plus 
en  plus  parfaite.  Donc  il  faut  aspirer  aussi  h 
la  contemplation  de  la  voie  qui  mène  à  la 
patrie  éternelle,  vers  laquelle  tend  la  médi« 
tation,  à  laquelle  elle  nous  dispose,  et  sans 
laquelle  elle  est  imparfaite. 

IV*  Toutefois,  bien  qu'il  soit  saint  pour 
tousd'aspirer  à  la  contemplation,  il  faut  s'atla« 
cher  à  le  faire  avec  prudence^  et  pour  éviter 
toute  erreur  à  cet  égard,  on  observera  soi- 
gneusement les  règles  suivantes. 

I.  11  est  bon  et  utile  de  prier  Dieu  pour  en 
obtenir  la  contemplation.  On  le  prouve: 
1"  par  tous  les  textes  sacrés  cités  plus  haut^ 


ri 


CCN 


DXTSOX^AIBe 


CO!l 


180 


el  a«iiquel$  nnus  «ioittûns  ceui-ci  :  cest 
pourquai'ffii  dMri  Nnielligence  et  elle  nCa 
été  donnée  J*ai  invoqué  le  Seiantur  et' f  esprit 
de  saqeue  est  venu  en  moi  (Sâp.  Yiii  7).  Je 
Cai  atmée^  Je  l'ai  recherchée  dis  ma  jeunesse 
(tiii,  2).  St  auelgu^un  de  vous  a  besoin  de  la 
sagesse^  qu'il  la  demande  à  Dieu,  qui  donne  à 
tous  en  abondance  {Jac.  i,  5).  â^'Sainl  Thomas 
nous  eo  donne  la  rabon  [2-%  q.  83,  a.  6)  : 
m  11  est  permis  de  demander  ce  qu'il  est  j^r- 
mis  de  désirer.  »  Or,  il  est  permis  de  désirer 
la  contemplation.  Il  est  donc  aussi  permis 
de  la  demander  dans  nos  prières,  comme 
la  rériiable  sagesse  et  le  don  le  plus  pré- 
cieux. C*est  ce  qui  fait  dire  h  Tauleur  de 
Y  Echelle  clauslrate  (c.  ii)  :  t  11  est  rare  et  c*est 
f»rjsque  un  miracle  d'ublenir  la  contempla* 
ti'>n  sans  le  secours  de  la  prière.  » 

H.  Bien  que  le  désir  et  la  demande  de  la 
contemplation  soient^en  tout  lemp^,  utiles  h 
tous  les  hommes,  il  ne  faut  pas  y  insister^ 
eo  ?ue  de  l'obtenir  immédiatement,  mais 
prier  seulement  pour  l'obtenir  plus  tard» 
quand  on  y  sera  suffisamment  disposé.  Salo- 
ifion  aima  et  rechercha  dis  sa  jeunesse  la  sa- 
gesse de  la  contemplation  [Sap.  viii,  2).  il 
a  été  dit  à  tous  les  hommes  :  Soyez  parfaits 
comme  votre  Pire  céleste  est  parfait  {Matin,  r, 
tô.).  Ce  ne  sont  donc  pas  seulement  les  par- 
faits, les  I  rogressaiits  et  les  commençants 
qui  doivent  saintement  la  désirer  et  la  de- 
mander comme  le  meilleur  moyen  de  per 
feciion,  mais  encore  les  pécheurs.  D'ailleurs, 
en  règle  générale,  la  sagesse  de  la  contem- 
plation ne  se  trouve  pas  sur  la  terre  de  ceux 
Îui  vivent  dans  les  délices  (Job  xxTiiiy  13.), 
Ule  n'habitera  pas  dans  le  corps  soumis  au 
péché  [Sap*  1,  k).  Il  n'y  a  que  ceux  qui  ont 
le  ciBur  pur  oui  peuvent  voir  Dieu  par  la  con- 
templation  ^Matth.  v,  8).  Donc,  il  ne  faut  pas 
demander  inconsidérément  è  Dieu  de  nous 
accorder  la  conlemnjationy  avant  d*y  être 
suffisamment  disposés. 

m.  De  même  que  nous  pouvons  désirer 
et  demander  la  contemplation,  de  même 
aussi  nous  pouvons  mériter  du  moins  la 
contemplation  ordinaire,  non  d'un  mérite  de 
con  lignite  (de  condigno)^  mais  d'un  mérite 
de  convenance  (de  congruo^.  1*  En  effet,*  la 
contemplation  même  ordinaire  est  une 
grflce  supérieure  h  la  gnlce  qui  produit  les 
autres  actes  méritoires  qui  peuvent  préparer 
à  la  contemplation;  d*a  Heurs,  elle  n'est  pas 
un  moyen  absolument  nécessaire  pour  agir 
d'une  manière  juste  et  parfaite;  enfin.  Dieu 
ne  nous  a  nullement  promis  de  nous  accor^ 
der  la  contemplation,  si  nous  faisons  telle 
ou  telle  chose  :  donc,  nous  ne  pouvons  Toi)- 
tenir  par  mérite  de  condignité.  2*  le  mérite 
de  convenance  est,  il  est  vrai,  surpassé  par 
la  récompense  et  il  n'engendre  pas  une  obli- 
gation de  justice,  bien  qu*il  ait,  avec  la  ré- 
compense, certaine  convenance  el  certaine 
proportion,  à  cause  de  la  grandeur  el  de  la 
dignité' du  Rémunérateur.  Donc,  de  môme 
que  chacun  peut  mériter  la  grâce  habituelle 
première  de  mérite  de  convenance,  de  même, 
il  peut  également  mériter  la  grâce  de  la  con- 
lemplaiton.  «  Je  ne  vous  demande  pas,  Sel  : 


Îneur,  dit  Tauteiir  de  VEchelle  clauilraie^ 
ans  les  ceuvres  de  saint  Bernard,  je  ne  youi 
demande  pas  cette  grâce  au  nom  de  mes 
mérites,  mais  vûr  votre  miséricorde;  je  suis 
indigne  et  pécheur,  je  Tavoue,  mais  les  pe- 
tits chiens  mangent  les  miettes  qui  tombeol 
de  la  table  de  leurs  maîtres.  » 

IV.  L'aspiration  h  la  contemplation  doit 
toujours  commencer  par  la  vocation  divint 
et  l' par  la  vocation  donnée  à  tous  en  ffénéral. 
Tenez -vous  en  repos  et  voyez^  etc.  Ventx  à 
moi  vous  touSf  etc.  Si  quelqu'un  entend  ma 
voiXf  etc.  (Ftd.  sup.].  Tous  doivent  donc  se 
disposer  i  recevoir  un  jour  la  contemplation, 
quand  il  plaira  h  Dieu  de  la  leur  accorder; 
S"  par  une  vocation  réitérée  et  plus  spéciale, 
afin  que  ceux  qui  ont  déjà  bien  commencé, 
fassent,  en  se  disposant  ainsi,  des  progrès 
de  plus  en  plus  grands  ;  3*  par  une  vocalioa 
nouvelle  et  toute  spéciale,  afin  que  ceux  qui 
ont  beaucoup  avancé,  se  perfectionnenl, 
pour  obtenir  prochainement  la  contempla- 
tion, selon  ces  paroles  (Cant.  ii,  10)  :  Lmi- 
vous^  mon  amte^  ma  colombe^  ma  beauté, 
hdteZ'Vous  et  venez.  Apoe.  iv,  i  :Et  la  prf- 
miire  voix  que  jentenaisy....  disait  :  monttt 
jusgtCici.  Si  fiour  toute  bonne  œuvre  est  re- 
quise la  vocation  et  rinspirationdivine,èplus 
forte  raison  le  sera-t-elle  pour  la  contempla- 
tion divine.  C'estainsi  que  pour  la  perfection 
chrétienne,  il  y  a  d'abord  une  vocation  gé- 
nérale adressée  à  tous  :  Soyez parfaitn^  etc. 
Il  y  a  ensuite  une  vocation  spéciale  pour  la 
perfection  spéciale  :  Si  vous  voulez  itrepor- 
faitSf  allez,  vendez  ce  que  vous  avez  e...  tt 
suivez-moi  {Mal th.  xix,  21.). 

V.  La  contemplation  extraordinaire  avec 
ses  faveurs,  ses  ravissements  et  ses  visions, 
etc.,  ne  doit  être  désirée  ni  demandée  à 
Dieu  pour  elle-même,  si  ce  n'est  par  acci- 
dent et  dans  des  cas  bien  rares,  quand  Dieu 
nous  y  pousse  par  une  impulsion  extraor- 
dinaire. 1'  En  effet,  les  grâces  gratuites  ne 
sanctifient  pas  par  elles-mêmes,  et  sans  elles, 
on  peut  recevoir  toute  la  sainteté  dnns  sa 
perfection  ;  elles  peuvent  donner  lieu,  même 
dans  les  parfaits,  s'ils  ne  sont  extrêmement 
humbles,  è  des  défauts  de  vaine  gloire,  de 
curiosité  et  d*illusion.  Aussi  TEcriture sainte 
ne  nous  apprend  pas  que  les  prophètes  et 
les  apôtres  aient  été  comblés  do  ces  fateors 
en  les  demandant,  mais  elle  suppose  qu'ils 
les  reçurent  sans  s'y  attendre,  t  Les  grâces 
gratuites  peuvent,  d'après  la  volonté  de  Dieu, 
être  utiles  pour  l'exercice  de  la  charilé 
envers  Dieu  et  envers  le  prochain,  en  ce 
sens,  qu'on  peut,  par  les  visions,  les  rétô 
lations,  etc.,  être  excité  è  un  ulus  ardert 
amour  de  Dieu,  h  un  plus  vif  désir  de  faire 
du  bien  au  prochain.  Aussi  Moïse  ût-il  cette 
prière  {Exod.  xxxiii,  13)  :  Hontrez-moitotre 
visage^  montrez-moi  votre  gloire.  Et  Samuel 
celle-ci  (1  Reg.  m,  9}  :  Parlez ,  Stiijnt^T. 
parce  que  voire  serviteur  vous  éconte.  Les 
apôtres  1*1  les  autres  saints  ne  faisaient  com- 
munément aucun  exercice  de  la  grâce  des 
guérisons  et  des  miracles,  sans  se  livrrra»* 
paravaul  à  la  prière.  La  grâce  de  la  conteu»- 


4SI 


CX)N 


D*ASCETISME. 


CON 


4tt 


platioD  peut  doue  èlre  désirée  el  demandée 
for  aeeidmU. 

VI.  La  coDlemplatioriy  soit  ordiDaire«  soit 
extraordinaire,  ne  doit  être  désirée  et  de- 
mandée conformément  aux  règles  indiquées 
jusqnici,  que  sous  la  condition  tacite  ou 
expresse»  de  l'utilité,  pour  celui  qui  demande 
k  obtenir  cette  fareur.  En  effet,  la  contem- 
plation extraordinaire  n'est  que  rarement 
utile  et  ne  doit  pas  être  demandée  sans  une 
spéciale  inspiration  di?ine;la  contemulation 
ordinaire  sourent  aussi  n*est  pas  utile,  soit 
fiar  défaut  de  dis(K>sition  du  sujet,  soit  pour 
des  fins  connues  k  la  divine  Providence;  et 
d^ailleurs,  ce  n*est  pas  une  çrâce  nécessaire 
à  la  perfection,  h  laquelle  il  faut  toujours 
aspirer  par  degrés. 

Les  esprits  méditatifs  ne  veulent  tenir 
aucun  compte  de  la  contemplation  et  ia  re- 
jettent comme  un  mode  d'oraison  qui  n'est 
ni  nécessaire,  ni  facile,  ni  convenable.  Il 
font  les  objections  suivantes  :  I*  Il  est  dît  au 
livre  des  Proverbeg  (xxv,  27)  :  Celui  qui 
êcruie  la  majesté  $era  écroêé par  la  gloire; 
Eccli.  III,  22  :  Ne  recherchez  rien  de  trop 
élevé;  Luc.  xiv,  10:  Lorsaue  voui  serez  invité^ 
allez  vous  asseoir  à  la  aemiire  place.  Donc, 
il  ne  faut  pas  aspirer  à  la  contemplation.  — 
Tout  cela,  répondrons-nous,  prouve  seule- 
ment qu'on  ne  doit  pas  j  aspirer  sans  les 
précautions  et  les  règles  que  nous  avons 
prescrites,  c'est-à-dire  par  curiosité,  pour 
ne  |«as  être  écrasé  |)ar  la  gloire  divine,  ou 
sans  y  être  manifestement  appelé  de  Dieu  ; 
sans  cette  vocation,  en  effet,  il  faut  s'asseoir 
è  la  dernière  place  de  la  prière  vocale  et  de 
l'oraison  mentale.  2"  C'est,  en  quelque  sorte, 
tenter  Dieu,  disent-ils  encore,  de  se  placer 
ainsi  dans  le  silence  de  la  méditation,  pour 
que  Dieu  parle  è  l'homme,  tandis  que 
I  homme  peut,  par  la  méditation,  parler  lui- 
même  k  Dieu.  —  Nous  convenons  qu'il  y 
aurait  vraiment  témérité  à  se  présenter  pour 
entendre  la  voix  de  Dieu,  sans  marque  au- 
cune et  sans  espoir  que  Dieu  veuille  nous 
fiarler  dans  le  silence;  mais  si  les  signes  sont 
frappants  d'évidence  et  si  l'âme  est  bien  dis- 
posée, ce  serait  cette  fois  une  grossière  té- 
mérité de  vouloir  interrompre,  par  notre 
humble  langage,  les  paroles  du  souverain 
Roi.  —  On  objecte  :  3*  que  la  voie  contem- 
plative est  exftosée  à  de  nombreux  dangers, 
cjle  inspire  facilement  la  vaine  gloire;  elle 
excite  1  avidité  des  délices  spirituelles;  elle 
est  peu  propreaux  exercicesdela  vie  active, 
de  l'obéissance  et  de  l'oflSce  divin  ;  elle  jmrto 
à  dédaigner  les  âmes  non  contemplatives  ; 
*-\\e  (ait  mépriser  la  voie  de  la  méditation 
C'iiniue  l'alphabet  des  commençants.  A  celte 
ubjectio^nous  répondons  que  ces  dangers 
et  ces  dérauls  proviennent  uniquement  de 
l'abus  dé  la'ijjDnteinpIdtion,  mais  non  de  son 
usage  juste  él  Intime,  et  ne  se  manifestent 
qae  dans  le  *èas  <|ù  une  âme  mal  purifiée, 
toute  couverte  encore  de  souillures,  sans 
vocation  dUlne,  mais  de  sa  propre  autorité, 
est  venue  s'introduire  dans  la  conlempla- 
tioo;  car,  fout  au  contraire,  la  contempla- 
Uuii  110115  fa.t  penser  à  Dieu  plus  souvent  et 


nous  excite  è  l'amour  divin,  h  rfaomiKté  ei 
aux  autres  vertus.  —  4*  Puisque  la  contem- 

1)lation,  ajouie-l-on,  requiert  préalablomeiit 
a  f)erfection  de  l'âme,  qu'est-il  besoin  de  la 
contemplation  ?  —  La  contemplation  exige, 
il  est  vrai,  une  certa'ne  perfection,  mais 
n'empêche  nullement  l'âme  de  croître  de 
plus  en  plus  en  perfection.  —  5*  Au  moins, 
direz-vous,  il  est  inutile  de  donner  une  doc- 
trine de  la  contemplation,  car  Dieu  seul  et 
non  l'homme,  peut  l'enseigner  ;  c  lie  est  le 

Eroduitdo  l'expérience  et  non  celui  de  l'art, 
iifin,  il  n'j  a  que  les  contemplatifs,  ins- 
truits de  Dieu,  qui  puissent  tout  au  plus 
l'enseigner  d'après  leur  propre  expérience; 
aussi  les  principaux  ascètes  n'en  disent  rien 
dans  leurs  écrits.  —  A  cette  objection,  nous 
disons  que,  si  l'expérience  propre  est  requi>e 
pour  la  théologie  mystique,  celle-ci  ne  doit 

gis  être  abandonnée  à  la  seule  expérience, 
t  si  quelques-uns  des  principaui  ascètes 
se  sont  abstenus  d'exposer  la  docttiiie  de  la 
contemplation,  s'occupent  uniquement  de 
suivre  et  d'observer  toutes  les  prescriptions 
de  la  règle  commune,  afin  de  pouvoir  s'éle- 
ver, avec  la  grâce  de  Dieu,  jusqu'à  la  con* 
templation,  ils  ont  néanmoins  reconnu  qu'il 
fallait  demander  è  d'autres  la  direction  do 
ces  âmes  privilégiées,  dont  parLnt  un  grand 
nombre  d'auteurs. 

Malgré  toute  la  sainteté  du  désir  de  la 
contemplation,  il  est  cependant  inutile,  très- 
dangereux,  et  même  erroné  de  rechercher 
la  pratique  de  la  contemplation  pour  tou<* 
jours  et  avec  exclusion  ae  la  méditation; 
c'est  la  méditation  qui  doit  avec  la  prudence 
de  l'esprit,  disposer  à  la  contemplation  et  y 
suppléer.  —  On  le  prouve,  1*  par  l'Ecriture 
saiiite,  où  la  méditation  est  si  souvent  re- 
commandée à  tous  les  hommes  en  général. 
C'est  donc  k  tort  qu'on  voudrait  délaisser 
et  mépriser  la  méditation  pour  la  contem- 
plation, comme  trop  imparfaite  et  plus  em- 
barrassante qu'utile.  2"  Par  les  saints  Pères» 
qui  tous  recommandent  la  méditation.  «  La 
vie  contemplative,  dit  saint  Thomas  (3,  d, 
35,  q.  1,  quœstiun.  2),  consiste  principale* 
ment  dans  l'opération  de  l'intelligence,  el 
c'est  ce  qui  l'a  précisément  faitapfieler  con- 
templation. Le  contemplatif  fait  néanmoins 
usage  des  investigations  de  la  raison,  pour 
arrivera  la  vision  contemplative.  Donc  la 
recherche  de  la  raison,  ou  la  méditation 
dispose  à  la  contemplation,  et  c'est  è  tort 
qu  on  voudrait  la  rejeter.  »  Saint  fionaven- 
ture  demaude  (in  ii  Itin.  ater.  d.  6}  «  de 
quelle  manière  noire  esprit  s'efforce,  dans 
le  chemin  de  la  studieuse  niéJiialion,  de 
|>éoélrer  dans  le  sanctuaire  intérieur  et  dans 
la  demeure  éternelle  du  Seigneur  Jésus;  » 
après  avoir  montré  que  c'est  par  la  médi- 
tation, laquelle  détache  l'esprit  des  choses 
temporelles,  il  conclut  :  «  Enfin  la  médita- 
tion è  force  de  s'exercer  et  de  se  perfec- 
tionner, se  change  en  contemplation.  » 
Ecoutons  aussi  Gerson  (  Tr.  de  médit. , 
cens.  7)  :  «  Quand  je  pense  que  sans  l'exer** 
cice  de  la  méditation,  personne,  è  moins 
d'un  mirade  tout  spécial  de  Dieu,  ne  peut 


485 


CON 


DICTIONNAIRE 


CON 


48i 


se  diriger  vers  la  perfection  de  la  contem- 
plation, ou  y  parvenir;  que  personne  ne 
peut  atteindre  le  point  le  plus  élevé  do  !a 
religion  chrétienne,  ni  même  s'y  disposer;* 
je  ne  puis  recommander  avec  trop  de  zèle 
i*exercice  de  la  sainte  méditation.  »  El  Louis 
(Je  Blois  (Spec.  Spir.^  c.  Il)  remarque  que 
toutes  les  personnes  spirituelles  ne  sont 
pas  admises  à  la  contemplation,  et  que  les 
personnes  les  plus  élevées  en  contempla* 
lion,  sont. parfois  obligées  de  revenir  h  la 
méditation.  Saint  Jean  de  la  Croix,  de  l'au- 
torité duquel  certains  voulaient  abuser, 
requiert  expressément  dans  les  commen- 
çants l'usage  de  la  méditation  comme  une 
disposition  à  la  contemnlation.  (Opusc,  de 
psalm.  amor.,  cant.  m,  3);  il  enseigne  en- 
core {in  Ascms.  ad  mont,^  1.  ir,  c.  15)  que 
les  progressants  doivent,  en  raison  des  dif- 
férentes dispositions  de  leur  esprit,  se  li- 
:vrer  tantôt  h  la  méditation,  tantôt  à  la  con« 
tempiation.  Il  conseille  môme  aux  parfaits 
(c.  32)  de  faire  parfois  usage  de  la  médita- 
tion. Ënfîn  sainte  Thérèse  (in  Fia  per/l,  c.  16) 
fait  opposition  à  ses  ûlles,  qui  ne  voulaient 
s'appliquer  qu'à  la  seule  contemplation; 
elle  leur  disait  qu'il  valait  mieux  se  livrer 
è  la  méditation,  qui  était  utile  à  tous,  même 
quand  on  manquait  de  vertus^  tandis  que  la 
contemplation  exigeait  de  grandes  vertus 
el  de  nombreuses  dispositions.  Et  elle  con- 
tinue :  a  Restez  donc  toute  votre  vie  dans 
votre  oraison  mentale.  Je  vous  promets  avec 
certitude  ce  bien  de  la  contemplation,  à 
vous  et  à  toutes  les  personnes  qui  le  dési- 
rent; je  vous  parle  d'après  ma  propre  ex- 
périence et  sans  crainte  de  me  tromper. 
Pendant  vingt  ans  j'ai  fait  de  vains  elTorts 
pour  obtenir  ce  précieux  don;  sans  cette 
condition  préalable,  vous  ne  parviendrez 
jamais  à  la  véritable  contemplation.  »  3"*  En 
voici  la  raison  :  1°  La  médilatîou  est  plus 
naturelle  à  Tbomme  qui  raisonne  que  la 
contemplation  par  intuiiion  simple;  celle-cî 
i;onvient  mieux  aux  anges,  et  il  serait  pré- 
somptueux de  la  rechercher  de  son  propre 
choix.  2°  La  voie  de  la  méditation  seule  est 
euflisanie  pour  le  commencement,  l'accrois- 
sement et  la  (in  de  Ja  perfection,  et  Dieu  ne 
oous  a  fait  aucune  promesse  de  la  contem- 
plation; il  est  donc  téméraire  à  Thomme  de 
l'attendre  pour  se  déterminer.  3"  On  cour- 
rait autrement  le  risque  do  tomber  dans  les 
erreurs  deMolinos. 

Nous  avons  dit  que  la  méditation  doit, 
avec  la  prudence  de  l'esprit,  di>poser  à  la 
contemplation  et  y  suppléer. 

On  pourra  se  servir  à  cet  effet  des  règles 
suivantes  : 

L  La  méditation  ne  doit  pas  précéder  la 
contemplation  comme  cause;  car  éiant  d'un 
ordre  inférieur,  tandis  que  la  contempla- 
tion est  un  don  de  Pieu  tout  h  fait  gratuit, 
la  méditation  ne  peut  par  elle-même  influer 
sur  la  contemplation.  Néanmoins  la  médi- 
tation doit  précéder  la  contemplation  comme 
disposition;  car  le  don  précieux  de  la  con- 
templation ne  $'accoriequ!aux urnes  conve- 
.Dabiement.  préparées   {^ar    la    médilalion. 


C'est  ce  que  Hugues  de  Saint-Victor  d(^- 
montre  {Hom.  1,  in  ecc.)  par  l'exemple  du 
feu  qu'on  allume  avec  du  bois  vert. 

II.  La  méditation  peut  en  quejqne  ma- 
nière et  doit  suppléer  la  contemplation, 
quand,  pour  une  épreuve  ou  pour  toute 
autre  (in  connue  de  Dieu  seul,  unepersoDue 
se  trouve  nour  quelque  temps  privée  des 
faveurs  de  la  contemplation  dont  elle  jouis- 
sait. Car  souvent  les  âmes  contemplatives 
et  bien  disposées  sont  éprouvées  par  des 
aridités  telles  qu'elles  peuvent  à  peifie 
prier,  loin  de  pouvoir  jouir  du  repos  de  la 
contemplation.  Elles  doivent  alors  se  forti- 
fier, autant  que  possible,  par  l'exercice  des 
vertus,  la  lecture  spirituelle,  la  prière  vo- 
cale et  mentale.  «  L'esprit  ainsi  éprouvé, 
dit  Richard  de  Saint-Victor,  (1.  v  De  con* 
templ.y  c.  17)  doit  réveiller  en  lui  les  dou- 
ceurs spirituelles  par  la  méditation  du 
cœur.  »  Saint  Laurent  Justinien  {De  Discr, 
prof,y  c.  18)  ajoute  :  «Il  faut  demeunr 
dans  cette  jouissance  amoureuse,  c'est-à- 
dire  dans  la  contemplation,  tant  que  dure 
Taffection  divine  :  si  elle  vient  è  cesser  ou 
à  s'attiédir,  il  faut  la  ranimer  par  le  secours 
de  la  méditation,  a 

IIL  La  disposition  résultant  de  la  méditatioo 
ne  peut  se  régler  sur  un  certain  espace  d« 
temps,  pour  préparer  sutlisamment  l'âme  au 
passage  à  la  contemplation.  Car  une  médi- 
tation courte  peut  être  plus  profitable, 
comme  une  longue  peut  l'être  moins,  en 
raison  de  la  ferveur,  ou  de  la  tiédeur,  ou 
de  la  nécessité  plus  ou  moins  grande  de  la 
purgalion.  D'ailleurs,  la  contemnlation  est 
un  don  gratuit,  que  Dieu  ne  uoit  à  per- 
sonne, quelque  bien  disposé  qu'on  soit,  et 
qu'il  accorde  ordinairement  pour  des  fins 
connues  de  lui  se4jl  tôt  ou  tard«  un  jour  ou 
jamais.  Aussi  Gazée  reprend-il  Cassien 
{CoUat.  12, 15)  qui  assigne  l'espace  de  six 
mois  comme  suflisant  pour  obtenir  la  per- 
fection de  la  chasteté,  fixant  en  quelque 
sorte  à  Dieu  une  époque  déterminée. 
«  C'est  une  pratique  suspecte,  dit  Louis  du 
Pont,  que  de  suivre  pendant  tant  d'années 
ou  tant  de  mois  certains  exercices,  en  vue 
d'obtenir  telLe  ou  telle  faveur  de  Dieu,  et 
d'attendre  tel  ou  tel  degré  de  vertu.  » 

Il  ne  faut  donc  pas  écouter  ceux  qui  pré» 
tendent  que  pour  s'élever  h  la  contempla- 
tion il  suffit  de  se  livrer  à  la  médilatioa 
pendant  deux  années,  pendant  quatre  ou 
six  mois.  On  lit  dans  le  prologue  de  la  théo- 
logie mystique,  dans  les  œuvres  de  saint 
Éonaventure,  qu'il  suffit  de  s'exercer  un 
mois  ou  deux  à  la  méditation^oor  s'élerer 
à  la  conlemjdalion  unitive.  Cfettejproposi- 
lion  suffit  pour  démontrer  que.fièdfelhéolo» 
gie  mystique  est  fausseitieiil^^ 
s^aint  Bonaventure,  d'autadt 
tous  ses  autres  ouvrages^  oii 
qui  se  rapporte  à  cette  doclrio^ 
(Jinnl  Ooiia  observe  avec  rafSon  (i  , 
c.  10  )  que  sainte  Thérèse  peudanl  tingj' 
deux  ans  et  son  confesseur  Baltbazar  Al- 
varez  pi^ndiuit  seize  ans^  ont  laiïgui  dans 


buée  à 
u6,daDS 

oit  rieo 
l  le  cir- 


ir 


CON 


D*ASCET1SM£« 


cra 


48$ 


1h$  peines  de  la   méditation,  avant  d'être 
élevés  ^  la  contemplation. 

IV.  Il  faut  s*en  rapporter  com[)létement  à 
Dieu,  non-seulement  quant  au  temps  et  à 
la  manière  d'obtenir  la  contemplation,  mais 
encore  quant  à  la  substance  même  de  la 
rniemplatiou.   Nous  devons  mettre  notre 
sol'ioihide  à  nous  j  dis|>oser  par  la  médita- 
tion, aSn  de  ne  pas  apporter  obstacle  à  un 
si  ^rand  bien.  En  effet,  la  contemplation, 
riH>flie  en  supposant  que  la  méditation  nous 
à\i  bun  disposés  à  la  recevoir,  doit   être 
i.ri.iiblement  demandée  comme  une  grâce 
i:) iveile,  mais  ne  peut  être  obtenue  et ac* 
pise  comme  une  grâce  qui  nous  est  due* 
c  Ni  la  lecture  spirituelle,  ni  la  méditation 
ne  peut  nous  en  faire  connaître  la  douceur, 
51  elle  ne  nous  est  pas  donnée  d'en  haut.  » 
(  Aucl.  ScaL  clau$tr,y  c.  13.  ) 

Sainte  Thérèse  (  Fi7.,  c.  22)  dit  avoir  vu 
a^'ec  déplaisir  certains  traités  de  l'oraison 
enseigner  que  l'âme,  quoiqu'elle  ne  pût  par 
elle-même  s'élever  jusqu'à  la  contemplation, 
comme  œuvre  surnaturelle,  pouvait  cepen- 
dant s'aider  à  j  parvenir,  en  détachant  l'es- 
Krït  de  toute  chose  créée ,  et  en  s'élevant 
nmblement,  après  de  nombreuses  années 
passées  dans  la  voie  purgative  et  illuminât!  ve. 
Ce;te  doctrine  dit-elle,  pèche  par  défaut  d*hu- 
in  lité,;eo  enseignant  à  l'homme  qu'il  peut 
s'élever  lui-même,  avant  d'être  élevé  de  Dieu, 
en  lui  faisant  croire  à  tort  qu'il   peut  en 
quelque  sorte  s'égaler  aux  anges,  et  par  ses 
(ropres  efforts  mériter  un  si  grand  bien.  » 
y.  Pour  que  la  méditation  puisse  disposer 
à  lacontemnlation,  elle  doit  être  piutôtajfec- 
tÎTt  qu'intejlecti  ve,  c'est-à-dire  enQammée  par 
des  aspirations  jaculatoires,  ou  actes  anago^ 
giques;  elle  doit  être  en  quelque  sorte  con- 
tinuelle, même  jour  et  nuit.  C'est  ainsi,  en 
effet,  que  le  feu  de  l'amour  divin  dessèche 
le  cœur  comme  le  foin,  en  fait  jaillir  des 
étincelles  et  l'enflamme,  aCn  d*exciter  par 
le  feu  descendu  du  ciel  un  nouvel  incendie. 
«  La  voie  la  plus  courte  vers  Dieu,  dit  le 
cardinal  Bona  (  in  17a  comp.^  c.  5  ).  vers  le 
sommet  de  la  théologie  mystique,  vers  l'u- 
nion intime  avec  lo  Verbe,  consiste  dans  les 
mourements  anagogiques  et  dans  l'exercice 
<ies  aspirations.  L'âme,  en  effet,  commence 
à  faire  un  retour  sur  ses  sentiments  inté- 
rieurs, retour  qui  s'opère  au   mojen  des 
aspirations  actives,  en   même  temps  que 
la   partie  inférieure  et  l'esprit  de  l'homme 
s'élèvent  à  Dieu  par  ces  mouvements  anago- 
9'ques  ;  bieatôi  les  affections  du  cœur  s'en- 
flamment, et  la  partie  raisonnable  de  l'âme* 
je  dégageant  du  lien  des   passions  et  des 
«ux  prestiges  du  monde,  dirige  son  regard 
inléri<»ur  sur  tes  célestes   régions  qu  elle 
^t^ut    p^keourir,  et  ainsi  passe  à  l'état  le 
plus  subliine  de  ia  divine  contemplation.  » 
^LCetiftmddifalionrloit  être  non-seulement 
^ffecfiJi^Aais  aussi  efficace^  et  so  f>roposer  là 
destractiao  ûa  péché  et  des  restes  du  péché, 
la   comprcSBsion  et  l'extirpation,  aulait  que 
f'Ossîbie,  des  fiassions,  le  développenienl  des 
vertus  et  si^riout  de  1  humilité.  S.ifîs  telle  di;- 
f-Cift-lion, c'est  en  vain  ijn'oii  ritiei:*]  la  ^r^ce  le 


la  contemplation,  c  11  faut  d'abord,  dit  saint 
Grégoire  (  I.  vi.  JUor  ,  c.  17  ),  purifier  l'es- 
prit de  tout  amour  de  la  gloire  temporelle 
et  de  tout  plaisir  de  la  concupiscence  char- 
nelle; et  alors  seulement  on  doit  l'élever 
vers  la  montagne  de  la  contemplation. 
Ainsi  lorsque  le  peuple  reçoit  la  loi  il  lui 
est  interdit  d'approcher  delà  montagne; 
quand  la  faiblesse  de  son  esprit  le  retient 
encore  attaché  aux  choses  de  la  terre,  ce 
serait  à  lui  une  folle  présomption  de  vou- 
loir contempler  les  choses  sublimes.  » 

Lorsque  1  âme  a  été  suffisamment  dispo- 
sée par  la  méditation,  et  conformément  aux 
règles  que  nous  venons  d'exposer,  lors- 
qu'elle est  appelée  à  la  contemplation  par 
une  inspiration  spéciale  de  Dieu,  alors  il 
est  saint  et  utile  pour  elle  de  s'y  1.  vrer  hum- 
blement, et  de  laisser  momentanément  la 
méditation.  1*  L'Ecriture  sainte  nous  l'indi- 
que en  nous  invitant  à  la  contem{  lation  (Voir 
les  textes  cités  plus  haut  ).  2"  C'est  aussi 
la  doctrine  des  saints  Pères.  Saint  Denjs 
(  TheoL  mysl.^  cl)  enseigne  à  Timolhée 

J|u'il  doit,  délaissant  toute  chose  créée,  iV/T- 
orcer  d'arriver  au  rayon  des  ténèbres  divines^ 
?ui  est  supérieur  à  toute  essence.  L'auteur  dd 
Echelle  claustrale  (  c.  10)  dit  en  parlant  de 
la  contemplation  :  «  Dieu  veut  que  nous  I0 
priions,  et  qu'à  son  arrivée,  quand  il  frappa 
à  notre  porte ,  nous  lui  ouvrions  le  sanc- 
tuaire de  notre  volonté  et  nous  la  confor- 
mions à  la  sienne.  »  Richard  de  Saint-Vic>- 
tor  (  Deprop.  ad  contempL^  c.  83,  8i;  1. 1  Ai 
cont.f  c.  2)  dit  aussi  :  «  l'arche  d'alliance  est 
construite  et  dorée  sous  la  direction  de  Dieu« 
quand  l'intelligence  humaine  est  élevée  à  la 
contemplation  de  la  grâce  par  l'insp-ralion 
et  la  révélation  divine.  »3*  Selon  saint  Tho- 
mas (2-2,  q.  180,  a.  4),  «  la  contemplation 
nous  est  pi  omise  comme  la  lin  de  toutes  les 
actions  et  la  perfection  di^s  joies  éternelles  : 
cette  contemplation  sera  parfaite  dans  la  Tia 
future,  alors  que  nous  verrons  Dieu  face  à 
face;  et  par  elle  les  parfaits  jouiront  de  la 
béatitude.  Mais  maintenant  la  contemplation 
de  la  vérité  divine  est  en  rapport  avec  no- 
tre faiblesse;  aile  se  fait  d'une  manière  im- 
parfaite, comme  dans  un  miroir  et  sous  le 
voile  du  mystère:  elle  est  pour  nous  une 
indication  de  la  béatitude  qui  commence 
ici-bas  pour  continuer  dans  l'éierniié.  » 
Nous  devons  donc  nous  dispenser  à  la  rece- 
voir. D'ailleurs  la  méditation  cherche  labo- 
rieusement la  vérité  à  r<nide  du  raisonne- 
ment quand  elle  ne  peut  l'obtenir  par  Tin- 
tuition  simple.  Donc  si  Dieu  nous  l'offre 
par  cette  intuition,  c'est  inutilement  que 
nous  la  recherchons  par  la  méditation.  Eufia 
dans  la  voie  de  la  méJita  ion,  nous  devuns 
marcher  en  aspira'U  à  la  co  iieiip  ation  ;  il 
est  donc  contniire  a  la  raison  do  r^rster  aliO" 
ché  à  ia  médilalioi,  alors  que  réfKiux  se 
présente  à  nous  par  la  contemplation. 

Mais  pour  ne  pas  quitter  prématurément 
la  voie  de  la  UiédiLalion,  il  nous  faut  obser^ 
ver  les  règles  suivantes  ; 

1.  Le  caractèro  fondamental  du  passrge 
réi^uiier  de  ta  niédilatiuii  à  la  contemplùtîup 


i 


487  CON 

consiste  dans  tific  spéciale  vocaiion  et  ins- 
piration de  Dieu.  Cette  vocaiion  est  une 
condition  indispensable,  et  en  Tâbsence  de 
laquelie,  c'est  h  tort  nu'on  veul  aspirer  à  la 
contemplation.  On  doit  se  contenter  alors 
de  1  oraison  vocale  ou  mentale.  Mais  si  l'on 
possède  cette  condition  de  la  vocation  di- 
vine il  y  aurait  témérité  à  se  refuser  à  la 
contemplation.  Ainsi  renseignent  Louis  de 
Blois,  Alvarez  et  Jean  de  Jésus  Marie. 

La  plus  grande  difficulté  est  de  savoir  re- 
connaître si  rame  est  appelée  de  Dieu  à  la 
contemplation,  et  doit  s'y  livrer  avec  une 
liumble  contiance  ;  ou  bien,  si  elle  n'y  est 


DICTIONNAIRE 


CON 


i» 


quand  elle  y  a  été  autorisée  par  un  mattre 
spirituel  qui  a  nu  a'^iuérir  une  conaais- 
sance  suffisante  ue  ses  progrès  dans  la  verta 
et  dans  la  méditation  :  lorsqu'elle  y  est  por« 
tée  par  des  inspirations  intérieures  et  par 
une  cerlaine  satisfaction  de  l'esprit;  lors- 
qu'enfin  fatiguée  d'ariditédans  la  méditalim, 
elle  fait  plus  de  progrès  dans  ce  regard  dat- 
tention  amoureuse  vers  Dieu,  se  montre  plus 
forte  à  fouler  au  pied  le  monde,  h  se  mépriser 
elle-même  et  à  pratiquer  toutes  les  vertus. 
IV.  Si  l'âme  n'a  pas  été  purifiée  par  la 
mortitiration  intérieure  et  estérioure,  si 
elle  n'a  pas  proiilé  des  épreuves  que  Dieu 


pas  appelée  et  doit  s'en  éloigner  avec  mo-  lui  a  envoyées,  si  elle  n'a  pas  expié  ses 
destie.  On  peut  le  reconnaître  à  trois  signes  '  péchés,  détruit  tous  les  restes  du  péché, 
certains  et  évidents,  indiqués  par  saint  Jean     subjugué  ses  passions,  cessé  de  commettre 


de  la  Croix  {Ascens.  ad  mont.  1.  ii,  c.  13  et 
1^  )  :  !•  le  premier  signe,  c'est  qu.md  l'Ame 
suffisamment  disposée  à  la  contemplation  ne 
peut  plus  se  livrer  à  I»  méditation.  Quand 
ce  signe  est  seul,  il  est  trompeur  et  ne  suf- 
fit pas  pour  discerner  si  l'on  est  appelé  de 
Dieu  à  la  contemplation.  Car  l'impuissance 
è  méditer  peut  naître  de  la  tiédeur,  ou  de 
la  négligence  à  remplir  ses  devoirs  de  piété, 
ce  qui  arrive  souvent.  2*  II  est  donc  néces- 
saire à  ce  premier  signe  d'en  ajouter  un 
second,  c'est  lorsque  l'Ame  qui  ne  peut  ni 
méditer  ni  raisonner  sur  les  choses  divines 
et  surnaturelles,  montre  en  même  temps 
beaucoup  d'éloignement  pour  la  dissipation 
et  (tour  le  goût  des  choses  terrestres.  3*  En- 
fin, le  troisième  et  le  principal  signe,  sans 
lequel  les  deux  autres  ne  peuvent  rien 
quant  è  la  nécessité  de  se  livrer  à  la  con- 
templation, c'est  quand  TAme  s'applique  à 
Foraison  avec  des  aspirations  affectueuses 
vers  Dieu.  Ce  sont  ces  aspirations  que  le 
même  saint  appelle  attention  ou  connais- 
sance affectueuse  dans  la  paix  et  laquié-- 
tude  (152). 

IL  Quand  on  a  la  certitude  de  cette  voca- 
iion spéciale,  il  faut  s'y  conformer  et  y 
coopérer  par  la  voie  de  la  contemplation 
comme  à  une  grAce  toute  spéciale.  En  effet 
la  voie  de  l'oraison  étant  par  elle-même 
beaucoup  plus  parfaite  par  la  contemplation 
que  par  la  méditation,  et  Dieu  voulant  par 
elle  élever  l'esprit,  ce  serait  non  de  l'nu- 
milité,  mais  de  la  pusillanimité  et  de  la 
paresse  que  de  résister  k  la  vocation  di- 
vine :  on  perdrait  ainsi  de  précieux  avan- 
tages, et  il  pourrait  en  résulter  de  grands 
inconvénients.  Aussi  saint  Jean  de  la  Croix 
(  m  Pram,  ascens.  ad  mont,  Carm  ),  se  pla.nt 
«  que  certains  confesseurs  et  pères  spirituels, 
par  leur  inexpérience  de  cette  voie,  sont 
ordinairement  plutôt  nuisibles  qu'utiles  aux 
Ames  contemplatives.  » 

III.  Pour  connaître  cette  vocation  spéciale 
si  nécessaire  à  la  contemplation  il  laul  le 
diseemement  des  esprits,  (  voir  ce  mot,  )  Nous 
donnons  en  pass^int  cette  règle  empruntée 
d'Alvarez.  (\.  y  De  contemp.  p.  2,  c.  13).  Une 
Ame  |)eut  jse    livrer  à  ce  genre  d'oraison 


aucune  faute  délibérée,  et  fait  des  progrès 
dans  la  vertu  i-t  surtout  dans  l'humilité,  on 
ne  peut,  à  moins  de  circonstances  rares  et 
extraordinaires,  supposer  que  l'inspiralioa 
divine  la  porte  à  la  contemplation. 

V.  La  con'emplalion,  même  accompagnée 
de  la  vocation  et  des  dispositions  requises» 
peut  encore  être  ou  seulement  imparfaiu 
et  comme  ébauchée,  ou  parfaite;  elle  peut 
être  aussi  ordinaire  ou  extraordinaire.  En 
etfet,  la  contem^^lation,  en  général,  ne  ditTère 
pas  logiquement,  mais  seulement  morale- 
ment ue  la  méiiilation,  c'esl-à-dire  en  tant 
qu'elle  lui  est  sui^érieure  d'une  manière 
notable  et  permanente.  Aussi ,  la  médita- 
tion peut  souvent  participer  en  quelque 
chose  de  la  contemplation  imparfaite,  et 
dcins  la  contemplation  même  parfaite  se 
trouve  mêlée  quelque  méditation  :souTent 
mêmeellesdoiventalternerl'une  avec  l'autre. 

On  peut  voir  aux  articles  nouifosisiie  et 
QciéTisHB  Texposition  et  la  réfutation  de 
queK]ues  erreurs  opposées  à  cette  doclrioe 
Uo  la  contemplation.     ' 

Le  meilleur  moyen  d'aspirer  à  la  contem- 
platioui  c'est  d'aspirer  avec  ferveur  à  la  pen» 
fection.  Celui  qui  en  toute  circonstaoce 
s'applique  à  agir  parfiiiteoient,  s'efforcera 
d'aimer  Dieu  sans  mesure  et  par-dessus 
tout;  et  pour  l'aimer  ainsi,  il  le  priera  de 
l'éclairer  et  de  Tentlammer  toujours  de  plus 
en  plus.  A  cet  etfet,  il  se  livrera  avec  zèle  à 
la  prière  vocale  et  instrumentale,  aux  aspi* 
rations  vers  Dieu,  et  à  sa  continuelle  pré- 
sence. Il  s'y  portera  non  par  un  sentiment 
de  stérile  curiosité,  mais  par  un  amour  effi* 
cace,  et  avec  le  secours  de  la  grAce  divine* 
Aussi,  pratiquant  toutes  sortes  deroorlitica- 
tions,  il  évitera  avec  soin  les  fautes  nséme 
les  plus  légères,  du  moins  celles  qui  tout 
délibérées;  il  déracinera  eu  lui  les  vicas,  d 
repoussera  les  distractions,  méprisera  toute 
chose  créée,  ne  désirera  pas  av(3c  trop  dV 
vidité  même  les  céleates  délices,  mais  i« 
résignera  tout  entier  et  avec  iiumilité  au 
bon  plaisir  divin.  Voilà  la  meilleure  dispo^ 
sition  à  1j  contemplation  ;  et  Dieu  la  Im 
accordera,  ou  s'il  ne  juge  pas  è  propos  de 
lui  donner  celle  laveur,  il  n'en  avancera  !»«« 


(158)  Voir  Oraison   ArrKcxtvr  ,  Oraison  dk   nECDeuxEHEM   actif    et   PASStr  eu  ces 
observations  reçoiveiit  lout  leur  dév^opprmeut. 


frgleê 


fl  tfl 


4» 


cm 


D'ASCenSHB. 


C03I 


49» 


moins  dans  la  perfection.  Car  la  perfection 
ne  consiste  pas  dans  le  don  de  la  contem- 
plation, et  Dieu  peut  la  lui  refuser,  tout  en 
suppléant  h  son  absence  par  le  don  de  son 
amour  plus  sûrement  défendu  par  Thumilité. 
En  effet,  saint  Grégoire  remarque  (I.ti  Mor.^ 
c.  17)  que  la  contemplation  est  utile  à  beau- 
coup de  personnes,  mais  non  h  toutes;  qn^il 
est  préférable  pour  d'autres  que  Timpéluo- 
siié  de  Tamour  soit  assurée  par  le  poids  de 
i'bumilité,  comme  par  une  ancre  que  la 
charité  jette  sur  le  rifage  de  Tamour  dirin. 
«  Dans  rbumiiité,  la  mortification,  Tabné- 
gation  et  les  autres  vertus,  dit  sainte  Thé- 
rèse (m  Tia  perf.jC.  17),  il  y  a  toujours 
beaucoup  de  sécurité;  il  n'y  a  rien  à  crain- 
dre, aucun  danger  à  courir  de  ne  pas  arriver 
h  la  perfection;  soyez  donc,  autant  que  les 
âmes  les  plus  élevées  dans  la  contemplation, 
toujours  en  parbite  sécurité,  faisant  tout  ce 
qui  dépend  de  vous  pour  arriver  à  la  con- 
templation, et  iaites-le  avec  toute  la  perfec- 
tion possible  ;  et  si  Dieu  refuse  de  vous 
accorder  cette  faveur  (et  je  ne  pense  pas 
qu'il  le  fasse,  si  votre  abnégation  et  votre 
humilité  sont  véritables),  croyez  que  cette 
joie  vous  est  réservée  dans  le  ciel,  où  vous 
la  goûterez  on  jour  avec  plus  d*alK>ndance 
et  de  délices.  » 

La  contemplation,  soit  ordinaire,  soit 
extraordinaire,  se  divise  en  chérubique  ou 
intellective,  et  en  séraphique  ou  affective. 
S^sla  contemplation  cnérubique  coexistent 
deux  actes  partiels  d'intelligence  et  de  vo- 
lonté; mais  c'est  l'acte  intellectuel  qui  sur- 
tout y  prédomine. 

Ces  deux  termes  de  chérubique  et  de  êéror 
phiqut  sont  empruntés  aux  deux  premiers 
chœurs  delà  hiérarchie  des  esprits  célestes. 
Les  séraphins  sont  ceux  en  qui  l'ardeur  de 
i'amour  éclate  plus  ^ne  la  lumière  de  la 
sdence,  bien  qu'ils  jouissent  de  ces  deux 
perfections.  Les  chérubins,  dont  le  nom 
signifie  pléniiude  de  science  9  sont  ceux  en 

aui  la  lumière  intellectuelle  brille  avec  plus 
'éclat  que  l'ardeur  de  l'amour,  bien  qu'ils 
possèdent  l'une  et  l'autre  à  un  très-haut 
degré.  De  même,  dans  la  contemplation^ 
qui  consiste  dans  une  foi  vive  et  uneaideote 
cliarilé,  l'un  ou  l'autre  de  ces  actes  se  ma<- 
nifeste  avec  plus  de  splendeur,  et  celui  où 
prédomine  la  lumière  intellectuelle  de  la  foi 
vive  s'appelle  contemplation  chérubique 
ou  intellective;  et  celui  où  surtout  se  mani- 
Itîste  l'ardeur  brûlante  de  la  charité  se  nomme 
contemplation  séraphique  ou  affective. 

DS  LA  COSTKMPLATIO?!   CBiBLBIQUB.  —  La 

contemplation  chérubique  a  pour  fonde- 
ment nécessaire  la  foi,  ou  une  grande  ha- 
bitude à  comprendre  les  choses  divines  et 
révélées,  auxquelles  la  théologie,  par  ses 
eipifcations,  peut  apporter  quelque  lumière. 
A  des  explications,  la  contemplation,  par 
\^  trois  dons  du  Saint-Esprit,  savoir  par 
ceux  dlotelligence,  de  sagesse  et  de  science, 

(155;  Ce  passage  assez  diiBcile  d*IIugues  de  Saint- 
Tidorest  ainsi  exprimé  eo  lat:o  :  Cum  cœperit  mens, 
de,..;  in  tantum  in  koe  mentis  ctceuu  pas  Ula  quœ 

DlCTlOSI^.  D*AsciTlSXE.   I. 


ajoute  une  nouvelle  lumière  intellectuelle, 
claire  et  chaleureuse,  qui,  unie  k  la  lumière 
delà  foi,  élève  et  exalte  souverainement 
l'intelliKence,  de  manière  à  lui  faire  con- 
naître Tes  vérités  divines  révélées,  d'une 
nouvelle  manière,  avec  une  lumière  nou« 
Telle  et  avec  une  nouvelle  vivacité  qui  en 
agrandit  le. cercle  à  ses  yeux.  Cette  lumière 
de  la  contemplation  est  claire,  certaine, 
forte,  pacifique,  délicieuse  et  pure;  elle  est 
le  principe  des  connaissances  qui  amélio- 
rent la  vie  et  les  mœurs:  elle  est  pratique  et 
éclaire  l'intelligence,  de  manière  i  échauffer, 
amollir,  fondre  et  récréer  en  même  temps 
la  volonté,  à  pénétrer  l'âme  de  tendresse  et 
k  rectifier  l'intention,  afin  que  dans  tousses 
désirs,  dans  toutes  ses  paroles  et  ses  actions 
elle  ne  cherche  que  Dieu  seul.  Et  de  même 
que  si  dans  une  chambre  ténébreuse  où 
quelque  malade  est  tristement  étendu,  vient 
à  pénétrer  quelque  chaud  rayon  du  soleil  de 
midi,  la  chambre  est  subitement  éclairée, 
l'air  purifié  et  le  malade  transporté  de  joie; 
de  même  dans  l'âme  contemplative,  l'igno- 
rance est  éclairée  par  cette  lumière  de  la 
contemplation,  se%  affections  sont  purifiées, 
son  intention  rectifiée,  son  cœur  pacifié,  son 
entendement  illuminé,  et  les  choses  divines 
et  humaines,  qu'elle  n'avait  jusiju'alors  ni 
connues  ni  comprises,  lui  apparaissent  sous 
un  jour  nouveau  et  d'une  manière  excellente 
et  plus  parfaite.  C'est  ainsi  que  le  P.  Go- 
dînez  décrit  la  contemplation  chérubique. 
(Pr.  th.  mgtt. ,  I.  v,  c.  1.)  Hugues  de  Saint- 
Victor  la  présente  à  peu  près  sous  le  même 
point  de  vue  (1. 11  De  anim.^  c.  20)  :  c  Lors* 
que  l'esprit,  par  la  pure  intelligence,  com- 
mence a  s'élever  au-dessus  de  lui-même, 
k  pénétrer  tout  entier  dans  les  splendeurs  de 
cette  lumière  incorporelle,  à  goûter  quelque 
douceur  intime  des  choses  qu'il  contemple 
intérieurement ,  à  en  former  son  intelli- 
gence et  à  en  créer  sa  sagesse* il  arrive, dans 
ce  transport  d'esprit,  à  un  tel  degré  de  cette 
paix  supérieure  aux  sens,  qu'il  se  fait  comme 
un  stlence  dans  le  ciel  (153).  Les  sens  et 
l'imagination  n'ont  rieo  à  faire  ici,  et  toute 
la  partie  inférieure  de  l'âme  se  trouve  dis* 
pensée  de  ses  propres  fonctions.  » — «  Si  les 
mystères  de  notre  foi  que  nous  avons  appris 
par  la  révélation,  .dit  Richard  {I.  iv  De  c<m- 
iemplX  ou  qui  nous  ont  été  enseignés  par 
les  théologiens,  deviennent  l'objet  habituel 
de  notre  eontemplaticm,  alors,  il  arrive  (si 
Dieu  nous  accorde  cetfe  faveur)  que  notre 
esprit  se  transporte  d'admiration  pour  ces 
mystères,  qu'il  s'en  nourrit,  s'en  humilie,  et 
s'enflamme  du  désir  le  plus  ardent  pour  les 
choses  divines.  »  Les  écrits  de  sainte  Thé- 
rèse et  de  saint  Jean  de  la  Croix  nous  four- 
nissent l'exemple  de  saints  qui  ont  excellé 
dans  cette  contemplation. 

La  contemplation  chérubique  peut  avoir 
pour  objet  le  mystère  de  la  sainte  Trinité, 
celui  de  l'Incarnation ,  celui  de  TEucharis- 

exsuperat  omnem  semum^  tnvemtur  atqme  obtinetur. 
ut  fiai  ùltiaiw»  m£#/o. 


40i 


COIS 


iiiti  A  lOiNi^iiitii:* 


CON 


492 


tie,  etc.  Nous  allons  successivemeni  exami- 
ner ces  différents  genres  de  contemplation. 
1"  La  contemplation  de  la  tri$-sainte  Tri- 
nilé  est  fondée  sur  la  foi,  qui  nous  enseigne 
qu'en  Dieu,  un  dans  son  essence,  se  trou- 
vent trois  personnes  réellement  distinctes, 
le  Père,  le  Fils  et  le  Saint-Esprit.  Le  Père 
n'est  pas  engendré;  il  est  le  principe  pro- 
duisant par  une  génération  féconde  son  Fils 
unique,  consubstantiel  au  Père,  et  égal  à 
lui  en  toutes  choses.  Le  Père  et  le  Fils,  quoi- 
que étant  deux  personnes  réellement  dis- 
tinctes ,  sont  un  seul  et  môme  principe 
d'où  procède  le  Saint-Esprit  ,  qu'ils  pro- 
duisent par  une  seule  et  même  volonté,  un 
seul  et  même  acte.  Le  Saint-Esprit,  bien 
qu'il  n'engendre  pas  comme  le  Père  ,  est 
néanmoins  bon,  sage  et  saint  comme  le 
Père  et  le  Fils,  leur  est  consubstantiel  en 
tout,  et  ne  forme  avec  eux  qu'un  seul  et 
môme  Dieu.  La  théologie  prouve  toutes  ces 
assertions  et  explique  en  quelque  sorte 
l'unité  de  l'essence  dans  les  trois  personnes 
par  la  coexistence  de  trois  facultés  d'intelli- 
gence, de  volonté  et  de  mémoire  dans  une 
seule  &me;  elle  jette  ainsi  quelque  clarté 
sur  les  obscurités  de  la  foi.  Mai:$,  dans  les 
&mes  contemplatives,  tandis  qu'elles  voient 
le  mystère  de  la  sainte  Trinité  sous  l'ombre 
de  la  foi,  à  la  lueur  du  flambeau  de  la  théo- 
logie, il  leur  survient  parfois  sur  ce  mystère 
une  lumière  éclatante,  chaleureuse,  splen- 
dide,  pacitique  et  délicieuse,  qui  leur  fait 
apparaître  ce  mystère  suprême  avec  une 
éblouissante  clarté.  Elles  y  contemplent, 
€omme  dans  un  divin  miroir,  de  nombreuses 
vérités  nouvelles,  de  nombreux  secrets  et 
mystères  divins,  de  nombreuses  perfections  ; 
et  cette  intuition  simple  transporte  TAme 
d'admiration,  la  réjouit,  l'enflamme,  la 
change  intérieurement,  l'élève  et  la  perfec- 
tionne. Sainte  Thérèse  l'atteste  par  son  pro- 
pre exemple  (  Ftï.,  c.  39) ,  et  le  P.  Godinez 
(I.  V,  c.  3}  rapporte  avoir  connu  quelques 
tliéologiens  qui  avaient  parfois  reçu  la 
faveur  insigne  de  ceite  sublime  contempla- 
tion ;  ils  disaient  que  la  lumière  qu'ils  trou- 
vaient dans  les  livres  sur  ce  mystère  n'était 
qu'obscurité,  en  comparaison  de  cette  lu- 
mière éclatante  et  chaleureuse  de  la  con- 
templation ,  qui  éclaire  l'intelligence  d'une 
manière  sublime  et  échauile  délicieusement 
la  volonté. 

Quand  nous  disons  ici  que  la  théologie, 
soit  dogmatique,  soit  scolastique,  peut  être 
de  quelque  utilité  pour  la  contemplation, 
nous  ne  prétendons  pas  qu'elle  y  soit  in- 
dispensable ;  car  en  beaucoup  d'âmes  con- 
templatives qui  n'ont  aucune  notion  do 
la  théologie,  la  lumière  de  la  contemplation 
supplée  abondamment  au  défaut  de  connais- 
sances théologiques.  Nous  vouions  dire  seu- 
lement que  ceux  qui  ont  étudié  la  théologie 
f meuvent  utilement  s'en  servir  pour  éclairer 
eui'  foi,  et  se  disposer  ainsi  à  la  contem- 
plation. 

2*  La  contemplation  du  mystère  derincar- 
nation^  V  est  fondée  sur  la  foi,  qui  nous  en- 
seigne que  le  Fils  de  Dieu  s'est  incarné  dans 


le  sein  de  la  bienheureuse  Vierge  Marie, 
réunissant  dans  sa  personne  divine,  par  une 
union  hypostalique»  la  nature  divine  et  la 
nature   humaine  ;   de   sorte  qu'en  Jésus- 
Christ  notre  Seigneur,  bien  qu  il  y  ait  deui 
natures  complètes,  il   n'y  a  cependant  ni 
deux  personnes,  ni  deux  Fils  de  Dieu.  Cette 
môme  foi  nous  enseigne  que  les  actions  de 
Jésus-Christ  ont  été  théandriques,  c'est-à- 
dire  d'un  Dieu  homme,  qui  a  souffert  comme 
homme,  est  ressuscité  comme  Dieu.  2*  La 
théologie  confirme  ces  vérités,  les  explique 
et  les  éclaire  en  quelque  sorte  par  divers 
exemples. —  3"*  A  ces  deux  fondements  se 
joint  la   méditation   affective  et  continue 
d'un  si  grand  mystère.  —  k*  Ces  vérités 
étant  crues  par  la  foi  et  appréciées  par  une 
méditation  vivement  affective.  Dieu  parfois 
allume  et  développe  dans  rîntolligence  la 
lumière  ardente  de  la  contemplation,  dont 
l'effet  se  communique  à  la  volonté;  celte 
lumière  fait  apparaître  ces  vérités  sous  un 
point  de  vue  nouveau,  admirable  et  délec- 
table, et  produit  dans  l'âme  une  connais- 
sance  si   vive,  si   rapide,  si   perçante,  si 
claire  et  si  délicate,  que  cet  Homme-Dieu 
attire  et  retient  à  lui  le  cœur  de  l'homme  et 
Teuflamme   par   cette  contemplation  d'un 
tendre  et  suave  amour;  i'&me  alors  déborde 
d'affections,   elle  désire,  elle   brûle,  elle 
aime,  elle  se  tait,  elle  écoute,  elle  sent  d'une 
manière  divine.  Alors  la  foi  est  vivifiée, 
l'espérance  se  ranime,  la  charité  s'enflamme, 
toutes  les  vertus  morales  reçoivent  un  nou- 
vel éclat.  On  contemple  Jésus-Christ,  tan* 
tôt  dans  son  enfance,  tantôt  dans  sa  pré- 
dication, tantôt   dans  les   souffrances  de 
sa  passion ,  pour   exciter  en   soi  les  at 
fections  des  vertus  morales,  o'est-i^-dire  de 
componction,  de  patience,  d'humilité,  d'o- 
béissance, de  douleur,  de  crainte,  de  confu- 
sion, par  la  considération  et  l'imitation  de 
l'enfance,  de  la  vie«  de  la  passion  et  de  la 
mort  du  Sauveur. 

Il  est  utile  aux  flmes  contemplatives  de 
s'efforcer  de  connaître  Dieu  par  la  contem- 
plation, de  s'appliquer  à  la  contemplation 
de  rhumanité  du  Christ.  On  le  prouve  :  i* 
par  l'Ëcriture  sainte,  qui  nous  propose  à 
tous,  sans  exception  pour  les  contemplatifs, 
la  considération  de  Jésus-Christ  comme 
homme.  Celui-ci  est  mon  fils  Aten-atW,  écovi- 
tez-le,  {Luc,  ix,  35.)  La  vie  éternelle  consiste 
à  vous  connaîtrcy  vous^  qui  êtes  le  siul  Dieu 
véritable,  et  à  connaître  Jésus  Christ  que  vous 
avez  envoyé.  (Joan,  xvii ,  3.)  2"  Par  les 
saints  Pères.  Saint  Denys  (c.  2  De  div.  nom.) 
contemple  à  la  fois  Jésus  comme  Dieu  et 
comme  homme,  et  il  rapporte  avoir  appris 
celte  contemplation  du    divin  Hiérolbée, 

![ui  était  ins{)iré  de  Dieu.  Jésus,  dit-il,  est 
a  manifestation  de  toute  théologie.  Cassien 
(coll.  I ,  c.  15),  parmi  différentes  vérités 
qu'il  propose  comme  matière  de  contempla- 
tion, place  au  ()remier  rang  le  m^ère  de 
l'Incarnation.  Richard  de  Saint-Victor  (l.i 
De  coni.^  c.  3,  et  I.  iv,  c.  22),  pense  que 
non-seulement  Dieu,  mais  toutes  les  vérités 
révélées  peuvent  servir  indistinctement  de 


CON 


matière  ï  la  méililalion  et  ït  la  conlempla- 
Ijoii,  qui  sont  deui  aortes  do  prière,  seule- 
ment difTércDtes  quant  h  la  manière;  et  au 
c.  18,  il  présente  les  mystères  de  la  sainte 
Trioil^  et  de  l'Incarnation  comme  la  malière 
du  degré  le  plus  parfait  de  la  contempla- 
lion.  Saint  Augustin,  h.  propos  de  ces  pa- 
roles {Joan,    iiv,  6)  :  Je  tuU  ta  voie,  la 
térilé  tt  la'eie,  s'exprime  ainsi  (serm.  55, 
De  ttrbit  Domini)  :  «Il  estdevenu  la  voie  en 
»  Taisant  homme.  C'est  en  passant  par  l'hu- 
manilè  tiuu   vous  parvenez    h  Dieu;  c'est 
)i«r  lui,  c  est  vers  lui  que  vous  marchez.  Ne 
cherchez  pas  d'autre  moyen  que  lui-même 
[)our arriver  k  lui..,.  Il  vaut  mieux  aller  en 
boitant  dans   la  voie  que  de  marcher  h 
grands  pas  hors  de  la  voie.  »  Saint  Ber- 
nard [serm.    3   De  atcem.)  enseigne  que 
lëus-Christ  est  venu  pour  éclairer  notre 
intelligence  f>  tous,  afin  que  nous  petuions 
foHjour*  tt  tant  ceue,  par  la  méditation   et 
lacoDlemplalioD,  aux  iturveiUet  qu'il  a  fat- 
1».  Saint  Bonaventure(tn  Stim.  amor.,  p.  ii, 
c.  3}  dit  aussi  :  ■   Quiconque  veut   entrer 
daus  \a  repos  et  la  douceur  de  la  contempla- 
tion autrement  que  par  l'ouverture  du  côté 
lie  Jésus-Christ,  doit  se  regarder  comme  un 
Tolcur  de  nuit.»  Alvarez  PéTage  s'eiprime  en 
C€s  termes,  dans  sa  réfutation  des  Béguards 
(il  Planet.  Eecl.,  1.   ii)  :  ■  Ces  hérétiques, 
en  prétendant  que  ce  serait  déchoir  des 
hiuleurs  de  la  contemplation,  que  d'arrêter 
»  ueosée  sur  la  cliair  ou  sur  la  passion 
de  Jdsus-Chrisl,  sont  inspirés  par  un  esprit 
de  folie  et  d'orgueil,  diabolique;  car,  en 
tsnsidéraol  le  corps  de  Jésus-Christ,  on 
voit  Dieu  par  la  foi,  et  on  contemple  sa  di- 
vinité, qui  est  intimement  unie  à  la  chair 
de  Jésus-Christ....  Quel  sujet  plus  noble  et 
plospar  de  contemplation  que  Dieu  soui- 
frint  dans  sa  chair,  et  que  cet  auguste  sa- 
crement,  institué    principalement  en  mé- 
moire de  ce  divin  mjslëreT...  Rien  n'attire 
(t  n'enchaîne  l'homme  k  Dieu  comme  la 
cnniemplatioD  de  Dieu  fait  homme.  »  3*  Le' 
troisième  motif  est  tiré  de  saint  Thomas 
{i-î,  q.  180,  a.  ^),  qui  établit  que,  «  bien 
•|ue  la  Divinité  soit  le  premier  objet  de 
notre    contenaplalion ,     néanmoins     nous 
sommes,  par  l'amour  divin,  conduits  en 
quelque  sorte  par  la  main  dans  ia  contem- 
l'IalioQ  de  Dieu,  selon  ces  paroles  de  l'ApA- 
Ire  [Rom.  i,  20J  :  Ce  qu'il  y  a  d'inviiible  en 
A'm  ut  devenu  tiiible  par  la  connaistanee 
9«  i«  créature*  nout  en  donnent.  C'est  pour- 
^•wji  la  contemplation  des  effets  divins  est 
une  seconde  matière  de  contemplation,  en 
tant  qu'elle  conduit  l'homme  â  la  connais- 
"nce  de  Dieu.  «  Or,  de  tous  les  eflfets  di- 
'iiis,  le  plus  divin  est  snns  contredit  l'In- 
f-JrnatioD;    donc,  elle  doit  être,  bien  que 
5':coQdaireflftenl ,  l'objet  de  la  contempla- 
lion.  EnOn,' selon  lo  même  docteur  {Quodl. 
Tiii.  art.  20],  l'humanité  de  Jésus-Christ  est 
la  porte  delà  contemplation,  non-seulement 
pour  les  hommes  morlelsi  mais  encore  pour 
Kt  anges  et  les  bienheureux  dans  le  ciel. 
■  Le  premier  objet  de  la  contemplation  des 
MIDIS,  dit-il,  est  Dieu  lui-même  ;  il  est  pour 


D'ASCETISME.  CON  «t 

eus  le  moyen  do  toul(>  connaissance  et  la 
règle  de  toute  opération.  Ils  conlemphni 
donc  d'abord  la  divinité  de  J<^sus-Christ 
avant  de  contempler  son  humaniié.  Néan- 
moins, ils  trouvent  un  égal  |)lui^ir  ^ii:is 
chacune  de  ces  contemplations:  C'ost  ce  qui 
a  fait  dire  à  saint  Jean  (i,  9}  :  li-s  bienheu- 
reux entreront  pour  contempler  la  divinité 
de  Jéiu$-Chriat,et  Ht  tordront  pour  con- 
templer ton  humanité,  et  partout  iln  Iroure- 
ront  det  pâturages,  c'est-à-diie  jo'e  et  bon- 
heur, t  Donc  les  Âmes  contemplatives  qui 
sont  dans  la  voie,  c'est-à-dire  plus  impar- 
faites encore  que  celles  qui  sont  dans  la 
patrie,  doivent  s'élever  &  la  contemplation 
par  rhumanité  de  Jé.^us-Chiist. 

La  contemplation;  de  l'humanité  do  Jé- 
sus-Christ est  encore  utile  pour  exciter 
en  nous  l'amour  de  Dieu  et  les  autres  af- 
fections de  vertu  propres  h.  la  contempla- 
tion, C'est  c&  que  prouvent,  1°  les  textes 
sacrés  rapportés  ci-dessus  ;  2*  les  saints  Pères 
et  les  mystiques  dans  les  passages  elles  plus 
haut.  Joignons-y  celui-ci  de  saint  Booaven- 
lure  (c.  60  Medtt.  Chritt.  tiit.]  :  ■  Vous  avez 
vu  comment  il  y  a  trois  genres  de  «-ontem- 
piation  :  celle  de  l'humanité  de  Jésus-Christ, 
celle  de  la  céleste  cour  et  celle  de  la  ma- 
jesté divine.  Vous  devez  savoir  que  dans 
chacune  de  ces  contemplations  coexistent 
deux  transports  d'esprit,  un  transport  in- 
tellectuel et  un  transport  affectif,  aeic. 

Réfutons  ici  quelques  objections  proposées 
sur  ce  sujet.  1*  La  contemplation,  dit-on, 
consiste  dans  l'intuition  simple  de  Diea 
comme  Dieu.  Donc  l'humanile  de  Jésus- 
Christ  n'y  a  aucun  rapport ,  et  se  rattache 
seulement  à  la  méditation  qui  dispose  à  la 
contemplation.  —  Hép.  La  contemplation  de 
Dieu  comme  Dieu  est  la  contemplation  pre- 
mière et  principale,  mais  elle  n'exclut  pas 
un  objet  secondaire  de  contemplation  ,  qui 


est  l'humanité  de  Jésus-Christ. —  2*  Saint 
Bonaventure  a  dit  [  Médit,  vit.  Chritt.  c.  fiO)  ; 
a  La  coniemplatioii  de  l'humanité  de  Jésus- 
Christ  est  pour  les  commençants  et  les  im- 
parfaits. ■  £t  il  conclut  (c.  Si)  :  a  Celte  con- 
templation est  plutôt  une  méditation  qu'une 
contemplation  véritable.  »  Saint  Bernard  le 
prouve  (serm.  62  m  Cant.),en  disant  que 
l'âme  parfaite  peut  seule  pénétrer  dans  lo 
sanctuaire  du  Verbe,  par  la  sublime  con- 
templation ,  tandis  que  les  imparfaits  ne  doi- 
vent pénétrer  que  dans  les  blessures  du 
Christ,  par  la  méditation  ,  pour  s'y  puri- 
fier,—A^p.  Saint  Bonaventure  veut  seule- 
ment dire  que  la  considération  de  l'huma- 
nité du  Christ  dons  la  méditation  convient 
également  aux  parfaits  et  aux  imparfaits; 
tandis  que  la  contemplation  no  convient 
seulement  qu'aux  parfaits.  C'est  aussi  en  ce 
sens  qu'on  doit  expliquer  les  paroles  de 
saint  Bernard. — 3°  La  contemplation  par- 
faite détache  de  tout  ol>jet  sensible,  parce 
que, selon  l'Apôtre,  n'ayant  poinr de  voile  qui 
noutcouvrelevisageet  conlemplantlagloire  du 
Seigneur,  noui  tommet  tran» formés  en  lamémt 
image{IiCor.  m,  18).  D'aiHeurs  saint  De- 
nys  (c.  i  De  mgtt.  th. )  exhorte  ainsi  Timo- 


DICTIONNAIRE 


CON 


tilde  :  a  Laissez  de  cAlé  les  sens,  les  actes 
de  l'esprit ,  tout  ce  qui  tombe  sous  les  sens, 
tont  ce  qui  est  aperçu  par  l'esprit,  ■  etc. 
Thnuler  e(  saint  Jean  de  la  Croix  tiennent  ie 
TVi&tne  1nn!;n;;n.  Donc  riiumanilé  de  Jâsus- 
Clidst,  l'OiiiLLji'  objet  sensible, ne  peut  âEre 
riialiferu  tieconliimplation.  —  Rép.  Les  cho- 
ses SCD»ibles  |ii.uven[  aussi  servir  de  raa- 
tièreï  la  coiiif^m'platiûi).  Dans  le  passage 
ci[^  ,  sainl  l'aiil  oppose  la  manière  uonl  les 
spiïtres  ont  tu  Jésus-Christ  en  Ini-mâme ,  et 
dont  tons  les  hommes  peuvent  le  voir  par 
la  foi ,  à  la  manière  figurée  dont  Moïse  l'a 
vu  ,  et  enseigne  que  nous  apercevons  en  lui 
.»mine  dans  un  miroir  la  gloire  de  la  Di- 
vinité. Quant  à  saint  Denys  et  aux  autres 
mystiques ,  ils  sont  loin  d'exclure  de  la  con- 
templation l'humanité  do  Jésus-Christ, 
comme  on  voudrait  le  prétendre.  Concluons 
donc  que  l'buuianité  de  Jésus-Christ  non- 
seulement  ne  peut  être  un  obstacle  à  la 
contemplation ,  même  la  plus  sublime ,  mais 
encore  est  un  des  moyens  les  plus  eflicaces 

Jiour  y  arriver.  Jésus-Christ ,  eu  effet ,  s'est 
ail  homme  visible  ,  sfm  d'élever  l'homme  à 
la  connaissance  du  Dieu  invisible.  Il  est  la 
porte  par  laquelle  on  parvient  à  riatelligeoce 
de  Dieu ,  par  laquelle  on  arrive  à  Dieu  par 
la  profonde  contemplation.  Aussi  les  saints 
qui  ont  été  le  plus  comblés  dus  faveurs  de 
la  contemplation  sont  aussi  ceux  qui  ont  le 
plus  aimé  Is  sainte  humanité  du  Christ.  Jt 
n'ai  point  fait  profeuion  de  savoir  autre  chose 
parmi  voue  que  Jétiu-Chritt ,  et  Jetas  Christ 
erueifié.  {I  Cor.  n,  2.)  Je  porte  sur  mon 
<orp$  tes  stigmates  de  mon  Seigneur.  (  Gai. 
Ti ,  17.  )  Je  vis  ,  ce  n'est  plus  moi  qui  vis , 
c'est  Jésus-Christ  qui  vit  en  moi,  {  Gai. 
II,  20.  JQui  ne  sait  le  rang  de  sainl  Fran- 
çois d'Assise  parmi  les  personnes  contcm- 
pl'itivesT  Pour  juger  avec  quel  vif  amour 
pour  Jésus  crucifié  il  se  livrait  à  sa  contem- 
plation sublime ,  jetez  les  yeux  sur  les  stig- 
mates qu'il  porte  au  côté  ,  auz  mains  et  aux 
pieds.  Saint  Antoine  de  Padoue  n'était  pas 
non  plus  un  des  moins  favorisés  sous  le 
rapport  de  la  contemplation.  Voulez-vous 
savoir  de  quelle  ardeur  pour  Jésus-Christ 
son  cœur  était  embrasé  ?  Considérez  l'Enfant 
divin  qu'il  serre  dans  ses  bras.  Parmi  les 
saintes  contemplatives,  les  plus  émincntes 
60nl  :  Sainte  Catherine  de  Sienue,qui,|iar  la 
couronne  d'épines  dont  elle  entourait  sa 
léte.  montre  assez  combien  elle  chérissait 
son  époux  crucifié  ;  sainte  Srigitle.qui  cha- 
que jour  recevoit  la  nourriture  de  la  doc- 
trine céleste  de  lu  bouche  même  de  sou 
Seigneur  crucifié;  sainie  Thérèse,  qui  pleu- 
rait avec  amorlume  les  moments  passés 
sans  songer  à  Jésus.  Telle  est  la  voie  royale 
qu'ont  suivie  les  saints  pour  s'avancer  dans 
la  connaissance  et  dans  l'amour  de  Dieu. 

3*  La  contemplation  du  mystèredi}laSatnfe 
Euchnristie  a  pour  fondement  la  foi  par  la- 
quellu  nous  croyons  qu'après  la  prononcia- 
tion des  paroles  de  la  consécration  paruo 
ministre  légitime,  la  substance  du  pain  et 
du  vin  se lranssubstanlieQ.a  le  corps  et  le  sang 
do  Jésus-Clirist,  et  qu'il  nç  reste  plus  que 


les  seules  apparences  du  pain  el  du  via.Co 
mystère  de  la  sainte  Eucharistie  est  eipli- 
qué,  confirmé  et  défendu  par  la  théologii-. 
Dieu  fait  luire  parfois  dans  les  dmesunelu- 
mière  de  contemplation,  qui  leur  montre 
la  manière  dont  le  corps  de  Jésus-Cijrisl 
existe  sous  les  espèces  sacramentelles,  et 
le  leur  fait  opparaltre  comme  un  roi  sur 
son  trône,  qu  un  rideau  voile  aux  regards  ; 
ou  comme  un  bnilanl  soleil  dont  quelques 
nuages  tempèrent  momenlanément  l'éclat; 
comme  la  source  du  paradis ,  cachée  £ous 
le  feuillage  des  espèces  sacramentelles, et 
d'où  émanent  quatre  Qesves  de  grSce,  de 
miséricorde,  de  charité  et  de  pieté,  pour 
arroser,  réjouir  el  féconder  l'Eglise  .ainsi 
que  les  cœurs  des  fidèles  qui  viennent  y 
boire.  Une  contemplation  revêtue  de  ces  ca- 
ractères a  parfois  tant  de  force ,  qu'elle  ra- 
vit l'âme  dans  une  sorte  de  transport  admi- 
ratif ,  h  la  vue  de  ces  découvertes  dudiTÎD 
amour.  L'âme  alors  tressaille  d'allégresse, 
et  comme  débordoul  par  l'ardeur  enQammfe 
de  son  amour,  elle  se  fond  en  quelque  sorle 
et  se  répand  en  affections  de  gratitude.  Avec 
quelle  facilité  ne  croit-on  pas  alors  à  ce 
qu'auparavant  on  révoquait  pour  ainsi  dire 
on  doute  T  Avec  quelle  certitude  D'em- 
brasse-t-on  pas  ce  qu'on  ne  pouvait  com- 
prendre T  Avec  quelle  clarté  ne  com[lrenl^ 
t-onpas  les  vérités  inaccessibles  au  raisono^ 
ment  humain  T  La  foi  pousse  dans  l'âme  des 
racines  si  profondes,  qu'on  est  prêt  à  mille 
fois  mourir  pour  la  défense  do  chacune  des 
vérités  révélées.  El  quand  même  tous  les 
hommes  et  les  anges  s'élèveraient  contre  ce 
que  l'on  croit  alors ,  rien  au  monde  ne  pour- 
rait  ébranler  dans  l'âme  la  fermeté  avec  la- 
quelle elle  croit  ces  vérités.  Dans  celte  peifeo 
tion  de  l'intelligence,  la  volonté  n'est  pas  oi- 
sive, mais  elle  brûle  d'amour,  elle  adore  avec 
une  crainte  respectueuse.  Cette  majesté 
dont  la  grandeur  l'effraie,  elle  l'adore, 
j'aime,  la  vénère  et  l'admire;  elle  lui  offre 
sas  hommages  el  sa  reconnaissance,  elle  ^ 
célèbre  avec  la  pureté  la  plus  grande.  L'joie 
alors  s'humilie,  et  comme  stupéfaite  delà 
grandeur  de  ce  don  ,  par  lequel  Dieu  se 
donne  lui-même,  incarné  dans  ce  sacre- 
ment, en  nourriture  aux  âmes,  elle  est 
toute  hors  d'elle-même ,  incapoble  de  trou- 
ver uu  mot,  un  sentiment  d'amour,  un 
acte,  par  lequel  elle  puisse  témoigner  sa 
reconnaissance  de  cet  insigne  bienfait.  EIlo 
se  tient  donc  dans  un  silence  prudent,  ren- 
dant tacitement  à  Dieu  l'hommage  qu'elli^ 
no  peut  dignement  lui  exprimer  du  vire 
voix. 

4*  La  contemplation  des  attributs  de  Dit'* 
a  aussi  pour  fondement  la  foi,  par  laiiuelle, 
I"  nous  croyons  la  toule-puissance,  la  jus- 
lice,  la  miséricorde  el  les  autres  perfecliuns  , 
do  Dieu  que  la  foi  nous  révèle  ;  2*  nous  les 
connaissons  par  les  affections  nréées  coiniT"! 
étant  les  qualités  de  la  cause  inciéée.  Ainsi 
la  toute-puissance  se  révèle  par  la  crfiilioQ 
du  ciel  et  de  la  terre,  des  anges  et  des  liom- 
mes,  do  touies  ces  magnifiques  créaluns 
ci^lestes  cl  élémentaires,  dont  lu  contemili- 


M7  CO:i  D'ASCETlSlie. 

tioD  nous  Innsporte  de  J'admiraliOD  la  plus 
rire.  La  justice  éclate  dans  la  récompense 
ëlernelle  des  bons  el  l'élernel  chàliment  des 
méchanrs,  d'où  résulte  la  crainte  de  la  pu- 
nilioD  el  l'espoir  de  la  rémunéralioD.  La 
miséricorde  se  trouve  en  quelque  sorte  oc- 
cu))ée  A  secourir  toutes  les  misères  de  l'hu- 
manité. La  bonté  se  manifeste  dfins  les  mille 
mojens  par  lesquels  Dieu  se  commaoïque 
aux  créatures.  Toutes  ces  considérations,  si 
elles  sont  ordinaires,  sodI  do  domaine  de 
la  méditation.  Mais  si  elles  élèvent  et  Irans- 
porteol  l'âme,  elles  produiront  l'uDioa,  avec 
le  détacbemect  de  la  créature  et  l'amour  du 
Créateur;  et  li  par  elles  l'âme  parvient  à 
un  degré  plus  sublime  dans  la  connaissance 
de  la  foi  et  la  Tivacilé  de  l'amour,  il  pourra 
7  avoir  conteoiplatloo.  Supposons,  par  exem- 
ple, la  foi  de  Vimmensité  de  bleu,  par  la- 
quelle Dieu  est  intimement  présent  en  tout 
lieu,  comme  cause  nniverselle,  conservant 
IVssence  de  chaque  créature;  les  personnes 
contemplatives  sont  quelquefois  favorisées 
d'une  lumière  si  claire,  si  pure  el  si  sublime, 
que  dans  la  consïtJération  de  celte  Imiuen- 
silé,  elles  trouvent  Dieu  présent  en  tout 
temps,  en  tout  lieu,  en  toute  personue  et  eo 
toute  action  ;  leur  cœur  est  en  même  temps 
si  bien  disposé,  qu'à  \a  moindre  pensive,  an 
moindre  signe  qui  leur  rappelle  l'idée  du 
Créateur,  l'âme  tressaille  vers  lui  par  des 
prières  jaculatoires,  des  anxiétés,  des  trsns- 
(«ris  d'amour,  des  soupirs  el  d'autres  mou- 

vemi^nts  internes  ou  externes Ainsi,  i 

l'aspect  d'une  belle  Qeur,  la  pensée  se  porte 
aussitôt  sur  la  beauté  du  bien-aimé,  et  toutes 
les  créatures  sont  en  quelque  sorte  les  de- 
grés de  l'échelle  rar  laquelle  on  s'élève  aux 
choses  célestes.  Ce  mode  d'oraison  est  fé- 
cond en  délices,  en  tendresse,  en  dévotion, 
aiiisi  qu'en  aspirations  jaculatoires,  en  sou- 
pirs et  en  larmes.  Hais  l'union  intérieure 
rend  les  âmes  compicnlatives  extérieure- 
ment modestes,  composées,  silencieuses, 
sans  affectation  el  sans  hypocrisie,  avec 
sne^iité  et  vérité.  L'âme  puise  dans  cette 
oraisoi  une  grande  force  pour  la  pratique 


ré-,$ulière  des  vertus  morales,  surtout  de 
celles  qui  ont  le  plus  de  rapports  avec  les 
devoirs  et  les  obligations  de  son  étjl,  el  sans 
lesquelles  la  contemplation  serait  très^M)m- 
[rontise.  Caria  personne  plus  veriueusea  plus 
rie  sainteté  que  la  personne  plus  contempla- 
live.  Celle-ci  doit  donc  èlre  aussi  riche  de 
vertus  que  d'exemptes.  (Voy.GoDiK£i,c.  6.) 
ToMltt  lei  créatures  qui  brillent  dans  le 
ciel,  qui  ornent  la  terre  que  nous  habitons, 
peuvent  devenir  l'objet  de  la  contemplation  ; 
soit  parce  qu'elles  montrent  la  toute-puis- 
sance de  Dieu,  qui  par  sa  parole  a  tiré 
toutes  choses  du  néant  ;  soit  parce  que  leur 
ordre  tl  leur  symélriefont  éclater  la  souve- 
raine sagesse  de  celui  qui  a  présidé  A  leur 
arrangement;  soit  parce  que  leur  beauté 
nous  sert  en  quelque  sorte  d'échelle  pour 
nous  élever  è  la  connaissance  de  la  Beauté 
infinie  ;  soit  encore  parce  qu'elles  nous  dé- 
montrent l'immense  sagesse  de  cet  Esprit 
si  vaste,  qui  les  connaît  et  les  comprend, 


aa  19» 

malgré  leur  quantité  innombrable  et  leur 
variété  ;  soit  enlin  parce  qu'elles  rendent 
visible  Â  nos  regards  la  providence  de  leur 
suprême  Créateur,  qui  les  régit  et  les  gou- 
verne, et  que  nous  élevant  i-.-s'i  'i  linuMÎ- 
gence  des  attributs  de  Dicn,  '  '  -  i.iuii  uolre 
esprit  sur  ces  attributs  et  '  ri  niplissciit 
d'un  étonnement  mêlé  de  d'i   -  r. 

Ecoutons  Cassicn  sur  ce  -  i|' i  f  collât,  t. 
c.  15)  :  iLa  contemplation  l'  l):<.-u  («nt  si- 
concevoir  sousde  nombr<.'Ui  i  ><  ils  d(^  vu-j  ; 
car  Dieu  n'est  pas  connu  parla  seule  admi- 
ration de  sa  substance  incompréhensible; 
il  se  manifeste  encore  par  la  grandeur  de 
ses  ouvrages,  par  la  méditation  de  sa  jus- 
tice et  du  soin  atlentif  avec  feouel  il  veille 
journellement  sur  nous.  Quand  nous  con- 
templons d'un  cœur  pur  lout  ce  qu'il  fait 
dans  chaque  génération,  nous  sommes  frap- 

fiés  de  craioie  el  d'adm  ira  lion,  h  l'aspecl  de 
a  puissance  par  laquelle  il  gouverne,  mo- 
dère et  régit  toutes  choses,  de  l'immensité 
de  sa  science  et  de  la  pénétration  de  son 
regard,  qui  sonde  jusqu'aux  secrets  les  plus 
cachés  cfcs  cœurs.  Lorsque  nous  pensons 
avec  frajeur  que  tous  les  grains  de  sable, 
tous  les  flots  de  la  mer  lui  sont  connus, 
malgré  leur  immensité  :  que  toutes  les 
gouttes  de  pluie,  tous  les  jours  el  les  heures 
des  siècles  écoulés,  que  le  passé  el  l'avenir, 
rien  n'écbappe  h  sa  science,  nous  restons 
immobiles  d'élonnement..  ..  Ces  sortes  de 
contemplations  peuvent  se  multiplier  à  l'in- 
fini, selon  ra  régularité  de  notre  vie,  lo  pure- 
té de  notrecŒur  et  de  notre  entendement.» 
Lei  auvrei  mmaturelUs  de  Dieu  peu- 
vent encore  être  l'objet  de  la  contemplation 
divine  :  ainsi  la  grâce  sanctiliante,  les  grâces 
actuelles,  les  sacrements,  les  bienfaits  que 
nous  recevons  A  toute  heure,  soil  dans  l'or- 
dre de  la  nature,  soit  dans  l'ordre  de  ta 
grâce.  ■  Lorsque  nous  considérons  sa  clé- 
mence ineffable,  dit  encore  Cassien  [loe. 
âl.) ,  et  les  fautes  innombrables  que  nous 
commettons  k  tout  moment  eo  sa  présence, 
el  qu'il  supporte  avec  une  infatigable  lon- 
ganimité; lorsque  nous   réOéchissons  k  la 


vocation  k  laquelle  il  nous  appelle,  sans 
aucun  mérite  de  notre  part  et  par  la  seule 
grâce  de  sa  miséricorde,  et  aux  occasions 
de  salut  qu'il  nous  [trésenle;  lorsque  nous 
sommes  transportés  d'admiration,  en  pun- 
sani  et  qu'il  nous  a  fait  naître  pour  verser 
sur  nous  ses  grâces  dès  noire  berceau,  pour 
oons  initier  k  la  connaissance  de  sa  loi ,  el 
que,  triomphant  lui-même  en  nous  de  notre 
ennemi ,  il  ne  nous  demande  que  l'assen- 
timent de  notre  volonté  pour  oons  accorder 
en  récompense  l'éternelle  béatitude;  qu'en- 
fin il  s'est  incarué  pour  notre  salut  et  qu'il 
a  étendu  sur  toutes  les  nations  les  merveilles 
de  ses  mystères  ;  nous  faisons  alors  des 
œuvres  surnaturelles  de  Dieu  l'objet  de 
notre  contemplation.» 

La  contemplation  peut  encore  avoir  pour 
objet  tn  saints,  les  anges  et  leur  Reine: 
Dieu  se  propose  lui-même  k  notre  admira- 
tion dans  les  plus  glorie'jses  de  ses  créa- 
tures, selon  ces  paroles  du  Boi-Prophète  : 


4M 


CO» 


i>i«i  til  admirable  dttnt  tet  iaintt.  Enfin, 
disons-le  avec  Kichard  de  Saint-Victor  (I.  i, 
c.  3,  et  I.  IV,  c.  22,-  De  contempt.)  :  «  Tout  ce 
qui  est  matière  de  foi  peut  devenir  par  cela 
m^niL-  Tii.iltère  de  cotilemplalion.  »  Car, 
r<inui)(>  II'  <iil  le  Docteur  aogélique  :  •  c'est 
imr  Ih  que  l'homme  est  en  quelque  sorte 
l'iiruluil  |i.'ir  la  main  à  la  coooaissance  de 
Dlou.  >  Ainsi  saint  Bernard  conclut  (l'n  Sen- 
l<-ttf.)qui-  I ['5  âmes  saintes  Irouveol  en  toute 
choïu  iiinn<;re  6  contemplation.  ■  Ceui  qui 
ne  s'occupent  que  de  Dieu  seul,  en  cunsi- 
déranl  ce  que  Dieu  est  dans  le  monde,  dans 
les  anges,  dans  les  ifaiols,dans  les  réprouvés, 
reconnaissenldans  la  contemplation  queDieu 
est  legouverneuret  le  maliredu  monde,  le  li- 
bérateur des  liommes,  les  délices  et  la  gloire 
des  anges;  qu'en  lui-même  il  e&t  le  commen- 
cement et  la  fin,  qu'il  est  la  terreur  et  l'ef- 
froi des  réprouves  ;  enfin,  qu'il  est  admi- 
rable dans  ses  créatures,  aimable  dans  les 
hommes,  désirable  dans  les  anges,  incom- 
prébensible  en  lui-même,  inesorable  dans 
les  réprouvés.  > 

5*  La  cinquième  espèce  de  contemplation 
cliérubique  est  YOraiton  de  Mtlenee  et  de 
(/Méttidt  {¥.  Becueillbueht  passif  ),  par  la- 
quelle l'esprit  est  absorbé  et  plongé  uans  la 
vérité  première  el  dans  la  bonté  souveraine, 
avec  une  sorte  de  perception  simple  et  at- 
tentive de  l'objet ,  qui  l'empCcbe  Je  se  por- 
ter ailleurs  et  de  considérer  toute  autre  Terité 
que  celle  qui  l'occupe  alors;  et  par  une 
contemplation  toute  spéciale,  l'esprit  jouit  de 
la  vérité  qu'il  cberchait  dans  la  méditation. 

Il  ne  s'agit  pas  ici  de  l'oraison  de  silence 
vocal ,  mais  de  l'oraison  de  silence  mental  ; 
car  nous  pouvons  parler  et  garder  le  silence 
d'une  manière  mentale  aussi  bien  que  d'une 
manière  vocale;  CD  eGTet,  méditer,  c'csl^it- 
dirc,  procéder  par  le  raisoniienienl  à  cher- 
cher ainsi  laborieusement  Dieu,  s'exciter  à 
sou  amour,  et  lui  proposer  pour  ainsi  dire 
ses  doutes,  comme  un  discijile  à  son  maî- 
tre, lui  demanderde  nous  instruire,  graver 
ka  doctrine  dans  nos  cœurs  par  une  opéra- 
lion  laborieuse  et  diicuriive,  est  plutAt 
parler  que  garder  le  silence;  le  contem- 
pler, au  contraire,  c'est-à-dire, s'abstenir  de 
toute  opération  intellectuelle  produite  par 
notre  propre  effort,  être  instruit  do  Dieu 
par  simple  intuition,  et  l'écouter  en  quelque 
sorte  enseignerlui-mémesa  doclrine  ànotre 
âme  par  une  grâce  spéciale,  l'âme  restant 
silencieuse  et  attentive  à  ses  enseignements 
divins ,  sans  aucune  opération,  aucun  effort, 
mais  lisant  par  intuition  avec  la  plus  pro- 
fende quiétude  ue  qu'il  lui  faut  savoir, 
comme  dans  un  livre  aux  caractères  d'or, 
c'est  plutôt  garder  le  silence  que  parler.  C'est 
ce  qui  arrive  dans  toute  contemplation  re- 
lative b  la  méditation.  Maisdans  la  contem- 
plation en  général  se  distingue  certain  degré 
spécial,  appelé  contem|ilalion  ou  oraison  de 
silence,  par  rapport  aux  autres  modes  de 
contemplation.  Parfois,  souvent  même,  le 
niionce  de  la  contemplation  n'est  pas  tel- 
lement complet,  que  l'âme  se  taise  en- 
tièrement, pour  n  écouter  que  Dieu  soûl 


NNAWE  CON  SM 

qui  lui  parle  intérieurement;  ce  silence 
est  interrompu  par  des  prières,  des  louan- 
ges et  des  entretiens ,  qui  se  font  d'une  ma- 
nière sinon  discursive,  simple  tout  du 
moioi;  de  même  il  peutaussisurvenirquel- 

3ue  inquiétude,  soit  involontaire,  soilprft- 
uite  par  une  négligence  volontaire,  résul- 
tant desdislracliois  extérieures  des  sens,  nu 
intérieures  de  l'imagination  ;  queiquefois 
aussi  le  silence  est  absolu,  l'âme  su  lait 
C'im,  létcment,  et  n'écoute  uniquement  que 
Dieu  qui  lui  parle;  elle  est  en  uuelque  sorte 
étonnée  et  comme  stupéfaile,  elle  ne  trouve 
plus  aucune  parole  mentale,  elle  écouta 
avec  des  signes  silencieux,  comme  un  dis* 
ciple  obéissant ,  non  plus  un  maître  mortt^l, 
mais  le  souverain  et  le  maître  des  nalio.  t 
nui  descend  du  ciel  pour  l'instruire  dHos 
I  endroit  le  plus  retiré.  C'est  dans  ce  siknce 
que  surviennent  les  révélations. ,  les  vi  ions, 
les  extases  et  les  ravissements. 

L'oraison  de  silence  est  désignée  de  dif- 
férentes manières  par  les  mystiques.  Od 
l'appelle,  1°  OtaiioH  de  quiéttùit,  parce  que 
l'âme  étant  seule  avec  Dieu,  on  peut  dire 
justement  qu'elle  s'y  repose,  sans  qu'aucun 
mouvement  vienne  désormais  la  truubler  et 
l'exciter  à  chercher  quelque  chose  borsde 
Dieu.  2*  Repos  de  l'âme;  c'est  en  effet  ua 
saint  repos  que  de  quitter  toute  autre  occu- 
pation ,  pour  rester  fixée  en  Dieu  seul.  3* 
Oraiêon,auntrobtettrilé ;  oa  se  trouve  réelle- 
ment dansl'obscurité,  quand  l'âmeest  éblouie 
plus  que  n'est  l'œil  qui  tente  de  souteoir 
l'éclat  du  soleil. V5i>tntnei7,  morlet  tombtn 
de  lame;  c'est  en  fffet  une  sorte  de  sommeil, 
de  mort  et  de  tombeau  de  l'âme ,  h  cause  d« 
la  privotion  inhérente  à  cet  état  de  toute 
jouissance  hors  de  Dieu. 

II  existe  rétillement  eo  un  certain  sens, 
dans  la  contemplation  divine,  une  cer- 
taine manière  do  prier  qu'on  nomme  i 
juste  titre  oraison  de  silence  et  de  quiéttUle. 
On  le  prouve,^  1*  par  l'Ecriture  sainte.  i( 
est  digne  de  vous,  à  mon  liim,  911' on  vous 
chanie  des  hymnes  et  qu'on  vous  honore  dans 
Sion  par  te  sitence.  (4nterp.  du  saint  }ktià»B, 
Ps.  Liiv,  1.)  C'est-à-dire,  selon  Batlarmin, 
«  il  est  convenable,  6  mon  Dieu  ,  de  rester 
d'abord  dans  une  admiration  silencieusa  de 
votre  grandeur;  el  c'est  avec  un  cœur  ainsi 

filongé  dans  le  silence  qu'on  doit  vous 
ouer  dans  Sion.  ■  Il  est  bon  d'attendre  n 
silence  le  salut  que  Dieu  nous  promet.  (JArni. 
ni,  2C.}  Il  l'assiéra,  il  se  tiendra  soli- 
taire, et  il  se  taira ,  parce  qu'il  a  mis  ce  jovg 
sur  lui.  (/(ti'd-,  2S.1  Le  Seigneur  vous  tien- 
dra toujours  dans  le  repos  ;  il  remplira  veiri 
âme  de  su  splendeurs.  {Isa,  Lvtii,  11.)  ^ 
bien-aimi  du  Sei^eur  detueurera  en  lui  aeet 
confiance;  H  habitera  tout  lejour  eommedans 
sa  chambre  nuptiale  et  il  se  reposera  entre  s» 

bras.  {Deut.  xxxiii,  12.)  Apprrnex  de  moi 

et  vous  trouverez  le  repof  dans  vos  dmrs. 
(il/affA.  XI,  29.)  D'autres  textes  défiiijneiit 
sous  d'autres  noms  celte  oraison  du  silence. 
Elle  est  celte  obscurité  dont  il  est  dit  :  JfoiM 
t'approcha  de  Vobscuriléoû  Ùituétait.  {Exod. 
xï,  21.)  Plus  rame  en  effet  s'api-roclie  du 


Mf  CON  ft-ASCI 

Dieu  par  la  conlfiiiiplalion ,  plus  elle  est  obs- 
curcie en  Toyant  et  silencieuse  en  écoutant. 
C'est  ce  repos  dont  parle  le  R'oi-Propbète 
(J*>.  XLT,  11)  :  Tmtx-vouM  dont  U  rtpot  et 
vogex  que  je  suit  Dieu.  Ce  sommeil  da  livre 
desCanliquet  (ii,  T]  :  Je  coui  m  eofijurr.... 
n*  Iroublex  pas  Itsommeil  démon  bien-aimé, 
ne  réeeilles  pas.  —  Je  dors,  mais  mon  enur 
veille.  [Cant.  n.)  Saint  Bernard  [serm.  SSi'n 
Cimt.)f  Corneille  de  la  Pierre,  saint  Grégoire, 
etc.,  appliquent  ces  paroles  i  l'oraison  de 
qaiéiude.  Elle  est  cette  mort  dont  parle  l'A- 
pdtre.(Co/o>i.  m,  3.)  Vous  êtes  morts,etvotre 
rie  est  cachée  avec  Jésus-Christ  en  Dieu.  Go 
tombean  dont  il  est  parlé  an  livre  de  Job 
(m,  ffi)  :  Us  se  réjoAûroni  vivement,  lors- 
qu'ils trouveront  le  tonneau.  Saint  Grégoire 
ri.  T  Mot.,  c.  5)  applique  anssi  ce  passage  à 
U  conlemplalion.  —  2*  Par  les  saints  Pères. 
Saint  Deiiys  (I.  ii  T'A.  myst.,  c.  1)  reconnatl, 
au  sommet  delarie  mystique,  une  manière 
dont  l'Ame  est  instruite  parla  sainte  Trinité, 
et  qui  consiste  dans  rooscuriti  éblouissante 
du  silaue  qui  nousrévile  les  viritis  seeritts. 
Il  eD  donne  ainsi  la  raison  (c.  3)  :  «  Plus 
DOus  nous  éle?ons  vers  les  hauteurs  subli- 
mes,  plus  les  paroles  nous  manquent  pour 
rendre  les  impressions  produites  en  nous 
par  ce  divin  spectacle.  Aussi, quand  nous 
entrons  alors  dans  cette  obscurité  qui  sur- 
passe notre  esprit,  nous  ne  pouvoiisplus  nous 
lirrer  &  l'oraison,  nous  ne  trouTOns  plus 
que  le  silence  el  la  privation  de  l'intel- 
ligence. >  —  ■  Quand  le  tumulte  de  la  cbair, 
quanj  la  terre,  l'eau  el  l'air,  quand  toutes 
les  créatures  ne  parlent  plus&l'âme,  l'âme 
se  lait  alors,  et  s'élève  au-dessus  d'elle- 
mtme ,  uniquement  sttentiTe  aux  paroles 
de  l'Auteur  de  la  création. «[Saint  Aggcstit, 
1.  IX  Conf,,  c  10.)  Saint  GréKOire  exhorte 
ainsi  les  esprits  conteuiplatiTs  (I.  xxx  Mor., 
e.  11)  :  «Qu'ils  réchercne^ten  eux-mêmes 
un  endroit  secret ,  k  l'abri  de  tout  bruit  du 
dehors,  pour  s'entretenir  inlérienreiDent  et 

silencieusement  avec  le  Seigneur Le  ciel 

est  appelé  l'Eglisedes  étns;  cette  Eglise  s'é- 
JëTe  vers  lessublimités  éternelles  sur  les  ailes 
de  la  contemplation,  et  comprimant  le  tu- 
multe de  ses  pensées,  impose  silence  ètoutce 
Ïuî  pourrai!  en  elle-même  la  détourner  de 
lieu.s  Hugues  de  Saiut-Victor  dit  aussi  (1.  ii 
De  anima,  c.  20):  ■  Qusndl'esprit  commence 
par  la  pure  intelligence  è  s'élever  au-dessus 
de  lui-même, el  à  entrer  tout  entier  dans  la 
cUrtô  de  la  lumière  incorporelle....  la  partie 
la  plus  pure  de  l'Ame  pénètre  dans  le  sanc- 
tuaire de  la  quiétude  intérieure  et  jouit  des 
douceurs  mystérieuses  d'une  tranquillité 
ftfofonde.  ■  Saint  Bonaventure  {Optuc.  de 
TU  grad.  conlempl.)  caractérise  en  ces  ter- 
mes l'oraison  de  quiétude  :  «Elle  consiste 
dans  un  repos  merveilleux  de  l'Ame  tout 
entière  el  dans  une  suave  tranquillité,  ré- 
snllanl  de  cette  délicieuse  douceur  que  ré- 

God  en  nous  ta  fréquence  d'oraisou.*  Saint 
nrent  iuslinien,Thauler,  Blosius,  Ger- 
son,  saint  Jean  de  la  Croix,  saîate  Thérèse, 
admettent  cette  oraison  de  silence  et  de 
quiétude.  3*  Par  la  raison  :  l' C'est  le  pro- 


pre des  a/fecliotu  et  des  objets ,  quanJ  ils 
dépassent  la  portée  de  notre  intelligence, 
de  ne  pouvoir  se  rendre  ni  intérieurement , 
ni  extérieurement  par  parole;  T  -;  :il  I.  - 
meure  uniquemEiil  occupé  i  voir  i  ,>  i m  - 
dre,  et  s'enorce  en  silence  de  ;:.jif']r'i:t  {i,'u 
des  signes  k  ce  qu'il  ne  peute.  .iijirj.. 
desnaroles.Doncdanscertainesrj  i 

de  la  contemplation  divine,  Ir 

fiarle  et  se  fait  voir  aux  Ames  s. 
es-ci ,  uniquement  attentives 
entendre,  restent  plongées  dans  une  sorte 
d'étonnement  silencieux;  d'autant  plus  que 
l'admiration,  comme  l'elTet  principal  de  la 
conlemplalion,  les  transporte  au  point  de 
les  rendre  incapables  de  parler.  Cette  cir- 
constance se  présente  surtout  quand  la 
grandeur  de  l'objet,  c'est-à-dire  des  choses 
divines,  éblouit  les  yeux  de  l'espril,  em- 
brase l'Ame  d'un  si  ardent  amour,  qu'il 
s'exprime  mieux  en  silence  que  par  des 
paroles.  2*  Plus  on  connaît  Dieu ,  el  plus  it 
semble  au-dessus  de  toutes  les  paroles  de 
la  bouche  et  du  cœur.  Il  ne  sufEt  pas,  en  ef- 
fet, d'aflirmer  les  perfertions  de  Dieu,  si  l'on 
ne  nie  les  imperfections  ;  il  ne  suHlt  pas  non 
plus  de  nier  qu'il  ait  aucune  imperfection, 
si  l'on  n'en  allirme  les  perfections;  d'ailleurs 
celte  négationetcetteauirmation  elles-mêmes 
ne  sont  pas  sufllsantes,  si  elles  ne  se  font 
d'une  manière  infinie.  Or  cela  est  au-dessus 
des  forces  d'une  créature  misérable  et 
finie,  même  dans  la  manière  de  connaître. 
Il  n'est  donc  pas  de  meilleur  moyen  pour 
l'Ame,  plongée  dans  une  si  grande  obscurité, 
que  de  recourir  au  silence,  oii  seule  elle 
trouve  le  rejKis;  c'est  en  cela  que  consiste 
l'oraison  de  silence  el  de  quiétude. 

Louis  Du  Pont  rapporte  dans  la  Vie  de  Bal- 
thazar  Alvarez  (c.  41],  que  celui-ci  ayant  re^u 
du  général  de  la  Société  l'ordre  de  rendra 
compte  de  la  manière  dont  il  faisait  Torai- 
son  [et  c'était  l'oraison  de  silence  et  de  quié- 
tude], fut  obligé  de  réfuter  les  objections 
qu'on  lui  opposait,  et  qui  étaient  les  suivan- 
tes :  1*  Dans  l'oraison  de  silence,  l'Âme  ni 
ne  médite,  ni  ne  raisonne;  on  perd  donc  un 
temps  qui  serait  plus  utilement  employé 
dans  la  pratique  de  la  vertu.  —  R/p.  Ce  re- 
pos de  rame  est  la  plus  importante  de  ton* 
tes  les  actions;  bien  qu'alors  cessent  les  opé- 
rations de  l'intelligence  sur  les  mystères 
fiarticuHers,  rien  n  arrête  l'aclino  do  ta  vn- 
onté  dans  la  considération  de  Dieu,  qu'ellH 
contemple  avec  les  yeux  de  la  foi.  De  là  ré- 
sultent l'admiration,  l'action  de  grâces,  la 
joie  des  divines  perfections,  l'amour,  la  ré- 
signation et  les  autres  sentiments  que  sng- 
gère  l'inspiration  du  Sainl-Esprit.  —  2*  il 
semble  que  ce  soit  une  erreur  des  pseudo- 
illuminés, de  négliger  la  mr^ditalion,  pour 
attendre  que  Dieu  nous  parle  daqs  l'oraison 
de  silence,  qu'il  nous  inspire  et  qu'il  se  ré- 
vèle à  nous  :  c'est  en  quelque  sorte  tenter 
Dieu.  —  Bép,  L'orajson  de  silence  ne  se 
trouve  jamais  chez  les  commençants,  è  moins 
d'une  spéciale  inspiration  divine,  mais  seu- 
lement chez  ceux  qui  dépuis  lon^emps 
s'exercent  à  la  méditation.  Si  Dieu  Tes  ap> 


S93  CON  UCTK 

pelle  à  ce  genre  d'oraison,  loin  de  désirer  et 
il'flltendre les  révélations  divines,  ils  s'ap- 
pliquent alors  à  reconnaître  la  présence  de 
Dieu  etè  s'exercer  aux  différents  sentiments 
(jiiQ  mjii^  'ivons  indiqués:  et.su  lieade  ten- 
terJÛeu.  i!^  ne  font  qu'obéir  fa  sa  voix  qui 
ICJ^Qipct''  Au  contraire, les  pseudo-illumi- 
II.';,  ;  Il  ■  cation  ni  disposition,  sans  au- 
n  de  conduite,  sans  aucun  exer- 
,us  solides,  tentent,  avec  une 
témérité,  de  se  livrer  à  celte 
quiétude  contemplative.  —  3*  On  ne  peut 
sârement  reconnallre  si  c'est  Dieu  qui  nous 
appelle  dans  cette  voie,  et  non  un  secret 
orgueil,  ou  un  certain  amour  de  la  douceur 
spirituelle.  —  Rép.  La.  vocation  divine  se 
rcconnaU  aux  fruits  de  celte  contemplation. 
Si  le  cœur  brûle  do  l'amour  divin  ;  s'il  se 
conforme  égalt^menl  h  la  volonté  de  Dieu, 
dans  la  prospérilé  comme  dans  l'infortune; 
s'il  s'efforce  enGn  d'imiter  Jésus-Christ,  le 
modèle  de  toute  perfection,  surtout  dans  le 
mépris  de  soi-même,  dans  l'abnégation  do 
sa  volonté  propre  et  dans  l'accom plissement 
des  ordres  divins,  il  ne  peut  plus  exister 
itucua  doute  sur  la  réalité  de  la  vocation.  — 
V  L'oraison  de  silence  excite  ceux  qui  la 
protiquent  i  la  vaine  gloire,  au  mépris  des 
autres  et  &  la  désobéissance  envers  les  su- 
périeurs qui  prescrivent  une  autre  voie; 
elle  détourne  aussi  àes  œuvres  de  charité 
envers  le  prochain,  et  est  très-nuisible  à  la 
santé  du  corps,  si  nécessaire  pour  remplir 
ses  obligations.  —  Bép.  De  tels  inconvé- 
nients proviennent,  non  de  l'oraison  de  si- 
lence, mais  de  la  faiblesse,  du  peu  de  dispo- 
sitions et  de  l'imperfection  de  la  personne 
qui, s'y  livre;  l'oraison  de  silence,  au  con- 
traire, excile  fa  l'humilité  la  plus  jirofonde, 
fa  l'obéissance  la  plus  exacte  et  aux  œuvres 
de  cbarllé  les  plus  parfaites,  cl  elle  ne  nuit 
nullement  fa  la  santé  du  corps,  si  l'on  sait 
en  user  avec  prudence  et  discrétion.  — 
5°  L'oraison  de  silence  absorbe  l'homme, 
au  point  de  lui  faire  négliger  toute  dévotion 
envers  les  saints,  les  anciennes  formules  de 
prières,  l'otEce  canonique  lui-même,  et  les 
prières  pour  Ips  besoins  publics  ou  particu- 
liers.—  Rép.  Rien,  aucontraire,  n'enilamme 
cette  dévotion  comme  l'oraison  de  silence; 
car  elle  disjose  fa  ce  repos  où,  sans  rien  de- 
mander expressément,  on  demande  et  on 
obtient  beaucoup  plus  en  réalité,  parce  que 
Dieu  connaît  parfaitement  les  vceux  et  les 
désirs  de  l'Ame  en  cet  état,  vœnx  que  d'ail- 
leurs elle  lui  a  souvent  exposés  en  dehors 
de  celle  oraison  de  silence.  ~  6°  Celte  ma- 
nière de  prier  singularise  ceux  qui  la  prati- 
quent, et  Jette  le  trouble  dans  Tes  commu- 
nautés. —  Rép.  Il  n'y  a  Ifa  aucune  singula- 
rité, parce  que  les  personnes  que  Dieu  n'ap- 
pelle pas  spécialement  fa  ce  genre  d'oraison 
doivent  se  conformer  oui  pratiques  com- 
munes, C[ui  disposent  fa  cet  éiet  et  le  font 
naître.  D  ailleurs.l'oraison  de  silence  ne  jette 
aucun  trouble  dans  les  communautés,  parce 
qu'elle  est  un  privilège  pour  un  petit  nom- 
bre d'âmes  parfaites,  que  Dieu  appelle  à  s'é- 
lever au-dfssus  des  voies  communes,  qui  no 


COïi 


6U 


sont  pas  toujours  d'une  complète  perfection. 
Dans  cette  oraison  de  silence  et  de  quié- 
tude, il  n'y  a  pas  pour  l'âme  suspcnsian  de 
tout  acte  d'amour  et  d'inlelli^ence.  1*  Les 
textes  sacrés  nue  nous  avons  cités  plus  haut 
ne  recommanuent  pas  un  silence  de  stalue, 
mais  le  silence  de  Pâme,  afin  de  mieux  voir 
et  entendre  :  Ecoute,  ma  fille,  et  voit.  [Pi, 
XLIT.)  On  ne  promet  pas  un  repos  de  pierre, 
mais  celui  d'un  disci|jle,  qui  n'est  pas  pure- 
ment passif,  mais  qui  reçoit  avec  enipresi^e- 
meat  les  enseignements  de  fod  divin  maî- 
tre, et  qui  y  trouve  une  douce  quiétude. 
Apprenti  de  moi et  vous  trovterex  le  n- 

?ot.  [Matlh.  XI,  29.)  L'Ame  n'entre  pas  data 
obtcurité  pour  ne  plus  rien  voir  absola- 
ment,  mais  pour  connaître  qu'elle  contem- 
ple une  lumière  inaccessible.  Elle  ne  t'en~ 
dort  pas  tout  entière,  mais  le  cœur  reste 
éveillé:  elle  ne  meurt  pas  d'une  mort  qui 
exclut  toute  vie,  mais  elle  se  réjouit  au  fond 
de  son  tombeau,  tani  il  est  vrai  que  les  actes 
d'intelligence  et  d'amour  ne  sont  nullement 
suspendus.  Saint  Paul,  dans  sod  ravisse- 
ment extatique,  saint  Jean,  dans  son  Apo- 
calypie,  loin  d'être  paralysés  dans  ces  facul- 
tés, eurent  bien  des  choses  fa  connaître,  fa 
apprendre  et  fa  aimer.  3°  Selon  saint  Denys 
[fh.  muit.,  c.  1),  celui  qui,  comme  Moïse, 
entre  oans  l'obscurité  mystique  de  l'igno- 
rance, ■  se  rapproche  davantage  de  Dieu, 
qui  lui  est  inconnu,  par  la  cessation  de  toute 
connaissance;  et,  par  cela  même  qu'il  na 
connaît  rien,  il  élève  son  esprit  fa  une  con- 
naissance supérieure.  »  —  ■  Le  contempla- 
teur, dit  saint  Augustin  (I.  xix  Deciv.,  c.  19), 
ne  doit  pas  rester  oisif,  an  point  d'oublier 
dans  celte  quiétude  les  intérêts  du  pro- 
chain   Dans  cet  état,  on  oe  doit  fis  se 

livrer  fa  une  oisive  jouissance,  mais  recher- 
cher et  découvrirla  vérité...  L'ardeurfa  con- 
naître la  vérité  n'est  inienlite  à  personne; 
elle  est  même  le  caractère  du  repos  contenir 
plalif,  vraiment  digne  d'éloges.  ■  —  ■  Ce  que 
nous  savons  de  Dieu  n'est  réellement  véri- 
table, dit  saint  Grégoire  (I.  vJIfor.,  c.  sè), 
que  lorsque  nous  éprouvons  pleinement  que 
nous  ne  pouvons  rien  savoir  de  lui.  ■  Saint 
Bernard,  expliquanl  le  sommeil  de  l'Ame  et 
les  entreliens  qu'elle  a  avec  le  Verbe  divin, 
s'exprime  ainsi  (serm.  US  in  Canl.)  ;  «  Lo 
Verbe  lui  parle  en  la  combianl  do  ses  fa- 
veurs; l'Ame  lui  répond  par  des  sentiments 
d'admiration  et  d'actions  do  grâces.  ■  3*  Toute 
oraison,  surtout  l'oraison  mentale,  et  cod- 
séquemment  toute  contemplation,  consiste 
dans  un  aclo  d'intelligence  et  de  volonté: 
l'intelligence  et  la  volonté  subsistent  donc 
dans  l'oraison  de  silence  et  de  quiélHile. 
D'ailleurs  la  contemplation,  en  général,  se 
déBnit  une  intuition  eimple  de  la  véritt, 
jointe  à  une  ardente  affection  de  la  volonté; 
elle  consiste  donc  dans  un  acte  d'intelligeece 
et  de  volonté  ;  il  en  est  donc  ainsi  de  la  con- 
templation de  silence  et  de  quiétude,  iiui 
serait  autrement  un  repos  vraiment  oisif  et 
un  sommeil  semblable  au  sommeil  nature). 
Les  quiéti&les,  au  contraire,  exaltent  avec 
exagération  l'excellence  de  l'oriâson  lie  quié- 


CON 


^'ASCETISME 


CON 


tade.  Noos  renToyons  k  Tarticle  QciéTisiiBt 
pour  l'ei position  et  la  réfutation  de  leurs  er- 
reurs en  celte  matière. 

Afin  de  distinguer  la  réritable  et  sainte 
oraison  de  silence  et  de  quiétude  de  celle 
qui  est  fausse  et  périlleuse»  nous  propose- 
rons les  règles  suivantes. 

1.  Tandis  que  Dieu  parle  è  Tâme  dans  le 
silence  de  ToraisoUy  celle-ci  doit  an  moins 
ï^eouieTt  si  elle  ne  peut  s*entretenir  avec 
lui.  Car  Dieu  parle  a  rime,  éclairée  d*une 
lumière  surnaturelle,  par  nos  actes  inlel- 
Itctuels  indéiibéréSy  qui  nous  indiquent 
H  volonté  divine  ;  par  des  inspirations  per- 
suasives, ou  des  jugements  plus  nette- 
ment exprimés  ;  mais  comme  ces  actes  sont 
des  actes  vitaux,  ils  ne  peuvent  se  produire 
sans  une  coopération  au  moins  indélibé- 
rée de  notre  part  ;  ainsi  nous  pouvons  en- 
tendre les  paroles  divines  et  les  conserver 
en  nous  sans  aucun  effort  vojontaire.  Mais 
si  nous  nous  y  montrons  volontairement 
attentifs,  si  nous  nous  efforçons  de  mieux 
percevoir  les  enseignements  divins  et  de 
les  mettre  en  pratique,  si  nous  écartons 
tous  les  obstacles  qui  pourraient  nous  en 
d<';;ourner,  alors  nous  coopérons,  nous  ou- 
vrons volontairement  en  quelque  sorte  les 
oreillos  pour  mieux  entendre ,  selon  ce 
précepte  IP'oL  lxiv  )  :  Ecoute  ,  ma  fille^ 
et  prête  V oreille.  Nous  voyons  ainsi  de 
quelle  manière  Dieu  nous  parle,  d*abord 
par  des  actes  indélibérés,  qui  uo  [)euvent 
rester  inaperçus  pour  Tâme,  au  moins  in- 
Tolontairemcht;  râroe  alors,  excitée  par  la 
dévotion,  est  saisie  d'une  admiration  silen- 
cieuse, ou  transportée  du  plus  ardent 
amour. 

H.  L*Ame,  quand  Dieu  lui  parle  et  se 
manifeste  clairement  à  elle  dans  Toraison 
de  silence,  doit  au  moins  lui  répondre  dé- 
Totement  par  des  affections  d*amour  et 
d*admiration,  comme  par  autant  de  paro- 
les intellectuelles,  c  L*bomme  doit  parler 
à  Dieu,  dit  le  P.  Suarez  j[  De  orat.^  c.  13), 
quand  il  désire  en  obtenir  quelque  chose 
et  qu*il  lui  exprime  ce  désir  ;  son  langage 
alors  doit  avoir  Dieu  lui-même  pour  objet, 
et  commencer  par  Dieu  oui  excite  ses  alfec- 
tions  et  dirige  son  intelligence.  Et  cepen- 
d<int  ce  n*est  pas  Dieu  qui  parle,  bien  quM 
soit  le  principe  de  son  intelligence  et  de 
ses  opérations  ;  c*est  Thomme  qui  parle, 
en  tant  que,  coopérant  à  la  grâce  de  Dieu , 
il  lui  exprime  ses  sentiments...  Ce  langage 
de  rhomme  peut  cesser  dans  la  plus  haute 
contemplation,  alors  que  TAme,  par  un  acte 
simple  et  par  une  sorte  d'intuition,  se 
présente  à  Dieu  et  se  le  rend  présent  ;  elle 
s*unit  à  lui  par  une  intime  affection,  et 
est  en  quelque  sorte  tellement  absorbée  en 
lui,  qu'elle  devient  incapable  de  lui  parler. 
On  dit  justement  alors  qu'il  se  produit  dans 
rame  un  silence  intérieur  et  spirituel;  et 
c'est  ainsi  qu'il  faut  comprendre  les  doc- 
teurs mystiques  et  .les  personnes  spirituelles, 
j'jrsqu'elles  parlent  de  Toraison  de  si- 
lence. 9 

m.  Si  donc   tout  acte  d'intelligence  et 


d'amour  cpssedans  la  personne  attentive 
aux  paroles  de  Dieu»  et  lui  répondant  par 
l'amour  et  les  autres  affections  que  nous 
avons  indiquées',  dès  lors  l'oraison  mentale 
ne  peut  ni  commencer»  ni  persévérer,  et 
encore  moins  la  contemplation  et  l^oraison 
de  silence,  pourvu  toutefois  que  celle  sus- 

{ tension  soit  délibérée.  Car  si  elle  est  indé- 
ibérée  et  involontaire,  l'oraison,  bien  que 
moins  parfaite,  peut  encore  persévérer. 
Mais  la  cessation  volontaire  et  délibérée  est 
coupable,  et  à  ce  titre  empêche  Télévation 
de  l'âme  vers  Dieu  k  l'oraison  ;  par  consé- 
quent l'oraison  de  silence  ne  peut  plus  sul)- 
sister. 

IV.  Quand  Dieu  appelle  è  Toraison  de 
silence,  il  faut  absolument  lui  obéir,  comme 
pour  la  contemplation.  «  Si  le  Seigneur,  dit 
Blosius  (Spect.  spirit.f  c.  11],  veut  opérer 
en  vous  quelque  merveille  particulière, 
ne  l'en  empêchez  pas,  conformez-vous  doci- 
lement à  sa  volonté,  et  nourrissez  sans  cesse 
en  votre  cœur  des  sentiments  de  sainte  hu- 
milité et  de  mépris  de  vous-même.  » 

V.  Il  faut  toutefois  se  bien  garder,  en 
l'absence  de  la  vocation  ou  des  dispositions 
requises,  de  s'introduire  témérairementdans 
l'oraison  de  silence  et  de  quiétude,  sous 
peine  de  tomber  danâ  les  erreurs  du  quié- 
tisme  ;  ce  serait  vouloir  tenter  Dieu ,  qui 
n'a  pas  promis  de  nous  donner  cette  grâce, 
toute  gratuite.  «  Efforcez-vous,  dit  encore 
Blosius,  de  plaire  à  Dieu  de  plus  en  plus,  et 
soyez  toujours  satisfait  des  grâces  que  dai- 
gne vous  accorder  le  Seigneur.  »  {Loc.  cit.) 

L'exacte  observation  du  silence  de  la 
bouche  est  une  excellente  disposition  à 
Toraison  de  silence,  comme  aussi  à  toute 
méditation  et  à  toute  contemplation.  «  Le 
silence  et  l'oraison,  dit  Louis  Du  Pont  (tr.  h 
Duc.  spir.,  c.  16,  |  2),  se  prêtent  un  mu- 
tuel secours  avec  une  merveilleuse  familia- 
rité :  le  silence  dispose  k  l'oraison,  et  l'o- 
raison nous  invite  au  silence.  >  Rien  en 
effet  ne  dissipe  plus  le  cœur  sur  les  objets 
terrestres  que  la  loquacité,  ainsi  que  1  ex- 
périence le  prouva-  Si  quelqu'un  croit  avoir 
de  la  religion  et  ne  met  pa$  un  frein  à  ta 
langue,  il  trompe  son  propre  cœur  et  $a  reli" 
gion  est  taine.  Jac.  i,  26.)  Saint  Grégoire 
fl.  vil  Hor.,  c.  18),  à  propos  de  ce  passage  : 
Vous  jetez  vos  paroles  au  vent^  compare 
l'esprit  humain  a  de  l'eau  qui  se  soutient, 
tant  qu'elle  est  contenue  dans  un  vase, 
mais  qui  se  répand  inutilement  quand  elle 
cesse  d'être  contenue.  «  Que  de  paroles  inu- 
tiles, comme  autant  de  ruisseaux  qui  l'en- 
traînent au  dehors,  viennent  troubler  son 
silence  et  son  recueillement  1  Bientêt  il  ne 
peut  plus  se  connaître  intérieurement  lui* 
même,  parce  que  la  futile  abondance  des 
paroles  a  dispersé  au  dehors  tous  les  fruits 
de  sa  dernière  méditation.  »  Ce  n'est  pas 
seulement  s/iir  la  langue,  c^est  aussi  sur 
les  oreilles  que  doit  veiller  avec  soin  qui- 
conque désire  se  disposer  à  l'oraison  de 
quiétude.  Celui  qui  ne  ferme  pas  l'oreiHe 
aux  choses  inutiles  pourra  difficilement 
s'emf  4cher  d'en  parler,  et  aura  de  la  peine 


CON 


DlCtlONNAIRE 


GON 


m 


à  perceToir  intérieurement  les  choses  diri* 
nés.  Entourez  vos  oreilles  d'une  haie  d'épi-- 
ne$9  dit  le  Sage«  et  fCicovdez  pas  les  mauvaises 
langues.  [Eccli.  xiyiii,  28.)  «  Que  celui  qui 
Teut  éviter  les  distractions  demeure  solitaire» 
dfl  Tabbé  Cyzin.  {In  prat.  spir.  vit.  PP.^ 
1.  X,  c.  187.)  Que  celui  qui  veut  contenir 
sa  langue  terme  ses  oreilles.  »  Hugues  de 
Saint-Victor  (I.  ii  De  elaus.  anim.^  c.  20} 
exhorte  les  religieux  à  s'abstenir  d'écou- 
ter les  rumeurs  mondaines.  «  Bien  des  re- 
ligieux, dit-il,  aiment  à  s'entretenir  des  rois, 
à  raconter  les  exploits  des  guerriers,  à 
défendre  tel  ou  tel  parti ,  à  prendre  fait  et 
cause  pour  hii  ;  enfin  ils  s'occupent  de 
choses  qui  leur  sont  tout  à  fait  étrangères. 
Ils  ne  doivent  pas  s'occuper  des  luttes  entre 
les  princes  de  la  terre,  mais  des  combats 
contre  le  démon.  Que  ce  soit  lè,  mon  très- 
cher  frère,  votre  seule  occupation,  et  mépri- 
sez tous  les  bruits  du  dehors.  »  {Voy.  Re- 

CUEILLEMEffT  PASSIF.) 

De  la  CONTEUPLATIOIf   SÉRAPHIQUB.   —    La 

contemplation  séraphioue  ou  affective  est 
celle  qui,  parmi  les  aeux  actes  d'intelli- 
gence et  de  volonté  dont  elle  se  compose, 
brille  surtout  par  celui  de  ces  deux  actes 
qui  est  le  plus  affectueux,  le  plus  ardent  et 
lu  plus  brûlant  de  charité. 

La  contemplation  séraphique  est  donc  la 
perfection  de  la  yolonlé  et  de  la  charité, 
ainsi  que  de  toutes  les  vertus  morales  qui 
sont  comme  les  servantes  de  la  charité,  et 
qui  résident  dans  la  volonté.  Aussi,  quand 
la  contemplation  séraphique  s'élève  au 
degré  sublime,  toutes  les  vertus  qui  sont 
dans  la  volonté  s'élèvent  et  se  pefeclionnent 
en  même  temps.  C'est  donc  une  erreur  de 
croire  que  la  charité  puissedevenir  parfaite, 
sans  un  accroissement  parallèle  de  perfec- 
tion et  d'intensité  pour  les  vertus  morales. 
Bien  plus,  la  contemplation  séraphique 
ajoute  une  nouvelle  excellence  à  la  charité 
théologale.  D'abord  elle  enflamme  l'amour 
divin  d'une  ardeur  nouTelle  et  beaucoup 
plus  vive.  Elle  fait  ensuite  reiaillir  sur  lui 
un  nouvel  éclat,  et  le  transforme  en  une 
sorte  de  Qamme  chaleureuse,  éclatante  et 
aplendide,  qui  lui  fait  ap|:)ara!tre  les  choses 
divines  sous  un  nouveau  jour.  Enfin  elle  la 
rend  semblable  à  de  la  cire  amollie,  sur  la- 
quelle se  gravent  les  modes  variés  et  mer- 
veilleux de  l'amour.  L'flme  alors  parle  avec 
Dieu  dans  cette  langue  amoureuse  par  la- 
quelle les  séraphins  ont  coutume  de  lui  ex- 
primer toute  leur  ardeur.  Elle  s'entretient 
avec  lui,  en  paroles  de  feu,  do  ces  mystères 
d'amour  dont  Dieu  ne  donae  l'intelligence 

au'à  ceux  qui  l'aiment.  Et  plus  s'étend  ce 
ivin  incendie  d'amour,  plus  s'éteint  le 
désir  des  choses  terrestres;  plus  l'Ame  s'at- 
tache au  Créateur,  plus  elle  se  détache  des 
créatures.  Elle  n'éprouve  plus  que  dégoût 
pour  les  plaisirs  du  corps;  la  douceur  des 
jouissances  de  la  terre  lui  semble  pleine 
d'amertume;  elle  méprise  les  honneurs; 
elle  dédaigne  toutes  les  choses  d'ici-bas  ; 
elle  ne  trouve  de  consolation  que  dans  la 
pensée  de  la  mort  et  de  la  vue  de  Dieu, 


dont  elle  jouira  sûrement  pendant  toute 
l'éternité. 

11  ne  faut  pas  se  faire  illusion  au  point 
de  se  croire  arrivé  à  la  sublime  contempla- 
tion séraphique,  tant  qu'on  néglige  la  pra- 
tique des  vertus  morales.  Nous  le  démon- 
trons ; 

!•  Par  l'Ecriture  sainte. —  Notre  Sauveur, 
prêchant  la  perfection  évangélique  sous  le 
nom  des  béatitudes,  et  désignant  aussi  par 
là  la  i:ontemplation,  recommandait  surtout 
l'exercice  des  vertus  morales  évangéliques. 
La  contemplation  séraphique  doit  donc  être 
accompagnée  d'une  pratique  sérieuse  de  la 
vertu.  Car  ceux-là  seuls  sont  appelés  bien- 
heureux, qui  souffrent  volontairement  l'ha- 
milité  et  la  pauvreté,  qui  sont  doux,  qui 
pleurent,  qui  ont  faim  et  soif  de  la  justice, 
qui  exercent  la  miséricorde,  qui  ont  le 
cœur  pur,  qui  sont  pacifiques  et  qui  souf- 
frent avec  courage.  Et  quand  l'Afiôtre 
[Gai.  v)  énumèreles  fruits  que  produit  l'Es- 
pril-Saint  dans  une  âme  parfaite  et  contem- 
plative, il  cite  presque  toutes  vertus  morales 
et  pratiques,  telles  que  la  charité,  la  joie,  la 

[)aix,  la  patience,  la  bienveillance,  la  tionté, 
a  longanimité,  la  douceur,  la  foi,  la  mo- 
destie, la  continence  et  la  chasteté.  Aussi 
dans  les  procès  de  canonisation  a-t-on  soin 
de  rigoureusement  examinersi  les  serviteurs 
de  Dieu  ont  praliq[ué  les  vertus  morales. 
(Benoît  XIV,  Cou.,  l.iii.) 

2"  Par  les  SS.  Pères.  —  «  La  pratique  des 
vertus  (cardinales)  nous  conduit  h  la  con- 
templation de  Dieu  seul.  »  (Saint  Augustin 
inPs.  Lxxxiii.)  Paroles  oui  peuvent  s'enten- 
dre, non-seulement  de  la  contemplation  de 
la  patrie,  mais  encore  de  la  voie.  Saint  Ba- 
sile (m  Reg.  fusio.  c.  7)  regarde  la  vie  soli- 
taire comme  moins  propre  à  cette  sublime 
contemplation;  car  le  solitaire  court  risque 
c  de  se  croire  arrivé  à  une  complète  perfec- 
tion  Il  en  résulte  que  tenant  assidûment 

comprimée  et  pour  ainsi  dire  enfermée 
cette  disposition  naturelle  qu'il  a  pour  la 
vertu,  il  n'a  plus  l'intelligence  de  ce  qui  lui 
manque,  ni  la  connaissance  des  progrès 

Su'il  lui  reste  h  faire  dans  la  vertu.  »  Saint 
limaque  [ScaL^  gr.  27)  dit  aussi  :  «  Il  est 
dangereux  de  nager  avec  ses  habits  ;  de  même 
l'esprit  enclin  au  vice  ne  peut  avoir  l'intel- 
ligence des  mystères  divins  et  des  secrets 
de  la  théologie.  »  Selon  Cassien  (collnt.  ix, 
c.  1)  :  «  De  même  que  la  structure  do  toutes 
les  vertus  tend  à  la  perfection  de  l'oraison, 
de  même,  si  celles-ci  ne  sont  pas  réunies  par 
ce  lien  sublime,  elles  no  pourront  avoir  ni 
durée,  ni  solidité.  » 

3"  Parla  raison.— La  perfection  chrétienne 
s'atteint  et  s'exerce  par  la  contemplation, 
surtout  par  la  contemplation  séraphique; 
or  cette  contemplation  est  principalement 
excitée  par  la  charité,  qui  est  le  lien  de  la 
perfection,  et  cette  charité  doit  être  non- 
seulement  affective,  mais  encore  etTective. 
Donc,  de  même  que  la  charité  affective 
s'exerce  surtout  dans  la  contemplation  séra- 
phique, de  même  la  charité  effective  doit 
s'exercer  par  les  actes  des  vertus  morales. 


GON 


D'ASCETISME. 


CON 


510 


La  coDlemplalioD  séraphique  se  divise  en 
différents  deç^s. 

I.  Le  premier  est  la  contemplation  de  feu^ 
qae  saint  Bonarenture  décrit  ainsi  {Tr.  de 
TU  or.  emUempL^  Çr.l)  :  «  C'est  le  feu  ardent 
de  la  chaleur  dirine,  ou  cette  fenreur  d*a« 
mour  échappée  dn  foyer  de  la  Jérusalem  cé- 
leste. Quand  TAme  contemplative  on  active 
se  Itvre  tout  entière  à  Toraison  en  présence 
de  Dieu,  elle  ressent  tout  à  coup  la  chaleur 
de  ce  feu,  qui  TenTironne  d'une  splendeur 
radieuse,  qui  Tembrase,  qui  allume  en  elle 
des  mouvements  et  des  affections  pleines 
d'ardeur.  Elle  reconnaît  la  présence  oe  Dieu 
el  elle  s*en  épouvante.  Dieu  augmente  l'ar- 
deur du  feu  dont  elle  est  embrasée,  et  nour- 
rît les  affections  que  ce  feu  a  fait  naître, 
afin  d'accroître  l'intensité  de  l'incendie,  en 
lui  fournissant  sans  cesse  de  nouveaux  ali- 
ments. »  Cette  description,  comme  aussi  la 
contemplation  de  feu  elle-même,  est  fondée 
sar  l'Ecriture  sainte.  Ses  lampes  éiaieni  des 
lampeM  de  feu^  ou,  selon  le  texte  hébreu,  des 
ekarbans  ardents.  {Cani.  Tiii,  6.)  Ne  senlioiM- 
nous  pas  noire  eaur  embrasé?  {Lue.  xxiv,  32.) 
Saint  Denys  {De  eal.  hier.,,  c*  15)  expose  la 
nature  et  les  propriétés  du  feu,  pour  en  con- 
clure que  ce  symbole  est  à  juste  titre  em- 
ployé car  les  saintes  Ecritures  et  par  les 
théologiens,  leurs  interprètes,  pour  designer 
la  nature  de  Dieu  et  des  anges,  des  séraphins 
surtout,  et  les  propriétés  du  divin  amour 
dont  ils  brûlent  pour  Dieu,  pour  eux-mêmes 
et  pour  les  autres. 

Le  P.  Godinez  {Prax.  th.  mysi.^  I.  ti,  c.  S) 
explique  parfaitement  la  contemplation  de 
feu  par  la  similitude  du  feu  et  par  ses  effets. 
De  même,  en  effet,  que  le  feu  élémentaire 
se  compose,  pour  ainsi  dire,  de  différentes 
particules,  dont  les  unes,  douées  d'intensité, 
de  densité  et  de  puissance  calorifique,  pénè* 
Irent  les  parties  intérieures  du  bois,  et  les 
autres,  subtiles,  agiles  et  éclatantes ,  s'en 
vont  en  flammes;  de  même  le  feu  de  la 
contemplation  a  certains  actes  unitifs  avec 
Diea,  doués  de  beaucoup  d'intensité  et  de 
chaleur,  et  tendant  à  pénétrer  vers  l'inté- 
rieur de  l'âme  avec  de  vifs  mouvements  af- 
fectueux et  une  réunion  complète  de  toutes 
les  puissances  vitales.  Et  de  môme  que  plus 
le  feu  pénètre  un  charbon  ardent,  plus  il  se 
lotime  en  cendre  légère,  qui  le  recouvre  et 
le  iait  durer  plus  longtemps;  ainsi  plu^  ce 
feu  du  divin  amour  pénètre  intérieurement 
dans  l'Ame,  plus  il  se  recouvre  de  la  cendre 
de  notre  propre  connaissance,  et  mieux  ce  feu 
de  la  charité  se  conserve  par  l'humilité.  Si 
Ton  jette  sur  des  charbons  embrasés  quel- 
ques grains  d'encens,  ils  s'élèvent  tout  à 
coup  en  une  fumée  abondante  et  d'une  odeur 
suave;  ainsi  quand  l'âme  brûle  des  affec- 
tions ardentes  de  l'amour  divin,  ce  feu  de 
l'amour  exhale  les  délicieux  parfums  des 
vertus  morales  :  alors  l'âme  aime,  adore;  elle 
aime  et  s'humilie;  elle  aime  et  se  résigne, 
et  aspire  à  obéir;  elle  aime  et  souhaite  1rs 
souffrances;  elle  aime  et  déplore  ses  péchés 
passés  :  et  cetamour  enfante  les  ravissements, 
leb  extases  et  les  autres  effets  merveilleux 


de   la   sublime  contemplation.    Enfin   cd 
amour  excite i  la  pratique  des  vertus  moRiles 

3ui  sont  le  plus  en  rapport  avec  la  condition 
e  chacun.  Cette  contemplation  toujours  ex- 
cellente toujours  réclame  l'accomplissement 
des  obligations  que  l'on  est  tenu  de  remplir. 
II.  Le  second  degré  de  la  contemplation 
séraphique  est  la  contemplation  de  fiamme^ 

?|u'on  peut  ainsi  définir,  d'après  saint  Denys 
L.  de  cal.  hier.,  c.  15)  :  C'est  une  contem- 
plation dans  laquelle  le  fende  l'amour  divin 
est  «  sensible,  éclatant,  illuminatiff  brillant 
de  splendeurs  cachées ,  élevant  vers  le  ciel, 
pénétrant  profondément,  sublime  :  il  ne  peut 
être  négligé  :  il  brille  naturellement  et  pro- 
prement, en  consumant,  comme  une  flamme 
vengeresse.  »  Cette  contemplation  de  flamme 
est  mdicjuée  par  l'Ecriture  sainte  :  Pendant 
ma  méditationfUn  feu  s*  est  enflammé  dans  mon 
eesur.  {Ps.  xxxvni,  !►.)  Mon  cœur  s* est  enflam-- 
mé.  {Ps.  Lxxii,  21.)  Le  livre  des  Canttques, 
en  parlant  da  l'amour  divin,  ne  dit  pas  seu- 
lement (vni,  6)  :  Ses  flambeaux  sont  des 
flambeaux  de  feu^  il  ajoute  encore  et  de 
flamme,  ou,  selon  la  version  des  Septante, 
ses  ailes  sont  des  ailes  de  feu  et  de  flamme.i  La 
charité  est  excellente,  dit  saint  Ambroise 

!L.  de  Isaae.y  c.  8),  quand  sur  des  ailes  de 
èii  elle  vole  dans  le  cœur  des  saints,  et 
brûle  tout  ce  au'ii  y  reste  de  matériel  et  de 
terrestre  :  son  leu  éprouve  tout  ce  qu'ils  ont 
de  pur  el  de  sincère,  et  améliore  tout  ce 

3u'il  touche...  Prenons  donc  ces  ailes,  qui 
irisent,  comme  la  flamme,  vers  les  régions 
supérieures.  Qoe  chacun  dépouille  l'enve- 
loppe souillée  de  son  âme,  et  que  le  feu  la 
purifie  comme  l'or  du  limon  qui  la  recou- 
vre. >  Nous  pouvons,  .avec  Louis  Du  Pont 
(I.  X  in  Cant.,  exhort.  10,  f  3),  définir  en 
peu  de  mots  la  contemplation  de  flamme, 
«  une  contemplation  dans  laquelle  l'amour 
divin  détache  des  choses.de  la  terre,  fait  agir 
en  toute  circonstance  pour  la  gloire  de  Dieu, 
et  ne  recherche  et  ne  goûte  que  les  choses 
du  ciel.  > 

Le  p.  Godinez  explique  encore  la  contem- 
plation de  flamme  par  ses  effets,  au  moyen 
de  la  comparaison  du  feu  et  de  la  flamme. 
(L.  viu,  c.  3.)  De  même  que  le  feu  élémen- 
taire se  compose  de  certaines  parties  subti« 
les,  brillantes,  ténues  et  transparentes,  qui 
se  transforment  en  une  flamme  etincelante  et 
splendide  et  s*élèvent  avec  une  rapidité  na- 
turelle vers  les  cieux,  de  même  les  actes  de 
l'amour  contemplatif  de  flamme  sont  des  ac- 
tes vitaux,  subtiles  et  agiles,  qui  enlèvent 
avec  anxiété  vers  son  Dieu  le  cœur  de  Ta-» 
mant,  en  lui  inspirant  le  désir  de  le  voir  et 
d'être  délivré  des  liens  du  corps,  pour  s'unir 
avec  lui  d'une  manière  plus  intime.  Ces  af- 
fections se  transforment  parfois  en  une 
secrète  anxiété  qui  afiliçe  tendrement  le 
cœur  et  tourmente  délicieusement  l'âme, 
parce  qu'elle  ne  peut  être  délivrée  du  corps 
aussitôt  qu'elle  le  souhaite,  pour  s'unir  plus 
vivement  à  son  bien-aimé,  qui  lui  est  inti- 
mement présent  dans  la  partie  intellectuelle 
r»ar  la  simple  connaissance  d'une  foi  vive  el 
umioeuse.  Cette  connaissance  excite  dans 


5it 


CCN 


DICTiONNAïaE 


CON 


m 


la  volonté  une  sorte  de  flamme  amoureuse, 
oi  embrase  tout  l'intérieur  do  l'âme  des 
rives  flammes  de  l'amour.  Cette  flamme  se 
mmifoste  quelquefois  par  des  effets  exté- 
rieurs, comme  cette  blessure  du  cœur  que 
r6S<:entait  sainte  Thérèse,  comme  ce  craque- 
ment d'os  qu*éprouvait  saint  Philippe  de 
Néri  ;  toutefois  ces  effets,  dans  la  haute  con- 
templation et  union  avec  Dieu,  ne  se  font 
plus  sentir  à  la  partie  supérieure  de  râmo, 
qui  n'est  plus  animée  que  de  sentiments  de 
retenue,  de  modestie,  de  circonspection, 
d'humilité,  et  d'attention  vigilante  sur  nos 
propres  misères  et  nos  faiblesses. 

Do  tous  les  effets  de  la  contemplation  do 
feu  et  de  Qamme,  le  principal  et  le  plus  im- 
portant, celui  qui  accompagne  et  suit  l'une 
et  l'autre,  c'est  l'humilité.  {Voy.  le  mot  Hu- 

m.  Le  troisième  degré  de  la  contempla- 
tion séraphique  est  la  contemplation  <\e  con- 
formité et  de  résignation, danslaquelle  l'âme, 
faisant  abnégation  de  tout  jugement  et  de 
toute  volonté  personnelle,  conforme  avec 
fidélité  et  résignation  tous  ses  désirs  et 
toutes  ses  déterminations  au  bon  vouloir  de 
Dieu: Saint  Paul  nous  en  donne  un  exemple, 
lorsqu'au  moment  de  sa  conversion  il  fut 
élevé  tout  à  coup,  par  un  privilège  spécial, 
h  la  plus  haute  contemplation  (Aci,  ix,  8)  : 
Saul  se  leva  de  terre^  et  ouvrant  les  yeux,  il 
ne  voyait  rien.  Et  il  disait  :  Seigneur,  que 
voulez  vous  ^ue  je  fasse?  «  Heureux  aveugle- 
ment I  s'écrie  saint  Bernard  (  serra.  1  De 
conv,  S.  Pauli),  que  celui  qui  frappe 
pour  une  conversion  salutaire  des  yeux  qui 
ne  voyaient  autrefois  que  pour  commettre 
le  péché....  Qu'il  est  rare  de  rencontrer  une 
forme  aussi  parfaite  d'obéissance,  au  point 
de  faire  abnégation  complète  de  sa  propre 
volonté,  d'abdiquer  jusqu'à  la  propriété  do 
so  1  cœur,  et  de  rechercher  sans  cesse  non  ce 
qu'on  désire,  mais  ce  que  Dieu  veut  !  » 

Voici  comment  le  P^  Godinoz  (Prax.  th. 
myst.,  I.  VI,  c.  4)  explique  la  contemplation 
de  résignation  par  ses  effets  :  «  De  mémo 
que  l'artiste,  après  avoir  soigneusement  pré- 
paré et  purifié  le  verre  par  le  feu,  .après 
l'avoir  débarrassé  do  tout  mélange  de  terre 
formant  opacité,  lui  donne  à  son  gré  la  figure 
d'une  vierge,  d'un  martyr  ou  d'un  autre 
saint  confesseur;  de  même  Dieu,  quand  il 
trouve  la  volonté  suffisamment  amollie,  pure, 
tendre,  sans  aucun  désir,  sans  aucune  affec- 
tion pour  les  choses  transitoires,  pure  dans 
l'intention,  nue  dans  l'abnégation  et  solide- 
ment fondée  sur  l'humanité,  lui  communi- 
que tout  à  coup  une  sorte  de  subtilité  ansé- 
lique  pour  comprendre  et  de  flamme  séraphi- 
que pour  aimer;  alors  s'élèvent  dans  l'âme, 
embrasée  de  ce  feu  divin,  de  vifs  désirs 
d'être  martvrisée  pour  son  bien-aimé  et  do 
redoubler  de  pénitences  et  de  mortifications; 
elle  n'a  plus  que  du  mépris  pour  les  choses 
humaines,  elle  ne  goûte  que  colles  de  Dieu, 
elle  s'efforce  avec  une  parfaite  docilité  d'ac- 
complir la  volonté  de  son  bien-aimé.  Aussi 
met-elle  tous  ses  soins,  toute  son  attention, 
k  rechercher  ce  qui  peut  lui   plaire.   Les 


tourments  lui  sont  doux,  si  c'est  la  volonté 
de  Dieu  qu'elle  soit  tourmentée;  les  oppro- 
bres lui  semblent  des  honneurs  ;  elle  re^rJe 
comme  précieux  des  haillons  déchirés  :  ^es 
jeûnes,  les  cilices,  les  flagellations  ne  sont  à 
ses  yeux  (qu'une  trop  légère  pénitence.  Si 
Dieu  lui  faisait  connaître  que  sa  volonté  sera 
qu'elle  aille  en  enfer,  elle  se  rendiait  en  en- 
fer de  préférence  au  ciel.  Et  si  par  simple 
intuition  elle  aperçoit  les  tourments  des 
damnés,  môme  de  ses  parents  et  de  ses  amis, 
loin  de  s'en  attrister,  elle  s'en  réjouit,  parce 
que  la  volonté  divine  s'accomplit  en  tous.  » 
Toutefois,  ce  dernier  sentiment,  pour  ne  pas 
dégénérer  en  exagération,  a  besoin  d'ôlre 
contenu  par  des  règles  spéciales  que  noas 
allons  exposer.  (  Voy.  QuiérisnB,  Maiimes 

DES  SAINTS.) 

1"  Dans  la  contemplation  séraphique  de 
conformité  peuvent  se  produire  avec  utilité, 

Ear  une  inspiration  toute  particulière  de 
^ieu,  des  affections  extraordinaires  de  l'a- 
mour  divin,  en  vertu  desquelles  on  peut 
souhaiter  d'aller  en  enfer,  et  se  réjouir  des 
tourments  des  damnés,  mèraedeses  parents, 
parce  qu'ainsi  s'accomplit  la  volonté  divine. 
Ce  fait  est  prouvé,  l"*  par  r£criture  sainte. 
Moïse  nous  en  donne  un  exemple,  quand  il 
dit  :  Pardonnez-leur  celte  faute,  ou,  sivo\u 
ne  le  faites  pas,  effacez-moi  de  votre  livre (jut 
vous  avez  écrit.  (Exod,  xxxii ,  31  et  32.)  Saint 
Paul  disait  aussi  :  J'eusse  désiré  moi-même  it 
devenir  annlhème  à  l'égard  de  Jésus-Chrisl 
pour  le  salut  de  mes  frères.  (Rom.  u,  3.) 
Telles  furent  ces  affections  de  charité  hé-  i 
roïque,  qui  faisaient  préférer  l'amour  du 
prochain  pour  Dieu  en  quelque  sorte  aui 
tourments  de  l'enfer.  Le  saint  vieillard  Eléa- 
zar  s'écriait  guil  aimait  mieux  descendu 
dans  Venfer  [Il  Macc.  vi,  23),  plutôt  que  de 
feindre  cle  renoncer  à  sa  foi.  En  effet,  commo  j 
rfit  Louis  Du  Pont  fexhorl.  9,  §  2),  lachariii 
souffrirait  mille  enfers,  pour  empêcher  tonU: 
faute  contre  Dieu  ou  pour  expier  les  fcnUtt 
déjà  commises, 

2»  Par  les  SS.  Pères.  —  Saint  Jean  Chrysos- 
tome  s'écrie (hom.  16,  in  Rom.)  :  «Pourquoi, 
illustre  apôtre,  demandez-vous  d'être  ana- 
thème,  et  recherchez-vous  cet  abandon  sans 
rolourîC'est,  répondez-vous,  parceqoej'aiffl» 

Dieu  de  la  plus  vive  ardeur.  »  Tous  les  autres 
Pères  attribuent  ces  sentiments  de  Moïse  et 
de  saint  Paul  à  ta  véhémence  de  leur  charité. 
a  Si  je  voyais,  dit  saint  Anselme  (m  Simi* 
lit.,  c.  19i),  d'un  côté  la  honte  du  péché,  de 
l'autre  Ihorreur  de  l'enfer,  et  aue  je  fo5<6 
forcé  de  faire  un  choix,  je  préférerais  être 
englouti  dans  l'enfer,  plutôt  que  de  m^aban- 
donner  au  péché  I  J'aimerais  mieux  entrer 
dans  l'enfer,  pur  et  innocent  de  tout  péché, 
que  de. pénétrer  dans  le  royaume  des  cicwx 
avec  la  tache  du  péché  ;  car  il  n'y  a  que  les 
méchants  qui  puissent  être  tourmentés  dans 
l'enfer,  et  one  les  bons  qui  puissent  jouir  de 
Téternelle  néaiitude.  » 

3- Parla  raison.— Selon  saint  Thomas  (ipt 
q.  W,  a.  6),  on  peut  et  on  doit  préférer  e 
mal  de  la  punition,  pour  éviter  celui  de  w 
faute.  Car  le  mal  de  la  faute  est  réelletnem 


SIS 


CON 


DASCETISME. 


a>N 


SU 


un  ma],  paisqu*il  répugne  à  Diea  par  lui* 
nième  el  h  Ja  droite  raisoa;  au  coulraire»  le 
uial  de  la  puoitiou  n*est  pas  un  mal  réel, 
puisqu*il  n  est  pas  par  lui-même  contraire 
a  la  drf)ite  raison  »  mais  seulement  une 
incommodité  pour  rbomme.  Donc  la  peine 
de  Fenfer  doit  être  préférée  à  la  faute  du 
péché,  dans  le  cas  où  Ton  serait  forcé  d'opter 
entre  les  deux;  eU  par  conséquent»  il  y  au- 
rait plus  de  perfection  à  choisir  la  peine  de 
Teofer,  dans  le  cas  où,  sans  être  obligé  à  ce 
choix  de  nécessité  de  précepte,  on  reconnat- 
Irait  qu'on  agirait  ainsi  selon  le  bon  plaisir 
de  Dieu.  D'ailleurs  tout  homme,  pour  pos- 
séder la  contrition  parfaite,  est  rigoureuse- 
ment obligé  d'aroir  pour  le  péché  morte! 
une  aversion  si  efficace,  qu'il  préfère  au 
moins  virtuellement  souffrir  les  peines  éter* 
Délies,  plutôt  que  de  pécher;  donc  Time 
parfaite  peut  aussi,  non-seulement  virtuel- 
lement, mais  d'une  manière  expresse,  for- 
muler ce  désir,  non  en  vue  d'éviter  le  péché, 
mais  même  pour  se  conformer  au. bon  plai- 
sir de  Dieu,  agissant  ainsi  d'une  manière 
plus  parfaite  qn  elle  n'est  tenue. 

On  peut  objecter:  1*  que  cette  supposition 
est  impossible.  Dieu  ne  pouvant  précipiter 
dans  l'enfer  une  Ame  innocente,  parce  que 
ce  serait  une  cruauté,  une  injustice  et  une 
cause  de  désespoir.  Ce  sentiment  ne  peut 
donc  être  inspiré  de  Dieu.  —  Cette  hypo- 
thèse, il  est  vrai,  est  impossible  absolument, 
relativement  aux  caractères  de  l'enfer  pré- 
sent, de  sorte  qu'absolument  parlant,  on  ne 
doit  préférer  l'enfer  ni  pour  éviter  le  péché, 
ni  pour  mieux  accomplir  la  volonté  de  Dieu. 
Néanmoins,  on  peut,  par  hypothèse,  consi- 
dérer l'enfer  comme  un  lieu  de  tourments, 
abstraction  faite  de  l'idée  du  |  éché,  qui  en 
est  inséparable  d'une  manière  absolue.  En 
ce  sens,  on  peut  le  préférer  et  l'accepter, 
dans  l'intention  de  plaire  à  Dieu  et  de  lui 
témoigner  son  amour.  Dans  ce  cas,  ce  senti- 
ment, loin  d'être  inutile,  servirait  h  faire 
apprécier  la  gravité  de  la  faute,  à  inspirer 
la  haine  du  péché,  et  à  faire  preuve  d'une 
charité  héroïque  envers  Dieu. 

On  objecte ,  2*  que  le  sentiment  de  joie, 
relativement  aux  torluresdes  damnés,  même 
des  parents,  n'est  pas  en  harmonie  avec  le 
précepte  d'aimer  son  prochain  comme  soi- 
même,  parce  qu'il  n'est  pas  permis  de  se 
réjouir  ae  sa  propre  damnation. — Ce  senti- 
ment, répondrons-nous,  n'est  autre  qu'un 
sentiment  de  conformité  h  la  volonté  de 
Dieu  et  aux  effets  de  la  justice  divine;  nous 
devons  d'ailleurs  nous  réjouir  de  la  gloire 
qui  résulte  pour  Dieu  de  l'accomplissement 
de  sa  justice.  C'est  en  ce  sens  que  les  bien- 
heureux dans  le  ciel  se  réjouissent  des 
Kioes  des  damnés,  quand  même  ils  seraient 
_  jrs  parents. 

On  dit,  3*  que  le  désir  de  souffrir,  pour  le 
saJut  du  prochain,  les  peines  âe  l'enfer  et 
la  privation  de  la  béatitude,  est  contraire  à 
la  charité  bien  ordonnée,  par  laquelle  on 
doit,  en  matière  spirituelle,  s'aimer  plus  que 
son  prochain.  — .Ce  désir  n'est  encore  que 
conditionntl,  et  fondé  sur  la  considération 


des  peines  seuiCs  de  l'enfer.  Et  de.  même 

3u*on  peut  les  souhaiter  ^  un  sentiment 
'amour  parfait,  afin  de  mieux  se  soumettre 
au  bon  vouloir  de  Dieu,  de  même  on  peut 
encore  le  faire  en  vue  de  l'amour  du  pro- 
chain pour  Dieu.  Rien  en  cela  ne  trouble 
l'ordre  de  la  charité;  car,  selon  saint  Tho- 
mas (3-2.,  q.  26,  a.  4),  c  il  n'est  seulement 
défendu  que  de  commettre  le  péché,  pour  en 
préserver  le  prochain.  »  (  Voy.  Béatitldk.  ) 
Ces  sortes  d'affections  extraordinaires  no 
sont  pas  utiles  aux  âmes  impaifaiies.  En 
effet,  les  textes  de  lEcriture  que  nous  avons 
cités  h  propos  de  Moïse,  de  saint  Paul  et  du 
vieillard  Eléazar,  ne  sont  appliiables  qu'à 
des  personnages,  comme  eux,  d'une  extrême 

Perfection.  C'est  aussi  l'opinion  des  SS. 
ères,  c  Autant  nous  sommes  loin  de  lar- 
dent  amour  de  Paul,  autant  nous  devons 
repousser,  même  do  nos  iiensées,  de  pareils 
sentiments.  »  (  S.  Jean  Chrtsostoub,  hom. 
16  ad  Rom,  )  «  Dans  noire  froideur  et  uuli  e 
indigence,  nous  ignorons  les  richesses  de 
ces  anies;  aussi  lorsque  nous  lisons  que  l'un 
a  demandé  d'être  anathème  pour  ses  fi ères, 

aue  l'autre  a  consenti  d'être  effacé  du  livre 
e  Dien^  nous  atlénuon.^  le  sens  de  ces  pa- 
roles. »  (RcpERT,  I.  IV,  c.  30  in  Exod.)  Ri- 
chard de  Saint- Victor  (  L.  de  grad.  vicient, 
eharit.)  n'admet  cette  affection  que  dans  le 
degré  suprême  de  la  charité  tiolenie  et  pres- 

Îue  en  dé.ire.  Saint  Bonaventure,  «aint 
nselme,  Alvarez  et  NieremlH*rg  sont  du 
même  avis.  Saint  Thomas  nous  en  donne  la 
raison  (  Quodlib.  1,  a.  9  ).  Suivant  la  plu- 
part des  théologiens,  l'amour  de  Dieu,  la 
naine  du  péché  et  les  autres  affections  sem- 
blables, pour  être  suffisamment  parfaites, 
doivent  être  au-dessus  de  tout,  seulement 
d'une  manière  appréciative.  Aussi  u'est-il 
pas  nécessaire,  et  même  serait-il  très-nui- 
sible aux  Ames  imparfaites,  que  cette  condi- 
tion, par-desMUS  iouies  ehoseSf  soit  exprimée 
d'une  manière  formelle,  relativement  aux 
peines  les  plus  graves,  et  surtout  aux  tour- 
ments de  l'enfer.  11  suflit  que  cette  cocdition 
soit  formulée  d'une  manière  implicite  et 
générale.  D'ailleurs,  descendre  h  cet  égard 
dans  les  applications  particulières,  ce  serait, 
sans  besoin,  se  jeter  dans  des  embarras 
inextricables,  et  ouvrir  ample  carrière  aux 
scrupules.  Car  les  choses  les  plus  pénibles 
étant  celles  qui  impressionnent  le  plus  la 
partie  sensitive,  une  personne  imparfaite 
pourra  difficilement  reconnaître  si  la  répu- 
gnance qu'elle  éprouve  à  les  supporter 
provient  de  la  partie  supérieure,  ou  seule- 
ment de  la  partie  inférieure.  Enlin  ce  serait 
s'exposer  sans  nécessité  au  danger  dos  plus 
graves  tent&tions,  que  de  vouloir,  lorsqu'on 
n'est  \Hks  encore  parfait  dans  rabnégation  de 
soi-même,  lutter  sans  cause  urgente  contro 
les  plus  grands  périls,  comme  s'ils  étaient 

{prochains  et  pressants.  Donc  ces  sortes  d'af- 
èctions  ne  sont  pas  requises  des  Ames  im- 
parfaites, et  souvent  leur  seraient  nuisibles. 
On  objecte  ici  :  1*  Tout  pénitent,  en  s'ap- 
prochant  du  sacrement  de  pénitence,  doit 
ressentir  une  vive  douleur  de  ses  fautes,  au 


515 


Go:« 


DICTIONNAIRE 


CON 


Sl$ 


point  de  préférer  tout  souffrir  plutôt  que 
de  pécher.  Or,  il  doit  lui  être  utile  d'énumé- 
rer  les  châtiments  les  plus  graves  et  de  les 
préférer  explicitement  au  péché;  car,  de 
cette  manière,  il  obtiendra  lui-même  et  il 
donnera  à  son  confesseur  la  certitude  que  son 
repentir  est  sincère.  It^p.  Comme  il  est  mo- 
ralement impossible  de  parcourir  explicite- 
ment toutes  les  sortes  de  peines,  et  que 
d'ailleurs  ce  serait  s'exposer  à  de.  graves 
inconvénients,  ainsi  que  nous  l'avons  vu,  il 
sudit  de  former  ce  sentiment  d'une  manière 
implicite  et  générale;  c'est  assez  pour  acqué- 
rir la  certitude  morale  ou  conjecturale  d'une 
douleur  suffisante. 

2*  Mais,  si  ce  sentiment,  dira-t-on,  n'était 
pas  explicitement  formulé,  la  résolution  de 
ne  plus  pécher  ne  serait  pas  assez  efficace. 
Rép  .11  n  est  pas  nécessaire  d'avoir  un  ferme 
propos  fondé  sur  une  douleur  si  vive, qu'on 
s'engage  à  résister  victorieusement  à  toutes 
les  tentations  imaginables  qui  pourraient 
survenir;  car  une  telle  douleur  et  un  tel 
propos  seraient  à  peine  réalisables  en  cette 
vie.  Pour  qu'il  soit  parfait  et  efficace,  il  suffit 
d'agir  d'une  manière  effective,  ou  de  se  pro* 
poser  d'agir  à  l'occasion,  conformément  aux 
intentions  de  la  divine  Providence. 

3*  Hais,  direz-vous,  il  peut  se  présenter 
des  circonstances  où  une  personne  impar- 
faite soit  tentée  d'une  manière  si  violente, 
qu'elle  se  voie  forcée  d*opter  entre  le  péché 
et  les  plus  horribles  tourments  ;  elle  doit 
au  moins,  dan^  ce  cas,  se  proposer  explici- 
tement de  souffrir  ces  bornbles  tourments  et 
mémel'enfer, plutôt quede  pécher.  Rép.  Dans 
ces  cas  extraordinaires,  il  n'est  ni  néces- 
saire, ni  utile  pour  tous,  de  prendre  une 
détermination  immédiate;  il  vaut  mieux 
laisser  sans  réponse  ces  pensées  importunes, 
et  s'en  remettre  à  la  divine  Providence,  qui 
ne  permettra  pas  que  notre  faiblesse  soit 
exposée  à  de  telles  tentations,  ou  nous  ai- 
dera de  son  secours,  avec  lequel  nous  som- 
mes sûrs  de  les  mépriser.  Il  suffit  donc  pour 
rinstant  d'une  résolution  générale,  à  atten- 
dre, pour  prendre  une  détermination  parti- 
culière, que  Toccasion  s'en  présente.  Quant 
auxcas  impossibles,  la  meilleure  réponse  sera 
de  n'en  faire  aucune,  ou  de  se  dire  que  le  pé- 
ché est  pireetplusdéteslablequelessupplices 
de  l'enfer.  {Voy.  Gerson,  tr.  8  m  Magnificat.) 

Si  l'flme  est  bien  éprouvée  et  parfaite 
dans  l'abnégation  de  soi-même  et  dans  la 
résolution  de  tout  endurer,  de  tout  souffrir 
pour  l'amour  de  Dieu  et  pour  le  salut  des 
âmes,  il  lui  est  permis  de  se  livrer  à  ces 
affections  extraordinaires,  quand  elle  y  est 
excitée,  soit  dans  la  contemplation,  soit  dans 
tout  autre  état. 

Il  faut  aussi  permettre  à  celte  ftme  les 
affections  extraordinaires  de  crainte  filiale 
qui  peuvent  se  présenter  à  elle.  11  arrive  en 
effet  parfois,  surtout  au  temps  de  l'épreuve 
et  de  l'aridité,  au  milieu  des  nuages  et  des 
ténèbres  dont  l'homme  se  trouve  intérieure- 
ment enveloppé ,  que  les  ftm'es  parfaites 
soient  en  proie  à  de  vifs  sentiments  de 
crainte,  comme  ceux  qui  se  rencontrent  si 


souvent  exprimés  dans  les  Psaumes  et  sur- 
tout dans  le  livre  de  Job.  Qu'il  nous  suflise 
d'en  citer  un  :  Qui  me  pourra  procurer  cette 
grâce,  que  vous  me  cachiez  dans  le  tonibeau^ 
et  que  vous  me  mettiez  à  couvert ^jusqu  à  et 
que  votre  fureur  soit  passée?  (Job  xiv,  13). 

Quelque  parfaites  que  soient  ces  Ames,OQ 
ne  doit  leur  permettre  de  'se  livrer  à  ces 
affections  extraordinaires  que  comme  ea 
passant  et  autant  qu'elles  y  sont  excitées 
par  une  impulsion  spéciale  du  Saint-Esprit. 
Car,  par  cela  même  qu'elles  sont  extraordi- 
naires, elles  doivent  être  provoquées  par 
une  impulsion  extraordinaire.  On  le  voit 
par  la  condamnation  de  cette  proposition 
de  Fénelon,  qu'il  rétracta  dans  la  suite  et 
par  laquelle  il  suppose  qu'un  pareil  re- 
noncement peut  être  habituel  :  «  L'homme 
peut  arriver  à  un  état  habituel  d'amour 
divin,  qui  est  la  charité  pure  et  sans  mé- 
lange d'aucun  motif  d'intérêt  personnel. 
La  crainte  des  châtiments  et  le  désir  des 
récompenses  n'est  plus  pour  rien  dans  cet 
état.  On  n'aime  plus  Dieu  en  vue  du  mérite, 
ni  de  la  perfection,  ni  du  bonheur  qu'on 
trouve  dans  son  amour  (Propos.  1")....  Le 
directeur  alors  peut  permettre  à  cette  âme 
d'acquiescer  simj^lement  (c'est-à-dire  sans 
condition)  à  la  ruine  de  ses  propres  intérêts 
et  à  la  juste  condamnation  qu'il  croit  portée 
par  Dieu  contre  lui.  (Prop.  1-3.}» 

Dans  ces  sortes  d'affections  extraordi- 
naires, même  à  l'égard  des  flmes  parfaites, 
il  faut  veiller  avec  soin  k  ce  qu'elles  soient 
toujours,  malgré  leur  forme  exagérée,  en 
rapport  avec  la  vraie  théologie.  Aussi ,  le 
P.  Régnera  (Th.  myst.,  t.  II,  p.  135,  d-226) 
n'approuve-t-il  pas  entièrement  celle  affec- 
tion, ordinairement  attribuée  à  saint  Au- 
gustin, quoique  sans  aucune  preuve  certaine: 
«  Si  Augustin  était  Dieu,  et  que  Dieu  fût 
Augustin,  Augustin  aimerait  mieux  cesser 
d'être  Dieu,  pour  que  Dieu  fût  Augustin.» 
C'est  là  une  insignifiante  exagération. 

Les  imparfaits  ne  doivent  ni  mépriser  ces 
affections  extraordinaires  des  personnes 
parfaites,  ni  tenter  de  les  imiter,  si  ce  n*e$t 
d'une  manière  proportionnée  à  leurs  forces, 
car  elles  ne  leur  sont  pas  toujours  utiles; 
toutefois,  elles  peuvent  servir  comme  d'uu 
aiguillon  pour  avancer  de  plus  en  plus  dans 
la  vertu.  Si  ces  âmes  n'osent  pas  désirer  le 
malheur,  la  mort  et  les  peines  de  l'enfer, 
pour  l'amour  de  Dieu  et  du  prochain,  elles 
doiventau  moins  se  préparera  cet  amour  plus 
ou  moins  parfait,  ensupportant  les  adversités 
qui  leur  arrivent ,  en  redoutant  les  peines 
et  en  espérant   les  récompenses  éternelles. 

Tous  néanmoins, quelque  imparfaits  qu'ils 
soient,  doivent  s'exercer  à  aimer  Dieu  de  toat 
leur  cœur  et  par-dessus  tout.  Et,  bien  qu'il  ne 
soit  pas  nécessaire  de  descendre  à  des  appli' 
cations  particulières,  pour  aimer  Dieu  par- 
dessus tout  et  pour  lui-même  d'une  affec- 
tion appréciative,  il  faut  cependant  que  celte 
affection  soit  assez  efficace  pour  excmre, 
d'après  la  disposition  actuelle  de  l'âme,  tout 
autre  amour  contraire  à  celui-ci.  C'est  en 
cela  que  consiste  celte  condition  dei^^r- 


517 


con 


D*ÂSCET1SME. 


CON 


SIS 


di$su9  iaui€$  dkoMf ,  nécessaire  k  Tamour 

e liait  de  Dieu  et  à  la  contrition  parfaite, 
tte  condition  doit  encore  se  trou?er  dans 
la  contrition  imparfaite,  quel  qu'en  soit  le 
motif,  pour  qu'elle  soit  accompagnée  d'une 
résolution  ferme  et  efficace,  sans  laquelle 
cette  contrition  ne  suffirait  pas  pour  la 
justification  dans  le  sacrement  de  péni- 
tence. 

Enfin,  il  est  certains  cas  où  les  parfaits  et 
les  imparfaits  sont  tenus  de  prendre,  quand 
même  il  s'agirait  des  choses  les  plus  péni- 
bles, la  détermination  de  les  souffrir  plutôt 
due  de  commettre  un  péché.  Ainsi,  quand  la 
foi  est  persécutée  par  des  tjrans,  quand  on 
esi  menacé  des  plus  cruels  supplices  si  l'on 
se  refuse  à  commettre  un  péché  d'impureté,, 
quand  on  est  horriblement  tourmenté  par 
un  ennemi  dans  sa  personne,  dans  ses  biens, 
dans  sa  fortune  et  dans  sa  réputation  ;  quand 
on  se  trouve  exposé  à  certams  dangers  atta- 
chés à  sa  profession,  comme  un  soldat  aux 
lois  iniques  du  duel,  un  marchand  aux  gains 
illicites,  dans  ces  sortes  de  circonstances, 
l'esprit  doit  être  particulièrement  prémuni; 
car  il  serait  à  craindre  que  la  généralité  des 
déterminations,  même  avec  une  attention 
sérieuse,  n'eût  pas  assez  d'efficacité. 

IV.  Le  quatrième  degré  de  la  contem- 
plation séraphique  est  lantidt^^  contempla^ 
îit€^  qui  consiste  dans  un  détachement,  une 
purification  si  complète  de  l'appétit  sensitif 
et  de  toute  affection  pour  les  créatures, 
qu'on  n'a  plus  d'amour ,  de  rœux ,  d'aspi- 
rations et  de  désirs  que  pour  Dieu  seul. 
Qaitanqiu  ne  renonce  pas  à  tout  ce  qu'il 
posêide^  ne  peut  être  mon  dieeiple.  (Luc»  xit, 
33.)  L*amour«propre  et  l'amour  divin  sont 
incompatibles;  on  ne  peut  voler  dans  leciel 
en  restant  attaché  à  la  terre,  ni  être  rempli 
en  même  temps  des  créatures  et  du  Créa- 
leur.  IVoff.  sainte  Thébâsb,  in  m  Mans.  $ui 
casiMif  et  saint  Jeah  pb  la  Cboix,  inAic. 
flUNil.,  I.  I ,  c.  4  et  5.) 

Voici  comment  le  P.  Alvarez  de  Paz  carac- 
térise cette  nudité  (  1. 111  Vit.  $pir.^  1.  y,  p.  1  )  : 
«  Ceux  qui  s'efforcent  de  commander  à  leurs 
passions  conservent  encore  certaines  affec- 
tions terrestres  dont  ils  n'ont  pu  entière- 
ment se  détacher.  »  Il  en  donne  des  exem- 
ples :  Ainsi,  ceux  qui ,  sous  prétexte  de  la 
gloire  de  Dieu,  ne  souffrent  arec  résigna- 
tion aucune  atteinte  à  leur  réputation  ; 
ceux  qui  ont  pour  d'autres  personnes  ver- 
tueuses un  attachement  si  vif,  qu'ils  ne 
craignent  pas  de  se  faire  remarquer  par  leur 
empressement  à  les  exalter  en  tonte  occa- 
sion; ceux  qui  veulent  trop  abonder  dans 
leur  sens,  et  qui  s'élèvent  implacablement 
contre  les  défauts  de  leurs  frères  avec  un 
zèle  bon  en  lui-même,  mais  qui  n'est  pas 
selon  la  science  divine.  Et  il  conclut  ainsi  : 
«  Il  faut  se  détacherde  toutes  ces  affections, 
si  Ton  désire  se  préparer  au  repos  et  aux 
jouissances  de  la  contemplation  et  des  dé- 
iices  intérieures.  > 

y.  Le  cinquième  degré  de  la  contemplation 
^t  la  #o/t7iiaeaiffc<t9f.  état  dans  lequel  l'âme, 
habituée  aux  aciices  spiriluellesi  ne  ressent 


Eas  cette  spéciale  et  douce  présence  de  son 
ien-aimé ,  après  laquelle  elle  aspire.  UÈ- 
criture  sainte,  le  Psalmiste,  les  Prophètes, 
le  livre  des  Cantiques,  expriment  fréquem- 
ment cette  affection  de  l'Ame  contemplative 
sur  l'absence  de  son  bien-aimé.  O  toue^  gui 
êtes  le  bien-aimi  de  mon  âme^  apprenez-moi 
où  vous  menez  paître  votre  troupeau,  où  vous 
vous  reposez  à  midi.  {Cant.  i,  6.)  Hélas  !  foi 
cherche  dans  mon  petit  lit  pendant  plusieurs 
nuits  celui  qu*aime  mon  âme  :  je  Fai  cherché 
et  je  ne  Caipoint  trouvé.  [Cant.  ifi,l.)  Jevous 
conjure^  6  filles  de  Jérusalem^  si  vous  veniez 
à  rencontrer  mon  bien-atméf  de  lui  dire  que 
je  languis  d'amour.  {Cant.  t,  8.)  «  L'époux 
se  cache  quand  on  le  cherche,  oit  saint  Gré- 
goire (I.  V  Jlfor.,c.4),  afin  que,  ne  le  trou- 
vant pas,  on  le  chercne  avec  beaucoup  plus 
d'ardeur  encore  ;  et  l'épouse  qui  le  recher- 
che est  longtemps  sans  le  trouver,  afin  d'en 
être  plus  digne  par  ce  délai ,  et  de  goûter 
plus  vivement  le  bonheur  de  le  trouver, 
quand  elle  obtiendra  celte  faveur.  »  11  nous 
exprime    encore    les    mêmes   sentiments 

eom.  35  m  £9.),  quand  il  nous  montre 
arie-Hadeleine  se  tenant  en  pleurs  à  la 
porte  du  tombeau  de  Jésus.  «  Plus  l'affection 
se  lasse,  dit  saint  Ambroise  (m  Ps.  cxviii, 
serm.  Il),  plus  l'amour  s'accrott.  L'atiènte 
enflamme  les  désirs  d'un  feu  d'autant  plus 
ardent,  que  se  fait  plus  longtemps  désirer 
la  présence  de  l'objet  aimé.  »  «  Ce  n'est  pas 
l'amour,  c'est  l'amant  qui  languit,»  dit  Gil- 
bert, abbé  jserm.  M).  Sainte  Thérèse,  saint 
Jean  de  la  Croix,  saint  Jean  de  Jésus-Marie, 
nous  parlent  souvent  aussi  de  cette  affection 
de  solitude. 

Le  P.  Godinez  [Prax.  th.  myst.  i.  vi,  c,  6) 
rapporte  quelques-unes  de  ces  affections  et 
de  ces  plaintes  amoureuses  de  l'âme  dans 
l'état  de  solitude.  «  O  ma  beauté,  que  j'ai 
tardé  à  vous  connaître,  et  que  je  vous  ai  bien- 
tôt perdue  1  Je  suis  donc  sans  vous  et  sans 
moi;  en  vous  perdant,  je  me  suis  perdu  moi- 
même,  car  eu  vous  trouvant,  je  me  trouve 
moi-même,  et  je  me  perds  moi-même  en 
vous  perdant.  O  vous  qui  rassasiez  l'Ame 
pour  toujours ,  où  êtes-vous  allée!  Beauté 
sans  tache,  où  vous  êtes  vous  cachée  ?  Vérité 
sans  erreur,  où  m'avez-vous  délaissé,!  O 
doux  bonheur  de  ma  misérable  vie,  pour- 

auoi  vivre  sans  vous  dans  cette  triste  vie? 
)  roi  de  mon  Ame  alQigée,  où  êtes-vous,  que 
lai  tes- vous,  pourquoi  tardez- vous?  Est-ce 
que  la  vue  de  mon  isolement  ne  peut  émou- 
Toir  votre  bonté?  Jusques  à  quand,  mon 
Jésus,  vivrai-je  «ans  vous?  Jésus  de  ma  vie, 
qui  peut  supporter  patiemment  de  se  voir  si 
longtemps  éloigné  de  vous?  »  Cette  affection 
venant  à  s'étendre,  les  sensations  amoureu- 
ses se  multiplient,  au  point  que  l'âme  reste 
muette  dans  l'excès  de  sa  tendresse  et  de  son 
amour.  Et  de  même  que  si  beaucoup  de  per- 
sonnes veulent  sortir  h  la  fois  par  la  même 
porte,  elles  se  gênent  mutuellement  au  point 
que  nulle  d'entre  elles  ne  peut  passer  :  de 
même  tous  ces  tendres  sentiments  se  pres- 
sent à  la  fois  dans  la  volonté,  au  point  qu'on 
ne  peut  trouver  moyen  d'en  exprimer  un 


«19 


CON 


DiCTlONNAlRE 


CON 


m 


seul  :  l'Ame  osl  comme  saisie  cl*anc  sorte  do 
frissonnement  plein  de  douceur  et  d*une 
sorte  de  langueur  amoureuse.  Si  la  force  de 
cette  oraison  est  tout  intérieure  et  que  rien 
ne  s*en  communique  aux  sens ,  elle  dure 
longtemps  et  a  plus  d^elTicacité;  mais  si 
l'âme  se  répand  en  tendres  entretiens  et  en 
plaintes  amoureuses  avec  son  bien-aimé, 
alors  surviennent  ordinairement  les  larmes» 
l'attendrissetoent  et  les  autres  impressions 
des  sens.  Cet  état,  bien  que  rempli  de  déli- 
cieuses consolations,  dure  peu  à  cause  de  sa 
violence. 

VI.  Le  sixième  degré  de  la  contemplation 
séraphique  consiste  dans  les  ioliloqua  af- 
fectifs de  l'Ame,  quand  elle  a  trouvé  son 
bien-'aimé;  et  de  môme  que  dans  la  solitude 
affective  le  soliloque  était  tristeet  lugubre,  de 
môme  il  doit  alors  ôtre  agréable  et  rempli 
d*une  douce  suavité.  Mon  bien-aimé  est  à 
moi  et  je  suis  à  lui  :  il  se  nourrit  parmi  les 
tis]^  avant  aue  le  jour  commence  à  paraître  et 
que  les  ombres  se  dissipent  peu  à  peu.  [Cant, 
II,  16  et  17.)  J*ai  trouvé  celui  qu'aime  mon 
âme  et  je  ne  le  laisserai  point  aller,  (Cant.  m, 
4.)  Je  suis  à  mon  bien-aimé^  et  mon  bien-aimé 
est  à  moi,  (Cant.  vi,  2.)  Saint  Bernard  désigne 
ces  soliloques  et  ces  affections  anagogiques 
quand,  il  dit  (serm.  67,  in  Cant.)  :  «....  L'a- 
mour ardent  et  enflammé,  l'amour  divin  sur- 
tout, quand  il  ne  peut  plusse  contenir  en 
'  lui-même,  ne  s'arrête  pas  à  considérer  en 
quels  teimes  et  dans  quel  ordre  il  exnrîme 
ses  sentiments  impétueux,  pourvu  qu  il  les 
exprime,  et  que  son  ardeur  n'en  éprouve 
aucun  refroidissement.  Et  souvent  pour  cela 
il  n'a  besoin  ni  de  la  parole,  ni  de  la  voix, 
les  soupirs  seuls  lui  sullisent.»  Saint  Augus- 
tin dans  ses  Confessions  abonde  en  affections 
de  ce  genre,  comme  aussi  saint  Anselme 
dans  ses  Soliloques  et  ses  mélitations,  sainte 
Thérèse  (Exclamât,  xvi),  saint  Jean  de  la 
Croix  (in  sua  Cant.)  y  saint  Jean  de  Jésus 
Marie  (Th.  myst. ,  append. ,  ep.  2),  et  la  B. 
Catherine  de  Janua  fm  suo  Dialog.). 

Remarquons  avec  le  P.  Godinez  (Prax.  de 
th.  myst.j  1.  VI,  c.  7),  que  la  contemplation 
diffère  complètement  des  sciences  humaines. 
Celles-ci  s'appuient  sur  dos  premiers  prin- 
cipes dont  on  lire  les  conséquences.  La  con« 
templation  n'a  aucun  principe  dont  on  puisse 
tirer  des  conséquences  certaines;  à  certain 
degré  de  la  contemplation  ne  succède  pas 
régulièrement  un  autre  degré,  de  manière 
à  obtenir  Ja  certitude,  en  remplissant  cer- 
taines conditions,  de  recevoir  immédiate- 
ment de  Dieu  le  don  des  larmes,  de  la  dévo- 
tion, de  la  douceur  spirituelle,  etc.  La  con- 
templation dépend  plutôt  d'événements  con- 
tingents et  inopinés  que  de  conséquences 
nécessaires.  Personne  ne  doit  donc  s  imagi- 
ner que.  les  élévations  dont  parfois  l'Ame 
parfaite  est  favorisée  dans  la  voie  de  la  con- 
templation, par  suite  de  ses  bonnes  disposi- 
tions, sont  comme  les  degrés  d*une  échelle 
mécanique,  car  nous  sommes  ici  en  matière 
de  morale*  et  bien  au-dessus  des  choses  qui, 
se  reproduisant  très-souvent  dans  le  môme 
ordre,  sont  susceptibles  d*ôtre  subordonnées 


h  des  règles  conjecturales.  D'ailleurs  il  s'agit 
d'une  grAce  gratuite,  que  Dieu  ne  doit  à  per- 
sonne, quels  que  soient  ses  mérites;  et  enfin 
comme  dit  saint  Jean  (m.  S)  :L esprit  $ouf fit 
où  il  veut. 

Dans  les  soliloques,  l'Ame  est  habituelle- 
ment transportée  d*une  tendresse  et  d'une 
suavité  pleines  de  douceur  ;  aussi  soulTre- 
t-elle  beaucoup  de  relâchement  dans  les  opé- 
rations des  sens  extérieurs  :  elle  entend,  elle 
voit,  elle  sent  avec  peine,  elle  est  incapable 
de  soutenir  une  conversation.  En  présence 
de  son  bien-aimé,  elle  est  comme  une  glace 
d*où  jaillissent  de  nombreux  rayons  de  lu* 
mière,  de  douceur,  de  clarté,  d*ardeur  et  au- 
tres grAces,  qui  l'excitent  de  nouveau  à  de 
tendres  et  amoureux  colloques,  tels  que  : 
t  Mon  Dieu,  ma  vie,  ma  joie,  beauté  des 
séraphins,  comment  une  si  aimable  majesté 

I)eut-elle  porter  un  si  vif  amour,  à  moi  dont 
a  perversité  est  si  grande  I  Seigneur  et 
Père  de  mon  Ame,  que  diront  les  anges  s'ils 
vous  voient  jeter  vos  regards  sur  I  horrible 
fange  (}ue  nous  sommes?  Bien-aimé  de  mon 
Ame,  n  étes-vous  pas  la  sagesse  du  Père,  qui 
ne  peut  ni  tromper  ni  se  tromper?  Comment 
donc  peut-il  se  faire  sans  erreur  que  votre 
bonté  ait  tant  d'amour  pour  mon  iniquité? 
Faites  que  je  vous  aime,  6  mon  Dieu!  Puissé- 
je  mourir  de  suiœ  autant  qu'il  est  en  moi! 
Puissé-je  vous  honorer,  en  souiïrant  toutes 
sortes  d'ignominies  1  Je  ne  veux  plus  rica 
désormais  que  vous,  6  mon  Dieu.  Tout  le 
reste  n'excite  en  moi  que  dégoût.—  Si  ces 
sortes  de  colloques  se  font  intêrieurcmcnl, 
ils  sont  do  longue  durée  et  pleins  de  dou- 
ceur; mais  s'ils  se  manifestent  au  dehors 
par  des  gémissements,  des  larmes,  des  san- 
glots et  d'autres  actes  sensitifs,  ils  netar- 
dent  pas  à  cesser.  » 

Vil.  Le  septième  degré  de  contemplaliou 
séraphique  est  le  nuage  spirituel^  qui  cnele 
toute  créature  aux  yeux  du  conleuiplalouff 
afin  qu'il  voie  mieux  le  Créateur.  C'est  une 
sorte  de  lumière  éclatante,  puro,  iorto  et 
splendidc,  qui  n^Kis  liéeuuvre  tellement  la 
Créateur,  qu'elle  nous  cache  toute  créature. 
Ce  degré  résulte  d'une  proiondo  rttcntif'n, 
d'une  grande  intensité  et  vivacité  de  foi, 
par  laquelle  l'Ame  possède  Dieu  inlimcmcnt 
présent  et  uni  à  elle.  De  là  s'élùvo  dans  la 
volonté  une  sorte  de  flamme  ardente,  qui 
s'empare  tellement  de  l'atfeclion  et  IVih 
traîne  tellement  vers  le  Créateur,  qu'elle  ne 
sait  plus  vouluir,  désirer  et  souhaiter  autre 
chose.  Ainsi  cette  lumière  éclairant  \\ùm 
sur  les  choses  divines,  l'environne  o'una 
sorte  de  nuage  d'obscurité  qui  lui  voile  tou- 
tes les  choses  humaines. 

Souvent  dans  la  contemplation  nous  son)** 
mes  forcés  de  faire  usage  d'expressions  mé- 
taphoriques, dont  l'acception  est  empruntée 
aux  objets  matériels;  comme  par  exemple 
ce  terme  de  nuage.  De  môme  en  elfel 
qu'une  personne,  dans  un  temps  brumeux, 
ne  voit  que  les  objets  les  plus  rapprochés; 
de  môme  1  Ame  douée  de  cette  grâce  no 
voit  plus  les  créatures,  se  trouvant  tout 
proche  du  Créateur  et  s'uuissanl  inliiBcmeut 


S3I 


COM 


d^asceusmr. 


CON 


5tS 


h  lui.  Celte  eootemplation  de  nuage  ou 
d*ob$curité  se  rapporte  à  Toraison  de  si- 
Ience«  avec  cette  seule  différence  que  dans 
1  oraison  de  silence,  c^est  l*inteilîgence  qui 
est  surtout  obscurcie»  tandis  que  c'est  sur- 
tout Taffeetion,  dans  la  contemplai  ion  sera- 
pbione. 

¥111.  Le  huitième  degré  de  la  contempla- 
tion sérapbique  est  la  Uberié  d'esprit^  alors 
que  Dieu,  par  une  sorte  de  miracle,  et  d*une 
manière  absolument  indépendante  des  sens 
esiérieurs  ou  intérieurs,  répand  dans  Tin- 
telliçeoce  une^ certaine  apparence  ou  image 
spirituelle,  oui  représente  les  objets  divins 
el  somaturels,  dont  Tamour  allume  et  em- 
l>rase  la  rolonté.  Cette  sorte  d*orai$on  ou 
de  contemplation  s'appelle  liberté  d'esprit, 
parce  gue  la  partie  supérieure,  c'est-è-dire 
rînIeUigence  et  la  volonté,  y  est  libre  et  in- 
dépendante des  sens  soit  extérieurs,  soit 
intérieurs; en  effet,  le  principe,  par  le  se* 
cours  duquel  elle  comprend,  n  est  (ms  acquis 
au  moyen  des  sens^  mais  est  inspiré  et  in- 
fu$  immédiatement  par  Dieu;  de  sorte  que 
l'es^t  s'unit  à  Dieu,  par  une  certaine  in- 
tuition et  par  l'amour  de  la  partie  supé- 
rieure, sans  que  la  partie  inférieure  y  mette 
le  moindre  obslacle.  Où  se  irouve  Fesprit  du 
SeigneuTt  dit  TApôtre,  ià  se  irouve  aussi  la 
Uberté  (//  Cor.  m,  17),  c'est-à-dire,  dans 
toute  1  acception  du  mot  grec,  une  volonté 
spontanée»  noble,  libre  et  clairement  illu* 
minée.  Hugues  de  Saint-Victor  parle  ainsi 
de  cette  même  liberté  d'esprit  (\.  n  De 
mmima^  c.  20)  :  «  Les  sens  et  l'imagination 
n'ont  rien  à  faire  ici,  et  toute  la  partie  infé- 
rieure de  l'âme  se  trouve  dispensée  de  ses 
fonctions  habituelles;  mais  la  partie  supé- 
rieure est  introduite  avec  un  bonheur  dé* 
licieox  dans  celle  retraite  d'intime  quié- 
tude, dans  ce  sanctuaire  de  profonde  tran- 
quillité. 9  Bien  que  la  liberté  d'esprit,  au 
moins  comme  propriété,  en  tant  que  la  par- 
tie supérieure  est  r^e  par  la  lumière  de 
la  foi  et  le  don  d'intelligence,  se  rencontre 
dans  toute  espèce  de  contemplation;  cepen- 
dant, en  tant  qu'elle  est  spécialement  dirigée 
par  la  lumière  ultérieure  d'une  grâce  gra- 
tuite, par  les  images  divinement  et  immé- 
diatement infuses,  elle  constitue  ce  degré 
spécial  de  contemplation  de  liberté  d'esprit, 
dont  il  est  ici  question,  et  qu'Alvarez  de 
Paz  désigne  en  ces  termes  (t.  111  De  vit, 
spir.^  1.  V,  p.  2)  :  «  L'esprit,  dégagé  des 
choses  terrestres,  s'élève  librement,  comme 
Toisean  dans  les  airs,  partout  où  le  pousse 
le  souffle  de  Dieu.  Tantôt  il  s'élance  dans 
les  plus  sublimes  régions,  tantôt  il  s'enfonce 
dans  les  plus  basses,  c'est-à-dire  dans  la 
connaissance  de  soi-même.  EoGn  il  est  libre 
l^r  son  intuition  même  :  car  cette  intuition 
ou  bien  esi  dégagée  de  loule  imafte  sensibUf 
c*est  la  liberté  spirituelle  spéciale;  ou  bien 
elle  se  fait  par  le  moven  même  de  ces 
ioiages,  et  c'est  la  lil>erte  d'esprit  commune 
à  toute  contemplation.  » 

Quand  on  a  reçu  celte  oraison  de  liberté 
i'esprit,  d'après  le  P.  Godinez  (I.  vi,  c.  9), 
la  partie  supérieure  ou  l'intelligence  et  la 

Dicno!i!i.  u'AscéTisME.  I. 


volonté,  avec  la  grâce  infuse  qu'elle  reçoit, 
s'élèTeà  une  telle  hauteur  d'oraison,  quelle 
est  complètement  à  l'abri  de  toutes  ces 
distractions,  aridités,  tentations,  images  et 
autres  impressions  étrangères,  qui  atta- 
quent d'ordinaire,  pendant  Poraison,  les 
personnes  contemplatives,  même  les  plus 
spirituelles.  Et  peu  importe  alors  qu^on  se 
livre  à  des  occupations  extérieures,  qu  on 
voie,  qu'on  écoute  et  qu'on  parle  par  les 
sens  extérieurs  ;  car,  de  même  que  les  sens 
extérieurs  ne  sont  fiour  rien  dcins  rette 
oraison,  de  même  leur  exercice  régulier 
ne  lui  fait  aucun  tort.  Celui  donc  qui  est 
en  cet  état  d'oraison,  semble  avoir  en  quel- 
que sorte  deux  natures.  Quant  à  l'âme,  il 
agit  surnaturellement  par  le  principe  infus, 

J|uant  aux  sens,  il  agit  naturellement  avec; 
es  principes  acquis.  La  partie  supérieure 
d'intelligence  et  de  volonté  comprend, 
aime,  se  réjouit  et  s'unit  par  les  affections 
les  plus  secrètes  à  son  bien-aimé,  sans  que 
les  sens  empêchent  ou  favorisent  celte  con- 
templation; la  ^>arlie  inférieure  des  sens 
vit  modestement  au  milieu  des  hommes, 
comme  si  elle  n'avait  dans  Tâme  aucun  em- 
pêchement intérieur;  et  c'est  en  cela  que 
consiste  la  liberté  d'esprit,  faveur  que  Dieu 
n'accorde  qu'à  très-peu  d'âmes. 

Le  P.  Godinez  (c  10)  remarqué  à  ce 
propos  que  les  personnes  contemplatives, 
surtout  celles  qui  mènent  une  vie  séden- 
taire et  recueillie,  doivent  de  temps  en 
temps  se  permettre  quelque  récréation  cor- 
porelle, nonnête,  licite  et  proportionnée 
a  leur  état,  comme  de  se  promener  dans  un 
jardin  ou  dans  la  campagne  ;  de  moditier  en 
quelque  choset  pour  un  jour,  l'ordre  habi- 
tuel de  leurs  occupations;  d'omettre  quel- 
ques pénitences  qui  ne  sont  pas  nécessai- 
res; d'admettre  quelque  recherche  dans  la 
nourriture,  quelque  gaieté  extraordinaire 
dans  le  rire  et  la  conversation,  de  chanter, 
déjouer  de  quelque  instrument,  mais  tou- 
jours avec  modestie.  Une  occupation  atten- 
tive, une  contention  intérieure  trop  long- 
temps prolongée,  fatigue  le  corps  et  ruine 
la  saute.  Il  faut  donc  récréer  le  corps  de 
temps  en  temps  et  entretenir  sa  santé  par 
quelques  honnêtes  divertissements,  afin  que 
Pâme  réponde  et  se  conforme  avec  (>lus  de 
souplesse  et  de  docilité  aux  inspirations  de 
la  grâce.  Ce  serait  assurément  un  scandale 
dans  une  communauté,  que  de  voir  une 
personne,  passant  pour  spirituelle,  se  lever 
plus  tard,  se  ooucner  plus  tôt,  et  jouir  de 
quelques  douceurs  et  privilèges  pariiculiers 
pour  raison  dosante;  pour  n  être  pas  obligé 
d'en  venir  là,  il  faut  donc  se  livrer  modé- 
rément à  quelques  récréations  corporelles. 
Celte  pratique  est  utile  à  la  conservation 
de  la  santé;  elle  soutient  Thomme  intérieur 
et  favorise  la  charité  et  l'union  fraiemelle; 
et,  bien  que  rejetée  par  des  personnes  d'une 
austérité  excessive,  elle  est  auraise  et  re- 
commandée par  tous  les  matlres  spirituels 
les  plus  sages,  les  plus  doux  et  les  plus  firu- 
deuts.  {Voy.  EtTEAPius.) 
IX.  Le  neuvième  degré  de  la  contempli^ 

17 


5» 


CON 


DICTIONNAIRE 


CON 


SSl 


tibn  séraphique  esl  la  coniempIcUion  obscure, 
dans  laquelle  TAme,  ballottée  par  les  flots 
de  pensées  et  d'affections  contraires,  tout 
en  étant  saisie  de  crainte,  jusqu'à  douter 
quelquefois  de  son  propre  salut,  parvient 
cependant  à  l'état  d*oraison  le  plus  élevé, 
sans  qu'elle  s'imasine  avoir  fait  le  moindre 
progrès.  «  Il  y  a  dans  la  vie  contemplative, 
dit  saint  Grégoire  (hom.  ik  in  Execn.),  une 
si  grande  contention  d'esprit  lorsqu'il  s'élève 
vers  leschosescélestes,  qu'il  dirige  toutes  ses 
facultés  sur  les  objets  spirituels,  qu'il  s'ef- 
force de  s*élever  au-dessus  de  tous  les  objets 
corporels,  et  qu'il  se  resserre  pour  se  dila- 
ter. Parfois  ses  efforts  sont  heureux;  il 
dissipe  les  ténèbres  de  son  aveuglement;  ii 
entrevoit  furtivement  quelques  légers  rayons 
de  la  divine  lumière;  mais  bientôt  il  revient 
avec  accablement  vers  lui-même,  et  de  cette 
lumière  à  laquelle  il  aspirait,  il  retourne  en 
soupirant  et  en  se  lamentant  aux  ténèbres 
de  son  aveuglement.  »  Il  explique  cet  état 
par  la  lutte  de  Jacob  contre  un  ange  pen- 
dant toute  une  nuit  {Gen.  xtxii).  «  L  Ame 
qui  s'efforce  de  contempler  Dieu  soutient 
on  quelque  sorte  un  combat  où  elle  est 
tantôt  vaincue,  tantôt  victorieuse.  »  Cette 
paralysie  de  la  iambe  dont  fut  frappé  Jacob 
&u  contact  de  I  ange,  est  la  figure  de  cette 
paralysie  si  désirable  en  l'Ame  de  tout 
amour  pour  le  siècle,  par  suite  de  laquelle 
l'Ame  n'a  plus  d'autre  appui  que  le  seul 
amour  de  Dieu. 

Cette  contemplation  obscure  diffère  de  la 
contemplation  nébuleuse,  en  ce  que,  dans 
celle-ci,  l'obscurité  de  l'esprit  est  accompa- 
gnée de  la  plus  profonde  quiétude,  ou  plu- 
tôt elle  résulte  d'une  excessive  lumière  que 
Dieu  répand  sur  nous,  pour  nous  détourner 
de  toute  considération  inquiète  des  autres 
choses.  Au  contraire,  la  contemplation  obs- 
cure est  accompagnée  de  la  plus  vive  inquié- 
ludé,commeétantuneconnaissancedîrectede 
Dieu  seul,  par  une  foi  très-obscure ,  connais- 
sance qui  ne  lui  dévoile  rien  qui  ne  soit  pour 
elle  ufi  sujet  de  trouble.  Comme  cette  con- 
templation est  accompagnée  d'un  amour 
réel  très-fervent,  et  par  suite,  d'une  sorte 
d'union  inconnue  avec  Dieu,  on  trouve  le 
repos  au  sein  même  de  cette  inquiétude,  et 
la  force  au  sein  de  cette  faiblesse. 

Selon  le  P.  Godinez  (loe  cit.,  c.  11),  la 
présence  et  l'union  que  l'Ame  a  avec  Dieu 
dans  la  contemplation  obscure,  est  aussi 
forte  que  laborieuse,  aussi  obscure  qu'afQic- 
tive,  et  consiste  dans  une  faim  insatiable, 
une  soif  ardente  de  Dieu,  qu'elle  cherche, 
sans  le  trouver  toutefois  comme  elle  le  vou- 
drait; car  bien  qu'intimement  uni  à  cette 
Ame,  Dieu  lui  semble  fort  éloigné  d'elle.  La 
sensation  spirituelle  dans  ce  cas  est  très- 
violente,  tout  intérieure,  et  accompagnée 
de  plaintes  qui  n'en  sont  pas  moins  na- 
vrantes, pour  n'être  pas  proférées  par  la 
bouche.  L'Ame  gémit,  pleure,  souffre  inté- 
rieurement; souvent  cette  atlliction  rejaillit 
•ur  le  corps,  qui  est  brisé,  accablé,  et  en 
proie  à' de  cruelles  douleurs,  dont  il  ne 
trouve  le  remède  que  dans  la  seule  consola- 


tion intérieure.  Toute  l'excellence  de  cette 
oraison  consiste  en  deux  points:  d*abord 
un  grand  désir  de  plaire  a  Dieu,  ensuite 
une  grande  crainte  d'offenser  Dieu.  Ces 
deux  sentiments  n'obtenant  pas,  dans  l'idée 
de  l'Ame,  la  satisfaction  qu'ils  poursuivent, 
la  jettent  dans  des  perplexités  continuellrs, 
car  elle  est  toujours  en  la  présence  de  Dieu, 
qu'elle  croit  irrité  contre  elle  et  dont  la 
majesté  l'épouvante,  dont  la  grandeur 
récrase,  dont  la  justice  la  confond.  A  la  vue 
de  sa  faiblesse,  de  sa  misère,  de  son  infor- 
tune et  de  ses  défauts,  elle  est  saisie  de 
honte,  de  confusion,  d'ennui;  elle  se  croit 
abandonnée,  elle  est  en  proie  à  des  tour- 
ments au-dessus  de  toute  comparaison. 
Malgré  cela,  elle  trouve  une  sorte  de  joie 
dans  ces  tortures  morales;  elle  éprouve  un 
sentiment  qui  l'enOamme  d'amour;  la  pré- 
sence de  Dieu,  bien  qu'afQictive,  lui  est  aussi 
salutaire,  et  exalte  en  elle  toutes  les  vertus 
morales  afflictives,  telles  que  la  résignation, 
l'humilité,  la  mortiGeation,  la  ix)nstance,  la 
force  :  toutes  ces  vertus,  elle  les  pratique 
au  degré  sublime  dans  cette  contemplation 
obscure. 

X.  Le  dixième  degré  de  contemplation 
séraphique  est  l'amour  vulnérant  {vulnerans) 
ou  la  blessure  ou  ianguenr  d'amour,  qui 
consiste  dans  certains  actes  subtils,  délicats 
et  pénétrant  avec  une  puissante  impétuosité 
tout  l'intérieur  de  l'Ame;  de  sorte  que  la 
ferveur  de  la  charité  allume  dans  TAme  un 
feu  intense,  qui  la  pénètre  jusqu'à  la  moelle 
et  lui  fait  éprouver  une  sorte  de  violence, 
pleine  de  douceur  il  est  vrai,  mais  qui  pro- 
duit sur  elle  une  certaine  contraction,  une 
sorte  de  repli  sur  elle-même,  analogue  aux 
effets   d*une  blessure  corporelle    sur  les 
membres  et  tout  le  système  nerveux.  L'âme, 
en  se  repliant  ainsi  sur  elle-même,  fait  de» 
découvertes  d'autant  plus  précieuses  et  s'u- 
nit d'autant  plus  intimement  avec  son  bien- 
aimé,  qu'elle  semble  ne  plus  trouver  en  elle 
que  misère  et  néant.  C'est  ce  sentiment  du 
plus  fervent  amour  qui  faisait  soupirer  Té- 
pousedes  Cantiques  (fi,5)  :  Je  languis  d'amour, 
ou  selon  les  Septante,  j»; suis  blesséed'amour. 
«Dépouillons  nos  membres^,  dit  saint  Am- 
broise.  {in  ps.  cxvii,  33,  serm.  5,  n.  ii)f 

Eour  les  offrir  tout  nus  à  cette  délicieusd 
lessure,  à  cette  flèche  choisie.  Celte  flèihe, 
c'est  Jésus-Christ,  qui  a  dit  :  Il  m*  a  place 
comme  une  flèche  choisie.  {Isa.  xux,  3.)  Il 
est  avantageux  pour  nous  d'être  blessés  pr 
cette  flèche:  tous  ne  peuvent  dire  qu'ils  oit 
été  frappés  de  blessures  d'amour.  »  Saint 
Jérôme,  saint  Basile, saint  Giégoire,  tiennent 
le  même  langage.  Richard  de  Saint-Victor 
assigne  quatre  degrés  de  charité  par- 
faite {De  grad.  viol,  charii.)  :  «  Les  uns  sont 
blesses,  les  autres  enchaînés,  ceux-ci  lan- 
guissants, ceux-là  défaillants,  mais  non 
d'amour.  La  charité  blesse,  la  charité  en- 
chaîne, la  charité  fait  languir,  la  charité 
amène  la  défaillance.  Ne  vous  senibK-t-ii 
pas  avoir  le  cœur  percé,  quand  ce  trait  en- 
flammé d'amour  vous  pénètre  jusque  'a 
moelle  et  excite  si  vivement  vos  affectioosi 


s» 


CON 


d\\s:etisii& 


CON 


S26 


Iua  vous  ne  pouvez  eo  comprimer  ou  en 
bsimnier  Tessor  impétueux?  L*Ame  alors 
brûle  de  désirs  ;  baletaDte,  elle  soupire  et 

Î;émit  profondément.  Les  gémissements  et 
essoopirSy  la  pâleur  et  l'amaigrissement 
da  Tisage,  voilà  les  signes  certains  d'une 
âme  blessée.  L'esprit  n'est-il  pas  réellement 
enchaîné,  quand  il  lui  est  impossible  de  se 
fixer  sur  aucun  autreobjet?  Quoi  qu'il  fesse, 
qooi  qu'il  dise,  toujours  ce  sujet  est  présent 
à  sa  mémoire;  il  en  est  occupé  même  pendant 
son  sommeil.  Cet  état  ne  le  rend-il  pas  lan^ 
gni&sant,  puisqu'il  exclut  toute  autre  aOec* 
tien,  puisqu'il  ne|ltti  permet  plusd'amourque 

Cur  Dieu  seul  ?  *  Enfin  il  amène  la  défail- 
lee,  puisque  l'Ame  désespère  de  tout  re- 
mède, et  comme  sur  le  point  de  mourir,  se 
prépare  à  quitter  la  vie.  «  Quoi  qu'elle  fasse, 
êuoi  qu'elle  éprouve,  rien  ne  peut  rassasier 
I  ardeur  de  ses  désirs;  sa  soif  est  inextin- 
guible; elle  boit  sans  cesse,  et  elle  ne  peut 
la  satisfaire;  et  même  plus  elle  boit,  plus  sa 
soif  est  ardente.  »— <  L'Ame,  dit  sainte  Thé- 
rèse (c.  99  de  sa  Fte),  ne  son^e  pas  à  se 
plaindre  de  cette  blessure  que  lui  cause  l'ab- 
sence du  Seigneur.  Elle  est  percée  d'une 
flèche  dans  la  partie  la  plus  vive  de  ses  en- 
trailles et  de  son  cœur,  mais  elle  ne  sait  an 
juste  ni  ce  qu'elle  éprouve,  ni  re qu'elle 
voudrait;  elle  sait  seulement  qu'elle  ne  dé- 
sire que  Dieu,  et  elle  regarde  et  veut  con- 
server cette  flèche,  comme  une  herbe 
d'amour,  afin  de  se  haïr  elle-même  pour 
l'amour  de  Dieu,  ï  qui  elle  ferait  volontiers 
le  sacrifice  de  sa  vie.  On  ne  peut  apprécier 
ni  décrire  la  manière  dont  Dieu  s'approche 
de  FAme,  ni  cette  peine  si  douloureuse  dont 
il  TafDige,  pour  la  corriger  en  semblant  s'é- 
ioi^er  d'elle.  Cette  peine  est  néanmoins 
pleine  de  douceur  et  préférable  k  toutes  les 
délices  de  la  terre.  L*Ame  voudrait  en  quel- 
que sorte  toujours  mourir  de  cette  mort.  > 
Sainte  Thérèse  donne  pour  preuve  la  vision 
qu'elle  eut  i>lus  d'une  fois  d'un  séraphin 
qui  lui  perçait  profondément  le  cœur  d  une 
Bêche  d  or  et  d'un  trait  enflammé,  qu^il  reti- 
rait ensuite  en  disparaissant,  et  la  laissant 
tout  enflammée  dun  ardent  amour  f>our 
Dieu.  Saint-Jean  de  la  Croix  parle  aussi  de 
C4il  amour  vulnéranl(tii  Flamm.fnv.  amor., 
cant.  2),  ainsi  que  saint  François  de  Sales 
(I.  VI  Ae  amor  Dei.)  Il  n'est  pas  besoin 
d'établir  aucune  distinction  entre  la  bles- 
sure, la  lanaueur  et  les  autres  effets  sem- 
blables de  I  amour,  qui  sont  autant  de  de- 
grés plus  ou  moins  intenses  de  l'amour 
vulnérant. 

Cette  blessure  d'amour,  selon  la  remar- 
que du  P.  Godinez,  cause  parfois  de  déli- 
cieuses défaillances.d'esprit,  où  l'amour  se 
mêle  à  la  douleur,  et  dont  les  fruits  senties 
tendres  soupirs,  les  expressions  amoureu- 
ses, les  affections  brûlantes»  les  joies  céles- 
tes, la  paix,  l'union  tranquille  et  une  sorte 
de  mode  inexplicable  d'amour.  L'Ame,  rassa* 
siée  de  délices  et  blessée  d'amour,  est  sem- 
blable à  celui  qui,  fatigué  des  feux  du  midi, 
se  réfugie  sous  l'ombrage  d'un  arbre  ;  elle 
ne  soupire  qu'après  le  repos  ;  elle  aime,  loue 


et  rend  grAces;  elle  adore  et  bénit  son 
bien-aimé  ;  et  si  cette  affection  vient  A  se 
communiquer  an  corps,  elle  produit  les 
extases,  les  visions,  les  révélations,  etc. 
C'est  une  source  d'où  jaillissent  les  ruis- 
seaux de  la  charité  fraternelle,  par  laquelle 
on  désire  de  faire  du  bien  au  prochain  en 
tant  que  créature  de  Dieu.  De  là  s'élève  le 
brûlant  désir  de  la  conversion  des  gentils , 
du  retour  des  hérétiques  et  des  pécheurs,  le 
tendre  amour  de  ses  ennemis  et  le  zèle  k 
secourir  les  Ames  du  purgatoire. 

L^amour  du  prochain,  amour  actif  par 
excellence,  est  un  des  plus  précieux  effets 
de  la  contemplation.  1*  La  sainte  Ecriture 
loue  d'autant  plus  les  saints  qu'ils  se  sont 
montrés  plus  remplis  d'activité  pour  le  bien 
du  prochain:  témoins  Moïse,  Ëlie,  David, 
le  Précurseur  de  Jésus-Christ,  la  sainie 
Vierge  et  les  apôtres.  2*  Ecoutons  aussi  les 
saiots  Pères  :  «  La  perfection  de  tous  les 
membres  de  la  céleste  hiérarchie  consiste 
pour  chacun  d'eux  k  se  montrer  le  plus 
possible  imitateur  de  Dieu;  et  le  meilleur 
moyen  d'y  arriver,  selon  TApdtre  (I  Cor. 
m,  9),  c'est  de  secourir  ses  semblables  ;  car 
c'est  ainsi  ou'ôn  montre  en  soi  l'action  di- 
vine. »  (S.  DE9IS,  c.  3,  cod.  hier,)  Saint 
Basile  {in  Const.  monast.,  c.  2],  tout  en 
exhortant  k  la  vie  contemplative,  k  moins 
que  la  vocation  n'exige  la  vie  active , 
ajoute  néanmoins:  «  Si  vous  pouvez  prati- 
quer l'une  et  l'autre,  vous  en  retirerez  des 
deux  cdtés  le  fruit  du  salut.  >  Saint  J.  Chry- 
sostome  (l^om.  34 ,  ad  pop.)  prouve  par 
l'exemple  de  saint  Paul  combien  il  importe 
d'être  utile  non-seulemeut  k  soi-môme,  mais 
encore  au  prochain;  car  «  jeûner,  coucher 
sur  la  dure,  pratiquer  la  virginité,  Vivre 
avec  sobriété,  toutes  ces  pratiques  ne  sont 
utiles  qu'k  cent  qui  les  remplissent  ;  mais 
nos  œuvres  pieuses  envers  le  prochain,  Tau- 
mône,  l'instruction  et  la  chanté,  nous  sont 
utiles  k  nous-mêmes,  et  aussi  au  prochain, 
k  qui  elles   se  communiquent  de   notre 

[lart.  »  «  On  ne  doit  pas,  dit  saint  Augustin 
I  De  civ.t  c.  19),  se  livrer  au  repos ,  sans 
sMnquiéter  du  bien  du  prochain ,  ni  cher- 
cher k  lui  être  utile,  sans  aspirer  k  la  divine 
contemplation.  »  «  Le  serviteur  de  Dieu , 
conclut  saint  Isidore  (I.  ii  De  Disger.,  r.  29),  k 
l'imitation  du  Christ,  mène  de  front  la  vie 
contemplative  et  la  vie  active;  toute  autre 
conduite  ne  serait  pas  droite.  Et  comme  ri 
aime  Dieu  par  la  contemplation,  ainsi  par 
la  vie  active  il  chérit  le  prochain.  *  Sainte 
Thérèse  (in  Pundai.f  c.  5),  prouve  jusqu'k 
révidence  que,  bien  qu'on  aoive  s'efforcer 
de  converser  avec  Dieu  par  la  <M)ntempla- 
tion,  quand  Tobéissance  ou  la  charité  n'exige 
pas  autre  chose ,  toutefois  alors  ne  se  livrer 
qu*k  la  contemplation  seule,  serait  de  Ta- 
mour-propre  ;  car  Tamour  de  Dieu  ordonne 
de  préférer  Tactiob au  repos. C'est  dans  la- 
mour  de  Dieu  et  du  prochain  que  consiste 
principalement  la  perfection  chrétienne. 
iMatth.  XXII,  38.)  Donc  Famour  de  Dieu  et 
(a  contemplation.doiventVxciter  k  l'amour 
effectif  du  prochain,  par  les  œuvres  de 


527 


CON 


DICTIONNAIRE 


CON 


m 


charité,  qui  viennent  interrompre  la  con- 
tempiation,  dont  la  durée  ne  saurait  ôtre 
continuelle  en  cette  vie;  bien  plus  ces 
œuvres  continuent  cette  contemplation ,  si 
elles  sont  faites  en  vue  de  Dieu,  car  alors 
c*est  quitter  Dieu  pour  Dieu,  et  s'unir  plus 
intimement  à  lui  par  son  amour. 

V  Nulle  personne  véritablement  contem- 
plative ne  peut  s'excuser  d'exercer  la  cha- 
rite  envers  le  prochain.  De  même  que  le 
solitaire  peut  aider  son  prochain  par  ses 
exemples  et  ses  ferventes  prières ,  de  même 
les  personnes  du  siècle,  de  l'un  el  l'autre 
sexe,  sont  tenues  aux  œuvres  de  charité 
envers  leurs  domestiques,  leurs  supérieurs 
Gt  leurs  inférieurs.  Car  comme  toute  vraie 
contemplation  doit  allumer  l'amour  de  Dieu 
et  du  prochain,  de  môme  elle  doit  enflammer 
le  zèle,  des  Ames,  par  lequel  elle  s'efforce 
de  repousser  tout  ce  qui  est  contre  l'hon- 
neur et  la  volonté  de  Dieu.  2*  Outre  ces 
œuvres  de  charité,  qui  ne  détournent  pas 
celui  qui  les  pratique  de  la  vie  purement 
contemplative,  parfois  la  contemplation  ou 
la  vocation  excitent  la  personne  contempla- 
tive h  exercer  envers  le  prochain  des  œuvres 
extérieures  de  charité  corporelles  et  spirituel- 
les; et  môme  pour  la  perfection  de  cesœuvres, 
elles  doivent  ôtre  animées  par  une  certaine 
contemplation.  Les  œuvres  corporelles,  tel- 
les que  les  aumônes,  le  rachat  des  captifs, 
le  secours  aux  infirmes,  ont  besoin  au  moins 
d'une    contemplation    imparfaite,   qui    en 
élève  rintention  vers  Dieu;  aussi  sont-elles 
du  ressort  de  la  vie  purement  active.  Mais 
les  œuvres  spirituelles,  comme  la  prédica- 
tion ,  l'enseignement,  l'administration  des 
sacrements,  la  direction  des  Ames,  etc.,  ont 
besoin  d'une  contemplation  plus  parfaite, 
sinon  entièrement  parfaite ,   qui   doit  au 
moins  ôtre  aidée  par  la  méditation  ;  aussi 
ce  genre  de  vie  appartient-il,  non  à  la  vie 
purement  active,  mais  à  la  vie  tnixte.  — 
«  Qu'il  soit  donc  hors  de  doute,  dit  Rosi- 
gnoli  (I.  V  De  discipL  Christ.^  c.  Ik  et  15], 
que  ceux  qui  sans  le  secours  de  la  mortifi- 
cation et  de  la  contemplation  s'adonnent  à  la 
vie  active,  en  vue  du  salut  des  ftmes  (  je  ne 
dis  rien  ici  de  la  nécessité  qui  résulte  des 
devoirs],  sont  bien  loin  de  l'état  élevé  do 

Serfection  où  ils  se  pensent,  et  se  bercent 
ans  une  funeste  erreur.  »  3"*  Il  faut  se  garder 
ici  do  deux  excès,  dont  l'un  consiste  a  quit- 
ter, par  amour  de  la  contemplation, les  œu* 
vre$  spirituelles  ou  corporelles  de  charité 
envers  le  prochain,  môme  alors  que  la 
charité,  l'ooéissance,  la  vocation  ou  l'ap- 
titude particulière  en  font  un  devoir.  L'au- 
tre consiste  à  se  livrer  tout  entier  à  ces 
œuvres  par  un  zèle  de  charité  pour  le  salut 
des  Ames,  au  point  do  s'inquiéter  h  peine 
d'acquérir,  de  fortifier  et  de  retenir  l'esprit 
intérieur  de  mortification  et  d'oraison.  «  La- 
raour  de  l'éternelle  vérité,  dit  saint  Augus- 
tin (I.  XIX  De  civ.  c.  19),  cherche  le  saint 
repos  ;  la  nécessité  de  la  charité  fait  entre- 
prendre l'œuvre  de  lustice.  Si  personne  no 
nous  impose  cette  charge,  il  faut  s'attacher  à 
la  perception  et  à  Tinluition  de  la  vérité;  mais 


si  elle  nous  est  imposée,  il  faut  la  porter  pour 
la  nécessité  de  charité.  Cepenuant  il  ne 
faut  pas  délaisser  complètement  la  jouis- 
sance de  la  vérité,  pour  n'en  pas  perdre  la 
douceur  et  ne  pas  être  accablé  par  celte  au- 
tre nécessité.  » 

L'amour  du  prochain,  qui  est  le  fruit  de 
la  contemplation,  doit  s'étendre  jusqu'aux 
ennemis  et  aux  contradicteurs. 

1*  En  effet,  les  maximes  et  les  exemples 
de  la  sainte  Ecriture  nous  enseignent  que 
les  personnages  contemplatifs  les  plus  par- 
faits ont  souffert  les  plus  gravas  outrages 
de  leurs  ennemis  et  de  leurs  contradicteurs, 
et  leur  ont  généreusement  rendu  le  bien 

B^nr  le  mal.  Témoins,  Jacob,  Joseph,  Job, 
Oise,  David  et  particulièrement  Jésus- 
Christ  lui-môme  et  ses  apôtres  :  Si  ton  en- 
nemi a  faim^  donne-lui  à  manger;  s'il  a  soif, 
donne-lui  de  reau  à  boire  ;  car  iu  amassera» 
ainsi  de»  charbons  sur  sa  iéie^  et  le  Seigneuf 
t'en  tiendra  compte.  [Prov.  xxv,  21.)  Orjt 
vous  le  dis  :  aimez  vos  ennemis,  faites  du  bien 
à  ceux  qui  vous  haïssent»  (  Luc.  vi,  27.) 
Faites  du  bien  à  ceux  qui  vous  persécutent» 
bénissez  et  ne  maudissez  pas.  (Rom.  xii,  1^.) 

2*  Les  saints  Pères  prouvent  que  le  ca- 
ractère des  parfaits  et  conséquemmenl  dos 
contemplatifs  est  d*aimer  leurs  enneniis 
«  Dieu,  dit  saint  Jérôme  {in  c.  v  Matth.), 
nous  commande,  non  ce  qui  est  impossible, 
mais  ce  qui  est  parfait.  »  Il  le  prouve  par  la 
conduite  do  David,  de  saint  Etienne  et  de 
saint  Paul,  à  Timilation  de  Jésus-Christ. 
Saint  Jean  Chrvsostome  (  bom.  18  in  Matth,] 
enseigne  que  l'amour  des  ennemis  est  un 
des  plus  hauts  degrés  de  la  perfection;  «  cai 
celui  qui  agit  ainsi  ne  peut  Ôtre  rennemi 
de  personne  ;  »  il  dit  même  :  «  ce  qu'il  y  a 
de  plus  noble  et  de  plus  parfait  dans  cette 
conduite,  c'est  de  se  montrer  Tami  de  ce- 
lui-là môme  qui  nous  aofTensé.»  — •  Lacbar 
rite  est  véritable,  dit  saint  Grégoire  (honr. 
38  in  Eoang,),  lorsqu'on  chérit  son  ami  en 
Dieu  et  pour  Dieu,  et  qu*on  aime  .  ceux- 
mômes,  dont  on  sait  ne  pas  ôtre  aimé.»  (foir 
Cassie?!,  collât.  16,  26;  S.  BeRNARoiif,  t.  Hf 
serm.  50;  S.  LAURBnT  Justinieh,  De  char.* 
c.  13,  14;  Blosius,   Inst.  spir.,  c.  2,  etc] 

3*  La  raison  11  est  en  effet  du  devoir  d'un 
contemplatif,  de  s'attacher  à  la  perfection  et 
d'agir  avec  perfection  ;  or  la  perfection  ne  se 
pratique  jamais  mieux  que  par  l'amour 
spécial  des  ennemis  et  des  contradicteurs 
en  vue  de  Dieu.  Donc  les  âmes  contempla- 
tives doivent  spécialement  s'attacher  a  la 
pratique  de  cet  amour. 

Or  les  signes  d'un  amour  véritable  et 
parfait  des  ennemis  sont  :  1*  de  prier  pour 
eux  :  Priez  pour  ceux  qui  vous  persécutent 
et  vous  calomnient.  (Matth.  v,  W.)  2"  D'en 
dire  du  bien  :  Bénissez  ceux  qui  vota  wam- 
dissent.  [Luc.  vi,  28.)  Bénissez  ceux  qui  vous 
persécutent;  bénissez  et  ne  maudissez  pfl** 
(Rom.  XII,  H.)  3-  De  saluer  ses  ennemis  : 
Si  vous  ne  saluez  que  vos  frères^  que  faites- 
vous  de  si  remarquable?  Les  paiens  n*en  font- 
ils  pas  autant?  (Mittth.  v,  kk.)  4*  De  leui 
faire  du  bien:  Faites  du  ^ien  à  eeu9  q^^ 


SS9 


CON 


D'ASCETISME. 


COM 


haUseni.  (MaHh.  r,  U.)  Si  vous  ne  faiies  du 
bien  quà  ceux  gui  vous  en  font  aussi^  quel 
mérite  aveX'Vous  ?  Les  pécheurs  agissent 
ainsi.  {Luc.  ru  27.)  5*  De  leur  prêter,  s'ils 
empruolent  :  Ne  refusez  pas  celui  gui  vous 
demande  à  emprunter  quelaue  chose.  {Matth. 
▼,  32.)  5i  votfj  ne  prêtez  qu  à  ceux  dont  vous 
esvérez  recevoir^  quel  est  votre  mérite?  Les 
pécheurs  prêtent  aussi  aux  pécheurs  dans 
f  espoir  de  retour.  [Luc.  tu  3(.)  6*  Même  de 
leur  donner  gratailement  :  Donnez  à  qui 
vous  demande,  (Matth.  y,  42.)  Donnez  à  qui- 
conque vous  demande  ;  et  si  fon  eisUve  ce  qui 
TOUS  appartient^  ne  le  réclamez  pas.  Agissez 
envers  tes  hommes  comme  vous  voudriez  quils 
agissent  envers  vous.  (Luc.  vi,  30.)  Soyez  mi- 
9/ricordieux^  comme  votre  Pire  est  misérieor- 
dieux,  [ibid.,  36.) 

Enfin  lamoiir  da  prochain  doit  encore 
exciter  Tâme  contemplative  à  prier  el  à  sa- 
t  sfaire  pour  les  Ames  da  purgatoire.  Mous 
1^  proiiTon5: 

I*  Pftr  TEcriture  sainte  :  Sainte  et  salur- 
taire  est  la  pensée  de  prier  pour  les  morts  ♦ 
n/fn  qu'ils  soient  délivrés  de  leurs  péchés 
[Il  Ma»:h.  XII.  M);  précepte  qoi  confient 
surtout  aux  contemplatifs. 

2*  Parles  saints  Pères.  «  Le  prêtre,  dit 
5a»nl  Denys  Je.  7  Dt  eccl.  *«r.)»  •««  funé- 
railles des  fidèles,  demande  les  célestes 
récompenses  pour  ceux  qui  ont  pieusement 
▼éeu  ;  se  conformant  lui-même  à  Timita- 
tion  de  Dieu,  il  implore  les  dons  et  les 
grâces  pour  les  autres  arec  autant  de  fer- 
veur que  pour  lui-même.  »  C'est  ainsi  que 
doit  agir  tout  contemplatif.  «  Ce  n'est  pas 
en  yain,  dit  saint  Jean  Cbrjsostome  (hom. 
21  m  Ad.),  qu'on  offre  pour  les  morts  des 
sacrifices,  des  prières  et  des  aumônes.  C'est 
le  Saint-Esprit  qui  Ta  ordonné,  afin  que 
nous  nous  aidions  les  uns  les  autres.  »  — 
«  Je  me  lè?erai  pour  aller  à  leur  secours, 
dit  saint  Bernard  (serm.  42  de  divers.),  je 
supplierai,  j'intercéderai,  je  satisferai  pour 
eux  par  mes  prières,  mes  soupirs  et  mes 
gémissements,  par  le  saint  sacrifice  de  la 
messe.....  Parcourez,  Ame  fidèle,  la  région 
de  l'expiation,  et  royez  ce  qui  s'y  passe; 
r  t  dites-y  provision  d'amour  et  de  compas- 
sion. 9  {Voir  aussi  Gbrso!!  et  Blosius.)  «  Le 
Seigneur,  dans  sa  douceur  et  sa  bonté,  dit 
ee  dernier  {Enehir.  parv,^  c.  4),  chérit  telle* 
ment  les  Ames  de  ses  élus,  qu'il  achève  de 
les  purifier  après  la  mort  de  la  chair,  et  il 
désire  si  ardemment  leur  délivrance,  que  si, 

{lar  une  bienveillante  charité  pour  cette  dé- 
ivrance,  nous  le  prions  avec  ferveur  et 
nous  lai  offrons  le  saint  sacrifice  de  l'au- 
tel ou  toute  autre  oblation  salutaire  et 
expiatoire,  il  nous  en  sait  autant  de  gré  que 
si  nous  nous  efforcions  de  consoler  notre 
Sauveur  loi-même  retenu  dans  les  fers. 
IVa-t-il  pas  dit  lui-même  :  Tout  ce  que  vous 
faites  pour  un  de  ces*  petits^  c^est  pour  moi 
que  vous  le  faites.  {Matth.  xxv,  40.)  » 

3*  Par  la  raisou.  C'est  un  point  de  foi  que 
tous  les  saints  ou  les  justes  ont  entre  eux 
une  communion  de  biens  spirituels.  Or  les 
Aines  du  purgatoire  sont  saintes  et  justes; 


donc  elles  partici(>ent  à  cette  communion 
avec  les  justes  qui  sont  sur  la  terre;    et 
comme  elles  sont  dans  le  plus  grand  besoin» 
les  justes  vivants  doivent  venir  à  leur  se- 
cours. Or   c'est  là  surtout   le  devoir  des 
personnes  contemplatives,  qui  doivent  de 
tous  leurs  efforts  tendre  à  la  perfection  par 
l'amour  de  Dieu  et  du  prochain,  et  surtout 
du  prochain  qui  a  le  plus  besoin  de  leur  se- 
cours.Rien  ne|>eutdonc  les  excuser  de  cette 
obligation.  (Fetr  Mansi,  tr.  86;  Boai,  Div. 
psalm., c.  13;  BkhoIt  XIU,  t.  III, serm.  19.) 
Selon  Topinion  commune  des  théologiens 
et  celle  de  saint  Thomas  (4,  d.  45,  q.  2, 
a.  3),  les  Ames  du  purgatoire  peuvent   être 
soulagées  par  toutes  les  bonnes  œuvres  des 
justes    vivants,   en  tant  que  ces   bonnes 
œuvres  sont  satisfactoires  pour  l'expiation 
des  peines.  En  effet  :  1'  Les  bonnes  œuvres 
des  vivants  sont   toutes  entourées  de  quel- 
que difficulté  dont  le  triomphe  est  un  mé- 
rite satisfactoire;  d'ailleurs,  par  leur  union 
de  charité,  les  fidèles  vivants  sont  en  quel- 
que sorte  les  fondés  de  pouvoir  des  justes 
3ui  sont  morts,  et  peuvent  par  leurs  œuvres 
'expiation  suppléer  en  quelque  sorte  aux 
expiations  de  ces  derniers.  Toutefois,  se- 
lon l'opinion  commune  de  TEslise  et  la 
remarque  de  Régnera    (TA.  JÎyal.,   t.  I, 
p.  849),  cela  doit  s'entendre  non  cfes  œuvres 
projetées,  mais  des  œuvres  menées  h  exé- 
cution; c'est-à-dire  qu'elles  ne  sont  utiles 
aux  Ames  du  purgatoire  qu'après  leur  en- 
tière réalisation.  2*  Le  meilleur  moyen  de 
les  secourir  est  le  sacrifice  de  l'autel.  3*  Les 
Ames  du  purgatoire  peuvent  être  aussi  sou- 
lagées par  les  indulgences  et  les  aumônes. 
4*  Par  le  jeûne  et  toutes  les  œuvres  exté- 
rieures de  mortification,  qui  sont  satisfae- 
toires  et  applicables  aux  autres  justes.  5*  Par 
la  prière  publigue  ou  particulière,  en  tant 
que  satisfactoire   ou  impétratoire.  6*  En 
général  il  vaut  mieux  soulager  les  morts 
par  zèle  cfe  charité  envers  le  prochain,  ((ue 
de  ne  pas  les  soulager  par  zèle  de  la  justice 
divine;  car  ce  sentiment  plaît  davantage  à 
Dieu,  qui  punit  en  père.  7*  A   proprement 
parler  il  est  même  préférable,  par  zèle  de 
charité  pour  ces  Ames,  de  leur  céder  toutes 
nos  œuvres  satisfactoires  qui  peuvent  leur 
être  appliquées,  que  de  nous  les  réserver  à 
nous-mêmes;  car  c'est  offrir  de  voir  différer 
notre  ()ropre  béatitude  pour  que  ces  Ames 
en  jouissent  plus  vite;  sentiment  héro'iquet 
qui  nous  est  plus  profitable  que  toutes  les 
satisfactions  et  qui  peut  même  nous  obtenir 
l'exemption  du  purgatoire,  comme  on  le 
voit  par  Texemple  de  sainte  Gertrude  (I.  v, 
c.  11).  Toutefois  cet  abandon  plein  et  entier 
ne  doit  pas  être  indistinctement  conseillé 
à  tous,  mais  seulement  aux  plus  parfaits, 
et  en  raison  de  Finspiration  divine;  car  une 
telle  libéralité  dans  les  œuvres  satisfacloires 
a  ses  inconvénients,  quand  on  en  néglij^e 
de  plus  essentielles,  dont  on  aurait  besoin 
pour  sa  satisfaction    personnelle;    aussi 
TEglise  ne  permet  point  d'appliouer  tou- 
tes les  indulgences  aux  morts.  De  même 
on  doit  bien  rarement  aussi  faire  Tabandon 


531 


CO^ 


OICTIOiNNAlRE 


CON 


m 


des  secours  qui  doivent  nous  arriver  après 
]a  mort,  parce  crue  co  a*est|)As  toujours  pour 
un  plus  grand  bien  [de  meliori  bono)^  et  que 
d'ailleurs,  onn*a  pas  la  libre  disposition  de 
ces  suffrages  futurs,  h  moins  que  la  do- 
nation n*eD  ait  été  fatte  avant  la  mort 
du  donatai  e.  Il  ne  faut  pas  non  plus  faire 
avec  parcimonie  cette  distribution  des 
œuvres  satisfactoires,  les  calculer  comme 
une  monnaie  courante,  et  tenir  en  quelaue 
sorte  h  Tégard  de  Dieu  une  comptabilité 
par  doit  et  avoir.  Notre  situation  de  sup- 
pliants nous  dicte  la  conduite  prudente  et 
respectueuse»  que  nous  devons  tenir.  C*est 
avec  la  plus  profonde  humilité  que  nous 
devons  offrir  a  Dieu,  avec  les  mérites  de 
Jésus-Christy  nos  faibles  œuvres  de  satis- 
faction pour  les  Ames  du  purgatoire,  soit 
on  totaHté,  soit  en  partie,  suivant  la  dévo- 
tion de  chacun  et  Tavis  du  directeur,  en 
suivant  Fordre,  1'  du  devoir,  s'il  y  a  lieu, 
2*  des  liens  du  sang,  et  ensuite  de  la  con- 
formité d'esprit  et  du  besoin  plus  ou  moins 
grand  des  Ames  du  purgatoire;  laissant  à 
Dieu  le  soin  de  faire  l'application  de  ces 
œuvres  satisfactoires  seton  son  bon  plaisir, 
et  comme  il  l'entend  pour  notre  bien  propre 
et  celui  des  défunts.  (Foy.  Union  d'infusion 

PASSIVB.} 

Aphoiiisii£S  de  la  vois  gonteuplative 
pour  les  ames  contemplatives.   —  i.  la 

conception  delà  contemplation  consiste  dans 
un  acèe  parfait  de  charité,  supérieure  la  lu- 
mière de  l'hitelligence. 

II.  11  n'y  a  plus  contemplation,  mais  foi 
et  acte  spéculatif  ds  Tintelligence,  quand 
cet  acte  n  est  point  complété  par  la  dernière 
expression  de  l'amour. 

III.  La  perfection  permanente  et  la  sain- 
teté formelle  n'est  pas  la  contemplation, 
mais  la  grâce  habituelle. 

IV.  Il  faut  éprouver  le  goût  de  la  con- 
templation pour  connaître  toute  la  douceur 
de  cette  union  délicieuse. 

y.  La  con'amplation,  qui  ne  renferme  pas 
la  plus  profonde  humilité,  se  perd  bientôt 
ou  se  change  en  sécheresse. 

VI.  L'humilité  contemplative  nait  de  >a 
connaissance  de  Dieu  ;  l'numilité  affective 
nait  de  la  cdnnaissance  de  soi-même. 

VIL  II  est  donné  à  peu  de  personnes  de 
s'élever  à  la  plus  haute  contemplation;  mais 
c'est  un  devoir  pour  tous  de  remplir  les 
obligations  de  leur  état. 

Vill.  Les  douleurs  les  plus  sûres  sont  cel- 
les qui  excitent  et  entretiennent  les  amours 
contemplatif^^ 

IX.  Les  trois  degrés  par  lesquels  on  s'é- 
lève au  fatte  de  la  contemplation,  sont  ceux 
de  nudité,  de  persécution  et  d'abnégation. 

X.  Il  n'y  a  ni  sainteté,  ni  contemplatioUi 
là  où  l'on  ne  fait  aucun  cas  de  l'humilité. 

XI.  Les  croix  et  les  peines  nombreuses 
et  recherchées  sont  le  pain  quotidien  des 
contemplatifs. 

XIL  La  pureté  angélrque  de  mœurs  et  d'in- 
tention est  une  disposition  très-prochaine 
è  la  contemplation. 

XHI.  Montrer  de  l'innocence  et  de  ia  i^- 


tience  dans  la  tribulation,  ce  n'est  point 
marcher  pas  h  pas,  mais  c'est  voler  dans  la 
voie  de  la  perfection. 

XIV.  Il  est  rare  de  trouver  quelqu'un  qui 

f;ardele  silence  quand  on  l'accuse;  maisce- 
ui  qui  reste  sans  dire  un  mot  quand  on 
porte  contre  lui  de  faux  témoignages,  aPa- 
mour  d'un  séraphin  et  souffre  avec  la  cons- 
tance d*un  maitvr. 

XV.  Les  ténèbres  dans  les  Ames  contem- 
platives sont  habituellement  le  soir  d'une 
excessive  clarté. 

XVI.  Dans  la  contemplation,  ce  qui  est 
infus  offre  plus  de  douceur;  mais  ce  qui  est 
acquis,  avec  la  grâce  de  Dieu  bien  entendu, 
a  beaucoup  plus  de  valeur. 

XVII.  Celui  qui  s'est  séparé  de  tous  les 
hommes,  veut-il  cependant  atteindre  à  la 
perfection  la  plus  délicate,  doit  de  nouveau 
faire  société  avec  eux. 

XVIII.  Celui  qui  ce  cherche  que  Dieu, 
sera  coniorme  à  Dieu  en  toutes  choses. 

XIX.  La  contemplation,  pour  laquelle  on 
néglige  ses  obligations,  est  en  elle-même  plus 
voisine  de  l'erreur  quede  la  véritable  oraison. 

XX.  Pour  jouir  d'une  hante  contempla- 
tion, il  faut  une  vocation  toute  spéciale  : 
si  vous  roulez  vous  y  élever  sans  elle,  vous 
retomberez  bientôt  à  terre. 

XXI.  Beaucoup  se  perdent  dansia  voicde 
la  contemplation,  parce  qu'ils  n'ont  pas  un 
bon  mattre  de  perfection. 

XXII.  C'est  se  tiomper  que  de  croire  la 
perfection  accessible  à  tous  les  hommes; 
c'est  une  pierre  très-précieuse  que  bien  peu 
peuvent  posséder. 

Arcanes  DE  la  voie  contemplative.— L La 
contemplation  est  une  grAce  donnée  gratui- 
tement (gratis  data)^  et  ordinairement  uno 
grâce  infuse,  telle  qu'est  le  don  d'opérer  des 
miracles.  Si  les  règles  humaines  nous  sont 
utiles  |)Our  vivre  d  une  manière  exactement 
conforme  aux  obligations  de  notre  état,  tout 
en  aspirant  è  une  grande  sainteté  de  mœurs, 
il  n'en  est  pas  de  même  pour  la  contempld- 
tiou  ;  cette  laveur,  en  effet,  dépend  beaucoup 
plus  de  la  libéralité  de  Dieu  que  d'aucune 
disposition  humaine. 

-  II.  Voici  la  règle  unique  pour  la  conseil 
vatlon  de  la  contemplation  :  cherchez  un 
maître  bien  versé  en  cette  matière,  qui  vous 
rappellera  qu'à  la  pureté  de  vie,  de  mœurs 
et  d'intention,  doit  se  joindre  une  exaflo 
observation  des  devoirs  de  notre  profession 
respective. 

m.  La  sainteté  formelle  consiste  dans  la 
grâce  habituelle,  cette  forme  sanctifiante, 
dont  la  première  infusion  se  feit,  soit  par 
les  sacrements,  soit  par  un  acte  d'amour  ou 
de  contrition  parfaite  :  elle  s'accroît  par  les 
actes  méritoires  de  toutes  les  vertus,  que  la 
contemplation  exerce,  pour  la  plupart,  avec 
qui^lque  perfection  accidentelle,  résultant  de 
KefScacité  des  dons,  ou  de  quelque  grâce 
accordée  gratuitement.  C'est  pourquoi,  com- 
munément, l'homme  le  plus  saint,  n'est  pas 
le  plus  contemplatif,  mais  le  plus  vertueux: 
si  ceux  qui  ne  possèdent  pas  le  don  de  la 
contemplation  sont  plus  vertueux,  i4s  seront 


> 
.1 


co^ 


rASCETISME 


cm 


plus  saiots  que  les  coDlemplalifs.  Cependant 
ce  serait  aoe  erreur  de  croire  qu'on  puisse 
atteindre  le  faite  de  la  contemplation,  à 
moins  de  posséder  de  nombreuses  rertus, 
de  supporter  mille  peines  et  mille  difficultés, 
et  d*ètre  spécialement  privilégié  de  Dieu. 

IV.  De  même  que  ihomme  se  compose 
d'un  corps  el  d*une  ftme,  de  même  l'acte  de 
la  cootemplalion  résulte  d'une  foi  vive  et 
d'une  charité  ardente.  Et  de  même  que  le 
tout  est  plus  noble  que  les  parties  qui  Je 
composent  prises  séparément»  de  même 
Taete  de  la  contemplation  est  plus  noble  que 
tout  acte  simple;  et  comme  la  contempla- 
tion se  compose  de  la  réudion  de  la  foi  et 
de  la  charité,  elle  est  plus  noble  que  la  foi 
seule,  ou  que  la  charité  seule.  Bien  plus, 
elle  est  plus  noble  que  les  vertus  prises 
collectivement,  si  elles  sont  simples,  en  ce 
sens  que,  toutes  choses  égales,  à  l'efficacité 
dps  dons  et  des  grâces  données  ^atuitement, 
elle  ajoute  une  certaine  manière  d'opérer 
plus  noble,  et  qu'elle  rend  souvent  Topera- 
tion  même  plus  parfaite  quant  à  la  subs- 
tance. 

V.  Le  mérite  qui  survient  à  l'acle  physi- 
quement vifal  et  surnaturel,  résulte,  soit 
d*uiie  grâce  habituelle  pi  us  ou  moins  grande, 
soit  d'une  grâce  actuelle  par  manière  de  se- 
cours élevant  notre  action,  soit  d'une  liberté 
d'indifférence  élevée  par  la  grâce,  soit  d'une 
difficulté  plus  ou  moins  grande,  qui  est  sur- 
montée avec  la  grâce  dans  l'acte  vertueux, 
soit  d'une  plus  ou  moins  grande  intensité 
de  l'action,  en  dehors  de  toute  extensité.  Si 
donc  l'acte  de  quelque  vertu  morale  se  pro- 
duit, dans  toutes  ces  circonstances,  plus 
abondamment  que  l'acte  de  la  contempla- 
tîon«  cet  acte  de  vertu  morale  sera  plus  mé- 
ritoire. 

VI.  Les  ravissements,  les  extases  et  tout 
ce  qui,  en  matière  de  sainteté,  quant  à  la 
manifestation  extérieure,  dépasse  notre  pon- 
Toir,  et  en  ce  sens  manque  de  liberté,  n'est 
sous  ce  rapport  ni  libre,  ni  méritoire.  Si  toute- 
fois il  se  trouve  un  acte  intérieur,  surnaturel 
et  libre,  pn'venanf ,  dans  la  partie  supérieure 
de  l'âme,  d'un  principe  surnaturel,  alors  les 
actes  internes  libres  seront  méritoires,  et 
Doo  pas  les  passions  ou  actions  externes 
nécessaires.  De  sorte  que,  si  Salomon  a  eu 
quelque  mérite  dans  un  de  ses  songes,  ce 
mérite  provient  des  actes  internes,  et  non 
do  songe  extérieur,  qui  était  un  acte  natu- 
rel et  nécessaire 

VH.  La  çrâee  habituelle  nous  unit  è  Dieu 
d*ane  manière  méritoire,  comme  è  la  fin 
dernière  que  nous  mériterons  et  gue  nous 
obtiendrons  en  temps  opportun,  si  nous  y 
persévérons.  La  charité  nous  unit  à  Dieu 
comme  à  son  objet;  elle  nous  dispose  vers 
lui,  en  qualité  de  vertu  théologique;  et 
l'acte  deeette  charité,  en  tant  que  méritoire, 
e4  une  disposition  qui  mérite  la  grâce  ha- 
bituelle, comme  semence  de  notre  gloire  et 
de  notre  dernière  fin.  Hais  la  contemplation 
supjiose  pour  fondement  la  grâce  habituelle 


5S4 


et  son  union  avec  cette  grâce,  et  elle  renferme 
d'une  manière  intrinsèque  la  charité  comme 

Eartie  composante  ;  de  sorte  qu'elle  regarde 
^ieu  comme  son  objet,  et  qu'elle  unit  de 
plus  l'âme  avec  Dieu  comme  avec  soq  prin- 
cipe. Ainsi  donc,  la  contemplation  associée 
avec  la  grâce  et  la  charité  unit  l'âme  avec 
Dieu  comme  avec  son  premier  principe,  sa 
fin  dernière  et  son  objet,  les  trois  plus 
grandes  unions  que  le  voyageur  sur  la  terre 
peut  avoir  avec  Dieu,  tant  qu'il  demeure  en 
cette  vie,  éclairé  par  la  lumière  de  la  foi. 

VUL  Quand  Dieu  substantiellement,  non- 
seulement  par  son  essence,  par  sa  présence 
et  par  sa  puissance,  mais  comme  principe 

f particulier,  prend  place  au  milieu  de  la 
umière  de  la  foi  et  de  la  contemplation, 
dans  le  sanctuaire  le  plus  secret  de  l'essence 
même  substantielle  et  vitale  de  Tâme,  et  à 
la  façon  dont  il  est  dans  le  ciel,  au  milieu 
des  splendeurs  de  sa  gloire,  .alors,  comme 
principe  vital,  surnaturel  et  divin,  il  com- 
munique une  certaine  vigueur  et  une  sorte 
de  vitalité,  également  d'une  manière  divine, 
aux  ^puissances  de  l'intelligence  et  de  la 
volonté,  au  point  de  leur  faire  produire  les 
actes  contemplatifs  les  plus  sublimes.  On 
dit  alors  que  Dieu  est  dans  l'âme,  par  ma- 
nière d'infusion  {illapsu$)^  non  comme 
forme  qui  communique  sa  forme  {forma 
informant)  f  mais  comme  principe  subor- 
donnant et  élevant  è  lui-même  Tame  deve- 
nue à  son  tour  coprincipe  [eomprineipium) 
élevé  à  un  nouveau  mode  a'operer  surna* 
turel  et  vital;  l'âme  imite  alors  jusquà  un 
certain  point  les  bienheureux  dans  le  ciel», 
où  ils  sont  élevés  de  la  même  manière  par 
la  lumière  de  la  gloire,  pour  contempler 
clairement  l'essence  de  Dieu  (151). 

IX.  Par  l'union  à'infusion  Dieu  ne  sanc- 
tifie pas  Tâme,  mais  la  suppose  sanctifiée 
par  la  grâce  habituelle,  qui  est  forme  for^ 
mant  {forma  informant)  et  communiquant  à 
Fâmela  sainteté.  Dieu  n'est  pas  alors  dans 
l'âme  comme  forme  formant^  mais  comme 
cause  efficiente  élevant  l'âme. 

X.  Puisque  Dieu,  dans  l'union  d*infu$ion^ 
n'est  pas  forme  formant,  mais  cause  effi- 
ciente ;  puisque  l'âme  n'est  pas  cause  maté-* 
rielle,  maistm  coprincipe  {concausa)  efficient, 
élevé,  Dieu  ne  fait  nullement  avec  l'âme  un 
tout  composé,  mais  il  se  la  subordonne  seu- 
lement ;  et  cette  subordination  suffit  è  l'union^ 
d'écoulement  ou  d'infusion  passive;  cette 
subordination  peut  encore  s'appeler  tact  subs- 
tantiel ,cettedenomina(ion  ne  désignaolqu'u 
ne  certaine  coexistence  intimede  la  substance 
divine  en  tant  que  principe  élevant,  avec  la 
substance  humaino  comme  principe  élevé;  de 
manière  toutefois  que  Dieu  et  l'âme  ne  for- 
ment pas  un  seul  principe  adéquat  résultant 
de  deux  principes  inadéquats;  mais  Dieu 
est  le  premier  principe  total,  et  Tâme  le 
principe  ou  la  cause  seconde  totale,  agis- 
sant avec  les  grâces  qu'elle  reçoit  de  Dieu': 
Dieu  et  l'âme  ne  forment  donc  pas  un  toul 


(t5t)  Ce  lanpge  fort  obscur  s'explique  cbirpriieiit      par  Tarcano  X. 


53S 


UOR 


^DicnoNîumE 


COR 


536 


composé  dans  cette  union,  mais  l'âme  est 
subordonnée  à  Dieu. 

XI.  La  contemplation  scholastiqae  est  la 
eoonaÎAsance  purement  spéculative  des  vé- 
rités divines;  la  contemplation  mystique 
est  un  acte  composé  d'une  foi  vive  et  d'une 
charité  ardente;  la  scbolastique  perfectionne 
rintelligence,  la  mystique  perfectionne  Tin- 
tell  igence  et  la  volonté. 

Xfl.  C*est  une  imprudence  de  conseiller 
indistinctement  à  tous  la  recherche  et  la 
pratique  de  la  contemplation;  car  c'est  une 
grâce  plutôt  infuse  qu'acquise,  et  comme 
les  grâces  données  gratuitement  ne  sont  pas 
infuses  à  tous,  tous  ne  peuvent  se  les  pro- 
curer. Ensuite  certaines  personnes  de  la  vie 
mixte  se  conduisent  avec  si  peu  de  sagesse, 
qu'après  avoir  atteint  quelque  deçré  de  la 
contemplation,  elles- se  sentent  prises  d'un 
liéijoût  subit  de  leur  vocation,  préférant 
l'amour  de  la  solitude  à  l'obligation  de  la 
rliarité  fraternelle,  rejetant  la  laborieuse 
Lia,  c*est-i-dire  le  commerce  avec  le  pro- 
chain, pour  la  belle  Rachel,  c'est-èndire 
pour  la  contemplation.  Ces  personnes  igno- 
rent que  la  prière,  les  douceurs  et  la  con- 
templation, qui  portent  préjudice  aux  devoirs 
lie  rélat  qu'ils  ont  embrassé,  sont  plutôt  une 
illusion  qu'une  oraison  véritable. 

XIII.  il  arrive  ordinairement  que  les  ca- 
ractères indociles,  qui  sont  a^tés  de  pas- 
sions terribles  et  violentes,  deviennent  inca- 
pables de  ce  qu'il  y  a  de  plus  doux  et  de 
plus  sublime  dans  la  contemplation.  Car 
bien  qu  il  puisse  arriver  que  ces  hommes 
soient  plus  saints  et  plus  amis  de  Dieu  que 
la  plupart  des  esprits  contemplatifs,  s'ils 
ont  soin  de  m<'lifier  et  de  comprimer 
ces  passions ,  cependant  on  les  voit  d'ordi- 
naire, è  cause  de  'leur  opiniâtreté,  de  leur 
orgueil  et  de  leur  penchant  à  la  colère,  à 
cause  du  peu  de  mesure  qu'ils  mettent  dans 
presque  toutes  leurs  actions  et  de  l'inégalité 
de  leur  caractère,  devenir  rarement  capables 
de  la  contemplation  Infuse,  qui  leur  ferait 
goûrler  avec  plénitude  cette  suavité,  cette 
paix,  cette  tranquillité,  cette  mansuétude  et 
ces  autres  avantages  incompatibles  avec  le 
dérèglement  de  leur  esprit  ;  à  moins  toute- 
fois que  lo.ur  mortification  ne  soit  tellement 
héroïque,  qu'elle  transforme  leur  ancienne 
rature  en  une  nature  nouvelle.  (Ifoy.  Trans- 
portation.) 

CONT£NSON  (Vincent),  né  dans  le  diocèse 
de  Coudom  en  164^0,  Dominicain  en  1657, 
luortè  Creil  au  diocèse  de  Beauvais  en  167fr, 
se  distingua  dans  son  ordre  par  ses  talents 
|)ûur  la  théologie  et  pour  la  prédication.  On 
a  de  lui  une  théologie  intitulée  :  Theoloffia 
mentit  €i  cordû,  en  9  vol.  in-12,  où  l'auteur 
a  voulu  corriger  la  sécheresse  des  scolasti* 
ques,  et  parler  autant  au  cœur  qu'à  l'esprit. 

CONTINENCE.  —  Foy.  Célibat,  Virginité. 

CONVERSION.-^Fay.  Pénitence. 

CORNARO  (Flaminio),  célèbre  sénateur 
vénitien,  né  à  Venise  le  k  février  1693,  fit 

5 es  éludes  chez  les  Jésuites.  En  1730,  il  fut 
lu   sénateur  et  se  montra  homme  d'état 
aussi  éclairé  que  citoyen  vertueux.  Non 


moins  pieux  que  savant,  il  dirigea  ses  re- 
cherches vers  des  objets  utiles  à  la  religion; 
il  écrivit  Thistoire  des  églises  vénitiecnes 
et  des  monastères.  Ses  dernières  produc- 
tions furent  des  ouvrages  ascétiques.  Il  mou- 
rut à  Venise  en  1778,  Agé  de  quatre-ringt-cinq 
ans.  Ses  œuvres  de  piété  sont  :  1*  Bagiotoaium 
Ualicum^  1773,  Bassano»S  toI.  îd-v.— 
2*  Esercixio  de  perfeziane  ei  di  christiana 
rtr/if,  composta  dci  Padre  Alfomo  Rodri- 
gueZf  nuovamenie  aecomodaio  ad  ogni  slato 
di  persone;  Bassano,  1779,  3  vol.  Benoit  XIV 
adressa  à  Cornaro  un  bref  honorable  et  flat- 
teur. 

CORNELISSEN  (Corneille)  [Vah  di  !f  Steti], 
plus  connu  sous  le  nom  de  ComiUU  de  la 
rierre^  en  latin  Comtliuê  a  Lapide^  né  à 
Bockbolt,  au  pays  de  Liège,  en  1566,  se  Gl 
Jésuite,  et  se  consacra  k  l'étude  des  langues 
anciennes,  des  belles-lettres,  et  surtout  à 
celle  de  TEcriture  sainte.  Après  avoir  pro- 
fessé avec  succès  è  Louvain  et  à  Borne,  il 
mourut  dans  celte  dernière  ville,  le  12  mars 
1637*  en  odeur  de  sainteté.  Nous  avoos  de 
lui  10  vol.  in-fol.  de  Commentaires  surtouU 
r  Ecriture  sainte:  Anvers,  1681. 

CORRECTION  FRATERNELLE.  —  Saint 
Bernard  dit  que  quand  Dieu  nous  châtie 
c'est  une  marque  qu'il  nous  aime  comme 
ses  enfants  ;  et  l'Ecriture  sainte,  nous  four- 
nit partout  des  preuves  de  cette  vérité.  Le 
Seigneur  châtie  celui  quHl  aime,  dit  le  Sa^e, 
et  t/  met  son  plaisir  en  lui  commt  un  pert 
dans  son  fils^  Le  Fils  de  Dieu,  par  la  bouche 
de  saint  Jean,  dit  aussi  qu'il  reprend  el 
qu'il  châtie  ceux  qu'il  aime  ;  él  TApôlrQ 
nous  ensei^e  la  même  chose,  çuaod  il 
dit  :  te  Seigneur  châtie  celui  au  il  aime, 
et  il  frappe  de  verges  tous  les  enfanis 
qu'il  reçoit;  car  quel  est  le  fils  qui  ne 
soit  pas  châtié  par  son  pire?  C'est  pourquoi 
tous  les  saints  tiennent  qu'une  des  plus 
grandes  grAces  que  Dieu  fasse  è  une  ime 
qui  tombe  dans  le  péché,  c'est  de  TaiBiger 
aussitôt  par  les  remords  de  sa  copscieuce. 
Car  c'est  une  marque  que  Dieu  vous  aime 
et  que  vous  êtes  du  nombre  des  élus;  puis* 
qu'il  ne  vous  abandonne  pas  tout  à  fait,  H 

au'au  contraire  il  vous  invite  et  vous  appelle 
ans  le  temps  que  tous  vous  éloignez  do 
lui  ;  mais  quana  le  péché  n'est  suivi  ni  de 
'  remords  ni  de  châtiments,  c'est,  disent-ils, 
une  marque  que  Dieu  es(  extrêmement  ir* 
rit^,  et  un  des  plus  grands  châtiments  dont 
il  punisse  les  pécheurs  en  cette  vie.  Le 
même  saint  Bernard  allègue  à  ce  sujet  ces 
paroles  dTzéchiel  :  Tapaiserai  mon  indigna" 
tion  contre  vous  :jen'auraiplus  dejalousiede 
vous,^  je  me  reposerai  el  je.ne  me  mettrai  plui 
en  colère;  et  ces  autres  d'Isaïe  :  Tai  juré  de 
ne  me  mettre  plus  en  colère  contre  tous  el  de 
ne  plus  vous  reprendre.  Regardez,  dit-il,  que 
Dieu  n'est  jamais  plus  en  colère  que  lors* 

au'il  n'y  est  plus;  si  sa  jalousie  vous. a 
onc  abandonné,  croyez  que  son  amour 
vous  a  abandonné  aussi  ;  vous  serez  iodj- 
gne  de  son  amour,  s'il  vous  juge  indigne  de 
ses  châtiments;  car  ses  châtiments  sont  les 
grâces  dont  il  favorise  ceux  qu'il  aime.  Or. 


537 


COR 


D'ASCETISME. 


COR 


»33 


de  luême  que  les  châtiments  de  Dieu  sont 
ttOtt  marqoe  de  son  amour,  en  vers  nous, 
de  même  one  marque  de  Tamour  paternel 
des  supérieurs  envers  les  inférieurs  est  de 
les  reprendre  de  leurs  fautes  et  derles  aver- 
tir, ano  qu'ils  s'en  corrigent.  Il  vaut  mieux 
reprendre  ouvertemeott  dit  le  Sage,  que 
d  aimer  sans  le  faire  paraître.  En  elfet,  la 
cbarité  et  raOèction  que  Ton  a  intérieure- 
ment pour  TOUS  est  très-bonne;  mais  elle 
n'est  uonne  que  pour  celui  qui  vous  aime, 
et  elle  vous  est  inutile  s*tl  ne  vous  en  donne 
queJqoe  preuve.  C*est  ce  que  fait  le  supé- 
rieur lorsqu'il  vous  avertit  charitablement 
de  quelque  faute  dont  vous  ne  vous  aper- 
c<;viez  pas,  on  que  vous  ne  re^rdiez  pas 
comme  une  faute;  c'est  tous  aimer  d*un 
amour  de  père,  qui  ne  désire  que  t'avan- 
tage de  ses  enfants,  puisque,  s'il  n  avait  pour 
vous  de  véritables  sentiments  de  |>ère ,  il 
ue  tous  reprendrait  pas  de  yos  fautes.  C'est 
aiusi  que  quand  un  père  trouve  son  fils  en 
quelque  faute,  il  le  reprend  et  le  chfttie 
parce  que  c^est  son  fils,  et  parce  au'il  l'aime 
comme  son  fils  et  qu'il  Youdrait  le  voir  par- 
lait. Que  si  le  même  homme  surprend  quel- 
que aulre  eniant  dans  la  même  faute  il  ne 
lui  dit  rien  et  ne  s'en  met  point  en  peine, 
parce  «jue  ce  n'est  pas  son  fils.  Que  son 
père,  dira*t-ii,  y  prenne  garde  et  ait  soin  de 
le  corriger  ;  car  ce  n'est  pas  à  moi  à  me  tour* 
meoter  d*uae  chose  qui  ne  nie  touche 
l>oict.  (  Perfèet.  Ckrét.  \W.  Rodejguez.  ) 

Aureste,lorsque  le  supérieur  vous  reprend 
ae  vos  ûuies,  il  ne  vous  fiait  pas  Toir  seu- 
lement qu'il  TOUS  aime  comme  son  fils ,  il 
TOUS  lait  voir  encore  qu'il  est  persuadé  de 
votre  affection  pour  lui,  et  que  vous  êtes 
^o'^lement  persuadé  de  la  sienne  et  du  zèle 
qu'il  à  pour  voire  bien.  Il  vous  témoigne 
même  par  Ik  q|j*ii  a  bonne  opinion  de  votre 
vertu;  parce  que  s'il  ne  croyait  pas  que 
vous  eussiez  assez  d'humilité  pour  bien  re- 
cevoir ses  avis  et  sa  correction,  il  n'aurait 
|;arde  de  vous  rien  dilre.  Au  contraire,  quand 
ii  o*en  use  pas  si  librement  avec  vous  qu'il 
garde  des  mesures,  et  qu'il  ne  vous  avertit 
\*9s  de  vos  f  lutcs  et  de  ce  qu'on  dit  de  vous , 
c'est  ou  qu'il  ne  vous  aime  pas  comme  son 
fiU,  ou  qu'il  ne  croit  pas  que  vous  l'aimiez 
comme  votre  père,  ou  qu'il  ne  vous  juge 
pas  assez  humble  pour  faire  votre  profit  de 
»es  avertissements  et  de  ses  réprimandes; 
enfin  c*est  toujours  faute  d'amour  ou  d'es- 
lime.  Il  pourra  se  faire  cependant  au'il  y 
aura  au  dehors  des  appareuces  de  1  un  et 
de  l'autre,  mais  il  n'y  aura  rien  d'effectif;  ce 
oe  sera  qu'une  estime  et  une  amitié  feintes; 
car  ces  apparences  extérieures  d'estime,  de 
bienveillance,  de  quoi  vous  serviront-elles, 
si  au  fond  on  a  si  mauvaise  opinion  de  vous, 
que  même  on  n'ose  pas  se  hasarder  à  vous 
avertir  de  vos  débuts?  C'est  un  procédé 
double,  que  de  témoigner  au  dehors  d'au- 
tres sentiments  que  ceux  qu'on  a  au  dedans  ; 
et  c'est  atusi  que  les  gens  du  monde  en 
Usent  entre  eux,  parce  qu'ils  n'osent  pas  se 
dire  librement  les  uns  aux  autres  ce  qu'ils 
P'.'iiscnt  ;  il  leur  arrivera  souvent  de  vous 


louer  et  de  vous  flatter,  pour  vous  marquer 
l'estime  qu'ils  font  de  vous.  Cependant  ils 
ont  de  tout  autres  sentiments  dans  le  cœur. 
£fttrs  paro/f  A,  dit  le  Prophète,  sont  plus  dow^ 
ces  que  rhuile;  et  Us  portent  en  même  temps 
des  coups  d'épée.  Leur  bouche  donne  des  hé- 
nédietions  A  ceux  quUls  maudissent  dans  îeur 
cœur.  Us  usent  de  tromperies  dans  leurs  dis-- 
cours f  et  ils  ont  le  venin  des  aspics  sur  les  livres. 

Nous  devons  être  fort  éloignés  de  tout 
cela  parmi  nous;  la  charité  dont  nous  fai- 
sons profession  demande  un  procédé  sin- 
cère et  ouvert,  et  ne  souffre  point  ces  dé- 
guisements. Quoi  !  j'aurai  des  défauts  dont 
peut-être  je  ne  m'apercevrai  point,  ou  qui 
ne  me  sembleront  point  des  aéfauts,  et  lo 
supérieur  qui  les  voif,  et  qui  sait  que  mes 
frères  s'en  scandalisent ,  ne  m'en  avertira 
pas!  ce  serait  n'avoir  nulle  charité.  Si  vous 
portiez  votre  manteau  à  l'envers,  observe 
saint  François  de  Borçia,  ou  que  vous  eus- 
siez le  visage  barbouillé,  n'est-il  pas  vrai 
qu'il  y  aurait  de  la  charité  k  vous  en  avertir 
et  que  vous  remercieriez  celui  qui  vous  le 
dirait;  q[u'au  contraire  vous  sauriez  mau- 
vais gré  a  celui  qui  le  verrait,  et  qui  ne 
vous  en  avertirait  pas? 

Noos  devons  k  bien  plus  forte  raison 
avoir  les  mêmes  sentiments  à  l'égard  des 
fautes  qui  blessent  la  vertu  dans  notre  Ame, 
et  qui  scandalisent  nos  frères  ;  et  c'est  un 
grand  avantage  pour  nous  qu'il  y  ait  quel- 
qu'un qui  ait  soin  de  nous  en  avertir  avec 
charité,  puisque  l'amour  que  nous  nous 
portons  et  qui  nous  aveugle,  fait  que  nous 
ne  nous  apercevons  pas  de  nos  fautes,  ou 
que  nous  ne  les  connaissons  pas  pour  ce 
qu'elles  sont.  De  même  que  la  tendresse 
qu'une  mère  a  pour  son  fils  dit  qu'elle 
trouve  beau  et  agréable  en  lui  ce  qui  est 
laid  et  difforme  ,  de  même  la  tendresse  dan- 
gereuse que  nous  avons  pour  nous  fait  que 
nos  défauts  nous  paraissent  de  bonnes  qua- 
lités  et  que  nous  y  donnons  toujours  de 
belles  couleurs;  c'est  pourquoi  les  philoso- 
phes disent  très-bien  qu'un  homme  n'est 
Ks  bon  juge  dans  ce  qui  le  regarde:  car  si 
mour  des  autres  pour  nous  les  rend  aveu- 
gles, combien  plus  l'amour  que  nous  avons 
rmr  nous  même  nous  doit-il  rendre  suspects 
nous-même  dans  notre  propre  cause.  Un 
tiers  qui  n'est  prévenu  d'aucune  passion 
pour  ce  qui  nous  touche,  s'aperçoit  bien 
mieux  de  nos  fauies,  et  est  bien  plus  capable 
d'en  juger  :  outre  que  deux,  comme  on  dit, 
voient  toujours  bien  mieux  qu'un. 

Plutarque  dit  que  nous  devrions  donner 
de  l'argent  pour  avoir  un  ennemi,  parce 
qu'il  n'y  a  aue  les  ennemis  qui  disent  les 
vérités;  car  oes  amis,  il  ne  faut  en  attendre 

3'  ue  des  flatteries  et  des  louanges.  Ils  vous 
iront  qu'il  ne  se  peut  rien  ajouter  k  vos 
bonnes  qualités,  quoique  peut-être  ils  ne 
vous  en  trouvent  aucune  ;  rien  n'est  plus 
commun  dans  le  monde  que  celte  sorte^  de 
langage.  Ce  qu'il  y  a  encore  de  mal,  c'est 
que  noire  vanité  et  notre  faiblesse  font  que 
nous  écoutons  ces  sortes  de  flatteries  avec 
plaisir,  et  que  même  uous  y  ajoutons  foi  ;  au 


5S9 


COH 


DICTIONNAIRE 


COR 


&10 


lieu  que  nous  devrions  en  user  comme  le 
Prophète  royal,  qui  disait:  Le  juste  me  re^ 
prendra  par  chanté  et  me  fera  une  correction 
sévère  ;  mais  le  parfum  de  Vhuile  du  pécheur 
n  engraissera  point  ma  tête.  Saint  Augustin 
dit  que  par  le  parfum  de  Thuile  du  pécheur 
il  faut  entendre  la  flatterie,  et  que  le  Pro- 
pliète  nous  marque  par  là  qu'il  la  déteste  et 
qu'il  aime  mieux  être  repris  charitablement 
et  sévèrement  par  un  homme  de  bien,  que 
d'être  comblé  de  louanges  et  de  flatteries 
par  les  méchants.  Elles  ne  servent,  dit  ce 
Père,  qu'à  augmenter  notre  folie  et  notre  er- 
reur, suivant  ces  paroles  d*lsaïe  :  Mon  peu- 
ple^ ceux  qui  vous  appellent  bienheureux  vous 
trompent;  au  contraire ^  ceux  qui  vous  re- 
prennent sévèrement  vous  font  un  grand  bien. 
Suivant  c^s  autres  paroles  du  Sage  :  Les  bles- 
sures que  fait  celui  qui  aime  valent  mieux 
que  les  caresses  trompeuses  de  celui  qui  hait; 
et  il  vaut  mieux  être  repris  par  un  homme 
sage  que  d'être  séduit  par  la  flatterie  des  fous. 
Ce  qui  nous  fait  de  la  douleur  pour  quelque 
temps  est  justement  ce  qui  est  cause  de 
notre  guérison;  au  lieu  quelle  devient  plus 
difficile  quand  on  flatte  notre  mal  ;  car  alors 
nous  nous  figurons  qu*il  n'y  a  rien  à  dire 
en  nous,  et  nous  ne  songeons  point  à  nous 
corriger. 

Diogène  disait  que  nous  avions  besoin 
ou  d'un  véritable  ami  qui  nous  avertit  de 
nos  fautes,  ou  d'un  ennemi  fâcheux  qui  nous 
les  reprochât,  afin  aue  les  avertissements  de 
l'un  ou  les  reprocnes  de  l'autre  servissent 
à  nous  corriger.  Le  second  moyen  est  assez 
en  usage  dans  le  monde,  où  il  n'y  a  d'ordi- 
naire que  l'inimitié  et  la  haine  qui  parlent 
sincèrement  des  fautes  d'autrui,  et  où  l'on 
n'entend  la  vérité  que  de  la  bouche  de  ses 
ennemis. 

^  Une  des  choses  qui  marquent  le  plus 
l'orgueil  de  l'homme  est  la  répugnance  qu*on 
a  à  souffrir  d'être  repris  de  ses  fautes. 
Trouvera-t-on  aisément  quelqu'un,  dit  saint 
Augustin,  qui  veuille  bien  qu'on  le  reprenne, 
eC  où  est  ce  sage  de  qui  il  est  dit  dans  le 
neuvième  chapitre  des  Proverbes  :  Repre- 
nez le  sage  et  il  vous  aimera?  Il  mérite  sans 
doute  le  nom  de  sage,  puisqu'il  reconnaît 
comme  il  doit  un  aussi  grand  bienfait  que 
celui  de  la  correction  ;  mais  où  le  retrou- 
vera-t-on,  et  qui  est-il,  afin  que  nous  lui 
donnions  des  louanges?  Nous  sommes  si 
enflés  d'orgueil ,  dit  saint  Grégoire,  et  c'est 
un  vice  si  enraciné  en  nous,  que  nous  ne 
saurions  souffrir  qu'on  nous  avertisse  de 
nos  fautes,  parce  que  nous  nous  figurons 
que  ce  qu'on  nous  dit  nous  rabaisse  dans 
1  opinion  du  monde,  et  nous  rend  moins 
estimables. 

Comme  nous  sommes  donc  très-sensibles 
aux  moindres  choses  qui  regardent  notre 
honneur,  nous  prenons  feu  dès  que  nous 
croyons  qu'on  le  blesse  ;  au  lieu  de  remer- 
cier ceux  qui  nous  reprennent  de  nos  fautes, 
nous  regardons  leurs  avertissements  comme 
des  persécutions  et  des  injures.  Il  y  a  des 
gens,  en  eflet,  qui,  lorsqu'on  prend  soin  dé 
les  avertir  de  leurs  défauts ,  disent  qu'on 


les  persécute  et  qu'on  a  de  l'aversion  ponr 
eux.  Et  on  en  voit  aussi  qaelqaes-uus 
continue  ce  Père,  qui  s'accusent  volontiers 
eux-mêmes  de  leurs  fautes  ;  mais  s'il  arrire 
qu'on  les  en  reprenne,  ils  s'emportent  aussi- 
tôt et  les  excusent,  parce  qu'ils  ne  peavent 
souffrir  qu'on  les  estime  moins  qu'ils  ne 
croient  devoir  l'être. 

Ceux-là  ne  sont  pas  véritablement  ham* 
bles  et  ne  parlent  point  de  leurs  fautes  eo 
esprit  de  vérité;  car,  s'ils  l'étaient  effective- 
ment, et  qu'ils  crussent  d'eux  ce  qu'ils  eu 
disent,  ils  ne  seraient  pas  fâchés  qiroD  leur 
dit  les  mêmes  choses,  et  ils  ne  prendraient 
pas  tant  de  soin  de  s'excuser  et  de  se  défes- 
dre.  La  véritable  humilité  consiste  à  noas 
connaître  et  à  nous  mépriser  nous-mêmes, 
et  à  êire  bien  aises  que  les  autres  connais- 
sent aussi  nos  fautes  et  nous  méprisent.  B 
ces  gens-ci,  dit  saict  Grégoire,  font  voir 
clairement,  que  ce  n'est  pas  afin  d'être  mé- 
prisés Qu'ils  disent  du  mal  d'eux-mêmes, 
mais  afin  de  passer  pour  humbles  et  pour 
justes ,  parce  qu'il  est  écrit  quelejuste  est  k 
premier  accusateur  de  lui-même.  Voustoq- 
lez  vous  acquérir  de  l'estime  et  passer 
pour  humbles,  et  vous  dites  du  mal  de 
vous-mêmes,  parce  que  vous  croyez  que c*est 
un  moyen  de  parvenir  à  votre  fin.  Hais 
en  même  temps,  comme  vous  ne  crojez 
pas  que  le  mal  qu'un  autre  dit  de  tous 
puisse  vous  y  aider,  et  qu'au  contraire  vous 
vous  imaginez  qu'il  peut  détruire  la  bonne 
opinion  qu'on  a  de  vous,  vous  ne  sauriez 
souffrir  dans  la  bouche  d'autrui  ce  que  tous 
dites  vous-mêmes.  Tout  cela  ne  part  que 
d'orgueil  et  de  vanité  ;  et  de  là  vient  encore 
que  souvent,  quoique  nous  voyions  que  ce 

au'on  nous  dit  est  vrai»  et  qu  on  a  raison 
e  nous  reprendre,  nous  ne  laissons  pas 
cependant  de  souffrir  impatiemment  la  ré- 
primande et  d'en  avoir  du  dépit. 

Ainsi,  nous  ne  devons  plus  dire  :  Repre- 
nez le  sage  et  il  vous  aimera;  car,  où  sont 
maintenant  les  sages  qui  veuillent  être  re- 
pris et  qui  sachent  bon  gré  à  ceux  qui  les 
avertissent  de  leurs  fautes?  Mais  nous  som- 
mes réduits  à  dire  ce  que  )e  même  Salomoa 
dit  au  même  endroit  :  Gardez-vous  de  re- 
prendre un  moqueur^  de  crainte  quHl  ne  vous 
haïsse.  C'est  la  récompense  que  l'on  a  ordi- 
nairement dans  le  monde»  des  bons  avis 
qu'on  y  donne  ;  car  le  méchant  n'aime 
point  celui  qui  le  reprend;  et  il  n'a  point  de 
commerce  avec  les  gens  sages  qui  peuvent 
l'avertir  de  ses  défauts  ;  enfln,  il  y  a  déjà 
longtemps  qu'on  a  dit  que  la  vérité  ne  fait 
que  des  ennemis. 

Les  saints  comparent  ces  sortes  de  gens 
à  des  fous  et  à  des  frénétiques  qui  ne  peu- 
vent souffrir  la  présence  du  médecin  et  qui 
rejettent  toutes  sortes  de  remèdes,  parce 
qu'ils  en  ressentent  de  la  douleur  et  qu'ils  ne 
se  croient  pas  malades.  Cette  comparaisoii 
est  tirée  du  Saint-Esprit,  qui  dit  que  celui 
qui  hait  les  réprimandes  est  un  insensé.  En 
effet,  il  ne  manque  pas  seulement  d'burm- 
lité,  il  manque  aussi  de  jugenoent  et  de 
sens  ;  en  un  mot,  c'est  un  fou  et  un  freoô- 


541 


COR 


D^ASCETlSIie. 


CX)R 


Mi 


liqae»  puisqu*il  fcjettc  les  remèdes  salutai- 
res qu*on  lui  donne,  el  qu'il  se  fàcbe  cocilre 
le  médecin  qui  veut  le  guérir. 

L'orgueil  et  la  folie  dont  nous  Tenons'  de 
parler  ront  jusqu'à  un  tel  excès,  et  tout 
le  monde  le  sait  si  hien»  qu'A  peine  y  a-t-îl 
maioteoaot  quelqu'un  qui  veuille  avertir 
ses  frères  de  leurs  fautes ,  parce  qu'il,  n'y 
a  personne  qoi  soit  bien  aise  de  se  faire 
baïr,  et  d'acheter  des  inimitiés  è  prix  d'ar- 
gent 9  comme  on  dit.  Mais  les  oi^ueilleux 
n  ont  en  cela  que  ce  qu'ils  méritent  ;  car, 
que  mérite  un  malade  oui  ne  yeul  pas  se 
iaitfer  traiter,  sinon  qu  on  rat>andonne  et 
qu'oo  le  laisse  mourir,  et  quelle  autre  chose 
peut  mériter  aussi  un  homme  qui  ne  veut 
(tas  qu*on  le  reprenne,  et  qui  reçoit  mal  les 
avertissements  charitables  qu'on  lui  donne? 
Celui  qui  baît  la  correction  mourra,  dit  le 
Siage,  et  celui  qui  hait  la  discipline  ne  lait 
pas  cas  de  son  âme.  Il  mérite,  sans  doute , 
qu'on  ne  l'avertisse  etquun  ne  le  reprenne 
ue  lien:  que  ses  défauts  augmentent  tous 
les  jours  ;  qu'ils  viennent  à  la  connaissancd 
de  lonl  le  monde  et  que  tout  le  monde  s'en 
(U. retienne,  sans  que  personne  ait  lâcha- 
nte de  lui  en  parler. 

C'est  ce  qui  arrive  ordinairement  à  qui- 
conque trouve  mauvais  qu'on  le  reprenne* 
Et  quelle  plus  graude  punition  peut  rece- 
voir on  homme  de  cette  sorte,  que  d'être 
abandonné  à  son  opiniâtreté  et  a  son  or- 
uueil  ?  Noos  avon«  t  ris  soin  de  Babylone, 
e.  elle  n'est  pas  guérie  :  abandonnons-la;  il 
fie  veut  pas  protiter  des  remèdes  qu'on  lui 
donne,  il  faut  le  laisser.  Quand  on  ne  la- 
iioore  plu^  une  vigne,  et  qu'on  ne  la  taille 
p:as,  c'est  qu'on  la  laisse  comme  ne  pouvant 
l»lus  porter  du  raisin  ;  ans^i,  quand  on  cesse 
ce  faire  des  réprimandes  à  une  personne 
qui  les  reçoit  mal,  c'est  qu'on  l'abandonne 
comme  étant  incapable  de  correction. 

Saint  François  de  Borgta,  parlant  des  in- 
convénients qu'il  y  a  à  ne  pas  bien  recevoir 
la  correction,  dit  qu'il  y  en  a  deux  cunsi- 
sidérables  en  l'un  ou  l'autre  desquels  il  est 
infaillible  de  tomber.  Car,  ou  1  on  cessera 
d'oser  de  correction,  parce  que  personne 
ne  voudra  se  charger  de  donner  des  remèdes 
à  lies  malades  impatients  et  intraitables ,  et 
alors  les  défauts  prendront  racine  partout 
où  ils  se  rencontreront  ;  ou,  si  on  ne  lai^se 
pas  d'user  de  correction  envers  ceux  qui 
t-n  auront  t>esoin,  et  qu'ils  en  sachent  mau- 
vais gré,  toute  la  maison  sera  bientôt  rem- 
plie de  Gel  et  d'amertume  par  leur  indoci- 
lité, qui  leur  fera  prendre  pour  une  injure 
Ci  qu'ils  devraient  recevoir  comme  une 
grâce,  et  qui  fera  que,  convertissant  tous 
les  remèdes  en  poison,  ils  demeureront  of- 
fensés et  ulcérés  de  la  même  chose  dont  ils 
d*fTraient  se  sentir  éternellement  obligés. 
Cela  devrait,  ce  me  semble,  donner  extrê- 
mement à  penser  à  tous  ceux  à  qui  on  ne 
fait  aucune  réprimande;  car  ils  devraient 
faire  réflexion  sur  eux-mêmes  et  se  dire  : 
N'est-ce  point  parce  que  je  suis  un  mauvais 
m  lade  qu'on  ne  se  donne  plus  le  soin  de 
me  tiaiter  ;  n'es'.-ce  point  parce  que  j'ai  mal 


reçu  ce  qu'on  m'a  dit,  que  l'on  ne  prend 
plus  la  peine  de  me  rien  dire  7  Le  même 
saint  nous  recommande  ensuite  au  même 
endroit  cet  esprit  de  douceur,  de  simplicité 
et  de  charité,  qui  régnait  dans  les  commen- 
cements de  notre  institution,  et  qui  faisait 
que  la  correction,  bien  loin  d'être  une  occa- 
sion de  scandale  et  d'amertume  à  ceux  qu'on 
reprenait  de  leurs  fautes,  leur  était  un  soget 
d'édification  et  de  reconnaissance. 

Un  grave  docteur,  parlant  de  ceux  oui 
ne  veulent  point  qu'on  les  reprenne,  les 
compare  au  démon,  parce  qu'ils  sont  incor- 
rigibles comme  loi;  et  il  dit  qu'une  chose 
qui  distingue  le  pécheur  d'avec  le  démon, 
aest  qne  le  |>écheur  est  capable  de  correc- 
tion tant  qu'il  est  en  vie,  au  lieu  que  le 
démon  en  est  éternellement  incapable.  Il 
rapporte  encore  à  ce  sujet  ces  paroles  de 
l'Ecclésiastique  :  Celui  qui  hait  la  correc- 
tion est  la  trace  du  pécheur,  c'est-à-dire  du 
démon  qui  est  appelé  figurément  le  pécheur. 
Comme  donc  la  trace  du  pied  est  sembable 
au  pied,  de  même  celui  qui  hait  la  correc- 
tion est  semblable  au  démon,  parce  qu'il  se 
rend  incorrigible  comme  loi,  en  fermant  la 
porte  à  un  des  meilleurs  moyens  qu'il  puisse 
avoir  pour  se  corriger.  Saint  Basile  oit  qoe 
celui  qui  en  use  ainsi  est  d'un  commerce 
très-pernicieux,  parce  que  son  exemple  fait 
hair  la  correction  aux  autres,  et  les  détourne 
ainsi  de  leur  entreprise,  qui  est  de  travailler 
sans  cesse  à  l'amendement  de  leur  vie.  C'est 
pourquoi  il  ordonne  que  ces  sortes  d'esprits 
indociles  soient  séparés  du  reste  de  la  com- 
munaulé,  de  peur  qu'ils  communiquent  leur 
maladie  à  leurs  frères. 

Un  des  meilleurs  conseils  qu'on  puisse 
donner  sur  cette  matière  est  celui  que  nous 
donne  Galien  qoi,  ne  s'étant  pas  contenté 
d'avoir  écrit  plusieurs  aphorismes  pour  la 
guérison  des  maladies  do  corps,  a  composé 
aussi  un  livre  de  la  connaissance  et  de  la 
guérison  des  maladies  de  l'âme.  11  dit  donc 
que  celui  qui  veut  se  corriger  et  faire  du 
progrès  dnus  la  vertu,  doit  chercher  un 
homme  sage  qui  l'avertisse  de  ses  fautes,  et 
que  quand  il  en  aura  trouvé  un,  il  faot  qu'il 
la  conjure  instamment  de  vouloir  bien 
l'avertir  de  tout  ce  qu'il  remarquera  de 
mauvais  en  lui,  qu'il  lui  promette  de  lui  en 
aToir  obligation  toute  sà  vie,  comme  de  la 
plus  grande  marque  d'amitié  qu'il  puisse 
recevoir  de  lui;  et  qu'il  l'assure  qu'autant 
que  l'âme  est  au-dessus  du  corps,  autant 
cette  obligation  sera  au-dessus  de  celle  qu'il 
devrait  lui  avoir,  s'il  l'avait  guéri  de  quel- 
que grande  maladie.  Que  si  celui  à  qui  vous 
vous  serez  adressé,  ajoute-t-il,  veut  bien  se 
charger  du  soin  de  vous  avertir  de  vos 
fautes,  et  qu'il  se  passe  ensuite  quelques 
jours  sans  qu'il  vous  dise  rien,  allez  vous 
plaindre  à  lui  et  conjurez-le  encore  plus 
fortement  que  la  première  fois  de  se  souve- 
nir de  ce  qu'il  vous  a  promis,  et  de  vous 
avertir  de  vos  fautes,  dès  que  vous  en  au- 
rez fait  quelqu'une.  S'il  répond  qu'il  se 
souvient  de  sa  imrole,  mais  qo'il  n'y  a  |ias 
eu  occasion  de  (a  tenir,  parce  que  vous  ne 


U43 


COU 


DICTIONNAIRE 


COR 


»l 


vous  Aies  rien  laissé  échapper  en  qaoi  vous 
ayez  besoin  d^avertissetneuty  gaidez-vous 
bidn  de  le  croire  et  de  vous  imaginer  qu'il 
ait  manqué  de  matière  ;  mais  croyez  que 
son  silence  peut  provenir  de  quelqu'une 
Jes  tn)is  causes  que  nous  allons  dire  :  En 
premier  Jieu«  de  négligence,  et  parce  qu'il 
n*a  fait  nulle  attention  ni  à  vos  défauts,  ni 
è  ce  qu'il  vous  avait  promis,  y  ayant  peu  de 
gens  qui  veuillent  bien  travailler  de  cette 
sorte  à  rendre  les  autres'  plus  sages.  En 
second  lieu,  parce  que  s'if  a  remarqué  quei- 

3ue  faute  en  vous,  il  n'a  pas  eu  Tassurance 
e  vous  le  dire;  ou  que  même  il  n'a  pas 
voulu  se  mettre  au  hasard  de  perdre  par  là 
votre  amitié,  sachant  bien  que  tout  ce  qu'on 
gagne  d'ordinaire  à  dire  la  vérité,  c'est  de  se 
faire  haïr;  ou  enfin,  parce  qu'il  a  vu  qu'il  vous 
est  quelquefois  arrivé  de  ne  recevoir  pas 
en  bonne  part  les  avertissements  qu'on  vous 
a  donnés  ;  et  qu'ainsi  quelque  chose  que . 
vous  lui  ayez  pu  dire,  il  ajoute  plus  de  foi 
aux  effets  qu'aux  paroles,  et  il  ne  peut  se 
persuader  que  vous  souhaitiez  tout  do  bon 
qu'il  vous  avertisse  de  vos  défauts.  Prenez 
garde»  ajoute-t*il  encore,  que,  quoiqu'il 
vous  semble  quelquefois  que  les  fautes  dont 
on  vous  reprend  ne  sont  pas  si  grandes 
qu'on  vous  le  dit,  il  ne  faut  pas  cependant 
les  défendre,  ni  vous  excuser.  Première* 
ment,  parce  que  d'ordinaire  un  autre  voit 
mieux  nos  défauts  Que  nous  ne  les  voyons 
nous-mêmes,  et  qu  ainsi  il  peut  se  faire 
qu'il  juge  mieux  des  vôtres  que  vous.  En 
second  lieu,  parce  que  quand  même  il  se 
tromperait,  ce  qu'il  vous  dit  peut  toujours 
servir  à  vous  faire  avoir  un  peu  plus  d'at- 
tention sur  votre  conduite»  et  à  faire  que 
dans  la  suite  vous  évitiez  avec  soin  de 
donner  aucune  occasion  de  rien  soupçonner 
do  vous  de  semblable.' 

Voilà  tout  ce  que  dit  Galien  sur  ce  sujet  ; 
et  nous  avons  besoin  de  mettre  tout  cela  en 
pratique,  si  nous  voulons  trouver  quelqu'un 
qui  se  charge  volontiers  du  soin  de  nous 
avertir  de  nos  faules;  car  ce  n'est  pas  une 
chose  aisée,  et  chacun  peut  en  juger,  non- 
seulement  par  le  chagrin  que  la  correction 
peut  lui  donner  quand  il  la  reçoit,  mais 
aussi  par  celui  qu  elle  lui  donne,  quand  il 
est  obligé  de  la  laire  aux  autres  et  que  le 
supérieur  le  charge  de  les  avertir  de  leurs 
défauts.  C*est  une  des  choses  qui  font  même 
le  plus  de  peine  à  un  supérieur,  d'avoir  af* 
faire  à  des  religieux  qui  n'ont  pas  l'esprit 
iissez  humble  et  assez  aocile  pour  bien  rece- 
voir la  correction.  Car  comme  d'un  côté  il 
est  obligé  de  la  faire,  et  que  de  l'autre  il 
(craint  qu'on  ne  la  reçoive  mal,  il  ne  la  fait 
qu'eu  tremblant,  comme  on  ferait  une  opé- 
'  ration  difficile  et  dangereuse,  souvent  même 
il  ne  sait  8*il  doit  parler  ou  non.  Quelque* 
fois  il  lui  semble  qu'il  doit  la  faire,  mais 
en  prenant  bien  son  temps,  en  assaisonnant 
sa  réprimande  de  quelque  chose  qui  la 
rende  moins  anière;  quelquefois  11  trouve 
dans  ceux  à  qui  II  doit  la  faire,  si  peu  de 
disposition  à  la  bi^sn  recevoir,  qu'il  prend 
\q  parti  dw  ne  rien  leur  d  rc,  au  hasard  de 


les  voir  demeorer  dans  leurs  défauts.  C'est 
qu'il  craint  que  ses  avis  ne  leur  nuisent  au 
lieu  de  leur  proGler,  et  qu'ils  ne  sérient 
qu'à  les  aigrir  davantage  contre  lui,  et  ï 
faire  que  dans  la  suite  ils  s'aequiiteri 
encore  moins  bien  de  lenr  devoir.  Le  soleil 
amollit  la  cire  et  durcit  la  boue,  et  qaaod 
les  plantes  ont  bien  pris  racine,  l'eau,  Talr 
et  le  soleil  aident  à  les  faire  mieux  pousser; 
mais  quand  elles  ne  sont  pas  bien  enraci- 
nées, ces  mêmes  choses  ne  servent  qo'è  les 
pourrir  ou  à  les  sécher.  C'est  ainsi  que  la 
correction  amollit  le  cœur  de  ceux  qui  sont 
véritablement  humbles  par  la  conoaissaoce 
d'eux-mêmes,  et  en  qui  l'humilité  a  jeté  de 

f»rofondes  racines;  au  lieu  qu'en  ceux  dont 
'humilité  n'est  pas  bien  enracinée  dans  la 
connaissance  de  leur  bassesse  et  de  leur 
néant,  elle  ne  produit  que  la  sécheresse 
et  l'endurcissement  de  cœur.  C'est  pourquoi 
les  supérieurs  s'abstiennent  souvent  de 
reprendre  ceux  en  qui  ils  voient  celle  mag- 
vaise  disposition,  parce  que  leur  mal  oo 
fait  qu'empirer  r>ar  les  remèdes;  et  coaver- 
tissant  les  meilleures  choses  en  poison,  ils 
prennent  pour  aversion  et  pour  acharne- 
ment ce  qui  est  un  effet  de  l'amitié  qu'on 
leur  porte,  et  du  zèle  qu'on  a  pour  leur 
salut;  et  certainement  ces  sortes  d'esprits 
méritent  bien  qu'on  les  abandonne. 

Si  .vous  voulez  donc  qu'on  ne  vous  aban- 
donne pas  comme  un  malade  incurable  et 
comme  un  esprit  incorrigible,  il  faut  que 
vous  receviez  en  bonne  part  ce  qu'ôa  tous 
dit.  C'est  une  très^bonne  chose  quand  od 
est  repris,  dit  le  Sage,  de  lémoigoer  qu'on 
se  repent  de  sa  faute.  Mais  quand  même 
vous  n'auriez  pas  fait  la  faute  dont  on  tous 
avertit,  ou  qu'elle  serait  moindre  ou  que  les 
choses  se  seraient  passées  autrement  qu'on 
ne  vous  les  dit,  il  ne  faut  pas  laisser  de 
montrer  que  vous  en  savez  bon  gré  à  celui 
qui  vous  a  averti,  et  de  lui  dire  que  tous 
prendrez  mieux  garde  à  vous  une  autrefois, 
et  qu'il  vous  a  fait  un  très-sensible  plaisir, 
parce  que  vous  l'encouragerez  par  là  à  tous 
avertir  une  autre  fois.  Que  si  vous  Touiez 
commencer  par  vous  excuser  et  vous  défen- 
dre, tout  ce  que  vous  gagnerez,  c'est  qu'une 
autrefois,  et  peut-être  dans  quelque  occa- 
sion où  vous  auriez  en  grand  besom  d'aTe^ 
tissement,  il  ne  vous  dira  rien.  La  première 
chose  que  font  certaines  gens,  quand  on  les 
reprend  de  quelque  faute,  c'est  de  l'exca- 
ser  d'abord  ;  et  quand  ils  voient  qu'ils  oo 
peuvent  plus  la  défendre  entièrement,  m 
cherchent  des  raisons  et  des  couleui^  pour 
la  faire  paraître  moindre,  et  c'est  A  le 
moyen  de  faire  que  jamais  on  ne  les  ater- 
tisse  de  rien.  Car  quand  on  voit  quon  ne 
peut  jamais  vous  faire  demeurer  d'acconi 
des  fautes  dont  on  vous  avertit  et  que  vous 
trouvez  toujours  des  excuses  à  toutes  cboses, 
on  prend  la  résolution  de  ne  vous  averiir 
jamais  de  rien.  Ainsi,  outre  qtï'eD  f  •* 
vous  faites  une  chose  de  mauvaise  édioci- 
tion,  tout  ce  que  vous  gagnez  par  vos  Ju^ 
li'ications  et  par  vos  excuses,  c*e^  dem- 


:.4i 


COR 


n'ASCETlSME. 


GOR 


546 


p^*her  qii*OD  se  veuille  jamais  charger  de* 
TOUS  donner  un  avis  utile. 

Oo  regarde  mëcne  comme  un  grand  défaut 
dans  les  supérieurs»  de  ne  pas  bien  rece- 
voir les  avis  et  les  conseils  qu*on   leur 
doane;  jusque-là  qu'on  dit  qu*un  homme 
qui  a  des  lumières  bornées,  mais  qui  con- 
naît ses  défauts,  et  qui  écoute  conseil, 
est  plus  uropro  au  gouvernement    qu'un 
antre  qui  a  plus  d^étendue  d'esprit,  mais 
qui  esl  d'ailleurs  rempli  de  lui-môme,  et 
qui  croît  tellement  savoir  toutes  choses, 
qo*îl  trouve  mauvais  au*on  Taverlisse  et 
qa*OD  lui  donne  conseil.  L*Ccriture  sainte 
esc  pleine  de  passages  qui  marquent  la  vé- 
rité de  ce  que  nous  disons.   N*avcz-vous 
point  vu  un  homme  qui  se  croit  habile  7 
dit  Salomon.  La  conduite  d*un  fou  pnratt 
trës-lx>nne  à  ses  jeux;  mais  un  homme 
sage  écoute  conseil.  Je  suis  la  sagesse  qui 
fais  me  demeure  dans  le  conseil.  Où  il  y  a 
quantité  de  bons  conseils,  on  j  trouve  son 
salul.  L*ap6tre  saint  Jacques  marque  aussi 
comme  une  des  conditions  de  la  sagesse 
l'être  traitable  et  de  se  laisser  persuader, 
Lm  »Q§€U€  qm  vient  (ten  haut,  dit-il,  est  pre- 
wûiramaU  pUme  de  pudeur;  ensuite  elle  esl 
omie  ée  la  paix  moaeslep  traitable  et  aisée  à 
ferler  au  Sien.  Que  si  dans  les  supérieurs 
il  est  si  louable  d*écouter  volontiers  les  avis 
et  les  conseils  qu'on  leur  donne,  et  si,  au 
coQUmire,  il  est  si  blâmable  en  eux  de  ne 
pas  le  fidre,  à  combien  plus  forte  raison 
doit-on  bUmer  les  inférieurs  qui  souffrent 
trec  impatience  que  leurs  supérieurs   les 
Ttprennent  ?  Gela  seul  devrait  nous  obliger 
i  recevoir  la  correction  avec  docilité.  Mais 
ifin  que  nous  nous  j  portions  encore  plus 
volontiers  de  nous-mêmes,  il  est  bon  de 
fiire  ici  une  remarque  :  c'est  que  quand  on 
reçoit  la  correction  comme  il  faut,  et  que  le 
supérieur  en  est  persuadé,  il  se  met  beau* 
coup  moins  en  neine  des  fautes  dans  les- 
quelles OD  tomoe,  parce  qu'en  vojant  le 
nul,  il  voit  aussi  le  remède.  Mais  quand  lm 
ne  la  reçoit  pas  bien,  il  se  trouve  fort  ei?- 
birrassé,  panse  qu'il  voit  la  porte  fermée  h'A 
remède;  et  c'est  là  une  des  plus  grandes 
peioes  d>sprit  que  puissent  avoir  les  supé- 
rieurs. C'est  pourquoi  il  est  bon  de  témoi- 
Sner  en  particulier  h  son  supérieur  qu'on 
a  extrêmement  envie  d'être  repris  de  ses 
laotes.  Bt  pour  cet  effet,  il  faut  le  prier  de 
veiller  sur  notre  conduite  avec  des  yeux  do 
père,  et  de  nous  reprendre  librement  de 
tons  nos  défauts,  sans  prendre  garde  si 
quelquefois  on    aura  peut-être  fait  voir 
quelque  impatience  dans  la  correction  et  si 
oo  ne  l'aura  pas  reçue  avec  toule  la  soumis* 
iMn  qu'on  devait.  Il  ne  si^t  pas  au  re^te 
de  lui  avoir  &it  une  fois  cette  prière,  comme 
par  manière  d'acquit;  mais  il  faut  la  réité- 
rer plusieurs  fois  avec  instance;  et  soyez 
eertjio  que  vous  n'en  sauriez  trop  faire 
(^ur  1^  bien  persuader  et  pour  le  fiorler  à 
se  bien  acç|nitter  à  votre  égard  d'une  com- 
mission si  désagréable  d'elle-même  et  si 
difficile.    A'nsi,  quoique    en  toute   autre 
rencontre  nous  devions  être   bien   aises 


qu'on  nous  croie  pleins  d'imperfections,  il 
faut  bien  se  garder  ici  de  donner  lieu  au 
supérieur  de  nous  croire  assez  immortifiés 
et  assez  indociles  pour  ne  pas  bien  recevoir 
ses  corrections  ;  car  il  faut  même  tâcher  de 
le  persuader  du  eoniraire  de  peur  qu'il  ne 
veuille  plus  se  donner  la  peine  de  nous 
reprendre,  et  que  de  cette  sorte  nous  ne 
venions  à  être  privés  d'un  des  principaux 
moyens  qne  nous  ayons  pour  notre  avance- 
ment spirituel. 

Comme  un  malade  qui  a  envie  de  gué- 
rir, dit  saint  Basile,  se  soumet  de  bon  cœur 
aux  ordres  du  médecin  et  quelque  fâcheux 
que  soient  les  remèdes,  il  ne  s'en  preid 
point  à  loi  et  ne  le  soupçonne  d'aucune 
mauvaise  intention  :  de  même  un  homme 
qui  a  véritablement  envie  de  se  corriger, 
reçoit  de  bon  cœur  les  avertissements  qu'on 
loi  donne,  et  ne  se  met  point  dans  l'esprit 
que  ce  soit  par  chazrin  et  par  aversion 
au'on  trouve  a  redire  a  ce  qu'il  fait.  Que  si 
I  intérêt  de  notre  santé,  ajoute  le  même 
saint,  nous  fait  prendre  de  bon  cœur  des 
médecines  très-amères;  si  pour  cette  raison 
nous  souffrons  que  le  médecin  et  le  chirur- 
gien emploient  le  fer  et  le  feu  sur  nous 
comme  il  leur  platl  ;  si  même  nous  les  en  re- 
mercions comme  d'une  grande  grAce  ;  n'esl- 
il  pas  juste  que  pour  notre  salut  et  pour  le 
bien  de  toute  la  religion,  nous  nous  sou  • 
mettions  de  la  même  sorte  à  la  correction, 
quelque  Ûcbeuse  au*elle  puisse  être  d'elle- 
même,  et  quelque  répugnance  que  nous  pois- 
sions y  avoir. 

Saint  Cbr^sostome,  voulant  nous  porter  \ 
bien  recevoir  la  correction  et  à  profiter  des 
avertissements  qu'on  nous  donnot  allègue 
l'exemple  de  Moïse ,  qui,  étant  de  lui-même 
si  sage  et  si  éclairé,  et  d'ailleurs  ayant  été 
Choisi  de  Dieu  jK>ur  être  le  conducteur  de 
son  peuple  et  l'instrument  de  tant  de  mer- 
veilles, ne  laissa  pas  de  bien  recevoir  l'avis 
de  Jéthro,  son  t>eaU'père,  qui  lui  conseilla  de 
choisir  des  gens  pour  le  soulager  dans  le. 
gouvernement  du  peuple  et  dans  l'adminis- 
tration de  la  justice.  Vous  ne  faites  pas  bien^ 
lui  dit  Jétbro,  voyant  qu'il  faisait  lui  seul 
toutes  choses;  et  vous  vous  accablez  de  tra^ 
voit  mal  à  propos.  Ce  que  vous  entreprenez 
est  au^essus  de  vos  forces^  et  vous  n  y  sau^ 
riez  suffire  seul.  Et  le  même  Père  remarquo 
sur  ce  sujet  que  Moise  se  garJa  bien  de  fairo 
comme  quelques-uns,  qui,  lors  même  que 
le  conseil  qu'on  leur  donne  leur  paraît  l>on, 
se  fichent  contre  celui  qui  le  donne,  comn  e 
étant  indignés  qu'un  homme  moins  habile 
qu'eux  se  permette  de  les  conseiller;  mnis 
qu'il  le  reçut  avec  soumission,  et  le  mit  aus- 
sitôt en  pratique. 

Saint  (iyprien  et  saint  Augustin  proposent 
aussi  l'exemple  de  saint  Pierre,  lorsque  saint 
Paul  le  reprit  de  ce  qu'il  voulait  assujettir  h 
!a  circoncision  ceux  d'entre  les  gentils  qui 
se  convertissaient  k  la  foi.  Remarquez,  disent- 
ils,que  saint  Pierre  ne  présuma  point  de  lui 
même  et  oo  voulut  |ioint  l'emporter,  parce 
qu'il  était  le  chef  de  l'figtiseel  que  son  senti- 
ment devait  prévaloir  à  celui  des  autres.  lU- 


547 


COR 


DICTIONNAIRE 


COR 


548 


marquez  qu'il  ne  méprisa  point  saint  Paul, 
pour  a?oir  été  peu  de  temps  auparavant  le  per- 
sécuteur de  i^Bglisede  Dieu,  et  qu*i)  ne  fut 
point  f&ché  d'être  repris  par  lui;  maisqu'il  re- 
çut très-bien  son  conseil,  et  se  rendit  aussitôt 
a  la  vérité  et  k  la  raison. 

C'est  encore  un  exemple  digne  de  mémoire 
et  de  remarque  que  celui  que  donna  le  grand 
Tbéodose,  en  recevant  avec  soumission  et 
avec  humilité  la  correction  et  les  répriman- 
des de  saint  Ambroise,  soit  lorsoue  ce  saint 
évoque  l'excommunia,  et  lui  déiendit  ren- 
trée de  l'église,  h  cause  du  massacre  qu*il 
avait  fait  faire  de  tout  le  peuple  de  Thessa- 
Icinique,  soit  lorsqu*étanl  demeuré  dans  l'en- 
ceinte du  chœur,  après  avoir  fait  son  otfrande 
à  l'autel,  ce  même  saint  lui  envoya  dire  de 
se  retirer  dans  la  nef,  parce  qu'il  n'apparte- 
nait qu'aux  prêtres  de  demeurer  dans  le  lieu 
où  il  était,  et  que  la  pourpre  n'élevait  pas 
les  emnercurs  à  la  dignité  du  sacerdoce. 
L'histoire  ecclésiastique  rapporte  au  long 
ces  deux  exemples,  et  dit  qu'on  ne  saurait 
décider  à  quoi  on  doit  j)lus  de  louanges,  ou 
à  la  constance  et  à  la  rermeté  du  saint  évê- 
que»  ou  à  Tobéissance  et  à  l'humilité  d'un 
si  puissant  empereur. 

Nous  lisons  dans  la  Vie  du  même  saint 
Ambroise,  qu'il  remerciait  ceux  qui  l'aver- 
tissaient de  ses  fautes,  et  qu'il  recevait  leurs 
avis  comme  une  faveur  signalée.  £t  This- 
toire  de  l'ordre  deClteaux  fait  mention  d'un 
religieux  de  Clairvaux,  qui  recevait  la  cor- 
rection avec  tant  de  reconnaissance,  que,  tou- 
tes les  fois  qu'on  le  reprenait  de  quelque 
faute,  il  disait  un  Paternoster^  pour  celui 
qui  l'avait  repris.  Il  est  marqué  aussi  au 
même  endroit,  que  cette  coutume  a  toujours 
été  pratiquée  depuis  dans  ce  monastère,  et 
qu'elle  s*y  observe  comme  une  loi  inviolable. 

Saint  Arsène  était  dans  une  grande  répu- 
tation de  sainteté  parmi  les  solitaires  de  son 
temps  et  il  avait  été  auparavant  en  grande 
considération  à  la  cour  cle  l'empereur  Théo- 
dose qui  Pavait  fait  gouverneur  de  ses  en- 
fants, Arcadias  et  Honorius,qui  furent  aussi 
empereurs  après  la  mort  de  leur  père.  Comme 
il  avait  donc  été  nourri  toute  sa  vie  è  la  cour 
et  que  la  sainteté  ne  détruit  pas  entière^ 
ment  toutes  les  imperfections ,  il  lui  était 
resté  quelaues  légers  défauts,  qui  étaient  des 
restes  de  la  manière  libre  dont  il  avait  été 
élevé;  entr^  autres  il  avait  celui  de  tenir 
ordinairement  ses  jambes  croisées  Tune  sur 
l'autre.,  quand  il  était  assis  en  conférence 
avec  les  autres  solitaires.  Cette  posture  leur 
semblait  è  tous  indécente  et  immodeste,  et 
ils  eussent  bien  voulu  l'en  avertir  ;  mais  pas 
un  d'eux  ne  voulant  s'en  charger,  parce 
qu'ils  avaient  de  la  répugnance  à  reprendre 
un  homme  de  cette  considération  uour  une 
simple  bagatelle,  ils  tinrent  conseil  à  ce  su- 
jet pour  trouver  quelque  moj[en  pour  le  cor- 
riger de  cette  mauvaise  habitude,  et  l'abbé 
Pasteur,  qui  était  un  homme  très-saint  et 
très-éclairé,  leur  proposa  un  moyen  très- 
propre  et  très-facile.  «  La  première  fois  que 
n^us  nous  assemblerons,  leur  dit-il,  je  me 
mettrai  dans  Ja  même  posture  qu'Arsène  : 


vous  m'en  reprendrez  publiquement;  je  m 
mettrai  aussitôt  dans  une  posture  plus  mo- 
deste, et  ainsi  il  sera  suffisamment  averti,  s 
Cet  expédient  fut  approuvé  de  tous  les  Pè« 
res,  de  sorte  que  dès  la  première  fois  qu'ils 
s'assemblèrent  pour  la  conférence  spiri- 
tuelle,  Tabbé  Pasteur  ne  manqua  pas  de  se 
mettre  dans  la  même  posture  que  saint  Ar- 
sène. Les  Pères  l'en  ayant  aussitôt  repris, 
comme  d^une  chose  qui  blessait  la  bien- 
séance et  la  modestie,  il  se  remit  au  même 
instant  dans  la  situation  où  il  devait  ;être; 
et  saint  Arsène  prit  si  bien  l'avis  pour  lai, 
qu'aussitôt,  sans  faire  semblant  de  rien,  Il 
aoaissa  peu  à  peu  sa  jambe,  et  que  depuis, 
il  ne  lui  arriva  jamais  de  retomoer  dans  la 
même  faute. 

Cet  exemple  nous  fait  voir  deux  choses  : 
et  combien  c'est  un  emploi  fAcheux  et  diffi* 
cile  de  reprendre  les  autres'  :  et  que  chacun 
doit  preudre  pour  soi  les  réprimandes  que 
l'on  fait  publiquement  à  son  frère. 

La  neuvième  règle  du  sommaire  de  nos 
constitutions,  continue  le  P.  Rodriguez, 
porte  que  pnour  notre  plus  grand]  avao^ 
cément  spirituel ,  et  surtout  pour  nous 
abaisser  et  nous  humilier  davantage,  nons 
devons  être  bien  aises  que  quelque  faute, 
quelque  imperfection  dans  laquelle  nous 
soyons  tombés,  quoi  que  ce  soit  enfin  que 
r.ous  ayons  fait  et  dont  oa  ait  eu  connais- 
sance nors  de  la  confession,  on  le  décoane 
è  nos  supérieurs.  Il  est  k  propos^  pour  bien 
établir  ce  que  nous  avons  à  dire  sur  celle 
matière,  que  tout  le  monde  sache,  que  non- 
seulement  toutes  nos  constitutions  ont  éié 
approuvées  et  conGrmées  par  le  Saint-Siège, 
et  que  même  Grégoire  XllI,  dans  la  bulle 
qui  les  approuve,  a  mis  expressément  celte 
clause  :  «  de  notre  propre  mouvement;  imais 
que  la  règle  que  nous  venons  de  citer  a  été 
particulièrement  approuvée  par  le  Pape  dan$ 
un  jugement  contradictoire,  ce  qui  la  rend 
encore  plus  authentique;  et  voici  comment 
la  chose  arriva.  Un  prêtre  qui  avait  été  d«! 
notre  compagnie,  et  que  l'on  avait  renvoyé 
comme  un  esprit  brouillon  et  inquiet,  61 
imprimer  une  partie  de  la  Somme  du  cardi- 
nal Tolet,  et  il  y  joignit  un  cnapitre  où  H 
disait,  que  dans  un  certain  ordre  pour  lequel 
il  avaitd'ailleurs  beaucoup  de  res^tect  èctiu^^* 
des  savants  hommes  qui  enétaiient,il  yavait 
une  règle  qui  obligeait  tous  les  religieux,  dès 
quMls  savaient  quelque  faute  de  quelqu'un 
(le  leurs  frères,  d'en  avenir  immédiatement 
le  supérieur,  sans  en  rien  dire  aupararani 
h  celui  qui  avait  commis  la  faute;  et  il  ajou* 
tait  qu'il  pouvait  naître  de  grands  ÎDConTé- 
nionts  de  cette  règle,  et  qu'elle  était  entiè- 
rement contraire  h  FËvangile.  Le  P.  E^e- 
rard  Mercurien,  qui  était  alors  général  de 
la  compagnie,  se  plaignît  de  cette  calomnie 
au  Pape  ;  et  le  Pape  a^ant  voulu  voir  le  livre 
et  la  règle,  et  s'étant  informé  de  quelle  ma- 
nière elle  était  pratiquée  dans  la  compagnie, 
déclara  que  non-seulement  elle  n'était  ()oiril 
contraire  à  l'Evangile,  mais  que,  bien  loip 
de  pouvoir  être  justement  biftmée,  elle  était 
véritablement  remplie  de  la  (lerfection  évaD- 


5lf 


COR 


D*ASCET1SUE. 


COR 


550 


gëliqae;  et  il  ordonna  que  Tendroit  du  livre 
où  il  en  élail  parlé  si  injurieasement  serait 
défendo,  comme  il  le  fut  ensuite  par  le  car* 
dînai  Sirlet,  en  veiin  du  pouvoir  que  lui  en 
donnait  sa  charge  d'inquisiteur  général. 

Quoique  cette  règle  soit  par  la  suiBsam- 
menl  justifiée,  on  doit  encore  observer 
que  les.  novices  la  voient  prat'quer;  ce 
qui  suffit  pour  supposer  qu'en  f  isant  on- 
s^ute  leurs  vœux,  ils  renoncent  tacite- 
ment au  droit  qu'ils  pourraient  avoir 
contre  cette  r^Ie,  quoiqu'ils  ne  disent 
pas  en  terqaes  formels  qu'ils  y  renoncent. 
C'est  ainsi  qu'un  Chartreux  qui  tàii  profes- 
sion, et  qui  sait  que  dans  l'ordre  où  il  s'en- 
gage on  garde  une  i>erpéluelle  abstinence, 
qu  on  ne  rompt  jamais  pour  quelque  cause 

Sue  ce  soit,  renonce  en  s'y  engageant  au 
roit  naturel  qu'il  a  de  conserver  sa  vie 
en  maneeant  de  la  viande,  quoique  cepen- 
dant û  vry  renonce  point  en  termes  formels, 
et  quoique  ce  droit  soit  préférable  à  celui 
de  conserver  sa  réputation.  C'est  encore  de 
la  même  sorte  que  celui  qui  prend  les  ordres 
sacrés,  renonce  au  droit  de  pouvoir  se  ma- 
rier, et  demeure  étroitement  obligé  à  garder 
la  chasteté  toute  sa  vie,  quoique  cependant 
il  ne  fasse  expressément  aucun  vœu  de  chas- 
teté. De  plus,  saint  François  de  Borgia  étant 
général,  et  étant  consulté  sur  cette  matière 
parquelques  congrégations  provincialesd'Es- 
pagne,  leur  répondit  que  ceux  qui  rentraient 
dans  la  compagnie  étaient  censés  avoir  re- 
noncé au  droit  qu'ils  pouvaient  avoir  contre 
cette  règle;  et  il  est  certain  que  parla  teneurde 
DOS  bulles  et  de  nos  privilèges ,  le  général  de 
notre  compagnie  a  pouvoir  de  déclarer  le  sens 
Téritable  de  nos  constitutions.  Pour  conclu- 
>ion,?ette  règle  ajant  encore  après  celaétédis- 
catée  dans  la  sixième  congrégation  générale, 
les  diosesy  furent  décidées  de  la  même  ma- 
Dière  ;  et  la  congrégation  générale  de  notre 
compagnie,  comme  il  est  marqué  en  cet  en- 
droit, a  autorité  du  Saint-Siège  de  décider 
sur  les  doutes  qui  peuvent  naître  touchant 
les  r^les  de  notre  institut.  Il  fut  dit  aussi 
dans  celte  sixième  congrégation,  qne  ces 
l^rolesde  la  règle,  «  par  qui  que  ce  soit  qui 
ail  nu  en  avoir  connaissance  hors  de  la 
confession ,  »  ne  doivent  s'entendre  que  des 
fautes  qu'on  pourrait  avoir  remarquées,  et 
non  pas  de  celles  qu'on  pourrait  avoir  dites 
soi-même  en  secret  à  quelqu'un  en  lui  de- 
mandant ses  conseils  et  ses  lumières. 

Toutes  les  difficultés  qu'il  pourraity  avoir 
dans  cette  matière  demeurent  par  là  entiè- 
rement aplanies ,  et  par  là  tous  les  sujets 
de  plaintes  cessent  ;  car  c'est  une  maxime 
de  droit  très-constante ,  qu'il  n'y  a  point  de 
lésion  quand  on  agit  avec  connaissance  et 
de  son  bon  gré.  On  vous  a  informé  de  cette 
T^e  lorsqu'on  vous  a  reçu  ,  et  vous  avez 
dit  qoe  tous  vouliez  bien  vous  y  soumettre  : 
si  vous  êtes  fâché  ensuite  qu'on  découvre 
î(H  fautes  au  supérieur ,  ne  vous  en  prenez 
point  à  la  règle  qui  l'ordonne,  ni  à  votre 
tfère  qui  y  obéit  ;  mais  prenez  vous-en  à 
TOUS  seul  qui  devriez  être  maintenant  plus 
confirmé  dans  l'esprit  de  mortification   et 


d'humilité  que  vous  ne  l'étiez  au  commen- 
cement, et  qui  cependant  Têtes  bien  moins, 
puisque  vous  n'êtes  plus  dans  la  même  dis 
position  où  vous  étiez  alors.  C'est  de  là  que 
vient  toute  la  peine  que  cette  règle  fait  à 
quelques-uns  :  ainsi  notre  saint  instituteur, 
connaissant  bien  que  l'orgueil  et  l'immor- 
tification  étaient  les  seules  choses  qui  pour- 
raient la  rendre  fâcheuse ,  nous  marqt  e  que 
l'esprit  d'humilité  et  le  désir  d  une  |Hus 
grande  perfection  doivent  en  être  les  fonde- 
ments. Si  nous  avions  donc  cet  esprit  et  ce 
désir ,  nous  serions  bien  aises  gue  Ton  sût 
ces  fautes,  afin  qn'on  nous  en  estimât  moins  : 
à  combien  plus  forte  raison  devons-nous 
être  ravis  qu'on  les  sache ,  afin  qu'on  nous 
en  reprenne  et  qu'on  nous  en  corrige.  Ci  kjî 
qui  n'a  pas  assez  d'humilité  pour  vouloir 
bien  qoe  nos  fautes  soient  sues  à  ce  pn'x-là, 
n'a  guère  l'esprit  d'humilité  et  de  mortifica- 
tion. 

Il  faut  observer  en  troisième  lieu,  que, 
quoique  notre  frère  ne  trouve  pas  bon  qu'on 
le  corrige  de  ses  défauts,  on  ne  doit  pas 
laisser  cependant  d'en  avertir  les  supérieurs, 
et  de  faire  son  devoir,  quoiao'il  ne  fasse  pas 
le  sien.  Saint  Augustin  pariant  de  ceux  qui 
ne  reçoivent  pas  bien  la  correction ,  dit 
qu'ils  sont  semblables  aux  frénétiques  qui 
ne  veulent  point  entendre  parler  de  méde- 
cine ni  de  médecins.  «  Mais  que  faut-il  faire, 
ajoute-t-il ,  à  ces  esprits  inoocilesT  Faut-il 
pour  cela  les  abandonner ,  et  ne  prendre 
plus  aucun  soin  de  leur  gjuérïson  7  Nulle- 
ment, continue-t-:l  ;  car  ni  un  frénétique 
ne  veut  point  qu'on  le  lie  ,  ni  celui  qui  est 
dans  la  léthargie  ne  veut  point  qu'on  le  ré- 
veille ;  cependant  la  charité  ne  laisse  pas 
de  persister  toujours  à  lier  l'un  et  à  réveil- 
ler l'autre,  et  à  les  aimer  tous  deux.  On  les 
offense  en  cela  tous  deux ,  mais  on  les  aime 
tous  deux  aussi  :  on  leur  fait  i  tous  deux 
de  la  peine  et  du  dépit,  tant  qu'ils  sont 
malades  ;  mais  sitôt  qu'ils  sont  guéris ,  ils 
voient  qu'on  leur  a  fait  p'aisir ,  et  ils  vous 
en  savent  bon  gré.  Nous  devons  espérer 
qu'il  en  sera  de  même  de  notre  frère  :  car 
quoiqu'il  soit  maintenant  fâché  qu'on  le  re- 

6 renne,  il  viendra  un  temps  où,  faisant  ré- 
exion  sur  lui ,  et  considérant  les  choses 
dans  la  vue  de  Dieu,  il  reconnaîtra  sa  faute, 
et  se  sentira  obligé  de  la  grâce  qu'on  fui 
aura  faite.  Si  les  hommes,  dit  ce  même 
Père,  ne  laissent  pas  de  prendre  beau- 
coup de  peine,  et  de  s'exposer  même  quel- 
quefois à  de  grands  hasards ,  pour  guérir  des' 
bêtes  qui  n'ont  point  d'entendement,  et 
dont  ils  n'espèrent  aucune  reconnaissance, 
à  combien  plus  forte  raison  devons-nous 
travailler  à  guérir  et  corriger  notre  frère , 
afin  qu'il  ne  périsse  pas  éteniellement  7  II 
a  de  la  raison  ,  et  il  pourra  se  faire  qu*il 
sentira  quelque  jour  le  prix  de  la  ^âce  que 
TOUS  lui  aurez  faite  :  car  celui  qui  reprend 
un  homme,  dit  le  Sage,  sera  mieux  ensuite 
dans  son  esprit ,  que  celui  qui  le  trompe 
par  des  flatteries.  *  Saint  Basile  applique  à 
ce  sujet  ces  paroles  de  saint  Paul  aux  Corin- 
thiens :  De  qui  esi-ce  que  je  reçois  de  la  joie j 


551 


COR 


DICTIO.\iNAilΠ


cno 


KH 


êinon  de  celui  à  qui  fat  donné  du  chagrin  ? 
La  peine  et  le  chagrin  que  la  correction  vous 
donne  est  justement  ce  qui  donne  de  la 
joie ,  parce  que  Je  sais  que  vous  en  tirerez 
de  l'avantage.  Car  la  véritable  tristesse  selon 
Dieu  opère  une  pénitence  solide  et  salu* 
taire;  et  cela  même  que  vous  êtes  affligés 
selon  Dieu, combien  vous  a-t-il  rendus  plus 
soigneux?  Mais  il  j  a  des  gens,  direz-vouSi 
à  qui  la  correction  et  les  avertissements  ne 
servent  de  rien.  Saint  Aususlin  répond 
très-bien  à  cette  objection.  En  quoi  I  dit'-il , 
faut*il  renoncer  à  la  médecine  f  parce  qu'il 
y  a  des  maux  incurables?  Non  ,  sans  doute;, 
et  il  ne  faut  pas  non  plus  renoncer  à  corri- 
ger ses  frères  •  parce  qu*il  y  en  a  quelques- 
uns  qui  ne  font  pas  un  bon  usage  de  la 
correction.  11  est  du  devoir  des  (médecins 
des  Âmes  et  des  médecins  des  corps  dVm- 
ployer  incessamment  tout  leur  soin  et  tout 
l^ur  art  pour  la  guérison  des  malades,  de 
ne  les  abandonner  jamais,  et  de  leur  faire 
toujours  quelque  remède.  Pour  co  qui  est 
mamtenant  de  la  manière  dont  on  doit 
faire  la  correction  ,  Saint  Basile  dit  que  ce- 
lui qui  la  fait  doit  imiter  les  médecins ,  qui 
ne  se  fâchent  jamais  contre  le  malade ,  inais 
qui  s'attachent  seulement  à  la  maladie,  et  la 
combattent  par  toutes  sortes  de  remèdes  .1!  ne 
fautdoncpas  quecelui  qui  reprend  se  mette  en 
colère  contre  celui  qui  a  failli;  il  faut  qu'il 
s'applique  uniquement  à  retrancher  ce  qu'il 
y  a  de  mauvais  en  lui.  «  11  doit  s'y  prendre, 
continue  ce  Père ,  comme  un  médecin  qui 
traiterait  son  fila  d'une  plaie  très-doulou-* 
r4nxs9  :  avec  quelte  délicatesse  et  quelle  cir- 
conspection ne  traiterait-il  point  cette  plaie? 
on  verrait  bien  qu'il  ressent  la  douleur  de 
son  fils  comme  la  sienne  propre.  »  C'est 
ainsi  que  doit  en  user  le  supérieur  h  l'égard 
de  ceux  à  qui  il  fait  quelque  correction  : 
il  est  leur  père, ils  sont  ses  enfants;  il  doit 
les  ceprèndre  comme  dit  l'Apôtre ,  avec  un 
esprit  de  douceur.  «  Celui  qui  veut  égorger 
un  homme,  dit  saint  Augustin,  ne  se  sou- 
cie pas  comment  il  le  fasse;  mais  celui  qui 
se  propose  de  guérir  quelqu'un  ,  et  qui  est 
obligé  de  faire  des  .incisions,  prend  garde 
comment  il  les  fait!  »  Le  supérieur  qui  se 
propose  de  guérir  son  frère  par  la  correc- 
tion, et  non  pas  de  lui  faire  du  mal,  doit 
avoir  les  mêmes  égards  et  la  même  circons- 
pection ;  et  c'est  là  une  chose  irès-im- 
fH>rtante  qui  nous  est  très-recommandée 
par  les  saints.  Que  celui ,  disent-ils ,  qui 
reprend  quelqu'un ,  se  garde  bien  de  témoi- 
gner de  l'emportement  et  de  la  colère,  car 
il  perdra  tout  le  fruit  qu'il  aurait  pu  faire. 
Il  ne  guérira  pas  le  mai ,  il  ne  fera  que  l'ai- 
grir; et  ils  allèguent  à  ce  sujet  les  paroles 
de  l'Apôtre  :  <  Reprenant  avec  douceur  ceux 
qui  résistent  à  la  vérité,  »  car,  quoique  la 
Yulgaie  porte  avec  modestie ,  l'un  revient  à 
l'autre,  parce  que,  pour  reprendra  avec  mo- 
destie ,  il  faut  parler  sans  emportement  et 
sans  passion.  Pour  conclusion ,  il  faut  tel- 
lement assaisonner  la  correction ,  que  celui 
à  qui  on  la  fait^  soit  persuadé  que  tout  ce 
qu  on  lui  dit  ne  part  que  d'un  excès  d'affec- 


tion et  de  charité ,  et  de  Teiilrèiue  dé^iir 
qu'on  A  de  le  voir  parfait  ;  car  lorsqu'on  s'y 
prend  de  cette  sorte  »  on  ne  manque  guère 
de  la  rendre  utile. 

COSTADONI  (Jean-Dominijjue),  savant  rN 
ligieux  camaldiile,  naquit  à  Venise,  enHU. 
Il  fit  ses  éthdes  chez  les  Jésuites,  et  entr.i, 
k  l'âge  de  seize  ans,  dans  Tordre  desCarnal- 
dules.  11  mourut  à  Venise,  le  23  janvier  1785, 
laissant  de  nombreux  ouvrages  sur  les  anti- 
quités italiennes.  Ses  œuvres  ascétiques 
sont  :  V  Âpvisi  ed  istrnzioni  pratiche  iVUomo 
à  principalidoperi  de*  regolari  ;  Faenza,1770. 
— â*"  Lettere  coneolaiorie  di  un  tolitarioi  m* 
torno  alla  vaniià  éelle  cose  délie  monrio,  V(- 
uiso,  1775. 

COCLPE.— Expression  qui  prend  son  ori- 
gine de  eulpa^  mot  latin,  qui  signifie  faute. 
Nous  ne  prenons  pas  ce  terme  dans  son 
sens  théologique*  La  croyance  cdiholir]u« 
est  que  le  sacrement  de  pénitence  remet  au 
pécheur  la  coulpe  et  la  peine  éternelîo,  mais 
non  la  peine  temporelle;  que  \à  iharilé  par- 
faite remet  l'un  et  Tau  Ire. 

Hais  la  coulpe  est  aussi  une  pratique  de 
pénitence,  un  exercice  spirituel  dans  quel- 
ques monastères.  Elle  consiste  h  déclarer 
1  état  de  son  Ame,  ses  mauvais  penctiants 
non-seulement  dans  le  sacrement  de  péni- 
tence et  à  un  seul  homme,  mais  devant  tous 
ses  frères.  Il  est  diflîcile  de  concevoir  une 
pratique  plus  crucifiante  pour  rorçucil  bu- 
main.  Mais  aussi  on  conçoit  qu  elle  doit 
tourner  au  profit  de  la  vertu  la  plus  fonda- 
mentale de  la  vie  religieuse,  rhumilité,  et 
qu'on  doit  y  faire,  par  ft,  de  grands  progrès 
C'eist  la  plus  éclatante  victoire  remportée 
sur  le  plus  rebelle  de  nos  penchants. 

COUVENT.— Fo».  MoiNBS,  Ordres  mu- 
gi eux. 

CRAINTE  DE  DIEU.  —  Toy.  Espérée. 

CRASSET  (Jean),  né  à  Dieppe,  J<^suite, 
mort  en  1692,  publia  des  Médiiat\on$  fovx 
tous  les  jours  de  Vannée^  et  quelques  autres 
livres  de  piété  qui  ont  été  fort  goûtés. 

CROIX  (Amour  des).  —  Deux  conditions. 
d'après  l'enseignement  de  Jésus-Christ,  soni 
nécessaires  pour  arriver  è  la  vie  {larfaite: 
La  première,  c'est  Tao/zégation,  Abnegel  l^ 
mettpsum.  {Yoy.  Ab^sêgation./ 

La  seconde,  c'est  l'amour  des  croix  ctues 
souffrances  :  Tollat  crucem  suam. 

On  distingue  trois  degrés  dans  cet  amour 
des  croix  et  des  Souffrances  :  le  premier  est 
de  préférer  la  croix  à  tout;  le  second, de  s'y 
attacher  par  amour;  ic  troisièrae,de  ue  pou- 
voir vivre  sans  elle. 

Pour  le  premier  degré,  l'âme,  qui  désire 
la  perfection,  choisit  la  croix  pour  son  par- 
tage et  la  regarde  comme  son  trésor,  se  pro- 
posant sans  cesse  ce  conseil  de  NotreSei- 
gneur  :  Si  quelquun  teut  marcher  sur  ««* 
paSf  qu'il  prenne  sa  croix  et  qu'il  me  fuiv^' 
(Matth.  XVI,  2k).  Elle  laisse  volontiers  la 
voie  large  pour  embrasser  la  voie  étroite» 
parce  qu'elle  est  bien  persuadée  qae  vitre 
dans  les  douleurs,  dans  l'indigence  et  e> 
opprobres,  est  un  avantage  intiniment  plu* 


CRO 


irASCETISIB 


CSO 


SS4 


grand  que  tous  ceux  qu'oa  peut  soubailer  et 
posséder  dans  le  monde.  Il  y  a,  eo  effet, 
entre  le  mérite  des  souffrances  et  celui  d'une 
▼ie  tranquille,  la  même  différence  qu'entre 
Tor  et  le  cuivre,  entre  des  cailloux  et  des 
pierres  précieuses;  et  une  grande  reine  n*est 
pas  plus  au-dessus  d'unefemme  de  basse  oon* 
dilton,  que  ne  Test  une  personne  (^ui  souffre 
pour  Dieu,  à  Vénrd  d*une  autre  qui  ne  souf* 
Ire  point,  quelle  TeKueuse  qu*elle  soit. 
Cest  ce  que  disait  saint  Pierre  aux  Cbré- 
tieos  qui  souffraient  persécution.  Vous  éie$ 
kemremXf  parce  qne  t honneur f  la  gloire^  la 
9eriu  de  OieUf  reposeni  $ur  vous.  Il  n*est  pas 
surprenant  que  tout  en  se  trouvant  dans 
U  joie,  la  consolation,  la  gloire  même*  un 
homme,  pénétré  de  cette  Térilé,  préfère  la 
croix  à  tout  ce  qu'il  y  a  de  plus  précieux  et 
de  ^ns  exauis  sur  la  terre.  Il  sait  que  Jésus-» 
Christ  l'a  laissée  pour  hérita|$e  à  ses  disci- 

Eles,  et  qu'il  s'en  est  serri  lui-même  pour 
dre  le  plus  grand  œuvre  qui  soit  jamais 
sorti  des  mains  de  Dieu.  Gomment  n  aime- 
rait-il pas  la  croix  par-dessus  toutes  choses, 
|usgu'è  vouloir  s'y  attacher  d'une  manière 
inséparable,  jusqu'à  mettre  son  bonheur  à 
la  posséder,  jusqu'à  la  chercher  avec  em- 
pressement, jusqu'à  ne  pouvoir  pas  s'en 
passer?  Il  la  regarde,  en  effet,  comme  son 
appui,  comme  le  remède  à  tous  ses  maux, 
oomme  son  recours  dans  ses  perplexités, 
comme  sa  force  dans  la  faiblesse,  et  un  puis- 
sant secours  dans  les  périls  et  les  accidents 
les  plus  flcheux. 

Pour  en  venir  là,  il  faut  s'accoutumer  à 
recourir  dans  ses  peines  au  souvenir  de  la 
croix  et  de  Jésus^Christ,  qui  j  est  attaché  et 
oui  y  meurt  accablé  de  douleurs  et  couvert 
d'ignominies.  Cest  par  ce  souvenir  que  se 
communique  la  vertu  que  Dieu  a  mise  dans 
eel  instrument  de  notre  salut  }  mais  cette 
▼ertu  est  cachée,  et  nnl  n'en  a  Tidée  que 
celui  qui  en  a  lait  l'expérience.  Ce  qui  est 
Certain,  c'est  que  tout  fruit  de  sainteté  vient 
dé  la  croix  comme  d'une  source  intarissa'^ 
ble;  que  tous  les  grands  n'ont  rien  désiré 
avec  tant  d'ardeur  que  d'être  transformés 
en  Jésus  crucifié  ;  et  qu'au  prix  de  la  croix, 
tout  leur  a  paru,  comme  à  saint  Paul,  de 
l'ordure,  des  pertes  et  des  désavantages. 
C'est  elle,  en  eiiet,  qui  donne  le  prix  à  tout, 
non-seulement  parce  qu'elle  est  la  source 
de  la  grâce  et  du  salut  en  Jésus-Christ  el 
par  Jésus-Christ,  mais  encore,  parce  que,  si 
nous  ne  participons  à  la  croix  Je  notre  San* 
Teur,  nous  avons  peu  de  force  et  peu  de 
courage,  et  que  la  souffrance  nous  est  né- 
cessaire pour  affermir  nos  vertus  et  pour 
les  rendre  solides.  Saint  Jérôme  dit  que 
Noire-Seigueur  a  confirmé  et  fortifié  par  la 
croix  tout  ce  qu^il  avait  enseigné  aux  hom- 
mes :  Omnem  aoeirinam  tuam  Chrieiue  pali^ 
bulo  robaratilf  c'est-à-dire  que  c'est  pkr  la 
croix  qu'il  a  rendu  sa  doctrine  efficace  et 
qu'il  nous  a  donûé  la  force  pour  la  mettre 
en  pratique.  Ce  n'est  pas  merveille  que 
ceux  qui  ont  l'expérience  de  cette  Vérité 
estiment  singulièrement  la  croix  et  qu'ils  la 
préfèrent  à  toutes  sortes  de  biens. 

DicnofiR^  D'AscÉnsui.  «. 


Le  second  degré  consiste  à  passer  de  l'es- 
time à  l'amour,  et  de  l'amour  à  une  étroite 
Maison  ;  de  soKe  qu'on  cherche  partout  la 
croix,  qu'on  désire  de  souffrir  en  tout  temps 
et  en  tous  lieux,  à  la  ville  comme  à  la  cam- 
pagne, dans  l'action  comme  dans  le  repos, 
et  en  toutes  sortes  d'occasions.  On  prend  la 
croix  pour  compagne  inséparable,  on  lait  ses 
délices  d'être  avec  elle,  on  l'embrasse  amou- 
reusement, on  répouse  comme  l'objet  des 
complaisances  de  Jésus-Christ,  on  se  platt 
dans  les  contradictions,  dans  les  rebuts  et 
les  mépris,  les  regardant  comme  la  chose  la 
plus  désirable  du  monde.  Telle  était  la  dis* 
position  de  TapAtre  saint  André,  lorsqu'il 
s'écriait  :  O  eroia^  objet  de  met  d^trs  /  Il  y  a 
une  grande  différence  entre  aimer  une  chose 
parce  qu'on  l'estime,  el  l'aimer  jusqu'à  ne 
plus  vouloir  s'en  séparer,  jusqu'à  la  regarder 
comme  le  premier  objet  de  sa  tendresse. 
Ceux  qui  prétendent  à  la  perfection  doivent 
aimer  la  souffrance  jusqu'à  ce  point.  Poui 
en  venir  là,  il  faut  qu'un  homme  soit  telle- 
ment prévenu  en  faveur  de  la  croix,  que 
son  premier  soin  en  tout  ce  qu'il  entreprend 
soit  d'observer  s'il  y  aura  quelque  chose  à 
souffrir,  que  ce  soit  là  pour  lui  un  sujet  de 
joie  et  qu'il  s'afDige  lorsqu'il  ne  rencontre 
point  de  souffrances,  tl  faut  qu'il  trouve  son 
repos  dans  la  croix,  qu'il  s'estime  faible* 
indigent  et  abandonné  auand  elle  lui  man- 
que, que  tout  lui  semble  rien  sans  elle  et 
qu'avec  elle  les  moindres  choses  lui  parais- 
sent de  grand  prix.  On  raconte  du  B.  Louis 
de  Gonzague,  uu'il  était  tellement  attentif 
aux  occasions  de  souffrir,  qu'étant  obligé 
d'aller  en  carrosse,  il  relevait  sa  robe  et  la 
repliait  sous  lui  de  manière  qu'il  fût  assis 
avec  incommodité.  Ceux  qui  n Ont  pas  l'es- 
prit de  Dieu  trouveront  cette  attention  trop 
gênante,  mais  celui  qui  connaît  la  croix  et 
qui  s'est  uni  à  elle  ne  la  veut  jamais  quitter; 
et  lorsqu'il  n'a  à  souffrir  ni  froid,  ni  chaud, 
ni  faim,  ni  soif,  il  supplée  à  ce  défaut  par 
des  pénitences  volontaires»  son  amour  pour 
la  cfoix,  qu'il  a  choisie  pour  sa  compagne 
inséparable,  ne  lui  permettant  pas  d  épar- 
gner son  corps  et  de  condescendre  en  rien 
aux  inclinations  de  la  nature.  Tout  ce  qu'on 
peut  hii  dire.ne  fo  louche  noiot  et  lui  parait 
méprisable,  s'il  n^est  relevé  p^  la  souf- 
france. Tout  ceci  n'est  que  l'accomplisse- 
nient  de  la  i>rophétie  de  notre  Sauveur: 
Quand  je  serai  étenfé  de  terre^  f  attirerai  tout 
a  moi,  {Joan.  xn,  82.)  Il  est  évident  que  par 
ces  paroles  il  voulait  faire  entendre  de  quel 
genre  de  mort  il  devait  mourir,  et  qu'il  nous 
proposait  dans  sa  mort  le  plus  grand  e^ort 
de  sa  puissance,  oomme  s'il  eût  dit  que 
toute  la  force  ou'il  avait  fait  paraître  pen- 
dant sa  vie  n'était  encore  rien,  et  que  la 
vertu  divine,  qui  devait  lui  awdém  tant 
d'adorateurs,  était  dans  Son  supplice  et  dans 
sa  moK  infâme.  Les  imitateurs  de  ce  ûinia 
Kattre  mettent,  à  son  exemple,  toute  leur 
force  dans  la'«roix,  et  s'appliquent  h  èux- 
méflàes  ces  paroles  de  saint  Paul  :  Ce  qui  te 
-dit  de  la  croix  e$i  «ne  folie  à  F  égard  de  ceux 
qui  sont  dans  la  mrie  de  pcrdiiton,  aïois  à 

18 


IS55 


CYP 


DICTIONNAIRE 


CYR 


556 


Vigard  de  ceux  qui  tant  dans  la  voie  du 
êaîuif  cesi-à-dire  pour  nouif  c*est  la  force  de 
Dieu.  (/  Cor.  i,  18.) 

Le  troisième  degré  de  perfection  et  le 
comble  du  mérite  en  ce  genre  est  d*aimer 
la  croix  jusqu*à  un  tel  point  et  de  la  désirer 
si  ardemment,  qu'on  en  ait  besoin  pour  pou- 
voir supporter  la  vie.  Sans  elle  alors  point 
tie  contentement;  on  veut  des  peines,dût-on 
€n  être  accablé.  C'est  dans  cette  disposition 
queNotre-Seigneur,  parlant  de  son  supplicCi 
disait  :  Tai  à  être  baptisé  d'un  baptême;  et 
en  quelle  contrainte  ne  suis-je  point  jusqu'à 
xe  que  cela  s'accomplisse  !  Plusieurs  saints 
ont  eu  lo  même  empressement  :  une  vie 
sans  souffrances  leur  paraissait  la  plus  pe- 
sante de  toutes  les  croix  ;  ils  se  seraient 
crus  morts  s'ils  n*eussent  rien  eu  à  souffrir. 
Sainte  Thérèse  avait  coutume  de  dire  qu'il 
n'y  avait  point  de  milieu  pour  elle  :  ou  souf- 
frir ou  mourir,  aut  patiautmori» 

Ce  désir  si  ardent  des  souffrances  dans  los 
maints  vient  de  ce  qu'elles  procurent  de  si 
grands  avantages,  que,  quand  on  les  a  une 
fois  goûtées,  on  ne  peut  pas  s'en  passer.  On 

Î>eut  dire  que  les  trésors  et  les  délices  de 
>ieu  sont  dans  la  croix  et  qu'elle  ressemble 
à  ces  plantes  qui,  sous  une  écorce  amère, 
cachent  un  suc  merveilleux.  On  peut,  au 
reste,  aimer  passionnément  à  souffrir,  sans 
sortir  de  l'état  d'indifférence  et  de  sainte 
résignation  h  tout  ce  qui  plaît  à  Dieu,  parce 
que  la  croix  est  le  lit  de  1  époux  et  qu  il  lui 
est  très-agréable  qu'on  sounaite  d'v  mourir 
avec  lui,  si  telle  est  sa  volonté.  Et  Notre-Sei- 
gneùr  lui-même  n'a  rien  de  plus  précieux 
que  sa  croix  pour  récompenser  ses  plus 
grands  serviteurs.  Il  imprima  sur  le  corps 
de  ^aint  François  les  marques  de  ses  sacrées 
plaies,  lorsqu'il  voulut  l'honorer  d'un  té- 
moignage éclatant  de  sa  tendresse,  et  le 
rendre  vénérable  à  tout  le  monde  chré- 
tien. 

GROIZBT  (Jean),  lésuile,  fut  longtemps 
recteur  du  noviciat  d'Avignon,  et  le  gou- 
verna avec  beaucoup  de  douceur  et  de  régu- 
lari^té.  On  a  de  lui  plusieurs  ouvrages  ascé- 
iiques  très-répandus.l"  Une  Année  chrétienne^ 
en  18  vol.— 2*  Une  Retraite^  en  â  vol.  in-12. 
— 3*  Une  Vie  des  «atnlf,  3  voK  in-fol.— i**  Des 
Réflexions  ehrétiennest  2  vol.  in-12.— 5**  Des 
Heures  ou  Prières  chrétiennes^  in*18.  Le  P. 
Groizet  était  un  des  plus  grands  maîtres  de 
la  vie  spirituelle.  Ses  livres  le  prouvent  et 
ses  directions  le  prouvaient  encore  mieux. 

CURIOSITÉ.  —  Voy.  Hortificition  de 
l'intelligence. 

CYPRIEN  ( Saint)  [Thascius  Cœcilius  Cy^ 
priant»],  naquit  à  Carthagé  de  parents  ri- 
ches et  distingués.  Il  donna,  encore  païen, 
des  leçons  d'éloquence  dans  sa  ville  natale. 
En  SU,  convaincu  par  les  soins  du  prêtre 
Cécile,  de  l'absurdité  du  paganisme  et  de 
l'excellence  de  la  religion  de  Jésus-Christ, 
il  reçut  le  baptême.  Son  méritQ  et  sa  vertu 
le  firent  bientôt  élever  à  la  prêtrise,  nuis 
sur  le  siège  épiscopal  de  Carthagé,  l'an  248. 
Ses  travaux  pour  son  Eglise  furent  immen- 


ises.  llfut  le  père  des  pauvres,  la  lumière 
du  clereé,  le  consolateur  du  peuple.  Pendant 
la  sanglante  persécution  de  l'empereur  Oé- 
cius,  Cyprien  fut  obligé  de  quitter  son  trou- 
peau ;  mais,  il  fut  toujours  auprès  de  lai, 
soit  par  s^s  lettres,  soit. par  ses  ministres. 
Lorsque  l'orage  fut  dissipé,  il  se  signala 
par  la  fermeté  avec  laquelle  il  résista  è  ceux 
qui  avaient  apostasie  pendant  la  persécu- 
tion. Il  assembla  un  concile  à  Carthagé,  en 
251,  pour  régler  la  pénitence  qu'on  devait 
leur  imposer.  En  257,  le  feu  de  la  persécu- 
tion vVetant  rallumé,  Cyprien  fut  relégué  à 
Curube,  à  douze  lieues  de  Carthagé.  On  l'ar- 
rêta peu  de  temps  après  pour  le  conduire 
au  supplice.  lient  la  tête  tranchée  le  ii 
septembre  258.  Saint  Cyprien  avait  beaucoup 
écrit  pour  la  vérité,  qu  il  scella  de  son  sang. 
Outre  quatre-vingt-deux  lettres^  il  nous  resta 
de  lui  plusieurs  traités  profondément  pen- 
sés et  fort  bien  écrits.  Ses  ouvrages  pure- 
ment ascétiques  sont  :  1*  Liber  de  haùitu 
virginum  ;  —  2*  Liber  de  lapsis  ;  —  3*  Libtr 
de  Oratione  dominica  ;  —  k*  Liber  de  opm 
et  eleemosynis;  —  5""  Liber  de  bonopatientia; 
—  6**  De  disciplina  et  bono  pumcitiœ;  — 
T  De  singularitate  clericorum  ;  —  8*  De  duo» 
decim  abusionibus  sœculù  La  Vie  de  saint  Cy- 

8 rien  a  été  écrite  par  le  diacre  Ponce  et  par 
>.  Gervaise,  abbé  de  la  Trapjpe. 

CYRILLE  DB  JiausiLKM  (Saint)  naquit 
vers  l'an  315,  à  Jérusalem  ou  dans  les  en- 
virons. 11  s'appiioua  de  bonne  heure  è  Té- 
lude  des  divines  Ecritures,  et  il  se  les  ren- 
dit si  familières  que  la  plupart  de  ses  di^ 
cours  eux-mêmes,  qu'il,  faisait  sans  prépara- 
tion, ne  sont  gu'un  tissu  de  passages  ou 
d'allusions  à  divers  endroits  des  Livres 
saints.  Il  puisa  une  connaissance  parfaite 
de  la  doctrine  de  l'Église  dans  les  écrits  des 
Pères  qui  l'avaient  précédé.  Il  fut  témoin 
avec  son  troupeau  de  deux  grandes  mer- 
veilles pendant  son  épiscopat.  La  première 
est  l'apparition  miraculeuse  d'une  croix  de 
lumière  qui  dura  plusieurs  heures  h  la  vue 
de  tout  le  monde  avec  un  éclat  pareil  i  ce- 
lui du  soleil.  Sa  grandeur  était  telle  qa*elle 
allait  de  la  montagne  des  Oliviers  a  celle 
du  Calvaire. 

L'autre  merveille  plus  grande  encore,  ce 
fut  la  tentative  de  rebâtir  Je  temple  de  lé- 
rusalem,  à  laquelle  les  Juifs  de  son  temps 
furent  pousses  par  Julien  l'Apostat,  pour 
donner  un  démenti  à  la  parole  de  Jésus- 
Christ.  C'est  alors  que  des  globes  de  feu 
sortirent  des  entrailles  de  la  terre  qui  boule- 
versèrent les  matériaux  d^'à  poses  et  dis- 
persèrent les  travailleurs  après  les  avoir 
maltraités. 

Saint  Cyrille  fut  l'objet  de  la  persécution 
de  Julien  et  de  Valons. 

Après  son  dernier  exil,  il  trouva  soa  peu- 
ple divisé,  son  zèle  y  ramena  Tunion  ;  cl 
après  avoir  consumé  son  ardeur  au  salut  de 
son  peuple  et  son  génie  à  la  gloire  de  TE- 
Çlise,  il  passa  de  cette  vie  è  la  glorieose 
immortalité  en  386.  (Voyez  au  Catalogue  la 
nomenclature  de  ses  écrits,  ascétiques.) 


557 


OEM 


D*ASCET1SME. 


DEM 


D 


DAGUBT  (Pierre-AQtoine-AlexaDdre)»  né 
à  Baome-Ie»-Dames  en  ITOT,  entra  dans  la 
Compagnie  de  Jésus.  Lors  de  la  suppression 
de  cette  société,  ii  se  retira  à  Besançon,  où 
il  mourut  en  ITRS,  laissant  la  réputation 
d*un  homme  estimable  et  d*un  ecclésiastique 
édifiant.  On  a  de  lui  les  ouvrages  ascétiques 
suivants,  tous  composés  pendant  qu'il  était 
encore  jésuite  :  V'Can$idiraiian$  ehréiimneM 
peur  chaque  jour  dumoiij  Lyon,  1768,  in-12; 
—  2*  Exereiccê  du  Chréiien^  Ljon,  1759, 
in-12;  —  3*  Exercietê  ehréUem  des  gens  de 
guaref  Ljoo,  1759,  in-12;  —  k*  La  eanso- 
laiion  du  Chrétien  dans  les  fers,  ou  Manuel  des 
ekiourmes^  ibid.,  in-12. 

DÉBONNAIRE  (Louis),  né  à  Troyes,  entra 
dans  la  congrégation  de  TOraloire,  dont  il 
sortit  dans  la  suite.  Il  mourut  en  1752.  Ses 
cauTres  ascétiques  sont  :  1*  Une  Imtaiion^ 
avec  réflexions,  in-12  ;  —  2*  Leçons  de  la 
sagesse f  3  vol..in*12,  bon  livre;  —  3"  Lare^ 
ligion  chrétienne  midUie,  avec  le  P.  Jard 
(r.  ce  nom),  6  vol.;  —  hr  La  Bigle  des  de- 
voirs^ h  vol.  in-12. 
.    DÉLECTATION.  —  Vay.  TsirrATioif . 

DEMEURES  MYSTIQUES  DE  L'AME.  ~ 
Par  ces  demeures  on  entend  les  diflférents 
états  où  se  trouvent  les  âmes  par  rapport  à 
leurs  puissances  intellectuelles  et  à  1  usage 

Sn'elles  font  de  ces  puissances,  selon  les 
iflérentes  opérations  de  la  grâce.  {Vin^.  la 
notice  de  sainte  TnÉaiss  sur  son  Chùieau  de 
rame.) 

En  comparant  Tâme  à  un  palais,  et  les 
étals  dont  nous  parlons  à  divers  apparte- 
floenls,  on  peut  y  distinguer  quatre  étages 
ou  demeures.  La  première  est  au  rez-de- 
chaussée;  tout  peut  y  entrer  aisément, 
même  les  animaux.  La  seconde,  au-dessus 
de  la  première,  sert  de  logement  aux  sages 
et  aux  vertueux.  La  troisième,  au-dessus  de 
la  seconde,  est  pour  les  personnes  parfaites 
ei  distinguées  par  la  f^âce.  La  quatrième, 
au-dessous  de  la  première,  est  comme  une 
cave  profonde. 

La  première  demeure  est  l'état  ordinaire 
du  commun  des  hommes  qui,  suivant  les 
indînations  des  sens,  et  n  aspirant  à  rien 
de  parfait,  permettent  l'entrée  de  leur  âme 
è  toute  sorte  d'objets.  Mais  surtout  ils  y  lais- 
sent établir  l'amour-propre  qui  leur  lait 
chercher  avidement  leurs  intérêts,  la  passion 
oui  favorise  l'amour-propre,  et  le  démon  qui 
M>mente  la  passion. 

La  seconde  demeure  est  l'état  de  ceux 
qui  ont  quelque  vertu  an-dessus  du  commun 
des  bommesgrossierset  terrestres. On  trouve 
dans  celte  demeure  la  raison,  la  vertu  et  la 
grâce.  J'entends  parla  raison  l'inclination 
naturelle  au  bien.  La  vertu  comprend  les 
habitudes  acquises  qui  perfectionnent-la  rai- 
son, comme  sont  la  prudence,  la  force,  la 
jostice,  la  tempérance  et  les  autres  vertu? 


morales.  J'entends  (lar  la  pâce  les  mouve- 
ments du  Saint-Esprit,  qui  élèvent  la  vertu, 
et  qui,  par  les  principes  de  la  foi  et  de  TE- 
vangile,  conduisent  un  Chrétien  à  la  perfec- 
tion dont  on  est  capable  en  cette  vie.  Les 
âmes  de  cet  état  sont  en  petit  nombrCf  en 
comparaison  des  premières. 

La  troisième  demeure  est  un  état  où  l'on 
trouve  la  grâce  présupposant  la  raison  natu-  ' 
relie  et  les  vertus  morales,  mais  une  grâce 
fort  relevée*  laquelle  renferme  trois  choses  r 
la  sagesse  divine,  l'amour  divin  et  les  avant- 
goûts  du  paradis.  La  sagesse  consiste  en 
des  lumières  sublimes  qui  découvrent  beau- 
coup, et  qui  découvrent  de  loin.  L'amour 
divin  comprend,  avec  le  feu  céleste  qui 
embrase  les  saints.  Fonction  du  Saint-Es- 
prit, la  paix  et  la  joie.  Les  avant-goûts  du 
paradis  sont  les  communications  qui  tien^ 
nent  quelque  chose  de  l'état  des  bienheu- 
reux. Dans  cette  demeure  tout  est  or  et  aziir  ; 
on  n'y  iipit  que  peintures  admirables,  et  on 

Îr  respire  un  air  si  pur,  qu'il  n'y  a  aucune 
angue  qui  puisse  en  parler  dignement;  aussi 
est-ce  le  séjour  des  âmes  singulièrement  fa- 
vorisées de  Dieu. 

Le  démon  peut  sans  doute  entrer  dans 
cett^  demeure  ;  car  tandis  qu'on  est  sur  la 
terre,onn'estpoiot  Inaccessible  àla  tentation. 
Job  parlant  au  démon  dit  quHl  ne  vùU  rien 
que  de  haut  et  de  sublime  {Job  xu,  15),  pour 
nous  faire  entendre  qu'il  en  veut  surtout  à 
ceux  qui  sont  plus  élevés  que  les  autres,  et 

S|u'il  leur  tend  toute  sorte  de  pièges  pour  les 
aire  tomber  dans  le  précipice. 

La  quatrième  demeure,  que  nous  avons 
comparée  à  une  cave  profon<le ,  renferme 
quelquefois  les  caresses  de  l'époux  céleste, 
et  les  délices  de  sa  sagesse  et  de  son  amour. 
Ces  délices  sont  désignées  par  ces  paroles 
du  Cantique  des  cantiques  :  Le  roi  m*a  fait 
-entrer  dans  ses  appartements  secrets.  (Cant. 
I,  3.)  C'est  aussi  ce  que  Job  a  voulu  nous 
faire  entendre  lorsqail  a  dit,  en  parlant  du 
^8^1  qu®  son  bien  vient  d'un  lieu  pn^ 
fond. 

*  Quelquefois  aussi  cette  cave  est  un  abtme 
de  maux  et  une  espèce  d'enfer  où  Dieu  per- 
met que  les  âmes  saintes  tombent  pour  y 
souffrir  une  espèce  de  martyre,  comme  nous 
l'apprenons  de  sainte  Madeleine  de  Paz^i, 

S  ai  fut,  dit-elle,  cinq  ans  dans  la  cave  aux 
ons.  C'est  là  que  régnent  les  ténèbres 
dont  nous  avons  parlé  ailleurs  ;  le  trouble 
causé  par  les  tentations  presque  continuel- 
les; la  désolation  qui  accable  et  qui  est 
incompatible  avec  le  repos.  On  peut  dire 
que  cette  demeure  sombre,  par  rapport  aux 
^0ts  qui  s'v  opèrent,  est  très-proche  de  la 
troisième,  c  est-k-dire  de  la  plus  élevée* 

{puisqu'on  passe  sans  milieu  de  Tune  à  l'aut- 
re,* et  que  Dieu  a  coutume  d'introduire  les 
personnes  vertueuses  dans- ce  lieu  téné- 


U9 


DEM 


DICTIONNAIRE 


963 


breux,  lorsque!  ?eut  leor  donner  les  der- 
nières dispositions  à  la  plus  haale  perfec- 
tion. Mais  ceux  que  Dieu  fait  entrer  dans 
cette  demeure,  et  qui  ne  savent  pas  à  quel 
dessein,  la  regardent  comme  un  cachot  et 
comme  un  abtroe  de  maux  où  ils  se  croient 

Krdus,  et  c'est  pour  cela  que  nous  Tappe- 
18  le  lieu  le  plus  bas  el  le  plus  proCood 
tlu  palais  de  l'âme. 

Ceux  qui  ont  expérimetfté  les  différentes 
opérations  de  la  grâce  ont  distingué  dans 
)*âme  un  intérieur  et  un  extérieur,  la  partie 
supérieure  el  l'inférieure  et  la  plus  intime, 

Îui  sont  comme  autant  de  demeures  où 
^ieu  opère  diversement.  Quand  on  est  versé 
dans  la  science  des  mystiques,  on  voit  entre 
toutes  ces  choses  une  différence  notable, 
et  on  connaît  fort  bien  si  les  paroles  que 
l'âme  entend  et  les  visions  qu'elle  a  se  ma- 
Difesteot  dans  Tintérieur  ou  dans  rextérieur, 
si  cW  dans  la  partie  supérieure  ou  dans 
la  plua  intime.  Saint  Augustin  semble  avoir 
marqué  cette  différence,  torsque,  s*adressant 
à  Dieu  dans  ses  ConfemimSf,  if  lui  dit  :  c  Vous 
êtes  en  moi  plus  profondément  quels  partie 
la  plus  profonde  de  moi-aième;  et  je  vous 
trouve  ao-des&us  de  la  partie  la  plus  élevée  : 
Tu  et  inMar  ihfimù  meo^  $i  nêperior  aummo 
mio.  m  Sainte  Thérèse  distingue  sept  diffé- 
Fentes  desMures  dans  ce  qu'elle  appelle  le 
•Câdifott  de  tàme.  D'aulres  mystiques  ont  fait 
de  semblables  divisions,  toutes  fondées  sur 
de  véritables  expériences.  SeloA  qu'il  plaît 
iBîeu  de  mettre  dans  l'un  ou  l'autre  de  ces 


étata  une  personne  qu'il  cooduit,  elle  se 
trouve  tantôt  au-desaost  et  taoïM  au  plus 

Er^/fond  de  soi-même;  tant&t  emportée  en 
aut,  et  tantôt  plongée  au  dedans.  Quelque* 
lois  aussi  elle  Qst  atiirée  au  debora  poor 
s'employer  en  laveur  du  prochain;  et,  dans 
ces  occupations  extérieures,  elle  trouve 
nieu  qui  agit  en  elle  |>ar  dles  effets,  très-mar- 

Jiués;  mais  les  opérations  les  plus  notules  se 
.  ont  dans  la  partie  ta  plus  intime  et  la  plus 
profonde  où  habite  le  véritable  sagesse. 
L'Âme  entre  donc  dans  quelqu'une  de  ces 
demeures,  selon  qu'elle  y  est  attirée  de 
de  DiQu»  et  elle  y  réside  autant  de  temps 
.qu'i4  plaît  à  Pieu  de  l'y  ocQuper.  Au  dehors 
elle  estrevétu^Ue  l'esprit  de  J|ésii3*Chriat« 
et  j^lus  unie  à  sa  sainte  humanité,  fietirée 
au  dedans,  elle  entre  plus  avant  dans  la  Ri- 
/finitér  olle  pénètre  les  perfectjona  iacréées; 
.elle  les  goûte,  pour  ainsi  direi  ayant  La.  Ijh 
berté  d*entjper  at  de  sortir  pac  lé^u&^Cbrisi» 
qui  sa  dit  lui-même  la  clet  pour  ouvrir  et 

S  Dur  fei^m^i:  la  porte  quand  il  lui  plajit, 
ous  pouvons  ajojuter  que  c'est  dans  le  pax^ 
tie  la  pitu^  intime  quja^  leroe  lie  un  commerce 
sacré  avec  las  trois  uarsoAiies»  divine»  C'est 
l^i^dit  saio^te  ïhéré;sef  qu'on  (y)praDd  de 
grands  secrets  d&nsja.'commumcatioin  que 
VQn  a  taot^.  avec  l'une  et  tançât,  avec  l'ajutre 
d#  ce3  adprables  personnes  ;  c'est.  là  qu'on 
les.  distioKue  l'une  de  L'autre  avec  beauooiu^ 
ue  netteté,  qu*oa  éproiwe  différentes  im-^ 
pressions  tantôt,  de  la  part  du  Père  dont  on 
Mnt Ja  puissance,  tantôt  delà  part  du  Fils 
idout  on  distingue  en  soi  la  sagesse^  et  tan- 


tôt de  la  part  du  Saint-Esprit  dont  on  sa- 
voure la  douceur.  C'est  là  enfîn  qu*on  reçoit 
et  au*on  possède  tous  les  biens  qu'il  platt 
è  cnacune  des  trois  personnes  ae  .verser 
dans  le  fond  de  l'âme. 

Le  fond  de  Tâme  dont  parlent  si  souvent 
les  mystiques  est  une  des  principales  de- 
meures où  l'âme  réside  tranquillement  quand 
elle  se  repose  en  Dieu  ;  c'est  tt  que  se  ter- 
minent la  plupart  des  opérations  de  la 
grâce,  et  c*est  de  \k  qu'elles  se  répandent 
dans  tes  fiicultés.  Une  âme  qui  ne  connaît 
pas  ce  fond  pour  s'y  retirer  n'a  point  de 
demeure  Qxe.  Il  ne  fout  pas  au  reste  eon- 
fondre  le  fond  de  l'âme  avec  rintime  qai 
est  plus  profond  et  pins  imperceptible,  et 

fui  sert  de  cabinet  secret  k  l'Epoux  eéiesle. 
ainte  Tbérèse,  dans  son  ChAieau^  le  repré- 
sente comme  le  milieu  de  Iliomme.  C*est  la 
résidence  des  trois  personnes  divines,  lors- 
qu'elles daignent  habiter  en  nous  d'une 
manière  spéciale,  selon  ce  qui  est  dit  dans 
l'Evangile  :  Noue  le  vitiUreeie  et  nous  éiMi- 
roue  notre  demeure  en  lui.  {Joan.  xiv,  33.) 

Le  centre  de  f  âme  n'est  pas  différent  de 
l'intime  dont  nous  venons  de  parler.  Mais 
pour  rendre  ceci  sensible,  servoDS-noes 
d'une  comparaison,  et  imaginons-^nous  que 
l'âmè  est  un  globe.  L'intime  sera  dans  le 
centre  où  le  feu  de  l'amour  divin  est  allumé. 
Allant  du  centre  à  la  circonlérence,  on  trou* 
vera  d'abord  ce  que  nous  apjMlons  le  fond  ; 
après  le  fond,  les  puisaanoes  întellectnelles, 
ensuite  les  sens,  et  enfin  le  corps.  Les  opé- 
rations divines  qui  se  font  dans  l'intérieor 
gardent  cet  ordre  dans  leurs  progrès  ;  elles 
nt  premièrement  impression  sur  le  fond 
d'oui  elles  passent  dana  les  Incultes»  des  fa- 
cultés dans  les  sens^  et  quelquefois  jusqu'au 
corps. 

I)EUON(Tbzitatiohi>u}.—  Le  démena 
de  tout  temps  été  Tennemi  du  genre  bn- 
main«  La  chute  d'Adam  et  d'Eve,  qui  ri- 
vaient dans  l'état  de  sainteté  le  plus  parfailt 
e  été  causée  par  la  tentation  du  serpent  in- 
fernal, ^iii  Creii.}  Le  saint  bomme  Job  fui 
éprouvé  par  les  nombreuses  el  cruelles  ten- 
tations de  Satan.  (  Joè  i  et  ii.)  Ce  lut  Satan 
2ul  excita  David^  cet  homine  selon  le  cœor 
e  Dieu,  à  Caire  le  dénombrement  de  soo 
peuple.  (IPar.  xxi.)  Ce  fut  à  son  instigation 
que  l'apôtre  Judas  trahit  et  livra  son  maître. 
{Jom^  JA\h  S*)  Paul,  après  son  ravissement 
au  ciel,  fut' tenté  par  Satan.  [U  Car.  xn,  1) 
Kofin;  le  Saint  des  saints  lui-même  eut  par 
troÂs  fois  à  re(ieuaser  les  attaques  du  dé- 
QUHi*  (Afa4lA.  Lv«>  JaraiMftmfratyditresprit 
impur»  dans  Uk  aememe  d'où  je  iuie  sorli. 
Umq*  »i,  21k)  Stme»,  ditle  Seigneur  k  Pierre, 
Satan  a  demandé  à  vouti  cribler  comme  U 
fi-omfinl.  (  Im^  xxu^  31)  ;.  e'est-è-dire»à  vous 
tonter,.  selon  l'eupUcation  de  Corneille  de 
le  Pierce;  «  car  on  compare  justement  la 
tentatioftk^ue  oribie  et^à  leetioo  de  cribler  : 
de  même  que  le  crible  s^are  le  bon  grain 
de  la  paille»  de  même  dans  la  tentation  tes 
justes  et,  las  saints  persévèrent  avec  fidélit^f 
tandis  (^e  les  impies  ne  peuvent  l'endurer.» 
€  Le  vieil  ennemi^  dit  saint  Grégoire  (I.  xxini 


561 


DEM 


D^ASCGTiSME. 


0EH 


Jfor.,  c.  6  )»  oe  se  eonlente  pu  de  iiure  po- 
ser le  joog  tjrrannique  sur  les  boinmes  1er- 
resire?,  il  lui  faut,  comme  Tatleste  le  Pro- 
phète (Âeôoc.i,  16),  une  nourriture  de  cboix. 
Il  ne  regarde  pas  comme  bien  merfeilleux 
d*eogloolir  ceux  que  l'orgueil  élève,  que 
oorrompeni  rararice  et  la  ▼olupté,que  la  co- 
lère enflamme,  quedirise  la  discorde,  qu*en- 
▼enîme  Tenrie,  que  souille  et  qu'étouffe  la 
luxore...»  Ceux  qu^il  s'efforce  surtout  de 
perdre^  ce  sont  les  hommes  qui  méprisent 
les  biens  de  la  terre  et  n'ont  de  goût  que 

Ciur  ceux  du  ciel.  »  Saint  Bernard  dit  aussi 
t.  Qm  habUai^  sernu  7  )  :  «  Si  nous  con- 
sidérons arec  soin  le  grand  corps  de  l'Eglise, 
nous  remarquerons  que  les  personnes  spi- 
rituelles ont  plus  à  souffrir  des  attaques  du 
démon  que  les  personnes  chamelles.  • 
Sainl  Thomas  nous  en  donne  la  raison  (i  p., 
q.  li^a.  i)  :  Quant  au  démon,  ses  attaques 
prof  iennent  de  sa  malice  :  Ctêt  par  envie 
qu'il  $*efforce  de  meiire  obetaele  aux  progrèt 
deê  kommeê.  Donc  plus  une  âme  est  i)arfaile, 
plus  est  enflammée  contre  elle  la  jalousie 
des  démons,  et  plus  ils  font  d*effort  pour 
nuire  à  son  avancement  spirituel.  Celte  rai- 
son est  communément  indiquée  par  les  saints 
Pères.  —Considérées  par  rapport  à  Dieu,  les 
attaques  du  démon  proviennent  non-seule- 
ment de  leur  malice,  mais  encore  de  la  per- 
mission de  Dieu,  qui,  par  un  dessein  secret 
de  sa  providence,  laisse  le  champ  libre  au 
démon,  afln  d*en  iaire  sortir  un  plus  grand 
bien,  c'est-k-dire,  un  accroissement  de 
gloire  pour  lui  et  de  mérite  pour  nous»  De 
même  il  est  plus  glorieux  pour  un  roi  et 
plus  méritoire  pour  ses  sujets  d*avoir  d^ 
soldats  habitués  au  combat,  que  des  soldats 
qui  ne  courent  aucun  danger.  Donc  plus  les 
âmes  sont  |:»arfaites,  plus  elles  dqivent  sou- 
tenir une  lutte  violente  contre  les  tentations 
du  démon,  pour  la  gloire  de  Dieu  et  l'ac- 
croissement de  leurs  mérites. 

Selon  1  opinion  commune  des  théologiens, 
d'accord  en  cela  avec  saint  Augustin  (  I.  ii 
Mh  Gem.  ad  tiii.^  c.  26),  les  démons  en  grand 
nombre  remplissent  les  airs  et  la  terre. 
L*Apdlre  Tinuique  dans  son  EpUre  aux  Ephé- 
sUmê  (h,  9),  en  disant  :  Vous  avez  autrefois 
mécu  selon  la  coutume  de  ce  moude,  selon  le 
prince  des  puissances  de  Fair;  cet  esprit  qui 
exerce  maintenant  son  pouvoir  sur  les  incr^ 
dules.  L'auteur  des  Commentaires  sur  rEpUre 
oux  Ephinens^  dans  les  œuvres  de  saint 
Jérôme^  ajoute  :  c  D*après  Vopinion  de  tous 
les  docteurs,  l'air  est  pléiade  puissances  en* 
nemies.  » 

Les  mauvais  anges  se  vojrant  exclus  de 
la  participation  aux  bienfaits  de  la  Rédemp- 
tion, auxquels  sont  conviés  tous  les  hom- 
mes, ont  conçu  contre  ceux-ci  une  haine 
envieuse  par  laquelle  ils  s'efforcent  d'obscur- 
cir la  gloire  de  Dieu  et  de  précipiter  les 
hommes,  autant  qu'il  leur  est  possible  dans 
une  misère  temporelle  et  éternelle,  afln  de 
les  rendre  semblables  à  eux  {l  Petr.  v,  8), 
•t,  à  cet  effet,  ils  ont  recours  a  toutes  sortes 
de  ruses  et  de  tentatives.  (Eph.  vi,  11.)  Le 
démon  cherche  donc  à  faire  tomber  l'homme 


dans  le  péché.  C'est  pourquoi  lésus-Christ 
IJoan.  viu,  40)  dit  aux  Juifs,  qui  veulent 
le  faire  mourir,  qu'ils  accomplissent  la  vo- 
lonté du  démon.  En  effet  l'homme  par  le 
péché  se  rend  malheureax  en  celle  vie  et 
en  l'autre,  puisaue  Dieu  de  peut  s'empêcher 
de  punir  d  un  éternel  cb&timent  tout  péché 
mortel» 

Il  est  probable  qu'un  mauvais  ange  s'at- 
tache è  chacun  des  hommes.  Saint  Paul  dit 
aux  Bphésiens  (vi,  12)  aue  nous  avons  à 
combattre  non  contre  des  nommes  de  chair  et 
de  sang^  mais  contre  les  principautés  ei  les 
puissances 9  contre  les  princes  du  monde, 
c^est'à'dire^  de  ce  siècle  ténébreux.  Ainsi  l'en- 
seignent Origène  (  hom.  10  m  Lucam  ), 
Tertullien  (L.  de  anima^  c.  39),  saint  Gré^ 
goire  de  Njrce  (I.  i  De  vita  Magni)^  etc.  Ce 
n'est  pas  Dieu,  mais  le  prince  des  démous, 
qui  envoie  chacun  de  ces  mauvais  esprits  ; 
car  Dieu,  qui  est  la  bonté  même,  ne  peut 
ni  par  lui-même,  ni  par  un  autre,  porter 
l'homme  au  péché.  Dieu  permet  les  maux, 
mais  il  ne  tente  lui-même  personne.  Dieq^ 

Eermot  seulement  au  démon  de  tenter  les 
oniiiies  afin  d'éprouver  la  vertu  du  juste  et 
de  punir  les  réprouvés.  Chacun  de  nous 
d'ailleurs  est  attiré  et  tenté  par  sa  propre 
concupiscence.  Cette  permissiou  de  Dieu  ne 
va  que  jusqu'à  un  certain  point  ;  il  ne  laisse 
pas  nos  ennemis  sévir  contre  nous  à  leur 
gré.  Dieu  permet  que  les  hommes  soient 
tentés,  afin  qu'ils  deviennent  plus  humbles  ; 
et  s'il  permet  la  perte  des  méchants,  c'est 
par  la  plus  juste  et  la  plus  méritée  des  pu- 
nitions. 

Le  démon,  cherchant  k  porter  l'homme  au 
péché,  en  prend  tous  les  moyens,  et  ne  né- 
glige aucun  effort  pour  arriver  k  cette  fin. 
Ainsi  il  excite  dans  l'homme  l'ignorance  de 
la  vérité  [Il  Cor.  iv,  k);  il  sème  l'ivraie  de 
la  fausse  doctrine  et  des  mauvais  exemples 
(ifo/lA.  XIII,  25)  ;  il  s'oppose  aux  prédications 
des  docteurs  de  la  foi  (/  Thess.  ii,  18)  ;  il  dé- 
racine la  narole  deDieu  du  cœur  et  de  l'es- 
prit des  nommes  (Luc.  viii,  12)  ;  il  inspire 
d'injustes  et  funestes  desseins  aux  rois  de 
la  terre  (I  Paralip.  xxii)  ;  il  s'efforce  de  sus- 
citer des  {ferres  (i  Reg.  xxii)  ;  il  cherche 
enfin  k  ftire  aux  nommes  tout  le  mal  qu'il 
peut.  Toutes  ces  tentatives  provoquent  di- 
rectement ou  indirectement  le  péché.  H  pent 
encore  suggérer  k  l'homme  de  mauvaises 
pensées,  comme  il  fit  k  l'égard  de  David 
\l  Parai,  xxii,  SO);  k  l'égard  de  Judas  (Jean, 
xin,  37):  k  l'égard  d'Ananie  [Ad.  v,  3).  Il 
veut  et  il  peut  nous  tenter  en  nous  excitant 
au  mal  par  l'attrait  du  plaisir,  en  nous  dé- 
tournant du  bien  par  la  crainte  :  il  nous  at- 
taque,, tantôt  d'une  manière  sensiblement 
extérieure,  tantAt  d'une  manière  sensible- 
ment intérieure,  tantôt  k  découvert,  tantAt 
Sar  des  ruses  secrètes  et  déguisées,  il  est 
onc  utile  de  considérer  attentivement  les 
:  divers  moyens  de  tentation  que  le  démon 
\  met  en  œuvre. 

'^  I.  Les  démons  attaquent  les  flmes  nui  as- 
pirent spécialement  k  la  perfection,  d  abord 
de  vite  force,  par  de  formidables  visions^ 


565 


DCU 


DICTIONNAIRE 


164 


par  de  terribles  menacei^  par  de  notables 
dommages  dans  la  fortune  ou  les  honneurs» 
par  de  cruelles  tarturei  dans  le  corps  ou 
dans  rime,  aGn  de  les  détournerdu  cnemin 
de  la  perfection  et  de  les  jeter  dans  le  dé- 
sespoir. Nous  ayons  déjà  cité  l'exemple  de 
J(5b  :  ajoutons  ici  celui  de  saint  Antoine, 
raconte  par  saint  Athanase  lYita  S.  Antoniif 
c.  9)  :  «  Je  ?is  un  jour  le  aémon,  avec  un 
corps  d'une  taille  merveilleuse;  il  prétendait 
être  la  force  et  la  providence  de  Dieu,  et  il 
osa  me  dire  :  que  veux-tu  que  je  te  donne, 
fAntoine?  Je  lui  crachai  plusieurs  fois  au  vi- 
dage, je  me  jetai  sur  lui,  armé  du  nom  de 
Jésus-Christ,  et  aussitôt  cette  gigantesque 

apparition  s*éyanouit  entre  mes  mains 

J*avoue  avoir  été  souvent  frappé  par  les  dé- 
mdns.  Je  m'écriais  alors  :  personne  ne  me 
sépnrera  de  Tamour  de  Jésus-Christ.  A  ces 
niots,  ils  se  jetaient  avec  fureur  les  uns  sur 
les  autres,  et  prenaient  la  fuite,  non  à  mon 
ordre,  mais  à  celui  du  Seigneur,  qui  a  dit  : 
J'ai  vu  Satan  tomber  du  ciel  comme  un 
éiihit,  »  Saint  Jérôme,  dans  la  Vie  de  iaini 
iSTi/arfon,  après  avoir  rapporté  les  tentations 
par  lesquelles  le  démon  le  tourmentait  dans 
sa  jeunesse,  ajoute:  «Une  nuit,  il  entendit 
.tout  à  coup  des  va^ssements  d'enfants,  des 
bêlements  de  brebis,  des  mugissements  de 
i>œufs,  des  gémissements  de  femmes,  des  ru- 
gissements délions,  lemurmured'uncarmée, 
en  un  mot  toutes  sortes  de  cris  si  effrayants, 
qu'il  en  fut  terrifié  avant  de  rien  apercevoir, 
il  comprit  que  c'était  un  piège  au  démon, 
et  s'étant  jeté  aux  genoux  du  Christ,  il  se 
signa  le  front;  puis  armé  de  ce  casque,  en- 
touré de  la  cuirasse  do  la  foi,  il  combattait 
courageusement,  prosterné  contre  terre,  dé- 
sirant apercevoir  ce  qui  causait  cet  effroya- 
ble tumulte,  et.jetantçàet  là  des  regards  at- 
tentifs.  Tout  à  coup,  la  lune  venant  h  paraî- 
tre, il  vit  un  char  emporté  par  d'ardents 
.coursiers,  se  précipiter  sur  lui  ;  mais,  au 
noi»  de  Jésus  qu'il  prononça,  tout  ce  pom- 
peux appareil  s'engioutit  dans  le  sein  de  la 
.  terre. o..  Que  de  fois,  pendant  qu'il  était 
couché,  des  femmes  toutes  nues  lui  appa- 
rurent! guede  fois,  pendant  qu*il  mangeait, 
aperçut-'il  tout  à  coup  les  mets  les  plus  ex- 
quis! Parfois,  lorsqu.il  était  en  prière,  c'é- 
tait un  loup  ou  un  renard  qui  passait  en  hur- 
lant; lorsqu'il  chantait  des  psaumes,  c'était 
le  S(»ectac1e  d'un  combat  de  gladiateurs; 
celui  qui  semblait  tué  par  son  adversaire 
venait  tomber  à  ses  pieds  et  lui  demander  la 
sépulture.  A  Nous  voyons  dans  la  bulle  de 
canonisation  de  sainte  Catherine  de  Sienne, 
'.  qu'  a  elle  avait  très-souvent  à  lutter  contre 
les  démons,  et  était  vivement  tourmentée  de 
leurs  importunités.  »  Celle  de  saint  Philippe 
de  Néri  rapporte  que,  bien  que  le  vieil  en- 
nemi du  genre  humain  s'eiTorçAt  souvent  de 
l'épouvanter,  en  lui  apparaissant  sous  des 
.formes  effrayantes,  il  resta  toiiùours  invinci- 
ble, et  triomphant  Glorieusement  de  ses  at- 
taques, 11  conserva  la  paix  et  la  tranquillité 
véritable  dont  il  jouissait  intérieurement.  » 
De  pareils  faits  sont  consignés  dans  les  piè- 
ces de  canonisation  de  saint  François-Xa- 


Tier,  de  sainte  Marie-Madeleine  de  Pazzi  et 
de  sainte  Françoise  de  Rome.  «  Si  Jéius* 
Christ,  dit  Benoît  XIV  (De  sert.  Dei  6m/., 
1.  m,  c.  90,  n«  13),  a  été  conduit  par  le 
Saint-Esprit  dans  le  désert,  s*il  s'est  voloo* 
tairement  soumis  è  la  tentation,  non  pour  y 
consentir,  mais  pour  lutter  contre  elle  et 
pour  la  vaincre  ;  s'il  s'est  laissé  transporter 
par  le  démon  sur  le  pinacle  du  temple  on  aa 
sommet  d'une  montagne  (ifal/A.  iv);s'il  s'est 
en  un  mot  assujetti  à  toutes  ces  é^ireuTes, 
c'est  pour  nous  apprendre  que  personne, 
quel  que  soit  le  degré  de  sainteté  où  il  soit 
parvenu,  ne  doit  se  croire  à  l'abri  des  tenta- 
tions ;  c'est  aussi  pour  nons  montrer  corn* 
ment  nous  pouvons  triompher  des  tentations. 
Personne  ne  devra  donc  s'étonner  de  lire 
dans  la  Vie  et  les  Actes  des  saints,  qu'ils  aient 
souvent  été  éprouvés  par  les  tentations  et 
les  apparitions  du  démon.  » 

Il  est  certain  que  le  démon  peut  tonrinen* 
ter  le  corps  de  rhomme  par  diverses  mala- 
dies et  lui  apparaître  sous  une  forme  visible. 
Cependant,  d'après  le  P.  Reynera  {Prax, 
theol.  nwst.f  1. 1,  p.  7M),  Dieu  se  sert  aussi 
quelgueiois,  dans  ces  épreuves  ou'il  envoie 
aux  Ames  saintes  pour  les  puriner,  du  mi* 
niatère  des  bons  ançes.  Seulement,  d'aprds 
les  lois  ordinaires,  il  est  plus  probable  que 
les  mauvais  an^es  sont  seuls  chargés  des 
vengeances  divines,  dont  ils  sont  les  exécu- 
teurs. C'est  l'opinion  de  Suarez,  de  saint 
Jean  Chrysostome  et  de  saint  Augustin. 

IL  Outre  la  violence  et  la  terreur  dont  le 
démon  se  sert  pour  perdre  les  âmes  saintes, 
il  leur  offre  quelquefois  rappài  des  plaisirs 
et  de  la  voluptéy  en  présentant  souvent  à  leur 
regard,  en  réalité  ou  en  apparence,  des  ob- 
jets qui  les  provoquent  vivement  à  la  gour- 
mandise, à  la  luxure,  è  Tavarice,  etc.,  ou  en 
excitant  intérieurement  en  eux  des  passions 

aui  les  poussent  à  se  procurer  la  possession 
e  ces  objets;  Ainsi,  c'est  ()ar  1  attrait  du 
plaisir  que  le  serpent  a  séduit  Eve;  en  lui 
vantant  la  beauté  et  la  douceur  du  fruit  d^ 
fendu,  il  a  excité  en  elle  le  désir  d*en  man- 
ger. Ainsi,  il  faisait  apparaître  à  saint  Hila- 
rion  des  femmes  toutes  nues  et  des  mets 
succuleuts.  «  Notre  ennemi ,  dit  saint  Au- 
gustin, tantôt  nous  déchire  cruellement 
comme  un  lion,  tantôt  se  cache  pour  nous 

surprendre  comme  un  dragon »  Lion  ou 

dragon,  jamais  il  ne  cesse  de  persécuter  l'B- 
glise  ;  il  est  môme  plus  redoutable,  quand  il 
a  recours  à  la  ruse,  que  quand  il  agit  ou- 
vertement avec  violence. 
m.  Une  autre  ruse  du  démon,  beaucoup 

f^lus  dangereuse,  c'est  de  chercher  à  séduire 
es  Ames  saintes  par  une  fausse  apparence  du 
]  bien  :  parfois  il  prend  la  forme  visible  ou 
invisible  d'un  ange  de  lumière,  et  par  de 
~  spécieux  prétextes,  excellents  en  apparence, 
il  les  détourne  du  bien  et  les  attire  au  mal, 
L'Apôtre  l'a  dit  lui-même  :  Satan  se  /raiw- 
forme  en  ange  de  lumière,  (/  Cor.  xi,  14.) 

IV.  Contre  les  Ames  très-avancées  dans  la 
perfection,  les  démons  usent  de  subtilités 
encore  plus  raffinées.  Ils  les  détournent  du 
sentier  de  la  véritable  humilité,  en  leur  iu^ 


D^ÂSCETISME. 


piraDi  une  conOance  présomphieuse  dans 
leur  aTADC^Denl  spiritael,  ei  en  les  faisant 
se  regarder  comme  moins  sous  la  dépen- 
dance de  Dieu.  De  sorte  que  Dieu  se  relire 
peu  à  peu  de  ces  âmes  qui  tombent  dans  de 
déplorables  égarements.  La  chute  de  Salo^ 
mon  est  un  exemple  assez  frappant,  pour 
nous  dispenser  d*en  dter  un  plus  grand 
nombre.  Saint  Grégoire  désigne  ces  âmes 
sous  le  nom  de  ces  Nazaréens  (  Thren.  ir, 
7,  ^,  qu*on  disait  plus  blancs  que  la  neige, 
plus  éclatants  que  le  lait,  plus  t>eaox  et  plus 
brillants  que  Tif  oire  et  le  saphir  ;  et  cepen* 
dant  leur  msagê  ett  détenu  plue  noir  que  des 
ekarb4nu;  iU  ne  êoni  plue  eonnaiM$ables  dans, 
iesruee.  0  Car,  dit  le  saint  docteur, quand  les 
▼ertus  s*étendent  plus  qu'il  n'est  utile,  elles 
inspirent  de  la  présomption.  » 

Toutefois,  dans  répren?e  de  Tabandon 
pour  la  purification  ues  âmes  saintes,  les 
démons  n*Qni  pat  plein  pouvoir  de  les  tour- 
reefiter  et  de  les  tenter  à  leur  gré;  ils  sont 
obligés  de  se  tenir  dans  les  limites  Oiées 
par  la  dirine  Providence,  dans  Fintérét  de  sa 
gloire  et  du  mérite  de  ces  âmes.  1*  L*Ecri- 
lare  sainte  nous  le  montre  par  Texemple  de 
lob.  D*abord  Satan  reçoit  le  pouvoir  de  lui 
faire  du  mal  dans  ses  biens  extérieurs,  mais 
non  dans  sa  personne.  Gûrde-ioi  de  melire  la 
main  but  luit  dit  le  Seigneur.  {Job  r,  12.) 
Ensuite  il  est  autorisé  à  le  tourmenter  dans 
sa  personne,  mais  non  dans  sa  vie  :  Maie 
respuie  se$  joure.  Ainsi  encore,  dans  VApo^ 
calypee  (xx,  1,  S),  Dieu  charge  le  démon  de 
chaînes  soit  par  lui-même,  soit  par  le  mi* 
nislère  d'un   ange.  De  quelque  manière 
qu*on  J*entende,  on  voit  que  le  démon  est 
retenu  par  les  ordres  divins,  toutes  les  fois 
et  aussi  k>o(^eœps  qu'il  plaît  à  Dieu.  — 
2"  C'est  aussi  la  doctrine  des  saints  Pères. 
«  L'enchaînement  du  démon,  dit  saint  Au- 
ga^tin,  consiste  en  ce  qu'il  ne  lui  est  pas 
permis  d'exercer  toutes  les  tentations  qu'il 
voudrait,   par  violence  ou  par  ruse,  afin 
d'entraîner  les  hommes  à  son  parti.  S*il  avait 
reçu  ce  pouvoir,  notre  faiblesse  est  si  grande 
que  bien  peu  de  nous  seraient  demeurés 
selon  le  cœur  de  Dieu  ;  il  aurait  fait  suocom- 
lier  les  fidèles  et  étouffé  leur  foi.  »  (L.  x  De 
ctr.,  c.  7,  8.)  c  11  faut  remarauer,  dit  saint 
Grégoire,  dans  les  paroles  au  Seigneur  à 
Job  (i,  12),  cette  disposition  de  la  divine 
Providence,  par  laquelle  il  lâche  et  retient 
tour  à  tour  notre  ennemi.  »  (L.  h  âfor.,  c.  7.) 
m  L*esprit  du  mal  ne  nous  tente  et  ne  nous 
aiDige  pas  toujours  quand  il  le  veut,  mais 
seulement  autant  que  Dieu  le  lui  permet. 
Dieu  sait  tout  ce  que  l'âme  peut  supporter 
d'épreuves  et  de  tentations,  et  il  règle  sur 
cette  connaissance  l'autorisation  qu'il  ac- 
corde au  démon.  »  (Saint  E^hbbx,  1. 1,  c.  58.) 
—  3*  En  voici  la  raison.  Dieu  nous  ordonne 
de  lutter  contre  les  tentations  du  démon  et 
de  les  surmonter  :  donc,  pour  ne  pas  onlon- 
ner  l'impossible,  il  affaiblit  les  forces  de  notre 

Euissant  ennem],^i1  augmente  léa  nAtres  par 
I  grâce,  et  il  contient  le  tentateur  dans  de 
telles  limites  que  nous  puissions  soutenir  la 
tentation  et  en  tirer  protit. 


Le  démon  a  été  enchaîné  par  Jésus-Christ, 
non  dans  un  sens  complètement  absolu, 
mais  comparativement,  en  ce  sens  qu'avant 
l'avènement  de  Jésus^Christ,  il  avait  telle- 
ment séduit  le  mondé  par  l'idolâtrie,  l'ab*. 
sencede  la  foi  et  les  vjces  les  plus  honteux, 
qu'il  en  semblait  être  le  i^i  ou  plutôt  le 
tyran  ;  ce  qui  arrivera  encore  au  temps  de 
I  Antéchrist.  Néanmoins  toujours  il  a  été  et 
sera  suffisamment  enchaîné,  de  manière  à  ne 
jamais  prévaloir  contre  celui  qui  lui  résiste^ 
Cest  ce  qu'on  remarque  souvent  dans  le 
christianisme  'et  surtout  dans  la  primitive 
Eglise;. c'est  ce  qu'on  remarquerait  toigours 
si,  par  nos*péchés,  nous  ne  relâchions  lee 
ehalnes  du  oémon. 

-  Après  avoir  considéré,  d'un  c6té,  la  puis- 
sance du  démon  et  la  malice  de  ses  tenta- 
tions; d'un  autre  côté  la  providence  de 
Dieu,  qui  ne  permet  pas  que  nous  soyons 
tentés  au  delà  de  nos  forces,  nous  concluons 

Ïu'il  faut,  au  nom  de  notre  Seigneur  Jésus- 
hrist ,  rieisier  inirépidemeni  à  la  lenialion* 
C'est  ce  que  nous  montrent,  .1*  les  saintes 
Ecritures,  par  l'exemple  de  Job, xle  David,. de 
Paul,  et  de  notre  divin  Sauveur  lui-même, 
qui  furent  en  butte  à  des-  tentations  vio- 
lentes, mais  qui  en  triomphèrent  glorieuse- 
ment; par  bien  des  passages,  et  surtout  par 
lé  psaume  Qui  habiêai  tout  entier,  .où  Dieu 
nous  promet,  outre  son  secours,  la  garde 
des  saints  anges,  à  la  laveur  de  laquelle 
vous  mareherex  sur  V aspic  ei  le  basilic  ei  vous 
foulerez  au  pied  le  lion  et  le  dragon*  Si  Dieu 
ùt  pour' nous t  dit  saint-Paul  (Bom.  vni,  21), 
qui  sera  contre  nous?  —  9r  l^s  saints  Pères. 
«  Défendu  par  ces  armes  puissantes,  suivant 
Jésus  pour  chef,  ne  craignez  pas  ces  géants  : 
VOUS'  verrez  comment  le  Seigneur  Jésus 
vous  les  soumettra  ;  et  cqmme  vos  pères  ont 
foulé  aux  pi.eds  la  tête  des  nations^  de  même 
vous foolere'z  aux  pieds  la  tête  des  démons; 
car  il  dit  lui-même  à  ceux  qui  le  suivent  fi- 
dèlement :  Fotci  que  je  vous  ai  donné  le  pou- 
voir de  marcher  sur  les  serpents  et  les  scor- 
pions  et  sur  toute  puissance  de  Vennemif  et  il 
ne  pourra  vous  nuire.  »  (OEioinB,  tn  c.  xu 
Num.t  hom.  7.)  «  Je  ne  comprends  pas,  dit 
sainte  Thérèse,  dans  sa  Yiefc.  S5),  cet  époa- 
vantail,  le  démon^  le  démon,  quand  nous  pou- 
vons dire,  mon  DieUf  mon  JHéu,  et  le  faire 
trembler.  Car  il  ne  peut  rien  faire,  nous  le 
savons,  sans  la  permission  de  Dieu.  »  — 
3*  Saint  Ignace  nous  en  donne  la  raison 
(lAb.  exercit.^  die  4,  hebd.  S)  :  «  Le  Ghrista 
trois  empires,  où  il  lève  des  soldats;  celui 
des  anges  dans  le  ciel,  celui  des  élus  sur  la 
terre,  celui  des  vertus^iui  habitent  dans  le 
cœur  du  juste;  ces  armées  sont  soutenues 
dans  le  combat  par  le  secours  de  ses  puis- 
santes inspirations.  Et  si  les  efforts  du  demoa 
dépassent  nos  forces  naturelles,  nos  forces 
surnaturelles  sont  beaucoup  plus  puissantes 
que  les  siennes  :  aussi,  si  beaucoup  viennenl 
â  succomber,  c'est  qu'ils  ne*font  point  usage 
de  ces  forces.  » 

Donc,  puisque  nous  avons  en  nous  la 
grâce  de  Jésus-Christ, çiiî  nous  empêche  dé-- 
tte  opprimés  par  Satan  {Il  Cou  u,.li)>  bl 


sn 


DEM 


HCnONWURB 


que  la  foi  nous  enseigne  tes  moyens  (fe  ré- 
sister au  démon,  nous  croyons  utile  d*expo^ 
»er  ici  les  différente  remèdes  qu'il  fiiut  ap« 
porter  nux  tentations. 

I.  Quand  le  démop  nous  (ente  par  des 
Tisions  effirayantes  ou  par  des  afflictions 
corporelles,  il  faut  nous  dérendre  par  une  foi 
inébranlable.  Dieu  est  fidèle  dam  seêpromes^ 
$e$^  dit  rÀpAtre;  t(  ne  vouê  laissera  pas  sans 
secours.  (/  Cor.  x,  13.)  Ainsi  Job,  se  tour* 
Dant  vers  le  Seigneur,  lui  dit  e  i[eiteX'4noi 
auprès  de  vous^  ei  alors  que  la  main  de  qui  que 
te  soii  s'arme  contre  moi.  {Job  xtii,  8.) 
fiaint  Antoine  s'écriait,  au  plus  fort  de  sa 
lutte  contre  le  démon  i  «  Si  vous  pouvez 
quelque  chose,  si  le  Seigneur  vous  a  donné 
sur  moi  quelque  pouvoir,  me  voici,  empa- 
rez-vous de  votre  proie.  Hais  si  vous  ne 
pouvez  rien,  pourquoi  tentez-vous  de  vains 
efforts?  Le  signe  de  la  croix  et  la  foi  an 
Dieu  sont  pour  nous  un  rempart  inexpugna«- 
ble.  » 

H.  Pour  résister  aux  tentations  de  volupté^ 
il  faut  se  mettre  sous  la  protection  du  Très- 
Haut,  ou»  nous  fera  fouler  aux  pieds  le  lion 
et  le  dragon.  (Ps.  xc,  13.)  Saint  Augustin 
nous  dit  à  ce  sujet  :  «  Vous  avez  vaincu  le 
lion,  vous  vaincrez  le  dragon  :  le  lion  ne  vous 
a  pas  terrassé,  le  dragon  ne  pourra  vous 
surprendre.  »  Vous  lui  écraserez  la  tète; 
rar,  ainsi  que  dit  saint  Grégoire  (1.  xvii 
Mor.f  c.  20)  :  «  Si  l'on  ne  résiste  du  fond  du 
cœur  à  ses  suggestions,  aussitôt  et  tant 
qu'elles  se  font  sentir,  on  finit  par  y  succom- 
ber, »  ^^  «  Combien  ne  donponsrnous  pas 
prise  au  démon,  en  nous  affaiblissant  nous- 
inàmes  par  notre  amour  des  honneurs,  des 
richesses  et  des  plaisirs  7  Nous  faisons  alors 
alliance  avep  lui,  nous  devenons  nos  propres 
ennemis,  nous  aimons  et  nous  désirons  ce 
que  nous  devrions  haïr  :  Aussi  nous  cause- 
141  toute  sorte  de  maux.  Nous  lui  livrons  des 
armes  contre  nous-mêmes,  et  nous  tendons 
k  ses  fers  les  mains  avec  lesquelles  nous 
devrions  lui  résister.  C'est  là  un  grand 
malheur;  car  si  nous  haïssions  à  cause  de 
Dieu  toutes  ces  choses,  et  si  nous  embras- 
sions la  croi^,  le  tentateur  nous  fuirait 
comme  la  peste.  »  (Saiate  TsÉRàsc,  m  YUqp 
C.S&.) 

^  IIK  Quant  aux  tentalions  du  démon  par 
l'apparence  du  bien,  bous  y  résisterons  par 
oette  prière  :  Envoyex-nous  voire  lumière  et 
moire  vérité.  {Ps.  xlii,  3,)  <  Le  moyen  de  rp- 
oonnaitre  Terreur,  dit  Rossignol  {^e  disçipf. 
Christ.)^  c^est  de  suivre  le  conseil  de  l'Ecri- 
ture, des  saints  Pères  et  des  mattres  spirituels  : 
or  pour  profiter  de  ces  conseils,  il  faut  réu- 
nir rbumilité  et  une  sainte  frayeur  ;  Thum- 
ble  prière  est  d'un  grand  secours,  mais  le  se- 
cours le  plus  puissant,  c'est  d'avoir  d'hum- 
bles sentiments  de  soi-même.  «  Gerson  nous 
donne  à  ce  sujet  un  excellent  avis  (7r.  de 
divn  tent.  diab.)  ;  «  Quelquefois  le  démon 
nous  pousse  a  mépriser  les  conseils  des 
nommes,  et  à  n'attendre  de  secours  que  de 
Dieu  seul  ou  de  la  prière,  ou  à  nous  appuyer 


sur  notre  propre  sagesse,  et  à  nous  dire  ta 
quelque  sorte  :  Je  sais  rooi*mème  mieux  que 
tout  autre  ce  qu'il  faut  faire  en  pareille  cir- 
constance ;  {personne  mieux  que  moi  ne  coq- 
natt  ce  dont  il  s'agit,  n'apprécie  quel  est  mon 
caractère  et  quelles  sont  mes  ressources.... 
Cette  tentation  est  la  plus  funeste  et  la  plus 
dangereuse,  surtout  pour  les  personnes  qui 
ont  beaucoup  de  dévotion  et  d'intelligence  ; 
car  elle  est  un  vif  sentiment  d'orgueil.  » 

IV.  On  résiste  aux  tentations  aorgueil  et 
de  présomption^  en  ayant  toujours  présentes 
à  resf)rit  ces  paroles  de  saint  Jacques  (iv,  6): 
IHeu  résiste  aux  superbes t  ei  il  donne  sagràc9 
aux  humbles.  Kn  effet,  selon  saint  Augustia 
(ep.  &6)  :  c  Si  Thumilité  ne  précède,  n'ae- 
compagne  et  ne  suit  tout  ce  que  nous  fai- 
sons de  bien;  si  elle  n'est  pas  le  but  de  nos 
efforts  9  l'appui  auquel  nous  nous  tenons 
attachés,  la  lorce  par  laquelle  nous  refusons 
tonte  pensée  d'orgueil,  cet  orgueil  nous 
fait  perare  et  nous  arrache  en  quelque  sorte 
des  mains  tout  le  fruit  de  nos  bonnes  œu- 
vres; tous  les  autres  vices  sont  à  craindre 
dans  les  actions  coupables  ;  l'orgueil  est  re- 
cueil des  bonnes  actions  :  le  désir  exagéré 
de  la  gloire  corrompt  nos  actions  glorieuses.  » 
Aussi  saint  Antoine,  voyant  tout  le  monde 
rempli  de  pièges,  avec  peu  de  moyens  d'^ 
échapper,  fut  instruit  de  Dieu  que  c'était 
par  1  humilité  seule  qu'on  pouvait  s'en  pr^ 
server.  {Voir  Possession  et  Obsbssioh.) 

DBNYS  L'AR£0PAG1TE  (Saint). -Deoys 
l'Aréopagite  fut  disciple  de  saint  Paul  et 
premier  évêque  d'Athènes.  Est-il  le  môme 
que  saint  Denvs  de  Paris?  Est-ii  surtout 
1  auteur  de  la  fameuse  théoloe;ie  mystique 
que  nous  avons  si  souvent  citée,  et  que 
certains  auteurs  lui  attribuent?  Telle  esi  la 
double  question  qu'il  s'agit  d'examiner. 
Sans  Touioir  trancher  une  controverse  qui 
n'est  pas  de  notre  compétence,  et  malgcé 
Topinion  coptraire  de  Godescart,  nous  pen- 
sons avec  UM.  Parboy  et  Rohrbacher  qu'il  7 
a  de  grandes  raisons  pour  tenir  l'affirmatîTe 
sur  les  deux  questions  posées  (155). 

L'identité  oe  saint  Denys  l'Aréopagite  et 
de  saint  Denvs  de  Paris  nous  parait  plus  pro- 
bable. En  effet,  nousa  vous  trois  Vies  rédigées 
Kir  des  auteurs  grecs  ;  la  première  par  saint 
éthodius,  patriarche  de  Ûonstantinople,  né 
vers  la  fin  du  viii'  siècle,  et  mort  en  847; 
la  seconde  par  Hiobe]  Syngelle  ou  Syncelle, 

Brètre  de  Jérusalem,  contemporain  de  saint 
léthodius,  et  qui  souffrit  comme  lui  pour 
la  cause  des  saintes  images  ;  la  troisième 
par  Siméon,  homme  considérable  par  sa  fa- 
mille, ses  emplois  et  sa  science,  qui,  daos 
le  X*  siècle,  rassembla  toutes  les  Vies  des 
saints  qu'il  put  découvrir.  Au  plus  f/tend 
nombre,  comme  on  peut  s'en  convaiocre 
par  la  comparaison  avec  les  vies  antérieu- 
res, il  n'a  lait  d'autre  changement  que  de 
transformer  les  phrases,  pour  rendre  k 
style  plus  agréable,  ce  qui  lui  a  fait  donner 
le  nom  de  Métapbraste  ou  transformateur 
de  phrases.  A  c^s  trois  vies,  on  peut  joio- 


i5a)  y.  Mist.  Ecelis*  de  M.  RoHaBAcnsa,  auquel  nous  empruntons  cette  dissertation  ialéresiaflts. 


M3i 


D^AfiXnSHE. 


dro  rabrégé  qu*eo  donne  le  gree  Nicépbore 
dans  son  Bistaire  eulésiasiigue  (156). 

D*âprès  le  récit  de  cet  sutear,  Denvs  TA** 
réopagiie  naquit  dans  la  YÎile  d'AihèneSt 
d*one  illustre  iamille  ;  cultiva  les  sciences» 
notamment  Tastronomie»  et  fut  un  des  juges 
de  rAréopage.  Encore  païen,  il  remaraoa 
robscnrcissement  extraordinaire  du  soleil 
à  la  mort  de  Jésus-Christ,  et  conclut  de 
deux  choses  Tuue  :  ou  le  Dieu  de  la  nature 
souffre,  ou  la  machioe  du  monde  se  détra* 
que.  Lorsque  saint  Paul  Tînt  annoncer  aux 
Athéniens  ce  Dieu  imeommt  qu'Us  adoraient 
sans  le  connaître,  Denys  fut  un  de  ses  dis- 
ciples. Il  profita  aussi  des  leçons  d'un  sa* 
▼aut  Chrétien,  nommé  Hiérolhée,  fut  fait 
premier  éféque  d'Athènes,  et  ne  se  distiu- 
gua  pas  moins  par  son  zèle  et  sa  rertu  que 
par  sa  science.  11  mérita  d*6tre  présent, 
arec  les  apôtres,  au  trépas  et  aux  funérailles 
de  la  sainte  Vierge  Marie,  mère  de  Dieu, 
dont  le  corps  fut  transporté,  par  les  mains 
des  apAtres,  de  la  montagne  de  Sion  dans 
le  sépulcre  au  jardin  de  Gethsémani,  d*où 
elle  fut  reçue  dans  le  ciel.  C'est  ce  que  dit 
expressément  le  prêtre  de  Jérusalem.  Plus 
de  deux  siècles  auparsTaot,  saint  Sopbrone, 
patriarche  de  la  même  ville  sainte,  chantait 
arec  amour,  dans  une  hjmne  sur  les  saints 
lieux»  «  le  jardin  de  Gethsémani,  qui  reçut 
autrefois  le  corps  de  la  sainte  Mère  de  Dieu, 
et  où  était  son  sépulcre  ;  *  mais  il  ne  parle 
pas  du  corps  même  comme  y  étant  (157). 
Nous  avons  donc  ici  sur  cet  événement  me* 
morable  la  tradition  expresse  et  constante 
de  TEglise  de  Jérusalem,  et  même  de  tout 
rOrient. 

De  Jérusalem,  saint  Denjs  ne  retourna 
point  se  fixer  à  Athènes,  mais  s'en  alla 
dans  rOccideot,  suirant  l'exemple  des  àfi^ 
très,  en  particulier  de  son  maître,  saint 
Paul.  A  Rome,  il  se  présenta  au  Pape  saint 
Clément,  disciple  et  successeur  de  saint 
Pierre.  Clément  l'envoya  dans  les  Gaules, 
aree  plusieurs  compagnons.  Saturnin,  l'un 
d*eux ,  prêcha  l'Evangile  dans  l'Aquitaine. 
Denys ,  cherchant  les  contrées  où  l'ido- 
Utrie  dominait  encore ,  s'avança  jusqu'à  Pa- 
ris, petite  ville,  mais  remplie  de  paga- 
nisme. Son  compagnon  Lucien  alla  prêcher 
le  vrai  Dieu  à  Beauvais.  Deux  autres,  le 
prêtre  Rustique  et  le  diacre  Eleuthère ,  de- 
meurèrent avec  lui  pour  travailler  à  la  con- 
rersion  des  Parisiens.  Leur  ville ,  nommée 
aussi  Lutèce,  était  renfermée  dans  une  lie. 
Denys  jr  érigea  no  temple  au  vrai  Dieu,  et 
convertit  un  bon  nombre  de  personnes, 
tant  par  ses  prédications  que  par  ses  mira- 
cles. Il  souffrit  la  persécution  avec  une 
merreiileuse  constance,  sons  Domitien,  et 
continua  d'évangéliser  les  peuples  jusque 
sous  l'empire  de  Truan.  Ennn,  il  couronna 
une  rie  d'apôtre  par  le  martyre,  et  fut  déca- 

(156)  CEmwnê  de  $mmi  Dem§$  PAréop,^  çi  gree  et 
CD  latin,  S  vol.  in-IoL  ;  Paris,  16i4,  lom.  11,  p.  315, 

et  SUIT. 

(157)  SpiciUyium  nmamum ,  du  cardinal  Maî  , 
I.  IV,  p.  1 16,  vers  95-100. 

(138)  c  Propositio ,  saactiuii  IHoiiysium  primo 


pité  avec  les  saints  Rustimie  et  Sîeuthère'» 
saint  Héthodios  et  Siméon  Métaphraste  a|0Uf 
tent  que  Denys  prit  sa  tête  entre  ses  mainsy 
la  porta  l'espace  de  deux  mille  pas  et  la  dé- 
|K>sa  entre  les  mains  d'une  femme  chré- 
tienne. Tel  est,  en  somme,  le  récit  des  au- 
teurs grecs.  Comme  jamais  les  grecs  n'ont 
été  accusés  de  chercher  à  flatter  les  latins, 
ce  récit  {inspire  naturellement  une  certaine 
confiance. 

Les  plus  anciens  martyrologes  placent  la 
martyre  de  saint  Denys  l'Aréopaçite  au  3  oc* 
tobre,sous  l'empire  d  Adrien,  qui  commença 
de  régner  l'an  119.  On  lient  que  la  colline, 
où  il  fut  décapité  avec  ses  compagnons,  ji 

S  ris  de  là  le  nom  de  Mont  des  Martyrs  ou 
(otUmarire.  Plus  loin,  et  plus  tard  a  été 
bftti  le  monastère  de  Saint-Denis,  dont  l'é- 
glise est  devenue  la  sépulture  des  rois  de 
France,  et  au  tour  duquel  s'est  formée  une 
ville.  Vers  le  milieu  du  ix*  siècle,  83fc,  Louis 
le  Débonnaire,  se  croyant  redevable  à  saint 
Denys  de  sa  restauration  sur  le  trône,  or- 
donna à  Hilduin,  abbé  du  célèbre  mo- 
nastère, de  réunir  tout  ce  qu'il  pourrait 
trouver  sur  la  vie  et  les  œuvres  du  saint 
patron.  HilduiOp  sous  le  nom  d'Aréopagi- 
tiques,  composa  des  mémoires  tirés  des 
histoires  des  Grecs«  des  livres  de  saint  Det- 
nys,  même  d'auteurs  latins,  d'anciennes 
chartes  de  l'Eglise  de  Paris,  en  particulier 
des  Actes  du  martyre  de  saint  Denys^  écrits 
par  Visbius,  témoin  oculaire.  Le  Domini- 
cain français  Noël  Alexandre  croit  à  l'au- 
thenticité de  ces  Actes;  il  en  conclut,  ainsi 
Îue  de  dix-huit  autres  preuves,  que  saint 
enis  est  venu  dans  les  Gaules  au  i"  sièle; 
que  l'évéque  d*Athènes  et  celui  de  Paris  est 
le  même  personnage;  que  c'est  vraiment 
saint  Denys  l'Aréopae^te,  et  que  les  argu- 
menis  des  contradicteors  ne  sont  pas  sans 
réplique  (158).  Nous  pensons  comme  le  Do- 
minicain français,  et  comme  les  Jésuites 
français  Lansel,  Cordier,  Halloix  et  autres  ; 
on  plutôt  nous  pensons  comme  les  grecs 
saint  Héthodios,  patriarche  de  Constan- 
tinople,  le  bienheureux  Michel,  prêtre 
de  Jérusalem,  et  Siméon  Métaphraste.  Et  ce 
qui  nous  confirme  dans  cette  manière  de 
voir,  c*est  l'origine  et  les  arguments  du 
parti  contraire.  Les  auteurs  de  la  Gaule  chré* 
tienne^  article  Eglise  de  PariSf  e\poseni  trois 
opinions  ;  la  première,  qui  tient  et  prouve 
par  des  arguments  positifs  que  le  premier 
évégue  d'Athènes  et  le  premier  évèque 
de  Paris,  c'est  le  même  saint  Denys  l'Aréo* 
pajpte  envoyé  dans  les  Gaules  par  le  Pape 
samt Clément,  disciple  et  sucessenrde  salut 
Pierre  ;  la  seconde  qui,  sansadroettre  l'iden- 
tité de  la  |>ersoone ,  tient  et  prouve,  par 
des  arguments  affirmatifs  que,  saint  Denys, 
premier  évêqne  de  Paris,  y  a  été  envoyé 
dès  le  1**  siècle  par  le  Pape  saint  Clément  ; 

saMulo  la  Galliafl  vcnîise;  DnaBt|ae  et  enoidem  esse 
Atbenieiisinra  et  ParitiCBsitfm  episcopom,  vere  Areoi 
pagitam,  probabUe  est  ;  oec  inconcossa  sunl  ^ 
lavicla  virorum  eruditomni ,  qui  haoc  opinioncm 
impugnaniot,  argumenta,  t  (/»  Oittonam  ecckna^ 
êticam  iœculi  i,  Disseilatio,  16.) 


f7l 


DEN 


DiCTUmMAlRE 


KN 


572 


la  f roisième  qui ,  pour  rqeter  les  deux  pre- 
mières et  ne  faire  arriver  saint  Denys  dans 
les  Gaules  qu'au  m'  siècle,  8*appuie  noa 
pas  tant  sur  des  arguments  affirmatils  que 
sur  des  arguments  négatifs  (159).  Les  au- 
teurs de  la  Gaule  chrétienne  citent  en  faveur 
de  la  troisième  opinion  l'autorité  scientifi- 
que du  docteur  Launoy  et  Teutorité  judi- 
aaire  de  Louis  Antoine  de  Noailles,  arcbe- 
Téque  de  Paris,  lequel,  en  1700,  réforma  la 
crojance  et  la  pratique  de  son  ^ise,et 
d'un  seul  et  même  saint  Denys  en  fit  dcui, 
dont  il  plaça  TAréopagite  au  troisième  jour 
d'octobre,  et  le  Parisien  au  neuvième. 
Vais  tout  le  monde  sait  que  ce  prélat ,  nlus 
remarquable  par  sa  piété  que  par  sa  aoc- 
trine  V  fut  toute  sa  vie  la  dupe  et  le  jouet  de 
la  secte  jansénienne.  Quant  au  docteur 
l^unojt  nous  avons  déjà  appris ,  et  en  son 
temps  nous  apprendrons  encore  mieux  h  le 
connaître  comme  un  esprit  téméraire ,  d'un 
catholicisme  pour  le  moins  douteux  ;  et 
qui ,  pour  soutenir  ses  nouveautés,  ne  crai- 

Snait  pas  de  falsifier  les  textes  des  Pères  et 
es  conciles.  En  un  mot ,  c'est  par  la  même 
influence  de  secte  que  le  Bréviaire  de  Paris 
a  divisé  sainte  Marre  Ifadeleine  en  trois ,  et 
saint  Denys  en  deux.  Le  Bréviaire  romain 
continue,  avec  les  auteurs  grecs,  k  regarder 
saint  Denys  l'Aféopagite  comme  le  même 
évêque  d'Athènes  et  de  Paris.  Cet  accord  de 
Rome  et  de  la  Grèce  ne  laisse  pas  que  do 
mériter  attention,  même  de  la  part  des 
catholiques. 

Pour  les  jansénistes ,  c*est  différent.  A 
eux  il  suffît  que  Rome  approuve  ou  semble 
approuver  une  chose,  pour  qu'ils  la  contre- 
disent. Cette  antipathie  est  tellement  sincère 
qu'elle  s'étend  à  tous  ceux  qui  s'accordent 
avec  Rome,  fussent-ils  des  Grecs  et  des 
Grecs  du  Bas-Empire.  Ainsi,  saint  Hétho- 
dius ,  patriarche  de  Constantinople,  Michel, 
prêtre  de  Jérusalem ,  que  Cédrénus  qualifie 
de  bienheureux  ,  Simeon  Métaphraste,  Ni- 
céphore  Calliste,  s'accordent  k  dire  que 
Denys  l'Aréopa^îlea  été  évêque  d'Athènes, 
ensuite  de  Poris;  cela  est  incontestable. 
Oui  ;  mais  Rome  dit  la  même  chose ,  donc 
les  Grecs  Mélhodius,  Michel,  Siméon  et 
Nicéphore  ne  savent  ce  qu'ils  disent  et  ne 
méritent  aucune  eréance.  U  est  un  autre 
motif  pour  les  jansénistes  de  répudier  ces 
historiens  grecs  :  c'est  que,  d*après  leurs 
histoires,  saint  Denys  rAréopagite,  avant 
de  venir  en  Occident  aurait  assisté  avec  les 
A|)6tres  au  trépas  et  aux  funérailles  de  la 
sainte  Vierge  à  Jérusalem  et  non  pas  à 
Ephèse,  où  les  jansénistes  et  compagnie  la 
font  mourir  et  enterrer,  parla  raison  qu'il  y 
avait  dans  cette  ville  une  église  de  ta  sainte 
Vierge  Marie. 

L'autorité  de  l'abbé  Hilduin  et  des  autres 
écrivains  d*Occident ,  sur  l'identité  de  saint 
Denys  d'Athènes  et  de  saint  Denys  de  Paris, 
ne  prouve  rien,  attendu  qu'ils  ont  emprunté 
cette  opiuiou  aux  Grecs;  d'un  autre  côté 

(159)  c  Restât  jam  tertb  opinio,  non  tam  argu« 
neuiii  alOrmantibui  qaamnegantibus  mea.  i 


l'opinion  des  Grecs  sur  l'identité  de  saiot 
Denys  de  Paris  et  de  saint  Denys  d'Athènes 
ne  prouve  rien,  attendu  qu'ils  ont  emprunté 
eette  opinion  lux  Latins  d'Occident,  l'abbé 
Hilduin  et  auires.  On  trouve  un  complaisant 
et  fidèle  écho  de  cette  augmentation  là  même 
où  l'on  ne  s'y  attend  guère  (160). 

La  cause  fondamentale  de  l'antipathie  des 
jansénistes  contre  saint  Denys  de  l'Aréo- 
fMge  et  ses  œuvres,  c'est  que,  sur  ces  ma- 
ttères,  il  ne  pense  pas  comme  eux ,  œsis 
couime  l'élise  romaine. 

L'Eglise  nous  l'enseigne ,  avec  saint  Tho- 
mas :  La  grftce  est  un  don  surnaturel  quo 
Dieu  accorde  à  Thomme  oour  mériter  la  rie 
éternelle.  Cette  grâce  est  un  don  surnature', 
non-seulement  h  l'homme  déchu  de  la  per- 
fection de  sa  nature, mais  à  l'homme  en  sa 
nature  entière  ;  surnaturel ,  non-seulement 
h  l'homme ,  mais  à  toute  créature,  non-seu- 
lement à  toute  créature  actuellement  exis- 
tante, mais  encore  k  toute  créature  possible. 
En  voici  la  raison,  développée  par  l'Ange  de 
Técole.  La  vie  étemelle  consiste  à  connallre 
Dieu,  à  voir  Dieu,  non  plus  i  travers  le 
voile  des  créatures ,  ce  qui  fait  la  théologie 
naturelle  ;  non  plus  comme  dans  un  miroir, 
en  énigme  et  en  des  similitudes,  ce  mi  fait 
la  foi  ;  mais  k  le  roir  tel  qu*il  est,  à  le  con- 
naître tel  qu'il  se  connaît.  Nous  le  Terrons 
comme  il  est,  dit  le  disciple  bien-aimé. 
(  /  Joan.  m,  2.  )  El  saint  Paul  :  Maintm^nt 
noue  le  voyons  par  un  miroire  en  énigm; 
mais  alors  ce  sera  face  à  face.  Maintenant  jt 
le  connais  en  partie;  mais  alors  je  le  connai- 
Irai  comme  f  en  suis  connu;  ou  plutôt  suivant 
la  force  du  texte  original,/eftjperc(mRa(/rai 
comme  je  suis  superconnu.  (  /  vor.  xni,  ii  j 
Or  tout  le  monoe  sait ,  tout  le  monde  con- 
vient ,  que  de  Dieu  à  une  créature  quelcon- 
que ii  y  a  l'infini  de  distance.  Il  est  donc 
naturellement  impossible  h  une  créature, 
quelle  qu'elle  soit,  de  voir  Dieu  tel  Qu'il 
est,  tel  que  lui-même  il  se  voit.  Il  lui  lau- 
drait  pour  cela  une  faculté  de  voir  infinie, 
une  faculté  que  naturellement  elle  D*a  pas, 
et  que  naturellement  elle  ne  peut  pas  avoir. 
11  y  a  plus.  La  vision  intuitive  de  Dieu,  qui 
constitue  la  vie  éternelle ,  est  tellement  au- 
dessus  de  toute  créature ,  que  nulle  ne  sau- 
rait par  ses  propres  forces  en  conceTOir 
seulement  l'idée.  Oui,  dit  saint  Paul  t  après 
le  prophète  fsaïe  :  Ce  que  Vœil  n'a  point  tu , 
ce  que  V oreille  n'a  point  entendu ,  ce  qui  n  nt 
point  monté  dans  le  cœur  de  rhomme,toilà 
ce  que  Dieu  a  préparé  à  ceux  qui  f  (««<«'• 
(/  Cor.  II,  9;  Isa.  liiv,  h.)  Pour  donc  que 
l'homme  puisse  mériter  la  vie  éternelle,  et 
même  en  concevoir  la  pensée, il  lui  fa"^ 
en  tout  état  de  nature  ,  un  secours  surnatu- 
rel ,  une  certaine  participation  k  la  nature 
divine.  L'homme  ne  pouvant  s'élever  en  ce 
sens  jusqu'à  Dieu,  il  faut  que  Dieu  descem  e 
jusqu'à  rbomme ,  pour  le  déifier  en  quel- 
que sorte.  Or  cette  ineffable  condescen- 
dance de  la  part  de  Dieu ,  cette  participadoo 

(160)  Aet'a  êanctorum;  9  octotw.,  Cominente^i^ 
prœvius,  BOtammeiit  {  4  et  8. 


579 


DEN 


ITASCETtSilE. 


574 


I  ta  ratura  difioe,   cetle    déification  de. 
rhoramii,  c*est  la  grâce.  Vmlà  ce  que  saint 
Thomas  enseigne  dans  sa  Somme  de  Théolo- 
gie (16i)  et  rfiglise  par  ses  décisions ,  et 
saint  Denys  l*Aréopagite  dans  ses  œuvres. 
Or,  les  jansénistes  pensent  différemment 
et  de  saint  Denys^etoesaint  Thomas»  et  de. 
TE^ise.  Baiûs  et  les  jansénistes  supposent  . 
que,  dans  le  premier  homme,  la  grtce  n'était 
autre  chose  que  la  nature  ;  que  le  premier 
homme  pouvait  ainsi,  par  ses  seules  forces 
naturelles,  8*élever  au-dessus  de  lui-môme, 
franchir  rintervalle  infini  qui  sépare  la  créa- 
ture du  Créateur,  et  voir  Dieu  immédiate- 
ment en  son  essence.  D'où  ils  concluent 
nécessairement  que,  si  Thomme  déchu  a 
besoin  de  la  grftce  proprement  dite,  ce  n*est 
que  pour  guérir  et  restaurer  la  nature.  Il 
est  aujourd  hui  encore  des  catholiques  sin- 
cères, mais  si  neu  sur  leurs  gardes,  qu'ils 
admettent  ou  laissent  passer  le  venin  du 
jansénisme  pour  la   doctrine  de  l'Eglise. 
Ainsi,  dans  un  ouvrage,  reeommandable 
d'ailleurs  par  les  religieuses  intentions  de 
sctQ  auteur,  avons-nous  lu  avec  étonnement 
ces  mois  :  m  La  grftce  de  Dieu  par  Jésus- 
Christ  est  le  retour  de  la  vie  primitive.  Anssi 
paraltrelle  surnatupelle,  et  elle  l'est  en  effet, 
mais  par  rapport  à  la  nature  corrompue  seu- 
lement. Car,  par  rapport  à  la  nature  primi- 
tive, elle  est  naturelle,  puisqu'elle  est  celte 
nat  jre   même  réintégrée  en  nous  (ICS).  » 
Ces  mils  renferment  précisément  l'erreur 
que  TB^ise  a  condamnée  dans  les  jansénis- 
tt*«,   notamment  daps  cette  proposition  de 
Quesnel  :  c  La  grftce  du  premier  homme  est 
une  suile  de  la  création,  et  elle  était  due  à 
la  nature  saine  el  entière  (163)  ;  »  et  dans 
eelte  autre  de  Balus  :  «  L'élévation  de  la  na- 
ture humaine  à  la  participation  de  la  nature 
divine  était  due  à  riatégrité  de  la  première 
création^et  par  conséquent  on  doit  rappeler 
naturelle,  el  non  pas  sumalurelle  (1M).  * 
L*on  conçoit  que  des  savants  catholiques 
mêmes,  avec  de  pareilles  préventions,  ne 
soient  pas  compétents  pour  apprécier  au 
|aste  les  oravres  de  saint  Oenys  I  Aréopagite, 
ni  les  questions  qui  s'y  rattachent. 

Les  critiques  modernes  ont  posé  en  pnn- 
cipe:  Les  œuvres  attribuées  à  Denys  l'Aréo- 
I^gite  ne  peuvent  être  de  lui.  Une  preuve, 
c'est  que  dans  le  i"  et  le  n*  siècle  on 
no  panait  pas  comme  il  parle  :  on  n'avait 
ni  les  idées,  ni  les  expressions  qu'il  a,  telles 
que  superessence,  supersubstantiel,  super- 
bonté, Donté  supéréminente,  superscience, 
superoonnaissaooe,  etc.  (165).  Ces  critiques, 
si  nomi>reux  qu'ils  soient,  permettront  ce- 
pendant de  leur  opposer  certains  ouvrages 
du  1"  siècle ,  où  les  mêmes  idées  et  les 


mêmes  expressions  se  retrouvent.  Ces  ou- 
vrages curieux,  ordinairement  imprimés  en 
un  volume,  sont  les  quatre  Evanj^iles  et  les 
Epttres  des  apêtres,  en  particulier  les  Eptlres 
de  saint  Patil,  le  maître  même  de  saint  Denys 
l'Aréopagite.  Une  pièce  assez  connue  de  ces 
ouvrages,  c'est  TOraison  dominicale.  Dans 
le  texte  grec,  qui  est  l'original,  on  lit  cette 
demande:  Domnex~nou$  aujowrd'kui  notre 
pain  $upere$$eniielf  $uper$ubsianiiel  (Malik., 
VI,  il  ;  Lue.  u,  3);  ce  nue  la  Vulgate  traduit 
ainsi  dans  saint  Matthieu  :  Panem  nosirum 
syperêubstaniialem  da  nobis  hadie  I  Serait-ce 
exiger  trop  des  critiques  modernes,  avant 
de  juger  les  Pères  de  rEglise,  qu'ils  sachent 
au  moins  leur  Pater  ? 

Saint  Paul,  dans  toutes  ses  Epttres,  no- 
tamment dans  celles  aux  Chrétiens  d'Ephèse 
et  de  Colosse,  exhorte  tous  les  fidèles  à 
s'élever,  par  la  Krftce  de  Dieu  et  1a  sainteté 
de  leur  vie,  à  la  connaissance  parfaite  do 
Dieu  et  de  son  Christ.  Cette  connaissance 
parfaite,  il  ne  l'appelle  pas  simplement  gnose, 
connaissance,  science,  mais  épignose,  super- 
ooonaiss.inee,  superscience  (EpJkes.  i,  17; 
nr,  13;  Ce/oss.f,  9  et  10;  ii,2;  m,  10);  atten- 
du qu'elle  donne  de  Dieu,  de  son  essence, 
de  ses  attriirots  et  de  ses  ceuvrest  des  idées 
infiniment  au-dessus  de  tout  ce  que  la 
science  humaine  peut  ima^ner  de  plus  su- 
blime. La  sritneef  eonma%$$anee  ou  gnose^ 
dit-il  aux  Corinthiens,  sera  détruite.  Car 
nous  eonnaissone  en  partie^  et  en  partie  nous 
prophétisonê.  Mais  quand  viendra  ce  qui  est 
parfait^  alors  disparaîtra  ce  qui  est  partiel. 
Mamtenant  nous  vogons  par  un  mtroir  en 
énigme  ;  mais  alors  ce  sera  face  à  face.  Main" 
tenant  je  connais  en  partie  ;  mais  alors  je 
supereonnaUrai,  comnu  je  suis  superconnu. 
(/  Cor.  XIII,  13.)  Saint  Pierre,  dans  aa  se- 
conde Eptlre,  se  sert  de  la  mêine  expression, 
et  plusieurs  fois.  (//  Petr:  i,  %  3, 8.) 

il  y  a  plus,  Turtique  mettre  des  apôtres, 
Jésus-Christ,  leur  donne  l'exemple  de  ce 
langage.  Dans  le  texte  grec  de  saintMatthieu, 
il  dit  littéralement:  Toutes  choses  m'ont  été 
remises  par  mon  Pire  ;  et  personne  ne  super- 
connaît  le  Fils,  si  ce  n'est  le  Pire  ;  iij  per- 
sonne ne  superconnaît  le  Pere^  si  ce  n^est  le 
Fils ,  et  à  qui  le  Fils  le  voudra  révéler. 
IMatth.  Il,  21;  Ltif.  x,  22.)  C'est  ici,  on  le 
voit,  la  connaissance  suréminente,  super- 
scientifique,  superintellectuelle,  que  le  Père 
a  essentiellement  du  Fils,  et  le  Fils  coessen- 
tiellement  du  Père.  Nulle  créature  ne  peut 
y  participer  que  par  la  grftce  et  la  révélation 
du  Fils.  Aussi  ce  même  Fils  dit-il  jusquà 
deux  fois  à  ses  apôtres  :  Vous  n  avez  qu'un 
maître  ou  docteur ^  c'est  le  Christ.  (Mattk. 
xxiu,  8,10.)Les  premiers  hérétiques,  sous 


(161)  Smmmassmctà  Taou,  i-2,  q.  109,  ail.  5; 
lit,  art.  S,  5,  ci  alibi. 

(102)  Eiwdes  pkilosopkiqties  sur  le  Ckristiamsme, 
par  Auguste  Nicolas,  seconde  édition  ;  Bruxdles, 
laia,  t.  U,  p.  207. 

(tt»3)  c  Gralâa  Adami  est  seqnda  creatioois,  et 
crat  dânta  naturae  sans  et  intcîprae.  •  (Prop.  35). 

(164)  c  Humanae  oaliurs  soUimatio  et  eiaitatio  in 


consortiam  divînae  naUine  ddiiU  fuit  intttritaii 
primae  crealîonis,  ac  proinde  natoralis  dieenda  esl, 
.ei  non  sopemauiralis.  >  (Prop.  21).— Voir  de  plus 
amples  détails  bur  ces  matières,  dans  nn  opuscule 
De  la  grâce  et  de  la  nature,  chez  (Jaunie  el  ChaliOr 
dre,  par  Fauteur  de  cette  Histoire. 

(165)  Voir  entre  autiw  le  ùtcUmmaire  de  FeLLaa« 
édUion  de  MM.  WeissetBasion. 


S7S 


DiCTHINHAIRE 


ni 


préteiCe  d'aoe  5oî-disaot  gnose»  cbercfaaient 
à  rabaisser  Jésua-Cbrist  au-dessous  des 
puissances  célestes.  Voilà  pourquoi  les  apô- 
tres» dans  presque  toutes  leurs  Epltres,  no- 
tamment saint  Paul  dans  ses  EpUre$  aux 
Efhéêimê  et  aux  Cotù$iien§,  rappellent  que 
lésus-Christ  est  Timage  substantielle  du 
Dieu  inTisible,  qu'il  est  né  aTant  toutes  les 
créatures.  C'est  par  lui  et  pour  lui  que  tout 
a  été  créé  au  ciel  et  sur  la  terre,  les  choses 
visibles  comme  les  invisibles,  les  trônes, 
les  dominations,  les  principautés,  les  pui»- 
sancos.  Il  tiî  awmt  t&uie$  ehoêa^  et  touie$ 
se  cancenirent  ei  subrisieni  m  lui.  Il  ai  a$$i$ 
à  la  droite  de  son  Pire  dam  les  régiant  super' 
eélesies  {Ephes.  i,  20),  par-d«issus  toute 
principauté,  toute  puissance,  toute  vertu, 
toute  domination,  et  tout  nom  qui  peut  se 
nommer,  non-seulement  dans  le  siècle  pré- 
sent, mais  encore  dans  le  siècle  futur.  Et 
tout  est  soumis  à  8e%  pieds.  Il  est  le  chef  du 
corps  de  TEglise,  le  premier-né  d'entre  les 
morts;  afin  qu*il  soit  le  première»  tout, 
parce  qu*il  a  plu  au  Père  de  mettre  en  lui  la 
plénitude  de  toutes  choses  et  de  tout  récon- 
cilier par  lui  avec  soi-même,  purifiant,  par 
le  sang  qu*il  a  répandu  sur  la  croix,  et  ce 
qui  est  sur  la  terre  et  ce  qui  est  dans  les 
çieux.  Cesl  en  lui  que  $oni  renfermée  iaue  le$ 
triêon  de  la  êoj/eese  et  de  la  ecienee;  trésors 
dont  la  participation  produit  Vépignose^  la 
tonnaissance  surnaturelle  et  parfaite  du  myi- 
Ore  de  Dieu  et  de  son  Christ  IColoss.  u» 
8,3). 

Or,  ce  que  font  les  apôtres  contre  les 
gnostique  dans  tontes  leurs  Bpltres,  ce  que 
fait  particulièrement  saint  Paul,  son  disci- 
ple, saint  Denys  le  continue  contre  les 
mêmes  gnostiques  dans  ses  œuvres.  C'est 
le  même  but,  c'est  le  même  fond  de  doc- 
trine, ce  sont  bien  souvent  les  mêmes  ex- 
pressions, ou  des  expressions  semblables  : 
expressions  qui  paraissent  étranges,  quand 
on  n'est  pas  familiarisé  avec  le  texte  origi- 
nal du  Nouveau  Testament;  mais  quand 
on  s'y  connatt,  elles  deviennent  comme  le 
signalement  d'un  disciple  et  contemporain 
des  apôtres. 

Les  ouvrages  de  saint  Denvs  l'Aréopa- 
gite  ont  été  très  -  célèbres  depuis  le  v* 
siècle,  et  méritent  leur  célébrité  par  la 
haute  théologie  qu'ils  renferment  :  ce  sont 
)e5  livres  dn  la  Hiérarchie  céleste  et  de  la 
Hiérarchie  ecclésiastique ,  les  traités  des 
Noms  divins  et  de  la  Théologie  mystique, 
avec  dix  lettres.  Il  avait  composé  encore 
quelques  autres  écrits,  mais  qui  ne  sont  pas 
venus  jusqu'à  nous.  Quant  aux  ouvrages  de 
eaint  Denvs  en  général,  on  les  voit  cités  dans 
une  homélie  d'Origèuo,  traduite  par  Rufin. 
Saint  Denys  d'Alexandrie,  contemporain 
d'Origène,  écrit  des  notes  pour  servir  à 
nnteîiigence  de  saint  Denys  de  l'Aréopage, 
qui  est  cité  avec  éloge  dans  un  sermon  de 
saint  Jean  Chrysoslome.  Saint  Cyrille  d'A- 
lexandrie, qui  appartient  aux  premières 
années  du  v  siècle,  invoque,  entre  autres 
témoignages,  celui  de  saint  Denys  l'Aréo- 
pagite,  contre  les  hérétiques,   qui  niaient 


le  dogme  de  llncamation.  Jnvéoal,  évèque 
de  Jérusalem,  dans  une  lettre  è  l'empereur 
Marcien,  touchant  le  trépas  de  la  sainte 
Vierge,  cite  comme  une  tradition  de  l'E- 
glise le  récit  même  de  notre  Aréopagite  sur 
ce  sujet  :  «  Il  ▼  avait  lè,  dit-il,  srec  les 
apôtres ,  Timolnée ,  premier  évëqae  dt- 
piièse,  et  Denys  TAréopagite.'comme  il  nous 
rapprend  lui-même  en  son  livre.»  (Des  ao«i 
dtrifia,  chap.  3.)  Dans  la  première  moitié  du 
VI'  siècle,  Léonce  de  Bysance  en  uo  lirre 
quMI  composa  contre  Nestorius  et  Euty- 
cbès,  cite  en  premier  lieu,  parmi  les  an- 
ciens, Denys  l'Aréopagite,  contemporain  des 
apôtres.  Dans  un  autre  traité,  il  donne  la 
liste  des  Pères  qui  ont  illustré  l'Eglise 
depuis  Jésus-Christ  jusqu'au  règne  de  Cons- 
tantin, et  il  cite  parmi  eux  notre  auteur  : 
«  Ces  docteurs,  dit^il,  furent  Ignace,  sur- 
nommé Théophore,  Irénée  ;  Justin ,  philo- 
sophe et  martyr.  Clément  et  Hjppolile, 
évoques  de  Rome,  Denys  l'Aréopagite , 
Hétbodius  de  Patare,  Grégoire,  thauma- 
turge ,  »  etc.  Saint  Anastase  Te  Sénaïte  écri- 
vit des  réflexions  mystiques  sur  l'œavredes 
six  jours  :  là,  il  rappelle  en  ces  termes  uq 
passage  du  livre  des  Noms  divins  :  c  Ce 
Denys,  célèbre  contemporain  des  apdtres, 
et  versé  dans  la  science  des  choses  difines, 
enseigne  en  sa  sublime  Théologie  que  le 
nom  donné  par  les  Grecs  à  la  Dmnité 
signifie  qu'elle  contemple  et  voit  tout.  »  Le 
Pape  saint  Grégoire  le  Grand  explique  quel- 
ques fonctions  des  esprits  bienheareuiaTec 
les  propres  paroles  de  saint  Denys,  et  en  le 
nommant  ancien  et  vénérable  Père. 

Si  les  ouvrages  de  saint  Denys  ne  se 
voient  pas  cités  plus  souvent  dans  les  quatre 
premiers  siècles,  il  y  en  a  une  raison  pa^ 
ticulière  dans  la  nature  même  de  ces  ouvra- 
ges. L'auteur  v  développe  la  plus  sublime 
théologie',  celie  qu*on  n'enseignait  pas  à 
tous  les  fidèles,  mais  seulement  aux  plus 
parfaits,  comme  saint  Paul  nous  l'apprend 
dans  sa  première  Epltre  aux  Corintkim  ; 
Sapientiam  autem  loquimur  inter  perfectoi, 
(/  Cor.  II,  6.)  Aussi  râuteur  adresse-l-il  ses 
écrits  à  un  évêque ,  à  Timothée ,  eu  lui 
rappelant  l'obligation  du  secret  sur  ces  cho- 
ses devant  les  personnes  qui  ne  seraient 
pas  capables  de  les  bien  entendre. 

Le  vu'  siècle  tout  entier  est  plein  de  la 
gloire  de  saint  Denys.  Les  meilleurs  écri* 
vains,  de  saints  évèques,  des  Papea  et  des 
conciles,  l'Orient  et  lX>ccideut  le  proclanieot 
l'auteur  des  livres  que  nous  possédons  au- 
jourd'hui sous  son  nom.  Pas  une  voii  dis* 
cordante  ne  rompt  l'unanimité  soleonelie. 
L*hérésie  elle-même  invoque  ou  subit  celte 
autorité  incontestée.  Le  philosophe  et  mt- 
tyr  saint  Maxime  la  cite  au  monotbélite 
Pyrrhus,  qui  se  convertit  :  de  plus,  il  enn* 
cbit  de  pieuses  et  savantes  notes  les  ceu- 
vresdu  docteur  apostolique.  Le  Pape  saïQi 
Martin,  en  plein  concile  de  Latran,  mfoque 
contre  le  roonothélisme  l'autorité  de  saiDl 
Denys  d'Athènes.  «  L'illustre  Denys,  dani 
son  livre  des  Noms^  divins^  nous  apprend 
que  le   Seigneur  fut  formé  du  pur  sang 


«n 


DEN 


D*ASCETISME. 


DEM 


^n 


d'une  yiergiDfGontraireroent  auxloisde  la|Qa- 
tare,  e(qo*il  foula  les  flots  d'un  pied  sec,  sans 
qoe  leor  mobilité  cédAI  sous  le  poids  de  soo 
corps.  K(  il  dit  encore  dans  sa  lettre  à  Caïus: 
Le  Seigneur,  s*abai5sant  jusqu'à  notre  subs- 
laoce,  lui  a  communiqué  la  supériorité  de 
soo  être,  9  etc.  Et  le  concile  de  Latran,  com- 
posé de  cent  quarante  évéques,  entendit  ces 
ciUiions  faites  par  l'ordre  du  PapCi  et  les 
ippitMiTa/  et  en  tant  qu'elles  expriment  le 
d(^e  catholique»  et  en  tant  qu'elles  ve- 
naient de  saint    Denys  i'Aréopagite.  Un 
lulrePape,  saint  Agathon»  dans  sa  lettre 
aoi  empereurs,  s'appuie  Clément  sur  les 
passages  qu'on  fient  de  rappeler»  et  en  dé- 
signe l'auteur  par  ces  mots  :  Denjs  l'Aréo- 
Dagitei  éféque  d'Athènes.  Les  citations  du 
Pape  furent  collationnées  dans  le  sixième 
ooDcilegénéralyet  trouvées  conformes.  Saint 
SûphroDe»  patriarche  de  Jérusalem,  dans 
ooe  leltre  à  Sergius  de  Canstantinople, 
fauteur  du  monothélisme»  recourt  à  l'auto- 
nié  de  saint  Denys,  comme  les  Papes  et  les 
oûicUes  précités.  Et  ni  le  monothélite  Ser- 

?us  de  Conslantinople»  ni  le  monothélite 
rros  d'Aleiandrie,  ni  Macaire  d'Anlioehe, 
De  déclinent  l'autorité  qu'on  leur  op[)osei 
Kulement  ils  l'interprètent  à  leur  manière. 
Comme  ou  le  voit»  tous  les  grands  sièges 
de  la  catholicité»  Rome  par  la  ooucbe  de  ses 
pontifes  ;  Alexandrie,  Antioche,  lérusalemf 
Cûostaatioople»  par  leurs  patriarches  ;  !'£<- 
jlise  dans  plusieurs  conciles  affirme  tenir 
jiour  authentiques  les  œuvres  connues  sous 
eDOffl  de  saint  Denys  l'Aréopagite. 

Parmi  les  témoins  subséquents  de  cette 
nditioD,  on  distinguci  au  yui*  siècle»  saint 
iéthodius  de  Conslantinople  »  saint  Jean 
^amascène»  le  Pape  Adrien,  le  deuxième 
oocile  œcuménique  de  Nicée  ;  au  ix%  Mi- 
bel,  prêtre  de  Jérusalem,  le  savant  Pho- 
uSf  labbé  Hilduin,  Hincmar  de  Reims, 
^Pape  saint  Nicolas;  au  x%  Suidas  et 
inéon  Métaphrasie;  le  célèbre  moine 
olbimius  dans  le  xi'  ;  aux  xu*  et  xm% 
historien  George  Paebimère  parmi  les 
recs,e(  parmi  les  Latins,  HuKuesde  Saint- 
ietor,  Pierre  Lombard,  Alexandre  de 
'lès,  Albert  le  Grand,  saint  Boftaventure, 
liot  Thomas.  Plus  tard,  le  concile  de  Flo- 
!Qce,  les  iditstres  eardinaux  Bessarioi», 
troaias,  Bellarmin,  les  savaota  Marcile 
>cia  et  Pic  de  la  Mirandele.  Depuis  le 
n'sièele,  certains  eritieues,  soit  protes- 
Dts,  soit  d'uo  eatholieisme  douteux,  se 
K)t  inscrits  en  faux  contre  cette  tradition 
'^  siècles,  et  ont  élevé  des  doutes  sur  Tau- 
eotirité  des  œuvresde  saint  Denys  l'Aréo- 
gite;  mais  d'autres  critiques,  et  des  plus 
lineox,  Haiioîx,  Schetstrate,  le  P.  Bonoré 

Sainte-llarie,  le  P.  Noël  Alexandre,  ont 
(  roir  que  les  raisons  alléguées  pour  cela 

sont  pas  eoncluanles.^  Nous  peosons 
■me  eux»  A«ssi  »   avons-nous  vu  avec 


bonheur  cette  question  éclaircie  de  nouveau 
dans  un  ouvrage  que  nous  ne  faisons  que 
résumer,  et  auquel  nous  renvoyons  pour 
le  détail  des  preuves  (166),  ainsi  qu'à  la  dis- 
sertation du  P.  Noël  Alexandre  (167). 

SaintDenjs  de  l'Aréopage  composa  d'abord 
des  Imiitutions  théQloffiquUf  qu'il  rappela 
plus  d'une  fois,  mais  qui  ne  sont  (>as  venues 
jusqu'à  nous.  Il  y  expliquait  ce  qui  concerne 
runité  de  nature  et  la  Trinité  des  personnes 
en  Dieu. 

Le  livre  Aes  Noms  divins  est  adressé  à 
saint  Timothée.  Saint  Denys  y  pose  pour 
règle,  comme  dans  ses  Institutions,  de  mon- 
trer la  vérité  sur  Dieu,  non  par  les  parolea 
persuasives  d'une  sagesse  humaine,  mai^ 
par  la  démonstration  ch»  la  puissance  inspi- 
rée de  l'£sprit-Saint. 

Après  le  livre  des  tfoms  divins^  saint 
Denys  com|>osa  une  Théologie  sgmboliqusf 
qui  n'est  point  venue  jusqu'à  nous.  11  y  fai- 
sait voir  comment  les  choses  divines  por- 
tent des  noms  einoruotés  aux  choses  sen-^ 
sibles;  comment  Dieu  a  forme  et  figure, 
membres  et  orsanes;  comment  il  habile  des 
lieux  et  revêt  des  ornements^  pourquoi  en- 
fin on  lui  prête  du  courage,  des  tristesses 
et  de  la  coière»  les  transports  de  Tivresse  ; 
des  serments  et  des  malédictions,  et  le  som- 
meil et  le  réveil,  et  les  autres  symboles  et 
pieuses  images  sous  lesquels  nous  est  re- 
présimtée  la  Divianlé»  Enfin  il  composa  en 
cinq  chapitres  assex  courts  une  Théologie 
mystique  dont  il  nous  montre  cette  image 
dans  Moïse.  Dieu  lui  ordonna  d'abord  de  se 
sanctifier  et  de  s'éloigner  de  tout  ce  qui  est 

Srofane.  Après  toute  cette  purification, 
[oïse  entend  diverses  trempettes»  voit  de 
nombreuses  lumières  qui  lancent  de  toutes 
parts  de  très-purs  rayons.  Ensuite  il  est  se* 
paré  de  la  muKitude,  et,  avec  Télite  des 
prêtres,  il  atteint  au  sommet  des  élévalions 
divines.  Avec  cela  il  ne  communique  pas 
encore  familièrement  avec  Dieu,  il  ne  le 
contemple  pas  encore  lui-même  (car  nul 
homme  ne  le  verra  et  vivra);  mais  il  voit 
le  lieu  où  il  est. 

C'est  ainsi  que  des  flmes  d^élite  qui  sV 
disposent  par  la  pureté  du  cœur  et  par  la 
prière.  Dieu  les  élève  amoureusement  dès 
ce  monde»  non  pas  iusqu'à  le  voir  en  lui** 
même  comme  nous  le  verrons  dans  le  cieU 
mais  jusqu'à  le  connaître,  iusqu'à  Tèntre- 
voir  avec  une  clarté  au  dessus  de  toute 
pensée,  de  toute  parole»  de  toute  science 
terrestre.  Tels  étaient  Moïse  et  Elle  :  tel 
fut  saint  Paul,  ravi  jusqu'au  troisième  ciel  : 
tels  nous  rerrons  saint  Bonaventure,  saint 
Thomas  d'Aquin,  sainte  Thérèse,  saint  Jean 
de  la  Croix.  Cette  connaissance  de  Dieu  et 
des  choses  divines  forme  la  Théok)gie  mys- 
tique. 

Pour  diriger  les  créatures  intellectuelles 
yers  ce  honneur  infini  dont  celui  de  Uoïse 


M)  CEwsrts  ds  isint  Deityi  rAréopagiU,  tra- 
its dn  grec;  précédées  d*une  introduction  oè 
i  diseote  raûumtidlé  de  ces  livres ,  etc.,  par 


rabbé  Daiibot  ;  Pirts,  1815'. 

(167)  Nat4l.  Aunci^^  Bi^tffrsse^hul., 
diiiertatiett» 


.fi 


579 


DEN 


DICTIONNÂIRC 


DE7 


ne  fat  qa*un  avant-goût,  Dieu  a  établi 
parmi  elles  deux  administrations  :  la  bié- 
riarcbie  céleste  parmi  les  anges,  la  hîérar- 
cbio  ecclésiastique  parmi  les  bomraes. 
Saint  Denys  a  fait  un  traité  de  Tune  et  de 
rautré 

Depuis  le  commencement  du  monde,  nous 
ne  cessons  de  Toir  ces  esprits  administra- 
teurs, envoyés  de  Dieu  pour  le  salut  des 
bommes.  Ce  sont  les  chérubins  à  la  porte 
du  paradis  terrestre,  les  trois  anges  chez 
Abraham,  lés  deux  chez  Loth.  C'est  la  pro- 
vidence ministérielle  de  Tan^e  sur  Agar  et 
sur  Ismaôl,  père  des  Arabes,  l'ange  de  Dieu 
au  sacriflce  dlsaac;  les  anges  de  Diea  mon- 
tant et  descendant  sur  l^chelle  de  Jacob. 
Lutte  de  Jacob  contre  un  ange.  Les  anges  de- 
vant Dieu,  et  Satan  parmi  eux.  L'ange  de 
Jébova  dans  le  buisson  ardent,  donnant  sa 
mission   à  Moïse.  L'ange  de  Dieu  conduc- 
teur du  camp  d'Israël.  Après  le  péché  du 
peuple,  Dieu  se  fait  remplacer  par  un  an^o. 
Un  ange  apparaît  à  Balaam.  L'ange  de  Dieu 
donne  ses  ordres  à  Josué.  Un  ange  apparaît 
h  Gédéon,  et  l'établit  sauveur  du  peuple. 
Un  anse  annonce  la  naissance  de  Samson.  Le 
prophète  Elle  est  nourri  par  un  ange.  Isaïe 
voit  les  séraphins  devant  le  trdne  de  Dieu, 
et  en  reçoit  sa  mission.  L'ange  Raphaël  et 
Tobie.  Les  chérubins  vus  par  le  prophète 
Ezéchiel.  L'ànge  Gabriel  révèle  à  Daniel  l'é- 
poque de  la  venue  du  Christ.  Les  trois  an- 
8 es  des  Perses,  des  Grecs  et  du  peuple  de 
»ieu.  Les  anges  protecteurs  de  Judas  Ma- 
chabée.  L'ange  Gabriel  annonce  à  Zacharie 
la  naissance  du  Précurseur.  Il  annonce  à 
Marie  la  naissance  du  Sauveur  même.  Les 
anges  annoncent  le  Sauveur  né  aux  pasteurs 
de  Bethléem.  Jésus-Christ  nous  signale  les 
anges  des  petits  enfants.  Un  ange  assiste 
Jésus-Christ  dans  son  agonie.  Les  anges 
annoncent  sa  résurrection.  Les  apôtres,  par- 
ticulièrement saint  Pierre,  mis  en  prison, 
sont  délivrés  par  un  ange.  Saint  Paul,  dans 
ses  Epltres,  notamment  dans  celle  aux  Co- 
lossiens  nomme  plusieurs  degrés  dans  la 
hiérarchie  des  anges.  Saint  Jean  dans  sa 
Révélation  voit  les  chérubins  ainsi  que  le 
ministère  des  anges  sur  les  nations  et  sur 
l'Eglise. 

De  ces  faits  et  antres,  ainsi  que  de  l'en- 
sei|;aement  des  prophètes  et  des  apdtres, 

Ïu'il  appelle  les  antiques  théologiens,  saint 
'enjs  déduit  tout  le  foud  de  sa  hiérarchie 
céleste.  Hiérarchie  une,  mais  distincte  en 
trois  ordres,  et  chaque  ordre  en  trois  chœurs. 
Les  séraphins,  les  chérubins  et  les  trdbes 
forment  le  premier  ordre;  les  vertus,  les 

I puissances  et  les  dominations,  le  deuxième; 
es  principautési  les  archanges  et  les  anges, 
le  troisième. 

Il  y  a  plus.  Des  critiques  modernes  ont 
dit,  d'autres  ont  répété  :  s  Les  œuvres  at- 
tribuées à  saint  Denys  l'Aréopagite  ne  sau- 
raient être  de  lui,  attendu  quon  y  parle  de 
cérémonies  qui  n'ont  été  en  usage  que 
dans  le  v*  siècle,  par  exemple,  les  encen- 
soirs et  les  encensements  dans  le  divin  sa- 
crifice. »  Tout  ceqpe  prouve  cette  objection, 


c'est  que  ceux  qui  la  font  ou  la  répètent, 
y  compris,  les  Éollaodisies  du  neuvième 
lour  d'octobre,  n'ont  pas  lu  ou  ont  oublié 
les  écrits  des  apôtres,  en  particalier  ceui 
de  TapAtre  saint  Jean.  Car  nous  y  avons  tu, 
nous  y  voyons  dès  lors  une  liturgie  pom- 
peuse. C'est  un  jour  de  dimanche  que 
saint  Jean  a  sa  divine  révélation.  Cesl  une 
assemblée  à  laquelle  préside  un  Pontife 
vénérable»  assis  sur  un  trône,  etenfirooné 
de  vingt-quatre  vieillards  ou  prêtres.  Ce 
sont  des  habits  sacerdotaux,  des  robes  blan- 
ches, des  ceintures,  des  couronnes,  desias- 
trumeots  du  culte  divin,  un  autel,  des  chan- 
deliers, des  encensoirs,  un  livre  scellé.  Et 
cet  autel,  ces  couronnes,  ces  ceinlures,  ces 
chandeliers,  ces  encensoirs  sont  d  or.  Il  y 
est  parlé  d'hymnes,  de  cantiques  et  d'une 
source  d'eau  qui  donne  la  vie.  Devant  le 
trône,  et  au  milieu  des  prêtres,  est  un  agneau 
en  état  de  victime,  auquel  sont  rendus  les 
honneurs  de  la  divinité.  Sous  l'autel  sont 
les  martyrs  qui  demandent  que  leur  sang 
soit  vengé.  Un  ange  présente  h  Dieu  de  l'en- 
cens, et  il  est  dit  que  c'est  l'emblème  des 
prières  des  saints  ou  des  fidèles.  En  un  mot, 
saint  Jean  nous  *fait  voir  nos  cérémonies 
saintes,  ou  transportées  du  ciel,  ou  trans- 
portées au  ciel.  Hais  on  dirait  que,  depuis 
trois  siècles,  certains  critiques  out  fermé  les 
yeux  pour  ne  pas  voir. 

Pour  résumer,  les  fidèles  catholiques 
qui  auront  lu  avec  foi,  amour  et  inlelli- 
gence,  surtout  dans  le  texte  original,  d'un 
côté,  le  Nouveau  Testament,  en  particulier 
les  Epltres  de  saint  Paul,  et,  de  raulre  les 
œuvres  de  saint  Denys  l'Aréopagite,  n'au- 
ront pas  de  peine  à  reconnaître  que  saint 
Paul  et  saint  Denys  sont  deux  écrivains  du 
môme  temps,  qu  ils  ont  la  même  pensée, 
el  que  le  second  est  vraiment  disciple  du 
premier. 

DENIS  LOEWIS,  surnommé  le  Chartrm. 
naquit  h  Ryckel,  dans  le  pavs  de  Liège, 
vécut  quarante-huit  ans  chez  les  Cbartreoi 
de  Ruremonde,  et  mourut  en  1471,  âgé  de 
soixante-neuf  ans,  après  s'être  rendu  utile  à 
J*Eglise  par  son  savoir  et  par  ses  vertus.  Son 
attachement  continuel  à  la  contemplatioD 
)ui  fit  donner  le  nom  de  Docteur  estatlipie. 
On  a  de  lui  un  grand  nombre  d'ourragrs 
pleins  d'instructions  salutaires  et  d'une oo^ 
tion  touchante,  mais  écrits  sans  éléfatioo^l 
sans  style.  Il  était  sobre  el  sage  dans  sa  spi- 
ritualité, et  il  n'y  a  guère  d'auteurs  mjsti- 
3ues  dont  les  ouvrajjes  se  lisent  avec  pla| 
e  plaisir  et  de  fruit.  Ses  œuvres  ont  été 
recueillies  en  21  vol.  in-fol.,  Cologne,  15^'> 

DESESPOIR.— Foy.  Rspébasoe,  Abaiim»!i. 

DEVOIR  DES  CLERCS,  DES  RELIGIEDX. 
—  Voy.  Obugations. 

DEVOTION.  —  La  dévbtîon,  selon  saint 
Thomas,  «  est  la  volonté  de  faire  proinpte- 
ment  tout  ce  qui  regarde  le  service  de  Dieu.» 
S-S,q.82,  a.  1.) 

En  théologie,  le  mot  de  dévotion  iés\p^ 
une  certaine  propension  particulière  de 
l'âme  vers  Dieu  :  il  dérive  de  dcvovco  (w- 


581 


DEV 


D^ASCEIWME. 


DZ¥ 


Toaer),  qiii  signifie  s*offrir  ou  se  livrer  aa 
5«:r¥ieef  ta  culte  de  quelqu'un,  se  consacrer 
k  lui.  Cette  consécration,  par  rapport  k  Dieu* 
se  fait  par  tcbu  ou  par  jurement  ;  si  elle  oon« 
sîsle  dans  une  simple  intention  de  se  vouer 
è  lui  et  dans  le  sentiment  de  cette  intention, 
elle  constitue  proprement  la  dévotion  dont 
nous  parlons  et  qui  a  été  diversement  dé- 
linîe.  L'auteur  du  livre  De  $pir.  ei  ttnim. 
{0£u9.  de  êonU  AuguMiin,  c.  50)  dit  :  c  La 
dévotion  consiste  dans  Taction  de  se  tourner 
Ters  Dieu  par  une  pieuse  et  humble  affec- 
tion ;  humble,  par  la  conscience  de  notre 
propre  faiblesse  ;  pieuse,  par  la  considéra- 
tion de  la  clémence  divine.  »  Saint  François 
de  Sales  définit  la  dévotion  une  charité  au 
moins  générique,  par  laquelle  nov^eeulemeni 
om  fait  le  6ifir,  mais  encore  an  le  fait  avec 
sam^  fréqnemmeni  et  prompiement;  c'est-à- 
dire,  comme  il  l'explique  lui-même,  en  ce 
sens,  que  la  dévotion  nousi>rocure  une  agi- 
lité spirituelle,  par  laquelle  la  charité  exerce 
en  nous,  ou  nous  exerçons  par  la  charité  les 
ceuvres  de  précepte  ou  de  conseil*  Toutes 
ces  définitions  reviennent  à  celle  de  saint 
Thomas,  citée  en  tête  de  cet  article.  Remar- 
quons aussi  que  par  la  prom|>titude,  il  faut 
entendre  la  ferveur,  1  affection  fervente, 
qu*on  ne  doit  pas  confondre  avec  Théroisme, 
car  quelqu'un  peut  prier  dévotement,  sans 
cependant  prier  avec  la  perfection  spéciale 
des  parfaits,  ni  avec  la  perfection  plus  spé* 
cîale  de  l'acte  héroïque.  Quant  à  la  ferveur, 
dit  Valentia,  c'est  plutôt  par  Texpérience 
que  par  l'enseignement  qu  on  en  comprend 
U  «lature  et  l'utilité,  alors  qu'il  pialt  à  la 
imesté  divine  de  répandre  sa  grâce  dans  le 
eoBor  de  l'homme.  (T.  III,  d.  6,  q.  1.) 

Lrdévotion,  selon  le  même  samt  Thomas, 
prise  an  im  sens  spécial,  est  un  acte  de  reli* 
gion,  parce  qu'elle  a  le  culte  divin  pour 
nMKif.  Le  même  saint  docteur  remarque  que 
la  dévotion  est  principalement  un  acte  de  la 
volonté,  k  cause  du  sentiment  affectueux 
de  celui  g>ii  se  consacre  k  IKeu  ;  mais  en  un 
sens  indirect,  elle  renferme  aussi  un  acte 
de  rintellinnoe,  qui  excite  la  volonté  ;  de 
sotte  que  roraison  et  la  méditation,  en  tant 
qa  élévation  de  l'ftme  vers  Dieu,  s'appellent 
quelquefois  dévotion.  Et  il  observe  que  le 
eonuneocement  de  cette  excitation,  comme 
se  Cûsant  en  nous  sans  notre  eoneours,  con- 
siste dans  .une  eertaine  pensée  et  une  oer- 
leine  affection  spontanée  ;  alors  ces  senti- 
■leols  de  dévotion  viennent  de  Dieu  comme 
cause  extrinsèque,  mais  opérant  principale- 
ment, tant  par  lui-même  immédiatement 
Se  par  une  grâce  actuelle  intrinsèque.  Bn- 
,  il  remarque  encore  que  la  dévotion  est 
spécialement  attribuée  a  l'oraison,  bien 
qu*elle  s'étende,  en  effet,  aux  actes  des 
autres  vertus,  surtoutdu  cuite  divin,  soit  en 
les  ordonnant,  soit  en  les  provoquant  l'orai- 
son est  singulièrement  propre  a  l'exerdce 
de  la  dévotion ,  Unt  par  les  actes  des  autres 
vertus  en  particulier,  que  par  l'acte  fréquent 
de  dévotion,  dans  celui  qui  prie. 

La  cause  extrinsèque  et  principale  de  la 
dévotion  est  donc  Dieu  lui-même  qui»  par 


le  secoues  de  sa  grâce,  nous  Inspire  la  vo- 
lonté de  le  servir  avec  empressement.  La 
cause  intrinsèque  est  la  méditation  de  la 
bonté  divine  et  de  ses  bienfaits,  qui  excite 
l'amour,  comme  cause  prochaine  de  dévo- 
tion; la  méditation  de  notre  faiblesse,  qui 
exclue  la  présomption;  laquelle,  en  nous 
donnant  confiance  en  nos  propres  forces, 
nous  empêche  de  nous  soumettre  k  Dieu  ; 
de  sorte  que  la  méditation  cause  la  dévotion 
comme  cause  morale  formatrice,  en  nous 
représentant  les  motifs  de  se  dévouer  k  Dieu, 
et  la  dévotion  cause  la  méditation  comme 
cause  morale  eOicieote,  en  appliquant  notre 
intelligence  k  chercher  et  k  trouver  de  nou- 
veaux motifs. 

Quoique  la  véritable  dévotion  présuppose 
Tamour  de  Dieu  et  soit  très-intimement  liée 
avec  cet  amour,  elle  en  diffère  cependant, 
en  ce  sens,  que  la  charité  fait  observer,  en 
général,  tous  les  préceptes  de  Dieu,  selon 
cette  parole  de  Jésus-Cbrist  :  Si  votu  m'ai- 
mes, observez  mes  eommandemeniê;  la  dévo- 
tion a  cela  de  plus,  qu'elle  les  fait  observer 
avec  un  certain  empressement  et  une  joie 
toute  particulière.  C'est  pourquoi,  comme  le 
dit  saint  François  de  Sales,  ce  maître  su- 
blime de  dévotion,  la  charité  est  en  quelgue 
sorte  un  feu,  et  la  dévotion  est,  pour  ainsi 
dire,  la  flamme  de  ce  feu.  De  sorte  que,  pour 
être  appelé  véritablement  dévot  il  faut  avoir 
nécessairement,  outre  la  charité,  une  cer- 
taine vivacité  d*âme  k  accomplir  les  actions 
qui  sont  le  propre  de  la  chanté; 

Il  est  une  autre  dévotion  stièslm/jelle  ou 
intellectuelle ,  dont  l'empressement  s'appuie 
sur  la  considération  des  principes  de  foi , 
qui  dans  une  Ame  établissent  la  solide  re- 
lation de  se  dévouer  k  Dieu  par-dessus 
tout  et  en  toute  occasion ,  dans  la  prospérité 
comme  dans  le  malheur.  Cette  dévotion  est 
appelée  Bubêtantielle ,  parce  que  sans  elle  ne 
peut  exister  l'empressement  requis  pour  la 
dévotion ,  et  qu'elle  est  suflteante  pour  agir 
dévotement  en  substance.  Elle  est  appelée 
intellectuelle f  non  qu'elle  exclue  la  volonté , 
mais  parce  qu'en  eiie  ressort  plus  vivement 
l'action  de  l'intelligence  que  de  la  volonté. 
11  est  encore  une  antre  dévotion  ,  acciden* 
tdle  f  intégrale  ou  affective ^  quant  k  l'em* 
pressement  dont  nous  avons  parié, se  joint 
une  certaine  affection  suave,  qui,  aune 
manière  ineffable,  rend  doux  tout  ce  qu*il 
T  a  de  r  pénible  dans  la  voie  du  Seigneur. 
£ile  se  nomme  accidentelle  ou  intégrale  ^ 
parce  qu'elle  nous  dispose  k  agir  avec  plus 
d'empressement;  de  sorte  que  dans  un  sens 
vulgaire  une  personne  est  regardée  comme 
ayant  de  la  dévotion  ou  n'en  ayant  pas , 
selon  qu'elle  agit  avec  cette  sorte  de  conso- 
lation ou  avec  aridité,  bien  qu'elle  conserve 
encore  la  dévotion  substantielle.  Elle  se 
nomme  affective,  parce  qu'en  elle  éclate 
plutôt  l'affection  de  la  volonté  que  l'action 
de  l'intelligence ,  quoique  ces  deux  facultés 
y  concourent.  Cette  dévotion  accidentelle  et 
affective ,  qiumd  elle  n*est  sensible  qu'inté- 
rieurement dans  l'ftme,  s^appelle  simple- 
ment affective;  mai^  si  elle  edate  dans  le 


ISV 


DKTlO^INAïaB 


DEV 


S8i 


corps  par  les  larmes  de  lasensîbilUé  oo  par 
d*autres  affections,  elle  peut  s'appeler  affûte-- 
iive  et  êetuibU  à  la  fois ,  ou  dévotion  «en* 
sible. 

11  faut  s'attacher  en  tout  tenps  à  la  déro- 
tioa  substantielle ,  même  indépendamment 
de  la  dévotion  accidentelle  i  comme  étant 
nécessaire  h  Toraison  et  à  toute  Tie  chré- 
tienne et  parfaite^  i'' L'Ecriture  sainte  nous 
la  propose  souvent  pour  exemple.  Elle  dit 
notamment  des  enfants  d'Israël  :  Us  offrireni 
au  Seigneur  avec  une  volonté  prompte  ti 
pleine  d'affection  les  prémices  de  leurs  biensé 
(Exod.  XXXV,  2i.)Je  vous  offrirai  volon- 
tairement un  sacrifice ,  et  je  louerai  votre  nom^ 
parce  qu'il  est  rempli  de  bonté.  (Ps.  un»  8.) 
Mon  cœur  est  préparé  ^ô  mon  Dieul  mon 
cœur  est  préparé  :  Je  chanterai  vos  louanges 
et  je  les  ferai  retentir  sur  des  instruments. 
(  Pj.  Gvii ,  2.  ]  Le  Seigneur  Jésus  dit  par  son 
prophète  :  Il  est  écrit  de  moi  au  commence^ 
ment  du  livre  que  je  ferai  votre  volonté.  Cest 
se  que  j'ai  voulu,  6  mon  Dieu,  et  votre  sainte 
loi  est  au  fond  de  mon  cœur.  {Ps.  nxxix ,  8, 
B.  )  Dans  tous  ces  passages  se  trouvent  re« 
commandés  la  promptitude  ef  l'empressé^ 
ment  volontaire  à  offrir  à  Dieu  nous-mêmes 
et  nos  biens  ;  et  c'est  en  cela  que  consiste 
la  dévotion  lubstanyelle^  Cette  même  dé^ 
YOtiou  nous  est  montrée  f  indépendamment 
de  la  dévotion  accidentelle ,  comme  suffît 
santé  et  nécessaire,  alors  que  rficritore 
nous  bit  voir  notre  Seigneur  Jésus^hrist« 
priant  dans  le  jardin  accablé  de  tristesse  # 
et  repoussant  par  une  répugnance  naturelle 
le  CMice  de  s»  passion.  Si  je  ne  puis  être 
dispensé  de  le  boire  »  qm  votre  volonté  se 
fasse.  (^Matth.  xxvi,tô.) 

Il  dit,  lorsqu'il  s'apprête  arec  un  empres« 
aement  admirable  à  souffrir  sa  passion  i 
Levea^voue  et  marchons,  i  Ibid.^  M.  )  Et 
lorsqu'il  trouve  ses  disciples  endonnis  au 
milieu  de  leur  prière  :  VetUez  et  priez ,  leur 


ses  disciples,  bien  qn'iis  n'eussent  aucuDa 
déyotioQ  sensible  ^  a  cause  de<  la  faiblesse 
de  leur  chairyS'vaienl  cepemdaaA  uneoer* 
laine  dévotion  substanlieite  ^  qui  avait  be^ 
soin  d'être  ranimée ,  sinon  aeeNlenteltonent) 
au  moins  substmiiellement  par  la  prière^ 

2"  On  Je  prouve  par  les  sainis  Pères  »  «  La 
dévotion ,  dit  srât  Amboise  #  est  nno  vertu 
du  premier  ordre,  et  ie  fondement  des* au»- 
très.  V  (  L*.  I  De  Abraham ,  c«  3.  )  Saint  Boira* 
venture  dit  aussi  (  Opuse*  de  ses  e/ir,  c.  8): 
«  Sons  l'aile  de  la  dévotion  ,  les  entres  ver- 
tus ne  peuvent  s'élever  k  la  perfection; 
e'est  ce  qui  la  rend  la  plus  nécessaire.  »  ^ 
c  La  ferveur  de  le  dévotton  est  la  langue  de 
l'Ame  :  sans  elle  l'ême  est  oMielte ,  et  ne 
peut  avoir  aucun  entreiieB  avec  la  paroto;  s 
(  Saint  BBKiiAnD>serm.  M,  ise  Canif, ) 

8*  Par  la  raison.  Sans  la  dévotion  subs- 
tantielle f  iotelleetueHe,  on ,  comme  ra|>- 
pelle  Blostus ^  ratiounetie ^  il  ne  peut  y  avoir 
it^oraison.  Car  ort  ne  peut  prier  Dieu  digne- 
ment r  qiumd  on  ne  le  prie  pas  eomme  il  en 


a  donné  les  moyens  à  l'homme ,  c'est-à-dire 
aeec  zile  et  dévotion  (  C.  Dolentei  de  ce{e6r. 
missœ)^  ét'sans  elle  il  est  impossible  d'aroir 
l'attention  requise.  Sans  elle  aussi ,  point 
de  charité,  et  par  conséquent  point  d'amitié 
de  l'homme  avec  iUeu  ,  amitié  qui  est  le 
fruit  de  la  charité.  Car  l'affection  nous 
donne  de  l'empressement  k  rendre  service  è 
nos  amis ,  et  c'est  cet  échange  empressé  de 
services  qui  conserve  et  augmente  Tamilié 
eomme  le  remarqoe  saint  Thomas  (%-% 
q«'82,  a.  S,  ad.  S)«  Sans  elle  enSn  point  de 
vie  chrétienne  ni  parfaite;  car  sans  elle, 
d'un  c6té  «  ne  peut  exister  cette  charité  et 
cette  amitié  avec  Dieu ,  nécessaire  à  la  vie 
chrétienne  et  parfaite*;  d'un  autre  eôlé,  on 
ne  peut  éviter  la  tiédeujr ,  cet  éeueil  de  la 
Yie  chrétienne  et  parfaite  ;  et  enfin  on 
triomphe  anssi  pendes  ennemis  acharnés 
de  notre  Ame ,  <iu'un  soldat  qui  dans  une 
bataille  remuerait  à  peine  les  bras. 

Puisque  la  dévotion  provient  princinalc- 
ment  de  Dieu,  comme  feicitant  sevI,  ou 
comme  y  coopérant  k  titre  de  cause  princi* 
fMile,  nous  devons  puiser  dans  la  foi  la  cer- 
titude que  Dieu,  de  son  côté,  nous  donnera 
les  moyens  d'obtenir  an  moins  la  déroiion 
substantiellOi  Nous  devons  donc,  dociles  à 
l'excitation  de  Dieu,  le  prier  de  noos  aider 
imissammeni  par  cette  dévotion  snbalan- 
tielle  fondée  sur  la  foi,  afin  de  ne  pas  suc- 
comber dans  la  voie  du  salwt.  Et  eomme 
notre  coopéretion  est  nécessaire,  il  nous 
faut  nous  livrer  à  la  méditation  ;  elle  noos 
inspirera  d'humbles  el  pieuses  alfeetioos 
«  par  la  considération  de  nos  péchés,  laquelle 
suggère  k  ftiomtne  d'humbles  sentiments  de 
lui-même; parle  souvenir  des  châtiments 
qui  l'excite  à  faire  le  bicte;  par  la  eoosidém- 
tion  de  notre  esil  sur  la  lerror  qui  l'engage 
à  mépriser  les  choses*  rieibles;  par  le  désir 
de  la  rie  éternelle,,  qui  le  pousse  à  la  per* 
fection  et  le  contraint  k  détaeber  sa  volonté 
des  affections  terrestres*»  {Sentent.^.  Bsa- 
HiRD.)  Hais  poar  que  eette  dévotion  soit 
solide  pour  tout  état,  pour  celui  de  consola- 
tion comme  pour  celui  de  tribulatioo,  elle 
doit  nécessairement  i^dppoyer  sur  les  vérités 
de  foi,  profondément  méditées  dans  Torai^ 
son^  Et  bien  qoe  souvent  la  divine  Prori- 
dence  ne  nous  accorde  pas  la  dévotion  acci- 
dentelle, nous  derens  tonjours  rechercher 
kdévotionsubslasiieiîerqm  nenotisfflanqufi 
que  par  notre  faute*  En  effet,  eomme  nous 
ie  dit  saînl  fieneventure  i  «  Lorsque  vous 
étee  privé  de  la  doneenr  des  cousolatloos 
intérienresr  ne  perdet  pas  conflance  et  ne 
eroyen  pas  que  Dieu-  teus*  s  abendonnés  et 
qn'it  n'agrée<  pae  vos  bonnes  œuvres;  ntit 
recouvecs  k  cesf  véritables  témoignages  et 
eberehea^y  votre  cottsolation^  Ayez  confiance 
en  Dieur  qui  est  la  Yérité  même  ;  tant  que  toos 
ne  voue  Moi^pnei^s  pas  de  lui,  en  traoKres- 
sant  Tolontaimiieoli  ses  préceptes,  il  o^ 
TMs  abendonnere  pae  et  ne  cessera  d'avoir 
pillé  de  vtoiis.  (£.  eu,,  c.  i.) 

On  doit  ausflii  toujours  redier^er  la  dé- 
TOtibn  même  aecidemeltef  soit  sîmpisoaflt 
affective,  sûiî  afléclive  et  sensible  à  li  fotfi 


DEV 


DASCETISUE. 


DET 


oomme  tres-ulile  ei  parfois  nécessaire  à  To- 
raîtoo  et  à  la  Tie  chrétieoneel  parbite. 

1*  L*Bcriture  sainte  la  recommande  : 
Gûûiex  H  voffez  combien  le  Seigneur  eei  dausc. 
(ffi.  xxim,  9.)  Que  vo$  forolee  «€  f ofU  dow- 
€es!Blle$  ieêomt plueque  iewùel  ne  Feii  àtma 
bemeke.  [Fe.  cxtiu,  103.)  Je  voue  re^errai^  U 
wotre  eemr  $e  r^omira^  €i  perêonne  ne  mus 
rartrvi  ooirejcie.  (Joan.  xvi,  S2.)  Demandez  et 
cens  recevrez^  afm  que  voire  joie  soii  pleine 
d  enUêre.  {tbid.^  tt.)  Lefmii  de  l'esprit  e$i  la 
ekarité^  lajoie^  la  paiXf  elc.  {Gai.  ▼,  32.) 
Tons  ces  passages  nous  proposent  la  joie 
comme  Tnn  des  froils  de  i'Esprit-Saint  qall 
&ot  se  procurer. 

9'  Les  saints  Pères  s*accordent  aussi  à 
nous  la  recommander,  c  II  faut  implorer  de 
noire  Créateur,  avec  de  profonds  gémisse- 
flients,  le  don  des  larmes.  »  (Saint  Gafaoïas, 
I.  III  Dialog.^  c.  3b.)  «  La  dévotion  cause 
par  elle-même,  et  principalement*  la  joie 
spirituelle,  car  cette  consiaération  (celle  de 
la  bonté  dirine,  de  laquelle  elle  procède)  a 
rapport  au  terme  du  mouvement  de  la  vo- 
lonté qui  se  livre  à  Dieu,  et  par  elle-même 
die  produit  le  plaisir.  »  (Saint  Tbomas, 
^%  q.  88,  a.  4.)  Saint  Bonaventure  dit 
de  retle  dévotion  :  <  Elle  est  Tonction  de 
rBqirit,  elle  enseigne  tout  ce  qui  est  utile 
an  salut.  »  {Opuee.  de  $ex  oUt,  c.  8.)  Enfin 
•le  catéchisme  romain  (Ae  contritione)  ensei- 
gne «  oue  dans,  la  contrition  les  larmes 
doivent  être  désirées  et  recherchées  avec  le 
|iins  grand  soin.  » 

3*  La  raison  elle-même  nous  en  fait  un 
devoir.  La  dévotion  accidentelle  en  effet  en 
elle-même  et  d*une  manière  principale  est 
cassée  par  la  dévotion  substanlîetle  :  elle 
la  perfectionne  et  Taide  à  atteindre  le  but 
qu'elle  se  propose,  comme  nous  l'avons  vu 
plus  haut  par  le  passage  de  saint  Thomas; 
et  cette  dévotion  accidentelle  a  pour  effet  do 
cendre  plus  agréables  h  Dieu  et  à  celui  qui 
les  offre  les  sacrifices  de  prières  et  de  bon-* 
nés  couvres,  selon  ces  paroles  :  Que  mom 
éauMoitremplieeteommeroêeaeiéeou  e/kgroiê- 
eée^  et  ma  howeke  vous  louera  dans  de  saints 
iramsfwrts  de  joie.  (Ps.  lxii,  6.)  En  outre  la 
dévotion  même  sensible  perfectionne,  comme 
nous  Favons  dit,  la  dévotion  substantielle. 
Toi  couru  dansla  voie  de  vos  commandements 
lorsque  vous  avez  Hargi  mon  cœur.  {Ps. 
CX.V1U,  Si.)  Par  elle  la  partie  inférieure  con- 
corde avec  la  supérieure,  en  se  nourrissant 
ensemble  de  la  douceur  des  mêmes  viandes... 
dans  un  parfaii  accord.  {Ps.  uv,  15.)  Les  lar- 
mes mêmes  qui  émanent  de  la  dévotion  in- 
térieure sont  un  don  de  Dieu;  ellesassocient 
d*uoe  manière  ineffable  les  délices  sçlri- 
loelles  avec  la  douleur  ducmur.  EnfioDieu, 
la  souveraine  douceur,  ne  cherche  pas,  à 
proprement  parier,  à  nous  voir  dans  ramer- 
tome;  il  veut,  au  contraire,  que  nous  trou- 
vions des  consolations  dans  nos  bonnes  eau* 
vres  ;  et  si  parfois  il  semble  agir  autrement, 
c'est  par  accident,  ou  à  cause  de  notre  peu 
de  disposition,  ou  par  le  défaut  de  coopéra- 
tion de  notre  part,  on  pour  nous  éprouver 
dans  notre  intérêt ,  ann  de   récompenser 

DiCTio?iif.  d'Ascetisxe.  L 


notre  patience  par  une  plus  grande  abon- 
dance de  consolations.  Donc  on  doit  recher- 
cher la  dévotion  même  accidentelle.  En 
effet,  comme,  dit  saint  Laurent  lustinien  {Ik 
perfeet.  «on*,  c.  18)  :  c  Si  la  vénérable  ma- 
jesté de  Dieu  daigne  visiter  Tâme  qui  ne  lui 
témoigne  que  de  la  froideur  au  lien  d'a- 
mour, et  que  de  Tindifférence  è  s'entretenir 
avec  lui,  combien  à  plus  f<Mrte  raison  répan- 
dra-t-il  le  goût  des  célestes  délices  dans 
Tâme  fervente  et  qui  le  cherche  avec  solli- 
citude? 9 

Il  est  deux  movens  de  se  procurer  la  dé- 
TOtion  substantielle  et  accidentelle»  spiri- 
tuelle et  sensible.  Le  premier  consiste  oans 
une  humble  prière  à  Dieu  :  c'est  è  elle  seule 
de  nous  exciter  d*abord  à  la  dévotion  par 
nue  lumière  et  des  inspirations  spontanées. 
Le  second  est  la  morlimeation^  qui  doit  ac- 
compagner la  prière.  Lar  notre  coopération 
est  nécessaire;  mais  nous  ne  pouvons  la 
joindre  que  par  le  secours  et  la  présence  de 
la  grâce  de  Dieu.  Que  voire  grâce^  nous  vous 
en  supplions.  Seigneur^  nous  prévienne  et 
nous  suive  toujours^  et  qu^elle  nous  rende 
sans  cesse  apjsliquis  à  la pratiquedes  bonnes 
œuvres.  {Collecta  Dom.  xvi,  post  Pentec.) 
Saint  Augustin  fait  cette  prière  :  «  Seigneur, 
mon  Dieu,  prêtez  roreille  à  ma  prière,  et 
que  votre  miséricorde  exauce  mon  désir.... 
Accordez-moi  quelque  chose  que  je  puisse 
vous  offrir;  donnez-moi  ce  oue  j'aime  :  car 
j'aime  et  c'est  à  vous  que  je'ie  dois,  le  vous 
en  conjure  par  notre  Seigneur  lésus-Chrisl, 
par  qui  vous  nous  avez  cherubés ,  nous  qui 
ne  vous  cherchions  pas  ;  et  vous  nous  avez 
cherchés  pourque  nous  vous  recherchions.  » 
(L.  II  Cofi/eii.,  c.  2.) 

Saint  Grégoire  remarque  c  que  quand  les 
fidèles  recherchent  à  s  instruire  plus  pro- 
fondément, c'est  qu'ils  ont  déjà  une  grande 
dévotion;  et  cette  dévotion  devient  plus 

S-ande  encore  après  la  prédication.  »  (L.  i 
eg.f  k.)  Bd  effet,  le  désir  de  connaître  la 
volonté  de  Dieu  dans  la  prière,  désir  excité 
de  Dieu,  est  d^à  une  marque  de  dévotion^ 
laquelle  s'accrott  et  se  perfectionne  davan- 
tage par  la  méditation,  la  prière  et  les  <Ba« 
vres,  qui  nous  animent  à  cuire  la  volonté  de 
Dieu.  Il  y  a  de  la  dévotion  dans  cet  effort 
par  lequel  Dieu  aime  h  prévenir  et  à  être 
prévenu,  et  la  créature  se  trouve  prévenue 
et  aspire  à  l'être.  Dieu  prévient  notre  désir 
avant  qu'il  naisse  en  nous,  et  il  aime  à  être 
prévenu  par  les  désirs  les  prières,  les  con- 
sidérations et  la  pur46  de  la  vie,  afin  qne, 
quand  la  créature  j  pense  le  moins,  ce  dé* 
sir  se  trouve  rempli  au  delà  de  son  attente, 
par  la  grâce  de  Dieu  qui  la  prévient,  la  se- 
coure et  l'accompaçoe. 

Or,  lodévoiionsuoslaniielle  doit  Uredesnan^ 
d^  à  Dieu  et  reclierchéed'mie  mamère  absolue 
parla  prière  et  la  mortification,  avec  la  ferme 
espérancede  l'obtenir.  En  effH,elle  est  néces- 
saire et  utile  au  salut  étemel  ;  il  faut  donc  la 
demander  absolument  à  Dieu.  Comme  elle 
consiste  dans  l'empressement  à  plaire  à 
Dieu,  Dieu  est  toujours  disposé  à  nous  venir 
en  aide;  et  nous  pouvons  toujours  y  arriver 

19 


M7 


DEV 


DICTIONNAIRE 


DEY 


m 


aTCclo  secours  de  lu  grâce  ilivine.  Toujours, 
in£me  au  milieu  des  désolations,  nous  avons 
la  lumière  de  la  foi  et  des  dons  de  l'Esprit- 
Saint,  nous  avons  des  secours  qui  nous 
éclairent  et  nous  inspirent;  et  par  eux  nous 
pouvons  et  nous  devons  toujours  être  affer- 
mis dans  la  résolution  de  plaire  à  Dieu,  soit 
par  les  consolations»  soit  par  les  désolations, 
avec  une  pleine  résignation  dans  la  volonté 
do  Dieu.  C*esl  en  cela  que  consiste  la  dévo- 
iion  substantielle,  au  témoignage  de  Blo- 
sius  :  «  La  véritable  dévotion  consiste  dans 
la  véritable  soumission,  résignation,  abné- 
gation, et  dans  le  véritable  mépris  de  soi- 
même,  plutôt  que  dans  une  douceur  et  un 
cbarmo  sensible.  »  (/n  conclav.  an.f  p.  i, 

c.  13.) 

La  dévotion,  même  substantielle,  entraîne 
toujours  avec  elle  quelque  plaisir  à  la  fois 
substantiel,  intellectuel  ou  rationnel;  car 
les  vérités  solides  de  la  perfection  chrétienne 
ont  une  douceur  inséparable  au-dessus  de 
toulo  amertume.  Denys  le  Chartreux  l'ap- 
pelle douceur habU}*eUe.{L,  i  De  gaud.  spir.f 
a.  21).  Les  justes  la  possèdent  habituelle- 
ment, selon  le  degré  de  la  grAce  qui  leur 
est  accordée.  Les  marques  de  celte  douceur 
sont  une  modération  et  une  retenue  conti- 
nuelle  dans  la  prospéritéf  la  patience  dam 
Vadversiti^  une  constante  volonté  de  plaire  à 
Dieu  et  de  lui  obéir  en  toute  chose.  Il  faut 
donc  prier  sans  cesse,  et  sans  condition, 
pour  obtenir  cette  douceur  habituelle  et 
nécessaire.  L*ftme  désolée  doit  se  contenter 
de  n'avoir  pas  perdu  le  désir  spirituel  de 
plaire  à  Dieu  et  de  le  servir  en  tout  temps; 
et  si  elle  n'éprouve  pas  ce  désir,  qu'elle  dé- 
rjlore  humblement,  et  avec  toute  la  ferveur 
(iont  elle  est  capable,  son  imperfection; 
qu'elle  aspire  h  désirer  avec  l'ardeur  du 
Psalmiste,  et  qu'elle  répète  avec  lui  :  Mon 
•âme  a  désiré  en  tout  temps^  avec  une  grande 
irdeur^  vos  ordonnances  qui  sont  pleines  de 
justice.  (JPâ.cxviii,  20.) 

On  doit  rechercher  et  demander  à  Dieu  la 
dévotion  accidentelle^  mais  sous  la  condition 
ou  limite  tacite  ou  expresse,  qu'elle  est  utile 
à  la  dévotion  substantielle. 
.  l*"  Nous  le  prouvons  par  le  témoignage 
des  saints.  Saint  Bonaventure  (1.  ii  De  prof. 
reLj  c.  69),  ne  permet  de  demander  celte 
dévotion  qu'à  celui  qui  est  depuis  longtemps 
eiercé.  Sainte  Thérèse  dit  qu'elle  ne  con- 
Tîent  uniquement  qu'aux  personnes  déjà 
disposées.  Saint  Jean  de  la  Croix  s'efforce 
de  nous  prémunir  contre  ce  qu'il  appelle  la 
ffourmandise  spirituelle,  c*est*à-dire,  contre 
Pexcès  où  tombent  ordinairement  les  com- 
mençants dans  les  exercices  spirituels,  et 
qui  dégénère  pour  eux  en  graves  imperfec- 
tions; car,  en  l'absence  de.la  dévotion  sen- 
sible, ils  sont  torturés  par  d'excessifs  re- 
mords. «Quandils  ne  ressentent  pas  leplaisir 
de  cette  dévotion,  ils  s'attristent  dans  la  pensée 
qu'ils  n'ont  rien  obtenu.  Us  perdent  ainsi 
la  véritable  dévotion  et  son  véritable  esprit 
qui  consiste  à'  persévérer  avec  patience  et 
humilité,  et  à  se  déQer  de  soi*m6me,  pour 
plaire  à  Dieu.  »  (  L.  i  Noct.  ofric,  c.  6.) 


^aint  Pierre  d'Aicantara  (p.  ii  De  âetoL, 
G.  1)  recommande,  il  est  vrai,  la  dévotion 
accidentelle  ;  mais  il  conseille  de  ne  la  de- 
mander qu'avec  discrétion,  et  d'y  recher- 
cher moins  les  consolations  que  la  vo- 
lonté de  Dieu.  Saiht  François  de  Sales  (p.  iv 
Vit»  dev.^  c.  13  ),  tout  on  louant  ces  douceurs 
spirituelles,  nous  avertit  d'y  éviter  avec 
soin  l'orgueil  :  car  elles  ne  rendent  pas 
justes  par  elles-mêmes,  elles  sont  comme 
le  miel  et  les  friandises  qu'une  mère  donne 
à  son  enfant  chéri. 

2*  Les  ascètes  tiennent  le  même  langage. 
«  11  faut  s'efforcer,  dit  Denys  le  Chartreux, 
d'acquérir  cette  douceur  actuelle  et  actuel* 
lemeut  perceptible,  non  toutefois  comme 
une  chose  nécessaire  au  salut,  mais  comme 
une  sorte  de  secours  pour  triompher  plus 
facilement  des  adversités  et  des  joies  mé- 
prisables; et  sous  la  condition  do  s'en  rap- 
porter à  la  volonté  divine,  en  disant  :  Non 
comme  je  veux ^  mais  comme  vous  le  voti/»» 
6  DieUy  notre  Père  (I.  i  De  gaud^^  spir.f  a.  21). 
Blosius,  tout  en  admettant  qa'on  puisse  pieu- 
sement demander  les  consolations  sensibles, 
ajoute  pour  les  commençants  :  «  11  y  a  loutej 
fois  quelque  imperCection  secrète  dans  une 
demande  de  cette  nature,  laquelle  n'est  pas 
tout  à  fait  conforme  à  rabnégalion  qui  doit 
l'accompagner.  »  {insi.  spirl^  c.  7.) 

3*  La  raison  confirme  les  témoignages  pré* 
cédents.  £n  effet,  la  dévotion  accidentelle 
est  une  do  ces  grâces  surabondantes  qui 
d'elles-mêmes,  il  est  vrai,  sont  utiles  è  la 
vie  spirituelle,  comme  Faction  de  niaoeer 
avec  appétit  est  utile  à  la  vie  corporelle; 
mais  souvent  par  accident  il  nous  esta?an* 
tageux  que  cette  dévotion  nous  soit  refusée, 
au  moins  pour  quelque  temps,  de  crainte 
que  nous  ne  tombions  dans  l'excès  ou  la 

Î;ourmandise  spirituelle;  c'est  ainsi  que 
*ap[)étit  qui  dégénère  en  gloutonnerie  se 
corrige  par  l'abstinence.  Donc  c'est  seule- 
ment sous  condition  que  la  dévotion  acci- 
dentelle doit  être  demandée  à  Dieu. 

Ce  que  nous  veDons  de  dire  de  la  défotion 
accidentelle  doit  s'entendre  autant  de  celle 
qui  est  simplement  affective  ou  spirituelle, 
que  de  la  dévotion  sensible^  de  telle  sorte 
cependant  qu'on  doive  mettre  plus  de  soins 
à  la  recherche  do  la  dévotion  spirituelle. 
Quant  à  la  dévotion  sensible,  même  en  tant 
qu'elle  se  rapporte  à  la  véritable  dévotion, 
il  ne  faut  jamais  la  demander  que  sous  coo* 
dition  :  ainsi  l'Ëglise,  dans  le  Missel,  a  placé 
parmi  les  collectes  ad  libitum  celle  qui  de* 
mande  le  don  des  larmes.  Parmi  les  aolres 
dispositions  requises  pour  obtenir  les  con- 
solations divines,  la  principale  est  de  se  pri- 
ver des  jouissances  charnelles,  comme  le 
montre  saint  Bonaventure,  d'après  saint 
Bernard  (collât.  6):  «  Si  vous  voulez  tous 
réjouir  aans  l'amour  de  Dieo,  que  votre 
âme  renonce  à  chercher  ailleurs  des  conso- 
lations. Car  la  consolation  n'est  jamais  acco^ 
dée  à  ceux  qui  recherchent  des  consolalioos 
étrangères,  celui  dont  l'Ame  est  ainsi  ï  l« 
recherche  de  consolations  étrangères,  et  ne 
renonce  pas  comoléteraent  aux  cousolalio**^ 


rM 


DEV 


D*ASCETlSli£. 


DEV 


190 


caduques  et  Iransiloires,  se  ravil  à  lui-mèoie 
la  gi^ce  des  célestes  consolalîoDS.  Cest  se 
tromper  que  de  croire  qu'il  soit  possible  de 
mêler  la  douceur  céleste  arec  la  douceur 
charaelle,  ce  t»aume  dîna  arec  cette  herbe 
▼éoéoeuse.  •  Sainte  Thérèse  rend  le  même 
témoignage  dans  Thistoire  de  sa  TÎe  (  c.  21^  ); 
et  elle  affirme  que  tontes  ses  consolations  lui 
Tinrent  A  la  suite  du  renoncement  aux  aon« 
solations  humaines,  quelque  innocentes 
quelles  lui  parussent. 

DÉTono!!  (Exercices  de).  —  I.  Tout  le 
monde  sait  arec  quel  soin  les  saints  s*appli« 
quaient  à  offrir  à  Dieu  rhommage  d'adora- 
tions nombreuses  et  réitérées,  puisque  plu- 
sieurs  en  étaient  venus  jusqu'à  faire  chaque 
jour  des  centaines  d'actes  d*adoration.  Si 
donc  le  directeur  ne  découTre  pas  dans  le 
cQ^ur  de  son  pénitent  cette  haute  idée  de  la 
Majesté  divine,  qui  le  porte  A  ces  actes  fré- 
quents d'adoration  et  de  Téoératioo,  qu'il 
s'efforce  de  l'eiciter  è  faire  ces  actes  au 
moins  lorsau'il  se  met  en  la  présence  de 
Iiiea,  ou  qu  il  se  trouve  dans  l'église  devant 
le  saint  sacrement,  ou  encore  quand  il  se 
dispose  à  s'entretenir  avec  Dieu  par  la  médi- 
tation, par  l'examen  de  sa  conscience,  par 
la  récitationde  l'office,  du  chapelet  ou  d'autres 
prières.  Car  s'il  convient  end  autres  temps  de 
faire  des  actes  d'adoration,  il  est  nécessaire 
d'en  faire  dans  les  circonstances  que  nous 
venons  d'énumérer,  si  l'on  ne  veut  pas 
s'exposer  A  manquer  au  resoect  qui  est  dû 
à  la  divine  Majesté. 

II.  Quant  aux  actes  d'adoration  qui  se 
font  par  des  gestes  extérieurs  du  corps,  le 
directeur  ne  doit  point  permettre  à  son  pé- 
nitent d'eobire  publiquement  d'autres  que 
ceux  qui  sont  conformes  à  l'usage  ordinaire 
des  fidèles.  Car  se  livrer  en  public  à  des 
Actes  inaccoutumés,  quoique  pieux,  ce  se- 
rait non-seulement  s'exposer  soi-même  à  la 
vaine  complaisance,  mais  encore  donner  aux 
autres  l'occasion  de  rires  mo(|ueurs.  Nous 
exceptons  cependant  le  cas  où  le  directeur 
jugerait  à  propos  de  le  permettre  pour  briser 
1  orgueil  de  celui  qui  montrerait  en  cela 
une  répugnance  particulière;  et  encore, 
ii;!ns  ce  cas  même,  il  ne  doit  agir  ainsi 
f]u'après  les  plus  grandes  précautions.  Si  le 
l'énitent  vaque  à  l'oraison  seul  en  particu- 
iîer,  il  faut  lui  conseiller  tous  les  actes  du 
culte  extérieur,  qui  sont  les  plus  propres  à 
exciter  en  son  cœur  le  respect  pour  la  pré- 
sence du  Très-Haut,  puisque,  au  témoignage 
de  saint  Augustin ,  ces  actes  corporels  ont 
Imjar  but  particulièrement  d'exciter  le  res- 
|«ecl  intérieur.  Or,  pour  éviter  toute  crainte 
d*erreor  en  celte  matière,  nous  allons  indi- 
quer les  actes  du  culte  extérieur  auxquels 
on  peut  se  livrer  avec  fruit  pendant  l'orai- 
s-^n,  et  qui  ont  un  rapport  certain  avec  la 
oature  du  vrai  culte. 

Cesi  un  acte  du  culte  extérieur  que  de 
f-rîer  a  genoux,  et  quelquefois  même  detiout. 
Borunius  affirme,  en  ses  Annales  (an.  58), 
«|tjc  les  Q*lèles  avaient  coutume  de  prendre 
«'.j.nc  et  l'autre  d«î  ces  p^isturcs;  et  il  s'ap- 
l  ^.c  5jr  le Iciooi^nage  de  Terlullicn,  seioi 


lequel,  d'après  l'usage  établi  par  Tl^^Iiset 
les  Chrétiens  doivent  prier  et  adorer  quel- 
quefois debout,  quelquefois  à  genoux» 
Baronius  ajoute  que  son  Eglise  avait  l'nsage 
de  prier  à  genoux  six  jours  de  la  semaine, 
et  debout  le  dimanche,  en  mémoire  de  la 
résurrection  du  Seigneur.  Mais  comme  il 
convient  plus  à  nu  pécheur  de  prier  A  g^ 
noux,  et  que  cette  posture  humiliante  est 
plus  propre  A  toucher  le  cœur  de  Dieu,  il 
vaut  mieux  la  prendre  plus  souvent. 

C'est  un  acte  du  culte  extérieur  que  de 
prier  les  mains  jointes.  Nous  lisons  dans 
V Exode  (chap.  xvii)  que,  pendant  1)ue  l'ar- 
mée israélite  combattait  contre  les  Amalé- 
cites.  Moïse  monta  sur  le  sommet  d'une 
colline,  et,  pour  obtenir  de  Dieu  la  victoire, 
leva  vers  lui  les  mains,  en  les  tenant  join- 
tes, selon  le  commentaire  de  Corneille  de  la 
Pierre.  La  prière  de  Moïse,  accompagnée  de 
cet  acte  extérieur  de  vénération,  fut  si  agréa- 
ble A  Dieu,  qu'il  voulut  en  faire  dépendre 
tout  le  succès  de  la  bataille.  Car  lorsque 
Moïse  Levait  les  mains, Israël  était  victorieux; 
et  pour  peu  qu'il  cessât  de  les  tenir  levées, 
la  victoire  tournait  du  cAté  des  Amalécites. 
C*est  |ioorquoi  il  fallut,  A  raison  de  la  lassi- 
tude qu'éprouvait  Moïse,  (|u'Aaron  et  Hur 
vinssent  A  son  aide  et  lui  tinssent  les  mains 
levées,  jusqu'A  ce  que  les  Israélites  eussent 
remporté  sur  les  ennemis  une  victoire  com  • 

f)lète.  Baronius  rapporte  dans  ses  Annales 
an.  58)  une  épttre  ae  saint  Nicolas,  Souve- 
rain Pontife,  dans  laquelle  il  répond  aux 
Bulgares  qui  l'avaient  consulté  sur  cet  usago 
de  prier  les  mains  jointes,  qu'il  approuvn 
celte  manière  de  prier,  A  raison  de  ce  qu'elle 
exprime  l'humilité,  l'anéantissement  du 
cœur  en  présence  de  Dieu;  et  il  ajoute  que, 
comme  les  réprouvés  doivent  être  jetés 
dans  les  ténèbres  extérieures  pieds  et  mains 
liés,  de  même  celui  qui  tient  les  mainsjointes 
devant  Dieu  semble  lui  dire  ces  paroles  : 
«  Seigneur,  ne  permettez  pas  que  j'aie  les 
mains  liées  pour  être  précipité  dans  les 
ténèbres  extérieures,  parce  que  voici  que  ju 
les  lie  moi-même,  tout  disposé  a  recevoir 
vos  coups,  selon  cette  parole  de  saint  Paul  : 
Si  nous  nous  jugions  nous-mêmes,  nous 
ne  serions  pas  jugés.  • 

C'est  un  acte  du  culte  extérieur  que  de 
prier  les  mains  levées  vers  le  ciel,  ou  éten- 
dues en  forme  de  croix.  Ainsi  pria  Salomon 
dans  le  temple,  lorsque  la  construction  en 
fut  terminée  :  //  se  leva  de  devanl  Faulel,  dit 
l'Ecriture,  car  il  s'Hait  mis  à  genoux  sur  le 
paré  et  avail  étendu  les  bras  vers  le  cieL 
(///  Reg.  vin.)  Ainsi  priaient  les  Chrétiens 
de  la  primitive  Eglise,  comme  l'indique  ce 
mot  de  saint  Paul  :  Je  veux  aue  les  hommes 
prient  en  tout  lieu^  en  levant  des  mains  pures» 
[1  Jim.  II.)  Ce  conseil  de  l'Apdtre  fui  parfai- 
tement suivi  par  le  Père  des  anachorètes, 
saint  Paul  :  car  saint  Jérôme  rapporte  qu'il 
mourut  A  genoux  et  les  mains  levées  vers  le 
ciel,  position  que  son  corps  même  conserva 
après  sa  mort. 

C'est  un  acte  du  culte  exténeur  que  de 
[>rier  le  corps  prosterné  jusqu'A  terrCi  comme 


S9f 


DET 


DICTIONNAIRE 


DEir 


S9! 


la  6t  Judas- Machabée  arec  ses  compagnons 
d'armes»  au  moment  de  combattre  contre 
Tarmée  formidable  de  Timothée,  pour  de* 
mander  h  Dieu  le  gain  de  la  bataille.  Moeha* 
hée  et  ceux  qui  étaient  avec  fut,  à  rapproche 
de  f  ennemi  f  priaient  teSeigneur^eniecouvrant 
ta  tête  de  poussière,  revêtus  de  ciliées  et  pros" 
ternis  au  pied  de  Fautel.  (II  Maeh.  \.)  Ainsi 
pria  encore  la  face  contre  terre  une  légion 
chrétienne  de  l'armée  de  l'empereur  Marc- 
Aurèle  Antonin  »  et  une  glorieuse  victoire  en 
résulta  pour  les  Romainsy  selon  le  rapport 
que  Femperenr  lui-même  en6t  au  sénat.  Du 
reste,  le  Sauveur  Jésus  a  donné  lui-même  le 
noble  exemple  de  cette  manière  de  prier» 
lorsque  priant  son  Père  céleste  dans  le  jardin 
de  Getbsémani  »  il  se  prosterna  en  tombant 
la  face  contre  terre  :  rrocidit  in  faciem  suam 
orans,  [Uatth.  ixyr»  29.) 

C'est  un  acte  du  culte  extérieur  que  de 
prier  en  se  frappant  la  poitrine,  ainsi  que  le 
publicain  le  fit  dans  le  temple  :  /{  frappait 
sa  poitrine^  en  disant  :  Seigneur  y  ayez  pitié 
de  moi  qui  ne  suis  qu'un  pécheur.  [Lue.  xvui, 
)3.]  Le  Pape  Nicolas,  dans  son  EpUre  aux 
Bulgares^  loue  aussi  cette  manière  de  prier 
et  en  donne  l'explication  en  ces  termes  : 
«  Nous  nous  frappons  ta  poitrine  pour 
signifier  combien  nous  éprouvons  de  dou- 
leur d'avoir  péché,  et  que  nous  voulons  nous 
en  punir  par  une  digne  pénitence,  avant  que 
Dieu  nous  frappe,  avant  que  vienne  le  jour 
des  dernières  vengeances,  h  (Bae.,  loc.  sup. 
€it,^  an.  5S.)  Aussi  saint  Jérftme  se  livrait*il 
ai.  souvent  a  ce  pieux  exercice,  qu'il  nous 
dit  de  lui-même  :  «  Je  me  souviens  que  je 

troussais  des  cris,  que  je  passais  les  jours  et 
es  nuits  h  me  frapper  la  poitrine,  jusqu'à 
ce  que  la  tranquillité  me  revint  par  la  grAce 
du  baigneur.  »  (Ep.  23  ad  Eust.) 

C*est  un  acte  ou  culte  extérieur  que  de 
prier  les  yeux  pieusement  élevés  vers  le 
ciel,  à  Texemple  du  Sauveur,  qui,  comme 
nous  le  lisons  dans  saint  Jean,  leta  les  yeux 
au  ciely  et  dit  :  Père  Je  vous  rends  grâces  de  ce 
oiieo(nam'oves^ou(2r(/oan.ii,i&.}:etailleurs, 
les  yeux  levés  vers  le  ciel ^  il  dit  :Père^  l'heure 
est  venue^  glorifiez  votre  Fils.  {Joan.  xvii,  i.) 
C'est  de  même  encore  un  acte  du  culte  exté- 
rieur que  de  prier  les  yeux  humblement 
baissés,  comme  nous  le  remarquons  dans  la 
prière  du  publicain  de  l'Evangile,  gut,  se  te- 
nant  éloigné^  ne  voulait  pas  même  lever  les 
yeux  au  ciel.  (Lue,  xyiii,  13.) 

Ceci  posé,  il  est  facile  de  voir  quels  sont 
les  actes  du  culte  extérieur  qui  s'appuient 
sur  les  exemples  des  saints  et  sur  l'autorité 
de  r£glise,  et  qui,  par  conséquent,  peuvent 
être  louablemeut  mis  en  usa^,  non-seule- 
ment sans  danger  de  superstition ,  mais  en- 
core sans  péril  de  vaine  gloire  et  d'affecta- 
tion. Il  faut  donc  examiner  pour  lesquels  de 
ces  actes  extérieurs  de  dévotion  les  pénitents 
ont  leplusd'inclination,elquelssontceux  qui 
excitent  eu  eux  plus  de  respect,  de  soumis- 
sion, de  vénération,  de  douleur.  Et  alors  te 
directeur  engagera  ses  pénitents  à  s'v  livrer 
iréquemment  dans  le  secret,  lorsqu'ils  peu- 
vent donner  un  libre  cours  aux  sentiments 


qu'ils  éprouvent,  sans  crainte  d'être  obscrTés 
par  les  autres.  Car,  par  ces  actes  soavent  ré- 
pétés intérieurement  et  extérieurement,  ils 
acquerront  bientôt  la  véritable  dévotion,  en 
témoignant  ainsi  pour  la  Majesté  divine  une 
vénération  profonde. 

Dans  les  premiers  siècles  de  TBgilise,  les 
fidèles  avaient  coutume  do  prier  le  visage 
tourné  vers  l'Orient,  ainsi  qtie  noas  rap- 
prennent saint  Justin,  Origène  et  saint  Jean 
de  Damas.  De  là  saint  Antoinci  qoi  aTaii 
coutume  de  passer  la  nuit  en  prière,  se 
plaignait,  les  matins,  au  soleil,  de  ce  qne, 
frappant  son  visage  de  ses  rayons,  il  venait 
troubler  le  repos  et  la  paix  -de  ses  douces 
contemplations.  Au  témoignage  de  saint 
Justin,  cette  coutume  de  l'Eglise  venait  des 
apôtres  eux-mômes.  Du  reste,  cette  manière 
de  prier  n'est  plus  en  usage.  Mais  nous  n'a* 
vons  pas  voulu  la  passer  tout  k  fait  sous  si- 
lence, afin  que,  si  un  directeur  rencontre  des 
personnes  qni  y  trouveraient  des  sentiments 
de  piété  et  de  dévotion,  il  ne  les  condamne 
pas  sous  prétexte  de  vaine  observance;  mais 

Su'il  sache  que  cet  usasea  eu  lien  longtemps 
ans  l'Eglise  de  Dieu. 

III.  Le  directeur  s'appliquera  avec  zèle  à 
inspirer  la  dévotion  envers  les  églises,  les 
autels  et  le  saint  sacrifice  ,  surtout  aui 
personnes  du  sexe,  qui,  tout  en  parais- 
sant avoir  une  grande  piété  et  un  profond 
respect  pour  ces  choses  saintes,  commettant 
cependant  souvent  des  irrévérences  k  ce  so- 
jef .  Elles  sont  assidues  à  l'élise,  y  passent 
de  longues  heures  et  assistent  à  plusieurs 
messes;  en  un  mot,  elles  paraissent  toutes 
spirituelles  et  remplies  de  piété  et  de  reli- 
gion  envers  Dieu,  liais  si  l'on  considère  at- 
tentivement leur  manière  d'agir,  on  s'aper- 
cevra qu'il  y  en  a  beaucoup  qui  sont  attirées 
à  l'église  moins  par  Tamour  du  culte  de 
Dieu  que  par  l'ennui  et  le  dégoût  de  la  soli- 
tude. Elles  viennent  dans  la  maison  deDieo 
pour  y  chercher  un  aliment  à  une  vaine  ca- 
riosile  qu'elles  ne  peuvent  rassasier  dans 
leur  propre  maison.  Aussi  les  voit-on  alleo- 
tives  à  examiner  ce  qui  se  passe,  à  observer 
le  maintien  et  la  toilette  des  autres;  appli- 
quées à  de  futiles  entretiens  avec  leurs  TOi- 
sines;  occupées  à  s'informer  des  nouvelles, 
ou  à  parler  de  leurs  affaires  domesti(^ues;  et 
elles  se  livrent  même  à  ces  sortes  d.irréré- 
rences,  pendant  l'immolation  du  redouliible 
sacrifice  de  nos  autels.  Un  sage  directeur 
doit  corriger  ces  abus,  et  se  rappeler  la  con- 
duite de  saint  Ambroise,  qui,  un  jour,  célé- 
brant lés  saints  mystères,  avertit  publique- 
ment le  peuple  qui  y  asssistait,  non-seule* 
ment  d'éviter  de  causer  et  de  rire,  losi^ 
même  de  tousser  et  de  cracher,  en  un  to^l» 
de  faire  le  moindre  bruit  qui  pût  troubler  le 
pieux  silence  du  sacrifice.  Qu'un  diredear 
ne  craigne  donc  pas  de  faire  en  ^ arliculief 
ce  gue  ce  saint  archevêque  ne  craignait  p^ 
de  faire  en  public» 

IV.  Le  directeur  doit  être  convaincu  q?e 
c'est  un  des  points  importants  de  son  miD^^ 
tère  de  savoir  bien  diriger  la  dérolion  sen- 
sible ;  car  il  est  rare  de  trouver  des  personne* 


INEY 


D*ASCETISlfE. 


DE\ 


S94 


q»irilodles  qui  sacbeni  se  condatre  coDTe- 
jablemml  dans  I  abondaDcc  ou  la  priTation 
ie  la  grâee  sensible.  Od  en  TOit  qui,  lorsque 
^es  affections  sensibles  leur  nianquenl«  s'ima- 
^neol  que  tout  est  perdu  pour  leur  STance- 
jieot  spirituel,  se  plaigbent  de  derenir 
jioîns  parfaites  de  jour  en  jour  et  de  reculer 
lâos  la  Toie  de  la  perfection ,  et,  ce  qui  est 
.8  plus  déplorable,  tombent  ordinairement 
ians  le  découraf^ement.  En  ces  circonstances, 
i€  directeur  doit  examiner  avec  soin  s'il  n'y 
%  là  que  ie  défaut  du  sentiment  de  la  déTO- 
iion,  et  non  le  défaut  de  la  dévotion  même; 
et  il  pourra  en  juger  Cicilement,  en  considé- 
rant attentiTement  la  conduite  du  péniient 
dans  cet  élat  de  froideur.  Si  le  pénitent  aime 
les  exercices  spirituels,  et  s'il  s'applique 
comme  d'babUude  A  la  mortiGcation  et  aux 
œawres  de  pénitence,  il  ne  faut  point  s'iu- 
quiéter  de  la  disparution  de  la  feryeuret  de 
U  grâce  sensible,  puisqu'il  existe  toujours 
la  véritable  dévotion  tout  entière,  laquelle 
consiste  dans  l'indinalion  de  la  volonté  à 
faire  le  bien.  Mais  il  faut  ranimer  le  cou- 
rage du  pénitent,  et  Tempècher  de  tomber 
daas  rabattement  et  Tinquiétude.  Si,  au 
coniraire^  le  directeur  s*apereoit  que  non- 
seulement  le  sentiment  de  la  dévotion,  mais 
U  dévotion  elle-même  manque,  à  raison  de 
ee  que  les  pénitents  sont  né^i^entset  lâcbes 
pour  les  couvres  de  la  perfection^  se  répan* 
deal  avec  empressement  dans  les  choses  ex- 
térieures, rechercbeot  auprès  des  créatures 
la  consolation  qu'ils  0e  trouvent  pas  dans 
les  exercices  spirituels,  omettent  facilement 
les  pratiques  de  piété  et  de  dévotion,  se 
livrent  A  leurs  mauvaises  inclinations  et 
tombent  dans  des  fautes  qu'ils  ne  commet* 
teni  pas  ordinairemmt  :  en  ces  cas,  il  doit 
les  reprendre  avec  fdrce,  parce  que  non- 
seulement  ils  manquent  du  sentiment  de 
la  dévotion,  mais  s  exposent  encore  à  per- 
dre |la  dévotion  elle-même.  11  doit  les  re- 
prendre avec  Cdrce,  avonsHious  dit,  parce 
que  ceux  qui  sont  tombés  dans  cet  état  d'im- 
perfection ne  pensent  point  ordinairement  A 
déplorer  cette  dureté  de  leur  coeur,  mais 
Taiment  sans  vouloir  s'en  délivrer.  Le  di 
recteur  leur  fera  donc  de  vi^ureux  repro- 
ches, et  leur  montrera  combien  ils  s'expo- 
sent à  tomber  bientôt  dans  un  état  plus 
triste  encore,  et  même  è  encourir  le  danger 
de  leur  perte  étemelle,  s'ils  ne  se  font  vio- 
lence et  ne  se  recommandent  A  Dieu  avec 
fer?  eur,  pour  revenir 'A  leur  premier  état. 

V.  La  directeur'  rencontrera  des  person- 
oes  pieuses,  qui,  se  voyant  privées  des 
effets  settsibles*de  la  dévotion,  tout  en  con- 
servant leur  dévolion  intacte,  tomberont 
dans  l'abatteaient ,  et  dans  un  décourage- 
BMOt  tel ,  qu'elles  se  croiront  entièrement 
perdues.  Car  en  se  rappelant  les  menaces 
que  Dieu  adresse  A  la  tiédeur,  elles  s'ima- 
gineront ,  dans  leur  douleur  amëre,  qu'elles 
sont  réproufées  de  Dieu,  et  que  leurs  bonnes 
œuvres  ne  lui  sont  plus  agréables  ;  elles  se 
<firoot  qu'elles  feraient  mieux  de  se  conduire 
comme  ie  commun  des  hommes ,  et  de  re- 
noocer  A  une  vie  si  austère,  remplie  de 


mortifications  et  d'exercices  spirituels.  Ces 
Ames  ont  besoin  d'être  relevées  et  ranimées, 
d'autant  plus  que  ces  pensées  de  défiance  el 
de  découragement  intérieur  sont  ordinaire- 
ment des  inspirations  du  démon.  Il  faut 
leur  répéter  ces  paroles  consolantes  dp 
saintBonavenlure:«GardeK-vons  de  tomber 
dans  la  défiance ,  lorsque  vous  ne  sentez 
plus  la  douceur  des  consolations  intérieures, 
sous  prétexte  que  Dieu  vous  a  abandonné  « 
ou  que  vos  bonnes  oeuvres  ne  lui  sont  point 
agréables;  mais  réfugiez- vous,  consolez- 
vous  dans  cette  pensée  si  vraie ,  que  vous 
devez  mettre  votre  confiance  et  espérer  en 
Dieu ,  tant  que  vous  ne  vous  éloignez  pas 
de  lui  |)ar  le  consentement  au  péché,  parce 
que,  lui,  il  ne  vous  abandonnera  pas  dans 
sa  miséricorde.»  (DeFroces.  relig.  c.  1;  ( 
proc.)  Si  ces  âmes,  dans  leur  abattement, 
voulaient  s'éloigner  de  la  sainte  communion, 
le  directeur  devrait,  au  contraire ,  les  y  en- 
courager et  même  les  y  contraindre,  selon 
ces  paroles  de  saint  Laurent  lustinien: 
«  Celui  qui  mène  une  vie  sainte  et  vertueuse, 
qui  est  numble,  qui  se  confesse  avecsincé- 
nié  et  s'approche  avec  respect  de  la  table 
du  Seigneur,  ne  doit  pas  s'éloigner  sous 
prétexte  qu'il  n'éprouve  pas  une  dévotioa 
sensible  ;  cette  insensibilité  ne  Fempêchera 
pas  de  trouver,  sans  qu'il  s'en  apcMnçoive , 
la  vie  dans  ce  sacrement  auguste.*(  De  perf. 
fliofli.,  19.  ) 

VI.  Le  directeur  trouvera  certaines  fem- 
mes qui  paraissent  remplies  d'une  dévolion 
sensible  et  qui,  si  l'on  examine  plus  attentive- 
ment leur  conduite,  sont  néanmoins  totale- 
ment dénuées  de  la  véritable  dévotion.  On 
les  voit  s'abandonner  aux  soupirs,  aux  lar- 
mes, aux  entreliens  pieux  ;  elles  récitent  un 
grand  nombre  de  pnères  vocales;  elles  veu- 
lent s'asseoir  fréquemment  A  la  table  sainte. 
Hais  A  quoi  bon  ?  Chez  elles  »e  toorroen* 
tent,  s'irritent,  s'emportent;  ne  connais- 
sent point  la  soumission,  ni  l'humilité; 
recherchent  sans  cesse  les  biens  temporels 
et  leur  propre  intérêt;  sont  toujours  livrées 
A  rimpatience,  et  n*ontpour  autrui  que 
d'injnneux  soupçons  et  une  langue  médi- 
sante. La  dévotion  de  telles  personnes  est 
plutôt  l'effet  d*on  tempérament  sensible  et 
délicat  que  d'une  grâce  énergique  el  forte*; 
et  elle  est  souvent  remplie  de  beaucoup  d'af- 
fectation. Aussi  pouvons  nous  dire  qu'elles 
n*ont  pas  la  dévotion  rérilable  et  solide. 
Caria  vraie  dévotion  consiste  dans  la  sou- 
mission ,  dans  la  résignation ,  dans  l'ai»- 
négation  et  le  mépris  de  soi-même,  plutôt 
que  dans  une  douceur,  une  délectation  sen- 
sible. Le  directeur  doit  donc  éviter  de  mon- 
trer jamais  la  moindre  estime  pour  cotte 
dévotion  apparente ,  el  faire  tous  ses  efforts 
pour  donner  A  ceux  qu'il  dirige  une  idée 
vraie  de  la  dévotion  solide,  et  leur  en  ins- 
pirer la  pratique.  Éb  un  mot,  il  faut  esti- 
mer les  dévolions  sensibles,  quand  elles 
produisent  des  fruits  de  vertu ,  et  n'en  faire 
aucun  cas,  quand  elles  sont  vides  de  bonnes 
œuvres. 

DEVOTIONS  FAUSSES.  --  On  entend  par 


69o 


DEV 


DICTIONNAIRE 


DEV 


m 


fausses  dévolions  celles  qui,  sous  de  belles 
appareucesy  manquent  de  fondement  solide 
et  sont  vides  de  vertus. 

On  distingue  trois  sortes  de  fausses  dé- 
votions ;  les  premières  pèchent  par  trop 
d'élévation  »  les  secondes  par  bizarrerie ,  et 
les  troisièmes  par  trop  de  subtilité. 

Le  trop  ffrand  amour  des  voies  sublimes 
par  lesquelles  Di(*.u  conduit  quelques  &mes 
choisies  est  ordinairement  la  cause  des  dé- 
votions fausses  par  trop  d'élévation. Le  désir 
de  se  distinguer  fait  qu'on  se  jette  dans  ces 
sortes  de  voies ,  de  son  propre  mouvement, 
comme  s'il  appartenait  à  l'homme  de  s'ap- 
proprier des  dons  que  Dieu  ne  veut  dispen* 
ser  que  rarement ,  et  à  qui  il  lui  plaît.  Ce 

Îu'on  appelle  dans  la  vie  mystique  état 
'inaction,  est  à  plusieurs  unu  occasion  de 
tomber  dans  le  piège.  lis  savent  que  le  Saint- 
EspriU  pour  achever  de  purifier  les  &mes, 
a  coutume  de  suspendre  leurs  facultés  in- 
tellectuelles ,  de  les  priver  pour  un  temps  de 
certains  effets  de  la  gr&ce,  sensibles  et  moins 
parfaits,  et  de  les  réduire  à  une  espèce 
d'impuissance  d'agir  à  leur  manière  ordi- 
naire, pour  opérer  lui-même  en  elles  d'une 
manière  très-occulte  et  très-subtile ,  mais 
cependant  très-efOcace  et  qui  avance  beau- 
coup l'ouvrage  do  leur  perfection.  Certains 
directeurs  t  dé  leur  côté,  trouvant  de  grands 
avantages  dans  cette  voie,  et  croyant  pouvoir 
y  mettre  les  flmes  qui  sont  sous  leur  con- 
duite ,  leur  ordonnent  de  cesser  leur  travail 
et  leurs  efforts;  et  leur  répètent  sans  cesse 
qu'il  faut  se  tenir  en  repos  pour  laisser  agir 
le  Seigneur,  qu'il  faut  s'interdire  toute  ré- 
flexion et  toute  attention  sur  soi-même, 
qu'il  faut  être  vertueux  sans  le  savoir  et 
aimer  Dieu  sans  s'apercevoir  qu'on  l'aime  ; 
ce  gui  est  manisfestement  une  fausse  élé- 
vation. 

CVst  sans  doute  une  maxime  reçue  qu'il 
faut  laisser  faire  le  Seigneur,  ^lourvu  qu'on 
l'applique  au  temps  auquel  Dieu  veut  agir 
et  où  c'est  à  lui  à  faire.  Mais  si  l'homme 
s'avise  de  demeurer  dans  l'inaction  lorsque 
Dieu  veut  qu'il  l'aide  de  son  industrie ,  le 
démon  ne  manquera  pas  de  lui  remplir  la 
tôle  des  idées  magnifiques  d'une  fausse  élé- 
vation, et  de  le  porter  h  la  vanité.  Une 
preuve  que  souvent  la  suspension  des  puis- 
sances et  la  suppression  dos  actes  ne  vien- 
nent pas  de  Dieu,  c'est  qu'on  voit  des 
directeurs  qui  les  prescrivent  à  plusieurs 
personnes  quoiqu'il  soit  certain  que  Dieu 
en  doive  être  1  auteur,  et  que  ce  soit  une 
conduite  extraordinaire  qui  ne  regarde  que 
peu  de  gens.  Une  autre  espèce  de  fausse 
élévation  est  de  dédaigner  les  notions  com- 
munes, de  penser  d'une  manière  extraordi- 
naire, de  parler  d'un  style  affecté  et  de  ne 
point  se  contenter  du  langage  qui  convient 
^  la  simplicité  évangélic^ue.  Une  personne 
de  ce  caractère,  parlant  de  saint  Alexi-s,  au 
lieu  de  s'exprimer  en  des  termes  simples  et 
ordinaires  sur    les   vertus  héroïques  de  ce 

^'^and  saint,  en  disant  qu'il  a  demeuré  caché 
Mis  la  niriison  de  son  f)ère,  pour  pratiquer 
le  mépris  du  monde  et  pour  ne  rien  accor- 


der aux  sentimen.5  de  la  nature,  dira  que 
ce  saint  a  perdu  ion  être  propre  dam  lEirt 
divin ^  et  ne  trouvera  de  dévotion  quediins 
de  pareilles  expressions ,  ce  qui  ne  vient  pas 
d'une  véritable  élévation  d'esprit  semblable 
à  celle  qu'on  a  remarquée  en  saint  Denis  et 
en  d'autres  grandes  flmes,  mais  plutôt  d*uQ 
faux  goût  qui  suppose  un  fonds  vide  de 
Dieu ,  comme  il  est  aisé  de  s'en  convaiocre 
par  l'expérience.  Car  ces  sortes  de  person- 
nes, après  s'être  soutenues  pendant  quel- 
que temps,  font  enfin  voir  par  leur  conaoile 
qu'elles  manquent  de  vertu  solide. 

Les  fausses  dévotions,  qui  se  distinguent 
par  leur  bizarrerie,  sont  celles  qui  ensagent 
a  des  pratiques  contraires  à  l'esprit  de  TE- 
glise  et  au  sentiment  commun  des  saints. 
Par  exemple,  il  y  a  de  la  bizarrerie  et  même 
de  l'extravasance  à  dire  presque  toujours  à 
Dieu,  dans  les  entretiens  qu'on  a  avec  lui, 
quHl  ie  retire  de  nous  ;  qu'il  se  tienne  dans 
sa  grandeur  f  et  guHl  nous  laisse  dam  notre 
bassesse.  Il  est  vrai  que  saint  Pierre  a  dit 
quelque  chose  d'approchant  dans  un  trans- 
port d'amour  et  d'humilité  :  Eloignez-^oui 
de  mot,  Seigneur f  parce  que  je  suis  un  p^- 
cAeur.  {Luc»  v,  8.)  Alais  fonder  sur  ces  ex- 
pressions et  d'autres  semblables  une  ma- 
nière ordinaire  de  prier,  comme  font  ce^ 
taines  personnes  ,  c  est  aller  contre  l'esprit 
de  l'Eglise,  qui,  dans  toutes  ses  prières, 
demande  à  Dieu  qu'il  s'approche  et  qu'il 
daigne  venir  à  nous.  Et  en  effet,  dit  saint 
Augustin  :  «Qu'est-ce  qu*invoquer  le  Sei- 
gneur, si  ce  n'est  l'appeler  à  nous  et  le  prier 
de  venir  en  nous?  » 

Les  dévotions,  qui  pèchent  par  trop  de 
subtilité,  sont  celles  qui  ont  pour  fondement 
des  points  de  théolo^e  difficiles  à  com- 
prendre, et  dont  à  peine  les  savants  peu- 
vent se  former  une  idée  nette,  ou  qui  consis- 
tent en  des  conceptions  abstraites,  forl 
éloignées  des  idées  communes,  et  qui  ne 
proposent  à  l'esprit  que  des  objets  inûmmenl 
relevés.  S'il  y  a  de  la  tendresse  dans  ces 
sortes  do  dévotions,  il  est  dangereux  que 
ce  ne  soit  une  tendresse  forcée.  On  ne  voit 
pas  comment  l'esprit   humain    peut  ôlre 
irappé  par  des    objets  subtils  et  presque 
imperceptibles,  jusqu'à  se  répandre  en  sen- 
timents naïfs  et  sans  artifices,  ^  la  vue  de 
ces  objets.  Nous  savons  bien  que  les  saints 
ont  eu  des  notions  très-distinctes  de  Jésus- 
Christ  et  des  différents  états  par  lesquels  il 
a  passé;  et  qu'à  la  vue  de  sou  amour,  de  sa 
pauvreté,  de  son  humilité ,  de  son  caiito 
plein  d'amertumes,  de  sa  flagellation,  de 
son  couronnement  d'épines  et  de  sa  crois» 
ils  ont  été  pénétrés  d'une  tendresse  singu- 
lière, parce  que  ce  sont  là  de  vrais  objets 
de  dévotion  capables  de  toucher  sensible- 
ment, sans  art  et  sans  étude;  mais  nous 
n'en  savons  aucun  qui  ait  choisi  pour  sujet 
de  ses  méditations  des  matières  abstraites  et 
métaphysiques,  ou  qui  ait  fait  des  élans 
d'amour  à  la  vue  de  certains  objets  subtils 
et  relevés  qui  ne  se  laissent  pas  aisément 
concevoir  à  tout  le  monde.  Il  est  >mI  qoo 
auc'laues  âmes  distinguées  ont  pénétré  dws 


507 


DIA 


D*ASC£nSME, 


DIA 


998 


les  mystères  et  les  secrets  de  la  Difinité; 
mats  ces  âmes  sont  en  très*petit  nombre; 
et  lorsqu'on  Toît  plusieurs  personnes  parler 
avec  subtilité  et  en  des  termes  étudiés  de 
ces  mystères  impénétrables»  on  a  sujet  de 
croire  qu'elles  sont  peu  touchées  de  ce 

3u*elles  disent,  et  que  la  plupart  de  ces 
éTOtions  sont  Tourrage  de  Timagination  ou 
de  Finclination  naturelle,  et  nullement  la 
production  du  cœur  et  un  effet  de  la  grAce. 

DISCORDE.  ^  1*  La  discorde  est  un  des 
plus  grands  obstacles  qui  s*opposentau  bien 
des  communautés  religieuses.  On  doit  donc 
y  éTitcr  avec  le  iilns  grand  soin  cet  esprit 
de  division  et  ne  ruine.  €  Tout  royaume 
dîTisé  contre  lui-même  périra.  »  {Mattn.^  m.) 
—  «  La  charité  fait  les  religieux,  dit  saint 
Jérôme;  la  charité  fait  les  moines;  sans 
elle,  les  monastères  sont  un  Téritable  enfer» 
et  ceux  qui  les  habitent,  des  démons;  avec 
elle,  les  monastères  sont  un  Trai  i)aradis, 
et  ceux  qui  y  vivent,  des  anges.  En  vain  vous 
TOUS  exténuez  par  de  longs  jeûnes;  en  vain 
vous  vous  couvrez  de  sombres  et  grossiers 
vêtements;  en  vain  votre  temps    n'est-il 

3u*une  suite  non  interrompue  d'offices  et 
e  travaux,  si  la  charité  manque,  vous  n*êtes 
pas  même  encore  au  degré  le  plus  l>as 
de  la  vie  religieuse.  »  (Reg.  mon.f  c.  1.) 
On  comprend  assez,  du  reste,  que  la  dis* 
corde  est  diamétralement  opposée  è  la  cha- 
rité, qui  est  le  lien  de  la  perfection,  et  sans 
laquelle  les  membres  d  une  communauté 
ne  peuvent  former  un  corps  mystique  sous 
un  seul  chef,  qui  est  Jésui^Christ. 

2*  Que  les  supérieurs  aient  donc  soin 
d'éteindre,  dès  le  commencement,  les  moin- 
dres étincelles  de  discorde  et  d'irritation; 
de  ramener  sur-le-champ  à  des  sentiments 
de  concorde  et  de  paix  ceux  qui  s'en  écar-. 
tent  ;  d'entretenir  dans  leurs  communautés 
une  charité  constante  par  la  pratique  des 
devoirs  que  cetle  belle  vertu  impose,  et  de 
répéter  souvent  cette  douce  parole  de  saint 
Jean  :  ■  Mes  chers  enfants,  aimez-vons  les 
uns  les  antres.  »  —  «  Evitez  avec  soin,  dit 
saint  Jean  de  la  Croix,  de  vous  occuper  et 
surtout  de  parler  de  ce  qui  se  passe  dans 
la  communauté,  ou  de  ce  qui  concerne 
quelque  religieux  en  particulier;  ne  vous 
entretenez  point  de  sou  caractère,  ni  de  sa 
manière  d'agir,  ni  de  ses  affaires  ;  et  sous 
aucun  prétexte  de  zèle  ou  de  correction, 
D*en  parlez  à  personne  qu'à  celui  à  qui  il 
convient  d'en  faire  part....  Occupez-vous 
uniquement  de  vous  :  autrement,  à  quel- 
ques travaux  que  vous  vous  livriez,  vous 
avez  t>eau  être  dans  un  monastère ,  vous 
n'êtes  point  un  vrai  religieux.  » 

DLACONESSE.  —  Terme  en  usage  dans 
la  primitive  Eglise,  pour  signifier  les  per- 
sonnes du  sexe  qui  avaient  dans  l'Eglise 
une  fonction  approchante  de  celle  des  dia- 
cres. Saint  Paul  en  parle  dans  son  EpUre 
aux  Romains,  Pline,  le  jeune,  dans  une  de 
ses  LeUret  A  Trajan,  fait  savoir  à  ce  prince 
qu*il  avait  fdil  mettre  à  la  torture  deux  dia* 
conesses  qu'il  appelait  minisirœ. 


Le  nom  de  diaconesH  était  affecté  è  cer- 
taines femmes  dévoles,  consacrées  au  ser- 
vice de  l'Eglise,  et  qui  rendaient  aux  femmes 
les  services  que  les  diacres  ne  pouvaient 
leur  rendre  avec  bienséance,  comme  dans 
.le  baptême  qui  se  conférait  aux  femmes  par 
immersion,  aussi  bien  qu'aux  hommes.  — 
Elles  étaient  aussi  préposées  è  la  garde  des 
éfflises  ou  des  lieux  d'assemblée,  du  côté 
ou  étaient  les  femmes,  séparées  des  hommes 
selon  la  coutume  de  ce  temps-lè.  Elles 
avaient  soin  des  pauvres,  des  malades  de 
Jeur  sexe,  etc.  Dans  le  temps  des  persécu- 
tions, lorsqu'on  ne  pouvait  envoyer  un 
diacre  aux  femmes,  pour  les  exhorter  et  les 
fortifier,  on  leur  envoyait  une  diaconesse. 
{Voir  B4LSAI109,  $ur  le  deuxième  canon  du 
concile  de  Laodieée^  et  les  Con$iiiution$  apoi- 
toliquee,  1.  u,c.  57;  âssemahi,  Biblioi. 
orient.,  t.  IV,  c.  12). 

Lupus,  dans  son  Commentaire  sur  les  con^ 
cites,  dit  qu'on  les  ordonnait  |>ar  l'imposi*- 
tion  des  mains,  et  le  concile  in  Trullo,  se 
sert  du  mot  Xctpormcv,  imposer  les  mains, 
pour  exprimer  la  consécration  des  diaco- 
nesses. Cependant  Baronius  nie  cette  impo- 
si  tion  des  mains,  et  qu'on  usAt  d'aucune 
cérémonie  pour  les  consacrer;  il  se  fonde 
sur  le  dix-neuvième  canon  de  Nicée,  qui 
les  mit  au  rang  des  laïques,  et  dit  expressé- 
ment Qu'on  ne  leur  imposait  pas  les  mains. 
Cepenuanl  le  concile  de  Cbalcédoine  régla 
quon  les  ordonnerait  à 'quarante  ans,  et 
non  plus  tôt;  jusque-là  elles  ne  l'avaient  élé 
qu'à  soixante,  comme  saint  Paul  le  prescrit 
à  Timothée,  et  comme  on  peut  le  voir  dans 
le  Nomocanon  de  saint  Jean  d'Aotioche, 
dans  Balsamon ,  le  Nomocanon  de  Photius; 
et  le  Code  théologien ,  et  dans  Tertullien, 
De  Velandis  rirgin.  Ce  même  Père,  dans  ^n 
traité  Ad  uxorem,  1. 1,  c.  7,  parle  des  femmes 
ordonnées  dans  l'Eglise,  et  qui  pour  cela 
ne  pouvaient  plus  se  marier;  car  les  diaco- 
nesses étaient  des  veuves  qui  n'avaient  plus 
la  liberté  de  se  marier,  et  il  fallait  même 
qu'elles  n'eussent  été  mariées  qu'une  fois 
pour  pouvoir  devenir  diaconesses;  mais, 
dans  la  suite,  on  prit  aussi  des  vierges  ; 
c*est  du  moins  coque  disent  saint  Epiphane, 
Zonaras,  Bàlzamon  et  autres. 

Le  concile  de  Nicée  met  les  diaconesses 
au  rang  du  clergé;  mais  leur  ordination 
n'était  pas  sacramentelle,  c'était  une  céré- 
monie ecclésiastique.  Cependant ,  parce 
qu'elles  prenaient  occasion  de  là  pour  s'éle- 
ver au-dessus  de  leur  sese,  le  concile  de 
Laodicée défendit  de  les  ordonnera  l'avenir. 
Le  premier  concile  d'Orange,  en  kk\,  fait  la 
même  défense,  et  enjoint  à  celles  qui  avaient 
été  ordonnées,  de  recevoir  la  bénédiction 
avec  les  simples  laïques.  —  On  ne  sait  pas 
au  juste  quand  les  diaconesses  ont  cessé, 
parce  qu'elles  n'ont  pas  cessé  partout  en 
même  temps.  Le  onzième  canon  du  concile 
de  Laodicée  semble,  à  la  vérité,  les  abroger; 
mais  il  est  certain  que  longtemps  après  il  y 
en  eut  encore  en  plusieurs  endroits. 

Le  vingt-sixième  caiîQn  du  premier  con» 


m 


m 


DICTI0M9AIRE 


DIR 


elle  d'Orange,  tenu  Tan  441;  le  vingtième 
de  celui  d'Rpaaney  tenu  Fan  517,  défendent 
de  même  d'en  ordonner;  et  néanmoins  il 
y  en  arait  iencore  du  temps  du  concile  in 
'Tndtù*  —  Atton  de  Yerceil  rapporte,  dans 
sa  huitième  lettre,  la  raison  qui  les  tit  abolir; 
il  dit  que  dans  les  premiers  temps,  le  mi- 
nistère des  femmes  était  nécessaire  poiur 
instruire  plus  facilement  les  autres  femmes, 
et  les  désabuser  des  erreurs  du  paganisme  ; 
qu'elles  servaient  aussi  à  leur  administrer  le 
lîaptôme  avec  plus  de  bienséance  ;  mais  que 
reia  n'était  plus  nécessaire  depuis  qu'on  ne 
baptisait  plus  que  des  enfants.  II  laut  en- 
core ajouter  maintenant  depuis  qu'on  ne 
baptise  plus  par  infusion  dans  l'Eglise.  Le 
nombre  des  diaconesses  semble  n*a voir  pas 
été  filé.  L'empereur  Héraclius,  dans  sa  let- 
tre à  Sergius,  patriarche  de  t^onslantinople, 
ordonne  que  cians  la  grande  église  de  cette 
ville,  il  y  en  ait  quarante,  et  six  seulement 
dans  celle  de  ta  Mère  de  Dieu,  qui  était  au 
quartier  des  Biaquernes. 

Les  cérémonies  que  l'on  observai  t  dans  la  bé- 
nédiction des  diaconesses  se  trouvent  encore 
présentement  dans  l'Ëucolo^e  des  Grecs.  Ma- 
thieuBlastares,  savantcanonistAgrec,  observe 
qu'on  fait  presque  la  même  chose  pour  re-. 
cevoir  une  diaconesse  que  dans  l'ordination 
d'un  diacre.  On  la  présente  d'abord  à  î'é- 
véque,  devant  le  sanctuaire,  ayant  un  petit 
manteau  qui  lui  couvre  le  cou  et  les  épaules, 
et  qu'on  nomme  nuiforium.  Après  qu'on  a 
prononcé  la  prière  qui  commence  par  ces 
roots  :  La  grâce  de  jDteu,  etc.,  elle  fait  une 
inclination  de  tète,  sans  fléchir  les  genoux. 
L'évèque  lui  impose  ensuite  les  mains  en 
prononçant  une  prière;  mais  tout  cela  n'était 
point  une  ordination,  c'était  seulement  une 
cérémonie  religieuse  semblable  aux  béné- 
dictions des  abbesses.  On  ne  voit  plus  de 
diaeonessee  dans  TEgiise  d'Occident,  depuis 
le  XII*  siècle,  ni  dans  celle  d'Orient,  passé 
le  XIII*.  Ifacen,  dan«  son  Bieroloxicon^  au 
mot  Diaeonuee^  remarque  qu'on  trouve 
encore  quelque  trace  de  cet  oflice  dans  les 
églises  où  il  y  a  des  matrones^  qu'on  appelle 
neiuloneêj  qui  sont  chargées  de  porter  le 
pain  et  le  vin  pour  le  sacrifice  à  l'offertoire 
lie  la  messe,  selon  le  rite  ambrosien.  Les 
Grecs  donnent  encore  aujourd'hui  le  nom  de 
diaconesse  aux  femmes  de  leurs  diacres,  qui, 
suivant  leur  discipline,  sont  ou  peuvent 
être  mariés  ;  mais  ces  femmes  n'ont  aucune 
fonction  dans  l'Eglise,  comme  en  avaient 
les  anciennes  diaconesses.  (Bingham,  Orig. 
ecclés.f  tom.  II,  1.  ii,  ch.  22.) 

DIADOGHUS  ou  Diadogub,  évéçfue  de 
Photioue  en  lllyrie,  vers  460,  lai^jsa  un 
Traite  de  la  perfection  spirituelle^  qui  a  été 
inséré  dans  la  Bibliothèque  des  Pires. 

*  DIBECTEUR,  sa  méckssité,  ses  quali- 
Tis,  etc.  —  Quiconque  s'applique  à  la  per« 
fectiou  chrétienne  a  nesoin  d'un  guide,  d'un 
matlre  spirituel,  d'un  directeur,  en  un  mot, 
s'il  ne  veut  point  s'expuser  à  faire  fausse 
route,  tiarmi  les  difficultés  nombreuses  et 


extrêmes  dont  est  hérissé  le  chemin  de  la 
perfection,  une  des  principales  est  le  mao- 
que  de  maîtres  spirituels  :  des  Âmes  apptv 
lées  par  la  grflce  divine  n'aspirent  qu'à  s'é- 
lancer sur  1  océan  de  la  perfection,  et  elles 
ne  trouvent  point  de  pilote  qui  les  condfaise 
sur  cette  mer  inconnue.  Malheur  cependant 
aux  communautés  où  de  tels  maîtres  ne  se 
rencontrent  point,  ou  du  moins  j  sont  in- 
connus et  ne  sont  pas  appréciés!  Or  un 
mettre  spirituel  ou  directeur  est  celui  k  aoi 
l'on  découvre  toute  sa  conscience  et  à  oui  I  on 
se  donne  à  conduire  dans  la  voie  de  la  per- 
fection, soit  que  l'on  se  fasse  diriger  par 
son  supérieur  ou  par  un  autre  particulier , 
soit  que  cette  direction  ait  lieu  au  dedans 
ou  au  dehors  de  la  confession. 

1*  Les  ftmes  qui  aspirent  h  la  perfection 
ont  besoin  d'un  maître  spirituel.  Cette  vé- 
rité qui  s'appuie  sur  le  témoignage  de  TE- 
criture,  sur  celui  des  Pères,  et  sur  l'expé- 
rience, a  été  admise  par  tous  les  auteun 
spirituels,  qui  ont  reconnu  unanimement  la 
nécessité  d  un  directeur.  Le  Seigneur^  dit 
saint  Paul,  o  établi  des  pasteurs  et  des  doc- 


est  seu/,  parce  que^  s*il  tombe^  il  n'a  ptrêonm 
pour  le  relever.  Œccle.  iv,  10.)  Trouttx-^oui 
souvent  avec  un  homme  s atW,  fue  vous  savex 
être  rempli  de  la  crainte  de  DieUt  dont  PAmî 
est  selon  votre  tfme,  et  qui  tmisse  vous  eimr 
solerf  si  vous  venez  à  tomber  dans  les  tM- 
bres.  (EcclL  xxxvii,  15-160  On  trouve  dani 
l'histoire  du  peuple  de  Dieu  une  foule 
d'exemples  qui  prouvent  le  besoin,  la  néces- 
sité d'un  directeur. 

C'est  ainsi  que  Dieu  a  donné  à  son  peu- 
ple un  ange  et  Hoise  pour  le  conduire  k 
travers  le  désert.  C'est  ainsi  que  le  jeune 
Samuel,  appelé  plusieurs  fois  par  la  voix 
du  Seigneur,  alla  trouver  le  grand  prêtre 
Héli,  par  qui  il  se  croyait  appelé ,  et  p^ 
ri  ta  d'apprendre  de  sa  bouche  ce  qu'il 
devait  taire  pour  reconnaître  si  c'était  le 
Seigneur  qui  lui  parlait.  C'est  ainsi  qu'un 
ange  fut  envoyé  pour  procurer  l'instruction 
d'un  eunuque  de  la  reine  Candace  par  le 
ministère  du  diacre  Philippe  ;  et  qu'an  ange 
encore,  apparaissant  au  centurion  Corneille» 
l'avertit  de  faire  venir  Pierre  chez  lui  pour 
sori  instruction.  Enfin,  Jésus-Christ  lui* 
même,  apparaissant  en  personne  kSaul  sur  le 
chemin  de  Damas,  ne  voulut  pas  l'instruire 
par  lui-même,  mais  l'envoya  à  Ananie  pour 
apprendre  de  lui  ce  qu'il  devait  faire.  A  ces 
exemples  si  frappants  joignons  quelques 
témoignages  des  rrères,  des  docteurs  et  des 
maîtres  de  la  vie  sprituelle.  «  Usez  de  la 
plus  grande  vigilance  et  d*une  extrême  or- 
conspection,  dit  saint  Basile,  pour  trouTcr 
nn  homme,  un  guide  sûr  qui  vous  conduise 
dans  la  vie  dont  vous  avez  fait  choix  •  ^^ 
qui  sache  indiquer  la  route  droite  à  ceux 

aui  veulent  s'acheminer  vers  Dieu.  »  (*n». 
e  ofcd.)— «  'e  suis  <*'«"«»  dit  saint  Jérôme 
à  Rustique,  que  vous  ayez  société  avec  les 
saints,  et  que  vous  ne   marchiez  pomU 


DASCEUSUe. 


DIB 


G02 


sur  vos  propres  lumières  et  sans  le  conseil 
d'un  maître,  dans  la  voie  où  tous  êtes  entré, 
dans  la  crainte  que  bîenlAt  vous  n'alliez 
vouseiposer  à  (aire  fausse  route,  è  tous 
tromper  de  chemin  »  (Ep.  k.)  —  «  Un 
homme  sans  maître  qui  le  dirige,  dit  saint 
Augustin,  est  comme  un  aveogie  sans  guide; 
comme  lui,  il  aura  bien  de  la  peine  è  suivre 
la  bonne  voie.  *  (Serm.  112,  De  temp.)  — 
Cassien  prouve  la  même  vérité  par  la  prati- 
que générale  des  religieux,  et  conclut  en 
ces  termes  :  c  Par  là  il  est  prouvé  de  la 
manière  la  plus  claire  que  le  Seigneur  n*en* 
seigoe  la  voie  de  la  perfection  h  aucun  de 
ceux  qui,  ayant  moyen  de  se  faire  instruire, 
méprisent  et  dédaignent  la  doctrine  et  les 
règles  des  anciens.  »  (L.  iv  In$i.,  c.  9,  et 
coll.  n,  e.  15.)  —Saint Bernard,  considérant 
que  l'épouse  cherchant  son  époux  ne  le 
trouve  qu'après  avoir  interrogé  les  gardes 
de  la  cité,  ajoute  :  c  qu'ils  méditent  cette 
parole,  ceux  qui  ne  craignent  pas  d'entrer 
dans  les  voies  de  la  vie,  sans  guide  et  sans 

mattre  1 Refuser  de  donner  la  main  à 

un  maître  c'est  la  donner  au  tentateur.  » 
(Serm.  T7,  m  Cani.)  c  Je  dis  plus,  ajoute 
saint  Vincent  Ferrier,  c'est  que  Jesus- 
Chrisl  n'accordera  jamais  sa  grftce,  sans 
laquelle  nous  ne  pouvons  rien,  A  l'homme 
qui,  pouvant  avoir  quelqu'un  qui  l'instruise 
et  le  dirige,  s'en  met  peu  en  peine  et  ne 
se  soucie  pas  de  se  mettre  sons  la  con- 
duite d'un  autre,  dans  la  pensée  qu'il  se 
sollit  à  lui-Hnéme  et  que  seul  il  peut  cher- 
cher œ  qui  est  utile  au  salut.  »  (Oe  vii.  spir.^ 
c.  k.)  —  €  L'homme  présomptueux  et  qui  se 
fait  son  propre  Kuide,  dit  Gerson,  n  a  pas 
besoin  que  le  démon  le  tente;  il  est  lui- 
même  son  propre  démon,  son  propre  ten« 
tateur  m  Que  aiêiinci.  ver.  reoel.,  signo  2.) 
2*  Quoiqu'il  soit,  ordinairement,  et  géné- 
ralement parlant ,  nécessaire  de  se  procu- 
rer un  directeur  spirituel,  cette  règle  toute- 
fois souffre  exception,  lorsque  Dieu, par 
une  providence  extraordinaire  f  au  défaut 
d'un  homme  capable  ou  par  une  faveur 
toute  particulière,  daigne  conduire  et  ins- 
truire directement  une  ftme  par  lui-même 
ou  par  le  ministère  d'un  ange.  Saint  Gré- 
goire s'exprime  ainsi  à  ce  sujet  :  «  il  y 
en  a  quelques-uns,  dit-il,  qui  reçoivent  in- 
térieurement les  enseignements  et  les  le- 
çons du  Saint-Esprit,  eu  sorte  que  n'ayant 
point  extérieurement  de  maître  ni  de  guide, 
ils  ne  sont  |>oiot  cependant  privés  des  avis 
d'un  maître  intérieur.  Or  l'âme  qui  est  rem- 
plie du  divin  esprit  en  a  les  marques  les 
f^lus  certaines,  les  plus  évidentes,  dans 
es  vertus  et  l'humilité  :  dès  que  les  vertus 
et  l'humilité  se  trouvent  |iarfaileroent'  et 
simultanément  dans  une  flme,  c'est    une 

Ëreove  manifeste  de  la  présence  du  Sainl- 
^prit  en  elle.  »  (L.  i  Dtat.^  c.  l.|  Tels  fu- 
rent, ajoute-t-il,  saint  Jean-Baptiste,  ins- 
truit dans  le  désert  par  le  Saint-Esprit  seul  ; 
Moïse  instruit  par  un  ange  dans  la  solitude, 
et  saint  Honore,  abbé»  qui  n'eut  pour  mat- 
tre  que  l'Esprit  Saint.  Et  è  ces  exemples 
saint  François  de  Sales  (I.  viit,  De  tamouf 


de  Dieu,  ch.  12}  ajoute  ceux  de  saint  Paul, 
ermite,  de  saint  Antoine,  de  sainte  Marie 
Egyptienne,  qui,  instruits  par  le  Saint-Es- 
prit seul,  et  ^idés  par  l'amour  de  Dieu  seul 
qui  suppléait  à  tout,  sont  parvenus  h  une 
haute  sainteté,  non-seulement  sans  aucune 
direction  humaine,  mais  même  sans  en- 
tendre la  messe  et  sans  le  secours  de  la  con- 
fession et  de  la  communion.  Ces  rares  ex- 
ct-ptions,  qui  selon  la  pensée  de  saint 
François  de  Sales,  sont  des  inspirations  qu*il 
faut  plus  admirer  qu'imiter,  n'empêchent 
pas  cependant  que  la  règle  générale  ne  soit 
vraie,  et  qu'on  ne  doive,  ordfinairement  par- 
lant, sy  conformer  exactement. 

3*  Les  plus  jeunes  surtout  et  les  commen- 
çants ont  besoin  d'un  directeur  d'une  ma- 
nière toute  particulière.  Qu'ils  écoutent 
l'avis  que  leur  en  donne  saint-Bernard: 
€  Je  vous  en  supplie,  jeunes  plantes  du 
Seigneur,  vous  qui  n'êtes  point  encore  exer- 
cés à  discerner  le  bien  du  mal,  ne  suivez 
pas  le  sentiment  de  votre  cœur...,  humiliez- 
vous  sous  la  main  puissante  de  Dieu  votre 
pasteur,  et  sou  mettez- vous  aux  conseils  de 
ceux  qui  connaissent  mieux  les  pièges  de 
l'ennemi,  instruits  qu'ils  sont  par  une  plus 
longue  expérience  d'eux-mêmes  et  des 
autres,  »  jSerm.  3,  in  ps.  Qui  habiiai.)  — 
€  Les  commençants,  dit  saint  Bonaventure, 
ont  besoin  d'un  maître  pour  apprendre  ce 
qu'ils  ignorent,  à  savoir  les  choses  utiles 
ou  nécessaires  à  leur  salut  et  à  leur  avance 
ment,  pour  apprendre  ce  qu'ils  ont  à  éviter, 
et  à  quoi  ils  uoivent  s'appliquer,  ce  qu'ils 
ont  à  faire,  ce  qu'ils  doivent  espérer,  ce 

Îu'ils  doivent  craindre,  enfln  pour  savoir 
iscerner  entre  les  choses  plus  ou  moins 
louables,  ou  phis  ou  moins  mauvaises,  se- 
lon ce  témoignaKe  de  TApôtre  :  Vou$  atex 
besoin  d*apprenare  lee  première  élémenit  de 
la  parole  de  Dieu.  [Hebr.  v,  12.)  De  même 
ils  ont  besoin  d'être  eiercés  dans  la  pra- 
tique des  bonnes  oeuvres,  puisqu'il  ne  suffit 
pas  de  savoir  le  bien,  et  qu'il  faut  encore  le 

f pratiquer;  et  parce  que  les  imparfaits  ne  se 
ivrent  ordinairement  à  Texercice  des  vertus 
qu'avec  nonchalance,  il  est  bon  qu'ils  y. 
soient  excités  de  temps  en  temps  par  un 
autre.  •  [Deeex  alisserapk^c.  1.)  Et  en  véri- 
té, ne  serait-ce  pas  une  folle  présomption 
que  de  vouloir  apprendre  sans  inaltre  la 
science  du  salut?  Ne  serait-ce  pas  imiter  la 
conduite  insensée  du  Toyageui  qui,  sans 
guide,  suivrait  une  route  qui  lui  est  in- 
connue; ou  de  l'ignorant  qui  voudrait,  sans 
leçon,  apprendre  les  sciences  humaines; 
ou  du  soldat  inexpérimenté  qui,  sans  chef 
et  sans  connaissance  de  l'art  de  la  guerr-e, 
-  voudrait  livrer  bataille  à  une  armée  enne- 
mie? 

h*  Ceux  qui  sont  plus  avancés  en  âge  et 
en  perfection ,  les  parfaits  eux-mêmes ,  ont 
généralement  plus  ou  moins  besoin  d*un 
directeur  et  de  ses  avis,  selon  la  diversité 
des  esprits.  Malheur^  s'écrie  le  prophète 
Isaîe,  malheur  à  vous  qui  êtes  sages  à  vos 
propres  yeux  et  qui  êtes  prudents  devant  vous- 
mêmes.  (Isa.  r ,21.)  —  Ne  soyez  pas  sages  à 


ws 


DIS 


blCTIOM^AlIlE 


DIS 


m 


voi  propres  f/eux^  nous  recommaDile  saiot- 
Paui  (ilom.  xii«  16);  sur  quoi  saint  Jean 
Chrysoslome  fait  celle  remarque:  «  Ne 
soyez  pas  sages  à  vos  propres  yeux,  c'esl-5- 
dire,  ne  pensez  pas  que  vous  vous  sufGsiez 
à  vous-mêmes  1  Dieu  a  voulu  que  nous 
ayons  besoin  les  uns  des  autres;  il  arrive 
le  plus  souvent  que  le  sage  a  besoin  d*un 
au*re;  comme  nous  l'enseigne  Texemplc  de 
Moïse  suivant  le  conseil  de  Jethro»  il  arrive, 
souvent  que  le  sage  no  voit  pas  ce  qui  con- 
vient, et  qu'un  moins  sage  Tapcrçoit.  » 
(Hom.  22).  Nous  en  trouvons  encore  un 
exemple  admirable  dans  la  conduite  de 
s.'iint  Augustin,  qui,  comme  il  le  dit  lui- 
même,  était  disposé,  tout  vieux  évèque 
qu'il  était,  è  recevoir  les  enseignemenls 
d'un  évoque  jeune  encore,  d'un  collèguo 
qui  n'avait  pas  encore  un  an  d'épiscopat. 
(Ep.75.) 

5*  Nous  devons  remarquer  ici  que  le  di- 
recteur spirituel  peut  être  précisément  tel, 
ou  en  mèuie  temps  confesseur,  ou  bien  su- 
|)érieur;  que  tous  les  supérieurs  ecclésias- 
tiques, surtout  dans  les  communautés, 
doivent  veiller  h  ce  que  ceux  qui  leur  sont 
soumis  aient  un  maître  spirituel,  qui  soit 
ou  le  supérieur  lui-même,  ou  un  autre  dé- 
signé par  lui;  que  le  confesseur  ou  le 
maître  spirituel  ne  doit  pas  consentir  au 
vœu  d'obéissance  par  lequel  on  voudrait  se 
lier  à  leur  égard,  et  principalement  si  l'on 
voulait  s'obliger  par  vœu  à  ne  prendre  qu'un 
seul  confesseur  ou  qu'un  seul  directeur,  i 
Texclusion  de  tout  autre.  Aussi  saint  Jean 
de  la  Croix  Iraite-t-il  de  tyran  un  confesseur 
q^ui  refuse  à  ses  pénitents  la  permission  dé 
sadresser  à  d'autres  confesseurs.  Il  est 
donc  nécessaire  que  le  confesseur  donne 
toute  liberté  à  ses  pénitents  ;  il  doit  même 

Suelquefois  les  exciter  à  cet  égard,  à  s'a- 
resser  à  d'autres,  pour  leur  donner  occa- 
sion, soit  de  se  délivrer  de  quelques  doutes 
qui  les  inquiètent,  soit  de  s'affermir  et  de 
se  conGrmcr  de  plus  en  plus  dans  la  mé- 
thode de  dévotion  qu'ils  oui  embrassée,  etc. 
6°  On  doit  rendre  è  son  directeur  spiri- 
tuel un  compte  exact,  sincère  et  entier,  de 
sa  conscience,  d'abord  pour  toute  sa  vie 
passée,  puis  pour  la  suite  de  la  vie,  autant 
que  le  oirecteur  le  j.ugera  à  propos.  «  Cha- 
cun de  ceux  qui  sont  sous  la  conduite  des 
autres,  dit  saint  Buzile,  doit,  s'il  veut  faire 
quelque  progrès  notable  cl  parvenir  à  la 
perfection  et  à  une  sainteté  de  vie  conforme 
aux  préceptes  de  notre  Seigneur  Jésus- 
Christ,  ne  déguiser  aucun  mouvcmenl  de 
son  Ame,  mais,  après  un  eiamen  sérieux  et 
attentif  de  lui-même,  ouvrir  son  cœur  avec 
ses  plus  secrèles  affections  h  ceux  de  ses 
frères  qui  sont  chargés  de  la  direction  des 
autres.  »  (Reg.  fus.  c.  26. )  Il  est  clair,  en 
effet,  que  le  directeur,  en  sa  qualilé  de  mé- 
decin spirituel,  ne  peut  rétablir  ou  fortitier 
la  santé  de  l'Ame  de  son  pénitent,  s'il  n'a 
une  exacte  et  entière  connaissance  de  son 
état. 

T  On  doit  se  choisir  un  maître  spirituel 
qui  soit,  aulant  que  possible,  d'une  vertu 


accomplie.   ChQm»$tz^tou$   tm  ctmMtiUtr 
entre  mille  ^  dit  l'Ecriture.   {Ecclù  vi,  6.) 
Or  saint  Bazile  énumère  en  ces  termes  les 
qualités  du  directeur  :  «  Il  faut,  dit-il,  qu'il 
soit  orné  de  vertus,  que  toutes  les  actions 
de  sa  vie  lui  rendent  témoignage,  qu'il  soit 
animé  de  l'amour  de  Dieu,  instruit  dans  les 
saintes  lettres,  de  vie  intègre  et  d'une  sage 
et  profonde  maturité,  rempli  d'affection  pour 
ceux  qui  s'adressent  à  lui;  plein  de  zèle 
pour  leur  instruction  spirituelle,  inacces- 
sible à  la  vaine  gloire  et  à  l'orgueil;  qu'il 
ne  se  laisse  point  enOer  ni  abattre  par  l'a- 
dulation ;  qu'il  soit  austère,  grave  et  tou- 
jours le  même  :  enGn  qu'il  n'y  ail  pour  lui 
rien  au-dessus   de   l'honneur   de  Dieu.  » 
{Serm.  de  abdic.)  Et  de  son  côté,  saint 
Laurent  JuUinien  trace  ainsi  le  portrait  du 
maître  spiriluel  :  €  11  doit  être  discret,  expé- 
rimenté,  doué  de  bonnes  mœurs,  d'une 
mûre  gravité,  d'une  vie  honnête,  instruit 
dans  les  divines  Écritures,  sévère  pour  lui- 
même,  compatissant  pour  le  prochain ,  as- 
sidu à  l'oraison,  doux  de  cœur,  et,  s'il  est 
possible,  avancé  en  tout  ce  qui  concerne  la 
vie  spirituelle.  »  {De  obed. ,  c.  20.  )  EnGn 
saint  François  de  Sales,  réduisant  ces  di- 
verses qualités  h  leur  plus  simple  expres- 
sion, veut  que  le  directeur  soit  un  homme 
rempli  de  charité,  de  science  et  de  pru- 
dence ;  et  il  ajoute  que  l'absence  d'une  seule 
de  ces  aualilés  sumt  pour  mettre  tout  en 
péril,  (  fie  dév.,ip.f  ch.  6.) 

Or,  ce  que  nous  venons  do  dire  du  direc- 
teur doit  aussi  s'appliquer  ao  confesseur, 
Erincipalement  s'il  s'agit  d'.un  confesseur 
abituel,  qui  soit  en  même  temps  directeur, 
puisqu'alors  il  est  à  la  fois  juge,  médecin  et 
docteur.  Aussi  le  Catéchisme  romain  engage- 
t-ii  fortement  les  fidèles  à  se  choisir  pour 
confesseur  un  homme  recommandable  sous 
le  triple  rapport  de  la  sainteté,  de  la  pru- 
dence et  de  la  doctrine.  [De  min.  pcmit.) 

8"  Il  est  donc  nécessaire  que  le  maître 
spiriluel  réunisse  la  science ,  la  piété  et 
l'expérience  dans  les  choses  de  spiritualité. 
En  effet,  s'il  est  instruit ,  il  pourra  ,  le  plus 
souvent  du  moins,  faire  le  discernement  des 
esprits  ;  s'il  esl  pieux,  il  aura  de  grands  sen- 
timents 5  l'égard  de  Dieu,  et  il  ne  rHettera 
pas  avec  trop  d'empressement  ce  qu'il  n'au- 
rait pas  éprouvé  en  lui-même;  et  en  outre 
il  sera  humble,  petit  à  ses  propres  yeux,  el 
partant  il  consultera  volontiers  ceux  qui 
sont  plus  savants  que  lui.  EnGn ,  s'il  est 
expérimenté  suffisamment  dans  les  choses 
spirituelles,  soit  que  celte  expérience  vienne 
de  lui  personnellement,  soit  qu'elle  vienne 
des  autres  âmes,  il  sera  capable  d'en  juget* 
sainement,  même  dans  les  cas  les  plus  rares. 

9*  On  comprend  facilement  que  l'humilité 
aussi  doit  êlre  une  des  vertus  du  maliro 
spirituel.  Apprenez  de  mot,  disait  le  divin 
Maître,  que  je  suis  doux  et  humble  de  taur 
(Matth.  Il,  29).  Et  en  vérilé,  il  ne  suffit  pas 
au  directeur  d'avoir  la  science  et  la  doc- 
trine ;  il  lui  faut  aussi  la  grâce  de  Dieu,  cl 
il  en  a  grandement  besoin  i>our  la  direcliou 


DiR 


DASCCTlSaifi. 


DIR 


€9€ 


Ses  ftoies  ;  or,  cette  grâce,  IKeu  ne  l'accorde 
4a*aux  humbles  :  Amu/tfriw  auiem  dat  gra- 
tiàm.  {Jac.^  it,  6.) 

10^  Qaant  k  la  conduite  du  directeur  eu- 
▼ers  les  Ames,  elle  doit  être  différenle,seIoa 
qu*il  a  à  diriger  des  personnes  qui  rommai- 
ccjU,  ou  d'autres  qui  ont  obtenu  déjà  quel* 
quesproyr^f  jptrtïue/f,  ou  enfln  des  per- 
sonnes  parfoUa.  Pour  ce  qui  concerne  les 
commençants,  on  doit  mettre  tous  ses  soins 
à  Taincre  leurs  inclinations  encore  Tives  et 
ret>elles  au  joug  de  la  raison ,  et  ne  iK>int 
oublier  qu'ils  n'éprourent  encore  ni  facilité, 
ni  joie  dans  la  pratique  des  vertus.  Quel- 
quefois cependant  un  directeur  trouvera  des 
commençants  si  fervents  dans  l'oraison,  si 
avides  de  mortifications  corporelles,  et  si 
prompts  A  obéir  et  à  se  vaincre  eui-mfimes, 
que  tous  les  vices  paraissent  morts  en  eux, 
et  toutes  les  passions  éteintes.  Qu'il  ne  mette 
point  en  cela  une  confiance  trop  grande,  et 
Qu'il  se  garde  d'y  attacher  trop  d  importance, 
cir  tout  ce  qui  brille  n'est  pas  or.  Tout  cet 
e^upressement  h  se  jeter  aans  les  bonnes 
œuvres  n'est  pas  autre  chose  qu'une  belle 
apparence  de  vertu,  mais  ce  n  est  point  la 
vertu  encore»  puisque  tout  cela  ne  vient  que 
d'une  gi^ce  sensible,  de  certaines  consola- 
tions sniriluelles  qui  excitent  vivement  au 
bien.  La  vertu  est  la  facilité  à  produire  do 
bonnes  œuvres,  mais  une  facilité  acquise 
par  un  lonç  exercice  de  ces  œuvres,  et  telle- 
ment enracinée  dans  l'âme  ,  qu'elle  a  déjà 
affaibli  et  dompté  les  inclinations  contraires, 
eo  sorte  que  ces* inclinations  n'ont  plus,  ou 
presque  plus  la  force  de  détourner  la  volonté 
du  chemin  de  la  justice  et  de  la  piété 
où  elle  est  entrée ,  en  quelque  état,  ou 
de  consolation  ou  d*aridité ,  que  cette  vo- 
lonté se  trouve.  Or ,  ces  heureux  résultats 
ne  s'acquièrent  que  par  des  combats,  des 
travaux,  des  épreuves  et  de  nombreuses 
victoires  sur  soi-même.  Il  est  donc  facile  de 
voir  que  la  véritable  vertu  ne  se  trouve  pas 
chez  les  Commençants  qui  ne  se  sont  pas  en- 
core éprouvés  à  de  nombreux  et  difficiles 
comt>ats.  C'est  pourquoi  le  directeur  devra  se 
garder  de  porter  un  jugement  faux  sur  ces 
c«»mmençants,  et  ne  point  trop  se  fier  à  la 
ferveur  de  leur  début. 

11*  Ceux  qui  sont  en  voie  de  progrès  ont 
déjà,  en  grande  partie,  vaincu  leurs  mau- 
vaises inclinations,  et  sont  tout  entiers 
appliqués  à  l'exercice  des  vertus.  Cependant 
le  directeur  en  trouvera  qui,  dans  cet  é(^t, 
sont  plus  violemment  agités  par  les  passions 
qu'ils  ne  Tétaient  au  commencement  de  leur 
vie  spirituelle,  à  leur  début  même;  et  il  rc- 
maniuera  eo  eux  une  immense  difficulté, 
uie  extrême  répugnance  pour  l'exercice 
d'une  vertu  quelconque.  Mais  cela  ne  doit 
pas  lui  paraître  étrange,  puisque  toute  cette 
a^^itation  n'est  point  le  résultat  de  l'état  na- 
turel Je  ces  sortes  d'âmes,  mais  seulement 
des  efforts  extérieurs  du  démoai  qui  porte 
envie  à  leur  avancement  spirituel  ;  et  Dieu 
ne  le  permet  que  pour  une  plus  grande  per- 
fection de  ces  âmes.  Un  directeur  doit  donc 
savoir  ^u'il  y  a  des  âmes  vraiment  |»i  uses 


et  extrêmement  fidèles  à  Dieu,  que  le  Sei- 
gneur met  dans  un  élat  rempli  de  douleurs 
et  d'amertumes ,  qu'on  appelle  puraation 
passive  du  sentiment^  afin  que  par  là  elles  se 
purifient  de  plus  en  plus  dansia  vertu.  Dieu 
donne  toute  liberté  au  démon,  lui  permet- 
tant de  leur  faire  souffrir  d'horribles  tenta- 
tions de  tout  genre,  dont  les  autres  fidèles 
sont  ordinairement  exempts ,  et  en  même 
temps  il  6te  aux  passions  leur  frein  et  leur 
laisse  toute  leur  fureur.  Mais  Dieu  permet 
toutes  ces  choses  uniquement  pour  que  ces 
âmes,  combattant  courageusement  au  milieu 
de  ces  luttes  terribles,  soient  enrichies  des 
grandes  vertus,  à  l'aide  desquelles  elles 
puissent  s'élever  ensuite  à  une  perfection 
sublime,  et  souvent  à  un  certain  degré  de 
contemplation  infuse.  Qu'on  lise,  dans  la 
vie  de  sainte  Madeleine  de  Pazzi.ce  qu'ellea 
souffert  dans lafosseaux  lions  où  DieuTavait 
placée  (or,  c'est  précisément  le  cas  de  cette 
purgation  passive  dont  il  est  question  ici);  or, 
dans  cette  âme  bi  bien  disposée  auparavani, 
qui  avait  eu  tant  de  sublimes  extases,  et  y 
avait  reçu  de  Dieu  les  plus  hautes  faveurs, 
dans  cette  âme  on  trouvera  un  tel  déchaîne- 
ment  de  passions ,  un  si  horrible  assaut  de 
tentations,  que  la  lecture  seule  attendrit  et 
fait  pitié.  Le  directeur  évitera  donc  de  se 
former  une  idée  défavorable  à  l'égard  des 
personnes  déjà  avancées,  çui  éprouvent  les 
combats  de  violentes  passions;  il  les  esti- 
mera autant  qu'auparavant;  il  les  croira 
meilleures  même ,  puisque  l'âme  retire  de 
ces  combats  une  utilité  immense.  (Pour  ce 
qui  est  des  parfaits,  voir  Pebfectiox.) 

Aphorismes  des  directeurs  ou  maîtres  de  la 
vie  spirituelle.  —  1.  La  vocation  au  minis- 
tère de  père  spirituel  est  un  don  rare  et 
précieux,  qui  opère  beaucoup  dans  le  secret, 
et  a  peu  de  retentissement  et  d'éclat  au 
dehors. 

2.  Le  père  spirituel  doit  être  le  modèle  de 
ceux  qu  il  dinge  dans  les  voies  de  la  piété. 

3.  11  doit  chercher  à  gagner  l'estime  et 
l'affection  de  ceux  à  qui  il  veut  inspirer  le 
désir  de  la  perfection. 

h.  Qu'il  enOamme  le  cœur  de  l'amour  de 
Dieu,  et  il  fera  de  son  disciple  un  homme 
d'oraison. 

5.  Qu'il  supporte  patiemment  les  impar- 
faits s'il  veut  les  rendre  parfaits. 

6.  Que  le  matlre  ne  commande  point  d'une 
manière  impérieuse,  s'il  veut  que  son  dis- 
ciple soit  parfaitement  soumis. 

7.  Que  le  mattro  se  contente  d'obtenir 
plus  ou  moins  de  sainteté,  selon  les  forces 
et  les  dispositions  de  chacun. 

8.  Si  le  disciple  est  dirigé  selon  la  règle 
de  sa  vocation  et  de  son  inclination,  il  arri- 
vera bientôt  à  quelque  degré  de  perfection. 

9.  Lespieusesatlentions,  jointes  aux  œu- 
vres et  aux  solides  raisons,  sont  comme  un 
philtre  divin  qui  remplit  le  cœur  du  saint 
amour. 

10.  Celui  qui  se  mortifie  malgré  lui  et  y 
étant  forcé  par  un  autre,  ressemble  à  l'homme 
qui  prend  une  nourriture  que  l'estomac  no 
digère  ('Oint. 


607 


DIR 


DICTIONNAIRE 


DIR 


des 


11.  Punir  sans  que  le  cœur  raonlre  de 
Taffection»  est  moins  un  remède  qu'une 
blessure. 

12.  Si  le  roattre  se  montre  irrité,  il  verra 
son  disciple  Bempli  de  trouble;  mais  sMl 
se  montre  affectueux,  il  verra  naître  en  lui 
la  paix  et  la  tranquillité  de  Tâme. 

13.  En  ce  qui  touche  la  conscience ,  que 
le  matlre  soit  prudent;  et  autant  le  disciple 
témoigne  de  crainte,  autant  le  mattre  doit 
montrer  d*affection. 

14.  Si  l'on  veut  être  reconnu  pour  un  père 
Téritable,  qu'on  le  montre  par  ses  soins  et 
qu'on  imite  une  mère  tendre. 

15.  Distinguer  entre  les  mouvements  de 
la  grflce  et  de  la  nature,  c'est  le  propre  des 
hommes  d'une  haute  sainteté  et  d'une  grande 
pureté  de  vie. 

16.  Si  l'on  veut  que  le  disciple  fasse  en 
peu  de  temps  de  grands  progrès,  qu'on  lui 
permette  dapprocher  souvent  de  l'Eucha- 
ristie. 

17.  Hais  en  donnant  cette  permission  pour 
la  communion,  il  faut  avoir  égard  aux  dis- 
positions du  disciple. 

18.  On  doit  donner  rarement  le  conseil 
de  la  communion  quotidienne,  et  deux  com- 
munions par  semaine  suffiront  au  Ûdèle 
même  le  plus  pieux. 

19.  Il  n  y  a  point  de  règle  générale  sans 
exception;  et  pour  ce  qui  est  de  la  commu- 
nion, une  sa^e  discrétion  est  au-dessus  de 
la  règle.  {Voir  Commonior  fréquente.) 

20.  La  perfection  qui  a  sa  source  dans  une 
influence  étrangère,  aura  plus  d'apparence 
que  de  réalité. 

21.  On  marche  hors  de  la  voie  avec  sa 
perfection,  quand  on  va  trop  à  la  hflte  ;  si 
en  effet  on  ne  se  hflte  lentement,  tout  est  en 
péril. 

22.  Une  sainteté  soudaine  est  peu  éloignée 
de  la  chute,  puisque  rien  de  ce  qui  est  per- 
manent n'obtient  un  accroissement  soudain. 

23.  Celui  qui  s'occupe  de  diriger  lésâmes 
dans  la  voie  de  la  perfection  doit  traiter 
avec  Dieu  de  cette  affaire  par  de  fréquentes 
prières. 

Arcanes.  —  1.  Les  hautes  et  saintes  fonc- 
tions de  mattre  spirituel  exigent  une  pro- 
fonde sagesse  avec  beaucouf)  de  science  et 
d'expérience;  d'où  ii  suit  qu'un  ignorant, 
étant  défiourvu  de  toute  science,  n'est  point 

Cropre  a  un  tel  ministère.  Tel  et  tel  sont 
ons  pour  parler  de  Dieu  et  des  choses  spi- 
rituelles, pour  donner  quelques  conseils  en 
matière  de  spiritualité,  pour  diriger  même 
dans  les  voies  ordinaires  de  la  vie  ascé- 
tique :  qu'ils  prennent  garde  cependant  d'en 
sonder  trop  avant  les  profonds  et  mystérieux 
secrets,  s  ils  ne  veulent  pas  tomber  dans 
l'abîme. 

2.  Les  saints  austères  sont  bons  pour 
prêcher  la  pénitence  et  la  crainte  de  Tenfer, 
ainsi  que  pour  inspirer  l'horreur  du  péché  : 
ce  qui  est  propre  à  la  conversion  des  pé- 
cheurs. Mais  quant  à  la  |)erfection,  comme 
elle  suppose  d'avance  la  vertu  et  consiste 
principalement  dans  l'amour  de  Dieu  et  du 
prochaini  ce  n'est  point  la  crainte^   mais 


l'amour  qui  la  fait  croître  et  augmenter.  Par 
conséquent  un  saint  austère  sera  propre  à 
faire  nattre  les  vertus  dans  les  cœurs;  mais 
un  saint  humble,  paciGquc,  doux  et  aimable*, 
sera  plus  propre  pour  instruire  et  diriger 
dans  la  perfection. 

3.  Les  grands  docteurs  scolastiques,  s'ils 
ne  sont  pas  spirituels  ou  s'ils  manq^uent  de 
toute  expérience  dans  les  choses  spirituelles, 
ne  sont  point  ordinairement  propres  è  exer- 
cer le  mmistèrede  maîtres  spirituels.  Car  la 
théologie  scolastique.n'est  que  la  perfection 
de  l'intelligence  et  ne  s'adresse  qu'a  l'esprit  ; 
tandis  que  la  théologie  mystique  est  la  perfec- 
tiondei'intelligenceetdela  volonté  en  même 
temps,  et  forme  l'esprit  et  le  cœur.  D'où  il 
arrive  qu'un  bon  théologien  scolaslique  peut 
n'être  qu'un  mauvais  théologien  mystique. 
Cependant,  dans  les  choses  spirituelles  qui 
sont  difficiles  ou  douteuses,  il  vaut  mieux 
consulter  un  théologien  médiocrement  spi- 
rituel qu'un  spirituel  ignorant. 

h.  Personne  n'estime  l'oraison  mentale 
tiède,  distraite  et  imparfaite.  Mais  les  maî- 
tres plus  éclairés  préfèrent  singulièrement 
une  heure  d*oraison  mentale  sèche,  sans 
goût  et  sans  lumière,  attaquée  par  diverses 
tentations  qui  sont  toutefois  repoussées,  à 
quatre  heures  d'oraison  tout  inondée  de  lar- 
mes ;  et  cela  pour  deux  raisons  :  première- 
ment, parce  qu'on  y  trouve  le  plus  solide  exer- 
cice de  la  vie  spirituelle, qui  est  làCharitépé' 
naie;  secondement,  parce  que  Ton  doit  éviter 
de  faire  consister  la  vie  spirituelle  unique- 
ment dans  l'oraison.  Car  il  viendra  un  temps 
où  l'Ame  ne  pourra  plus  s'y  livrer ,  it 
surgiront  à  sa  place  1  aridité,  les  pensées 
d'abandon,  de  mélancolie,  de  désespoir 
même;  et  c'est  alors  que,  avec  la  grflce  di- 
vine, il  faut  pratiquer  l'humilité,  la  patience 
et  les  autres  vertus  communes. 

5.  Tout  maître  de  vertu  doit  tendre  è  la 
rendre  plus  parfaite;  cependant  tout  maître 
d'une  vertu  ordinaire  n'est  pas  toujours  luai- 
tre  de  perfection.  L'un  apprend  à  Tivrogôc 
à  devenir  sobre;  l'autre  apprend  è  joindre  à 
la  tempérance  le  jeûne,  soit  obligatoire, 
soit  volontaire.  i.e  mattre  de  vertu  apprend 
è  Celui  qui  est  distrait  le  recueillement  et 
l'attention  dans  l'oraison;  le  maître  de  per- 
fection instruit  sur  ce  qu'il  y  a  de  plus  su- 
blime dans  l'oraison  et  le  recueillement. 

6.  Les  maîtres  spirituels  sont  le  plus  sou- 
vent exposés  aux  persécutions  et  aux  ca> 
loinnies  des  mondains  ;  Dieu  le  {>ermet,  soit 
pour  qu'ils  ne  s'enorgueillissent  pas  de  leurs 
dons;  soit  pour  leur  procurer  l'occasion 
d'appuyer  do  leur  exemple  les  bons  conseils 
quils  donnent  aux  autres;  soit  pour  ajouter 
à  la  pureté  de  leur  innocence  l'éclat  d'un 
profond  esprit  de  pénitence;  soit  enfin  pour 

{)unir  leur  imprudence  à  reprendre  quelque- 
bis  les  défauts  des  autres,  sans  Qu'ils  aient 
aucune  autorité  pour  cela. 

7.  Que  celui  qui  est  doué  du  don  de  la 
direction  spirituelle  se  rappelle  gu'il  n'est 
pas  un  maître,  mais  un  guiue.  Qu'il  ne  cher- 
che point  de  disciples,  mais  se  laisse  che^ 
cher  par  eux.  Qu'il  ne  forme  point  avec  tant 


us 


D'ASCETlSyE. 


«10 


de  zèle  des  associatioitt»  des  assemblées,  des 
réanions  nombreuses  ivotoar  de  lai.  Qu'il 
Teille  à  ee  que  ses  disciples  remplissent  par- 
faitement les  deToirs  particuliers  de  leur 
état,  bien  que  les  larmes,  la  déTOtion  sen- 
>ible,  etc.t  ne  leur  soient  point  données.  Si 
Toraison  manque,  qu'une  Tertueuse  occu- 
fiation  ne  manque  pas:  car  il  Tiendra  un 
temps  où  ce  sera  quelque  chose  de  pénible 
pour  le  disciple  que  de  TiTre  sans  pouvoir 
Taquer  à  Toraison.  Que  Ton  évite  de  parler 
souvent  de  ravissements,  de  visions  ou 
d  antres  grâces  estraordinaires.  Que  l'objet 
des  exhortations  soit  rhumiiilé,  la  patience, 
le  recueillement,  la  pauvreté,  l'obéissance, 
la  fuite  du  monde,  le  renoncement  h  ses  pa- 
rents et  aux  mauvaises  amitiés  particulières. 
Enfin  que  le  maître  spirituel  s'efforce  de 
planter  les  Tertus  théolo^oues  et  morales 
dans  le  cœur  de  ses  disciples,  aRn  que  de 
leurs  racines  s'élève  le  bel  arbre  de  la  vie 
spirituelle,  où  l'on  puisse  voir  s'épanouir 
les  Qeurs  de  la  perfection,  et  mûrir  les  fruits 
d'une  sainteté  solide. 

DISCERNEMENT  DES  ESPRITS.  —  L'un 
des  principaux  devoirs  du  maître  de  la  vie 
spirituelle  lorsqu'il  dirige  soit  les  commen- 
çants, soit  les  prc^essaiits,  soit  les  parfaits, 
est  de  discerner  les  différents  caractères  des 
esprits,  afin  que,  par  cette  connaissance, 
il  rende  lK>ns  ceux  qui  étaient  mauvais, 
meilleurs  ceux  qui  étaient  médiocres;  afin 

Î|u*îl  élève  encore  les  parfaits  et  les  ren* 
erme  dans  les  vertus  qui  sont  les  fonde- 
ments de  la  perfection  et  sans  lesquels  toute 
perfection  apparente  n'est-qu'illusion. 

Ici,  nous  entendons  par  ce  mot  tiprii  une 
propension  intérieure  oe  l'Ame,  ou  une  im- 
pulsion par  laquelle  on  se  sent  porté  vers 
un  but,  ou  vers  un  genre  d'occupation. 
Ainsi  on  dit  de  l'homme  qui  a  le  goAt  de 
l'oraison,  de  la  pénitence,  de  la  solitude,  de 
la  pauvreté,  qu'il  a  l'esprit  d'oraison ,  de 
pénitence,  etc.  Celui  au  contraire  qui  se 
platt  dans  les  disputes  et  lescontensions,  passe 
pour  avoir  l'esprit  de  contradiction.  De  là 
on  appelle  un  homme  spirituel  ou  simple- 
ment les  spirituels  ceux  qui  ont  une  propen- 
sion ou  des  goûts  décidés  pour  l'oraison, 
la  modestie,  le  silence,  etc.,  et  qui  ne  par- 
lent, ne  pensent  et  ne  s'occu|)ent  avec  plaisir 
que  de  choses  spirituelles. 

II  y  a  une  difTérence  entre  un  homme  spi- 
rituel et  un  homme  dévot.  De  ce  qu'une  per- 
sonne est  dévote  elle  n'est  point  par  iè  même 
spirituelle.  Dn  homme  dévot  a  de  l'amour, 
de  la  ferveur,  de  la  piété,  et  une  inclination 
à  tout  ce  qui  est  bien  ;  mais  il  a  souvent 
une  intelligence  très*médiocre,  qui  ne  jouit 
pour  ainsi  dire  qu'à  moitié  de  ses  fecultés. 

Comme  l'esprit,  tel  que  nous  reotendoiis 
ici,  consiste  dans  une  certaine  mesure  de 
lumières  intellectuelles  assez  élevées,  unie 
à  une  pieuse  et  affective  inclination  vers  le 
bien ,  de  là  nous  disons  que  ceui-ià  sont 
spirituels  qui  sont  en  même  temps  et  rem- 
plis de  lumières  intellectuelles  dans  riutel- 
ligence,  et  d'affections  dans  la  Tolouté.  De 
là  encore  ceux  oui  remportent  par  la  raison. 


la  discrétion  et  la  prudence»  font  plutAt  ce 
qui  est  plus  expédient  que  ce  qui  est  plus 
parfait,  un  homme  qui  est  seulement  pieux 
et  dévot  est  sujet  à  entreprendre  à  contre- 
temps des  bonnes  œuvres  par  imprudence 
et  défaut  de  lumières.  Dn  homme  spirituel, 
au  conlraire,  peut  tirer  un  grand*  fruit  de 
certaines  œuvres  purement  naturelles,  par 
considération  de  la  fin  qu'il  se  propose.  Il 
f^st  intérieur,  discret,  plein  de  douceur, 
ajraot  horreur  du'bruit  et  des  contestations, 
des  applaudissements  des  hommes,  des  ver- 
tus apparentes  ;  il  parle  peu,  sachant  beau- 
coup, prie  sans  ostentation  et  se  mortifie 
sans  artifices;  sa  dévotion  concorde  avec  la 
raison,  sa  charité  avec  la  justice;  son  inten- 
tion est  pure,  sa  conscience  droite.  Le  dé- 
vot a  beaucoup  d'affection,  peu  de  lumières, 
et  pour  cela  il  trébuche  volontiers.  Si  sa  dé- 
votion s'accrott,  il  est  fervent;  il  s'attiédit  et 
se  relâche  quand  elle  manque.  L'homme 
spirituel,  au  contraire,  reste  toujours  sem- 
blable à  lui-même  dans  la  prospérité  et 
l'adversité,  dans  la  sécheresse  et  les  conso- 
lations; il  a  les  yeux  fixés  invariablement 
sur  Dieu  et  sou  devoir. 

Comment  se  divisent  les  esprits?  Il  y  a 
d'abord  les  lions  et  les  mauvais  esprits  : 
c'est  la  division  la  plus  générale,  cest-à- 
dire  ceux  qui  incitent  an  bien  et  ceux  qui 
entraînent  au  mal. 

Hais  il  j  a  des  subdivisions  nombreuses. 

Saint  Biemard,  en  méditant  les  saintes 
Ecritures,  a  trouvé  six  sortes  d'esprits.  Il  y 
a  l'espritt  1*  divin,  2*  aogélique,  3*diaboli« 
que,  «*  humain,  5*  de  la  chair,  6*  du  monde. 

Mais  comme  Tesprit  aogéliaue  est  gou- 
verné par  Dieu,  et  l'esprit  de  la  chair  et  du 
monde  par  le  démon,  voilà  cinq  classes  qui 
sont  réduites  à  deux:  c'esl*à-dire  l'esprit  de 
Dieu  et  Tesprit  du  démon ,  et  en  y  ajoutant 
Tesprit  humain,  il  en  reste  trois  :  le  divin, 
roumain  et  le  diabolique. 

Rossignol  a  suivi  cette  division 

Godioez  admet  quatre  sortes  d  espnts  : 
le  premier  est  l'esprit  divin  et  bon  oui  nous 
sollicite,  par  la  grâce,  à  bien  vivre,  a  fuir  le 
péché«  à  fréquenter  les  sacrements,  à  assu- 
rer par  des  moyens  convenables  notre  per- 
fection et  notre  salut.  Le  second  est  l'esprit 
diabolique  ou  mauvais,  qui  vous  pousse  à 
tous  les  péchés  mortels  auxquels  peuvent 
donner  occasion  les  différents  états  particu- 
liers, ou  bien  en  faisant  régner  dans  le  fond 
da  cœur  des  intentions  perverses.  Il  affecte 
de  montrer  au  dehors  les  signes  du  mérite 
et  de  la  bonté,  et  couvre  ainsi  ses  vices  du 
manteau  de  l'hypocrisie.  Le  troisième  est 
Tesprit  mondain,  lequel,  s'il  se  montre  à 
découvert,  est  profane,  vain,  adonné  aux 
délices  et  à  la  paresse;  s'il  est  caché,  il  al- 
fecte  de  Thumilité,  il  se  méprise  pour  four- 
nir aux  autres  une  occasion  de  le  louer  ;  il 
se  conduit  par  respect  humain  et  sMnquiète 
beaucoup  ne  ce  que  les  hommes  disent  ou 
pensent  de  lui  ;  il  est  tiède  et  lâche  dans  la 
pratique  des  vertus  intérieures;  il  est  ardent 
et  attentif  dans  la  pratique  des  vertus  appa- 
rentes, afin  d*atUrer  l'attention  par  sa  vaine 


6H 


MS 


DICTIONNAIRE 


DIS 


m 


-humililé.  Le  quatrièmo  est  un  esprit  d*a- 
oiour-propre,  qui  se  préoccupe  beaucoup 
des  commodités  de  la  chair.  Il  a  une  certaine 
prudence  pour  accommoder  les  actions  ver- 
tueuses selon  les  exigences  do  la  sensualité 
etde  ladélicatessede  la  chair.  Dans  l'oraison, 
il  penche  vers  la  méthode  la  plus  facile  et  la 
plus  douce;  dans  Tobéissance,  vers  les  prati- 
ques les  moins  laborieuses;  dans  la  pénitence» 
vers  les  moins  pénibles.  Ce  genre  d'esprit 
jouo,  chez  les  commençants,  le  rôle  de  mé- 
decin qui  veut  prévenir  la  maladie  ou  les 
excès;  chez  les  progressants,  le  rôle  de  la 
discrétion,  qui  prévient  les  inconvénients; 
chez  les  parfaits,  le  rôle  de  la  prudence,  qui 
.veut  trop  prévoir  et  orévenir  les  moindres 
inconvénients. 

Mais  ce  médecin,  cette  discrétion,  celte 

.prudence  ne  sont  autre  chose  que  i'amour- 

propre  qui  se  cache  sous  ces  divins  noms. 

Comme  Tcsprit  peut  être  envisagé  comme 
une  inclination  intérieure  de  fâme,  on  peut 
le  considérer,  soit  dans  Tacte  premier,  en 
tant  que  TAme  est  attirée  par  des  habitu- 
des naturelles  ou  surnaturelles,  ou  d^autres 
dispositions  permanentes;  ou  dans  l'acte 
second,  en  tant  qu'il  est  mu  h  l'action  par 
des  sollicitations  indélibérées.  Or  ces  mou- 
vements, quand  ils  nous  portent  au  bien, 
s'appellent.în^ptra^tonf  ;et  instigalionSf  quand 
ils  nous  portent  au  mal. 

Ces  inspirations  ou  ces  instigations  rem- 
plissent  toute  la  vie  spirituelle,  soit  ac- 
tive, soit  contemplative  ;  surtout  elles  abon- 
dent dans  le  saint  exercice  de  l'oraison.  Les 
inspirations  sont  comme  le  fond  de  l'o* 
raison ,  et  c'est  par  elle  que  Dieu  nous  j 
parle  ou  bien  nous  répond  quand  nous  lui 
parlons.  Ces  inspirations  peuvent  être 
telles  dans  un  sens  vague,  etalors elles  sont 
simplement  des  inspirations,  ou  bien  des 
inspirations  formelles,  et  alors  on  les  ap- 
pelle révélations.  Nous  traiterons  d'abord 
des  inspirations  dans  le  sens  le  plus  étendu 
.et  le  plus  vague. 

Précisons  maintenant  le  sens  de  cette 
expression  :  Discernement  des  esprits. 
.  Le  discernement  des  esprits  est  un  juge-^ 
ment  par  lequel  un  homme  discerne,  parmi 
plusieurs  tendances  de  l'âme  dont  les  im- 
pulsions sont  obscures,  de  quel  esprit  elles 
proviennent,  du  bon  ou  du  mauvais. 

Il  y  a  deux  voies  pour  arriver  au  discer* 
nement  des  esprits  :  il  y  a  la  prudence  hu- 
maine, et  la  grâce  gratis  data,  ou  infuse  par 
Dieu  lui-même.  De  la  deux  discernements 
des  esprits:  Tun  acquis,  comme  quelques^ 
uns  rappellent,  ou  doctrinal ,  qui  est  un 
art  ou  une  méthode  qui  s'acquiert  par  le 
travail  et  l'industrie  humaine,  en  suivant 
les  règles  assignées  par  les  théologiens,  les 
ascètes  et  les  mystiques;  cet  art  discerne 
les  esprits  et  les  mouvements  de  l'âme  bons 
et  mauvais,  soit  en  nous,  soit  hors  de  nous. 
L'autre,  infus  ou  degrâcei  gratis  datWf  que 
l'Apôtre  désigne  dans  sa  lettre  aux  Cor.  i, 
et  que  le  cardinal  fiona  décrit  ainsi  :  C'est 
un  mouvement  particulier  du  Saint-Esprit, 
ou  une  illumination  de  rosprit,;)our  discer- 


ner, parmi  les  différentes  impulsions  de 
Tâmc,  de  quel  esprit  elles  proviennent,  du 
bon  ou  du  mauvais,  qu'elles  regardent  la 
doctrine  ou  les  mœurs,  que  quelqu'un  soit 
excité  intérieurement  et  mvisiblement ,  ou 
qu'il  le  soit  extérieurement  par  les  hommes, 
ou  par  les  anges  parlant  sensiblement,  ou 
apparaissant  dans  certaines  circonstances. 

Voilà  la  grâce  du  discernement  des  esprits, 
que  saint  Paul  met  en  septième  lieu  parmi 
les  grâces   gratuites  que  le  Saint-Esprit 
donne  comme  il  lui  platt,  et  à  qui  il  lui  plaît, 
pour  discerner  les  esprits  non-seulement  en 
soi,  mais  dans  les  autres,  pour  la  commune 
utilité  de  l'Ëglise.  Cette  grâce,  comme  toutes 
les  autres  grâces  gratuites,  n'a  existé  comme 
habitude  et  de  droit  qu'en  la  seule  personne 
de  Jésus-Christ;  mais  elle  est  communiquée 
aux  autres  par  un  mouvement  transitoire 
de  la  grâce,  quand  et  comme  elle  le  veut. 
Cette  grâce  est  infaillible,  mais  non  acquise; 
de  plus,  elle  est  accordée  non  pour  la  pro- 
pre sanctification,  au  moins  directement, 
mais  pour  la  sanctification  des  autres  ;  d  où 
il  suit  qu'on  peut  quelquefois  la  rencontrer 
chez  les  méchants.  Cependant,  comme  elle 
a  besoind'ètreaccompagnéed'uneinfusion  de 
lumière  naturelle,(iu'elle  requiert  cette  tran- 
quillité et  cette  paix  intérieure,  qu'on  trouvo 
rarement  dans  un  cœur  troublé  des  afTec- 
tions  du  monde»  de  là  vient  qu'on  ne  trouvo 
généralement  cette  grâce  que  dans  les  jus- 
tes. C'est  le  sentiment  longuement  exposé 
du  cardinal  Bona. 

Il  est  difficile  cependant  de  discerner  les 
esprits  par  la  voie  ordinaire,  c'est-k-dtre  par 
la  prudence  humaine.  Gerson  a  exposé  cetto 
difficulté  (Alphabet  17)  :  «  Il  y  a  un  esprit 
de  Dieu,  dit-il,  un  esprit  de  1  ange  ;  un  es- 
prit de  l'homme,  soit  raisonnable,  soit  ani- 
mal. La  même  inspiration  peut  procéder 
quelquefois  de  chacun  de  ces  esprits,  quoi- 
que d'une  manière  diverse.  Hais  il  y  a  dans 
cette  diversité  une  certaine  similitude  qui 
empêche  de  la  saisir,  lorsqu'on  a  peu  ei- 
périmenté  ces  choses,  lorsqu'on  ne  les  con- 
naît ni  par  la  perspicacité  du  génie,  ni  par 
l'érudition  des  théologiens  et  des  savants, 
ou  par  une  tradition  bien  éclairée.  Il  n'est 
pas  étonnant  que  nous  trouvions  peu  de  per- 
sonnes qui  sachent  parfaitement  discerner 
les  pensées  et  les  affections  de  l'âme  raison- 
nable, en  tant  que  raisonnable,  des  autres 
qui  sont  animales  ou  fantastiques.  Où  trou- 
verez-vous,  je  vous  prie,  des  hommes  crai- 
gnant Dieu  et  fuyant  le  péché,  qui  discer- 
nent clairement,  pendant  l'orage  des  passions, 
si  l'objet  sensible  du  péché  est  seulement 
dans  le  sens  ou  dans  le  consentement  de  la 
raison?  tant  il  est  difficile  de  discerner  le 
sentiment  du  consentemenL  Combien  plus 
grande  devient  la  difficulté  d'éprouver  les 
quatre  sortes  d'esprit  que  nous  avons  distin- 
guées; et  puis  une  mauvaise  inspiration  peut 
prendre  une  forme  qui  la  fasse  ressembler  à 
une  bonne.  Le  sens  de  l'esprit  humain  a 
deux  parties  :  l'une  supérieure,  l'autre  infé- 
rieure. Nous  trouvons  dans  t'Ëcriture  sainte 
une  uiirole  qui  fait  sentir  cette  séfutratloo 


ei.'ç 


DIS 


DASCETISJIE. 


DIS 


614 


el  qui  ncnoirc  jiisqu^à  la  division  de  Tâme 
et  de  1  esprit,  c*est  lorsque  Mario  s*écrie  : 
'  Mon  âme  glorifie  ie  Seigneur^  et  qu'elle  ajoute  : 
Et  mon  esprit  $*eit  réjoui  en  Dieu  mon  Sati- 
reur.9 

C'est  une  obligation  pour  le  Mattre  de  la 
Tie  spirituelle  de  discerner  les  bons  esprits, 
lie  les  approuver  comme  venant  de  Dieu. 
I^s  saintes  Lettres  nous  l'enseignent  ainsi 
dans  lérémie,  xr  19:  Si  vous  séparez  ce  qui 
est  précieux  de  ce  qui  est  rtV,  vous  serez  comme 
ia  bouche  de  Dieu;  et  chap.  ti,  17  :  Je  vous 
ai  établi  sur  le  peupte  pour  réprouver^  afin 
de  sonder  leurs  voies  et  de  les  connaître.  Âui 
Thessalon.»  xii  :  If  éteignez  pas  les  esprits^,., 
éprouvez  tout  et  retenez  ce  qui  est  bon.  Joan. 
IV,  1  :  Eprouvez  les  esprits  et  voyez  s'ils  sont 
de  Dieu.  Les  saints  Pères  établissent  la  même 
chose.  Saint  Cbrysostome  a  dit  dans  une 
homélie: D'épaisses  ténèbres  sont  répandues 
comme  un  nuage  sur  tonte  la  terre.  Or,  au  mi- 
lieu de  celte  nuit,  qui  n'a  pas  même  un  jour 
lunaire,  Dieu  a  allumé,  par  la  grftce  du  Saint- 
Esprit,  une  lampe  qui  brille  dans  nos  cœurs. 
C'est  pourquoi  saint  Paul  a  dit  :  ITéteignez 
pas  les  espritSf  c'est-i-dire  le  don  du  Saint- 
Esprit.  Et  si  l'esprit  est  éteint,  tous  savez 
ce  qui  nous  reste  h  nous  qui  marchons  dans 
cette  voie  ténébreuse.  S'il  est  si  difficile  d'v 
marcher  terre  è  terre,  combien  sera-t-il  plus 
pénible  de  tenir  le  chemin  qui  conduit  de 
cette  terre  au  ciel,  si  nous  ne  sommes 
éclairés  par  quelques  secours  ?  Saint  Jean 
Climaque  (gr.  S6),  place  un  des  modes  du 
discernement  spirituel  dans  le  sens  intel- 
lectuel discernant  le  vrai  bien  du  bien  na- 
turel, et  par  conséquent  le  discernant  de 
Terreur.  Il  ajoute  aue  le  démon  s'etTorce, 
avant  tout,  de  nous  faire  négliger  et  mécon- 
naître ce  qui  est  bien.  Voici  comment  s'ex- 
prime saint  Bernard  :  «  Quand  l'esprit  nous 
arrive-t-il  ?Quand  s'en  va-t-il  ?  Voilà  ce  que 
nous  ne  pouvons  ignorer  sans  péril.  Cfar, 
lorsque  vous  n'observez  pas  les  difTérentes 
ofiérations  de  l'Esprit  saint,  il  vous  arrivera 
ou  que  vous  ne  le  désirerez  pas  absent,  ou 
que  vous  ne  le  gloriGerez  pas  présent.  Car, 
s*il  se  retire  pour  être  plus  avidement  re- 
ciierché,  comment  soupirerez-voos  après  lui, 
si  vous  ne  remarquez  pas  seulement  son 
absence  ?  De  même,  s'il  daigne  revenir  en 
vous  pour  vous  consoler,  comment  le  rece- 
vrez-vous  selon  sa  majesté,  si  sa  divine  pré- 
sence vous  reste  inaperçue?  Donc  l'âme, 
qui  méconnaît  l'absence,  est  ouverte  à  la 
séduction  :  et  celle  qui  ne  remarque  pas  le 
retour  est  ingrate  pour  la  céleste  visite.  » 

Le  même  point  se  prouve  par  la  raison, 
et  c'est  saint  Thomas  qui  en  fait  les  frais. 
(1*2,  q.  68.)  Il  nous  enseigne  que  les  dons 
du  Saint-Esprit,  |qui  sont  en  nous  par  l'in- 
spiration divine,  sont  nécessaires  au  salut, 
parce  que  la  raison,  en  suivant  ie  mou- 
vement des  vertus  seulement,  en  tantqu'elies 
ne  sont  encore  qu'imparfaitement  formées  en 
nous,  n'a  pas  tout  ce  qui  est  nécessaire  au 
szlut^  si  l'impulsion  du  Saint-Esprit  ne  s'y 
ajoute  point. Cela  est|évident  par  la  parole  de 
saint  Paul  :  Tous  ceux  qui  se  laissent  conduire 


par  r esprit  de  Dieu  sont  ses  enfants.  D*où  on 
conclut  de  quelle  importance  il  est  de  se 
laisser  conduire  parles  inspirations  divines, 
ce  qui  ne  peut  être,  si  on  ne  peut  les  con- 
naître et  les  discerner  comme  telles. 

Comment  s'opèrent  les  inspirations?  C'est 
Dieu  lui-même,  en  tant  que  cause  première 
principaleetsumaturelle,  qui  parleavecl'âme 
dans  ses  inspirations;  c'est  le  sentiment  de 
saint  Denis  et  de  saint  Thomas. 

Il  y  a  pins,  lorsqu*un  ange  nous  inspire 
quelque  chose  à  faire  ou  à  évi:er,  il  nous 
1  inspire  au  nom  de  Dieu,  qui  daigne  nous 

Srler  par  le  moyen  des  anges  qui  voient  sa 
2e  et  qui  trouvent  dans  son  Verbe  les  pa- 
rolesqu  ils  ont  à  nous  dire  Ce  rôle  leur  appar- 
tient comme  étant  familiers  et  avec  Dieu  et 
avec  nous,ce  qui  est  vrai  particulièrement  des 
anges  gardiens.  Voici  ce  que  dit  à  ce  propos 
^aintThomas  :  €  Dieu  illumine  par  lui-même 
les  âmes  pieuses,  a6n  qu'elles  comprennent 
les  choses  qui  apparaissent  et  qu*on  appelle 
divines.  Hais  si  le  ministère  d'un  ange  e.  t 
appliqué  à  ce  but,  l'ange  pourra  opérer  quel- 
que chose  dans  l'esprit  de  l'homme,  afin  quM 
saisisse  la  lumière  de  Dieu,  ce  qui  arrive 
en  effet.  Si  on  comprend  alors  que  l'ange 
donne  Tintelligence  à  l'homme  et  qu'il  ré- 
claire, on  ne  peut  l'entendre  que  dans  le 
sens  où  Ton  dit  qu'un  ouvrier  éclaire  une 
maison  et  la  remplit  de  lumière,  lorsqu'il 
ne  fait  que  percer  des  fenêtres  par  où  passe 
la  lumière; en  réalité  il  éloigne  simplement 
les  obstacles  qui  empêchaient  jusqu'alors  la 
lumière  de  pénétrer.  »  Il  n'est  pas  toujours 
facile  de  distinguer  si  Dieu  inspire  une  âme 
par  lui-mêcne  ou  par  un  ange.  Saint  Bernard 
dit  à  ce  sujet  :  «  Distinguer  qui  nous  parle 
n'est  pas  chose  facile,  l'ignorer  est  périllcuxt 
surtout  lorsqu'il  est  constant  qu'un  ange  ne 
parle  jamais  par  lui-même;  car  c'est  Dieu  qui 
parle  par  sa  lK)uche.  » 

Au  surplus.  Dieu  trouve  en  nous,  soit  du 
côté  de  la  nature,  soit  du  côté  de  la  grâce, 
de  quoi  nous  inspirer  ce  que  nous  devons 
faire  ou  éviter  dans  la  nature,  par  le  dicta- 
men  de  la  bonne  conscience  appuyé  sur  la 
syndérèse.  Saint  Thomas  l'enseigne  ainsi  : 
«  Plusieurs  disent  :  qui  nous  fera  voir  les 
biens  T  La  lumière  de  votre  visage  est  gravée 
sur  nous,  Seigneur,  de  là  la  conscience  est 
appelée  dès  l'origine  un  esprit  correcteur, 
un  pédagogue  associé  à  l'âme,  qui  sépare  le 
bien  du  mal.  Toutefois,  comme  la  lumière 
naturelle  ne  franchit  pas  la  sphère  naturelle, 
et  dans  l'ordre  de  la  béatitude  naturelle,  il 
a  plu  au  Seigneur  d'élever  cette  lumière  par 
des  moyens  surnaturels,  jusqu'au  point  où 
elle  est  ntile  dans  l'ordre  de  la  béatitude 
sornatu:e.le.  Dieu  semblejeterdessemencis 
de  révélations  supérieures,  particulièrement 
la  foi  vive,  selon  cette  parole  [Act.  xv)  : 
Purifiant  leurs  cœurs  par  ta  foi  et  la  charité: 
selon  cette  autre  parole  (11  Cor.  v,  li)  : 
La  charité  de  Jésui-^hrist  nous  presse.  » 

RÈGLES  POUB  LE  D1SCEB3IEMENT  HES  BSPBrTS* 

—  Il  faut  maintenant  établir  des  règles  d'a- 
près lesquelles  on  discerne  quelles  sont  les 


au 


DIS 


NCTIONNAïaË 


DIS 


616 


esprits  bons  et  quelles  sont  les  inspirations; 
si  elles  ?îennent  vraiment  de  Dieu. 

llfautqu*ensuivant  ces  règles  Tâme  puisse 
distinguer  doctrinal emeot  en  elle-mônie,  et 
le  directeur  dans  les  autres»  ce  qui  vient  de 
Dieut  aQn  de  l'approuver  et  de  le  retenir. 
Ces  règles  sont  appuyées  sur  la  doctrine  du 
cardinal  Bona  {Dtscernem.  des  esp.  c.  6.),  de 
Louis  Du  Pont  (Com.  sp.f  tr.  1,  c.  21),  d'Al- 
varez {De. la  vie  $p,<,  t.  Ili),  de  Godinez 
X  TheoL  myst,^  liv.  i\  ),  de  saint  Ignace 
(ExerciLt  fc'  sem.). 

Première  règle.  —  Les  bonnes  inspirations 
se  connaissent  par  leurs  fruits. 

Cette  règle  est  la  plus  universelle  et  fon- 
damentale. £lle  est  fondée  sur  la  parole  de 
^otre-Seigneur  {Math,  xii].  Vous  les  connais 
Irez  par  leurs  œuvres.  Saint  Paul  reproduit 
la  pensée  de  Jésus-Christ,  en  disant  (6a- 
lat.  y,  22)  :  Le  fruit  de  l* esprit  est  la  cha^ 
ritéf  et  /ti/ote,  etc. 

De  même  que  nous  connaissons  un  bon 
arbre  par  ses  fruits ,  ainsi  nous  distinguons 
avec  certitude  une  bonne  inspiration,  une 
inspiration  divine ,  si  elle  fait  produire  de 
bonnes  œuvres.  Sur  quoi  il  faut  observer 
que  quand  on  parle  des  bonnes  œuvres  qui 
sont  une  indication  des  inspirations ,  nous 
entendons  parler,  non  de  telles  ou  telles 
actions  en  particulier,  mais  des  bonnes  œu- 
vres prises  en  général»  considérées  en  soinnie. 
Car,  pour  telle  œuvre  particulière,  il  peut  y 
avoir  illusion,  mais  Tillusion  ne  peut  alTecter 
un  ensemble  de  conduite,  un  temps  pro* 
longé. 

Saint  Bernard  confirme  cette  règle  en  di- 
sant :  €  Ce  sont  les  actions  et  non  les  pa- 
roles qui  séparent  les  enfants  de  Dieu  des 
enfants  de  la  malice.  Je  veux  que  vous 
TOUS  appliquiez  ces  paroles  âifi  Jésus- 
Christ  ,  et  que  vous  en  montriez  en  vous  l'ap- 
plication :  Les  œuvres  que  mon  père  m'a 
données  à  faire  rendent  témoignage  de  moi. 
{Joan.  V,  36.)  »  Ainsi,  en  réalité,  l'esprit  de 
Jésus-Christ  rend  témoignage  à  notre  propre 
esprit  que  nous  sommes  les  enfants  de 
Dieu  ,  lorsque,  par  sa  vertu,  des  œuvres  de 
mort  il  nous  élève  aux  œuvres  de  vie. 

Gerson  dit  de  son  côté  :  Il  faut  que  nous 
sachions  prendre  des  signes  dans  les  œuvrer. 
D'où  il  faut  conclure  :  1**  qu'il  a  un  bon 
esprit,  le  chrétien  fidèle  qui  observe  la 
loi  de  Dieu  et  les  obligations  de  son  état; 
2*  le  Chrétien  fervent  qui  vaque  pieusement 
à  l'oraison,  à  la  fréquentation  des  églises, 
à  l'audition  de  la  parole  de  Dieu  dans  les 
sermons,  qui  fréquente  les  sacrements; 
3*  c'est  un  bon  esprit,  celui  qui  aime  à  exer- 
cer la  charité,  à  donner  l'aumône,  à'  faire 
les  œuvres  de  miséricorde  corporelle  et  spi- 
rituelle, en  enseignant,  en  préchant,  en  con- 
fessant ;  4*  c'est  un  bon  esprit,  celui  gui  est 
austère,  aimant  le  silence  et  la  pénitence, 
quoiqu'il  soit  encore  légèrement  souillé  par 
le  venin  delà  propre  volonté,  si  d'ailleurs  il 
s'adonne  avec  humilité  à  l'oraison  mentale  : 
mais  qu'il  prenne  garde  à  lui,  car  il  est 
exposé  au  péril  de  la  vaine  gloire  ;  S'  c'est 
un  bon    esprit  que   celui  qui   pousse  & 


la  solitude,  à  a  recollection,  aux  habits 
pauvres,  à  une  habitation  chétive,  mais  coq. 
venable,  à  une.  nourriture  grossière,  mais 
sufiisante  ;  6*. c'est  un  bon  esprit  que  celai 
qui  aime  de  longues  et  de  douces  médit»^ 
tions,  quoiqu'il  ne  se  livre  qu'avec  réserve 
à  la  pénitence  et  h  la  mortification,  si  cela  se 
remarque  dans  les  commençants  et  dans  les 
privilégiés  :  en  d'autres,  il  faut  le  tenir  pour 
suspect.  Il  serait  préférable  âe  remarquer  le 
contraire,  c'est-k-oire  que  la  ^mortification 
l'emportât  sur  l'oraison. 

Seconde  règle^  tirée  des  bonnes  œuvres  tn- 
tirieures.^Oti  doit  regarder  comme  certain 
que  l'on  est  mu  par  un  bon  esprit,  lorsque 
non-seulement  on  produit  de  t)onnes  œuvres 
extérieures,  mais  encore  qu'à  ces  bonoes 
œuvres  s'ajoutent  les  bonnes  œuvres  inté- 
rieures, c'est-à-dire  un  grand  goût  intérieur; 
ainsi  l'on  ne  peut  méconnattre  Tinspi* 
ration  divine  lorsque,  par  exemple,  un  pé- 
cheur,  en  même  temps  qu'il  pratique  aoe 
pénitence  extraordinaire,  change  enmèue 
temps  de  vie  et  de  sentiment,  lorsqu'un 
tiède  devient  fervenl  et  ardent ,  lorsqu'un 
commençant  ou  un  progressant  et  même  un 
parfait  font  des  progrès  rapides  dans  la  pra* 
tique  des  vertus. 

Saint  Bernard,  dans  son  vingt-troisième 
sermon,  donne  cette  règle.  «  Ne  doutez  pas, 
dit-il,  que  vous  avez  1  esprit  de  Dieu,  qui 
vous  parle  par  lui-même  ou  par  votre  ange, 
lorsqu'en  châtiant  votre  corps,  en  hamiliant 
votre  cœur,  en  conservant  ta  charité  parmi 
les  frères,  et  dans  la  pratique  des  autres 
vertus»  vous  ne  sentez  dans  votre  ftme  one 
des  mouvements  pieux  et  des  pensées  saiu* 
laires. » 

Saint  Ignace  nous  dit  :  «  Croyez  gua 
vous  avez  en  vous  une  consolation  spiri- 
tuelle, lorsque,  par  un  mouvement  iDlé* 
rieur,  vous  sentez  augmenter  sensiblement 
votre  amour  pour  le  Créateur,  et  que  vous 
sentez  également  que  vous  n'aimez  plus  les 
créatures  que  pour  Dieu  ;  lorsque  vousrépan- 
dez  des  larmes  qui  provoquent  cet  amour, 
qu'elles  soient  excitées,  ou  par  le  regret  du 
péché ,  ou  par  la  méditation  de  la  PassioUf 
ou  bien  qu'elles  proviennent  d'une  autre 
cause  qui  se  rapporte  à  l'honneur  de  Dieu.» 
On  peut  encore  regarder  comme  une  faveur 
du  ciel  tout  ce  gui  augmente  la  foi,  V^sfé- 
fance  et  la  charité  :  de  même  toute  joie  qui 
élève  l'Ame  à  la  méditation  des  choses  cé- 
lestes, au  zèle  pour  son  salut,  à  la  tranquil* 
lité  et  à  la  paix  dans  le  Seigneur.  Gerson 
renseigne  en  s^appuj^ant  de  l'autorité  de 
saint  Grégoire  et  de  saint  Augustin 

Cependant ,  comme  ces  choses  se  passent 
dans  l'intérieur  de  l'Ame,  elles  ne  sont  con^ 
nues  que  médiatement  parle  directeur,  ^ui 
n'en  peut  faire  usage  pour  les  autres  quen 
éprouvant  la  sincérité' et  la  véracité  de  celui 
qui  lui  allègue  ces  impressions. 

Voici  les  conséquences  qui  suivent  des 

E oints  précédemment  établis.  1*  Lorsque  les 
onnes  œuvres  exlérioures  sont  accompe' 
gnées  de  louables  sentiments  intérieurs  ou 


■ 

I 


I 


(  bon 

lie  co9 
«Bur 

Uon. 

pour  U  charil 
terreur  excède 
nés  de  la  pni  ' 
sa  substance, 
tolon  tiers  qui  troi 
latioDS  dans  la  ~~' 
Tolontiera,  s'at 

d'iiltei 


DIS  D'&SCE 

œuvres  iolérieures,  aui  sont 
Il  le  principe  et  l'âme  des  ezté- 
elles  procèdent  éridemmeot 
"  2*'L  esprit  boa  est  un  esprit 
et  de  contrition ,  car  un 
lumilié  est  inème  dans  un 
leucementde  toute  perfec- 
ferrent,  humble  et  zélé 
prochain,  quoique  sa 
luefois  les  justes  bor- 
.est  bon  au  moios  dans 
[esprit  qui  se  recueille 
<  du  charme  et  des  conso- 
de  Dieo ,  gui  s'accuse 
.  se  ώiirise,  |qui  se 
devant  Dieu  comme 
inconstaol  et  ingrat , 
bon,  sûr  et  capable  des 
I.  5*  Un  esprit  cootem- 
irvalle  ses  regards  sur 
int  quelquefuis  sur  la 
faisant  son  orcupatioa 
sur  la  passion  et  It 
,  satisfaisant  aux 
esprit 


klésus-Cbrist  est  la  i 


d'une  grarde  orais 
cette  porte  el  elle  . 
Iliomilité.  Allons  doacn 
nous  j  trouverons  tous  IJ 
spirituels. 

Troisième  riait  :   L'k 
les  les 


joe  d'une  vie  t 


Va  des  sifïnes  Tes  plus  assurés 
Dieu  est  celui  qui  s'imprime  di 
du  cœur.  Les  preuves  en  sont  dans 
sainie  ('m.  LXiit  15)  :  Voici  ce  , 
groMâ  et  U  tubtime  qui  kt^iU  l'éttmité,  dont 
t€  mvm  til  taiiU  dmu  U  ciel,  qui  kabitt  la 
taimitli,  tpù  e»t  avtc  retpril  contrit  et  hu- 
wùliéf  ofM  qu'il  vivifie  un  cour  humilié  et 
qu'il  einfie un  eaur  contrit.  Etc.Lxir,3:5ur 
qui  jtlterai-je  me»  regard*,  n  ee  n'eet  jur 
eeiui  quiett  pauvre,  contrit  de  cmur,  et  crai- 
gnant ma  parole?— Pt.  cixxril  :  LeSeigneur 
rtt  grand,  §on  regard  tombe  lur  les  cJtoies 
kitmOlet.  —  Lue.  i:  Il  a  regardé  l'humilité 
de  sa  servante.  Salut  Bttriiard  s'exprime  ainsi 
dans  son  69*  serm,  m  Cant.  Cant. .-  ■  Si  je  vois 
mes  sens  s'ouvrir  à  l'intelligence  des  saintes 
Ecritures  et  des  discours  de  la  sagesse,  tout 
mon  Être  s'enOjmmer  pour  ainsi  dire,  et 
(•énélrer  les  mystères  avec  une  nouvelle 
lumière,  et  m'ouvrir  en  quelque  sorte  un 
coin  du  ciel,  en  faisant  tomber  sur  mon  Ame 
l'abondante  rosée  des  douces  môdilatious, 
alors  je  ne  doute  point  que  l'époux  est  pré- 
sent. Car  voilà  les  riuliusses  du  Verbe,  et 
uous  recevons  de  sa  plénitude.  Si  en  même 
temps  je  sens  le  charme  d'une  humble  dé- 
votion, qui  engendre  la  haine  de  la  vanité  par 
la  découverte  de  la  vérité,  de  peur  que  la 
science  ne  vienne  m'enOer,  et  que  les  vi.sites 
fréquentes  et  intimes  ne  me  poussent  à 
l'orgueil,  alors  je  comprends  que  l'on  tient 
envers  moi  une  conduite  paternelle;  je  ne 
•loule  plus  que  mon  père  ne  fait  près  de 
tat/i.  >  £t  Gerson  avoue  que  ce  seul  signe 
tuint  pour  reconnaître  les  esprits  bons. 
DiCTioiia.  D'AsctrisME.  I. 


nSHE.  KS  «S 

a  Tous  les  avertissemenls  intérieurs,  tous 
les  mouvements  véhéments...  tonte  noira 
opération  intérieure  ou  extérieure,  si  elle 
est  précédée  de  l'bomilité,  si  l'humiliti 
l'aocompaf^na  et  la  suit,  si  rien  ne  s'y  ajoute 

2ui  lui  nuise,  crojez-moi,  c'est  une  marqua 
TÎdeute  que  ces  choses  viennent  de  Dien 
ou  de  son  ange,  et  tous  ne  vous  trompei 
pas.  » 

En  effet  l'esprit  malin,  qui  est  tout  d'or- 
gueil, ne  peut  enseigner  l'bumilité. 

Concluez  de  Ik:  1'  qu'un  esprit  qui,  k 
mesure  qu'il  est  bvonsé  des  consolations 
célestes,  des  larmes,  des  visions,  des  extases, 
devient  par  M  même  pins  bumble,  timide 
et  reconnaissant,  et  qui  en  même  temps 
parait  plus  petit  et  plus  vil  à  ses  propres 
yeux,  s'en  rapportant  en  tout  à  son  père 
spirituel  ,  écarte  la  volonlé  propre  et  la 
confiance  en  soi,  celui-là  est  un  e«pril  bon, 
saiut.etsAr;  9*  qu'un  esprit  dont  les  divines 
faveurs  t<mibeot  sur  le  fondement  solide 
des  vérins  morales  de  l'obéissance,  de  la 
chasteté,  de  la  pauvreté,  de  l'humilité  et  de 
"^ipe,  surtout  si  ces  vertus  s'accrois- 
I  perfectionnent  avec  la  réception 
^^Fces  laveurs,  est  aussi  un  esprit  bon, 
'"soli^^Rûr.  S'il  crainlîes  louanges  humaines 
,  engendrant  la  vanité  :  ou  bien 
ut  écouter  les  louanges  sans  dan- 
ans  sQaiblissement  pour  son  faumi- 
fc'est  une  marque  de  la  solidité  de  ses 
LIS.  3*  Les  esprits  extraordinaires  qui 
.  même  des  miracles,  s'ils  fuient  l'applau- 
^ement  humain,  se  cachent  eus  et  leurs 
aveurs,  ont  horreur  des  louanges,  suppor- 
enl  le  mépris  avec  sérénité,  fuient  les  dé- 
lices et  les  commodités,  l'impatience  et  la 
singularité,  sont  do  bons  esfyrils;  si  cepen- 
dant après  coup  ils  donnaient  dans  quelques 
singularités,  s  ils  retiennent  de  la  volonté 
propre,  s'ils  n'ont  |ias  horrcurdes  louanges, 
qu'ils  fuient  et  se  uacbeul,  autrement  ils  sa 
perdraient;  concluez^*  qu'un  esprit  pauvre, 
et  humble,  qui  prend  les  honneurs  pour  nn 
déshonneur  ,  I  applaudissement  popolaira 
uour  le  démon,  qui  cacbe  comme  il  peut 
les  faveurs  divi:ies,  qui  se  platt  dans  les  ré- 
duits obsrurs  loin  de  la  place  imblique.  est  nn 
esprit  qui  vient  de  Dieu,  se  perfectionne  par 
le  don  de  la  contemplation,  ei  s'bumilie  de  ses 
laveurs  elles-mêmes  ;  si  cependant  il  jouît 
du  don  des  miracles,  qu'il  prenne  garde  de 
ne  plus  jouir  de  lui-même.  Un  tel  esprit 
peut  bien  être  assez  fort,  pour  porter  les 
louanges  qu'il  n'a  point  recherchées,  mais 
s'il  les  recherchait,  elles  deviennent  peut  être 
des  coups  mortels;  5*  que  ne  point  désirer 
les  choses  Extraordinaires,  soit  dans  les 
vertus,  soit  dans  les  révélations,  mais  plutôt 
les  fuir,  autant  qu'il  se  peut,  et  ne   songer 

au'à  s'avancer  dans  la  perfection  chrétienne; 
e  plus  se  juger  indigne  des  faveurs  reçues, 
tout  reporter  à  Dieu ,  craindre  un  grand 
compte  à  rendre  dans  les  révélations  ex- 
traordinaires, ne  se  préférer  à  personne,  et 
ne  révéler  les  faveurs  -que  par  la  vertu 
d'obéissance  ;  c'est  avoir  un  bon  esprit. 
Quatrième  règle  :  Aimer  la  souffrance  et  U 


«19 


DIS 


MCTIONNAIRE 


DIS 


m^rif.-^ Désirer  de  tout  son  jcœut  souffrir 
et  être  hamilié,  se  r^ouir  au  milieu  des 
MHiffrances  et  des  affronts,  est  iia  signe  évi- 
dent d'une  profonde  humilité  et  de  la  pré- 
sence de  l'esprit  de  Dieu.  Ceci  est  souvent 
exprimé  dans  l'Ecriture  sainte  (Maith.  iw)  : 
Heureux  ceux  qui  touffreni  pertecution  pour 
la  justice  :  —  Aci.  y  :  Les  apôtres  sortaieni 
joyeux  de  V assembliez  parce  qu*ils  furent  fugés 
dignes  de  souffrir  quelque  chose  d^humtliant 
pour  le  nom  ae  Jisus^hrist. — /  Peir.  iv  :  Si 
vous  êtes  injurié  pour  le  nom  de  Jésus^hrist^ 
vous  êtes  heureuXf  car  son  esprit  repose  en 
vous.'-'Galat.  ti  :  A  Dieu  ne  plaise  que  Je  me 
glorifie  en  autres  ckosesqu'enla  croix  de  Jésus» 
Christ.  Saint  Jean  Cnrjsostome  dit  dans 
Thomélie  sur  le  don  de  souffrir  pour  Jésus  : 
«  C'est  un  don  g^tuit»  et  plus  digne  d'ad- 
miration que  de  ressusciter  les  morts  et 
d'opérer  de  grands  prodiges,  car  ici  je  suis 
débiteur  et  là  j'ai  Jésus-Christ  ponv  déoiteur. 
11  ne  faut  donc  pas  alors  avoir  de  honte, 
mais  se  réjouir  comme  d'un  don  gratuit.  » 
Et  saint  JBernard  dit  dans  son  sermon  25 
in  Cant.  :  «  L'épouse  met  ingénieusement 
sa  gloire  dans  ce  qui  doit  l'humilier  aux 
yeux  de  ses  rivales;  elle  ne  dit  pas 
seulement  qu'elle  est  belle,  mais  qu'elle  est 
noire.  Elle  ne  rougit  pas  de  cette  désagréa- 
ble couleur  qu'elle  reconnaît  avoir  existé 
dans  son  époux.  Elle  ne  conçoit  rien  de 
plus  glorieux  pour  elle  que  do  porter  l'op- 
probre du  Christ.  » 

Tirez  de  là  d'importantes  couséquences  : 
l*que  c'est  un  bon  esprit,  celui  qui  se  recuit 
de  passer  pour  imparfait,  hvpocrite,  ou  im* 
posteur,  pourvu  qu'il  ne  fournisse  à  cela 
aucune  occasion  coupable  ;  2*  qu'il  est  bon 
encore,  l'esprit  qui  se  réjouit  de  ce  que 
son  confesseur  a  de  lui  une  petite  idée,  mais 
sans  sa  faute,  et  qui  le  croit  dans  rillusion; 
3*  c'est  un  bon  esprit,  selon  saint  Ignace,  de 
répugner  non  eu  partie,  mais  en  tout,  à  ce 
que  le  monde  aime  et  poursuit,  et  de  dési- 
rer et  d'embrasser  tout  ce  que  Jésus-Cbrist 
notre  Seigneur  a  désiré  et  embrassé...  de 
toile  sorte  que  si  cela  se  pouvait  sans  offen- 
ser la  divine  Majesté  et  sans  préjudice  pour 
le  prochain,  les  personnes  qui  ont  cet  esprit 
Tondraient  souffrir  les  injures^  les  faux  témoi- 

!  pages,  les  accusations,  et  enfin  passer  pour 
dlles,  pourvu  qu'il  n'y  eut  pas  de  leur  faute, 
et  quand  même  il  n'en  reviendrait  pas  plus  de 

S;loire  à  Dieu,  mais  pour  leseul  motifde  suivre 
ésus->Christde  plus  près.  Elles  préfèrent  être 
avec  lui  pauvres,  méprisées,  endurant  toutes 
sorte  de  privations,  et  passer  encore  pour 
insensées,  que  d'être  dons  les  honneurs  et 
jouir  de  la  réputation  de  sages. 

Cinquième,  règle  :  Résignation  à  la  volonté 
de  Dieu  et  de  son  directeur.  — La  règle  capi- 
tale fK)ur  le  discernement  des  esprits  est  la 
résignation  de  son  propre  jugement,  de  sa 
propre  volonté  surtout,  à  la  volonté  et  au 
jugement  de  ceux  qui  tiennent  la  place  de 
Dieu  dans  la  conduite  de  l'ftme.  Cette  double 
soumission  est  clairement  indiquée  dans 
l'Ecriture.  D'abord  dans  Isaîe^  tx*  Le  Sei- 
gneur Dieu  m*a  ouvert  rentendement^  et  je  ne 


le  contredis  point  :  je  ne  suis  pas  retourné  en 
arrière.  — Aci.  ix  :  Seigneur,  que  voulez-vous 
que  je  fasse?  —  Luc.  x  :  Celui  qui  vous  écouts 
m'écoute.  Quoi  de  plus  clair  que  ces  paroles 
adressées  à  Paul  {Act.  ix }  :  Levez-^vous^  en- 
trez dans  la  ville^  et  là  vous  apprendrez  par 
Ananie  ce  que  vous  avez  à  faire. 

De  là  saint  Bernard  s  écrie:  t  Heureux 
celui  qui  dit  :  Et  moi  je  ne  contredis  point. 
Voilà  la  formule  de  la  vraie  obéissance.  » 

Les  Pères  de  l'Eglise  d'&^pte,  voulant 
éprouver  l'esprit  de  saint  Siméon  Stylite, 
ordonnèrent  qu'il  descendit  sur-Je-cnamp 
de  la  colonne,  sur  laquelle  il  menait  une  vie 
si  austère.  Aussitôt  il  se  mit  en  dcTOir  de 
descendre  et  d'obéir  aux  Pères;  ce  que 
voyant,  ils  s'empressèrent  d'approuver  I  es- 
prit qui  ranimait,  et  lui  permirent  de  conti- 
nuer son  genre  de  vie,  jugeant  par  son  obéis- 
sance qu'il  vivait  en  Dieu. 

D'où  nous  concluons  qu'il  est  mû  par  un 
bon  esprit:  1*  celui  qui»  dans  toutes  les  for- 
tunes bonnes  ou  mauvaises,  se  soumet  à  la 
volonté  de  Dieu,  comme  un  enfant  à  son 
père,  qui  ne  fait  pas  attention  à  réléganc6 
des  vêtements,  à  la  commodité  de  sa  de- 
meure, aux  attentions  ou  à  l'indifférence 
des  personnes  qui  sont  avec  lui;  2*  celui 
qui,  même  dans  la  poursuite  de  la  perfec- 
tion et  dans  l'acauisition  des  vertus,  se  con- 
forme à  l'impulsion  des  inspirations  de  la 
grâce  du  Saint-Esprit,  et  ne  va  ni  plus  vite 
ni  plus  lentement  qu'elle  lui  commande, 
car  chacun  doit  marcher  selon  la  mesure 
de  grâce  dont  il  est  favorisé,  et  non  selon  la 
mesure  des  autres;  3*  celui  oui  en  tout 
point  se  conforme  à  la  volonté  de  son  guide 
spirituel,  se  conGe  en  lui  avec  abandon,  se- 
lon tous  ses  avis  et  conseils,  et  cela  avec 
fidélité  et  humilité. 

Sixième  règle  :  Il  ne  faut  pas  approuver 
facilement  les  inspirations  extraordinaires. 
—  Il  y  a  des  inspirations  au  dessus  et  même 
contre  les  lois  oriiinaires  de  la  Providence  : 
en  suivant  les  règles  ci-dessus  posées,  ou 

f^cut  Ips  approuver,  comme  on  Ta  vu  dans 
'exemple  de  saint  Siméon  Stylite.  Mais 
communément  parlant,  il  n'est  pas  aisé 
d'appliquer  ici  à  coup  sûr  les  règles  du  dis- 
cernement. 

Saint  Augustin  nous  rappelle  qu'il  est  pru- 
dent de  nous  en  tenir  aux  choses  ordonnées 
par  les  règles  qui  sont  selon  l'ordre  établi,  et 
saintBernard,qù'il  faut  user  d'une  grande  mo- 
dération et  discrétion,  là  où  l'on  ressent  une 
ardeur  extraordinaire. 

En  effet,  un  esnrit  discret  et  tempéré  ne 
nous  pousse  qu'à  des  choses  ordinaires,  ac- 
commodées sans  miracles  aux  forces  de  cha- 
cun, et  ces  voies  sont  plus  sûres  que  les 
voies  extraordinaires  et  inusitées,  dans  les- 
quelles il  y  a  plus  de  péril,  et  où  l'esprit 
malin  se  platl  à  livrer  ses  assauts,  parce 
qu'il  y  obtient  du  succès. 

Il  faut  que  le  directeur  delà  vie  spirituelle 
prenne  carde  d'approuver  trop  fadlemeol 
des  inspirations  très-véhémentes,  de  les  ao- 
cepter  trop  vile  comme  divines*  à  moin^ 
qu'elles  ne  s'aila[»lenl  assez  bien  aux  forces 


DIS 


D'ASCKTISMK. 


D!S 


6iS 


da^rpSfk  i*<Ut  el  à  la  condition,  à  l'édifi- 
cation  publique»  aux  habitudes  enfin  de  la 
[lersonae;  ce  qui  est  surtout  Trai  pour  la 
pratique  eitérteure  des  vertus.  Dieu  inspire 
à  tous  de  progresser  de  plus  en  plus  dans  les 
rertas  intérieures  d'humilité,  de  patience, 
d'obéissance,  d*aiDOur  de  Dieu   et  du  pro- 
rbaio.  Mais  dans  la  pratique  extérieure  de 
ces  vertus,  quoiqu'il  convienne  à  tous  de  les 
loeUre  en  œuvre,  chccun  selon  ses  forces,  ce* 
pendant  il  convient  de  le  faire  avec  mesure  ; 
car  si  souvent  Dieu  nous  excite  à  des  entre- 
prises qui  sont  l'expression  d'une  haute  ver«^ 
lu,  comme  i'entrée'en  religion,  le  naartyre,  les 
missioDS  étrangères  ;  ilseplatt  aussi  souvent 
à  mettre  des  obstacles  à  ces  élans  dans  l'exé- 
cution; il  se  contente  de  notre  désir;  et 
alors  il  faut,  pour  que  l'esprit  soit,  qu'il  se 
soumette  à  ce  qui  parait  moins    parfait, 
fuirce  qu'une  autorité-  légitime   nous  ar- 
rèle. 

Il  n'est  pas  moins  nécessaire  de  discerner 
les  mauvais  esprits  que  les  i)ons,  car  autant 
il  importe  de  suivre  les  inspirations,  autant 
il  est  dangereux  de  suivre  les  suggestions. 
Malheuff  s'écrie  Isaife  (vj,  d  voum  q,ui  appelex 
U  mal  un  (t'en,  el  le  bien  un  mal  ;  et  les  Pro- 
Hrbtê  (xvn)  :  Celui  quijuMlifie  l'impie  et  q,ui 
condamne  le  juste  est  abominable  devant  Dieu; 
et  saint  Paul  :  Je  crains  qu*ainsi  qu'Eve  fut 
Udaite  par  le  serpent  et  son  astuce^  ainsi  vos 
mt  ne  se  corrompent  et  ne  perdent  leur  sim* 
pliàté,  qui  est  dans  te  Christ,,.,  Satan  se 
traniforme  en  ange  de  lumière,  —  /  JtV/i.  iv, 
1  :  L  eiprit  annonce  manifestement  que  dans 
/ei  derniers  temps  quelques-uns  s'éloigneront 
itla  fùi^  écoutant  l'esprit  d'erreur  et  la  doc^ 
irine  des  démonSf  fartant  avec  mensonge  la 
t^ifue  de  fhypoemie.  Il  faut  donc  éviter 
d'appeler  le  mal  un  bien,  c'est-à-dire    de 
jusufler  Timpie,  de  laisser  corrompre  ses 
sens  par  l'astuce  du  défiion,  de  prendre  Sa- 
lao  pour  un  ange  de  lumière.  Il  faut  se  gar- 
<ier  de  l'esprit  d'erreur  et  de  mensonge,  et 
pour  cet  etfet,  il  est  nécessaire  de  s'exercer 
aa  discernemeut  des  mauvais  esprits. 

f«s  saints  Pères  enseignent  cette  doctrine, 
^l  Chrysoslome,  reprenant  sqs  auditeurs 
(le  la  paresse  è  repousser  les  insinuations 
de  l'esprit  malin,  dit  :  «  Ayez  soin  de  vous 
eorironner  de  toutes  paris  d'armes  spin- 
taeiles,  de  découvrir  ses  pièges  et  ses  arti- 
^f  de  peur  que,  taudis  que  vous  lui  échap- 
pa» .vous  ne  rappeliez  vous*mème  en 
discuiant  ses  perfides  propositions.  » 

<  Gardons-nous,  dit  saint  Jérôme,  de  pren- 
dre la  vérité  pour  le  mensonge  et  les  ténè- 
bres pour  la  lumière.  »  Saint  Cyrille  de  Jéru- 
^em  nous  avertit  «  que  nous  avons  besoin 
d«  la  grâce  divine,  d'un  esprit  prudent,  d'un 
^1  eiercé  pour  ne  pas  confondre  la  zizanie 
^rec  le  froment,  le  loup  avec  Tagneau,  le 
IJf mon  avec  le  bon  ange  ;  »  et  saint  Grégoire 
dira  que  «  ce  léviathan  tente  d'uue  manière 
^'âmes  religieuses  et  bonnes,  et  d'une  au- 
ire  les  mondaines  ;  car  il  offre  ouvertement 
^  celles-ci  les  objets  qui  charment  leurs 
Koût5,  mais  aux  Ames  pieuses  il  ne  pré- 
*«uie  le  mal  que  déguisé  el  avec  les  cou- 


leurs de  la  sainteté.  »  Saint  Laurent  Justi- 
nien  dit  :  «  Il  importe  beaucoup  que  l'Ame  ne  ' 
soit  pas  ignorante  des  célestes  inspirations  : 
il  faut  qu  elle  use  d'une  grande  vigilance  en 
ce  point;  autrement  elle  accueillerait  bien 
des  propositions  du  séducteur  et  résiste- 
rait à  l'arrivée  de  Tépoux;  t 

La  raison  nous  dit  la  même  chose.  La 
démon,  la  chair  et  le  monde  font  une  ligue 
de  tentation  pour  nous  entraîner  dans  la 
perdijtioo;  il  raul  donc  être  vigilant  et  tout 
œil  pour  ne  pas  se  méprendre  dans  leurs 
suggestions,  et  ne  pas  tomber  dans  le  mal 
par  surprise  ou  par  eîitraluement.  Le  dis- 
cernement des  mauvais  esprits  est  donc 
absolument  nécessaire. 

C'est  pourquoi  on  a  sagement  établi  des 
règles  d'après  lesquelles  on  connaît  les  sug- 
gestions des  mauvais  esprits  pour  les  éviter. 

Première  règle:  S'il  suggère  quelque  chose 
contre  la  foi  et  les  mœurs,  —  $i  un  esprit 
vous  pousse  è  entreprendre  quelque  chose 
contre  la  foi  et  les  bonnes  mœurs,  c'est  une 
marque  infaillible  qu'il  est  mauvais,  parce 
qu'un  bon  arbre  ne  peut  pas  porter  de  mau» 
vais  fruits  {Batth.  vu,  il),  et  aussi  selon 
ce  que  dit  saint  Paul  [Eph.  i)  :  Quand  un 
ange  du  ciel  vous  évangéliserait  des  choses 
contraires  à  celles  que  nous  vous  avons  an^ 
noncées^  quHl  soit  anathime.  Le  Saint-Esprit 
ne  peut  pas  se  contredire  lui-même,  ni  ins- 
pirer ce  qui  est  démenti  par  l'Ecriture 
sainte,  les  conciles  et  les  décisions  solen- 
nelles des  vicaires  de  Jésus -Christ.  Ceux' 
qui  s'écartent  de  cette  règle  sont  trompés 

1>ar  Satan  :  ils  prennent  pour  régulateur,  non' 
a  voix  de  l'Eglise  et  ce  que  Dieu  a  révélé, 
mais  leur  propre  instinct,  leur  coupable  cré- 
dulité, et  dès  lors  ce  ne.  sont  pas  des  esprits 
éclairés,  mais  des  esprits  ténébreux. 

En  conséquence,  sans  parler  de  l'esprit  des 
gentils,  des  Turcs  et  des  Juifs,  1*  reconnais- 
sons pour  un  esprit  très-pervers  celui  du 
Chrétien  qui  se  sert  des  choses  qui  sont  à  son 
usage  dans  le  monde,  pour  violer  la  loi  de 
Dieu  par  une  suite  de  fautes  graves,  et  avec  ' 
obstination  ;  2*  celui  des  hérétiques,  des  faux 
illuminés,  des  schismatiques,  qui  se  sé« 
parent  du  chefsouveraincle  l'Eglise,  comine 
ues  membres  mourants  ou  morts  ^  qui  ensei- 
gnent des  dogmes  pervers  ou  contraires 
aux  bonnes  mœurs  ;  3*  il  n'y  a  qu'un  esprit 
pervers  qui  pense  mal  et  parle  mal  dts 
images  des  saints ,  des  inclulgences ,  û^s 
saintes  reliques,  etc.,  moyens  pieux  et 
saints  par  lesquels  l'Eglrse  nous  conduit 
doucement  comme  par  la  main ,  pour  nous 
élever  insensiblement  aux  choses  et  aux 
idées  qui  sont  représentées  par  ces  objets. 

Arrêtons  -  nous  un  instant  à  présenter 
quelques  considérations  sur  les  images.  Quoi- 
qu'ebes  soient,  comme  nous  venons  de  le 
dire,  des  moyens  de  nourrir  la  piété,  la 
méditation,  ï\  faut  se  garder  cependant  de 
laisser  pénétrer  des  abus  dans  l'usage 
que  nous  en  faisons.  Saint  Jean  de  la  Croit 
a  sur  ce  point  fait  des  remarques  Irès-judi* 
cieuses.  Q^APt  à  ce  qui  concerne  les  iiua^  • 


i^ 


DIS 


nCTIONNAlRE 


DIS 


ges»  dil-ily  il  peut  y  entrer  une  grande 
vanité  ou  une  vaine  complaisance.  EnefTeU  * 
quoiqu'elles  servent  au  culte  divin  et  nour- 
rissent la  piété ,  comme  le  prouve  Tusage 
constant  et  l'approbation  qu'en  donne  no- 
tre mère  la  sainte  Eglise,  cependant  il  y  a 
un  bon  nombre  de  personnes  qui  s*atta- 
chent  aux  images  par  un  goût  mondain,  soit 
l  raison  de  leur  élégance,  du  prix  de  la 
matière,  de  la  perfection  de  l'art,  plutôt  que 
pour  s'élever  a  l'idée  et  à  l'objet  saint  et 
chrétien  qu'elles  doivent  nous  rappeler. 
C'est  pourquoi  saint  Jean  de  la  Croix  con- 
seille d'avoir  pour  son  usage  plutôt  des 
images  simples  et  qui  suffisent  pour  nous 
rappeler  les  pensées  utiles,  que  des  images 

3ui  parlent  à  notre  imagination  par  le  côté 
e  la  vanité  ;  il  ne  veut  pas  qu  on  en  ait 
un  trop  grand  nombre,  qu'on  f  mette  trop 
de  soin  et  de  curiosité  ;  particulièrement, 
il  défend  d'en  avoir  beaucoup  attachées  à 
son  rosaire. 

Sainte  Thérèse  aérant  lu  ce  passage  oans 
les  œuvres  du  saint,  penchait  pour  empê- 
cher ses  religieuses  de  s'occuper  des  figures 
et  des  autres  embellissements  (jui  or- 
nent les  livres  de  piété.  Mais  Dieu 
lui  donna  une  explication  en  lui  deman- 
dant :  «  Lequel  des  deux  vaut  le  mieux,  ou 
la  pauvreté  ou  la  charité?  Si  donc  la  charité 
vaut  mieux,  laissez  vos  religieuses  s'eccu* 
per  de  ce  qui  nourrit  leur  saint  amour.  » 

Cependant  il  faut  prendre  garde  que  le 
démon  ne  trouve  dans  ces  objets,  et  par  la 
curiosité  qu'ils  inspirent,  une  voie  cour 
entrer  dans  l'âme,  surtout  lorsque  ces  ima- 
ges ont  des  accompagnements  singuliers 
qui  conviennent  peu  au  sujet. 

Seconde  règle  :  Si  le  fond  det  peneéee  ou  des 
affections  n'est,  pas  moralement  bon.  —  Si  le 
fond  de  la  pensée  ou  des  affections  est  vicié 
eu  quelque  chose,  dans  un  sens  contraire  à  la 
foi  et  aux  bonnes  mœurs,  soit  dans  son  com- 
mencement, soit  dans  ses  progrès,  soit  dans 
son  but,  alors  croyez  que  vous  avez  affaire 
avec  un  esprit  mauvais.  Il  ne  faut  pas  perdre 
de  vue  qu'une  chose  bonne  cesse  de  l'être 
SI  elle  ne  l'est  pas  intégralement.  Le  moindre 
défaut  ou  la  moindre  imperfection  gflte  une 
bonne  œuvre  ;  et  un  acte  de  vertu  doit  être 
irréprochable  sous  toutes  ses  faces  et  sous 
tous  les  rapports  ;  ce  que  le  Saint-Esprit  nous 
enseigne  dans  le  ps,  xxxvi  :  Ecartez  le  mal 
et  faites  le  bien. 

11  suit  de  là,  1*  que  c*e$t  un  mauvais  es- 
prit en  religion  que  de  pervertir  en  la  trans- 
formant la  manière  de  vivre  parfaite  et  spiri* 
luelle,  qui  consiste  à  ne  pas  chercher  ses  aises 
et  ses  commodités;  que  d'introduire  des 
goûts  mondains  qui  respirent  plus  la  sen- 
sualité que  la  sainteté.  Chargés  de  péchés  se- 
crets et  publics,  ces  mauvais  esprits  abusent 
des  liensde  la  religion  pouropérer  leur  propre 
damnaliou.3*C'estunmauvaisespritquecelui 
qui  abuse  de  certains  sacrements  et  de  cer- 
taines pieuses  pratiques  ou  coutumes,  pour 
arriver  à  un  bénéfice  temporel  et  s'enrichir. 
S"  Cru  un  mauvais  esorit,  celui  qui  sème  la 


désunion  et  la  discorde.  V  C'est  un  espnt 
mauvais,  selon  saint  Içnace,  celui  qui  se 
transformant  en  ange  de  lumière,  inspire  aux 
Âmes  d'abord  de  bonnes  pensées,  puis inseo- 
siblement  les  détourne  à  des  objets  criminels. 
Selon  le  même  saint,  il  faut  soigneusement 
discuter  toutes  ses  pensées  et  ses  projets,  par 
rapport  à  leur  principe ,  h  leurs  moyens 
d'exécution  et  à  leur  fin  ;  car  si  on  les  trouve 
irréprochables  sous  ces  trois  rapports,  c'est 
une  preuve  que  tout  vient  du  bon  ange,  et 
qu*il  nous  a  inspirés.  Si  au  contraire  nous 
avons  trouvé  quelaue  chose,  soit  dans  le 
principe,  ou  dans  l'exécution,  ou  dans  le 
but,  non-seulement  qui  soit  mal,  mais  qui 
soit  défectueux,  et  qui  ait  une  tendance  au 
mal,  alors  il  faut  penser  que  cet  esprit  per- 
vers s'est  mêlé  dans  votre  projet ,  surtout  si 
vous  remarquez  la  queue  Ju  serpent,  c*esl- 
à-dire  si  la  un  de  l'action  n*a  pas  une  ten- 
dance assez  pure,  quand«  même  le  but  se* 
rait  bon  et  nonnète,  ce  qui  est  cependant 
un  signe  assez  marquant  d'une  louable  ac- 
tion. Cependant  ihfaut  encore  voir  si  la  ma- 
tière, l'objet  et  les  moyens  y  correspondent 
dans  toutes  leurs  circonstances;  s'ils  n'em- 
pêchent fias  un  plus  grand  bien  :  alors  il  fau- 
drait tenir  l'action,  bonne  en  apparence, 
pour  suspecte. 

Troisième  règle  :  LHntervention  de  VorgueU. 
—  De  toutes  les  causes  qui  peuvent  vicier  un 
esprit,  même  bon  d'ailleurs,  la  plus  active 
est  l'orgueil  même  caché  et  spirituel  en  ap- 
parence. Si  en  effet  l'humilité  seule,  une 
profonde  humilité,  est  un  signe  qui  décèle 
un  bon  esprit,  de  même  l'orgueil  seul  est  la 
marque  du  mauvais  esprit,  et.  cet  orgueil 
peut  atteindre  même  les  hommes  d^à  avan- 
cés dans  la  perfection  et  dans  l'esprit  d'orai- 
son, ou  qui  ont  reçu  des  faveurs  célestes 
assez  considérables.  Le  Prophète  (ps.  cxii) 
a  signalé  ce  danger  :  Seigneur ^  mon  cœur  ne 
s'est  point  enfléf  et  mes  yeux  ne  se  sont  pai 
élevés. 

De  là  saint  Augustin  nous  dit  :  «Combien 
donc  devons-nous  craindre  Torgueil  dans  les 
dons  de  Dieu,  quoique  nous  dussions  tanijf 
porter  notre  amour.  »  —  «Le  faux  ange  de 
lumière,  dit  Gerson,  sème  d'abord  Tesprit 
d'enflure,  et  le  pousse  à  désirer  être  d'ans 
ces.  distinctions,  afin  qu*il  se  croie  sat^e  et 
se  regarde  avec  un  œil  de  complaisance  :  ce 
qu'ayant  obtenu,  il  le  conseille  et  Tiliu- 
sionne,  le  pousse  et  le  joue  comme  il  le 
veut,  à  moins  d'une  grftce  particulière  :  bien- 
tôt rhomme  est  un  démon  pour  lui-roéme; 
il  se  trompe,  s'enveloppe  de  fantômes  séduc- 
teurs; et  de  sage  qu'il  était,  la  propre  adula- 
tion en  fait  un  insensé.  » 

Le  corollaire  de  ces  principes  est  :  1*  qu'il 
faut  re^cder  comme  un  esprit  mauvais  ce- 
lui qui  introduit  l'illusiou  et  Terreur  au 
moyen  de  cérémonies  pieuses,  de  paroles 
dévotes,  de  vertus  apparentés.  Les  hommes 
parlent  bien,  agissent  mal ,  et  ils  regorgent 
intérieurement  de  péchés;  2*  qu*il  faut 
prendre  pour  un  mauvais  esprit  celui  qui 
rend  certains  hommes  vains,  superbes,  an)- 
.bitieuXi  s*impliquant  dans  toutes  sortes  d  af- 


0*ASCEnSME. 


ms 


faires,  turbnieols,  qai,  avec  trois  ou  quatre 
Yertus  afMMrenteSy  chercheut  k  couvrir  deux 
ou  trois  muzaioes  de  vices  secrets  et  ou- 
blies, et  qui  dégéoèreot  en  personnes  lort 
Tîdeuses;  3*  qu  un  esprit  qui  a  de  Tapprêt» 
qui  use  de  petits  mensonges,  de  petites  du- 
plicités^ qui  est  cérémonieux,  est  un  esprit 
bjpocnti»;  et,  qu'è  travers  la  splendeur  de 
ses  vertus  extérieures,  il  court  après  sa  pro- 
pre esUme,*et  est  blessé  intérieurement  de 
iiien  des  vices;  k*  qu'un  esprit  austère  et 
fort  pénitent,  qui  devient  vain  et  plein  de 
jactance,  dès  qu'il  a  écouté  les  approbations 
populaires,  est  un  esprit  mauvais  :  sa  péni- 
tence est  une  ftbrique  de  vaine  gloire  et  de 
superbe;  5*  que  c'est  un  esprit  mauvais,  ce- 
lui qui  se  persuade  qu'il  a  acquis  la  sain- 
teté par  sa  propre  sagesse,  qui  exagère  sa 
vertu,  la  met  au-dessus  de  celle  de  ses  voi- 
sins ;  celui  qui  désire  des  dons  extraordi- 
naires, ou  qui  s'en  glorifie  s'il  lui  en  vient, 
qui  s'agranait  en  rapetissant  les  autres,  sous 
prétexte  d'un  bien,  et  trouve  toujours  quel- 
que motif  spécieux  de  préférer  son  senti- 
ment par  orgueil. 

Quairiiau  règle  :  La  grande  *  tristesse 
dame  te  méprie.  —  Si  quelqu'un  est  attristé, 
se  sent  l'âme  abattue,  parce  qu'il  est  mépri- 
sé, c'est  un  indice,  sinon  d'un  mauvais  es- 
prit, du  moins  d*un  esprit  imparfait,  surtout 
s*il  a  ea  l'avantage  de  quelque  faveur  parti- 
culière de  Dieu.  Car  ceux  qui  sont  bien  se 
r^ouisseat  moins  des  dons  de  Dieu  et  de 
ses  laveurs  que  des  chagrins  et  du  mépris  ; 
et  ils  travaillent,  par  la  mortification,  au  re- 
noncement d'eux-mêmes.  C*est  ainsi  que 
TApAtre  parie,  malgré  lui,  de  ses  sublimes 
communications  {ifCor.  xn)  i  Je  ne  me  glo- 
rifU  de  rfeie^  einen  de  mes  infirmités.  —  ...Je 
me  glorifie  volontiers  de  mes  infirmités,  afiri 
que  la  vertu  dm  Christ  demeure  en  moi.  (Test 
pourmsoije  me  complais  dans  mes  infirmités, 
damM  tes  mépris,  dans  les  nécessités,  dans  les 
persécutions,  éùms  les  embarraSf  pour  Jésus- 
Christ. 

Ce  qui  liiit  dire  k  saint  Augustin  :  «  L'Apô- 
tre pouvait  dire  :  Je  me  complais  dans  la 
sagesse  de  Jésus-Christ,  et  il  eût  été  vrai  ; 
dans  sa  majesté^  et  il  eût  été  vrai;  dans  sa 
puissance,  et  il  eût  été  vrai  ;  mais  il  a  mieux 
aimé  dire  :  Je  me  complais  dans  sa  croix  : 
là  ou  le  philosophe  mondain  rougit ,  l'apô- 
tro  da  Christ  trouve  un  trésor.  » 

Celui-lk  donc  a  un  esprit  mauvais  qui  ré- 
pugne à  rhomiliation  ;  de  même  celui  qui 
souffre  les  peines  avec  humilité,  mais  qui  ne 
travaille  pas  par  la  mortification  atr  renon- 
cement de  lui-même»  n'a  qu'un  esprit  et  une 
vertu  suspects. 

Cinquième  règle:  tTétre  point  soumis  à  la 
volonié  de  Dieu  ni  de  ses  supérieurs.  —  C'est 
la  marque  d'un  mauvais  esprit.  II  en  est  qui, 
soos  prétexte  d'une  inspiration  particulière, 
s'éearlaot  de  la  volonté  de  Dieu  exprimée  k 
tous  par  les  movens  ordinaires  et  réguliers, 
'même  quelquefois  confirmée  formellement 
par  leurs  supérieurs.  Aussi  saint  Bonaven- 
ture,  combattant  la  dangereuse  interpréta- 


tion de  ce  texte  de  saint  Paul  :  «  L'homme 
spirituel  juge  tous,  et  il  n*est  lui-même  juge 
par  personne  ;  »  paroles  dont  les  faux  illu- 
minés se  paraient,  disait:  O  peste!  A  mort 
cruelle  et  cachée  I  elle  chasse  Dieu,  appelle 
la  détestable  présomption;  elle  déchire  la 
charité  fraternelle  ;  eue  précipite  la  joie  spi- 
rituelle dans  la  tiédeur;  elle  reporte  au  ué- 
mon  tous  les  honneurs  dus  k  Dieu  seul  I 
Homme  misérable  !  est-ce  que  vous  êtes  élevé 
dans  la  sublimité  de  la  contemplation,  pour 
vous  faire  le  juge  des  autres,  et  leur  creuser 
un  précipice  plus  profond? 

L  absence  de  la  conformité  k  la  volonté  de 
Dieu  découvre  plusieurs  mauvais  esprits. 
1*  D'abord  l'esprit  vertueux,  mais  adonné  k 
sa  propre  volonté,  quoique  livré  k  la  péni- 
tence et  k  de  longues  oraisons,  est  un  esprit 
imparfait  et  court  le  risque  de  devenir  mau- 
vais :  en  effet  il  ne  donne  k  Dieu  que  l'action 
extérieure,  et  il  garde  pour  lui  la  volonté  qui 
l'anime  :  la  volonté  propre  est  le  venin  de  la 
perfection.  S*  L'esprit  de  grande  pénitence 
et  de  petite  obéissance  est  imparbit  et  tend 
au  mal.  3*  L'esprit  imprudent  devient  sou- 
vent importun  et  livré  k  se  propre  volonté; 
s'il  se  fie  k  lui-même,  il  périt;  mais  il  se  ra- 
chète s'il  se  confie  k  son  père  spirituel. 
fc*Unespritexcentrique,quianectelasolitude 
dans  la  communauté^  ou  qui  étant  ermite» 
se.  permet  des  rapports  lamiliers  avec  le 
monde.  Ce&i  Ik  un  esprit  paradoxal  et  arti- 
ficieux qui  a  plus  d'enflure  que  de  dons  du 
Saint-Esprit  :  il  s'éloigne  du  Christ  et  ne 
médite  point  sur  sa  vie  et  ses  vertus  ;  Ot-il 
des  miracles,  il  n'est  pas  digne  le  confiance; 
Jésus  est  notre  voie  :  ne  pas  le  suivre,  c*est 
s*écarer. 

Sixième  règle  :  Rechercher  les  choses 
extraordinaires.  — 11  suffit  de  dire  de  quel*- 
qu'un  qu'il  a  un  penchant  pour  les  choses 
eitraoniinaires  pour  conclure  qu'il  n'est  pas 
conduit  par  un  bon  esprit,  k  moins  qu'il  ne 
soit  d'une  veriu  privilégiée,  fondée  sur  l'hu- 
milité et  l'obéissance.  «  Or,  dit  Louis  Du 
Pont,  comme  Dieu  a  établi  une  voie  ordi- 
naire et  commune  pour  conduire  au  ciel, 
voie  par  laquelle  il  a  conduit  nos  pères,  il 
nous  invite  k  suivre  la  même  voie,  et  k  ne 
pas  outrepasser  les  tK)mes  établies,  qui  ont 
marqué  le  chemin  frajé  par  les  anciens.  11 
n'y  a  que  lé  démon  qui  puisse  nous  porter 
k  les  outrepasser  en  nous  suggérant  des 
choses  singulières,  nouvelles,  curieuses, 
prodigieuses,  inusitées,  qui  excitent  Téton 
nement  et  nostulent  les  honneurs  de  la 
sainteté.  11  faut  donc  se  garder  de  ce  mau- 
vais esprit ,  faute  de  quoi,  k  l'exemple  de 
tant  d'autres,  nous  tomoerions  misérable- 
ment. »  Gerson  place  ce  penchant  parmi  les 
tentations  du  démon.  «  L'ennemi  nous  ex- 
horte souvent  k  des  actes  de  veriu  difficilt^s 
et  extraordinaires,  comme  des  jeûnes  ri- 
goureuxy  des  pèlerinages,  ou  des  choses  de 
ce  genre,  ou  pour  nous  la  ire  succomber  k  la 
peine  et  nous  décourager,  ou  pour  nous 
susciter  quelque  autre  grave  inconvénient; 
par  exemple,  la  mélancolie,  la  tristesse  par 
suite  du  jeûne  ;  l'impatience  et  la  dissipa-. 


9/Ï1 


DIS 


lion  des  pèlerinages;  ou  bien  encore  un 
esprit  de  secte  et  d'hérésie  pour  fouroir 
donner  aux  autres  un  enseignement  releYé 
et  sublime.  » 

Tirons  de  là  les  conséguences  suivantes  : 
r  C'est  un  esprit  mauvais  celui  qui,  n'étant 
î»as  solidement  fondé  dans  l'humilité,  l'obéis- 
sance et  les  autres  vertus,  sous  prétexte 
d'imiter  les  saints  dans  ce  qu'ils  ont  faU  de 
plus  digne  de  notre  admiration  que  de  no- 
tre imitation,  se  livre  à  une  vie  extraor- 
dinaire d'oraison,  de  contemplation  et  de 
jeûnes.  2"  Un  eaprit  de  beaucoup  de  révé- 
lations, de  visions,  de  ravissements  et  d'au- 
tres faveurs,  mais  avec  peu  de  pénitence, 
d'hamililé  et  d'obéissance,  a  plus  d'illusion 
que  de  vérité,  si  toutefois  ces  choses  se 
peuvent  rencontrer.  Car  c'est  un  effet 
non  de  l'esprit  divin,  mais  du  démon,  d'édi- 
fier des  châteaux  dorés  sans  le  fondement 
soHde  des  vertus  morales,  dr  On  ne 
doit  pas  considérer  comme  un  bon  esprit, 
fltil  des  miracles,  fût-il  environné  d'ail- 
leurs de  toutes  les  œuvres  de  la  sainteté, 
celui  qui  court  après  les  louanges,  l'estime 
p4iblique,  Tapplaudissementdes  hommes,  les 
ovations  ;  car  on  doit  penser  alors  que  si 
cet  homme  a  élé  saint,  il  cesse  de  Tètre  dès 
qu'il  suit  les  goûls  de  la  vanité  et  de  l'or- 
gueil. 4'  Si  un  esprit  fait  des  révélations; 
pénètre  les  secrets  du  dogme,  mais  qu'il 
révèle  quelque  chose  de  contraire  à  l'Ecri- 
ture sainte,  n'y  croyez  point,  les  extases 
mômes  ne  subiraient  plus  pour  prouver  que 
c'est  un  bon  esprit  :  il  n'y  a  que  le  démon 
oui  puisse  inspirer  quelque  chose  contre 
1  Ecriture  sainte. 

On  a  un  grand  oesoin  ae  posséder  le 
discernement  lorsqu'il  devient  douteux  si 
un  esprit  est  bon  ou  mauvais.  Nous  lisons 
dans  les  Proverbes  :  «  Il  y  a  une  voie  qui 
«  parait  droite  aux  yeux  de  l'homme,  mais 

«  elle  aboutit  è  la  mort Toute  voie  pa- 

«  ratt  droite  à  l'homme,  mais  Dieu  sonde  les 
«  cœurs.  »  Pans  lérémie  :  «  Si  vous  savez  sé- 
«  parer  ce  qui  est  précieux  de  ce  qui  est  vil, 
«  vousserezcommela bouche deDieu.»Dans 
«  l'épltrè  aux  Thessaloniciens:tf  Eprouvez 
«  tout,  retenez  ce  c^ui  est  bon  ;  abstenez-vous 
«  de  l'apparence  môme  du  mal.  »  Qu'importe 
donc  h  l'homme  que  sa  voie  lui  paraisse 
bonne;  puisquelle  peut  conduire  à  la  perte, 
et  que  Dieu  seul,  qui  sonde  les  cœurs,  sait 
cfjmment  nous  marchoas. 


LevS  saints  Pères  nous  confirment  dans  ce 
sonlitoent.  «  Eprouvez  tout,  dit  saint  Jean 
Chn  soslomc,  afin  que  vous  discerniez  avec 
cerltUide,  de  manière  à  séparer  le  bien  et  à  ^' 
ftdlK^Tcr.  Vous  abhorrez  le  mal,  vous  ai- 
nj('z  le  bien  si  vous  avez  su  diligemment 
et  exactement  les  séparer  l'un  de  l'autre.  » 
Saint  Ambroise,  rapportant  le  jugement  de 
Salomon  entre  les  deux  mères,  ajoute  :  «  Ce 
fut  un  effet  de  la  sagesse  de  lire  dans  les 
consciences  cachées,^  d'arracher  la  vérité  du 
fohd  des  ténèbres,  et  de  pénétrer  avec  le 
(jlaive  de  la  prudence  et  de  la  sagesse  jus- 


DICTIONNAIRB  »»  <i» 

qu'au  fond  des  âmes.  »  Saint  Grégoire  dit  : 
«  Notre  première  pensée  doit  être  d'exercer 
une  sévère  inquisition  de  notre  cœur,  de 
peur  d'être  dirigés  dans  nos  actions  par  des 
mouvements  de  la  chair,  et  qu'ayant  conna 
les  secrets  motifs  de  l'esprit  malin,  doqs  do 
les  repoussions  pas.  Là  seconde  pensée  est 
de  considérer  comme  les  plus  grandes  fau- 
tes celles  qui  se  cachent  sous  la  forme  des 
vertus  ;  car  celles  qui  apparaissent  comme 
telles  inspirent  la  confusion  et  la  pénitence, 
mais  les  fautes  qui  se  font  passer  pour  ver- 
tus élèvent  l'âme  et  ('égarent  en  la  DattaDl.  t 
Voici  les  paroies  remarquables  du  cardinal 
Bona  :  «  Toute  la  doctrine  du  discernement 
des  esprits  repose  sur  ce  fondement,  sur  ce 
point  capital,  non-seulement  de  distinguer 
les  bons  des  mauvais,  mais  de  bien  carac- 
tériser les  esprits  douteux  et  incertains,  et 
de  reporter  chaque  mouvement  intérieur 
au  principe  dont  il  procède.  »  La  raison 
confirme   ces    autorités.    L'amour -propre 
aveugle  l'esprit  d'un  grand  nombre  et  leur 
fait  penser  qu'ils  marchent  avec  sécurité 
dans  le  chemin  du  salut,  tandis  que  le  reste 
des  hommes  court  à  la  perdition.  Il  y  a  en 
effet  une  telle  ressemblance  entre  certaines 
vertus  et  certains  vices,  qu'il  est  facile  de 
les  confondre;  ainsi  on  prend  la  colère  pour 
du  zèle,  l'opiniâtreté  pour  de  la  constance, 
l'amour  de  soi  pour  Vamour  de  Dieu.  Cet 
amour-propre  est  nourri    par  les  sugges- 
tions fallacieuses  de  la  chair,  par  rentrai- 
oement  des  affaires,  par  la  faiblesse  de  ia 
raison,  d'où  vient  que  nous  prenons  la  lu- 
mière pour  les  ténèbres,  les  ténèbres  pour 
la  lumière,  l'amer  pour  le  doux,  le  doux 
pour  l'amer.  C'est  là  une  profondeur  où 
personne  ne  pénètre,  si  ce  n'est  avec  la  grâce 
de  Dieu. 

Après  les  règles  établies  plus  haut  il  con- 
vient encore  de  donner  sur  i-elte  ffl^^î^ 
quelques  avis  au  directeur  spirituel,  tirés 
ues  exercices  spirituels  de  samt  Ignace.  Il 
avertit,  sur  la  première  règle,  que  le démoa 
a  coutume  de  répandre  du  charme  sur  les 
péchés  mortels  de  ceux  qui  en  commettent 
facilement,  afin  qu'ils  ajoutent  péchés  sur 
péchés  ;  tandis  que  l'esprit  bon  en  repré- 
sente la  laideur  pour  inspirer  des  remords 
et  en  détourner.  Sur  la  seconde  :  qu'à  ceux 
qui  se  purgent  de  leurs  péchés  et  qui  tra- 
vaillent à  Tacquisition  des  verius,  le  démon 
suscite  des  scrupufes  et  des  troubles  pour 
empêcher  leur  avancement;  tandis  que 
l'esprit  bon  a  coutume  de  donner  de  l'âme 
et  des  forces  à  ceux  qui  entreprennent  le 
bien,,  et  les  console.  Il  avertit  encore 
que  le  démon ,  semblable  à  une  femme 
en  dispute  avec  un  homme  vigoureux  et  cou- 
rageux, tourne  le  dos  dès  qu  on  lui  offre  une 
vigoureuse  résistance,  mais  qu'il  est  pie» J» 
d'audaceavec  un  hommetiroide.il  esliDaij5"<*| 
dit-il,  toutes  les  fois  qu'un  homme  spirituel 
confie  toutes  ses  peines  elles  rusos  de  son  en- 
nemi à  son  confesseur;  attaque  l'âme  comme 
un  général  habile,  par  l'endrnitrle  plus  faible, 
pour  prendre  la  place.  L'esprit  bouentreuans 
l'âme  doucement   et  lentement,  et  I  espni 


DIS 


D'ASCenSME. 


DIS 


•30 


mauvais  arec  Tiolence  et  iiapétuosité. 
Haiotenaot  nous  allons  résumer  toute 
la- matière  précédente  dans  quelques  règles 
priQcîf)ales,  afin  de  discerner  les  bons  des 
maufais  esprits,  particulièrement  dans  les 
cas  douteux. 

La  première  est  tirée  de  la  parole  du  Sau- 
veur :  Vom$  U$  eonmattrex  par  leun  fruits; 
parole  cependant  qui  dans  son  application 
pratique  demande  du  discernement.  Si  en 
effet  une  CBuvre  est  erronée  ou  Ticieuse  en 
quelque  point,  elle  participe,  en  cela  du 
moins,  du  mauvais  esprit  :  car  Tesprit  du 
^bien  souverainement  vrai  et  saint  ne  peut 
rien  inspirer  de  faux  et  de  mal,  même  si 
léger  et  si  accidentel  qu'il  paraisse.  Les 
mauvaises  opérations  n  excluent  pas  les 
bonnes;  un  pécheur  peut  faire  de  bonnes 
œuvres  et  an  nomme  non  peut  faire  du  mal. 
Cest  même  ce  qui  arrive  le  plus  souvent. 
Car  un  pécheur  sans  la  grâce  habituelle 
fait  souvent  des  choses  bonnes  morale- 
ment, non-seulement  de  Tordre  naturel, 
mais  encore  de  l'ordre -surnaturel,  |Mir  la 
grâce  sanctifiante  :  ainsi  le  publicain  est 
loué  lie  la  douleur  de  ses  péchés  comme 
faisant  une  œuvre  qui  le  dispose  à  la  justifi- 
cation. Or,  se  disposer  h  la  justification  est 
uoe  (Buvre  bonne  qui  s'élève  au-dessus  de 
l'ordre  naturel.  Jésu^-Christ  confirme  cette 
doctrine  en  pariant  de  ceux  qui  siégeaient 
dans  la  chaire  de  Moïse  :  Faites  iout  ce 
qu'ils  vous  disenif  mais  n*imitez  pas  leurs 
ouvres,  [Lue.  xxui.)  Voici  comment  saint 
Augustin  concilie  ces  textes  :  c  Cueillez  un 
raisin,  mais  évitez  l'épine,  car  souvent  ce 
raisin  est  saspendu  dans  un  buisson  d'épi- 
nes. Il  y  a  du  vrai  dans  le  faux,  du  sarment 
dans  la  broassaille  ;  choisissez  prudemment 
le  raisin  k  travers  les  épines,  de  peur  gu'en 
toeillant  le  fruit  vous  ne  vous  blessiez  la 
main.  » 

Concluez  de  là  :  1*  qu*un  esprit  qui  sait 
juger  et  parler  de  rexcellence  de  la  vertu  et 
de  la  perfection,  mais  dans  l'occasion  ne  la 
met  pas  en  pratique  ;  qui  sait  en  quoi  con- 
siste la  patience,  mais  se  plaint  et  se  ftche 
quand  on  lui  manque;  qui  connaît  bien 
rhumiliié,  mais  ne  sait  se  garantir  de  la 
vanité,  «{u'iin  tel  esprit*est  en  vérité  bon  en 
spéculation,  mais  il  est  pratiquement  man- 
T«is  ;  2*  qu'un  esprit  qui  a  quelques  vertus 
mêlées  de  vices,  étant  recueilli  et  modeste, 
envieux  et  poussé  par  un  zèle  indiscret, 
adonné  aux  jeûnes  et  médisant;  doit  être 
approuvé  dans  ce  qui  est  bien  et  condamné 
dans  ce  qui  est  mal.  3*  11  faut  regarder 
comme  un  bon  esprit  celui  qui  le  plus  sou-^ 
vent  agit  bien,  quoique  çà  et  là  il  a^sse 
mal.  k*  II  en  est  de  même  de  celui  qui  fait 
le  bien  avec  quelques  imperfections  comme 
les  commençants.  5*  Il  est  mauvais  celui 
qui  tombe  dans  une  petite  erreur  ou  un 
petit  défaat,mai8  ose  l'attribuer  à  l'esprit  bon* 

Secondement  :  //  fatu  eansidérer  Vinten- 
tûm  el  raffeeiion  iuiérieure.  Il  faut  considé- 
rer avant  tout  l'état  des  affections  intérieures 
conforme  au  bon  esprit,  si  elles  se  déploient 


en  efforts  extérieurs;  il  faut  s'assurer  de  la 

Eureté  d'intention  qui  ne  fait  rien  que  pour 
)ieu.  Nous  en  sommes  avertis  en  saint 
Mattb.  ch.  VI  :  Si  voire  œil  est  simple^  toui 
votre  corps  sera  lummeux;  si  votre  ail  est 
méekœstf  tout  votre  corps  sera  ténébreux^  et 
ces  paroles  s'appliquent  à  la  bonne  intention, 
et  en  sont  une  image  admirable.  Saint 
Bernard  nous  dit  :  «  La  beauté  de  l'âme 
éclatera  au  dehors  si  elle  est  au  fond  sans 
duplicité  :  on  peut  simuler  la  franchise  du 
sentiment  intérieur,  sans  que  les  œuvres 
en  procèdent.  »  —  «  La  nature  est  subtile, 
dit  Tauteur  de  Vlmlaiion^  et  en  trahit  plu- 
sieurs, elle  les  séduit  et  les  trompe,  et 
c'est  elle-même  qu'elle  propose  pour  fin  : 
la  grâce  au  contraire  marche  simplement, 
se  détourne  de  toute  apparence  de  mal, 
n'use  d'aucun  genre  de  séduction,  et  fait 
tout  pour  Dieu  en  qui  elle  se  repose  fina- 
lement. »  La  raison  nous  dit  aussi  qu'un 
esprit  bon  nous  conduit  à  une  bonne  fin, 
c'est-à-dire  à  la  gloire  de  Dieu,  sans  aucun 
mélange  d'intention  mauvaise  ou  tortueuse 
On  peut  dire  que  Dieu  atout  fait  pour  lui-même 
et  pour  sa  gloire,  tout  ce  qu'il  inspire  va  à 
ce  but  et  tout  ce  qui  n'y  va  pas  est  suggéré 
par  un  mauvais  principe. 

Voici  quelques  points  qui  restent  établis 
en  conséquence  de  ces  principes  :  1*  Même 
dans  les  dons  célestes,  dans  les  douceurs 
spirituelles,  ou  venant  de  Dieu  ou  simulées 
par  le  tentateur,  si  l'âme  se  complaît  en 
elle*même  et  non  en  Dieu,  elle  s'éloigne 
visiblement  de  l'esprit  de  Dieu.  2*  Souvent 
le  démon  provoque  une  g^nde  consolation 
avec  sentiment  de  dévotion,  afin  que  l'on 
se  repose  doucement  dans  cette  quiétude^ 
comme  si  l'âme  n'avait  rien  à  prétendre  au 
delà  ni  à  s'occuper  d'aucun  autre  devoir. 
3*  Sainte  Thértee  nous  enseigne  que  souvent 
les  âmes  sont  séduites,  même  étant  déjà 
fort  avancées  dans  la  perfection,  par  l'astuce 
du  démon,  qui  à  force  de  sumilités  les 
entraîne  à  quelque  chose  de  moins  bien, 
puis  d'un  peu  mal,  sous  prétexte  de  bien, 
et  insensiblement  d'infraction  en  infraction, 
l'amour-propre,  la  propre  satisfaction  arri- 
vent à  tout  empoisonner.  4*  Saint  Jean  de  la 
Croix  nous  dit  aussi  que  le  démon,  soit  eu 
abusant  d'une  consolation  venant  véritable- 
ment de  Dieu,  soit  en  en  présentant  une 
fausse,  entraîne  l'âme  à  la  gourmandise  spiri- 
tuelle, afin  qu'étant  alléchée  par  ce  miel  spi- 
rituel, et  devo/ée  par  ce  goût  flatteur,  elle 
fiie  son  attention  plutôt  sur  la  douceur  elle- 
même  que  sur  l'amour  de  Dieu. 

Troisièmement  :  Distinguer  de  quel  esprit 
procède  Vhumilité  du  cesur.  Comme  Fesprit 
de  Dieu  a  coutume  d'humilier  le  cœur, 
même  en  distribuant  ses  dons,  l'esprit 
pervers  de  son  cOté  en  prend  occasion  de  le 
porter  à  la  présomption.  Louis  Du  Pont 
prouve  la  première  partie  de  cette  proposi- 
tion ainsi  :  Les  dons  de  Dieu  internes  et 
eitraordinaires  ont  coutume  d'apporter  avec 
eux  une  grande  lumière  :  et  cette  lumière 
donne  une  profonde  connaissance  de  notre 
néant  et  de  notre  indignité,  en  même  temps 


MS 


dictionicaiek; 


MS 


639 


qu'ane  grande  bonté  et  confusion  de  nos  pé- 
chés :  et  cette  honte  exclut'la  Kiorioleet  les 
Tslnes  compiaisances.»La  bienheureuse  An- 
gèle  de  Fulginio  étant  dans  une  grande  per- 
plexité au  sujet  de  Tesprit  qui  l'animait, 
reçutduSeigneurcettemarquequ'ilétaîtbon, 
c*est  que  pendant  qu'elle  recevait  les  divines 
laveurs»  elle  ne  pouvait  penser  à  autre  chose 

Î[u'à  ses  péchés  qui  lui  avaient  mérité  Tenfer. 
1  lui  était  impossible  dès  lors  d*avoir  une 
pensée  de  vanité.  La  seconde  partie  de  la 
proposition  que  nous  avons  émise  plus  haut 
se  démontre  par  ce  fait»  que  le  démon  a  osé 
porter  à  la  présomption  Jésus-Christ  lui- 
môme,  lorsque  le  plaçant  au-dessus  du 
temple,  il  lui  dit  :  5t  tu  es  le  Fils  de  Dieu, 
jetle-toi  en  bas^  car  il  est  écrit  :  Il  vous  a 
confySaux  anges  de  peur  aue  votre  pied  ne 
heurte  contre  la  pierre.  Saint  Bernard  en 
commentant  ces  paroles  dit  :  «  Si  quelqu'un 
abandonne  Téminence  de  la  vertu  pour  s'a- 
bandonner h  là  vaine  gloire  et  à  ses  désirs, 
il  n'est  point  douteux  que  le  Dieu  des 
vertus»  qui  a  souffert  ces  choses  parmi  nous, 
pour  nous  former  à  la  sainteté,  lui  don- 
nera la  confusion  pour  les  grAces  mépri- 
sées. » 

«  Le  faux  ange  de  lumière,  dit  Gerson, 
nourrit  quelciuefbis  ses  familiecs  d'une 
nourriture  tres-délicate,  qui  ne  parait  pas 
être  charnelle;  ceux-ci  en  tirent  vanité  et 
b'écrient  dans  leur  orgueil  :  Qui  est  notre 
Dieu?  Nous  ne  sommes  pas  comme  le  reste 
des  hommes.  »  Et  sainte  Thérèse  nous  aver- 
tit des  straïaçèmes  très-subtils  des  démons  : 
ils  nous  insplrentla  pensée,  dit-elle»  que  nous 
ayons  au  moins  une  vertu  solide  lorsque  nous 
n'en  avons  aucunaet  que  nous  sommes  dignes 
de  l'enfer,  et  ces  fausses  vertus  engendrent  la 
vaine  gloire.  Il  n'y  a  que  les  solides  vertus 
que  Dieu  anime  qui  sont  pures  de  ce  détes- 
table vice.  Saint  Jean  de  la  Croix  donne  des 
moyens  de  connaître  s'il  se  rencontre  de  la 
superbe  dans  les  dons  spirituels  que  Dieu 
nous  fait  :  c'est  devoir  si  nous  sommes  de 
mauvaise  humeur  quand  des  personnes  spi- 
rituelles n'approuvent  pas  notre  esprit,  ou  si 
nous  entendons  avec  déplaisir  que  Dieu  ait 
fait  à  d'autres  les  mômes  faveurs  ou  de  plus 
grandes  qu'à  nous. 

Quatrièmement  :  L esprit  de  mortification 
est  un  moyen  de  discernement.  L'esprit  de 
Dieu  est  toujours  l'esprit  de  Jésus-Christ, 
c'est-à-dire  resprit  de  la  croix  et  de  la 
mortification,  que  fuit  toujours  l'esprit  du 
démon,  même  lorsqu'il  cherche  à  imiter 
l'esprit  bon.  Jésus-Christ  nous  dit  {Joan, 
xiv)  :  UEsprit'Saint  que  mon  Pire  vous  en-- 
verra  en  mon  nom  vous  inspirera  et  ensei- 
gnera  toutes  choses^  et  vous  inspirera  tout 
ce  qui  est  selon  mes  paroles.  Il  ne  peut  donc 
pas  arriver  que  1  esprit  inspire  quelque 
chose  qui  soit  contraire  au  genre  de  vie 
assigné  par  Jésus-Christ  pendant  qu'il  était 
sur  la  terre  et  sur  Ja  croix»  c'est-à- 
dire  à  une  vie  mortifiée.  C'est  pourquoi  l'A- 
pôtre (J  Cor.)  disait  qu'il  ne  connaissait 
rion  autre  chose  que  Jésus-Christ  et  Jésus 
crucifié. 


Sainte  Thérèse  confirme  cette  dofbtrine. 
Elle  esiseigne  que  c'est  un  signe  de  per- 
fection et  de  panaite  contemplation,  d'aimer 
mieux  non-seulement  en  spéculation,  mais 
en  pratique,  être  méprisé  qu'honoré,  de 
préférer  le  travail  et  les  angoisses  à  h 
joie  et  au  repos  ;  de  telle  sorte  que  les  vrais 
conteioplatils  Cassent  un  plus  grand  prix 
des  peines  que  des  pierres  précieuiies; 
par  la  ils  sont  assurés  de  s'enrichir  vérita- 
blement. C'est  uue  marque  qu'une  âme 
n'est  encore  qu'imparfaitement  unie  à  Dieu, 
si  elle  porte  avec  peine  les  injures;  mais 
s'en  réjouir,  c'est  tellement  le  propre  d'uod 
âme  parfaitement  unie  à  Dieu,  qu'il  yak 
crainoreque»  sans  cela,  même  les  faveurs* 
spirituelles  ne  soient  que  des  tromperies<iu 
démon.  La  même  sainte  ajoute  que  c*e$i 
le  propre  de  l'âme  parfaite,  de  ne  pas 
même  demander  d'être  délivrée  de  ses  cha- 
grins, de  ses  tentations,  de  ses  comliats, 
mais  plutôt  de  les  désirer,  de  les  demander 
et  de  les  aimer.  Voilà  un  signe  non  éaui- 
voque  9ue  les  faveurs  spéciales  que  l'on 
reçoit  viennent  vraiment  de  l'esprit  de  Dieu* 
Les  âmes  qui  se  conduisent  ainsi  sont  de 
vaillants  soldats,  qui  préfèrent  la  guerre 
parce  qu'elle  apporte  du  profil.  Nous  sommes 
avertis  par  Gerson  que  l'ange  tentateur 
cache  la  ruse  de  sa  malice  .sous  les  formes 
de  la  croix  de  Jésus-Christ,  delà  religioû,  de 
la  piété  envers  les  saints;  mais  le  superbe 
ne  peut  plaire  à  Dieu,  s'élevât-il  jusqu'au 
ciel  par  1  attrait  de  sa  dévotion,  de  sa  piété 
envers  les  saints,  de  son  amour  de  la  croix. 
Pourquoi  cela?  parce  qu'il  cherche,  non  la 
gloire  de  Dieu,  mais  la  sienne.  Le  même 
Gerson  observe  que  le  démon,  quelquefois 
sous  prétexte  d'humilité  et  pour  se  contenir, 
fait  qu'on  garde  le  silence  par  mépris,  par 
orgueil  et  d'autres  motifs  pareils,  lorsquon 
devrait  parler. 

Cinquièmement  :  La  docilité  de  TespriL 
Nous  avons  déjà  proposé  cette  règle,  et  nous 
la  rappelons  comme  très-importante,  surtout 
dans  les  cas  difiiciles  et  douteux.  C'est  utte 
marque  excellente  que  l'esprit  vient  de 
Dieu,  s'il  est  docile,  soumis  à  l'autorité  de 
r£glise,  de  son  directeur  ;  si-sesinspirstiens 
sont  discrètement  conformes  à  ce  qui  con- 
vient à  son  état,  sa  position  et  aux  choses 
qui  s^y  rapportent  :  mais  s'il  a  horreur  de 
ces  rèKles,  sous  prétexte  d'inspirations  pri- 
vées plus  excellentes,  c'est  une  marque  d  es- 
prit pervers. 

Le  cardinal  Bona  dit  à  ce  sujet  que  c*est 
une  marque  d'un  esprit  bon  que  d'avoir  des 
inspirations  qui  sont  accommodées  à  l'âge  et 
au  temps  où  l'on  vit,  et  qu'on  suive  non 
par  goût,  mais  par  convenance.  Car  il  arrive 
souvent  que  Dieu  inspire  à  chacun  les  choses 

3ui  conviennent  aux  divers  temps  de  la  vie 
u  monde.  Ainsi  dans  les  premiers  siècles 
il  conduisait  les  hommes  par  la  lumière  de 
la  raison,  ensuite  par  la  loi  écrite  et  par  les 
cérémonies  de  la  religion  de  ce  temps  ;  enOn 
depuis  le  temps  du  Christ,  il  les  conduite  ta 
pratique  des  vertus  évangéliques,  c'est-à-dire 
héroïques  :  et  en  effet  dans  les  premiers  s;e- 


D^ASCETISME. 


DIS 


C54 


des  de  l'ère  cbréiienne  la  missioa  de  TE»- 
prit'Stfnl  avec  tous  ses  doos  était  Tisible. 
Os  Tit  apparaître  la  force  des  martyrs  coiilre 
les  Ijrans,  ensuite  le  zèle  et  la  sagesse  des 
daeleurs  contre  les  hérétiques,  1  austérité 
des  anachorètes  et  des  moines  éclata  en- 
suite. Depuis  00  a  tu  s'établir  un*genre  do 
▼ie  conComie  à  Tesprit  de  notre  temps,  qui 
consiste  k  ne  point  chercher  à  se  distinguer 
par  des  choses  singulières  et  inouïes,  a  ne 
pas  courir  après  les  grandes  austérités,  à 
s'en  éloigner  même  quelquefois  si  on  le 
ju^e  utile  pour  le  bien  des  Ames  et  le  motif 
d'appeler  les  pécheurs  à  la  pénitence.  Nous 
faisons  nos  réserves  cependant  pour  cer- 
taines âmes  que  Dieu  se  plaît  dans  tous  les 
temps  i  conduire  dans  des  voies  eitraordi- 
naires»  et  celles-là  trouveront  ailleurs  qu*en 
eei  endroit  les  avis  qui  les  concernent. 

•  Dans  le  doute  si  une  inspiration  est 
bonne  ou  mauvaise,  dit  Louis  Du  Pont,  il  ne 
faal  suivre  que  celles  qui  sont  manifeste- 
raient t>ounes  sans  aucun  soupçon  ni  re- 
mords, et  ainsi  on  restera  toujours  dans  la 
sécurité,  etp<air  plus  grandesécurité  encore, 
ajOQte-t-il,  il  faut  voir:ii,  après  que  vous  avez 
manifestement  reconnu  qu'une  inspiration 
est  de  Dieu,  vous  la  suivez  avec  un  vif  em- 
pressement, et  lorsque  vous  la  reconnaissez 
poor  être  sûrement  de  l'esprit  malin,  si 
vous  la  repoussez  avec  le  même  empresse- 
ment. » 

Enfin  il  faut  en  sixième  lieu  prier  pour 
son  directeur,  afin  qu^l  puisse  connaître , 
avec  la  grâce  de  Dieu,  les  inspirations  que 
nous  avons.  Ainsi  Salomon  demande  un 
roeur  docile,  afin  qu'instruit  et  éclairé  par  le 
Seimeur  il  puisse  sagement  juger  le  peuple 
et  diseemer  le  luen  du  mal.  Le  roi  Josaphat 
a  la  même  pensée  :  Que  nous  reste^^l  à 
faire  Icrwque  nous  dou/ons  de  te quHl yaà 

Élire,  smon  éTéiever  noe  yeux  vers  vaut? 
i  selon  le  concile  de  Trente,  Dieu  n'or- 
donne jamais  les  choses  impossibles;  mais 
en  commandant  il  nous  invite  à  faire  ce  que 
nous  pouvons  et  à  demander  le  reste. 

Saint  Laurent  Justinien  nous  dira  à  son 
tour  :  Comme  nous  ignorons  le  plus  souvent 
ce  qui  est  expédient,  il  faut  implorer  le 
suffrage  du  Saint-Esprit,  il  &ut  diriger  tous 
ses  désirs  et  ses  intentions  vers  lui,  et  lui 
crier  bien  haut  ces  paroles  :  Venez ,  Éeprii' 
Sainte  etc... 

Il  j  a  un  grand  péril  k  nous  tromper  dans 
cet  ordre  de  choses ,  et  le  don  du  Saint-Bs- 
prit  pour  ce  discernemeut  des  esprits  n'est 
pas  accordé  à  tout  le  monde.  La  raison 
nous  avertit  donc  de  nous  livrer  à  la  médi- 
tation et  à  la  contemplation,  k  la  fervente 
prière,  afin  oue  la  lumière  du  Saint-Ksprit 
arrive  jusqu'à  nous  et  nous  dirige  dans  le 
chemin  de  la  perfection. 

Afikorismes  pour  le  discernement  des  es- 
prùa.  —  1.  La  vertu  est  le  fondement  de  tout 
bien  ;  et  Ik  où  manque  la  vertu,  il  n'y  a  ni 
perfection  ni  sainteté. 
^  2.  Celui  qui  ne  veut  point  se  tromper  dans 
rexamen  de  la  oerfectioo  de  vie,  doit  com- 


mencer par  eiaminer  si  l'on  remplit  exacte- 
ment ses  devoirs  et  ses  obligations. 

3.  L'esprit  d'un  ignorant  peut  être  mau- 
vais sous  le  rapport  de  l'intelligence,  et  bon 
en  même  temps  quant  k  l'intention,  ce  qui 
est  le  principal. 

k.  On  se  repentira  d'agir  trop  précipi- 
tamment et  de  qualifier  trop  têt  un  esprit 
douteux. 

5.  Une  multitude  de  révélations,  qui  ne 
sont  ni  utiles  ni  nécessaires,  offrent  beau- 
coup de  variétés  dans  les  âmes  faibles. 

6.  On  ne  doit  rejeter  une  révélation  que 
pour  une  raison  suflSsante  :  car  ce  serait 
agir  légèrement  que  d'approuver  ou  reje- 
ter des  choses  extraordinaires,  sans  apporter 
au  préalable  un  mûr  examen. 

7.  Un  esprit  de  vertu  médiocre  et  de  révé- 
lations nombreuses  doit  être,  au  jugement 
de  la  saine  raison,  considéré  comme  étant 
dans  l'illusion. 

8.  Du  esprit  droit,  qui  s*en  rapporte  k  son 
propre  discernement,  est  peu  éloigné  de  son 
entière  perdition. 

9.  Tout  esprit  oui  est  la  source  de  divi- 
sions et  fait  fcrand  bruit  au  dehors,  est  or- 
dinairement dangereux  k  cause  d'un  secret 
orgueil. 

iO.  L'esprit  qui  est  porté  k  la  recherche 
de  nombreuses  commodités,  quelque  ver- 
tueux qu'il  soity  ne  sera  ni  pénitent  ni  par- 
fait. 

11.  L*esprit  plus  ami  de  sa  volonté  pro- 
pre que  de  l'obéissance  n'aura  de  la  perfec- 
tion que  l'apparence. 

12.  La  recherche  de  quelque  avantage 
peut  exister  simultanément  aiec  quelaue. 
degré  de  vertu;  mais  un  avantage,  avec  1  af- 
fection qu'on  j  porte,  est  incompatible  avec 
la  pauvreté  et  la  perfection. 

13.  Quelque  affection  déréglée  peut  coexis- 
ter avec  une  vertu  médiocre;  mais  rien 
d'ambitieux  n'est  compatible  avec  l'humi- 
lité. 

H.  Un  esprit  de  contradiction,  quelques 
bonnes  quahtés  qu'il  ait  d'ailleurs,  est  tou- 
tefois en  ce  point  un  esprit  d'illusion. 

15.  Le  tumulte,  les  discordes,  les  con* 
testatioos  et  les  dissensions  ne  sont  point 
les  effets  de  Dieu,  mais  les  œuvres  du  dé- 
mon. 

16.  Un  esprit  qui  se  cache  sous  le  voile 
de  la  ruse  et  de  I  artifice  se  reconnaît  faci* 
lement  pour  l'esprit  d'un  hypocrite. 

17.  Une  sainteté  ({ui  aime  les  applaudis- 
sements, la  popularité  et  l'ostentation,  quel- 
que vraie  qu'elle  soit,  n'est  pas  éloignée  do 
sa  perte. 

18.  Les  révélations  des  personnes  mélan-< 
coliques  sont  quelquefois  des  effets  du  dé^. 
mon. 

19.  Eprouver  des  grâces  extraordinaires, 
sans  une  vertu  solide  et  véritable  n*est  (juint 
l'indice  de  l'esprit  de  Dieu,  puisque  ce  serait 
essayer  de  bâtir  une  cour  sur  le  sable. 

9iO.  L'esprit  de  Dieu  doit  apporter  avec  ■ 
lui  la  piété;  au  contraire  l'esprit  mauvais 
n'amène  que  doutes,  soupçons  et  trouble. 

21.  Des  âmes  très-saintes,  qui  ont  dO' 


655 


DIS 


DIGTIONNÂIRE 


DIS 


65d 


bonnes  révélations,  ont  la  douleur  de  les 
voir  quelquefois  mêlées  d'illusions,  comme 
rivraie  avec  le  bon  grain. 

22.  Ordinairement  un  esprit  vain  est  im- 
prudent et  profane. 

23.  Un  esprit  sans  prudence  devra 
être  nécessairement  regardé  comme  inca- 
pable. 

2k.  Un  esprit  emporté  est  impatient  et 
porté  h  la  guerre. 

25.  Un  esprit  puéril  ne  peut  que  faire  rire 
les  autres. 

26.  Un  esprit  qui  se  platt  à  rechercher  ks 
délices  est  incapable  de  pénitence  et  de  per- 
fection. 

27.  L'esprit  s*accoro mode  aux  qualités  na- 
turelles du  caractère,  quelque  surnaturel 
qu*il  paraisse. 

DISCIPLlNE.~Fay.HÀiRE,MoHTiFiCÂTiON. 

DISTRACTION    DANS  LA  PRIÈRE.   — 

La  distraction  est  ube  des  imperfections 
de  la  prière.  Elle  consiste  dans  un  éloigne- 
ment  deTesprit  relativement  à  la  matière  ou 
à  Tobiet  de  la  tprière,  lorsque  Timagination 
se  préoccupe  de  choses  inutiles. 

La  distraction  est  un  obstacle  à  toutes  les 
espèces  de  prières,  et  elle  enlève  Tatten- 
tion  qui  leur  est  requise.  Elle  nuit  surtout 
h  la  méditation  ;  et  si  Ton  ne  s'efforce  de 
chasser  les  distractions  qui  surviennent 
pendant  la  prière,  celle-ci  est  nulle  et  in- 
fructueuse. Et  môme  quand  l'aUenlion  ac- 
tuelle, sans  qu'il  y  ait  de  notre  faute,  vient 
à  manquer  en  quelque  partie  de  l'oraison, 
Dous  n  avons  plus  de  part  à  la  nourriture  et 
à  la  joie  spirituelle  9  dont  parle  saint  Thomas 
(2-2,  q.  8dy  a.  13).  Aussi,  dit  saint  lsidore(l .  m. 
Sent.^  c.  7)  :  «  Nous  ne  prions  véritablement 
que  quand  nous  ne  pensons  à  rien  autre 
chose  ;  mais  il  y  en  a  très-peu  qui  peuvent 
prier  ainsi ,  *  et  encore  ces  derniers  ne  le 
peuvent-ils  pas  toujours.  » 

Les  sources  des  distractions  sont  :  1^  rima- 

ÎlinatioHf  puissance  plus  libertine  (  168  )  que 
ibre,  qui,  secouant  Je  joug  et  l'obligation  de 
la  raison,  s'attache  à  l'objet  qui  lui  plaît  da- 
vantage, surtout  8*il  est  conforme  è  quelque 
passion  prédominante.  Ainsi  quand  c'est  la 
colère  qui  prédomine,  les  distractions  seront 
des  images  de  vengeance,  de  disputes,  de 
querelles,  de  rixes Quand  c'est  la  gour- 
mandise, les  distractions  consistent  à  se 
représenter  des  festins  et  des  mets  recher- 
chés. Si  c'est  fappélit  sensuel,  Timaginalion 
se  porte  sur  des  objets  honteux,  qui  dis- 
traient, tourmentent  et  contristent  1  flme. 

2°  La  seconde  source  de  distractions  con- 
siste communément  dans  le  peu  de  soin  à 
veiller  sur  les  sens  extérieurs^  dont  les  opé- 
rations entraînent  Timagination,  et  par  celle- 
ci,  l'intelligence. 

*  3*  La  troisième  consiste  dans  les  passions^ 
qui  jettent  l'àme  dans  l'inquiétude,  toutes 
les  fois  qu'elles  s'appliquent  à  leur  objet, 
ainsi,  quand  TambiCieux  recherche  les  hon- 
neurs, quand  le  débauché    recherche  les 


plaisirs  sensuels.  Si  l'on  ne  s'éloigne  des 
lieux,  des  personnes  et  des  circonstances 
qui  peuvent  nous  jeter  dans  le  trouble, 
nous  serons  toujours  inquiets  et  distraits. 

k*  La  quatrième  source  est  ordinairement 
un  caractère  étroit,  inquiet,  curieux,  et  trop 
adonné  aux  affaires  extérieures  et  séculiè- 
res. Les  hommes  de  ce  caractère  sont  pour 
eux-mêmes  un  sujet  perpétuel  de  distrac- 
tion. 

5**  La  cinquième  source  est,  en  inatière 
d*oraison  et  surtout  d*oraison  mentale,  un 
mattre  spirituel  peu  expérimenté,  qui  veut 
s'imposer  lui-même,  ainsi  que  sa  méthode 
d'oraison,  comme  une  règle  fixe  pour  les 
autres,  et  qui  rend  ainsi  son  disciple  sujet 
à  des  tentations  et  à  des  distractions  per- 
pétuelles. 

6''  La  sixième  source  consiste  dans  les 
distractions  que  Dieu  permet  pour  éprouver 
les  siens,  afin  qu'ils  soient  animés  de  plus 
d'amour  ponr  lui  que  pour  ses  dons,  et 
qu'ils  se  perfectionnent  en  patience  et  en 
humilité. 

T  La  septième  source  est  la  suggestion 
et  la  tentation  du  démon.  En  effet,  comme 
dit  saint  Nil  (  c.  47,  De  orat.  ) ,  «  Toute  la 
guerre  entre  le  démon  et  nous  n'a  d'autre 
cause  que  la  prière.  Car  la  prière  lui  est 
contraire  et  odieuse,  autant  qu'elle  nous 
est  salutaire  et  favorable.  »  Saint  Marcellio, 
abbé,  entendait  retentir  la  trompette,  et 
comprenait  que  les  démons  allaient  lui  li- 
vrer bataille,  à  lui  et  à  ses  religieux,  alors 
que  le  son  de  la  cloche  les  appelait  à  chan- 
ter les  psaumes  divins.  (Roswbidus,  fU» 
PP.,  1.  XVIII,  c.  152.) 

Saint  Moïse,  abbé,  au  rapport  de  Cassien 
(coll.  I,  c.  17),  remarque  qu'il  est  impossi- 
ble que  l'esprit  dans  l'oraison  ne  soit  pas  en 
butte  à  toutes  sortes  de  pensées  ;  mais  qu'on 

Ï>eut  les  accueillir  ou  les  repousser,  avec 
a  grâce  divine.  Car  il  ne  faut  pas  tout  atlri- 
buer  aux  suggestions  des  esprits  malins. 
L'auteur  du  traité  de  Vamour  de  Dteu,  qui 
se  trouve  dans  les  œuvres  de  saint  Bernard, 
nous  propose  à  ce  sujet  l'exemple  d'Abra- 
ham :  «  Soucis,  inquiétudes,  anxiétés,.pei- 
nes,  fatigues,  servitudes,  attendez-moi  là 
avec  l'âne,  c'est-à-dire  avec  ce  corps,  jus- 
qu'à ce  que  je  revienne  à  vous  avec  njon 
tils,    c'est-à-dire   la  raison  avec  l'intelli- 

fence,  après  avoir  été  faire  notre  adoration 
Gen.  XXII,  5J.  » 

Pour  déraciner  avec  plus  de  facilité  les 
distractions,  nous  proposerons  les  renaèdes 
suivants. 

1'  Quand  la  distraction  provient  des  écarts 
d^ine  imagination  blessée  par  le  péché  et 
tellement  affaiblie,  qu'emportée  vers  les 
objets  qui  se  rapportent  à  la  passion  pré- 
dominante, il  ne  nous  est  pas  même  possi- 
ble de  dire  sans  distraction  une  seule  orai- 
son dominicale,  il  faut  alors  nous  humilier 
de  notre  infirmité  et  faire  l'humble  aveu  de 
notre  faiblesse;  cette  humiliation  sera  la 
meilleure  des  prières,  si  noire  imagination 


(168)  Nous  prenons  ce  mot  dans  son  sens  restreint  et  littéral. 


MS 


ir  ASCETISME. 


DOR 


cs$ 


se  porte  au  dehors  sans  qu'il  y  ail  de  notre 
faute,  et  si  nous  nous  efforçons,  autant  que 
f  ossible,  avec  la  çrflce,  de  la  purifier  de  ces 
Tains  objets  de  distraction. 

2*  Si  la  distraction  provient  d'une  négli- 
gence k  veiller  avec  soin  sur  les  sens  exté- 
rieurs, il  fondra  y  mettre  un  frein  par  la 


3*  Si  elle  provient  des  passions,  il  fout 
également  s'attacher  à  les  ihortifier,  en  écar- 
tant les  otgels  qn!  peuvent  les  exciter. 

fc*  Quand  elle  provient  d'une  trop  grande 
application  aux  affaires  extérieures  et  sécu- 
lières» il  fout  abandonner  ces  affaires,  si 
elles  ne  sont  pas  néc<'ssaires  ;  si  elles  le 
sont,  ou  si  Ton  est  obligé  de  mener  une  vie 
mixte,  comme  de  consacrer  un  soin  parti- 
culier k  Tétude,  à  la  lecture  ou  aux  entre- 
tiens avec  le  prochain,  il  ne  fout  pas  cjuit- 
ter  ces  occupations,  mais  éviter  de  s'y  livrer 
avec  excès.  En  les  remplissant,  avec  une 
juste  modération,  on  sera  dans  d'excellentes 
dispositions  pour  prier  plus  souvent  et  avec 
plus  de  soin. 

5*  Si  le  maître  spirituel  a  un  disciple 
déjà  d'un  certain  Age,  d'une  intelligence  peu 
développée,  et  qui  ne  puisse  pratiquer  l'orai- 
son mentale  sans  distractions,  il  fout  lui 
prescrire  la  prière  vocale  du  Rosaire  ou 
aautres  pieux  exercices,  dans  le  temps  que 
les  autres  se  livrent  à  l'oraison.  Car  mieux 
vaut  une  prière  quelconque  qu'une  prière 
nulle. 

6*  Si  c'est  Dieu  qui  permet  les  distractions 
pour  nous  éprouver,  si  l'on  ne  peut  les 
éviter  dans  ses  prières,  qu'on  s'occupe  de 
chasser,  comme  autant  de  mouches  impor- 
tunes, les  pensées  qui  surviennent,  et  on  se 
rendra  très-agréable  k  Dieu.  On  serâ  comme 
l'esclave  qui  tout  le  temps  du  repas  chasse 
les  mouches  de  la  table,  ou  comme  Abraham 

2ui  chasse  les  oiseaux  de  proie  du  sacri- 
ce.  {Gm.  XV,  11.)  Qu'on  offre  à  Dieu  son 
désir  d'imiter  les  ferventes  oraisons  des 
saints;  qu'on  soit  dans  la  volonté  de  rendre 
hommage  à  Dieu,  disposé  à  tout  sacrifier 
pour  lui;  qu'on  s'humilie  d'autant  plus, 
qu'on  se  trouve,  sans  doute  h  cause  de  quel- 
que foute  secrète^  moins  capable  de  le  prier. 
Ou'on  prie  avec  patience,  et  avec  pleine 
résignation  à  la  volonté  de  Dieu.  Qu'on  s'é- 
crie avec  Blosius  ]{Insi.  iptr.,  c.  7,  n*  1)  : 
«  Sei^eur,  quandÂmème  tous  les  jours  de 
ma  vie  et  jusqu'au  jour  du  dernier  juge- 
ment, je  devrais,  par  votre  ordre,  rester  sans 
aucune  consolation ,  je  n'en  voudrais  pas 
moins,  par  votre  grâce,  être  prêt  à  souffrir 
les  plus  grands  maux  pour  votre  amour.  » 

7*  Si  la  distraction  provient  de  la  tenta- 
tion du  démon,  rétistonB  lui^  en  demeurant 
fermes  dawf  la  foi.  (/  Peir.  ▼.  9.)  Crions  avec 
ravt'U'Xie,  selon  le  conseil  de  saint  Grégoire 
(nom.  2,  in  evang.)  :  Jé$us^  Fih  de  David ^ 
agez  piiié  de  moi.  Et  si  les  passants  nous 
répriot^ndent  pour  nous  foire  taire,  c'est- 
à-dire  si  le  trouble  des  désirs  charnels  et  le 
tumulte  des  vices  emportent  notre  esprit 
loin  de  notre  méditalion«  crions  encore  olos 


fort  :  Jésus,  Fils  de  David^  ayez  piiié  dt 
moi.  Lorsque  nous  redoublons  d'instances 
dans  notre  prière,  nous  fixons  dans  notre 
esprit  Jésus  k  son  passage.  Car  pendant  que 
nous  étions  livrés  au  trouble  de  nos  vaines 
pensées,  dans  l'oraison,  nous  tentions  en 
quelque  sorte  Jésus-Christ  qui  passait.  Et  en 
redoublant  de  ferveur,  nous  le  voyons  s'ar- 
rêter, pour  nous  rendre  la  lumière.  Car 
Dieu  se  fixe  dans  notre  cmur,  et  nous  retrou- 
vons la  lumière  que  nous  avions  perdue. 

Outre  ces  remèdes  contre  les  distractions, 
les  ascètes  en  assignent  encore  d'autres, 
dont  nous  avons  déjà  cité  quelques-uns,  et 

3ui  se  tirent  des  circonstances  du  temps, 
u  geste  et  du  corps,  de  la  préparation  par 
la  lecture  spirituelle,  de  la  présence  de  Dieu, 
du  recueillement,  d'une  nouvelle  lecture  de  la 
matière  k  méditer.  On  peut  y  ajouter  la 
mortification  du  corps,  sans  laquelle  l'orai- 
son est  bien  difficile;  car  elle  ne  peut  rési- 
der dans  l'habitation  de  l'âme,  si  celle-ci  n'a 
été  bien  purifiée  par  la  pénitence  et  embellie 
par  la  mortification.  Régnera  remarque 
(Théol.  myst.,  t.  f,  p.  3»,  n*  1051)  qu'il 
n'est  pas  besoin  de  poursuivre  les  objets  qui 
nous  causent  de  la  distraction  ;  au'il  vaut 
mieux,  malgré  toute  leur  difformité,  les  mé- 
priser comme  des  chiens  qui  aboient  sur  le 
chemin.  Le  combat  le  plus  décisif  est  de  se 
remettre  k  la  prière.  Il  n'est  pas  de  meilleure 
manière  de  prier,  que  de  revenir  k  la  prière, 
mille  fois  s'il  le  fout,  après  en  avoir  été  éloi- 
gné par  la  distraction.  (Yoy.  Dévorio?!.} 
DIVERTISSEMFNT.  —  Tèy.  Elteapéue. 
DONS  DU  SAINT-ESPRIT.  —  Yoy.  Esfbit- 

Saimt.  , 

DORÉ  (Pierre),  Dominicain,  docteur  de 
Sorbonne,  professeur  de  théologie,  naquit  k 
Orléans  vers  la  fin  du xv*  siècle,  et  mourut 
en  1569.  H  n'est  connu  que  par  des  ouvrages 
de  spiritualité  écrits  bizarrement  et  intitu- 
lés de  même;  c'était  le  goût  de  son  siècle  : 
Ou  remarque  :  1*  La  tourterelle  de  viduité, 
1574;  —  2"  le  passereau  solitaire;-—^  Les 
neuf  médicaments  du  Chrétien  meUade;  ^ 
V  Les  allumettes  du  feu  divin.  —  5*  Le  eerf 
spirituel:  ^  ^*  La  conserve  de  gr&ee;  — 
7*  Vanatomie  des  membres  de  notre  Seigneur 
Jésus-Christ, 

DOROTHEE  (Saint),  évoque  de  Tyr,  s  est 
rendu  célèbre  par  ses  écrits  contre  Porphyre 
et  Origène.  D  vivait  au  iv*  siècle.  Saint 
Jérdme  rapporte  qu'il  reçut  la  couronne  du 
martyre; -et  Théopbane,  qu'il  souffrit  do 
grands  tourments,  d'abord  sous  Diorlélieii, 
puis  sous  Liciniiîs,  et  fut  condamné  à  mort 
par  les  officiers  de  Julien  l'Apostat,  vers  365. 
Il  était  âgé  de  plus  de  cent  ans.  Outre  ses 
écril»  contre  Porphyre  et  Origène,  on  a  do 
lui  le  Banquet  des  vierges. 

DOROTHÉE,  disciple  dn  moine  Jean,  fut 
kb  tôle  d'un  monastère  en  Palestine  versoliO. 
On  a  de  lui  des  Sermons  ou  Instructions  pour 
les  moines,  qui  ont  été  traduites  en  françaiî^ 

Er  l'abbé  de  Rancé,  1686,  in-8-;  et  de^ 
tires  en  grec  et  en  latin.  Le  style  en  oM 
rempli  d'onction.  Quelques-uns  cepcniant 
attribuent  ces  ouvrages  k  Dorothée  le  Jeune ^ 


059 


DOU 


DICTIONNAIRE 


DOU 


m 


archimandrite  d'uu  monastère  célèbre  du 
Pont,  qui  vivait  vers  l'an  1030. 
DOuCEDR.  —  1*  La  douceur  est  une  vertu 

3ui  modère  la  colère  selon  les  règles  de  la 
roite  raison.  D'où  il  suit  que  toute  colère 
n*est  pas  contraire  à  la  douceur,  mais  celle- 
là  seulement  qui  ^est  en  opposition  avec  les 
règles  de  la  droite  raison.  C*est  ce  qui  a 
fait  dire  à  Aristote  :  «  Cet  homme  est  doux, 
qui  se  fâche  lorsqu'il  le  faut,  comme  il  le 
laut,  autant  de  temps  qu'il  le  faut  et  pour 
les  choses  qu'il  le  faut.  L'homme  doux  est 
celui  qui  ne  se  laisse  aller  à  l'emportement, 
ne  se  livre  à  aucune  émotion,  tant  que  la 
raison  ne  lui  eu  fait  point  un  devoir.  Mais 
quant  h  ceux  qui  ne  se  fAchent  jamais,  même 
quand  il  le  faut,  ce  sont  pour  moi  des  hom- 
mes sans  caractère,  puisqu'ils  paraissent 
n'éprouver   ni  sentiment,  ni  douleur.   » 

iiv  Ethich*^  c.  5.)  —  «  11  n'est  point  interdit 
i  ceux  qui  s'appliquent  à  la  douceur,  dit 
saint  Basile,  d'être  quelquefois  emportés  par 
une  émotion  intérieure.  De  là  on  peut  faci- 
lement, concevoir  que  Moïse,  le  plus  doux 
des  hommes,  au  témoignage  même  de  l'Ë- 
criture,  ait  ressenti'  une  violente  indigna- 
tion, lorsque  la  raison  des  circonstances 
Texigeait  ainsi,  et  en  soit  venu  à  un  tel  de- 
gré de  colère,  qu'il  fit  périr  une  foule  dls- 
raélites.  »  {ConstU.  mon.^  c.  15.)  En  effet, 
lorsqu'il  descendit  du  Sinaï  avec  les  tables 
de  la  loi,  il  ne  put,  sans  être  enflammé 
d'une  sainte  colère,  voir  un  peuple  ioçrat 
qui  prostituait  son  adoration  à  un  veau  d  or  ; 
et  appelant  aux  armes  la  tribu  de  Lévi, 
il  lui  ordonna  de  passer  au  fil  de  l'épée 
23,000  hommes.  Ainsi,  pour  comprendre  si 
la  colère  est  contraire  ou  non  è  la  douceur, 
toute  la  difliculté  de  la  quçstioa  est  de  sa- 
voir si  elle  est  d'accorà  ou  non  avec  la 
droite  raison. 

Et  comme  il  faut  le  remarquer  ici  avec 
saint  Thomas,  quoique  la  colère,  considé- 
rée en  elle«»méme  et  selon  son  essence  pjfy- 
sique,  consiste  dans  une  certaine  inflam* 
roation  du  sang.,  d'oii  naît  une  brûlante 
émotion ,  cependant,  en  tant  qu'elle  est  un 
acte  propre  à  Thomme,  elle  n'est  point 
autre  chose  que  le  désir  de  la  vengeance 
exigeant  un  châtiment  proportionné  a  i'in* 
jure. 

Nousàvoos  dit<,  m  tant,  qu'elle  est  un 
acte  propre*  à  Fhomme;  car  l'homme  peut 
éprouver  aussi  de  la  colère  pour  des  choses 
absolument  incapables  de  mre  une  injure 
et  d^être  atteintes  par  la  vengeance;  il  peut 
s'irriter  contre  une  pierre  contre  laquelle  il 
se  heurte ,  contre  un  animal  qui  ne  marche 
[K)int  à  son  gré,  contre  une  plume  mal 
taillée,  contre  de  l'encre  qui  ne  coule  pas, 
etc.  Cette  sorte  de  colère  est  semblable  à 
celle  des  animaux  qui,  tout  incapables 
qu'ils  sont  d'éprouver  le  désir  de  la  ven- 
geance, s'irritent  cependant  à  la  rencontre 
des  choses  qui  leur  sont  nuisibles,  et  quel- 
quefois même  s'irritent  jusqu'à  la  fureur. 
Du  telles  colères  sont  totalement  indépen- 
dantes de  la  raison.  Il  n'y  a  en  elles  qu'un 
feu  qui  s'allume,  soit  en  nous,  soit  dans 


les  animaux,  à  l'aspect  de  quelque  choso 
que  l'imagination  représente  comme  nui- 
sible. Nous  ne  voulons  point  parler  ici  de 
cette  colère  farouche  et  sauvage.  H  y  a  en 
outre  une  autre  sorte  de  colère  qui  est  ac- 
compagnée de  la  raison,  en  ce  sens  que  la 
raison  prononce  qu'une  action  en  particu- 
lier est  injurieuse  et  digne  de  vengeance; 
et  c'est  de  celle-là  aue  nous  traitons,  et 
dont  nous  disons  qu  elle  est  quelquefois 
mauvaise  et  contraire  à  la  douceur,  quel- 

2uefois  bonne  et  compatible  avec  la  douceur. 
'est  pourquoi  la  colère,  qui  est  un  désir 
de  vengeance,  peut  être  contraire  aux  règles 
de  la  droite  raison,  et  en  elle-même,  et  , 
quant  à  la  manière.  Elle  est  substantielle-  ' 
ment  opposée  aux  lois  de  la  raison,  iurs- 
qu'elle  est  exercée  par  une  personne  privée 
qui  n*a  aucun  droit,  aucune  autorite  pour 
cela;  elle  l'est  encore,  si  la  vengeance, 
quoique  juste,  n'est  point  appuvée  sur  un 
motif  raisonnable;  fenfin  elle  lest  encore, 
si  la  vengeance  exercée  par  un  homme  re- 
vêtu de  l'autorité  compétente  est  injuste. 
«  Frapper  ou  pardonner,  dit  saint  Chrysos- 
tôme,  ce  n'est  point  là,  absolument  parlant, 
cruauté  ou  douceur;  cet  homme  est  doux, 
qui,  pardonnant  ses  injures  personnelles, 
venge  l'injure  faite  à  autrui  (si  toutefois  il 
est  revêtu  de  l'autorité  légitime).  »  [In 
piatm.  Gxxxi). 

D'où  il  suit  que  la  douceur  exige  de 
l'homme  qu'il  réprime,  étouffe  et  éteigne 
tout  sentiment  de  colère  qui  le  porte  à  ven- 
ger ses  injures  personnelles.  Hais  la  dou- 
ceur n'est  point  incompatible  avec  la  colère 
par  laquelle  un  homme,  revêtu  de  rautorilé 
nécessaire,  venge  les  injures  faites  h  autrui 
et  en  tire  un  cnfttiment  légitime.  Or,  celte 
vengeance  et  ce  châtiment,  pour  être  cou- 
formes  à  la  justice  et  à  la  doueeur,  doivent 
être  proportionnés  à  la  gravité  et  à  la  m- 
ture  de  la  faute.  En  outre  celui  qui  est  chargé 
de  tirer  ainsi  vengeance  et  punition  des 
autres,  ne  doit  point  le  faire  avec  un  esprit 
malveillant  ni  pour  satisfaire  une  aversion 
particulièpc;  mais  uniquement  par  amour 
[)our  la  justice,  ou  par  zèle  pour  l'honneur 
ùe  Dieu,  à  l'exemple  de  Moïse.  Maintenant 
vour  n'être  pas,  quant  à  la  manière,  oppo- 
sée aux  lois  de  la  raison,  la  vengeance, 
quoique  juste  et  exercée  par  un  supérieur 
avec  une  fin  droite  et  raisonnable,  ne  doit 
point  être  accompagnée,  dans  l'exécution, 
d'un  certain  excès  d'indignation  et  de  co- 
lère, ni  de  paroles  inconvenantes  et  scanda- 
leuses ou  d'actes  indécents.  C'est  ce  quil 
faut  reprocher  à  un  grand  nombre  de  supi*- 
rieurs  qui,  en  corrigeant  les  fautes  de  ceux 
qui  sont  sous  leurs  ordres,  accompagnent 
ce  châtiment  d'une  foule  de  paroles  obscène^s 
de  blasphèmes  et  d'injures  ignominieuses 
qui  n'ont  aucun  rapport  avec  la  punition 
même  :  il  ne  faut  voir  en  cela  que  les  excès 
déréglés  d'une  cqlère  sans  frein,  d'une  bile 
furibonde.  Pour  conclure  en  un  mot,  nous 
disons  donc  que  cet  homme  est  doué  de  la 
vertu  de  douceur,  qui,  d'un  côté,  ne  venge 
ni  ne  poursuit  les  injures  qui  lui  sont  faites 


641 


KG 


D^ASCETISME. 


ELE 


Ut 


personnelleioent  ;  df^  l'autre,  TeDge,  en  sa 
qualité  de  sopériear»  les  iiQures  faites  à 
autrui  et  eu  tire  une  juste  punition,  et  qui, 
en  même  temps,  n'agit  que  pour  des  fins 
droites,  que  pour  des  motifs  raisonnables, 
et  évite  une  colère  trop  passionnée,  ainsi 
que  tout  acte  indécent  et  scandaleux. 

DREXEUIIS  (Jéréroie),  Jésuite  d'Augs- 
bourg,  mourut  à  Munich  en  1638,  Agé  de 
cinquante-sept  ans.  C'était  un  prédicateur 
distin{[ué.  On  a  de  lui  divers  ouvrages  de 
piéiéf  imprimés  à  Anvers  en  2  vol.  in-fo1., 
I6U.  Ils  ont  été  'autrefois  fort  répandus  ; 
l'auteur  confirmait  par  ses  exemples  ce  qu'il 
enseignait  dans  ses  livres. 

DDFOUR  (Thomas),  Bénédictin  de  Saint- 
Manr,  mort  à  luroiéges  en  16^7,  ayant  à 
peine  trente-quatre  ans,  a  laissé,  entre  au- 
tres ouvrages  de  piété,  un  Te$iament  $piri- 
tud  pamr  servir  de  préparation  à  la  mort^ 
in-12. 

DDGDET  (lacques-Joseph),  né  k  Honlbri- 
son  en  IfiSO,  commença  ses  études  chez  les 
Pères  de  TOratoire  de  cette  ville.  Il  Tes 
étonna  par  l'étendue  de  %ei  mémoire  et  la  fa- 
cilité de  son  esprit.  Entré  dans  leur  congré- 
gation, il  professa  la  philosophie  à  Troyes, 
et  la  théologie  k  Paris,  en  16T7.  Les  confé- 
rences qu'if  fit  les  deux  années  suivantes 
lui  acquirent  une  gfjinde  réputation.  En 
1685t  il  sortit  de  l'Oratoire,  pour  se  retirer  à 
Bruxelles,  auprès  du  docteur  Amauld ,  son 
ami.  Mais  il  revint  bientôt  en  France.  Son 
attachement  \  la  doctrine  de  Quesnel  l'obli- 


gea de  changer  souvent  de  demeure,  et 
même  de  pays.  H  mourut  à  Paris  le  25  octo- 
bre 1733,  laissant  un  grand  nombre  d'où* 
vrages  écrits  avec  pureté,  avec  noblesse, 
avec  élégance.  Ses  livres  ascétiques  les  plus 
recherchés  sont  :  1*  La  conduite  d'une  aame 
ekrétiennef  in-12,  composée  pour  madame 
d'Aguesseau  vers  l'an  1680,  et  imprimée 
en  1725;  —  2*  Traité  des  scrupules^  in-12, 
estimé;  —  3*  Les  caractères  ae  la  charité^ 
in-12;  —  fc*  De  Féducation  d'un  prince,  in-4% 
qu'on  peut  regarder  comme  le  manuel  des 
souverains; — STlJn  Recueil  des  lettres  de  piété 
et  de  morale^  en  neuf  volumes  in-12. 

DDQUESNE  (Arnaud -Bernard  dlcanl), 
docteur  de  Somonne  et  vicaire  général  de 
Soissons ,  né  à  Paris  vers  1732,  se  distingua 
par  sa  piété  et  son  savoir.  Il  mourut  le  20 
mars  17^.  On  a  de  lui  plusieurs  ouvrage.^ 
ascétiques  fort  estimés,  aont  les  principaux 
sont  :  1*  VEvangile  médité  et  distribué  pour 
tous  les  jours  de  Vannée^  1773, 13  vol.  in-12. 
plusieurs  fois  réimprimé;  ~2*Une  édition 
de  rAme  unie  à  Jésus-Christ  dans  le  saint 
sacrement  de  Fautel,  ouvrage  de  M.  de  Car- 
cado  (voir  ce  nom)  ;  — 3*  L'Année  apoêtolique 
ou  Méditations  pour  tous  les  jours  de  ran- 
née,  etc-12vol.  in-12,  Paris,  1791  ;  -k'  Les 
Grandeurs  de  Marie,  2  vol.  in-12,  achevés 
seulement  la  veille  de  la  mort  de  l'auteur. 
Il  avait  été  administré  quelques  jours  aupa- 
ravant,fet  avait  continué  de  travailler  à  ce 
livre,  qu'il  désirait  ardemment  de  pouvoir 
finir.  Son  vœu  fut  rempli. 


E 


ECHELLE  Di  SAUfT  Jvah  Cuvaoub.  — 
Foy.  Jkan  Clivaquk. 

ECKlDS(Jean),néen  Souabe  en  1486,  pro- 
fesseur de  théologie  à  Tuniversité  d'ingols- 
tadi,  signala  son  savoir  et  son  zèle  dans  ses 
conférences  contre  Luther  et  ses  principaux 
adeptes.  11  se  trouva,  en  1538,  à  la  diète 
d*Au2sbourg,  et,  en  15il ,  à  la  conférence  de 
Ratîsbonne,  et  brilla  dans  l'une  et  dans 
I  aatre.  Il  avait  deréruditiouyde  la  mémoire, 
de  la  facilité,  delà  pénétration.  11  mourut  en 
t5U,  Agé  de  cinquante-sept  ans,  k  logols- 
tadt.  On  a  de  lui  deux  TraUésswr  le  sacrifice 
de  la  messe,  des  Homélies,  k  vol.  in-8*,  et  des 
ouvrages  de  piété  et  de  controverse. 

EDMOND  (Saint),  né  au  bourg  d'Abendon, 
fit  ses  études  k  Paris,  et  y  enseigna  les  ma- 
thématiques et  les  belles-lettres.  Le  Pape 
Innocent  111  lui  donna  ordre  de  prêcher  la 
croisade.  Le  zèle  avec  leaoel  il  remplit  cette 
fonction  lui  mérita  l'arcnevèché  de  Cantor- 
tiérj.  Il  se  retira  plus  tard  en  France,  et  y 
mourut  en  12^1.  Il  fut  canonisé  en  12i9.  il 
jious  reste  de  lui  un  ouvrage  intitulé  :  5pe- 
culum  EcclesiŒf  inséré  dans  la  Bibliothèque 
des  Pires. 

EGGS  (Léon),  Jésuite,  naquit  à  Rheinfeld 
le  29  août  IGlié.  En  17U,  Télecteur  de  Ba- 
vière le  choisit  pour  accompagner  en  qualité 
d'aumônier  les  deux    princes    électoraux 


Charles -Albert  et  Théodore,  qui  se  rendaient 
à  l'armée  du  prince  Eugène.  Le  P.  Eggs 
mourut,  le  16  août  1717,  au  siège  de  Belle- 
garde,  et  fut  inhumé  dans  le  camp  impérial. 
Ses  (Buvres  ascétiques  sont  :  1*  Compositiones 
morales  et  asceticœ;  —  2*  Opéra  moralia^ 
pour  tous  les  jours  de  l'année;  —  3*  des 
élégies  spirituelles  sur  des  sujets  tirés  des 
psaumes,  sous  le  titre  :  Œstrum  ephemeri- 
eum  poeticum;  Munich,  1712. 

EGGS  (Georges^oseph),  de  la  même  fa- 
mille que  le  précédent,  né  à  Rheinfeld  vers 
1870,  docteur  en  théologie,  chanoine,  cus- 
tode et  sénieur  de  Téglise  collégiale  de 
Saint-Martin  de  Rheinfeld,  ecclésiastique 
instruit  et  laborieux,  mort  vers  1750,  est 
auteur  de  plusieurs  ouvrages  savants  qui 
prouvent  son  érudition.  Ses  œuvres  ascéti- 
ques sont  :  1*  Tractatus  de  quatuor  novissi- 
mis:  —  2*  Tractatus  de  morte  sanete  obeunda. 

EHRARD  (Dom  Gaspard),  Bénédictin,  né 
en  Bavière,  est  auteur  d'un  ouvrage  inti- 
tulé :  Duleis  memoria,  seu  vita,  doctrina  et 
mysteria  Jesu  Christif  per  brevem  commenta- 
rium  in  satêcta  Evangelia  eœplicata  ;  Augs^ 
boiig,  1719,  in-8*. 

ELECTION.  —  Nous  nous  occupons  ici 
d'élection  particulièrement  pour  ce  qui  con- 
cerne les  supérieurs  des  monastères  et  des 
ordres  religieux. 


643 


ELE 


DICTIONNAIRE 


BN6 


Cil 


Pour  qu*on  soil  sûr  que  la  volonté  de 
Dieu  se  manifeste  dans  une  élection  de  su- 
périeur, si  elle  se  fait  à  la  pluralité  des 
voix,  il  faut  que  toutes  les  règles  légitime- 
ment établies  pour  la  forme  de  Télection 
soient  strictement  observées.  Une  de  ces  rè- 
g\eSf  fondée  sur  l'autorité  de  rEgUse»  oblige» 
sous  peine  de  faute  grave,  et  c'est  la  princi- 
pale ;  c'est  que  l'on  est  oblisé  de  choisir  le 
plus  digne  parmi  les  éligibles.  Le  concile 
de  Trente  l'a  ainsi  décidé  dans  sa  xiliv"  ses- 
sion (c.  1,  De  ref.)f  en  disant  :  «  Le  saint 
concile  exhorte  tous  ceux  qui  ont  le  droit 
de  promouvoir  à  des  charges,  à  quelque  titre 
que  ce  soit  qu'ils  le  possèdent  ou  qu'ifs 
l'aient  reçu  du  Saint-Siège,  à  ne  rien  inno- 
ver dans  les  formes,  et  il  les  exhorte  à  se 
souvenir  qu'ils  ne  peuvent  rien  faire  de 
mieux,  pour  la  gloire  de  Dieu  et  pour  le  sa- 
lut des  peuples,  que  de  choisir  de  bons  pas- 
teurs, et  capables  de  diriger  l'Eglise  de 
Dieu  :  et  s'ils  ne  choisissent  les  plus  digues 
et  les  plus  utiles  à  TEglise  d'après  leur  con- 
viction; s'ils  se  laissent  influencer  par  les 
prières,  les  affections  humaines  et  les  sug- 
gestions de  l'ambition,  alors  ils  nèchent 
mortellement  en  participant  aux  péciiés  des 
autres,  p 

Et  ici,  par  le  plus  digne,  ofi  ne  doit  pas 
entendre  quelqu'un  en  général  (jui  n  est 
pas  indigne,  mais  réellement  celui  que  l'on 
croit  le  plus  digne  par  ses  mérites  réels  : 
c'est  ainsi  que  l'a  déclaré  Innocent  XL 

Il  faut  prendre  le  plus  digne»  dit  saint 
Thomas,  non  dans  la  pensée  de  l'élu,  mais 
dans  celle  de  l'électeur;  et  il  ajoute  ces  pa- 
roles bien  «remarquables  :  «  Celui-là  nest 
pas  toujours  le  plus  digne  qui  est  le  meilleur 
et  le  plus  saint»  mais  le  plus  utile  à  l'Eglise.  » 

De  Lugo  en  déduit  ainsi  les  motifs  :  La 
charge  des  âmes  est  telle  que  l'on  ne  peut 
espérer  pour  ainsi  dire  de  jamais  trouver 
quelqu'un  de  digne  en  tous  points;  c'est 
pourquoi  celui-là  est  censé  digne  qui  a  le 
moins  de  défauts,  et  qui  n'a  cas  de  concur- 
rent plus  parfait  connu  ;  et  si  on  découvrait 
ce  plus  digne,  on  ne  pourrait  sans  un  grave 
dommage  de  la  communauté  ne  pas  le  pré- 
poser, puisqu'il  est  si  dilïïcile  .de,  trouver  le 
supérieur  qui  par  sa  prudence  et  son  exemple 
contienne  les  religieux  dans  la  discipline  de 
leur  étaj,  et  qui  ramène  les  relâchés  à  la  ri- 

Sueur  de  la  règle»  et  qui  les  conduise  tous 
la  perfection. 

Si  les  électeurs  sont  tenus  d'élire  le  plus 
digne  h  leur  jugement»  il  ne  s'ensuit  pas  que 
l'élu  doive  se  croire  pour  cela  le  plus  digne  ; 
car,  dit  saint  Thomas,  ce  serait  être  orgueil- 
leux et  présomptueux  ;  mais  il  suffit  (]u  il  ne 
trouve  rien  en  lui  qui  lui  rende  illicite  l'ac- 
ceptation de  sa  dignité,  c'est-à-dire  une  sus- 
pense» une  irrégularité,  une  excommunica- 
tion» etc.  Le  saint  docteur  appuyé  ses  rai- 
sons de  l'exemple  de  saint  Pierre»  qui,  étant 
interrogé  s'il  aimait  le  Seigneur  plus  oue 
les  autres»  répondit,  non  qu  il  l'aimait  plus 
que  les  autres,  mais  simplement  qu'il  l'aimait^ 

L'élu  ne  doit  pas  résister  obstinément  à 
sa  vocation,  si  l'élection  a  été  faite  légiti- 


mement, selon  les  règles  établies,  par  ceux 
par  lesquels  Dieu  a  coutume  de  manifester 
sa  volonté;  quoique  l'élu  soit  porté  à  sa 
charge  contre  son  inclination  et  ses  goûts» 
il  fera  mieux  de  se  soumettre  humblement 
à  porter  le  fardeau  aue  de  résister  avec 
obstination.  On  peut  déduire  ceci  de  la  para- 
bole des  talents»  où  l'on  voit  que  le  serviteur 
qui  caclia  son  talent  fut  sévèrement  puni. 
\   Saint  Alhauase  écrivant  à  Draconce,  qui 
refusait  l'épiscopat  parce  qu'il  était  moine, 
lui  disait  :  «  Ce  que  vous  faites  n'est  pas 
exempt  de  faute,  mon  cher  Draconce»  car  il 
n'est  pas  permis  à  celui  quiareçu  cette  srâce 
de  la  cacher»  et  il  n'est  pas  prudent  de  four- 
nir aux  autres  l'occasion  de  la  fuir.  Le  Sei- 
gneur connaît  mieux  que  nous-mêmes  ce 
qui  nous  concerne»  et  il  sait  à  qui  il  confie 
ses  Eglises.  S'il  arrive  qu'il  ne  soit  pas  di- 
gne» qu'il  fasse  attention  non  è  sa  vie»  mais 
à  son  ministère»  de  peur  qu'en  n'envisageant 
les  choses  qu'au  point  de  vue  du  monde.  Il 
encoure  des  malédictions.»  «  Il  ^  en  a  quel- 
ques-uns, dit  saint  Grégoire, qui  ne  refusent 
que  par  humilité,  de  peur  d*être  préférés  à 
ceu!L  à  qui  ils  se  croient  inférieurs.    Celte 
humilité  est  excellente  si  elle  est  entourée 
des  autres  vertus,  elle  platt  à  Dieu,  pourvu 
qu'il  n'y  entre  point  de  ténacité.  Car  celui- 
là  n'est  pas  véritablement  humble  qui   ré- 
siste à  la  volonté  de  l)ieu  convenablemeut 
connue.  * 

Oii'peut  encore  observer»  sur  l'acceptation 
des  honneurs  et  charges»  les  points  suivants: 
l*"  Celui-là  pèche  gravement  en  acceptant 
des  prélatures»  s'il  se  sent  exposé  au  péril 
procnainde  succombera  la  négligence  de  ses 
devoirs.  2*"  Si  celui  qui  se  sent  exposé  à  un 
grand  péril  de  succomber  dans  les  devoirs 
de  sa  charge  reçoit»  malgré  ses  représen- 
tations» l'ordre  de  celui  qui  a  droit  de  lui 
commander»  il  doit  accepter,  et  mettre  sa 
confiance  en  Dieu.  3*  Si,  malgré  ses  obser- 
vations et  le  danger  personnel  qu'on  court» 
des  personnes  recommandables  vous  font 
comprendre  que  le  bien  de  la  communauté 
demande  votre  acceptation,  vous  devez  ne 
point  refuser,  k"  Si  On  n'a  aucun  motif  par- 
ticulier et  puissant  de  fuir  la  dignité,  on 
peut  humblement  faire  des  efforts  pour  la 
refuser  »  mais  on  peut  aussi  humblement 
l'accepter.  La  maxime  de  saint  François  de 
Sales  a  ses  religieuses  était  de  ne  rien  re- 
chercher et  de  ne  rien  refuser.  Or,  celle 
disposition»  si  elle  est  bien  sincère»  appelle 
nécessairement  les  grâces  de  Dieu  pour  nous 
aider  à  suffire  à  toutes  les  positions»  ou 
bien  alors  Dieu  permettra  que  les  chagrins 
qui  nous  feraient  succomber  ne  nous  arrive- 
vent  pas. 

£LOI  (Saint)  »  évègue  de  Noyon  sous  le 
règne  de  Dagobert»  l'an  639,  offre  ce  Irait 
remarjiùable  dans  sa  vie,  qu'il  sut  mener 
une  vie  contemplative  au  milieu  de  la  cour. 
Il  a  laissé  quelques  homélies  qui  contien* 
nent  des  règles  de  la  vie  spirituelle. 

ENFER.— Fov.  Fins  deeiuères. 

ENGËLGRAVE  (Henri),  Jésuite,  né  è  An- 
vers en  1610»  entra  dans  la  Compagnie  à 


645 


ERM 


D^ASCETISME. 


ERII 


dix-buil  ans.  Il  .sut  allier  avec  Télude  des 
belles-lettres,  dans  lesquelles  il  fit  de  grands 
progrès,  une  autre  étude  plus  nécessaire 
encore  à  un  religieux,  celle  de  TEcriture 
sainte  et  des  auteurs  sacrés.  On  l'appelait 
un  magasin  de  science  f  officina  scientiarum. 
Il  mourut  à  Anrers  le  5  mars  1670.  Oulre 
des  Sermons  en  grand  nombre,  et  des  Com- 
meniaires  sur  les  évangiles  du  carême ,  il  a 
laissé  des  Méditations  sur  la  Passion^  tu 
langue  flamande,  Anvers,  1670,  in- 8*. 

ENGELGRAVE  (Jean-Baptiste),  frère  afnc 
du  précédent.  Jésuite  comme  lui,  naquit  à 
Anrers  en  1601.  Il  fit  profession  en  1619, 
devint  recteur  du  collège  de  Bruges,  et  pro- 
vincial de  Flandre.  C'était  un  religieux  plein 
de  piété  et  de  zèle  et  d'un  grand  savoir.  Ou 
a  de  lui  :  Méditations  pour  tous  les  dimanches 
ti  les  mes  de  Vannée.  Il  mourut  le  3  mai  1058. 

£PflREM  -Saint),  diacre  d'Edesse,  se  livra 
dans  sa  jeunesse  a  une  vie  déréglée;  mais 
il  reconnut  ses  égarements  et  se  retira  dans 
la  solitude  pour  les  pleurer.  II  alla  ensuite 
à  Edesse  où  il  fut  ordonné  diacre.  Quoiqu'il 
eût  Dégliffé  ses  études ,  il  prêcha  avec  rant 
de  facilité  et  d'éloquence ,  que  saint  Gré* 
|$oire  de  Nysse  l'appelait  le  docteur  de  l'uni- 
rers,  et  Tbéodoret,  la  lyre  du  Saini^-Esprit. 
Il  mourut  vers  Tan  379.  On  a  de  lui  de  nom- 
breux ouvrages  d'ascétisme  et  de  contro- 
verse publiés  à  Rome  en  6  vol.  in-folio,  1746. 
Les  ouvrages  de  piété  ont  été  traduits  en 
français  par  Tabbé  Lemerre.  S  vol.  in-12, 
Paris,  17U. 

EPREUVE.— C'est  ceque  FEcritare  nomme 
tentation.  Il  est  dit  dans  plusieurs  endroits 
que  Dieu  met  à  l'épreuve  la  foi ,  la  coos- 
tance,  l'obéissance  des  hommes;  qu'il  mil 
Abraham  à  l'épreuve,  etc.  Dieu  n'a  pas  be- 
soin de  nous  éprouver,  il  sait  d'avance  ce 
que  nous  ferons  dans  toutes  les  circons- 
tances où  il  lui  plaira  de  nous  placer;  mais 
nous  avons  besoin  d'être  éprouvés ,  pour 
savoir  ce  dont  nous  sommes  capables  avec 
la  grâce,  et  combien  nous  sommes  faibles 
par  nous-mêmes.  Si  Dieu  n'avait  pas  mis  à 
de  fortes  épreuves  Abraham  »  Joseph ,  Job, 
Tobie,  le  monde  aurait  été  privé  des  grands 
exemples  de  vertu  qu'ils  ont  donnés,  et  Ils 
n'auraient  pas  mérité  la  récompense  qu'ils 
ont  reçue.  Ge  qui  est  à  notre  égard  une 
épreuve,  un  moyen  d  acquérir  de  nouvelles 
eounaissauces  expérimentales,  n'en  est  pas 
un  à  l'égard  de  Dieu;  mais,  en  parlant  de 
cette  majesté  souveraine,  nous  sommes 
forcés  de  nous  servir  des  mêmes  expres- 
sions que  quand  nous  parlons  des  hommes. 
(Foff.  Tentatioh,  Abahoon.) 

ERMITE,  SoLrrAraB.  —  Nous  avons  faif, 
au  mot  Ahachobètb,  l'apologie  de  la  vie  so- 
litaire ou  érémitique ,  contre  la  folle  cen- 
sure des  philosophes  incrédules;  nous  avons 
lait  voir  que  ce  genre  de  vie  n'est  ni  uu 
effet  de  misanthropie,  ni  une  violation  des 
devoirs  de  société  et  d'humanité,  ni  un 
exemple  inutile  au  monde,  et  nous  avons 
réfuté  les  traits  de  satire  lancés  par  Tincré- 
dulité  contre  les  ermites.  Aussi  jces  censeurs 
téméraires  n'ont  pu  se  satisfaire  eux-mêmes. 


«M 


en  recherclianl  les  causes  qui  ont  donn« 
naissance  à  la  vie  solitaire.  Certains  auteurs 
après  avoir  donné  carrière  à  leurs  conjec-^ 
Uires  sur  ce  point,  ont  imaginé  que  saint 
Paiil,  premier  ermite,  put  en  puiser  le 
Çoûl  dans  les  principes  de  la  théologie  mys- 
tique, qui  apprenait  aux  hommes  que,  pour 
unir  I  âme  à  Dieu,  il  faut  l'éloigner  de  toute 
Idée  des  choses  sensibles  et  corporelles. 
{But.  Chnst.  sœe.  m ,  p.  29.)  Il  nous  pa- 
raît plus  naturel  de  penser  que  ce  saint 
solitaire  avait  contracté  ce  goût  dans  l'Evan- 
gile, dans  l'eiemple  de  Jésus  Christ,  qui  se 
relirait  dans  de^  lieux  déserts  pour  prier, 
qui  y  passait  les  nuits  entières,  et  qui  y 
demeura  Quarante  jours  avant  de  commen- 
cer à  prêcher  l'Evangile.  Ce  divin  Sauveur 
a  fait  réloge  de  la  vie  solitaire  et  mortiGée 
de  saint  Jean-Baptiste,  et  saint  Paul  a  loué 
celle  des  prophètes.  En  effet,  nous  voyons 
que  Dieu  retint  pendant  quarante  jours 
Moïse  sur  le  mont  Sinaï,  et  qu'Eue  passa 
une  partie  de  sa  vie  dans  les  déserts.  Voilà 
donc  un  des  principes  de  la  théologie  mys- 
tique consacré  dans  l'Ecriture  sainte. 

Mais  la  vie  érémitique  n'a  jamais  produit 
des  effets  plus  salutaires  que  dans  le  temps 
d(»s  malheurs  de  l'Europe,  et  après  les  ra- 
vages faits  par  les  barbares.  Lorsque  les 
habitants  de  cette  partie  du  monde  furent 
partagés  en  deux  classes,  l'une  de  militaires 
oppresseurs  et  se  faisant  honneur  du  bri- 
gandage, l'autre  de  serfs  opprimés  et  misé- 
rables, plusieurs  des  premiers  ,  honteux  et 
repentants  de  leurs  crimes,  convaincus  qu'ils 
ne  pourraient  pas  y  renoncer  tant  qu'ils  vi- 
vraient parmi  leurs  semblables,  se  retirèrent 
dans  des  lieux  écartés  pour  y  faire  péni- 
tence, et  s'éloigner  de  toute  occasion  de 
désordre.  Leur  courage  inspira  du  respect; 
malgré  la  férocité  des  mœurs,  on  admira 
leur  vertu.  On   alla  chercher  auprès  d'eux 
des  consolations  dans  les  peines,  leur  de- 
mander de  sages  conseils,  implorer  lesecours 
de  leurs  prières.  Nos  vieux  historiens  et 
même  nos  romanciers  parlent  des  ermites 
avec  vénération  ;  on  comprenait  que  si  leur 
piété  n'avait  pas  été  sincère ,  ils  n'auraient 
|ias  persévéré  longtemps  dansce  genre  de  vie. 
Quelques-uns  peut-être  l'ont  choisi  par 
amour  pour  l'indépendance,  d'autres  pour 
cacher  leur  libertinage  sous  le  voile  de  la 
[liété;  mais  ces  abus  n'ont  jamais  été  com- 
muns, et  c'est  à  tort  que  les  incrédules  en 
accusent  les  solitaires  en  général.  Il  n'a  ja- 
mais été  fort  difficile  de  distinguer  ceux 
dont  la  vertu  u'élait  pas  sincère ,  leur  con- 
duite ne  s'est  jamais  soutenue  longtemps; 
les  yeux  du  peuple,  toujours  ouverts  prin- 
cipalement sur  ceux  qu'il  regarde  comme 
des  serviteurs  de  Dieu,  ont  bientôt  décou- 
vert ce  qu'il  peut  f  avoir  de  répréhensible 
dans  leurs  mœurs. 

On  a  encore  dit  que  la  plupart  étaient  des 
fainéants  qui  affectaient  un  extérieur  sin- 
gulierpours'attirerdes  aumênes,  parcequ'ils 
savaient  que  le  peuple  imbécile  ne  manque- 
rait pas  de  leur  en  prodiguer.  C'est  uur 
nouvelle  injustice.  Les  Vrais  ermites  ont  été 


647 


ESP 


DlCTIONNÂine 


ESP 


648 


toiû^urs  laborieux,  ot  comme  leur  vie^élait  ' 
très-fragale  «  leur  travail  leur  a  toujours 
fourni,  DOn-seuleoGient  leur  subsistance,  mais 
encore  de  quoi  soulager  les  pauvres. —  Les 
protestants  ont  eu  beau  déclamer  contre  le 
goût  de  la  vie  monastique  et  érémitique,ils 
n*ont  pu  i'etouffer  entièrement;  il  s'est  formé 
parmi  eux  des  sociétés  qui,  h  Texception  du 
célibat,  ont  beaucoup  de  ressemblance  avec 
ta  vie  des  anciens  cénobites. 

ESCHIUS  (Nicolas),  prêtre  pieux  et  savant, 
né  à  Nordwik,  prèsBois-le-Duc,  en  1507,  se 
fil  remarquer  par  la  régularité  de  sa  con- 
duite, et  professa  les  belles-lettres  à  Cologne, 
où  il  eut  pour  élèves  le  Jésuite  Pierre  Cani- 
sius  et  le  Chartreux  Surius.II  devint  ensuite 
archiprètre  de  Diest  et  termina  paisiblement, 
en  1578,  une  carrière  qu'il  avait  sanctifiée 
par  la  pénitence  et  les  bonnes  œuvres.  On  a 
de  lui  :  V  Exercices  de  piétés  en  latin,  An- 
vers, 1563,  in-8°;  —2^  Uagoge  ad  vitam  m- 
troversam  capescendam,  à  la  tète  du  Templum 
animœ^  ouvrage  anonyme;  3*  une  traduction 
de  la  Perle  évangélique^  15^5. 

ESPERANCE.  —  VEipérance^  prise  en 
général,  est  un  mouvoment  de  la  partie  ap- 
))étive  vers  un  bien  futur,  difficile,  mais  pos- 
sible à  acquérir  :  ver$  un'biefif  autrement  ce 
serait  de  la  crainte;  futur^  car  le  mouvement 
vers  un  bien  présent  s'appelle  joie  ;  difficile^ 
car  nous  désirons  simplement  ce  que  nous 
pouvons  obtenir  de  suite  ;  nous  ne  1  espérons 
pas;  pojvft6/e,  autrement  il  y  aurait  déses- 
poir et  non  espérance.  Ici  nous  entendons 
par  espérance  une  vertu  théologale  divine- 
ment infuse,  par  laquelle  nous  attendons 
avec  une  confiance  certaine  Téternelle  béa- 
titude et  les  moyens  d'y  parvenir,  par  le  se- 
cours de  Dieu. 

La  vertu  d'espérance  nous  est  extrême- 
ment nécessaire ,  non-seulement  de  néces- 
sité de  précepte,  mais  lencore  de  nécessité 
de  moyen  :  c*esl  ce  que  montre  le  concile  de 
Trene  :  «  Il  faut  proposer  la  vie  éternelle 
è  ceux  qui  espèrent  en  Dieu,  et  comme  une 
ffrftcemiséricordieusement  promise  par  Jésus- 
Christ  aux  enfants  de  Dieu,  et  comme  une 
récompense  Que  Dieu,  selon  sa  promesse, 
accordera  fidèlement  à  leurs  bonnes  œuvres 
et  h  leurs  mérites,  m  (Sess.  vu,  c.  16.)  Nous 
devons  espérer  réternclle  béatitude  et  tous 
les  moyens  nécessaires  pour  l'obtenir,  tels 
que  la  grâce  de  vivre  et  de  mourir  pieuse- 
ment, de  surmonter  les  tentations,  de  prati- 
quer la  vertu  et  d'obtenir  le  pardon  de  nos 
péchés,  et  cette  espérance  doit  être  fondée 
sur  ce  motif,  que  Dieu,  souverainement  bon, 
souverainement  puissant  et  souverainement 
fidèle,  nous  a  promis  de  nous  accorder  ces 
biens,  et  que  Jésus-Christ  a  souffert  et  est 
mort  pour  nous  précisément  dans  cette  in- 
tention. Toutefois,  comme  l'espérance  n'ex- 
clut pas  toute  crainte,  nous  devon3,  tout  en 
espérant,  craindre  et  nous  défier  de  nous- 
mêmes. 

Poi/r  faire  des  progrès  dans  la  perfection 
et  avancer  dans  la  vertu  de  foi,  nous  devons 
nous  exercer  avec  soin  dans  Vespérance.  On 
le  prouve  : 


!•  Par  l'Ecriture  sainte.  Saint  Paul  exhor- 
tant les  fidèles  Hébreux  h  croître  en  perfeo> 
tion,  et  leur  rappelant  au'il  espère  d'eux  de 

f;randes  améliorations:  rious  atons  une  met/- 
eure  opinion  de  vous  et  de  votre  salut ,  me» 
bien-atmés  (Hehr,  vi,  9);  c'est-à-dire  uno 
coopération  fidèle  vers  toute  perfection,  les 
y  excite  en  disant  :  Notis  souhaitons  que 
chacun  de  vous  fasse  paraUre  jusqu'à  la  fin  k 
même  xile^  afin  que  vçtre  espérance  soit  accom 
plie  et  que  vous  ne  soyez  pof  lents  et  pares- 
seux {fbid.t  11,  12);  il  relève  leur  courage 
par  l'espérance,  et  ajoute  :  Nous  avons  une 
puissante  consolation-^  nouf  qui  avons  mis 
notre  refuge  dans  la  recherche  et  facquisition 
des  biens  qui  nous  sont  proposés  par  Vespé» 
rance^  laquelle  sera  pour  notre  Ame  comme 
uns  ancre  ferme  et  assurée,  [Ibid.^  18,  19). 

3"  Par  les  SS.  Pères  :  «  La  foi  commence 
la  gloire,  dit  saint  Jean  Chrysostome ,  l'es- 
pérance la  consomme  en  la  soutenant;  l'une 
jette  les  fondements,  l'autre  édifie  l'homme 
tout  entier;  la  première  donne  le  principe, 
la  seconde  conduit  le  Chrétien  au  but;  la 
foi  s'adresse  aux  commencements  de  la  cré- 
dulité, l'espérance  mène  à  la  consommation 
de  la  vertu  ;  celle-là  croit  ce  qui  est  pro- 
mis, celie-ci  voit  déjà  ce.  qu'elle  espère.  Per« 
sonne  ne  peut  profiter  de  la  foi,  s  il  ne  veut 
consommer  la  gloire  de  l'espérance;  et  de 
même  que  l'espérance  d'à  aucune  solidité 
sans  la  foi,  de  même  sans  l'espérance  la  fol 
ne  peut  être  récompensée.  »  (Hom.  de  fide^ 
spe  et  charit,)  Saint  Bernard,  décrivant  com- 
ment celui  qui  espère  se  réfugie  en  Dieu, 
méprise  ses  ennemis,  et  reste  sur  au  miliea 
du  danger,  dit  :  «  Sa  libéralité  pleine  de  dou- 
ceur ne  fait  pas  défaut  à  ceux  qui  espèrent 
en  lui  :  tout  le  mérite  de  l'homme  consiste 
à  mettre  tout  son  espoir  en  celui  qui  sauve 
l'homme  tout  entier....  Il  obtiendra  tout  ce 
qu'il  pourra  espérer,  pourvu  que  son  espé- 
rance soit  fixée  toute  en  Dieu ,  qu'elle  soit 
ferme  et  non  chancelante.  »  (Serm.  IS,  ta 
ps.  xc,  Qui  habitat^  etc.) 

3*  Rossignol i  en  donne  la  raison*  en  di- 
sant :  «  A  mon  avis,  de  même  que  la  foi 
rend  héroïques  les  actions  par  lesquelles 
l'homme,  pour  la  gloire  de  Dieu ,  méprise 
avec  courage  et  générosité  et  lui-même  et 
toutes  les  choses  du  monde,  de  même  l'es- 
pérance est  d'un  grand  secours  pour  celui 
qui  veut  persévérer  avec  constance  Pt  ju.<;- 
qu'à  la  fin  dans  les  résolutions  qu'il  a  pri- 
ses. »  (L,  III  De  Christ,  perf.^  c.  5)  C'e^t 
pourquoi  l'Apôtre,  dans  la  aéfinilioo  elle- 
même  de  la  foi,  passe  de  suite  à  l'espérance 
et  dit  que  la  foi  est  la  substance  des  choses 
queVon  espèrsy  aSnque  le  Chrétien  sache  qu'il 
ne  doit  pas  porter  sft  pej:isée  et  s^s  espérances 
surlescnosesde  la  ierre,surlesbiensprésen!9 
et  périssables,  mais  sur  les  biens  célestes, 
futurs  et^.tisrnels  :  ce  doit  être  là  l'objet  de 
ses  entretiens  et  de  ses  soupirs.  D  autant 

{»lua  que,  chacun  peut,  par  une  espérance 
èrroement  établie  en  Dieu,  jointe  avec'uoe 
sage  défiance  de  soi-même,  surmonter,  avec 
le  puissant  secours  de  Dieu,  tous  les  obsta- 


619 


ESP 


G^ASGETISSE. 


ESP 


clcs  qui  se  rencontrent  dans  la  voie  de  la 
perfection. 

Saint  Thomas  (9-2,  q.  17,  a.  7)  nous 
enseigne  comment  procède  l'esprit,  pour  se 
lîTrer  h  Tespérance.La  lumière.de  la  foi  Tex* 
cite  à  Pamonr  de  la  béatitude  et  des  choses 
(lui  y  conduisent; delà résultele  désir  et  enfin 
1  espérance.  Quand  le  désir  est  efficace,  il 
trouve  un  appui  dans  la  connaissance  delà  fin, 
en  tant  qu^elle  est  possible  pour  lui,  par  les 
moyens  que  Dieu  a  mis  à  sa  disposition. 

Alors  ce  diésir  commande  un  autre  senti- 
ment, ou  bien  il  est  Jui*mëme  le  sentiment 
Par  lequel  on  se  propose  de  snmooter  avec 
aide  de  Dieu  tous  les  obstacles  et  toutes  les 
difficultés.  C'est  en  ce  sentiment  que  con- 
siste Pespérance.  Si  elle  se  manifeste  au  mi- 
lieu des  circonstances  les  plus  difficiles,  si 
elle  supporte  toutes  les  adversités,  à  cause 
de  la  vie  éternelle;  si  elle  est  pleine  de  con- 
fiance et  de  sécurité,  et  cela  en  tout  temps, 
avec  empressement,  promptitude,  joie  et 
roiistance;  ou  du  moins  si  Tesprit  y  est  cons- 
tamment disposé,  Tespérance  devient  hérol- 
gu€  et  se  révèle  par  la  sublimité  des  l>onnes 
œuvres,  comme  renseigne  Lanrœa.  (m  5m/., 
d.  32«  a.  10.)  De  là  l'espérance  héroïque  peut 
consister:  1*  Dans  la  manière  parfaite  d'espé- 
rer, alors  qu'on  place  uniquement  son  espoir 
et  soo  amour  en  Dieu,  coronte  notre  fin,  et 
dans  les  biens  crises ,  en  tant  qu'il  sont  néces- 
saires ou  très-utiles  pour  arrivera  cette  fin. 
Bans  toute  nécessité  et  dans  tout  péril,  on 
recourt  à  lui  sans  hé^tation  et  sans  retard  ; 
c*est  par  lui  et  à  cause  de  lui  au*on  espère 
et  qn'on  obtient  les  choses  les  plus  difficiles, 
comme  il  est  arrivé  à  sainte  Thérèse,  dans 
la  réforme  de  son  ordre.  ^  8*  Dans  une  ri- 
goureuse pénitence,  un  parfait  renonce- 
ment aux  choses  temporelles,  une  grande 
défiance  de  soi-même;  dans  les  obstacles 
que  l'on  éprouve  pour  la  gloire  de  Dieu  et 
le  salut  des  âmes,  et  dans  la  joie  avec  la- 
quelle on  supporte  les  adversités  que  Ton 
a  à  souffrir  pour  Jésus  Christ  et  pour  la  jus- 
tice, comme  saint  Ignace,  etc.  —  3*  Dans 
l'entrée  en  religion,  surtout  quand  il  faut 
pour  cela  surmonter  de  la  part  du  monde 
de  nombreux  obsUncles,  ce  qui  est  arrivé  h 
saint  Louis  de  Goozngue.  —  k*  Enfin  dans 
la  joie  que  fait  ressentir  la  nouvelle  et  la 
méditation  d'une  mort  prochaine,  comme 
pour  saint  Philippe  de  Néri.  [Vay,  Bc?io!t 
XIV,  De  serv.  Dei  beatif.,  I.  ui,  c%  23.) 

Les  actes  qui  ont  la  propriété  d'augmen- 
ter en  nous  Vespérance  surnaturelle  et  in- 
fuse, sont  :  1*  d'avoir  en  toute  circonstance 
une  confiance  véritable  et  filiale  dans  la 
bootf,  la  toute-puissance  et  la  fidélité  de 
Dieu,  de  demander  et  d'attendre  de  Dieu 
seul  tout  secours,  tout  conseil,  fonte  force 
ci  toute  grâce,  de  lui  dédier  toutes  nos 
actions,  et  de  lui  adresser  d'humbles  actions 
de  grâces  ;  2*  d'avoir  confiance ,  non  dans 
rbomme*  ni  dans  les  créatures,  mais  avant 
tout  en  Dieu  ;  S*  de  penser  combien  d*hommrs 
le  Seigneur  a  d^jà  sauvés»  combien  oar  ses  mi- 
racles il  en  a  déjà  fait  parvenir  à  la  foi,  à  la 
pénitence  et  à  la  sainteté,  combien  dans  sa 

DicnoNsiAiRi  d'Ascétismv.  L 


miséricorde  il  en  a  préservé  dcsiplos  grands 
maux,  du  péché  et  de. l'enfer;  et,  s*il  se  pré- 
sente quelque  grand  mal,  quelque  grave 
danger,  de  recourir  d'abord  à  Dieu  et  anc 
saints  par  la  prière,  et  ensoKe  aux  remèdes 
humains  ;  h*  de  croire  fermement  que  nous 
et  toutes  les  créatures,  nous  ne  pouvons 
rien,  que  toute  notre  capacité  vient  de  Dieu, 
et  |)ar  conséquent  de  recourir  è  lui  dans 
tontes  nos  actions  avec  uneferme  confinnce. 

Crmme  le  principal  acte  do  Tei^péranoe 
Ihéologiqiie  est  Vatttnle  et  le  désir  de  VUer^ 
nelle  béatitude^  'nous  devons  sans  cesse  as- 
pirer à  l'obtenir,  aussitôt  qu'il  plaira  h  Dieu, 
et  être  toujours  prêts  k  nbendonnor  do 
grand  cœur  tous  les  biens  présents  et  mêron 
la  vie,  afin  de  parvenir  à  Paccomplissement 
de  ce  vœu  ; 

1*  C'était  là  le  sentiment  habituel  de 
David,  même  alors  que  les  portes  du  para- 
dis étaient  encore  fermées.  €omme  U  cerf 
êoupire  après  leâ  éutior,  s'écriatt-il  dans  l'ar- 
deur de  9on  désir,  de  même  mon  âme  lau- 
pire  aprfê  touêf  6  mon  Dieu!  Mon  âme  est 
toute  brûtante  pour  vout^  pour  te  Dieu  fort 
et  rivant.  Quand  viendrai''je^  et  quand  parai- 
trai-ie  déviant  la  face  de  mon  Dieu  f  (P«,  xu, 
%  3.)  Il  n'est  donc  pas  étonnant  combien 
devaient  être  ardentes  les  aspirations  des 
saints  du  Nouveau  Testament  vers  le  ciel* 
dont  les  portes  leur  étaient  ouvertes,  lésus- 
Cbrist  disant  :  Voici  gue  je  rienê  et  ma  r#- 
eompenee  est  avec  moi  ;  eoici  que  je  viens. 
Saint  Jean  s'empresse  de  lui  réimndre  : 
Venez,  Seigneur  Jésus.  Saint  Paul  disait  aux 
Romains  (viii,  23)  :  Nous  gémissons  en  nous-^ 
mêmes  f  dans  VatUnte  de  ta  rédemption  de 
notre  corps  et  de  Vadoption  divine.  Je  désirs 
d'être  dégagé  des  liens  du  corps  et  d'être  avec 
Jésus-Christ.  (Phil.  i,  23.)  Dans  cette  cou- 
fiance  que  nous  aroni ,  nous  aimons  mieux 
sortir  de  ce  corps  pour  aller  kabiter  avec  te 
Seigneur.  (II  Cor.  v,  8.) 

2*  Les  Pères  et  les  autres  saints  brûlaient 
du  même  désir.  «  Seigneur,  s'écriait  saint 
Augustin,  puissé-je  mourir,  afin  de  vous 
voir  I  Je  ne  veux  plus  vivre,  je  veux  mou- 
rir. Je  désire  d'être  dégagé  des  liens  du 
corps  et  d'être  avec  Jésus-Christ.  Je  désire 
de  mourir,  afi^ï  de  voir  Jésus-Christ.  Je  re- 
fuse de  vivre,  afin  de  vivre  avec  Jésue- 
rhrist.  »  (Solfloq.f  c.  1.)  ■  Si  jamais  je  t'on- 
blie,  Jérusalem*  disait  saint  Bernard,  que 
ma  main  droite  soit  vouée  h  l'oubli  t... 
Quand  briserez-vous  mon  enveloppe,  Sei- 
gneur Jésus  T  Quand  m'entourerez-vous  do 
joie,  afin  que  ma  gloire  vous  célèbre  et  que 

je  ne  sois  plus  accablé   de  tristesse  ? 

Quand  viendra  le  temps  où  nous  pourrons 
nous  plonger  au  sein  des  joies  étemelles 
dans  la  source  même  de  ta  Divinité?  » 
(Serm.  2  De  divers.) 

8*  La  raison  en  est  bien  simple.  D'almrd 
cette  aspiration  à  l'étemelle  béatitude  nous 
excite  puissamment  à  progresser  dans  la 
perfection  chrétienne;  ensuite  celui  qui 
manque  de  force  pour  désirer  sa  fin  der- 
nière, qui  est  la  possession  de  Dieu  par  sa 
vision  et  son  amour,  semble  par  cela  mémo 

21 


651 


ESP 


DIGTlONiNÂlRE 


ESP 


632 


manquer  de  force  daos  la  foi|  l'espérance 
-et  la  charité ,  par  conséqueut  dans  la  subs- 
tance du  christianisme;  donc  nous  devons 
iétre  souTent  animés  de  ce  désir.  EnQn,  celui 
qui  veut  efficacement  la  fin,  doit  vouloir 
«ussi  les  moyens  d'arriver  à  cette  fin  ;  or  le 
moyen  d'arriver  à  la  béatitude,  c'est  la  mort  : 
donc,  loin  de  la  fuir,  nous  devons  môme 
souhaiter  la  mort,  la  mort  dans  le  Seigneur. 

11  est  permis,  il  est  même  saint  de  désirer 
la  mort,  surtout  quand  ce  désir  est  inspiré 
par  l'amour  le  plus  pur  et  par  la  volonté  de 
s'unir  parfaitement  avec  Dieu.  Rodriguez 
l'enseigne  et  le  prouve.  (L.  i,  Exerc.  per- 
feet.f  tr.  8,  c.  19,  20,  21.)  Bien  plus,  daus 
tous  les  états,  c'est  non^seulement  une  af- 
faire de  perfection,  mais  même  une  obliga- 
tion d'aspirer  à  la  vision  de  Dieu  ;  et  bien 
des  exemples  ont  montré  qu'on  encourt  un 
chAtiment,  en  négligeant  ces  aspirations  sa- 
lutaires. {Aussi  sainte  Brigitte  raconte  ainsi 
une  révélation  qui  lui  avait  été  faite  par  la 
sainte  Vierge  sur  un  certain  ermite  mort 
tout  récemment  :  c  Sache  que  l'Ame  de  cet 
liomme  serait  entrée  dans  le  ciel,  tout 
aussitôt  après  sa  sortie  du  corps,  si  elle 
.avait  eu,  au  moment  de  la  mort,  le  parfait 
désir  de  parvenir  à  la  présence  et  à  la  vi« 
sion  de  Dieu.  C'est  pourquoi  elle  est  main- 
tenant retenue  dans  ce  purgatoire  du  désir, 
où  l'on  n'éprouve  d*autre  peine  que  le  seul 
désir  d'arriver  auprès  de  Dieu,  ji  (L.  iv 
MeveL^c.  127.)  Sainte  Gertrude  et  saiute  M  ec- 
tbilde,  dans  Blosius  (MonU.  spir,^  c.  13j, 
tiennent  le  même  langage,  ainsi  que  le  Vé- 
nérable Bède,  dans  quelques  révélations 
2u'il  raconte  (I.  v  J/tsi.  AngL^  c.  13),  et 
enys  le  Chartreux  {DiaL  de  jud.  part*^ 
<ۥ  31).  Bellarmin  admet  ce  purgatoire  du 
désir  (1.  u  Dt  purgat.f  c.  7),  et  bien  que 
Suarez  trouve  matière  à  de  graves  diilQcul- 
tés  sur  le  mode  et  le  lieu  de  ce  purgatoire 
(d,  k6  De  pœnit.f  f.  1),  à  moins  quon  ne 
J'entende  crune  manière  symbolique,  il  re- 
connaît toutefois  la  vérité  de  cette  doctrine, 
que  l'Ame,  tiède  dans  le  désir  de  voir  Dieu, 
soit  punie  en  ressentant  ce  même  désir 
après  la  mort,  sans  pouvoir  le  satisfaire  ; 
de  sorte  que  les  autres  chAtiments  ne  se- 
raient rien  en  comparaison  de  celui-ci,  et  en 
réalité  seraient  beaucoup  moins  rigoureux. 

Quoiaue  l'espérance  de  notre  éternelle 
béatituae  soit  certaine  par  elle-même,  ap- 
puyée qu'elle  est  sur  le  motif  de  la  bonté, 
de  la  toute-puissance  et  de  la  fidélité  de 
Dieu,  elle  est  néanmoins  incertaine  par  rap- 
port à  nous,  puisque  persomm«'est  certain 
de  posséder  la  grAce,  ni  d'y  pers^érer. 
Aus«i  n'exclut-eile  pas  toute  crainUf  et  ne 
peut-on  atteindre  en  cette  vie  cet  état  de 
perfection  où  l'on  ne  ressente  aucune  crainte 
des  chAtiments  éternels,  aucun  désir  de 
l'éternelle  récompense,  comme  le  veulent 
les  quiétistes.  Mais  bien  que  l'espérance  ne 
soit  accompagnée  ni  de  cette  crainU  mon-' 
datne,  par  laquelle  on  craint, comm»  un  mal, 
de  perdre  les  biens  temporels,  et  l'on  est 
disposé,  pour  les  conserver,  môme  à  violer  la 
loi  de  Dieu  ;  ni  de  cette  crainte  servilement 


eervile^  par  laquelle  on  craint  plus  le  chiti. 
ment  que  la  faute,  et  l'on  n'a  que  peu 
d'horreur  pour  celle-ci;  cependant  avee 
l'espérance  se  trouve  cette  crainte,  serviU 
quant  à  la  substance,  par  laquelle  on  a  ho^ 
reur  de  la  faute,  et  l'on  s'en  abstient  par  la 
crainte  des  chAtiments  ;  et  aussi  celte  cratnu 
filiale^  par  laquelle  on  craint  d'offenser 
Dieu,  par  horreur  de  l'offense  elle-mime, 
cette  dernière  crainte  est  un  don  du  Saini- 
Esprit  et  une  condition  requise  pour  Tes- 
pérance  héroïque. 

Celui  donc  aui  cherche  à  s'avancer  dans 
la  perfection  cnrétienne,  tout  en  s'exerçaot 
à  l'espérance  doit  aussi  s'appliquer  à  la 
crainte  de  Dieu.   Ainsi  l'enseignent  : 

1*"  L'Ecriture  sainte  :  La  crainte  du  Seigneur 
est  le  commencement  de  la  sagesse.  (Prov,  i, 
7.)  Sur  quijetterai'je  les  y  eux  y  sinon  sur  le 
pauvre  qui  a  le  cœur  brisé  et  gui  écouté  mei 
paroles  avec  tremblement?  (/sa.  lxvi,  2.) 
Opérez  votre  salut  avec  crainte  et  tremble- 
ment. {Phil.  Il,  12.) 

2°  Les  saints  Pères  :  a  Le  roi  du  ciel,  le 
Créateur  de  l'univers,  qui  ne  veut  aToir 
aucun  temple  terrestre,  daigne  recevoir 
dans  son  temple  Thomme  humble  et  paisi- 
ble, qui  écoute  sa  parole  avec  Iremblemenl. 
Le  Seigneur  jette  sur  lui  ses  regards  (S.  Jé- 
rôme, tfi  Is.f  L  c.)  «Il  est  rare,  dit  saint 
Augustin,  et  même  il  est  sans  exemple  que 
quelqu'un  veuille  devenir  chrétien,  sans 
ôtre  saisi  dé  quelque  crainte  de  Dieu.  »  {De 
catechiz.  rudt&.,  c.  5.)  «  J'ai  reconnu  avec 
vérité  qu'il  n'est  rien  de  plus  efGcace  nour 
mériter  ou  recouvrer  la  grAce,  que  d  être 
en  tout  temps  devant  Dieu  animé  de  senti- 
ments de  crainte.,  et  non  d'orgueilleuse  pré- 
somption. Heureux  Vhomme  qui  est  touioure 
tremblant.  »  (S.  Bernard,  serm.  54,  in  Cant,) 

3""  La  raison.  D'abord,  rien  n'est  plus  efll- 
cace  pour  conserver  la  grAce  que  cette  crainte 
et  cette  défiance  de  uous-mômes,  jointe  à 
l'espérance  et  à  la  confiance  en  Dieu,  puis- 
que, comme  le  remarquent  saint  Bernard  et 
saint  Ambroise,  d'illustres  saints  ooLélé 
entraînés  à  de  graves  chutes  par  trop  de 
présomption  et  par  défaut  de  crainte  et  de 
circonspection.  D'ailleurs  c'est  de  la  crairile 
de  Dieu  que  natt  la  force  :  par  elle  celui 
qui  craint  place  tout  son  espoir  en  Dieu 
qui  est  un  ferme  appui  pour  ceux  qui  k 
craignent  {ps.  xxiv,  ik);  et,  certes,  nous  en 
avons  une  preuve  éclatante  dans  le  courage 
et  la  force  des  saints  martyrs. 

Le  Chrétien  généreux  et  qui  aspire  aox 
grandes  choses  doit  donc  s'exciter  surtout 
à  l'espérance  :  il  doit  espérer  même  codt 
tre  toute  espérance,  se  rappelant  qu'elle 
ne  peut  jamais  être  trop  grande,  et  quii 
n'espérera  jamais  de  Dieu  autant  que  Dieu 
veut  qu'on  espère  de  lui.  Si  telle  est  son 
espérance,  il  accomplira  des  merveilles  au- 
dessus  des  forcés  de  la  nature.  Suivon> 
le  conseil  de  saint  Jean  Chrjsostome  : 
«  Chrétien,  ne  vous  écartez  pas  de  l'espé- 
rance qui  vous  est  proposée,  ne  perdez  pas 
la  gloire  de  la  persévérance,  ne  vous  livrez 
pas  à  Tesprit  de  révolte h&tez  voire 


ESP 


D^ASCETiSME. 


ESP 


Ooi 


course»  empressez-vous  d*a(leiodre  \e  bat , 
que  rennemi  ne  relarde  pas  folre  course» 

Sue  refl^érance  même  conduise  auprès  de 
iea  celui  cpn  s*empresse  vers  lui.  Suivez 
les  plus  rapides,  alleignez  les  relardalaires, 
dépassez  les  paresseux,  imitez  courageuse- 
meot  Ses  forts,  provoquez  les  autres  afin 
qu*ils  TOUS  provoquent;  car  il  atteint  bien- 
tôt l'objet  de  ses  désirs,  celui  qui  suit  les 
plus  rapides  el  qui  craint  de  se  laisser  de- 
vancer par  les  plus  lents.  Comparez,  si  vous 
pouvez,  les  peines  avec  les  mérites,  les 
sueurs  avec  les  récompenses,  la  course  avec 
le  royaume  étemel.  El  cependant  il  n'é- 
prouve aucune  peine,  celui  qui  s*eœpresse 
avec  l'aide  de  Dieu,  et  il  ne  ressent  aucune 
tàii^Bf  celui  qui  la  partage  avec  Jésus- 
Christ.  9  (  Hëwn.  de  flae^  spe  ei  char.)  Que 
Tespérance  nous  fasse  donc  concevoir  le 
plus  vif  désir  de  la  vie  éternelle,  afin 
d*ètre  parfaitement  unis  à  Dieu;  et  alors, 
malgré  les  craintes  que  doit  nous  inspirer  la 
connaissance  de  nous-mômes,  nous  serons 
puissants  en  toute  chose,  par  la  connais- 
sance de  Dieu,  qui  est  présent  partout,  qui 
peut  et  voit  tout  :  de  même  que  de  rien  il  a 
tout  créé,  de  même  il  agira  dans  notre 
eœor,  pourvu  que  nous  reconnaissions  que 
rien  ne  vient  de  nous-mêmes  et  que  tout 
▼ieni  de  Dieu. 

Maintenant  il  nous  reste  à  donner  quel- 
ques avis  aux  directeurs  sur  la  conduite 
des  âmes  dans  la  vertu  d'espérance... 

I.  Le  directeur  doit  veiller  avec  le  plus 
grand  soin  à  ce  que  l'espérance  ne  se  re- 
froidisse pas  dans  le  cœur  de  ses  pénitents; 
car  si  cette  vertu  s'affaiblit  en  eux,  i!  verra 
en  même  temps  s'affaiblir  toutes  les  autres 
vertus.  L'espérance  est  pour  TAme  ce  que 
les  esprits  vitaux  sont  pour  le  corps  :  elle 
donne  à  ses  opérations  1  activité,  la  vivacité 
et  Ténergie.  Si  les  esprits  vitaui  s'affaiblis- 
sent dans  le  corps,  la  force  d'agir  s'affaiblit 
aussi  dans  les  facultés  corporelles  ;  et  si  le 
corps  est  totalement  privé  des  esprits  vi- 
taux, il  n'est  plus  qu'une  masse  immobile 
et  incapable  ae  nulle  action.  De  môme,  si 
dans  lin  Chrétien  la  vertu  d'espérance  s'é- 
teint entièrement,  il  devient  incapable 
d  aucune  œuvre  sainte  ;  et  si  cette  vei  lu  ne 
meurt  pas  tout  à  fait,  mais  s'affaiblit  seule- 
ment, la  force,  la  vigueur  pour  le  bien  di- 
minue en  proportion.  En  un  mot,  le  Chré- 
tien qui  manijue  de  l'espérance  ne  peut  être 
un  bon  Chrétien;  et  la  perfection  chrétienne 
ne  peut  se  rencontrer  en  celui  qui  n'a 
qu'une  espérance  faible  et  imparfaite. 

Cependant  un  directeur  ne  laissera  pas  de 
rencontrer  des  personnes  adonnées  à  la  vie 
spirituelle,  dans  lesquelles  cette  vertu  de 
SI  haute  importance  n'a  point  de  fonde- 
ment, parce  qu'elles  tombent  facilement 
daas  la  défiance,  dans  l'abattement  et 
comme  dans  une  prostration  de  l'Ame. 
Aussi  arrive^t-il  que  cet  eng;ourdissement 
de  l'espérance  amène  le  refroidissement  de 
l'amour  divin,  la  négligence  dans  l'exercice 
des  vertus^  la  paresse  et  la  lenteur  dans  la 


pratique  des  bonnes  œuvres.  Mais. ce  qu'il 
importe  le  plus  de  remarquer  à  ce  sujef, 
c'est  que  l'on  ne  s'impute  point  è  péché,  on 
ne  se  reproche  nullement  ces  pensées  de 
défiance  ni  cet  engourdissement  dans  les 
affections  ;  et  que  souvent  on  prend  pour  de 
l'humilité  cette  basse  pusillanimité,  et  pour 
une  ves-tu  cet  abattement  déplorable.  Le  plus 
grand  mal  consiste  donc  en  ce  que  ces 
sortes  de  personnes  ne  prennent  point  leur 
mal  pour  un  mal  ;  et  ce  qu'il  y  a  de  plus 
dangereux  pour  elles  dans  cetîe  tentation, 
c'est  qu'elles  n'ont  pas  le  moindre  soupçon 
que  ce  soit  une  tentation.  «Si  donc  le  direc- 
teur a  è  conduire  des  Ames  de  cette  sorte 
iet  il  en  trouvera  souvent),  il  doit  s'efforcer 
relever  leur  cœur  abattu,  et  à  les  réveiller 
de  cet  assoupissement  qui  les  paralyse  :  car 
tant  qu'elles  demeureront  en  ce  triste  état, 
elles  ne  pourront  faire  aucun  progrès  daus 
la  voie  de  la  perfection 

11.  Mais  il  laut  examiner  ici  en  quoi  con- 
sistent ces  sentiments  de  déGance  et  de  dé- 
sespoir, vices  opposés  à  l'espérance,  et 
quelle  en  est  la  source:  car  si  le  médecin 
spirituel  connaît   bien  les  qualités  et  les 
causes  de  ces  deux  maladies,  il  lui  sera  fa- 
cile d'j  appliauer  les  remèdes  convenables. 
Selon  saint  Thomas,  «  le  désespoir  n'a  pas 
pour  seul  résulîatla  privation  de  l'espérance; 
mais  il  produit  encore  un  certain  éloigne- 
ment  de  l'objet  désiré,  en  faisant  croire  & 
rimpossibilité  de  l'obtenir.  »   (  1-2,  q.  44, 
art.  4.  )  En  outre,  le  même  saint  docteur 
expose  ainsi  l'origine  de  cet  éloigoement, 
de  cette  aversion  pour  l'objet  désiré,  qui 
constitue  principalement  la  malice  du  dé- 
sespoir: a  Le  désespoir  naît  de  la  crainte 
de  Dieu,  ou  de  l'horreur  du  péché,  en  tant 
qu'on  abuse  de  ces  sentiments,  bons  en 
eux-mêmes,  pour  eu  prendre'occasion  de 
se  livrer  au  désespoir.  »  (/6td.,  q.20,  art.  1.} 
Quant  h  la  défiance,  qui  ne  renferme  point 
un  tel  excès  de  malice,  il  faudra  rappeler 
manque  d'espérance,  ou  bien  espérance  lan- 
guissante, froide  et  chancelante,  née  d'un 
excès  insensé  de  la  crainte  de  Dieu  et  de 
rhorreur  du  péché.  II  y  a  donc  cette  diffé- 
rence entre  I  âme  qui  désespère  de  Dieu  et 
l'Ame  défiante,  que  la  première  s'éloigne 
entièrement  de  Dieu,  sous  prétexte  qu'il  lui 
est  impossible  d'obtenir  sa  grâce  ;  et  que  la 
seconde  n'abandonne  pas  Dieu  entièrement, 
ni  d'une  volonté  pleine,*  mais  cependant  no 
lui  est  point  unie  par  l'espérance,  ou  ne 
s'attache  h  lui  que  par  une  espérance  bien 
faible.  Saint  Thomas,  comparant  le  déses- 
poir avec  l'iaûJélité  et  la  Laine  de  Dieu, 
n'a  pas  craint  de  s  exprimer  en  ces  termes  : 
c  Si  l'on  demande  notre  avis  sur  le  déses- 

f|oir  comparativement  aux  péchés  d'infidé- 
ité  et  de  haine  de  Dieu,  nous  dirons  que  le 
désespoir  est  plus  dangereux,  parce  que 
l'espérance  nous  retire  du-  mal  et  nous  fait 
rechercher  le  bien  ;  aussi,  dès  que  rhomire 
perd  l'espérance,  il  n'a  plus  de  frein,  tombe 
de  vice  en  vice,  et  s  éloigne  des  i>onni'S 
œuvres.  »  (2-2,  q.  20,  art.  3.)  Avant  ce 
grand   docteur,   saint  Isidore  avait   dit: 


055 


ESP 


DICTIONNAIRE 


ESP 


656 


«  Faire  le  mal,  c'est  donuer  la  mort  à  Tâme  ; 
mais  désespérer,  c'est  descendre  dans  les 
enfers.  »  (Lib.  n  De  summ.  bonOf  c.  U.) 
Quant  à  la-  défiance,  on  ne  peut  en  dire 
autant,  il  est  vrai;  mais  toutefois,  elle  est 
aussi  eicessivement  dangereuse,  puisqu'elle 
provient  de  la  môme  source  que  le  déses- 
poir, c'est-à-dire  d'un  excès  abusif  de  crainte 
de  Dieu  et  d'horreur  pour  le  péché,  bien 
que  dans  la  défiance  cet  abus  soit  moins 
grave.  Si  elle  n'éloigne  pas  tout  à  fait  de 
Bieu,  au  moins  elle  ne  nous  rapproche  pas 
de  lui  par  l'espérance,  ou  ne  nous  en  rap- 
proche que  fort  peu  :  de  là  vient  qu'elle  a 
pour  résultat  de  nous  rendre  plus  négligents 
dans  la  pratique  du  bien,  et  de  nous  dispo- 
ser à  tomber  dans  le  péché.  II  est  donc  facile 
de  voir  qu'il  ne  faut  espérer  aucun  progrès 
dans  la  vie  spirituelle  pour  une  âme,  tant 
qu'elle  n'aura   pas    rejeté  ces  sentiments 
d'abattement  spirituel. 

Mais  puisque  un  excès  de  crainte  engen- 
dre non-seulement  le  désespoir,  mais  encore 
la  défiance  elle  découragement,  le  directeur 
doit  nécessairement  faire  en  sorte  que  la 
crainte  soit  modérée  par  l'espérance  dans  le 
cœur  de  ses  pénitents.  La  crainte  est  néces- 
saire ;  sans  elle,  l'âme  est  comme  un  navire 
qui  vogue  à  voiles  déployées,  mais  sans 
lest,  et  qui  va  se  précipiter  contre  les  écueils 
avec  d'autant  plus  de  vitesse,  qu'il  est  plus 
léger, L'espérance  est  également  nécessaire: 
l'âme  sans  espérance  est  un  vaisseau  sans 
rames  et  sans  voiles,  qui  reste  immobile  au 
Oiilieu  de  l'Océan,  sans  pouvoir  continuer  sa 
route.  Mais  l'âme  qui  craint  avec  l'espérance 
et  qui  espère  avec  la  crainte,  est  ce  navire 
heureux  qui,  poussé  par  un  vent  favorable 
et  maintenu  par  le  contre-poids  du  lest,  s'a- 
vance, arrive  à  bon  port.  Le  directeur  doit 
donc  veiller  à  ce  que  l'espérance  soit  tou- 
jours plus  grande  et  l'emporte  toujours  sur 
la  crainte,  selon  le  conseil  de  l'Apôtre,  qui 
nous  recommande  d'abonder  toujours  en 
espérance,  et  de  nous  remplir  de  la  force  du 
Saint-Esprit,  ut  abundelis  in  spe^  et  virtute 
Spiritus  sancti.  {Rom.  xv,  13.)  C'est  elle  en 
euet  qui  doit  imprimer  le  mouvement  à  nos 
œuvres  de  piété  et  être  l'âme  des  vertus. 
Si  la  crainte  marche  toujours  avec  l'espé- 
rance è  sa  suite,  il  n'y  aura  plus  lé  moindre 
danger  de  tomber  dans  la  défiance,  et  encore 
bien  moins  dans  le  désespoir:  en  effet,  la 
crainte  sera  humble  et  courageuse  tout  à  la 
fois,  étant  appuyée  sur  l'espérance;  et  l'es- 
pérance sera  ferme  et  modesie  tout  à  la  fois, 
étant  modérée  par  la  crainte.  C'est  pourquoi, 
si  un  directeur  trouve  des  âmes  défiantes,  il 
leur  ordonnera  de  méditer  souvent  sur  les 
motifs  propres  à  exciter  l'espérance,  et  de  se 
nourrir  abondamment  de  ce  sentiment  sa- 
lutaire dans  leurs  oraisons,  puisque  leur 
état  de  faiblesse  a  un  extrême  besoin  de 
cette  nourriture  fortifiante.  Mais  il  leur  re- 
commandera surtout,  aussitôt  qu'elles  se 
sentiront  abattues  par  la  crainte  des  peines 
éternelles  ou  par  1  horreur  de  leurs  fautes, 
de  faire  des  actes  d'espérance  et  de  les  répé- 
ter plusieurs  fois,  jusqu'à  ce  que  leur  esprit 


sorte  de  cet  abattement  et  reprenne  son  an- 
cienne vigueur. 

IIL  Comme  cette  horreur  excessive  du 
péché  et  cette  crainte  outrée  peuvent  natire 
de  diverses  causes,  à  savoir,  du  souveoir  des 
péchés  passés,  de  la  considération  des  fautes 
présentes,  ou  de  l'inconstance  de  la  volonté 
dans  le  bien  et  de  la  rechute  dans  le  mal,  et 
enfin  de  l'appréhension  des  peines  futures, 
le  directeur  doit  avoir  pour  tous  ces  cas  des 
remèdes  à  appliquer  aux  âmes  tourmentées 
par  un  excès  de  crainte. 

Si  la  défiance  naît  de  l'horreur  que  Ton 
éprouve  pour  les  péchés  de  la  vie  passée,  le 
directeur  fera  remarquer^aux  pénuents  que 
nos  péchés,  quelque  énormes  et  nombreui 
qu'ils  soient,  sontce|iendant  toujours  mom 
grands  que  la  miséricorde  infinie  de  Dieu; 
et  que,  par  conséquent,  ils  n'ont  aucune 
raison  de  désespérer,  mais  seulement  de 
délester  leurs  péchés.  Voici  comme  saint 
Basile  s'exprime  à  ce  sujet  :  «  Puisque  les 
péchés  ne  sont  point  infinis  ni  en  énormilé 
ni  en  nombre,  et  que  les  miséricordes  de  Dieu 
n'ont  point  de  bornes,  ui  pour  la  grandeur 
ni  pour  le  nombre,  il  est  hors  de  doute  qu'on 
ne  doit  jamais  se  livrer  au  désespoir;  maisil 
suffit  de  reconnaître  la  miséricorde  de  Dieu 
et  de  détester  les  péchés  que  l'on  a  commis.* 
{ReÇj,  brev.fq.  13.)  «Qu'est-ce  que  le  péché, 
dit  saint  Jean  Chrysostomé,  en  comparaison 
de  la  miséricorde  de  Dieu?  Une  toile  d'a- 
raignée qui  disparaît  pour  toujours  au  soufile 
du  vent.  »  (Hom.  2  tn  ps.  l.j  Et  quand  le 
directeur  ajouterait,  pour  rassurer  son  péni- 
tent. Que  tout  l'amas  de  .ses  grauds  crimes, 
plonge  dans  l'océan  immense  de  la  miséri- 
corde divine,  est  comme  une  goutte  de  fi;l 
dans  un  océan  de  lait,  il  n'exagérerait  poiut, 
il  serait  encore  en  dessous  du  vrai. 

Mais  si  le  pénitent  qui  éprouve  une  craioio 
excessive  pour  sesnéchés  passés  fonde  cette 
crainte  sur  ses  confessions  précédentes  et  sur 
la  pensée  qu'il  ne  s'est  pas  bien  confessé,  le 
directeur  examinera  sur  quel  fondement 
cette  crainte  s'appuie.  S'il  n'en  trouve  au- 
cun, il  ordonnera  à  son  pénitent  dt  faire 
des  actes  de  douloureuse  contrition  sur  les 

{)échés  qu'il  a  commis;  et.  s'il  a  péché  mille 
bis,  de  se  repentir  mille  fois,  mais  de  s'ea 
tenir  là  désormais.  Car  n'étant  pas  tenu  de 
^aire  une  nouvelle  confession,  puisqu'iU 
fait  une  légitime  accusation  do  ses  péchés, 

Ear  des  actes  réitérés  de  contrition,  i'/^^ 
lira  de  plus  en  plus  en  sécurité  à  l'égard 
du  pardon  de  ces  fautes,  si,  pour  une  cause 
inconnue,  elles  n'avaient  pas  encore  été  re- 
mises. C'est  le- conseil  de  saint  JeanChry- 
sostome  :  «  Ne  dites  pas,  je  suis  un  blasphé- 
mateur ;  ne  dites  pas,  Je  suis  un  persécuteur, 
un  impudique:  vous  avez  des  exemples  de 
tous  ces  crimes  ;  en  quel  port  voulez-jous 
vous  réfugier?  Voulez-vous  le  chercher  daus 
la  Loi  nouvelle,  ou  dans  Tancienne?  Dans 
.  l'ancienne,  vous  avez  David  ;  dans  la  nou- 
\  velle,  vous  av€?z  Paul.  Ne  me  présentez  point 
d'excuses,  n'alléguez  point  votre  lâcheie. 
Vous  avez  péché?  Repeniez-vous.  >otts 


es? 


ESP 


D'ASCETISME. 


ESP 


65S 


ATez  mille  fois  péchf^?  Repentez-Tous  mille 
fois.  »  (Hom.  2tit  p$.  l.) 

Si  la  déûance  nattde  la  considération  des 
fautes  présentes  et  de  Pinconstance  t|ue 
Thomme  éprouve  à  Tégard  de  ses  bons  pro- 
pos, comme  il  arrive  assez  souvent  aux  per- 
sonnes  spirituelles,  à  qui  la  rechute  fré- 
quente dans  les  fautes  qu'elles  ne  voudraient 
plus  commettre,  et  le  sentiment  de  passions 
encore  vives  inspirent  de  la  défiance  con- 
cernant leur  avancement,  le  directeur  doit 
exciter  ces  sortes  de  personnes  à  mettre 
dans  le  secours  de  Dieu  une  grande  con- 
fiance, dans  cotte  pensée  ou'une  entière  vic- 
toire sur  soi-même  est  1  œuvre  de  la  grâce 
et  un  don  de  Dieu,  que  la  bonté  divine  ne 
refuse  à  aucun  de  ceux  qui  Tespèrent  et  la 
liemandent.  On  doit  les  ranimer  encore  par 
Fexemple  de  saint  Pierre,  qui,  choisi  pour 
Tapostolat  entre  tant  de  aulliers  d*bommes, 
et  élevé  seul  parmi  les  apôtres  à  la  sublime 
dignité  du  souverain  pontificat,  est  tombé 
cependant  si  honteusement,  après  la  pro- 
messe plusieurs  fois  réitérée  de  ne  pas  tom- 
ber; et  oui,  nonobstant  cette  chute,  est 
parvenu  a  une  sainteté  si  éminente.  «  Si 
Pierre,  dit  saint  Bernard,  après  une  ''telle 
chute,  est  parvenu  à  une  sainteté  si  su- 
blime, qui  désormais  |)Ourrait  désespérer, 
avec  la  volonté  de  quitter  le  péclié?  » 
(Serm.  8  m  sol.  Pétri  et  PaulL) 

Si  enfin  la  défiance  du  pénitent  a  sa  source 
dans  une  crainte  excessive  des  peines  de 
Tautre  vie,  le  directeur  doit  lui  rendre  l'es- 
pérance par  la  considération  des  douleurs 
que  le  Fils  de  Dieu  a  souffertes  pour  nous, 
afin  de  nous  délivrer  des  peines  éternelles 
et  de  nous  rendre  éternellement  heureux. 
Aussi  écoutons  ce  que  nous  dit  saint  Paul  : 
Rappelez-^ous  la  pensée  de  celui  qui  a  tant 
souffert  de  la  part  des  pécheurs^  afin  que  votre 
esprit  ne  tombe  point  dans  un  abattement  qui 
répuise.  {Bebr.  xii,  3.)  Qu'on  se  rappelle 
encore  cette  belle  parole  de  saint  Jean  : 
Dieu  a  tellement  aîmé  le  monde^  qu'il  a  donné 
son  fils  unique^  afin  que  quiconque  croit  en 
lui  ne  périsse  pas  ^  mais  obtienne  la  vie  éter- 
nelle, (Joan,  iij,  16.)  Et  si  pour  relever  un 
cœur  abattu  par  une  crainte  outrée,  ces  pro- 
messes si  claires  ne  sont  pas  sufiisantes, 
qu*on  lui  répète  ces  paroles  du  Sauveur,  par 
lesquelles  il  témoigne  qu'il  est  venu  princi- 
palement dans  le  monde  pour  le  salut  des 
pécheurs  :  Je  ne  suis  point  venu  appeler  les 
justes^  mais  Us  pécheurs  (Matth.  ix,  13); 
et  ces  autres  par  lesquelles  il  nous  assure 
qu*il  laisse  quatre-ving-t-<lix-neuf  brebis  pour 
aller  à  la  recherche  d'une  seule  qui  s'est 
égarée,  et  la  ramener  au  bercail.  En- 
suite il  faudra  lui  ordonner  de  répéter  sou- 
vent ces  paroles  de  Job,  qui  sont  si  propres 
à  rappeler  à  l'espérance  un  cœur  abattu  : 
Quand  même  vous  me  feriez  mourir^  f  espère^ 
rai  en  vous^  et  vous  serez  mon  sauveur  l  Oui, 
Seigneur  Jésus,  vous  m*avez  donné  tant  de 
de  gages  du  salut  éternel,  que,quand  même 
vous  seriez  là  prêt  kfme  frapper  du  glaive  de 
TOire  justice,  j'espérerais  cependant  en 
TOUS.  Vous  êtes  mon  Rédempteur;   vous 


êtes  mon  Sauveur.  Qui  craindrais-je?  Pour-« 
quoi  tremblerais-je?.. 

ESPRIT  (DOHS   BT  FRUITS  DU  SAINT-).  — 

La  grAce  sanctifiante  ou  la  charité  habi- 
tuelle, ce  don  principal  du  Saint*-Esprit, 
n'est  jamais  donnée  seule.  Elle  est  toujours 
accompagnée  de  plusieurs  autres  dons,  c'est- 
à-dire,  1*  des  vertus  infuses  ou  surnatu- 
relles, la  foi,  l'espérance,  la  charité  et  la 
vertu  de  pénitence ,  ainsi  que  de  plusieurs 
autres  qui  découlent  des  vertus  théologales  ; 
2*  des  sept  dons  du  Saint-Esprit,  de  ses 
douze  fruits  et  des  huit  béatitudes:  autant 
de  faveurs  dont  l'Esprit-Saint  est  le  prin- 
cipe, et  qui  croissent  encore  jusqu'à  faire 
de  nous  des  héros  chrétiens,  selon  la  dis- 

{ position  et  la  préparation  de  nos  âmes.  {Voy. 
e  mot  BÉATITUDES.) 

Nos  facultés  int('*rieures  ont  été  affaiblies 
et  presque  ruinées  par  le  péché.  Nous  avions 
donc  besoin  d'être  guéris  et  fortifiés.  Le 
Saint-Esprit,  par  ses  sept  dons  inséparables 
de  la  grâce  sanctifiante,  guérit  la  laiblesse 
de  la  volonté,  rélorme  les  erreurs  on  dis- 
sipe l'ignorance  de  l'entendement,  et  les 
rend  par  là  capables  de  faire  le  bien.  C'est 
à  l'aiae  de  ces  grâces  que  les  apôtres  et  les 
autres  saints  de  tous  les  temps  ont  couru 
avec  la  vitesse  du  cerL  et  volé  comme  arec 
les  ailes  de  la  colombe^  dans  les  voies  de 
Dieu; c'est  par  ces  grâces  que,  s'élevant  au- 
dessus  de  la  terre  et  des  choses  de  la  terre, 
ils  ont  su  prendre  leur  essor^  et  pénétrer 
en  esprit  jusque  dans   les  cieux ,  pour  y 

f)rendre  les  affections,  les  sentiments  et  le 
angage  des  saints.  De  là  vient  que  le  pro- 
phète Isaïe  nous  les  représente  comme  des 
espritSy  et  leur  en  donne  le  nom.  Saint 
Paul  appelle  leurs  opérations  extérieures, 
ou  le  don  de  parler  avec  une  haute  sagesse^  ou 
celui  Renseigner  avec  science^  etc..  VEcclé- 
siastique  représente  ces  mêmes'  grâces, 
comme  des  dons  particuliers  dont  Dieu  rem- 
plit l'âme,  et  des  dispositions  qui  demeu- 
rent en  elle  sous  le  titre  A*esprxt  de  sagesse 
ou  dk  entendement.  Ce  sont  autant  d'habitudes 
surnaturelles  et  permanentes  qui  disposent 
l'âme,  1  excitent  à  suivre  les  voies  de  la 
vertu,  et  à  correspondre  aux  inspirations 
du  Saint-Esprit;  rendent  la  mémoire  plus 
propre  à  retenir  sts  impressions;  l'enten- 
dement et  la  volonté  plus  dociles  à  ses  lu- 
mières et  à  ses  bons  mouvements. 

Le  premier  de  ces  dons  est  le  don  tintel^ 
ligence. 

Le  don  d'intelli^encei  considéré  comme 
don  du  Saint-Esprit,  apprend  à  l'âme  à  pé- 
nétrer les  choses  surnaturelles,  non-seule- 
ment par  la  simple  connaissance  que  nous 
en  donne  la  foi,  ou  par  l'étude  et  les  re- 
cherches que  nous  en  faisons,  mais  par 
Texpérience  et  le  goût  des  choses  divines 

Ïue  donne  l'union  habituelle  avec  Dieu, 
'état  de  stupidité  où  nous  a  réduits  la  cor- 
ruption de  notre  nature,  nous  rend  incapa- 
bles, ou  beaucoup  moins  capables,  soit  de 
concevoir  les  motifs  de  notre  sainte  foi, 
soit  de  comprendre  la  sagesse  et  de  décou- 
vrir la  sainteté  des  lois  divines^  soit  enfin 


659 


ESP 


DICTIONNAiriE 


ESP 


660 


Je  nous  former  une  juste  idée  de  nos  de- 
voirs; ce  qui  nous  expose  à  beaucoup  de 
tentations  différentes;  tels. sont  les  doutes, 
les  troubles*,  les  incertitudes  qui  nous  agi- 
tent sur  les  vérités  révélées  :  tels  sont  en- 
core Tamour  des  plaisirs  sensuels  et  des 
biens  de  la  terre»  le  dégoût  et  le  mépris 
môme  des  choses  spirituelles.  Le  remède  à 
ces  maux  el  à  Tappesantissement  de  notre 
o^prit,  qui  on  est  la  cause,  c'est  le  don 
d'inlelligence  qui,  élevant  notre  Ame  au- 
dessus  des  nuages  de  rignoraiice,  lui  fait 
saisir  les  grands  motifs  de  foi,  d'amour,  de 
confiance  et  des  autres  vertus  que  nous  pré- 
sente notre  sainte  religion,  et  qui  nous  cou- 
(irment  dans  la  foi.  L*Esprit-Saint  nous  en 
donne  la  certitude  la  plus  lumineuse  et  la 
plus  inébranlable;  il  nous  fait  voir  claire- 
ment et  il  nous  fait  vivement  sentir  au  fond 
de  notre&mele  pouvoir  des  vérités  révélées; 
il  fait  nairre  dans  notre  esprit  de  saintes 
pensées  qui  enQammenl  nos  cœurs  et  les 
remplissent  de  pieuses  aiîeetions  etde  sainis 
désirs.  Fotis  m'avez  découvert^  6  mon  Dieu  ! 
les  secret»  et  les  profondeurs  de  votre  sagesse^ 
disait  le  saint  roi.  Saint  Augustin,  aorèssa  con- 
version, ne  pouvait  se  rassasier  ae  contem- 
jilcr  la  sublimité  des  conseils  de  Dieu  dans  le 
mystère  de  noire  rédemption.  David  frappé 
de  la  grandeur  de  ce  don  d'intelligence  di- 
sait :  Heureux,  Seigneur,  l'homme  que  vous 
daignez  instruire,  et  à  c^ui  vous  donnez  la 
connaissance  de  votre  loil  » 

2*  Le  don  de,  sagesse,  comme  don  de  TEs- 
prit-Saint,  nous  fait  connaître  les  vérités  sur- 
naturelles, non  par  l'expérience  et  le  senti- 
ment, mais  en  nous  élevant  jusqu'à  la  con- 
naissance ou  des  vérités  divines  les  plus 
inaccessibles  h  la  raison  humaine,  ou  des 
plus  sublimes  mystères  qui  les  renferment. 
C'est  ainsi  que  la  sagesse  de  Dieu,  sa  misé- 
ricorde et  ses  autres  attributs  se  découvrent 
dans  le  mystère  de  la  Trinité,  dans  celui  de 
llnc^rnation,  etc.  L'excellence  de  ce  don  est 
admirablement  développée  dans  les  livres  sa- 
pientiaux.  Elle  éclaire,  dit  un  auteur  célèbre, 
elle  déitie  en  quelque  sorte  l'esprit  humain, 
celte  sagesse  descendue  du  ciel. 

d!'  La  science  donne  les  mêmes  connais- 
sances, mais  par  des  voies  moins  élevées, 
c'est-à-dire,  par  des  causes  qui  sont  à  la 
portée  de  notre  raison,  comme  la  création, 
jdi  divine  Providence,  etc.  Par  ce  don  et  le 

E recèdent,  nous  apprenons  à  mépriser  les 
agalelles  de  la  terre,  et  nous  nous  formons 
les  plus  hautes  idées  des  choses  divines; 
nous  les  contemplons  avec  délices,  et  nous 
nous  perfectionnons  dans  la  connaissance 
de  Dieu;  d'oi!i  il  arrive  que  nous  croissons 
tous  les  jours  en  amour,  et  que  nos  cœurs 
s*unissent  toujours  à  lui  de  plus  en  plus, 
cr  Elles  portent  avec  elles,  dit  saint  Bona- 
venture,  un  goût  intérieur  qui  remplit  l'âme 
de  suavité,  et  qui  a  fait  dire  au  Psalmiste  : 
Goûtez  et  voyez  combien  le  Seigneur  est 
doux, 

4*"  Le  don  de  conseil  est  la  science  expé- 
rimentale et  le|goût  des  choses  célestes,  tel 
quk)n  vient  de  le  représenter,  considéré  en 


tant  qu'il  aide  rentendemenl  à  mettre  les 
vérités  saintes  en  pratique.  Ce  don  nous  fait 
éviter  la  précipitation^  la  négligence,  Hin- 
discrétion  et  autres  dangers  semblables;  il 
nous  montre  ce  que  nous  devons  faire  pour 
accomplir  les  volontés  et  les  commande- 
ments du  Seigneur,  et  pour  remplir  digQ^ 
ment  le  devoir  delà  prière,  en  visage  dans  tons 
ses  détails.  Je  vous  donnerai  rintelligence, 
dit  le  Seigneur f  et  je  vous  enseignerai  la  voie 
par  où  vous  devez  marcher.  La  vertu  morale 
de  prudence,  soit  acquise,  soit  infuse,  dirige 
l'homme  dans  sa  conduite;  elle  le  guide  dans 
la  pratique  des  vertus  ;  elle  est  comme  son 
œil.  Il  en  est  ainsi  du  don  du  conseil  par 
rapport  aux  vertus  théologales  et  à  tout  ce 
qui  tend  à  une  Gn  surnaturelle.  Montm- 
moi.  Seigneur,  vos  voies  et  dirigez  mes  pai. 
Le  conseil  vous  gardera  et  vous  préserTera 
de  tout  danger. 

5"  La  force  comprend  toutes  sortes  de 
vertus,  étant  prise  pour  la  résolution  ferme 
et  constante  de  résister  à  toute  mauvaise 
suggestion  et  de  pratiquer  toutes  les  vertus 
chrétiennes;  car,  il  n'y  a  point  de  vertu  sans 
cette  disposition.  Hais  elle  est  une  vertu 
particulière,  et  on  la  met  au  nombre  des 
vertus  cardinales,  si  on  la  prend  pour  cette 
habitude  morale  de  l'Ame  oui  nous  enseigne 
à  modérer  nos  craintes  d  une  part,  el  de 
l'autre  notre  confiance,  en  réprimant  ce  au*il 
y  a  de  présomptueux  et  de  téméraire  dans 
notre  courage.  Elle  rend  l'homme  capable 
d'entrenrendre  des  choses  difficiles,  et  da 

f)orter  uans  la  pratiquo  et  dans  la  carrière  de 
a  vertu  le  poids  des  difficultés  avec  une  fer- 
meté raisonnable,  mâle  et  tranquille.  Cette 
dernière  disposition  habituelle  est  la  plus 
héroïque,  comme  Ta  fait  voir  saint  Thomas. 
C'est  elle  qui  a  inspiré  les  martyrs,  quand, 
pour  la  cause  de  la  vertu,  ils  ont  souffert 
les  tourments  et  la  mort  avec  une  intrépi- 
dité réfléchie  et  toujours  égale.  La  force. 
comme  don  du  Saint-Esprit,  porte  l'homnie 
à  faire  et  à  souffrir  tout  ce  qu'il  est  capable 
de  faire  et  d'endurer;  ses  œuvres  partent  en 
effet  d'un  principe  bien  supérieur  aui  for- 
ces do  la  nature,  l'impulsion  du  Saint-Esprit, 
auquel  l'âme  qui  est  gratiflée  de  ce]doo  obéit 
toujours  avec  une  égale  fermeté;  an  lien 
que  les  vertus  morales,  appuyées  uniq|j«- 
ment  sur  elles-mêmes,  ne  rendent  docilcî 
qu'à  la  raison.  De  là  vient  qu'il  inspirée 
l'âme  des  entreprises,  et  lui  fait  remporter 
des  victoires  bien  plus  dignes  d'admirali^n 
et  de  louange,  que  tout  ce  qui  a  jamais  éic 
inspiré  par  Ta  nature. 

C'est  ainsi  que  le  don  de  force  a  rcndo 
les  martyrs  invincibles  au  milieu  de  tous 
les  affronts,  de  tous  les  supplices,  de  toutes 
les  persécutions,  et  leur  a  fait  endurer  a 
pauvreté,  les  maladies,  les  souffrances  de 
toute  espèce,  avec  un  héroïsme  inconnu, un 
courage  surnaturel  ;  car,  telle  est  la  ▼ertu 
de  ce  don,  qu'il  fortifie  l'âme  contre  les  ten- 
tations de  pusillanimité  et  lui  fait  mépriser 
toutes  sortesdecraintes,  de  périls  etde  maux. 

6*  La  piété,  considérée  comme  don  do 
Saint-E««pril ,  ne  doit  pas  être  confondue 


66t 


ESP 


D'ASCETISME. 


ESP 


atee  celte  ioclhiation  nalureHe  de  teo* 
dresse  etd'altachemeDt  qu'on  éprouve  pour 
ses  parents,  pour  ses  concitoyens,  pour 
sa  patrie  ;  ni  avec  cette  vertu  morale  qui 
nous  rend  Gdèles  à  remplir  tout  ce  que  nous 
leur  devons.  C'est  une  disposition  surnatu- 
relle et  infuse  de  Tâme ,  qui  la  rend  docile 
aux  salutaires  impressions  de  ITsprit-Saint, 
qui  la  remplit  surtout  du  plus  tendre  res- 
pect envers  Dieu,  comme  notre  maître  sou- 
verain, comme  un  père  infiniment  bon  ;  et, 
en  vue  de  Dieu,  nous  remplit  d'attachement 
et  de  tendresse  pour  tous  nos  semblables, 
comme  lui  appartenant,  et  portant  sur  eux  les 
traits  divins  de  son  image.  Cette  disposition, 
nous  devons  la  cultiver  et  la  perfectionner 
tous  les  jours,  soit  dans  les  affections  du 
cœur,  soit  dans  nos  paroles  et  nos  œuvres. 
Exercez^ vous  à  lapUté^  disait  TApôtre  à 
son  disciple  Timothee. 

7*  La  crainte  de  Dieu^  comme  don  du 
Saint-Esprit ,  est  la  crainte  de  lui  déplaire, 
pour  l*amour  que  nous  lui  portons.  Elle 
nous  fait  apprénender  bien  moins  la  puni- 
tion de  l'offense  que  l'offense  même.  Comme 
vertu,  elle  naît  du  divin  amour,  et  c'est 
aussi  le  divin  amour  qui  l'entretient. Comme 
don  du  Saint*Esprit,  c'est  une  soumission 
permanente  et  habituelle  de  l'âme  à  Dieu, 
accompa^ée  du  plus  profond  respect  pour 
son  infinie  majesté  ;  de  la  crainte  d'encou^ 
rir  sa  disgrâce  jusque  dans  les  plus  petites 
choses,  et  d'un  ardent  désir  de  faire  toujours 
sa  volonté  avec  les  dispositions  les  plus 
parfaites.  Due  proi>riété  essentielle  de  ce 
don,  c'est  de  bannir  les  tentations  de  pa- 
resse, de  négligence,  de  présomption,  d'a- 
mour de  soi-même.  Il  est  encore  un  aiguil- 
lon contiuuel  à  la  pratique  de  toutes  les 
Tertus,  et  inspire  la  plus  grande  vigilance 
contre  les  dangers  et  les  occasions  du 
péché. 

Les  quatre  premiers  dons  qu'on  vient 
d'expliquer  guérissent,  fortifient  et  élèvent 
l*enlendement  ;  les  autres  perfectionnent  la 
Toloité  et  la  forment  à  la  pratique  des  ver* 
tus  héroïques.  Nous  y  trouvons  un  glaive  et 
tout  à  la  fois  un  bouclier  spirituel  ;  des 
armes  défensives  et  offensives  contre  nos 
ennemis  et  de  puissants  secours  pour  notre 
avancement  dans  la  perfection,  pour  la  vie 
contemplative  et  la  vie  active.  Les  vertus 
morales  et  les  deux  premières  des  vertus 
théologales  peuvent  habiter  dans  une  âme 

3ui  a  (>erdu  la  grâce  sanctifiante,  et  pro- 
uire  les  fruits  qui  leur  sont  propres;  mais 
les  dons  du  Saint-Esprit  ne  peuvent  exister 
sans  celte  grâce  ;  et,  unis  avec  elle,  ils  élè- 
vi^nt  la  puissance  de  l'âme  à  tout  ce  que  la 
I perfection  chrétienne  a  de  plus  sublime; 
surtout  dans  l'ordre  des  vertus  théologales 
qtii  tiennent  le  premier  rang  par  rapport 
au  grand  ouvrage  de  notre  sanctification; 
rien,  en  effet,  ne  peut  nous  attacher  à  Dieu 
l*fus  efficacement,  ni  lui  rendre  plus  de 
l^loire  en  nous.  Ces  sept  dons  sont  donc 
îf  iférieurs  aux  vertus  théologales,  quoiau'ils 
leur  communiquent  une  grande  activité;  et 
it3  sont  d'un  ordre  supérieur  aux  béatitu- 


des, au-dessous  desquelles  il  faut  placer» 
dans  rénumération  des  richesses  et  aes  or- 
nements de  l'âme,  les  habitudes  des  vertus 
morales.  Ils  comprennent  encore  sous  eux 
beaucoup  d'autres  dons  gue  saint  Paul  n*a 
pas  omis  dans  le  détail  oji  il  entre,  en  écrivant 
aux  fidèles  de  Corinthe.II  en  est  ainsi  des  fruité 
du  Saint-Esprit  9  que  le  même  ApAtre,  et» 
après  lui,  les  écoles  de  théologie,  féduisent 
au  nombre  de  douze. 

Les  fruits  sont  autant  de  perfections  ha- 
bituelles et  permanentes,  opérées  par  la 
présence  de  l'Esnrit*Saint  et  par  sa  grâce 
sanctifiante  ;  perfections  dont  les  actes  sont 
des  effets  de  ses  mouvements  intérieurs  ou 
de  ses  inspirations,  et  qui  maintiennent 
dans  un  ordre  parfait  toutes  les  puissances 
de  l'âme.  Elles  sont  différentes  ces  vertus 
qui  portent  le  même  nom  et  qui  doivent  les 
précéder  ;  ce  sont  des  habitudes  du  premier 
ordre,  par  lesquelles  Dieu  élève,  facilite, 
perfectionne  et  couronne  ces  vertus,  et  les 
porte  au  plus  haut  degré  de  mérite,  en  fai- 
sant avancer  l'âme  aussi  loin,  pour  ainsi 
dire,  qu'elle  peut  aller,  dans  les  voies  spi- 
rituelles. Pour  développer  encore  cette  même 
vérité,  ces  fruits  sont  autant  d'effets  parti- 
culiers de  la  divine  charité  qui,  avec  leur 
secours,  Kouverne  les  affections  du  cœur, 
l*par  Yinfluenee  qu'elle  a  sur  lesactes  qui  lui 
sont  propres,  c'est-à-dire,  sur  les  actes  d'a^ 
mour  qui  ont  Dieu»  le  prochain  et  nous- 
même  pour  objet  ;  2*  par  la  foie  sainte  qu'elle 
répand  dans  Tâme,  joie  qui  est  pour  elle  un 
festin  continuel,  et  une  sorte  de  paradis 
anticipé  ;  3*  par  ta  paix  intérieure  dont  elle 
jouit,  soit  avec  Dieu ,  soit  avec  le  prochain, 
autant  qu'il  est  en  elle,  soit  avec  eUeninême  ; 

Eaix  que  rien  ne  peut  troubler  au  monde  ; 
'  et  5*  par  la  patience  et  la  longanimité  dont 
TEsprit-Saint  arme  le  Chrétien  qui  aime 
Dieu ,  malgré  tous  les  maux  gui  lui  vien- 
nent du  dehors.  C'est  par  ces  impressions, 
en  effet,  de  la  présence  de  l'Esprit-Saint, 
qu'un  Chrétien  gouverne  tous  ses  mouve- 
ments intérieurs  et  extérieurs.  A  l'égard  du 
prochain,  les  biens  qu'elle  produit,  sont  : 
6*  la  bienveillance  ou  la  vo'onté  de  faire  du 
bien  à  tous  ;  7'  la  6oft/^ou  l'humanité,  c'est- 
è-dire,  l'exécution  de  cette  bonne  volonté  ; 
8*  la  douceur^  qui  lui  fait  endurer  toutes 
sortes  d'injures;  9*  la  fidélité  ou  la  sincérité 
qui  fait  abhorrer  toute  tromperie  et  tout  ce 

3ui  ressent  la  mauvaise  foi.  Enfin,  à  l'aide 
e  la  charité,  l'âme  sait  se  gouverner  k  l'é- 
gard des  choses  qui  sont  au-dessous  d'elle; 
10*  par  la  modestie ,  qui  règle  et  compose 
tous  les  mouvements  du  corps;  11*  par  la 
chasteté.qm  met  un  frein  à  la  concupiscence; 
12*  par  la  tempérance^  qui  retient  les  plai- 
sirs légitimes  dans  les  justes  bornes  du 
devoir. 

ESPRIT  (  Discernement  de  l'  ).  —  Yoyex 
Discernement,  Directecr. 

ESPRIT  (Mortification  de  l').  — Foy«* 
Mortification,  Etude. 

ESPRIT  (  Vol  de  l'  )  —  Espèce  de  ravis- 
sement que  nous  a  retracé  sainte  Thérèse* 
Ce  ravissement  consiste,  dit  la  sainte,  <  eu 


«63 


ESS 


DlCTiOiNNAlRE 


ESS 


m 


ce  que  TAnae  se  sent  quelquefois  emporléo 
pftr  un  mouvement  si  prompt,  et  qui  lui 
donne  au  commencement  tant  de  crainte,... 
que  ceux  à  qui  Dieu  fait  celte  faveur  out 
besoin  de  beaucoup  de  courage,  de  foi  et  de 
résignation,  pour  s'abandonner  entièrement 
l  sa  sainte  volonté.  Car,  croyez-vous  aucune 
personne  qui  est  dans  une  entière  liberté 
d'esprit,  puisse  ne  se  point  troubler  de  sen- 
tir ainsi  cnlerer  son  Âme,  et  quelquefois 
son  corps  avec  elle,  comme  nou9  le  lisons 
de  quelques  saints,  sans  savoir  d'où  ni  com- 
ment lui  viennent  ces  transports.  Que  si 
vous  me  demandez  si  Ton  peut  résister  à  un 
mouvement  si  impétueuxt  je  réponds  que 
i^on  f  et  que,  si  Ton  s'y  efforçait ,  ce  serait 
encore  pis». 

«  Ce  ravissement  de  l'esprit  si  impétueux 
est  tel,  uu*]l  semble  que  véritablement  il  le 
sépare  de  son  corps Il  parait  à  TAme 

Su'etle  est  dans  une  région  entièrement 
ifférente  de  celle  oà  nous  sommes  ;  elle  y 
voit  une  lumière  incomparablement  plus 
brillante  que  toutes  celles  d'ici-bas,  et  elle 
8c  trouve  instruite  en  un  instant  de  tant  de 
choses  merveilleuses,  qu'elle  n'aurait  pu, 
avec  tous  ses  etforts,  en  imaginer  en  plu- 
ijfieurs  années  la  moindre  partie.  >> 

En  pareille  matière,  il  suffit  d'entendre 
parler  les  saints.  {Voy.  le  mot  Extase.) 

ESSKNIENS.  —  Secte  célèbre  parmi  les 
Juifs,  vers  le  temps  de  Jésus-Christ.  L'his- 
torien Josèphe,  parlant  des  différentes  sec- 
tes^du  judaïsme,  en  compte  trois  principales  : 
les  pharisiens,  les  sadducéens  et  les  essé- 
niens,  et  il  ajoute  que  ce^  derniers  étaient 
originairement  Juifs;  ainsi,  saint  Epiphane 
s'est  trompé,  lorsqu'il  les  a  rais  au  nombre 
des  sectes  samaritaines.  Leur  manière  de 
vivre  approchait  beaucoup  de  celle  des  phi- 
losophes pythagoriciens. 

Serrarius,  après  Philon,  dislingue  deux 
sortes  {I*es8^nten9,  les  uns  qui  vivaient  en 
commun,  et  qu*on  nommait  practici  (ou- 
vriers); les  autres,  que  l'on  nommait  theore- 
Itci»  ou  contemplateurs,  vivaient  dans  la 
solitude.  Ces  derniers  ont  encore  été  nom- 
més Ihérapeuteêy  et  ils  étaient  en  grand 
nombre  en  Egypte.  Quelques  auteurs  ont 
pensé  que  les  anachorètes  et  les  cénobites 
chrétiens  avaient  réglé  leur  vie  sur  le  mo- 
dèle de  celle  des  esséniens;  ce  n'est  qu'une 
conjecture;  il  n'y  avait  plus  (ïesséniens 
lorsque  les  anachorètes  out  commen(;é  & 
paraître.  Grolius  prétend  que  les  esséniens 
sont  les  mômes  que  les  assidéens;  cela  n'est 
pas  certain.  Leur  nom  a  pu  venir  du  syria- 

Îue  hassan^  continent  ou  patient.  De  tous  les 
uifs,  les  esséniens  passaient  pour  être  les 
plus  vertueux;  les  païens  même  en  ont  parlé 
avec  éloge,  en  particulier  Porphyre  dans 
son  Tratté  sur  rabslinencef  i.  iv,  §  11  et 
5uiv. 

Ils  fuyaient  les  grandes  villes  et  habitaient 
les  bourgades.  Ils  s'occupaient  à  l'agricul- 
ture et  aux  métiers  innocents,  jamais  au 
trafic  ni  à  la  navigation  ;  ils  n'avaient  point 
d'esclaves,  mais  se  servaient  les  uns  les  au- 
tres. Ils  méprisaient  \hs  richesses;  n'amas- 


saient ni  trésors,  ni  grandes  possessions, 
se  contentaient  du  nécessaire,  et  s'étu- 
diaient à  vivre  de  peu.  Ils  habitaient  et 
mangeaient  ensemble,  prenaient  à  un  même 
vestiaire  leurs  habits,  qui  étaient  blancs; 
mettaient  tout  en  commun,  exerçaient  Thos- 
pitalité,  surtout  envers  ceux  de  leur  secte; 
avaient  ^rand  soin  des  malades.  La  plupart 
renonçaient  au  mariage,  craignaient  i  infidé- 
lité et  les  dissensions  des  femmes,  élevaient 
les  enfants  des  autres,  et  les  aecoutuoQaient 
à  leurs  mœurs  dès  le  bas  âge.  On  éprou- 
vait les  postulants  pendant  trois  années,  et 
s'ils  étaient  admis,  ils  mettaient  leurs  biens 
en  commun.  (Philon,  Josèphe.) 

Ils  avaient  un  grand  respect  pour  les 
vieillards,  observaient  la  modestie  dans  leurs 
discours  et  dans  leurs  actions,  évitaient  la 
colère,  le  mensonge  et  les  serments.  Ils  n*eu 
faisaient  qu'un  seul  en  entrant  dans  l'ordre, 

3ui  était  d'ot>éir  aux  supérieurs,  de  ne  se 
istinguer  en  rien;  s'ils  le  devenaient,  de  ne 
rien  enseigner  que  ce  qu'ils  auraient  appris, 
de  ne  rien  cacher  à  ceux  de  leur  secte,  et 
de  ne  rien  révéler  aux  étrangers. 

Ils  méprisaient  la  logique  et  la  physique 
comme  des  sciences  inutiles  à  la  vertu  ;  leur 
unique  élude  était  la  morale  qu'ils  appre- 
naient dans  la  loi  ;  ils  s'assemblaient  lesjours 
de  sabbat  pour  la  lire,  et  les  anciens  rexpli- 

auaient.  A  vant  le  lever  du  soleil,  ils  évitaient 
e  parler  de  choses  profanes,  ils  employaient 
ce  temps  à  la  prière;  ils  allaient  au  trarail 
jusque  vers  onze  heures;  ils  se  baignaient 
avec  beaucoup  de  décence,  sans  se  froller 
d'huile,  comme  le  faisaient  les  Grecs  et  tes 
Romains.  Us  prenaient  leurs  repas  assis, 
en  silence,  ne  mangeaient  que  du  paio  et 
un  seul  mets,  priaient  avant  de  se  mettre  à 
table  et  en  sortant,  retournaient  au  travai! 
jusqu'au  soir.  Leur  sobriété  en  faisait  vivre 
plusieurs  jusqu'à  cent  ans.  On  chassait  ri- 
goureusement de  l'ordre  celui  qui  était 
convaincu  de  quelque  grande  faute,  et  on 
lui  refusait  même  la  nourriture;  plusieurs 
périssaient  de  misère,  mais  souvent  ou  les 
reprenait  par  pitié.  Tel  est  le  tableau  que 
Philon  et  Josepbe  ont  tracé  de  la  vie  ues 
esséniens.  Il  y  en  avait  dans  la  Palestine  un 
nombre  de  quatre  mille  tout  au  plus,  lis 
disparurent  à  la  prise  de  Jérusalem  et  delà 
Judée  par  les  Romains;  il  n'en  est  plus 
question  depuis  cette  époque. 

Au  reste,  c'étaient  des  Juifs  très-supersti- 
tieux. Peu  contents  des  purilîcations  ordi- 
naires, ils  en  avaient  de  particulières;  i» 
n'allaient  point  sacrifier  aux  temples,  mais 
ils  y  envoyaient  leurs  offrandes.  i'.J*^*!* 
parmi  eux  des  devins,  qui  prétendaient  dé- 
couvrir Ta  venir  par  Tétude  des  Livres  sainte, 
faits  avec  certaines  préparations;  ils  rou- 
laient môme  y  trouver  la  médecine,  les  prp- 
Eriélés  des  plantes  et  des  métaux.  Us  attn- 
uaient  tout  au  destin,  rien  au  libre  arbitre, 
méprisaient  les  tourments  et  lamort,neTOU- 
laient  obéir  à  aucun  homme  qu'à  leurs  an- 
ciens. (Jos.,  Andq.^  I.  xvni.)  Ce  mélange 
d'opinions  sensées,  de  superstitions  et  de^ 
reurs,  fait  voir  que,  malgré  l'austéritédcU 


Ml 


ESS 


D'ASCETISME. 


ETU 


loi  morale  des  esséDÎens»  ils  étaient  fort  au- 
dessous  des  prerniers  Chrétiens.  Cependant 
Eusèbe  de  Césarée  et  quelques  autres  ont 
prétendu  que  les  esséniens  d'Eçy-pte,  appelés 
thérapeutes*  étaient  des  Chrétiens  confertis 
par  saint  Marc.  Sealiger  et  d'autres  soutien* 
nent  que  les  thérapeutes  étaient  Juifs  et  non 
Chrétiens.  M.  de  Valois,  dans  sqs  notes  sur 
Eusèbe,  juge  que  les  thérapeutes  élaietit  dif- 
fé^rents  des  esséniens.  Ceui-ct  n'ezistaieut 
que  dans  la  Palestine;  les  thérapeutes  étaient 
ré|iandus  dans  TEgypte  et  ailleurs,  (^oy.  la 
Diuértaiion  sur  les  êeetes  des  Juifs;  Bible 
éC Avignon^  tome  XIII,  page  218.) 

Il  n'est  pas  aisé  de  savoir  quelle  est  l'o* 
rigine  de  c:eite  secte  juive»  et  en  quel  temps 
elle  a  commencé.  Sur  ce  sujet  les  saTants 
ont  hasardé  dilTérentes  conjectures;  mais 
elles  ne  sont  pas  plus  solides  les  unes  que 
les  autres.  Il  paraM  seulement  probable  que, 
pendant  les  différentes  calamités  que  les 
Juils  esaujrèreni  de  la  f  art  dos  rois  de  Syrie, 
plusieurs,  pour  s'y  soustraire,  se  rt'lirèrent 
dans  des  lieux  écartés,  s'accoutumèrent  à  y 
vi?re,  et  embrassèrent  un  régime  particu- 
lier. Nous  en  ?oyons  un  exemple  dans  ceux 
qui  suivirent  Matathias  et  ses  enfants  dans 
le  désert,  pendant  la  persécution  d'Antio- 
€hus.  (/  îiachab.  li,  29.) 

Ils  se  persuadèrent  que,  pour  servir  Dieu, 
il  n*étatt  pas  nécessaire  de  lui  rendre  leur 
cuite  dans  le  temple  de  Jérusalem;  que  Fé- 
Iiiignemeut  du  tumulte,  la  méditation  de  la 
loi,  une  vie  mortifiée,  le  détachement  de 
toutes  choses,  étaient  plus  agréables  h  Dieu 
que  des  sacrifices  et  des  cérémonies.  En 
cela  ils  se  trompaient  déjà,  puisque  la  lot  de 
Vuise  était  encore  dans  touie  sa  force,  et 
obligeait  tous  les  Juifs,  sans  distinction,  la 
itécessité  seule  pouvant  en  dispenser.  Ils  au- 
raieut  eu  besoin  de  la  même  leçon  que  Jé- 
sus-Christ fit  aux  pharisiens  (MuHh.  xxii,  23) 
en  parlant  des  œuvres  de  justice,  de  misé- 
ricorde, de  fidélité,  et  du  payement  des 
moindres  dtmes,  quand  il  disait  au'il  fallait 
faire  les  unes  et  ne  pas  omettre  les  autres. 
Parmi  les  opinions  que  les  es^iéniens  adop- 
tèrent, il  en  est  encore  d  autres  que  l'on  ne 
peut  pas  excuser,  puisqu'elles  sont  formel- 
lement contraires  aux  textes  des  Livres 
saints. 

On  comprend  que  la  vie  austère  et  mo- 
nastique des  esicéniens  a  dû  déplaire  aux 
protesta  its;  «nussi  en  ont-ils  parlé  avec  beau- 
coup d'humeur.  «Ces  Juifs,  discr.t-ils,  étaient 
une  secte  fanatique  qui  mêlait  à  la  crovance 
juive  la  doctrine  et  les  mœurs  des  pythago- 
licieus;  ils  avaient  emprunté  des  Egyptiens 
le  guût  des  mortifications  et  se  flattaient  de 
parvenir,  par  de  vaines  observances,  à  une 
plus  haute  perfection  que  le  reste  des  hom- 
mes. »  Mais  si  Ton  fait  attention  à  ce  que  dit 
saint  Paul  de  la  vie  des  prophètes,  qui  se 
coavraient  d'un  vil  manteau  ou  de  la  peau 
d'un  animal,  qui  vivaient  dans  la  pauvreté, 
dans  les  angoisses  et  dans  les  afflictions, 
qui  étaient  errants  dans  les  déserts  et  sur 
les  montagnes,  qui  habitaient  dans  les  ca- 
verueset  dans  les  creux  des  rochers  {Hébr.  ii, 


37],  on  comprendra  que  les  esséniens  n'a- 
vaient pas  besoin  de  consulter  Pytbagore  ni 
les  Egyptiens  pour  faire  cas  des  mortifica- 
tions. L'exemple  des  prophètes  devait  leur 
être  aussi  connu  qu'à  saint  Paul.  H  en  était 
de  même  des  thérapeutes  d*£gypte.  {Voyez 

TaiBAPECTES.) 

Quelques  incrédules  de  notre  siècle  ont 
avancé  fort  sérieusement  que  Jésus-Christ 
était  de  la  secte  des  esséniens,  qu'il  avait 
été  élevé  parmi  eux,  et  qu*il  n*a  fait,  dans 
l'Evangile,  que  rectifier  quelques*  articles  do 
leur  doctrine.  L'un  d'entre  eux  a  fait  un  gros 
livre  pour  le  prouver;  on  comprend  bien 
comment  il  y  a  réussi.  Mais  le  mépris  que 
les  savants  ont  fait  de  cet  ouvrage  n'a  pas 
empêché  d'autres  imprudents  de  répéter  le 
même  paradoxe;  à  peine  mérite-t-ii  une 
réfutation. 

Jésus-Christ  a  enseigné  aux  hommes  des 
vérités  et  des  pratiques  dont  les  esséniens 
n'avaient  aucune  connaissance  :  la  Trinité 
des  personnes  en  Dieu,  l'Incarnation,  la 
rédemption  générale  de  tout  le  genre  hu- 
main, la  Tocation  des  gentils  à  la  grâce  et 
au  salut  éternel ,  là  résurrection  future  des 
corps,  que  les  esséniens  n'admettaient  pas  ; 
il  n'y  a  dans  l'Evanpile  aucun  trait  du  des- 
tin ou  de  la  prédestination  rigide  qu'ils  sou- 
tenaient. Jamais  ils  n'ont  eu  la  moindre 
idc^e  ^es  sacrements  que  Jésus -Christ  a 
institués,  ni  de  la  charité  générale  pour  tous 
les  hommf  s,  qu'il  a  commandée;  ii  a  blâmé 
r^bservalion  superstitieuse  du  sablmt,  par 
laquelle  les  esséniens  se  distinguaient. 
(àlatth.  XII,  5;  Lue.  xiii,  IS.)  Le  seul  en- 
droit oCt  l'on  peut  supposer  qu'il  fait  allu- 
sion à  cette  secte,  est  lor$qu*il  dit  qu'il  y  a 
des  eunuques  qui  se  sont  privés  du  mariage 

Cour  le  royaume  des  deux.  (Matlh.  xix,  12  ; 
RIDEAUX,  Uist.  des  Juifs^  I.  xiii,  §5,  t.  II, 
p.  166;  MosHEiM,  Hîsi.  ecclésiast.,  premier 
siècle,  r  part.,  c. 2,  §  6  ;  HisL  Christ.,  c.  2, 
§  13;  Brccxeb,  Hist.  crit»  philos.,  t.  H, 
p.  759  ;  t.  VI,  p.  U8.) 

ETAT  SECDLlEll  et  RELIGIEUX.  — 
Voyez  Vocation. 

ETATS  D'ORAISON.— Foyfjr  Médititioit. 

ETUDE  (De  l').  —  Les  dispositions  néces- 
saires à  ceux  qui  s*adnnnent  à  l'étude  con- 
sistent dans  un  besoin  particulier  de  morti- 
fication, de  discrétion  et  de  pureté  d'inlcii- 
tion. 

I.  La  Mortification.  Elle  est  nécessairo 
pour  réprimer  cette  ardeur  impétueuse  qui 
accompagne  ordinairement  l'étude  des  scien- 
ces. Outre  que  c'est  une  occupation  hono- 
rable et  que  le  fruit  qu'on  en  retire  est  fort 
attrayant,  la  curiosité  de  Fospril  produit 
bientôt  Tempressement,  et  de  là  il  afriYO 
que  bien  des  gens  qui  font  profession  de 
vertu  se  portent  à  l'élude  avec  une  applica- 
tion excessive,  qu'ils  s'y  plongent  et  s'y 
abîment,  pour  ainsi  dire,  et  en  sont  aussi 
esclaves  que  les  hommes  les  plus  avares  et 
les  plus  sensuels  peuvent  I  être  de  leurs 
richesses  et  de  leurs  plaisirs.  Ou  ne  saurait 
croire  quels  grands  préjudices  apporte  cette 
application  démesurée.  V  Elle  épuise  la  vi- 


mi 


ETO 


DICTIONiNÂmE 


ETU 


«g 


{;uear  de  Tesprît  ;  2°  elle  captive  le  cœar  et 
e  rend  incapable  des  fonctions  de  la  vie  spi- 
rituelle, parce  que  le  propre  de  ce  grand 
amour  de  l^étude  est  aôter  le  goût  de  la 
présence  de  Dieu.  Ce  mauvais  effets  qui  est 
particulier  à  cette  passion,  lui  est  aussi 
commua  avec  toute  autre. ciffeclion  désor- 
donnée, n*éfant  pas  possible  qu^on  goûte 
Pieu  quand  on  a  de  Tempressement  fiour 
quelque  autre  objet.  Rien^^p^  prouve  mieui 
combien  il  importe  aux  personnes  spiri- 
tuelies  de  ne  s'affectionnera  rien  de  créé.  Il 
est  pourtant  des  goûts  naturels  et  en  quel- 
que manière  nécessaires,  qu'on  peut  avoir 
et  qui  peuvent  subsister  avec  celui  qu*on  a 
pour  Dieu.  Par  exemple,  on  peut  trouver  du 
goût  aux  viandes  sans  être  sensuel,  pourvu 
qu'on  lie  s'attache  pas  au  plaisir  qu*on  sent, 
qu*on  en  use  sans  excès,  sans  avidité,  et  uni- 
quement pour  le  besoin.  Il  en  est  de  môme 
pour  rétude  ;  on  peut  lire  un  auteur  avec 
pla'sir^  goûter  la  naïveté  de  son  style,  le 
bon  sens  qui  règne  dans  ses  pensées,  son 
éloquence  ;  et  ce  plaisir  n'est  pas  déréglé 
lorsqu'il  se  contient  danj  de  justes  bornes; 
mais  lorsqu'il  produit  un  zèle  ardent,  et 
qu'on  n'a  paix  ni  trêve  tant  qu'on  a  l'auteur 
entre  les  mains,  quand  on  passe  les  jours  et 
les  nuits  même  à  le  lire,  qu'on  est  tenté 
d'abandonner  les  exercices  de  piété  pour 
vaquer  à  cette  lecture,  c'est  un  goût  déréglé» 
incompatible  avec  celui  de  Dieu,  et  c'est  le 
troisième  préjudice  de  la  trop  grande  ardeur 
pour  l'étude.  Ce  mal  est  plus  commun  gu'on 
ne  pense  ;  bien  des  gens  sages  et  spirituels 
ne  s'en  garantissent  pas. Quelle  pitié  devoir 
un  homme  d'une  profession  sainte  devenir 
esclave  de  son  étude,  en  parler  et  y  penser 
sans  cesse,  ne  pouvoir  s'en  arracher  sans 
une  grande  peine,  soupirer  toujours  après 
son  cabinet  après  avoir  été  obligé  de  le  quit- 
ter, y  aller  précipitamment  quand  il  peut  y 
retourner ,  se  jeter  sur  ses  livres  et  ses 
écrits,  y  plonger  et  y  ensevelir  pour  ainsi 
dire  tout  son  esprit  et  toutes  ses  affections  1 
Comment  accorder- une  telle  avidité  avec  le 

f;oût  dà  la  dévoiron  et  le  saint  exercice  de 
a  présence  de  Dieu  I  On  dira  peut-être  que 
c'est  pour  Dieu  qu'il  étudie.  Mais ,  outre 
C(u'il  n'étudierait  pas  avec  moins  de  succès, 
s  il  le  faisait  tranquillement  et  sans  perdre 
la  paix  intérieure,  il  aurait  encore  l'avan- 
tage que  les  pensées  de  l'étude  ne  vien- 
draient pas  le  troubler  dans  ses  entretiens 
avec  Dieu  ;  car  il  est  à  remarquer  que  les 
occupations  ordinaires,  qui  sont  du  devoir, 
peuvent  se  [içésenler  à  l'esprit  sans  détour- 
ner de  la  prière,  parce  que  le  cœur  n'y  étant 
point  attaché,  elles  ne  l'empêchent  pas  de 
s'oL'cuper  de  Dieu;  mais  les  pensées  qui 
viennent  du  cœur  et  d'une  trop  grande  at- 
tache, quoiqu'elles  aient  pour  objet  des  cho- 
ses saintes  ou  commandées,  sont  toujours 
des  distractions.  Rien  n'est  donc  plus  néces* 
saire  à  ceux  qui  étudient  que  h  mortifica- 
tion, pour  prévenir  et  arrêter  les  mouve- 
ments déréglés  de  cette  ardeur  impétueuse 
qui  accompagne  ordinairement  l'étude. 
11.  La  discrétion.  Elle  sert  d'abord  à  modé- 


rer leur  travail  pour  ne  pas  ruiner  leur  sanré 
par  une  application  excessive.  Faute  de  cctto 

f  récaution,  plusieurs,  se  laissant  emporter 
leur  avidité,  se  procurent  de  i&cheuses 
incommodités,  et  quelquefois  pour  acquérir 
des  connaissances  dont  ils  auraient  pu  se 
passer.  La  discrétion  sert  encore  à  mettre 
de  l'ordre  dans  les  éttides,  à  s'y  appliquer 
avec  méthode,  acquérant  les  connaissances 
les  unes  après  les  autres,  et  n'entrepreoaot 
pas  trop  à  la  fois,  comme  font  quelques-uns, 
qui,  voulant  d'abord  trop  savoir,  n'acquiè- 
rent que.  des  idées  coniuses  et  ne  savent 
rien  à  force  d'apprendre.  Lorsqu'on  étudie 
sans  règle^  qu'on  ne  cherche  qu'à  entasser 
connaissance  sur  connaissance,  sans  se  don-» 
ner  le  loisir  dé  digérer  ce  qu'on  étudie  et  de 
le  ranger  dans  sa  tête»  on  oublie  à  mesure 
qu'on  apprend.  Le  moyen  de  proflter.estde 
ne  point  perdre  de  temps ,  d'entreprendre 
peu  à  peu  et  de  se  défendre  de  redapresse" 
ment.  11  ne  faut  pas  étouflEer  l'esprit  a  force 
de  le  contraindre  et  de  l'assujettir  à  la  rè^ 
gle  ;  mais  il  faut  empêcher  que  le  cœur  ne 
s'empresse,  parce  que  la  précipitation  em« 
pêche  que  les  idées  ne  se  gravent  dans  la 
mémoire.  En  troisièn^e  lieu,  la  discrétion 
est  nécessaire  pour  fiiire  le  choix  des  ma- 
tières qu'on  doit  étudier;  il  ne  faut  pas  lire 
indifféremment  tous  les  livres  qui  se  pré^ 
sentent,  mais  seulement  ceux  dont  la  lecture, 
en  cultivant  l'esprit,  ne  porte  aucun  préju- 
dice à  l'avancement  spirituel^imitant  en  cela 
les  brebis  gui  prennent  dans  un  pAturage  les 
herbes  qui  leur  conviennent,  sans  toucher 
à  celles  qui  pourraient  leur  être  nuisibles. 
Les  gens  curieux  ne  cherchent  qu'à  savoir; 
tout  est  bon  pour  eux  pourvu  qu'ils  rem- 
plissent leur  mémoire,  et  ils  ne  prennent 
pas  garde  que  les  idées  et  les  connaissances 
qu'on  acquiert  sont  la  nourriture  de  l'esprit, 
et  qu'une  mauvaise  nourriture  produit  tou- 
jours des  maladies.  C'est  ce  qui  a  fait  dire  à 
saint  Bernard  gu'il  y  a  un  grand  nombre  de 
personnes  qui  sont  passionnées  pour  la 
science,  et  qu'il  y  en  a  peu  qui  soient  at- 
tentives à  leur  conscience  :  MuUi  quaruni 
scientiam^  patici  conscientiam.  C'est  pour 
cela  que  l'homme  vraiment  spirituel  ne  veut 
savoir  que  ce  qui  peut  contribuer  à  son  sa- 
lut et  à  la  gloire  de  Dieu. 

111.  La  pureté  d'intention^  qui  consiste  à 
n'avoir  que  Dieu  seul  en  vue.  C'est  i  quoi 
les  hommes  spirituels  mettent  leur  princi- 
pale attention;  ils  rapportent  leur  travail  et 
toutes  leurs  études  a  cette  unique  fin,  qui 
est  de  connaître  Dieu  de  plus  en  plus,  et  de 
se  rendre  utiles  h  son  service.  Ils  défendent 
soigneusement  l'entrée  de  leur  cœur  à  tout 
sentiment  de  vanité,  de  curiosité  et  d'or* 
gueil.  Ce  n'est  point  le  désir  d'apprendre» 
ni  l'amour  de  la  science  qui  leur  fait  sup- 
porter et  leur  adoucit  les  peines  de  l'étude, 
c'est  le  seul  amour  de  Dieu  qui  les  anime  et 
les  intéresse;  tout  le  reste  leur  est  indiffè- 
rent, ils  n'ont  garde  de  tirer  vanité  de  leurs 
connaissances,  quand  ils  pensent  à  ce  que 
disait  saint  Bonaventure,  qu'une  simpio 
femme  sans  étude  peut  autant  aimer  Dieu 


6G9 


£UC 


D^ASCETISME. 


ECC 


ero 


qae  le  plus  grand  docteor  du  monde.  Puis- 
que, pour  aller  à  Diou  il  faut  Taimer,  et 
?u*oo  D'est  grand  à  ses  ^eux  qu'autant  qu'où 
aime  et  qu'on  le  sert,  il  ne  faut  souhaiter 
d'être  savaiit  que  pour  l'aimer  et  pour  être 
en  état  de  le  serrir.  Hors  de  le  il  n'y  a  dans 
la  science  que  yanité  et  orgueil,  que  source 
d'ayeugleroent,  et  on  éprouve  ce  que  saint 
Paul  a  dit  des  savants  destitués  de  chanté:  ' 
que  leur  esprit  insensé  s'est  aveuglé,  et  que 
ceux  qui  se  disaient  sages  sont  devenus  fous 
(Rom.  u  21,22).  Ce  que  nous  venons  de  dire 
convient  à  toutes  sortes  de  personnes,  mais 
surtoutaui  eccl^'Siastiques  etaui  religieux, 
qui  sont  obligés  plus  que  les  autres  h  ne 
chercher  que  Dieu  et  à  pratiquer  l'huniililé, 
qui  seule  peut  guérir  l'enflure  que  cause 
ordinairement  la  science. 

EUCHARISTIE.  —  Un  des   fins   utiles 
moyens  de  perfection,  c*est  le  pieux  usage 
de  la  sainte  Eucharistie,  comme  nous  le 
montre  la  méditation  affective  de  cet  au- 
guste sacrement.  Jésus-Christ  s'est  donné 
^  nous  dans  l'Eucharistie  pour  nous  attirer 
et  nous  unir  de  plus  en  plus  à  lui.  En  effet, 
1*  rappelons-nous  ces  paroles  :  Ma  chair 
est  véritablement  une  nourriture  et  mon  sang 
est    véritablement   un  breuvage  :  celui  qui 
mange  ma  chair  et  qui  boit  mon  sang,  de-- 
meure  en  moi  et  mot  en  lui  {Joan,  vi,  56); 
paroles  admirables  dans  lesquelles  Jésus- 
Christ    exprime    merveilleusement    notre 
union    intime    et    permanente    avec   lui. 
«  Notre  Sauveur,  dit  le  concile  de  Trente, 
a  voulu  que  ce  sacrement  fût  le  symbole  de 
ce  corps  unique,  dont  lui-même  est  la  tête,  à 
laquelle  nous  sommes  unis  comme  les  membres 
par  le  lien  étroit  de  la  foi,  de  F  espérance  et 
de  la  charité.  »  (Sess.  xui,  c.  2.)  Et  il  ajoute 
avec  raison  que  l'Eglise  a  prescrit  au  prêtre 
de  mêler  Teau  au  vin  dans  l'ublalion  du 
calice,  eutre  autres  motifs,  «  parce  aue  feau 
désignant  le  peuple,  dans  YApocalypse  de 
saint    Jean,    cette    pratique    représentait 
l'union  du  |>euple  Gdèle  avec  sa  tête  qui  est 
Jésus-Christ.  »  (Sess.  xxii,  c  7.)  C'est  aussi 
pour  cela   que    la  sainte    Eucharistie  est 
appelée  par  les  Pères  communion,   c'est-i- 
dire  union   commune,   soit   de  celui  qui 
communique  avec  Jésus-Christ,  soit  de  ceux 
qui  communiquent  entre  eux.  N'est  il  pas 
vrai  que  le  calice  de  bénédiction,  que  nous 
bénissons,  est  la  communion  du  sang  de  Jésus- 
Christ?   afin,    sans    doute,   que   tous    ne 
soient  qu'un  en  Jésus-Christ  el  avec  Jésus- 
Christ. 

Jr  Les  saints  Pères  peuvent  nous  en 
fournir  des  preuves  nombreuses.  «  Quoique 
chacun  des  sacrements,  dit  saint  Drnjs, 
unisse  en  une  seule  toutes  les  voies  se- 
crètes par  lesquelles  nous  devenons,  pour 
ainsi  dire,  nous-mêmes  des  dieux;  quoique 
C'Aie  connexion  des  divers  éléments,  qui 
nous  unissent  par  les  liens  de  la  charité 
divine,  devienne  pour  nous  la  source  de 
notre  union  et  de  notre  société  avec  Dieu , 
cependant  ces  sacrements  reçoivent  leur 
perfection  et  toute  leur  efficacité  surtout 
des  dons  divins  de  l'Eucharistie^  qui,  de 


leor  nature,  en  élèvent  les  effets  aux  plus 
hauts  degrés  de  perfection.  »  (De  cœl.  hter.) 
«  Sous  la  figure  uu  pain,  dit  saint  Cyrille 
de  Jérusalem,  vous  recevez  le  corps,  et  sous 
la  figure  du  vin,  vous  recevez  le  sang,  afin 
qu'après  avoir  reçu  le  corps  et  le  sang  do 
Jésus-Christ,  vous  soyez  participant  de  son 
corps  et  de  son  sang.  ^  (Catech.  22.)  «  Ainsi 
celui  qui  reçoit  le  corps  et  le  sang  du 
Seigneur  est  tellement  uni  avec  lui,  que 
Jésus-Christ  se  trouve  en  lui  et  il  se  trouve 
en  Jésus-Christ.  >  (Saint  Ctbtllb  d'Alexan- 
drie, 1.  IV  in  Joan.,  c.  17.)  c  Jésus-Christ 
voulant  nous  prouver  son  amour,  dit  saint 
Jean  Chrysostome,  s'est  mêlé  a  nous  par 
son  corps,  et  Ta  lait  être  un  avec  nous,  afin 
de  réunir  le  corps  à  la  tête  :  c'est  là  la  plus 
grande  marque  d'amour.  »  (Hom.  61,  ad  sap.) 
«  L'opération  spirituelle  ou  l'efficacité  de 
ce  sacrement,  dit  saint  Bonaventure,  con- 
siste non  à  nous  unir  une  première  fois  à 
Jésus-Christ,  mais  à  resserrer  davantage  les 
liens  qui  déjà  nous  unissaient  à  lui  par  la 
grâce  :  il  rend  plus  fervent  celui  qui  s'en 
approdie  dignement,  comme  un  charbon 
embrasé,  et  le  rend  plus  fort,  comme 
un  aliment  salutaire.  »  (L.  lu  Centiloq.9 
s.  50.J 

3*  âaint  Thomas  nous  en  donne  la  raison 
en  disant  :  «  Cela  convient  à  la  charité  de 
Jésus-Christ,  par  laquelle  il  a  pris  pour  notre 
salut  le  véritable  corps  de  notre  nature.  El 
comme  c'est  surtout  le  propre  de  l'amitié, 
que  de  vivre  avec  ses  amis,  il  nous  promet 
en    récompense    sa    présence   corijorcllet 

S|uand  il  nous  dit  :  Partout  où  sera  le  corps, 
es  aigles  s'y  rassembleront.  Cependant  il  ne 
nous  a  pas  privés  de  sa  présence  corporelle, 
dans  cette  terre  d'exil,  mais  il  nous  réunit 
à  lui-même  par  ce  sacrement,  qui  contient 
son  corf)S  et  son  sang  véritables.  Aussi  nous 
dit- il  :  Celui  qui  mange  ma  chair ^  et  boit 
mon  sang,  demeure  en  moi  et  moi  en  lui. 
Donc  ce  sacrement  est  surtout  une  marque 
de  charité,  et  notre  foi  trouve  son  appui  le 
plus  ferme  dans  cette  union  familière 
de   Jésus-Christ  à  nous.  »  (m  p.,  q.  75 

La  première  et  la  plus  universelle  ma- 
nière dont  Jésus-Christ  s'unit  à  nous  dans 
l'Eucharistie  est  la  manière  sacramentelle. 
Elle  consiste  en  ce  que,  lorsque  le  prêtre  a 
fait  la  consécration  avec  l'intention ,  sous 
la  forme  et  de  la  manière  requises,  alors,  et 
jusqu'au  moment  où  les  espèces  se  modi- 
fient, Jésus-Christ  existe  et  demeure  sacra- 
roenlellcment  présent  sous  ces  espèces,  et 
se  trouve  sacramenlellement  dans  le  lieu 
où  elles  sont  conservées  et  dans  celui  qni 
les  mange.  Cette  double  présence  peut 
s'appeler  une  sorte  d'union  sacramentelle. 
On  le  voit  par  les  paroles  de  Jésus-Christ  : 
Ceci  est  mon  corps...  ceci  est  mon  sang:  ces 
paroles  n'auraient  pas  de  vérité  solide  et 
durable,  si  elles  n'avaient  pas  le  sens  élevé 
que  nous  venons  d'indiquer. 

La  formule  de  la  consécration  une  fois 
prononcée,  Jésus-Christ  est  présent  teut 
entier     sous    les   espèces  eucharistiques, 


«71 


EUC 


DlCTIONNÂniE 


EUC 


m 


d*une  manière  infaillible  et  sans  aucun 
■  délait  et  il  y  demeure  tant  que  sub- 
sistent les  accidents  du  pnin  et  du  vi'i, 
auand  même  ils  viendraient  à  tonaber 
ans  un  bourbier  ou  un  égoût ,  quand 
•même  ils  seraient  mangés  par  un  animal, 
^uaud  même  un  pécheur  communiant  in- 
d'gnement,  un  juif  ou  un  hérétique  s'appro- 
cherait sacriiégement  pour  recevoir  les 
espèces  sacrées.  «  Et  cela  ne  fait  rien  perdrp 
è  la  dignilé  du  corps  de  Jésus-Christ,  qui 
a  voulu  être  crucifié  par  les  pécheurs  sans 
aucun  préjudice  pour  sa  dignité.  »  dit  saint 
Thomas  (m  p.,  q.  30,  a.  3,  ad.  3);  il  ajoute 
même,  pour  le  ca3  où  ua  rat  viendrait  & 
manger  la  sainte  Eucharistie  :  «  Il  mange 
le  corps  de  Jésus-Christ  non  sacramentel le^- 
ment,  mais  par  accident.  C'est  ainsi  que  le 
mangerait  quelqu'un  qui  prendrait  une 
hostie  consacrée,  ne  sacnanl  pas  qu'elle  ie 
fût.  »  Il  prend  un  sacrement,  mais  non  d'une 
manière  sacramentelle,  avec  la  connaissance 
que  c'est  un  sacrement.  Ainsi,  à  proprement 
pNirler,  Jésus-Christ,  dans  l'Eucharistie,  ne 
8*unit  pas  au  pécheur,  pas  plus  qu'à  l'animal 
qui  mangerait  une  hostie,  avec  la  même 
^pécialaé  qu'il  s'unit  au  juste,  ou  même  aui 
espèces,  parce  qu'ils  ne  sont  pas  pris  avec 
l'intention  qu'il  s'unisse  à  eux  d'une  ma- 
nière intime  et  amicale.  C'est  là  ce  qui 
fait  surtout  éclater  la  grandeur  et  l'infinité 
de  l'amour  de  Dieu  pour  nous. 

^  Le  second  mode  par  lequel  Jésus-Christ 
s*unit  encore  aux  justes,  qui  ne  peuvent 
recevoir  l'Eucharistie  d'une  manière  sacra- 
mentelle, est  la  communion  spirituelle.  Or, 
on  communie  spirituellement,  quand,  par 
la  foi  de  ce  mystère,  qui  opère  par  la  cna- 
rité,  on  e^t  enflammé  du  désir  de  s'appro- 
cher de  Ja  sainte  table  sacramentellemént, 
s'il  était  possible  et  utile  :  celle  communion 
spirituelle,  le  concile  de  Trente  la  recom- 
mnnde  aux  âmes,  «  qui,  désirant  manger  ce 
j)ain  céJeste  avec  la  roi  vive,  qui  opère  par 
la  charité,  eu  ressentent  le  fruit  et  les  heu- 
reux avantages.» (Sess.  xiii,  c.  8.j  Pierre  de 
Blois,  avec  tous  les  ascètes,  recommande 
vivement  aussi  cette  communion  spirituelle 
(Just.  spir.,  c.  8,  n.  6);  il  exprime  le  désir 
qu'on  la  fasse  au  moins  tou$  les  jours  ^t 
môme  plusieurs  fois  par  jour.  Sainte  Thé- 
rèse s'exprime  en  ces  termes  :  «  Mes  sœurs, 
quand  vous  ne  pouvez  vous  approcher  de 
la  sainte  communion,  vous  pouvez  cepen- 
dant communier  d'une  manière  spirituelle. 
C'est*  une  pratique  des  plus  utiles.  C'est 
ainsi  crue  s'imprime  plus  profondément  en 
nous  I  amour  du  Seigneur;  car  toutes  les 
fois  que  nous  nous  disposons  à  le  recevoir,  il 
nous  accorde  toujours  quelques  faveurs 
par  do.s  voies  diverses,  que  nous  ne  pou- 
vons comprendre.  »  (Fia  perf.,  c.  35.) 

A  propos  de  la  communion  spirituelle, 
nous  remarquerons  :  1"  qu'à  proprement 
parler,  ni  les  anges,  ni  les  justes  de  l'an- 
cienne Loi  ne  doivent  être  regardés  comme 
ayant  spirituellement  participé  è  ce  sacre- 
ment ;  car  il  n'avait  pas  été  institué  pour 


eux  et  ils  no  pouvaient  en  désirer  la  ré- 
ception sacramentelle;  ils  ne  IodI  fait 
au'improprement,  en  désirant  ce  qui  existe 
ans  le  sacrement,  c'est-à-dire  Jésus-Christ, 
ou  en  le  souhaitant  tel  qu'il  est  dans  l'I^u- 
charistie ,  non  pour  eux-mêmes,  mais  pour 
leurs  descendants;  ^  que  la  commuoioa 
spirituelle  ne  convient  pas  non  plus  pro- 
prement au  pécheur,  qui  ne  peut,  en  de- 
meurant  dans  l'état  de  péché,  désirer  réel- 
lement la  réception  de  cet  auguste  sacre- 
ment,  et  n'est  pas  alors  capable  de  recevoir 
le  fruit  d'augmentation  de  la  grâce,  à  moios 
que  la  contrition  ne  commence  à  lejustiGer; 
3°lefruitque  le  juste  peut  tirer  de  la  commu- 
nion spirituelle  neprovient  qu'objectivement 
du  sacrement ,  et  subjectivement,  il  se  pro- 
duit seulement  dans  la  mesure  de  l'œuvre  de 
celui  qui  opère,  ex  opère  operantis^  et  non  de 
l'œuvre  opérée,  ex  opère  operato^  car  la  pro- 
messe de  l'eiTet  proprement  sacramentel  u*a 
pas  été  faite  pour  le  vœu  ni  pour  le  désir, 
mais  pour  la  réception  réelle  du  sacrement; 
&-*  pour  la  communion  spirituelle  propre- 
ment dite,  il  ne  suffit  pas  du  désir  implici- 
tement renfermé  dans  le  vœu  ou  dans  la 
résolution  d'observer  tous  les  commande- 
ments ;  mais  pour  obtenir  l'effet  d'augmen- 
tation de  la  grâce  par  une  nouvelle  union, 
il  faut  un  désir  explicite. 

Le  troisième  mode  par  lequel  Jésus-Christ 
s'unit  plus  ou  moins,  selon  la  qualité  de 
disposition,  à  ceux  qui  communient  digne- 
ment, c'est  le  mode  sacramentel  et  spirituel. 
Au  moment  oik  il  est  reçu  et  tant  que  les 
espèces  demeurent  xlans  Teslomac  sans 
changer  de  nature,  il  est  intimement  pré- 
sent, en  corps,  en  sang,  en  âme  et  eu  divi< 
ni  té,  dans  le  corps  et  dans  l'âme  de  celui 
qui  le  reçoit,  animé  des  plus  vifs  senti- 
ments d'amour.  C'est  en  cela  que  con- 
siste l'union  de  Jésus-Christ  avec  l'homme. 
C'est  ce  que  prouve  la  vérité  catholique 
dé  ce  saint  mystère  ,  selon  laquelle  la 
chair  et  le  sang  de  Jésus-Christ,  et  Jésus- 
Christ  tout  entier  se  communique  vérita- 
blement et  réellement  à  celui  qui  le  mange, 
et  demeure  physiquement  en  lui  comme 
un  aliment,  tout  le  temps  que  cet  aliment 
n'aurait  point  changé  de  nature,  s'il  n'était 
simplement  que  du  pain.  Comme  tout  ce 
mystère  s'accomplit  dans  le  but  d'unir  Jé- 
sus-Christ à  l'homme,  quand  celui  qui  Je 
reçoit  possède  toutes  les  dispositions  re* 
quises,  il  en  résulte  qu'il  y  a  ici  une  cer- 
taine union  plus  grande  que  la  seule  unioa 
spirituelle,  ou  sacramentelle;  ce  que  le  P. 
Suarez  explique  ainsi  :  «(  Quand  Jésus-Christ 
est  peçu  dignement,  il  s'unit  réellement  à 
celui  qui  le  reçoit  ;  car  il  se  trouve  véritable- 
ment et  proprement  en  lui,  et  s'identifie-avec 
lui  d'une  manière  corporelle.  D*oà  il  résulte 
que  tant  que  Jésus  -Christ  y  est  présent  par 
la  vcrlu  sacramentelle ,  il  excite  celui  qui 
l'a  reçu  à  aimer  et  à  chérir  ce  Dieu  qu*il 
possède  corporellement  présent.  »  (D.  64* 
sect.  3.  )  C'est  ce  que  prouvent  ces  paro- 
les :  Ma  chair  est  véritablement  une  nour- 
rilure    et  mon  sang  est  véritablement  t» 


C7Z 


RUC 


D^ASCETlSStt. 


EUC 


674 


breuvage /{  demeure  en  moi  et  moi  en 

lui.  Telle  est  aussi  la  doctrine  des  SS.  Pè- 
res :  «  Nous  devenons  Porîe-Chritî  {christi^ 
feri),  dît  saint  Cyrille  de  Jérusalem,  et  celui 
qui  communie  devient  eoncorporé  ei  consan^ 
gain  du  Christ.»  Saint  Hilaire  (I.  vni  De 
Trinit.)  et  saint  Cyrille  d*Alexandrie  (I.  it 
in  JoanJ)  enseignent  que  Jésus-Christ  est 
en  nous  non-seulement  en  volonté  et  en 
habitude,  mais  par  la  participation  natun 
relie  et  par  la  propriété  de  l'union  parfaite. 
Et  saint  Jérôme  (I .  m  contra Petag.)  dit  que 
p^r  cepaînsupersubstantiel  nous  pouvons  de- 
Yenir  dignes  de  Vincorporation[a$sumptione) 
du  corps  de  Jésus-Chnst.  Saint  Auçuslin  dit 
de  même  (Ir.  26  m  Joan,)  que  celui  qui  s*en 
approche  dignement  est  incorporé  à  Jésus- 
Christ.  Saint  Jean  Chrysoslome  affirme  (bom. 
61  ad  Popul.)  que  dans  la  force  de  son 
amour  Jésuâ<!hrist  par  son  corps  se  mêle  à 
nous.  EnGn  la  raison  nous  montre  que  si  la 
nourriture  corporelle  ingérée  dans  Testo- 
macy  même  avant  son  cuangemeni  de  na- 
tOQe,  est  dite  incorporée  à  nous-mêmes,  il 
doit  en  être  de  même  de  notre  nourriture 
▼itale  etsupersuhstaolielle.Si,  parla  consom* 
ination  du  mariage  charnel,  les  deux  époux 
ne  font  plus  qu'une  chair,  et  si  le  mariage  est» 
selon  rÀpAtre,  te  grand  sacrement  de  l  union 
de  Jésus^hrist  avec  son  tglise^  comme  étant 
la  figure  de  Tunion  du  Sauveur  avec 
Vàme  juste,  l'union  n'esl-elle  pas  beaucoup 
plus  expresse  et  plus  intime  dans  cet  au- 
guste mélange  des  corps,  qui  s'opère  par  la 
réception  de  la  très-sainte  Eucharistie  7 

Nous  concluons  de  ce  qui  précède  :  1*  que 
la  réception  ou  manducation  sacramentelle 
n'est  vraiment  utile  au'autant  qu'elle  est 
aussi  spirituelle,  et  elle  n'est  utilement  spi- 
rituelle, qu'autant  qu'elle  est  sacramentelle; 
car  c'est  dans  cette  double  réception  physi- 
que et  morale  que  résulte  l'union  physico- 
morale sacramentelle  ;  i'  que  depuis  le  pre^ 
mier  moment  de  la  récepiion  tt  tout  le 
temps  que  durent  les  accidents,  subsiste 
celte  union  spéciale,  réelle,  eucharistique, 
où  Jésus-Christ  possède  et  occupe  en  quel- 
que sorte  le  corps  et  l'âme  de  celui  qui  le 
reçoit  ;  3*  qu'il  suflil  que  la  langue,  le  gosier 
etVestomac  reçoivent  iramédiat.^meut  la 
sainte  Eucharistie  pour  que  tout  le  corps  et 
toute  l'âme  de  celui  qui  la  reçoit  (participent 
à  l'union  complète  en  Jésus-Christ.  Aussi 
ce  temps  est-il  le  plus  précieux  et  le  plus 
sacré  :  c'est  celui  où  nous  devons  témoi- 
gner la  plus  vive  dévotion  à  Jésus-Christ, 
présent  tout  entier,  et  lui  présenter  nos 
demandes.  «  Que  le  pasteur,  dit  saint  Char- 
les Borromée,  instruise  ses  fidèles,  au  mo- 
ment de  la  sainte  communion,  à  remer- 
cier Dieu  de  tout  leur  cœur,  et  avec  la  plus 
vive  piété,  d'un  si  grand  bienfait  et  de 
celte  preuve  si  grande  d"amour  qu'il  donne 
au  peuple  chrétien...  Il  devra  leur  recom- 
mander de  ne  pas  quitter  l'église  aussitôt 
après  avoir  reçu  la  sainte  communion,  mais  à 
prieraussi  longtemps  qu'il  leur  sera  possible 
ôans  un  lieu  paisible  et  retiré...,  qu'ils  ava- 
lent Teucbaristie  avec  le  plus  profond  res- 


pect, qu'ils  se  purifient  avec  le  plus  grand 
soin  :  qu'ils  évitent  de  cracher  aussitôt,  et 
et  qu'ils  s*en  abstiennent  au  moins  \  endant 
un  quart  d'heure.  »  (P.  k  Act.  MedioL)  En 
effet,  selon  de  Lugo  (d.  10  De  Euchar.),  d'a- 
près le  témoignage  des  médecins,  au  bout 
d'un  quart  d'heure  les  espèces  ont  drjà 
change  de  nature.  Enfin  sainte  Thérèse  nous 
dit  :  c  C'est  dans  ce  moment  précieux  que 
notre  Maître  nous  enseigne  et  nous  instruis 
Ecoutons  sa  voix,  embrassons  ses  pieds, 
divins,  puisqu'il  daigne  nous  instruire. 
Prions  et  supplions-le  <le  ne  pas  s'éloigner 
de  nous.  Si  vous  devez  lui  adresser  ces 
demandes,  devant  son  image,  n'y  aurait-il 
pas  de  la  folie  à  ce  moment  de  laisser 
Jésus-Christ  en  personne»  pour  aller  dépo- 
ser nos  hommages  et  nos  adorations  aux 
pieds  de  son  image.  »  (Fia  perf.^  c.  34.) 

Le  quatrième  mode  par  lequel  Jésus- 
Christ  s'unit  à  celui  qui  communie  digne- 
ment, c'est  par  yaugmentation  de  la  grâce 
sanctifiante.  Voici  ce  qu'enseigne  le  concile 
de  Florence:*  L'effet  de  ce  sacrement, • 
dans  l'Âme  de  celui  qui  le  reçoit  dignement, 
est  l'union  de  Thomme  avec  Jésus-Christ. 
Et  comme  fiar  la  grâce  Thomme  s'incorpore 
à  Jésus-Christ  et  s'unit  à  ses  membres,  il. 
en  résulte  que  ce  sacrement  augmente  la 
grâce  en  ceux  qui  le  reçoivent  dignement, 
et  opère,  quant  à  la  vie  spirituelle,  le 
môme  effet  que  la  nourriture  et  la  bois- 
sou  matérielle  pro<iuisent  sur  la  vie  cortK)'. 
relie,  qu'elles  soutiennent,  augmentent, 
réparent  et  délectenL  ■  {Décret  fid.)  Selon  le 
concile  de  Trente,  ce  sncrenieot  est  «  comme 
la  nourriture  spirituelle  des  âmes  :  il  les 
nourrit  et.  les  foititje  ;  il  les  foit  vivre  do 
la  vie  de.ct'Iui  qui  a  dit  :  Celui  qui  me. 
mange  vivra  lui-même  aussi  pour  moi.  » 
(Sess.  iiu,  cap.  2.)  Or,  celte  vie  de  l'âme 
consiste  dans  la  grâce  sanctifiante.  Outie 
l'augmentation  de  la  grâce  sanctifiante  (car 
l'Eucharistie,  comme  sacrement  des  vivants, 
ne  confère  la  grâce  première  que  par  acci- 
dent selon  le  même  concile  [loc.  cit.]),  elle 
produit  encore  d'autres  grâces,  et  elle  est 
■  l'antidote  qui  nous  délivre  des  fautes 
de  chaque  jour  et  qui  nous  préserve  du 
péché  mortel  ;  elle  est  le  gage  de  notre 
gloire  future  et  de  notre  félicité  éternelle.  » 
Elle  donne  encore  la  grâce  nutritive  :  elle 

f>roduit  la  douceur  spirituelle,  elle  apaise 
a  concupiscence ,  elle  remet  quelques^ 
peines  temporelles  et  cause  la  résurrectioo 
des  corps. 

Remarquons  à  ce  sujet  :  1*  que  la  sainte 
Eucharistie  augmente,  eu  même  temps  que 
la  grâce  habituelle,  la  charité  et  les  autres 
habitudes  des  vertus  et  des  dons  sumatu- 
•rels,  ce  qui  arrive  dans  toute  justification, 
ou  dans  tout  accroissement  de  justification  ; 
2*  qu'elle  augmente  aussi  les  grâces  actuel- 
les ,  les  illuminations,  les  inspirations,  les 
pieuses  affections  de  la  volonté  et  le$  ver- 
tus ()ui  en  procèdent,  en  tant  que  chacuq 
se  dispose  alors  à  entendre  la  parole  dé  Dieu 
qui  lui  parle  intérieurement,  et  à  y  obéir  ; 
3*  qu'elle  nous  obtient  ainsi  la  douceur  et 


675 


ECG 


DICTIONNAIRE 


EUC 


m 


la  déTOtion  »  au  moins  substantielle,  qui 
est  propre  è  ce  sacrement  ;  k"*  que  la 
sainte  Eucharistie  efface  les  péchés  véniels 
et  diminue  la  peine  qu'ils  méritent,  sinon 
(lar  œuvre  opérée  {ex  opère  operaêo),  ce  qui 
est  plus  propre  à  TEucharistie  comme  sacri- 
fice, au  moins  par  la  ferveur  de  la  charité  ; 
5*  qu'elle  prévient  les  péchés  mortels  en 
ftBffmentant  nos  forces  et  noire  ferveur,  et 
ca  ehiUant  les  ruses  du  démon,  «t  que,  non- 
seulement  pour  le  temps  de  la  communion, 
mais  encore  pour  l'avenir,  elle  nous  ac- 
quiert la  protection  spéciale  de  Dieu,  sur- 
tout si  nous  faisons  mquemment  la  corn- 


pare  la  voie  de  la  persévérance,  et  par  con- 
séquent nous  acquiert  un  droit  spécial  à  la 
résurrection  du  corps  avec  l'Ame  dans  la  vie 
éternelle. 

Le  cinquième  mode  d'union  consiste  en 
ce  que,  môme  après  la  corruption  des  espè- 
ces, Jésus-Christ  demeure  uni  à  l'Ame  qui 
Ta  dignement  reçu,  non-seulement  par  la 
grAce  et  par  la  charité,  mais  encore  person* 
nellement  par  son  hypostase  et  sa  divinité. 
Ainsi,  de  môme  que  dans  toute  justification, 
le  Saint-Esprit  est  présent  dans  l'Ame  du 
juste,  non-seulement  par  la  grAce,  mais 
encore  personnellement ,  non  -  seulement 
simplement  par  la  substance,  mais  encore 
d'une  manière  toute  spéciale,  par  laquelle 
il  affecte  le  juste  et  demeure  en  lui;  d'où 
résulte  dans  l'Ame  un  effet  spécial,  qui  est 
de  la  rendre  sainte,  juste,  agréable  a  Dieu, 
fille  adoptive  de  Dieu  et  héritière  de  la  vie 
éternelle.  De  môme  Jésus-Christ,  môme 
après  la  corruption  des  espèces,  demeure 
personnellement,  c'est-à-dire  selon  sou  hy- 
postase, d'une  manière  toute  spéciale,  par  la 
vertu  de  la  sainte  Eucharistie,  avec  accrois- 
sement de  la  grAce  et  de  l'union  avec  Dieu. 
Telle  est  la  doctrine  de  Régnera,  de  Lessius, 
de  Corneille  de  La  Pierre,  etc.  On  le  prouve  : 

L  Par  le  texte  déjà  plusieurs  fois  cité  :  Celui 
qui  mange  tna  chair  et  qui  boit  mon  sang^ 
demeure  en  moi  et  moi  en  lui.  Ces  paroles 
ne  désignent  pas,  1*  Tunion  purement  sacra- 
mentelle, c'est-à-dire,  la  présence  réelle  de 
Jésus-Christ  sous  les  espèces,  parce  que 
c'est  l'union  transitoire  et  purement  maté- 
rielle par  laqnellA  ni  la  créature  ne  demeure 
amicalement  en  Jésus-Christ,  ni  Jésus-Christ 
dans  la  créature;  2*nironionpareraentspi ri- 
tuelle par  la  communion  spirituelle,  pardo 
qu'elle  n'est  pas  là  tnanducation  sacramen- 
telle et  réelle  dont  parle  le  teite  cité;  3*  ni 
l'union  sacramentelle  et  spirituelle  à  la  fois, 
parce  que  cette  union  ne  dure  que  iusqu*à  la 
corruption  des  espèces  ;  4*  ni  runion  par  la 
grAce,  parce  au'erle  n'est  pas  tellement  per- 
sonnelle que  Jésus-Christ  ait  pu  dire  :  et  moi 
io  deqieure  en  lui.  Ces  paroles  désignent  donc 
l'union  ou  présence  personnelle  dont  nous 
avons  parlé,  par  laquelle  Jésus- Christ  de- 
meure d'une  manière  spéciale,  quant  à  sa 
{Personne,  par  la  verlu  d'une  communion 
àite  dignement.  C'est  ce  qne  démontrent 


r. 


lus  clairement  encore  les  paroles  qa'ajould 
e  Seigneur  :  Comme  mon  Pire  qweH  tivont 
m'a  envoyé,  et  que  je  vis  pour  mon  Père^  4t 
même  celui  oui  me  mange  vivra  lui-même  amsi 
pour  moi,  11  ne  dit  pas  :  vivra  pour  la  cKair, 
mais  pour  mot,  pour  le  Fils  de  Dieu,  auquel. 
en  le  mangeant,  il  s'unit  par  la  chair  :  et  il 
reçoit  en  lui  Jésus-Christ,  afin  de  pouYoir 
dire  qu'il  demeure  en  lui. 

II.  Nous  le  montrons  aussi  par  les  SS.  Pères, 
qui,  outre  l'union  affective,  rtinion  morale 
et  par  la  grAce,  reconnaissent  encore  une 
autre  union.  «  Comment  donc  ce  pain  esl-il 
vivant,  dit  saint  Âmbroise?  C'est  parce  que 
le  môme  Jésus-Christ  notre  Seigneur  est 
Dieu  et  homme  tout  ensemble  ;  et  tout  en 
ne  recevant  que  sa  chair,  vous  participez 

Î)ar  cet  aliment  à  sa  substance  divine,  i 
L.  VI  De  sacram^f  c.  1.)  «  Ce  sacrement  est 
encore  appelé  participation,  dit  saint  Jean 
Damascène,  parce  qu'il  nous  rend  partici- 
pants de  la  divinité  de  Jésus.  II  s'appelle 
aussi  justement  communion,  parce  que  par 
lui  nous  avons  commerce  avec  Jésus-Christ 
et  nous  recevons  en  môme  temps  sa  chair  et 
sa  divinité:  et  ainsi  nous  communiquons 
entre  nous  et  nous  sommes  unis  par  UQliea 
commun.»  (L.  iv  De  fide^  c.  11^.)  Mais  sans 
le  sacrement  et  sans  les  espèces,  cette  nnioû 
ne  se  fait  pas  dans  la  chair,  elle  se  fait  donc 
dans  la  divinité.  Donc  quand  ce  pain  est 
appelé  vivant  selon  la  divinité,  il  sutBt  qu'a- 
près la  corruption  des  espèces  il  subsiste 
selon  cette  divinité,  pour  nous  vivifier;  donc 
pour  que  ces  paroles  de  Jésus-Christ  soient 
vraies,  je  demeure  en  celui  qui  me  mange 
avec  amour,  il  faut  et  il  suffit  qu'il  demeure 
non-seulement  selon  sa  seule  charité,  mais 
personnellement,  selon  sa  divinité. 

m.  Par  la  raison.  Tout  les  théologiens 
sont  d'avis  qu'après  la  corruption  des  es- 
pèces, subsiste  encore  l'union  spéciale  de 
Jésus-Christ  par  l'accroissement  de  la  grâce, 
ce  qui  nécessite  l'union  ou  présence  person- 
nelle de  Jésus-Christ  dont  nous  parlons. 
C'est  ce  qui  fait  dire  à  Corneille  La  Pierre  : 
c  De  môme  que  la  nourriture,  après  le  tra- 
vail de  la  digestion,  dépose  toute  sa  verlu 
nutritive  dans  le  chyle  qui  "demeure  ;  de 
môme  les  espèces  de  l'Eucharistie,  après 
avoir  été  digérées,  laissent  en  quelque  sorte 
leur  vertu  nutritive  pour  la  vie  éternelle, 
dans  la  divinité  du  Christ,  qui  demeure  avec 
la  jjrAce.  »  (In  Joan.  c.  vi,  57.) 

On  a  prétendu,  1*  que  les  Pères  et  les 
théologiens  ne  reconnaissent  d'autre  effet 
de  la  sainte  Eucharistie  que  l'union  mjrsti- 

3ue  par  la  grAce,  et  non  l'union  personnelle 
ont  nous  venons  de  parler.  A  cela  nous 
répondons  que  loin  de  l'exclure,  ils  la  sop<^ 
posent  môme,  quand  ils  parlent  de  l'envoi 
du  Saint-Esprit.  Si  vous  recherchez  avec 
subtilité  la  nature  de  celte  union,  nous 
dirons  qu'elle  peut  ôtre  une  union  pluldt 
spirituelle  que  corporelle,  et  non  simple- 
ment réelle,  mais  d'une  manière  éq;iivaiente, 
comme  tous  doivent  l'expliquer  de  l'union 
simultanée  du  Saint-Esprit  et  de  la  grâce.  On 
prétend  2"  Que  cette  union  et  cette  perma- 


611 


EUC 


D*ASCETISUE. 


EUC 


67S 


nencepar  la  dmnité  avec  la  grâce'est  com- 
mune a  toute  la  sainte  Trinité,  ou  au  moins 
spéeîaleaaSaînt-Espritscul. — La  permanence 
de  Jésa^^hristy  répondrons-nous,  dans  la 
Tertu  de  la  sainte  Eucharistie,  doit,  il  est 
▼rai,  être  attribuée  à  Jésus-Christ  d'une 
manière  spéciale,  mais  non  au  point  de 
ratlriboer  à  la  sainte  Trinité  tout  entière. 
De  même,  en  effet,  qu*on  attribue  spécia- 
lement au  Saint-Esprit  une  mission  (missio) 
invisible,  bien  qu'elle  soit  commune  à  toute 
la  sainte  Trinité ,  parce  qu'elle  produit  une 
augmentation  spéciale  de  charité,  qui  cor- 
respond à  Tamour  propre  au  Saint-Esprit, 
de  même,  plus  spécialement,  il  faut  attribuer 
à  Jésus-Christ  la  permanence  avec  accrois- 
sement de  grâce  et  d'union  avec  Dieu,  par  la 
vertu  de  la  sainte  Eucharistie,  parce  que  c'est 
surtout  Jésus-Christ  fout  entier  qui  produit 
cet  effet  sous  un  signe  visible,  et  qui  excite 
le  communiant  à  se  disposer  h  l'augmenta- 
tion de  la  grâce  et  à  la  conservation  de  cette 
union  avec  Dieu.  On  objecte  3*  que  cet  effet 
est  commun  à  tous  les  sacrements,  parce  que 
tous  produisent  ou  augmentent  la  grâce  et 
communiquent  par  conséquent  la  divinité. 
--Nous  répondons  à  cette  objection,  qu'il  y  a 
cette  différence  que  dans  rEucharistie  on  re- 
çoit en  outre  une  grâce  spéciale  sacramentelle 
pour  exercer  les  pratiques  de  piété,  pour  en-- 
tretenir  une  union  plus  grande  avecDîeu  et 
pour  nourrir  la  charité  et  la  vie  spirituelle. 
Le  sixième  mode  par  lequel  Jésus-Christ 
s'unit  à  nous  d'une  manière  permanente 
dans  rEucharistie  est,  non^seulement  parla 
communication  de  sa  divinité,  de  son  by- 
postaseonde  sa  personne,  mais  aussi  parla 
commonication  de  son  âme  sacrée,  en  ce  sens 
qu*après  la  corruption  des  espèces,  et  la 
disparition  du  corps  et  du  sang,  il  demeure 
encore,  par  une  communication,  plus  spé- 
ciale que  par  sa  seule  divinité,  très-intime- 
ment uni  à  certaines  âmes  parfaites,  et  qui 
se  sont^  par  leurs  bonnes  dispositions,  ren- 
dues dignes  de  ce  privilège.  Ainsi  l'ensei- 
gnent le  cardinal  C\entiÈe^os{Vitaabscondita) 
et  le  cardinal  Beliuga  {Judic.  prœliminar. 
cit.  libri).  l*En  effet,  ce  mode  n'enveloppe 
aucune  contradiction.  Cette  union  spéciale 
avec  les  seules  âmes  parfaites,  qui  se  sont 
élevées  à  ce  degré  de  perfection  qu'on 
nomme /rofu/ormo/jon,  n'empèchepasi  exis- 
tence des  effets  de  Tonion  suffisamment 
vérifiée  pour  les  autres  justes.  Ainsi  celui 

3 ai  s'approche  de  la  sainte  table  avec  une 
évotion  actuelle,  éprouve  l'effet  spécial  de 
ce  sacrement,  c'est-À-dire,  cette  sjiirituellé 
douceur  dont  est  privé  le  juste  qui  commu- 
nie sans  cette  dévotion  actuelle.  Et  d!ailleurs, 
dans  ce  sacrement,  qui  est  le  sacrement  de 
Ja  charité  par  excellence,  selon  que  nous 
demeurons  plus  ou  moins  unis  avec  Jésus- 
Christ  par  la  charité,  il  demeure  lui-même 
plus  ou  moins  unis  avec  nous.  2"  Cet  effet- 
tout  spécial  d'union  par  l'âme  de  Jésus- 
Christ  ne  dépasse  pas  les  limites  de  sa 
généreuse  promesse  :  //  demeure  en  moi  et 
tnoijen  lui^  qui  est  Fuaion  permanente,  per- 
sonnelle et  illimitée,  issue  d'un  amour  in- 


fini ;  il  n'y  a  donc  rien  en  cela  qui  ruisse 
exclure  le  mode  d*unîon  exposé  plus  haut, 
pnr  l'extension  de  cette  promesse.  D'ailleurs 
il  ne  dépasse  pas  les  limites  de  l'institution 
de  ce  saint  sacrement,  en  ce  sens  qu'on  y 
trouve  en.réalité  Tâme  de  Jésus^-Christ  reçue 

Far  la  divinité,  et  recevant  causalement 
âme  du  juste  qui  communie,  tout  le  temps 
que  le  sacrement  demeure  en  lui.  un 
outre,  ce  n'est  pas  la  durée  du  sacrement, 
ni  du  corps  et  du  sang,  par  la  vertu  des 
paroles  sacrées,  qui  nous  a  été  promise, 
mais  seulement  Tunion  avec  Jésus-Christ. 
Donc  cette  promesse  peut  bien  être  étendue 
jusqu'à  ce  point,  où  Jésus-Clirist,  après  la 
disparition  des  espèces,  demeure,  par  son 
âme  et  sa  divinité,  dans  Tâme  parfaite  et  qui 
s'est  bien  préparée.  3*  Sans  celte  union 
spéciale  par  l'âme  de  Jésus-Christ,  la  pro- 
messe du  Seigneur  et  l'institution  de  la 
sainte  Eucharistie  ne  s'accomplirait  pas 
avec  toute  l'extension  qu'elle  comporte.  En 
effet,  bien  que  les  mots  :  et  moi  en  lui  soient 
vériOés  d'une  manière  suffisamment  abso- 
lue par  la  personne  de  Jésus-Christ,  cepen- 
dant il  est  douteux  que  la  vérificatiou  soit 
complète,  si  l'âme  de  Jésus-Christ  demeure 
toujours  unie  au  Verbe.  En  effet,  si  les  mots  : 
Il  demeure  en  moif  se  vérifient  autant  que 
possible  par  la  divinité  du  Christ  et  l'huma- 
nité qui  lui  est  communiquée  dans  la  sainte 
E:icharistie,  dans  les  âmes  parfaites  qui 
souhaitent  avec  ardeur  de  coi.tenir  ainsi 
Jésus-Christ,  pourquoi  ces  mois  :  ei  moi  en 
luit  ne  seraient-ils  pas  effectivement  vérifiés 
par  l'amour  suprême  de  Jésus-Christ  pour 
elles,  quand  il  laisse  son  âme  demeurer  en 
nous,  puisque  d'ailleurs  râme|rle  JésusoChrîst 
nous  pas  de  plusardenl  désir  que  de  rencon- 
trer de  telles  âmes,  afin  de  se  communiquer 
à  elles  par  tous  les  moyens  conformes  à  ses 
excellentes  dispositions. 

Puisque  donc  ce  mode  d'union  n'enveloppe 
aucune  contradiction,  puisqu'il  est  surtout 
en  rapport  avec  l'institution  et  la  promesse 
de  Jésus-Christ  sur  la  sainte  Eucharistie,  et 
sur  Teffet  qu'elle  produit  en  ceux  qui 
réunissent  toutes  les  dispositions  nécessai- 
res; puisqu'il  esi  convenable  à  l'amour  de 
Jésus-Christ  qui  aime  ceux  qui  le  chéris- 
sent; puisqu'il  ne  contient,  dans  sa  singula- 
rité, rien  de  contraire  à  la  foi.  Régnera 
conclut  (Prox.  Ih.  tnyst.^  t.  i,  p.  Sio,  n*  k05) 
que  rien  n'est  plus  conforme  à  la  raison  que 
celle  union ,  bien  qu'elle  n'ait  lieu  que 
pour  très-peu  de  personnes.  Mais  ce  qui 
est  beaucoup  plus  rare  et  qui  ne  parait  pas 
généralement  appuyé  sur  des  témoignages 
assez  authentiques,  c*estcequenous  trouvons 
rapporté  dansla  Jl/ys£.  etc. (p.  m,  I.  viiet  viii), 
c'est-à-dire  que  la  bienheureuse  vierge 
Marie  a  sans  cesse  possédé  dans  son  cœur  son 
Fils  sous  ce  sacrement,  depuis  la  première 
communion  qu'elle  a  faite  jusqu'au  moment 
de  sa  mort,  les  espèces  ayant  été  miraculeu- 
sement conservées  d'une  communion  à 
Tautre.  Quelques  âmes  auraient  été  aussi 
favorisées  de  ce  privilège,  et  auraient  pen- 
dant des  années  conservé  intacte  dans  leur 


GT9 


EUC 


MCTIONNAIIIE 


EUC 


sein  la  divine  Eucharistie.  Toutes  ces  opi- 
nions ne  s*appuient  sur  aucun  fondement 
solide,  et  ont  été  réfutées  par  Raynaud. 
(lleleroclU.  spirit.^  p.  i,  sect.  1,  punct.  7.) 

Pourôtre  attirés  par  Jésus-Christ,  dans  la 
sainte  Eucharistie,  à  une  union  de  plus  en 
plus  intime  avec  lui,  nous  devons  nous  dis- 
poser avec  la  plus  vive  dévotion.  La  première 
de  ces  dispositions  consiste  à  s*en  appro- 
cher avec  une  conscience  pure  de  tout  an- 
cien péché  mortel,  qui  n'aurait  pas  été  bien 
confessé.  La  contrition  ne  suffit  pas  sans  la 
confession ,    et   si  Ton  ne  peut  user    de 
celle-ci ,   il  no  faut  point  communier.   En* 
effet,  1*  Que  Vhomme  s'éprouve  soi-même,  dit 
TApôtre,  et  qu'il  mange  ainsi  de  ce  patn,  et 
gu*il  boive  de  ce  calice;  car  Quiconque  mange 
ce  pain  et  boit  ce  calice  indignement^  mange 
et  boit  sa  propre  condamnât  ion  j  ne  faisant  pas 
le  discernement  quil  doit  du  corps  du  Sei- 
gneur. (/  Cor.  XI,  28,   29.)  2*  C'est  ce  c^ue 
nous  enseigne  la  tradition  :  «  Ceux.qui  s  en 
approchent  avec  le  péché,  dit  saint  Cjpriei, 
fout  violence  au  corps  et  au  sang  de  Jésus- 
Christ.  »  {De  lapsu,)  3"  L'Eucharistie  est  le 
sacrement  des  vivants  :  l'état  de.grftce  est. 
donc  nécessaire  pour  sa  réception  :  or,  cet 
état  ne  peut  s'acquérir  par  la  foi  seule  et 
par  l'attrilion 

Bien  que  notre  conscience  ne  nous  repro- 
che aucune  faute  grave,  nous  devons  cepen- 
dant nous  éprouver  avec  soin  et  humilité 
avant  de  recevoir  ce  sacrement  d'amour, 
surtout  sur  Tamourde  Dieu,  et  nous  deman- 
der, si  Jésus-Christ  nous  faisait  celte  Ques- 
tion, comme  autrefois  à  saint  Pierre  :  Af' at- 
mez'Vous(Joan,  xii,  17)?  si  nous  pourrions 
lui  répondre  avec  autant  de  sincérité  que  ce 
sninl  apôtre  :  Seigneur^  vous  connaissez  tou- 
tes choses^  vous  savez  que  je  vous  aime.  En- 
suite, sur  la  charité  uu  prochain,  selon  ce 
précepte  de  l'Evanaile  :  Si  lorsque  vous  pré- 
sentez votre  offrande  à  Vautel^  vous  vous  sou^ 
venez  que  votre  frire  a  Quelque  chose  contre 
vous,  tuissez-là  votre  offrande  devant  Vautel^ 
et  allez  vous  réconcilier  auparavant  avec  vo-- 
tre  frire.  [Matth.  v,  23,  24.) 

La  seconde  disposition  pour  s'approcher 
de  la  communion  est,  dans  rinlervalle  d'une 
communion  à   l'autre,  de  s'efforcer,  autant 
qu*il  est  donné  à  l'homme,  d'éviter  les  péchés 
véniels f  surtout  par  la  fuite  des  distractions 
et  de  toute  marque  irrévéreiite  dans  l'acte 
même  de  la   sainte  communion,  i"  Jésus- 
Christ  nous  le  montre  lui-même,  comme 
Tobserve,  après  les  Pères,  le  Catéchisme  ro- 
main :  «  En  effet,  avant  de  donner  à  ses  apô- 
tres le  sacrement  de  son  corps  et  de  son 
sang  précieux,  il  voulut  laver  leurs  pieds, 
<)uoiqu'ils  fussent  déjà  purs,  aGn  de  nous 
montrer  combien  de   soins  et  d'attention 
nous  devons  apporter  à  rendre  à  notre  Ame 
Télat  de  pureté  et  d'innocence,  avant  de  re- 
cevoir ces  sacrés  mystères.  »  (DèSS.  Eucha- 
rist.).  C'est  ce  qui  a  fait  dire  à  saint  Jean  : 
Celui  qui  sort  du  bain  h* a  besoin  que  de  se  /ci- 
rer les  pieds,  (xiii,  10.)  2*  Les  saints  Pères 
recommandent    souvent   cette   disposition. 
(Saint  Ambrûïsë.  1.  ni  De  sacr.^  c.  1;  saint 


Bbhii  ABB,  Serm.ineœn.  Dom.)  C'ust  pourquoi, 
dans  les  rubriques  et  les  cérémonies  de  la 
messe,  il  est  prescrit  de  se  laver  les  mains 
avant  d'approcher  de  l'autel,  cVst-è-dire  de 
purifier  nos  actions  par  un  sentiment  de 
componction  ;  et,  pendant  la  messe  même, 
le  prêtre  se  lave  le  bout  des  doigts,  pour  se 
rappeler,  selon  saint  Denjs  et  saint  Thomas, 
qu'il  doit  être  exempt  des  moindres  défauts; 
ces  paroles  de  la  messe  :  Elevons  nos  cœurs, 
nous  invitent  à  repousser  la  tiédeur  et  les 
distractions.  3"*  Ce  qui  nous  excite  à  celte 
disposition,  c'est  surtout  la  grandeur  et  la 
dignité  de  cet  auguste  sacrement,  et  tel  fruits 
abondants  dont  nous  priverait  toute  affec- 
tion vénielle;  c'est  encore  la  crainte  et  la 
respectueuse  terreur  avec  laquelle  nous  de- 
vons nous  approcher  d'un  Dieu  si  puissant 
et  si  élevé. 

La  sainte  Eucharistie,  pour  augmenter  en 
nous  la  grftce  habituelle,  n'exige  pas  une 
dévotion  actuelle,  excluant  toute  faute  vé- 
nielle, mais  seulement  Tétat  de  griee  habi- 
tuel qui  exclut  tout  péché  mortel.  Cependant 
les  péchés  véniels  empêchent  l'effet  de  la 
spirituelle  douceur;  de  sorte  que  celui  qui 
communie  avec  tiédeur,  à  cause  de  ses  ha* 
biludes  vicieuses  et  des.  secours  dont  il  se 
prive,  empêche  que  la  grftce  de  ce  saint  sa- 
crement opère  avec  plus  d^intensité  ;  bien 
plus,  la  iréquence  des  communions  tiè- 
des  fait  craindre  de  tomber  dans  le  péché 
mortel. 

La  troisième  disposition  pour  s'approcher 
de  la  sainte  Jtabie,  consiste  dans  la  morlifi* 
cation  des  passions,  et  surtout  dans  la  mor- 
tification extérieure.  «  Rappelons-nous,  dit 
saint  Grégoire,  ce  qu'est  pour  nous  ce  sa- 
crifice, qui,  pour  l'absolution  de  nos  fautes, 
imite  toujours  la  passion  du  Fils  unique  do 
Dieu.  »  (L.  IV  Dial.f  c.  58.)  «  Qu'il  purifie 
sa  bouche  de  toute  celte  farine  du  siècle, 
celui  qui  désire  goûter  la  céleste  nourriture: 
s'il  reste  infecté  de  quelque  passion  terres- 
tre. Dieu  ne  viendra  pas  dans  son  cœur,  t 
(Saint  Thohàs  de  Villeneuve,  conc.  1  De 
corp.  Christ.)  En  voici  la  raison  :  de  même 
que,  dans  le  corps,  pour  qu'une  médecine 
soit  efficace,  il  faut  se  débarrasser  par  la 
diète  ou  perdes  herbes  purgatives,  de  tout 
aliment  et  de  toute  humeur  nuisibles  et  su- 

{terQus,  de  même,  à  plus  forte  raison,  dans 
'Ame,  pour  que  ce  céleste  remède  soit  efli- 
cace,  il  faut  purifier  et  repousser  par  la  roo^ 
tification  les  aliments  des  objets  sensuels ei 
les  humeurs  des  passions  coupables. 

Il  est  très-vrai  que  la  sainte  Eucharistie 
apaise  en  nous  les  passions  désordonnées  et 
la  concupiscence,  parce  que,  selon  saint 
Bernard,  «  ce  sacrement  produit  en  nous 
deux  effets  :  il  diminue  le  penchant  aux  fau- 
tes légères,|et  tend  à  supprimer  complètement 
le  consentement  aux  fautes  plus  graves.  Si 
vous  ne  ressentez  plus  aussi  souvent,  et  avec 
autant  d'amertume  qu'autrefois,  les  mou- 
vements de  la  colère,  de  l'envie,  de  h 
luxure,  etc.,  rendez  grâces  au  corps  et  au 
sang  du  Seigneur,  de  ce  que  la  vertu  du  sa- 
crement  opère  en  vous,  et  réjouissez-vous 


est 


EL'C 


D^ASŒTISME. 


EUC 


6B3 


de  voir  se  gnérir  la  plaie  honteuse  qai  vous 
rongeait  ÎDlérieurcmcnt.  •  {Serm.  m  eœna,) 
Mais  pour  obtenir  cet  effet,  il  nous  faut  coo* 
pérer  k  la  grftce  de  Dieu.  Si,  tout  en  commu- 
niant souvent,  on  nes*exerce  point  à  la  pra- 
tique de  la  mortification,  on  doit  s*accuser 
soi-même  de  ne  point  avancer  dans  la  per- 
fection ;  et  si,  tout  en  se  nourrissant-  du 
Pain  des  anges,  on  prend  toutefois  plaisir  à 
manger  la  nourriture  des  animaux,  jamais 
on  ne  pourra  jouir  d'une  santé  bonne  et  du- 
rable. 

La  qoatrijime  disposition  est  de  s'appro- 
cher de  la  sainte  table  avec  réOexion.  consi- 
dération, ou  méditation.  C'est  ce  que  montre 
ce  texte  :  Celui  qui  mange  et  boil  indignement^ 
mamge  et  boit  ton  jugement^  ne  faisant  pa$  le 
discernement  qu  il  doit  du  corps  du  Seigneur. 
(ICor.  XI,  29.)  Saint  Jean  Chrjso^tomo  ex- 
plique ainsi  ces  paroles  :  i  C'est-à-dire,  ne 
recherchant  pas,  ne  considérant  pas,  comme 
il  le  iaut,  la  grandeur  et  la  magnificence  du 
présent  que  Dieu  va  lui  faire.  Si  vous  aviez 
soigneusement  appris  à  connaître  qui  est 
celui  que  vous  allez  recevoir,  et  qui  vousôtes 
vous-même,  à  qui  il  se  donne,  celte  connais- 
sancevous  tiendrait  lieu  de  toute  autre  d  is[>o- 
siiion.àmoinsquevousnesojrez  le  plus  lâche 
des  hommes,  m  (Hom.  28.)  Aussi  Alvarez  do 
Paz  nous  dit  :  «  Craisnons,  car  beaucoup  ne 
reti/ent  que  peu  de  iruit  de  la  table  sainte, 
parce  qu'avant  et  après  la  communion  ils  ne 
v*^illent  pas  suffisamment  sur  eux-mêmes,  et 
no  rénéchissent  pas  avec  assez  de  respect  k 
celui  qui  va  venir  en  eux,  et  après  Tavoir 
reçu,  ne  se  pénètrent  [\as  assez  Je  la  pensée 
qa*eo  ce  jour  le  Saint  des  saints  est  des- 
cendu en  eux.  m  (T.  III  De  rit,  spir.^  p.  v, 
sect.  3,  c.  2.)  Saint  Thomas  {Opusc.  lvih, 
c.  2)  propose  à  ce  sujet  trois  points  de  mé- 
diialioo  accessibles  à  tous  :  le  souvenir  de 
celui  qui  nous  a  autrefois  rachetés,  qui 
maintenant  veille  sur  nous,  et  qui  dans  I  a- 
venir  viendra  nous  juger. 

Jean  Avila(Enist.  2)  pensait  qu'il  ny  avait 
rien  d'excessif  a  consacrer  une  heure  et  de- 
mie à  la  médîlation,  pour  se  préparer  à  la 
célétiration  du  saint  sacrifice.  Saint  François 
de  Borgia,  comme  beaucoup  d'autres  saints 
personnages,  après  la  célébration  des  saints 
mystères,  employait  une  demi-heure,  et 
même  une  heure,  h  la  méditation.  Saint  B.> 
naventure  {Reg.  nor.,  c.  k)  veut  que  toute 
la  semaine  soit  une  continuelle  préparation 
h  la  communion  du  dimanche;  c'est  ce  que 
faisait  saint  Louis  de  Gonzague,  qui  consa- 
crait trois  jours  h  la  préparation  et  trois  au- 
tres jours  à  l'action  de  grâces.  L*Ecriture 
sainte  nous  propose  aussi  lexenii^le  des  pre- 
miers fidèles,  qui  persécéraienl  dans  la  doc- 
irine  des  apôtres,  dans  la  communion  de  la 
fraction  du  pain  et  dans  les  prières.  {Àct  xi, 
4^2.)  Nous  devrions  au  moins  vivre  conti- 
nuellement comme  ayant  communié  et  de- 
vant communier  souvent.  Que  le  prêtre  ne 
se  contente  jamais,  pour  préparation  et  pour 
action  de  grâces,  de  ces  courtes  et  excellen- 
tes prières  qu'il  récite  toujours  pendant  la 
lucâse.  En  elfet,  selon  la  reuiarque  du  r.ardi- 

DiCTi03i?i.  d'Ascétisve.  I 


nal  Bona  (Tr.  de  mm.,  c.  6},  autre  chose  est 
ce  qu'il  doit  faire  publiquement  comme  mi- 
nistre de  TEglise,  et  dont  la  mesura  est  ré- 
glée par  l'Eglise  même;  autre  chose  est  co 
qu'on  doit  faire  en  particulier,  selon  la  né- 
cessité et  riniérêt  de  chacun,  suivant  ce 
conseil  de  TEvangile  :  Entrez  dans  votre 
chambre^  fermez-en  la  porte^  et  priez  votre 
Père  dans  le  secret.  (Matth.  vi,  6.) 

La  cinquième  disposition  pour  s*appro-, 
cher  de  ta  sainte  table  consiste  dans  une 
dévotion  actuelle^  aussi  vive  que  la  grâce  de 
Dieu  nous  le  permet.  La  dévotion,  qui  est 
très-importante  et  très-utile  pour  bien  agir 
et  ponr  bien  prier,  est  surtout  indispensa-. 
ble  à  Tnsage  salutaire  de  ce  saint  sacrement,^ 
et  si  Ton  ne  peut  toujours  avoir  une  dévo-^ 
tion  sensible  et  accidentelle,  qn*on  ait  au 
moins  la  dévotion  spirituelle  et  substan^ 
tiellc  :  au  reste,  on  doit  les  demander  à 
Dieu  l'une  et  Tautre  par  une  humble  prière. 
D*ailleurs  il  est  certain  que  cette  dévotion 
actuelle  est  nécessaire  pour  goûter  la  dou- 
ceur spirituelle,  qui  est  leffet  de  la  sainte 
Eucharistie.  Or  ^ui  ne  désire  la  goûter» 
cette  douceur  qui  contient  toute  sorte  de 
délices  et  de  suavité?  Saint  Bonaventure 
remarque  que,  «  si  I  on  ne  ressent  aucun 
sentiment  de  douceur  dans  la  communion, 
c'est  un  signe  de  maladie  ou  de  mort.  Car 
elle  a  mis  le  feu  dans  notre  âme  et  nous 
n'en  ressentons  pas  la  chaleur;  elle  a  placé 
du  miel  sur  nos  lèvres,  et  nous  n'en  éprou- 
vons pas  la  douceur.  Reconnaissons  donc 
notre  misère  et  réformons  notre  conduite,  m 
(  Prœp,  ad  miss.  ) 

Saint  Laurent  Juslinien  montre  comment 
Dieu  exige  de  tous  les  hommes  un  senti- 
ment d affectueuse  dévotion,  et  comment» 
selon  le  plus  ou  moins  de  charité  qu'on 
possède,  on  épronve  d'une  manière  plus  ou 
moins  sensible  l'eff^et  de  ce  sacrement,  do 
manière  toutefois  que  le  Juste  n'est  jamais 
sans  progresser  dans  la  rie  spirituelle.  «  Car 
bien  que  la  dévotion  convienne  surtout  à 
ce  sacrement^  il  faut  s'appliquer  avant  tout 
è  mener  une  conduite  irréprochable,  et  re* 
chercher  ensuite  ta  dévotion.  Aussi  ne  doit- 
on  pas  repousser  de  la  sainte  table  du  Sei- 
gneur un  homme  peu  dévot,  mais  se  con- 
duisant avec  justice,  meuant  une  vie  ver- 
tueuse, reconnaissant  humblement  son  in- 
firmité, en  faisant  l'aveu  sincère,  et  s'appro- 
chant  avec  respect  de  ce  sacrement:  un 
tel  homme  y  puise  insensiblement  une 
nourriture  et  une  vie  spirituelles,  h  (L.  de 
perf.  mon. ,  c.  19.  )  (  Voyez  saint  Thomas  ûb 
.ViLLB?iEUVE,Cofic.  de  corp.  Christ,^  et  Rodei- 
Guez,  p.  il  Exerc.  perf. ,  tr.  8,  c.  13.  ) 

La  sixième  disposition  |  our  s*approcher 
de  la  table  sainte  consiste  dans  la  pratique 
de  toutes  les  vertus  et  surtout  de  la  chanté. 
L*£uctiaristie  est  cette  pierre  blanche  qui  est 
donnée  au  vainqueur  en  même  temps  quj 
la  manne  cachée  (Àpoc.  ii,  17  j  ;  cette  pierre, 
dis-je,  que  le  séraphin  avait  em|:ortée  de 
Tautel,  et  avec  laquelle  il  toucha  la  liouche 
du  prophète.  (  Isai.  i,  6.  )  Elle  est  encore 
indiquée  dans   l'A^rncau  pascal,  tlguro  do 

22 


U5 


£(]C 


DICTIONNAIRE 


EUC 


6S4 


l*Eacbarislie, lequel  devait  être  rôti  au  feu  et 
dont  on  devait  brûler  tous  les  restes  (  Exod. 
kiiy  9y  10);  car,  selon  la  remarque  du 
bienheureux  Albert  le  Grand:  «  Tout  ce 
sacrement  doit  être  embrasé  du  feu  de  la 
charité  !  9  [Tr.  de Euchar. ,  d. 3,  tr.  &,  c.  S.  ) 
EnOn  TEvangile  nous  recommande  d'atten- 
dre le  Seigneur  avec  des  flambeaux  ardents. 
(Luc.xnr)  Voici  comment  Dieu  le  Père, 
dans  un  entretien  avec  sainte  Catherine  de 
Sienne,  expose  celte  comparaison  :  «  Vous 
devez  venir  recevoir  cet  auguste  sacrement, 
cette  lumière  si  douce  et  si  glorieuse,  avec 
un  amour  aussi  grand  que  celui  que  je  vous 
ai  témoigné  en  vous  faisant  servir  par  les 
élus  mes  serviteurs,  en  me  donnant  à  vous 
comme  nourriture.  »  (Tr.  3,  dial.  110.) 
Eprouvez-vous  donc^  dit  saint  Bonaventure, 
afin  de  rtconnaitre  si  vous  avez  la  charité  et 
la  ferveur  nécessaires  pour  s'approcher  de  ce 
sacrement.  (Tr.  de  prœpar.  ad  miss.f  c.  h.) 

Si  nous  voulons  [donc  nous  unir  intime- 
ment à  Jésus-Christ  dans  la  sainte  Eucha- 
ristie, considérons  avec  attention  de  quels 
lions  ineffables  nous  sommes  comblés  par 
olle.  c  Nous  tous,  qui  participons  à  ce  corps 

divin,  s*éciio  saint  Jean  Chrjsostome, 

réfléchissons  que  nous  recevons  dans  notre 
sein  celui  oui  règne  dans  les  cieux,  qui  est 
adoré  par  tes  anges,  et  qui  siège  auprès  de 
l'incorruptible  vertu.  »  (Hom.  61  ad  popul.) 
Nous  honorons  par  un  culte  sacré  et  nous 
pressons  sur  notre  cœur  les  saintes  reliques. 
Que  ferons^nous  donc,  quand  nous  avons 
dans  notre  poitrine  le  corps  vénéré  non  de 
quelque  saint,  mais  du  Saint  des  saints  ;  ces 
mains  et  ces  pieds  sacrés,  ce  cœur  si  digne 
d'amour,  avec  toutes  ses  blessures  I  Rappe- 
lons-nous que  c'est  pour  nous  qu'il  a  été 
attaché  à  la  croix ,  que  c'est  pour  nous  et  è 
nous  qu'il  est  livré  dans  la  sainte  Eucharis- 
tie, et  disons  de  tout  notre  cœur  :  Corps  de 
Jésus-Christ  f  sauvez-moi  I  Nous  recevons 
encore  le  sang  de  Jésus-Christ.  «  Ce  sang, 
dit  saint  Jean  Chrysostorae,  est  notre  gloire^ 
ineffaçable;  ce  sang  ne  laisse  pas  se  flétrir' 
la  noble  vigueur  de  Tâme,  qu  il  arrose  et 

qu'il  nourrit Ce  sang  a  été  répandu  pour 

puritier  tout  l'univers Il  est  le  salut  de 

nos  Ames  :  par  lui  l'Ame  est  nuriflée',  em- 
bellie, enflammée  d'amour.  11  rend  notre 
esprit  plus  éclatant  que  la  flamme,  il  rend 
notre  Ame  plus  brillante  que  l'or.  Ce  sang 
répandu  nous  a  ouvert  le  ciel.  11  est  le 
prix  de  l'univers;  c'est  par  lui  que  Jésus- 
Christ  a  acheté  l'Eglise,  c'est  par  lui  qu'il 
Ta  comblée  d'honneurs.  Ceux  qui  partici- 
pent à  ce  sang  divin  demeurent  avec  les 
«mges,  les  archanges  et  les  vertus  célestes, 
revôtus  eux-mêmes  de  la  tunique  royale  du 
iihrist,  et  portant  les  armes  spirituelles; 
mais  que  dis-je,  c'est  le  roi  lui-même  qu*ils 
revêtent.  »  (  L.  c.  )  Nous  recevons  en  outre 
l'Ame  de  Jésus-Christ.  «  Considérez,  nous 
dit  saint  François  de  Borgia ,  que  TAme  de 
Jésus-Christ  a  tous  ses  attributs  dans  le 
Verbe,  parce  qu'elle  subsiste  dans  la  divine 
bypostase,  et  qu'il  n'y  a  rien  hors  du  Verbe 
divin.  Rappelez-vous  que  nous  devons,  se- 


lon notre  faiblesse,  imiter  cette  Ame  sacrée, 
ne  rien  faire  qui  vienne  uniquement  de  dous- 
mêmes,  avoir  tout  en  Dieu  et  lui  êtreuais 

Îar  le  lien  de  Tamour.  »  (L.  ix  G^er,,  tr. 
.  )  0  Ame  sainte  de  Jésus  I  unissez-vous  k 
la  mienne ,  afin  que  nous  ne  soyons  qu'une 
Ame  et  que  je  puisse  dire  avec  l'Apôtre  :7e 
ne  vis  plus ^  c'est  Jésus-Christ  quivtt  en  mot. 

iGal.  II,  SD.  )  Enfin  nous  recevons  encore 
ésus-Christ  comme  Dieu,  lui  en  qui  ion( 
tous  les  trésors  cachés  de  sagesse  et  de  «ctmce... 
en  qui  habite  corporellement  toute  la  pléni- 
tude de  la  divinité.  {Coloss,  11,  3  et  9.)  Ici 
Dieu  vient  è  nous  avec  tous  ses  trésors,  il 
veut  enrichir  notre  pauvreté.  Restaurons 
donc  nos  cœurs  et  agrandissons-en  la  ca- 
pacité, afin  d'v  renfermer  nos  récompe/Yses« 
et  de  ne  pas  les  mettre  dans  un  sac  percé^ 
comme  dit  le  prophète,  (ii^y.  i,  6.  {Di- 
sons avec  II!  Psalmiste  :  Que  rendrai-jt  au 
Seigneur  pour  tous  les  biens  dont  il  m'aeotn' 
blé?  Je  prendrai  le  calice  du  salut  et  [invo- 
querai le  nom  du  Seigneur O  mon  cnlict, 

source  d'ivresse  ineffable^  que  vous  êtes  beau  î 
(  Ps.  cxv,  12;  xxiiy  5.  )  Heureuse  ivresse, 
qui  transporte  l'Ame  par  la  vertu  du  m 
d'amour  que  renferme  le  calice  eucharisti- 
que, et  qui  la  transforme  en  son  bien-aimé. 

Nous  terminerons  cet  article  par  quelques 
avis  aux  directeurs  des  Ames  sur  l'usage  de 
la  communion  qu'ils  doivent  prescrire  à 
leurs  pénitents. 

1.  Le  directeur  peut  et  doit,  tous  les  huit 
jours  datis  les  cas  ordinaires,  permettre 
l'usage  de  la  sainte  communion  aux  itnes 
quMl  trouve  au  sacré  tribunal  disposées  à 
recevoir  l'absolution.  Tel  est  l'usage  ordi- 
naire des  Pères  spirituels  et  de  l'Eglise.  La 
raison  en  est  très-claire.  Le  pénitent  a  cou- 
tume de  vivre  avec  persévérance  daus  h 
grAce  de  Dieu,  ou  de  tomber  dans  quelque 
péché  mortel  ;  car  il  n'est  pas  ici  question 
des  personnes  dissolues,  qui  abusent  de 
toute  occasion  ;  elles  se  présentent  raremeol 
au  tribunal  de  la  Pénitence,  ce  oui  ue  per- 
met pas  au  directeur,  quand  il  te  voudrait, 
de  leur  prescrire  d'approcher  plus  souvent 
de  la  sainte  table.  Pour  les  premières,  quartd 
elles  vivent  habituellement  dans  la  grâce  de 
Dieu,  on  ne  peut  leur  refuser  l'autorisalinn 
de  communier  tous  les  huit  jours  et  les 
principales  fêtes,  ni  les  priver  d'un  si  grand 
bien,  puisqu'elles  y  sont  suffisamment  dis- 
posées. A  moins  toutefois  que  l'arbitre  de 
leur  conscience,  ou  pour  leur  inspirer  un 
plus  profond  sentiment  d'humilité,  ou  pour 
exciter  en  eux  un  plus  vif  désir  de  cette 
sainte  nourriture ,  ou  pour  éprouver  leur 
repentir,  ou  pour  les  mortifier,  ne  juge  à 
propos  de  leur  imposer  de  temps  en  temps 
celte  privation.  Si,  d'un  autre  côté,  le  péni- 
tent souille  parfois  sa  conscience  duneiaule 
mortelle,  mais  en  montre  è  son  jago  spiri- 
tuel une  douleur  véritable  et  mérite  de  re- 
cevoir l'absolution,  alors  il  faut  lui  peroel- 
tre  de  s'approcher  du  banquet  diviui  afin 
d'y  puiser  la  force  de  ne  plus  retomber 
dans  les  mêmes  erreurs;  car  c'est  là  luû 
des  principaux  effets  et  le  plus  salutaire  de 


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Eue 


b'ASCEtlSlŒ. 


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celte  céleste  noanilttre.  El  même,  selon 
saint  Ambroise,  plus  on  ML  pécheur  et  in- 
firme, plus  on  doit  faire  usaga  de  ce  paîp 
sacré,  de  ce  remède  qui  nous  fortifte  contre 
nos  infirmités  habituelles.  (L.  ly  De  mtm.» 
c.  6.)  Saint  Hilaire  ose  dire  :  «  Si  les  péchés* 
ne  sont  pas  assez  graves  pour  faire  encou- 
rir Texcommunication  (et  à  notre  point  de 
Tue,  nous  disons  plus  justement,  pour  ren- 
dre indigne  de  raosolution),  on  ne  doit  pas 
s^abstenir  du  remède  du  corps  et  du  sang 
de  Notre-Seigneur;  car  il  est  a  craindre  que 
celui  qui  s*en  est  abstenu  ne  compromette 
son  salut.  >  lApud  Geatiaii . ,  De  cansecr, , 
dist.  2.) 

Une  autre  raison  qu*on  donne,  afin  de 
prouver  Putilité  de  la  communion  hebdo- 
madaire pour  les  Ames  dont  nous  parlons , 
€*est  la  nécessité  de  briser,  imrcet  obstacle, 
les  efforts  du  démon.  Par  là  il  n'osera  plus 
les  assaillir  de  ses  tentations,  ou,  du  moins, 
il  les  attaquera  arec  moins  de  violence. 
«  Efforcez-vous,  dit  saint  Ignace,  martyr,  de 
vous  rassembler  fréquemment  pour  TEucha- 
rîstie  et  ta  gloire  de  Dieu.  Quand  vous  êtes 
souvent  réunis  en  ce  lieu,  vous  détruisez 
les  forces  de  Satan,  et  repoussez  les  traits 
de  feu  qu'il  vous  lance  en  vain  pour  vous 
exciter  au  péché.  9  (Epist.  ad  Ephes,) 

II.  Si  une  perscinne  est  arrivée  au  point 
de  vivre  conlinuellement  dans  la  grflce  de 
Dieu,  et  même  de  s'abstenir  avec  beaucoup 
do  soin  du  péché  véniel,  et  d'étouffer  toute 
affection  pour  ce  péché,  si  elle  aime  la  pé- 
uitence,  et  s'applique  à  la  modération  et  à  la 
mortification  de  ses  propres  appétits  ;  si  elle 
s'adonne  à  l'exercice  des  saintes  médita- 
tions; si  elle  a  un  ardent  désir  du  pain  des 
anges,  et  si  elle  retire  de  la  table  sainte 
des  fruits  et  des  forces  pour  avancer  dans  la 
vertu,  on  pourra  lui  permettre  de  commu- 
nier deux,  trois,  quatre  et  même  cinq  fois  la 
semaine,  selon  qu  on  la  verra  faire  de  plus  en 
plus  des  progrès  dans  la  perfection,  et  tirer 
plus  ou  moins  de  profit  de  ce  banquet  divin. 
Le  Pape  saint  Grégoire  Vil,  écrivant  à  la 
comtesse  Hathilde,  jeune  fille  d'illustre  nais- 
sance, et  d'un  caractère  d'élite,  mais  plus 
remarquable  encore  par  l'esprit  et  la  piété, 
lui  propose  la  fréquente  communion  comme 
le  principal  moyen  de  perfection.  {Apud 
Babo!i.  107&,  n.  12, 13.)  Aussi  le  directeur 
ne  doit  nullement  craindre  de  se  montrer 
trop  libéral  à  permettre  à  de  telles  âmes  le 
fréiiueut  usage  de  la  sainte  communion, 
puisque  les  saints,  dont  l'autorité  est  du 

Elus  grand  poids  dans  l'Eglise,  ont  agi  de 
i  sorte. 

Si  la  personne  spirituelle  est  arrivée  déjà 
à  une  haute  perfection  ;  si  elle  a  surmonté 
et  vaincu  ses  ap|)étits  et  ses  mauvaises  in- 
clinations; je  dis  si  elle  a  vaincu^  et  non-seu- 
lement assoupi  par  Tâliment  des  consola- 
tions sensibles,  ce  qui  arrive  souvent  aux 
commençants;  si  elle  a  acquis,  surtout  dans 
Tasagede  ce  mystère,  une  grande  communi- 
caiiouavecDieu,à  tel  p  lint  que  Jésus-Christ 
lui-même  semble  chercher  ses  délices  dans 
cette  âme,  alors  on  pourra  lui  permeltre  de 


se  nourrir  tous  les  jours  de  la  céleste  nour* 
riture.  Pour  s'approcher  chaque  jour  de  la 
table  sainte,  dit  saint  François  de  Sales,  il 
faut  avoir  surmonté  presque  toutes  ses  mau- 
vaises inclinations  et  y  être  autorisé  par 
son  père  spirituel.  [Introd.  ad  titam  dévot. ^ 
p.  n,  c  19.) 

Que  le  directeur  ne  permette  pas  qu'oc 
se  dispense  de  cette  excellente  habitude  de 
la  fréquente  communion ,  sous  le  spécieux 
prétexte,  all^é par  beaucoup  de  personnes, 
que  ce  fréquent  usage  engendre  la  familia* 
nté,  et  diminue  insensiblement  le  respect 
qu'on  doit  avoir  pour  ce  sacrement.  Car,  si 
les  âmes  sont  douées  des  qualités  dont  j'ai 
parlé  plus  haut,  et  si  elles  s'approchent  de 
la  table  sainte  avec  toutes  les  préparations 
requises,  leur  respect  pour  cet  auguste  mvs- 
tère,  loin  de  diminuer,  augmentera  tous  les 
jours.  Il  y  a  seulement  cette  différence  entre 
ceux  qui  vivent  avec  les  habitants  de  cette 
terre,  et  ceux  qui  s'entretiennent  très-sou- 
vent avec  les  citoyens  de  la  céleste  patrie, 
que  les  premiers  découvrent  toujours  plus 
les  défauts  de  ceux  avec  qui  ils  vivent  fami- 
lièrement, tandis  que  les  autres  comprennent 
de  plus  en  plus  leurs  excellentes  préroga- 
tives. De  sorte  que  la  familiarité  chez  les  uns 
éteint  peu  è  peu  l'estime  et  le  respect,  et  ne 
fait  que  les  accroître  chez  les  autres.  Et  si 
le  directeur  veut  en  avoir  une  entière  con- 
viction, qu'il  jette  seulement  les  yeux  sur 
celui  qui  ne  communie  qu'une  fois  ou  deux 
l'année,  et  en  même  temps  sur  celui  qui 
communie  plusieurs  fois  la  semaine.  Il  verra 
que  celui-ci  est  plein  de  respect  et  d'amour 
pour  le  Sauveur  que  fui  voilent  les  espèces 
sacrées,  tandis  que  l'autre  est  tout  indiffé- 
rent, et  semble  s'approcher  de  ssl  propre 
table  pour  manger  un  pain  ordinaire  et 
non  le  pain  des  an^es.  Ce  n'est  donc  pas  la 
fréquente  communion,  mais  plutôt  la  négli- 
gence à  s'en  approchi^r,  qui  fait  perdre  le 
respect  et  la  vénération  pour  ce  divin  mys- 
tère. 

m.  Que  le  directeur  remarque  que  les 
règles  ci-dessus  prescrites  sont  sujettes  à 
diverses  exceptions,  en  raison  des  différen* 
tes  circonstances  auxquelles  les  pénitents 
sont  quelauefois  exposés.  Une  religieuse, 
par  exemple,  de  beaucoup  d'esprit  et  d'une 
grande  perfection,  mériterait  de  puiser  cha- 
que jour  de  nouvelles  forces  par  l'usage  de 
ce  pain  sacré.  Il  ne  faudrait  cependant  pas 
le  lui  permettre  si  les  autres  religieuses 
ont  Tbabitude  de  ne  s'approcher  de  la  table 
sainte  que  deux  fois  la  semaine.  Lui  accor- 
der, en  ce  cas,  i  elle  sei^e,  l'autorisation  de 
communier  chaque  jour,  ce  serait  introduire 
une  sorte  de  singularité,  qui  serait  pour  elle 
une  occasion  de  vanilé,  et  pour  les  autres 
un  motif  de  murmures.  Avec  un  marcbaiid 
ou  un  artisan  d'une  grande  perfection,  il 
faut  agir  aussi  avec  beaucoup  de  précaution. 
Souvent  la  multitude,  la  continuité  et  l'ur* 
gence  de  ses  occupations,  ne  lui  laissent  pas, 
pendant  la  semaine,  assez  de  temps  pour  se 
recueillir,  comme  doit  le  faire  quiconque 
veut  dignement  recevoir  le  roi  du  ciel  dans 


^ST 


EUC 


DICTIONNAmC 


ElTC 


m 


rhabilanon  de  son  cœur.  Un  homme  ou  une 
femme  mariés  ne  devront  pas  recevoir  l'au- 
torisalion  de  communier  aussi  souvent  qu'un 
jeune  homme,  ou  qu'une  jeune  fille  pieuse, 
quoique  arrivés  au  même  degré  de  perfec- 
'lion.  Bien  que  Faccomplissement  des  devoirs 
conjugaux  n'empêche  personne  de  s'appro- 
c^her  de  la  table  des  anges,  il  y  aurait  cepen- 
dant des  inconvénients,  parce  au'en  raison 
de  la  fragilité  de  hotre  nature,  1  état  de  ma- 
riage est  presque  toujours  exposé  k  des  im- 
perfections, des  défauts  et  des  péchés  vé- 
niels. Comme  en  celte  matière  ardue  il  nous 
faut  nous  attacher  plutôt  au  jugement  des 
autres  qu'à  notre  opinion  personnelle,  nous 
nous  appuierons  sur  Tautorité  de  saint 
Jérôme,  et  nous  en  citerons  les  paroles,  en 
laissant  au  directeur  le  soin  de  leis  méditer 
et  de  les  peser  en  lui -môme.  Ce  saint  doc- 
teur, après  avoir  rapporté  ces  paroles  de 
^aint  Paul  :  Ne  vous  refusez  point  run  à 
Taulre  le  devoir^  si  ce  n'est  d*un  consentement 
mutuel f  afin  de  vous  exercer  à  la  prière  [I  Cor. 
VII,  5),  ajoute  :  «  L'apôtre  saint  Paul  dit 
que,  quand  nous  voj^oos  nos  femmes,  nous 
ne  pouvons  prier.  Si  l'accomplissement  du 
devoiroonjugal  est  un  obstacle  pour  la  prière, 
ce  q^ui  est  moins  grave,  à  plus  forte  raison 
est-il  un  obstacle  à  la  réception  du  corps  de 
Jésus-Christ,  acte  d*une  plus  haute  gravité. 
Saint  Pierre  nous  exhorte  à  la  continence, 
pour  qu'il  n'y  ait  aucun  obstacle  à  nos 
prières.  De  quel  péché,  je  vous  le  demande, 
me  suis-je  ici  (169]  rendu  coupable?  Quelle 
faute  ai-je  comnàise?  Si  les  eaux  sont  trou- 
bles, la  faute  en  est  non  au  lit,  mais  à  la 
source.  En  quoi  suis-je  répréhensible  d'avoir 
osé  dire  de  moi-raéme  :  comment  peut  être 
bon  ce  qui  nous  empêche  de  recevoir  le 
corps  de  Jésus-Christ  ?  Je  réponds  en  deux 
mots  :  quel  est  le  plus  important  de  [trier 
ou  de  recevoir  le  corps  de  Jésus  Christ?  As- 
surément c'est  do  recevoir  le  corps  de  Jésus- 
Christ.  Or  si  le  devoir  conjugal  est  un 
obstacle  à  ce  qui  est  moins  important,  à  plus 
forte  raison  1  est-il  à  ce  qui  l'est  le  plus. 
Nous  avons  dit,  dans  le  même  ouvrage,  que 
David  et  ses  compagnons  n'avaient  pu  man- 
ger le  pain  de  proposition  selon  la  loi,  sans 
avoir  déclaré  s  être  abstenus  pendant  trois 
jours  de  tout  commerce  avec  les  femmes.  Or 
il  ne  s'agissait  pas  de  commerce  avec  les 
courtisanes,  ce  qui  était  réprouvé  par  la 
loi,  mais  avec  leurs  épouses  légitimes.  Le 
peupFe  aussi,  avant  de  recevoir  la  loi  sur  le 
mont  Sinaï,  reçut  l'ordre  d'être  pendant  trois 
Jours  pur  de  tout  commerce  charnel.  Je  sais 
qu'à  Rome  les  fidèles  ont  l'usage  de  rece- 
voir en  tout  temps  le  corps  de  Jésus-Christ; 
je  ne  blâme  ni  ne  condamne  cet  usage  ;  cha- 
cun fait  comme  il  l'entend.  Mais  je  ne  suis 
pas  d'avis  qu'on  doive  communier  le  jour 
même  qu'on  a  eu  commerce  avec  sa  femme. 
...Que  chacun  s'éprouve,  et  s'approche  ainsi 
ilu  corps  de  Jésus-Christ.  Ce  n'est  pas  que 
«ce  délai  de  la  communion,  d'un  jour  ou 
«deux,  rende  te  Chrétien  plus  saint,  ni  fosse 


mériter  demain  on  après  ce  dont  on  u'éla  t 
pas'digne  aujourd'hui  ;  mais  la  douleur  d'être 
privé  du  corps  de  Jésus-Cbrist  me  fera 
pendant  quelque  temps  ro'abstenir  des 
devoirs  d  époux ,  et  préférer  è  l'amour 
conjugal  l'amour  de  Jésus-Cbrist.  •  Œmtt, 
ad  Samach.  pro  lib.  advers.  Jovin.)  A  l'au- 
torité de  saint  Jérôme  je  joindrai  celle 
du  Docteur  angelique,  qui  tranche  ainsi  In 

Question,  se  fondant  sar  les  paroles  précé- 
entes  de  saint  Jérôme  et  sur  d'autres  de 
saint  Grégoire:  «  L'accomplissement  du  de- 
voir conjugal,  quand  il  se  fait  sans  péché 
(c'est-à-dire  exclusivement  dans  le  but  d'a- 
voir des  enfants),  n'a  pas  d'autre  motif  d'em- 
f»êcher  la  réception  de  ce  sacrement  que  ce- 
ui  que  nous  avons  indiqué  pour  la  pollu- 
tion nocturne  qui  n'est  pas  accompagnée  de 
péché,  c'est-à-dire,  à  cause  de  l'iDtpurelé 
corporelle  et  de  la  distraction  de  l'esprit. 
C'est  ce  qui  fait  dire  à  saint  Jérôme,  à  pro- 
pos d'un  passage  de  saint  l^atthieu  :  Si  les 
pains  de  proposition  ne  pouvaient  être 
mangés  par  ceux  qui  avaient  eu  commerce 
avec  leurs  femmes,  combien  à  pkis  ferle 
raison  doivent  s'abstenir  de  ce  pain,  qui  e^l 
descendu  du  ciel,  ceux  qui  peu  d'heures 
auparavant  se  livraient  aux  actes  de  l'a- 
mour charnel?  Ce  n'est  pas  que  nous 
veuillons  condamner  le  mariage;  nous  di- 
sons seulement  que,  sur  le  point  de  maoger 
l'Agneau  sans  tache,  nous  devons  nous  abs- 
tenir des  œuvres  de  la  chair.  Et  comme  c'est 
une  affaire  toute  de  convenance  et  non  de 
nécessité,  saint  Grégoire  dit  qu'il  fdut  laisser 
à  chacun  son  opinion  sur  ce  sujet.  Itfais  si 
dans  l'œuvre  charnelle  on  se  propose  plutôt 
le  plaisir  que  la  postérité ,  ajoute  saint 
Grégoire,  il  faut  interdire  rentrée  delà  table 
sainte.  »  (ni  part.,  quœst.  21,  —  alias  80, 
art.  7,  ad.â.) 

Ces  paroles  doivent  être  entendues  p<ir 
le  directeur  dans  leur  sens  véritable.  Rendid 
le  devoir  à  celui  qui  a  droit  de  l'exiger 
ne  présente  aucun  inconvénient  pour  l'usage 
de  la  communion,  si  on  le  fait  avec  l'iniei 
tion  sincère  d'exécuter  la  volonté  de  Dieu 
par  l'accomplissement  de  ses  obligation» 
particulières.  Quant  à  celui  qui  exige  ce  de- 
voir, selon  le  droit  qu'il  en  a,  il  peut  cepen- 
dant, et  il  doit  en  résulter  pour  lui  quelque 
inconvenance  à  s'approcher  de  rEucharislie, 
surtout  s'il  exerce  ses  droits  sans  nécesMlé 
et  d'une  manière  ou  dans  des  vues  peu  con- 
folmes  à  latin  naturelle  du  mariage.  Le  direc- 
teur comprendra  ce  que  nous  voulons  direici. 
En  général ,  il  est  certain  qu'il  faut  se  mon- 
trer plus  libéral  envers  les  célibataires  qu'en- 
vers les  personnes  mariées.  Leur  condition, 
dit  l'Apôtre,  est  plus  parfaite,  et  leurpurcié 
les  rend  généralement  plus  agréables  à 
Jésus-Christ  caché  sous  les  espèces  sacrée*. 
Le  lis  de  pureté  virginale,  qu  ils  conserveit 
sans  souillure,  les  dispose  mieux  à  s'un  r 
avec  le  beau  ils  des  vallées^  avec  notre  ai- 
mable Rédempteur. 

IV.  Le  directeur  rencontrera  des  persi^n- 


(169)  Saint  Jérôme  défend  ici  un  passage  incriminé  de  sa  rérutation  des  erreurs  de  Jovimen. 


ets 


EUC 


D\SCET1SME. 


EUC 


090» 


oes  qui*  mieux  disposées  que  les  autres  à 
recevoir  fré(|uemmeol  celle  céleste  nourri- 
turc,  s*absli6DueDt  néanmoios  de  la  table 
sainte  par  humilité,  reconnaissant  leurs 
bassesses  et  leurs  ironerfections.  H  faut  l.*s 
avertir  que  cet  humble  abaissement  de  soi- 
même  est  nécessaire,  il  est  rrai,  pour  rece- 
voir cette  nourriturej  mais  que  l'amour 
doit  prévaloir  et  triompher  de  cette  crainte 
resp^tueuse  produite  par  rabaissement  de 
soi-même,  qui  nous  priverait  des  fruits  sa- 
lutaires que  cet  arbre  de  vie  produit  habi- 
tuellement dans  nos  flmes.  Ils  doivent  donc 
considérer  leur  propre  indignité,  mais  non 
pas  s'arrêter  à  cette  pensée.  Il  Tant  mieux 
|iajer  à  la  contemplation  de  la  bonté  infinie, 
que  le  Rédempteur  nous  témoigne  dans  cet 
auguste  mjstère  ;  et  à  ta  méditation  de  Tar- 
dent désir  avec  lequel  il  souhaite  de  s'unir 
k  nos  âmes.  Ces  considérations  exciteront 
en  elles  un  mutuel  amour,  et  les  enflam- 
lieront  d'ardeur  pour  la  table  sainte.  Car, 
selon  saint  Thomas  :  «  Ce  sacrement  est  la 
nourriture  spirituelle,  et  comme  chaque 
jour  on  prend  la  nourriture  cor^iorelle,  de 
fiiéme  c*est  une  pratique  louable  de  rece- 
▼oir  ce  sacrement  tous  les  jours.  >  (d-3, 
qu«st.  80;  art.  10,  ad.  i.  )  Rappelons-nous 
toutefois  qu'il  iaut  remplir  les  conditions 
qoe  nous  avons  exposées  plus  haut.  Aussi 
Louis  de  Rlois  dit  avec  raison  :  «  Il  est 
louable  parfois  de  s'abstenir  de  la  réception 
sacramentelle  de  l'Eucharistie  par  humilité, 
sainte  frayeur  ou  respect;  mais  il  est  bien 
Itréférable  de  s'en  approcher  souvent,  psr 
un  sentiment  de  charité,  par  le  désir  de  la 
gloire  de  Dieu  et  du  bien  général,  ou  par 
une  dévotion  toute  spéciale.  »  {Monit.  spi- 
rii.,  6,  7,  8.  ) 

Avi$  iur  la  communion  êpirituelte.  — 
I.  Comme  il  n'est  qu'un  très-petit  nom- 
bre de  personnes  à  qui  l'on  puisse  ac- 
c  rder  l'autorisation  de  recevoir  tous  les 
jours  le  corps  divin  de  Jésus-Christ,  con- 
tenu sous  les  espèces  sacrées,  tous  les  fi- 
dèles doivent  au  moins  s'appliquer  è  le  re- 
cevoir tous  les  jours  spirituellement,  c'est- 
à-dire,  par  la  commonion  spirituelle.  Elle 
consiste,  selon  saint  Thomas,  dans  un  vif 
désir  de  recevoir  cet  auguste  mjstère.  «  On 
^st  tNiptisé  ou  on  communie  spirituellement 
et  non  sacramentellement,  quand  on  désire 
de  recevoir  ces  sacrements.  »  (m  p.,  quœst. 
21,  a/ias80«— art.  1,  ad  3.  )  «  On  mange  spi- 
rituellement le  corps  de  Jésus-Christ,  quand 
on  croit  à  sa  présence  réelle  sous  les  espè- 
ces de  ce  sacrement,  et  qu'on  désire  avec 
ardeur  recevoir  ce  sacrement.  »  El  alors  on 
oe  reçoit  pas  seulement  spirituellement  Jé- 
sus-Christ, mais  encore  on  participe  spiri- 
tuellement à  ce  mjstère.  Si  c'est  un  désir 
brûlant  et  plein  d'ardeur,  cette  réception 
spirituelle  est  souvent  plus  abondante  en 
fruits  et  plus  agréable  à  Dieu  que  beaucoup 
de  communioud  réelles  faites  avec  tiédeur. 
Celte  différence  provient  non  du  mjstère, 
mais  de  la  froideur  de  celui  qui  s'en  apfiro- 
che.  Nous  vojons  dans  la  Vie  de  sainte  Ca- 
ikrine  de  Sienne  que,  désirant  arec  la  plus 


vive  ardeur  s'unir  à  son  divin  époux  caché 
sous  les  espèces  sacrées,  elle  en  vint,  dans 
la  yiolence  de  ses  désirs,  jusqu'à  éprouver 
des  défaillances,  et  supplia  l'arbitre  de  s» 
conscience,  le  R.  Rajmond,  de  vouloir  bien 
dès  le  point  du  jour  lui  apporter  le  pain  des 
linges,  dans  la  crainte  où  elle  était  de  suc- 
comber sous  la  véhémente  impétuosité  de 
ses  désirs.  Les  angoisses  d'amour  de  cette 
pieuse  viei^e  furent  si  agréables  à  Jésus- 
Christ,  qu'un  malin,  pendant  que  Raymond 
c(^*lébrait  les  saints  mystères,  le  Seigneur 
permit  qu'au  moment  delà  fraction  de  l'hos- 
tie une  parcelle  s'échappât  des  mains  du 
prêtre  et  volAl  sur  la  langue  de  Catherine, 
présente  au  saint  sacrifice  :  c'est  ainsi  qu'il 
voulut  rassasier  la  fervente  avidité  de  son 
épouse.  (  Saint  Antoxi!!,  m  pari.  Chron.^ 
lit.  23,  c.  13,  S  8.  ) 

Cette  réception  spirituelle  de  l'Eucharis- 
lie  peut  se  répéter  plus  de  cent  fois  par 
jour  avec  la  plus  grande  utilité.  L'Ame  pieuse 
en  effet  peut  par  de  fréquentes  affections 
s'élever  jnsgu'a  Jésus  caché  dans  l'Eucha- 
ristie, et  s  exciter  au  désir  de  s'approcher 
do  lui  et  d'unir  à  son  corps  le  corps  sacré 
de  son  Rédempteur.  Saint  Ignace,  marijr, 
d  t  dans  sa  lettre  aux  Romains  :  «Je  ne  dé- 
sire pas  les  plaisirs  de  ce  monde,  mais  le 
pain  de  Dieu»  le  pain  céleste,  le  pain  de  vie, 
qui  est  la  chair  de  Jésus-Christ,  nls  du  Dieu 
vivant;  et  je  veux  boire  son  sang,  qui  est 
l'amour  incorruptible  et  la  vie  éternelle.  ^ 
De  môme  une  Ame  spirituelle  pourra  répé- 
ter souvent  dans  la  journée,  quand  les  char- 
mes et  les  plaisirs  du  siècle  s'offriront  à  sa 
pensée  :  Ce  ne  sont  pas  les  plaisirs  de  ce 
monde,  les  richesses,  la  beauté,  etc.,  que  je 
désire ,  mais  le  pain  de  Dieu,  te  pain  céleste ^ 
le  pain  de  vie.  Je  souhaite  uniquement  de 
recevoir  mon  Jésus,  délices  des  anges,  tré- 
sor inépuisable  de  richesses  et  fleur  de 
toute  beauté.  Je  désire  avec  ardeur  seule- 
ment de  participera  ce  corps  divin,  dont  le 
glorieux  visage  remplit  le  paradis  d'allé- 
gresse; à  ce  sang,  qui  a  été  versé  pour  moi, 
à  celte  Ame  que  le  Sauveur  a  rendue  pour 
moi  sur  la  croix;  è  cette  divinité  qui  jest 
Torigine  et  la  source  de  tous  les  biens.  Je- 
sus-Christ  est  ma  nourriture  et  je  suis  ta 
sienne^  dit  saint  Bernard.  (  Serm.  71  tu 
Cant.  )  Car  il  désire  s'unir  à  moi  et  je  dé- 
sire m'unir  à  lui  dans  ce  divin  mjstère. 
C'est  par  de  telles  aspirations  que  TAuie  re- 
nouvelle À  toute  heure  la  réception  spiri- 
tuelle du  pain  des  anzes;  réception  ^ui 
sera  d'autant  plus  parfaite  et  plus  utile, 
que  seront  plus  ferventes  les  affections  pour 
cet  auguste  mjstère. 

IL  Cette  communion  spirituelle  doit  se 
faire  au  moins  une  lois  par  jour,  avec  calme, 
recueillement  et  avec  une  préparation  toute 
spéciale,  pour  augmenter  en  nous  la  piété, 
nous  être  profitable  et  compenser  en  quel- 
que sorte  les  effets  d'une  communion  véri- 
table. Aussi  le  moment  le  p!us  favorable 
|K)ur  cela  est  celui  du  saint  sacrifice  ;  on 
peut  s'unir  au  prêtre,  pour  recevoir  affecti- 
Ycmcnt  ci-lte  diviae  nourriture,  tandis  que 


m  Evc 

celui-ci  la  reçoit  effectlTement.  Il  faut  donc 
ke  pénétrer  aabord  d'une  vi?e  douleur  de 
ses  ()échés,  et  s'efforcer  ainsi  de  purifier 
l'habitation  de  son  cœur  où  Ton  désire  si 
ardemment  de  recevoir  le  Seigneur  et  de  Vy 
conseryer.  Ensuite  produire  des  actes  d'une 
foi  vive  sur  la  présence  réelle  de  Jésus- 
Christ  dans  ce  mystère;  considérer  la  ma- 
jesté de  Dieu  qui  se  cache  sous  le  voile  de 
ces  apparences»  méditer  la  grandeur  infinie 
de  cet  amour  et  de  cette  bonté  avec  les- 


DlCnONMAlRC 


EUT 


m 


places  publiques  des  oratoires,  qu'ils  doid* 
maient  adoratoires;  rejetaient  comme  inu- 
tiles les  sacrements  de  baptême,  d'ordre  el 
de  mariage.  Ces  sectaires  furent  aussi  nom- 
més massalimSf  mot  qui  signifie  en  syria- 
que la  même  chose- que  eucAyle»,  et  enthou- 
siasteSf  h  cause  de  leurs  visions  et  de  leurs 
folles  imaginations.  Ils  furent  condamnés 
au  concile  d'Ephèse  en  431. 

Saint  Cyrille  d'Alexandrie,  dans  une  de 

,  ,         .  .,       ^^ .  .  ^      ses  lettres,  reprend  vivement  certains  moi- 

<^uels  non-seulement  il  ne  «dédaigne  pas  de.   nés  d'Egypte,  qui,  sous  prétexte  de  prier 


s  unir  à  nous,  mais  encore  le  désire  avec 
ardeur,;  arrêter  les  veux  de  l'esprit  sur 
notre  propre  misère.  Il  faut  alors  produire 
des  actes  d'humilité  et  de  désir  :d  humilité 
è  l'aspect  de  notre  indignité,  de  désir  à  la 
pensée  de  l'amabilité  infinie  de  son  Sei- 
gneur. Se  rappelant  ensuite  qu'il  ne  peut 
ce  jour-là  s'unir  en  réalité  avec  lui  par 
une  véritable  réception  de  l'Eucharistie,  il 
doit  s'approcher  de  lui  par  l'affection  et  s'u- 
nir à  lui  par  le  lien  d'un  amour  paisil)le  et 
tranquille.  Il  lui  faut  enfin  se  répandre  en 
sentiments  de  gratitude  et  de  louange.  Si 
Jésus-Christ  n'est  pas  descendu  réellement 
dans  son  cœur,  cela  ne  dépendait  pas  de 
lui  ;  non-seulement  il  était  disposé  a  cette 
union  d'amour,  mais  encore  il  la  désirait, 
autant  que  possible,  avec  la  plus  vive  ar- 
deur de  charité.  Qu'il  lui  demande  donc 
ces  grâces  dont  il  se  reconnaît  indigne, 
et  qu'il  s'exerce  à  produire  les  actes  qu'il 
a  coutume  de  procfuire  après  la  réception 
réelle  de  la  sainte  Eucharistie.  Outre  les 
fruits  qui  résulteront  pour  lui  de  cette 
communion  spirituelle,  il  en  retirera  en- 
core l'avantage  de  préparer  parfaitement 
son  âme  à  recevoir  le  feu  de  l'amour  divin, 
jusqu'à  ce  Qu'elle  s'approche  réellement  de 
la  sainte  taule,  pour  s'y  nourrir  véritable- 
ment de  la  chair  vénérable  de  son  divin  Ré- 
dempteur. 

EUCHER  (  Saint  ),  évêque  de  Lyon,  d'une 
naissance  illustre  et  d'une  piété  émiuente, 
se  retira  avec  ses  fils  Salone  et  Véran  dans 
la  solitude  de  Lérins,  après  avoir  distribué 
Yine  partie  de  ses  biens  aux  pauvres,  et  l'au- 
tre partie  à  ses  filles  qui  ne  le  suivirent  pas 
dans  sa  retraite.  Hais  il  fut  tiré  de  l'obscu- 
rité où  il  se  cachait,  pour  être  élevé  sur  le 
siège  de  Lyon  vers  43i.  1(  assista  au  premier 
concile  d'Orange  en  Ul,  et  s'y  signala  par 
sa  sagesse  et  par  son  éloquence.  11  mourut 
vers  kbk.  On  a  de  lui  :  i**  Eloge  du  désert^ 
adressé  à  saint  Hilaire;  — 2"  Traité  du  m^- 
pris  du  mondCf  traduit  en  français  par  Ar- 
naud d'Andiily;  —  3"  JraW  des  formules 
spirituelles  ;  —  k*  Histoire  de  saint  Maurice 
et  des  martyrs  de  la  légion  Thébéenne.  Tous 
ces  ouvrages  sont  fort  bien  pensés  et  en- 
core mieux  écrits. 

EUCHYTES.  —  Les  euchytes  sont  des  an- 
ciens hérétiques  ainsi  nommés  du  grec  s^x^f 
prière f  parce  qu'ils  soutenaient  crue  la  prière 
seule  suffisait  pour  être  sauvé.  Ils  abusaient 
de  ces  paroles  de  saint  Paul  (  /  Thess.  v  )  : 
Priez  sans  relâche;  ils  bâtissaient  dans  les 


continuel lemenr,  menaient  une  vie  oisive, 
et  négligeaient  le  travail.  Les  Orientaux  es- 
timent encore  aujourd'hui  ces  hommes  d'o- 
raison, et  les  élèvent  souvent  aux  emplois 
les  plus  importants. 

EUDES  (  Jean  ),  frère  du  célèbre  historieD 
Mézerai,  naquit  à  Rye,  dans  le  diocèse  de 
Séez,  en  1601.  Il  entra  de  bonne  heure  dans 
la  congrégation  de  l'Oratoire,  où  il  régla 
ses  mœurs  et  forma  son  esprit  sous  la  con- 
duite du  cardinal  de  Bérulle.  Après  y  ôlre 
resté  dix-huit  ans,  il  en  sortit  en  1643,  pour 
fonder  la  congrégation  des  Eudistes^  dont  le 
but  était  d'élever  des  jeunes  gens  dans  la 
piété  et  les  sciences  ecclésiastiques.  Eudes 
mourut  à  Caen  en  1680,  laissant  plusieurs 
ouvrages  ascétiques  qui  ont  fait  plus  d'boo- 
neur  à  sa  dévotion  qu'a  son  esprit,  parmi  les- 
quels on  remarque  son  Traité  de  la  dévotm 
et  de  Voffice  du  cœur  de  la  sainte  Yierge^ 
in-lS,  16S0. 

EULOGE  (Saint),  de  Cordoue,  prêtre, 
élu  archevêque  de  Tolède  Tannée  même  où 
il  fut  martyrisé  par  les  Sarrasins,  859,  for- 
tifia par  ses  écrits  et  par  sesç  discours  ses 
frères  dans  la  foi.  Il  nous  reste  de  lui  : 
!•  Memoriale  sanctorum:  —  2*  Libri  très  dt 
martyribus  Cordubensibus^  et  apologelicun 
pro  gestis  eorumdem;  —  3"  Exhortation  au 
martyre:  —  4"  Quelques  Lettres.  Ces  ouvra- 
ges ont  été  insérés  dans  la  Bibliothèque  dci 
Pères, 

EUSÈRE  d'Eph&sb  mourut  vers  l'an  339. 
Il  nous  a  laissé  douze  Homélies  adressées 
aux  moines. 

EUTHANASIE.  —  Signifie  mort  heureuse 
de  ceux  qui  passent  sans  douleur,  sans 
crainle  et  sans  regret  de  cette  vie  à  Tautre» 
ou  qui  meurent  en  état  de  grâce. 

EOTRAPÉLIE.  —  (L'etilrap^/te  (tOr/wn)!». 
facilitas)  est  la  plus  agréable  de  toutes  les 
vertus.  Elle  peut  se  définir  :  La  vertu  qui 
tempère  les  jeux  et  les  divertissements  confor- 
mément à  la  droite  raison.  En  effet,  nous  de- 
vons quelquefois  relâcher  notre  esprit  pardes 
divertissements  agréables  et  joyeux,  afln  de 
le  rendre  plus  prompt  et  plus  dispos  pour 
les  devoirs  les  plus  importants  de  la  vie. 
Mais,  comme  il  est  facile  dans  les  ieux  et  les 
divertissements  de  violer  les  pr&eptes  do 
la  droite  raison  ,  il  est  besoin  d'une  certaine 
vertu,  qui  puisse  les  retenir  dans  une  jusle 
mesure  :  et  cette  vertu,  c'est  Veutrabéhe. 

Bit  n  que  le  jeu  soit  souvent  conioodu 
avec  la  plaisanlerie  et  le  divertissement^ 


M3 


EUT 


D*ASCET1SME. 


EX.V 


$H 


il  y  a  cepenaaot,  à  proprement  parier,  quel- 
que dîfférenee  entre  ces  mots.  En  effet»  le 
jeu  consiste  proprement  dans  l'action,  la 
piaisanterie  dans  les  paroles  ;  le  divertisse- 
ment  se  propose  plutôt  le  plaisir  que  le 
gain.  Nous  ne  parions  pas  ici  du  jeu  en 
général,  c'esl-è-dire  comme  un  simple  dé- 
lassement de  Tesprit  ;  car ,  dans  ce  sens, 
personne  ne  doute  qu*il  ne  soit  permis.  En 
effett  de  même  que  le  corps  a  besoin  de 
repos,  pour  qu'il  ne  soit  point  accablé  par 
Texcès  du  travail,  de  même  notre  esprit; 
fH>ur  ne  pas  être  énervé  par  une  méaita- 
tion  continuelle.  Nous  ne  voulons  parler  ici 
que  du  jeu  par  rapport  à  la  justice,  et  qui 
en  ce  sens  se  définit  :  un  eonirai  par  lemel 
ceux  qui  joupni  canvienneni  entre  eux  a  un 
prix  certain ,  qui  doit  appartenir  au  vain- 
aueur.  Il  en  est  de  trois  sortes  :  Tun  où 
lliabileté  seule  l'emporte,  l'autre,  où  le 
hasard  décide,  le  troisième  enfin,  où  le  suc- 
cès dépend  à  la  fois  de  l'habileté  et  du 
hasard. 

Cette  eonvmlcoii,  quand  elle  est  faite  avec 
les  conditions  requises^  n'est  nullement  illi- 
cite. De  même  que  le  possesseur  d'une 
chose  peut  la  donner  absolument,  de  même 
il  peut  la  livrer  à  de  certaines  conditions. 
D'ailleurs  c'est  une  sorte  de  délassement.  En 
outre,  les  conditions  sont  les  mêmes  pour 
les  deux  parties.  Doue  celui  qui  perd  est 
tenu  de  payer;  car  une  convention  faite 
librement  doit  être  tenue. 

Nous  avons  dit ,  quand  elle  est  faite  atee 
Us  conditions  requises.  Ces  conditions  ont 
2'our  but  : 

1*  de  bannir  du  jeu  toute  chose  hontense 
ou  déshonnête,  soit  en  action,  soit  en  paro- 
les. Il  y  cr,  disait  Cicéron,  quoique  païen, 
deux  sortes  de  plaisanteries  :  tune  est  gros- 
sière^  emportée^  criminelle  et  indécente  ;  l'au- 
tre est  pleine  d'élégance  et  d'urbanité^  ingé- 
nieuse et  amusante. 

2"  De  prévenir  dans  le  jeu  toute  occasion 
de  pécher ,  ou  de  causer  aux  autres  du 
scandale  ou  du  dommage.  Ainsi  on  péche* 
riit  communément,  et  même  on  pécherait 
mortellement,  en  se  livrant  tout  au  jeu, 
quand  on  sait  qu'il  nous  entraîne  au  blas- 
phème ,  à  des  paroles  déshonnêtes  ou  à 
d'autres  péchés,  ou  quand  on  est  dans  l'im- 
puissance de  payer  ses  dettes  et  de  nourrir 
sa  famille.  Il  faut  donc  que  la  somme  qu'on 
expose  au  jeu  soit  proportionnée  à  sa 
condition  et  à  ses  moyens  ;  qu'elle  appar- 
tienne en  propre  au  joueur,  et  qu'il  soit 
maître  d*en  disposer  librement. 

3*  De  ne  pas  jouer  principalement  pour  le 
gain;  car  la  fin  prochaine  du  jeu  doit  être 
le  délassement  et  J'amusement  de  l'esprit, 
arin  de  le  rendre  plus  propre  et  plus  dis- 
I  os  à  remplir  s^s  exercices  spirituels.  Aussi 
le  Docteur  angéUque  nous  apprend  que, 
selon  toute  probabilité^  c'est  un  péché  vé* 
iiieJ  que  de  jouer  uniquement  pour  le  gain 

L2-2,  77.  a.  1);  qu'il   y  a    une  certaine 
assesse  dans  ce  sentiment  ;  il  dit  aussi  : 
«  Il  suffit  de  peu  d*amusement  dans  la  vie, 


comme  de  peu  de  sel  dans  les  aliments.  » 
(Q.  168,  a.  4.) 

4*  D*éloigner  toute  fraude  et  toute  injus- 
tice :  il  faut  donc  au'il  règne  entre  tous  les 
joueurs  une  sorte  d  égaUté  morale  dans  l'es- 
poir du  sain  et  le  danger  de  la  perte.  Le 
jeu  ne  doit  jamais  léser  en  rien  la  jus- 
tice. 

Bien  que  tout  ceci  soit  plutôt  du  domaine 
de  la  théologie  morale  que  de  la  théologie 
mystique,  nous  avons  cru  devoir  en  parler 
dans  cet  ouvrage,  parce  que  rien  n*est  plus 
contraire  à  la  perfection  que  Texcès  dans  le 
jeu;  et  cet  excès  n'est  rien  moins  que  rare, 
même  parmi  les  ecclésiastiques,  qui  doivent 
tendre  à  la  perfection  d'une  manière  spé- 
ciale. 

EXAMEN  DE  CONSCIENCE.  —  Un  des 
moyens  principaux  et  des  plus  efficaces  que 
nous  ayons  pour  notre  avancement  spi- 
rituel est  celui  de  l'examen  de  conscience; 
aussi  les  saints  en  recommandent-ils  soi- 
gneusement la  pratique*  Saint  Basile,  un  des 
plus  anciens  de  ceux  qui  ont  fait  des  règles 
pour  l'état  religieux,  ordonne  de  faire  cet 
examen  toutes  les  nuits.  Saint  Augustin 
ordonne  la  même  chose  dans  sa  règle. 
Saint  Antoine  y  formait  et  y  exhortait  les 
swus  par  son  exemple;  saint  Bernard,  saint 
Bonaventure,  Cassien.  et  généralement  tous 
les  instituteurs  d'ordres  et  les  maîtres  de 
la  vie  spirituelle^  veulent  qu'on  s'y  appli- 
que tous  les  jours.  Saint  Chrysostome,  sur 
ces  paroles  du  Psalmiste  :  Excitez-vous  à 
la  componction  dans  vos  lits  (ps.  iv),  est 
d*avis  qu'on  fasse  cet  examen  tous  les  soirs 
avant  de  se  coucher ,  pour  deux  bonnes 
raisons  :  1*  afin  que  le  lendemain  on  soit 

f^lus  disposé  à  éviter  les  fautes  commises 
e  jour  précédent  ;  car  si  on  les  examine 
bien  le  soir,  qu'on  en  conçoive  un  grand 
regret,  et  Qu'on  se  propose  fermement  de 
s'en  corriger,  il  est  certain  que  cela  servira 
de  frein  pour  empêcher  d'y  retomber  le  len- 
demain ;  â*  ce  sera  encore  un  sujet  de  retenue 
pendant  tout  lejour,  que  de  devoir  s'examiner 
le  soir,  parce  que  la  connaissance  qu'on  a 
que  ce  jour-là  même  il  faudra  rendre  exac- 
tement compte  de  tout,  fait  qu'on  est  da<- 
vantage  sur  ses  gardes ,  et  qu'on  a  plus 
d'attention  sur  soi.  De  même,  dit  saint 
Chrysostome,  qu'un  grand  seigneur  qui 
a  de  l'ordre  ne  laisse  passer  aucun  jour 
sans  dire  compter  son  mattre-d'hûtel,  de 
peur  de  lui  donner  lieu  d'être  moins  soi- 
gneux et  de  s'embrouiller  dans  ses  comptes, 
de  même  il  est  à  propos  que  nous  comp- 
tions tous  les  jours  avec  nous,  pour  que  la  - 
négligences  et  l'oubli  ne  mettent  pas  de  dé- 
sordre dans  les  nôtres.  Saint  Epbrem  et 
saint  Jean  Climaque  ajoutent  à  cela  que, 
comme  les  marchands  tiennent  registre  des 
pertes  et  des  gains  de  chaque  Jour,  et 
que  lorsqu'ils  trouvent  qu'ils  ont  fait  queU 
que  perte,  ils  tâchent  aussitôt  de  la  répa* 
rer,  ainsi  nous  devons  examiner  chaque 
jour  les  gains  et  les  pertes  que  nous  fai- 
sons dans  l'affaire  de  notre  salut,  afin  que, 
remédiant  aussitôt  à  nos  |)ertes,  nous  cui«. 


695 


EXA 


DICTlONNArtlE 


EXA 


m 


])6cbions  par  I&  qu'elles  ne  s'accumulent  ci 

Jiu'elles  ne  viennent  à  consommer  notre 
onds.  Saint  Dorothée  remarque  un  autre 
profit  considérable  que  l'on  tire  de  Vexa* 
men  ;  c'est  qu'en  s'accoutumant  à  le  bien 
l'aire  tous  les  jours,  et  en  se  repentant  tous 
les  jours  de  ses  fautes,  on  empêche  que  le 
vice  ne  prenne  racine  dans  le  cœur,  et  que 
les  mauvaises  habitudes  ne  sf'j  fortifient. 
{Perfeci.  chrét.  de  Rodeig.) 

Il  n'en  est  pas  de  môme  de  ceux  qui  né- 
gUgent'de  s'examiner,  et  les  saints  compa- 
rent la  conscience  de  ces  gens  au  champ  et 
à  la  vigne  dont  parle  le  Sage  quand  il  dit  : 
J'ai  pasié  par  le  champ  du  paresseux^  par  la 
vigne  de  rinsensé,  et  tout  y  était  plein  d'or- 
iiesy  tout  y  était  couvert  d'épineny  et  la  mu^ 
raille  siehe  éia'A  renversée.  (  Prov,  xxiv , 
30,  31.) 

La  conscience  de  ceux  qui  ne  s'examinent 
point  est  une  vigne  qui  devient  en  friche , 
et  qui  se  remplit  d'épines  et  de  ronces,  faute 
d*ètre  labourée;  car  notre  nature  corrom- 
pue est  une  mauvaise  terre  qui  ne  produit 
autre  chose  d'elle-même  ;  et  ainsi  il  faut 
toujours  avoir  la  serpe  à  la  main,  toujours 
couper  et  arracher,  c'est  ce  qu'on  fait  par 
l'examen.  C'est  l'examen  qui  coupe  le  vice 
par  le  pied  ,  qui  arrache  les  mauvaises  in- 
clinations, dès  qu'elles  commencent  à  pous- 
ser, et  qui  empêche  que  les  mauvaises  ha- 
bitudes ne  s'enracinent. 

Mais  l'importance  et  l'efficacité  de  ce  moyen 
n'a  pas  été  seulement  connue  des  saints , 
elle  l'a  été  aussi  de  plusieurs  philosophes 
païens  qui  n'étaient  éclairés  que  de  la  lu- 
mière naturelle.  Saint  Jérôme  et  saint  Tho- 
mas rapportent  qu'un  des  principaux  avis 
que  Pylhagore  avait  coutume  de  donner  à 
.ses  disciples ,  était  qu'ils  employassent  tous 
les  jours  quelque  temps,  le  matin  et  le  soir, 
ait  s'examiner  sur  ces  trois  demandes  :  Qu'ai- 
jefait?  Comment  l'ai-je  fait?  Et  qu'ai-je 
manqué  de  faire  ?  Se  réjouissant  de  ce  qu'ils 
trouveraient  avoir  fait  de  bien  ,  se  repen- 
tant ae  ce  qu'ils  trouveraient  avoir  ftiit  de 
mal.  Sénèque,  Plutarque,  Epictète  et  plu- 
sieurs autres  recommandent  la  môme  chose. 
Saint  Ignace, fondé  sur  la  doctrine  des  saints, 
sur  la  lumière  de  la  raison  et  sur  l'autorité 
de  l'expérience ,  a  fait  tant  de  cas  de  Texa- 
men ,  qu'il  dit,  après  saint  Bonaventure , 
que  c'est  un  des  meilleurs  moyens  et  des 
plus  utiles  que  nous  puissions  avoir  en 
nous-mêmes  pour  notre  avancement  spi- 
rituel. 

On  se  sert  de  deux  sortes  d'examen,  l'un 
particulier,  et  l'autre  général.  Le  particu- 
lier se  fait  sur  une  seule  matière ,  pour 
i:ette  raison  il  est  appelé  particulier.  Le  gé- 
néral se  fait  sur  les  fautes  commises  le  long 
du  jour ,  en  pensées ,  paroles  et  actions;  il 
s'appelle  général,  parce  qu'il  embrasse  géné- 
ralement toutes  choses. 

Pour  ce  qui  concerne  l'examen  parlicu- 
lier,  il  y  a  deux  choses  è  considérer  r  l'une 
sur  quoi  il  doit  se  faire,  et  l'autre  com- 
ment il  doit  se  faire.  A  l'égard  de  la  pre- 
mière,  ati'.i  de  bien  connaître  sur  quoi  il 


doit  se  faire,  il  faut  bien  se  graver  dans 
l'esprit  un   avertissement  que  saint  Ignace 
donne  dans  ses  exercices  spirituels ,  et  qu'il 
a  tiré  de  saint  Bonaventure.  a  Le  démon, 
dit-il,  en  use  envers  nous,  comme  un  gé- 
néral d'armée  envers  une  ville  qu'il  veut 
prendre.  De  mémo  qu'un  général  s'attache 
d'abord  à  reconnaître  l'endroit  le  plus  faible 
d'une  place  pour  y  dresser  ses  batteries  et 
y  faire  agir  toutes  ses  troupes,  parce  qu'il 
sait  que  dès  qu'il  se  sera  emparé  de  cf?  poste, 
il  se  rendra  aisément  maître  de  la  ville;  de 
même  le  démon  apporte  tout  le  soin  possi- 
ble à  reconnaître  l'endroit  le  plus  fa'ble  de 
notre  âme,  pour   nous  attaauer  ensuite  par 
là ,  et  nous  réduire  plus   racilement  sous 
sa   puissance.  »  Servons-nou$  de  cet  svi^ 
pour  nous  tenir  sur  nos  gardes ,  et  nous 
précautionner  contre  notre  ennemi.  Regar- 
dons attentivement  quel  est  Tendroit  de 
notre  âme  le  plus  faible  et  le  plus  dépourvu 
de  vertu,  l'endroit  que  notre  penchant  na- 
turel  rend  plus  facile  à  attaquer,  et  c|ui  est 
le  plus  ruiné  par  nos  mauvaises  habitudes; 
puis  travaillons  à  y  remédier  et  è  bien  le 
fortifier.  Voilà  ce  que  veulent  principale- 
menl  de  nous  les  maîtres  de  la  vie  spiri- 
tuelle; que  nous  nous  attachions  à  dompter 
nos  inclinations  déréglées,  et  è  déracinernos 
mauvaises  habitudes  ;  et  comme  c'est  là  ce 
qui  nous  est  le  plus  nécessaire  ,  c'est  aussi 
à  Quoi  notre  examen  particulier  doit  princi- 
palement s'appliquer. 

Cassien  donne  deux  raisons  du  besoin 
que  nous  avons  de  commencer  ainsi  pour 
combattre  nos  mauvaises  habitudes.  La  V% 

3ue  c'est  de  là  que  viennent  nos  plus  grands 
angers  et  les  occasions  de  ncs  chutes  les 
plus  grièves;  il  faut  donc  y  pourvoir  soi- 
gneusement avant  tout.  La  2* ,  c'tsi  qu'après 
avoir  vaincu  une  fois  les  ennemis  les  plus 
redoutables,  et  ceux  qui  nous  font  une 
guerre  plus  rude ,  le  reste  devenu  plus  fai- 
ble par  la  défaite  des  autres  sera  ensuite  fa- 
cilement vaincu  par  notre  âme,  devenue 
plus  forte  et  plus  courageuse  par  sa  pre^ 
fnière  victoire,  llrapporte  à  ce  sujet  ce  qui 
se  pratiquait  autrefois  à  Rome  dans  le  com- 
bat des  nêtes  farouches,  où  ceux  qui  vou- 
laient se  signaler  davantage  et  plaire  à 
^  l'empereur  s'attachaient  d'abord  à  la  plus 
furieuse,  parce  que  l'ayant  tuée,  ils  ve- 
naient facilement  à  bout  de  toutes  les  autres. 
C'est,  dit-il,  ce  que  nous  devons  faire. 
•  Wous  voyons  par  expérience  que  chacun  a 
quelque  vice  principal ,  quelque  passion  do- 
minante  qui  le  maîtrise  et  le  porte  è  faire 
bien  des  choses  qu'il  ne  voudrait  pas;  delà 
vient  que  beaucoup  de  gens  disent  :  Si  je 
n'avais  pas  tel  ou  tel  penchant,  il  me  semble 
qu'il  n'y  aurait  rien  qui  m'embarrassât  et 
me  fît  dé  la  peine.  Voilà  justement  ce  quil 
faut  que  nous  commencions  à  combattre  jt 
ce  que  nous  devons  choisir  pour  sujet  de 
liotro  examen.  . 

Dans  la  guerre  que  le  roi  de  Svrie  eut  a 
soutenir  contre  le  roi  d'Israël ,  il  ordonna 
h  SOS  capitaines  de  ne  combattre  contre  qui 
que  ce  lût,  mais  srukmeut  contre  k  roi 


«97 


EXA 


D'ASCETISME. 


K\A 


«9ft 


fflsraM  t  so  promeltaDt  que  la  mort  du  roi 
Ittî  ifooneraii  un€  victoire  facile  sur  loute 
J  armée  y  comme  la  chose  arriva  en  effet; 
rar  Achab  ayant  été  tué  d*uu  coup  de  Oè* 
che  tiré  au  hasard,  tout  céda  ,  et  la  guerre 
fui  aussitôt  terminée.  Faisons  de  même  : 
domptons  notre  vice  principal ,  et  nous  vain- 
crons facilement  le  reste;  coupons  la  tête  à 
re  Goliath,  et  tous  les  autres  Philistins  se- 
ront bientôt  défaits  et  entièrement  dissipés. 
Il  uy  a  pas  de  meilleure  règle  générale  que 
celle-là,  p4mr  faire  connaître  a  chacun  sur 
quoi  doit  rouler  principalement  son  exa- 
men. Mais  ce  ou'il  faut  encore  ajouter»  cVst 
qu^if  est  bon  d*en  conférer  avec  son  direc- 
teur f  après  lui  avoir  rendu  un  compte  si 
eiact  de  Tétat  de  sa  conscience,  de  ses  in- 
clinations, de  ses  passions,  de  ses  attache- 
ments et  de  ses  mauvaises  habitudes ,  qu*on 
naît  rien  laissé  à  lui  découvrir.  De  celte 
manière,  les  besoins  de  chacun  étant  bien 
cimnus ,  le  directeur  pourra  facilement  dé- 
terminer sur  quoi  le  pénitent  devra  faire 
son  examen.  Une  chose  surtout  qu*il  faut 
bien  observer ,  ouand  on  rend  compte  de 
sa  conscience,  c  est  de  dire  sur  quoi  ou 
fait  son  examen  particulier,  et  le  profit 
qu'on  en  retire;  car  il  est  très-important 
que  cet  examen  se  fasse  sur  ce  qu'il^  j  a  de 
plus  essentiel  dans  chacun.  De  même  qu'un 
médecin  est  très-avancé  quand  il  a  trouvé 
la  véritable  cause  d'une  maladie,  parce 
qu*il  y  applique  les  remèdes  les  plus  capa- 
bl.*s  d'opérer  ;  de  même ,  on  aura  gagné  un 
grand  point  si  on  réussi!  à  pénétrer  la  véri- 
table source  de  nos  infirmités  spirituelles , 
fiarce  qu'on  aura  découvert  le  véritable 
mo/en  de  les  guérir ,  en  y  appliquant  le  re*- 
mède  salutaire  de  l'examen.  Ce  qui  fait  que 
beaucoup  ne  profitent  guère  de  celui  qu  ils 
emploient,  c*est  qu'ils  ne  l'appliquent  pas 
ou  il  faudrait  qu'il  le  fût.  Si  vous  coupez  la 
racine  d'un  arbre,  il  séchera  et  mourra 
bientôt;  mais  si  vous  n'en  coupez  que  les 
branches,  il  poussera  dans  peu  de  nou- 
veau t>ois ,  et  deviendra  plus  grand  qu'il 
n'é.ait. 

Quant  à  l'examen  général,  il  doit  toujours 
être  inséparable  de  l'examen  particulier; 
ei  pour  cet  effet,  h  première  chose  è  faire 
t 'US  les  matins  en  se  levant,  c'est  d'offrir  à 
Dieu  toutes  ses  actions  de  la  journée.  Quoi- 
qu'il ait  été  dit,  eu  parlant^db  Texamen  par- 
ticulier, que  nous  devons*,  à  notre  réveil, 
nous  proposer  de  nous  abstenir  du  vice  dont 
nous  avons  particulièrement  entrepris  de 
nous  corriger,  et  que  c'est  à  quoi  coit  s  em- 
ployer le  premier  temps  de  «et  exan>en, 
ck?ta  ne  doit  avoir  lieu  qu'après  avoir  offert 
à  Dieu  toutes  ses  pensées,  ses  paroles  et  ses 
actions,  en  les  rapportant  toutes  â  sa  gloire; 
et  après  avoir  pris  la  résolution  de  ne  point 
I  offenser  et  lui  en  avoir  demandé  la  grâce. 
Jl  faut  ensuite,  deux  fois  le  jour,  le  matin 
et  U  soir^  joindre  Texamen  général  avec  le 
particulier,  comme  il  est  d'usage  chez  les 
reli^eux.  De  même  que  pour  bien  faire 
aller  une  horloge  ou  en  monte  les  contre- 
poids le  matin  et  le  soir,  de  même,  fiour 


donner  un  mouvement  bien  réglé  è  noire 
cœur,  il  faut  nous  servir,  deux  fois  le  jour, 
de  l'exameu  particulier  et  de  l'examen 
géui/ral,  exigeant  de  nous  à  raidi  un  compte 
exact  de  toutes  les  fautes  dans  lesquelles 
nous  sommes  tombés  depuis  notre  réveil, 
tant  de  celles  que  nous  avons  commises  en 
pensées,  paroles  et  actioqs,  que  de  celles 
qui  regardent  la  matière  de  nôtre  examen 
particulier.  Ensuite,  il  faut  nous  exciter  à 
concevoir  une  vive  douleur  des. unes  et  des 
autres,  et  nous  proposer  de  n*jr  plus  retom- 
ber le  restant  du  jour  ;  et  on  doit  observer  la 
même  chose  dans  Texamen  du  soir. 

Hais  l'avertissement  fe  plus  essentiel  à 
donner  touchant  la  manière  de  faire  l'exa- 
men général  est  celui  dont  on  a  déjà  parlé 
au  sujet  de  l'examen  particulier,  qui  est  que 
toute  l'efficacité  et  toute  la  force,  aussi  bien 
de  l'un  que  de  l'a  utre,  consistent  dans  une  vive 
douleur  des  fautes  qu'on  a  commises,  et  dans 
la  ferme  résolution  de  s'en  corriger.  Le  P. 
Avila,  traitant  de  c*  t  examen  général  :  «  Vous 
devez  vous  figurer,  dit-il,  ^u'on  vous  a 
chargé  de  la  conduite  d'un  jeune  prince, 
pour  avoir  une  continuelle  attention  sur  lui, 
le  former  aux  bonnes  mœurs  et  le' corriger 
des  mauvaises  inclinations  qu*il  peut  avoir, 
et  que  chaque  jour  vous  l'obligez  à  vous 
rendre  compte  de  ses  actions.  Il  est  certain 
qu'en  ce  cas- là  vous  ne  fonderiez  pas  la 
principale  espérance  de  son  amendement 
sur  l'exactitude  ou'il  aurait  à  vous  dire 
combien  de  fois  il  aurait  failli  ;  mais  que 
vous  l'établiriez  sur  la  connaissance  que 
TOUS  tâcheriez  de  loi  faire  avoir  de  ses  lau- 
tes,  sur  la  réprimande  que  vons  lui  en  feriez, 
sur  les  avertissements  que  tous  lui  donne- 
riez, et  sur  la  promesse  qu'il  vous  ferait  de 
se  corriger.  >  Vous  devez  tenir  la  même 
conduite  à  l'égard  de  votre  âme,  puisque 
Dieu  vous  a  donné  la  charge  d'en  avoir  soin  ; 
pour  cela,  ce  n'est  pas  à  rappeîter  dans  votre 
mémoire  le  nombre  de  vos  fautes  que  vous 
devez  faire  servir  votre  examen  et  faire 
consister  votre  amendement;  c'est  à  avoir 
uiie  extrême  confusion  de  les  avoir  commi- 
ses, à  vous  en  repentir  du  fond  du  cœur,  à 
vous  en  faire  une  sévère  réprimande  à  vous- 
même,  comme  vous  le  feriez  envers  une 
autre  personne  dont  on  vous  aurait  confié 
l'éducation,  et  à  former  enfin  une  constante 
résolution  de  n'y  tomber  jamais. 

Ce  qui  doit  nous  exciter  encore  particu- 
lièrement à  mettre  exactement  toutes  ces 
choses  en  pratique,  c'est  que  l'examen  gé- 
néral est  une  disposition  très-propre  et 
très-utile  pour  la  confession,  comme  le  porte 
le  titre  que  saint  Ignace  lui  donne  dans  le 
livre  des  £xercicesspirituels,oùil  l'intituler 
Examen  général  de  la  conscience^  três-utite 
pour  la  guérisôn  de  l'âme  et  pour  la  confet-^ 
eion  des  péchés.  La  raison  en  est  bien  claire; 
car. deux  choses  sont  requises  principale- 
ment pour  la  confession  :  l'examen  de  ses 
péchés  et  le  regret  de  les  avoir  comoiis  ;  ei 
toutes  deux  se  rencontrent  dans  l'examen 
de  la  conscience;  de  &orteque  si  nous  liiir 


699 


EXA 


DICTIONNAIRE 


ElA 


7U0 


sons  bien  cet  eiameu,  nous  sommes  égale- 
ment  assurés  de  bien  faire  notre  confession. 
Avis  au  directeur. 

I.  Relativement  à  cet  usage  quotidien  de 
l'examen  de  conscience,  le  directeur  doi^ 
remarquer  deux  choses:  1*  que  cet  exercice 
peut  être  pratiqué  par  toutes  sortes  de  per^ 
sonnes,  même  par  celles  qui  ne  peuveut,  è 
raison  de  leur  ignorance,  emplriyer  le^  au- 
tres moyens  spirituels,  comme  la  médir**ion 
on  Ja  lecture  des  livres  de  piété.  Car  qui- 
conque est  (capable  de  se  confesser,  rest 
aussi  de  s'examiner  chaque  jour  et  de  pro- 
duire des  actes  de  contrition  à  la  vue  de 
ses  péchés;  3"  que  personne  ne  doit  être 
exempt  de  cet  examen,  ni  ceux  qui  aspirent 
à  la  perfection,  ni  ceux  qui  ne  s^appliquent 
point  à  la  perfection.  Car  cette  pratique  est 
d*un  grand  secours,  non-seulement   pour 
rendre  Tftme  parfaite,  mais  encore  pour  la 
sauver.  Do  directeur  n'éprouvera  aucune 
difficulté  de  reconnaître  cette  vérité,  pour 
neu  qii'il  considère  que  le  propre  de  toutes 
les  cnoses  humaines  est  de  se  détériorer 
toujours  et  de  marcher  sans  cesse  à  leur 
destruction,  si  on  ne  les  répare.  Ainsi  en 
est-il  de  notre  Ame.  Les  inclinations  per- 
verses qui  nous  portent  au  mal   ont  une 
telle  force,  les  tentations  du  démon  nous 
excitent  au  péché  avec  tant  de  violence,  et 
une  foule  d  occasions  dangereuses  nous  en« 
traînent  à  notre   perte  avec  une  fatalité  si 
déplorable,  qu'il  est  impossible  à  notre  âme, 
si  misérable  et  si  faible,  de  ne  tomber  jamais 
soustaotd*atlaqaes,de  nese  laisser  prendre 
jamais  à  tant  de  pièges,  de  ne  sortir  jamais 
de  la  voie  droite,  ou  de  n'éprouver  jamais 
quelque  dommage  considérable.  Si  donc  ces 
pertes,  hélas  1  trop  fréquentes,  ne  sont  pas 
réparées  chaque  jour  par  l'examen  de  cons- 
cience, par  la  contrition  et  le  ferme  propos, 
l'âme  tombera  nécessairement  dans  un  état 
de  délabrement  tel,   qu'elle  Qnira  enfin  pair 
périr  misérablement.  C'est  pourquoi  le  di- 
recteur doit  employer  toutes  les  ressources 
(l*un  saint  zèle,  pour  inculquer  à  l'esprit  de 
ses  pénitents  l'usage  habituel  d'une  pratique 
aussi  avantageuse. 

Saint  Grégoire  explique,  par  une  compa- 
raison tirée  du  corps  humain,  les  pertes 
que  nos  âmes  éprouvent  chaque  jour ,  ainsi 
que  la  nécessite  d'y  remédier  cnaque  jour 
aussi  par  les  examens ,  les  actes  de  contri- 
tion et  les  larmes.  Voici  les  propres  paroles 
du  saint  docteur  :  «  De  même  que  nous  ne 
sentons  pas  quand  nos  membres  croissent , 
quand  notre  corps  s'augmente,  quand  notre 
visage  se  change,  quand  nos  cheveux  noirs 
blanchissent  f  car  tout  cela  se  passe  on  nous 
h  notre  insu  ;  ;  de  même  notre  âme ,  pen- 
dant la  vie,  se  change,  devient  autre,  et  nous 
ne  le  savons  que  quand,  par  une  garde  vigi- 
lante sur  nos  sens  intérieurs,  nous  rentrons 
en  nous-mêmes  pour  examiner  nos  progrès 
et  nos  chutes...  Or,  en  s'interrogeant  ainsi 
elle-même  et  en  s'examinant  soigneusement 
avec  un  sentiment  de  repentir,  notre  âme  se 
purifie  par  ses  larmes  ne  ses  souillures,  et 
se  renouvelle  au  creuset  de  la  douleur.  » 


(MoR.l.xxin,c.6.)Nousle  répétons  donc, un 
directeur,  qui  a  à  cœur  le  salut  des  âmes  qui 
lui  sont  confiées,  ne  doit  pas  cesser  de  leur 
inculquer  la  pratique  de  l'examen  quoti- 
dien 

II.  Il  serait  à  désirer  que  cet  examen  se 
fit  chaque  jour  deux  fois,  le  matin  et  le  soir. 
f  elle  est  la  doctrine  des  saints,  et  en  parti- 
culier de  saint  Ephrem ,  de  saint  Dorothée 
et  de  saint  Bernard  ;  il  j  eut  même  plusieurs 
fondateurs  d'ordres  religieux ,  qui ,  se  con- 
formant k  la  doctrine  de  ces  saints,  impo- 
sèrent ce  double  examen  è  leurs  commu- 
nautés et  en  firent  un  article  de  leur  règle. 
Mais  parce  qu'un  directeur  ne  pourra  obte- 
nir de  tous  la  pratique  de  ce  double  examen, 
qu'il  insiste  du  moins  pour  que  tous  fas- 
sent un  examen  sur  le  soir,  avant  Theure 
du  repos,  nou-seolement  à  raison  de  ce  que, 
à  la  fin  de  la  journée ,  le  moment  est  plus 
favorable  pour  demander  à  sa  propre  cons- 
cience un  compte  de  toutes  les  actions  du 
jour,  mais  encore  parcelçiue  les  ténèbres  et 
le  repos  de  la  nuit  favorisent  l'attention,  le 
recueillement,  et,  par  conséquent,  sont  plus 
propres  à  faire  naître  le  repentir. 

Si  le  pénitent  a  si  peu  de  piété  qu'on  ne 
puisse  espérer  de  lui  un  examen  exact  et 
complet,  le  directeur  doit  exi|;er  au  moins 
de  lui  un  aperçu,  un  coup  d'œil  sur  la  jour- 
née écoulée,  un  examen  des  choses  les  plus 
frappantes,  avec  un  acte  de  repentir,  un  sen- 
timent de  regret.  Non-seulement  cet  eier- 
cice,  tout  imparfait  qu'il  soit,  servira  ^  pti- 
rifièr  la  conscience  de  ses  souillures,  mais 
il  rendra  le  pénitent  plus  précautionné  pour 
le  jour  suivant.  Il  en  résultera  pour  lui 
qu'il  ne  tombera  point  dans  le  malheur 
d'une  foule  de  Chrétiens,  qui,  devenus  une 
fois  pécheurs,  lâchent  la  bride  à  toutes 
leurs  passions,  et  se  jettent  dans  toutes  sor- 
tes d'excès  sans  frein  ni  retenue. 

Si  le  pénitent  ne  veut  pas  même  s'astrein- 
dre à  si  peu ,  il  faut  sans  hésiter  lui  dire 
qu'il  n'a  point  è  cœur  son  salut  éternel.  Dit 
marchand  qui  ne  peut  se  résoudre  à  repas- 
ser ses  comptes,  à  examiner  ses  gains  et  ses 
pertes,  assurément  se  soucie  peu  d'obtenir 
de  son  commerce  des  résultats  avanta* 
geux. 

m.  L'usage  de  l'examen  particulier  sera 
utilement  conseillé  aux  personnes  qui,  dé- 
gagées des  fautes  graves,  commencent  à  as- 
pirer à  la  perfection,  car  c'est  là  un  moyen 
fort  efficace  pour  y  parvenir.  Le  directeur 
aura  donc  soin  de  leur  laisser  désigner  les 
sujets  sur  lesquels  elles  devront  le  faire. 
Pour  cela,  qu'il  remarque,  pendant  que  sou 
pénitent  lui  rend  compte  de  sa  conscience, 
quel  est  la  mauvaise  inclination  qui  rem- 
porte en  lui  sur  les  autres  ,  quel  est  le  dé- 
faut dans  lequel  il  tombe  plus  souvent,  et 
3ui  met  le  plus  d'obstacle  à  ses  progrès 
ans  la  vertu  ;  et  alors  il  lui  donnera  ce 
vice  dominant  pour  sujet  de  l'examen  par- 
ticulier, après  toutefois. lui  avoir  enseign- 
la  manière  de  la  faire  avec  fruit.  Or,  W^^ 
préférable  de  choisir  parmi  plusieurs  dé- 
fauts à  corriger ,  ceux  qui  sont  extérieurs, 


10% 


EXE 


D*àSCETI$HC. 


EXE 


lift 


surtout  au  oommencement,  parce  que»  d'or- 
dinaire, ils  ont  on  cAté  scandaleux,  et  sont, 
du  moins ,  d*an  mauvais  exemple  pour  le 
prochain  ;  et ,  en  outre ,  parce  gu*i!s  sont 
plus  faciles  à  corriger  que  les  défauts  inlé- 
rieors,  qui  sont  comme  une  partie  de  nous- 
mêmes.  Il  est  facile ,  du  reste,  de  voir  qu'il 
faut  commencer  par  les  choses  plus  bciles , 
afin  d'ouvrir  la  voie  pour  les  plus  diffi- 
ciles. 

lY  Le  directeur  demandera  compte  à  son 
pénitent  du  progrès  qu'il  fait  sur  ce  qui  est 
l'objet  de  son  examen  particulier.  Il  lui 
indiquera  des  œuvres  d'expiation  et  de  pé- 
nitence en  rapport  avec  les  défauts  dans 
lesquels  il  est  tombé,  et  lui  suggérera  les 
moj'ens  de  remporter  sur  lui  k  I  avenir  une 
victoire  plus  complète.  Et  s'il  remarquait 
en  lui  une  trop  grande  négligence  ou  un 
manquement  trop  grave ,  il  pourrait,  en  ex- 
piation de  ces  négligences,  lui  interdire  la 
sainte  communion;  supposé  cependant  qu'il 
ait  assez  de  vertu  pour  recevoir  en  paix  et 
avec  humilité  ce  genre  de  punition. 

V.  Le  directeur  prendra  garde  è  ce  que 
les  pénitents,  au  lieu  de  profiter  de  ces  exa- 
mens pour  leur  avancement  spirituel,  n'y 
puisent ,  au  contraire,  un  sentiment  de  d^ 
couragement  fort  nuisible  à  TAme,  ainsi 
qu'il  arrive  souvent  chez  les  femmes,  crain- 
tives de  leur  nature,  surtout  si  k  cette  timi- 
dité naturelle  vient  se  joindre  l'action  ten- 
^tricedu  démon.  Car  voyant  que,  malgré 
tant  d'examens,  elles  avancent  peu  ou  du 
moins  n'avancent  pas  selon  leur  désir,  et 
retombent  de  temps  à  autre  dans  les  mêmes 
fautes,  elles  perdent  courage  et  se  persua- 
dent i^ue  la  perfection  ne  leur  convient  pas. 
Le  directeur  chassera  de  leurs  cœurs  ces 
ombres  d'une  vaine  crainte  ;  il  leur  appren- 
dra à  supporter  avec  patience  et  sans  perdre 
courage  ces  sentiments  d'abattement,  à  en 

Î profiter  pour  voir  combien  elles  sont  fragi- 
es  encore,  et  è  mettre  en  Dieu  seul  toute 
leur  confiance.  Il  leur  fera  remarquer  que 
le  Seigneur  permet  qu'elles  retombent  dans 
les  mêmes  fautes  et  qu'elles  soient  vaincues 
par  les  mêmes  inclinations  mauvaises,  uni- 
quement pour  les  convaincre  de  leur  misère 
et  les  porter  à  en  faire  l'humble  aveu,  et 
surtout  pour  qu'elles  se  défient  d'elles- 
mêmes  et  soient  dans  l'heureuse  disposition 
non-seulement  de  n'attendre  leur  délivrance 
que  de  Dieu,  mais  aussi  de  la  lui  demander 
avec  une  grande  confiance,  il  s'attachera  enco- 
re à  leur  faire  comprendre  que,  quoique  nous 
devions  mettre  tous  nos  soins  à  détruire  nos 
défauts  et  à  vaincre  nos  mauvaises  inclina- 
tîous,  cela  cependant  est  un  don  de  Dieu  et 
une  œuvre  de  sa  bonté;  en  outre  que  Dieu 
n'enrichit  point  ordinairement  de  telles  grA- 
ces  ceux  oui  perdent  courage  et  se  laissent 
aller  k  l'aDattement,  mais  ceux-lk  seuls  qui 
se  défient  d'eux-mêmes  et  mettent  leur  con- 
fiance en  Dieu.  _ 
EXEMPLE  DES  SUPÉRIEURS.  —  C'est 

Earticulièrement  au  point  de  vue  de  l'in- 
uence  des  exemples  des  supérieurs  et  des 
vif  illanls  dans  les  communautés,  que  nous 


nous  proposons  de  dire  quelque  chose  sur 
cette  matière,  quoique  ce  que  nous  en  di- 
rons puisse  é^lement  avoir  son  applica- 
tion dans  le  siècle.  Tous  ceux  qui  sont 
constitués  en  dignité  de  pouvoir,  ou  qui  ont 
la  dignité  de  Tâge,  ce  qui  est  aussi  une 
puissance,  sont  tenus  plus  que  les  autres  k 
donner  bon  exemple. 

Commençons  mr  nous  appuyer  snr  des 
autorités  :  Nous  lisons  dans  le  ii*  livre  des 
Machabées  que  le  vieillard  Eléazar  aima 
mieux  mourir  que  de  scandaliser  plusieurs 
jeunes  gens  par  une  prévarication.  Saint 
Cyprien,  parlant  des  abus  du  siècle,  dit  ces 
paroles  :  Le  second  abus  est  de  voir  un 
vieillard  sans  religion,  car  plus  les  membres 
corporels  s'usent,  plus  les  membres  de 
rhomme  intérieur  doivent  prendre  de  force. 
Saint  Bonaventure  dit  de  son  côté  que  la 
seconde  cause  de  relâchement  dans  les  mo- 
nastères, c'est  le  défaut  de  bons  exemples 
dans  ceux  qui  doivent  diriger  les  autres: 
«car,  dit-il,  les  nouveaux  venus  se  laissent 
façonner  par  les  anciens  comme  la  cire  re- 
çoit l'impression  d*iin  cachet.  > 

Trilhème  fait  cette  réflexion  tout  k  fait 
conforme  k  la  raison  :  que  les  vieillards 
peuvent  causer  un  grand  scandale  par  une 
seule  parole  peu  mesurée  ou  peu  religieuse: 
les  jeunes  sont  plus  facilement  entralués  au 
relAcbement  et  a  la  corruption  par  ceux  qui 
doivent  être  naturellement  leurs  tuteurs  et 
leurs  guides. 

Nous  empruntons  ici  les  paroles  de 
Schram  adressées  k  tous  ceux  qui  ont  le 
signe  de  l'Age  ou  de  la  prélature  :  «  Nous 
avons,  dit-ll,  des  choses  particulières  k  dire 
k  ceux  qui  sont  constitués  en  diçnité: 

«  1*  Si  par  hasard  des  vieillards  ont  assez 
d'incommodités  pour  ne  pouvoir  se  sou- 
mettre k  toute  l'étendue  de  la  règle  des 
monastères,  du  moins  qu'ils  servent  Dieu 
et  qu'ils  remplissent  fidèlement  les  devoirs 
de  leur  état  en  tout  ce  qui  e^t  en  leur  pou- 
voir :  qu'ils  donnent  de  bons  conseils,  qu'ils 
parlent  un  langage  mesuré  par  la  sagesse, 
car  ceci  est  digne  de  leur  Age;  car  nous  li- 
sons dans  Job  :  La  sageste  est  dans  la  an^- 
cienSf  ei  la  prudence  dm$  les  années.  9  Saint 
Ambroise  nous  fait  souvenir  que  dans  les 
premiers  siècles  de  l'Eglise,  chaque  Eglise 
avait  ses  anciens  sans  le  conseil  desquels 
on  n'entreprenait  rien  d'important.  Que  les 
anciens  se  donnent  donc  de  garde  de  donner 
de  mauvais  conseils,  soit  par  insuffisance, 
d'instructions,  soit  par  mauvais  vouloir  i 
qu'ils  se  gardent  de  donner  occasion  d'in- 
troduire le  relAchement  par  certaines  ré- 
flexions qui  puissent  être  mal  interprétées» 
Ils  assumeront  sur  leur  tête  la  responsa- 
bilité des  plus  grands  maux  futurs  de  la 
communauté. 

«  2*  Que  les  anciens  et  les  supérieuni 
soient  doux  et  humbles.  11  faut  qu  ils  fas- 
sent etfort  sur  eux-mêmes  pour  conquérir 
cette  qualité  de  douceur  et  de  bonté,  parce 
que  leur  âge  et  souvent  leurs  infirmités  les 
portent  au  contraire  k  la  mélancolie  et  k  la 
dureté.    D'ailleurs    leurs    cheveux    blancs 


703 


EXO 


DICTIONNAIRE 


EXO 


70& 


semblent  les  autoriser  à  critiquer  ce  que 
font  les  autres,  à  se  plaindre  de  tout,  à. se 
préoccuper  de  oe  qui  concerne  leurs  be- 
soins, el  les  petites  consolations  de  la  vieil- 
lesse ;  mais  ils  doivent  se  souvenir  qu'ils 
doivent  se  surmonter  eui*môraes,  se  mettre 
au-dessus  et  de  leurs  iotirmités  et  de  leur 
humeur,  et  se  posséder  complètement  pour 
ne  pas  démentir  la  dignité  de  leur  Âge,  con- 
server la  douceur  et  la  bonté  du  caractère, 
afin  d'èire  indulgents  sans  taiblesse  et  de 
reprendre  avec  charité.  Voici  comment  Inno- 
cent III  leur  parle  :  «  Le  vieillard  loue  les 
«  aijcreus,  méprise  les  jeunes  gens,  prend 
«  eri  haine  le  siècle  présent,  relève  les  temps 
ce  passés.  Il  est  prudent  qu'un  vieillard  s'abs- 
«  tienne  de  ces  comparaisons,  qui  blessent 
«  la  science  et  diminuent  la  coniiance  qu'ils 
«c  doivent  inspirer  :  Ils  se  font  passer  comme 
«  des  témoins  infidèles  ou  passionnés  d'un 
«  temps  qui  n'est  plus.  VÈcclésinste  nous 
0  avertit  d'être  prudent  en  ceci,  car  voici 
«  comment  il  nous  parle  :  Ne  diles  point  que 
a  les  temps  anciens  furent  meilleurs  que  les 
a  nouveaux^  car  cette  réflexion  est  insensée. 
a  Et  voici  pourquoi  ajoute  Innocent  III  : 
«  c'est  qu'on  suppose  comme  certaine  une 
«  chose  qui  est  douteuse,  car  il  est  diflicile 
0  de  comparer  avec  équité  et  exactitude  des 
«  temps  éloignés.  » 

«  3"  Que  les  vieillards  ne  s'écartent  point 
sans  de  très -fortes  raisons  des  exercices 
cooimuns  de  la  communauté,  qu'ils  ne 
passent  point  les  limites  de  la  tempérance 
diins  le  boire  et  le  manger,  de  peur  de  nuire 
et  à  leur  santé  et  à  l'édification  qu'ils  doi- 
vent aux  plus  jeunes.  » 

Voilà  les  avis  que  Schram  donne  aux  an> 
eiens,  nous  les  laissons  dans  leurj  brièveté 
et  leur  sage  gravité. 

EXERCICES  DE  PIÉTÉ.  —  Voyez  Orai- 
SON,  Lecture  spiritubllb,  Préssncb  de 
Dieu. 

EXORCISME.  —  Voir  Possessiow.  — 
L'exorcisme  consiste  dans  le  pouvoir  qu'ont 
les  hommes  de  commander  aux  démons, 
au  nom  du  Seigneur,  de  sortir  dû  corps  des 
possédés.  Ce  pouvoir  a  toujours  été  et  est 
encore  dans  l'Eglise,  sort  d'une  manière  ex- 
traordinaire, comme  grâce  gratuite^  et  il 
rentre  alors  dans  la  classe  dés  miractes  ;  soit 
d'une  manière  ordinaire,  entre  les  mains 
i[e$  ministres  de  FEglise  qui  sont  revêtus  de 
Tordre  de  l'exorcisât. 

L'Ecriture  sainte  le  démontre.  En  effet 
(JUatth,  X,  1;  Marc,  ni,  15;  Luc.  ix,  1  )  Jé- 
sus-Christ a  donné  et  a  confirmé  aux  apôtres 
le  pouvoir  de  chasser  les  démons.  {Luc.  x, 
17.  )  Il  a  offert  ce  pouvoir  à  tous  les  fidèles 
en  général.  {Marc,  xvi,  17.)  Saint-Paul  ad- 
jura et  chassa  le  démon  d'une  pythpnisse. 
(  Âct.  XVI,  18.  )  Ce  pouvoir  a  été  donné  non* 
seulement  aux  apôtres,  mais  aussi  à  leurs 
successeurs  et  in  tous  ceux  qui  croiront  par 
eux,  non  en  vertu  de  leur  sainteté  person- 
nelle, mais  comme  une  grAce  miraculeuse; 
car  nous  lisons  en  saint  Matthieu  (vu,  22) 
que  beaucoup  chasseront  les  démons,  à  qui 


le  Seigneur  uir-»  au  jour  du  jugement  :  Je  n« 
vous  connais  pas.  Ce  n'est  pas  qu'il  soit  per- 
mis à  tous  indifféremment  d'exorciser  les 
démons,  mais  à  ceux-là  seuls  que  Dieu  des- 
tine extraordinairement  à  cette  fonction,  ou 
ciue  l'Eçlise  y  appelle  ordinairement  par 

I  ordre  de  l'exorcisât.  Les  Actes  des  apôlres 
(xix,  15)  nous  montrent  la  sévère  puoiUou 
de  quelques  exorcistes  intrus.  —  Les  con- 
ciles et  les  Pères  ont  suivi  la  même  tradi- 
tion catholique  que  l'Eglise  a  conservée 
jusc]u'ici  dans  ses  Rituels.  Saint  Cyprien 
écrit  en  ces  termes  à*  Démétrianus,  pfocoo- 
sul  païen  :  «  Oh  1  si  vous  vouliez  voir  et  en- 
tendre, quand  nous  adjurons  les  détoons, 
quand  nous  les  tourmentons  par  des  flagel- 
lations spirituelles  et  par  les  supplices  de 
nos  paroles  saintes,  quand  nous  les  chas- 
sons du  corps  des  possédés?  Ils  pousseu 
dos  hurlements  affreux;  la  puissance  di- 
vine leur  fait  sentir  les  coups  de  fouet  el 
de  verges,  et  les  force,  avec  une  voix  hu- 
maine, de  rendre  témoignage  au  Juge  qui 
doit  venir.> 

Selon  l'opinion  commune  des  théologiens, 
l'efficacité  des  exorcismes  à  chasser  le  dé- 
mon résulte  non -seulement  de  l'œuvre  de 
celui  qui  opère  {ex  opère  operanti$)f  mais 
aussi  de  l'œuvre  opérée  elle-même  (e^  optrt 
operato);  ce  sentiment  doit  surtout  être 
celui  des  personnes  qui  prétendentque  l'exor- 
cisât, comme  les  autres  ordres  mineurs,  est 
un  véritable  sacrement. 

Pour  que  le  remède  des  exorcismes  soit 
efficace,  il  est  certaines  conditions  que  doit 
nécessairement  remplir  l'exorciste.  On  tes 
trouve  détaillées  daAs  P Instruction deVtxw- 
ciste^  du  P.  Pinamonti. 

I.  Et  d'abord  l'exorciste  doit  faire  usa^e 
des  exorcismes  aj)prouvés  par  l'Eglise  ut 
contenus  danb  le  Rituel  romain,  de  Paul  V. 

II  faut  donc  non-seulement  un  ministre 
établi  spécialement  par  T Eglise,  mais  en- 
core les  paroles  prescrites  parle  Vicaire 
de  Jésus-Christ,  d'autant  plus  que  les  au- 
tres formulaires  d'exorcismes  renferment 
bien  des  choses  apocry[)heSt  vaines  et 
d'une  orthodoxie  douteuse;  nous  ne  fai 
sons  pas  même  d'exception  pour  les  exor- 
cismes qui  se  trouvent  à  la  fin  du  Sa- 
cerdotal romain  ;  cette  collection  n'a  pas 
reçu  l'approbation  spéciale  du  Souverain 
Pontife,  et  elle  n'emprunte  pas  toujours  à 
des  auteurs  certains  et  approuvés. 

II.  La  vertu  des  exorcismes,  d'après  l'ins- 
titution de  Jésus-Christ,  repose  lout  en- 
tière dans  la  plénitude  de  foi ^  tant  dectlui 
qui  exorcise  que  de  celui  qui  est  exorcisé  ^^ 
nom  de  Jésus-Christ.  L'Evangile  nous  dé- 
montre expressément  que  cette  condition 
est  nécessaire  et  suffisante.  Voici  les  mira- 
des  qui  accompagneront  ceux  qui  auront  cru. 
(Marc.  XVI,  17.)  Saint  Matthieu  (xvii)allri- 
bue  au  peu  de  foi  des  disciples  leur  impuis- 
sance à  chasser  un  démon.  Cest  à  causent 
votre  incrédulité,  {f.  19.J  0  race  incréduUi 
s'écrie  t-il  encore!  (f.  16.)  Jésus-Christ  dij 
au  i»èred'un  démoniaque,  eu  lui  reprocbaM 


705 


EXO 


D'ASCETISME. 


E\0 


706 


)on  inerédulilé  {Mare,  w^  22)  :  Si  vous  pou- 
viex  croire^  car  iout  est  possible  à  celui  qui 
croit.  Il  n*en  faut4>as  conclure  que  la  prière, 
le  jeûne  et  les  exordsmes  sont  superflus, 
puisque  tout  le  succès  est  attribué  à  la  foi. 
L*exorcîsme  est  indispensable,  pour  que 
celte  disposition  de  la  foi  produise  son 
effet  ex  opère  operato  :  La  prière  et  le  jeûne 
forment  une  disposition  médiate,  car  la 
prière  augmente  la  foi.  Aussi  le  père  du 
démoniaque  dont  nous  venons  de  parler 
s'empressa-t-il  de  répondre  à  Jésus  :  Je 
crois.  Seigneur,  aidez  mon  incrédulité.  Les 
apùtres  priaient  le  Seigneur  d'augmenter  en 
eux  la  /bt.  {Luc.  xvn,  5.) 

IIL  II  faut  procéder  dans  les  eiorcismes 
par  voie  de  compulsion,  arec  un  air  de  su- 
fiériorité  et  de  menace,  et  non  par  voie  dt3- 
précatoire,  qui  dénote  le  moins  du  nionle 
quelque  infériorilé  ou  familiarité.  Jésus- 
Christ  nous  en  a  lui-même  donné  Texemple 
I3rattk.  XTii,*  17]  :  Jéstis  le  menaça  et  te  dé- 
mon sortit  de  ce  corps,  c  II  y  a,  dit  saint 
Thomas  (2-2,  q.  90,  a.  2j,  deux  ma- 
nières d'adjurer  :  Tune  par  voie  de  dépré- 
cation,  qui  sent  la  prière  et  le  respect; 
Tautre  par  foie  de  compulsion.  Il  ne  no;is 
est  pas  permis  d*adjurer  les  démons  de  la 
première  manière;  car  elle  semblerait  té- 
moigner de  quelque  sentiment  de  bienveil- 
lance et  d'amitié  envers  le  démon,  ce  qui  est 
formellement  interdît.  » 

IV.  Dans  les  exorcismes,  il  faut  faire 
usage  de  ce  mode  d'adjuration  que  nous 
venons  d*indiquer;  mais  seulement  dans  le 
but  de  chasser  les  démons  :  car  c*c5t  seu- 
lement en  vue  de  cette  fin  que  Jésus- 
Christ  a  promis  et  accordé  son  pouvoir  aux 
ministres  désignés  par  TEgiise,  selon  ces 
paroles  (Matlh»  x,  1)  :  Il  leur  donna  pouvoir 
sur  les  esprits  immondes,  afin  quils  pus^ 
sent  les  chasser.  Saint  Thomas  ajoute  a  ce 
sujet  {loc,  cit.,  a.  2j  :  «  Il  n'est  pas  toutefois 
{ ermis  de  les  adjurer  pour  en  apprendre 
ou  pour  en  obtenir  quelque  chose;  car  ce 
serait  la  marque  de  relations  illicites  avec 
le  démon....  Au  lieu  que  les  adjurer,  pour 
les  chasser,  c'est  repousser  l'idée  de  toute 
alliance  avec  eux.  » 

J*"  V.  Il  faut  user  avec  discernement  des 
"^noyens  qui  tendent  à  Texpulsion  du  dé- 
mon; c'est-à-dire,  il  faut  distinguer  en  quoi 
consiste  la  force  principale  des  exorcisâtes, 
forée  qui  réside  dans  l'adjuration  faite  avec 
foi,  au  nom  de  Jésus  ou  de  la  très-sainte 
Trinité. 

Par  cette  foi  requise  pour  refliicacité  des 
exorcismes,  on  entend  :  i*  cette  foi  qui, 
par  un  acte  actuel,  nous  fait  croire  que  Jésus- 
Christ,  comme  Dieu,  peut  toutes  choses,  et 
qu'il  nous  a  promis  respulsion  du  démon 
toutes  les  Ibis  qu'elle  nous  est  avantageuse 
et  qu'elle  est  faite  en  son  nom  par  ses  mi- 
nistres; 2*  sous  la  dénomination  de  foi, 
prise  dans  une  large  acception,  est  aussi 
comprise  la  confiance  et  l'espérance,  et  de 
plus  un  acte  de  la  volonté,  par  lequel  nous 
certifions  effectivement  en  Jésus-Christ 
notre  Seigneur  que  l'exorcisme  sera  suivi 


d'effet.  3'  Quelqucfnis  à  cette  idée  do  foi  est 
jointe  une  certaine  inspiration,  résultant 
d'un  instinct  spécial,  bien  qu'elle  ne  soit  pas 
nécessaire,  que  l'effet  doit  se  produire  abso- 
lument;  mais  il  suffit  commuoénîent  de  la 
foi,  sous  condition  tacite,  que  l'effet  soit 
utile,  et  que  nous  ne  manquions  d'aucunes 
des  dispositions  requises  ;  i*  quoique  la  foi 
nepuis;se  être  suffisante,  sans  la  charité, 
comme  le  déclare  l'Apôtre  (/  Cor.  xiii,  2j, 
souvent  néanmoins  la  charité  est  utile  à 
l'effet,  en  facilitant  la  plénitude  de  la  foi  ; 
5*  bien  que  la  foi  soit  communément  requise 
de  la  part  de  l'exorciste  et  de  celle  du  pos- 
sédé, souvent  cependant  la  plénitude  et  la 
surabondance  de  la  foi,  soit  dans  l'exorciste 
seul,  soit  dans  le  possédé  seul,  soit  même 
dans  son  père  ou  dans  un  autre,  supplée  à 
ce  qui  viendrait  h  manquer  dans  l'exorciste 
ou  le  possédé. 

L'adjuration  prescrite  par  voie  de  compul- 
sion doit  être  grave  et  sévère,  mais  non  au 
point  de  dégénérer  en  colère,  fureur  ou  or- 
gueil. Ce  n  est  pas  par  orgueil  qu'on  prut 
chasser  le  superbe,  mais  par  une  humble 
supériorité.  Aussi  le  Rituel  ne  parle-t-il  ni 
des  soufllets,  ni  des  flagellations,  ni  de  toutes 
ces  autres  manières  de  tourmenter  le  démoa 
on  lui  crachant  au  visage,  en  le  foulant  a^jx 
pieds,  en  foisant  brûler  des  herbes  ou  des 
matières  nauséabondes,  etc.,  etc.  Cai  de  la 
sorte  c'est  le  possédé  plutôt  que  le  démon 
qu'on  fait  souffrir.  Ce  serait  d'ailleurs  une 
superstition  que  d'attacher  à  ces  pratiques 

auelque  propriété  spéciale  pour  l'expulsion 
u  démon.  Si  Ton  ne  veut  en  faire  qu'un 
usage  modéré,  et  qu'on  ne  les  regarde  que 
pomme  de  simples  cérémonies,  pour  expri- 
mer tout  son  mépris  pour  le  démon,  ilest 
préférable  et  plus  efficace,  è  l'exemple  de 
Jésus-Christ,  de  se  contenter  de  paroles  me- 
naçantes. Quant  aux  moyens  employés  dans 
certains  cas  par  quelques  saints,  ils  leuront 
été  suggérés  par  une  impulsion  -spéciale: 
Ain^i  Tobie  chassa  le  démon  par  la  fumée 
d'un  poisson  qui  lui  avait  été  particulière- 
ment désigné.  [Tob.  vi,  8.)  Selon  l'opinion 
générale,  ce  moyen  était  tout  symbolique,  el 
seulement  applicable  dans  ce  cas  :  d'ailleurs 
il  est  probable  que  Dieu  avait  inspiré  nu. 
démon,  comme  punition,  une  horreur  toute 
particulière  (tour  celte  espèce  de  poisson, 
par  un  motif  qui  nous  est  inconnu.  Quant 
au  cercle  de  Salomon,  et  à  cette  herbe  qu'on 
place  sous  le  nez  du  démoniaque ,  en  réci- 
tant la  formule  d'adjuration  ,  pratiques  ra- 
contées par  l'historien  Josèphe  (  I.  vin  Antiq., 
c.  2),  elles  ne  méritent  pas  grande  confiance. 
Comme  les  exorcismes  n'ont  d'autre  fin 
ue  l'eipulsion  du  démon,  le  Rituel  réprouve 
'une  manière  tacite,  et  les  "autres-  auteurs 
eiprcssément,  les  abus  suivants  :  1*  Il  faut 
éviter  toute  vaine  curiosité  d'apprendre 
quelque  chose  du  démon,  et  de  voir  quelque 
spectacle  extraordinaire.Ce  serait  commettre 
un  péché  grave,  si  peu  importante  qu'en 
pourrait  être  la  matière;  car  ne  pouvant  con* 
traindre  le  démon  à  dire  la  vérité,  on  s'ei- 
pose  au  dangçr  de  tomber  dans  une  grande 


3 


707 


F.XO 


DICTIONNAIRE 


EXO 


70S 


erreur  ou  de  couimellre  quelque  mal.  2"  Il 
faut  éviter  d'adresser  aucune  question  au 
démon,  môme  en  vue  d'un  grand  bien.  Ces 

Questions  ne  sont  d'aucune  utilité  pour  la 
n  de  l'exorcisme;  l'exorciste  d'ailleurs  n'a 
aucun  pouvoir  pour  les  adresser.  3*  11  faut 
éviter  de  demander  frivolement  au  démon 
s'il  possède  réellement  l'homme  du  corps 
duquel  on  veut  le  chasser.  11  est  d'autres 
marques  suffisamment  caractéristiques  pour 
faire  reconnaître  la  possession,  k"  Il  faut 
éviter  de  laisser  le  démon  discourir  sur  des 
choses  étrangères,  et  lui  ordonner,  selon  le 
Rituel  et  d'après  l'exemple  de  Jésus-Christ, 
de  répondre  uniquement  aux  questions  qu'on 
lui  adresse.  [Marc,  i,  25;  Luc,  iv,  35.)  Tttis- 
toif  lui  dit  le  Seigneuc,  et  sors  dé  cet  homme. 
On  peut  touteiois  demander  le  nombre  et 
le  nom  ies  esprits  qui  tourmentent  le  pos- 
sédé, répoque  où  ils  j  sont  entrés,  la  cause 
de  la  possession  et  la  manière  dont  elle  s'est 
opérée  :  par  exemple,  si  c'est  à  la  suite  d'une 
conjuralion  magique  :  et  dans  ce  cas  il  faut 
brûler  tout  ce  qui  a  servi  à  la  conjuration. 
Il  faut  leur  ordonner  aussi  de  marquer  par 
un  signe  certain  le  jour  et  l'heure  de  leur 
sortie,  ainsi  par  l'extinction  d'une  lumière. 
Toutes  ces  pratiques  nous  sont  prescrites 
par  l'Ëglise  et  par  Jésus-Christ  lui-même 
[LuCm  Yiii,30),  qui  demanda  au  démon  :  Quel 
est  ton  nom?  Qui  Gt  cette  question  au  père 
d*un  démonirique  :  Combien  de  temps  et  de- 
puis quand  est-il  dans  cet  état?  Elles  ont  pour 
effet  de  faciliter  et  de  rendre  plus  naturelle 
l'expulsion  des  démons.  On  peut  avoir  Tes- 
))érance  de  contraindre  le  démon  à  dire  la 
vérité:  si  néanmoins  il  refuse  de  répondre 
à  ces  particularités,  de  peu  d'importance  au 
fond,  il  faut  se  garder  ay  insister  plus  long- 
temps, et  procéder  par  des  moyens  plus 
substantiels.  Au  reste,  il  faut  s'interdire 
absolument  toutes  les  pratiques  vaines  et 
frivoles  indiquées  par  quelques  formulaires 
d'exorcismes  ou  par  le  Sacerdotal,  et  omises 
par  le  Rituel;  comme  d*exiger  un  serment 
du  démon,  de  lui  commander,  sous  peine 
d'excommunication,  de  l'envoyer  pour  un 
siècle  dans  un  étang  de  feu,  dé  l'adjurer  par 
les  noms  de  Dieu  les  moins  usités,  ou  par 
des  créatures  (^ui  ne  soient  point  d'une  sain- 
teté toute  particulière  ;  de  brûler  dans  un 
feu  nouveau  le  nom  du  démon  écrit  sur  un 
billet;  d'éprouver  si  c'est  véritablement  le 
démon,  par  des  reliques  supposées  et  de 
fausses  adjurations,  etc.,  etc. 

li  est  encore  quelques  considérations  im- 
portantes pour  le  légitime  emploi  des  exor- 
cismes:  le  P.  Régnera  les  a  résumées  dans  sa 
Théologie  mystique  (t.  1",  p.  737). 

1.  11  n'est  pas  permis  d'adjurer  un  démon 
supérieur,  atin  qu'il  chasse  les  démons  in- 
férieurs. Car  si  ce  démon  est  hors  du  corps 
du  possédé,  le  pouvoir  des  exorcismes  ne 
s'étend  pas  à  proprement  parler  jusqu'à  lui; 
s'il  est  dans  le  corps  du  possédé,  l'exor- 
cisme a  assez  d'efficacité  pour  chasser  à  la 
fois,  et  sans  besoin  d'un  secours  étranger, 
le  démon  supérieur  et  les  inférieurs.  (F.  Pi- 

JfAMONTI,  C.  7.) 


II.  L'exorciste  ne  peut  adjurer  le  démon 
de  se  rendre  en  tel  ou  tel  lieu  où  son  iu- 
fluence  soit  moins  nuisible;  car,  ni  son 
ordination,  ni  PËvangile,  ni  le  Rituel,  ne  lui 
ont  conféré  un  semblable  pouvoir.  Il  peut 
tout  au  plus  prier  à  cet  effet  le  Seigneur, 
quoiqu'il  soit  préférable  de  s'en  remettre 
sur  ce  point  k  la  divine  Providence.  L'exem- 
ple de  l'archange  Raphaël ,  qui  relègue  le 
démon  dans  les  déserts  de  la  haute  Egypte 
[Tob.  VIII,  3),  et  de  quelques  saints,  ne  peut 
servir  de  règle  pour  tous  les  fidèles  :  oa  doit 
seulement  se  contenter  de  lui  interdire  tout 
retour,  selon  le  Rituel  et  l'exemple  de  Jésu^* 
Christ  (Marc.  ix,2^)  :  /e  te  commande  de  sortir 
de  cet  hommCf  et  ae  n*y  plus  jamais  rentrer. 
Il  faut  aussi  se  gnrder  de  tout  arrangement 
avec  le  démon ,  comme  de  lui  permettre 
d'entrer  dans  un  autre  corps,  h  condition 
qu'il  sortira  de  celui  d'où  on  veut  le  chasser, 
Car  ce  serait  faire  injure  au  pouvoir  de 
chasser  les  démons,  accordé  à  l'Ëglised'une 
manière  absolue.  Il  ne  faut  pas  d'ailleurs 
faire  le  mal  pour  qu'il  en  résulte  du  bien.  On 
ne  doit  pas  mémo  leur  accorder  la  faculté 
d'entrer  dans  un  troi>peau  de  porcs  :  car,  si 
Jésus-Christ  leur  en  a  donné  la  permission, 
c'était  dans  une  fin  spéciale  de  sa  diviue 
Providence. 

m.  L'exorciste  ne  peut,  par  l'adjuration, 
précipiter  le  démon  dans  Venfer^  ni  lui  accor- 
der sur  sa  demande,  et  à  la  condition  qu'il 
sortira  du  possédé,  l'autorisation  de  ne  pas 
retourner  en  enfer.  Tout  cela  dépasse  son 
pouvoir  et  n'appartient  qu'à  Dieu  seul,  le 
.souverain  juge.  On  ne  doit  point  s'autoriser 
de  l'exemple  de  Jésus-Christ  [/.  c,  31);  car 
seulila  les  clefsdela  mortetde  l  enfer  lÂpoc.  i, 
18).  D'ailleurs,  à  la  demande  qui  lai  était 
adressée,  Jésus-Christ,  pour  notre  instruc- 
tion, ne  voulut  rien  répondre,  et  se  contenta 
d'ordonner  à  l'esprit  immonde  desortir  deett 
homme  (viit,  28j.  Enfin  il  pouvait  faire  cette 
concession,  lui  qui,  par  un  privilège  spécial 
de  Dieu,  avait  reçu  le  pouvoir  d'envo)er  le 
démon  où  il  voulaiL 

IV.  L'exorciste  ne  peut  infliger  auxtf^ 
mons  possesseurs  de  nouveaux  châtimcDts: 
la  peine  substantielle  de  la  damnation  qu'ils 
endurent  est  infinie  :  ils  ont  dépassé  toute 
limite,  et  ne  peuvent  plus  encourir  au- 
cun accroissement  de  souffrances.  On  peut 
néanmoins  quelquefois  au  moyen  des  exor- 
cismes les  tourmenter  terriblement  par  des 
châtiments  accidentels;  soit  parce  quelVs- 
pril  superbe  a  la  plus  vive  répugnance  à  se 
soumettre  au  ministre  de  Dieu;  soit  parce 
que  dans  Texorcisme  il  est  rudement  me- 
nacé, méprisé  et  foulé  aux  pieds  au  nooi  de 
Jésus;  soit  enfin  parce  qu'on  lui  rappelle  le 
jour  du  jugement,  pour  lequel  il  a  la  répu- 
gnance la  plus  pporonde,  et  qu'on  le  con- 
traint, malgré  sa  résistance ,  de  quitter  le 
corps  du  possédé.  Voici  ce  que  le  Rituel 
prescrit  à  ce  sujet  :  «  Quand  1  exorciste  est 
arrivé  à  la  formule  comminatoire ,  qu'il  1' 
répète  à  diverses  reprises,  en  ayant  S|Oiii  de 
toujours  augmenter  le  châtiment,  s'il  voit 
que  sa  menace  fait  impression,  qu'il  y  per- 


709 


EXT 


DASCETISIIE. 


EXT 


TIO 


sé?ère  pendant  deux*  trois,  quatre  heures 
el  plus  encore,  autant  qu'il  lui  sera  possible, 
jQsqu*à  ce  qu'il  ait  remporté  une  victoire 
coDiplèle.  Qu*il  dise  dans  son  exorcisme  : 
plus  tu  tarderas  à  sortir,  plus  la  punition 
sera  rigoureuse.  11  doit  aussi  terminer  cha- 
cune de  ses  prières,  outre  la  formule  habi- 
tuelle, au  nom  du  Seigneur  Jésus,  par  cette 
conclusion  :  fut  doit  venir  jup^  l^  rivants 
el  les  moris^  et  purifier  le  siècle  par  le  feu.  > 
Saint  Luc  (tiii,  28]  nous  le  démontre  par 
l'exemple  de  ce  démoniaque,  dont  le  démon 
dit  à  Jésus  :  Je  vous  conjure  de  ne  pas  me 
laiinii«ii/fr;réYangéliste indique  pour  raison 
de  cette  prière,  que  le  Seigneur  ordonnait  à 
Fesprit  immonde  de  sortir  de  cet  homme. 

On  est  souvent  embarrassé  de  comprendre 
pourquoi  certains  démons  résistent  plus 
longtemps  que  les  autres  à  Tefficacité  des 
exorcismes.  On  peut  répondre  que  cette 
résistance  a  pour  cause  unioue  et  particu- 
lière l'absence  de  toutes  les  dispositions 
requises  dans  Texorcisle  ou  dans  le  possédé. 
Néanmoins,  la  puissance,  la  malice,  la  ruse, 
le  nombre  des  démons  possesseurs,  et  la 
longue  durée  de  la  |K)ssession,  peuvent  y 
être  pour  quelque  chose.  Mais  comme  la 
promesse  de  Jésus- Christ  est  absolue  et 
qu'elle  ne  peut  se  modifier  que  par  le  défaut 
des  dispositions  nécessaires;  comme  d'ail- 
leurs 1  expulsion  du  démon  est  toujours 
utile,  la  cause  principale  de  la  résistance 
du  démon  n'est  autre  que  Finsuffisance  des 
dispositions.  Or,  la  principale  de  ces  dispo- 
sitions, celle  qui  rend  l'eflicacité  de  l'exor- 
cisme plus  prompte  et  plus  facile,  c*est  la 
foi,  comme  nous  l'avons  déjà  dit  :  nous  ne 
devons  donc  omettre  aucun  effort  pour  ex- 
citer en  nous  la  foi. 

L*expulsion  des  démons  par  les  exorcis- 
mes, avec  toutes  les  dispositions  requises, 
est  fréquemment  suivie  d'effet,  bien  qu*elie 
ne  soit  pas  absolument  infaillible;  car  par- 
lais la  possession  diabolique  est  utile  à 
Ta^ancement  spirituel  de  l'âme:  «  Lorsque, 
dit  saint  Augustin  (L.  LXXXIU^  Quœst.f 
q.  79),  les  puissancesde  l'enfer  résistent  à  ces 
adjurations,  c'est  par  un  secret  dessein  de 
Dieu,  qui  juge  la  possession  juste  et  utile,.,, 
soit  pour  coufouare  les  mécnants,  quand  il 
faut  les  confondre,...  soit  pour  instruire  les 
bons  et  augmenter  en  eux  la  foi.  »  (Fojf.  Ob- 

SKSSIOM.) 

EXPIATION.  —  Foy.  Péritbncb,  M orti- 

F1C4TI03I. 

EXTASE.  —  Qu'est-ce  que  l'extase?  Lais- 
sc»iAs  répondre  le  docteur  d'Uyppone  à  Sim- 
plicius  :  c'est  une  élévation  ae  l'Ame  au- 
dessus  des  sens  du  corps  {Mentis  alienatio  a 
sensibus  carparis). 

Les  visions,  les  paroles  intérieures,  les 
réTélations,  les  prophéties  accompagnent 
souvent  les  ravissements  et  les  extases. 

Cssajrons  maintenant  de  pénétrer  plus 
araut  dans  sa  nature  :  «  Dans  l'extase , 
dit  saint  Thomas.  (  i-2,  S8),  on  souffre 
quelque  chose,  parce  qu'on  est  entraîné 
bors  de  soi  (et  en  ce  cas  l'extase  est  for- 
melle], ce  qui  arrive  selon  la  force  appré- 


hensive,  et  quelquefois  selon  la  force  appé- 
tiiive.  » 

«  Par  rapport  à  la  force  appréhensive, 
continue  le  Docteur  angélique,  on  dit  que 
quelqu'un  est  en  extase  quand  il  se  trouve 
placé  en  dehors  de  la  connaissance  qui  lui 
est  naturelle,  soit  parce  qu*il  est  élevé  à 
un  ordre  de  choses  sublimes,  comme  lors- 
qu'il saisit  des  choses  qui  surpassent  les 
sens  et  le  raisonnement  ordinaire;  soit 
même  lorsqu'il  est  emporté  par  une  espèce 
de  furie.  Il  y  a  extase  dans  la  partie  sensi- 
tive  quand  l'amour  et  le  désir  d*un  être  se 
porte  totalement  sur  un  autre,  en  sortant 
pour  ainsi  dire  de  soi-même.  La  première 
sorte^  d'extase  est  dispositivemenl  produire 
par  l'amour  en  méditant  sur  son  bien  aimé; 
or  une  méditation  intense  sur  un  objet 
éloigne  de  tous  les  autres,  et  l'amour  pro- 
duit par  là  directement  la  seconde  extase.  » 

Dans  l'extase,  dit  Alvarez,  Tâme  est  or- 
dinairement privée  de  lusage  des  sens  : 
Elle  ne  jouit,  selon  Harpius,  que  d'une 
puissance  végétative  (c'est-à-dire  animale) 
a  faire  ses  actions,  car  elle  ne  connaît  plus 
rien  et  si  cet  état  durait,  le  corps  succom- 
berait d*inanition. 

Qu'est-ce  que  le  ravissement?  C'est  une 
espèce  d*extase  plus  douce.  Nous  venons  de 
voir  que  saint  Thomas  j  suppose  de  la 
souffrance  ;  mais  il  n'y  en  a  pas  dans  le 
ravissement.  Voici  comment  Scacchus  saisit 
cette  différence  :  «  Dans  l'extase  il  y  a  de 
la  douleur,  dans  le  ravissement  de  Id  force 
et  une  certaine  violence.  »  Ce  que  les 
mystiques  entendent  d*une  violente  com- 
motion corporelle,  comme  lorsque  les 
aliénés  sont  ou  se  croient  transportés  dans 
les  airs  :  Laurea  pense  cependant  que  ces 
deux  états  se  confondent  souvent.  Nous 
suivrons  ce  dernier  sentiment  selon  Laurea, 
Durand,  et  nous  diviserons  l'extase  et  le 
ravissement  en,  1*  naturel;  2*  démoniaque; 
3-  divin. 

1.  De  Fextase  naturelle.  —  C'est  celle  qui 
est  due  à  des  causes  naturelles,  par  exemple 
è  la  maladie,  ou  à  un  violent  effort  da 
rimagination,  à  une  violente  application  de 
l'âme  à  des  choses  fort  élevées. 

Comment  vient-elle  de  la  maladie?  d'a- 
bord de  \9  maladie  que  les  médecins  ap- 
pellent la  catalepsie;  car  dès  que  le  patient 
en  est  saisi,  il  est  privé  de  tout  mouvement 
et  sentiment,  et  il  demeure  immobile  et 
roîdement  crispé,  cemme  il  se  trouve  au 
début,  par  exemple,  les  yeux  fixes  et  ou- 
verts, conservant  le  même  visage  que  s'il 
était  éveillé,  quoiqu'il  soit  évanoui.  Le 
médecin  Zacchias  donne  à  ce  sujet  des 
explications  tirées  de  la  nature  du  cecveau, 
de  la  quantité  des  esprits  vitaux,  pour 
peindre  la  nature  de  cette  espèce  d'extase 
naturelle,  qui  dérive  en  général  de  la 
faiblesse  des  organes.  [Quest.  méd.  leg.f 
L  IV.)  Ensuite  Fextase  naturelle  peut  venir 
d'une  imagination  fortement  préoccupée^ 
alors  les  esprits  animaux  aiilueht  au  cer- 
veau, et  empochent  Teiercice  des  sens 
extérieurs  qui  y  ont  leur  premier  moteu»  i 


Il 


EXT 


DICTIONNAIIIE 


EXT 


7lS 


plus  rimngînnlion  c«l  forlomcnl  prc»occiipéo, 
IAhs  Tafflueiicc  ilfs  esnriU  est  grande,  f»Ius 
aussi  fextase  est  prolongi'*c  et  forte  :  c'est 
une  espèce;  d'eilase  de  ce  genre,  prise  de 
rimagînalion  qu'éprouvait  sans  doute  saint 
Thomas  è  la  table  de  saint  Louis,  lorsque, 
se  croyant  seul  au  milieu  de  (ouïe  la  cour, 
il  argumentait  d'une  manière  irrésistible 
contre  les  manichéens. 

H  y  a  donc  des  extases  na(urell(*s,  quoi- 
que ce  ne  soit  en  effet  pas  de  véritables 
extases  par  comparaison  aux  extases  dî- 
irines;  et  toutefois  les  extases  n<itureiles 
sont  désignées  dans  l'Ecriture  sainte.  Ainsi 
il  est  dit  d'Isaac,  qu'il  fat  saisi  (Tune  téhé- 
mente  stupeur^  tombant  dans  une  admiration 
plus  grande  qu'on  ne  peut  dire,..  Isaac  fat 
emporté  dans  une  grande  extase.  Ainsi  :  on 
dit  de  Nabal  que  son  cœur  se  mourait  inté- 
rieurement^ et  devint  comme  une  pierre^  parce 
que,  dit  Sanclius,  il  fut  tellement  surpris 
t]u'il  perdit  l'usage  de  ses  sens,  ce  qui 
{irrirc  souvent  dans  les  grandes  coinmollons 
et  la  douleur. 

On  peut  prouver  la  même  chose  par  les 
saints  Pères.  Saint  Augustin  dit  da  prêtre 
llçstitut,  qu'on  le  priait  souvent  d'opérer 
certaines  extases  admirables  ,  avec  des 
tons  de  voix  prodigieusement  Jamenlable, 
et  en  même  temps  il  était  tellement  ravi  hors 
de  lui-même,  qu'il  tombait  ensuite  comme 
un  mort.  Alors  il  ne  sentait  plus  rien,  ni 
Jes  coups,  ni  les  tiraillements  :  on  pouvait 
même  le  brûler  sans  le  réveiller  et  sans 
douleur,  si  ce  n'est  après  ce  ravissement. 
11  perdait  jusqu'à  la   respiration;  ensuite, 

auand  il  commençait  à  parler,  on  enteiulait 
es  sons  singuliers  comme  ceux  d'une  voix 
humaine  qui  arrive  d'un  grand  lointain. 
Saint  Thomas  dit  que  l'extase  naturelle 
arrive  de  la  même  manière  que  si  on  toiu- 
bait  dans  rirabécillilé  mentale.  Saint  Fran- 
çois do  Sales  rnpporto  que  certains  philo- 
sophes tombaient  dans  l'extase  par  suite 
d'une  application  extraordinaire  à  des  objets 
forts  élevés.  Ainsi  il  dit  de  Socrate,  que  sa 
pensée  s'étant  un  jour  fixée  sur  un  certain 
objet,  il  resta  immobile  dans  la  même 
posture  pendant  un  jour  tout  entier.  Mar- 
sile  Ficin  rapporte  d'autres  exemples  qu'il 
serait  peut-être  difficiles  de  vériher  :  Kpi- 
niinide  aurait  dormi  pendant  cinquante  ans, 
Vivant  comme  sans  le  secours  des  sens; 
Pythagore  pendant  dix  ans;  Zoroastre  resta 
enternié  pendant  vingt  ans.  11  dit  de  Platon 
qu'il  fut  souvent  ravi  dans  les  hautes  con- 
templations et  succomba  enfin  à  l'un  de 
ces  ravissements;  Xénocrate  était  ravi  tgus 
les  jours  pendant  une  heure  :  Archimède 
était  tellement  absorbé  dans  ses  démons- 
Irations  qu'il  ne  s'aperçut  ni  que  sa  pairie 
succombait  ni  qu'il  succombait  avec  elle; 
Plotin  sentait  son  corps  comme  se  dissoudre, 
Cl  alors  il  avait  des  idées  plus  hautes  qu'à 
Tordinaire, 

Selon  saint  Thomas  la  raison  nous  dit 
qu'il  doit  en  être  quelquefois  ainsi.  L'ima- 
Rination  étant  une  fois  violemment  tendue 
6t  fixement  arrêtée  sur  un  objet,  tous  les 


esprits  animaux,  destinés  aux  mouvements 
externes  et  internes  du  sens  confluant  vers 
le  cerveau,  il  arrive  qne  tous  les  sens  sem- 
blent suspendre  leurs  fonctions  et  leur  mou- 
Yeinent  plus  complètement  que  dans  lesoio- 
meil.  Môme  dans  le  sommeil  ii  est  des  cas 
où  l'engourdissement  est  si  profond  qu*!! 
ressemble  à  de  Tanéantissement.  Ainsi  dans 
Textase  ou  le  ravissement,  soit  par  TefTet 
d'une  chose  fortement  imaginée,  soit  fiar 
une  infirmité  naturelle  des  principnux  or- 
ganes, peut-on  être  privé  do  mouvimenl? 
D'où  nous  pouvons  conclure  que  les  étals 
que  nous  venoTis  d'examiner  peuvent  êire 
réeltementappelé  des  extases,  uiaiselles  sont 
imparfaites  si  on  les  compare,  coiLme  dous 
le  verrons,  aux  extases  surnaturelles.  Lo 
sommeil,  en  tant  qu'il  ne  dé|>asse  pas  L«s 
limites  d'un  véritable  sommeil,  n'est  pas  un 
ét<it  extatique,  car  il  n'a  aucune  pensée.  Il 
en  est  de  même  des  maladies  qui  ne  sort 
qu'une  suspension  des  opérations  de  les- 
prit,  aussi  bien  que  du  corps. 

£n  vertu  de  l'extase  naturelle,  il  n'arrivera 
jamais  que  l'âme  quitte  un  se:d  instant  lo 
.  corps,  comme  l'ont  soutenu  quel(|ues  au 
teurs.  Car  c'est  là  un  prodige  que  Dieu  seul 
peutopérer,en  suspendant  les  lois  naturelles: 
il  ne  se  rencontre  donc  pas  dans  re\tasc 
naturelle.  S'il  y  avait  réellement  séparation, 
dit  Tertullinn,  ce  serait  la  mort,  et  rien  de 
'  plus,  et  s'il  n'y  a  pas  mort,  il  no  peut  javoir 
autre  chose  qu'une  vraie  chimère. 

Dans  l'extase  produite  [>ar  une  violenlc 
application  de  l'imagination,  l'usage  des 
sens  est  suspendu,  mais  non  l'usage  do 
l'imaginàlion. 

Le  premier  signe  d'une  extase  naturel!» 
est  l'état  maladif  d'une  personne,  un  état 
d'infirmité  habituelle.  Telles  sont,  suivant 
Sacchii  :  l'apoplexie,  l'épilepsie,  la  iélbar- 
gie,  la  catalepsie,  et  d'autres  maladies  dites 
somnambules.  Ceux  qui  sont  affectés  de  ces 
dernières  apparaissent  dans  un  état  qui  est 
entre  lo  sommeil  et  la  veille.  Mais  les  autres 
deviennent  comme  des  êtres  insensibles  et 
inanimés;  et  on  en  a  tu  plusieursqui,  reve- 
nus à  eux  mêmes,  se  rappelaient  d  avoir  vu 
et  entendu  dans  leurs  évanouissements  des 
choses  inouïes  et  fort  extraordinaires. 

Le  second  signe,  c'est  l'époque  des  exta- 
ses. Si  l'extase  a  un  temps  déterminé  et  ré- 
gulier dans  ses  retours,  il  est  très-présuma- 
ble  que  c'est  une  extase  naturelle;  car  $i 
elle  dérive  des  humeurs  et  d'une  certaine 
complexicn,  on  comprend  qu'il  doit  en  ré- 
sulter des  crises  périodiques,  commelemou-» 
yement  même  des  humeurs  maladives.  Tou- 
tes les  tièvres  à  peu  près  ont  de  ces  inter- 
mittences qu'on  peut  généralement  réduite 
à  certaines  périodes  à  peu  près  prévues. 

Troisième  signe  :  la  souffrance  qui  suit. 
Si  quelqu'un  parait  avoir  éprouvé  une 
extase,  et  qu'ensuite  il  tombe  en  apopieiiei 
en  paralysie,  ou  dans  une  autre  maladie 
qui  y  ait  du  rapport,  on  peut  conclure  que 
cest  là  simplement  une  extase  nalurelle 
dans  lo  genre  do  celles  dont  nous  avous 
parlé,  et  qui  se  termine  souvent  par  In  n  o.t' 


713 


EXT 


D^ASCETJSUE. 


EIT 


7I« 


Car  sainte  Thérèse  nous  assure,  et  elle  en 
a  le  droit,  elle  a  si  soureat  éproaré  un  état 
extraordinaire  et  d*nBe  manière  si  variée; 
elle  assure,  dts-je,  que  Textase  dirifie  ne 
porte  jaroaîs  au  corps  le  dommage  d*une  ma- 
ladie corporelle»  quoiqu'on  puisse  être  souf- 
frant pendant  Textase;  mais»  au  contraire» 
qu*après  Teffct  est  quelquefois  de  rendra 
sain  UB  cerps  oui  était  faaiade.  AWarez  dans 
sa  Vie  êpiriiuetle  assure  aussi  qu*il  est  bien 
roerftilleux  qu*en  sortant  de  l'extase  au  lieu 
de  sentir  son  corps  fdible»  ce  que  l'on  peut 
liréToir  après  de  telles  commotions^  au  con- 
traire, on  4e  sentait  fort  »  dégagé  de  ses  in- 
firmités habituelles. 

Quatrième  signe  :  Une  gninile  lassitude  de 
membres.  Si  sn  éprouire  cet  eSet,  c^est  yn 
signe  nue  l'extase  qui  a  lieu  a  été  purement 
naturelle.  C'est  dans  cette  différence  que 
Zaccbia  |»lace  la  séparation  des  deux  extases 
diThie  et  naturelle^  Ja  première  opère  «a 
effet  de  force»  et  l'autre  de  faiblesse.  Durand 
dit  aussi  «  que  le  corps  de  celui  qui  est 
^leréà  la  contemplation  extatique»  ne  tombt 
iMînt  par  suite  dans  la  débilité  et  la  fai- 
blesse, mais  devient  fort  et  aequieit  une 
noayeSe  vigueur.  »  Les  auditeurs  de  <la 
Rote  ont  aussi  observé,  h  foccasioa  de  la 
▼ie  des  serviteurs  de  Dieu,  que  ceux  qui 
persévéraient  dans  Textase»  une  fois  qu  ils 
revenaient!  leurs  sens  naturels  y  revenaient 
souvent  avec  ia  plénitude  de  Leur  sanlé»  et 
prêts  è  supporter  toutes  sortes  de  tra- 
vaux. 

Cependant  n'oublions  pas  que  dans  l'ex- 
tase elle-même  le  corps  est  faible.  Daniel 
lui-même  nous  l'apprend:  Toi  tu  urne  tmon, 
dit-il»  et  il  ne  me  reeia  aucune  force^  et  ma 
face  a  changé;  je  maigris^  et  je  perdais  toute 
ma  puiiêonee.  Toute  Ta  force  de  Fâme  étant 
concentrée  et  appliquée  aux  choses  d.vines, 
la  chaleur  rilale  se  précipite  vers  le  cerveau 
pour  les  fonctions  de  l'Ame^  il  en  résulte  un 
affaiblissement  des  forces  du  rosie  du 
corps  ;  il  se  refroidit»  pâlit  et  flnit  par  s'en- 
fl.<flaiiier.  Cassien  fait  ainsi  parler  Tabbé 
Jean  :  «Parla  volon  édeNolre-Seigneur  Jésus- 
Christ  Je  me  souviensd*avoirsouveniéprouvé 
des  ravissements  tels  que  je  ne  me  souvenais 
plus  duftrdeau  de  mon  corps;  j*étais comme 
un  être  priv^  de  cette  fragile  enveloppe,  et 
comme  exilé  hors  de  moi-même  ;  ni  mes 
jeux,  ni  mes  oreilles  ne  remplissaient  leurs 
propres  fonctions»  et  alors  I  esprit  se  rem- 
plissait de  méditations  divines  et  de  théo- 
ries spirituelles  »  j'arrivais  jusqu'au  soir  sans 
savoir  queie  n'avais  pris  aucune  nourriture.  » 
Et  sainte  Thérèse  dépeint  dans  son  Château 
de  Féme  le  même  état  ;  elle  parle  des  souf- 
frances de  celui  qui  est  ravi  en  extase»  et  le 
peint  comme  privé  de  chaleur»  manquant  de 
respiration»  n'éprouvant  pas  le  moindre 
mouvement»  ni  te  moindre  souffle  :  ajou- 
tons h  cela  la  ri^dité  des  membres»  le  iroid 
et  la  nâleur  du  visage,  et  tous  les  sjmplO- 
mes  des  mourants  et  des  morts. 

Cinquième  signe  :  L'oubli  des  choses  pas- 
sées. Si»  après  l'extase»  après  le  ravisse- 
ment de  l'esprit»  on  a  oublié  ce  qui  s'est 

DiCTi0!ia.  d'Ascétisvb.  I. 


passé»  c*ést  encore  une  marque  que  l'effet 
est  purement  naturel.  Ce  n'est  pas  i  dire 
que  dans  les  extases  surnaturelles  on  se 
souvienne  toujours  de  ce  aui  s'est  passé»  et 
dans  ce  cas»  on  a  recours  a  d'autres  signes 
pour  découvrir  sa  vraie  origine»  mais  la 
règle  générale  est  que»  dans  l'extase  natu- 
relle, on  ne  se  souvient  de  rien»  et  dans 
rextase  divine»  l'esprit  conserve  le  souve- 
nir de  ses  impressions. 

Sixième  signe  :  L'amour  des  choses  ter- 
restres. Si  pendant  que  auelgu'un  tomt>e 
en  extase»  n  était  occupé  de  choses  terres- 
tres* de  soins  mondains»  c'est  une  marque 
que  l'extase  est  naturelle  ;  car  l'extase  di- 
vine ne  peut  prendre  son  origine  que  dans 
le  pur  amour,  dans  famour  surnaturel. 

Septième  signe  :  Si  elle  vient  de  Fa  peur. 
Lorsquec'est  par  suite  d'un  événement  triste, 
qui  accable  l'âme,  qu'arrivo  Textase,  c'est 
oDoere  une  marque  qu'elle  n'est  que  l'ac- 
complissement d'une  loi  de  la  nature»  comme 
cela  s'est  vu  dans  Jacob  et  Nabal. 

Huitième  signe  :  Quand  elle  arrive  par 
suite  d'une  musique  qui  charme  les  sens. 
La  musique  exerce  une  puissaste  influence 
sur  nos  sens.  Il  est  certaines  organisationn 
surtout  sur  lesquelles  elle  opère  des  effets 
prodigieux  ;  il  n'est  pas  surfirenant  que . 
dans  certaines  circonstances,  les  sens  en 
soient  complètement  endormis  et  paralysés, 
comme  l'attestent  Cassiodore  et  Dom  Cal- 
met. 

U.  Arrivons  maintenant  h  la  seconde  es- 
pèce d'extase  ;  c'est  celle  que  nous  appelons 
démoniaque»  lorsque  les  démons  reçoivent 
le  pouvoir  de  lier  les  sens  extérieurs. 

Pour  savoir  comment  cola  peut  arriver» 
nous  laisserons  DeJrio  nous  l'expliquer, 
c  L'extase,  ou  le  ravissement ,  dit-il»  peut 
être  causée  par  le  démon,  en  liant  ou  en 
relâchant  les  sens  extérieurs,  e(  cela»  par 
deux  moyens.  Il  produit  le  premier  effet  en 
obstruant  les  conduits  par  où  les  esprits  du 
cerveau  arrivent  aux  sens  extérieurs,  etalois 
se  produit  le  même  phénomène  que  dans  le 
sommeil.  Le  second  effet  a  lieu  lorsque  le 
démon  rappelle  avec  violence  les  esprits  ré- 
pandus dans  les  extrémités,  dans  les  épa- 
nouissements nerveux  vers  le  centre»  etiesy 
retient.  Alors  il  y  a  embarras  et  confusiou 
dans  le  centre»  et  tous  les  mouvements  et 
toutes  les  pensées  sont  troublés  ou  suspen- 
dus. 9  Le  même  auteur  soutient  que  «  celte 
cause  du  ravissement  naturel  ne  surpasse 
point  la  puissance  du  démon.  » 

Il  existe  des  extases  démoniaques.  Teilà 
une  proposition  qu^on  peut  établir.  Hais 
observons  d*abord  que  ce  ne  sont  pas»  à 
proprement  parler»  des  extases»  si  on  les 
compare  aux  divines.  Prouvons-le  par  l'E- 
criture sainte.  Au  livre  du  Deuiéronomef  on 
reprend  sévèrement  ceux  qui  consultaient 
les  Pythonisses»  ou  les  personnes  en  qui  se 
trouvait  l'esprit  pytbonigue.  Si  nous  con- 
sultons saint  Augustin,  outre  l'exemple  que 
nous  avons  rapporté»  que  Durand  fait  servir 
è  prouver  les  extases  démoniaques»  ce  Père 
dit  encore»  en  parlant  de  l'extase»  que»  lors- 

23 


715 


EXT 


DICTIONNAIRE 


EXT 


lu 


w 

que  l*esprit  est  complètement  emporté  hors 
des  sens  et  absorbé  dans  une  pensée  qui 
vous  emporte  et  vous  étourdit,  cela  peut 
arriver  par  l'opération  du  démon.  Dans  un 
autre  lieu,  le  même  Père  parle  encore  des 
hallucinations  des  fantômes  intellectuels  qui 
ne  sont  qu*un  jeu  malin  de  Satan. 

Saint  Thomas  prouve  que  des  extases 
peuvent  arriver  par  Tinfluence  du  démon» 
comme  cela  se  démontre  par  les  possédés. 
Et  saint  François  de  Sales  [Traité  de  Vamour 
de  Dieu)  assure  aussi  que  Tesprit  malin 
peut  entraîner  Tintelligcnce  comme  en  ex- 
tase, et  lui  fournir  la  connaissance  de  choses 
admirables,  qui  la  tiennent  comme  suspen- 
due au-dessus  des  choses  naturelles,  et,  par 
de  telles  connaissances,  prouver  en  nous 
certains  effets  d*UQ  amour  tendre,  mais  vain. 

On  pourrait  fournir  des  exemples  de  pa- 
reils faits.  Tertulîien  rapporte  qu'une  cer- 
taine prophétesse  arait  coutume  de  pro- 
phétiser pendant  la  célébration  des  saints 
mystères,  et  ensuite  tombait  en  extase. 
11  voulait,  sans  doute,  parler  de  Priscilla  qui 
s'était  attachée  à  l'hérétique  Montan.  Ueirio 
rapporte,  d'après  Olaïus,  qu'un  enchanteur 
donnait  des  réponses  touchant  des  secrets 
et  des  choses  futures,  et  dit  qu'il  paraissait 
à  peine  faire  usage  de  ses  sens. 

Torrebianca  dit  qu'une  certaine  vierge  de 
Cordoue,1Madelaine  de  la  Croix»  avait  acquis 
U  réputation  d'une  sainte  à  force  d*éprouver 
des  ravissements  diaboliquesqui  séduisaient 
les  simples.  Gerson  ajoute  deux  autres 
exemples  &  ceux-ci,  et  beaucoup  d'autres  en 
fourniss'int  un  grand  nombre.  «  H  ne  doit 
pas  paraître  merveilleux,  dit  saint  François 
de  Sales ,  que  le  démon,  se  (ransfoi  mant  en 
ange  de  lumière,  pour  déduire  les  Ames  et 
tromper  les  hommes  faibles,  opère  des  ra- 
vissemeols  dans  ceux  aui  no  sont  ciue  fai- 
blement conlirmés  dans  fa  doctrine  et  la  piété 
chrétienne.  » 

Au  surplus,  l'extase  naturelle  no  dépasse 

f»as  les  forcus  du  démon ,  comme  nous 
'avons  vu  :  il  peut  lier  les  sens,  et  obstruer 
les  passages  des  esprits  animaux,  tandis 
nu'ils  se  portent  aii  cerveau  ou  qu'ils  en 
descendent»  et  cela  même  médiatement  en 
appliquant  un  esprit  faible  avec  une  violente 
attention  à  un  objet,  ou  par  une  autre  cause 
naturelle. , 

Voyons 'maintenant  si  dans  Textase  dé- 
moniaque le  corps  peut  être  élevé  en  l'air. 
Dans  l'extase  naturelle  l'âme  ne  peut  aban- 
donner le  corps  ni  sortir  pour  y  rentrer 
comme  il  arrive  dans  les  véritables  extases  : 
cepeniianl  il  peut  se  faire  que  le  corps  soit 
élevé  au-dessus  do  terre.  On  rapporte 
comme  un  fait  notoire,  d'après  Jamblique, 
quePyihagorese  trouva  le  même  jour  en  Si- 
cile et  dans  des  régions  éloignées  de  l'Italie; 
ce  qui  ne  pouvait  avoir  lieu  que  par  l'en- 
tremise du  démon  :  Simon  le  Magi- 
cien fut  aussi  élevé  très-haut  dans  les  airs, 
Êar  les  démons,  mais  avec  la  permission  de 
)ieu,  en  sorte  qu'il  paraissait  voler  ;  mais 
à  la  prière  de  saint  Pierre ,  les  démons  le 
lûoherent  et  il  fut  brisé  dans  sa  chute.  Mal- 


s 


ré  le  silence  d'Ëusèbe,  on  ne  peut  douter 
e  l'authenticité  de  ce  fait  rapporté  par  tous 
lesautres  écrivains  ecclésiastiquesdulemps. 
MadeleinedelaCroix  fut  élevée enl'air  parles 
démons  à  la  vue  d'une  foule  de  spectateurs. 
11  s'est  trouvé  cependant  que  dans  certains 
c^is  d'ascension  il  n*y  avait  qu'un  prestige 
pour  la  vue  :  mais  ces  faits  n'infirment  pas 
par  eux-mêmes  la  véracité  de  ceux  que  oous 
venons  de  rapporter. 

11  y  a  plus  :  il  peut  arriver  quelquefois 
que  contre  la  règle  générale  qui  veut ,  d'a- 
près la  sentence  divine»  que  les  corns  morts 
soient,  peu  de  temps  après,  livrés  a  la  cor- 
ruption» et  qu'ils  retournent  h  la  poussière, 
les  démons  préservent  certains  cadaYrcs  de 
la  corruption  pendant  (]uelquo  trmps ,  soit 
en  recourant  k  certains  principes  cachés 
dans  fa  nature  qu'ils  distinguent  mieux  que 
nous  et  dont  ils  se  servent  comme  de  cou* 
diment  et  de  préservatif  de  la  corruption, 
soit  en  usant  d'autres  précautions  comme 
suggérant  h  certaines  personnes  l'usage dV 
liments  particuliers  qui  peuvent  donner 
aux  cadavres  une  certaine  force  contre  la 
dissolution  en  desséchant  Tes  parties  après 
la  mort.  On  conçoit,  en  effet,  cjue  ce  que  les 
hommes  peuvent  obtenir  à  iorce  d'art,  en 
interrogeant  les  secrets  de  la  nature,  les 
démons,  toujours  avec  la  permission  do 
Dieu,  peuvent,  à  plus  forte  raison,  l'obtenir, 
car  ils  connaissent  beaucoup  mieux  les  ver- 
tus secrètes  de  certains  corps,  leurs eflets 
dans  les  combinaisons  ebiiuiques  ;  et  fic- 
nott  XIV  nous  apprend  (]^ue  dans  la  discus- 
sion des  causes  de  canonisation,  on  s'appli- 
que à  discerner  les  cas  qui,  dans  les  faits  de 
cette  nature,  doivent  être  attribués  soit  à 
Dieu,  soit  au  démon,  soit  à  la  nature  seule. 
Les  Gn  es  schismatiques  ont  trouvé  quel- 
ques cadavres  non  corrompus,  mais  horri- 
bles, dont  ils  ont  tiré  un  argument  en  fa- 
veur de  leur  déplorable  schisme.  Mais  les 
Bollandistes  ont  démontré  que  souvent  ils 
mêlaient  le  vrai  au  faux,  ccrpendant  qu'il 

Souvait  fort  bien  arriver  que  te  démon  pro- 
uisit  sur  quel|ues-uns  de  leurs  cadavres 
des  effets  naturels,  mais  inexplicables, tels 
qiiu  ceux  dont  nous  avons  parlé. 

Signes  de  fexiase  diabolique.  —  Le  pre- 
mier :  Une  mauvaise  vie...  Par  exemple,  si 
un  homme  entrait  en  extase  dans  le  mo- 
ment même  où  il  se  rendrait  coupal>le  d*uoe 
mauvaise  action. 

Le  second  signe  d^une  extase  diabolique 
est  l'indécence  dans  les  mouvements  du 
corps.  Si  pendant  que  dure  cet  état  on  re- 
marquait un  grand  désordre»  une  agitation 
comme  furibonde  dans  les  membres ,  «iaos 
les  manières  et  dans  les  poses,  ce  serait  un 
signe  que  le  démon  est  un  des  moteurs  de 
l'accident.  Voici  comment  le  cardinal  Cnjé- 
tan  parle  h  ce  sujot  :  «  Comme  ta  grâce, 
selon  sa  nature,  sa  tin  et  ses  eOiels  connus, 
tend  à  perfectionner  et  non  à  détruire,  à  di- 
minuer ou  à  violer  >  on  peut  dire  que  si 
dans  Textase  it  y  a  violent  désordre  de  la 
nature  physique ,  il  n'jr  a  rien  du  Saint-Es- 
prit. De  même  s'il  arrivait,  pendant  Tacci* 


^17 


EXT 


DASCETiSME. 


EXT 


711 


dent,  que  la  personne»  aliénée  de  ses  sens, 
se  trouTait  uans  une  position  à  offenser  la 
pudear«  à  moins  que  les  assistants  n'inter- 
posent leurs  précautions»  la  mauvaise  ori- 
Kine  de  te  que  le  patient  léprouTO  le  laii 
imputer  an  démon.  Dès  qu'on  pourra 
donc  remarquer  quelque  chose  d'indécent» 
soit  dans  les  mouyements  intérieurs»  soit 
dans  les  mouTements  extérieurs  du  pa- 
tient» quelque  rtiose  qui  blesse  la  n4- 
ture  on  qui  blesse  les  mœurs»  on  peut  dé« 
duire ,  à  coup  sûr»  <.u^il  y  a  ou  inGrmité  ou 
illusion  diaboliquet  oiais  qn'il  u*y  a  rien  de 
surnaturel  ou  de  prophétique.  »  Gravina 
tient  le  même  sentiment  que  Cajélan. 

Ajoutons  à  ces  remarques,  qu'il  faut  user 
de  prudence  et  de  réserre  dans  l'apprécia- 
tion de  ce  signe.  Il  ne  Caudrait  pas  prendre 
tout  BOUTement  dn  corps  inusité  pour  in- 
décent et  désordonné.  Eicnard  deSainl-Viclor 
compare  l'extasié  à  un  poisson  jouant  dans 
l'eau  et  sautant  même  par-dessus  les  eaux. 
On  rapporte  de  saint  Philippe  de  Néri  que 
pendant  qu'U  célébrait  la  messe  il  était  si 
▼iTement  agité  de  corps  que  l'autel  trem- 
blai t«  et  que  sa  joie  était  si  féhémenlei  l'of- 
fertoire qu*il  ressemblait  à  un  paralytique* 
et  il  ne  pouvait  verser  l'eau  dans  le  calice 
qu'en  appuyant  son  bras  sur  Tau  tel.  De 
mAme  encore  pendant  l'élévation  ses  bras 
restaient  roidemenl  étendus  et  il  ne  pou- 
vait les  ramener,  et  à  la  communion  sa  joie 
^tait  telle  qu'appuyé  snr  l'extrémité  de  ses 
piedSyil  paraissait  danser.  On  pourrait  aussi 
rapporter  certains  traits  de  la  Tie  de  sainte 
Madeieine  de  Pezzi»  qui  font  comprendre 
que  tous  tes  mouvements  insolites  et  sin- 
guliers du  corps  ne  doivent  pas  être  pris 
jiour  indécents  :  mais  ceux  qui  sont  gra- 
vement malhonnêtes  sont  un  signe  certain 
d'extase  diabolique. 

Troisième  signe  :  Si  quelqu'un  éprouve 
i'exlase  quand  et  comme  il  lui  plati  ;  car  ni 
la  iiatore  seule»  ni  la  grâce,  ne  se  nréte  à 
cette  complaisance.  Gonsalve  Durand  com- 
bat l'opinion  de  ceux  qui  prélcndcnd  qu'il 
est  des  sujets  tels  qu'ils  peuvent  éprouver  h 
leur  ^é  des  extases.  On  cite  Texemple 
d'une  ieune  fil  le  d'Augsbourg  qui  avait  celte 
liMîulté»  mais  l'évoque  du  lieu  finit  par  dé- 
couvrir la  manœuvre  du  démon,  et  le  chnssa. 

Quatrième  signe  :  Si  l'on  peut  faire  iresseï* 
l'extase  à  sa  volonté»  à  un  certain  signal, 
par  exemple  è  la  voix  impérative  d'un  assis- 
tant, i  moins  que  ce  ne  soit  la  voix  du  su- 
périeur qui  appelle  son  inférieur  à  l'obéis- 
sance, car  alors  on  peut  supposer  que  la 
grâce,  qui  ne  peut  rien  inspirer  contre  la  rè- 
gle, lui  laisse  la  liberté  de  sortir  de  Textase  ; 
snais  dans  les  autres  circonstances,  il  faut 
tirer  la  conclusim  contraire  ;  car  le  démon 
ne  bit  des  choses  extraordinaires  que  pour 
l'ostentation  et  [lour  exciter  une  vaine  ad- 
miration »  et  non  pour  l'édification. 

Cinquième  signe  :  Si  l'extatique  parle 
avec  lies  paroles  décousues  et  un  esurit 
troublé  »  comme  s'il  ne  parlait  pas  par  lui- 
fuémc,  mais  par  une  action  étrangère.  Saint 
Tbom.is  t'ait  cette  remarque,  que   si  une 


personne  extatique  se  donne  le  loi  de  par- 
ler au  nom  môme  de  Jésus-Christ  ou  u'un 
saint  comme  si  elle  tenait  sa  place,  c'est  une 
séductrice  ou  une  séduite  :  et  cependant  le 
monde  admire  et  les  fiaroles  et  les  person- 
nes. Cependant  on  doit  admettre  une  ex- 
ception a  cette  règle^  et  nous  en  trouvons  la 
raison  dans  ce  qui  arriva  è  sainte  Catherine 
de  Sienne.  Cest  lorsque  la  personne  extati- 
que prend  physiquement  la  forme  de 
la 'personne  de  Jésus -Christ.  C'est  de 
cette  manière  que  la  sainte  dont  nous 
parlons  apparut  a  son  confesseur,  et  celui- 
ci  lui  demanda  :  Qui  est  celui  qui  me  re- 
garde, et  celle-là  répondit  :  C'est  celui  qui 
est.  On  sait  aussi  «|ue  sainte  Madeleine  de 
Pazzi  a  souvent  dicté  des  paroles  comme  si 
c'était  le  Père  éternel  ou  le  Verbe,  ou  le 
Saint-Rsprit  qui  portassent  Ja  parole. 

Sixième  signe  :Si  le  patient  ne  se  sou- 
vient nullement  de  ce  qui  s'est  passé  pen- 
dant l'extase;  s'il  ne  peut  répéter  les  dioses 
qu'il   a  dites;  si,  avec  cela»  on  remarque 

au{*laues-uns  des  signes  précédemment  in  • 
iques,  c'ese  une  marque  qu'il  y  a  opéra- 
tion du  diable. 

Septième  signe  :  Si  le  patient  entre  en  ex- 
tase et  souvent  dans  les  lieux  publics,  où  îl 
y  a  grandeaffluencederoonde,  c'est  une  mar- 
que d'extase  diabolique,  selon  l'observation 
de  Benott  XIV»  (De  ^eol.)  Car  c'est  le  propre 
du  démon  de  courir  après  la  gloire  extérieure 
et  Hier  les  yeux  des  nommes. 
.  Huitième  signe  :  Si  le  jialient  pousse  des 
clameurs  brutales»  qui  inspirejit  l'horreur 
par(«  qu'elles  n'ont  rien  d'humain,  il  faut  s'en 
défier»  dit  le  cardinal  Laurea»  parce  qu'il  a 

Ïppris  par  expérience  qu'elles  sont  un  effet 
laboliquc. 

Mais  ii  n'en  est  pas  de  même  si  les  cris 
sont  décents.  Gravina  dit  que  parmi  les 
extatiques,  on  distingue  les  joyeux  qui  dan- 
sent pendant  Textase  et  poussent  des  cris; 
et  le  cardinal  Laurea  cite  saint  loseph  de 
Cupertin»  qui  avait  coutume  de  jeter  quel- 
ques cris  lorsqu'il  était  élevé  en  extase;  et 
ces  auteurs  regardent  les  cris  légers  comme 
un  signe  de  joie  qu'inspire  la  divine  com- 
munication. 

III.  La  troisième  espèce  d'extase  et  de  ra- 
vissement est  l'extase  divine  que  le  P.  Al- 
varez d^'finit  ainsi  :  Une  éUvation  de  Fûtne  à 
Dieu^  avec  absiraeiion  du  sent  esiériewr^  pro- 
venant de  la  grandewr  de  celte  élétati^n.  Le 
cardinal  Bons  et  les  mystiques  en  général  la 
définissent  de  la  même  manière;  ils  ont 
suivi  le  sentiment  de  saint  Augustin  qui  en- 
seigne que  l'extase  est  une  séparation  {alie- 
natio)  de  Tâme  avec  les  sens  corporels»  ou  l'es- 
prit de  l'homme  est  emporté  par  l'esprit  divin. 
Comment  a-t-elle  lieu  ?  Pour  connaître  quel- 
que chose  clairement  et  intrinsèquement» 
I  at>straction  des  sens  est  tout  à  fait  néces- 
saire, car  la  variété  des  choses  sensibles  dis- 
sipe l'espri  t  et  l'affection»  et  la  détourne  de  l'ob- 
jet que  l'on  veut  saisir.par  la  conuaissauceoii 
l'amour.  D'un  autre  côté,  Tintensité  de  la 
connaissance  et  de  l'amour  ralentit  et  em- 
uèche  les  opérdlions  de  l'âme  sur  les  autres 


719 


EXT 


DICTIONNAIRE 


EÎT 


t^e 


objets  :  l'Ame  étant  une  puissance  limitée, 
plus  elle  est  attentive  à  une  opération,  moins 
elle  s'applique  aux  autres,  surtout  si  les 
choses  secondaires,  auxquellesl*esprit  se  dis- 
trait, ne  s.e  rattachent  pas  directement  à  la 
principale!  Quand  la  connaissance  et  Tamour 
surnaturels,  excités  en  nous  par  Dieu  dans  la 
contemplation,  sont  très-forts,  ils  produisent 
une  abstraction  très-parfaite  des  sens,  et  Tex* 
taso  peut  être  frès-parfaite.  Deux  choses  sont 
nécessaires pourqu'il  y  ait  véritablement  ex^ 
tase  divine  ;  celle-ci  s'appuie  sur  lesdeuxpar-^ 
ties  de  la  contemplation^  11  faut  première- 
mentque,ducôtéde  rinlelliçence,  il  yaililiu* 
mjnation  extraordinaire,  quiexcitefortement 
Tadmiration,  et  par  suite  serve  d*un  motif  à 
J*amour;  il  faut  que,  du  côté  de  ia  volonté, 
elle  soit  tellement  enBammée  qu'elle  excite 
un  ardent  amour,  et  un  désir  véhément  de 
connaître  toujours  de  plus  en  plus.  Car  l'a- 
mour ne  pourrait  s'enflammer  davantage  s*il 
ne  lui  arrivait  de  nouvelles  connaissances 
de  l'objet  aimé,  et  la  connaissance  ne  serait 
pas  provoquée  sans  un  progrès^  de  l'amour. 
Cependant  on  appelle  une  extase  ou  intellec- 
tuelle, ou  affective,  selon  que  l'un  de  ces 
deux  éléments  domine,  sans  néanmoins 
qu'ils  seséparent. 

HAtons-nous  cependant  d'observer  que  les 
extases  ne  sont  pas  toujours  en  rapport  avec 
la  perfection  et  l'ardeur  de  la  contempla- 
tion. Elle  n'arrive  ni  dans  toutes  les  contem- 
plations à  peu  près  parfaites,  ni  selon  des 
degrés  marqués  et  prévus.  11  y  a  des  per- 
sonnes très-contemplatives  qui  n'éprouvent 
aue  rarement  ou  jamais  d'extases.  Il  y  en  a 
'autres  qui  sont  peu  contemplatives,  qui  ne 
sont  qu'un  peu  méditatives,  qui  en  éprouvent: 
on  a  même  vu  des  pécheurs  en  avoir,  parce 
que  les  extases  sont  des  grAces  gratuites  que 
Dieu  donne  quand  il  lui  plaît,  comme  ren- 
seigne Laurea  :  Quand  Dieu  veut  suspendre 
l'opération  du  sens  par  l'extase,  il  lui  suffit 
d'accorder  le  don  d*une  contemplation  telle, 
qu'elle  porte  tous  les  esprits  vitaux  et  ani- 
maux vers  le  cerveau  ou  vers  le  cœur,  d*iiù 
il  résulte  que  quoique  la  contemplation  soit 
en  elle-même  surnaturelle,  même  miracu- 
leuse, la  suspension  de  l'exercice  des  sens 
est  seulement  surnaturelle  quant  au  mode, 
mais  non  quant  h  la  substance,  comme  pro- 
cédant d'une  contemplation  divinement  t*x- 
citée  :  c'est  ainsi  qu'on  pourrait  dire  d'un 
aveugle  qui  aurait  merveilleusement  recou- 
vré la  vue,  que,  dans  le  miracle,  il  a  reçu 
la  puissance  de  voir,  et,  par  cette  puissance, 
il  passe  à  l'exercice  de  ta  vue  actuelle.  Or 
la  suspension  do  l'usage  des  sens  dans  l'ex- 
tase est  tantôt  totale,  tantôt  partielle.  Cepen- 
dant la  perfection  de  Textase  ne  se  juge  pas 
par  l'étendue  de  la  perte  des  sens;  souvent 
même  dans  des  extases  parfaites  on  a  vu 
parler,  gémir,  verser  des  larmes,  etc.,  ce  qui 
favorise,  plus  qu'il  n'empêche,  l'union  avec 
Dieu.  Lorsqu'une  extase  a  pour  objet  la  con- 
templation d'objets  matériels,  ou  d*images 
sensibles,  l'usage  des  sens  n'est  point  el  ne 
peut  être  suspendu,  parce  qu'une  telle  ex- 
tase dépend  des  images  mêmes.  Si,  au  con- 


traire, elle  dépend  d'une  contemplation  pa- 
rement intellectuelle,  alors  les  sens  internes 
ne  fonctionnent  plus,  en  vertu  d'une  grâce 
extraordinaire,  quoique  d'ailleurs  il  reste 
des  vestiges  de  choses  sensibles  dans  Textase. 
L'extase  peut  arriver  même  dans  le  sommeil, 
comme  il  paraît  par  le  sommeil  extatique 
d'Adam,  quand  Eve  fut  miraculeusement 
tirée  de  son  côté.  .11  y  a  cette  différence 
entre  le  sommeil  naturel  et  l'extatique,  que 
celui-ci  lie  les  sens  avec  Violence,  ne  permit 
pas  le  repos,  et  laisse  l'activité  nécessaire 
pour  recevoir  les  divines  communications, 
tandis  que  le  sommeil  de  la  nature  est  doux, 
paisible,  repose,  et  se  termine  sans  secouss^e 
comme  il  avait  commencée 

De  toutes  ces  prémices  nous  tirons  les  con^ 
cl  usions  suivantes:!*  Quand  les  sens  externes 
sont  privés  de  leur  usage  et  qu'il  en  est  de 
même'  des  sens  internes  et  de  toutes  les 
puissances,  c'est  un  signe,  non  d'extase, 
mais  d'une  maladie.  2*  Il  faut  non-seulement 
que  les  sens  ne  soient  pas  en  action,  mais 

au'ils  ne  soient  pas  aptes  à  y  être,  comme 
ans  le  sommeil.  3*  Il  ne  suflit  pas  non  plus 
qu'une  vague  pensée,  qu'un  vague  sentiment 
d'affection  se  fasse  sentir  et  accompagne  la 
suspension  de  l'usage  des  sens  pour  qu'il  y 
ait  extase:  elle  demande  des  actes  positiis 
d'Intelligence  el  d'amour.  k'W  n'y  a  pas  noa 
plus  extase  sainte  et  divine  sî  les  actes,  qtiel- 
que  spirituels  qu'on  les  suppose,  ne  sont  |  as 
surnaturels,  c'est-à-dire  provoqués  par  >ac 
pour  être  en  plus  grande  union  avec  l'Ame 
Dieu  accorde  souvent  des  extases  et  des 
ravissements  proprement  dits  et  surnatu- 
rels à  ses  Ames  privilégiées,  de  manière  à 
ce  que,  élevées  au-dessus  des  sens.  Dieu 
parle  directement  à  l'oreille  de  l'esprit  et  du 
cœur. Cela  se  prouve parl'Ecrituresainte;  on 
lit  dans  la  Genève  :  Dieu  envoya  un  sommeil 
à  Adam.  Les  Septante  disent  une  extase.  {G en. 
II.]  Dieu  envoya  un  commet/ (LXXll,  extase)  à 
Abraham  (ffen.xv).  Le  prophète  Daniel  décrit 
ainsi  son  extase  :  J  ai  perdu  toutes  mes  forces^ 
monvisage  a  changé.  Dans  les  Actes  des  apôtres^ 
on  dit  de  saint  Pierre,  qu'il  éprouva  un  ra^ 
vissement  d'esprit.  Saïtïi  Paul  dit  lui-n.éme: 
Je  connais  un  nomme  qui^  soit  dans  son  corps^ 
soit  hors  de  son  corps^je  ne  le  sais^  a  été  ravi 
par  le  Christ  jusqu'au  troisième  ciel  :  je  sais 
que  cei  hommcj  soit  dans  son  corps^  soU  hors 
de  son  corps^  Dieu  le  sait^  a  été  ravi  au  pa^ 
radis  ;  il  a  entendu  des  paroles  mystérieuses^ 
quil  n'est  point  permise  un  homme  de  redire. 
Et  saint  Jean  (Apoc.  i)  :  Et  quand  je  le  vis,  je 
tombai  à  ses  pieds  comme  un  mort.  Tous  Us 
interprètes  entendent  ces  paroles  d'une  vé- 
ritable extase. 

L'autorité  des  saints  Pères  confirme  aussi 
ce  point  de  doctrine.  Saint  Augustin,  écri- 
vant è  Simplicius,  a  défini  l'extase  comme 
nous  l'avons  vu  un  peu  p'us  haut.  Saint  Isi- 
dore compte  l'extase  ou  le  ravissement  de 
l'esprit  comme  des  espèces  de  prophéties. 
Voici  comment  saint  Bernard  en  parlera  Cette 
espèce  de  sommeil  vif  et  léger  illumine  les 
sens  intérieurs,  et«  en  chassant  la  mort, donne 
une  vie  éternelle.  »  En  effet,  c'est  un  vrai 


7ît 


EXT 


D*ASCET1SIIE. 


£\T 


m 


sommeil  C|ai  n*endort  pas  les  sehs,  mais  qui 
met  l*bomme  au-dessus  des  sens*  Saint  Tho- 
mas enseigne  qu'onlre  Textase  naturelle  et 
diabolique»  il  existe  Textase  et  le  rarisse- 
ment  dirin:  <  Il  arriTe«  dit-il,  par  la  vertu 
divine;  et  nous  parlons  du  ravissement  en 
tant  qu'on  est  élevé  par  J*Esprrt-Saint  à  des 
objets  surnaturels  avec  Tabstraction  des 
sens. » Oopeut  consulter .«aint Bonaventure, 
GersoDt  Harpius»  ^aint  Jean  de  la  Croix, 
sainte  Thérèse,  saint  François  de  Sales,  qui 
tous  parlent  fort  au  long  de  cette  matière. 
Is  raison  conGrme  cette  doctrine.  Si,  par  la 
seule  contemplation  naturelle,  en  appliquant 
fortement  son  esprit  à  ces  objets*  on  inter- 
rompt quelquefois  Tusage  des  sens  exté- 
rieurs; si  encore  le  démon  peut,  par  rem- 
ploi de  certains  moyens  naturels,  mais  se- 
crets, produire  cet  effet,  combien  plus  faci- 
lement devons-nous  concevoir  qu  en  appli- 
quant notre  esprit  h  des  choses  surnaturel- 
.cs  par  une  attention  forte  et  un  amour  trèt^ 
ardent,  nous  arrivions  enfin  à  une  parlaite 
extase,  avec  la  suspension  de  Texercice  des 
sens. 

Dans  Textase  divine,  TAme  quitte-t-elle  le 
corps?  Il  est  certain  que  Dieu  le  peut  per- 
mettre, et  saint  Paul  a  douté  s*il  avait  éprou- 
Té  cet  effet;  il  |)eut  se  faire  même  que  cela 
soit  quelquefois  arrivé  ;  mais  on  ne  doit  pas 
facilement  le  supposer,  puisque  cette  sup- 
position n'explique  rien,  attendu  que  Dieu, 
par  son  immensité,  étant  partout,  il  peut 
s  unir  surnaturellement  h  Tâme  dans  le  corps 
comme  hors  le  corps,  et  cela  sans  Tintermé- 
diairè  des  or^^nes.  Et  le  cardinal  Laurea 
dit  qu*oo  n*a  jamais  reconnu  qu'aucun  des 
saints  personnages  qui  ont  eu  des  ravisse- 
ments aient  pour  cela  quitté  momentané- 
ment leurs  corps. 

Autre  question.  Les  extatiques aciuiërent- 
îls  des  mérites  dans  cet  état.  Le  cardinal 
Laurea  enseigne  qu*on  mérite  dans  les  ac- 
tes qui  précèdent  Vextase,  lorsqu'ils  sont  li- 
bres dans  leur  objet,  leur  fin  et  les  rircons- 
tanccs  du  bien  ûu*on  fait,  comme  sont  les 
actes  de  foi  et  de  religion.  Suarez  soutient 
la  complète  liberté  de  ces  actes,  et  les  ac- 
reple  comme  méritoires,  avec  Antoine  et 
Cîravina.  <  La  grftce  divine,  dit  Suarez,  ne 
détruit  pas  la  nature,  mais  la  perfectionne. 
Ainsi,  quoique  dans  les  contemplations  éle- 
vées Dieu  excite  et  émeuve  Tesprit  et  la  vo- 
lonté vers  lui  par  les*inspiratioos,  que  nous 
appelons  grâces  excitantes,  qui  sont  des  ac- 
tes nécessaires,  en  tant  que  Tesprit  touche 
nos  cœurs,  cependant  ces  grâces  ne  détrui- 
sent pas  le  libre  arbitre  et  Te  consentement 
de  Tamour  parfait La  liberté  est  néces- 
saire dans  cet  exercice  d'amour,  afin  qu'il 
soit  parfait,  et  par  là  il  est  un  acte  méritoire. 
Il  n  est  pas  vraisemblable  que  Dieu  prive 
un  juste  du  mérite  qu'il  pourrait  acquérir  en 
lui  commuDiqaantsesbveurs^etcnl'elevant  à 
une  si  parfaite  contemplation.  * 

Diverses  laveurs  et  grâces  particulièresac- 
rompagnent  l'extase.  Et  d'abord  le  ravisse- 
ment ou  l'élévation  des  corps  en  Pair, 
comme  il  est  constaté  dans   rciaraen  des 


causes  de  canonisation  des  saints.  Le  car- 
dinal Laurea  a  été  témoin  oculaire  du  ravis- 
sement du  bienheureux  Joseph  Cup.  Sainte 
Thérèse  assure  la  chose  positivement  d'elle-^ 
même  ;  cela  est  aussi  évident  par  le  témoi- 
gnage de  saint  Paul;  car  son  doute  n'infirme 
pas  la  chose,  et  Corneille  de  la  Pierres  l'en- 
tend de  son  ravissement  comme  d'une  véri- 
table^ ascension. 

Selon  le  témoignage  de  l'Ecriture  sainte, 
ces  ravissements  ne  sont  souvent  qu'imagi- 
naires, comme  lorsqu'Ezéchiel  fut  conduit  à 
Jérusalem  depuis  Babylone.  (¥iii,  3.)  Ceci  se 
comprend  bien  fiar  saint  Jean  {Àpoe.  vu)  :' 
Moniêx  ieif»..  et  il  ajoute:  ei  au$$iiôi  je  fus 
fa  fsprîl,  non  localement,  comme  marque 
Corneille  de  la  Pierre.  Souvent,  cependant, 
ces  ravissements  sont  miraculeux,  soit  par 
Dieu  directement,  soit  par  le  ministère  des 
anges.  Ainsi  en  arriva-t-il  è  Hénoc,  è  Elle,  à 
Habacuc,  à  Philippe  :  ce  qui  arrive  par  une 
certaine  participation  delà  quotité  d'agilité 
dont  les  corps  seront  doués  après  la  résur- 
rection ;  selon  cette  parole  :  ivouf  seron$  m- 
levés  avec  eux  dtms  les  fia/et ,  avec  le  Christ 
dams  les  airs* 

On  peut  demander  ici,  si  les  ravissements 
se  font  par  miracle,  ou  en  recevant  quel- 
ques-unes des  qualités  des  corps  glorieux  ^ 
ce  dernier  sentiment  implique  sans  doute 
aussi  un  miracle;  cependant  dans  cette  opi- 
nion les  corps,  en  s*elevant  dans  les  airs,  ne 
violeraient  pas  si  directement  les  lois  de  la 
nature  ;  puisque  ces  corps,  devenus  presque 
glorieux  par  une  abondante  communication 
de  la  grâce  dans  l'âme,  échapperaient  comme- 
naturellement  aux  lois  de  la  pesanteur,  d'a- 
près ce  principe  de  Suarez,  que  la  grâce  per- 
fectionne la  nature  et  ne  la  contredit  pas  ; 
mais  alors  il  serait  dillicile  de  ne  pas  admet- 
tre un  miracle  dans  le  princi[)e,  c'est-à-dire 
dans  le  moment  où  le  corps  extatique  reçoit,, 
dans  une  certaine  mesure,  la  qualité  des 
corps  glorieux.  D*après  Tautre  sentiment,, 
les  corps  n'auraient  aucune  qualité  des 
corph  glorieux,  et  tout  le  merveilleux  serait 
le  fruit  d'un  pur  miracle  ;  ce  serait  la  puis-- 
sance  de  Dieu  qui  soutiendrait  les  corpa. 
dans  l'air  pendant  l'extase,  comme  Jésus 
soutenait  celui  de  saint  Pierre  sur  les  eaux  : 
c'est  le  sentiment  de  saint  Thomas.  Les  ex- 
tatiques sont  environnés  de  lumière.  Voilà, 
une  seconde  merveille,  qu*on  remarque 
communément  dans  l'extase  divine  :  leurs 
corris  sont  environnés  de  rayons  lumineux  ; 
ils  brillent  comme  d'une  auréola*  de  splen- 
dc'ur.  Il  serait  tcopiooçd*énumérer  tous  les 
saints  peraoonages  qui  furent  favorisés  de 
celte  distinction  pendant  leur  vie.  Moïse, 
descendant  du  Sinaï,  tenant  dans  les  mains 
hes  deux  tables  de  la  loi,  apparat  ave«*.  deu^ 
rayons  lumineux  sur  sa  tête,  et  saiot  Am* 
broise  pense  que  ces  cornes  lumineuses  du-> 
rèrent  jusqu'à  sa  mort.  Bozius,  Corneille  de 
la  Pierre,  les  Bollandistes  et  Benoit  XIV,  rap^ 
portent  une  foule  d'exemples  de  saints  qui 
apparurent  lumineux  penoant  leurs  extases. 

Comment  cela  se  fait-il  ?  c'est  ce  que  nuu^ 


725 


£IT 


DICriONNAIIlE 


KXT 


721 


alloDS  essayer  de  monlreri  d'après  des  sen- 
timeoU  res|)ectables. 

Théophile  Raynaud  regarde  Tes  effets  lu- 
mineux qu*oa  remarqjue  dans  les  saints 
comme  de  simples  apparences  qui  n'unt 
rien  de  réel,  et  qui  u  existeiK  aue  dans  les 
yeux  de  ceux  que  Dieu  veut  édiuer.  IKautres 
pensent  arec  Pignatellus,  que  cea  lueurs 
sont  des  qualités  physiques  que  Dieu  ou  les 
anges  impriment  aux  corps  dessaints^  pour 
laisser  manifester  leurs  mérites.  D*autres 
ont  pensé  que  le  démon  lui-même  a  pu  opé- 
rer ces  cOetSy  et  cite-  les  prodiges  qui  arri* 
vèrent  un  pou  avant  la  mort  de  Jules-  César. 

Mais  hAlons-nous  de  consulter  les  aulori* 
tés  Traiment  compétentes,  et  en  premier 
lieu  Benett  XIV.  Voici  ce  qull  dit  du  fait 
lui-même  :  «  1*  Il  faut  d'abord  le  constater 
par  des  témoins  dignes  de  foi  et  capables^ 
qui  aient  vu  de  leurs  propres  yeux;  car  il  est 
arrivé  que  quelques  personnes  se  sont  dites- 
elles-mêmes  illuminées  de  corps,  et  qui 
é(a  eut  dans  une  balittcinalion»  ce  que  les 
médecins  eipliquent  par  une  grande  abon- 
dance de  sang  et  par  les  esprits  animaux 
qiii'servent  Torgano  de  la  vue,  qui  sont  sans 
doute  trop  abondants*  ou  qui  tombent  sur 
un  organe  malade.  Il  faut  encore  observer 
que  le  corps  maladif  de  certaines  personnes 
peut  être  atfecté  de  telle  sorte,  qu  il  peut  y 
avoir  en  eux  une  combinaison  chimique  si 
anormoie,  qulls  répandent,  naturellement 
et  sans  miracle, quelque  lumière. li  faut  donc, 
avant  d*adojettre  Tauréole  miraculeuse, s*en- 
iiuérir  de  l'état  de  santé  de  la  personne 
ilont  il  s'agit.  C'est  ainsi  qu'Aurélius  Baccus 
a  fait  beaucoup  de  contre-éf)reuves  pour 
s'assurer  au^il  n  y  avilit  point  d^iiallucinalion 
datis  Tauréole  qui  environnait  saint  Philippe 
de  Néri  pendant  la  célébration  de  la  mess.*. 
2*  Il  faut  s* enquérir  de  la  nature  de-  celte 
lumière.  Elle  (leut  êlre  regardée  comme  un 
miracle  si  elle  est  plus  resplendissante  et 
plus  durable  que  les  autres  lumières  qu\)u 
peut  regarder  comme  naturelles;  si,  le  plus 
souvent»  elle  apparaît  pendant  que  la  per- 
sonne vaque  k  de  saintes  occupations,  comme 
au  sermon,  à  la  sainte  messe  ;  si  celui  qui 
est  lumineux  brille  par  de  saintes  mœurs; 
sll  en  n^sulte  la  conversion  des  spectateurs, 
ou  quelque  bien  spirituel  notable;  si,  entin, 
il  yad*autres  signes  aussi  concluants  que 
cette  illustration  n'est  qu^une  conséquence 
de  la  sainteté  de  la  vie,  et  de  la  volonté  de 
Dieu  de  rendre  hommage  h  son  fidèle  ser- 
viteur. » 

Les  extatiques  peuvent  rester  longtemps 
sans  prendre  de  nourriture ,  ni  pour  le 
manger  ni  pour  la  boisson.  On  en  a  vu  pro- 
longer leur  jeûne  absolu  jusqu'à  une  lon- 
gueur de  tem()S  oui  dépassa  les  forces  de  la 
n.iturc.  Le  bionneureux  Nicolas  de  Flue, 
ermite,  resta  pendant  vingt-deux  ans  sans 
prendre  aucune  nourriture,  à  ce  qu'on  rap- 

()Orte.  Les  auteurs  ecclésiastiques  citent 
beaucoup  d*exeuiples  déjeunes  extraordi- 
naires et'surhumains.  Les  Bollandisles  citent 
plusieurs  personnes  qui  ont  passé  le  cnrônie 
entier  sans  prendre  aucune  nourriture  que 


la  sainte  Eucharistie»  et  d'autres  qui  ont 

eusse  cette  abstinence  à  plusieurs  années, 
int  Thomas  dit  au'on  ne  peut  récuser  le 
miracle  à  cause  de  la  perception  des  saintes 
espèces,  parceqn'elles  sont  sf  ténues  qu'elles 
ne  peuvent  être  considérées  comme  une 
nourriture  corporelle. 
•  Tous  les  théologiens  regardent   comme 
miraculeux  les  jeûnes  de  quarante  jours  de 
Notre-Seigneor,  de  Moïse  et  d'Elie.  Hippo- 
crate  assure  que  celui  qui  passe  sept  jours 
sans  prendre  de  nournture  est  incapable 
d'en  prendre,  car  l'estomac  la  refuserait.  On 
cite  néanmoins  un  çrand  nombre  de  jeûnes 
prolongés  de   plusieurs  mois    qui   parais- 
sent, vn  la  qualité  des  personnes  et  leur 
état,  n'être  pas  miraculeux.  Nous  nous  dis- 
pensons de  les  désigner.  On  peut  tenir  pour 
certain  que  parmi  les  jeûnes  prolongés,  il  y 
en  a  qui  sont  au-dessus  de  la  nature,,  et  les 
autres  âàns  1»  nature.  Maïs  ceux  qui  ont 
écrit  touchant  la  matière  de  canonisation,, 
déterminent  certaines  circonstances  qui  in- 
diquent le  jeûne  surnaturel,  comme  les. 
suivantes  :  si  le  jeûneur  souffre  son  absti- 
nence pour  soutenir  quelque  article  de  foi  i 
s'il  l'endure  sans  perdre  ses  forces;  s'il  se 
distingue  par  des  vertus  héroïques  ;  s'il  se 
soutient  seulement  en  prenant  les  espèces 
eucharistiques;  alors  on  peut  regarder  lo 
jeûne  comme  miraculeux.  Voici  commeni 
Benott  XIV  détermine  les  conditions  d*un 
jeûne  prodigieux  :  1"*  La  durée  du  temps  et 
rentière  abstinence.    2*  Si  le  jeûne  a  com- 
ineacé  par  suite  d'une  maladie;  on  a  vu,  à 
la  suite  de  certaines  maladies,  des  exemples- 
inexplicaÛes  d'abstinence.  3*  Voir  comment 
le  jeûneur  s'est  trouvé  de  son  jeûne,  par 
rapport  à  sa  santé.  4"*-  Il  faut  chercher  la 
cause  de  son  jeûne;  il  faut  que  h)  motjf  soit 
diçne  de  cette  action  extraordinaire.  5*  Voir 
slT  continue  de  vaquer  à  ses  bonnes  œuvres, 
s*il  se  conduit  moins  bien  pendaul  le  jeûne; 
car  le  ieûne,  disent  les   mystiques,    doit 
soutenir  les  bonnes  œuvres,  et  non  les  em- 
pêcher. 6°  U  faut  connaître  les  mœurs  et  les 
vertus  du  pénitent,  sans  lesquelles  toute 
mortification  ne  sert  de  rien. 
'    Il  y  a  quelques  extatiques  qui  ont  eu  des 
stigmates,  et  eest  encore  un  signe  certain  du 
caractère  surnaturel  de  l'extase.  Ils  ont  eu 
les  cinq   plaies  de  Notre-Seigneur  Jésus* 
Christ  imprimées  sur  leur  corps.  L'exem()ld 
le  plus  célèbre  est  celui  du  séraphique  saint 
François,  rapporté  par  saint  Bonaventure. 
Le  même  saint  fait  connaître  que  le  Pape 
Grégoire  IX,  qui  avait  vécu  familièrement 
avec  saint  François,  doutait  de  ses  stigmates, 
et  il  eut  une  apparition  du  saint,  qui  lui 
montra  la  plaie  qu'il  portait.  D'autres  auteurs 
du  temps  ont  parlé  ae  ce  fait,  qui  a  été  con- 
firmé par   plusieurs  souverains   Pontifes, 
Ttiéophile  Uaymond,^  confesseur  de  sainte 
Catherine  de  Sienne,  et  d'autres,  rapportent 
aussi  de  cette  sainte  que,  pendant  qu'eUe 
demeurait  à  Pise,  elle  fut  ravie  en  extase  et 
vit  Jésus-Christ  crucifié.  I)e  ses  cinq  plaiei 
sortirent  cinq  rayons  de  couleur  de  sang« 
qui  se  dirigeaient  vers  ses  main<^,  se:>  pieds 


EXT 


D*ASCETISSIE. 


EX*' 


726 


et  soo  cœur.  Klle  pria  Noire-Seigneur  de  ne 
point  permellre  que  les  sligmates  dennsseot 
Tisibies  sur  son  corps*  et  alors  les  rayons 
cessèrent  d*avoîr  la  couleur  rouge  de  sang, 
et  prirent  la  couleur  de  pure  lumière,  et  lui 
causèrent  une  YÎve  douleur  dans  le  cœur» 
les  mains  et  les  pieds.  Du  temps  deSiilelV, 
il'jr  eut  une  défense  de  regarder  comme 
Téritables  ces  stigmates  ;  mais  la  défense 
n'était  que  snspensîTe»  car* depuis,  plusieurs 
auteurs  les  reconnurent  comme  autben« 
tiques.  Tous  ces  détails  se  troureot  ample- 
ment dans  Benoît  XIV. 

Voici  comment  Barthélémy  de  Pise  décrit 
toutes  les  circonstances  des  stigmates  de 
saint  François  :  c  11  n*^  a  que  la  puissance 
de  Dieu,  dit-il,  qui  puisse  opérer  un  pareil 
pftxlige;  ceci  ne  peut  être  opéré  ni  par  la 
natare,  ni  par  Tari*  ni  par  suite  d'une  forte 
et  Tire  imagination.  Il  s'était  formét,  dans 
les  pieds  et  les  mains  de  saint  François,  des 
cJous  formés  ou  de  ses  nerls  ou  de  sa  chair. 
Ces  clous  avaient  des  tètes  solides,  grosses. 
Ils  étaient  allongés,  dépassaient  de  lieaucoup 
feptisseur  des  pieds  et  des  mains,  et  se  re- 
coortMÛent  :  on  pouvait  placer  un  doigt  près 
du  clou  dans  la  chair,  comme  lalleste  saint 
Bonaventure. 

«  La  plaie  du  cœur  était  tellement  creu- 
sée et  déchirait  si  largement  les  chairs,  que 
la  décomposition  des  parties  et  la  mort  de- 
vaient s'ensuivre,  s'il  n*y  eût  eu  une  puis- 
sance surnaturelle  dans  l'acte.  Au  surplus, 
on  ne  pourrait  expliquer  le  bit  par  la  force 
Imaginative,  autrement  il  faudrait  supposer 
que  la  sainte  Vierge  aurait  eu  les  stigmates, 
car  personne  n'a  été  plus  vivement  frappé 
et»  plaies  de  Notre-Seigneur  et  n'en  a  conçu 
plus  de  douleur  ;  si  la  seule  nature  pouvait 
les  produire,  nous  les  aurions  vus  dans  la 
divine  Mère  de  Dieu.  » 

Il  est  à  remarquer  que  si  l'on  voyait  dans 
les  extatiques  une  sueur  de  sang  ou  des 
larmes  de  sanç  tombant  des  yeux,  ce  signe 
De  constaterait  point  un  miracle  par  lui- 
mérne.  Dom  Calmet  a  cité  plusieurs  exem- 
ples de  ce  fait  qui  sont  jugés  des  phéno- 
mènes naturels;  d'ailleurs,  la  sueur  de 
Notre-Seigneur  au  jardin  des  Olives  est 
ello-méme  jugée  comme  un  effet  selon  la 
oalare,  comme  un  résultat  d'une  immense 
doideur.  D'où  Benoit  XIV  conriut  qu'il  faut 
rqeter  cette  note  comme  indiquant  le  sur- 
natorel. 

Outre  les  signes  négatifs  que  nous  avons 
é^à  indiqués,  voici  les  marques  auxquelles 
on  reconnaît  que  l'extase  vient  de  Dieu  et 
qu'elle  est  surnaturelle  : 

La  première  consiste  en  ce  que  les  sens 
extérieurs  étant  suspendus  dans  leurs  fonc- 
tions, l'esprit  et  le  cœur  continuent  à  être 
actiCs  au  moins  par  intervalles  assez  longs 
et  que  ces  puissances  puissent  se  livrer  à 
des  actes  de  contemplation  parfaits  ;  autre- 
ment il  V  aurait  absence  ou  folie  et  non 
extase.  C  est  ce  que  Ton  peut  conclure  de 
la  définition  de  Textase,  donnée  par  saint 
jtngnstin,  et  des  observations  de  sainte  Thé- 
rèse, qui  dit  que  bien  loin  que  l'esprit  soit 


alors  anéanti  et  incapable,  au  contraire,  il 
est  plus  apte  qu'à  1  ordinaire,  plus  vif  et 
plus  ardent  à  saisir  les  choses  de  Dieu. 

D*où  l'on  conclut  que  les  extatiques  peu- 
vent se  souvenir  de  ce  qu'ils  ont  appris  ou 
gmsé  pendant  le  ravissement.  Sur  quoi  il 
ut  observer,  d'après  Tillustre  sainte  d'A- 
vila,  que  si  Dieu  révèle  pendant  le  ravisse- 
ment des  choses  qui  lui  aient  été  communi- 
quées par  des  images  et  des  paroles  ordi- 
naires, l'extatique  ponrra  les  reproduire 
et  les  raconter;  que  si,  au  contraire,  les  com- 
munications ont  été  purement  intellectuel- 
les, alors  il  ne  s'en  souvient  que  vaguement 
et  il  ne  lui  est  pas  possible  de  les  raconter. 
Voici  la  comparaison  de  la  sainte  :  «  Si  on 
était  tout  d'un  coup  transporté  au  milieu 
du  palais  d'un  grand  roi  et  qu'on  fût  spec- 
tateur de  toutes  les  richesses  qu'on  y  a 
étalées,  de  tous  les  objets  et  de  la  splendeur 
do  décor  qui  brille  de  tous  les  côtés;  mais 

Sue  l'on  n  eût  qu'un  instant  pour  parcourir 
es  yeux  ce  magnifique  spectacle,  l'on  au- 
rait, il  est  vrai,  une  idée  générale  et  con- 
fuse des  olriets ,  mais  on  ne  pourrait  les  dé- 
B oindre.  C  est  ce  qui  arrive  k  celui  que 
ieu  favorise  d'une  vue  intellectuelle  dans 
les  choses  supérieures.»  Ceci  peut  aussi  se 
conclure  de  ce  que  dit  saint  Paul. 

Seconde  marque  d'extase  divine  :  L'exta*» 
tique  sent  dans  son  Âme  et  son  corps  une 
forte  agitation,  une  forte  commotion  qui 
ressemble  k  du  désordre;  mais  dans  cet 
état,  il  ne  dit  que  des  choses  édifiantes  et 
iustes,  qui  soient  capables  de  porter  les 
spectateurs  k  l'amour  de  Dieu.  Puisque  l'ex- 
tase provient  d'un  grand  élan  du  cœur  vers 
Dieu,  d'une  vive  admiration  de  sa  majesté 
et  des  choses  célestes,  les  paroles  qui  sui- 
vent doivent  se  sentir  de  cette  noble  ori« 
gine. 

On  ne  peut  nier  que  les  extatiques  ne 
parlent,  puis()ue  même  on  voit  des  person* 
nés  endormies  faire  la  conversation.  Le 
P.  Géparios,  confesseur  de  sainte  Madeleine 
de  Pazzi,  la  vue  (aire  bien  des  choses  édi« 
fiantes  pendant  ses  extases,  et,  en  particulier, 
elle  proférait  des  paroles  admirables  sur  la 
divinité.  Plusieurs  religieuses  qui  étaient 
témoins,  écrivirent  ses  discours,  et  oa  lui 
montra  le  papier  qui  les  contenait;  mais  la 
sainte  se  mit  k  verser  des  larmes  en  pen^ 
sant  qu'elle  avait  été  obligée  de  révéler  les 
dons  de  Dieu. 

Troisième  marque  :  L'extase  divine  est 
ardemment  affective.  11  ne  suflit  pas  pour 
qu'il  y  ait  extase  divine,  qu'elle  soit  accom- 
pagnée des  actes  intérieurs  de  l'intelligence 
et  de  la  volonté;  il  faut  encore  que  ces  actes 
soient  ardemment  aflectueux;  autrement 
ce  serait  une  extase  plutôt  philosophique 
que  mystique.  C'est  dans  ce  sens  que  Isaïe 
nous  dit  :  Eât-ce  qu€  mes  paroles  ne  iont  pat 
comme  du  feu^  dit  le  Seigneur^  ei  comme  un 
marieauqui  brise  ta  pierre.  Et  saint  Fran- 
çois de  Sales  ajoute  ces  paroles  :  «  Si  l'ex- 
tase a  plus  d'éclat  que  de  bouté,  plus  de  lu- 
mière que  de  chaleur,  elle  est  plutôt  spécu- 
laiiTe  qu'aflfecUve,  et  même  elle  est  dou- 


Ti7 


EXT 


DlCTlONiNAJUE 


EXT 


1^ 


teuse  il  faut  donc  cruindre  alors  qu'elle  ne 
vienne  pas  de  Dieu  ou  qu'elle  n'enfle  plus 
qu'elle  n'édiQe;»  car  ce  saint  prélat  recon- 
Datt  que  quelquefois  Dieu  peut  faire  des 
eoBQmunicalions  surnaturelles,  mêcne  à  ceux 
qui  n'ont  pas  la  charité;  quoique  te  fait 
soit  rare  et  n'indique  qu'une  extase  impar- 
faite, comme  celle  de  Nabucbodonosor,  rap- 
portée dans  DanieK  «Il  est  mftme  constant 
que  plus  une  extase  est  afiteétive,  plus  la 
preuve  de  la  divine  origine  est  certaine, 
quoiqu'en  toute  extase  on  doive  reconnaître 
>e  caractère  intellectuel  et  le  capactère  af- 
fectif. » 

D'où  l'on  conclut  que  l'extase  doit  tirer 
son  origine  de  la  charité  divine  ;  et  dans  les 
causes  de  canonisation  on  n'admet  jamais 
les  extases  comme  divines,  si  elles  n'apparais- 
sent point  comme  une  surabondance^comme 
un  trop  plein,  pour  ainsi  dire,  de  la  charité 
qui  inonde  le  cœur,  et  alors  on  les  regarde 
comme  des  témoignantes  du  caractère  de 
l'héroïsme  de  la  coanté  et  de  ToraisoD,  et 
cela  sans  cerele  vicieux. 

Quelquefois  l'extase  divine  peut  avoir 
pour  but  de  reprendre  et  de  corriger  la 
tiédeur  et  certains  défauts.  Il  est  possible 
alors  qu'elle  ne  soit  pas  »ccompa(p:iée  de 
charité;  mais  on  reconnatt  ensuite  sw\ 
caractère  surnaturel  par  les  fruits  de  bonnes 
œuvres  et  de  ferveur  qui  suivent;  ou  bien, 
s'il  y  a  une  menace  de  faite,  on  voit  si 
l'événement  comminatoire  s'accomplit , 
comme  on  le  voit  dans  les  Dialogues  do 
saint  Grégoire. 

Quatrième  marque  :  L'extase  arrive  )e  plus 
souvent  dans  les  exercices  de  piété.  Le 
plus  souvent  elles  sont  survenues  pendant 
toraJson^  la  sainte  messe,  après  M  commu- 
nion, après  l'audition  des  sermons  sur  Dieu, 
sur  sa  gloire.  Deirio  cite  une  servante  de 
Dieu  qui  eut  souvent  des  ravissements  im- 
médiatement après  la  sainte  communion^  et 
comme,  revenue  à  elle-même,  elle  voyait 
qu'on  s'en  était  aperçu,  elle  se  hAtait  de  se 
retirer  dans  sa  chambre. 

Cinquième  marque  :  L'extase  a  coutume 
d'être  courte,  comme  le  remarquent  le  eardi- 
i.a1  Bona,  Thomas  de  Jésus  et  sainte  Thé- 
rèse. 

Sixième  marque  :  El?e  entrafne  après  soi 
une  vie  sainte.  L'extase  sera  parfaite  et  ne 
devra  exciter  aucune  inquiétude,  si  elle 
correspond  à  une  vie  sainte,  selon  le  mot  de 
Notre-Seigneur  :  Vouê  les  connaUrex  par 
leurs  fruits.  C'est  ce  que  remarque  saint 
l^raiiçois  de  Sales,  dans  son  Traité  de  Ta- 
mour  de  DieUf,  c.  7,  et  sainte  Thérèse  dans 
sa  Fie,  c.  20^  où  ces  deux  illustres  saints, 
qui  avaient  tant  de  titres  pour  faire  auto- 
rité dans  cette  matière,  nous  parient  de 
cette  nécessité  d'une  vie  sainte  pour  con- 
naître les  vraies  extases,  avec  l'accent  de  la 
piété  et  de  la  sainteté.. 

Concluons  cet  article,  en  disant  que  quo> 
que  nous  ne  devions  pas  désirer  les  extases 
pour  nous-mêmes,  cependant  il  ne  faut  pas 
lus  mépriser  dans  les  autres,  parce  qu'elles 
détache. u  l'âme  des  choses  terrestres ,  et 


l'unissent  étroitt'ment  h  Dieu.  «  Bien  plus 
comme  le  rendarque  Richard  de  Saint-Tic^ 
tor^  qjuand  nous  nous  sentons  életgnéi 
d'éprouver  de  tels  effets  de  l'amour,  qoe 
devons-nous  penser,  sinon  que  noire  amour 
est  faible  et  lâche.  Car,  qui  que  vous  soyez, 
si  vous  aimiex  parfaitement,  il  est  vraisero- 
blabie  que  l'excès  de  TOtra  amoor,  l'ardeur 
de  voire  désir  vous  raviraient  an  extase,  i. 
Quoi  qu'il  en  soit,  nous  devons  iiife  dos  ef- 
forts pour  avoir  tout  l'amour  qui  accom- 
pagne d'ordinaire  les  extases,  quand  mêmo^ 
nous  serions  privés  des  faveurs  visibles  et 
sensibles  que  d'autres  éprouvent  :  car  cet 
amour  ardent  et  pur  suffit  h  toute  perfec- 
tion ;  et  ici  noua  noua  rappalona  l'obserfa-^ 
tion  de  saint  Françeia  de  salea:  tBiendes^ 
saint!  aont  aujourd'hui  au  ciel  qui  n'éprou* 
vèreut  de  toute  leur  vie  aucune  extase  nk 
ravissements.   Combien   de    saints  et  de 
saintes  qui  n'eurent  d'autres  |if îviléœs  dan» 
leurs  oraisons  gue  la  piété  et  la  lérïeur. 
Mais  tous  les  saints,  au  contraire,  ont  eu  à 
un  haut  degré  la.  praii(|ue  de  se  vaincre  et 
de  se  surmonter  soi-mémr;  ce  qui  est  la  véri- 
taMe  extase.  »  C'est  ce  qu'entendait  Ti- 
pôtre,  lorsqu'il  disait  :  La  charité  ds  Jim- 
Christ  nous  presse^  car  si  un  seul  est  msrt 
pour  tous,  donc  tous  sonl  inor4s  :  et'  le  Chriêt 
est  mort  pour  tous^  afin  que  eeuM  qjuitiventf. 
ne  vivent  plus  pour  eux-mêmes,  mait  powt 
celui  qui  est  mort  et  est  ressuscité  pour  eux* 
De  là  saint  François  de  Sales  dit  :  t  Jésus- 
Chrîst  est  tout  pour  mot  et  je  suis  tout  à 
lui.  Je  vivrai  el  je  mouvrai  sursan  cœor, 
et  ni  la  mort  ni  la  vie  ne  me  sépareroDt  de 
lui....  C'est  ainsi  qu'il  faut  entendre  l'eitasH 
du  divin  amour,  ajoute  le  saint  :  c'est  que 
nous  ne  suivons  |hus  les  impressions  de  l<i 
teri*e,  ni  les  goûts  de  la  nature;  mais  que 
nous  nous  laissons  conduire  par  les  inspi* 
rations  et  les  instincts  du  divin  amour.  ■ 

Abganss  de  l'état  bktatiqcb.  —  Àrcam 
des  extases  et  des  rmtisssmemts.  —  1.  Orrdoil 
rarement  emplover  à  l'égard  des  eitatiquis 
les  épreuves  violentes,  comme  de  leur  com- 
primer les  pieds,  de  leur  tordre  les  mains, 
de  les  piquer  jusqu'au  sang,  d'éblouir  leur» 
yeux  à  l'aide  d'un  flambeau  aUuBié:cardd 
telles  épreuves  ne  peuvent  être  pour  ceoi 
qui  les  souffrent  que  la  source  de  cruelles 
et  trop  longues  douleurs.  Si  l'on  soupçonne 
quelque  feinte  ou  un  simple  évanouisse- 
ment dans  telle  ou  telle  personne  spirituelle, 
il  suffira  de  n'jr  avoir  aucun  égard,  deny 
faire  aucune  attention,  de  n'y  opposer  qu» 
le  mépris. 

2. 11  ne  répugne  pas,  pbysiqtteinant  par- 
lant, que  quelqu'un  meure  cfans  l'extase» 
parce  qu'elle  peut  produire  sur  le  corps  uu 
symptôme  qui  eaii.se  la  mwU  CepeodtQU 
moralement  parlant^  un  tel  effet  ne  peut  ve* 
nir  de  l'extase,  à  moins  que  Dieu  ne  le  per- 
mette pour  d'autres  raisons;  et  Ton  concoiu 
en  effet,  que  l<es  dons  de  Dieu  ne  doiveni 
point  être  la  source  d(*au3si  lâcheux  resuh 
tats. 

3.  Lorsque  l'on  Ait  subir  aux  extatiques 
une  violente  compression ,  ils  reviennent 


ns 


FAV 


D*ASCETISME. 


FAM 


730» 


aassitM  à  eax,  par  suite  de  rattealion  pré- 
TOjrante  de  la  nature  qui  envoie  les  esprits 
Tîtaux  dans  la  partie  souffraiiie  do  eôrps 
pour  lui  porter  secours;  et  lorsque  le 
membre  eomprimé  éprouve  une -violente 
douleur»  les  esprits  vitaux,  rassemblés  dans 
le  cerveau  on  dans  le  cœur,  s*en  échappent 
aassit6t  pour  venir  au  secours  de  la  partie 
do  corps  qui  souffre,  et  les  extatiques  re- 
viennent ainsi  à  eux-mêmes.  Cependant  ce 
résultat  n*a  souvent  |ias  lieu,  par  exemple, 
dans  le  cas  où  le  ravissement  estfotl  surna- 
turel. 

4.  On  ne  lit  point  dans  TEvangile  que 
Noire  Seigneur  Jésu^brist  ni  la  bienheu- 
reuse Viergellarie  aient  eu  des  ravissements 
ni  des  extases;  ils  n'avaient  pas  besoin 
d'éprouver  rien  de  semblable. 

5.  Si  les  rayissoments  et  les  extases  ont 
leur  principe  et  leur  cause  dans  une  grâce 
infuse,  et  que»  la  partie  inférieure  étant  pri- 
vée de  l'usage  des  senSt  la  partie  supérieiire 
de  rintelligence  et  de  la  volonté  soit  unie  h 
Dieu  par  l^>raison ,  dans  ce  cas ,  ils  contri- 
buent grandement  à  rendre  la  vie  plus  fiar- 
laite;  mais  s'ils  se  tiennent  dans  la  partie 
inférieure,  sans  l'usage  des  sens  et  sans 
Toraison  (ce  nui  n'est  pas  rare) ,  alors  on 
doit  les  oonsiaérer  comme  inutiles  et  comme 
uo  temps  perdu. 

6.  Il  y  a  aussi  des  évanouissements  eila- 
tiques,  ou  des  extases  qui  ressemblent  i^  des 
évanouissements,  comme  il  arrive  onlinai- 
rement  chez  les  personnes  adonnées  à  l'orai- 
son, et  principalement  chez  les  femmes  de 
petite  tête,  de  cœur  kans  énergie  «  et  de 
faible  complexion.  Ui  raison  en  est  aue,  par 
l'effet  d'une  opération  intérieure  aouce  et 
forte  tout  à  la  fois,  ces  sortes  de  personnes 
sont  subitement  privées  de  l'usage  des  sens 
extérieurs  et  en  même  temps  de  la  raison, 
laquelle  dépendant  d*un  principe  acquis  par 
les  sens  extérieurs,  est  suspendue  par  là 
même  que  ceux-ci  le  sont.  Qu'on  demande 
à  ces  personnes,  revenues  à  elles,  s'il  leur 
reste  dans  la  mémoire  intellective  quelque 
souvenir  de  ce  qu'elles  ont  fait  ou  éprouvé, 
elles  avoueront  qu'elles  n'ont  souvenir 
de  rien.  Il  n'en  est  pas  ainsi  pour  ceux  dont 
tes  extases  dépendent  d*ua  principe  iufus  : 


car  ils  se  rapnellent  les  faveurs  que  Dieu 
leur  a  accordées  dans  l'extase. 

7.  Quant  à  ceux  qui  éprouvent  de  temp» 
è  autre  des  ravissements,  et  qui,  revenu» 
quelque  peu  è  eux-mêmes,  sont  ravis  do 
nouveau  et  restent  en  cet  étal  plusieurs 
jours  sans  pouToir  ni  manger,  ni  noire,  nî 
dormir,  on  fera  très-bien  de  les  placer  dan» 
une  chambre,  de  les  soigner,  de  les  traiter 
avec  les  précautions  et  les  égards  que  ré- 
clame leur  état,  et  de  leur  faire  prendre 
quelques  t>ouillons,  jusqu'à  ce  qu'ils  revien- 
nent cntrèroment  h  eux-mêmes;  et  s'il  s» 
présente  des  signes  d'une  extase  divine,  il 
ne  faudra  ni  intniecins,ni  remèdes,  ni  bruiU 
ni  applaudissemonlSf  ni  réunion  d'hommes. 
Dieu,  qui  a  réiJi.it  une  personne  à  un  tel 
état,  saura  bien  l'en  tirer.  II  n'y  a  aucon 
exemple  certain  que  quelqu'un  en  soit  Ja- 
mais mort;  et,  du  reste,  celqi  qui  perdrait 
la  vie  de  cette  nian  ère  serait  bien  heureux, 

{luisqu'il  ne  mourrait  que  par  la  violence  de 
'amour  divin,  et  qu'un  tel  effet  ne  serait 
produit  que  par  l'excès  de  cet  amour. 

8.  Pour  ce  qui  est  des  personnes  qui 
éprouvent  fréquemment  des  évanouisse- 
ments ex  tatiaues,  et  qni  sout,de  fois  à  autre, 
privées  de  1  usage  des  sens  par  la  force  in- 
térieure de  l'oraison  mentale,  il  faut  leur 
ordonner  de  manger  ou  de  dormir  plus 
qu'elles  n*ont  coutume,  et  de  se  livrer  plus 
à  l'oraison  vocale  qu*à  Toraisun  mentale. 
Ces  sortes  de  personnes  sont  toutefois  très- 
attacbées  ordinairement  à  leur  volonté,  et 
rarement  on  réussit  à  les  faire  obéir,  et  à 
obtenir  d'elles  qu'elles  renoncent  à  leur  ma- 
nière de  vivre. 

9.  La  voie  des  révélations  et  des  ravisse- 
ments divins  est,  à  la  vérité,  iKMme  en  elle- 
même,  mais  aussi  assez  périlleuse.  Il  en  est 
d'elle  comme  de  l'état  dangereux  des  fu- 
nambules, qui  sont  toujours  exposés  à  tom- 
ber et  à  périr.  Au  contraire,  celui  qui  marche 
avec  humilité  dans  la  voie  royale  de  l'obéis- 
sance, qui  supporte  l'adversité  avec  pa* 
tience,  et  qui  s*dpp!ique  à  l'exercice  des 
autres  vertus,  lui,  il  acquerra  une  sainteté 
solide,  et  n'aura  point  à  craindre  de  telles 
chutes.  La  première  voie  est  bonne,  mais 
dangereuse;  la  seconde  est  fructueuse  el 
sûre. 


F 


FAMILISTES.  —  Les  familiales  éUient 
une  secte  de  fanatiques  qui  eut  pour  au- 
leur»  en  1555,  un  nommé  Henri  Nicolas,  dis- 
ciple et  i^ompagnon  de  David  George,  chef 
de  la  secte  des  dovidtftiet.  Nicolas  trouva 
des  sectateurs  en  Angleterre  et  en  Hollande, 
•C  les  nooMna  la  famille  â^amour  et  de  cha- 
Vité.  Il  était,  disail-il,  envoyé  de  Dieu  pour 
apprendre  aux  hommes  que  l'essence  de  la 
religion  consiste  à  être  épris  de  l'amour  di- 
Tin;  que  toute  autre  doctrine  touchant  la 
foi  et  le  culte  est  très-peu  importante  i  qu'il 
99l  indiOérent  que  les  Chrétiens  pensent  de 
Dieu  ce  qu'ils  voudront ,  pourvu  aue  leur 


emur  soit  e^Oammé  du  feu  sacré  de  la  piété 
et  de  ramour,>-On  I  accuse  d'avoir  parié  avec 
très-|)eu  de  respect  de  Moise ,  des  prophètes» 
de  Jésus  Christ  même;  d'avoir  prelendoquo 
le  culte  qu'ils  ont  prêché  est  incapable  de 
conduire  les  hommes  au  bonheur  étemel, 
que  ce  privilège  était  réservé  à  sa  doctrine. 
Toutes  ces  erreurs  sont  en  effet  des  consé-' 
quences  assez  claîms  du  principe  qu'il  éta- 
blissait; et  il  n'est  pes  étoDiianl  qu'au  mi«* 
lieu  du  libertinage  de  eroyance  introduit  par 
la  prétendue  réforme  des  protestants,  il  ail 
fait  des  prosélytes.  Georges  Vox^  fondateur 
de  la  secte  des  quakers,  s'éleva  forteiaent 


755 


FIN 


DICTlONNÂmË 


nm 


u 


coite  maxime  de  Platon  :  La  méditation  de 
la  mort  eit  toute  la  vie  du  sage^  préfère 
celle  ci  de  saint  Paul  :  Je  meurs  chaque  iour^ 
et  njoute  :  «  Noas  deyons  doBC  méditer  à 
l'av:  Tace  sur  ce  que  nous  serons  un  jour,  et 
(|ui  nous  arrivera  bientôt»  que  nous  le  vou- 
1  onsou  non.  »  (Ep.  SadBeliod.)  «Celui-là 
n)é()rise  facilement  toute  chose,  dit-il  en- 
core, qui  pense  toujours  qu*il  doit  mourir.» 
(Ad  /^cfii/m.,eii.  133.)  Saint  Augustin  remar- 
que aussi  que  «rien  ne  détourne  mieut  les 
iiommes  du  péché  que  la  pensée  d*une  mort 
prochaine.  »  (L.  ii  De  tienes.^  â8.)  «  Considé- 
rez souvent,  dit  saint  Bonavenlure,  ayez 
toujours  présent  à  votre  esprit  que  vous  ne 
pouvez  éviter  la  mort,  ni  connaître  l'heure 
de  la  mort,  ni  changer  Tinstant  déterminé 

f»ar  Dieu.  »  {Soliloq.^  c.  3.)  c  Comme  de  tous 
es  aliments,  dit  saint  Jean  Climaque,  le 
pain  est  le  pins  nécessaire,  de  même  la  plus 
utile  de  toutes  les  actions  est  la  méditation 
de  la  mort.  »  (ScoL^  grad.  6.)  Vimitation  de 
Jéius-Christ  (1. 1,  c.  23)  nous  montre  avec 
détails  toute  Futilité  de  la  pensée  de  la 
mort. 

III.  En  voici  la  raison  :  La  mort  est  en  quel- 
que sorte  le  souverain  mal  de  la  nature  et  le 
moment  d'oii  dépend  l'éternité.  La  prudence 
demande  donc  que  nous  y  pensions  sérieu- 
sement è  Tavance,  it  que  nous  prenions  de 
bonne  heure  les  moyens  de  changer  un  si 
grand  mal  en  souverain  bien,  et  un  moment 
de  tribulations  on  toute  une  éternité  de  bon- 
heur. Or  ce  moyen  consiste  à  méditer  tou« 
jours  sur  la  mort,  que  nous  devons  subir  cer- 
tainement une  fois,  mais  dont  nous  igno- 
rons l'heure.  C*esl  ainsi  que  nous  vivrons 
toujours  comme  si  nous  étions  sur  le  point 
de  mourir,  et  que,  craignant  moins  la  mort 
que  la  mauvaise  mort,  nous  la  rendrons 
bonne  eu  vivant  bien.  Nous  mourrons  à 
nous-mêmes  nar  la  mortiGcalion,  et  nous 
ne  laisserons  a  la  mort  d'autre  soin  que  de 
trmcher  le  lien  qui  nous  attache  à  la  vie. 
KnQii  par  les  veilles  et  la  prière,  nous  nous 
habituerons  à  vaincre  courageusement  nos 
ennemis  et  à  souhaiter  une  mort  glorieuse 
par  nos  blessures. 

Le  meilleur  fruit  que  nous  puissions  tirer 
de  la  méditation  de  ià  mort,  est  une  conduite 
«-hrétienne,  conforme  au  principe  telle  vie^ 
telle  ^n.  Pour  cela  il  faut  une  sérieuse  mé- 
ditation de  la  mort,  car  la  pensée  fugitive  de 
la  mort,  ou  l'habitude  de  contempler  les 
morts  et  leurs  ossements,  n'est  pas  d'une 
grande  utilité  pour  notre  instruction  particu- 
lière et  pour  la  réforme  de  nos  mœurs,  comme 
l'ont  remarqué  saint  Jean  Climaque  et 
I>enys  le  Chartreux.  Car  ces  pratiques  exté- 
rieures dégénèrent  facilement  en  pures  cé- 
rémonies, si  elles  ne  sont  animées  par 
le  saint  exercice  de  la  méditation.  Les 
païens  eux-mêmes  dans  leurs  festins  avaient 
diverses  images  de  la  mort,  qui,  loin  de  les 
déterminera  réformer  leur  conduite,  étaient' 
pour  eux  un  motif  de  se  plonger  dans  les 
voluptés.  Mangeons  et  buvonSf  s'écriaient  ces 
insensés,  car  nous  mourrons  demain  (Isa. 
XXII,  13).  En  outre  la  méditation  de  la  mort 


ne  sera  pas  suffisamment  utile,  si  elle  est 
purement  humaine,  si  elle  n'envisage  la 
mort  que  comme  ta  fin  de  la  vie  :  cette  mé- 
ditation doit  s'élever  plus  haut  par  les  lu- 
mières de  la  foi,  è  considérer  la  mort  comme 
le  commencement  d'une  éternité  heureuse 
ou  malheureuse,  qai  attend  notre  Ame  im- 
mortelle, et  notre  corps  après  sa  résurrec- 
tion. Car  tel  est  le  privilège  singulier  de  la. 
foi,  de  nous  certifier,  outre  ce  que  nous 
voyons,laréalitédecequeuousnevoyonsp$. 
Aussi  TÂpôtre  nous  donne  cet  avis  :  Veillez^ 
jusleSf  et  ne  pécher  pas  (I  Cor.  xy,  3^j.  le 
temps  est  court;  ainsi  il  faut  que  ceux  ^i 
usent  du  monde  soient  comme  n'en  usant  point^, 
car  la  figure  de  ce  monde  passe  (l  Cor.  vii , 
29,  31).   Quelques-uns    ont  pensé  avec  In- 
nocent m  (I.  II  De  coniemptu  mundi)  qu'au 
moment  de  la  mort  tous  les  hommes  voyaient 
le  démon  acharné  à  les  tenter,  et  Jésus- 
Christ  crucifié  consolant  les  bons  et  effrayant 
les  méchants  :  cette  opinion  n'est  pas  assez 
fondée  pour  passer  en  règle  générale,  comme 
le  prouve  Grenade,  (m  p.,  contr.  13,  tr.  i, 
d.  !.)•  11  suffit  toutefois  que  cela  soitpossible, 
d'autant  plus  que  sourent  Jésus-Christ  cru- 
cifié vient  invisiblement  stimuler  notre  con- 
science et  le  démon  nous  tenter  avec  force. 
Si  les  méchants  et  les  tièdes  ne  s'en  aper- 
çoivent pas,  c'est  précisément  une  preuve 
du  danger  de  leur  situation.  Ehfin  pour  ne 
pas  confondre  la  crainte  chrétienne  avec  b 
crainte  naturelle  de  la  mort,  il  faut  remar- 
quer avec  saint  Jean  Climaque  que  la  pre- 
mière n'exclut  pas  cette  crainte  naturelle, 
qui  est  un  sentiment  inspiré  par  la  oatore 
et  que  Jésus-Christ  lui-même  a  éprouvé  daus 
sa  très-sainte  humanité.  Elle  n^exdnt  pas 
non  plus  la  crainte  de  la  mort  fondée  sur  ua 
motif  surnaturel  qui  est  l'incertitude  de  la 
bonne  ou  mauvaise  mort  et  de  l'heureuse 
ou  malheureuse  éternité  qui  doit  la  suirre. 
Les  saints  ne  sont  pas  même  exempts  dû 
cette  crainte.  Mais  ces  deux  craintes,  et  su^ 
tout  la  dernière,  ne  doivent  pas,  dans  la  mé- 
ditation de  la  mort,  nous  empêcher  de  con- 
cevoir en   Dieu  l'espéranee  d'obtenir  sur 
notre  salut  toute  la  certitude  possible,  ai 
nous  la  recherchons  par  une  constante  ré- 
forme de  notre  conduite;  car  la  charité  s'ac- 
froissant  en  nous,  diminue  ces  deux  crain- 
tes, nous  inspire  de  saints  désirs  de  la  mort, 
et  enfin  nous  procure  la  mort  la  plus  douce. 

La  Méditation  du  Tugemeni  n'est  ^s  moins 
utile  et  nécessaire  gue  la  méditation  de  la 
mort.  Il  y  a  deux  jugements,  le  jugeioeot 
particulier^  que  subit  chaque  ftme  après  la 
mort  et  le  jugement  aénéralf  que  subiront 
tous  les  hommes  à  la  nu  du  monde,  après  la 
résurrection  des.morts.  Tous  deux  sont  ia- 
diqués  et  proposés  comme  salutaire  uiédita- 
tion. 

1*  Par  rScriture  sainte  :  d'aboni  le  juge* 
ment  particulier  :  A  la  fin  de  /acte,  les  aeliens 
de  rhomme  seront  dénoilées^  {Scele.  xi«  99)* 
Après  cela  viendra  le  jugement  (Hebr,  ix,27); 
ensuite  le  jugement  général  t  Le  temps  vtes- 
dra  où  tous  ceux  qu%  sont  dans  les  upulcrtt 
entendroni  la  voix  du  Fils  de  Dieu;  et  ceiui 


ra 


HN 


DASCKTISME. 


FIN 


7SS 


^  auront  fait  de  bùnnes  autre*  torîiront 
pour  ressuscitera  la  vie;  mais  ceux  qui  enau- 
ramifait  de  ftutuvaises^  en  sortiront  pouf  res- 
susetter  à  leur  eondanmaiion  (Joan.  t»  28 
et  29.)  Saint  Ifatlbiea  (xxiTt  37}  a  fait  de  ce 
jugement  une  description  détaillée.  Puisque 
dans  ce  jugement  il  nous  faudra  rendre  le 
compte  (e  plus  exact  de  toutes  nos  actions, 
et  que  nous  en  ignorons  l'époque,  il  faut  mé- 
diter arec  soin  sur  les  moyens  de  YÎYre  en 
Chrétiens,  et  de  n*a\  oir  pas  à  redouter  la  pré* 
sence  de  notre  juge. 

9"  Par  les  saints  Pères.  «  Couvert  de  tou- 
tes les  souillures  de  mes  péchés ,  dit  saint 
Jérôme  (  Ep.  5 ,  ad  Florent.  ),  j'attends  jour 
et  nuit  dans  la  crainte  le  moment  où  il  me 
Cindra  rendre  jusau'à  la  dernière  obole.  » 
«Soit  que  tous  lisiez,  dit-il  encore  (  ite- 
yii/.,  »(mi:rA.)soit  que  yous  dormiez, soit 
que  tous  écriTiez ,  soit  que  tous  Teillicz , 
que  toujours  retentisse  à  tos  oreilles  la 
trompette  d*Anias  et  de  TApdtre ,  qui  ont 

1>rédit  ce  jour  redoutable  pour  les  impies  et 
es  pécheurs. — Que  toujours  cette  terrible 
trompette  lasse  entendre  à  tos  oreilles  c<^s 
paroles  :  Levex-tous^  morts  ^  et  tenez  aujun 
gemeni.  »  Ecoutons  aussi  saint  Grégoire 
(  tom.  1,  m  Etang,)  :  <  Que  ce  jour,  mes 
très-chers  frères,  soit  toujours  présent  à 
Toire  pensée;  que  son  souTenir  corrige 
votre  conduite.  Informe  tos  mœurs,  tous 
fasse  résister  à  la  tentation  du  mal  et  la 
vaincre,  vous  repentir  et  foire  pénitence  de 
▼os  mauvaises  actions.  * 

9"  En  voici  la  raison  :  La  méditation  de  la 
mort  est  très-utile  et  nécessaire  au  Chrétien  ; 
donc  h  plus  forte  raison  la  méditation  du 
jugement;  caria  mort  n*est  redoutable  qu*à 
cause  du  jugement  qui  la  suit,  puisque  le 
jugement,  selon  Denjs  le  Chartreux ,  est 
plus  terrible  que  la  mort  corporelle  et  ten:- 
f>orelle ,  et  môme  que  les  peines  temporel- 
les de  Tenfer.  Qui  me  pourra  procurer  cette 
grâce  f  que  tous  me  cachiez  dans  V enfer  et  que 
tous  m  y  mettiez  à  eoutert^  jusqu^àceque 
totre  fureur  soit  passée?  Ensuite  le  souvenir 
continuel  du  jugement,  comme  le  remarque 
saint  Thomas ,  détourne  l'homme  du  péché, 
par  la  considération  de  la  justice  et  de  la 
miséricorde  de  Dieu,  et  par  Tespérance 
qu'il  puise  dans  la  considération  de  cette 
miséricorde  qui  remet  les  péchés  et  récoro* 
fienso  le  bien.  (2-2,  q.  12,  a.  2.)  En 
effet,  celui-là  seul  désespère ,  qui  ne  croit 
pas  au  jugement  futur ,  ou  qui  n*y  pense 
pas  pour  n*avoir  pas  è  le  redouter; au  co-i- 
traire,  pour  celui  qui  y  croit  et  qui  y  pense, 
la  crainte  est  un  puissant  aiguillon  pour  vi- 
vre en  Chrétien  et  par  conséquent  {xiur  es- 
Itérer  en  Dieu. 

Pour  que  la  méditation  du  jugement  soit 
lus  protonde,  il  est  utile  d'en  bien  examiner 
es  circonstances.  1*  Le  lieu ,  pour  le  juge* 
roent  particulier,  est  celui  où  chacun  de 
nous  vient  à  mourir.  Le  naufragé  qui  périt 
dans  les  flots ,  le  voyageur  assassiné  par  un 
brigand ,  celui  qui  dans  un  duel  tombe  sous 
les  coups  de  son  adversaire, le  soldat  tué 
i>ar  i*ennemi ,  celui  que  frappe  la  foudre , 


r. 


tous  sont  aussitôt  jugés  par  Dieu  an  lieu 
même  de  leur  mort.  Sur  ce  môme  Ut ,  té- 
moin de  votre  mollesse  et  peut-être  de  vos 
turoitudes,  vous  ne  serez  bientôt  plus  qu'un 
cadavre,  et  c'est  là  que  vous  serez  jugé. 
Hélas!  Dieu  tout-puissant!  A  quoi  pensons- 
nous,  de  négliger  ainsi  des  méaitations  d'une 
si  grande  importance  pour  notre  Ame  I — 
2"  Le  temns  du  jugement.  Ce  sera  l'instant 
même  ou  notre  âme  sera  séparée  de  notre 
corps,  où  l'homme  ne  pourra  plus  ni  méri- 
ter ,  ni  démériter.  —  3*  Quand  les  Pères  et 
les  ascètes  représentent  Je  jugement  sous 
l'image  des  plus  terribles  jugements  des 
hommes,  c'est  pour  se  mettre  à  la  portée  de 
notre  intelligence  ;  car  ce  jugement  est  loin 
de  ressembler  aux  nôtres  ;  il  est  bien  supé- 
rieur, et  nous  pouvons  à  Ipeine  maintenant 
nous  en  foire  une  idée.  C'est  en  quelque 
sorte  une  vision  intellectuelle  de  Tâme  par 
laquelle  elle  se  voit  elle-même ,  ainsi  que 
toutes  les  pensées ,  les  paroles  et  les  actions 
de  ssi  vie ,  et  elle  aperçoit  son  juge,  et  peut* 
être  aussi  la  sainte  Vierge,  samt  Michel  et 
son  saint  ange  gardien ,  et  entend  d*une 
manière  spirituelle  la  sentence  prononcée 
contre  elle.  A  ce  sujet  le  Père  Ri-guera 
(  TheoL  myst.^  t.  I,  p.  438  )  remarque  que 
ce  juge ,  qui,  avant  1  avènement  du  Christ , 
était  Dieu,  est  maintenant  Dieu  et  homme 
à  la  fois;  et  bien  qu'il  soit  permis  de  croiro 

2ue  dans  le  jugement  particulier  Jésus- 
brist  ne  vienne  pas  personnellement  et 
sensiblement  comme  homme  pour  nous  ju- 
ger,  il  vient  cependant ,  selon  la  vision  in- 
tellectuelle dont  nous  venons  de  parler  » 
non  de  la  même  manière  qu'il  se  montre  aux 
bienheureux ,  mais  sous  une  autre  forme 
Sublime ,  où  il  se  montre  parfois  aux  bo'n- 
mes  ;  c'est  pour  le  coupable  un  juge  sévère , 
comme  Dieu,  réellement  présent,  et  comme 
homme  en  tant  qu*il  est  le  même  qui  est  à 
la  droite  du  Père. — 4*  Ce  jugement  particu- 
lier s'accomplit  en  un  instant ,  d'une  ma- 
nière plus  sublime  et  plus  terrible  que  nous 
ne  pouvons  nous  l'imaginer;  car  cette  ma- 
nière sera  propre  à  l'Ame  dé^gée  des  sens 
et  connaissant  les  choses  spirituelles  par  les 
idées  propres  infuses  ;  tandis  que  sur  la 
terre  nous  ne  nous  représentons  ce  sujet 
que  sous  d<'S  images  étrangères  fournies  par 
les  sens ,  et  qui  diffèrent  plus  du  vrai  que 
la  peinture  de  la  réalité.  La  rapidité  in- 
croyable avec  laquelle  s'exerce  ce  jugement, 
loin  de  diminuer  notre  terreur ,  doit  au  con- 
traire la  redoubler,  puisque  nous  trouve- 
rons notre  juge  en  nous-mêmes,  et  non 
au  dehors. — 5*  Quant  au  jugement  univer- 
sel, il  renfermera  de  plus  la  confusion  que 
nous  ressentirions  en  voyant  toutes  nos 
actions  secrètes  divulguées  aux  j^cux  du 
monde  entier.  Toutes  ces  considérations  do:- 
tent  nous  déterminer  à  suivre  l'avis  de 
Tabbé  Amon  :  «  Soyez  comme  un  criminel 
dans  un  cachot,  et  dites  vous  k  vous-même: 
ilalheur  à  moi  1  Comment  irai-je  me  pré- 
senter devant  le  tribunal  de  Jésus-Christ  ? 
Comment  pourrai-je  rendre  compte  de  toutes 
mes  actions?  Si   vous  méditez  sans  cesse 


739 


FIN 


DICTIONNAIRE 


riN 


*IU 


xxiiie  pensée»  vous  pourrez  èlre  sauvé.  » 
(  YU.  PP.^  apad  Rotweidum^  I.  t.  ) 

La  méditation  de  Venfer  n*est  pas  moins 
ntile  et  nécessaire  à  la  perfection  de  la  vie 
cbrélienne.  1*  TEcriture  sainte  nous  Ten* 
seigne.  Bien  souvent  elle  répète  que  les 
chAtiments  de  Tenfer  sont  réservés  aux  im- 
pies. Elle  l'affirme  surtout  dans  ce  passage  : 
KtoigneZ'i>ouê  de  moif  maudite ,  allez  au  feu 
étemel  (Matih.  xxt,  ^1).  Elle  recommande 
en  divers  endroits  ia  méditation  de  Tenfer: 
Que  les  vivants  descendent  (par  la  pensée) 
dans  Venfer [Psal.  uv,  16).  «Ce  ne  sont  nas 
les  mourants»  ce  sont  les  vivants  qui  aoi- 
vent  y  descendre  et  contempler  sans  cesse 
les  douleurs  de  Tenfer,  afln  de  les  avoir  en 
horreur  et  de  les  éviter.  »  (L.  ii  ad  Frat.  de 
moniet  c.  4»  attribué  à  saint  Bernard.)  Saint 
Bernard  dit  aussi  (serm.  42,  De  divers.)  : 
«  Descendez  vivant  dans  renfer»  et  considé- 
rez avec  les  yeux  de  l'esprit  tout  cet  attirail 
de  tortures.  »  Il  est  dit  encore  dans  TEcri* 
ture  :  Cest  le  Seigneur  qui  conduit  en  enfer 
et  qui  en  ramène  [iReg.  ii»  6).  Saint  Grégoire 
dit  à  ce  sujet  :  «  Nous  cessons  de  pécher, 
alors  que  la  céleste  grAce*  amollissant  nos 
cœurs,  nous  redoutons  les  peines  futures; 
et  nous  sommes  retirés  de  l'enfer,  alors  que, 
visités  par  des  consolations  intérieures,  nous 

fassons  des  gémissements  de  la  pénitence 
l'espoir  du  pardon.  »  La  description  de 
l'enfer  faite  par  Notre-Seigneur  Jésus-Christ, 
k  l'occasion  du  mauvais  riche,  qui  y  était 

t précipité  {Luc.  xvi),  confirme  la  nécessité  de 
e  méditer  sérieusement,  et  cette  méditation 
nous  sera  plus  utile  que  si  nous  le  voyions 
de  nos  yeux,  ou  si  quelqu'un  des  damnés 
venait  à  ressusciter,  pour  nous  en  retracer  le 
supplice,  selon  cette  parole  de  Jésus*  Christ  : 
S'ils  n'écoutent  niMotse^  ni  les  prophètes^  ils 
ne  croiront  pas  non  plus^  quand  même  quel- 
qu'un des  morts  ressusciterait  (Luc.  xvi,  31}. 

S"  Les  saints  Pères  nous  exhortent  aussi 
h  cette  méditation.  «  Si  nous  avons  sans 
cesse  h  l'esprit  la  pensée  de  Tcnfer,  dit 
saint  Jean  Clirysostomo,  nous  no  sommes 
ps  près  d*y  tomber.  C'est  pour  cola  que  te 
Seigneur  nous  a  menacés  de  ces  supplices  ; 
car  Dieu  ne  nous  aurait  pas  fait  cette  me«- 
nace,  si  la  pensée  de  Tenter  n'avait  pas  dû 
nous  être  profitable.  Cette  menace  est  en 
quelque  sorte  pour  nos  Ames  un  remède 
salutaire.  »  (Hom.  2  in  U  Reg.)  il  donne  en- 
suite le  conseil  d'inspirer  celte  pensée  et 
et  cette  horreur  de  Tenfer  aux  enfants,  dès 
leur  plus  tendre  jeunesse.  Saint  Prosner  dit 
au  sujet  des  peines  de  l'enfer:  «  En  lire  ou 
en  écouter  le  récit,  les  avoir  toujours  sous 
les  yeux  de  l'esprit,  croire  qu'elles  arrive- 
ront, les  craindre  sans  aucun  troubln,  pen- 
ser quel  malheur  ce  serait  pour  nous  d  être 
exclus  de  la  joie  de  la  divine  contempla- 
tion, se  nourrir  enfin  de  toutes  ces  pensées, 
est  le  meilleur  moyen  de  repousser  les  vi- 
ces et  de  mettre  un  frein  à  tous  les  attraits 
de  la  chair.  »  (L  m  De  vit.  contempl.) 

3*  La  raison  en  est  bien  claire.  Les  damnés 
auront  une  horreur  perpétuelle  de  l'enfer 
(Job  X,  22),  du  feu  étemel  (Matth.  xxv,  41), 


de  ce  lieu  de  supplices  j^Luc,  xvi,  28.)  ;  et  la 
vue  et  la  contemplation  continuelle  des 
maux  qu'ils  y  endurent,  sera  pour  eux  la 
source  d'une  douleur  et  d'une  tristesse  in- 
comparable. Or  rien  de  plus  Juste  que  de 
faire  utilement  nous-mêmes  ce  qu'ils  font 
sans  aucune  utilité  ;  et  pendant  les  courts 
instants  de  notre  vie  de  considérer,  comme 
ils  le  font  dans  Tiromensité  des  siècles,  ces 

Eeines  et  ces  tourments  que  nous  pourrons 
ieu  subir  un  jour.  Cette  considération  nous 
ferait  concevoir  pour  le  péché,  qui  nous 
mérite  l'enfer,  beaucoup  de  haine,  de  lar- 
mes et  de  repentir;  car  il  faut,  ou  faire  pé- 
nitence, ou  brûler.  C'est  ainsi  que  nous  se* 
rons  excités  &  vivre  en  parfaits  Chrétiens. 

11  est  trois  points  que  doit  embrasser  la 
sérieuse  méditation  de  l'enfer  : 

1*  La  peine  du  dam^  qui  consiste  dans  la 
privation  de  la  vision  bienheureuse  :  c'est 
un  malheur  aussi  grand  que  la  privation  de 
Dieu  même,  et  dont  la  perte  fait  souffrir 
des  tourments  indicibles. 

S*  La  peine  du  sens  ou  du  feu.  Si  pour  le 
monde  entier  nous  refuserions  de  livrer  no- 
tre corps  seulement  pendant  une  heure  aux 
flammes,  qui  pourra^  parmi  vous,  rester  au 
milieu  de  flammes  étemelles?  (Isa.  xxxui, 
14.)  Comment  la  flamme  de  la  colère,  de 
la  luxure  ne  s'éteindrait-elle  pas  devant  ce 
feu7«  Conservez  en  le  souvenir,  dit  saint 
Augustin,  et  opposez  le  feu  de  l'enfer  à  ce 
feu  des  passions  et  de  la  concupiscence, 
qui  maintenant  vous  agite,  afin  d  en  vain- 
cre l'ardente  violence  par  une  violence  plus 
ardente  encore.»  (Serm.  181,  De  tempore, 
c.  18.) 

S*  Ùélemité  des  peines.  «  Quoi  de  plus  af- 
freux, dit  saint  Bernard,  que  de  toujours 
vouloir  ce  qui  ne  sera  jamais,  et  de  ne  ja- 
mais vouloir  ce  (|ui  durera  toujours  I  Quel 
supplice  qued'avoirainsi  sa  voloutéasservieà 
la  nécessité  de  vouloir  et  ne  vouloir  pas  ?  • 
(L.  V  De  cofuid.,  c.  12.) 

Enfin  la  méditation  ae  la  céleste  gloire  est 
encore  très-utile  à  la  perfection  chrétienue. 
1"  L'Ecriture  sainte  nous  le  démontre,  en 
nous  proposant  sans  cesse  celte  éternelle 
récompense,  afin  de  nous  exciter  à  vivre 
saintement  :  J'ai  porté  mon  ccsurà  accomplir 
éternellement  vos  ordonnances  pleines  de  jut- 
ticCy  à  cause  de  la  récompense  [Ps.  cxviii, 
112).  Elle  veut  que  nous  en  ayons  comme 
une  soif  ardente  :  Jlfon  âme  est  toute  brû- 
lante pour  Dieu,  pour  le  Dieu  fort  et  virant. 
Quand  viendrai-je  et  quand  parattrai-je  dt- 
vont  In  face  de  Dieu?  (Ps.  xi'.i,  3.  )  Je  serai 
rassasié,  lorsque  vous  m*aure%  fait  parailrt 
votre  gloire  [  Ps.  xvi,  15.  )  Elle  relève  nos 
espérances  et   ^es  dirige  vers  le  ciel  :  U 

verrai  mon  Dieu Cest  là  V espérance  g»< 

fai  et  qui  reposera  toujours  dans  mon  sein 
(  Job  XIX,  26  ^t  27).  Vous  êtes  semblables  à 
des  hommes  qui  attendent  leur  Seigneur.  (  Itir. 
xn,  36).  Elle  exige  que  nous  priions  pour 
l'obtenir,  et  que  nous  y  demeurions  en  es- 
prit  :  Notre  Père,  qui  êtes  au  ciel....  Que  ro- 
tre  règne  arrive.  (Matth.  vj,  9).  Nous  tirons 
déjà  dans  le  ciel  comme  en  étant  citoyen 


Ui 


UN 


D'ASCETISME. 


riJi 


7M 


(  Phil.  III,  90.  )  Le  Calhéchismc  romain 
donne  à  ce  sujet  cet  avis  :  «  G*est  pourquoi 
les  corés,  dans  rioslruclion  des  fidèles*  ne 
négligeront  jamais  d*enQammer  leurs  cœurs» 
en  leur  proposant  les  récompenses  de  la 
Tie  éternelle»  afin  de  leur  apprendre  à  re- 
garder comme  faciles  et  agréables  les  cho* 
ses  même  les  plus  diificiles  qu'il  leur  fau- 
dra faire  comme  Chrétiens,  et  afin  de  les 
rendre  plus  prompts  et  pins  joyeux  à  obéir 
aui  préceptes  divins.  »  {Expos.  Symbol.) 
2*  Les  saints  Pères  nous  conseillent  aussi  la 
méditation  du  ciel.  «  Toutes  les  fois,  dit 
Tertullien  {L.  ad  Mort.)  gue  vous  tous  élè- 
Tcrez  eu  esprit  vers  la  gloire  des  cicux,  tous 
sortirez  de  votre  prison  :  la  jambe  ne  sent 
plus  aucun  lien,  quand  l'ânie  est  dans  le 
ciel.  »  Saint  Jérôme  dit  aussi  (  £p.  18  ad 
Eusioth.)  :  m  Toutes  les  fois  que  la  vaine  gloire 
du  siècle  tous  flajtera,  toutes  les  fois  que 
dans  le  monde  quelque  chose  tous  paraîtra 
glorieux,  éieTez-vous  en  esprit  jusqu'au  |ia- 
radis  et  couimencez  h  être  ce  que  vous  se- 
rez un  jour«  »  —  «  Si  nous  considérons,  mes 
Irès-chers  frères,  dit  saint  Grégoire,  tous 
les  biens  qui  nous  sont  promis  dans  le  ciel, 
notre  esprit  n*a  plus  que  du  mépris  pour  les 
biens  de  la  terre.  »  (  Hom.  37  m  Evang.  ) 
—  «  Quoique  notre  espérance,  dit  saint  Tho- 
mas (in  II  Cor,  it,  lect.  k  ),  ne  doive  se 
réaliser  que  dans  TaTenir,  et  qu'il  faille  au- 
|iaravant  que  notre  corps  soit  détruit ,  néan- 
moins nous  sommes  ranimés  par  la  pensée 
«|ue  ce  n'est  pas  à  ces  biens  temporels ,  mais 
aux  biens  célestes  que  nous  aspirons.  » 

En  voici  la  raison  :  Sous  le  nom  de  cé- 
leste gloire,  il  faut  comprendre  la  dernière 
lin  de  l'homme,  celte  béatitude  où  tous  leS' 
désirs  se  trouveront  satisfaits,  et  tout  appé- 
tit rationnel  apaisé  ;  nous  devons  continuel- 
lement et  en  toute  chose  tendre  et  aspirer  h 
cette  béatitude;  et  nous  ne  le  pouvons  sans 
une  fréquente  et  sérieuse  méditation  du 
ciel,  car  on  ne  désire  pas  ce  qu*on  ignore. 
Or  le  ciel  doit  être  le  but  de  nos  désirs,  vif 
selon  la  conclusion  de  saint  Augustin,  pour 
Cobtenir,  il  noui  faut  vivre  MainiemetkL  * 
(  L.  XIX  De  Civ.^  c.  k.  ) 

Nous  pouvons  diijicilement  concevoir 
d'une  manière  positive  la  grandeur  et  Téclat 
de  la  céleste  gloire;  nous  ne  la  comprenons 
i|ue  d*une  manière  négative,  en  ce  sens 
i|u'elle  surpasse  infiniment  tout  ce  qui  nous 
apparaît  comme  glorieux  dans  la  création. 
Car  rail  n*a  point  ri«,  l'oreille  n'a  point  en* 
tendu^  et  le  cceur  de  Chomme  na  jamais  conçu 
ce  que  Dieu  a  préparé  pour  ceux  qui  faiment 
(  /  Cor.  Il»  9).  D*a[>rès  saint  Paul  (  /  Cor. 
XV,  42  ),  les  corps  ressuscites  acquerront 
i|uatre  qualités  glorieuses  et  deviendront  en 
quelque  sorte  spirituels.  Dans  VApocalifpse 
(  xxu),  la  cité  céleste  est  décrite  soit  d  une 
inanièie  symbolique,  dans  les  mêmes  ter- 
nies que  nos  objets  matériels,  quoique  è  un 
degré  infiniment  supérieur,  comme  ses  |)0r- 
tes  en  pitrres  précieuses,  soit  en  termes 
ué^tiis»  comme  :  elle  n*aura  besoin  de  ta 
lumière  ni  du  soleil^  ni  de  la  lune  ;  la  mort  n*g 
entrera  points  etc.  Il   est  donc  inutile  de 


chercher  à  comprendre  d'une  manière  posf- 
tive  le  bonheur  du  ciel:  il  nous  suffit  d'j 
croire  par  la  foi,  et  de  méditer  ce  que  TA- 

Fôtre  nous  pro|)Ose  d'une  manière  négative  : 
œil  n*a  point  vu,  etc.  ;  de  manière  à  mé- 
priser, dans  l'occasion,  avec  les  saints  mar- 
tyrs, tout  le  reste  et  même  notre  Tie,  pour 
acquérir  la  Tîe  éternelle.  Joignons-y  cette 
bienheureuse  éternité,  cet  état  parfait  |  ar  la 
réunion  de  tous  les  biens«  et  celte  TÎsiou  béa- 
tifique,  que  ni  la  parole  ni  la  pensée  ne  peu« 
Tent  comprendre,  puisque,  selon  te  P.  Ré- 
gnera (Tneol.  myst.f  t.  I,  p.  U9),  c*est  un 
bien  plus  grand  que  le  mal  qui  résulte  de 
sa  privation,  quoique  cette  |  rivation  soit 
pire  que  tous  les  tourments  possibles.  «  J*en 
connais  beaucoup  qui  redoutent  Tenfer,  dit 
saint  Jean  Chrysostome  :  quant  h  moi  j'af- 
firme que  la  perte  de  la  gloire  céleste  est  plus 
douloureuse  que  le  supplice  même  de  I  en- 
f.r.  Il  n'est  pas  étonnant  que  je  ne  puisse 
vous  le  démontrer;  car  ne  connaissant  pas 
la  béatitude  des  récompenses,  nous  ne  pou- 
vons savoir  le  malheur  qui  résulte  de  leur 
perte....  Nous  ne  le  connaîtrons  d'une  ma- 
nière certaine  que  par  rex|)érience....  Per- 
sonne n'ignore  combien  la  question  est  in- 
tolérable, et  combien  les  supplices  en  sont 
horribles.  Supposez  les  tortures  de  mille 
questions,  et  vous  nu  pourrez  encore  avoir 
une  idée  du  malheur  qu'H  y  aura  à  être  re- 
poussé de  la  gloire  étemelle.  »  (  Hom.  8( 
m  Matth.)  Témoin  le  démon  lui-même,  qui» 
au  rapport  de  Drexelius  (I.  iDeCeslo,  e.  fO)» 
dit  qu  il  souffrirait  de  bon  cœur,  jusqu'au 
jour  du  jugement,  toutes  les  peines  que  lui- 
même  et  tous  les  démons  souffrent  dans  l'en- 
fer, s'il  lui  était  seulement  permis  de  voir 
Dieu  uniour. 

H  est  deux  fruits  que  nous  devons  sur- 
tout  recueillir  dp  la  méililalioi  des  fins 
dernières.  Le  promiiT  c'est  une  haine 
souveraine  du  péché ,  comme  la  cause 
de  tous  les  maux  que  la  méditation  des 
fins  dernières  nous  fntt  découvrir.  Hn 
effet  le  péché  est  Toriginc  de  la  mort,  et  il 
fait  de  la  mort  un  très-grand  mal.  La  mori 
est  venue  par  le  péché  (  Rom.  v,  12).  La  mori 
du  pécheur  est  tris-fimeste  (Ps.  xxxiii,  22). 
Sans  le  péché  qui  est  la  Térilable  mort,è  peino 
si  la  mort  dd  corps  mériterait  le  nom  de 
mort  :  et  bien  que  celle-ci  soit  très-pénible» 
on  doit  la  mépriser  pour  éTiter  le  péché  ; 
et  alors,  loin  d  être  une  honte,  elle  doTient 
un  sujet  de  gloire  et  de  bonheur.  JLa  mort 
des  saints  est  précieuse  aux  yeux  du  Seigneur 
{Ps.  cxT,  5).  C'est  ce  qui  a  fait  dire  à  saint 
Bernard  :  «  La  mort  des  pécheurs  est  un 
mal  par  la  perte  du  monde,  un  p!ns  gran  t 
mal   par   la  dissolution    de    la    chair,    le 

filus  grand  des  maux,  par  le  supplice  de 
*enfer.  Au  contraire»  la  mort  des  ju.^^tes  est 
un  très-grand  bien  :  elle  nous  procure  le 
repos  de  nos  fatigues,  le  charme  de  la  nou- 
Toauté,  et  une  sécurité  éternelle  sur  notre 
avenir.  *  (  Serm.  41  ex  parvis.  )  Quant  au 
jugement»  c'est  le  péché  qui  le  rend  si  ter- 
rible, c'est  le  péché  qui  en  (bit  une  condam- 
nation. Supiriincz  le  péché,  en  vous  repen- 


74} 


FLA 


nCTIONXAIttfi 


FLà 


141 


tant  de  celui  qae  tous  avez  commis  oa  en 
TOUS  abstenant  de  le  commettre,  et  Diea 
Tiendra  k  tous,  non  comme  ua  voleur^  mais 
comme  un  époux^  non  en  tous  menaçant 
de  la  mort  dans  sa  colère,  mais  en  tous  in- 
Titaot  fJans  son  amour  à  Tenir  dans  ses 
bras.  Si  nom  nom  jugiom  nom-méauêf  si 
nous  recherchions  et  punissions  séTèrement 
nos  propres  péchés,  nom  ne  $erion$  pas  ju- 
géêy  c^eMr-k-éire,  nous  ne  serions  pas  con- 
damnés, mais  absous,  et  notre  jugement  se- 
rait moins  un  jusement  gu'nne  récompense. 
C'est  ce  que  souhaite  sauit  Bernard  :  «  Heu- 
reux le  jugement  qui  me  soustrait  et  me 
dérobe  au  séTère  jugement  de  Dieu*  Je  fris- 
sonne à  la  pensée  de  tomber  entre  les  mains 
du  Dieu  TiTant  :  je  reui  me  présenter  à  la 
face  de  sa  colère déjàiugé  et  non  plus  è  ju- 
ger. »  (Serm.  55 tu  (Jani.)  Quanta  Te.  fer, 
c*est  le  péché  qui  fait  Tenfer,  c'est  lui  qui 
en  est  le  plus  grand  supplice.  C'est  un  ver 
qui  ne  meurt  pas,  parce  qu'il  se  nourrit  du 
souTenir  ineffa^ble  des  péchés  commis^ 
C'est  un  feu  qui  ne  s'éteint  pas,  parce  que 
les  péchés  sont  un  bois  embrasé  par  le  sou- 
fle  de  la  colère  de  Dieu«  Là  se  trouvent  les 
démons^  qui  étaient  autrefois  des  anges; 
car  c'est  par  le  péché  que  le  démon  existe, 
c'est  par  le  péché  que  les  hommes  devien*> 
nent  les  (ils  du  démon,  et  comme  autant  de 
démous  eux-mêmes.  —  Enfin  quant  à  la 

Sloire  céleste,  c'est  le  péché  qui  nous  prive 
e  ce  souverain  bieo«  parce  qu'il  est  incom- 
patible aTec  elle. 

L'autre  avantage  que  nous  devons  retirer 
de  cette  méditation,  est  la  continuelle  abné- 
gation de  nous-mômes  et  de  nos  passions 
déréglées,  selon  ces  paroles  :  Ctlui  qui  aime 
ion  âme,  c'est-ihdire,  qui  dans  ce  monde 
s'abandonne  à  ses  absurdes  convoitises,  la 
perdra  :  et  celui  qui  baii  eon  âme  dans  ce 
mondef  la  conservera  pour  la  vie  élerneUe 

fJoan.  xiif  25),  c'est-à-dire,  qui  se  refuse  h 
ui  obéir  quand  elle  loi  ordonne  quelque 
mal.  Et,  puisaoe  notre  chair  est  cet  euneuii 
domestique  ue  notre  Âme,  poui*  qui  nous 
devons  avoir  tant  d'horreur,  crucitions-la 
sur  la  croix  du  Chridt,  où  est  Je  salut  et  la 
Tie.  Pensons  à  la  mort,  et  mourons  pendant 
la  vie,  pour  trouver  la  vie  dans  la  mort. 
Pensons  au  jugement  et  jugeons-nous  nous- 
mômes,  pour  u*élre  point  jugés.  Pensons  à 
l'enfer  et  punissons-nous  nous-mêmes  ou 
aimons  à  être  punis  pondant  la  vie,  afin  de 
n'être  point  punis  pendant  l'éternité.  Pen- 
sons à  la  gloire  des  cieux»  et  rappelons- 
nous  que  tout  ce  que  nous  pouvons  faire 
ou  souffrir  n'est  que  peu  de  chose^  afin  qu'é- 
levés au-dessus  de  toutes  ces  choses,  nous 
puissions  entrer  dans  la  joie  de  Notre-Sci- 
gneur. 

FLAGELLANTS.  —  Pénitents  fanatiques 
et  atrabilaires»  qui  se  fouettaient  en  public, 
et  qui  attribuaient  à  la  flagellation  plus  de 
vertu  qu'aux  sacrements  pour  effacer  les 
péchés.  Quoique  Jésus-Christ,  les  a|)ôlres 
et  les  martyrs  aient  enduré  avec  patience 
les  flagellations  que  les  juges  persécuteurs 
leuravdlent  fait  subir,  il  ne  s  ensuit  pas  qu'ils 


aient  touIu  introduire  les  flagellatioas  ta- 
lODtaires  ;  et  il  n'y  a  «acone  preuve  m  tes 
premiers  solitaires,  quoique  très-mortifiés 
d'ailleurs  et  très-austères,  en  aieot  bit 
osage.  Fleurjr  nous  apprend  néaomoiDs  qo^ 
Thâ>doret  en  a  cite  plusieurs  exemples 
dans  son  Histoire  retigeeun^  écrite  aa 
T*  siècle,  {ttesurs  des  CkrétieHs^  n*  63.)  La 
règle  de  saint  Colomban  qui  vivait  sur  la 
fin  du  Ti*  siècle,  punit  la  ^iiupart  des  fautes 
des  moines  par  nn  certain  oombre  de  coups 
de  fouet  ;  mais  nous  ne  Toyons  pas  qu'elle 
ait  recommandé  les  flagellations  volontaires 
comme  une  pratique  orainairede  péoitence. 
Il  en  est  de  même  de  la  règle  de  saint  Ce- 
saire  d'Arles,  écrite  l'an  SCNB,  qui  ordonne 
la  flagellation  comme  une  peine  contre  les 
religieuses  indociles. 

SuiTant  ropînioa  commune,  il  o'j  a  pas 
d'exemples  de  flagellation  Tolontaire  avant 
le  xr  siècle;  les  premiers  qui  se  sont  dis- 
tingués par  làp  sont  saint  uui  ou  Gujon, 
abbé  de  Pompose,  et  saint  Popon,  abbé  de 
StaveilCp  mort  en  lOU.  Les  mornes  du  Mont* 
Cassin  avaient  adopté  cette  pratique,  arec 
le  jeAne  du  Teodredi,  à  l'imitation  du 
bienheureux  Pierre  l'Ancien  :  leur  exemple 
mit  eu  crédit  cette  dévotion;  elle  trouva 
néanmoins  des  opposants  ;  Pierre  Damien 
écrivit  pour  la  justifler.  Fleur j,  dans  soa 
Histoire  eceUsiasUquet  1.  lx,  nr  â,  a  donné 
l'extrait  de  l'ouvrage  de  ce  pieux  auteur, 
on  ne  voit  pas  l>eaucoup  de  justesse  ni  de 
solidité  dans  ses  raisonnements* 

Celui  qui  s'est  rendu  le  plus  célèbre  par 
les  flagellations  volontaires,  est  saint  Domi- 
nique l'Eucuirassé,  ainsi  nommé  d*uoe 
chemise  de  mailles  qu'îJ  portait  toujours, 
et  qu'il  n'dtait  que  pour  se  flageller.  Sa 
peau  était  devenue  semblable  &  celle  d*un 
nègre;  non-soulemeni  il  voulait  expier  par 
là  SOS  propres  péchés,  mais  eflactr  ceux 
des  autres;  Pierre  Damien  était  son  direc- 
teur. On  croyait  alors  que  vingt  psautiers 
récités  en  se  donnant  la  discipline,  acquit* 
taient  cent  ans  de  pénitence.  Cette  opiniuiii 
comme  Ta  remarqué  Fleurv,  était  a$^ez  mal 
fondée,  et  elle  a  contribué  au  relftcht;uieut 
des  mœurs« 

Il  y  a  cependant  lieu  de  croire,  dU-it,qne 
Dieu  inspira  ce^  mortifications  extraordi- 
naires aux  saints  personnages  qui  en 
usèrent,  et  qu^elles  étaient  relatives  aoi 
besoins  de  leur  siècle.  Ils  avaient  affaire  à 
une  génération  d'hommes  si  perverse  cl  si 
rebelle,  qu'il  était  nécessaire  de  les  frapper 
par  des  objeis  sensibles*  Les  raisonneuieuis 
et  les  exhortations  étaient  faibles  sur  des 
hommes  ignorants  et  brutaux,  accouluiït<^> 
au  sang  et  au  pillage.  Ils  n'auraient  compta 
pour  rien  des  austérités  médiocres,  ccui 
qui  étaient  nourris  dans  les  fatigues  de  la 
guerre,  et  qui  portaient  toujours  te  harnaif  ; 
f)Ourles  étonner,  il  fallait  des  mortifications 
qui  parussent  supérieures  aux  forces  de  \} 
nature,  et  cet  aspect  a  servi  pour  cooTeriir 
plusieurs  grands  (lécheurs.  (  Maturt  àts 
Chrét.  n'  63.)  Ajoutons  que  dans  ces  lemi'S 
malheureux,  la  misère,  devenue  commuiit- 


745 


FLA 


n^ASCETISlIE. 


FOI 


746 


et  habituelle  9  endurcissait  les  corps,  et 
donnait  udc  espèce  d*atrocilé  à  tous  les 
caractères. 

Quoi  qu'il  on  soit,  on  abusa  des  flagella- 
tions TOlontaires.  Vers  Tan  1200,  lorsque 
rilalie  était  déc|iirée  par  les  factions  des 
guelpbes  et  des  gibelins»  et  eii  proie  à  toutes 
sortes  de  désordres,  un  certain  Reignier, 
Dominicain,  s'avisa  de  prêcher  les  flagella- 
tions publiques  comme  un  moyen  d'apaiser 
Dieu.  Il  en  persuada  beaucoup,  non-seule- 
ment parmi  le  peuple,  mais  dans  tous  les 
états  :  bientôt  Ton  vit  à  Pérouse,  à  Rome 
et  dans  toute  l'Italie  des  processions  de 
flagellants  de  tout  âge  et  de  tout  sexe,  se 
frappani  cruellement  en  poussant  des  cris 
affreux  et  regardant  le  ciel  d'un  air  féroce 
et  égaré,  afin  d'obtenir  miséricorde  pour 
eux  et  pour  les  autres.  Les  premiers  étaient 
sans  doute  des  personnes  innocentes  et  de 
bonnes  mœurs;  mais  il  se  mêla  bientôt 
parmi  eux  des  gens  de  la  lie  du  peuple  dont 
plusieurs  étaient  infectés  d'opinions  ab- 
surdes et  impies.  Pour  arrêter  cette  frénésie 
religieuse,  Jes  Papes  condamnèrent  ces 
flagellations  publiques  comme  indécentes, 
contraires  à  la  loi  de  Dieu  et  aux  bonnes 
mœurs. 

Dans  le  siècle  snivant,  vers  l'an  1318, 
lorsque  la  peste  noire  et  autres  calamités 
eurent  désolé  tonte  l'Europe,  la  fureur  des 
flagellations   recommença    en    Allemagne. 
Ceux  qui    en  furent  saisis  s'attroupaient, 
quittaient  leurs  demeures,  parcouraient  les 
bourgs  et  les   villages,  exhortaient  à  se 
flageller  et  en  donnaient  l'exemple.  Ils  en- 
seignaient que  la  flagellation  avait  la  vertu 
du  tuiptéme  et  des  autres  sacrements,  qu'on 
obtenait  par  elle  le  pardon  de  ses  fautes 
sans  le  secours  des  mérites  de  Jésus-Christ, 
que  la  loi  qu'il  avait  donnée  allait  bientôt 
être  abolie  et  faire  place  à  une  autre  qui 
enjoindrait  le  baptême  de  sang  sans  lequel 
aucun  Cbrétien  ne  pourrait  être  sauvé.  Ils 
causèrent  des  séditions,  des  meurtres,  des 
pillages.  Clément  VII  condamne  cette  secte, 
les  inquisiteurs  livrèrent  au  supplice  ç^uel- 
ques-uns  de  ces   fanatiques,    les   princes 
d'Allemagne  se  joignirent  aux  évoques  pour 
ies  exterminer.  Gerson  écrivit  contre  eux, 
et  le  roi  Philippe  de  Valois  les  empêcha  de 
pénétrer  en  France.  Au  commencement  du 
XV*  siècle,  on  vit  renaître  en  Misnie,  dans 
la  Tburinge  et  la  Basse-Saxe,  des  flagellants 
entêtés  des  mêmes  erreurs  que  les  précé- 
dents. Ils  rejetaient  les  sacrements  et  tontes 
ies  pratiques  du  culte  extérienr,  fondaient 
leurs  espérances  de  salut  sur  fa  foi  et  la 
flagellation,  disaient  que  pour  être  sauvés 
c'est  assez  de  croire  ce  qui  est  contenu 
dans  le  symbole  des  Apôtres,  de  réciter 
l'oraison  dominicale  et  la  salutation  ange- 
lique,  et  de  se  fustiger  de  temps  en  temps 
pour  expier  les  fautes  commises.  (Moshbim, 
Bisi.  eeeliê.  du  xr  siicU,  iV  part.,  c.  5.) 
L'inquisition  en  fit  arrêter  un  grand  nombre, 
on  en  brûla  une  centaine,  pour  intimider 
ceux  qui  seraient  tentés  de  les  imiter  et  de 
renouveler  les  anciens  désordres. 

DicneiiN.  d'Ascétisme.  L 


:  En  Italie,  crï  Espagne,  en  Allemagne,  il  j 
a  encore  des  coutréries  de  pénitents  qui 
usent  de  la  flagellation,  mais  il5  n*ont  rien 
de  commun  avec  ies  flagellants  fanatiques 
dont  on  vient  de  parler.  Lorsque  cette 
pratique  de  pénitence  est  inspirée  par  un 
regret  sincère  d'avoir  péché,  et  |K)ur 
apaiser  la  justice  divine,  elle  est  louable; 
mais  lorsqu'elle  se  fait  en  public,  il  est 
dangereux  qu'elle  ne  dégénère  en  un  pur 
spectacle,  et  ne  contribue  en  rien  à  la  cor- 
rection des  mœurs.  Il  y  a  d'autres  moyens 
de  se  mortifier.  L'abstinence,  le  jeûne,  la 
privation  des  plaisirs,  les  veilles,  le  travail, 
le  silence,  le  cilice,  paraissent  des  mortifica- 
tions préférables  aux  flagellations. 

Le  P.  Gretser,  Jésuite,  en  avait  pris  la 
défense  dans  son  livre  De  sponianea  disci- 
plinarum  seu  flagellorum  cruce^  imprimé  i 
Cologne  en  1600.  En  1700,  l'abbé  Boileau, 
docteur  de  la  Sorbonne  et  chanoine  de  la 
Sainte-Chapelle  de  Paris,  les  attaqua  ;  mais 
son  Histoire  des  flagellaiians  scandalisa  le 
public  par  des  récits  et  des  réflexions  indé- 
cents. Thiers  fit  la  critique  de  cette  histoire 
avec  peu  de  succès;  sa  réfutation  est  faible 
et  ennuyeuse. 

FLAGELLATION.  —   Yay-    Moetifica- 

TIO!f. 

FOI  {Vertu).  —  L'Apôtre  définit  la  foi  la 
substance  des  choses  que  nous  devons  espérer^ 
c'est-à-dire  le  fondement  de  l'espérance,  la 
conviction  entière  des  choses  que  Von  ne  voit 
point  (Hebr.  xi,  1) ,  la  lumière  qui  nous 
incline  habituellement  à  croire  aux  vérités 
obscures  révélées  par  Dieu.  La  foi  est  une 
vertu  théologique,  divinement  infuse,  par 
laquelle  nous  croyons  fermement,  à  cause 
de  la  vérité  divine,  è  tout  ce  que  Dieu  nous 
a  révélé  et  qu'il  nous  a  proposé  par  son 
Eglise,  que  ces  révélations  soient  écrites  ou 
non. 

Il  nous  faut  donc  croire,  comme  vérités 
révélées  par  Dieu|,  (outes  celles  qui  nous 
sont  proposées  à  croire  par  notre  sainte 
mère,  l'Eglise  catholique  romaine,  qui  est 
l'unique  épouse  de  Jésus-Christ  et  la  co- 
lonne de  la  vérité  ;  et  il  nous  faut  les  croire, 
parce- que  c'est  Dieu,  la  souveraine  vérité, 
qui  nous  les  a  révélées.  On  peut  sur  ce  sujet 
et  sur  les  motifs  de  notre  foi  consulter  les 
ascètes,  qui  ont  traité  cette  matière,  et  entre 
autres  Jean  de  Jésus  Marie.  {Instruct.  no^ 
vit.f  c.  2.) 

'  La  foi,  base  des  autres  vertus  et  fonde- 
ment de  toute  la  vie  chrétienne,  sans  la- 
quelle personne  ne  peut  plaire  à  Dieu,  est  la 
première  vertu  à  la  pratique  de  laquelle 
nous  devons  nous  appliquer  de  tous  nos 
eflbrts,  si  nous  voulons  faire  des  progrès 
dans  la  perfection.  On  le  prouve  : 

I.  Par  l'Ecriture  sainte.  L'apôtre,  exaltant 
la  yertu  de  la  foi,  et  là  prouvant  par  l'exem- 
ple des  saints  de  l'Ancien  Testament,  dit  : 
Les  saints^  par  la  foi^  ont  vaincu  les  royau^ 
meSf  ont  accompli  les  devoirs  de  la  justice  et 
ont  reçu  l'effet  des  promesses.  [Hebr.  xi,  33.) 
Saint  Thomas  proove  que  ces  merveilles  ont 
été  spiritaollement  accomplies  par  les  saints. 


747 


FOI 


DIGTIOMMAIRE 


FOI 


7IS 


qui  par  la  foi  ont  vaincu  le  démon,  la  chair 
el  le  monde  avec  ses  royaumes.  «  Personne, 
en  effet,  ne  peut  mépriser  les  choses  présen- 
tes, sinon  aans  l'espoir  des  biens  futurs  : 
c'est  principalement  par  le  mépris  que  l'on 
triomphe  du  monde;  et  comme  c'est  la  foi 
qui  nous  montre  les  choses  invisibles,  en 
vue  desquelles  on  méprise  le. monde,  il  en 
résulte  que  c'est  notre  foi  qui  nous  fait  vaincre 
le  monde.  »  (Lect-  7.)  Nous  trouvons  encore 
dans  Mansi  [Biblioth.  wor.,  tr.  22,  dise.  3) 
de  nombreux  éloges  de  la  foi,  tirés  de  l'B- 
criture  sainte. 

II.  Par  les  saints  Pères.  «  La  foi,  dit  saint 
Jean  Chrysostome,  est  l'origine  de  la  justice, 
la  source  de  la  sainteté,  le  principe  de  la  dé- 
votion, le  fondement  de  la  religion.  Sans 
elle  on  ne  peut  rien  faire  de  méritoire  aux 
yeux  du  Seigneur;  sans  elle,  personne  ne 
peut  atteindre  au  faîte  de  la  perfeclîon.ïoutes 
les  fois  que  l'homme  est  animé  de  cette  foi, 
et  qu'il  consolide  ainsi  Talliance  conclue 
entre  Dieu  et  lui,  il  proclame  qu'il  croit  en 
Dieu,  etDieu  lui  accorde  un  gage  de  l'Esprit 
saint.  »  {Hom.f  de  fide.)  Saint  Thomas  de 
Villeneuve  dit  aussi,  en  parlant  de  la  foi  : 
a  C'est  elle  qui  fait  rejeter  aux  Chrétiens  la 
mollesse,  renoncer  à  tout  plaisir,  souffrir  et 
affronter  les  peines  et  les  fatigues.  C'est  la 
foi  qui  met  un  frein  aux  désirs  dépravés, 
qui  contraint  les  appétits  déréglés,  qui  apaise 
les  mouvements  altiers  du  cœur,  qui  atta- 
que le  vice  et  cultive  la  vertu;  c'est  elle  qui 
fouie  aux  pieds  le  luxe  et  l'indolence,  qui  fait 
supporter  le  malheur,  qui  relève  le  courage 
dans  l'adversité  et  qui  empêche  de  s'enor- 
gueillir dans  la  pros{)érité;  enQn  il  n'est  rien 
de  difficile  et  de  pénible  que  n'affronte  pour 
Dieu  celui  qui  croit  en  lui  avec  une  foi  vive.  » 
[Serm.  in  oct.  Pa$chœ.)  Remarquons  ces  mots, 
avec  une  foi  vive;  car  une  foi  morte,  oisive, 
une  foi  qui  n'est  pas  agissante  et  que  n*ac-> 
compagncnt  ni  res|)érance  ni  la  charité,  est 
sans  aucune  efficacité ,  selon  le  concile  de 
Trente  (sess.vi,  c  7).  Le  même  concile  nous 
•nseigne  encore  (c.  10)  que  les  autres  ver- 
tus, jointes  aux  œuvres,  n'ont  d'utilicé  ni 
pour  la  première  jusiiiication,  ni  pour  l'ac- 
croître en  nous,  sans  la  coopération  de  la 
foi  par  les  bonnes  œuvres.  Les  saints  Pères 
nous  ont  tous  représenté  la  foi  comme  la 
racine  et  la  cause,  comme  le  fondement  de 
tout  le  salut  de  l'homme.  Aussi  l'Apôtre  a  pu 
dire  avec  raison  :  Le  juste  qui  m'appartient 
vitra  de  la  foi.  (Hebr,  x,  38.) 

III.  Paria  raison. Car,  selon  saint  Thomas 
2-2,  q.  7,  art  82,  et  q.  8,  a.  1,  7,  8), 
e  principal  effet  de  la  foi  est  de  purifier  le 

cœur  :  Pwriâani  leurs  cœun  par  lafoilAct.  xv, 
9)  ;  ensuite  la  foi  se  fortifie  du  don  de  l'intelli- 
gence, par  lequel  le  Saint-Esprit  nous  pousse 
à  mieux  pénétrer  les  choses  de  la  foi  et  à 
demeurer  plus  fermement  attaché  à  Dieu  ; 
d'ailleurs  à  ce  don,  à  cette  foi,  ainsi  fortifiée, 
correspoad,  comme  nous  l'avons  dit,  la  pu- 
reté du  cœur,  qui  est  une  des  huit  béatitu- 
des. Enfin,  comme  le  remarque  Rossignoli 
{\.  mCkriêt.perf.y  c.  4),  la  foi,  au  degré 
parfait,  provoque  à  i*exercice  de  toutes,  les 


i 


vertus  et  actions  héroïques  qu'il  est  au  pou- 
voir de  l'homme  de  faire ,  telles  que  surtout 
lé  mépris  du  monde  et  le  renoncement  par- 
fait aux  richesses  et  à  toutes  les  choses  de 
la  terre. 

La  foi,  dans  le  degré  parfait  ei  héroïque, 
peut  se  reconnaître  par  la  profession  exté- 
rieure de  ceux  qui  croient  de  cœur,  c'est-à- 
dire  par  l'observation  des  préceptes,  par  la 
Srière,  par  la  soumission  aux  volontés  de 
>ieu,  à  l'Eglise  catholique  et  au  Pontife 
romain  son  chef  visible,  en  tout  ce  qu'il  faut 
croire  et  faire  pour  le  salut  étemel  ;  par 
l'extension  de  la  foi,  ou  du  moins  par  le 
désir  de  cette  extension;  par  la  crainte  de 
Dieu,  par  le  culte  de  Dieu  et  des  saints;  p^r 
l'horreur  du  péché  et  par  le  repentir  des 
fautes  commises;  par  la  patience  à  souffrir 
l'adversité,  par  la  joie  dans  les  bonnes  œu- 
vres, par  des  sentiments  d'humilité  et  d'ab- 
jection sur  soi-même;  enfin  par  le  martjrc 
et  les  autres  souffrances  et  persécutions  ea- 
durées  pour  la  foi.  De  même  l'habitude 
héroïque  de  la  foi  se  reconnaît  à  ces  mêmes 
actions,  quand  elles  sont  fréquemment  répé- 
tées, quand  elles  sont  faites  avec  empresse- 
ment, facilité  et  plaisir;  quand  elles  se  pro- 
duisent au  milieu  de  circonstances  telles  que, 
pour  les  accomplir,  il  faille  surmonter  des 
obstacles  et  s'élever  au-dessus  de  la  ipanière 
d'agir  habituelle  des  hommes,  même  des 
hommes  de  bien.  Ces  actions  réclament  le 
concours  d'un  don  du  Saint-Esprit;  celui  de 
l'intelligence.  Il  est  dit  en  effet  :  Je  vous 
donnerai  Vintelligence;  je  voue  enseignerqik 
voie  par  laquelle  vous  devez  marcher;  et  far- 
rêierai  mes  yeux  sur  vous.  (Ps.  xxxt,  8.) 

Les  actes  qui  font  entrer  la  foi  dans  l'âme 
du  Chrétien,  sont  : 

1*"  De  rendre  chaque  jour  ^âces  à  Dieu 
pour  le  bienfait  de  notre  vocation  è  la  foi  ca- 
tholique, et  de  le  prier  en  même  temps  (fu'il 
daigne  nous  conserver  toujours  dans  la  vé* 
ritable  foi,  jusqu'à  la  mort. 

â°  De  répéter  chaque  jour,  avec  uue 
attention  réfléchie,  le  symbole  des  apôtres, 
et  de  croire  très-fermement,  à  eaose  de  la 
véracité  infinie  de  Dieu,  tous  les  mystères 
renfermés  dans  le  symbole,  et  tout  ce  que 
r£g)ise  catholique  romaine  nous  propose  à 
croire. 

d^  De  se  rappeler  souvent  que  chacun 
doit,  avec  la  grâce  de  Dieu,  préférer  mourirf 
tout  perdre  et  tout  souffrir  ici-bas,  piutùt 
que  de  renier  ou  d'abandonner  la  foi  calVio* 
lique  romaine.  Celui  qui  m'aura  renié  devant 
les  hommes^  moi  aussi  je  le  renierai  dteant 
mon  Père.  (Matth.  x,  33.) 

4."  D'avoir  souvent  à  l'esprit  et  de  recon- 
naître la  faiblesse,  l'ignorance  et  les  ern.ur> 
de  notre  intelligence  et  de  noire  jugeuieu 
propre  ;  de  nous  rappeler  combien  de  fois  i 
nous  a  déjà  trompés,  et  que  par  conséquei.: 
il  vaut  mieux,  pouc  nous,  enchaîner  noise 
intelligence  et  notre  jugement,  nous  sou^ 
mettre  k  la  foi  chrétienne,  et  croire  simple- 
ment tout  ce  que  Dieu  nous  a  révélé,  lui 
qui  est  l'omniscience,  qui  ne  peut  ni  s% 
tromper,  ni  nous  tromper;  et  cela  avec  une 


7«9 


FOI 


irÂSCETlSME. 


roi 


7M 


pieuse  affection  de  rolonté  envers  Dieu» 
c'est-à-dire  avec  amour  pour  Dieu  »  avec 
une  Ténération  et  une  conGance  toutes 
filiales  envers  ]ul,  avec  la  plus  profonde 
estime  pour  sa  divine  omniscience*  pour  sa 
sagesse  et  sa  bonté,  avec  le  resjiect  le  plus 
humble  pour  ses  jugements  divins. 

5*  De  nous  rappeler  souvent  que  Dieu  est 
Tétre  infiniment  parfait  et  que  nous  ne  pou- 
vons avoir  qu*une  perfection  limitée  et 
qu'une  bien  faible  intelligence;  que  ses 
divins  mystères,  ses  jugements  et  ses  eau- 
vres  sont  donc  impénétrables  et  incompré- 
licnsibles  pour  nous,  el  que  nous  devons  y 
soumettre  notre  intelligence,  en  nous  écriant 
avec! 'Apôtre  :  O profondeur  des  irésors  delà 
sagesse  ei  de  la  science  de  Dieu  1  Que  ses  juge- 
ments sont  incompréhensibles  et  ses  voies  tin- 
pénélrables!(Rom.  xi,  33.) 

6*  De  ne  pas  discuter  avec  le  démon  qui 
nous  tente  sur  les  articles  de  foi,  mais  de 
croire  simplement  tout  ce  que  croit  notre 
sainte  mère  l'Eglise  catliolique  romaine,  de 
vivre  dans  cette  toi,  et  de  vouloir  mourir 
pour  elle,  avec  la  grâce  de  Dieu. 

Exerçons-nous  donc  à  pratiquer  la  foi,  non 
pas  d*une  manière  quelconaue,  mais  dans  le 
degré  parfait  et  héroïque.  Soyons  forts  iUms 
la  foi.  {IPetr.  v,  9.)  Et  pour  y  arriver,  faisons 
celte  prière  :  Seigneur^  augmentez  en  nous  la 
foi.  {Luc.  xvu,  5).  La  foi  en  effet  peut  être, 
comme  la  charité,  plus  ou  moins  parfaite, 
s^Jon  la  remarque  de  saint  Thomas  (2-2, 
q.  5 ,  a.  4) ,  c'est-i-dire  de  tout  noire 
ciMur  (Act.  viu,  37),  non-seulement  en  n'ad- 
mettant pas  la  craint^,  mais  en  s'attacbant 
aux  vérités  révélées  d'une  manière  de  plus 
en  plus  parfaite,  tant  intensive  qu'extensive. 
On  connaît  avec  la  certitude  de  l'expérience 
toute  la  différence  qui  sépare  les  Chrétiens 
parfaits  des  imparfaits,  bien  que  tous  se  glo- 
rifient de  leur  foi  et  répètent  présomptueu- 
sement'avec  saint  Pierre  :  Quand  mémo  il  me 
faudrait  mourir  avec  vous  Je  ne  vous  renierais 
point.  (Matth.  xxvi,  35.)  Mais  il  est  à  crain- 
dre que  les  imparfaits  ne  viennent  à  succom- 
ber iacilenient  quand  il  s'agit  de  prou|[er 
leur  foi;  un  trè»-grand  nombre  font  défaut 
par  les  œuvres,  et  vivent  comme  s'ils  ne 
croyaient  pas.  Les  parfaits,  au  contraire, 
montrent  en  agissant  que  leur  foi  est  vérita- 
ble, puisqu'elle  peut  produire  tant  d'œuvres 
saintes.  Aussi  s'efforcent-ils  avant  tout  de  se 
fierfectionner  dans  la  foi, afin  de  faire  des  pro- 
grès dans  toutes  lesautres  vertus  et  d  arriver 
ainsi  à  la  perfedioii.  (Voy.  Esféeaiicb.) 

I.  Le  airecteur  doit  prendre  garde  de 
tomber  dans  l'erreur  au  sujet  de  la  foi  de 
certains  pénitents,  «t  de  les  croire  entière- 
ment pnvés  de  cette  verla  théoiogique, 
lonqu  ils  en  sont  remplis.  Car  il  n'est  point 
rare  da  trouver  de  ces  Ames  vertueuses  et 
afridesde-leur  parfectiootqoi  sont  lourmen- 
lées  |)ar  de  violentes  tentations  contre  la 
foi.  Dieu  le  permettant  ainsi  pour  enraciner 
plus  profondémeot  en  elles  cette  vertu.  De 
même,  en  effet,  que  l'on  fortifie  davantage 
une  citAdelle  et  qu'on  s'efforce  de.  la  rendre 
inexpugnable  du  côté  où  les  ennemis  diri-- 


gent  leur  attaque ,'  de  même  les  Ames  pieu- 
ses, par  une  généreuse  résistance  aux  as- 
sauts de  l'ennemi  tentateur,  deviennent  plus 
fortes  dans  les  vertus  par  où  le  démon  les 
attaçjue  avec  plus  de  violence.  Voilà  pour- 
quoi on  rencontre  tant  d'âmes  timorées  qui 
sont  tellement  tourmentées  par  des  tenta- 
tions contre  la  foi,  qu'il  leur  semble,  non- 
seulement  hors  de  1  oraison,  mais  pendant 
l'oraison  même,  qu*f|  n*y  a  point  de  Dieu, 
point  de  ciel  ni  d'enfer,  et  que  les  vérités 
catholiques  ne  sont  que  des  impostures  ou 
les  rêves  de  cerveaux  malades.  Saint  Jean 
Chrysoslome  compare  ces  sortes  d'Ames  à 
un  vaisseau  battu  par  la  tempête  sur  une 
mer  orageuse  et  qui  toutefois,  avec  le  se- 
cours de  l'ancre,  se  maintient  en  sûreté. 
«  De  même,  dit-il,  que  l'ancre  tient  en  sû- 
reté et  soutient  au  milieu  de  la  mer  un 
vaisseau  açité  par  un  vent  impétueux  et 
battu  par  des  vagues  furieuses ,  de  même, 
lorsque  notre  barque  est  agitée  par  des 
pensées  étrangères,  la  foi  vient  la  délivrer 
d'un  naufrage  imminent,  et  la  conduit  <iu 
port  tranauille  d'une  adhésion  certaine  à  la 
vérité.  9  [Hom.  sur  ces  paroles  i  Habentes 

▲UTBlf  EDIIDEII  SPiaiTUM  J 

II.  Pour  obtenir  un  discernement  vrai  de 
ces  sortes  d'esprits,  le  directeur  doit  exa- 
miner si  les  pensées  qui  inquiètent  son  pé- 
nitent ont  pris  leur  source  dans  quelque 
faute  ;  s'il  ne  repousse  pas  les  doutes  qui 
s'élèvent  dans  son  esnnt,  mais  plutôt  s'y 
arrête  et  n'y  oppose  qu  un  es{>rit  chancelant 
et  incertain.  Car  dans  ce  cas  il  commettrait 
un  i^écbé  grave  d'infidélité,  puisqu'il  n'ajou- 
terait point  une  ferme  foi  à  la  parole  di- 
vine. Le  directeur  doit  donc  le  ramener  à 
la  vérité,  el  lui  rappeler  celte  sentence  de 
saint  Augustin:  «  Dans  les  choses  merveil- 
leuses, la  souveraine  raison  de  croire  est  la 
toute-puissance  du  Créateur  »  (  Lib.  xxi  De 
civ.  Dei,  c.  7);  et  cette  autre  du  même 
Père:  «  Reconnaissons  que  Dieu  peut  des 
choses  dont  nous  devons  avouer  l'incom- 

Eréhensibilité  pour  nous.  »  (/6jd).  On  fera 
ien  aussi  de  rappeler  ce  qui  est  arrivé  à  ce 
grand  docteur  :  ayant  aperçu  sur  le  rivage 
de  la  mer  un  enfant,  qui,  un  petit  vase 
d'argent  à  la  main,  s'efforçait  de  transporter 
les  eaux  immenses  de  la  mer  en  un  trou 
qu'il  avait  pratiqué  dans  le  sable,  il  se  prit 
à  en  rire;  mais  l'enlanl  lui  répondit  que  ce 
trou  si  petit  contiendrait  plus  facilement 
toute  la  mer,  que  l'intelligence  bornée  d'Au- 
gustin ne  comprendrait  le  sublime  mystère 
de  la  très-sainte  Trinité.  Le  directeur  en- 
joindra donc  à  son  pénitent  de  ne  jamais 
s'arrêter  à  ces  pensées  contre  la  foi,  de  ne 

Eoint  oublier  que  les  œuvres  de  Dieu  sont 
ien  au-dessus  de  notre  portée  ;  et  de  raffer- 
mir sa  foi  chancelante  par  une  adhésion  ferme 
aux  vérités  révélées. 

UL  Mais  si  le  directeur  remarque  que 
son  pénitent  ne  donne  aucune  occasion  à 
ce»  tentations  contre  la  foi,  mais  au  contraire 
qu'elles  s'élèvent  eu  lui  contre  sa  volonté,  et 
qu'il  en  éprouve  une  grande  peine,  unegrande 
affliction  dansje  cœur,  il  n'y  a  là  aucun  sujet 


751 


Foa 


DICTIONNAIRE 


FOR 


m 


de  crainte,  puiscjue  cette  peine  qu'il  éprouve 
est  un  signe  évident  que  sa  volonté  est  bien 
d'y  consentir,  et  que  non-seulement  il  n'a- 
dhère point  à  ces  tentations,  mais  qu'il  en 
a  plutôt  horreur.  En  ce  cas,  les  pensées  de 
doute  qui  le  tourmentent  sur  la  loi  ne  sont 
que  des  tentations  du  démon  que  Dieu  per- 
met pour  enraciner  en  lui  cette  vertu  plus 
profondément.  Il  faut  lui  conseiller  seule- 
ment de  mépriser  ces  pièges  du  démon, 
et  de  ne  pas  s'en  inquiéter  plus  qu'on  ne 
s'inquiéterait  des  folies  d'un  aliéné,  à  qui 
on  tourne  le  dos  sans  faire  la  moindre  atten- 
tion à  ce  qu'il  dit.  On  ne  saurait  croire 
combien  ce  mépris  déplaît  à  l'orgueilleux 
tentateur,  et  combien  ce  procédé  est  puis- 
sant pour  le  mettre  aussitôt  en  fuite.  Mais 
si  le  pénitent  se  sentait  pressé,  serré  de  près 
par  une  tentation  extrêmement  violente,  il 
pourrait  lui  résister  en  s'armant  d'un  acte 
de  foi  général  sur  les  vérités  révélées  de 
Dieu,  sans  en  venir  au  mystère  particulier 
sur  lequel  il  éprouve  la  tentation  :  car  il  se- 
rait dangereux  d'approfondir,  sur  le  moment 
même,  l'article  de  roi  qui  fait  Tobiet  de  la 
tentation.  Mais  le  directeur  s'attachera  sur- 
tout à  fortifier  le  pénitent  contre  ces  sortes 
de  combats,  en  lui  réprésentant  la  nécessité 
où  est  Tâme  d'éprouver  une  foule  de  tenta- 
tions et  en  particulier  celle  ckont  il  s'agit, 
avant  d'arriver  à  un  certain  degré  de  per- 
fection :  car  par  ces  épreuves  involontaires 
la  vertu  de  la  loi  devient  plus  ferme,  et  donne 
à  la  vie  spirituelle  un  plus  solide  fondement. 
Si  donc  le  directeur  rencontre  des  Ames 
violemment  agitées  par  des  pensées  contre 
la  foi,  il  les  avertira  qu'un  homme  spirituel 
ne  peut  pas  être  longtemps  en  cette  vie  sans 
éprouver  quelque  tentation.  Parce  que  vous 
étiez  agréable  à  Dieu^  disait  l'ange  à  Tobie, 
t7  a  été  nécessaire  que  la  tentation  vous  éprou- 
vât, (  Tob.  XII,  13.  )  Or,  s'il  est  nécessaire 
d'éprouver  quelque  tentation,  il  convient  de 
recevoir  en  paix  celle  que  Dieu  lui-même 
nous  envoie.  Mais  en  même  temps  il  faut 
rassurer  le  pénitent  en  lui  répétant  qu'on 
ne  commet  jamais  de  péché  grave,  tant  que 
Ton  résiste  ;  de  cette  manière,  il  prendra 
plus  d'assurance,  et  méprisera  ces  tentations 
avec  une  certaine  grandeur  d'Ame. 

FORCE  (Veriu).  —  La  force  est  une  vertu 
cardinale  qu'on  peut  définir  ainsi  :  une 
vertu  morale  perfectionnant  l'homme,  pour 
l'affermir  dans  l'ordre  de  la  raison  humaine 
et  de  la  loi  divine,  en  lui  faisant  repousser 
tout  ce  qui  peut  détruire  cet  ordre. 

La  force  chrétienne  peut  être  prise  en 
double  acception,  largement  et  strictement. 
Dans  son  acception  la  plus  large,  elle  em- 
brasse toutes  les  vertus  :  aussi,  dit  saint 
Prosper,  «  on  doit  entendre  par  force  d'Ame 
non-seulement  celle  qui  reste  inébranlable, 
raal^jré  toutes  les  aiuictioos  dont  elle  est 
assaillie,  mais  encore  celle  qui  jamais  ne 
se  laisse  prendre  aux  charmes  séducteurs 
des  plaisirs.  »  (L.  m,  c.  20).  Dans  son  accep- 
tion plus  étroite,  elle  constitue  une  vertu 
cardinale  particulière,  et  se  défmit  comme 
nous  Pavons  fait  ci-dessus. 


La  force  a  deux  fonctions.  La  première 
consiste  à  nous  faire  supporter  les  maux  et 
les  peines.  Voici  comment  l'explique  le 
Docteur  angélique  :  «  Il  faut  appeler  force 
d'Ame  celle  qui  retient  la  volonté  do  l'homme 
dans  le  bien  de  la  raison  malgré  les  plus 
grands  maux  ;  c'est  de  cette  force  que  par- 
lait Jésus-Christ  en  disant  :  Ne  craigntz 
point  ceux  qui  tuent  le  corps  et  qui  ne  peuvent 
iuer  Vàme;  mais  craignez  plutôt  celui  qui^tui 
perdre  dans  C  enfer  et  le  corps  et  Vdme.(Malth, 
X,  28.]  La  seconde  fonction  consiste  à  bra- 
ver, à  affronter  les  dangers  eux-mêmes. 
C'est  ainsi  que  David,  fort  du  nom  de  son 
Dieu,  a  marcné  contre  le  géant  Goliath,  i  â 
ce  sujet  saint  Thomas  remarque  que  cette 
fonction  de  la  force  est  sou  vent  accompagnée 
d'une  apparence  de  colère ,  qui  est  pluiôt 
l'esclave,  pour  ainsi  dire,  aue  la  maîtress} 
de  la  force.  «  Le  fort ,  oit-il ,  dans  ses 
actes,  prend  une  colère  modérée,  mais  non 
une  colère  immodérée.  »  (S -2,  q.  123, 
a.  10.) 

La  vertu  de  la  force  fait  naître  dans 
l'homme  chrétien  d'autres  vertus  morales 
très-brillantes,  qui  en  sont  en  quelque 
sorte  les  fliles,  ou  les  parties  intégranlts, 
comme  disent  les  philosophes.  En  voici 
l'explication.  La  force  ayant  surtout  pour 
objet  de  surmonter  les  dillicultcs  qui 
nous  empêchent  de  faire  le  bien,  ren- 
ferme en  elle-même  selon  la  diversilé 
des  circonstances,  diverses  variétés  d'elh- 
même  que  l'on  appelle  ses  fillet.  Km 
rencontre-t-on  quelque  difficulté  résullanl 
do  la  nature  même  et  de  la  gramicurde 
l'action?  On  lui  oppose  la  magnanimiti, 
cette  vertu  qui  incline  aux  actions  grande;? 
et  héroïques.  La  dilBculté  vient-elle  d'une 
grande  quantité  d'argent,  nécessaire  à  Ii 
perfection  de  l'œuvre,  par  exemple,  pour  la 
construction  d'une  église?  on  lui  opposa  la 
munificence  qui  incline  à  faire  extérieure- 
ment de  grandes  œuvres  par  des  dépenses 
Ïmbliques  et  considérables.  Vient-elle  de 
a  crainte  et  de  l'anxiété  intérieure,  tou- 
chant l'issue  de  l'œuvre?  on  lui  oppose /a 
paix  du  cœur  et  la  sécurité  de  Ume^  cette 
vertu  qui  nous  conduit  à  faire  les  plus  grao 

des  choses  avec  joie  et  plaisir,  avec  une 
constance  qui  ne  se  dément  jamais.  VieDl-ell4 

de  la  multitude  et  de  la  qualité  des  mauu 
souffrir  dans  l'exécution  de  l'œuvre,  on  lui 
oppose  la  patience^  cette  vertu  qui  dous/jj' 
supporter  tous  les  maux  avec  une  coura- 
geuse tranquillité.  Vient-elle  de  la  longueur 
du  temps»  on  lui  oppose  la  longnnimttf 
cette  vertu  qui  nous  fortifle  dans  l'attente. 
Vient  elle  de  la  continuation  roémederœo- 
vre,  on  lui  oppose  la  persévérana,^^^^^ 
vertu  qui  nous  invite  à  persister  malgré  les 
peines  et  les  difficultés  de  l'entreprise. 
Vient-elle  enfin  de  l'instabilité  du  cœur  hu- 
main ,  on  lui  oppose  la  constanccy  ▼ffl"JÎ?| 
donne  de  la  force  et  de  la  fermeté  i  Is  '^^^ 
reté  de  notre  caractère.  | 

,    Les  degrés  de  la  force  sont  : 

V  De  vaincre  r esprit,  de  réprimer  la  coiert, 
et  de  mépriser  les  plaisirs.  Saint  Anibroise 


iOÙ 


FOR 


DASCETISIIE. 


FOR 


751 


dtnnil  ainsi  ce  degré  :  «  Il  est  Téritablemenl 
fore,  celui  qui  se  Tainc  lui-même,  qui  re- 
tient sa  colère»  ne  se  laisse  amollir  par  au- 
cuD  attrait  séducteur,  ne  se  trouble  pas  dans 
Tadrersité»  ne  s*élève  pas  dans  la  prospérité, 
et  ne  se  laisse  pas  entratoer  à  tout  yent.  * 
{/>eo/f.,  C.36.) 

2*  D'exposer  $a  vie  au  danger^  pour  le  bien 
spirituel  et  corporel  du  prochain^  selon  ces 
[taroles  de  Jésus-Christ  :  La  plus  grande 
preuve  de  chariié  est  de  donner  sa  vie  pour 
ses  amis.  (/oati.  xy.) 

3*  De  désirer  vivement  le  marttfre  d'esprit  et 
de  cœur^  h  l'exemple  de  saint  Ignace,  martyr, 
qui,  condamné  aux  bêtes,  écrivait  aux 
Romains  :  «  Puissé-je  jouir  des  bêtes  qui 
m'attendent!...  Si  elles  ne  veulent  venir,  je 
leur  ferai  violence:  je  me  jetterai  moi-même 
dans  leur  gueule  pour  être  dévoré.  » 

4*  De  supporter  avec  courage  et  patience 
les  plus  grands  maux  et  la  mort  méme^  si 
elle  se  pre'sentait  tout  à  coup  et  à  Vimpro-- 
tiste. 

5*  Enfin,  et  c'est  là  le  degré  héroïque,  de 
souffrir  ces  maux  et  la  mort  avec  une  joie 
réelle  et  sincère^  à  l'exemple  des  apôtres, 
dont  il  est  écrit  :  Ils  sortaient  du  conseil 
touÊ  remplis  de  joie,  parce  qu'ils  avaient  été 
jugkft  dignes  de  souffrir  des  opprobres  pour  le 
nom  de  Jésus.  {Aet.  r,  41.) 

Les  défauts  contraires  à  la  force  sont  : 
1*  la  timidité,  qui  est  la  fuite  des  maux  aux- 
quels chacun  peut  et  doit  s'eiposer  en  temps 
et  lieu  ;  2*  Vintinridité  {intimiaitas),  qui  est  le 
défaut  d'une  crainte  juste  et  raisonnable; 
3*  VaudacCf  qui  consiste  à  s'exposer  témé- 
rairement au  danger.  Le  premier  de  ces  dé- 
fauts est  celui  des  hommes  qui  ne  craignent 
que  ceux  qui  tuent  le  corps;  le  secdnd  est 
celai  des  hommes  qui  ne  craignent  pas  ceux 
qui  peuvent  précipiter  l'âme  dans  l'enfer  ; 
le  troisième  consiste  à  rechercher  le  danger 
avec  une  témérité  présomptueuse. 

La  force  est  nécessaire  a  quiconque  veut 
progresser  dans  la  perfection  chrétienne. 

1.  L'Ecriture  sainte  nous  y  exhorte.  Ayez 
bon  courage  ;  le  temps  approche  auquel  Dieu 
doit  vous  guérir.  [Tob.  v,  13.)  Je  vous  chérirai^ 
Seigneur,  vous  qui  êtes  ma  force  :  te  Seigneur 
esi  mon  appui,  mon  refuge  et  mon  libérateur. 
(Ps.  XTii,  1.)  Quand  même  je  marcherais  au 
milieu  de  F  ombre  de  la  mort,  je  ne  craindrais 
poini  le  mal,  parce  que  vous  êtes  avec  moi. 
{Pm,  xxu,  4.)  Qui  nous  séparera  de  la  charité 
de  Jésus-Christ?  Sera-ce  V affliction  ou  les 
déplaisirs?...  Carjesuis  assure  que  ni  la  mort, 
ni  la  vie...,  ni  aucune  créature  ne  pourra  ja- 
nsaiM  nous  séparer  de  l'amour  de  Dieu,  qui  est 
en  Jésus-Christ  NotrC'Seigneur.  (Rom.  viii, 
35,  38  et  39.) 

l\.  Les  saintsPères  nous  le  recommandent  : 
m  La  force  des  justes  est  diSérente  de  celle 
lies  réprouvés.  La  force  des  justes,  en  effet, 
consiste  à  vaincre  la  chair,  à  contredire 
leurs  propres  volontés,  à  étouffer  les  jouis- 
sauces  de  la  vie  présente,  à  aimer  le  mal- 
heur en  vue  des  etemdles  récompenses,  à 
uiépriser  les  charmes  de  la  prospérité,  à 
suraiooter  dans  soû  cœur  la  crainte  de  l'ad- 


versité. Au  contraire,  la  force  passagère  des 
méchants  consiste  à  s'endurcir  insensible- 
ment  contre  les  châtiments  du  Créateur,  à 
ne  pas  cesser,  même  dans  l'adversité,  d'ai- 
mer les  choses  temporelles,  à  rechercher  la 
vaine  gloire  même  au  péril  de  la  vie,  à  per^ 
sécuter  et  combattre  les  gens  de  bien ,  non- 
seulement  par  leurs  discours  et  leur  con- 
duite, mais  encore  par  la  violence  ;  à  placer 
en  eux-mêmes  leurs  espérances,  à  commettre 
l'iniquité  chaque  jour.  »  (Saint  Cbégoirb, 
1.  vu  Mor.,  c.  9.)  Saint  Ambroise,  louant  la 
force  de  Job,  montre,  en  ces  termes,  la  né- 
cessité de  cette  vertu  :  «  La  vertu  du  saint 
homme  Job  a-t-elle  succombé  ?  le  vice  s'est- 
il  glissé  dans  son  cœur?  Comment  a-t-il 
supporté  la  douleur  du  froid,  de  la  faim,  de 
la  maladie?...  Les  discours  offensants  des 
trois  rois  et  les  outrages  de  ses  serviteurs 
ont-ils  excité  sà  colère?...  Qui  donc  a  été 
aussi  fort  quelesaint  homme  Job?  »  (L.  i  Off., 
c.  3.)  En  voici  la  raison.  La  voie  de  lap^i*' 
fection  est  hérissée  d'obstacles  et  de  dimcul- 
tés  de  toute  nature,  pénibles  et  souvent  dou- 
loureuses |K)ur  la  chair;  car  ceux  qui  reu- 
lent  vivre  pieusement  en  Jésus-Christ  souf- 
friront la  persécution.  La  force  est  donc 
nécessaire  a  ceux  qui  progressent  dans  cette 
voie  pour  triompher  de  tous  ces  obstacles. 

Soyons  donc  intrépides  à  combattre  Tan* 
tique  serpent,  et  nous  recevrons  le  royaume 
étemel.  Affrontons  les  difficultés,  quand 
Dieu,  ou  l'obéissance,  on  la  nécessité,  ou  la 
charité  envers  le  prochain,  ou  la  gloire  do 
Dieu,  ou  la  défense  de  la  foi,  on  notre  pro- 
pre salut,  nous  appellent  à  des  œuvres  difll- 
ciles  de  vertu,  et  croyons  (]ue  iiaiw  pouvons 
tout  en  celui  qui  nous  fortifie.  {Phit.  iv,  13.) 
Car  Dieu  est  fidèle;  il  ne  nous  laissera  pas 
tenter  au-dessus  de  nos  forces;  mais  il  nous 
fera  tirer  avantage  de  la  tentation  même ,  afin 

Su  nous  puissions  persévérer.  (/  Cor.  x,  13.) 
e  craignons  pas  ceux  qui  tuent  le  corps  et 
ne  peuvent  tuer  Vdme:  craignons  plutôt  celui 
qut  peut  perdre  dans  F  enfer  le  corps  et  Vdme. 
[Matth.  X,  28.)  Où  sont  les  Domilien,  les 
Haximien,  les  DIoclétien  et  les  autres  tyrans 
qui  tourmentaient  autrefois  si  cruellement 
les  martyrs  ?  Ils  ont  senti  le  poids  de  la  jus- 
tice divine,  après  avoir  paru  aux  yeux  du 
monde  satisfaits  et  redoutés,  tandis  que  les 
saints  martyrs  triomphent  couronnés  dans  le 
ciel.  Conservons  donc  la  patience  en  nos 
âmes,  et  soyons-y  constants  jusqu'à  la  mort, 
car  celui-là  sera  sauvé,  qui  aura  persévéré 
jusqu'à  la  fin.  {Matth.  x,  2z.}  c  Et  maintenant, 
mes  frères,  écrit  saint  Bernard,  il  ne  me 
resie  plus  qu'à  vous  exhorter  à  la  persévé- 
rance, qui  seule  mérite  la  gloire  aux  hom- 
mes et  la  couronne  aux  vertus.  Sans  la  per- 
sévérance, point  de  victoire  pour  le  com- 
battant, point  de  palme  pour  le  vainqueur* 
Elle  entretient  les  forces,  elle  est  la  nour* 
rice  du  mérite  et  la  médiatrice  de  la  récom- 
pense ;  sœur  de  la  patience,  fille  de  la  cons- 
tance et  amie  de  la  paix,  elle  est  le  nœud  des 
amitiés,  le  lien  de  la  concorde  et  le  rem- 
part du  salut.  Supprimez  la  persévérance, 
plus  do  récompense  pour  la  soumission,  plua 


735 


FOR 


DICTIONNAIRE 


Foa 


n 


de  reconnaissance  pour  les  bienfaits,  plus  de 
louanges  pour  la  force.  »  (£p.  129.) 

I.  Le  directeur  doit  se  garder  de  tomber 
dans  rillusiont  et  de  prendre  le  faux  or  pour 
de  l'or  Yéritabie,  en  s'imaginani  que  tout 
esprit  qui  supporte  avec  intrépidité  de  grands 
maax  pqssdde  dès  lors  la  vertu  de  force. 
Car,  comme  le  dit  saint  Grégoire,  il  y  a  uhe 
force  qui  est  une  vertu,  et  une  force  qui  est 
un  vice.  Voici  ses  propres  paroles  :  «  Autre 
est  la  force  des  justes,  autre  est  celle  des 
réprouvés.  La  force  des  justes  consiste  à 
vaincre  la  chair,  à  résistera  ses  propres  pas- 
sions, à  détruire  Tamour  des  plaisirs  cle  la 
vie  présente,  à  aimer  les  incommodités  et  les 
afflictions  de  ce  monde  en  vue  des  récom- 
penses éternelles,  à  mépriser  les  avantages 
flatteurs  de  la  prospérité,  et  à  vaincre  au 
fond  du  cœur  la  crainte  de  l'adversité.  Mais 
la  force  des  réprouvés  est  d*aimer  et  de  re- 
chercher sans  cesse  les  choses  qui  passent , 
de  se  rendre  insensibles, de s*enaurcir  contre 
les  fléaux  de  Dieu;  d'être  sans  cesse  tour- 
mentés par  l'amour  des  choses  temporelles 
et  par  la  crainte  de  l'adversité ,  de  parvenir 
à  une  vaine  gloire  au  danger  même  de  la 
vie;  de  mettre  le  comble  à  l'iniquité,  d'alta- 
quer  la  vie  des  hommes  vertueux,  non- 
seulement  par  leurs  paroles  et  leurs  mau- 
vais .exenoples,  mais  encore  te  fer  à  la  main; 
de  mettre  en  eux-mêmes  toute  leur  con- 
fiance, Qt,  entin,  d'entasser  chaque  jour, 
sans  SQ  lasser,  crimes  sur  crimes.»  (Àor., 
L  vu,  c.  8.),  U  est  hors  de  doute,  en  effet, 
que  les  hommes  mondains  entreprennent 
souvent  les  choses  les  plus  difflciles;  mais 
parce  que  leurs  entreprises  ne  sont  pas 
lionnes  en  elles-mêmes  et  n'ont  point  un 
motif  honnête,  leur  force  est  mauvaise  et 
ouvro  la  voie  de  la  perdition.  Le  directeur 
doit  donc  ei^n^iner  quelle  est  la  Qn  que  son 
pénitent  se  propose  en  embrassant  des  cho- 
ses difficiles  et  pénibles,  et  juger  de  là  si  sa 
force  est  digne  de  louanse  ou  de  blAme.  Si  le 
pénitententreprendavecieuetsanscraintedes 
efapsesépineusesetfortdifficiIes,ouparamour 

f»our  pieiji,  ou  par  un  motif  de  vertu,  ou  par 
edésirde  la  béatitude  éternelle,  sa  force  est 
sàinle  et  doit  être  honorée  comme  une  haute 
vertu;  mais  s'i^  entreprend  des  choses  aussi 
difficiles  par  un  motif  humain,  dans  un  but 
terrestre  et  avec  des  intentions  perverses,  sa 
force  est  un  vice.  En  ces  sortns  de  cas,  le 
directeur  doit  amener  ses  pénitents  à  diriger 
vers  les  choses  célestes  et  divines  cette 
force  qu'ils  prostituaient  auparavant  à  des 
fins  grossières  et  toutes  terrestres.  Si,  avec 
la  grâce  de  Dieu,  il  peut  réussir,  il  les  verra 
bientôt  changer  et  devenir  des  saints,  de 
criminels  qu'ils  étaient.  Si,  par  exemple,  il 
eu  voit  qui  supportent  avec  courage  et  fer- 
meté des  adversités  «lombreuses,  dans  un 
but  mondain  de  yaiao  gloire,  et  qui  pour  ce 
Til  motif  sont  prêts  à  exposer  leur  vie ,  11  doit 
mettre  tous  ses  soins  à  ce  que  ce  sentiment 
de  force  soit  employé  à  la  gloire  de  Dieu; 
et,  s*il  y  parvient,  bientôt  il  obtiendra  de  cet 
homme  une  vertu  éminenfe.  S'il  en  voit  qui 
sont  tout  entiers  occupés  à  amasser  trésors 


• 


sur  trésors,  et  qui,  pour  uû  gain  soroide, 
consument  misérablement  leur  vio  au  seia 
'de  mille  tribulations,  le  directeur  s'efforcera 
de  ctianger  cet  amour  effréné  des  richesses 
en  une  charité  active  pour  le  soulagemeol 
des  pauvres  et  un  %èh  ardent  pour  la  laa- 
jeste  du  culte  divin;  et  il  verra  oientôt bril- 
ler en  eux  une  piété  profonde.  De  même, 
s'il  en  trouve  qui,  se  livrant  à  une  étude 
0[ânifttre,  se  fatiguent  le  cerveau  pour  quel- 
que motif  terrestre,  et  qu'il  puisse  diriger 
ces  travaux  pénibles  vers  un  but  d'inlérôl 
pour  le  prochain  et  d'utilité  pour  l'Eglise,  il 
sanctifiera  cette  ardeur  pour  l'étude  et  en  fera 
une  vertu.  De  même  encore,  s'il  oblientde  ces 
courtisans  qui  passent  de  longs  jours  dans 
les  antichambres  des  rois  pour  en  solliciter 
quelque  faveur,  qu'ils  mettent  désormais 
leur  empressement  à  passer  leur  temps  dans 
la  maison  de  Dieu,  au  pied  des  autels,  pour 
obtenir  les  faveurs  du  Roi  des  rois ,  il  fera 
de  leur  constante  patience,  de  leur  pcrsé?i- 
raute  assiduité,   une  vertu  profonde,  une 

fûété  infatigable.  De  cette  manière,  ceiu 
brce  vicieuse  deviendra  une  vertu  émiucote, 
et  ce  qui  était  abominable  aux  yeux  de  Dieu 
SOI  a  désormais  agréable  à  sa  divine  majtsié. 
II.  Le  propre  de  la  vertu  de  force,  quani 
elle  s'applique  à  repousser  les  mdux  graves, 
est  de  les  attaquer  avec   hardiesse  jus(|ue 
dans  les  causes  qui  les  produisent;  de sorlc 
toutefois  que  cette  hardiesse  est  modérée  par 
la  force  :  car,  si  elle  n'a  plus  le  frein  de  Ii 
force  pour  la  diriger,  cette  hardiesse  dégé- 
nérera en  une  véritable  témérité,  a  La  force, 
dit  saint  Thomas,  modère  la  hardiesse  qui 
s'attaque  audacicusement  à  des  choses  ef 
frayantes  dans  Tespoir  de  quelque  bien.  * 
(2-2,  q.   IM,    art.   3.)  Nous   lisons  dans 
le  I"  livre  des  ifacAat^es,  gue  Joseph  el  Am- 
rie,  en  apprenant  les  glorieuses  victoiresJt 
Judas,  de  Jonalhas  et  de  Siméon,  se  seuH- 
rent  animés  d'un  vif  désir  de  moissoQoer 
autant  de  gloire,  et  s'élancèrent  sur  le  champ 
de  bataille.  Mais  le  peuple  fut  frappé f^^^ 
grande  plaie  ^  parce  que  ce»  guerriers  ném- 
tirent  plus  la  voix  de  Judas  M  de  sesfrirth 
dans  la  pensée  ^'ils  feraient  des  prodtga^ 
valeur,—  Aussi  6ien,  ajoute  le  texte  sacré»  j 
ils  n'étaient  point  de  ta  race  de  ces  héro$(l^  ' 
furent  le  salut  d'Israël.  Leur  courage  ne  ft» 
donc  qu'une  véritable  témérité,  parce  au  i|< 
ne  le  modérèrent  point  selon  les  lois  Je  [^ 
prudence.  Et  au  lieu  de  cueillir  des  lauriers» 
'  ils  ne  moissonnèrent  que  la  honte  poureut 
et  pour  le  peuple. 

Le  directeur,  rencontrera  des  pénileo» 
qui,  dans  leurs  différentes  entreprises,  p*-, 
raîtrônt  doués  d'une  force  et  d'un  courase 
héroïques ,  parce  qu'ils  n'aspirent  qu  «  ^ 
qu'il  jr  a  de  difficile,  bien  que  souvent  us  w 
connaissent  nullement  les  règles  de  la  f^ 
dence  et  de  la  modération.  Il  rencouirew 
des  femmes  qui,  au  récit  des  communaoi^ 
religieuses,  que  certainessainlesontfond^wiJ 

et  des  règles  rigoureuses  et  sévères  que'i 
leur  ont  données,  conçoitent  le  désir  artiei 
de  les  imiter.  11  rencontrera  enfin  de  ^ 
hommes   qui  voudraient  entreprendre 


787 


FOQ 


D'ASCETISME. 


FRA 


788 


suivre  lesexemples  de  cessemteurs  deDîeu, 

3ui,  pour  étendre  ia  vraie  foi,  allèreni  dans 
es  contrées  barbares,  et  donnèrent  leur  vie 
pour  la  cause  de  la  religion;  ou  bien  qui 
voudraient,  à  Teiemple  des  saints  anacho- 
rètes, s*enfoncer  dans  les  déserts  les  plus 
solitairest  et  y  passer  toute  leur  vie,  bien 

Ja'il  leur  manque  la  vigueur  de  Tftme  et  les 
ons  de  la  nature  nécessaires  pour  de  telles 
œuvres,  et  bien  qu*il  n'j  ait  pas  même  moyen 
de  les  entreprendre.  Que  le  directeur  se 
contente  de  leur  dire  au'ils  ne  sont  pas  de  la 
rsce  de  ces  hommes  iilastres,  et  que  le  peu 
de  force  qui  leur  a  été  donnée  par  la  bonté 
divine,  ils  doivent  remployer  à  se  vaincre 
eux-mômis,  à  modérer  leurs  volontés  pro- 
fères, à  résister  aux  assauts  du  démon,  et  à 
faire  (Usparaltre  les  obstacles  qui,  dans  l'état 
où  Dieu  les  a  placés,  les  empêchent  de  faire 
des  progrès  dans  la  perfection.  Il  ajoutera 
que,  s'ils  mettent  fidèlement  toutes  ces  choses 
en  pratique,  ils  auront  beaucoup  fait,  sans 
avoir  besoin  d*aspirer  à  des  œuvres  au-des* 
sus  de  leurs  forces. 

m.  Le  directeur  doit  remarquer  que  les 
femmes  ont  un  besoin  tout  particulier  de  la 
vertu  de  force.  Car  comme  elles  sont  crain- 
tives de  leur  nature,  et  qu'elles  sont  ordi- 
nairement d'un  caractère  faible  et  porté  au 
décoaragement,  il  arrivera  bientôt,  si  elles 
ne  sont  soutenues  de   la  vertu  de  force, 
qu'elles  se  lasseront  et   s'étoigneront  du 
chemin  de  la  pe  feclion  chrétienne.  Le  di- 
recteur trouvera  un  grand  nombre  de  per- 
sonnes de  ce  sexe  qui  embrasseront  d*abord 
avec  ferveur  une  vie  pieuse  et  vraiment  spi- 
rituelle; mais  il  en  rencontrera  peu  qui  y 
feront  un  notable  progrès.  La  moindre  per- 
sécution,  le  moindre  respect  humain  suffi- 
ront poor  leur  ôter  tout  courage  et  pour  faire 
disparaître  tout  leur  zèle.  Cependant  que  le 
directeur  ne  les  abandonne  point,  mais  qu'il 
tâche  de  les  affermir  dans  la  vertu  de  force, 
en  leur  insfrirant  à  la  fois  la  crainte  de  Di^u 
et  la  conQance  en  sa  booté  infinie.  D'ailleurs, 
qaelaue  faible  aue  soit  leur  sexe,  quelque 
porte  qu'il  soit  a  la  crainte,  il  est  toutefois 
susceptible  d'aimer  avec  force,  et  cet  amour 
fOur  Dieu,  prenant  dans  leurs  cœurs  de  pro- 
fondes racines,  non-seulement  corrigera  la 
f  liblessede  leur  caractère,  mais  les  rendra 
même  fortes  et  pleines  de  courage  pour  le 
sorvice  de  Dieu.  Aussi  est-il  bon  de  remar- 
quer que  les  femmes  choisies  de  Dieu  pour 
«les  œuvres  difficiles  et  grandes,  telles  que 
sainte  Catherine  de  Sienne,  sainte  Thérèse, 
et  d'autres  héroïnes  de  ce  genre,  ont  été  d'a- 
I>ord  inondées  des  faveurs  célestes  et  em- 
brasées d'un  ardent  amour  pour  Dieu;  et 
c*ost  par  le  que  Dieu  les  a  préparées  à  ses 
^mods  desseins  sur  elles.  C  est  par  la  même 
voie  auasi  qu'un  directeur  zélé  obtiendra, 
des  femmes  qu'il  dirige,  une  activité  toute 
de  feu,  une  lorceà  toute  épreuve,  et  d'im- 
menses progrès  dans  la  perfection. 

FODRIBR  DB  KIATAINCODRT  (Pierre) 
naquit  à  Mirecourt  en  1S65.  il  entra ,  jeune 
encore ,  chez  les  chanoines  réguliers  et  se 
distingua  par  son  savoir  et  sa  piété,  il  de- 


vint ensuite  curé  de  Mataincourt,  en  L.or- 
raine.  Il  établit  deux  nouvelles  congréga- 
tions, l'une  de  chanoines  réguliers  réformés, 
destinés  en  même  temps  à  l'enseignement , 
et  l'autre  de  religieuses  pour  l'instruction 
des  jeunes  ûlles.  Le  Pape  Paul  Y  approuva 
ces  deux  établissements  en  1615  et  1616.  P. 
Fourier  mourut  saintement  en  16i0.  H  a 
été  béatifié  en  1730.  On  a  de  lui  plusieurs 
ouvrages  de  piété  et  des  exercices  chrétiens 
pour  les  ieunes  gens,  et  «ntre  autres,  la 
Conduite  Chrétienne.  Le  R.  P.  Lacordaire  a 

E renoncé,  en  18S3,  un  panégyrique  du  bien- 
eureux  Fourier. 

FRAIN  (Jean),  seigneur  du  Tremblay,  né 
à  Angers  en  16U  ,  membre  de  l'Acadéraie 
de  cette  ville ,  mourut  en  172^.  On  a  de  lui 
plusieurs  traités  de  morale  solidement 
écrils  :  1*  Traité  de  la  vocation  chrétienne 
des  enfanté  ;  —  2*  Traité  de  la  confiance  «i 
Diêu. 

FRANÇOIS  D'ASSISE  f  Saint  j  naquit  à 
Assise,  en  Ombrie,  Tan  1182.  On  le  nomma 
Jean  au  baptême  ;  mais  depuis  on  y  ajouta 
le  surnom  de  François^  à  cause  de  sa  faci- 
lité à  parler  la  langue  française,  nécessaire 
alors  aux  Italiens  poor  le  commerce,  auquel 
son  père  le  destinait.  Jean  n'avait  d'attrait 
que  pourra  piété.  11  quitta  la  maison  pater- 
nelle et  fonda  ,  en  1210,  l'ordre  des  Frères 
Mineurs ,  après  avoir  fait  approuver,  par  le 
Pape  Innocent  III,  la  règle  qu*il  leur  donna. 
Cette  nouvelle  famille  se  multiplia  tellement 
qu'au  premier  chapitre  générai  qu'il  tint 
proche  d'Assise,  en  1219,  ilse  trouva  prèsde 
cinq  mille  Frères  Mineurs.  Ce  fut  vers  le 
même  temps  que  François  passa  en  Terre- 
Sainte  et  se  rendit  auprès  du  sultan  Hélédin 
pour  le  convertir.  Revenu  en  Italie,  il  ins- 
titua le  Tiers-Ordre.  Retiré  sur  une  des  plus 
hautes  montagnes  de  l'Apennin,  il  vit  un 
Séraphin  crucifié  qui  lui  perça  les  pieds»  les 
mains  et  le  cdié  droit  ;  et  il  en  porta  les  stig- 
mates le  reste  de  sa  vie.  Il  mourut  deux  ans 
après  à  Assise ,  en  1226 ,  âgé  de  quarante- 
ciuq  ans.  On  a  de  lui  deux  Règles  et  quel- 

Îues  Opuscules  de  piété,  1739,  in-folio.  Les 
rères  Mineurs  se  divisèrent  plus  tard  et 
formèrent  les  différentes  brancnes  des  Ca- 
pucins, des  Récollets,  des  Observantins  et 
des  Picnus 

FRANÇOIS  DBPAULE(Sainl),fondateurde 
l'ordre  des  Minimes,  nac|uit  h  Paule,'enCala- 
bre,  en  H16.  Un  attrait  singulier  pour  la 
solitude  et  pour  la  piété  le  conduisit  dans  un 
désert  au  bord  de  la  mèr,  et  il  se  creusa  une 
cellule  dans  le  roc.  Son  exemple  et  la  répu- 
tation de  sa  sainteté  attirèrent  bientôt  près 
de  lui  une  fouie  de  disciples  qui  bfltirent  un 
monastère  auprès  dé  son  ermitage.  Il  leur 
donna  une  Règle ^  approuvée  par  Alexan- 
dre VI  et  confirmée  par  Jules  II.  Le  nom  du 
saint  fondateur  se  répandit  en  France  avec 
le  bruit  de  ses  vertus.  Louis  XI,  dangereu- 
sement malade ,  le  fit  venir  auprès  de  lui, 
espérant  obtenir  sa  guérison  par  ses  priè- 
res. Le  saint  exhorta  ce  prince  è  se  ^rèoêr 
rer  à  la  mort  par  le  repentir.  François  éta- 
blit quelques  maisons  en  France,  et  mourut 


7£»9 


FRÂ 


DICTiONJ^ÀIRE 


FRA 


m 


daus  l'une  d'elles,  à  Plessîs-du-Porc,  en 
1507. 11  fui  canonisé  en  1519  par  Léon  X. 

FRANÇOIS  DE  SALES  (Saint),  né  au  châ- 
teau de  Sales  9  diocèse  de  Genève,  en  1567, 
fit  ses  premières  études  à  Paris,  et  son  droit 
à  Padoue.  Il  édifia  ces  deux  villes  par  sa 
piété  aussi  douce  que  tendre.  D'abord  avo- 
cat à  Chambéry ,  puis  prévôt  d'Annecy ,  il 
devint  évêque  de  Genève ,  après  la  mort  de 
Claude  Garnier ,  son  oncle,  en  1602. 11  tra- 
vailla avec  zèle  et  avec  un  immense  succès 
è  la  conversion  des  calvinistes.  Il  institua , 
en  1610,  Tordre  de  la  Visitation,  dont  la  ba- 
ronne de  Chantai  (sainte  Jeanne-Françoise 
Frémiot)  fut  la  première  supérieure.  Cette 
congrégation  fut  érigée  en  titre  d'ordre  et 
de  religion  par  le  Pape  Paul  Y,  en  1618. 
François  avait  refusé,  sous  Henri  IV,  un 
évêché  en  France  et  la  coadjutorerie  de  Pa- 
ris. Il  mourut  le  28  décembre  1622,  à  Lyon, 
où  l'avait  appelé  le  duc  de  Savoie,  qui  de- 
vait voir  Louis  XIII.  On  a  la  Yie  de  saint 
François,  écrite  par  Marsoliier,  en  2  vol.  in- 
12  ;  et  son  Esprit  par  Le  Camus,  évoque  de 
Belley,  son  intime  ami.  Ses  ouvrages  ascé- 
tiques montrent  ce  qu'il  était,  une  de  ces 
fimes  tendres  et  sublimes ,  nées  pour  la 
vertu  et  pour  la  piété ,  et  destinées  par  le 
ciel  à  inspirer  l'une  et  l'autre  ;  la  candeur , 
l'onction  qu'ils  respirent  les  rend  délicieux 
même  è  ceux  que  les  lectures  de  piété  en- 
nuient le  plus.  Les  principaux  sont  :  1"*  In- 
iroduction  à  la  vie  dévote  ;  —  2*  Traité  de 
V amour  de  Dieu;  —  3"  Lettres  spirituelles. 
Les  œuvres  de  saint  François  ont  été  re- 
cueillies en  2  vol.  in-fol. 

FRANÇOIS  DE  BORGIA  (Saint) ,  vice-roi 
de  Catalogne ,  entra  chez  les  Jésuites  après 
la  mort  de  sa  femme ,  et  en  fut  le  troisième 
général.  Il  mourut  è  Rome  en  1572 ,  flgé  de 
soixante-deux  ans.  11  fut  canonisé  en  1671 , 
par  Clément  X.  On  a  de  lui  plusieurs  ouvra- 
ges de  piété,  traduites  de  l'espagnol  en  la- 
tin, Bruxelles,  1675,  in-fôl. 

FRANÇOIS-XAVIER  ( Saint)?,  surnommé 
Y  Apôtre  des  Indes  f  naquit  au  château  de 
Xavier ,  au  pied  des  Pyrénées ,  en  1506.  Il 
enseignait  la  philosophie  au  collège  de  Beau- 
vais,  a  Paris,  Jorsquil  connut  saint  Ignace 
de  Loyola ,  le  célèbre  fondateur  des  Jésui- 
tes. Il  s'unit  à  lui,  et  fit  vœu  à  Montmartre, 
en  153^.  En  15&1 ,  il  s'embarqua  à  Lisbonne 
pour  les  Indes  Orientales»  en  qualité  de  mis- 
sionnaire. De  Goa ,  où  il  se  fixa  d'abord ,  il 
répandit  la  lumière  de  l'Evangile  à  Halaca, 
aa  Japon,  etc.  Après  avoir  oçéré  une  multi- 
tude incroyable  de  conversions,  il  mourut 
en  1SS2,  à  l'Age  de  quarante-six  ans,  dans 
rtle  de  Sancian,  à  la  vuede  la  Chine,  où  il 
brûlait  de  porter  la  foi.  Il  fut  canonisé  en 
1622  par  Grégoire  XV.  On  a  de  saint  Fran- 

Î ois-Xavier  :  1"  cinq  livres  (ÏEpitres  ;  Paris, 
631,  in -8*  ;  —  2-  un  Catéchisme;  —  3»  des 
Opuscules.  Ces  ouvrages  respirent  le  zèle  le 
plus  animé,  la  piété  la  plus  tendre,  un  juge- 
ment sûr  et  solide.  Le  P.  Bouhours  a  écrit 
la  Yie  du  saint. 

FRANÇOIS  (Dom  Philippe),  dont  le  vrai 
.nom  était  Philippe  Collard,  naquit  à  Luné- 


ville,  en  1579,  et  n'avait  que  dix  ans  lors- 
que l'abbé  de  Senones ,  Lignarius ,  son  pa- 
.rent,  le  prit  dans  son  monastère,  lai  donna 
l'habit  religieux  et  le  plia  h  la  règle  de  Saint- 
Benoit,  dans  l'intention  d'en  faire  son  coad- 
juteur.  H  fit  ses  études,  avec  succès, dans 
l'Université  de  Pont-à-Mousson.  En  1603,  il 
se  rendit  à  Saint- Vannes ,  où  il  s'engagea 
par  des  vœux  Tannée  suivante.  On  l'envoya 
professer  la  philosophie  et  la  théologie  à 
Saint-Michel.  Rappelé  à  Saint-Vannes, il 7 
fut  maître  des  novices.  Nommé  visitearea 
1609,  prieur  de  Saint -Airy  de  Verdun,  en 
1612,  il  fut  élu  abbé  de  ce  monastère  quel- 

Sue  temps  après.  Enfin  il  devint  président 
e  la  congrégation  en  1622,  et  mourut  à 
Saint  -Airy,  le  27  mars  1625.  Ses  ouvrages 
ascétiques  sont  :  l""  Trésor  de  per/ec/tofi,etc.; 
Paris,  1615,  k  vol.  in-12;  —  2*  La  Guida 
spirituelle  pour  les  novices,  ibid.,  1616,  in-12; 

—  S'' Le  noviciat  des  Bénédictins^  etc.;  in-ii; 

—  k'' Renouvellement  spirituel  nécessaire  aux 
Bénédictins  ;  —  5*"  Les  Exercices  desnovicti; 

—  6*  Enseignement  tiré  de  la  règle. 
FRATICELLES  (petits-frères)  .  —  Ce  nom 

fut  donné,  sur  la  fin  du  xiii*  siècle,  à  des 

Zuôteurs  vagabonds  de  différentes  espèces. 
es  uns  étaient  des  Franciscains  oui  se  sép 
rèrent  de  leurs  confrères  dans  le  dessein, 
ou  sous  prétexte,  de  pratiquer  dans  toute  la 
rigueur  la  pauvreté  et  les  austérités  com- 
mandées par  la  règle  de  leur  fondateur;  ils 
étaient  couverts  de  haillons,  ils  quêtaient 
leur  subsistance  de  porte  en  porte,  ils  di- 
saient  que  Jésus-Christ  et  les  apôtres  n'a- 
vaient rien  possédé  ni  en  propre,  ni  en 
commun  ;  ils  se  donnaient  pour  les  seals 
vrais  enfants  de  saint  François;  Les  autres 
étaient,  non  des  religieux,  mais  des  associés 
du  tiers  ordre  que  saint  François  avait  ins- 
titué pour  les  laïques.  Parmi  ces  tertiaires, 
plusieurs  voulurent  imiter  la  pauvreté  des 
religieui  et  demander  Taumdne  comme  eui; 
on  les  nommait,  en  Italie,  Bixochi^  omBo- 
casoti,  ou  Besaciers;  comme  ils  se  répandirent 
bientôt  hors  de  Tltalie,  on  les  nomma  en 
France  Béguins^  et  en  Allemagne  Beggords. 
Il  ne  faut  pas  pourtant  les  confondre  arec 
les  Béguins  flamands  et  les  Béguines,  dont 
Torigine  et  la  conduite  sont  très-louables. 
{Voir  Begoards.} 

Pour  avoir  une  juste  opinion  des  Frati- 
celles,  il  faut  savoir  ({ue  très-peu  de  temps 
après  la  mort  de  saint  François,  un  grand 
nombre  de  Franciscains,  trouvant  leur  règlo 
trop  austère,  se  rel&chèrent  en  plusieurs 
points,  en  particulier  sur  le  vœu  de  paufrelé 
absolue,  et  ils  obtinrent  de  Grégoire  IX, 
en  1231,  une  bulle  qui  les  autorisait.  En  12^ 
Innocent  IV  la  conGrma;  il  permit  aux 
Franciscains  de  posséder  des  fonds,  sous 
condition  qu'ils  n  en  auraient  crue  Tusagei  el 
que  la  propriété  en  appartiendrait  à  rBg»se 
romaine.*  Plusieurs  autres  Papes  approuvè- 
rent ce  règlement  dans  la  suite. 

Mais  il  déplut  à  ceux  d'entre  ces  religieux 
qui  étaient  le  plus  attachés  à  leur  règle;  1» 
voulurent  continuer  à  l'observer  dans  toute 
la  rigueur,'  on   les  nomma  les  spirituels? 


7CI 


FRA 


D'ASCETISME. 


FOL 


76S 


mais  tons  ne  furent  pas  également  modérés. 
Les  uns,  sans  blâmer  les  Papes,  sans  se  ré- 
Yoiter  contre  les  bulles,  demandèrent  la  per- 
mission de  pratiquer  la  règle»  et  surtout  la 
fauvreté  dans  toute  la  rigueur  ;  plusieurs 
apes  y  consentirent,  et  leur  laissèrent  la 
l.berté  de  former  des  communautés  particu- 
lières. D'autres,  moins  dociles  et  d*un  carac- 
tère fanatique ,  déclamèrent  non-seulement 
contre  le  relâchement  de  leurs  confrères» 
mais  contre  les  Papes,  contrel'EgJise  romaine 
et  contre  les  évéqnes.  Ils  adoptèrent  les 
rêveries  qu'un  certain  abbé  Joachim  avait 
publiées  dans  un  livre  intitulé  ]  Evangile 
étemel,  où  il  prédisait  gue  l'Eglise  allait 
être  incessamment  réformée,  que  le  Saint-Es- 
prit allait  établir  un  nouveau  règne  plus 
parfait  que  celui  du  Fils  ou  de  Jésus-Christ. 
Les  Franciscains  révoltés  s'appliquèrent 
cette  prédiction,  et  prétendirent  que  saint 
François  et  ses  fidèles  disciples  étaient  les 
instruments  dont  Dieu  voulait  se  servir  pour 
opérer  cette  grande  révolution. 

Ce  sont  ces  insensés  que  Ton  nomme  Fra- 
iicelles.  La  plupart,  très-ignorants,  faisaient 
consister  toute  la  perfection  chrétienne  dans 
la  pauvreté  cynique  et  dans  la  mendicité 
dont  ils  faisaient  profession.  A  cette  erreur, 
ils  en  ajoutèrent  encore  d'autres,  et  l'on  pré- 
tend que  c|uelques-uns  en  vinrent  jusqu'à 
nier  I  utilité  des  sacrements.  Il  est  cons- 
tant qu'un  grand  nombre  étaient  des  sujets 
YÎcieux,  dégoûtés  de  leur  étal,  préférant  une 
Tie  ragaboude  à  la  gène  et  à  la  régularité 
d'une  vie  commune;  aussi  plusieurs  donnè- 
rent dans  les  plus  grands  uésordres,  et  fini- 
rent par  apostasier.  Malheureusement,  par 
la  mauvaise  police  qui  régnait  alors  dans 
l'Europe  entière,  cette  race  libertine  se  per- 
pétua, causa  du  trouble  dans  l'Eglise,  et 
donna  de  l'inquiétude  aux  souverains  pon- 
tifes pendant  plus  de  deux  siècles.  On  fut 
oblige  de  poursuivre  avec  rigueur  les  Frati- 
celies  à  cause  de  leurs  crimes,  et  d'en  faire 
périr  un  grand  nombre  dans  les  supplices. 

Oo  a  voulu  persuader  qu'au  xiv*  siècle  on 
condamnait  au  feu  les  Fraticelles  pour  leur 
opinion  seule^et  parce  qu'ils  soutenaient 
que  Jésus-Gbnst  et  les  apôtres  n'avaient 
rien  possédé  en  propre  ;  c'est  une  imposture. 
On  les  punissait  de  leur  conduite  séditieuse. 
L'empereur  Louis  de  Bavière  ne  fut  pas 
plutôt  brouillé  avec  le  Pape  Jean  XXII,  que 
les  chefs  des  Fraticelles  se  réfugièrent  auprès 
de  lui,  et  continuèrent  à  outrager  ce  Pape 
l»ar  des  libelles  violents.  L'an  1328,  ils  se 
rangèrent  du  parti  de  Pierre  de  Corbière, 
Franciscain,  que  l'empereur  avait  fait  élire 
antipape,  pour  l'opposer  à  Jean  XXII.  Si 
donc  ce  Pape  les  poursuivit  à  outrance,  ce 
ne  fut  pas  pour  de  simples  opinions. 

Quelques  beaux  esprits  incrédules  on( 
Youitt  jeter  du  ridicule  sur  le  fond  de  la 
contestation;  ils  ont  dit  qu'elle  consistait  à 
saToir  si  ce  que  les  Franciscains  mangeaient 
leur  appartenait  en  propre  ou  nom,  et  quelle 
devait  être  la  forme  de  leur  capuchon.  C'est 
une  plaisanterie  déplacée.  Il  s'agissait  de 
savoir  si  ces  religieux  pouvaient,  sans  violer 


la  règle  qu'ils  avaient  fait  vœu  d'observer, 
posséder  quelque  chose  en  propre  ou  en 
commun,  et  s*ils  étaient  obligés  de  conser* 
ver  l'habit  des  pauvres,  tel  que  saint  Fran- 
çois l'avait  porté.  Cette  question  n'aurait  eu 
rien  de  ridicule  si  elle  avait  été  traitée  de 
])art  et  d'autre  avec  plus  de  décence  et  de 
modération. 

En  effet,  l'habit  des  Franciscains,  qui  nous 
parait  aujourd'hui  si  bizarre,  était  dans  l'ori- 
gine celui  des  pauvres  ouvriers  de  la  Cala- 
bre,  une  simple  tuniaue  de  gros  drap  qui 
descendait  jusqu'au-aessous  du  genou,  et 
qui  était  liée  sur  les  reins  par  une  corde  ; 
un  capuchon  attaché  è  celte  tunique  pour  se 
parer  la  tête  du  soleil  et  de  la  pluie  ;  il  n'é- 
tait pas  possible  d'être  vêtu  plus  pauvre- 
ment. On  sait  que  dans  les  pays  chauds  le 
peuple  marche  pieds  nus,  et  il  en  est  de 
même  dans  nos  campagnes  pendant  les  cha- 
leurs de  l'été.  Sur  les  côtes  de  l'Afrique, 
tout  le  vêtement  d'un  jeune  homme  du  peu- 

f^le  consiste  dans  un  morceau  de  toile  carré, 
ié  autour  de  son  corps  par  une  corde  ;  l'ha- 
bit du  peuple  de  Tunis  ressemble  exactement 
Kur  la  forme  h  celui  des  Capucins.  Dans  la 
dée,  les  jeunes  gens  étaient  vêtus  comme 
les  jeunes  Africains,  (ilfarc.  xiv,  51;  Joan» 
xxi,7.)  En  Egypte,  ils  n'ont  d'autre  yêtement 
avant  l'âge  de  dix-huit  ans,  et  les  solitaires 
de  la  Thébaïde  ne  couvraient  que  la  nudité. 
Il  en  est  de  même  dans  les  Indes,  et  c'est 
pour  cela  que  les  sages  de  ce  pays  ont  été 
appelés  GymnosophisteSf  philosophes  sans 
habits.  Il  n  r  avait  donc  rien  d'affecté,  rien 
de  bizarre  dans  celui  de  saint  François.  Les 
Franciscains  mitigés  voulurent  en  avoir  un 
plus  propre,  plus  commode,  un  peu  plus 
mondain  :  les  spirituels  ou  rigides  voulaient 
conserver  celui  de  leur  fondateur. 

FRUITS  DD  SAINT-ESPRIT.  —  Yoy.  Es- 
pbit-Saint. 

FUITE  DES  OCCASIONS  DU  PÉCHÉ.  — 
Une  des  précautions  que  les  auteurs  ascéti- 
ques et  les  directeurs  de  conscience  recom- 
mandent le  pins  aux  pénitents,  est  de  fuir 
les  occasions  qui  leur  ont  été  funestes  ;  les 
lieux,  les  personnes,  les  objets,  les  plaisirs 
pour  lesquels  ils  ont  eu  une  affection  déré- 
glée. Ce  n'est  point  là  un  simple  conseil, 
mais  un  devoir  indispensable,  sans  lequel  un 
pécheur  ne  peut  pas  se  flatter  d'être  con- 
verti. Le  cœur  n'est  pas  détaché  du  péché 
lorsqu'il  tient  encore  aux  causes  de  ses 
chutes  ;  et  s'il  ne  dépend  pas  absolument  de 
lui  de  ne  plus  les  aimer,  il  est  du  moins  le 
maître  de  ne  plus  les  rechercher  et  de  s'en 
éloigner.  Un  Chrétien  qui  a  fait  l'expérience 
de  sa  pro[)re  faiblesse,  doit  craindre  jusqu'au 
moindre  danger;  des  choses  qui  peuvent 
être  innocentes  pour  d'autres  ne  le  sont  pas 
pour  lui.  ^Ecclésiastique  nous  dit  que  celui 

Ïui  aime  le  péril  y  périra  (m,  27).  Jésus- 
hrist  nous  ordonne  d'arracher  l'œil  et  de 
couper  la  main  qui  nous  scandalise,  c'est-à« 
dire  qui  nous  porte  au  péché.  (Matth.  y,  29): 
FULGENCE  (Saint)  [Fabius-Claudianus- 
Gordianus  Fulgentius]f  né  en  Afrique,  vers 
468,  de  parents  nobles,  quitta  le  monde,  où 


76S 


GIR 


MCTIOtOiAIBB 


GNO 


764 


il  aarait  pu  briller  par  ses  talents,  pour  s'en* 
fermer  dans  un  monastère.  Il  fut  ordonné 
prêtre  à  Rome  en  500,  et  évéque  de  Raspe, 
en  Afrique,  en  508.  Sou  zèle  eontre  Tariih 
nisme  déplut  à  Trasimond ,  roi  des  Vandales, 

3ui  l'exila  en  âardaigue.  Hildéric,  successeur 
e  Trasimond»  le  rappela  en  538.  Pendant 


son  exil,  saint  Fnigenee  arait^composé  plo* 
sieurs  ouvrages  de  piété,  publiés  en  1684, 
in-4%  à  Paris,  par  le  P.  Sirmond.  Le  princi- 
pal livre  du  saint  éyèque  çst  son  Traité (U 
la  prédestination  de  la  grâce.  II  mounit 
en533. 


G 


GABRIELLE  DE  BOURBON,  fille  de 
Louis  i*',  de  Bourbon ^  comte  de  MoQtpensier, 
épousa,  en  1485,  Louis  de  la  Trémouille,tué 
à  la  bataille  de  Pavie,  en  1525.  Elle  mourut 
au  cbftteau  de  Thouars,  en  Poitou,  en  décem- 
bre 1516.  On  a  d'elle  plusieurs  ouvrages  de 
piété,  et,  entre  autres  :  l**  LtMlrurlion  des 
jeune. 
Espru^ 
conlemplali 
avait  autant  de  vertu  que  d*e$prit. 

GÉRARD  LE  GRAND,  célèbre  par  ses  ver- 
tus, ses  écrits  et  ses  sermons,  naquit  à 
Deventer  en  1340,  et  mourut  en  138ft,  à 
quarante-quatre  ans.  il  iusiitua  les  Clercs  ré«. 
guliers,  appelés  les  Frères  de  la  vie  commune. 
il  donna  pour  directeur  à  ses  disciples  Flo- 
rent Radewyns,  de  Deventer,  qui  a  été  le 
maître  spirituel  de  Thomas  A'Kempis.  Nous 
ayons  de  Gérard  plusieurs  ouvrages  de 
piété,  dont  quelques* uns  sont  imprimés 
parmi  les  œuvres  de  Thomas  A'Kerapis. 

GERSON  (Jean),  né  dans  un  petit  village 
du  diocèse  de  Reims,  devint  chevalier  de 
TEgl^se  çle  Paris.  Il  assista  au  concile  de 
Constance,  où  il  se  distingua  par  plusieurs 
discours.  Les  aipis  de  la  vie  contemplative 
trouvent  on  lui  un  maître  qui  leur  offre  de 
bons  el  nombreux  ouvrages.  Ils  s'adressent 
surtout  aux  religieux  el  aux  directeurs  des 
âmes.  Voy.  Calai. 

GERSON  (De),  Bénédictin  de  Verceil,  au- 

Îuçl  certains  critiques  ont  attribué  VTmitation 
3  Jésus-Christ.  "Voy,  Imitation.  {Bibliog.) 
GILDAS  (Saint),  surnommé  le  Sage^  né  k 
Dumbriton,  en  Ecosse,  Tan  520,  f)rôcba  eii 
Angleterre  et  en  Irlande,  et  y  rétablit  la  pu- 
reté de  la  foi  et  delà  discipline.  Il  passa  en- 
suite en  France,  e^  s'établit  auj)rès  de  Van- 
nes, où  ilbAtil  le  monastère  de  Rhuys.  U  en 
fut  abbé,  et  y  mourut  le  29  janvier  570  ou 
581.  U  reste  de  lui  Quelques  canons  dedisci-- 
plinè^  insérés  dans  le  SpiciUgs  de  dom  Luc 
d*Achery,  et  ua  Discours  sur  la  ruine  de  la 

Grande-Bretagne^  dans   la  Bibliothèque  des 
Pères, 

GIRARD  DE  VlLLETHÉRY  (Jean),  prêtre 
de  Paris,  mort  en  1709,  âgé  de  soixante-huit 
ans,  enrichit  TEglise  d'un  grand  nombre  de 
livres  de  piété.  Ses  traités  recueillis  pour-r 
raient  composer  un  corps  de  morale  prati- 
que pour  toutes  les  conditions  et  tous  les- 
étals.  Il  appuie  ce  qu'il  dit,  non-seulement 
par  les  principes  de  la  raison,  mais  aussi 
Ijar  1  Ecciture  sainte,  par  les  Pères  et  par  les^ 
cojsciles. .  Ses  principaux  ouvrages  sQnt*: 


1"  Le  véritable  pénitent  ;  —  2"  le  chemin  du 
ciel  ;  —  ^  La  vie  des  vierges  ;  —  V  Celle  du 
gens  mariés,  f  des  veuves^  des  religieux,  da 
religieuses  j  des  richefi  et  des  paimes;  - 
5"*  ta  vie  des  sainU;  —  6°  La  vie  des  dmr, 
—  7»  Traité  de  la  vocation  ;  —  8*  Le  Ckrétim 
étranger  sur  la  terre  ;  —  9"  Traité  de  la  flat- 
terie: —  lO"  Traité  de  la  médisance  ;  — U»  La 
vie  deJésuS'Xhristdans  V Eucharistie; —X^U 
Chrétien  dans  la  tribulation;  —  13*  Jroii^ 
des  églises  et  des  temples; —  ik*  Traité  du  w- 
pect  dû  aux  églises;  —  15**  La  vie  de  iawt 
Jean  de  Dieu  ;  —  16"  Traité  des  vertus  théolo- 
gales; —  iT  La  vie  des  justes. 

GIftADDEAU  (Ronaventure),  Jésuite,  né 
k  Saint- Vincent-sur-Jard,  en  Poitou,  mourut 
en  177iiii,  flgé  de  soixante-dix-sept  ans,  après 
avoir  publié  quelques  ouvrages.  On  a  de  lui, 
entre  autres,  L'Evangile  médité^  Vîl^,  13  vol. 
in-12.  Ce  livre  do  piété  a  eu  du  succès. 

GNOSIMAQUES.  —  Certains  hérétiques, 

Îui  bl&maient  les  connaissances  recherchées 
es  mystiques,  la  contemplation,  les  exerci- 
ces de  la  vie  spirituelle,  furent  nommés 
7y«>9ifA«x«c  9  ennemis  de$  connaissances.  Ils 
voulaient  que  l'on  se  contentAt  de  faire  de 
bonnes  œuvres,  et  aue  Ton  bannit  la  médi- 
tation et  toute  recherche  profonde  sur  la 
doctrine  et  les  mystères  de  la  religion.  Sous 
prétexte  d'éviter  les  excès  des  faux  mysti- 
ques ils  tombaient  dans  l'excès  contraire. 

GNOSTICISME.— U  n'entre  pas  dans  notre 
plan  de  faire  l'histoire  du  gnosticisme,  il 
nous  sufBt  de  constater  le  faux  mysticisme 
môle  à  toutes  ses  erreurs.  La  Divinité,  selon 
le  système  religieux  de  Carfticrate,  ne  se 
manifeste  pas  dans  le  monde  des  sens,  œuvre 
des  esprits  déchus.  L'esprit,  dégagé  de  tou(« 
intluencc  terrestre,  peut  s'élever  à  la  science 
de  Dieu.  Eviter  tout  contact  avec  les  choses 
d^  la  terre,  renoncer  à  la  religion  et  à  la  mo- 
rale vulgaires,  qui  ne  produisent  quuue 
simple  lé^iilé,  mais  qui  ne  justifleol  ni  ne 
purifient;  telles  sont  les  conditions  pour  re- 
venir à  l'union  divine,  par  l'essor  de  la  li* 
berté  et  les  elTorts  d'une  vertu  vraiment  mo* 
raJe.  Peu  d'hommes  arrivent  h  ce  terme, 
comme  Pythagore,  Platon  et  le  Christ,  dont 
les  ftmes,  durant  môme  leur  apçaritioQ  ter- 
restre, étaient  dans  un  rapport  intime  aviK 
Dieu,  Une  vertu  divine  avait  réveillé  en  eux 
la  réminiscence  de  leur  vie  antérieure,  et  les 
avait  rendus  capables  de  s'élever  au-dessus 
de  l'horizon  borné  de  la  vie  commune  et 
d'arriver  à  l'adoration  du  vrai  Dieu.  Tous  les 
hommes  du  reste  ont  la  même  destinaiioo 


r(» 


«OU 


D'ASGETOME. 


«OU 


766 


Carpoerate  se  fit  de  Bombreax  partisans  en 
Egypte  et  k  Rome.  Bon  fils  Epiphane  pro- 
pagea surtout  sa  doetrine  dans  file  de  Gé- 
phalonie,  enseignant,  ainsi  qae  Platon,  la 
coinnmnanté  des  femmes  et  des  biens, 
comme  le  vrai  moyen  d'honorer  la  DîTinité. 

La  doctrine  de  Basîlide  consistait  dans  on 
dépouillement  de  tool  ce  qui  est  physique 
et  corporel»  afin  que  Tâme  pût  s'élef  er,  dans  • 
la  contemplation  immédiate,  à  TéTidence  di- 
yine,  et  que  la  Tolonté  libre  et  dégagée  fit  le 
bien  sans  contrainte  de  la  loi  extérieure. 
Mais  on  n'arrive,  à  cette  pureté  parfaite  dans 
le  royaume  de  la  lumière,  que  par  une  série 
de  métempsycoses.  La  morale  des  basili* 
dîens  fut  d  abord  un  ascétisme  d'une  sévé- 
rité extrême,  qui  se  relâcha  dans  la  suite.  Il 
est  question  des  basilidiens  jusqu'à»  i?' 
siècle. 

Marcion  iiBfM>sait  aux  croyants,  qu'il  n'ad- 
mettait qu'après  un  long  et  sévère  catéchu- 
menât,  une  conduite  morale  très-sévère; 
1  abstinence  du  aaariage,  de  tout  plaisir,  de 
toute  joie,  de  tout  aliment  non  iodispensa- 
hic,  en  se  fondant  sur  uo  évangile  altéré  de 
saint  Lac  et  sur  de  fiasses  lettres  de  Tapôtre. 
saiut  Paal. 

Ces  idées  de  contemplation  immédiate, 
cette  continence  affectée,  ces  austérités  et 
ces  abslineoces  du  gnosticisme  se  retrouvent 
plus  ou  moins  mêlées  aux  erreurs  de  Manès 
et  de  Montan.  (Foy.  UuricaÉisMB  et  If  onta- 

HISKa.) 

GIWINET  (Charles),  principal  du  collège 
du  Plessis,  docteur  de  Sorbonne,  naquit  à 
Saint-Quentin,  et  mourut  à  Paris,  en  1690, 
à  soixante-dix*sept  ans.  Il  instruisit  la  jeur 
aesse  confiée  à  ses  soins,  par  ses  exemples 
et  par  ses  ouvrages.  Les  principaux  sont  : 
V/m$truciiim  délajeuneêu,  in-l2;  —irlns^ 
irmcêian  mur  la  pémùenct  et  $ur  la  $aitUe  com- 
munion, in-12. 

GONNBUED  (Jérôme  db),  né  à  Soissons, 
en  IBM,  Jésuite  en  1657,  mort  à  Paris,  en 
17  i&»  parcourut  avec  succès  la  carrière  bril- 
lante ae  la  chaire  9  et  celle  de  la  direction, 
oioins  éclatante,  mais  aussi  diiScile.  La  pu- 
reté de  sa  vie  répondait  à  ses  enseigncmenls. 
Ses  ouvrages,  fruits  de  sa  piété  et  de  son 
zèle,  sont  en  grand  nombre.  Le  plus  connu 
est  son  Imilation  de  Jésus-Chrisi^  avec  ré-- 
flesions  ei  priereSf  in-12. 

GOURDAN  (Simon),  né  à  Paris,  en  1646, 
eotra  dans  Fabba/e  po  Saint-Victor  en  1661, 
et  y  mena  une  vie  édifiante.  Il  y  mourut  en 
1729,  laissât  plusieurs  ouvrages  de  sa  com- 
position. On  a  de  lui,  entre  autres,  des  ou- 
Tragea  ascétiques  remplis  d'onction.  Sa  Vie 
a  été  publiée  en  1756,  à  Paris,  in-12. 

GOUVERNEMENT  REUGlEnK.-On  pour- 
rait d*abord  nous  demander  pourquoi  nous 
osons  traiter  cette  matière.  Essayer  non- 
seulement  de  tracer  la  ligne  de  conduite  aux 
supérieurs  en  religion,  mais  encore  relever 
les  défauts  de  leur  administration,  n'est- 
ce  pas  embarrasser  la  marche  des  supérieurs, 
scandaliser  les  inférieurs,  leur  fournir  des 
thèmes  de  critique  et  des  motifls  de  s'affran- 
cliir  &è  la  sainte  obéissance.  Voilà  Tobjection 


que  se  propose  Scbram  dans  sa  Ihéohgie 
tm^stique^  et  il  répond  par  £e9  graves  pa* 
rôles  r  Le  Sauveur  do  monde^  en  publiant 
dans  VApoealypee  les  fautes,  des  sept  prélats 
d'Asie,  et  en  les  faisant  connaître  à  la  bce 
de  rnoivers,  a  cm  que  le  spectacle  de  leurs 
qualités  et  de  leurs  vices  serait  un  exemple 
utile  à  la  catholicité. 

Il  est  bon  que  k»  supérieurs  répréheosi- 
hies  voient  leurs  défauts  dépeints  au  natu- 
rel, afin  que,  se  connaissant  bien  eu^-mè- 
mes,  ils  reviennent  aux  règles  tracées  par 
les  anciens;  il  est  bon  encore  que  les  candi- 
dais  indignes  de  la  préiature,  qui  ne  rougis- 
sent pas  de  regarder  par  la  fenêtre  de  Tarn- 
bition  pour  pénétrer  dans  la  cour  de  la 
religion,  comprennent  que  leur  conduite 
trouve  des  censeurs.  Ensuite  le.  même  au- 
teur, prenant  Godinez  pour  principal  guide» 
entre  en  matière,  et  nous  reproduisons  fidè- 
lement son  travail. 

Les  communautés  sont  souvent  gouver- 
nés selon  les  inclinations  capricieuses  de 
leurs  supérieurs.  Le  prudent  Godinez  com- 
mence par  faire  Tobservalion  suivante  :  La 
plupart  de  ceux  qui  sont  constitués  en  des 
fonctions  éminentesse  laissent  aUer  an  pen- 
chant naturel  de  leur  condition  ou  de  leur 
inclinatioa:.celui  qui  est  cruel  se  livre  à  ses 
petites  vengeances  ;  le  cupide  amasse  de 
l'or;  le  vain  poursuit  les  louanges;  celui  qui 
est  doux,  par  caractère,  se  montre  toujours 
affable  et  facile;  le  sot  fail  des  choses  préci- 
pilées  et  inconsidérées;  Tigoorant»  s u  voit 
qu*oo  s'adonne  aux  études  ecclésiastiques 
et  reliffleuses,  s'empresse  de  dire  qu'il  faut 
servir  Dieu  en  esprit  et  en  vérité,  que  la  re- 
ligion demande  1  humilité  et  non  des  lettres 
qui  enflent  les  hommes  d'orgueil,  comme  si 
les  religieux  lettrés  et  humbles  n'étaient  pas 
les  colonnes  de  la  religion.  Si  un  religieux 
savant  parvient  h  la  direction,  il  méprise  les 
simples,  et  dit  qu'un  esprit  sans  lettres  est 
une  épée  imprudente  qui  frappe  à  tort  et  à 
travers  sans  discernement  ;  îin  supérieur 
austère  et  ri^de  croit  que  la  communauté 
est  perdue  si  on  n'^  voit  pas  at)onder  les 
austérités  et  les  pénitences  ;  au  contraire,  un 
supérieur  doux  et  bienveillant  assure  qu'on 
ne  doit  pas  conduire  les  enfants  de  Dieu  par 
la  rigueur,  comme  si  la  rigueur  n'était  pas 
quelquefois  de  saison.  11  y  a  des  supérieurs 
qui  aéloument  le  sens  des  constitutions 
et  des  règles,  selon  les  goûts  de  leurs  pen- 
chants, ils  trouvent  toujours  quelque  article 
qui  justifie  leur  manière  de  voir.  Si  le  supé- 
neur'estjeune,ardent  et  bon  religienxtli  sera 
communément  trop  confiant  dans  son  senti- 
mentet  sesforces  ;  s'il  est, par  nature, solitaire 
et  mélancolique,  il  voudra'que  tout  le  monde 
aime  la  solitude  et  le  silence  absolu;  s'il  a 
un  caractère  porté  à  la  critique,  il  se  jouera 
avec  les  paroles  mordantes  et  les  calomnies  : 
il  croira  facilement  les  fautes  d'aufimi  et  sera 
précipité  dans  leurs  punitions  ;  il  aimera 
mieux  punir  que  de  corriger,  et  ne  se  met^ 
tra  pas  en  souci  de  la  paix.  Les  supérieurs 
soupçonneux  seront  continuellement  cruch? 
fiés  de  pensées  noires  :  ils  savent  plus  d^ 


7M 


60U 


DIGTIOMNÀIRE 


GOU 


768 


(orls  quMIs  ne  peuvent  en  corriger,  et  eela 
les  accable.  Mais  ceux  qui  ont  la  sagesse  se 
plaisent  à  paratlre  ignorer  ce  qu'ils  ne 
peuvent  changer,  et  ainsi  ils  demeurent 
en  naix  avec  eux-mêmes  et  avec  les  autres. 
Enfin,  chaque  prélat  gouverne  ordinairement 
selon  son  humeur  et  son  inclination,  bonne 
ou  mauvaise. 

Maintenant  parcourons  les  différentes  es- 
pèces de  défauts  qui  se  glissent  [dans  le 
gouvernement  religieux. 

Le  premier,  c'est  la  faiblesse  d*inteIligonce 
et  de  jugement.  Ceux-ci,  quoiqu'ils  aient 
continuellement  les  yeux  sur  les  règles  d'un 
bon  régime,  à  peine  peuvent-ils  saisir  quel- 
que chose  de  bon;  ce  n'est  que  par  hasard 
aue  quelquefois  ils  comprennent  le  bien, 
1  entreprennent  et  Texécutent  naturellement 
et  résolument. 

Le  second  défaut  est  la  politique  humaine. 

Les  politiques  gouvernent  en  religion, 
comme  on  gouverne  les  choses  humaines 
dans  la  région  politique,  par  la  finesse  et 
les  calculs  de  la  prudence  séculière  ils  s'é- 
loigent  ainsi  de  la  sincérité  et  de  la  vérité 

Îue  requiert  le  régime  des  enfants  de  Dieu. 
Meu  alors  a  coutume  de  leur  l&cher  la  main, 
car  ne  demandant  conseil  que  de  leur  pro- 
pre prudence  et  non  de  son  esprit  saint, 
ils  s  écartent  du  chemin  droit  et  deviennent 
.a  risée  des  bons. 

Le  troisième  est  le  gouvernement  pure- 
ment spéculatif.  C'est  le  gouvernement  des 
habiles,  des  argutieux,  qui  [discourent  à 
perte  de  vue  ;  ils  font  de  belles  spéculations 
dans  le  gouvernement,  et  partent  de  là  pour 
condamner  la  manière  de  gouverner  des  au- 
tres, quoique  dans  la  pratique  ils  soient 
très-ignorants  et  inca()ables;  lorsqu'ils  étaient 
sujets  ils  savaient  bien  critiquer  les  supé- 
rieurs et  vanter  leurs  propres  principes  ; 
depuis  qu'ils  gouvernent ,  les  choses  vont 
encore  plus  mal.  Critiquer  c'est  chose  fa- 
cile ,  mais  -gouverner  avec  bon  sens , 
raison  et  sagesse,  c'est  une  chose  très- 
diiBcile. 

Quatrième  défaut  :  La  gravité  affectée. 
Ceux  qui  ont  ce  penchant  lont  de  la  politi- 
que avec  gravité  pour  s'acquérir  une  plus 
grande  considération.  Lorsqu'ils  deviennent 
supérieurs,  sous  prétexte  de  dignité,  ils 
ajoutent  à  leur  personne  une  gravité  étudiée 

Sui  les  rend  odieux  à  leurs  subordonnés  ; 
s  sont  prompts  à  exiger  les  égards  dus  à 
leur  personne,  lents  à  rendre  aux  autres  les 

Îolitesses  qu'ils  leur  doivent  :  leur  esprit  et 
eur  jugement  est  étroit,  et  ils  comptent  peu 
d'amis. 

Cinquième  défaut  :  Une  vigilance  indis- 
crète. Certains  supérieurs  mal  disposés  en- 
vers, leurs  inférieurs,  minutieux,  s'enqué- 
rant  de  tout,  voulant  tout  savoir,  même  les 
plus  petits  défauts  de  leurs  subordonnés,  ne 
savent  pas  ignorer  bien  des  choses  aux- 
quelles ils  ne  peuvent  porter  remède.  Ils 
sont  à  charge  à  eux-mêmes  et  aux  autres, 
leur  habileté  à  découvrir  les  petits  défauts 
les  rendent  tristes  et  affligés  :  mais  les  su- 
périeurs bons,  qui  ne  craignent  pas  d'ignorer 


certaines  choses  sont  pacifigues  et  indul- 
gents; ils  produisent  plus  deiruils. 
Le  sixième  défaut  est  un  esprit  de  réforme 

{)rématurée.  C'est  une  espèce  d'hommes  ro- 
brmateurs  de  la  petite  espèce,  Zélés  à  con- 
tre-temps, qui  pour  enlever  un  petit  abus 
ne  comptent  pour  rien  de  troubler  toute  une 
communauté.  Ils  sont  aussi  impudents  que 
chagrins  ;  ils  abandonnent  facilement  les 
affaires  qu'ils  ont  embrouillées,  et  c'est  en 
cela  que  consiste  toutes  leurs  réformes. 

Septième  défaut  :  L'avarice,  ce  sont  des 
hommes  misérablement  tenaces  qui,  en  me- 
surant mesquinementles  vivres,  remplissent 
la  communauté  de  murmures  ;  personne  ne 
peut  vivre  avec  eux,  pour  leurs  mœurs  ab- 
jectes  et  sordides. 

Le  huitième  défaut  est  la  prodigalité;  ceux 
là  sont  immodérément  magniQques  et  prodi- 
gues. S'ils  font  construire,  ils  ont  en  vue  des 
monuments  plus  brillants  qu'utiles  et  néces- 
saires, tis  songent  à  se  bien  placer  dans  l'o- 
pinion de  la  postérité.  Il  faut  se  garder  de 
conQer  aux  hommes  de  ce  caractère,  ou  les 
Gnances,  ou  le  gouvernement,  car  ils  per- 
dront l'or,  et  ruineront  le  gouvernement. 

Le  neuvième  défaut  est  la  superbe  et 
l'ambition.  Les  supérieurs  qui  penchent  do 
ce  cAté  sont  pleins  d'impétuosité  et  de  co- 
lère, ils  aiment  à  satisfaire  leur  vanité  et 
leur  ambition,  au  prix  de  l'obéissance  et 
même  de  l'humiliation  d'autrui  :  ils  se  plai- 
sent dans  les  disputes  et  les  litiges;  objets, 
tour  à  tour  de  crainte  et  de  haine,  ils  finis- 
sent quelquefois  d'une  manière  tragiçiue. 

Dixième  défaut  :  La  colère.  Ceux  quiontce 
penchant  sont  impérieux  dans  le  comman- 
dement, irascibles  dans  la  réprimande,  fai- 
sant toujours  triompher  leur  propre  manière 
de  voir.  Ils  ont  plus  d'aptitude  a  gouverner 
une  province  qu'une  communauté  d'en- 
fants de  Dieu. 

Le  onzième  défaut  est  le  manque  de 
zèle.  Hommes  bons,  si  vous  voulez,  hu- 
mains, simples,  sous  l'autorité  desquels 
les  consciences  vivent  tranquilles,  ils  n'ont 
ni  la  force  ni  la  conception  dé  faire  faire 
des  progrès  dans  le  bien,  et  de  réprimer  le 
mal,  et  enlin  ils  perdent  tout. 

Le  douzième  défaut  est  la  pusillanimité. 
Certains  supérieurs  sont  faibles  de  cœur,  et 
la  moindre  difficulté  les  trouble  :  ils  seD!«:l 
vivement  les  défauts  de  leurs  subordonnés, 
sans  avoir  le  courage  de  les  combattre.  Ils 
peuvent  avoir  un  assez  bon  gouvernement, 
s'ils  sont  aidés  par  des  hommes  plus  ca- 
pables. 

Treizième  défaut  :  l'obstination.  II  y  a 
certaines  personnes  tellement  amies  de  leur 

{propre  sentiment,  qu'elles  ne  peuvent  souf- 
rir  qu'on  en  émette  un  opposé  devant  elles; 
et  comme  elles  sont  trop  impérieuses,  elles 
rencontrent  peu  de  monde  qui  leur  obéisse 
promptemenl  :  elles  sont  réservées  à  éprou- 
ver bien  des  échecs  et  à  avoir  bien  des  enne- 
mis. 

Quatorzième  défaut  :  La  commodité  do  Ja 
chair.  C'est  le  défaut  de  quelques.homtnes 
ardents,  enflés,  superbes,  qui  usent  du  com- 


» 


7f» 


GOU 


D*ASC£TIS1IE. 


€00 


770 


mandement,  comme  de  la  Terge  de  leur 
puissance;  ils  flattent  leurs  affections,  re- 
cherchent les  délices»  les  amitiés,  les  agré- 
ments de  la  vie  et  l'ambition  ;  ils  donnent  h 
leurs  amis  des  marques  publiques  de  leurs 
affections,  et  obséquiosités,  ifs  veulent  en 
être  environnés  :  ceux*ci  sont  liés  par  des 
vices  ostensibles  et  par  beaucoup  dépêchés 
secrets. 

Le  quinzième  défaut,  c'est  d*6tre  accusa- 
teur. C'est  le  travers  de  certains  supérieurs 
qui  exagèrent  les  défauts  des  autres,  qui 
Ajoutent  foi  trop  légèrement  aux  propos  ac- 
cusateurs ;  et  pour  qu'un  remède  leur  plaise, 
il  faut  qu'il  ressemble  i  un  supplice  :  ces 
hommes-là  sont  cruels,  vindicatifs,  à  l'inten- 
tion sinistre  ;  ils  n'ont  ni  jugement,  ni  en- 
trailles. 

Seizième  défaut  :  L'importunité.  Avec 
ce  défaut  on  a  des  hommes  à  paradoxes, 
qui  gouvernent  selon  le  caprice  de  l'humeur 
qui  prévient  bien  ou  mal.  S'il  leur  vient  à 
1  esprit  de  faire  quelque  chose  à  leur  ma- 
nièrp,  ils  ne  consulteront  ni  les  goûts  de 
leurs  amis,  ni  les  inconvénients  qui  vont 
surgir,  pourvu  que  leur  volonté  se  fasse. 

Dix-septième  défaut  :  L'ignorance.  Cer- 
tains spirituels  ne  tiennent  aucun  compte  de 
la  science,  et  ils  sont  ignorants  jusqu'à  la 
stupidité  lorsqu'ils  ne  pensent  qu'à  être  pu- 
rement spirituels.  Ces  nommes-là  sont  pro- 
pres à  devenir  saints,  mais  non  propres  au 
gouvernement  :  il  ne  suffit  pas  d'être  un  bon 
religieux,  pour  devenir  un  bon  prélat. 

Dernier  défaut  :  La  propre  complaisance. 
C'est  celui  de  certains  hommes  présomj»- 
tueux,  pleins  d'eux-mêmes,  qui  se  complai- 
sent dans  leur  jugement,  leur  esprit  et  leurs 
talents.  Ils  vont  au  but  quand  la  route  est 
facile  et  sans  obstacle;  mais  les  affaires  dif- 
ficiles leur  sont  des  occasions  de  chutes  :  du 
n  ste,  ils  sont  ignorants,  à  petites  idées  et 
difQcultueux;  et,  avec  leur  tête  étroite,  ils 
se  croient  capables  de  gouverner  le  monde. 

Venons  maintenant  aux  qualités  du  hou 
gouvernement  : 

Bien  gouverner  est  un  don  pratique  que 
nous  apportons  en  naissant,  et  dont  le  com- 
plément et  la  perfection  s'acquièrent  par  une 
longue  expérience  des  affaires  et  de  !a  con- 
naissance des  hommes.  Le  fondement  de  ce 
talent  est  une  nature  tranquille  et  douce, 
une  bonne  intelligence,  plus  vraie  que  poin- 
tilieuse  ;  enfin  il  faut  un  jugement  qui  ait 
de  la  maturité. 

Voici  la  siirie  des  qualités  qui  conviennent 
aux  supérieurs. 

La  première  est  la  prudence.  Il  n'est  pas 
touionrs  nécessaire  d'avoir  des  qualités 
brillantes  et  un  grand  génie  pour  gouverner; 
souvent  la  prudence  supplée  les  autres  qua- 
lités, si  on  a  un  jugement  posé  et  bon.  Alors, 
en  agissant  lentement,  en  usant  de  conseils 
à  propos,  on  finit  par  bien  gouA^erner. 

La  seconde  qualité  est  l'humilité.  Le  su- 
périeur humble  se  défie  beaucoup  de  lui* 
même  et  se  confie  beaucoup  en  Dieu,  pre* 
nant  conseil  d'autrui  dans  les  choses  dou- 
teuses et  difficiles;  il  préfère  le  conseil  des 


autres  au  sien.  Ces  hommes,  ayant  Dieu 
en  aide,  expédient  facilement  les  choses. 

La  troisième  qualité  est  une  vieillesse  ex- 
.périmentée.  Les  anciens,  qui  ont  beaucoup 
vu,  qui  ont  assez  de  jugement  pour  compa- 
rer les  choses  entre  elles,  trouvent  dans  les 
choses  passées  une  trxpérience  qui  leur  fait 
pressentir,  et  même  connaître  avec  une  es- 
pèce de  science  conjecturale  les  choses  à 
venir.  Ils  parlent  peu,  agissent  beaucoup, 
corrigent  les  choses  présentes,  se  préservent 
des  accidents  à  venir  ;  ce  sont  oe  bons  et 
grands  administrateurs. 

La  quatrième  qualité  est  l'éminence  de  la 
doctrine.  Certains  supérieurs  sont  en  même 
temps  doctes  etspirituels,  d'un  esprit  étendu, 
aux  talents  distingués,  et  pour  enseignerez 
pour  gouverner  :  ils  sont  aptes  à  conduire 
de  grandes  affaires;  mais  ils  courent  un 
danger,  celui  de  Tabsolutisme  et  de  la  téna- 
cité :  quand  on  a  ces  qualités,  il  est  rare 
qu'on  ne  s'attribue  ce  qui  ne  nous  est 
point  dû. 

'  La  cinquième  qualité  est  la  sainteté.  Il  y 
a  des  hommes  d'une  sainteté  non  médiocre 
et  amis  de  Dieu  :  s'ils  sont  doués  de  talents 
assez  ordinaires,  la  grâce  les  fortifie  et  les 
rend  capables;  mais  si  ces  personnes  sont 
d'un  esprit  faible,  d'un  petit  jugement,  ils 
seront  saints  dans  l'ordre  surnaturel;  mais 
en  tant  que  manquant  de  vue  et  de  jugement» 
ils  restent  dans  l'ordre  naturel,  incafiables 
de  gouvernement. 

'  La  sixième  qualité  est  le  zèle.  S'il  se 
trouve  des  supérieurs  qui  soient  en  même 
temps  et  prudents  et  enOammés  du  désir 
du  bien  commun.  Dieu  allume  dans  leur 
cœur  le  zèle  pour  le  progrès  de  la  religion; 
en  sorte  qu'il  surmonte  courageusement  les 
difficultés  pour  arriver  à  un  si  noble  but. 
Cependant  ]1  n'est  pas  rare  que  les  supérieurs 
qui  ont  ces  qualités  aient  quelques  taches 
dlmprudence. 

La  septième  qualité  est  l'expérience.  On 
trouve  quelques  Hommes,  atteignant  à  peine, 
l'âge  de  trente  ans,  ayant  un  iugement  caime 
et  bon ,  songeant  à  laisser  d'eux-mêmes  un 
bon  souvenir;  mais  ils  agissent,  tantôt  avec 
prudence,  tantôt  avec  imprudence;  ils  se  fa- 
tiguent la  tête  aussi  bien  pour  les  petites 
choses  que  pour  les  grandes  :  on  peut  les 
employer  utilementpourconduire  les  petites 
communautés,  et  s  ils  profitent  de  l'expé- 
rience des  autres,  ils  deviennent  capables 
de  conduire  les  grandes  communautés. 

La  huitième  est  le  bon  exemple.  Avec 
cette  qualité,  de  donner  le  bon  exemple, 
on  fait  beaucoup  pour  l'avancement  spiri- 
tuel des  ftmes  que  l'on  a  à  conduire,  pourvu 
qu*on  ne  soit  pas  d'ailleurs  dépourvu  des 
autres  qualités.  Car  la  pratique  des  vertus, 
l'assiduité  à  bien  faire  toutes  choses  dans 
les  exercices  de  religion,  soutient  le  courage 
des  inférieurs,  et  de  tels  hommes  font  ou- 
blier bien  des  petits  défauts  qu'on  pourrait 
du  reste  leur  reprocher. 

La  neuvième  qualité  est  la  charité  et  l'af- 
fabilité. C'est  la  qualité  qui  accompagne  or- 
dinairement certaines  personnes  uq  condi- 


771 


GOU 


DICTIONNAIRE 


GOU 


T» 


tioD  Doble,  aux  paroles  agréables  et  faciles, 
aux  manières  gracieuses  el  bienveillantes, 
ce  qui  les  rend  .agréables  à  tout  le  monde. 
Les  personnes  parvenues  au  pouvoir,  s'étant 
une  fois  aeqais  Taffection  de  .leurs  subor- 
donnés, obtieonent  ce  qu*ils  veulent,  par 
amour  plutôt  que  par  crainte  ;  ce  qui  arrive 
sans  dévier  de  la  maiime  qui  dit  que  par  la 
crainte  on  gouverne  bien  une  communauté, 
et  par  l'amour  Jes  individus. 

La  dixième  est  la  patience,  il  faut  qu'à 
la  patience  on  réunisse  Tinleiligence,  deux 
choses  qui  se  rassemblent  assez  rarement  : 
ceux  qui  ont  cette  v<ertu  exhortent,  dans 
leurs  discours  publics,  avec  chaleur,  aune 
grande  obéissance,  à  une  parfaite  mortiGca- 
tion,  à  Toraison  affective;  mais,  dans  la 
pratique,  ils  savent  se  contenter  d*une  vertu 
médiocre.  Ils  savent  que  dans  une  commu- 
nauté la  perfection  ordinaire  est  que  Ton 
oi^tienne  prompte  obéissance  dans  les  divers 
offices  de  la  maison  :  c'est  la  perfection  de  la 
communauté;  mais  la  perfection  personnelle 
s^  trouve  peut-être  dans  deux  ou  trois  roli- 
ffieux  sur  cent,  encore  faut-il  tenir  compte 
des  misères  qui  ne  quittent  jamais  Tnu- 
manité. 

La  dernière  est  d'inspirer  la  crainte  et 
Tamour.  C'est  une  qualité  essentielle  et  un 
don  de  Dieu,  d'inspirer  de  la  crainte  aux 
mauvais  et  de  Tamour  aux  bons  ;  de  la  crainte 
h  la  communauté  qui  ne  peut  marcher  sans 
une  certaine  cpaction  de  la  ^art  des  supé- 
rieurs, de  r^mour  aux  individus.  Un  bon 
supérieur  doit  être  regardé  de  loin  avec  res- 
pect et  crainte,  de  près  avec  bienveillance 
et  amour;  il  doit  être  fprt  et  constant  dans 
le  commandement,  Tami  des  bons,  le  public 
appréciateur  de  la  vertu,  et  en  même  temps 
xondescendre  aux  légères  imperfections  des 
faibles,  et  tolérer  les  maux  qui  sont  sans 
Temèdes. 

Aphorisme  pour  le  gouvernement  religieux. 
—  i.  Imiter  Jésus-Christ  en  toutes  choses, 
..c'est  se  disposer  à  bien  gouverner. 

%  Celui-là  ne  gouverne  pas  comme  un 
père  qui  n'a  pas  les  entrailles  d'une  mère. 

3.  Le   tyran  châtie  pour  faire  souffrir,  le 
.père pour  corriger. 

k.  Comoiander  avec  hauteur,  c'est  empê- 
cher Tobéissance. 

5.  Si  vous  êtes  un  supérieur  exemplaire, 
vous  êtes  di|gne  d'être  obéi. 

6.  Le  luxe  dans  le  supérieur  est  une  rai- 
son de  relâchement  public. 

7.  Un  supérieur   sans    oraison     est  un 
.  char  sans  limon. 

8.  Un  supérieur  sans  prudence  est  inepte 
dans  sa  lenteur. 

^     9.  Un*  supérieur    sans    expérience    n'a 
qu'une.prudence  boiteuse. 
io.  Qui  gouverne  avec  violence  ne  contient 
.  point  les  consciences. 

11.  Quand  les  fautes  sont  légères,  le  su- 
périeur doit  les  excuser. 

12.  Un  supérieur  accusateur   est  moins 
un  bon  père  qu'un  officier  tiscal. 

13.  Celui  qui  aime  trop  son  sentiment 
en  sera  puni  par  ses  préjugés. 


1(.  Celui  qui  ne  gouverne  pas  en  paix 
ne  doit  gouverner  jamais. 

15.  Introduire  la  politique  dans  la  reli* 
gion,  c'est  la  conduire  à  la  perdition. 

16.  Le  supérieur   sujet  a  la  colère  jelie 
le  trouble  dans  son  monastère. 

17.  Un  régime  où  abonde  la  blenveiU 
lance  sera  doué  d'une  divine  puissance. 

18.  Une  grande  rigueur  est  le  régime 
des  esclaves. 

19.  Avec  .un  supérieur  aux  manières 
affectées,  on  est  sûrement  ennuyé. 

20.  C'est  un  grand  talent  de  savoir  don- 
ner à  propos. 

21.  C'est  aux  frais  de  l'humilité  d'atitrui 
que  le  superbe  étale  sa  propre  vanité. 

22.  Les  bonnes  œuvres  faites  arec  can- 
deur sont  un  aimant  qui  attire  le  cœuravee 
douceur. 

23.  Le  dur  commandement  ne  prOYO- 
que  pas  la  prompte  obéissance. 

24'.  Une  prudente  dissimulation  est  quel- 
quefois une  utile  correction. 

25.  Le  scandale  du  pécheur  demande  de 
la  rigueur. 

26.  Chaque  supérieur  gouverne  selon  son 
humeur. 

27.  La  rigueur  de  la  puissance  fait  it 
tristesse  de  Tobéissance. 

28.  Ce  n'est  pas  soigner  le  dehors,  si 
on  néglige  l'intérieur. 

29.  Celui  qui  prend  les  honneurs  avec 
des  idées  mondaines  est  troublé  d'une  anh 
bition  vaine. 

30.  Un  bon  supérieur  n'est  qu'un  ho- 
noré serviteur. 

La  sûreté  du  bon  gouvernement  nltjieM* 
d'après  Codifiez. —  L  Après  la  prudence,  h 
principale  vertu  du  supérieur  est  la  patience, 
avec  laquelle  il  supporte  et  ses  propres  mé- 
lancolies et  les  inepties  des  autres  :  les  aii- 
tres  vertus  sont  nécessaires  seulement  de 
temps  en  temps,  mais  c'est  h  toute  heure 
qu'on  a  besoin  de  celle-ci,  en  toute  action, 
en  toute  occasion  ;  surtout  si  un  supérieur 
a  besoin  d'être  en  familiarité  avec  ses  enne- 
mis, dç  traiter  avec  eux  avec  un  visage 
serein  et  avec  bonne  grâce. 

IL  Rien  ne  répugne  à  un  ordre  réformé 
comme  le  vioe  non  réprimé,  et  non  conrcna- 
blemenl  puni,  et  la  vertu  restant  sans  estime 
et  sans  récompense;  surtout  si  le  viceafl- 
lorîsé  par  l'exemple  des  anciens  est  con- 
tinuellement en  opposition  avec  Tordre. 

JIL  Un  vice  qui  relâche  considérablement 
les  liens  de  la  religion  c'est  le  défaut  de 
pauvreté,  qui  s'introduit  par  les  permissions 

f générales  de  recevoir  et  de  donner.  Cede- 
àut  attaque  la  vie  reli^euse  par  la  base  et 
la  fait  crouler  tout  entière. 

IV.  Les  dignités  et  les  honneurs  ne  chan- 
gent pas  les  hommes,  mais  elles  moD|reQt 
ce  qu'ils  étaient  intérieurement  :  tel  qui  P^' 
raissait  un  sujet  circonspect,  s'il  n'apasun 
esprit  vigoureux,  paraîtra  inepte;  un  autre 
•paraissait. un  sujet  aujugement  faible,  par^ 
que  son  esprit  manquant  de  matière  à  sVser- 
cer,  n'était  point  connu.  Enfin,  étant  si»pw 
religieux;  on  pouvait  avoir  les  qualités  or- 


773 


GDU^ 


D*ÂSCETISHE. 


GRA 


774 


dînai rcs  da  religieux  et  manifester  de  grands 
défauts,  arrivé  au  pouvoir,  défauts  qui  pa« 
raissent  à  découvert  par  raclîon  publique 
des  gouvernements;  cest  ordinairement  les 
penchants  naturels  mal  comprimés  qui  pous- 
sent à  TexcèSy  ou  par  défaut  de  capacité, 
parce  qu'on  est  débordé  par  sa  position,  ou 
par  déiaut  de  bonne  volonté,  parce  qu  on 
n*est  pas  assez  fondé  dans  les  vertus. 

V.  Ceux  qui  ont  une  nature  fièrè  et  arro- 
gante, un  esprit  mauvais,  ne  se  laissent  ja- 
mais bien  gouverner  par  Tamour,  il  leur  faut 
la  crainte.  Les  savants,  s*ils  manquent  de 
jugement ,  seront  souvent  un  embarras 
T'Our  le  supérieur.  Ceux  qui  ont  une  intel- 
ligence droite  et  une  volonté  dépravée,  s'ils 
obéissent  par  vanité  avec  une  mauvaise 
intention,  ressemblent  au  démon  qui  fait 
servir  leur  droite  appréciation  à  exécuter 
une  détestable  volonté.  Si  la  méchanceté  de 
ces  hommes  ne  se  corrige  pas,  ils  doivent 
être  traités  avec  sévérité,  et  si  la  sévérité 
n'opère  rien,  il  convient  d'éloigner  de  tels 
sujets  de  leur  charge. 

VI.  Les  vices  qui  ont  leur  origine  dans  la 
fragilité  et  la  violence  de  la  tentation  ad- 
mettent facilement  des  remèdes.  Mais  les 
Tices  qui  ont  jeté  de  profondes  racines  dans 
la  nature  déjouent  tous  les  remèdes  ;  les 
peines  leur  font  baisser  la  tète,  mais  ne  les 
chassent  pas;  ceux  qui  sont  vains  et  Gers  et 
en  même  temps  insensés,  ne  sont  pas  capa- 
bles d*humili(é.  Ceux  qui  ont  une  intention 
double  et  tortueuse  seront  perpétuellement 
les  détracteurs  de  leurs  semblables  et  de 
leurs  supérieurs.  Celui  qui  a  un  goût  forte- 
ment prononcé  pour  la  nourriture  fera  diffi- 
cilement pénitence.  C'est 'ainsi  que  les 
hommes  vivent  et  meurent  sons  l'influence 
de  leurs  passions  et  de  leurs  penchants. 
Dieu  cependant  reste  an-dessus  de  tout  par 
sa  grâce. 

VIL  Un  prélat  remplira  bien  son  office,  ou 
îl  le  remplira  mal.  d'il  le  remplit  bien,  il 
sera  en  butte  à  la  détraction  des  méchants; 
•^il  le  remplit  mal ,  à  la  détraction  des 
bons.  Il  doit  donc  ne  pas  perdre  de  vue  qu'il 
UL'St  élevé  qiie  pour  être  un  objet  de 
roDtradiction.S'il  refuse  cette  passion, qu'il 
renonce  h  l'élévation. 

VIIL  Tout  dans  ce  monde  est  mêlé  de 
bien  et  de  mal,  iiar  conséquent  il  faut  savoir 
prendre  son  parti  des  inconvénients  qui 
peuvent  s'attacher  k  l'exécution  des  meilleurs 
desseins.  Ce  sont  des  ombrer  qui  suivent  la 
lumière. 

IX.  Les  sciences  sont  des  actes  d'intelli- 
gence spéculative,  raisonnant  selon  les  règles 
d'une  perfection  idéale.  Biais  la  prudence 
tieat  compte  des  faits  et  obstacles  existants 
et  s'applique  à  la  pratique.  Les  génies  habi- 
les et  prompts  sont  ordinairement  plus  pro* 
près  à  l'enseignement  qu'au  gouvernement, 
parce  qu'ils  manquent  oe  constance  et  sont 
trop  amateurs  de  nouveautés.  C'est  le  cou-  * 
traire  des  hommes  prudents*  Ceci  n'exclut 
point  de  notables  exceptions. 

X.  Les  offices  peuvent  être  à  vie  ou  à  temps,  y 

seloo  l'occurrence  des  climats  ou  des  temps.  # 


Chacune  de  ces  manières  d*élire  un  supérieur 
a  ses  inconvénients  et  ses  avantages.il  faut 
savoir  se  conformer  aux  circonstances  et  ne 
demander  la  perfection  à  aucun  mode. 

XI.  Quoiqu'un  supérieur  de  communauté 
puisse  imposer  des-préceptes  nouveaux  en 
vertu  de  1  obéissance,  il  est  bon  cependant 
qu'il  n'use  de  ce  pouvoir  que  dans  la  der- 
nière nécessité.  Ce  sont  desremèdes  extrêmes 
que  réclament  des  dangers  imminents.  Les 
préceptes  nouveaux  sont  sujets  aux  commcn-' 
taires  des  subordonnés,  et  on  leur  trouve 
toujours  quelque  motif  de  les  violer  :  leur 
nouveauté  leur  enlève  de  l'autorité,  et  quand 
on  a- commencé  à  discuter  l'obéissance  on 
ne  s'arrête  pas  dans  cette  voie. 

XII.  Un  supérieur  comme  juge  de  son 
sujet  peut  lui  infliger  des  peines  pour  ses 
fautes  personnelles,  et  même  pour  les  fautes 
d'un  tiers  inconnu  s'il  refuse  de  le  faire 
connaître,  car  alors  il  est  obligé  de  répon-, 
dre. 

XIII.  La  croix  qui  accable  le  plus  lourde- 
ment un  sujet  docte  est  un  supérieur  inepte, 
lorsque  surtout  ce  savant  se  conduit  par  sa 
passion  ou  par  son  affection.  La  lenteur  de 
génie  du  supérieur  ne  pénètre  point  les 
graves  inconvénients  qui  résultent  pour  ces 
sortes  de  sujets  de  son  régime  inintelligent. 
Il  leur  faut  une  rertu  robuste  unie  à  leur 
science  pour  supporter  cette  épreuve. 

XIV.  De  même  que  le  corps  humain  ne 
peut  être  sain,  vigourenx  et  agile,  si  on 
n'expulse  les  humeurs  malignes,  aussi  une 
communauté  ne  peut  fleurir  et  être  forte  de 
vertus,  si  on  n*élimiuc  soigneusement  en 
commençant  surtout  par  le  noviciat,  les  su- 
jets vicieux  et  incorrigibles.  Une  commu- 
nauté est  plus  riche  avec  peu  de  bons  sujets 
qu'avec  beaucoup  de  mauvais. 

XV.  Pour  qu'on  puisse  dire  que  la  justice 
naturelle  est  oien  observée,  il  n'est  pas  né* 
cessaire  que  le  supérieur  ne  se  trompe  ja- 
mais dans  l'exacte  application  des  peines. 
Quand  même  un  innocent  subirait  quelque- 
fois une  peine  légère  sans  la  mériter,  le 
supérieur  est  eicusable  s'il  s'en  est  rapporté 
à  un  témoignage,  qui  habituellement  ne  le 
trompe  pas.  Cette  erreur  servira  d'ailleurs  è 
l'innocent  et  le  rendra  plus  parfait.  Une 
bonne  administration  ne  peut  exclure  tous 
les  inconvénients.  Il  suffit  que  les  choses 
soient  habituellement  exactes  et  que  l'admi- 
nistration soit  au  fond  paternelle. 

XVi.  Tous  ceux  qui  ont  un  jugement  dé- 
pravé et  obtus,  les  ignorants,  les  impra- 
dentSySont  incapables  du  gouvernement.  Les* 
jeunes  gens  sont  rarement  aptes.  Il  convient' 
que,  $i  des  jeunes  gens  admiAîstrent,  ils 
s'associent  des  anciens ,  d'abord  pour  avoir 
une  source  où  puiser  des  lumières,  ensuite 
pour  acquérir  oe  bonne  heure  l'expérieuce; 
enGn,  dans  le  but  de  donner  un  contrepoids 
à  l'ardeor  de  la  jeunesse  dans  la  lenteur  du 
vieillard. 

GRACE.  (  Voir  Vib  8miTVBLi.te.  )  —  La 
grâce  habituelle  a  plusieurs  dénominations. 
£He  s'appelle  habituelle^  parce  qu'elle  est 
habituellement  inhérente  ^  l'Ame,  ce  qui  le» 


775 


GHA 


DICTIONNAIRE 


GRA 


771 


distingue  de  la  grftce  actuelle  ou  surnatu- 
relle, qui  passe  avec  rillumination  de  l'es- 
prit et  .e  mouvement  de  la  volonté.  Elle 
s'appelle  sanctifiante  j  parce  qu'elle  sanctiGe 
riiomme.  Elle  s'appelle  justifiante  y  parce 
qu'elle  le  rend  juste.  Que  la  grâce  habituelle 
soit  quelque  chose  d'inh'érent  à  l'âme  d'une 
manière  intrinsèque  et  permanente,  c'est 
ce  dont  nous  ne  pouvons  douter,  malgré 
les  assertions  de' Luther  :  car  Dieu  dit  lui- 
même  que,  par  la  grâce,  il  demeure  et  ha- 
bite dans  les  justes  >  Nous  viendrons  à  /ut, 
et  nous  ferons  auprès  de  lui  noire  demeure. 
(  Joan.  XIV,  23.  ) 

Comme  l'âme  est  le  principe  des  opéra- 
lions  rationelles,  et  Qu'elle  exerce,  par  ses 
f)uissances  innées ,  I  intelligence  et  la  vo- 
onté;  de  mAme  la  grâce  sanciiQante,  en 
tant  que  vie  spirituelle,  a  pour  compagnes 
des  vertus  infuses,  par  lesquelles,  comme 
par  des  puissances  surnaturelles,  Thomme 
agit  surnaturellement.  Parmi  ces  vertus,  les 
unes  sont  théologiques  ;  ce  sont  celles  qui 
ont  Dieu  pour  objet  matériel,  et  pour  obiet 
formel  quelqu'un  de  ses  attributs.  Elles 
sont  au  nombre  de  trois,  la  foi,  l'espérance 
et  la  charité.  Les  autres  sont  morales  :  ce 
sont  celles  qui  ont  rapport  au  bien  créé  par 
un  motif  surnaturel ,  et  elles  se  divisent 
généralement  en  cardinales^  à  savoir  la  pru- 
dence, la  justice,  la  force  et  la  tempérance. 
C'est  h  elles  que  se  rapportent  et  se  ré- 
duisent les  vertus  morales.  Toutes  ces  ver- 
tus descendent  en  nous  avec  la  grâce  sanc- 
tiGante. 

Le  concile  de  Trente  n'ayant  rien  expres- 
sément statué  sur  les  vertus  morales,  les 
théologiens  discutent  la  réalité  de  leur  pré- 
sence dans  lajustification.  Néanmoins,  l'opi- 
nion affirmative  de  saint  Thomas  (t-2, 
q.  63 ,  a.  3. }  est  plus  commune  et 
plus  probable.  Elle  est  aussi  suivie  par  le 
Cathéchisme  romain,  qui,  parmi  les  effets 
du  baptême,  compte  le  glorieux  cortège  de 
toutes  les  vertus,  qui  descendent  dans  Vâme 
en  mémejemps  que  la  grâce  sanctifiante. 

Mais ,  pour  que  l'habitude  des  vertus  in- 
fuses se  manifeste  par  des  actes,  nous  avons 
besoin  du  secours  des  grâces  actuelles  ou 
du  mouvement  de  l'Esprit-Saint,  parce  qne 
l'homme  ne  peut  se  servir  des  habitudes 
infuses  sans  une  lumière  et  une  pensée 
surnaturelle  et  sans  une  pieuse  affection  de 
la  volonté. 

<  Ainsi  nous  Tenseig^ne  l'Ecriture  sainte  : 
Personne  ne  peut  venir  à  mot,  si  mon  Pire^ 
qui  m'a  envoyé  ne  l'attire,  (/oan., yi,  kk,)  Car 
c*est  Dieu  qui,  par  sa  bonté,  opère  en  vous  le 
vouloir  et  le  pouvoir  d'exécuter,  (Philip,  ii. 
13.  )  * 

Si  ces  mouvements  sont  au-dessus  de  la 
manière  d'agir  ordinaire  et  tendent  â  des 
actes  héroïques,  ils  prennent  le  nom  de 
dons  du  Saint-Esprit  :  ils  sont  au  nombre 
de  sept,  désignés  en  ces  termes  :  L'Esprit 
du  Seigneur  se  reposera  sur  eux,  l'Esprit  de 
sagesse  et  d'intelligence,  l'Esprit  de  conseil  et 
de  force,  l'Esprit  de  science  et  de  piété,  lEs^ 
prit  de  crainte  de  Dieu,  t 


L'opinion  la  plus  commune  dansles  écoles 
est  celle  de  saint  Thomas,  qui  prélend  que 
l'homme  reçoit  les  dons  du  Sainl-Espril  cq 
même  temps  que  la  grâce  sancliflanle.  Car, 
dans  la  justiGcation,   l'homme  est  uni  à 


[Rom,  Yiii,  9.)  Or,  «  ces  dons,  dit  saint  Tbo- 
mas  (1-2,  q.  68,  art.  3.),  sont  cer- 
taines dispositions  de  l'homme,  qui  le  dis- 
posent à  suivre  fidèlement  les  inspiralioos 
du  Saint-Esprit De  là  les  dons  du  Saint- 
Esprit  sont  certaines  habitudes  par  lesquelles 
il  devient  propre  à  obéir  au  Saint-Esprit,  i 
Le  Docteur  Séraphique  est  d'accord  avec  le 
Docteur  angélique  :  «  Ces  dons,  dit-il,  parais- 
sent être  certaines  habitudes  gratuites,  cer- 
tains degrés  que  le  Sainl-Espnt  fait  descun- 
dre  dans  l'esprit  de  l'homme,  pour  le  rendre 

[)rêt  et  disposé  h  suivre  les  impulsiODs  de 
'Esprit-Saint.  » 

Mais,  pour  procéder  avec  plus  de  clarté^ 
il  nous  faut  distinguer  dans  les  dons  du 
Saint-Esprit  l'habitude  actuelle.  Le  don» 
dans  l'acte,  consiste  dans  une  certaine  lu- 
mière et  dans  de  certaines  inspirations,  par 
lesquelles  le  Saint-Esprit  nous  pousse  inté^ 
rieurcment  à  certaines  nobles  opérations 
qui  sont  au-dessus  de  l'humanité.  Parfois 
les  actes  de  vertu  que  nous  produisons  ne 
surpassent  pas  la  manière  dont  elles  sont 
exercées  ordinairement  par  le  commun  des 

t' listes,  et  alors  elles  appartienoent  auiha- 
ûludes  des  vertus  infuses.  Parfois  aussi  ces 
actes  sont  excellents ,  ont  quelque  cnose 
d'héroïque  et  je  ne  sais  quoi  de  divin,  et 
nous  avons  besoin,  pour  les  produire, dune 
im[)ulsion  particulière  et  actuelle  de  l'Esprit- 
Saint.  C*est  là  ce  qu'enseignent  expressément 
les  saints  docteurs  que  nous  avons  elles. 
Saint  Thomas  (q.  cit.,  art.  2.)  dit,  en  parlant 
de  CCS  dons  excellents  :  «Ils  rendent  rhomoio 
capable  d'actes  plus  élevés  que  les  actes  des 
vertus.  »  Saint  Bonaventure  dit  à  son  toui . 
<x  La  grâce  se  subdivise  dans  les  habitudes 
ou  les  degrés  des  sept  dons  du  Saint-Esprit, 
qui  disposent  les  forces  de  rame  à  se  sou« 
mettre  promptement  et  fidèlement  aux  rocu 
vements  du  Sainl-Esprit,  qui  leur  est  donné 
et  qui  agit  en  eux  d'une  manière  en  quelque 
sorte  surhumaine  :  ce  qui  ne  peut  toute- 
fois se  faire  parfaitement,  si  ceis  dons  ne 
guérissent  et  ne  réparent  les  forces  de  re- 
prit. »  Ces  mouvements  internes,  dirigés 
vers  les  actes  extraordinaires  et  surnaturels, 
sont  les  dons  du  Saint-Esprit  en  aclet  ou 
autrement  un  don  naturel  de  l'Esprit  divin 
L'habitude  du  don ,  ou  lef  don  en  habitude, 
est  une  certaine  qualité  spirituelle,  qui  des- 
cend en  nous  en  même  temps  que  la  grâce, 
et  a  cela  de  particulier,  qu'elle  incline  et 
dispose  nos  facultés  à  obéir  plus  facilement 
au  Saint-Esprit,  toutes  les  fois  qu'il  nous 
pousse  à  ces  actes  par  une  impulsion  ei 
une  inspiration  particulières. 

D'après  saint  Thomas,  ces  dons  nous  sont 
nécessaires  pour  acquérir  la  vie  éternelle: 
cela  doit  s'entendre  des  cas  où  quelqu  uu  ne 


7TI 


GRÂ 


D'ASCbTiSME. 


GRA 


m 


pourrait  persévérer  dans  Tétat  de  grâce 
sanctiOaote,  sans  produire  quelaue  action 
de  vertu  héroïque.  Par  exemple,  dans  le  cas 
où  quelqu'un  pouvant  se  veoçer  de  quelque 
grave  offense»  réprime  son  indignation  et 
pardonne  à  son  ennemi  ;  ou  bien  dans  le 
cas  où  il  faudrait  choisir  entre  la  perte  de  la 
vie  ou  le  renoncement  à  la  foi.  Alors,  de 
même  que  pour  rester  fidèle  à  Dien,  on  doit 
exercer  la  vertu  dans  un  degré  héroïque, 
de  même,  celui  qui  se  trouve  en  pareille 
circonstance,  a  besoin,  pour  être  sauvé, 
d'être  puissamment  aidé  des  dons  du  Saint- 
Esprit. 

Il  7  a  des  grâeeê données  graiuitemeni^  qui, 
par  sol  et  tout  d'abord,  sont  destinées  au 
salut  des  autres  et  sont  des  dons  que  Dieu 
ne  nous  doit  pas.  On  les  appelle  données 
gratuitement,  a  défaut  d'autre  dénomination 
particulière.  Elles  sont  dites  données  pour 
le  salut  des  autres,  en  raison  de  leur  fin  im- 
médiate, bien  que  celui  qui  les  possède 
poisse  et  doive  s'en  servir  pour  son  propre 
salut.  L'Apôtre  en  compte  neuf.  Fotcî  les 
divisions  des  grâces  :  Uun  reçoit  de  F  Esprit 
U  don  de  parler  avec  sagesse;  tin  autre  reçoit 
du  mime  Esprit  le  don  ae  parler  avec  science; 
un  autre  reçoit  le  don  de  la  foi  par  le  même 
Esprit  ;  un  autre^  la  grâce  de  guérir  les  ma- 
laaies;  un  autre^  le  don  des  miracles  ;  un  autre f 
le  don  de  prophétie;  un  autre,  celui  du  dis- 
cernement des  esprits;  un  autre,  celui  de  par^ 
Itr  diverses  langues  ;  un  autre,  celui  de  Vin- 
ierprétation  des  langues,  (i  Cor.  xu,  fc,  8, 
9,  10.)  En  voici  la  raison  :  Les  grâces  don*» 
nées  gratuitement  sont  les  grâces  données 
à  l'homme  pour  qu'il  s'intéresse  au  salut  des 
autres  ;  et  il  ne  peut  y  parvenir  s'il  ne  con*  - 
naît  parfaitement  les  choses  divines,  afin  de 
pouvoir  instruire  les  autres. 

1*  11  doit  donc  bien  connaître  les  principes 
des  choses  divines,  ce  qu'il  fait  par  la  foi  ; 
ensuite,  tirer  tes  conclusions  de  ces  sublimes 
principes,  et  y  puiser  les  moyens  d'arriver 
à  ses  fins,  ce  qu'il  fait  par  la  sagesse;  enfin, 
expliquer  tes  choses  divines  au  moyen  des 
choses  tiumaines,  ce  qu'il  fait  parla  science. 

2r  11  doit  proposer  d'une  manière  conve- 
nable à  ses  auditeurs  ce  qu'il  sait  :  il  doit 
donc  leur  parler  un  langage  que  ceux-ci 
paissent  comprendre  ;  c'estcequelui  permet 
de  faire  Vinterprétation  et  le  don  des  langues. 

St  11  doit  pouvoir  prouver  ce  qu'il  avance, 
et  il  le  fait  en  guérissant  miraculeusement 
les  maladies- par  la  grâce  des  guérisons;  en 
opérant  des  prodiges,  c'est  le  don  des  mira- 
des;  en  préclisant  l'avenir ,  c'est  le  don  de 
prophétie  ;  en  lisant  au  fbnd  des  cfBurs,  c'est 
ie  d&scemcmetU  des  esprits. 

Bellarmin  et  Suarez  pensent  que  l'Apôtre 
n'a  lait  que  nommer  les  plus  célèbres  des 
grâces  données  gratuitement.  Aussi  Suarez 
y  ajoute  le  «arac^e  sacerdotal,  X^juridiC" 
iion  dans  le  for  intérieur  et  V assistance  du 
Saint-Esprit  donnée  à  i'E^liSe  et  au  Souve- 
rain Pontife.  Hais  ces  dernières  ont  moins 
rapport  aux  grâces  données  gratuitement 
qu'à  l'administration  et  è  l'opération,  et 
elles  s'en  distinguent  en  ce  sens  que  les 

DiCTioR!!.  D'AscÉnsm.  L 


grâces  données  gratuitement  impliquent  un 
acte  manifestatiide  la  foi,  tandis  que  l'ad* 
ministration  suppose  l'autorité  d'exercer  un 
acte  relativement  aux  autres,  et  que  l'opé- 
ration est  l'exécution  du  ministère. 

Quelques-unes  de  ces  grâces  données  gra- 
tnitement  existent  dans  .l'homme  à  l'état 
d'habitude,  telles  que  la  foi,  la  sagesse  et  la 
science,  l'interprétation  et  le  don  des  lan* 

Ses  :  l'homme  peut  s'en  servir  à  sa  vo- 
ité.  Les  autres  sont  en  lui  par  une  sorte 
de  mouvement  actuel  ;  elles  cessent  d'exister 
après  la  production  de  l'effet:  telles  sont  la 
grâce  des  guérisons,  le  don  des  mirades, 
celui  de  la  prophétie,  le  discernement  des  es* 

Erits.  Dans  Jésus-Christ,  h  cause  de  l'union 
ypostatique,  elles  ont  toutes  existé  k  Télat 
d'habitude.  La  foi,  prise  comme  grâce  donnée 
gratuitement,  désigne  une  lumière  spéciale 

Sii  rend  l'homme  propre  è  dévoiler  les  mys- 
res  de  la  foi.  De  même  la  sagesse  et  la 
science,  en  tant  qu'elles  rendent  l'homme 
docile  aux  mouvements  du  Saint-Esprit, 
sont  des  dons  du  Saint-Esprit;  et  en  tant 
qu'elles  le  rendent  propre  h  instruire  les 
autres,  elles  sont  des  srâces  données  gra- 
tuitement. La  grâce  des  guérisons  et  le 
don  des  miracles  diffèrent  en  ce  que, 
dans  la  première,  éclate  plus  particuliè- 
rement la  bonté  de  Dieu  pour  la  misère 
des  hommes,  puisqu'il  les  appelle  à  la  foi 

Kr  des  bienfaits  ;  tandis  que  les  miracles 
ot  surtout  éclater  sa  toute-puissance,  qui  les 
invite  à  la  foi  par  des  prodiges. 

La  grâce  gratifiante  {gratum  faciene)  et  la 
grâce  donnée  gratuitement  (gratis  datay, 
diffèrent  entre  elles  :  1*  quant  à  la  fin,  parce 
que  la  gtkce gratifiante  {gnUum  faciens)  se  rap- 
porte avant  tout  par  soi  à  notre  propre  jus- 
tification, tandis  que  la  grâce  donnée  gratuit 
tement  se  rapportée  la  justification  d'autrui. 
â*  La  grâce  gratifiante,  comme  étant  for- 
mellement une  grâce  sanctifiante ,  n'est 
propre  qu'aux  justes;  et  celle  qui  est  donnée 
gratuitement  peut  se  trouver  dans  l'homme 
injuste  et  pécheur.  3*  La  srâce  gratifiante  est 
d'un  ordre  et  d'une  perfection  plus  élevés 
que  la  grâce  donnée  gratuitement,  parce  que 
la  première  nous  unit  à  Dieu  par  elle-même, 
tandis  que  l'autre  ne  le  fait  que  par  l'inter- 
vention de  la  grâce  gratifiante. 

Puisque  la  grâce  habituelle  est  la  vie  de 
notre  âme,  chacun  doit  donc  estimer  son 
âme  au-dessus  de  tout.  Dieu  excepté,  rela- 
tivement à  la  vie  de  la  grâce.  Dieu  lui-même 
nous  le  recommande  instamment.  Ayez  pitié 
de  votre  âme  en  vous  rendant  agréables  à 
Dieu.  {Eccli.  xtx,  2i^.)  Ces^mots  nous  mon- 
trent qu'il  nous  faut  non-Seulement  nous 
abstenir  du  péché  mortel,  qui  nous  fait 
perdre  entièrement  la  grâce,  mais  encore 
chercher  en  toute  chose  le  plus  grand  plai- 
sir de  Dieu,  sans  lequel  la  grâce  ^t  la  ije 
de  l'homme  s'attiédissent.  Préférons  dopifà 
tout  le  reste  la  vie  de  la  grâce  ;  méprwons 
avec  les  saints  martyrs  les  membres  ne  notre 
corps,  qui  n'en  sont  en  Quelque  sorte  que 
les  vêtements,  puisque  rame  seule  est  en 
quelque  sorte  l'iiomme  tout  entier,  comme 

S 


H». 


UR.V 


mCT.ON.XAIRE 


GRE 


le  remarque  saint  Ambroisie  {De  Itaac  et 
anima,  c.  8)  :  ■  Nous  sommes  des  âmes, 
^it-il;  nos  membres  sont  dos  rëteinents;  il 
fout  coaserver  les  vêtements,  do  peur  qu'ils 
ne  vieillissent  ou  ne  se  déchirent;  mais 
celai  qui  en  fait  usage  doit  se  garder  et  se 
i«QserTer  lui-môme  arec  beaucoup  plus  de 
soin.  »  \ 

De  mftme-  on  doit  fuir,  plus  que  tous  les 
maux,  la  mort  de  l'âme  par  la  privation  de 
)■  grAce.  Ecoutons  ces  paroles  chaleureuses 
de  saint  Jean-Clirysosiome  :  «  Ce  mal  est 
f^tl-dessusde  tout  ce  qu'on  ou  pcuNi'U.I'cltu 
âme,  temple  de  Jésus-ChrisI,  organe  do  son 
fisprit-Sflint,  sanctuaire  oCi  tant  de  mystères 
se  sont  accomplis,  vous  on  avez  fait  un  sé- 
pulcre I  vous  avez  transformé  les  membres 
du  CbrisL  en  un  infâme  lombeaul  Qucllo 
source  de  larmes,  quels  gémissemenu  pour- 
raient pleurer  un  si  grand  malheurî  Répon- 
dez, je  vous  prie  :  Si  l'on  voyait  en  celtô 
Tille  un  homme  porter  de  rue  en  rue  un 
cadavre  înfect,  qui  ne  prendrait  la  fuite? 
Vous  ^tes  vous-m4me  cet  homme,  et  c'est 
ninsi  que  vous  portez  en  tout  lieu  une  âme 
morte  et  accablée  de  péchés.  N'est-ce  pas 
plus  aiTrcui  encore?  ■  (Hom.  74,  m  Matlft.) 

Non-seulement  notre  âme,  mais  toutes  les 
Ames  rachetées  par  le  saiig  de  Jésus-Christ, 
doivent  nous  enuammer  d'une  sainte  ardeur, 
et  rien  ne  doit  nous  arrêter  pour  lus  rivîQer 
par  la  grâce.  C'est  là  l'esprit  sous  rinspiralion 
duquel  les  hommes  ajiosioliqucs  ont  par- 
couru tous  les  endroits  de  l'univers,  pour 
gagner  k  Jésus-Christ  des  âmes,  même  au 
prix  de  leur  sang.  C'est  par  cetesprit  que  les 
prélats  et  les  docteurs  de  l'Eglise  s'efforcent, 
par  leurs  paroles  et  leurs  écrits,  de  con< 
duire  les  âmes  dans  la  voie  du  salut.  C'est 
par  cet  esprit  que  les  âmes  saintes,  qui  font 
de  Dieu  leur  unique  occupation,  chercbent 
avec  ardeur,  par  leurs  ferventes  prières  et 
leurs  rigides  morliGcations,  à  procurer  la 
vie  et  le  salut  des  âmes.  Ainsi  sainte  Ca- 
therine de  Sienne  disait  en  extase  à  sou 
divia  Époux  :  ■  Puissé-je,  tout  en  conservant 
l'union  de  votre  amour,  être  placée  i;  l'en- 
trée de  l'enfer,  pour  en  fermer  l'ouverture, 
(lu  manière  que  personne  ne  puisse  désor- 
mais y  entrer;  je  serais  au  comble  de 
la  joie  de  pouvoir  ainsi  sauver  tous  mes 
proches.  ■ 

Dieu  nous  vivifie  par  sa  grâce:  par  elle 
il  habite  spécialemept  en  nous ,  et  il  nous 
iustiSe  par  son  amour  et  par  cet  ineffable 
bienfait:  ^MiOM  donc  Dieu  à  notre  tour. 


le  don  de  la  grâce  divine,  auquel  les  ipA- 
tres  se  préparèrent  pend.int  dix  juarsdani 
le  Cénacle.  (Xcl.  I,  Ik.)  Il  faut:!' Prier) 
S°  prier  tous  ensemble;  3*  prier  avecUiriu, 
mère  de  Jésus,  et  avoir  confiance  en  son 
intercession;  V  prier  humblement  et  recon» 
naître  ses  infirmités  ;  6°  prier  dans  le  secret 
de  sa  demeure  ,  afin  d'exciter  sa  dévoiioDt 
6'  prier  avec  persévéracce,  et  préparer  t 
Dieu  l'habitation  de  son  cœur.  C'est  ainsi 
qu'il  allumera  dans  nos  cœurs  le  feu  de  l'a- 
mour du  Saint-Esprit. 

Toute  vie  aime  ft  exercer  les  opéralons 
vitales  qui  lui  sont  propres  ;  et  comme  lagrSca 
e$t  la  vie  surnaturelle  de  l'âme,  l'opératioa 
doit  nécessairement  répondre  h  la  grlce. 
Or  celte  opération  consiste  dans  les  actes  et 
l'exercice  des  venus.  «  La  vie  spirituelle, 
dit  Avarez  dePaz(/)e  vit.  ipir.,  I,  I.  u,c.5), 
n'est  autre  chose  que  l'exercice  deshooncs 
oeuvres  ;  exercice  par  lequel  nous  servons 
Dieu  pour  Dieu,  nous  progressons  dans  la 
vertu  et  la  sainteté,  et  nous  méritons  celle 
vie  bienheureuse  pour  laquelle  nous  avons 
été  créés.  ■  Les  textes  sacrés  nous  en  four- 
nissent des  preuves  :  Le  royaume  de»  eina 
toulfre  violence,  et  ce  sont  les  violenligui 
remportent.  {IHalth.  xi,  12.)  Courex  il  ma- 
ntVre  à  remporter  le  prix  (  /  Cor.  ix,  Ht.  ) 
Le  Chrétien  doit  donc  se  faire  violence  et 
courir  dans  la  carrière,  afin  de  ravir  le 
royaume  des  cieux  et  du  recevoir  une  cou- 
ronne incorruptible  :  et  il  arrive  h  ce  résultat 
par  l'exercice  des  vertus,  (  foir  le  mot 
Vertc.) 

GRÉGOIRE  LE  GRAND  (  Saint  ),  d'ane 
illustre  famille  romaine.fut  préleur  (le  Rome 
en  573.  Le  mépris  des  grandeurs  huroaioei 
le  porta  à  se  retirer  dans  un  monastère,^  il 
avait  fait  hâtir  sous  l'invocation  de  saiet 
André.  En  58i,  il  devint  secrétaire  du  Pipe 
Pelage  II,  auquel  il  succéda  en  590.  Il  ter- 
mina saintement  sa  vie  le  12  mars  GOl.  De 
tous  les  Papes,  saini  Grégoire  est  celui  doul 
it  nous  reste  le  plus  d'écrits.  Les  priocipaai 
sont  :  1*  Son  Ptutoral  ;  c'est  un  traité  de) 
devoirs  des  pasteurs ,  et  l'on  ne  saurait  trop 
leur  en  recommander  Ja  lecture;  — 2*  D«s 
Boméliei  ;  —  3°  Des  Commenlairei  «ir  /o*, 
pleins  de  leçons  propres  è  former  les  mœon: 
ce  oui  les  a  fait  appeler  les  Moralei  dt  «M 
Grégoire;  —  k°  Des  Dialogues  sur  lesmirt- 
cles  de  plusieurs  saints  d'Italie;  — S*0om 
livres  de  lettres. 

GRÉGOIRE DB NtsSb  (Saint  ] ,  évêq» d* 
cette  ville,  naquit  en  Lappadoce  vers33l- 
Frère  de  Basile  le  Grand ,  U  se  moalradi- 


pmsqu'ii  nous  a  aimés  le  premier.  (I  Joan.  _ 

IT,  19.  )  Préparons-lui  une  demeure,  et  ne     gne  de  lui  par  ses  vertus  et  par  sel  taleots. 
laissons  pas  s'éloigner  un  hAta  aussi  su-     Il  s'appliqua  de  bonne  heure  aux  belles-lil- 


s'éloigner  i 
blime.  Si'  la  présence  de  Dieu  en  nous  ex- 
cite plus  de  crainte  que  d'amour,  rappe- 
lons-nous qu'il  est  notre  Père ,  et  nous  ne 
Sourrons  retenir  l'expansion  de  notre  amour 
liai.  Si,  lorsque  nous  pensons  qu'il  est 
notre  P^ ,  je  respect  arrête  l'amour ,  sou- 
venons-noas  qu'if  est  noire  Époux,  et  nous 
serons  transportés  d'amour.  Pour  acquérir 
cet  amour  de  Dieu  ,  ou  pour  le  conserver , 
nue  fois  acquis ,  il  faut  prier  :  car  c'<;sl  là 


très  et  aciquit  une  profoncîe  énidîtioo.  1 
livra  particulièrement  à  l'étude  des  satnls 
livres.  Elevé  sup  le  siég'j  épîscopal  de  Njsit 
eo  372 ,  it  signafa  son  zèle  contre  les  héré- 
tiques, qui  vinreni  à  bout  de  le  faire  etiler 
par  l'empereur  Valens,  en  37b.  Il  fut  rappel* 
par  Théodose  en  d76.  Il,a*»i]ta  ensnileia 
concile  d'Antioche  et  à  celai  deCoosianii- 
nople,  en  381.  Cet  illustre  saint  mourut  ea 
39ti,.dans  un  âge  fort  avancer  >^f^^  XH*'' 


ni 


GUI 


D^ASCETISMB. 


GUY 


78t 


nom  de  Mre  det  Pires,  Ses  ouvrages  ont  été 
publiés  eo  S  vol.  in-folio.  Les  principaax 
sonl:l*  Des  Oràûom  funèbres;  —  3*  des 
Sermons  ;  —  3*  des  Panégyriques  des  saints  ; 
-  k"  des  Commentaires  sur  V Ecriture;  — 
S*  Des  Traités  dogmatiques. 

GRÉGOIRE  DE  TOURS  fui  le  plus  bel  orne* 
laeDt  de  TEglise  de  Tours  après  saint  Mar- 
tin. Gilles,  archevêque  de  Reims,  le  sacra 
évêque  de  Tours  en  573.  Par  son  zèle  il.  Qt 
fleurir  la  religion  et  la  piété.  Il  rebâtit  sa 
cathédrale  fondée  par  saint  Martin»  et  plu- 
sieurs autres  églises. 

L'histoire  nationale  et  ecclésiastique  lui 
est  redevable  de  monuments  gue  rien  ne 
peut  remplacer  pour  jeter  du  jour  sur  les 
érénements  duv*etvi*  siècle;  mais  sa  sain- 
teté lai  a  donné  un  bien  autre  lustre ,  elle 
était  si  éminente  »  qu'il  fit  plusieurs  mira- 
cles de  son  vivant  ;  et  si  modeste  qu'il  les 
attribuait  au  mérite  de  saint  Martin.  Ses 
œuvres  ascétiques  sont  :  1*  Deux  livres  de. 
la  Gloire  des  martyrs  ;  —  2"  un  livre  de  la . 
Gloire  des  confesseurs  ;  —  9*  quatre  livres 
des  Mjiraeles  de  seUnl  Martin  ;  —  4**  un  livre 
des  Fies  des  Pires.  Ses  livres  sur  la  Gloire 
des  confesseurs  et  la  Vie  des  Pires  sont  ceux 
qui  intéressent  le  plus  ceux  qui  pratiquent 
la  rie  spirituelle.  *    . 

GRENADE  (  Louis  de  ) ,  né  Tan  1S0&  à 
Grenade ,  prit  Tbabit  de  Saint-Dominique , 
et  Tillustra  nar  ses  vertus  et  par  ses  écrits. 
La  reine  Catlierine  »  sœur  de  Charles-Quint , . 
loi  offrit  le  siège  de  Prague ,  mais  il  le  re- 
fasa ,  et  y  fit  nommer  à  sa  place  le  pieux 
don  Barthélemi  des  Martyrs.  11  mourut  en 

li8B.  Ses  ouvrages  ascétiques  sont  :  1*  Le 

Guide  des  pécheurs;-^  ^  le  Mémorial  de  la 
tie  chrétienne  »  3  vol.  ;  —  8*  un  Catéchisme , 

ItoI.;  — &*un  Traité  de  F  oraison  ^  3  vol. 

Ces  ouvrages  ont  été  traduits  ^en  français 

Kr  Gaillaome  Girard ,  archidiacre  d'Angou- 
m.  Louis  de  Grenade  est  un  des  maîtres 
de  Pascétisme. 

GRIFFET  (  Henri  ) ,  Jésuite ,  prédicateur 
do  roi ,  né  k  Moulins  en  1098 ,  mourut  en 
1T71  k  Bruxelles  *  où  il  8*était  retiré  après 
la  suppression  de  la  Société  en  France.  Ses 
OQvrages  sont  fort  nombreux  et  dans  tous 
les  genres.  Parmi  ses  livres  de  piété ,  on 
remarque  son  Année  chrétienne  ^  18  vol. 
in-ia. 

GUIGNES,  cinquième  général  des  Ghar- 
treox,  naquit  dans  le  xi*  siècle  au  château 
de  Saiot-Romaîn  en  Dauphiné.  U  gouverna 
m  ordre  pendant  trente  ans  avec  beau- 
coup d'attention  et  de  sagesse»  et  s'acquit 
QDe  grande  réputation  par  sa  piété,  son 
^uenoe  et  son  érudition.  11  a  laissé  un 
livre  intitulé  :  Statutaordinis  Carthusiensis^ 
iMbl.,  et  des  Méditations^  in-lS,  dans  ia 
Bibiiùthiemf  des  Pires. 

6D1LBBRT  (Pierre),  Simple  clerc,  précep- 
l^ar  des  pages  du  roi,  •  né  en  1691,  mou- 
rut en  1759,  laissant  plusieurs  ouvrages 
Ustoriques.  Ses  oBuvres  de  piété  sont  :  1*  Je- 
«w  eu  Caltairef  1781  ;  —  *  une  Tradue^ 
tioft  d«  Tamour  pénitent.  8  vol.  in-lS. 

GOILLADUE.  profès  de  Saint  •  Nicaise^ 


élu  en  1119  abbé  de  Saint-Thierrj,  naquit» 
è  Liéee,  d  une  famille  noble,  vers  la  On  du 
XI*  siècle.  Il  fut  étroitement  lié  d*amiti6 
avec  saint  Bernard,  qui  lui  écrivit  plusieurs 
lettres  et  lui  dédia  son  Traité  de  la  grdee 
ei  du  lUMre  arbitre.  Il  abdiqua  en  1133  et 
embrassa  Tinstitut  de  Clteaux  à  Tabbaye  de 
S^Soy»  près  de  Mézières,  où  il  composa  ses 
ouvrages.  Ce  fut  lui  qui  sonna  Falarme  con- 
tre les  nouveautés  d  Abailard  et  le  mît  aux 
prises  avec  le  saint  abbé  de  Clairvaux.  Il 
mourut  è  Signy  vers  1150.  Ses  ouvrages  as- 
cétiques sont  :  1*  des  Méditations  insérées 
dans  la  Bibliothèque  des  Pères^  L;^on,  1677; 
—  2*  De  natura  et  dignitate  amoris^  dans  les 
OËuvres  de  saint  Bernard;— 3* des  Comment 
taires  sur  le  Cantique  des  cantiques^  dans 
la  Bibliothèque  de  Cîteaux  ;— b*"  la  r  te  de  saint 
Bernard^  dans  les  Acta  sanetorum. 

GUILLAUMB  d'Auvergne,  évoque  de  Pa*> 
ris,  gouverna  sagement  cette  Eglise,  fonda 
des  monastères,  opéra  des  conversions  par 
ses  sermons,  et  mourut  en  12U.  On  a  de 
lui  des  Sermons  et  des  Traités  sur  divers 
points  de  morale  et  de  discipline,  recueillis 
en  2  vol.  in-fol.,  167fc. 

GUILLAUME  de  Paris,  archevêque  de 
cette  ville,  depuis  1228  jusqu'en  12^5  •  fit 
de  grands  efforts  pour  faire  fleurir  les  let- 
tres eu  France.  Il  avait  des  connaissanoes 
variées,  il  avait  approfondi  Platon  et  Aris- 
tote;  mais  il  possédait  encore  liiieux  la 
science  de  Dieu;  il  a  laissé  aux  émes 
pieuses  d'excellents  ouvrages  à  méditer,  en- 
tre autres  V Abrégé  des  vertus  ;  le  Livre  de  la 
pénitence  ;  le  CloUre  de  Pâme  ;  la  Profession 
du  novice.  Ces  ouvrages  s'adressent  surtout 
aux  religieux. 

GUYON  (Jeanne  Bouvier  de  la  Motte, 
dame),  née  h  Montargis,  en  iWtS,  de  Claude 
Bouvier,  seigneur  de  La  Motte- Vergonville» 
maître  des  requêtes.  Elle  voulait  se  con- 
sacrer au  cloître  ;  mais  d'après  les  instances 
de  ses  parents,  elle  épousa,  à  Tflge  de  seize 
ans,  le  fils  de  l'entrepreneur  du  canal  de 
Briare,  appelé  Guyon.  Devenue  veuve  à 
vinet-cing  ans,  avec  dé  la  beauté,  du  bien, 
de  Ta  naissance  et  un  esprit  fait  pour  le 
monde,  elle  donna  dans  une  spiritualité 
singulière,  où  l'on  crut  reconnaître  les  tra- 
ces du  quiétisme.  Un  voyage  qu'elle  fit  à 
Paris,  la  mit  à  même  de  lier  connaissance 
avec  d'Arenthon,  évoque  de  Genève,  qui, 
touché  de  sa  piété,  rappela  dans  son  dio- 
cèse. Elle  sy  rendit  en  1681,  et  passa  en- 
suite dans  le  pavs  de  Gex.  Il  y  avait  alors 
dans  celte  contrée  un  Lacombe,  Farhabite 
savoyard,  directeur  fameux,  qui  communi- 

3ua  ses  idées  à  madame  Guy  on,  et  tous 
eux  se  mirent  à  prêcher  le  renoncement 
entier  à  soi-même,  le  silence  de  l'Ame,  l'a- 
néantissement de  toutes  les  puissances, 
une  indifférence  totale  pour  la  vie  ou  la 
mort ,  pour  le  paradis  ou  l'enfer.  Cette  vie 
n'était,  en  suivant  la  nouvelle  doctrine, 
qu'une  emiieipation  de  rouvre,  qu^une  extase 
ans  réveil.  L'évêqne  de  Genève,  instruit  du 
progrès  que  disaient  ces  deux  apdtres  d'une 
mysticité  suspecte,  les  chassa  I^vn  et  rauiro! 


tas 


DlCTIO»NAirtE. 


3*  Biseoun  chréliatu,  2  vol.;  —  b*  IMncini 
et  le  \ouvtau  Tatammt,  avec  da  ixplica' 
lioru  et  dei  réflexions,  20  vol.  in-8';- 
5*  des  Leltret  tpirituellet ,  k  roi.  in-8*;  — 
6*  des  Canliguei  tpiritueit  et  dos  Ym  myi- 
ligues.  Ses  OËuvres  compreonent  en  tuul 
39  volumes.  On  remarque  dans  tous  ses 
écrits  de  rimsgiaaiion,  du  feu,  de  l'élé- 
gance, et  encore  plus  d'extraragancp,  sur- 
tout quand  on  prend  les  choses  à  la  lettre. 
Il  est  cepenaHut  impoesible  de  jnstitier 
M"'  Gujon,  si  tout  ce  que  ses  écrits  coolien- 
nent  est  effectivement  d'elle;  oiais  c'est  de 
quoi  douteront  probablement' ceui  qui  ver- 


Ils  passèrent  de  Gex  à  Tlionoa,  puisa  Turin,  cipaux  ouvrages    da   celltt   femme  sont' 

de  Turin  à  (IreDoble,  de  Grenoble  fa  V«rceil,  1'  Les  Torrents   ipiritueli,  lo  Moyen  court 

et  enfin,  fa  Paris;  et  partout  ils   se  firent  ef  Irii-fadle  de  faire  orai$on,  eDe  Cmlim 

des"  prosélytes.  Les  jeûnes,  les  courses,  tes  des  cantiques  expliqué  :ia-B^;—î^  f:i  Vit, 

etuiRrins,  achevèrent  d'affaiblir  leur  cerveau,  écrite  par  elle-roéine,  en  3  vol.  in-12,  Co- 

Uadame  tiuj'On  fut  enfermée  en  1688,  par  logne,  1720;  do  toutes  les  productions  de 

wdre  du  roi,  dans  le  couvent  de  la  Visita-  madame  Guyon,  c'est  ta  moins  commune; 

tion  de  la  rue  Saint-Antoine,  fa  Paris  ;  ayant  '**  "■' -' — "•' —    "  — '  -      *■*  "  *- -'  - 

recouvré  sa  liberté  par  le  crédit  de  madame 
da  MaintenOn,  elle  parut  fa  Versailles  et  à 
Saiut'Cyr.  Les  duchesses  de  Cbarrost,  du 
Chevreuse,  de  Beeuviliiers,  de  Morlemarl, 
touchées  de  l'onction  de  i^on  l'kxiui'iife  et 
de  la  chaleur  de  sa  piété  ^ionceL'i  iLiidre, 
la  regardèrent  comme  une  viiiili;  tinti.'  pour 
amener  le  ciel  sur  la  terre.  LVibbé  de  téae- 
loni  alors  précepteur  des  e:;riii's  de  Friince, 
se  fit  un  plaisir  de  form  i  ;ivi.'c  ellu  un 
commerce  d'amitié ,  de  dcvDliou  ri  de 
spiritualité,  inspiré  el  conduit  par  la  vertu, 

el  si  fatal  depuis  à  tous  les  deux.  Madame  .  . .  ,  .  . .  ,  . 
Guyon  ,  fière  de  son  illustre  disciple*  se  ront  le  testament  qu'elle  fil  snr  le  point  de 
servit  de  lui  pour  donner  de  la  vogue  à  ses  mourir,  et  où  après  avoir  fait  sa  profession 
idées  mystiques  ;  elles  les  répandit  surtout  de  foi  de  la  manière  la  plus  entière  et  la  plus 
jusque  dans  la  maison  de  Saint-Cyr.  L'évé-  touchante,  elle  ajoute  :  «  JedoisfaiaTériiéet 
que  de  Chartres,  Godet-Desmaresl,  s'éleva  pour  ma  justification,  protester  ar^c  ser- 
contre  la  nouvelle  doctrine.  Un  orage  se  ment  qu'on  a  rendu  de  faui  témoignggei 
formait;  Madame  Guyon  crut  le  dissiper  contre  moi,  ajoutant  fa  mes  écrits,  me  Taisent 
en  confiant  tous  ses  écrits  fa  B)ssuet.  Ce  direetpensercefaquof jen'avaisjamaispensi', 
prélat,  l'évoque  de  ChAlons,  depuis  cardinal  et  dont  j'étais  infiniment  éloignée;  qu'on  a 
de  NoailleS  ,  l'abbé  Tronsoo  ,  supérieur  contrefait  mon  écriture  diverses  fois;  qu'on  a 
de  Sainl-Sulpice,  et  Fénelon,  assemblés  fa  joint  la  calomnie  è  la  fausseté,  me  faisanldes 
Issy,  dressèrent  trente-quatre  articles.  On  interrogatoires  captieux,  ne  voulant  pas 
voulait  par  ces  articles  proscrire  les  maii-  écrire  ce  qui  me  justifiait,  et  ajoutant  t 
mes  pernicieuses  de  la  fausse  spiritualité,  mes  réponses;  mettant  ce  qae  je  ne  disait 
et  mettre  à  couvert  les  saines  maximes  de  pas,  supprimant  les  faits  vérilooles;  je  m 
la  vraie.  Madame  Guyon,  retirée  à  Meaux,  dis  rien  des  autres  choses,  parce  que  je  par- 
les souscrivit,  et  promit  de  ne  plus  dogma-  donne  tout  et  de  tout  mon  cœur,  ne  Tuuianl 
liser.  On  l'accusa,  mais  elle  n'en  convint  pas  même  en  conserver  le  souvenir.!  (Fdji» 
pasi  de  n'avoir  pas  tenu   parole.  La  cour,  FÊitELoa. 

fatiguée  des  plaintes  qu'on  portait  contre        Les  principales  erreurs  que  Bossuet  re' 

elle»  la  fit  enfermer  d  abord  fa  Vincennes,  marqua  dans  ses  livres,  peuvent  se  rappor- 

Euis  fa  Vaugirard,  el  enfin  k  la  Bastille,  ter  aux  quatre  suivantes,  d'après  U.  ùasr 

'affaire  du  madame  Guyon  produisit  une  selin. 
dispute  sur  le  ouiVltime  entre  Fénelon  et        L  La  perfection  de  l'homme,  même  ik» 

Bossuet.  Ce  différent  ayant  été  terminé  par  cette  vie,  cunsiste  dans  un  acte  continuel  lie 

la  condamnation  du  livre  des  Maximes  des  contemplation  et  d'amour  .qui  renferme  eo 

lainit  (Voir  ce  mut},  et  par  la  soumission  lui  seul  tous  les  actes  de  reli^on ,  et  (fiu 

(le  l'illustre  auteur  de  cet  ouvrage,  madame  une  fois  produit,  subsiste  toujours,  t  moins 

Guyon  sortit  de   la  fiasiille  en    17(â,  et  qu'on  ne  le  révoque  expressément.  Ce  pria- 

mourut  à  Blois  en  1717,  dans  les  transports  cipe,  une  fois  supposé  ou  expliqué  dans  les 

de   la  piété  la  plus  afi'ectueuse.  L'abbé  de  écrits  de  U*"  Guyon,  est  énoncé  en  terme) 

La  Btelterie  a  écrit  trois  lettres,  estimées  et  formels  dans  une  lettre  imprimée  à  U  sni/" 

rares,  dans    lesquelles  il  la  justitie  dos  de  son  ouvrage  intitulé  :  J^ym  courM"^ 

calomoiesqueseseonemisavaieiiliuventécs,  facile àe  faire  oraison,  t  ie  voudrais, dit  Ig 

)X)ur  noircir  sa  vertu.  Malgré  des  lettres  P.  Faluoni,  auteur  de  cette  lettre,  que  lou 

interceptées  du  Barnabite  Lacomlieà  son  vos  jour«,  vos  mois,  vos  années,  votre  iie 

élève  et  de  l'élève   fa  son  maître,  lettres  toutentiëre  fût  employée  dans  une  aclecoii- 

(eudres  et  vives,  les  gens  sensés  regardé-  tinuet  de  contemplation, avec  unefoi  lapl"' 

reot  toujours  Lacombe  et  madame  Guyon  simple,  et  un  amour  le  plus  pur  possible-" 

comme  ONix  personnes  irréprochables  aans.  Eu  cette  disposition,  quand  vous  vous  met- 

leurs  mœurs  ;  c'étaient,  selon  toute  appa-  trez  en  prière,  il  ne  sera  pas  toigours  oe- 

reiice,  des  Ames  bien  intentionnées,  mais  cessaire  de  vous  donner  fa  Dieu  de  noureiu 

qui    cherchant    fa    approfondir   les    voies  puisque  vous  l'avez,  déjfa  fait  :  car,  eoauat 

exlraordiuaii-es  par  lesquelles  Dieu  coniluit  si  vous  donniez  un  diamant  fa  votre  aiaie, 
quelques  cœurs  à  lui,  ségarëreut,au  moins 
aans  le  langage,  et  dans   la   manière  d'é- 
noncer  les  choses  qu'il    faut   abandonner 
tout  unimvut  uu  secret  de  Dieu.  Les  prin- 


aprèa  l'avoir  mis  entre  ses  mains,  il  oe  fau- 
drait plus  lui  dire  et  lui  répéter  toas  les  jours 
que  vous  lui  donnez  cette  bague,  que  'o^ 
lui  en  faites  présent  ;  il  ne  laudnit  (lu*  '<' 


785 


BâB 


D^ASCETISME. 


liAB 


78(> 


laisser  entre  %es  mains  sans  la  reprenore.... 
Ainsi,  quand  une  fois  ?ous  Toas  êtes  abso- 
lument mise  enlre  les  mains  de  Notre-Sei- 
gneur  par  on  amourenx  abandon,  vons  n'avez 
qu'à  demeurer  là  (170).  » 

II.  il  suit  de  ce  principe,  et  a  noaTelle 
mystique  parait  en  conclure  qu'une  Ame 
arriTée  à  la  perfection  n'est  plus  lenue  aux 
actes  explicites,  distingués  de  la  charité; 
qu'elle  doit  supprimer  généralement  et  sans 
exception  tous  les  actes  de  sa  propre  indus- 
trie, comme  contraires  an  parfait  repos  en 
Dieu.  «  Il  £iut,  dit-elle ,  seconder  le  dessein 
de  Dieu,  qui  est  de  dépouiller  Tâme  de  ses 
propres  opérations,  pour  substituer  les  sien* 
nés  eo  leur  place.  Laissez-le  donc  laîre ,  et 
ne  vous  liez  a  rien  par  tous  même;  quelque 
bon  qu'il  paraisse,  il  n'est  pas  tel  alors  pour 
tous,  s'il  tous  détourne  de  ee  qneDieu  veut 
de  TOUS....  Il  faut  que  tout  ce  qui  est  de 
l'homme  et  de  sa  propre  indostrie  si  noble  et 
relevé  qu'il  poisse  être,  il  faot,  dis-je,  que 
tout  cela  meure  (171). 

IlL  Dans  ce  même  état  de  perfection,  l'âme 
doit  être  indifférente  à  tout,  pour  le  corps  et 
{lour  Tàme,  pour  les  biens  temporels  et  éter- 


nCfS.  •  Pour  ia  pratique  de  raoaooon,  elle 
doit  être  de  pérore  sans  cesse  toute  volonté 
propre  dans  la  volonté  de  Dieo;  renoncera 
toutes  les  volontés  particulières,  qoelooe 
bonnes  qo'elles  paraissent,  dès  qu'on  les 
sent  naître*  pour  se  mettre  dans  l'indiffé- 
,  rence;  et  ne  vouloir  qoe  ce  que  Dieo  a 
voulu  dès  son  éternité;  être  indifférent  à 
tout,  soit  pour  le  corps,  soit  pour  l'âme, 

1)0ur  les  biens  éternels  et  temporels;  laisser 
e  passé  dans  l'oubli,  l'avenir  à  la  providence» 

.  et  donner  le  présent  à  Dieu,  »  etc.  (t73|. 

lY.  Dans  l'état  de  contemplation  parfaite, 
l'Ame  doit  rejeter  toutes  les  idées  distinctes, 
et  par  conséquent  la  pensée  même  des  al- 
tributs  de  Dieu  et  des  mystères  de  Jésus- 
Christ.  «  Dès  que  l'Ame  commence  à  recou* 
1er  à  son  Dieo,  comme  on  fleore  dtos  son 
origine,  elle  doit  être  toote  perdoe  et  abî- 
mée en  loi;  il  faot  même  qo'elle  perde  la 
Tue  aperçue  de  Dieu,  et  tonte  connais- 
sance distincte,  toote  petite  qo'elle  soit  ;  alors 
une  Ame  sans  avoir  pensé  a  aocon  état  de 

•  Jésos-Christ ,  depuis  dix  oo  ringt  ans,  con- 
serve toute  la  force  de  cette  pensée  impri* 
mée  en  elle-même  par  état  (173).  » 


H 


HABIT  RELIGIEUX.  —  L'habit  religieux 
€«t  un  vêtement  uniforme  que  portent  les 
reHgieux  et  les  religieuses,  et  qui  marque 
Tordre  dans  lequel  ils  ont  fait  profession. 
Les  fondateurs  des  ordres  monastiques  qui 
ont  d'abord  habité  les  déserts,  ont  donné  à 
leurs  religieox  le  vêtement  gu'ils  portaient 
eux-mêmes,  et  qui  était  ordinairement  ce- 
lui des  pauvres.  Saint  Athanase,  parlant  des 
habits  de  saint  Antoine,  dit  qu'ils  consis- 
taient dans  on  cilice  de  peaox  de  brebis,  et 
dans  on  simple  manteao.  Saint  Jérôme  écrit 
qoe  saint  Hilarion  n'avait  qu'un  cilice,  une 
ftaie  de  paysan  et  on  manteau  de  peau  ;  c'é- 
tait alors  rhabit  commun  des  beigèrs  et  dqs 
montagnards,  et  celui  de  saint  Jean-Baptiste 
était  à  peu  près  semblable.  On  sait  que  le 
eilice  était  ou  tissu  grossier  de  poil  de  chè- 
vre. Aujourd'hui  encore,  en  Egypte  et  sur 
les  cAles  de  l'Afrique,  les  jeunes  gens  de 
l*un  et  de  l'autre  sexe  se  passent  de  tout  vê- 
tement jusqo'à  la  poberté,  et  le  premier 
babît  qu'ils  portent  est  un  carré  de  toile 
dont  ils  s'eveloppent  le  corps,  et  qu'ils  lient 
avec  une  corde. 

Saint  Benoit  prit  pour  ses  religieux  l'ha- 
bit ordinaire  des  ouvriers  et  des  hommes 
da  commun.  la  robe  longue  qu'ils  p)rtaient 
par-dessus  était  l'habit  de  chœur.  Saint  Fran- 
çois et  la  plupart  des  ermites  se  sont  bornés 
de  même  à  l'habit  que  portaient  de  leur 
temps  les  gens  de  la  campagne  les  moins 

(170)  Lettre  da  P.  Falcoal ,  à  la  suite  du  Moyen 
eomri  et  irèt- facile  de  faire  oreàson^  p.  157.  etc. 

(171)  Moyen  court,  etc.,   n*  17  et  21,  p.  68  et 


aises,  habit  toujours  simple  et  grossier. 
Les  religieux  qui  se  sont  établis  plus  ré- 
cemment dans  les  villes,  ont  retenu  com* 
munément  l'habit  que  portaient  les  ecclé- 
siastiques de  leur  temps,  et  les  religieuses 
ont  pris  l'habit  de  deuU  des  veuves.  Si  dans 
la  suite  il  s^y  est  trouvé  de  la  différence, 
c'est  que  les  religieux  n'ont  pas  voola 
suivre  les  modes  nouvelles  que  la  temps  a 
fait  naître» 

Ainsi  saint  Dominique  fit  porter  à  ses 
disciples  l'habit  de  chanoine  régulier,  qu'il 
avait  porté  lui-même,  les  Jésuites,  les  Har- 
uabites,  les  Théatins,  les  Oratoriens,  eic,  se 
sont  habillés  à  la  manière  des  prêtres  espa- 
gnols, italiens  ou  français,  selon  le  pays 
dans  lequel  ils  ont  été  établis.  Dans  I  ori- 
gine, les  différents  habits  religieux  n'avaient 
donc  rien  de  bizarre  et  d'extraordinaire;  ils 
ne  paraissent  tels  aux  beaux  esprits  d'aujour- 
d^hoi,  que  parce  que  l'habit  laïque  a  changé 
continuellement,  et  quo  l'habit  religieux  a 
été  transplanté  d'un  pays  dans  on  autre. 

On  a  (ait  beaucoup  de  railleries  au  sujet 
de  la  dispute  qui  a  régné  fort  loi^lemps  en- 
tre les  Cordeliers,  touchant  la  forme  de 
leur  capuchon;  il  y  a  peut-être  du  ridicule 
dans  la  manière  dont  la  question  a  été  agi- 
tée. Quant  au  fond,  les  religieux  n'ont  pas 
tort  de  vouloir  conserver  l'nabit  pauvre  .et 
simple  qui  leur  a  été  donné  par  leurs  fonda- 
teurs. Quelque  changement  que  Ton  y  fasse, 

fl7i)  Moffen  courte  etc.  n*  6,  p.  98. 
173)  Interprétai,  inrles  Centitiueê^  chi  6,  n*  *.. 
pag.  115,  lU.  (Manuscrit  de  M-"Giiyoii,iiirili»ic  U* 
tonctiU.) 


WI 


fllAB 


MCnOXNAIRE 


BAB 


7» 


il  n*j  a  jamais  rien  k  gagner  pour  la  rëgota- 
lilé;  jamais  les  religieux  n'ont  cbercbé  à  se 
rapprocher  des  modes  sécalîères  qu'après 
avoir  perdu  l'esprit  de  leur  état. 

Nous  ne  pouvons  nous  abstenir  de  copier 
à  ce  sujet  les  obserrations  de  i'abt>é  Fleury 
(  Mœurs  deê  CkréP,,  n*  5^  )  :  «  Si  les  moines, 
aira*t->oilt  ne  prétendaient  que  de  TÎTre  en 
bons  Cbrétiens*  pourquoi  ont*ils  affecté  un 
extérieiir  si  éloigné  de  celui  des  autres  bom- 
9fees?  à  quoi  bon  se  tant  distinguer  pour  des 
cbMee  indifférentes  7  Pourquoi  cet  habit,  cette 
figure,  ces  singularités  dans  la  nourriture, 
dans  les  heures  du  sommeil,  dans  le  loge- 
ment? En  un  mot,  à  quoi  sert  tout  ce  qui  les 
fait  paraître  des  nations  différentes  répandues 
entre  les  nations  chrétiennes  7  Pourquoi  en- 
core tant  de  diversité  entre  les  divers  ordres 
religieux,  en  toutes  ces  choses  qui  ne  sont  ni 
commandées ,  ni  défendues  par  la  loi  de 
Dieu 7  Ne  aembJe-t-ii  pas  qu'ils  aient  voulu 
frapper  les  yeux  du  peuple  pour  s'attirer  du 
respect  et  des  bienfaits?  Voilà  ce  que  plu- 
sieurs pensent  et  ce  que  quelques-uns  di- 
sent, jugeant  témérairement,  faute  de  con- 
naître l'antiquité.  Car,  si  l'on  veut  se  donner 
la  peine  d'examiner  cet  extérieur  des  moi- 
nes et  des  religieux,  on  verra  que  ce  sont 
seulement  les  restes  des  mœurs  antiques 
q^u'ils  ont  conservés  fidèlement  durant  plu- 
sieurs siècles,  tandis  que  le  reste  du  monde 
a  prodigieusement  changé. 

n  Pour  commencer  par  l'habit,  saint  Be- 
noit dit  que  les  moines  doivent  se  conten- 
ter d*une  tunique  avec  une  cuculle,  et  un 
scapulaire  pour  le  travail.  La  tunique  sans 
manteau  a  été  longtemps  l'habit  des  petites 
gens,  et  la  cuculle  était  un  eapot  que  por- 
taient les  paysans  et  les  pauvres.  Cet  habil- 
lement de  tète  devint  commun  à  tout  le 
monde  dans  les  siècles  suivants,  et  comme 
il  était  commode  pour  le  froid,  il  a  duré 
dans  notre  Europe,  en?iron  jusqu'à  deux 
cents  ans  d'ici.  Non*seulement  les  clercs  et 
les  gens  de  lettres,  mais  les  nobles  mêmes 
et  les  courtisans  portaient  des  capuches  et 
des  chaperons  de  diverses  sortes.  La  cuculle 
marquée  par  la  Règle  de  Saint-Benoit  servait 
de  manteau,  c'est  la  colle  ou  coule  des 
moines  de  Clteaux;  le  nom  même  en  vient, 
et  le  froc  des  Bénédictins  vient  de  la  même 
origine.  Le  scapulaire  était  destiné  è  cou- 
vrir les  épaules  pendant  le  travail  et  en 
portant  des  fardeaux....  Saint  Benoit  n'avait 
donc  donné  è  ses  religieux  que  des  habits 
communs  des  pauvres  de  son  pays,  et  ils 
n'étaient  guère  distingués  que  pàv  l'unifor- 
mité entière,  qui  était  nécessaire  afin  que 
les  mêmes  habits  servissent  indifféremment 
à  tous  les  moines  du  même  couvent.  Or,  on 
ne  doit  point  s'étonner,  si  depuis  près  de 
douze  cents  ans,  il  s'est  introduit  quelque 
diversité  pour  la  couleur  et  pour  la  forme 
des  habits  entre  les  moines  qui  suivent  la 
Règle  de  Saint-Benott,  selon  les  pays  et  les 
diiférentes  réformes;  et  quant  aux  ordres 
religieux  qui  se  sont  établis  depuis  près  de 
cinq  cents  ans,  ils  ont  conservé  les  habits 
iu'il5  ont  trouvés  en  usage.  Ne  point  porter 


de  linge  parait  aujourd'hui  une  mode  aus- 
térité ;  mais  l'usage  du  linge  n^st  deTeou 
commun  que  lon^mps  après  saint  BenoH; 
on  n'en  porte  point  encore  en  Pologne  et 
dans  toute  la  Turquie,  on  couche  sans  draps, 
à  demi-véttt.  Toutefois  même,  avant  Ynsm 
des  draps  de  lingCt  il  était  ordinaire  de 
coucher  nu,  comme  on  fait  encore  en  Italie; 
et  c'est  pour  cela  que  la  règle  ordonne  aux 
moines  de  dormir  vêtus,  sans  ôter  mAme 
leur  ceinture. 

c  De  même  à  l'égard  de  la  nourriture,  des 
heures,  des  repas  et  du  sommeil^  des  absti- 
nences et  du  jeûne,  de  la  manière  de  se  lo- 
ger, etc.  ;  les  saints  qui  ont  donné  la  rèsie 
aux  moines,  n'ont  point  cherché  à  introduire 
de  nouveaux  usages  ni  à  se  distingaer  par 
une  vie  singulière^  Ce  qui  fait  paraître  au- 
jourd'hui celle  des  moines  extraordinaire, 
c'est  le  changement  qui  s'est  fait  dans  les 
mœurs  des  autres  hommes.  Ainsi  les  Chré- 
tiens doivent  remarquer  exactement  ce  qui 
se  pratique  dans  lès  monastères  les  plus  ré- 
guliers pour  voir  des  exemples  Yiyants  de 
la  morale  chrétienne.  Non-seulement  les 
ecclésiastiques  et  les  religieux,  mais  les 
laïçiues  mêmes  qui  aspirent  à  la  perfection 
doivent  garder  une  certaine  modestie  dans 
leurs  vêtements  ;  saint  François  de  Sales 
nous  en  a  tracé  cette  règle  :  <  Saint  Paul,  • 
dit-il,  «  veut  que  les  femmes  dévotes  (il  eu 
«  faut  dire  autant  des  hommes),  soient re- 
«  vêtues  d'habits  bîenséans,se  parant  avec  pu- 
«  dicitéet  sobriété.  Or  la  bienséance  des  oa- 
«  bits  et  autres  ornements  dépend  de  la  ma- 
«  tière,  de  la  forme  et  de  la  netteté.  Quant  à 
«  la  netteté,  elle  doit  presque  toujours  être 
«  égale  en  nos  habits  sur  lesquels,  tant  qu'il 
«  est  possible,  nous  ne  devons  laisser  aucune 
<  sorte  de  souillure  et  vilenie.  La  netteté  ei- 
«  térieure  représente  en  quelque  sorte i'bon- 
«  nêteté  intérieure.  Dieu  même  requiert 
«  l'honnêteté  corporelle  enceuxquis'appro- 
«  chent  de  ses  autels,  et  qui  ont  la  charge 
«  principale  de  la  dévotion. 

«Quanta  la  matière  et  à  la  forme  des 
ff  habits ,  la  bienséance  se  considère  par 
«  plusieurs  circonstances  du  temps,  de  Tâge, 
«  des  quadités,  des  compagnies  et  des  oca- 
«  sions.On  se  pare  ordinairement  mieui  les 
«jours  de  fêtes,  selon  la  grandeur  du  jour 
«  qui  se  célèbre;  en  temps  de  pénitence 
«  comme  en  carême,  on  se  démet  bien  fart, 
«  aux  noces,  on  porte  des  robes  nuptiales; 
«  et  aux  assemblées  funèbres  les  robes  de 
«  deuil  ;  auprès  des  princes  on  rehausse  ritftf» 
«  lequel  on  doit  abaisser  entre  les  dooestl- 
€  ques.  La  femme  mariée  se  peut  et  doit  or- 
«  ner  auprès  deson  mari,  quand  il  ledésire: 
«  si  elle  en  fait  de  même  en  étant  éloignée, 
«  on  demandera  quels  yeux  elle  veut  favoriser 
«  avec  ce  soin  particulier.  On  permet  plus 
«  d'afliquets  aux  filles,  parce  qu'elles  peuvent 
«  loisiblement  désirer  d'agréer  à  plusieurs, 
«  quoique  ce  ne  soit  qu'afin  d'en  gagner  un 
«  par  un  saint  mariage.  On  ne  trouve  pas nou 
«  plus  mauvais  que  Tes  veuves  è  marier  se 
«  parent  aucunement,  pourvu  qu'elles  nefas- 
;  «  sent  point  paraître  de  folâlreries, d'autant 


DASCETiSltt. 


IlEb 


Tta 


qu*a?aDl  d4jk  élé  mères  de  ISunilles,  et  passé 
par  les  regrets  du  TeuTage,  on  tieni  leur 
esprit  mûr  et  attrempé.  Mais  quant  aux 
vraies  veuves  qui  le  sont  noo-seuiement  de 
eorps,  maia  aussi  de  cœur,  nul  ornement 
ne  leur  est  convenable,  sinon  rhumililé,  la 
modestie  et  la  dévotion  ;carsi  elles  veulent 
donner  de  Famour  aux  hommes,  elles  ne 
sont  pas  de  vraies  veuves,  et  si  elles  n*en 
veulent  point  donner,  pourquoi  en  portent- 
elles  les  outilsTQui  ne  veut  recevoir  les  hô- 
tes, doit  Ater  l'enseigne  de  son  logis.  On  se 
moque  toujours  des  vieilles  gens  quand 
elles  veulent  fiire  les  jolies,  c*est  une  folie 
qui  n'est  supportable  qu*à  la  jeunesse. 
«Soyez  propre,  Philothée» qu  il  n'j  ail  rien 
sur  vousdetraJoant  et  mal  agencé;  c'est  un 
mépris  de  ceux  avec  qui  Ton  converse,  d'al- 
ler entre  enxen  habit  désagréable  ;  mais  gar- 
dez-vous biendesafféteries,  vanités,  curio- 
sités et  felâtreries  i  tenez-vous  toujours 
autant  que  possible,  du  cAté  de  la  simpli- 
cité et  de  la  modestie,  qui  est  sans  doute  le 
plus  grand  ornement  de  la  beauté  et  la 
meilleure  excuse  pour  la  laideur.  Saint 
Pierre  avertitsurtout  les  jeunes  femmes  de 
ne  point  porter  leurs  cheveux  si  fort  erépés, 
frisés,  anoèlés  et  serpentes.  Les  hommes 
qui  sout  assez  vains  pour  s'amuser  à  ces 
mugueteriest  sont  décriés,  partout  comme 
hermaphrodites  ;  et  les  femmes  vaines  sont 
regardées  comme  imbéciles  en  chasteté  ;  et 
si  elles  en  ont,  elle  n'est  pas  visible  parmi 
tant  de  fttras  et  de  ba^telles.  Ondit  qu'on 
o'j  pense  pas  mal,  mats  je  réplique  comme 
je  l'ai  fait  ailleurs,  que  le  diable  y  peuse 
toujours*  Pour  moi,  je  voutlrois  (jue  mon 
dévot  et  ma  dévote  fussent  toiuours  les 
mieux  habillés  de  la  troupe,  mais  les  moins 
pompeux  et  attèctés,  et  comme  le  dit  le 
proverbe,'qu'ils  fussent  parés  de  grftce,  de 
bienséance  et  de  dignité.  Saint  Louis  dit  en 
un  mot  qu'on  doit  se  vêtir  selon  son  état; 
en  sorte  que  les  sages  et  les  bons  ne  puis- 
sent dire  :  Vous  enlaitestrop,  ni  les  jeunes 
gens  :  Vous  en  faites  trop  peu.  Mais  dans  ce 
cas,  comme  les  jeunes  gens  ne  veulent  pas 
se  contenter  de  la  bienséance,  il  se  faut  ar- 
rêter à  l'avis  des  sages.  »  (  Inirod.  à  la 
Vie  dévoie.  ) 

OfiSTÉNIUS  (Benoit),  né  à  Utrecht,  se 
fil  Bénédictin  et  établit  la  réforme  dans  Tab- 
liave  d*Afflîgem,  dans  le  Brabant;  il  mourut 
le '31  juillet  i&kS,  â^é  de  soixante  ans, 
après  avoir  publié  plusieurs  pieux  et  savants 
oolrrages^  entre  autres  DiêquiêUioneê  ma- 
na$iieœ9  très-estimés. 

HAIRE.— Petit  vêtement  tisss  de  crins, 
qui  enveloppe  le  corps.  Uest  rude  etpiquaiit. 
Les  religieux  et  quelques  autres  personnes 
très^uslères  le  portent  sur  la  chair  pour 
se  mortifier  et  se  livrer  à  une  eitrême  péni- 
tence. (Foy.  MomTIFIGATIOH.  ) 

HAMON  (Jean  ),  docteur  en  médecine  de 
la  Faculté  de  Paris,  né  à  Cherbourg,  mort 
à  Port-Boyal  des  Oumps,  en  1687,  à  l'âge 
de  soixante-neuf  ans,  était  depuis  trente  ans 
dans  cette  retraite,  à  laquelle  il  ae  consacra 
pour  acquérir  les  vertus  chrétiennes  ;  mais 


i^  é<Aoua  toujours  devant  celles  qui  font 
nécessaires  pour  se  soumettre  aux  décisions 
de  l'Eglise.  Ses  principaux  ouvrages  ascé- 
tiques sont:  1*  Des  So/i/ofues en  latin,  tra- 
duits en  fran^is  par  l'abbé  Goujet,  sons  le 
titre  de  Géim$$emmis  d^un  cmur  cArAtdi, 
etc.; — 2*  Un  Reeueit  de  ditere  iraiiée  de 
piéié ,  Paris,  1675, 3  vol.  în-lS  ;  —  9La pra- 
tique de  la  prière  caniiauellè^  in-lS  ;-^  fc^  Cn- 
ireiiéae  Suae  âme  avec  Dieu,  traduits  j^ar 
Dom  Jean-Baptiste  1^arei;^Sr  Explication 
du  Cantique  aee  eantiqueef  k  vol.  in-12. 

HARnUS  (Henri),  pieux  Cordelier,  né  k 
Hetph  en  Brabant,  fit  paraître  un  zèle  émi- 
nent  dans  la  direction  aes  âmes,  et  moumt 
à  Malines  en  1477.  On  a  de  lui  un  grand 
nonlbre  d'ouvrages  ascétiques,  écrits  en  flS' 
mand  et  traduits  en  latin  et  en  français, 
ainsi  que  sa  Théologie  mystique, 

HAuTESEBRE  (  Antoine-Dadine  ra  ),  pro- 
fesseur de  droit  à  Toulouse,  naquit  dans  le 
diocèse  de  Cahors  et  mourut  en  1683,  âgé 
de  quatre-vingts  ans,  regardé  oomme  un  des 
plus  habiles  jurisconsultes  de  France.  Outre 

Ï plusieurs  écrits  de  jurisprudence,  on  a  de 
ni  un  Traité  deê  ascétiquee  ou  De  Foriqtme 
de  PAai  mouoetiquorn 

HADTEy]LIE(NiCfi1as),  docteur  en  théo- 
logie de  la  Faculté  de  Paris,  que  l'on  erott 
originaire  d'Auvergne,  et  qui  écrivait  au 
XVII*  siècle,  est  auteur  de  plusieurs  ouvrages 
qui  font  honneur  à  son  érudition  et  à  ses 
connaissances  dans  les  sciences  ecclésias- 
tiques. On  a  de  lui  :  !•  Explication  du  Traité 
de  saint  ThomaSf  des  attriouts  de  Dieu^  pour 
former  Vidée  d'un  Chrétien  savant  et  spirituel; 
— 3*  Les  caractères  ou  les  peintures  de  la  vie 
et-  de  la  douceur  du  B,  François  de  Sales; 
Lyon,  1661,  in-8";— 3*  Actions  de  saint 
François  deSales^  ou  les  plus  beaum  traits  de 
sa  vie;  Paris,  1768  ;  —  hr  Théologie  angélique, 
1658. 

HÉGOUMÈNB  ou  Hteunèn a.  —  C'était  un 
supérieur  de  religieux.  Dans  les  monastères 
des  Grecs,  des  Russes  et  des  nestoriens, 
outre  la  dignité  d'archimandrite,  qui  répond 
à  celle  des  abbés  réguliers,  on  distingue  des 
héguminest  qui  paraissent  leur  être  subor- 
donnés, et  qui  ont  un  chef  nommé  exarque, 
dont  les  fonctions  sont  analogues  h  celtes 
des  provinciaux  d'ordre  11  est  parlé  des 
hégumènes  dans  le  règlement  qne  Pierre  le 
Grand  fit  publier  pour  l'Eglise  de  Russie,  en 
1718,  et  l'on  trouve  dans  le  Pontifical  de 
rfi^lise  grecque  la  formule  de  leur  bénédic* 
tion,  aussi  bien  que  celle  de  l'eiarque. 

MELICITES,  ou  Eigètbs,  HsiciTES,  Hici- 
TBS.— Les  hélicites  étaient  des  fanatiques 
du  VI*  siècle  qui  menaient  une  vie  solitaire. 
Us  faisaient  principalement  consister  le  ser- 
vice do  Dieu  à  chanter  des  cantiques  et  à 
danser  avec  les  religieuses,  pour  imiter, 
disaientHis,  Texemple  de  Moïse  et  de  Marie. 
Cette  folie  ressemblait  t>eaucoup  à  celle  des 
niontanistes,  que  l'on  nommait  ascites  ou 
ascodrutes;  mais  leur  secte  avait  disparu 
avant  le  vi*  siècle.  Les  hélieiiee  paraissent 
donc  avoir  été  seulement  des  moines  relâ- 
chés, qui  avaient  pris  un  goût  ridicule  pour 


7M 


UER 


D^ASGETISIIE. 


UER 


m 


ja  daose.  Leur  nom  peut  être  aerive  du  grec 
aix9y  ce  fut  tourne^  et  on  le  leur  avait  pro- 
..bablemeut  donné  à  cause  de  leurs  danses 
en  rond. 

.  HÉLYOT  (Pierre),  religieux  de  Saint- 
François,  né  à  Pans  en  1660,  mourut  en 
.1716,  à  Paris,  âgé  de  cinquaote^six  ans, 
après  avoir  oqcoçé  différents  emplois  dans 
son  ordre«  Il  était  aussi  pieux  que  savant. 
On  a  de  lui  quelques  livres  de  dévotion, 
dont  le  plus  connu  est  Le  Chrétien  mourant, 
in-12- 

HENRI  d*Ubimaria,  théologien  du  xiv* 
siècle,  natif  de  Thuringe,  de  l'ordre  des  Er- 
mites de  Saint-Augustin,  a  laissé  divers  ou- 
vrages de  piété  dont  on  ne  connaît  plus 
même  les  tilres. 

liERMJTES  ou  Hbmutbbs.  ^  Les  hernu- 
tes  ou  hernuters  étaient  une  secte  d*entbou- 
siasles,  introduite  de  nos  jours  en  Moravie, 
en  Hollande  et  en  Angleterre.  Les  partisans 
sont  encore  connus  sous  le  nom  de  Frères 
moraves  ;  mais  il  ne  faut  pas  les  confondre 
.  avec  les  Frères  de  Moravie  ou  les  huttériteSf 
qui    étaient    une    branche    d'anabaptistes. 
Quoiaue  ces  deux  sectes  aient  Quelque  res- 
semblance, il  parait  c^ue  la  plus  récente, 
celle  dont  on  parle  ici,  n'est  point  née  de 
la  première.  Les  Aerntifei  sont  aussi  nommés 
zinzéndorQens  par  quelques  auteurs.   On 
.retrouve  dans  leur  doctrine  plusieurs  traces 
du  faux  mysticisme.  Le  ftfrndfûfne  doit  son 
origine  et  ses  progrès  au  comte  Nicolas^Louis 
de  Zinzendorf,  né  en  1700,  et  élevé  à  Hall 
dans  les  principes  du  quiétisme.  Sorti  de 
cette  université  en   17Si ,  il  s'appliqua  k 
Texécution  du  projet  qu'il  avait  conçu  de 
former  une  société,  dans  laquelle  il  pût 
vivre,  uniquement  occupé  d'exercices  de 
dévotion    dirigés  à  sa    manière..  Il  s'as- 
,  socia  quelques  personnes  qui  étaient  dans 
ses    idées,  et  il   établit   sa  résidence   à 
Bertboisfort  dans  la  haute  Lusace,  terre 
dont  il  fit  l'acquisition.  —Un  charpentier  de 
Moravie,  nommé  Christian  David,  qui  avait 
été  autrefois  dans  ce  pays-là,  engagea  deux 
ou  trois  de  ses  associés  k  se  retirer  avec 
leurs  familles  à  Bertholsdorf.  Us  y  furent 
accueillis  avec  empressement;  ils  y  bâtirent 
une  maison  dans  une  forêt,  à  une  demi-lieue 
de  ce  village.  Plusieurs  particuliers  de  Mn- 
'  ravie,  attirés  par  la  protection  du  comte  de 
Zinzendorf,  vinrent  augmenter  cet  établis- 
sement, et  le  comte  vint  y  demeurer  lui- 
. même. En  1728, ily  avait  déjà  trente-quatre 
maisons,  et  en  1733,  le  nombre  des  habitants 
était  de  600.  La  montagne  de  Hutberg  leur 
donna  lieu  d*appeler  leur  habitation   But- 
Der^Hern,  et  dans  la  suite  Hernut^  nom  qui 
peut  signifier  la  garde  ou  la  protection  du 
Seigneur  ;  c'est  de  là  que  toute  la  secte  a  pris 
le  sieff.  —  Les  hemutes  établirent  bientôt 
entre  eux  la  discipline  qui  y  règne  encore, 
qui  les  attache  étroitement  les  uns  aux  autres, 
qui  les  partage  en  différentes  classes,  qui  les 
met  dans  une  entière  dépendance  de  leurs 
supérieurs,  qui  les  assiijettit  à  des  pratiques 
do  dévotion  et  à  des  menues  règles  sem- 
blables à  celles  d*un  institut  monastique. 


La  différence  d'&ge,  de  sexe,  d'état,  rehtire- 
ment  au  mariage,  a  formé  parmi  eux  les 
différentes  classes,  savoir  :  celle  des  oàaris, 
des  femmes  mariées,  des  veufs,  des  veuves, 
des  filles,  des  garçons,  des  enfants.  Chaque 
classe  a  ses  directeurs  choisis  parmi  ses 
membres.  Les  mêmes  emplois  ou'exercent 
les  hommes  entre  eux  sont  remplis  entre  les 
femmes  par  des  personnes  de  leur  sete.  11 
y  a  de  fréquentes  assemblées  des  différeo- 
tes  classes  en  particulier,  et  de  toute  la  so- 
ciété ensemble.  On  y  veille  à  l'instruction 
de  la  jeunesse  avec  une  attention  particu- 
lière; le  zèle  du  comte  de  Zinzendorf  Ta 
quelquefois  porté  à  prendre  chez  lui  jusqu'à 
une  vingtaine  d*eniaots,  dont  neuf  ou  dix 
couchaient  dans  sa  chambre.  Après  les  aroir 
mis  dans  la  voie  do  salut,  telle  qu'il  la  coq* 
cevait,il  les  renvoyait  à  leurs  parents. 

Une  grande  partie  du  culte  des  bernutes 
consiste  dans  le  Chant,  et  ils  y  attachent  la 
plus  grande  importance;  c'est  surtout  par 
le  chant,  disent-ils,  que  les  enfants  s'içs- 
truisent  de  la  religion.  Les  chàotres  de  la 
société  doivent  avoir  reçu  de  Dieu  un  don 

Erticulier;  lorsqu'ils  entonnent  à  la  tète  de 
ssemblée,  il  faut  que  ce  qu'ils  chantent 
soit  toujours  une  répétition  exacte  et  suivie 
de  ce  qui  vient  d'être  prêché.  —A  toutes  les 
heures  du  jour  et  de  la  nuit,  il  y  a,  dans  lo 
village  d'Hernut,  des  personnes  des  deux 
sexes,  chargées  par  tour  de  prier  pour  la 
société.  Sans  montre,  sans  horloge  ni  réTeii, 
ils  prétendent  être  avertis  par  un  sentiment 
intérieur  de  l'heure  à  laquelle  ils  doivent 
s'acquitter  de  ce  devoir,  s^ils  s'aperçoivent 
que  le  relâchement  se  glisse  dans  leur  so- 
ciété, ils  raniment  leur  zèle  en  célébrant  des 
agapes  ou  des  repas  de  charité.  La  voie  du 
sort  est  fort  en  usage  parmi  eux  ;  ils  s'en 
servent  souvent  pour  connaître  la  volonté 
du  Seigneur. 

Ce  sont  les  anciens  qui  font  les  mariages; 
nulle  promesse  d'épouser  n*est  valide  sans 
leur  consentement.  Les  filles  se  dévouent 
au  Sauveur,  non  pour  ne  jamais  se  marier, 
mais  pour  n'épouser  qu'un  homme  à  lé- 
gard  duquel  Dieu  leur  aura  fiait  connaître 
avec  certitude  qu'il  est  régénéré,  jtistruit 
de  l'importance  de  l'état  conjugal,  et  amené 
par  la  direction  divine  à  entrer  dans  cet 
état. 

$n  1748,  le  comte  de  Zinzendorf  fit  rece- 
voir à  ses  frères  moraves  la  confession 
d'Auçsbourg  et  la  croyance  des  luthériens, 
témoignant  une  inclination  à  peu  pris  égalo 
pour  toutes  les  communions  chrétiennes; 

il  déclare  même  qu'on  n'a  pas  besoin  a« 
changer  de  religionpour  entrer  dansiasociélé 

des  bernutes.  Leur  morale  est  celle  de  II- 
vangile  ;  mais  en  fait  d'opinions  dogmati- 
ques, ils  ont  le  caractère  distinctif  du  fena- 
tisme,  qui  est  de  rejeter  la  raison  et  le  rai- 
sonnement, d'exiger  que  la  foi  soit  produite 
dans  le  cœur  et  par  le  Saint-Esprit  seul. 

Suivant  leur  opinion,  la  régénération  nul 
d'elle-même,  sans  qu'il  soit  hesoin  de  riw 
faire  pour  y  coopérer.  Dès  qu'on  est  rég^ 
néré,  on  devient  un  être  Jibrei  c'est  ccpeo- 


795 


BER 


p^ASCETISMC. 


IIES 


tK 


daol  le  Sauveur  du  monde  qui  agit  toujours 
dans  le  régénéré^  et  qui  le  guide  dans  toutes 
ses  aetioDS.  C'est  aussi  en  Jésus-Cbrist  que 
toute  la  divinité  est  concentrée»  il  est  l'ob- 
jet principal  ou  plutôt  unique  du  culte  des 
nernutes;  ils  lui  donnent  les  noms  les  plus 
tendres»  et  ils  révèrent  très^dévotement  la 
f)laie  qu'il  reçut  dans  son  côté  sur  la  croix. 
Jésus-Christ  est  censé  l'époux  de  toutes  les 
sœurs»  et  les  maris  ne  sont»  à  proprement 
parler»  que  ses  procureurs.  D'un  autre 
côté»  les  sœurs  bemutes  sont  conduites  h 
Jésus  par  le  ministère  de  leurs  maris»  et 
Ton  peut  regarder  ceux-ci  comme  les  sau- 
veurs de  leurs  épouses  en  ce  monde.  Quand 
il  se  lait  un  mariage»  e*est  qu'il  7  avait  une 
sœur  qui  devait  être  amenée  au  véritable 
époux  par  le  ministère  d'un  tel  procureur. 

Ce  détail  de  la  croyance  des  bernutes  est 
tiré  du  livre  d'Isaac  Lelong,  écrit  en  hol- 
lafidais»  sous  le  titre  de  Merveilleê  de  Dieu 
envers  son  Eglise f  Amst.»  1775»  in-8*.  Il  ne 
le  publia  qu'après  l'avoir  communiqué  au 
comte  de  Zinzendorf.  L'auteur  de  l'ouvrage 
intitulé  Londres f  qui  avait  conféré  avec 
quelques-uns  des  principaux  bemutes  d'An- 
gleterre» ajoute»  tom.  II,  p.  196,  qu'ils  re- 
gardent l'Ancien  Testament  comme  une  his- 
toire allégorique;  qu'ils  croient  la  nécesilé 
du  baptême;  qu'ils  célèbrent  la  cène  à  la 
manière  des  lulnériens»  sans  expliquer  quelle 
est  leur  foi  touchant  ce  mystère.  Après  avoir 
reçu  l'eucharistie»  ils  prétendent  être  ravis 
eo  Dieu  et  transportés  hors  d'eux-mêmes. 
Ils  vivent  en  commun  comme  les  premiers 
Gdèles  de  Jérusalem;  ils  rapportent  à  la 
masse  tout  ce  qu'ils  gagnent»  et  n'en  tirent 
que  le  plus  strict  nécessaire.  Les  cens  ri- 
ches y  mettent  des  aumônes  considérables. 

Cette  caisse  commune  qu'ils  appellent  la 
caisse  du  Sauveur^  est  principalement  desti- 
née à  subvenir  aux  frais  des  missions.  Le 
comte  de  Zinzerdorf»  qui  les  regardait  comme 
la  principale  partie  de  son  apostolat,  a  en* 
Yoyé  de  ses  compagnons  d'œuvre  presquepar 
tout  le  monde;  lui-môme  a  couru  toute  l'Eu- 
rope» et  il  a  été  deux  fois  en  Amérique.  Dès 
1733»  les  missionnaires  du  hernutisme  avaient 
déjà  passé  la  ligne  (  our  aller  catéchiser  les 
iièçres»  et  ils  ont  pénétré  jusqu'aux  Indes. 
Suivant  les  écrits  du  fondateur  de  la  secte» 
eu  17fc9,  elle  entretenait  jusqu'à  mille  ou- 
vriers évangéliques  répandus  par  tout  le 
monde;  ces  missionnaires  avaient  déjà  fait 
plus  de  SOO  voj^ages  par  mer.  Vingt-qua- 
tre nations  avaient  été  réveillées  de  feur 
assoupissement  spirituel  ;  on  prêchait  le  her- 
nutisme en  vertu  d'une  vocation  légitime» 
en  quatorze  langues,  à  20»000  Âmes  au 
moins  ;  en6n»  la  Société  avait  déjà  98  éta- 
blissements» entre  lesquels  se  trouvaient  des 
châteaux  les  plus  vastes  et  les  plus  magni- 
fiques. 11  y  a  sans  doute  de  l'hyperbole 
dans  ce  détail,  comme  il  y  avait  du  fana- 
tisme dans  les  prétendus  miracles  par  les-^ 
quels  ce  môme  comte  soutenait  que  Dieu 
avait  prolégé  les  travaux  de  ses  mission-- 
naires. 

PERSAN  (Marc-Antoine),  professeur  d'é- 


loquence au  collège  royal»  se  ratiraà  Corn- 
piëgne»oi!l  il  fonda  un  collée,  et  mourut  âgé 
de  soixante-douze  ans»  en  172^^.  Outre  plu- 
sieurs autres. ouvrages»  on  a  de  lui  desJPen- 
sées  édifiâmes  sur  la  mort.  Rollin  a  été  un 
de  ses  disciples. 

HESICHASTES.  —  Moines  grecs»  qui  en- 
seignaient le  quiétisme  vers  le  milieu  du 
XI*  siècle. 

Siméon  le  Jeune,  abbé  de  Xérocerce»  avait 
porté  fort  loin  les  exercices  de  ia  vie  con- 
templative; il  avait  donné  des  maximes 
pour  s* y  perfectionner»  et  ses  moines  priaient 
et  méditaient  sans  cesse. 

Comme  la  gloire  de  Dieu  était  l'ûlget  de 
tous  leurs  vœux»  elle  était  le  sujet  de  toutes 
leurs  méditations.  Ils  s  agitaient»  tournaient 
la  têle»  roulaient  les  yeux  et  faisaient  des  ef- 
forts incroyables  pour  s'élever  au-dessus 
des  impressions  des  sens»  et  pour  se  détacher 
de  tous  les  objets  qui  les  environnaient»  et 
qui  leur  semblaient  attacher  l'âme  à  .la 
terre.  Tous  les  objets  se  ccmfosoaient  alors 
dans  leur  imagination;  ils  ne  iwyaieni  rien 
distinctement;  tous  les  corps  disparaissaient 
et  les  Gbresdu  cerveau  n'étaient  plus  agitées 

aue  (mr  ces  espèces  de  vibrations  qui  pro- 
uisent  ces  couleurs  vives  qui  naissent 
comme  des  éclairs»  lorsque  le  cerveau  est 
comprimé  par  le  gonflement  des  vaisseaux 
sanguins. 

Les  disciples  de  Siméon,  dans  la  ferveur 
de  leurs  méditations»  prirent  ees  lueurs 
pour  une  lumière  céleste»  et  les  jegardèrent 
comme  un  rayon  de  la  gloire  des  liieolieu- 
reux.  Ils  croyaient  que  c'était  enregardant 
le  nombril  que  cette  lumière  s'oÉraità  eux. 

On  blâma  ces  visionnaires.  Siméon»  abbé 
de  Saint-Mammas»  prit  leur  défense,  et  traita 
comme  des  hommes  charnels  et  terrestres 
les  ennemis  des  hésychastes,  qui  jouirent 
de  la  liberté  de  se  procurer»  par  leurs  mé- 
ditations» les  visions  qui  les  rendateat  heoH 
reux. 

Au  commencement  duxiv*  siècle» Grégoire 
Palamas»  moine  du  mont  Atbos»  qui  avait 
quitté  la  fortune  et  les  boaneurs  pour  la  rie 
monastique»  adopta  les  règles  que  Siméon 
le  Jeune  avait  prescrites  et:l<is  AccrécBlB.^.  > 

11  écrivit  sur  la  nature  de  <celte . iusnièdo 
que  les  contemplatifs  apercevaient  &  leur 
nombril  :  il  prétenUit  qu'elle  n'était  point 
différente  de  la  lumière  qui  avait  paru  sur 
le  Thabor;  que  cette  lumière  était  jncréée  et 
incorruptible,  quoiqu'elle  ne  fût  point  l'es.*- 
sence  de  Dieu;  c'était  une  opération  de  la 
Divinité;  sa  grâce»  sa  gloire»  sa sjriéndeur», 
qui  sortai  ent  de  son  essence. 

Un  moine»  nommé  Bariaam,  attaqua  le 
sentiment  des  hésychastes  sur  la  nature  de  la 
lumière  qui  avait  paru  sur  le  Thabor,  et 
prélendit  que  cette  lumière  n'était  |)oint 
incréée;  que  le  sentiment  de  Palamas  sem- 
blait admettre  plusieurs  divinités  sut^rdon-^ 
nées,  et  émanées  de  la  divinité  substan- 
tielle. 

On  assembla  un  concile  pour  décider  cette 
question  qui  commençait  à  faire  du  bruit»  et 
Ton  condamna  Bariaam.  . 


ns 


REU 


DICTlONNàmS 


HEU 


m 


AcyndinuSf  autre  moine,  entreprit  la  dé- 
fense de  Bariaam  ;  on  assembla  un  concile 
pour  juger  Acyndinus;  il  fut  conraincu 
il'âtre  du  sentitnent  de  fiarisam,  et  de  croire 
la  lumiàre  du  Thabor  une  lumière  créée; 
on  condamna  Acjrndinus  et  Bariaam;  on 
imposa  silence  sur  ces  contestations,  et  l'on 
défendit,  sous  peine  d'eicommunication, 
d'accuser  les  moines  d'hérésie. 

Les  hésycbastes  ou  palamites  ne  crurent 
pas  devoir  se  borner  a  cette  victoire;  ils 
remplirent  Gonstantinople  de  leurs  écrits 
contre  Bariaam»  répandirent  leur  doctrine, 
persuadèrent;  et  Gonstantinople  fui  remplie 
de  quiétistes  qui  priaient  sons  cesse,  et  ^ui, 
les  yeux  naisses  sur  le  nombril,  attendaient 
toute  la  journée  la  lumière  du  Thabor.  Les 
maris  quittèrent  leurs  femmes  pour  se  li- 
vrer sans  distraction  à  ce  sublime  exercice, 
et  les  hésycbastes  leur  donnaient  ta  tonsure 
monacale  :  lès  femmes  se  plaignirent,  et  les 
quiétistes  remplirent  Gonstantinople  de 
trouble  et  de  discorde. 

Le  patriarche  ordonna  aux  hésycbastes  de 
se  contenir;  ils  ne  déférèrent  ni  à  ses  avis, 
ni  à  ses  ordres;  il  les  chassa  de  la  ville  ;  il 
assembla  un  concile  composé  du  patriarche 
d*Antioche  et  de  plusieurs  évèques  :  ce  con- 
cile condamna  Grégoire  Palamas,  ses  opi- 
.  nions  et  ses  sectateurs. 

Ceci  se  passa  sous  Timpératrice  Anne, 
pendant  l'exil  de  Gantacuzène;  mais  lorsque 
Cantacuzène  se  fut  rendu  maître  de  Gons- 
tantinople, l'impératrice  Anne  et  Jean  Pa- 
léologue,  voulant  se  servir  de  Palamas  pour 
faire  leur  paix,  le  firent  absoudre  dans  un 
synode  qui  condamna  le  patriarche  Jean;  ce 
pairiarcne  étant  mort,  Gantacuzène  fit  élire 
a  sa  place  Isidore,'  sectateur  zélé  des  opi- 
nions des  hésycbastes. 

Les  barlaamites)  se  séparèrent  de  la  com- 
munion d'Isidore  :  pour  rétablir  la  paix  entre 
ces  deux  partis,  les  .deux  empereurs  Gan- 
tacuzène et  Jean  Paléologuc  (iront  assembler 
un  concile  composé  dé  vingt-cinq  roéiropo- 
litains,  de  quelques  évèques,  de  plusieurs 
prêtres  et  moines  :  on  cita  à  ce  concile  les 
eoneiùis  de  Palamas;  on  examina  leurs  ac- 
cusations et  les  réponses  de  Palamas  ;  on 
traita  ensuite  de  lalumièredu  Thabor.  Quel- 
ques jours  après,  on  se  rassembla  pour  trai- 
ter à  fond  quelques  qûestionsqui  regardaient 
l'essence  |et  l'opération  divine.  L'empereur 
proposa  lui-même  toutes  ces  questions  ;  on 
rapporta  tous  les  passages  des  Pères  pour  les 
expliquer  :  on  examina  avec  le  môme  soin 
toute  la  doctrine  de  Barlnam;  on  reçut  la 
profession  de  foi  des  moines  du  mont  Athos, 
el  l'on  condamna  Bariaam,  Acyndinus  et 
tous  ceux  qui  croyaient  que  la  lumière  du 
Thabor  était  créée  ;  ce  concile  fut  tenu  vers 
l'an  13i5. 

Le  nombre  des  ouvrages  composés  pour 
et  contre  les  hésychastes  est  très-considt^ra- 
ble;  ils  sont  encore  pour  la  plupart  manus- 
crits; il  y  en  avait  beaucoup  dans  la  bibiio- 
(thèciuedeCoissin. 

HEURES  GAN0NIALE3.  —  Loç  heures 
^canoniales  sont  des  prières  que  Ton  fait 


dans  l'Eglise  catholique  k  certaines  heures, 
soit  du  jour,  soit  de  la  nuit,  et  qui  ont  été 
réglées  et  prescrites  par  les  anciens  canons; 
elles  sont  au  nombre  de  sept,  savoir:  Ma- 
tines et  Laudes,  Prime,  T!erce,.Sexte,  NoDe^ 
Vêpres  et  Gomplies.  Cette  suite  de  prières 
se  nommait  autrefois  le  cours,  ewrwa.  Le 
P.  Mabillon  a  fait  une  dissertation  sur  la 
manière  dont  on  s'en  acquittait  dans  les 
églises  des  Gaules;  il  Ta  intitulée  :  Da  cum 
Gallicano;  elle  se  trouve  à  la  suite  de  son 
ouvraçe  De  IHurgia  GalUcana.  11  obserre 
que,  dans  les  premiers  siècles^  l'office  diria 
n'a  pas  été  absolument  uniforme  dans  les 
différentes  églises  des  Gaules,  mais  que  peu 
è  peu  l'on  est  parvenu  à  l'arranger  de  même 
partout  ;  que  cet  usage  de  prier  et  de  louer 
Dieu  plusieurs  fois  pendant  le  jour  elpen* 
dant  la  nuit,  a  toujours  été  regardé  comme 
un  devoir  essentiel  des  clercs  et  des  moines. 
En  effet,  saint  Gyprien  (L.de  orat.  Ho* 
min.)  observe  que  les  anciens  adorateurs 
de  Dieu  avaient  déjà  coutume  de  nrier 
h  rheure  de  Tierce,  de  Sexte  et  deNooe; 
et  il  est  certain  d'ailleurs  que  les  Juils 
distinguaient  les  quatre  parties  du  jour  par 
la  prière  et  par  des  sacrifices.  Saint  Cjpnea 
ajoute  :  «  Mais  outre  ces  heures,  observées 
de  toute  antiquité,  la  durée  et  les  mystères 
de  la  prière  ont  augmenté  chez  les  Chré- 
tiens  Il  faut  prier  Dieu  dès  le  matin,  le 

soir  et  pendant  la  nuit.  »  Tcrtullien  avait 
déjà  parlé  de  ces  différentes  heures.  [Dtû- 
jun.,  c.  10,  etc.;  ÛRiaèNB»  De  orai.y  il  H; 
saint Glément  d'Alexandrie,  Strom.^lyiu 
ch.  7.) 

Suivant  l'observation  de  plusieurs  auteurs, 
le  premier  décret  que  l'on  connaisse,  coq* 
cernant  l'obligation  des  Heurté  canonidti, 
est  le  2i^*  article  d'un  capitulaire  dressé  au 
IX*  siècle  par  Hevton  ou  Riton ,  évêque  k 
Bâie,  pour  les  ecclésiastiques  de  son  diocèse. 
Il  i)orte  que  les  prêtres  ne  manqueront  ja- 
mais aux  Heures  eanoniates  du  jour  ni  de  la 
nuit.  Mais  cela  ne  prouve  pas  que  l'évéqiu) 
deBAle  faisait  une  nouvelle  institution;  il 
avertissait  seulement  les  prêtres  et  surtoai 
les  curés,  que  leurs  autres  fonclioos  ne  les 
dispensaient  pas  deis  Heures  canonialtSi  noa 
plus  que  les  autres  clercs.  BinghanO)  quieo 
a  recherché  l'origine,  prétend  que  l'usage 
en  a  commencé  dans  les  monastères  delO- 
rient,  et  qu'il  s'est  introduit  peu  à  peu  dans 
les  autres  églises.  Il  parait  bien  plu^  prO' 
bablc  que  cet  usage  a  commencé  dans  les 
grandes  églises,  où  il  y  avait  un  clergé  nom- 
breux,  el  qu'il  a  été  imité  par  les  roolow; 
du  moins  1  on  ne  peut  pas  prouver  posiU- 
vement  le  contraire.  Bingham  convient  qco 
saint  Jérôme,  dans  ses  îeWres  d  iff/aelû 
Dimitriade,  et  Tauleur  des  CmiUf^ 
apostoliques,  ont  parlé  de  cet  usage  ;  il  éiait 
donc  établi  sur  la  fin  du  iV  siècle. 

Mais  il  prétend  que  cela  s'est  fait  P^ 
tard  dans  les  églises  des  Gaules,  queio" 
n'y  en  voit  aucun  vestige  avant  le  vi*  sïèciei 
et  que,  dans  celles  d'Espagne,  l'usage  en  e? 
encore  plus  récent.  Cependant  Gassien»<]'" 
vivait  dans  les  Gaules,  au  conomcnceiueu» 


TfT 


BEC 


D'ASGETISME. 


HEU 


196 


da  ▼*  siàde,  a  fait  ira  traité  du  chant  et  des 
prières  noctum.es;  il  dît  que  dans  les  mo- 
nastères des  Gaules  on  partageait  Tofficedu 
ioor  en  quatre  Htwrt$^  savoir  :  Prime^  Tierce» 
Sexte  et  None,  et  il  fait  mention  de  Toffiee 
de  la  nuit  la  Teille  des  dimanches. 

Les  différentes  Heures  cananiaieê  sont 
composées  de  psaumes,  de  cantiques,  d'hym- 
nes, de  versets,  de  legons,  de  répons ,  etc. 
Comme  tous  ces  offices  se  font  en  public, 
personne  n'ignore  la  méthode  que  Ton  y 
observe,  ni  la  variété  qui  s'y  trouve,  suivant 
la  différence  des  temps ,  des  jours  et  des 
fêtes.  Dans  les  églises  cathédrales  et  collé- 
giales, et  dans  la  plupart  des  monastères  de 
rnn  et  de  Tautre  sexe ,  ces  Heura  se  chan- 
tent tous  les  jours  ;  dans  les  autres,  on  ne 
les  chante  que  les  jours  de  fête,  et  on  les 
récite  les  jours  ouvriers.  Tous  les  ecclésias- 
tiques qui  sont  dans  les  ordres  sacrés,  on 
qui  possèdent  un  bénéfice,  tous  les  religieux, 
excepté  les  Frères.lais,  sont  tenus  de  les 
réciter  en  particulier,  lorsqu'ils  ne  le  font  pas 
an  chœur. 

Les  MatineSy  qui  sont  la  première  partie 
de  l'office  canonial,  se  chantent  ou  se  réci- 
tent, ou  la  veille,  ou  è  minuit,  ou  le  matin; 
de  là  on  les  a  nommées  YigiliœfOfficiumnoe- 
tumum^  et  ensuite  Borœ  matutinœ.  Pendant 
les  premiers  siècles  de  TEglîse,  tant  que 
durèrent  les  persécutions,  les  Chrétiens  fu- 
rent obligés  de  tenir  leurs  assemblées  et  de 
célébrer  Ta  liturgie  pendant  la  nuit  et  dans 
le  plus  grand  secret.  Cette  coutume  conti- 
nua dans  la  suite,  surtout  la  veille  des 
grandes  fêtes,  et  on  l'observe  encore  k  pré- 
sent partout;  dans  la  nuit  de  Noël.  Plusieurs 
ordres  religieux  et  quelques  chapitres 
d'églises  catfaédirales,  comme  celui  de  Paris, 
commencent  tous  les  jours  Matines  à  minuit. 

Dans  les  CaiM^i7tt/tofi«  apo$tolique$f  I.  viii, 
ch.  34,  il  y  a  une  exhortation  générale 
laite  à  tous  les  fidèles  de  prier  le  matin, 
aux  heures  de  Tierce,  de  Seite  et  de  None; 
le  soir,  au  chant  du  coq.  Un  concile  de  Car- 
thage,  de  Tan  398,  canon  49,  ordonne  qu'un 
clerc  oui  s'absente  des  Vigiles,  hors  le  cas 
de  maladie,  soit  privé  de  ses  honoraires. 
Saint  Jean  Chrysostome,  saint  Basile,  saint 
Epiphane  et  plusieurs  autres  Pères  grecs 
du  IV*  siècle,  font  mention  de  l'office  de  la 
nuit  qui  se  célébrait  dans  TOrient  ;  plusieurs 
ont  cité  l'exemple  de  David,  qui  dit  dans  le 
psaume  cxtiii  :  Je  me  /frais  au  milieu  de  la 
nuit  pour  vous  adresser  mes  louanges.,,.  Je 
vous  ai  loué  sept  fois  pendant  le  jour^  etc. 
Cassien  {De  cant,  noct,)  dit  que  les  moines 
o*Egypte  récitaient  douze  psaumes  pendant 
la  nuit,  et  y  ajoutaient  deux  leçons  tirées 
du  Nouveau  Testament. 

On  prétend  que  cette  partie  de  la  prière 
publique  fut  introduite  en  Occident  par 
saint  Ambroise,  pendant  la  persécution  que 
lui  suscita  fimperalrice  Justine,  protectrice 
des  ariens;  maisl^  passagesque  nous  avons 
cités  deTertullien  et  de  saint  Cyprien,  nous 
semblent  prouver  que  cet  usage  était  déjà 
établi  en  Afrique  avant  saint  Ambroise ,  et 
ii  n'est  pas  probable  qu'on  Tait  négligé  dans 


l'Eglise  de  Rome.  Saint  Isidore  de  Séville, 
dans  son  Livre  des  Offices  ecelésiasUquss^ 
ap^lle  celui  de  la  nuit  vigiles  et  Nocturnes, 
et -il  appelle  Jfoltnet  celui  que  nous  nom- 
mons a  présent  Laudes. 

Il  résulte  de  ces  observations  que  l'ordre 
et  la  distribution  de  l'office  de  la  nuit  n'ont 
pas  toujours  été  absolument  tels  qu'ils  sOnt 
aujourd'hui;  aussi  la  manière  de  le  célébrer 
n'est  pas  entièrement  la  même  chez  les 
Grecs  que  chez  les  Latins.  On  commença 
d'aborci  par  réciter  ou  chanter  des  psaumes; 
ensuite  on  y  ajouta  des  leçons  ou  lectures 
tirées  de  l'Ancien  ou  du  Nouveau  Testament, 
une  hymne,  un  cantique,  dés  antiennes,  des 
répons,  etc.  On  voit  néanmoins  dans  la  Règle 
de  Saint-Benoit,  dressée  au  commencement 
du  VI*  siècle,  qu'il  y  avait  déjà  beaucoup  de 
ressemblance  entre  la  manière  dont  se  fai- 
sait pour  lors  l'office  de  la  nuit,  et  «elle  que 
l'on  suit  aujourd'hui. 

Dans  l'office  des  dimanches  et  des  fêtes, 
les  Matines  sont  ordinairement  divisées  en 
rois  nocturnes,  composés  chacun  de  trois 
psaumes,  de  trois  antiennes,  de  trois  leçons, 
précédées  d'une  bénédiction  et  suivies  d'un 
répons.  Mais  pendant  le  temps  pascal  et  les 
jours  de  férié,  on  ne  ditqu*un  seul  nocturne; 
après  le  dernier  répons,  l'on  chante  ou  Ton 
recite  l'hymne  ou  cantique  Te  Deum^  et  l'on 
commence  les  Laudes,  autre  partie  de  l'office 
de  la  nuit,  que  l'on  ne  sépare  jamais  de  la 
précédente  sans  nécessité.  Celle-ci  est  com- 
posée de  cinq  psaumes,  dont  le  quatrième 
est  un  cantique  tiré  de  l'Ecriture  sainte;  d'un 
capitule,  qui  est  une  courte  leçon;  d'une 
hymne,  du  cantique  de  Zacharie,  et  d'une 
ou  de  plusieurs  oraisons» 

Lts  incrédules ,  censeurs-nés  de  toutes 
les  pratiques  religieuses,  demandent  è  quoi 
sert  de  se  relever  la  nuit,  de  sonner  les  clo- 
ches, de  chanter  et  de  prier,  tandis  que  tout 
le  monde  dort  ou  doit  dormir.  Cela  sert  à 
faire  souvenir  les  hommes  que  Dieu  doit 
être  adoré  dans  tous  les  temps;  que  l'Eglise 
ne  perd  jamais  de  vue  les  besoins  de  ses 
enfants;  que,  comme  une  tendre  mère,  elle 
est  occupée  d'eux,  même  pendant  leur  som- 
meil ;  qu'elle  demande  pardon  h  Dieu  de^ 
désordres  qui  régnent  pendant  lanuit,aussi 
bien  que  deceux  qui  se  commettent  pendant 
le  jour.  Nos  épicuriens  modernes  ne  crai- 
gnent pas  de  troubler  le  sommeil  des  mal- 
heureux, par  le  tumulte  des  plaisirs  bruyants 
auxquels  ils  se  livrent  pendant  une  partie 
de  la  nuit. 

Vheure  de  Prime  est  la  première  de  l'office 
du  jour  ;  on  en  rapporte  Tinstitution  aux 
moines  de  Bethléem,  et  Cassien  en  fait  men- 
tion dans  ses  Institutions  de  la  vie  monasti" 
que,  liv.  ni,  ch.  k.  Il  appelle  cet  office  Matu- 
tina  solemnitas,  parce  qu*on  le  disait  au  point 
du  jour,  ou  après  le  lever  du  soleil;  c'est  ce 
que  nous  apprend  l'hymne  attribuée  à  saint 
Ambroise,  Jam  lucis  orto  sidère,  etc.  Cassien 
l'appelle  aussi  Novella  tolemnitass  parce  que 
c'était  une  pratique  encore  récente,  et  il 
ajoute  qu'elle  passa  bientôt  des  monastères 
aOrient  dans  ceux  des  Gaules. 


7M 


HEU 


D1CT1079NA1RE 


noR 


Sdo 


Cette  partie  de  l'office  divin  «si  la  plus^ 
Tariée  dans  les  bréviaires  des  divers  dio- 
cèses; on  y  dit  trois  psaumes  après  une 
hymne,  assez  souvent  le  svmbole  de  saint 
Athanase,  uncapilaïe»  unréponsy  des  prières, 
une  oraison;  on  y  fait  la  lecture  du  Martyro- 
loge etduNécrologe^suivied'un  De  profundis 
et  d'une  oraisdn  pour  les  morts;  on  y  ajoute 
plusieurs  versets  tirés  de  rEcrilure  sainte, 
et  la  lecture  d'un  canon  tiré  des  conciles  ou 
des  Pères  de  l'Eglise;  mais  tout  cela  n'est 
pas  observé  dans  tous  les  lieux  ni  tous  les 
jours.  (BiTfGHAV,  Orig.  eccUs.f  t.  V,  liv.  xii, 
c.  9,  §  10.) 

Quant  aux  heures  de  Tierce,  Sexte  et 
None,  appelées  les  petiUs  Heures  ,  elles  pa- 
raissent être  d'une  institution  plus  ancienne; 
les  Pères,  qui  en  ont  parlé,  disent  qu'elles 
sont  relatives  aux  divers  mystères  qui  ont 
été  accomplis  dans  ces  différentes  parties 
du  jour,  surtout  aux  circonstances  de  la 
passion  dû  Sauveur.  Elles  sont  composées 
uniformément  d'une  hymne,  de  trois  psau- 
mes, d'un  capitule,  d  un  répons  et  d'une 

oraison. 

L'Aeure  de  Vépret  ou  du  soir ,  est  appelée 
duodectma  dans  quelques  auteurs  ecciésias- 


églfses,  on  finit  par  une  anlietine  et  une 
oraison  à  la  sainte  Vierge. 

Les  auteurs  ascétiques  ont  été  persuadés 
que  les  sept  Heures  canoniales  font  allusion 
aux  sept  principales  circonstances  de  la  pas- 
sion et  de  la  mort  du  Sauveur;  el  on  Ta 
exprimé  dans  les  vers  suivants: 

MaluLina  ligal  Christum  qni  crlmina  soItU, 
Prînui  replet  spailîs,  caas.lin  dal  tertia  mortis; 
Sexta  cruci  necUt,  latus  ejus  nona  bipenit, 
Vespera  depoulu  lumulo  Compleu  raiionit. 


Par  tout  ce  détail,  il  est  clair  oue  Te 
divin,  h  la  réserve  des  hymnes,  aes  leçons 
tirées  des  écrits  des  Pères  et  des  légendes 
des  saints,  est  entièrement  composé  de 
prières  et  do  morceaux  tirés  de  rEcritore 
sainte,  qu'ainsi  ce  livre  divin  est  très-fami- 
lier^ un  ecclésiastiq[ue  Gdèle  à  réciter  son 
bréviaire  avec  attention  et  avec  dévotion: 
pour  peu  qu'il  ait  d'intelligence,  ce  ne  peut 
pas  être  un  ignorant.  —  Pour  la  distribution 
de  roilice  des  religieux  au  V  siècle, l'^'r 
Cassien  (Sa  réglé). 

HEYENDAL  (Nicolas),  du  duché  de  Liin- 
bourg,  naquit  en  IG58,  Gt  ses  études  i  Aix- 
la-Chapelle,  et  se  fit  chanoine  régulier  de 
tiques,  parce  qu'on  là  récitait  au  couclier     Saint-Augustin,  dans  l'abbaye  de  Bolduc 


du  soleil,  par  conséquent  à  six  heures  du 
soir,  au  temps  des  equinoxes.  Dans  les  Cons- 
titutions apostoliques^  1.  ii,  c.  59,  il  est  or- 
donné de  réciter  à  Vêpres  le  psaume  gxl  : 
DomineyClamavi  adte^  exaudt  me,etc.;  et  l.viii, 
c.  35,  ce  psaume  est  appelé  lucemalis^  parce 
que  souvent  on  le  disait  è  la  lueur  des 
lampes.  Cassien  dit  que  les  moines  d'Egj^pte 
y  récitaient  douze  psaumes,  que  Ton  v  joi- 

Snait  deux  leçons,  l'une  de  TAncien,!  autre 
u  Nouveau  Testament,  et  i!  paratt,  par  plu- 
sieurs monuments;  que  l'on  faisait  de  même 
<]ans  les  églises  de  France.  A  présent,  Ton 
y  dit  seulement  cinc[  psaumes,  un  capitule, 
une  hymne,  le  cantique  Magnificat,  des  an- 
tiennes et  une  ou  plusieurs  oraisons. 

On  ignore  le  temps  auquel  on  a  institué 
]esComplies.  Le  cardinal  Bona  {De  divina 
psalmodia,  c.  11)  prouve,  contre  Bellarmin, 

3 ne  cette  partie  de  l'office  n'avait  pas  lieu 
ans  la  primitive  Eglise,  et  qu'il  n'y  en  a 
nul  vestige  dans  les  anciens.  L'auteur  des 
Constitutions  apostoliques  parle  de  l'hymne 
du  soir,  et  €a$sien  de  l'onice  du  soir  en 
usage  chez  les  moines  d'Egypte;  mais  cela 
peut  s'entendre  des  Vêpres.  Quant  k  ce  que 
dit  saint  Basile  [Recul .  fusius  tract.,  9,  37), 
il  nous  semble  indiquer  assez  clairement  les 
sept  Heures  canoniales;  ainsi  l'on  n*en  peut 
rien  conclure  contre  l'antiquité  dos  Corn- 
plies.  Les  Grecs  nomment  cet  office  apodique, 
parce  qu'ilsle  récitent  après  le  repas  du  soir; 
ils  distinguent  le  petit  apodique,  qui  se  dit 
tous  les  jours,  et  le  grand  apodique,  qui  est 
pour  le  carême.  —  Dans  l'Eglise  latine,  l'ofTice 
de  Complies  est  composé  de  trois  psaumes, 
d'une  antienne,  d'une  hymne,  d'un  capitufe, 
d*un  répons  ,  du  cantique  de  Siméon 
et  d'une  oraison;  les  jours  ordinaires  on  y 
ajoute  des  prières  semblables  à  celles  quo 
Ton  dit  k  Prime,  et   dans  la  plupart  des 


en  168ik,  où,  après  s'être  distingué  par  la 
douceur  et  la  pureté  de  ses  mœurs,  et  avoir 
enseigné  la  théolof^ie  et  l'Ecriture  sainte Jl 
fut  élu  abbé  en  1712  et  mourut  le  5  mai  1733. 
Outre  plusieurs  autres  ouvrages,  il  a  laissé 
des  Lettres  ecclésiasiitfuessHrla  vie  et  letéf- 
voirs  des  ministres  de  l'Eglise;  Liége^  1703» 
iii.t2. 

HILDEBERT  DB  Lavardtn  fut  disciple  de 
Bérenger,  et  ensuite  de  saint  Hugues,  abbé 
de  Cluny.  II  fut  placé  sur  le  siège  épiscopl 
du  Mans ,  en  1098,  et  transféré  à  Varchevédié 
de  Tours  en  1125.  Le  P.  Beaugendre.  Béné- 
dictin, a  publié  en  1708,  in-fol.,  les  OEmti 
de  ce  prélat.  Elles  renferment,  entre  antres, 
quelques  Traités  de  religion,  des  lettm,^ 
sermons.  Hildebert  mourut  le  18  décembre 
1132,  âgé  de  soixante-quinze  ans. 

HINGHÀR,  archevêque  de  Reims,  y  siégea 
depuis  Ski  jusqu'en  8SS.  Parmi  uo  graod 
nombre  d'ouvrages  qu'il  composa, nous  pou- 
vons citer,  comme  utiles  à  notre  but,comniA 
convenables  aux  supérieurs  etaui  religieux: 
V  ses  Avis  à  Charles  le  Chauve  ;^9r  son  TraiU 
de  la  fuite  des  vices;  —  3"*  plusieurs  de  ses 
lettres* 

HONORÉ  DE  Sainte-Marie,  appelé  dans  le 
monde  Pierre  Vauzelle,  né  à  Limoges  en 
1651,  prit  rhdbît  de  Carme  déchaussé  e^i 
1671,  et  mourut  à  Lille  en  1729,  après  avoir 
occupé  toutes  les  places  de  son  ordre.  U 
religieux,  aussi  vertueux  que  savant,  a  pu- 
blié plusieurs  écrits,  parmi  lesquels  nous 
remarquons  la  Tradition  des  Pères  et  dts  au* 
leurs  ecclésiastiques  sur  la  contemphiio^ 
avec  un  Traité  sur  les  motifs  et  laprati^ot 
famour  divin,  3  vol.  in-19.  . 

HORSTIUS  (Jacques  Merlon),  curé  à  Co- 
logne, naquità  Horst,  diocèse  deRureraoode. 
et  mourut  en  16M,  laissant  plusieursouvw- 
ges  de  piété  solides  et  pleins  d'onction,  ["V- 


toi 


tnjM 


D*ASCETISMfi: 


IIOM 


ait  li^acls  on  reinar<jue  :  1*  Enrkyridion 
offieiidivini; — frParaduusanimœehrisiianœ; 
— di^Sepiem  tubœ  orbis  ehrùliani^  Cologne, 
16%,  in-8*.  C'est  un  recueil  de  petits  ouvra- 
ges des  saints  Pères,  propres  h  faire  fleurir 
la  discipline  ecclésiastique  dans  le  clergé. 
HCGDES  OB  Fosses  (Le  bienheureux),  né  è 
Fosses,  Tîllage  de  la  province  de  Namur,  de 
parents  nobles,  à  la  fin  du  xi*  sidde,  fut  le 
premier  abbé  général  de  Prémontré.  Disci- 
ple de  saint  Norbert,  il  embrassa  son  nou* 
vel  institut  en  1120.  Il  assista  en  1145  à  une 
assemblée  tenue  à  Chartres  pour  la  croisade 
de  Louis  le  Jeune.  Il  mourut  en  odeur  de 
sainteté  en  1164.  I!  a  laissé,  entre  autres 
ouvrages  :  1*  les  premières  ConstUuiiom  de 
Prémontré:  --  2"  une  Vie  de  saint  Norbert  ; 
—  3"  Die  gratia  conservanda. 

HUGUES  D£  SAINT-VICTOR,  chanoine 
régulier  k  Paris,  professa  la  théologie  avec 
tant  de  succès,  qu  on  l'appela  un  second  Au- 
gustin. Il  mourut  k  Paris  en  1142,  Agé  de 
quarante-quatre  ans.  Il  a  laissé  un  traité 
be  arrha  antmœ^  un  traité  De  sapientia  Chri-- 
tli,  et  d*aulres  ouvrages,  Cologne,  1617, 
3  vol.  in-fol. 

HUMBERT  de-Rom A5S,  cinquième  général 
des  Dominicains,  mourut  le  14  juillet  lSâ7. 
On  a  de  lui  une  Lettre  sur  les  vœux  de  reli-* 
gion.  On  croit  qu'il  est  Tauteur  du  Diesirœ. 
HUMILITE. —  L'humilité  est  une  vertu 
oui  affermit  la  volonté,  de  crainte  qu'elle  ne 
s  élève  d*uoe  manière  désordonnée,  ou 
qu'elle  ne  succombe  à  l'amour  d'une  supé- 
riorité désordonnée.  Elle  procède  de  I  amour 
de  la  vérité.  Dès  qu'on  rentre  en  soi-même, 
on  comprend  de  suite  que  Ton  n'est  rien,  et 
qu'on  a  reçu  Igratuitement  de  Dieu  tout  ce 
qu*on  possède.  {Voy,  Co:<i?iaissancb  de  soi- 
MÊitB.)  Il  y  a  trois  degrés  d'humilité.  Le 
premier,  c'est  se  soumettre  à  un  plus  grand 
que  soi  et  ne  pas  se  préférer  à  ses  é^^ux  : 
c'est  l'humilité  suffisante;  le,  deuxième,  se 
soumettre  à  un  ésal  et  ne  pas  se  préférer  à 
ses  inférieurs  :  c  est  l'humilité  abondante  ; 
!e  troisième,  se  soumettre  h  un  inférieur: 
c*est  en  ce  degré  que  consiste  toute  perfec- 
tion. 

Remarquons  toutefois  ici  que,  sans  aucun 
préjudice  de  l'humilité,  nous  pouvons  pré- 
férer les  dons  que  nous  avons  reçus  à  ceux 
qui  nous  semblent  avoir  été  accordés  aux 
autres,  quand  la  différence  est  manifeste. 
«  Car  l'humilité,  dit  saint  Augustin,  doit 
être  fondée  sur  la  vérité  et  non  sur  le  men- 
songe, m  h 

In  peut  néanmoins,  sans  mensonge, 
déclarer,  non  par  un  jugement  absolu,  mais 
par  un  jugement  en  quelque  sorte  suspensif, 
comme  dit  Estius,  qu*on  est  le  dernier  des 
hommes,  sott  à  cause  des  défauts  secrets  • 

8 s'en  reconnaît  en  soi-même,  et  des  dons  de 
iea  qui  sont  cachés  dans  les  autres  ou  qui 
doivent  leur  être  accordés;  soit  parce  que  si 
les  autres  avaient  reçu  les  grâces  qui  nous 
ont  été  données,  ils  auraient  mieux  répondu 
aox  faveurs  de  Dieu;  soit  enfln  en  ce  sens 
que,  voyant  tous  les  péchés  commis  par  les 
autres  hommes,    nous   devons    regarder  « 


comme  une  faveur  toule  particulière  de 
Dieu ,  d'avoir  veillé  sur  nous  pour  nous  em- 
pêcher de  les  commettre.  «  Il  n'est  aucun 
péché  commis  par  un  homme,  que  tout 
autre  homme  ne  puisse  aussi  commettre,  s'il 
est  abandonné  par  son  Créateur.  »  (Saint 
AuGusnif,  hom.  10,  interSO,  c  9.)  D'ailleurs, 
comme  l'humilité  consiste  princinalemeni 
dans  une  affection  de  la  volonté  plutôt  que 
dans  un  jugement  de  l'esprit,  chacun  peut, 
par  la  disposition  de  sou  cmur,  se  soumettre 
non-seulement  à  Dieu,  mais  aussi  à  toute 
créature  humaine,  à  cause  de  Dieu« 

L'humilité  est  nécessaire  à  la  contempla» 
tion;  plus  celle-ci  est  élevée,  plus  l'humilité 
doit  être  profonde.  Ainsi  l'enseignent  : 

1*  L'Ecriture  sainte  \  Plus  vous  étesgrmsd, 
plus  vous  devez  vous  humlitr  en  toute  chostf 
et  vous  trouverez  grdee  aux  yeux  de  Dieu. 
Car  t/n'y  a  de  grande  puissaskoe  que  celle  de 
Dieu  seul^  et  il  est  honoré  par  les  humbles. 
(£cc/i.  Hi,  âO.)  L'Ecriture  nous  en  fournit 
plus  d'un  exemple.  Abraham  était  en  con- 
templation dans    un  entretien  avec  Dieu 
plein  de  familiarité,  mais  aussi  d'humilité* 
(Gen.  XVIII,  37)  :  Puisque  fai  commencé^  je- 
parlerai  à  mon  Seigneur^  bien  queicnciois 
que  cendre  et  poussière.  David  s'humiliait- 
dans  sa  contem|>lation  et  disait  iTai  dit  dans 
Vextase  de  mon  esprit  :  J'ai  été  rejeté  loin  de 
votre  face  et  de  vos  regards.  {Ps.  xxx,  23.)  Toi 
été  abreuvé  d'humiliation  et  fai  dit  dans  mon- 
transport  :  Tout  homme  est  menteur.  {Ps.  cxv.) 
Salomon  s'humiliait  aussi  dans  ses  contem-' 
pistions  :  Je  suis  le  plus  insensé  des  vivants  ifi 
la  sagesse  des  hommes  n*esi  pas  avec  moi. 
IProv.  XXX,  S.)  De  même  s'huniiliaientMoïse, 
les  prophètes,  les  apAtres,  et  pardessus  tout 
la  bit^ntieureuse  vierge  Marie,   qui  disait  à 
l'ange,  au  moment  de  la  divine  lucaruition  : 
Yoiei  la  servante  du  Seigneur. 

2*  Les  saints  Pères.  Saint  CHmaqué  {SeaL,- 
gr.  25)  :  c  Beaucoup  ont  obtenu  le  salut 
sans  prédictions  et  sans  miracles;  mais  sans 
l'humilité,  jamais  personne  n'entrera  dans 
la  céleste  demeure.  Elle  en  est  la  fidèle 
gardienne.  »  Saint  Dorothée  (serm.  2)  : 
«  Plus  notre  Ame  porte  de  fruits,  plus  elle 
s*humilie  :  car  plus  les  saints  approchent  de 
Dieu,  plus  ils  ont  le  sentiment  de  leur  ini- 
Guité.  »  Saint  Benoît  dit  que  l'humilité  est 
1  échelle  de  lacob  par  laquelle  il  faut  monter 
et  descendre,  «  descendre  en  s'élevant,  mon* 
ter  {en  s'abaissant.  »  {Reg.  c.  7.)  Saint  Ber-  - 
nard  montrant  le  Seigneur  qui,  sur  le  sommet 
de  cette  échelte,  crie  que  ceux  qui  souffrent 
viennent  à  lui  pour  être  soulages,  nous  indi- 
que que  c'est  par  l'humilité  qu'il  faut  y 
monter.  «  Tous  les  saints,  dit  saint  Anselme^ 
qui  font  des  progrès  dans  la  vertu -de  Dieu, 
reconnaissent  doutant  mieux  leur  néant, 
qu'ils  pénètrent  plus  avant  dans  la  connais- 
sance des  perfections  divines.  Car  bien  que 
l'homme  ait  reçu  le  pouvoir  de  s'élever  à 
l'intelligence  des  choses  sublimes,  cepen-* 
dànt  la  contemplation  de  la  majesté  divine 
lui  fait  compremire  la  faiblesse  de  sac«mdi- 
tion,  et  lui  fait  voir  qu'il  n'est  que  cei.dre  et 
poussière  aui  yeux  de  Dieu.  »  (Hom.  4,  M 


HUM 


mCTIONMAIRE 


HUtf 


M 


Mallh.)  —  «  Souveut  il  arrive^  dit  sainte 
Thérèse  (Fil.  c.  38;,  que  le  Seigneur,  lorsc|u*iI 
veut  m'accorder  quelque  faveur  spéciale, 
commence  par  m'anniniler  en  moi-même* 
sans  doute  afin  gueje  voie  plus  clairement 
combien  j'en  suis  indigne.  » 

dr  La  raison*  La  contemplation  étant  un 
don  de  Dieu,  nous  devons  lui  en  être  recon- 
naissants. «  On  doit  donc,  dit  saint  Grégoire, 
avoir  d*autant  plus  d'humilité  et  montrer 
d'autant  plus  d'empressemenl  à  servir  Dieu, 
qu'on  lui  a  plus  d'obligation.  »  (Hom.  9  in 
Èvang.)  C'est  aussi  pour  cette  raison  que 
Dieu  envoie  des  tribulations  aui  âmes  con- 
templatives, afin  de  les  rappeler  à  ^des  sen* 
timents  d'humilité. 

Or  voici  les  moyens  les  plus  utiles  pour 
obtenir  et  bien  praiiauer  l'humilité. 

L  Le  premier  est  i humilité  iV intelligence^ 
c^est-à-dire,  la  eannai$$ance  de  soi^  non  de 
soi-même  exclusivement,  mais  de  soi-même 
relativement  à  Dieu.  Ceite  humilité  est 
prescrite. 

1*  Par  TEcriture  sainte  :  St  qtulqu'un  se 
croit  quelque  chose  tandis  qu'il  n  est  rien^  il 
s^abuse  lui-même.  {Gai.  vi,  3.)  Elle  veut  que 
nous  connaissions  notre  néant  :  Je  ne  suis 
rien  devant  vous  {Ps.  xixvui,  6)  ;  notre  pau- 
vreté :  Je  suis  un  homme  voyant  ma  pauvreté 
(Thren.  m,  1);  elle  veut  que  nous  avouions 
n'avoir  rien  de  nous-mêmes  :  Qu'avex-vous 
que  vous  n^ayex  reçu?  (/  Cor,  iv, 7.) 

2°  Par  les  saints  Pères.  <  Celui  qui  se  con- 
naît bien  lui-même,  ditsaintClimaque  (Scal.^ 
gr.  25),  a  déjà  semé  en  terre  ;  car  en  semant 
de  la  sorte  nous  devons  faire  fleurir  l'humi- 
lité. «  Saint  Bernard  dit  aussi  :  «  Si  vous 
TOUS  considérez  intérieurement  à  la  lumière 
de  la  vérité  et  sans  la  moindre  dissimulation, 
TOUS  devrez  vous  humilier,  et  vous  humilier 
d'autant  plus  que  vous  vous  connaîtrez 
mieux.  >  (Serm.  42  m  Cant.) 

Voici  comme  saint  Bonaventure  le  prouve 

r  la  raison  :  «  Deux  choses  nous  rappellent 

l'humilité.  Nous  ne  tenons  pas  de  nous  ce 
que  nous  sommes,  nous  n'avons  donc  pas 
sujet  de  nous  en  enorgueillir;  celui-là  seul 
doit  être  glorifié,  dout  la  grflce  nous  fait  ce 
que  nous  sommes.  Ce  que  nous  ne  sommes 

f>as  est  encore  pour  nous  un  motif  d'humi- 
ité  ;  car  c'est  une  vaine  gloire  que  celte  que 
Ton  tire  de  ce  qu'on  n'est  pas.  »  C'est  cette 
connaissance  d  eux-mêmes  qui  faisait  dire 
aux  saints  qu'ils  n'avaient  rien  de  bon, 
qu'ils  étaient,  des  pécheurs,  et  même  de 
Rrands  pécheurs,  comme  le  disait  saint  Paul 
Tl  Tim.  I,  15)  :  Je  le  suis  tout  le  premier. , 
\Yoy.  Blosids,  Rodriodbz  et  Pinamontk) 

Mais  est-ce  que  les  saints  pouvaient 
tenir  ce  langage?  Ecoutons  la  réponse  de 
Joseph,  abbé  (Cassibn,  Collât,  xvii,  23)  :  Il 
est  permis,  c'est  même  un  signe  de  perfec- 
tion, de  déguiser  sa  sobriété  dans  la  manière 
de  vivre.  D'ailleurs,  dit  le  P.  Reguera  {Th. 
myst.  1. 1*%  p.  895),  il  ne  faut  pas  prendre 
ces  expressions  à  la  lettre.  L'&me  contem- 
plative, considérant  d'un  cêté  la  grandeur 
des  bienfaits  de  Dieu,  de  l'autre  son  peu  de 
reconnaissance,  doit  se  voir  chargée  de  dé- 


s*! 


faots  et  de  péchés  ;  aussi  sans  faire  atteiH 
tion  aux  défauts  des  autres,  que  d'ailleors 
elle  excuse,  elle  ne  s'occupe  que  de  la  dis- 
tance  qu'il  y  a  entre  les  bontés  de  Dieu  et 
la  manière  dont  elle  y  répond  par  sacon« 
duite.  Dans  cette  idée,  les  saints  peavent 
donc  dire  qu'il  n'est  rien  de  bon  en  eai  et 
qu'ils  sont  couverts  d'iniquités,  (foy.  Louis 
Du  Pont,  ALVàBsz,  Rodbigobz,  etc.) 

II.  Le  second  remède  est  Vhumilitédtlat^ 
lonté.  La  connaissance  intime  de  la  majesté 
de  Dieu  et  le  respect  qu'on  lui  doit,  la  vue  de 
notre  bassesse  et  de  notre  néaut,  nous  font 
nous  mépriser  nous  mêmes  et  nous  mettre  au- 
dessous  de  tous  les  autres....  Cette  humilKé 
d'affection  de  sentiment  résulte  de  rhumi« 
lité  de  connaissance,  c'est-h-dire  de  ia 
connaissance  de  soi-tnême.  1*  Apprenez  dt 
moi.  nous  dit  l'Ecriture  (Matth.^  ii,  29), 
que  je  suis  doux  et  humble  de  ccmr.  —  As- 
seyez-vous  à  la  dernière  place.  {Lue,  iiv,  10.) 
—  Humiliez-vous  donc  sous  la  puinanee  de 
Dieu.  (/  Petr,  v,  6.)—  2"  Ecoutons  aussi  saiut 
Bonaventure  {De  perf.  vitœ,  c.  2)  :  c  Celui 

S  [ni  veut  jeter  un  regard  sur  ses  propres  dé* 
auts,  doit  nécessairement  s'humilier  sous 
la  puissante  main  de  Dieu.  Humiliez-vous 
donc  à  la  vue  de  vos  défauts,*  serfiteurs  du 
Christ  et  reconnaissez  votre  bassesse.  >  Il 
assigne  à  ce  sujet  trois  degrés  d'humilité  : 
1*  L  homme  doit  se  mépriser  d'après  la  con- 
naissance de  sa  bassesse.  2"  Il  doit  suppor- 
ter avec  patience,  et  même  désirer  d  être 
méprisé  par  les  autres;  il  doit  fuir  les  hon- 
neurs; 3"  au  comble  des  dignités,  des  Terlas 
et  des  faveurs,  il  ne  doit  nullement  s'eo  glo- 
rifier, mais  tout  rapporter  à  dieu.  Le  saint 
docteur  en  donne  les  raisons  suivantes  :  «  Il 
ne  doit  point  se  mentir  à  lui-même,  eu  se 
croyant  plus  grand  qu'il  n'est,  de  quelque 
dignité  qu'il  soi  revêtu,  ni  s'élever  au-dessus 
de  lui-même.  Puisqu'il  aime  la  vérité  et  ne 
se  chérit  point  par  ainour  propre  contre  la 
vérité,  il  doit  désirer  de  paraître  aux  yeux 
des  autres  tel  qu'il  parait  k  ses  propres  yeuit 
c'est-à-dire  plein  de  faiblesse  et  enclin  à 
toutes  sortes  de  fautes.  »3^  C'est  en  cela  que 
consiste  l'humilité  des  parfaits  qui,  plusils 
sont  élevés  en  perfection,'pl us  ils  s'hamilieot 
en  toute  chose,  en  sentiment,  en  aSectiou, 
en  parole  et  en  action. 

III.  Le  troisième  moyen  consiste  i  se 
graver  profondément  dans  l'esprit  que  sans 
rhumilité  d'esprit  et  de  cœur,  quelque  soil 
le  degré  de  perfection  auquel  on  soit  |)ar- 
venu,  les  autres  faveurs  derienneot  ieulite 
et  sont  même  une  cause  de  perdition.  Q^ 
conque  s'éUoe^  sera  abaissé^  dit  saint  Luc 
(xrv,  11),  et  quiconque  s'abaisse^  sera  éltré. 
En  effet.  Dieu  résiste  aux  superba  et  domM 
sa  grâce  aux  humbUs.  (Ja€.  iv,  6.)  C'est  ce 
que  montre  encore  la  parabole  du  pbarisiea 
et  du  publieain.  (lue.  xvm.)  «  Plus  on  ^ 
élevé,  dit  saint  Isidore  (1.  ii  Synom»  c* ')« 
plus  lourde  est  la  chute...  Lliumilité  ne 
court  aucun  risque  de  chute  ;  janiais  elle  oe 
peut  tomber.  >  Saint  Thomas  de  Villeneuve 
dit  encore  à  ce  propos  {Cane.  dêS.-MarQi 
t  Enlever  le  fondement  de  rhumilité  et  tout 


m 


mu 


DASCETISME. 


nuH 


«» 


ré<lifice  de»  vertus  aussitôt  s'écroulo.  »  La 
raison  nous  en  est  donnée  par  saint  Tho- 
mas d*Aquin  (2-â,  q.  181,  a.  5,  ad  1)  : 
«  De  même  que  la  foi  est  directement  un 
principe  de  Tertus,  de  mâme  aussi  Thumi- 
iiié,  en  ce  sens  qu'elle  chasse  l'orgueil  au- 
quel Dieu  résiste,  et  qu'elle  rend  rhomme 
soumis  et  docile  aui  impressions  de  la 
grâce.  * 

IV.  Le  quatrième  moyen  consistée  réunir 
Iliumiiilé  intérieure  avec  Thumilité  exté- 
rieure; caraucuneu'estsufTisanlesansrautro. 
//  e»  est  qui  s*kumHienl  fauêsemeni,  et  dont 
rintérieur  est  plein  de  ruse.  (Ecc/t.  xix,  23.) 
•  Beaucoup,  dit  saint  Ambroise  [ep.  2,  ad 
Constani.)^  ont  Tappareuce  de  rnuniilité, 
sans  posséder  celle  vertu  :  beaucoup  en  font 
esténeureraent  parade,  qui  la  contredisent 
îniérieurement.  »  Nous  en  trouvons  la  rai- 
son dans  saint  Augustin  (de  $$.  Virg.^  e*  43)  : 
«  On  ne  doit  pas  feindre  l'humililé,  mais 
«n  donner  des  preuves;  car  l'affectation 
d^humililé  est  un  raffiment  d*orgueil.  >  Au 
lavement  des  pieds,  Jéaus-Christ  nous  a 
donné  un  modèle  d'humilité  extérieure,  en 
disant  :  Je  vous  ai  donné  Vexempie^  afin  f  ua 
roicf  agissiez  à  votre  tour  comme  je  viens 
d'of/ir  envers  vous.  (Joan,  xiii,  15.)  C*est  ce 
qui  fait  dire  à  saint  Augustin  :  <  ProQtons, 
mes  frères,  de  cette  grande  leçon  d'humilité. 
Faisons  à  notre  tour  ce  qu'a  fait  humble- 
ment celui  qui  était  pourtant  si  élevé.  »  — 
«  L'humiliation,  dit  saint  Bernard  (ep.  87}, 
conduit  à  l'humilité,  comme  la  patience  à 
la  paix,  comme  la  lecture  à  la  science.  Si 
vous  aspirez  à  la  vertu  d'humilité,  ne  fuyez 
pas  la  voie  de  l'humiliation  ;  car  si  vous  ne 
pouvez  vous  humilier,  vous  ne  pourrez 
parvenir  à  l'humilité.  » 

V.  Ces  mêmes  marques  extérieures  de 
rbumilité  doivent  être  accompagnées  d'un 
grand  discernement  ;  il  faut  k  la  simplicité 
de  la  colombe,  joindre  la  prudence  évangé- 
lique  du  serpent.  C'est  ce  que  nous  en- 
seignent les  deux  textes  suivants,  qui  sous 
une  contradiction  apparente,  ont  entre  eux 
nn  divin  accord  :  Que  votro  lumière  luise 
deeani  le$honun€s^  afin  quHls  voieni  vosbannes 
€Buvres  etglorifkni  votre  Pire  ^i  est  dans 
ie  cieL  [Matth.  v,  16.}  Prenez  garde  dexer-- 
cer  vos  œuvres  de  justice  aux  yeux  des, 
hommes,  pour  en  être  vus.  [Matth.  vi,  1.}  Saint 
Gréi^oire  concilie  ainsi  ces  deux  textes 
(fiom.  10  tu  Évang.)  :  «  Je  vous  dis  ces  pa- 
roles, lion  pour  que  le  prochain  ne  vole  pas  vos 
bonnes  couvres,  ^ismi'ii  est  écrit,  afin  qu'ils 
voieni^  etc.  ;  mais  affn  de  ne  pas  rechercher 
des  louanges  extérieures  en  faisant  le  bien. 
Que  nés  enivres,  quoique  inibliques,  restent 
donc  cachées  dans  notre  intention,  afin  de 
donner  par  là  bon  exemple  au  prochain, 
font  en  mbercbant  intentionnellement  à  les 
cacher  et  à  ne  plaire  qu'à  Dieu  seul.  » 

^  Il  fiint  donc  un  discernement  et  une  ins» 

Eiration  toute  spéciale,  pour  chercher,  par 
u milité,  à  se  faire  passer  pour  un  insensé, 
pour  un  grand  pécheur.  On  doit  fîiir  les 
distinctions,  les  louanges  humaines,  les 
pfaces  d*bonneur,  mais  sans    affectation; 


on  doit  mémo  les  accepter  humblement,  si 
l'obéissance,  le  rang,  l'édification  du  pro- 
chain ou  le  bien  des  Ames  en  font  un  devoir. 
«  Ne  les  recherchez  pas,  dit  saint  Augustin 
[ad  Eudox.9  ep.  81),  avec  une  orgueilleuse 
avidité,  ne  les  refusez  pas  avec  une  mollesse 
indolente.  »  Saint  Bernard  (ep.  87}  n'ap- 
prouve pas  Oger  d'avoir  abdiqué  la  prélalure, 
après  en  avoir  plutôt  arraché  qu'obtenu 
1  autorisation,  préférant  ainsi  son  repos 
personnel  au  bien  des  autres.  Enfin  il  est 
très-sage  de  ne  parler  de  soi  ni  en  bien  ni 
en  mal,  crainte  de  recouvrir  la  vaine  gloire 
du  manteau  do  l'humilité;  mais  il  faut  sup- 
porter avec  calme  les  humiliations  qui  nous 
viennent  de  Dieu  ou  des  hommes,  en  paroles 
ou  en  actions  ;  car,  selon  saint  François  de 
Sales  [introd.f  c.  2K  «  L'humilité  véritable 
s'obsiteut  de  cette  afféctaiion  ;  car  non-seule- 
ment  elle  s'efforce  de  cacher  ses  vertus, 
mais  elle  désire  surtout  se  cacher  ell^ 
même.  > 

yi.  Bien  qu'il  nous  faille  toi^'onrs  aspirer 
d'intention  à  l'humilité  inférieure  et  exté- 
rieure, afin  de  devenir  de  plus  en  plus  par- 
faits, toutefois  il  nous  faut  dans  la  pratique 
n'y  avancer  que  peu  à  peu  et  par  degrés. 
C'est  ce  que  désigne,  selon  saint  Benott, 
l'échelle  de  Jacob.  Aussi  ce  saint  patriarche 
de  l'Occident  assigne  douze  degrés  que  saint 
Thomas  accepte  et  expose.  Saint  Anselme 
en  compte  sept.  (De  humilii.^  c.  109.)  Saint 
Bernard  eipose  douze  degrés  d'humilité  par 
lesquels  on  s'élève,  et  leur  oppose  douze 
degrés  d'orgueil  par  lesquels  on  descend. 
{Tr.  de  grad.  hunâL)  Saint  Bonaventure  en 
réduit  le  nombre  à  trois,  et  le  P.  Rodriguez 
en  compte  huit. 

VU.  La  véritable  humilité  a  toujours  les 
yeux  ouverts  pour  reconnaître  même  ses 
plus  petits  déiauts  et  pour  chasser  toute 
vaine  complaisanee  à  propos  des  dons  qu'on 
â  reçus,  sans  toutefois  empêcher  de  recon- 
naître et  d'apprécier  ces  dons.  Saint  Paul 
nous  en  donne  l'exemple  dans  sa  première 
BpUre  aux  Corinthiens  (ii,  12},  en  disant 

Îu'il  a  reçu  avec  les  autres  apôtres  l'esprit 
e  0ieu,  afin  que  nous  connaissions  les  dons 
me  nous  avons  reçus  de  Dieu.  Aurait-il  pu 
d'ailleurs  célébrer  avec  tant  d'ardeur  et  de 
charité  ces  précieux  dons,  s'il  ne  les  avait 
pas  connus?  (//  Cor.  xi,  xn.)  Ceux  qui 
participent  aux  dons  de  Dieu,  dit  saint  Tho- 
mas (2-2,  q.  161,  a.  8,  ad  1),  savent 
au'ils  les  possèdent.  »  La  raison  en  est  bien 
laire.  L'homme  sans  cette  conoaissance^ne 
Kurrait  pas  rendre  grflces  à  Dieu.  D'ailleurs 
.  umilite  dégénérerait  en  pusillanimité,  si 
l'homme  ne  savait  pas,  que  moins  il  se  con- 
fie en  869  propres  forces,  plus  il  devient 
poissant  par  la  généreuse  nonté  de  Dieu. 
Enfin  il  ne  chercnerait  pas  avec  crainte  et 
humilité  à  s'en  montrer  digne.  Quoi  qu'il  en 
soit,  il  iaut  agir  avec  prudence,  et  ne  pas, 
sous  prétexte  de  gratitude  pour  les  dons  do 
Dieu,  se  complaire  plus  en  soi-même  qu'en 
Dieu.  Il  ne  fout  donc  considéi^er  les  dons  de 
Dieu  qu'avec  précaution  et  modération,  soit 
qu'on  veuille  enflammer  »o  charité,  ou  ro- 


Wf 


IlUtf 


DICTIONNAIRE 


HUM 


lerer  son  es|)OH*,  ou  témoigner  sa  reconnais- 
sance ;  on  doit  plutôt  et  avec  plus  de  con« 
fiance  s'arrêter  sur  ses  propres  défauts,  afin 
de  conserver  rhuraililé  et  d'éviter  la  vaine 
gloire.  Téviie dédire, disait  TApôlre.  (//  Cor. 
xit,  6.)  <K  H  afait  donc  à  dire  quelque  chose, 
dît  à  ce  sujet  saiut  Grégoire,  puisqu'il  s'abs- 
tient de  le  faire»  »  (1.  xvih  Jlfor.,  c.  7.) 

yill.  Le  plus  Iiaul  degré  de  Thumilîté  > 
laquelle  nous  devons  aspirer,  c'est  de  nous 
mépriser  nous-mêmes,  et  non-seulément  de 
sujpporter,  mais  de  désirer  le  mépris  des 
autres,  de  s*en  réjouir  même,  enun  de  ne 

Eas  se  glorifier  dans  la  contemplation  des 
iéns  et  des  avantages  reçus  de  Dieu,  II  faut 
donc  être  réellement  convaincu  de  son, 
néant,  et  voulotr  paraître  tels  aux  yeux  des 
autres.  C'est  de  cette  joie  que  parle  Jésus- 
Christ  "(ilfa^^A.  r,  llj  :  Vous  serez  heureux 
Ibtsquus  vous  maudiront t  etc....  Réjouissez- 
vous  et  soyez  dans  Vallégresse,  C*est  ainsi 

Sue  furent  les  apôtres  qui  sortaient  pleins 
ejoie  du  conseil.  {Act.  v,  &•!.}  «  S'humilier, 
ce  n'est  pas,  dit  Avila  [Èpist.^  p.  77J,  pen- 
ser que  Dieu  seul  est  tout  le  bien,  et  que  le 
mal  vient  de  nous  ;  mais  Thumilité  est  un 
sentiment  supérieur,  dont  je.  n'ai  pas  une 
idée  bien  juste,  et  que  je  puis  encore  moins 
exprimer.  » 

Que  les  personnes  contemplatives  s'ef- 
forcent donc  d'arriver  h  l'humilité,  et  qu  elles 
l'apprennent  de  Jésus-Christ.  Apprenez  de 
moi  que  je  .suis  doux  et  humble  de  cœur, 
[Matth.  XI,  29.)  Bn  effet,  t7  s'est  anéanti  lui- 
9néme,  prenant  la  forme  d'esclave.  Il  s'est 
humiliéMest  devenu  obéissant  jus€m' à  lamort, 
et  jusqu'à  la  mort  de  la  croix.  «  Si  donc  lui, 
qui  el^r  notre  fioigni^ur  et  noire  Maître,  dit 
saint  fiouaventure  (c.  S  Deperf.  vit:)  ,  s'est 
iibaissé  à  cette  comlition  vifeet  méprisable; 
si  l'esclav^e. n'est  pas  au-dessus  du  Seigneur, 
ni  le  disciple  au-dessus  du  màttre;  si  vous 
êtes  le  serviteur,  le  disciple  de  Jésus-Christ, 
TOUS  deyez  être  aussi  vil,  méprisable,  hum- 
ble     Rappelez -VOUS    que    Jésus-Christ 

s'est  humilié  jusqu'à  souffrir  la  mort  la  plus 
ignominieuse,  jusqu'à  être  repoussé  de  tous, 
comme  un  lépreux,  et  môme  jusqu'à  être 
regardé  comme  tout  ce  gu'il  y  avait, de  plus 
vil  au  monde.  »  Outre  I  exemple  du  Christ, 
fixons  nosyeux  sur  ceux  de  la  sainte  Vierge 
et  des  saints.  «  Soyez  humbles,  ajoute  saint 
Bonaveature,  puisque  vous  avez  une  Mère 
qui  est  un  modèle  d'humilité.  »  Ecoutons 
enfin  ces  paroles  de  saint  Thomas  de  Ville- 
neuve (conc.  2  De  Annunt.)  :  «  Imitez  donc 
l'hujBiiité  de  la  bienheureuse  Vierge  Marie... 
Elle,  qui  est  si  agréable  aux  yeux  de  Dieu, 
plus  elle  se  sent  glorifiée  paf  la  mission 
angéljqae,  plus  dans  son  esprit  elle  s'abaisse 
profondément...  O  bienheureuse  servante 
que  tout  sert  ici-bas,  à  qui  tout  est  soumis  ! 
Imitez-la,  ô  .^rvantes  du  Christ  ;  servez-la- 
ayec  toute  l'ardeur  possible,  que  sa  vie  soit 
votre  modèle  de  cnaque  jour;  sans  cesse 
ayez-fa  sous  les  yeux,  sans  cesse  méditez-la, 
honorez-la,  chérissez-la,  invoquez-la,  suivez- 
la.  9  C'est  ainsi  que  vous  atteindrez,  par 


l'échelle  de  lliumilité,  les  plus  hauts  degra 
de  la  perfection. 

La  nécessité  de  l'humilité  bieQ  établie, 
considérons  quels  moyens  un  directeur  doit 
prendre  pour  la  faire  naftre  et  l'eutretenir 
dans  les  Ames  qui  lui  sont  confiées.  Les 
plus  belles  Ihéones  ne  sont  rien,  si  Ton  né- 
glige d'en  étudier  et  d'en  faciliter  Texcr- 
cice. 

1.  Le  premier,  le  principal  soin  do  direc- 
teur, dans  le  gouvernement  des  Âmes,  doit 
être  en  effet  de  les  affermir  profondément 
dans  cette  sainte  vertu  d'humilité;  autre- 
ment, non-seulement  il  se  fatiguerait  lui- 
même  en  Tain  à  diriger  se^s  pénitents,  mais 
encore  il  aurait  la  douleur  de  les  voir  faire 
d'inutiles  efforts  pour  avancer  dans  la  pra« 
tique  des  vertus.  Car  s'adonner  à  la  viespi* 
rituelle,  sans  se  mettre  en  peine  d'acquérir 
l'humilité,  c'est  bâtir  sur  le  sable.  Pourpro 
céder  avec  ordre  dans  une  matière  aussi  im- 
portante, le  directeur  doit  d'abord  imprfi- 
gner  l'âme  de  son  pénitent  de  l'humble  con- 
naissance de  soi-même,  laquelle  doit  être  la 
première  pierre  de  tout  édifice  spirituel,  si 
Ton  Teul  qu'il  soit  solide  :  mais,  pour  at- 
teindre ce  but,  il  ne  suffit  pas  d'une  con- 
naissance  vague,  abstraite,  en  vertu  de  la- 
quelle l'homme  se  reconnaît,  d'une  manière 
générale,  comme  un  néant,  comme  un  misé- 
rable pécheur,  ainsi  que  la  foi  l'enseigne: 
cette  connaissance  superficielle  peut  fort 
bien  s'allier  avec  un  orgueil  profond  et  dia- 
bolique. Il  faut  ici  une  connaissance  de  soi- 
même  paMiculière,  pratique,  vive,  profonde, 
qui  donne  à  l'âme  de  bas  sentiments  d'elle- 
même,  et  lui  inspire  le  mépris  d^elle-mêoie 
devant  Dieu  et  devant  les  hommes.  C'est  en 
cela,  selon  saint  Thomas,  que  consiste  for- 
;  mellement  la  tertu  d'humilité.  Or,  comiue 
on  ne  se  forme  à  aucune  vertu,  ni  à  aucun 
art,  sans  un  long  exercice,  il  est  nécessaire 
que  le  directeur,  non-seulement  porte  ses 
pénitents  à  l'exercice  pratique  de  rbumilité, 
mais  aussi  les  y  tietme  constamment  appli- 
qués jusqu'à  la  mort.  Il  les  fera  donc  médi- 
ter, pendant  un  certain  temps  sur  la  con- 
n^ssance  de  soi-même,  leur  prescrivant  des 
considérations  propres  à  cette  fin.  S'il  roit 
en  etix  des  progrès  assez  marqués,  il  leur 
apprendra  à  joindre,  à  mêler  cette  bumUe 
connaissance  d'eux-mêmes  à  toutes  leurs 
affections,  comme  on  môle  le  pain  à  tous 
tes  autres  aliments. 

Expliquons  ceci  plus  clairement.  Si,  se 
mettant  en  la  présence  de  Dieu,  ils  consi- 
dèrent sa  hante  majesté,  ils  doivent  en  même 
temps  abaisser  les  yeux  sur  leur  propr* 
néant,  sur  leurs  propres  péchés,  surleuf 

{propre  misère ,  en  sorte  qu'ils  joignent  a 
eurs  actes  d'adoration  l'exercice  d'uue  hu- 
milité profonde.  S'ils  se  proposent  la  correc- 
tion de  certains  défatits  ou  la  pratique  de 
certaines  vertus ,  ils  doivent  se  rappeler 
combien  autrefois  ils  se  sont  laissé  eolrai- 
ner  aiix  uns,  et  ont  négligé  les  autres,  eu 
sorte  qu'ils  joignent  à  leurs  bons  de-^seii^î 
les  actes  d'une  honte  intérieure  et  dun« 
profonde  confusion.  S'ils  demandent  à  Diea 


M 


tlUII 


D^ASCETlbME. 


HUA 


«l# 


quelque  Teiiu,  ou  un  autre  bien  spiritueU 
quMIs  se  considèrent  comme  incapables  de 
racqnérir,  et  comme  indignes  de  l'obtenir 
de  Dieu,  bien  que,  meltaut  leur  espérance 
en  sa  souveraine  bonté,  ils  lui  en  tassent 
une  fervente  demande  :  de  celte  manière,  la 
ferveur  de  leur  prière  sera  accompagnée  de 
rhumble  connaissance  de  leur  propre  néant. 
S*ils  s*excitent  au  repentir  de  leurs  péchés, 
ils  doivent  considérer  leur  propre  fragilité, 
et  joindre  ainsi  le  sentiment  de  leur  propre 
bassesse  à  la  componction  intérieure.  Un 
bommeqoî  s'exercera  ainsi  continuellement 
aura  bientôt  acquis  une  profonde  connais* 
sance  de  soi-même  et  de  ses  misères  ;  mais 
il  faut  remarquer  que  cette  connaissance  de 
soi^nème,  pour  èlre  une  humilité  véritable, 
a  besoin  d'être  éclairée  d'un  rayon  de  la  lu- 
mière divine,  qui  nous  fasse  pénétrer  pro« 
fbnJément  Fatrfmede  nos  misères.  An  dâaut 
de  cette  lumière,  la  connaissance  de  nous- 
même  aura  beau  s'appuyer  sur  la  méditation 
ries  différentes  Tentés,  elle  ne  suffira  pas 
pour  briser  la  fierté  de  notre  esprit,  ni  1  or- 
gueil de  notre  cœur.  Il  arrive  ici  ce  qui  ar* 
rive  ordinairement  dans  les  autres  pieuses 
considérations.  Par  exemple,  hier  vous  mé- 
ditiez sur  les  douleurs  et  la  passion  du  Sei- 
gneur ;  et  ses  plaies  cruelles,  et  son  sang  qui 
coule  h  grands  flots,  n'ont  pu  exciter  en  vous 
«ocun  attendrissement  sur  votre  Bédemp- 
teur  souffrant.  Aujourd'hui  vous  méditez 
sur  les  mêmes  douleurs,  et  vous  voici  at- 
tendri ,  impressionné  jusqu'aux  larmes. 
Pourquoi  cette  différence?  C'est  au'aujour^ 
d'bui  brille  pour  vous  ce  ra^ron  de  la  lumière 
divine,  dont  vous  étiez  hier  privé,  et  que 
cette  lumière,  éclairant  votre  âme  sur  les 
souffrances  de  Jésus^hrist,  imprime  en 
K^me  temps  dans  votre  eœnr  un  'doulou- 
reux attendrissement;  de  même,  si,  h  la  con- 
naissance parlaauelle  vous  vous  efforcez  de 
)>énétrer  vos  pécnés.  Dieu  ajoute  un  rayon 
de  sa  lumière,  vous  vous  regarderez  bientôt 
en  toute  vérité  comme  le  plus  grand  pécheur 
dn  monde,  et  vou3  vous  abîmerez  dans  vo* 
tre  néant,  en  présence  du  Très»Haut.  C'est 
ainsi  que  le  ^éraphique  saint  François,  au 
témoignage  de  saint  Bonaventure,  se  croyait 
le  plus  grand  de  tons  les  pécheurs;  et  que 
sainte  Catherine  de  Sienne,  d'après  le  té- 
moignage du  bienheureux  Raymond,  son 
confesseur,  se  regardait  comme  la  plus  pro- 
fonde et  la  plus  i;riminelle  de  toutes  les  pé- 
cheresses. Tel  était  aussi  le  sentiment  de 
Tapdtre  saint  Paul  à  son  égard,  lorsqu'il  di- 
sait ces  paroles  à  la  face  du  monde  entier  : 
J/jvttf-CArtsI  est  venu  m  ce  mande  pour  sau- 
cfT  les  pécheurs^  dont  je  guis  le  premier 
(/  Tim.  I,  15).  Mais  si  cette  lumière  vous 
manque,  vos  misères  disparaîtront  aux  yeux 
de  votre  Âme,  et,  quelque  effort  que  vous 
fassiez,  vous  ne  vous  verrez  point  devant 
Dieu  tel  que  vous  êtes  véritablement.  Or, 
quel  est  le  moyen  d'obtenir  cette  lumière? 
11  n'y  en  a  |ias  d'autre  que  de  la  demander 
instamment  par  une  |)rière  persévérante  et 
confiante,  à  laouelle  rien  n'est  refusé.  Aussi 
le  directeur  doit-il  inspirer  aux  pénitents 

Diction!!.  dAscAtisvb.  1. 


3 ni  s^applfqnent  à  acquérir  l'humilité  rar>> 
eur  et  le  zèle  pour  demander  coutioueUe- 
ment  è  Dieu  ce  rayon  de  lumière  qui,  joint 
aux  efforts  qu'ils  iont  de  leur  côté  pour  par- 
venir è  la  connaissance  d'eux-mêmes,  pro^ 
duira  en  eux  un  sentiment  profond  d'humi- 
lité, et  les  abîmera  dans  leur  |>ropre  néant.  Du 
reste,  ce  n'est  pas  seulement  pour  un  temps, 
mais  jusqu'à  la  mort,  que  Ion  doit  s'exercer 
dans  la  connaissance  de  soi-même.  Quelques 
Ames ,  qui  commencent  à  être  embrasées  du 
parfait  a mour,  peuvent  bien  s^absleni r  de  cer- 
taines méditations  qui  inspirent  la  terreur^ 
comme  la  pensée  de  la  mort^  de  l'enfer,  du 
jugement ,  etc. ,  puisque,  selon  saint  Jean^ 
la  ehariti  parfaiie  ehasee  la  crainte  au  dehors 
(//oun.  IV,  18);  mais  personne,  pas  une 
àme,  ne  peut  s'abstenir  de  la  connaissance 
de  soi-même;  et  les  Ames  les  plus  levées 
en  ont  encore  plus  besoin  que  les  autres.  Si 
donc  votre  ptoitent  est  parvenu  à  l'amour 
mystique  et  parfait,  au  point  qu'il  énrouve 
des  ravissements  et  des  extases,  quand  même 
il  serait  ravi  avec  l'A pôtrejusgu^au  troisième 
ciel,  c'est  alors,  plus  que  iamais,  qu'il  a 
besoin  de  considérer  son  néant,  ses  (lécbés 
et  sa  fragilité  naturelle;  puisque  ceux  que 
Dieu  élève  plus  haut  sont  aussi  plus  exposés 
à  la  vaine  gloire  et,  partant,  au  danger  d'une 
chute  plus  terrible. 

II.  A  l'humilité  de  connatafonce  doit  se 
joindre  l'humilité  d'affection^  laquelle  con*- 
tient  la  substance  et  comme  le  suc  de  cette 
vertu.  Mais,  avant  d'en  venir  à  ce  qui  la 
concerne,  nous  devons  avertir  le  directeur 
de  prendre  bien  garde  de  confondre  la  véii- 
labie  affection  d*humilité  avec  la  fausse,  qui 
est  si  pernicieuse.  Souvent  il  trouvera  des 
personnes  spirituelles,  remplies  du  désir 
d'avancer,  qui  sont  toutes  troublées,  et  pri- 
vées de  toute  paix  intérieure,  lorsqu'elles 
retombent  dans  les  fautes  ou  dans  les  dé- 
fauts qu'elles  se  sont  proposé  nlusieurs  fois 
d'éviter.  Cette  inquiétude  amène  avec  elle 
une  certaine  défiance  de  jamais  se  corriger, 
c  Je  vois  bien^  disent  ces  sortes  de  pers>>n- 
nés,  que  je  ne  suis  point  propre  k  la  perfec- 
tion ;  je  me  recommande  à  Dieu,  mais  mes 
péchés  me  rendent  indigne  d'être  exaucé.  » 
De  là  natt  la  n^ligence  des  tmnues  œuvres. 
Tout  cela  leur  parait  être  la  véritable  humi- 
lité, parce  que  cela  vient  .d'une  certaine 
connaissance  de  leur  propre  fragilité;  et  ils 
ne  s*efforcent  nullement  d'en  sortir,  quoi- 
quMl  uV  <itît  en  cela  qu'un  découragement  de 
l'Ame  et  un  abattement  du  cœur  produit  par 
un  orgueil  raffiné.  Savcz-vous  pourquoi  ils 
sont  ainsi  agités  après  leur  péché?  C'est 
parce  qu'ils  s'étaient  formé  une  idée  vaine 
d'eux-mêmes,  et  qu'ils  se  croyaient  assez 
forts,  assez  affermis  dans  la  vertu  pour  ne 
plus  pécher  jamais.  Or,  se  vovant  trompés 
dans  cette  idée  qu'ils  avaient  d'eux-mêmes, 
quoi  d'étonnant  qu'ils  se  troublent  et  aient 
le  ooMir  rempli  d'amertume?  Savez- vous 
pourquoi  ils  tombent  dans  la  défiance  t  Parce 
qu'ils  avaient  beaucoup  de  confiance  en  eux- 
mêmes,  et  pensaient  que  pmr  leurs  propres 
efforts  ils  pouvaient  se  corriger  de  leurs  dé- 

96 


t\\ 


Hl&l 


DICTIONNAIRE 


HI3M 


11) 


fauls  !  or,  comme  ils  apprennent  par  leur 
propre  expérience  combien  était  faible  l'ap- 
pui sur  lequel  ils  comptaient,  il  n*est  point 
étonnant  oo  les  voir  tomber  dans  la  déhance 
€t  dans  rabattement.  Par  là  le  directeur 
saura  comprendre  combien  de  telles  âmes, 
trompées  par  une  fausse  apparence  d*humi* 
Mlé,  sont  éloignées  du  sentier  droit  de  la 
^ertu,  et  combien  aussi  elles  ont  besoin 
d*6tre  entourées  de  figilance  et  de  soin. 
L*homme  vraiment  humble,  quand  i)  tombe 
dans  le  péché,  ni  ne  s*en  étonne,  ni  ne  s'en 
trouble  :  car  comme  il  a  une  connaissance 
approfondie  de  sa  faiblesse,  il  sait  que  la 
mauvaise  terre  de  son  cœur  ne  peut  d'elle- 
même  rien  produire  que  de  mauvais.  Il  s'en 
repent  è  la  vérité,  mais  moins  pour  le  mat 
qu*il  s'est  fait  que  pour  le  déplaisir  qu'il  a 
causé  à  Dieu;  et  en  mémo  temps  il  s'exerce 
à  des  actes  d'hamilité.  11  ne  donne  point 
lieu  à  la  déflance  ;  mais,  se  jetant  dans  les 
bras  de  la  miséiicorde  divine,  il  répète  de 
temps  en  temps  du  fond  du  cœur  :  «  J'espère 
fermement  que  votre  grâce  fera  ce  que  ma 
fniblesse  n'a  pu  faire.  >  Et,  par  ce  moyen, 
il  se  sert  même  de  ses  chutes  pour  se  rani- 
mer à  courir  dans  la  carrière  de  la  perfec- 
tion. Le  directeur  apprendra  donc  par  là  à 
corriger  les  fausses  affections  d'humilité, 
qui  viennent  de  Toreueil  ou  du  démon,  et 
presque  toujours  de  Pun  et  de  l'autre  en  I 
même  temps. 

111.  Le  sentiment  de  l'humilité  véritable  et 
surnaturelle,  infuse  par  Dieu,  consiste  dans 
lin  certain  mépris  de  soi-même  ,  qui  natt 
de  la  connaissance  de  son  propre  néant, 
de  ses  fautes  et  do  ses  misères,  et  qui 
rend  l'homme  soumis,  en  paix  non-seulement 
avec  Dieu,  mais  encore  avec  ses  semblables. 
Voyons  donc  comment  celte  soumission 
peut  être  appliquée  dans  la  pratique,  et  d'a- 
1}ord  à  l'égard  de  Dieu.  Q^je  l'âme,  établie  en 
la  présence  du  Seigneur,  fixe  avec  l'œil  de 
la  foi  un  profond  regard  sur  la  majesté  in* 
finie  de  ce  grand  Dieu,  et  qu'en  même 
temps  elle  abaisse  son  regard  sur  sa  propre 
bassesse.  Qu'en  comparant  ses  misères  à 
la  divine  majesté  «  elle  s'humilie  devant 
Dieu,  et  s'abîme  dans  son  néant,  autant 
qu'il  sera  possible  avec  le  seôours  de  la  lu- 
mière que  Dieu  lui  envoie.  Saint  Vincent 
Ferrier  exige  :  1**  que  nous  nous  regardions 
comme  un  cadavre  enpourrilure,  au  point 
(}UQ  nous  nous  méprisions  nous-mêmes  du 
tond  du  cœur,  et  que  nous  soyons  profon- 
dément étonnés  que  Dieu  ait  pu  aimer  une 
chose  si  détestable.  2"*  Que  nous  reconnais- 
sions'intimement  en  nous  que  tout  ce  dont 
nous  jouissons  n'est  point  notre  bien,  mais 
le  bien  de  Dieu,  à  qui  seul  il  faut  en  ren* 
dre  gloire  ;  tandis  que  nous  ne  devons  nous 
Attribuer  que  le  néant  et  la  pourriture  de 
nos  péchés,  qui  est  pire  que  le  néant  même. 
3^  Que  nous  nous  réjouissions  de  n'être  rien, 
afin  qu'il  puisse  être  tout;  de  ne  pouvoir 
rieo>  afin  que  seul  il  puisse  tout;  d'être 
privés  de  tout  bien,  afin  que  lui  seul  puisse 
être  aotrebien  unique  et  souverain,  k"  Que 
nous  nous  afiligions  du  vol  si  odieux  dont 


nous  nous  sommes  rendus  coupables  en- 
vers sa  majesté ,   lorsque  nous  lui  aïons 
ravi  un  bien  précieux,  à  savoir,  sa  gloire 
extérieure,  en  nous  complaisant  daos  quel- 
qu'une de  nos  qualités  ou  de  nos  préroga- 
tives,  et  nous  appropriant  ainsi  l'oconeur 
qui  lui  est  dû  h  lui  seul  ;  et  qu'en  même 
temps  nous  lui  rendions  cet  honneur  que 
nous  lui  avons  ravi,  en  nous  écriant  de  lont 
notre  cœur:  A  vous  seul  gloire  et  honneur  1 
S^'que  nous  lui  rendions  aussi  toute  la  gloire 
que  les  hommes  vains  et  superbes  loi  ont 
enlevée  jusqu'à  ce  jour;  et  que  nous  con- 
fessions que  toute  gloire  appartient  à  lui 
seul  non-seulement  comme  étant  le  premier 
principe  et  la  source  de  tout  bien,  mais  en- 
core comme  étant  la  dernière  fin  è  qui,  de 
droit  suprême,  toutes  choses  doivent  6tre 
rapportées.  6°  Que  nous  soyons  dans  un 
profond  étonnement  de  voir  que  nous  seuls 
avons  osé  nous  enfler  d'orgueil,  tandis  que 
les  anges  et  les  saints  du  ciel  s'ablmenl 
dans  leur  néant  et  reconnaissent  leur  sou- 
veraine pauvreté.  T  Que  nous  craignions 
de  nous  voir  dépouiller  par  Dieu  des  biens 
qu'il  nous  a  accordés,  ou  de  trouver  notre 
perle  dans  l'abus  que  nous  pouvons  faire 
de  ces  biens.  S*"  Que  nous  prenions  surtout 
la  ferme  et  constante  résolution,  non-seule- 
ment de  ne  plus  rechercher  jamais  notre 
propre  gloire,  notre  propre  honneur,  noire 
propre  réputation  ;  mais  encore,  autant  qu*il 
sera  en  nous,  d'éviter  de  toutes  nos  forces 
ce  qui  peut  nous  procurer  la  gloire,  comme 
les  dignités,  les  charges,  les  emplois  de 
distinction  et  les  honneurs.  Car,  selon  le 
langage  de  saint  Bernard,  il  faut  éviter  et 
détester  cette  orgueilleuse  présomption  qui 
nous  rend  assez  audacieux  pour  chercher 
notre  gloire  dans  des  biens  qui  ne  nous  ap^ 
partieiinent  pas,  et  pour  ravir  l'honneur  qui 
est  dû  à  Dieu  seul. 

IV.  L'humilité  d'affection  envers  le  pro- 
chain a  trois  degrés.  Le  premier  est  de  se 
mépriser  au  point  que  l'on  se  soumet  à  tous 
ses  semblables,  même  à  ceux  dont  on  recon- 
naît l'infériorité  relative.  Cette  soumission 
exige,  du  côté  de  i'intelliçenco ,  que  nous 
fassions  plus  de  cas  des  opinions  des  autres 
que  des  nôtres,  et  que  nous  les  préférions 
aux  nôtres;  que  nous  demandions  toujours 
et  suivions  les  avis  des  autres,  les  crojant 
plus  sûrs  que  les  nôtres.  Du  côté  de  la  fo- 
ionté,  cette  soumission  consiste  à  soumettre 
notre  volonté,  non-seulement  à  la  volonlé 
de  Dieu  et  des  supérieurs,  mais  encore  ^ 
celle  des  autres.  Et,  quant  à  ce  qui  concerne 
les  œuvres  extérieures ,  nous  devons  élit 
contents  de  voir  nos  actions  peu  estimées, 
et  celles  des  autres  préférées  aux  nôtres.  Le 
second  degré  de  l'humilité  d'affection  envers 
le  prochain  consiste  à  se  mépriser  soi-même, 
au  point  de  souffrir  en  paix  que  les  antres 
nous  méprisent.  De  là,  si  quelqu'un  nous 
estime  peu,  nous  devons  nous  dire  au  feoti 
du  cœur  :  Il  a  raison,  il  me  donne  oe  qui 
m'appartient  ;  il  me  traite  selon  mes  méfi* 
tes;  il  porte  de  moi  le  même  jugement  qua 
Dieu  et  que  tous  les  bienheureux  du  \^^ 


8» 


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DASCETiSHE. 


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dis  9  aux  yeux  desouels  je  ne  sais  qu'un  tU 
néant  et  un  objet  détestable  k  cause  de  mes 
péchés.  Dans  ce  degré,  on  sent  ramertume 
de  ce  mépris  ;  cependant  on  en  triomphe 
par  un  autre  mépris,  le  mépris  intérieur  de 
soi-même  ;  et,  se  tournant  vers  Dieu,  on  lui 
rend  grâces  de  ce  qu'il  s'est  trouvé  un  homme 
qui  reconnaît  noire  indignité  telle  qu'elle 
est,  et  nous  traite  comme  nous  le  méritons; 
en  même  temps,  on  se  fait  un  devoir  de  prier 
pour  son  calomniateur.  Nous  devons  faire 
tous  nos  efforts  pour  parvenir  k  ce  degré  : 
car  autrement,  selon  la  pensée  de  saint  Gré- 
goire, ce  mépris,  que  nous  paraissions  avoir 
pour  nous-mêmes  en  nous  reconnaissant  et 
i-n  nous  avouant  pour  pécheurs,  ne  serait 
pas  une  humilité  véritable,  ni  un  vrai  mé- 
pris. <  Nous  en  connaissons  beaucoup,  dit 
ce  saint  docteur,  qui,  n'étant  accusés  par 
ftcrsonne,  confessent  qu'ils  sont  pécheurs, 
et  qui,  si  par  hasard  on  leur  reproche  quel- 
que faute,  cherchent  à  se  défendre,  à  s'ex- 
cuser, à  se  justifier,  pour  ne  pas  paraître  pé- 
cheurs. Or  si,  lorsqu'ils  se  disent  eux-mêmes 
pécheurs,  ils  se  reconnaissaient  comme  tels 
par  une  véritable  humilité,  ils  ne  nieraient 
point,  quand  les  autres  les  accusent,  ce  qu'ils 
avaient  même  confessé.  >  {Moral.f  tib.  xxii.) 
Mais  si  nous  nous  méprisons  nous-mêmes 
au  point  de  nous  réjouir  du  mépris  d'autrui, 
nous  avons  atteint  le  troisième  degré  de 
l'humilité  d'affection  :  degré  sublime  et  dif- 
licile  h  obtenir!  Toutefois,  nous  pouvons  y 
parvenir  avec  la  grAce  de  Dieu,  et  nous  som- 
mes tenus  d'y  aspirer.  Saint  Diodoyne  dis- 
tingue deux  sortes  d'humilité  :  Tune  des 
hommes  de  sainteté  médiocre,  l'autre  des 
hommes  parfaits  :  unamediocrium^alteraper- 
feriorum.  (De  perf.  ipir.^  c.  95.)  Les  médio- 
cres, on  ceiix  qui  sont  en  progrès,  sentent, 
au  milieu  des  opprobres,  la  tristesse  et  la- 
inertume,  parce  qu'ils  n'ont  pas  encore  vaincu 
les  mauraises  inclinations  de  la  nature;  mais 
1rs  parfaits  sont  remplis  de  joie,  parce  qu'ils 
ont  remporté  une  telle  victoire  sur  leurs  pas- 
sions, qu'elles  n'osent  plus  lever  la  tête  pour 
U'ur  faire  la  guerre.  Du  reste,  en  quelque 
état  que  nous  soyons,  nous  devons  nous  ef- 
forcer d'embrasser  avec  joie  les  mépris,  les 
Injures  et  les  opprobres,  au  moins  par  la  vo- 
lonté, si  nous  ne  le  pouvons  sans  éprouver 
quelque  sentiment  de  répugnance,  disant  in- 
térieurement :  O  Jésus,  qui  avez  été  méprisé 
par  amour  pour  moi,  je  veux  être  semblable 
a  vous.  Ces  opprobres,  ces  persécutions,  ces 
calomnies,  quelque  horreur  qu'ils  inspirent, 
sont  le  bonheur,  la  béatitude  que  vous  B\ez 
promise  à  vos  serviteurs.  Bienheureux  êtes-- 
vouê  lorsqu'on  vous  maudira^  et  qu'on  vous 
persécutera  f  et  qu'on  dira  faussement  toute 
sorte  de  mat  contre  vouSf  à  cause  de  moi 
(Matth.  v).  Je  dois  donc  me  réjouir,  me  livrer 
à  la  joie.  Voilà  quelques  manières  pratiques 
d'exercer  l'humilité,  que  le  directeur  doit 
su^érer  peu  à  peu  à  ses  pénitents,  selon 
qu  il  croira  convenable  à  leurs  dispositions 
et  à  leurs  progrès  plus  ou  moins  grands  dans 
les  voies  spirituelles. 

V.  A  ces  avis  pratiques  sur  l'humilité  nous 


croyons  devoir  ajouter  quelques  réflexions» 
pratiques  aussi,  contre  la  vaine  gloire,  k  la- 

Ïuelle  l'homme  est  naturellement  si  enclin, 
butefois,  il  y  a  moins  de  danger  pour  la 
vaine  gloire  dans  les  biens  surnaturels  et  les 
dons  qui  se  rapportent  à  l'ordre  de  la  grâce, 
attendu  qu'à  I  égard  de  ces  sortes  de  biens 
il  est  moins  difficile  de  reconnaître  la  main 
bienfaitrice  qui  les  donne;  le  danger  est  plus 
grand  dans  la  possession  des  biens  de  Tordre 
naturel,  tels  que  les  richesses,  la  naissance, 
les  talents,  la  science,  la  prudence,  Télégance 
des  manières,  la  beauté  du  corps,  etc.  Le  di- 
recteur s'efforcera  de  dissiper  ces  fumées  de 
vaine  gloire  qui  naissent  de  l'éclat  des 
choses  temporelles ,  et  il  y  opposera  ces 
belles  paroles  que  saint  Basile  adressait  aux 
fidèles  de  son  temps  :  <  Vous  vous  complai- 
sez, disait-il,  dans  la  noblesse  de  vos  aïeux? 
Vous  tressaillez  de  joie  en  vous  flattant  de 
la  célébrité  de  votre  famille,  de  la  beauté  ûf. 
votre  corps,  des  honneurs  dont  chacun  vous 
entoure?  Un  peu  de  réflexion  sur  vous- 
même  :  car  vous  êtes  mortel...  vous  êtes 
poussière  et  vous  retournerez  en  poussière... 
Où  sont,  dites-moi,  ceux  qui  occupaient  les 
premières  magistratures  des  cirés?  où  sont 
ces  rois  invincibles?  où  sont  ces  généraux? 
où  sont  ces  potentats?  Tout  cela  n'est-il  pas 
une  vaine  poussière?  tout  cela  n'est-il  pas 
la  proie  du  tombeau?  A  peine  reste-t-il  d'eux 
quelques  ossements.  Jetez  les  yeux  un  in- 
stant sur  leurs  tombeaux ,  espérez-vous  pou- 
voir distinguer  entre  le  maître  et  son  servi- 
teur, entre  le  riche  et  le  pauvre,  entre  le  roi 
triomphant  et  le  roi  qu'il  avait  traîné  è  son 
char  de  triomphe?  »  (Hom.  3,  m  verba  Moy- 
sis  :  Attende  tibi  ipsi.)  Et,  en  effet,  pour 
dissiper  la  fumée  des  vanités  dont  s'enivrent 
les  hommes  du  siècle,  il  n'y  a  pas  de  moyen 
plus  efficace  que  de  leur  faire  considérer 
souvent  ce  qu'ils  seront  bientôt,  et  ce  que 
sont  ceux  qui,  Ucnguère,  nageaient  au  sein 
des  félicités  mondaines.  C'est  pourauoi,  si 
quelque  personne  de  ce  genre  voulait  s'ap- 
filiquer  à  la  piété,  il  faudrait  lui  ordonner 
de  faire  des  lectures  et  des  méditations  sur 
ces  sortes  de  vérités,  et  lui  offrir  quelque 
livre  qui  en  traite  spécialement.  Car  la  véri- 
table lumière  ne  luira  point  pour  son  esprit, 
si  d'abord  on  n'en  chasse  cette  vaine  fumée. 
VI.  La  vanité  des  femmes  consiste  ordi- 
nairement k  vouloir  paraître  en  public  écla- 
tantesde  beauté,ornéesde pierres  précieuses, 
environnées  d'une'  grande  pompe,  enri- 
chies de  vêtements  où  brillent  l'or  et  l'ar- 
gent. La  source  de  cette  faiblesse  est,  d'un 
côté,  la  privation  de  tout  exercice  littéraire, 
de  tout  emploi,  détente  profession  libérale; 
et,  d'un  autre  côté,  la  passion  de  la  vaine 
gloire,  qui  n'est  pas  moins  profondément  en- 
racinée dans  leur  cœur  que  dans  l'esprit  des 
hommes.  De  là,  ne  pouvant  nourrir  leur 
passion  de  choses  plus  importantes,  elles  la 
mettent  tout  entière  en  ces  vpins  dehors 
d'une  toilette  splendide.  Cependant,  si  elles 
veulent  s'adonner  k  une  véritable  piété,  il 
faut  qu'elles  mettent  des  bornes  h  cette  su- 
perfluité  d'ornements,  puisque  la  vraie  dé* 


ai 


IDl 


DIGTM)MNAIIIE 


IGf^ 


tl9 


volion  cl  la  piéCé  solide  ne  pcuvont  s  allier 
à  la  vanilét  ni  habiler  dans  Je  mémo  cœur. 
Que  le  directeur  doncs^eObrce  de  faire  Iriom- 
pher  de  ces  obstacles  leurs  pénitentes,  sur* 
tout  celles  qui  se  livrent  à  la  vie  spirituelle 
et  à  Teiercice  des  rertus.  S'il  peut»  sans 
danger  et  sans  de  graves  inconvénients»  les 
faire  renoncer  à  toute  celte  pompe  d'orne- 
ment, à  tout  ce  vain  faste  d*habilleiuent, 
qu'il  le  fasse  sans  hésiter  :  car,  de  celte  ma- 
nière, il  tranchera  la  racine  même  du  mal. 
Mais,  si  la  prudence  le  lui  défend,  que  du 
moins  il  ramène  à  une  juste  modération 
Tusage  d*une  telle  pompe  dans  les  v6temenls« 
Qu'il  exige  d'elles  un  maintien  plus  humble, 
des  habitudes  plus  modestes,  autant  que 
leur  position  le  permet;  et  surtout,  si  efles 
se  couvrent  d'ornements,  qu'elles  ne  le  fas- 
sent point  par  un  vain  désir  de  paraître, 
car  il  n'y  aurait  pas  alors  moyen  de  les  ex- 
cuser de  vanité  et  de  péché;  mais  qu'en 
cela  elles  n'agissent  que  pour  se  conformer 
aux  convenances  de  leur  position, 'ou  à 
d'autres  motifs  raisonnables,  qui  les  obli- 
gent à  une  toilette  enrichie  d'ornements. 

VU.  Le  directeur  ne  doit  jamais  permettre 
que,  par  crainte  de  vaine  gloire,  ses  péni- 
tents omettent  jamais  une  bonne  œuvre  qui 
leur  est  convenable.  Expliquons  notre  pen- 
sée. 11  V  a  des  hommes  qui  ne  parlent 
point  à  leur  directeur  des  inspirations  et 
des  faveurs  qu'ils  reçoivent  de  Dieu  dans 
la  prière ,  et  qui  ne  lui  font  pas  connaître 
les  pénitences,  les  macérations  et  autres 
œuvres  de  piété  auxquelles  ils  se  livrent,  et 
cela  sous  prétexte  que,  en  faisant  connaître 
de  telles  choses,  ils  éprouvent  un  sentiment 
de  vanité,  ou  bien  dans  la  crainte  qu'ils 
n'excitent  dans  leur  cœur  un  sentiment 
de  cette  nature.  D^autres  omettent  la  visite 
des  églises,  la  fréquentation  des  sacrements, 
le  service  des  malades  dans  les  hôpitaux  ou 
>a  pratique  d'autres  vertus,  pour  la  raison 
que  des  pensées  de  vanité  surgissent  dans 
leur  esprit  au  milieu  de  ces  œuvres  de  piété. 
Il  faut  ordonner  à  ces  personnes  de  n'omet- 
tre aucun  bien,  en  vue  d'éviter  la  vanité. 
Autrement ,  .'le  démon,  remarquant  cette 
crainte,  pourrait  les  éloigner  de  toute  bonne 
œuvre,  en  leur  suggérant  des  pensées  de 
vanité,  tantôt  d'une  laçon,  tantôt  d'une  au- 
tre. Que  ces  personnes  dirigent  leur  inten- 
tion vers  Dieu,  qu'elles  prolestent  devant 
lui  qu'elles  agissent  avec  dos  Rns  droites,  et 


que,  sans  se  mettre  en  peine  des  vaines 
pensées  d'amour-propre  qu'elles  éprouvent, 
elles  persévèrent  constamment  daos  l'exer- 
cice des  bonnes  œuvres. 

VIll.  Le  directeur,  pour  mettre  ses  péni- 
tents  à  l'abri  de  toute  vaine  gloire,  ne  leur 
doit  pas  permettre  de  se  conduire  de  ma- 
nière à  passer  auprès  des  autres  pour  des 
insensés,  pour  des  imprudents,  ou  pour 
des  hommes  de  peu  de  jugement.  Car  Dieu 
veut  que,  dans  notre  conduite,  nous  mar- 
chions avec  toute  sagesse  et  en  toute  droi- 
ture; et  il  suffit  pour  nous  de  supporter 
avec  paix  et  en  toute  humilité  les  blessures 
faites  à  notre  réputation,  lorsque  les  autres 
conçoivent  de  nous  une  opinion  mauvaise, 
sans  que  nous  leur  en  fournissions  l'oc- 
casion. Nous  savons  bien  que  plusieurs 
saints  ont  quelquefois  agi  de  mamère  à  se 
faire  passer  pour  des  insensés  ;  mais  ils  y 
furent  portés  par  une  inspiration  particu- 
lière de  r£spnt- Saint,  sans  laquelle  il  faut 
s'abstenir  de  ces  sortes  de  choses.  Que  le 
directeur  se  garde  aussi  d'apnrouver  la  cou- 
tume do  ceux  qui,  pour  éviter  la  vaiue 
gloire*  parlent  mal  d'eux-mêmes  h  tout  pro- 
pos, en  se  traitant  do  pécheurs,  d'impanails 
et  de  misérables.  Premièrement ,  parce  que 
soûs  cette  affectation  d'humilité  se  cache 
ordinairement  quelque  vanité  secrète,  sous 
l'influence  de  laquelle  ces  sottes  de  person- 
nés  cherchent  à  paraître  modestes  et  hum- 
bles dans  l'opinion  qu'elles  ont  d'elles-mê- 
mes, bien  que,  le  plus  souvent,  la  personne 
même  ne  le  remarque  pas.   Secondement, 
parce  que  de  semblables  accusations,  quand 
même  elles  partiraient  d'un  cœur  sincère, 
ne  sont  point  ordinairement  admises  par 
celui  qui  les  entend,  mais  sont  plutôt  ac- 
cueillies par  des  flots  de  louanges  ;  en  sorte 
que  Ton  s'expose  à  la  vaine  ^oire  par  les 
moyens  mômes  qu'on  emploie  à   l'éviter. 
C'estpourquoiilvautbienmieuxquerhomme 

porte  dans  son  esprit  et  dans  son  cœur  une 
connaissance  profonde  et  véritable  de  lui- 
môme  et  de  ses  misères,  en  vertu  de  laquelle 
il  se  méprise  au  fond  de  son  Ame  ;  quil 
renvoie  sincèrement  à  Dieu  la  gloire  de  tout 
ce  qu'il  y  a  de  bien  en  lui,  et  qu'il  soit  tou- 
jours disposé  à  admettre  de  la  bouche  des 
autres  le  reproche  de  ses  défauts  et  de  sas 
imperfections.  £n  un  mot,  que  le  djrecleur 
apprenne  à  ses  périilents  k  ne  jamais  porter 
d  eux-mêmes  ni  en  bien  ni  en  mal. 


I 


IDIOT  ou  le  Savant  idiot^^uieur  que  l'on 
a  sauvent  cicé  ainsi ,  avant  que  le  P.  Théo- 

Ïihile  Raynaud  eût  découvert  que  Raymond 
ordan,  prévôt  d'Uzès  en  1381,  puis  abbé  de 
Celles  au  diocèse  de. Bourges,  est  le  véri- 
table auteur  des  ouvrages  qui  se  trouvent 
dans  la  bibliothèque  des  Pères^  sous  le  nom 
d'7dto^.  Raynaud  les  a  publiés  à  Paris,  1654, 
in-4*.  Cette  colleclion  contient  :  1**  six  livres 


de  Méditations  ;  —  2*  Un  Traite  ae  ia  B.  f. 
Marie  ;  —  3*  Un  Traité  de  la  vie  religieuit; 
—  4°  VOEU  mystique. 

IGNACE  DE  LOYOLA  (Saint),  né  au  châ- 
teau de  ce  nom  en  Biscaye ,  Tan  1491,  dt 
parents  nobles,  fut  d'abord  page  de  Ferdi- 
nand V.  Il  porta  ensuite  les  armes  et  se 
trouva  au  siège  de  Pampeluiie*  en  1521.  H 
y  fut  blessé  d'un  boulet  de  canon  h  !a  jambe; 


ii7 


IGH 


D^ASCKTISME. 


IGN 


81S 


et,  pendant  sa  convalescence»  il  eal  occasion 
de  lire  une  Vie  des  saints.  Cette  lecture  le  fit 
r^écbir.  et  lui  inspira  le  généreux  dessein 
de  quitter  le  monde  pour  se  consacrer  à 
Dieu.  Il  se  livra  d'abora  k  toutes  les  rigueurs 
de  la  Pénitence  t  dans  une  grotte  solitaire 
où  il  s  était  retiré ,  et  partit  ensuite  pour  la 
TerreSainte,  où  il  arriva  en  15S3.  De  retour 
en  Europe,  il  étudia,  quoique  Agé  de  trente- 
trois  ans,  dans  les  universités  d'Espagne.  11 
passa  à  Paris  en  1S28,  pour  y  recommencer 
ses  humanités  au  collège  de  Monlaigu.  Ce 
fut  dans  cette  ville  qu'il  s'associa  quelques 
condisciples,  et,  entre  autres,  saint  Fran*- 
çois  Xavier  (Foy.  eenom)^  pour  rétablisse- 
ment de  Tordre  des  Jésuites,  en  153(^.  Le 
saint  fondateur  de  cet  ordre  si  distingué 
mourut  le  3t  juillet  1556,  Agé  de  soîxante- 
eînq  ans.  Il  a  laissé  :  1*  Des  Exercices  spi- 
riiuelSf  16U,  in-fol.;  —  2*  Des  Canstituiions. 
Ces  deux  livres,  destinés  par  Tauteur  k  ses 
disciples,  sont  également  célèbres.  Ils  ont 
été  traduits  dans  toutes  les  lançues  de  TEu- 
rope.  La  Vie  de  saint  Ignace  a  été  écrite  par 
le  P.  Maffei  et  le  P.  Boubonrs. 

Ses  Constitutions  et  ses  Exercices  apirî- 
iWÈch.  —  Nous  ne  pouvons  mieux  connaître 
Tesprit ,  le  but  et  l'ensemble  des  Constitu- 
tiois  de  saint  Ignace,  qu'en  consultant  la 
bulle  de  Paul  111  qui  nous  en  donne  le  ré- 
sumé fidèle,  tracé  par  le  saint  fondateur  lui- 
même  : 

«  Quiconque  voudra ,  sous  Tétendard  de 
de  la  croix,  porter  les  armes  pour  Dieu, 
dit  saint  l^ace,  et  servir  le  seul  Seigneur 
et  le  Pontife  romain,  son  vicaire  sur  la 
terre,  dans  notre  Société,  que  nous  désirons 
être  appelée  la  Compagnie  de  Jésus ,  après 
y  avoir  fait  vœu  solennel  de  chasteté,  doit 
se  proposer  de  faire  partie  d'une  Société 

Kincipalement  instituée  pour  travailler  è 
vancement  des  Ames  dans  la  vie  et  la 
doctrine  chrétiennes,  et  k  la  propagation  de 
la  foi ,  par  des  prédications  publiques,  et  le 
ministère  de  la  parole  de  Dieu,  par  des 
exercices  spirituels  et  des  œuvres  do  cha- 
rité ,  notamment  en  faisant  le  cathécbisme 
aux  enfants,  et  i  ceux  qui  ne  sont  pas  ins- 
Imits  du  christianisme,  et  en  entendant  les 
confessions  des  fidèles  pour  leur  consolation 
3pirituelle.  H  doit  aussi  faire  en  sorte  d'a- 
Toir  toujours  devant  les  yeux  :  première- 
ment Dieu,  et  ensuite  la  forme  de  cet  insti- 
tut qu'il  a  embrassé.  C'est  une  voie  qui 
mène  à  lui ,  et  il  doit  employer  tous  ses 
efforts  pour  atteindre  à  ce  but  gue  Dieu 
même  lui  propose,  selon  toutefois  la  me- 
snre  de  la  ^âce  qu'il  a  reçue  de  l'Esprit- 
Saint,  et  suivant  le  degré  propre  de  sa  vo« 
cation,  de  crainte  que  quelqu'un  ne  se  laisse 
emporter  à  un  zèle  qui  ne  serait  pas  selon 
la  science.  C'est  le  général  ou  prélat  que 
nous  choisirons  qui  décidera  de  ce  degré 
propre  k  chacun,  ainsi  que  des  emplois,  les- 

?oels  seront  tons  dans  sa  main,  afin  que 
ordre  convenable,  si  nécessaire  dans  toute 
communauté  bien  réglée,  soit  observé.  Ce 
général  aura  rautorite  de  faire  des  consti- 


tutions conformes  h  la  fin  de  l'Institut ,  du 
consentement  de  ceux  qui  lui  seront  asso- 
ciés, et  dans  un  conseil  où  tout  sera  décidé 
k  la  pluralité  des  suffrages.  Dans  les  choses 
importantes  et  qui  devront  subsister  à  l'ave- 
nir* ce  conseil  sera  la  majeure  partie  do 
la  Société,  que  le  général  pourra  rassem- 
bler commodément  ;  et,  pour  les  choses  lé- 
gères et  momentanées,  tous  ceux  qui  se 
trouveront  dans  le  lien  de  la  résidence  du 
général.  Quant  au  droit  de  coromandert  il 
appartiendra  entièrement  au  général.  Que 
tous  les  membres  de  la  Compagnie  sachent 
donc,  et  qu'ils  se  le  rappellent,  non-seule- 
ment dans  les  premiers  temps  de  leur  pro- 
fession,  mais  tous  les  jonrs  ue  leur  vie,  que 
toute  cette  Compagnie  et  tous  ceux  qui  la 
composent  combattent  pour  Dieu  sous  les 
ordres  de  notre  très-saint  seigneur  le  Pape 
et  des  autres  Pontifes  romains,  ses  succes- 
seurs. Et,  quoique  nous  avons  appris  de 
l'Evangile  et  de  la  foi  orthodoxe,  et  que 
nous  lassions  profession  de  croire  ferme- 
ment que  tous  les  fidèles  de  Jésus-Christ 
sont  soumis  au  Pontife  romain  comme  à 
leur  chef  et  au  vicaire  de  Jésus -Christ, 
cependant,  afin  que  rhumilUé  de  notre  So- 
ciété soit  encore  plus  grande,  et  que  le  dé- 
tachement de  chacun  de  nous  et  l'obligation 
de  nos  volontés  soient  plus  parfaits,  nous 
avons  cru  qu'il  serait  fort  utile,  outre  ce 
lien  commun  à  tous  les  fidèles,  de  nous  en- 
gager encore  par  un  vœu  particulier,  en 
sorte  que,  Quelque  chose  que  le  Pontife  ro- 
main actuel  et  ses  successeurs  nous  com- 
mandent, concernant  le  progrès  des  Ames  et 
la  propagation  de  la  foi,  nous  soyons  obli- 
gés de  l'exécuter  à  l'instant  sans  tergiverser 
ni  nous  excuser,  en  quelque  pavs  qu'ils 
puissent  nous  envover,  soit  chez  les  "Turcs 
ou  tous  autres  infidèles ,  même  dans  les 
Indes,  soit  vers  les  hérétiques  et  les  schis- 
matiques,  ou  vers  les  fidèles  quelconques. 
«  Ainsi  donc,  que  ceux  oui  voudront  se 
joindre  h  nous  examinent  nien,  avant  de 
se  charger  de  ce  fardeau,  s'ils  ont  assez  de 
fonds  spirituel  pour  pouvoir,  suivant  le 
conseil  du  Seigneur,  achever  cette  tour; 
c'est-à-dire  si  l'Esprit-Saint  qui  les  pousse 
leur  promet  assez  de  grâces  pour  Qu'ils 
puissent  espérer  de  porter,  avec  son  aide,  le 
poids  de  cette  vocation;  et  quand,  par 
rinspiration  du  Seigneur,  ils  se  seront  en- 
rôlés dans  cette  milice  de  Jésus-Christ,  il 
faut  que,  jour  et  nuit,  les  reins  ceints,  ils 
soient  toujours  prêts  à  s'acquitter  de  cette 
dette  immense.  Mais,  afin  gue  nous  ne 
puissions  ni  briguer  ces  missions  dans  les 
différents  pays,  ni  les  refuser,  tous  et  cha- 
cun de  nous  s'obligeront  de  ne  jamais  faire 
à  cet  égard,  ni  directement,  ni  indirecte- 
ment, aucune  sollicitation  auprès  du  Pape, 
mais  de  s'abandonner  entièrement  Ih-dessus 
à  la  volonté  de  Dieu,  du  Pape,  comme  son 
vicaire  et  son  général.  Le  général  promettra 
lui-même,  comme  les  autres,  de  ne  point 
solliciter  le  Pape  pour  la  destination  et 
mission  de  sa  propre  personne  dans  un 
endroit  olutftt  oue  dans  un  autre,  à  moins 


(19 


IGN 


DICTIONNAIRE. 


IGfl 


m 


§ue   ce   oe  soit  du  coaseutement  de  la 
ociéié. 

c  Tous  feront  vœu  d'obéir  au  géaéral  en 
tout  ce  qui  concerne  l'observation  de  notre 
rè($le,  et  le  général  prescrira  les  choses  qu'il 
saura  convenir  à  la  fin  que  Dieu  et  la  So- 
ciété ont  eue  en  vue.  Dans  l'exercice  de  sa 
charge,  qu*Il  se  souvienne  toujours  de  la 
bonté,  de  la  douceur  et  de  la  charité  de 
Jésus-Christ,  ainsi  que  des  paroles  si 
humbles  de  saint  Pierre  et  de  saint  Paul; 
et  (}ue  lui  et  son  conseil  ne  s'écartent  ja- 
mais de  cette  règle.  Sur  toutes  choses, 
qu'ils  aient  à  cœur  l'instruction  des  enfants 
et  des  ignorants  dans  la  connaissance  de  la 
doctrine  chrétienne,  des  dix  commande- 
ments et  autres  semblables  éléments,  selon 
au'il  conviendra,  eu  égard  aux  circonstances 
es  personnes,  des  lieux  et  des  temps.  Car 
il  «st  trôs-nécessaire  que  le  général  et  sou 
conseil  veillent  sur  cet  article  avec  beaucoup 
d'altenttoa,  soit  parce  qu'il  n'est  pas  pos- 
sible d'élever  sans  fondements  l'édifice  de 
la  foi  chez  le  prochain  autant  qu'il  est  con- 
venable,, soit  parce  qu'il  eslè  craindre  qu'il 
n'arrive  parmi  nous  que,  à  proportion  que 
l'on  sera  plus  savant,  1  on  ne  se  refuse  à 
cette  fonction  comme  étant  moins  belle  et 
moins  brillante,  quoiqu'il  n'jr  en  ait  pour- 
tant point  de  plus  utile,  ni  au  prochain 
pour  son  édification,  ni  .à  nous-mêmes  pour 
nous  exercer  à  la  charité  et  à  l'humilité.  A 
Fégard  des  inférieurs,  tant  h  cause  des 
grands  avantages  qui  reviennent  de  l'ordre 
que  pour  la  pratique  assidue  de  l'humilité, 
qui  est  une  vertu  que  Ton  ne  peut  assez 
louer,. ils  seront  tenus  d'obéir  toujours   au 

f;énéral  dans  toutes  les  choses  qui  regardent 
'institution,  et  dans  sa  personne  ils  croiront 
voir  Jésus-Christ  comme  s'il  était  présent, 
et  l'y  révéreront  autant  qu'il  est  conve- 
nable. 

tt  Mais  comme  l'expérience  nous  a  anpris 
que  la  vie  la  plus  pure,  la  plus  agréable  et 
la  plus  édifiante  pour  le  prochain,  est  celle 
oui^  est  la  plus  éloignée  ue  la  contagion  de 
1  avarice  et  la  plus  conforme  à  |a  pauvreté 
évangélique»  et  sachant  aussi  que  Notre- 
Seigneur  Jésus-Christ  fournira  ce  qui  est 
nécessaire  pour  la  vie  et  le  vêtement  à  ses 
serviteurs  qui  ne  chercheront  que  le 
royaume  de  Bleu,  nous  voulons  que  tous 
les  nôtres  et  chacun  d'eux  fassent  vœu  de 
pauvreté  perpétuelle,  leur  déclarant  qu'ils 
ne  peuvent  acquérir  ni  en  particulier,  ni 
même  en  commun  pour  l'entretien  ou  us<ige 
de  la  société, -aucun  droit  civil  à  des  biens 
immeubles  ou  à  des  rentes  et  revenus  quel- 
conques ;  mais  qu'ils  doivent  se  contenter 
de  l'usage  de  ce  qu'on  leur  donnera  pour  se 
procurer  le  nécessaire.  Néanmoins  ils  pour- 
ront  avoir,  dans  tes  universités  des  collèges 
possédant  des  revenus,  cens  et  fonds  appli- 
cables à  l'usage  et  au.besoin  des  étudiants, 
le  général  et  la  société  conservant  toute 
administration  et  surintendance  sur  lesdits 
biens  et  sur  lesdits  étudiants,  à  l'égard  des 

(174)  Tra(t^€tieii  de  Crélioeau  Jolj,  t.  i'\  p.  4b. 


choix,  refus,  réception  et  exclusion  desn- 
périeurs  et  des  étudiants,  et  pour  les  règle- 
ments touchant  rinstructiun,  l'édification 
et  la  correction  desdits  étudiants,  la  manière 
de  les  nourrir  et  de  les  vêtir,  et  tout  autre 
obiet  d'administration  et  de  régime,  de  ma- 
nière pourtant  que  ni  les  étudiaim  ne 
puissent  abuser  desdils  biens,  ni  la  Société 
elle-même  les  convertir  h  son  usage,  tnaU 
seulement  les  faire  subvenir  aux  besoinsdes 
étudiants.  Et  lesdits  étudiants,  lorsqu'on  se 
sera  assuré  de  leurs  progrès  dans  la  piété 
et  dans  la  science,  et  après  une  épreuve 
suflisante,  pourront  être  admis  dans  notre 
Compagnie,  dont  tous  les  membres  qui  se- 
ront dans  tous  les  ordres  sacrés,  bien  qu'ils 
n'aient  ni  bénéfices,  ni  revenus  ecclésias- 
tiques, seront  tenus  do  dire  l'ofTice  divin 
selon  le  rite  de  l'ËçIise,  en  particulier  ce- 
pendant, et  non  point  en  commun. 

«  Telle  est  l'image  que  nous  avons  pu 
tracer  de  notre  profession  sous  le  bon 
plaisir  de  notre  seigneur  Paul  et  du  siège 
apostolique.  Ce  que  nous  avons  fait  dans 
la  vue  d  instruire  par  cet  écrit  sommaire  et 
ceux  qui  s'informent  à  présent  de  noire 
institut,  et  ceux  qui  nous  succéderont  à 
l'avenir,  s'il  arrive  que,  par  la  volonté  de 
Dieu,  nous  ayons  jamais  des  imitaleursdaDS 
ce  genre  de  vie,  lequel  ayaflt  de  grandes  et 
nombreuses  difficultés,  ainsi  que  nous  le 
savons  par  notre  propre  expérience,  nous 
avons  jugé  à  propos  d'ordonner  que  per- 
sonne ne  sera  admis  dans  cette  Compagnie 
qu'après  avoir  été  longtemps  éprouvé  avec 
beaucoup  de  soin,  et  que  ce  n'est  que  lors- 
qu'on se  sera  distingué  dans  la  doctrine  ou 
la  pureté  de  la  vie  chrétienne  qne  Ton 
pourra  être  reçu  dans  la  milice  de  Jésus- 
Christ,  à  qui  il  plaira  de  favoriser  nos  pe- 
tites entreprises  pour  la  gloire  de  Dieu  le 
Père,  auquel  seul  soient  gloire  et  honneur 
dans  les  siècles  1  Ainsi  soit-il  (17^).  » 

Tel  est  le  plan  de  sa  Compagnie  que  saint 
Isnace  présenta  au  Pape  Paul  III,  qui  dé- 
clare n'y  avoir  rien  trouvé  que  de  pieux  et 
de  saint. 

Ramener  à  Dieu  tout  l'homme  et^  tous 
les  hommes  par  l'unité  de  la  foi,  de  res()é- 
rance  et  la  cnarité,  sans  distinction  de  grec 
ni  de  barbare,  tel  est  le  but  de  TEglise  ca- 
tholique, tel  est  le  but  de  la  Compagnie  de 
Jésus,  tel  est  le  vœu  de  tout  Chrétien  fidèle. 
C'est  vers  ce  but  que  tendent  toutes  \^ 
constitutions  de  saint  Ignace  pour  sa  Com- 
pagnie. Comme  TËglise  même,  il  embrasse 
et  la  vie  contemplative  et  la  vie  active, 
toutes  les  sciences  et  toutes  les  bonnes 
œuvres. 

Pour  que  l'action  de  sa  Compagnie  sou 
prompte  et  continue,  l'autorité  du  supérieur 
général  est  perpétuelle  et  absolue  tant 
qu'il  fait  bien,  mais  non  sans  contrôle  m 
remède  s'il  lait  mal. 

11  est  nommé  par  la  congrégation  géné- 
rale et  ne  peut  décliner  l'élection.  Sa  rési- 
dence habituelle  est  à  Rome,  au  ceulre  de 


Bil 


1GN 


DASrXTISME. 


IGN 


K* 


la  ca  liolii:il<^etdc  Tordre.  Il  a  seul  aulorilé 
fiour  faire  des  règles»  il  en  dispense  seul. 
Sou  oflice  D*est  pas  de  prêcher,  mais  de 
gouverner.  Le  général  communique  ses 
pouvoirs  aux  provinciaux  et  aux  autres 
supérieurs  dans  la  mesure  qui  lui  convient. 
Il  nomme  à  ces  fonctions  et  à  toutes  les 
charges  des  maisons  professes,  de  collèges 
et  des  noviciats,  pour  trois  ans,  et  plus  s'il 
le  juge  opportun.  Le  général  approuve  et 
désapprouve  ce  que  les  visiteurs,  les  com- 
missaires, les  provinciaux  et  autres  supé- 
rieurs ont  fait  en  vertu  de  ses  pouvoirs. 
11  choisit  les  religieux  qui  sont  nécessaires 
à  Tadministration  de  la  Société,  le  procureur 
général  et  le  secrétaire  général.  Il  a  le  droit 
de  soustraire  un  ou  plusieurs  membres  de 
l'ordre  à  leurs  supérieurs  immédiats.  Un 
membre  de  U  Compagnie  ne  peut  publier 
un  ouvrage  qu'après  l'avoir  soumis  à  trois 
«xaminaleurs  au  moins,  délégués  par  le 
général. 

Tous  les  trois  ans,  les  catalogues  de 
chaque  province  lui  sont  envoyés.  Ces  ca- 
talogues indiquent  l'flge  de  chaque  sujet,  la 
proportion  de  ses  forces,  ses  talents  naturels 
ou  acquis,  ses  progrès  dans  la  vertu  et  dans 
les  sciences.  La  correspondance  la  plus 
active  est  recommandée  entre  le  général  et 
les  provinciaux,  afin  que  le  premier  con- 
naisse ce  qui  se  passe  loin  de  lui  comme 
s'il  était  sur  les  lieux  mômes.  Toutes  les 
semaines,  les  supérieurs  locaux  rendent 
compte  de  l'état  de  leurs  maisons  au  pro- 
Tîncial;  tous  les  trois  mois  au  général. 

Le  général  doit  avoir  force  d'âme  et  cou- 
rage pour  supporter  les  infirmités  de  plu- 
sieurs et  entreprendre  de  grandes  choses 
pour  la  gloire  de  Dieu*  Lorsque  ces  grandes 
choses  lut  paraissent  utiles,  il  faut  qu'il  y 
persévère,  quand  même  les  puissants  de 
la  terre  voudraient  y  mettre  obstacle.  Leurs 
prières  et  leurs  menaces  ne  peuvent  ja- 
mais le  détourner  du  but  que  proposent 
la  raison  et  l'obéissance  divine.  Le  général 
doit  être  doué  d'une  profonde  sagacité  et 
d'une  haute  intelligence,  afin  dé  connaître 
aussi  bien  la  théorie  que  la  pratique  des 
affaires.  La  science  lui  sera  nécessaire, 
mais  la  prudence  encore  davantage. 

Le  général  seul  a  le  pouvoir,  par  lui  ou 
par  ses  délégués,  d'admettre  dans  les  mai- 
sons ou  les  collèges  de  la  Société  ceux  qui 
paraissent  aptes  h  son  institut.  11  peut  les 
recevoir  soit  à  l'épreuve,  soit  à  la  profession, 
soit  comme  coadjuteurs  spirituels,  soit 
comme  écoliers  approuvés.  Il  peut  aussi  les 
renvoyer  et  les  renvoyer  à  tout  jamais  de  la 
Compagnie;  mais  pour  condamner  un  profùs 
à  cette  peine,  le  général  à  besoin  de  l'assen- 
timent du  Pape.  Il  applique  les  postulants 
et  les  profès  au  genre  d'étude  qui  convient 
à  sa  prudence.  Les  éludes  achevées,  il  peut 
les  transporter  d'un  lieu  à  un  autre,  pour 
un  temps  déterminé  ou  indéterminé.  Le 
général  a  pouvoir  de  révoquer  ou  de  rap- 
|ieler  les  Pères  que  le  souverain  Pontife 
aurait  chargés  d'une  mission  pour  un  temps 
indéterminé. 


Le  droit  de  créer  de  nouvelles  provinces 
lui  est  conféré.  En  lui  réside  le  pouvoir  de 
stipuler,  pour  l'avantage  des  maisons  et 
collèges,  tout  contrat  de  vente,  d'achat^ 
d'emprunt,  deconslilutions.de  rentes  et  au- 
tres, concernant  les  biens  meubles  cl  im- 
meubles de  ces  maisons  ou  collèges;  mais  il 
ne  peut  supprimer  une  maison  déjà  établie 
sans  le  concours  de  la  congrégation  géné- 
rale, ni  appliquer  les  revenus  d'aucun  éta- 
blissement de  la  Compagnie  à  la  maison 
professe  ou  h  celle  qu'il  habite.  Il  a  la  sur- 
intendance et  le  gouvernement  de  tous  les 
collèges. 

C'est  au  général  qu'il  appartient  de  veiller 
à  l'observation  des  constitutions.  H  a  aussi 
la  faculté  d'en  dispenser  selon  tes  person- 
nes, les  lieux,  les  temps  et  les  autres  cir- 
constances. H  convoque  la  Société  en  con- 
(;régation  générale.  11  peut  aussi  convoquer 
es  congrégations  proTiociales.  Il  a  deux  voix 
dans  les  assemblées,  et,  en  cas  de  partage, 
son  opinion  prévaut.  Il  faut  au'il  connaisse, 
autant  que  possible,  le  fond  oe  la  conscience 
des  membres  qui  lui  sont  soumis,  et  prin- 
cipalement  des  provinciaux  et  de  tous  ceui^ 
qui  ont  des  emplois  dans  la  société. 

Voilà  le  pouvoir  du  général  défini  par  le 
texte  même  des  constitutions.  Voici  mainte- 
nant  les  précautions  que  saint  Ignace  a  pri- 
ses contre  l'abus  possible  de  cette  espèce  d^ 
dictature.  Elles  se  réduisent  à  six. 

La  première  concerne  les  choses  extérieu- 
res, le  vêtement,  la  nourriture  et  les  dépeur 
ses  du  général.  La  Société  peut  augmenter 
ou  diminuer  ces  dépenses  selon  qu'il  lui 
conviendra,  à  elle  et  au  général.  Il  faudra 

3ue  le  général  acquiesce  à  cette  ordonnance 
e  la  Compagnie.  La  seconde  a  soin  du  corps 
et  de  la  santé  du  général,  afin  que,  dans  les 
travaux  ou  dans  les  pénitences,  il  n'outre- 
passe pas  la  mesure  de  ses  forces.  La  troi- 
sième concerne  son  Âme.  Elle  met  auprès  de 
lui  un  admoniteur  élu  par  la  congrégation 
générale,  et  qui,  avec  une  respectueuse 
modération,  est  en  droit  de  représenter  au 
général  ce  que  lui  ou  les  autres  Pères  au- 
raient remarqué  d'irrégulier  en  sa  personne 
ou  en  son  gouvernement.  La  quatrième  est 
pour  le  prémunir  contre  l'ambition.  Si,  par 
exemple,  un  roi  voulait  forcer  le  général  de 
la  Compagnie  à  prendre  une  dignité  qui  le 
contraindrait  à  renoncer  à  ses  fonctions,  et 
si  le  Pape  y  consentait  ou  l'ordonnait,  non 
pas  cependant  sous  peine  de  péché,  le  géné- 
ral ne  pourrait  accepter  sans  le  consente- 
ment de  la  Société.  La  Société  ne  consentira 
jamais,  à  moins  qu'il  n'y  ail  contrainte  mo- 
rale de  la  part  du  Saint-Siège.  La  cinquième 
pourvoit  aux  cas  dé  négligence,  de  vieillesse, 
de  grave  maladie,  où  tout  espoir  de  guéri- 
sof  I  serait  plus  que  douteux  ;  on  nomme  alors 
au  général  un  coadjuteur  ou  vicaire  qui 
remplit  ses  fonctions.  La  sixième  est  adop- 
tée pour  des  occasions  particulières,  pour 
des  liécbés  mortels  devenus  publics,  pour 
l'application  des  revenus  à  ses  propres  dé^ 
penses  ou  à  sa  famille,  pour  l'aliénation  des 
immeubles  de  la  Société,  ou  pour  doctrine 


ti3 


IGH 


DlCTIOiNNAlHE 


KN 


perverse.  Dans  ce  cas»  la  Com|:)afl[Die,  après 
avoir  pris  et  au  delà  toutes  les  înformaiions, 
peut  et  doit  le  déposer,  et  même»  si  besoin 
est»  le  rPDYOjer  de  Tordre. 

Afin  de  donner  à  Tautorité  du  général  un 
autre  contre-» poids,  Ignace  institue  quatre 
assistants  qui,  toujours  à  ses  c6tés,  ont 
charge  de  veiUer  à  l'exécution  des  trois  pre- 
mières précautions  prises  contre  lui.  Leur 
élection  sera  Taite  par  ceux-lè  mêmes  qui 
élisent  le  général.  En  cas  de  mort,  ou  d'ab- 
sence prolongée  ,  et  les  provinciaux  n*y 
répugnant  pas»  le  général  en  substitue  uu 
antre  qui,  avec  Tapprohation  de  tous  ou  de 
la  plus  çrande  partie,  prend  la  place  vacante. 
Les  assistants,  qui  sont  pris  dans  chacune 
des  grandes  provinces  de  Portugal,  d'Italie, 
d*]^pagne,  de  France  et  d'Allemagne,  sont 
les  ministres  du  général  ;  ils  ont  autorité 
pour  en  devenir  les  juges.  Le  général  peut 
suspendre  un  assistant.  Si  lo  général  tombe 
âans  l'un  des  cas  prévus  pour  sa  destitution, 
les  assistants  convoquent»  malgré  lui,  une 
congrégation  générale  qui  le  dépose  dans  les 
formes^  Si  le 'mal  est  trop  urgent,  ils  ont 
le  droit  de  le  déposer  eux-mêmes,  après 
,  avoir  recueilli,  par  lettres,  le  suffrage  des 
provinces. 

Le  pouvoir  du  général,  comme  Ton  voit, 
B*est  illimité  qu'autant  que  sa  manière  de 

Spuverner  et  sa  vie  sont  rég^ulières.  Pour 
arre  mieux  comprendre  ce  point  important, 
Içnace  a  décidé  que  les  congrégations  pro- 
vinciales, assemblées  tous  les  trois  ans,  de- 
vaient, avant  toute  délibération,  examiner 
s'il  serait  nécessaire  de  convoquer  une  con-> 
grégatîon  générale.  Le  saint  fondateur  veut 
que  les  députés  des  provinces,  à  peine  arri- 
érés à  Rome,  s'entendent  sur  cette  affaire  si 
délicate  en 'dehors  du  général.  Dans  l'assem- 
blée tenue  à  cet  effet,  chacun  vote  par  écrit, 
afin  aue  la  cerfilude  du  secret  protège  la  li-* 
t>erle  des  suffrages.  Tels  sont  les  droits  et 
les  prérogatives  du  général. 

Quant  a  sa  Société  même,  Ignace  y  éiA- 
\lMif,  comme  dans  une  compagnie  d'apôtres, 
un  heureux  tempérament  de  la  vie  active  et 
de  la  vie  con'emplative.  De  la  première,  il 
prend  les  œuvres  de  obarilé  de  toutes  espè- 
ces, la  conversion  des  infidèles,  la  direction 
des  consciences,  le  ministère  de  la  parole, 
Véducation  de  la  jeunesse,  l'enseignement  de 
îa  théologie,  des  belles-lettres,  et  Pinstruc* 
tioB  des  ignorants.  De  la  vie  contemplative 
Il  prend,  dans  una  mesure  sagement  propor- 
tionnée, l\)raison  mentale,  les  examens  de 
conscience,  les  exercices  spirituels,  les  pieu- 
ses lectures,  la  fré(|uentalion  des  sacrements, 
les  lotroitos  5|)irilueiles  et  les  piatiques  de 

QuanlaiLx  observances  religieuses,  Ignace 
H?  voulut  donner  à  la  Compaj^nie  do  Jésus 
nucim  habit  particulier.  Il  prit  le  vêlement 
ordinaire  des  prôires  séculiers,  la  soutane 
iKMre,  l'ancien  inanteau,i  le  chapeau  à  larges 
ÛPrdS|  4ont  le  Pcipe  et  le  sa.cré  collège  ont 
gisirdé  la  fcviuo^  Le  logement,  la  nourriture,^ 
%(^  tout  ce  qui  a  trait  aux  }\abitudos  de  la 
^W  VJftPîmne^  (ut  réglé  d^.us  cette  wesurç- 


Les  macérations  de  la  chair,  dont  quelques 
ordres  mineurs  ont  fait  la  base  de  leur  insti- 
tut, le  silence,  la  solitude,  les  oflices  da 
chœur,  soit  de  jour,  soitde  nuit,  n'entrèrent 
point  dans  son  plan.  Il  travaillait  k  compo* 
ser  pour  l'Eglise  une  milice  toujours  actJTe, 
toujours  prête  à  se  porter  au  plus  fort  du 
danger,  et  non  pas  un  corps  ascétique  <iue 
les  abstinences  ou  les  insomnies  auraient 
bientôt  énervé.  11  le  fit  en  même  temps  or- 
dre Mendiant  et  ordre  de  Clercs  réguliers: 
ordre  Mendiant,  pour  continuer  l'œuvre  des 
apôtres;  ordre  de  Clercs  réguliers,  parce  que 
la  fin  de  cet  ordre,  comme  celle  des  prêtres 
ordinaires,  est  de  travailler  au  salut  du  pro- 
chain par  l'exercice  du  saint  ministère. 

Ignace  établit  ensuite  les  conditions  qu'il 
est  indispensable  de  remplir  afin  d'être  ad- 
mis  dans  la  Société.  Quiconque  a  porté  Tba- 
bit  religieux  dans  un  autre  ordre  est  inapte 
è  être  regu  dans  la  Compagnie.  Celui  qui 
s'offrç  pour  entrer  au  noviciat  doit  à  Tins- 
tant  même  renoncer  à  sa  propre  volonté,  à 
sa  famille  et  à  tout  ce  que  les  hommes  ont 
de  cher  sur  la  terre.  iKnace,  désirant  bien 
faire  comprendre  quel  était  le  fond  de  sa 
pensée  sur  le  principe  de  Tobéissance,  a 
accumulé,  épuisé  dans  un  seul  tableau  tou- 
tes les  images  par  lesquelles  les  Pères  de 
l'Eglise  et  les  ordres  antérieurs  au  siou 
commandaient  cette  vertu. 

Il  créa  six  états  dans  la  Compagnie:  les 
novices,  les  frères  temporels,  les  scholasii- 
ques  ou  écoliers,  les  coadjuleurs  spirituels, 
les  profès  de  trois  vœux,  les  proies  de  quar 
tre  voaux. 

Les  novices  se  partagent  en  trois  classes: 
novices  destinés  au  sacerdoce,  novices  pour 
les  emplois  temporels,  et  les  indifférents, 
c'est-à-dire  ceux  qui  entrent  dans  la  Com- 
pagnie avec  la  disposition  de  la  servir,  soii 
comme  prêtres,  soit  comme  coadjuleurs 
temporels,  selon  que  les  supérieurs  lesju- 
gent  capables.  Les  frères  temporels  formés 
sont  ceux  qui  sont  employés  au  service  de 
la  communauté  en  qualité  do  sacristain,  de 
portier,  de  cuisinier.  Après  dix  années  d*é" 
preuve  et  lorsqu'ils  sont  parvenus  àTâgede 
trente  ans,  on  les  admet  aux  vœux  publics. 
Les  scolastiques  approuvés  sont  ceux  qui, 
après  avoir  terminé  leur  noviciat  et  fait  à 
Dieu  les  vœux  simples  de  religion,  cooii* 
nuent  la  carrière  des  épreuves,  soit  dans  les 
études  privées,  soit  dans  renseisnemcut  cl 
dans  les  autres  emplois,  jusqu^à  I  époque  de 
leurs  vœux  solennels.  Les  coadjuleurs  spiri- 
tuels formés  s'appellent  ainsi  parce  que, 
sans  avoir  encore  la  science  ou  les  taleois 
requis  pour  la  profession  des  quatre  vceux, 
on  les  juge  propres  au  gouvernemeiil  des 
collectes  et  résidences,  à  la  prédicatioo,  à 
l'enseignement,  aux  missions  et  à  Tadmi- 
nistration.  Ils  ne  |)cuvent  être  promusavaot 
trente  ans  d'âge  et  dix  années  de  religion. 
Les  profès  des  trois  vœux  se  trouvent  tou- 
jours en  aombre  fort  restreint;  ce  sont ccm 
qui,  n'a^'ant  psis  ioutes  les  qualités  requises 
f>our  la  profession  des  quatre  vcauit  ^ 
voiront  a^n^is  h  la  profession  sulençellc  a 


ir.N 


D*ASCET1S1IE. 


ICN 


caose  de  quelque  autre  qualilé  on  d*un  mé- 
rite dont  l'ordre  peut  (îrer  parti  dans  un 
certain  cercle  didées.  Leur  emploi  est  le 
même  que  celui  des  coa^juteurs  spirituels. 
Les  proies  des  quatre  Tœnx  composent  la 
société  dans  toute  Tacception  du  moL  Seuls 
ils  peuvent  être  nommés  général»  assis* 
tant,  secrétaire  général  ou  provincial.  Seuls 
ils  ont  droit  d'entrée  dans  les  congrégations 
qui  ont  charge  d'élire  le  général  et  les  as*- 
sistants. 

Quant  à  Tobservance  dos  vœux  et  des 
règles,  h  là  manière  de  vivr»,  il  nV  a  au- 
cune différence  entre  ces  divers  degr&.  Dans 
les  soins  du  corps,  dans  le  vêtement,  dans 
la  nourriture,  dans  le  logement,  tout  est 
basé  sur  le  système  de  la  plus  parfaite  éga- 
lité, depuis  le  général  jusqu'au  dernier 
Frère  novice.  La  Compagnie,  ne  pouvant  et 
ne  devant  qu'éprouver  les  écoliers,  ne 
s'oblige  envers  eux  que  sous  condition; 
mais  eux  s'obligent  envers  elle.  Ils  promet* 
lent  de  vivre»  de  mourir  en  observant  les 
▼ceux  de  pauvreté,  de  chasteté  et  d'ot>éis- 
sanco.  Ils  s'obligent  même  h  accepter  le 
degré  nue,  par  la  suite,  les  supérieursjuge- 
raient  être  le  plus  en  rapport  avec  leur  ca- 
ractère ou  leurs  talents.  Les  écoliers  de- 
Tiennent  religieux  par  ce  triple  vœu,  dont» 
dans  des  occasions  sagement  déterminées, 
le  général  ou  la  con^egation  a  le  droit  de 
dispenser.  La  propriété  de  leurs  biens  leur 
est  laissée  :  ils  ne  peuvent  cependant  pas  en 
jouir  ou  en  disposer  sans  l'agrément  des 
supérieurs.  S'ils  veulent,  avant  de  faire 
profession,  donner  à  la  Société  tout  ou  une 
partie  de  leurs  biens,  les  constitutions  leur 
en  laissent  la  faculté,  mais  elles  ne  leur  en 
font  ni  une  obligation  ni  un  devoir.  Le 
temps  d'épreuves  fixé  est  de  quinze  à  dix- 
huit  ans.  ils  ne  s'engagent  par  les  vœux 
qu'i  TAge  de  trente-trois  ans.  Tige  où  mou- 
rut Jésus-Christ.  Malgré  la  diversité  des  cli* 
mats  et  la  différence  des  caractères  natio- 
naux» tous  doivent  se  soumettre  au  genre 
de  vie  prescrit  par  les  constitutions. 

Les  protès  sont  obh'çés  à  la  pauvreté  la 
plus  entière.  Leurs  maisons  nre  doivent  rien 
I»osséder,  et  ils  s'obligent  même»  par  un 
▼ceu  particulier,  à  ne  jamais  consentir  à  une 
modification  de  ce  vœu»  à  moins  qu'on  ne 

l' oge  i  propos  d'étendre  davantage  sa  rigueur. 
1  est  ordonné  à  tous  de  ne  briguer  ou  de 
ne  convoiter  aucune  charge  dans  la  Compa^ 
goie.  Le  proies  s*oblige  à  n'accepter  aucune 
prélature»  aucun  honneur.  11  ne  doit  jamais 
aspirer  aux  dignités  ecclésiastiques,  jamais 
Icss  poursuivre»  soit  directement»  soit  indi- 
rectement, il  ne  |)eut  mêm<^  en  être  revêtu 
que  lorsque  le  Pape  1'^  contraint  sous  peine 
«je  péché  mortel.  C'était  le  meilleur  mojen 
de  fermer  la  porte  aux  ambitions,  et  de 
conserver  è  Tordre  des  membres  distingués. 
Les  profits  remplissent  toutes  les  intentions 
IM>ur  lesquelles  Ignace  créa  la  Compagnie 
de  JésusrChrist.  Ils  enseignent,  ils  prêchent, 
ils  dirigent.  Pour  ces  fonctions,  ils  ne  doi- 
vent toucher  aucun*  argent  sous  forme  de 
salaire  ou  d<s  récompense  ;  il  ne  leur  est 


permis  de  recevoir  que  comme  aomêne. 

Voilà  généralement  ce  qu'il  r  a  de  parti- 
culière la  Compagnie  de  Jésus.*  Saint  Ignace 
j  ajoute  beaucoup  d'autres  dispositions, 
mais  communes  à  toutes  les  constitutions 
monastiques.  La  Compagnie  de  Jésus*  ap- 
prouvée d'abord  par  le  pape  Paul  111»  le  fut 
ensuite  par  Jules  111,  Paul  IV,  Pie  IV,  saint 
Pift  V,  Grégoire  XllI,  Sixle^uint,  Gré- 
goire XIV,  et  notamment  par  le  concile 
GBCuménique  de  Trente,  qui,  commePaulIll, 
déclara  cet  Institut  saint  et  fûeux. 

La  Compagnie  de  Jésu^,  avec  ses  consti- 
tutions générales,  a  pour  but  de  convertir  à 
Dieu  tous  les  hommes  ;  les  exercices  spiri- 
tuels, en  particulier»  ont  pour  but  de  con- 
vertir à  Dieu  tout  l'homme. 

C'est  pour  retirer  ou  préserver  de  la  voie 
de  perdition  et  d'autres  semblables,  et  con- 
duire sûrement  à  Dieu»  c]ue  saint  Ignace 
organise  ses  exercices  spirituels.  Ils  embras- 
sent quatre  semaiues  ;  mais  on  peut  les  faire 
en  plus  ou  moins  de  temps.  La  première 
semaine  s'occupe  de  la  fin  de  l'homme  et 
du  péché,  qui  en  est  le  seul  obstacle  :  les 
trois  autres  semaines  s'occupent  de  la  vie 
de  Jésus^hrist»  le  modèle  de  l'homme  nou- 
veau et  le  maître  qu'il  faut  servir.  Dans  ces 
diverses  méditations,  toutes  les  facultés  de 
l'homme  sont  employées  iiour  le  bien  pé- 
nétrer de  la  vérité  qu'il  médite  :  la  mémoire, 
l'intelligence,  la  volonté,  la  parole  ou  prière 
vocale»  les  sens  même  du  corps  ou'on  ap- 
plique intellectuellement  au  siyet  de  la  mé- 
ditation I  on  j  consacre  certaines  heures  de 
la  nuit  et  du  jour;  dans  les  intervalles  sont 
des  examens  de  conscience  pour  bien  con- 
naître ses  péchés»  leurs  causes,  les  remèdesi 
laire  une  m>nne  confession,  recevoir  digne- 
ment la  sainte  Eucharistie  :  ce  sont  des  exa- 
mens particuliers  sur  un  défaut  h  corner, 
une  vertu  è  acquérir,  des  considérations 
sur  le  choix  d'un  état  pour  sauver  son  âme. 

Le  saint  ajoute,  entre  autres  choses,  que 
celui  qui  veut  dire  les  exercices  doit  les 
commencer  avec  un  fort  çrand  courage,  ré-c 
solu  de  s'abandonner  entièrement  au  Saint- 
Ksprit,  et  tout  prêt  à  aller  où  la  voix  du 
ciel  rappellera;  qu'étant  ainsi  disposé  h 
l'entrée  de  la  retraite,  il  doit  noo^eulemenl 
oublier  pour  un  temps  toutes  les  affaires 
du  monde,  mais  encore  ne  s'appliquer 
qu'aux  méditations  de  cliaque  jour,  sana^ 
penser  en  aucune  façon  à  celles  du  lende-i 
main;  qu'il  ne  suffit  pas  que  ses  lectures 
soient  bonnes  et  saintes,  mais  qu'elles  doi- 
vent être  conformes  au  sujet  de  ses  médita- 
tions, de  peur  que  l'espnt,  étant  dissipé  à 
divers  objets,  n'ait  moins  de  force  pour  pé- 
nétrer les  vérités  dont  on  se  propose  de  le 
convaincre;  que  le  vivre,  la  solitude,  le  si- 
lence, les  austérités  doivent  se  rapporter  k 
la  matière  des  oraisons  de  chaque  semaine, 
autant  que  la  prudence  le  demande;  que,  s'il 
sent  de  la  dévotion  sur  un  article,  qu'il  ne 
passe  point  h  un  autre  jusqu'à  ce  que  sa 
piété  soit  pleinement  satisfaite;  que»  s'il 
tombe  dans  la  sécheresse  et  le  dégoût,  bien 
loin  de  retrancher  quelque  chose  du  temps 


817 


IGN 


MCTIONMAIRE 


IGN 


n 


destiné  k  l'oraison,  il  la  fasse  un  peu  plus 
loD^e  pour  corohaltre  son  ennui  et  pour 
se  vaincre  lui-m6me,  en  attendant  dans  le 
silence  et  avec  humilité  la  visite  du  Saint- 
Bsprit;  que  si,  au  contraire,  il  reçoit  abon- 
damment des  consolations  et  des  douceurs 
spirituelles,  il  se  donne  bien  de  garde  de 
faire  aucun  vœu»  surtout  un  vœu  perpétuel 
et  qui  oblige  à  changer  d*élat  ;  enûn,  qu*il 
s'ouvre  k  celui  qui  le  dirige  dans  les  exer- 
cices, et  qu*il  lui  rende  un  compte  exact  de 
tout  ce  qui  se  passe  en  son  intérieur,  afin 

aue  le  directeur  traite  le  pénitent  selon  ses 
ispositions  et  ses  besoins,  et  qu'il  ne  donne 
ni  trop  de  crainte  h  une  âme  pusillanime, 
ni  trop  de  confiance  à  une  Ame  présomp- 
tueuse, de  peur  aussi  qued*abord  il  ne  porte 
à  la  plus  haute  perfection  un  pécheur  qui 
n'est  pas  encore  aétaché  du  vice. 

Saint  Ignace  donne  aussi  des  règles  pour 
le  discernement  des  esprits.  En  voici  les 
principales  :  1*  C'est  le  propre  de  Dieu  et 
ae  tout  bon  ange  de  répandre  une  véritable 
joie  spirituelle  dans  l'âme  qu'il  touche,  et 
d'ôter  toute  tristesse  et  toute  perturbation 
ingérées  par  le  démon  ;  tandis  que  celui-ci, 
au  contraire,  par  certains  arguments  sophis- 
tiques qui  présentent  une  apparence  du 
vrai,  a  coutume  d'attaquer  cette  joie  qu'il 
trouve  dans  TAme.  2*  Il  est  de  Dieu  seul  de 
consoler  une  Ame,  sans  aucune  cause  pré- 
cédente de  consolation  ;  car  c'est  le  propre 
du  Créateur  d'entrer  dans  sa  créature  et  de 
la  convertir,  attirer  et  changer  tout  entière 
en  son  amour.  Nous  disons  au'aucune  cause 
de  consolation  ne  précède  lorsque  rien  ne 
s'est  offert  à  nos  sens,  à  notre  esprit,  à  notre 
volonté,  qui  puisse  produire  par  soi-même 
cette  consolation.  3^  Lorsqu'il  y  a  une  cause 
précédente  de  consolation,  l'auteur  en  peut 
être  tantlemauvais  ange  que  le  bon,  mais  ils 
tendent  à  des  fins  contraires  :  le  bon,  pour 
que  l'Ame  profite  de  plus  en  plus  dans  la 
connaissance  et  la  pratique  ou  bien  ;  le 
mauvais,  au  contraire,  pour  qu'elle  agisse 
mal  et  se  perde,  k*  C'est  l'habitude  de  l'es- 
prit malin,  se  transfigurant  en  ange  de  lu- 
mières et  connaissant  les  pieux  désirs  de 
l'Ame,  de  les  seconder  d'abord  pour  l'attirer 
bientôt  de  là  à  ses  désirs  mauvais.  Car,  dans 
le  commencement,  il  feint  de  suivre  et  de 
favoriser  les  bonnes  et  saintes  pensées  de 
l'homme,  et  ensuite  il  Tentralne  peu  à  peu 
et  l*enlace  dans  les  pièges  cachés  de  ses 
tromperies.  5"  Il  faut  examiner  soigneuse- 
ment nos  pensées  sur  le  principe,  le  milieu 
et  la  fin;  si  ces  trois  choses  sont  bien,  c'est 
une  preuve  que  c'est  le  bon  ange  qui  a  sug- 
géré ces  pensées;  mais  si,  dans  le  cours  de 
ces  pensées  de  l'esprit,  il  s'offre  ou  s'ensuit 
uuelque  ciiose  de  mauvais  en  soi,  ou  qui 
détourne  du  bien,  ou  qui  pousse  è  un  moin- 
dre bien  que  l'Ame  ne  s  était  proposé,  ou 
qui  fatigue  l'Ame  même,  Tinquiète  et  la 
trouble,  en  lui  étant  le  repos,  la  paix  et  la 
tranquillité  dont  elle  jouissait  auparavant, 
c'est  une  marque  évidente  que  l'auteur  de 
cette  pensée  est  l'esprit  malin,  comme  étant 
toujours  opposé  à  ce  qui  uous  e$t  utile. 


Après  ces  règles  sur  le  discernement  des 
esprits,  en  viennent  quelques  autres  pour 
être  toujours  d'accord  avec  TEglise  ortho- 
doxe. 1*  Renonçant  è  son  propre  jugemenl, 
être  toujours  prêt  à  obéir  à  la  vraie  épouse 
du  Christ  et  notre  sainte  Mère,  qui  est 
relise  orthodoxe ,  catholique  et  iiiérar- 
chique.  2*  Louer  la  confession  faite  au  préire 
et  la  communion  au  moins  annuelle;  car  il 
est  plus  louable  de  communier  chaque  huit 
jours  ou  du  moins  chaque  mois,  mais  avec 
les  dispositions  requises.  3"  Recommander 
aux  fidèles  d'entendre  fréquemment  et  dé- 
votement le  sacrifice  de  la  messe,  également 
les  chants  ecclésiastiques,  les  psaumes  et 
les  longues  prières  qu'on  récite  soit  dans 
les  églises  ou  dehors;  approuver  les  temps 
déterminés  pourlesoOicesdiviuset  les  prières 
quelconques,  comme  les  heures  canoniales. 
k'  Louer  beaucoup  l'état  religieux,  et  pré- 
férer le  célibat  ou  la  virginité  au  mariage. 
5*  Approuver  dans  les  religieux  les  vœui 
de  cnasteté,  de  pauvreté  et  d'obéissance, 
avec  les  autres  œuvres  de  perfection  et  de 
surérogatîon.  6**  Louer  les  reliques,  la  véné- 
ration et  l'invocation  des  saints  ;  item,  les 
stations,  les  pèlerinages,  les  indulgences, 
les  jubilés,  les  cierges  allumés  dans  les 
églises  et  les  autres  pratiques  qui  aident  à 
la  piété  et  à  la  dévotion.  7*  Relever  l'usage 
de  Tabstinence  et  des  jeûnes,  au  Carême, 
Quatre-Temps,  Vigiles,  vendredi,  samedi,  et 
des  autres  qu'on  s'impose  par  dévotion; 
tiem,  les  afiliciions  volontaires  que  nous 
appelons  pénitences,  non-seulement  les  in- 
térieures, mais  encore  les  extérieures. 
8*  Louer  que  l'on  construise  des  églises, 
qu'on  les  orne  et  que  l'on  vénère  les  images 
à  cause  de  ce  qu'elles  représentent.  9*  Con- 
firmer souverainement  tous  les  préceptes  de 
l'Ëçlise,  ne  les  attaquer  d'aucune  manière, 
mais  les  défendre  prouiptement  par  toutes 
sortes  de  raisons.  10*  Soutenir  soigneuse- 
ment les  décrets,  mandements,  traditions, 
rites  et  mœurs  des  Pères  et  des  supérieurs. 
S'il  y  a  quelque  chose  à  reprendre,  prier  eu 
particulier  ceux  qui  en  ont  le  pouvoir  d*; 
porter  remède.  11*  Estimer  beaucoup  la 
théologie,  tant  la  positive  que  la  schoias- 
tique.  Car,  comme  les  anciens  docteurs  ont 
eu  pour  but  de  porter  à  l'amour  et  au  culte 
de  Dieu,  ainsi  saint  Thomas,  saint  Bonaven- 
ture,  le  Maître  des  sentences  et  les  autres 
théologiens  modernes  se  sont  spécialement 
proposé  d'exposer  plus  exactement  les  dog- 
mes nécessaires  au  salut,  et  de  les  déHnir, 
comme  il  convenait  en  leur  temps,  et  depuis, 
pour  réfuter  les  erreurs  des  hérésies.  Car 
ces  docteurs  venus  plus  tard,  non-seulemeot 
ont  rinlelligence  des  saintes  Ecritures  et 
sont  aidés  par  les  écrits  des  anciens  auteurs, 
mais  encore,  avec  l'influence  de  la  lumière 
divine,  ils  profitent  heureusement  pour  oolre 
salut  des  ciinons  et  des  décrets  des  conciles, 
ainsi  que  des  diverses  constitutions  de  la 
sainte  Eglise.  12*  Eviter  de  comparer  les 
vivants  avec  les  saints  du  ciel.  13*  Se  sou- 
mettre promptemenl  k  la  décision  de Ifi- 
glise;  car  il  faut  croire  d'une  manière  iûJ^' 


9S9 


KM 


D^ASGEIISME. 


IGH 


850 


bitable  que  c'est  Je  mèsae  eifirit  de  Ifoire- 
^(P*i— "*  el  de  TE^îse,  soo  épouse,  qui  nous 
gouverne  et  nous  dirige  vers  le  salut»  et 
que  ce  n*est  pas  un  autre  Dieu  qui  donna 
autrefois  les  dix  commandements,  et  qui, 
maintenant»  instruit  et  dirige  la  hiérarchie 
de  I  Eglise,  ik*  Etre  très-circonspect  en  par- 
lant de  la  prédestination.  15*  En  parler  peu 
souvent.  16*  Louer  la  foi,  mais  sans  donner 
lieu  à  négliger  les  bonnes  œuvres.  17*  Prê- 
cher la  grâce,  mais  sans  donner  lieu  de 
croire  qu*il  n'j  a  pas  de  libre  arbitre. 
18*  Encore  qu'il  soit  souveraiuement  louable 
el  utile  de  servir  Dieu  par  dileclion  pure, 
il  faut  cependant  recommander  la  crainte  de 
Dieu»  non-seulement  la  crainte  ûliale,  mais 
encore  cette  autre  qu'on  appelle  servile;  car 
souvent  elle  nous  est  nécessaire  pour  nous 
faire  sortir  promptement  du  pécué  mortel 
et  nous  disposer  à  la  crainte  Gliale»  qui  nous 
conduit  à  l'amour  de  Dieu  et  nous  y  con- 
serve (175). 

Ces  règles  sont  assurément  très-sages,  et 
trouvent  encore  leur  application  de  nos 
jours.  U  en  est  de  même  des  règles  concer* 
nant  les  sciences  et  les  éludes,  et  qui  se 
trouvent  partie  dans  les  constitutions  primi- 
tives de  la  Société,  partie  dans  des  ordon- 
nances subséquentes.  En  voici  le  fond  et 
l'ensemble  : 

La  Gn  de  l'homme  est  de  connaître  Dieu» 
de  l'aimer»  de  le  servir»  et»  par  ce  moyen» 
obtenir  la  vie  éternelle.  La  fin  de  la  Com- 
pagnie deiésus»commederEglise  catholique, 
est  de  faire  connaître  Dieu»  le  faire  aimer  et 
servir.  Donc  la  science  qui  s'occupe  directe- 
ment de  connaître  et  faire  connaître  Dieu, 
c'est-à-dire  la  théologie»  lientnécessaireroent 
le  premier  rang»  et  toutes  les  autres  doivent 
y  aider  (176).  La  théologie  est  la  science  de 
Dieu  et  des  choses  divines;  elle  peut  se  divi- 
ser en  théologie  naturelle»  science  de  Dieu 
et  des  choses  divines  par  les  lumières  de  la 
nature,  et  théologie  surnaturelle,  science  de 
Dieu  et  des  choses  divines  par  les  lumières 
de  la  foi  on  de  la  révélation  (177).  Elle  se 
subdivise  eu  théologie  positive  ou  oratoire, 
explication  des  choses  divines  sans  argumen- 
tation en  forme  ;  théologie  scholastiaue  ou 
propre  è  l'enseignement  dans  les  écoles, 
sciences  des  choses  divines  par  voie  d'argu- 
mentations démonstratives  et  formelles. 

Le  professeur  de  théologie  scbolastique 
saura  au'il  est  de  son  devoir  d'unir  tellement 
une  solide  subtilité  dans  la  dispute  avec  la 
foi  et  la  piété»  que  celle-là  serve  à  celle-ci. 
Les  professeurs  de  la  Compagnie  suivront 
absolument  la  doctrine  de  saint  Thomas;  ils 
le  regarderont  comme  leur  docteur  propre, 
et  mettront  tout  en  oeuvre  pour  que  leurs 
auditeurs  s'y  afTectionnent.  Cependant  ils 
ne  se  croiront  pas  astreints  à  saint  Thomas 
de  telle  sorte  qu'il  ne  leur  soit  jamais  permis 
de  s'en  écarter  en  rien»  puisque  ceux  mômes 


qui  s'appellent  thomistes  ne  s'y  croient  pas 
obligés.  Ainsi  »  sur  la  conception  de  la 
sainte  Vierge,  on  suivra  l'opinion  la  plus 
commune  en  ce  temps  et  la  plus  reçue  parmi 
les  théologiens.  De  plus,  dans  les  questions 
purement  philosophiques,  ou  même  qui 
tiennent  aux  Ecritures  et  aux  canons,  on 
pourra  suivre  ceux  qui  ont  traité  ces  ma- 
tières plus  ex-professo.  Lorsque  le  sentiment 
de  saint  Thomas  est  ambigu,  ou  qu*il  s'agit 
de  questions  qu'il  n'a  peut-être  pas  traitées 
et  sur  quoi  les  docteurs  catholiaues  ne  sont 
pas  d'accord,  on  pourra  suivre  1  un  ou  l'au- 
tre parti.  Dans  l'enseignement»  on  aura 
surtout  soin  d'affermir  et  de  nourrir  la  piété. 
C'est  pourquoi,  dans  les  questions  que  saint 
Thomas  ne  traite  point  ex-fMrofesso ,  nul 
n'enseignera  rien  qui  ne  s'accorde  avec  les 
sentiments  de  l'Eglise  et  avec  les  traditions 
reçues  ou  qui  ébranle  de  quelque  manière 
une  solide  piété.  Le  cours  de  théologie  s'a- 
chèvera dans  quatre  ans  (178).  Quant  à  la 
philosophie»  voici  les  principales  règles. 
Comme  les  sciences  naturelles  disposent 
l'esprit  à  la  théologie,  qu'elles  servent  à  en 
acquérir  une  parfaite  connaissance  et  à  en 
faire  un  bon  usage,  et  que  de  soi  elles  ai- 
dent à  la  même  tin»  le  professeur,  cherchant 
en  tout  la  gloire  de  Dieu,  les  traitera  de  ma- 
nière à  préparer  ses  auditeurs  à  la  théologie» 
el  surtout  à  les  exciter  à  la  connaissance  de 
leur  Créateur.  Dans  les  choses  de  quelque 
importance»  il  ne  s'éloignera  pas  d'Aristote, 
à  moins  qu'il  ne  s'agisse  d'un  article  qui 
s'écarte  de  la  doctrine  approuvée  par  toutes 
les  académies;  à  plus  forte  raison  s'il  répugne 
à  la  foi  orthodoxe»  contre  laquelle»  s'il  se 
trouve  quel()ues  arguments  soit  dans  ce  phi- 
losophe, soit  dans  tout  autre»  le  professeur 
le  réfutera  vigoureusement ,  suivant  que 
l'ordonne  le  concile  de  Latrân.  Les  inter- 
prètes d'Aristote  qui  ont  mal  mérité  de  la 
religion  chrétienne»  comme  Averrboès,  on 
ne  les  lira  ni  ne  les  citera  saps  beaucoup  de 
choix  et  de  précaution  ;  ou  ne  se  déclarera 

{tour  aucune  de  leurs  sectes;  on  ne  dissimu- 
era  aucune  de  leurs  erreurs,  mais  on  en  dé- 
primera d'autant  plus  vivement  leur  autorité. 
Au  contraire,  jamais  on  ne  parlera  qu'hono- 
rablement de  saint  Thomas;  on  le  suivra 
volontiers  quand  il  faudra,  et  on  ne  l'aban- 
donnera qiravec  respect  lorsque  son  senti- 
ment ne  paraîtra  pasjuste.  Le  cours  de  phi- 
losophie  durera  trois  années.  La  première» 
on  s'occupera  de  la  logique  et  des  autres 
livres  d'Aristote  qui  s'y  rapportent;  la  se- 
conde, des  physiques;  la  troisième»  des 
métaphysiques.  Dans  la  métaphysique,  on 
passera  les  questions  de  Dieu  et  des  intelli- 
gences, qui  dépendent  entièrement  ou  en 
S[rande  partie  des  vérités  transmises  par  ia 
oi  divine  (179). 

Cette  règle  dernière  mérite  attention.  La 
comp«igîiie  de  Jésus  craignait»  non  sans  rai- 


(175)  ImtMtui.  Sociel.  Jêsu^  1.  ii;  Prags,  p.  504.  Paris.  1682. 

(176)  CûuuU.  cum  déclarât.^  pars,  iv,  c.  12,  l.  I,  (178)  iialio  studiorum, 
p.  M9.  (179)  Ruûo  êiudiorum, 

(177)  Voir  Brtviarium  iheoloqicum  de  Solxa5.  ; 


â3i 


ILL 


DICnONMAllIE 


ILL 


832 


son,  que  la  philosophie  sécularisée  n'usur- 
pât un  jour  renseignement  de  la  théologie 
sous  le  nom  de  métaphysique»  ou  même 
quelque  nom  plus  nouveau. 

IGNACE  (Saint),  disciple  de  saint  Pierre 
et  de  saint  Jean ,  surnommé  Théodorw 
fut  ordonné  évèque  d*Aniioche  Tan  68  « 
après  saint  Wade,  successeur  immédiat  de 
saint  Pierre.  Rien  n'égala  Tardeur  de  sa 
charité,  la  vivacité  de  sa  foi  et  la  profondeur 
de  son  humilité.  Entendant  les  lions  qui, 
pressés  de  la  faim,  rugissaient  affres  leur 
proie  :  Je  suis,  dit-il,  le  froment  de  Jésus- 
Christ,  {pour  être  moulu  par  les  dents  des 
bêtes  et  devenir  un  pain  pur. 

On  a  de  lui  sept  épttres  qui  sont  non- 
seulement  un  monument  de  la  foi  et  de  la 
discipline  de  la  primitive  Eglise,  mais  aussi 
un  chaleureux  appel  à  une  vie  parfaite,  au 
mépris  des  choses  terrestres  et  au  pur 
amour  de  Dieu. 

ILLUHINATIVE  (Voie).  —  Vçy.  Voibs  de 
14  PERFECTION.  —Il  jT 8,  sclou  Ics  m^stiques, 
deux  raisons  d'appeler  cette  voie  illumina' 
tive.  La  première  est  que,  par  elle,  l'homme, 
purifié  des  vices  et  du  péché,  et  devenu  ca- 
pable de  comprendre  les  attractions  divines, 
selon  ces  paroles  :  Bienheureux  ceux  çuî  ont 
te  cœur. pur f  parce  qu'ils  verront  Dieu^  est 
plus  fréquemment  éclairé  de  Oii  u  et  com- 
mence dès  lors  à  marcher  «u  grand  jour  des 
vurlus  et  des  bonnes  œuvres,  suivant  ainsi 
ce  conseil  de  l'Âpâtre  :  La  nuit  (du  |)éché) 
e$t  déjà  fort  a/cancie^  et  le  jour  (^oa  le  moment 
de  bien  agir)  s'approche.  Quittons  donc  les 
œuvres  de  ténèbres^  et  marchons  avec  honné- 
tetéf  comme  on  doit  marcher  durant  le  jour 
(Rom.  xiu,  12  et  13).  La  seconde  est  que 
ihomme  qui  est  entré  dans  cette  voie,  afin 
de  pouvoir  exercer  les  vertus  chrétiennes 
avec  plus  de  facilité  et  de  perfection ,  et 
yaincre  courageusement  toutes  les  tentations 
et  les  d  iOicul  tes  qui  se  présentent,  doi  t  surtout 
se  proposer  d'imiter  Jésus-Christ,  la  vraie 
lumièrct  oui  éclaire  tout  homme  venant  en  ee 
monde  9  l'image  la  plus  parfaite  de  toute 
vertu  et  de  toute  sainteté;  de  sorte  qu*é- 
claire  par  Celui  qui  a  dit  de  lui-même  :  Je 
0uis  la  voiCf  la  vérité  et  la  vie  personne  ne 
vient  à  mon  Père  que  par  moi  (Joan.  iiv),  il 
^e  perfectionne  de  plus  en  plus  dans  la  per- 
fection chrétienne. 

De  cette  définition  de  la  voieilluminative, 
il  résulte  qu'elle  embrasse  :1**  le  soin  avec 
lequel  on  doit  s'attacher  à  progresser  de 

J)ius  en  plus  dans  la  perfection  chrétienne; 
l""  la  méditation  et  l'imitation  de  la  vie  et  de 
la  passion  de  Jésus-Christ  et  de  la  bienheu- 
reuse vierge  Marie;  3"  l'exercice  des  vertus 
chrétiennes;  k*"  la  victoire  des  tentations  et 
des  autres  difficultés  que  nous  avons  à  sur- 
monter en  celte  voie;  S*"  l'usage  de  la  sainte 
Eucharistie  comme  le  moyen  le  plus  eflicace 
pour  s'avancer  dans  la  {perfection. 

Chacune  de  ces  parties  forme  la  matière 
d'un  article  spécial  auquel  nous  renvoyons. 

IVoir  les  mots  :  Prqorès  dans  la  perfection, 
MITATION     DE    JÉSUS-ChRIST,    IMITATION     DE 

Uarib,  Vbrtu  Tentation  Euchaiiistie. 


1.  Aphorismes  de  la  voie  illuminaiive  ou 
de  ceux  qui  progressent  dans  la  voie  spiri- 
/«iW/e.—l.  Remplir  les  obligations  de  son  état, 
c'estprendrelechemin  direct  de  la  perfprtioR. 

2.  Prier,  c'est  agir;  car  les  œuvres,  et 
non  les  paroles  des  lèvres,  sont  des  signes 
▼éritables  d'amour. 

3.  Donner  beaucoup  de  temps  h  la  prière 
et  négliger  ses  devoirs,  est  une  illusion  pla- 
tôt  qu'une  prière. 

4.  C'est  une  prière  sujette  à  Terreur  que 
celle  qui  aspire  à  la  perfection  sans  la  pra- 
tique de  la  vertu. 

5.  La  violence  de  toute  pasfion  est  le 
poison  de  la  prière.  Toute  passion  forte 
excite  beaucoup  de  trouble  dans  l'esprit. 

6.  Pour  vaincre  une  passion  invétérée,  il 
ne  suffit  pas  d'armer  sa  raison. 

7.  L'esprit  d'oraison  se  perd  aussi  bien  par 
une  passion  bonne  que  par  une  passioo 
mauvaise. 

8.  Une  passion  désordonnée  est  un  assez 
lourd  fardeau,  sans  qu'il  soit  besoin  d'autre 
croix. 

9.  Telle  a  été  la  mortification,  telle  sera 
ordinairement  la  prière. 

10.  Où  régnent  la  vanité  et  l'ambition,  ne 
peuvent  résider  en  même  temps  la  sainteté 
et  la  prière. 

11.  Celui  qui  est  doué  d'une  vive  lumière 
80  réjouira  avec  amour  d'avoir  Jésus  pour 
guide,  et  n*aura  pas  de  répugnance  à  porter 
sa  croix. 

12.  C'est  en  vain  que  fuit  la  croix  celui 
qui  veut  sérieusementaroir  Jésus'pourguide. 

13.  Les  délices  terrestres  sont  on  obstacle 
aux  faveurs  du  ciel. 

ik.  L'Ame  qui  ne  se  purifie  pas  sonrent  par 
la  pénitence  n'est  pas  loin  de  perdre  l'orai* 
son  et  même  sa  conscience. 

15.  Si  nous  exécutons  après  la  prière  les 
résolutions  que  nous  avons  prises,  c'est  une 
preuve  qu'elle  a  été  fervente  et  faite  avec 
pureté  d  intention. 

16.  Celui  qui  veut,  comme  il  y  est  obligé, 
faire  une  bonne  prière,  doit  garder  le  si- 
lence,  fuir  le  bruit  et  chercher  dans  un  coin 
le  recueillement. 

17.  Quand  on  est  bien  pénétré  de  la  pré- 
sence de  I^ieu,  on  reste  habituellement  mo- 
deste, honnête  et  silencieux. 

18.  La  sécheresse,  supportée  arec  con« 
stance  et  résignation,  est'  habituellement  le 
prélude  d'une  oraison  féconde  en  délices. 

19.  La  persévérance  dans  l'oraison ,  mal- 
gré la  sécheresse,  est  la  marque  d'une  grande 
force  et  d'une  sainteté  solide. 

20.  Les  vêtements  précieux  et  les  meU 
recherchés  sont ,  dans  un  religieux,  uue 
marque  qu'il  aime  les  choses  du  siècle. 

21.  Une  cellule  remplie  de  curiosités  et 
meublée  avec  richesse  est  contraire  à  la 
pauvreté  religieuse;  c'est  le  propre  des  per- 
sonnes adonnées  au  luxe  et  à  la  mollesse. 

32.  Une  sainteté  qui  fait  beaucoup  de 
bruit  est  ordinairement  dangereuse;  et  si 
elle  est  miraculeuse  sans  fondement»  on  aora 
bon  droit  de  la  tenir  pour  suspecte. 

%3.  Dis-moi  qui  tu  hantes^  et  je  te  dirai  fui 


8S3 


ILL 


DASCETISME. 


ILL 


m 


iu  ^s.  Si  VOQS  TOUS  occupez  d*arriTer  k  la 
perfection ,  vous  tous  occupez  aussi  de  la 
prière;  mais  si  tous  recherchez  tos  aises, 
TOUS  serez  semblable  au  reste  des  enfants 
de  siècle. 

2%.  Approcbez-Tous  souvent  de  la  sainte 
table,  dTec  la  permission  du  directeur,  et 
en  réunissant  toutes  les  dispositions  requi- 
ses, si  TOUS  désirez  atteindre  rapidement  h 
une  perfection  sublime. 

25.  Une  sainteté  subite  consiste  plus  sou- 
Teot  dans  la  déTOtion  que  dans  la  charité. 

26.  Celuiquise  traite  avec  rigueur  dans  la 
pénitence  et  dans  la  mortification  est  d'ordi- 
naire traitéde  Dieu  aTocdélicesdans  l'oraison. 

27.  Celui  qui,  dans  l'oraison  mentale,  dé- 
sire faire  des  progrès,  doit  ouTrir  son  Ame 
à  son  père  spirituel. 

II.  Areanesdelavoieittuminative.—  VQuel- 
ques  personnes,  dans  l'oraison  mentale, 
ressentent  en  elles-mêmes  d'exSraordinaires 
modifications  corporelles.  Ainsi,  les  unes 
ont  le  visage  couTert  d'une  TiTe  rougeur; 
d'antres,  la  hgure  pâte  et  décolorée  ;  chez 
les  unes,  le  cœur  bat  avec  force;  chez  les 
autres,  les  tempes  éprouvent  des  pulsations 
très-vives.  On  en  voit  enfin  dont  les  mus- 
cles se  détendent,  dont  les  membres  sont 
comme  brisés  de  coups,  et  dont  le  corps  en* 
tier  est  en  proie  h  une  prostration  générale. 
En  voici  la  raison  :  notre  âme,  dans  l'état 
d'union  avec  le  corps,  produit  des  actes 
Tîtaux  et  spirituels,  d'intelligence  et  d'a- 
mour, avec  un  retour  vers  Tes  objets  de 
rimagination  et  sous  la  dépendance  des  or- 
ganes du  cœur  et  du  cerveau.  Comment 
s'opèrent  tons  ces  phénomènes,  c'est  aux 
philosophes  è  répondre.  Quoi  qu'il  en  soit , 
si  cette  action  intellectuelle  est  vive  et  per- 
sévérante sur  le  cerveau,  elle  modifie  et 
fatigue  cet  organe  et  y  provoque  des  pulsa- 
tions précipitées.  Si  I  amour  divin  occupe  le 
cœur,  il  le  dilate,  le  fait  tressaillir,  et  fait 
refluer  le  sang  avec  abondance  vers  les  au- 
tres parties  du  corps.  De  \h  cette  rougeur 
au  Tisage;  et  si  le  sang  s'enflamme,  le  corps 
est  tout  brûlant  et  éprouTe  parfois  une  agi- 
tation fébrile.  S'il  s'attaque  aux  humeurs 
bilieuses,  il  les  décom|K)se  et  les  fait  afiluer 
an  Tisage,  qui  se  couTre  d'une  pâleur  frap- 
pante. De  même  aussi,  la  contraction  des 
nerfs  arrête  le  cours  du  fluide  nenreux  ,  et 
rend  lesmembres  comme  engourdis  et  brisés. 

!!*•  Les  femmes,  même  avec  moins  de 
sainteté  que  les  hommes ,  sont  ordinaire- 
ment faTOrisées  de  Dieu,  de  jouissances  et 
de  délices  célestes  plus  grandes,  soit  à  cau.^e 
de  la  tendresse,  de  la  douceur  et  de  Tamabi- 
lité  de  leur  caractère,  qualités  qui  se  prê- 
tent mieux ,  au  moins  d*une  manière  occa- 
sionnelle, aux  délices  de  l'esprit;  soit  à 
cause  de  leur  faiblesse,  qui  leur  rend  néces* 
saire  ce  Tébicule  des  saintes  faTeurs ,  pour 
acquérir  la  force  nécessaire  à  supporter  les 
peines  innombrables  qui  se  rencontrent 
dans  la  Tîe spirituelle;  soit  enfin  h  cause  de 
la  grande  propension  de  Dieu  è  honorer  ceux 
qu  il  aime  ;  or  les  femmes  étant  privées  du 
sacerdoce,  de  la  prédication  évangélique  et 


des  autres  faveurs  du  même  genre.  Dieu  a 
Tonlu,  en  compensation,  leur  accoraer  cette 
grâce  spéciale. 

111*.  Quelques  personnes,  absorbées  inté* 
rieurementuans  la  méditation  la  plus  nrofon- 
^de,  n'en  donnent  aucune  marque  extérieure. 
C'est  qu'une  telle  oraison  déjiend  d'un  prin- 
cipe infus,  auquel  ne  participent  que  peu 
ou  point  les  sens  extérieurs,  c-t  dont  l'essence 
tout  entière  consiste  dans  l'intelligence  et 
la  TOlonté. 

IV*.  Dn  grand  nombre  de  saints  TiTent  au 
milieu  do  continuelles  persécutions,  acca- 
blés de  maladies  et  d'infirmités,  parce  que 
la  sainteté  est  une  sorte  de  droit-d'atnesse 
et  de  majorât  que  notre  Seigneur  Jésus  a 
institué  dans  sa  passion  et  qu'il  a  voulu  at* 
tachera  sa  croix;  de  sorte,  qu'être  saint  et 
être  crucifié,  c'est  ordinairement  la  même 
chose,  avec  cette  différence  qu'il  a  laissé  la 
croix  des  infirmités  aux  saints  de  la  solitude, 
pour  réserver  celle  if  es  persécutions  à  ceux 
qui  suivent  la  vie  mixte,  è  part  quelques 
exceptions  d'un  et  d*autre  cdté,  et  quoique 
assurément  la  croix  des  tentations  soit 
commune  à  tous. 

V*.  Quelques-uns  de  ceux  qui ,  dans  leur 
jeunesse,  ont  pratiqué  la  pénitence  et  l'abs- 
tinence, deviennent,  dans  un  âge  plus  avan- 
cé, gourmands  et  impatients  ;  car  le  carac- 
tère difficile  est  un  tribut  que  la  nature  paie 
è  la  vieillesse.  La  gQurmandise  est  en  Quel- 
que sorte  un  subside  nécessaire  réclamé 
parla  mauvaise  santé,  et  l'impatience  ré- 
sulte de  la  tendance  des  vieillards  à  s'em- 
porter facilement  contre  les  folies  de  la  jeu* 
nesse. 

VI*.  Ceux  qui  excellent  dans  la  mortifica- 
tion et  la  pénitence  jouissent,  dans  Torai- 
son  mentale,  de  plus  de  délices  spirituelles 
que  les  autres,  parce  que  la  mortification  est 
one  sorte  de  dernière  disposition  è  laquelle, 
moralement  parlant,  le  Seigneur  a  attaché 
l'oraison  mentale  comme  forme  subsé- 
quente ;  d*oà  il  résulte  que  plus  la  mortifi- 
cation est  grande,  plus  a  de  nirce  et  d'elfica- 
cité  Toraison  mentale  gui  la  suit. 

VII*.  Il  f  a  dans  la  vie  spirituelle  de  nom- 
breux périls  provenant  ue  l'absence  d'un 
maître  qui  puisse  nous  assister  de  ses  en- 
seignements et  de  ses  conseils  ;  car  c'est 
une  science  pratique  hérissée  de  difficultés 
sans  nombre,  de  doutes ,  de  tentations ,  de 
combats,  de  mystères  et  de  sublimités  spi- 
rituelles ;  et  comme  les  arts  mécaniques 
s  apprennent  difficilement  sans  maître,  de 
même  la  perfection  de  Toraison  et  de  la  Tie 
spirituelle  peut  difficilement  s'obtenir  sans 
maitre,etmême,d  après  certaines  personnes, 
c'est  presque  impossible  sans  un  miracle. 

VIU*.  Ceux  qui  ont  peu  de  confiance  dans 
leur  père  spirituel  et  qui  ne  lui  dévoilent 
pas  complètement  leur  conscience  comnid 
ils  le  doivent ,  marchent  par  des  sentiers 
perdus,  et  ont  plus  de  vices  cachés  que  de 
Tertus  secrètes,  soit  par  défaut  d'humilité 
et  par  excès  de  présomption  en  eux-mêmes  ; 
soit  parce  gue  c'est  une  marque  de  perTer- 
sité  et  de  îualice,  do  ne  Touloir  pas  décou- 


835 


ILL 


DICTIONNAIRE 


ILL 


vr«r  SCS  infirmilés  au  médecin  spirituel, 
pour  ne  pas  être  obligé  de  se  soumettre  au 
traitement  qu'il  prescrirait;  soit  encore 
parce  que  ces  personnes  ont  habituellement 
peu  de  conscience  et  ne  sinquiètent  nulle- 
ment de  progresser  dans  la  vie  spirituelle  ; 
soit  enfin  parce  que  le  démon  s  efforce  de 
}es  détourner  d*une  telle  confiance  et  qu'il 
les  trouve  ainsi  bi^n  disposées  à  commeltre 
quelque  crime.  En  effet,  toute  dissimu- 
lation artificieuse  dans  la  vie  spirituelle 
dénote  une  grande  perversité,  d'autant  plus 
que  la  vertu  rejette  toute  malice  et  toute 
ruse,  et  aime  à  se  revêtir  d'une  pure  et 
franche  simplicité. 

ILLUMINÉS.  —  Nom  d'une  secte  ae  faux 
mystiques  qui  parurent  en  Espagne  vers 
l'an  1575,  et  que  les  Espagnols  appelaient 
Alumbrados.Leixrs  chefs  étaient  Jean  de  Wil- 
lalpando,  originaire  de  Ténériffe,  et  une 
Carmélite  appelée  Catherine  de  Jésus.  Un 
gran.i  nombre  de  leurs  disciples  furent  mis 
à  l'inquisition  et  punis  de  mort  à  Cordoue; 
les  autres  abjurèrent  leurs  erreurs. 

Les  principales  erreurs  que  l'on  reprochée 
ces  Illuminés  étaient  que,  par  Je  moyen  de 
l'oraison  sublime  à  laquelle  ils  parvenaient, 
ils  entraient  dans  un  élat  si  parfait,  qu'ils 
n'avaient  plus  besoin  de  l'usage  des  sacre* 
ments  ni  des  bonnes  œuvres;  qu'ils  pou* 
valent  même  se  laisser  aller  aux  actions  les 
plus  infâmes  sans  pécher.  Molinos  et  ses 
disciples,  quelques  temps  après,  suivirent 
les  mêmes  principes. 

Cette  secle  fut  renouvelée  en  France  en 
163'»,  et  les  Guérinets ,  disciples  de  Pierre 
G uérin,  se  joignirent  è  eux  :  mais  Louis  XIII 
les  fit  poursuivre  si  vivement,  qu'ils  furent 
détruits  entièrement  en  peu  de  temps.  Ils 
prétendaient  que  Dieu  avait  révélé  à  l'un 
d'entre  eux,  nommé  Frère  Antoine  Boc- 
qnet,  une  pratique  de  foi  et  de  vie  surémi- 
nente,  inconnue  jusqu'alors  dans  toute  la 
Chrétienté;  qu'avec  cette  méthode  on  pou- 
vait parvenir  en  peu  de  temps  au  même  de- 
Î;ré  de  perfection  que  les  saints  et  la  bien- 
leureuse  Vierge,  qui,  selon  eux,  n'avaient 
eu  qu'une  verlu  commune.  Ils  ajoutaient 
que,  par  cette  voie ,  l'on  arrivait  à  une  telle 
union  avec  Dieu,  que  toutes  les  actions  des 
hommes  étaient  déifiées  ;  que,  quand  on 
était  parvenu  h  cette  union,  il  fallait  laisser 
agir  Dieu  seul  en  nous  sans  produire  aucun 
acte.  Ils  soutenaient  que  tous  les  docteurs 
de  l'Higlise  avaient  ignoré  ce  que  c'est  que 
la  dévotion  ;  que  saint  Pierre ,  homme  sim- 
ple, n'avait  rien  entendu  à  la  spiritualité, 
non  plus  que  saint  Paul;  que  toute  l'Église 
était  dans  les  ténèbres  et  dans  l'ignorance 
sur  la  vraie  pratique  du  Credo.  Ils  disaient 

au'il  nous  est  permis  de  faire  tout  ce  que 
icte  la  conscience,  que  Dieu  n'aime  nert 
que  lui-même  ;  qu'il  fallait  que  dans  dix  ans 
leur  doctrine  fût  reçue  par  tout  le  monde 
et  qu'alors  on  n'aurait  plus  besoin  de  prê- 
tres, de  religieux,  de  curés,  d'évêqucs,  ni 
d'autres  supérieurs  ecclésiastiques. 

iLLumifÂs  AVI6NOIVNAIS.  —  Pemcty,  Béné- 
dictin, abbé  de  Burkol,  bibliothécaire  du  roi 


de  Prusse  ;  le  comte  de  Grabianka,  staroste 
polonais;  Brumore,  frère  du  chimiste  Guy- 
ton-Morveau;  Mérinval,  qui  avait  une  place 
dans  la  finance,  et  quelques  autres,  s'étaient 
réunis  à  Berlin  pour  s  occuper  de  sciences 
occultes.  Cherchant  les  secrets  de  l'avenir 
dans  la  combinaison  des  nombres,  ils  ne 
faisaient  rien  sans  consulter  la  «atfi/eeaW^ 
car  c'est  ainsi  qu'ils  appelaient  l'art  illusoire 
d'obtenir  du  ciel  des  réponses  aui  questions 
qu'on  lui  adressait.  Quelques  années  avant 
la  Révolution,  ils  crurent  qu'une  voix  surna* 
turelle,  émanée  de  la  puissance  divine,  leur 
enjoignait  de  partir  pour  Avignon.  Grabianka 
et  Pernety  acquirent  dans  cette  ville  uoe 
sorte  de  crédit,  et  fondèrent  une  secte  d'itla- 
minés  qui  eut  beaucoup  de  |)artisans,  là  et 
ailleurs. 

Sous  le  nom  du  Père  Pani,  Dominicain, 
commissaire  du  saint-ofllce,  on  pu'tlin,  à 
Rome,  en  1791,  unrecueilde  piècis  (O.icer- 
nant  cette  société.  Le  P.  Pani  dit  que,  de- 
puis quelques  années,  Avignon  a  vu  naître 
une  secte  qui  se  prétend  destinée  par  le  ciel 
è  réformer  le  monde,  en  établissant  un  nou- 
veau peuple  de  Dieu.  Les  membres,  sans 
exception  d'âge  ni  de  sexe,  sont  distingués, 
non  par  leurs  noms,  mais  par  un  chiffre. 
Les  cneCs,  résidant  à  Avignon,  sont  consa- 
crés avec  un  rite  superstitieux.  Ils  se  disent 
très-attachés  à  la  religion  catholique  ;  mais 
ils  prétendent  être  assistés  des  anges,  avoir 
des  songes  et  des  inspirations  pour  inter- 
préter la  Bible.  Celui  qui  préside  aux  opéra- 
tions cabalistiques  se  nomme  patriarche o\ï 
pontife.  Il  y  a  aus^^i  un  roi  destiné  à  gou- 
verner ce  nouveau  peuple  de  Dieu.  Ottavio 
Capelli,  successivement  domestique  et  janli- 
nitT,  correspondant  avec  ces  illuminés»  |  ré- 
tendait avoir  des  réponses  do  Tarchange 
Raphaël  et  avoir  composé  un  rite  pour  Ta 
réception  des  membres.  Llnquisition  lui  a 
fait  son  procès,  et  l'a  condamné  à  subir  sept 
ans  de  détention.  La  même  sentence  pour- 
suit cette  société,  comme  attribuant  fausse- 
ment des  apparitions  angéiiques,  suspectes 
d'hérésie  ;  elle  défend  de  s'y  agréger,  d'en 
faire  Télogc,  et  ordonne  de  dénoncer  ses 
adhérents  aux  tribunaux  ecclésiastiques. 

Pernety,  né  à  Roanne  en  1716,  mort  à  Va- 
lence en  1801,  a  traduit  du  latin,  de  Swe- 
denborg, les  Merveilles  du  ciel  et  de  Cenfer. 
Les  swedenborgistes  s'étaient  flattés  d'avoir 
des  co-religionnaires  à  Avignon;  mais  cette 
espérance  s'évanouit  en  apprenant  que  les 
illuminés  avignonnais  adoraient  la  sainte 
Vierge^  dont  il:>  faisaient  une  quatrième  per- 
sonne, ajout 'e  à  la  Trinité.  Cette  erreur 
n'était  pas  nouvelle,  car  les  collyridiens  attri- 
buaient la  divinité  à  la  sainte  Vierge,  et  lui 
offraient  des  sacrifices.  Rlotzius  parle  d'ua 
certain  Borr,  qui  prétendait  que  la  sainte 
Vierge  était  Dieu,  que  le  Saint-Ksprit  s'était 
incarné  dans  le  sein  de  sainte  Anne,  que  !a 
sainte  Vierge,  contenue  avec  Jésas-iihrist 
dans  l'Eucharistie,  devait,  par  conséquent, 
être  adorée  comme  lui  :  ce  Borr  ou  Borri  lût 
brûlé  en  efligie  è  Rome,  etses  écrits  le  furent 
en  réalité,  le  2  janvier  1661. 


937 


ILL 


D^ASCETISMC 


lU 


Les  illuminés  a?içnonnaîs  renourelaieiit 
aussi,  dit-on«  les  opinions  des  millénaires; 
on  les  a  même  accusés  d*admeUre  la  com« 
munauté  des  femmes;  mais  la  clandestinité 
de  leurs  assemblées  a  pu  faroriser  une  telle 
imputation,  sans  être  une  preuve  qu'elle  fût 
fondée. 

Peroetj  étant  mort,  la  société,  qui»  en 
1787,  était  d'une  centaine  d'indindus,  se 
trouva  réduite ,  en  18M,  à  six  ou  sept.  De 
ce  nombre  était  Beaufort,  auteur  d'une  tra- 
duction avec  commentaires  du  psaume  J^jrnir- 
gai.  11  y  soutient  que  l'arche  d'alliance,  la 
manne,  la  verge  u'Aaron,  cachées  dans  un 
coin  de  la  Judée,  reparaîtront  un  jour,  lors- 
que les  Juifs  rentreront  dans  le  sein  de 
l'Eglise. 

ILLUSION.  {Voyez  Disgbrhbmbiit  des  bs- 
PBiTs.  )  — Parmi  les  bons  et  les  mauvais 
esprits,  on  distingue  un  esprit  très-dange- 
reuf,  qui  est  l'esprit  d'illusion.  L'illusion 
est  une  erreur  commise  dans  les  choses  spiri' 
iuelles.  Penser  d'abord,  et  réussir  ensuite  à 
se  persuader  qu'une  chose  mauvaise  est 
bonne,  voilà  une  illusion  et  une  déceptiou 
de  soi-même. 

De  même  qu'un  espnt  bon  (ou  une  inspi* 
ration  )  peut  être  mauvais  en  quelque  point, 
et  uti  esprit  mauvais  bon  en  quelque  point, 
ainsi  il  peut  y  avoir  des  œuvres  d'illusion 
sur  un  point,  et  bonnes  sur  d'autres;  ce  qui 
arrive  lorsque  nos  oeuvres,  étant  ainsi  mê- 
lées de  bien  et  de  mal,  nous  les  jugeons 
entièrement  bonnes,  par  la  suite  de  la  séduc- 
t*on  que  nous  avons  exercée  sur  nous-mêmes. 
Ce  que  nous  faisons  de  mal  par  fragilité  ou 
par  malice  ne  peut  donc  porter  le  caractère 
de  l'illusion;  car  il  laut  être  persuadé  que 
Ton  fait  bien  lorsqu'on  fait  mal,  et  que  cette 
conviction  existe  par  notre  faute,  par  notre 
volontaire  séduction.  11  faut  aussi  distinguer 
riilusion  de  la  su^estion.  Celle-ci  n'est  que 
le  commencement  d'une  illusion;  l'illusion 
n'existe  que  lorsque  l'intelligence  et  la  vo* 
ionté  ont  consenti  pleinement  à  la  séduction. 

Combien  y  a-  t-il  de^sortes  d'illusion?  Elle  ; 
est  seulement  matérielle  lorsqu'elle  résulte 
d'une  ignorance  invincible,  ignorance  qu'on  ! 
n'était  pas  tenu  de  combattre,  ou  qu'on 
étAit  dans  l'impuissance  de  combattre;  ou 
formelle,  mais  légèrement  coupable,  soit  à 
raison  de  la  légèreté  de  la  matière,  soit  à 
raison  de  l'imparfait  consentement;  ou  bien 
gravement  coupable,  parce  qu'il  y  a  gravité 
de  matière  et  plein  consentement.  On  peut 
supposer  que  quelquefois  la  gravité  de  ma- 
tière peut  devenir  clouleuse,  et  à  divers  de- 
grés; ou  difficilement  douteuse,  de  manière 
à  ce  que  les  docteurs  eux-mêmes  aient  peine 
h  décider;  nubien  c'est  un  doute  facile  h 
lever,  ce  qui  donne  à  l'illusion  un  mauvais 
caractère,  surtout  lorsqu'elle  entraîne  l'agent 
dans  des  erreurs  où  il  est  retenu  avec  obs- 
tination et  erreur  crasse,  et  cela  dans  les 
choses  contre  la  foi  et  les  mœurs.  C'est  de 
tk  que  sont  sorties  les  erreurs  des  illumi- 
nés et  des  quiétistes. 

Les  justes  mêmes  sont  sujets  à  des  illu- 
sions, -r  Noorseulement  les  justes,  mais  en- 


core les  parfaits  sont  sujets  à  des  illusions 
en  matière  légère,  et  surtout  h  des  illu- 
sions matérielles.  Jugez-en  par  ces  textes 
de  la  sainte  Ecriture.  Vous  y  lisez  (Sop.  ix)  : 
Quel  homme  peui  savoir  le  conseil  de  DieuT 
Les  pensées  des  hommes  soni  iimides  ei  tncer- 
laines  par  précisions.  Noire  corps^  qui  se  cor^ 
rompis  aggrave  noire  dme,  el  celle  demeuro 
terrestre  accable  le  sens  ^uî  embrasse  beau- 
coup  de  pensées.  Qui  connaîtra  votre  setiSf 
{d  mon  Dieu!)  si  vous  ne  donnez  ta  sagesse  et 
si  vous  n'envoyez  voire  esprit  d'en  haul^  el  si 
vous  ne  corrigez  ainsi  les  voix  de  ceux  qui 
sonl  sur  la  ttirre^  el  si  les  hommes  n'appren- 
nenl  ce  qui  vous  est  a^gréable?  —  Aux  Rom. 
vil  :  Je  sais  le  pouvoir  de  faire  le  bien^  je  no 
trouve  pas  celui  de  le  faire.  Car  je  ne  fais  pas 
le  bien  que  je  veux,  mais  je  fais  le  mal  que  je 
ne  veux  pas.  Si  donc  je  fais  ce  que  je  ne  veux 
pas^  ce  n  est  pas  moi  qui  le  fais^  mau  lepéché^ 
qui  habile  en  moi.  —  Ps.  xxxvii  :  ifes  en^ 
Irailles  sonl  rempliu  d'illusions.  Nous  de- 
vons donc  conclure  que  les  justes  et  les  par- 
faits sont  sujets  aux  illusions,  puisque  les 
pensées  des  justes  sont  timides,  que  leurs 
prévoyances  sont  incertaines,  que  leur  corps 
aggrave  TAme.  déprime  le  sens,  est  une  oc- 
casion de  péché  pour  le  juste,  et  que  David 
lui-même  gémissait  de  ses  illusions.  Ainsi 
(iReg.ui)  un  saint  prophète  est  sé'luit  par  un 
autre  prophète.  Ainsi  encore  le  prophète 
Nathan  fut  dans  l'illusion  eu  annonçant  que 
David  édifierait  le  temple. 

c  Soyons  dans  la  tristesse,  dit  saint  Au- 
gustin, tant  que  nous  .demeurerons  au  mi- 
lieu des  illusions.  Elles  sont  telles  qu'on  ne 
peut  les  raconter,  car  quelle  est  l'Ame  qui 
n'eu  est  pas  le  jouet  ?  »  Nous  lisons  dMis 
Cassien  que  le  démon  avoua  h  l'abbé  Jean 
qu'il  l'avait  poussé  à  des  jeûnes  indiscrets. 
Saint  Bernard  dit  aussi  que  souvent  ce  dé- 
mon engage  quelques  serviteurs  de  Dieu  à 
iaire  des  jeûnes  singuliers,  qui  scandalisent 
les  autres,  non  qu'ils  aiment  ces  jeûnes, 
mais  parce  qu'ils  courent  après  la  nou- 
veauté. 

La  raison  nous  dit  les  mêmes  choses.  Au- 
cun juste,  aucune  parfait,  excepté  la  sainte 
Vierge ,  n'a  élé  exempt  de  l'excitation  et  4^ 
J'atteinte  du  péché  au  moins  véniel.  L'exci- 
tation au  péché  trouble  la  droite  raison  par 
ses  mouvements  désordonnés  et  ouvre  ainsi 
la  porte  aux  illusions. 

IJu  mot  des  illuminés.  Les  illuminés  sont 
une  espèce  d^hommes  qui  sont  fiarticulière- 
iiicnt  adonnés  à  l'oraison,  aux  contempla- 
tions élevées;  qui  se  préoccupent  de  ravis- 
sements et  qui  pensent  en  éprouver,  d'il- 
luminations et  de  miracles.  Ils  semblent  se 
revêtir  de  tout  ce  qu'il  y  a  de  plus  éclatant 
dans  la  vie  spirituelle;  mais,  le  plus  souvent, 
ces  choses  ne  couvrent  que  de  grands  péchés 
et  quelquefois  des  crimes.  Ils  réduisent  la 
meilleure  partie  de  la  vie  spirituelle  à  des 
illusions  fantastiques ,  rêves  d'un  esprit  ma- 
lade. Plusieurs  n'entre  eux  ont  commencé 
pendant  un  temps  à  pratiquer  les  solides 
vertus,  mais  lorsqu'ils  arriyèrent  à  être  san 
turés  du  vin  de  la  forte  oraison,  a  goûter 


«39 


ILL 


DlCT10il^AlllB 


ILL 


8M 


avec  trop  d^abondauce  les  douceurs  spiri* 
luelles,  ils  s'éTanouirent  dans  leurs  pensées  ; 
et 9  dans  leur  orgueil,  ils  sont  tombés  en 
pensant  qu'ils  étaient  arrivé»  au  sommet  de 
fa  sainteté.  Et  comme  Dieu  abandonne  sur- 
le-champ  les  orgueilleux,  le  démon  s*en  em- 
pare. Il  auj$mente  encore  le  goût  qu'ils  ont 
pour  l'oraison ,  la  retraite  et  la  contempla- 
tion, il  corrompt  leur  intention ,  leur  fait 
chercher  leur  consolation  dans  les  bonnes 
Œurres  extérieures;  ensuite  il  les  sature  de 
fausses  révélations,  de  fausses  doctrines,  eC 
il  les  précipite  ainsi  peu  h  peu  dans  des  pé* 
chés  mortels,  de  telle  sorte  qu'ils  unissent 
par  être  extérieurement  hypocrites  et  inté- 
rieurement hérétiques.  Ainsi  doTinrent,  après 
beaucoup  d'ennuis,  les  béguins  et  les  l>^Kai* 
nés  condamnés  par  Clément  V  ;  ainsi  Molina 
et  ses  disciples  {Voy,  1lluiiiii6s.) 

Les  Justes  doivent  singulièrement  crain-* 
dre  et  éviter  les  illusions;  et  les  parfaits  ou 
ceux  qui  se  croient  tels ,  doivent  redoubler 
de  crainte  de  tomber  dans  des  illusions, 
soit  matérielles,  soit  formelles,  et  gravement 
coupables  ils  doivent  redouter  ces  paroles 
du  Proverbe  :  Il  y  a  une  voie  qui  paraU 
droite  à  l'homme^  tnai4  elle  aboulil  à  la  mort» 
El  celteb  de  Job  :  Jecraignaiê  êùr  iaulee  mei 
muvrt$f  êochatU  que  vous  n'épargnez  point 
le  coupable.  —  Pt.  xviif  :  ^ui  cannaii  toutes 
les  ignorances  f  purifiez-mot  de  mes  péehie  co- 
this.  — Jérém.  xvii  :  Mon  cœur  est  dépravé^ 
et  inscrutable;  quUe  eonnattraf  —  Ps.lwîy. 
Quand  mon  temps  sera  venu,  je  jugerai  les 
wjusliceê.  —  Corinth. ,  f ,  iv  :  Je  ne  me  sens 
rien  sur  la  conscience^  mais  pour  cela  je  ne  suis 
pos  justifié.  -^Act,  des  ap.  :  Vous  passez  pour 
être  vivant^  mais  vous  êtes  mort. . . .  Vous  dites  : 
Je  iuis  riche  ei  dans  l"<Ufondance;  ei  vous  ne 
voyez  pas  que  vous  êtes  dénué  et  misérable  et 

Ïauvre  et  aveugle  et  nu.  Or  si  un  lob,  on 
^avid,  un  Paul  craignent  Tillusion,  que  ne 
doivent  |ms  craindre  parmi  nous  ceux  mêmes 
qui  se  croient  justes? 

Le  directeur  spirituel  doit  avertir  ceux 
qui!  dirige  de  quelle  prudence  ils  doivent 
user  dans  toutes  leurs  œuvres,  pour  ne  pas 
tomberdan8ritiusion;or,avecquelIediligen* 
ce  ils  doivent  examiner  la  matière  de  leurs 
actions  pour  s'assurer  si  elle  est  bonne  h  tous 
égards,  ou  si  elle  est  mauvaise  dans  quel- 
que partie,  si  la  An  est  droite  ou  sincère ,  si 
elle  est  eutacliée  de  quelque  passion,  qui 
prend  la  couleur  de  la  vertu.  Après  l'action 
il  faut  que  le  directeur  engage  les  spirituels 
k  examiner  comment  ils  l^nt  accomplie. 
Si  quelque  défaut  s'est  glissé  dans  le  fond 
ou  dans  les  circonstances,  atin  de  devenir 
par  là  plus  déliants  à  l'avenir,  car  si  on 
n'arrachait  ces  défauts  dès  le  début,  ils  gros- 
siraient, et,  à  force  d'illusions,  ils  corrom- 
praient les  actions  tout  entières.  Voici  com- 
ment Cornélius  à  Lapide  commente  ces 
paroles  du  Cantique  des  cantiques  :  Capite 
nobiê  vulpes  parvulas^  quœ  demoliuniur  vi- 
•«III.  Les  renards,  dil-il,  sont  les  mauvaises 
suggestions  que  le  démon,  la  chair  et  le 
mondenous  présententsous  la  forme  du  bien, 
pour  conduire  notre  &mo  au  mal.  Car  Satan, 


se  transformant  en  ange  de  lumière, 
le  vice  sons  la  forme  de  la  vertu.  C'est  pour^ 
quoi  il  faut  repousser  ces  su^estioos,  elles 
arracher  pendant  qu'elles  sont  encore  bif 
blés,  penclant  que  Terreur  n'est  pas  eneore 
enracinée  et  qu  elle  peut  être  arrachée,  et  ne 

1»as  attendre  qu'on  ne  puisse  plus  en  veoiri 
»out. 

Sources  des  illusionê. — Noos  allons  expo* 
ser  les  diverses  causes  d'où  procèdent  les 
illusions. 

La  première  est  la  négligence  dans  les 
chosesdivines;uon-seulementles  consciences 
laides,  mais  celles  qui  sont  médiocrement 
timorées,  négligent  souvent  d'apprendre  les 
choses  qu'elles  doivent  connaître  et  faire, 
et  qu'elles  ne  peuvent  omettre  sans  péché. 
De  là  naissentf  selon  la  mesure  de  l'ignoranc"! 
des  péchés  plus  ou  moins  grands,  des  illu« 
sions  plus  ou  moins  coupables  et  dange* 
reuses.  Telles  sont  les  ignorances  dont  parle 
l'Apôtre  (i  Cor.  uv)  :  Celui  qui  ignore  sers 
ignoré:  et  celle  qu'entend  Jésus -Christ 
dans  la  parabole  des.  deux  serviteurs ,  où  il 
est  dit  que  celui  qui  aura  connu  la  volonté 
de  son  maître  et  ne  l'aura  pas  accomplie  sera 
beaucoup  puni,  et  celui  qui  aura  oial  bit 
par  ignorance  sera  moins  puni.  Sor  quoi 
ïhéophitacte  remarque,  c  que  beaucoup  cun* 
viennent  de  ceci,  que  celui  qui  connaît  la 
volonté  de  Dieu  et  ne  l'accompUt  pas  soit 
puni  ;  mais  celui  qui  ne  la  connaît  pas,  di- 
sent-ils, comment  serait-il  puni?  C*est,  ré- 
pond-^il,  parce  qu'ayant  pu  connalU^  celle 
sainte  volonté,  il  ne  l'a  point  voulu  par 
paresse,  et  ainsi  il  est  lui-même  la  cause  de 
son  ignorance,  et  il  est  juste  que  la  faute 
soit  punie  dans  sa  cause.  Craignons,  donc, 
mes  frères,  »  etc. 

Pour  éviter  cette  cause  d'illusions,  écou« 
tons  ce  que  nous  dit  Louis  Du  Pont  :  qu*jl 
importe  beaucoup  do  ne  pas  résister  aui 
inspirations  de  Dieu,  clairement  connues 
pour  venir  de  lui,  et  de  résister  vivement  et 
promptement  aux  suggestions  du  démon.  Car 
en  agissant  ainsi.  Dieu  ne  permet  pas  qu'on 
soit  trompé,  au  moins  de  notre  faute.  Car 
toute  ignorance  coupable  doit  reposer  sur 
quelque  malice  de  noire  part. 

11  faut  user  de  beaucoup  do  précautions 
et  craindre  d'une  crainte  salutaire  et  pro- 
dente,  en  évitant  deux  excès  :  l'un  d'aioir 
une  crainte  exagérée  qui  soit  eniacbéede 
détiance  de  la  bonté  de  Dieu,  oui  suppi^ 
toujours  à  notre  faiblesse  quand  nous  nous 
reposons  en  lui  ;  l'autre,  celui  d*une  trop 
grande  sécurité  ;  car  celui  qui  ne  craint  point 
ne  se  prépare  point,  et  celui  qui  n'est  point 
préparé  périt  dans  Toocasion. 

La  seconde  cause  est  le  défaut  d'inteatioo 
pure.  11  existe  des  consciences  médiooe* 
ment  vertueuses,  qui  toutefois  k  leur  propre 
jugement  sont  porfaites.  Elles  pensent  pos- 
séiier  les  dons  excellents  de  Dieu,  faire  de 
grandes  choses  pour  lui,  et  toutrfois  leur 
intention  n'est  point  pure  :  il  j  a  de  Torgueilt 
des  intentions  charnelles,  ou  des  retours 
humains  dans  les  plus  nobles  actions ;oq 
cherche  sa  gloire  et  non  celle  de  Dieu,  uoa 


Ml 


ILL 


D'ASCETISSU:. 


ILL 


Sii 


son  boD  TOuloir«  mais  son  propre  penchant, 
et  ils  encourenl  la  menace  de  ee  verset  de 
rRraogile  l  Si  TOtre  œil  est  maoTais,  tout 
▼ôtre  cœur  sera  ténébreux.  Richard  de  saint 
Victor  dît  à  ce  propos  :  c  L'orgueil  est  caché 
au  fond  de  TOlre  cœur,  mais  Dieu  Je  voit, 
car  il  voit  les  choses  cachées;  c'est  pourquoi 
il  retire  sa  grAce  ou  la  diminue  :  et  les  chu- 
tes sont  imminentes.  » 
Concluons  encore  de  là  gue  Ton  peut 

J router  les  douceurs  de  la  dévotion  et  des 
aveurs  spirituelles,  mais  qu*il  faut  prendre 
garde  de  8*y  reposer  et  se  bAter  de  reporter 
son  intention  \  Dieu  pour  qui  doivent  être 
toutes  nos  actions  et  non  pour  nous.  Les 
faveurs  spirituelles  sont  une  tentation,  et 
poussent  à  Tillusion.  Il  faut  faire  comme 
saint  Vincent  Ferrier  qui  voyait  Tamour- 
propre  aller  et  Tenir  dans  son  cœur,  mais 
qui  ne  lai  permettait  pas  de  s'y  fixer. 

La  troisième  «cause  est  la  précipitation. 
Cette  précipitation  et  absence  de  conseil  ne 
nuisent  pas  seulement  aux  consciences  relA- 
ehées,  en  corrompant  la  pureté  d'intention 
▼ers  la  fin,  mais  encore  aux  consciences 
imparfaitement  adonnées  k  la  vertu,  en  les 
trompant  sur  le  choix  des  moyens  pour  ar- 
river au  vrai  but.  Il  faut  avoir  recours  spé- 
cialement à  l'un  des  dons  du  Saint-Esprit,  le 
don  de  conseil,  afin  de  prévenir  toutes  les 
surprisçs  auxquelles  nous  sommes  sujets 
dans  raccomplissement  de  notre  devoir,  et 
au  sein  même  des  bonnes  œuvres. 

La  quatrième  cause  est  de  ne  point  con- 
sulter son  prochain.  Souvent  Dieu  nous  ins- 
pire de  faire  quelque  bonne  œuvre  ou  quel- 
que sainte  entrepnse,  mais  il  ne  nous  inspire 
pas  en  détail  les  moyens  h  prendre  pour 
réussir.  Alors  nous  devons  nous  adresser  à 
des  personnes  compétentes  et  pleines  de 
Tesprit  de  Dieu  pour  suppléer  k  ce  qui  man- 
que à  nos  lumières  dans  les  doutes  que  nous 
avons,  et  pour  assurer  le  succès.  C  est  ainsi 
que  Dieu  inspira  h  Paul  de  revenir  à  la  bonne 
voie,  mais  le  renvoya  à  Ananie  pour  être 
instruit  de  toutes  les  circonstances  de  sa 
nouvelle  vie. 

La  cinquième  cause  est  de  ramener  k  son 
sens  \ei  inspirations  de  Dieu,  et  même  les 
choses  révélées.  C'est  ainsi  que  Satan  aurait 
voulu  tromper  Jésus-Christ  en  lui  faisant 
entendre  ces  paroles  :/'ot  ordonné  à  mei 
Qugtt  de  vous  garder 9  etc. ,  dans  un  sens  qui 
allait  k  tenter  Dieu,  et  k  inspirer  de  Torgueil. 
11  est  important  de  ne  point  s'écarter  du  sens 
donné  |:^r  l'Eglise  k  l'Ecriture  sainte,  et  par 
la  tradition,  autrement  on  risque  de  tomber 
dans  l'illusion  ou  l'hérésie. 

Louis  Du  Pont  fait  sur  cette  matière  une 
belle  réflexion  :  Il  dit  que,  quand  il  s'agit 
d'Ecriture  sainte  et  de  cnoses  révélées,  il  ne 
iaut  pas  précisément  y  adhérer,  parce  que 
notre  raison  saisit  les  raisons  de  croire  et 
d'acquiescer  rationnellement  k  ce  qui  est 
enseigné  ;  mais  l'admettre,  parce  qu'il  est 
révélé, parce  que  noire  raison  peut  nous 
tromper  quelquefois,  et  que  la  parole  de 
Dieu ,  acceptée  même  contre  notre  sens ,  ne 
nous  trompera  jamais  ;  et  il  ajoute  qu'il  ne 

DicnoHS.  D*AsciTisiis.  l. 


faut  pas  croire  au  démon  même  quand  il  a 
raison.  En  effet ,  il  s'empare  de  nous  au«- 

I'ourd'hui  par  la  raison ,  demain  ce  sera  par 
'erreur. 

La  sixième  cause  est  de  désirer  les  choses 
extraordinaires,  il  vaut  mieui  et  il  est  beau- 

coupplussûrdedésireretdesuivre  les  choses 
ordinaires  que  celles  qui  sortent  du  train 
commun  de  la  vie  régulière  ;  car  l'esprit 
d'illusion  est  un  esprit  excentrique ,  un  es- 
prit ami  des  choses  singulières.  Les  devoirs 
ordinaires  du  genre  de  vie  qu'on  a  choisi  • 
les  actions  communes,  qui,  lorsqu'elles  sont 
bien  faites,  peuvent  nous  élever  si  haut 
dans  la  perfection ,  lui  sont  fastidieuses  et 
dégoûtantes.  Il  lui  faut  de  l'éclat ,  tendre 
au  martyr,  aspirer  k  faire  un  jour  des  mi« 
racles ,  a  faire  parler  de  sa  haute  sainteté. 
Leur  faiblesse  même  ne  les  empêche  pas 
d*aspirer  aux  grands  effets ,  et  ces  personnes 
s'appliquent  k  elles-mêmes  ces  paroles  : 
Vous  avez  caché  ces  choses  aux  sages  ci  aux 
prudents ,  et  vous  Us  avez  révélées  aux  ne- 
iits. 

Ce  qui. est  extraordinaire  dans  les  saints 
doit  être  admiré  et  non  imité.  Voilk  une 
maxime  sanctionnée  par  l'expérience.  «  11 
faut  louer  Dieu ,  dit  Louis  Du  Pont ,  de  ce 
qu'il  a  tiré  sa  gloire  de  certaines  actions  hé- 
roïques et  extraordinaires  accomplies  par 
les  saints ,  mais  il  faut  se  donner  de  garde 
de  suivre  l'esprit  tentateur  qui  nous  pousse 
k  être  les  singes  des  saints  oans  les  grandes 
choses,  lorsque  nous  n'avons  pas  encore 
appris  k  être  irréprochables  et  bien  dans  les 
plus  petites.  » 

Voilk  les  causes  et  les  racines  de  nos  illu- 
sions. Il  faut  y  faire  une  attention  d'autant 
plus  grande ,  qu'une  ignorance  coupable  des 
choses  qu'on  doit  savoir  n'excuse  jamais  de 
l'illusion  et  de  ses  suites.  Ils  marchent  comme 
des  aveugles ,  dit  Isaïe ,  parce  quHls  pèchent 
contre  Dieu.  Et  saint  Paul  reprend  ceui  qui 
ont  du  zèle ,  mais  non  selon  la  science. 

Il  y  a  donc  des  impies  criminellement 
ignorants  et  en  pleine  sécurité  pour  eux- 
mêmes,  mais  Dieu  les  menace,  parce  que 
leur  aveuglement  est  volontaire.  D'où  il 
suit  qu'avec  une  intention  droite ,  actuelle- 
ment du  moins ,  on  peut  avoir  du  zèle  pou? 
plaire  k  Dieu  et  n'être  pas  k  l'abri  du  péché, 
si  ce  zèle  n'est  pas  selon  les  règles  de  la  loi 
et  de  la  vraie  science.  Lk  reviennent  les 
exemples  de  Saûl,  de  David,  deTangeLao- 
dicée,  des  philosophes  païens  dont  saint 
Paul  a  dit  :  leur  cœur  insensé  s*e$t  obscurci. 
«  Il  V  aura  un  temps,  dit  saint  Chrysostome, 
où  l'ignorance  n'aura  pas  son  pardon.  »  — 
c  L'ignorance,  dit  saint  Thomas,  est  excu- 
sée de  faute  quand  elle  a  fait  commettre  une 
faute  qui  n'a  pas  une  faute  pour  principe  , 
mais  si  l'ignorance  commence  par  une 
faute,  rignorance,  n'excuse  plus.  » 

Il  y  a  quelques  péchés  plus  subtils  et  ca- 
chés ,  où  tombent  ceux  qui  s'efforcent  do 
servir  Dieu;  on  peut  les  méconnaître  par 
négligence  et  pour  cela  même  ils  sont  très- 
dangereux;  ce  sont:l*  Torgueil  spirituel, 
uar  lequel  on  estime  trop  intérieurement 

27 


8i3 


ILL 


DICTIONNAIRE 


ILL 


844 


SCS  bonnes  œuvres  et  soi-même;  2'  une 
trop  grande  confiance  dans  ses  propres  for- 
ces ;  3*  une  curiosité  téméraire  dans  les 
choses  divines. 

Remèdes  contre  V ignorance. —  Le  premier 
est  do  consulter  les  docteurs  ^  ses  direc- 
teurs ,  les  prélats ,  de  lire  leslivres  que  nous 
savons  contenir  la  vraie  science ,  et  si  par 
hasard  ces  sources  nous  manquent  quel- 
quefois, il  faut  consulter  la  droite  raison. 
Personne»  dit  saint  Augustin,  ne  doit  tenter 
Dieu  en  agissant  dans  Te  doute ,  tandis  qu'il 
a  un  conseil  à  prendre  quelque  part  ;  et  ce 
conseil,  il  faut  le  chercher  avec  ardeur,  et  se 
donner  du  souci  pour  découvrir  la  vérité 
qui  nous  manque. 

Le  second  remède  est  de  purger  sa  cons- 
cience en  évitant  les  péchés  à  venir  et  en 
effaçant  les  passés ,  en  domptant  les  pas- 
sions ,  en  suivant  les  divines  inspirations. 
Il  faut  enQn  s'exercer  aux  yertus ,  particu- 
lièrement à  l'amour  de  Dieu,  qui  découvre 
les  ignorances  et  en  fait  éviter  les  périis.i 

Le  troisième  remède  est  l'examen  Quoti- 
dien de  sa  conscience  selon  ces  paroles  (Pêal, 
Lxxvi }  :  Je  méditais  chatfue  nuit  avec  mon 
cœur....  «  Plus  je  m'examine  avec  soin ,  di- 
sait saint  Bernard  ,  plus  je  découvre  de  dé- 
fauts dans  les  plis  de  mou  cœur.»  C'est  donc 
une  sainte  et  utile  pratique  de  s'examiner 
chaque  jour.^ 

.  Quatrième  remède  :  L'oraison ,  tant  l'orai- 
son de  méditation  que  celle  de  demande. 
Puisque  les  forces  de  la  nature  abandonnée 
à  elle-même  ne  suffisent  pas  pour  nous  con- 
duire ,  ayons  recours  aux  forces  supplémen- 
taires de  la  grâce.  Qui  connaît  toutes  ses  igno^ 
ronces^  dit  le  Prophète  royal?  Purifiez-moi  de 
mes  ignorances...  Ne  vous  souvenez  point  de 
mes  ignorances.  £t  saint  Jacques  nous  dit  : 
5i  quelqu*un  de  vous  a  besoin  ae  sagesse ,  Qu'il 
la  demande  à  DieUj  qui  en  donne  à  tous  abon- 
damment. 

Nous  devons  en  conséquence  avoir  une 
crainte  continuelle  des  illusions  et  des  igno- 
rances, éviter  soigneusement  celles  qu'il 
dépend  de  nous  de  ne  point  encourir,  et 

3ui  seraient  coupables  dès  lors ,  et  deman- 
er  pardon  à  Dieu  des  autres. «Commençons 
par  étudier  avec  soin  les  choses  qui  sont 
nécessaires  au  salut,  car  l'ignorance ,  dit 
saint  Isidore ,  est  la  mère  des  erreurs ,  la 
nourrice  des  vices;  par  Tignorance  le  péché 
prévaut  ;  l'ignorant  ne  sent  point  le  délit  ni 
ses  conséquences.  Le  sage  examine  tout  : 
il  juge  entre  le  bien  et  le  mal.  C'est  un  bien 
souverain  de  savoir  ce  qu'il  faut  éviter,  une 
souveraine  misère  de  ne  savoir  le  but  au- 
quel il  faut  tendre.  Aimez  donc  la  sagesse , 
et  elle  vous  visitera;  approchez-vous  d'elle, 
et  elle  viendra  à  vous  ;  soyez  son  serviteur, 
et  elle  vous  instruira.  » 

Illusions  spéciales  du  spirituel.  —  Nous 
avons  quelques  observations  particulières  à 
faire  h  ceux  qui  se  livrent  à  1  oraison. 

Si  une  oraison  longue  et  recueillie,  fût- 
elle  dévote  jusqu'aux  larmes,  accompagnée 
de  faveurs  et  cfe  grâces,  si  d'ailleurs  elle 
n'a  pas  les  sentimenis  de  pénitence,  les 


tristesses  et  les  douleurs  de  la  morlificationi 
elle  ne  persévérera  pas  :  car  elle  est  ou  un 
privilège,  ou  un  miracle,  ou  une  illusion. 

L'oraison  gui  est  un  obstacle  au  devoir 
est  une  illusion  ;  l'oraison  qui  ne  sait  pas 
quitter  Dieu  pour  Dieu,  et  subvenir  à  U 
charité  fraternelle  obligatoire,  qui  préfère  la 
pénitence  à  l'obéissancei  est  une  démence 
ou  une  illusion* 

L'oraison  qui  n'extirpe  pas  les  vices  est 
une  illusion. 

L'oraison  même,  accompagnée  de  visions 
et  de  ravissements,  si  elle  n'est  fondée  sur 
les  vertus  morales  de  l'humilité,  de  la  pa- 
tience, de  l'obéissance,  est  une  illusion. 

Se  persuader  que  la  vie  spirituelle,  où  sa 
partie  principale  consiste  en  prières  vocale$« 
dans  le  mouvement  des  lèvres,  dans  des 
gestes  affectés,  dans  certaines  attitudes  eité< 
rieures,  c'est  une  illusion* 

Celui  qui  prend  son  sens  propre  pour  le 
sens  de  Dieu,  et  croit  que  toutes  ses  inspi- 
rations intérieures  sont  des  iuspirations  de 
Dieu,  est  dans  l'illusion. 

L'oraison,  qui  éloigne  quelqu'un  des  occa- 
pations  commandées  par  sa  vocation  et  son 
état,  est  une  illusion,  d*où.fi  suit  que  per- 
sonne n'est  plus  sujet  aux  illusions  que  ceux 
qui  se  livrent  à  de  longues  méditations  et 
oraisons,  et  particulièrement  ceux  qui  7 
goûtent  de  grandes  consolations.  On  peut 
voir  à  l'article  oraison  de  quella  importance 
elle  est  dans  la  vie  spirituelle,  quel  rôle  de 
premier  ordre  elle  joue  dans  l'affaire  de  la 
sanctification,  mais  pour  cela  faut-il  pallier 
ses  dangers?  Les  lemmes,  les  personnes 
d*une  intelligence  légère,  d'une  imaginalioa 
vive  et  ardente,  les  jeunes  gens  aux  idées 
paradoxales,  doiventse regarder  comme  très- 
sujets  aux  illusions.  Quelquefois  la  solitude 
prolongée  engendre  là  mélancolie  ou  l'es- 
prit de  singularité,  et  peut  aussi  ouvrir  la 
voie  des  illusions. 

Effets  des  illusions.  —  Le  premier  est  de 
rendre  les  spirituels  trop  attachés  à  leur 
volonté  propre,  sévères  dans  leurs  juge- 
ments, s'opposant  aisément  à  l'avis  de  leurs 
directeurs  ou  de  leurs  supérieurs ,  mettant 
facilement  de  côté  les  décisions  des  Pères  de 
la  vie  spirituelle.  Dieu  alors  leur  Iftche  la 
main,  et  ils  tombent  dans  une  foule  de  pé- 
chés secrets. 

Le  second  est  l'aveuglement  spirituel  qui 
prend  le  mal  pour  le  bien  :  ce  qui  précipite 
dans  le  péché. 

Le  troisième  est  une  fausse  estime  de  soi- 
même  et  une  grande  conQance  en  soi-même, 
ce  qui  engendre  l'orgueil  et  précipite  dans 
l'illuminisme. 

Le  quatrième  est  d'être  friand  de  louanges 
mondaines  et  par  suite  de  se  faire  de  tsni 
amis  qui  puissent  caresser  votre  vanité  et 
occuper  les  imaginations  de  votre  mérite. 

Règles  pour  corriger  les  esprits  ùeiés.  — 
La  première  est  que  le  père  spirituel  étudie 
avec  attention  le  caractère  de  son  péniteot 
ou  Je  ^on  disciple,  et,  s'il  connaît  bien  |6 
caractère  de  son  génie,  il  connaîtra  paria 
l'esprit  qui  le  dirige.  S'il  a  un  génie  para- 


Sis 


ILL 


doial  et  faux,  il  sera  imprudent,  iroportua 
et  noTateur.  S'il  est  ruse  et  malin,  son  es- 
prit sera  insidieux  même  dans  le  bien,  il 
sera  tortaeux  et  mystérieux.  S*ii  est  délicat 
eiminatieuxy  il  aimera  les  petites  commo- 
dités de  la  sensualité,  etc.  Enfin  l'esprit  est 
puéril  dans  les  jeunes  gens,  paradoxal  dans 
les  insensés,  faible  et  sans  fond  dans  les 
femniesyleiit  dans  les  grossiers,  et  quoique 
l'esprit  surnaturel  élève  et  perfectionne  la 
nature,  cependant  il  ne  parvient  (presque 
jamais  h  corriger  entièrement  Tesprit  de  la 
oalure;  il  reste  toujours  du  vieil  bomme. 

La  seconde  règle  est  aue  le  mattro  de  la 
fie  spirituelle  observe  les  manières  natu- 
relles de  son  dirigé  dans  les  actions  ordi- 
udires  de  la  vie  matérielle,  dans  les  repas, 
lesconversations,  la  joie,  la  promenade,  etc.  ; 
surtout  dans  les  moments  de  récréation,  où 
Tâine  se  relAcbe  et  se  montre  à  nu  telle 
qu'elle  est,  et  où  Ton  discerne  Pespril  qui  di- 
rige chacun. 

La  troisième  est  Tinslruction.  Il  faut  que 
le  père  spirituel  éclaire  l'ignorance  de  ceux 
quil  dirige  par  son  instruction,  qu'il  ré- 
prime ses  excès  et  ses  imprudences.  Il  est 
plus  facile  de  corriger  les  intentions  vi- 
cieuses que  les  pencnants  pervers  de  la  na- 
ture. La  matière  est  délicate  et  pleine 
d'épines,  mais  avec  de  l'attention,  le  secours 
(le  son  expérience  et  de  ses  lumières  ac- 
quises, le  père  spirituel  peut  porter  la 
lumière  dans  les  recoins  ténébreux  et  re- 
dresser les  tortuosités  de  la  nature  comme. 
UQ  habile  médecin  avec  d'ingénieux  appa- 
reils. 

La  quatrième  est  de  s'exercer  à  l'humilité, 
si  le  maître  de  la  vie  spirituelle  remarque 
que  celui  qu'il  dirige  aime  l'action,  te  bruit, 
les  acclamations,  la  célébrité,  qu'il  soit 
visité  pour  sa  réputation  de  sainteté,  quand 
oiéme  il  serait  favorisé  des  plus  hautes  fa- 
veurs spiritaelles,  il  doit  plaindre  cet 
komme,  lui  conseiller  la  solitude,  le  si- 
lence, la  mortification  ;  lui  découvrir  son 
c6té  faible  et  ses  péchés,  afin  de  corriger  nar 
i'bumilité  ce  qui  est  infecté  par  la  vanité. 

La  cinquième  règle  est  que  le  mattro 
delà  vie. spirituelle  enseigne  à  son  disciple 
que  la  sainteté  ne  consiste  pas  dans  les  ra- 
Tissements,  les  visions  et  le  don  des  larmes, 
mais  dans  une  grande  charité  envers  Dieu 
e(  envers  le  prochain,  dans  Thumilité  au 
milieu  des  mépris,  dans  la  patience  au  tra- 
vail, Tobéissance  aux  supérieurs.^  Si  les  fa- 
veurs et  douceurs  de  la  dévotion  ne  reposent 
sur  ces  vertus,  il  y  a  illusion. 

La  siiième  est  d'inculquer  sans  rel&cho 
'^ede  pensée  que  la  sainteté  peut  exister  sans 
aucune  faveur  extraordinaire,  et  que  les 
douceurs  peuvent  exister  sans  la  sainteté, 
t't  qu'il  ne  faut  s'attacher  par  conséquent 
qu'aux  vertus  solides  sans  désirer  autre 
chose. 

Le  démon  même  peut  quelquefois  faire 
sentir  certains  attraits  dans  les  bonnes 
«Qvres,  afin  d'exciter  la  gourmandise  spiri- 
loelle  et  d'exploiter  ensuite  des  intentions 


D^ÂSCETISME.  un  8M 

peu  droites,  et  pousser  inseQsiblement  au 
mal. 

La  septième  règle  est  que  le  disciple  ne 
soit  pas  loué  en  face  par  son  maître  ou  par 
son  directenr. 

IMITATION  DE  J.-€.  (NécESSiTÉ  de  l'). 
—  Un  dés  meilleurs  moyens  de  faire  de  ra^ 
pides  progrès  dans  la  voie  de  la  perfection 
(voir  Perfection) t  c'est  Vimitation  de  Jésus-- 
Christ^  qui,  pendant  sa  vie,  s'est  offert  à 
nous  comme  un  divin  modèle. 

1*  L'Écriture  sainte  nous  le  prouve  en 
maint  endroit.  Le  Seigneur,  parlant  à  Moïse 
du  Tabernacle,  figure  de  Jésus-Christ,  lui 
dit  :  Ayez  soin  de  faire  tout  selon  le  modèle 

fut  votÂê  en  a  été  montré  sur  la  montagne. 
Hebr.  vui,  5.)  Je  suis  la  voie^  la  vérité  et  la 
«te,  f/oofi.  XIV,  6.)  Celui-ci  est  mon  Fils  bien- 
aimt^  écoutez-'le.  {Luc.^  ix.  35.  )  Apprenez  de 
moi  aue  te  suisdoux  et  humbledecœur.  (McUth. 
XI,  ^.  ;  Youê  m^appelez  MaUre  et  Seigneur ^ 
et  vous  dites  frten,  car  je  le  suis,  [Joan.^  xiii„ 
13.]  Cor  cetix^'t/  a  connue  par  sa  prescience^ 
il  les  a  aussi  prédestinés  pour  être  conformes 
à  Vimage  de  son  Fils.  (Rom.  vni,  20.) 

2°  Joignons  au  témoignage  de  l'Écriture 
sainte  celui  des  SS.  Pères.  «  Mon  bien-aimé , 
toutes  les  actions,  toutes  les  paroles  de 
notre  Sauveur  Jésus-Christ,  doivent  nous 
servir  de  règle  pour  le  culte  de  la  piété  et 
la  pratiquede  la  vertu.  1 1  a  revêtu  la  nature  hu- 
maine afin  de  nous  dépeindre  en  lui,  comme 
sur  un  tableau,  la  vertu  et  la  piété  véritables  : 
c'est  un  modèle  qu'il  nous  met  devant  les 
yeux  h  tous  indistinctement,  hommes  ou 
femmes,  afin  que  nous  l'imitions  chacun 
dans  la  mesure  de  nos  forces.  »  (Saint  Ba- 
sile, Conal.  Jfon.,  c.  2.)  «  Toute  sa  vie  sur 
la  terre,  dans  la  nature  humaine  qu'il  a  dai- 
gnée prendre,  a  été  pour  nous  une  école  de 
mœurs.  »  (Saint  Augustin,  L*de  vera  relig», 
c.  16.)  Le  même  saint  dit  encore  :  «  L'homme, 
pour  arriver  h  la  béatitude,  devait  suivre 
Dieu,  mais  il  ne  pouvait  le  voir  ;  Dieu  s'est 
donc  fait  homme  afin  qu'il  pût  suivre  Celui 
qu'il  pouvait  voir  et  au*il  devait  suivre.  » 
(L.  vu  De  Trînit.t  c.  3.)  •  Attirez-moi  à  votre 
suite^  dit  l'épouse  à  son  Seigneur  :  elle  veut 
ainsi  pouvoir  marcher  sur  ses  traces  afin  de 
s'efforcer  d'imiter  sa  vertu  et  de  suivre  les 
règles  de  vie  et  de  conduite  qu'il  lui  a  don- 
nées. 9  (Saint  Bermaad,  serm.  21,  in  Cant») 
Le  livre  de  Vimitation  de  Jésus-Christ  est 
consacré  tout  entier  à  l'exposition  de  cette 
vérité.  On  peut  consulter  encore  à  ce  sujet, 
Blosius  {Margar,spir.)t  Thauler  et  Rusbro- 
chius. 

3**  La  raison  nous  en  fournit  à  son  tour 
une  démonstration  convaincante.  Jésus- 
Christ  est  venu  dans  le  monde  comme  le 
Roi  des  rois  (  Apoc.  xix ,  16  ) ,  notre  chef  ci 
notre  législateur,  qui  devait  terrasser  Luci* 
fer,  et  combattre  avec  les  armes  de  la  pau- 
vreté et  de  l'humilité  contre  les  honneurs, 
les  richesses  et  les  plaisirs.  Il  a  donc  voulu 
commander  aux  Cfhrétiens  comme  à  ses 
troupes,  et  leur  donner  lui-même  l'exemple 
de  ce  qu'ils  avaient  k  faire  ;  soit  parce  que» 
sans  ce  divin  exemple,  ils  perdraient  ^"'"- 


8i7 


IMI 


DICTIONNAIRE 


IMI 


lus 


tôl  courage;  soil  (>arcc  que,  sans  lui,  serait 
diminuée  reflicacitéde  la  rédemption, eOica- 
cilé  pour  laquelle  notre  coopération  est 
nécessaire  ;  soit  enfin  parce  que,  sans  lui,  les 
enseignements  du  Christ  n*auraient  pas  cette 
force  d*impulsioo  qui  résulte  do  Tattrait  de 
Texemple. 

La  foi  catholique,  dans  le  symbole  dos 
apdlr'es,  nous  enseigne  à  croire  en  Jésus* 
Christ^  son  Filsunique  (de Dieu  le  Père)  notre 
Seigneuff  gui  a  été  conçu  du  Saint-Esprit  ei 
est  né  de  la  Vierge  Marie,  Nous  croyons  en- 
core que  Jésus-Christ,  depuis  sa  conception 
et  sa  naissance  jusqu'à  sa  passion ,  a  vécu 
do  la   manière  que  nous  le  racontent  les 

?|uatre  saints  évangélistes.  «  Pour  que  le 
ruil  salutaire  de  cette  vie  puisse  rejaillir 
jusqu'à  nous ,  dit  le  Catéchisme  romain  {De 
syrnb,)f  nous  devons  sans  cesse  arrêter  et 
fixer  notre  mémoire  et  notre  esf)rit  sur  cette 

()ensée,  que  c*cst  Dieu  qui  a  pris  la  chair  de 
'homme  ;  au'il  s*cst  fait  homme  par  un  pro- 
dige auquel  notre  esprit  ne  peut  atteindre, 
bien  loin  que  notre  bouche  puisse  en  donner 
l'explication;  qu'il  s'est  fait  homme  enfin 
dans  le  but  de  nous  régénérer  comme  en- 
fants de  Dieu.  Après  cette  attentive  consi- 
dération, nous  devons  croire  et  adorer  avec 
foi  et  humilité  tous  les  mystères  que  con- 
tient cet  article  ;  nous  devons  surtout  pren- 
dre garde  de  vouloir  les  scruter  et  les  pé- 
nétrer, car  notre  curiosité  nous  serait  pres- 
que toujours  fatale Le  curé  doit  s'appli- 
quer a  graver  profondément  dans  le  cœur  et 
l'esprit  des  fidèles  ces  mystères,  qui  sont 
une  partie  essentielle  de  notre  dogme  ; 
d'abord  afin,  par  le  souvenir  d'un  si  grand 
bienfait,  de  leur  inspirer  des  sentiments  de 
reconnaissance  envers  Dieu,  leur  Créateur  ; 
ensuite  afin  de  leur  proposer  à  imiter  ce 
modèle  d*una  humilité  si  rare  et  si  pré- 
cieuse. »  Canisius  nous  donne  aussi  cet  avis 
dans  son  Cathéchisme  :  «  Il  faut  fuir  avec 
soin  l'erreu  r  de  ceux  qui  ne  confessent  Jésus- 
Christ  aue  d'une  manière  en  quelque  sorte 
incomplète,  en  ne  le  reconnaissant  que 
comme  le  Médiateur  et  le  Rédempteur  en 
qui  nous  devons  croire ,  et  non  comme  le 
modèle  de  toutes  les  vertus  que  nous  devons 
imiter.  «  {De  symb.^  1 10.) 

Puisque  Jésus-Christ,  pendant  sa  vie,  s'est 
offert  à  nous  comme  noire  modèle,  nous  de- 
vons donc  l'imiter,  autant  qu'il  est  possible 
à  notre  faiblesse,  aidée  des  secours  de  la 
grAce.  On  le  prouve  : 

l"*  Par  l'Ecriture  sainte  :  levons  ai  donné 
l^^exemple^  afin  que  ce  que  fai  fait  à  votre 
égards  vous  le  fassiez  aussi.  {Joan.  xiii,  15  ) 
Le  Seigneur  a  dit  è  Pierre  :  Suivez-moi 
{Joan.  XXI,  19),  et  à  tous  les  disciples  :  Vous 
qui  m'avez  suivi.  {Matth.  xix,  28.)  5t  queU 
quun  veut  marcher  à  ma  suite ,  qu'il  fasse 
abnégation  de  lui-même  ^  qu'il  porte  sa  croix 
et  qu'il  me  suive,  { Matth.  xvi,  2k,)  Celui  qui 
dii  quil  demeure  en  Jésus-Christ ,  doit  mar- 
cher  lui-même  comme  Jésus-Christ  a  marché, 
(/  Joan,  II,  6.)  Revêtez-vous  de  Notre-Sei- 
gneur  Jésus-Christ.  (Aom.  xiii,  !&-.)«(  Se  revê- 
tir de  Jésus-Christ  y  dit  saint  Thomas^  c'est 


imiter  Jésus-Christ  :  car  de  même  que 
rhoramc  est  enveloppé  de  vêtements  et  pa- 
ralt  sous  sa  couleur,  de  même  dans  celui 
qui  imite  Jésus-Christ,  on  voit  paraître  les 
œuvres  de  Jésus-Christ.  »  (Lect.  3.) 

2*  Par  les  saints  Pères  :  «  Jésus-Christ  a 
pris  notre  corps  uniquement  pour  que  nous 
pussions  l'imiter  dans  notre  conduite  au- 
tant qu'il  est  possible.  »  (Saint  Basile., 
Const,  Mon,)  «  Si  quelqu'un  prend  le  nom 
de  Jésus-Christ  sans  exprimer  ni  reproduire, 
par  sa  conduite,  toutes  les  vertus  que  ce 
nom  rajppelle ,  il  se  nare  d'un  faux  nom.  » 
(Saint  Grégoire  de  Nysse,  Ep,  ad  Harmon.) 
«  Aimons  donc  Jésus-Christ  et  demeurons 
en  lui.  »  (^Saint  Augustin,  I.  vu  De  Tnii., 
C.3.)  «  Qui  est  sans  péché?  s'écrie  saint  Am- 
broise,  c'est,  non  celui  qui  marche  dans 
n'importe  quelle  voie ,  mais  celui  qui  s'a- 
vance h  la  suite  de  Jésus -Christ.»  (  InPs, 
cxviii,  serra,  i.)  a  Je  vous  en  conjure,  je 
vous  en  supplie»  mes  frères,  ne  rendez  pas 
inutile  ce  précieux  exemple  qui  vous  a  été 
donné  :  conformez-y  votre  conduite,  s 
(Serm.  1  DeNat.) 

3*  Par  la  raison.  Si  c*est  un  glorieux  mé- 
rite, chez  les  hommes,  do  suivre  le  roi,  de 
régler  son  caractère  et  ses  habitudes  sur  les 
siennes,  soit  en  gouvernant  avec  justice 
pendant  la  paix,  soit  en  combattant  coura- 
geusement et  en  mourant  pour  lui  pendant 
la  guerre,  que  faudra-t-il  faire  pour  Jésus- 
Christ  notre  roi?  D'ailleurs  tous  les  Chré* 
tiens  ont  été  enrôlés  dans  la  milice  de  Jésus- 
Christ  par  le  sacrement  du  baptême,  en 
renonçant  à  Satan ,  avec  toutes  ses  pompes 
et  toutes  ses  œuvres ,  et  dans  le  sacrement 
de  confirmation,  en  s'engageant  à  combattre 
ouvertement  pour  Jésus-Christ  contre  ses 
ennemis  et  contre  les  nôtres  ;  serment  qu'ils 
ne  peuvent  violer  en  cessant  de  marcher 
sous  la  conduite  de  Jésus-Christ,  sans  la 
plus  noire  perûdie.  Enfin,  contre  l'erreur 
des  pélagiens ,  il  est  certain  que  nous  avons 
reçu  de  Jésus-Christ,  non-seulement  la 

Î;rAce  extérieure  de  son  incarnation,  par 
aquelle  il  est  devenu  notre  modèle,  non- 
seulement  les  grAces  instrumentales,  sacra- 
mentelles des  sacrements ,  mais  encore  les 
grAces  intérieures  des  vertus  »  des  dons  et 
des  secours  qui  raniment  notre  force. 
(Trid.,  sess.  yi,  c.  16.)  Donc,  puisque  Jésus- 
Christ,  notre  chef,  donne  à  ses  soldats  la 
force  de  combattre  avec  lui»  nous  pouvons 
et  nous  devons  l'imiter  et  vaincre  arec 
lui. 

Aucune  excuse  ne  peut  nous  dispenser 
de  l'obligation  d'imiter  Jésus-Christ.  En 
effet  :  1*  Il  nous  est  ordonné  ou  conseillé 
d'imiter  Jésus-Christ,  non  pas  tous  au  même 
degré,  mais  selon  notre  faiblesse  et  noire 
condition,  en  aspirant  toijyours  à  une  pe^ 
fecLionplus  élevée.  2''Nous  combattons  sous 
un  chef  qui  nousfournit  non-seuleoaent  les 
armes,  mais  encore  l'esprit,  le  courage  et  la 
force.  3*  Notre  chef  vient  de  lui-même  eo 
aide  à  l'insuflisance  de  notre  faiblesse. 
4*  Il  nous  est  ordonné  de  rechercher  non  ce 
qu'il  y  a  de  grand,  mais  ce  -qu'il  j  a  de 


s  19 


D*ASCEnSlIE. 


SoO 


plus  humble  dans  le  monde;  d*aimer  non  les 
richesses,  les  honneurs  et  les  rojanmes  da 
monde,  ce  qui  serait  impossible  h  la  plu- 
part, mais  la  pauvreté,  rbumilité  et  Fobéis- 
sance,  ce  gui  est  facile  à  tous  les  hommes. 
Pour  imiter  dans  notre  conduite  le  divin 
modèle  que  nous  a  tracé  Jésus-Christ,  il  nous 
laut  absolument  nous  exercer  souvent  à  ta 
wtédiiaiion  de  sa  rie.  On  le  prouve,  i*  par 
rficriture  sainte:  Considérez  et  faites  {Exod, 
XXV,  40)  ;  éeoutez4e  {Luc.  ix,  &},  non-seu* 
lement  des  oreilles,  mais  au  fond  de  votre 
coeur  où  il  vous  parle  dans  la  méditation. 
La  vie  étemelie  consiste  à  reconnaUre  q%u 
vous  êtes  le  seul  Dieu  véritable^  ainsi  que 
Jésus-Christ  que  vous  avez  envoyé.  [JoUn. 
XVII,  3.)  Or  comment  reconnaître  (a  divinité 
de  Jésus-Christ,  sinon  par  une  sérieuse  mé- 
ditation de  sa  vie.  Citons  aussi  l'exemple 
de  Marie,  au  moment  de  Tadoration  des  pas- 
leurs  :  Or  Marie  conservait  toutes  ces  paro^ 
ies^  tes  repassant  dans  son  cœur.  {Luc.  ii,  19.) 
Sa  mère  conservait  toutes  ces  choses  dans  son 
cœur,  {ibid.,  51.)  Il  est  dit  de  sainte  Made- 
leine :  Se  tenant  assiic  aux  pieds  de  Jésus^ 
elle  écoutait  sa  parole,  {Luc.  x,  39.)  Je  suis 
la  porte^  dit  Jésus-Cbrist;  si  quelqu'un  entre 
par  moi  il  sera  sauvé;  il  entrera  et  il  sortira. 
{Joan.  X»  9.)  Ce  que  saint  Thomas  explique 
ainsi:  «Les  saints  entreront  pour  contempler 
la  divinité  du  Christ,  et  sortiront  pour  con- 
sidérer son  humanité.  »  (Lect.  2.) 

2* Par  les  saints  Pères:  «  Eludiez,  je  vous 
en  prie,  et  méditez  chaque  joUr  les  paroles 
de  votre  Créateur.  »  (Saint  GhécoiBE,  h  iv 
Reg.^  ep.  40.)  c  Bon  Jésus!  s*écrie  saint  An- 
selme, que  vous  êtes  doux  dans  le  cœur  de 
eelui  qui  vous  médite  et  qui  vous  chérit  ! 
Et  certainement  je  ne  sais,  parce  que  je  ne 

Cois  le  comprendre,  pourquoi  vous  êtes 
eaucoup  plus  doux  dans  le  cœur  de  celui 
qui  vous  cnérit  à  cause  de  votre  incaniation 
que  comme  étant  le  Verbe  divin;  à  cause  de 
votre  humilité  que  de  votre  sublimité.  > 
{Med.  12.)  c  Que  fœuvre  la  plus  importante 
et  la  plus  précieuse, rœ'uvreae notre rédemp* 
tion,  ne  sorte  jamais  du  souvenir  de  ceux 
qui  ont  été  rachetés.  Dans  cette  œuvre,  il 
est  deux  points  dont  je  vous  recommande 
surtout  la  considération....  Ces  deux  points 
sont  le  modeet  le  fruit.  Le  mo Je  est  Tanéan- 
tissement  de  Dieu  ;  le  fruit  est  la  descente 
en  nos  âmes  de  ce  Dieu,  qui  les  remplit. 
Cette  méditation  est  une  source  de  sainte 
espérance,  un  foyer  ardent  de  souverain 
amour;  tous  deux  sont  nécessaires  pour 
avancer  dans  la  perfection.  »  [Saint  Beaxabd, 
serm.  11  m  Cant.)  Sainte  Tnérèse  se  plaint 
vivement  d'être,  h  la  suite  de  certaines  lec- 
tures, tombée  dans  ce  préjugé,  qu'elle  de- 
vait s'appliquer  è  détourner  son  esprit  de 
rhumanité  Je  Jésus-Christ,  pour  s'attacher 
i  la  contemplation  de  sa  divinité.  Et  elle 
s*écrie  :  «  O  Seigneur  de  mon  âme  et  mon 
unique  bien!  6  Jésus-Chrislcrucîfié!?îon,  je 
ne  puis  me  rappeler  cette  dangereuse  opi-  ^ 
nîoo  dans  laquelle  je  suis  tombée,  sans  être  ^ 
cruellement  tourmentée  par  la  pensée  d'a- 
voir commis  contre  vous,  quoique  par  igno- 


rance, une  infâme  trahison.  »  (Tiï.,  c.  ^.) 
Et  dans  son  livre  intitulé, le  Château  inté- 
rieur, elle  conclut  en  ces  termes  :  «  Je  crois 
2u'il  reste  surabondamment  prouvé  qu'une 
me,  même  élevée  à  un  haut  degré  de'spiri- 
lualité,  nedoit  jamais  compi-endre  qu'il  faille 
fuir  les  choses  sensibles  jusqu'à  s  imaginer 
qu'il  puisse  y  avoir  dommage  dans  la  mé- 
ditation de  la  sainte  humanité  de  Jésus- 
Christ.  »  (Mans.  6,  c.  7.)  Btosius  dit  aussi 
«  qu'on  ne  peut  se  faire  une  idée  de  l'utilité 
d'une  pieuse  et  fréquente  méditation  ou  lec- 
ture de  la  vie  de  Notre-Seigneur  Jésus- 
Christ.  »  {Proœm.  ad  vit.  spirit.)  Il  confirme 
ses  paroles  par  l'exemple  de  sainte  Mech- 
tilde,  et  cite  sur  ce  point  l'opinion  de  Thau- 
1er  et  de  Rusbrochius,  qui  appelaient  la  vie 
de  Jésus-Christ  un  livre  et  un  miroir,  objet 
pour  nous  d'une  méditation  continuelle. 

3*  Par  la  raison.  La  méditation  de  la  vie 
de  Jésus-Christ  donne  de  la  ferveur  à  notre 
foi  :  elle  nous  fait  croire  que  notre  salut 
dépend  de  lui  et  de  ses  mérites,  puisque  le 
salut  n*est  en  aucun  autre^  et  que  c'est  sou 
exemple  qui  nous  pousse  à  nous  appliquer 
le  fruit  de  la  rédemption.  C'est  par  ceUe  foi 
que  les  pécheurs  cessent  de  redouter  la  jus- 
tice divine,  c  et  renaissent  h  Tespérance,  par 
la  considération  de  la  miséricorde  de  Dieu  : 
ils  ont  confiance  que  Jésus-Christ  leur  ren- 
dra Dieu  propice,  et  ils  commencent  à  l'ai- 
mer comme  la  source  de  toute  justice.  > 
(Trid.,  sess.  vi,  c.  6.)  Il  faut  donc  méditer 
souvent  la  vie  de  Jésus-Christ  pour  arriver  à 
la  foi,  à  l'espérance ,  à  la  charité  et  à  son 
imitation;  et  il  le  faut  d*autant  plus  que 
cette  vie  nous  offre  le  modèle  de  toutesles 
vertus. 

Ce  n'est  pas  seulment  dans  sa  vie,  c'est 
surtout  dans  sa  passion  que  Jésus-Christ 
s'est  offert  à  nous  comme  un  modèle  h  inii-* 
ter.  Ainsi  l'enseignent,  1*  la  sainte  Ecriture  : 
O  vous  touSf  qui  passez  par  le  chemin^  consi^ 
dérez  et  voyez  s'il  est  une  douleur  compa- 
rable à  la  mienne.  {Thren.  i,  12.)  Lorsque 
je  serai  élevé  de  terre^f  attirerai  tout  à  moi  ; 
il  disait  ces  paroles  pour  indiquer  ainsi  de 
quelle  mort  il  devait  mourir.  {Joan.  xii,  32.) 
Jetant  les  yeux  sur  Jésus^  rauteur  et  le  con-- 
sommateur  de  la  foi^  qui,  dans  la  tue  de  la 
joie  qui  lui  était  proposée^  a  souffert  la  croix. 
{Hebr.  xii,  2.)  Jésus-Christ  a  souffert  pour 
nous^vous  laissant  un  exemple^  afin  que  vous 
marchiez  sur  ses  traces.  (/  Petr.  xi,  21.) 

2^  Les  saints  Pètes.  «  Quand  môme  nous 
n'auriuns  aucune  récompense  à  espérer,  son 
exemple  seul  suffirait  pour  nous  exciter  à 
tout  souffrir.  »  (Saint  Jean  Chrysostome, 
Hom.  28  ad  Hebr.)  «  Aux  jreux  des  hommes 
la  croix  était  le  genre  de  mort  le  plusinfSme. 
Jésus-Christ  a  été  crucifié....  Toilà  l'ensei- 
gnement naturel  digne  de  toute  foi  pour  les 
Chrétiens  les  moins  intelligents,  et  purifié 
de  toute  erreur  pour  les  Chrétiens  éclairés.  » 
(Saint  AcûLSTi?!,  L.  de  vera  relig.f  c.  16.) 
c  Ha  philosophie  intérieure  la  plus  sublime, 
c'est  de  connaître  Jésus,  et  Jésus  crucifié.» 
(Saint  Bernard,  serm.  43  tu  Cant.)  C'est 
pourquoi  Blosius  conclut  avec  raison  que, 


851 


IMl 


DICTIONNAIRS 


lU 


m 


c  quand  mAme  tous  les  livres  de  Tunivers 
viendraient  k  être  anéantis,  la  vie  et  ta  pas- 
sronde  Jésus-ChristsuOiraient  abondamment 
aux  Chrétiens  pour  l'étude  de  toule  vertu  et 
de  toute  vérité.  »  (Conclav.  antiti.^  p.  r^ 
c.  10, 11.) 

Saint  Thomas  en  donne  la  raison  : 
«  1*  C'est  parce  que,  par  la  passion  de  Jésus^ 
Christ,  l'homme  connaît  tout  l'amour  que 
Dieu  lui  porte,  et  cette  connaissance  lui  fait 
aimer  Dieu,  en  qui  consiste  la  perfection  du 
salut  de  l'humanité  ;  2*  parce  que  par  elle  il 
nous  a  donné  l'exemple  de  l'obéissance^  de 
riiumilitéy  de  la  constance,  de  la  justice, 
enfin  de  toutes  les  vertus  nécessaires  au  sa- 
lut de  rhomme;  3*  parce  qu'elle  a  rendu 
plus  obligatoire  pour  l'homme  la  nécessité 
de  se  conserver  exempt  de  tout  péché,  en 
lui  rappelant  que  c'est  par  le  sang  du  Christ 
qu'il  a  été  racheté  du  péché  ;  &*  parce  que 
la  mort  sur  la  croix  de  Jésus-Christ  xait 
homme  a  montré  à  l'homme  juste  qu'il  ne 
doit  redouter  aucun  genre  de  mort.»  (iiip.» 
q.  M,  a.  3.) 

L'Eglise  catholique  croit,  avec  le  qua- 
trième article  du  symbole,  que  Jésus-Christ, 
Fils  unique  de  Dieu,  comme  Dieu,  et  de  la 
bienheureuse  Vierge  Marie,  comme  Dieu 
fait  homme,  à  la  tin  de  sa  très-sainte  vie, 
a  souffert  sous  Ponce  Pilale^  a  été  cruficii^ 
est  mort  et  a  été  enseveli.  Nous  croyons  aussi, 
avec  la  môme  foi,  que  toutes  les  circons- 
tances de  cet  article  sont  racontées  par  les 
quatre  saints  évangélistes ,  désignées  d'a- 
vance par  les  prophètes,  et  défendues  d'une 
iotianière  invincible  par  les  conciles  et  les 
saints  Pères,  contre  les  tentatives  sacrilèges 
et  audacieuses  des  infidèles  et  des  héréti- 
ques. Le  Catéchisme  romain  dit  à  propos  de 
cet  article  :  «  Cette  seule  passion  nous  pré- 
sente les  exemples  les  plus  éclatants  de  lou* 
tes  les  vert^is;  car  elle  nous  montre  tant  de 
patience^d'humilité,decharité  ineffable,  etc., 
que  nous  pouvons  dire  qu'en  ce  seul  jour 
de  sa  passiou,  notre  Sauveur  nous  a  fait  dé- 
couvrir en  lui  toutes  les  qualités  et  toutes 
les  vertus  qu'il  n'avait  pu  nous  recomman- 
der dans  tout  le  temps  de  sa  prédication.... 
Plût  à  Dieu  que  ces  mystères  fussent  tou- 
jours présents  à  notre  esprit,  et  que  nous 
apprissions  à  souffrir,  à  mourir  et  à  être 
ensevelis  avec  le  Seigneur!  » 

L'enfer  a  enfanté  mille  erreurs  contre 
cette  vérité  catholique,  et  il  est  arrivé  ce  que 
disait  l'Apôtre  :  Nous  prêchons  Jésus-Christ 
crucifié,  qui  est  un  scandale  aux  Juifs  et  qui  pa- 
rait une  folie  aux  gentils;  mais  qui  est  la  force 
de  Dieu  et  la  sagesse  de  Dieu  pour  ceux  qui 
sont  appelés  soit  Juifs^  soit  gentils.  (/  Cor. 
I»  23  et  2k.)  Les  principaux  hérétiques  sur 
ce  poiut  sont  :  1*  les  ariens ,  qui  nièrent  la 
divinité  de  Jésus-Christ  et  privèrent  ainsi 
sa  passion  de  la  partie  principale  du  mys- 
tère ;  2"  les  nestoriens,  qui,  supposant  en 
Jésus-Christ  deux  personnes  moralement 
unies,  n*attribuaient  le  mystère  de  la  pas- 
sion qu*à  la  seule  personne  humaine;  3°  les 
eutycbiens,  qui  ne  reconnaissaient  qu'une 
seule  nature  en  Jésus-Christ,  transforuiaicnt 


sa  nature  humaine  en  nature  divine,  et 
concluaient  ainsi  avec  les  théopaiites  et  les 
monophysiteSi,  que  Jésus-Christ  avait  souf- 
fert dans  sa  divinité  ;  h""  les  apotlinaristes, 
qui  niaient  l'Ame  du  Christ,  ou  refusaient  à 
son  Ame  toute  volonté,  ne  reconnaissant  à 
sa  place  çiue  la  seule  divin  ité  ;5*'  les  roonotbé- 
~  iites,  qui  ne  reconnaissaient  en  Jésvs-Cbrist 
qu'une  seule  volonté,  la  volonté  diviae:  ce 

3ui  détruit  l'intégrité  du  mystère  auguste 
e  la  passion  ;  car  la  passion  n'est  rien  sans 
l'Ame  et  sans  ses  actes,  par  lesquels  elle 
puisse,  en  elle-même  et  dans  le  corps,  sen- 
tir, souffrir  et  mériter  ;  6*  les  phanlasias- 
tes,  tels  que  les  manichéens,  qui  n'adnQet- 
taient  dans  le  Christ  qu'un  corps  fantasti- 
que, ou  céleste,  ou  élémentaire,  et  non  un 
corps  humain  et  véritablement  passible; ou 

2 ne  tes  t>asiliens,  qui  prétendaient  que  le 
hrist  n'arait  pas  été  crucifié,  et  que  Si- 
mon le  Cyrénéen  l'avait  été  à  sa  place. 
Nous  croyons  devoir  ici  consigner  auel- 

2ues  remarques  sur  la  passion  de  lésus- 
hrist  :  1*  Jésus-Christ ,  Notre  -  Seisnear» 
d'après  la  volonté  de  son  Père,  a  préféré  la 
mort  sur  la  croix  à  tout  autre  genre  de 
supplice,  afin  que,  comme  le  dit  l%glise,  le 
démon,  qui  avait  vaincu  par  le  bois,  fût 
vaincu  par  le  bois.  (  Préface  de  la  sainU 
Croix.)  Cayétan,  entre  autres  raisonsde  cette 
préférence,  donne  celle-ci  :  «  Il  a  choisi  la 
mort  sur  la  croix,  afin  de  pouvoir,  jusqu'au 
dernier  moment,  faire  un  libre  usage  de 
ses  quatre  sens,  et  de  pouvoir  souffrir  par 
la  vue,  l'ouïe,  l'odorat  et  le  goût,  toutes  sor- 
tes de  maux  et  d'ignominies.  »  2*  Selon 
Suarez  ,  «  dans  la  passion  de  Jésus-Christ 
il  ne  faut  rien  imaginer  trop  légèrement» 
qui  n'ait  été  raconté  par  les  évangélisteiS) 
ou  qui  ne  puisse,  d'après  leurs  récils  et  l'in- 
terprétation que  les  saints  Pères  en  ont 
donnée,  être  regardé  comme  très-probable; 
sans  cela  il  y  aurait  témérité  et  grand  dan- 

f;er  d'erreur.  »  (T.  II,  in  m  p.  d.  33,  s.  1  ) 
I  ne  faut  donc  pas  s'imaginer  que  Dieu,  de 
lui-même  et  indépendamment  de  causes 
secondaires,  ait  par  une  sorte  de  miracle 
laissé  Jésus-Christ  souffrir  quelques  pas- 
sions extraordinaires.  Il  ne  faut  pas  s'ima- 
giner que  Dieu  ait  permis  au  démon  de 
tourmenter  Jésus-Christ  de  lui-même,  à  son 
gré  et  indépendamment  des  homnies.  Bien 
que  ces  deux  choses  aient  pu  arriver,  elles 
n'étaient  ni  nécessaires  ni  utiles  à  noire 
rédemption;  c'est  pour  cela  encore  quo 
Jésus-Christ  n'a  pas  cru  devoir  donner  prise 
sur  lui  à  la  maladie  et  aux  infirmités  corpo- 
relles, comme  la  lèpre,  etc.  Quant  aui  ré- 
vélations particulières  sur  le  nombre  des 
coups  de  ruuet  et  des  blessures  que  Jésus- 
Christ  reçut  dans  sa  passion^  si  elles  ont 
une  certaine  autorité,  si  elles  peuvent  sa 
concilier  entre  elles,  si  elles  ne  coofre- 
disent  pas  les  règles  de  la  fbi,  il  ne  &ot 
pas  les  mépriser ,  ni  les  regarder  comtùt 
tout  à  fait  indignes  de  notre  croyance,  sur* 
tout  si  nous  considérons  les  expressions 
des  prophètes,  si  nous  nous  rappelons  que  l« 
bourreaux  du  Seigneur  ont   dépassé  toute 


D'ÂSCETISIIE. 


854 


mesure  ;  de  sorte  qu*il  n>  a  rien  d*étraDge 
è  chercher  le  secours  d  une  force  miracu- 
leuse dans  la  coatemplation  de  quelqu'une 
des  parties  de  la  passion,  comme  dans  la 
sueur  de  sang,  dans  la  flagellation,  dans  le 
couronnement  d'épines,  etc.  Saint  Thomas 
prouve  avec  certitude  (m  p.,  q.  46,  a,  5)  que 
Jésus-€brist  a  enduré  tontes  les  souffrances, 
non  pas  en  espèce,  ni  eomme  résultant 
«l'une  cause  intnnsëque,  mais  selon  le  genre 
et  prorenant  d'une  cause  extrinsèque,  c'est- 
è-direde  tout  le  genre  humain,  et  dans  tous 
les  biens  où  l'homme  peut  souffrir,  dans  les 
biens  du  corps,  de  la  réputation  et  de  la 
fortune.  S*  Le  même  saint  docteur  enseigne 
(arL  6.)  que  la  douleur  de  la  passion  du 
Christ,  soit  intérieure,  soit  extérieure,  sur- 
passe toutes  les  douleurs  de  la  Tie  présente. 
11  le  proufe  soit  nar  la  considération  de  la 
douleur  tant  extérieure,  provenant  de  ton* 
les  les  souffrances  que  nous  venons  de  dire 
et  du  supplice  de  la  croix,  qu'intérieure, 
par  suite  des  péchés  de  tout  le  genre  hu- 
main, dont  il  s'était  chargé,  et  surtout  des 
Juils,  et  à  cause  de  la  perte  de  la  vie  ;  soit 
par  la  considération  ue  la  sensibilité  du 
patient  ;  car  son  corps,  merveilleux  et  par- 
lait ouvrage  du  SainuEsprit,  était  très-sen- 
sible, surtout  dans  le  sens  du  tact  ;  quant  à 
son  âme,  elle  ressentait  toutes  causes  de 
tri!^tesse  avec  la  plus  grande  vivacité  ;  soit 
pir  la  considération  de  la  pureté  de  sa  tris- 
tesse et  de  sa  douleur  ;  car  Dieu  ne  voulut 
dans  sa  faiblese  corporelle  le  secours  d'au- 
cune consolation  sensible  comme  en  ont  eu 
souvent  les  saints  martvrs  et  ceux  qui 
souffraient  pour  Jésus-Christ;  soit  par  la 
considération  de  la  fin  en  vue  de  laquelle 
Jésus-Christ  a  voulu  souffrir  :  Cesi  powr 
cda^  dit-il ,  qWil  a  enduré  de$  souffrumees 
proporiiomnéeM  à  la  grandeur  du  réeuliai  ou'il 
en  decaii  obtenir.  4*  Saint  Thomas  ensei(;ne 
encore  (ii,  art.  2.^  que  chacun  des  mentes 
de  Jésus-Christ,  depuis  le  premier  jusqu'au 
dernier  instant  de  sa  vie,  a  été  d'une  valeur 
plus  que  suffisante  pour  la  rédemption  du 
genre  humain  j  mais  que  Tapplication  de 
ces  mérites,  soit  de  la  part  du  Christ  qui  les 
offre,  soit  de  celle  de  Dieu  qui  les  accepte , 
D*a  pu  se  iairc  gue  par  la  passion  et  la  mort 
sur  la  croix,  ann  de  reconnaître  toute  l'é- 
tendue de  sa  charité,  de  mieux  sentir  toute 
la  gravité  de  nos  fautes,  de  plus  dignement 
apprécier  la  grâce  et  la  rémission  du  péché, 
de  découvrir  enfin  les  exemples  de  vertus 
que  nous  a  donnés  le  Seigneur. 

La  plus  grande  diifit^uUe  consiste  à  conci- 
.ier  la  vision  béatitique  avec  la  souffrance 
dans  Jésus-ChrisL  On  peut  dire  que  la  béa- 
titude de  l'âme  seule  subsiste  en  même 
temps  que  les  douleurs  ;  car  le  plaisir  pro- 
vient de  la  vision  de  Dieu,  tandis  que  la 
douleur  naît  des  blessures  du  corps.  Ou  bien 
Tunion  de  l'âme  avec  le  Verbe  produit  le 

(>laisir  souverain,  et  l'union  de  l'âme  avec 
e  corps  produit  Fa  douleur  souveraine, 
quand  le  corps  est  lésé,  en  vertu  des  lois  de 
cette  nnion.  Ou  encore,  le  Christ  a  restreint 
dans  la  partie  supérieure  de  Tàiue  la  joie 


émanant  de  la  vision  béatifique,  et  ne  l*a 
pes  laissée  se  répandre  dans  la  partie  infé- 
rieure, afin  de  pouvoir  par  la  douleur  ao 
complir  l'œuvre  de  notre  salut  ;  c'est  ainsi 
qu'il  a  empêché  la  gloire  de  l'âme  de  se  ré- 
pandre dans  le  corps.  En  un  mot,  c'est  un 
K stère.  Or,  Jésus-Christ,  par  sa  science 
itifique,  a  connu  ce  que  les  bienheureux 
voient  et  peuvent  voir  dans  le  ciel.  Par  sa 
science  infuse,  il  a  connu  tous  les  objets  na- 
turels et  libres,  par  leurs  propres  idées,  et 
les  objets  surnaturels  par  les  idées  infuuM. 
Enfin,  par  sa  science  expérimentale  il  a 
connu  tout  ce  qu'il  a  successivement  corn* 
pris  ou  éprouve  en  lui-même  par  les  di- 
verses opérations  de  l'esprit  ou  des  sens  ex- 
ternes. 

Nous  devons  donc  imiter  dans  notre  con- 
duite les  exemples  que  Jésus-Christ  nous 
propose  dans  sa  passion  ;  ainsi  l'enseignent  : 
1* l'Ecriture  sainte  :  Afnguenauê  uutrckians 
Mur  $e$  iraeee.  (/  Petr.  ii,  21.  )  Pensez  donc 
en  vouê^mime  à  celui  qui  a  souffert  une  si 
grande  contradiction  de  la  part  des  pécheurs 
contre  /mî,  afn  que  vous  ne  vous  découragiez 
poifU  et  que  vous  ne  towsbiez  point  dans  ra- 
battement ;  car  vous  n'orex  point  encore  ré- 
sisté jusqu^à  répandre  votre  sang  en  combat- 
tant comtre  le  péché.  (  HAr.  xii,  3,  4.  ) 

2*  Les  saints  Pères  nous  j  exhortent  : 
«  Dieu  nous  montre  la  mort  de  Jésus-Christ 
comme  un  arbre  sur  lequel  il  veut  que  nous 
soyons  entés,  afin  que  notre  racine,  puisant 
le  suc  de  la  racine  de  cet  arbre,  produise 
des  rameaux  de  justice  et  porte  des  fruits 
de  vie.  »  (  Ougémb,  I.  v.  tu  c.  vi  ad  Rom.  ) 
c  Imiter  Jésus-Christ  dans  sa  passion  et  «ians 
sa  mort,  voilà  la  souveraine  et  parfaite  re!i- 
gîon,  la  religieuse  perfection  ;  voilà  la  rè^le 
et  le  modèle  de  la  perfection  de  toute  vie  cl  Ur» 
toute  vertu.  Que  la  passion  du  Sauveur  soit 
donc  la  règle  de  notre  conduite.  Réjouis- 
sons-nous d*autant  plus  que  nous  sommes 
plus  conformes  à  Jésus-Christ;  aiDigeons- 
nous  d'autant  plus  que  nons  nous  écartons 

Elus  de  ce  modèle  et  de  cette  règle.  »  (  Saint 
ONAVBHTUBB,  p.  I,  Stimul.  oBior.,  c.  4.) 
3r  En  voici  la  raison  :  Selon  le  dogme  ca- 
tholique, les  mérites  de  la  passion  de  Jésus- 
Christ  ne  suffisent  pas  pour  le  salut,  si 
nous  n'v  joignons  nos  propres  mérites, 
semblables  à  ceux  de  la  passion  de  Jésus- 
Christ,  et  avant  la  vertu  de  nous  les  appli- 
quer. En  effet,  selon  le  concile  de  Trente  : 
«  Personne  ne  doit  se  glorifier  de  ce  qu'il 
n'a  uniquement  que  la  foi,  dans  la  pensée 
que  par  la  foi  seule  il  deviendra  héritier  et 
obtiendra  l'héritage  de  Dieu,  sans  qu'il  soit 
besoin  de  souffrir  avec  Jésus-Christ  pour 
partager  sa  gloire.  »  (  Sess.  vi,  c.  il.  )  Nous 
devons  donc  nous  efforcer  de  nous  appro- 
prier les  mérites  de  Jésus-Christ,  en  les  imi- 
tant; autrement,  de  même  que  la  négation 
d'un  antécédent  serait  une  erreur  spécula- 
tive, de  même  le  refhs  de  s'y  conformer 
serait  une  erreur  pratique  qui  nous  ferait 
perdre  le  salut. 

Suivons  donc  notre  Chef  et  notre  Roi,qul, 
dans  son   enfance,  nous  gouverne  d'une 


853 


IXI 


DICTIONNAIRE 


IMI 


^ 


i 

1 

I 


maniàre  (endre  et  enfantine,  remplissant  ces 
paroles  du  prophète  :  Le  petit  enfant  le§  me^ 
naeera  (Isa.  xi,  6)  ;  dans  sa  jeunesse  nous 
dirige  par  l'exemple  de  ses  labeurs,  tant 
dans  sa  vie  prirée  que  dans  sa  prédication, 
de  tes  sueurs,  de  la  soif,  de  la  faim,  de  la 
pauvreté  et  des  mille  souffrances  qu'il  a  eu 
a  endurer,  selon  ces  paroles  :  Je  mis  pauvre 
et  je  vU  dam  les  peines  depuis  ma  jeunesse 
(ps.  LiKXYii,  16);  enfin,  dans  sa  passion 
et  dans  sa  mort,  nous  fortifie  et  nous  pré- 
pare au  combat  par  ses  blessures,  par  sou 
sang  et  par  sa  croix  :  //  a  porté  sur  son  épaule 
la  marque  de  sa  principauté.  (  Isa.  ix,  6.  ) 
C'est  ce  qui  fait  dire  k  saint  Jean  Cbrjsos- 
tome  :  Nous  ne  redoutons  point  ta  cruauté 
d^un  tyran  tmpt>,  quand  nous  marcf^ons  sur 
les  traces  de  notre  bon  roi.  (  Ilom,  de  crue.  ) 
Suivons  notre  Pasteur,  qui  ne  se  contente 

Eas  de  chercher  avec  empressement  la  bre- 
is  égaréç,  et  après  l'avoir  trouvée  par  de 
fatigantes  recherches,  de  la  charger  sur  ses 
épaules,  mais  qui,  pour  la  mettre  a  l'abri  de 
la  4eQt  des  loups,  n'a  pas  hésité  k  donner  sa 
vie  pour  ses  brebis;  car  i7  a  été  conduit  à  la 
mort  comme  une  brebis  qu'on  va  égorger^  et 
il  n'a  pas  ouvert  la  bouche,  comme  Fagneau 
qui  est  muet  devant  celui  qui  le  tond.  (  Isa. 
LUI,  7.  )  «  Certes,  dit  saint  Grégoire,  il  a  fait 
ce  C|u*ii  a  prêché,  il  a  accompli  les  ordres 
qu'if  a  donnés.  Le  bon  Pasteur  a  donné  sa 
vie  pour  ses  brebis....  Il  nous  a  montré  par 
le  mépris  de  la  mort  la  voie  que  nous  de- 
vons suivre.  »  (  Hom.  ih  in  Evang.  )  Suivons 
Jésus-Christ  s'offrant  lui-même  pour  nous 
comme  une  hostie  sanglante  sur  l'autel  de 
la  croix,  et  allons  vers  /ut,  en  sortant  du 
camp  et  en  portant  rignominie  de  sa  croix. 
(  Hebr.  xiii,  13.  )  Offrons  à  Dieu  nos  corps^ 
comme  une  hostie  vivante^  sainte  et  agréable 
à  ses  yeuXf  pour  lui  rendre  un  culte  raison" 
nable.  {Rom.  xii,  1.)  Enfin,  disons  avec 
saint  Bernard  :  «  J'ai  aeux  faibles  biens,  Sei- 
gneur, mon  corps  et  mon  flme;  puissé-je 
vous  les  offrir  dignement  en  sacrifice  de 
louange  l...  Le  Seigneur  ne  veut  pas  ma 
mort,  et  je  ne  lui  offrirai  pas  volontiers  ma 
viet  C'est  là  Thostie  d'expiation,  l'hostie 
agréable  à  Dieu,  Thostie  vivante.  »  (  Serm. 
8  De  purif.  ) 

Pour  imiter  dans  notre  conduite  la  pas- 
sion de  Jésus-Christ,  nous  devons  la  con- 
sidérer par  de  fréqueutds  méditations  ;  on 
le  prouve  : 

1"  Par  l'Ecriture  sainte  :  Puis  donc  que 
Jési^s-Christ  a  souffert  dans  sa  cAatr,  armez^ 
vous  de  cette  pensée.  (  /  Petr.  iv,  1.  ) 

2*  Par  les  saints  Pères.  «  Considérez  par 
la  lumière  intérieure  les  blessures  de  Jésus 
attaché  à  la  croix,  les  cicatrices  de  Jésus 
ressuscitant,  le  sang  de  Jésus  mourant.... 
Rappelez-vous  tous  ces  précieux  mystères  et 
pesez-les  dans  la  balance  de  la  charité.... 
Que  celui  (}ui  pour  vous  a  été  cloué  sur  la 
croix,  soit  aussi  cloué  dans  toul  votre 
oœur.  »  (  Saint  AooDSTiN,  L.  de  s.  virgin.^ 
c.  ik^ }.  Saint  Anselme  insiste  sur  la  néces- 
sité de  méditer  la  passion  de  Jésus-Christ  : 
Si  vous  voulez  être  sauvée  dit  saint  Thomas, 


portez  vos  regards  sur  le  visage  de  Jêtus- 
Christ.  (  L.  1  m  c.  i  Hebr.  )  Saint  Laurent 
Jostinien  considère  la  méditation  de  Jésus- 
Christ  comme  un  livre  écrit  au  dedans  et 
au  dehors,  exposé  aux  yeux  de  tous,  afin 
que  tous  puissent  le  lire.  (  Agon.  Ckrisii, 
c.  90.  )  «  Conservez  soigneusement  cachée 
dans  1  écrin  de  votre  cœur,  dit  Blosius,  la 
suave  oassion  du  Christ,  comme  une  perle 
d'un  très-çrand  prix,  et  arrètez-j  souvent 
votre  esprit  avec  reconnaissance.  »  (  Con- 
clttv.  an.,  p.  T,  c.  10,  n*  7.  )  c  Sainte  Ger- 
trude  dit  avoir  appris  de  Dieu  que  si  J*on 
se  livre  à  l'oraison  ou  à  la  lecture  spîH* 
tuelle  sur  la  passion  du  Sei^eur,  c'est  un 
exercice  infiniment  plus  méritoire  que  tous 
les  autres.  »  (  L.  m  Div.  inspir.^  c.  42.  ) 
Louis  Du  Pont  en  donne  l'explication  :  c  Les 
autres  exercices,  comme  jeûner,  etc.,  qui 
sont  des  œuvres  extérieures,  quand  ils 
sont  pris  séparément,  n'ont  pas  autant  d'ef- 
ficacité pour  purifier  le  cœur  du  vice,  l'eu- 
richir  de  vérités  et  de  vertus,  et  le  perfec- 
tionner par  les  affections  embrasées  de  Ta- 
mour  divin,  que  la  méditation  attentive  et 
profonde  de  la  passion  de  Notre-Seigneur  Je* 
sus-Christ.  »  (  iv  p.  Médit.  ) 

8*  Par  la  raison.  La  passion  et  la  mort  do 
Jésus-Christ  contiennent  le  grand  mystère 
de  notre  rédemption,  qui  nous  est  proposé 
par  la  foi,  afin  de  nous  exciter  à  l'imitatiao 
du  Christ,  et  de  nous  faire  obtenir  par  elle 
tous  les  fruits  qui  y  sont  attachés.  Nous  de- 
vons donc,  afin  de  pouvoir  l'imiter,  méditer 
sérieusement  et  souvent  cette  passion  ;  car 
sans  cette  méditation,  point  de  foi  vive, 
point  do  ferme  et  solide  imitation.  D*ail- 
ieurs  Jésus-Christ  lui-même  a  institué  le 
sacrifice  non  sanglant  de  la  messe  et  le  très- 
saint  sacrement  de  TEucharistie,  surtout 
dans  l'intention  de  nous  rappeler  sans  cesse 
le  souvenir  de  sa  passion  et  du  sacrifice 
sanglant  qu'il  a  offert  sur  la  croix  :  ce  qu*il 
nous  a  recommandé  par  ces  paroles  :  Faites 
ceci  en  mémoire  de  moi.  (  Lucm  xxn,  19.  ) 

Presque  tous  les  auteurs  ascétiques, 
Ludolpne,  Blosius,  Louis  Palma,  Thomas  de 
Jésus,  Godinez,  etc.,  ont  traité  abondamment 
la  passion  de  Jésus-Christ,  sous  forme  d*bis- 
toire,  de  méditations  ou  de  traités.  Pour 
que  cette  imitation  soit  pratiquement  fruc- 
tueuse, outre  les  vertus  (]u'elle  nous 
propose  h  imiter,  il  faut  en  tirer  les  affec- 
tions suivantes  :  V  Une  affection  de  compat- 
sion,  de  douleur  et  de  larmes,  afin  de  ne  pas 
ôtre  au  nombre  de  ceux  h  qui  le  Seigneur 
adresse  ces  paroles  :  J'ai  attendu  quequelquun 
s'attristât  avec  mol',  mais  nul  ne  Ta  fait; 
que  quelqu^un  me  consolât ,  mais  je  net 
trouvé  personne  (p*.  lxvhi,  21];  mais  plutôt 
parmi  ceux  dont  il  est  dit  :  Ils  jetteront  let 
yeux  sur  moi  qu'ils  ont  percé^  et  ils  pleureront 
avec  larmes  et  avec  soupirs^  comme  on  pleare 
un  fUs  unique  ;  ils  seront  pénitrù  de  douleur 
comme  on  l'est  à  la  mort  d'un  fUs  fl««^' 
(loch,  xn,  10.)  <  Si  vous  ne  ressentez  pas  la 
douleur  de  la  tête,  dît  saint  Bonaventure, 
comment  ne  faites- vous  qu'un  avec  eHei 
Et  comme  on  doit  plus  compfttir  aux  ma^s 


157 


m 


D'ASCETISlfC. 


IMl 


S58 


que  souffre  la  téie  qu*à  ceux  des  autres 
membres»  de  même,  et  sans  comparaison, 
(levons-nous  plus  compfltir  à  vos  souffrances, 
A  Seigneur  Jésus,  qu*à  celles  d*un  fils  chéri, 
d'uD  ami,  même  qu'à  nos  propres  souffran- 
ces. •  (P.  I,  S/îmtil.  div.  amor.f  c.  3,  k.)  En 
êles-vous  détourné  par  la  dureté  de  votre 
cœar,  écoutez  Blosîus  :  «  Celui  qui  possède 
un  cœur  tendre,  doit  compatir  aux  souf- 
frances que  le  Seigneur,  son  Dieu,  a  en- 
durées pour  lui.  Mais  s*il  a  le  cœur  dur,  il 
doit  lui  offrir  sa  dureté  et  s*en  humilier. 
Bien  souvent  Dieu  préfère  le  désir  de  la 
compassion  à  la  compassion  elle-même.  » 
[InstU.  ipir.f  c.  6.) 

â"  Une  affection  de  dauleur  de  noi  ptf- 
ekéi:  car  Jétus-Chrisi  est  mort  pour  nos 
vi€hé$.  (/  Cor.  xY,  3.)  «  Reconnais  donc,  6 
homrue,  dit  saint  Bernard,  combien  sont 
grandes  les  blessures  qui  ont  rendu  néces- 
saires les  blessures  du  Seigneur  Jésus-Chist. 
Si  elles  ne  conduisaient  pas  à  la  mort,  et  à  la 
mort  élemeile,  est-ce  que  le  Fils  de  Dieu 
mourrait  pour  les  guérir  ?  Rougissez,  mes 
frères  bien-aînEiés ,  rougissez  d*avoir  tant 
de  nésligeoce  pour  votre  propre  passion, 
qui  a  été,  de  la  part  de  Tauguste  majesté 
divine  l'objet  d'une  si  grande  compassion.  » 
(Serm.  3  m  Nai.  Dom,) 

3*  Une  affection  d'admiration  étonnée^ 
comme  celle  dont  fut  frappé  Isaîe,  quand 
il  s'écrie,  h  la  prévision  des  maux  que  Jé- 
sus-Christ devait  souffrir  :  Qut  a  eru  à  notre 
peroUt  et  à  qui  te  bras  du  Seigneur  a-tM 
été  rMUf  {Isa.  lui,  i.)  Sortez,  filles  de 
&oft,  dit  l'auteur  du  Cantique  des  cantiques, 
fi  tenez  voir  le  roi  Salomon,  avec  le  diadème 
d9fU$a  mirera  couronné  le  jour  de  sa  noce, 
It  jeur  où  son  cœur  a  été  comblé  de  Joie. 
{CvU,  in,  11.)  C'est  aussi  l'affection  qui  fait 
dire  i  saint  Léon  :  «  Aucune  de  ces  œuvres 
<|e  Dieu,  qui  excitent  h  un  si  haut  point 
Nmiralioii  des  hommes,  ne  réjouit  et  ne 
surpasse  la  contemplation  de  notre  esprit 
comme  la  passion  du  Sauveur.  Toutes  les 
lois  que  nous  arrêtons  notre  pensée  sur  sa 
loute-poissance,  qu'il  possède  avec  le  Père, 
^le  et  d'essence  identique,  nous  admi- 
f^os  plus  en  Dieu  l'humilité  que  lapuis- 
^Qce,  et  nous  comprenons  pius  dimcile- 
inent  l'anéantissement  de  la  majesté  divine 
QJie  réiévation  et  la  grandeur  de  la  forme 
uesclave  qu'il  avait  revêtue.  »  (Serm.  11 
fc  Poil,)  ^ 

lUlTATION  DE  JESVS-CHRJST  (Livrb 

w  I*)---C'esl,  a  dit  Fontenelle,  le  plus  beau 
"^ft  qui  soit  sorti  de  la  main  des  hommes, 
pojsqae  TEvangile  n'en  vient  pas.  Il  u'est 
l^ini  de  livre,  en  effet,  qui,  comme  celui-ci, 
paisse  convenir  à  tous  tes  Ages,  à  tous  les 
s^ses,  à  tous  les  états,  à  toutes  les  condi- 
lions.  Le  religieux  n'a  point  de  règle  plus 
l^rbite,  l'homme  du  monde  de  conseiller 
iw  sage  ;  l'heureux  du  siècle  j  trouve  do 
surs  préservatifs  contre  les-  écueils  de  la. 
prosDérité  t  l'aiQigé  de  suaves  maximes 
qui  le  consolent  et  lui  rendent  la  résignation 
Vm  facile;  l'Ame  pieuse  y  alimente  sa  fbr- 
^ear,  rame  tiède  y  ranime  ses  forces,  l'Ame 


pécheresse  y  puise  des  motift  de  repentir 
et  d'espérance  ;  le  savant  admire  ce  livre 
malgré  la  simplicité  et   l'incorrection  du 
style;  l'ignorant  sy  instruit  malgré  la  pro- 
fondeur et  l'élévation  des  pensées  ;  tous  les 
hommes,  quels  qu'ils  soient,  aiment  à  res- 
pirer le   parfum  de    piété  qu'il    exhale , 
el,  comme  Tavait  éprouvé  saint  Ignace  de 
Loyola,  h  quelaue  page  que  Ton  ouvre  ce 
précieux  manuel,  on  est  sûr  d'y  rencon- 
trer quelque  maxime  propre  aux  besoins 
Erésents  de  l'Ame;  c'est  comme  l'esprit  de 
4eu  qui  parle  à  chacun  lo  langage  qui  lui 
convient.  Quoiqu'un  assez  grand  nombre 
d'hommes,  éminehts  en  pieté  comme  en 
science,  aient  écrit  sur  des  matières  spi- 
rituelles et  nous  aient  laissé  de  nombreux 
traités  de  perfection  chrétienne,  rien  jus- 
qu'ici n'a  pu  démentir  le  jugement  de  Fon- 
tenelle; limitation  est  et  sera  longtemps 
encore  un  livre  à  part,  un  livre  inimitable. 
Nulle  part,  en  effet,  on   ne  trouve  une 
doctrine  plus  sublime  et  plus  consolante. 
L'idée  ou  il  nous  donne  de  la  justice  et  de 
la  bonté  de  Dieu  nous  inspire  tour  à  tour 
une  crainte  salutaire  et  une  confiance  sans 
bornes.  L'onction  sainte  qui  accompagne  les 
leçons  de  morale  qu'il   renferme    pénètre 
avec  elle  jusqu'au  fond  de  notre  Ame  et  les 
lui  fait  goûter.  Sa  noble  simplicité  étonne, 
et  semble  révéler  Quelque  chose  do  céleste. 
Approprié  à  tous  les  Ages  comme  à  toutes 
les  conditions,  il  nous  présente  le  tableau 
Adèle  du  cœur  humain,  de  ses  contradictions, 
de  ses  faiblesses;  il  sonde  toutes  nos  plaies, 
et  en  même  temps  nous  offre  le  remède  qui 
doit  leur  être  appliqué;  il  abat  notre  orgueil 
par  la  considération  de  nos  misères,  relève 
notre  courage  par  l'appAtde  la  récompense  ; 
dans  tous   nos  combats,  dans  toutes  nos 
souffrances,  il  nous  montre  pour  modèle 
celui  qui  a  été  brisé  pour  nos  péchés,  et  qui 
nous  crie  :  //  a  fallu  que  le  Christ  souffrît, 
et  qu'il  entrât  ainsi  dans  sa  gloire...    Vous 
tous  qui  '  gémissez  sous  le  poids  du  travail, 
venez  à  moi    et  je  vous  soulagerai.   C'est 
ainsi  que,  rouvrant  notre  Ame  h  l'espérance, 
Y  Imitation    nous,  ap()rend  à  supporter  la 

Seine,  et  à  dédaigner  le  plaisir  qui  passe, 
gravir  sans  nous  plaindre  l'étroit  sentier  de 
la  viedont  elle  nous  indique  tous  les  écueils. 
On  ne  la  lit  jamais  sans  en  retirer  des  fruits 
abondants,  sans  éprouver  le  besoin  de  se 
convertir  ou  de  devenir  meilleur.  Un  seul 
passage,  un  seul  mot  de  ce  livre  précieux 
porte  quelquefois  dans  l'Ame 'une  lumière 
vive  qui  la  ranime,  la  fortiQe,  et  dissino 
toutes  les  craintes  dont  elle  était  agitée.  La 
Harpe,  dans  aa  conversion,  nous  en  offre  un 
exemple  frappant.  Victime  des  calamités 
qui  pesèrent  sur  la  France  à  l'époque  do 
la  révolution,  jeté  dans  une  prison,  seul,  en 
présence  de  la  mort  qu'il  attendait  tous  les 
jours,  il  avait  lu  les  Psaumes,  l'Evangile, 
et  ses  yeux  s'étaient  ouverts  aux  vérités 
de  la  foi  :  quarante  années  d'égarement 
l'épouvantaient.  La  religion  persécutée  et 
proscrite  ne  pouvait  l'entourer  de  s^s  con- 
'  solations,  ses  ministres  ne  montaient  plus 


859 


IMI 


dictiomnaihe: 


na 


KO 


sur  réchafaud  que  pour  mourir.  Il  6tait 
constorDéy  abatlu,  et  n'avait  retrouvé  Dieu 
que  pour  le  craindre.  Dans  sa  douleur,  il 
prend  VImUalian  qu*il  avait  sur  sa  table, 
il  rouvre  au  hasard,  pour  chercher  la  ré- 
ponse à  ses  tristes  pensées,  et  tombe  sur 
ces  paroles  :  Me  votct,  mon  filSf  je  viens  à 
voiis^  parce  que  vous  m'avez  invoqué. 

€  Je  n'en  lus  pas  davantage,  dit-il  ;  Tim- 
pression  subite  que  j'éprouvai  est  au-dessus 
de  toute  expression,  et  il  ne  m'est  pas  plus 
possible  de  la  rendre  que  de  l'oublier.  Je 
tombai  la  face  contre  terre,  baigné  de  larmes, 
étouffé  de  sanglots,  jelant  des  cris  et  des 
paroles  entrecoupées.  Je  sentais  mon  cœur 
soulagé  et  dilaté,  mais  en  même  temps  comme 
prêt  à  se  fendre.  Assailli  d'une  foule  d'idées 
et  de  sentiments,  je  pleurai  assez  longtemps, 
sans  qu'il  me  reste  d'autre  souvenir  de  cette 
situation,  si  ce  n'est  que  c'est,  sans  aucune 
comparaison,  ce  que  mon  cœur  a  jamais  senti 
do  plus  violent  et  de  plus  délicieux,  et  que 
ces  mots  :  Me  votct,  mon  fils^  ne  cessaient  de 
retentir  dans  mon  flme,  et  d'en  ébranler 
puissamment  toutes  les  facultés,  » 

On  a  bien  essayé  d'établir  une  sorte  de 
parallèle  entre  17mtlaltén  et  le  Combai  «ptrt- 
tuel  du  P.  Scupoli.  Quelque  parfait  que  soit 

10  second  de  ces  ouvrages,  tout  le  monde 
pieux  s'est  prononcé  avec  raison  pour  le 
premier.  Voici  sur  ces  deux  livres,  l'opinion 
d*un  judicieux  écrivain  :  «  L'un,  dit-il,  con- 
duit à  la  vertu,  par  la  théorie  des  guerres 
et  des  combats,  qui  constituent  la  vie  du 
Chrétien  sur  la  terre;  l'autre,  par  la  contem- 
plation du  plus  excellent  modèle  et  tes  leçons 
du'plus  grand  maître.  L'un  est  plus  raisonné, 
plus  méthodique;  Tautre,  par  une  impres- 
sion lumineuse  et  rapide,  prévient  l'effet  de 
tous  les  raisonnements  et  de  toutes  les  mé- 
thodes. L'un  tient  plus  du  travail  et  de  l'art; 
l'autre  est  l'ouvrage  du  cœur,  de  l'onction 
et  de  la  lumière  de  Dieu,  dont  les  mouve- 
ments ne  connaissent  ni  règles  ni  calculs. 
L'auteur  de  l'un  a  peut-être  plus  réQéchi; 
l'autre  a  plus  senti.  »  Les  personnages  les 
plus  saints,  comme  les  plus  doctes,  ont  été 
unanimes  dans  la  vénération  pour  ce  livre, 
observe  M.  de  Grégory.  (jonzalès  atteste  que 
saint  Ignace  était  habitué  à  lire  tous  les 
jours  le  livre  de  Vlmiiaiion  de  Jésus-Christ 
de  la  manière  suivante  :  le  matin,  il  en  lisait 
un  chapitre  d'après  l'ordre  établi  dans  l'ou- 
vrage, et,  dans  la  journée,  un  chapitre  pris 
au  hasard,  où  il  trouvait  toujours,  disait-il, 
quelque  maxime,  quelque  sentiment  propre 
h  consoler  son  Ame  et  h  satisfaire  ses  désirs. 

11  s'était  tellement  familiarisé  avec  cette  lec- 
ture, que  toutes  ses  pensées,  toutes  ses  ac- 
tions devinrent  conformes  aux  préceptes  de 
l'auteur  de  Vlmiiaiion  de  Jésus-Christ.U  por- 
tait toujours  avec  lui  ce  précieux  livre,  ù  la 
lecture  duquel  il  animait  tous  ses  disciples 
et  ses  amis.  —  Ce  que  nous  venons  de  dire 
est  pleinement  confirmé  par  les  historiens 
Orlardin  (tiv.  y,  c.5)  et  Ribadneira  (liv.  i, 
c.  13)  dans  la  Vie  de  saint  Ignace;  nous  rap- 
porterons ce  que  ce  dernier  dit  :  «  Ignace 
avait  une  grande  habitude  de  lire  Thomas 


A'  Kempis,  sur  l'imitation  de  Jésus-Chrisi • 
il  se  complaisait  toujours  dans  cette  lecture! 
de  sorte  que  l'on  peut  avancer  que  la  vie  du 
saint  fondateur  fut  une  parfaite  et  conslani6 
imitation  des  inaximes  et  doctrines  renfer- 
mées dans  ce  précieux  livre  d'or.  »  D'après 
cela,  et  suivant  les  conseils  donnés  par  saint 
Ignace,  dans  son  livre  des  Exercka  ipiri- 
tuelSf  on   ne  doit  pas  s*étonner  que  daos 
toutes  les  chambres  des  Jésuites  on  trouie 
le  volume  de  Vlmitation  de  Jésus-Ckrist, 
Enfin  le  Jésuite  Georges  Hayr,  le  premier 
qui  ait  traduit  Vlmitation  en  grec,  dans  une 
lettre  à  Claude  d'Aqua  Viva,  supérieur  gé- 
néral de  son  ordre,  démontre  que  le  traité 
par  lui  tntduit  fut  toujours  tres-vénéré  de- 
puis saint  Ignace,  qui  le  lisait  tous  les  jours, 
et  ce  livre  précieux  fut  ap|K>rté  par  les  oais- 
sionnaires  chez  toutes  les  nations,  traduit 
dans  leurs  langues.— Louis  de  Grenade,  dans 
son  excellente  traduction  de  r/mtto(toii  eu 
langue  espagnole,  pense  que  ce  livre  est 
au-dessus  de  toute  célébrité  et  de  tout 
éloge«  tellement  que,  après  avoir  entendu 
ce  qu'on  peut  dire  à  sa  louange,  on  est 
obligé  de  s'écrier  avec  la  reine  de  Saba: 
Major  est  sapientia  et  opéra  tuât  qwm  nimor 
quemaudivi! 

Il  dit  ensuite  au  lecteur  :  «  Faites-eu  l'ei- 
périence;  touchez  et  goûtez;  vous  appré- 
cierez la  force  dos  paroles,  et  vous  mangerez 
la  manne  céleste,  dans  laquelle  vous  recon- 
naîtrez tous  les  goûts  les  plus  délicieux  que 
les  bons  Israélites  goûtèrent  jadis  dans  lo 
désert.  »  Il  démontre  plus  loin  que  ce  lirro 
est  un  remède  contre  toutes  les  maladies  de 
l'&me,  et  il  n'hésite  pointa  nous  dire  qu*0Q 
reconnaît  dans  la  publication  de  ce  traité 
une  très-çrande  providence  de  Dieu;  car, 
avec  peu  de  mots,  mais  remplis  d'une  sagesse 
sublime,  il  nous  indique  et  nous  apprend 
beauix>up  de  choses  tfès-propres  &  émouvoir 
le  cœur  de  l'homme.  Enfin  il  nous  avertit 
qu'ii  a  fait  imprimer  le  livre  de  Vlmitation 
en  petit  format,  pour  que  tout  le  monde 
puisse  aisément  le  |K)rter,  et  consulter  fré- 
quemment ce  bon  et  fidèle  compagnon  de 
voyage  dans  notre  vie  passagère,  ce  conso- 
lateur dans  les  adversités,  ce  co.iseiller  dans 
les  doutes.  «Vous  y  trouverez,  dit-il,  la  ma- 
nière de  prier  utilement,  et  une  règle  pour 
vivre  saintement  et  mourir  dans  la  grice  de 
Dieu.  Prenez  donc  avec  vous  ce  bon  ami,. 

f>ortez-le  toujours  à  cAté  de  vous;  après 
'avoir  lu,  lisez-le  encore  et  le  relisez;  il  ne 
vous  déplaira  pas,  croyez-moi,  car  même, 
après  dix  lectures,  il  vous  plaira  encore,  et 
dans  les  mômes  paroles  vous  trouverez  toa- 
jours  quelque  nouvelle  chose  à  apprendre; 
vous  reconnaîtrez  de  plus  en  plus  cette  na- 
ture de  l'Esprit  divin  qui  est  inépuisable. 
Recevez,  6  lecteur,  avec  reconnaissance,  e 
don  que  je  vous  fais.  11  vient  de  la  bouté  de 
Dieu,  servez-vous-en  bien,  » 

Saint  Charles  Borromée,  archevêque  de 
Milan,  mort  en  158%,  disait,  en  parlant  de  ce 
précieux  traité  de  morale  :  «  q[ue  le  livre  de 
Vlmitation  était  le  livre  des  livres,  le  con- 
solateur de  rhomme  dans  ce   monde.  »- 


D*ASCETISHE. 


Siint  Fnacois  de  Sales,  éTéqiie  de  GeDiftTe« 
mort  à  Ljoo  en  1C21,  ce  prélat  si  doux,  si 
tolérant  eoTers  les  autres,  et  si  sévère  pour 
loi-aiéoie,  au  témoignage  de  Tévèque  de 
Bellej  (Pierre  Camos)  Ut.  ix,  sect.21,  après 
avoir  médité  le  litre  de  17aiiMîofi  de  J&ut- 
CkriêS  et  Touvrage  de  Laurent  Scupoli,  in- 
titulé le  CowUhU  êpiriiud,  se  serait  expliqué 
ainsi  :  «  Ces  deux  traités  ont  été  composés 

Far  deux  auteurs  Traiment  inspirés  par 
esprit  de  Dieu,  et  quoiqu'ils  présentent  un 
titre  diflerent,  on  peut  dire  de  chacun  d'eux  : 
JITm  €$i  in9€niu$iimiiumu  >  lEeeli.iuJY».) 
Ce  sont  là  les  paroles  du  saint  éTèque  qui 
a  bit  plusieurs  autres  éloges  du  lirre  de 
Vlmiimiîûn  dans  ses  entretiens  spirituels.  — 
Le  savant  cardinal  Baronins,  en  parlant  de 
ce  traité  de  morale,  aflirme  qu*on  ne  peut  le 
lire  sans  en  tirer  journellement  quelque 
avantage.— Fabius  Justinien,  évèque  d'Èa- 
dria  (an  liv.  ii,  part,  i.  De  §aera  cendaiie), 
disait  souvent  que  Topuscuie  de  Vlmitasiam 
ne  peut  être  lu  sans  un  avantage  spirituel 
par  celui  qui  est  bien  attaché  à  Dieu.  —  Le 
cardinal  Bellarmin,  aussi  distingué  par  sa 
piété  que  par  son  savoir,  dans  les  ouvrages 
da  controverse,  parle  de  r/aNlolieii,  et  nous 
atteste  que,  depuis  sa  jeunesse  jusq[u'à  un 
âçe  très-avancé,  car  il  est  mort  à  soixante- 
dix-neuf  ans,  il  a  touiours  lu  et  relu  ce 
traité,  et  qu'il  n'a  cessé  d'y  trouver  quelque 
chose  d'utile  et  de  nouveau. 

Le  bienheureux  Alexandre  Sauli,  Bama- 
kite,  évèque  de  Pavie,  nar  la  lecture  de  ce 
livre  soulaj^eait  et  récréait  son  esprit  fatigué 
par  les  affaires  d^  Tépiscopat  et  de  son  ordre. 
—  Jean  Vauduîlle ,  évèque  de  Tourna/  en 
Flandre,  était  si  passionné  pour  la  lecture 
de  Vlmiaiiom,  il  avait  cet  ouvrage  en  telle 
estime,  que,  toutes  les  fois  qu'il  voulait  le 
lire,  il  prononçait  ces  seuls  mois  :  Domux-moi 
le  litre:  on  comprenait  de  suite  qu'il  voulait 
Vlmiiaiiam  dont  il  faisait  sa  lecture  habi- 
tuelle.—Thomas  Morus,  le  glorieux  athlète 
de  la  foi  en  Angleterre,  décapité  en  1535 
pour  avoir  refusé  de  reconnaître  Henri  VIII 
comme  chef  de  l'Eçlise  anglicane,  disait 
souvent  qu'avec  le  livre  de  Vlmiiaiion  de 
Jésme-Chnei  on  aurait  très-bien  pourvu  à  la 
félicité  publique  de  la  Grande-Bretagne,  si 
les  Anglais  1  eussent  toujours  lu  et  prati- 
qué. 

Nous  passons  sous  silence  les  éloges  que 
tant  d'autres  personnages  illustres  tant  en 
sainteté  qu'en  science  ont  faits  de  notre  livre. 
Remarquons  cependant  que  Pie  IV,  et  le 
saint  Pontife  Pie  V,  de  la  famille  Ghisiéri, 
d'Alexandrie  en  Piémont,  ont  conservé  une 
graude  estime  pour  Vlmilatian.  C'est  encore 
de  ce  livre  que  saint  Philippe  do  Néri,  f*n 
IS74,  a  tiré  sa  règle  de  conduite,  règle  vé- 
ritablement très-douce,  qui  servit  de  modèle 
et  de  guide  aux  Pères  de  l'Oratoire,  car  le 
lien  de  la  charité  est  le  seul  qui  les  retient 
unis  en  paruite  harmonie  dans  leur  congré- 
gation. Enfin  le  révérend  Père  Henri  Soma- 
lius,  de  la  Compagnie  de  Jésus,  dans  une 
lc:tre  à  Léonard  Betténius,  abbé  Ju  monas- 


tère de  Saint-Tradon ,  s'exprime  ainsi  : 
«  Quelle  vénération  a  méritée  le  livre  de 
r/ntloltofi,  livre  qui  5*est  fra^ é  un  chemin 

Brtout  1  Je  rapporterai  ici,  ajoule-t-il,  un 
it  qui  paraîtrait  incroyable  s'il  n'était  pas 
confirmé  par  le  témoignage  d'un  auteur  res- 
pectable. Un  Père  jésuite  ajant  été  à  Alger 
il  j  a  dix-huit  ans,  pour  la  rédemption  des 
esclaves,  le  roi,  qui  jadis  avait  été  Chrétien, 
le  mena  voirsa  bibliothèque  qui  était  remplie 
de  différents  ouvrages;  entre  autres  livres 
il  loi  montra  celui  de  l'/ait/altoii  traduit  en 
langue  turque,  et  lui  dit  qu'il  faisait  plus 
de  cas  de  ce  livre  que  de  tous  ceux  de  Ma- 
homet. B 

Hais  le  livre  de  l'/mt^olûm,  observe  M.  de 
Grégory,  ouvrage  aussi  pieux  que  touchant, 
aussi  humble  que  consolant,  traité  qui  ne 
respire  que  paix,  que  charité,  qu'abandon 
et  humilité,  remarquable  surtout  par  la  no- 
blesse et  l'élévation  des  sentiments,  n'est 
pas  moins  célèbre  parlesdispotesauxquelles 
le  nom  de  son  auteur  a  donné  lieu,  depuis 
les  premières  éditions,  qui,  dès  Ii70«  furent 
publiées  en  Allemagne  par  Zainer,  avec  des 
caractères  stéréotypes,  jusqu'à  nos  jours. 
En  effet,  ce  livre  lut  depuis  lors  la  pomme 
de  discorde  entre  différentes  corporations 
religieuses,  notamment  entre  les  Bénédictins 
et  les  chanoines  réguliers  de  Saint- Augustin, 
entre  les  Flamands,  les  Français,  et  plus 
tard  les  Italiens.  Avant  même  l'invention  de 
l'imprimerie,  on  avait  déjà  des  doutes  sur 
le  vrai  nom  de  l'auteur  de  ce  pieux  traité, 
comme  le  fait  observer  le  savant  bibliogra- 
phe Mercier,  abbé  de  Saint-Léger,  dans  sa 
dissertation    publiée  en  1775.  Les  impri- 
meurs du  XV*  siècle  trouvèrent  des  manus- 
crits avec  le  nom  de  saint  Bernard,  ou  avec 
son  portrait  dans  la  lettre  initiale;  alors  on 
lui  attribua  le  livre  dans  plusieurs  éditions. 
— Il  est  certain  qu'à  cette  première  époque 
de  l'invention  de  l'imprimerie,  l'empresse- 
ment pour  publier  les   manuscrits  fut  si 
grand,  qu'on  n'y  regarda  pas  de  si  près  pour 
choisir  les  ouvrages,  ni  pour  critiquer  ceux 
déjà  publiés,  dont  on  voulait  seulement 
multi|.lier  les  éditions  par  la  presse,  comme 
l'académie  de  Munich  nous  le  lait  observer. 
Il  est  résulté  de  là,  que,  si  une  erreur  écrite 
a  pu  tromper  quelques  personnes,  une  er- 
reur imprimée  en  a  trompé  des  millieis. 
C'est  ainsi  qu'un  manuscrit  d'Anvers  qui 
finit  par  ces  mots  :  Terminé  et  accompli  l  oi» 
da  Seigneur  ikk\ ,   par  Ue  maine  de  frère 
Thomas  A'Eempis  dmu  le  couveml  de  Sainle-- 
Agnes, prié  de  la  ville  de  Zwollf  adonné  lieu 
à  une  série  d'éditions  qui  parurent  en  Alle- 
magne, depuis  l'année  li72,  éditions  dans 
lesi|ueltes  Thomas,  né  à  Kempen,  en  1380, 
dicédé  chanoine  régulier  de  l'onlre  de  Saint- 
Augustin,  au  monastère  de  Satnte-Agnè5, 
près  de  Zwoll,  le  25  juillet  1471,  fut  depuis, 
grâce  au  zèle  du  Père  Rosweide  et  de  s*is 
confrères,  proclamé  comme  le  véritable  au- 
teur de   r/mtloliofi  ;  tandis  que  la  sous-^ 
cription  littérale  montre   clairement  c^u'il 
n'avait  fait  que  le  copier,  comme  bien  d  au- 
tres livres,  notamment  en  ïMï,  un  Missel, 


8Ô5 


13U 


DICTIONNAIRE 


IMI 


861 


et  en  1^9,  une  Bible  qui  porte  la  même 
souscription. 

L'hounenr  de  la  Frnnce  fuC  plus  tard 
éveillé  par  l'apparition  des  manuscrits  qu'on 
venait  ae  trouver,  avec  les  noms  de  Johamr 
nii  Get  ou  de  Joh.  Gers.  En  IMO,  des  co- 
pistes, qui  ignoraient  Texistence,  au  xiii* 
siècle,  du  Bénédictin  Jean  Gersen,  au  mo- 
nastère de  Verceii,  ont  corrigé  et  écrit  en 
toutes  lettres  le  nom  alors  célèbre  de  Ma* 
gisiri  Johannis  Gerson,  interprétant  ainsi  ces 
abréviations.  Dès  lors  on  commença  à  im- 
primer, en  1^74,  à  Louvain,  et  postérieure- 
ment k  Venise,  à  Paris,  à  Barcelone  et 
ailleurs,  le  livre  de  VlmUation  sous  le  nom 
de  Jean  Gerson,  qualîGé  chancelier  de  Parie. 
Cette  qualification  de  chancelier  de  Paris, 
donnée  à  Jean  Charlier,  surnommé  Jarson, 
puis  Gerson,  d*un  hameau  du  diocèse  de 
Reims,  où  il  était  né  en  1363,  fournit  bien- 
tôt, après  que  la  cause  de  saint  Bernard  fut 
abandonnée,  une  preuve  contre  Thomas 
A'Kempis,  et  lui  ôta  toute  la  gloire  d*étre 
i'autcur  de  ce  précieux  traité  de  morale. 
Plus  tard,  vers  le  milieu  du  xvr  siècle,  Tem- 
I>ressement  de  tout  imprimer  sans  critique 
s*étant  modéré,  on  ap^iorta  une  attention 
plus  calme  et  |>ius  scrupuleuse  aux  manus- 
crits qui  portaient  le  nom  inconnu  de  Joh. 
Ges  ou  GerSj  et  même  de  Gersen;  on  com- 
mença de  plus  en  plus  &  douter  que  A'Kem- 
pis ou  Gerson  en  lussent  les  auteurs. 

Enfin,  un  heureux  hasard  fit  découvrir,  en 
1604,  à  Arone,  ville  située  sur  le  lac  Majeur, 
un  très-ancien  manuscrit;  on  y  lisait,  en 
tète  et  à  la  fin  de  chaque  livre,  le  nom  de 
Abbatis  Johannis  Gersen^  et  non  pas  Gerson, 
encore  moins  celui  de  chancelier  de  Paris, 
mais  avec  le  titre  d'abbé,  dignité  qui  ne  fut 
jamais  accordée,  même  par  flatterie,  au 
chancelier  de  Paris;  car  le  titre  û'abbé, 
jusqu'au  xvii*  siècle,  appartenait  proprement 
aux  supérieurs  qui  avaient  le  gouvernement 
d'un  monastère  de  Bénédictins,  les  seuls  qui 
eussent  l'usage  de  la  mitre,  de  Tanneau  et 
de  la  crosse,  et  qui  pussent  conférer  la 
tonsure  et  les  ordres  mineurs  à  leurs  reli- 
gieux.—  Dans  ses  Considérai ions^  feu  J.-B. 
Gence  allègue  que  le  titre  d'abbé  était  aussi 
donné,  en  1405,  à  Gersoi  de  Paris,  «  en  sa 
qualité  de  commeudataire  de  la  cure  de 
Saint-Jean  en  Grève,  dont  l'église  cloîtrée 
était  une  dépendance  du  monastère  de  Saint- 
Nicaise  de  Meulent.  »  Sans  disserter  ici, 
d'après  le  droit  canonique,  sur  Torigine abu- 
sive du  titre  d^abbatis  commendaiarii,  nous 
pouvons  dire  qu'il  est  prouvé  en  fait  que  ce 
titre  ne  fut  jamais  accordé  à  Gerson  dans  les 
actes  de  l'Université,  ni  employé  par  lui 
dans  la  signature  des  sessions  aux  conciles 
de  Pise,  en  1409,  et  de  Constance,  en  1415. 

Cette  qualification  d'abbaUs  Johannis  Ger* 
senoMGessem,  qui  se  trouve  en  cinq  endroits 
divers,  dans  les  planches  des  fac-similé 
rapportées  par  Gence,  et  mal  exécutées  sur 
le  manuscrit  d'Arono,  que  l'on  conserve  soi- 
gneusement à  Turin,  è  la  bibliothèque  de 
TAthénée  royal,  réveilla  les  anciens  doutes 
sur  le  véritable  auteur  de  Ylmitalion  do 


Jésus-Christ;  on  abandonna  Gerson,  et  les 
Bénédictins  se  déclarèrent  pour  leur  con- 
frère, l'abbé  Jean  Gersen,  tandis  que  les  cha- 
noines réguliers  persistèrent  en  faveur  de 
Thomas  A'Kempis. — On  {procéda  d'abord  à 
des  recherches  dans  les  différents  monas- 
tères, pour  connaître  si  un  abbé  avait  existé 
avec  le  nom  de  Jeau  Gersen;  et  pendant  ces 
recherches,  l'abbé  bénédictin  Constantin 
Caiétani,  secrétaire  des  lettres  latines  sous 
Paul  V,  publia  avec  élégance  et  exactitude» 
è  Rome  et  à  Paris,  en  1616,  le  même  ma- 
nuscrit trouvé  à  Arone.  Bientôt  de  graves 
contestations  s'élevèrent  de  part  et  d'autre. 
Des  défenses  en  faveur  de  Thomas  A'Kempis 
furent  publiées  par  Rosweide,  par  BollaDdos 
et  par  le  chanoine  Frouteau  ;  tandis  que  Ca- 
jétani,  le  respectable  garde  des  sceaux  de 
France,  Michel  de  Marillac,  le  savant  Bezold 
et  le  docte  Val^rave,  les  Bénédictins  Mez- 
lero,  Quatremaire,  Launov  et  antres  com- 
battirent pour  Gersen. 

On  est  redevable  à  Augustin  delta  Chîesa, 
évoque  de  Saluées,  qui  publia,  en  16(5, 
l'histoire  des  abbés  des  monastères  bénédic- 
tins du  Piémont,  d'avoir  placé  dans  la  liste 
chronologique  des  abbés  du  monastère  de 
Saint-Etienne,  dit  de  la  citadelle,  à  Vereeil, 
Johannes  Gersen,  de  l'année  lâiO  à  1240: 
ce  qui  avait  été  constaté  auparavant  par 
Modena,  chanoine  de  la  cathédrale,  et  par 
Rossotli,  biographe  piémontais.  Une  plus 
récente  attestation  fut  donnée  par  le  cheva- 
lier Jacques  Durandi,  Vercellais,  président 
de  la  Chambre  des  comptes  à  Turin,  décédé 
en  1817,  lequel  déclarait  au  président,  comte 
Napione,  et  à  ses  autres  collègues  de  l'Aca- 
démie de  Turin,  que  lorsqu'il  s'occupait  de 
rhistoire  politique  de  Vereeil,  il  avait  lu  un 
ancien  parchemin,  contenant  la  chronologie 
des  abbés  bénédictins  de  la  citadelle,  et  que 
parmi  eux  se  trouvait,  à  la  date  de  1230, 
Johannes  Gersen. 

Les  histoires  des  auteurs  piémontais  que 
nous  venonsde  citer  ne  furent  pas  consultées 
par  les  étrangers,  à  quatre  cents  lieues  et 
plus  de  distance;  on  peut  même  croire  cju'ils 
no  les  connaissaient  pas.  On  se  réfutait  par 
des  écrits  injurieux,  sans  égard  à  la  décision 
de  la  sacrée  congrégation  de  Home,  en  1639; 
on  poussa  les  choses  jusqu'à  s'attaquer  de 
faussaire  devant  le  parfement  de  Paris,  en 
1652,  et  la  môme  question,  dit  le  chanoine 
Weigl,  fut  aussi  débattue  en  Allemagne. 

Le  sage  archevêque  François  de  Uarlaj 
songea,  en  1671,  à  convoquer  dans  son  pa- 
lais les  not&bilités  littéraires  de  Paris  en 
congrès  seientiâque,  afin  de  déterminer 
l'époque  à  laquelle  le  traité  de  r/mi/olion  a 
été  composé,  et  f>our  décider  sur  Tauloiir. 
A  ceîte  tin,  douze  manuscrits  furent  pré^i* 
tés,  tirés  d'Allemagne,  d'Italie  et  autres  flSf* 
Mais  les  savants  en  paléographie  ne  dMi** 
nèrent  leur  jugement  que  sur  deux,  propres 
à  trancher  la  question,  i*  Ils  déclarèrent  le 
manuscrit  de  IHl,  apporté  d'Anvers,  rempli 
de  fautes  et  digne  d'un  copiste;  2*  le  manus- 
crit de  Padolirone  loi  fut  reconnu  antérieur 
au  moins  de  doux  cents  ans  et  plus,  d'après 


m 


m 


D^ÂSCETISME. 


m\ 


Me 


les  caractères  diplomatiques  qu*ll  présentait, 
sans  cependant  prendre  garde  à  la  date  de 
Mkt  qa*on  troure  â  la  dernière  page  de  ce 
précieai  nianuscrit  de  la  Bibliothèque  ro^^ale, 
n'  1356.— Cette  décision  n'ayant  ni  satisfait 
ni  apaisé  les  parties,  alors  les  Bénédictins 
Dblinreiit  de  Rome,  en  1674,  le  Codex  silu- 
riattN^'inanuscrit  qui  porte  le  nom  de  Jean 
Gerseii,  et  qui  fut  produit  dans  une  seconde 
conférence.  Les  paléographes,  appelés  au 
monastère  de  Saint-Gerraain  des  Près,  décla- 
rèrent que  récriture  et  les  autres  signes 
devaient  faire  remonter  son  antiquité  à  plus 
de  deux  cents  ans. 

Enfin,  par  Tacti^ité  de  Dom  Mabillon,  on 
obtintd'Arone  le  manuscrit  longtemps  refusé, 
ainsi  que  deux  autres  très-précieui,  appor- 
tés de  Parme  et  de  la  ville  de  Bobhio,  en 
1687;  ces  trois  manuscrits,  portant  le  nom 
de  Jean  Gersen,  furent  soumis  à  un  nouveau 
congrès,  composé  de  dix-neuf  savants  de 
Paris,  et  ils  aécidèrent  que  les  manuscrits 
d^Arene  et  de  Bobbio  étaient  les  plus  an- 
ciens, antérieurs  de  trois  cents  ans,  ainsi  de 
rannée  1387  au  moins  :  ce  que  Mabillon 
déclara  aussi  dans  son  Muséum  lialicum, 
publié  en  1687,  à  Paris. 

1^  cause  de  l'humble  abbé  bénédictin 
Gersen  devait  triompher,  à  la  suite  de  trois 
congrès  qui  lui  avaient  été  favorables  ;  mais 
le  docteur  Dapin,  après  avoir  signé  le  pro- 
cès-verbal de  1G87,  changea  d*avi$,  et,  en 
1698,  publia  un  écrit  en  faveur  de  Jean 
Gersen,  chancelier  de  l'Université.  Les  dis- 
putes recommencèrent  entre  les  kempistcs 
ellesgersénistes;  et,  pendant  le  xvin'siècie, 
deax  auteurs  seulement,  l'abbé  Andry  et 
PoQsaœpieri,  ont  écrit  pour  Gcrson,  et 
plusiearsautres  restèrent  dans  le  doute  à  l'é- 
gard de  Tautear. — Les  horreurs  d'une  révo- 
lalion  sans  exemple  dans  l'histoire  parvin- 
rent à  ensanglanter  la  noble  France;  les 
dictions  et  les  guerres  firent  abandonner  les 
bonnes  études;  les  Ijcées  et  universités  de- 
vinrent déserts,  et  les  discussions  sur  Tauteur 
àiiV Imitation f  après  les  notes  de  Godescard 
e(  de  Mercier  de  Saint-Léçer,  publiées  en. 
1788,  à  la  veille  de  Thornble  catastrophe, 
furent  abandonnées. 

11  était  réservé  au  siècle  présent,  après 
que  Tordre,  la  religion  et  les  lois  furent 
rétablis  nar  la  main  de  fer  de  Napoléon»  de 

e)uvoir  s  occuper  de  discussions  historiques. 
n  1806,  on  savant  de  l'Âcadémiedes scien- 
ces de  Turin,  Galléani  Napione,  décoré  de 
la  Légion  d'honneur,  fut  le  premier  à  jeter 
legani  sur  la  question  du  véritable  auteur 
de  [Imitation.  Un  autre  Italien,  l'abbé  Can- 
ceJlieri,  de  Rome,  en  1809,  s'associa  au  pre* 
loier  pour  démontrer  que  le  moine  Jean 
Gersen»  abbé  de  Saint-Ëtienne  à  Vereeil, 
^n  était  le  véritable  auteur.  Personne,  pas 
nidneeii  Flandre  ni  en  Allemagne»  ne  son- 
geait au  bon  Thomas  A'Keoipis  ;  et  tandis 
'ioe  le  noble  vicomte  de  Chateaubriand, 
dans  son  Génie  du  christianime,  en  1809, 
parlait  du  livre  de  17iiittortoii  comme  d'une 
^fpèce  de  phénomène  du  xnf  siècle,  Lam- 
Uaet  inséra,  dans  le  Journal  de$  Curée  du 


22  août,  è  Paris,  ses  remarques  sur  plusieurs 
éditions  latines  de  VJmitation^  auxquelles, 
dans  le  même  journal,  Jean-Baptiste  Gence 
répondit  de  suite,  en  engageant  une  nou- 
velle dispute.  En  1810,  le  même  Gence, 
après  avbir  publié  en  septembre,  dans  le 
même  journal,  une  notice  sur  le  caractère 
des  éditions  ou  traductions  françaises  les 
plus  remarquables  d(j.  VJmitalion  de  Jésus- 
Ckristf  eut  connaissance  d'une  nouvelle  dis- 
sertation de  Napione,  lue  à  l'Académie  de 
Turin,  et- publiée  en  1811,  sur  le  manuscrit 
d'Arone.  Alors,  profitant  des  lumières  de  son 
ami  Alei.  Barbier,  bibliothécaire  do  l'empe- 
reur, et  de  sa  Dissertation  sur  soixante  tra- 
ductions françaises  de  r  Imitât  ion  f  publiée  en 
1812, à  Paris,  Gence  ajouta,  à  la  suite  (page 
215),  des  Considérations  sur  la  question  reio- 
tive  à  rauteur  de  riroilation,  et  sur  les  dis- 
cussions qui  la  reproduisent. 

L'écrivain  français  altanua  rudement  Na- 
pione et  Cancellieri,  et,  s  emparant  des  an- 
ciennes allégations,  des  défenseurs  de  Kem- 
pis,  non-seulement  il  nia  l'existence  d'un  in- 
dividu portant  le  nom  de  Jean  Gersen,  de 
ce  fantôme,  prétendu  abbé  de  Yerceil,  in- 
venté pour  le  substituer  à  Jean  Gerson» 
chancelier,  mais,  de  plus,  il  méprisa  l'auto- 
rité des  anciens  historiens  Modéna,  fiellini, 
Cusano,  de  l'évèquo  Ferrero,  Corbelli,  du 
Bénédictin  Rossotti,  et  de  l'évêgue  délia 
Cbiesa,  et  autres  autorités  en  laveur  de 
l'abbé  Gersen.  Enfin,  il  conclut  par  dire  que 
seulement  trois  manuscrits  portent  la  dési- 
gnation de  Gersen,  et. que  ce  n'est  qu'une 
corruption  du  nom  de  Gerson  ;  il  pro- 
mit alors  une  édition  latine  de  VJmita^ 
iion  avec  des  variantes,  et  Tindication  tex- 
tuelle des  passages  de  l'Ecrituret  pour  la- 
quelle il  profita  d'un  travail  que  le  pieux  et, 
savant  Larnher  lui  avait  abandonné. 

M.  de  Grégorv  raconte  ensuite  comment, 
en  1825,  il  découvrit  à  la  bibliothèque 
royale  le  fameux  Codex  Cavensis  (manuscril 
de  La  Cave),  ceux  de  Bobbio  et  de  Parme 
dont  on  ignorait  l'existence  depuis  1790, 
époque  de  la  suppression  des  Bénédictins. 
Mais  une  nouvelle  découverte  devait  fixer 
irrévocablement  son  opinion  en  faveur  de 
Gersen  :  «  La  révolution  des  trois  mémo-* 
rables  journées  de  juillet  1830  allait,  dit*il, 
nous  détourner  de  nos  études  historiçiues, 
lorsque  fa  Providence  nous  mit  en  main  un 
manuscrit  que  nous  avons  acheté  et  appelé 
Codex  de  aavocatis  sœculi  xiii  ;  cette  heu- 
reuse et  importante  découverte  fui  faite  le 
4  août  suivant,  chez  M.  Técheoer ,  libraire 
de  Paris. 

<  Ce  précieux  manuscrit,  soumis  bientôt  k 
l'observation  de  savants  experts  en  paléo- 
graphie, fut  jugé  le  plus  ancien  connu  et  le 
plus  correct.  Ces  déclarations  suffirent  pour 
nous  encourager  à  de  nouvelles  recherches 
ayant  pour  but  de  constater  l'époque  appro- 
ximative do  Texistence  du  Codex  de  aéh 
vocatiSf  lequel,'  par  actes  judiciaires,  fui 
ensuite  prouvé  être  antérieur  à  l'an  1349  ; 
ce  qui  résfulte,  nar  preuves  légales^  du 
Diarium  Jbsephi  ùe  aavocatis. 


«la 


DICTIONNAIRE 


IMI 


«llétaitlrès-imporlantdc  publier  de  soite 
le  teïie  de  ce  précieux  manuscrit,  avec  des 
notes  et  avec  les  variantes  de  plus  anciens 
manuscrits  d'AHatio^  de  La  Cava^  de  Bobbio 
et  de  Padolirone.  Nous  Tavons  fait  en  rédi- 
geant une  préface  historique  ap|>uyée  des 
documents  et  des  avis  des  savants  experts 
déjà  cités.  —  Une  première  édition  à  cent 
exemplaires*  porte  le  titre  de  Codex  de  ad- 
vocaiîs  sœeuli  xiii,  de  imiiatione  Chrieti  et 
coniemplu  mundi  cmniumque  ejus  vaniiaium 
lihri  IV9  fideliter  expressut  cum  notis  et  «a- 
riit  leciionibui^  curante  équité  G.  de  Gre^ 
gorf/f  J.  U.  doctore,  prœside  honorario  in 
âuprema  regia  euria  Aquarum-Sextiarumf 
edilio  princep».  Lutetiœ^  mdgcgxxxhi.  Excu- 
debant  Firmin  Didot  fratres  ;  vol.  ^rand 
in-S*,  avec  une  dédicace  aux  illustres  biblio* 
philes.  —  Après  le  tirage  de  cent  exem- 
plaires sur  un  grand  papier  vélin»  avec  cinq 
ptanches  reproduisant  des  fac-similé  et  l*an- 
cienne  orthographe  du  texte,  qui  fut  par 
nous  corrigé  et  soigné,  nous  avons  fait  un 
second  tirage  selon  Torthographe  moderne» 
avec  ce  titre  :  De  imitatione  Chrisli  et  eon- 
temfftu  mundi  omniumque  ejus  vanitatum 
Ubri  IV.  Codex  de  advocatis  sœeuli  xiii,  edt- 
iio  secundo^  cum  notis  et  variis  lectionibus  ; 
curante  équité  G.  de  Gregory;  J.  If.  doctore^ 
prœside  honorario  in  suprema  regia  euria 
Aquarum-Sextiarum.  Pansiis^  typis  fratrum 
Ftrmin  Didot^  régis  et  regii  instituti  typo^ 
grapho  ;  1833,  v.  tn-8'. 

«  Nos  deux  éditions  furent  accueillies  avec 
intérêt  par  la  république  des  lettres.  Hais 
quelque  critique  incrédule  s*avisa  d'attaquer 
le  procès-verbal  dressé  en  la  ville  de  Biella» 
le  25  nov.  1831,  et  confirmée  Taide  de  nou- 
velles preuves,  le  31  janvier  1832,  par  le 
notaire  royal  Ignace  Dionisio  et  par  Tabbé 
comte  Gustave  Avogrado  de  Valdengo,  as- 
sisté de  plusieurs  témoins  qui  ont  signé  les 
actes  légalisés  par  le  préfet  du  tribunal  et 
par  son  greffier.  Il  résulte  de  ces  actes  que 
«  le  manuscrit  de  Advocatis  appartenait,  en 
1349,  à  Joseph  de  Advocatis  de  Valdengo, 
qui  le  donna,  le  15  février,  jour  de  dimanche, 
h  son  frère  Vincent,  domicilié  è  Cérione, 
village  près  de  Biella,  à  l'occasion  d'un  par- 
tage de  famille  entre  les  deux  frères.  »  Cette 
attac^ue  injurieuse  contre  des  fonctionnaires 
publics,  qui  n'avaient  aucun  intérêt  à  cacher 
la  vérité,  nous  obligea  à  demander  par  lettre 
nnfac-^simile  de  l'article  de  ce  précieuxjourn.  1 
de  famille,  sous  la  date  du  15  février  1349, 
conservé  dans  lesarchivesdu  comte  Avogra- 
do, seigneur  de  Valdengo,  de  Cérione,  etc. 

«  Ce  fac-similé  nous  fut  envoyé  deBiella  le 
17  juillet  1832,  par  le  chanoine  Morra,  vi- 
caire capitulaire  et  trésorier  de  la  cathé- 
drale. L*église  de  Biella  ayant  obtenu,  le 
30  septembre  1833,  un  nouvel  évèque  dans 
la  personne  du  savant  théologien  Losana 
(Jean-Pierre),  ancien  délégué  apostolique 
d*Alep,  nous  lui  demandâmes,  par  lettre  du 
24  mai  1835,  un  autre  certificat.  I^e  respec- 
table évèque  daigna  nous  l'accorder,  et 
poussa  la  complaisance  jusqu'à  nous  trans- 
crire l'extrait  au  m^me  journal,  qui  appar- 


tient è  la  famille  Avogrado  el  qui  concorde 
avec  l'acte  de  Dionisio,  notaire  rojal  k  BielU. 

«  Notre  intention»  déjà  manifestée  daos  les 
prébces  latines  des  éditions  de  1833,  était 
de  donner,  dans  les  deux  langues,  italieune, 
et  française,  des  traductions  teituelles  et 
littérales  du  Codex  de  advocaiis»  Nonobstaot 
les  soufDrances  que  noua  occasionnait  une 
longue  et  dangereuse  maladie,  nous  avons, 
en  décembre  1835,  fait  paraître  simuitaoé- 
ment  les  traductions,  en  deux  vol.  in-i8de 
400  pages  chacune,  imprimées  avec  éiégsnee 
par  les  frères  Firmin  Didot.  —  Noos  les 
avons  dédiées  aux  dames  chrétiennes,  char- 
gées spécialement  de  l'éducation  de  leurs 
enfants,  après  avoir  montré  que  la  lecture 
de  cet  ouvrage  rend  l'homme  plus  paisible 
dans  sa  famille  et  plus  pradent  en  société; 
que  cette  lecture  a  été  recommandée  par 
une  femme  non  moins  illustre  en  saioieié 
qu'en  littérature,  la  bienheureuse  Hosaone 
Andreassi,  religieuse  dominicaine,  née  à 
Hantoué  en  1449. 

«  Enfin,  non  content  d*avoir  rempli  notre 
promesse,  d'avoir  propagé  ainsi  en  trois 
langues  différentes  la  lecture  du  meillear 
des  livres  ascétiques,  nous  avons  encore 
transcrit  à  la  dernière  page  le  certificat  du 
respectable  évèque  de  Biella,  certificat  daté 
du  1"  octobre  1835,  signé  de  sa  propre 
main ,  et  contresigné  par  le  chancelier 
Uaggia.  » 

Après  toutes  ces  preuves  authentiques  et 
les  documents  publiés,  H.  Onésime  Leroy, 
en  1837,  prétendit  avoir  trouvé  à  Valeo- 
cienne  un  manuscrit  portant  le  texte  prim- 
tif  français  de  limitation  de  Jesus-Ckritt. 
Cette  trouvaille  sans  preuve  fit  beaucoup  de 
bruit;  l'Académie  française  proposa,  pour 
1838,  l'éloge  du  chancelier  Jean  Gersoo,  et 
accorda  deux  prix  aux  lauréats,  MH;  Dopré 
et  Faugères.  Alors  se  sont  élevées  de  nou- 
velles discussions,  auxquelles  ont  pris  part 
le  chanoine  Weigl,  dans  sa  PolyglottSf  et 
H.  Nolhac  pour  Gersen,  Bénédictm,  tandis 
oue  MM.  Mootfalcon»  Leroy,  Michelet  et 
liéraud  viennent  de^publier  leurs  arguments 
pour  Gerson,  chancelier. 

Nous  n'analyserons  point  les  longs  argu- 
ments uueM.deGrégory  tirede  sa  découver- 
te ;  qu'il  noussuflSse  de  citer  le  compte-rendu 
donné  par  VAmi  de  la  Religion  (13  novembre 
1833]  :  «On  sait,  dit-il, que  M.  Gence  refuse 
également  à  Kempis  et  à  Gersen  la  gloire 
d*avoir  composé  Vlmitation  :  il  donne  ce 
livre  à  Gerson.  M.  de  Grégory,  de  Yerceilf 
président  honoraire  à  la  Cour  royale  d'Aix, 
avait  déjà  traité  cette  question  dans  son 
Hiitoire  de  la  Littérature  de  Yereeilt  eo 
h  vol.  in-4%  imprimés  à  Turin  de  1819  ^ 
182^.  Depuis,  il  avait  paru  de  lui  UB  Ji^ 
moire  sur  le  véritable  auteur  de  r/mi{ifÎ9Si 
revu  et  publié  par  Lariiuinais,  1887,jjl-'ll 
Aujourd  hui,  M.  de  Grésory  se  preseote 
avec  de  nouvelles  armes  qiril  regarde  comme 
décisives.  Il  a  découvert  un  manuscrit  ius- 

Su'ici  inconnu  des  savants.  Le  4  aoû*t  lo90i 
a  acheté  à  Paris,  du  libraire  Téchener,un 
manuscrit  sur  parchemin  ^  contenant  les 


nsB 


D^ASCETISIIK 


quatre  liTres  de  Vlmiiaiion,  el  que  Téche- 
ner  avait  acheté  è  Metz  du  libraire  Lévi. 
Commeut  Lévi  avait-il  ce  manuscrit  ?  C'est 
ce  qu'on  D*a  pa  vériQer.  Hais  on  voit,  par 
différentes  notes,  que  ce  manuscrit  avait 
appartenu  à  la  lamille  ÀTOgrado,  de  Ver- 
ceil»  et  qu'il  était  depuis  longtemps  dans 
cette  famille.  Dans  une  espèce  de  journal 
de  la  famille  ÀTogrado,  il  est  prie»  sous 
Tan  1349,  d'un  manuscrit  de  VJmiiation^ 
qu'un  A vogrado  (en  latin  de  Advocaiii)  tenait 
lie  longue  main  de  ses  ancêtres,  et  dont  il 
faisait  présent  à  un  de  ses  frères.  Ceci  tran- 
cherait la  Question  ;  car  si  17mtfaltofi  exis* 
tait  en  1349,  et  qu'un  manuscrit  de  ce  livre 
existât  de  longue  nuiin  dans  une  famille,  il 
est  évident  que  l'ouvrage  ne  peut  être  de 
Gerson,  qui   ne  naquit  qu'en  1363,  ou 
d'A'  Kempis,qui  ne  naquit  qu'en  1380.  Ger- 
sen  était  du  siècle  précédent  et  était  abbé 
de  Saint-Etienne,  de  Verceil,de  1220  à  1240. 
M.  de  Grégory  a  (ait  examiner  son  manus- 
crit |-ar  plusieurs  savants  fran^is  et  étran* 
gers,  qui,  au  caractère  de  l'écriture,  ont  cm 
reconnaître  qu'il  était  de  la  fin  du  xiii'  siècle 
ou  du  commencement  du  xiv*.  C'est  l'opinion 
de  MM.  Nodier,  Marcel,  Buchon  et  Artaud, 
et  de  dix  littérateurs  italiens  ou  allemands. 
M.  de  Grégorj  a  joint  leurs  témoignages  à 
sa  prélace.  » 

H  ne  s'en  tient  pas  là,  et,  à  l'exemple  de 
M.  Gence,  il  donne  une  description  des 
manuscrits  de  Vlmitalion.  D'abord,  il  exa* 
mine  les  manuscrits  du  xV  siècle»  sans  nom 
d'auteur.  Le  premier  est  son  manuscrit  Avo- 
grado,  qui  est  en  petits  caractères*  avec 
beaucoup  d'abréviations.  MM.  Lénine,  Gué- 
rard,  Andiffret,  et  autres  gardes  des  manus- 
crits de  la  Bibliothèque  du  roi,  ayant  com- 
paré, le  9  août  1830,  le  manuscrit  Avogrado 
avec  ceux  de  la  Gava,  de  Bobbio,  de  Bres- 
eia,  de  Mantoue  et  autres  qui  avaient  été 
rapportés  d'Italie  par  Mabillon  en  1686,  et 
avec  le  ISimeux  manuscrit  de  Gerardmont, 
décrit  dans  l'acte  de  1671,   et  assigné  à 
Tan  1400,  ont  estimé  que  ce  manuscrit  leur 
était  antérieur.  M.  de  Grégory  passe  en  re- 
vue trente  nîanuscrils  du  xv*  siècle,  sans 
nom  d'auteur.  Il  cite  quatre  éditions  du 
même  siècle,  également  sans  nom  d'auteur, 
trois  manuscrits  et  sept  édltionsqui  attribuent 
l'ouvrage  à  saint  Bernard,  neuf  manuscrits 
et  huit  éditions  qui  l'attribuent  à  Thomas 
A*Kempis;  cinq  manuscrits  et  douze  édi- 
tions qui  le  donnent  à  Gersoo,  et  quinze 
manuscrits  qui  portent  le  nom  de  Ge$$emf 
ou  Gersen^  ou  Ger$em.  De  cet  examen,  M«  de 
Grégory  conclut  que  plusieurs  manuscrits, 
dont  Tauthenticitô  n'est  pas  douteuse,  ne 
Dt  aucun  nom  d'auteur  ;  qu*aucun  ma- 
rit  ne  porte  le  nom  d'A'Kempis  avant 
et  aucun  celui  de  Gerson  avant  1460. 
rant  auteur  ne  manque  pas  de  tirer 
je  de  l'examen  de  treize  manuscrits 
failite  1671,  h  Paris,  par  plusieurs  savants, 
et  de  l'examen  que  d'autres  savants  firent 
en  1687  des  manuscrits  d^Arone»  de  Parme 
et  de  Bobbio. 
M  de  Grégory  donne  ensuite  le  texte  de 


Vlmitation  d'après  le  manuscrit  Avogrado. 
il  indique  soigneusement  les  variantes  des 
principaux  manuscrits  cl  des  éditions  les 
plus  connues.  Ce  travail  parait  lait  en  cons- 
cience et  par  on  homme  qui  a  bien  étudié 
Vlmitation^  et  qui  a  fait  de  très-grsndes  re- 
cherches sur  le  texte  de  cet  incomparable 
ouvrage,  il  faut  parcourir  l'édition  pour  se 
faire  une  idée  de  ce  traTail.  L'éditeur  cite 
les  passages  de  l'Ecriture  auxquels  l'au- 
teur de  Vlmitation  fait  allusion.  Enfin,  il  ne 
néglige  rien  pour  éclaircir  le  texte,  et  com- 
pare les  préceptes  qu'on  y  trouve  aTec  ceux 
de  la  règle  de  Saint-Benoit.  Tout  cela  fait 
le  sujet  d'un  grand  nombre  de  notes,  qui 
sont  en  latin  comme  le  texte. 

L'éditeur  avait  publié  une  première  édi- 
tion avec  l'ancienne  orthographe,  mais  à 
cent  exemplaires  seulement,  et  pour  satis^ 
laire  la  curiosité  des  bibliophiles.  Celle-ci 
est  plus  soignée  et  plus  purgée  des  fautes 
qui  appartiennent  au  xjir  siècle.  A  la  fin,  on 
trouve  une  liste  des  locutions  d'un  latin  fieu 
correct,  et  qui  se  trouvent  dans  le  manu- 
scrit Avogrado.  Ce  manuscrit  a  été  offert 
par  M.  de  Grégory  au  chapitre  de  la  cathé-: 
drale  de  Verceil,  pour  ôu*e  conservé  dans 
ses  archives.  11  est  de  forme  carrée,  de  ca-* 
ractère  gothioue  nouveau  et  rond,  presque 
sans  ratures.  Il  parait  avoir  été  écrit  par  une 
plume  de  fer  ou  d'argent.  L'éditeur  lait  dif* 
férentes  remarques  sur  le  caractère  de  l'é- 
criture, sur  la  uonctuaiion,  sur  l'orthosra- 
phe,  sur  les  abréviations,  sur  les  corrections 
qui  se  trouvent  en  marge.  Il  trouve  dans 
tout  cela  des  preuves  de  l'antiquité  du  ma- 
nuscrit. Six  gravures  offrent  le  portrait  de 
l'abbé  Gersen,  trois  spécimen  du  manuscrit 
Avogrado,  un  spécimen  du  manuscrit  d'A- 
rone,  et  des  sp^hnen  de  quatre   autres 
célèbres  manuscrits.  (Ami  de  ta  Meligion.) 
Malgré  toutes  ces  raisons ,  les  partisans  du 
chancelier  Gerson  ne  se  tiennent  pas  pour 
battus.  Au  XV*  siècle,  disent-ils,  et  même 
au  commencement  du  xvr,  on  ne  connais- 
sait généralement  d'autre  auteur  de  Vlmi- 
tation que  Jean  Gerson,  chancelier  de  TUni- 
versité  de  Paris.  Les  premières  éditions  pa- 
rurent sous  son  nom,  et  ce  nom  se  lisait 
sur  presque  tous  les  manuscrits ,  à  moins 
qu'ils  ne  fussent  anonymes.  L'ouvrage  en- 
tier,ou  du  moins  quelques  liTres,  était  pres- 
que toujours  en  compagnie  d'autres  opus- 
cules du  même  auteur.  Au  rapport  de  L. 
Gonzalès  et  de  N.  Orlandini,  saint  Ignace 
de  Loyola  ne  désignait  ce  traité  que  sous 
le  nom  du  livre  de  Gerson,  Libeltus  uersonis. 
Cependant,  comme  le  catalogua  des  ouvrages 
du  chancelier,  donné  par  son  f:  ère,  le  prieur 
des  Célestins,  ne  laisait  aucune  mention 
de  r/mtlnltoii  de  Jésus^hristf  du  moins  sous 
ce  titre,  on  conclut  de  ce  silence  qu'il  fal- 
lait attribuer  l'ouvrage  à  d'autres  auteurs. 
—  Déjà,  en  1488,  avait  paru  à  Toulouse 
une  édition  française,  avec  ce  titre  :  Cy 
comance  le  liwre  tris  salutaire  la  Tmitation 
Jkesu  Christ  et  mesprisement  de  ee  nu^nde^ 
premièrement  composé  en  latin  par  sainct 
Bimard,  ou  par  aultre  dévote  personne^  al- 


871 


IMI 


DICTIONNMIIE 


UO 


m 


iribuéà  maistre  Jehan  Genon^  chancelier  de 
Parié  «  tt  aprit  transtalé  en  français  en  la 
cité  de  Thotose.  Ici  saint  Bernard  est  soup- 
çonné d*ôtre  Fauteur  d^VImitation;  maiSi 
outre  qu'il  était  peu  probable  qu'un  ouvrage 
de  ce  Père,  et  surtout  un  ourrage  de  ce 
genre  t  fût  resté  inconnu  pendant  près  de 
trois  siècles,  il  suffi^it  de  lire  quelques 
pages  de  ses  écrits  pour  s'assurer  que  r7mi'- 
tation  n'est  pas  de  son  style.  Saint  Bernard 
ne  fut  donc  pas  un  concurrent  sérieux,  et 
rédition  précitée  fut  la  seule  qui  portAt 
son  nom.  Un  manuscrit  du  xv' siècle,  trouvé 
à  Louvain,  et  contenant  les  quatre  livres  de 
Vlmitaêion^  se  terminait  par  cette  formule  : 
Fin  itus  et  completus  per  tnanus  fratris  Thomœ 
A'Kempis,  anno  lUi.  Cette  découverte  pa- 
rut lever  tous  les  doutes;  on  connaissait  la 
date  certaine  et  le  véritable  auteur  du  pré- 
cieux opuscule.  Il  avait  été  terminé  en  IHl, 
et  composé  par  Thomas  A'Kempis,  chanoine 
régulier  de  Mont  Sainte-Agnes,  près  de 
Swoll.  D'ailleurs,  dès  le  xv*  siècle»  deut 
éditions  avaient  paru  sous  son  nom,  l'une  en 
français,  h  Paris,  en  1493,  et  l'autre  en  latin, 
à  Nuremberg,  Tannée  suivante. 

Mais  voici  que  de  toutes  parts  surgissent  des 
manuscrits  offrant  d'autres  noms  ;  la  bibliothè- 
que des  Jésuiles  d'Arone,  entre  autres,  pré- 
sisnto  unaulogranho  du  xiii' siècle,  où  l'on 
trouveentêtedecnaque  livre  lenomd'unabbé 
Jean  Gersen  ou  Gessen,  gue  l'on  dit  abbé 
de  Saint-Etienne  ou  do  Saînt-André  de  Ver- 
ceil.  Voilà  donc  Thomas  A'Kempis  dépos- 
sédé, puisque  le  livre  qu'on  lui  attribue 
existait  deux  cents  ans  avant  lui;  ce  livre 
n*est  plus  l'œuvre  d'un  chanoine  régulier, 
mais  d'un  religieux  bénédictin  ;  il  ne  vient 
plus  d'Allemagne,  mais  d'Italie.  De  là  une 
vive  polémique  h  laquelle  prirent  part,  du 
côté  de  Thomas  A'Kempis,  les  Jésuites  Ros- 
weide  et  Hezer,  le  savant  G.  Naudé,  les 
chanoines  réguliers  Fronteau,  Amort  et 
Frova,  ce  dernier  de  Verceil;  du  côté  do 
Jean  Gersen,  le  docteur  Jean  de  Launoy,  lest 
Bénédictins  Cojétan,  Valgrave.  Quatremaires 
etMâbillon  ;  de  là  aussi  des  injures,  puis  un 
procès  judiciaire,  terminé  par  un  arrêt  du 
12  frévrier  1652,  qui  défendait  d'imprimer  à 
l'avenir  Vlmitation  sous  un  autre  nom  que 
celui  de  Thomas  A'Kempis.  Le  tomns  n'a 
sanctionné  ni  l'arrêt  de  la  cour,  ni  les  ar- 
guments des  deux  partis,  continuent  les 
Gersonistes ,  et  le  nom  de  Jean  Gerson , 
trop  longtemps  écarté,  est  revenu  enfin 
revendiquer  ses  droits.  Quoique  les  Alle- 
mands d*une  part,  et  les  Italiens  de  l'au- 
tre, aient  cru  remarquer  leur  idiome  res- 
pectif à  travers  le  texte  latin  de  l'ouvrage 
qu'ils  se  disputaient,  on  finit  par  reconnaî- 
tre que  les  nombreux  gallicismes  parsemés 
dans  ce  texte  indiquaient  exclusivement 
une  origine  française.  On  sentit  de  plus  que 
la  formule  qui  terminé  le  manuscrit  de 
Louvain  accusait  moins  un  auteur  qu'un 
copiste;  ce  que  rendait  plus  que  problable 
le  genre  d'occupation  habituelle  du  bon 
chanoine  de  Mont  Sainte-Agnès,  qui  avait 
sigualé  son  talent  calligraphique  en  copiant. 


pour  son  couvent  ou  pour  d'autres  maisons, 
plusieurs  ouvrages,  tels  que  la  Bible,  des  li- 
vres de  chant,  des  missels,  des  opuscules 
de  saint  Bernard,  etc.,  d'autres  Pères,  tous 
revêtus  de  semblables  formules.  La  formule 
susdite  ne  prouvait  donc  pas  plus  dans  uq 
cas  que  dans  un  autre,  et  le  nom  de  Thomas, 
écrit  sur  le  texte  de  lUl,  ne  témoignait  pas 
plus  un  auteur  du  livre  que  les  nomsdeG.de 
GoUingen,  de  Conrad  Obersperg,  d'Etienne 
Purchkard,  de  Louis  du  Mont,  etc.,  trouvés 
sur  d'autres  Imitations  manuscrites,  ne  té- 
moignaient pour  ceux  qui  les  avaientcopiées. 
Enfin  les  témoignages  que  Ton  inioquait 
en  faveur  du  chanoine  allemand  étaient  re- 
connus apocryphes  ou  tout  au  plus  fondés 
sur  des  ouï-dire.  Quant  à  Jean  |Gersen, 
avant  do  le  faire  Tauteur  de  l'Imitation,  il 
eût  fallu  constater  son  existence.  Ce  per- 
sonnage, dit  du  xur  siècle,  contemporain  et 
ami  de  saint  François  d'Assise  et  de  saint 
Bonaventure,  était  demeuré  inconnu  jus- 
qu'au XVII*  siècle,  même  dans  le  pays  ou  où 
lui  donnait  une  prélature;  le  Catalogué  des 
abbés  de  Verceil  ne  contenait  aucun  nom 
semblable,  et  la  première  fois  qu'on  le 
voyait  apparaître  sur  quelques  listes,  c'élailî 
ré()oque  des  débats  en  question.  D'ailleurs, 
au  jugement  des  plus  habiles  paléographes, 
et  notamment  du  P.  Zaccaria,  le  manuscrit 
d'Arone,  loin  d'avoir  l'antiquité  qu'on  lui 
supposait,  ne  remonte  pas  môme  au  temps 
de  Gersen.  Tout  {)orte  à  croire  que  cet  au- 
teur n'a  jamais  existé  que  dans  Timagina- 
tion  de  ses  partisans,  et  que  son  nom  n'est 
autre  que  celui  de  Gerson  défiguré.  En  vaio, 
au  commencement  de  ce  siècle,  MH.Napiono 
et  Cancellieri  ont  essayé  de  ressusciter  le 
prétendu  abbé  de  Verceil;  en  vain,  lepré^ 
sident  de  Grégory,  sur  la  foi  d'un  manuS' 
crit  dont  il  aimait  à  reculer  l'antiquité,  a 
publié  plusieurs  brochures  pour  soutenir  les 
droits  de  cet  auteur  imaginaire;  tous  les 
efforts  sont  restés  inutiles,  et  Jean  Gersea 
est  retombé  plus  que  jamais  dans  son  néant. 
Ces  deux  prétendants  une  fois  écartés,  le 
chancelier  de  Paris  devait  nécessairement 
reparaître.  Déjà  il  avait  pour  lui  le  témoi- 
gnage des  éditions  antiques,  et  ceux  non 
moins  respectables  de  Sainte-Beuve  et  de 
Bossuet,  de  C.  Labbé,  de  £.  Dupin,  et 
d'autres  savants;  d'autres  preuves  doTaient 
encore  militer  pour  lui.  Dans  le  volumineux 
index  du  Vatican,  où  se  trouve  l'indicalioD 
de  tous  les  livres  contenus  dans  la  biblio- 
thèque des  monastères  d'Italie  avant  le  xtu' 
siècle,  on  voit  que  de  ino  à  1600  il  n'y  a 
presque  pas  d'années  où  il  n'ait  paru  uDe 
ou  plusieurs  éditions  latines  ou  italiennes 
de  limitation  sous  le  nom  de  Jean  Geffoo* 


trouve  aucune  sous  lé  nom  de  Jean  Gersen. 
Les  difficultés  tirées  du  silence  du  catalogue 
écrit  par  le  prieui"  des  Célestins,  ou  de  la 
qualité  de  religieux  réclamée  pour  l'auteur 
par  certains  passages  du  troisième  livret 
n'existent  plus  depuis  que  Von  sait  que  le 


L: 


DU 


D*ASCEnSME. 


IMI 


674 


titre  primitif  ;du  pieui  oarrage  n'était  pas: 
De  imilaiione  Chrixti^  mais  bien.  Consola-- 
iione$  iniemœ^  on  plalôt,  en  français,  de 
rimiemelle  consolation^  et  que  les  passages 
applicables  aux  seuls  moines  sont  des  ad- 
ditions qui  ne  se  trouvent  pas  dans  le  texte 
original.  M.  Gence,  dans  ses  Considérations 
Mur  fauteur  de  F  Imitation^  imprimées  à  la 
suite  de  la  Dissertation  de  Barbier  sur  les 
traductions  françaises  du  même  ouvrage,  a 
clairement  établi  les  droits  de  notre  com- 
patriote, et  démontré  que  F  Imitation  est  une 
gloire  de  plus  gui  appartient  k  la  France. 
EoGn  H.  Onésime  Leroy  a  trouvé,  il  y  a 
oaeiques  années,  dans  la  bibliothèque  de 
V  alenciennes ,  un  manuscrit  authentique 
portant  le  titre  d'Intemelle  consolation  ;  et 
propre  à  dissiper  tous  les  doutes  qui  pour- 
raient subsister  encore.  Voici  ce  que  dit  de 
cette  découverte  M.  Leroy  lui-même,  dans 
une  lettre  à  M.  de  Lamartine  :  «  Ce  manus- 
crit inappréciable  contient  :  1*  le  texte  pri- 
mitif de  Vlmiiationf  composé  d*abord  en 
français  par  Gerson  pour  ses  sœurs,  et  co- 
pié par  ordre  du  bon  duc  de  Bourgogne;  2* 
deux  discours  semi-politiques  sur  Ta  pas- 
sion de  Jésus-Christ,  prononcés  à  Paris  par 
le  même  Gerson  ;  Tannée  où  les  confrères  de 
la  passion  représentaient  le  grand  drame, 
iSont  la  bibliothèque  de  Valencienneb  nous 
offre  aussi  !e  texte  manuscrit,  comme  pour 
rapprocher  ce  que  l'éloquence  et  la  poésie 
française  ont  eu  de  remarquable  dans  le 
xr*  siècle.  »  Ainsi  parlent  les  défenseurs  de 
Gerson  réfutés  plus  haut  par  M.  Grégory.  . 
Quant  aux  partisans  de  Thomas  A'Kempis, 
les  plus  célèbres  sont  Rosweide,  Jésuite 
d'Utrecht,  mort  à  Anvers  en  1679,  et  Eusèbe 
Amort,  de  Bavière,  chanoine  régulier  de 
Saint-Augustin,  décédé  en  1775.  —  Le  pre- 
mier attira  tous  ses  confrères,  qui  prirent 
fait  et  cause  pour  lui  et  soutinrent  son 
opinion.  Le  second  devait  avoir  absolument 
pour  partisan  tout  Tordre  des  Chanoines  ré- 
guliers, qui  non-seulement  ont  écrit  des 
volumes,  mais  encore  ont  intenté  et  sou- 
tenu plusieurs  procès  contre  les  Bénédictins, 
Ils  ont  de  plus  agi  pour  faire  inscrire  sur 
tontes  les  premières  éditions  du  livre  de 
Vlmitation  de  Jésus-Christ^  surtout  en  Alle- 
magne, le  nom  de  leur  confrère  A'Kempis, 
de  préférence  aux  autres.  Les  Chanoines 
r^ulierss'appuient,  comme  on  Tadéià  vu,  sur 
le  manuscrit  d'Anvers,  dans  lequel  on  lit: 
Fini  et  acheté  fan  du  Seigneur  lUl,  par  les 
tmains  du  frire  Thomas  A'Aempû,  du  couvent 
du  Moni'^Saini' Agnès  pris  de  ZewolL  On  derait 
déduire  de  ces  mots  que  Thomas  A'Kempis 
avtil  été  le  copiste  du  manuscrit,  et  non 
l'anteur  du  livre  de  Flmitation^  comme  le 
docte  président  de  Harillac  Ta  justement 
décidé,  et  avec  lui  le  savant  Valgrave  et  le 
critique  Mariano.  Ce  dernier  ayant  trouvé 
les  trois  premiers  livres  de  Flmitatian  con- 
fondus dans  plusieurs  manuscrits  sans  sui- 
vre Tordre  des  chapitres ,  écrivit  alors 
dans  '  le  journal  de  Rome,  en  1668,  gue 
Thomas  A'Kempis  en  avait  été  le  compila- 
teur et  jamais  l'auteur. 

DurnoNïf.  D'Ascirisiix.  I. 


Nous  n'enlrerons  'pas  en  lice  arec  le  P.* 
Hariano  pour  combattre  son  hypothèse  « 
mais  nous  njouierons  que  Gence ,  dans  ses 
Ccneidéralions  de  1812,  a  prouvé  jusqu'à 
l'évidence  que  Thomas  ne  fut  pas  compila- 
teur, mais  simple  copiste,  et  que  c'est  seu- 
lement lors  de  l'invention  de  limpriroerie, 
comme  l'académie  de  Munich  nous  TafBrme, 
que ,  d'après  le  manuscrit  de  1441 ,  les  édi . 
lions  se  sont  multipliées  jusqu'au  nombre 
de  soixante-dix-neuf  sous  le  nom  de  Tho- 
mas A'Kempis ,  surtout  en  Allemagne ,  où 
l'opinion  était  fortement  établie  en  sa  faveur. 
Une  dernière  preuve  que  Kempis  ne  fut  que 
le  copiste  d'un  ancien  manuscrit  de  Vlmita- 
tion ,  nous  la  déduisons  des  erreurs  d'ortho- 
graphe ,  des  barbarismes ,  même  des  sole- 
cismes  qu'on  lit  dans  son  manuscrit  de  lÛI, 
fautes  qu'on  ne  trouve  pas  dans  l'extrait 
qu'il  a  composé  de  la  Yie  de  sainte  Lidwvne 
sur  celle  du  frère  mineur  Bnigman^  Hol- 
landais. On  ne  trouve  pas  même  une  phrase 
conforme  au  traité  de  Yimitation  clans  le 
livre  De  vera  compunctione  cordis ,  composé 
par  A'Kempis ,  comme  Erbard  Ta  fait  re- 
marquer. 

Si  la  simple  signature  du  manuscrit  per 
manus  peut  être  favorable  à  A'Kempis  pour 
le  présumer  auteur  de  Vlmitalion ,  on  ne 
peut  s'empêcher  aussi  de  reconnaître  pour 
auteurs  de  l'/ftiiVa^ton  de  Jésus-Chrisi  les 
copistes  des  manuscrits  suivants  :  Codex 
Gerardi  Montis ,  finitus  per  Ludov,  de  Monte. 
—  Codex  Augustanus  i ,  finitus  per  GeoT" 
gium  de  Gottingen^  etc.,  etc. 

Ce  que  nous  avons  allégué  de  l'occupa- 
tion  journalière  de  Thomas  A'Kempis  est 
confirmé  par  le  Dictionnaire  universel ,  où  il 
est  dit  que  ce  chanoine  passait  son  temps  à 
copier  de  vieux  manuscrits.  En  preuve,  on 

Îr  cite  le  manuscrit  d'un  premier  missel  de 
'an  Hikf  Per  me  fratrum  Thomam  Èem- 
pem  ;  de  plus ,  la  célèbre  Bible  déjà  meii^ 
tionnée ,  qui  fut  terminée  en  1439  ;  et  Ton 
y  ajoute  que  le  même  Thomas  atteste  avoir 
copié  plusieurs  livres  de  chant ,  caniuales  : 
d'où  Ton  tire  la  conséouence  très-juste  que 
le  traité  de  Vlmitation  de  Jésus^hrtst  n*a  pas 
été  composé  par  A'Kempis ,  car  Tautcur  de 
ce  traité  voulait  rester  ignoré ,  et  la  signa- 
ture du  manuscrit  de  l&l ,  en  supposant 
qu'elle  est  celle  de  Tautographe ,  serait  en 
contradiction  avec  la  rolonté  même  de  l'au- 
teur. , .  . . , 

Charles  Butler,  évêqne  anglais  en  1736, 
croit  tirer  un  allument  décisif  en  faveur 
d' A'Kempis ,  de  ce  qui  est  dit  au  chapitre 
25,  lirre  i  de  T/mtkiitoiiy  «  d'un  homme 
qui  flottait  souvent  entre  la  crainte  et  l'es- 
pérance. »  Cet  article  n'est  pas  applicable  à 
A'Kempis ,  dont  la  ferveur  pour  la  rigle 
était  exemplaire ,  mais  bien  aux  novices 
bénédictins,  comme  le  maître  l'explique, 
en  leur  rappelant  pourquoi  ils  sont  venus 
au  monastère  et  ont  quitté  le  siècle. 

Toutes  les  inductions  en  faveur  d'A'Kem- 
pis ,  qiT Amort  a  déduites ,  soit  delà  confor- 
mité du  style ,  soit  des  idiotismes  qu'il 
porte  au  nombre  de  quatre  cents,  soit  de  I9 

28 


875 


na 


DICTIONNAIRE. 


DU. 


m 


doctrine  »  soit  des  sentiments  exprimés  dans 
fses  différents  ouvrages ,  toutes  ces  indue* 
'tîons  sont  fort  incertaines ,  surtout  quand  il 
s'agit  d'ouvrages  ascétiques,  d'ouvrases 
d'inspiration  tirés  de  i'etude  de  la  Bible, 
du  Nouveau  Testament  et  des  Pères  de 
l'Eglise,  dont  les  idées  sont  conformes;  et 
plus  encore ,  lorsqu'il  s'agit  de  déclarer  au- 
teur de  VImUation  un  personnage  qui ,  pen- 
dant toute  sa  vie ,  n'a  fait  que  copier  de  tels 
livres,  et  qui ,  probablement  a  transcrit  plus 
d'une  fois  cet  excellent  traité  qu  on  s'efforce 
de  lui  attribuer ,  à  cause  de  la  conformité  de 
plusieurs  passages  rapportés  par  le  chanoine 
Amort. 

Enfin,  pourquoi  le  mot  $oUUiosi$$imîê$ ^ 
qu'on  lit  au  chapitre  21 ,  liv.  m ,  pourquoi 
cet  idiotisme  ne  se  trouve-t-il  pas  dans  les 
ouvrages  d'A'Kempis  ni  dans  ceux  du  chan- 
celier Gerson?  C'est  parce  que  ce  mot  est 
propre  de  la  langue  italienne,  soUaxoxo  sol* 
Inzevote^  et  cet  idiotisme  seul  suffirait  pour 
conclure  que  l'auteur  fut  un  Italien. 

Pour  conclure  donc  et  sans  vouloir  tran» 
cher  une  question  qu'il  ne  nous  appartient  pas 
de  décider,  nous,  observerons,  en  finissant, 
que  Gersen  compte  en  sa  faveur  de  graves 
autorités.  Nous  commencerons  par  Trithème, 
né  près  de  Trêves ,  en  ik&2.  Cet  abbé  béné- 
dictin de  Saint-Jacques ,  à  Wnrtzbourg,  qui 
avait  composé  une  bibliothèque  riche  de 
deux  mille  manuscrits ,  refusa  constamment 
d'attribuer  à  Thomas  A'Kempis  le  traité  de 
V Imitation  de  JéêUê-Christ;  de  plus ,  dans  son 
eataloguedes  hommes  illustres,  il  s'exprime 
en  ces  termes  :  LibMum  de  Imitations  Christi 
ante  muUoê  annoê  HniotM  nostri  shos  ferwU 
legiêse  seni^rêi^ei  il  ne  consentit  jamais  k 
mettre  ce  précieux  traité  dans  la  liste  des 
ouvrages  de  Thomas  A'Kempis ,  chanoine 
régulier. 

Le  savant  Bellarmin  dit  aussi  :  Communia 
ter  jam  iUud  opu$  adeiribitur  Thomœ  de 
Kempiê  viro  admodum  pio  :  sed  «o/de  proba- 
bile  est  auctorem  illitM  opuseuli  esse  Joan^ 
nem  quemdam  abbatem  de  Gersen.  Le  témoi- 

Snage  du  cardinal  est  confirmé  par  Wcigl , 
ans  ses  notes.  Ce  savapt  ayant  examiné  la 
première  édition  des  ouvrages  de  Thomas 
A'Kempis,  publiée  à  Utrecht  en  i47b,  trois 
ans  après  la  mort  de  ce  vénérable  auteur , 
n'jr  a  pas  trouvé  le  traité  de  l'Imitation , 
qui  serait,  sans  contredit,  le  meilleur  de 
touSt  sr  on  eût  pensé  qu'il  lui  apparte- 
nait. 

Ducange ,  cet  homme  laborieux  et  saf;e 
critique,  é(Hri vit  le  17  avril  1671,  au  conseil- 
ler Dunont  à  Amiens ,  en  ces  termes  :  «  Il 
est  vrai  que  j'ai  été  à  la  conférence  de  Tho- 
mas A'Kempis;  mais,  après  les  manuscrits 
que  j'ai  vus,  je  ne  fais  aucune  difficulté  d'a- 
vancer que  cet  ouvrage  est  de  Jean  Gersen , 
afaM  de  VerceiL» 

Ainsi  ont  pensé  le  P.  Rossignoli ,  Jésuite 
d'Arone  (1605),  Possevin  (1606),  Negrain 
(1610),  Gajetan  (1616),  Marillac  (1621),  Bu- 
zellino,Bénéd.  (1629),  Bezolde  (1636),  Val^ 
grave  (1638),  Mezlet ,  Bénéd.  (16^9),  A.  D'eila 
Chieza ,  évêque  de  Saluées  (1645),  D.  Qua- 


tremaire  (1649),  De  Lannoy  (1650),  Leseale, 
Bénéd.  (1663),Rossotî,  Bénéd.  (16(7],  Da 


Bénéd.  (1724),  T.  Errhard,  Bénéd.  (1721), 
D.  ,Herwin  (1726),  J.  Schelhominx  (1730). 
Fontanini  (1736),  Duplessia  (1741),  Zaccaria, 
Jésuite  (1741),  A.  Zeno  (1744),  Enriquez 
(1754),  Valart  (1758),  Remoodîn,  (1758), 
Marz,  Bénéd.  (1760),  Faila  (1762,  Gobet 
(1775),  Mullatera  (1T78),  J.  Chaii,  Bénéd. 
(1785),  le  comte  Napione  (1808),  ChaDcel 
iieri  (1809),  de  Gregory  (1818),  Weilg,  fr. 
de  Ratisbonne  (1832),  Monaldi  (1837),  G.  Avo 
«ado  (1837),  Nolbac  (1841),  Robrcbacher, 
(18&2).  Tous  ces  auteurs  ou  presaue  tous 
ont  traité  ex-frofesso  la  matière.  [Voj,  fft^ 
toire  de  Flmitation  de  Jisus^Cknst^  par  le 
chev.  DE  GaBGoaY  ;  2  vol.  in-4% 

IMMACULÉE  CONCEPTION.  -  To}i.  Pu- 
yiLÉGBS  DE  Marie. 

INACTION,  cessation  d'agir.  —  Les  mys- 
tiques entendent  par  là  une  privation  de 
mouvement,  une  espèce  d'anéanlissemeolde 
toutes  les  facultés  de  l'âme,  par  lequel  oa 
ferme  la  porte  à  tous  les  objets  extériears; 
une,extase  dans  laquelle  Dieu  parle  immé- 
diatement au  oœur  de  ses  serviteurs.  Cet 
état  dHnaction  est,  selon  leurs  idées,  le  plus 
propre  à  recevoir  les  lumières  du  Saint-Es- 

f»rit.  Dans  ce  repos  et  cet  assoupissemeat  de 
'Amey  Dieu,  disent-ils,  lui  communique  des 
grâces  sublimes  et  ineffables.  Queloues-uos 
cependant  ne  font  pas  consister  1  inaclioo 
dans  une  indolence  slupide  ou  dans  une 
suspension  générale  de  tout  senlimeut.  Us 
entendent  seulement  que  TAxae  ne  se  lim 
point  à  des  méditations  stériles«  ni  aux  Tai- 
nés  spéculations  de  la  raison  ;  mais  qu'elle 
demande  en  {[énéral  ce  gui  peut  plaire  à 
Dieu,  sans  lui  rien  prescrire,  et  sans  former 
aucun  désir  particulier.  —  Cette  dernière 
doctrine  est  celle  des  anciens  mystiques;  la 
première  est  celle  des  quiétistes. 

En  général,  l'inaction  ne  i)arait  pas  un  fort 
bon  moyen  de  plaire  à  Dieu  et  d'avancer 
dans  la  perfection  ;  ce  sont  les  actes  de  ver- 
tus, les  bonnes  œuvres,  la  fidélité  à  remplir 
tous  nos  devoirs,  qui  nous  attirent  les  fa- 
veurs divines  ;  le  plus  grand  dans  le  royaume 
des  cieux  est  celui  qui  pratiquera  et  ensei- 
gnera les  commandements  de  Jésus-CbrisL 
{Uatlh.  V,  19.)  Il  veut  qu'avec  sa  grâce  nous 
désirions  et  nous  fassions  le  bien;  la  prière 

au'il  nous  a  enseignée  n'est  pas  une  oraison 
e  fausse  quiétude,  mais  une  suite  de  de* 
mandes  qui  tendent  è  nous  faire  agir.  DieUi 
sans  doute,  peut  inspirer  à  une  âme  un  at- 
trait particulier  pour  la  méditation;  ell6  peuj 
acquérir,  par  l'babitude,  une  grande  facilité 
de  suspendre  toute  sensation,  et  oet  état  de 
repos  peut  paraître  fort  doux;  maismiisque 
les  extases  peuvent  venir  du  tempérament 
et  de  la  chaleur  de  Timagination,  il  fau|  y 
regarder  de  près  avant  de  décider  que  c'est 
un  don  surnaturel,  et  Ton  doit  toujours  se 
défier  de  ce  qu'on  appelle  voies  extraordx' 
nains,  {Voy.  Contemplation,  Exta^b.) 


877 


IMF 


D'ASCETISME. 


DV 


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INDES  (Htsticismb  ou  Ascéti'svb  des).  — 
Voy.  AscItes,  Moines. 

INFUSION  PASSIVE  (Cxioîf  d').  —Un  des 
modes  d*uDion  de  Tâinc  avec  Dieu  consiste 
dans  un  degré  plus  parfait  de  contemplation, 
nommé  union  lïinfusion  contemplative  pas- 
site.  Cette  infusion  {illap$us],  outre  Tinfu- 
sioD  substantielle  commune  à  tous  les  jus- 
tes, comprend  encore  une  sensation  expéri- 
mentale de  Dieu ,  qui  se  communique  à 
rame;  elle  suspend  toutes  les  facultés  de 
Pâme  des  actes  qui  distraient  de  Dieu  ces 
mêmes  facultés,  et  qui  les  empêchent  de 
l^aimer  d*une  manière  plus  parfaite  et  plus 
intelligente.  En  eifet,  la  créature  donnant 
sonadnésion  aux  actesqueDieu  lui  imprime, 
le  comprend  et  l'aime  avec  une  perception 
expérimentale,  et  en  quelque  sorte  palpable, 
tant  de  l'esprit  que  du  cœur  ;  l'âme  d'ail- 
leurs se  trouve  tout  entière  remplie  de  Dieu, 
et,  dans  le  sanctuaire  le  plus  reculé  d'elle- 
môme,  elle  trouve  Dieu,  en  qui  elle  disparatt 
comme  anéantie,  aspirant  avec  ardeur  à  n'é- 
treplus  qu*cn  Dieu. 

Tous  les  mystiques  conviennent  gue 
1*bomme  peut  s  élever  à  une  union  spéciale 
de  Fâme  avec  Dieu,  qu'ils  appellent  infuiian 
(illapsus)  poMsitet  union  n^êtiguef  anéaniis- 
scauntf  fiançailles^  baiser  et  chaste  embrasso^ 
ment  de  Fâme.  Mais  le  point  difficile,  c'est 
d'expliquer  quelle  est  celte  union  spéciale; 
l'explication  en  est  d'autant  plus  difficile 
que  cette  union  est  plus  cachée  :  aussi  est- 
elle  appelée  par  antonomase  théologie  mys- 
tique, sommet  du  mysticisme,  il  est  pen  de 
personnes  qui  l'aient  éprouvée,  et  elles  en 
parlent  comme  d'une  chose  ineffable.  Toute-- 
ibis,  pour  mettre,  avec  la  grice  de  Dieu,  un 
peu  d'ordre  et  de  clarté  dans  une  matière  si 
sublime,  et  pour  éviter  les  erreurs  qui  peu- 
vent se  trouver  sur  notre  route,  nous  re- 
marquerons 1*  que  Vinfuêion  de  Dieu  dans 
les  créatures  est  variée,  et  que  Dieu  s*unit 
aux  créatures  de  diverses  manières.  La  pre- 
mière est  par  l'existence  intime  de  Dieu 
dans  toute  chose  créée,  par  son  essence,  sa 
présence  et  sa  puissance.  Comme  cette  union 
est  commune  à  toute  chose  créée,  nous  n'a- 
vons pas  lieu  d'en  parler  ici.  La  seconde  io* 
fusion  se  lait  par  la  çrAce  dans  l'âme  du 
juste,  par  une  communication  invisible,  qui 
existe  dans  toute  justitication  ;  nous  n'avons 
donc  pas  non  plus  à  nous  en  occuper.  La 
troisième  est  l'infusion  passive  spéciale  dans 
la  contemplation,  infusion  par  laquelle,  selon 
Alvarez  uo  Paz  (T.  UA  A»  vti.  jpir.,  1.  v, 

tui,  c.  5),  «  Les  forces  de  l'âme  s'élèvent 
ules  comme  dans  la  pleiae  mer  de  la  Divi- 
nité, ou,  englouties  en  Dieu,  parviennent  à 
un  degré  suprême  de  lumière  ei  d'ardeur.  » 
C'est  d'elle  que  niNis  parions  ici.  Sr  Cette 
infusion  est  appelée  tiusivsy  parce  que»  se- 
lon le  même  Alvarez,  «  l'âme,  dans  cet  état, 
aigU  moins  qu'elle  ne  reçoit  ;  elle  ne  s'avance 
pas,  mais  est  emportée,  et  sans  attendre  son 
oonsenteiMDt,  consentement  qu'elle  donne 
touleJbis»  elle  est  conduite  dans  une  couche 
nuptiale  d'une  incroyable  suavité.  »  La  suite 
expliquera  ces  paroles.  3*  Dans  cette  union 


d'infusion  passive,  toutes  les  puissances  de 
l'âme  sont,  dit-on,  suspendues,  mais  non 
d'une  manière  absolue,  et  seulement  quant 
aux  actes  qui  peuvent  les  dislraire  de  Dieu, 
i*  Dans  celte  union,  les  actes  d'intelligence 
et  d'amour  sont  imprimés  par  Dieu,  de  sorte 
que  la  créature  y  consent  à  peine  volontai- 
rement, bien  qu'elle  y  consente  en  réalité, 
et  que  ce  soit  véritablement  et  vitalemeut 
elle  qui  comprenne  et  qui  aime,  comme 
nous  le  démontrerons  bieut6L  5*  Dans  cetto 
même  infusion  l'âme,  par  une  perception 
expérimentale  et  en  quelque  sorte  palpable 
de  l'esprit  et  du  cœur,  se  trouve  tout  entière 
infuse  en  Dieu.  6*  Enfin  l'âme  alors  dispa- 
raît comme  anéantie  en  Dieu,  anéantisse- 
ment, mort  mystique,  etc.,  que  nous  déve- 
lopperons bientôt. 

L'homme  peut  s'élever  au  degré  de  con- 
templation passive^  qui,  bien  qu'active  par 
l'intelligence  et  l'amour,  toutefois  compara- 
tivement à  Dieu,  dont  elle  reçoit  la  faculté 
de  sentir  et  d'aimer,  souffre  plus  qu*elle 
n'agit. 

1*  La  sainte  Ecriture  fait  allusion  à  cette 
contemplation  passive  dans  ce  texte  :  Toift 
ceux  qui  sont  poussés  par  tesprit  de  Dieu 
sont  tes  enfants  de  Dieu.  (Rom.  viu,  14.) 
Voici  comment  saint  Thomas  expose  ce  pas- 
sage :  «  L'homme  spirituel  est  dirigé  dans 
son  action,  moins  par  un  mouvement  de  sa 

rropre  volonté,  que  par  une  inspiration  de 
Esprit-Saint.  »  A  le  prouve  par  ces  paroles 
d'Isaîe  (lix,  19}  :  Alors  qu'il  sera  venu  ciuune 
un  fleuve  emporté,  que  pousse  f  esprit  duSei- 
gneur.  C'est  ainsi  que  saint  Luc  dit  de  Jésus- 
Christ,  qu'i7  f%a  poussé  par  Vesprit  dans  le 
désert  (ly,  I).  Enfin  il  ajoute  qu  il  ne  s'en- 
suit pas  que  les  personnes  spirituelles  n'a- 
gissent pas  par  leur  propre  volonté  et  leur 
libre  arbitre.  » 

3*  Cette  contemplation  passive  est  indiquée 
par  Cassius,  qui  dit,  d'après  saint  Antoine 
(Coll.  IX,  c.  30),  que  «  la  prière  n'est  pas 
parfaite,  quand  le  religieux  se  comprend 
lui-même  et  comprend  ce  qu'il  demande.  » 
Jean  de  Jésus-Marie  (Th.  myst.,  c.  6)  ensei- 
gne que,  dans  cette  contemplation,  les  actes 
des  facultés  ne  sont  pas  complètement  para* 
lysés;  «  mais  ce  sont  des  actes  tellement 
tranquilles  et  doux,  que,  comparés  aux  autres 
actes  produits  antérieurement  par  ces  mêmes 
facultés,  ils  paraissent  leur  ressembler, 
comme  une  parole  haute  ressemble  aux  mots 
dits  à  voix  basse,  qu'on  regarde  comme  ne 
troublant  pas  le  silence  prescrit  parles  règles 
religieuses.  Cette  comparaison  est  très-lacUe 
à  saisir.  Dieu ,  présent  alors  dans  l'âme,  et 
la  comblant  d'amoureuses  déliées,  la  pousse 

far  cette  ccleste  douceur  à  l'intelligence  et 
l'amour,  à  tel  point  qu'elle  ne  semble  plus 
agir  elle-même ,  mais  être  délicieusement 
conduite»  et  que  l'action  volontaire  de  MS 
facultés  parait  moins  être  produite  que  souf- 
ferte ;  et  c'est  là  cette  noble  pof «ton  héroïque 
que  ressentait  Hiérothée.  »  «11  était,  dit 
saint  Denys,  arrivé  i  ce  degré ,  non-seule- 
ment  en  enseignant,  mais  encore  en  souf- 
frant  les  choses  divines  ;  et,  par  cette  sorte 


81* 


INF 


DICTIONNAIRE 


IMF 


de  pasrian^  il  s'éisW  foriné  è  ce((e  foi  et  à 
cette  UDÎOD  mystique,  qui  ne  peut  6tre  en- 
seignée. »  {De  div.  nom.,  c.  3.) 

3*  Par  la  raison.  Bans  la  contemplation 
passive,  TAme  est  émue  par  Dieu  (fune  ma- 
nière supérieure  h  la  manière  régulière  de 
l'homme»  de  manière  h  ne  comprendre  que 
par  simple  intuition ,  et  même  seulement 
par  simple  audition  ;  elle  est  encore  émue 
irrégulièrement,  de  manière  à  aimer  non- 
seulement  comme  quelqu'un  qui  veut,  mais 
comme  quelqu'un  qui  court  et  mime  qui  vole, 
en  pénétrant  plus  loin  par  son  ardeur  que 
ne  pourrait  1  y  conduire  la  portée  de  ses 
connaissances,  au  point  d'être  suffoquée, 
pour  ainsi  dire,  de  paraître  ne  plus  rien 
penser  avec  réflexion,  mais  se  livrer  unique- 
ment à  Tamonr  divin.  Or,  c'est  là  vraiment 
et  spécialement  être  dans  un  état  passif,  à 
raison  de  ce  rôle  principal  de  l'impulsion 
divine,  malgré  l'action  cependant  bien  réelle 
de  TAme.  Donc  Thomme  peut  arriver  è  la 
contemplation  passive. 

Selon  quelques  mystiques,  la  contempla- 
tion passive  reauiert  1  action  de  Tintelli- 
gence  et  de  la  vofonté  de  l'Ame,  action  qui 
toutefois  n*est  pas  le  produit  naturel  de  ces 
facultés,  mais  celui  de  Dieu  seul,  agissant 
par  elle.  Cette  opinion  sera  plus  loin  réfu- 
tée jusqu'à  révidence;.et  nous  ne  voyons 
plus  rien  qui  puisse  contredire  notre  con- 
clusion, sinon  que  la  volonté  peut  avoir 
plus  d'intensité  et  de  perfection  quand  elle 
est  précédée  par  la  connaissance.  Mais  pres- 
que tous  admettent  que,  même  dans  les 
choses  naturelles,  on  peut  aimer  d'instinct, 
d'une  manière  plus  (parfaite  qu'avec  connais- 
sance. Saint  Thomas  le  prouve  ainsi  (1-2, 
q.  37,  a.  2,  ad  2):  «  Pour  gue  la  connaissance 
soit  parfaite,  l'homme  doit  connaître  séparé- 
ment tout  ce  qui  constitue  la  chose,  comme 
les  parties,  les  vertus  et  les  propriétés;  mais 
l'amour  réside  dans  la  force  appétitive,  qui 
regarde  la  chose,  selon  ce  qu'elle  est  en  soi. 
De  là,  pour  là  perfection  de  Famour,  il  suf- 
fit que  la  chose  sera  aimée,  selon  qu'elle  a 
été  saisie.  Il  arrive  donc  qu'une  chose  sera 
plus  aimée  ({ue  connue;  car  elle  peut  être 
aimée  parfaitement,  quand  même  elle  ne 
serait  pas  parfaitement  connue.  »  Il  le  prouve 
par  les  sciences,  qu'on  aime  bien  souvent, 
quoiqu'on  ne  les  connaisse  que  d'une  ma- 
nière superficielle.  «  L'acte  d'amour,  dit 
saint  Bonaventure  (xv  et  vu  Itiner.  œtem,) 
surpasse  et  précède  l'acte  de  connaissance 
'  intellectuelle  en  quelaue  degré  que  ce  soit. 
L'amour,  à  tous  les  degrés,  s'élève  jusqu'à 
Dieu,  ce  que  ne  pourrait  faire  l'acte  intel- 
lectuel. »  Hugues  de  Snint-Victor  fc.  7  De 
cœl.  Hier.,  col.  4)  dit  aussi  :  «  On  aime  plus 
qu'on  ne  comprend  ;  l'amour  entre  et  trouve 
accès  là  où  la  science  reste  dehors.  »  La  rai- 
son en  est  que  la  connaissance  est  requise 
au  préalable  pour  l'amour,  non  comme  motif, 
mais  comme  condition  appliquant  Vobjet- 
motif,  qui  est  le  bien  objectif. 

Il  résulte  de  ce  que  nous  avons  dit  que, 
même  dans  la  contemplation  passive,  l'âme 


ne  produit  ancnn  acte  d'amour  sans  la  pré- 
existence de  la  connaissance. 

1*  L'Ecriture  sainte,  en  effet,  dam  les  plus 
sublimes  contemplations  des  Ames,  montre 
toujours  que  l'intellect  n'est  pas  resté  oisiff 
mais  qu'il  a  reçu  quelque  enseignement  de 
Dieu.  Ainsi  en  fut-il  d  Adam  dans  son  som- 
meil extatique  {Gen.  ii,  21,  23),  de  Jacob 
dans  le  songe  de  l'échelle  (Gen,  xivni,  12), 
des  deux  Joseph  dans  leurs  songes,  de  saiat 
Paul  dans  son  ravissement  extatique.  [llC&r, 
XII,  4.)  L'Ame  sainte  souverainement  con- 
templative dont  parle  le  Cant.  v.  2,  avait 
aussi  reçu  quelque  enseignement  de  Dieu, 
qui  éclairait  son  intelligence.  Ecoutons  saint 
Augustin  (tr.  57  in  Joan.)  :  «  Pourquoi  ces 
expressions  de  l'Ecriture  :  Je  dors  et  mon 
cœur  veille,  si  ce  n'est  parce  que  je  re- 
repose ainsi  pour  apprendre?  »  Si  donc  les 
contemplatifs  de  l'ancienne  et  de  la  nou- 
velle Loi,  et  même  les  prophètes  (Num.  xn, 
6),  n'ont  jamais  été  ravis  hors  d'eux-mêmes 
jusqu'à  Dieu  sous  quelque  enseignement 
intellectuel,  comment  croire  que  d'autres 
fidèles  moins  célèbres  aient  possédé  ce  mode 
de  contemplation  d'une  manière  purement 
affective  et  dégagée  de  toute  action  de  Tia- 
tellisence?  ' 

2*  Nous  le  prouvons  encore  par  les  teitesdéjk 
cités  des  saints  Pères,  qui  même  dans  l'oraison 
de  silence  n'admettent  point  la  suspension 
dans  l'Ame  de  tout  acte  intellectuel.  «  On  ne 
peut,  dit  d'ailleurs  saint  Augustin  [1.  x  De  lift 
arbit.,  c.  Ij,  aimer  une  chose  que  l'on  ignore 
complètement.  »  Saint  Grégoire  dit  aussi  ; 
«  Qui  peut  aimer  ce  qu'il  ne  connaît  nas?» 
(Hom.36  inEvang.)  £t  saint  Anselme (c.SO): 
«  Rien  ne  peut  être  aimé  sans  quelque  no- 
tion venant  de  la  mémoire  ou  de  1  intelli- 
gence, tandis  que  la  mémoire  et  l'intelli- 
gence sont  en  possession  de  bien  des  choses 
qu'on  n'aime  pas.  »  Selon  saint  Thomas 
(i-2,  q.  3,  a.  4)  :  ff  La  connaissance  pré- 
cède l'amour  dans  l'objet  auquel  elle  s*at- 
tache  ;  car  on  n'aime  pas  ce  qui  est  inconnu.  • 
Gerson  lui-m^e,  qu'on  allègue  en  faveur  de 
l'opinion  contraire,  dit  néanmoins  (tr.  S^up. 
Magnif,)  :  ce  Montrons  que  Dieu  ne  peut  être 
connu  par  l'amour,  si  l'amourn'est  |>réalabie* 
ment  suidé  par  la  connaissance.  »  Sainte  Thé- 
rèse (vit.,c.  18),  dans  cette  sublime  conteni- 
plalionoùellene  savaitce  que  faisait sonâroe, 
rapporte  ces  paroles  que  lui  adressa  le  Sei- 
gneur :  <K  L'Ame  ne  peut  alors  comprendrece 
qu'elle  connatt;  ene  connaît  en  quelque 
sorte  sans  connaître.  »  Et  aaint  Jean  de  la 
Croix  [Flam.  amor.  cant.  m,  3, 1 10)  :  <  Par* 
fois  l'intelligence  se  fait  plus  sentir  que  IV 
mour,  parfois  l'amour  a  plus  d'intensité  que 
rintelhgence.  »  —  3*  Nous  le  prou  vous  enfin 
par  la  raison.  Toute  contemplation  est  une 
instruction  simple  de  la  vérité,  c'est-à-dire 
une  élévation  de  l'Ame  en  Dieu,  par  une  ifi* 
tuition  simple  ardemment  affectueuse,  ce 
qui  ne  peut  se  produire  sans  ia  connais- 
sance ;  donc  elle  est. nécessaire  à  la  conleoh 
nialion  passive.  Nous  dirons  même  que  dans 
la  vie  humaine  de  Jésus-Christ,  danssa  très- 
saintQ  mère  et  les  autres  saints,  il  n^ajitMis 


D*ASCETISME. 


Dff 


m 


existé  de  contemplation  amoureuse  sans 
connaissance. 

Dans  la  contemplation  même  passive«râme 
connaît  par  riotelligence  et  aime  par  la  ?o- 
lonté,  de  manière  à  produire  physiquement 
de  tels  actes.  En  effet  : 

1*  L'Ecriture  sainte  expose  toujours  la 
contemplation  par  les  actes  propres  à  l'âme 
d'une  manière  aclire  et  vitale.  Venez  et 
rayes,  etc.  {P$.  xlv,  2;.  Vau$éiei  morts ^  et  votre 
rie,  etc.  [Coloss.  m,  3j.  C'est  pourquoi  le  con- 
cile de  Trente  [sess.  yi,  c.  10)  requiert  la  coo- 
pération de  l'homme  dans  la  justification,  et 
oooséquemment  aussi  dans  la  contemplation 
qui  la  provoque,  coopération  non-seulement 
morale,  mais  encore  physique,  car  sans  cela 
elle  ne  saurait  être  morale. 

2*  C'est  aussi  là  l'enseignement  des  saints 
Pères,  c  La  vie  contemplative  (  saint  Gai- 
coiBE,  bom.  14  m  Ezetk,)  consiste  à  retenir 
de  tout  son  esprit  la  charité  envers  Dieu  et 
envers  le  procnaio,  mais  aussi  à  se  tenir  en 
dehors  de  tout  acte  extérieur,  et  de  rester 
aUaeh.é  au  seul  désir  du  Créateur.  »  Cassien 
(coll.ix,2fc)  dit  que  même  au  degré  suprême 
de  contemplation  c  l'esprit  en  un  rapide  mo- 
ment conçoit  des  choses  si  élevées,  qu'il 
n'est  pas  facile  de  les  redire,  et  que  revenu 
à  lui-même  il  lui  est  impossible  de  conce- 
voir de  nouveau.  » 

3*  Yoici  la  preuve  de  la  raison.  Toute  con- 
templation est  une  oraison  mentale,  par  con- 
séquent une  élévation  de  l'âme  vers  Dieu  ; 
or  c'est  là  le  caractère  de  la  contemplation 
passive.  Donc  elle  n'existe  pas  sans  le  con- 
cours pbjsique  de  la  connaissance  et  de  l'a- 
mour. 

Nous  allons  maintenant  exposer  et  déve- 
lopper les  degrés  divers  de  la  contemplation 
passive. 

Le  premier  est  la  mort  mystique,  il  consiste 
dans  la  >éparatioo  de  l'âme  de  la  chair,  sé- 
paration non  effective,  mais  affective,  en  ce 
sens  que  la  violence  de  l'amour  tranche, 
sépare  et  enlève  toute  affection  de  la  chair 
et  de  l'amour  propre,  de  manière  que  l'a- 
mour de  Dieu  puisse  seul  prévaloir.  Cette 
mort  est  indiquée  : 

1*  Par  nScriture  sainte  :  Vamour  est  fort 
comme  ta  mort  {Cant.  viii,  6).  Vous  êtes 
morts,  et  votre  vie  est  eachie  avec  J4sus4^harist 
en.  Dieu.  {Coloss.  m,  3.) 

S*  Par  les  saints  Pères  :  saint  Ambroise 
[De  bon.  mortis,  c.  2)  parle  expressément  de 
cette  mort  mystique  et  la  décrit.  Saint  Gré- 
goire dit  à  son  tour  (I.  vin  Mor.,  c.  88)  :  c  Ce- 
lui qui  voit  Dieu,  meurt  en  ce  sen^que  d'in- 
tention et  d'action  il  est  complètement  dé- 
taché de  tous  les  plaisirs  de  cette  vie.  » 
Saint  Bernard  s'exprime  en  ces  termes  : 
«  C'est  de  cette  mort  que  parle  l'ApOtre 
gnand  il  dit  aux  fidèles  encore  vivants  :  Vous 
êtes  morts,  etc.  Cet  état  est  un  transport  de 
l'âme,  une  contemplation.  »  (Serm.  5S  t» 
Camt.)  —  «  Vous  voyez,  dit  Richard  de  Saint- 
Victor,  quel  est  l'effet  de  cette  abstraction 
de  l'âme  qui  se  sépare  de  toute  bassesse, 
pour  s'élever  Ters  les  hauteurs  célestes,  a 


[De  ext.  mali,  c.  fin.)  Enfin  saint  Jean  de  Je* 
sus-Marie  la  désigne  ainsi  (Can.  13  ad  Tkeol. 
myst.)  :  c  C'est  une  mort  de  l'âme,  qui  perd 
la  forme  qui  lui  est  propre  :  l'espnt  aban- 
donné de  ses  forces  cesse  d'agir,  ou  il  n'agit 
que  par  Dieu ,  sans  aucune  coopération  tle 
sa  part  :  celte  mort,  qui  n'est  pas  physique^ 
ment  réelle,  est  vraie  quant  au  moral.  Le 
philosophe  dit  avec  raison  que  l'âme  est 
moins  le  siège  de  la  vie  que  de  l'amour. 
C'est  pourquoi  Paul  s'écriait  que  toul  en  vi- 
vant il  ne  vivait  plus,  parce  que  la  vie  pré- 
sente de  Jésus-Corist  en  lui  supprimait  sa 
vie  propre.  »  [Voir  encore  saint  Psahçois  db 
Salks  et  Boxa.) 

3*  Par  la  raison.  La  contemplation  passive, 
qui  suppose  la  mortification  de  toutes  les 
passions,  par  suite  de  l'union  toute  spéciale 
avec  Dieu  par  l'amour,  dédaigne  de  rien  ai- 
mer hors  de  Dieu,  de  porter  sa  pensée  sur 
rien  autre  chose,  elle  désire  enfin  de  l'aimer 
toujours  de  plus  en  plus.  On  a  donc  raison 
de  rappeler  par  antonomase  mort  mystique. 

Le  deuxième  degré  de  la  contemplation 
passive  est  Vanéantissement  mystique  par  le- 
quel le  contemplatif  reconnaît  qu'il  n'est 
rien  comparativement  à  Dieu,  qu'il  est  tien 
moins  que  rien  par  le  péché;  c  est  pourquoi 
il  désire  être  méprisé  à  cause  de  son  néant  ; 
il  reconnaît  que,  n'étant  rien,  il  ne  peutiaire 
rien  de  bien ,  mais  que  tout  ce  qu'il  a  de 
bien  lui  vient  de  son  Créateur.  Cet  anéan* 
tissement  est  indiqué  : 

1*  Par  l'Ecriture  sainte  {Ps.  lxxii,  2S)  :  Toi 
été  réduit  à  rien  et  je  n'ot  rien  su;  Ps.  xxxvm, 
63  :  Ma  substance  n'est  rien  devant  vous. 

S"  Voici  comme  l'expose  saint  Augustin  : 
c  Devant  vous.  Seigneur;  ma  substance  n'est 
rien;  elle  n'est  rien  devant  vous,  qui  voyez 
ce  qu'elle  est.  Et  lorsque  je  le  vois,  je  vois 
devant  vous,  je  ne  vois  pas  devant  les  hom- 
mes. Comment  montrerai-je  que  ce  que  ie 
suis  n'est  rien  en  comparaison  de  ce  qu  il 
est?  cela  se  sent  intérieurement  :  devant 
vous.  Seigneur,  où  sont  vos  yeux,  non  où 
sont  les  yeux  des  hommes.  » — «Celui  qui  est 
humble  de  cœur,  dit  saint  Bernard  (serm. 
Adv.  k\  reconnaît  deux  sortes  d'bumifité, 
l'une  ae  connaissance,  et  l'autre  d'affection 
ou  de  cœur.  Par  la  première,  nous  connais- 
sons que  nous  ne  sommes  rien  ;  quant  à  le 
seconde,  nous  l'apprenons  de  celui  qui  s'est 
anéanti  lui-même.  »  —  c  A  peine,  dit  Barpius 
[Théol.  myst.,  1.  u,  p.  3,  c.33),  l'âme  a-t-elle 
reçu  cette  glorieuse  image  de  l'étemel  mi- 
roir dans  toute  son  incompréhensible  clarté, 
que  tout  aussitêt  elle  s'unit  à  ce  même  in- 
compréhensible et  glorieux,  clair  et  dirin 
miroir,  elle  s'y  absorbe,  s'y  dilate  et  s'y 
anéantit.  »  Sandée  nous  en  donne  la  preuve 
de  raison  (lib.n,  comm.  6,  exercit.  9,  Th. 
myst.)  :  «  Etre  changé  de  manière  à  ne  rien 
retenir  des  habitudes,  imperfections  ou  dé- 
sirs charnels  d'autrefois,  c'est  ce  qu^on 
appelle  s'anéantir...  Or,  l'amour  nnitir  ab- 
sorbe tout,  de  manière  à  nejpas  laisser  mémo 
la  cendre  de  la  souche  qu'a  a  brûlée.  »  Or» 
c'est  ce  qui  arrive  dans  la  contemplation 
oassiYe  ^^^ocelle  renferme  Teiiéantilsemeiit 


8K 


INF 


DIGTIONNAIEE 


INf 


m 


mystique.  (Voir  Molihosisme  et  Qoiétisms 
pour  les  erreurs  à  ce  propos.) 

Quelques  mystiques  soût  allés  trop  loin 
dans  l'expositioQ  de  cette  matière.  Le  P.Re- 
guera  blÂme  le  Capucin  français  Pierre  de 
Padoue  do  certaines  exagérations  dans  sa 
Journée  musliqiAe  ;  il  attaque  aussi  certains 
points  de  Y  Elévation  de  Vàme  vers  Dieu^  de 
Joseph  de  Sainte-Marie.  Achille  Gaillard 
(Comp.perf.  Christ.)  la  divise  en  trois  états» 
dont  il  fait  autant  de  degrés  do  perfection. 

Le  troisième  degré  de  la  contemplation 
passive  est  Tinfusion  passif e  (illapsus passi- 
fms)i  qui|à  Tinfusion  substantielle  commune 
à  tout  juste,  ajoute  une  infusion  expéri- 
mentale, une  sensation  spirituelle  de  Dieu 
infus  dans  TAme.  Cette  infusion  nous  est 
insinuée  par  certains  passages  de  TEcriture 
sainte  :  itme  donnera  un  baiser  de  sa  bouche, 
(Cant.  I,  1.)  Sa  main  gauche  soutiendra  ma 
téie^  et  de  sa  droite  il  m'embrassera»  (ii,  6.)  Là, 
le  divin  baiser  désiré  par  T&me  contempla- 
tive signifie  une  sorte  de  contact  expéri- 
mental, par  lequel  elle  caresse  Dieu  présent, 
devenu  son  époux;  et  ce  tendre  embrasse- 
ment  figure  la  coopération  expérimentale  de 
répoux-  lui-même.  Mon  âme  vous  demeure 
attachée  et  votre  droite  m'a  reçu,  (Ps,  lxii,  9.) 
//  m'est  doux  d'être  attaché  à  mon  Dieu. 
(Ps.  lxxii,  98.)  Celui  qui  m'aime  sera  aimé 
de  mon  Pire^  et  je  le  chérirai  et  Je  me  mani- 
festerai à  lui.  (Joan.  xiv,21.)  Celui  qui  est 
attaché  au  Seigneur  ne  fait  qu'un  seul  esprit 
avec  lui.  (  /  Cor.  vi,  17.)  Par  cette  adhésion, 
cette  manifestation  et  cette  union,  les  intei> 
prètesi  comme  saint  Thomas  Toletus ,  Cor- 
neille la  Pierre,  Ëstius,  et  saint  François  do 
6alos,  entendent  communément  Tunion  spé- 
ciale de  cette  vie  9  et  l'union  expérimentale 
de  l'Ame  avec  Dieu,  ou  l'infusion  passive. 

2*"  Saint  Denis  dit  à  Thimothée  (ç.  1  Myst. 
ih.)  :  «  £xcitez-vous  de  tous  vos  efforts  à  Tu- 
nion  de  celui  qui  surpasse  toute  essence  et 
toute  science.  »  Cordier  applique  ces  paroles 
è  l'infusion.  Saint  Augustin  parle  ainsi  de 
celte  infusion,  qu'il  éprouva  lui-même  : 
«  Quelquefois  vous  me  plongez  intérieure- 
ment dans  un  sentiment  d'affection  tout  & 
fait  extraordinaire,  dans  des  délices  qui  ne 
sont  nullement  de  cette  vie.  »  (L.  x  Conf.\ 
c.  40.)  «  Il  nous  enseigne  clairement  qu'il  se 
manilestera  aux  siens,  non-seulement  |]ar 
cette  connaissance  commune  aux  amis,  mais 
d'une  manière  plus  éclatante  et  plus  par- 
faite. »  (S.  Cyrille,  I.  x  in  /oan.,  c.  3.)  «  Alors 
enfin  nous  osons,  avec  crainte  et  tremble- 
ment, élever  la  tête  vers  cette  face  rayon- 
nante de  gloire,  non-seulement  pour  la 
contempler,  mais  encore  pour  la  baiser, 
parce  que  Jésus-Christ,  notre  Seigneur,  est 
comme  un  esprit  devant  nous,  et  que  nous 
attiBchant  à  lui  par  ce  tendre  baiser,  nous 
devenons  par  sa  grAce  un  seul  et  mèkne  eis- 
prit  avec  lui.»  (S.  BBanARD,  serm.  3.  m 
Cfint.)  «  C'est,  dit  saint  Bon^venture  (1.  vi, 
Itin.  œtem.)^  un  av^jnt-goûl  d'une  connais- 
sance expérimentale  des  éternelles  délices. 
Si  nous  ne  devions  pas  ressentir  cet  avant- 
goOt  expérimental,  le  Psalmiste  ne  dirait 


pas  :  Goûtez  et  voyez.  Or,  cette  conhaissancc 
expérimentale  est  le  partage  des  plus  atan- 
cés  en  perfection.  »  (Voir  saint  Laur.  Jcst,, 
sainte  Catuer.  de  Sien!ie,  la  B.  kmeiiB  de 
FuLGiK,  sainte  Thérèse,  saint  Jbati  de  u 
Croix,  Thauler,  Gerson,  Blosius,  etc.) 

3*  Voici  la  preuve  de  raison.  Dieu,  en 
raison  de  Tamour  souverain  gu'il  porte  aux 
âmes  justes  et  parfaites,  essaie  de  se  com- 
muniquer à  elles  d'une  manière  unitive,  qui 
convienne  à  leur  disposition  :  car  Vamour 
et  Tamitié  tendent  toujours,  autant  qu'il  est 
possible,  à  Tunion  de  celui  qui  aime  avec 
robjet  aimé.  Donc,  par  suite  de  cette  dis- 
position des  âmes,  Dieu  doit  sourent,  ou  du 
moins  ^quelquefois,  se  communiquer  à  elles 
par  Tunion  d*infuslon  passive  :  donc  H  i&ùt 
admettre  Texislence  de  cotte  infusion  pas* 
sive  de  Dieu  dans  les  ftmes. 

La  sensation  spirituelle  ex[>érimeQtaIe  de 
Tunion  d'infusion  contemplative  réside,  en 
partie,  dans  la  partie  intellectuelle  de  Tâme 
contemplative,  comme  il  résulte  des  toiles 
déjà  cites,  et  en  particulier  de  ceux-ci:  Sa 
ffidin  gauche  soutient  ma  tête^  et  je  me  moni* 
festerai  à  lui.  8aint  Cyrille  l'appelle  Mat^ 
saint  Bernard, /ace;  saint  Bonaventure,  can« 
naissance:  tout  cela  se  rapporte  k  la  partie 
intelligente.  Pierre  de  Blois  s'exprime  ainsi 
sur  ce  point  :  «  C*est  assurément  une  bien 
grande  merveille  que,  dès  le  temps  de  cet 
exil.  Dieu,  dans  sa  divine  lumière,  dai^o 
s'unir  à  Thomme  par  un^  mystique  et  intime 
union  (Spsc.  spir.,  c.  fc).  «'  Comme  elle  ne 
peut  saisir  ce  qu'elle  conçoit,  dit  sainte  Thé- 
rèse, elle  conçoit  satis  comprendre.  »  (Yil.t 
0.  18.]  Cette  sensation  spiritaeKe  expériiuen<' 
taie  de  Tinfusion  réside  encore  en  partie 
dans  la  partie  affective  du  contemplatif.  // 
me  donnera  un  baiser ,  il  m*embrassera:j^ 
chérirai  celui  qui  demeure  attaché  à  Dieu. 
Les  expressions  d'union,  de  sentimetit  afftC" 
tueuxy  de  tendre  baiser  ^d'avanl-goût  des  Ùff' 
nelles  délices  des  textes  des  saints  Pères  que 
nous  avons  cités  plus. haut,  s'y  rapportenl 
toutes.  K  L'âme,  dit  Bl'osius,  dfans  la  force 
amative,  ressent  une  sorte  de  bouillonne- 
ment d'amour  paisible:  c'est  le  contact  de 
TEsprit-Saint.  »— «  L'amour,  dît  sainte  Thé- 
rèse, captive  alors  tellement  la  volonté, qu'on 
ne  sait  plus  comment  on  aime.  La  raison, 
c'est  que  l'âme  contemplative  doit  s'unir  îi 
Dieu  par  infusion,  autant  que  cela  peut  se 
faire  par  sa  çrflce  :  or,  elle  peut  s'unir  à  Im 
par  la  connaissance  ou  par  l'amour  expéri- 
mental :  donc  l'infusion  passive  réside  dans 
ces  deux  parties. 

L'union  d'infusion  passive  est  justemeirt 
appelée  fiançailles^  baiser  et  chaste  eniT<ii' 
sèment ,  expressions  qui  conviennent  aux 
époux;  nous  pouvons  nous  servir  de  ces 
métaphores  empruntées  à  ramour,  puisque 
les  saints,  les  mystiques  et  l'Ecriture  sainte 
même  en  font  usage  ;  car  nous  sommes  hom- 
mes, et  nous  devons  parler  le  langage  qnii 
chez  les  hommes,  a  le  plus  de  force,  pour 
exprimer  l'amour  de  Dieu.  Il  fiiut  toutefois, 
autant  que  possible,  dégager  ces  etprt^ 
sions  de  tout  levain  de  la  corruption  »«• 


m? 


l>*ASCEnSllE. 


INP 


886 


maioe,  parce  que»  selon  sainte  Thérèse  (Cm/. 
an.f  mans.  4),  «  Dans  ce  siècle,  il  n'e^t  rien 
de  complètement  spirituel,  et  il  y  a  bien  de 
la  distance  des  spirituelles  délices  permises 
par  le  Seigneur,  aux  joies  humaines  que 
goûtent  les  époux  ;  car,  dans  ces  délices, 
tout  est  amour  sur  amour,  sensations  d'une 
sublime  pureté,  et  si  délicates  et  si  suaves, 

Su'on  ne  peut  rien  en  dire,  sinon  que  le 
eigneur  les  connaît  plutôt  qu'il  ne  les  fait 
bien  sentir,  v 

Remarquons  de  plus,  sur  Tunion  contem- 
platire  dhnfùsion  :  1*  que  la  perfection  chré- 
tienne ne  consiste  pas  essentiellement  et 
nécessairement  en  elle,  car  elle  peut  exister 
sans  elle,  puisque,  dans  son  essence,  elle 
réside  tout  entière  dans  la  charité  (V:  ce 
moi).  De  le  suit  2*  que  Tunibn  contemplative 
d'infusion  est  en  elle-même  très-convenable 
à  tout  juste  pour  devenir  parfait,  lorsqu'elle 
est  jointe  à  I  union  de  charité  contemplative, 
rendue  plus  vive  par  l'expérience,  en  ce  sens 

Sue  l'âme  s'y  sent  intimement  infuse  dans' 
ieu,  et  sent  Dieu  intimement  infus  en  elle, 
par  ce  mode  sublime  de  connaissance  et 
d'amour  que  Dieu  lui  accorde  ;  ce  qui  peut 
50  faire,  soit  par  sensation  spirituelle,  c  est- 
à-dire,  par  union  i)urement  spirituelle,  sans 
mélange  de  sensation  corporelle,  comme  au 
temps  de  la  sécheresse;  soit  en  outre  par 
sensation  corporelle,  c'est-à-dire,  par  union 
spirituelle  et  corporelle  h  la  fois,  comme  au 
temps  de  la  consolation.  3*  Cette  union  con- 
templative d'infusion  n'est  pas  toujours»  la 
contemplation,  soit  parce  que  celle-ci  peut 
avoir  tout  autre  objet  que  l'union  de  Dieu 
avecrâme,tels,parexemp]e,queles  mystères 
de  la  divinité,  ue  l'humilité  de  Jésus-Christ, 
etc.  ;  soit  parce  que  la  contemplation  même 
de  l'union  de  Dieu  peut  subsister  gar  le 
mode  d'intuition  simple,  plutôt  sans  être  ex- 
périmentale ,  du  moins  expérimentale  de 
cette  manière  spécialement  sensible ,  qui 
peut  mériter  d'être  appelée  proprement  con- 
templation d'union.  Cette  union  contem|>la- 
tive  n*est  pas  non  plus  toujours  l'infusion 
elle-même  (t/fap«iis),  car  cette  infusion  peut 
en  général  être  donnée  à  tout  juste  par  la 
foi,  ainsi  qu'au  contemplatif,  sans  cette  in- 
fusion expérimentale  et  spécialement  seniibUy 
qui  s'appelle  union  mvstique  spéciale,  i*  L'u- 
nion contemplative  d'infusion  peut  être  ou 
ordinaire  ou  extraordinaire.  En  eiret«  elle 
peut  devenir  expérimentale  par  le  don  de 
sagesse  ou  tout  autre  don«  indépendamment 
de  la  foi  et  de  la  charité,  et  elle  peut  être 
spécialement  sensible,  mais  d'une  manière 
qui  n'a  rien  de  supérieur  aux  règles  de  la 
providence  ordinaire;  ou  bien  elle  peut  de- 
venir expérimentale  par  Teffet  de  quelque 
grftce  gratuite,  d'une  manière  supérieure  à 
la  providence  ordinaire,  comme  1  extase,  1# 
ravissement,  la  vision,  etc.  Cette  distinction 
est  indiquée  par  le  livre  des  Caniiauu  (v,l)  : 
Mangez^  me»  ands^  ei  buvtz^  voilà  runion  or- 
dinaire d'infusion;  eftiVes-oaiM, m«f  bîen- 
aimiê^  voilà  l'union  extraordinaire.  5*  Il  y  a, 
à  proprement  parier,  union  contemplative 
d'inûi^iopi  quand  elle   est;  accompagnée 


d'acte  ;  mais  quand  elle  réside  dans  l'habi- 
tude, c'est  improprement  qu'on  lui  donne 
cette  dénomination;  car,  en  général,  la 
contemplation  n'existe  qu'autant  qu'elle  est 
active,  et  ce  n'est  que  par  extension  qu'on 
l'appelle  contemplation  habituelle  ou  plutôt 
état  de  contemplation.  L'union  d'infusion 
est  en  effet  produite  par  connaissance  ei 
amour  actuel;  et  comme  ces  actes  ne  s'exé- 
cutent d'une  manière  complète  que  dans  la 
patrie,  cette  union  mystique  n'est  ici-bas  que 
transitoirement  actuelle.  Toutefois,  comme 
le  juste  est  habituellement  uni  avec  Jésus- 
Christ  d'une  union  commune  par  l'habitude 
de  la  grâce,  de  la  foi  et  de  la  charité,  ainsi 
peut-on  dire  avec  vérité  que  le  contemplatif 
est  intimement  uni  avec  Jésus-Christ  d'une 
union  spéciale,  par  la  vertu  de  cette  habi- 
tude, de  ces  dons  et  de  ces  sublimes  faveurs. 
Et  même  si  cette  Ame  correspond  fréquem- 
ment à  ces  saintes  inspirations,  ou  du  moins 
est  toujours  disposée  à  y  correspondre,  on 
peut  dire  qu'elle  est  à  sa  manière  même  en 
action  dans  une  union  permanente.  6*  L'ime 
unie  à  Dieu  par  infusion  expérimentale  lui 
est  unie  comme  à  sa  fin  dernière,  qu'elle 

{>ossède  spirituellement  par  la  vision  et  par 
'amour  sensible.  Elle  est  encore  unie  à 
Dieu  comme  à  son  objet  théologique,  objet 
qu'elle  atteint  d'une  manière  méritoire  par 
ces  actes  ;  enGn  elle  lui  est  unie  comme  à 
son  premier  principe,  en  ce  sens  qu'elle  est 
élevée  par  lui  spécialement  à  Tinfusion,  par 
la  vertu  des  habitudes  et  des  avantages  dont 
nous  avons  parlé  plus  haut.  Au  contraire, 
dans  la  patrie,  les  bienheureux  sont  unis  à 
Dieu  comme  à  leur  fin  dernière^  parfaitement 
possédée  par  l'amour  et  la  vision  ;  ils  lui 
sont  unis  et  comme  à  leur  objet  tbéologiqae, 
acquis  en  récompense  de  leurs  mérites  an- 
térieurs, et  comme  à  leur  premier  principe, 
lorsque  Dieu  les  élève  jusqu'à  lui  par  lin- 
fusion  devenue  manifeste  dans  le  glorieux 
état  de  la  vision  intuitive. 

Bien  que  l'union  contemplative  dlnfusion 
passive  soit  un  don  gratuit  de  Dieu,  et  qu'en 
elle  ne  consiste  pas  essentiellement  la  per- 
fection chrétienne,  l'âme  qui  aspire  à  la  per- 
fection doit  cependant,  avec  la  grâce  divine, 
y  tendre  de  tous  ht$  efforts,  comme  au 
moyen  le  plus  propre  d'y  arriver.  Aussi,  ou- 
tre les  dispositions  nécessaires  à  toute  ooo- 
templation,  nous  en  indiquerons  quelques- 
unes  qui  lui  sont  spéciales.  La  première  est 
la  présence  de  IMtu,  par  la  foi  à  aon  infusion 
en  nous-mêmes  :  c  est  là  la  meilleure  dispo- 
sition à  la  contemplation  d'infusion,  ou  du 
moins  elle  peut  y  suppléer.  Elle  est  recom- 
mandée : 

1*  Par  l'Ecriture  sainte  (F.  PajbsiiGB  i^e 
Dieu)  ; 

9r  Par  les  saints  Pères  et  les  mystiques  : 
«  Averti  de  rentrer  en  moi-même,  j'ai,  sous 
votre  conduite,  pénétré  dans  mon  intérieur, 
et  j'ai  pu  le  faire,  grâce'à'votre  anpui.  J'y 
suis  entré,  et  j'ai  vu,  avec  l'oeil  de  rime,  oui 
€st  supérieur  à  l'intelligence  même,  la  lu- 
mière immuable  du  Seigneur.  »  (Saint  Au- 
ecsTiN,  I.  X  Comf.y  c.  10.)  •  Bfforoez-Tous 


te7 


INF 


DICTiOMNAlRË 


INT 


d'aimor  voiro  Dieuînlérieurementel  souve- 
raiuement  ;  à  toute  heure  soupirez  avec  le 
plus  ardent  désir  après  la  joie  de  la  divine 
contemplation.  Rentrez  en  vous-même,  et 
reposez-vous  uniquement  dans  le  désir  de 
la  Divinité.»  (Hug.  de  Saint-Victor,  1.  m  Dt 
anima^  c.  48.)  «  Sachez  bien  qu'il  vous  im- 
porte beaucoup  d'être  persuades  que  le  Sei- 
gneur est  en  vous-mêmes  et  que  vous  y  ha- 
Eitez  avec  lui.  »  (Sainte  TnÉRèsE,  Vit,  perf.f 
c.  38.)  Elle  remarque  qu'on  arrive  facilement 
ainsi  à  l'union  parfaite.  «  Le  feu  de  l'amour 
divin  est  plus  vivement  excité,  parce  que  le 
plus  léger  souffle  d'intelligence,  quand  le 
feu  est  si  proche,  le  contact  de  la  moindre 
étincelle  suffit  pour  tout  embraser.  D'ailleurs, 
en  l'absence  de  tout  empêchement  extérieur, 
Tâme  reste  seule  avec  Dieu,  disposition  ex- 
cellente pour  l'enflammer  complètement.  » 

3*  Par  la  raison.  Celui  qui  croit  que  Dieu 
est  intimement  présent  en  lui,  qu'il  vit,  se 
meut  et  est  en  Dieu  comme  dans  le  cœur  de 
son  cœur,  dans  l'Ame  de  son  âme,  et  qu'il 
fait  partie  de  son  être,  aimera  beaucoup 
mieux  être  en  Dieu  qu'en  lui-même  :  il  sera 
donc  entraîné  rapicfement  par  un  amour 
infini  vers  le  centre  de  son  Dieu;  et,  son 
cœur  étant  ainsi  bien  purifié,  il  pourra  par 
la  contemplation  voir  Dieu  infus  et  uni  à 
lui  par  l'amour  d'une  union  sensible  et  ex- 
périmentale. 

La  deuxième  disposition  à  l'union  con- 
templative d'infusion  est  cette  même  pr^^ence 
4e  DieUf  que  la  foi  nous  montre  répandue 
hors  de  nous  dans  toutes  les  créatures. 

V  David  en  a  parlé  dans  ses  Psaumes  :  Oà 
irai^je  où  ne  sera  pas  votre  esprit^  et  où 
fuirai'je  hors  de  votre  présence?  Si  je  m'élève 
au  cte/,  vous  y  êtes;  si  je  descends  dans  Ta- 
Wme,  vous  y  êtes  encore  :  je  déploierai  mes 
ailes  dis  le  matin  et  f  irai  habiter  par  delà  les 
merSf  là  encore  votre  main  me  conduira  et  je  se- 
rai  soutenu  par  votre  droite.  (Ps.cxtxyuuT.) 

«  2»  Je  vous  en  prie,  mon  cher  Séverin, 
dit  Hug.  de  Saint-Victor  (c.  S  De  grad.  char.), 
jetez  un  regard  au  dedans  de  vous-même,  et 
voyez  ce  que  la  plupart  de  ceux  qui  voient 
ne  voient  pas;  et  remarquez  comme  tout  ce 
qui  nous  est  favorable  dans  la  prospérité, 
tout  ce  qui  nous  contrarie  dans  radversité, 
est  en  q^uelque  sorte  un  éperon  de  la  cha- 
rité, qui  nous  stimule  pour  ainsi  dire  à  la 
course  de  l'amour.  »  Blosius,  (Inst.  spir.^ 
c.  3.)  :  «  L'homme  sera  complètement 
heureux,  quand  ni  la  société  des  autres 
hommes,  ni  tout  autre  empêchement  ne 
viendra  lui  ravir  la  présence  de  Dieu.  Ce 
qui  arrivera  lorsqu'il  sera  intimement  atta- 
ché à  Dieu,  et  renfermé,  fortitié  en  lui;  qu'il 
le  verra  toujours  présent,  plutôt  que  tout 
autre  oj^'et.» 

S**  Enfin  la  raison  nous  montre  que  toutes 
les  choses  visibles  ou  invisibles  sont  des 
symboles  d'amour  que  Dieu  nous  a  donnés 
pour  se  concilier  notre  amour,  et  que  Dieu 
se  mêle  à  toute  chose  créée,  pour  se  commu- 
niquer en  elles  à  l'âme  et  s'unir  5  elle,  si  elle 
**"  fait  un  bon  usage.  Donc,  par  la  continuelle 
méditation  do  la  présence  ae  Dieu  dans  ces 


choses,  nous  pourrons  nous  disposer  même 
à  l'union  parfaite  d'infusion,  ou  tout  du 
moins  la  suppléer. 

Puisque  Dieu  a  tant  de  merveillcut 
moyens  d'attirer  à  cette  sublime  union  les 
Ames  qui  veulent  s'y  disposer  dignement, 
nous  (levons  nous  étonner  d'autant  plus  de 
l'éprouver  si  rarement  par  notre  faute.  C'est 
parce  que  nous  négligeons  de  reconnaître  h 
présence  cachée  de  Dieu  en  nous,  et  que 
nous  ne  nous  efforçons  pas  de  l'boDorer, 
comme  s'il  était  un  Dieu  inconnu;  c'est 
enfin  parce  que  nous  ne  recherchons  pas  le 
trésor  du  royaume  des  cieux  caché  dans  le 
champ  de  notre  cœur.  Ainsi ,  puisque  Dieu 
est  avec  nous  et  que  nous  sommes  avec  lui, 
suivons  les  avis  du  V.  Pierre  de  Blois  (/ml. 
spir.  c.  3)  :  «  Que  l'ascète  revienne  et  habile 
eu  lui-même  :  c'est  là  qu'il  pourra  véritable- 
ment trouver  Dieu;  Dieu,  en  effet,  qui  est 
partout,  se  trouve  surtout  dans  l'esprit  hu- 
main et  dans  le  fond  de  l'âme.  Heureux 
celui  en  qui  Dieu  réside,  non-seulement  par 
son  essence,  comme  en  toute  créature,  mais 
aussi  par  sa  grAce....  Que  l'ascète  croie  doue 
d'une  manière  indubitable  que  Dieu  est 
in  visiblement  présent  au  dehors  et  au  dedans 
de  lui-même,  et  qu'il  se  tienne  sous  ses 
regards  avec  respect  et  humilité  comme  une 
chaste  épouse....  Qu'il  rejette  toute  autre 
chose,  pour  n'avoir  en  vue  que  le  Seigneur, 
comme  s'il  voyait  devant  lui  l'essence  rnÊme 
de  Dieu,  et  qu'il  n'y  eût  rien  au  monde  que 
Dieu  et  lui-même.  Qu'il  se  renferme  en  Dieu 
et  qu'il  y  habite  comme  dans  une  chambre 
ou  comme  dans  le  ciel.  Qu'il  se  réjouisse  et 
qu'il  tressaille  d'all^resse,  de  jpouTOir 
aussi  facilement  le  trouver  en  lui-même, 
d'avoir  en  lui-même  un  tel  et  un  si  précieui 
trésor;  de  le  trouver  en  lui-même  toutes  les 
fois  qu'il  se  le  rappelle;  or,  il  ne  le  trouve 
jamais  mieux  en  lui-même  que  quand  il  peut 
atteindre  le  fond  de  son  âme  dans  toute  sa 
nudité.  »  {Voy.  Transformatioii  mystique] 

INTELLIGENCE  (Mortification  db  l'].- 
L'intelligence  est  la  faculté  de  Time  qui 
comprend  et  saisit  distinctement  les  choses, 
c'est-à-dire,  avec  toutes  leurs  marques 
caractéristiques,  même  celles  qui  ne  tombeot 
pas  sous  les  sens. 

L'intelligence,  selon  les  philosophes  mo- 
dernes, est  pure  quand  nous  concevoDS  les 
choses  si  distinctement  qu'il  ne  s';  troure 
mêlée  aucune  image  confuse  des  sens  et  de 
l'imagination.  Elle  est  impure»  quaod  la 
chose  se  présente  entourée  de  beaucoup  di- 
mages  confuses  de  l'imagination  et  des  sens, 
ff  L'intelligence,  dit  Bossuet,  c'est  la  lumière 

Jue  Dieu  nous  donne  pour  nous  conduire.  > 
»n  lui  donne  divers  noms  :  en  tant  qu'elle 
pénètre  et  qu'elle  invente,  il  l'appelle  espnt  : 
en  tant  qu'elle  juge  et  dirige  au  vrai  et  au 
bien,  il  rappelle  raison  et  jugement;  en  taoi 
qu'el  le  nous  d  é  tourn  e  du  vrai  mal  de  l'hooiiM  f  » 

?ui  est  le  péché,  elle  s'appelle  conscieDce. 
ar  l'intelligence  l'hommo  est  porté  el  ^ 
connaître  la  vérité  et  à  rendre  bonne  raii«J 
de  sa  conduite.  C'est  par  là,  enfin,  ^ue  fà^ 
son  excellence.  Quelques  théologiens  m/s* 


«89 


INT 


D*ASCEtlSIIC 


INT 


Ml» 


tiques  dirisent  la  partie  intelligente  de  TAme 
en  trois  puissances.  I*  Veniendemtnt^  qui 
est  coDSfamment  éclairé  par  le  Père  des  lu* 
mières  et  nullement  parles  images  sensibles, 
qui  porte  le  sceau  lumineux  de  la  ressem- 
blance dÎTine,  soit  qu'ensuite  cette  lumière 
soit  innée  avec  Tentendement,  soit  qu'elle 
émane  du  flambeau  même  des  pensées  divi- 
nes. Cette  puissance  de  l'âme  s'appelle  dans 
le  langage  mystique  le  cid  supérieur,  la 
iumUre  de  rintetUaeneejle  sommet  de  la  raison. 
2"  La  raison^  qu'ils  divisent  en  deux  espèces 
différentes  :  la  raison  mp^jeure,  qui  tire  ses 
conclusions  des  principes  que  lui  fournit 
l'intelligence;  et  la  raison  inférieure,  qui 
juge  d'après  l'expérience  des  sens.  On  la 
désigne  dans  le  langage  mjstique  sous  le 
nom  de  €iel  moyen.  3*  Le  sentiment^  par  le- 
quel l'Ame  perçoit  les  sensations:  le  myiti-r 
que  l'appelle  eiel  inférieur. 

Notre  esprit  exerce  diversement  la  faculté 
de  connaître.  Ou  il  contemple  les  choses  en 
elles-mêmes,  sans  aller  plus  loin  que  leur 
simple  examen;  c'est  ce  qu*on  appelle  op- 
^éhonsion;  ou,  par  la  comparaison  d'une 
idée  avec  une  autre,  il  constate  entre  elles 
des  similitudes  ou  des  différences  :  cet  acte 
se  nomme  jugesnent;  ou  de  deux  jugements 
il  en  déduit  un  troisième,  et  cet  acte  consti- 
tue le  raisomnemaU.  De  même,  quand  notre 
esprit  contemple  une  chose  présente  a  nos 
seBs^  nous  sommes  dits  avoir  une  connais- 
sance intuitive;  si  nous  ne  percevons  cette 
chose  que  par  des  paroles,  des  noms  et 
d'autres  signes  ou  symboles,  nous  sommes 
dits  avoir  une  connaissance  sifmboUque. 

Un  des  privilèges  de  notre  intelligence  est 
de  pouvoir  penser  à  une  chose  exclusive- 
ment, sans  pouvoir  penser  en  même  temps 
à  une  autre,  ni  même  avoir  conscience  d'au- 
cune autre  chose.  Cet  acte  s'appelle  alteniion. 
I/attention  est  fiivorisée  par  la  vigilance  sur 
nos  sens,  le  silence,  la  tranquillité  et  les  té- 
nèbres; un  exercice  assidu  lui  donne  tant 
de  force,  que  nous  pouvons  rester  très- 
longtemps  attentifs  à  la  contemplation  du 
même  objet.  Si  cette  attention  se  prolonge 
sur  les  différentes  parties  de  l'objet  et  les 
considère  chacune  en  particulier,  elle  cons- 
titue un  acte  de  Tesprit  appelé  réflexion.  Si 
nous  considérons  un  objet  sans  faire  atten- 
tion à  tout  ce  qui  y  est  joint,  nous  faisons 
une  abstraction  :  cet  acte  est  le  résultat  de 
l'attention  et  de  la  réflexion,  et  il  est  très- 
utile  pour  s'élever  aux  raisons  universelles 
et  aux  profondes  méditations;  mais  il  ne 
faut  faire  usage  de  l'abstraction  qu'avec 
beaucoup  de  sagesse,  dans  les  cas  qui  ré- 
clament de  la  prudence,  et  où  les  choses 
doivent  être  considérées  avec  tous  leurs  at- 
tributs. La  faculté  dHmagmer  est  différente 
de  cette  faculté  d'abstraire;  par  elle,  en 
effet,  nous  réunissons  les  idées  de  diffé- 
rentes manières,  ou  nous  séparons  celles 
3ui  sont  réunies  d'elles-mêmes,  et  toujours 
'une  manière  opposée  à  celle  que  nos  sens 
perçoivent. 

Par  le  concours  de  l'attention  et  de  la  ré- 
flexion, nous  arrivons  à  avoir  des  idées  dis^ 


tinctes  des  choses,  idées  dont  le  grand 
nombre,  la  clarté  et  la  facilité  à  les  former, 
font  éclater  toute  la  supériorité  de  notre  in- 
telligence. 11  ne  faut  pas  toutefois  la  con- 
fondre avec  le  jugement,  par  lequel  notre 
esprit  perçoit  la  convenance  et  la  différence 
des  choses,  et  avec  la  raison  qui,  prise  sub- 
jectivement, perçoit  distinct ivement  le  lien 
qui  réunit  les  vérités  universelles  avec  les 
vérilés  particulières.  Si  le  jugement  est  ha- 
bile à  apercevoir  les  similitudes  des  choses, 
ou,  selon  les  modernes,  habile  à  imaginer 
des  alliances  d'idées  plaisantes  et  prêtant  à 
rire,  il  prend  le  nom  d'esprit.  S'il  a  beau» 
coup  d'aptitude  à  saisir  et  à  changer  les 
rapports,  les  similitudes,  les  différences  et 
les  convenances  des  choses ,  les  raisons  qui 
en  découlent  et  le  lien  qui  les  enchaîne,  il 
prend  le  nom  de  génie.  On  observe  surtout 
celte  faculté  dans  les  poêles,  les  philoso- 

f)b6s,  etc.  On  l'admire  principalement  dans 
a  variété  des  objets  qu'ils  présentent,  dans 
cette  facilité  à  découvrir  jes  mystères  les 
plus  difficiles  et  les  plus  compliqués  de  la 
science.  Elle  est  souvent  subordonnée  aux 
variétés  des  tempéraments,  des  saisons,  de 
Tâge,  des  affections,  de  l'éducation,  des 
exemples  et  de  l'habitude.  Si  l'intelligence 
saisit  facilement  les  difers  rapports  d'un 
objet,  c*est  la  pénétration  d'esprit;  si  elle  dé- 
compose facilement  les  notions  les  plus 
compliquées,  c'est  la  pro/ondettr  d'esprit,  si 
elle  sait  faire  usage  du  raisonnement,  de 
manière  à  déduire  les  conséquences  des  an- 
técédeuts,  et  à  les  réunir  les  uns  aux  autres, 
pour  parvenir  à  des  principes  indubitables, 
c'est  la  solidité  d'esprit;  si  du  passé  et  du 
présent,  au  moyen  d'une  observation  conti* 
nuelle  et  attentive,  elle  tire  la  connaissance 
de  l'avenir,  c'est  la  prévoyance. 

Bien  que  notre  mtelhgence  soit  fière  à 
bon  droit  de  toutes  ces  précieuses  facultés, 
elle  a  aussi  reçu  sa  blessure  du  péché  ori- 
ginel ;  elle  consiste  dans  l'ignorance  et  la  cu- 
riosité, source  de  nombreux  péchés  ;  la  plu- 
part toutefois  reconnaissent  pour  leur  ori- 
gine empoisonnée  le  jugement  propre,  par 
lequel  chacun,  sans  s'inquiéter  s'il  est  con-» 
forme  au  jugement  de  Dieu,  s'obstine  exclu- 
sivement dans  son  propre  jugement,  qu*il 
prend  pour  première  règle  de  conduite,  au 
mépris  du  jugement  des  supérieurs  et  des 
personnesplus  instruites. 

Or  on  doit  mortifier  et  corriger  l'intelli- 
gence par  l'abnégation  du  jtij)ffm€fU  propre. 

I*  L  Ecriture  sainte  nous  l'ordonne  :  Ne 
vous  appuyez  point  sur  votre  prudence, 
(Brov.  m,  5.)  Réduisant  en  servitude  toute 
intelligence^  pour  la  soumettre  à  F  obéissance 
de  Jésus-Chrtst.iil  Cor.  x,  5.)  «  Qu'il  croie, 
dit  à  ce  sujet  Louis  Du  Pont  (Duc.  spir.^ 
tr.  h,  c.  7),  qu'il  accepte  et  qu'il  suive  ce  que 
ni  sa  raison,  ni  le  raisonnement,  ne  lui  peu- 
vent montrer.  »  En  effet,  c'est  une  espèce  de 
péché  de  magie  de  ne  vouloir  pas  se  soumettre 
au  Seigneur;  et  ne  se  rendre  pas  à  sa  volonté, 
c'est  en  quelque  sorte  un  crime  d^idolâtrie, 
(/  Beg.  XV,  23.) 

2*  Les  saints  Père$  nous  y  obligent  ^e« 


INT 


DICTIONNAIRE 


lAC 


m 


ment.  Voici  comment  saint  Grégoire  expli- 
que le  texte  que  nous  yenons  de  citer. 
«  C'est  une  espèce  de  péché  de  magie  de  ne 
vouloir  pas  se  soumettre;  en  effet,  ils  sem- 
blent mépriser  les  autels  divins  pour  aller  à 
ceux  du  démon,  afin  d'entendre  ses  répon- 
ses, ceux  qui  croient  aux  prestigieuses  et 
superbes  inventions  de  leur  cœur,  et  qui  se 
montrent  indociles  aux  conseils  salutaires 
des  prélats.  Ne  pas  se  rendre  à  la  volonté  de 
sou  supérieur,  c*est  en  quelque  sorte  un 
crime  d'idolfttrie.;  car  personne  ne  persiste- 
rait dans  Tobstihation  de  sa  désobéissance, 
si  l'on  ne  portait  enraciné  dans  &on  cœur, 
comme  une  idole,  ce  que  Ton  se  proposexie 
faire.  En  effet,  en  concevant  dans  notre  oœur 
ce  que  nous  ferons,  nous  en  faisons  en  quel- 
sorte  une  idole  ;  et  lorsque  nous  délibérons 
sur  les  moyens  d'agir  conformément  au  pro- 
jet conçu  dans  notre  esprit,  nous  nous  incli- 
nons, pour  ainsi  dire,  afin  d'adorer  notre 
idole.  »  Saint  Anselme  (similit.  ih%)  expose 
l'abus  du  jugement  propre,  et  l'utilité  du 
jugement  étranger,  par  l'exemple  d'un  cou« 
teau.  Si  Quelqu'un,  pour  couper  quelque 
chose,  préfère  le  sien,  dont  le  tranchant  est 
émousséy  tout  excellent  qu'il  lui  paraisse,  à 
un  autre  qui  coupe  beaucoup  mieux,  il  ne 
fera  rien  de  bon  :  de  même,  si  pour  discer- 
ner vos  actions  vous  ne  faites  pas  usage  du 
jugement  des  autres,  vous  ne  ferez  aucun 
progrès  dans  la  vie  spirituelle. 

8"  La  raison  en  e  t  qu'en  suivant  son 
propre  jugement,  par  op[iosition  au  juge- 
ment de  Dieu,  des  supérieurs  et  des  per- 
sonnes plus  instruites,  on  tombe  dans  un 
orgueil  et  une  présomption  qui  donnent 
naissance  aux  hérésies,  aux  illusions  et  % 
le  corruption  des  mœurs  ;  et^  les  erreurs 
qui  en  résultent,  bien  qu'elles  paraissent  à 
oelui  qui  agit  des  vérités  évidentes,  sont 
coupables  et  inexcusables. 

il  faut  donc  corriger  l'intelligence  :  !•  en 
priant  Dieu  qu'il  daigne  l'éclairer,  la  diriger 
et  la  gouverner  par  la  lumière  surnaturelle 
de  la  foi,  de  la  science,  de  la  prudence,  du 
conseil  et  de  la  sagesse;  3m1  faut  bien  se 
garder  d'ignorer  les  vérités  nécessaires  et 
utiles  à  connaître,  d'absolue  nécessité  de 
précepte  et  de  moyen,  c'est-à-dire,  celles 
que  Dieu  nous  a  révélées  et  que  l'Eglise 
nous  propose  à  croire;  3'  il  faut  fuir  la  cu- 
riosité, afin  de  ne  chercher  à  savoir  que  ce 
qui  est  nécessaire  au  salut  et  à  l'acquisition 


des  vertus,  et  ce  que  Dieu  exige  de  dous 
pour  satisfaire  aux  obligations  de  notre 
état.  Bien  plus,  soyons  humbles  dans  le  dé- 
sir de  comprendre  les  choses  célestes,  et  ae 
souhaitons  de  connaître  que  ce  que  Dieu 
nous  demande  dans  notre  condition  ;  k*  pour 
que  l'intelligence  porte  un  jugement  Téri- 
table  sur  la  bonté  ou  la  malice  d'une  action 
quelconque,  il  faut,  en  mettant  è  part  toute 
affection  précipitée  de  la  volonté,  considé- 
rer cette  action  selon  la  volonté  de  Dieu, 
-selon  les  règles  de  la  foi  et  des  bonnes 
mœurs,  de  crainte  que  l'affection  de  la  vo- 
lonté et  de  l'appétit  sensitif  ne  vienne 
obscurcir  et  aveugler  notre  jugement  et  le 
faire  incliner  d'un  certain  côté  plus  que  la 
justice  ne  le  demande;  tt*  nous  terminerons 
par  une  citation  d'Alvarez  de  Paz  suree 
sujet  (Vit.  êpir,^  1.  ii,  p.  m,  c.  10)  :  <  Lors- 
que les  opinions  des  docteurs  sent  diffé- 
rentes, ce  n'est  pas  une  faute  du  jagement 
propre  de  suivre  l'opinion  des  uns  de  pré- 
férence è  celle  des  autres,  si  les  premien 
dans  leurs  raisons  paraissent  pVns  se  reppro- 
eher  de  la  vérité;  car  nous  ne  jurons  par 
personne,  si  ce  n'est  par  la  vérité.  41  est 
donc  permis  et  même  convenable  de  la 
recevoir  de  la  bouche  de  celui  qui  l'eih 
seigne,  sans  mépriser  par  là  les  autres  doc- 
teurs. » 
INTENTION  (PoftBTÉ  d').  —  Foy.  Acnosi 
ISIDORE  DB  FEtusB  (Saint),  ainsi  nommé 
parce  qu'il  s'enferma  dans  une  solitude 
auprès  de  cette  ville,  mourut  en  UO,  avec 
une  grande  réputation  de  science  et  de 
vertu.  Il  avait  été  un  des  plus  illustres  dis- 
ciples de  saint  lean-Cbrysostome.  Nous 
avons  de  lui  cinq  livres  de  Lettres  en  grec 
et  quelques  opuscules  de  piété,  de  théologie 
et  (le  morale,  où  l'on  trouve  une  grande 
solidité  jointe  à  la  pureté  du  style. 

ISIDORE  DB  SÉviLLE  (Saint),  fils  d'nn 
gouverneur  de  Carttaagène,  en  Espagne,  fat 
élevé  par  son  ftère  Léandre,  évoque  de  8*» 
ville,  auquel  il  succéda  en  601.  Il  mourut 
en  saint,  comme  il  avait  vécu,  en  696.  L« 
concile  de  Tolède,  tenu  en  653,  l'appelle  te 
Docteur  de  son  siiele  et  le  nouvel  Ornement  4e 
VEglise.  Saint  Isidore  avait  présidé  un  grand 
nombre  de  conciles,  et  en  avait  fait  faire  les 
règlements  les  plus  utiles.  On  a  de  lui  plu- 
sieurs ouvrages  savants,  et  entre  autres  on 
Traité  des  offices  ecclésiastiftwes,  et  une  X^» 
pour  le  monastère  d'Honori. 


j 


/ACULATOIRE  (Oraïsow)  [F.  pour  la  dé- 
finition, Paièhb  vocale.]  —  Tous  les  fldèles 
doivent  souvent  produire  des  oraisons  jacu- 
latoires. C'est  ainsi  que  les  ignorants  et  les 
imparfaits,  les  parfaits  et  les  savants,  pour- 
ront, les  premiers  assez  bien,  les  autres 
d'une  manière  plus  complète,  remplir  ce 
jprécepte  de  Jésus-Christ  et  de  l'Apôtre,  de 


prier  toujours  et  «ans  relâdie  ;  ee  eaawil 
des  saints  Pères,  de  prier  matin  et  soir»  a 
chaque  heure  et  avant  chacune  de  dos 
actions  ;  enfin  cet  autre  précepte  de  Jésw- 
Christ,  de  veiller  et  de  prier,  pour  ne  pas 
tomber  dans  la  tentation  et  parce  que  nous 
ne  savons  pas  l'heure  où  le  Fils  deThoiaae 
doit  venir.  Les  moines  d'Egyv*«  faisaient  ua 


JEà 


D*ASCETISME. 


JEA 


W 


très-fréqueDi  usage  de  ces  oraisons  jacula- 
toires. &înt  Augustin*  Cassien,  saint  Jean 
Cbrjsostome  et  saint  Laurent  Justinien  lea 
recommandent.  Ce  dernier  les  appelle  des 
flèches  lancées  contre  les  ennemis  du  aalut, 
des  traits  enflammés,  que  les  soldats  du 
Christ  dirigent  Ters  le  ciel  dans  l'ardeur  de 
leurs  désirs.  Saint  François  de  Sales  dit 
dans  son  Introdueiion  à  la  vie  dévoie  (n*  p., 
c.  13}  :  «  Cet  exercice  est  le  meilleur  sou- 
tien de  la  déTOtion  ;  il  peut  suppléer  k  l'in- 
suffisance de  toutes  les  autres  prières,  tandis 
que  lui-même,  auand  il  est  défectueux,  ne 
peut-être  supplée  par  rien...  Je  tous  exhorte 
donc  à  tous  j  adonner  de  tout  cœur  et  à  ne 
jamais  y  manager.  » 

Alrarez  de  Paz  (t.  III  De  vit.  epir.^  1.  ir, 
p.  III,  c.  10),  et  le  cardinal  Bona  (Via  eamp. 
ad  Dewn^  c.  Il,  18,  etc.),  ont  fait  une  ample 
collection  de  ces  sortes  d'aspirations  et 
prières  jaculatoires,  propres  aux  diOérents 
étals  des  commençants,  des  progressants  et 
des  parfaits.  Cette  collection  peut  être  d'une 
grande  utilité,  sinon  pour  les  apprendre  par 
oœur,  au  moins  pour  les  lire  souTent  et  se 
rendre  capable  a'en  produire  à  volonté  de 
semblables.  Cassieo  (collât.  19,  c.  9),  dans  ce 
seul  Terset  du  P$.  lxix  :  Venez  à  mon  aide. 
6  flian  Dieu  I  Hâiex^oue^  Seigneur ^  de  me 
secouriTf  trouve  une  prière  excellente  pour 
tous  nos  besoins,  si  nous  la  récitons  à  la  fois 
de  coeur  et  de  bouche.  Saint  Jean-Cbrjsos* 
tome  (hom.  79,  ad  pop.)  en  trouve  une 
toute  semblable  dans  cette  invocation  de 
la  Chananéenne  :  Ayez  pitii  de  moii  ma  fille 
(ou  mon  ftme)  est  tourmentée  par  le  démon 
{Maitlu  XV,  S2).  Saint  lean-Cbrvsostome  et 
saint  Bonaventure  recommandent  encore 
Tusage  des  oraisons  jaculatoires,  toutes  les 
fois  qu'on  entend  sonner  llieure  :  on  peut  y 
ajouter,  pour  leur  donner  plus  de  force,  ces 
paroles  de  la  salutation  angélique  :  mainte- 
nani  et  à  Pheure  de  notre  mort. 

JARD  (François),  prêtre  doctrinaire ,  né 
près  d*Avignon,  en  1675,  mort  en  1768,  est 
auteur  d'un  ouvrage  acétique  intitulé  :  La 
religion  chrétienne  méditée  dam  le  véritable 
esprit  dese$maxime$tQ  Yo\.  in-12.  Cet  ou- 
vrage a  eu  du  succès. 

JEAN  CURTSOSTOME  (Saint),  né  à  An- 
tioche,  en  34fc,  d'une  des  premières  familles 
de  la  ville,  j  ajouta  un  nouveau  lustre  par 
ses  vertus  et  par  sa  sublime  éloquence  qui 
lui  mérita  le  beau  surnom  de  Bouche  d'or, 
{Chrffiostome).  Il  voulut  d'abord  suivre  la  car- 
rière du  barreau  ;  mais,  touché  par  la  grâce, 
il  renonça  au  monde  pour  s'enfoncer  dans 
un  désert.  L'évêaue  Flavien  Téleva  au  sa- 
cerdoce» en  383.  Ce  fut  alors  qu'il^fut  chargé 
du  soin  de  prêcher  la  parole  de  Dieu,fonction 
gu'il  remplit  avec  d'autant  plus  de  fruit,  qu'il 
joignait  à  une  éloquence  touchante  et  per- 
suasive les  mœurs  les  plus  pures.  Ses  ver- 
tus le  firent  placer  en  398  sur  le  siège  de 
CoDStantinopIe.  Mais  son  zèle  pour  la  ré- 


(180)  Le 
caaaede 

(181)  Le 


surnom  de  CUmamu  fut  dooné  a«  saint 
Kne  inUtulé  àimax  ou  Kekelk. 
de  Scoùmiq^f  qui  était  alonlM 


forme  du  ciergé  et  pour  la  conversion  des 
hérétiques  lui  attira  bientôt  une  foule  d'en» 
nemis.  Les  ariens  obtinrent  même  de  l'im- 
pératrice Eudoxie  qu'il  fut  banni  de  Gona- 
tantinoble.  Cependant  cet  exil.ne  fftl  pas  de 
longue  durée.  II  fût  rappelé  à  la  demande 
d'Eudoxie  elle-même,  qui,  du  reste,  le  fit 
encore  condamner  à  la  même  peine  en  40%. 
Le  saint  évêqne  mourut  dans  cet  exil  le  \k 
septembre  Un,  Agé  de  soixante-trois  ans. 
Ses  ouvrages  ascétiques  sont  :  1*  Un  Traité 
du  sacerdoce  :  3*  Un  Traité  de  la  Providence; 
3*  Des  Homélies^  et  quelques  OpuictUee  de 
piété.  Tillemont  a  écrit  une  excellente  Fte 
de  saint  Jean  Cbrjsostome. 

JEAN  CLIMAQUB  (Saint).  —  Saint  Jean 
Climague  (180),  gue  Ton  croît  originaire  de  la 
Palestine,  ^naquit  vers  l'an  525.  Il  fut  élevé 
avec  soin,  et  tes  progrès  qu'il  fit  dans  les 
sciences  furent  si  rapides,  qu'on  lui  donna 
dès  sa  jeunesse  le  surnom  de  Scholasti- 

Sue  (181).  Mais  à  peine  eut-il  atteint  Tâge 
e  seize  ans,  qu'il  sacrifia  tous  les  avanta- 
ges qu'il  pouvait  tirer  du  monde.  Il  se  retira 
sur  le  mont  Sinal,  ot  plusieurs  solitaires 
menaient  une  vie  angéliquc,  depuis  que  les 
disciples  de  saint  Antoine  et  de  saint  Hila- 
rion  avaient  peuplé  les  déserts.  Il  ne  voulut 

Eoint  demeurer  dans  le  grand  monastère 
âti  sur  le  sommet  de  la  montagne,  de  peur 
d'y  trouver  des  sujets  de  dissipation ^  i.  alla 
vivre  dans  un  ermitage  écarte,  où  ii  se  mit 
sous  la  conduite  d'un  vénérable  vieillard, 
nommé  Martyrius.  Un  silence  rigoureux  fut 
le  moyen  qu'il  employa  pour  se  garantir 
d'un  vice  ordinaire  aux  personnes  habiles  t 
c'est-à-dire  de  celte  démangeaison  de  parler 
de  tout,  qui  provient  d'une  vanité  secrète. 
Humble  d'esprit  et  de  cœur,  il  faisait  le  sa- 
crifice de  ses  lumières  sans  contredire  ni 
disputer.  II  s'assurait  par  l'obéissance  le  mé- 
rite de  ses  actions,  et  ii  porta  si  loin  la  pra* 
tique  de  cette  vertu,  qu'il  semblait  ne  point 
avoir  de  volonté  propre.  Par  cette  soumis- 
sion h  son  directeur,  il  apprenait  h  éviter  les 
écueils  contre  lesquels  il  eût  infailliblement 
échoué,  s'il  avait  voulu  se  servir  de  pilote  à 
lui-même  (182).  De  cette  montagne  ivisiblo 
qu'il  habitait,  il  prenait  saintemehl  son 
essor  pour  s'élever  jusqu'au  Dieu  invisible 
dont  la  volonté  faisait  son  unique  étude, 
aussi  observait-il  avec  attention  tous  les 
mouvements  de  la  grftce  pour  y  correspondre 
avec  fidélité. 

Le  fervent  novice  employa  quatre  ans  à 
s'éprouver  et  h  s'instruire,  avant  que  de  faire 
la  profession  monastique.  Il  pensait,  et  il  l'a 
fortement  inculqué  dans  ses  ouvrages,  qu'un 
pareil  engagement  exim  un  <ê^e  mûr  et  des 
épreuves  sérieuses.  Quand  il  vit  appro- 
cner  le  jour  de  son  sacrifice,  il  s'y  prépara 
par  le  jeûne  et  la  prière,  afin  de  lui  donner 
tout  le  degré  possible  de  perfection.  La  con- 
sécration solennelle  qu'il  fit  à  Dieu  de  lui- 
même  fut  suivie  des  pins  précieux  fruits  dé 

iMMoraiile,  ne  se  donnait  qa'à  ceux  qvi  avaient  beau- 
coup de  latenls  et  de  connaissances. 
(182)  Yoyes  les  paroles  dn  saint,  firnd.  f  • 


M5 


lEA 


DICTIONNAIRE 


JËA 


la  grflce.  Hartyrias  yonii  avec  admiratioQ 
son  disciple  avancer  de  jour  en  joar  dans 
les  voies  du  salut. 

Après  la  mort  de  Martyrius,  arrivée  en 
560,  le  saint,  conformément  au  conseil  que 
son  directeur  lui  avait  donné,  résolut  d'em- 
brasser la  vie  des  anachorètes.  Il  se  retira 
donc  dans  l'ermitage  de  Thole,  situé  dans 
la  niaino  qm  est  au  bas  du  mont  Sinaï.  Sa 
cellule  était  environ  à  deux  lieues  de  l'é- 
glise (183).  Il  y  allait  les  samedis  et  les  di- 
manches pour  entendre  l'ofiice  et  pour  com- 
munier avec  les  moines  et  les  anachorètes 
du  désert.  Il  évitait  toute  singularité,  la  re- 
gardant comme  une  production  de  la  vaine 
gloire.  De  là  vint  qu'il  mangeait  indifférem- 
ment de  tout  ce  qui  n'était  pas  interdit  aux 
moines  d'Egypte,  observant  seulement  de 
se  renfermer  dans  les  bornes  d'une  exacte 
sobriété.  La  prière  était  sa  plus  douce  et  sa 
principale  occupation  ;  toujours  animé  d'une 
ferveur  extraordinaire,  il  ne  perdait  jamais 
de  vue  la  présence  de  Dieu.  Ses  pensées,  ses 

Sarcles  et  ses  actions  se  rapportaient  toutes 
l'accomplissement  de  la  volonté  du  Sei- 
gneur, c'est  ainsi  gu'il  réduisait  en  pratique 
ce  qu'il  a  depuis  si  fort  recommande  à  tous 
les  Chrétiens  (18^).  11  acquit  par  l'exercice 
habituel  de  la  contemplation  une  parfaite 
pureté  de  cœur  et  une  très-grande  facilité 
de  voir  Dieu  en  tout.  II  donnait  un  temps 
considérable  à  la  lecture  des  livres  sacrés  et 
des  ouvrages  des  saints  Pères  ;  ce  qui  le 
rendit  lui-même  un  des  plus  savants  doc- 
teurs de  l'Eglise.  Mais  il  cachait  ses  rares 
talents  et  les  grâces  singulières  dont  son 
Ame  était  enrichie,  dans  la  crainte  de  perdre 
le  précieux  trésor  ie  l'humilité.  Il  savait 
combien  le  poison  de  la  vaine  gloire  est 
subtil,  et  que,  sans  une  extrême  vigilance 
de  notre  part,  il  s*attache  è  nos  meilleures 
actions,  et  nous  en  dérobe  tout  le  prix. 

Quoique  Jean  vécAt  dans  son  ermitage 
en  vrai  solitaire,  il  ne  s'y  croyait  point  en- 
core assez  éloigné  du  commerce  aes  hom- 
mes. Il  se  Gt  une  grotte  dans  un  rocher  du 
voisinage,  pour  s'y  renfermer  au  moins  de 
temps  en  temps.  Lorsqu'il  y  était,  il  se  li- 
vrait avec  une  ft^rveur  plus  qu'humaine  à 
tous  les  exercices  de  la  contemplation.  Il 
était  pénétré  d'une  charité  si  ardente  et 
d'une  si  vive  componction,  qu'un  torrent  de 
larmes  coulait  presque  sans  cesse  de  ses 
yeux.  La  vue  des  misères  inséparables  de 
cette  vie  lui  arrachait  des  soupirs  et  des 
gémissements,  qui  frappaient  l'air  avec  au- 
tant de  force  que  pourraient  faire  les  cris 
de  ceux  que  Ton  coupe  avec  le  fer,  ou  qui 
souffrent  la  peine  du  feu.  Il  eût  bien  voulu 
vivre  toujours  seul  et  entièrement  inconnu 
aux  yeux  du  monde;  mais  l'éclatde  sa  sain- 
teté perga  malgré  lui.  On  venait  le  consul- 
ter comme  un  maître  dépositaire  de  la 
science  du  salut,  et  il  ne  put  refuser  à   un 

(485)  Il  parait  que  c*élait  Téglise  de  la  sainte 
v^iet  ge,  que  rempereur  iusiiiiieii  avait  fait  bâtir  sur 
le  rooni  blnaî  pour  Tiisage  des  moines  (  Voytz  Prih 
tope,  l.^.  De  ^dif,  Justin.). 


solitaire,  nommé  Moyse,  de  le  prendre  soas 
sa  conduite. 

Le  serviteur  de  Dieu  avait  un  taient  ex- 
traordinaire pour  guérir  les  maladies  de 
l'âme.  Un  moine,  nommé  Isaac,  que  de  vio- 
lentes tentations  de  la  chair  avaient  presque 
jeté  dans  le  désespoir,  en  fit  une  heureuse 
épreuve.  Il  alla  trouver  le  saint,  auquel  il 
découvrit,  encore  plus  par  ses  larmes  qae 

Ear  ses  paroles,  toute  la  violence  des  com- 
ats  qu'il  avait  h  soutenir.  Mon  fils,  lui  dit 
Jean  Climaque,  ayez  recours  à  Dieu  par  la 
prière.  Aussitôt  ils  se  prosternèrent  toas 
deux  à  terre  pour  implorer  le  secours  du 
crel,  et  depuis  ce  temps-là  Isaac  ne  fut  plus 
inquiété  par  l'esprit  impur.  Plusieurs  autres 
personnes  s'adressèrent  aussi  à  Jean  Clima- 
que  dans  leurs  besoins  spirituels,  et  ils  do 
le  firent  jamais  inutilement. 

Qui  croirait  que  le  saint  dAt  avoir  desen- 
nemis? Il  en  eut  cependant  dans  la  personne 
de  quelques  solitaires.  Ils  Taccusèreat  de 
perdre  son  temps  à  de  vains  discours,  dans 
la  vue  de  s'attirer  l'estime  des  hommes; 
l'accusation  ^t^itcertainenent  une  calomnie, 
mais  le  saint  la  regarda  comme  un  avis  cha« 
ritable  qu'on  lui  donnait  :  il  se  condamna  k 
un  rigoureux  silence,  et  passa  près  d'un  an 
sans  parler  à  qui  que  ce  fût.  Ses  ennemis, 
désarmés  par'sa  modestie  et  son  humilité, 
reconnurent  la  fausseté  de  ce  qu'ils  avaient 
avancé.  Us  se  réunirent  aux  autres  moines 
pour  le  conjurer  de  ne  pas  enfouir  le  talent 
que  Dieu  lui  avait  donné,  en  privant  du 
secours  de  ses  lumières  ceux  qui  venaient 
le  consulter.  Jean  rompit  le  silence  avec 
cette  humilité  qui  le  lui  avait  fait  garder, 
et  continua  d'instruire  ceux  qui  s'adres- 
saient à  lui.  On  parla  de  toutes  parts  de  sa 
sagesse  et  de  son  expérience  consommée, 
on  le  regardait  comme  un  autre  Moïse  à  qui 
Diou  communiquait  une  partie  de  son  esprit. 

Peu  de  temps  après,  c'est-à-dire  en  600, 
notre  saint  fut  élu  d'une  voix  unanime  abbé 
du  mont  Sinaï,  et  supérieur-général  de  tous 
les  moines  et  de  tous  les  anachorètes  du 
pays.  Il  avait  alors  soixante-quinze  ans;  et 
il  en  avait  passé  près  de  soixante  dans  la 
solitude.  A  peine  était-il  élevé  à  cette  di- 
gnité, ((u'il  survint  une  grande  sécheresse 
3ue  la  famine  suivit  de  près.  Les  habitants 
e  la  Palestine  et  de  l'Arabie  s'adressèrent i 
lui,  comme  à  un  autre  Elie,  pour  implorer 
le  secours  de  son  intercession  auprès  de 
Dieu.  Jean,  touché  du  malheur  de  cespau-. 
vres  peuples,  se  mit  en  prières,  et  leur  ob- 
tint ciu  ciel  une  pluie  abondante  qui  rendit 
la  fertilité  à  leurs  terres.  Il  reçut  vers  e 
môme  temps  une  lettre  de  saint  Grégoire  le 
Grand,  qui  pour  lors  était  assis  sur  la  chaire 
de  saint  Pierre.  Ce  saint  Pape  lui  écrifit 
pour  se  recommander  à  ses  prières,  et  lu 
apprendre  qu'il  lui  envoyait  de  J'^'î^'^fJ 
de  quoi  meubler  l'hôpital  fondé  pour  les  pè- 
lerins à  quelque  distance  du  mont  Sioaï(i8o . 

(184)  Grad.  27,  n.  67. 

(185)  Saint  Grec,  c.  Il,  ép.  1 , 1.  Il,  ep.  10i  ^ 
me  il,  p.  i09i. 


lEA 


D*ASCEnSIIE. 


fEk 


Le  bienheoreax  Jean»  abbé  de  Raitbe , 
monastère  situé  auprès  de  la  mer  RouKe, 
conçut  le  projet  de  perpétuer  dans  tous  Tes 
siècles  le  fruit  que  produisaient  les  institu- 
tions du  saint.  Il  le  conjura  donc  de  donner 
an  recueil  de  règles  dont  Tobserration  pût 
conduire  les  âmes  ferTeutes  à  la  perfection 
chrétienne.  Le  saint  représenta  que  rentre* 
prise  était  au-dessus  des  forces  d  un  pécheur 
tel  que  lui,  mais  il  se  rendît  enfin  à  ce  qu'on 
exigeait  de  sa  part,  sans  toutefois  se  flatter 
d*avoir  réussi.  «  JTai  fait,  disait-il,  ce  qui  a 
dépendu  de  moi,  dans  la  crainte  de  secouer 
le  joug  de  Tobéissance,  que  je  regarde  comme 
la  mère  de  toutes  les  Tertus.  Je  n'ose  croire 
que  i*ai  produit  quelque  chose  d'utile.  Sem- 
blable à  un  peintre  novice,  je  n*ai  fait  que 
tracer  une  ébauche  grossière.  Il  n'y  a  qu  un 
maître  aussi  consommé  que  tous  ^Tabnéde 
Raithe),  qui  puisse  mettre  la  dernière  main 
à  cet  ouTrage.  »  Telle  fut  l'origine  de  l'ex» 
cellent  livre  intitulé  CKmax  ou  VEchelle^ 
parce  que  l'âme  y  est  conduite  de  degrés 
en  degrés  jusqu'à  la  plus  sublime  per- 
fection. 

Ce  livre  est  écrit  en  forme  d'aphorismes 
ou  de  sentences  qui  offrent  un  prand  sens 
en  peu  de  mots;  le  style  en  est  simple,  mais 
sans  bassesse;  concis,  mais  sans  obscurité. 
On  y  trouve  une  onction  admirable,  et  un 
certain  ton  d'humilité  qui  gagne  la  confiance 
du  lecteur.  Mais  ce  qm  lait  le  pnncipal  mé- 
rite de  cet  ouvrage,  c'est  la  noblesse  et  l'é- 
lévation des  sentiments  qui  sont  jointes  à 
une  description  parfaite  de  toutes  les  ver- 
tus. L'auteur  ne  se  borne  pas  au  détail  des 
préceptes  :  il  les  rend  sensibles  par  des 
exemples,  et  entre  ces  exemples,  il  choisit 

Krticu'ièrement  ceux  oii  éclate  Famour  de 
béissance  et  de  la  pénitence  (186).  Nous 
allons  en  rapporter  quelques-uns. 

il  y  avait  en  Egypte  un  monastère  de 
trois  cent  trente  moines  que  le  saint  avait 
Tîsiti^.  Un  citoyen  d'Alexandrie,  nommé 
Isidore,  vint  se  présenter  à  la  porto  pour^ 
être  reçu.  <  Mon  père,  dit-il  à  l'abbé,  je  suis 
dans  vos  mains  ce  qu'est  le  fer  dans  celles 
du  forgeron,  le  vous  ordonne,  répondit 
l'abbé,  de  vous  tenir  à  la  porte*  et  de  vous 
jeter  aux  pieds  de  tous  ceux  que  vous  ver- 
rez,  en  leur  disant  :  Ayez  la  charité  de  prier 
pour  moi,  parce  que  mon  Ame  est  attaquée 
d*une  lèpre  dangereuse.  »  Sept  ans  se  pas- 
sèrent de  la  sorte.  Saint  Jean  Climaque, 
ayant  tu  Isidore,  lui  demanda  quels  avaient 
été  ses  sentiments  pendant  une  si  longue 
épreuve.  «  La  première  année,  lui  dit-il,  je 
me  suis  regardé  comme  un  esclave  con- 
damné pour  ses  péchés,  et  j'ai  soutenu  de 
rudes  combats  ;  la  sconde,  j'ai  été  tranquille 
et  plein  de  confiance  en  la  bonté  de  Dieu.  » 
il  ajouta  que  dans  la  troisième  année  il 
avait  souffert  les  humiliations  avec  joie.  Ce 
saint  pénitent  acquit  un  tel  degré  de  vertu, 
que  Tabbé  du  monastère  résolut  non-seule- 
ment de  le  recevoir,  mais  môme  de  le  faire 
ordonner  prêtre.  Isidore,  qui  par  humilité 


voulait  rester  dans  son  état»  demanda  quel- 
que délai,  et  mourut  sept  jours  après. 

Saint  Jean  Climaque  fut  encore  singulière- 
ment frappé  de  la  vertu  du  cuisinier  du 
même  monastère.  Comme  il  le  vojait  tou- 
jours recueilli  et  baigné  de  larmes  au  milieu 
de  ses  occupations,  qui  n'offraient  rien  que 
de  terrestre,  il  lui  demanda  de  quel  moyen 
il  se  servait  pour  entretenir  ainsi  son  âme 
dans  le  recueillement  et  la  componction. 
«  Quand  je  sers  les  moines,  répondit  le  bon 
religieux,  je  m'imagine  servir  non  des  hom- 
mes, mais  Dieu  lui-même  dans  la  personne 
de  ses  serviteurs,  et  la  vue  de  ce  feu  que 
j'ai  sans  cesse  devant  les  yeux  me  rappelle 
ces  flammes  qui  brûleront  éternellement  les 
pécheurs.  » 

^  Le  saint,  après  avoir  donné  une  descrip- 
tion fort  touchante  du  monastère  des  péoi- 
tents,  appelé  la  Prison^  lequel  était  à  un 
mille  de  celui  dont  nous  venons  de  parler, 
raconte  le  trait  suivant  de  Jean  Sabaïte. 
<  Dn  solitaire  (  c'est  Jean  Sabaite  qui  parle 
de  lui-même  en  troisième  personne  ),  un 
solitaire,  se  voyant  traité  dans  son  monas- 
tère avec  une  sorte  de  respect,  jugea  qu'il 
courait  risque  de  n'y  pas  expier  ses  péchés. 
11  en  sortit  donc  avec  la  permission  de  son 
supérieur,  et  se  retira  dans  un  monastère 
du  Pont.  Trois  ans  après,  il  vit  en  songe 
un  billet  où  toutesses  dettes  étaient  écrites  • 
elles  se  montaient  à  cent  livres  d*or,  et  il 
n'en  avait  payé  que  dii.  Pauvre  Antiochus, 
se  disait-il  souvent  à  lui-même,  lu  as  de 
grandes  dettes  à  acquitter.  Lorsqu'il  eût  passé 
treize  années  dans  la  pratique  des  humilia- 
tions et  de  la  pénitence,  il  eut  une  seconde 
vision  qui  lui  représenta  toutes  ses  dettes 
effacées.  » 

Un  autre  solitaire,  qui  avait  vécu  dans 
une  grande  négligence  de  ses  devoirs,  fut 
attaqué  d'une  violente  maladie.  Il  perdit 
connaissance,  et  on  crut  pendant  une  heure 
qu'il  était  mort.  Mais,  étant  revenu  è  lui,  il 
mura  la  porte  de  sa  cellule,  et  y  vécut  douze 
ans  en  reclus.  Il  pleurait  sans  cesse,  et  ne 
s'occupait  que  de  la  méditation  de  la  mort. 
Lorsqu'il  fut  près  d'eipirer,  en  entra  pour 
lui  donner  du  secours;  maison  ne  put  ti- 
rer de  lui  que  ces  paroles  :  «  Celui  qui  a 
continuellement  la  mort  devant  les  yeux 
ne  péchera  jamais.  » 

Outre  VEekelle  Mtfi/ê,  nous  avons  encore 
une  lettre  de  saint  Jean  Climaque  au  bien- 
heureux abbé  de  Raithe.  Il  y  est  parlé  des 
devoirs  d'un  véritable  pasteur,  dont  les 
principaux  sont  d'être  chaste  de  corps  et 
d'esprit;  de  travailler  sans  relflche  à  la  sanc- 
tification des  âmes;  de  corriger  ceux  qui 
s'écartent  du  droit  chemin,  et  de  les  porter 
à  remplir  fidèlement  les  obligations  de  leur 
élat;  a  être  ferme  et  plein  de  vigueur,  de 
manière  toutefois  que  la  sévérité  soit  tem- 

Eérée  par  la  douceur;  de  compatir  à  la  fai- 
lesse  humaine,  en  s'accommodant  aux  di- 
vers caractères,  afin  de  gagner  tout  le  monda 
à  Jésus-Christ.  «  De  toutes  les  offrandesqu*oa 


(IW)  GradL  4  et  5. 


899 


JEA 


DICTIONNAIRE» 


]EA 


M 


Eeut  faire  à  Dieu,  dit  le  saint»  la  plus  agréa* 
le  à  ses  yeux  est  sans  contredit  celle  des 
âmes  sanctiGées  par  la  pénitence  et  la  cha* 
rite.  » 

Il  jr  avait  qiiatrç  ans  que  saint  Jean  Cii- 
maqu'e  gouvernait  les  moines  du  mont 
Sinaî.  II  eût  bien  r^ùlu  quitter  une  charge 
qu'il  n'avait  acceptée  qu'en  tremblant  et 
qu'il  regardait  comme  un  fardeau  redouta- 
ble. Il  méditait  le  projet  de  se  démettre*  et 
il  n'attendait  plus  que  l'occasion  de  l'effec- 
tuer. Enfin  elle  se  présenta  quelque  temps 
avant  sa  mort.  Rendu  à  lui-même»  il  se  li- 
vra avec  une  nouvelle  ferveur  à  la  prière  et 
S  la  contenoplation.  Il  mourût  dans  son  er* 
mitage  de  Thole»  le  30  mars  605,  à  l'âge  de 
quatre-vingts  ans.  L'abbé  Georges,  son  suc- 
cesseur, qui  avait  demandé  à  Dieu  la  grâce 
de  n'être  point  séparé  de  son  père  spirituel, 
le  suivit  dans  le  ciel  quelques  jours  après 
(187). 

I  Saint  Jean  Glimaque  est  bien  énergique 
quand  il  parle  de  l'excellence  et  des  enets 
de  la  charité.  «  Une  mère,  dit-il  (188),  prend 
moins  de  plaisir  à  tenir  entre  ses  bras  un 
enfant  chéri  qu'elle  nourrit  de  son  lait,  que 
n'en  prend  celui  qu'on  peut  nommer  un  vé- 
ritable enfant  de  la  charité,  à  être  toujours 
uni  à  Dieu,  et  comme  entre  les  bras  de  ce 
Père  céleste....  La  charité  (189)  en  réduit 
quelques-uns  à  être  presque  tout  hors  d'eux- 
mêmes.  Elle  en  couvre  d'autres  de  lumière, 
et  les  remplit  d'une  telle  joie,  qu'ils  ne  peu- 
vent s'empêcher  de  s'écrier  :  J'ai  mis  mon  es- 
pér(mce  en  />t>ti,  t7  nêt  venu  à  mon  secoun:  ei 
ma  chair f  auparavant  toute  deêséehéty  a  reprie 
ion  ancienne  vigueur.  [Ps,  xxvii.)  Cette  joie 
qu'ils  ont  dans  le  cœur  rejaillit  sur  leur  vi- 
sage, et  lorsque  Dieu  les  a  unis  et  pour 
ainsi  dire  incorporés  avec  sa  charité,  il  fait 
paraître  sur  leur  extérieur,  comme  dans  un 
miroir,  l'éclat  et  la  sérénité  de  leur  âme. 
Ainsi  Moïse,  ayant  été  jugé  digne  de  voir 
Dieu,  fut  tout  environné  de  sa  gloire.  » 
Saint  Jean  Climaque  faisait  la  prière  sui- 
vante pour  demander  la  charité  :  a  Mon 
Dieu,  je  ne  prétends  rien  sur  la  terre,  si- 
non de  vous  être  uni  si  fortement  par  la 
prière,  que' je  ne  puisse  jamais  être  séparé 
de  vous  ;  que  les  autres  désirent  la  richesse 
et  la  gloire,  moi  je  ne  désire  que  de  vous 
être  inséparablement  uni,  et  de  mettre  en 
vous  seul  toute  l'espérance  de  mon  bonheur 
et  de  mon  repos.  » 

I  JEAN  DB  CiwsTRAN  (Saint) ,  disciple  de 
saint  Bernardin  de  Sienne,  et  Frère  Mineur 
comme  lui,  naquit  en  1585,  et  mourut  en 
1656.  Il  signala  son  éloquence  dans  le  con- 
cile de  Florence  pour  la  réunion  de  l'Eglise 
grecque  à  l'Eglise  romaine.  On  a  de  lui  un 
grand  nombre  d'écrits,  et,  entre  autres.  Le 
miroir  des  clercs.  Alexandre  VIII  le  canonisa 
en  1690. 

JEAN  DR  LA  CROIX  (Saint).— Saint  Jean 
d'Yepez,  plus  connu  sous  le  nom  de  Jean 

(187)  Nous  avons  plusieurs  commentaires  grecs 
sur  l  Echelle  de  saint  Jean  Climaque.  Voir  le  P.  Mo*nt- 
FATCON  ;  BibL  Coii/.,  pages  505,  506. 


DE  LA  Croix,  né  à  Fontibère,  près  d'Avila 
bourg  de  la  vieille  Castille,  prit  l'habii  de 
Carme  au  couvent  de  Médina-del-Campo»  el 
lia  une  étroite  amitié  avec  sainte  Thérèse. 
Il  vint  avec  elle  à  Valladolid,  où  il  quitta 
rbabit  qu'il  portait  pour  prendre  celai  de 
Carme-Déchaussé.  Après  avoir  travaillé;  i 
la  réforme  de  plusieurs  couveuts,  il  fui  en- 
voyé à  Avila,  pour  ô(£#  confesseur  des  Car* 
mélites,  el  pour  le&  porter  à  se  réformer. 
Les  religieux  de  cet  ordre  le  Kreut  eolmr 
et  mener  à  Tolède,  où'  ils  le  reufermèrenl 
dans  un  cachot.  Il  y  demeura  neuf  mois,  etea 
fut  tiré  par  le  crédit  de  sainte  Thérèse;  mais 
les  supérieurs  de'  la  réforme,  .|ui  voulaient 
qu'on  abandonnât  la  conduite  des  Carmé- 
lites, lui  suscitèrent  de  nouvelles  aHaires 
Il  mourut  dans  le  couvent  d'UI)édaJe  IMi;- 
cembrè  1591,  âgé  de  4-9  ans.  Il  a  laissé  des 
livres  de  spiritualité  en  espaguol,  el  tra- 
duits en  italien  et  en  latin,  intitulés  :  Li 
montée  du  Mont-Carmel;  —  La  nuxi  ému 
de  rdme;  —  La  flamme  vive  de  l'amw;- 
Le  caniique  du  divin  amour.  Ces  ouvrage) 
sont  écrits  d'un  style  obscur  et,  pour  aiuM 
dire,  mystérieux.  On  y  trouve  les  principtî 
de  mysticité  incompréhensible  &  beaucoup 
do  personnes.  «  L  auteur,  dit  ua  savaûl 
théologien,  explique  les  opérations  du  Saint* 
Esprit  dans  les  impressions  sarnalurelb, 
et  tous  les  degrés  de  Tunion  divine  dausla 
prière»  On  ne  peut  décrire  les  commuDica* 
tioub  secrètes  d'une  Ame  dans  cet  état,  et 
il  n*y  a  que  ceux  qui  les  ont  éprouvées  ()ui 
soient  capables  de  s*eu  former  une  idce. 
C'est  pour  ces  personnes  que  le  saint  a 
écrit  les  ouvrages  dont  nous  parlons.  Ils  leur 
seront  sans  doute  utiles  ;  mais  ils  pourraient 
devenirnuisibles  àceuxquine  sonlpasdans 
le  même  cas,  et  qui  sont  iacilemeal  icsduf)^ 
de  leur  imagination,  ils  le  deviendraieDl 
surtout  aux  enthousiastes  qui  abusent  de 
ce  qu'ils  n'entendent  pas  pour  élaver  leurs 
illusions.  »LeP.  Berthier,  dans  ses /ie]Iexioiu 
spirituelles f  a  consacré  quinze  lettres  à  rci- 
piication  des  œuvres  de  saint  Jean  de  la 
Croix;  il  prétend  y  trouver  trois  choses: 
«  l**  Une  logique  des  plus  précises;  ^  un 
esprit  éclairé  des  lumières  divines;  3*ud 
don  d'instruction  qui  ne  se  démeot  nulle 
part.  »  Nous  venons  de  voir  que  tout  lo 
monde  n'en  porte  pas  un  jugemeotsii^vo- 
rable.  Tout  ce  que  l'on  peut  dire,  c'est  que 
la  science  des  voies  intérieures  est  la  plus 
diûicile,  la  plus  profonde  de  toutes  etlaplus 
admirable,  comme  dit  le  Prophète;  quil  e^t 
diiliciie  de  la  réduire  en  règle,  et,  quand  on 
y  parviendrait ,  ôterail-on  à  Dieu  ia  puis- 
sance des  exceptions?  Mirabilis  focia  f^ 
scientia  tua  ex  me,  confortata  est,  et  nonpo- 
tero  ad  eam.  {Yoy.  ARMKiJLE,  Cathkbhk  k 
Sienne,  Fénélon,  Gutou,  RcsmoUi  TaI' 
LAiRE,  etc.)  Le  P.  Maillard,  Jésuite,  a  traduit 
en  français  les  œuvres  de  saioi  Jean  u^ 
la  Croix,  Paris  16%.  Après  y  avoir  ûi^ 

(188)  Grad.  50,  d.  12. 

(189)  Grad.  30,  n.  14. 


9M 


BBà 


D*ASGET1SME. 


JES 


retraDcbemenU ,  le  P.  flonorè  de 
Saiate-Marie  et  le  P.  Dositbée  de  SaîuU 
AlexiSj  religieux  da  même  ordre,  ont  donné 
la  Vie  de  ce  saint.  Celle  du  P.  Dositbée  a 
été  imprimée  à  Paris  en  iltlf  en  2  vol.  in-V. 
Collet  a  écrit  aussi  la  Vie  de  ce  saint,  Paris, 
1769,  in-12«  Oo  trouve  dans  son  livre,  inti« 
lulé'la  Nuii  obecure^  une  description  admi* 
râble  des  angoisses  que  cet  état  £ut  éprou* 
ver.  Elles  sont  connues  plus  ou  moins  des 
Imes  contemplatives.  Cette  épreuve  a  cou- 
tume de  précéder  la  communication  des 
gâces  spéciales  que  Dieu  leur  accorde.  Ce 
t  par  là  que  sauit  Jean  de  la  Croii,  au 
milieu  de  mille  tentations,  des  calomnies, 
des  scrupules  et  de  toutes  sortes  de  peines 
intérieures,  parvint  k  cette  pureté  d'esprit, 
à  ce  renoncement  k  toutes  les  affections  ter- 
restres, è  cette  entière  conformité  à  la  volonté 
de  Dieu,  qui  est  fondée  sur  la  destruction 
de  le  volonté  propre,  à  la  patience  la  plus 
héroïque  et  k  la  plus  courageuse  persévé* 
raoce.  La  Montée  du  eiél  traite  k  peu  près 
le  même  sujet  que  l'ouvrage  précédent. 
VExposiiion  des  cantiques  et  la  Vtve  fiaume 
d'amour  expliquent  tous  les  degrés  d'union 
de  l'âme  avec  Dieu  par  l'oraison. 

JEAN  0B  Jist»--MAEiB,  Carime-Décbaussé 
du  diocèse  d'Osma  en  Espagne,  naquit  en 
156b,  passa  par  toutes  les  chaires  de  son 
ordre,  et  mourut  le  28  mai  1615,  avec  la 
réputation  d'un  religieux  plein  de  mérite  et 
de  vertus.  Saint  François  de  Sales,  Bellar- 
min,  Bossuet  en  ont  parlé  avec  éloge.  On  a 
de  lui  :  Disciplina  elaustralis^  Cologne,  1650, 
h  vol.  in*fol.  Us  renferment  des  r4>mmen- 
taires  sur  l'Ecriture  sainte,  et  un  grand 
nombre  d'ouvraces  ascétiques.  Sa  Vie  et  s^ 
Lettres  spiritueUes  ont  été  publiées  k  Rome, 
16^9,  par  Isidore  de  Saint-Josepb,  Carme 
de  Douai,  qui  devint  définiteur  général  de 
son  ordre  en  1656. 

JEANNE  (FaàhçoisbFREVIIOTDECHAN- 
TAL)  (Sainte),  naquit  k  Dijon  en  1572.  Elle 
fut  mariée  k  Cbristopbe  de  Rabutin,  baron 
de  Cbantal.  Ayant  eu  le  malheur  de  perdre 
son  mari,  tué  k  la  chasse,  elle  fit  vœu  de  ne 
point  se  remarier,  quoiqu'elle  n'eût  alors 
que  vingt-huit  ans.  Elle  vécut,  comme  une 
femme  qui  n'était  plus  dans  le  monde,  que 
pour  Dieu  et  ses  enfants.  Ajant  connu  saint 
François  de  Sales,  en  16(Mh,  elle  se  mit  en- 
tièrement sous  sa  conduite.  Ce  saint  évêque 
ne  tarda  pas  de  lui  communi()uer  son  projet 
pour  l'établissement  de  la  \  isitation.  Elle 
entra  dans  ses  vues,  et  en  jeta  les  premiers 
fondements,  k  Annecy,  en  1610.  Le  reste  de 
sa  vie  fut  employé  k  fonder  de  nouveaux 
monastères,  et  k  les  édifier  par  ses  vertus  et 
par  son  zèle.  Elle  mourut  k  Moulins ,  en 
16fcl,  et  fui  canonisée  par  Clément  XIU.  On 
a  d'elle  des  Uttres  spiritueUes,  1660,  in-4-. 
Marsollier  a  écrit  sa  r  te,  2  vol.  in-12. 
f  JÉROUE  (Saint)  naquit  k  Stridon,  sur  les 
J  confins  de  la  Dalmatie  et  de  la  Pannonie, 
vers  l'an  340.  il  étudia  les  belles-lettres  k 
Home  et  y  fit  des  progrès  rapides,  ainsi  que 
rjms  l'éloquence.  11  auilta  le  monde  pour  se 
rejfermer  dans  un  désert.  Étant  venu  k  An- 


tioehe,  il  fut  élevé  au  sacerdoce  par  Paulin, 
éyèque  de  cette  ville.  Le  désir  d'entendre 
rilloslre  saint  Grégoire  de  Naziance  le  con* 
dnisit  k  Conslantinople,  en  381.  Il  se  rendit 
l'année  suivante  k  Rome,  oik  le  Pape  Damase 
le  chargea  de  répondre,  en  son  nom,  aux 
consultations  des  évoques  sur  l'Ecriture  el 
sur  la  morale*  De  Rome,  il  se  retira  k  Beth- 
léem, et  s'y  appliqua  k  la  conduite  des  mo- 
nastères que  sainte  Paule  j  avait  ftit  bâtir, 
k  la  traduction  des  divines  Ecritures  et  k  la 
conversion  des  hérétiques»  Ce  grand  doc- 
teur» aussi  distingué  par  sa  sainteté  émi- 
nente  que  par  la  profondeur  de  sa  science, 
mourut  en  420,  dans  sa  quatre-vingtième 
année.  Ses  œuvres  ascétiques  sont  :  1*  L'Âis- 
toire  des  Pires  du  désert,  in-fol.  —  9r  Des 
Commentaires  sur  piusienrs  livres  de  l'Ancien 
et  du  Nouveau  Testament.  —  3*  Des  Lettres, 
qui  contiennent  les  vies  de  quelques  saints 
solitaires,  des  instructions  morales,  etc.  — 
i*  Cn  Martyrologe,  in-fél. 

JESUS  (Sairt  hom  db).  San  excellenee,  sa 
veriu,  confréries  et  indulgenees.  La  plupart 
des  auteurs  ascétic]nes  reconnaissent  le  culte 
et  l'invocation  fréquente  du  saint  nom  de 
Jésus.  Ils  se  fondent  sur  son  excellence  et 
sur  sa  vertu.  V  Son  excellence.  Le  mot  Jésus 
signifie  Sauveur.  Les  Juifs,  ne  furent  point 
étonnés  d'entendre  appeler  le  divin  Enfant 
d*un  nom  qu'avaient  déjà  porté  plusieurs 
avant  lui,  comme  Josné,  fils  de  Hun,  et  Jé- 
sus, fils  de  Siraoh,  comme  ce  Juif  appelé 
Jésus,  dont  parie  Josèpbe,  qui  prédit  la  ruina 
entière  de  Jérusalem  et  de  sa  nation.  Mais, 
dans  ceux<-ci,  le  nom  de  Jésus  ne  fut  qu'une 
simple  dénomination,  une  ombre  sans  réa- 
lité, ou  tout  au  plus  il  ne  désirait  que  Ile 
libérateur  d'une  nation  partieubère,  la  déli- 
vrance de  quelques  calamités  temporelles.  U 
n'en  a  pas  été  ainsi  de  notre  divin  Rédemp- 
teur. €  Mon  Jésus  f  dit  saint  Bernard,  ne 
porte  pas  un  nom  vide  et  stérile;  ce  n'est 
pas  seulement  l'ombre  d'un  grand  nom, 
mais  la  vérité.  »  U  est  vraiment,  par  excel- 
lence, notre  grand,  notre  unioue  Sauveur, 
puisqu'il  nous  a  délivrés  du  péché  et  de  ce 
déluge  de  maux,  de  cet  abîme  de  misères 
dans  lequel  il  nous  avait  plongés ,  puisqu'il 
a  acquis  pour  nous  tous  les  biens,  toutes 
les  richesses  de  la  «rice,  avec  l'assurance 
de  la  gloire  et  de  la  félicité  étemelle. 

Quel  autre  nom  pouvait  être  plus  glorieux 
pour  Jésus-Christ  et  plus  attrayant  pour 
noust  U  nous  a  sauv&>;  et  comment?  en 
s'humiliant  iusqu'k  la  mort  de  la  croix, 
prodige  d  anéantissement  que  Dieu  son  Père 
a  récompensé,  en  le  plaçant  dans  le  ciel  au 
sommet  de  la  gloire  ;  en  sorte  qu'au  nom  de 
Jésus,  tout  genou  doit  fléchir,  au  ciel,  sur  la 
terre  et  dans  les  enfers,  «t  que  toute  langue 
doit  confesser  que  Jésus-Cnrist  Notre-Sei- 
gneur  est  dans  la  gloire  de  Dieu  la  Père. 

Ce  nom  adorable  nous  représente  le  Dieu 
homme,  Dieu  de  Dieu,  d'une  sainteté,  d'une 
sagesse,  d'une  puissance  et  d'une  bonté 
infinies  :  fait  homme  pour  nous  sauver, 
montrant  au  monde  les  marques  de  son 
tendro  amour  pour  pous,  dans  les  sacrés 


JES 


D1GTI0NNÂ1UE 


JES 


m 


vestiges  de  ses  souffrances,  el  dans  les  ci- 
catrices de  ses  plaies;  déployant  dans  sa  per- 
sonne tous  les  charmes  de  la  grâce  et  de  la 
vertu. 

Toutes  les  autres  qualités  du  Christ  dé- 
rivent de  celle  de  Sauveur  ou  en  font  partie. 
Ce  nom  glorieux  nous  rappelle  donc  encore 
et  nous  remet  devant  les  yeux  son  zèle,  sa 
charité,  son  admirable  sollicitude  pour  notre 
salut;  sa  douceur,  sa  commisération,  avec 
toutes  ses  autres  vertus;  enfin  les  tourments 
qa*il  a  endurés,  les  ignominies  qu*ii  a  es- 
suyées pour  nous  racheter,  les  mystères  et 
les  miracles  qu'il  a  opérés,  tout  ce  qu'il  a 
fait,  tout  ce  qu*il  nous  a  prodigué  de  faveurs 
et  de  bienfaits;  nous  trouvons  tout  cela 
dans  Jésus. 

2*  Sa  vertu,  La  foi,  l'espérance,  la  charité, 
la  pureté  et  les  autres  vertus  des  saints, 
avec  tous  les  dons  spirituels,  toute  la  beau- 
té, toute  la  gloire  qui  en  relèvent  l'éclat, 
sont  les  fruits  précieux  de  la  venue  du  Sau- 
veur. Il  n'est. point  d'autre  nom  donné  aux 
hommes  sous  le  cielf  par  qui  nous  puissions 
opérer  notre  salut,  C^st  de  sa  plénitude  que 
nous  recevons  tout  dans  Tordre  de  la  grâce; 
c'est  à  lui  seul  et  à  la  victoire  qu'il  a  rem- 

f)ortée  sur  ses  ennemis,  que  nous  devons 
es  armes  et  la  force  qui  nous  font  triompher 
des  nôtres.  Ce  nom  sacré  doit  donc  nous 
inspirer  sans  cesse  la  vénération  et  l'amour, 
nous  servir  d'hymne  et  de  cantique  pour  ren- 
dre sans  cesse  gloire  à  Dieu,  nous  remplir  de 
joie  et  de  consolation.  Avec  le  nom  de 
Jésus,  prononcé  par  un  pieux  mouvement 
du  cœur,  avec  foi  et  avec  amour,  nous 
sommes  tout-puissants.  Combien  de  jfois,  au 
nom  de  Jésus,  les  serviteurs  de  Dieu  ont-ils 
commandé  à  la  nature,  guéri  les  malades, 
ressuscité  les  morts,  opéré  toutes  sortes  de 
miracles  1  Comment  saint  Pierre  guérit-il  le 
boiteux  assis  à  la  porte  du  Temple  ?  En  lui 
disant  :  Au  nom  de  Jésus  de  Nazareth^  levez- 
vous  et  marchez.  C'est  par  la  vertu  du  nom 
de  Jésus  que  les  puissances  de  ténèbres  ont 
été  désarmées  et  confondues  dons  toute 
l'étendue  de  leur  empire.  C'est  à  la  louange 
du  nom  de  Jésus  qu'il  faut  chanter  avec 
David  :  Célébrez  le  nom  du  Seigneur,  du 
levant  au  couchant.  Chez  tous  les  peuples 
et  dans  toutes  les  contrées  de  l'Univers,  on 
entend  retentir  le  nom  de  Jésus.  «  O  nom, 
s'écrie  saint  Bernard,  diçne  de  tous  nos  hom- 
mages! son  odeur,  pleine  de  suavité,  est 
venue  d'abord  du  haut  des  cieux  se  reposer 
sur  la  Judée,  d'où  elle  s'est  répandue  en- 
suite sur  toute  la  terre.  L'Eglise,  dans  tous 
les  pays  du  monde,  chante  avec  transport  : 
|Votre  nom,  Seigneur,  est  une  huile  répan- 
, due,  dont  le  parfum  a  rempli  non-seulement 
le  ciel  et  la  terre,  mais  les  enfers  même, 
'quoique  d'une  manière  bien  différente. 
Aussi  toutes  les  créatures  sont-elles  invitées 
;à  célébrer  sans  cesse  et  à  répéter  à  l'envi  : 
j Votre  nom,  Seigneur,  est  une  huile  ré- 
Ipandue.  » 

Le  nom  de  Jésus  est  la  terreur  des  dé- 
jmons  :  ils  tremblent  autant  de  fois  qu'ils 
l'ratendent  prononcer  dévotement;  non  pas 


que  les  ^syllabes  roalérérielles  dont  il  est 
composé  aient  eu  elles-mêines  aucune  verlu, 
aucun  charme;  mais  ils  ne  peuvent  soutenir 
la  présence  et  le  pouvoir  de  colui  a  qui  il 
apparlient,  lorsqu'on  l'invoque  avec  une 
sainte  contiance.  Les  malins  esprits  ne  Ten- 
tendcnt  point  sans  rendre  les  armes;  c*est 
pour  eux  un  coup  de  tonnerre  qui  les  force 
d'adorer  leur  vainqueur.  Aussi  o'a-t-il  fallu 
souvent  que  le  nom  de  Jésus  pour  les  chasser 
de  ceux  qu'ils  possédaient  corporeilemeDl, 
ou  les  repousser  dans  leurs  attaques.  C'était 
ainsi  que  les  démoniaques  ordinairement 
étaient  délivrés  dans  les  premiers  siècles  du 
christianisme,  comme  nous  l'apprenons  des 
Pères  de  r£glise  et  des  autres  écrivains  de 
leur  temps.  «  Quelque  démon  que  ce  soit, 
dit  saint  Justin,  qui  s'est  emparé  du  corps 
d'un  Chrétien,  au  seul  nom  de  Jésus-Christ 
est  mis  en  fuite,  et  celui  qu'il  opprimait  est 
mis  en  liberté.  »  Dans  une  seconde  apolo* 
gie  de  la  religion,  qu'il  présentait  au  sénat 
de  Rome  :  «  Jésus-Christ,  dit-il,  est  appelé 
ainsi,  parce  qu'il  est  oint;  nom  dont  la 
signitication  est  toute  mystérieuse,  comme 
le  mot  Dieu,  qui  n'est  pas  un  pour  nous, 
mais  l'expression  de  quelque  chose  incom- 

Sréhensible  unie  en  lui  à  la  nature  humaine, 
ésus  a  tout  ensemble  le  nom  et  la  qualité 
de  Sauveur;  car,  il  s'est  fait  homme  selon 
la  volonté  éternelle  du  Père,  pour  le  salut 
des  hommes  qui  croient  en  lui,  et  pour 
renverser  la  puissance  des  démons,  comme 
vous  pouvez  vous  en  convaincre  par  tout 
ce  qui  se  passe  sous  vos  yeux.  Ne  voit-on  pas 
partout  dfans  le  monde,  et  n'a-t-on  pas  tu 
jusque  dans  Rome  môme,  des  hommes  pos- 
sédés du  malin  esprit,  guéris  et  délivrés 
Sar  la  seule  invocation  du  nom  de  Jésus? 
['a-t-on  pas  vu  les  démons  vaincus  el  chas- 
sés à  la  voix  des  simples  Chrétiens,  lorsqu'ils 
leur  ordonnaient  hardiment,  au  nom  de 
Jésus,  de  sortir  du  corps  qu'ils  possédaient? 
Et  cela,  après  que  tous  les  magiciens  et  les 
enchanteurs  avaient  épuisé  '  leur  art  pour  les 
secourir?  (Saint  Just.,  apol.  2  ad  sen.y  n* 
5,  p.  172.)  )> 

Julien  l'Apostat,  selon  le  témoignage  de 
saint  Grégoire  de  Nazianze,  fit  une  loi  qoi 
défendait  d'appeler  les  Chrétiens  aolremeat 
que  Galiléens ,  parce  qu'il  regardait  leur 
premier  nom  comme  un  titre  d'honneur, 
si  ce  n'était  peut-être,  ajoute-l-il,  Qû** 
l'exemple  des  démons,  il  ne  craignait  trop 
le  nom  de  Jésus.  Le  même  Père  écrivant  a 
un  païen  nommé  Némésius,  lui  dit  :  «  Esl* 
il  étonnant  que  Jésus-Christ  ait  tant  de 
pouvoir,  après  ce  qui  m'est  arrivé  et  m'ar- 
rive  encore  souvent  à  moi-même  qui  crois 
en  lui.  J'ai  à  peine  prononcé  son  nooi 
quand  je  suis  attaqué,  que  le  matin  espnt 
s  échappe  avec  grand  fracas,  et  poussant  des 
cris  de  ra^e,  publie  malgré  lui  le  pouvoir 
du  Dieu  '  immortel  ;  ce  que  j'ai  éprouw 
aussi  souvent  en  formant  la  figure  de  I< 
croix,  non-seulement  sur  les  choses  ou  w 
personnes  dont  le  démon  s'était  mis  en  pos* 
session,  mais  dans  Tair.  Le  signe  de  la  cmj 
tout  seul  est  comme  l'étendard  da  Tout* 


JES 


D'ASCETISIIE. 


J£S 


Pajssaoly  doDt  il  ne  peot  soatenir  l*aspect.  » 
—  Tertuiiien ,  éeriTain  du  second  siècle  « 
4îsait  hardiment,  dans  la  célèbre  apologie 
<|o*ii   adressa  aux  goii?emeurs  des   pro- 
Tîoees  :  ■  Si  tous  trouTez  un  Chrétien  au- 
quel on  Tieat  de  présenter  un  démoniaque, 
Îiuîv  ayant  invoqué  sur  lui  le  saint  nom  de 
èsus,  ne  le  mette  pas  en  fuite,  qu'il  soit 
mis  à  mort  sur4e-champ»  nous  y  consen- 
tons. 9  Les  Chrétiens  donnaient  alors  de 
tels  détia  aux  païens  avec  tant  d'assurance, 
^ue  jamais  ni  aucun  de  leurs  oracles,  ni  les 
esprits  ntalinSf  dans  la  personne  de  ceux 
qu'Us  possédaient ,  ne  résistaient  à  la  pa- 
role toute  seule  du  nom  de  Jésus,   ni  au 
signe  de  la  croii,  tant  Tun  et  Tautre  avaient 
de  pouvoir  et  de  vertu;  pouvoir  qui  se  fait 
encore  sentir  aujourd'hui  contre  les  atlaaues 
du  démon  sur  les  ftmes.  Sainte  Thérèse, 
entre  plusieurs  autres,  atteste,  d'après  une 
expérience  continuelle»  que  dans  les  tenta- 
tions, rhumble  invocaiion  du  saint  nom  de 
Jésus  par  les  mérites  du  bois  sacré  de  la 
croix  et  de  son  précieux  sang,  est  un  gage 
infaillible  de  la  victoire. 

Ce  uom  adorable  est  encore  Taiguillon  le 
plus  puissant  pour  nous  faire  pratiquer 
toutes  les  vertus  ;  il  nous  en  inspire  l'amour 
et  les  sentiments,  soit  par  le  modèle  achevé 
qu'il  nous  remet  devant  les  yeux,  soit  par 
les  grâces  qa'il  nous  obtient  du  î>ieu  Sau- 
veur que  nous  honorons  et  supplions  tout 
4  la  fois  lorsque  pous  le  prononçons.  En 
effet,  le  rappeler  pieusement  à  notre  mé- 
moire, c'est  nous  retracer  l'imcge  et  l'idée 
du  cœur  le  plus  humble  et  le  plus  doux, 
le  plus  charitable  et  le  plus  tendre  qui  soit 
jamais  sorti  des  mains  du  Créateur  ;  c'est 
nous  représenter  le  plus  pur  et  le  plus  saint, 
le  plus  chaste  et  le  plus  compatissant  de 
fous  les  hommes ,  un  Homme-Diéu,  la  sain- 
teté même,  la  source  de  toutes  les  grâces  et 
de  toutes  les  vertus.  Penser  à  Jésus,  c*est 
penser  tout  à  la  fois  au  Dieu  infiniment 
grand,  qui,  en  nous  donnant  la  sainteté  de 
sa  vie  pour  modèle,  nous  donne  en  même 
temps  les  lumières,  les  grâces  et  les  secours 
nécessaires  pour  l'imiter  et  le  copier,  soit 
dans  nos  pensées  et  nos  affections,  soit  dans 
nos  paroles  et  nos  œuvres.  «  Dès  que  j'en- 
tends nommer  Jésus,  ajoute  saint  Bernard, 
if  n*est  point  de  bonne  pensée  qui  ne  me 
▼ienoe  a  l'esprit.  » 

La  conséquence  qui  suit  de  tout  ce 
qu'on  vient  de  dire,  c'est  aue  nous  ne 
devons  jamais  prononcer  le  divin  nom  de 
Jésus,  sans  proauire  dans  notre  cœur  quel- 
que sentiment  d'adoration  et  quelque  mou- 
vement d'amour;  sans  ressentir  en  même 
temps  un  désir  ardent,  et  sans  former  une 
sincère  résolution  d'imiter  celui  qu'il  nous 
rappelle. 

oi  le  nom  adorable  de  Jésus  est  une  armure 

Sirituelle,ilest  aussi  une  source  intarissable 
délices  et  de  consolations  pour  ceux  qui 
aiment  ardemment  Jésus- Christ,  il  ne  faut 
que  le  son  qu'il  rend  h  leurs  oreilles,  pour 
remplir  leur  cœur  d'une   sainte  joie,  et 

DlGTIO!f3l.  d'AscÉTISVB.   I. 


réveiller  en  eux;  les  sentiments  de  Klfc'ié 
et  d'amour  qu'ils  ont  voués  à  l'aimable  Sau- 
veur de  leurs  âmes,  fait  homn:e  pour  les 
racheter.  C'est  pour  nous  qo1l  a  voulu 
reposer  dans  une  crèche,  qu'il  a  pleuré, 
qu'il  a   été  circoncis,    qu'il  a  <^té  chargé 
de  calomnies  et  rassasié  d'opprobres  :  qu  il 
a  reçu  des  soufflet^,  ou'il  a  été  battu  de 
verges,  qu'il  a  été  crucifié.  C'est  pour  con- 
sommer l'œuvre  de  notre  justification  qu'il 
est  ressuscité  des  morts,  qu'il  est  monté 
dans  sa  gloire,  et  qu'il  est  assis  à  la  droite 
de  son  Père.  Les  saints  ne  pouvaient  jamais 
satisfaire  la  soif  qu'ils  avaient  de  pronon- 
cer et  de  répéter  ce  nom  de  vie,  et  de  l'a- 
dorer avec  les  sentiments  de  piété  les  plus 
tendres,  tant  ils  brûlaient  d'amour  pour  lui. 
Saint   Augustin  nous  apprend  que,  mémo 
avant  sa  conversion ,   il  prenait  beaucoup 
de  plaisir  à  lire  un  livre  de  Cicéron,  que 
nous  n'avons  plus,  nommé  Hortensius,  parce 
qu'il  y  trouvait  d"eicellentes  leçons  surTa- 
mour  et  la  recherche  de   la  sagesse  ;  mais 
il  ajoute  qu'une  seule  chose  lui  déplaisait 
dans  cet  ouvrage,  c'était  de  n'y  point  trou- 
ver le  nom  de  Jésus  :  «  Car  ce  nom,  Sei- 
gneur, ajoute-t-il,  ce  nom  si  doux  qu'a  porté 
votre  Fis  bien-aimé,  par  votre  grande  mi . 
séricorde,  mon  cœur,  encore  tendre,  l'avait 
sucé  avec  le  lait  que  je  prenais  sur  le  sein 
de  ma  mère  ;  il  y  est  toujours  resté  profon- 
dément imprimé,  et  tout  livre  où  il  n'est  pas 
écrit,  quelque  savant.  Quelque  élégant,  ou 
même  Quelque  instructif  qu'ri  soit,  ne  peut 
me  satisfaire  entièrement.  » 

Saint  Aeirède,  dans  la  préface  qu'il  a  mise 
à  la  tête  de  son  ouvrage  de  VAmiiié  spiri» 
tuelltt  dit  que,  lorsqu'il  eut  goAté^  une  fois 
les  douceurs  du  nom  de  Jésus,  l'éloquence 
de  Cicéron,  qui  avait  toujours  fait  ses  déli- 
ces, lui  devint  tout  h  fait  insipide,  parco 
qu'il  ne  trouvait  que  fadeur  partout  oiï  il  ne 
trouvait  point  ce  nom  incomparable,  ou  du 
moins  quelque  chose  qui  le  rappelât  à  son 
esprit.  Saint  JéWVme  remarque  que  saint 
Paul  répète  souvent  le  nom  de  Jésus,  notre 
divin  Rédempteur,  dans  ses  EpUres^  non- 
seulement  où  il  est  inutile  pour  nutclligence 
et  la  perfection  des  pensées  et  des  senti- 
ments qu'il  v.eut  exprimer,  mais  où  il  est 
même  quelquefois  plus  propre  è  embarras- 
ser le  discours  qu'à  l'éclaircir.  Comme  il  ne 
pouvait  assez  se  nourrir  ni  se  rassasier  du 
nom  de  celui  qu'il  aimait  uniquement,  il  en 
était  si  plein  qu'il  le  plaçait  sans  besoin,  ou 
môme  hors  de  propos,  tant  on  surabonde 
quand  on  latle  de  ce  qu'on  aime  C'e^l, 
ajoute  le  saint  docteur,  ce  que  {eut  recon- 
naître par  lui-môme  tout  lecteur  attentif, 
sans  qu  il  soit  nécessaire  d'en  produire  ici 
quelques  exemples. 

Saint  Bonaventure  raconte,  dans  la  Vie  de 
saint  François^  que  ce  séraphin  de  la  terre, 
toyt  brûlant  d'amour,  récitait  les  psaumes 
avec  une  dévotion  ravissante,  et  que  jamais 
il  ne  rencontrait  le  nom  de  Dieu  sans  faire 
paraître,  dans  l'accent  de  sa  voix  et  les  traits 
de  son  visage,  queUiuc  chose  de  l'océan  de 

29 


997 


JES 


UCTMNNAIRK 


JCS 


M 


joie  et  d*aniour  dans  lequei  oagdâit  son 
cœur.  Un  jour  il  persuada  à  ses  frères  de 
Tecueillir  et  de  meltre  dans  un  lieu  décent 
tout  papier  écrit  qu*i]  trouverait  par  terre, 
de  peur  que  le  nom  de  Dieu  ne  e  v  trouvât 
et  ne  f At  foulé  aux  pieds.  Quand  il  pronon- 
çait le  saint  nom  de  Jésus»  ou  qu'il  Venten- 
dait  prononcer,  il  sentait  son  Ame  tressaillir, 
et  il  en  était  si  affecté  au  dehors,  qu'on  eût 
dit  à  le  voir,  ou  qu'il  entendait  une  douce 
mélodie,  ou  qu'il  savourait  quelque  mets 
délicieux. 

Saint  François  de  Sales,  écrivant  à  une 
pieuse  veuve,  commence  ainsi  sa  lettre  : 
«  Je  suis  tellement  pressé,  que  je  n'ai  le 
loisir  de  vous  écrire,  sinon  le  grand  mot  do 
notre  salut,  Jé8u$l  Oui,  puissions-nous  au 
moins  une  fois  prononcer  ce  nom  sacré  de 
notre  cœur.  Ohl  quel  baume  il  répandroit 
dans  toutes  les  puissances  de  notre  esprit  1 
Que  nous  serions  heureux  de  n'avoir  en 
l'entendement  que  Jésus,  en  la  mémoire  que 
Jésus,  en  la  volonté  *iue  Jésus;  que  Jésus 
en  l'imagination  1  Jésus  seroit  partout  en 
nous,  et  nous  partout  en  Jésus.  Essayons-en; 
prononçons-le  souvent,  comme  nous  pour- 
rons; que  si,  pour  le  présent,  ce  n'est  qu'en 
bésajant,  à  la  An  néanmoins  nous  pourrons 
le  bien  prononcer.  Hais  qu'est-ce  que  le  bien 
prononcer  ce  sacré  nom?  Hélas!  je  ne  le 
sçay  pas;  mais  je  sçay  seulement  que  pour 
le  bien  exprimer  il  faut  avoir  une  langue 
toute  de  feu.  » 

Saint  Paulin,  dans  une  de  ses  lettres,  dit, 
avec  autant  d'élégance  une  de  piété  :  «  O 
Dieul  6.  Christ l  vous  êtes  tout  suavité, 
tout  amour;  vous  ne  pouvez  nous  remplir, 
ni  nous  rassassier;  vous  avez  beau  vous 
communiquer  sans  mesure,  vous  n'en  Êtes 
que  plus  altéré  du  désir  de  vous  communi- 
quer de  nouveau,  et  jamais  votre  amour 
n'est  satisfait.  »  Saint  Bernard,  au  ser- 
mon XV',  sur  le  Cantique  des  eaniiqueSf  ne 
parle  pas  avec  moins  de  piété  ni  d'onction. 
«  Je  prends  mon  modèle,  dit-il,  dans  son 
humanité ,  et  le  secours  dont  j'ai  besoin  dans 
sa  divinité.  De  l'un  et  l'autre  je  me  fais  un 
remède  au-dessus  de  tous  ceux  que  peut 
inventer  l'art  des  hommes.  Ce  remède,  ô 
mon  Ame  I  c'est  dans  le  nom  de  Jésus  gu'il 
est  renfermé,  comme  dans  un  précieux 
vase;  et  il  n'est  point  de  plaie,  point  de  con- 
tagion, quelque  maligne  qu'elle  soit,  dont  il 
n^opère  la  parfaite  çuérison.  Porte-le  donc 
toujours  dans  le  sem;  qu'il  soit  toujours 
dans  ta  main,  en  sorte  qu  il  gouverne  toutes 
tes  pensées,  tous  tes  désirs,  toutes  tes 
(Quvres.»  Comparant,  au  m6meendroit,lenom 
deJésusèl'huilequ'ontiredufruit  de  l'olivier, 
voici  la  manière  Ingénieuse  dont  il,  s'exprime. 
«  L'huile  a  la  propriété  d'éclairer,  de  nour- 
rir» de  fortifier  et  d'adoucir;  or  est-il  rien 
au  monde  qui  éclaire  l'Ame  et  la  fortifie,  (]ui 
calme  les  douleurs»  qui  adoucisse  les  plaies, 

âui  soulage  les  peines  comme.le  nom  de  Jésus? 
e  sentez-vous  pas  vos  forces  renaître  toutes 
les  fois  que  vous  le  rappelez  è  votre  esprit? 
Quelle  joie  il  répand  dans  1  Ame  I  Quelle  vigueur 
il  communique  à  tous  les  sen^  !  Quel  courage 


il  donne  à  la  vertu  I  Tout  mets  qui  n'est  point 
détrempé  dan»  cette  huile  toutecéleste,estsee 
et  aride;  toute  nourriture  qui  n'est  point 
assaisonnée  de  ce  sel  mystérieux  est  insi- 
pide. Un  livre  où  je  ne  trouve  point  le  non 
do  Jésus  me  dégoûte  ;  une  conversation,  un 
exercice  où  je  n'entends  pas  nommer  le  nom 
de  Jésus  me  déplaît.  Jésus  est  un  miel  k  ma 
bouche,  un  concert  à  mes  oreilles,  uochanne 
à  mon  cœur.  Tous  les  remèdes,  je  les  trouve 
dans  Jésus.  Quelqu'un  de  nous  est-il  plongé 
dans  l'affliction,  que  Jésus  pénètre  dans  son 
sein,  et  que  de  là  il  vienne  reposer  dans  sa 
bouche;  à  la  lumière  de  ce  nom,  tous  les 
nuages  se  dissiperont  aussitôt,  et  à  la  lem« 
pète  succédera  un  calme  parfait.  » 

La  dévotion  au  saint  nom  de  Jésus  est  an 
fruit  et  un  signe  de  notre  amour  pour  lui; 
on  peut  même  la  resrarder  comme  une  m^r- 
que  de  prédestination.  Les  saints  nous  sont 
représentés  le  portant  dans  le  ciel  écrit  m 
le  front,  pour  témoigner  que  tout  co  qu'ils 
sont,  tout  ce  qu'ils  possèdentdans  le  rojaurao 
do  Dieu,  ils  le  doivent  k  Jésus.  La  blancheur 
de  leur  robe,  l'éclat  de  leur  couronne,  les 
rayons  de  gloire  qui  les  environnent,  leur 
joie,  leur  immortalité  sont  autant  de  dons 
de  sa  bonté  et  de  son  amour.  Et  voilà  ce  quo 
publient  solennellement  les  enseignes  ma- 
jestueuses qu'ils  déploient  à  la  face  de 
toute  l'armée  céleste;  comme  s'ils  criaient  à 
haute  voix  que  tous  leurs  mérites,  toutes 
leu  rs  vertus  sont  ses  triomphes  et  Scs  victoires. 

C'est  une  coutume  ancienne  de  TE^lisc, 
qui-^a  comme  passé  en  loi,  de  témoigner 
le  respect  dû  au  saint  nom  de  Jésus,  lorsque 
nous  l'entendons  prononcer,  par  une  incli- 
nation de  tète.  Cette  loi  se  trouve  cooGrmée 
par  un  décret  du  concile  général  de  Lyon, 
inséré  dansle  corps  du  droit  canon.  Do  grand 
nombre  de  protestants  l'observent  en  Angle- 
terre, soit  dans  le  culte  public,  soit  dans  plu- 
sieurs autres  cir'constancns;  et  plusieurs  des 
prélats  et  des  théologiens  les  plus  savants 
ont 'prouvé,  contre  les  calvinistes  rigides, 
que  c'était  un  acte  de  religion  salutaire  et 
conforme  au  précepte  que  Dieu  nous  a  fait 
d'honorer  le  nom  sacré  de  son  Fils. 

Au  XIV*  siècle,  un  concile  d'Avignon  et 
un  autre  d®  Béziers ,  accordèrent  une  in- 
dulgence de  dix  jours  è  ceux  qui  dans  un 
sincère  repentir  de  leurs  péchés  inclineraient 
pieusement  la  tète  en  prononçant  le  saint 
nom  de  Jésus.  Le  Pape  SIxte-Quiot  en  ac- 
corde une  de  vin^t  jours  pour  tous  les  fidè- 
les en  général  qui  observeront  la  même  pra* 
tique.  Il  n'est  point  de  fidèle  adorateur  de 
Jésus  crucifié  qui  ne  soit  saisi  d'horreur 
lorsqu'il  entend  profaner  son  saint  noffi» 
c'est-è-diie  lorsqu*on  le  fait  servir  en  sa 
présence  à  des  exclamations  sacrilèges»  à 
d*horribles  sermenISt  à  des  discours  impies, 
à  des  exécrations,  des  imprécatiooSi  des 
blasphèmes.  Pouvons-nous  être  témoins  de 
ces  abominations  sans  sentir  s'allumer  au- 
dedans  de  nous  le  zèle  le  plus  ardent  de  glo- 
rifier le  saint  nom  de  Jésus,  en  lui  oflraot 
dans  un  esprit  de  componction  ^  tous  les 


JEU 


D'ASCETISUE. 


JEli 


9M 


hommages  extérieurs  ei  imérieiirs  qui  sont 
«n  notre  pouTOir? 

Vour  reparer  les  outraiœs  que  fait  à  Dieu 
la  eouturoe  impie  de  jurer  par  le  saint  nom 
de  Dieu  et  de  Jésus,  Pie  IV  érigea  une  pieuse 
confrérie  ^ui  a  écé  confirmée  par  saint  Pie 
V  et  Urbain  Vlll,  et  favorisée  d*um  indul- 
gence plénière  i)Our  la  fêle  de  la  Circonci- 
sion avec  une  Je  cent  jours,  autant  de  fois 
qii*on  empérlierait  de  bire  un  serment  témé- 
raire ou  de  prononcer  un  blasiihème*  Chague 
membre  est  obligé  de  iaîre  la  correction  n-a- 
iemelle  h  celui  qu*ii  a  entendu  jurer  témérai* 
rement, et  tes  confrères  doivent  Sf  saluerlors- 

3n*ilsse  rencontrent  paroes  paroles  :  Louange 
Diemou  Lwumge  à  Jésus;  cette  pratique  est 
récompensée  d*uiie  indulgence  h  toute  per- 
sonne de  la  confrérie  qui,  en  quelque  temps 
que  ce  soit^  use  de  cette  sorte  de  salut,  ou  j 
répond  en  disant  il iii«ii. Cette  indulgence  s*est 
étendue  ensuite  à  tous  les  fidèles;  car  en 
1587,  Siite-Quint  accorda  trente  jours  à  qui- 
cofiQue  en  saluerait  un  autre  arec  ces  pa* 
reles  en  latin  ou  en  langue  vulgaire  :  «  Jé- 
sus-Christ soit  loué,  Ltuideiur  Jesuâ  Chri'* 
9im$^  B  ainsi  qu*k  ceux  qui  répondraient 
«  Ainsi  sr»it-il,  Amen^  »  ou  c  Pour  toujours, 
semptr;  »  ou  enfin  «  PenJnnt  tous  les  siè- 
cles, m  sœcuia.  »  Il  jr  a  une  indulgence  de 
vingt  cinq  jours  poar  ceux  qui  prononceront 
avec  respect  et  dévotion  le  nom  de  Jésus  on 
ée  Marie,  avec  une  indulgence  plénière  à 
l'article  de  la  mort,  en  faveur  de  ceux  qui, 
a^aot  en  Thabitude  de  se  saluer  comme  on 
vient  de  dire,  invoquent  pieusement  Jésus 
dans  leur  cœur,  s'ils  ne  sont  pas  en  état  de 
le  faire  des  lèvres.  Enfin  il  y  a  une  indul* 
gence  de  trois  cents  jours  pour  avoir  récité 
avec  dévotion  les  litanies  du  saint  nom  de 
Jésus,  et  deui  cents  pour  celles  de  la  bien- 
heureuse %'ierge  Marie.  Ces  indulgences  ont 
été  renouvelées  i^ar  Benoit  XIII  en  172S. 
JESCS-CHRlST(lMiTÂTiofiDB)  Fay.  Imita* 

IEXJNE.  —  Néee$siié.  —  La  mortification, 
non-seulement  des  passions ,  mais  aussi 
de<  sens,  est  non  pas  un  simple  conseil,  mais 
un  précepte  positir  de  la  loi  évangéliqoe. 
Sans  cette  pratique  essentielle  il  ne  peut  j 
«voir  de  salut.  Jésus-Christ  ne  s'est  pis  con- 
fente  de  nous  en  donner  l'exemple  ;  il  nous 
en  a  intimé  le  commandement.  Il  a  porté  sa 
croii,  et  nous  a  ordonné  de  porter  la  nôtre 
à  sa  suite.  II  nous  fait  répéter  par  son  Apô- 
tre que  'si  nous  voulons  être  glorifiés  avec 
lui,  il  faut  avoir  souffert  avec  lui.  Il  nous 
déclare,  par  le  prince  de  ses  aoôlres,  qu*en 
souffrant  pour  nous,  il  s*est  fait  notre  mo- 
dèle, afin  que  nous  suivions  ses  traces.  La 
route  qu'il  a  suivie  sur  la  terre,  voilà  la 
seule  qui  puisse  nous  conduire  au  terme 
oi^  il  nous  a  précédés,  où  il  nous  attend,  où 
il  nous  appelle,  où  il  nous  attire.  Prétendre 
être  las  disciples  d'un  Dieu  né  dans  la  crè- 
che et  mort  sur  la  croix,  en  vivant  dans  la 
mollesse  et  dans  les  plaisirs,  est  une  illusion. 
Vouloir  obtenir  ses  récompenses,  en  violant 
un  de  ses  principaux  commandements,  est 
une  absurdité.  Imaginer  de  devenir  saint 


en  restant  immortifié,  est  une  conbradic» 
tion. 

Hais  cette  loi  de  la  mortification,  tout 
absolue  qu*elle  est  en  elle-même,  n'est  pas 
entièrement  précise  dans  son  application. 
Les  circonstances  où  elle  oblige,  les  meu- 
nières de  Tobserver,  ne  sont  pas  toigoors 
nettement  fixées;  et  cette  indétermination 
fournirait  à  la  sensualité  des  prétextes  de 
ne  jamais  remnlir  ce  devoir  slnd,  mais  pé- 
nible. Pour  obvier  à  ce  dangereux  inconvé- 
nient, TEglise  astreint  ses  entants  à  des 
jeûnes  réguliers,  dont  elle  fixe  les  temps, 
et  dont  enfe  règle  le  mode.  La  mortification 
est  un  moyen  général  et  néces.saire  d'arriver 
au  ciel;  le  jeûne  est  un  mojen  nécessaire 
et  particulier  de  pratiquer  la  mortification. 
L'Évangile  ordonne  de  se  mortifier  pour  8% 
sauver;  FEglise  enjoint  dé  jeûner  pour  se 
mortifier. 

Quand  nous  disons  que  l'Eglise  prescrit 
le  jeûne,  nous  n^entendoos  pas  que  ce  soit 
une  loi  nouvelle  qu'elle  ait  portée.  Le  jeûne* 
bien  plus  ancien  que  le  christianisme,  a  tou«* 
jours  existé  dans  la  vraie  religion.  Il  est,  dit 
saint  Basile,  contemporain  de  l'humanité;  et 
le  premier  précepte  positif  que  Dieu  ait 
donné  à  l'homme  encore  dans  le  paradis 
terrestre,  a  été  un  précepte  d'abstinence. 
Lorsqu'il  accorde  à  Nôé  de  se  nourrir  de 
toutes  les  viandes,  il  Ini  interdit  l'usage  du 
sang.  En  dictant  au  peuple  qu'il  s'est  choisi 
les  lois  qui  le  régiront,  il  détermine  les 
animaux  qu'il  lui  permet  démanger,  et  ceux 
dont  il  ordonne  de  s'abstenir.  Snivei  lliis-^ 
toire  de  cette  nation  qui  seule  eonserve  le 
culte  du  vrai  Dieu,  vous  verrei  ses  jtlus 

grands  personnages  l'honorer  par  le  jeûne  : 
avid  jeûner  jusqu'à  s'affaiblir  ;  Judith  jeû- 
ner tous  les  jours,  excepté  ceux  des  IBtes  ; 
Esther  ne'pas  se  plaire  aux  festins  do  roi  son 
époux,  et  refuser  de  se  souiller  du  vin  des 
libations;  Néhémie  joindre  de  longs  jeûnes 
h  ses  larmes  abondantes  et  à  ses  ferventes 

Krières.  Vous  verrez  la  nation  entière,  dans 
is  occasions  importantes,  implorer  le  Sei* 
^ncur  par  ses  jeûnes,  et  avoir  même  des 
jeûnes  fiiés  pour  rappeler  ses  anciens  évé* 
unmeols  et  en  mériter  d*beureux 

Ainsi,  le  jeûne  queTEglise  nous  prescrit, 
n*est  que  la  continuation  de  celui  qui  a  été 
conslafqment  pratiqué  par  les  fidèles  adora- 
teurs du  Seigneur.  En  renouvelant  le  pré- 
cepte, elle  ne  fait  que  le  déterminer  d*une 
manière  plus  précise.  Elle  le  fait  consister 
en  deux  choses  :  à  ne  prendre  dans  la  jour- 
née qu*une  seule  réfection,  et  à  s'abs  enir 
dans  cet  unique  re|ias  de  certaines  nourri- 
tures. Ces  deux  parties  du  précepte  ne  sont 
fias  unies  entre  elles  essentiellement  et  par 
eur  nature.  On  peut  pratiquer  l'abstinence, 
sans  jeûner,  et  c'est  ce  que  nous  observons, 
d'après  un  autre  commandement  de  l'Église, 
les  deux  derniers  jours  de  chaque  semaine; 
réciproquement  il  est  impossible  de  se  ré- 
duire k  Tunique  repas,  en  ▼  prenant  iodis- 
Hncteraent  toutes  sortes  ae  nourritures: 
c'est  ce  que  pratiquent  ceux  qui  s'imposent 
k  eux-mêmes,  ou  a  qui  sont  imposés  en  par- 


911 


iW 


DICTIONNAIRE 


lEU 


lit 


ticuher  des  jeûnes  pour  Texpiation  do  leurs 

fléchés.  Ainsi  celui  qui,  pour  des  cauies 
égitimeSy  est  dispensé  de  l'un  de  ces  deux 
points  de  la  loi,  n*est  pas  pour  cela  exempt 
de  Tautre.  Mais  ces  deui  pratiques  distinctes 
sont  réunies  par  TEgliso  dans  les  jeûnes 
généraux  qu'elle  prescrit.  Elle  impose  I^ 
double  obligation,  et  de  ne  prendre  par  jour 
qu'un  seul  repas  réel,  et  de  s'y  abstenir  de 
la  chair  des  animaux  qui  vivent  sur  la  terre 
ou  dans  l'air.  Elle  interdit  de  plus  dans  le 
carême  l'usage  des  œufs  et  du  laitage,  à 
moins  qu'il  ne  soit  permis  par  l'autorité  ec- 
clésiastique. Telle  est  l'étendue  de  son  com- 
mandement. 

Les  païensi  dans  presque  tous  les  pays  du 
monde,  ont  reconnu  une  vertu  dans  la  pra* 
tique  du  jeûne,  et  l'ont  mise  au  rang  des 
œuvres  de  religion,  notion  qui  leur  est  ve- 
nue, comme  beaucoup  d'autres,  des  mains 
de  ceux  qui  ont  connu  les  patriarches.  Saint 
Jérôme  confond  l'hérétique  Jovinien,  qui 
n'attribuait  nul  mérite  et  nulle  vertu  au 
jeûne,  par  l'exeraplo  des  anciens  prêtres 
égyptiens  qui,  pour  éteindre  l'amour  des 
plaisirs  sensuels,  et  pour  mettre  leur  raison 
en  garde  contre  les  vapeurs  de  l'intempé- 
rance, s'abstenaient  de  chair,  d'œufs,  de  lait 
et  de  vin.  Rarement  ils  mangeaient  du  pain, 
parce  que,  dans  cette  contrée,  il  chargeait 
plus  l'estomac  et  l'indisposait  plus  que  le 
riz  et  les  légumes  assaisonnes  avec  de 
l'huile,  et  lorsqu*iis  en  faisaient  usage,  ils 
prenaient  en  même  lem|3s  de  l'bysope,  dont 
l'amertume  en  accélérait  la  digestion.  (S. 
HiBBè^tMus,  adv,  Jovin.^  I.  ii,  t.  IV,  p.  205.) 
Le  même  Père  nous  apprend  que,  dans  lâT 
Pei^se,  les  mages  étant  divisés  en  trois  cla.<;- 
n^^i  ceux  de  la  première,  qui  surpassaient 
les  autres  en  savoir  et  en  éloquence,  ne  pre- 
naient jamais  d'autre  nourriture  que  de  la 
farine  et  des  légumes;  que  dans  Tlnde,  les 
gymnosôpkisteêf  les  brachmanes  et  les  sau- 
miens  ou  sermanes^  ne  vivaient  que  des 
fruits  des  arbres  qui  croissaient  sur  les  bords 
du  Gange,  avec  du  riz  et  de  la  farine  apprê- 
tée ;  qu'en  Crète  ,  les  prêtres  de  Jupiter 
s'abstenaient  de  chair  et  de  tout  ce  qui  était 
préparé  au  feu;  et  les  prêtres  d'Eleusine  ou 
Cérès,  dans  la  Grèce,  s'abstenaient  de  chair 
et  de  certains  fruits  que  portaient  les  arbres 
du  pays.  (Ibid.)  Saint  Léon  nous  assure  que 
les  idolâtres  avaient  leurs  jours  de  jeûne, 

Îu'ils  gardaient  religieusement.  (Serm.  77 
ejejuHs  jPenlec.f  cb.  2,  tom.  I,  p.  331.)  Les 
prêtres  des  idoles,  en  quelques  endroits, 
n'offraient  des  sacriQces  qu'après  s'y  être  pré- 
parés par  le  jeûne  et  la  continence.  (Voyez 
Ales.  ab  Alexandro,  1. 1,  c.  17.)  Turtullien 
rapporte  Que  les  païens  jeûnaient  avant  de 
consulter  les  oracles  [L,  de  antmà,  c.  48),  et 
qu'ils  imitaient  quelquefois  la  lérophagie 
des  Chrétiens,  {ibid.)  Avant  le  sacrifice  qu'on 
offrait  à  Cérès,  personne  ne  prenait  rien  jus- 
qu'au coucher  du  soleil,  et,  dans  ces  jours, 
tous  s'abstenaient  de  vhi  et  gardaient  la  con- 
tmence.  (Saint  Cyril.  Alex.,  adv.  Jul.f  1.  vi, 
c.  19,  p.  250.)  Ceux  qui  étaient  initiés  dans 
les  mystères  de*la  déesse  Isis  se  préparaient 


à  la  cérémonie  par  l'abstinence  de  chair  et 
de  vin  pendant  dix  jours.  (Julun.,  in  If ùo« 
pog.  inler  Opéra  S.  CyriHi,  t.  I^  p.  250.) 
Quelquefois  Julien  l'Apostat  se  honiail  è 
manger  des  légumes  dans  ses  repas,  pat  un 
motif  de  religion.  (Ibid,)  En  oerlains  jours 
de  fête,  les  femmes  athéniennes  et  égypiion^ 
nés  jeûnaient  et  coucbaienl  sur  la  dure. 
(Foyejs  Joseph.  Laurent^  De  Prand.  etCn, 
vet.y  c.  22,  apud  Gbonov.  ,  (p.  349,  Sur  bi 
jeûnes  des  anciens  idolâtres;  voyez  aussi  Sal>- 
MASius,  inSolanum^p,  150;  Jtuus Scaliger, 
Fottic, ,  U  I,  c.  32,  ue  cereal.  ludis^  etc.)  Les 
mahométans  turcs  elperses,  et  les  solxanie* 
dix  sectes  qui  divisent  le  mahométisme  dans 
rOrient,  observent  striclemcnt  lejeÛDedo 
neuvième  mois  arabe,  appelé  /tamadan,  qui 
tombe  quelquefois  en  été ,  quelquefois  au 
printemps,  et   passe  successivement  d'une 
saison  à  une  autre,  en  des  années  ditrércii'* 
tes,  parce  qu'ils  comptent  selon  le  cours  de 
la  lune,  sans  intercalation,  etque  leurs  mos 
sont  alternativement  do  vingt^neuf  k  trente 
jours.  Personne  n'est  dispensé  de  ce  jeûne, 
ni  femmes,  ni  soldats,  ni   laboureurs,  ni 
voyageurs,  ni  artisans,  ni  pauvres,  ni  riches; 
te  sultan  lui-même  jeûne  comme  les  antres. 
Les  malades  qui  ne  peuvent  jeûner  dans  ce 
mois  sont  obligés  de  le  faire  dans  un  autre, 
lorsqu'ils  sont  rétablis,  ou  autant  de  jours 
qu'ils  ont  manqué  de  le  faire  au  temps  pres- 
crit. Leur  jeûne  consiste  à  ne  rien  prendre, 
c'est-à-dire  qu'ils  ue  mangent  ni  ne  boiventi 
et  ne  peuvent  môme  se  laver  le  visage,  du- 
nuis  le  lever  du  soleil  jusqu'à  son  coucher. 
Les  plus  parfaits  commencent  leur  jeûne  à 
minuit  (Chardin,  Voyage  de  Perse,  tome  Vil, 
p.  8^7;  tome  11,  p.  162  ;  Busbbg,  LegaL  tur- 
etc.,  ep.  3,  p.  252.)  Les  Juifs  anciens  et  mo- 
dernes  ont  toujoui  s  regardé  le  jeûne  comme 
une  pratique  pieuse  et  une  œuvre  de  reli- 
gion (Voyez  Basnage,  Hist.  des  Juifs,  I.  tu, 
c.  18,  art.  4),  sentiment  imprimé  si  profon- 
dément dans  Tesprit  des   bommes  de  tous 
les  siècles  et  de  toutes  les  nations,  que  la 
plupart  des  sectes  infidèles  ou  hérétiques  ont 
uns  le  jeûne  au  rang  des  pratiques  qui  font 
partie  essentielle  de  la  religion,  jusqu'à  cor- 
rompre superstitieusement  ce  Qu'ils  ont  re- 
connu,  par  une  tradition  générale  descen- 
due des  patriarches,  être  un  moyen  de  sa- 
tisfaire à  la  justice  divine,  ou  d'expier  ses 
Kéchés,  et  un  hommage  rendu  à  la  Divinilé. 
eurs  pratiques  superstitieuses  dilléraicnt 
beaucoup  cependant  des  blasphèmei^ie  ceux 
qui  s'abstenaient  de  certains  aliments  cooiuje 
mauvais  en  eux-mêmes,  et  comme  rouvrttgtf 
d'un  mauvais  principe  ou  du  démon,  toutes 
les  créatures  étant  bonnes  de  leur  nature,  et 
Touvrage  du  vrai  Dieu.  La  distinction  des 
deux  principes  ou  des  deux  dieux,  l'un  bon 
et  l'autre  mauvais,  était  l'erreur  fondanacn- 
taie  d*une  sorte  de  secte  nombreuse  de  ptit- 
loso{»hes  établie  en  Orient,  erreur  si  an- 
cienne dans  la  Perse  et  dans  l'Inde,  qulsaac 
Vossius  (I.  de  idolotairia,  1. 1,  c  .1)  la  regarde 
comme  le  premier  pas  vers  ridolâtrieparou 
les  hommes  ont  apostasie  et  abandonné  le 
culte  du  vrai  Dieu.  {Voir  Vossiis ,  *«**• 


f» 


JEU 


H^ASCETISME. 


JEU 


9M 


ehaiimuê  anie  Mauichmum^  et  les  anCears 
qu*il«ke«p.  2DL)  L'opinion  la  plus  com- 
mune'est»  è  la  Térilé,  que  le  genre  humaia 
a  comraencé  d'èlre  idolâtre  en  adorant  le 
soleil,  la  lune  el  les  étoiles,  appelés  Tarmée 
des  cieux,  on  d*abord  les  anses,   comme 

KDse  Leclerc  ;.ensuile  les  étoiles,  puis  les 
mmes  qui  s'étaient  fait  un  grand  nom,  ou 
dont  la  mémoire  leur  était  obère.  Il  est  ce* 
pendant  eertain  que  la  doctrine  des  deux 
principes  élait  fort  ancienne  dans  qnelques 
systèmes  de  la  pliilosophie  Ofieotalet  et  fort 
diOérente  de  celle  que  professaient  les  sec- 
tes des  pfailosoplies  connues  dans  la  Grèce, 
altrifattée  communément  à  Zorostrate,  Tau- 
Ceer  de  la  philosophie  cbaldaîque  et  per- 
sane. (Voyez  la  Philosophie  oriétUale  de 
Stahlet,  I.  u»  c.  6;  et  Vindex  philologique 
sur  VHiêi.  phitoM.  orientale^  par  Jean  Le- 
GLBBC.)  Ce  fut  la  première  origine  de  ces 
notions  impies  et  superstitieuses  que  cer- 
tains aliments  sont  mauvais  do  leur  nature, 
quoique  d*autres  soient  toint>és  dans  la 
même  erreur  par  des  principes  diflérents, 
mais  aussi  superstitieux,  et  que  plusieurs 
sectes  modernes  d'Indiens  idolâtres,  à 
Texemple  de  leurs  ancêtres,  s'abstiennent 
de  toute  sorte  de  chair,  sur  le  principe  de  la 
transmigration  des  âmes  humaines  dans  les 
bétes;  quelques-unes  de  la  chair  seulement 
de  certaines  l>étes  qu'elles  regardent  comme 
consacrées  à  leurs  fausses  divinités.  Dans 
l'empire  du  If  ogol  et  ailleurs,  cette  supersti- 
tion est  portéeà  un  tel  excès  d'extravagance 
parmi  quelques  sectes  d'Indiens,  que  si  tel 
ou  tel  animal  a  touché  quelques-uns  d'entre 
eux,  ou  a  été  jeté  sur  lui  par  malicei  tout  le 
monde  le  fuit  comme  un  homme  souillé, 
et  le  livre  pour  être  mis  en  esote^age,  etc. 
Les  hérésies  des  trois  premiers  siècles 
étaient  souvent  un  mélange  d'opinions  nou- 
velles et  des  superstitions  de  la  philosophie 
orientale.  Les  gnostiques  de  plusieurs  clas- 
ses différentes  commencèrent  à  troubler  l'Ê* 
glise  sous  le  règne  d'Adrien,  selon  les  té- 
moirages  de  saint  Clément  d'Alexandrie 
iSirom.^  1.  Tii,  c.  17,  p.  896,  R99);  leurs  er- 
reurs avaient  commencé  d'éclore  beaucoup 
plus  tôt,  comme  il  paraît  dans  la  première 
Epilre  de  saint  Jean  (xi,  18),  dans  la  pre- 
mière à  Timothée  (vr,  10),  et  celle  aux  Co- 
loss.  (il,  81  ;  mais  elles  furent  comme  étouf- 
fées |>ar  la  prédication  des  apôtres,  tant 
qu'ils  vécurent.  (Foy.  Thomas  Imoius,  De 
hmretiarchi»  œvi  apoMioUei  et  proximi  ;  Til- 
LBM05T,  etc.)  Plusieurs  de  ces  gnostiaues 
ensoigcaient  la  doctrine  des  démons,  uont 
parle  saint  Paul,  et  défendaient  aux  hommes 
de  se  marier,  comme  de  s'abstenk  des  yian- 
des  et  de*  plusieurs  autres  choses  qu*ils  di- 
saient mauvaises  de  leur  nature.  (/  Tim. 
IV,  3.)  ]>ans  les  âges  fiostérieurs,  ces  blas- 
phèmes se  reproduisaient  cbex  les  narco- 
Dites,  les  manichéens,  les  paulianistes,  etc. 
Saint  Paul  condamne  cette  abstinence  su- 
perstitieuse, è  cause  du  motif  qui  l'avait 
inspirée;  mais  non  l'abstinence  qui  se  prati- 
que en  nie  de  mortifier  sa  chair,  de  faire 
pénitenee  et  d'obéir  à  TEgliseï  ou  pai  quel- 


que antre  motif  louable  et  religieux;  d'ail- 
leurs lorsque  le  même  Apôtre  dit  (/  Cor. 
X,  35)  :  Mangez  de  tout  ce  qui  $e  vend  an 
marché^  $ans  vous  informer  a  où  il  vient  ^  par 
inquiétude  de  eonseieneef  il  parle  évidem- 
ment de  toutes  les  choses  qui  avaient  pa> 
être  offertes  aux  idoles,  et  gu'il  était  permis 
de  manger  dès  qu'on  n'avait  nul  scrupule  à 
ce  sujet,  et  qu'on  ne  le  faisait  pas  dans  un 
esprit  de  superstition.  Lorsçjue  Jésus-Christ 
a  dit  (Matth.  xr.  H),  que  rien  de  ce  qui  entre 
dans  la  bouche  ne  souille  rhomme^  il  entend 
que,  dans  les  aliments  que  nous  prenons,  il 
n'y  a  pas  de  souillure  qui  se  communique  à 
Tâme  el  qui  la  corrompe  ;  mais  il  ne  veut 
pas  que  nous  appliquions  ces  paroles  aux 
^ûnes  commandes  par  Dieu  et  son  Eglise  ; 
leûnesdont  la  transgression  souille  et  blesse 
Vâme,  non  qu'il  y  ait  corruption  dans  les 
aliments  qui  nous  sont  interdits,  mais  parce 

Îue  nous  violons  le  précepte  de  l'obéissance, 
insi,  dans  l'ancienne  loi,  un  juif  se  serait 
souillé  en  mangeant  du  sang  et  de  la  chair 
de  pore;  ainsi  nos  premiers  pères  se  souillè- 
rent-ils dans  le  paradis  terrestre,  en  man- 
geant le  fruit  qui  leur  avait  été  défendu. 

Fauste  le  manichéen  en  appela  au  jeâne 
de  TEglise  catholique  pour  justifier  l^bsti- 
nence  superstitieuse  de  certaines  viandes 
ou  nourritures ,  comme  mauvaises  en  elles* 
mêmes,  que  prescrivaient  les  lois  de  sa 
secte.  «  Vous  garder  le  earême,  disait-il,  vous 
vous  abstenez  de  vin  el  de  chair  sans  tom- 
ber dans  la  superstition.  »  A  quoi  saint  Au- 
Sustin  répondait  que  ,  s'abstenir  ainsi  pour 
ompter  la  chair  et  pour  le  bien  spirituel  de 
son  âme,  était  un  devoir  imposé  par  l'Eglise 
catholique;  mais  que,  s'interdire  tel  ou  tel 
aliment,  dans  la  persuasion  qu'ils  étaient 
impurs  et  non  l'ouvrage  de  Dieu,  c'était  !s 
doctrine  des  esprits  de  mensonge.  (L.  xxx 
Contrm  Faustum^  cb.  3  et  5.) 

Avantages  tit  fruits  du  jeûne.  —  Nous  som« 
mes  tous  pécheurs,  tous  par  conséquent 
obligés  à  faire  pénitence,  vertu  essentielle 
au  christianisme  ;  or^  le  jeûne  est  une  partie 
de  cette  dette  que  nous  avons  contractée 
envers  la  justice  divine;  c'est  lé  doctrine  de 
l'Ancien  et  du  Nouveau  Testament,  celle  de 
tous  les  saints,  et  la  tradition  constante  de 
l'Eglise;  c'est  encore  un  moyen  nécessaire 
pour  soumettre  notre  chair,  surmonter  nos 
inclinations  déréglées  et  subjuguer  nos  pas-  ^ 
sions;  c*est  un  préservatif  contre  la  rechute; 
c*est-un  sacrifice  par  lequel  nous  faisons  de 
nos  corps  une  hostie  vivante;  c'est  enfin  une 
voie  sôre  pour  nous  dégager  des  liens  qut 
nous  attachent  au  monde,  et  acquérir  k 

Eût  de  la  vie  intérieure.  «  Jeûnez,  dit  saint    ' 
sile,  parce  que  vous  avez  péché  ;  jeûnez 
encore  pour  ne  plus,  pécher.  Le  jeûne  vous 
acquittera  envers  Dieu  pour  les  péchés  que 

'  vous  aurez  commis,  et  vous  rendra  victo* 
rieax  des  attaques  de  l'ennemi,  qui  vous  ten- 
tera pour  vous  en  faire  commettre  de  nou^ 
veaux.  ]^  C'est  l'intempérance  qui,  avec  Tor- 
gueil  et  la  désobéissance,  a  précipité  nos 

^,  premiers  pères  et  toute  leur  postérité  dans 
i'ablme  du  péché,  cau^e  fatde  des  maux 


N5 


JEU 


PICTIOMNAIRE 


}EU 


11$ 


sans  nombre  sous  lesquels  nous  gémissons. 
Il  a  plu  à  Dieu  de  nous  préparer,  dans  sa 
miséricorde,  un  excellent  remède  à  ce  vice 
dans  la  sainte  pratique  du  jeûne,  et  de  nous 
en  faire  un  cbâtimeut  roloniaire  qui  pût  sa* 
lisfiire»  au  moins  en  partie,  à  sa  justice  ou* 
tragée.  Jésus-Christ,  élanl  vrai  Dieu  et  ?rai 
homme,  prédestiné  par  son  Père  à  la  ré* 
demption  du  genre  humain»  a  pu  seul  lui 
faire  une  digne  réparation  pour  le  moindre 
péché.  Par  ses  mérites  et  ses  souffrances, 
dont  la  p)us  petite  a  étéd*une  valeur  infiniet 
il  a  satisfait  surabondamment  pour  tous  ceux 
du  monde  entier.  Mais,  pour  que  le  fruit  de 
ses  satisfactions  pût  être  appliqué  à  nos 
âmeSy  en  réparatioi  de  nos  erimes,  il  exige  de 
nous  cette  conditioo,que  nous  nous  condam^ 
nions  nous-mêmes  i  subir  quelque  peine  qui 
en  soit  la  punition»  et  qu^en  portant  ses  mor- 
tiGcations  dans  nos  corps,  nous  devenions 
ses  copies  vivantes.  11  faut,  comme  le  ré- 
pète souvent  saint  Augustin,  que  le  péché 
soit  punii^  ou  eu  ce  monde  par  des  châti- 
ments de  notre  choii,  ou  par  des  vengean* 
ees  bien  plus  sévères  que  nous  fera  subir  la 
justice  divine  en  Tautre.  La  contrition,  si 
elle  est  sincère,  renferme  essentiellement  la 
résolution  de  faire  une  pénitence  satisfac* 
toire  qui  ait  quelque  proportion  avec  nos 
pébhésy  en  nous  imposant  nous-mêmes  quel- 
que pénitence  volontaire.  Le  pardon  du  pé- 
ché n'en  est  pas  moins  un  don  tout  gratuit 
de  la  miséricorde  divine,  parce  que»  ni  nos 
propres  œuvres,  ni  même  celles  du  monde 
entier,,  ne  peuvent  jamais  satisfaire  pour  un 
seul  péché,  quelque  léger  qu'on  le  suppose, 
séparées  de  la  grâce  du  Sauveur.  C'est  uni- 
quement par  la  pure  bonté  divine,  avec  les 
mérites  infinis  du  sacrifice  de  Jésus-Christ, 
notre  Sauveur,  que  notre  pénitence,  avec 
toutes  ses  conditions,  peut  nous  conduire  k 
ce  bonheur;  conditions  qui  sont  elles-mêmes 
un  don  de  cette  bonté  toute  gratuite  et  un 
fruit  de  la  grâce  de  Jésus-Christ.  Prétendre . 
obtenir  par  d'autres  voies  la  rémission  de 
nps  péchés,  ce  serait  vouloir  l'impossible, 
dit  saint  Augustin,  parce  que  ce  serait  vou- 
loir renverser  les  lois  et  les  décrets  immua- 
bles de  la  justice  divine. 

Dn  pécheur ,  saintement  pénétré  de  com-: 
ponction  et  de  repentir  de  ses  péchés,  doit 
donc  s'armer  d'inuîgnation.contre  lui-même, 
punir  sa  chair  criminelle  de  ses  propres 
mains,  et  exécuter  sur  sa  personne  quelques- 
unes  des  rigueurs  que  mérite  le  péché,  s'il 
veut  désarmer  le  bras  de  Dieu  ;  sans  cela  il 
ne  peut  échappera  ses  coups,  soit  dans  cette 
vie,  soit  au  jour  terrible  cle  sa  colère.  Il  ne 
faut  qu'ouvrir  les  saintes  Ecritures  pour  se 
convaincre  de  la  vérité  de  cette  doctrine,  par 
les  exemples  frappants  qu'on  y  trouve  en 
grand  nombre.  Les  Niniviles  avaient  pro- 
voqué le  ciel  contre  eux ,  le  bras  de  Dieu 
était  près  de  renverser  leur  ville  et  de  les 
écraser,  lorsqu'à  la  prédication  de  Jonas  ils 
rentrèrent  eneux-même^.  CoQuneotledésar- 
menl-ilst  En  secondamnantàunjeûnerigou- 
reuxqu'ilsobserventavecla  plus  grande  fidé-. 
lité.  Ifs  poussent  vers  le  ciel  de  grande  cris  do 


douleur  et  oc  regret,  et  Dieu,  toucbé, fléchi 

Iiar  leurs  œuvres,satisfait  de  les  voirsoriirde 
eurs  voies  criminelles,  oublie  toutes  leurs 
abominations,  et  retire  son  bras  sans  en 
avoir  frappé  un  seul.  Dieu  exhortait-il  k  la 
pénitence  son  peuple  par  la  bouche  de  ses 
prophètes  :  Revenez  à  moi  de  iout  votre  eemr^ 
disait-il,  dans  lejeûne^  demi  le$  gémitetmmU 
et  dam  le$  larme».  David ,  et  après  lui,  les 
saints  pénitents  de  l'ancienne  loi ,  eurent 
Ions  recours  à  Dieu  par  le  jeûne  ot  la  prière. 
La  nation  juive  avait*elle  irrité  la  colère  de 
Dieu,  pour  l'apaiser,  elle  joignait  toujours 
le  jeûne  aux  autres  anivres  de  pénitence. 
Saint  Jean  -Baptiste,  le  modèle  et  le  grand 
apôtro  de  la  pénitence ,  envoyé  au  monde 
pour  le  préparer  à  la  venue  du  Rédempteur, 
passe  sa  vie  dans  le  jeûne  et  dans  la  prière. 
«  La  pénitence  sans  le  jeûne,  dit  saint 
Basile,  est  vaine  et  infructueuse.  Voulons- 
nous  satisfaire  h  la  justice  divine,  offrons-lai 
des  jeûnes  et  des  larmes.  »  Serions-nous 
assez  aveugles  pour  nous  croire  exempts  de 
péchés  ou  entièrement  purifiés  de  ceux  que 
nous  avons  commis  ?  Toute  notre  vie,  au 
contraire,  ne  nous  accuse-t-ellepasau  tribu- 
nal de  notre  conscience ,  et  n  avons-nous 
fas  des  iniquités  sans  nombre  k  expier? 
échés  de  malice ,  de  fragilité ,  de  commis- 
sion, d'omission,  de  négligence,  d'ignorance; 
péchés  do  pensée ,  de  parole ,  d'action ,  qui 
ont  souillé  notre  esprit  et  toutes  les  facultés 
de  notre  âme,  nos  sens  et  tous  les  organes, 
ot  tous  les  membres  de  notre  corps;  péchés 
contre  tous  les  commandements  peut-être, 
et  contre  les  obligations  de  notre  état; 
péchés  contre  Dieu,  contre  le  prochain, 
contre  nous-mêmes  ;  péchés  secrets,  péchés 
publics,  péchés  de  scandale,  péchés  person« 
nels  et  péchés  d'autrui  dont  nous  avons  été 
les  complices  ou  l'occasion  volontaire;  pé* 
chés  auxquels   nous  ne  pensons  jamais, 

Krce  que  l'habitude  de  les  commettre  et 
ffection  que  nous  y  avons  nous  les  fait 
dissimuler  a  nous-mêmes,  tant  nous  nous 
laissons  séduire  à  nos  passions ,  mais  que 
Dieu  saura  bien  révéler  au  dernier  jour. 
Péchés  enfin  que  nous  avons  multipliés  à 
rinfini,  depuis  que  nous  avons  commencé  à 
connaître  Dieu,  et  qui  surpassent  le  nombre 
des  cheveux  de  notre  tête.  Quelle  pénitence 
avons-nous  faite  toutefoisjusqu'ici,elquelle 
pénitence  faisons-nous  encore?  Hélas!  si 
nous  comparons  nos  faibles  efforts  avec  les 
maximes  de  l'Evangile,  avec  la  rigueur  dfis 
saints  canons ,  la  doctrine  des  Pères  de  1*8- 
glise ,  la  vie  et  les  austérités  des  saints  pé^ 
nitents  de  tous  les  siècles ,  combien  nous 
nous  trouverons  loin  de  nos  devoirs?  Com- 
bien nous  aurons  lieude  trembler  pourootre 
sort  étemel ,  si  nous  considérons  sérieuse- 
ment notre  tacheté  et  lïoduigence  arec 
laquelle  noua  nous  traitons?  Avons-nous 
même  jamais  commencé  la  pénitence  qui 
nous  est  si  expressément  commandée  par 
la  loi  de  Dieu,  et  sans  laquelle  Netre-Sei- 
gneur  nons  déclare  que  nous  périrons  tous? 
Nous  nnarchens  sur  le  bord  de  réteraité; 
chaque  jour  nou3  vojtonsde  nos  prêches» d^ 


ff7 


OrASGKIISXS. 


JEU 


fis 


DOS  «Dis ,  de  nos  coneitojens  sarpris  par 
la  mort,  el  tomber,  lorsqu'ils  s'y  alleodaieot 
la  moins ,  dans  cel  aMme.  Notre  loor  Tien- 
dra bîenlÂt,  et,  sortis  aoe  fois  de  eette  terre 
que  nous  habitons,  c'est  sans  retour  et  pour 
toujours.  Dès  lors  plus  de  temps  pour  faire 
péoitenee.  Hâlons^nous  donc  de  satisfaire  k 
la  justice  divine  pendant  que  nous  sommes 
dans  la  Toîe.  Ce$i  «me  rAese  korribie^  dit 
TApAlre,  f  «e  de  tomber  emire  lee  wuiins  du 
Dieu  vivani ,  mvmui  d'&oobr  etpaéeéMa  colère  et 
regufméête  mieirieordeM  pur  de  di§me$  firuiiê 

Quand  nous  n'aurions  pas  de  péchés  k 
eipier  par  le  jeûne,  dont  Jesus-Cbnst  et  son 
El^ise  nous  ont  lait  un  précepte,  ce  serait 
toojjours  un  moyen  nécessaire  yiour  nous 
fortifier  contre  les  tentations  et  les  dangers 
qui  nous  exposent  continuellement  k  pé- 
cher. L'homme  a  été  créé  dans  la  justice; 
mais,  par  la  d^béissance  de  notre  premier 
f »ère,  la  chair  aTec  seê  concupiscences,  qui 
étalent  parfaitement  soumises  k  Tesprit 
«Tuot  sa  chute,  s*est  tellement  révoltée 
contre  lui ,  les  puissances  de  notre  âme  se 
eont  tellement  affaiblies,  que,  déchus  des 
prérogatives  de  la  justice  originelle,  noua 
eémmea  devenus  des  esclaves  de  nos  sens. 
De  ik  cette  guerre  continuelle  de  Thomme 
contre  Thomme;  sans  cesse  en  butte  aux 
attaques  de  cette  partie  sensuelle  de  nous- 
mêmes,  que  saint  Paul  appelle  la  loi  de  ses 
nemtires,  il  est  devenu  son  propre  ennemi, 
#t  de  tous  les  ennem-s,  le  plus  dangereus. 
De  Ik  celte  vérité  prononcée  par  lAfidtre 
saint  Jacques  :  Ckaeitn  têt  tenté  par  sa  pro^ 
ptro  eoneupiscence^  gui  l'emporte  et  Venirahu 
dutu  le  ma/  ;  et  eneuiie^  quand  la  concupi^ 
êeemee  a  eonçu^  elle  enfante  le  péché.  Celte 
!3i,  ou  cette  révolte  de  la  cliair,  se  forltlio  à 
proportion  de  la  facilité  avec  laquelle  on 
cède  k  ses  mouvements ,  jos(|u*è  rendre  la 
victoire  de  nos  habitudes  vicieuses,  une 
fois  contractées,  si  difficile,  que,  selon  TE- 
crilure,  on  n*en  peut  venir  k  bout  qu'en  se 
faisant  violence  k  soi-même,  qu'en  crucifiant 
cette  même  chair  avec  ses  désirs  et  ses 
penchants  déréglés.  Or,  ce  désordre  étant  la 
suite  de  Tintempérance  du  premier  homme. 
Dieu  nous  a  prescrit  la  vertu  contraire  k  ce 
vice,  comme  une  partie  nécessaire  du  re- 
mède dont  dépend  notre  guérison,  et  comme 
on  moyen  auquel  il  a  attaché  les  grâces 
victorieuses  qui  nous  fbnt  triompher  de  nos 
ennemis.  €*est  donc  pour  nous  une  oblige* 
tion  de  pratiquer  la  tempérance,  de  mettre 
un  frein  k  nos  inclinations ,  c*est-k-dire  de 
ne  rien  accorder  k  celles  qui  sont  mauvaises 
ou  dangereuses  ;  et  il  est  bon  même  de  nous 
r  jfnser  souvent  k  celles  dont  Tobjet  est  per- 
mis et  innocent,  de  peur  de  leur  laisser 
prendre  trop  d'empire  sur  nous.  C'est  pour- 
quoi le  précepte  de  la  sobriété  nous  est  si 
fortement  recommandé  dans  les  livres  saints, 
et  représenté  comme  faisait  partie  de  cette 
armure  spirituelle  sans  laquaue  notre  perte 
étemelle  devient  inévitable. 

Saint  Paul  prend  ici  pour  exemple  la  dis- 
cîyline  aévèra  et  rabstinence  rigoureuse 


Ï n'observaient  autrefois  les  athlètes  qui, 
ans  les  jeux  de  la  lutte  ou  de  la  course, 
aspiraient  aux  prix.  Combien  plue,  dit-il , 
d^ome-nouM  ueer  eobremeni  de  toutes  choee»^ 
pour  courir  avec  eueeêâ  dans  la  carrière  des 
vertue  ckrMetuus^  ei  çagner  la  couronne  in^ 
corrmtiblef  Loin  qu'il  se  crut  dispensé,  par 
les  pénibles  et  longs  travaux  de  son  aposto- 
lat, de  combattre  et  de  souffrir  coolÎDuelIe- 
ment,  il  ajoutait  :  Pour  moi,  je  coure^  et  ce 
n*e$t  pae  au  hoêard  ;  je  combats^  et  ce  n*e$t 
pa$  en  Voir  que  je  combate:  nuiie  je  traite 
rudemeni  mon  eorpe^  ci  je  le  réduis  m  ser- 
vitude^  de  peur  qu'ayani  prêché  aux  autres^ 
je  no  sois  moi-même  mm  réprouvé.  Quoique 
favorisé  des  grâces  les  plus  extraordinaires, 
quoique  confirmé  dans  toutes  les  vertus, 

auoique  épuisé  de  travaux  et  de  souffrances, 
désespérait  de  remporter  la  victoire  sur 
ses  ennemis  invisibles,  s'il  ne  leur  opposait 
les  rigueurs  de  l'abstinence  et  du  jeûne. 
L*ennemi  du  salut  nous  poursuit  de  toutes 
parts,  et  jamais  il  ne  nous  donne  ni  trêve  ni 
repos.  Si  quelquefois  il  parait  endormi,  c'est 
pour  exciter  contre  nous  la  plus  violente 
tempête,  au  moment  où  nous  y  pensons  le 
osoins.  Si  nous  traitons  trop  bien  notre  chair, 
c'est  un  ennemi  domestique  que  nous  armons 
contre  nous-mêmes.  Ce/tM,  dit  l'Esprit-Saint, 
qui  nourrira  délicatemeni  son  serviteur  dis 
son  enfance^  le  verra  ensuite  se  révolter  contre 
lui.  hi  encore,  st  vous  conteniex  votre  dmo 
dans  ses  désirs  déréglés^  elle  vous  rendra  te 
jouet  et  la  joie  de  vos  ennemis. 

Les  pécheurs  d'habitude  se  plaignent  de 
leurs  passions  et  de  leur  extrême  difficulté 
k  s'en  rendre  maîtres,  mais  comment  ne 
voienl-iis  pas  que  ce  qu'ils  appellent  un 
inalbeor  est  uu  crime  qui  fait  leur  condam- 
nation? Qu'opposent-ils  aux  fureurs  de  leurs 
ennemis?  Ce  genre  de  démon,  dit  Notre-$ci- 
gneur,  ne  se  repousse  que  par  la  prière  et  le 
jeûne.  Et  quelle  a  été  la  conduite  de  ce  divin 
modèle?  Tout  invulnérable  qu'il  était,  avant 
de  se  mesurer,  pour  ainsi  dire,  avec  le  ten- 
tateur, il  se  prépare  au  combat  en  consacrant 
quarante  jours  au  jeAue  le  plus  rigoureux, 
et  k  une  prière  continuelle;  voulant  nous 
apprendre  par  Ik  comment  nous  devious 
nous-mêmes  nous  mettre  en  défense  contre 
les  assauts  de  notre  ennemi.  11  n'avait -pas 
besoin  pour  sa  personne  d'un  jeûne  si  aus- 
tère. Tous  ses  sens,  toutes  ses  facultés  obéis- 
saient parfaitement  k  la  souveraine  raison, 
et  k  la  sainte  volonté  de  son  Père;  mais  il 
s'est  soumis  k  cette  grande  pénitence,  pour 
relever  notre  courage,  et  |K>or  sanctifier  nos 
îeûnes  par  le  mérite  des  siens;  c'est  ainsi 
que,  comme  notre  chef,  il  répand  la  propre 
vertu  de  sa  pénitence  dans  tous  ceux  qu'il 
connaît  pour  ses  membres.  Plein  de  com- 
passion pour  nos  misères  spirituelles ,  non- 
seulement  il  nous  a  procuré  ces  puissants 
secours  au  prix  de  son  incarnation  adora- 
ble, de  ses  souffrances  et  de  sa  mort  ;  mais, 
Toyant  notre  répugnance  et  notre  lâcheté  k 
les  mettre  en  œuvre ,  pour  les  guérir,  il  a 
voulu  boire  lui-même  le  calice  jusqu'k  la  lie. 
Pouvait-il  mieox  nous  engager  a  l'acce^ei  de 


fl9 


JEU 


UCTIONIKAIRE 


JEU 


$a  main,  comme  Funique  remède  à  nos 
uiaux  ?  Quelles  actions  de  grâces  ne  lui  de- 
vons-nous pas  pour  un  lel  excès  de  bonté  ? 
Va  combien  devons-nous  nous  confondre 
if  avoir  si  peu  fait  iusqu'ici,  soit  pour  la  répa- 
ration de  nos  pécnés,  soit  pour  soumettre  la 
chair  à  Tespritl  Quoil  notre  médecin  se 
condamne  lui-même  au  traitement  le  plus 
sérèrBf  parce  qu'il  le  faut  ainsi  pour  notre 
çuéiîson  ;  il  pleure  »  il  s'afflige  pour  nous; 
et  nous,  malades,  languissants  jusqu'à  ne 
pouvoir  plus  recouvrer  la  santé  par  les  re- 
mèdes et  les  secours  humains,  nous  cher- 
chons à  nous  réjouir,  au  milieu  des  dangers 
et  des  misères  qui  nous  environnent  1  Loin 
de  sémir  et  de  pleurer  avec  notre  charitable 
médecin,  nous  ne  pensons  qu*à  satisfaire 
nos  inclinations  déréglées  !  Conduite  bien 
étrange  et  bien  insensée!  L'exemple  de  Jé- 
sus-Cnrist,  notre  Rédempteur,  notre  Roi  et 
notre  Deu,  son  tendre  amour,  son  extrême 
commisération  pour  nous,  n'auront  pas  assez 
de  pouvoir  sur  notre  cœur,  pour  nous  faire 
accepter  avec  empressement  la  coupe  amère 
qu'il  no  se  contente  pas  de  nous  présenter, 
après  l'avoir  préparée  de  sa  main  miséricor- 
dieuse, mais  qu  il  a  voulu  lui-même  goûter 
Je  premier  I  Pour  regagner  la  santé  du  corps, 
nous  avons  bien  le  courage  de  nous  soumet- 
Ire  aux  ordonnances  les  plus  rigoureuses, 
nous  avalons  tout  ce  qu'il  y  a  de  plus  ca-* 
pable  de  nous  provoquer  au  vomissement, 
nous  endurons  le  fer  et  le  feu.  Ne  souffri- 
rons-nous donc  rien  pour  rappeler  nos  Ames 
à  la  vie  de  la  grÂce,  et  les  établir  dans  Theu- 
reux  état  de  gloire  et  d'immortalité  pour  le- 
quel Dieu  les  a  créées  à  son  image?  Ne  fc- 
l'ons-nous  rien  pour  Jésus-Christ  après  que 
Jésus-Christ  a  tant  fait  et  tant  souffert  pour 
nous  ? 

Avec  le?  armes  spirituelles  que  nous  offre 
ce  Dieu  de  bonté,  Içs  saints  ont  triomphé  de 
leur  chair,  du  monde  et  du  démon.  C'est  à 
la  pratique  du  jeûne  qu'ils  doivent  les  vic- 
toires dont  ils  recueillent  les  fruits  dans  le 
ciel.  C'est  le  jeûne,  joint  à  la  prière,  qui, 
dans  tous  les  temps,  a  donné  aux  justes  la 
force  de^ marcher  constamment  dans  les  voies 
de  l'innocence  et  de  la  vertu;  à  des  milliers 
de  nénitents,  celle  de  se  relever  parfaitement 
de  leurs  chutes,  et  de  rompre  entièrement 
les  liens  qui  en  faisaient  ^aulant  d'esclaves 
du  prince  du  monde,  pour  rentrer  en  grâce 
avec  Dieu  et  redevenir  ses  enfants  bien-ai- 
mes.  Saint  Jean-Baptiste,  ce  modèle  parfait 
d'innocence,  avait  été  sanctifié  dès  le  sei-n 
de  sa  mère;  par  un  don  extraordinaire  du 
ciel,  toutes  les  vertus  avaient  jeté  des  raci- 
nes si  profondes  dans  son  âme  dès  l'enfance  ; 
il  avait  acquis  un  empire  si  absolu  sur  ses 
sens, que,  selon  la  pensée  hardie  de  saint  Gré- 
goire de  Nazianze,  il  sentait  aussi  peu  les  ré- 
voltes d9  la  chair  que  s'il  eût  été  un  pur  es- 
prit. Toute  sa  vie  cependant  fut  an  jeûne 
continuel ,  et  le  ieûne  le  plus  austère.  Sa 
nourriture,  dans  le  désert,  n'était  qu'un  peu 
de  miel  sauvage,  avec  quelques  sauterelles 
desséchées  qu*il  trouvait  le  long  des  collines 
où  il  habitait;  et;  Jorsqu'il  se  montra  pour 


disposer  les  peuples,  par  la  pénitence,  k  .'i« 
vénement  du  Messie,  Jésus^ristditdelui 
qu'il  était  venu  ne  mangeant  ni  ne  buTaol; 
ear  la  nourriture  qu'il  donnait  à  son  corps 
était  si  peu  de  chose,  et  d'une  qualité  si 
grossière,  qu'à  peioe  pouvait-on  l'appeler 
une  nourriture.  Il  en  était  ainsi  de  son  vê- 
tement fait  de  gros  poil  de  chameau.  Sans 
logement,  pour  se  ^rantir  des  injures  de 
l'air,  il  n'avait  pour  lit  que  la  terre  nue. 
Tant  qu'il  vécut  dans  le  désert,  il  n*eut 
point  d'autre  occupation  que  la  coDtem- 
platiOn  et  la  prière  ;  c'est-à-dire  que,  daos 
son  corps  mortel,  il  menait  sur  terre  une 
vie  toute  angélique  et  toute  céleste.  Mais 
pourquoi,  avec  tant  de  sainteté  et  dnv 
nocence,  fait-il  donc  une  pénitence  si  dure 
et  si  continuelle?  Pour  conserver  le  trésor 
de  son  cœur,  la  grftce  et  lâchante;  pourfor- 
tifier  son  âme  contre  les  dangers  de  faire 
naufrage  ;  pour  faire  de  sa  vie  entière  uo 
hommage  et  un  sacrifice  perpétuel  au  Dieu 
de  toute  sainteté;  pour  nous  apprendre  eoGn 
quelle  doit  être  la  nôtre,  et  ce  que  c'est  que 
laire  pénitence.  Ce  qu'il  prêchait  avec  toute 
la  force  de  sa  voix  animée  de  l'esprit  de 
Dieu,  il  le  prêchait  bien  plus  éloquemmeot 
encore  par  ses  exemples;  prédicatioo  su- 
blime, toute  muette  qu  elle  était.  Il  n'en  est 
pas  de  plus  propre  pour  nous  faire  rentrer 
en  nous-mêmes,  et  nous  inspirer  les  plus 
sérieuses  réflexions;  car  si  celui  qui  jouit 
d'une  sainteté  parfaite ,  devons-nous  dire 
ici,  avait  besoin  d'un  traitement  si  sévère, 
quel  doit  donc  être  celui  de  l'homme  ma- 
lade? Si  un  des  plus  grands  saints  que  le 
ciel  ait  donné  à  la  terre,  châtie  son  corps  si 
rigoureusement,  que  fera  le  pécheur  qui, 

fiar  de  longues  habitudes  du  mal ,  vil  dans 
'esclavage  de  ses  passions  et  de  ses  sens? 
Tous  les  saints  ont  embrassé  la  pénitence 
avec  ardeur,  et  nous  la  redouterions,  nous 
qui  peut-être  avons  vécn  presque  toujours 
dans  le  péché,  et  nous  la  fuirions  cooimele 
plus  grand  des  roauxl 

Le  jeûne  est  un  remède  nécessaire  pour 
recouvrer  et  conserver  la  santé  de  Tâme; 
mais  ce  n'est  pas  le  seul  avantage  que  nous 
eu  retirons  ;  nous  devons  le  considérer  com- 
me une  pratique  qui  sanctifie  nos  corps  et 
les  consacre  au  Seigneur.  C'.est  proprement 
par  la  prière  que  nous  lui  faisons  hooQQMgo 
de  nos  âmes;  c'est  par  la  tempérance  et  le 
jeûne  que  nous  lui  sacrifions  et  déîouoos 
nos  corps:  nous  lui  devons  non-seuleooent 
nos  cœurs,  mais  encore  tout  ce  que  nous 
sommés  et  tout  ce  que  nous  avons.  Puisque 
nous  tenons  tout  de  lui,  il  est  juste  que  nous 
reconnaissions  son  domaine  universeletaln 
solu  sur  nous,  ^r  l'oiïrande  de  tout  ce  9111 
fait  partie  de  nous-mêmes,  qu'il  n'y  ait  rieo 
en  nous  qui  ne  soit  au  service  de  sa  souve- 
raine majesté.  De  là  cette  belle  exbortMioo 
de  l'Apôtre:  Je voutt  conjure^ me$  frères, f^ 
la  divine  miséricorde^  a  offrir  vos  corps  à 
DieUf  comme  une  hoitievivante^  saiiUeit  opt- 
able  à  ses  yeux^pour  lui  rendre  le  culte  reà' 
eonnable  que  tou$  lui  devez.  Il  appelle  ce  sa- 
crifice un  culte  raisonnable,  pour  nous  iàm 


fil 


JEU 


D'ASCEnsilE. 


1£U 


«Si 


yoir  eombien  il  surpasse  les  sacrîfioes  char- 
nels des  animaux  qu*on  immolait  à  Dieu  dans 
le  temple  des  Juifs  ;  combien,  par  couse- 
qnent,  il  doit  être  pur  et  pariait.  Nos  corps 
sont  devenus.  |)ar  le  grand  mystère  de  Tiacar- 
nalion,  membres  de  JésusCbristet  les  temples 
YiTantsdttSaint-Esprit.  Quel  soin  ne  de  tous- 
nous  pas  avoir  de  les  purifier  et  de  lesorner 
de  toutes  les  vertus?  Si  nous  avons  eu  le 
malheur  d'en  foire  des  instruments  d'iniqui- 
té, il  laot  nous  présenter  à  lui  comme  des 
victimes  que  nous  lui  avions  dérobées, com« 
me  des  morts  ressuscites,  destinés  à  le  glo- 
rifier sur  la^  terre  par  une  vie  sainte  et  irré- 
K[>chable,  en  attendant  que  nous  ajons  le 
uheur  de  le  glorifier  dans  son  royaume 
étemel  ;  et  voilà  ce  que  nous  ne  pouvons 
Jaire,  selon  la  doctrine  de  Jésus-Christ  notre 
maître ,  qu'en  lavant  nos  âmes  dans  les  lar- 
mes de  la  pénitence,  çu^en  crucifiant  le  vieil 
liomme,  qu'en  détruisant  en  nous  le  corps  du 
péché ,  qu'en  mortifiant  nos  membres  qui 
sont  sur  la  (erre,  et  en  les  mortifiant  aussi 
longtemps  que  nous  sommes  eir»osés  à  re- 
toniber  dans  l'esclavage  du  démon  et  sous 
Tempirede  notre  chair;  car  il  n'est  pas  d'au- 
tre voie  de  sanctifier  nos  corps  et  de  les  ren- 
dre digues  d'èlre*  offerts  à  Dieu  comme  au- 
tant de  vaisseaux,  qui,  tout  fragiles  qu'ils 
sont  ici-bas,  seront  un  jour  transformes  en 
gloire. 

Jusque  dans  l'état  d'innocence,  nos  pre- 
miers parents,  tandis  qu'iU  consacraient 
leurs  Ames  à  Dieu  par  la  prière,  en  reçurent 
ordre  de  lui  faire,  par  Tabsliaence,  un  sa- 
crifice continuel  de  leurs  corps;  le  seul  com- 
mandement positif  qu'il  leur  imposa  dans  le 
liaradisfut  de  ne  point  manger  du  fruit  de 
Tarbre  qu'il  leur  dési^^ua;  circonstance  d'où 
SL-Aiiibroise,  St.-Basile,  SL-Jérôine,  Su- 
Chrjrsostome  et  autres  Pères  de  l'Eglise  ont 
pris  sujet  de  relever  le  mérite  et  la  vertu 
du  jeûne,  en  observant  que  c'était  la  plus  an- 
cienne et  la  première  des  lois  positives  que 
Dieu  eût  adressée  aux  hommes.  Mais  cette 
loi  est  devenue  beaucoup  plus  étendue  et 
plus  nécessaire  depuis  que  le  péché  a  per- 
verti notre  nature,  puisque  Dieu  en  a  fait 
un  remède  à  nos  maux;  il  nous  promet  qu*il 
aura  la  propriété,  non-seulement  de  guérir 
les  plaies  du  péché  et  de  fortifier  notre  fai- 
blesse, mais  encore  de  nous  obtenir  et  tous 
les  secours  de  sa  grâce  dans  cette  vie,  et  la 
gloire  éternelle.  Si  tous  jeûnez  dans  le  se^ 
crei^  dit  Notre-Scigneur,  voire  Père^  qui  voii 
ieui  ce  qui  esi  caché  dans  les  ténèbres^  vous 
récoaspensera  au  grand  jour.  Samson  et  Sa- 
rouel furent  le  fruit  des  jeûnes  de  leur  mère; 
Ssra  dut  A*ses  jeûnes  de  se  voir  délivrée  du 
démon.  Quels  merveilleux  effets  du  pouvoir 
da  ieûne,  dans  Daniel,  dans  Judith,  dans 
Sstberl  La  prière  et  les  jeûnes  étaient  l'hom- 
mage et  le  service  continuel  qu'offrait  au 
Seigneur  dans  le  temple  celte  sainte  veuve 
dont  saint-Luc  lait  l'éloge  dans  TEvangile. 
C'est  par  le  jeûne  enfin  que  lant  de  saints 
ermites,  dans  les  déserts,  devinrent  la  ter- 
reur de  l'enfer,  et  un  spectacle  digne  des 
complaisances  de  Dieu  et  de  ses  anges.  ' 


Le  jeûne  a  surtout  la  vertu  de  dégager; 
nos  cœurs  des  choses  de  la  terre,  des  liens* 
de  nos  passions,  et  de  nos  attaches  auxcré-* 
aturés.  L'intempérance  appesantit  Pâme,  lui 
met  comme  des  entraves  oui  l'empêchent 
de  marcher  dans  la  voie  au  salut,  la  rend 
toute  terrestre,  toute  chamelle,,  toute  ani- 
male; la  jette  dans  une  telle  stupidité  qu'el- 
le devient  presque  incapable  d'aucune  fonc* 
tion  spirituelle;  le  jeûne,  au  contraire,  dé- 
barrasse ses  affections,  lui  donne  des  ailes 
pour  prendre  son  essor  au-dessus  des  cho- 
ses de  la  terre,  la  dispose  merveilleusement 
à  recevoir  le  don  d'oraison  et  de  contem-. 
plation.  Moïse  et  Elie  se  préparent  aux  en- 
tretiens qu'ils  eurent  avec  Dieu  par  un  jeû- 
ne de  quarante  jours.  Ce  fut  après  on  jeûne 
de  trois  semaines  que  Dieu  révéla  à  Daniel 
les  plus  profonds  mystères.  Ce  fut  par  le 
jeûne  que  les  Macaire,  les  Antoine,  les  Pa- 
cûine  parvinrent  è  cet  esprit  de  prière  et  k 
cette  union  continuelle  avec  Dieu,  qui  en 
fit  des  anges  terrestres. 

Tous  les  saints  ont  été  remarquables  par 
leur  attachement  et  leur  assiduité  au  jeûne; 
plusieurs  l'ont  pratiqué  toute  leur  vie,  et  Â 
un  tel  degré  de  rigueur  et  d'austérité,  qu'elle 
semblait  être  un  miracle  continuel;  ils  ne 
mettaient  d'autres  bornes  è  leurs  mortifica- 
tions, que  celles  d'un  besoin  indispensable; 
aujourd'hui  une  vie  si  pénitente  passerait 
pour  indiscrétion;  mais  c'était  prudence,  et 
la  prudence  de  TEsprit-Saint.  Ce  n'est  pas 
toutefois  un  modèle  à  proposer  au  commun 
des  Chrétiens,  et  rien,  à  la  vérité,  ne  serait 
plus  blâmable  ni  plus  dangereux,  que  de 
prétendre  marcher  dans  les  mêmes  voies, 
sans  avoir  des  marques  certaines  d'une  ins- 
piration extraordinaire,  sans  prendre  conseil 
des  hommes  les  plus  éclairés,  et  sans  avoir 
fait  auparavant  de  longues  épreuves  de  ses 
forces  ;  car  il  en  est  très-peu  aujourd'hui 
qui  soient  capables  d'imiter  les  vies  d^s  an- 
ciens solitaires;  mais  au  moins  leur  ferveur 
doit-elle  nous  couvrir  de  confusion  et  ioi- 
poser  silence  à  noire  délicatesse,  lorsque 
dès  mortifications  qui  en  méritent  k  peine 
le  nom  excitent  nos  plaintes  et  nos  mur- 
mures. Nous  ne  pouvons  ignorei  que,  selon 
les  maximes  de  le  sagesse  étemelle  et  les 
oracles  de  r£sprit  saint,  tout  ce  que  nous 
entreprenons  dans  l'ordre  du  salut  ne  peut 
que  tomber  en  ruine,  s'il  n'a  pour  fonde- 
ment l'humilité  et  l'abnégation  de  nous- 
mêmes.  Comme  il  faut  que  le  grain  jeté  en 
terre  meure  avant  que  de  porter  son  fruit, 
de  même  il-  est  nécessaire  que  nous  mou- 
rions à  nous-mêmes,  c'est-k-  dire  que  nous 
réprimions  nos  sens  et  notre  volonté,  que 
nous  sachions  régner  sur  nous-mêmes  et 
sur  nos  passions,  avant  de  porter  les  fruits 
des  vériubles  vertus.  Ce  ne  seront  que  des 
feuilles  ou  de  mauvais  fruits,  tant  que  nos 
bonnes  œuvres  seront  flétries  par  le  soulQe 
empoisonné  de  l'amour-propre,  de  la  vanité 
et  de  la  ret'herche  de  tious-mêmes.  Aussi 
tous  les  vr!iis  serviteurs  de  Dieu,  dans  l'an- 
cienne comme  dans  la  nouvelle  alliance,  ont 
été  à  la  poursuite  de  la  vertu  par  la  pratique 


9i» 


JjBU 


DICTiOfflUlllB 


JEO 


a^sidae  et  la  sévérité  de  leurs  jeûnes,  quoi- 
que toujours  rétftée  |Mir  la  s  tgesse  et  la  dis* 
crétio  ;  de  là  reropire  qu'ils  sTsient  sur 
leur  chair;  et  la  facilité  avec  laquelle  ils 
s^adonnaîeot  à  la  prière  et  à  la  cootempla- 
tion.  Nous  avons  vu  plus  haut  que  Jésus- 
Christ  annonça  è  S9s  disciples  qu'ils  jeûne- 
raient régulièrement,  lorsqu'il  ne  serait  plus 
avec  eux  sur  la  terre.  Les  disciples  de  saint 
Jean  étaient  connus  |)our  rigides  observa- 
teurs du  jeûne.  Lesréchabilesqui  héritèrent 
de  leur  forme  de  vie  du  vertueux  Jonadab,  un 
de  leurs  patriarches,  sous  le  règne  de  Jébu, 
H  qui,  pour  la  sainteté  de  leurs  moeurs, 
firent  admis  au  rang  des  portiers  du  temphs 
et  des  chantres  des  divins  cantiques,  sous 
Tinspeclion  de  la  tribu  de  Lévi,  s'abste- 
naient constamment  de  l'usage  du  vin.  On 
ne  peut  guère  douter  que  plusieurs  autres 
sociétés  de  Juifs  consacrés  parliculièreiuent 
au  service  de  Bien,  et  connus  généralement 
sous  le  nom  d'Atêidéem^  ne  fussent  distin* 

{^ués  par  leur  abstinence.  Les  Nazaréens 
aisaient  vœu,  les  uns  pour  quelque  temps 
limité,  les  autres  pour  toute  leur  vie,  de  ne 
boise  jamais  ni  vin  ni  rien  de  ce  qui  eni- 
Tre.  Les  pharisiens ,  sans  jeûner  risou- 
reusement,  n'auraient  pu  avoir  Içs  dehors 
imposants  de  sainteté  qu'ils  affectaient.  Je 
jeûfiê  deux  foie  la  lematne,  disait  Tun  d'en- 
tre eux,  enflé  de  la  vertu  dont  il  n'avait  que 
les  apparences.  Bans  tous  les  siècles,  les 
serviteurs  de  Bieu  ont  fait  du  jeûne  une  de 
leurs  œuvres  principales,  surtout  dans  les 
temps  de  l'année  plus  spécialement  consa- 
crés à  la  prière  et  è  la  pénitence,  croyant 
ne  pouvoir  offrir  à  Bieu  de  ferventes  prières» 
si  le  jeûne  ne  les  accompagnait.  Quand  les 
Juifs  eurent  été  défaits  par  Tes  Philistins,  «n 
punition  de  leurs  péchés,  Samuel  leur  im« 
posa  un  jeûne,  pour  apaiser  le  Seigneur 
irrité  contre  eux.  Bavid  jeûna,  lorsque  l'en- 
fant qu*il  avait  eu  de  Bethsabée  tomba  dans 
la  maladie  dont  il  mourut.  Thumiliaii  mon 
âme  par  le  jeûner  dit-il,  en  parlant  de  sa  pé- 
nitence, et  ailleurs,  lorsqu'il  était  persécuté: 
Je  me  suis  couvert  d*un  $ac  en  teûnant^  et 
fai  pris  un  ciliée  pour  mon  vêtement;  et 
encore:  âfes  genoux  iont  affaiblie  par  le 
jeûne.  Le  saint  roi  Josaphat  eut  recours, 
dans  les  dangers  où  il  se  trouva,  au  jeûne 
et  h  la  prière.  Esdras,  dans  les  jours  de 
pénitencct  usa  du  même  moyen  d*apaiser  le 
seigneur.  Ce  fut  par  le  jeûne  et  la  pénitence 
que  rimpie  Achab  détourna  les  coups  de  la 
colère  divine.  Ce  fut  par  lo  jeûne  et  là 
prière  que  Nébémie  obtint  de  Bieu  le  prompt 
rétablissement^des  Juifs  après  leur  capUvilél 
Ce  fut  par  le  jeûne  c|ue  Judith  et  les  Juifs 
de  Béthulie  se  rendirent  le  cIhI  favorable 
contre  Tarmée  d*Holopherne«  Esther,  dans 
les  JQurs  de  pénitence  et  d'afHiction,  où 
elle  s'occupait  du  salut  du  peuple  saint,  hu- 
miliait son  corps  par  le  jeûne  ;  et  afin  d'atti- 
rer les  bénédictions  du  Seigneur  sur  les 
vœux  et  sur  les  efforts  qu'elle  faisait  en  fa- 
veur de  ses  frères,  elle  lui  offrait  avec  ses 
ropres  jeûnes  ceux  de  ses  servantes  el  de 
'anJochée.  Tobie,  par  ses  jeûues»  ses  au- 


mônes  et  séi  prières,  mérita  une  asiislaoce 
miraculeuse  du  ciel  ;  de  là,  la  parole  de  raoïn 
Raphaël  :  «  La  prière,  le  jeûne  et  raoniAne 
valent  mieux  que  tous  les  trésors.  •  Dieu, 
par  ses  prophètes  dans  la  loi  ancieDDe,  par 
ses  apôtres  sous  la  loi  nouvelle,  et  par  la 
bouche  même  de  son  Fils,  non  content  do 
nous  recommander  le  jeûne  avec  instance, 
nous  marque  les  conditions  nécessaires  pour 
le  sanctifier  et  le  rendre  agréable  i  ses 
yeux.  La  vie  des  ap6tres  et  des  premiers 
Chrétiens  était  comme  un  jeûne  perpétuel. 
Nous  voyons  dans  le*  EpUres  de  saint  Paul 
qu'il  jeûnait  souvent,  et  qu'il  exhortait  les 
tidèles  h  rimiter  dans  ses  travaui,  ses 
veilles  et  ses  jeûnes. 

L'Ejglise  n'a  même  pas  cru  indigne  d'elle, 
en  faisant  cette  institution,  de  faire  eolrer 
dans  ses  motifs  le  salut  corporel  de  ses  en- 
fants. Comme  rien  n'est  meilleur  pour  con- 
senrer  la  santé,  qu'une  grande  sobriété, 
souvent  il  arrive  que  le  jeûbe  devient  le  re- 
mède le  plus  efficace  pour  la  rétablir  ;  c'est 
par  le  jeûne  habituel  que  la  plupart  des  Pè- 
res du  désert,  dont  la  vie  austère  nous 
étonne  et  nous  effraie ,  conservaient  une 
santé  vigoureuse ,  et  prolongeaient  leur  ?ie 
pendant  un  siècle  entier,  jusque  dans  les 
climats  brûlants  où  la  vie  humame  est  ordi- 
nairement plus  courte  que  dans  les  pavs 
plus  tempérés  et  plus  froids.  Saint  Paul, 
premier  ermite,  a  vécu  cent  treize  ans;  saint 
Antoine,  cent  cinq; saint  Euthymius, quatre 
yinfft-quinze;  les  deux  saints  Hacaire, saint 
Paphnuce,  saint  Sabas  et  saint  Jean  d'Egypte, 
prés  de  cent  ans;  saint  Arsène,  cent  vingt; 
saint  Jean  le  Silentiaire,  cent  quatre;  saint 
Tbéodose , abbé ,  cent  cinq»  Jacques,  ermite 
de  la  Perse,  dont  parle  Théodoret,  cent 
quatre,  etc.  Josèphe  (nous  apprend  que  les 
esséniens  étaient  remarauables  par  leur 
longue  vie  (car  un  grand  nombre  vivaient 
cent  ans  );  et  qu'ils  en  étaient  redevables  à 
la  simplicité  et  à  la  sobriété  de  leur  régime. 
Du  pain  et  une  sorte  de  bouillie  ou  de  gruaa 
faisaient  toute  leur  nourriture.  Il  en  était 
ainsi  des  anciens  philosophes, Démocrile, 
H ippocrate,  etc. 

Les  maladies  qui  nous  arrivent  le  plus 
fréquemment  sont  occasionnées  par  une  trop 
grande  réplétion  de  Testomac ,  qui  surchar- 
geant les  facultés  animales ,  empêche  le  li- 
bre exercice  de  leurs  fonctions  ;  ou  par  les 
3ualité$*vicieuses  du  sang,  par  les  sucsoal 
igéréset  mal  cuits,  effet  ordinaire  de qad* 
ques  excès  ;  par  les  propriétés  malignes  de 
la  nourriture  qui ,  oppressant  les  organes^ 
la  digestion,  et  engendrant  de  funestes  ol^ 
tractions  t  ou  d'autres  dérangements  dâos  la 
pariie  du  corps  la  plus  délicate ,  minm 
sourdement  la  constitution  la  plus  robuste, 
et  la  rendent  incapable  d'user  efflcaceoeet 
des  remèdes;  ce  qu'on  remarque  ^oujm 
dans  les  maladies  d'épuisement  •  plus  dim* 
ciles  à  guérir  que  toutes  les  autres  $earu 
s'agit  alors  de  rétablir  ce  qui  est  perdu  o« 
tout,  usé  »  c'est  k  dire  d'en  venir  qaelqoeio» 
à  une  sorte  de  nouvelle  création  :  au  moi^ 


il 


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D*ASCETUME. 


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est-ce  une  entreprise  toujours  plus  difficile, 
une  œuTre  bien  plus  longue  ei  plus  lente 
que  de  dé'îvrer  le  corps  de  ce  qui  est  nui- 
sible, el  le  purger  des  humeurs  étrangères. 
Le  remède  à  tous  ces  maux  est  certaine* 
ment  rahslinonce,ru<(age  des  mets  farineux, 
préférablemenl  &  la  chair  des  animaux  ;  car, 
quoique  celle  ci  fortifie  datantage,  lorsqu'elle 
est  prise  avec  modération,  ses  sels  produis- 
sent  aisi^^ment  les  obstructions,  et  forioeni 
des  sucs  grossiers  doù  nati  dans  le  sang  un 
princi|>e  et  un  rice  scorbutique ,  qne  ^er- 
haaTe  appelle  avec  raison  une  légion  de 
maux  tous  également  dangereux.  Quoique 
les  végétaux  farineux  trop  verts,  et  qui  n'ont 
pas  Bsseï  de  fermeté ,  le  poisson ,  la  chair 
salée  ou  fumée ,  les  eaux  mauvaises  è  lK>ire , 
un  sol  humide  et  voisin  de  quelques  eaux 
stagnantes,  une  vie  sédentaire  enfîn, soient 
des  causes  fréquentes  de  scorbut ,  il  faut  re« 
marquer  rependant  que  notre  avidité  pour 
)a  chair  des  animaux  contribue  k  nous  faire 
contracter  cette  maladie,  beaucoup  plus  que 
le  défaut  de  salubrité  dans  1  air  que  nous 
respirons.  Or  il  est  constant  par  Texpérience 
que  le  meilleur  moyen  de  la  guérir  et  de  s'en 
préserver,  c*est  l'usage  des  végétaux  les  plus 
sains,  surtout  les  anti-scorbutiques,  et 
dans  le  printemps  •  lorsque  les  herbes  sont 
fraîches  et  d*un  suc  pur.(royes  HALLBa,yAii- 
swiETEN  sur  BoerhaarCf  etc.)  Il  fautcepen* 
dant  en  excepter  les  salades  froides  et  les 
végétaux  pour  les  faibles  tempéraments, 
parce  que  ees  sortes  de  plantes  ont  les  fibres 
trop  fortes  |M)ur  être  broyées  et  digérées 
sans  une  action  vigoureuse  et  un  jeu  pé* 
nible  de  Pestomac.  Le  docteur  Arbuthnot 
observe  très-judicieusement  que  quoique  la 
régularité  dans  Theure  des  repas,  une  grande 
tempérance  dans  la  quantité  et  Tusage  des 
aliments  les  plus  simples ,  soient  la  prin- 
cipale chose  a  recommander  pour  la  santé 
du  corps,  il  vaut  mieux  cependant  se  per- 
mettre une  latitude  et  une  variété  raisonna- 
ble ,  que  de  s'assujettir  trop  servifementtà 
un  ré^me  toujours^uniforme,  ce  qui  pour- 
rait faire  tellement  dominer  certaines  hu- 
meurs, ou  gêner  le  tempérament ,  que  la 
plus  petite  variation  lui  deviendrait  funeste  : 
Témoin  Pexemple  qui  se  trouve  dans  les 
Expérienceg  philosophiques  d*un  ecclésiasti- 
que d'Angle!erre,  qui ,  étant  asthmatique , 
n'avait ,  depuis  plusieurs  années,  rien  bu 
que  de  chaud,  mais  qui,  dans  un  voyage, 
ayant  bu  un  vf^rre  de  bière  froide,  fut  saisi 
d*un  mal  violent  qui  l'emporta  au  bout  de 
quelques  heures.  Boerbaave  remarque  que 
la  meilleure  nourriture  est  la  plus  farineuse, 
comme  le  froment ,  le  riz ,  le  mais  ou  blé 
de  Turquie ,  pourvu  qu'il  soit  d'uue  bonne 
espèce  et  bien  mûr.  Il  met  au  même  rang , 
les  panades  qui  se  font  avec  du  pain  bouilli, 
an  moins  trempé  dans  Teau ,  dans  du  gruau , 
du  lM>utllon  léger  etc.  ;  du  lait ,  pourvu  qu'il 
9e  se  caille  pas  sur  l'estomac»  comme  il  ar- 
rive souvent.  Dans  quelques  cantons  de  Tir- 
lande ,  on  voit  beaucoup  d'habitants  qui  ne 
vivent  presque  que  de  pommes  de  tj^rre ,  et 
«angeot  do  paio  très-rarement ,  jouir  d'une 


parfaite  santé  et  avoir  on  tempérament  ro- 
buste. Dans  les  Indes,  parmi  les  peuples 
qui  ne  se  nourrissent  jamais  de  chair ,  ceux 

S|ui  ne  vivent  que  de  rix  sont  minces  et 
aibles  de  com^dexion ,  mais  fort  sains ,  ont 
les  organes  et  le  sentiment  plus  vif  que  les 
autres  peuples,  comme  le  rapporte  M. 
Grosse  dans  son  Hiiioire.  La  dilierence  du 
tempérament  nous  indique  souvent  le  choix 
que  nous  devons  faire  en  particulier  des 
aliments  qui  nous  conviennent  le  mieux, 
sans  nous  y  astreindre  trop  scrupuleuse- 
ment; mais  en  général,  et  dans  toutes  les 
situations  de  la  vie ,  la  tempérance  est  la 
meilleure  de  toutes  les  précautions.  L'eau 
est  le  premier  de  tous  les  digestifs ,  et  on 
excellent  véhicule  des  sucs  nourriciers  que 
nous  tirons  de  nos  aliments ,  parce  qu'elle 
est  tout  ensemble  le  fluide  le  plus  pur  et  le 
dissolvant  de  sa  nature  le  plus  actif.  Cest  la 
boisson  la  plus  ordinaire  de  la  plus  nom- 
breuse partie  du  genre  humain,  cependant 
la  grande  partie  des  petits  insectes  ooni  elle 
est  remplie ,  en  été,  peut  quelquefois  être 
dangereuse ,  à  moins  qu'ils  n'aient  été  dé- 
truits par  le  feu,  en  la  faisant  bouillir.  Son 
extrême  fluidité  est  mortelle  aux  bjrdropi- 
ques  dont  les  fibres  sont  relâchées  ;  incon- 
vénient auquel  on  remédie  heureusement 
en  Angleterre,  en  la  mêlant  d'une  médiocre 
quantité  de  bière  faible.  Il  v  a  dix-huit  siè- 
cles que  César  y  trouva  établi  l'usage  de 
cette  boisson.  La  bière  forte,  par  sa  visco- 
sité ,  retarde  la  circulation  du  sang,  etc.;  le 
vin ,  sefon  l'opinion  universelle ,  est  de  tous 
les  cordiaux  naturels,  le  plus  agréable t 
quand  il  est  devenu  boisson  ;  mais  ce  n*est 
proprement  pas  on  digestif.  Les  héros  de 
Tantiquité  les  plus  vaillants  et  les  plus  ro- 
bustes ne  buvaient  que  de  l'eau.  11  serait 
aisé  de  faire  voir  la  vérité  de  totit  ce  qu*on 
avance  ici,  par  l'expérience  de  tous  les  siè- 
cles ,  et  par  le  témoi^age  des  philosophes 
et  des  médecins  anciens  et  modernes  les 

filus  expérimentés.  Le  docteur  Cocchi ,  cé- 
èbre  médecin  de  Florence,  en  Italie  •  dans 
son  ouvrage  intitulé  .  Du  régime  de  Pytha* 
gore ,  ou  manière  de  se  nourrtr  des  végétaux 
selon  les  principes  de  Pyihagore^  montre  que 
ce  grand  philosophe  a  recueilli  et  transmis  à 
la  postérité  les  préceptes  qu'il  a  jugés  les 
plus  propres  à  nous  faire  jouir  de  la  tran- 
quillité de  Tesprit  et  de  la  santé  du  corps. 
Il  no  mangeait  que  deux  fois  le  jour,  selo» 
la  coutume  générale  de  son  temps  ;  au  ma-^ 
tin,  prenant  seulement  alors  dupaiu  en  |ie- 
tite  qjantité ,  et  à  souper,  qui  était  un  re- 

Gs  lort  modéré.  Il  n'accordait  pas  d'autre 
isson  que  de  l'eau ,  défendait  en  général 
de  manger  de  la  chair;  mais  il  mangeait  et 
accordait  aux  autres,  pourvu  que  l'usage 
n'en  fût  pas  fréquent ,  certaines  viandes 
légères,  comme  poulardes , chair  de  che^ 
vreau ,  de  veau ,  de  jeune  cochon  de  tait  ; 
il  interdisait  les  ceuis  et  même  les  fèves  » 
quoique  farineuses ,  parce  que  c'est  un  ali- 
ment venteux.  11  était  défendu  d'en  user  aux 
prêtres  de  Jupiter  et  de  Cérès,  chez  les 
Grecs  et  cheï  les  Romaios.  Aristote  les  coo- 


M7 


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DIGTIONNAIRE 


JEU 


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dnmne  com.mo  généralement  très-roalsaîns» 
et  de  nature  à  causer  des  coliques ,  ce  qui 
était  plus  ordinaire  dans  ces  climats  éloi- 
gnés que  dans  les  nôtres.  Cocchi  observe 
qtie  les  fèves  et  autres  graines  vieilles  et  bien 
sèjhes  sont  très-nuisibles ,  à  moins  qu*elles 
ne  soient  mises  en  poudre  infusée  dans  du 
bouillon  ou  autre  liquide.  Le  même  philo- 
soplie  recommande  beauconp  les  autres  vé- 
gétaux ,  ainsi  que  le  tell  et  le  miel.  Tous  les 
médecins  conviennent  uu'un  régime  exact  » 
comme  et  lai-<;i»  est  préférable  à  tousjes 
remèdes  »  et  qu'en  général ,  ceux  qui  savent 
i^observer»  préviennent  beaucoup  de  mala- 
dies. Au  contraire,,  un  grand  usage  de  la 
chair  est  pernicieux  k  la  santé  comme  h 
démontre  Plutarque  (De  valetudine):  Ma- 
crobe  (xvii.  Satumal.  c.  47),  et  plusieurs  au- 
tres anciens.  A  la  vérité  ,  ceux  qui  passent 
leur  vie  à  des  travaux  du  corps  rudes  et 
pénibles ,  ont  besoin  d^une  nourriture  forte 
et  abondante  »  et  ils  la  digèrent  plus  aisé- 
ment que  les  hommes  de^lettres  qui  tra- 
vaillent uniquement  de  l'esprit.  Il  faut  aussi, 
plus  d'aliments  dans  les  pa^s  froids  que 
dans  les  climats  chauds.  Lés  jeunes  person- 
nes, comme  celles  qui  ont  un  faible  tem- 
pérament ,  ne  doivent  pas  jeûner  trop  long- 
temps, mais  il  faut  qu'elles  prennent  une 
nourriture  très- modérée,  et  qu'elles  usent 
d'aliments  simples ,  amis  de  leur  estomac , 
sans  y  mettre  beaucoup  de  variété.  Cette 
méthode,  loin  de  nuire  à  leur  santé  ,  leur 
conservera  la  vigueur  du  corps  et  de  l'es- 
prit,  préservera  les  maladies  auxquelles  on 
8*expose'par  le  défaut  de  sobriété,  guérira 
même  celles  qui  auront  été  contractées  ,  et 
qui  n'auront  pu  céder  h  tout  l'art  des  re- 
modes.  • 

Nous  en  avons  un  exemple  dans  Louis 
Cornaro,  noble  Vénitien,  qui  joignait  à  un 
grand  esprit  des  connaissances  fort  éten- 
dues. A  Tflge  de  trente  ans,  il  se  trouva 
réduit  par  ses  intempérances  h  une  santé 
si  épuisée,  c'est-à-dire  è  une  telle  compli- 
cation de  maux,  à  des  douleurs  d'estomac 
si  fréquentes ,  accompagnées  souvent  de 
douleurs  de  côté,  à  une  (ièvre  et  une  alté- 
ration si  continuelles  qu'il  essaya  de  toutes 
sortes  de  remèdes,  et  consulta  tous  les  plus 
habiles  médecins  pendant  l'espace  de  cinq 
ans,  sans  trouver  le  moindre  soulagement. 
Arrivé  à  sa  quarantième  année,  et  voyant  les 
médecins  désespérer  de  sa  vie,   il   prit   le 

Eartide  tenter  ce  que  produirait  l'abstinence, 
'expérience  lui  eut  bientôt  appris  la  faus- 
seté de  ce  proverbe  des  gourmands*:  (^ue  tout 
ce  qui  plaît  au  goût  est  bon  et  nourrissant  ; 
car  il  avait  beau  aimer  les  meilleurs  vins  frais, 
les  melons,  les  laitues  toutescrues,  le  poisson, 
la  viande  de  porc,  les  saucisses,  les  gâteaux, 
la  croûte  de  p&té  et  d^autres  choses  sembla- 
bles, tous  ces  aliments  lui  étaient  fort  nui- 
sibles. Il  y  renonça  donc ,  se  borna  unique- 
ment à  ceux  qui  convenaient  le  mieux  à 
son  tempérament,  et  il  en  usa  encore  avec 
tantde  modération, qu'il  demeurait  toujours 
au-dessous  de  son  appétit.  11  en  vint  à  ne 
prendre  que  douze  onces  de  nourriture  par 


jour.  Avec  ce  régime  Jl  fut  en  peu  de  temps. 
si  parfaitement  guéri  de  tout  ce  qu'il  souf- 
frait ,  que  son  rétablissement  parut  aux 
médecins  une  sorte  de  miracle.  A  force  de 
continuer,  il  réussit  à  recouvrer  toute  la 
vigueur  et  toute  la  santé  qu'il  avait  perdues 
depuis  tant  d'années.  En  butte  à  toutessorles 
de  vexations  de  la  part  de  quelques  ennemis 
gni  lui  suscitèrent  un  procès  contre  toute 
justice,  il  soutint  cette  épreuve  jusqu'au 
bout.  Quelques-uns  de  sesaniis,  au  contraire, 
dépositaires  et  compagnons  de  ses  peines, 
en  ressentirent  un  chagirin  auquel  ils  suc- 
combèrent enGn,  après  avoir  lutté  quelque 
temps  contre  la  maladie  de  langueur  et  de 
consomption.  Chose  étonnante,  tout  le  far- 
deau  pesait  sur  lui  principalement,  etcepcn* 
d«ntsa  ssDté  n'en  rut  point  altérée;  ce  qu'il 
attribuai  la  bonté  naturelle  de  son  tempé^ 
rament  qui,  délivré  une  fois  des  humeurs 
vicieuses  que  son  corps  avait  contractées, 
reprit  de  lui-même  ses  premières  forces,  et 
triompha  des  impressions  de  la  mélanrolie, 
q-ue  ses  amis  ne  purent  vaincre.  A  Tâgede 
soixante-dix  ans,  sa  voiture  ayant  versé,  il 
fut  blessé  grièvement  à  la  tête  et  dans  toot 
le  corps»,  jusque  là  qu*il  eut  un  bras  et  une 
jatnbe  disloqués.  Les  médecins»  qui  ne  loi 
donnèrent  que  trois  ou  quatre  jours  de  fie, 
opinèrent  pour  la  saignée  et  la  purgalioD;i! 
sy  opposa,  déclarant  que  son  genre  de  rie 
sobre  et  modéré  le  dispensait  de  recourir  *t 
ces  remèdes;  il  voulut  seulement  qu*un  Ici 
remtt  le  bras  et  la  jambe,  et  qu'on  oign:: 
d^uile  tout  son  corps,  ce  qui  le  guer.: 
entièrement,  et  vérifia  le  proverbe  itai  r  : 
«  Mange  beaucoup  qui  mange  peu,  mm  i 
propos  ;  mangere  pîu,  qui  mancho  numgu.» 
et  encore  :  «  Ce  qui  reste  sur  le  plat  ;r  i: 
plusquece  qui  entre  dans  le  corps;/a;-i 
pro  quer  che  si  lascia  sut  iondo ,  dû  fM 
che  si  met  net  ventre,  »  Cornaro  dati  si 
soixante-quinzième  année,  se  laissaDln:- 
ere  aux  instances  de  ses  amis  ,  ajouu  icn 
onces  par  jour  à  sa  nourriture  ordiri*- 
Us.jugeaient  cette  addition  nécessaire  i  *  : 
grand  Age.  Il  prenait  donc  chaque  joork:' 
onces  d*alimeuls  pesés  dans  la  balac:^  ;. 
consistaient  partie  en  pain  et  bo 
patie  en  œufs  ou  un  peu  de  chair.  Ai 
de  quatorze  onces  de  boisson,  il  eo  :rE 
seize.  Ce  prétendu  soulagement  loi  :t'  • 
funeste.  En  dix  jours  de  temps,  qz  :■ 
eût  conservé  j'usque  là  toute  sa  gaîfti  i- 
relle,  il  tomt>a  dans  une  mélancolie  :• 
rendit  insupportable  aux  autres  H 
niôme:  le  douzième  jour,  il  fut  sxis.. 
douleur  de  côté,  et  deux  jours  Mprta^  -^" 
que  d*une  fièvre  qu^il  garda  jusqu'il  *  - 
cinquième;  il  n'er\  fut  guéri  encort  r^' 
son  premier  régime.  Dès  lors  i:— '- 
douze  onces  de  nourriture  et  à  qshi  ~ 
boisson.  C'est  hii-mëme  qui  noa^tty' 

au'à  la  faveur  de  celte   règle*  ^* 
t  ensuite  une  loi  invariable,  il  vr:- 
jours,  depuis  cette  époque,  d«:ï&  ^r  • 
faite  liberté  d'esprit,  et  sans  aucsri  -  - 
dans  le  corps.  A  quatre-vingt-tn  i*  ^ 
montait    aisément   à  cheval,  sc-^  • 


teo 


IfASGETISME. 


leo 


V^ 


I 

if  ' 


besoin  a  aucoo  secours  pourVappojer,  ni 
de  marchepied.  On  ne  le  voyait  jainais  ef- 
frayé, ni  de  ia  hauteur  des  étages  dans  les 
naisons,  ni  de  celle  des  collines  dans  les 
campagnes  ;  il  montrait  toujours  une  humeur 
é^Ie  et  eojouéoi  se  plaisait  dans  la  ooo'^ 
Tersation  des  hommes  de  lettres,  lisait  et 
écrirait  beaucoup  ;  vivant  ta.nt6t  à  Padone 
oi^  il  possédait  une  grande  maison  et  de 
beaux  jardins  ;    taotAt   h   quelqu'une  de 
ses    maisons  de    campagne.    Ses   heures 
d'amusement  étaient  employées  &  des  plans 
d'architecture,  à  peindre,  h  faire  des  pièces 
de  musique,  è  ragriculiure,  à  faire  dessécher 
des  marais»  à  construire  des  églises,  et  h 
j  rassembler  les  personnes  pieuses  |iour  y 
faire   honorer  Dieu   par  la  prière.  Dans  sa 
qu3tre-vinçt-cinquième  année*  il  composa 
une  comédie  pleine  de  feu  et  de  traits  d'es- 
prit. Il  fit  aussi  un  Traité  sur  la  iempértmetf 
où  il  fait  son  histoire.  Il  avait  alors  onze 
petits  fils,  tous  jouissant  d*une  parfaite  santé, 
cnfanis  de  même  frère  et  de  même  mère. 
Tant  qu'il  vécut ,  il  continua   d'avoir  un 
bon  sommeil,  et  conserva  avec  toutes  ses 
facultés  spirituelles  la   même  vigueur  de 
corps  ;  car  toute  sa  vieillesse  se  passa  sans 
aucune  maladie,  jusqu'à  celle  qui  Tenleva 
à  Padoue  en  ISSS,  et  qui  fut  de  très-courte 
durée,  comme  presque  sans  douleur.  Sa 
mort  fut   si   paisible ,  et  il  la  reçut  avec 
tant  de  calme,  tant  de  sérénité,  étant  plus 
cjue  centenaire,  que  loin  d*avoir  rien  d'ef- 
frayant, elle  ne  parut  rien  autre  chose  qu'un 
doux  passage  à  rimmortalilé.  (Foy.  son  ou- 
wrage  sur  ta  tempérance,  traduit  en  latin 
par  Lessius,  et  le  récit  que  fait  de  sa  vie 
DeTaoc;  Uû/.,  t.   XXXVlll;  JiSTnuici 
et  Bekbi,  Uiii.  veniL^  etc.)  Son  épouse,  qui 
n'était  pjs  moins  âgée  que   lui,    lui  sur-* 
vécut. 

Léonard  Lessius,  savant  jésuite,  avait  été, 
dans  sa  jeunesse,  abandonné  par  les  méde- 
cins, tant  il  dépérissait  de  jour  en  jour  et 
donnait  peu  d'espoir  de  se  rétablir;  mais 
ajant  pris  pour  modèle*  du  moins  en  quel- 
que degré,  la  sobriété  de  Coroaro,  et  sui- 
vant avec  exactitude  le  régime  toujours  égal 
de  sa  communauté,  il  reprit  tellement  ses 
forces,  et  peu  à  peu  devint  si  vigouroux 
iresprit  et  de  corps,  qu'il  vécut  soixante- 
neui  ans.  Il  mourut  à  Louvain  en  1623;  on 
a  de  lui  un  ouvrage  sur  le  moyen  de  con« 
server  sa  santé  et  de  vivre  longtemps,  dans 
lequel  il  fait  voir  que  la  tempérance  est  la 
mère  de  la  santé,  et  garantit  de  beaucoup 
d'indispositions  et  d'infirmités  qui  naissent 
de  la  plénitude  d*bumeurs  ou  de  mauvaises 
digestions;  outre  qu'elle  rend  les  meurtris- 
sures et  autres  accidents  extérieurs  moins 
dangereux,  adoucit  les  maladies  incurables, 
diminue  les  souffrances  qui  précèdent  la 
mort,  modère  les  passions,  maintient  la 
bonne  disposition  du  corps  et  des  sens,  mais 
plus  encore  la  vigueur  de  l'esprit  et  de  la 
mémoire.  Bile  est  enfin  le  fondement  et  la 
base  de  la  vertu,  comme  l'observe  Gassien. 
(Lfb.  V  Ik  Gasirimargiaf  c.  ii  et  17.)  Aussi 
tous  les  saints  qui  ont  travaillé  à  construire 


la  tour  spirituelle  de  la  perCBdioo  évangéli«> 
que  ont  commencé  par  devenir  sobres. 
{Voyex  Lessius  De  valetudine  iueuda;  Alb- 
«AMBB,  De  Mcripioribus  i%  socieiaiig  m  Let- 
jno.)  Il  en  coûte  d'abord  pour  contracter  l'h^ 
bitude  de  cette  vertu  et  pour  surmonter  l'ha- 
bitude contraire;  mais  celle  ci  est-elle  une 
fois  vaincue,  on  est  bien  récompensé  de  ses 
efforts  par  le  plaisir  qu'on  goûte  h  se  trou- 
ver roattre  de  ses  sens,  et  par  les  fruits  in- 
comparables qu'on  en  relire.  Non-seulement 
la  tempérance  conserve  la  santé  et  rend  le 
besoin  d'appeler  les  médecins  fort  rare  ;  mais 
la  plupart  des  indispositions,  surtout  celles 
qui  viennent  rie  replétion,  se  guérissent  par 
le  jeûne,  de  tous  les  moyens  de  décharger  la 
nature  et  de  les  soulager,  le  plus  facile  et  le 
plus  naturel.  La  nature  toute  seule  est  ca» 
pablede  réparer  les  forces  qu'elle  a  perdues, 
et  de  rétablir  l'usage  des  facultés  corporelles. 
L'art  des  médecins  sert  uniquement  à  lever 
des  obstacles  qui  empêchent  l'exercice  de 
ses  fonctions,  et  retardent  la  guérison  du 
malade.  Ordinairement  jeûner  un  ou  deux 
jours  équivaut  h  une  médecine,  et  ^érit 
d'une  manière  tout  à  la  fois  plus  salutaire  et 
plus  efficace.  Entre  t>eaucoup  de  personne* 
d'une  vie  très-réglée  que  j'ai  connues,  j'en 
ai  vu  un  grand  nombre,  surtout  dans  les  cou- 
vents,  parvenir  i  une  grande  vieillesse, sana 
avoir  jamais  en  besoin  du  secours  des  apo- 
thicaires et  des  médecins.  Elles  s'étaient  fait 
une  loi ,  quand  elles  se  sentaient  indispo- 
sées, de  s'abitenir  île  leur  Aourrilure  ordi- 
naire un  ou  deux  jours,  et  même  plus,  jus- 
qu'à ce  qu'elles  eussent  recouvré  leur  |ire- 
mier  état.  Si  quelquefois  les  austérités  ont 
épuisé  de  bous  tempéraments,  il  faut  en 
cnercher  la  cause  ou  dans  des  jeûnes  exces- 
sifs, ou  dans  des  circonstances  particulières, 
comme  une  mauvaise  nourritiire ,  un  chan- 
gement trop  subit  de  la  manière  de  se  gou- 
verner, rbumidité  du  lieu  qu*on  aura  habité 
(chose  toujours  dangereuse),  trop  peu  de 

{précautions  dans  le  passade  du  ch«.nd  an 
roid,etc.  C'est  dans  les  communautés  régu- 
lières ce  qu'on  remarque  le  plus  souvent  à 
l'égard  des  personnes  qui,  nées  avec  une 
constitution  vigoureuse,  parviennent  à  uoe 
grande  vieillesse,  sans  perdre  rien  ou  près- 
que  rien  de  leur  ardeur  et  de  leur  vivacité 
naturelle. 

On  sait  combien  était  austère  la  vie  des 
ermites  de  l'Egypte  et  de  la  Palestine.  Quel- 
ques-uns se  coutentaient  d'une  petite  quau- 
bté  de  fruiU,  d'herbes  ou  do  légumes; 
d'autres  d'un  peu  de  pain.  L'abbé  Moïse, 
après  'avoir  mûrement  pesé  les  différentes 
r^es'  monastiques,  soit  en  elles-mêmes, 
soit  dans  l'expérience  qu'on  en  avait  faite, 
donna  la  préférence  h  celle  qui  accordait  à 
chacun  par  jour  deux  biscuits  ou  deux  petits 
gâteaux;  ce  qui,  pris  ensemble,  faisait. à 
peine  une  livre,  poids  de  ^oae  onces,  sans 
aucun  assaisonnement,  ni  autre  nourri turcf 
et  qui  plaçait  le  repas  è  none,  c'est-à-diro 
à  trois  heures;  et  aux  jours  de  jeûne,  au 
coucher  du  soleil.  {Voyez  Cassieh,  Insiitui.t 
c.  f  9, 21,  etc.)  Que  la  diète  soit  un  remède 


VA 


JEU 


mCnONNAIRK 


JEU 


K^ 


fénéml  contre  les  maladies  les  plos  commo- 
nes,  et  mdme  contre  les  plus  funestes  indis» 

I positions,  que  Tabstinence  et  la  tempérance 
a  plos  slricle  soii  la  mère  de  la  saïUé  et  le 
plus  sftr  moyen  de  prolonger  ses  Jours, 
c^estce  que  dénionlre  i'eipérience  de  tous 
les  Ages  et  de  toutes  les  nalions;  expérience 
k  laquelle  se  joint  le  témoignage  et  ropinion 
Jetons  les  médecins.  Il  faut  observer  toute  fois 
que  le  changement  dans  la  manière  detivre 
ne  doit  pas  être  subit,  mais  graduellement 
ménagé.  Ceux  qui  ont  vécu  dans  l'abocH 
dance»  et  qui  devenus  sobres,  sont  exposés  à 
«*écarler  quelquefois  de  leur  régime  i  en 
vivant  dans  ie  monde,  agiront  prudemment 
de  se  borner  aux  végétaux,  ou  de  se  près* 
crire  une  sorte  de  régime  habituel.  C'est  la 
remarque  du  docteur  Arhuthoot  contre  les 
préceptes  rigoureux  du  docteur  Cheyne. 

Candilioni  qui  doivent  accompagner  h 
jeûne.  — 1*  L'aumône.  Le  jeûne  pour  opérer 
tout  son  fruit,  ne  doit  jamais  ôtre  seul,  nous 
devons  autant  que  possible^  y  joindre  Tatt** 
roône,  la  prière,  et  autres  bonnes  œuvres 
dont  nous  sommes  capables.  Rien  n'a  plus 
de  vertu  pour  toucher  le  cœur  de  Dieu  el 
iiQus  obtenir  ses  grâces  en  abondance,  que 
d^ouvrir  nos  mains  aux  indigents,  pour  re*« 
oonntttre,  honorer  et  imiter  sa  bonté  infliniey 
€ft  de  répandre  dans  leur  sein  une  partie  des 
iiicns  temporels  que  nous  avons  reçus  de  sa 
libéralité;  c*est  là  comme  la  clef  do  sts  tré« 
sors.  Voulons*nous  solliciter  ses  miséricoN 
des,  commençons  par  exercer  la  miséricorde 
envers  nos  frères,  et  montrons  an  tendre 
empressement  à  les  soulager  dans  leurs 
besoins.  Dieu  veut  bien  régler  sa  propre 
conduite  sur  la  nôtre,  et  il  est  généreux  k 
notra  égard  h  nroportion  de  notre  générosité 
envers  le  jirocnain;  et  en  vérité,  nous  con* 
viendrait-il  d'implorer  la  clémence  du  Dieu 
tout'^puissant  et  tout  bon,  si  nous  n'avions 
que  de  l'insensibilité  et  de  la  dureté  pour  les 
autres?  L*ange  qui  ap^^rut  k  Corneillet 
lorsqu'il  jeûnait,  lui  annonça  que  Dieuavait 
vu  ses  aumônes,  et  entendu  ses  prières  avec 
complaisance.  Ce  fut  k  la  faveur  de  celles-ci 
et  k  la  générosité  de  celles*lk,  jointes  au 
mérite  oe  ses  jeûnes,  qu'il  dût  le  miracle  par 
où  il  fut  conduit  k  la  connaissance  de  Jésus- 
Christ  et  k  la  lumière  de  la  foi;  choisi  de 
Dieu  comme  pour  être  les  nrémices  do  la 

{[•'Utilité  incorporée  k  son  Rglisc,  et  ouvrir 
es  portej  du  salut  k  toutes  les  nations 
étrangères  nui  n'étaient  pas  de  la  race  d*A«* 
braham.  Toiite,  dans  les  instructions  qu'il 
laissa  k  son  Gis,  s'étend  particoliàremeili 
sur  la  nécessité  de  faire  l'aumône,  et  sur  les 
grands  fruits  qu'on  en  retire.  L'ange  qui 
conduisit  ie  jeune  Israélite  dans  le  pays  des 
Mèdes,  lui  recommanda,  après  son  retour, 
de  ne  )Miaia  séparer  rauroône  du  jeûne  et 
de  la  priévB.  Son^nez'toue^  lui  dit-il,  fut  to 
prttre  aeieêmpÊgnée  du  jeûm  ei  de  f  aumône 
taul  miimm  qm  iauêlu  tréêarêf  aar  Vaumdn^ 
délivre  de  la  «lerl,  e^eet  eile  fut  efface  lee 
péehéê  ei  aui  fait  trouver  la  nmérieorde  et  la 
vie  étemelle.  C'est  encore  la  seule  espèce  de 
jèûuv  k  laquelle  Isaie  promet  le  suffrage  de 


Dieu  et  ses  récompences  ;  aussi  l'Eglise  non,, 
exborte-t-elle  k  la  pratiquer  fidèlement,  par 
les  paroles  de  ce  prophète  :  Rompex  totrt 

riin  â  ceuœ  qui  ont  /oim,  ouvres  votre  mttton 
ceux  oui  ioni  pauvres  ei  ne  savent  eu  $t  n 
iirer;   toreque  voue  verres  un  honme  nuy 
eouvrex-le^  ei  ne  méprieez  pue  votre  profrt 
chair.  Hermas,  qui  écrivait  peu  rie  temps 
après  les  apôtres,  dit  que  :  t  Tout  ce  qu'on 
épargne  en  jeûnant  doit  être  la  part  des  paa- 
vres.  »II  ajoute  i  «  Si  vous  observes  )ojeAn« 
comme  je  vous  le  prescris,   votre  sacrifice 
sera  agréable  au  Seigneur,  et  voire  jeûne 
sera  écrit  au  livre  de  vie.  •  Celte  maxîœed? 
donner  aux  pauvres  ce  qu^on  relrauche  de  sa 
nourriture,  ou  l'argent  qu'on  épargne  aux 
iours  de  jeûne,  es»t  souvent  inculquée  dans 
les  écrits  des  saints  Pères  et  dans  les  actis 
des  conciles,  jusqu'au  ttt*  siècle  et  plus 
loin,  c'est-'^-dire  jusqu'k  ee  que  la  délica- 
tesse et  la  sensualité  ayant  fait  de  nos  tables 
autrefois  dressées  pour  le  besoin,  des  tahKs 
de  luxe  et  de  plaisir,  ont  converti  des  jours 
de  frugalité  et  d'économie  en  des  jours  de 
prodigalité,  tant  on  fait  en  s'abstenant  delà 
cbair,  de  folles  dépenses  pour  se  satisfaire 
encore  plus,  souvent,  que  si  on  ne  faisait 
pas  d*ai)Stinence.  Les  Pères  de  l'Eglise  Toi.t 
môme  jusqu'à  dire  que  lo  jeûne  nous  est 
presque  inutile  sans  l'aumône,  dès  que 
nous  pouvons  la  faire,  a  Jeûnev-vous  sans 
donner  l'aumône,  dit  saint  Chrysostoroe, 
dès  lors  ce  n'est  plus  un  jeûne.»— «Le 
jeûne   sans  l'aumône,    dit  saint  Césaire 
d'Arles,  est  un  jeûne  sans  fruit  et  sans 
mérite,  k   moins  que  vous  n'ayez  rien  i 
donner,  car  alors  la  bonne  volonté  suffit  d^ 
vant  Dieu.  »  Lo  savant  et    pieux  Théodul- 

[>he,  évèque  d'Orléans,  tient  le  niémelaogBge, 
orsqu'il  dit.  «  Quels  avantages  peut-on  tirer 
du  jeûne  s*il  n'est  pas  soutenu  et  comine 
porté  au  trône  de  Dieu  par  les  ailes  de  la 
prière  et  de  l'aumône?  »  Et  dans  un  aotre 
endroit,  voici  comme  il  décrit  la  noanièra 
d'observer  le  ieûne  du  carême.  Après  sToir 
dit  que  ce  n  est  point  remplir  la  loi  da 
jeûne  de  manger  k  l'heure  de  none,  ou  de 
prendre  quelque  nourritlire  avant  le  soir, 
il  ajoute  :  «  Que  tous  assistent  le  matioà  la 
messe,  et  k  vêpres  au  cDucher  du  soleil i 
qu'ils  fassent  ensuite  leur  aumône,  et  qu'ils 
prennent  leur  réfection  :  quelqu'un  ne 
peut-il  aller  k  vêpres,  qu'il  fasse  la  prière  da 
soir,  et  prenne  son  repas.  Ceux»  dit  sslni 
Léon  (et  c'est  la  doctrine  des  autres  Pères )i 
ceux  qui  ne  peuvent  observer  le  jeûne  dans 
toute  son  étendue,  sont  obligés  de  réparer 
oe  défaut  en  doublant  la  mesure  deleur^ 
aumônes.  » 

2*  La  prière,  La  seconde  vertu  qui  doil 
accompagner  lo  jeûne,  et  la  plus  essentielle 
de  toutes,  c'est  la  prière,  mais  une  prière 
humble  et  fervente;  c  est,  de  toutes  les  armes 
d'un  saint  pénitent,  la  (dus  puissante  et  \^ 
plus  efficace  ;  e'est^k-dire  qu'on  doit  d'abord. 
s*i1  est  possible,  se  rendre  assidûment  aui 
offices  publics  de  l'Eglise,  qui  sont  propres 
k  faire  nattre  et  à  nourrir  en  nous  les  dispo- 
sitions nécessairospour  sanctifier  nosjeAnes; 


SsS  lEU 

Sue  respril  de  componction  doit  être  TAme 
e  tous  nos  exercices  de  piété  ;  que  nous 
deTODS  employer  plus  de  temps  aui  saintes 
lectures,  è  l'examen  de  notre  conduite  inté- 
rieure et  extérieure,  k  la  considération  des 
deroirs  de  noire  état,  k  la  méditation,  surtout 
à  celle  des  souffrances  de  Notre-Seiçneur, 
donnant  une  attention  toute  particulière  k 
DOS  l>esoins  spiriiuels  les  plus  çressaots,  à 
notre  passion  dominante  et  a  nos  inclinations 
les  plus  dangereuses,  enfin  aux  vertus  que 
Dieu  ou  notre  Tocation  exigent  le  plus  de 
nous.  Le  jeûne  et  la  prière  se  soutiennent 
et  s*entr'aident  muiuellement;  la  prière  en- 
tretient l*esprit  de  pénitence,  et  en(X>urage 
k  porter  aTec joie  leiougdujeûne;  c*est  une 
nourriiure  spirituelle,  qui  donne  de  la  Ti« 
gueur  et  de  la  force  pour  se  priver  de  la 
nourriture  corporelle.  D*un  autre  côté,  le 
jeûne  rend  l'âme  propre  k  la  prière,  en  la 
dégageant  de.loute  attache  aux  ohoses  de  la 
terre,  de  toute  complaisance  pour  les  sens, 
el  de  la  servitude  du  corps;  il  Taccoulume 
a  prendre  son  essor  vers  le  ciel  ;  donne  k 
Tesprit  une  activité  et  une  liberté  merveil- 
leuses,k  l'entendementdes  yeux  clairvoyants 
et  capables  de  pénétrer  les  vérités  les  plus 
impénétrables  aux  yeux  charnels;  lui  soîj- 
met  enfin  la  chair,  tout  impérieuse  qu'elle 
est,  et .  la  rend  mattresse  de  tontes  ses  ré« 
vol  tes;  car  plus  la  chair  est  aBaiblie,  plus 
l'âme  acquiert  de  force  et  décourage  ;  l'âme» 
(  nfin,  se  voit-elle  affligée  par  les  cliâtiments 
dont  la  justice  divine  use  souvent  pour  pu- 
nir notre  chair,  .elle  se  répand  alors  avec 
plus  de  ferveur  en  sentiments  de  regrets 
et  de  repentir,  en  humbles  gémissements* 
en  prières  enflammées  par  la  charité  la  plus 
tendre  ;  c'est  alors  que,  s'élançant  vers  Dieu, 
•Ile  le  conjure  de  jeter  un  regard  Civorable 
sur  ses  misères;  elle  le  fait  dans  ce  langage 
héroïque  d'un  cœur  vraiment  pénétré  de 
l'esprit  de  sacrifice,  et  prêt  k  tout  souHrir 
pour  sa  gloire. 

3*  Le  reeueUtemmi  si  la  soliiuie.  Notre- 
Seigneurs^est  caché  lui-même  dans  le  désert, 
pour  nous  montrer  quelle  doit  être  la  vie  do 
ceux  qui  veulent  se  raogeravec  ses  disciples, 
c'est-à-dire  pour  leur  apprendre  k  s'éloigner 
du  monde  et  k  se  cacher,  en  quelque  sorte, 
dans  la  solitude,  pour  y  vaquer  k  la  péni- 
tence et  k  la  prière.  Il  n'est  personne  qui 
ne  paisse  se  ménager  de  temps  en  temps, 
surtout  le  dîmanche*  assez  de  loisir  pour 
s'appliquer  aux  œuvres  spirituelles,  et,  dans 
le  cours  même  de  son  travail,  prendre  quel- 
ques moments  de  silence  et  de  repos,  ne 
serail-c^  que  pour  élever  son  cœur  k  Dieu 
et  former  qaeiqnes  saintes  aspirations:  la 
solitode  est  l'asile  de  rinnocence;  c'est  k 
son  ombre  que  k  vertu  a  cherchéy  ctaos  toa^ 
les  temps,  k  se  mettre  k  couvert  de  la  conia- 
gioo  du  siècle  ;  c'est  Ik  où  on  recouvre  la 
grâce,  si  on  a  eu  le  malheur  de  la  perdre, 
el  où  elle  prend  tous  les  jours  de  nouvelles 
forces;  c'esl  le  paradis  terrestre  où  l'âme 
converse  librement  avec  Dieu  et  respire  l'air 
pur  du  del;  c'esl  le  s^our  après -lequel 


D*ASCmsilfc 


doit  soupirer  tout  Cfarétieni  dans  les  temps 
de  prière  et  de  péuit  nce.  Ces  saints  solitaires 
et  ermites  qui,  séparés  du  monde*  vivaient 
moins  comme  des  hommes  que  comme  des 
aoçes,  s'enfonçaient  bien  avant  dans  Ij  re 
traite;  ils  s'ensevelissaient  pour  ainsi  dire 
dans  les  irous  des  rochers  ou  dans  les  forêts 
les  plus  épaisses,  pour  se  rendre  Inacces* 
sibles  k  toutes  sortes  de  visites  et  de  distrac- 
tions du  dehors.  Témoins  saint  Siméop  Sly« 
lite,  saint  Euthvmius,  saint  Cuthbert  et 
autres,  dont  le  vénérable  Bède  nous  dépeint 
la  conduite;  et  combien  d'exemples  sem- 
blables, soit  dans  l'Orient,  soit  dans  IXH;ci* 
denlT  Témoins  encore  les  règles  de  tous  les 
ordres  religieux,  quoique  tous  ne  portent 
pas  l'esprit  de  retraite  au  même  degVi^  de 
perfection,  et  ce  qui  se  prati<}ue  encore  au- 
jourd'hui dans  les  congrégations  réformées 
de  Cluny,  du  Hont-Cassin,  de  Saint-Vannes^ 
de  Saint-Maure,  etc. 


4*  La  canfeaion  et  la  cesmimiafi.  Sous  le 
nom  d'auniAnes  sont  comprises  toutes  les 
œuvres  de  miséricorde  et  toutes  les  autres 
veri'js  qui  ont  le  prochain  pour  olifet»  selon 
la  doctrine  universelle  des  saints  Pères» 
comme  sous  le  nom  de  prières,  tous  led 
exercices  de  piété  et  de  religion,  surtout  la 
confession  et  la  commumoo  fr^uentes^ 
avec  de  saintes  dispositions. 


Dîfpositiane  iniérieuree  pour  le  jeûne,  — 
Nos  jeûnes  sont  saints  et  méritoires  devant 
Dieu ,  k  proportion  des  dis|K>sitions  du 
cœur  dans  lesquelles  nous  les  pratiquons. 
Car  ils  peuvent  être  des  vices  ou  des  vertus, 
selon  Kintention  qui  les  accompagne  ou  le 
motif  qui  les  inspire.  Le  jeûne  des  religieux 
mahomélans  est  superstition;  celui  des 
brachmanes  indiens  est  idolâtrie  ;  celui  d'S 
pharisiens  était  vanité  et  hypocrisie;  celui 
des  avares,  nui  regrettent  le  pain  qu'ils 
mangent,  est  bassesse;  celui  du  (;ourmandt 
qui,  esclave  de  son  corps,  ne  jeûne  que 
pour  jouir  plus  amplement  du  plaisir  de  la 
table  dans  un  festin,  est  gloutonnerie  dé« 
gradante.  C'est  en  jeûnant  par  esprit  d'o- 
béissance, de  religion  et  de  pénitence,  qu'on 
ennoblit  son  jeûne»  et  qu'on  s*enrichit  des 
grands  biens  qu'apportent  avec  elles  ces 
trois  vertus.  Mous  devons  en  premier  lieu, 

{'eûner  en  esprit  d'obéissance  k  Dieu  et 
i  son  Eglise.  En  second  lieu,  pour  former 
nos  âmes  k  la  prière  et  k  la  contemplation, 
faire  de  nos  corps  de  pures  victimes  d'a- 
mour, d'adoration  et  ue  louanges  qui  ne 
vivent  plus  que  pour  sa  gloire.  Nous  devons 

{'eûner  enfin  pour  soumettre  la  chair  k 
'esprit,  la  réduire  en  sertitude,  et  punir 
dans  la  chair  les  péchés  que  nous  avons 
commis  par  la  chair.  C'est  surtout  l'esprit 
de  pénitence  qui  doit  caractériser  nos  jeûnes; 
c'est  de  Ik  que  dépend  tout  le  prix  dé  nos 
confessions,  de  nos  prières,  de  nos  sacri- 
Dces,  de  nos  aomûnes,  de  nos  privations» 
en  un  mot,  de  tontes  nos  œuvres. 

Premier  degré  de  pénitence  :  renoncer  sa 
péché.  —  Le  premier  degré  de  cet  esprit 


9U 


l£U 


blCTlONNAlRK 


lEU 


de  pénitence,  et  la  première  condition  né- 
cessaire pour  sanctifier  nos  jeûnes,  c*est  de 
renoncer  entièrement  au  péché,  et  de  faire 
mourir  famour  déréglé  de  nous-mêmes, 
source  empoisonnée  de  toutes  nos  passions 
et  de  tous  les  désordres  dé  noire  esprit.  Les 
pharisiens  jeûnaient,  et  ils  jeûnaient  très- 
sévèrement;  mais  leursjeûnes  étaient  infectés 
du  vice  de  l'hypocrisie;  et  l'orgueil  et  la 
corruption  du  cœur  qui  les  accompagnaient 
en  faisaient  moins  des  Œu?res  de  salut,  que 
des  œuvres  de  réprobation  et  de  mort, 
comme  on  le  voit  par  les  menaces  terribles 
que  leur  adressa  Jésus-Christ. 'Des  Juifs 
avaient  jeûné  et  affligé  leurs  corps  dans  les 
temps  de  calamité  ;  lorsqu'ils  se  plaignaient 
que  Dieu  rejetait  leurs  prières  ,  la  réponse 
que  Dieu  leur  fit  était  un  i^proche  sévère, 
mais  juste.  «  Je  ne  vous  ai  pas  exaucés,  leur 
dil-il  dans  Isaïe,  parce  que  votre  propre  vo- 
lonté se  trouve  aux  jours  de  vos  jeûnes, 
comme  en  tout  autre  temps.  Vous  jeû- 
nez, et  aveuglés  par 'l'orgueil  et  poussés 
par  votre  avarice,  vous  violez  la  charité  en 
suscitant  contre  vos  frères  des  procès  pleins 
d'injustice.  Au  lieu  de  les  traiter  avec  bonté, 
vous  les  frappez  avec  une  violence  impi- 
toyable; vous  opprimez  ceux  aue  vous  de- 
vriez soulager;  vous  formez  K*5  soupçons 
les  plus  téméraires;  vous  calomniez,  vous 
déchirez  en  secret  les  innocents;  vous  nour- 
rissez en  vous-mêmes  la  haine,  la  colère, 
Tesprit  de  vengeance;  vous  vous  laissez 
aller  à  toute  l'impétuosité  de  vos  désirs 
corrompus;  esclaves  de  Tinlempérance,  de 
l'impureté,  de  l'animosité,  de  l'ambition, 
vous  êtes  dominés  par  tous  les  vices.  Est-ce 
là  le  jeûne  que  je  demande?  »  —  «  Vous 
jeûnez,  dit  saint  Jérôme,  quel  peut  donc 
ôlre  le  mérite  de  votre  jeûne?  C'est  plutôt, 
dit-il  ailleurs,  un  martyre  de  vanité  qu'une 
œuvre  de  pénitence  ;  que  les  philosophes 
insensés  du  paganisme  se  glorifient  d'un 
tel  martyre.  Dieu  l'a  dit  :  Mon  esprit  ne  re- 
pose que  sur  celui  qui  est  doux  et  humble 
de  cœur.  »  —  «  Eht  que  sert  à  l'Ame,  s'écrie 
saint  Léon,  de  gouverner  le  corps,  de  ré- 
gner sur  les  sens,  tant  qu'elle  est  esclave 
dans  le  cœur?  Tandis  qu'elle  retranche  la 
nourriture  au  corps,  ne  faut-il  pas  qu'elle 
retranche  les  vices  qui  l'entraînent,  qu'elle 
méprise  SCS  mouvement;  déréglés,  qu'elle 
modère  ses  affections,  qu'elle  règne  sur 
elle-même.  »  C'est  là,  dans  le  langage  des 
Pères,  le  JL'ûne  spirituel,  le  premier  jeûne, 
le  jeûne  essentiel,  le  jeûne  ^perpétuel  et 
indispensable  de  toute  la  vie,  de  tous  les 
temps  et  de  tous  les  âges;  jeûne  qui  exige 
de  nous  un  redoublement  d'application  et 
de  vigilance  sur  nous-mêmes  dans  les  jours 
de  pénitenca.  «  Et  en  vain,  dit  Sainf  Au- 
gustin, chercherions-nous  à  alléguer  ici  des 
excuses  en  notre  faveur,  puisqu'il  ne  s*agit, 
pour  satisfaire  à  celte  obligation,  que  de 
le  vouloir.  »  C'est  donc  à  dire  que  tous  nos 
membres,  nos  yeux,  nos  pieds,  nos  mains, 
que  tous  nos  sens,  toutes  nos  facultés,  tout 
ce  qui  fait  partie  de  nous-mêmes,  doit 
prendre  part  à  ce  jeûne  spirituel  et  inté-. 


rieur,  en  évitant  non-seulemeol  le  péci:\ 
mais  toute  occasion  de  péché.  Il  sagit  de 
contenir  cette  vaine  curiosité  qai  Dons  ei- 
pose  sans  cesse  à  tomt>er  dans  les  pièces 
que  le  démon  nous  tend  de  toutes  parts,  en 
la  renfermant  dans  les  objets  qui  font  partie 
de  nos  devoirs,  ou  qui  sont  de  naturel 
nous  perfectionner  dans  la  coanaissaoce  et 
Tamour  de  Dieu,  ou  du  moins  eo  ne  s'ap- 
pliquant  qu'à  des  choses  sérieuses,  a.ilesk 
capables  de  nous  conduire  à  lui.  iPs  agit  de 
tenir  notre  ima^^ination  et  nos  pensées  daos 
une  salutaire  indépendance  de  la  raisrn; 
d'en  arrêter  iMnterapérance  par  un  recueil- 
lement et  une  sobriété  habituMIe  de  Pes- 
prit,  sans  jamais  la  laisser  courir  et  s'^rtr 
ni  sur  les  objets  qui  flattent  la  vanité,  l'ain 
bition,  la  cupidité  ou  les  autres  passions, 
ni  sur  ceur  qui  entretiennent  rindoleoce, 
la  paresse  et  la  dissipation.  II  s'a^t  sur- 
tout de  courber  et  de  réduire  la  voloDlé 
sous  le  joug  de  l'obéissance,  pour  détruire 
et  crucifier  cette  attache  à  nos  propres  in- 
clinations, qui  est  le  principe  ue  notre  or- 
gueil, et  comme  la  racine  empoisounée  de 
tous  nos  vices. 

Ne  croyons  pas  que  tout  cela  salEse  en- 
core pour  remplir  notre  devoir  dans  loul^ 
son  étendue;  car,  outre  les  facultés  de  notre 
Ame,  nous  avons  encore  nos  sens  à  régler  et 
à  maintenir  dans  Tordre;  nos  jreui.enne 
leur  permettant  pas  de  s'égarer  incoosidéré- 
ment  çà  et  là,  ni  de  jeter  des  regards  indis- 
crets et  dangereux,  mais  en  les  gouvernant 
de  telle  sorte  qu'ils  demeurent  toujours  sous 
Temnire  de  la  volonté,  dirigée  elle-mênie 
par  la  raison;  le  sens  du  toucher,  eo  nous 
gardant  bien  de  tout  ce  qui  ressent  la  mol- 
lesse et  la  volupté.  Il  en  doit  être  de  mêmd 
des  autres.  Si  nous  les  accoutumons  à  porter 
le  joug  d*une  subordination  juste  et  raison- 
nable, nous  parviendrons  à  nous  eo  rendre 
les  maîtres,  et  peu  à  peu  nous  acquerrons 
sur  nos  passions  un  empire  qui  ne  fera  que 
croître  à  mesure  que  nous  avancerons  vers 
le  tertne  de  notre  carrière.  €*est  particuliè- 
rement sur  notre  passion  dominante  qua 
notre  vie  doit  se  porter,  et  sur  celles  de  nos 
inclinations  qui  nous  ont  fait  tomber  le  plus 
souvent  dans  le  précipice  ;  soit,  par  eietn- 

f>le,  que  ce  soit  la  colère,  la  vanité,  Tindo- 
euce,  Tintempérance,  ou  quelqu'aatre  vice 
aussi  funeste.  C'est  une  tnaiiroe  que  les 
Pères  de  TËglise  ne  se  lassent  pas  de  répéter 
dans  leurs  instructions.  «  Jeûner,  dit  saint 
Jérôme,  c'est  principalement  s'abstenir  du 
péché,  car  telle  est  la  fin  de  l'institution  du 
jeûne,  et  tel  doit  être  le  frait  de  toutes  tes 
mortifications  corporelles.  Nous  retranchons 
sur  le  boire  et  sur  le  manger,  pour  compri- 
mer la  concupiscence  de  la  chair,  et  rendre 
le  cheval  plus  soumis  à  son  cavalier.  Qao 
celui  qui  jeûne  apprenne  donc,  avant  toutes 
choses,  à  modérer  sa  colère,  à  être  doux  et 
affable,  à  briser  son  oœur  de  douleur  et  d< 
regret  de  ses  péchés,  à  rejjousser  tout  désif 
déréglé,  à  se  montrer  charitable  à  ses  frères 
et  à  les  édifier  par  de  bons  exemples;  qu  il 
soit  humble,  soumis,  plein  de  mépris  pour 


57 


JEU 


D*A8CETISIiE. 


JEU 


!  gloire  de  ce  siècle.  Le  jeûne,  dit -il  en- 
cre, remet  TAme  dans  le  calme,  en  bannis 
»nt  de  ^'esprit  toute  inquiétude  sur  la 
ournture  du  corps,  source  de  mille  soins 
t  de  mille  pensées  tumultueuses.  Quelle 
raaquiliité  dans  cette  grande  ville  depuis 
lue  tous  ses  mouvements  en  sont  bannis  1 
le  compare  le  calme  et  le  silence  qui  y  règne 
\  celui  des  tombeaux,  et  je  la  compare  elle- 
nêaie  à  une  mère  de  fhmille  chaste  et  sobre, 
}ui  voit  tous  ses  enfants  aussi  chastes  et 
lussi  sobres  qu'elle.  Quand  je  considère,  en 
étant  çà  et  là  mes  regards,  combien  tous  au- 
ourd*bui  sont  différents  de  ce  qu'ils  étaient 
lier,  j'admire  la  force  et  la  vertu  surnatu* 
-eiie  du  ieûne.  Cette  loi  sainte,  en  se  ren- 
Unt  maîtresse  de  nos  Ames,  a  purifié  les 
KBurs  et  transformé  les  esprits  et  les  pen- 
ses des  magistrats  et  des  citoyens,  du  riche 
i  du  pauvre ,  du  çrec  et  du  barbare.  Il  n'y 
1  pas  jusqu'à  celui  qui  porte  le  diadème, 
|ui  no  baisse  la  tète  comme  tous  les  autres 
oos  le  joug  de  l'obéissance  ;  et  aujourd'hui, 
>tus  de  différence  entre  la  table  du  riche  et 
lelie  du  pauvre.  C'est  la  plus  grande  fruga- 
ii4  dans  les  repas,  et  le  luxe  et  le  faste  sont 
Mnnisdepartout,  On  vient  avec  plus  de  plaisir 
asseoir  a  une  table  servie  avec  simplicité, 
[troD  ne  faisait  hier  à  une  table  garnie  des 
itets  tes  plus  délicats  et  des  vins  les  plus 
e cherchés,  » 

Second  degré  de  pénitence  :  L'examen  et 
3  réforme  de  son  intérieur.  —  Le  second 
e^ré  de  l'esprit  de  pénitence,  et  la  seconde 
^^ndition  qui  doit  sanctifler  nos  jeûnes,  e.st 
H  ode  et  la  considération  de  notre  intérieur, 
u  i  comprend  deux  choses  :  la  revue  de 
^>tre  conscience,  la  recherche  de  nosde- 
<>  i  rs.  La  revue  de  notre  conscience  est  un 
lamen  sérieux  et  approfondi,  dans  lequel 
ous  nous  rendons  com{)te  à  nous-méuies 
?  (ouïes  nos  actions  et  de  toutes  nos  in* 
i  nations  déréglées,  pour  découvrir  en  nous 
i^^u'aux  péchés  les  plus  cachés.  Jamais  on 
i'  doit  le  commencer  sans  avoir  imploré 
V  iaruières  de  la  grftce,  et  formé  un  désir 
-<  ^entde  découvrir,  sans  nous  rien  dissimuler 
n  oas-mèmes,  toutes  les  plaies  que  le  péché 
jmis  a  faites,  afin  que,  par  la  sincérité  de 
•r^  repentir,  nous  puissions  trouver  grftce 
i;  très  du  Père  des  misériconics.  Nous  de- 
I  is  ciamitier  quelles  ont  été  les  occasions 
iiiicipales  c^ui  nous  ont  fait  échouer,  pour 
>  éviter  à  l  avenir,  remonter  à  la  source  de 
os  passions  dominantes;  car  c'est  à  elles 
uMt  faut  imputer  tous  nos  désordres.  Sans 
•Me  })récaution,  nous  courons  le  plus  grand 
i^que  de  laisser  nos  cœurs  esclaves  de 
iusieurs  vices  cachés,  et  de  n'avoir  qu'un 
epentir  fort  équivoq^ue  de  nos  égarements. 
fous  ne  saunons  croire  combien  la  plupart 
■^  hommes  s'aveuglent  à  Tégard  de  leurs 
.^^ious  favorites,  et  jusqu'où  ils  se  font" 
;'ii5ipn  sur  l'état  de  leur  âme.  Souvent 
'Mijuur  propre  les  joue  et  les  séduit  jusqu'à 
!•  T'^ber  entièrement  à  leurs  regards  leurs 
no^rais  les  plus  dangereux;  delà,  une 
^  Jul^ence  mortelle  où  il  faudrait  user  de  la 
^^us  grande  rigueur.  Combien  peu  au  moins 

DtcTioNN.  o'AsciTisiiB.  L 


savent  porter  la  sonde  jusqu'au  fono  de 
leurs  plaisirs  I  D'où  il  arrive  qu'au  lieu  d'y 
apporter  les  vrais  remèdes,  ils  se  contentent 
de  les  couvrir  d'un  palliatif  qui  les  tranquil- 
lise, et  que  ce  sont  toujours  les  mêmes  in- 
clinations, tocqours  les  mêmes  vices,  même 
colère,  même  jalousie,  même  vanité,  même 
orgueil,  même  facilité  à  médire,  etc.  Vices 
qui,  loin  de  s'affaiblir,  ne  font  que  croître 
t^us  les  jours,  et  qui  ne  meurent  qu'avec 
celui  qui  lés  a  contractés.  Saint  Bernard 
avait  Dien  raison  de  faire  cette  plainte  : 
«  Sous  les  dehors  de  la  pénitence,  on  est 
souvent  esclave  de  l'amour-propre,  et  par 
l'empire  qu'onlaisseprendre  dans  son  cœur  au 
désir  dès  biens  ou  des  honneurs  du  monde, 
on  devient  idolâtre ,  soit  de  la  cupidité,  soit 
de  l'ambition  et  de  la  vaine  gloire.  Voulons- 
nous  échapper  à  un  si  grand  danger,  portons 
la  cognée  à  la  racine  de  l'arbre,  et  ne  nous 
bornons  pas  à  en  couper  les  branches.  » 

Quant  a  la  recherche  et  à  la  considération 
de  nos  devoirs  respectif^,  et  de  la  manière 

SL'il  nous  les  faut  remplir,  la  meilleure  mé- 
ode  pour  nous  y  appliquer  plus  facile- 
ment et  avec  plus  de  fruit,  c'est  de  réduire 
tous  nos  devoirs  à  certains  chefs,  comme  : 
1*  la  prière  publique  et  les  saints  offices  de 
l'Eglise;  â*  la  pnère  particulière,  soit  de 
chaque  semaine,  soit  de  chaque  jour,  et  à  la 
manière  dont  on  la  fait;  3"  la  méditation  ou 
lecture  spirituelle,  le  sermon,  lé  caté- 
ohisme,  la  sanctification  des  dimanchas  et 
fêtes  ;  k"  l'examen  du  soir,  général  et  particu- 
lier, le  sacrement  de  pénitence  et  le  jeûne  ; 
5*  la  messe  et  la  sainte  communion  ;  O""  l'es* 
prit  dans  lequel  nous  faisons  nos  actions 
ordinaires,  le  lever,  les  repas,  la  conversa- 
tion, les  visites,  la  conduite  dans  les  affaires 
3ue  nous  avons  à  traiter  dans  les  maladies, 
ans  le  travail,  etc.;  7*  les  devoirs  propres  de 
notre  vocation  et  de  notre  état,  surtout 
dans  les  principaux  points  qu'il  faut  exami- 
ner en  détail  et  successivement  ;  8*  les  obli- 
gations à  l'égard  de  notre  famille,  des  père 
et  mère,  des  enfants,  de  l'épouse,  des  do- 
mestiques et  des  maîtres,  des  compa- 
gnons, etc.;  nos  devoirs  généraux  de  justice , 
de  charité,  de  bienséance,  de  gratitude, 
d'assistance,  soit  corporelle,  soi  t  spirituelle  ;|à 
l'égard  du  prochain,  les  personnes  que  nous 
devons  fréquenter  ou  éviter,  le  soin  avec 
lequel  nous  devons  cependant  rendre  à  cha- 
cun le  tribut  d'honneur  que  nous  impose  la 
religion,  enfin  tout  ce  que  nous  avons  à 
remplir,  et  comment  nous  devons  le  remplir. 
Voilà  la  matière  de  l'examen  dont'  nous 
parlons  ;  et  le  moyen  d'en  retirer  du  fruit, 
c'est  (le  former  de  telles  résolu tîons  et  de 
mettre  dans  le  corps  de  nos  actions  un  tel 
ordr^,  que  toute  noire  vie  soil  TEvangile  en 
pratique  et  une  image  de  la  (Perfection  chré- 
tienne dont  Jésus*Ghrist  nous  a  laissé  le 
modèle  dans  sa  personne  et  dans  sa  doc- 
trine. Cet  ordre  pris  une  fois  et  ces  résolu- 
tions bien  établies  dans  notre  volonté,  il 
faut  terminer  cet  exercice  par  les  recom- 
mander à  Dieu,  et  lui  demander  humble* 
ment,  mais  a^ec  confiance  et  persévérance, 

30 


93» 


JEU 


DICTIONNAIRE 


JEU 


MO 


la  grAce  de  les  mettre  fidèlement  en  prati^ 

aue.  EdGii»  il  manquerait  quelque  chose 
'essentiel  à  cet  exercice»  si  de  temps  en 
temps  nous  ne  le  renouvelions  nour  nous 
entretenir  dans  les  dispositions  ou  il  nous  a 
mis^  examinant,  par  exemple,  une  fois  par 
semaine,  si  notre  conduite  répond  au  plan 
que  nous  ayons  formé,  ou  si  nous  ne  nous 
relâchons  point  de  notre  première  ferveur. 
Troisième  degré  de  pénitence  :  l'esprit  de 
componction.  —  Une  autre  partie  de  la  péni- 
tence, ou  plutôt  TAme  de  la  vraie  pénitence, 
c'est  la  componction  du  cœuK  et  la  douleur 
d'avoir  offensé  Dieu,  avec  la  ferme  résolu- 
tion de  ne  plus  l'offenser  à  Tavenir.  Sans 
cette  disposition,  toutes  les  œuvres  que  nous 
faisons  sont  un  corps  sans  Ame,  une  ombre, 
un  fantôme,  une  pure  illusion.  Les  Juifs  et 
les  païens  ont  toujours  pratiqué  le  jeûne  en 
signe  de  douleur  et  de  tristesse,  soit  dans  les 
calamités  temporelles,  soit  dans  les  peines 
spirituelles,  comme  lorsque  David  s'affligea 
pour  la  maladie  de  son  enfant.  Il  faut  en 
dire  autant  des  autres  marques  d'affliction 

3ui  étaient  ordinaires  parmi  eux,  comme 
échirer  ses  vêtements,  tomber  en  terre,  se 
couvrir  la  tète  de  cendre.  Les  Grecs  et  les 
Romains  témoignaient  leur  douleur  de  la 
môme  manière,  soit  lorsqu'ils  avaient  perdu 
un  ami,  par  exemple;  soit  lorsqu'il  leur  était 
survenu  quelque  çrand  malheur  ;  mais  les 
Chrétiens,  comme  T'observe  M.  Fleury,  n'u- 
saient de  ces  signes  que  dans  les  choses 
spirituelles  ,  comme  pour  manifester  au 
dehors  cette  tristesse  qui  opère  le  salut, 
c'est-à-dire  la  douleur  qu'ils  ressentaient 
pour  leurs  péchés.  Le  jeâne,  parmi  les  Juifs, 
était  tellement  le  langage  de  la  douleur  et  de 
l'affliction^  que  ces  termes  étaient  comme 
syuony mes,  et  s'employaient  indifféremment 
pour  faire  entendre  la  même  chose.  De  là  le 
grand  jeûne  de  l'expiation  est  appelé  dans 
TEcriture  le  jour  où  toui  affligent  leurs  âmes. 
De  là,  dans  l'Ancien  comme  dans  le  Nouveau 
Testament,  le  jeûne  est  toujours  accom- 
pagné des  marques  de  la  douleur,  c'est-à- 
dire  de  soupirs  ,  de  gémissements  et  de 
larmes.  Le  jeûne,  sans  un  cœur  contrit  et 
humilié,  est  donc  une  hypocrisie ,  et  celui 
qui  rappelle  à  sa  mémoire  les  péchés  qu'il 
a  commis,  sans  être  touché  intérieurement 
de  repentir  et  de  regret,  n'a  ni  le  sentiment 
de  ses  plaies,  ni  aucune  disposition  réelle  à 
la  pénitence.  Comme  le  péché  est  la^  plus 
grande  des  calamités  auxquelles  Thomme  se 
trouve  ei^osé  sur  la  terre ,  celui  qui  s'en 
est  rendu  coupable  doit  en  concevoir  le  re- 
gret ie  plus  cuisant,  et  ne  peut  l'exprimer 
autrement  aue  par  les  signes  de  douleur  les 
plus  sensibles.  Une  vile  créature  qui  a*bien 
osé  se  révolter  contre  Dieu  ,  peut-elle  lever 
les  yeux  vers  lui  sans  les  baigner  de  ses 
larmes?  et  peut-elle  demeurer  en  sa  pré- 
sence, sans  y  prendre  la  posture  la  plus 
humble,  sans  reconnaître,  la  face  couverte 
de  confusion, qu'elle  mérite  d'ôtre  précipitée 
dans  les  abtmes  éternels,  oii  ce  n'est  que 

Î leurs  etgrincements  de  dents?  Voilà  ce  que 
i^Qu  lyû-inôme  demandci  par  la  Couche  du 


prophète  Joël,  des  pécheurs  qui  veulent  en* 
trer  en  grAce  avec  lui.  Contertieiez^^aus  à 
moi  de  tout  votre  cœur,  dans  les  jeûnes^  dans 
les  larmes  et  dans  les  gémissements.  C*est  le 
môme  langage  dans  la  bouche  de  ]*apôtre 
saint  Jacques  :  A ffligex-vous  vous-mêmes  par 
une  véritable  pénitence;  soyez  dans  le  demi  H 
dans  les  larmes;  que  vos  ris  se  changent  en 
pleurst  et  votre  joie  en  tristesse;  humiliez^ 
vous  en  la  présence  du  Seigneur^  et  il  vous 
élèvera.  Mais  ce  que  Dieu  regarde  surtout 
dans  le  pécheur  pénitent,  c'est  le  changement 
du  cœur  et  la  sincérité  de  son  repentir,  bien 
plus  que  ses  protestations  et  ses  signes 
extérieurs,  quoiqu'ils  en  soient  une  suite 
naturelle  et  qu'ils  contribuent  à  nerfeclion- 
ner  les  dispositions  du  dedans.  C'est  pour- 
quoi Dieu  nous  dit  encore  par  Joël  :  Dé- 
chirez vos  cmurs  et  non  vos  vêtements^  et 
convertissez-vous  au  Seigneur  votreDieu.  Et 
par  Ezéchiel  :  Faites^-vous  un  cœur  nouveau 
et  un  esT^rit  nouveau.  C'est  à  cette  sincère 
conversion  du  cœur  que  Dieu  invite  les 
pécheurs  en  tout  temps.  L'Eglise,  dans  les 
gémissements  qu'elle  forme  pour  eux,  leur 
adresse,  tout  à  la  fois,  en  son  nom,  ses  ten- 
dres invitations,  ses  magnifiques  promesses 
et  ses  menaces  les  plus  terribles.  Chaque 

i'our  elle  élève  la  voix  de  plus  en  plus  pour 
es  ré  veiller  de  leur  léthargie.  Dans  un  même 
esprit  et  un  même  cœur,  tous  ces  pieux  en- 
fants réunissent  tous  leurs  jeûnes,  toutes 
leurs  bonnes  œuvres ,  toutes  leurs  prières, 
toutes  leurs  larmes,  les  offrant  à  Dieu  |K>ur 
toucher  les  entrailles  de  sa  miséricorde,  et 
aux  pécheurs  mômes  pour  émouvoir  leurs 
cœurs  endurcis,  et  les  excitera  pleurera 
prier,  à  jeûner  eux-mômes,  de  peur  ou 'ils 
ne  forcent  enfin  le  Père  des  miséricoraes  à 
leur  fermer  son  sein.  De  toutes  parts,  le  son 
de  la  trompette  mystérieuse  se  uiit  entendre 
dans  Sion,  pour  leur  annoncer  leur  grAce  et 
leur  salut.  Le  tonnerre  des  vengeances  di- 
vines gronde  sur  leurs  tôtes  coupables,  tout 
prôt,  s'ils  persistent  dans  leur  rébellion 
contre  Dieu,  à  éclater  sur  eux  et  à  les  ré- 
duire en  cendres.  Les  voilà  sur  les  bords  de 
l'éternité,  et  la  mort ,  avec  toute  la  terreur 
des  tourments  de  Tenfer ,  est  à  leur  porte. 
C'est  peut-ôtre  pour  la  dernière  fois  que  IKev 
leur  parle.  «  Encore  quarante  jours,  et  Mi 
nive  sera  détruite,  i»  Cette  menace ,  sortie 
de. la  bouche  d'un  prophète,  convertit  toa« 
à  la  fois  une  grande  vule  enflée  de  sa  puis 
sancc,  de  sa  force  et  de  ses  richesses ,  se 
roulant  dans  la  boue  des  plus  sales  Toluptés 
et  de  la  licence  la  plus  effrénée.  Nous  nous 
flattons  d'avoir  fait  pénitence;  mais  eette 
pénitence  a-t-elle  produit  des  fruits  dignes 
d'être  offerts  à  Dieu?  Sont-ils  de  nature  à 
nous  faire  espérer  avec  fondement  qa*ib 
nous  feront  trouver  grAce  auprès  du  trftoo 
de  sa  miséricorde?  S  il  nous  semble  aToii 
rompu  depuis  longtemps  les  liens  qui  nous 
retenaient  dans  lepécné,  avons -nous  été 
fidèles  à  remplir  les  conditions' d^uoe  yrtie 
pénitence?  Notre  ferveur  eût-elle  égalé oeUe 
de  David  ou  de  Madeleine,  et  eussionsHDOUS 
reçu  les  mômes  assurances  d^  notfe  pirdoii| 


941 


JUS 


D*ASŒT1S1IE. 


ICS 


Uï 


les  lois  de  l'amoar  et  de  la  recooDaissance 
que  BOUS  devons  à  Dieu»  la  nature  même  de 
la  pénitence  nous  obligerait  à  ne  jamais  ou- 
blier  que  nous  Pavons  offensé,  et  à  ne  cesser 
jamais  de  pleurer  nos  crimes.  D'ailleurs, nos 
infidélités  journalières  et  les  fautes  qui  nous 
arrivent  sans  cesse  dans  nos  actions  ordi- 
naires (car»  malgré  toutes  nos  résolutions 
et  tous  nos  efforts,  elles  sont  encore  pleines 
d'imperfections),  se  représentent  conti* 
nuellement  devant  nous,  et  nous  reprochent 
que  nous  ne  sommes  pas  encore  parfaite* 
ment  convertis.  Notre  amour-propre,  qui  se 
mêle  jusque  dans  nos  exercices  spirituels, 
ear  souyent  c*est  pour  nous-mêmes  que  nous 
agissons,  plalôt  que  pour  Dieu  ;  notre  atta- 
che à  mille  objets  sensibles  qui  nous  envi- 
ronnent et  auxauels  nous  nous  laissons 
séduire;  Tespritau  monde,  qui  se  fait  assez 
Toir  dans  toutes  nos  inclinations  et  dans 
tontes  nos  œovres,  nous  font  bien  connatlre 
qoe  nous  n'ayons  pas  encore  mis  assez  sérieu- 
sement la  main  an  grand  oovrage  de  notre 
conyersion,  et  qae  nous  sommes  encore 
loin  de  ee  sacrifice  parlait  et  entier  qui  carac- 
térise la  vraie  conversion  du  cœur  «bien  loin, 
par  conséquent,  de  la  réforme  intérieure  et 
extëriepre  qui  en  est  le  fruit. 
JEUX.  —  Voyez  BcTBAPÉUB. 

JOLT  (Claude),  né  à  Burj,  du  diocèse  de 
Verdun,  d'abord  curé  de  Saint-NîcoIas-des- 
Champs,  à  Paris,  puis  évéque  d*Agen,  mou- 
rut en  1678,  âgé  de  soixante-huit  ans,  après 
«voir  occupé  avec  distinction  les  principales 
chaires  de  la  capitale*  et  de  la  province. 
Outre  ses  Sermons ,  on  a  de  lui  les  Devoirs 
du  CMiiem,  in-12, 1719. 

JORDAN  RÉMOND.  —  Foy.  Idiot. 

JUGEMENT.  Voy.  Ftns  dbmiéabs. 

JDSTICE  (Vehu  ).  —  La  justice  est  une 
des  yerius  cardinales.  Saint  Thomas  la  défi- 
nit :  c  Une  yertu  morale,  ou  une  habitude 
par  laquelle  on  rend  à  chacun  son  droit 
avec  une  volonté  perpétuelle  et  constante.  » 
(2-3,  q.  58,  a.  1.) 

La  justice  a  une  acception  large  et  une 
acception  restreinte.  Dans  la  première  ac- 
ception, elle  désigne  tout  acte  de  vertu 
accompli  avec  une  rectitude  parfaite  à  tous 
égards;  dans  la  seconde,  cest  une  vertu 
spéciale,  dont  le  caractère  est  exprimé  par 
la  définition  que  nous  avons  donnée. 
Ses  parties  subjectives  ou  espèces  sont, 
selon  saint  Thomas  (2-2,  q.  61,  a.  1.),  la 
justice  commutative^  qui  conserve  entre  les 
parties  Tégalité  de  la  chose  à  la  chose,  et  la 
justice  disiributive^  qui  maintient  Tégalité 
de  proportion,  de  manière  à  donner  à  chacun 
selon  ses  mérites  ou  la  nécessité. 

l^a  parties  potentielles  de  la  justice  sont, 
•eloa  le  même  saint  Thomas  : 

1*  La  retifion^  ou  vertu  qui  rend  à  Dieu  le 
culte  qui  lui  est  dû,  comme  au  principe  de 
toutes  choses,  par  la  dévotion,  la  prière, 
Fadoration,  le  sacrifice*  le  serment,  le  vœu. 

S"  La  piélé^  ou  vertu  par  laquelle  nous 
remplissons  les  devoirs  d*afrectioo  et  de 
charité  auxauels  nous  sommes  tenus  envers 


les  personnes  à  qui  nous  sommes  attachés 
par  les  liens  du  sang  ou  de  la  patrie. 

3*  Vobservameef  ou  la  vertu  qui  rend 
hommage  aux  supérieurs  et  aux  autres  per- 
soimages  de  distinction,  qui  gouvernent  les 
hommes  ou  sont  aptes  à  les  gouverner. 

k*  Vobéiaancef  qui  nous  fait  accomplir 
les  œuvres  prescrites  par  le  supérieur,  oaree 
qu'il  nous  les  a  prescrites. 

S*  La  araiiiude^  ou  vertu  par  laquelle 
nous  rendons  grftces  à  nos  bienfaiteurs. 

6*  La  vendicaiion  {vindieaiio)^  ou  yertu 

f»ar  laquelle  on  punit  les  pécheurs,  pour 
eur  amélioration  et  pour  le  maintien  de  la 
justice. 

T  La  vérité  ou  yertu  par  laquelle  on  se 
montre,  dans  sa  conduite  et  ses  discours,  tel 
que  Ton  est. 

8*  Vaffàbilité  ou  Vamiiié^  yertu  qui  nous 
fait  observer  avec  les  autres  dans  la  yie  so- 
ciale les  convenances  d'ordre  ou  de  dignité. 

9*  La  libéralité f  ou  vertu  qui  modère 
l'amour  des   richesses    et  rend    Thomme 

firompt  à  les  distribuer  aux  autres,  selon 
es  inspirations  de  la  droite  raison. 

Tout  homme  qui  veut  s'avancer  dans  la 
perfection  chrétienne  doit  s'eiercer  à  la 
pratique  de  la  justice. 

V  Ainsi  l'ordonne  l'Écriture -Sainte  : 
Rendes  donc  à  chacun  ce  qui  lui  est  dû  :  le 
tribut  à  qui  vous  devez  le  tribut^  les  impôts 
à  qui  TOUS  devez  les  impôts^  la  crainte  ù  qui 
vous  devez  la  crainte^  l'honneur  à  qui  vous 
devez  rhonneur.  Ne  demeurez  redevables  à 
personne  (Rom.  xiii,  7  et  8). 

2*  Ainsi  l'enseignent  les  saints  Pères. 
«  Aux  yeux  de  Dieu,  dit  saint  Pierre  Chry- 
sologue,  la  piété  n'est  rien  sans  la  justice, 
ni  la  justice  sans  la  piété  ;  la  l)onté  et  l'é- 
quité, séparées  Tune  de  l'autre,  ne  sont  rien 
non  plus  :  les  yerius  se  perdent,  quand  elles 
cessent  d'être  réunies.  L'éonité  sans  la 
bonté  devient  de  la  dureté,  et  fa  justice  sans 
la  piété  est  de  la  cruauté.  Joseph  a  mérité 
d'être  appelé  juste  parce  qu'il  était  pieux,  et 
d'être  appelé  pieux  parce  qu'il  était  juste. 
Enfin,  quand  fa  justice  pense  à  la  piété,  elle 
évite  la  cruauté  ;  en  modérant  la  cause,  cite 
assure  le  jugement;  en  diflérant  la  ven- 
geance, elle  préserve  du  crime  ;  en  refusant 
d'entendre  1  accusateur,  elle  évite  la  sen- 
tence. 9  (  Serm.  IhS. }  «  II  est  une  sorte  de 
justice  stricte  et  très-étroite,  qui,  aussitôt 
que  vous  avez  tourné  le  pied,  vous  fait  tom- 
ber dans  la  fosse  du  péché.  Il  n'est  pas  per- 
mis de  se  préférer  à  ses  égaux,  ni  de  s'égaler 
à  ses  supérieurs.  La  définition  de  la  justice  f 
est  de  rendre  k  chacun  ce  qui  lui  appar- 
tient. 9  (  Saint  Beehâad  ,  Serm.  m  Oet 
Epiph.  ) 

2r  La  raison  en  est  que  la  jastioe  rend  à 
chacun  ce  qui  lui  est  dû:  à  Dieu  la  religion, 
aux  supérieurs  l'obéissance,  au  prochain 
rhonneur,  la  réputation  et  les  biens  de  la 
ifortune  ;  sans  1  exacte  observance  de  ces 
prescriptions,  personne  ne  peut  arriver-à  la 
perfection  chrétienne. 

Les  actes  de  la  vertu  de  justice  sont  : 

1*  Par  la  vertu  de  religiou  de  rendre  | 


m 


JUS 


DICTIONNAIRE 


JUS 


9U 


Sien»  comme  au  premier  principe  de  toutes 
choses  et  à  notre  souverain  âeigneur,  le 
louUe  de  iairie  qui  lui  est  dû,  par  le  sacri- 
fice de  la  messe,  par  la  priôre,  l'adoration  » 
Jes  offrandes,  les  vœux  et  les  serments  ;  de 
croire  et  d'espérer  en  lui,  de  l'aimer  et  de 
le  craindre,  de  respecter  les  églises  et  les 
Jieux  sacrés,  etc. 

2^  De  rendre  aux  esprits  célestes,  et  sur- 
tout à  la  très<«ainte  Vierge  Biarie,  par  le 
cultQ  d'hyperdulie,  et  aux  autres  saints  par 
celui  de  dulie,  les  hommages  qui  leur  sont 
dus,  (de  vénérer  leurs  images  et  leurs  re- 
liques. 

3*  Par  la  piété,  de  rendre  à  nos  parents  ^ 
rameur,  l'honneur  et  lu  respectueuse  sou- 
mission auxquels  nous  sommes  tenus  à  leur 
égard. 

V  Par  l'obéissance  aux  supérieurs,  de  leur 
témoigner  le  respect  et  la  soumission  que 
nous  leur  devons,  même  contre  notre  pro- 
pre jugement  et  dans  les  circonstances  les 
plus  difficiles. 

5°  De  conserver,  par  la  justice  distributive, 
la  proportion  entre  le  mérite  et  la  récom- 
pense; par  la  justice  vindicative,  la  propor- 
tion entre  la  faute  et  la  punition ,  et  de 
rendre,  par  la  justice  commutalive,  è  cha- 
cun ce  qui  lui  appartient,  dans  les  biens  de 
la  fortune,  de  la  réputation,  de  l'honneur,  du 
corps  et  de  l'ftme. 

6*  De  témoigner  à  nos  bienfaiteurs  la 
reconnaissance  à  laquelle  nous  soinmes 
obligés. 

7**  D'exprimer  la  vérité  de  cœur  et  de 
bouche. 

Ô*  De  se  montrer  libéral  envers  le  pro- 
chain ,  selon  les  inspirations  de  la  droite 
raison. 

9*  D'être  affables  dans  la  conversation  en- 
vers  tout  le  monde,  d'une  manière  propor- 
tionnée à  notre  état  et  aux  circonstances. 
Si  tous  ces  actes  se  produisent  au  milieu 
des  plus  grandes  difficultés,  avec  empres- 
sement, plaisir  et  facilité,  ils  deviennent  des 
actes  de  justice  héroïque. 

Donnons  donc  à  chacun  ce  qui  lui  appar- 
tient; adorons,  louons,  bénissons,  glori- 
fions le  Seigneur  notre  Dieu,  et  rendons-lui 
grâces  pour  tou3  les  bienfaits  dont  il  nous 
a  comblés;  car  il  est  notre  roi,  notre  créa- 
teur, notre  rédempteur,  notre  sanctificateur 
et  notre  bienfaiteur;  il  est  infini  dans  ses 
perfections,  dans  sa  qajesté,  sa  sagesse,  sa 
sainteté  et  sa  puissance.  Il  remplit  le  ciel 
et  la  terre;  sa  grandeur  n'a  pas  de  limite. 
Eternel  en  durée,  ineffable  en  paroles»  in- 
compréhensible en  pensée,  infiniment  bon, 
il  est  notre  unique  espérartce,  notre  amour, 
notre  douceur ,  notre  repo^  et  notre  joie, 
notre  protecteur,  notre  défenseur  et  notre 
père.  Après  Dieu,  vénérons  aussi  la  bien- 
heureuse Vierge  Marie  et  les  autres  habi-'' 
tauts  de  la  cité  céleste.  Rendons  à  nos  su- 
périeurs l'obéissance,  et  que  toute  âme  se 
soumette  auoû  puissances  supérieures  ;  car  il 
ny  a  point  de  puissance  qui .  ne  vienne  de 
JHeUf  et  c'est  lui  qui  a  établi  toutes  celles 
qui  existent.  Celui  donc  qui  résiste  aux  pu)5- 


sances  résiste  à  r ordre  de  Dieu^  et  ceux  qui 
y  résistent  attirent  une  condamnation  sur 
eux-mêmes.  Il  est  donc  nécessaire  de  tous  y 
soumettre,  non-seulement  par  la  crainte  du 
châtiment  f  mais  aussi  par  la  conscience, 
{Rom.  xiu,  1,  2,  5.)  Enfin,  rendons  au 
prochain  ce  que  nous  lui  devons,  fidèles  à 
ce  précepte  de  la  nature  :  Faites  à  autrui 
ce  que  vous  voudriez  qu'on  vous  flt,  et  ne 
faites  pas  aux  autres  ce  que  vous  ne  vou- 
pas  qu  on  vous  flt. 

Pratiques.  —  1.  Votre  pénitent  aura  la 
conscience  large  ou  délicate.  S'il  a  la  con- 
science assez  large  pour  commettre  facile- 
ment même  des  péchés  graves,  il  sera  fa- 
cile de  découvrir  souvent  en  lui  des  injus- 
tices manifestes.  Dans  ce  cas,  le  directeur 
doit  s'anpliquer  à  le  bien  pénétrer  de  la 
gravité  ue  ses  fautes  ,  et,  dans  ce  but,  il  lui 
exposera  la  beauté,  la  sainteté,  la  noblesse 
qui  embellissent  la  justice,  et  tout  ce  qu'il  y 
a  d'odieux,  de  vil  et  de  raéprisal)Ie,  dans  ses 
injustices.  Il  lui  fera  surtout  méditer  cette 
parole  de  l'Apôtre  :  «  Ceux  qui  Veulent  de- 
venir riches  tombent  dans.  Ja  tentation  et 
dans  le  piège  dû  démon  »  (/  Tim.  n,  9j, 
par  laquelle  TApôlre  nous  fait  comprendre 
que  les  biens  ravis  à  autrui  sont  comme  des 
chaînes  dont  le  démon  se  sert  pour  garrotter 
les  âmes,  les  réduire  en  esclavage,  et  les 
entraîner  enfin  dans  le  noir  précipice  des 
enfers.  Si  les  pénitents  ont  la  conscience 
plus  délicate,  on  trouvera  quelquefois  en 
eux  des  injustices  réelles,  quoique  moins 
évidentes  et  voilées  sous  différents  prétex- 
tes. On  rencontrera  des  femmes  pieuses  qui 
ne  payent  pas  suffisamment  les  personnes 
qu'elles  ont  à  leur  service,  et  ne  leur  ac- 
cordent qu'un  mince  salaire,  plus  en  rap- 
f)ort  avec  l'instinct  de  leur  avarice  qu'avec 
es  lois  de  la  justice  et  de  l'équité.  On  trou- 
vera des  hommes  spirituels  qui  ne  se  font 
fkoint  scrupule  de  différer  le  payeknent  de 
eurs  dettes,  de  faire  des  retenues  sur  les 
Sages  des  ouvriers,  de  ne  point  les  payer 
ans  une  équitable  proportion  avec  la  va- 
leur du  travail.  Vous  en  verrez  d*autres  qui 
n'observent  point  les  engagements  qu  ils 
ont  contractés  avec  des  fermiers  ou  des  do- 
mestiques, ou  leur  imposent  de  nouvelles 
charges,  ou  un  surcroît  de  travaux  auxquels 
ils  ne  sont  pas  obligés,  et  cela,  sans  augmen- 
ter convenablement  leur  salaire,  comme  s*i) 
ne  fallait  pas  avoir  pour  la  suenrdu  pauvre 
les  mêmes  égards,  la  même  justice  <{ue  Ton 
aurait  pour  une  marchandise  ordinaire.  En- 
fin, il  n*est  pas  rare  encore  d*en  trouver 
qui,  dans  les  achats,  les  ventes  et  les  autres 
contrats,  ne  cherchent  uniquement  que  leur 
propre  intérêt,  sans  aucun  égard  pour  Té- 
quité,  comme  si  tout  ce  qui  leur  est  avanta- 
geux devenait  juste  par  là  même.  Or,  en 
ces  choses  et  en  d'autres  du  même  genre,  leur 
conscience  ne  les  tourmente  aucunement;  et 
les  raisons  que  leur  propre  intérêt  leur  sug- 
gère^ plutôt  que  la  justice,  étouffent  en  eux 
tout  scrupule.  Le  directeur  doit  leur  partcr 
avec  une  sainte  liberté,  et,  sans  aucun  égard 
humain,  il  doit  découvrir  ces  injustices  qui 


MS 


JUS 


D'ASCETISME. 


108 


M6 


se  GomiDettent  d'ordinaire,  pour  les  faire 
connaître  aux  coupables  et  y  porter  un  re« 
mède  salutaire.  Il  faut  ouvrir  les  jeux  à 
ces  sortes  d'aveugles,  et  leur  faire  voir  clai- 
rement les  injustices  qu'ils  .commettent  à 
l'éçard  des  mercenaires,  des' ouvriers,  des 
artisans,  des  serviteurs,  et  des  antres  avec 
lesquels  ils  ont  occasion  d*entrer  en  affaires. 
Le  directeur  doit  leur  dire  hardiment,  comme 
saint  Jean-Baptiste  è  Hérode  :  <  Cela  ne  vous 
est  poiot  permis,  puisque  cela  porte  un 
injuste  dommage  à  autrui  ;  ceci  ne  vous  est 
point  permis,  puis<iue  ceci  porte  préjudice 
aux  droits  d'autrui,  et  viole  les  lois  de  l'é- 
quité. 9 

II.  La  restitution  n'est  pas  seulement  on 
acte  propre  de  justice  qui  ordonne  une  en- 
tière satisfaction  4)0ur  les  droits  dont  chacun 
jouit,  à  l'égard  de  ce  qui  lui  appartient; 
mais  la  restitution  est  commandée  par  la 
vertu  de  justice  avec  une  telle  rigueur, 
qu'aucun  prêtre  ne  peut,  de  sa  propre  auto- 
rité, dispenser  de  ses  lois.  Nous  parions 
ainsi,  parce  que  le  directeur  rencontrera  des 
personnes  tellement  ignorantes,  qu'elles  s'i- 
maginent que  la  restitution  est  une  sorte  de 
pénitence,  p'est  qu'une  obligation  arbitraire, 
imposée  d'ordinaire  par  les  confesseurs,  en 
punition  d'un  vol  qu'on  aurait  commis,  ou 
d*un  tort  que  l'on  aurait  causé  au  prochain. 
De  là  vient  que,  quand  on  leur  parle  de  l'o- 
bligation où  ils  sont  de  satisfaire  :  «  Je  vous 
en  prie,  mon  père,  répondent-elles,  ne  m'im- 
posez pas  une  si  grande  pénitence;  ordon- 
nez-moi autre  chose,  je  le  ferai  volontiers...» 

Il  faut  leur  faire  remarquer,  avec  saint 
Thomas,  que  le  confesseur  est  bien  le  re- 
présentant de  Dieu  et  son  fondé  de  pouvoir, 
mais  non  pas  de  la  personne  à  qui  le  péni- 
tent est  tenu  de  restituer.  «  De  la,  ajoute  le 
même  docteur,  si  le  pénitent  s'est  obligé, 
par  un  rœu,  de  dépenser  quelque  somme 
d  aident  pour  le  culte  de  Dieu,  le  confes* 
seor,  muni  d'un  pouvoir  légitime,  pourra, 
au  nom  de  Dieu,  dont  il  tient  la  place,  le 
dispenser  de  ce  vœu,  on  le  commuer  en 
quelque  autre  moins  difficile.  Mais  s'il  con- 
tracte l'obligation  de  restituer  par  une  action 
injuste,  aucun  prêtre,  de  quelque  autorité 
qu'il  soit  revêtu,  ne  peut  le  délier  de  celte 
obligation,  par  la  raison  que  le  confesseur, 
au  saint  tribunal,  n'est  pas  le  fondé  de  pou- 
voir et  ne  tient  point  la  place  de  celui  è  qui 
la  restitution  doit  se  faire  ;  car  lui  seul  peut 
faire  remise  de  ce  qui  lui  est  dû  :  par  con- 
séquent il  faut  se  conformer  aux  lois  rigou- 
reuses de  la  justice,  qui  prescrivent  une  sa- 
lislaction  entière;  sinon,  c'est  se  perdre 
pour  réternité.  Car,  puisqu'il  est  de  néces- 
sité pour  le  salut  de  respecter  ioviolable- 
ment  la  justice,  U  est  conséquemment  aussi 
de  nécessité  pour  le  salut  de  restituer  ce 
que  l'on  a  pris  ii^ustement.  »  (2-9f  q.  62, 
art.  2.) 

m.  Le  directeur  se  gardera  de  nrêter  trop 
facilement  l'oreille  et  d'ajouter  foi  aux  ex- 
cuses, aux  prétextes,  que  l'on  allègue  sou- 
Tenl  poor  se  soustraire  aux  obligations  ri- 
^ureuses  de  la  justice,  et  particulièrement 


au  prétexte  d'une  prétendue  impossibilité 
de  restituer.  Car  ces  prétextes  ont  souvent 
leur  source,  moins  dans  un  motif  raisonna- 
ble que  dans  un  sentiment  vil  d'intérêt  et 
d'avarice;  et  souvent  ledirectenr,  après  avoir, 
comme  il  le  doit,  pesé  ces  motifs  dans  là 
balance  du  sanctuaire,  reconnaîtra  que  l'on 
n'y  a  recours  que  dans  la  crainte  de  se  des- 
saisir d'un  bien  que  l'on  possède,  et  dont  la 
restitution  aurait  pour  résultat  une  diminu- 
tion dans  la  fortune,  et  quelquefois  un  état 
de  gêne.  Or  il  n'y  a  point  là  une  impossi- 
bilité réelle,  ni  une  raison  suffisante  pour 
se  soustraire  à  Tobligation  de  restituer;  car 
autrement,  personne  n'y  serait  tenu,  puis- 
qu'il n'est  pas  possible  de  faire  une  restitu- 
tion sans  quelque  incommodité  ni  sans  dif- 
ficulté; et  du  reste,  s'il  y  a  grave  incom- 
modité pour  celui  qui  est  tenu  è  resti- 
tution ,  il  y  a  également  grave  incommo- 
dité pour  celui  h  qui  la  restitution  doit  se 
faire,  d'être  privé  de  ce  qui  lui  appartient. 
Or  il  est  de  toute  évidence  que  le  coupable, 
qui  a  fait  tort,  doit  plutôt  souffrir  cette  in- 
commodité, que  l'innocent  qui  a  éprouvé  uq 
dommage  considérable.  U  y  en  a  qui  disent 
que  la  restitution  leur  est  impossible,  parce 
qu'ils  n'ont  pas  pour  cela  une  suffisante 
somme  d'argent.  Or  le  directeur  remarquera 
que  ces  sortes  de  personnes  ne  manquent 
pas  d'argent  pour,  se  procurer  des  choses 
inutiles  et  variées,  pour  satisfaire  leur  luxe 
de  table,  leur  amour  effréné  du  jeu,  et  même 
leur  vie  de  lit>ertinage.  il  faudra  donc  s'at- 
tacber  è  leur  faire  comprendre  qu'ils  doi- 
vent non-seulement  retrancher  les  dépenses 
suiierflues,  mais  encore  se  tenir  dans  les 
strictes  limites  du  nécessaire  et  d'une  sage 
économie.  De  celte  manière,  ils  seront  bien 
t6t  en  état  de  restituer  tout  le  bien  mal  ac- 
quis. Du  reste,  que  le  confesseur  leur  ré- 
pèle que,  s'ils  peuvent  le  tromper  par  leurs 
Tains  prétextes,  ils  ne  part iendront  point 
à  tromper  les  yeux  de  Dieu,  qui  voit  tout.  Si 
le  pénitent  était  de  ces  personnes  qui,  quoi- 
que se  bornant  au  strict  nécessaire  dans 
leurs  dépenses,  ne  possèdent  qu'une  fortune 
fort  mouique,  il  faudrait  lui  imposer  l'obli- 
gation de  restituer  petit  à  petit,  et  à  rendre 
par  fractions  ce  qu'il  ne  peut  rendre  en  une 
seule  fois.  Par  là  il  satisfera  à  la  justice,  dé- 
chargera sa  conscience  et  mettra  en  sûreté 
le  salut  de  son  Ame.  En  un  mot,  le  directeur  * 
imprimera  profondément  dans  le  cœur  deces 
sortes  de  pénitents  cel(e  maxime  antique  de 
l'école  :  Non  r^minUur  peccatum  nisi  resli^ 
iuaiur  ablaium;  le  péché  n'est  pas  remis, 
si  l'on  ne  restitue  ce  que  l'on  a  dérobé.  Car 
on  aurait  beau  faire  pénitence,  détester  et 
pleurer  amèrement  ses  injustices ,  ces  lar- 
mes, ces  pénitences,  seraient  inutiles,  si  l'on 
ne  réparait  les  torts  que  l'on  a  commis,  se- 
lon cette  parole  de  saint  Augustin  :  «  Si  l'on 
ne  restitue,  quand  en  le  peut,  la  chose  qu'on 
a  prise  injustement  à  autrui,  on  ne  fait  pas 
pénitence,  on  n'a  qu'une  pénitence  fictive.  » 
(Bpist.  6k  ad  Maeed.), 

IV.  Le  directeur  comprendra  facilement, 
d'après  ce  que  nous  venons  d'exposer,  et 


941 


KRO 


DICTIONMAIRE 


KnO 


9» 


encore  plus  d'après  sa  propre  eipérience 
dans  le  ministère,  combien  peu  de  restitu- 
tions se  font  entièrement.  Et  encore  arri- 
Ye-t-il  souvent  que  celles  qui  se  font  ne  se 
font  pas  comme  il  convient,  et  ne  réparent 
pars  complètement  le  dommage  causé.  Ainsi, 
par  exemple,  on  en  voit  qui ,  les  mains 
pleines  du  biend'autrui,  pourraient  resti- 
tuer intégralement,  ou  du  moins  en  partie, 
et  gui  cependant  diffèrent  cette  restitution 
de  jour  en  jour,  sans  un  juste  motif.  Malgré 
cela,  ils  vivent  tranquilles  et  en  paix,  parce 

aue,  nourrissant  en  eux  la  bonne  volonté 
e  restituer,  ils  pensent  satisfaire  suffisam- 
ment à  la  justice  et  à  leur  conscience;  et 
ainsi  ils  passent  leur  vie  en  état  de  péché 
grave,  puisqu'ils  blessent  continuellement 
la  justice  et  le  prochain.  La  raison  en  est 
que  le  précepte  de  la  restitution,  quoique 
afDrmatif  sons  un  rapport,  en  tant  qu'il  or- 
donne positivement  de  réparer  le  tort  fait  à 
autrui,  est  toutefois  négatif  sous  un  autre 
rapport,  entant  qu'il  défend  de  retenir  in- 
justement le  bien  d'autrui  ;  et  par  consé- 
quent l'homme  injuste,  qui  diffère  la  resti- 
tution, viole  constamment  le  précepte  qui 
défend  de  retenir  le  bien  d'autrui  injuste- 
ment, et  pèche  toujours,  jusqu'à  ce  (^u'il 
restitue,  le  pouvant,  ce  qu'il  possède  injus- 
tement. Le  directeur  en  trouvera  d'autres 
qui  veulent  réparer  le  tort  fait  au  prochain, 
en  faisant  dire  une  messe,  en  donnant  quel- 
que modique  aumône,  bien  que  la  personne 
lésée  leur  soit  parfaitement  connue;  et  ce 
qui  est  encore  plus  déplorable,  11  y  a  des 
confesseurs  qui,  non-seulement  approuvent, 
mais. ordonnent  même  ces  prétendues  resti- 
tutions que  la  saine  raison  réprouve  si  hau- 
tement. De  telles  restitutions  peuvent  bien 
suftire,  quand  les  personnes  lésées  sont  to- 
talement inconnues,  mais  elles  ne  sufGsent 
nullement,  quand  les  personnes  lésées  dans 
leurs  intérêts  sont  connues  de  celui  qui 
doit  restituer. 

Enfin  il  en  est  quelques-uns  qui  voudraient 
bien,  mais  sans  débourser  un  écu,  réparer 
le  tort  qu'ils  ont  fait,  c  Mon  Père,  disent-ils, 
j'assisterai  à  la  messe  pour  l'ftme  de  celui 
à  qui  je  dois;  je  ferai  une  communion,  je 
réciterai  des  prières  pour  lui.  »  Que  le  direc- 
teur leur  demande  s'ils  seraient  eux-mêmes 
contents,  si  leurs  débiteurs,  au  lieu  de  leur 
payer  cent  écus  dont  ils  sont  redevables, 
offraient  pour  le  salut  de  leur  âme  des  prières 
ou  des  communions.  Ils  répondront  négati- 
vement sans  aucun  doute.  Eh  bien,  leur 
répliquera-t-on,  il  en  est  ainsi  de  vos  créan- 
ciers qui  réclament  de  vous,  non  des  prières, 
mais  Jeuir  bien.  Et  en  effet,  les  œuvres 
isainteSi  comme  étant  d'un  ordre  tout  diffé- 


rent, ne  peuvent  réparer  les  dommages  tem- 
porels faits  au  prochain. 

V.  Le  directeur  ne  doit  pas  s'en  rappor- 
ter trop  facilement  aux  paroles  de  ceui  qui 
promettent  de  restituer  le  bien  d'autrui  ou 
de  réparer  le  tort  qu'ils  ont  causé.  Mais , 
avant  de  les  absoudre  de  leurs  péchés,  il 
faut  exiger  qu'ils  remplissent  ces  obligations 
de  justice  ;  et  cela  particulièrement  dans 
deux  cas  :  l""  s'ils  ont  déjà  fait  la  même 
promesse  à  d'autres  confesseurs ,  sans  en 
venir  à  l'exécution;  car  leur  manque  de 
parole  les  rend  suspects  ;  2^  s'ils  possèdent 
encore  en  nature  la  chose  ou  l'argent  qu'ils 
ont  volés  ;  car  lorsqu'ils  ne  les  posséderont 
plus,  la  restitution  en  deviendra  bientôt 
plus  difficile. 

JUSTIN  (Saint),  martyr,  philosopoe,  et  apo- 
logiste de  la  religion,  naquit  à  Naplouse, 
autrefois  Sichem,  capitale  de  la  Samarie.  Il 
fut  élevé  dans  les  erreurs  et  les  superstitions 
de  l'idolâtrie;  mais  en  même  temps  iieut 
soin  de  cultiver  son  esprit  par  l'étude  des 
belles-lettres.  Après  avoir  goûté  de  toutes  les 
écoles  de  philosophie  de  l'antiauitéauprèsdes 
professeurs  les  plus  renommes,  il  comprit  la 
vanité  de  leur  enseignement  et  il  sentit  son 
Ame  de  plus  en  plus  vide  de  la  vérité.  Ses 
incertitudes  sur  les  destinées  de  l'homme  ne 
furent  fixées  que  lorsqu'un  certain  jour  il 
se  promenait  sur  les  bords  de  la  mer:  il  û 
près  de  lui  un  vieillard  à  la  figure  vénérabK 
que  les  uns  disent  avoir  été  un  Chrétien  c( 
les  autres  un  ange  :  la  conversation  s  enga- 
gea  sur  l'excellence  de  la  philosophie  :  le 
vieillard  réfuta  solidement  les  prétendouv 
de  Justin,  qui  soutenait  encore  que  Plaioa 
et  Pythagore  conduisaient  à  la  vérité;  eo- 
suite  il  lui  montra  par  quelle  voie  on  arri- 
vait à  la  vérité  évangélique  I  qui  seule  rend 
compte  de  tout  et  renferme  toute  la  sâ* 
gesse. 

L'étude  des  prophètes,  dont  cet  entretien 
lui  donna  connaissance,  commençai  l'éclai- 
rer, et  il  finit  par  approfondir  tous  les 
motifs  de  crédibilité  du  christianisme.  Après 
avoir  rendu  les  plus  grands  services  à 
l'Eglise  par  ses  apologies,  il  eut  la  gloire  da 
martyre  sous  Marc-Aurèle,  l'an  167. 

Parmi  ses  œuvres  ascétiques,  on  remarqne 
sa  lettre  à  Diognète  et  celle  à  Zenon,  que 
nous  recommandons  à  la  méditation  de 
ceux  qui  aspirent  è  la  perfection.  La  pre- 
mière contient  un  admirable  peintnredela 
vie  des  premiers  Chrétiens;  et  la  seconde,  des 
choses  d'autant  plus  instructives  sur  la  *'« 
ascétique,  qu'elles  sont  d'un  auteur  qui  ar- 
rivait un  peu  plus  de  cent  ans  seulemem 
après  la  mort  de  Notre-Seigneur.  (Feyl^ 
Valal.f  fin  du  t.  II.} 


K 


KROnST  (Jean-Marie)  entra  chez  les  Jé- 
suites, fut  professeur  de  théologie  plusieurs 
années  à  Strasbourg ,  et  travailla  quelque 


temps  au  Journal  de  Trévoux.  On  a  de  lu» 
deux  ouvrages  de  piété  où  on  relroure  ro 
langage  onctueux  de  l'Ecriture  sainte  et  de» 


LAI 


D^ASCETlSliE. 


LAM 


Pères  :  1*  Insiiiuiio  Clerieorum^  k  toI.  in-8*,  de  l'année. — 9*  Jlelfot/«  de  huitjawn^  in-8*, 
Ansbourg»  1767.  Ce  lÎTre  très-eslimé  ren-  Friboorg,  1765,  k  il'ttsage-des  eoclésiasti-i 
ferme  des  méditations  pour  tous  les  joars     qoes. 


L 


LACTANCB  (  Ludtu  Cœliu$  Firmianuê) , 
orateur  et  défenseur  célèbre  de  l'Eglise, 
dont  on  ne  connaît  ni  le  pays  ni  la  famille, 
s'acquit  une  telle  réputation  par  son  élo- 
quence, que  Dioclétien  le  fit  renir,  yers 
S90,  à  Nicomédie ,  pour  j  enseigner  la  rbé- 
toriaue  latine.  Plus  tard,  Constantin  lui 
conna  l'éducation  de  son  fils  Crispus,  en 
317.  Lactance  n'en  fut  que  plus  modeste  ; 
il  vécut  dans  la  pauvreté  et  dans  la  solitude, 
au  milieu  de  l'abondance  et  du  tumulte  de 
la  cour. Ce  grand  homme  mourut  en  Chrétien 
fervent ,  vers  Tan  328.  Le  style  de  Cicéron 
avait  été  le  modèle  du  sien  :  même  pureté, 
même  clarté,  même  noblesse ,  même  élo- 
quence. Aussi  le  surnomma-t-on  le  Cicéron 
ckréiiem.  Ses  plus  célèbres  ouvrages  sont  : 
1*  Les Insiiiutions  divines; —  2*  Un  traité 
De  la  mari  des  pereécuieurs ,  —  3*  Un  livre 
De  rOuarojje  ae  Dieu;  —  kr  Un  livre  De  la 
colère  de  Dieu 

LAFITAU  (Pierre-François),  naquit  à 
Bordeaux,  en  1685,  se  fit  Jésuite  et  se  distin- 
gua par  son  talentpour  la  chaire.  Envoyé  à 
Bome  pour  les  aOaires  de  la  bulle  Unige* 
mUuSf  il  plut  è  Clément  XI ,  et  fut  nommé 
à  l'évèché  de  Sisteron ,  après  avoir  quitté 
son  ordre.  Après  avoir  édifié  ^on  clergé,  et 
passé  sa  vie  dans  l'exercice  des  vertus  épis- 
copales,  il  mourut  au  château  de  Lurs,  en 
176fc,  âgé  de  79  ans.  Ses  ouvrages  ascétiques 
sont  :  1*  Reiraiie  de  quelques  jours ,  in-12  ; 
—  9r  Avis  de  direction  ^  in-12;  —  3*  Confi- 
renées  pour  les  missions^  in-12  ;  —  4*  Lettres 
spirituelles^  in-12;  —  ir  La  vie  et  les  mustè' 
Tes  de  la  sainte  Vierge  j  2  vol.  in-12,  où  l'au- 
teur montre  plus  de  piété  gue  de  critique. 

LAFONT  (Pierre  de),  né  a  Avinion,  offi- 
ciai de  l'église  d'Uzès,  était  un  nomme  de 
Dieu ,  plein  de  zèle  et  de  charité.  11  fonda 
un  séminaire  dans  la  ville  épiscopale,  et  en 
fut  le  premier  supérieur.  Il  mourut  vers 
1710.  On  a  de  loi  des  Entretiens  eeclésiasti^ 
yuef ,  5  vol.  in-12,  et  des  Prônes fk  vol- 
in-12.  Toutes  les  preuves  que  fournissent 
l'Ecriture,  les  Pères,  les  conciles,  sur  les 
devoirs  des  ecclésiastiques  et  des  autres 
fidèles ,  sont  répandues  dans  ces  deux  ou- 
vrages avec  beaucoup  d'intelligence* 

LAIRVELS  (  Servais  ) ,  né  à  Soignies,  en 
Hainaut ,  l'an  1560 ,  abbé  de  Sainte-Marie- 
aux-Bois,  et  réformateur  de  Tordre  de  Pré- 
montré, fit  approuver  sa  réforme  par 
Louis  XIII  et  par  les  Papes  Paul  V  et  Gré- 
goire XV.  Il  eut  la  consolation  de  voir 
revivre  en  France,  comme  en  Lorraine, 
l'esprit  de  pauvreté,  de  charité, d'humilité 
et  de  mortification ,  qui  anima  les  premiers 
disciples  de  saint  Norbert.  Il  mourut  en 
1631,  après  avoir  publié  quelques  ouvrages 


de  piété,  dont  les  principaux  sont  :  1*  Sto- 
tuts  de  la  réforme  ae  Primantré;  — 9r  Caté' 
chisme  des  Novices;  —  3*  V optique  des  Bi" 
guliers  de  Pordre  des  Augustins. 

LALLEHANT  (Louis),  Jésuite,  né  àCbA-- 
lons-sur-Mame,  mort  recteur  k  Bourges  en 
1635,  est  auteur  d'un  Recueil  des  Maximes , 

Îu'on  trouve  à  la  fin  de  sa  Vie,  publiée  en 
6M,  in-t2,  par  le  P.  Champion. 
LALLEHANT  (Pierre),  chanoine  régulier 
de  Sainte-Geneviève ,  naquit  à  Reîins  et  ne 
se  fit  religieux  qu'à  lâge  de  trente-trois  ans. 
La  chaire,  la  direction  et  les  oauvres  de  piété 
remplirent  le  cours  de  sa  vie.  Il  la  termina 
par  une  mort  sainte,  en  1673,  âgé  de  cin- 

Îuante  et  un  ans,  après  avoir  été  chancelier 
e  ITniversité.  Ses  ouvrages  ascétiques 
sont  :  1*  Le  Testament  spirituel ,  in*12  ;  — 
2*  Les  saints  désirs  de  la  mort,  în«12  ;  —  3* 
La  mort  des  justes,  in-12.  Ces  trois  ouvrages 
ont  été  fort  répandus  et  ont  obtenu  du 
succès 

LAMBERT  (Joseph),  né  à  Paris  en  165b, 
docteur  de  Sorbonne  et  prieur  de  Palaiseau, 
près  de  Paris ,  obtint  beaucoup  de  succès 
dans  la  chaire.  Sa  charité  pour  les  pauvres 
allait  jusqu'à  l'héroïsme.  Il  mourut,  fort 
regretté,  en  1722,  Agé  de  soixante-huit  ans. 
Outre  plusieurs  volumes  de  Sermons  et 
d  Instructions ,  il  a  publié  :  1*  Discours  sur 
la  vie  ecclésiastique  ;  —  2*  EpUres  et  Evan» 
giles  de  Pannée  avec  des  réflexions ,  1713, 
in-12;  —  3*  Les  Ordinations  des  saints, 
in-12. 

LAMI  (Dom  François),  né  à  Montyreau, 
diocèse  de  Chartres,  en  1636,  porta  d'abord 
les  armes,  et  v  renonça  pour  entier  dans  la 
congrégation  de  Saint-Manr,  en  1659.  Il  mou- 
rut à  Saint-Denis,  en  1711,  universellement 
regretté,  tant  pour  les  lumières  de  son  es- 
prit que  pour  la  bonté  de  son  cœur,  la  can- 
deur de  son  caractère  et  la  pureté  de  ses 
mœurs.  Les  ouvrages  dont  il  a  enrichi  le  pu- 
blic portent  l'empreinte  de  ces  qualités  pré- 
cieuses. En  fait  de  piété,  il  a  laissé  :  1*  un 
traité  fort  estimé  Delaconnaissaneedesoi^ 
même,  6  vol.  in-12, 1700;  —  "Sir  De  la  connais- 
sance et  de  Famour  de  Dieu,  in-12;  —  3*  Les 
gémissements  deVàmesouslatyranmedueorps, 

in-12. 

LAMOTTE  (Louis-François-Gabriel  n'Oa- 
LÉANs  de),  l'un  des  plus  vertueux  évèques 
du  xvin*  siècle,  naquit  %  Carpentras,  en 
1683,  d'une  famille  noble.  Successivement 
chanoine  théologal  de  cette  ville,  çrand  vi- 
caire d'Aries,  administrateur  du  diocèse  de 
Senez,  il  fut  nommé,  en  1733,  évèque  d'A- 
miens. Ce  prélat  joignait  à  l'aménité  du  ca- 
ractère la  vivacité  de  l'esprit  le  plus  aima- 
ble; il  fut  tout  à  la  fois  le^modèledes  évè* 


UN 


DICTIONNAIRE 


m 


ques,  rexempld  de  son  clergé,  l'apôtre  de 
60B  diocèse,  et  les  délices  des  gens  de  bien. 
II  mourut,  accablé  sous  le  poids  des  années 
et  des  infirmités,  à  l'âge  de  91  ans,  le  10 
juillet  iTIk.  On  a  de  lui  des  Lettres  spiri- 
/tie{/e«,in-12,1771,Paris.Tout  j  respire  la  can- 
deur, la  droiture,  le  désir  du  bien  et  la  plu; 
noble  simplicité. 

LANFRANC,  fils  d'un  conseiller  du  sénat 
de  Pairie,  passa  en  France,  et  se  consacra  à 
Dieu  dans  le  monastère  du  Bec,  en  ipitl.  Il 
se  fit  une  réputation  européenne  par  son 
zèle  à  combattre  les  erreurs  de  Bérenger, 
au  concile  de  Rorpe,  en  1059,  et  dans  plu- 
sieursautres conciles. Il devinlabbé  de  Saint- 
Etienne  de.  Caen,  en  1063,  ety  ouj^ritune 
école  célèbre.  Guillaume  de  Normandie,  de- 
venu roi  d'Angleterre,  lui  donna  l'archevê* 
ché  de  Cantorbéry  en  1070.  Il  y  mourut  en 
1089.  Ses  ouvrages  ont  été  recueillis  par  D. 
Luc  d'Acbery,  1648,  in-fol.  On  y  trouve, 
entre  autres  choses,  des  sentences,  oik  il  est 
parlé  en  détail  des  exercices  de  la  vie  mo- 
nastiqae;  et  des  Lettres  spirituelles. 

LANGAGE  DIVIN,  —  Nous  parlons  ici 
du  langage  divin  en  tant  qu'il  est  une  parole 
vocaleque  Dieu  fait  entendre  à  un  Chrétien, 
parole  reçue  par  le  sens  de  l'audition. 

Or  Dieu  peut,  ou  par  sa  puissance  directe, 
ou  par  le  ministère  des  anges,  parler  voca^ 
lement  è  certaines  âmes.  Si  c'est  par  le  mi- 
nistère des  anges,  ceux-ci  peuvent  apparaî- 
tre sous  figure  humaine  et  parler  à  la  façon 
humaine,  et  si  c'est  Dieu  directement,  il  peut 
feindre  une  forme  corporelle,  ou  seulement 
frapper  l'air  d'une  certaine  manière  pour 
produire  des  sons  articulés.  On  ne  peut  rai- 
sonnablement être  arrêté  par  les  difficultés 
physiques  de  ces  opérations,  puisque  nous 
ne  pouvons  révoquer  en  doute  que  Dieu 
peut  et  a  fait  une  infinité  de  choses  plus 
difficiles. 

Au  surplus  cette  thèse  se  prouve  par  le 
fait.  Dieu  dans  divers  temps  a  daigné  parler 
à  diverses  personnes,  particulièrement  aux 
personnes  contemplatives.  Ainsi,  dans  l'An- 
cien Testament/ Dieu  a  plusieurs  fois  parlé 
aux  patriarches  et  aux  prophètes  et  à  d'au- 
tres personnes ,  et  on  ne  peut  disconvenir 
que  le  sens  naturel  de  l'Ecriture  sainledans 
ces  passages  fait  comprendre  une  parole 
semblable  à  une  parole  ordinaire  de  I  hom- 
me: soit  queDieuaitparlélui-inême,soitqu'il 
ait  envoyé  ses  anges,  soit  qu'il  se  soit  caché 
dans  une  nuée,  dans  un  buisson  ardent, 
dans  du  feu,  dans  le  propitiatoire,  etc. 

Ainsi  il  est  dit  d'Adam  après  son  péché: 
Lorsau'ils  eurent  entendulavoixdeDieu^Qiçi, 
et  Adam  dit  aussi:  Tai  entendu  ta  voix.., . 
Lorsqu'un  ange  vint  suspendre  lesacriOce 
d'Isaac,  il  est  dit  de  lui  :  toilà  que  Vange  du 
Seigneur  s'écria  du  ciel,.  Samuel  entendit 
trois  fois  la  voix  du  Seigneur,  quoiqu'il  ne 
le  vit  point.  Dans  iC  Nouveau  Testament, 
nous  trouvons  des  événements  semblables, 
^u  baptême  de  N.  S.,  une  voix  se  fit  enten- 
dre du  ciel  qui  dit:  Voilà  mon  fils  bien-aimé. 
Le  jour  de  1  annonciation  de  Marie  un  ange 
ae  présenta  et  il  lui  parla.  A  la  naissance  de 


Jésus-Christ,  ses  anges  chantèrent  le  Gloriaii 
exeelHs,  Saint  Paul,  au  moment  de  sa  couver- 
sion,  entendit  ces  paroles:  Saul^Saulf  pour- 
quoi me  persécutes-tut  Au  surplus,  toutes  les 
paroles  que  Jésus-Christ  a  proféréespendanlsa 
viemortellesont  autant  dejparoles  que  Dieua 
^adressées  aux  hommes.  Ou  serait  dooc  té- 
méraire de  vouloir  révoquer  en  doute  les 
paroles  que  Dieu  a  adressées  à  ses  saints 
depuis^  lorsque  ces  communications  divines 
sont  appuyées  sur  des  actes  authentiques  et 
sur  des  actes  de  canonisation. 

Les  saints  Pères  nous  autorisent  à  cette 
croyance,  saint  Denis  enseigne  que  Dieu  se 
sert  de  ses  an^es  pour  illuminer  les  imes 
par  des  apparitions  sensibles,  saint  Cyprieo 
nous  apprend  que  les  esprits  angéiiquesqui 
sont  autour  de  Dieu,  quoique  d  une  nature 
invisible,  se  rendent  sensibles  à  l'ouïe  et  à 
la  vue.  Saint  Grégoire,  saint  Thomas,  saint 
Bonaventure,  St.-fiernard,. Louis  de  Blois, 
enseignent  la  même  doctrine. 

La  raison  nous  fait  comprendre  aussique 
cette  doctrine  est  fondée  sur  la  très^bénigiie 
volonté  de  Dieu,  sur  son  parfait  amour  de 
ses  créatures.  Mais  la  raison  conçoit  en  mê- 
me temps  aue  toute  parole  qui  ne  serait 
Ëas  digne  ae  la  grandeur  et  de  1$  bonté  de 
)ieu  ne  peut  venir  de  lui*  Aussi  dans  les 
exemples  autorisés  tout  est  digne  de  la 
haute  majesté  de  Dieu.  Dans  les  longues 
conférences  auxquelles  Dieu  s'est  prêté  avec 
sainteThérèse,  toutes  les  paroles  de  la  Divi- 
nité sont  pleines  de  simplicité,  mais  en  mê- 
me temps  de  majesté  et  de  grandeur. 

Quoique  les  paroles  divines  soient  compa- 
rables aux  paroles  des  autres  hommes,  quoi- 
que ce  ne  soient  point  des  imaginations  et 
Su'elies  affectent  des  circonstances  de  temps, 
e  lieu,  de  son,  etc.,  cependant  elles  admet- 
tent matériellement  des  différences.  Elles 
ont  des  propriétés  qui  tiennent  à  leur  origine. 
En  soi,  philosophiquement  parlant, cenesont 
ni  des  paroles  divines,  car  Dieu  ne  parle 
pas  matériellement,  excepté  en  ce  qui  con- 
cerne Jésus-Christ  ;  ni  des  paroles  angéli- 
ques  pour  la  même  raison,  ni  des  paroles 
humaines,  car  ce  n'est  point  Thomme  qui 
parle.  Toutefois  nous  appelons  ces  commu- 
nications des  paroles  divines  ou  le  lanmt 
divin^  parce  que  c'est  Dieu  qui  produit  le 
son  de  ces  paroles  avec  l'intention  de  por- 
ter telle  pensée  et  tel  sentiment  daus  Tâuio 
du  fidèle. 

Comment  peut-on  connaître  au'ua  auge 
parle  au  nom  de  Dieu? 

Il  faut  pour  cela  faire  attention  à  certaines 
circonstances;  ainsi  s'il  dit  :  Voici  ce  que  dit 
le  Seigneur,  ou  d'autres  paroles  seinblable5, 
c'est  un  signe  que  c'est  un  ange  oui  parle 
comme  messager.  Si  au  contraire,  il  dit  *  ^^ 
suis  le  Seigneur,  ou  quelque  chose  de  pareil 
qui  ne  convienne  qu  à  Dieu  seul,  ne  douiez 
pas  que  ce  ne  soit  Dieu  lui-même  qai  parie. 

Si,  au  contraire,  il  n'y  a  aucun  signe  cer- 
tain qui  désigne  que  c'est  Dieu  qui  parle,  ou 
Ja  Très-sainte  Vierge,  ou  un  ange,  ou  un  saint 
en  personne,  alors  il  ne  faut  pas  s*eD  inquié- 
ter. Seulement  il  faut  faire  attention  iil«$ 


^sz 


LAN 


D*ASCETlSliE. 


LAM 


954 


choses  gui  sont  animncëes  sont  dignes  de 
Dieu,  SI  c*est  une  doclnne  conforme  à  la 
doclrine  de  TEglise  ou  du  moins  qui  ne  la 
eontreiiit  pas,  el  alors  peu  imporle  que  ce 
soit  Dieu  ou  un  ange  ou  un  saint  qui  se  fasse 
enteodre;  on  reçoit  les  |>aroIes  avec  respect, 
<|uand  d'ailleurs  les  signes  surnaturels  sont 
bi(*n  constatés. 

Nous  disons  pourvu  quo  les  signes  sur- 
naturels soient  bien  constatés,  car  uous  avons 
(Jéjà  vUyàl'article  Eitasb,  que  le  démon  peut 
faire,  comme  autrefois  cbi  temps  de  Moïse, 
des  choses  qui  ont  l'apparence  de  celles  que 
Dieu  fait.  Et  Dieu  le  permet  dans  certaines 
circonstances  pour  de  justes  raisons,  que 
uuus  comprenons  quelquefois  et  que  d*au- 
tn*s  fois  nous  ne  comprenons  pas  du  tout. 
Des  mystiques  sérieux  admettent  donc  que 
quelquefois  Dieu  permet  que  les  démons 
profèrent  des  paroles  articulées  dans  un  but 
de  séduire  on  pour  endurcir  des  pécheurs 
q>ji  méritent  ce  châtiment,  ou  pour  ensuite 
faire  ressortir  sa  gloire  par  un  prodige  plus 
grand  qu'il  fait  éclater. 

Il  /  a  en  outre  un  autre  langage  divin  que 
nous  appellerons  mental  (imaginarià)  ^  parce 
qu*il  o  existe  que  dans  TimaginatioD  Je  ce- 
lui que  Dieu  veut  instruire,  soit  dans  la 
Tcille,  soit  dans  le  sommeil. 

Comment  cela  arrive-t-il?  Voici  ce  qu'eu 
disent  ceux  qui  se  sont  spécialement  occu* 
pés  de  cette  matière. 

Le  langage  divin  mental  De  consiste  ni 
dans  des  paroles  formelles ,  ni  dans  le  son» 
mais  il  est  renfermé  dans  un  sens,  unepen* 
sée  qui  est  communiquée  à  l'Ame  immédia- 
tement. Cependant  ce  langage  interne  ne 
s'cflectue  çuère  sans  qu'il  s'y  mile  quelque 
chose  du  Tangage  ordmaire.  Tyrée  observe 
très-bien  ici  que  le  langage  qu'on  appelle 
mental  n'existe  pas  pour  cela  exclusivement 
dans  l'imagination;  il  existe  aussi  dans  l'in- 
telligence. Seulement  il  prend  son  nom  de 
mental  ou  imaginaire  {hnaginaria)  du  prin- 
cipal de  ses  caractères. 

Or  Dieu  peut  produire  cette  sorte  de  lan« 
g.ige  en  imprimant  dans  Tâme  certaines  re- 
présentations qui  existent  sans  voix,  sans 
sous  de  paroles,  et  qui  produisent  le  même 
effet  que  si  réellement  il  y  avait  parole  ma- 
térielle. 

Nous  convenons  que  ce  genre  de  langage 
n*^  r)eut  être  expliqué  par  les  règles  ordinai- 
res de  là  psychologie.  Mais  on  comprend  que 
i.otre  tâche  ne  nous  y  oblige  nullement  et 
que  nous  necraiguons  pas  le  moins  du  monde 
de  faire  à  Dieu  la  part  trop  grande  dans  ses 
communications  aTec  les  saintes  âmes. 

On  ne  peut  révoquer  en  doute  l'aflirma- 
tion  suivante  :  c'est  que  Dieu  parle  quelque- 
fois, non  avec  des  paroles  extérieures,  mais 
seulement  intérieures  et  perceptibles  par 
Timagination,  à  certaines  âmes  contempla- 
tives. On  peut  le  conclure  :  1*  par  •©  hvre 
di'S  Nombres  xii,  où  il  est  dit  :  Sril  est  parmi 
voui  un  prophète  du  Seigneur^  ie  lui  apparat 
irai  en  vision^  et  je  lui  parlerai  dans  les 
songes;  ce  qui  ne  peut  s  entendre  que  des 
paroles  mentales  ou  Imaginatives.  Nous  de- 


Tons  penser  la  même  chose  an  songe  que 
Dieu  envoya  è  Adam  IGen.  xxtiii,  13J,  oi  il 
fut  instruit  des  divins  mystères  de  Dieu  ;  du 
songe  de  Jacob,  gui  rit  les  anges  descendre 
et  monter  snr  l'échelle.  Ainsi  encore  Dieu 
s^entretint  pendant  un  songe  avec  le  roi 
Salomon.  Un  ange  est  apparu  trois  fois  à 
Joseph,  pendant  qu'il  dormait,  et  lui  intima 
les  ordres  du  Seigneur.  Saint  Paul  fut  averti 

far  un  ange  pendant  le  sommeil.  Saint 
ierre  et  saint  Jean,  étant  en  extase,  ont 
aussi  entendu  des  paroles  célestes.  Tyrée 
pense  que  la  plupart  des  discours  que  Dieu 
a  adressés  aux  saints  se  rapportent  à  ce 
genre  de  langage  mental  et  d  imagination. 
Saint  Cyprien  avait  Tette  pensée,  lorsqu'il 
parlait  de  certaines  paroles  mystérieuses 
dont  on  ne  peut  douter  qu'elles  ne  viennent 
de  Dieu.  Saint  Augustin,  saint  Thomas  re- 
connaissent très-distinctement  ce  genre  de 
langage  divin.  Saint  Thomas  surtout  (2-2, 
q.  ni)  la  dépeint  très->soigneusement« 

Le  langage  divin  mental  se  distingue 
aisément  du  langage  réel ,  lorsqu'il  existe 
sans  mélange  de  langage  extérieur;  mais  ce 
langage  extérieur,  au  contraire,  ne  peut 
avoir  lieu  sans  qu'il  soit  accompagné  de 
langage  intérieur,  par  cette  raison  que  le 
langage  extérieur  ne  peut  réellement  avoir 
lieu  sans  la  coopération  du  sens  intérieur; 
cependant  on  appelle  ceci  un  langage  exté- 
rieur, à  cause  de  la  principale  impression, 
et  on  appelle  langage  intérieur  et  mental 
celui  qui  se  rapporte  davantage  à  ce  sens 
intérieur,  surtout  lorsqu'il  se  lait  sans  au- 
cun concours  extérieur. 

Les  anges  peuvent  concourir  k  cette  sorte 
de  langage  en  parlant,  soit  en  leur  nom,  soit 
au  nom  de  Dieu,  et  toujours  comme  ses  mi« 
nistres;  ils  y  concourent  même  d'une  ma- 
nière coefficienle,  en  appliquant,  comme  on 
disait  autrefois,  les  actifs  aui  passifs  natu- 
rellement. Les  mystiques  pensent  cependant 
que  ce  ne  sont  pas  les  anges,  mais  Dieu, 
par  sa  puissance,  qui  rend  la  vue  aux  aveu- 
gles de  naissance,  qui  donne  la  lumière  pro- 
phétique. Saint  Thomas  doute  s'ils  peuvent 
par  eux-mêmes  produire  des  apparences 
phénoménales  qui  ne  soient  pas  soutenues 
par  la  réalité. 

Le  langage  divin  mental  peut  arriver 
même  aux  personnes  éveillées  el  occupées 
à  la  contemplation  ;  sainte  Thérèse  observe 
sur  ces  sortes  de  communications  :  1*  que 
les  paroles  mentales  n*ont  lieu  ordinaire- 
ment que  pendant  l'extase  et  le  ravissement; 
2**  que  rame  est  sujette  à  l'illusion,  si  elle 
n'est  pas  arrivée  à  une  grande  perfection, 
et  qu  elle  n'ait  pas  déjà  fait  l'expérience  de 
ces  choses;  3* Tes  faux  langages  intérieurs 
se  discernent  plus  facilement,  lorsqu'on  en 
a  expérimenté  de  véritablement  divins,  sur 
lesquels  il  n'y  avait  aucun  doute  possible 
au  jugement  des  hommes  d'expérience.  Les 
fausses  communications  de  ce  genre  sont 
confuses,  incertaines,  engendrent  l'inquié- 
tude ou  quelques  pensées  qui  ne  vont  pas 
assez  droit  à  Dieu  et  à  la  vertu. 


985 


LAN 


OIGTIONNÂlRb 


LAN 


M 


Le  langage  divin  mental  peut  arriver  pen- 
dant le  sommeil,  quoique  le  démon  puisse 
aussi,  comme  nous  l'avons  vu,  nous  féire 
croire  faussement  que  Dieu  nous  fait  enten- 
dre au  fond  de  TAme  certaines  paroles;  cela 
n'empêche  pas  qu'on  ne  puisse  découvrir 
jbrsque  c'est  Dieu  qui  lui-même  parle  à 
notre  Ame.  Dieu  sait  bien  le  moyen  de 
convaincre  que  c'est  lui  qui  parle,  de  ma- 
nière à  ce  que  l'interlocuteur  n'en  puisse 
douter.  Nous  devons  nous  en  rapporter  A 
lui  ;  seulement  le  directeur  ne  doit  l'admet- 
tre qu'avec  une  grande  réserve,  et  ne  s'en 
rapporter  qu'à  des  marques  incontestables. 

Qu'est-ce  que  le  langage  intellectuel  7 

Il  est  différent  de  celui  que  nous  venons 
d'examiner,  qui  est  mental  ou  plutôt  dans 
l'imagination;  mais  celui-ci  a  lieu  dans  cette 
partie  âe  l'Ame  que  Ton  appelle  la  pure  in- 
telligence ;  mais  cependant  avec  des  paroles 
comprises  par  l'Ame,  sans  le  secours  des 
sons  articules  et  des  sens  extérieurs. 

Outre  le  mode  de  percevoir  les  paroles 
articulées  par  l'organe  de  l'audition,  il  existe 
d'autres  moyens  de  donner  et  de  recevoir 
des  paroles,  et  en  général  de  saisir  les  sen- 
sibles et  les  insensibles.  Et  d'abord  ceci 
peut  commencer  à  se  comprendre  par  des 
comparaisons  :  Ainsi  dans  les  sens,  il  y  a 
des  modes  bien  différents  de  percevoir  leur 
objet;  l'œil  ne  s'en  empare  pas  de  la  même 
manière  que  l'oreille,  et  tous  les  sens  ont 
des  différences  marouées  et  profondes  dans 
leurs  aperceptions.  i)e  même  dans  les  sens 
internes,  une  vision  peut  apparaître  cQmme 
si  on  l'entendait,  une  autre  comme  si  on  la 
voyait;  et,  dans  son  eenre,  ce  mode  peut- 
être  plus  parfait  que  celui  des  sens  externes, 
parce  qu'il  s'étend  à  plus  de  choses  et  même 
aux  absentes.  Enfin,  par  la  seule  force  de 
l'imaçination  et  par  un  acte  pur  de  notre 
intelligence,  nous  pouvons  voir  et  entendre 
des  choses  que  nous  fournit  la  mémoire  ou 
l'imaçination  et  cela  d*une  manière  très- 
parfaite,  en  sorte  que  les  choses  actuelle- 
ment insensibles,  en  soi  pour  nous  devien- 
nent sensibles  par  la  puissance  de  nos  fa- 
cultés intellectuelles. 

Il  peut  se  faire  même  que  Dieu,  par  un 
privilège  très-spécial,  parle  à  l'âme,  indé- 
pendamment des  apparences  .des  choses 
sensibles  et  acquises.  Ce  langage  peut  exis- 
ter aux  moyens  de  formes  infuses,  ce  qui  rap- 
pelle le  mode  de  connaître  dont  l'Âme  jouira 
lorsqu'elle  deviendra  un  pur  esprit  après  la 
mort,  jusqu'à  la  résurrection  générale,  et 
même  après  la  résurrection.  Sainte  Thérèse, 
dans  plusieurs  passages  de  sa  Vie ,  écrite 
par  elle-même,  parle  de  cette  sorte  de  lan- 
gage qui  lui  fut  tenu  par  le  Seigneur  appa- 
raissant en  personne  :  «  Ce  langage,  dit-elle, 
est  si  céleste,  que  l'humanité  ne  s'en  em- 

Î)are  qu'avec  une  peine  extrême,  quelqu'ef- 
brt  qu'elle  fasse,   à  moins  que  Dieu  ne 
supplée  à  son  inexpérience.  Dieu  verse  ce 

S\u  il  désire  faire  connaître  à  l'Ame,  jusqu'au 
ond  de  l'esprit,  et  là,  il  le  grave  sans  image 
ni  forme  de  paroles,  mais  comme  une  vision 
indéânissable.  Dieu;dans  ces  circonstanceS| 


me  parait  vouloir  donner  à  l'Ame  qaelcpie 
connaissance  de  la  communication  des  peo- 
sées  dans  le  ciel.  Comme  dans  le  ciel  les 
pensées  circulent  d'Ames  en  Ames,  sans  le 
secours  des  paroles  (ceci  lui  a  été  ré?élé 
dans  une  extase),  ainsi  dans  le  laneage 
dont  il  est  question,  Dieu  et  l'âme  parlent, 
la  majesté  de  Dieu  le  voulant  ainsi,  sans 
l'artifice  des  paroles.  Ainsi  parmi  les  hom- 
mes, quand  aeux  personnes  s'aiment  beaa- 
coup  et  qu'elles  ont  l'esprit  délié,  elles  se 
comprennent  déjà  en  beaucoup  de  choses 
sans  paroles  ;  leurs  pensées  s'échangent 
d'une  manière  de  plus  en  plus  dégagée  des 
signes  extérieurs  et  rapides.  »  Ainsi  le  lan- 
{;age  purement  intellectuel  se  fait  sans 
image,  et  le  langage  imaginatif,  que  nous 
avons  appelé  mental,  se  fait  au  moyen 
d'images,  mais  sans  paroles  également. 

Maintenant  combien  distingue-t-on  de 
sortes  de  langages  intellectuelsf 

Saint  Jean  de  la  Croix,  dans  sa  Montée  da 
Mont-Carmel,  distingue  trois  sortes  de  lan- 
gages purement  intellectuels  :  i*  celle  qui 
se  fait  par  des  paroles  successives ,  aux- 

Îuelles  l'Ame  répond  de  la  même  manière  ; 
*  il  y  en  a  une  seconde  qui  se  fait  par  des 
paroles  formelles  que  l'Ame  seule  entend, 
saisit,  et  qui  l'instruisent;  3"  enfin  il  y  a  un 
langage-purement  intellectuel  où  l'on  entend 
des  paroles  substantielles,  qui  ne  sont  pas 
précisément  instructives,  mais  opérati?es, 
qui  font  ce  qu'elles  disent,  et  celles-là  ne 
sont  pas  facilement  sujettes  à  l'erreur.  Il 
dit  encore  que  le  langage,  intellectuel,  clair, 
intelligible,  peut  être  clair  d'abord  en  soi, 
selon  la  mesure  de  la  clarté  de  la  chose 
ui  est  annoncée  à  l'Ame,  ou  selon  te  degré 
e  contemplation  où  l'on  est  arrivé;  secon- 
dément,  à  raison  de  la  matière  qae  Pâme 
peut  voir  à  sa  manière;  elle  est  sensibje 
comme  l'humanité  de  Jésus-Christ,  ou  spi- 
rituelle  comme  Dieu  et  ses  anses. 

Comment  peut-on  discernerle  langage  in- 
tellectuel? Quoiqu'il  ait  lieu  indépendammenl 
de  toute  p&rticipation  des  sens,  cepen- 
dant il  n'exclut  pas  toute  opération  de  ee 
genre,  d'où  il  arrive  que  le  discernement  de 
cette  espèce  de  langage  n'est  pas  sans  diffi- 
culté. Il  est  prudent  dès  lors  de  ne  s'en 
rapporter  à  soi*même  qu'avec  une  extrême 
réserve. 

Prouvons  maintenant  cette  proposition: 
Dieu  parle  quelquefois  aux  parfaits  dune 
manière  purement  intellectuelle.  Sa  certi- 
tude résulte  de  Tautorité  de  rEcritare 
sainte.  David  exposant  le  mode  de  sa  pro- 
phétie dit  (//  Reg.  xxiii,  2):  i'^ipn].^»! 
Seigneur  a  parlé  par  moi 9  et  (t*  *)•  -*'??. 
gue  6riWe  la  lumtire  de  Fauroref  **.'^*|j! 
commençant  à  se  lever,  longue  le  ri«  ^ 
sans  nuages.  Ce  qui  veut  dire  selon  Ljroii: 
Dieu  m'a  éclairé  d'une  lumière  spirituel!^ 
sans  vision  imaginaire.  Nous  avons  aussi  des 
exemples  de  langage  divin  dans  Moïse  » 
saint  Paul,  nous  en  avons  parlé  plus  mj' 
Saint  Augustin  (liv.  xv  De  Trin.)  m^ 
du  langage  du  cœur  dans  lequel  l'âme  awee 
de  la  grâce  ne  voit  plus  comme  dans  ua  o^' 


3 


sn 


LAN 


D*ASCEnSllE. 


LAD 


TOir,  mais  où  Diea  parle  de  ss  propre  boa* 
cbe  à  rame  fidèle.  «  Lorsque  Dieu  parle  par 
soi-même»  dit  saint  Grégoire,  le  cœur  est 
instruit  sans  syllabes  et  sans  paroles.  C'e^t 
OD  discours  sans  bruit,  qiii  ouvre  Touîe,  qui 
j  pénètre  silencieusement.  Car  Fesprit  de 
|Dieu,  sans  dire  de  paroles,  sait  intimer  les 
choses  qu'il  faut  faire.  » 

Sainte  Thérèse  dans  sa  Ft>,  c.  S7,  et  saint 
Jean  de  la  C^\\  '{ Mont.  Carm. ,  28  ),  nous 
fournissent  des  témoignages  bien  positifs  de 
celte  vérité.  Nous  pouvons  aussi  le  prouver 

Kr  la  raison  indirectement.  On  conçoit  que 
eu  puisse  élever  Tâme  ici-bas,  jusqu'à  la 
puissance  de  connaître  surnaturelle,  en 
vertu  d'un  privilège  fondé  sur  la  sainteté, 
ou  sur  un  autre  motif  :  connaissance  c[ui 
arrive  par  des  formes  snrnaturellement  in- 
fuses. La  raison  n'e.<t  pas  dès  lors  admise  à 
laire  des  objections  sur  le  fond  de  la  chose. 

Cependant  saint  Thomas  fait  une  difficulté  : 
Il  dîl  que  l'illumination  du  rayon  divin  ne 
peut  arriver  à  Tâme  dans  cette  vie  sans  le 
voile  des  objets  imaginés  ;  car  il  est  dans  la 
Datur(«  de  la  vie  présente  de  ne  rien  conce- 
voir sans  les  images. 

On  répond  que  saint  Thomas  parle  ici  du 
mode  ordinaire  du  langage,  et  non  de  cet 
état  extraordinaire  qui  suppose  un  privilège 
divin.  II  n'applique  point  son  observation 
aux  visions  ue  saint  Paul  ou  de  Moïse,  ni 
d'autres  cas  de  même  nature. 

Quels  sont  les  signes  pour  distinguer  le 
langage  vraiment  divin  de  ceux  qui  sont 
faux?  Il  faut,  è  ce  propos,  distinguer  les  cho- 
ses par  rapport  à  la  matière,  et  par  rapport 
aux  personnes,  ou  par  rapport  aux  effets. 

Quant  à  la  matière,  voyez  1*  si  le  langage 
De  contient  rien  qui  soit  indigne  de  Dieu, 
eontre  la  foi,  les  mœurs,  les  traditions  et  les 
définitions  de  l'Eglise,  contre  le  sentiment 
des  saints  Pères  et  des  théologiens;  2*  qu'il 
lie  renferme  rien  d'impudique,  car  alors, 
dit  sainte  Thérèse,  soyez  sûr  que. c'est  le 
langage  du  démon. 

Quant  à  la  personne,  il  faut  voir  1*  si  la 
personne  est  dévote  et  catholique  ;  S*  si  elle 
n'est  point  pécheresse,  tiède,  ou  éloignée 
des  faveurs  divines;  3*  si  elle  est  humble; 
4*  si  elle  demande  ou  désire  ces  communi- 
cations; 5*  si  elle  est  possédée  du  démon; 
èr  si  elle  est  mélancolique  ou  maladive; 
7*  si  elle  a  fait  des  progrès  dans  les  voies  de 
l'esprit;  8*  si  elle  n'est  point  pauvre,  ou 
très-riche,  ou  bien  jeune,  ou  vieille;  9"  si 
c'est  une  femme  légère  ou  crédule. 

Quant  aux  effets ,  voyez  1*  si  le  langage, 

au'on  dit  être  divin,  excite  à  quelque  chose 
'impur;  2*  s'il  engendre  l'orgueil;  3*  si  on 
soumet  ce  langage  à  son  directeur;  4*  si  on 
le  rend  public;  5*  s'il  provoque  la  mortifi- 
cation de  la  chair;  6*  si  d'abord  il  terrifie, 
et  qu'ensuite  il  calme. 

Sainte  Thérèse  ajoute  qu'un  siçne  mani- 
feste de  la  présence  de  Dieu  parlant,  c'est 
lorsque  ses  paroles  s'accomplissent  sur-le- 
champ.  Comme  lorsqu'il  dit  à  ses  Apôtres  : 
Cest  moi,  ne  craignez  pas  *  et  ils  se  cal* 
mèrent. 


Ecoutons  donc  les  choses  que  le  Seigneur 
nous  dit  :  (Pi.  lxxxiv).'  Et  quoique  nous  ne 
devions  pas  désirer  les  langages  divins  dont 
nous  venons  de  parler,  ce  qui  serait  témé- 
raire ,  cependant ,  nous  ne  devons  pas  y 
avoir  de  répugnance  ni  y  porter  de  Teppo- 
sition ,  par  un  esprit  dissipé,  une  imagina* 
tion  sans  frein,  par  un  esprit  qui  s'obsède 
et  s'accable  d'inutilités,  par  le  mouvement 
libre  ei  incessant  des  passions  peu  conte- 
nues, par  la  loquacité  et  la  feinte  du  silence  ; 
mais  nous  devons  pratiquer  la  mortification, 
fuir  les  inutilités,  la  curiosité,  le  bruit; 
marcher  en  la  présence  de  Dieu,  surtout 
dans  l'oraison,  et,  s'il  lui  plaît,  nous  enten- 
drons sa  parole.  Surtout,  nous  accepterons 
avec  empressement  les  inspirations  de  Dieu 
ordinaires;  c  Car,  dit  saint  Bernard,  nous 
serions  téméraires  et  insensés,  si  Dieu  nous 
parlant,  nous  détournions  les  oreilles.  Et, 
ne  nous  contenions  pas  d'écouter,  mais 
mettons  en  exécution.  »  Exercez-vous  avec 
persévérance  à  suivre  ces  inspirations  jus- 
qu'à ce  que  l'esprit  vous  dise  de  vous  repo- 
ser de  vos  travaux.  A  cette  parole,  vous 
vous  reposerez  doucement  jusqu'à.ce  que 
Tienne  Theure  où  ceux  qui  sont  dans  les 
tombeaux  entendront  la  voix  de  Dieu,  les 
uns  pour  le  jugement ,  les  ^autres  pour  la 
vie  éternelle. 

LANGCET  (Jean-Joseph),  né  à  Diion,  do 
procureur  général  au  parlement  de  cette 
ville,  entra,  à  la  sollicitation  de  Bossuet, 
son  compatriote  et  son  ami,  dans  la  maison 
de  Navarre,  dont  il  devint  supérieur,  et  fut 
nommé  évéqne  de  Soissons,  en  1715.  Il 
passa,  en  1731,  de  cetévèché  h  l'archevêché 
de  Sens,  et  mourut  en  1753,  à  l'âge  de 
soixante-seize  ans,  regardé  comme  un  pré- 
lat pieux  et  charitable.  Il  s'était  distingué 
par  son  zèle  contre  les  jansénistes.  Outre 
ses  ouvrages  polémiques,  on  a  de  lui: 
1*  une  Traduction  des  psaumes ,  in-12  ;  — 
9r  De  Fesprit  de  FEglise  aans  ses  cérémonies  : 
—  3*  Des  livres  de  piété  pleins  d'onction, 
et  entre  autres,  le  Traité  de  la  confiance  en 
la  miséricorde  de  Dieu^  bien  propre  a  la  faire 
naitre  dans  le  cceur  des  fidèles  ;  —  k*  des 
Remarques  sur  le  Traite  du  jésuite  Pichon, 
touchant  la  fréquente  communion;^  5*  La  vie 
de  Marie  Atacoque,  1729,  in-^*. 

LAUDENOT  (Louise),  tille  d'un  médecin 
du  roi,  fit  profession  chez  les  Bénédictines 
de  l'abbave  de  Montmartre,  et  s'y  distingua 
par  sa  régularité  et  ses  vertus.  Elle  avait 
reçu  une  éducation  soignée,  avait  du  ta- 
lent et  écrivait  avec  facilité.  Elle  fit  tourner 
à  la  gloire  de  Dieu  ces  heureuses  disposi- 
tions, en  composant  divers  ouvrages  de 
spiritualité  propres  à  l'édification  du  pro- 
cnain.  Elle  mourut  saintement  «dans  sou 
couvent,  le  97  mai  1636.  On  a  d'elle  :  1*  Coté- 
chisme  des  vices  et  des  vertus;  —  S*  Médita^ 
tions  sur  les  vies  des  saints^  etc.  ;  — 3"  Mxet^ 
cice  pour  la  sainte  communion  et  pour  la 
messe, 

LAURENT  JCSTINIEN  (Saint;,  né  à  Ve- 
nise en  1381 ,  premier  général  des  chanoines 
de  Saint-Georges  in   Alga,  donna  è  celte 


«59 


LEC 


DICTIONNAIRE 


LEN 


congrégation  d'excellents  règlements.  Le 
Pape  Eugène  IV  le  nomma  évëque  et  pre- 
mier patriarche  de  Venise  en  1^51. 11  mou- 
ruty  en  1455,  à  soixante-uuatorze  ans,  après 
AToir  gouverné  son  diocèse  arec  sagesse. 
On  a  de  lui  plusieurs  Ouvragée  de  piitif  in- 
foL,  Venise,  1755. 

LÉANDRE  (Saint),  Qls  d'un  gouverneur 
de  Cartbagène,  embrassa  d'abord  la  vie  mo 
naslique,  et  devint  ensuite  évoque  de  Se- 
ville,  où  il  célébra  un  concile  en  590.  Il 
travailla  avec  beaucoup  de  zèle  à  la  conver- 
sion des  ariens  de  son  diocèse,  se  distingua 
au  concile  de  Tolède  en  589,  et  mourut  en 
601.  Saint  Grégoire  le  Grand  lui  dédia  ses 
Morales  sur  Jobf  qu'il  avait  entreprises  à 
sa  persuasion.  On  a  de  saint  Léandre  une 
Lettre  h  Florentine,  sa  sœur,  qui  renferme 
des  avis  fort  utiles  pour  les  religieuses,  et 
qui  a  été  insérée  (fans  la  Bibliothèque  des 
Pires. 

LÉANDRE  (Le  P.)»  Capucin,  mort  à  Dijon,' 
sa  ville  natale,  en  1667,  composa  plusieurs 
ouvrages  qui  lui  Tirent  un  nom.  Les  plus^ 
estimes  sont  :  l*"  Les  vérités  de  lEvangile^ 
1662,  Paris,  2  vol.  in-fol.;  —2«  Un  Commen- 
taire  sur  les  Epitres  de  saint  Paul,  1663, 
2  vol.  in-fol. 

LECLERC  (Antoine),  seigneur  de  La 
Forest,  maître  des  requêtes  de  la  reine 
Marguerite  de  Valois,  combattit  d'abord 
pour  les  calvinistes,  et  embrassa  ensuite  la 
religion  catholique,  à  laquelle  il  consacra 
ses  talents.  Saint  François  de  Sales,  saint 
Vincent  de  Paul,  les  personnes  les  plus  ver- 
tueuses et  les  plus  éclairées  de  son  siècle, 
furent  liés  avec  lui.  Il  mourut  à  Paris,  en 
odeur  de  sainteté,  en  1628,  Agé  de  soiiante- 
cinq  ans.  On  a  écrit  sa  Vie  sous  le  titre  du 
Séculier  parfait.  On  a  d'Antoine  Leclerc 
quelques  ouvrages  de  piété. 

LECLERC  (Paul),  Jésuite,  né  à  Orléans  en 
1657,  enseigna  les  belles-leltres  avec  succès. 
Appelé  à  Paris,  il  eut  divers  emplois,  et 
mourut  en  1710.  Ses  ouvrages  ascétiques 
sont  ses  Réflexions  sur  les  quatre  fins  der^ 
niires^  et  plusieurs  auires  livres  de  piété. 

LECTURE  SPIftlTOELLE.  —  Un  des 
moyens  les  plus  propres  de  rendre  YOraison 
mentale  {Voir  ce  mot)  utile  à  la  perfection 
chrétienne,  c*est  la  lecture  spirituelle^  faite 
chac^ue  jour,  d'un  livre  utile  à  la  perfection 
de  1  esprit. 

V  L  Ecriture  sainte  nous  exhorte  a  cette 
lecture  :  Dévorez  ce  volume,  {Ezech.  m,  1.) 
Soyez  attentif  à  la  lecture.  (/  Tim.  iv,  13.) 

2*  Les  saints  Pères  nous  y  exhortent. 
«  L*homme,  dit  saint  Augustin,  peut  se 
considérer  lui-même  dans  les  saiutes  Ecri- 
tures comme  dans  un  miroir,  et  y  voir  ce 
qu'il  est  et  où  il  va.  Leur  lecture  assidue 
puriQe  tout,  inspire  la  crainte  de  l'enfer  et 
invite  le  cœur  de  celui  qui  lit  à  s'ouvrir  aux 
joies  éternelles.  Celui  qui  veut  toujours  être 
avec  Dieu  doit  souvent  lire  et  prier;  car 
en  priant,  nous  nous  entretenons  nous- 
mêmes  avec  Dieu,  tandis  que  quand  nous 
lisons,  c'est  Dieu  qui  nous  parle.  La  lecture 
est  une  excellente  occupation,  et  très-sou- 


venl  mile  au  salut  des  Ames.  Comme  la 
chair  se  nourrit  d'aliments  eharaels,  ainsi 
l'homme  se  nourrit  des  entretiens  divins.  • 
(Serm.  il2  De  tempore.) 

L'auteur  de  VEekelle  claustrale  (c.  10)  dit 
aussi  :  «  La  lecture  est  en  quelque  sorte  le 
fondement,  et  elle  nous  fournit  la  matière 
de  la  méditation.  »  Saint  Bonaventure  (L  u 
De  profect.  relig.j  58)  :  «  Livrons^nous  sou- 
vent à  des  lectures  pieuses,  que  nous  puis- 
sions nous  rappeler  utilement  dans  rorai- 
son.  »  EnGn  Thomas  A*Kempis  (Serm.  13 
ad  Novit,)  :  «  C'est  dans  la  lecture  des  livres 
saints  qu  on  puise  les  meilleures  médita- 
tions sur  Dieu,  j» 

3*  La  raison  en  est  que  la  lecture 
de  chaque  jour  remplit  la  mémoire  d'ima* 

f;es  et ,  pour  ainsi  dire,  d'aliments  si- 
utaires ,  clont  TAme  se  nourrit  dans  la 
méditation.  Souvent  même  la  lecture  peut 
suppléer  à  la  méditation,  si  ehe  transporte 
rame  en  de  pieuses  affections,  et  lui  sug- 
gère de  fermes  résolutions. 

Pour  que  la  lecture  spirituelle  soit  fruc- 
tueuse, elle  doit  remplir  les  conditions  sui- 
vantes. 

1*  Il  faut  la  faire  en  temps  voulu,  certain 
et  désigné;  une  lecture  vaçue  et  peu  cons- 
tante n*est  pas  d'une  bien  grande  uti- 
lité. 

2"  Il  faut  la  faire  dans  un  bon  livre  et 
dans  un  livre  conforme  à  l'état  particulier 
de  chacun  ;  on  doit  le  lire  tout  du  long,  et 
le  recommencer  plusieurs  fois.  Il  faut  éviter 
avec  soin  les  livres  défendus  par  l'Eglise, 
qui  distillent  l'erreur  sous  une  piété  appa- 
rente, ainsi  que  ceux  qui  nourrissent  plulôl 
la  curiosité  une  la  piété. 

3°  On  doit  la  faire  en  invoquant  le  Saint- 
Esprit,  avec  tout  le  respect  [)ossible  et  avec 
la  sincère  intention  de  faire  et  de  coDQsi'f? 
la  volonté  de  Dieu,  de  déraciner  les  vices  et 
de  cultiver  les  vertus. 

k""  Elle  doit  se  faire  chaque  jour,  avec 
calme,  lenteur  et  attention;  il  ne  faut  pas 
la  prolonger  trop  longtemps  :  on  doit  beau- 
coup lire;  mais  non  lire  beaucoup  de  choses, 

5°  Si  dnns  la  lecture  se  rencontre  un 
passage  dont  Tftme  soit  impressionnée,  ii 
îaut  s'y  arrêter  et  y  réfléchir  quelque 
temps. 

6"  U  faut  mettre  en  pratique  et  en  action 
les  choses  que  nous  avons  lues,  et  prendre 
note  de  telle  ou  telle  pensée,  avec  les  ré- 
flexions qu'elle  inspire,  pour  nous  en  servir 
dans  telle  ou  telle  circonstance  et  dans  cer- 
taines tentations. 

LEGER  (Antoine),  né  dans  le  diocèse  de 
Fréjus,  fut  supérieur  du  séminaire  d  Au 
sous  le  cardinal  de  Grimaldi,  et  mourut  en 
1728,  à  l'âge  de  soixante-onze  ans,  direc- 
teur de  Sainte -Pélagie.  Ses  ouvrages  ascé- 
tiques sont  :  1*  Une  retraite  de  dixjour^^ 
in-12  ;  —  2»  Les  véritables  maximes  des  sm^^ 
sur  l'amour  de  Dieu.  ... 

LENÂIN  (dom  Pierre),  né  à  Paris  en  IWO» 
à  Saint-Victor  de  Paris,  puis  à  la  Trappe»  où 
il  fut  un  exemple  de  pénitence,  d'humilut'» 
et  enfin  de  toutes  les  vertus  chrélienue^ 


961 


UG 


D*ÂSC£ÎISME. 


LUR 


el  mooastiqaes.  Il  mourut  en  1713,  après 
HToir  publié  de  nombreux  ouTra^es  bis- 
toriques  et  biographiques.  Il  a  laissé,  en 
ou  Ire  :  1*  des  homélies  sur  Jérémie»  in-Â*,  9 
vol.;  — ^BUtalion  à  Dieu  pour  se  préparer  à 
il  mort  ;  —  3*  Zhi  scandale  qui  peut  arrirer 
même  dans  les  monastères  les  mieux  réglés  ; 
—  4*  De  Vétal  du  monde  après  le  jugement 
dernier. 

LEON  (saint)t  monta  sur  le  trôae  ponlifi- 
cal  en  UO.  Par  son  autorité  de  Pontife  et 
de  docteur,  iJ  sut  arrêter  les  progrès  des 
hérétiques.  II  arrêta  le  féroce  Attila  qui  se 
précipitait  sur  Rome.  Ce  grand  et  saint  doc- 
teur a  laissé  parmi  ses  œurres  plusieurs 
sermons  sur  le  jeûne  et  sur  les  rerlus 
chrétiennes.  (Fotr  le  Catalogue.) 

LEON  DB  Samt-Jbah,  Carme,  oéà  Ren- 
nes en  1600,  dont  le  vrai  nom  était  Jean 
Macé,  fut  élevé  soccèssiYement  à  presque 
toutes  les  charges  de  son  ordre.  If  prêcha 
deTaut  Louis  XllI  et  Louis  Xi  V  arec  applau- 
dissement. Ami  intime  du  cardinal  de 
Richelieu,  îlrecueillil  lesderniers  soupirs  de 
ce  grand  homme.  Il  mourut  à  Paris  le  30 
décembre  1671,  après  avoir  publié  un  grand 
nombre  d'ouvrages,  parmi  lesquels  nous 
remarquons  :  i^tudiumsapientxafuniversalis^ 
3  Tol.  m  fol.;  — 3*  La  Vie  de  sainte  Magde^ 
lène  de  Paxzi,  1636,  in-8*;  —  3*  plusieurs 
ouvrages  ascétiques^  etc. 

LEROY  (GuiHaume),  né  àCaen,  Tan  1610, 
fit  ses  études  h  Pans,  embrassa  Télat  ec-. 
clésiastique ,  devint  chanoine  de  Notre- 
Dame  de  Paris,  puis  abbé  de  Haute-Fon- 
laîne,  où  il  mourut  en  1684.  Il  était  ami 
d'Amauld  et  de  Nicole.  On  a  de  lui  :  1*  Ins- 
tructions recueillies  des  sermons  de  saint  Au- 
gustin mr  tes  Psaumes ^  7  vol.  in-12;—  2*  La 
solitude  chrétienne,  3  vol.  in-12. 

LESSIUS  (Léonard),  Qorissait  à  la  fin  du 
xTi*  siècle;  ses  ouvrages  théologiuues,  vio- 
lemment et  injustement  attaques  par  la 
Faculté  de  théologie  de  Louvain,  furent 
détendus  par  la  cour  de  Rome,  et  méritèrent 
Tapprobation  de  saint  François  de  Sales. 
Sa  Voie  du  ciel  est  un  excellent  ouvrage 
pour  les  personnes  méditatives. 

LEZANA  (Jean-Baptiste  bb).  Carme,  na- 
quit à  Madrid,  le  23  novembre  1586.  Il 
enseigna  avec  réputation  à  Tolède,  à  Alcala 
et  è  Rome.  Il  mourut  dans  cette  dernière 
Tille,  le  ^  mars  1659.  On  a  de  lui  :  VSumma 
quœstionum  regularium,  Lyon,  1655,  ^  vol. 
m-fol.  C*est  une  théologie  qui  a  pour  objet 
principal  les  devoirs  des  religieux.  —  2" />e 
negularium  reformaiione,  Rome,  16&6,  in- 
h*   etc. 

LIGÛORI  (saint  Alphonse -Marie  db), 
évèque  de  Sainte  «-Agathe  des  Goths,au 
royaume  de  Naples,  et  fondateur  de  la  con- 
grégation des  Missionnaires  du  Saint-Ré- 
dempteur, naquit  à  Naples  d'une  famille 
noble  et  ancienne,  le  26  septembre  1696. 
Apr^  le  cours  de  siss  études,  il  embrassa 
la  profession  d'^avocal,  qu'il  exerça  quel- 

3ue  temps  à  Naples  avec  succès;  maison 
722,  dégoûté  de  cette  carrière,  il  pensa  à 
se   faire   ecclésiastique,    s'appliqua  à   la 


théologie,  et  lot  les  saintes  Beritores  et  les 
Pères.  Dès  qu'il  fut  parvenu  au  sacerdoce, 
il  s'attacha  a  la  congrégation  de  la  Prope- 
gwide  et  se  livra  à  Ta  prédication  avec  un 
zèle  vraiment  apostolique.  En  1769,  il  fut 
nommé  évCque  de  Sainte-Agathe  par  le 
Pape  Clément  XIIL  Dès  lors,  il  ne  cessa 
d'édifier  son  diocèse  |>ar  ses  prédications , 
par  des  instructions  familières,  pat  des 
lettres  pastorales,  par  ses  écrits,  et  surtout 
par  l'exemple  de  ses  vertus.  Après  treize 
années  d'épiscopat  et  une  iongne  Tîe  passée 
tout  entière  dans  les  travanx  du  ministère 
et  les  austérités  de  la  pénitence,  derenu 
sourd  et  presque  aveugle,  tourmenté  d'une 
maladie  cruelle,  il  obtint  du  Pape  Pie  VI 
d'être  déchargé  du  gouvernement  de  son 
Eglise  ;  il  avait  près  de  quatre-vingts  ans. 
11  se  retira  à  Nocera  de  Pagani^  dans  une 
maison  de  sa  conérégation ,  où  il  vécut 
encore  onze  ans«  II  mourut  saintement  le 
1«'  août  1787,  âgé  de  près  de  quatre-vingt- 
onze  ans.  Il  a  été  canonisé  par  le  Pape 
Pie  IX.  Ses  œuvres  ascétiques  sont  :  1*  Homo 
apostolicuSf  etc.,  3  vol.; —  2*  Directorium 
ordinandorum  ;  3" —  La  vera  sposa  di  Christo^ 
2  vol.  in-J2;  —  4*  Le  glorie  di  Maria*,  etc., 
2  vol.  in-8*  ;  —  5*  Operete  spiritucJi,  ossia 
r  amor  delF  anime  et  la  visita  al  santissimo 
sacramento,  2  vol.  in-12  ;  —  6*  Discorsi  sa- 
cro-morali  per  tulte  le  domeniche  delV  anno. 
Plusieurs  de  ces  ouvrages  ont  été  traduits 
en  français. 

LINGëNDES  (Claude  de],  né  è  Moulins 
en  1591,  Jésuite  en  1607,  fut  provincial  et 
supérieur  de  là  maison  professe  à  Paris, 
où  il  mourut  en  1660.  Il  se  distingua  parti- 
culièrement par  son  talent  pour  la  chaire. 
Outre  des  sermons,  3  vol.  in4%  il  a  laissé 
un  ouvrage  intitulé  :  Conseils  pour  la  eoU" 
duite  de  la  vie. 

LOARTE  (Gaspard),  Jésuite  espaçnoL  na- 
quit à  Medina-Cœli  vers  ik9S.  II  prit  l'habit 
en  1552,  d'après  l'avis  du  pieux  Jeaud'Avila, 
son  directeur.  Il  fut  successivement  recteur 
des  collèges  de  Gènes  et  de  Messine.  De  re- 
tour en  Espagne,  il  fixa  son  séjour  à  Valence, 
où  il  s'occupa  avec  beaucoup  de  zèle  de  la 
conversion  des  Maures.  Il  mourut,  aussi 
plein  de  mérites  que  d'années,  en  1578. 11 
avait  fait,  sous  Avila,  de  grands  progrès 
dans  la  vie  spirituelle;  on  en  voit  la  preuve 
dans  les  ouvrages  qu'il  a  composés,  lesquels 
ont  presque  tous  rapport  à  la  vie  intérieure. 
On  a  de  lui  :  1*  De  afflictorum  consolations 
libri  très,  ouvrage  traduit  en  fran^^ts,  Pa- 
ris, 178i ;—^  De  continua  Passionts mémo- 
ria  ;  —  3*  Meditationes  de  passione  Christi  ; 
—  4*  Meditationes  de  Rosario  ;  5*  Remédia 
contra  septem  peccata  mortalia  ;  —  6*  Anli-- 
dotum  spirituals  contra  pestem  ;  —  7*  Instru- 
ctio  sacerdotum  et  confessariorum  ; — 8*  Tro" 
ctatus  de  peregrinationibus ,  stationibus  et 
indulgentiis. 

LORDELOT  ^enigne),  avocat  au  grand 
conseil,  non  moins  distingué  par  sa  piété  et 
ses  vertus  que  par  sa  capacité  dans  l'exercice 
de  sa  profession,  naquit  à  Dijon  le  12  oc- 
tobre 1639.  Il  était  avocat  au  parlement  de 


MAF 


DICTIONNAIRE 


MAL 


961 


eeite  Tille.  Il  alla  ensuite  se  fixer  à  Paris» 
où  il  moarot  le  1"  mai  1720.  Il  est  auteur 
d*un  grand  nombre  d'ouvrages  (|ui  prouvent 
sa  piété  et  ses  sentiments  religieux  :  1*  De* 
vovn  de  la  vie  domestique^  \par  un  pire  de 
famille^  Paris,  1706,  in-12;  —  2*  Noëlepour 
Ventreiien  des  âmes  dévotes^  Dijon,  1660, 
in-12;  — 3*  Pensées  chrétiennes  tirées  des 

{}saumeSf  Paris,  1706,  in«12  ;  — 4*  Lettres  sur 
es  devoirs  d^un  véritable  religieux^  écrites 
par  un  nère  à  son  fils  nouvellement  religieux 
profès  dans  la  congrégation  de  Saint-AuguS" 


tin,  Paris,  1708,  in-12;  --5*  Entretien  du 
juste  et  du  pécheur  sur  cette  proposition^  que 
l'homme  souffre  beaucoup  plus  de  maux  el 
de  peines  pour  se  damner  que  pour  se  sau- 
ver, Paris,  1709,  in-12,  etc. 

LUDOLPHE  DE  Saxe,  d'abord  Dominicain, 
puis  Chartreux,  était  prieur  de  Strasbouq; 
en  1330.  C'est  tout  ce  que  Ton  sait  de  lui. 
Outre  une  traduction  de  llmitaiion ,  qu'on 
lui  attribue,  on  lui  doit  une  Vie  de  JésuS" 
Christ  in-foi,  en  latin,  imprimée  en  iklk. 
Elle  a  été  traduite  en  français. 


M 


MAGAIRE  (Saint)  l'Ancien,  célèbre  soli- 
taire du  IV*  siècle,  passa  soixante  ans  dans 
un  monastère  de  la  montagne  de  Scété,  par- 
tageant son  temps  entre  la  prière,  l'éludfe  et 
le  travail  des  mains.  Il  mourut  vers  391,  âgé 
de  quatre-vingt-dix  ans.  On  a  de  lui  cin- 
quante homélies  en  grec,  2  vol.  in-8*,  Leip- 
sick,  1699.  Les  mystiques  en  font  un  cas 
tout  particulier.  On  y  trouve  toute  la  sub- 
stance de  la  théologie  ascétique. 

MACAIRE  (Saint)  le  Jeune,  d'Alexandrie, 
autre  célèbre  solitaire,  ami  de  saint  Macaire 
l'Ancien,  eut  près  de  cinq  mille  moines  sous 
sa  direction.  La  sainteté  de  sa  vie  et  la  pu- 
reté de  sa  foi  l'exposèrent  à  la  persécution 
des  ariens.  II  fut  exilé  dans  une  lie  où  il  n'y 
avait  pas  un  seul  Chrétien  ;  mais  il  en  con- 
vertit presque  tous  les  habitants  par  ses  ver- 
tus et  par  ses  miracles.  Il  mourut  en  394. 
On  lui  doit,  ou  du  moins  on  lui  attribue  les 
Règles  des  moines,  recueillies  en  trente  cha- 
pitres dans  le  Codex  regularum  de  saint  Be- 
noit, publié  par  Holstein  (Luc),  en  1661»  k 
Rome.  Saint  Macaire  a  aussi  laissé  un  Dis-* 
cours  sur  la  mort  des  justes,  publié  par  Jac- 
ques Tollius. 

HaCÉ  (François),  né  à  Paris,  y  devint 
curé  de  Sainte-Opportune  et  se  fit  estimer 
par  son  savoir  et  par  ses  vertus.  II  mourut 
en  1721,  après  avoir  prêché  et  écrit  avec 
succès.  On  a  de  lui  un  grand  nombre  d'ou- 
vrages, et  entre  autres,  la  traduction  de  quel- 
ques livres  de  piété  du  P.Busée,  etdel/mi- 
tation  de  Jésus-Christ  \  en  outre,  V Esprit  de 
saint  Augustin^  et  Mélanie  ou  la*  Feutre  chari- 
table,  histoire  morale  qui  eut  beaucoup  de 
▼ogue. 

MkCÈ.— Voyez  Léon  de  Saint-Jban« 

MAFFEI  (Yegio),  chanoine  de  Saint-Jean- 
de-Latran,  né  à  Lodi  dans  le  Milanais,  mort 
en  1US8,  était  dataire  du  Page  Eugène  lY. 
Il  illustra  sa  plume  par  plusieurs  ouvrages 
écrits  avec  élégance.  On  lui  doit  :  1**  De  edw 
catione  liberorum,  Paris,  1511,in-4*;— 2"sii 
livres  De  la  persévérance  dans  la  religion  ;  — 
3*  Discours  des  quatre  fins  de  Vhomme. 

MAFFEI  (Jean-Pierre),  célèbre  Jésuite,  né 
k  Bergame  vers  1536,  s'acquit  l'estime  de 
Philippe  II,  roi  d'Espagne,  et  du  Pape  Gré- 
pire  4UI,  \\  mourut  à  Tivoli  en  1603.  On 


a  de  lui ,  outre  quelques  autres  ouvrages 
élégamment  écrits.  De  vita  et  moribus  saacti 
Ignatii,  Venise,  1685,  in-8*. 

MAISIERES  (Philippe  de),  né  au  ehftleau 
ne  Maisières,  du  diocèse  d'Amiens,  vers 
1327,  porta  successivement  les  armes  en 
Sicile  et  en  Arragon,  revint  en  France  où  il 
obtint  un  canonicat,  fit  ensuite  le  voyage  de 
Terre-Sainte,  où  il  devint  chancelier  de 
Pierre  de  Lusignan,  roi  de  Chjrpre  et  de  Jé- 
rusalem, revint  une  seconde  fois  en  Fraoce, 
en  1372,  fut  chargé  de  l'éducation  du  dau- 
phin, depuis  Charles  VI,  et  enfin  se  retira 
chez  les  Célestins  de  Paris,  en  1380.  11  v 
mourut  en  1405.  C'est  lui  qui  obtint  de 
Charles  VI,  en  1395,  l'abrogation  de  la  cou- 
tume que  Ton  avait  alors  de  refuser  aux 
criminels  condamnés  à  mort  le  sacrement  de 
pénitence.  On  a  de  lui  :  1°  le  Pèlerinage  du 

{}auvre  pèlerin;  —  2*  le  Sonae  du  pie%êx  pi^ 
erin.  Dans  l'un»  il  expose  les  rè^es  de  la 
vertu,  et  dans  l'autre  il  donne  les  mojens 
de  quitter  le  vice. 

MALBOSC  (David  de},  prêtre  et  docteur  eu 
tnéologie  de  1  Université  de  Toulouse*  aé  à 
Quersac  dans  le  Gévaudan,  vivait  dans  le 
siècle  dernier.  Il  est  mort  à  Paris,  recteur  de 
l'hôpital  générai,  le  23  septembre  1784.  On 
a  de  lui  un  livre  de  piété  intitulé  :  La  Tie  du 
Chrétien,  1766,  in-i2. 

MALEBRANCHE  (Niiiolas),  né  à  Paris  en 
1638,  entra  dans  la  congrégation  de  l'Ora- 
toire en  1660.  lise  livra  tout  entier,  d'abord 
a  i*étude  de  l'Ecriture  sainte  et  de  la  théo- 
logie, puis  aux  méditations  philosophiques. 
Tout  le  monde  connaît  son  rameux  livre  De 
la  recherche  de  la  vérité.  Le  P.  Malebranche 
'  mourut  le  15  octobre  1715.  Ses  ouvrages 
ascétiques  sont  :  1*  Traité  de  la  nature  tt  da 
la  grâce,  iSSk,  in-12;  — 2^  Méditations  chré- 
tiennes et  métaphysiques,  1683,  in-12  ;  c'est 
un  dialogue  entre  le  Verbe  et  lui;— 3*  Traité 
ie  Vamour  de  Dieu,  1697,  in-12;  —  l*  Traita 
de  la  confession  et  de  la  communion,  Amster- 
dam, 1769.  Tous  ces  ouvrages  sont  remplis 
de  métaphysique. 

MALLËVILLE  (Guillaume),  prôtre,  né  à 
Domme,  petite  ville  du  haut  Périgord,  en 
1699,  s'est  fait  connaître  par  divers  ouvra- 
ces  pieux  ou  utiles  à  la  religion,  3es  œ^^ 


UAN 


DASCETISIIE. 


UAK 


rre$  ascétiques  sont  :  1*  Detwn  du  Chri^ 
tien^  1750,  4  roL  iD-12;  —  3*  friire$  et  bon$ 
propos  pour  le$^  prêtres^  1752,  in-16;  — 
3*  teitru  sur  Fadminisiraiion  du  sueremeni 
de  pénienee, 

HANICHÉISIIB.  —  Oo  retrouve  les  traces 
du  faux  mysticisme  jusque  dans  les  prati- 
ques de  «Dès;  comme  plusieurs  gùosti- 
ques,  il  distingue  les  initiés  ou  parfaits, 
perftetif  des  catéchumènes,  audiiores^  qu'un 
enseignement  à  la  fois  religieux  et  philoso- 
phique, mystique  et  allégorique ,  préparait 
longtemps  d'arance.  Les  manichéens  avaient 
aussi  une  hiérarchie  marquée  et  complète  : 
c'étaient  douze  maîtres  avec  un  chef, 
soixante-douze  évèques,  prêtres  et  diacres. 
Le  culte  exotérique,  selon  leur  langage, 
était  tout  à  fait  spirituel  et  devait  faire 
contraste  avec  celui  des  catholiques  (semi- 
chrétiens).  Ils  jeûnaient  le  dimanche  et 
célébraient  le  jour  anniversaire  de  la 
mort  «de  Manès  comme  une  grande  f&te 
ecclésiastique  {^fm).  Le  culte  exotérique 
était  entièrement  secret  et  mystérieux.  Il 
fallut  des  recherches  judiciaires  très-rigou- 
reuses pour  découvrir  que,  dans  le  parti  des 
cathares,  ils  pratiquaient  une  Eucharistie 
criminelle.  La  morale  des  par&its  consistait 
i  éviter  toute  es|)èce  d'injure,  à  s'abstenir 
de  viande,  de  boissons  enivrantes,  du  ma- 
riage, ou  du  moins  de  la  procréation  des 
enlants ,  à  respecter  toute  vie,  même  ani- 
male ou  végétale,  au  point  de  ne  pas  briser 
même  un  brin  d'herbe.  Tout  cela  était  com- 
pris dans  le  Signaeutum  sinus,  manuum  ei 
aris.  Les  catéchumènes  veillaient  à  l'entre- 
tien des  parfaits,  qui  se  nourrissaient  en 
Eande  partie  d'olives  et  d'autres  végétaux. 
»  catéchumènes  n'étaient  pas  tenus  à 
toutes  ces  privations  :  ils  pouvaient  cultiver 
la  terre  et  professer  des  métiers.  Ils  obser- 
vaient facilement  la  rémission  des  fautes 
commises  dans  ces  occupations,  et  qui  ne 

Eouvaient  atteindre  l'âme,  susceptible  de 
onte  et  de  remords,  mais  incapable  du  mal 
lui-même.  Et  c'est  pourquoi,  comme  s'en 
plaignit  Ephraïm  le  âyrien,  ils  ne  voulaient 

eis  même  qu'on  songeât  à  se  repentir  ou  à 
ire  pénitence  du  mal,  parce  qu'on  ne 
faisait,  disaient  -  ils,  que  l'entretenir 
par-là  (190). 

Effrayés  par  les  malheurs  de  leur  chef, 
les  manichwns  s'étaient  répandus  en  Judée, 
dans  la  Chine,  dans  l'Asie  Mineure,  en 
l^pte,  au  nord  de  TAfrique  et  dans  d'au- 
tres contrées  de  l'empire  romain.  Dioctétien 
les  condamna  au  feu,  à  la  décapitation,  à 
/exil,  comme  des  sectaires  dangereux  (S96). 
Les  brillantes  promesses  qu'ils  faisaient  de 
résoudre  tous  les  mjrstères  de  la  nature,  et 
Jeurs  pratiques  ascétiques,  attirèrent  à  leur 
doctrine  et  fascinèrent  même  de  grands  es- 
prits, tels  qu'Augustin;  seulement,  les  pen- 

(190)  WscoBED,  Mumck.  indmôiniim  (F)»  e.  bres. 
mamekensad  Êdmmkna.  ;  Upsl«,  1827.  Yâiet  louant 
k  rit— rinrif  eomplèle  oa  aux  aaires  molife  qui  ont 
fall  coaÂmdre,  par  cel  aalear,  la  doctrine  catholique 
des  indidgeaeeseï  delà  rémission  iksnéclm  avec  (os 


seurs,  moins  soHdes  que  le  fils  de  Monique, 
restaient  plus  longtemps  que  lui  captifs  de 
ces  séduisantes  erreurs. 

MARC,  surnommé  V Ascétique,  célèbre 
solitaire,  du  iv*  siècle,  a  laissé  neuf  Traités 

Îui  se  trouvent  dans  la  Bibliothèque  des 
ires. 

MARCHAND  (Pierre),  né  \  Couvin,  en 
1585,  se  Gt  Récoilet,  se  distingua  par  sa 
science  et  par  sa  régularité,  et  fut  élevé  aux 

I)remières  charges  de  son  ordre.  Il  réforma 
es  Franciscaines  de  Flandre,  avec  la  Yéné- 
rable  sœur  Jeanne  de  Jésus.  Cet  homme, 
plein  de  zèle  pour  la  discipline  religieuse, 
mourut  à  Gand  le  11  novembre  1661.  On  a 
de  lui  :  1*  Expositio  litteralis  in  regutam 
sancti  Franciscî;  Anvers,  1631,  in-^;  — 
3*  Les  Constitutions  de  la  congrégation  des 
religieuses  qu'il  a  établie. 

Son  frère,  Jacques  Marchand ,  doyen  et 
curé  de  Couvin ,  s'est  distingué  aussi  par 
sa  science  et  sa  piété.  On  estime  encore  son 
Hortus  pastorum  et  plusieurs  autres  ouvra- 
ges recueillis  en  1  vol.  in-fol.  ;  Cologne,  1635. 

MARIAGE  SPIRITUEL.  —  Yoy.  Irfcsior 

PASSIVE. 

MARIE  ALACOQUB.  —  Voy.  Cobuk  m 

Jésus 

MARIE  DE  LINCARNATION ,  célèbre 
religieuse  ursuline,  nommée  iforte  Guyert, 
naquit  à  Tours  en  1599.  Après  la  mort  de 
son  mari ,  elle  entra ,  âgée  de  trente-deux 
ans,  chez  les  Ursulines  de  Tours ,  où  elle 
composa,  pour  l'instruction  des  novices,  un 
très-bon  livre  intitulé  :  VEcole  chrétienne. 
Appelée  par  la  grAce  à  la  conversion  des 
filles  du  Canada,  elle  passa  à  Québec  en 
1639,  et  y  établit  un  couvent  de  son  ordre, 
qu'elle  gouverna  avec  beaucoup  deprudence 
et  de  sagesse.  Elle  y  mourut  en  1672.  Outre 
son  Ecole  chrétienne,  elle  a  laissé  un  vo- 
lume in -4*  de  Retraites  et  de  Lettres  spirù 
tuelles.  Dom  Claude-Martin ,  son  fils,  a  pu- 
blié sa  Vie.  Tous  les  écrits  de  cette  religieuse 
respirent  celte  onction  sublime  que  l'on  ne 
trouve  que  dans  les  saints. 

MARIN  (MicheUAnge),  religieux  minime, 
naquit  à  Marseille  en  1697,  d'une  famille 
noble,  originaire  de  Gènes,  et  fut  quatre 
fois  provincial  de  son  ordre.  Fixé  dès  sa 
jeunesse  è  Avignon,  il  s'y  lif  ra  avec  succès 
a  la  chaire  et  à  la  direction.  C'est  aussi  dans 
cette  ville  qu'il  fit  imprimer  diflérents  ou- 
vrages, qui  lui  firent  une  réputation  distin- 
guée parmi  les  écrivains  ascétiques.  Il  mou- 
rut le  3  avril  1767.  On  a  de  lui  :  1*  Conduite 
de  la  Sœur  Violet,  déeédée  en  odeur  de  sainteté 
à  Avignon,  in-12;  —  9r  Adélaïde  de  Vitx-^ 
buri,  ou  la  pieuse  Pensionnaire,  in-12  ;  -^ 
8*  La  Parfaite  religieuse ,  in-12  ;  —  4*  Fir- 
otnt>,  ou  la  Vierge  chrétienne',  2  vol.  in*12  ; 
—  5*  la  VU  des  solitaires  d'Orient,  9  vol. 
in-12  ;  —  6*  Théodule  ou  YEnfant  de  béné- 

opinions  des  maaidiéens»  ZiogbelA,  Desîndul§enees 
des  msiâeh.  ei  de  UuT  cwmpareutm  asee  FEgliie  cû- 
ihoiime.  {Beme  ikéolof.  de  TMmfU,  ann.  1841 ,  p. 


.*-.-™"««  ■^.  ■•* 


-*- 


W7 


MAR 


DIGTiONNAIRE 


MAS 


diction:  —  T  Far  fallu  oa  la  Camédienne 
conveniez  in*lS;— ^  Agnès  de  Sainte' Amour f 
ou  laFervenle  novice^  2  vol.  in-12;  —  9'  An- 
géliqm  ou  la  Religieuse  selon  le  cœur  de  Dieu^ 
2  vol.  iD-12;  —  lO"*  la  Marquise  de  los 
VattenteSf  ou  la  Dame  chrétienne f  2  vol.  iD-i2  ; 
—  11"*  Retraite  pour  un  jour  de  chaque  mois  f 
2  V0i.  iD-12;  —  Lettres  spirituelleSf  2  vol. 
in-12, 1769. 

MARIN  (  Jean  ),  né  à  Ocana,  en  Espagne^ 
Tan  165^,  se  fit  Jésuite  en  1671 ,  passa  une 
grande  partie  de  sa  vie  k  expliquer  l'Ecri- 
ture sainte  et  à  enseigner  la  théologie,  et 
mourut  à  Madrid  le  20  juin  1725.  Il  est 
auteur  d'un  grand  nombre  d'ouvrages  ascé- 
tiques et  théologiques,  peu  connus  en 
France. 

MARINIS  (  Léonard  de  ),  célèbre  Domi- 
nicain, d*une  noble  famille  de  Gènes,  na^ 
quit  :dans  Tile  de  Chio,  en  1509.  Le  Pape 
Juitts  m  l'envoya  nonce  en  Espagne,  cù  il 
devint  archevêque  de  Lanciano.  il  parut 
avec  éclat  au  concile  de  Trente,  et  ce  fut  lui 
qui  dressa  les  articles  qui  concernent  le 
sacrifice  de  la  messe,  dans  la  xxii*  session. 
Ses  vertus  et  ses  mérites  lui  valurent  l'ami-» 
tié  de  saint  Charles  Bûrromée.  Il  mourut 
évéque  d'Albe  en  1S73.  Les  Barnabites  lui 
doivent  leurs  Constitutions.  Il  tfavailla,  par 
ordre  du  concile  de  Trente ,  avec  d'autres 
évéques,  à  dresser  le  Catechismus  ad  paro^ 
choSf  Rome,  1666,  in  "fol.,  et  à  rédiger  le 
Bréviaire  et  le  Miisel  romain. 

MARNE  (  Jean-Baptiste  de  ),  né  à  Douai 
le  26  novembre  1699,  se  fit  Jésuite  en  1716, 
et  mourut  à  Liège  en  1756.  Où  a  de  lui  :  La 
Yie  de  saint  Jean  Népomucèney  Paris,  17^1, 
in-12 

MARTEL  (Gabriel),  Jésuite,  né  au  Puy, 
le  14  avr>l  1680,  remplit  avec  succès  les 
différents  emplois  de  sa  Compagnie  jusqu'à 
sa  mort,  arnvée  le  14*  février  1756.  Il  est 
connu  par  deux  ouvrages  ascétiques  :  1"*  Le 
Chrétien  dirigé  dans  les  exercices  d*une  re* 
traite  spiritt^llCf  2  vol.  in-12;-- 2^  Exercice 
de  la  préparation  à  la  mort^  1725,  in-12. 

MARTIN  (Dom  Claude),  Bénédictin  de  la 
congrégation  de  Saint-Maur,  naquit  à  Tours,* 
en  1619,  d'une  mère  pieuse,  qui  se  fit  Ursu- 
line  sous  le  nom  de  Marie  de  V Incarnation. 
{Voir  ce  mot,)  Héritier  des  vertus  de  sa  pieuse 
mère,  il  j$e  consacra  à  Dieu  de  bonne  heure 
et  devint  supérieur  du  monastère  des 
Blancs-Manteaux  à  Paris,  où,  il  demeura 
soixante  ans.  U  mourut  en  odeur  de  sain- 
teté, en  1696,  dans  Tabbaye  de  Marmoutîer, 
dont  >l  était  prieur*  On  a  de  lui,  outre  la 
Yie  de  sa  mère,  plusieurs  ouvrages  de  piété  : 
V  Méditations  chrétiennes^  1669,  Paris,  2  vol. 
iD-4'  ;  —  2»  Xo  pratique  de  la  règle  de  Saint- 
Benoit,  1677,  in-4*.  Sa  Vie  a  été  écrite  par 
dom  Martène;  Tours,  1697,  in-8*. 

MARTIN  JDB  DuifE,  originaire  de  Panno-- 
nie  se  rendit  si  habile  dans  les  sciences, 
qu'au  jugement  de  saint  Grégoire  de  Tours, 
il  surpassait  tous  ceux  de  son  siècle.  Au  re- 
tour d'un  pèlerinage  en  Palestine,  il  vint  en 
Espagne  travailler  à  la  conversion  des  Suè- 
ves  ariens.  U  fonda  plusieurs  monastères  et 


continua  la  direction  de  celui  de  Dume, 
près  de  Brague.  Il  mourut  saintement  le  ^ 
mars  580. 

il  a  toujours  été  regardé  comme  une  des 
plus  brillantes  lumières  d'Espagne  et  comme 
un  des  plus  beaux  modèles  de  la  vie  mo- 
nastique 

Les  écrits  de  saint  Martin  de  Dôme  sont: 
V  une  collection  de  quatre-vingt-quatre 
canons.  Elle  est  adressée  à  Nitigini,  évéque 
de  Lugo  et  divisée  en  deux  parties  dont  la 

f  première  regarde  les  évéques  et  les  clercs; 
a  seconde,  les  laïques  (V.  Bibl.  cao.  de 
Justel  Paris,  1661  ).  —  2*  Formule  d'une  rie 
bonnéte,  ou  traité  des  quatre- vertus  car- 
dinales. (  Voy.  Spicilége  du  Père  d'Acbery.) 
—  S"  Un  livre  intutilé  Les  Mœurs,  tissu  de 
maximes  morales  propres  à  former  à  la  vertu. 
— '  &"  Un  recueil  cfe  sentences  des  solitaires 
de  l'Ëgjpte.  (Voy.  Appendice  de  Rosweide.) 
Sur  tous  ces  écrits  de  saint  Martin  de  Dumc, 
consulter  les  Œuvres  du  cardinal  d'i- 
guerre.. 

MARTINEAD  (  Isaiac  ),  Jésuite  d'Angers, 
né  en  16<»0,  mort  en  1720,  professa  dans  son 
ordre,  et  y  occupa  les  premières  places.  Il 
fut  appelé  à  la  cour,  et  choisi  pour  être  le 
confesseur  du  duc  de  Bourgogne,  qu'il  as- 
sista de  ses  conseils  pendant  sa  vie  et  à  la 
mort.  On  a  de  lui  t  V  Les  j^saumes  delà  pi- 
nitence  avec  des  réflexions,  \n''i2;'—2' Médi- 
tations pour  une  retraite,  in*12  ;  —  3"  L» 
vertus  du  duc  de  Bourgogne,  in-V*,  1712. 

MARULLE  (Marc),  né  à  Spalatro,en Dal- 
matie,  Qorissait  dans  le  xn*  siècle.  On  a  do 
lui  un  traité  De  religiose  viv^i  instUu- 
tioneper  exempla, 

MASSALIENS,  nom  d'anciens  fani  mys- 
tiques, tiré  d'un  mot  hébreu  qui  signifie 
pn^re,  parce  qu'ils  croyaient  que  Ton  doit 
prier  continuellement  et  que  la  prière  peut 
tenir  liea  de  tout  autre  moyen  de  salut. 
Plusieurs  ordres  ennemis  du  travail  embras- 
sèrent celte  erreur  au  iv*  siècle,  et  j^(\ 
ajoutèrent  plusieurs  autres.  Ils  prétendaient 
que  la  prière  seule,  même  à  l'exclusion  du 
baptême,  avait  la  vertu  de  chasser  pour  tou- 
jours le  malin  esprit;  qu'alors  le  Saint-Es- 
prit descendait  dans  l'âme  et  y  donnait  des 
marques  sensibles  de  sa  présence,  par  des 
illuminations,  par  le  don  de  prophétie,  etc., 
qu'il  n'y  avait  plus  besoin  de  travail  et  lio 
bonnes  œuvres.  Ils  furent  condamnés  i 
Epbèse  en  435,  et  les  empereurs  porlèreut 
des  édits  contre  eux. 

AIASSON  (  Inaooent  lb  ),  Chartreux,  né  i) 
Noyon,  en  1628,  fut  élu  général  en  1675»^ 
lit  rebâtir  la  grande  CUartreuserqui  aYdit 
été  presque  entièrement  réduite  en  ceiidrn:». 
il  se  fit  un  nom  par  sa  vertu  et  par  ses  li- 
vres de  piété.  Son  meilleur  ouvrage  est  ^ 
nouvelle  collection  des  Statuts  des  Charirm^ 
avec  des.  notes  savantes.  Il  avait  donné,  en 
1683,  ['Explication  de  quelques  endroiti  un 
statuts  de  l'ordre  des  Chartreux,  M'-^® 
religieux  mourut  en  1703,  &  soixanleseize 
aqs,  lipvès  avoir  été  pendant  toute  sa  vie 
ennemi  zélé  des  disciples  de  Jansénius,  qui 
ne  l'ont  pas  épargné  dans  leurs  écrits,  et 


9G9 


VAO 


D'ASCETISK 


HAÏ 


97a 


Toni  traité  de  mAUTais  Ihéologîen.  de  fnux 
mrstiqae,  etc.  Ces  altaques  sont  une  gloire 
]ioor  lui. 

MASSON  (Antoine),  religieux  minime, 
mort  à  Yincennes,  en  1700,  dans  on  Age 
avancé,  s*aeqait  un  nom  dans  son  ordre 
par  sa  piété,  par  son  savoir  et  par  ses  ou  - 
vrages.  Il  est  auteur  d*un  Traité  de$  mar^ 
qurs  de  la  prédeMiinaiion^  et  de  qoelçiues 
autres  lirres  de  piété,  nourris  de  I  ccritore 
sainte  et  des  Pères, 

if ASSOUUÉ  (Antonio),  né  &  Toulouse, 
en  1632,  se  fit  Dominicain  en  1GI7,  et  passa 

Îi.ir  presque  Soutes  les  charges  de  son  ordre. 
I  rooumt  à  Rome,  en  1706,  honoré  des  re- 
grets et  de  Testime  dessarants.  Son  princi- 
l*al  ouvrage  est  Dirus  Thomas  iuiinternru. 
il  réfuta  aussi  les  quiétistes  dans  des  écrits 
publiés  in-12.  1699  et  1703. 
MATEHNITÉ  DIVINE.  —  Toy.  Phivilégb 

DE  MâRIB. 

MACDEN  (David  db ),  théologien,  né  à 
Anvers,  en  1575,  fut  curé  de  Sainte-Marie  à 
Bruxelles.  Il  mourut  dans  cette  ville  en  16V1. 
Il  est  auteur  d*une  Vie  deTobie,  intitulée  : 
Le  miroir  de  la  rie  morale;  Anvers,  1631, 
in*fol. 

MADDDIT (Michel),  prêtre  de  TOratoire.  né 
à  Vire,  en  Normandie,  mort  h  Paris  en  1709, 
âgé  de  soixante-quinze  ans,  se  consacra  k 
la  chaire  et  aux  missions.  Il  est  auteur  de  Mé- 
ditationspour  une  retraite  ecclésiastique  dedix 
t'ourst  în-12,  et  de  plusieurs  autres  ouvra- 
ges sur  la  religion  et  TEcriture  saiute.  Le 
Père  Mauduit  avait  la  candeur  d*un  savant 
attaché  k  son  cabinet,  el  les  mœurs  d*ua 
saint  prêtre. 

MACGRAS  (Jean -François),  Parisien, 
prêtre  de  la  doctrine  chrétienne,  enseigna 
avec  succès  les  humanités  dans  les  collèges 
de  sa  congrégation.  Les  chaires  de  Paris  re- 
tentirent ensuite  de  son  éloquence.  Il  mourut 
en  1726,  k  quarante^uatre  ans.  On  a  de  lui  : 
1*  Institutions  chrétiennes^  pour  faire  un  saint 
usage  des  afflictions^  deux  volumes  in-12. 
—  z*  Instruction  chrétienne  sur  les  dangers 
du  luxe.  —  3*  Les  Vies  des  deux  Tobie^  de 
sainte  Monique  et  de  sainte  Genetiite^  avec 
des  réflexions  à  Fusage  des  familles  et  des 
écoles  thrétiennes.  Les  ouvrages  du  Père 
Maugras  respirent  partout  une  piété  tendre 
et  éclairée,  et  un  ton  admirable  de  douceur 
et  de  simplicité. 

MADPERTCT  (  Jean-Baptiste  Drocet  de  ), 
né  k  Paris  en  1656,  d'une  famille  noble  du 
Berrj,  fit  ses  études  au  collège  de  Louis  le 
Grand,  il  s*appliaua  d*abord  k  la  poésie  et 
à  l'éloquence;  il  suivit  ensuite  la  carrière 
du  barreau,  qu*il  quitta  bientôt  :  les  fleurs 
d'une  littérature  légère  el  frivole  lui  avaient 
fait  perdre  le  goût  des  fruits  de  la  jurispru- 
dence. A  rkge  d*envtron  quarante  ans,  il 
renonça  sutiilement  au  monde,  et  après  une 
retraite  de  deux  ans,  il  prit  l'habit  ecclésias* 
tique  en  1692,  passa  cinq  ans  dans  un  sémt» 
ntire«  se  retira  ensuite  dans  Tabliaye  de 
Sept-Fonts,  et  cinq  ans  après  dans  on^  soli- 
tude du  Berrj.  Enfin  il  se  retira  k  Saint-Ger- 
niain-en-Laye,  et  y  mourut  en  1730.  On  a 

Dicnos^.  p*Asc6TfS]iB.  L 


de  lui  un  très-grand  nombre  de  fradoclions 
françaises  :  1*  du  l*'  livre  des  Institutions 
de  Lactance,  in-12  ;  —  2-  du  Traité  de  la 
Providence  et  du  Timothéede  Salvien,  deux 
volumes  in-12;  —  3*  des  Actes  des  Martfrs 
de  Dom  Ruinart;  —  4*  de  la  Pratique  des 
exercices  spirituels  de  saint  Ignace^  in-12. 

—  Oo  a  en  outre  plusieurs  livres  ascétiques 
de  sa  composition  :  1*  Les  sentiments  d'un 
Chrétien  touché d^un  rentable  amour  de  Dieu: 

—  2*  Prières  pour  le  temps  de  Caffliction  et 
des  calamités  publiques^  in-12;  —  3^  De  la 
rénération  rendue  aux  reliques  des  saints^ 
in-12;  —  t*  Le  commerce  dangereux  entre 
les  deux  sexes,  in-12:  —  5*  La  femme  faible^ 
ou  les  dangers  d'un  commerce  fréquent  et 
assidu  avec  les  hoaimes,  in-12;  etc.,  etc. 

MAXIME  (Saint),  abbé  et  confesseur 
dans  le  vu'  siècle,  était  de  Constantinople, 
d'une  famille  noble  et  ancienne.  Il  s*éleva 
avec  zèle  contre  les  monotbélites,  qui  le 
persécutèrent  avec  une  violence  inouïe,  li 
mourut  dans  les  fers,  en  662,  des  tourments 
qu'on  lui  61  endurer.  Il  nous  reste  de  lut 

f plusieurs  ouvrages  recueillis  en  deux  To- 
urnes in-folio,  Paris,  1673,  où  Ton  trouve 
des  Commentaires  alléçoriques  sur  plusieurs 
livres  de  l'Ecriture  sainte;  et  des  Traitéf  de 
thôotojçic,  de  morale  et  de  piété. 
MAXIMES  DES  SAINTS  (Le  lîvbe  des). 

—  Le  livre  des  Maximes  des  saints  occupe 
une  trop  large  place  dans  Tfaistoire  du  mjs* 
ticisme  moderne,  pour  que  nous  nVn  par- 
lions point  dans  un  ouvrage  destiné  surtout 
k  bien  préciser  toute  la  doctrine  catholique 
sur  ces  abstraites  matières.  La  condamna- 
tion, par  rEgh'se,  de  cet  écrit  fameux ,  dont 
Fauteur  ne  faillit  que  par  excès  d'amour  de 
Dîftt,  selon  la  belle  expression  du  Pape,  fera 
mieux  connaître  que  toutes  les  dissertations 
possibles, les  limites  sévères  dans  lesquelles 
se  circonscrit  le  mjslicisme  orthodoxe. 
Aussi  ranaljserons-nous,  moins  pour  fairo 
une  étude  bibliographique  d*un  livre  con- 
damné, que  pour  mieux  assigner  ces  bornes 
dn  mjsticisme  catholique  toujours  si  voisi- 
nes de  celles  de  Terreur.  —  Fénelon ,  avec 
ce  génie  si  perçant  qui  effrayait  son  infati- 
gable adversaire,  Fénelon,  avec  son  cœur  si 
pur,  s*est  égnré  dans  les  sentiers  de  Tamour 
divin  ;  combien  n*est-il  donc  point  facile  de 
tomber  comme  lui  1  Heureuse  bute  quand 
elle  se  rachète,  comme  la  sienne,  par  une 
héroïque  réparation. 

On  sait  comment,  et  k  quelle  époque,  fut 
publié  le  livre  des  Maximes  des  saints,  Bos- 
suet  s*était  occupé  avec  ardeur  d'étudier  à 
fond  tous  les  auteurs  mystiques  qui  avaient 
parlé  ou  traité  de  rétat  d'oraison ,  et  cela , 
afin  d'arrêter  les  abus  qui  commençaient  à 
s'introduire  k  la  faveur  des  doctrines  ravi- 
vées de  Molinos.  (  Voy.  Gcto5.  )  Fénelon , 
prié  d'approuver  ce  livre,  s'y  refusa,  ou  du 
moins,  ne  donna  que  des  ré(|onses  vagues 
et  dilatoires.  (Lettre  du  2%  mai  1696.)  Mais, 
tout  en  refusant,  il  sentit  qujil  allait  s'enga- 
ger dans  une  controverse  délicate,  et  qu'it 
devait ,  en  présence  d'un  si  redoutable 
antagoniste ,  mettre  k  l'abri  les  intérêts  de 

31 


S71 


MAX 


HICTlWiNAIRE 


MAX 


m 


sa  tranquillité  et  ceux  de  sa  propre  répu- 
tation. Co  fut  h  la  suite  de  ces  préoccupa- 
tions qu*il  publia  son  livre  des  Maximes  des 
saints.  [Yoy.  Fénblon.)  On  coonatl  les  ora- 
ges suscités  9  la  condamnation  qui  en  fut  le 
tonne  ;  voici  maintenant  l'analyse  succincte 
lies  erreurs  qu'il  renfermait  : 

«  Toutes  les  erreurs,  dit  M.  l'abbé  Gosso- 
iîn ,  que  renferme  le  livre  des  Maximes  , 
pouventy  au  jugement  de  Bossuet  (191),  se 
réduire  à  quatre  principales.  1**  11  y  a  dans 
cette  vie  un  état  habituel  do  pur  amour  « 
dans  lequel  le  désir  du  salut  éternel  n'a 
plus  lieu.  ^  Dans  les  dernières  épreuves  de 
la  vie  intérieure»  une  Ame  peut  être  per- 
suadée d'une  persuasion  invincible  et  ré- 
fléchie qu'elle  est  justement  réprouvée  de 
Dieu,  et,  dans  cette  persuasion,  raire  h  Dieu 
le  sacriGce  absolu  de  son  bonheur  éternel. 
'S**  Dans  l'état  du  pur  amour,  l'âme  est  in- 
différente pour  sa  propre  perfection  et  pour 
^s  pratiques  do  vertu,  i*  Les  Ames  contem- 
{)Ulives perdent,  en  certains  états,  la  vue  dis- 
tincte, sensible  et  réOéchio  de  Jésus -Christ.» 

La  première  de  ces  erreurs  que  l'on  peut 
déjà  remarq^uer  parmi  les  notions  prélimi- 
naires du  livre  des  Maximes^  est  encore 
énoncée  dans  le  second  article  od  Fénelon 
enseigne  que  «  dans  l'état  de  la  vie  contem- 
plative ou  unitive ,  on  perd  tout  moUf 

intéressé  de  crainte  et  d^espérance.  »  Ces 
propositions,  prises  dans  leur  sens  naturel 
'et  rigoureux,  font  entendre  qu'il  y  a  en 
CBtte  vie  un  état  habituel  de  pur  amour, 
dans  lequel  le  désir  de  la  récompense  et  la 
crainte  dos  chAliments  n'ont  plus  de  part; 
ce  qui  exclut  de  l'état  de  la  perfection  les 
actes  d^espérance  et  le  désir  au  salut.  Il  est 
cerlain,  au  contraire,  et  Fénelon  lui-même 
avait  reconnu  comme  un  point  de  foi  ca- 
tholique, dans  le  cinquième  article  d'Issy , 
que  «  tout  Chrétien  ,  en  tout  état ,  quoique 
non  h  tout  moment,  est  obligé  de  vouloir, 
désirer  et  demander  explicitement  son  salut 
éternel.  »  A  la  vérité,  dans  l'état  de  la  plus 
haute  perfection,  le  désir  de  la  béatitude  est 
ordinairement  commandé  par  la  charité, 
c'est-à-diro  par  le  pur  zèle  de  la  gloire  de 
Dieu  ;  et  Ton  sait,  par  les  explications  de 
Fénelon ,  qu'il  n'a  jamais  prétendu  ensei- 
gner autre  chose  :  mais  il  est  toujours  vrai 
que,  dans  cet  état,  on  ne  cesse  pas  de  dé- 
sirer la  récompense  étornelle  ;  d  où  il  suit 
que  la  proposition  du  livre  d<'S  Maximes  e$i 
fausse,  dans  le  sens  naturel  qu'elle  présente. 

Pour  jusiifier  celte  proposition,  si  souvent 
répétée  dans  son  livre  (192),  et  qu'on  peut 
regarder  comme  l'abrégé  de  sa  doctrine, 
l'auteur  observa  depuis,  que  par  l'intérêt 
propre  dont  les  parfaits  sont  exempts ,  il 
n'entendait  pas  rattachement  surnaturel 
aux  dons   de  Dieu,  mais  un  attachement 

(191)  Anerliuement  sur  les  écrits  contre  le  iiwe  des 
Maximes,  n«  3,  Œuvrer  toine  XXVIII,  p.  315. 
.    (19^)  Voir  les  propos.  1,  2,  4,  5,  6,  7,  18,  19, 
.20  cl  25,  condanifiées  par  Innocenl  XII. 

(I9r>)  Inuructioupasioraleilu^sepl.  1697,  n"*  5. 
21.  etc.  On  peul  voir  aussi  les  éctaircisseincnls  en 
forme  de  questions,  adressés  à  Bossuci  vers  le  mois 


mercenaire  fondé  sur  l*amour  naturel  de  soi- 
même  ,  et  qui  fait  qu'on  ne  désire  pas  le 
salut  par  le  pur  zèle  de  la  gloire  de  Dieu, 
mais  aussi  par  un  amour  naturel  de  notre 
propre  excellence  et  de  notre  bien  particu- 
lier. «  Plus  vous  lirez  ce  livre,  disait-il, 
dans  une  de  ses  apologies,  plus  vous  verrez 
que  tout  son  système  dépend  du  terme 
d'intérêt  propre.  Si  ce  terme  n'est  point  ex- 
pliquédansle  livre,  c'est  cjuenous  avons  sup 
posé  que  tout  le  monde  le  prendrait  comme 
nous  pour  signifier  un  attachement  merce- 
naire aux  dons  de  Dieu,  par  un  amour  na- 
turel de  soi-même.  Nous  avons  supposé  ce 
sens  comme  établi  par  tous  les  meilleurs 
auteurs  de  la  vie  spirituelle,  qui  ont  écrit 
en  français ,  ou  dont  les  écrits  ont  été  Irr.- 

duits  en  notre  langue Si  tous  prenez  le 

texte  du  livre  dans  le  sens  que  nous  venons 
d'expliquer,  tous  en  trouverez  toute  la  suite 
simple  et  naturelle  ;  si ,  au  contraire,  vous 
vouliez  lui  donner  des  sens  plus  étendus,  Il 
faudrait  faire  une  violence  continuelle  l  la 
suite  du  texte,  et  nous  imputer,  presque 
dans  toutes  les  pages ,  les  plus  extravagan- 
tes contradictions  (193).  »  Cette  explication 
prouve  incontestablement  la  pureté  des 
intentions  de  l'auteur  ;  mais  rien  ne  saumit 
justifier  le  texte  de  son  livre ,  qui  sous  le 
nom  dMntérêt  propre,  donne  quelquefois  à 
entendre  l'attachement  même  surnaturel 
aux  dons  de  Dieu  et  à  la  récompense  éter- 
nelle. Tel  est  en  particulier  le  sens  naturel 
du  mol  d'intérêt  propre,  dans  le  passage  ciié 
plus  haut ,  è  Toccasion  du  cinouième  élat 
d'amour  (194),  et  qui  contient  la  première 
proposition  condamnée  par  Innocent  XII. 
Après  avoir  dit  dans  ce  passage  qu'il  y  a  en 
cette  vie  un  état  habituel  de  pur  amour  sais 
aucun  mélange  du  motif  de  I  intérêt  propre, 
Fénelon  ajoute  aussitôt  :  Ni  la  crainte  des 
châtiments,  ni  le  désir  des  récompenses 
n'ont  plus  de  part  à  cet  amour,  c'est-à-dire 
à  cet  état  d'amour,  comme  on  Ta  déjà  ob- 
servé d'après  l'auteur  lui-même.  Il  ne  s« 
borne  donc  pas  à  exclure  de  cet  état  le  désir 
mercenaire  des  récompenses,mais  en  géné- 
ral et  sans  distinction  ,  le  désir  des  récom- 
penses,  et,  par  conséquent ,  rattachement 
même  surnaturel  aux  récompenses  éleniei- 
Ics. 

La  seconde  erreur  est  enseignée  drios  le 
neuvième  article ,  qui  traite  de  la  résigna- 
tion d'une  Ame  parfaite  parmi  les  grandes 
épreuves  de  la  vie  intérieure.  Il  est  cons- 
tant, dit  l'auteur,  que  tous  lessacriOt'es<}u<^ 
les  âmes  désintéressées  font  d'ordinaire  sur 
leur  béatitude  éternelle  sont  conditionnels: 
On  dit  ;  Mon  Dieu,  si,  par  impossiWe,  vous 
vouliez  me  condamner  aux  peines  éternel- 
les de  l'enfer,  sans  perdre  votre  amour,  je 
ne  vous  en  aimerais  pas  moins.  Mais  ce  sa 

de  Juin  ie97.  —  Réponse  à  ta  déetar,,  n**  «1.1^ 
15,  H^  i5,  IG,  tome  lY  des  Œuvres  de  FénriM. 
—  Première  teUre  à  M.  dé  Parié;  Tnm  Y  *•«  «•• 
vres  de  Fénelon»  —  Première  lettre  à  Bawiei  w"'" 
lesdiven  écrits  ou  Mémoires^  etc.;  lom.  VL 
(194}  Explication  des  Maximes,  p.  10. 


575 


MAI 


D^ASCETISIIE. 


MAI 


97i 


crifice  ne  peni  être  absoiu  dans  Tétai  ordi- 
naire. Il  n'y  a  que  dans  le  cas  de  dernières 
ëpreofes  où  ce  sacrifice  derienl  »  en  quel- 
que manière ,  absolu.  Alors  une  Ame  peut 
élre  înf  inciblemenl  persuadée  d*uoe  per- 
suasion réfléchie  f  el  qui  n*est  pas  le  fond 
intime  de  la  conscience ,  qu'elle  est  juste- 
ment réprouvée  de  Dieu.  C*esi  ainsi  que 
saint  François  de  Saies  se  trouva  dans 
réglise  de  Saint-Etienne-des-Grès...  Alors 
Fâioe,  divisée  d*avec  elle-même,  eipire  sur 
la  croix  avec  Jésus-Christ  »  en  disant  :  lion 
Dieu, pourquoi  m*avei-vous  abandonnée? 
Dans  cette  impression  involontaire  de  dé- 
sespoir, elle  fiut  le  sacriGce  absolu  de  son 
intérêt  propre  pour  Tétemité ,  parce  que  le 
cas  impossible  lui  paraît  possible  et  actueU 
Jement  réel  dans  le  trouble  et  Tobscurcisse- 
ment  où  elle  se  trouve  (195)- 

Onvoitquerauteurdistmgueicideuxsortes 
de  sacrifices,  Tun  absolu^  Va^ire  condiiian$uL 
Dans  son  intention ,  le  sacrifice  eondUiamul 
seul  a  pour  objet  la  béatitude  étemelle;  et  il 
esl  certain  (196),  que  Bossuet  admettait  cet  e 
première  espèce  de  sacrifice,  formellement 
autorisée  par  le  33*  article  dlssj.  Quant 
an  sacrifice  absolu,  qui  a  lieu  dans  le  cas 
des  dernières  épreuves,  Féndon  ne  croyait 
p^s  quM  eût  précisément  pour  objet  la  béa- 
litude  éternelle,  mais  seulement  1  amour  in- 
téressé ou  mercenaire  de  la  béatitude.  Selon 
cette  explication,  la  béatitude  élemelle  n*est 
|ias  Tobjet  direct  et  immédiat  do  sacrifice 
absolu;  elle  n*en  est  que  Tobjet  indirect,  en 
ce  sens  que  i*Ame  persuadée  dans  la  partie 
inférieure,  c*est-è-dire  dans  Timazinalion, 

SjuVIle  est  justement  réprouvée  de  Dieu, 
ait  le  sacrifice  absolu  de  son  intérêt  pronre, 
c'est-à-dire  de  tout  attachement  naturel  et 
mercenaire  à  la  béatitude,  de  toutes  les 
douceurs  et  consolations  sensibles  que  Ta- 
mour  naturel  de  nous-mêmes  nous  porte  à 
j  chercher.  «  Si  Ton  entendait  par  intérêt, 
dit  Fénelon,  le  souverain  bien,  le  sacrifice 
absolu  de  Tintérét  serait  un  acte  de  vrai 
désesiioir  et  le  comble  de  l'impiété.  Mais 
quand  on  n*entend  par  intérêt  propre  que 
1  affection  mercenaire  qui  vient  aun  amour 
naturel  de  nous-mêmes ,  il  s'ensuit  claire> 
ment  que  c6  sacrifice  alisolu,  ou  asquiesce- 
inent  simple,  ne  peut  jamais  tomber  aue  sur 
le  conteolement  de  cet  amour  naturel,  dans 
lequel  consiste  la  propriété  des  Ames  qui 
sont  encore  mercenaires.  Pour  cet  attache- 
ment mercenaire,  ou  cette  propriété,  que 
tous  les  saints,  anciens  et  nouveaux,  nous 


(195)  Propos,  8.  9,  10, 11.  \%  U, 
par  Inaoeenl  XII. 

(lltt)  Art.  f,ii,  R*3I. 

(197)  ImUfuci.pëêt.  du  15  $ept.  1697,  n»  10.  — 
Bépomu  à  le  éécimrmiwM  o"^  21  ei  soîv.  47  et  saiv. 
—  Œmwrti  de  Féndom^  lom.  IV,  p.  198,  SGi,  il3, 
cA  s«iv.  —  Preauère  lettre  à  M.  de  Parie,  tv  partie, 
iDoie  ¥•  —  Seeemde  tetire  à  Boeeuet  sur  le  ré^muà 
4  lef  f  m,  i'«  partie,  etc.  lone  Tl.  —  Lettre  à  rebké 
ée  Ckamterac,  do  4  lévrier  1698. 

{%»)Expli€4ai0H  d€$  MlUttmee,  tn.  a.  p.  lil  el 
li5;  Imst,  pa$t.  dm  15  sept.  1697,  n»  15.  p.  211.  U 
c»(  â  reaiarqner  que  dans  les  principes  inéuiej»  Je  S. 


dépeignent  comme  une  imperCsction  qu'il 
iaut  diminuer  en  nous  tous  les  jours,  le  sa- 
crifice en  peut  être  absolu,  quoique  celui  du 
salut  ne  doive  jamais  l'être.  On  peut  sacri- 
fier à  Dieu,  sans  réserve,  une  imperfection, 
et  conse&tir  à  la  perte  d'une  consolation* 
toute  naturelle,  quoiqu'on  ne  poisse  jamais 
consentir  à  la  perte  des  biens  promis.  A1or$ 
une  Ame  ne  fait  que  vouloir  persévérer  dans* 
raroour  divin,  malgré  la  pnvatioo  de  tous 
les  appuis  sensibles  dont  I  amour  naturel  et 
mercenaire  voudrait  se  soutenir  (197).  m 
Voilà  ce  aue  Fénelon  croyait  avoir  suffisam- 
ment expliqué  dans  son  livre,  mais  expliqué 
d'une  manière  équivoque,  et  trop  éloignée 
de  la  précision  théologique,  plus  nécessaire 
que  jamais  è  l'époque  où  il  écrivait.  Com- 
ment, en  effet,  peut-on  dire  que  l'espérance 
demeure  véritablement  dans  une  Ame,  avec 
la  persuasion  invincible  et  réfléchie  de  sa 
juste  réprolMtion,  surtout  si  l'on  fait  atten- 
tion que  les  réflexions  appartiennent  à  la 
partie  supérieure  de  l'Ame,  comme  l'auteur 
iè  suppose  avec  le  plus  grand  nombre  des 
théologiens  et  des  auteurs  mystiqnes  (.198)  7 
La  troisième  erreur  est  exprimée  dans 
plusieurs  endroits,  où  Pauteur  emploie  des 
eipressions  propres  h  foire  entendre  qu*une 
Ame  parfaite  est  indifférente  pour  son  avan- 
cement spirituel.  «  Dans  l'état  passif,  dit-il, 
on'  exerce  toutes  les  vertus  distinctes  sans 
penser  qu'elles  sont  vertus,  on  ne  pense  en 
chaque  moment  qu'à  faire  ce  que  Dieu  veut, 
et  l'amour  jaloux  lait  tout  ensemble  qu'on 
ne  veut  plus  être  vertueux  que  pour  soi,  et 
qu*im  ne  Veeijwmaie  Umi  que  anofid  on  nesi 
ptuM  aiittekéà  féire.  On  peut  dire  en  ce  sens 
que  l'Ame  passive  ne  veut  plus  même  de  Ta- 
niour,  en  tant  qu'il  e$i  $a  perfection  et  etm 
btmkeur^  mais  seulement  en  tant  qu'il  e»t  ce 
que  Dieu  veut  de  nous  (199J.»  La  même  er- 
reur pst  enseignée  dans  ces  paroles  du  45* 
article  :  «  Les  saints  mystiques  ont  exclu  de 
l'état  des  Ames  transformées  les  pratiques  de 
vertu  (200).  »  Fénelon,  à  la  venté,  ea  s'ex- 

[»rimant  ainsi,  voulait  dire  seulement  quu 
es  parfoits  ne  cherchent  point  dans  la  pra- 
tique de  la  vertu  leur  pronre  consolation, 
mais  uniquement  la  gloire  de  Dieu.  11  pré- 
tendait encore  exclure,  de  l'état  des  parfaits, 
Itk  gêne  et  la  eontraiiite  qui  porte  quelque- 
fois ane  Ame  à  suivre  pénibleneot  certaines 
formules  pour  produire  les  actes  de  diffé- 
rentes vertus.  Toutefois  les  propositions 
Su'on  Tient  de  citer  ont  été  justement  con- 
amnées,  comme  attribuant  aux  saints  mys- 

François  de  Sales,  qal  atlribiie  certaloes  téfleiioiis 
h  b  partie  laiérieaie  de  Tàsie,  on  ae  peai  pas  dire 
que  le  désespoir  réflédil  toit  ■■  ade  de  celle  partie 
ialérîeere,  peisqae  les  réflexlont  en  portant  ane 
àaie  an  deîespoir  ne  toot  pas  Ibadées  sar  Pespé- 
rieoee  des  seos,  BMûssardes  Idées  puesMat  ialel- 
leeioetles. 

(1991  Propos.  18, 19  et  M,  coodaanéespar  bao- 
ceiit  XIL 

(900)  Mesimee,  Prop.  SI.Féneloo  expGqae  les  pro- 
posilioiis  qu*oD  vient  de  citer,  daos  sa  r^oase  a  la 
déclarâiioa,  a*  23,  eie. 


îrn> 


MAX 


DICTIONNAIRE 


MAX 


m 


tiques  une  doctrine  propre  *Jï  auloriser  la 
paresse  et  la  nonchalance  dans  la  pratique 
du  bien. 

EnGn  la  quatrième  erreur   est  énoncée 
dans  le  28*  arlicle^  où  fauteur  enseigne 

Sue  ce  les  Ames  contemplatives  sont  privées 
e  la  vue  distincte,  sensible  et  réfléchie  de 
Jésus-Christ,  en  deux  temps  dilTérents... 
1*  dans  la  ferveur  naissante  de  leur  con- 
templation...«  2r  dans  les  dernières  épreu- 
ves (Mi).  »  En  parlant  ainsi,  Fénelon  ne 
prétendait  nullement  enseigner  qu'une  âme 
peut  être  privée  par  étal  de  la  vue  distincte 
ue  Jésus-Christ,  mais  seulement  qu'elle  peut 
en  être  privée  en  certains  moments,  mv  un 
altrait  particulier  qui  la  porte  vers  d  autres 
objets  (202).  Cette  doctrine  est  celle  de 
Bossuet  lui-même  dans  son  Instruction  sur 
les  itàts  d'oraison^  où  il  enseigne  expressé- 
Toent  <x  c}a'uno  Ame,  attirée  par  un  instinct 
particulier  à  contempler  Dieu  comme  Dieu, 
peut  bien,  durant  ces  moments,  ne  penser  ni 
à  la  sainte  humanité  de  Jésus-Christ,  ni  aux 
personnes  divines,  ni  à  certains  attributs 
particuliers,  parce  qu'elle  sortirait  de  Tattrait 
présent,  et  mettrait  obstacle  à  la  grâce  (203).  » 
Mais  les  expressions  du  livre  dos  maximes 
étaient  répréhensibles  en  ce  qu'elles  insi- 
nuaient Texclusion  permanente  de  ces  objets 
divins,  non-seulement  pendant  certains  mo- 
ments de  l'oraison,  mais  encore  pendant 
toute  la  durée  de  certains  états  de  la  vie  in- 
térieure.  '^ 

i^onr  comprendre  dans  cette  analyse  toutes 
les  propositions  du  livre  des  Maximes  con- 
iJamnées  par  Innocent  Xli ,  il  faut  ajouter 
•deux  autres  erreurs  à  celles  qui'sonl  déjà 
exposées. 

1"  Tous  les  fidèles  ne  sont  pas  également 
appelés  h  la  perfection,  et  n'ont  pas  la  grâce 
qui  pourrait  les  y  conduire.  «  Quoique  la 
doctrine  du  pur  amour,  dit  Fénelon,  fût  la 
pure  et  simple  perfection  de  TEvançile  mar- 
quée dans  toute  la  tradition,  les  anciens  pas- 
teurs ne  proposaient  d'ordinaire,  au  commun 
dos  justes,  que  les  pratiques  de  l'amour  in- 
téressé, proportionnées  à  leur  grâce  (20&).  » 
•Par  ces  paroles,  Fénelon  ne  voulait  qu  an- 
*noncer  la  doctrine  contenue  dans  le  oH'  ar- 
ticle d*lssy,  «  que  les  commençants  et  les 
parfaits  doivent  être  conduits,  cnacun  selon 
sa  voie,  par  des  règles  différentes»  et  que  les 
derniers  entendent  plus  hautement  et  plus  à 
"fond  les  vérités  chrétiennes  (205).  »  Mais 
les  expressions  du  livre  des  Ma^rtmes,  prises 
h  la  rigueur,  insinuaient  que  tous  n'ont  (las 

« 

(201)  Propos.  17,  condamnée  par  le  brcr  d*Inno- 
ccni  XII. 

(202)  In$t.  past.  du  15  sept.  1G97  n»  18.  —  Ré- 
ponse à  la  déclaration,  n*"  30  et  suiv.  —  Œuvret  de 
fénelon,  lome  1^,  p.  216.  591,  eic.  ^  Troisième 
lettre  à  M,  de  Paris,  n»  8,  lome  V.  —  Troisième 
lettre  à  Bosnuet  contre  ses  divers  éciits  ou  Mémoires, 
n*  pariie,  n«  17i,  lome  VI. 

(203)  Instructions  sur  les  états  d*Oraison,TiY,  n, 
•n'>2-i;iomeXXVfI,  p.  113. 

(204)  3*  et  22«  proposiliods  condamnées  par  Inno- 
ceniXU. 


la  grâce  qui  pourrait  les  conduire  k  la  oer- 
feciion. 

2*  L'oraison  ordinaire  n*est  que  poar  les 
imparfaits,  et  l'extraordinaire  est  essentielle 
h  la  perfection.  «  La  méditation,  dit  Tau* 
teur,  consiste  dans  ces  cas  discursifs  qui 
sont  faciles  h  distinguer  les  ucs  des  autres. 
Cette  composition  d  actes  discorsife  estnro* 
pre  h  Vexercice  de  Vamour  intéressé,,»  Il  y  a 
un  état  de  contemplation  si  haute  et  si  par- 
faite, qu'il  devient  habituel;  en  sorte  que, 
toutes  les  fois  qu'une  âme  se  met  en  orai- 
son, son  oraison  est  cohiemptative  et  non 
discursive  :  alors  elle  n'a  plus  besoin  de  re- 
venir à  la  méditation,  ni  à  ses  actes  métho- 
diques (206).  »  Ces  propositions,  prises  à  la 
lettre,  sont  difficiles  a  concilier  avec  les 
22*  et  23*  articles  d'Issj,  qui  enseignent  qoe 
la  perfection  ne  consiste  pas  dans  les  orai- 
sons extraordinaires.  Mais  il  est  certain  que 
Fénelon  n'attachait  pas  à  ses  expressions  le 
sens  rigoureux  qui  tes  a  fait  condamner. 
cr  La  contemplation,  dit-il  dans  son  Inslrut- 
iion  pasêorale,  est  un  exercice  dn  pur  amour, 
mais  non  pas  le  seul  exercice.  L'amour  nor 
s'exerce  aussi  dans  les  actes  des  vertus  dis- 
tinctes. De  plus,  j'ai  dit  qu'une  Ame  pleme 
du  plus  pur  amour,  pour  obéir  h  son  direc- 
teur qui  voudrait  l'éprouver,  devait  être 
aussi  contente  de  méditer  comme  les  com- 
mençants, que  de  contempler  comme  les 
chérubins  (207).  »  La  méditation  même  pent 
être  quelquefois  un  vrai  exercice  de  l'amour 
le  plus  désintéressé.  Tous  les  fidèles  sont 
appelés  h  la  perfection,  mais  ils  ne  sont  pas 
tous  appelés  aux  mêmes  exercices  et  aui 
mêmes  pratiques  particulières  du  plus  par- 
fait amour  (206). 

Nous  avons  fait  entrer  à  dessein,  d?ns 
cette  analyse  du  livre  des  Maximes,  toutes 
les  propositions  condamnées,  par  le  bref 
d'Innocent  XII,  aQn  de  mettre  plus  à  portée 
de  connattre  les  principaux  motifs  tierce 
décret.  Le  Pape  y  déclare  «  qu'après  atoir 
pris  l'avis  de  plusieurs  cardinaux  et  docteurs 
en  théologie,  dans  plusieurs  congrégatioas 
tenues  à  cet  effet  en  sa  présence,  désirani» 
autant  quil  lui  est  donné  d'en  haut,  préve- 
nir les  périls  qui  pourraient  menacer  le  trou- 
peau du  Seigneur,  dont  le  soin  lui  a  éié 
confié  par  le  Pasteur  éternel,  de  son  propre 
Kiouvement  et  de  sa  science  certaine,  aprçs 
une  mûre  délibération  et  par  la  pléniw 
de  Taulorité  aposiolique,  il  condamna  ^' 
réprouve  le  livre  susdit,  en  auelque  liw  et 
quelque  langue  qu'il  ait  été  imprimé,  ou 
qu'il  puisse  I  être  par  la  suite,  d'autant  qu^ 

(205)  Instruction  pastor.  du  Î5  sept.  iCSTin*  I. 
—  Rep,  à  la  déclar.,  n*40.  Œuvres  de  Fénelon,  lofw 
IV,  p.  «SI,  430.  eic.  ^  Seconde  lettre  cotre  la  en- 

aure  des  docteurs,  !2»  propos.,  lome  IX.—  ^.f"*' 
c  pâtes  propositions  justifiées,  prop.  5,  lonic  ^w, 

(206)  15*  et  16»  propos,  condamnées  par  ]»^ 
cent  XII. 

(207)  Maximes' des  Saints,  p.  177.  ^. 

(208)  Inst.  past:  du A^  sept,  I697,nn6.-Kf[ 
à  la  déclar.,  n-  38.  —  Œuvres  de  Fénelon,  l«in- 1^- 
p.  215  et  A'ii.'^Les  principales  proftos.  jnt^^^ 
propos.  50  Cl  31  y  lome  VllL 


»77 


VAX 


•g   ■■     ^ 


UAOiétUii^MUtM 


MAX 


n»» 


parla  lecture  et  Tusagc  Je  ce  livre»  les  Q- 
déles  pourraient  ôtrc  insensibicmeul  induits 
dans  (les  erreurs  déjà  condamnées  par  Tli!- 
gtlse  catholique;  et  en  outre,  comme  conte- 
nant des  propositions  gui,  soii  dans  le  sens 
iïes  paroles,  tel  qu*il  se  présente  d*abord , 
soit  eu  égard  à  la  liaison  des  principes,  sont 
respectivement  scandaleuses  et  téméraires, 
lualsonnanios,  otTensives  des  oreilles  pieu- 
ses, pernicieuses  dans  la  pratique,  et  même 
erronées  (209).  »  Le  bref  rapporte  ensuite 
23  propositions  extraites  du  livre  des  Maxi- 
mes, et  que  le  Pape  juge  à  propos  du  con- 
damner expresiémeut. 

La  plupart  do  ces  propositions  se  rappor- 
tent ouvertement  aux  aeux  premières  ef- 
rcurs  dont  on  a  parlé.  Les  autres,  quelque 
réprébeusibles  qu'elles  soient,  no  paraissent 
.avoir aucune  liaison  avec  les  premières,  ni 
avec  le  système  général  du  livre  con- 
damné (210);  ce  sont  des  inexactitudes  dont 
les  meilleures  intentions  ne  préservent  pas 
toujours  les  auteurs ,  même  les  plus  ins- 
truits. «  Ou  peut  dire  de  ces  dernières  pro- 
positions, 5elon  la  remarque  du  P.  d*Avri- 
gny  (211),  yu*eiles  servent  h  démontrer 
(ju*on  ne  voulait  faire  nulle  grAce  à  iput  co 
uui  pouvait  6(re  tant  soit  peu  ambigu,  ou 
équivoque,  ou  susceptible  d'un  mauvais 
sens  (212). 

A  cet  enseignement  public  et  à  cette 
doctrine  constante  de  l'£glise,  qui  condamne 
toutes  les  formes  du  quiétisme,  dit  encore 
M.  Tabbé  Gosselin,  opposera-t-on  la  préfé- 
rence que  Jésus-Christ  lui-même  donne  h 
la  contemplation  sur  Taction,  en  prenant 
ouvertement  la  défense  do  Mario  contre 
Uarthe,  sa  sœur,  qui  lui  reprochait  de  quit- 
ter les  occupations  extérieures  pour  écouter 
la  parole  de  Dieu?  Marie,  dit  Jésus-Cbri.st, 
a  ciioisi  la  meilleure  part,  qui  ne  lui  sera 
|K)iDt  6tée  (213j.  Rien  de  plus  faible  que 
celte  dijliculté.  Il  est  vrai  que,  dans  cette 
occasion,  Jésus-Christ  représente  la  contem- 
plation comme  étant  par  elle-même  plus 
excellente  que  l'action;  et  i!  est  certain,  en 
^iTel,  que  la  contemplation  est  plus  excel- 
loQle,  soit  à  raison  de  son  objet,  puisqu'elle 
mcupe  de  Dieu  et  des  choses  divines, 
&oità  raison  de  s^s  effets,  puisqu'elle  tend 
^upirde  plus  en  nlus  l'homme  avec  Dieu. 
liais,  de  ce  (|uo  la  contemplation  est,  par 
elle-même, plus  excellente  que  l'action,  s'en- 
suit-il  que  tous  les  hommes,  sans  distinc- 
lioo,  doivent  donner  plus  de  lempi  à  la  cou- 

(209)  Bref  d'Innocent  Xff  contre  le  livre  des  Ma- 
ximes,  (Euvres  de  Fénelon^  luiiie  IX,  p,  ICI.  Oii 
(roavera  quelques  iliffcrences  eitlre  la  traduction 
(iMinée  iei  do  lexie  talhi,  et  celle  que  le  cardinni  de 
Bansiet  a  suivie  dans  VUUtoire  def'éneion^  tome  II, 

t'2t8et30i.  Ces  diflcreuces  reganleut  priucipa- 
-Mait  qiiekiues  expressions  que  S.  Gosseliii  croit 
esprîuier  |»lus  exactemeul  le  seus  du  texte  latin. 

(«iO)  Cette  observation  regarde  eu  parUiulier  \c% 
'fopo».  3, 15, 15,  IC  et  2i. 

(ill)  U'Amany,  Mémoires  Chronol.  tome  IV,  12 
lurs  I6U9. 

(ili)  GosscLt!!,  Histoire  Hlléraire  de  Féiieton; 
Analyse  de  la  ouiUroverse  du  quictîsinu  ;  quiéiisiiio 
tu.|i|{ê  du  li\r«  des  Maximes»  —  Cet  cstpu&c  est  bicu 


templation  qu'A  Taclion ,  ou  que  Je  genre  do 
vie  k  plus  parfait  soit  celui  od  la  contem- 
plation aplus  de  part  que  l'action?  Jamais 
ces  conséquences  n'ont  été  tirées  par  Jésus- 
Christ  ni  par  son  Eglise.  Bien  plus,  c'est 
une  doctrine  constante  dans  le  christianisme 
que  la  vie  contemplative  n'est  point  celle  du 
commun  des  Qdèles;  que  ce  genre  de  vie 
suppose,  dans  ceux  qui  l'embrassent,  une 
vocation  spéciale,  et  que  loin  d'être  le  plus 

ftarfait  des  états,  il  est  bien  au-dessous  do 
a  vie  apostolique  et  du  ministère  ecclésias- 
tique destinés  aux  exercices  du  zèle  (214-)* 

C'est  ce  que  l'Ecriture  suppose  cl$iirement 
en  plusieurs  endroits  où  elle  autorise  ex- 
pressément Texen  ice  de  divers  états  con- 
sacrés à  la  vio  active  (215),  et  représente 
môme  la  vio  des  apôtres  et  des  ministres 
de  l'Eglise,  comme  le  genre  de  vie  le  plus 
excellent  et  le  plus  glorieusement  couronné 
dans  le  ciel  (216). 

C'est  d'après  ces  principes  que,  dans  lou? 
les  tem{>s,  on  a  souvent  tiré  des  religieux 
de  leur  monastère  pour  les  appliquer  aux 
fonctions  du  ministère  ecclésiastique,  ëi 
même  pour  les  élever  è  ré[)iscopat  (217) , 
tandis  qu'on  a  permis  diflicilement  aux  prê- 
tres et  aux  évéqucs  de  quitter  les  fonctions  du 
saint  ministère  nour  rentrer  dans  la  solitude. 
Conformément  a  ces  principes,  le  Pape  Iq- 
nocent  111  s*oppo5a  fortement  au  désir  d'un 
saint  évèque  qui,arrivé  à  un  âge  très-avancé, 
demandait  avoc  instance  la  permission  do 
quitter  son  siège  pour  consacrer  le  reste  de 
ses  jours  à  la  solitude,  La  réponse  du  Papo 
à  cet  évêque  est  d'autant  t^lus  digne  d'à t< 
tention  qu'elle  a  été  depuis  insérée  dans 
le  corps  du  droit,  j^ur  servir  de  règle  en 
cette  matière.  «  il  est  vrai,  lui  dit  le  Pape, 
que  vous  avez  beaucoup  travaillé  et  vaillam- 
ment combattu  jusqu'ici^  mais  pour  obtenir 
la  couronne  de  justice  qui  vous  est  prépa- 
rée, il  faut  achever  couiageusemeat  votre 
course.  Et  no  croyez  pas  que  Marthe,  en  se 
livrant  aux  occupations  extérieures  ,  ait 
choisi  une  mauvaise  nnrt,  le  Sauveur  ayant 
félicité  Marie  d'avoir  choisi  la  meilleure  part, 
qui  ne  lui  sera  point  ôtée;  car,  bien  qiie 
celle-ci  soit  plus  sûre*  celle-là  est  plus  avan- 
tageuse, c'est  pourquoi  on  permet  plus  fa- 
cilement h  un  moine  de  monter  à  la  prélu- 
ture  qu'à  un  prélat  de  devenir  moine  (218).» 

Oi)posera-t-on  entin  à  la  doctrine  constante 
.  de  1  Eglise  celle  de  plusieurs  auteurs  mysti- 
ques, qui,  bOus  le  nom  de  contemplation 

supérieur,  pour  l^exactilade  et  b  prorondeur  tbéolo- 

1;ique»  à  celui  qu*a  donné  M.  Uaiilietëuiy-Saiut-lU- 
aire. 

(213)  Luc.  X,  Il ,  Pour  Texplicatien  de  cepai^sagp, 

l'iMJ  RoDRiGou,  Perf.  chrét.,  tome  III.  Traité 
ie  la  (in  de  la  compagnie  de  Jé$u$.  Cbap.  11. — 
Summa  S;  Tuo««»  i-i,  quasi,  laâi. 

(215)  Inf.  III,  10,  13^  —  i  Cor.  VU,  17,  SO,  et 
alibi  puiêim. 

mQ)  Damel,  in.  i.  —  KcWi.  xxui,  5.  —  MaUk. 
V,  19. 

(217)  TnoxAssiN,  Ancienne  et  noutelle  disciplina, 
tome  l*%  liv.  III,  cliap.  13,  çtc.  —  Dk  JIébicourt, 
Ahréfié  du  même  ônfrane^  t"  partie,  chap*  2I« 

(1218)  Décret,  Uv.  i,  Tit.  9. 


f79 


MED 


DICTIONNAIRE 


MED 


980 


passive  et  d'élal  passif,  font  consister  dans 
une  ftorte  de  passiveté  la  perfection  de  To- 
raison  et  de  la  vie  chrétienne?  Mais  quand 
M  serait  rrai  que  plusieurs  auteurs  mysti- 
ques ne  se  sont  pas  exprimés  sur  cette  ma- 
tière avec  assez  d'exactitude,  qu'en  pour- 
rait-on conclure  contre  le  christianisme  eu 
général,  ou  contre  la  doctrine  de  l*Eglise  en 
'  particulier?  Qui  ne  sait  que  la  doctrine 
chrétienne  se  connaît  par  renseignement 

1>ublic  et  solennel  de  TEglise,  et  non  par  le 
angage  de  quelques  particuliers?  Ce  prin- 
cipe, reconnu  de  tous  les  théologiens  en 
matière  de  dogme»  doit  s'appliquer  surtout 
à  la  théologie  mystique,  dans  laquelle  le 
langage  du  sentiment  est  souvent  substitué 
h  la  précision  rigoureuse  du  langage  de 
l'école. 

Au  reste,  en  nous  exprimant  ainsi,  nous 
sommes  bien  éloignés  de  condamner,  comme 
inexact,  le  langage  ordinaire  des  auteurs 
mystiques  sur  Ta  contemplation  passive  et 
sur  l'état  passif.  II  est  vrai  que  ces  pieux 
auteurs  font  consister  dans  une  sorte  de 
passiveté  la  perfection  de  l'oraison  et  de  la 
vie  chrétienne;  mais  il  ne  faut  que  lire  at- 
tentivement leurs  écrits,  pour  voir  la  diffé- 
rence essentielle  qui  existe  entre  la  passi- 
veté des  bous  auteurs  spirituels  et  celle 
des  faux  mystiques.  Celle-ci  exclut  de  cer- 
tains états  d'oraison  et  de  perfection  plu- 
sieurs actes  commandés  de  Dieu,  et  essen- 
tiels à  la  véritable  piété.  Celle-là  n'est  que 
l'état  d'une  flme  parfaitement  abandonnée 
aux  mouvements  de  la  srâce,  et  habituelle- 
ment exempte  de  l'activité  inquiète  et  dé- 
sordonnée, par  laquelle  une  Amo  imparfaite 
contrarie  souvent  1  opération  divine.  Ainsi, 
la  passiveté  des  bons  auteurs  mystiques 
n'exclut  pas  toute  espèce  d'action,  mais 
seulement  certains  actes  imparfaits.  Ce  n'est 
qu'une  pleine  et  entière  coopération  aux 
mouvements  de  la  grâce.  En  ce  sens,  plus 
une  Ame  est  passive,  plus  elle  est  active  et 
agissante  pour  tout  ce  que  Dieu  lui  demande. 
C  est  ce  que  Fénelon  explique  avec  beau- 
coup de  précision  et  d'exactitude  dans  plu- 
sieurs de  ses  ouvrages  (219). 

MEDITATION  ou  Oraison  mentalv,  sa 
naluref  son  utitiiéy  sa  nécessité  pour  la  per- 
'  fection.— La  seconde  espèce  de  prière  {voir 
ce  moi)  est  Toraison  mentale  ou  la  méditation: 
c'est-à-dire  Y  exercice  des  trois  puissances  de 
FâmCf  de  la  mémoire^  de  Fintelligenee  et  de  la 
volonté.  Dans  cet  exercice,  l'homme  1**  se 

Î propose  à  lui-môme,  par  l'intermédiaire  do 
a  mémoire^  quelque  mystère,  quelque  his- 
toire ou  quelque  vérité  surnaturelle;  2"  par 
V intelligence f  il  consi^dère  sérieusement  et 
intimement  ce  qui  lui  est  présenté  par  la 
mémoire;  il  en  pèse  et  en  discutoj  les  cir- 
constances, l'objet  et  la  fin;  3*  par  lava/oui/, 
il  en  tire  des  sentiments  affectueux  él  d'utiles 

Sésolutions  pour  l'amélioration  de  sa  con- 
iiite;  entin,  il  conclut  par  des  entretiens 
avec  Dieui  avec  la  sainte  Vierge  ou  les 


saints,  leur  demandant  le  pardon  de  ses  pé- 
chés et  la  grAce  d'exécuter  ses  bonnes  réso- 
lutions; les  louant  et  leur  rendant  gtftce  des 
bienfaits  qu'il  en  a  reçus,  et  terminant  par 
une  prière  vocale,  comme  le  Pater^  YAxiy 
etc.  Cette  manière  de  prier  par  la  médita- 
tion, quant  à  la  substance,  sauf  la  variélé 
des  méthodes,  est  certainement  en  usage 
depuis  les  temps  les  plus  reculés.  L*Eg]isea 
constamment  recommandé,  outre  la  nrière 
vocale,  l'oraison  mentale,  comme  meilleure 
et  conduisant  plus  sûrement  à  la  perfection. 
Aussi  retrouvons-nous  l'oraison  mentale 
dans  l'Ecriture  et  la  tradition.  Et  en  effet, 

l*"  L'Ecriture  sainte  l'indique  par  ces  }^- 
roles  :  //  a  disposé  des  élévations  dant  ion 
cœur.  Or  cet  homme  heureux,  qui  tire  ton 
secours  du  Seigneur  {Ps.  lxxxui,  6),  nonpar 
la  prière  vocale j  mais  en  disposant  dans  ton 
cœur  des  élévationSf  ne  s'élève  point  ainsi  à 
Dieu  sur  les  ailes  du  raisonnement,  mais 
bien  sur  celles  de  la  méditation. 

2'  Les  saints  Pères  parlent  aussi  de  Torai- 
son  mentale  et  la  comprennent  comme  nous. 
Saint  Augustin  ou  un  autre  Père,  postérieur 
à  Bnêce  (De  sp.  et  an.^  c.  32),  a  dit  :  «  L'âmo 
qui  se  considère  par  l'esprit  et  la  raison 
s  élève  vers  Dieu  par  la  méditation  et  la 
contemplation.  Car  la  méditation  est  une 
rechercne  studieuse  de  la  vérité  cachée.  • 
Saint  Bernard,  ou  un  autre  pieui  person- 
nage {De  scaL  claustr,)^  dit  également:  c  La 
méditation  est  une  studieuse  action  de  Tes- 
prit,  qui  recherche,  sous  la  conduite  de  sa 

Sropre  raison  Ja  notion  d'une  vérité  cachée.  * 
aint  Thomas  (2-2,  q.  83,  a.  2)  sex- 
f)rime aussi  en  ces  termes:  «  L'homme,  par 
a  méditation,  conçoit  qu'il  se  livre  à  une 
occupation  divine,  a  laquelle  le  conduit  une 
double  considération,  »  à  savoir,  celle  de  la 
bonté  divine  et  de  notre  propre  faiblesse, 
et  cela  par  des  opérations  intellectuelles 
qui  affectent  diversement  la  volonté.  Ce 
n'est  donc  pas  seulement  un  acte  de  la  to- 
lonté,  c'est  encore  un  acte  et  une  opération 
de  rintelli^ence,  qui  constituent  essentielle- 
ment l'oraison  mentale  et  la  méditation. 

Voraison  mentale  est  iris-utile  et  d^f» 
puissant  secours  pour  vivre  chrétiemuinest. 
On  le  prouve  1"*  par  l'Ecriture  sainte.  Dieo 
donne  des  préceptes  à  son  peuple,  et  après 
avoir  recommandé  principalement  leprécepte 
de  l'amour  de  Dieu,  il  ajoute:  Et  vous  If^ 
méditerez.  {Deut.  vi,  7.)  Ayez  soin  de  le  «^ 
diter  jour  et  nuit^  afin  que  vous  obsenies  ti 
que  vous  fassiez  tout  ce  qui  y  est  écrit.  (M 
1, 8  }  Il  est  dit  encore,  en  parlant  du  juste: 
//  met  toute  son  affection  dans  la  loi  du  Sei- 

Îneur  et  il  la  médite  iour  et  nuit.  (  Pi,  h  2  ) 
^avid  fut  très-assidu  a  cette  pratique, cuaime 
le  montrent  plusieurs  versets  du  Ps.  ciuui 
et  particulièrement  le  verset  92*:  Si  j^ 
n'avais  fait  ma  méditation  de  votre  'oi» 
f  aurais^  il  y  a  longtemps^  succombé  dm 
mon  humiliation.  —  Heureux  Phonme  fvi 
demeure  appliqué  à  la  sagesse,  qui  inexercé 


(219)  GossKLUf.  Biêtoire  littiridre  de  Fénelon;  ii*  partie,  an.  3,  §  2  ei3,  an.  482,  n^"*  160»  )% 
179. 


9S« 


MED 


D*AScensii£. 


UEO 


nt 


è  pratiquer  la  juMiice^  et  ^i  pense  et  repense 
è  cet  ail  de  Dieu  qui  voit  tout.  (  Eccli.  iit« 
2â.)  Sourenex-vouâ^  dans  toutes  vos  actions, 
de  vos  fns  dernières,  et  vous  ne  pécherez  ja* 
mais.  (Eccli.  ru,  VO.  )  Je  méditerai  comme  la 
colombe,  (tsa.  xxxTiif,  H.)  Noas  voyons 
«Je  même,  dansie  Nouveau  Testament:  Jforîe 
conservait  toutes  ces  paroles,  les  comparant, 
e*csl  à-dire  les  contemplant  dans  soncceur. 
(  Luc.  II.  19.  )  Or,  une  seule  chose  est  néces^ 
Maire:  Marie  a  choisi  la  wmlleure  part.  (Luc. 
Y,  k2.)  Médiiex  ces  choses,  soyez-en  toujours 
occupe,  afn  que  votre  avancement  soit  connu 
de  tous.  (I  Tim.  iv,  15.)  Pensez  donc  en 
rous-mémt  à  celui  quiajouffert  une  si  grande 
contradiction  des  pécheurs  qui  se  sont  élevés 
contre  lui.  (Hebr.  xii,  3.)  Ajoutons  à  cela 
Icxeuiple  des  apôtres  et  ae  la  sainte  Vierge 
|iersévérant  uuaoimement  dans  Toraison 
(  Act.  \,  \\)\  reiemple  de  Jésus-Christ  lui- 
même,  livré  à  cette  même  oraison  mentale. 
<  Luc.  Vf,  12;  IX,  28.  Matth.  xxvi,  36.) 

2*  Far  les  saints  Pères.  Saint  Ambroise  dit 
(  m  Ps.  Gxviii,  39  )  :  m  Exergons-nous  donc 
sans  relâche  à  la  méditation,  exerçons-nous 
avant  le  combat,  afin  d*èlre  toujours  prêts  k 
combattre.  »  «  H  importe  è  Téme,  dit  saint 
Léon  (scrm.  8  De  jejun.),  de  s'affranchir 
des  passions  corporelles,  afin  de  pouvoir  va* 
quer  à  la  divine  s:>gesse  dans  le  sanctuaire 
de  Fesprit,  alors  qu*ayant  étouffé  le  bruit 
des  soucis  terrestres,  elle  se  réjouit  dans  les 
saintes  méditalionset  les  éternelles  délices.  » 
Saint  Augustin  dit,  dans  VExpositiondu  Ps. 
cxLviu  :  «  La  méditation  de  notre  vie  pré- 
sente doit  consister  dans  la  louange  de 
Dieu...  Celui  qui  n*a  que  de  lionnes  pensées 
ne  peut  faire  de  mauvaises  actions.  •  Saint 
Prosper  s'exprime  ainsi  (serm.218lle  medU.y. 
«  Que  le  fidèle,  quand  il  en  a  le  loisir,  roé* 
dite  sur  les  grandeurs  de  Dieu,  et  qu'il 
cherche  ainsi  une  matière  et  un  encourage* 
inent  pour  les  bonnes  œuvres.  •  Saint  Ber- 
nard dit  k  son  tour  (I.  i  De  eonsee.,  c.  7): 
m  La  méditation  d'abord  purifie  sa  source 
même,  c'est-à-dire  l'esprit  dont  elle  émane  ; 
ensuite  elle  règle  les  affections,  dirige  les 
actes,  corrige  les  excès,  réforme  les  mœurs, 
lionore  et  gouverne  la  vie ,  enfin  elle  procure 
la  science*  des  choses  divines  et  humaines.  • 
m  La  méditation,  dit  sainte  Tliérfese(Fîaper/'., 
c.  16),  est  I  origine  de  toutes  les  vertus  et 
la  chose  essentielle  à  la  vie  de  tout  Chrétien.* 

3*  Par  1rs  théologiens.  Saint  Thomas 
(2-2.,  q.  83,  a.  2;  ad.  2}  dit:  «  La  cha- 
rité se  nourrit  parla  dévotion,  de  même  que 
l'amitié  s'entretient  et  s'augmente  par  Texer- 
cice  et  la  méditation  des  œuvres  d'amitié.  » 
Saint  Bouaventure  {Spee.  discipl.,  c  12  )  : 
«  La  méditation  provoque  et  forme  au  goût 
de  la  prière.  »  Hugues  de  Saint-Victor  (  De 
modo  orandi,  c.  1):  c  La  sainte  méditation 
est  tellement  nécessaire  à  la  prière,  que 
eelle-ci  ne  peut  être  tout  à  fait  parfaite,  si 
die  n'est  accompagnée  on  précédée  de  la 
méditation.  »  Saint  Antonin  (p.  iv  Summ.^ 
t.  X,  c.  5):  «  Aucun  de  nous,  quelles  que 
soient  ses  occupations,  ne  doit  négliger  de 
consacrer  quelque  temps  à  la  méditation, 


c'est-à-dire  h  la  coosidéraliou  des  choses 
divines.»  Gerson  (TA.  myst.,  cons.  If): 
c  A  défaut  de  la  voix  et  en  rabseme  de  tout 
livre,  que  la  méditation  soit  pour  vous  un 
livre  secret,  une  prédication  silencieuse: 
autrement,  prenez  garde  qu'à  force  de  tou-^ 
jours  apprendre,  vous  ne  parveniez  jamais 
a  la  sagesse.  »  — >  Tous  les  ascètes  tiennent 
le  même  langage. 

4*  La  raison  de  tout  cela,  c'est  que  jamnis 
la  prière  vocale  ne  peut  être  attentive  ou  dé* 
vote ,  si  la  méditation  ne  la  précède  ou  ne 
raccomf«agne.  D*un  autre  côté,  sans  la  médi- 
tation ,  on  parvient  difficilement  h  la  prati- 
que des  vertus  de  foi,  d'espérance ,  de  cha* 
rite ,  de  religion ,  etc.,  et  è  la  fuite  du  vice , 
comme  l'expérience  le  prouve.  En  effet, 
puisque  tous  les  Chrétiens  ont  la  même  foi, 
pourquoi  ne  vivent-ils  pas  tons  conform^^* 
mentacette  foi  même?  Pourquoi  s'en  trouve- 
t-il  un  si  grand  nombre  qui  sont  paîersjiarlrs 
mœurs ,  et  si  peu  qui  prouvent  leur  foi  par 
leurs  œuvres  TC'est  parce  qu'ils  ne  méiiiteot 
jamais  attentivement  les  vérités  de  la  foi. 
Pourquoi,même  parmi  ceux  qui  prient  beau- 
coup, en  voit-on  un  si  grand  nombre  nian- 
ouer à  l'accomplissement  de  la  loi, et  quand 
1  occasion  s'en  présente ,  tomber  dans  lo 
gouffre  des  passions 7  C'est  parce  q*rils  né- 
gligent de  faire  de  sérieuses  méditations. 
Nous  voyons  des  pécheurs  invétérés  deve- 
nir d'autres  hommes  par  le  seul  usage  des 
Exercices  spirituels  de  saiiît  Ignace;  et  pour 
peu  qu'ils  continuent  chaque  jour  celte  mé- 
ditation des  choses  divines,  on  les  voit 
persévérer  heureusement  dans  le  bien.  C'est 
là  le  fruit  excellent  de  la  méditation. 

L'oraison  mentale  nous  est-elle  prescrite? 
C'est  un  point  sur  lequel  les  théologiens  ne 
s'accordent  pas.  Il  est  certain  toutefois  qun 
la  méditation  n'est   pas  a6so{uiii€nl  néces* 
saireau  salut.  Jésus-Christ,  interrogi^  sur  co 
qu'il  fallait  faire  pour  posséder  la  vie  éter- 
nelle, répondit  :  Observez  les    commande^ 
déments.  C'est  là  l'opinion  de  Suarez ,  do 
Théophile  tteynaudet  de  Hurtado.  Ce  der- 
nier traite  de  téméraire  une  proposition  |>ar 
laquelle  personne  ne  saurait  être  sauvé,  à 
moins  de  consacrer  chaque  jour  quelque 
temps  à  l'oraison  .mentale.  C*est  aussi  une 
erreur  que  cette  opinion  des  illuminés ,  que 
roroison  mentale  nous  est  prescrite  de  pré* 
ceptedivin,à  tel  point  quelle  suffit  atout. 
On  ne  trouve  nulle  part  de  précepte  uni- 
versel de  l'oraison  mentale,  et  quant  au 
précepte  naturel  et  divin  de  prier  Dieu  ,  on 
y  satisfait  également  par  la  prière  vocale  et 
parla  prière  mentale,  à  moins  que  par  un 
vœu  ou  quelque  obligation  spéciale ,  on  no 
soit  tenu  à  l'oraison  mentale.  Néanmoins  la 
méditation  peut  être  nécessaire  secondaire- 
wunt ,  comme  disent  les  théologiens ,  qoen^l 
il  s'agit  d'arriver  à  la  perfection ,  surtout 
pour  les  religieux ,  ainsi  gue  l'affirme  Hur- 
tado.  Saint  Thomas,  au  témoignage  de  Cas- 
tillo  (  Bist.  ord.  Prœd.,  I.  lu,  c.  37  ),  avait 
tant  de  zèle  pour  cet  exercice,  qu'il  regar- 
dait comme  impossible  de  vivre  et  de  pro- 
gresser, dans  une  communauté,  sans  la 


993 


MED 


DICTIONNAIRE 


M£D 


m 


méditation,  et  il  disait  qu'un  religieux, 
«ans  Toraison  ,  est  un  soldat  qui  va  sans  ar- 
mes au  combat.  Saint  Bonaventure  dit 
aussi  :  «  Assurément  un  religieux  qui  ne 
pratique  pas  assidûment  Toraison,  non- 
^seulement  est  malheureux  et  inutile  »  mais 
encore  aux  yeux  de  Dieu  porte  une  Ame 
morte  dans  un  corps  vivant.  »  (  De  perf. 
vU.f  c.  5.  )  II  faut  en  dire  autant  du  prêtre. 
Comment ,  sans  la  méditation  ,  pogrra-t-il 
mener  une  vie  chaste  et  Angélique  ?  Com- 
ment récitera-t-il  avec  dévotion  Toilice  divin? 
Comment  ()ourra-t-il  offrir ,  avec  le  respect 
Hu'\\  lui  doit,  le  redoutable  sacrifice  de  Tau- 
tel?Sll  n*est  remplide  Tespritde  Jésus^Christ 
})ar  la  méditation»  comment  gouvernera-t-il 
avec  tendresse  le  troupeau  de  Jésus-Christ? 
C(/mmeut  le  prélat  répondra-t-il  h  sa  posi- 
tion, qui  Toblige  non-seulement  de  tondre 
h  la  pnrfection,  mais  d*être  parfait?  «  Les 
deux  fonctions  du  pontife ,  dit  un  concile  , 
sont  d'étudier,  h  Técole  du  Seigneur, par 
la  ]i*ctute  de  l'Ecriture  sainte  et  par  de  iré- 
quentes  méditations,  aGn  d'instruire  le  peu« 
pie  qui  lui  est  confié.  »  Aussi  Gerson  fait 
entendre  de  justes  plaintes  :  «  Pourquoi  » 
hélas  I  si  peu  qui  s'adonnent  à  la  contem- 
plation,  même  parmi  les  savants  ecclésias- 
tiques et  les  religieux,  bien  plus,  parmi 
les  théologiens?  On  peut  à  peine  rester 
seul  avec  soi-même  et  méditer  quelque  temps 
ou  soi-même.  »  (  Th.  myst.^  cons.  2.  ) 

Nous  pouvons  conclure  de  ces  considéra- 
tions :  1°  Que  la  prière  mentale  est  un  se- 
cours puissant  et  universel  pour  vivre  chré- 
tiennement ,  et  sans  lequel  il  est  rare  et  dif- 
ficile de  persévérer  sûrement.  Cela  suffit 
pour  en  faire  un  moyen  de  salut  secondaire- 
meni  ou  moralement  nécessaire.  2°  Bien  que 
cette  nécessité  de  l'oraison  mentale  n'oblige 
pas  ceux  qui  n'y  sont  pas  spécialement  ap- 
pelés, surtout  les  laïques  séculiers  qui  as- 
pirent à  ta  commune  perfection  chrétienne, 
qui  ne  peuvent  guère  prier  que  de  vive  voix 
et  à  qui  d'ailleurs  la  prière  vocale  étant  suf- 
fisante, la  fréquente,  oraison  mentale  ne 
doit  être  proposée  qu'avec  la  plus  sage  dis- 
crétion; cependant  cette  exception  en  leur 
faveur  n'est  pas  absolue  ;  ils  doivent  au 
moins,  sur  les  ailes  do  la  prière  vocale, 
élever  leur  esprit  à  Dieu ,  ce  qui  est  en 
quelque  sorte  une  prière  à  la  fois  vocale  et 
mentale  ;  d'ailleurs  ils  ne  peuvent  guère  se 
disposer  à  la  contrition  et  è  la  sainte  coin* 
munion,  sans  quelques  réflexions  menta- 
les et  une  certaine  méditation.  Assurément, 
c'est  souvent  une  excuse  frivole  de  dire 
que  ToraisoU  mentale  doit  être  exclusive» 
ment  réservée  aux  savants  et  aux  religieux, 
et  que  les  ignorants,  les  ouvriers  et  les  fem- 
mes en  sont  tout  è  fait  dispensés.  Car  tous 
ceux  qui  jouissent  de  leur  raison  sont  ca- 
pables d'oraison  mentale.  Si  un  Chrétien 
croit  devoir  s'occuper  avant  tout  du  salut  de 
son  flme ,  s'il  s'efforce  de  remplir  exacte- 
ment tous  les  préceptes  divins,  et  si  dans 
ce  but  il  implore  humblement  la  grdce  de 
Dieu ,  il  fera  une  bonne  oraison  mentale. 
Les  gens  du  siècle  montrent  souvent  tant 


d^intelligcnce  dans  tes  choses  de  la  terre, 
afin  d'obtenir  un  gain  temporel  :  pourquoi 
n'en  agissent-ils  pas  de  même  dans  ce  qui 
concerne  le  salut  de  leur  âme  ?  Donnez-moi 
une  &uie  simple ,  qui  ait  plus  de  souci  des 
choses  spirituelles  que  des  choses  tempo- 
relles, et  elle  sera  bientôt  en  étatdeprati* 
quer  Toraison  mentale.  Certes  il  faut  re-> 
gretter  que  les  prédicateurs ,  les  curés  et 
les  confesseurs   n'exercent   pas   plus  fré- 

auemment  sur  cette  matière  le  peuple  des 
dèles,  même  dès  leur  jeunesse  :  ils  gagne- 
raient à  la  perfection  chrétienne  uu  bien 
plus  grand  nombre  d'Ames. 

Lorsqu'un  prndeut  confesseur  voit  quel* 
qu'un  détester  le  péché  mortel  et  dis()0$é 
à  faire  des  progrès  dans  l'amour  divin,  ou 
bien  rencontre  un  de  ces  pécheurs, qai 
ayant  sa  volonté  pl)Dgée  dans  un  bourbier, 
dont  il  ne  çeulse  dé!ivrer  qn'en  réflécbissaul 
sur  lui-même,  paraît  maintenant  agité  par 
le  souvenir  de  ses  iniquités  passées,  il  m\ 
le  disposer  è  bien  faire  l'oraison  menlale. 
Et  pour  y  arriver,  il  doit  reconnaître  d'a- 
bord si  le  pénitent  est  instruit  ou  ignorant; 
dans  ce  dernier  cas,  il  doit  lui  imposer  seu- 
lement, le  matin  et  le  soir,  quand  toutesl 
calme  dans  sa  demeure ,  ou  même  dans  le 
cours  de  ses  travaux,  q^uand  on  ne  peot 
trouver  d'autre  temps,  il  doit  lui  imposer 
d'élever  de  temps  en  lemps  son  esprit  vers 
Dieu,  et  de  mé<liter  les  vérités  de  la  foi, 
telles  que  nos  fins  dernières  ou  la  passion 
de  Notre-Seigneur  Jésus-Christ.  Il  ne  doit 
pas  se  prêter  facilement  aux  excuses  de 
ceux  qui  voudraient  se  dispenser  de  ce  de- 
voir; car  tout  fidèle  peut  pratiquer  lui«inèine 
cet  exercice  en  tout  temps  et  en  tout  lieu. 
Mais  si  le  pénitent  no  manque  pasd'ius^ 
truction,  il  doit  lui  apprendre  à  se  servirde 
quelque  livre ,  propre  h  lui  donner  facile* 
ment  l'habitude  de  la  méditation ,  ce  que  fil 
sainte  Thérèse  pendant  quelques  années, 
comme  elle  le  raconte  elle-même.  11  doit 
l'avertir  de  choisir  la  matière  qui  inspire  à 
son  flme  le  plus  de  dévotion);  et  une  fuis 

3u*il  se  sentira  vivement  ému  et  touché, 
e  rester  longtemps  sur  ce  sujet  ;  après  la 
lecture,  que  l'âme  s'exerce  soit  à  produiTt 
des  actes  de  volonté  ^  cumme  dliumililé, 
d'actions  do  grftces ,  de  contrition ,  de  foi , 
d'espérance ,  de  charité ,  etc.;  soit  à  faire  à 
Dieu  des  demandes^  surtout  celle  de  son 
amour  et  de  la  nersévérance  finale;  soit 
enlin  à  exécuter  de  bonnes  résolutions,  ^^^ 
pour  que  la  méditation  soit  fructueuse,  il  est 
nécessaire  que  l'âme  se  propose  de  mettre  i 
exécution  tes  projets  que  la  méditation  lui 
a  suggérés.  Personne^  dit  saint  François  de 
Sales  ,  ne  doit  finir  V  oraison  sans  avoir  prit 
quelifue  résolution  partieuliire  ^  comme  it 
corriger  certains  défauts  ^  et  do  pratiq^tr  ttrr 
taines  vertus  où  l*on  se  reconnaît  plus  faiblir 
.  C'est  ainsi  que  l'oraison  mentale  ou  la 
méditation  doit  être  insinuée  par  le  confes* 
seur,  non-seulement  aux  Ames  timorées, 
mais  encore  aux  pécheurs  ;  car  c'est  souvent 
h  défaut  de  cette  méditation  qu'ils  retournent 
à  leur  vomitsement.  11  doit^  encore  leur  de- 


MED 


irAscensME. 


mander  compte  de  la  manière  dont  ils  font 
cette  méditation,  et  leur  imposer  Tobliga- 
tion  de  s*accuser  arant  tout  d'jr  aroir  man- 
qué, quand  cela  leur  arrive.  En  agissant 
ainsi,  le  confesseur  rendra  d*éminenls  ser- 
Tîces  aux  âmes,  et  remplira  ses  fonctions  en 
bon  et  fidèle  dispenraieur  des  m^siires  de 
JKeu,  C*est  surtout  après  les  missions  qu'il 
est  utile  d'inspirer  ce  salutaire  exercice  aux 
fidèles;  car  c'est  alors  qu'ils  y  sont  le  mieux 
disposés. 

La  médication  est  d'un  puissant  secours 
pour  obtenir  la  perfection  chrétienne.  On  le 
proore:  « 

1*  Par  l'Ecriture  sainte: Jtfan  ecmr  s*e$t 
éekauffé  au  dedans  de  moi  :  et  tandis  que  je 
wiéditaiSf  unfeus*yest  embraséJPs,  xxxtiii,%.) 
Il  s'apit  ici  de  ce  feu  dont  Jésus-Cliiisl  di- 
sait :  Je  suis  venu  apporter  te  feu  sur  la  terres 
et  que  désiré-jet  sinon  guit  s^allumef  {Lue. 
xit,  49.)  C'est  encore  le  feu  dont  il  est  écrit  : 
Le  feu  ne  dit  jamais  :  Cest  auez.  {Prov. 
XXX,  16.)  Que  celui  donc,  qui,  dans  la  voie 
de  Dieu,  désire  brûler  du  feu  de  la  charité, 
eo  laquelle  et  arec  laquelle  se  trouTe  toute 
perfection,  s'attache  de  plus  en  plus  à  la 
méditation. 

2*  Par  les  saints  Pères,  c  Comme  le  matin, 
dit  saint  Grégoire  ().  xxt  jVot.,  c.  7),  est  la 
première  partie  du  jour,  chaque  fidèle  doit 
a  ce  moment  laisser  de  côté  toutes  les  pen- 
sées de  la  Tie  présente,  pour  réfléchir  aux 
morens  de  rallumer  en  lui  le  feu  de  la  cha- 
rité, qui  depuis  longtemps  est  près  de  s'é- 
teindre. » 

c  Tous  donc,  prêtre  de  Dieo,  dit  saint 
BonaTentore  [De  prof,  relig.,  c.  09),  lorsque 
TOUS  apercoTez  que  la  noit,  par  négligence, 
TOUS  avez  lajssé  le  feu  se  ralentir  sur  l'autel 
de  .  Totre  cœur,  empressez-TOus  le  matin, 
c'est-k-dire  aussitôt  que  la  lumière  tous 
éclaire,  de  le  ranimer  par  le  bois  de  forai- 
son,  B 

3*  En  Toici  les  raisons.  1*  Notre  âme  rit 
de  toute  parole  qui  proctde  de  la  bouche  de 
Dieu  {Matth.  ir,  4),  c'est-à-dire  qni  est  ré- 
Télée  de  Dieu.  Hais  celte  parole  ne  peut 
nourrir  Tâme,  si  la  méditation,  comme  une 
sorte  de  mastication,  ne  lui  foit  subir  aupa- 
ravant plusieurs  préparations.  En  effet,  dit 
saint  Grégoire,  «  quiconque  ne  repasse  pas 
dans  sa  mémoire  le  bien  qu'il  a  lu  ou  en^ 
tendu  dire,  et  ne  se  litre  pas  à  de  saintes 
réflexions,  doit  nécessairement  aroir  de 
mauvaises  peusées.  »  2"  11  faut  croire  aux 
mystères  de  Dieu  tant  en  spéculation  qu'en 

(>ratique,  bien  qu'ils  soient  roilés  par  une 
umière  obscure  de  la  foi.  Cependant,  pour 
faire  de  plus  en  plus  des  procès  vers  la 
perfection,  nous  devons  scruter  humbltr- 
ment  ces  mjstères,  et  les  contempler  dans 
une  attentive  méditation.  C'est  là  ce  qui 
distingue  le  commun  des  fidèles  de  ceux 
qui  aspirent  à  la  perfection  ou  qui  sont  déjà 
parfaits.  C'est  à  ces  derniers  qu'il  est  dit: 
Scrutez  les  Ecritures.  [Joan.  v,  39.)  El  c'e^t 
ainsi  qu'agissaient  ceux  qui  reçurent  la  pa* 
rôle  avec  beaucoup  étardeur^  examinant  tous 
lef  jours  les  Ecritures.  {Act.wu,  11.,^  La 


témoignages  de  votre  loi  sont  admirables^  dit 
David  ;  c*est  pourquoi  mon  âme  en  a  recherché 
la  connaissance  avec  soin.  [Ps.  cxvtit,  ISKU.) 
Aussi  dit  saint  Grégoire  :  «  H  en  est  qui 
aiment  Dieu,  an  point  de  se  mépriser  eux- 
mêmes,  et  de  se  ravir  intérieurement  pour 
Îr  trouver  Dieu.  Et  comme  Dieu  n'est  \^as  à 
a  surlace,  ils  s'appliquent  à  la  méditation, 
ils  examinent  à  fond  leurs  propres  pensées, 
ils  font  des  lectures,  et  enfin  ne  cessent  de 
chercher  Dieu  par  tous  les  moyens  possî* 
blés...  Arrivé  à  cet  état,  l'homme  brûle  de 
désirs,  et,  comptant  pour  rien  ce  qu'il  f k>s-  ' 
sède,  porte  toujours  plus  haut  ses  i  égards.  » 
ICantu.f  c.  f.)  Saint  Bernard  résume  ainsi 
les  avantages  de  la  méditation  (Cl  De  mr- 
dit.)  :  c  (Test  elle  qui  limite  ce  qui  est 
confus,  qui  rassemble  ce  qui  est  épars,  qui. 
scrute  les  choses  secrètes,  qui  recberche  la 
vérité,  qui  examine  les  objets  vraisembla- 
bles, qui  explore  les  choses  feintes  ou  far- 
dées. C'est  elle  qui  arrête  à  l'avance  ce  qu'il 
faut  faire,  qui  rappelle  ce  qui  a  été  fait,  de' 
manière  à  ne  rien  laisser  dans  l'esprit  qui 
ait  besoin  de  réforme  on  d'amélioration. 
C'est  elle  qni  dans  la  prospérité  prévoit  le 
malheur,  et  qni  fait  oublier  celui-ci.  »  3*  En- 
fin dans  la  méditation  l'homme  est  parfaite- 
ment disposé  à  recevoir  les  grAces  actuel  les, 
qni  consistent  dans  une  lumière  surnatu- 
relle de  rintelligence  et  dans  une  sainte 
impulsion  surnaturelle  de  la  volonté;  car  il 
correspond  aux  connaissances  infuses  par 
les  connaissances  acquises,  et  aux  affections 
par  les  sentiments  afl^ectueux;  il  entend  Dieu 
qui  lui  parle,  et  s'entretient  délicieusement 
avec  lui.  Donc  c'est  par  la  méditation  qu'il 
faut  tendre  à  la  |>erfection. 

Tous  ceux  qui  aspirent  à  la  perfection 
doivent  donc  s'appliquer  à  la  méditation, 
surtout  les  religieux  et  les  ecclésiastiques, 
qui  sont  tenus  de  tendre  à  une  perfection 

Ï»ldS  grande  que  les  séculiers.  Qu'ils  ne  se 
aisseut  pas  détourner  d'un  exercice  aussi 
utile  par  les  devoirs  de  leur  étal.  S'ils  le 
veulent,  le  temps  ne  lenr  manquera  jamais. 
Quelqu'un  poovail-il  être  plus  occupé  que 
le  Souveiain  Pontife  Eugène  111?  et  cepen- 
dant saint  Bernard  loi  prouve,  dans  ses  qua- 
tre livres  sur  la  méditation,  qu'il  doit  avant 
tout,  à  certaines  heures,  se  livrer  à  l'oraison, 
et  il  dit,  entre  autres  choses  :  «  Souvenez- 
vous,  je  ne  dis  pas  toujours,  je  ne  dis  pas 
souvent,  mais  de  temps  en  temps,  de  vous 
recueillir  en  vous-même  :  après  avoir  été  à 
tant  d'autres,  soyez  un  peu  anssi  à  vous^ 
même.  »  (L.  i,  c.  (.)  Parmi  les  princes  même, 
tels  que  David,  Salomon ,  etc.,  qui  fut  ja- 
mais plus  écrasé  d'affaires  que  I  empereur 
Charies-Quint?  Et  cependant,  outre  les  heu- 
res canonif|ue5  qu'il  récitait  tous  les  jours, 
il  passait  trois  quarts  d'heure  chaque  matin 
à  prier  à  genoux,  comme  l'atteste  Sario. 
{Chron.  ad  aon.  1558.)  P^rmi  les  personna- 
ges adonnés  à  l'étude,  le  docteur  angéliqucf 
saint  Thomas,  et  le  docteur  sérafibique  saint 
Bonaventure,et  tant  d  autres  jusqu'à  ce  jour, 
ont  toujours  trouvé  un  temps  suffisant  |»our 
la  méditation.  «  Je  tous  conjure,   lecteur. 


987 


MED 


DICIONNAIRE 


B1ED 


m 


conclut  Corneille  de  la  Pierre  (C.  8  Deut.^ 
q.  %),  je.vous  conjure,  par  votre  salut  et  par 
le  salut  des  autres,  d'en  faire  vous-môuie 
rexpérience  et  la  pratique,  surtout  si  vous 
êtes  ecclésiastique  ou  théologien.  Habiluez- 
vous  et  apprenez  h  méditer  chaque  jour/ 
soit  sur  la  courte  durée  de  la  vie,  soit  sur 
votre  mort,  soit  sur  le  jugement  bu  Téler- 
nité,  sur  la  passion  de  Jésus*Christ  ou  des 
saints;  et  à  retirer  de  cette  méditiilion  des 
résolutions  efJoaces,  comme  de  morlilîer ei 
ce  jour  votre  orgueil,  votre  colère,  voire 
gourmandise,  etc.  ;  de  vous  exercer  à  Thu- 
militera  la  charité, à  la  patience.»  — Fo{^.  les 
mots:  Lecture  spirituelle,  Héditatiom  des 

FINS  DERNlàaRSy  pRÉSENCE  DE  DiEU. 

Mais  il  ne  sufQt  point  d*établir  la  na/ure, 
les  avantages  et  la  nécessité  de  Voraison^  au 
moins,  pour  niarcker  dans  les  voies  de  la  per* 
fection  chrétienne,  II  est  important,  pour 
rendre  Toraisou  plus  pratique  et  plus  facile, 
d*indiquer  la  méthode  si  souvent  recom* 
mandée  par  les  maîtres  de  la  vies|)irituelle. 
Cette  méthode,  généralement  suivie,  n*ost 
point  sans  doute  iniiiipensable,  mais  exces- 
sivement utile,  pour  retirer  tous  les  fruits 
possibles  d*iia  si  saint  eiercicc.  —  Yog.  le 
mo/ Métuode  d*oraison. 

Pratique*  —  I.  Le  directeur  qui  veut  con» 
duire  une  Ame  à  la  perfection  clirétii  nne 
doit  nécessairement  l'amener  à  consacrer, 
chaque  jour,  queluue  temps  h  la  considéra- 
tion de.quçlque  vérité  de.  la  foi.  Il  pourra 
bien,  par  ses  saintes  exhortations,  arracher 
du  cœur  de  son  pénitent  Quelque  défaut  ou 
quelque  mauvaise  habitude;  mais  ses  paro- 
le5  ne  sufliront  point  pour  lui  ins()irer  In 
fréquent  et  presque  continuel  exercice  des 
vertus  et  de  la  mortification,  ce  oui  cepeu'* 
dant  est  d*une  si  grande  nécessité  pour  ac^ 
quérir  la  perfection.  Car  cet  exercice  conti- 
nuel ne  peut  être  soutenu  que  par  une 
grande  crainte  et  un  vif  amour  de  Dieu;  or 
cette  crainte  et  cet  amour  prendront  diffici- 
lement de  profondes  racines  dans  le  cœur, 
sans  le  secours  de  la  méditation  des  choses 
saintes.  Nous  ne  disons  pas  qu'il  faille  con- 
seiller Tusage  de  la  méditation  aux  ouvriers, 
aux  gens  de  la  campagne,  qui  du  matin  au 
soir  se  livrent  &  un  travail  manuel,  et  qui 
ii*ont  ni  le  mojren  ni  le  temps  de  s'appli- 
quer à  cette  louable  pratique.  Nous  disons 
seulement  qu*if  faut  y  amener  ceux  qui, 
pourvu  qu'ils  le  veuillent,  peuvent,  sans 
trop  de  uifliculté,  consacrer  quelque  partie 
du  jour  è  de  saintes  considérations:  et,  en 
particulier  les  personnes  de  mœurs  pures, 
chez  lesquelles  la  grâce  divine  lesjrouvaiit 
bien  préparées,  a  coutume  de  produire 
d*heureux  effets  et  d'immenses  progrès  dans 
vertu;  comme  encore  certaines  autres 


personnes  à  qui  Dieu  inspire^  à  l'occasion 
d'une  mission,  ou  d'un  sermon,  ou  d'une 
confession  générale,  une  douleur  plus  vive 
de  leurs  péchés  et  une  résolution  ^rme  de 
changer  de  vie.  Car  la  grflce  de  Dieu ,  entra* 
tenue,  nourrie  par  la  méditation,  achèvera 
l'œuvre  déjà  commencée  en  ces  Ames  :  mais 
bn  doit  la  conseiller  sut  tout  aux  religieux  et 


aux  ecclésiastiques,  puisque,  déjà  consacrés 
spécialement  au  service  de  Dieu,  ils  sont 
tenus,  plus  que  les  autres,  de  s'appliquera 
la  perfection ,  et,  dans  ce  but,  s*e&ercei  à 
la  méditation  fréquente,  qui,  selon  l'expres- 
sion de  saint  Jean  Chrjsostoroe,  est  la  bm 
et  la  racine  de  toute  vertu  {De  orando  Deum, 
lib.  I.) 

II.  Le  directeur  doit  veiller  à  ce  qac  ses 
pénitents  qui  ont  une  fois  commencé  À  pra- 
tiquer la  méditation,  ne  viennent  à  remet- 
tre sous  quelque  léger  prétexte»  et  oioins 
encore  à  raison  des  distractions,  des  en- 
nuis, des  aridités  et  des  tentations  qu'ils 
éprouvent  pendant  ce  temps  d'entretien  arec 
Dieu  ;  car  si  sur  ce  point  ils  se  laissent  vain- 
cre une  ou  deux  fois  par  le  démon,  ils 
s'exposent  au  grand  danger  d'en  venir  jus- 
qu'à renoncer  pour  toujours  à  ce  jneui 
exercice. 

III.  Il  fiiut,  quant  à  l'objet  des  méditations, 
que  le  directeur  ait  soin  de  l'approprier,  de 
le  proportionnera  l'état  de  chacun.  Pourccai 
qui  commencent  et  soiit  encore  dans  la  voie 
purgative,  les  sujets  oui  leur  convienneol 
sont  ceux  qui  sont  plus  propres  à  in^^pi- 
rer  une  sainte  crainte  de  Dieu  et  une  vivt' 
douleur  de  leurs  péchés,  par  exemple,  la 
liiédilation  de  la  mort,  du  jugement,  de 
l'enfer,  de  Téternilé,'  de  la  honte  du  péché, 
et  autres  semblables  ;  pour  ceux  qui  soiil. 
en  progrès,  qui  sont  déjà  dans  la  voie 
illuminalive ,  il  convient  de  leur  donner 
des  sujets  de  méditation  qui  traitent  de 
la  vie  et  de  la  mort  du  divin  Rédcui- 
teur,  pour  les  exciter  de  plus  en  plus  à  IV 
mour  de  la  vertu  ;  eniin  aux  parfaits,  qui 
sont  parvenus  à  la  voie  uuitive,  il  faut  sur- 
tout des  sujets  de  méditation  qui  traitent 
des  perfections  et  des  attributs  de  Dieu, 
comme  étant  plus  propres  à  exciter  en  eut 
les  flammes  Uu  saint  amour  qui  les  unilà 
Dieu.  Cet  ordre  que  nous  indiquons  n*etD- 
pèche  pas  cependant  que  l'on  ne  puisse, 
bien  plus,que  l'on  ne  doive  quelquefois $'a{« 
pliquer  à  des  méditations  propres  à  un  aulru 
état  que  le  sien ,  et  particulièrement  aui 
considérations  sur  la  vie  et  sur  la  mort  de 
Jésus-Christ ,  dont  personne  ne  doit  jamais 
s'abstenir  entièrement,  en  quelque  é(4t  que 
l'on  soi  t. 

IV.  Pour  ce  qui  est  do  régler  le  temps 

3ue  les  pénitents  doivent  consacrer  )  la  wé- 
itation,  le  directeur  a  surtout,  à  cet  éganli 
besoin  de  faire  attention  à  deux  choses  :  pre- 
mièrement aux  occupations  qui  retiennent 
le  pénitent;  secondement  à  la  nature  de 
son  esprit.  Si  nous  jetons  les  yeux  sur 
les  exemples  que  les  saints  nous  ont  don* 
nés  à  cet  égard,  nous  verrons  qu'ils  ne  se 
sont  point  lassés  dans  leur  ardeur  pourTo 
raison  intérieure!  Saint  Bernard,  toujours 
debout,  passait  les  jours  et  les  nuits  dans  la 
méditation  et  la  contemplation  des  choses 
célestes,  au  point  qu'à  force  de  rester  dans 
la  même  position,  ses  jambes  s'enOaieuli 
et  qu'il  ne  pouvait  plus  se  tenir  sur  st*$ 
pieds.  Saint  Jérôme  rapporte,  daus  la  Vih 
de  saiul  Pdul,  premier  anachorète,  qVil  ila» 


989 


MED 


D*ASC£T1S1IE. 


HEO 


9M 


Ititeroent  appliqné  è   Toraison  intérieure, 
que  môme  après  sa  mort  son  corps  parais- 
sait encore  plongé  dans  la  contemplation 
des  choses  célestes;  car  saint  Antoine»  le 
trouvant  les  mains  et  les  yeui  levés  au  ciel, 
cnit  d*8bord  qu'il   n*était  pas  mort»  mais 
seulement  qu  une  profonde  contemplation 
dans  laquelle  il  était  absorbé  le  privait  de 
l'usage  de  ses  sens.  Ces  exemples,  et  mille 
autres  dont   Tbistoire    ecclésiastique   est 
remplie,  prouvent  évidemment  que  la  me- 
sure dont  les  saints  se  servaient  dans  Torai- 
son  intérieure  était  sans  aucune  mesure;  et 
en  cela  il  n'y  avait  de  leur  part  que  sagesse, 
puisque  d*un  cdté  ils  ne  manquaient  à  au- 
cun des  devoirs  de  leur  état,  et  que  de  l'au- 
tre ils  entretenaient   ainsi    constamment 
dans  leur  cœur  une  piété,  une  ferveur  tou- 
jours ardente.  Cependant  s'il  s'agit  de  tout 
ie  monde  en  général,  il  est  nécessaire  d'é- 
tablir et  de  suivre  une  rè^le  pour  le  temps 
à  consacrer  à  la  méditation,  aOu  d'éviter 
ég<ilement  le  trop  et  le  trop  peu.  Or  celte 
règle  doit  surtout  être  en  rapport  avec  les 
deroirs  de  chacun  ;  c'est-à-dire,  que  la  mé* 
dilation  de  chaque  jour  doit  être,  eu  égard 
au  temps,  telle,  qu  elle  n'emfiéche  point  de 
sacquitter  de  ses  devoirs,  ni  de  ses  occu- 
pations; qu'elle  ne  fatigue  point   trop  la 
tète,  et  n'affaiblisse  point  trop  les  forces  du 
corps,  en  un  mot,  quelle  ne  nuise  point  à 
la  santé.  Secondement  l'oraison  doit  être 
proportionnée  aux  forces  de  Tesf^rit  :  c*est- 
yire  qu'il  faut  la  prolonger,  tant  que  l'es* 
prit  conserve  sa  vigueur  et  sa  ferveur;  et 
la  terminer,  lorsque  l'esprit  ne  peut  plus 
la  continuer  sans  ennui.  Telle  est  la  doc- 
trine de  saint  Thomas.  (2-3,  q.  83,  art. 
U.)  Mais  comme  il  peut  arriver  facilement 
que  quelques-uns,  trompés  par  la  froideur 
de  leur  esprit,  s'imaginent  ne  point  avoir 
Ic^dispositionsnécessairespourcontinuerla 
méditation,  cpioiqu'ils  pussent  la* prolonger 
avec  beaucoup  de  fruit;  et  que  d'autres,  ani- 
més par  un  excès  d^ardeur,  la  prolongent 
plus  que  ne  le  permettent  les  forces  de  leur 
corps  et  les  devoirs  propres  de  leur  état^ 
ajoutons  à  la  règle  générale  que  nous  ve- 
nons de  donner,  une  règle  plus  particulière, 
i  saroir,  que  chacun  consacre  chaque  jour 
aa  moins  une  demi-heure  h  la  méditation, 
sans  qu'aucune  aridité  puisse  en  faire  rien 
retrancher;  bien  que  Ion  puisse  la  conti- 
puer,  ou  même  la  réitérer  (supposé  ton- 
jours  que  la  santé  on  le  devoir  n*en  souffre 
B$)f  lorsqu'on  sent  un  souffle  plus  favora- 
B  de  la  grâce,  comme  le  faisaient  saint  Ber- 
nardin de  Sienne  et  plusieurs  autres,  qui 
^'étaient  proposé  de  faire  chaque  jour  une 
heure  de  méditation,  sans  qne  rien  pAt  li*s 
^n  détourner.  Cependant,  à  l'égard  des  per- 
^nnes  libres  de  toute  affaire  et  qui  s'appti- 
<|uenlàlavie  purement  contemplative,  le 
<lirccteur  pourra  agir  plus  largement  et  leur 
aecorder  plus  de  temps  pour  l'oraison  inté- 
rieure, comme  étant  Texercice  le  plus  con- 
venable à  l'état  de  leur  «me. 
.  ^-  Le  temps  le  plus  propre  k  la  considéra- 
tion des  vérités  éternelles,  c'est  le 


tuaiiu,  le 


soir  et  le  milieu  de  la  nuit.  David  dc'sigiie 
pour  la  prière  ces  trois  moments  du  jour  : 
Je  me  levais^  dit-il,  au  milieu  de  la  nuit  pour 
chanter  vos  louanges  {Ps.  xviii];  le  matin  je 
méditais  sur  vous  {Ps.  t.xïi):  je  levais  fers 
vous  les  mains  pour  le  sacrifice  du  soir.  {Ps, 
oxL.)  Mais  si  Ton  ne  veut  vaquer  à  la  médi- 
tation qu'une  fois  par  jour,  le  temps  le  plus 
eropre  sera,  sans  aucun  doute,  le  malin  :  d'a- 
ord,  parce  que,  après  le  repos  du  sommeil, 
nous  sommes  plus  libres  et  plus  propres  aux 
opérations  de  Vàme;  ensuite,  parce  qu'alors 
Tesprit  est  moins  distrait  par  les  choses  ter- 
restres; enGn,  parce  que,  en  commençant  le 
jour  par  la  considération  des  vérités  éter- 
nelles, nous  nous  armons  et  nous  fortifions 
contre  les  pièges  et  les  combats  de  tout  le 
jour.  D'ailleurs  saint  Jean  Cliroaque  di2^ail  : 
«  Donnez  au  Seigneur  les  prémices  d.e  votre 
journée,  car  elle  sera  tout  entière  pour  celui 

Îui  l'aura  le  premier,  a  {Scala^  grad.  26.) 
t  il  ajoute  qu'une  personne  d'un  esprit  re- 
marquable avait  coutume  de  dire  :  «  Par  ie 
matin,  je  connais  quel  sera  pour  moi  le  reste 
du  jour.  »  Si  l'on  désirait  se  livrer  deux 
fois  chaque  jour  au  saint  exercice  de  la  mé- 
ditation, le  temps  le  plus  favorable  pour  la 
seconde  fois  sera  le  soir,  è  moins  cependant 
qu'on  eût  le  courage  d'interrompre  son  som- 
meil et  de  se  lever  la  nuit. 

VI.  Si  le  pénitent  commence  à  éprouver, 
au  temps  de  Ja  méditation,  des  consolations 
spirituelles,  que  le  confesseur  sache  le  di- 
riger avec  prudence,  dans  la  crainte  que  ces 
sentiments  de  piété,  au  lieu  d'être  utiles  à 
l'esprit,  ne  lui  deviennent  au  contraire  nui- 
sibles. Dieu  donne  aux  âmes,  surtout  au 
commencement,  ces  consolations  sensibles, 
pour  les  animer  par  là  à  la  pratique  des  ver- 
tus solides.  Mais  beaucoup  en  abusent  et 
changent  le  remède  en  poison  :  ils  s'atta- 
chent h  ces  douceurs  et  ils  se  livrent  è  l'o- 
raison, non  plus  dans  le  désir  de  plaire  à 
Dieu,  mais  dans  l'espoir  de  ces  consolations 
spirituelles  qu'ils  ont  coutume  d'éprouver» 
Aussi,  dès  que  ces  consolations  cessent,  ou 
les  voit  tomber  dans  l'inquiétude,  dans  la 
tristesse,  dans  la  déCance  et  dans  un  déplo- 
rable abattement.  Ou  en  rencontre  d*aulres 
qui  font  consister  dans  ces  sentiments,  dans 
ces  douceurs, toute  la  vie  spirituelle,  au  point 
que,  s'ils  se  sentent  remplis  de  ces  tendres 
consolations,  ils  croient  qu'ils  ont  fait  beau- 
coup de  progrès 9  et  que  s'ils  s'en  voient  pri- 
vés, ils  s*imaginent  avoir  tout  perdu.  C  est 
pourquoi,  que  le  directeur  s'attache  è  préve- 
nir ces  fAcheux  résultats,  si  nuisibles  h  l'a- 
vancement dans  la  perfection  ;  et  s*il  s'aper- 
çoit que  son  discif^le  éprouve  des  douceurs, 
des  consolations  et  des  sentiments  de  piété 
fervente,  qu'il  aitsoiu  de  bien  lui  inculquer 
cette  vérité  :  à  savoir,  que  la  perfection  no 
consiste  pas  dans  celle  douceur  de  senti- 
ments, mais  plutôt  dans  la  mortiGcation  in- 
térieure etextéri(3ure  et  dans  l'exercice  pra- 
tiuue  des  vertus  solides;  et  que  s'il  les  né- 

Îlige,  il  sora  d'autant  |ilus  coupable  devant 
lieu,  qu*il  eu  avait  reçu  une  plus  ^nnde 
abondance  du  faveurs.  Qu'il  lui  dise  que  ces 


991 


IlEb 


MCTlONIUlftE 


MED 


î»î. 


mouvements»  ces  allrails  de  sensibilité  sont 
des  signes  de  la  faiblesse  d'une  âme»  puis- 
qu'ils sont  ordinairement  le  partage  des  corn* 
mençants,  de  ceux  qui  ne  sont  encore  que^ 
des  enfants  dans  les  voies  spirituelles.  Qu'il 
lui  rappelle  que  ces  consolations  ne  dure- 
ront pas  toujours,  et  que  bientôt  elles  se 
changeront  en  ténèbres  et  en  aridités,  et 
cela  dans  le  dessein  de  les  lui  faire  prévoir, 
afin  qu'il  s'y  prépare,  et  ne  tombe  pas  dans 
la  tristesse  ou  dans  l'abattement ,  lorsque 
viendra  le  tem))s  d'os  sécberessos.  En  outre 

Sue  le  directeur  s'applique  à  obtenir  de  ces 
mes,  que,  dans  ces  temps  de  prospérités  et 
de  faveurs,  elles  paraissent  en  présence  de 
Dieu  avec  une  extrême  modestie  et  un  pro- 
fond respect.  Car  souvent  celte  prospérité  de 
l'esprit  est  la  mère  d'une  confiance  impru- 
dente qui  inspire  trop  d'empressement  et 
comme  de  la  hardiesse  dans  les  rapports 
avec  Dieu,  il  faut  prendre  garde  encore  que 
le  pénitent  emporté  par  un  excès  de  ferveur 
ne  se  livré  sans  modération  aucune  aux  orai- 
sons, aux  veilles,  aux  jeûnes  et  aux  œuvres 
de  pénitence:  sinon,  la  l6te  se  fatiguera,  la 
poitrine  souffrira,  la  fiante  et  les  forces  du 
corps  s'altéreront  profondement,  comme  il 
arrive  souvent,  et  non  sans  un  grave  incon- 
vénient pour  la  vie  spirituelle,  puisque  l'on 
ne  peut  plus,  faute  de  force,  continuer  sa 
course.  Que  l'on  exige  donc  des  pénitents 
qu'ils  s'uuvront  entièrement  et  se  laissent 
conduire  en  toutes  choses. 
'   yil.  Si  au  contraire  le  pénitent  se  voit 

()lein  d'aridités  et  dépourvu  de  toute  conso- 
ation,  le  directeur  doit  rechercher  la  source 
d'où  viennent  de  telles  sécheresses.  Or,  se- 
lon Cassien  ,  elles  peuvent  venir  de  trois 
sources  :  ou  de  notre  négligence ,  ou  de  la 
malveillance  du  démou ,  ou  bien  de  la 
part  de  Dieu,  pour  nous  éprouver.  Et  d'à- 
nord,  à  l'égard  de  la  première  de  ces  trois 
sources  d*où  proviennent  nos  aridités,  que 
le  directeur  examine  si  cette  obscurité  de 
i'flme  et  cette  sécheresse  de  sentiments  sont 
le  résultat  de  fautes  et  de  défauts  considé- 
rables dans  lesquels  une  trop  grande  négli^ 


complaisance  et  d'orgueil  :  car,  selon  saint 
Bernard,  ce  dernier  point  est  le  plus  sou- 
vent la  cause  pour  laquelle  Dieu  nous  ôte 
la  grflce  sensible.  «  L'orgueil ,  dit-il,  a  été 
trouvé  en  moi,  et  le  Seigneur,  dans  sa  co- 
lère, s'est  éloigné  do  son  serviteur;  de  là 
cette  stérilité  de  mon  flme  et  ce  manque  de 
dévotion  que  j'éprouve....  Je  suis  incapable 
de  componction  et  de  larmes,  tant  est  grande 
la  dureté  de  mon  cœuri  Je  suis  sans  goAt 
pour  la  psalmodie,  sans  désir  de  la  lecture; 
je  n'aime  point  à  prier;,  je  ne  trouve  plus 
mes  méditations  accoutumées.  Qu'esl  deve- 
nue cette  ivresse  de  l'esprit?  Qu*est  devenue 
cette  sérénité  de  i'Âme,  et  cette  joie,  et  celte 
paix  dans  le  Saint-Esprit?»  rSerm.  M  tu 
Cani.)  Si  donc  le  directeur  découvre  dans 
son  pénitent  ces  sortes  de  défauts  pour  les- 
quels Dieu  se  eactie,  qu'il  yflpi»liquc  eilica* 


cernent  à  les  corriger.  Et  s*il  trouve  que  la 
vaine  complaisance  et  Torgueil  sont  la  cause 
de  cet  éloignement  de  Dieu,  au'il  donne  à 
son  pénitent,  pour  sujers  de  méditation,  les 
vérités  propres  h  lui  procurer  la  coDnai&- 
sance  claire  de  lui-même;  et  qu'il  le  fasse 
méditer  sur  le  même  sujet,  jusqu'à  ce  qu'il 
conçoive  intérieurement  une  idée  basse  de 
lui-même,  et  un  véritable  sentiment  de  sou 
néant.  Pour  ce  qui  est  de  la  seconde  sour»} 
de  nos  sécheresses  spirituelles,  on  doit  tes 
attribuer  au  démon,  lorsque  l'esprit  du  pé^ 
nilent   qui  les  éprouve  est  abattu  par  de 
vaines  craintes,'est  tourmenté  par  des  scru- 
pules, est  accablé  de  sentiments  de  déOance, 
est  a>;ité  par  des  appréhensions  mal  fondées 
est  attaoué  par  des  tentations  impures,  ou 
est  troublé  par  d'autres  agitations  intérieu- 
res :  car  1  ennemi  environne  l'esprit  de 
ténèbres  et  trouble  le  cœur  par  ses  sugges- 
tions malignes,  pour  empêcher  celui  uui 
médite  de  recevoir  les  tranauilles,  paisibles 
et  suaves  impressions  de  la  grftce  divine. 
C'est  pourquoi,  en  ces  sortes  de  cas,il  sulQl 
d'appliquer  les  moyens    ordinaires  pour 
repousser  les  tentations  du  démon.  Eoûn, 
si  le  directeur  ne  remarque  dans. son  péni- 
tent ni  fautes  graves,  m  vaines  complai- 
sances, ni  agitations  diaboliques,  il  faudra 
voir  en  Dieu  la  source  des  aridités  spiri- 
tuelles. Car  le  Seigneur,  pour  puriQer  uuc 
Ame,  lui  envoie  souvent  cette  sécheresse 
accablante.  Et  en  cela  rien  qui  doive  élou- 
ner,  puisque  l'&me,  au  milieu  de  ces  obscu- 
rités de  1  esprit  et  de  cette  dureté  du  cœur, 
est  privée  ae  toute  consolation  spirituelle, 
et  par  là  s'accoutume  à  servir  Dieu,  non  pas 
pour  trouver  en  lui.  des  douceurs,  maispour 
son  seul  et  pur  amour;  en  un  mot,  elle  ap- 
prend à  servir  Dieu  pour  Dieu  seul,  et  c'esl 
en  cela  ,  si  nous  réfléchissons  bien,  que  con- 
siste Tamour  pur  et  désintéressé.  Eu  oulit, 
dans  ces  temps  de  sécheresse,  Tâme  acquiert 
des  vertus  réelles  Bt  solides,  si  elle  se  uiou* 
tre  Ûdèle.  Car  alors,  l'âme  produit  des  actes 
de  patience,  de  mortification,  d*bumiiiié, 
d'obéissance,  etc.,  sans  y  être  excitée  par 
les  mouvements  d'un  certain  sentiment  de 
douceur  et  de  sensibilité  que  la  grâce  fait 
naître  dans  le  cœur,  mais  uniquement  par 
l'impulsion  et  sous  l'influence  de  b  vertu 
même:  et  de  là  naissent  ces  bonnes  habi- 
tudes qui  s'enracinent  profondéoient  dans 
'ftme,  et  par  le  secours  desquelles  Yèm 
pratique  la  vertu  dans  tous  les  états,  àn^ 
toutes  les  conjonctures ,  aussi  bien  daiis 
l'adversité  que  dans  la  prospérité.  C'est  pour* 
quoi  le  directeur  ne  doit  pas  laisser  tomber 
son  pénitent  dans  rioquiétude  ou  dans  ra- 
battement, au  temps  des  sécheresses.  11  '^ 
portera  à  s'humilier  sous  la  main  puissant^; 
(le  Dieu,  et  à  reconnaître  au  fond  du  cceur 
et  sans  trouble  sa  propre  impuissance  et  sa 
misère,  afin  que,  fortifié  parla  foi  et  par'i 
ferme  persuasion  que  Dieu  règle  toutes  cbo- 
ses  pour  le  bien  de  son  Ame,  il  se  eoufonu^ 
entièrement  à  sa  volonté  sainte,  et  s'offrea 
persévérer  toute  sa  vie  dans  ces  angoisses 
spirituelles,  si  la  gloire  de  Dieu  et  It'bie) 


993 


HEM 


VASCETISIB. 


MEM 


.  de  son  âme  le  oemandenL  Qii*il  melie  une 
.  confiance  (profonde  et  inaltérable  en  la  bonté 
^difine,  qui  ne  Tabandonnera  jamais,  s'il  ne 
Tabandonne  le  premier;  et  que  pour  ci?tte 
fin,  il  se  persuade  intimement  que  J>ieu,  bien 
'q%'il  le  prire  du  sentiment  de  sà  présence 
qui  lui  avait  été  accordé  d'atiord,  lesoutieut 
cependant  en  secret,  le  protège,  le  secoure, 
et  le  regarde  d*un  œil  vraiment  paternel* 
Du  reste ,  le  directeur  doit  remarquer  ici 
que  TAme  qui  se  trouve  en  état  d'aridité  par 
suite  des  deux  autres  sources  dont  nous 
Bvoos  parié,  doit  également  produire  les 
mêmes  actes  d*bumiijté,  de  conformité  et  de 
confiance  en  Dieu  :  car ,  lorsque  cette  stéri* 
lité  spirituelle  a  sa  source  dans  nos  propres 
défauts  ou  dans  les  attaques  du  démon.  Dieu 
permet  cette  aridité  pour  punir  l'âme,  ou 
fiour  la  purifier;  et  alors  elle  a  besoin  de 
js'exercer  à  rhumilité  et  à  la  soumission  en* 
vers  Dieu.  Que  le  directeur  soit  encore  bien 
convaincu  que  les  actes  de  vertu  produites 
^ians  Télat  de  sécheresse  sont  bien  plus 
agréables  à  Dieu  et  d*un  bien  plus  grand 
|)rix  à  sts  yeux,  qu'ils  ne  le  sont  dans  les 
temps  de  ferveur  et  de  douceur  spirituelles; 
puisque,  dans  ce  dernier  cas,  la  grâce  sen* 
5ible  les  rend  plus  faciles  et  y  fait  trouver 
de  Tattrait;  et  que,  dans  l'autre,  ils  naissent 
avec  effort  et  sont  le  résultat  du  seul  amour 
pur  et  désintéressé. 

MÉLANCOLIE.  — (Foy.  Mêthodb  n'omAi^ 
sox.)  Vay.  Tehp^bameiit. 

UEMOIRE.  —  (MumTiFiCATicïr  de  la)  — 
La  mémoire  est  une  faculté  de  l'âme  j^ar  la- 
€|uelle  nous  pouvons  rappeler  à  l'esprit  les 
idées  des  choses  qu'il  a  autrefois  perçues, 
La  mémoire,  dans  ce  rappel  des  idées  autre- 
fois perçues,  est  puissamment  aidée  par 
rtmo^tnaltafi,  qui  est  nue  Ciculté  de  l'âme, 
reproduisant  les  images  des  choses  perçues 
antérieurement  par  les  sens,  leur  donnant 
une  Tie  nouvelle  pour  les  percevoir  de  nou- 
Tean,  malgré  leur  absence;  ces  perceptions 
reproduites  s'appellent  images^  apparences 
eu  visiant.  Les  idées  de  l'imagination,  non 
plus  gue  celles  de  la  mémoire,  ne  se  re* 
produisent  pas  toujours  avec  la  même  éner- 
gie. Si  les  anciennes  images  des  choses  re- 
riennent  h  l'esprit  de  manière  que  nous 
reconnaissions  les  avoir  antérieurement 
obsenrées,  nous  disons  alors  que  nous  nous 
les  rappelanê  :  c'est  pourquoi,  bien  que 
rimagination,  la  mémoire  et  la  réminiscence, 
soient  des  facultés  réellement  distinctes, 
elles  ont  entre  elles  une  certaine  relation, 
une  connexion  telle,  que  presque  toujours 
elles  produisent  leurs  effets  en  même  temps 
et  avec  une  égale  spontanéité.  Aussi  les 
fihilosophes  modernes  placent  le  principal 
effet  do  l'imagination  dans  la  mémoire  et  la 
réminiscence,  et  pensent  que  la  loi  de  l'ima- 
gination s'étend  aussi  à  I  une  et  à  l'autre; 
car  pendant  que  se  reproduisent  dans  l'es- 
prit les  idées  présentes,  les  idées  des  choses 
absentes  autrefois  perçues  en  mémo  temps 
-reviennent  également  a  l'esprit;  et  ces  der- 
nières sont  les  parties  des  choses  présentes 
que  nous  rojons,  ou  nous  sout  Tenues  au- 


trefois en  même  temps:  c*esl  ee  qu'on 
appelle  l'affocialtoa  de$  idées.  Et  remar- 
quons que  de  ces  idées  ainsi  associéea, 
cèdes  qui  se  reproduisent  le  mieux  sout 
celles  qui  ont  entre  elles  la  plus  grande 
similitude,  ou  qui  ont  le  plus  souvent 
coexisté  en  même  temps  dans  l'esprit,  ou 
qui  sont  plus  en  rapport  avec  la  situation 
:actuelle  de  l'esprit,  ou  qui  ont  été  pensées 
arec  plus  de  clarté.  En  outre,  la  plupart 
des  philosophes  distinguent  une  double 
mémoire:  ils  appellent  la  première seimVtoe^ 
parce  qu'elle  tient  son  ongine  des  sens,  ou 
animale  parce  qu'elle  est  commune  aux 
Jiommes  et  aux  animaux  ;  elle  consiste  dans 
la  reconnaissance  confuse  des  idées  repro- 
duites, ou  dans  la  perception  de  la  même 
idée  comme  contenue  dans  diverses  séries 
de  perception,  alors  que  la  même  idée  est 
produite  deux  fois  par  l'effort  simultané 
des  sens  et  de  l'imagi:.ation,  ou  une  fois 
seulement,  si  elle  ne  provient  que  de  l'ima- 
gination seule,  mais  avec  les  idées  associées: 
Ainsi  l'idée  d'un  arbre  dans  un  jardin,  pro- 
duite par  le  sens  de  l'œil  à  l'idée  d'un  arbre 
autrefois  vu  dans  une  forêt,  est.  produite 
par  la  force  de  l'imagination.  L'autre  est 
appelée  mémoire  iniellectuellef  ou  propre- 
ment réminiscence  :  elle  ne  convient  qu'à 
la  créature  raisonnable,  et  consiste  dans  la 
reconnaissance  distincte  des  idées  repro-- 
dnites,  ou  dans  le  jugement  que  nous  avons 
déjà  eu  antérieurement  cette  même  idée* 
Ainsi  en  vojant  un  arbre  élevé  dans  un 
jardin,  nous  jugeons  que  nous  atons  vu 
autrefois  un  arbre  élevé  dans  une  forêt« 

Il  faut  donc  morii/kr  et  corrifjer  la  mé» 
moire,  qui,  à  l'aide  de  l'imagination,  multi«-> 
plie  tes  mauTaises  pensées.  Il  existe,  d'après 
saint  Bernard  (Serm.  31.  De  iripl.  gen.  eog.  ), 
trois  sortes  de  pensées,  dont  ceux  qui 
cherchent  à  préparer  en  eux-mêmes  une 
demeure  digne  de  Dieu  doivent  se  garder 
avec  le  plus  gianJ  soin.  Les  premières  sout 
les  pensées  oiseuses,  que  nous  devons  écar- 
ter comme  étant  simplement  de  la  boue. 
Les  autres  sont  violentes  et  plus  tenaces: 
eesont  celles  qui  se  rapportent  aux  nécessi- 
tés corporelles,  tel  tes  que  !e  boire,  le  manger, 
etc.  ;  il  faut  les  réprimer  fortement,  comme 
un  limon  visqueux,  si  toutefois  on  ne  peut 
les  détruire  complètement.  Les  dernières 
sont  les  pensées  impures,  telles  que  celles 
d'envie,  de  luxure,  de  vaine  gloire, etc.;  il 
faut  les  repousser  bien  loin,  spr^  avoir 
imploré  le  secours  divin,  tout  aussitôt  qu'on 
en  sent  l'odeur  fétide,  comme  un  immonde 
bonrbier.  Kt  pour  j  parvenir,  Toici  le  re- 
mède que  prescrit  ce  saint  docteur  :  «  Afin 
que  la  multitude  de  ces  pensées,  qui  se 
précipite  comme  une  vile  |H)pulace  dans  le 
sanctuaire  de  votre  cœur,  ne  ctiasse  pas  Dieu 
de  TOtre  mémoire,  placez  à  l'entrée  un  por- 
tier, qui  sera  le  souvenir  de  Totre  profes- 
sion particulière.  Lorsqu'il  sentira  que  des 
pensées  honteuses  se  font  jour  dans  Totrn 
âme,  il  s'adressera  à  lui-même  ces  répri- 
mandes :  Dois-tu  penser  à  cela,  toi  qui  es 
prêtie,  qui  es  clerc,  qui  es  moine?  De  même 


.995 


MET 


DICTIONNAIRE 


MET 


990 


h  la  porte  de  la  volonté,  en  laquelle  résident 
liabUuelIemeDt  les  désirs  charnels  ;  placez 
encore  an  portier  qui  s'appelle  le  souvenîr 
de  la  céleste  patrie.  Il  poarra  chasser  les 
ma  a  vais  désirs  comme  un  coin  chasse  un 
autre  coin.  Quant  au  seuil  de  la  raison,  pla- 
cez un  gardien  inexorable,  qui  n*épargne 
personne,  et  repousse  au  loin  tout  ennemi 
qui  voudrait  entrer  par  ruse  ou  de  vive  force; 
que  ce  gardien  soit  le  souvenir  de  Tenfer.  » 
(Serm.  32.)  D  ailleurs,  enfin  par  les  pen- 
sées inutiles  que  Ton  ne  corrige  pas  dans 
la  mémoire,  on  perd  inutilement  le  temps, 
on  néglige  beaucoup  de  grâces,  beaucoup 
de  bonnes  œuvres  et  d*actlons  méritoires, 
et  on  se  rend  coupable  de  bien  des  fautes. 

Il  faut  toujours  entretenir  quelque  bonne 
pensée,  comme  de  repasser  !a  méditation 
qu'on  a  faite,  produire  des  oraisons  jacula- 
toires, soupirer  vers  Dieu  et  la  céleste  pa- 
trie, s'entretenir  des  choses  divines ,  ou 
utiles  au  salut  éternel.  En  pensant  ainsi 
toujours  à  Dieu,  on  nous  rappelant  toujours 
sa  sainte  présence,  nous  ne  pourrons  jamais 
occuper  notre  esprit  d'un  objet  plus  dtgne^ 
plus  parfait,  plus  beau  et  plus  aimable. 

MESSE  ( CÊLÉBaATioif  db  la).   ^   foy. 

EuCHARISTIR 

MÊTEZEAU  (Paul  ),  né  ï  Paris,  s'engagea 
dans  l'état  ecclésiastique,  et  fut  avec  Bé- 
jTulle  l'un  des  premiers  fondateurs  de  l'Ora- 
toire. Il  se  livra  avec  beaucoup  de  succès  à 
la  prédication,  et  mourut  ë  Calais  dans  le 
cours  d'un  carême,  en  1632,  à  l'âge  de  cin- 
quante ans,  après  avoir  opéré  des  conver- 
sions éclatantes.  Il  est  auteur  d'un  ouvrage 
intitulé  :  De  sancto  $acerdoiiOf  ejus  dignitate 
ei  functionibus  sacriSf  in-4*. 

METHODE  D'ORAISON.— Sa n«/ure.  Dé- 
fauls  à  éviter f  remèdes;  difficultéM  à  vaincre. 
—  La  méthode  que  nous  allons  donner  est 
la  même  que  saint  François  de  Sales  nous  a 
enseignée  dans  son  Introduction  à  la  vie 
dévote^  où  il  fait  consister  cet  exere>ice  en 
jrois  choses  dont  on  va* donner  l'explication  : 
Il  faut  1*  s'y  préparer  ;  2°  entrer  dans  son 
sujet  et  s'y  entretenir;  3*  rendre  grâces  à 
Dieu  du  bon  succès  de  la  méditation.  Voilà 
les  trois  principales  parties,  dout  la  première 
se  nomme  la  préparation;  la  seconde,  le 
corps  de  Voraison;  la  troisième, /aconc/uiioi». 

I.  La  préparation  consiste  à  se  présenter 
b  Toraison;  non  d'une  manière  irréfléchie 
et  inconsidérée,  mais  avec  certaines  dispo- 
sitions nécessaires  pour  y  réussir.  Il  y  a 
deux  sortes  de  préparations,  lune  éloignée 
et  Vuiiire  prochaine.  La  préparation  éloignée 
consiste  dans  la  pureté  du  cœur,  la  pureté 
d*esprit,  et  la  pureté  d'iniention.  On  entend 
par  la  pureté  du  cœur  le  soin  qu'on  doit 
avoir  de  se  puriQer  promptcmeut  de  tout  pé- 
ché, au  moins  mortel  ;  car  il  ne  convie^  drail 
pas  à  unennemideDi<'ude  vouloir  converser 
avec  lui.  Ceux  qui  ne  veulent  point  quitter 
le  péché  ne  peuvent  faire  oraison,  quand 
même  ils  le  voudraient  ;  mais  ceux  qui  sont 
dans  la  disposition  de  l'abandonner  peuvent 
s'y  appliquer,  et  pour  cela,  il  faut  qu'ils  la 
commencent  par  un  acte  de  contrition,  ou 


du  moins  qu'ils  témoignent  A  Dlea  le  désir 
de  se  convertir  et  l'espérance  d'en  troorer 
le  moyen  dans  l'oraison.  —  Par  la  pureté  de 
l'esprit,  on  entend  que  Tesprit,  pour  bien 
faire  la  méditation,  doit  étre.libre  et  dégagé, 
autant  que  possible,  de  pensées  superflues; 
autrement  ces    pensées  Taccableraient  et 
l'empêcheraient  de  s'appliquer  à  son  sujet. 
—  Par  la  pureté  d'intention  on  entend  ga'il 
ne  faut  méditer  que  pour  de  bonnes  uns; 
savoir  :  de  glorifier  Dieu,  de  le  louer,  de  le 
remercier  ;  de  se  corriger  de  ses  défauts, 
de   s'animer  et  de  s'encourager  aa  ser* 
vice  de  Dieu;  de  suriponter  les  ennuis, 
les  dégoûts  et  les  autres  tentations  qui  s'op- 
posent à  notre  avancement  dans  la  piété; 
de  faire  des  progrès  dans  l'amour  divin; 
d'acquérir  les  vertus  de  son  état  et  autres 
choses  semblables  ;  les  mauvaises  fins  qu'on 
y  pourrait  avoir  seraient  d'y  chercher  des 
goûts   et  des  consolations,  d'y  avoir  des 
pensées  curieuses,  de  la  faire  par  routine  et 
par  imitation,  ou  pour  v  acquérir  une  ce^ 
taine  réputation  de  piété. 

La  préparation  jirocAatfie  consiste  en  trois 
choses  :  à  se  recueillir  plus  qu'en  un  autre 
temps,  à  invoquer  le  secours  de  Dieu  yk  bien 
présenter  le  sujet  qu'on  a  choisi  et  sur  lequel 
on  désire  méditer. 

On  se  recueille  en  rappelant  son  imagi- 
nation, son  esprit,  sa  mémoire  et  sa  volonté 
au  dehors  au  dedans,  et  en  les  rassemblant 
dans  un  çrand  silence  au  fond  de  son  inté- 
rieur. L'imagination,  par  exemple,  est-elle 
vagabonde?  Si  l'on  veut  se  recuellir,  on  la 
rappelle  de  tous  les  objets  sur  lesquels  elle 
s'était  répandue,  pour  la  faire  venir  au  de- 
dans de  soi  ;  la  mémoire  se  souvient-elle  à 
contre  temps  de  bien  des  choses  passées? 

Suand  on  veut  se  recueillir,  on  la  rappelle 
ans  :<on  intérieur,  pourqu  elle  soit  en  étal  de 
no  se  souvenir  que  de  son  objet.  L'entende- 
ment s'applique-t-il  à  raisonner  et  à  réfléchir 
sur  diverses  choses?  si  l'on  veut  se  recueil- 
lir, on  le  retire  de  tous  les  raisonnements, 
on  lui  l'ait  cesser  toutes  les  réflciLions  dé- 

E lacées  pour  se  servir  de  lui  dans  l'oraison, 
a  volonté  court-elle  après  une  foule  d'ob- 
iets  qu'elle  désire,  qu'elle  aime,  et  dans 
lesquels  elle  se  plaît?  quand  on  veut  se 
recueillir,  on  s'eiïorce  de  la  séparer  de  tous 
ces  objets,  afin  qu'elle  soit  en  état  de  pro- 
duire les  affections,  et  de  prendre  les  réso- 
lutions conformes  au  sujet  qu'on  a  choisi. 
C'est  ainsi  qu'on  ressemble  au  dedans  do 
soi  toutes  ses  puissances,  pour  être  en  état 
de  parler  à  Dieu  avec  attention,  et  de  l'é- 
couter en  silence.  —On  invoque  ensuite  le 
secours  de  Dieu,  en  s'humiliant  profondé- 
ment à  la  vue  de  ses  péchés,  se  reconnais- 
sant très-indigne  de  Thonneur  auquel  on 
assure,  qui  est  de  s'entretenir  avec  Dieu,  et 
en  faisant  ensuite  quelque  courte  prière, 
comme  le  Veni  Sanete;  ou  en  se  contentant 
de  demander  à  Dieu  intérieurement  son  aide 
et  son  assistance  pour  bien  faire  sa  médita- 
tion. —  Il  serait  très-bon  aussi  *d'implorpr 
Tassislance  de  la  sainte  Vierge  et  des 
saints;  car  on  a  besoin  de  leur  intercession 


m 


MET 


D'ASCETISIIE. 


•         t 


MEl 


pour  bien  réussir  dans  son  oraison,  pour  en 
surmonter  les  difricullés,  et  surtout  pour 
iraincro  Topposition  du  démon.  —  Quant  h 
la  représentation  du  sujet  qu'on  a  choisU 
on  se  le  proposera  en  gros  cl  en  général»  et 
on  préToira  les  fruits  qu*on  désire  en  re- 
tirer. Usera  bon  que  le  principal  objet  de 
notre  méditation  soit  Notre-Seigneur  Jésus- 
Christ,  que  nous  regarderons  attentiTeroent« 
et  que  nous  tâcherons  d'étudier  a6n  d*en 
imiter  les  vertus.  Nous  pourrons  choisir  la 
forme  qui  nous  touchera  davantage.  Nous  le 
considérerons,  le  plus  nossible,  an  fond  de 
notre  cœur,  dansTélat  ou  il  était  sur  la  croix. 
Jésus  crucifié  sera  donc  le  sujet  de  nos 
méditations,  nous  en  saurons  assez  quand 
nous  serons  une  fois  bien  pénétrés  de  ce 
divin  sujet  L*ap6tre  saint  f*aul  ne  se  glori- 
fiait point  d*en  savoir  davantage.  Quant  aux 
fruits  que  nous  devons  retirer  de  la  médita- 
tion ,  ils  varient  suivant  nos  besoins  et 
selon  les  mouvements  de  la  Rrâce;  par  exem- 
ple, nous  pourrons  désirer  fe  regret  de  nos 
fanles,  la  crainte  de  la  justice  de  Dieu,  la 
confiance  en  sa  miséricorde,  Thorreur  de 
quelque  vice,  ou  l'amour  et  la  pratique  de 
quelque  vertu. 

11.  Lt  corp^âe  raraison  consiste  en  trois 
choses:  dans  les  considérations,  les  affections 
et  les  résolutions» 

Les  considérations  sont  des  raisonnements 
et  des  réflexions  que  fait  notre  esprit  sur 
quelque  sujet  pour  s'élever  à  Dieu,  ou  se 
convaincre  de  quelque  vérité  du  salut,  ou 
fie  persuader  de  quelque  obligation,  et  pour 
porter  ensuite  la  volonté  à  s'y  aOectionner. 
Voici  quelques  exemples  qui  serviront  de 
modèle  pour  beaucoup  d'autres  qu*on  i>ourra 
faire  de  soi-même. 

1*  Si  l'on  veut  se  convaincre  (lue  la  jus- 
tice de  Dieu  est  sévère,  on  considérera  son 
sujet  qui  est  Jésus  crucifié,  et  on  raisonnera 
ainsi  :  si  le  Père  éternel  n'a  pas  épargné  son 
propre  Fils,  et  s'il  l'a  traité  avec  tant  de 
rigueur  pour  avoir  été  la  camion  des  pé- 
cheurs, quelle  doit  être  la  sévérité  de  sa 
justice  envers  les  véritables  pécheurs  I 

2*  Si  on  désire  se  persuader  qu'on  est 
obligé  de  faire  pénitence,  on  envisagera 
Jésus  crucifié,  et  on  se  dira  ensuite  à  soi* 
même  :  Celui  que  je  vois  attaché  à  la  croix 
est  le  plus  innocent  qui  fût  jamais,  et  moi 
je  suis  vériiableinent  coupanle,  je  le  sais 
bien,  je  n'en  doute  pas;  cependant,  tout 
juste  qu'il  était,  il  a  souffert  ]ilus  que  je  ne 
puis  m'imagiuer,  et  moi  je  ne  saurai  pas 
souffrir  1  II  est  mort  pour  mes  péchés,  et 
moi  je  n'en  ferai  pas  pénitence!  II  a  sué  le 
sang  pour  payer  mes  dettes,  et  je  ne  ferai 
l^ar  des  efforts  pour  en  payer  le  reste  I 

3*  Si  Ton  veut  se  convaincre  de  la  vanité 
des  biens  périssables  de  ce  monde,  on  consi- 
dérera Jésus  tout  nu  sur  la  croix,  et  on  se 
dira:  Quel  est  celui-là  ,  mon  âme,  que  tu 
▼ois  dans  une  pauvreté  si  extrême?  G  est  le 
maître  et  le  Seigneur  de  l'univers.  Le  crois-tu 
ainsi?  Il  faut  bien  le  croire,  la  foi  me  ren- 
seigne. Pourquoi  a-t-il  choisi  plutôt  cet  état 
pauvre  et  misérable,  qu'un  état  riche  et 


puissant?  11  était  libre  de  prendre  celui  des 
deux(]u'il  voulait,  il  était  le  mattre;  or  il 
a  choisi  la  pauvreté  etméprisé  les  richesses, 

fourquoi  ne  pas  me  conformer  à  ce  choix? 
e  ne  puis  me  tromper  en  suivant  l'exemple 
de  celui  qui  est  la  sagesse  même. 

h*  Pour  s'exciter  k  mépriser  les  voluptés 
de  la  vie,  on  jettera  les  yeux  sur  ce  Seigneur 
souffrant  en  croix,  appelé  à  juste  titre 
Vhomme  de  douleurs,  et  non  pas  I  homme  de 
plaisir;  et  on  se  dira  :  Assurément,  si  Jésus  • 
christ  eût  cru  qu'il  était  plus  expédient 
d'aller  au  ciel  par  la  voie'  des  plaisirs,  il  eût 
pris  cette  roule  ;  mais  puisqu'il  en  a  pris  une 
contra  re,  c*est  une  maraue  infaillible  que 
les  délices  ne  sont  pas  le  chemin  du  ciel, 
et  que,  pour  se  sauver,  il  est  plus  avanta- 
geux de  choisir  les  souffrances  aue  les  plai- 
sirs 

5*  S  .1  est  question  de  s^exciter  à  l'amour 
de  Notre-Seigneur,  il  faudra,  en  regardant 
Jésus  crucifié,  se  dire  à  soi-même  :  Pour- 
quoi Jésus  a-t-il  répandu  ainsi  tout  son 
sang  jusqu'à  la  dernière  ^ntte?  C'est  par 
amour  pour  nous  ;  ne  serais-je  donc  pas  le 
plus  ingrat  du  monde,  si  je  n'aimais  pas 
celui  gui  m'a  aimé  è  un  tel  degré? 

6*  S  il  s'agit  de  se  porter" è  la  confiance  en 
la  bonté  de  Dieu,  on  se  dira  en  regardant 
Jésus  souffrant  sur  la  croix  :  Assurément, 
celui-là  ne  veut  pas  nous  damner,  qui  donne 
ainsi  sa  vie  pour  nous. 

V  Veut-on  s'exciter  à  Thumililé,  la  vue 
de  Jésus  crucifié  suffira;  car  comment  re- 
garder le^Dieu  de  l'univers  entre  deux  vo- 
leurs, siit  un  infSme  gibet,  exposé  aux 
moqueries  des  grands  €i  des  petits,  l'op- 
probre  des  hommes  et  Vabjection  du  peuple, 
sans  avoir  envie  de  s'humilier  avec  lui? 

8*  Veut-on  s'encourager  è  la  vertu  de 
'douceur,  on  se  mettra  aux  pieds  de  Jésus 
crucifié  ;  on  l'entendra  prier  pour  ses  per- 
sécuteurs et  pour  ses  propres  bourreaux; 
on  admirera  son  silence  au  milieu  des  o|)- 
probres,  cette  douceur  immense  et  cette 
patience  infinie  qui  lui  ferment  la  bouche, 
quand  il  s'agit  de  repousser  les  injures  qu'on 
vomit  contre  lui,  et  qui  la  lui  font  ouvrir 
seulement  pour  en  demander  pardon  à  son 
Père. 

9*  Pour  s'animer  \  obéir,  et  surmonter  la 
répugnance  qu'on  éprouve  quelquefois  à  se 
soumettre  à  ses  supérieurs,  on  regardera 
Jésus  en  croix,  et  on  se  fera  ce  reproche  : 
Quoil  le  souverain  Seigneur  de  I  univers 
s'est  abaissé  jusqu'à  se  soumettre  aux  plus 
méchantes  de  toutes  ses  créatures,  et  j'aurais 
de  la  peine  à  obéir  à  ceux  que  Dieu  a  mis 
au  dessus  de  moi  1 

iit  Avons-nous  de  la  peine  k  nous  mor- 
tifier dans  le  boire  et  le  manger,  nousconsi- 
déferons  Jésus  en  croix,  à  qui  l'on  donne 
è  boire  du  fiel  et  du  vinaigre,  et  nous  nous 
dirons  :  Quelle  indtguité  de  voir  un  pé- 
cheur délicat,  tandis  que  Jésus,  l'innocence 
même,  est  rassasié  d'amertume I 

11*  Se  sent-on  de  la  peine  a  supporter  quel- 
qu'un avec  qui  on  est  obligé  oe  demeurer 
et  de  vivre,  on  considérera  Jcsus  crucifié 


999 


MET 


NCnONNAIflE 


MET 


loeo 


3 


ui  Teul  bien  passer  les  derniers  moments 

e  sa  vie  au  milieu  des  pécheurs. 
iS"  A-t-on  quelque  appréhension  de  la 
mort,  on  regardera  Jésus  expirant  sur  la 
croix,  et  on  se  dira  :  La  mort  doit  paratlre 
douce  depuis  que  mon  Sauveur  en  mou- 
rant en  a  ôté  la  plus  grande  amertume. 

Voilà  quelques  exemples  des  considéra- 
tions que  Ton  peut  faire  dans  la  méditation; 
il  y  en  a  une  infinité  d*autres  qu*on  fera 
de  soi-même  sans  quMI  soit  besoin  de  les 
indiquer.  Il  ne  faut  faire  dans  la  méditation 
de  considérations  qu*autant  qu*il  est  né- 
cessaire pour  se  persuader  de  la  vérité  que 
l'on  cherche,  ou  pour  s'affectionner  à  la 
vertu  à  laquelle   on  prétend.   Il  y  en  a 

aui  ont  besoin  pour  cela  de  beaucoup 
e  réflexions,  d*autres  à  qiii  il  en  faut 
moins;  il  s*en  trouve  même  a  qui  il  n'en 
faut  pas  du  tout  et  qui  ne  sauraient  en 
faire,  comme  on  le  verra  plus  loin. 

Cependant  on  peut  faire-  oraison,  même 
on  manquant  dans  un  point  aussi  essentiel; 
les  considérations  en  effet  servent  de  moyen 
pour  s'élever  h  Dieu,  pour  se  convaincre 
de  quelque  vérité,  pour  s'affectionner  à  la 
pratique  de  quelque  vertu,  ou  pour  conce- 
voir ae  Thorreur  de  quelque  vice;  or,  si 
tout  d'un  coup,  avaât  que  d'avoir  fait  des 
considérations,  on  se  trouve  uni  à  Dieu, 
convaincu  de  la  vérité  que  l'on  voulait 
chercher,  affectionné  à  la  vertu  qu'on  dé- 
sirait, et  plein  d'horreur  du  vice  qu'on  avait 
en  vue,  il  ne  faut  pas  alors  s'efforcer  de 
faire  des  considérations,  puisqu'on  a  obtenu 
sans  elles  la  fin  qu'on  se  pro|K)sait.  Il  est 
vrai  que  c'est  quelquefois  par  paresse  qu'on 
ne  fait  pas  de  considérations  sur  le  sujet  do 
l'oraison  ;  il  faudra  donc  éviter  avec  grand 
soin  deux  extrémités  également  préjudi- 
ciables à  Tâmo:  d'abord  de  se  trop  violenter 
pour  faire  des  considérations,  e\  ensuite  de 
ne  pas  v  apporter  la  diligence  nécessaire. 
Ceux  qui  ne  peuvent  faire  des  considérations 
pourront  y  suppléer  en  faisant  agir  le  cœur, 
et  en  se  laissant,  doucement  emporter  aux 
affections  plus  faciles  à  produire  que  les  con- 
sidérations, et  qui  sont  d'une  plus  grande 
utilité. 

Quant  aux  affections  ,  qui  est  la  se- 
conde chose  qui  compose  le  corps  de  l'o- 
raison, ce  sont  do  bons  mouvements  de 
notre  cœur,  qui  nous  portent  vers  Dieu,  et 
nous  excitent  h  embrasser  tout  ce  qui  lui 
plaît,  ou  à  fuir  tout  ce  qui  luîdéplatl.  Voici 
quelques  exemples  que  nous  devons  pro- 
duire. 

1"  Affection  d'amour.  Quand  une  âme  est 
bien  établie  dans  la  présence  de  Jésus  cru- 
cifié, et  qu'elle  voit  que  c'est  pour  elle 
qu'il  a  souffert  l'excès  de  ses  horribles  dou- 
leurs, elle  se  laisse  emporter  à  l'amour 
d'un  si  bon  mattré.  O  .mon  Jésus,  dit-elle, 
que  mon  cœur  est  insensible,  s'il  n'est  point 
louché  de  votre  grand  amour  I  que  mon 
cœur  est  froid,  s'il  n'est  pas  échauffé  en  la 
présence  d'un  si  ^rand  reu  d'amour!  Oh! 
je  vous  aimerai,  mon  Sauveur,  je  vous  ai- 
merai au  péril  de  ma  vie,  et  rien  au  monde 


ne  pourra  éteindre  ie  brasier  d'amour  qa'il 
vous  plaît  aujourd'hui  d'allumer  dans  mon 
cœur. 

2*  Affection  d'oc/ ton  de  gréeee.  Qaaod  je 
verrai  mon  Sauveur  sur  la  croix,  et  que  ta 
foi  m'aura  persuadé  c^ue  c'est  pour  moi  qu'il 
y  a  été  attaché,  je  lui  dirai  ae  coeur  :  Que 

{Kmrrai-je  vous  rendre,  ô  mon  divin  bien- 
aiteur,  pour  un  si  grand  bienfait?  Hélasl 
je  n'ai  rien  qui  soit  digne  de  vous;  donn^ 
rai-jedes  souffrances  pour  les  vôtres?  Ré- 
pandraî-je  mon  sang  pour  celui  que  tous 
avez  répandu  pour  moi?Offrirai-je  ma  îio 
pour  celle  que  vous  avez  donnée  pour  moi? 
Quel  rapport  y  a-l-il  entre  le  prix  du  don 
que  vous  m'avez  fait  et  celui  que  je  sou- 
haite vous  faire?  Anges  du  ciel,  saints  du 
paradis,  venez  m'aider  à  remercier  moo 
Sauveur;  mais  vous,  mon  Jésus,  rcmerciex- 
vous  vous-même;  car  personne  ne  peut  le 
faire  plus  dignement  que  vous. 

3*  Affection  A^ admiration.  Quand  une  âme 
dans  l'oraison  se  trouve  toute  pénétrée  de 
la  vue  de  Jésus-Christ  souffrant  sur  la  croit, 
qu'elle  considère  %bs  excessives  douleurs 
et  son  amour  extrême,  elle  s  écrie  dans 
l'admiration  oii  elle  est  :  Y  eût-il  jamais 
rien  de  pareil  à  ce  que  Je  vois?  L'esprit 
humain  eût-il  jamais  pu  s  imaginer  que  le 
Seigneur  de  l'univers  se  fût  réduit  au  pi- 
toyable état  où  il  me  parait  sur  cette  croit? 
Cieux,  étonnez-vous;  esprits  angéliques, 
n'êtes-vous  pas  surpris  d'un  tel  spectacle? 

kr  Affection  de  compassion.  A  la  vue  des 
douleurs  extrêmes  qu'endure  Jésus  sur  la 
croix,  qui  ne  dirait  au  fond  de  son  cœur  : 
O  mon  Jésus!  qu'il  faudrait  être  dur  pour 
n'être  pas  attendri  de  vos  peines!  HelasI  les 
pierres  se  fendirent  au  moment  do  votre 
mort,  et  mon  cœur  oo  sera  pas  pénétré  de 
douleurl 

5"  Affection  du  disir  des  souffrances.  Uoe 
Ame  qui  est  convaincue  que  c  est  son  Diea 
qui  a  souffert  pour  elle,  conçoit  le  désir  de 
partager  ses  peines,  et  dit  :  Ne  pourrai-je 
pas  espérer,  mon  aimable  Sauveur,  d'avoir 
part  à  votre  sacrée  passion?  Ne  me  serat-il 
pas  permis  de  boire  à  votre  calice,  et  ne 
vous  aiderai-je  jamais  à  porter  votre  croii? 
^^enez,  persécutions,  cnagrins,  dégoûts, 
ennuis,  afilictions,  pertes  de  biens,  délais- 
sements d'amis;  chères  croix,  chères  souf- 
francesy  vous  serez  désormais  toutes  mes 
délices,  aorès  avoir  été  tant  aimées  de 
Jésus 

G"  Affection  de  renoneemeni  aux  Mena  ei 
aux  honneurs.  Désirer  d'être  riche,  après 
avoir  vu  le  Dieu  que  j'adore  si  pauvre,  ce 
serait  une  folie;  quoi!  j'aimerai  a  être  com- 
modément et  que  rien  ne  me  manque,  en 
voyant  le  Dieu  de  l'univers  dénué  et  dé- 
pouillé de  tout  1  J*estimerai  heureux  ceai 
qui  sont  dans  l'abondance,  qui  jouissent  de 
grands  biens,  en  voyant  la  sagesse  infinie 
mépriser  tout  cela  I  Je  désirerai  de  Tboa- 
neur,  j'aimerai  qu'on  me  saluOf  j'aurai  du 
ressentiment  quand  on  me  manquera  en 
quelque  chose,  après  tous  les  affronts  (^u'on 
a  faits  è  mon  Dieu  !  Quelle  folio  à  uothre- 


f6M 


•meI 


D^ASCETISME. 


MbT 


30M 


tien  qai  croit  ea  Jésos^hrist  moqué  et  ba- 
foué! Adieu  dooc,  désirs  de  fortune;  adieu» 
Taioes  fumées  d*boDneur  :  je  crois,  sans  en 
douler,  que  les  Traies  richesses  sont  dans  la 
pauvreté»  el  les  vrais  honneurs  dans  les 
mépris,  depuis  qu'un  Dieu  les  j  a  recher- 
chés. 

7*  Affection  de  renaneemmi  au  fiaUir. 
Comment  oserai-je  maintenant  chercher  la 
satisfaction  de  mes  sens  I  Comment  pour- 
rai-je  désormais  m*étudier  è  contenter  mes 
jeux,  mes  oreilles,  mon  |(oût,  aprèe  avoir 
▼u  Jésus  sur  la  croix,  fermant  les  yeux  à 
tout,  n'entendant  que  des  blasphèmes,  ne 
recevant  que  des  injures  atroces,  et  étant 
abreuvé  de  fiel  et  de  vinaigre  pour  l'amour 
de  moil  11  faut  donc,  A  mon  âme,  renoncer 
ponr^on  amour  à  tous  les  vains  plaisirs  des 
sens,  et  me  souvenir  sans  cesse  qu*avant 
mon  IKeu  pour  modèle,  il  serait  bien 
honteux  pour  moi  de  rechercher  les  dé- 
lices. 

8"  Affection  A^amour  du  frocham*  Gom* 
ment  n'aimerai-je  pas  mon  prochain,  sa- 
chant combien  il  a  été  aimé  de  mon  Jésus  I 
Je  le  considérerai  désormais  comme  teint 
du  sang  que  Jésus  a  répandu  pour  lui  ;  je 
ne  le  regarderai  plus  comme  si^et  \  la 
bizarrerie,  à  la  mauvaise  humeur;  je  ne 
dirai  filus  qu'il  est  insupportable;  mais  je 
le  supporterai  parce  qu'il  est  l'enfant  de 
Jésus,  et  que  Jésus  Ta  engendré  sur  ia  croix, 
parmi  tant  de  tourments. 

9*  Affection  de  dévotion  à  la  iaùUe  Vietis 
O  ma  trèfr-sainte  Mèrel  puisque  mon  cher 
Jésus  m*a  recommandé,  en  la  personne  de 
saint  Jean,  de  vous  considérer  comme  ma 
mère,  ce  sera  en  cette  qualité  que  je  vous 
rendrai  honneur,  amour  et  obéissance; 
mais  souvenez-vous  aussi  qu'il  vous  recom- 
manda dès  lors  de  me  considérer  comme 
votre  pauvre  enfant. 

10*  Affection  d^korreur  dunichi.  O  péché  I 
que  j'ai  d'horreur  pour  toil  Quand  je  pense 
que  tu  as  causé  la  mort  de  Jésus,  je  t'ab- 
horre, je  te  déteste  du  plus  profond  de  mon 
cœur,  comme  étant  le  plus  grand  mal  du 
monde. 

11*  Affection  de  eontrition.  Qui  donnera 
de  reau  à  ma  iéie^  ei  à  mes  yeux  une  source 
de  larwus  pour  pleurer  nuit  ei  jour  fJérim.) 
meêpiekis  qui  ont  attaché  si  cruellement 
Jésus  à  la  croix?  Plutôt  mourir  que  d'en 
commettre  encore  I 

13*  Affeotion  de  confusion,  Jésus  a  tant 
souffert  pour  moi,  et  je  ne  souffre  rien  pour 
lui  1  II  est  nu  sur  la  croix,  et  je  veux  être 
bien  vêtu  1 11  est  at>andonné  de  tous,  et  ie 
cherche  avec  empressement  à  être  chéri  de 
tottsi  11  meurt  pour  moi,  et  je  ne  sens  point 
le  désir  de  mourir  pour  lui  1  11  est  pourtant 
mon  roi,  et  je  suis  son  esclave;  quel  sujet 
de  confusion  pour  moi  de  ressembler  si  peu 
à  celui  qui  m'a  été  donné  pour  modèle  de 
tontes  mes  actions  I  Quelle  honte  de  corres- 
pondre si  peu  à  son  amour  immense  et  pro- 
digieux I 

Ces  exemples  d'affection  que  Ton  peut 
Ibnnar  dans  l'oraison  suffiront  oour  appren? 

Diciioiih:  p'AscÉnsiu.  1. 


dre  è  en  former  d'autres  de  soi-même.  Celles 
qui  partiront  du  cœur  vaudront  mieux  que 
celles  qui  sont  inscrites  dans  les  livres;  les 
affections  écrites  dans  les  livres  ou  gravées 
dans  la  mémoire  ne  touchent  pas  autant, 
pour  Tordinaire,  que  celles  qu  on  produit 
de  soi-même  ;  celles-ci,  n'étant  point étud  iées, 
sortent  du  cœur  naturellement  et  sans  arti- 
fice, parce  qu'elles  sont  le  plus  souvent  pro 
duitespar  un  mouvement  du  Saint-Esprit  qui 
porte  le  cœur  è  les  former;  celles  qu'on  lit 
dans  les  livres  sont,  au  contraire,  froides  et 
récitées  souvent  sans  aucun  mouvement 
de  la  grâce.  Ainsi,  quand,  par  exemple,  on 
se  dispose  à  faire  un  acte  de  contrition 
avan*'  la  confession,  on  peut  s*y  prendre  de 
deux  manières;  la  première  en  le  lisant 
dans  un  livre,  ou  bien  en  récitant  un  acte 
que  l'on  sait  pour  lavoir  appris  autrefois; 
ia  seconde  en  s'excitnnt  à  la  douleur  de  ses 
péchés  par  de  bonnes  considérations  etdans 
un  vif  souvenir  de  la  bonté  de  Dieu.  Il  est 
certain  que  cette  dernière  manière  est  la 
plus  utile,  et  l'acte  de  contrition  produit  de 
cette  sorte  est  meilleur  et  plus  sûr  que  le 
premier. 

U  n'est  pas  nécessaire  de  produire  des 
affections  aussi  longues  que  celles  qu*on 
vient  de  proposer  pour  exemple;  souvent 
un  simple  mot  prononcé  intérieurement 
fera  plus  d'effet  dans  l'âme  que  de  longues 
affections  qui  pourraient  dégénérer  en  vai- 
nes paroles,  ce  qu'il  faut  éviter. 

Ordinairement,  on  ne  doit  pas  prononcer 
de  iKiuoheto  affections  de-son  cœur  dans 
l'oraison,  quoiqu'il  soit  difficile  quelquefois 
de  ne  les  faire  paraître  à  l'extérieur  ou  par 
quelques  soupirs,  ou  par  quelques  paroles 

Îui  ressentent  le  feu  dont  on  est  embrasé. 
Jors  il  est  très-utile  de  prononcer,  è  l'ex- 
emple d'un  grand  nombre  de  saints,  quel- 
ques petits  mots  enflammés  pour  toucher 
notre  cœur.  Par  exemple,  ceux-ci  :  O  mon 
Jésus  I  6  Dieu  de  bonté  1  Dieu  de  miséricor- 
de I  Dieu  de  toute  consolation  !  ô  amf)ur  f 
6  douleurs  de  Jésus  !  A  dureté  du  cœur  hu- 
main 1  ô  aveuglement  des  hommes  I  A  quoi 
pense-t'On?  ô  mou  Dieu,  que  vous  êtes  peu 
connu!  Quand  serai-je  tout  à  vousl  Qu'est- 
ce  qui  me  retient  ici  bas?  O  ma  vie,  A  mon 
unique  bien,  A  mon  tout  I  Je  veux  vous  ai- 
mer et  n'aimer  que  vousl  O  néant,  A  folie, 
A  vanité  du  monde,  je  veux  vous  mépriser 
et  ne  jamais  m'arrêter  à  vous,  etc. 

il  ne  faut  pas  trop  multiplier  et  diversi- 
fier ses  affections;  quand  on  en  produit 
quelçju'une,  il  faut  s'j  arrêter  quelque  temps, 
la  faire  entrer  dans  son  cœur,  l'y  imprimer 
bien  avant,  la  goAter,  la  savourer,  et  éviter 
avec  soin  dépasser  légèrement  d'une  affec- 
tion à  une  autre. 

Pour  goAter  et  savourer  les  affections 
dans  l'oraison,    remarquez  que  lorsqu'on 

[>roduit  quelque  affection,  elle  laisse  dans 
'âme  une  certaine  impression  ou  une  cer- 
taine onction,  qui  demeure  quelques  temps 
après  que  cet  acte  d'affection  a  été  produit; 
c  est  cette  impression  qu'il  faut  conserver, 
c'est  de  cette  onction  que  l'âme  doitss 


I0OS 


MET 


MCTIONNAIRÉ 


MEë 


m 


|)o\irnr  eo  silence  et  en  faisant  de  petites 
rause^r  l^OuAnd  on  (ait  un  dc(0  de  conflance 
en  pion  et  qu'on  liJii  a  dit:  Mon  Pieu^  vous 
4te3  toute  mon  espérance;  sans  vous  je 
crains  tout,  avea  vous  je  ne  crains  rien: 
ie  sens  que  cet  acte  de  conflance  a  laisse 
après  lui  dans  mon  Ame  uqe  loipression 
qui  me  fait  pencher  et  tendrq  yers  Dieu. 
GQmnoie  vers  qfion  unique  soutien.  2'  Quand 
on  fait  uu  acte  de  crainte  des  jugements  de 
Ôieu,  cet  acte  laisse  en  notre  ame  une  im- 
pression de  frayeur  et  de  tremblement,  3* 
Sp'onfait  un  acte  d*bun)ilité,  en  disant: 
Je  suis  un  grand  pêcheur,  je  ne  vaux  rien, 

I'e  suis  pire  qu'un  démon,  cet  acte  d'humi- 
ité  laisse  dans  Tâme  coium.e  un  poids  et  un 
penchant  vers  le  n^épris,  etc.  En  l)ien  !  ce 
sont  ces  impxés^ions,  ces  penchants  et  ces 
onctions  danis  lesquels  \*ème  doit  s'entrcte- 
liir  te  plus  loi>g(emps  possible.  11  en  est  de 
ceci  comçae  d|uçi  feu  qui  esl  allumé;  pour- 
quoi Iq  soumer  e(  chercher  à  Texciler, 
puisqu'il  l'est  d^à?  il  n'j  a  qu*A  l'entrete- 
uir  et  à  ie  copsQrycr  ;  et  nous  ne  connat- 
trons  qu*il  faudra  recommencer  à  produire 
nue  nouvelle  affecliou  que  quand  rimpres- 
sion  de  la  précédente  sera  passée.  Quand 
on  s'aperçoit  qqe  le  fèu  sacré  se  ralentit  et 
va  $*éteindre  lout  à  fait,  il  thut  le  ranimer 
par  quelques  petits  élans,  afln  de  lui  faire 
fepreodre  sa  première  vigueur;,  comme  on 
ranime  le  leu  matériel  en  y  jetfjnt  de  temps 
en  temps  ce  qu*iil  faut  pour  ralimentec  et 
^'entretenir. 

Pour  que  ces  affectiops  SQfent  bonaeS|  tl 
n*est  pas  eu  notre  pouvoir  qu'elles  soient 
toujours  très-ferventes  etsensibles  ;les  plus 
ferventes  ne  sont  pas  toujours  les  meilleures, 
et  quand  on  ne  peut  en  produire  de  telles, 
il  (aut  y  suppléer  par  des  froides  e^  des  sa- 
ches, ayant'soin  de  lés  entremêler  de  quel- 
ques pauses  qui  doivent  durer  autant  de  temps 
Su'il  eu  faut  pour  ^coûter  Noire-Seigneur. 
Jeu  nous  parle  dans  l'oraison  par  de  bx)nnes 
pensées  qu'if  met  dans  notre  esprit,  sans 
que  nous  v  ayons  d'iautre  part  que  de  les 
recevoir;  ri  nous  parle  aussi  par  de  bons 
«4ésirs^  qu'il  met  dans  notre  cœur,  sans  que 
nous  nous  soyojis  ei^cités  à  les  former;  il 
nous  parle  par  de.  bohç  sentiments  qui 
nous  font  pariois  répandre  beaucoup  de  lar- 
mes, jusqu'à  nous  faire  sangloter  et  soupi- 
rer ;  il  nous  parle  en  beaucoup  d*autres  ma- 
nièjçes.  que  Texpérience  qous  apprendra. 
Mais  si,  malgré  ces  pauses  indiquées,  il  ne 
platl  pas  h  pieu  de  nons  parler,  il  faut  les 
ôontiouer,  car  c'est  à  nous  de  nous  mettre 
en  devoir  d'écouter  Dieu,  et  à  lui  de  nous 
faire  ou  de  nous  refuser  la  grâce  de  nous 
parler,  scion  quMl  le  juge  à  propos.  Dieii 
î^arle  d'ailleurs  souvent  un  tangage  si  subtil 
qu'on  ne  s*en  aperçoit  pas  do  suite,  mais 
seulement  dans  certaines  occasions  où  Ton 
est  rempli  de  bonnes  maximes,  sans  savoir 

â'où  elles  viennent;  où  Ton  se  sent  pénétré 
e.  haine  pour  ses  péchés,  d'amour  pour 
Weu  et  pou.r  la  vertu,  sans  savoir  à  quoi 
attribuer  ces  bons  sentiments.  C'est  dans 
Toraison  qu'on  acquiert  tout  cela;  c'est  là 


a  ne  Dieu  nous  parle  h  notre  insu.  Gela  est 
,  I  vrai,  que  souvent,  après  une  oraison  où 
nous  avons  fait  notre  devoir,  et  où  pour- 
tant nous  n^âvons  eu  aucun  goAt  $ensibic, 
on  se  sent  plus  fort  Qu'après  une  salre  où 
Ton  aura  été  comblé  de  coDsolations. 

En^n,  on  entend  par  résolution^  qui  e$tla 
troisième  chose  qni  compose  le  corps  d'orai- 
son, un  ferme  propos  de  faire  quelqne  chose 
que  nous  connaissons  que  Dieu  demande  de 
nous,  ou  d*en  fuir  et  en  éviter  une  autre, 
comme  contraire  à  la  gloire  de  Dieu  et  à 
notre  salut.  Il  y  a  trois  sortes  de  résolutions: 
les  gén&aleSf  les  partieuHire^  et  les  trit^' 
tiewières  qui  sont  les  meilleures.  Volei 
quelques  exemples  de  ces  trois  sortes  de 
résolutions. 

!•  Anrès  avoir  ru  combien  le  péché  esl 
détestajble,  et  en  avoir  conçu  de  rhorreor, 
on  forme  la  résolution  de  réviter,  on  pro- 
teste  qu'on  le  fuira  de  toutes  se»  forces. 
Voilà  une  résolution  générckle.  Si,  er^tretous 
les  péchés,  on  prétend  éviter  celui  de  la  ta- 
pité,  voin  nne  résolution  plus  parHct^ièrt 
que  la  précédente.  Mais,  comme  elle  ne  Tesl 
pas  assez,  si  on  ajoute  que,  pour  éviter  la 
vanité,  on  se  servira  des  moyens  suivanis: 
de  ne  phis  parier  à  son  avantage;  dô  cacber 
ce  qui  pourrait  attirer  des  louanges,  quand 
la  cnarité  ne  demandera  pas  qu'on  le  décoa- 
vre  ;  d'étouffer,  dès  leur  naissance,  les  pen- 
sées de  vanité  qui  pourront  nattre  dans  l'es- 
prit ,  ^  elles  y  prennent  radne  avant  qu'on 
s'en  aperçoive  ;  de  réfléchir  sur  tes  péchés 
de  la  vie  passée,  pour  s'bnmtlier  devant  Dieu 
et  extirper  la  ranité  :  voilà  de»  résolutions 
tris-pariicnliires. 

2r  Si  l'on  prend  la  résolution  d**tre  pfss 
réglé  dans  ses  paroles,  voilà  une  résolution 
générale:  si,  en  descendant  dans  Je  détail,  on 
se  propose  de  ne  plus  fhire  de  médisance, 
voilà  une  résolution  plus  parHcnnêre;  mais 
si,  en  allant  plus,  avant,  on  veut  s'abstenir 
â*nller  dans  Wle  compagnie  où  Pon  parle 
mal  du  prochain  ;  sî,  obligé  d'y  aller,  on  de- 
mande auparavant  à  Qieu  la  grâce  de  ne  pas 
médire  pendant  la  conversation;  si  Ton  ren- 
tre en  soi-même  olusieurç  fois  par  heure, 
Sour  demander  à  I/ien  la  môme  grftce  ;  si, 
tant  tombé  dans  la  tnédisance,  en  répare 
de  suite  sa  fauter  ou,  du  moins,  si,  aussilAt 
que  Toceasion  s'en  présente.  Ton  ne  «saque 
pas  en  son  particulier  de  s*en  punir  :  Toili 
des  résolutions  très-mrtiêuHirts. 

8*  Si  on  se  sent  pôrW  à  pratiqbef  h  mor- 
tification extérieure,  et  qu  on  eta  prerme  h 
résolution,  elle  sera  y^wife.  8?^  éescendan» 

S  lus  avant,  on  se  propose  rfe  se  morlifief 
ans  le  goât,  voilà  une  résolution  parOru- 
Hère;  mais  si,  non  eonténf  d^avoîf  sp**** 
le  sens  qu'on  veut  mortiQer,  on  défermlne 
h  manière  de  se  mortifier  rfans  legoûf,  tfert 
une  résolution  très-parêk^Ufe.  Far  eWfl** 
pfe,  si  on  dit  :  Je  ne  mangeraf  pa»  de  teile 
(^hose  pour  laquelle  je  me  sens  phis  d'appé- 
tit; je  retranenerai  une  partie  à^té  V^^l 
aura  de  plus  agréable  à  mon  goût  dans  H 
repas;  je  jeûnerai  tel  jour;  09  l^en  :  Je  ne 
Boirai  ni  ne  mangerai  jamais  entre  lés  rep^^i 


lOW 


MET 


D*ASCCTISM£. 


MET 


lOOG 


sans  une  grande  nécessité  ;  ce  sont  1&  des 
résolutions  triê-pariicuUèrn.  I)  faut  bien  se 
garder  de  ne  plas  prendre  des  résolutions 
iris-p&rÈk^ièrts^  sous  prétexte  qu*on  ne  les 
eiécule  pas;  à  force  d*ea  prendre,  on  finit 
I>ar  les  mettre  à  eiécntion.  Si  Ton  ne  prati- 
qoe  pas  encore  les  résolutions  qu'on  aura 
r^rîses»  per  exemple,  d'être  plus  charitable, 
plus  patient,  pins  sobre,  plus  solitaire,  plus 
recneiDÎ,  après  Taroir  bien  promis  à  BieUt 
on  Tiendra  du  moins  k  s^on  bonté  de  ne  pas 
tenir  k  la  parole  qu'on  loi  a  tant  de  fois  don- 
née. M  on  n*aceompKl  pas  sts  résolutions, 
€*est  qu*on  ne  s*en  souvient  pas  dans  Toe- 
easîoi»,  OQ  bien  que,  ta  ferreur  étant  passée, 
on  change  aussi  de  résolution. 

voici  quelques  mojens  trto-utilos  à  em- 
ployer pour  se  sûUYeoic  de  ses  résolutions. 
1*  Ba  prendre  peu  ^v^s  chaque  oraison,  une 
ou  deuK  suffirool  pour  i*orduiaire;  ne  point 
en  changer  seureni;  oa  pourra  prendre  les 
iiiâmes  jusqu'à  ce  qu'on  en  soil  parfaite- 
meut  f  eutt  k  bout*  ST  Se  prescrire  quelque 
signe  de  cooTentioa  pour  se  les  rappeler 
dans  roccasioQ.  3"  Prier  son  ange  gardiea  de 
nous  ep  faire  souvenir,  k"  Se  recueillir  de 
temps  ea  tempe  dans  la  journée  pour  se  les 
rappeler,  c'est  le  meilleur  mojea  de  tout. 

En  Toici  d*autres  qui  rendront  pius  ferme 
k  exécuter  les  résolutions.  1'  Ne  pas  pren- 
dre des  résolutions  è  la  légère,  et  sans  avoir 
préru  aupararant  si  elles  sont  praticables,  et 
s\  Ton  a  effecliveiiient  cnric  de  les  accom- 
plir, îr  Ne  pas  fonder  ses  résolutions  sur  de 
petites  ferveurs  passagères  ,  mais  sur  de 
bonnes  raisons  dont  nous  soyons  fortement 
persuadés.  Par  exemple,  si  Ton  prend  la  ré- 
solution de  &ire  chaque  jour  une  heure  d'o- 
raison, on  ne  doit  pas  prendre  cette  résolu- 
tion pour  quelque  goAt  sensible  qu'on 
aurait  éprouvé  dans  sç^s  exercices  de  pi^*lé  ; 
mais  bien  &  cause  du  besoin  qu'on  a  de  faire 
oraison  pencbnt  cet  espace  de  temps ,  et 
parce  qu  ua  a  tout  sujet  de  croire  que  Dieu 
le  reut  ainsi,  puîsqu  on  s'en  est  bien  trouvé, 
et  que  les  directeurs  Tapprouvent.  3*  Se  faire 
honte  à  soi-même  quand  on  est  assez  lâche 
pour  ne  pas  exécuter  ses  bonnes  résolutions, 
ci  se  dire  par  forme  de  reproche  :  Que  tu  es 
misérable  de  no  pas  accomplir  tes  résolu- 
lions  ?  O  vaillant  cœur,  quand  il  est  loin  de 
Pennemi,  mais  faible  quand  il  est  en  sapré- 
sencet^*  Se  punir  ouand  on  n'a  pas  eu  la 
force  de  les  accomplir.  5*  Ne  jamais  surtout 
s\ippu3'er  sur  elles,  mais  uniquement  sur  la 
grâce  de  Weu.  Quand  saint  Pierre  promet- 
tait d'être  fkJêle  à  Notro-Seigneur,  il  s'ap- 
puyait sur  sa  résolution,  er  ne  songeait  pas 
r.ssuz  au  besoin  qu*îï  arait  du  secours  de 
Dieu,  et  ce  fut  ta  la  cause  de  sa  chute.  Pour 
proflter  d'an  tel  exemple,  voilà  ce  qu'il  nous 
faut  dire  en  prenant  quelque  résolution  :  Mon 
Dieu,  je*  me  propose  de  donner  telle  somme 
d'argent'  en  aumône;  de  faire  telle  bonne 
œuvre  aujourd'hui;  d'aller  demander  pardon 
d'un  oîot  qui  m'est  échappé  par  mégarde,  et 
j'espère,  moyennant  votre  çrâce,  de  l'accom- 
plir; ce  n*esC  m  ,'^^  ^  mémoire,  ni  sur  ma 


Tolonté  oue  je  compte,  mais  sur  le  secours 

que  fespere  que  tous  ne  me  refbserez  pas. 

ni.  La  eonclîtsion^  qui  est  la  troisième 

i>artie  de  l'oraison ,  consiste  simplement  à 
bire,  en  la  terminant,  des  actes  de  remer- 
ciement, d  offrande  et  de  demande.  On  re- 
mercie Dieu  de  ce  que,  malgré  notre  indi- 
gnité, il  a  bien  roulu  nous  souffrir  en  sa 
sainte  présence,  nous  donner  de  bonnes 
pensées,  nous  suggérer  de  bonnes  affections 
et  nous  faire  prendre  de  bonnes  résolutions, 
qui  nous  seront  utiles ,  s'il  nous  donne  la 
grâce  de  les  exécuter,  comme  il  nous  a  fait 
celle  de  les  prendre.  On  offre  à  Dieu  ses 
bonnes  pensées,  ses  saintes  affections .  ses 
bons  désirs  et  les  résoletions  reçues  de  sa 
bonté  I  et  cela  par  reconnaissance,  comme  des 
fruits  qui  lui  appartiennent.  On  demande 
très-humblemeni  a  Dieu  de  bénir  notre  orai- 
son, et  surtout  les  résolutions  que  nous  y 
STons  prises,  afin  d'j  être  entièrement  Mer- 
les. On  conseille  encore  de  faire  un  bouquet 
ipiriiuel  que  l'on  conserre  pendant  le  joor, 
pour  nous  faire  sonrenir  de  nos  bons  senti- 
ments dans  l'oraison.  Ce  bouquet  spirituel 
sera  Jésus-Christ^  9^'^^  ^^  manquera  pas 
d'adorer  plusieurs  fois  le  jour  dans  Je  fond 
de  son  cœur.  Il  sera  pour  fâme  comme  un 
bouquet  de  myrrhe  qui  la  garantira  de  toute 
corruption,  et,  par  les  fréquents  retours  vers 
hif,  il  nous  embaumera  d'une  odeur  très- 
suave.  Il  faut,  autant  que  possible,  suivre 
le  plan  !et  Tordre  de  cette  méthode  ;  mais 
si  rEsprit-Saint  demandait  quelque  autre 
chose  de  nous,  il  faut  nous  en  écarter  sans 
lui  opposer  la  moindre  résistanoe;  car  nous 
devons  nous  souvenir  que  l'oraison  est  un 
entretien  avec  Dieu,  et  oCk  préside  l'Esprrt- 
Saint,  c'est  pour  cela  que  nous  rinvorjuons 
en  la  commençant;  si  donc  il  plaît  i  Dieu  de 
tourner  fa  conrersation  d'une  manière  dif- 
férente de  celTe  que  nous  nous  étions  pro- 
posée, il  en  est  le  maître,  et  c'est  h  nous  de 
nous  soumettre  à  son  adorable  voloncé. 

On  connaîtra  qu'on  peut  s'écarter  de  cet  le 
méthode  quand  on  n'jr  trouvera  point  d'entrée, 
et  qu'on  se  sentira  fortement  attiré  d^an 
autre  c6ié  ;  ce  sera  un  signe  que  le  daint- 
Esprîl  ne  reut  pas  qu'on  suive  la  route  ordi- 
naire. Par  exemple,  si  au  moment  de  la 
préparation  on  a  de  la  peine  à  en  faire  les 
actes,  et  que  Ton  se  sente  tout  l'un  cotiï> 
touché  ou  de  compassion  pour  Jésus  soui- 
frant,  ou  d'amour  pour  cet  aimable  Sauveur, 
ou  de  douleur  pour  ses  péchés,  on  suivra 
soa attrait  sans  s'attacher  à  la  méthode;  ou 
bien  si  dans  le  temps  où  la  méthode  pres- 
crit des  considérations  ou  des  affections  on 
se  sent  tout  d'un  eoup  porté  à  prendre  des 
résolutions  très-utifes  pour  bien  régler  se 
vie,  qu'on  îe»  prenne  sans  craindre  Se  rei>- 
rerser  l'onlre  prescrit.  Quant  au  sujet  de 
méditation,  si  on  a  en  rue  Jésus  crucifié,  il 
ne  faut  pas  le  changer  facilement,  à  moins 
qu'on  ne  connaisse  évidemment  que  Dîea 
le  demande  de  nous,  ce  qui  n'est  pas  pro- 
bable; et  si  par  le  sujet  de  méditation  on 
entend  le  fruit  qu'on  reut  tirer  de  la  Tue  de 
Jésus  crucifié,  qui  consiste  dans*  Kacqursi^- 


.1 


1007 


MET 


DICTIONNAIRE 


MEf 


tion  de  quelque  vertu  ou  dans  Textirpation  de 
quelque  vice»  on  peut  eo  changer  aussi  faci- 
lement que  de  méthode  ;  si  l'on  avait  des- 
sein de  considérer  la  patience  de  Jésus  souf- 
franU  afin  de  s'animer  à  l'imiter,  el  qu'on  se 
sente  atliré  à  méditer  sur  son  humilité» 

Su'on  suive  ce  dernier  attrait,  et  qu'on  aban- 
onne  le  dessein  qu'on  avait  de  méditer  sur 
sapatiepce. 

si  nous  ne  trouvons  aucune  entrée  dans 
le  sujet  choisi,  et  que  l'Esprit-Saint  ne  nous 
en  présente  pas  un  autre,  il  ne  faut  ni 
perdre  courage  pour  cela,  ni  faire  comme 
ceux  qui,  se  trouvant  en  cette  grande  peine, 
quittent  l'oraison,  parce  qu'ils  voient  que  ni 
la  méthode,  ni  le  sujet  qulls  s'étaient  propo- 
sés ne  leur  sont  d'aucune  utilité.  Quand  on 
se  trouve  en  cet  état,  il  faut  se  tenir  patiem- 
ment aux  pieds  de  Jésus  crucifié  et  le  re- 
garder bien  attentivement,  lui  parler,  lui 
dire  ce  qui  vient  à  l'esprit,  quoique  sans 
ordre,  sans  oublier  dé  faire  quelaues  petites 

f>auses;4il  faut  surtout  s*humilier  devant 
ui,  c'est  le  grand  secret  de  l'apaiser,  s'il 
était  irrité  contre  nous;  il  faut  se  mettre  en 
sa  sainte  présence,  en  lui  disant,  comme 
Tenfant  prodigue  :  Mon  Père^f  ai  péché  contre 
le  ciel  el  contre  voue^  etc.,  ou,  comme  le 
publicain,  les  yeux  baissés  et  pleins  de 
confusion  à  la  vue  de  ses  fautes  et  de  ses 
misères  :  Mon  DieUf  ayez  pitié  de  mot,  qui 
suis  un  pécheur:  ou,  comme  le  lépreux  de 
i'Ëvaugile,  montrer  à  Dieu  les  plaies  de  son 
Ame  en  disant  :  Seigneur^  si  vous  voulez^ 
votf^pouvejc  me  j)ru^rtr,oubienavecsaintPaul: 
Seigneur  y  que  voulez-vous  que  je  fasse?  et 
avec  les  autres  apôtres  :  Seigneur ^  enseignez» 
moi  à  faire  oraison.  Enfin,  il  faut  quelque- 
fois se  tenir,  comme  Madeleine,  aux  pieds 
de  Jésus,  les  baisant  et  désirant  les  arro- 
ser de  ses  larmes,  et  d'autres  fois  s'écrier, 
comme  l'aveugle  de  l'Evangile  :  Jésus^  Fils 
de  Davidt  ayez  pitié  de  moi....  Seigneur , 
faites  que  je  voie.  C'est  par  ces  petits  moyens 
que  Notre-Seigneur  jettera  un  regard  favo- 
rable sur  vous,  car  il  n'y  a  rien  qui  attire 
tant  ses  regardsqu'uncœur  contrit  ethumilié. 
Si,  après  tout  cela,  on  ne  trouve  pas  d'en- 
trée à  l'oraison,  on  pourrait  quelquefois 
faire  à  Jésus  crucifié  quelques  prières  voca- 
les, pourvu  qu'elles  soient  très-courtes,  afin 
Sue  vous  ne  le  perdiez  pas  de  vue;  surtout 
faudrait  avoir  soin,  autant  que  possible, 
de  les  entremêler  de  [)etites  rétlexions  et  de 
ces  pauses  tant  de  fois  recommandées.  Par 
exemple,  si  dans  son  oraison  on  veut  réciter 
]e  Pater:  après  avoir  dit  ces  mots  Notre 
Père^  ou  s'arrête  et  on  fait  cette  réflexion  : 
Qui  êtes-vous,  mon  Seigneur,  et  que  suis-je 
pour  vous  appeler  mon  Père?  Vous  l'êtes 
pourtant,  et  c'est  avec  justice  que  vous  m'or- 
donnez de  vous  donner 


je  serai  en  ce  monde Que  votTt%m  t(t\i 

sanctifié.  Oui,  que  le  sacré  nom  de  Jésus 
soit  révéré  de  toute  la  terre  ;  qu'il  soit  si 
profondément  gravé  dans  mon  cœur,  que 

jamais  il  n'en  soit  effacé Que  votre  rku 

arrive.  Régnez,  Seigneur,  sur  tout  le  monde, 
mais  principalement  dans  mon  cœur;  sojei- 
on  le  maître  absolu,  chassez-en,  baDnisse^ 
en  les  tyrans  qui  voudraient  vous  disputer 

ce  pauvre  empire Que^votre  voletUi  $9it 

faite  en  la  terre  comme  au  ciel.  Je  De  veai 
rien,  ô  mon  Sauveur  I  que  ce  que  vous  toq- 
lez,  et  pour  le  temps  de  mon  oraisoD,  e( 
pour  tout  le  temps  de  ma  vie,  et  pour  Té- 
ternilé.  Ohl  si  la  très-sainte  volonté  de  mon 
Dieu  était  accomplie  aussi  exactement daos 
mon  cœur  qu'elle  l'a  été  par  Jésus  pendant 
qu'il  était  sur  la  terre,  que  je  serais  heu- 
reux I Donnez-^ous  aujouriPkui.  A  qui 

avoir  recours,  sinon  à  vous,  Seigneur?  Vous 
êtes  infiniment  riche,  et  nous  sommes  infi- 
niment pauvres.  Autant  de  fois  que  nous 
respirons,  plus  souvent  encore  nousaToos 

besoin  de  votre  secours Notre  pain  (ie 

chaque  jour.  Ce  pain  que  je  vous  demande, 
c'est  celui  de  l'oraison,  sans  lequel  mon  âme 
ne  manquera  pas  de  mourir  de  faim,  mais 
avec  lequel  aussi  elle  se  nourrira  et  se  ren- 
dra de  plus  en  plus  agréable  à  vos  yeai 

Pardonnez'^ous  nos  offenses.  Oubliez»  Sel* 
gneur,  ces  infidélitésqui  font  tarir  lasource de 
vos  grâces,  et  me  ferment  l'entrée  à  l'oraisoo; 
n'est-ce  pas  vous.  Seigneur,  qui  avez  sur  la 
croix,  non-seulement  pardonné  k  vos  bour« 
reaux,  mais  qui  avez  même  demandé  grice 
pour  eux,  en  offrant  vos  douleurs  et  votre 
sang  pour  tous?......   Comme  nous  pardop 

nons  à  ceux  qui  nousiont  offensés.  Si,  pour 
m'accorder  ie  pardon  que  j  ose  demander, 
vous  attendez,  ô  mon  Jésus,  que  j'aie  par- 
donné à  ceux  de  qui  j'ai  regu  quelque  of- 
fense, vous  n'avez.  Seigneur,  qu  à  me  rac- 
corder; car  j'oublie  de  bon  cœur  tous  les 
torts  qu'on  m'a  faits.  Qu'on  juge  mal  de  moi, 
qu'on  s'en  moque,  qu'on  parle  contre  inoa 
honneur,  qu'on  déchire  ma  réputation,  je 
ne  laisse  pas  de  prier  pour  ceux  oui  me  fout 

le  plus  de  mal Et  ne  nous  laines  wi 

succomber  à  la  tentation.  Je  ne  m'ioquiéte- 
rai  pas  des  tentations  et  des  dégoûts  que  je 
sens,  tandis  que  je  serai  soutenu  de  toq5, 
ô  mon  Dieu  I  Que  les  tentations  m'assaillent, 
qu'elles  m'accablent,  pourvu  que  vous  m 

souteniez  et  que  je  ne  tombe  pas Mail 

délivrez-nous  au  mal.  Ne  permettez  pas,  moa 
divin  Maître,  que  je  ne  tombe  jamais  dans 
aucun  péché  mortel  ;  c'est  là  ce  grand  mal 
dont  je  demande  incessamment  la  grâce 
d'être  délivré.  Faites  même,  ô  mon  Dieu! 
queje  puisse  éviter  aujourd'hui  les  moindres 
fautes,  et  aue  je  vous  offense  plus  de 
propos  délibéré  en  quoi  que  ce  soit;  car  les 
moindres  péchés  sont  toijyours  de  très-grands 


ce  nom,  puisque 

vous  m'avez  enffendré  sur  la  croixau  milieu     ^ ^ 

des  plus  cruelles  douleurs....   {Pause) maux....  Ainsi-soit-il.  Daignez,  Seigneur, 

Qui  êtes  aiÂX  deux  ;  c'est  par  votre  croix  que     accorder  ma  demande  ;  je  vous  en  conjure 

vous  êtes  entré  dans  le  ciel,  et  que  vous  en  '  .  .-i      . ».^^a.^ 

avez  ouvert  la  porte;  si  ie  veux  y  avoir  place 
et  y  régner  avec  vous,  il  me  faut  embrasser 
votre  croix  et  la  porter  avec  amour  timt  que 


par  cesangprécieuxquidecouleenabondanco 
de  tant  d'endroits  de  votre  corps  sacré;  je  sup- 
plie la  sainte  Vierge  et  tous  lessaiutadociw 
et  Je  la  terre  de  sejoindreà  moipourobtemrdi 


lOM 


MET 


D'ASCERSIIB. 


TOUS  reffet  de  ma  prière.  CeBt  ainsi  oa  à 
peu  près  qu  oq  pourra  faire  ses  prières  vo- 
cales dans  l*oraisoo. 

Pour  faire  la  méditation,  c'est  un  avan^ 
lage,  sans  doute,  d*aroir  un  bon  esprit  et 
d'être  doué  d'un  l)on  naturel  ;  cependant 
Jl  est  certain  que  cet  eiercice  peut  être 
pratiqué  par  toutes  sortes  de  personnes. 
Les  gens  les  plus  simples  sarent  réfléchir 
è  leurs  affaires  temporelles,  s'occuper  des 
obstacles  à  éviter,  des  mourons  à  prendre,  et, 
s  II  en  est  besoin,  demander  aide  et  secours. 
On  paysan,  par  exemple,  sans  avoir  beau- 
coup d  esprit,  se  souvient  du  temps  où  il 
doit  ensemencer  son  cbamp,  considère  si 
la  semence  est  bonne  ou  mauvaise,  si  la 
terre  est  bien  préparée,  désire  faire  une 
lx>nne  récolte,  et  emploie  pour  cela  les 
moyens  qui  sont  en  son  pouvoir.  Eh  bien , 
ou  II  change  d'objet,  qu'il  réfléchisse  à  l'o- 
bli^tipn  et  aux  moyens  de  conformer  sa 
conduite  à  la  loi  divine,  qu'il  ait  recours  à 
pieu,  et  il  aura  fcit  une  Irès-bonne  médita- 
tion.  La  chose  n  est  donc  pas  aussi  difficile 
qu*on  se  1  imagine. 

^^«r  pouvoir  bien  méditer,  la  lecture  est 
Irès-utile,  sans  doute;  cependant  on  peut 
bien  sans  cela  penser  à  la  mort,  au  jugc- 
ment,  au  paradis  et  à  lenfer;  réfléchir  sur 
les  commandements  de  Dieu  et  de  TEfflise. 
»ar  les  devoirs  de  son  état,  sur  le  seijs  des 
pnèresqu  on  sait  par  cœur,  sur  les  sermons 
et  les  instructions  que  l'on  entend,  sur  ce 

au  on  connaît  de  la  vie  et  de  la  passion  de 
iotre-Seiçneur.  Du  esprit  médiocre,  qui  n'a 
d  autre  science  que  la  connaissance  néces^ 
Mire  de  Dieu  et  de  ses  œuvres,  peut  méditer 
avec  fruit  et  utilité,  comme  paraissent  ras- 
surer les  saintes  Ecritures  qui  nous  disent 
que  Dieu  aime  à  s'entretenir  avec  les  sim« 
P)^-  I-a,^}ence  sans  humilité  est  plus  nui- 
sible qn  utile,  oarce  qu'elle  6te  la  docilité 
et  la  simplicité,  si  nécessaires  pour  cela. 
Chacun  devrait  donc  donner  tous  les  jours 
quelque  temps  à  la  méditation;  car  la  nour- 
nture  de  1  âme  n'est  pas  moins  utile  ni 
moins  nécessaire  que  celle  du  corps;  il 
nous  est  nécessaire  de  méditer  la  loi  de 
Pieu,  d  en  occuper  son  esprit  et  d'y  faire 
répexion.  Or,  sans  la  méditation,  il  est  mo- 
nlement  impossible,  du  moins  très-difficile, 
de  vivre  chrétiennement  et  de  faire  son 
salut. 

-.  F°  *^?®.'»  **  P^"**  ^*^f®  chrétiennement, 
il  faut  éviter  le  mal,  pratiquer  le  bien,  ai- 
mer Dieu  et  lui  être  uni  :  comment  donc  opé- 
rer ces  choses,  sans  Caire  de  sérieuses  ré- 
flexions? 2*  L'Evangile  nous  dea  are  en  mille 
endroits  que  le  salut  est  une  affaire  difficile, 
et  qui  demande  les  plus  grands  efforts  ;  or, 
pour  réussir  dans  une  affaire  difficile,  il  faut 
y  penser  et  s'en  occuper  sérieusement,  et 
<i,^utantplus  sérieusement  que  l'affaire  est 
plus  difficile  et  plus  importante.  3*  Celui 
qui  ne  se  recueille  point  pendant  la  médita- 
tion, pour  demander  à  Dieu  son  secours  et 
la  persévérance,  ne  le  fera  pas  en  un  autre 
temps.  Sans  la  méditation,  on  ne  pensera 
pes  m6me  au  besoin  que  Ton  a  de  demao- 


MST 


1010 


der  des  grâces,  tandis  qu'en  méditant,  on 
verra  ses  besoins,  ses  dangers,  Ja  néces- 
sité de  la  prière ,  on  priera  et  l'on  obtien- 
dra les  grâces  et  le  salut.  (  Fotr  le  moi  Mi- 

DITATIOII.} 

Il  n'est  pas  impossible  de  méditer  lors 
môme  quon  est  surchargé  d'affaires  et 
d  occupations,  si  l'on  est  persuadé  que  le 
salut  est  1  affaire  la  plus  essentielle  et  la 
plus  imporUnie;  que  tout  dans  ce  monde 
n  est  qu  accessoire  au  salut ,  qui  seul  est 
nécessaire;  que  l'intérêt  le  plus  cher  est  ce- 
lui de  notre  âme  ;  que  si  nous  la  perdons, 
tout  le  reste  ne  nous  servira  de  rien  ;  que 
plus  on  a  d'affaires,  plus  on  est  obligé  de 
pner  et  de  méditer,  pour  ne  pas  s'écarter 
de  ses  devoirs,  pour  agir  selon  Dieu  et 
avoir  un  heureux  succès  dans  ses  entre- 
prises. 

Pour  méditer,  on  peut  s'aider  d'un  livre; 
car  une  lecture  de  piété  peut  être  une 
très-bonne  méditation,  si  on  la  fait  avec 
attention  et  recueillement,  et  si  l'on  a  soin 
de  faire  quelques  pauses,  afin  de  s'appli- 
quer ce  qu'on  lit,  dans  le  dessein  d'en 
profiter  et  d'en  devenir  meilleur. 

On  abuse  souvent  de  ce  qu'il  y  a  de 
plus  saint;  on  ne  le  voit  que  trop  dans 
les  sacrements,  dont  plusieurs  font  un  mau- 
vais usage.  Il  en  peut  être  de  même  dans 
la  méditation;  quoique  sainte  en  elle-même, 
SI  Ion  n'y  prend  garde,  on  en  abuse;  et 
1  on  tombe  dans  plusieurs  défauts  qu'il  im- 
porte beaucoup  d'éviter.  Voici  ces  défauts 
et  leurs  remèdes. 

1*  Il  faut  éviter  la  contention  d'esprit, 
une  application  trop  forte,  la  violence  des 
élans  et  l'impétuosité  des  soupirs  ;  tout  cela 
n  est  bon  qu'à  faire  mal  à  la  tête,  è  affai- 
blir le  cerveau  et  è  épuiser  les  forces  phy- 
siques. Le  moyen  de  s'en  préserver  est  de 
s  en  ouvrir  è  uu  sage  directeur  et  de  sui- 
vre ses  avis. 

S*  11  faut  éviter  de  penser  et  de  croire 
que  c'est  assez  do  goûter  quelques  douceurs 
et  de  jouir  de  quelques  consolations,  sans 
se  mettre  en  peine  de  pratiquer  les  vertus 
solides.  La  méditation  n'nst  qu'un  moyen 
de  devenir  vertueux;  on  n'en  profite  queu- 
tant qu'on  y  apprend  à  renoncer  à  soi-même, 
h  se  priver  de  ses  petites  satisfactions,  k 
s'humilier  et  à  se  mortifier  dans  les  occa 
sioos. 

3*  Eviter  l'entêtement,  l'opiniâtreté,  le 
manie  de  tenir  k  ses  sentiments  et  à  ses 
manières  de  voir,  sous  prétexte  qu'on  a 
raison  ou  qu'il  y  va  de  la  gloire  de  Dieu. 
L'entêtement,  toujours  mauvais  et  odieux, 
l'est  surtout  dans  ceux  qui  font  profession 
de  piété,  parce  ciue  le  monde  en  prend  su- 
jet de  se  scandaliser,  de  blâmer  la  vertu  et 
de  dire  qu'il  suffit  d'être  dévot  pour  avoir 
un  caractère  acariâtre  et  diffirilo.  il  se 
trompe,  sans  doute,  ne  voyant  pas  que 
ceux  qui  ont  ces  défauts  ne  sont  pieux  qiron 
apparence;  car  comment  ces  |H*rsounes,  si 
elles  faisaient  bien  leur  oraison,  seraiem- 
elles  entêtées  et  opiniâtres?  On  ne  peut 
manquer  de  douceur  et  de  patience  à  la  vue 


4îll 


Met 


IHCnonABE 


MET 


m\ 


<lft  JéiQS  sûumîf  6l  ob^isëani  h  wt%  propres 
Lourre;)ox,  et  en  «oTigeant  qu'on  a  pour 
dacleur  ei  pour  mattre  eelui  qui  a  dll  :  A^ 
fTtmez  dt  Mût  qu€  J€  êuis  d&ux  ti  kumibU  4ê 
€€tur. 

kr  Ne  pas  se  préfiér^  aux  personnes  qui 
oe  font  pas  de  méditaiion,  m  se  livrer,  par 
com(.arai.soo9  i  des  pensées  d*orgueU  el  dV 
mour-propre;  et  si  Notre-Seigneur  noosac* 
corde  ^quelques  douceurs  et  quelques  con* 
solatioîiSy  il  faut  se  garder  d'en  tirer  vanité 
et  de  se  complaire  en  soi-même.  Ce  serait 
là  un  poison  subti ,  capable  de  vider  ou  de 
corrompre  non-seulement  tous  les  fruits  de 
la  méditation,  mais  encore  notre  vie  tout 
entière.  Nous  sommes  si  misérables,  qno 
tout  peut  nous  être  une  occasion  de  tenta- 
tion el  de  chute  I  Veillons  donc,  et  détiens* 
nous  toujours  de  nous-mêmes,  et  la  médi- 
ation, lQin.d*étre  pour  nous  un  sujet  d'or- 
gueil, nous  servira  d'excellent  moyen  pour 
acquérir  l'humilité  ;  car  c'est  dans  ce  saint 
exercice  qu'on  réfléchit  sur  Jésus  humilié 
et  traité  comme  un  malfaiteur;  qu'on  voit 
Dieu  si  grand,  si  saint  et  tà  magniûqne,  et 
qu'on  se  voit  soi-même  si  petit,  si  pauvre, 
si  coupable  et  si  digne  de  mépris.  Ainsi , 

{»our  une  Ame  è  laquelle  l'oraison  inspire  de 
'orgueil»  combien  d'autres  qui  en  devien- 
nent plus  humbles. 

5*  Il  faut  éviter  de  négliger  sei  devoirs  et 
ses  obligations,  sous  prétexte  de  prendre 
du  temps  pour  l'oraison.  Si  un  élève  qnit* 
tait  sa  classe;  un  confesseur,  son  confession- 
nal ;  un  prédicateur,  sa  chaire;  une  femme« 
son  ménage  ;  ce  serait  un  abus.  Dieu  veut 

2u'on  remplisse  toujours  les  devoirs  de  son 
tat  ;  et  si  l'on  médite,  c'est  yiout  apprendre 
à  les  bien  remplir.  Ce  serait  encore  un  bien 
grand  abus  d'abandonner  l'état  où  la  Provi- 
dence nous  aurait  engagés,  sous  prétexte 
qu'on  se  sent  attifé  è  la  solitude  et  au  re* 
cueillement.  Ceux  qui  agiraient  ainsi  ne  se* 
raient  pas  bien  conduits;  on  parce  qu'ils  se 
conduiraient  eux-mêmes,  ou  parce  qu'ils  ne 
s'ouvriraient  pas  bien  à  leur  directeur. 

6*  Il  faut  enlin  éviter  d'entrer  de  soi-même 
dans  des  oraisons  élevées,  et  de  quitter  la 
voie  ordinaire  avant  qu'il  en  soit  temps; 
agissant  ainsi  non  par  un  véritable  zèle  de 
s'avancer  dans  la  vertu  et  d'aimer  Dieu  da- 
vantage, mais  par  simple  curiosité  et  par 
envie  de  se  distinguer  dans  la  dévotion.  Ce 
procédé  est  plein  de  suffisance  et  de  pré- 
somption, et  ne  peut  avoir  que  dos  suites 
pernicieuses.  11  est  important  sans  doute  de 
ne  pas  toujours  s'arrêter  au  même  état  d'o- 
raison, mais  il  faut  avancer  doucement,  tA 
cher  d'avoir  auparavant  une  bonne  provi- 
sion de  force  et  de  vertu,  et  attendre,  pour 
passer  d'un  degré  dans  un  autre,  ou  que 
Dieu  se  déclare,  ou  qu'un  directeur  expéri- 
menté dise  qu'il  est  temps  de  changer  de 
voie.  — *  Tels  sont,  aveo  les  moyens  de  les 
éviter,  quelques-uns  des  abus  qui  peuvent 
se  glisser  parmi  ceux  qui  s'adonnent  à  l'o- 
raison. 

Les  difficultés  qui  se  rencontrent  dans  rb» 
raison  sont  \  le^  distractions,  les  sécheres- 


ses, Ilmporeté  Je  FAme,  ks  pertéetitions 
da  monde,  les  tentatîoiis  do  oémon.  Bies 
paraissent  d'.it><:rd  considérables; mais snrts 
tont  eiies  n'effraient  que  les  âmes  Ikhes. 
On  B*aequiert  rien  sans  peine,  et  les  mi 
lèvres  ehoscs  sont  les  plus  dilBeilas  è  ac- 
quérir.  La  méditation  étant  aassi  eicel- 
Jente  qn  elle  l*est,  il  ne  faut  pas  s'étonoer 
st  elle  a  des  difficultés. 

L  jûf  éitiraeiimmi.  Ce  sont  des  lm%n  oq 
représentations  qne  l'imagination  sa  forme 
d^objets  ridicules;  las  pensées  od  les  ré- 
flexions dont  lesprit  s'occupe  inQlilemeftt 
et  sans  rapport  è  Tactioii  qu'on  fait,  qui  est 
la  méditation  ;  les  choses  passées  dont  on  se 
souvient  à  oontre4eraps,  les  désirs  friToies 
que  ia  volonté  produit  hors  de  saison.  En 
cela  consistent  les  distractions  qui  font  ii 
grande  peine  des  personnes  d'oraison.  (  f«f. 
U  mot  DiSTBAcnos.  ) 

IL  Lti  seconde  difficulté  qu'on  rencoolre 
dans  l'oraison,  et  qui  est  aossi  lîeheuseqae 
la  première,  œ  sont  les  sécheresses  et  les 
aridités»  qui  consistent  en  des  pnrationsde 
toutes  lumières,  de  toutes  bonnes  pensées, 
de  tout  goût,  de  toutes  eonsolalioDS  et  de 
toutes  bonnes  affections  dans  Toraison.  Cette 
peine  est  difficile  à  supporter,  surtout  m. 
âmes  qui  sont  encore  peu  affermies  dans  le 
bien  et  dans  la  vertu  %  car  elles  sont  d»ns  le 
voie  de  l'oraison  comme  de  petits  enfants 

3ui  ont  l)esoin  de  soutien  pour  marcher,  et 
e  lait  pour  sa  nourrir.  Pour  celles  qoi 
sont  plus  avaneéeSi  elles  en  ont  aussi;  quoi- 
qu'elles en  soient  moins  ébranlées  que  lo« 
premières.  Voici  quelle  est  leur  peine: 
l>ans  être  attachées  ara  consolations,  elif^ 
les  regardent  comme  des  gages  et  des  f^ 
moignages  sensibles  de  ramltlé  de  Dieoi 
en  sorte  qu'en  étant  privées»  elles  eraign^'oi 
de  n'ôtre  pas  bien  avec  Dieu,  et  d'avoir  coo- 
mis  quelque  infidélité  qui  les  ait  éloignéei 
de  lui.  Pour  connaître  si  elles  ont  quel'inc 
raison  de  se  faire  une  peine  iMessus  c>ii 
si  elles  n'en  ont  point»  il  itiadrail  sa^oif 
pourquoi  Dieu  envoie  des  consolalions  et 
des  goûts  sensibles  dans  l'oraisoDi  poarquoi 
il  en  prive. 

Dieu  donne  des  goûts  et  des  coDsolali(Kts 
dans  l'oraison  pour  y  attirer  les  âmes  et  le) 
j  soutenir,  quand  elles  y  sont  une  fois  en- 
trées. Nons  sommes  si  misérables,  qo^^  '> 
nous  ne  trouvions  pas  plus  de  plaisir »Q 
service  de  Dieu  que  dans  rattÀcheroeot  aux 
créatures,  jamais  on  ne  les  quitterait  poor 
se  donner  k  lui  i  Que  fitit  ce  Dieu  de  bonie 
Il  nous  attire  h  lui,  non*seulement  p^ir  Oes 
promesses  qui  regardent  Tatenir,  et  qui  «j^ 
vraient  suffire  pour  engager  à  le  serTir» 
mais  par  les  douceurs  présentes  qu'il  dorw 
pour  lier  plus  fortement  k  lui.  Telles  «taieni 
ces  onctions  dont  il  avait  coutume  d'adouen 
les  supplicesdes  martyrs»  el  qui  leur  fai«««1* 
retrouver  de  la  Joie  eu  milieu  des  tourmen;^» 
les  plus  cruels.  Dieu  en  remplit  soufoni  i^ 
cœur  des  personnes  d'oreison,  eA  soHe  q^^ 
le  temps  qu'elles  mettent  à  ce  saint  eîerti« 
leur  paraît  toujours  fort  court;  ^^^^[^ 
qui  ie  leur  rend  ûlor^  si  aimable^  si  »«• 


IMS 


HKT 


D^ÂSCETISIIE. 


MET 


IM4 


fait  préf)Srer  aux  divertissements  auxquels 
elles  élaieut  autrefois  adonnées. 
Il  n*est  pAS  eipédient  de  demeurer  tou« 

{'ours  dans  ces  consolations  ;  aussi  Toit-on 
^otre-Selgnenr  en  prirer  parfois  ses  meil- 
leurs amiSy  comme  il  pma  autrefois  les 
âpAtres  de  sa  présence  sensible,  qui  leur 
causait  tant  de  consolations,  en  leur  disant  t 
//  est  avantageux  pour  vous  ^uëje  m*en  aille  ; 
nous  devons  donc  croire  qu*il  est  aussi  très- 
i  propos  qu'il  nous  prive  quelquefois  de 
ses  grâces  sensibles. 

9  Dieu  nous  prive  de  ses  grâces  sensibles 
pour  cinq  raisons  principales,  1*  pour  nous 
éprouver.  Il  veut  voir  si  nous  Taimons  vé- 
ritablement, ou  si  ce  ne  sont  pas  ses  dons 
T)ui  sont  plutôt  Tobjet  de  notre  amour;  si 
c*ost  pour  lui  que  nous  méditons  ou  pour 
notre  satisfaction.  Il  veut  voir  si  nous  au- 
rons le  courage  de  le  servir  k  nos  dépens  ; 
il  n'j  a  rien  d'étonnant  à  faire  oraison,  tant 
qu'on  éprouve  des  consolations,  mais  il  y 
a  du  mérite  à  la  faire  quand  il  en  coûte,  et 
qu'on  n'jr  trouve  que  des  difDcuUés.  Si  nous 
la  continuons  dans  la  privation  ,  tout  en 
faisant  ce  que  nous  devons  faire ,  nous 
sommes,  à  la  vérité,  des  serviteurs  inutiles; 
mais  si  nous  )a  discontinuons,  nous  uous 
déclarons  des  mercenaires  et  des  serviteurs 
intéressés 

Sh  Dieu  nous  prive  de  ses  grâces  sensibles 
pour  flou9  enilammer  davantage  dans  son 
amour.  Cela  peut  se  comprendre  par  l'exem- 
ple des  amitiés  mondaines,  qui  se  ralentissent 
par  la  trop  grande  fréquentation,  mais  se 
rallument  par  de  petites  absences  et  par 
des  rebuts  apparents*  Aussi,  sainte  Catherine 
de  Sienne  appelait  les  privations  et  les 
retours  de  la  présence  sensible  de  Notre- 
SeJKoeur  des  jeux  d'amour, voulant  dire  que 
tout  cela  sa  Taisait  pour  euûammer  notre 
amour. 

d*Dleu  nous  prive  de  sas  grâces  sensibles, 
|)ournous  donner  lieude  nous  appliquer  àuue 
Joule  de  bonnes  oeuvres,  qu'on  serait  tenté 
d  abandoonar  si  l'on  était  toujours  attiré 
dans  l'oraisoQ.  Ainsi,  deux  qui  sont  appli- 
qués au  salut  des  âmes  en  quitteraient  le 
soin  ;  ceux  qui  ont  coutume  de  faire  beaii- 
coup  de  bien  dans  la  vUite  des  malades, 
n'iraient  plusles  visiter;  chacun  aurait  envie 
de  sa  conserver  dans  la  solitude,  et  les  boc- 
ues  OBuvres  ne  se  feraient  pas. 

4*  Dieu  nous  priva  de  ses  grâces  sensibles, 
|)Our  nous  en  faire  comprendre  tout  le  prix, 
et  nous  eo  donner  plus  d'estime.  If  est 
certain  que  les  meilleures  choses  dégoûtent 
uuand  elles  sont  trop  fréquentes  ;  les  vian- 
des les  plus  délicates  lassent  par  une  trop 
Krqnde  abondance,  et|  comme  on  dit,  fa 
famUiarUé  engendré  le  mépris.  On  estime  . 
i>ien  plus  las  choses  rares  aue  les  commu- 
nes, quoique  souvent  ces  aernières  soient 
las  meilleures.  11  est  donc  à  propos  que  nous 
aojroos  de  temps  en  temps  privés  des  grâces 
sensibles,  de  peuri  à  la  lodgue,  de  ne  pas  : 
en  avoir  a^sex  ^d'estime,  et  de  ne  pas  en  ,, 
faire  assez  de  cas.  f 

.    £Soânj  Diftn  nous  prive  de  ses  grâces 


sensibles  en  punition  de  nos  infidélités  ;  on 
n'a  pas  fait  un  bon  usage  des  grâces  que 
Dieu  nous  a  données,  il  nous  en  punit  en 
nous  en  privant.  On  ne  peut  pan  toujours 
connaître  si  cette  soustraction  des  grâces 
est  une  punition  ou  non  ;  mais  qu'elle  nous 
en  paraisse  une  ou  qu'elle  n*en  soit  pas,  il 
sera  toujours  bon  de  demander  pardon  des 
infldélites  que  nous  avons  commises,  et 
de  celles  çue  nous  ne  connaissons  pas  ; 
après  quoi  nous  attendrons  patiemment  le 
retour  de  Dieu.  Du  reste,  il  né  serait  pas 
avantageux  de  rejeter  toutes  les  conso- 
lations, aûn  de  n'aimer  que  Dieu  seul^  au 
lieu  de  les  rechercher  avec  empressement  ; 
car  c'est  à  Dieu  de  connaître  ce  qui  nous 
convient;  c*est  è  lui  de  nous  conduire,  et  h 
nous  de  nous  laisser  gouverner^  recevant 
également  de  sa  main  les  consolations  et  les 
privations.  Tel  qui  a  besoin  de  soutien^ 
s*il  rejetait  et  supprimait  les  grâces  sen« 
sibles,  se  ferait  un  tort  notable,  quand  bien 
même  il  aurait  dans  Pesprit  ce  spécieux - 
prétexte  d'adhérer  à  Dieu  seul;  et  tel  autre, 
au  contraire,  en  est  privé  si  à  propos,  que, 
S*il  s'inquiétait  et  se  chsgrioait  de  celte 
privation,  et  agissait  avec  trop  d'empresse- 
ment pour  les  retenir  ou  les  recouvrer,  il 
se  nuirait  considérablement.  Legrand secret, 
c'est  de  se  laisser  conduire  ;  Dieu  sait  par- 
faitement ce  qui  nous  convient  le  mieux, 
laissons-le  donc  faire,  et  tenons-nous  for- 
tement attachés  à  ss  volonté,  en  tout  et  pour 
tout. 

III.  La  troisième  dilDeulté  qu'on  ren- 
contre dans  l'oraison  est  une  certaine 
Mine  h  la  vue  de  Timoureté  de  Tâme, 
lorsqu'on  se  présente  a  Notre-Seigneur 
pour  ce  saint  exercice.  Cette  impureté 
consiste  dans  une  infinité  de  fautes  jour- 
nalières ,  et  dans  une  souillure  et  une 
certaine  difformité  que  Tâme  a  contractées 
par  s%s  chutes  et  ses  infidélités. 

Les  fautes  journalières  sont  un  sujet  de 
peine  pour  Pâme,  parce  qu'elles  lui  sau- 
tent aux  yeux  ;  du  moment  qu'elle  est  en 
oraison,  ce  ne  sont  que  remords  et  que 
reproches  {  il  n'y  a  pas  une  de  ses  fautes 
qui  ne  lui  soit  représentée  ou  qui  ne  la 
tourmente.  Le  remède  è  einplojer  serait 
de  se  repentir  de  ses  fautes  et  de  s'en  humi- 
lier, et  la  peine  cesserait.  Mais  ce  qui  fait 
l'excès  du  tourmeut  de  l'âme,  c'est  qu'elle 
n'a  ni  repentir,  ni  envie  de  se  corriger. 
Elle  en  est  pourtant  pressée  par  Dieu,  qui 
lui  crie  sans  cesse  :  Quille  cette  compagnie, 
abandonne  ce  jeu;,  mais  étant  comme  liée 
et  garrottée  par  ses  fautes,  elle  n'a  pas  le  cou- 
rage de  faire  un  dernier  effort  pour  s'en 
délivrer.  Elle  est  donc  d'un  cOté  comme 
tirée  par  la  grâce  de  Dieu,  qui  demande 
d'elle  des  choses  qu'elle  ne  veut  pas  lui 
donner,  et  de  l'autre  par  ses  liens  qui  là 
retienueht^  et  qu'elle  n'a  pas  ertcore  le  cou- 
rage de  vaincre* 

.  Les  souillures  qui  restent  en  nous  après 
les  fautes  commises  sont  k  l'âme  un  sujet  de 
peine,  en  ce  que  le  but  de  l'âme  dans  l'o- 
raisoa  est  de  s'unir  à  Dieu  ;  mais  ello  en 


1016 


MET 


DICnONNAIAE 


MET 


lOM 


est  souvent  rebutée,  parce  qu*il  est  difficile 
qu'une  âme  encore  teinte  de  ses  souillures 
puisse  s'unir  avec  un  Dion  si  pur  ;  or,  ce 
sont  les  rebuts  de  Dieu  qui  causent  sa  peine 
et  son  tourment.  Le  remède  à  ce  mal  est 
de  se  purifier  dans  les  eaui  de  la  pénitence, 
il  n*est  rien  qui  apaise  Dieu  comme  un 
cœur  contrit  et  humilié.  C'est  aussi  dans 
cette  disposition  qu'on  doit  se  présenter  à 
lui,  autrement  on  n'aura  jamais  d'entrée 
dans  Toraison,  et  tdt  ou  lard  on  la  quit- 
tera, comme  l'expérience  le  fait  voir  trop 
souvent. 

IV.  La  quatri^e  difficulté  qu'on  ren- 
contre dans  l'oraison,  c'est  la  persécution 
dl^^onde,  (jui  a  une  baine  mortelle  pour  la 
pi^é  et  fait  profession  ouverte  de  la  per- 
sécuter; or  la  méditation  étant  un  moyen 
sûr  d'acquérir  la  piété,  il  la  hait  également. 
En  effet ,  il  n'y  a  rien  de  plus  capable  que 
la  méditation  pour  détruire  les  fausses  maxi- 
mes du  monde;  elles  n'ont  point  de  plus 
grands  ennemis  que  ceux  qui  s'appliquent 
a  l'oraison;  c'est  là  qu'elles  sont  examinées 
et  pesées  devant  Dieu;  et  c'est  là  qu'on  en 
connaît  la  vanité  et  qu'on  en  conçoit  le 
dernier  mépris.  Si  les  amateurs  du  monde 
voulaient  se  donner,  tous  les  jours,  la  peine 
de  réfléchir  quelques  instants  sous  les 
yeux  de  Dieu  sur  ce  qu'ils  estiment  et 
aiment,  et  sur  leurs  attachements,  bientôt 
ils  changeraient  de  sentiments  ;  mais  ils  ne 
le  veulent  point  et  dçmeurent  toujours  dans 
leur  erreur.  Ne  pouvant  donc  aimer  ceux 
qui  condamnent  cette  erreur,  ils  les  rail- 
lent et  se  moquent  d'eux  en  mille  0(xasion9  ; 
et  s'il  arrive  qu'une  personne  de  piété 
tombe  en  quelque  faute,  ils  en  triomphent  ; 
mais  contre  leur  attente ,  au  lieu  de  leur 
nuire,  ils  leur  rendent  service,  en  les 
obligeant  à  la  vigilance.  «  Nous  avons,  dit 
sainte  Thérèse,  une  grande  obligation  aux 
gens  du  monde,  qui  ne  laissent  échapper 
aucune  de  nos  fautes  sans  la  critiquer  :  leur 
isalice  nous  sert  i  nous  tenir  sur  nos  gar- 
des. 9  Cette  dilficuité  n*est  pas  très-pénible 
pour  les  flmes  un  peu   généreuses,   mais 

f)0ur  celles  qui  sont  encore  chancelantes  dans 
e  bien ,  elle  les  ébranle  et  trop  souvent 
les  renverse.  Le  remède  à  ce  mal  est  de  se^ 
préparer  à  tout  ce  qu'on  pourra  dire  contre 
nous  et  Tornison;  de1acherde.se  mettre 
dans  la  disposition  où  étaient  les  a()ôtres 
qui  disaient  aux  princes  du  peuple  juif  qui 
leur'  défendnienl  de  ne  plus  prêcher  I  £- 
vanille  :  «  Jug^z  vous-même  «'il  est  plus 
juste  devant  Di<'U   de  vous  écouter  plutôt 

ÎU(>  Dieu.  »  Vous  nous  défendez  ce  que 
•ieu  nous  ordonne  de  faire ,  notre  parti 
est  bientôt  pris  ;  nous  écouterons  Dieu 
et  non  vous-mêmes.  Si  les  persécutions 
continuent,  il  faut  entrer  dans  la  dispo- 
sition de  CQ^  mêmes  npôtres  :  11$  êortaient^ 
dit  le  texte  sacré,  tout  remplis  de  joie  d'a- 
voir été  jugés  dignes  de  souffrir  pour  le  nom 
de  Jésus-christ,  y o'Hh  quels  doivent  être  nos 
modèles  dans  les  petites  persécutions  du 
monde. 
Si  ce  sont  de^  personnes  de  poids  par 


leur  science  et  leur  autorité,  qui  nous  dé- 
tournent de  la  méditation,  il  vaut  mieux 
leur  répondre  par  un  humble  silence  et  par 
une  sensible  compassion  de  leur  aveugle- 
ment que  par  des  raisons.  Coulentons^rous 
de  savoir  que  Notre-Seigneur  a  recom- 
mandé l'oraison  mentale ,  en  nous  prescri- 
vant d'adorer  Dieu  en  esprit  et  en  vérité  ; 
Su'il  a  prédit  que  ce  devait  être  l'exercice 
e  tous  les  bons  Chrétiens  ;  qu'il  l'a  prati- 
qué le  premier,  que  les  apôtres  l'ont  aussi 
pratiqué  après  lui,  et  qu  ils  l'ont  cru  si 
nécessaire ,  qu'ils  se  déchargèrent  sur  les 
diacres  du  soin  des  aumônes ,  pour^donuer 
plus  de  temps  à  la  prière  et  a  l'oraison; 
enfin  que  cet  exercice  a  été  pratiqué  par 
tous  les  Chrétiens.  Renouvelons  alors  en 
nous-mêmes  la  résolution  de  ne  jamais 
l'abandonner,  quoi  au'en  puissent  dire  des 
personnes  respectables. 

y.  La  cinquième  difficulté  dans  l'oraison 
sont  les  tentations  du  démon  qui  s'efforce 
d'eippêcher    qu'on   s'y   applique,  et  oui 
n'oublie  rien  pour  en  détourner.  Outre  les 
distractions   où  il  a  sa  bonne  part,  Til 
donne  de  l'orâison  tant  de  dégoût  qu'il  n*j 
a  rien  qu'on  ne  choisisse  plutôt  que  de  fa 
faire  avec  cette  répugnance.  Sainte  Thérèse 
l'éprouva  pendant  plusieurs  années.  H  faut 
qu'il  y  ait  bien  du  démon  dans  ces  ennuis 
si  étranges;  car  comment  l'entretien  qu'on 
a  avec  Dieu  serait-il  de  lui-même  si  ficbeux, 
puisque  l'Esprit-Saint  nous  assure  çu*il  n'y 
a  rien  d'amer  ni  de  pénible  dans  sa  eonvena- 
lion.  2*11  inspire  une  très -grande  crainte 
qu'on  ne  perde  son  temps,  au'on  ne  passe 
les  heures  qu'on  y  donne ,  dans  une  puro 
oisiveté  ;  cette  pensée  vient  surtout  dans 
les  moments  de  distractions  et  de  sécheres- 
ses ,  et  elle  est  quelquefois  si  forte,  qu'un 
directeur,  avec  toute  son  autorité,  a  bieu  de 
la  peine  à  nous  en  débarrasser.  3*  Le  malin 
esprit  fait  ce  qu'il  peut   pour  nous  jeter 
dans  le  découragement,  nous  mettant  devant 
les  yeux  notre  peu  de  progrès  et  le  nombre 
de  nos  fautes  qui ,  maintenant  aue  nous 
sommes  en  oraison ,  nous  semblent  plus 
grandes  que  lorsque  nous  ne  la  faisions 
pas  ;  non  qu'elles  soient  aussi  nombreuses 
et  aussi  grandes  qu'autrefois ,  mais  c'est 
que  nous  en  avons  une  connaissance  plus 
claire  que  quand  nous  ne  nous  y  appli- 
quions pas.  «*  Il  remplit  notre  Ame  de  scru- 
feules,  nous  faisant  croire  qu'il  y  a  eu  faute 
à  où  il  n'y  en  avait  pas  eu  ,  que  jamais  ou 
n'a  eu  regret  do  ses  péchés,  qu'on  ne  les  a 
pas  tous  déclarés  en  confession,  que  jamais 
on  n'a  eu  un  véritable  propos  de  s  amender, 
qu'on  a  toutes  les  marques  d'un  réprouvéi 
qu'il  n'y  a  point  de  salut  pour  nous,  et 
autres  pensées  semblables  qui  ne  peuvent 
se  guérir  que  par  une  aveugle  soumission 
aux  avis  du  directeur. 

Il  y  a  bien  d'autres  tentations  qu'il  est 
inutile  de  rapporter,  et  le  meilleur  moyen 
de  les  vaincre  toutes,  c'est,  après  s'être  nu- 
milié  devant  Dieu,  de  les  mépriser  et  d'aller 
•  toujours  en  avant,  sans  p^erdre  une  seule 
minute  de  ce  saint  exercioe.  Si  l'on  étail 


IM7 


«OD 


D^ASCETISNE. 


i018 


aMei  !âcbe  pour  TabandoDoer,  k  cause  des 
tetflalions,  ce  serait  doûoer  gain  de  caose 
au  démoD,  et  lui  céder  le  champ  de  bataille. 
Ce  qui  est  dit  des  tentations  s'applique  aux 
antres  difficultés  ;  il  faut  les  mépriser,  n'en 
faire  aucun  cas ,  et  se  souvenir  de  ces  pa- 
roles de  l'Apocalypse':  /e donnerai  auxvic' 
torieux  une  mmme  cachée.  On  peut  bien  as- 
surer qu*elles  s'afljpomplissent  parfaitement 
en  ce  sujet,  et  que  celui  qui  aura  assez  de 
cenrage  |K>ur  sumfonter  toutes  les  difficul- 
tés, qui,  après  tout,  ne  sont  pas  aussi 
grandes  qu'eHes  paraissent  d'abora»  goûtera 
une  Tiande  délicieuse  qu'il  ne  trouvera 
jamais  ailleurs.  Cette  manne,  gue  les  vain- 
queurs et  les  courageux  reçoivent  dans  la 
méditation ,  on  peut  la  goûter,  mais  il  est 
«difficile  de  la  faire  concevoir  k  ceux  qui  ne 
l'ont  pas  éprouvée  ;  car  c'est  ici  que  con- 
viennent bien  ces  paroles  du  Psalmiste  : 
Goûies  ei  voyez  combien  le  Seigneur  e$i  doux. 
Il  dit  d'abora  :  goûtez ,  et  puis  toyez^  pour 
faire  entendre  au'il  faut  pratiquer  l'oraison 
afin  d'en  connaître  les  avantagea. 

Si  uons  sommes  bien  fidèles  à  observer 
font  ce  qui  vient  d'être  dit,  nous  jouirons 
bientôt  de  cette  heureuse  expérience ,  et 
DOua  trouverons  de  si  grands  biens  dans- la 
méditation, que  nous  ne  désirerons  rien  tant 

Ïue  de  nous  v  avancer  de  plus  en  plus, 
ojons  bien  fidèles  k  converser  avec  Jésus 
crucifié,  k  étudier  ses  vertus  et  k  les  imiter 
le  plus  possible.  Ayons  ce  divin  modèle  de- 
vant les  yeux,  rentrons  fréquemment  dans 
notre  intérieur,  même  hors  du  temps  de 
i*oraison ,  et  Ik,  consultons  Notre-Seigneur 
dans  tontes  nos  afiTaires,  dans  nos  doutes» 
DOS  embarras  et  nos  peines  ;  prenons  con- 
seil de  lui ,  disons-lui  :  Mon  Dieul  que  me 
faut-il  faire  en  cette  occasion  ?  que  me  faut- 
il  dire?  Comment  dois-je  me  conduire  en 
cette  rencontre  fftcbeuse  ?  Si  nous  sommes 
fidèles  k  ces  saintes  pratiques,  le  Seigneur 
ne  manquera  pas  de  nous  dire  :  Montez  plus 
haut,  vous  vous  en  êtes  rendu  digne  par 
▼otre  fidélité  k  ce  premier  degré  d'oraison , 
entrez  dans  un  état  plus  relevé,  pour  vous 
instruire  des  autres  degrés  de  cette  sainte 
pratique  et  des  roules  qui  y  conduisent. 
{  Fatr  le$  mois  Affbgtio!!  ,  RscuEiLuaiBirr, 
lIxiOH,  Tbahsfoematioic.} 

MILHARD  (Pierre) ,  né  k  Simorre ,  reli- 
gieux Bénédictin,  prieur  de  Sainte-Dode  au 
diocèse  d'Auch ,  est.  auteur  d'un  ouvrage 
intitulé  :  Le  vrai  guide  des  curés ^  etc.,  qu  il 
fit  imprimer  k  Toulouse,  en  1610. 

MODESTIE  (Vbbtu).  —  La  modestie  est 
une  vertu  qui  modère  les  aeiions  extérieures 
de  rkomme  ei  son  habillement  ^  de  manière  à 
n*offenser  les  regards  de  personne.  Le  fonde- 
ment de  la  modestie  est  dans  rbumilité,  et 
dans  ce  sentiment  que  l'ApAtre  a  ainsi  ex- 
primé :  Qu^aveZ'Vous  gue  vous  ne  Tayez  reçu  ? 
si  vous  Tavez  reçUf  pourquoi  vou9  en  glori^ 
/kr,  comme  si  vous  ne  Paviez  pas  reçut 
(/  Cor.  nr,  7.)  On  la  définit  encore  l'humilité 
mise  en  pratique.  C'est  en  ce  sens  que  saint 
Grégoire  le  Grand  disait  de  la  modestie  : 
Cest  la  gardienne  qui  veille  ei  préside  inié^ 


rieuremeni  à  Tat  rangement  extérieur  des 
corps.  Et  certes  s:  quelqu'un  composait 
d'une  manière  décente  ses  actes  eiténeurs, 
sans  aucun  motif  intérieur  de  vertu,  ou  di- 
rait avec  raison  qu'il  n'agit  pas  par  modes- 
tie, mais  par  une  vaine,  menteuse  et  su* 
perbe  ostentation  de  modestie,  en  un  mot 

gr  hypocrisie:  c'est  ce  gui  a  fait  dire  au 
fe  :  LaÊn  de  la  modestie  est  la  crainte  du 
Seigneur.  IProv.  xxii,  k.) 

La  modestie  a  quelque  chose  de  remar- 
quable et  de  glorieux,  surtout  chez  les  jeu- 
nes ^ens,  k  oui  elle  attire  une  estime  toute 
particulière  de  la  part  de  leurs  supérieurs, 
une  autorité  et  une  faveur  durables  auprèsde 
leurs  condisciples,  et  beaucoup  d'affection 

Crmi  les  hommes.  En  effet,  l'ordre  et  la 
auté  de  l'âme  se  font  voir  par  la  bonne 
tenue  du  corps  et  la  noblesse  des  mouve 
ments  extérieurs  ;  ainsi  l'Apôtre  disait,  en 
recommandant  vivement  cette  vertu:  Que 
votre  modestie  \soit  connue  de  tous  les  Aom- 
flief.  {Phil.  rr.) 

La  modestie  consiste  surtout  dans  Quatre 
choses  :  dans  les  regards,  les  paroles,  le  rire 
et  la  démarche.  Dans  les  regards^  selon  ce 
passage  dé  saint  Grégoire  :  «  Il  faut  répri- 
mer les  regards  qui  nous  entraînent  au  mal,  > 
[L.  Moral.)  Dans  les  paroles^  comme  l'expose 
ainsi  saint  Ambroise  ;  «  Observez  dans  vos 
paroles  nne  juste  mesure;  que  jamais  rien 
d'inconvenant  ne  soit  dans  votre  langage. 
La  modestie  doit  modérer  même  le  son  de 
la  voix,  pour  que  ses  éclats  ne  blessent  ja* 
mais  l'oreille  de  personne.  »  [De  off.)  Dans 
lerirCf  selon  cet  avis  de  saint  Basile  :  «  Ceux 
qui  veulent  pratiquer  la  piété  doivent  se 
se  garder  avec  beaucoup  de  soin  des  éclats 
de  rire  immodérés.  »  {De  reg.)  Enfin,  dans 
la  démarche^  ce  que  le  même  aocteur  expli- 
que en  ces  termes  :  c  Que  votre  démarche 
ne  soit  ni  trop  lente,  pour  ne  pas  indiquer 
un  esprit  dissolu ,  ni  trop  précipitée,  pour 
ne  pas  laisser  voir  le  trouble  des  passions 
qui  agitent  votre  cœur.  »  Cette  vertu  est 
surtout  nécessaire  aux  ecclésiastiques,  que 
l'ApOlre  veut  voir  omis  et  modestes.  {1  Txm. 
lu.j  11  ne  faut  donc  ps  s'étonner  si  saint 
Ambroise  a  repoussé  deux  clercs  d'un  ex- 
térieur peu  soigné  et  plein  de  pétulance  : 
l'événement  prouva  qu'il  avait  oien  jugé. 
(L.  I  De  o/r.,  c.  18.) 

MOlNtô,  ViB  MOïiA^QCB,  MoHisriaBs; 
leur  origine,  leurs  constitutions^  leurs  vœux, 
leur  développement.  —  Ces  trois  articles  se 
tiennent  de  trop  près  pour  pouvoir  être  sé- 
parés. Le  nom  de  moine,  tiré  du  grec  !«•«•(, 
seul,  solitaire,  a  désigné,  dans  son  origine, 
des  hommes  qui  se  confinaient  dans  les  dé- 
serts et  qui  vivaient  éloignés  de  tout  com- 
merce avec  le  monde,  pour  s'occuper  uni- 
quement de  leur  salut.  Dans  l'Eglise  catho- 
lique, on  appelle  moine  bu  religieux  celui 
qui  s'est  engagé  par  vœu  k  vivre  suivant  une 
certaine  règle,  et  k  pratiquer  la  perfection 
de  l'Evangile. 

«  S'il  est  vrai,  comme  on  pourrait  le 
croire,  dit  Chateaubriand,  qu'une  chose  soit 
poétiquement  beltei  eu  raison  de  rantiquité 


1019 


DfCnONXJOBE 


de  son  origine,  il  faut  conirenir  que  la  rie 
iDonastirPie  a  quelqueji  (iroiu  i  notre  admi- 
ration. Elle  remonte  aux  premiers  â.^^es  da 
TnoT.de.  Le  prophète  EHe,  fuyant  la  cûrru|>- 
tfon  d'brar  L  se  relira  îe  long  du  Jourdain, 
fifH  ff  Técnl  dTierbçs  et  de  racines,  aTecquel- 
qttei  disdpf^s.  San.i  avoir  besoin  de  fouiller 
pifis  arant  drins  Thisloire,  cette  source  de$ 
ordres  religifMJi  nous  st-mble  assez  mcrveil» 
leusp.  Que  n'eussent  point  dît  les  poètes  de 
Kl  Grèce,  s'ils  arnient  trouvé  j>our  foodatenr 
des  coll^'ges  sacrés  un  homme  ravi  au  ciel 
dnns  Tin  char  de  feu,  et  qui  doit  reparaître 
sur  la  terre  au  jour  de  la  consommation  des 
sfèflcs?  De  là,  la  fie  monastique,  parua 
h^ritaîre  admirable,  descjjnd  à  travers  les 
prophètes  eC  saint  Jean -Baptiste  jusqa*i 
Jésus-Christ,  qui  se  dérobait  souvent  aa 
monde  pour  aller  sur  les  montagnes.  Bien- 
tôt les  thérapeutes,  embrassait  les  perfec* 
lions  de  la  retraite,  offrirent  près  du  lacMce- 
fis,  en  Egypte,  les  premiers  modèles  des 
monastères  chrétiens.  Enfin,  sous  Paul,  An- 
toine et  Pacdme,  paraissent  ces  saints  de  la 
Tlfébaidc,  qui  remplirent  le  Carmel  et  le 
Liban  àcs  cbefs^'œuvre  de  la  pénitence. 
Une  voix  de  gloire  et  de  merveille  s'éleva 
du  fond  des  plus  affreuses  solitudes.  Des 
musiques  divines  se  mêlaient  au  Droit  des 
eascaties  et  des  sources  ;  les  séraphins  visî- 
taieiit  Tanachorète  du  rocher,  ou  enlevaient 
son  Ame  brillante  sur  les  nues  ;  les  lions 
serraient  de  messagers  au  Solitaire,  et  le) 
corbeaux  lui  apportaient  la  manne  céleste. 
Les  cités  jalouses  virent  tomber  leur  répu- 
tation antique  :  ce  fut  le  temps  de  la  Msnom* 
mée  du  désert  (220). 

«  Marchant  ainsi  d'enchantement  en  en- 
chantement dans  rétablissement  de  la  rit 
religieuse,  nous  trouvons  une  seconde  sorte 
d*orlgine,  que  notis  nommons  locale,  c*esl- 
è^dlfe  cerlaines  fondations  particulières 
d'oftlres  et  de  courents;  ces  origines  ne 
sont  ni  moins  curieuses,  ni  moins  agréa- 
bles que  les  premières.  Aux  portes  mêmes 
de  Jérusalem,  on  toit  un  monastère  bâti  sur 
remplacement  do  la  maison  de  Pllate;  au 
mont  Sinaljo  couvent  delà  Transfiguration 
marque  le  Heu  où  Jehovah  dicta  sa  loi  aux 
Hébreux,  et  plus  loin  s'élève  un  autre  coû- 
tent sur  la  montagne  où  Jésus-Christ  dispa- 
rut de  la  terre. 

«Etquc  de  choses  admirables  TOccident  ne 
nous  morttrc-t'«il  pas  •  à  son  lotir  dans  les 
fondations  des  communautés,  monuments 
de  nos  antiquités  gauloises ,  lieux  consacrés 
par  dintércssantes  aventures ,  ou  par  des 
actes  d'humanité I  L'histoire,  les  passions 
du  cœur ,  la  bienfaisance ,  se  disputent  l'o- 
rigine de  nos  monastères.  Dans  cette  gorge 
dos  Pjrénéea,  voilh  l'hôpital  de  ftonce- 
vaux,  que  Charicmagnc  bfitil  à  Tendroit 
même  où  la  fleur  dos  chf^valiers ,  Roland  , 
termina  ses  hauts  faits;  tin  asile  de  paix  et 
de  secours  marque  dignement  le  tombeau 
du  preux  i  qui  défendit  Torphelin  et  mou- 

(^0)  On  flous  pardonnera  celte  cîialion  un  peu 
f  rofaue  pour  un  Dtclionnalrc  d'anéiime;  nous  n'a- 


roi  pour  sa  pairie*  Aux  iJuineg  dm  loviaes , 
devant  ce  petit  teomle  uia  Seigneur ,  j*ap- 
prends  &  mépriser  les  arcs  de  triompha  dei 
jlarius  et  des  César  ;  je  coolemle  avec  or- 
gueil ce  couvent  qui  vit  un  roi  fru^is  pro- 
poser la  couronne  au  ptas  digiHu  Mais  ai- 
meZ'Vous  les  souvenirs  d'une  antre  sorte  T 
Une  femme  d'Albion,  aorprise  par  oa  sooh 
meîl  mystérieux, croit  voir  en  sod^  la  lone 
se  pencher  vers  elle;  bienlût  il  lui  dalluoe 
fille  chaste  et  triste  comme  le  Qambeaades 
nuits,  et  qui,  fondant  un  monastère ,  ds* 
Tient  l'astre  charmant  de  la  solitude. 

«  On  nous  accuserait  de  chercber  i  sur- 
prendre Toreifle  par  de  dooxaoos  •  si  noos 
rappelions  ces  couvents  à^Àqurn  freUe,  de 
Bel  monte,  de  Fo/omirfiac,  ou  celai  de  la 
Colombe ,  ainsi  nommé  i  cause  de  son  feo- 
dateur,  colombe  céleste  qui  vivait  dans  les 
bois.  La  Trappe  et  le  Paraclet  gardaient  le 
nom  et  le  souvenir  de  Commingea  et  d*Hé- 
loîsc.  Demandez  a  ce  pejsan  ne  rantique 
Neustrie  quel  est  ce  monastère  qa*on  aper- 
çoit au  sommet  de  la  colline ,  il  vous  répon- 
drait :  «  C'est  le  prieuré  des  Deux-ÀmamU.  Ca 
«  jeune  gentilhomme  étantdevena  amoureux 
«  d'une  ieunedamoiselle,  fille  du  châtelain 
«  de  Malmain,  ce  seigneur  consentit  à  accor- 
«  der  sa  fille  à  ce  pauvre  gentilhomme ,  sil 
«  pouvait  la  porter  jusau'au  haut  du  mont.  Il 
«  accepta  le  marche,  et  chargé  de  sa  dame  f 
«  il  monta  tout  au  sommet  delà  collinef  mais 
«  il  mourut  de&tiçue  en  y  arrivant.  Sa  pré- 
«  tendue  trépassa  bientôt  par  grand  déplaisir; 
c  les  parents  les  enterrèrent  ensemble  dans 
<  ce  lieu  •  et  y  firent  le  prieuré  que  vous 
t  royei.  » 

€  Enfin,  les  cœursj  tendres  auront;  dans  To- 
rlgiue  des  couvents  de  quoi  se  satisfaire, 
comme  l'antiquaire  et  ie  poêle.  Voyez  ces 
retraites  de  la  Charité^  des  Pilerms^  du 
Bien-Mourir ,  des  Entcrreurs  de  morh ,  des 
Imenséi ,  des  Orphilins  ;  tinbez ,  si   vous  le 

Souvez,  de  trouver,  dans  le  long  Galaloguo 
es  misères  humaines,  une  souIq  infirmité 
de  TAmo  ou  du  corps  pour  qui  la  religion 
n  ait  pas  fondé  son  lieu  de  soulagemeut  ou 
son  hospice. 
«  Au  reste  les  persécutions  dés  ftomains 


'empire  et  ayant . 

de  la  société,  il  ne  testa  aui  hommes  que 
Dieu  pour  espérance ,  et  les  déserts  pour 
refuge.  Des  congrégations  d'infortunés  se 
formèrent  dans  les  forêts  et  dans  les  licui 
les  plus  inaccessibles.  Les  plaines^  ferlDes 
étaient  co  proie  à  des  sauvages  qiil  ne  sa- 
Taient  pas  es  cultiver,  tandis  ^ue,  sur  les 
crôtcs  arides  des  monts,  habitait  un  autre 
monde,  qui,  dans  ces  roches  escarpées, 
avait  sauvé  comme  d'un  déluge  les  ii.Jcs 
des  arts  et  do  la  civilisation.  Mais  de^mime 
que  les  fontaines  descendent  des  lioux  éle- 
vés pour  fertiliser  les  vallées ,  ainsi  les  pre- 
miers anachorètes  descendirent  peu  à  peu 

Vons  pu  résister  au  plaisir  de  la  donner  loat  en- 
tière* 


de  Jears  baoteurs  «  pour  porter  aux  barba- 
res h  parole  de  Dieu  et  les  douceurs  de  la 
Tie. 

«  On  dira  peut-être  que,  tes  causes  qui 
donnèrent  naissance  î  la  tie  monastique 
nVxistaol  plus  parmi  nous,  les  couvents 
étaient  devenus  des  retraites  inutiles.  Et 
quand  donc  ces  causes  onl-ellcs  cessé?  ITj 
a-t-il  plus  d*orphelins ,  dluQrmes ,  de  roya- 
geurs ,  de  pauvres»  dMnfortunés  ?  Ah  !  lors- 

Sue  les  maux  des  siècles  barbdres  se  sont 
vanouis,  la  société,  si  habile  à  tourmen* 
ter  les  Ames  et  si  ingénieuse  en  douleur, 
a  bien  su  faire  naître  mille  autres  raisons 
d'adversité  qui  nous  Jeltent  dans  la  solitude  I 
Que  de  passions  t^ompées.que  de  senti- 
ments trahis,  que  de  dégoûts  amers  nous 
entraînent  chaque  jour  hors  du  monde  I 

€  C'était  une  chose  fort  belle  que  ces  ntai- 
fons  religieuses  où  l'on  trouvait  une  retraite 
assuré  contre  les  coups  de  la  fortune  et  les 
orages  de  soo  propre  coeur.  Une  orpheline 
abandoDaée  de  U  société.}  à  cet  Age  où  de 
cruelles  séductions  isourient  à  la  beauté  et 
à  l'innocence  »  savait  du  moins  qu'il  3  avait 
oa  asile  où  l'on  ne  se  ferait  pas  un  jeu  de 
la  tromper.  Comme  il  était  doux  pour  ceUe 
pauvre  étrangère  sans  parents  d*entendfe 
retentir  le  nom  de  sceur  hse»  oreilles  1 
Quolle  nombreuse  et  paisible  famille  la  reJi-f 
gion  ne  venait-elle  pas  de  lui  rendre!  Un 
Père  céleste  lui  ouvrait  sa  maison  et  la  re- 
cevait dans  ses  bras. 

<  C'est  une  philosophie  bien  barbare  et 
une  politique  bien  cruelle  que  celles-là  qui 
Ttuleot  obliger  l'infortuné  à  Tîvre  au  miliea 
du  monde.  Ses  hommes  ont  été  assez  peti 
délicats  pour  mettre  en  commun  leurs  vo-» 
luptés;  mais  l'adversité  a  un  plus  noble 
égoîsme  I  elle  se  cache  toujours  pour  jouir 
de  ses  plaisirs ,  qui  sont  ses  larmes.  Sll  est 
des  lieux  pour  la  santé  du  corps ,  ah  1  per^ 
metiez  A  la  religion  d'en  avoir  aussi  pour  la 
santé  de  l'âme;  elle  qui  est  bien  plus  su* 
jette  aux  maladies  »  et  dont  les  inBrmités 
sont  bien  plus  douloureuses ,  bien  plus  ion* 
gucset  bien  plus  difficiles  à  guérir. 

e  Des  gens  se  sont  avisés  de  vouloir  qu*on 
élevât  des  retraites  narfoita/f»à  ceox  quivltu- 
rent.  Certes ,  ces  philosophes  sont  profonds 
dans  la  connaissance  de  la  nature»  hu- 
maine I  C'est-à-dire  qu*ils  veulent  conSer  le 
malheur  à  la  pitié  dkts  hommes ,  et  mettre 
les  chagrins  sous  la  protection  de  ceux  qui 
les  causent.  Il  faut  une  charité  plus  magni- 
fique que  la  nôtre  pour  soulager  Tindigence 
d'une  âme  infortunée  :  Dieu  seul  est  assez 
riche  pour  loi  faire  )*auQiône. 
'  <  On  a  prétendu  rendre  un  grand  service 
aux  religieux  et  aux  religieuses  en  les  for- 
çant de  quitter  leurs  retraites  :  qu'en  est-il 
advenu  ?  Les  femmes  ({ui  ont  pu  trouver  un 
asile  dans  des  monastères  étrangers  s'j  sont 
réfugiées;  d'autres  se  sont  réunies  pour 
former  entre  elles  des  monastères  au  milieu 
du  mondei  plusieurs  enQn  sont  mortes  de 
chagrin  ;  et  ces  TrappisUs  si  à  plaindre ,  au 
lieu  de  profiter  des  charmes  de  la  liberté  et 


D'ASCETISME. 


PIOI  101^ 

de  la  vie,  ont  été  continuer  leurs  macéra- 
rations  dans  les  brnjères  dé  TAnglelerre  et 
les  déserts  de  la  Russie. 

k  II  ne  faut  pas  croire  que  nous  soyons 
tous  nés  pour  manier  le  novau  »  le  mous^ 

3uct ,  et  qu'il  n'j  ait  pas  d  homme  d'une 
élicatesse  particulière  qui  Soit  formé  pour 
Te  labeur  de  la  pensée ,  comme  un  autre  pour 
le  travail  des  mains. 

«  N'en  doutons  point ,  nous  arons  an  Ibnd 
du  cœur  mille  raisons  de  soKtuder  quelques- 
uns  y  sont  entrabiés  par  une  pensée  tour- 
née  a  la  contemplation  ;  d'autres  par  une 
certaine  pudeur  craititive  qui  fait  qu'ils  ai- 
ment à  habiter  en  eux-mêmes;  ènnn,  il  est 
des  âmes  trop  excellentes  qiii  cherchent  en 
vain  dans  la  nature  les  autres  âmes  aux* 
quelles  elles  sont  faites  pour  s'unir ,  et  qui 
semblent  condamnées  h  une  sorte  de  virgi-^ 
nité  morale  ou  de  veuvage  étemel.  C'était 
surtout  pour  ces  âmes  solitaires  que  la  re- 
ligion avait  élevé  ses  retraites. 

<  On  doit  sentir  que  ce  n*est  pas  de  l'his- 
toîro  particulière  ws  ordres  religieux  qu'il 
s^agit  ici,  mais  seulement  de  leur  histoire 
inorale.  Cependant  nous  ne  pouvons  nous 
empêcher  do  fhire  une  observation.  11  y  n 
des  personnes  qui  méprisent ,  soit  për  igno- 
rance, soit  par  préjugés,  ces  constitutions 
sous  lesquelles  un  grand  nombre  de  céno- 
bites ont  vécu  depuis  plusieurs  siècles.  Ce 
mépris  n'est  rien  moins  que  philosophi(iu^ 
et  surtout  dans  un  temps  OÙ  l'on  se  pique 
de  connaître  et  d'étudier  les  hommes.  Tout 
rdli^eux  qui,  au  moven  d'une  haire  ou 
d'un  sac ,  est  parrenu  a  rassembler  sous  ses 
lois  plusieurs  milliers  de  disciples ,  n'est 
point  un  homme  ordinaire ,  et  les  ressorts 

Ïu'il  a  rois  en  usage»  l'esprit  qui  domine 
ans  ses  institutions ,  valent  bien  la  peine 
d'être  examinés. 

tllestdigne  de  remarque,  sans  doute,  que 
de  toutes  ces  règles  monastiques,  les  mui 
rigides  ont  été  le  mieux  observées;  les  Char* 
treux  ont  donné  au  monde  l'unique  esemple 
d'une  congré^tion  qui  S  e&isié  sept  cents 
ans,  sans  avoir  besoin  de  réforme.  Ce  qui 
proure  que,  plus  le  législateur  combat  les 
penchants  naturels,  plus  il  assure  la  duréo 
de  son  ouvrage.  Ceux,  au  contraire,  qui  pré* 
tendent'  élever  des  sociétés,  en  employant 
les  passions  comme  maténaux  de  l'édifice| 
ressemblent  à  ces  architectes  qui  bâtissent 
des  palais  avec  cette  sorte  de  pierre  qui  se 
fond  &  l'impression  de  l'air. 

c  Les  ordres  religieux  n'ont  été.  Sons 
beaucoup  de  rapports,  que  des  sectes  phi- 
losophiques  assez  semblables  à  celle  dcS 
Grecs.  Les  moines  étaient  appelés  philoio- 
phes  dans  les  premiers  temps;  ils  en  por^ 
talent  la  robe  et  en  imitaient  les  mœurs. 
Quelques-uns  même  avaient  choisi  pour 
seule  rè^le  le  Uanuet  d'Epictète.  Sain!  Ba- 
sile établit  le  premier  les  vœux  de  pautreié, 
de  chasteti  et  d^obéissanee.  Cette  loi  est  pro- 
fonde, et  si  Ton  y  réfléchit,  en  verra  que  le 
génie  de  Lycurgue  est  renfermé  dans  ces 
trois  préceptes.  —  Dans  la  règle  de  Sainte 
Beuott,  tout  ist  proscrit; jusqu'aux  looindros 


1 


tm 


MOI 


DICnONNAlRq 


MOI 


iM 


détails  de  la  vie  :  lit»  nourriture^  promenade, 
conversation»  prière.  On  donnait  aux  faibles 
des  travaux  plus  délicats»  aux  robustes  de 

f)Ius  pénibles  ;  en  un  mot»  la  plupart  de  ces 
ois  religieuses  décèlent  une  connaissance 
incroyable  dans  Tart  de  gouverner  les  hom- 
mes. Platon  n'a  fait  que  rêver  des  républi- 
ques» sans  pouvoir  rien  exécuter;  Ss.  Au- 
Î[U5tin»  Basile»  Benoit  ont  été  de  vrais  légis- 
dteurs  et  les  patriarches  de  plusieurs  grands 
peuples. 

«  On  a  bien  déclamé  »  dans  ces  derniers 
temps»  contre  les  vœux  perpétuels»  mais  il 
n*est  peut-être  pas  impossible  de  trouver  en 
leurfaveurdes  raisons  puisées  dans  la  nature 
des  choses  et  les  besoins  mêmes  de  notre 
âme.  --  L*homme  est  surtout  malheureux 
par  son  inconstance  et  l'usage  de  ce  libre 
arbitre  qui  fait  à  la  fois  sa  gloire  et  ses 
maux»  et  qui  fera  sa  condamnation.  11  flotte 
de  sentiment  en  sentiment»  de  pensée  en 
pensée;  ses  amours  sont  mobiles  comme  ses 
opinions»  et  ses  opinions  comme  ses  amours. 
Cette  inquiétude  le  plonge  dans  une  misère 
dont  il  ne  sort  que  quand  une  force  supé- 
rieure rattache  à  un  seul  objet.  On  le  voit 
alors  porter  avec  joie  sa  chaîne  ;  car  Thomme 
inBdèle  hait  pourtant  rinfldélité.  Ainsi»  l'ar- 
tisan est  plus  heureux  que  le  riche  oisif» 
parce  qu'il  est  soumis  à  un  travail  impé- 
rieux qui  ferme  autour  de  lui  toutes  les 
voies  du  désir  ou  de  l'inconstance.  La  même 
soumission  à  la  puissance  fait  le  bien-être 
des  pnfants,  et  la  loi  qui  défend  le  divorce  a 
moins  d'inconvénients  pour  la  paix  des  fa- 
milles Que  la  loi  qui  le  permet.  —  Les  an- 
ciens législateurs  avaient  reconnu  cette  né- 
cessité d'imposer  un  joug  à  Thomme.  Les 
républiques  de  Lycurgue  et  de  Minos  n'é< 
taient  en  effet  que  des  espèces  de  commu- 
nautés où  l'on  était  engagé»  en  naissant»  par 
des  vœux  perpétuels.  Le  citoyen  y  était  en- 

rSéà  une  existence  uniforme  ou  monotone. 
^  était  assujetti  à  des  règles  fatigantes  qui 
s^étendaient  jus(]^ue  sur  ses  repas  et  ses  loi- 
sirs; il  ne  pouvait  disposer  des  heures  de  sa 
journée»  ni  des  âges  de  sa  vie  :  on  lui  de- 
mandait un  sacriGce  rigoureux  de  ses  goûts» 
il  lui  fallait  aimer»  penser»  agir  d'après  la 
loi  »  on  lui  avait  retiré  sa  volonté  pour  le 
rendre  heureux.  —  Le  vœu  perpétuel»  c'est- 
à-dire  la  soumission  à  une  rèçie  inviolable» 
loin  de  nous  plonger  dans  l'infortune,  est 
donc  au  contraire  uue  disposition  favorable 
au  bonheur»  surtout  quand  ce  vœu  n'a  d'au- 
tre but  que  de  nous  défendre  conire  les  il- 
lusions du  monde»  comme  dans  les  ordres 
monastiques.  Les  passions  ne  se  soulèvent 

fuère  en  nous  avant  notre  quatrième  lustre; 
quarante  ans,  elles  sont  déjà  éteintes  ou 
détrompées  :  ainsi  le  serment  indissoluble 
nous  prive  tout  au  plus  de  quelques  années 
de  désirs»  pour  faire  ensuite  la  paix  de  notre 
vie,  nous  arracher  aux  regrets  ou  aux  re- 
mords» le  reste  de  nos  jours.  Or»  si  vous 
mettez  enbalancejes  maux  qui  naissent  des 
passions  avec  le  peu  de  moments  de  joie 
qu'elles  vous  donnent»  vous  verrez  que  le 
Yœu  perpétuel  est  encore  un  plus  grand 


bien»  même  dans  les  plus  beaux  instants  de 
la  jeunesse.  —  Supposons  qu'une  religieuse 
pût  sortir  de  son  cloître  à  volonté,  nous  de- 
mandons si  elle  serait  heureuse.  Quelques 
années  de  retraite  auraient  renouvelé  pour 
elle  la  face  de  la  société.  Au  spectacle  ii 
monde,  si  nous  détournons  un  moment  la 
tête,  les  décorations  changent»  les  plaisin 
s'évanouissent;  et  lorsque  nous  reportooi 
les  yeux  sur  la  scène  »  nous  ne  voyons  plu!  i 
que  des  déserts  et  des  acteurs  inconnus.     I 

c  On  verrait  incessamment  la  folie  dt 
notre  siècle  entrer  par  caprice  dans  les  cou* 
vents  et  en  sortir  de  même.  Les  cœurs  agi* 
tés  ne  seraient  plus  assez  longtemps  aupr^ 
des  cœurs  paisibles  pour  prendre  un  peu  d« 
leur  repos»  et  les  âmes  sereines  auraient 
bientôt  perdu  ]e  calme  dans  le  commerce 
des  âmes  troublées.  Au  lieu  de  promener 
en  silence  leurs  chagrins  passés  dans  les  abris 
du  cloître»' les  malheureux  iraient  se  racon- 
tant leurs  naufrages  et  s'exdtant  peut-Aire 
encore  à  braver  les  écueils.  Femme  du 
monde ,  femme  de  la  solitude  »  l'infid^e 
épouse  de  Jésus-Christ  ne  serait  propre  ni  à 
la  solitude»  ni  au  monde;  ce  flux  et  reflux 
des  passions,  ces  vœux  tour  à  tour  formés 
et  rompus»  banniraient  des  monastères  la. 
paix»  la  subordination,  la  décence  ;  ces  retrai- 
tes sacrées,  loin  d'offrir  un  port  assuré  à  nos 
inquiétudes»  ne  seraient  plus  que  des  lieux 
où  nous  viendrions  pleurer  un  moment  Tin- 
constance  des  autres»  et  méditer  nous-mi- 
mes  des  inconstances  nouvelles. 

c  Mais  ce  qui  rend  le  vœu  perpétuel  de  la 
religion  bien  supérieur  à  l'espèce  de,  vœu 
politique  du  Spartiate  et  du  Cretois,  c*est 
qu'il  vient  de  nous-mêmes,  ne  nous  est  im- 
posé par  personne»  et  présente  au  cœur  une 
compensation  pour  ces   amours  terrestres 

9ue  l'on  sacriQe.  11  n'y  a  rien  que  de  grand 
ans  cette  alliance  d  une  âme  immortelle 
avec  le  principe  éternel  ;  ce  sont  deui  natu- 
res qui  se  conviennent  et  qui  s'unissent.  Il 
est  sublime  de  voir  l'homme»  né  libre,  che^ 
cher  en  vain  son  bonheur  dans  sa  volonté; 
puis»  fatigué  de  ne  rien  trouver  ici-bas  qui 
soit  digne  de  lui»  se  jurer  d'aimer  à  jamais 
l'Etre  suprême»  et  se  créer  comme  Dieu, 
dans  son  propre  serment»  un»  nécessité.  > 

Mais  ce  n'est  point  ainsi  que  nos  rationa- 
listes contemporains  comprennent  la  ?ie  mo- 
nastique. Peu  contents  d'en  flétrir  les  prati- 
ques et  les  maximes  les  plus  saintes,  ils  veu* 
lent  saper  l'édifice  par  la  base,  l'allaqaer 
dans  son  origine  en  montrant  la  vie  monas- 
tique, non  plus  comme  une  inspiration  du 
Verbe  divin,  mais  comme  une  importation 
étrangère,  et  une  production  naturelle  du 
mysticisme  oriental.  C'est  à  repousser  cette 
erreur  que  M.  l'abbé  Cbassay»  dans  ses  es- 
sais sur  le  mysticisme,  a  particulièrement 
consacré  son  talent.  Voici  comme  il  s*ex« 
prime  : 

«  Un  grand  nombre  de  savants  avouent 
volontiers  que  l'Eglise  primitive  fit  de  cou- 
rageux eSbrts  pour  repousser  l'invasion  du 
quiétisme  oriental  qui  s'efforçait  sans  cesse 
de  pervertir  l'enseignement  du  Sauveari 


-  -■.»►■• 


losi 


loi 


b'ASCETlSMEl 


MOI 


«M 


mais  ils  aTaneent  ensoite  que  celte  résis- 
tauce  ne  fut  que  momentaoee,  que  les  cir- 
coDStances  deTinrent  auiu*  siècle  tellement 
faTorables  qu*il  fut  impossible  d'empêcher 
le  mjslicisme  le  plus  eitniTagant  d'entraî- 
ner dans  de  tristes  aberrations  les  défenseurs 
las  plus  émînents  du  christianisme  (221). 
En  effet ,  quand  la  doctrine  de  Jésus-Chrisl 
eut  jeté  en  Egypte  de  profondes  racines,  la 
quiélîsme  orientai  fit,  dès  les  premiers  temps» 
de  perpétuelles  tentatives  pour  la  transfor- 
mer. Sans  doute  les  Chrétiens  résistèrent 
jusqu'à  un  certain  point  à  ces  audacieuses 
innovations  ;  mais  ils  cédèrent  peu  à  peu  à 
l'esprit  du  siècle  et  s'approprièrent  insensi- 
blement les  principes  ascétiques  de  leurs 
adversaires.  On  recommanda  le  célitiat 
comme  un  état  de  plus  haute  perfection, 
on  admira  les  pénitences  et  les  mortifica- 
tions Tolontaires,  on  parla  de  science  intui* 
tive  surnaturelle  obtenue  par  ceux  qui  au- 
raient purifié  l'Ame  en  domptant  les  sens  et 
en  exténuant  le  corps. 
«  L'admiration  générale  que  les  saints 

■  anachorètes  et  cénobites  excitèrent  parmi 

■  le  peuple  fit  répandre  leur  genre  ae  vie 
«  dans  le  monde  cnrétien,  et  c^t  ainsi  que 
«  des  principes  tout  à  fait  étrangers  au 
«  christianisme  de  l'Evangile,  comme  ils  le 
«  furent  plus  tard  à  l'islamisme  du  Koran, 
«  pénétrèrent  dans  ces  deux  religions  et  y 
«  répandirent  la  Tie  ascétique  et  monasti- 
«  que.  »  (  BocHiHGEm,  La  vie  eoniemplaiivtp 
ateéiique  et  monasiique  chez  Uê  Indous.  Con- 
rlusion.  )         ^ 

«  Mais  il  s'en  faut  bien  que  le  gnosti- 
cisme,  qui  altéra  si  profondément  l'essence 
du  christianisme,  fût  un  accident  isolé  dans 
rhistoire  de  l'esprit  humain  ;  depuis  long- 
temps les  doctrines  hindoues  s'étaient  re- 
pauflues  en  Egypte,  quand  l'Evangile  s'y 
élablit.  Elles  avaient  envahi  non*seuiement 
les  écoles  païennes  ;  mais  un  grand  nombre 
de  Juib,  surtout  les  Esséniens,  les  avaient 
réalisées  en  adoptant  la  Tie  contemplative, 
avant  la  prédication  do  christianisme.  Il  ne 
faut  donc  pas  s'étonner  si,  dès  l'origine,  les 
docteurs  chrétiens  de  l'école  d'Alexandrie 
subirent   si   profondément  l'ioDuence   du 

auiélisme  oriental.  Clément  et  Origène,  le 
eroier  surtout,  mêlèrent  à  renseignement 
éTangélîque  une  multitude  d'éléments  étran- 
gers. 11  se  fit  d'ailleurs,  au  sein  des  masses, 
un  mou vemeot  spontané  qui  contribua  puis- 


ai) C*esl  Ué  ropinîoo  présentée  sovs  des  foi 
très-variées  |»ar  une  maltîiade  de  rationalistes  coo- 
lenporains.  —  Cf.  Cocsi!i,  Hiêiaire  de  la  pkUwopkie 
9M  xvm*  nèeU^  sartoot  ix«  leçon,  et  Fragments  pai- 
laMwAi9«ef,n,3e6.<— PAOTUtm,  Tao-ie^Kmg^  chip.  n. 
— MiCKLKT,  aietûire  ée  Framee,  t.  1 .  f  12,113.  ^ 
Pîene  Lsaoux  et  Jeaa  Rsthau»,  Emcfciapédie  moii- 
fteUe^  articles  Bankemr^  CUi^  Saha  Auputm,  —  Les 
protestaats  aacteiis  et  modernes  partagent  eeue  ma- 
nière de  voir.  —  Cf.  Mosanii ,  BtUoire  eccUnoMii' 
9«f,  n«  siècle.  —  BaocEUt  Hitunre  ée  U  pkilot4H 
pkie^  III.  —  JocjFFBOT,  Comn  ée  éroit  maurH,  iv*  et  v« 
leçons,  n*a  fait  ijoe  Im  exacérer.  —  M.  Bochinger, 
écrivain  proietlanl,  a  svivi  Mosbeim  et  Bmeker  dans 
•on  livre,  trèa-iavant  d^aîOeurs,  sar  la  vie  oontem- 
plalha  CI  mystique  ches  les  Indous. 


samment  k  jeter  la  religion  nouvelle  dans 
des  voies  inconnues  qu'elle  avait  essayé 
d'éviter  jusqu'alors  avec  une  prudence  soup- 
çonneuse. 

«  La  société  romaine,  fortement  ébranlée, 
croulait  dans  sa  base;  le  christianisme,  qui 
avait  tenté  de  ressusciter  ce  monde  condamné 
en  y  introduisant  le  mouvement  et  lâchante, 
commençait  à  désespérer  de  son  œuvre.  Ce 
fut  alors  que  du  soin  des  tombeaux  et  des 
ruines  qui  couvrent  la  terre  d'Egypte,  du 
milieu  des  déserts  de  sable,  s*éleva  une  non- 
Telle  génération  de  Chrétiens,  ardente  et 
Tisionnaire,  qui,  è  force  d'enthousiasme  et 
d'énergie,  parvint  à  discréditer  la  doctrine 
des  bonnes  œuvres  et  à  endormir  pour  des 
siècles  la  société  au  sein  des  élans  d  un  mys- 
ticisme frénétique.  Les  Antoine,  les  Hila- 
rion,  les  Pacdme,  les  Théodore,  les  M acaire» 
furent  les  organisateurs  du  liouvel  Evangile 
qui  renversait  dans  ses  bases  sacrées  la  ooc- 
trine  profondément  sociale,  Téritablement 
civilisatrice,  que  le  Christ  et  les  apAtres 
aTaient  annoncée  à  la  terre.  C'est  alors  que 
commencèrent,  au  sein  du  christianisme, 
des  jeûnes  extravagants,  ûes  mortifications 
effrénées,  un  enthousiasme  sans  règle  pour 
la  solitude,  le  célibat,  la  vie  contemplative^ 
en  un  mot  pour  toutes  les  pratiques  inventées, 
dans  les  monastères  de  l'Inde,  par  le  quié* 
tisme  des  brahmanes.  On  trouve  toutes  ces 
assertions  même  dans  les  livres  élémentai* 
res  destinés  à  la  jeunesse  catholique  de  nos 
écoles. 

«  C'est  dans  l'Orient  et  avant  le  cbristia- 
cynisme,  dit  M.  Desmichel,  qu'il  laut  cher- 
«  cher  les  causes  de  la  vie  erémitique.  La 
«  même  exaltation  qui  avait  enfanté  les 
«  i^ves  des  gnostiques  donna  naissance  au 
«  monachisme.  Les  Juifs  avaient  au  leurs 
«  esséniens  et  leurs  thérapeutes,  qui  vivaient 
c  à  l'écart  des  autres  hommes  et  aspiraient, 
c  par  les  pratiques  les  plus  rigoureuseSi  à 
«  une  penection  surhumaine....  Le  mjsti- 
c  cisme  des  premiers  siècles,  né  de  l'allianoe 
c  du  py thagorisme  avec  la  philosophie  orien- 
c  taie,  et  mis  en  honneur  par  Origène,  fit 
«  revivre  la  discipline  des  thérapeutes;  les 
«  persécutions  de  Dèce  et  de  Dioclétien  lui 
«  donnèrent  de  nombreux  adeptes.  Dès  lors, 
«  la  Tie  contemplative,  décorée  du  nom  de 
«  philosophie  divine,  fut  embrassée  stoc 
a  ardeur  par  une  foule  de  Chrétiens  exaltés 
«  ou  Dusillanimes  (222).  > 

(222)  DKsncBCLS,  kiamre  jêmirale  eu  mogem 
dfc,  405,  404.  Cependant  M.  iKesmicbeb  noos  per- 
meura  de  ne  pas  partager  son  indignai  on  singulière. 
En  cflel,  si  nous  svions  quelque  envie  de  paruger 
son  antipathie  pour  1»  institutions  monastiq^uea» 
nous  serions  arrêtés  par  cei  aveu  dont  nous  rélirtiona 
sa  loyauté  :  c  Comme  c*esl  do  sein  des  inoasstérci 
c  que  sortirent  les  plus  ardcnla  promoteurs  de  la 
f  loi ,  les  Pfocrés  de  Tordre  monastique  suivirent 
c  ceoxdo  Cbfistianlsme.  >  (DEsnoBLS ,  409.)  — 
Nous  recommandons  ae  fait  à  ceui  qui  veuieni  noua 
débarrasser  des  moines  pour  rendre  service  à  b  caaae 
de  rEglise!  Lni  petisée  de  M.  Desmidiels  à  éié  déve- 
loppée par  le  R.  P.  LacorJaire  avec  son  éloquence 
oniîiiaire  :  c  Les  ordres  religieux  devinrent  les 
I  iMnibiresordîBairesderaposiolaieldelaacieaoe 


Avii 


m 


DICTIONNAIRE 


«01 


m 


«  Nou9  pensons  arolr  présenté  dans  todte 
sa  force  la  suite  des  objections  dé  nos  ad- 
versaires. Nous  croyons  même  leur  avoir 
donné  plus  de  vigi^eur,  parce  que  nous  aVoris 
Téuni  toutes  les  difficultés  quon  a  mises  en 
atant  sur  cette  matière»  depuis  Mqsheim 
jusqu'à  JoufiRroy.  Mais  ce  brillant  échafau- 
dage, construit  ]^ar  Timagination  de  nos 
edrersaires,  peut-il  tenir  devant  le  sérieux 
eiamen  d'une  science  Impartiale  et  com- 
plète?.... 

«  Nous  concéderons  Tolontiers  h  nos  ad- 
versaires que  la  vie  monastique  est  plus 
ancienne  que  le  Christianisme;  mais  la 
conclusion  qu'ils  en  tirent,  qu'elle  a  pris 
son  oripine  Sans  le  brahmanisme  ou  oans 
le  bouddhisme,  nous  parait  complètement 
Insoutenable.  Si  Ton  avait  porté  dans  ces 
graves  questions  toute  Taltention  qu'elles 
méritent»  on  aurait  dû  s'apercevoir  que,  bien 
des  siècles  avant  la  prédication  chrétienne, 
la  vie  monastique  s'était  constituée  au  sein 
même  du  mosaïsme|  non  pas  par  l'influence 
de  la  philosophie  hindoue,  mais  ^ous  fins- 

Ei ration  des  nommes  les  plus  recommandâ- 
tes nar  leur  zèle  pour  I  unité  de  Dieu,  et 
dont  la  mémoire  est  restée  à  jamais  célèbre^ 
h  cause  des  luttes  courageuses  qu'i]s  ont 
'Soutenues  contre  le  paganisme  et  l'imraora- 
lilé.  G*est  aiifsi  que  furent  fondées  lés  écoles 
des  prophètes  :  ce  fut  celte  grande  institu-* 
lion  qui,  en  se  développante!  en  s'harmQ- 
nisant  avec  les  principes  du  Christianisme, 
fut  le  véritable  point  de  départ  de  la  vie 
monastique..... 

<  Quelles  sont  ]es  bases  essentielles  de  la 
vie  monastique?  Sans  doute,  depuis  Torigine 
du  Christianisme,  ce  genre  d'existence  s'est 
révélé  ^ous  des  formes  singulièrement  va- 

dfvînê  SMS  la  JovidiDlloii  de  l^pIsoaMt.  Aox  firérés 
préciieart  m  joignirent  bîMtdl  les  rréres  mineurs 
de  fiftîQWFraiiçoiSi  que  seiWrehl  plus  lard  d'au- 
tres congrégations ,  selon  les  (einps  ei  les  besoins. 
L*hisloîre  à  racolé  leurs  travaux,  pes  bérc^ies 
formidables  s'élevèrent,  des  inondes  nouveaux 
se  (iécouvrirenl  ;  mais  dans  les  régions  de  la  pen- 
sée comme  survies  flois  de  la  mer,  nul  navigateur 
?hé  pot  aller  aussi  loin  que  le  dévouement  on  la 
dèoirtne  des  ordres  rellgleoic.  Tous  les  rivages 
ont  gardé  te  traoe  de  leur  sang,  et  tous  les  écbos 
le  son  de  leur  voix.  L'indien ,  poursuivi  comme 
vae  bile  feuve ,  a  irouyé  qn  asile  sous  leur  froc; 
le  nègre  a  encore  s«r  son  oou  la  marque  de  leurs 
embrassements  ;  le  Japonais  et  le  Cbinois ,  séparés 
du  reste  de  la  terre  par  la  coutume  et  Torgueil 
encore  plus  que  par  le  cbemin,  se  sont  assis 
pour  entendre  ces  merveilleux  étrangers;  le 
Gange  le^  a  vus  oommiiniquer  aux  parlas  la  sa- 
gesse divine  ;  Içs  ruines  de  Babylone  leur  ont  pré- 
té  ufie  pierre  pour  se  reposer,  et  songer  uu 
moment .  en  s^essuyabt  le  front ,  aux  jours  anciens, 
quels  sablés  et  quelles  (prél9  les  ont  ignorés? 
Quelle  langue  est-ce  qu^lls  n'ont  pas  parlée?  Quelle 
maie  d|3  l  àme  et  du  corps  n'a  senti  leur  main? 
Et  pendant  quUIs  faisaient  et  refaisaient  le  touf 
dû  monde  sous  tous  lés  pavillons,  leurs  frères 
portaient  la  parole  dans  les  conseils  et  sur  loç 

«laces  publiques  de  l'Europe  ;  ils  écrivaient  de 
•ieu  en  mêlant  le  génie  des  Pères  de  FEglise  à 
celui  d'Aristole  et  de  Platon ,  le  pinceau  à  la 
j4|iq^e,  le  ciseau  du  seulpteur  au  compas  de  Tar- 
cbitécte ,  élevant  sous  toutes  formes  ces  fameuses 


riées.  appropriées  au  besoin  des  temps  et 
au  geni^  des*  neuples  (223.)  Mais,  au  milieu 
de  ces  modiflcatfons  pleines  d'intelligence 
et  d'avenir,  le  fond  môme  de  rinsliiulion 
n*a  pas  changé  :  elle  a  toujours  reposé  sur 
^obéissance,  la  mortification  et  le  célibat. 
Or,  i\  est  surprenant  que  les  écrivains  pro- 
testants, en  condamnant  ces  trois  règles 
fondamentales  de  la  vie  parfaite  (224},  n'aient 
pas  vu  qu'il  faut  faire  retomber  celte  con- 
damnation sur  le  Fils  de  pieu,  sur  celui-là 
même  qui  est  la  voie,  la  vérité  et  la  vie  1 
Quant  aux  rationalistes  décidés,  Taolipathie 
qu'ils  ont  toujours  professée  pour  l'obéis- 
sance, la  pénitence  et  la  chasteté,  devait 
mener  tOt  ou  tard  à  la  réhabilitation  de  ta 
chair,  è  la  religion  du  plaisir,  à  toutes  les 
folles  rêveries  dont  les  sectes  communistes 
donnent  aujourd'hui  à  l'Europe  justement 
effrayée  le  triste  et  dégoûtant  spectacle  (525). 
Le  rationalisme  a  cru  en  vain  pouvoir  de  ses 
mains  téméraires  partager  en  oeui  la  doctrine 
évangélique,  sans  s'apercevoir  qu'enlever 
une  pierre  de  cet  édifice  divin,  c'est  le  faire 
crouler  à  l'instant  et  écraser  sous  ses  ruines 
la  morale  et  la  société.  (Cf.  Tadmirable  tra- 
vail de  M.  l'abbé  Gerbet,  Rapports  du  ra- 
iionalisme  avec  le  communisme^  dans  VUni- 
versité  catholique,  xxix.]  ta  société,  en  effet, 
Tie  vil  que  par  le  cfévouemeul  :  et  la  jiau- 
treté,  l'obéissance,  le  célibat,  la  pénitence 
volontaire,  n'est-ce  pas  lo  dévoueraenl  dans 
son  expression  la  plus  élevée  et  la  plus  su- 
l)lime?  n'est-ce  pas  Timmolatlon  conslanle 
de  soi-même,  sous  toutes  les  formes  et  à  tous 
les  instants?  n'est-ce  pivs  le.  sacrifice  de  ce 

3ue  la  personnaUté  a  de  plus  profond  et 
e  plus  intime  7  Je.  ne  suis  donc  pas  surpris 
si  les  société^  qui  ont  méconnu  ces  crin- 

c  sommée  tbéologlqrtee,  dfversee  par  leors  maté* 
I  Haui ,  tmiques  |»er  h  pensée,  que  notre  sièckt  se 
I  reprend  à  Ùre  ei  à  aioMr,  Vt  quelque  cM  qu*oi 
«  leganle»  les  ordree  religieux  Ont  rempli  de  lesn 

<  aciiona  lea  eix  première  aîèclee  de  rËgliM,ei 
f  sauvé  s;\  puig$auce  en  bulle  à  dea  événeaieiiK 

<  que  répiscopal  toui  seul  n^aurait  paa  coi\ittrés.  > 
(Le  P.  LACORt)AiR£. ,  Mémoire  pour  le  rélabliuc- 
ment  ée$  Frères  Prêcheurs,) 

(235)  I  De  là  fient,  dit  très«bîen  M.  Maniii 
I  Doixy ,  la  puissance  do  son  action  et  de  sa  graa« 
c  denr.  ^  (Martin  Uotet ,  Ofimn$9  el  fonàewunftdt 
i«  iibêTlé,  c/e  PépalUé  ei.  dé  la  fruurtûié  parmi  lt$ 
fkomm^ê ,  U(re  111,  §  i ,  foriBe$  divecaca  de  la  no- 
pa&UGi(é.\ 

(224)  De  lels  excès  ne  surprendront  pas  quand  on 
voudra  bien  se  rappeler  les  origraot  du  proicfitaii- 
Usmes.  Quel  a  éié  en  effei  son  premier  apétre?  Lai^ 
sous  répondre  un  démagogue  célèbre  qui  féfaie  ea 
Quelques  mois  les  Mémmss  d^  ijuker  éà  IK  Mioll^ 
lei  :  I  Lulber ,  perseuuiUcaliuu  de  U  iUi^rlél  au 
c  pourceau  d'Islpicure,  un  grossie  Silène»  Ha saijM 
.c  immonde  :  flagorneur  rampant  de  tous  les  f  riscesi 
c  ennemi  acharné  des  franeUea  conséquences  di 
f  son  propre  principe,  iLaumaiurge  aMrdel  » 
{L.  Auguste  BLàMQDi ,  iMir^  cHfe.  dan^  PAmidêt» 
reliaiouj  du  6  décembre  iS4d.^ 

(il^)  i  Ces  asseriiens  auraient  be««nt  ^  ^'^ 
de  leur  gravité»  d'Eure  appuyées  ^r  les  preu?es  \^ 
plus  fortes  ;  mais  |iqu#  ne  eroyenjs  paa  deieir  y  n* 
venir  ici,  parce  que  noua  Taveaa  déj4  faitjeiiigli^ 
ment  dans  la  Pureté  df  ùpwk  I 


vàcgnsiOL 


«oi 


itSG 


tiipei  admirables  te  aoni  affâisaéei  rapide* 
ment  an  sein  de  l'égolsme  et  de  la  co^rup- 
lion.  En  proscrivant  le  sacriGcCt  elles  ont 
proscrit  l*B?angile  lui-même.  Biles  ont  arrèlé 
dans  les  veines  da  coms  social  la  sève  gé* 
nëreuse  qai  faisait  sa  forme  et  sa  Yie.  Sans 
doute»  il  est  fiiciie,  dans  d'éloquentes  déela- 
mations,  de  protester  an  nom  de  la  raison 
et  de  la  nature  contre  fe  mysticisme  é? ange- 
lioue;  mais  ce  qui  est  t>ediicoup  moins  fa- 
cile, c'est  de  faire  vivre  les  sociétés  sans  que 
personne  consente  è  s'immoler  pour  la  justice 
et  pour  la  vérité.  Les  moines,  qui  n'étaient 
pas  profonds  philosophes,  mais  qui  étaient 
inspirés  par  un  génèrent  instinct,  ont  bien 
mérité  de  Thumanité  et  de  l'avenir  en  fou- 
lant sous  leurs  pieds  victorieux  les  résis- 
tances de  l'égolsme,  afin  de  combattre  par 
d*héroique8  exemples  les  séductions  du' sen- 
sualisme et  les  illusions  de  Torgueil.  ils  se 
sont  considérés  ôomme  des  soldats  réservés 
à  des  combats  sublimes,  et  qui  devaient  ter- 
rasser tout  à  la  fois  les  passions  de  l'esprit 
et  de  la  chair.  Qu'on  ne  se  figure  pas  que  ce 
9oit  II  un  idéal  créé  par  notre  imagination. 
Dès  les  premiers  développements  de  la  vie 
monastique,  un  illustre  €locteur  qui  a  exercé 
sur  les  solitaires  d'Orient  une  immense  in- 
fluence (226),  leur  adressait  des  paroles  qui 
ressemblent  très-peu  aux  doctrines  des  quié- 
tistes  de  l'Inde  : 

c  Athlètes  ouvriers  de  lésus-Christ,  leur 
«  disait-il,  vous  vous  êtes  engagés  h  lut 
«  pour  combattre  tout  le  jour,  pour  en  sup- 
m  porter  toute  la  chaleur.  Ne  cherchez  pas 
^  de  repos  avant  la  fin  du  jour.  Attendez  le 
«  soir,  c'est-à-dire  la  fin  de  la  vie,  l'heure  à 
c  laquelle  le  père  de  famille  viendra  comii- 
«  fer  avec  vous/  et  vous  paiera  vctre  sa- 
«  taire.  »  (Saint  Basile,  cite  et  traduit  dans 
Ifartin  Doist,  Origines  et  Bistairt  de  la 
Charité.) 

c  M.  Martin  Coisy  commente  ainsi  ce 
beau  passage  :  «  Un  soldat  ne  bâtit  pas  de 
€  maisons  et  ne  s'embarrasse  pas  d'acheter 
t  des  terres  ;  il  ne  s^ingère  pas  de  commerce 
c  et  de  traQc.  Il  .ne  s'embarrasse  pas  dans 
«  les  emplois  de  la  vie  civile,  afin  de  ne 
c  s'occuper  qu'à  satisfaire  celui  qui  l'a 
c  enrôlé.  Un  soldat  est  nourri  da  pain  du 
c  roi  ;  il  n*a  pas  à  s'occuper  de  sa  nourri- 
c  ture.  Les  ordres  du  roi  lui  font  ouvrir 
c  toutes  le^  portes  des  maisons  de  ses  su- 
«  jets,  dan$  toute  l'étendue  de  $es  Etats.  Il 
€  n'a  donô  pas  è  s'occuper  de  son  loge- 
«  ment.  Il  plante  sa  teulc  aur  milieu  des 
€  places  publiques.  II  règte  sa  nourriture 
«  sur  ta  seule  nécessité.  11  oê  boit  que  de 
c  Peau  et  ne  dûrt  qu'autant  que  la  nature 
«  l'exige.  II  fait  dé  fréquents  voyages  et 
€  veiUe  dei  ituiu  ealiàfe««  U  ^^'end^rett  au 
c  «baud  e4  m  froid«  U  combat  les  eanemis 
m  de  l'Jilal,  el  piaae  sa  vie  dans  lea 


c 

€ 


(2M)  8ar  salut  BasHe  al  ter  II  tég la  411IT  a 
àmmèe  an  moiflea  dtMaat,  €f.  saine  fîmÉSouB  i»a 
FUnAxzt,  éiseoora  Se.  — >  Sant  Ifenaas»  Ê^ee  Ecri'- 
rofifs  eedUwluti^imee^  chap.  lie,  —  Romi,  Hittmre 
eedMmi^fÊie,  Bvra  «,  ebap.  ^^SwomÈM,  Histcire 


«  il  arrive  qu'il  nèurt  à  la  goerre  1  maîa 
a  cette  mort  loi  est  glorieuse.  »  (Martin 
DoiST,  Origines  «I  famdsmenis  de  la  liber ki^ 
de  VigaliiiH  de  la  /taUmUépanni  fes  Aam- 
inef  ;  tit  m,  {  3.) 

«  Proposez-vous ,  continue  saint  Basile , 
«  comme  le  soldat  de  l'empereur,  une  vie 
€  sans  maison,  sana  villet  sans  possession , 
€  sans  richesses,  sojez  libres.  Dégagez-vous 
«  de  toutes  les  préoccupations  de  ce  monde. 
€  N'embarrassez  point  vos  pas  dans  l'amour 
m  d'une  femme,  ni  dans  lea  soins  de  l'édu- 
cation des  enfants  ;  tar  ces  assujettisse- 
ments sont  inconciliables  avec  la  milice 

<  divine  dans  laquelle  vous  êtes  entrés. 
€  Elle  demande  de  vous  qu'au  lieu  de  lais- 

<  ser  des  enfants  sur  la  terre,  vous  en  l'as* 

<  siez  monter  an  ciel.  Elle  voua  engage  |»ar 
€  une  union  toute  pure  et  toute  sainte  à 
c  être  les  condtîcteurs  des  âmes,  et  à  mettre 
c  au  monde  des  enfants  spirituels.  La  terre 
•  ne  vous  aura  paa  au  nombre  de  stis  ci- 
€  tojena  ;  mais  le  ciel  vous  mettra  au  rang 
«  de  sas  habitants,  et  les  anges  vous  porte* 
c  ront  jusqu'au  ciel  entre  iea  bras  de  Jésu»^ 
€  Christ  même,  qui  vous  appellera  son  ami, 
«  son  bon  et  fiddie  serviteur.  Bt  ce  que  je 
c  dis  ne  s'adresse  pas  seulement  aux  nom* 

<  mes,  car  les  femmes  sont  aussi  comprises 
c  dans  la  milice  de  léaus-Christ.  >  (  Saint 
BasiLs.  traduction  de  Martin  Bout,  Origines 
ei  fandemenis  de  la  liberté.) 

r  c  Que  devait  ftire  cette  milice  de  Jésus* 
Christ,  sinon  prendre  pour  la  règle  de  sa 
vie  lea  inspirations  héroïques  de  l'Evan* 
gileT 

«  Or,  qu'on  ne  s'y  trompe  pas,  les  eonseils 
de  Jésu»-Christ  tendent  tous  à  la  réhabili- 
tation de  la  pauvreté.  Avant  le  Ghriat.  toulea 
les  religions  qui  dominaient  dans  1  empire 
romain  avaient  inspiré  l'horreur  de  la  soufr 
franco  et  de  la  misère.  L'indigence  était  re- 
gardée comme  un  signe  Ineonlestable  de  la 
vengeance  des  dieux  ;  elle  entraînait  après 
elle  autant  d'ignominie  que  de  douleurs. 
Les  pauvres  joignaient  done  aux  épreuves 
inséparables  de  leur  eondition  toutes  lea 
trfslessesd'undésespoirinévilable«ll8  étalent 
les  ennemis  nécessaires  et  oatvrels  d'une 
société  qui  n'avait  pour  eux  que  de  l'anti- 
pathie et  du  méprls«  Mais  quelle  révolution 
se  fit  dans  Tunivers  moral,  quand  le  Verbe 
divin,  quittant  les  splendeurs  éternelles, 
vint  évsngéliser  les  pauvres,  revêtu  de  la 
forme  de  l'esclave  I  Mon-seulement  il  pro- 
clama la  pauvreté  bienheureuse,  et  lui  pro- 
mit le  royaume  du  fère  céleste,  mais  il  en 
supporta  lui-même  9  pendant  sa  vie  mor- 
telle, toutes  les  privations  et  tons  les  mépris. 
Pour  que  son  enseignement  portât  ses  fruits 
dans  la  société  nouvelle,  créée  par  sa  pa- 
role, il  fallait  qu*U  se  trouvât  des  hommes 
assez  grands  et  assez  (bris  pour  continuer 


c^afMafitfaa,  livas  m, 
LisTK,  ÊUiéhe 
livre  iiii,  Asf .  39.  — 
cxa. 


13. -— aiiCMMas  G&v- 
,  livse  iz,  chap.  it,  e 
FonoBS,  BikHeUtèqse^  Ime 


lOSl 


lîOl 


DICTIONNAIKE 


MOI 


cette  t)rodigiettSie  révolution ,  en  acceptant 
librement  la  pauvreté  la  plus  rigoureuse,  et 
en  sacrifiant  au  service  des  pauvres  leur  in- 
telligence» leur  sensibilité  et  leur  volonté. 
Ils  iravaient,  pour  cela,  qu'à  suivre  la  route 
tracée  par  le  Maître  divin.  Pourquoi,  en  ef- 
fet, avaient-ils  recommandé  Tobéissance? 
C'est  qu'elle  est  une  conséquence  nécessaire 
de  la  pauvreté,  et  que,  pour  établir  la  société 
chrétienne  sur  des  bases  inébranlables,  il 
fallait  montrer  l'esprit  de  subordination 
porté  jusqu'à  l'oubli  de  sa  propre  personna- 
lité. La  dépendance  faix  horreur  à  la  nature 
humaine;  tout  joug  nous  pèse  et  nous 
écrase,  et  cenendant  rien  n'est  possible  dans 
l'ordre  social,  sans  que  la  hiérarchie  des 
classes  et  des  fonctions  soit  profondément 
respectée,  comme  Teipression  même  de  la 
volonté  divine.  Cette  vérité,  d'une  si  haute 


m 


vent  exposée  à  des  adversités.  (F.  Bergier 
Dictionnaire  de  théologie  ^  article  MotOL 
cation,) 

«  Je  faii  pénitence  sur  la  cendre  et  ht  jpotii- 
siiref  disait  le  bonhomme  Job,  à  Iiodo* 
cence  duquel  Dieu  lui-même  avait  daigné 
rendre  témoignage.  (Cf.  Job^  xlu,6.) 

«  Un  prophète  nous  .apprend  que  l'aboo- 
dance  de  tous  les  biens,  rorgueil,  Toisiveté, 
et  ce  que  le  monde  appelle  une  vie  heureuseï 
furent  la  cause  des  crimes  et  de  la  ruine  de 
Sodome.  (Cf.  Ezéchiel,  xvu  W.) 

«  L'ange  du  Seigneur  parle  ainsi  au  vieui 
Tobie  et  à  son  fils  :  La  prière ^  aeeomjHifnit 
du  jeûne  et  de  l'aumône^  vaut  mieux  qtu  tm 
les  trésors  et  tout  Vor  qu'on  peut  aimer,  (Cf. 
Tobie,  xu.  S.)  " 

«  Le  livre  de  Judith  nous  raconte,  en  ces 
termes,  la  vie  qu'elle  menait  après  la  mort 


portée,  n'eût  pas  été  comprise  par  le  monde"*  de  son  mari,  au  milieu  des  grandes  richesses 
païen,  corrompu  par  l'orgueil  et  par  le  seu-  qu'il  lui  avait  laissées.  //  y  avait  déjà  tm 
sualisme,  si  elle  fût  restée  à  l'état  de  théo-     ans  et  demi  que  Judith  était  demeurée  vente. 


ne;  mais  comme  elle  devint  frappante, 
quand  on  vit  tant  d'hommes  illustres  subir 
avec  une  si  admirable  docilité  les  lois  sévè* 
res  I  Si  l'univers  n'avait  pas  éprouvé  cette 
forte  discipline!  gui  aurait  pu  prétendre 
gouverner  et  civiliser  les  masses  indompta* 
blés  qui,  du  lond  des  steppes  de  la  Tarta* 
rie,  des  plaines  habitées  par  les  Slaves  et 
des  forêts  de  la  Germanie,  allaient  bientôt, 
comme  un  torrent  dévastateur,  .se  précipiter 
sur  l'empire  et  déchirer  en  lambeaux  san- 
glants la  pourpre  avilie  des  Césars?  C'est  au 
u)nd  des  solitudes  de  l'Orient  que  se  pré- 
parèrent, dans  l'obéissance  et  l'humilité,  les 
plus  belles  conquêtes  de  la  civilisation 
chrétienne  sur  l'indépendance  effrénée  des 
barbares.  Le  manteau  de  Pac6me,  comme 
celui  d'£lie,  fut  ramassé  par  un  nouvel  Eli- 
sée; et  Benoit  de  Nursie,  en  perfectionnant- 
la  forte  discipline  des  monastères  orientaux, 
a  contribué  plus  qu'aucun  homme  de  génie 
à  la  fondation  de  la  société  nouvelle.... 

«  Longtemps  avant  la  naissance  des  uto- 
pies du  gnosticisme  et  du  manichéisme, 
Dieu  avait  fait  connaître  aux  patriarches 
la  nécessité  des  mortifications.  Ils  ne  pou- 
vaient pas  ignorer  la  chute  de  leur  pre- 
mier père;  et  ils  durent  en  conclure  que 
l'aiBuence  de  tous  les  biens  est  peu  propre  à' 
rendre  l'homme  fidèle  à  Dieu.  Ils  savaient 

2u'en  punition  de  cette  faute,  l'homme 
tait  condamné  à  arroser  de  ses  sueurs  une 
terre  couverte  de  ronces  et  d^épines  (227), 
et  que  la  pénitence  d'Adam  avait  duré  neuf 
cents  ans  :  terrible  exemple  1  On  voyait  les 
personnages  les  plus  agréables  à  Dieu,  tels 
que  Abraham,  Jacob,  Joseph,  Moïse,Job,etc., 
mener  une  vie  souffrante,  mortifiée,  et  sou- 

(2i7)  c  M.  Franck  avoue  que  rascéiisme  dérive 
nécessairement  du  dogme  de  la  chule.  c  II  faut, 
c  dit-il,  distinguer  deux  sortes  d*asێtisme  :  Tun, 
c  fondé  sur  le  dogme  de  Texpiation,  n*a  pas  d'autre 
c  but  que  d*apaiser  la  colère  divine  par  des  souffran- 
c  ces  volontaires;  c^est  rascétisme  religieux,  dont 
c  nous  n*avon$  pas  à  nous  occuper,  car  H  ne  saurait 
c  être  séparé  de  la  théologie  positive.  >  (ÙiciiQn  ■ 
mUre  du  êàeneeê  phitoêophiqueSf  article  Ascétisme,) 


—  Elle  s'était  fait^  au  haut  de  sa  maitonf  m 
chambre  secrète,  où  elle  demeurait  ei^enià 
avec  les  filles  qui  la  servaient.^  Et,  ayaiU  m 
cilice  sur  les  reins,  elle  jeûnait  tous  les  jom 
de  sa  vie,  hors  les  Jours  de  sabbat,  lespremm 
jours  du  moisy  et  tes  fêtes  de  la  maison  iU- 
raèi.  —  Elle  était  parfaitement  belle,  et  iw 
mari  lui  avait  laissé  de  grandes  richesses,  tm 
grand  nombre  de  serviteurs^  et  des  héritaga, 
où  elle  avait  de  nombreux  troupeaux  de  bauft 
et  démoulons.— '  Elle  était  très-estimée  de  tout 
le  monde,  parce  qu'elle  avait  une  grande  cr atiUe 
du  Seigneur,  et  il  n'y  avait  personne  oui  iii 
la  moindre  parole  à  son  désavantage,  (Juditk 
VIII,  4-8.) 

«  Le  Roi-Prophète,  dans  ses  adversités, 
s'efforçait  aussi  de  fléchir  la  colère  de  DieQ 
par  le  jeûne  et  la  pénitence.  Mais  pour  mit 
lorsqu  ils  m'acceptaient  de  cette  sorte,  je  m 
revêtais  d'un  cilice.—  J'humiliais  mon  ém 
par  le  jeûne  et  je  répandais  ma  prière  dm  /< 
secret  de  mon  sein,  (Ps.  xxxiv,  13J  Ik.) 

«  Anne  la  prophétesse  suivait  les  eiem 
pies  de  David  et  de  Judith.  Elle  était  veure, 
âgée  de  quatre^-vingt -quatre  ans;  et  elle  demtU' 
rait  sans  cesse  dans  le  temple,  servant  Dits 
jour  et  nuit,  dans  les  jeûnes  et  dans  lesprièrtt. 
(Luc,  II,  37 .j 

«  Les  sainls  personnages  dont  nous  le- 
nous  de  raconter  la  vie  pénitente  nefaisaieoi 
que  prêter  une  oreille  docile  à  la  voix  des 
prophètes  envoyés  de  l'Eternel  :  Cont«f/w- 
sez-vous  à  moi  de  tout  votre  ccgur^  ditleSei' 
aneur,  dans  les  jeûnes,  dans  les  larmes  et  dssi 
les  gémissements.  (Joël,  ii,  12. } 

«  Mais  faut-il  penser,  comme  les  écrivaios 
protestants  et  rationalistes  le  disent  ei  rio- 
sinuent  sans  cesse  (S^}>  que  la  prédicatiofl 

(228)  I  Nous  ne  comprenons  pas,  disait  naîf«»eat 
un  théologien  du  dernier  siècle,  conument  les  pro- 
tants  osent  blâmer  les  moniflcations,  lonroeref 
ridicule  les  austérités  des  anciens  soliuires.ile^ 
vierges  chrétiennes,  des  ermites  et  des  moioes  de 
tous  les  siècles.  Ils  disenique  Jésus-Christ  n  apoùt 
commandé  toutes  ces  prauque^,  qu*il  a  méine  wf» 
riiypocrisie  de  ceux  qui  affecuieol  an  air  pépi* 
tcut,  que  les  austérités  ne  sont  pas  une  pretiTe  ia- 


« 
c 
c 
c 
c 
c 
f 
t 


de  TETancile  a  complètement  anéanti  cette 
doctrine  ae  la  mortification  (9S9)  qui  tenait 
une  si  grande  place  dans  la  sainteté  des  an- 
ciens temps,  le  sais  qn'on  Ta  répété  bien  des 
fois,  mais  c*est  ce  que  font  ordiuairement 
les  écrîTains  que  nous  comtiatlODS  quand  ils 
sont  réfutés  par  Fé? idencedes  faits.  Ouvrons 
TETangile  et  prenons-le  pour  juge. 

€  Afin  de  savoir  si  la  mortification  est  une 
▼erto  nécessaire,  il  suffit  de  consulter  les  le» 

SOS  de  Jésus^hrist  et  de  ses  apôtres;  le 
UTeur  a  dit  :  Heureux  ceux  qui  pleurent^ 
parce  quiU  seront  consolés.  {Maiik,  y,  k.) 

«  Il  a  loué  la  vie  austère ,  péoilentç  et 
mortifiée  de  saint  Jean-Baptiste*  (Cf.  notre 
Histoire  de  la  rédemption.) 

M  Quétes^rout  allés  voir  dans  le  désert  f  un 
roseau  agité  par  le  vent  ?—  Qu^étes-vous,  dis-jCf 
allés  voir?  un  homme  vêtu  avec  mollesse?  vous 
savez  que  ceux  ^i  s*habillent  de  cette  sorte 
sont  dans  les  maisons  des  rois. —  Quétes-vous 
donc  allés  voir?  un  prophète  f  Out^  je  vous  le 
dis.  et  plus  quun  prophète. —  Car  c'est  de  lui 
qu'il  a  été  écrit  :  Tenvoie  devant  vous  mon 
ange  qui  voue  préparera  la  voie  où  roiu  devez 
marcier.  —  Je  vous  dis^  en  vérité^  qu  entre 
tous  ceux  qui  sont  nés  de  femmes^  il  ny  en  a 
point  eu  de  plus  grand  que  Jean-Baptiste  ; 
wuiis  celui  qui  est  le  plus  petit  dans  teroyaàme 
des  deux  est  plus  grand  que  lui. —  Or.  depuis 
k  temps  de  Jean-iaptiste  jusqu'à  présent,  le 
royaume  des  deux  se  prend  par  violence,  et  ce 
sont  les  violents  qui  remportent  IMatth.  xi, 

«  Le  Christ  a  dit  dts  lui-même  qu*il  n*avait 
pas  ot  reposer  sa  tète.  {Matth.  vui,  20.) 

«11  a   prédit  que  ses  disdples  jeûneront 
lorsqu'il  leur  sera  enlevé.  {Matth»  ix,  15.) 
cil  dit  à  ses  disciples  :  Si  melqu^un  veut  venir 

Xis  moi,  qu'il  renonce  a  soi-même,  qu'il  se 
rge  de  sa  croix  et  mesuive.{Matth,x}fi,  2V.) 
«  la  doctrine  de  saint  Paul  o*est  pas  moins 
propre  à  confondre  les  cbimériquej  inven- 
tions des  docteurs  protestants  :  Que  ri  vous 
vivez  selon  la  chair,  vous  mourrez;  mais  si 
vous  faites  uwurir  par  F  esprit  lesesuvresde 
la  chair,  vous  dvrez.  {Rom.  viii,  13.)  --  Je 
traite  rudement  mon  corps  et  je  le  réduis  en 
servitude,  de  peur  qu'ayant  prêché  aux  au- 
tres je  ne  sois  moi-mime  réprouvé.  (/  Cor.  ix, 
27.)  —  Nous  portons  toujours  en  notre  corps 
la  mort  de  Jésus,  afin  que  la  vie  de  Jésus  pa- 
raisse aussi  dans  notre  corps.  {Il  Cor.  iv,  10.) 
—  Agissant  en  toutes  choses  comme  des  mi- 
nistres de  Dieu,  nous  nou^  rendons  recommaur 
dables  par  une  grande  patience  dans  les  maux, 
dtms  les  nécessités  prétentes  et  dans  les  extrê- 
mes afflictions.  —  ùans  les  plaies,  dans  les 
prisons,  dans  les  séditions,  dans  les  travaux, 
dasu  les  veilles,  dans  les  jeûnes.  {Il  Cor.  vi, 
4,  5.)  —  Ceux  qui  sont  à  Jésus-Christ  ont 
crucifié  leur  chair  avec  ses  pasrions  et  ses  dé* 


iim 


fO^ 


<  faillible  de  vetta,  que  soos  an  exienear 
c  «M  peai  Doorrir  encore  des  passions  très-vives,  ei 
c  qn'il  n*esl  pas  dâlBdIe  d*en  ciier  des  exemples.  > 
(Bcicica,  Ùieiiommmre  de  fAéo/ogte,  article  Mot  ifca- 
tiom.) — f  Les  incrédoles,  ajoate-t  il.  n*ont  pas  in^ui- 
c  que  d'eticliérir  snr  les  satires  des  protesunis.  i 

Dicno'ifi.  o'AscÉnsvB.  L 


sirs  déréglés.  {Gai.  v»  2%.)  —  Faites  mourit 
leswumbres  de  Vhomme  terrestre  qui  est  en 
vous,  la  fornication,  Vimpureté,  les  abomina-- 
lions,  les  mauvais  dérirs,  et  Vavarice  qui  est 
une  idolâtrie,  )insisque  ce  sont  ces  excès  qui 
font  tomber  la  colère  de  Dieu  sur  les  hommes 
rebelles  à  la  vérité.  {Coloss.  m,  5,  6.) 

c  Après  de  telles  paroles,  nous  n*avons 
pas  besoin  de  justifier  les  mortifications  de 
la  vie  monastique.  Sans  doute  quelques  in- 
dividus, cédant  aux  transports  d  un  zèle  trop 
ardent,  ont  pu  pousser  trop  loin  les  princi- 
pes de  la  |)énitence  ;  mais  toutes  les  intellî** 
i pences  vraiment  chrétiennesont  reconnu  que 
'Evangile  nous  impose  l'obligation  rigou- 
reuse d'assurer  la  domination  de  l'esprit  en 
mortifiant  les  sens.  Saint  Augustin,  cette  âme 
si  délicdte,ce  cœur  si  noble,  ne  rougissaitpas 
d*avouerqn*ii  étaitobligédeluttei  sans  cesse 
contre  les  entraînements  de  la  viema/érielle. 

c  Je  comtiats,  disait*il,  contre  le  plaisir 
c  que  je  trouve  k  me  rassasier,  afin  qu*il  no 
c  m'emporte  pas.  Souvent  nous  sommes  in* 
c  certains  si  c  est  le  besoin  de  soutenir  notre 
«  vie  qui  nous  porte  h  continuerde  manger, 
c  ou  SI  c'est  reochanteroent  trompeur  de  la 
c  volupté  qui  nous  emporte.  Notre  âme  in- 
c  fortunée  se  platt  dans  cette  incertitude,  el 
c  se  réjouit  de  ce  qu'il  est  difficile  de  déter- 
c  min^r  ce  qui  suffit  aux  besoins  du  corps, 
c  afin  que  le  prétexte  de  la  santé  lui  serve 
«  de  Voile  pour  satisfaire  sans  scrupule  k  la 
t  passion  de  la  volupté.  Je  m'eflorce  conti- 
«  iiuellemenl.  Seigneur,  de  résister  à  celte 
c  tentation,  mais  quelqnefois  la  gourman- 
c  dise,  c'est-à-dire  le  plaisir  de  manger,  me 
c  surprend...  Vous  aurez,  s'il  vous  plaît,  pi« 
«  tiède  moi,  afin  que  cela  n'arrive  pas.  » 
(Saint  AcGusTUf,  Confessions,  chap.  31.) 

c  Chose  remarquanlel  M.B.  Saint- Hilaire 
lui-même,  tout  liore  penseur  qu*il  est,  tout 
ardent  adversaire  qu'il  se  montre  du  mjsti* 
cisme  de  tous  les  temps  et  de  toutes  les  re« 
ligions,  M.  B.  Saint-Hilaire  est  obligé  d'à- 
vouer  que  la  mortification  des  sens  est  in- 
dispensable à  tout  homme  qai  ne  veut  pas 
s'asservir  aux  entraînements  aveugles  de 
l'instincU  11  confesse  naïvement  que  les  su- 
perbes contempteurs  des  lois  de  TEvaogile, 
pour  éviter  les  dangers  de  l'ascétisme,  ont 
lait  du  corps,  sinon  leur  idole,  du  moins 
leur  maître,  et  qu'il  vaudrait  mieux,  quos 

3u'il  en  dût  coAter,  subir  les  inconvénients 
'un  spiritualisme  exalté  que  d'accepter  les 
menteuses  servitudes  qui    flétrissent   les 

Ames  et  qui  les  avilissent  ! 

c  II  serait  donc  temps  de  renoncer  k  ces 
déclamations  cent  fois  réfutées  sur  le  sui- 
cide imposé  par  la  vie  monastique.  Que  de 
victimes  précipitées  avant  le  temps  dans  le 
tombeau  par  les  débauches  de  l'esprit  et  do 
la  chair  I  C'est  contre  ces  véritables  suicides 

(il9)  i  D*»lres  ont  dit,  comme  MM.  Salvador  ce 
Mank,  qne  le  priactpe  de  la  mortification  ëuit  étran 
^  â  la  religion  mosaîqae.*  Les  lecteurs  peuvent  en 
juger  d'après  les  faits  que  nous  aTOns  cites.  > 

[Diêceun  préUmimaire.) 


33 


1035 


MOI 


DICIlOMNAmB 


MOI 


l((5l 


guil  ieur  est  bon  dt  demeurer  vu  ett  A< 
<omme  fy  demeure  moi-même^  —  Que  tik 
sont  trop  faibles  pour  garder  ta  eontinencf^ 
quils  se  marient^  car  il  vaut  mieux  se  maritr 
que  de  brûler,  (I  Cor.  tu,  8,  9  ) 

«  Il  dit  plus  haut  :  Pour  ce  qui  regarde  let 
choses  dont  vous  m'avez  écrit,  je  vont  dirai 
quil  est  avantageux  à  Vhomme  de  ne  touùur 
aucune  femme,  [l  Cor.  vu,  i.) 

«  Entin  il  est  un  point  de  vue  capital,  qua 
la  p(>tulance  de  nos  adversaires  et  leurs 
préventions  aveujgles  les  empêchent  seules 
d'apercevoir.  La  roise  en  pratique  des  con- 
seils évangéliques  peut-elle  être  opposée  à 
TEvangile,  comme  on  voudrait  le  faire  croire? 
Quelle  que  soit  la  forme  des  institutions 
religieuses,  elles  ont  toujours  pour  objet, 
comme  Ta  fait  remarquer  un  des  plus  illus- 
tres penseurs  de  notre  temps  (231),  quelque 
chose  de  plus  élevé  que  la  pure  observaDce 
des  commandements  divins.  L*idée  de  per* 
feclion  s'y  trouve  toiyours  comprise.  Ob- 
server les  préceptes  de  Dieu  est  la  condilioQ 
indispensable  du  salul  éternel  ;  mais  les  ins- 
titutions monastiques  se  proposent  un  but 
plus  noble  encore.  C*est  là  qu*on  écoute  et 
qu'on  goûte  véritablement  ces  paroles  mys- 
térieuses du  Verbe  de  Dieii:  a  Si  vous  fou- 
lez être  parfait,  allez,  vendez  tous  vos  biens, 
et  donnez-les  aux  pauvres 

«  Si  Ton  nie  la  vérité  de  la  religion  chré- 
tienne, si  Ton  tourne  en  ridicule  les  con- 
seils de  TEvangile,  je  comprendrai  qu'on  en 
vienne  à  mettre  au  néant  ce  quuyade 
céleste  et  de  divin  dans  l'esprit  des  cooqidU" 
nautés  religieuses.  Mais  la.  véiilé  de  la  reli- 
gion une  fois  établie,  je  ne  puis  concevoir 
comment  des  hommes,  qui  se  glorifient  de 
suivre  ses  lois,  peuvent  se  déclarer  les  en- 
nemis des  institutions  religieuses,  considé- 
rées en  elles-mêmes;  comment  celui  qui  ad- 
met le  |Trincipe  peut-il  en  repousser  lacon- 
séçiucnce?  Pourquoi  celui  qui  aime  la  causa 
rejetle-t-il  Teffet?  De  deux  choses  Tmie.' 
Qui  peut  comprendre  ceci  le^comprenne! ces  hommes  affectent  la  religion  avec  hypo 


que  nous  voudrions  voir  .e  rationalisme 
exercer  son  zele.  Mais  a-t-il  jusqu'ici  trouvé 
d'autres  moyens  quo  de  déclamer  contre  les 
austérités  dfe  la  pauvreté  volontaire?  Or 
voici  quelle  était  la  vie  de  l'immense  majo- 
rité des  moines  : 

c  Le  jeûne  que  pratiquaient  les  solitaires 
«  avait  pour  fin  de  dompter  l'intempérance, 
«  de  pré.venir  les  tentations,  de  rendre  l'es- 
«  prit  plus  dégagé  des  sens  et  plus  appliqué 
«  aux  choses  célestes;  mais  ils  conservaient 
«  assez  de  force  pour  travailler  .sans  relâche; 
«  ils  dormaient  peu,  mais  assez  pour  ne  point 
«  ruiner  leur  santé.  En  réalité  ils  étaient 
«  exQmpt^  de  maladies  et  parvenaient  à  un 
«  âge  très-avancé.  Les  solitaires  d*Ëgjpte 
«  réglèrent  le  jeûne  à  un  repas  par  jour.  Ce 
«  repas  était  composé  de  deux  petits  pains 
«  formant  six  onces,  et  ils  no  buvaient  que 
«  de  l'eau.  »  (Martin  Doisy,  Origines  et  fon^ 
déments  de  la  liberté^  de  régatité  et  de  la  fra-- 
ternité parmi  les  hommes,,  titre  m.  Régimes 
pénitentiaires  de  l'Eglise.) 

«  Quant  au  vœu  d^  chasteté,  il  a,  peut-être 
plus  que  toutes  les  autres  habitudes  de  la 
vie  monastique,  fourni  aux  grossières  facé- 
ties du  rationalisme,  du  radicalisme  et  du 
protestantisme.  Les  uns  ont  débité  grave- 
ment  que  c'était  un  abus  int^^oduit  par  les 

•manichéens  dans  TEglise  catholique,  les  aq- 
Ires  Tonl  considéré  comme  un  legs  fait  par 
le  gnosticisme  mourant  à  ses  vainqueurs; 

âl  s  est  enfin  trouvé  des  savants  qui  l'ont 
considéré  comme   un  emprunt  aux  prati- 

'Ques  des  ascètes  brahmaniques!  (230) 

«  11  va  sans  dire  au'on  n*a  pas  manqué  de 

'Science ,  à  défaut  d  esprit,  pour  étayer  tou- 
tes ces  hypothèses  chimériques,  que  l'exa- 
men le  plus  superficiel  des  doctrines  du 
Sauveur  suffit  pour  renverser.  Bienheureux^ 
disait  le  Sauveur,  ceux  yui  ont  le  cœur  pur^ 
parce  quils  verront  Dieu!  [Matth.  y,  8.)  Il 
ajoute  :  Il  y  en  a  qui  se  sont  rendus  eunuques 
eux-mêmes  pour  gagner  le  royaume  des  deux. 


—  Quiconque  abandonnera,  pour  mon  nom, 
"sa  maison,  ou  ses  frères^  ou  ses  sœurs,  ou  son 
•père,  ou  sa  mère,  ou  sa  femme,  ou  ses  enfants, 
ou  ses  terres^  en  recevra  le  centuple,  et  aura 
pour  héritags  la  vie  éternelle,  lAîatth.  xix, 
12,  29.) 

«  Sainte  Paul  ne  parle  pas  un  autre  lan- 
gage :  Quant  aux  personnes  qui  ne  sont  point 
mariées,  ou  gui  sont  veuves,  je  leur  déclare 

9 

(250)  4  II  n<Ai.s  suffira  de  citer  les  niaises  déclamai- 
lions  du  docle  proleslaiit  Beausobre  ;  selon  lui,  les 
Pères  avaieiii  puisé  leur  estime  pour  le  célibat  dans 
les  erreurs  des  docéies,  des  encratiies,  des  marcio- 
niles  et  des  manichicns!  Quelle  t>i:niie!  (Cf.  Beau- 
sobre,  Histoire  du  manichéisme.),  Ci*pcnd:iiil  il  avoue 
4taiveiiient  que  plusieurs  chréiieiis  doniièreut  dans 
■va  faiiaiisiiie  dès  le  coinincncemcul.  {ttisloiredu  mu'^ 
4ûdtéisme,  livre  n,  chap.  6»  §§  â  ei  7.)  U  va  même 
jusqu'à  dire  qu'il  venatl  d'une  interprétation  bornée 
4le  la  P*  aux  Corinthiens,  cbap.  vu.  (Histoire  du  ma' 
Htifiéisme^  litre  vu,  ch:»p.  4,  §  12.  )  —  Mosheini, 
bien  moins  irritalde  sur  ce  point,  fait  le  même  aveu.» 
Cf.  MosHEiu,  Hist.  Christ.,  sx'c.  ii,  §  35.) 

(Î5I1)  <  Balmô  .  —  Cf.  A  de  Blanche' Raffin  , 
JitCQites  Bulmès,  sa  vie  et  ses  ouvrages,  ei  les  iuléres- 


crisie,  ou  bien  ils  professent  une  religion 
qu'ils  ne  comprennent  pas.  • 

Rien  de  plus  facile  quo  de  constater  parla 
tradition  la  véritable  origine  de  la  vie  mo- 
ua.stique. 

Gassien  qui  avait  étudié  avec  tant  de  soin 
les  origines  de  la  vie  religieuse,  la  fait  re- 
raonier  aux  premiers  fidèles  de  TEijIise  de 
Jérusalem  (232).  La  vie  cénobiliquc,  djlil,  a 

sants  articles  de  H.  Pabbc  H.  de  Varioger,  to 
VAmi  de  la  retigion.  — Nous  sommes  bien  aise  de 
nous  appuyer,  dans  uue  si  grave  question,  sor  l> 
lorilé  (l'un  philosoptic  dont  touie  TEurope  eiviiiM 
admirail  les  laicnls,  la  uiodéralion  el  les  vertus.  > 
(232)  Il  ne  s'agil  ici  que  du  développeffleni  <le  la 
Tie  nionasliquc  depuis  la  fonnalion  de  Tliiglisecailio- 
liqne.  Le  cjrdinal  Oellarmin  fuit  remarijucr  judtdeo- 
"semenl  que  dans  la  foi  de  nature,  il  y  àvail  eiii»^ 
certaine  cbamhe  de  la  vie  monastique,  qii*il  J /° 
avait  eu  une  plus  grande  expression  sous  la  ^^'^ 
Moïse  ,  el  qu  on  n'avait  compris  qu'au  temps  ^ 
apôtres  sa  véritable  perfection.  (Cf.  JiELuaiii:*.  ^ 
Honnchis^  c.  5.)  Saint  J  rômc  nomme  saint  Jcao- 
Baptisie  le  prince  des  ainacliorèlcs,  saint  Jeuti  i^Y 
so^iomc  le  nomme  le  pr!n.e  dc^  uiuiucs« 


fvl37 


yoi 


D'aSOETISMR. 


MOI 


ms 


roiuufbocé  dès  ac  temps  des  apAlres,  et 
c'était  réUt  où  étaient  autrefois  les  pre- 
miers fidèles,  comme  saint  Loc  le  dit  daDS 
les  ActtM,  Toute  l'Eglise  était  donc  alors 
composée  de  personnes  qui  viraient  en  corn-» 
mon,  arec  une  perfection  que  Ton  trouve 
aujourd'hui  chez  très-peu  de  ceux  qui  vivent 
dans  les  nionaslères.  Mais  après  la  mort  des 
apôtres,  la  ferveur  des  fidèles  venant  à  s'at- 
tiédir, surtout  k  cause  du  grand  nombre  et 
de  la  faiblesse  de  ceux  qui  se  convertissaient 
du  pigauisme,  on  vit  bientôt,  non-seule- 
ment  les  simnles  fidèles»  mais  les  chefs 
mêmes  de  TE^Iise,  se  relÂcber  de  leur  pre- 
mière perfection.  Alors,  ceux  qui  étaient 
encore  dans  la  première  ferveur  que  les 
apôtres  avaient  allumée,  et  qui  se  souve- 
naient de  ce  qu'ils  avaient  vu  pratiquer  de 
leur  vivant,  se  sé|iarant  des  villes  et  de  la 
compagnie  de  ceux  qui  croyaient  que  tous 
les  Chrétiens  pouvaient  vivre  dans  une  vie 
plus  reUchée,  se  retirèrent  dans  des  lieux 
écartés  auprès  des  villes.  Ainsi,  comme  peu 
è  peu  ils  se  retiraient  de  plus  en  plus  du  com- 
mun des  fidèles,  qu'ils  s'abstenaient  da 
mariage,  et  s'éloignaient  de  leurs  parents  et 
de  la  conversatiou  du  monde,  ils  eurent  le 
nom  de  maints  et  de  solitaires,  è  cause  de 
leur  vie  si  retirée  et  si  rude  et  celui  de 
ێnobiie$  parce  qu'ils  vivaient  et  demeu- 
raieLt  en  commun.  Voilà,  continue  Cassien, 
la  plus  ancienne  secte  des  religieux^  ei  qui 
tient  le  premier  rang  dans  r ordre  du  temps  et 
dans  celui  de  la  grâce;  et  elle  a  subsisté 
seule  sans  changement  jusqu'au  temps  de 
Paul  et  d'Antoine,  les  anachorètes  dont  ces 
deux  saints  ont  été  les  chefs  et  les  fonda- 
teurs étant  sortis  de  cette  ti^e  féconde. 
^CissiEN,  Conférences^  ch.  5,  6.) 

Nous  trouvons  eu  etfet,  dans  les  Actes  des 
apôtres^  les  premiers  rudiments  de  la  vie 
commune,  telle  qu'elle  fut  plus  tard  organi- 
sée au  sein  des  monastères,  avec  les  modi- 
fications qu'exigea  le  développement  de 
celte  grande  institution  (233;. 

Toute  la  multitude  de  ceux  qui  croyaient 
n  avaient  quun  cœur  et  qu'une  dme;  et  nul 
ne  considérait  ce  quil  possédait  comme  étant 
à  lui  en  particulier^  mais  toutes  choses  étaient 
communes  entre  eux,  ~  Il  n'y  awiil  aucun 
paurre  parmi  eux,  parce  que  tous  ceux  qui 
possédaient  des  fonds  de  terre  ou  des  maisons^ 
les  vendaient  et  en  apportaient  le  prix  qu'Us 
mettaient  aux  pieds  des  apôtres^  et  on  le  dis^ 
tribuait  ensuite  A  chacun  selon  quil  en  avait 
besoin.  [Act.  iv^  32,  34,  35,  trad.  Sacj.) 

Cassien  ajoute  que  les  monastères  d'E- 
7\pte  furent  fondés  par  saint  Marc,  disciole 

(233)  Ileslindiiliiuble,  dît  imcrhiipicirèsHiiflkile, 
I  qiie  les  Tériukles  nrligieui  se  sonl  proposé  poiir 
■KMléle  la  première  église  ileiérusaleio.  »  (Tille«o?iv» 
ftémoires  four  servir  à  TAiiC.  ecelés.^,  saint  Anloiiie.) 
Irrite  opinion  est  celle  de  saint  AogasUii. 

(i54)  Cf.  Cassigi,  Ijmilvlîoiu  aMiMsiif vm,  Ik.  ti, 
r!i3p.  5. 

<ir>5)  Cf.  EcsfcK,  Bht.  ecelés.f  Iit.  ii,  ebap.  17. 

<i5(>tCr.  BiiuxT,  Vudeutim  Mare. 

157)  Cf.  FLEuav,  Hitt.  eeclés,,  i,  t7.«-  Noas  ne 
ii«i .»  anêleroiis  pa:»  ici  à  renverser  les  ohjeciiODS. 


de  saint  Pierre  (83^*  ;  qu'on  v  pratiqua  dès 
l'origine  une  perfection  supérieure  à  celle 
d<*s  Chrétiens  de  Jérusalem,  bien  avant 
ceux  qu'on  accuse  d'avo!r  introduit  au  sein 
du  christianisme  les  principes  du  quiétisme 
oriental.  Il  s'appuie  non-seulement  sur  l'au- 
torité d'Eusèhe,  qui  est  si  grave  dans  une 
pareille  question  (235),  mais  sur  le  rapport 
niante  Jes  gens  du  pavs.  Plusieurs  critiques 
font  n^monter  les  monastères  d*Egypie  au 
temps  de  saint  Marc.  Baiilet  dit  qu'il  est 
certain  qu'à  l'époque  où  vivait  saint  Marc, 
plusieurs  chrétiens  animés  du  désir  de 
mener  la  vie  parfaite  recommandée  par 
TEvan^ile,  se  retirèrent  à  la  campagne,  non 
loin  d'Alexandrie  où  ils  se  tenaient  renfer- 
més dans  des  maisons,  priant  Dieu,  médi- 
tant l'Ecriture  sainte,  travaillant  de  leurs 
mains,  et  no  mangeant  qu*après  le  soleil 
couché  (236).  Fleurjr  adi»pte  la  mémo  ma- 
nière de  voir  (:i37;. 

Eusèbe,  Cassien,  Sozomène  et  autres  his* 
toriens  céièhres  regardent  les  thérapeutes 
d'Egypte  comme  appartenant  à  ceUe  classe 
de  Chrétiens,  que  les  exhortations  de  saint 
Marc  décidèrent  h  embrasser  la  vie  parfaite. 
Quand  Tévangéliste,  disciple  de  saint  Pierre, 
eut  fondé  l'égiise  d'Alexandrie,  ses  prédica* 
tiens  ayant  attiré  à  la  foi  de  Jésus-Cbrist 
un  grand  nombre  de  personnes,  beaucoup 
embrassèrent  les  règles  de  la  perfect.oa 
évangélique.  D'après  ces  auteurs,  ceux  qui 
consacrèrent  ainsi  toute  leur  existence  a 
Dieu,  quittèrent  leurs  parents  et  leurs  amis, 
et  se  retirèrent  dans  la  solitude  pour  s'y 
livrer  aux  pratiques  de  la  vie  ascétique,  co 
qui  leur  Qt  donner  le  nom  de  thérapeutes» 
c'est-àMJire  médecins  pu  serviteurs,  parce 
qu'ils  avaient  soin  de  leurs  âmes  et  servaient 
Dieu.  Leurs  premiers  établissements  se 
firent  sur  les  bords  du  lac  Mœris.  Pour'so 
conformer  aux  conseils  de  l'Evangile ,  ils 
abandonnaient  leurs  biens  et  quittaient  pour 
toujours  leurs  femmes,  leurs  enfants,  leurs 
parents  et  leurs  amis.  Ifs  avaient  pour  ba 
bitation  une  cellule  séparée  appelée  semnéé 
ou  monastère.  Le  matin  et  le  soir  ils  fai* 
saient  des  prières.  Le  matin  ils  priaient  Dieu 
de  leur  accorder  une  paisible  journée  el 
d'éclairer  leur  intelligence  de  sa  lumière 
divine.  Le  soir,  ils  le  suppliaient  de  les  dé- 
livrer de  Taffection  des  choses  terrestres. 
Leur  vie  était  austère,  ils  ne  mangeaient 
qu'après  le  coucher  du  soleil.  Tous  les  sept 
jours  ils  se  rasserot>laient  dans  une  granoe 
sernnée^  afin  de  s'entretenir  ensemble  des 
saintes  pensées  qui  faisaient  l'objet  conti- 
nuel de  leurs  méditations  (238). 

Oi>  en  inmvera  ta  réfuution  dans  I1£ltov,  Biu.  des 
ordres  monastiques^  discours  préliminaire,  i7-lè. 

(!258)  Las  lliérapeuies  élaienl  iU  une  secie  d*cs« 
sénieiis?  Baronîus  el  Godeau  ont  consuië  les  diCIé- 
n:i:ces  profomies ipii  ks  sépanHeol.(Cr.  BAaoxius, 
Annules^  année  &I  ;  Goocau,  Wiji.  ecdét,^  IW.  i, 
année  04.)  D^aulres  savanis  oui  cru  que  les  Uiéra- 
petiies  n*éuient  ni  moines  ni  chrétiens.  On  irouveni 
les  rations  contre  celle  ilcniiére  lijpoihése  dans  Itt- 
LTOT,  Histoire  des  ordres  monastfques,  Dtssef talion 


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MOI 


DICTIONNAIRE 


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Mais  quand  luônie,  à  Texeraple  de  Bergier 
el  d'uû  grand  nombre  d*auteurs  graves/ 
on  se  refuserait  à  considérer  les  thérapeutes 
comme  les  ancêtres  des  moines  d'Egypte» 
on  ne  saurait  contester  que  la  vie  monas- 
tique ne  remonte,  chez  les  Egyptiens,  aux 
premiers  temps  du  christianisme;  du  reste, 
il  est  fort  essentiel  de  remarquer  que  ce  fait 
n'était  pas  particulier  aux  églises  d*£gypte; 
mais  que,  aans  d'autres  contrées,  la  vie  mo- 
nastique se  développa  pendant  les  deux  pre- 
miers siècles,  autant  que  le  permirent  les 
^circonstances. 

Le  savant  Tillemont  fait  remarquer  que 
l'existence  des  ascètes  remonte  au  berceau 
mèmedu  christianisme.  Celaient  des  hommes 
qui  faisaient  profession  d'une  verXu  plus 
sublime  que  colle  du  commun  des  Chrétiens, 
qui  menaient  même  au  milieu  des  villes,  et 
plus  souvent  dans  les  villages  ou  aux  envi» 
rons,  une  vie  très-pieuse  et  très-retirée  (239). 
L'opinion  de  cet  historien  célèbre  s'appuie 
sur  un  grand  nombre  de  faits.  --  Eusèbe 
suppose  que  les  ascètes  existaient  en  Egvpte, 
même  sous  l'épiscopat  de  saint  Marc  (240). 
II  raconte  aussi  de  saint  Pierre  d'Alexandrie, 
qu'il  traitait  son  corps  avec  austérité,  à  la 
manière  des  ascètes  (24^1).  11  nomme  ascètes 
du  culte  de  Bieu,  ceux  qui  s'occupaient 
particulièrement  des  œuvres  de  piété  et  de 
charité  (SU^S).  Il  raconte  du  martyr  saint 
Pierre  Apselame,  qu'il  menait  la  vie  ascéti- 
que (243).  11  dit  que  saint  Pamphile,  qui 
souffrit  le  martjrre  uu  peu  auparavant,  sous 
Maximin  11,  était  ascète  (2U}. 
'  Origène,  dans  son  livre  contre  Celse, 
écTii  sous  le  règne  de  Philippe,  vers  249, 
parle  des  ascètes  comme  d'une  institution 
«onnue  de  tout  le  monde;  il  fait  remarquer 
qu'ils  ne  mangeaient  pas  de  viande,  et  il 
compare  leurs  abstinences  à  celles  des  dis- 
ciples de  Pythagore  (245).  —Saint  Epiphane 
raconte  que,  près  de  cent  cinquante  ans  au- 

Faravant,  Marcion,  qui  depuis  tomba  dans 
hérésie,  avait  embrassé  la  vie  solitaire  dans 
le  Pont,  et  qu'il  pratiquait  la  chasteté  par- 
faite (246).  ~  Saint  Jérôme,  parlant  de  Pie- 
rius,  prêtre  d'Alexandrie,  qui  avait  un 
amour  particulier  pour  la  pauvreté,  dit  qu'il 
pratiquait  admirablement  la  vie  des  ascètes 
(247).  —  Saint  Alhanase,  racontant  la  retraite 

• 

'    (239)  Cf.  Tillemont,  Mémoires  pour  $emr  à  CUiu. 
tcclis,  vn,  i03. 

(240)  Cf.  EusÊas,  ni$U  ecclés.,  liv.  ii,  chap.  17. 

(24n  Cf.  Enstoe,  Hhi.  eccléê.,  liv.  vu,  cb.  52. 

(242)  Cf.  EusfcBE,  Le$  martyre  de  la  l'aleniney 
isfa.  li« 

.   (243)  Cf.  EusfeBE.   Les  martyrs  de  la  Palestine. 
lli.lO. 

{244)  Cf.  EusÈBB,  Les  martyrs  de  la  Palestine. 

:245)  Cf.  OaiGfeNE,  Contra  C>/f.,liv.  v. 

^246)  Cr.  Saint  Epiprane,  Antidote  contre  les  héré" 
iies,  42«  hérésie. 

(247)  Saint  Jérôme,  Des  hommes  illnstres,  du  76. 

(248)  *Bff;^oXo[OTiQ  ^ÎTxnffic 

(249)  Saint  Atdamase,  Vie  de  saint  Antoine. 

(250)  Cf.  AioNTFAU(X?N,  Observations  sur  ta  lettre  de 
Philon,  De  la  vie  contemplât.,  n«  pari.,  §  3. 

(25t)  Pour  rap|)rcciaiioii  de  ce  bel  ouvrage.  Cf. 
MoEDLBR,  Athanase  IcHrand ,    Iraduclion  Cohen. 


de  saint  Antoine,  vers  l'an  270,  dit  qu'il 

Î)ratiqua  les  exercices  usités  chez  les  ascètes, 
248)  et  il  ajoute  que  ceux  qui  alors  a?aient 
0  zèle  de  leur  sa\  it,  se  retiraient  à  la  (^m. 
pasne  pour  s'y  appliquer  aux  œuvres  c> 
piété  (249)  (Voy.  l'art.  Ascètes.). 

Les  Frères  du  canton  d'Arsinoé,  avec  les- 
quels saint  Denis  d'Alexandrie  eut,  en  %0, 
une  conférence  célèbre  sur  la  quesliondo 
millénarisme,  étaient  (selon  les  Acla  m- 
ctorum ,  17  Janvier)  des  solitaires.  —  Saint 
Palémon ,  auprès  cluquel  saint  PorAme  $o 
retira,  vers  l'an  314,  était,  è  cetto  époque, 
fort  Agé.  11  avait  lui-même  été  instruit  par 
d*autres  anachorètes  dans  les  pratiques  de 
la  vie  monastique.  Il  parait  même  qtic  les 
moines  avaient  un  habit  particulier, el  qui) 
le  fit  prendre  à  saint  Pacôme.  (ilr(a  soncio- 
rum  ,  14  Mai.)  —  Les  monastères  de  Cbé- 
nobosque  et  de  Moncose ,  antérieurs  à  la 
fondation  de  la  congrégation  de  Inbenoe, 
étaient,  selon  Bulteau,  de  véri  tables  abbajes. 
(BuLTEAU,  Hist.  monasi.  de  rOrient\  83.)  Le 
vénérable  Eponychus  était  abbé  de  Cbéno- 
bosque,  et  cette  maison  était  habitée  pardes 
religieux  très-anciens  et  très-parfaits.  (Cis- 
siEN,  conférence  18,  ch.  5.) 

Les  monastères  de  Nitrie  étaient  aussi 
antérieurs  aux  fondations  de  saint  Pacdme, 
et  le  P.  de  Montfaucon  va  jusqu'à  dire  qu'il 

{r  avait  des  couvents  sur  cette  roon(a|:ne, 
orsque  saint  Araon  s'y  établit  (250j.-0n 
ne  peut  donc  pas  dire  que  saint  Antoioeail 
été  l'instituteur  de  la  vie  monastique;  mais 
sa  vraie  gloire  a  été  de  donner  à  ce  genre 
d'existence  une  organisation  plus  solide  et 
une  (popularité  beaucoup  plus  grande. Saint 
Hilarion  et  saint  Pacôme  le  secondèttnt 
puissamment  dans  une  œuvre  qui  devait 
exercer  une  si  salutaire  influence  fiurles 
destinées  de  TËglise  de  Jésus-Christ. 

Parmi  les  solitaires  d'Orient ,  il  n*en  cf: 
guère  de  plus  illustre  que  saint  Antoinetet 
dont  la  mission  ait  été  moins  comprise.  Si 
nous  étudions  avec  un  peu  de  soin  la  vie 
de  cet  homme  illustre ,  qui  a  été  écrite 
avec  un  si  rare  talent  par  saint  Atha- 
nase (251),  il  sera  facile  de  convaincre  n^fs 
lecteurs,  que  ce  serait  en  vain  qu'on  vou- 
drait le  présenter  comme  un  imitateur  de5 
quiétistes  de  fliide.  Si  nous  remontODS  aui 

c  Personne  n'ignore,  dit  Tiliemonl,  qne  saint  Aiid* 
nase  a  cru  employer  utilement  un  temps  aussi  prt- 
cicux  que  le  sien  à  écrire  l;i  vie  de  siiiiit  Aotoip^ 
et  pour  ravaiiiage  qn*il  trouvait  lui-même  dans  1^ 
seul  souvenir  de  ce  saint,  et  pour  celui  <prilespépit 
procurer  à  tous  ceux  qui  embrassaient  Tctat  nious^ 
li(|uc,  dont  la  vie  de  saint  Antoine  est,  dil-ilt  p 
parrait  modèle,  i  (Tillemoxt,  Mémoires,  \iu^^^ 
Antoine,  art.  xv.) — Nous  avons  surtout  insisté  dans 
rel  article,  sur  saint  Antoine,  saint  Macaire.ssw^ 
Hilarion  •  saint  Pacôme  et  saint  Basile,  parce  qv^ 
selon  M,  Guizot,  ce  sont  eux  qui  ont  goiivenié  ^r 
leur  esprit  tous  les  solitaires  de  l'Orient.  Noasavo» 
été  obligé  de  parler  irès-briè veinent  de  saint  Ma* 
caire,  à  propos  de  saint  Antoine;  mais  le  traii  qn^ 
nous  avons  cité  ne  laisse  aucun  doute  sur  ses  hat''- 
ludes  et  sur  ses  doctrines  par  rapport  à  la  sainie  loi 
du  lravan..(Vofr  les  an.  saint  AsTOJiŒ^saijiiriCùit 
saint  Bavile.) 


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MOI 


mcnoNMiius 


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circciDStancesauidéterminèreDi  sa  focalion, 
nous  Terrons  au  premier  coup  d*œîi  qu'eîle 
fut  le  résultai  de  la  médiCalioD  des  principes 
éYangéliçoes.  «  Son  père  et  sa  mère  étant 
rnorls,  dit  saint  Albanase,  et  Tayant  laissé, 
à  rage  de  dix-huit  ou  vingt  ans,  arec  une 
scBur  encore  fort  jeune,  saint  Antoine  prit 
soin  d'elle  et  de  la  maison.  Mais,  à  peine 
si I  mois  furent-ils  passés,  qu'allant,  selon 
sa  coutume,  arec  grande  dévotion  à  Tégiise, 
et  pensant  en  lui-môme,  durant  le  chemin, 
«Je  quelle  manière  les  apdtres,  en  abandon- 
nant tout,  avaient  suivi  Jésus-Christ;  com- 
ment plusieurs  autres,  ainsi  qu*on  le  voit 
dans  les  Acies^  vendaient  leurs  biens  et  en 
naettaient  le  prix  aux  pieds  des  apôtres,  pour 
être  distribué  à  ceux  qui  en  avaient  besoin; 
combien  était  grande  la  récompense  qui  les 
attendait  dans  le  ciel  ;  Tesprit  plein  oe  ces 
pensées,  il  entra  dans  Téglise  au  moment 
où  on  lisait  Tévangile  où  Notre-Seigneur  a 
dit  à  ce  jeune  homme  qui  était  riche  :  Si  iu 
wtux  être  parfditf  vends  tout  ce  que  iu  a«, 
donme^e  aux  pauvres  9  suis  moi^  et  tu  auras 
«m  trésor  dans  le  ciel,  Ajant  regardé  eetla 
pensée  qu'il  avait  eue  de  Texemnle  des  pre- 
inier8Cbrétieos,commeIui>jant  été  envoyée 
de  Dieu,  et  ce  qa*il  avait  entendu  de  révac- 
gile,  comme  si  ces  paroles  n'eussent  été  lues 
que  nour  lui ,  Antoine  retourna  de  suite 
chez  lui, et  distribua  h  ses  voisins,  aOn  qu'ils 
o'eussant  rien  è  démêler  avec  lui  ni  avec  sa 
lœar,  tous  les  héritages  qu'ilavait  eus  de  son 
patrimoine,  c'est-à-dire,  trois  cents  mesures 
de  terre  très-fertile  ;  quant  k  ses  meubles, 
il  les  vendit  tons,  et  en  ayant  tiré  une  somme 
considérable,  il  donna  cet  argent  aux  pau- 
vres, à  la  r&ierve  de  quelque  chose  qu'il 
retint  pour  sà  sœur. 

c  Etant  une  autre  fois  entré  dans  l'église • 
et  entendant  lire  l'évangile  où  Jésus-Christ 
dit  :  i^e  sayex  poini  en  souci  du  lendemain^ 
il  ne  put  se  résoudre  à  demeurer  davantage 
dans  le  munde,  et  ayant  encore  donné  aux 
plus  pauvres  ce  qui  lui  restait,  et  mis  sa 
sœur  entre  les  mains  de  quelques  filles  fort 
vertueuses  de  sa  connaissance,  afin  de  l'éle- 
ver dans  la  crainte  de  Dieu  et  l'amour  de  la 
virginité,  il  quitta  sa  maison  pour  embras- 
ser une  vie  solitaire,  veillant  sur  lui-même, 
et  vivant  dans  une  grande  tempérance.  Il 
D'y  avait  pas  alors  en  Egypte  beaucoup  de 
maisons  de  solitaires,  et  nul  d'entre  eux  ne 
s*élait  encore  retiré  dans  le  désert;  mais 
chacun  de  ceux  qui  voulaient  sérieusement 
penser  à  son  salut,  demeurait  seul  en  quel- 
que lieu  près  de  son  village  (252).  » 

Ces  quelques  lignes,  d'une  si  noble  sim- 

(252)  Saint  Ath^^a»,  Vie  de  ioiiH  AMoiae^  ira* 
4a€i.  dWniaud  d*An*Jilly,  cb.  i  et  2. 

(253)  Ail  chap.  4 ,  on  voit  que  saiut  Aoloine  es- 
sayait d*iniiier  les  vertus  d*Elie.  Il  aperoevaii  donc 
Sres-liien  les  rapports  qui  eiîslaieiil  ailre  l\  vie  mo- 
nusiîf|oe  et  la  feitu  propliéiique,  rapports  déjà  ûgoa- 
Jés.  —  Sur  les  ressembbnees  des  pni|»hétes  d  des 
a:idciisinoiDes,Cr.  As.^acd  d'A^illi,  Vies  des  Scints 
Pères,  Disc,  préliin.,  {  5. 

(1->I)  Saint  Antoine  (lié  en25l,niort  en  356  ï  Tàge 
de  cent  cioq  ans),  dit  ticlyot,  a  bien,  à  la  vérité. 


plicilé,  suffiraient  au  besoin  pour  démontrer 
la  véritable  orijône  de  la  vie  monastique.  Il 
n'est  pas,  en  effet,  difficile  de  remarquer  que 
ce  furent  les  éloges  donnés  par  le  Christ  h 
la  pauvreté,  et  Texemple  des  Chrétiens  de  la« 
primitive   Eglise  (253)  qui   engagèrent  le 
jeune  Egyptien  i  se  dépouiller  de  tous  ses 
biens,  pour  suivre  avec  courage  Jésus-Christ 
crucifié.  Il  est  impossible  de  supposer  qu'il 
ait  été  entraîné  par  Tinfluence  des  doctnnes- 
païennes  et  par  les  maximes  des  philoso- 
phes. Il  n'avait  jamais  fréquenté  leurs  écolc;s; 
il  montra,  au  contraire,  dans  toutes  les  cir* 
constances,  une  souveraine  antipathie  pour 
leurs  prétentions  orgueilleuses.  Si  mainte- 
nant nous  venions  à  étudier  ses  débuts  dans 
la  vie  monastique ,  tels  qu'ils  ont  été  r9 
contés  par  son  illustre  historien ,  nons  ver-^ 
rions  avec  quelle  fidélité  saintAntoine  s'effor- 
çait de  mettre  toute  son  existence  à  la  hau- 
teur de  la  perfection    prescrite  par  l'EvaiK 
gile.  {Voir  l'art,  saint  AirroiiiB.) 

La  vie  monastique,  comme  toutes   les 
institutions,  n'atteignit  point  sa  perfection, 
dis  les  premiers  essais.  Sans  dente,  les  géné- 
reuses tentatives  de  saint  Antoine  produi- 
sirent d'immenses  résultats,  parce  qu'elles- 
firent  natire  dans  tous  les  cœurs  dévoués  ua 
désir  sincère  et  profond  de  se  consacrer  au 
service  du  prochain,  en  imitant  la  perfeclioa 
du  Christ.  L'année  202  vit  naître,  en  Pales- 
tine et  en  Egypte,  deux  hommes  émipents,^ 
qui  continuèrent  avec  un  courage  invincible 
1  œuvre  immense  commencée  par  saint  An- 
toine; je  veux  parler  de  saint  Hilarion  et  de 
saint  Pacôme  (254).  Ce  dernier,  complétanl. 
la  pensée  d'Antoine  et  d'Hilarion,  devait^ 
transformer  rapidement  la  vie  monastiquo 
en  une  institution  sociale  qui  devait,  plua 
tard,  recevoir  de  saint  Benoit  sa  dernière  - 

Krfection.  Mais,  avant  de  fiarler  de  saint 
cdme,  disons  quelques  mots  de  la  vocation- 
et  des  doctrines  d'Hilariou. 

Saint  Hilarion  naquit  à  Gaza.,  en  Palestine, 
d*une  famille  puenne  (2S5).  «  Son  (»ère  et  sa 
mère,  dit  saint  Jérôme,  l'envoyèrent  appren- 
dre les  lettres  humaines  à  Alexandrie,  où  il 
donna  des  preuves  d'un  grand  esprit  et 
d'une  grande  pureté  de  mœurs,  autant  que 
son  âge  pouvait  le  permettre,  ce  qui  le  ren- 
dit en  peu  de  temps  aimé  de  tons  et  savant 
en  rhétorique.  Mais  ce  qui  est  incomparable-- 
ment  plus  estimable,  étant  entré  dans  la  foi 
de  iésus-Christ,  il  ne  prenait  plaisir  ni  aux 
foreurs  du  cirque,  ni  au  sans  des  gladia- 
teurs, ni  aux  dissolutions  du  théâtre  ;  mais 
toute  sa  joie  était  de  se  trouver  à  l'église», 
en  l'assemblée  des  fidèles. — Ayant  entendu 

donné  qnelque  perfectioo  à  k  via  cénotiitiqoe  ;  mai^ 
on  doit  â  S:iini  Pacéme  la  gloire  «le  TaToir  atEemie 
parTiinion  de  plusieurs  inoiiastéres»*c'esl  ce  qui  a 
fiirnié  U  première  congrégation  religieuse.  (Ucltov» 
0ff/.  des  ord.momasi.^  i'« pari., rà.  14.)  Saint  Pa« 
ce  ne  est  iiH«rt  eu  318  et  Saint  Hilarion  en  372. 

(255)  S:i'ii:  Jcrômet  en  parLiiil  de  la  naissance  de- 
saint  Hibrioii  dans  une  famille  païenne,  dît  a%'cc  uno^ 
gr5ce  remarquable:  Ceite  rose  fturii  au  mUiem  àes 
éf*inei.  {Saiut  Jcbôve,  Vie  de  sain:  UUarian.] 


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DICTIONNAIRE 


MOI 


iOil 


parlor  do  saint  Antoine,  dont  le  nom  était 
$i  célèbre  dans  toute  TEgypte,  Teitrôme 
désir  de  le  voir  le  fit  aller  dais  le  désert;  et, 
aussitôt  qu'il  eut  reçu  cette  consolation,  il 
changea  d'habit  et  demeura  près  de  deux 
mois  auprès  de  lui,  observant  avec  grand  soin 

3uclle  était  sa  manière  d'agir  et  la  gravité 
e  ses  mœurs,  son  assiduité  à  Toraison,  son 
humilité  à  recevoir  ses  frères,  sa  sévérité  à 
Uts  reprendre,  sa  gaieté  h  les  exhorter,  et 
comme  nulle  intirmité  n'était  capable  d'in* 
lorrompre  son  abstinence  en  toutes  choses 
et  Taustérite  de  ses  jeûnes. 

Mais  ne  pouvant  soulfrir  d'abord  et  la 
multitude  de  ceux  qui  venaient  de  tous 
cAlés  chercher  saint  Antoine,  il  donna  une 
partie  de  ses  biens  à  ses  frères  et  l'autre  aux 
pauvres,  sans  se  rien  réserver;  le  supplice 
(KAnanias  et  de  Saphira,  que  nous  voyons 
dans  les  Actes  des  apôtres^  lui  faisait  peur, 
rt  il  avait  gravé  dans  son  esprit  cette 
parole  de  Notro-Seigneur  :  Celui  qui  ne  re- 
nonce  pas  à  tout  ce  quHl  possède  ne  saurait 
être  mon  disciple  (256;. 

Quant  à  la  doctrine  de  saint  Hilarion  sur 

e  travail,  elle  n'était  pas  différente  de  celle 

de  son  maître.  Saint  Jérôme  nous  apprend 

au'il  joignait  au  travail  du  jeûne  le  travail 
es  mains;  que  ses  fréquentes  prières  ne 
l'empêchaient  pas  de  se  tresser  des  nattes  et 
de  bêcher  la  terre  avec  ardeur  (257). 
.  Avant  saint  Pacôme,  la  vie  monastique 
n'avait  qu'une  organisation  encore  impar-» 
(lite.  Mais  par  l'activité  infatigable  de  cet 
iiomme  illustre,  ce  genre  d'existence  devint 
une  grande  et  admirable  institution  qui 
contribua  merveilleusement  au  développe^ 
ment  de  la  vie  spirituelle  dans  la  sainte 
EglisedeDieu,  et  a  la  propagation  duchrisa 
tianisme  jusqu'aux  extrémités  de  l'univers 
(258).  —Saint  Pacôme  naquit  en  292,  dans 
la  baute-Thébaïde ,  de  parents  païens.  Il 
arriva  jusqu'à  vingt  ans  sans  aucune  con- 
naissance du  christianisme.  C'était  une  flme 
naturellement  forte  et  généreuse,  et,  malgré 
les  erreurs  du  paganisme,  il  montra  dès  sa 
jeunesse  un  grand  penchant  pour  la  vertu, 
pour  la  chasteté.  Son  goût  pour  les  lettres 
était  très-vif;  il  avait  étudié  a>ec  succès  les 
sciences  des  Egyptiens.  En  l'an  312,  ayant  été 
enrôlé  sous  les  drapeaux  de  l'empereur  Maxi- 
min,  nendant  la  guerre  civile  qui  agitait 
alors  rempire,  il  fut  fait  prisonnier  et  con- 
duit à  Thèbes.  Les  Chrétiens  de  cette  ville 
accueillirent  avec  une  charité  touchante  ces 
victimes  du  sort  des  combats. 

(256)  Sailli  Jérômf,  l'tV  detaini  Uiiarion,  cl»,  « ,  iradV 
Arnaud  crAiidilly.  —  On  remarquera  que  la  voca- 
lion  dosaihlllilarion, comme  celle  de  Saint  Anluiric, 
«81  déierniiuée,  non  par  le  désir  d'imiter  les  ascètes 
ifuiétisles  de  POrieni  ,  mais  par  Tenvie  d'arriver  à  la 
perfection  évangéliqne  et  à  la  pauvreté  des  premiers 
iiréiiens. 

(457)  Citons  Irt  texte  môme  desaîntjijrémcsnrun 
point  si  gravé  :  c  Orans  freqiienler  (Hilarion)  el 
Ms.illens  et  rastro  htimnm  fodiens  ,  m  jejimiorum 
liliorem  laboroperis  duphraret  ;  simulque  riscellas 
unico  texens,  aeninlal)atiir  iEgvpliornm  monacho- 
nini  disciplinam.  >  —  Suzomènè  connrnie  ces  dé- 
\1il5en  nouçapprenaiil  quetiiiu  Hilarion  s'accoiUu^ 


<r  Pacôme,  considérant  et  admirant  Ini.r 
charité,  demanda  quels  étaient  ces  gens 
qui  lémoignaient  tant  de  bonté  et  taDtdhn- 
milité.  On  lui  réponditque c'étaient deschiV- 
tiens  qui  rendaient  à  chacun,  avec  gramic 
joie  toutes  sortes  de  bons  offices,  et  prii- 
culièremenl  aux  étrangers.  S'étant  iDionni;' 
de  ce  que  voulait  dire  ce  nom  de  chrétirm, 
ilappnt  que  c'étaient  des  personnes  fiut 
pieuses  qui  faisaient  profession  de  la  reli- 
gion véritable,  qui  croyaient  en  Jésus-Chmi 
lils  unique  de  Dieu,  et  qui  s'etTorçaicnt  de 
tout  leur  pouvoir  de  faire  du  bien  à  tout  le 
moude,  avec  espérance  d'en  être  récompen- 
sés en  l'autre  vie.  Pacôme  fut  eitrèmenicnt 
touché  de  ce  discours,  et  une  divine  lumière 
éclairant  son  âme,  il  admira  la  foi  des  clirû- 
tiens;  puis  la  crainte  de  Dieu  pénétrant  son 
cœur,  il  commença  peu  à  peu  à  retirer  sa 
pensée  des  choses  présentes,  et  dit  en  éle- 
vant les  mains  au  ciel  :  «  O  Dieu  toul-puis* 
sant,  qu!i  avez  créé  le  ciel  et  la  terre,  si  vous 
daigne?  écouter  ma  prière,  si  vous  me  fai- 
tes la  grÂce  de  me  faire  connaître  la  vraieel 
parfaite  manière  selon  laquelle  vous  voulez 
être  adoré,  et  me  tirer  de  la  peine  où  jo 
stiis,  ie  ¥Ous  servirai  tout  le  reste  de  ma  vie, 
et' méprisant  tout  ce  qui  est  du  siècle,  J8 
m'attacherai  inséparablement  à  vous.  ■ 

Ayant  achevé  cette  prière,  il  alla  retrou- 
ver  ses  compagnons,  et  Je  jour  suivant  ils 
firent  voile.  Ils  passèrent  ensuite  par  plu- 
sieurs lieux  durant  le  cours  de  leurnavi* 
galion,  et  lorsque  des  voluptés  corporelles 
et  d*aulres  attraits  humains  flattaient  ses 
sens,  il  les  repoussait  généreusement  fjar 
le  souvenir  de  la  promesse  qu'il  avait  faile 
au  Seigneur  de  se  consacrer  entièrement  à 
son  service;  par  ie  secours  de  sa  grâce,  il 
avait  dès  ses  plus  tendres  années  toujours 
aimé  la  chasteté  (259).  On  croit  que  ce  fui  i 
Pâques  de  l'an  31ii^  que  saint  Pacôme  reçut  le 
baptême.  Une  irrésistible  inspiration  du 
ciel,  tournant  toutes  ses  pensées  vers  la 
solitude,  il  embrassa  la  vie  monastique 
sous  la  direction  d'un  saint  vieillard  nommé 
Palémon.  Tout  le  temps  qu'il  nassa  avec  ce 
pieux  solitaire  fut  employé  a  la  prière  el 
au  travail  des  mains.  «  Ils  travaillaient  de 
leurs  mains,  dit  le  plus  ancien  historien  de 
saint  Pacôme,  selon  le  précopie  de  l'Apôtre, 
non-seulement  pour  gagner  leur  vie,  mais 
aussi  pour  avoir  quelque  moyen  d'assisier 
les  pauvres.  »  (Dei«ts  lb  Petit,  Vie  de  Mi«' 
Pacôme^  ch.  3.)  Souvent  Palémon  répétait  ^ 
son  disciple  ces  graves  et  belles  paroKs: 

mait  en  tout  à  snpporler  le  travail  et  a  siiriDonut 
rinclinalion  que  les  hommes  ont  à  l*oisiveié  et  à  U 
mollesse. (Cf. SozoMfeits»  Hisl,  eeclés., li«. ni.di. il) 
Malgré  les  déclamations  contre  les  suicides  mon»* 
tiques.  Saint  Hilarion  vécu iqualre-vingU ans,  et  saiM 
Antoine  ceni  cinq  ans. 

(258)  Saint  Anioine  allaii  jusqu*àdire  desaitt(P| 
céme  qqll  avait  complété  Kœnvre  des  Apôtres.  U 
Martin  Doist,  Hhioire  de  la  charité,  p.  282.) 

(259)  Dents  le  Petit,  Vie  de  saint  Pacàme^^y} 
Irnducl.  d*Arnaud  d^Andilly.  Cet  oiurage  a  été  pn 
iniliveincnt  composé  par  un  auteur  grec  incoiind,ct 
traduit  en  latin  par  Denys  le  Petit,  anbé  roniaio. 


iOi5 


MOI 


DASCETISMK. 


MOI 


I04(r 


s 


•  Travaillez  et  veillez,  PacAme,  aGn,  ce  que 
Dieu  ne  veuille  ,  que  le  tentateur  des 
Itoinmes  ne  vous  détourne  point  de  votre 
entreprise  «  et  ne  rende  pas  ainsi  tout  votre 
travail  inutile.»  Pacôme  recevait  ces  ins- 
tructions avec  une  si  grande  sounaission  et 
les  pratiquait  avec  tant  de  soin,  que  s*avan« 

ant  de  jour  en  jour  en  cette  sainte  manier» 

e  vivre,  il  donnait  tant  de  joie  h  ce  véné- 
rable vieillard,  qu'il  en  rendait  à  lésus-Christ 
de  continuelles  actions  de  grAces  (260). 

Quand  Tesprit  de  Dieu  eût  renijili  samt 
PacOme  de  ia  grâce  du  ciel,  il  lui  révéla  les 
deslinées  auicfuelles  il  était  réservé.  Dn 
iour  quil  priait  au  milieu  du  désert  do  Ta- 
benne,  un  ange  lui  apparut,  dit  un  histo* 
rien,  et  Iu4  ordonna  de  bâtir  un  moaastère 
au  sein  de  cette  soHlude  de  sauvage;  et 
dans  une  autre  révélation  le  messager  cé- 
leste lui  enseigna  la  règle  à  imposer  à  ses 
moines  (261).  Des  auteurs  d'une  grande  au- 
torité ont  écrit  que,  lorsque  Tange  apparut 
i  saint  Pacônne  pour  lui  ordonnerdebâtirun 
monastère  à  Tabenne,  il  lui  donna  en  môme 
temps  une  table  d*ai^ain,  sur  laquelle  était 
écrile  la  règle  qu'il  devait  faire  pratiquer  à 
ses  religieux  (262). 

«Quoiqu'il  en  soit,  dit  tillemont,  celte 
règle  était  digne  de  venirdu  ciel,  étant  toute 
fondée  sur  J*esprit  des  écritures.  »  —  Cha- 
que monastère  avait  son  supérieur  pour  le 
gouverner  en  l'absence  de  saint  Pacôme  (263), 
on  donnait  è  ce  supérieur  le  nom  de  père 
ou  de  chef  (princeps),  ou  plus  souvent  celui 
d'économe;  il  avait  sous  ses  ordres  un  vi- 
caire Licta  sanctorum,  H  Mai).  Les  monas- 
tères formaient  plusieurs  maisons  ou  fii- 
niilles,  et  trois  familles  composaient  une 
tribu  (26^).  Chaque  famille  avait  son  chef 

(260)  DexYS  le  Petit,  Vie  de  saint  Pacôme,  ch.  3.  — 
Nous  ferons  renoarqtter  que  dans  la  Iraduclioii  Arnaud- 
ri'Andilly,  que  nous  clions,  les  chapitres  ne  sonlpas 
divi«»és  comme  (fans  le  icxle  de  Dcnys.  —  Il  uni 
lire  loul  le  chapitre  5,  que  nous  regret  Ions  de  ne 
pouvoir  citer,  et  qui  raconte  avec  une  si  noble  sîni- 
pliciié  les  rapides  progrès  de  Pacôme  dans  les  vertus 
é\anKélir|ucs. 

(201)  Dexys  le  Petit,  Vie  de  saiiU  Pacôme^  ch.  G*  — 
PiLLADE,  Hisl*  lausiaque,  cli.  58- 

(262)  De.nts  le  Fetit,  ibid.  —  Slrius,  \A  Mai.  — 
Roswcide,  Viiœ  Palrum,  ch.  12.  —  Pai.lade,  //«/. 
louiiaque  ,  cli.  38.  —  Gkenade,  Ihs  écrivains  eclés*, 
di.  7.  ^  SozoMÈNE,  Hist,  etclés.y  liv.  m,  ch.  i  i.  — 
Il  y  a  cependant  des  doutes  fondes  sur  cette  révéla- 
ti<>ii  de  la  règle.  En  effet  le  texte  grec  du  plus  ancien 
bisiorien  de  saint  Pacôme  tren  parle  point,  et  le  silence 
de  saint  Orsisecst  uncdifUcutle  très-grave.  Le  succes- 
seur de  saint  Pacôme  dit  seulement  :  «Si  mandata  Dei 
ikuiii  quae  per  palrem  iioslrum  tradidil  nobis,  i  etc. 
*-  Et  plus  loin  :  —  <  Non  relinquamus  legein  Dei 
quam  pater  noster  ab  co  accipiens  nobis  tradidit.  » 
(  Cf.  lloLSTENius,  Codex  reguiarum,  S.  Omesii  alh^ 
à<iti$  Tabenn,  Docirma  de  insUlulione  monachorum, 
tà'  28  et  46 ,  pag.  78  et  83,  de  la  i*  pari,  de  Uol- 
hiitnhifi,) 

(2G3)  Les  deux  lettres  citées  par  Holsienius  le 
piooveni  :  Codex  regularunif  Episl.  S.  Pachoniii, 
I».  61 .  62. 

(26&)  Saint  Jérôme,  parlant  des  moines  dcTabenne, 
dit  :  I  Qui  hi lient  pcr  singuin  monasleria  patres,  et 
'*'^i»«îibuloics  et  h'.bdomarios  ac  ministrus,  cl  bifi 


ou  prévôt  (prœpositus),  avec  un  second  pour 
Taider  (Cf.  Acta  sanctorum^  ikldai).  Ilsgar* 
daient  les  habits  et  les  livres  de  leur  famille, 
pour  les  distribuer  aux  frétées  qu*ils  ins- 
truisaient avec  le  plus  grand  zèle.  Chaque 
famyie  avait  sa  maison  et  son  logement  à 
part.  On  réunissait  da-ns  la  même  famil'e 
tous  ceurx  qui  pouvaient  exercer  le  mômu 
métier  (265) .  Les  familles  se  succédaient 
les  unes  aux  autres,  par  semaine,  pour  rem- 
plir les  services  communs. 

La  première  famille  était  composée  de 
ceux  qur  avaient  soin  de  la  table  et  de  la 
cuisine;  la  seconde  des  infirmfers;  la  troi- 
sième des  portiers:  on  mettait  dans  celle 
famille  des  hommes  graves,  d*une  charité 
éprouvée,  d'un  zèle  que  rien  ne  rebutait, 

f^arce  qu'ils  avaient  la  charge  de  recevoir 
es  étrangers,  et  de  les  traiter  avec  la  [dus 
grande  cordialité  {Aeta  êanctorum^  14  Mai)» 
D'autres  familles  faisaient  des  nattes,  des 
corbeilles,  labouraient  la  terre,  cultivaient 
les  jardins,  exerçaient  le  métier  de  serru- 
rier, de  charpentier,  de  tisserand,  de  tanneur, 
de  cordonnier,  etc.  (266).  Quelques-uns, 
commedans  les  monastèresdes  Bénédictins,, 
étaient  occupés  à  écrire  (Cassien, /n^hlul. 
monast.9  liv.  iv,  ch.  12).  Chacune  do  ce^ 
familles  avait  son  heure  réglée  pour  le5  re- 
pas (PjkLLADB,  Hisi.  lausiaque,  en.  39).  Cha- 
oue  cellule  était  occupée  par  trois  religieux 
(Palladb,  Hist.  lausiaque^  ch.  38).  Mais  ils 
mangeaient  ordinairement  dans  le  môme 
réfectoire  (267).  Ils  suivaient  en  tout  le  rang 
de  leur  profession  religieuse  (268). 

Telle  était  Tadmirable  organisation  de  ces 
laborieux  ouvriers  de  la  Providence,  au'onl 
représentés  sous  de  si  sombres  couleurs, 
tant  d'écrivains  passionnés  ou  plutôt  igno^ 

gnianim  domorum  praeposiios,  ila  m  unn  domus  iO 
plus  miniisve  f'ratres  haheal,  qui  oi»cdlant  prseno- 
sko,  sintque  pro  numéro  fralmnitrlginta  vel  quadra* 
feinta  doninsînuno-monaslerio,  et  ternas  vel  quntcr-^ 
nst  dnmus  in  uimmlribum  sederonlur,utvel  al  opéra 
simnl  yadant,  vel  in  hebdomadarum  ministerio  sibi. 
.snccedant  pcr  ordinem.  i  (Holstemus.  Codex  regu" 
latum^  incipit  praefatio  S.  Hicroiiymi  in  regnbni 
S.  P;ichomii,  §  2.) 

*  (2G5)  c  Fraircs  ejusdeni  artis  lit  nnam  domnm 
SHh  nno  prœposito  cougreganlur  :  Verhi  griiti.i,  ui 
qni  Icxunl  liiia  siiit  pariler;  qui  mattas,  In  nnanv 
rc|)tite:ilnr  f.tmlliani;  sarcinatores,  carpenlarii,  fiiN 
Innés,  gallicarii,  seorsnm  a  suis  pru'posi lis  gutier- 
»:intiir;ac  |»er  singnias  hehdomadas  ratiorinta  npi*- 
rimi  siipritm  ad  Patrcm  nionasteril  référant,  i  (lloLr 
STtNit'S,  Codex  ngutarum,  Pra^fatio  S.  Ilieronyini  iii. 
rcpnlani  S.  Piichomii,  |  0.) 

(266)  Ces  curieux  et  imtrartanis  détails  sont  lirét. 
de  Pall.'.de  (flis  oirt  lausiuqué,  ch.  ^9)  et  de  Holsic- 
nins.  (Codex  regularum^  Fra'futio  S.  Hier,  in  regu- 
lani  S.  Pachomii,  $  6.) 

(â67)  HoLSTENiLStCW^a;  re§tthrum,Pfw(.  S.  Hirr» 
tti  rcgnl.  S.  Pacliomii,  §  5.)  —  Denys  i.e  Petit,  V»< 
ée  saint  Pacôme,  ch.  tZ  (10*  de  la  traduc.  Ariiamt 
d'Andtl!y,S3.) 

(268)  HoLSTEXft'S,  ibid.  <  Quicnnque  anteni  mo- 
nasterinm  prhnus  ingrediiur,  primus  sedei,  ptimut 
anibulal,  primiis  psalmum  dicit,  priimis  in  nsenst- 
manum  extendlt,  prior  in  ecriesia  cnmttiunicatv 
iiec  xlas  inter  e«)s  «[tineritur,  seti  prorc&bio.  » 


1047 


MOI 


DICTlOiNiNAIRE 


MOI 


m 


rants.  Au  lieu  de  lire  patiemment  les  mo- 
numents contemporains»  dit  M.  Chassay» 
on  a  préféré  répéter  les  assertions  des  pam- 
phlétaires de  la  Kéforroe,  comme  s*il  fallait 
traiter  si  sérieusement  des  satires  inspirées 
p.-ir  Tesprit  de  parti.  Quand  cesserait-on 
d'écrire  l'histoire  h  la  manière  d'Ulric  de 
Hutteo?Les  moines  d'Occident,  si  maltraités 
par  le  xviu*  siècle,  n'ont  plus  maintenant 
d'adversaires  dignes  d'attention,  et  l'on 
sait  quels  applaudissements  unanimes  ont 
accueilli  le  dernier  ouvrage  de  feu  Ozanam 
*    (CiviHsaiion  chrétienne  chez  le»  Francs\  le- 

auel  la  plupart  du  temps  n'est  qu'une  apologie 
6  ces  héroïques  ouvriers  de  la  civilisation. 
Nous  avons  parlé  d'une  manière  bien 
abrégée  de  l'organisation  du  travail  dans  les 
monastères  de  la  célèbre  congrégation  de 
Tabenne.  Si  l'illustre  fondateur  avait  pris 
tant  de  précautions  pour  maintenir  avec  vi- 
gueur la  sainte  loi  ciu  travail  (269)»  il  D'en 
avait  pas  pris  de  moins  grandes  pour  con- 
server chez  les  frères  Tesprit  de  charité  et 
d'activité  sympathiques.  Il  donnait  lui- 
môme  l'exemple  d'une  vigilance  InfSstiga- 
ble ,  quand  il  s'agissait  de  servir  le  pro- 
chain :  «  Saint  Pacôme  aimait  de  telle  sorte 
tous  les  serviteurs  de  Jésus-Christ»  qu'il 
compatissait  à  leurs  peines  avec  une  affec- 
tion toute  paternelle.  Il  exerçait  de  ses  pro- 
pres mains  les  œuvres  de  miséricorde  en- 
vers les  vieillards»  les  malades  et  les  en- 
fants; et  personne  autant  que  lui  ne  fortifiait 
leur  esprit ,  par  des   considérations   spiri- 

(909]  On  admire  cependant  avec  qaelle  donceur 
relie  loi  éiaii  appliquée.  I/auteur  de  la  Vie  de 
Saint  Pacàme  rapporie  que  Tange  qui  lui  donna  la 
règle  lui  dit  :  c  Permeiloz  à  clincun,  selon  ses  forces, 
de  iioire  et  de  manger,  ei  obllgei«les  à  travailler  i 
proporiion  de  ce  iprils  mangeront,  sans  les  empé- 
clier  de  luaiiger  modéréuieni.  >  (Demys  le  Petit, 
Vie  de  S.  Parduie,  Iraducl.  Arnauidd'Andilly,ch.  10, 
el  Pallams,  Hiit»  lauiiaque^  ch.  i8.) — «  Un  jour,  le 
saint  disait  aux  frères  :  Lorsqu'on  commence  ^  se 
servir  d'un  cheval ,  on  ne  le  fait  pus  travailler  et  on 
ne  le  charge  pas  de  telle  sorie  qu'il  soit  forcé  de  snc- 
eoniber;  mais  on  Taccouinme  peu  à  peu,  en  lui  don- 
nant d'ahord  de  légères  charges,  jusqu'à  ce  qu'il 
soit  assez  fort  et  assez  adroit  pour  en  porter  déplus 
pesantes.  »  (Demys  |.e  Petit,  Vie  de  S.  Pacôme^ 
iraduct.  d'Arn.  d'Andilly,  ch.  11.  —  Yoiraussiles 
t)eaux  détails  du  ch.  15.) 

(270)  «  ()nando  ad  oslium  nionasterii  aliquî  ve- 
iierinl,  si  clerici  fuerintaui  nionachi,  majore  honore 
Sitscipiantur,  kiva|]|iintquc  pedes  eonnn,  juxta  Evan* 
gelii  pRjDceptura  ,  et  deduceut  ad  lucum  xcnodocbii, 
praehebuntqtje  omnia  quie  apta  sunt  usni  inona- 
choruni.  Quod  si  voluerint  oratioiiis  tenipore  alque 
CQllectai  venire  ad  conventum  fralruni;  etejusd<ni 
fldei  fiierinl,  janilor  vet  niinister  xcnodochii  nun- 
liahît  pairi  nionasterii,  et  sic  deducetitur  ad  oran- 
dum,si  homines  s;cculares  siut  deltiles,  aul  vasa  in- 
ftrmiora,  id  est  miiKerculje,  venerint  ad  oslium  ad 
oranduiii,  suscipienl  singulos  in  divcrsis  iocis,  juxia 
ordiaem  propQsiti  et  sexns  siii,  praecipueque  femi- 
nas  majore  honore  et  diligeutia  curabunt,  cum 
omni  timoré  Uei,  ut  iocum  separalum  ah  ûmni  vi- 
roruni  viciiiia  eis  triliuenl,  ui  nulhi  sit  occasio  bla- 
spbeinandi.  Quod  si  ad  ve&peram  venerint,  abigcre 
e.is  nefjs  est,  se4  accipient,  ut  dixinms,  separatuni 
Iocum  et  claiisiiiH  cum  onmi  disciplina  atipio  cau- 
lelj,  ut  grex  ftatruui  libac  suo  ilUcio  sirviati  cl 


• 

tuelles,  pourleur  faire  supporter  patiemment 
les  roauxdont  ils  étaient  affligés.  »  (Dirtsii 
Petit,  Vie  de  saini  Pacôme^  cb.  13,  traduc^ 
d'Arnauldd*AndilIy.)SaintPacômefai8aitreQ« 
dre  aux  étrangers  toutes  sortes  de  devoirs, 
surtout  aux  ecclésiastiques  et  aux  moines, 
ce  qui  ne  rempôchait  pas  de  traiter  les  geos 
du  monde  avec  une  déférence  polie  et  ooe' 
admirable  charité.  Il  recommande  même 
avec  le  plus  grand  soin  tous  les  égards  dos 
h  la  faiblesse  et  au  sexe ,  avec  une  délica- 
tesse do  sentiments  et  d'expressions  coin- 
filétement  étrangère  à  Tesprit  oriental  (Ï70) 
I  existait  dans  les  monastères  plusieun 
logements  destinés  aux  personnes  de  quB« 
lité  différente.  Dn  corps  de  logis  séparédet 
bon^mes  était  réservé  aux  femmes; il  parait 
môme  qu'on  leur  permettait  de  venir  k 
réalise  pour  prier,  probablement  quandies 
religieux  n'y  étaient  pas. 

Par  une  condescendance  pleine  de  dou- 
ceur, saint  PacAme  n'interdisait  même  pas 
toute  espèce  de  rapport  entre  les  religieux 
et  leurs  parents.  Les  moines  pouvaient  ny 
eevoir  leurs  visites  à  la  porte  du  monasièro, 
accepter  de  petits  présents  qu*on  destinait 
au  soulagement  des  malades.  On  faisait  par 
là  pratiquer  aux  visiteurs  un  acte  de  cha- 
rité et  de  bienveillance  pour  les  membroi 
souffrants  de  Jésus-Christ  (271). 

La  règle  poussait  la  condescendance  jus- 
qu'à permettre  aux  religieux  d'aller  voir 
leurs  parents  malades  (^2).  On  leur  doih 
naity  dans  ce  cas,  un  des  frères  pour  les 

nnlli  detur  oflTendicnlnm  detrahendi.  i  (Hoi.8TEaiin, 
Codex  regularum^  Régula  S.  Pachomii,  r.  li.) 

(i7l)  «  Si  qnîs,  I  dit  la  Rèffle,  c  aute  ostiom  ste 
lerit  monasterii,  dieens  sa  vellevidere  fratriim  suum 
vel  propinquum,  janitor  nuntiabit  pairi  nionasterii, 
et  ilJe  accitum  interrogabit  pnepositum  domus, 
ntrnmnarn  apud  cum  sit;  et permittente  eoaccipiel 
eomitem  egressionis  snop,  ciijus  lides  probata  est,  et 
sic  mitteturadfk-atrem  videndum,  vel  ad  pmxiroum. 
Si  forte  ei  aliquid  attulerit  dliorum,  qnibusiii  wù^ 
nasterio  vesci  licitum  est,snsciperc  ipsenonpoterit, 
sed  vocabil  janilorem,  et  ille  illata  accipiet  :  «(ns  si 
taiia  fueriot,  ut  cnni  pane  vescenda  sint,  nihil  co- 
|iim  18  cui  alla  la  sunt  accipiet,  sed  cuncia  ad  loci 
aegrotantiumdcferciitur.  Si  vero  sint  trasemata,  tcI 
ponia,  dabit  ei  janitor  ex  liis  comedere  qu»  jMli'Hi, 
et  estera  ad  cellam  languentium  deportaLil.  i|«e 
auiem  nibilex  iisquasallata  sunt  giistare  poleritr^ 
reddere  ei  qui  altulit,  sive  lapsania,  quod  geiins 
hcrbarum  est  viliorum,  sive  panes,  sive  o\tn  |ir»- 
Biordica.  Eos  auicm  cibos,  qoos  allaios  a  parenlib» 
vel  propinquis  diximus  taies  esse  qui  cuniedi  cuia 
pane  debeant,  Is  cui  allall  sinit  deditcctur  a  pnppo- 
sito  domns  ad  cellam  xgrotantiuni,  et  ilii  seiiteluv- 
tnm  ex  his  conicdct  :  cetera  antem  eniut  in  iiiaiifl 
ministri  aegrotamînm.  Ipse  quoque  ndnisleriie  bis 
eomedere  non  potcril.  i  (IIolstexius,  Codes  rtgni^ 
rum,  Régula  S.Pachomii,  r.  i.i|.) 

(272)  %  Si  fucrit  nunliatum  quod  de  propiiu|nis 
eonim  atque  cognaiis  qui  in  nionasterto  coinmO' 
rantnr,  aliquis  a'grotet,  janitor  pritnuni  anuiial^i^ 
patri  monasterii,  et  ille  arccitum  interrogabit  pr«- 
posilum  domus.  Videbunlque  viruin,  cujns  fidesel 
disciplina  probata  sit  et  miltent  cum  eo,  ut  vi»iiet 
aegrotantem,  untuni()ue  accipiet  viatici,  quantiiM 
praepositus  domus  cyus  decreverit.  »  (Uoutbfios, 
Codex  reguîarum,  Rt^gula  S.  Pachomil,  r.  un.) 


1049 


MOI 


D'ASCETISME. 


MM 


1050 


Accompagner.  (  Cf.  Hoi  stehics  ,  Codex  regu 
larum  «  régula  S.  Pachomii ,  r.  lti.  ) 

SainI  PacAme  s*occapa  aussi  de  cuUîTer 
rintelligence  de  ses  moines.  Ou  obligeait  le 
noufeau  religieux  à  apprendre  à  lire;  ils 
tievaieni  apprendre  par  cœur  une  partie  de 
'*£criture  sainte,  an  moins  le  Nouveau  Tes- 
jimeiit  et  le  Psautier.  Le  religieux,  qui  était 
chsrffé  d'enseigner  la  lecture  aux  autres,  de* 
▼ait  le  faire  c  afec  le  plus  grand  soin,  dit  la 
règle,  et  afec  toutes  sortes  d'actions  de  grâ- 
ces. »  On  Toulait  faire  comprendre  par  là 
font  ce  qu'il  y  avait  de  grare  et  d*impor- 
tant  dans  cette  sainte  fonction  (273). 

Rn  même  temps  qu'on  développait  l'in- 
telligence des  novices,  on  les  occupait  aux 
travaux  extérieurs  les  plus  pénibles  (Cf.  PiL- 
LADB,  Hisioire  lauiiaque^  chapitre  38),  afin 
de  les  façonner  aux  lia  blindes  laborieuses 
de  la  maison.  Cassien  dit  qu'ils  demeuraient 
pendant  trois  ans  sous  la  conduite  des  por* 
tiers ,  pour  s'exercer  k  Thumilité  et  h  la  cha- 
rîlé  en  servant  les  étran^f^rs.  (Cassiez  ,  /ii#- 
tiiuiions  monafiiques ,  l.vre  vr ,  chapitre  7.) 

Le  saint  abbé  veillait  à  ce  que  ses  reli- 
gieux conservassent  Tesprit  d'activité  intel- 
li^ctuelle  et  charilable  qu'on  s'était  efforcé 
de  leur  inspirer  pendant  leur  noviciat.Quoi* 
que  les  moines  de  Tabenne  fussent  très-sur- 
chargés  de  travaux  manuels ,  comme  le  re- 
marque Tillemont  (Tillbmotf,  Mémoire» ^ 
▼If ,  saint  PacAme ,  act.  x  ),  on  leur  distri- 
buait des  livres  qu'ils  devaient  rendre  h  la 
fin  de  chaque  semaine  (27^).  Saint  Pacôme 
leur  recomniandait  encore  deméJiler  cons- 
tamment les  psaumes  et  particulièrement 
TEvansile.  (Cf.  Acia  êmutorum^  li  Mai  ). 
La  règle  les  obligeait  de  méditer  quelques 
passages  des  livres  saints ,  en  allant  a'un 
lien  à  un  autre  (275);  et  on  leur  recomman- 
dait de  joindre  la  méditation  au  travail  des 
mains  (276.) 

Ces  réflexions  constantes  sur  l'Evangile 
inspiraient  aux  moines  de  Tabenne  un  grand 
zèle  pour  la  charité.  Aussi  faisaient-ils  d'à- 
l>on  Inntes  aumônes,  et  ce  zèle  était  poussé 
si  loin,  nue,  quoiqu'ils  gagnassent  beaucoup 
l»'us  qu  il  ne  fallait  pour    leur   entretien 

'S73)  <  Qiii  mdîs  monasterinm  fiieril  în^efsos,  > 
«!fl  la  règle,  <  doc^ilnr  prias qtuedebcatobaenrare  : 
PI  enm  doclns  ad  oniversa  consenseril,  dalniiil  ei 
Tiginli  psalmos  et  duas  epislolas  Aposioli,  aot  alie- 
riiis  scriplanr  pariem.  El  si  Hueras  IgnoraTeril, 
liora  prima,  et  lertia,  elsexla.  vadel  ad  enm  qui  do- 
cerepolesl  :  eiqni  ei  fuerit  delecalns,  slabit  anie 
ill«m«  etdiscet  stndiosissiroe,  cam  omni  gnUaram 
actione.  »  {BegtUm  S.  PmtkomU^  r.  cxxiix.) 

«  Pôslea  ven»  seribeniur  ei  elemenia,  syllake, 
verlMi  acnomioa,  eleliam  nolens  Ictère  compdleior 
rt  imuiiM»  iiollas  erit  in  moiiaslerio,  qni  non  discal 
lilieras,  ei  de  scriploris  aliqnid  leneai  :  qm  miiii« 
mam  nsqne  ad  Novum  TeslaroentamctPsalieriom.  » 
HoLSTnim,  Coéex  reçulmrmm^  Regub  S.  Pacbomii, 
r.  CIL.) 

(i74)  c  Post  oralioiifs  roaUitinas,  »  dit  la  r^, 
miolsler  bebdomadis  cui  boeopiisfoerit  injnndam, 
interrogaliit  principem  monasterii  desingnlîs  rdN», 
qoas  necessarias  f^Ut,  el  qoanii  exire  debeant  njie- 
nrii  in  agram.  El  jnita  illias  jossionem  etrcnmibll 
Mngiibs  domos,  el  disrct  qoid  onosqaisiiiie  babeal 
uecc&sarîain.  Codiccoi  si  ad  l(*gendom  pelicrini,  ac- 


CissiEK,  Jnstiiuiions  monasii^mes,  livre  iv, 
chapitre  H);  ils  manquaient  quelquefois  de 
pain,  tant  ils  mettaient  d'empressement  à 
nourrir  les  puvres  et  les  étrangers  {Acla 
êonciorum^  ik  Mai). 

Saint  Pac6meneselK)mait  pasè  recomman- 
der à  ses  moines  le  travail  de  l'esprit  el  dji 
corps,  il  en  donnait  lui-même  l'exemple  nar 
une  activité  infatigable,  une  ardeur  inepnisa- 
ble  à  remplir  tous  les  devoirs  d'une  exis- 
tence tout  k  la  fois  charitable  et  lalK>rieuse. 

Non  content  d'avoir  élabli  tant  de  saintes 
maisons  et  d'avoir  mis  à  leur  tète  des  hom- 
mes remplis  de  l'esprit  de  Dieu»  il  allait, 
jour  et  nuit,  visiter  les  monastères  «  comme 
un  serviteur  Gdèle  du  grand  Pasteur,  >  disent 
admirablement  les  historiens.  Il  donnait , 
dans  ses  visites,  tons  les  ordres  nécessaires 
au  salut  des  âmes;  il  expliquait  les  Ecritu- 
res, consolait  et  animait  ceux  qui  étaient 
tentés,  et  encourageait  tout  le  monde  à 
résister  au  mal  par  le  souvenir  de  la  présence 
de  Dieu.  Il  allait  ordinairement  en  bateau 
sur  le  Nil  pour  faire  ces  visites,  il  mangeait 
dans  le  tiatean,  et  il  ramait  pendant  que  ses 
moines  dormaient  ;  il  agissait  ainsi,  même 
quand  il  était  âsé  ei  d^a  épuisé  [Aeia  aan* 
ctorum,  ik  liai;. 

Dans  une  visite  qu*il  fit  b  Tabenne,  i!  entra 
dans  l'atelier  etse  mit  b  lairedes  nattes.  Dnu«- 
ftntdn  monastère  (on  élevaitdesenfants  dans 
les| monastères  de  l'ordre),  trouvant  qu'il  sy 
prenait  mal,  lui  dit  qu'il  ne  travaillait  pas 
selon  les  instructions  du  Père  (saint  Théo- 
dore, alors  supérieur  de  Tabenne)»  Pacôme 
aussitôt  se  leva ,  alla  consuller  Fenfant,  et 
puis  vint  se  rasseoir  en  travaillant  d'après 
ses  indications,  en  montrant  par  Ib  tout  son 
respect  pour  l'obéissance  et  la  loi  du  travail 
{Ae$a  sanetorum^  Ib  Mai,  —  Scftics,  1b  Mai. 
—  RoswBiDB,  Viim  Paimm^  chapitre  37).  Un 
autre  jour,  nous  le  voyons  dans  le  même 
monastère,  travaillant -avec  les  maçons  el 
relevant  les  murs  de  clôture.  Comme  si  ces 
travaux  n'eussent  pas  été  assez  rudes ,  il 
descendait  lui-même  souvent  dans  les  puits 
pour  les  curer  (377).  11  ne  faut  oas  s'étonner 

çipianl  ;  el  finiia  bebdomade,  propler  eos  qui  socre» 
duiii  in  niinisieriam,  sno  resiiloani  loco.  *  (IIolstb* 
sios.  Codex  ngulMrmm.  Rei[ub  S.  Pacbooiii,  r« 

XSY.) 

(i75)  c  Camqoe  aadierit,  >  dit  la  règle,  c  vocem 
tnliae  ad  collecUm  Tocaniis,  suiim  enredialiir  ceU 
lulam  soam»  de  scrîptaris  aliqnid  milans  niqne  ad 
otlinm  conventimn.  >  (Cf.  Uolstcmics,  Codex  reph- 
Imrmm,  Regnh  S.  Pacbomii,  r.  lu.) 

(i76)  Cassics.  ImUiîolnmt  mbwoUiqoei^  chapitre 
12.  Ce  irsYail  éiail  si  penévéranl,  qa*ils  iravail- 
bienl  même  b  réalise  en  alie.ndanl  le  eonin.eiicc- 
menl  de  IViflleé.  —  c  Nec  diosus  in  collccla  scite- 
bil,  sed  runtcnlos  in  naiumm  siramina  niano  céleri 
pneperabii;  abtqoe  infirroitaie  donUxal  rorpiisculi, 
mi  ccssandi  Irîboiliir  venia.  >  (IIOLSTcmcs  Codex 
regmlmrum^  Régula  S.  Pacbemil,  r.  v.{ 

(277)  Un  bomme  du  monde  ayanl  vtremenlUbmé 
on  inrail  si  rade,  qn  il  accnsailde  enianté,  on  dit 
qu^nne  vision  céleste  TaTertil  qn*H  avail  pè  '  ' 
ne  comprenant  pas  Tbamililé  el  la  foi   ' 
(Cr.  Acia  Miirfomm,  14  liai.) 


i(l5l 


MOI 


DlGTIONiNAIRE 


MOI 


iu52 


ff\  le  labourage  lui  paraissait  ensuite  une  ré* 
création  véritable.  Quand  cela-  était  utile, 
non  conienl  d'employer  les  frères,  il  labou- 
rait lui  -môme  pendant  des  journées  entières, 
et  ir traita  très-sévèrement  un  prévôt  reli- 
gieux, fort  exemplaire,  nommé  Marc,  qui 
rbginiait  comme  indigne  de  lui  d*aller  cou- 
per des  joncs.  Doux  autres  religieux  ,  ayant 
miVité  une  sévère  correction,  il  leur  fit  com- 
[irendrè  qu'ils  n'obtiendraient  leur  pardon 
de  Pieu  qu'enjoignant  le  travail  aux  armes 
de   la  pénitence  [Acta  sanctorum,  ik-  Mai). 

Les  grands  exemples  de  saint  Pacôme  pro- 
duisirent les  fruits  qu'on  en  devait  attendre. 
Les  moines  d(j  Tabcnne,  animés  par  son 
exemple  et  par  ses  exhortations,  donnèrent 
à  leur  siècle  le  spectacle  des  plus  admirables 
vertus. 

Ils  né  travaillent  gu*à  se  décharger  du 
poids  des  choses  du  siècle,  pour  porter  avec 
plus  de  facilité  le  joug  léger  de  Jésus-Christ. 
Ils  servaient  Dieu  de  tout  leur  cœur,  ayant 
devant  les  yeux  l'exemple  du  saint  qui  les 
conduisait  comme  une  lumière  éclatante.  Ils 
vivaient  dans  la  joie,  dans  la  paix  et  dans 
une  union  entière  les  uns  avec  les  autres. 
Ils  n'avaient  que  la  parole  de  Dieu  dans  le 
cœur  et  dans  la  bouche,  ils  ne  se  sentaient 
presque  pas  vivre  sur  la  terre,  mais  jouis- 
saient déjà  de  la  joie  et  de  la  fête  du  ciel, 
f^arce  qu'autant  ils  cherchaient  Dieu  de  tout 
eur  cœur,  autant  la  charité  de  Dieu  se  plai- 
sait à  remplir  leur  âme  de  la  douceur  do  ses 
consolations.  G*est  pourquoi,  encore  que  la 
plupart  ne  fussent  que  des  paysans  ramassés 
des  villages  d*alentour,  on  les  regardait  néan- 
moins comme  des  personnes  pleines  de 
lumière  et  de  sagesse: et onenprilquelques- 
uns  pour  les  élever  à  Tépiscopal.  (Tille- 
mont,  Mémoires^  etc.,  vu,  samt  PacômOi 
art.  xi.j 

Les  uisciples  de  saint  Pacôme  ne  montré-* 
renl  pas  une  moindre  ardeur  pour  l'accom- 

Ïdissement  de  la  sainte  loi  du  travail,  et,  en 
isant  ces  curieux  détails,  on  croirait  avoir 
sous  les  yeux  quelques  chroniques  de  ces 
ardents  Bénédictins  qui  ont  défriché  TEu- 
rope  inculte  et  ravagée  par  les  Barbares  (278). 
Quand  le  monastère  de  Moncose  embrassa 
)a  règle  de  saint  Pacôme,  il  se  trouvait  dans 
celle  maison  un  religieux  célèbre  par  sa 
vertu  et  appelé  Jean  ou  Jonas.  Ce  saint 
homme  fut  emplo)[é  pendant  de  longues  an- 
nées à  cultiver  le  jardin;  elles  détails  naïfs 

(278)  M.Guizol  est  curieux,  sur  ce  point,  à  cause 
du  bizarre  mélange  de  bernes  el  de  yériiés  qu*on 
remarque  dans  le  passage  que  nous  sjllons  citer. 
€  Quelques-uns  des  nioines  d'Oricni  avaient  bien  es- 
sayé d'introduire  le  travail  dans  leur  vie  {sic).  Mais 
la  tentative  n'avait  point  élé  générale  ni  suivie.  (Voir 
saint  Epiphane,  qui  affirme  le  contraire.)  Ce  fut  la 
grande  révolution  que  fit  saint  Benotl.  daRS  Tinslitul 
monastique;  il  y  introduisit  surtout  le  travail  ma- 
nuel, Pagricullure.  Les'  uioines  Bénédictins  ont  été 
les  dérriclieurs  de  TEurope;  iln  Tout  défrichée  en 
grand,  en  associant  Tagriculture  à  la  prédication, 
rhe  colonie,  un  essaim  de  moineis,  peu  nombreux 
d'abord,  se  transportaient  dans  les  lieux  incultes,  ou 
à  peu  près;  souvent  au  milieu  d'une  population  en- 
core païenne,  en  Germanie,  par  exemple,  en  Brcia- 


transmis  par  tes  historiens  nous  prouvent 
qu*il  avait  tout*'S  les  qualités  et  môme  le 
touchant  attachement  qtfun  bon  jardinlir 
doit  avoir  pour  les  arbres  qu'il  a  si  long- 
temps cultivés  (279). 

Ce  bon  religieux  que  soutint  la  congréga- 
tion deTabenneparsa  piété  après  la  mort  de 
saint  Pacôme, manqua  un  jour  à  robéissancc, 
parce  qu'il  ne  put  se  résoudre  à  couper  un 
figuier  que  le  saint  abbé  lui  avait  ordonné  d\> 
battre.Cen*estpasleseultraitdecegenrcquon 
puisse  citer. Pallade  rapportequesaint  Amon, 
dont  le  nom  est  célèbre  parmi  les  solitaires 
d^Orienlj  s'occupait  continuellement  dans  son 
jardin  h  cultiver  du  baume,  qui  se  cultive 
comme  la  vigne  et  a  besoin  d*un  grand  tra- 
vail (Cf.  Pallade,  Histoire  lausiaque,  cha- 
pitre 8).  Puisque  nous  citons  ce  saint  soli- 
taire, nous  croyons  devoir  reproduire  lo 
touchant  tableau  que  RuGn  nous  a  laissa  de 
Tesprit  cordialement  sympathique  et  de  la 
bienveillance  charitable  des  moines  de  Saint- 
Amon.  Aussitôt,  dit-il,  que  nous  approchâ- 
mes de  Nitrie,  et  que  ces  saints  surent  que 
c'étaientdesfrè.resétranger$,soudain,coDin]e 
si  c'eût  été  un  essaim  d  abeilles,  ils  sortirent 
tous  de  leurs  cellules,  et,  avec  une  extrême 
gaieté,  vinrent  en  courant  au-devant  de  nous, 
et  la  plupart  d'eux  nous  apportèrent  des  pains 
et  des  peaux  de  bouc  pleines  d'eau.  Ils  nous 
menèrenl  ensuite  à  l'église,  en  chantant  des 
psaumes,  et  puis  nous  lavèrent  les  pieds, 
et  les  essuyèrent  avec  des  linges,  comme 
pour  nous  soulager  de  la  lassitude  que  le 
chemin  nous  avait  causée;  mais  en  effet, 
pour  attirer  dans  nos  Ames  une  force  et  une 
vigueur  spirituelles  par  cet  oQîce  de  charité 

au'ils  exerçaient  envers  nous.  Que  dirai-je 
avantage  de  leur  civilité,  de  leur  cbarilé 
et  du  plaisir  qu'ils  prenaient  à  nous  témoi- 
gner leur  affection  par  toutes  sortes  de  de- 
voirs etdeservices?Chacun  s'efforçait,comme 
à  J'envi,  de  nous  mener  dans  sa  cellule;  et 
ne  se  contenlant  pas  de  satisfaire  à  (eus  les 
devoirs  de  Thospitalité,  ils  nous  donnaient 

fiar  leur  exemple  des  instructions  de  Thumi- 
ité  qu'ils  pratiquaient  si  parfaitement,  delà 
douceur  d'esprit,  et  de  ces  autres  biens  de 
Tàme,  qui  s'apprennent  parmi  eux  comme 
parmi  les  personnes  qui  ne  se  sont  retirées 
du  monde  que  pour  cela,  avec  des  grâces 
différentes,  il  est  vrai,  mais  avec  une  doc- 
trine toujours  la  même  et  toujours  sembla- 
ble. Nous  n'avons  jamais  vu  en  nul  autre 

gne,  et  de  là,  missionnaires  et  laboureurs  à  h  fuis, 
ils  accomplissaient  leur  double  làcbe,  soutciii  stk 
autant  de  péril  que  de  fntigue.  Voici  comment  saint 
Benoit  règle  remploi  de  la  journée  dans  ses  monas- 
tères ;  vous  verrez  que  le  travail  j  tient  une  graniie 
place.  I  GoizoT,  Hiitvire  de  la  ckiiiMtioR  in  hrnm-tn 

u,  n.) 

(279)  Cf.  Acla  $nnclorum,  H  Mai.  —  Ozanam  a 
élé  frappé  d<;  rinlelligente  admiration  des  soliUiiret 
pmir  h  nalurQ.  Il  a  remarqué  avec  quel  soin  on  (twi* 
servait  dans  les  monastères  les  beaux  arbres  qui  f>i' 
saient  rorueniciit  du  paysage.  Cet  illustre  bisloricoa 
compris  bien  mieux  que  MM.  Guizol,  Mirlielel.  eic.f 
le  véritable  caractère  el  rimportance  ci?ili^itn<^ 
de  l:i  vie  monastiqiio.  (Cf.  Oza.nàm,  La  cwiMfvtn 
chrétienne  chvz  le»  /'i«wi:*.) 


I05S 


MOI 


D'ASCKTISUC 


yof 


1054 


liea  iiDe  si  ardente  eliarilé,  nous  n^avoDS 
jamais  tu  la  miséricorde  de  Dieu  s'exercer 
avec  taol  de  ferveur  et  de  zèle,  nous  D*avons 
jamais  tu  une  si  parfaite  et  si  admirable 
hospitalité»  une  si  forte  méditation,  une  si 
grande  intelligence  des  divines  Ecritures»  ni 
de  si  continuelles  occupations  dans  la  science 
des  saints,  cela  allant  jusqu'à  tel  point  qu^îl 
]i*j  en  a  pas  un  dVux  qu'on  ne  prtt  pour  un 
docteur  oe  la  divine  sagesse.  (Rufiïi,  Vies 
des  Peres^  livre  ii,  chapitre  21.) 

Revenons  aux  disciples  de  saint  Pacôme. 
Parmi  eux  peut-on  en  citer  un  plus  grand 
exemple  que  celui  de  saint  Théodore? 

Il  a  été  la  gloire  de  saint  Pacônie  et  Kor- 
nement  de  la  congrégation  de  Tabenne  (Til- 
LEII05T,  Mémoires  pour  servir  à  rUisioire 
tcclésiiisiique:  Saint-Théodore,  ahbé  de  Ta- 
benne). Les  Grecs  lui  donnent  dans  leur  of- 
fice le  titre  de  SAnclili6.(l>«inofio/o^f,  16  Mai), 
comme  son  titre  ordinaire.  Il  était  né  d'une 
famille  riche  et  illustre  de  la  haute  Thébnido, 
et  il  quitta  toutes  les  jouissances  de  la  vie 
pour  embrasser  la  pauvreté  de  noire  Sau* 
▼eur  bien-aimé.  La  splendeur  même  de  sa 
maison  contribua  à  lui  faire  mépriser  toutes 
les  grandeurs  du  monde,  parce  qu'il  crai* 
gnaii  qu'elle  ne  l'entraînât  è  oublier  ses  des- 
tinées éternelles.  Dès  l'âge  de  onze  h  douze 
ans,  il  avait  un  esprit  si  profondément  chré- 
tien, qu'il  prenait  Dieu  à  témoin  avec  la  can- 
dide naïveté  d'une  belle  âme,  qu'il  n'avait 
jamais  rien  préféré  è  son  amour.  Quand  il 
entra  au  monastèrede  Tabenne,  saint  Pacôme 
décfara  que  cet  enfant  de  treize  à  quatorze 
ans  était  ■  un  vase  d'élection  rempli  de  l'Es- 
prit divin.  »  Aussi  l'aima-t-il  comme  son 
fils  et  son  plus  cher  disciple  (280j. 

Malgré  ces  dons  éminents,  nous  voyons 
saint  PacAmc  employer  Théodore  aux  soins 
les  plus  vulgaires  et  au  travail  le  plus  péni* 
ble  du  mouastère.  Lorsqu'il  eut  environ 
trente  ans,  saint  Pacôme,  qui  demeurait 
ordinairement  à  Pabau,  le  fit  économe  et 
supérieur  de  Talienne,  sans  le  dispenser  d'al- 
ler visiter  les  autres  maisons  ,  jugeant  qu'il 
avait,  pour  un  si  grand  nombre  de  fonctions 
si  différentes,  une  aptitude  incontestable. 
Toute  son  occupation  était  d'aimer  Dieu, 
d'améliorer  son  esprit  et  son  cœur,  et  de 
faire  faire  à  ses  inférieurs  des  progrès  sensi- 
bles dans  la  vertu.  Au  milieu  de  ses  occu» 

(2S0)  Acta  umctorum ,  I  i  Mai.  Il  fanl  lire  aossi, 
dans  la  \  te  de  êoimi  Paeàme^  les  deuils  pleins  d*îii- 
férél  des  dëliaU  de  saint  Théodore  dans  la  vie  mo- 
nastîqae.  (Cf.  Dehis  le  Petit,  Vie  de  MMf  Pacômu^ 
cliap.  16.) 

(181)  Ce  seul  trait  prouve  qne  les  coovenis  de  TO- 
rîent  n*étaient  pas  une  rconioD  de  yogis.  —  Sons  le 
gmi reniement  «le  Tliéo<lore ,  il  est  question  de  Syl- 
vain, rbcf  des  toiliers,  TwvlmvfMv  (Cf.  Acta  samctO' 
mil*  14  Mai.) 

(iSi)  Si  M.  Guizol  avait  éindic,  même  superficiel- 
Mnient,  la  lê^le  de  saint  Paréme,  il  aurait  pu  se  ron- 
vaincre  qu*il  existait  dans  les  monastères  quelque 
rcxulâriiev  même  avant  saint  Basile.  Nous  rroyons 
l'avoir  prouvé  suratmodammeot. 

(283)  Elle  contient  d^ni  cent  trois  questions  et  an- 
tMit  (te  réponses.  (Cf.  IIolstcmi's,  Codex  Tegularum^ 
saiicti  Basilii,  Caesarx  C^p|iadoci;e  episcopi,  Régula 


pations  sublimes,  il  professait  une  si  grande 
vénération  pour  la  loi  du  travail,  qu'il  cp>- 

frenait  lui-même  aux  enfants  du  monastère 
faire  des  nattes  (Acia  saneiorum  ^  ik  Mai). 
Après  la  mort  de  saint  Pacôme.  Orsise,' 

3 ni  lui  succéda,  donna  è  Théodore  Tinlen- 
ancedcsonvriersdePabau(â8l).T£>Tffzr«Mt9. 
De  là  il  fut  envoyé  a  Pacnum.  Macaire,  su- 
périeur de  ce  monastère,  Tavait  dr mandé 
pour  diriger  les  travaux  de  fa  boulangerie. 

Orsise,  dont  nous  venons  de  parler,  ne  se 
montra  pas  moins  zélé  |K>ur  la  loi  du  travail 
que  son  illustre  prédécesseur.  Nous  le 
vovons  pendant  son  administration  remplir 
infatigablement  les  devoirs  de  sa  charge.  11 
attendait  le  soir  et  \o  fin  des  travaux  pour 
adresser  ses  instructions  aux  frères.  Il 
donna  la  charge  de  grand  économe  è  Psar* 

{diin,  ancien  religieux,  qu'aucun  travail  ne 
alignait,  et  qui  s'acquittait  de  son  emploi 
avec  la  gaieté  que  saint  Paul  conseille  à 
ceux  qui  pratiquent  les  œuvres  de  miséri* 
corde.  (  Acia  sanetorum^  \k  Mai. } 

^  Après  saint  Antoine  et  saint  PacAme, 
l'homme  qui  exerça  la  plus  grande  influence 
sur  les  monastères  d'Orient,  c*est  saint  Ba- 
sile, qne  M.  Desmichels  appelle  €  l'éloqnenl 
apôtre  de  la  charité.  > 

«  Dans  la  dernière  moitié  du  iv*  siècle,  dit 
M.  Guizot,  la  règle  de  saint  Basile  viHt  ap- 
porter dans  le  nouvel  institut,  quelque  r^ 
rilaritê  (282).  Rédigée  en  forme  de  réponse 
des  questions  de  tout  genre  (283),  elle 
derinl  bientôt  la  discipline  générale  des 
monastères  d'Orient,  de  tous  ceux  du  moins 
qui  prirent  un  peu  d'ensemble  et  de  fixité 
(284).  Tel  devait  être  le  résultat  de  Pin- 
liuencc  du  clergé  séculier  sur  la  vie  monas- 
tique, dont  les  plus  illustres  évoques,  saint 
Athanase,  saint  Basile,  saint  Grégoire  de 
Nazianze  et  une  foule  d'autres  se  déclarè- 
rent alors  (285j  les  patrons.  Ce  patronage 
ne  pouvait  manquer  d'y  iotroiluire  plits 
d'ordre  et  de  succès.  > 

«  L'institut  de  saint  Basile,  dit  Hélyol,  se 
répandit  bientôt  dans  tout  l'Orient,  et  quoi- 

Ju'il  j  eôt  d'autres  règles,  né;tnmoins  celle 
e  saint  Basile  y  a  tellement  prévalu  sur 
les  autres,  qu'elle  les  a  toute^  obscurcies, 
n'y  ayant  que  celle  de  ce  saint  qui  soit  re- 
connue parmi  les  moines  d'Orient.  •  (  Hi- 

ad  monaclios.) 

(284)  Nous  avouons  trés-Tolonliers  que  la  règle  de 
saint  Basile  iniroduisil  dans  la  vie  monastique  des 
améliorations  importantes;  mais  nous  ne  croymis 
pas  nécessaire  à  la  gloire  de  ce  grand  esprit  de  lui 
attribuer  ce  qui  n*est  dû  qu*anx  efiorts  et  à  la  sagesse 
de  ses  prédécesseurs 

(285)  Il  ne  faut  pas  perdre  de  vue  que  saint  Antoine 
et  saint  Ailianase  étaient  conlemporains,  que  saint 
Antoine  est  né  en  251  et  saint  Basile  en  529;  que  ta 
discipline  ascétique  s'établit  sous  les  jeux  même  des 
Apôtres,  qu'elle  fut  fondée  en  Egypte,  par  saint  Mare, 
évéque  d'Alexandrie  :  c  Jusqu'à  saint  Benoit,  dit 
H.  IKssmicbf  ls«  les  associations  religieuses  s'étaient 
placées  sous  l'antoriié  et  h  protection  de  l'cvéq^e 
diocésain.  »  (  Husiicocts,  Hmohe  du  moyeu  é$€, 
400.) 


.  ( 


1055 


MOf 


lllCnO>CNAIR£ 


1056 


LTOT,  Hiêioire  des  ordres  manasiiquetf  pre- 
mière |>artie9  chapitre  18.  ) 

Ce  ne  fut  pas  seulement  en  Orient  que  la 
règle  de  saint  Basile  fut  reçue;  mais  elle 
passa  en  Occi«tent  aussitôt  que  Ru6n  l'eut 
traduite  en  latin^  et  avant  que  saint  Benoit 
eut  publié  la  sienne*  il  y  avait  d^k  des 
monastères  de  Tordre  de  saint  Basile  en 
Italie  :  quelques-uns  ont  même  cru  que 
saint  Benoit  s'y  était  soumis,  puisque»  par  le 
dernier  chapitre  de  sa  règle,  où  il  exhorte 
Bes  religieux  k  Tobserver,  il  leur  recom- 
mande celle  de  saint  Basile,  qu*il  appelle 
son  père,  et  dont  il  parait  au'il  a  tiré  la 
sienne,  suivant  le  sentiment  du  cardinal  de 
Turrecremata,  lorsqu'il  dit  :  Edueta  est  ré- 
gula B.  Benedieti  tanquam  fluvius  quidam  es 
fonte  religionist  ex  régula  illa  toti  seee^o 
elarissima^  omnium  virtulum  splendore  omor 
tissima  B.  Basilii. 

Or,  si  celle  règle  est  identique  avec  celle 
de  saint  Benoit,  ce  qui  n*est  pas  contesta- 
ble (286),  comment  justiGer  les  accuisations 
des  rationalistes  contre  les  monastères  d'O- 
rient? En  effet,  la  règle  de  saint  Beriott 
n*est-elle  pas  un  modèle  d'intelli|;ence,  de 
modération  et  de  piété?  Les  historiens  con- 
temporains les  moins  favorables  à  la  vie 
monastique  ne  sont-ils  pas  forcés  d'en  con- 
venir? 

«  La  règle,  dit  M.  Desmichels,  à  laquelle 
les  Bénédictins  furent  astreints  par  leur 
fondateur,  était  simple  et  édifiante.  Elle 
n'ordonna  ni  macérations  ni  abstinences 
trop  rigoureuses.  Au  lieu  d'exposer  l'ima- 
gination de  ses  adeptes  aux  écarts  du  mysti- 
cisme contemplatif,  saint  Benoit  leur  pres- 
crivit la  prière,  le  travail  des  mains, 
l'étude  et  l'instruction  de  la  jeunesse, 
sources  de  vertus,  de  charité  et  de  bon- 
heur. 

(286)  f  En  effel,cV»t  parnne  illusion  inconcevable 
que  M.  Guizot  faii  honneur  à  saint  Benoit  de  llinni^ 
tntion  des  vœux  et  du  noviciat.  Si  saint  Antoine, 
dit  un  homme  dont  Tautorité  est  dans  ces  sortes  de 
questions  bien  supérieure  à  celle  de  M.  Guizot,  a  été 
le  retlauraieur  de  la  vie  cénobillque,  et  si  saint  Pa- 
côme  lui  a  donné  une  meilleure  forme,  c*e8i  saint 
B:<Hile  quiJui  a  donné  son  entière  perfection,  en 
<A)ligeant  par  des  vœux  formels  ceux  oui  se  sont 
engagés  à  ce  g^nre  de  vie.  >  (Héltot,  HUtoire  de$ 
ordret  monaniquei^  première  partie,  chapitre  13; 
Vie  de  taint  Baille  le  Grande  docteur  de  r Eglise  et 
patriarche  des  moines  d^Orient,)  —  Quant  au  novi- 
ciat, on  le  trouve  dails  les  congrégations  de  saint 
Pucôme  et  de  saint  Bnsiie.  (Cf.  1  illemomt,  Mémoires 
pour  servir  à  Phistoire  ecclésiastique ,  vn  ;  saint  Pa- 
céme,  aniele  vi.  Des  novices;  —  et  Guizot,  Histoire 
de  la  civilisation  en  France^  11,  édition  de  1829.) 

(287)  DESMicnsi.s,  Utstoire  générale  du  moyen  àge^ 
410.—  Le  Miéme  historien,  quoique  très-peu  favorable 
aux  moines  d*Onent,  ne  parait  pas  trop  irrité  contre 
la  régie  de  saint  Busile  :  i  C  ei^t  dans  la  Thébaide 
que  vitil  s*cd1lier  «aiiit  Basile,  Tinstiluieur  de  la 
discipline  monastique  dans  TEglise  grecque.  Des 
riantes  solitudes  du  Pont  où  sVtail  retiré  cet  élo« 
quent  apôtre  de  la  charité,  ses  disciples  se  répan* 
dirent  dans  PAsie  mineure,  et  dans  toutes  les  con- 
ti'ccs  soumises  à  la  juridiction  du  primai  de  Cens- 
laniinoplc.  De  nos  jours  encore,  les  monastères  de 
I  Orient,  de  la  Grèce  et  de  la  Russie  reconnaissen 


«  Il  assujettit  aussi  ses  adeptes  aux  trois 
vœui  de  pauvreté,  de  chastHé  et  d  obéis- 
sance. L'administration  de  chaque  conmiu- 
nauté  et  le  soin  de  la  discipline  furent 
confiés  è  un  abbé  ou  Père,  élu  dans  le  sein 
de  la  société  par  le  libre  suffrage  des 
moines  (287).  » 

Après  avoir  considéré  la  vie  monastique 
en  Orient  dans  les  grandes  institutions,  si 
nous  parcourons  la  vie  des  Pères  du  désert, 
nous  y  trouvons  une  infinité  de  détails  eu* 
rieux  qui  prouvent  l'estime  qu'ils  faisaient 
du  travail  et  Timportance  qu'ils  y  alta- 
cliaient. 

Sjlvain  travaillait  des  mains  et  occupait 
ses  disciples  de  la  même  manière.  Un  soli^ 
taire  étranger,  blâmant  ces  occupations  et 
citant  l'exemple  de  Marie  assise  aux  pieds 
du  maître,  le  laborieux  abbé  Tobligea  dV 
vouer  que  Marie  a  besoin  de  Marthe  et  que 
Marthe  contribue  aux  louanges  qu'on  donne 
à  Marie  (288). 

Philorome,  que  Pallade  appelle  un  nomme 
insi^e,  et  que  saint  Basile  honorait  de  soq 
amitié  (289),  è  cause  de  son  activité  au  tra- 
vail, tenait  encore  la  plume  à  l'Age  de  qtnh 
tre-vingts  ans  (290). 

Au  rapport  de  Théodoret,  on  ne  vit  ja- 
mais Publins  en  repos,  on  ne  le  vit  jamais 
perdre  un  seul  instant,  Toraison  et  la  (psal- 
modie ne  lui  paraissaient  pas  une  raison 
suffisante  pour  le  dispenser  de  la  lecture  et 
du  travail  des  mains  (291). 

Apbtone,  auquel  le  même  Théodore! 
donne  le  nom  de  divin»  devint  évèque  après 
avoir  été  longtemps  abbé  d'un  monastère. 
Il  avait  une  telle  estime  pour  le  travail  des 
mains,  que,  même  après  son  élévation 
sur  le  siège  épiscopal,  il  conserva  toutes  les 

presque  tons  le  patronage  et  la  r^le  de  saint  Basile. 
Getie  règle,  telle  qu*elie  fut  donnée  aux  moines  pri- 
mitifs, reposait  sur  quatre  articles  fondamentanx, 
savoir  :  la  solitude,  le  travail  manuel,  lejeùne  et  l> 
prière,  i  (Desmicbels,  Histoire  généfoU  du  mom 
âge.  405.) 

(288)  (  Plane  et  Mari»  necessaria  est  Hartba.  Ei 
Martha  enim  etiam  Maria  prxdicauir.  i  Coteuo, 
Monumenta  Ecelesiœ  Crœcœ  [grec-btln]  1. 680.) 

(289)  H  lie  faut  pas  oublier  que  saint  Basile,  ce 

Î patriarche  des  moines  d^Orient,  était  le  modèle  de 
a  plus  grande  activité  intellectuelle. 
.  (290)  c  Uujus  viri  insi^nis  (Pliilororoi)  magnam 
curam  gerebat  beatns  Basilius  episoopus,  qui  dfie- 
etabatur  ejus  auateritate,  constantta  et  in  opère  dili- 
gentia,  qui  adbuc  in  hodiemum  diem  a  calaroo  et 
cbarta  non  recessit  cum  sit  natus  annum  ocioge»* 
nium.  I  (Pallade,  Bisioire  lausiaque.  cliapitre  65.) 
irest  une  histoire  des  solitaires  qui  doit  son  wm 
au  préfet  Lausus  auquel  elle  est  oé^liée  ;  elle  a  éie 
composée  par  un  témoin  oculaire,  Pallade,  é^èqM 
d*Hélénopolîs.  qui  alla  vivre  dans  la  solitude  de  M* 
trie  en  Egypte. 

()9I)  c  Neroo  Publium  unqnam  vidit  quiesren- 
tem  vel  minima  parte  dict,  sed  psalmodian  qniAcm 
oratio,  oralionem  vero  psalmodia,  uirumque  anieoi 
excipicbat  divinoriun  eloquiorum  Icctîo;  deinde  fi(^ 
bat  aliquid  ex  operibns  neressariis.  >  Thcodoket, 
Philothéet  traduction  latine,  chapitre  5.) 


1057 


MOI 


D'ASCETISUE.; 


ycM 


10» 


habitudes  laborieuses  de  It  vie  monasti- 
que (292). 

Ssint  Basile  remarque  que  Tabbé  Eusta- 
Ihe  et  ses  disciples  donnaieDl  à  TEgypte, 
leur  patrie,  l*eiemple  de  la  TÎe  labo- 
rieuse (293). 

Gélase  et  9es  moines,  pour  s'obliger  à 
IraTsiller  sans  cesse,  ne  se  réservaient  rien 
pour  les  besoins  du  lendemain.  (Cf.  Cote- 
UKB,  ManMmaUa  Eceksim  finrcir,  1,  417.) 

Saint  SatMS  s'était  tait  le  serfiteur  de 
tous,  il  transportait  Teau  et  le  bois,  il  s'em- 
plojait  à  toute  espèce  de  trataux  et  ses 
nistoriens  remarquent  que  c'est  ainsi  qu'il 
sut  se  préserver  de  l'apparence  même  d'une 
iaute  (294). 

Saint  Cjriaque  passait  son  temps  h  couper 
le  bois»  à  transporter  l'eau,  à  préparer  les 
aliments  des  irères.  Il  joignait  à  la  plus 
révère  pénitence  le  soin  d'une  multitude 
d*affaires(295). 

Jean  Moschus  rapporte  que  Marc  travail- 
lait le  jour  et  la  nuit ,  qu'il  ne  recevait 
d'aumône  de  personne ,  qu'au  contraire,  il 
distribuait  aut  pauvres  tout  ce  qu'il  gagnait 
lui-même  (296). 

Dans  le  monastère  de  Tbéognîus,  on  ajou- 
tait au  chant  des  nsaumes,  le  travail  des 
mains  (297). 

m  Le  bruit  de  la  vertu  de  saint  Théodore 
s'étaot  répandu  fort  loin,  dit  Tbéodoret, 
plusieurs ,  touchés  du  désir  de  demeurer 
avec  lui  et  d'être  sous  sa  conduite ,  vinrent 
de  divers  endroits  le  trouver,  et  les  ayant 
reçus,  il  les  instruisit  dans  cette  sainte  ma- 
nière de  vivre.  Ainsi  on  voyait  les  uns  qui 
faisaient  des  voiles,  d'autres  des  vans  à  van- 
ner,* d'autres  des  corbeilles,  et  d'autres  cul- 
tivaient la  terre.  Et  parce  qu'il  était  proche 
de  la  mer,  il  Gt  aussi  un  petit  bateau  dont 
il  se  servait  pour  faire  porter  les  ouvrages 
de  ses  disciples ,  et  rapporter  ce  qui  leur 
était  nécessaire.  Car  il  se  souvenait  de  ces 
paroles  aux  Tbessaloniciens  :  m  J'ai  travaillé 
jour  et  nuit  afln  ^de  ne  vous  être  iH)int  à 

(295)  fl  Diviims  AphUmii»,  cun»  plotqvam  qmf 
dnigiiiu  annis  choro  pnefnisM,  iedem  accepil 
poniificalem....  faciebat  aooni  quodque  iioniin,  vel 
coaiobernalium  ialeriro  paanos  coosoeos*  vel  leo- 
lefli  eipuraens*  vel  framentnn  ablacos,  elc.  > 
(TaCotoasT,  PkilctkU^  chapitra  5.) 

(195)  fl  Videos  eo6  volopuriae  vite  laboriosan 
pneferre.  >  (Saiai  Basoe,  lettre  S25,ii*  3,  daas  tes 
€Emme$^  gree-btin,  lone  IH.) 

(i9i)  i  Modo  aqoam  fereos  ei  llgiia  porlans,  cna- 
eits  iaserviens,  nanoqiie  lemiioie  factns  bontoiiariiis 
seo  molio,  variiM|ae  aUis  mialsleriîs  soscepUs,  cttra 
reprebcnsionein  et  bpsam  permansiL  >  (CoTCU£a, 
Mûmmemm  Ecdtnm  Grmem,  lU,  230.) 

(2SI5)i SiclocœnobiodcfdHitOairiacas  ligna  sdn- 
deosv  aqaanii  et  alimeottin  parans  fiatrious»  et  cori 
fangeas  olBdo....  vitan  anacboreticam  m  cœnobio, 
ettam  iDoItls  negotiis  per  aoinb  oslendebat,  ut 
qaid  pane  et  aqua  solom,  idque  tccnndo  quoqoe  die 
alereuir.  »  (Scaics  ,  Fus  en  Smmiê  ,  29  Sep- 
icmbre.) 

(296)  fl  Operabatar  Marcos  die  ae  nocte,  et  diatri- 
badtat  paoperibo»  omnla,  neqne,  ab  arH|iio  qvid- 
qiiam  ac cipieliaL  >  (Jeaa  Moecai»,  Le  pré  wpmîmel^ 
chapitre  13.)  Rosweide  et  Cotelier  ont  traduit  cet' 
ourrage  da  grec  cnjatin,  le  premier  dans  les  Yitê 


charge.  >  Et  de  ces  autres  rapportées  dans 
les  Actes  :  «  J  ai  gagné,  par  le  travail  de  mes 
mains,  de  quoi  satisfaire  à  mes  besoins  et 
aux  besoins  de  ceux  qui  sont  avec  moi.  » 
Il  exhortait  ses  disciples  à  joindre  les  tra- 
vaux du  corps  à  ceux  de  Fesprit,  c  car,  di- 
fait-il ,  ce  serait  une  chose  ridicule ,  si , 
quand  ceux  qui  sont  dans  le  monde ,  tra- 
vaillent, avec  tant  de  peine,  non-seulement 
pour  se  nourrir  avec  leurs  femmes  et  leurs 
enfants,  mais  aussi  pour  satisfaire  aux  im- 
positions et  aux  tributs ,  pour  payer  les  dî- 
mes et  pour  assister  les  pauvres  selon  leur 
pouvoir,  nous  ne  gagnions  pas ,  nous ,  par 
noire  travail ,  ce  qui  nous  est  néce^^saire  ; 
surtout  qu'il  nous  faut  si  peu  pour  vivre  et 
pour  nous  vêtir  ;  comment  oserions- nous , 
les  bras  croisés,  jouir  du  travail  des  autres  I» 
Par  ces  paroles  et  d'autres  semblables ,  il 
les  excitait  à  travailler  et  travaillait  lui- 
môme  durant  tout  le  temps  qui  lui  restait, 
après  avoir  dit  le  saint  office  (THÉODoner, 
Fie  dt  tahU  Théodore ,  abbé^  traduction  Ar- 
nauld  d*Andilly,  ch.  ii.)  Il  est  évident  que 
les  moines  d'Orient  se  conformèrent  aux  re- 
commandations de  saint  Antoine  et  de  saint 
PacAme  sur  le  travail.  Nons  les  vovona 
pratiquer  ces  saintes  règles  de  la  vie  bbo- 
rieuse  dans  les  déserts  de  Scéié,  de  Nitrie, 
de  Calame ,  de  Porphjron ,  d'Hermopolis  ; 
elles  sont  acceptées  par  les  monastères  si- 
tués le  long  du  Nil;  et  ceux  qui  sont  établis 
dans  les  deux  Théiialdes  s'y  conforment 
comme  les  autres.  En  effet,  ces  monastères 
de  l'Egypte,  si  décriés  par  les  écrivains  ra- 
tionalistes ,  ne  reçoivent  personne  qui  ne 
soit  capable  de  travailler  (296).  Les  abbés  ne 
permettent  à  leurs  moines  aucun  genre 
d'oisiveté.  Ils  prennent  c^tte  précaution 
surtout  pour  les  jeunes  gens,  et  ils  jugent 
du  caractère  des  jeunes  solitaires  et  de 
leurs  prop:rès  dans  la  vertu  par  leur  affec- 
tion pour  le  travail  (299).  Les  moines  s'exer- 
cent è  tontes  sortes  de  métiers,  même  aux 
pitis  pénibles.  {Exerceni  omnem  ariem,  (ftos- 

ée$  Père»^  le  secnnd  dans  les  Mounmemtê  4e  VEglise 
mrecqmê.  Anianid  d*Andilly  en  a  donné  nn  abrégé  eo 
français;  OMis  il  a  supprimé  rimporiant  cbapiire 
que  ihnis  citons  ici. 

(297)  c  Narravlt  nobis  sbbas  Panlns,  Au\  ctenobii 
ablntis  Tbeognosti,qota  «lixerii  seaiex  qnidani  :  Cnoi 
die  goadam  sedereni  in  ee!lab  mea  operarerque 
manibos  meb,  texebam  antcni  cantstmni»  psaluMH 
repetebam.  etc..  >  (lean  Uosicuts^  Le  pré  «^«Viim/. 
chapitre  159.  Amauld  d*AndiUy  a  encore  supprinié 
ce  ebaipitre  dans  sa  traduction. 

(298)  fl  ^vplionim  niooasleria  banc  teneni 
moreni ,  ut  nul  iim  alisqiie  0|ieris  labore  suscipianL» 
(Saint  jÉaôvE ,  LeUret  à  RumUcus.) 

(t99)  f  Pet  JEayptnm  Patres  nnllo  modo  otiosaa 
esse  monacboa,  at  pnecipiie  juTenes  sinnnt,  actum 
eordis  ac  profnlura  patieiitiae  et  boaiilitatis  seibili- 
tati  operis  melientcs.  >  (Cassiisi,  InarîiaiMs  mo" 
mauiqmee^  livre  x,  chapitre  tir)  Cet  onvrage  a  été 
induit  en  français  par  Nicolas  Foeuine.  11  est  île 
b  pfais  grande  iiiiporunce  dans  b  question  ;  car  son 
auteur  est  nn  des  introducteurs  de  b  vie  monauiqon 
en  Occident,  et  il  prouve  mieux  qtt*ancun  antre  qne 
les  babitudes  bborieuses  nVinl  pas  été  introduites 
dans  b  vie  monastique  par laclivité occidentale , 
comme  on  Fa  dit  tant  de  fois. 


I0S9 


MOI 


DICTIONNAmE 


IIOI 


iOOO 


WEiDB,  Vie  des  Pires ^  liv.  viii,  ch.  39.])  On 
les  voit  non-seulement  refuser  tonte  es- 
pèce d'auniùne,  mais  travailler  avec  ardeur 
afin  de  nourrir  les  pauvres  et  les  étrangers 
qiii  viennent  s'édifier  chez  eux  (300). 

Aussi  Ipui s  aufliôies deviennent  tellement 
considérables  qu'ils  peuvent  envoyer  des 
sommes  immenses  chez  les  nations  étran- 
gères. Ils  font  partie  des  vaisseaux  chargés 
de  vivres  pour  secourir  les  pays  désolés  par 
là  disette  et  la  stérilité,  et  nourrir,  dans  les 
régions  éloignées,  les  prisonniers  et  les  in- 
firnics  (301). 

<^'est  en  agissant  ainsi,  en  conservant  en 
eui  Tesprit  de  charité  et  d'activité,  que  les 
moines  de  l'Kgypte  se  préservaient  des  as- 
sauts des  anges  de  ténèbres,  car  ils  savaient 
que  Toisiveté  expose  à  une  infinité  de  ten^ 
tntions  (302). 

II  en  était  de  môme  dans  tout  l'Orient. 

Avant  son  élévation  à  l'épiscopat,  saint 
Grégoire  de  Nazianze  s'était  livré  aux  pieux 
exercices.de  la  vin  solitaire,  et  ce  grand 
homme  avait  accepté  avec  courage  tous  les 
devoirs  de  cette  existence  laborieuse  :  «  Ne 
reverrai-je  jamais,  écrivait-il  à  son  illustre 
ami  saint  Basile  (303),  ne  reverrai-je  jamais 
ce  temps  si  doux  que  nous  passions  à  por- 
ter du  bois,  à  tailler  des  pierres,  à  nianter 
des  arbres,  h  conduire  de  l'eau  par  aes  ca- 
naux, à  remuer  la  terre?  »  (30S^} 

Avant  de  devenir  évoque  et  docteur,  saint 
Epiphane  avait,  en  pratiquant  les  devoirs  de 
la  vie  monastique,  surpassé  tous  ses  fières 

.  (500)  I  Non  solum  a  niiUo  quisqiiam  ad  usum 
V1CUIS  sui  accîpere  patiuiUur;  sed  eûuin  de  labori- 
biis  suis ,  superveuieiiies  ac  peregrinos  reficiiuii  Pa- 
ires. >  (Cassien,  Insliiutious  monastiques  y  Vivre  x  ^ 
chapitre  2i.)  —  i  Nihil  prorsus  habeules ,  iiisi  cor- 
pus lautum  et  inaiius,  coiiaiiliir  cl  conleiiduni  ut 
vicluni  parent  egeutibus.  >  (  Sainl  Jean  Chrysos- 
TOME,  Homélie  8  sur  sainl  Mailhieu^  ii«  0,  de 
rédition  grecque-laline.) 

(301)  «  Per  loca  Libyœ  quac  sterilitate  ac  famé 
laboraul ,  uec  non  etiam  per  ci  vi la  les  bis  qui  sqiia- 
lore  carcenim  contabescuiit,  iinmnnem  oonferunt 
abnioniœ  victusque  substaniiaui  de  rniclu  nianuum 
guaruin  rationabile  ac  vcruni  sacriliciuin  Domino 
tali  oblaiione  se  offeirc  iradenies.  i  (Cassien  ,  Insii- 
tîiuiions  monasiiqnes  f  livre  x,  cuapilre  31.)  — 
f  Quidqnid  necessario  viciai redundat,Qan)  redundat 
pluriniuni  ex  operibus  manuuui,  et  emdaruni  reslri- 
ctione,  lanla  cura  egeniibus  dislribuilur,  quanta 
non  ab  ipsis,qui  distribuunt  ,comparatuni  est.  Nullo 
modo  namque  salagunt ,  ui  bîec  sibi  abundeni  ;  sed 
oinni  modo  agunt,  ut  non  apud  se  remaneai,  quod 
abundaveril  usqae  adeo  oneratas  etiam  naves  in  ea 
loca  milianl,  quse  inopes  incolunl.  >  (Sainl  Auciis* 
TIN,  Des  mœurs  de  l^tyiise ,  chapitre  31.) 

iiOfi)  I  Uaec  est  apud  ^gypium  ab  aniiquis  Pa- 
tribus  sancila  senleniia  :  operantem  niouachum 
daenione  uno  pulsari  ;  otiosum  vero  innumeris  spiri* 
tîbus  devastari.  i  (Cassien  ,  Institutions  monastiques , 
livre  X ,  chapitre  z3.) 

(303)  Le  grand  évoque  de  Césarée  écrivait  lut- 
inènie  :  c  Scire  vos  volo  nos  laudi  ducere  quod  vi- 
rorum  (roonachorum) cœluro  habearous,...  opérantes 
manibus  suis  ul  babeant  unde  imperltanl  indigent!- 
bus.  >  (Sainl  Basile  ,  lettre  370,  grec-ialin.) 

(30 i)  c  Quis  dabii  dinrnas  operum  vices  el  labo- 
ret>?  a^m  liguorum  couiportaltoiics  et  lapidicinas  ? 


par  son  activité  (Le  Ménologe  des  Grecs^  12 
Mai). 

Saint  Jean  Chrysostonie  et  saint  Eplirem 
ont  été  moines  (305),  et  qui  s'avisera  d'ac- 
cuser de  quiétisine  ces  hommes  illustres,  ces 
orateurs  puissants,  ces  esprits  si  actifs  et  si 
intelligents?  d'ailleurs  nous  n'en  sommes 
pas  réduits  à  de  pures  conjectures  sur  ce 
point.  £n  effet,  saint  Jean  Cnrysostome  re- 
commandait le  travail  afin  d'acquérir  l'hu*- 
milité  par  des  occupations  qui  paraissaient 
viles  et  méprisables  (306J,  et  saint  £phreni 
conseillait  aux  religieux  de  travailler  pen- 
dant l'hiver  do  l'existence  afin  d'entrer  un 
jour  dans  le  port  de  Ja  vie  véritable  (307). 

Dorothée  fait  aussi  valoir  les  avantages  du 
travail,  «il humilie  le  corps,  et  l'humiliation 
du  corps  produit  celle  de  l'esprit  ;  parce 
qu'il  est  constant  que  nos  cœurs  prennent 
des  dispositions  différentes  selon  les  états  et 
les  diverses  situations  dans  lesquelles  noas 
nous  trouvons.  Par  des  actions  viles  et  des 
occupations  humiliantes,  tout  désir  et  toute 
idée  de  la  gloire  et  de  la  grandeur  se  per- 
dent et  s'évanouissent.  Ceux  qui  auraient  pu 
être  distingués  dans  le  monde  par  leurs  qua- 
lités ou  par  leurs  richesses,  se  trouvent  ra- 
baissés, en  se  voyant  égalés  àdes  personnes 
de  basse  condition,  et  perdent  là  méinoiro 
de  ce  qu'ils  ont  été.  £t  ceux  qui  étaient 
d'une  naissance  obscure  et  peu  favorisés  des 
biens  de  la  fortune  se  remettent  sans  cessu 
devant  les  jeux  leur  premier  état  et  eu  con- 
servent l'humiliant  souvenir  (308).»  Saint 
Isidore  de  Péluse  affirme  qu  un  religieux, 

QuIs  arooruin  consiiioiies  el  Irrigaiiones?  »  (Saint 
Grécoibe  i>e  Nazunze  ,  ieure  43 ,  grec-laiin.) 

(305)  «  lu  ardore  juveiitutis....  aU  victoos  montes 
adii  Clirysostoinus.  Hic ,  cum  in  Syrum  queiiiUam 
incidisset,  severissimx  coniinenli»  sciiem,  duriora 
vilae  ejus  iustituia  iinilalur  annis  qoaiuor.  >  (Pal- 
LADE ,  Dialogue  sur  la  vie  de  saint  Jean  Chrysosiome, 
chapitre  5.)  f  Ephraim  Syrus,  Nisibt  iiaïus  in  ali- 
quo  ejus.terrilorii  loco,  io  monasiica  phitosophu, 
ab  îiieunie  aetale,  se  exercuii  i  (Sozosiène,  Hi9UHr>ê 
ecclésiastique  y  livre  m,  chapitrelG,  grcc-laiiu.) 

(oOii)  «  li^a  opéra  inodestlam  exliiber«  doceiit 
nec  à  luiil  luniere.*  Itteo  focilis  esi  buiniUus.    • 

Saint  Jeasi  Chrtsostome,  Homélie  62  sur    saimt 
ùtihieu ,  grec-latin.) 

(307)  f  Laboribus  te  exerce,  moiiachev  io  hieme 
ac  teinpestate  ui  in  vito!  purium  ingressus  exhita- 
cens.  I  (Saint  Ephrem  ,  de  la  Crainte  de  Dieu ,  grec- 
laliu.) 

.  (3U8)  «  <}uoniain  compati lur  simulqae  dispouiiur 
anima  infelix  ab  eSs  quK  palrantur  in.  corpore  :  iUeo 
dixit  senior  corporeum  laborem  aniaiain  iii  bumiln 
lalem  inducere.  Aliter  disposita  eslenim  aninu 
bene  babentis,  allier  segrotanlis,  aliler  fanie- 
sceniis ,  aliter  saturati ,  aliler  item  itispouiiur  aiiii- 
nia....  sedentis  in  Ibrono,  aliler  sedeutis  in  terra, 
aliter  optimis  vestibus  induti ,  aliter  commis  ei  luar- 
cidis  :  labor  igilur  humiliai  corpus,  buniilîjloquâ 
corpore,  humilialur  pariier  el  anima.  >  (Dorothée, 
Doclr.  Il,  De  humititate.)  Dorothée  surnouimé  Is 
Prophète  j  vivait  en  Paleiitine , .  vers  Tan  560.  Ou  a 
de  lui  des  instructions  pour  les  moines,  traduilesen 
français  par  Tabbé  de  Rancé  et  des  teiires  en  grec 
et  en  latin.  D'autres  ailribueui  ces  ouvrages  k  Do- 
rotliée  le  Jeune ,  qui  vivait  en  lOiO  et  dotil  Jean 
l^iuiopus  a  écrit  la  vie. 


10G« 


«01 


DASCETISME. 


MOI 


1 


aiîi  ne  teul  pas  travailler,  «  liésoWil  à   la 
octrine  de  Jésas-Christ  el  rerasc  (Te  suirre 
les  exemples  de  Paul  (309).  » 

Saint  Euthvme.  surnommé  le  Grand,  en- 
seigne que  cesl  manquer  h  un  de  ses  prin- 
rtp.iui  devoirs  que  de  no  pas  travailler  dans 
la  vie  monastique  (310). 

Quoique  saint  Auguslin  et  saint  Jérôme 
soient  au  nombre  des  Pères  latins ,  nous 
\  ouvons  les  citer  en  discutant  la  ques- 
tion qui  nc»us  occupe,  parce  qu'ils  ont  élé 
l'un  et  1  aulre,  comme  on  le  sait,  d'ardents 
défenseurs  des  moines  de  l'Orient.  D'ail- 
leurs saint  Augustin  n*appartenait'il  pas  h 
TEglise  d'Afrique,  et  saint  Jérôme  nVt-il 
ms  passé  une  grande  partie  de  sa  vie  dans 
a  solitude  de  Bethléem? 

L'illustre  évoque  d'Hippone  dît  aux  moi- 
nes que  le  meilleur  moyen  de  voir  exaucer 
leurs  prières,  c'est  d'accomplir  la  sainte  loi 
du  travail  (311).  11  n'exempte  pas  m^me  de 
cette  loi  les  moines  d'uner  santé  délicate,  et 
il  veut  qu'on  leur  donne  des  occupations 
proportionnées  à  leur  force  (312).  Quant  à 
ceux  que  leur  état  de  maladie  di;spense  de 
toute  espèce  d'occupation,  ils  doivent  envier 
et  estimer  la  condition  de  ceux  qui  sont  plus 
heureux  qu'eux  (313].  Saint  Augustin,  lui- 
oème  regrettait  que  les  devoirs  de  Tépisco- 

{)at  l'empêchassent  d'imiter  Jésus-Cbrîst  et 
es  apôtres  qui  ont  si  longtemps  travaillé  de 
leurs  mains  (31^). 

Le  solitaire  de  Bethléem  s'appuie  aussi 
sur  l'exemple  des  hommes  apostoliques  « 
afin  de  recommander  aux  moines  un  travail 
continuel. 

«r  Travaillez,  écrivait-il  au  moine  Rusti- 

eus,  occupez- vous  à  quelque  ouvrage;  Tes 

apôtres,  qui  pouvaient  vixre  de   i'Evan- 

(309)  «  Née  Chrislo  obedifenles  se  pntbeni  (qui 
înerlesac  desides  manosbabent),  nec  Pauli  vesiigia 
se«|aoRlor.  »  (Sainllsu>ORE  dePélcse,  Letiret^  livre  i", 
lellre  49,  grec-latin.)  —  Disciple  de  Sainl  Chr^so»- 
loiiie,  Saint  Isidore  vécut  dans  la  ttolitude  près  de 
Péluse,  et  mourut  en  440,  avec  une  grande  répu- 
tation de  science  et  de  vertn. 

(310)  (Cf.  Viia  êancti  Euîhffmu.)  —  Cet  illustre 
religieux  joignit  Texeniple  a  la  doctrine,  il  pî^ba 
TEvangileaux  Sarrasins,  combattit  les  eotycbéeiia 
et  les  nestoriens,  convertit  beaucoup  de  manichéens 
et  devint  i*oracle  de  FEgli^e  d*Orient.  Malgré  Taus- 
lérité  de  sa  vie,  il  vécut  jusqu*à  F&ge  de  quatre- 
vingt-seize  ans. 

(511)  i  Citius  exaudilur  una  obeilientis  oralio 
qiiam  decem  niillia  contetnpioris.  Canlica  vero 
<!ivina  cantare,  etiam  nianibusofierantcs  facili  pos- 
snnl,  et  tpsum  laborem  tanquam  -divine  celeuniate 
consolari.i  (Saint  Augcst»,  De  opère  monaehorum^ 
cap.  17,  n*  20.) 

(312)  c  Opéra  a  corporali  Tunctione  Jiberiora.  > 
(ÂOGUSTUf ,  De  opère  monathorum^  cap.  25,  n'*  35.)  — 
Cette  sage  règle  a  élé  répétée  dnns  plusieurs  cons- 
titutions. (Cf.  Règle  de  iaim  Benoit^  ch.  35,  37. 
—  RèaU  de  Mini  Fructueux  ^  cb.  7.  —  Règle  de 
ênini  Ferréol^ch.  28.) 

<3I3)  c  Qui  non  operantor,  sallem  illos  qui  ope- 
rantur,  sibi  anteponendos  esse  non  dobitent.  »  (Saint 
AcGiSTUi,  De  opère  monackorum^  cap.  ?0,  n*  38.) 

(3t  i)  c  Doroinuni  Jesum...  testent  invoco super  aiii- 
mam  ineam  quautum  atlinet  ad  menni  commodum, 
iiiulio  ma'lcin  per  singutos  dies  certis  boris,  quan- 
tum iti  beiic  inoderatis  moiiasteriis  coustitutum  est, 


giîe,  travaillaient  de  leurs  roaîns,  cl  les 
vôtres  seraient  oisives  !  >  (315;  Dans  la 
même  lettre  il  loue  les  moines  dTgypte  (316) 
de  leur  assiduité  au  travail  (317J. 

liais  pour  bien  juger  la  mission  provi« 
deutielle  des  moines  d*Orient,  il  ne  faut  pas 
perdre  de  vue  les  immenses  services  qu'ils 
ont  rendus  à  la  cause  du  cliristiauisme  et 
de  la  civilisation  en  général.  Ce  |H>int  de 
vue,  bien  sufiérieur  à  celui  de  nos  adver- 
saires, n'a  pas  échappé  à  un  écrivain  di<:tin- 
gué,  qui  a  répandu  sur  cette  Question  toutes 
les  lumières  de  son  esprit  pénétrant. 

#  J*en(ends  parfois  (c'est  sans  cesse  qu'il 
faudrait  dire)  demander  h  quoi  servaient 
ces  pieux  solitaires,  les  rigueurs  de  leur 
pénitence  et  les  rudes  combats  qu'ils  soute- 
naient contre  le  démon.  Quel  profit,  dit-on, 
le  monde  a-t-il  tiré  de  la  Thébaide?  pour- 
quoi s'aller  enfermer  dans  le  désert  et  pri*- 
ver  le  siècle  de  Tédiftcation  de  leurs  vertus? 
Je  conçois  et  j'approuve  les  docteurs  qui 
combattent  les  hérétiques,  les  évêques  qui 
administrent  les  diocèses  el  qui  instruisent 
le  peuple;  mais  les  anachorètes,  que  font- 
ils?  h  quoi  servent  ils?  comment  ont-ils  tra- 
vaillé à  l'établissement  du  christianisme? 
Ces  moines,  austères  et  durs,  véritables 
stoïciens  du  Christianisme,  ont  été,  comme 
les  stoïciens,  aussi  inutiles  au  monde,  et 
leurs  vertus  se  sont  stérilisées  dans  le  dé- 
sert, au  lieu  de  fleurir  dans  le  siècle  et  de 
donner  une  moisson  utile  aux  hommes. 

c  Tels  sont  les  reproches  qu'on  fait  à  la 
Thébaïde.  Essayons  de  les  réfuter,  essayons 
de  justitier  cette  portion  du  christianisme  et 
de  montrer  son  efficacité.  Selon  moi,  le 
christianisme  |>our  s'établir  n'a  pas  eu  m''ins 
besoin  des  moines  de  la  Thébaide  que  des 

al'quid  manibus  operari ,  et  caeleras  boms  babere 
ad legenditm  etoraiidum,  aut  aliqiiid  de  dtviiiis  lil- 
leris  agiMidum  li lieras,  quam  lumuliuosissimas  per- 
plexilates  causa  ru  m  alienarum  pâli  de  negotiis 
bxcularibiis.  »  (Saint  AuGcsTi!!,  De  opère  monaehormm^ 
cap.  ^,  II*  37.)  L*enlhousiasnie  putnr  la  loi  du  tra- 
vail entraînait  quelquefois  beaucoup  plus  loin  les 
Pères  du^  désert  eux-méuics ,  pui:^ue  Tun  d^ux 
appelait  tout  paresseux  un  voleur, —  «Quidam  Patruni 
atebat  nionacbum,  si  non  lulioretpro  frauda  tore  ba- 
bendum  esse.  >  (Socaate  ,  Hitimre  ecctéitaUique  , 
livre  tv,  chapitre  25.) 

^  (315)  <  Facile  aliquid  operis  ut  le  seroper  diabo- 
los inveniat  occupa tum.  »  (Saint  J^Jiôac,  Lenres  à 
iiuttkus.) 

(316)  Il  est  curieux  de  voir  un  homme  qui  connais- 
sait si  bien  les  nionasiércs  de  l'Urieiit,  citer  coinitie 
modèle  de  Tactiviié  ces  solitaires  de  TEjiypie  (|ii'uii 
présente  tous  les  jours  comme  les  types  d'une  exis- 
tence inut'ie  cl  d'mi  quiéltsme  extravagant.  Quand 
donc  cessera  t-on  d*éciife  sur  des  questic.n-i  qu  un  n*a 
pas  étudiées,  et  de  diffamer  d*une  manière  si  auda- 
cieuse les  institutions  les  plus  grandes  et  les  pbis  res 

pcctables! 

(317)  «  iEgyptomm  monasteria  bunc  roorem  te- 
nent,  ut  nulium  absque  operis  labore  siiscipiani,  nec 
tant  propter  victus  necessitatem,  quam  propier  ani- 
mae  saluteu.  >  (Saint  Jebômc,  Lettres  à  Rusiicus.  — 
Ailleurs  il  dit  :  «  Âma  scicnliam  Scripiuranim  et 
camis  vitia  non  amabis.  »  C*est  la  peiibéc  tie  saint 
Thomas  :  «  Valet  studium  ad  Titandani  caniis  lasci- 
vtani.  > 


1063 


MOI 


DlCTIONiNAllΠ


MOI 


m 


éféques  et  des  docteurs  qui  siégeaient 
dans  les  conciles.  En  effet,  1  intelligence  et 
Taction*  la  parole  et  rœuvre,  voilé»  dès  son 
origine,  les  deux  forces  du  christianisme; 
Toilà  à  quels  signes  le  monde  put  compren- 
dre que  c  était  quelque  chose  d'entier  et  de 
coniulet,  quelque  chose  où  il  n'y  avait  point 
de  lacune.  Prenez  Thistoire  du  christia- 
nisme :  toujours  il  parle  et  il'agit;  toujours 
les  deux  forces  se  font  équilibre  et  se  ba- 
lancent; toujours  h  côté  de  l'intelligence  qui 
persuade  par  la  parole,  il  y  a  l'action  qui 
persuade  par  l'exemple. 

«C'est  ici  que  vient  se  montrer  Tutilitédc 
la  Thébaide  et  de  ses  pieuses  austérités. 
Après  les  martyrs,  après  la  victoire  que 
leur  sang  a  donné  à  l'ËgKse,  ce  sont  ies 
solitaires  de  la  haute-Egypte,  ce  sont  les 
disciples  de  saint  Antoine  qui  perpétuent 
l'action  dans  l'Eglise;  ce  sont  eux  qui  im- 
molent leurs  biens  et  leur  vie  è  la  foi  chré- 
tienne, et  qui  entretiennent  la  tradition  du 
dévouement  et  du  sacrifice.  Saint  Athanase 
discute  contre  les  ariens;  mais,  dans  toutes 
les  discusions,  il  y  a  la  part  du  doute  et  du 
scepticisme.  Une  religion,  qui  n'aurait  contre 
lesnérésies  que  la  force  de  la  discussion,  se- 
rait bientôt  ruinée.  Il  lui  faut,  de  plus,  des 
exemples  et  des  actions;  il  faut  qu'elle 
puisse  dire  :  Voyez  ce  que  je  fais  faire,  voyez 
ces  solitaires  qui  bravent  les  rigueurs  du 
désert  et  de  la  pénitence,  qui  couchent  sur 
le  sable  enflammé,  qui  vivent  d'eau  et  de 
pain  grossier.  Ce  sont  lÀ  sans  doute,  pour  le 
philosophe,  de  fort  mauvais  arguments. 
Pour  le  peuple,  ils  sont  excellents,  et  le 
peuple  a  raison,  il  sent  qu'il  y  a,  dans  la 
religion  qui  inspire  ces  dévouements,  quel- . 
que  chose  de  supérieur  à  la  raison  et  qui 
vaut  mieux  qu'elle;  il  sent  qu'il  y  a  dans 
Tuction  quelque  chose  de  plus  fort  que  dans 
la  parole.  11  n'est  pas  de  raisonnement,  si 
bon  qu'il  soit,  auquel  on  ne  puisse  répondre 

far  un  raisonnement  également  bon  (c'est- 
-dire  qui  sehiblera  également  bon)  ;  mais 
que  répondre  aux  austérités  de  saint  An- 
toine? —  Qu'elles  sont  inutiles?  —  Jamais 
le  peuple  ne  juge  les  choses  sur  leur  utilité, 
et  c'est  pour  cela  qu'il  est  bon  juge  de  la 
grandeur  et  de  la  dignité;  il  juge  toujours  lo 
motif.  Dans  les  austérités  de  saint  Antoine,  il 
voit  la  foi  ardente  qui  les  lui  inspire,  et  il 
cède  à  l'ascendant  de  cette  foi  ;  il  eût  langui 
aux  raisonnements. 

«  La  foi  et  sa  supériorité  sur  rintelligencc, 
parce  qu'elle  agit,  voilà  ce  qui  fait  le  mérite 
des  solitaires  de  laThébaïde,  voilà  le  service 
qu'ils  rendent  à  l'Eglise.  Ils  sont  par  leurs 
œuvres  les  témoins  de  la  foi  chrétienne; 
les  docteurs  et  les  évèaues»  par  leurs  paro- 
les, en  sont  les  interprètes.  Saint  Antoine, 
dans  le  discours  que  j'ai  déjà  cité  (318),  dé- 
montre admirablement  cette  supériorité  do 
la  foi  sur  lo  raisonnement.  Il  s'adresse  aux 
gentils,  aux  hommes  du  vieux  inonde  ro- 
main, et  il  leur  dit  ;  «  Vous  n'avez  plus 


c  aucunefoi,  puisque  vousavcz  recours  aui 

c  arguments.  Nous,  cen'est  point  des  paroles 
«  persuasives  de  la  sagesse  des  Grecs  dont 
«  nous  nous  servons  ;  c'est  par  la  foi  que  noas 
«  persuadons,  la  foi  qui  précède  et  qui  sur- 
«  passe  toutes  les  paroles.»  Et  ailleurs  * 
«  Nous  ne  sommes  que  des  ignorants  qui 
c  croyonsen  Dieu, dont  lesœuvres nousréfè- 
«  lent  la  providence.  Eh  bienl  noire  foi 
«  grossière  est  ellicace  et  puissante,  car  noire 
«  culte  se  répand*  tandis  que«  malgré  tous  vos 
c  raisonnements  sophistiques,  vos  idoles 
c  tombentdetoutesparts.  Avectousvosargu^ 
«  ments,  toutes  vos  discussions,  vous  n'avez 
«  pas  converti  un  chrétien  au  f laganisme,  tao- 
«  uis  qu'avec  notre  foi,  nous  diminuons  sans 
«  cesse  le  nombre  de  vos  croyants.  » 

«  Représentants  de  la  foi  chrétienne  et  du 
dévouement  qu'elle  inspire,  c'étaient  ces 
moines  du  désert  que  saint  Athanase  invo- 
quait danis  les  jours  de  périls,  quand  la  reli- 
gion était  menacée  par  l'arianisme.  La  foi 
qui  raisonne  et  qui  discute  avouait,  pour 
ainsi  dire,  son  impuissance  et  faisait  una()- 
pel  à  la  foi  agissante.  Alors  quelques-uns 
des  solitaires,  saint  Antoine  à  leur  tète, 
quittant  leurs  grottes,  leurs  ruines,  leurs 
austérités,  venaient  à  Alexandrie  exhorlerle 
peuple  à  l'orthodoxie;  et  tout  ce  peuple, 
repu  de  paroles  et  de  discussions,  sans  qu  au* 
cune  peut-être  l'eût  décidé,  accourait  voir  et 
entendre  ces  hommes  d'action,  ces  pénitents 
vieillis  dans  le  désert,  ces  nouveaux  ma^ 
tyrs  du  christianisme.  Voulez-vous  connaî- 
tre Tascendant  de  ces  moines?  Il  fallait 
quand  les  juges  ariens  envoyés  à  Alexandrie 
voulaient  laire  le  procès  à  quelque  catholi- 
que rebelle  aux  ordres  de  l'empereur,  il 
fallait  qu'ils  défendissent  aux  moines  d'en- 
trer dans  la  salie  du  tribunal,  et  souvent  ils 
leur  ordonnaient  de  quitter  la  ville.  Cétail 
surtout  saint  Antoine  que  le  peuple  écou- 
tait avec  un  respect  mystérieux,  comme  on 
homme  que  Dieu  inspirait.  «  Tout  le  monde 
voulait  le  voir;  les  gentils  eux-mêmes  et 
leurs  prêtres  venaient  à  la  maison  où  il 
habitait,  disant  :  Laisse-nous  voir  l'homme  de 
Dieu.  Plusieurs,  parmi  les  gentils,  voulaient 
toucher  ses  vêtement8,tcroyant  que  cela  leur 
-porterait  bonheur.  »  Et  ne  croyez  pas  que 
cet  empressement  et  cette  foule  troublassent 
le  pieux  solitaire,  il  avait  le  calme  et  cette 
assurance  qu'ont  les  hommes  d'action.  Tran* 
quille  et  toujours  égal  à  lui-même,  le  visage 
serein,  sans  mouvement  de  joie  ou  de  tris- 
tesse, il  regardait  la  multitude  et  lui  parlait. 
Venu  à  Alexandrie  pour  aider  saint  Alba- 
nase,  il  avait  bâte,  aussitôt  sa  tAche  accouh 

Elie,  de  retourner  au  désert  avec  ses  frères, 
es  poissons  meurent,  disait  il,  quand  on 
les  tire  à  terre,  et  les  moines  s'énerienl 
quand  ils  restent  trop  longtemps  dans  les 
villes,  retournons  à  nos  montagnes. Et  il  J 
retournait  pour  reprendre  ses  austérités. 
Mais  le  monde  ne  lâche  point  ainsi  sa  proie. 
Le  bruit  des  affaires  et  du  siècle  venait  ja»- 


(318)  Ce  discours  est  celui  que  j*ai  cité  prëcë-     spirituel  professeur  fait  alloslon  est  conleatt  daH 
Ueuiuient,  du  moins  en  partie.  Le  passage  auquel  le      la  seconde  moitié  du  discours. 


1065 


ilOI 


D'ÂSCETISIIE. 


MOI 


1Ub6 


qa*à  lui;  les  empereurs*  qui  saTaieot  la 
puissauce  de  cet  anachorète»  lui  écrÎTaient 
de  leur  maio.  Alors,  malgré  leur  renooce- 
ment  ao  monde  »  les  moines  du  désert  se 
troublaient  et  s'enorgueillissaient;  c'était  un 
4^*réaementl  Vous  vous  étonnez  qu'une 
lelire  de  Fempereur  nous  arriTe*  ce  n*est 
qu'un  homme!  Etonnez-Tous  plutôt  de  Dieu 
qui  a  écrit  la  loi  que  nous  devons  suivre,  et 
4|ui  nous  l'a  envoyée  par  son  Fils  unique. 

«  Cet  ascendant  de  I  action  dans  un  siècle 
livré  à  la  dispute  est  tout  naturel.  Voyez 
aujourd'hui,  quand  un  homme  a,  non  pas 
dit,  mais  fait  quelque  chose  de  grand,  gagné 
une  bataille,  exécuté  un  voyage  périlleux, 
alTrooté  quelques  dangers  extraordinaires, 
voyez  comme  l'admiration  et  la  vogue  po- 
pulaire s'attachent  à  lui,  comme  on  veut  le 
voir, comme  on  faitfoule  à  sa  demeurel  tant 
est  grand  le  pouvoir  de  l'action  I  tant  elle 
subjugue  les  esprits  1  Le  siècle,  en  cela,  se 
Tait  justice  :  siècle  de  paroles  et  de  théories, 
l'aciion  est  pour  lui  quelque  chose  d'étrange 
et  de  nouveau  qui  Tétonne,  qui  le  saisit, 
qui  le  fait  courir  pour  voir  l'homme  mer* 
veilleux  qui  agit,  et  qui  fait  suivre  sa  volonté 
d*ane  effet. 

«  Si  donc  nous  voulons  comprendre  le  mé- 
rite et  l'utilité  de  la  Thébaide,....  tenons* 
nous  en  h  cette  idée  :  dans  nu  siècle  de 
doute  et  d'examen,  les  solitaires  de  la  Thé- 
Laide  ont,  par  leurs  œuvres,  témoigné  de  la 
lorce  inébranlable  de  la  foi  chrétienne.  De 
cette  manière  ils  ont  aidé  à  sauver  r£glise 
et  ont  mérité  d'en  être  aussi  appelés  les 
Pères  (319).  » 

Un  autre  professeurde  la  Sorbonne  ajoute 
h  ces  considérations  vraiment  dignes  d'un 
savant  et  d'un  penseur,  quelques  paroles 
éloquentes  que  nous  allons  citer  comme  la 
meilleure  conclusion  possible  de  cette  lon- 
gue discussion. 

c  Dès  le  III*  siècle,  et  quand  le  premier 
effort  des  grandes  invasions  menaçait  les 

f provinces  septentrionales,  on  avait  vu  à 
'autre  extrémité  de  l'empire,  dans  les  soli- 
tudes de  l'Egypte  et  de  la  Palestine,  le 
christianisme  rassembler  ces  armées  de 
cénobites  destinées  à  former  la  réserve  de 
la  civilisation. 

«  Les  âmes  généreuses  s'échappaient  des 
ruines  de  ce  monde  romain,  qui  périssait 
par  l'égoisme;  elles  se  réfugiaient  au  désert 
et  il  ne  faut  pas  les  accuser  d'avoir  aban- 
donné la  société  en  péril,  elles  emportaient 
avec  elles  la  société  même  ;  ou  du  moins 
Tesprit  de  sacrifice  qui  la  fonde  et  la  soutient. 
Les  milices  monastiques,  successivement 
ralliées  par  les  règles  de  saint  Pac6me,  de 
saint  Antoine  et  de  saint  Basile,  se  trouvè- 
rent en  mesure  de  passer  en  Occident  au 
moment  où  l'invasion  en  forçait  les  fron- 
tières, de  reprendre  pied  à  pied  le  terrain 
conquis  par  la  t>arbarie,  et  de  pousser  peu  à 

(319)  Saikt-Maic  GwAaBni,  e$$ai$  de  lUiéraiure 
et  de  morale^  II,  La  Thébaide.  —  Le  jugement  du 
célèbre  professeur  de  la  Sorbonne  forme  uu  éclatant 
contraste  avec  les  .':ppréciaiions  supcrficicUes  et 

DlCT10!«!1.    D*AsctTI«»liE     1 


peu  leurs  lignes  victorieuses  jusqu'aux  der- 
niers rivages  du  Nord.  >  (Ozaxam,  La  civi^ 
liêotian  chrétienne^  chap.  3,  Les  Francs.)  (330). 

Mais  c'est  assez  parler  de  l'origine  de  Ja 
vie  monastique,  c*est  assez  la  justifier  des 
plus  injustes  attaques,  suivons  son  rapide 
développpemenC  : 

Vers  le  milieu  du  iv*  siècle,  on  comptait 
dans  les  déserts  de  l'Egypte 76,000  religieux, 
et  20,000  religieuses.  Les  lieux  qu'ils  avaint 
choisis  pour  leur  demeure  furent  bientôt 
changés  eu  des  champs  fertiles,  en  de  vastes 
ateliers.  En  Syrie,  sur  les  bords  de  l'Eu*- 
phrate,  saint  Alexandre  réunit  des  Grecs, 
des  Latins,  des  Syriens,  des  Egyptiens. 
Divisés  par  chœur,  {l  chantaient  nuit  et  jour 
les  louanges  de  Dieu.  Saint  Athanase*  ayant 
lait  connaître  à  Rome,  l'esprit  et  le  régime 
de  la  vie  monastique,  l'Occident  eut  bientôt 
de  nombreux  monastères.  Eusèbe  de  Verceil 
forma  une  communauté  où  les  religieux 
alliaient  les  austérités  de  leur  état  avec  les 
travaux  du  sacerdoce.  C'est  au  zèle  de  saint 
Blartin  de  Tours  que  la  célèbre  abbaye  de 
Marmoutier  doit  sa  naissance.  Maxime,  son 
disciple,  les  deux  frères  Romain  et  Lupi- 
cien  se  retirèrent  sur  les  montagnes  da 
Lyonnais  et  du  Dauphiné.  La  Provence  de- 
vint rémule  de  l'Egypte.  Lérins  fut  l'école 
des  savants  et  la  pépinière  des  évéques.  Dès 
le  IV'  siècle,  nous  trouvons  aussi  à  Toulouse 
des  traces  de  la  vie  religieuse.  On  remar* 

3uait  àcelte  époque  dans  cette  ville,  Alexan- 
re  qni  avait  renoncé  aux  honneurs  et  aux 
plaisirs  pour  se  livrer  entièrement  à  l'étude 
des  livres  saints  et  à  la  pratique  des  vertus 
chrétiennes.  Minervius,  son  frère,  ou  du 
moins  son  parent,  le  suivit  dans  sa  retraite. 
Exupère,  évéque  de  la  même  ville,  chargea, 
vers  l'an  403,  Sistinnius,  moine  de  son  dio- 
cèse, de  porter  à  saint  Jérôme  les  écrits  de 
vigilance,  ainsi  que  des  lettres  de  charité, 
pour  les  solitaires  de  la  Palestine  et  de 
l'Egypte.  Nous  apprenons  par  le  concile  de 
Saragosse,  tenu  en  380,  qu'il  y  avait  des 
religieux  en  Espagne;  il  y  en  avait  aussi  à 
Milan,  aussi  bien  que  des  religieuses,  sous 
l'épiscopat  de  saint  Ambroise,  (jui  vivait 
dans  le  même  temps.  Saint  Augustin,  évèauo 
d'Hippone,  engagea  le  clergé  de  son  diocèse 
à  mener  la  vie  commune.  Deux  siècles  s'é- 
taient à  peine  écoulés  depuis  Tapparition 
des  premiers  solitaires,  que  déjà  la  vie  mo- 
nastique, cette  vie  obscure,  laborieuse  et  péni- 
tente s'était  répandue  dans  l'empire  romain, 
et  même  au  delà.  Les  princes  convertis  au 
christianisme  protégeaient  les  religieux  dont 
ils  admiraient  et  louaient  la  piété  et  la  cha- 
rité. Ils  fondaient  eux-mêmes  des  monastè- 
res, les  rapprochaient  des  villes  et  permet- 
taient aux  évjiques  de  les  y  appeler.  Cous- 
tautin  honora  saint  Antoine;  il  lui  écrivii 

{plusieurs  fois  en  le  traitant  de  Père,  et  ep 
ui  demandant  comme  une  faveur  quelque.* 

partiales  qae  M.  Guizot  faisait  des  mènes  faits  eo 
18i9,  <l.iiis  une  des  chaires  de  la  même  facolië. 
(OéO)  Cbassai,  E$$ai  sur  le  Myêtkisme  catholique 

3k 


4067 


MOI 


MCrmiNAlRE 


MOI 


IMS 


mots  de  réponse  à  sa  tendresse  filiale.  Théo- 
dose un  moment  trompé  >  porta  d'abord 
contre  eux  une  ordonnance  sévère,  mais  il 
ne  tarda  pas  à  la  révoquer.  Si  d'autres  em- 
pereurs les  persécutèrent,  c'est  qu'au  lieu 
de  veiller  à  la  défense  de  l'empire  attaqué  de 
toutes  parts  par  les  Barbares,  ces  princes 
passaient  leur  vie  dans  des  discussions 
théologic[ues  et  s'efforçaient  de  propager  par 
des  châtiments  et  des  récompenses  les  héré- 
sies dont  ils  étaient  les  auteurs  ou  les  fau- 
teurs. Ils  faisaient  subir  des  supplices  rigou- 
reux aux  moines  qu'ils  n'avaient  pu  égarer 
et  dont  ils  n'avaient  pu  changer  la  science  et 
les  vertus  en  instruments  de  leurs  folies.  Le 
fondateur  de  la  monarchie  française,  Clovis, 
exempta  de  toute  contribution  plusieurs 
monastères,  pour  ne  pas  diminuer  les  res- 
sources que  les  pauvres  trouvaient  dans  le 
travail  des  religieux.  Ses  successeurs  proté- 
gèrent aussi  ces  asiles  de  la  piété  et  de  la 
charité,  ils  enj  dotèrent  et  fondèrent  plu- 
sieurs. 

Dans  le  vi'  siècle  parurent  saint  Benoit  et 
saint  Colomban,  deux  célèbres  législateurs 
de  la  vie  religieuse.  Jusqu'à  ces  grands  hom- 
mes, les  religieux  s'attachaient  indistincte- 
ment aux  règles  de  saint  PacAme,  de  saint 
Basile,  de  saint  Macaire,  de  saint  Augustin  ; 
les  maisons  religieuses  à  l'exception  d'un 
très-petit  nombre,  fondées  par  le  même  abbé» 
n'ayaient  aucune  relation  entre  elles.  Les 
règles  de  saint  Benoit  fixèrent  les  devoirs 
des  supérieurs  et  des  inférieurs,  elles  déter« 
minèrent  l'emploi  de  chaaue  moment  de  la 
journée  etc.,  pourvurent  a  tout  ce  qui  cons- 
titue un  gouvememefit  sage.  Cette  règle  fut 
établie  dans  tous  les  nouveaux  monastères 
et  adoptée,  en  général,  par  les  anciens.  Au 
Yii'  siècle,  saint  Augustin  l'apporta  en  An- 
gleterre. Les  princes  qui  gouvernaient  alors 
te  pays,  convertis  successivement  à  la  foi 
chrétienne  par  Içs  missionnaires  apostoli- 
ques, furent  de  zélés  protecteurs  de  la  vie 
monastique,  qui  s'établit  aussi  chez  les  Fri- 
sons, par  les  soins  des  missionnaires  anglais, 
qui  pour  la  plupart  étaient  moines.  £lle 
prenaitégalement  un  nouvel  essor  en  France, 

Srftce  au  zèle  et  aux  soins  de  saint  Eloi, 
e  saint  Ouen  et  de  sainte  Bathilde.  En  Es- 
pagne, saint  Isidore  et  saint  Fructueux  don- 
naient aux  monastères  des  règlements  pleins 
de  sagesse.  Cependant,  les  irruptions  des 
Lombards  et  des  Sarrasins,  ainsi  que  la  vio- 
lence des  seigneurs  qui  usurpaient  les  biens 
des  monastères  et  s  en  rendaient  abbés,  af- 
faiblirent la  vie  religieuse;  mais  elle  reprit 
une  nouvelle  ferveur  sous  les  règnes  d'Al- 
fred et  de  Louis  le  Débonnaire.  Le  premier 
de  ces  princes  rechercha  de  tous  côtés  les 
religieux  qui  se  faisaient  remarquer  par  leur 
science  et  leurs  vertus  :  il  gardait  les  uns 
auprès  de  lui  et  plaçait  les  autres  à  la  tète 
d'anciens  ou  de  nouveaux  couvents.  A  la 
persuasion  d'un  de  ces  religieux  appelé  Néat, 
li  fonda  l'Université  d'Oxford  :  c'est  ainsi 
qu'il  releva  les  études  dans  son  royaume. 
En  France,  sous  Louis  le  Débonnaire,  saint 
Benoit  d'Aniane,  vivement  pénétré  de  l'es* 


f^rit  de  l'Evangile,  et  revêtu  de  Tautorité  que 
ui  avait  donnée  le  concile  d'Aix-la-Chapelle 
en  817,  remit  en  vigueur  la  règle  de  saint 
Benott.  Mais  les  guerres  civiles  et  les  rava- 
ges des  Normands  firent  reparaftre  les  abus 
que  saint  Benoit  d'Aniane  avait  voulu  dé- 
truire pour  jamais.  En  910,  Guillaume,  comte 
de  Toulouse  et  duc  d'Aquitaine,  fonda  le 
monastère  do  Gluny  et  le  soumit  au  Pape, 

{)Our  empêcher  les  usurpations  des  seigneurs 
aïques.  Les  premiers  anbés,  non  moins  dis- 
tingués par  leurs  vertus  que  par  leur  science, 
y  firent  fleurir  l'exacte  observance  de  la  rè- 
gle de  Saint  Benoit,  l'étude  de  la  religion  et 
la  charité  envers  les  pauvres.  Les  évèques 
comblèrent  de  biens  les  religieux  de  Cluny, 
leur  affilièrent  de  nouveaux  monaatères,  les 
proposèrent  pour  modèles  à  ceux  qui  eiis- 
taieni  déjà,  pour  y  renouveler  l'esprit  pri- 
mitif .  Dans  plusieurs  Eglises,  on  substitua 
les  religieux  de  Gluny  aux  chanoines. 

La  réforme  de  Gluny  s'étendit  dans  toute 
la  France,  en  Italie,  en  Allemagne.  Dans  le 
même  temps,  saint  Dunstan  régénérait  les 
maisons   religieuses  en  Angleterre.  Saiut 
Romuald  et  saint  Nil  de  Calabre  retraçaient 
par  leurs  austérités   la  vie  des  premiers 
moines  d'Egypte.  En  Orient,  la  première 
ferveur  s'était  longtemps  maintenue,  malgré 
les  guerres  des  Perses  et  la  lureur  des  héré- 
tiques. Les  )3ersécutions  des  empereurs  hé- 
rétiques avaient  fini  pourtant  par  y  étouifer 
l'esprit  de  l'état  religieux.  On  y  remarquait 
néanmoins  encore,  au  temps  dont  nous  par- 
lons en  ce  moment,  saint  rlicon,  surnommé 
le  Métamoïte,  saint  Paul  do  Latre  et  saint 
Luc  le  Jeune.  La  réforme  de  Glunv  se  sou- 
tenait encore  avec  splendeur  à  la.  fin  du  xi' 
siècle;  Ulric,  qui  écrivait  alors  les  eoutumes 
de  cette  congrégation ,  en  est  garant.  Dans 
cet  intervalle,  de  nouveaux  ordres  s'établi- 
rent pour  le  bien  de  l'humanité  et  la  res- 
tauration des  mœurs.  Saint  Jean  Gualberl 
forma  la  congrégation  de  Vallombreuse;  il 
fut  le  premier  des  fondateurs  qui  admit  des 
laïques  parmi  ses  disciples;  is  les  chargea 
des  travaux  du  dehors.  L'épidémie  appelée 
Feu-sacré  onSaint-Ântoine,  donna  naissance 
aux  Antonins.  Etienne  de  Muret  établit  l'or- 
dre de  Grammont,  saint  Bruno,  celui  des 
Chartreux.  Ce  dernier  présente  un  exemple 
unique  dans  l'histoire.  Depuis  près  de  huit 
cents  ans  les  Chartreux  conservent  l'esprit 
de  leur  Père  et  observent  le  genre  de  r/e 
qu'il  leur  a  tracée;  la  solitude,  ie  trava/i,ie 
silence  perpétuel,  la  prière.  La  sainteté  est 
héréditaire  parmi  eux.  En  li^l8,  Eudes  l" 
jeta  les  fondements  de  Cîteaux.  Son  premier 
abbé,  Robert  de  Holenne  y  établit  la  règle 
de  Saint  Benott.  On  sait  que  saint  Bernard 
fut  l'ornement  de  cette  maison.  La  vertu 
des  Cisterciens  était  si  généralement  esti- 
mée qu'en  moins  de  cent  ans  il  y  eut  deui 
mille  monastères  de  leur  ordre.  Guilianine 
le  Conquérant  établit  un  grand  nombre  de 
monastères  en  Angleterre,  et,  sur  sou  lit  de 
mort,  il  se  consolait  par  le  souvenir  de  la 

f)roleclion  qu'il  leur  avait  accordée  et  par 
'espérance  qu'ils  continueraient  ^près  lui 


4<K;y 


0A8CKT1S1IE. 


MOI 


mo 


le  bien  qu'ils  faisaient  de  son  Tivanl.  Robert 
d'Arbrisselles  déYOua  son  institut  au  ser?ice 
des  pauvres,  des  estropiés  et  des  lépreux. 
La  maison  de  Fontevranlt  réunit  jusqu'à 
trois  mille  religieux.  Bernard  de  Tiron  et 
Vital  de  Sayjgny  établirent  aussi  deux  con- 
grégations, dont  la  première  s'étendit  en 
Eec»se,  en  Angleterre.  La  seconde  se  con- 
fondit avec  les  Cisterciens.  Alors  s'établi- 
rent aussi  les  congrégations  des  chanoines 
réguliers  qui  unirent  les  rigueurs  de  la  vie 
monastique  aux  fonctions  sacerdotales.  On 
remarqua  surtout  celle  de  Struf,  formée  par 
quatre  prêtres  de  TEglise  d'Avignon,  et  celle 
des  Prémontrés,  instituée  par  saint  Norbert, 
arclieTéque  de  Magdebourg.  Las  ordres 
religieux  et  militaires  prirent  naissance  à 
celte  époque  :  les  Templiers,  les  chevaliers 
de  Saint-Jean  de  Jérusalem  se  vouèrent  à  la 
défense  de  la  Palestine  et  des  Chrétiens  d'O- 
rient ;  ils  protégeaient  le  commerce  contre 
les  pirates  et  les  infidèles.  Les  chevaliers 
de  l'Ordre  teutonique ,  d'at>ord  emplojrés  au 
nervice  ûts  ^uvres  malades  de  la  nation  al- 
lemantie,  suivirent  ensuite  l'exemple  de  ces 
deux  premiers  ordres.  Au  nombre  désordres 
religieux  et  militaires  figurent  encore ceuxde 
Saint-Lazare,  de  Calatrava  et  de  Saint-Jac- 
ques d'Alcantara.  Ces  deux  derniers  sub- 
sistent encore  en  Espagne.  Saint  Jean  de 
Malha  et  saint  Pierre  de  Nolasque  fondèrent 
au  xiu'  siècle,  le  premier,  l'ordre  des  Tri- 
nitaires,  et  le  second,  celui  de  la  Merd, 
consacrés  tous  deux  à  échanger  ou  à  rache- 
ter des  mains  des  infidèles  les  captifs  chré- 
tiens, dont  lé  nombre  s'était  beaucoup  au- 
gmenté depuis  les  croisades.  Saint  Louis 
ramena  de  la  Palestine,  des  ermites  qui  me- 
naient, sur  le  mont  Carmel,  une  vie  très- 
pénitente  et  dont  la  règle  que  leur  avait 
donnée  Albert,  patriarche  de  Jérusalem,  fut 
confirmée  en  lSâ6,  par  le  Pape  Honorius. 
C'est  au  règne  de  saint  Louis  et  à  l'année 
1%9  que  remonte  l'existence  des  ermites  de 
Saint-Augustin,  du  moins  à  Paris.  Le  Pape 
A  lexandre  IV  réunit  en  une  seule  obser- 
vance diverses  congrégations  qui  suivaient 
la  règle  de  Saint  Augustin.  Telle  est  i'ori- 

Ïine  des  Augustins,  religieux  mendiants. 
Is  embrassaient  la  pauvreté,  ils  s'appli- 
quaient avec  zèle  aux  études;  ils  avaient  à 
Toulouse  une  maison  renommée  par  la  sain- 
teté et  la  science  des  religieux.  Les  hérésies 
des  Albigeois  donnèrent  naissance  à  deax 
ordres  religieux  destinés  à  combattre  les  er- 
reurs et  les  vices  de  ces  novateurs.  Saint 
François  d'Assise  et  saint  Dominique  dé- 
fendirent à  leurs  disciples  toute  propriété, 
même  en  commun.  Us  devaient  vivre  d'au- 
mènes,  si  le  produit  de  leurs  travaux  ne 
suffisait  pas  pour  leur  subsistance.  La  pa-* 
tience,  rhumilité  de  ces  religieux,  leur  amour 
pour  l'élude,  leur  zèle  infotigable  pour  la 
propagation  de  la  foi,  rendirent  les  Frères 
prêcheurs  et  les  Enfants  de  saint  François 
également  chers  à  l'Eglise  et  à  l'Etat.  Saint 
Louis  aurait  voulu  se  donner  à  eux  par 
égale  portion,  lis  obtinrent  des  chaires  dans 
les  universités  de  Paris  et  de  Boulogne.  La 


charge  de  maître  du  sacré  palais  fut  confiée 
aux  Dominicains,  les  princes  les  employaient 
dans  les  négociations  importantes  On  vit 
plusieurs  Frères  mineurs  et  Dominicains 
élevés  aux  premières  dignités  de  l'Eglise  et 
même  à  lii  papauté.  A  1  exemple  de  ces  re- 
ligieux, les  ancieiis  ordres,  reprirent  leur 
zèle  pour  l'étude.  La  fmidation  du  collège 
des  Bernardins  date  de  cette  époque.  Cajé- 
lan  eC  ses  compagnons  firent  revivre  l'esprit 
des  apôtres  en  se  consacrant  au  minîstère 
avec  le  même  désintéressemrat  et  la  même 
fenrenr.  ▲  ces  otriigations  les  Bamabites 
ajoutèrent  d'établir  des  collèges,  des  sémi- 
maires  pour  élever  la  jeunesse  eA  la  rendre 
propre  aux  missions.  Au  xvi*  siècle^  à  la 
naissance  même  du  prolestautismet  saint 
Ignaee  de  Loyola  fonda  la  grande  institution 
des  Jésuites,  dont  le  nom  seul,  ce  oui  prouve 
Texcellence  de  cet  institut  et  le  bien  qu'il 
fait,  soulève  la  colère  de  tous  les  ennemis 
de  la  religion.  L'instruction  du  peuple  et 
l'éducalion  de  la  jeunesse  sont  les  objets 
utiles  que  se  proposèrent  saint  Philippe  de 
Néry,  eu  fondant  l'Oratoire  de  Rome,  et  le 
cardinal  de  Bérulle  celui  de  France.  En  ce 
même  temps,  les  anciens  corps  religieux 
reçurent  une  nouvelle  rie.  En  France,  en 
Espagne,  en  Italie  s'opérèrent  les  plus  gran- 
des réformes  des  Frères  mineurs,  des  Capu- 
cins, des  Récollets,  des  Pénitents  du  tiers- 
ordre  de  Saint-François,  nommés  Picpus, 
S|ui,  ressuscitant  l'esprit  de  saint  François, 
urent  approuvés  par  le  Pape.  Aux  mitiga- 
tiens  que  les  Carmélites  avaient  obtenues, 
sainte  Thérèse  fit  succéder  la  première  aus- 
térité de  la  r^le.  Par  ses  conseils,  saint  Jean 
de  la  Croix  fit  la  réforme  dans  les  couvents 
des  Carmes.  Jean  de  la  Barrière,  rappela  les 
Feuillants  à  l'observance  sévère  de  Clair- 
vaux.  Jean  Michaélis,  dominicain,  surmonta 
aussi  tous  les  obstacles  que  le  relâchement 
opposait  à  son  zèle,  à  sa  piété.  Saint  Jean 
de  Dieu  établit  cette  pieuse  congrégation 
qui  se  livre  spécialement  aux  soins  des  ma- 
lades indigents  et  des  aliénés. 

Le  concile  de  Trente  raflermit  la  discipline 
des  divers  ordres,  et,  restreignant  les  exem- 
tions,  prévint  le  renouvellement  des  abus. 
Dans  rfaisloire  des  ordres  religieux,  saint 
Vincent  de  Paul  remplit  celle  du  xyu*  siècle, 
soit  par  ses  propres  établissements,  soit  par 
la  part  qu'il  prit  à  tous  ceux  qui  furent  for- 
mes de  son  temps.  Les  Bénédictins,  qui  em- 
brassèrent la  réforme  de  saint  Vannes  et  de 
saint  llaur,  surent  allier  la  piété  à  la  cul- 
ture des  lettres,  ils  ont  produit  des  ouvra- 
ges qui  ne  sont  pas  la  moindre  gloire  du 
siècle  de  Louis  XIV.  Le  cardinal  de  Laro-. 
ehefoucauld,  évéqae  de  Senlis,  et  abbé  de 
Sainte-Oeneviève,  réunit  les  chanoines  en 
une  seule  congrégation  que  leur  régularité 
multiplia  bientêt  en  France.  Le  célèbre 
abbé  de  Rancé,  après  avoir  fait  les  délices 
du  monde,  se  retira  à  la  Trappe  où  il  lit 
observer  la  première  règle  de  Ctleaux.  Plu- 
sieurs autres  abbayes  embrassèrent  la  ré- 
forme de  Rancé;  mais  la  Révolution  survint, 
qui  détruisit  toutes  les  communautés  reii- 


1071 


MOL 


DIGTIOMNÂIRE 


MOL 


m 


giouses.  Lorsqqe  la  tempête  fut  appaisée, 
quelques  ordres  anciens  et  nouveaux  paru- 
rent. A&jourd*hui  il  existe  en  France  treize 
maisons  de  Trappistes  et  de  Trapistines  sou- 
mises aux  mômes  règles  sévères  que  les 
religieux;  plusieurs  congrégations  d'bom* 
mes  ayant  pour  objet  la  propagation  de  la 
foi  et  réducation  de  la  jeunesse,  d'autres  ne 
s*occapant  que  des  missions  étrangères  ou 
de  l'éducation  de  la  jeunesse;  il  existe  trois 
maisons  de  Bénédictins,  trois  de  Dominicains, 
trois  de  Capucins,  deux  de  Chartreux.  Les 
Carmélites,  les  Claristes,  les  Dominicaines, 
les  Bénédictines  du  Saint-Sacrement,  les  da- 
mes du  Refuge,  du  Bon-Pasteur,  de  la  Visi- 
tation Sainte-Marie,  et  beaucoup  d'autres 
ordres  religieux  de  femmes,  anciens  et  nou- 
veaux ont  aussi  divers  établissements  en 
France.  Les  uns  ne  s  occupent  que  de  la  vie 
contemplative,  les  autres  allient  la  vie  ac- 
ctive  à  la  vie  contemplative.  (  Voy.  Ascètes, 
Ordhes  relioiecx,  et  notre  Discocrs  préli- 
minaire. ) 

MOLiNA  (Antoine),  chartreux  de  Miraflo- 
tes,  près  Burgos,  en  Castille,  mourut  vers 
1612,  après  s'être  acquis  une  grande  réputa- 
tion de  piété,  il  a  laissé  :  V  un  traité  de 
Vlnslruction  des  Prêtres f  ouvrage  très-propre 
h  honorer  !e  sacerdoce,  et  à  sanctifier  ceux 
qui  en  sont  revêtus;  il  a  été  traduit  en  fran- 
çais ;  Paris,  1677,  in-S"  ;  —  2*  Exercices  spi- 
rituels de  Vexcellence^  profit  et  nécessité  de 
i' oraison  mentale,  traduit  par  R.  Gaultier, 
Paris,  1631. 

MOLINOS  (Michel),  prêtre  espagnol,  naquit 
•  dans  le  diocèse  de  Saragosse  en  1627,  d'une 
famille  considérable  par  ses  biens  et  par  son 
rang.  Né  avec  une. imagination  ardente,  il 
s'établit  à  Rome,  et  y  acquit  la  réputation 
d'un  grand  directeur.  Il  avait  un  extérieur 
frappant  de  piété,  et  il  refusa  tous  les  béné- 
fices qu'on  lui  oûVit,  Le  feu  de  son  génie  lui 
fit  imaginer  des  folies  nouvelles  sur  la  mys- 
ticité. Il  débita,  en  1675,  ses  idées  dans  son 
ouvrage  intitulé  :  Guide  spirituel,  livre  im- 
primé d'abord  en  espagnol,  puis  en  italien  et 
en  latin,  gui  le  fit  enfermer  dans  les  prisons 
*  de  rinquisilion,fen  1685.  Cet  ouvrage  parut 
d'abord  admirable  :  «  La  théologie  mysti- 
que, disait  l'auteur  dans  sa  préface,  n'est  pas 
une  science  d'imagination,  mais  de  senti- 
ment... On  ne  l'apprend  pas  par  l'étude,  mais 
on  la  reçoit  du  ciel.  »  Cela  était  vrai  à  bien 
des  égards,  mais  l'auteur  en  porta  trop  loin 
les  conséquences,  et  en  fit  do  fausses  appli- 
cations. Ce  ne  fut  qu'en  creusant  dans  une 
espèce  d'abîme»  où  Molinos  s'enfonce  et  son 
lecteur  avec  lui,  qu'on  aperçut  tout  le  dan- 
ger de  son  système.  Le  père  Segneri  ayant 
entrepris  d'en  découvrir  le  venin  dans  un 
livre  qu'il  publia. sous  le  titre  de  l*Accord 
l  de  Vaction  et  du  repos  dans  roraison,  peu 
«'on  fallut  qu'il  ne  lui  coûtât  la  vie.  On  le 
regarda  comme  un  homme  jaloux,  aveuglé 
par  une  basse  envie,  qui  calomniait  un  saint. 
Son  livre  fut  censure,  et  on  ne  lui  rendit 
justice  que  lorsque  Thypocrisie  fut  démas- 
|(|uée.  «  On  vit,  dit  le  Père  d'Avrigny,  que 
Il  homme  orétendu  oarfuit  de  Molinos  est  un 


homme  qui  ne  raisonne  pas; qui  ne  réfléchit 
ni  sur  Dieu,  ni  sur  lui-même,  qui  ne  désire 
rien,  pas  même  son  salut;  qui  ne  craioi 
rien,  pas  même  l'enfer;  à  qui  lès  pensées  les 
plus  impures,  comme  les  bonnes  œuvres, 
deviennent  absolument  étrangères  et  indii^ 
férentes.  »  La  souveraine  perfection,  suivant 
le  rêveur  espagnol,  consiste  à  s'aDéaDtir 
pour  s'unir  à  Dieu  :  de  façon  que  toutes  les 
facultés  de  l'âme  étant  absorbées  par  cette 
union,  l'Ame  ne  doit  plus  se  troubler  de  ce 
qui  peut  se  passer  dans  le  corps.  Peu  im- 
porte que  la  partie  inférieure  se  livre  aax 
plus  honteux  excès,  pourvu  que  la  supé* 
rieure  reste  concentrée  dans  la  Divinité  par 
l'oraison  de  quiétude.  Cette  hérésie  se  ré- 
pandit en  France,  et.y  prit  mille  formes  dif- 
férentes. Malaval,  M""  Guyon,  Fénelon  en 
adoptèrent  quelques  idées,  mais  non  pas  les 
plus  révoltantes.  Celles  de  Molinos  fureot 
condamnées  en  1687,  au  nombre  de  68.  On 
en  trouve  une  réfutation  dans  le  tome  IV  des 
Œuvres  de  Fénelon,  publiées  à  Versailles, 
chez  Lebel.  Le  même  volume  contient  uoe 
analyse  judicieuse  de  la  doctrine  de  Holi* 
nos,  et  la  différence  de  cette  doctrine  avec  le 
quiélisme  mitigé  de  M"^*  Guyon.  Molinos  fut 
obligé  de  faire  une  abjuration  publique  de 
ses  erreurs,  et  il  fut  enfermé  dans  une  pri- 
son où  il  mourut  en  1696 ,  âgé  de  près  de 
soixante-dix  ans.  Quelques-uns  ont  avancé 
que  Molinos  en  était  venu  jusqu'à  ouvrir  la 
porte  aux  abominations  des  Gnostiques ;màs 
d'autres  le  justifient  sur  ce  point,  et  soutien- 
nent qu'il  n'a  pas  admis  cette  horrible  cod- 
séquence.  Les  sentiments,  dans  lesquels  on 
dit  qu'il  est  mort,  viennent  à  l'appui  de  celte 
assertion.  Des  lecteurs  superficiels  ont  quel- 
quefois confondu ,  avec  le  quiétisme  ou  la 
quiétude  de  Molinos,  cette  paix  de  l'âme  qoa 
nous  devons  garder,  même  dans  la  détesta- 
tion  et  la  fuite  du  péché.  Le  quiétisme  co- 
seigne  qu'il  n'y  a  pas  de  pécnés  pour  les 
âmes  unies  avec  Dieu,  et  que  dès  lorsL  il  ne 
faut  pas  s'en  inquiéter.  La  vraie  théologie 
dit  qu'il  faut  pleurer  ses  péchés  sans  agil^ 
tiens,  sans  se  tracasser  et  sans  s'abattre.  •  11 
est  difficile  de  comprendre ,  dit  uu  ascéti- 
que, qu'on  puisse  confondre  do  telles  dispa- 
rates, et  cela  à  la  faveur  du  misérable  équi- 
voque qui  porte  sur  le  mot  quies  ;  la  dou- 
ceur, la  componction,  le  regret  le  plus  vif 
d'avoir  offensé  Dieu  sont  calmes  et  paisibles. 
Le  Peccavi  Domino  de  David,  le  Flevit  amart 
de  saint  Pierre,  étaient  sans  agitation  ctsans 
trouble.  La  situation  contraire  vient  de  la 
grande  idée  qu'on  a  de  soi-même,  de  ses  ver- 
tus, d'un  désir  deperfectionrapportéàsoict 
non  pas  à  Dieu.  »  {Voy.  Quiétisme). 

MOLINOSISME,  doctrine  de  ifolioos, 
sur  la  vie  mystique  ,  condamnée  à  Ro- 
me, en  1687,  par  Innocent  XI. —Ce Pon- 
tife ,  dans  sa  bulle ,  censure  68  [proposi- 
tions tirées  des  écrits  de  Molinos  qui  ensei- 
gne le  quiétisme  le  plus  outré,  et  poussé 
jusqu'aux  dernières  conséquences.  —  ^^' 
principe  fondamental  de  cette  doctrine  ej'l 
que  la  perfection  chrétienne  consiste  dans  la 
Irauquilliié  de  l'âme,  d^ns  le  renoncemenli 


407S 


MOL 


D^ASCCTISIIE 


MOL 


lOM 


toutes  les  choses  extérieures  et  temporelles, 
dans  an  amour  pur  de  Dieu,  exempt  de  toute 
▼ue  d'intérêt  et  de  récompense.  Ainsi,  une 
Ame/ qui  aspire  au  souverain  bien,  doit  re- 
noncer non«sealement  à  tons  les  plaisirs  des 
sens,  mais  encore  à  tous  les  objets  corporels 
et  sensibles,  imposer  silence  à  tous  les  mou- 
Tcments  de  son  esprit  et  de  sa  volonté,  pour 
se  concentrer  et  s  absorber  en  Dieu. 

Ces  maximes,  sublimes  en  apparence ,  et 
capables  de  séduire  les  imaginations  vives, 
peuvent  conduire  à  des  conséquences  af- 
freuses. Molinos  et  quelques-uns  de  ses  dis- 
ciples ont  été  accusés  d'enseigner,  tant  dans 
la  théorie  que  dans  la  pratique,  que  l'on 
peut  s'abandonner  sans  péché  à  des  dérè- 
glements infâmes,  pourvu  que  la  partie  su- 
périeure de  l'Ame  aemeure  unie  à  Dieu.  Les 
propositions  2S,  ki  et  suivantes,  de  Molinos, 
renferment  éridemment  cette  erreur  abomi- 
nable. Toutes  les  autres  tendent  à  décrédi- 
ter les  pratiques  les  plus  saintes  de  la  reli- 
gion, sous  prétexte  qu'une  Ame  n'en  a  plus 
besoin  lorsqu'elle  est  parfaitement  unie  à 
Diea. —  Certains  auteurs  assurent  que,  dans 
le  dessein  de  perdre  ce  prêtre,  on  lui  attribua 
des  conséquences  auxquelles  il  n'avait  jamais 
pensé.  Il  est  certain  que  Molinos  avait  à  Rome 
desamis  puissants,  et  respectables  trèsà  portée 
de  le  déiendre,  s'il  avait  été  possible.  Sans  les 
laits  odieux  dont  il  fut  convaincu ,  lorsqu'il 
eut  donné  une  rétractation  formelle,  il  n'est 
pas  probable  qu'on  l'aurait  laissé  en  prison 
jusqu'à  sa  mort  qui  n'arriva  qu'en  1696.  — 
Un  auteur  protestant  suppose  que  les  adver- 
saires de  Molinos  furent  surtout  indignés,  de 
ce  qu'il  soutenait,  comme  les  protestants, 
l'inutilité  des  pratiques  extérieures .  et  des 
cérémonies  de  religion.  Voilà  comme  les 
hommes  à  système  trouvent  partout  de  quoi 
nourrir  leur  prévention.  Selon  l'avis  des 
protestants,  tout  hérétique  qui  a  favorisé  en 
quelque  chose  leur  opinion,  quelque  erreur 
qu'il  ait  enseignée  d'ailleurs,  mentait  d'être 
absous.  La  bulle  de  condamnation  de  Moli- 
nos censure  non-seulement  les  propositions 
qui  sentaient  le  protestantisme,  mais  celles 
qui  renfermaient  le  fond  du  quiétisme  •  et 
toutes  les  conséquences  qui  s'ensuivaient. 
Mosheim  lui-même  n'a  pas  osé  les  justifier. 
{Hi$i.  eecUsioii.  du  xvii*  fi%/e,  sect.  ii, 
1'*  partie,  chapitre  1,  {  49).—  II  faut  se  sou- 
venir que  les  quiétistes,  qui  firent  du  bruit 
en  France  peu  de  temps  après,  ne  donnaient 
point  dans  les  erreurs  grossières  de  Molinos, 
ils  faisaient  au  contraire  profession  de  les 
détester.  {Voyez  QuiinsiiR).  Comme  la  doc- 
trine de  Molinos  résume  parfaitement  toutes 
les  notions  du  faux  mysticisme,  comme 
d'ailleurs  la  vérité,  et  surtout  le  sens  des  vé- 
rités abstraites  et  délicates ,  ressort  mieux 
du  contraste  de  l'erreur,  nous  donnons  ici, 
avec  la  bulle  d'Innocent  XI,  les  propositions 
condamnées  du  célèbre  quiétiste  ;  on  verra 
mieux  par  ce  simple  exposé  que  par  tous 
les  raisonnements,  comment  il  laut  entendre 
sur  ces  matières  la  doctrine  catholique. 

BULLB  D'IimOCElIT  XI,  CONTAB  MÎCHEL    DB 

MouHos.  —  Innocent,   évC^que,    serviteur 


des  serviteurs  de  Dieu  :  à  la  mémoire  per- 
pétuelle de  la  chose.  Le  céleste  pasteur, 
Notre-Seiçneur  Jésus-Christ,  voulant  par  sa 
miséricorae  infinie  tirer  le  monde  des  té- 
nèbres et  des  erreurs  où  il  était  enseveli  aa 
milieu  de  la  gentilité  et  de  la  puissance  du 
démon,  sous  laquelle  il  gémissait  depuis  la 
chute  de  notre  premier  père,  s'est  abaissé 
jusqu'à  prendre  notre  chair  en  témoignage 
de  sa  charité  envers  nous,  et  s'est  offert  à 
Dieu  une  hostie  vivante  pour  nos  péchés, 
ayant  attaché  à  la  croix  la  eédule  de  notre 
rédemption.  Aussitôt  prêt  à  retourner  au 
ciel,  laissant  sur  la  terre  l'Eglise  catholique, 
son  épouse,  comme  cette  sainte  cité,  la  nou- 
velle Jérusalem,  descendant  du  ciel,  n'ayant 
ni  tache,  ni  ride,  étant  une  et  sainte,  en- 
tourée des  armes  de  sa  toute-puissance  contre 
les  portes  de  l'enfer,  il  l'a  donnée  à  gou- 
verner au  prince  des  apôtres  et  à  ses  suc- 
cesseurs, afin  qu'ils  gardassent  saine  et  en- 
tière la  doctrine  qu'ils  avaient  apprise  de 
la  bouche  de  leur  maître,  et  que  les  ouailles 
rachetées  au  prix  de  son  sang,  ne  retom- 
bassent point  dans  les  anciennes  erreurs 
parl'appAt  des  opinions  dépravées;  comme 
nous  apprenons,  dans  les  saintes  Ecritures, 

?u'il  a  recommandé  principalement  à  saint 
ierre.  Car  à  quel  autre  d'entre  les  apôtres, 
a-t-il  dit  :  Pais  mes  brebis  ;  et  encore  :  j'ai 
prié  pour  toi,  afin  que  ta  foi  ne  te  manque 
point;  et  lorsque  tu  seras  converti,  fortifie 
tes  frères?  Aussi,  nous  qui  sommes  dans 
la  chair  de  saint  Pierre,  et  revêtu  de  sa 
puissance»  non  par  nos  mérites,  mais  par  le 
conseil  impénétrable  du  Dieu  tout-puissant  ; 
avons-nous  toujours  eu  cette  sollicitude 
dans  l'esprit,  que  le  peuple  chrétien  gardât 
la  foi  prêchée  par  Jésus-Christ  et  par  ses 
apôtres,  qui  nous  est  venu&  par  une  tra- 
dition constante  .  et  non  interrompue,  et 
doit  durer  jusqu'à  la  fin  du  monde  selon  sa 
promesse. 

Comme  donc  il  a  été  rapporté  h  notre 
apostolat  que  le  nommé  Micnel  de  Molinos 
a  enseigné  de  vive  voix  et  par  écrit  des 
maximes  impies,  qu'il  a  même  mises  en 
pratique,  sous  prétexte  d'une  oraison  de 
quiétude,  contraire  à  la  doctrine  et  à  la 
pratique  des  saints  Pères,  depuis  la  naissance 
de  l'Eglise,  il  a  précipité  Tes  fidèles  de  la 
vraie  religion  et  de  la  pureté,  de  la  piété 
chrétienne,  dans  des  erreurs  très^randes  et 
dans  des  infamies  honteuses  :  nous,  qui 
avons  tant  à  cœur  que  les  Ames  confiées  à 
nos  soins  puissent  neureusement*arri  ver  au 
port  du  salut,  bannissons  toute  erreur  et 
toute  opinion  mauvaise,  avons  ordonné  sur 
des  indices  très-certains,  que  le  susdit  Mi- 
chel de  Molinos  fut  mis  en  prison.  Ensuite, 
après  avoir  ouï  en  notre  présence  et  en 
la  présence  de  nos  vénérables  frères  les 
cardinaux  de  la  sainte  Eglise  romaine,  in- 
quisiteurs généraux  dans  toute  la  répu- 
blique chrétienne,  députés  spécialement  par 
autorité  apostolique,  plusieurs  docteurs  en 
théologie,  ayant  aussi  pris  leurs  suffrages 
de  vive  voix  et  par  écrit,  et  les  avant  mûre- 
ment examinés,  l'assistance  du  âaint-Espril 


iOTS 


MOL 


ucTioraoïRE 


MOL 


1076 


implorée,  noas  avons  ordonné,  de  Favis 
coinmoft  de  nos  susdits  frères,  que  nous 
procéderions  comme  s'ensuit  à  la  coudant 
nation  des  propositions  ici  apportées,  dont 
Michel  de  Molinos  est  auteur,  qu'il  a  re- 
eonnnes  être  les  siennes,  qu'il  a  été  con- 
raincu  et  qu'il  a  confessé  respectivement 
avoir  dictées,  écrites,  communiquées  et 
crues,  ainsi  qu'il  est  porté  plus  au  long  dans 
son  procès,  ef  dans  le  décret  qui  a  été  fait 
par  noire  ordre,  le  28  août  de  la  présente 
années  1687. 

Propositions.  —  1.  II  faut  que  l'homme 
anéantisse  ses  puissances  :  c'est  la  voie  in- 
térieure. 

2.  Vouloir  faire  une  action,  c'est  offenser 
Dieu,  qui  veut  être  seul  agent;  c'est  pour- 

3Q0i  il  faut  s'abandonner  totalement  à  fui,  et 
emeurer  ensuite  comme  im  corps  sans  âme. 

3.  Le  vœu  de  faire  quelque  bonne  œuvre 
est  un  empêchement  à  la  perfection. 

k.  L'activité  naturelle  est  ennemie  de  la 
gr&ce,  c'est  un  obstacle  aux  opérations  de 
Dieu  et  à  la  vraie  perfection;  parce  que 
Dieu  veut  açîr  en  nous  sans  nous. 

5.  L'âme  s  anéantit  par  l'inaction,  retourne 
à  son  principe  et  à  son  origine,  qui  est 
l'essence  divine  dans  laquelle  eDe  demeure 
transformée  et  déifiée  :  alors  aussi  Dieu  de^ 
itieure  en  lui-même;  i)uisque  ce  n^est  plus 
deux  choses  unies,  mais  une  seule  chose  : 
et  c'est  ainsi  que  Dieu  vit  et  rème  en  nous, 
et  que  l'Ame  s'anéantit  même  dans  sa  puis- 
sance d'agir 

6.  La  voie  inférieure  est  celle  oii  Ton  ne 
connatt  ni  lumière,  ni  amour,  ni  résigna- 
tion :  il  ne  faut  pas  môme  connattre  Dieu  ; 
et  c'est  ainsi  que  l'on  s'avance  à  la  perfection  • 

7.  L'âme  ne  doit  penser  ni  à  la  récom«« 
pense,  ni  à  la  punition,  ni  au  paradis,  ni  à 
l'enfer,  ni  à  l'éternité 

8.  Elle  ne  doit  point  désirer  de  savoir  si 
elle  marche  dans  la  volonté  de  Dieu,  ni  ai 
elle  V  est  assez  résignée  ou  non;  et  il  n'est 
pas  oeaein  qu'elle  veuille  connattre  son  état 
ni  son  propre  néant,  mais  elle  doit  demeu- 
rer comme  un  corpa  sans  vie. 

9.  L'âme  ne  se  doit  souvenir,  ni  d'elle- 
même,  ni  de  Dieu,  ni  d'aucune  chose;  car 
dans  la  vie  intérieure  toute  réOexion  est 
nuisible,  même  celle   qu'on  fait  sur  ses 

Sropres  actions  humaines  et  sur  ses  propres 
éfauts. 

10.  Si  par  ses  propres  défauts  elle  scan- 
dalise les  autres,  il  n  est  pas  encore  néces« 
saire  qu'elle  fasse  aucune  réflexion,  pourvu 

Su'elie  ne  soit  point  dans  la  volonté  actuelle 
e  les  scandaliaer  :  et  c'est  une  grande  grâce 
de  Dieu  de  ne  pouvoir  plus  réfléchir  sur 
ses  propres  manquements 

11.  Dans  le  doute,  si  l'on  est  dans  la 
bonne  ou  dans  la  mauvaise  voie,  il  ne  faut 
pas  réfléchir. 

12.  Celui  qui  a  donné  son  libre  arbitre  à 
Dieu  ne  doit  plus  être  en  souci  d'aucune 
chose,  ni  de  l'enfer,  ni  du  paradis  :  il  ne 
doit  avoir  aneun  désir  de  sa  propre  perfec- 
tion, ni  des  vertus,  ni  ae  sa  sanctiheation, 
ni  de  son  salut  dont  il  doit  perdre  l'espé- 


rance. 

13.  Après  aroir  remis  &  Dieu  nocre  libre 
arbitre,  il  faut  aussi  abandonner  toute  pensée 
et  tout  soin  de  tout  ce  qui  nous  regarde; 
même  le  soin  de  faire  en  nous  sa  dirioe 
volonté. 

1&.  Il  ne  convient  point  à  celui  qd  s'est 
résigné  %  la  volonté  de  Dieu,  de  lui  fm, 
aucune  demande  :  parce  que  la  dernsode 
est  une  imperfection,  étant  un  acte  de 
propre  volonté  et  de  propre  choix,  c'est 
vouloir  que  la  volonté  divine  soit  confonoe 
à  ta  nOtrej  aussi  cette  parole  de  l'Evangile: 
Demandez,  et  vous  reeevrez,  n'a-t-elle  pas 
été  dite  par  Jésus-Christ  pour  les  âmes  in- 
térieures, qui  n'ont  point  de  rofonté,  pois- 
ou'enfin  ces  âmes  parviennent  aa  point 
ae  ne«ouvoir  faire  aucune  demande  à  Dieu. 

15.  De  même  que  l'âme  ne  doit  fnrei 
Dieu  aucune  demande,  elle  ne  doit  aussi 
lui  rendre  grâce  d'aucnne  chose,  l'un  et 
l'autre  étant  un  acte  de  propre  volonté. 

16.  Il  n'est  pas  k  propos  de  chercher  des 
indulgences  pour  diminuer  les  peines  dues 
&  nos  péchés,  parce  qu'il  vaut  mieux  sati^ 
faire  è  la  justice  de  Dieu  que  d'a?oir  re- 
cours à  sa  miséricorde  ;  l'un  venant  de  IV 
mour  pur  de  Dieu,  et  l'autre  de  Tanioar 
intéressé  de  nous-mêmes  :  aussi  est-ce  chose 
qui  n'est  point  açréable  à  Dieu,  ni  d'aucun 
mérite  devant  lui  puisque  c*est  vouloir  fuir 
la  croix. 

17.  Le  libre  arbitre  étant  remis  à  Dieu 
avec  le  soin  et  la  connaissance  de  notre 
âme,  il  ne  faut  plus  avoir  aucune  peine  des 
tentations,  ni  se  soucier  d'y  faire  aucune 
résistance,  si  ce  n'est  négativement  et  sans 
aucune  autre  application  :  que  si  la  nature 
s'émeut,  laissez-M  s'émouvoir,  ce  n'est  que 
la  nature. 

18.  Celui  qui  dans  Toraison  se  sert  d'i- 
mages, de  fiçures,  d'idées,  ou  de  ses  pro- 
pres conceptions,  n'adore  pas  Dieu  en  esprit 
et  en  vérité. 

19.  Celui  qui  aime  Dieu  à  la  manière  que 
la  raison  prouve  qu'il  le  faut  aimer,  e(  que 
Tentendement  le  conçoit,  n*aime  point  le 
vrai  Dieu. 

20.  C'est  une  ignorance  de  dire  qae  dans 
l'oraison,  il  faut  s'aider  de  raisonoemeot  et 
de  pensées,  lorsque  L*^ea  ne  parle  point  \ 
fâme;  Dieu  ne  parte  jamais,  sa  parole  est 
son  action,  et  il  agit  dans  l'âme  toutes  \^ 
fois  qu'elle  n'y  met  point  d'obstacle  par  ses 
pensées  ou  par  ses  opérations. 

21.  Il  faut,  dans  l'oraison,  demeurer  diBs 
la  foi  obscure  et  universelle  en  quiétude  et 
en  oubli  de  toute  pensée  particulière,  vAm 
de  la  distinction  des  attributs  de  Dieo  et  de 
la  Trinité;  il  faut  demeurer  ainsi  en  la  pre- 
sence  de  Dieu,  pour  Tadorer,  l'aimer  et  te 
servir,  mais  sans  produire  aucun  acte,  parce 
que  Dieu  n'y  prend  paa  plaisir. 

22.  Cette  connaissance  par  la  foi  n  est  |)as 
un  acte  produit  par  la  créature;  mais  cest 
une  conneissance  donnée  de  Dieu  à  ta 
créature,  ^ue  la  créature  ne  connaît  poim 
être  nulle,  et  qu'ensuite  elle  ne  connan 
point  y  avoir  été  ;  j'en  dis  autant  de  l'attOW' 


Y 


1077 


MOL 


D*ASCEnSllE. 


MOL 


4078 


23.  Les  mystiques  avec  saint  Bernard, 
dads  réclielie  des  solitaires,  distinguent 
quatre  deorés,  ]a  lecture,  ia  méditation,  l'o- 
raison et  Ta  contemplation  infuse.  Celui  qui 
s'arrête  toujours  au  premier  échelon  ne 
peut  monter  aa  second  :  celai  qui  demeure 
continuellement  au  second  ne  peut  arriver 
au  troisième  qui  est  notre  contemplation 
acquise,  dans  laquelle  il  faut  persister  pen- 
dant toute  la  rie,  si  Dieu  n'attire  i'àme,  sans 
toutefois  qu'elle  le  désire,  à  la  contempla- 
tion infuse,  laquelle  Tenant  à  cesser,  Fàme 
doit  descendre  au  second  degré  et  sy 
Exer  tellement  qu'elle  ne  retourne  plus  ni 
au  premier  ni  au  troisième. 

2&.  Quelles  que  soient  les  pensées  qui 
Tiennent  dans  l'oraison,  fussent -elles 
même  impures,  ou  contre  Dieu  et  con- 
tre les  saints,  la  foi  et  les  sacrements; 
«^curvu  qu'on  ne  s'jr  entretienne  pas  to- 
jentairement,  mais  qu'on  les  souffre  seule- 
ment avec  indifférence  et  résignation ,  elles 
n'empêchent  point  l'oraison  de  foi  ;  au  con- 
traire, elles  la  perfectionnent  davantage, 
firce  ou'alors  l'Ame  demeure  plus  résignée 
la  TOlonté  divine. 

S5.  Quoiqu'on  soit  accablé  de  sommeil  et 
tout  à  lait  endormi,  on  ne  cesse  pas  d'être 
dans  l'oraison  et  dans  la  contemplation  ac- 
tuelle ;  parce  que  l'oraison  et  la  résignation, 
la  résignation  et  l'oraison  ne  sont  qa*une 
même  chose  et  que  l'oraison  dure  autant 
que  la  résignation. 

26.  La  distinction  de  trois  Toies,  purga- 
tive, illuminative  et  unitive,  est  la  chose  la 
plus  absurde  qui  ait  été  dite  dans  la  mysti- 
cité; car  il  n'j  a  qu'une  seule  voie,  qui  est 
la  Toie  intérieure/ 

97.  Celui  qui  désire  et  s'arrête  a  la  dé- 
votion sensible,  ne  désire,  ni  ne  cherche  pas 
Dieu,  mais  soi-même,  et  celui  qui  marche 
dans  la  voie  intérieure,  fait  mal  de  la  désirer, 
et  de  s'f  exciter  tant  dans  les  lieux  saints 
qu'aux  fêtes  solennelles 

SB.  Le  dégoût  de  biens  spirituels  est  un 
bien,  parce  qu'il  purifie  l'amour-propre. 

29.  Quand  une  Ame  intérieure  a  du  dé- 
goût des  entreliens  de  Dieu  ou  de  la  vertu; 
et  quand  elle  est  froide  et  sans  ferveur, 
c'est  un  bon  signe. 

30.  Toute  sensibilité  dans  la  vie  spiri- 
tuelle est  une  abomination,  saleté  et  ordure. 

31.  Aucun  contemplatif  ne  pratique  de 
vraies  vertus  intérieures,  parce  qu'elles  ne 
se  dcHvent  pas  connaître  par  les  sens,  il  fout 
donc  bannir  les  vertus. 

3^.  Avant  ou  après  la  communion,  il  ne 
faut  aux  Ames  intérieures  d'antre  prépara- 
tion ni  actions  de  grAces,  que  de  demeurer 
dans  la  résignation  passive  et  ordinaire, 
parce  qu'elle  supplée  d'une  manière  plus 
parfaite  à  tous  les  actes  de  vertus  qoi  se 
font  ou  qui  se  |>euvent  foire  dans  la  voie  in- 
térieure ;  q^ue  si,  à  l'occasion  de  la  commu- 
nioni  il  s'élève  dans  l'Ame  des  sentiments 
d*humiliatioo,  de  demande  ou  d'action  de 
grâces,  il  fout  les  réprimer  toutes  les  fois 
qu'on  verra  qu'ils  ne  viennent  point  d'une 
inspiration  particulière  de  Dieu  ;  autrement 


ce  sont  des  émotions  de  la  nature,  qui  n'est 
pas  encore  morte. 

33.  L*Ame  qui  marche  dans  cette  voie 
intérieure,  fait  mal  d'exciter  en  elle  par 
quelque  effort,  aux  fêtes  solennelles  des 
sentiments  de  dévotion  ;  parce  que  tons  les 
ioun  de  l'Ame  intérieure  sont  éj^ux,  et  tous 
lui  sont  jours  de  fêtes  ;  j'en  dis  autant  des 
lieux  sacî*és,  car  tous  les  lieux  lui  sont 
aussi  égaux. 

9k.  Il  n'appartient  pas  aux  Ames  inté- 
rieures de  faire  à  Dieu  des  actions  de 
grAces  en  paroles  et  de  la  langue ,  parce 
qu'elles  doivent  demeurer  en  silence,  sans 
opposer  aucun  obstacle  h  l'opération  de  Dieu 
en  elles  :  aussi  éprouvent-elles,  h  mesure 
qu'elles  sont  plus  résignées  à  Dieu,  qu'elles 
peuvent  moins  réciter  l'oraison  dominicale 
on  Notre  Père. 

35.  11  ne  convient  pas  aux  Ame^  infé- 
rieure de  faire  des  actions  de  vertu  par  inur 
propre  choix  et  leurs  propres  forces,  autre- 
ment elles  ne  seraient  point  mortes,  ni  de 
faire  des  actes  d'amour  envers  la  sainte 
Vierge,  les  saints  et  Thumanité  de  Jésus- 
Christ,  parce  qu'étant  des  objets  sensibles, 
l'amour  en  est  de  même  nature. 

36.  Aucune  créature,  ni  la  bienheureuse 
Vierge,  ni  les  saints  ne  doivent  avoir  place 
dans  notre  cœur,  parce  que  Dieu  veut  seul 
le  remplir  et  le  posséder.  * 

37.  Dans  les  tentations,  même  d'emporte- 
ment,  l'Ame  ne  doit  point  faire  de  actes  expli- 
cites, des  vertus  contraires,  mais  demeurer 
dans  l'amour  et  dans  la  résignation  qu'on  a  dit. 

3S.  La  croix  volontaire  des  mortifications 
est  un  poids  insupportable  et  sans  ft*uit; 
c'est  pourquoi  il  faut  s'en  décharger. 

99.  Les  plus  saintes  actions,  et  les  péni- 
tences que  les  saints  ont  faites,  ne  sont 
point  sufGsantes  pour  effacer  de  l'Ame  la 
moindre  attache 

ko. 
cune 

a  été  la  plus  sainte  de  tous  les  saints  :  on 
peut  donc  parvenir  à  la  sainteté  sans  action 
extérieure. 

41.  Dieu  permet  et  veut  pour  nous  humi- 
lier et  pour  nous  conduire  à  la  ^rfaite 
transformation,  que  le  démon  tasse  violence 
dans  le  corps  è  certaines  Ames  parfaites  qui 
ne  sont  point  possédées,  jusqu'à  leur  faire 
commettre  des  actions  animales,  même  danf 
la  veille  et  sans  aucun  trouble  de  :*esprit.  en 
leur  remuant  réellement  les  mains  et  d  au- 
tres parties  du  corps  contre  leur  volonté; 
ce  qu'il  faut  entendre  d'autres  actions  mau- 
vaises par  elles-mêmes,  qui  ne  sont  point 
péché  en  cette  rencontre,  parce  qu'il  n'v  a 
point  de  consentement. 

42.  Ces  violences  à  des  actions  terrestres 
peuvent  arriver  en  même  temps  entre  deux 
personnes  de  différent  sexe  et  les  pousser 
jttsqu'k  l'acoomplissement  d'une  action  mau- 
vaise. 

43.  Aux  siècles  passés,  Meu  foisait  les 
saints  par  le  ministère  des  tyrans;  mainte- 
nant il  les  fait  par  le  ministère  des  démonSf 
en  eycitaot  en  eux  ces  violences,  afin  qulis 


Dure  aiiacue 

K  La  sainte  Vierge  n'a  jamais  fait  au- 
î  action  extérieure,  et  néanmoins,  elle 


1079 


MOL 


DICTIONNAIRE 


MOL 


tm 


se  méprisent  et  s'anéantissent  d'autant  plus, 
et  s'abandonnent  totalement  à  Dieu. 

hk.  Job  a  blasphémé,  et  cependant  il  n'a 
point  péché  par  ses  lèvres,  parce  que  c'était 
une  violence  du  démon. 

45.  Saint  Paul  a  ressenti  dans  son  corps 
ces  violences  du  démon,  d'où  vient  qu'il  a 
écrit  :  Je  ne  fais  point  le  bien  que  je  veux, 
mais  je  fais  le  mal  que  je  hais. 

46.  Ces  violences  sont  plus  propres  k  anéan- 
tir l'&me,  et  à  la  conduire  à  la  parfaite  union 
et  transformation;  il  n'y  a  pas  même  d'autre 
voie  pour  y  parvenir,  et  celle*ci  est  la  plus 
courte  et  la  plus  sûre. 

47.  Quand  ces  violences  arrivent,  il  faut 
laisser  agir  Satan,  sans  y  opposer  ni  effort 
ni  adresse;  mais  demeurer  dans  son  néant; 
et  quoiqu'il  s'ensuive  l'illusion  des  sens,  ou 
d'autres  actions  brutales,  et  encore  pis,  il 
ne  faut  pas  s'inquiéter,  mais  rejeter  loin  les 
scrupules,  les  doutes  et  les  craintes,  parce 
que  l'Ame  en  est  plus  éclairée,  plus  forti- 
fiée et  plus  pure  et  acquiert  la  sainte  liberté  : 
surtout  il  laut  bien  se  carder  de  s'en  con- 

^  fesser,  c'est  très-bien  fait  de  ne  s'en  point 
'  accuser,  parce  que  c'est  le  moyen  de  vaincre 

le  démon  et    de    s'amasser  un  trésor  de 

paix. 

48.  Satan,  auteur  de  ces  violences,  tâche 
ensuite  de  persuader  à  l'Âme  que  ce  sont  de 
grands  péchés,  afin  qu'elle  s'en  inquiète,  et 
^u*elle  n'avance  pas  davantage  dans  la  voie 
intérieure;  c'est  pourquoi,  pour  rendre  ses 
efforts  inutiles,  il  raut  bien  mieux  ne  s'en 
point  accuser,  puisqu'aussi  bien  ce  ne  sont 
point  des  péchés,  pas  même  véniels. 

49.  Par  la  violence  du  démon.  Job  était 
emporté  à  des  excès  étranges,  en  même 
temps  qu'il  levait  ses  mainspures  au  ciel  dans 
la  prière  :  ainsi  que  s'explique  ce  qu'il  dit  au 
chap.  XVI  de  son  livre 

50.  David,  Jérémie,  et  plusieurs  saints 
prophètes  souffraient  ces  sortes  de  violences 
au  dehors,  dans  de  semblables  actions  hon- 
teuses. 

51.  Il  y  a  dans  la  sainte  Ecriture,  plusieurs 
exemples  de  ces  violences  à  des  actions  exté- 
rieures, mauvaises  d'elles-mêmes  :  comme 


certainement  péchés;  quand  Judith  mentit 
à  Holopherne,  quand  Elisée  maudit  les  en- 
fants, quand  Eiie  fit  brûler  les  fils  du  roi 
Achab  avec  leurs  troupes,  on  laisse  seu- 
lement à  douter  si  cette  violence  venait 
immédiatement  de  Dieu  ou  du  ministère 
des  démons ,  comme  il  arrive  aux  autres 
âmes. 

52.  Quand  ces  sortes  de  violences,  même 
honteuses,  arrivent.sans  trouble  de  l'esprit, 
alors  l'âme  fpeut  s'unir  à  Dieu,  comme  en 
effet  elle  s'y  unit  toujours. 

53.  Pour  connaître  dans  .a  pra'ique  si 
quelque  action  dans  les  autres  personnes 
vient  de  cette  violence,  la  règle  que  j'en  ai 
n  est  pas  seulement  tirée  de  ce  qu  il  est  im- 
possible qu'elles  jurent  faussement  de  .n'y 
avoir  pas  consenti;  ou  de  ce  que  ce  sont  des 


ftmos  avancées  dans  la  voie  intérieure,  mais 
je.  la  prends  bien  plutôt  d'une  certaine  lu- 
mière actuelle,  supérieure  à  toute  connais* 
sance  humaine  et  théologique,  qui  me  fait 
connaître  certainement,  avec  une  conviction 
intérieure,  que  telle  action  vient  de  la  vio- 
lence ;  or  je  suis  certain  que  cette  lumière 
vient  de  Dieu,  parce  qu'elle  me  vient  jointe 
à  la  conviction  que  j'ai  qu'elle  est  de  Dieu; 
de  sorte  qu'elle  ne  me  laisse  point  d'ombre; 
de  même  qu'il  arrive  quelqueiois  que  Dieu, 
révélant  quelque  chose  à  une  Ame,  il  la  cod* 
vainc  en  même  temps  aue  la  révélation  vient 
de  lui,  de  sorte  qu'elle  n'en  peut  avoir  au- 
cun doute. 

54.  Les  spirituels,  qui  marchent  dans  la 
voie  commune,  seront  bien  trompés  et  bien 
confus  à  la  mort,  avec  toutes  les  passions 
qu'ils  auront  à  purifier  en  l'autre  monde. 

55.  Par  cette  voie  intérieure  on  parvient, 
quoique  avec  beaucoup  de  peine,  a  purifier 
et  à  éteindre  toutes  les  passions,  de  serte 

3u'on  ne  sent  plus  rien,  pas  même  le  moin* 
re  aiguillon  :  on  ne  sent  pas  plus  Je  ré- 
volte, que  si  le  corps  était  mort,  et  l'âme 
n'est  plus  sujette  à  aucune  émotion. 

56 T^es  deux  loisetles  deux  convoitises, 

l'une  de  l'&me  et  l'autre  de  l'amour-propre  : 
c'est  pourquoi ,  quand  une  fois  il  est  épuré 
et  mort,  comme  il  arrive  dans  la  voie  inté- 
rieure ,  alors  aussi  meurent  les  deux  lois  et 
les  deux  convoitises,  on  ne  fait  plus  aucune 
chute;  on  ne  sent  aucune  révolte,  et  il  n*j 
a  plus  même  de  péché  véniel. 

57.  Par  la  contemiplation  acquise,  on  par- 
vient à  l'état  de  ne  plus  faire  aucun  péché, 
ni  mortel,  ni  véniel. 

58.  On  acquiert  cet  état  en  ne  faisant  plos 
aucune  réflexion  sur  ses  actions,  parce  que 
les  défauts  viennent  de  la  réflexion. 

59.  La  voie  intérieure  n*a  a ueunf  rapport 
à  la  confession,  aux  confesseurs,  aux'eas 
de  conscience,  à  la  théologie,  ni  à  la  philo» 
Sophie. 

60.  Dieu  rend  la  confession  impossible 
aux  Ames  avancées,  quand  une  fois  elles 
commencent  à  mourir  aux  r^[exions  ou 
qu'elles  y  sont  tout  à  fait  mot^  ;  aussi  y 
supplée*t-il  par  une  gr&ce  qui  les  préserve 
autant  que  celle  qu'elles  recevaient  dans  le 
sacrement  ;  c'est  pourquoi,  en  cet  état,  il 
n'est  pas  bon  que  ces  Ames  fréquentent  la 
confession,  parce  qu'elle  leur  est  impos» 
sible. 

61.  Une  Ame  arrivée  à  la  mort  myslifoe 
ne  peut  plus  vouloir  autre  chose  que  ce  que 
Dieu  veut,  parce  qu'elle  n'a  plus  de  Toloo(é» 
et  que  Dieu  la  lui  a  ôtée. 

62.  La  voie  intérieure  conduit  aussi  à  h 
mort  des  sens  :  bien  plus  une  marque  qu\}v 
est  dans  l'anéantissement,  qui  est  la  mert 
mystique,  c'est  que  les  sens  extérieurs  n» 
nous  représentent  pas  plus  les  choses  sensi- 
bles que  si  elles  n'étaient  point  du  tuul, 
parce  qu'alors  elles  ne  peuvent  plus  faire 
que  Tenlendement  s'y  applique. 

63.  Par  la  voie  intérieure,  on  parvient  à 
un  état  toujours  fixe  d'une  paix  impertur- 
bable. 


e-        - 


ion 


MCL 


i/ÂScrnsifE. 


MOL 


G^.  Un  théologien  a  moins  de  disposition 
ju'un  idiot  à  la  contemplation  :  1*  parce 
lii'il  n'a  pas  une  foi  si  pare;  fr  qu'il  n'est 
i>as  si  humble;  3*  qu'il  n'a  pas  tant  de  soin 
Je  son  salut  ;  4*  parce  qu'il  a  la  tête  pleine 
Je  rêveries ,  d'espèces,  d'opinions  et  de 
spéculations  :  de  sorte  que  la  rraie  lumière 
n*j  trouve  point  d'entrée. 

65.  11  faut  obéir  aux  supérieurs  dans  les 
clioses  extérieures;  le  rœu  d'obéissance 
des  religieux  ne  s'étend  qu'aux  choses  de 
cette  nature  :  mais,  pour  l'intérieur,  il  on 
est  tout  autrement  ;  il  n'j  a  que  Dieu  seul 
et  le  directeur  qui  en  connaissent 

66.  C'est  une  doctrine  nouvelle  dans 
TEglise,  et  digne  de  risée,] que  les  âmes, 
dans  leur  intérieur,  doivent  être  gouvernées 
par  les  évèques  ;  et  que  Tévéque  en  étant 
incapable,  elles  doivent  se  présentera  lui 
avec  leurs  directeurs  :  c'est,  dis-je,  une 
doctrine  nouvelle,  puisqu'elle  n'est  ensei- 
gnée ni  dans  l'Ecriture,  ni  dans  les  conciles, 
TA  dans  les  canons,  ni  dans  les  bulles,  ui 
par  aucun  saint,  ou  par  aucun  auteur,  ou 
qu'elle  ne  le  peut  être;  l'Eglise  ne  jugeant 
point  des  choses  cachées,  et  toute  Ame  ayant 
droit  de  se  choisir  qui  bon  lui  semble. 

67.  C'est  une  tromperie  manifeste  de  dire 
qu'on  est  obligé  de  découvrir  son  intérieur 
au  for  extérieur  des  supérieurs;  que  c'est 
péché  de  ne  le  point  faire  :  parce  que  l'Eglise 
ne  juge  point  des  choses  cachées,  et  que 
Ton  fait  un  très-grand  tort  aux  Ames  par 
ces  illusions  et  ces  déguisements. 

68.  11  n'y  a  dans  le  monde  ni  autorité,  ni 

I'aridiction  qui  ait  droit  d'ordonner  que  les 
ettres  des  directeurs  sur  l'intérieur  des 
Ames  soient  communiquées  :  c'est  pourquoi 
il  est  bon  qu'on  soit  averti  que  c'est  une 
entreprise  du  démon. 

Lesquelles  propositions,  de  l'avis  de 
nos  susdits  frères  les  cardinaux  de  la 
sainte  Eglise  romaine,  et  inquisiteurs  gé- 
néraux, nous  avons  condamnées,  notées 
et  effacées ,  comme  hérétiques ,  suspectes , 
erroonées,  scandaleuses,  blasphématoires, 
offensives  des  pieuses  oreilles,  témérai- 
res, énervant  et  détruisant  la  discipline 
chrétienne,  et  séditieuses  respectivement, 
et  pareillement  tout  ce  qui  a  été  publié 
sur  ce  sujet  de  vive  Toix,  ou  par  écrit, 
ou  imprimé  :  avons  défendu  à  tous  et  à  un 
chacun  de  parler  en  aucune  manière,  d'écrire 
ou  disputer  de  ces  propositions  et  de  toutes 
les  autres  semblables ,  ni  de  les  croire,  re- 
tenir, enseigner,  ni  de  les  mettre  en  pra* 
tique  :  avons  privé  les  contrevenants ,  dès  à 

S  résent  et  pour  toujours,  de  toutes  dignités^ 
egrés,  honneurs,  bénéfices  et  offices,  et  les 
avons  déclarés  inhabiles  à  en  posséder  ja- 
mais ;  et ,  en  même  temps ,  nous  les  avons 
frappés  de  i'anathème,  dont  ils  ne  pourront 
être  absous  que  par  nous  ou  nos  successeurs 
les  pontifes  romains. 

En  outre,  nous  avons  défendu  et  con- 
damné, par  notre  présent  décret,  tous  les 
livres  et  tous  les  ouvrages  du  même  Michel 
de  Molinos,  en  quelque  lieu  et  en  quelaue 
langue  qu'ils  soieiU  imprimés,  même  les 


manuscrits  ;  avec  défense  à  tonte  personne, 
de  quelque  degré,  état  et  condition  qu'elle 
puisse  être,  et  quoique  par  sa  dignité  elle 
dût  être  nommée,  d'oser,  sons  quelque  pré- 
texte que  ce  soit,  les  imprimer  en  toute 
langue,  dans  les  mêmes  termes  on  de  sem- 
blables, ou  équivalents,  ou  sans  nom,  on 
sous  un  nom  feint  et  emprunté,  ni  les  faire 
imprimer,  ni  même  les  lire  ou  retenir  chez 
soi  imprimés  ou  manuscrits,  mais  de  les 
porter  aussitôt,  et  de  les  mettre  entre  les 
mains  des  ordinaires  des  lieux  ou  des  inqui- 
siteurs contre  le  venin  de  l'hérésie,  sous 
les  peines  portées  ci-dessus,  avec  ordre  de 
les  brûler  a  la  diligence  desdits  onUnaires 
ou  inquisiteurs.  Enfin,  pour  punir  le  susdit 
Michel  de  Molinos  de  ses  hérésies,  erreurs 
et  faits  honteux,  par  des  chAtiments  propor- 
tionnés, qui  servissent  d'exemple  aux  au- 
tres, et  à  lui  de  correction  ;  la  lecture  faite  de 
tout  son  procès  dans  notre  congrégation 
susdite ,  ouï  nos  Irès-chers  fils  les  consul- 
teurs  du  Saint-Office,  docteurs  en  théologie 
et  eu  droit  canonique,  de  l'avis  commun 
de  nos  vénérables  frères,  susdits  les  cardi* 
naux  de  la  sainte  Eglise  romaine,  nous  avons 
condamné,  dans  toutes  les  formes  de  la  jus^ 
tice,  ledit  Michel  de  Molinos,  comme  cou- 
pable, convaincu,  et  après  avoir  avoué  res«- 
pectivement,.et  comme  hérétique  déclaré , 
quoique  repentant,  à  la  peine  d'une  étroite 
et  perpétuelle  prison,  et  à  des  pénitencessalu- 
taires  qu'il  sera  tenu  d'accomplir,  après 
toutefois  qu'il  aura  fait  abjuration  suivant 
le  formulaire  qui  lui  sera  prescrit  :  ordon- 
nant qu'au  jour  et  à  l'heure  marqués»  dans 
l'église  de  Sainte-Marie  de  la  Minerve  de 
cette,  ville,  en  présence  de  tous  nos  véné- 
rables frères  les  cardinaux  de  la  sainte 
.Eglise  romaine,  prélats  de  notre  cour»  même 
de  tout  le  peuple  oui  j  sera  invité  par  la 
concession  des  indulgences ,  sera  lue  d'un 
lieu  élevé  la  teneur  du  procès,  le  même 
Michel  de  Molinos  étant  debout  sur  un 
échafaud,  ensemble  la  sentence  gui  s'en  est 
ensuivie  ;  et  après  que  ledit  Molinos,  revêtu 
de  l'habit  de  pénitent ,  aura  abjuré  publi- 
quement les  erreurs  et  hérésies  susdites, 
nous  avons  donné  pouvoir  à  notre  cher  fils 
le  commissaire  de  notre  Saint-Office  de  l'ab- 
soudre, en  la  forme  ordinaire  de  l'Eglise, 
des  censures  qu'il  avait  encourues  :  ce  qui 
aurait  été  accompli  en  tout  point,  en  exé- 
cution de  notre  ordonnance  du  3  septembre 
de  la  présente  année. 

Et  quoique  le  susdit  décret,  fait  par  notre 
ordre,  ait  été  imprimé  publié  et  affiché  en 
lieu  public,  pour  l'instruction  plus  ample 
des  fidèles ,  néanmoins,  de  peur  que  la  mé- 
moire de  celte  condamnation  apostolique  ne 
s'efface  dans  le  temps  à  venir,  et  afin  que 
le  peuple  chrétien,  instruit  de  la  vérité  ca- 
tholique, marche  plus  sûrement  dans  la 
voie  du  salut  :  en  suivant  les  traces  des 
souverains  pontifes  nos  prédécesseurs  :  par 
notre  préseule  constitution ,  qui  sera  à  ja- 
mais en  vigueur,  nous  approuvons  de  non- 
veau  et  confirmons  le  décret  susdit,  et  or* 
donnons  qu'il  soit  mis  à  exécution  comoMi 


DICTIONNAIRE 


MON 


m 


il  doit  être;  condamnaDt  en  outre  défi- 
nitivement ,  et  réprouyanl  les  pi*opositions 
susdites»  les  livres  et  manuscrits  au  même 
Michel  de  Molinos,  dont  nous  interdisons 
et  défendons  la  lecture,  sous  les  mêmes 
peines  et  censures  portées  et  infligées  contre 
les  contrevenants. 

Ordonnant  au  surplus  que  les  présentes 
lettres  auront  force,  sont  et  seront  en  vi- 
gueur perpétuellement  et  à  toujours ,  sorti- 
ront et  auront  leur  plein  et  entier  effet  : 
que  tons  juges  ordinaires  et  délégués,  et  de 
quelque  autorité  qu'ils  soient  ou  puissent 
être  revêtus,  seront  tenus  déjuger  et  déter- 
miner, conformément  à  icelles,  tout  pou- 
voir et  autorité  de  juger  ou  interpréter  au- 
trement, leur  étant  ôtés  à  tous  et  à  chacun 
d'eux;  déclarant  nul  tout  jugement,  et 
comme  non  avenu,  sur  ces  matières  h  ce 
contraire  de  quelque  personne  et  de  quelque 
autorité  qu'il  trienne,  sciemment  ou  par 
ignorance;  roulons  que  foi  soit  aj^outée  aux 
copies  des  présentes,  même  Imprimées  sous- 
signées de  la  main  d'un  notaire  public,  et 
scellées  du  sceau  d'une  personne  constituée 
ecclésiastique,  comme  on  l'aurait  à  ces 
mêmes  lettres  représentées  en  original. 
Qu'il  ne  soit  donc  permis  à  aucun  homme, 
par  UTM  entreprise  téméraire,  do  violer  ou 
de  contrevenir  au  contenu  de  notre  présente 
approbatiiDn,  confirmation,  condamnation, 
réprobation,  punition,  décret  et  volonté. 
Que  celui  qui  osera  l'entreprendre,  sache 
qu'il  s'attirera  l'indignation  du  Dieu  tout- 

Euissant  et  des  bienheureux  apôtres  saint 
ierre  et  saint  Paul. 

Donné  à  Rome,  à  Sainte-Marie-Majeure, 
le  vingtième  noyembre ,  l'an  mil  six  cent 
quatre-vingt-sept  de  l'Incarnation  de  Notre- 
Seigneur,  et  le  deuxième  de  notre  pontificat. 

Signé:  F.  Dataire, et p/u5 6c»,  J.  F.  ÂLBAHf. 

Registre  au  secrétariat  des  Brefs,  etc. 

L'an  de  Notre-Seigneur  Jésus-Christ  mil 
six  cent  quatre-vingt-huit,  indietion onzième, 
le  19  février  et  du  pontificat  de  notre  saint 
père  le  Pape,  par  la'Providence  divine.  Inno- 
cent XI,  Vsiû  aouzième,  les  présentes  lettres 
apostoliques  ont  été  publiées  et  aflichées  aux 
portes  de  l'église  de  Saint-Jean-de-Latran, 
de  la  basilique  de  Saint-Pierre,  et  de  la  chan- 
cellerie apostolique,  et  à  la  tête  du  Champ- 
de-Flore,  et  autres  lieux  accoutumés  de  la 
Tille,  par  moi  François  Périno,  courrier  de 
noire  safnt  père  le  Pape  et  de  la  très-sainte 
Inquisition. 

MONTANfSME.— Tandisqaelegnosticisme 
menaçait  de  transformer  le  christianisme  en 
unethéosophie  mystique;  lemontanisme  en 
faisait  un  monachisrae  outré.  Montan ,  son 
fondateur,  né  à  Pépuse,  en  Phrjgie  (vers  170), 
d'abord  vraisemblablement  prêtre  deCybèle, 
fut  à  peine  reçu  dans  le  sein  du  christianisme, 
fiu'il  se  fit  passer  comme  particulièrement 
inspiré  par  le  Saint-Esprit,  comme  l'organe 

(5il)  TfiRTULLiEN,  DeVirgimbu$  velaud.,  c.  S  :  Una 
Dobis  ei  illis  fides,  unus  dominus,  idem  Cliristus , 
eadein  spes,  ead«m  lavacri  sacramenta.  Semel  di- 
xenm  una  eccUsia  sumus.  lia  noslrum  esl  quod- 
CBmquc  nostrorum  esc  ;.  cœieram  dividîs  corpus.  • 


le  plus  puissant  du  Paractet  qui  tt\  fimm 
paru,  et  menaça  des  iugemedts  les  p]a$  ^ 
Tères  et  les  plus  prochains,  ceux  qui  sé\b 
vèrent  contre  lui  et  le  persécutèrent.  Llos- 
piration  dont  il  se  prétendait  dooé  néuit 
que  momentanée  ;  c'étaient  des  ravissemeou 
passagers  qui  lui  enlevaient  toute  réOeiioo 
'  ev  toute  conscience  de  lui-même,  disaitil. 
«  Voici  le  Dieu ,  Toici  le  Saint-Esprit  qui 
parle,»  s'écriait  Montan  :  (Neetut  e$t  titiéoi 
$entu).  Mais  la  conduite  du  préteoda  pro- 
phète était  loin  de  ressembler  à  la  vie  pore 
et  céleste  de  ceux  qui,  dans  les  temps  apos- 
toliques, recevaient  les  dons  de  vision  eide 
tirophétie.  Ses  révélations  avaient  priocipa- 
ement  pour  objet  des  préceptes  monoi 
très-rigoureux,  et  dont  la  réalisation  deuit 
amener  l'Ëglise  à  sa  maturité  ,  i  l'âge  nril. 
11  fallait  renoncer  à  toute  activité  scleoti- 
fique,  fuir  toutes  les  joies  terrestres,  recher- 
cher le  martyre.  Limpureté,  le  meurtre, 
tes  secondes  noces,  excluaient  è  jamais  de 
l'Eglise.  L'esprit  de  çrmhétie  devait  être 
permaneirt  dans  la  vraie  Eglise  da  Noure^o 
Testament,  comme  il  l'avait  été  dans  I'Ad- 
cien  Testament;  et  les  disciples  deMoDtm 
en  étaient,  en  effet ,  les  dépositaires  elles 
organes.  Des  apêtres,  ce  dqn  avait  passé  à 
Agabus,  Judas,  Silas  ;  aux  filles  do  rapotre 
Philippe  a  Hiérapolis  ;  à  Ânanie  de  Phila- 
delphie; à  Quadratus,  Montan,  et  aux  den 
saintes  femmes,  Priscille  et  Maximille.  Tool 
en  prétendant  conserver  la  doctrine  de  l'E- 
glise catholique  (321) ,  Montan  disait  :  La 
morale  doit  se  perfectionner;  elle  doit  de- 
venir plus  rigoureuse;  Dieu  mémeaprouTé 
et  montré  d'avance  cette  gradation,  en  pas- 
sant de  l'Ancien  au  Nouveau  Testament, i 
travers  les  institutions  et  les  moyens  de 
salut  progressifs  de  Tun  et  rautrelestaments. 
Les  évèques  catholiques,  réunis  en  dirers 
synodes,  s'opposèrent  à  cet  esprit  d'illusion 
et  de  mensonge,  à  ce  rigorisme  moral.  Alors 
Montan  et  ses  adhérents  se  séparèrent  de 
l'Eglise,  et  les  montanistes ,  pépusiens  oa 
cataphrygiens  («c  ««r«  fp^r/ttç) ,  constituèreot 
une  Eglise  propre  en  Asie,  et  delà  Plirygie, 
leur  siège  principal ,  se  répandfrent  dans 
l'Occident.  On  vit  en  Afrique  le  sévère  Ter- 
tullien  (vers  205]  se  laisser  séduire  par  Taus- 
térilé  de  ces  principes  moraux,  exposer  plus 
nettement  ce  que  Montan  entrevoyait  dans 
son  imagination  fantastique,  et  faire  posiii- 
Teraent  connaître  l'erreur  dogmatique  à 
montanisme,  qui  méeonnaiiêoii  la  to^^ 
iion  du  Saini'Èsprit  danê  CtBuvre  de  //fl»- 
Christ  (322).  Le  Christ ,  dîsait-il ,  consol&nl 
les  apôtres  par  la  promesse  de  la  des^^ï)^* 
du  Saint-Esprit,  ne  roulait  certes  poiot/aîffi 
entendre  par  là  que  la  révélation  p'élaJt 
point  complète  en  lui  et  par  lui,  puisqui 
dit  positivement  :  «  Il  recevra  de  ce  qui  wi 
à  moi,  et  vous  l'annoncera  (323);  il  rendra 
témoignage  de  moi,  et  vous  fera  rma^^ 

(P.  193  ) 

(3ââ)'GF.  BiERHVER,  Sm.  des  fmti  Mm,  tU 
206;  TiLLEMONT,  T.  III,  p.  211-220.  ^   , 

(323)  CF,  Joan ,  xvi,  15, 14  ;  xv,  M;  xTi,  «1  ^^ 
21. 


1C85 


MON 


D^ASCETISIIE. 


MOR 


iM8 


de  tout  ce  qae  je  tous  ai  dit  ;  »  c'est-à-dire, 
qae  I^Esprit-Saint  derait  expliquer,  déTe- 
lopprr,  approprier  aa  inonde  ce  qoe  déjà  le 
Christ  avait  enseigné.  Mais  Tertollien,  mé- 
connaissant ce  rapport ,  et  interprétant  mal 
les  paroles  da Christ:  «Tai encore beaoronp 
«  de  choses  à  tous  dire,  mais  vous  ne  pou- 
vez les  porter  maintenant,  (321)  »  prétendait 
que  le  temps  où  le  Christ  prenait  en  consi- 
dération la  faiblesse  humaine  était  passé, 
que  le  Saiot-Ssprit  s*était  pleinement  com- 
muniqué par  Montan  et  les  deux  prophètes, 
qu*ila?aitaccomp/ila  révélation  pour  élever 
la  vie  chrétienne  à  sa  perfection;  qu'ainsi, 
c'était  un  devoir  impérieux  pour  les  Ëdèles, 
d'observer  consciencieusement  les  nouveaux 
commandements  du  Saint-Esprit.  Lescatho-^ 
liques  se  montrèrent  peu  disposés  à  embras^ 
ser  cette  erreur:  aussi  les  montanistes  les 
nommèrent-ils  les  chameh  {^x^toi) ,  tandis 
qu'ils  s'appelaient  ]es.$piriiueb  {irnv^aôi\ 
poussant  leur  polémique  exagérée  jusqu  à 
pai^itre  souvent  rejeter  entièrement  la  doc- 
trine de  l'Eglise  catholique  (325). 

Le  gnostique  égyptien,  Hiéracas  (^6) ,  dé- 
Telonpades  principes  d*un  rigorisme  et  d*uoe 
sévérité  encore  plus  outrés  que  ceux  des 
montanistes,  avec  lesquels  il  avait  beaucoup 
d'affinité 

MONTE  (]Barthelemi-Maria  bel),  célèbre 
missionnaire,  naquit  à  Bologne ,  le  12  no- 
Tembre  1T28 ,  et  reçut  la  prêtrise  le  21 
décembre  1719.  S'étanC  associé  quelques 
ecclésiastiques,  il  parcourut  pendant  vingt- 
cinq  ans  les  États  de  l'Église ,  de  Lucques, 
de  Venise  et  de  Modène,  prêchant  et  évan- 
gélisant  les  riches  et  les  pauvres.  Une  vie 
pleine  de  mérites  et  de  bonnes  œuvres  fut 
couronnée  par  une  sainte  mort,  le  2(  dé- 
cembre ITfB.  Il  est  auteur  de  divers  ouvra- 
ges de  spiritualité,  dont  les  principaux  sont: 
1*  Getu  at  cuare  det  uLceraote  seeokare  e  re- 
golare^  etc.  ;  — 2"  Raggionamenio  del  rispeito 
dotuio  aile  persane  ecclesiastici  ;  —  3*  Àtxer" 
timenii  Offlt  ordinandi;  — (*  Risiretio  dtile 
prinapati  cérémonie  délia  eamcta  metsa  pri- 
rata;  — y  Opuscolij  etc.;  Rome  et  Bolo- 
gne ,  1T7S. 

MONTIS  (Pierre  i^u)^  est  auteur  d'un  livre 
espagnol  que  G.  Avoraone  a  traduit  en  latin: 
De  aignoêcendiê  hominibus;  Milan  ,  lfc92, 
in-folio.  Ce  livre  est  rare. 

MONTBEUIL  (Bernardin  de),  Jésuite,  se 
distingua  dans  son  corps  par  ses  talents 
pour  la  chaire  et  pour  la  direction.  Nous 
avons  de  lui  une  excellente  Vie  de  Jésue- 
Utf  revue  et  retouchée  par  le  P.  Brignon. 


(324) /on  XVI,  12. 

Le  miDcipe  moaUDÎste  dans  l'ertnll.,  Ik  firghûh. 
tdani.f  c  1  :  c  Regala  qniden  Sdei  vm  onnlno 
est,  sola  fanmobifis  et  irrêfonnabilis.  Bac  lege  fidei 
maMote ,  cden  jaai  ^tdf^Mm  m  «MMMfiom  ad- 
fnîitnt  Boviutea  correcticiiis,  apenuiie  ae  el  pra- 
ficienie  «flMK  «  foen  gralîa  Dei.  Proplerea  Para- 
deiim  HHil  DoaiiMS,  ot ,  qoeBian  hamana  me- 
diocriias  oMoia  senel  capere  noo  *poterai  {Joqm. 
XVI,  ii-13),  paoblân  dingerelor  et  ordig^relar  et 
ad  perfectam  perduceretor  dudplina  ab  illo  vicario 
Uomiiii  Spirita  saoclo.  Qoab  est  ergo  Paraded  admi- 


Cette  Vie  peut  tenir  lieu  d*une  bonne  con- 
cordance des  Evangiles.  L'auteur  y  a  con- 
servé, autant  qu'il  a  pu,  cette  onction  divine 
qui  est  au-dessus  ne  tous  les  vains  orne- 
ments de  l'esprit. 

MORELfDom  Robert),  bénédictin  de  Sainl- 
Manr,  né  a  La-Chaise-INeu,  en  Auvergne, 
en  1653,  devint  bibliothécaire  de  Saint-Ger- 
main-des-Prés,  en  1680.  Il  fut  ensuite  su- 
périeur de  plusieurs  maisons  de  son  ordre', 
et  se  retira,  en  1699,  à  Saint-Denis,  où  il 
s'occupa  h  composer  des  ouvrages  aseéti- 

Sues  ;  il  excella  surtout  dans  les  matières 
e  piété,  dans  la  connaissance  des  moeurs  et 
des  règles  de  conduite  pour  la  vie  spirituelle. 
II  mourut  en  1731,  âgé  de  soixante-dix- 
neuf  ans.  On  a  de  lui:  1*  Effusion  du  ettur 
sur  chaque  rersei  des  psaumes  et  des  coiilt- 

Îues  de  r Eglise;  Pans,  1716,  in-12;  —  2" 
téditations  sur  la  règle  de  Sainl-BenoU , 
1717,  in-8*; —  8*  Entretiens  spirituels  sur 
les  évangiles  des  dimanches  et  des  mystères  de 
toute  Tannée,  etc.,  1720,  *vol.  in-12; —  If* 
Entretiens  spirituels  pour  servir  de  prépara- 
tion à  la  mort,  l'rai,  in-12:  —  5*  Entretiens 
spirituels  pour  la  fête  de  toctave  du  Saint' 
Sacrement,  1722,  in-12; —  6*  Imitation  de 
Jésus^hrist,  traduction  nouvelle,  avec  urne 
prière  affective  ou  effusion  de  cœur  à  la  fin 
de  chaque  chapitre,  1723,  in-12  ;  —  7*  Médi- 
tations ^retiennes  sur  les  évangiles  de  toute 
Fannée,  1726,  2  vol.  in-12;  —  8*  Duhonheur 
d'un  simple  religieux  et  d'une  simple  reti- 
gieuse,  qui  aiment  leur  état  et  leurs  devoirs, 
17S7,  in-12;  —  9*  Retraite  de  dix  jours  sur 
les  devoirs  de  la  vie  religieuse,  1728,  in-12, 
—  Mr  De  V espérance  chrétienne  et  de  la  con- 
fiance  en  la  miséricorde  de  Dieu,  1728,  in-12. 
MORTIFICATION.  —  La  mortification  est 
une  œuvre  de  pénitence,  que  nous  accom- 
plissons librement,  afin  de  mourir  en  quel- 
que aorte  à  notre  vie  d'iniquité,  pour  com- 
mencer une  vie  nouvelle. 

On  appelle  mortification  1*  une  œuvre 
ou  un  exercice  actuel,  plutôt  qu'une  habi- 
tude, parce  que  l'espèce  de  mort  qu'elle 
constitue,  d'où  lui  vient  son  nom  de  mortifi- 
cation, consiste  dans  l'actedebien  vivre,  avec 
exclusion  de  toute  action  mauvaise.  2*  Une 
cravre  de  pénitence,  quelle  qu'elle  soit, 
pourvu  qu'elle  soit  faite  ou  acceptée  libre- 
ment. Car  mourir,  ou  supprimer  une  vie 
mauvaise,  est  toujours  accompagné  de  quel- 
que peine,  ou  cette  œuvre  n'a  de  mérite, 
au'autant  qu'elle  se  fiât  librement,  c'est-à- 
ire,  qu'autant  qu'on  choisit  ou  qu'on  ac- 
cepte volontairement  les  souffrances  au  prix 


nistratio  nisi  Ium,  qaod  diêdplhm  ffirigitor ,  qoed 
scriptOTX  revehuitor,  qiiod  inteHeetos  refemiatur , 
qvod  ad  nèlîera  praidtor?  intcitîc  prino  Mt  in 
radimenlis  ;  noue  par  Pandotoa  ceapaaifr  in 
■ataritateai.  > 

(325)  TttTmx,  Aepwfîacia,  c  21 1  Et  ideaee- 
deiia  qaiden  dilecta  denabii  ,  sed  ecelesia  spiriliia 
per  spiritaaleai  bominem  (Ifootanishniin),  non  ee^ 
cksia  Domeras  epîsooponu^^catbolîc.).  Dooiîbî  eoim^ 
non  fimali.est  jus  et  arbitnum  ;  Dei  ipsios,  non  u- 
cerdotis.  »  (P.  744.) 

(326)  Enra.,  hier;  67  {0pp.  U 1,  p.  TWaf.) 


1087 


MOB 


DlCTKNmAlRB 


MOR 


desquelles  od  meurt  h  une  ?ie  mauvaise 

gour  entrer  dans  la  Toie  de  la  perfection, 
ar  c'est  là  la  fin  de  la  mortification  ;  souf- 
frir dans  une  autre  intention  n'est  nulle- 
lement  méritoire,  et  souvent  même  c'est  un 
péché. 

La  mortification  est  une  vertu  qui  se  rap- 
porte à  la  tempérance  prise  dans  son  accep- 
tion générale»  en  tant  qu'elle  réprime  toutes 
nos  passions;  et  en  eff<it  elle  nous  arrache 
aux  appétits  désordonnés.  C'est  une  veriu^ 
et  parce  qu'elle  participe  aussi  à  la  nature 
de  la  force,  en  ce  qu'elle  combat  contre  les 
craintes  désordonnées»  et  parce  que  cette 
force  s'exerce  autant  par  l'acceptation  pas- 
sive que  par  l'énergie  active»  c'est-à-uire, 
autant  par  le  choix  volontaire  des  peines  et 
de  tout  ce  qui  peut  contrarier  nos  appétits, 
que  par  leur  acceptation  volontaire»  dans  le 
but  de  délivrer  notre  Ame  de  ses  souillures 
et  de  lui  rendre  toute  sa  pureté.  C'est  pour- 
quoi les  ascètes  distinguent  deux  voies  de 
purification:  la  voie  active  qui  concerne 
plus  spécialement  les  commençants»  et  la 
voie  passive  qui  concerne  ceux  qui  se  rap- 
prochent le  plus  de  l'union  parfaite.  Cha- 
cune de  ces  voies  se  subdivise  en  intérieure 
qui  réprime  les  sens  et  les  puissances  in- 
ternes» et  en  exiérieurey  qui  réprime  les 
sens  externes»  selon  cette  parole  de  TA pôtre: 
Bien  que  dam  nous  Vhomme  extérieur  se  dé- 
truise^  néanmoins  Vhomme  intérieur  se  renou- 
velle de  jour  en  jour.  {II  Cor.  iv»  16.)  D'après 
cette  notion  l'homme  se  divise  en  intérieur 
et  extérieur»  et  la  mortification  combat  sans 
cesse  contre  l'homme  intérieur  au  profit  de 
l'homme  extérieur  :  La  chair  a  des  désirs 
contraires  à  ceux  de  F  esprit.  {Gai.  v»  17.^  Je 
me  plais  dans  la  loi  de  Dieu^  selon  Vhomme 
intérieur;  mais  je  sens  dans  les  membres  de 
mon  corps  une  autre  loi^  qui  combat  contre 
la  loi  de  mon  esprit.  {Rom.  vu»  22»  23.) 

La  mortification»  a  un  certain  degré»  est 
utile  et  même  nécessaire  à  la  vie  non-seule- 
ment parfaite»  mais  môme  chrétienne.  On 
le  prouve  : 

1"  Par  l'Ecriture  sainte,  où  Jésus-Christ 
adresse  ces  paroles»  non  à  ses  disciples» 
mais  à  tous  les  hommes»  comme  le  montre 
saint  Luc  (ix,  23)  :  Si  quelqu'un  veut  marcher 
à  ma  suite,  qu'il  fasse  abnégation  de  lui-même. 
(Matth.  XVI,  24),  El,  puisqu'on  ne  pcutobtenir 
le  saiut  sans  marcher  a  la  suite  de  Jésus- 
Christ,  l'abnégation,  c'est-à-dire  la  mortifi- 
cation eist  donc  nécessaire. 

2"  Par  les  saints  Pères.  Citons,  entre  au- 
tres, saint  Jean-Cbrysostome:  «  Jésus-Christ 
ue  nous  a  pas  dit  seulement:  Ne  vous  épar- 
gnez pas;  li  a  dit  d'une  manière  plus  claire 
et  plus  significative:  faites  abnégation  de 
vous-mêmes. ...  Il  n'a  pas  dit:  aflrontez les 
combats»  souffrez»  comme  si  c'était  un  au- 
tre qui  endurAt  les  souffrances:  faites  néga- 
^t*ofi  de  vous-mêmes  :  il  s'est  exprimé  avec 
plus  do  force:  faites  abnégation  de  vous- 
mêmèt:  car  abnégation  a  plus  d'énergie  que 
négation.  »  (Hom.  56.)  saint  Basile  prétend 
que  tous  les  hommes  sont  obligés  par  un 
précepte»  de  renoncer  à  tous  leurs  biens  et 


à  eux-mêmes,  à  toutes  les  affections  oe  \k 
chair  et  du  monde»  et  à  la  vie  eile-œènie, 
en  tant  qu'ils  font  obstacle  à  la  perfection 
de  l'Evangile,  du  salut  et  au  zèle  de  la  piété.» 
{Reg.  fusior.  »  interr.   8.) 

SF  Le  saint  Concile  de  Trente  reconnaii 
et  déclare  (sbss.  v»  can.  5)  «  nue  les  baptisés 
renferment  encore  en  eux-mêmes  un  fojer 
de  concupiscence»  contre  laquelle  ils  doi- 
vent lutter  saq^  cesse,  oui  est  pour  eui 
une  source  de  laveurs»  s'ils  résistent  coura- 
geusement par  la  gr&ce  de  Jésus-Cbrisl;car 
on  ne  sera  couronné  qu*aprês  avoir  généra 
sèment  combattu.  »  Si  nous  voulons  donc  être 
un  jour  couronnés,  en  vertu  de  la  grâce  qui 
nous  a  été  conférée  par  le  baptême,  il  nous 
faut  toute  notre  vie  combattre  courageuse- 
ment ce  foyer  de  concupiscence,  lutter  con- 
tre notre  ennemi  intérieur,  ne  jamais  lui 
céder,  ne  pas  déposer  les  armes  en  sa  pré- 
sence,  mais  le  repousser  avec  courage: voi- 
là l'abnégation  et  la  mortification  prescrite 
par  Jésus-Christ,  et  que  saint  Paul  propose 
sous  le  nom  de  circoncision.  {Col.  n,  11.) 

fc*  La  nécessité  de  la  mortification  se  dé- 
montre encore  par  l'obligation  oili  nous 
sommes  de  satisfaire  à  Dieu  pour  nos  pé- 
chés personnels.  Cette  satisfaction,  selon  le 
même  concile  de  Trente  (sess.  vi,  c.  8j  i  a 
non-seulement  pour  objet  de  nous  soutenir 
dans  notre  vie  nouvelle  et  de  guérir  notre 
infirmité,  mais  encore  de  nous  faire  eioier 
nos  péchés  passés.  »  Sans  elle  nous  ne  pour- 
rons vaincre  cet  homme  intérieur  ou  ex- 
térieur, toujours  en  lutte  avec  rhomme 
supérieur  ou  intérieur. 

5"  Cette  nécessité  se  prouve  encore  pr 
les  vices»  les  passions,  les  inclinations  déri- 
glées»  les  tentations  intérieures  et  extérieures, 
contre  ^lesquels  nous  avons  sans  cesse  ï 
combattre  tant  dans  le  corps  que  dans 
l!âme»  et  que  nous  ne  pouvons  vaincre  sans 
la  mortification.  Elle  est  encore  nécessaire 

!>our  la  pratique  des  bonnes  œuvres  et 
'acauisition  des  vertus.  «  C'est  un  glaive. 
dit  Pabbé'Pynuphe,  dansCassien  (Collat.Ui 
e.  8),  qui  verse  utilement  ce  sang  coupable, 
par  lequel  est  aninuée  la  matière  du  pécbé, 
qui  tranche  et  coupe  tout  ce  qu'il  y  a  de 
charnel  dans  nos  membres»  qui  nous  mor- 
tifie à  nos  vices»  et  nous  fait  vivre  pour 
Dieu  et  nous  enrichit  de  vertus  spiri- 
tuelles» 

Nous  avons  dit  que  la  mortification  est 
nécessaire  à  tous  d  un  certain  degré  :  bien 
que  ce  degré  ne  puisse  se  déterminer  en  F* 
ticulier  d  une  manière  absolue»  eepeadant 
il  consiste  en  général  dans  la  disposition 
à  observer  par-dessus  tout  le  grand  principe 
de  l'amour  de  Dieu,  ainsi  que  les  autres 
commandements,  soit  par  des  actes  k  1  oc- 
casion donnés,  soit  par  une  préparation  habi- 
tuelle  de  l'esprit.  Et,  comme  rien  n'est  plus 
contraire  à  Tobservation  de  ces  précejites, 
que  la  concupiscence,  les  vices»  les  passious 
et  les  tentations ,  la  mortification  ()ui  '^ 
réprime  et  les  empêche  de  nuire  i  l  ol>ser 
vation  due  à  la  loi  de  Dieu,  est  par  cofr 
séquent  nécessaire  à  tous  les  bommes 


1089 


MOR 


D*ASCBnSllE. 


MOR 


lOM 


Il  faul  s'appliquer  d^autant  plasà  une  pra- 
Ui|ue  assidue»  diligente  et  exacte  de  la  mor- 
iifrcaiian,9Aide\hdes  bornes  de  Fobligation^ 
que  nous  voulons  être  plus  certains  de 
vivre  en  Chrétien,  de  faire  sans  cesse  de 
nouveaux  progrès  et  de  tendre  à  la  perfec- 
tion. Outre  les  preuves  que  nous  en  avons 
données  précédemment*  nous  le  démon- 
trons encore  :  1*  par  l'Ecriture  sainte  :  Si 
quelqu'  un  veut  maréktr  à  ma  suite,  qu'il 
fusse  abnégation  de  lui-même,  quil  porte  sa 
croix  chaque  jour  et  quHl  me  suive.  (Lue.  ix, 
23.)  Portant  toujours  en  notre  corps  la  mort 
de  Jésus.  (  //  Cor.  iv,  10.)  Remarquons  ces 
expressions  :  chaque  jour,  toujours,  qui 
nous  montrent  que  Ja  mortification  doit  être 
assidue. 

2"  Par  les  saints  Pères.  «  Ne  pensons  pas 
qu'il  suffise  de  porter  sa  croix  une  fois  seu- 
lement; il  faut  la  porter  toujours,  comme 
il  nous  faut  toujours  aimer  Jésus-Christ.  • 
(Saint  JÉRÔHSy  m  c.  x  Matlh.)  «  De  toutes 
les  luttes  que  les  Chrétiens  ont  à  soutenir, 
les  seules  pénibles  sont  celles  de  la  chas- 
teté; car  le  combat  y  est  continuel  et  la 
victoire  bien  rare,  s  {pàvài  AueusTin,  Serm. 
20  De  Temp.,  c.  2.) 

3*  Il  faut  fuir  la  tiédeur,  et  tous  les  hom- 
mes sont  tenus  d'aspirer  à  la  perfection 
chrétienne  :  or,  on  ne  peut  sans  la  morti- 
fication obtenir  aucun  de  ces  résultats.  Vous 
n'avaneerexiii  F  Imitation,  qu'autant  que  vous 
vous  ferez  violence  à  vous-mêmes.  Donc  la 
mortification  est  nécessaire. 

k*  La  prière,  soit  vocale  soit  mentale,  est 
un  moyen  nécessaire  à  la  perfection,  et  par 
conséquent  aussi  la  mortification  conti- 
nuelle. Sans  elle,  en  eBet,  la  prière  ne  peut 
C*tre  attentive,  dévote  et  fructueuse,  puis- 
que ces  qualités  de  la  prière  ne  s'obtiennent 
que  par  la  mortification.  L'Ecriture  sainte 
recommande  à  la  fois  la  prière  et  le  jeûne. 
{Tob.  xn,  8;  Matth.  xvu,  20.)  «  Le  jeûne, 
dit  saint  Bernard  (Serm.  4 Quadrag.),  donne 
fie  la  dévotion  et  de  la  confiance  à  la  prière. 
La  prière  obtient  la  vertu  du  jeûne,  et  le 
jeûne  procure  l'efficacité  de  la  prière.  >  Le 
iiième  saint  divise  la  mortification  plus  par- 
faite (Serm.  1  Quadrag.)  en  mortification 
ilu  voyageur,  selon  ces  paroles  de  saint 
Pierre  :  le    vous  exhorte  à  vous  abstenir. 


monde,  et  s'attache  à  tout  ce  qui  parait  être 
une  croix  pour  le  monde,  j»  Il  appelle  aussi 
cette  mortification  une  sorte  de  martyre 
c  inspirant  moins  d*borreur  que  celui  qui 
tranctie  nos  membres  avec  le  fer^  mais  que 
la  durée  rend  moins  supportable.  »  (Serm.  30, 
in  Cani) 

11  nous  faut  pratiquer  la  mortification  de 
bien  des  manières,  si  nous  voulons  tendre 
sérieusement  à  la  perfection.  Nous  devons, 
en  eflet,  nous  mortifier  avec  soin,  1*  pour 
éviter  le  péché  mortel  :  Si  vous  vivez  welon 
la  chair,  vous  mourrez  ;  mais  si  vous  morti- 
fiez  par  r esprit  les  amvres  de  la  chair,  vous 
vivrez  (  Rom.  vin ,  i3);  2*  pour  éviter  les 
péchés  véniels,  afin  de  prévenir  plus  sûre- 
ment les  péchés  mortels.  C*est  ainsi  que 
Tancienne  loi  interdisait  aux  Nazaréens 
tout  ce  qui  pouvait  enivrer,  jusqu^à  un  pépin 
de  raisin.  (Mcm.  vi,  h.)  —  3*  Pour  nous  abs- 
tenir même  des  choses  premières,  par  Ta- 
mour  de  Dieu,  comme  fit  David  (//  Reg.  xxin, 
16),  quand,  maleré  une  soif  ardente,  il 
refusa  de  boire  1  eau  gu'on  lui  apportait , 
mais  en  fit  une  libation  au  Seigneur.  — 
4*  Enfin ,  nous  devons  nous  mortifier,  tan- 
tôt nous  livrant  spontanément  à  des  macé- 
rations volontaires,  aux  jeûnes,  aux  cili- 
ces,  etc.,  tantôt  en  acceptant  de  bon  cœur 
les  adversités,  de  quelque  part  qu'elles  nous 
arrivent,  comme  les  chagrins,  les  tenta- 
tions, etc.,  pour  la  raison  que  Jésus-Christ 
dit  à  saint  Pierre  :  Quamd  vous  étiez  jeune, 
vous  vous  ceigniez  vous-même  et  vous  mar- 
chiez où  vous  vouliez;  lorsaue  vous  serez 
devenu  vieux,  vous  étendrez  tes  mains,  et  un 
autre  vous  ceindra  et  vous  conduira  oii  vous 
ne  voulez  pas.  (Joan.  xxi,  18.) 

On  ne  peut  donc,  dans  aucune  condition, 
acquérir  la  perfection  chrétienne,  sans  une 
mortification  assidue.  L'Apôtre  la  recom- 
mande aux  gens  du  siècle  et  aux  personnes 
mariées  :  Que  ceux  qui  ont  des  femmes  soient 
comme  t'ils  n*en  avaient  pas;  que  ceux  qui 
pleurent  soient  comme  s'ils  ne  pleuraient  pas, 
et  ceux  qui  se  réjouissent,  comme  s'ils  ne  se 
réjouissaient  pas;  et  que  ceux  qui  font  usage 
de  ce  monde  soient  comme  s'ils  n'en  usaient 
pas.  (I  Cor.  vu,  29.)  C*est  en  cela  que  con- 
sistent et  le  renoncement  que  tous  ont  pro- 
mis dans  le  baptême,  et  1  abnégation  ou  la 


comme  étrangers  et  voyageurs,  des  désirs  har-  -  morlification,qui  retranche  tonte  superfluité. 


nels  qui  combaitent  contre  Fâme  (/  Petr.  ii, 
11);  mortification  du  mort,  selon  ces  paroles: 
Vous  êtes  morts  et  votre  vie  est  cachée  en  Dieu 
avec  Jésus  *  Christ  (  Col.  m,  3);  et  morti- 
fication du  crucifie.  Mais  pour  moi,  à  Dieu 
ne  plaise  que  je  me  glorifie  en  autre  chose 
qu'en  la  croix  de  Notre-SeigneurJésus-Christ, 
par  qui  le  monde  est  crueifépour  moi,  comme 
je  suis  crucifié  pour  le  monde.  (Gai,  vi,  ik.) 
«  Le  voyageur,  ajoute  le  même  saint ,  s*il 
est  prudent  et  n  oublie  pas  son  chemin, 
passe,  quoique  avec  bien  de  la  peine,  et  ne 
se  laisse  pas  arrêter  par  les  choses  du  siè- 
cle. Le  mort  méprise  également  les  dou- 
ceurs et  les  adversités  de  ce  moude.  Mais 
celui  qui  a  été  ravi  jusqu'au  troisième 
cieH  a  pour  croix  tout  ce  qui  se  rattache  au  .  mortification,  soit  pour  se  purifier  de  leurs 


et  qui  fait  supporter  les  adversités  avec  cou- 
rage. La  mortification  est  encore  beaucoup 
plus  nécessaire  chez  les  religieux;  ils  se 
se  sont  retirés  du  monde ,  mais  non  d'une 
manière  suffisante ,  s'ils  n'ont  pas  fait  une 
complète  abnégation  d'eux-mêmes,  selon  ces 
paroles  :  Celui  qui  ne  renonce  pas  à  tout  ce 
qu'il  posêide,  ne  peut  être  mon  disciple.  {Luc. 
XIV,  §3.)  C'est  de  l'oubli  de  cette  considéra- 
tion que  provient  l'erreur  de  ces  religieux, 
3ui,  après  avoir  abandonné  dans  le  monde 
es  richesses  immenses,  se  passionnent  dans 
le  cloître  pour  des  objets  de  rien.  De  même 
aussi  dans  tous  les  degrés  de  la  vie  chré- 
tienne, c'est-à-dirp  les  commençants,  les 
progressants  et  les'  parfaits,  ont  besoin  de  la 


f09i 


MOR 


DKTIOMMÂIRE 


MOR 


HH 


péchés  et  de  leurs  vices,  soit  pour  acquérir 
les  vertus  illuminatives  et  pour  s'unir  h 
Dieu.  Car  toute  la  perfection,  à  tous  ses  de- 

Srés,  consiste  dans  un  degré  correspondant 
e  charité ,  qui  s'accroît  en  proportion  de 
Taffaiblissement  des  passions  par  la  morti- 
fication. En  effet,  selon  saint  Augustin,  la 
diminution  de  la  passion  est  Faliment  de  la 
charité.  {Lib.LXXXIIIQuœst.,  8,6.)  Le  pré- 
texte de  la  perfection  acquise  no  dispense 
piersonne  du  soin  d'affaiblir  ses  passions  et 
de  êe  purifier  d'une  manière  active  et  pas- 
sive; car  le  Seigneur,  après  avoir  dit  qu'il 
est  la  vigne,  le  Père,  le  laboureur,  et  que 
les  justes  sont  les  branches,  ajoute  :  /(  tait^ 
lera  toutes  celles  qui  portent  du  fruits  afin 
qu'elles  en  portent  davantage,  {Joan^  xv,  2.) 
Daint  Thomas  dit  aussi  :  <c  Thomme  doit  se 
mortifier  quand  même  il  serait  pur,  parce 
qu'il  n'est  personne  d'assez  pur  en  cette  vie, 
pour  n'avoir  pas  besoin  de  se  purifier  en- 
core. »  (Lect.  1.)  —  «Croyez-moi,  dit  saint 
Bernard,  les  branches  coupées  repoussent, 
le  feu  que  l'on  croit  éteint  se  rallume,  ce  qui 
n'est  qu'assoupi  se  réveille.  C'est  peu  d*avoir 
coupé  une  fois,  il  faut  couper  sans  cesse; 
car  vous  trouverez  toujours,  si  vous  le  vou- 
lez bien,  quelque  chose  à  couper.  Quelques 
[)rogrès  que  vous  ayez  faits,  vous  êtes  dans 
'erreur,  si  vous  croyez  le  vice  tout  à  fait 
déraciné  de  votre  cœur.  »  (Serm.  58,  in  Cant,) 

I.  Après  avoir  parlé  de  la  mortification  en 
général,  nous  allons  traiter  des  différentes 
espèces  de  mortification,  et  tout  d'abord  do 
la  mortification  intérieure ^  qui  réprime  les 
sens  et  les  puissances  internes,  c'est-à-dire, 
les  mauvaises  habitudes,  les  passions,  la  mé- 
moire, l'intelligence  et  la  volonté. 

Les  actes  répétés  du  péché  engendrent  en 
nous  les  mauvaises  habitudes^  qui  nous  dis- 
posent et  nous  inclinent  au  péché  et  devien- 
nent en  quelque  sorte  une  seconde  nature  : 
il  faut  donc  travailler  à  mortifier  et  à  extir- 
per radicalement  ces  habitudes  mauvaises  et 
vicieuses.  Nous  le  prouvons  par  tous  les  mo- 
tifs déjà  cités  pour  démontrer  la  nécessité 
de  fuir  le  péché  mortel  et  véniel  ou  la  tié- 
deur. (V.  VOIE  Purgative  et  Tiédeur.)  Nous 
ajouterons  ici  qu'il  est  impossible  de  faire 
germer  les  vertus  dans  le  jardin  de  notre 
ûme,  si  nous  n'avons  préalablement  arraché 
l'ivraie  du  vice.  C'est  pour  cela  que  Dieu 
conseille  à  Jérémie  d'arrachery  de  détruire^ 
de  perdre  et  de  dissiper^  pour  édifier  et  pour 
planter.  {Jer.  i,  10.) 

Comme  les  sept  péchés  capitaux  sont  en 
quelque  sorte  les  racines  de  tous  les  autres 
péchés,  c'est  surtout  contre  eux  qu'il  faut, 
au  commencement  de  notre  conversion,  ti- 
rer au  nom  du  Seigneur  le  glaive  de  la  mor- 
tification :  une  fois  ces  racines  coupées,  les 
rameaux  des  autres  vices  qu'elles  produi- 
saient, seront  en  même  temps  détruits. 

Pour  déraciner  les  mauvaises  habitudes, 
il  est  nécessaire  de  mortifier  les  passions. 
(Voir  le  mot  Passions.)  Mais  comme  même 
dans  la  partie  supérieure  de  l'homme,  c'est- 
à-dire  dans  la  mémoire ,  l'intelligence  et  la 
volonté,  il  peut  y  avoir  en  quelque  sorte  des 


passions  toutes  intellectuelles  désordonnées 
ou  au  moins  de  graves  excès,  par  exeœple| 
dans  la  mémoire^  les  pensées  vaines  et  m^ 
tiles  ;  dans  Vintelligence^  les  jagemenCs  erro* 
nés  sur  une  vérité  apparente;  dans  la  t^ 
lontéf  les  complaisances  déplacées  et  les  dé- 
sirs touchant  le  bien  agréable,  ao  préjudice 
du  bien  honnête  et  raisonnable;  if  faut  re- 
médier à  tous  ces  abus  par  la  mortiôcatioo. 
{Voyez  M6 VOIRE,  IifTEtuoENCi,  YoLOXTij 
C'est  la  mortification  purement  iiuiriewu 

11.  Quant  à  la  mortification  extérieme^^lk 
consiste  dans  la  répression  de  notre  cor{$ 
et  de  nos  sens  externes.  Les  sens  eileroes 
du  corps  sont  au  nombre  de  cinq,  selon  \n 
différents  modes  dont  les  choses  eitérieo- 
res  affectent  le  corps  et  peuvent  prodoire 
dans  l'ftme  cette  modification  |)articQlièfe, 
qui  s'appelle  sensation.  Le  premier  seoseï* 
terne  est  la  rue,  dont  l'organe  on  l'iDslnh 
ment  est  l'œil.  Le  second  est  route,  dont 
l'organe  est  l'oreille;  le  troisièmo  estrod»* 
rat,  dont  l'organe  est  le  nez;  le  quatrièn» 
organe  est  le  goût^  dont  le  principal  orgaoe 
est  la  langue,  le  cinquième  est  le  toit^m 
l'organe  est  en  général  la  peau  et  en  parti- 
culier les  mains.  Outre  ces  sens,  les  philo- 
sophes distinguent  aussi  dans  le  corps  la  fa- 
culté locutive,  la  faculté  locomotive,  la  fa* 
culte  nutritive,  la  faculté  augmenlative,  e( 
la  faculté  générative.  Toutes  ces  facultés, 
pour  ne  pas  dépasser  leurs  limites  et  ne  pas 
devenir  une  source  de  péchés,  doitent  être 
assujetties  à  la  mortification  extérieure.  (F. 
Appétit.) 

Il  nous  faut  mortifier  notre  corps  en  lui- 
même  quant  à  ses  sens  externes  et  à  ses 
autres  facultés.  On  le  démontre  : 

1"  Par  l'Écriture  sainte  :  Ceux  friiwii 
Jésus-Christ j  ont  mortifié  leur  chair  sxh  m 
vices  et  ses  convoitises.  (ffa(,  v,  Si.jSiiot 
Paul  ne  manquait  pas  de  le  faire:  Je (^'f 
mon  corps  et  je  le  réduis  en  captif  ité,  {ICer. 
IX,  27.)  Portant  toujours  en  notre  corpih 
mort  de  Dieu.  (Il  Cor.  iv,  10.)  Morlifesr^t 
membres.  {Col.  m,  S.)  Montrons^ntmlas^ 
nistres  de  Dieu par  nos  jeûnes,  nos  tel- 
les y  etc.  {//  Cor.  VI,  4,  5.)  Quant  à  !» 
mortification  des  sens  et  de  la  langue,  l'E- 
criture nous  la  recommande  en  beaucoup 
d'endroits ,  comme  nous  le  verrons  pluj 
tard,  et,  entre  autres  dans  ces  passages: 
Tai  conclu  un  pacte  avec  mes  yenXt  afn  « 
ne  pas  même  penser  à  une  jeune  fiUc  (M 
XXXI,  1.  )  Entourez  vos  oreilles  (fwu  *«« 
d'épines.  (  Eecli.  xxviii ,  28.  )  la  prière  «- 
compagnie  du  jeûne  est  excellenlt  (W 
XII,  8.)  La  Genèse  (xxxvii,  »)  fail  menif 
du  ciiice,  quand  elle  nous  montre  Jaeobser 
revêtant  lui-même  parce  qu'il  s'imagine q«f 
son  fils  Joseph  a  été  dévoré  par  les  Wf 
sauvages.  David  fit  un  fréqueot  usage  du 
ciiice.  Je  me  couvrais  d*un  cuice.  {Ps>  «i[!' 
13.)  Saint  Jean-Baptiste  était  vêtu  (k pùu* 
de  chameau  f  et  une  ceinture  dewm  t«i^ 
rait  ses  reins.  [Matth.  m,  *.  )  teftfi  T^^' 
met  pas  un  frein  à  sa  langue,  n'a  ?«** 
vaine  religion.  (Jac.  i,  26.) 

2^  Par  les  saints  Pères.  «  Châtiez  totrt 


v.oz 


MOR 


D'ASCETISME. 


MOR 


corps  et  TOUS  triompherez  da  démon  :  c*est 
ûin^i  que,  selon  saïul  Paul,  nous  pouvons 
liitler  contre  lui.B  (Saiul  Acclstix,  in  I  Cor. 
IX.,  «  Afin  de  conserrer  la  purelé  de  notre 
cœur,  il  faut  faire  observer  à  nos  sens  ex- 
ternes une  sévère  discipline.  »  (Saint  Gee- 
Goi^Ey  Ht.  XXI  Mor.^  eh.  2.  )  C'est  pour  cela 
que  tous  les  saints  mortifiaient  leur  corps 
avec  le  plus  grand  soin,  et  le  traitaient  du- 
rement, comme  leurs  actions  le  font  voir. 
«  Conformez-Tous,  dit  le  cardinal  Bona,  à 
cille  utile  et  salutaire  méthode  de  conduite, 
d^  n*dccorder  au  corps  que  ce  qu*eiigc  la 
5a':té.  11  faut  le'traiter  durement,  afin  do 
Tempéchér  de  se  montrer  rebelle  à  Tes- 
f  rit.  *  (Afoniuf.  ad  cctl.,  ch.  10,  n.  1.) 

3*  Saint  Thomas  en  donne  la  raison.  «  La 
ciiair  est  la  source  des  vices  :  donc,  si  nous 
voulons  éviter  les  Tices,  il  faut  dompter  la 
cliiir.  »  (Lect.  in  Ep.  ad  Galatas.) 

Les  pseudo-mjsliques  de  notre  temps  » 
]  nr  une  fausse  interprétation  de  ce  passage  : 
Les  extrciets  itmpords  icrveni  à  peu  de 
chose  JTim,  jt,8;,  nient  que  la  mortification 
d  j  corps  soit  utile  à  Tesprit.  Mais  ils  sont 
l*^::i  de  donner  le  sens  légitime  du  texte 
cJt.s  qui,  selon  saint  Jean  Chrjsostome,  dé- 
si^-ne  les  exerci^s  du  stade,  ou,  selon  saint 
T.iomas ,  indiquent  que  la  mortification  du 
c  jrps  est  de  peu  d'utilité,  si  elle  est  faite 
S3iis  piété  et  sans  la  mortification  de  Tes- 
).iit,  qui  est  préférable.  Quand  elle  réunit 
toutes  les  conditions  requises,  la  mortifica- 
tion est  très-utile  pour  comprimer  la  con* 
cupiscence,  si  toutefois  elle  est  recherchée, 
comme  dit  saint  Bonaventure  (  1. 1  De  prof, 
relig.^  c.  4),  non  pour  elleHmôme,  mais  à 
cause  delà  piété. 

Les  mortifications  corporelles  consistent 
•ians  Tabstineace,  le  jeûne,  le  cilice  et  les 
veilles;  de  même  c'est  se  mortifier  corpo- 
rdicment  que  de  coucher  sur  la  dure ,  se 
fr.ipper  Tolantairement ,  se  donner  la  disci- 
}  iiue.  Les  anciens.Pères  et  les  plus  antiques 
u^  :.uuments  de  TÉglise  ne  funl,  il  est  vrai, 
aucune  mention  deverbéralions  volontaires; 
oussi  certains  auteurs  doutent  qu'on  doive 
]e>  compter  au  nombre  des  moyens  de  mor- 
ti.ler  la  chair,  approuvés  par  ri:.glise.Morin 
aJiuet  l'usage  de  la  flagellation  par  une 
f.ersonne  tierce.  Selon  Jacques  Boileau, 
ijuus  devons  l'usage  de  s'infliger  soi-même 
ia  uiscipline,au  bienheureux  Dominique, 
Tcncuirassé  »  et  au  bienheureux  Pierre  Da- 
uiien.  Avant  eux  on  se  servait  de  fouets, 
r^ais  il  fallait  alors  réclamer  l'assistance 
d'une  autre  personne.  11  prétend  aussi  que 
les  flagellations  volontaires  ne  doivent  pas 
être  toujours  approuvées,  parce  qu'elles 
S'jut  contraires  à  la  modestie,  et  qu'infligées 
sur  les  parties  inférieures  du  corps,  elles 
1  rovoquent  quelquefois  des  sensations  vo- 
iviptueuses;  c'est  l'opinion  de  Meimbo- 
L. ras  et  de  BarthoUnus. — Mais,  selon  le 
rarJinal  Baronius,  \â  bienheureux  Pierre 
Damien  n'aurait  que  propagé  l'usage  de 
la  discipline.  11  a ,  en"  effet ,  refuté  plu- 
sieurs moines  opposés  à  cette  pratique 
dM  mortification,  11  est  certain,  du  reste»  que 


Guido  Pomposejanus  et  saint  Poppe,  abbé, 
en  ont  fait  usage  ;  ce  qui  suffit  pour  mon- 
trer que  ni. Dominique,  ni  Damion,  n'eu 
sont  les  auteurs,  comme  le  font  remarquer 
Mabillon  et  Gravcson.  Quoi  qu*il  en  soit  sur 
l'institution  de  cette  pratique,  les  plus  an- 
ciennes règles  monastiques  ont  prescrit  la 
fustigation  pour  les  moines  pécheurs ,  et , 
selon  les  livres  pénitentiels,  les  pénitents 
se  jetaient  quelquefois  aux  pieds  de  leur 
confesseur,  qui  les  frappait  de  verges.  Nous 
voyons  un  trait  semblable  dans  la  vie  de 
saint  Louis,  roi  de  France.  {BoUand.f  25 
Aug.)    C'est  pourquoi  nous  devons,  avec 
Mabillon  (Prœi.  1  ads£c.  vi  Bened.],  regar- 
der les  flagellations  spontanées,  comme  un 
usage  pieux  et  louable,  d'autant  plus  qu'elles 
ont  été  pratiquées  par  le  bienheureux  Pierre 
Damien   et  d'autres  saints  remarquables; 
Sigonius  rapporte  aussi  qu'elles  furent,  d'a- 
près les  conseils  de  l'ermite  Régnier,  prati- 
quées par  les  habitants  de  Pérouse,  d'imola 
et  de  Bologne.  On  doit  mépriser  les  objeo- 
tions  fondées  sur  ce  qu'elles  blesseraient  la 
moJestie  ou  exciteraient  à  la  volupté.  Elles 
ne  sont   pas  défendues  par  la  constitution 
de  Clément  VI  :  cette  constitution  était,  en 
effet,  dirigée  contre  les  Flaaellans^  héréti- 
ques dont  Spondanus  et  Bingbam  rapportent 
la  doctrine  et  les  mœurs  corrompues.  (  F. 
Flagellakts.)  On  n'en  peut  donc  rien  con- 
clure contre  cette  pieuse  habitude  des  saints, 
de  se  flageller  pour  dompter  la  concupis- 
cence :  c'est  l'opinion  de  Gretser ,  qui  re- 
proche à  Gerson  d'avoir  condamné  cet  usa- 
ge. Mais  Théophile  Rajnaud  le  justifie  ;  sans 
proscrire  complètement  la  flagellation ,  il 
craignait  seulement  que  sous  prétexte  de 
faire  pénitence  en  se  flagellant,  à  l'exemple 
de  saint  Vincent  Ferrier ,  on  ne  fit  revivre 
l'hérésie  de  fiagellants.  Au  reste,  ces  flagel- 
lations spontanées  des  saints  sont  rapportées 
avec  éloges  au  nombre  des  motifs  de  leur  ca- 
nonisation, t  T.  BexoitXIV,  DeCanon.f  1.  m.) 
La  mortification  de  la  chair,  à  l'exception 
du  jeûne  et  des  autres  prescriptions  de  l'É- 
glise, n'est  pas,  selon  Bellarmin  [De sept, 
terb,  Dom..  1.  ii,  c.  10},  nécessaire  au  salut, 
mais  seulement  à  la  perfection  cbrélieuue. 
On  peut  être  doué  de  la  tempérance  chré- 
tienne, dit  Rossignoli ,  sans  s'abstenir  pour 
cela  de  tous  les  plaisirs  permis;  mais  pour 
atteindre  le  sommet  de  la  perfection  chré- 
tienne, la  mortification  du  corps  est  néces- 
saire. C'est  ce  que  prouvent  les  exemples 
des  saints,  par  exemple  celui  de  saint  Paul, 
ermite  ,  rapporté  par  saint  Jérôme,  et  celui 
de  saint  Antoine  rapporté  |>ar  saint  Atha- 
nase.  Quand,  dans  un  procès  de  canonisa- 
tion, on  s'aperçoit  que  le  personnage  dont 
il  s'agit  s'est  abstenu  de  la  mortification,  a 
eu  trop  d'amour  pour  son  corps  et  l'a  en- 
touré de  plus  de  soins  qu'il  n'était  néces- 
saire, Taffaire  de  la  canonisation  s'arrête, 
quel  que  soit  l'éclat  de  sa  vertu  ou  de  ses 
actions.  Saint  GrégoiredeNazianze  s'exprime 
formellement  sur  ce  sujet.  (Or.  ii.)  Ceux 
mêmes  qui,  sans  avoir  montré  trop  de  com- 
plaisance p^ur  leur  corps,  ont  négligé  les 


1095 


MOR 


DICTIONNAIRE 


MOR 


m 


macérations  nécessaires  poar  atteindre  le 
sommet  de  la  perfection  chrétienne,  ne  sont 
pas  inscrits  sur  la  liste  des  saints  dans  l'É- 
glise militante.  Car»  selon  GersoYi,  sans  cette, 
mortinoation^il  est  bien  difficile  de  se  frayer 
un  chemin  vers  la  contemplation,  qui  est 
si  utile  è  la  sainteté.  (F.  Benoit  XIV,  De 
Canon.  I.  m.) 

Il  faut  donc  mortifier  la  chair ,  1**  par  la 
tempérance  dans  le  boire  et  le  manger  :  nous 
ne  aevons  rien  accorder  au  corps  au-delà' de 
ce  qui  est  absolument  nécessaire  à  la  vie  et 
aux  besoins  de  notre  état.  2*  Par  la  tempé- 
rance dans  le  sommeil^  ne  lui  refusant  pas  le 
nécessaire,  mais  supprimant  le  superflu , 
pour  éviter  l'indolence,  la  mollesse,  fa  perte 
du  temps.  3**  Par  la  tempérance  dans  le  vile^ 
menif  le  choisissant  simple  et  conforme  à 
notre  position,  n'en  faisant  jamais  un  objet 
de  mollesse  et  de  vaine  gloire,  k*  Par  un 
usage  discret  du  jeûne^  du  ct7jce,  de  la  /la- 
gellationf  etc.,  afin  de  vaincre  les  passions 
de  la  chair  et  les  tentations,  et  d'imiter 
Jésus-Christ  qui  a  souffert  pour  nous.  5"  Il 
faut  mortifier  (a  vue^  afin  que  nos  regards  no 
voient  rien  de  honteux  ou  d'indécent ,  de 
curieux  et  d'inutile,  mais  ne  se  dirigent  que 
sur  les  objets  qui  peuvent  les  porter  à  l'a- 
mour de  Dieu  et  à  ta  dévotion.  6**  Il  faut  mor- 
tifier l'ouïe,  pour  que  nos  oreilles  n'enten- 
dent ni  scandale,  ni  calomnie,  ni  conversa- 
tion honteuse,  vaine  et  inutile.  7**  Il  faut 
mortifier  le  goût^  pour  qu'il  ne  fasse  aucun 
excès  dans  le  boire  ou  le  manger,  pour  qu'il 
ne  désire  pas  avec  trop  d'ardeur  la  recher- 
che, la  délicatesse,  etc.  8°  il  faut  mortifiur  To- 
dorat^  en  le  privant  de  tout  parfum  suave  et 
délicat.  9**  Il  iaut  mortifier  letac^  et  ne  jamais 
toucher  indécemment  ni  notre  corps,  ni  ce- 
lui des  autres  sans  nécessité.  10^  Il  faut 
mortifier  la  langue  et  lui  interdire  toute 

f)arol6  méchante,  oiseuse,  deshonnête,  ca- 
omnieuse,  scandaleuse,  etc.  11*  Il  faut  mor- 
tifier la  faculté  locomotive,  afin  d'observer 
dans  notre  démarche  une  gravité  pleine  de 
modestie.  En  un  mot,  il  faut  diriger  tous  les 
sens  et  toutes  les  facultés  de  notre  corps  en 
vue  de  notre  salut  éternel  et  de  celui  du 
prochain. 

Pour  que. la  mortification  nous  soit  salu- 
taire, il  faut  la  pratiquer  avec  discrétion , 
et  par  conséquent  observer  les  règles  sui- 
vantes. 

1.  Naus  devons  éviter  tout  excès  dans  la 
mortification  extérieure.  L'Apôtre  demande 
qu'on  la  pratique  d'une  manière  raisonnable 
(Rom,  xn,  1),  c'est-à-dire,  selon  saint  Tho- 
mas (lec.  1)»  qu'on  offre  à  Dieu  avec  discré' 
tion  son  corps  en  sacrifice.  En  effet,  ajoute- 
t-il,  «  les  actes  intérieurs  sont  comme  la 
fin  que  l'homme  se  propose  et  qu'il  recher- 
che pour  elle-même,  tandis  que  les  actes 
extérieurs  produits  par  le  corps,  sont  tou- 
jours comme  les  moyens  destinés  à  tendre 
à  une  fin.  Or,  la  fin  qu'on  se  propose,  ne 
nous  engage  à  aucune  mesure.  Au  contraire, 
moins  on  y  met  de  mesure,  mieux  on  arrive 
au  but.  Mais  il  n'en  est  pas  ainsi  des  moyens 
que  l'on  prend  pour  arriver  à  une  fin.  Il 


faut  en  agissant  y  mettre  toujours  des 
tes  proportionnelles  à  la  fin  qu'on  se  pro- 

£ose.  »  C'est  aussi  l'avis  de  saint  Basile  (l.i 
e  t?trgf.),  de  saint  Grégoire  (1.  m  Mor., 
c.  U),  de  saint  Bernard  (serm.  M,inCann 
de  saint  Pierre  d'Alcantara  (  p.  ii  bt  orat, 
c.  7).  Gerson  remarque,  &  ce  sujet,  qoe  lô 
jeûne  indiscret,  selon  l'avis  des  méde- 
cins et  des  théologiens,  serait  plus  nui- 
sible qu'un  repas  intempérant  :  on  peut  gué- 
rir Tun  i  l'autre  est  souvent  sans  remède. 
Et  cependant  il  faut  bien  peu  de  chose  à  la 
nature,  à  moins  que  la  gourmandise  ne 
s'en  mêle.  »  (Jr.  de  myst.  TheoLt  cons.  10.) 
Souvent  il  arrive  en  elfet  que,  sous  prétexte 
de  soigner  une  santé  ruinée  par  les  excès, 
Taustérité  fait  place  à  la  mollesse.  Il  n'y  a 
d'exception  que  pour  le  cas  où  un  esprit 
extraodinaire,  bien  éprouvé,  nous  donnerait 
des  forces  pour  soutenir  les  excès;  ce  que 
le  directeur  reconnaîtra  si  la  santé  ne  souf- 
fre aucunement  des  [pénitences  eilraordi- 
naires. 

•  II.  II  ne  faut  pas  admettre  les  afflictloosda 
corps  qui  mettent  obstacle  à  notre  deroir 
ou  a  la  pratique  des  autres  vertus.  C  est  udq 
règle  admise  partons  les  saints  Pères.  Ssmt 
Jérôme  (Ep.  125,  ad  AiM^tc.)»  saint  Grégoire 
n.  XXX  Aîor.f  c.  18,  n.  63)  et  saintThoiDas 
(5,  a.  18),  sont  unanimes  sur  ce  point. C'est 
un  péché,  dit  ce  dernier,  que  de  se  rendre, 
par  les  jeûnes,  les  veilles  et  autres  sembla- 
bles mortifications,  incapable  de  vdaueraai 
obligations  de  son  état.  Guigo  anbé,  et 
saint  François  de  Sales,  expriment  la  même 
idée. 

m.  Dans  les  mortifications  extMtuns,  îi 
faut  éviter  le  défaut  de  la  singularité,  auquel 
prêtent  surtout  les  pratiques  extérieures  et 
publiques.  «  Fuyez,  dit  saint  Bernard,  i'ob- 
stination  et  le  vice  très-funeste  de  In  sinp- 
larilé.»  (vi  PosL  Pentec.^  serm.  1.)  Saint  Ba- 
sile [Reg.y  p.  138)  et  Cassien  (1.  v,c.  23)iien- 
nent  le  même  langage.  Le  moineDaniel  M 
à  propos  de  saint  Jean  Climaaue  :  <  A  table 
il  ne  refusait  rien  de  ce  qui  n  était  pas  con- 
traire aux  prescriptions  de  la  vie  reli- 
gieuse. »  Au  reste  cette  règle  n'est  bonne  à 
observer  que  dans  les  comuiunautésqui  oot 
conservé  dans  leur  intégrité  toutes  les  pres- 
criptions de  leur  règle;  dans  une  corniDa- 
nauté  relâchée,  la  singularité  en  ce  genre 
serait  digne  d*éloges. 

IV.  La  discrétion  évançélique,  par  rap- 
port à  la  mortification,  doit  nous  venir  sor- 
tout  de  la  sagesse  et  de  la  discrétion  du 
directeur.  C'est  pourquoi  saint  Basile  i*^^- 
brev.,  p.  138),  et  saint  Benoit  (%.,  f-  *^/' 
ont  prescrit  aux  moines  de  ne  jànais  pra- 
tiquer aucune  abstinence  ou  morliM^^^ 
volontaire,  sans  le  conseil  et  l'assentioien 
de  leur  père  spirituel.  L'abbé  Platon  ois»» 
(Apud  Pallad.)  :  «  Les  afflictions  corporelles, 
les  nuits  passées  sur  la  dure,  les  veilles, etc.; 
sont  en  elles-mêmes  dignes  de  louang^; 
cependant  elles  causent  souvent  la  ruine  oe 
ceux  qui  les  pratiquent  d'après  leur  propre 
volonté,  sans  consulter  leur  directeur  et  » 
soumettre  à  ses  avis,  j» 


un 


DràSGETISIfE. 


¥.  La  Téritable  discrétioD»  dans  la  aiortî- 
fication  iolérieure^  oonsUte  à  ne  pas  se  eoDlao»- 
ter  de  peu  de  choses,  mais  à  avaDoer  tosgoor» 
de  plus  eo  plôs.  Bo  eBel  la  perfection  ne  oon- 
siste  pês  formelleoieal  dans  la  morlificafion 
extérieare  ;  elle  n'est  qu*ua  instrument  pour 
y  arrif er,  el  souvent  elle  est  imniiissanle  à 
y  atteindre.  La  mortilication  intérieure,  qui 
consiste  dans  Tabn^ation  de  soi-même,  est 
elle-même  la  perfection,  et  elle  est  praticable 
pour  tous  les  nommes,*  LesTcrlusquisontdu 
ressort  de  Tesprit,  dit  saini  Basile,  comme 
la  douceur,  etc.,  obligent  également  tous 
les  hommes;  ce  sont  les  vertus  particulières 
de  rame;  le  corps  ne  concourt  avec  rame 
à  leur  acquisition  et  à  leur  pratique,  qu'en 
étant  en  quelque  sorte  le  théâtre  de  leurs 
délibérations.  •  {Conêi.  man.,  c*  6.) 

Vl.  Pour  s*élever,  avec  la  grâce  de  Dieu, 
à  une  mortitication  intérieure  plus  grande, 
i!  raut  de  ta  dùerétian  dam  ta  «ontâre,  c'esl^ 
à-dire,  procéder  peu  à  peu  et  par  parties; 
uiortiKer  d'abord  la  passion  dominante,  ne 
pas  s'attendre  à  arriver  de  suite  è  la  per- 
fection, ni  à  pouvoir,  en  cette  vie,  parvenir 
à  cet  état  où  l'homme  est  impassible  et  in- 
accessible à  toute  passion. 

Il  faut  de  la  discrétion  dans  la  mortifica- 
tion extérieure,  avons-neus  dit;  mais  cette 
discrétion  doit  être  déterminée,  non  par 
Tamour-propre  de  la  cliair,  mais  selon  l'es- 
l>rit  de  TEv&ngile;  car  ta  ngeuê  de  ta  ckaîr 
tu  tmmemie  de  Dieu.  {Bom.  vui,  7.)  «  Vous 
m'avez  enseigné,  dit  saint  Augustin,  à  pren- 
dre des  aliments  avec  la  même  mesure  que 
des  médicaments.  »  (L.  x  Cm/I,  c.  13^  Il 
montre  ainsi  que  ce  qu'on  regarde  comme 
une  nécessité  se  transforme  imperceptiUe- 
inent  en  plaisir,  c  Rappelez^vous,  dit  saint 
Bernard  a  ses  religieux,  que  vous  êtes 
moines  et  non  médecins,  et  que  vous  ne  de- 
vjcz  juger  que  de  votre  profession  et  non 
de  votre  complexion.  »  (Serm.  90  tu  Cam.) 

Il  n'est  pas  nécessaire,  même  pour  la 
canonisation,  que  tous  les  serviteurs  de 
Dieu  pratiquent,  au  même  degré,  la  mortifi- 
cation du  corps.  Personne  ne  prétendra 
qu'on  ne  doive  canoniser  et  regarder  oomme 
saints  aux  jeux  de  Dieu  ceux  qui  n'ont  ni 
jeûné  pendant  quarante  jours  sans  boire  et 
•ans  manger,  comme  Moïse  et  Blie,  ni  ae* 
oompli  d  autres  austérités  du  même  genre, 
que  d'autres  saints  ont  cependant  pratiquées 
fiar  une  faveur  toute  spéciale  de  Dieu,  et 
que  la  tradition  nous  rapporte,  non  pour 
que  nous  les  imitions,  mais  pour  que  nous 
reconnaissions  et  que  nous  glorifiions  en 
eux  la  puissance  et  la  sagesse  infinie  de 
Dieu  ?  Il  est  des  saints  qui  se  sont  toujours 
abstenus  de  vin,  d'autres  de  l'usage  de  la 
Tiande  ;  faut-il,  pour  cela,  Aire  un  crime 
au  serviteur  de  Dieu  qui  ferait  un  usage 
raisonnable  et  modéré  de  vin  et  de  viande? 
L'Apôtre  ne  permet-il  pas  l'usage  modéré 
du  vin,  à  cause  de  la  fiiblesse  de  l'estomae? 
(/  Tim.  V,  33.)  Saint  Antoine  lui-même  fit 
usage  de  viande  aussi  à  cause  de  la  faiblesse 
de  son  estomac*  (Bollasd.,  t.  I,2llaii.)  Peut* 
on  exiger  les  flagellations  volontaires  d'un 

DiCTiœi!!.  D'AscinsuB.  1. 


sarvilaur  de  Bleu,  qui,  comme  saint  Gré» 
geice  le  témoigne  de  lui-même  n.  x,  ep.  95), 
ne  pourrait  se  lever  de  son  lit?  Boarrait«on, 
ennn,  faire  une  obligation  des  mortifica- 
tions corporelles  k  ees  vieillards,  en  qui, 
selon  saint  JérAme,  UmUe  les  faeuUéê  du 
earjfi  $*alfaibli$$eaff  ei  fut,  à  wuemre  quHIe 
eroêêseni  su  sages^e^  dmem^ifU  de  piui  m 
plut  incapables  de  j^ine^  de  veitus^  etc. 
(Bp.  8S  ad  Nepoi.)  Toutefois  les  reli^eux 
doivent  toujours  observer  les  austérités  pres- 
crites par  la  règle,  tant  que  les  forces  le  leur 
permettent. 

Que  fiiut'-il  penser  de  ceux  qui  aiDigent 
tellement  leur  corps,  que,  non-seulement 
ils  se  rendent  incapables  de  vaquer  aux  oc- 
eunatioBS  ou'ils  sont  tenus  de  remplir,  mais 
même  accélèrent  le  moment  de  leur  mort , 
comme  un  certain  abbé  Myrosène,  dont  il 
est  parlé  dans  le  Pré  spkUuel  de  Sophro- 
nius  (KoawcTDLs),  et  comme  saint  Ber- 
nard s'excuse  de  n'avoir  pas  agi?  (T.  Il, 
1. 1,  c.  8.)  Notre  vie  a  des  limites  diOéren- 
les.  Les  unes  swrmaiwrdlee  ont  été  établies 
par  la  divine  Providence,  et  ne  pêupeai 
être  firamekiee{jQè  uv,  5);  les  autres  maiu-- 
relies  sont  en  rapport  avec  la  com|ilexion 
de  chacun  de  nous.  L'art  peut  les  reculer 
jusqu'à  un  certain  point,  d'autres  résultent . 
de  cas  imprévus;  aucun  intervalle  ne  lea 
peut  restreinda*  :  Avieenne  lea  appelle  oftrtf- 
0te,  et  Codroncbius  enseigne  que  rien  ne« 
peut  les  prolonger.  Ceci  posé,  les  tbéolo-r 
giens  nops  montrent ,  1*  que  c'est  un  grave 
pécbé  de  se  livrer  à  d'excessives  austérités, 
de  manière  k  causer  sa  mort,  ou  k  avan- 
cer les  limites  naturelles  de  la  vie.  ir  11 
est  seulement  probable,  et  nullement  cer- 
taio,  que  ces  austérités  abrègent  la  vie, 
comme  le  montre  Hip|)ocrate,  et  comme  le 
prouve  l'exemple  de  saint  Paul,  premier  er- 
mite, et  de  beaucoup  de  pénitents  très-aus- 
tères, oui  sont  parvenus  à  une  extrême  vieil- 
lesse. (Vojfex  Part.  Jbuib.)  3*  U  est  permis 
et  même  méritoire  d'embrasser,  dans  une 
fin  surnaturelle,  un  genre  de  vie  très-sé- 
vère, tout  en  prévoyant  devoir  ainsi  avancer 
sa  mort,  pourvu  qu'on  ne  le  dierebe  pas. 
C'est  là  I  opinion  d'Azorius,  de  LuflO,  etc.* 
qui  citent  l'exemple  des  saints  et  des  oom« 
munautés  régulières  approuvées  par  l'Bglise. 
C'est  pourquoi,  on  ne  doit  pas  se  montrer 
facile  à  porter  un  jugement  sur  l'excès  des 
mortifications  ;  car,  somme  le  dit  Alvarez  de 
Paz  :  «  Certaines  personnes  sont  appelées  k 
un  genre  de  vie  extraonlinaire  et  a  de  gran- 
des mortifications  corporelles;  la  «âce  lea 
rend  capables  d'eflbrts  au-dessus  de  la  na- 
ture et  du  commun  des  hommes  :  il  faut 
donc  les  distinguer  avec  soin^  afin  de  ne 
las  les  enchaîner  par  les  règles  communes.  » 
T.  111,  fol.  \Wl.) 

U  nous  reste  k  prescriie  des  remèdes  gé- 
néraux pour  la  mortification  des  vices,  des 
passions,  de  la  mémoire,  de  l'intelligence, 
de  la  volonté,  du  corps  et  des  sens  exter- 
nes, etc.  Le  premier  est  la  prUre^  soit  sous 
forme  de  demande ,  soit  sous  forme  de 
méditation.  La  mortification,  étant  unemavre 

35 


îî 


MWWW. 


MOR 


DICTIONNAIRE 


MOR 


IlOO 


difficile  et  au-dessas  des  forces  de  la  aatare 
d6cbue,  réclame  le  secours  de  la  grAce;  et 
00  secours  n'est  promis  qu*à  ceui  qui  le  de- 
mandent 9  selon  ces  paroles  du  concile  de 
Trente  :  Demandez  ce  que  voue  ne  pouvez  pas. 
'Sess.  VI,  c.  11.)  Cette  demande  n'est  faite 
i'Hne  manière  couTenable»  et  n*a  d'efficacité 
|K>ur  la  grAce,  qu'autant  que  s'y  joint  la  mé- 
ditation. 

Lo  second  remède  eist  la  préêenee  de  DieUf 
selon  ces  paroles  :  Le  voici  qui  ee  tieni  der^ 
riire  notre  mnr^  qui  regarde  par  les  fenétreSf 
qui  jette  sa  vue  au  travers  des  barreaux. 
\Cant.  II,  9.)  Louis  Du  Pont  dit  à  ce  siiyet  : 
(L.  Y  Exhort.,  xu  i  3.)  «  Le  Prophète  sem- 
ble leur  dire  :  Remarquez,  ô  mes  yeux  I  ce 
que  TOUS  regardez;  oreilles,  ce  que  vous  en- 
tendez; esprit,  ce  que  vous  pensez;  appétit, 
ce  que  vous  désirez;  car  c'est  Dieu  lui-même, 
c'est  notre  époux,  qui  se  tient  derrière noti-e 
mur,  afin  de  voir  ce  que  vous  faites,  et, 
quand  le  temps  viendra,  de  rendre  à  chacun 
selon  ses  œuvres.  Si  vous  répétiez  ces  cro- 
ies à  chacune  de  vos  actions,  vous  ne  pèche* 
riez  jamais.  » 

Le  troisième  remède  est  Vexamen  de  cha- 
que jour,  soit  général,  soit  particulier,  selon 
ces  paroles  :  Je  mettais  à  mort^  dés  le  maOn^ 
tous  les  pécheurs  de  la  terre.  (Ps.  c.  8.)  Je  me 
suis  épuisé  à  force  de  gémir.  Toutes  les  nuits 
f  arroserai  ma  couche  de  mes  pleurs.  {Pt.  vi, 
7.)  Car  c'est  par  les  bonnes  résolutions  qu'on 
prend  le  matin,  et  par  la. douleur  qu'on  té- 
moigne le  soir,  qu  on  triomphe  des  passions 
et  des  vices.  Remarquons  toutefois  ce  que 
dit  Cassien  au  sujet  de  Tabbé  Sérapioo  : 
«  Nous  nous  préparons  une  victoire  sûre  et 
complète,  en  attaquant  tout  d'abord  les  vices 
les  plus  redoutables,  et  ensuite  ceui  qui 
ont  moins  de  gravité,  il  ne  faut  pas  toutefois 
s'imaginer  que  celui»  qui  ne  lutte  que  contre 
un  défaut  principal,  sans  se  mettre  en  garde 
contre  les  autres,  puisse  être  plus  facilement 
blessé  d'un  coup  imprévu  :  cela  ne  peut  pas 
arriver.  Il  est  impossible  en  effet  que  celui 
qui,  rempli  de  sollicitude  pour  la  reforme  de 
son  cœur,  s'arme  surtout  contre  les  attaques 
d  un  certain  vice,  ne  soit  pns  en  même  temps 
animé  d'une  horreur  générale  pour  tous  les 
attires  vices^  et  pareillement  eh  garde  contre 
leurs  efforts.  »  (Coll.  xv,c.  ik.) 

Le  quatrième  remède  est .  le  soin  de  se 
mortifier  dans  les  petites  choses.  Car,  celui  qui 
fsi  fidèle  dans  les  petites  choses ^  Vest  aussi 
dans  les  grandes.  (Luc  xvi,  10.)  Nigrooius 
[OpuÈc.  de  Cura  Minim.)  traite  à  fond  cette 
matière.  «  Lorsque,  même  dans  les  petites 
choses,  dit  aussi  P.  de  Blois,  on  résiste 
pour  Dieu  à  la  sensualité  et  à  sa  volonté  per- 
sonnelle, et  qu'on  se  mortifie,  on  se  rend 
plus  agréable  à  Dieu,  que  si  l'on  rappelait 
plusieurs  morts  à  la  yie.v  (instr.  spîr.,  c.  2.) 

•  Lo  cinquième  remède  est  Vamour  de  Ifieu 
et  des  choses  spirituelles.  Car  cette  maxime 
de ié^us-Christ  est  bien  vraie:  Venezàmoi^ 
voue  tous  qui  êtes  fatigués  et  qui  êtes  chargés^ 
et  je  voue  soulagerai.  Prenez  mon  joug  sur 
vous..,  et  vous  trouverez  le  repos  de  vos  âmes. 
Car  mon  joug  est  dousc  et  mon  fardeau  est 


léger.  (Maith.  ii,  28-30.)  Quelle  peine  ra- 
meur ne  fait-il  j)as  trouver  douce  et  iégèr^ 
à  un  amant  profane  ?  Que  ne  fait  pas  affron- 
ter au  marchand  l'amour  des  richesses,  au 
soldat  celui  de  la  gloire?  Qu'y  a-t-ii  donc 
d'étonnantt  dit  saint  AuQusiiu,  si  celui  qaj 
aime  Jésus^-Christ,  et  qui  veut  w.  suiYre,es( 
conduit  par  son  amour  à  faire  aboéj^atiôQ  de 
lui-même  ?  (Serm.  47,  De  div.) 

Le  sixième  remède  consiste  h  pratiquer  la 
mortification  par  des  œuvres,  et  non  point 
seulement  par  des  désirs  ;  en  effet,  et  non 
point  seulement  par  affection.  Carctnttm 
point  ceux  qui  écoutent  la  loi  qui  sontjusu» 
devant  Dieu;  mais  ceux  qui  gardent  la  loist- 
ront  justifiis.  (Rom.  u,  13.)  «  Si  quelqu'un, 
dit  saint  Basile,  prétendait  aue,  pour  régler 
toutes  les  affections  de  son  âme,  et  pour  se 
conduire  avec  justice  et  sainteté,  il  suffirait 
de  connaître  les  divines  Ecritures,  il  serait 
semblable  à  celui  qui  apprendrait  à  cons- 
truire, sans  jamais  élever  aucun  bâtimeDl, 
sans  jamais  mettre  en  pratique  ce  quilau* 
rait  appris.  i»  (Reg.  fus^.  int.  7.) 

Pour  que  tous  ces  remèdes  derieDoenl 
pratiquement  efticaces,  H  faut  éviter,  pr 
Tordre  de  la  volonté,  toute  action  manyaisci 
et  en  produire  fréquemment  de  bonnes.  Ce»i 
ainsi  que  nous  arriverons  à  effacer  nos  fautes 
légères ,  à  triompher  des  vices  et  des  pas- 
sions,  à  acquérir  des  vertus ,  à  tourner  dos 
pensées  vers  Dieu,  h  maintenir  dans  le  de- 
voir nos  facultés  et  nos  sens  internes  et  ci- 
ternes, à  étouffer  la  concupiscence  et  à  faire 
dominer  l'amour  de  Dieu  dans  nos  cœurs. 

Que  celui  donc,  qui  veut  marcher  dans  la 
voie  de  la  perfection,  se  livre  à  la  prière  et 
à  la  mortiUcalion.  Qu*il  aille  à  la  monitigm 
de  la  myrrhe,  c'est-à-dire  de  la  mortiOcalion, 
et  à  tautel  de  Veneens^  c'est-à-dire  de  la 
prière.  (Cant.  iv,  6.)  «  C'est  en  pratiquant  m 
vertus,  dit  saint  Grégoire,  que  TE^ise  des 
tidèles,  que  toute  Ame,  devieut  pure.  Par  ia 
mortification  des  plaisirs,  elle  résiste  aux 
vices,  et  par  de  fréquentes  prières,  arrosées 
de  larmes,  elle  efface  ses  souillures,  aCode 
plaire  à  son  époux,  et  de  paraître  belles  ses 
jeoi.  B  Alors,  en  effet,  elle  montera  jmU 
désert^  comme  une  petite  vapeur  d*aromatt$^ 
de  myrrhe  et  .d'encens.  [Cant.  m,  6.)  Car,  se- 
lon saint  Bernard  (serm.  59,  Ex  parvJjf  la 
confession  doit  toujours  être  accompagnée 
de  myrrhe  et  d'encens,  c*ost-à-dire  oe  la 
mortification  de  la  chair  et  de  la  prière  du 
cœur  :  Tupe  sans  l'autre  n'est  que  peu  oa 
point  utile^  Si  quelqu'un  mortifie  sa  chair  h 
s'abstient  de  prier,  c'est  un  orgueilleux,  *[ 
le  Seiçneur  lui  dira  :  Est-ce  que  je  mang(f<^i 
la  chatr  des  taureaux?  ou  boirai-je  le  iaa$ 
des  boues?  IPs.  xux,  13.)  De  même  s'il  prie 
et  néglige  de  mortifier  sa  chair,  il  entendra 
ces  paroles  :  Pourquoi  mecriez-vousStifltta, 
Seigneur  f  et  ne  faites-vous  pas  ce  que  jt  f  om 
dis?  {Luc.  VI,  46.)  Et  comme  nous  avous 
tous  eu  part  au  péciié  d'Adam,  nous  derons 
tous  prendre  part  à  sa  pénitence  et  i  ses 
mortifications.  Il  n'est  pas  d'exception  pos- 
sible. Si  nous  avons  bien  pu  trouver  la  force, 
la  manière  et  le  secret  de  pécher,  pouvim 


1101 


MOR 


D  ASCETISME. 


IKW 


ilfi 


ne  le$  ferians-nout  pas  êertir  mainietMmt  à  la 
fuÈliee  pour  ta  jiaiifittdion  de  noire  tie  ? 
{Rom,  Ti,  19).  On  Yoil  au  milieu  du  monde 
des  personnes  chercher  à  Irourer  des  retrai- 
tes pour  châtier  leur  corps.  Qui  les  em|>èche 
de  détourner  leurs  sens  de  roule  chose 
Taine?  de  supprimer  tout  raffinement  dans 
le  tioire  et  le  manger,  le  lit.  le  sommeil  et 
t*babi1lemekit7  et  surtout  de  supporter  pa^ 
tiemment  les  adversités,  sorte  de  cilices  et 
de  disciplines  dont  le  monde  fourmille? 
Ceux-là  ne  sont  pas  même  excusables  qui, 
au  dehors  comme  au  dedans  du  cloître,  se 
croient  dispensés  de  tonte  mortification  sous 
prétexte  de  santé.  En  effet,  un  régime  aus- 
tère est  plus  favorable  à  la  santé  qu'une  vie 
de  délices,  comme  le  prouve  Lessius((^uic. 
de  Valeiud.  conserv.);  d'ailleurs,  citons  à  ce 
sujet  une  remarque  de  Hugues  de  Sainl-Vi«> 
tor  :  «  C'est  le  démon  nui  devient  notre  mé* 
dedn;  il  alloue  la  faiblesse  de  notre  tempé^ 
rament,  il  énumère  toutes  les  infirmités  oui 
résulteront  pour  nous  de  l'observation  des 
préceptes  de  la  religion.  Mais  dans  quel  but? 
ce  n'est  pas  pour  nous  guérir,  mais  afin  de 
pouvoir  nous  tuer  ;  ce  n'est  pas  pour  porter 
remdde  è  nos  souffrances,  mais  afin  de  nous 
frapper  plus  sûrement  d'un  coup  mortel.» 
(L.  I,  De  elaue.  an.,  c.  2.}  Assurément  le  vé^ 
ritable  repos  s'obtient ,  non  en  satisfaisant 
ses  passions,  mais  en  les  surmontant  et  en 
faisant  abn^tion  de  soi-même,  selon  la 
promesse  de  Jésos-Christ  :  //  recevra  le  cenr 
tupleet  poêeédera  la  vie  éiemelle.  {Maiih. 
XIX,  29.) 

Prâtiqcb.— I.  A  l'égard  des  pénitences  et 
des  macérations  corporelles,  le  directeur  ne 
doit  les  permettre  qu'avec  prudence.  Cepen- 
dant il  nefautpasqiril  les  refuse  entièrement, 
moins  encore  qu'il  s'j  montre  systématique^ 
ment  opposé,  ainsi  nue  plusieurs  directeurs 
le  font.  On  voit  quelquefois  des  pères  spiri- 
tuels de  religieuses  qui  ne  leur  permettent 
jamais  aucune  macération  corporelle,  bien 
que  leur  règle  ne  soit  pas  d'une  telle  austé- 
rité qu'on  n'^  puisse  ajouter  quelque  œuvre 
de  mortification.  D'où  il  arrive  que,  malgré 
leurs  désirs  de  chAtier  leur  corps,  elles  n  o- 
sent  plus  en  demander  la  permission,  sa- 
ehant  <jne  toute  demande  de  leur  part  en 
serait  inutile.  Pour  nous,  nous  ne  compre- 
nons pas  de  quel  droit  un  directeur  peut 
ainsi  priver  les  Ames  qui  lui  sont  confiées 
d'un  moyen  de  perfection  si  profitable  et  si 
familier  aux  saints,  d'où  elles  pourraient 
tirer  tant  de  fruit.  Nous  le  comprenons 
moins  encore  s'il  s'agit  de  personnes  à  la 
fleur  de  la  jeunesse  ;  car  alors,  à  raison  de 
la  vivacité  des  esprits  et  de  la  chaleur  du 
sang,  les  macérations  corporelles  sont  sou- 
vent d'un  besoin  extrême.  On  veut,  dit-on, 
ménager  la  santé  :  ce  soin  est  louable,  mais 
il  faut  en  conclure  seulement  que  ces  sortes 
de  pénitences  doivent  être  refusées  aux  per- 
sonnes de  mauvaise  santé  ou  de  tempéra- 
ment bible,  et  non  pas  k  celles  qui  jouissent 
d'une  santé  florissante  et  vigoureuse.  On  dit 
encore  que  l'on  a  plus  à  cœur  les  vertu 
intérieures  et  l'exacte  observance  des  règles. 


en  quoi  consiste  l'essence  ue  la  perrection 
religieuse ,  et  que  l'on  lait  peu  de  cas  de 
ces  sortes  de  choses  extérieures,  sans  les- 

Sueltes  une  religieuse  neut  être  saiate. 
ous  ne  nions  pas  que  la  perfection,  soit 
religieuse,  soit  chrétienne,  consiste  princi- 
palement dans  les  vertus  intérieures.  Hais 
qu'on  prenne  garde  de  tomber  ici  dans  Ter- 
reur. Pour  arriver  à  cette  perfection,  la 
mortification  delà  chair  et  des  sens  extérieurs 
est  nécessaire,  parce  que,  si  le  corps  n'e^C 
réduit  en  servitude,  l'esprit  ne  sera  plus  le 
maître  et  ne  pourra  exercer  en  paix  les 
vertus  dont  le  airecteur  a  raison  de  faire  un 
tel  cas,  d'autant  plus  que,  laute  de  ces  ma- 
cérations, l'Ame  se  pnve  des  secours  plus 
efficnces  et  de  la  grAce  plus  abondante 
qu'elle  aurait  obtenus  de  Dieu,  par  la  mor* 
tification,  pour  la  pratique  des  vertus  inté- 
rieures. 

En  un  mot,  que  le  directeur  se  rappelle 
.  ce  que  dit  à  ce  sujet  saint  Croire  de  Na- 
zianze,  à  savoir,  que  traiter  mollement  sou 
corps,  c'est  jeter  de  rhuile  sur  le  feu,  c'est 
nourrir  avec  soin  une  bète  féroce  et  cruelle. 
(Orat.  kk.)  C'est  pourquoi  s'il  veut  voir 
dans  ses  pénitents  un  esprit  vigoureux, 
qu'il  sache  briser  la  force  exubérante  du 
corps  par  l'exercice  d'une  macération  mo- 
dérée. 

U.  Or,  pour  que  le  directeur,  à  l'égard  de 
ces  œuvres  de  |>énilenee,  se  tienne  ddns  les 
l)omes  d'une  sage  modération,  il  doit  iaire 
attention  h  deux  choses:  1*  à  la  qualité  des 
personnes,  et  2*  à  la  qualité  et  au  nombre 
des  macérations  qu'il  prescrit.  Quant  A  Té^at 
des  personnes,  il  est  certain  que  les  jeunes 
gens  d'nn  Age  encore  tendre,  ainsi  que  les 
vieillards  d'un  Age  fort  avancé ,  sont  bien 
peu  capables  de  ces  sortes  de  pénitences, 
puisque  leurs  forces  ont  plus  besoin  d'être 
augmentées  que  d'être  affaiblies.  Cependant 
on  doit  les  permettre  aux  jeunes  gens  et  aux 
jeunes  personnes  comme  un  moyen  avanta- 
geux contre  la  trop  grande  vivacité  des  es- 
prits et  contre  la  cnaleur  excessive  du  sang, 
et  il  faut  leur  en  permettre  un  pFus  fré- 

auent  usage  qu'aux  personnes  mariées, 
fuant  aux  religieuses,  le  directeur  doit 
leur  en  permettre  davantage  encore;  car 
comme  elles  sont  plus  strictement  obligées 
de  tendre  A  la  perfection,  elles  sont  plus 
tenues  aussi  de  se  servir  de  ce  moyen 
si  propre  A  les  y  faire  parvenir.  Cependant 
il  est  nécessaire  d'avoir  toujours  égird  A  la 
santé  et  A  la  force  du  corps,  afin  de  se  mon- 
trer plus  ou  moins  facile,  selon  le  plus  ou 
le  moins  de  force.  Pour  ce  qui  concerne  la 
qualité  des  œuvres  de  pénitence,  nous  pen- 
sons que  la  discipline  (ou  flagellation)  prise 
avec  modération,  ne  peut  nuire  A  la  santé, 
p^rce  que  la  douleur  qu'elle  procure  n'affecte 
que  l'extérieur  du  système  cutané  et  dispa- 
raît presc^ue  aussitAt  que  les  coups,  surtout 
si  la  discipline  se  fait,  non  pas  sur  le  dos, 
mais  sur  les  autres  parties  moins  rappro- 
chées de  l'estomac  ;  car,  de  cette  manière,  il 
y  a  moindre  dissipation  des  esprits  animaux 
nécessaires  A  la  digestion  des  aliments. 


liUt 


MOR 


DICTIONNAIRE 


MOR 


m 


D*ai Meurs,  co  çonre  de  péDîtence  est  très- 
propre  à  mortifier  la  chair  par  le  senti mt^nl 
de  douleur  qui  est  diamétralement  opposé 
aux  brûlants  désirs  do  la  concupiscence,  et 
en  même  temps  il  contribue  puissamment  à 
exciter  la  dévotion.  C'est  pourquoi  le  direc- 
teur peut  permettre  pluâ  facilement  ce  genre 
de  mortification,  non  pas  cependant  au  point 
que  la  discipline  aille  jusqu'au  sang,  et  cela 
pour  deux  raisons  :  premièrement ,  parce 
que  le  corps  j^eut  très-bien  être  ch&tiésans 
aucune  effusion  de  sang  (ce  qui,  du  reste, 
est  fort  souvent  nuisible  a  la  santé);  secon- 
dement, parce  que  c*est  un  moyen  démettre 
obstacle  a  un  sentiment  de  vanité,  qui  s'é- 
lève si  facilement  dans  l'esprit  de  quelques- 
uns  par  suite  de  CCS  disciplines  sanglantes, 
au  point  que  quelquefois  ils  sMmaginent 
avoir  fait  une  chose  héroïque,  et  se  croient 
élevés  jusque  dans  les  nues*  —  Le  cilice  de 
fer  est  ordinairement  moins  nuisible  que 
celui  de  crins,  qui,  privant  le  corps  decna- 
leur,  affaiblit  l'estomac.  Le  directeur  doit 
donc  conseiller  Tusage  du  premier  plutôt 
que  du  second.  Hais  il  no  doit  pas  permet- 
tre aux  nersonnes  de  faible  poitrine  ou  de 
santé  délicate,  de  l'appliquer  sur  les  reins, 
mais  seulement  sur  les  bras  ou  ailleurs. 
Du  reste,  pour  savoir  combien  de  temps  ou 
combien  de  fois  il  faut  faire.usage  de  ces 
instruments  de  pénitence,  il  est  nécessaire 
de  consulter  avec  soin  les  forces  du  corps 
et  la  ferveur  du  cœur  de  chaque  pénitent. 
Cependant,  il  est  bon  de  remarquer  qu'il  ne 
faut  pas  en  permettre  l'usage  la  nuit,  de  peur 

3ue  le  sommeil  n'en  soit  troublé  ;  ûi  immé- 
iatement  après  les  repas,  dans  la  crainte 
d'empêcher  la  digestion.  Le  temps  le  plus 
favorable,  c'est  le  matin,  pendant  un  temps 
proportionné  à  l'état  du  pénitent.—  On  peut 

[)ermcttre  aux  personnes  d'une  santé  ro* 
)usle  de  dormir  sur  des  planches  nues,  ou 
sur  de  simples  paillasses,  si  elles  sont  d'une 
santé  moins  forte;  et  cela  plus  ou  moins 
selon  les  forces  de  chacun,  selon  que  le 
sommeil' est  plus  ou  moins  profond,  selon 
qu'il  est  plus  ou  moins  facile  de  s'endormir 
et  de  continuer  son  sommeil,  au  milieu  de 
ces  œuvres  de  macération.  Il  est  bon  cepen- 
dant de  remarquer  qu'il  ne  faut  point  mor* 
tifier  ainsi  son  sommeil  sans  être  muni  de 
bonnes  cquverlurus,  de  peur  quele  corps  ne 
soit  privé  de  la  transpiration  nécessaire. 
Mais  on  rie  doit  permettre  à  personne  de 
dormir  sur  la  icrre  nue,  parce  que  le  froid 
1 1  les  exhalaisons  humides  de  la  terre  peu- 
vent être  excessivement  nuisibles  à  la  santé 
du  corps.  Il  faut  aussi  ne  permettre  qu'avec 
une  extrême  prudence  de  passer  Içs  nuits  en 
veilles,  puisqu'il  est  d'expérience  que  ceux 
qui  veillent  toute  la  nuit  sont  peu  disposés 
aux  travaux  du  jour.  Il  est  bien  vrai  que 
quelques  saints  passaient  les  nuits  sans  dor- 
mir, ou  n'accordaient  à  leurs  yeux  qu'un 
très-court  instant  de  repos.  Mais  cela  n  avait 
point  lieu  sans 'une  grAce  particulière  et 
spéciale,  de  la  divine  Providence,  qui,  ea 
exigeant  d'eux  de  telles  austérités,  les  con- 
servait sans  qu'ils  eus^nt  besoin  de  se  dé- 


lasser par  le  sommeil.  En  outre,  il  faut 
observer  que  pour  ces  saintes  Ames  le  som- 
meil qu'elles  perdaient  ainsi  en  veitlaut, 
était  compensé  par  Dieu  même,  qui  les  tenait 
abso(bées  toute  la  nuit,  le  plus  souvent, 
dans  de  sublimes  contemplations,  et  qai  par 
là,  remplissant  leur  esprit  de  douceurs  inef- 
fables, soutenait  aussi  leur  corps  et  Tempe- 
chait  de  succomber  à  de  si  accablautes 
fatigues.  Quant  à  ceux  à  qui  Dieu  n'accorde 
pas  de  telles  faveurs,  et  qui  ne  peuTeni  sq 
promettre  des  secours  aussi  puissants,  ils 
doivent  se  contenter  de  conserver,  par  on 
repos  convenable,  leur  corps  en  état  do  rem- 
plir l^urs  devoirs  pendant  le  jour;  et  il  leur 
suffira  de  se  mortifier,  en  retranchant  î  leurs 
yeux  une  certaine  partie  de  leur  sommeil, 
parce  que  la  prolongation  du  sommeil  n  e&l 
pas  nécessaire  pour  la  vie,  ni  pour  l'aptitude 
au  travail,  mais  n*A  d'autre  résultat  que  la 
satisfaction  des  sens  extérieurs.  Il  faut  enCn 
rappeler  aux  pénitents  qu'ils  doivent  accor- 
der à  leur  corps  ce  repos  modéré  et  eonTe- 
nable,  non  pas  pour  le  goût,  pour  Je  plaisir 
qu'ils  Y  trouvent,  mais  uaiquemeot  par  M)u* 
mission  à  la  volonté  divine,  qui  en  a  disposé 
ainsi,  et  dans  la  pensée  de  se  rendre  plas 
propres  au  service  de  Dieu. 

111.  Les  règles  que  nous  venons  de  tracer 
servent  à  la  direction  ordinaire  des  Ames; 
mais  pour  les  cas  extraordinaires  qui  peu- 
vent se  présenter,  ces  règles  souffrent  ei- 
ception.  Dans  tous  les  siècles,  Dieu  a  orné 
son  Eglise  de  certaines  âmes  qu'il  a  voulu 
faire  briUer  par  des  œuvres  de  pénitence 
d'une  rigueur  toute  particulière;  cW-è-dire 
qu'il  a  voulu  sanctiher,  par  une  pénitence 
au-dessus  des  lorces  humaines,  ainsi  que 
nous  pouvons  le  voir  avec  admiration  à 
chaque  page  des  annales  ecclésiastiques.  Et 
il  ne  parait  pas  vraisemblable  que  maintenant 
il  ne  se  rencontre  plus  de  ces  Ames  que 
Dieu  veut  élever  à  la  perfection  par  ces  voies 
extraordinaires.  C'est  pourquoi,  si  quelque 
personne  de  cette  sorte  se  présentait  aui 
pieds  du  directeur,  il  ne  serait  point  libre 
de  la  détourner  de  cette  voie,  par  laquelle 
Dieu  rappelle  à  la  perfectioB.  Car  nous  ne 
sommes  pas  proprement   les  maîtres  des 
Ames  ;  Dieu  seul  en  est  le  maître;  et  nous 
ne  sommes,  nous,  que  les  ministres  de  ce 
grand  Maître,  sous  la  conduite  duquel  nous 
devons  chercher  constamment  à  faire  mar- 
cher nos  pénitents  avec  fidélité  sur  ses  (raies 
divines.  Mais  voilà,  dira-t-on,  où  est  le  tra- 
vail, où  est  la  difficulté  :  de  connaître  là 
volonté  de  Dieu  sur  un  point  qui  se^^ 
en  dehors  de  Tordre  accoutumé,  et  qaii  ^n 
même  temps,  si  nous  nous  trompoofl,  peut 
être  une  source  de  graves  préiudices^t 
pQUr  la  santé  du  corps  et  pour  les  nmgrès 
de  TAme.  Quoi  qu'il  en  sou,  il  ne  faut  («s 
perdre  courage:  car  celui  qui  agira  con^o^ 
mément  aux  règles  de  la  prudence  et  ^^ 
un  sage  discernement,  qu'il  faut  dofnBOdef 
constamment  à  Dieu,  parviendra  à  obw^ 
sur  la  volonté  de  Dieu  une  conoaissanee  de 
certitude  morale.   Or  il  y  a  deux  règles  > 
suivre  ici.  Premièrement,  le  directeur  uoit 


If« 


D'AMJ^riblIK. 


IIOK 


It05 


considérer  si  600  péoileo*  est  poussé  par  de 
fortes  inspirations  k  des  austérités  graves. 
Mais  cela  ne  suffit  pas  encore,  parce  que  le 
démon  pent  très-bien  se  transformer  en  ange 
de  lumière  et  inspirer  de  Tîolents  désirs  de 
pératenee,  <^ans  le  but  non-seulement  de 
latiguer  et  d*aflaiblir  le  corps,  mais  aussi 
de  rendre  l'esprit  incapable  de  se  livrer  aui 
œuvres  de  la  perfection.  Il  est  donc  néces- 
saire, en  second  lieu,  de  sonder  peu  à  peu 
la  terrain,  en  sorte  qtt*en  permettant  an  pé- 
oiteBt  plusieurs  mortifications  considérables, 
on  fasse  en  même  temps  attention  k  la  ma- 
nière dont  il  supporte  le  poids  de  ces  macé- 
rations. Si  le  directeur  s*aperçoit  que  ces 
pénitences,  au  lieu  de  détériorer  la  santé, 
ta  fortifient,  comme  il  arriva  aux  trois  en- 
fants hébreux  è  Babjlone,  qui,  ne  se  nour- 
rissant que  de  légumes  et  ne  buvant  que  de 
Tean,  parurent  cependant  d'une  sanle  plus 
robuste  et  plus  fleurie  que  les  jeunes  gens 
qui  étaient  nourris  des  mets  de  la  table  du 
roi  ;  si  surtout,  ainsi  que  cela  a  lieu  quel- 
quefois, il  remarque  que  telle  personne,  en 
renonçant  aux  austérités,  en  éprouve  un 
aOaiblissement,  une  détérioration  dans  sa 
santé,  c*est  là  une  marque  que  Dieu  veut  la 
co  duira  par  la  voie  épineuse  de  la  mortifi- 
eaiioi,  puisque,  d'un  c6té,  il  fait  connaître 
sa  volonté  à  cet  égard  par  des  inspirations 
intérieures,  et  que,  de  1  autre,  il  la  lui  ma- 
nifeste davantage  encore  par  ce  secours  spé- 
cial, qui  la  soutient  et  Tempèche  de  succom- 
ber sous  le  poids  des  austérités.  Si  Dieu  taii 
connaIt"e  sa  volonté  par  des  signes  mani- 
festes, le  directeur  pourra  agir  arec  plus  de 
sécurité  encore,  et  se  montrer  plus  facile 
pour  accorder  Tusage  de  ces  sortes  de  péni- 
tences, auxquelles  l'âme  se  sent  poussée  par 
l'Esprit-Saint.  Cependant,  même  dans  ce 
cas,  il  ne  faut  pas  permettre  au  pénitent  de 
se  livrer  h  aucun  acte  de  mortification,  de 
son  propre  mouvement  et  sans  y  être  spé- 
cialf*ment  autorisé:  car,  de  cette  manière, 
l'esprit  sera  maintenu  dans  la  soumission,  en 
même  temps  que  le  corps.  Mais  si,  par  la 
suite,  on  s'apercevait  que  les  forces  s'altèrent 
considérablement  ou  nue  la  santé  se  déié- 
riore,  il  faudrait  sur-le-champ  retirer  les 
permissions  que  l'on  a  accordées,  dans  la 
crainte  que  le  mal  ne  prenne  de  l'aocroisse- 
ment  el  ne  rende,  k  la  fin,  le  pénitent  inca- 
pable des  exercices  de  la  rie  spirituelle. 

IV.  Le  directeur  remarquera  surtout  que 
ces  sortes  de  macérati<Mis  doivent  être  ac- 
compagnées de  l'esprit  intérieur ,  autrement 
elles  seraient  fbrt  nuisibles  au  corps  et  peu 
Dttles  à  rame  ;  bien  plus,  si  une  vaine  com- 
iriaisance,  une  bonne  estime  de  soi-même 
les  acoompagoe,  elles  seront  plutôt  nuisibles 
qn  utiles.  (Tesi  pourquoi  le  directeur  fera 
enfendre  à  %es  pénitents  qu'ils  doivent  se 
livrer  aux  macérations  corporelles  avec  une 
intention  droite,  et  dans  un  esprit  de  dou- 
leur intérieure  el  d'humilité  vénlable.  Quant 
à  ce  qui  regarde  la  pureté  d'intention,  on  ne 
doit  se  proposer,  dans  les  œuvres  de  péni- 
tence, d  autre  but  que  de  soumettre  la  chair 
k  Vesprilf  de  satiaaice  pour  ses  propres 


péchés,  de  plaire  k  Dieu  et  d'obtenir  de  lu! 
dos  secours  abondants  pour  corriger  sçs 
défauts  et  acquérir  les  vertus  solides.  Pour 
exciter  la  douJenr  intérieure,  il  faut,  avant 
de  mettre  la  main  aux  œuvres  de  mortifica- 
tion, se  remettre  sous  les  yeux  ses  péchés 
présents  et  nasses,  en  concevoir  une  vive 
douleur  au  fond  de  l'âme,  et  s'animer  k  un 
saint  zèle  pour  satisfaire  k  Dieu ,  autant 
qu'il  est  en  nous,  par  nos  macérations.  Pour 
obtenir  l'bomiiité  du  cœur,  nous  devons 
unir  nos  pénitences  aux  douleurs  et  au  sang 
précieux  du  Sauveur,  et  nous  bien  con- 
vaincre que,  d'elles-mêmes,  nos  mortifica- 
tions n'ont  aucune  valeur,  et  qu  il  faut  en 
rapporter,  non-seulement  tout  le  prix, 
mais  encore  l'honneur  qui  en  découle,  aux 
mérites  infinis  de  Jésus*  Christ.  De  cette 
manière  nous  offrirons  k  Dieu,  sur  l'autel 
de  la  pénitencCf  le  sacrifice  parfait  de  nos 
corps. 

V.  Le  directeur  ne  doit  pas  facilement 
permettre  aux  jeunes  gens  ni  aux  jeunes 
filles  de  jeûner  souvent,  et  beaucoup  moins 
encore  au  pain  et  k  Teau ,  puisqu'une  nour- 
riture modérée  est  le  fondement  de  la  vie 
humaine,  forme  les  esprits  vitaux,  fortifie  le 
corps  et  entretient  la  santé.  Ce  qu'il  faut 
exiger  avec  soin  des  pénitents,  c'est  que.  pre- 
nant une  nourriture  suffisante,  ils  se  morti- 
fient dans  mille  choses  agréables  au  pnlais 
sans  être  nécessaires  k  la  conservation  de  la 
santé;  c'est  qu'ils  se  contentent  de  peu; 
qu'ils  prennent  leur  nourriture  avec  une  fin 
droite,  ne  s'altachant  point  dans  cet  acte  au 
plaisir  naturel  qui  l'accompagne,  et  surtout 
se  gardant  de  se  plaindre  si  les  mets  sont 
sans  saveur,  désaçréables  au  goût  et  mal 
préparés;  comme  do  les  louer,  d'j  prendre 
visiblement  plaisir,  s'ils  sont  exquis  et  bion 
préparés;  en  un  mot,  mangeant  ce  qui  leur 
est  présenté,  sans  en  faire  l'éloge  ni  s'en 
plaindre  :  car  rien  ne  montre  mieux  le  dé- 
tachement de  l'flme  pour  le  plaisir  naturel 
du  manger,  que  l'inuifférence  avec  laquelle 
on  prend  les  aliments,  bons  ou  mauvais.  Le 
directeur  s'efforcera  donc  d'inspirer  k  ses 
pénitents  l'amour  et  la  pratique  cfe  la  sobrié- 
té. S'il  y  parvient,  qu'il  soit  convaincu 
qu'elle  suffit  pour  contenir  dans  la  modéra- 
tion le  sens  du  goût  et  la  passion  de  la  gour- 
mandise; mais  pour  y  parvenir,  il  lui  fau- 
dra des  efforts  et  des  soins,  parce  ^u'il  peut 
obtenir  plus  facilement  de  ses  pénitents  des 
jeûnes  Iréqnents  qu*une  tempérance  régu- 
lière et  parfaite* 

VI.  Le  directeurdoit  encore  accorder  plus 
difficilement  de  jeûner  k  ceux  qui  ont  une 
table  commune  avec  d'autres,  comme  sout 
les  religieux  et  les  religieuses,  tant  parce 
que  des  jeûnes  particuliers,  dans  cette  cir- 
constance, exposent  au  danger  de  la  vaine 
complaisance,  que  parce  qu'ils  peuvent  être 
pour  les  autres  qui  en  sont  témoins  la 
source  de  vains  propos  et  de  censures.  Voici 
comme  s'exprime  saint  Bernard  au  sujet  do 
celui  qui  jeûne  dans  ces  circonstances  :  «  Il 
se  c-omplait  plus  dans  un  jeûne  qu'il  fai* 
lorsque  les  autres  mangent,  que  de  se|>t 


1197 


HÛR 


MCnOiNNAmE 


MOR 


tlOI 


jours  de  jeûne  avec  les  autres.  »  {De  grad. 
nwn,^  5  )  L'homme  qui  veut  se  priver  de 
nourriture  par  pénitence,  s'H  y  est  porté  par 
Tesprit  de  Dieu,  trouvera  bien  les  mojens  de 
mortifier  la  gourmandise  sans  qae  ses  com- 

fmgnons  de  table  s*ea  aperçoivent,  puisque 
'esprit  de  Dieu  sait  inspirer  à  Time  une 
pieuse  précaution  et  une  sainte  adresse  pour 
cacher  s%%  bonnes  œuvres.  Aussi  saint  Jean 
Climaqne»  parlant  d'un  moine  nommé  Da- 
niel, (lisait  à  son  éloge  :  c  A  table»  il  ne  re- 
jetait rien  de  ce  qui  n'était  pas  contre  les 
règles  et  Tinstitut  de  la  vie  religieuse;  mais 
il  mangeait  si  peu  et  avec  une  telle  sobriété, 
qu'il  paraissait  plutôt  goûter  les  mets  que 
les  manger.  Et  ainsi ,  brisant  la  tète  de  l'or- 
gueil, il  sut,  en  même  temps  par  sa  sobriété 
et  en  se  contentant  de  peu  dans  ses  deux  re- 
pas, dompter  la  tyranniquo  volupté,  souvent 
si  pernicieuse  pour  un  grand  nombre.  »  (fft- 
bli^th.  vit.  Pair.)  Par  la  le  directeur  corn- 
pr  ndra  que  l'homme  qui  vit  en  commu* 
nadté  doit  suivre  h  la  vérité  les  règles  d'une 
exacte  et  sévère  tempérance,  et  même  faire 
dans  ses  repas  quelque  morlifleation ,  de 
manière  cependant  h  ne  pas  le  laisser  aper- 
cevoir parles  autres.  Toutefois  nous  ne  vou- 
lons pas  dire  qu'il  soit  défendu  de  permettre 
h  quelqu'un  un  jeûne  plus  rigoureux,  sur- 
tout dans  les  temps  consacrés  au  jeûne  et  à 
l'occasion  de  la  vigile  d'un  saint  patron. 
Mais  avant  d'accorder  cette  permission,  le 
directeur  fera  bien  d'examiner  si  cette  per- 
sonne s'expose  par  cette  mortification  cor- 
porelle au  danger  de  la  vaine  complaisance  : 
car  dans  ce  cis,  il  en  résulterait  plus  de 
dommage  que  de  profit. 

VU.  Le  directeur  ne  doit  pas  non  plus  ou- 
blier que  certaines  femmes,  et  même  quel- 
ques hommes  simples,  font  consister  toute 
leur  perfection  dans  les  jeûnes  et  dans  la 
nxortificalion  do  lappélit,  et  s'imaginent 
ainsi  avoir  tout  fait,  bien  que  d'ailleurs  ils 
soient  pleins  de  colère,  d'impatience,  d'or- 
gueil, et  sans  charité:  Il  faut  leur  dire  fran- 
chement qu'ils  se  trompent  énormément,  et 
qu'ils  sont  dans  une  profonde  illusion  sur 
la  véritable  vie  spirituelle.  11  peut  même  ar- 
river que  le  démon  les  excite  lui-même  h 
jeûner,  afin  de  les  tenir  ainsi  dans  l'illusion 
et  l'erreur.  «  A  quoi  sert,  dit  saint  Jérôme, 
de  fatiguer  son  corps  par  le  Ijeûne,  si  l'es- 
prit est  enflé  d'orgueir?Quel  mérite  aurons- 
nous  de  pâlir  dans  les  jeûnes,  si  nous  por- 
tons aussi  sur  notre  visage  la  pAleur  de  l'en- 
vie? Quelle  vertu  y  a-t-il  de  ne  pas  boire  de 
vin,  si  tu  t'enivres  de  haine  et  de  vengeance? 
Oui,  il  est  beau  de  jeûner,  il  est  louable  de 
mortifier  son  corps,  lorsqu'en  même  temps 
l'âme  jeûne  en  s'abstenant  de  pécher.  » 
{Epist.  ad  Celant.) 

VIIL  L'odorat,  il  est  vrai,  est  fe  sens  le 
moins  nuisible  et  le  moins  contraire  à  la 
perfection ,  parce  qu'étant  le  plus  faible  de 
tous  les  sens,  il  a  moins  de  force  pour  nous 
nuire.  Cepem\int  ce  sens  peut  être  aussi 
nuisible  à  l'esprit,  si  une  personne  pieuse 
recherche  les  odeurs  agréables,  et  s'en  pro- 
cure la  jouissance  par  les  fleurs,  les  parfums, 


les  pastilles  odoriférantes,  etc.;  si  elle  en 
porte  sur  elle,  en  fait  parfumer  ses  »ppart^ 
menis,  et  aime  à  en  savourer  les  flatteuses 
émanations,  puisqu'il  est  manifeste  que 
toute  délectation  sensible,  cherchée  pour  le 

Slaisir  seul  des  sens,  est  illicite  et  coopaUe. 
fne  telle  mollesse  ne  sied  même  pas  aoi 
personnes  du  monde;  et  celui  qui  s  y  laisse 
entraîner  avec  une  recherche  démesurée, 
déplaît  tellement  à  Dieu,  que  plus  d*uDe 
fois  il  a  montré  par  des  châtiments  terribles 
combien  ses  yeux  en  sont  offensés.  L'homme 
vraiment  pieux  ne  doit  pas  se  conteoterde 
refuser  k  l^odorat  le  plaisir  de  ses  parfums; 
mais  s'il  aime  la  morlifleation  des  sens,  qui 
sied  si  bien  aux  vrais  serviteurs  de  Dieu,  il 
convient  encore  qu'il  s'attache  kse  morliCer 
même  par  des  odeurs  désagréables,  au  meins 
k  supporter  de  bon  cœur  celles  qui  se  pré* 
sentent,  k  l'occasion  du  lieu  qu'il  habile,  oa 
des  personnes  avec  lesquelles  il  vit;  et  cela 
surtout,  lorsque  la  chanté  chrétienne Teiige 
de  lui  et  lui  fait  un  devoir  de  porter  des  se- 
cours aux  malades  dans  les  hôpitaux  ou  dans 
leurs  maisons.  En  ces  sortes  de  cas,  il  faut 
imiter  les  saints,  qui,  animés  de  eet  esprk 
de  charité  et  de  morlifleation,  se  phisaienl 
au  sein  des  odeurs  fétides  exhalées  par  les 
malades,  comme  s'ils  s'étaient  trouvés  dans 
un  jardin  tout  parfumé  de  suaves  odeurs. 

IX.  Quant  à  ce  qui  eoneerne  la  langue  et 
la  démangeaison  de  parler,  le  directeur  doit 
veiller  d'une  manière  papticalière  sur  les 
femmes,  attendu  que,  par  suite  de  leurpro- 
pension  naturelle  a  s'y  laisser  entraîner,  el* 
les  mettent  un  grand  obstacle  à  leur  propre 
perfection.  Car  comme  en  elles  la  raisoB 
est  plus  faible,  et  l'imagination  plus  Tiire, 
leurs  entretiens,  où  l'imagination  domine 
plus  que  la  raison,  sont  d'ordinaire  impar- 
faits et  coupables.  Ohl  que  de*  femmes  il  y 
a  dans  l'univers  chrétien,  qui  seraient  des 
saintes  si  elles  n'avaient  pas  de  langue!  Mais 
parce  que  du  matin  au  soir  elles  abuseoide 
cette  faculté,  elles  apportent  h  leur  perfec- 
tion un  grand  obstacle,  et  souvent  même 
perdent  leur  salut  éternel.  Si  donc  le  direc- 
teur a  des  femmes  à  conduire  dans  les  voies 
spirituelles,  il  doit  les  faire  veiller  pariico; 
lièrement  k  la  carde  de  leur  langue,  leur 
montrer  la  gravité  des  fautes  commises  par 
la  langue,  tes  en.  reprendre  souvent  et  leur 
suggérer  des  moyens  propres  k  les  en  cor- 
riger. Le  directeur  aura  uonc  soin  d'exami- 
ner dans  quel  défaut  de  la  langue  son  p^m- 
tenl  tombe  plus  souvent.  Si  celui-ci  est  «; 
coutume  k  1  exercice  de  la  méditation,  il  m^ 
enjoindra  de' consacrer  une  partie  de  same- 
di tntion  à  la  considération  de  ce  défaol,aun 
qu'il  prenne  une  généreuse  résolution  de 
s'en  corriger,  et  devienne  un  gardien  soi- 
gneux et  vigilant  de  lui-môme.  Mais  si  k 
pénitent  n'est  point  exercé. k  la  roédilalion, 
il  lui  prescrira  de  prendre  chaaue  jeur  dans 
sa  prière  vocale  la  ferme  résolutioade  se 
détaire  de  ce  défaut.  Il  faut  auss^i  lui  recom- 
mander avec  soin  de  demander  sans  cesse  <i 
Dieu  la  correction  de  ce  défiiut  dans  ses  pne- 
reç  et  dans  ses  communions.  $i  ie  féniit-» 


llCf 


MOR 


D'ASCBIUME. 


nos 


flM 


retombe  soaTentyil  fiiadra  lui  imposer  auel- 
qaeœuTre  de  roortiflcalion ,  pour  Taioer  k 
se  corriger  plus  efficacement,  comme  le  fai- 
saient les  saints  désireux  de  leurayancemenl 
spirituel.  Un  disciple  de  saint  Aotoioet 
nommé  Paal ,  i  pnr  se  punir  d*un  défaut  de 
hngue,  quoique  non  coupable,  s'interdit  par 
pénitence  l'usage  de  la  parole  pendant  trois 
ans.  Et  saint  Grégoire  ne  Nazianze,  pour  se 
corriger  du  même  défaut,  passa  plusieurs 
fois  quarante  jours  dans  le  jeûne  çt  le  si- 
lence. Nous  ssTons  bien  que  Te  directeur  ne 
peut  ni  ne  doit  infliger  de  telles  pénitences 

Kur  de  tels  défauts;  cependant  rien  ne 
mpAche  d*imposer  d*autres  mortifications 
en  rapport  a?ec  les  forces ,  les  dispositions 
et  la  Tertu  des  pénitents.  Par  exemple ,  de 
leur  prescrire  de  se  retirer  dans  leur  cham- 
bre pendant  une  certaine  heure  du  jour, 
pour  s*7  tenir  dans  le  silence  en  punition  de 
leur  amour  excessif  de  parler;  oy  encore  de 
s'abstenir  de  Tîn  pendant  un  jour  et  de  le 
remplacer  par  quelcpie  boisson  amère;  ou 
enfin  de  demander  nardon  aux  personnes 
blessées  par  ses  paroles,  s*il  a  manqué  à  la 
charité,  etc. 
Quant  au  silence,  le  directeur  doit  exi- 

Ser  rigoureusement  des  religieux  de  l'un  et 
e  l'autre  sçxct  de  le  garder  aussi  stricte- 
ment quie  la  règle  le  lear  prescrit.  Il  doit 
même  les  exhorter  k  demeurer  solitaires 
dans  leurs  cellules»  autant  que  le  leur  per- 
mettent leurs  devoirs  et  leurs  fonctions,  k 
s*jr  liTrer  au  travail  des  mains,  k  des  études 
utiles,  k  la  prière  ou  k  la  lecture  de  livres  de 

fiiété.  Car  il  est  incroyable  combien  le  si- 
r'uce  est  avantageux  k  l'esprit,  combien  il 
le  noarrit  et  le  fait  croître.  Le  défaut  de 
parler  continuellement,  au  contraire^  rem- 
plit l'âme  de  mille  images  de  choses  vaines, 
dissipe  Tesprit ,  met  obstacle  au  recueille- 
ment, rend  Thomme  incapable  de  médjter, 
lui  bit  perdre  le  goût  des  vertus,  et  le  pré- 
cipite dans  une  multitude  de  fautes;,  de 
sorte  que  pçu  k  peu  il  se  voit  dépouillé  de 
tout  le  bien  spintuel  gu'il  avait  acquis,  et 
devient  incapable  de  le  recouvrer.  Aussi 
est-ce  pour  cette  raison  que  les  saints  non- 
senlement  eurent  une  haute  estime  pour  le 
silence,  mais  encore  le  pratiquèrent  avec 
une  telle  sévérité,  que  qudques-uns  d'entre 
eux  paraissent  être,  tombes  dans  l'excès 
opMsé.  Saint  RomqaM,  vivant  dans  la  soli- 
tude de  la  vie  la  plus  austère,  passa  sept  ans 
sans  jamais  parler  k  personne,  au  témoi- 
gnage de  saint  Pierre  Damien.  Saint  Jean, 
que  son  silence  a  fait  surnommer  le  Silem^ 
cieuxj  passa  quarante-sept  ans  dans  un 
silence  continuel  et  rigoureux,  et  ainsi  de 

aueloues  autres.  Nous  ne  rapportons  point 
a  tels  exemples,  dans  1^  pensée  de  les  pro« 
poser  k  l'imitation  ;  nous  savons  que  les  re- 
ligieux des  deux  sexes  ont  l>esoip  de  parler, 
lorsque  leurs  fonctions  le  demandent,  ou 
lors^iue  la  charité  k  l'égard  du  prochain 
Texige,  ou  bien  lorsque  la  règle  le  permet 
ou  l'ordonne  pour  an  honnête  délassement. 
Ce  que  nous  voulons  dire,  c'est  que*  s"i\s 
aspirent  k  la  perfection  qui  sied  si  bien  k 


leur  état,  ils  doiveni  aimer  la  retraite,  la 
cellule,  le  silence  et  la  solitude.  Que  le  di* 
recteur  surtout  prenne  garde  de  lavoriser 
le  penchant  des  religieuses  k  parler,  sous 
le  prétexte  de  les  conserver  dans  la  paix  et 
le  contentement,  comme  le  font  plusieurs 
en  leur  disant  qu'elles  peuvent  parler  entre 
elles,  tant  qu'elles  voudront,  qu'en  cela  il 
n'y  a  pas  de  mal.  Il  est  bien  vrai  que  dans 
ces  entretiens  non  interrompus  du  matin  an 
soir  entre  les  religieuses  ne  se  trouve  pas 
le  mal  déplorable  qui  résulterait,  si  ces  en- 
tretiens avaient  lieu  k  la  grille  avec  les  gens 
du  monde  ;  mais  cependant  c'est  encore  Ik 
un  grand  mal,  puisqu'il  en  provient  une 

Bande  dissipation  pour  l'esprit,  une  gracde 
>erié  pour  les  petites  passions  et  un  grand 
amas  de  déiSoiuts.  Prétendre  contenter  ainsi 

iwr  cette  permission  de  toujours  parler»  une 
emme  renfermée  dans  des  murs  resserrés, 
c'est  évidemment  se  tromper.  II  n'j  a  que 
Dieu  qui  puisse  rassasier  et  contenter  leurs 
coeurs  par  l'infusion  de  la  paix,  de  la  tran- 
quillité intérieure  que  produit  la  grice  :  or 
on  ne  trouve  point  Dieu  au  milieu  des  amu- 
sements et  ues  entretiens  frivoles,  mais 
bien  dans  le  silence  et  dans  la  solitude. 

Pour  ce  qui  concerne  les  personnes  du 
monde,  leur  silence  doit  être  en  rapport 
avec  leur  état  et  avec  leurs  devoirs ,  autre- 
ment une  imprudente  tacitumité  pourrait 
avoir  de  graves  inconvénients.  Et  cela  d'au- 
tant plus  que  Dieu  demande  de  chacun 
une  vertu  gui  soit  en  rapport  avec  son  état 

Krticulier.  Cependant  il  est  ceiiaîn  que  les 
oames,  étant  plus  ordinairement  renfer- 
mées chez  elles,  peuvent  se  tenir  dans  la 
solitude  plus  commodément  que  les 
hommes,  qui  sont  souvent  appelés  au  dehors 
par  leurs  aOTaires,  ou  sont  cbez  eux  chargés 
d*occupations.  C*est  pourquoi  le  directeur 
pourra  prescrire  aux  premières  de  se  priver 
de  visiter  leurs  voisines,  de  ne  point  intro- 
duire chez  elles  des  réunions  de  femmes» 
et,  sauf  les  occasions  de  politesse  ou  de 
bienséance,  de  vivre  contentes  au  sein  de 
leur  famille.  Ce  genre  de  silence  sera  excel- 
lent pour  elles  et  les  empêchera  de  tomber 
dans  une  foule  de  péchés  par  paroles.  De 
plus,  si  leurs  occupations  et  les  soins  qu'elles 
doivent  k  leur  famille  leur  permettent  de  se 
retirer  quelques  heures  de  la  journée  dans 
leur  chambre  pour  s'v  livrer  k  leurs  tra- 
vaux, on  fera  bien  ne  leur  conseiller  ce 
genre  de  solitude,  comme  un  moyen  très« 
propre  k  les  tenir  dans  le  recueillement  au 
milieu  même  de  leurs  occupations.  De  cette 
manière  elles  pourront  se  conformer  k  cette 
parole  du  Sauveur:  Cherches  f abord  te 
royaume  de  Dieu  et  $a  justice.  [MoUh.  vt,  33.) 
MOSCHUS  (Jean),  pieux  solitaire  et  prêtre 
du  monastère  de  saint  Tbéodose  k  Jérusa- 
lem, visita  les  monastères  d'Orient  et 
d'^Sypte,  et  alla  k  Rome  avec  Sophrooe,  son 
disciple.  Il  mourut  vers  619. 11  dédia  k  So- 

f^hrone  un  ouvrage  célèbre,  auquel  il  donna 
c  titre  de  Pré  epiriluet^  où  l'on  trouve  les 
sentences  et  les  miracles  des  moines  de 
différents  pays.  Cet  ouvrage,  écrit  en  grec 


Ilit 


MIS 


MCTHHOUIBB 


MTS 


iia 


a  été  traduit  en  français  par  Arnauld  d'An- 

MURAfoftt  (touîis-Ànloine),  prévôt  de 
Bâinte-Marie  dé  Pômposa»  édrivain  célèbre^ 
faaquit  h  Vijgnola  dans  lé  duché  de  Modàne^ 
'en  i6tâ.  Sôû  isavoir  lui  acquit  une  réputa- 
tion européenne.  Ses  <^onnaissatices  étaient 
Îmmenses  :  Jurisprudence,  philosophie,  théo- 
ogie,  poésie»  études  de  ranliaûilé,  hiisfoire» 
il  avait  tout  embrassé»  et  i)  réussit  en  tout. 
Quàrante-six  Volumes  in-fotio  sont  lé  ré- 
sultat de  ^a  Vie  Savante  6t  laborieuse.  Il 
mourut  le  21  janvier  17ti0>  aVéd  le  titre  dé 
bibliothécaire-archiviste  du  dUô  dé  Modène. 
lia  laissé  deux  ouvrages  dô  piété:  1*  Dé 
Paradisô  réjfnigue  cœlesds  gtoria^  etc.;  — 
â^  Della  rigàïata  divoziane  de'  Chrtêtiani,  Il 
y  a  dan^  ces  deux  livres  plus  de  âcience  que 
dé  piété. 

MU2ZARÉLLI  (Alphonse],  théologien  de 
}à  P^nîtéhceriè»  naquit  à  Ferrdre,  en  17W. 
En  iSOd,  il  Suivit  eh  France  le  Pané  Pie  V1I| 
et  eut  sa  part  de  la  persécution.  Il  mourut  & 
f  âris  té  25  in&i  1813.  C'était  un  eéclésiàsli- 
^ùé  savant  et  vertueux»  h  qui  ^a  piété»  son 
zôle.  et  un  heureux  caractère  dvàieAt  valu 
Teistinle  générale.  Ses  oûvi^agesde  piété  sont  i 
1*  Lé  bon  Usage  du  vacances  pout  là  jeunesse 
àtudieuse  ;  —  â*  Le  carnaval  sancti'^i;  — 
3*  L année  de  Marie;  —  k""  La  dévotion  au 
sacré  céur. 

'  MYSTlCISMfi.  —  Nous  montrons  h  Tartî- 
cte  Théologie  MvstiQCB»  la  nature»  Tobjet» 
la  fin  et  les  avantages  du  mysticisme;  aux 
articles  Moines  et  Ascâtes»  son  origine  et 
ses  pratiaues  diverses  :  nous  avons  fait  son 
histoire  dans  notre  discours  prélilninaire; 
qu'il  nous  suffise  d'établir  ici  la  distinction 

Erécise  entre  le  vrai  et  le  faux  mysticisme, 
es  vrais  mystiques,  dit  M.  Gossefin»  ensei- 
fnent  que  l'acte  de  la  contemplation»  c'cst- 
-dire  l'attention  simple  el  amoureuse  à  la 
préseûcede  Dieu  peut  durer  quelque  temps» 
plus  ou  moins»  scion  la  disposition  habi- 
fuelle  de  l'Ame  contemplative»  et  surtout  se- 
lon la  force  de  la  grâce  qui  l'attire  à  la  con- 
templation. Les  faux  mystiques»  non  con- 
tents de  cet  acte  passager»  ont  prétendu 
qu'ait  pouvait  durer  des  années  entières»  et 
même  toute  la  vie,  sans  nul  besoin  de  réité- 
ration, perfection  chimérique  et  incompati- 
ble avec  la  fragilité  de  notre  nature  eu  cette 
vie»  où  il  y  a  tantde  sujets  de  distraction  et 
de  dissipation  (327). 

Les  vrais  mystiques  enseignent  qlie  la 
contemplation,  le  regard  amoureux  de  Dieu» 
étant  un  acte  de  la  pure  charité»  qui  croit 
tout,  qui  espère  tout,  qui  supporte  tout»  qui 
demande  tout»  il  contient  éminemment  tous 
les  actes  de  fa  religion»  sans  pourtant  nous 
décharger  de  l'obTigafion  de  les  produire 
d*une  manière  plus  expresse  au  temps  con- 
venable. Les  faux  mystiques»  au  contraire» 
prétendent»  et  il  suit  évidemment  de  leur 


principe  sur  ja  contemplatîoD  perpétadle  et 
noii  interrompue  des  parfaits  »  que  ceui-ci 
iont  dispenses  de  tous  les  actes  explicites 
distingues  de  Ja  charité»  de  toute  réfleiioa 
âur  eux-mêmes  et  sur  les  vérités  de  la  reli- 
^on;  que»  par  conséquent,  ces  actes  et  ces 
réflexions  ne  sont  que  pour  les  commencaDts 
et  les  imparfaits  (328). 
^  Les  vrais  mystiques  enseignent  (nie  i» 
nlus  parfaite  contemplation  est  celle  qui 
regarde  la  nature  divine  selon  les  notions 
les  plù^  ffénérales  et  les  plus  abstraites, 
comme  celles  d'être»  de  vérité»  de  pe^^e^ 
(ion  ;  perce  que  ces  idées»  étant  plus  iotei- 
leétilelles  'et  ipoins  resserrées»  représenleot 
ùiiéux  lâ  perfection  de  l'Etre  divin»  et  exci- 
tent davantage  Tadmiration  de  Time  con- 
templÀtivex  mais  ils  reconnaissent  en  même 
tembs  que  tout  objet  de  la  foi  peut  être  l'ob- 
jet ae  la  contemplation»  et  que»  dans  la  plos 
parfaite  oraison,  quoiqu'on  ne  peasepas 
directement  a  Jésus-Christ»  ni  aux  attribiaU 
diviùs»  cel  ù'  lieu  que  dans  le  seul  temps 
de  cette  liàaàtère  d'oraison»  et  môme  sans 
exclure  jamais  positivement  et  è  dessein  (es 
idées  particùlièi'és  de  la  foi.  Les  fauxmys- 
tioues»  au  contraire»  semblent  ne  recoo- 
nailre  de  vraie  contemplation  que  celle  qui 
S'attache  à  Dieu  seul.  Bien  plus»  ils  préten- 
dent que  cette  Connaissance  générale  et  in- 
distincte de  Dien  est  la  seule  et  perpétuelle 
èctiotl  du  parfait  contemplatif.  «  Que  ces 
faux  contemplatifs  apprennent  enfin,  dit 
Bossuet»  que  d*établir  des  oraisons»  oii»  par 
état  et  comme  de  profession»  on  cesse  de 

Îenser  &  Jésus-Christ»  à  ses  mystères,  àU 
rtnité»  sous  prétexte  de  se  mieux  perdre 
dans  l'essence  divine»  c'est  une  fausse  piélé 
et  une  illusion  du  malin  esprit  (329).  > 

Dans  le  langage  des  vrais  mystiques,  la 
sainte  indifférence  des  parfaits  et  leureolier 
abandon  au  bon  plaisir  de  Dieu»  au  roitieu 
in&me  des  plus  grandes  épreuves»  consislent 
uniquement  à  ne  rien  désirer  que  pour  ia 

f;loire  de  Dieu»  ôt  par  conformité  è  sa  vo- 
onté  sainte.  Les  faux  mystiques,  aa  con- 
traire, à  force  de  raffiner  et  de  renchérir  sar 
les  expressions  souvent  exagérées  de  quel- 
ques pieux  auteurs,  en  viennent  à  exclure 
absolument  tout  désir  du  salut  et  toute  coo- 
pération de    l'Ame  aux  inspirations  de  la 
grâce  (330).  Il  est  bien  Vrai  que  Tamourde 
Dieu  peut  embraser  une  Ame,  au  poiol  de 
rempecher»  pour  l'ordinaire»  de  penser  àses 
propres  intérêts;  mais  exclure  positiTemest 
de  rétat  des  parfaits  le  désir  et  la  demiiNle 
du  salut  éternel»  et  généralement  tous  les 
actes  explicites  distingués  de  la  cbarité;foire 
profession  de  ne  s'y  exciter  jamais;  les  re- 
pousser même  lorsqu'on  s'y  sent  iutérfenre 
ment  porté  ;  voilà  un  excès  inconnu  à  tous 
les  vrais  mystiques»  contraire  è  tous  les 
principes  de  la  saine  théologie,  et  oarticu- 
lîèrement  au  précepte  qui  oblige  les  plo^ 

(527)  Cr,  bossuET,  EiaU  d'oraison,  lîv.  i ,  n<»  14,  (3i9)  Bossuet,  Ètàt  éTotaiion.  Iîv«  if,  n«^  1 1^* 
ao,  n.  17, 26.                                                          - 

(528)  Cr.  Bôséimr,  Etats  d'oraisùn,  Viv.  ii,  n«'  i  (530)  Cî,  Bos$uet,  Etat d^ordson,  fif  n,  v^» 
•;  Uv.  m,  fi«  f ,  tfic.  ;  liv.  v,  n»"  U  5,. 8,  11.  îit.  x,  rt<»*  17, 18. 


ftll^ 


MYS 


DTAscmnE. 


MTS 


IfU 


parCiiU  aussi  bien  que  les  oommeoçants,  k 
espérer,  k  désirer  el  i  demander  leur  salul 
étemel. 

Les  Trais  mystiques  enseiçient  qne,  parmi 
les  épreuf  es  de  la  Tic  intérienre*  la  partie 
ioféneore  de  Tâme  est  séparée  de  ta  sopé- 
rieoret  en  ee  sens  que  riroagination  et  les 
sens  peuTent  être  troublés  par  les  tenfalions^ 
sans  qoe  Tentendement  et  la  Tolonté  y  pren* 
Dent  aoenne  part.  Ils  ajoutent  cependant 
qu*en  cette  vie  la  séparation  ne  peut  être 
entière»  el  qo*il  reste  totgours  assez  de  liai- 
son entre  les  deux  parties»  pour  que  la  su- 
périeure soit  obligée  de  régler  llnférieure 
et  d*en  réprimer  les  mouyements  désordon- 
nés. Les  faux  mystiques,  au  contraire»  ou  du 
moins  plusieurs  «d'entre  eut»  k  la  suite  des 
aoeîens  gnostî^es,  ont  prétendu  qoe,  dans 
les  flmes  partîtes»  la  séparation  ucs  deux 
parties  est  entière  et  absoroe,  en  sorte  qoe 
ee  qui  se  passe  d*irrégu!ier  dans  Tinférieure 
Be  peut  plus  être  imputé  à  la  supérieure.  On 
Terra  les  affreuses  conséquences  que  plu- 
sieurs hérétiques  ont  tirées  de  ce  Aux  prin- 
cipe (331). 

«  Dès  le  II*  siècle  de  Tère  chrétienne»  dit 
M.  Tabbé  Gosselin  «  les  Talenliniens»  et  quei- 

aues  autres  sectes»  connues  sous  le  nom 
e  gnostiqueSy  enseignaient  une  espèce  de 
quiélisme  tout  k  fait  semblable  k  celui  des 
philosophes  néoplatoniciens  (332),  et  présenté 
peut«£tre  sous  des  formes  encore  plus  obs« 
cures  (333).  Un  des  points  les  plus  constants» 
et  en  même  temps  les  plus  répréhensibles  de 
leur  doctrine,  était  la  conséquence  qu'ils 
tiraient  de  leurs  principes,  pour  autoriser» 
dans  ceux  qu'ils  appelaient  spirituels  ou 
parfaits»  les  plus  grossiers  excès.  Ils  distin- 
guaient tous  les  hommes  en  trois  classes»  les 
maiérieUf  les  ptyckiqueM  ou  animaux^  et  les 
fpuwÊiatiquei  ou  spirituds.  Les  premiers  ne 
«Joiyent  point  espérer  de  salut;  les  seconds 
pouYaîent  se  sauver  par  la  foi  et  les  bonnes 
œoTres  ;  les  spirituels  seuls»  du  nombre  des- 
quels se  mettaient  tous  les  gnosliques»  de^ 
▼aient  infBilliblement  être  sauyés»  quelques 
crimes  qu*ils  pussent  commettre,  la  gnose 
ou  contemplation  de  l*Elre  dirin  leur  tenant 
lieu  de  toules  les  bonnes  œurres.  Ces  prin- 
cipes n'étaient  point  une  pure  spéculation» 
et  la  plupart  des  gnostiques  y  conformaient 
leur  conduite.  Voici  comme  un  de  leurs 
chefs  prétendait  justifier  les  principes  et  la 
conduite  de  sa  secie  :  c  J'imite»  disait-il»  ces 

(S3I)  GossxLiii,  Biêi^fÉ  tiitérmre  de  Pitulon^ 
Analyse  de  la  cootrorene  de  qoiétisiae. 

(SSH)  Sar  le  qoîétisme  des  néoplatonkiéiis,  cl* 
B.  SMiiLAïas,  Dm  mf^iekme  «I  de  féeoU  ^Alexan- 
dm;  GoiSELUi,  ttiumrt  lUUrmre. 

(533)  SaîDl  laÉHÉB,  Adwen  lum$;  iibr  i,  r.  6;CLi^ 
■£5T  D*AixxA5i>aiE,SiroaMfei,  Iît.ii,  p.  407;  elc;  Si- 
CpiraA9ie,li»res,i6,  o*  i,etc.;  Flecst,  Bi$t.  eedès.^ 
urni  I,  lin  m,  !!••  20,  Î6;  D.  Ccillies.  Biu.  de*  «»- 
CCTirsfrW.UniieiLp.t3S,  etc;i.VHI,p.tf38,etc.;  Pit* 
QiST,  DiahnMt  kéréne§^nnkitBGtioiiqtiéi^Bûtiiit' 
tf^  F4ifMrff««eie.Ifoasf«aMr^iieffons,e»pafi«iit,<nié 
le  non  de  fiMSTiçiict,  dëslgaait,  dans  rorigine,  des 
boiMWi  vrahoeal  apiritaels  et  parfaite  ;  il  iresi  de- 
▼eaa  odiesx  a? ec  le  lenipi  tfie  -par  sëiie  de  ralM 
ta'oiieaalait.liiie  faut  donc  pas  confondre  les 


s  iMnsftmea  qol  pestent  dansfe  camp  ennemi 
«  sons  prétexte  de  lui  rendre  senrice,  mais  en 
a  eSét  pourle  perdre.  Un  mi  snostîque  doit 
«tout  connaître;  car»  quelmeriley  a-t-il  à 
a  s*abstenir  d^une  cboscqn'oo  ne  connaît  pas? 
'•  Le  mérite  ne  consiste  nas  i  s*abstenir  des 
ir  plaisirs»  mais  k  tenir  la  Tolupté  sous  son 
«  empire»  lors  même  qu'elle  nous  tient  en- 
«  ire  ses  bras.  Pour  moi,  c*est  ainsi  que  j'en 
m  use»  et  je  ne  Fembrasse  que  pour  rétouf- 
«  fer  (3M).  s 

On  ne  doit  pas  s'étonner,  après  cela»  que 
saint  Irénée»  Clément  d'Alexandrie»  saint 
Epiphane  et  les  antres  saints  docteurs  »  qui 
ont  parlé  de  ces  anciens  hérétiques,  les  rer 
présentent  comme  des  hommes  aussi  décriés 
par  la  corruption  de  leurs  mcrars  qoe  par 
l'infamie  de  leur  doctrine,  et  d'autant  plus 
condamnables»  qu'ils  cachaient  ordinaire* 
ment  leurs  erreurs  sous  une  apparence  de 
piété  et  de  perfection.  Ces  excès  sont  d'au- 
tant moins  étonnants»  qoe  les  guosticjues, 
aussi  bien  que  plusieurs  autres  hérétiques 
des  premiers  siedes»  étaient  puisé,  en  grande 
partie»  leurs  erreurs  dans  la  philosophie 
paîenney  dont  ils  prétendaient  ailier  la  doc- 
trine avec  les  dogmes  du  christianisme. 
Mais  quelle  qu'ait  été  l'origine  de  ces  excès» 
il  est  certain  qu'ils  ont  été  depuis  renouTC- 
lés  par  différentes  set^es  hérétiques»  dont 
les  principales  sont  les  két^ekasteê  chez  les 
tirées»  au  xi*  siècle,  et  les  bésuards  chez  les 
Latins»  au  xir*  (9351.  Ces  oemiers  furent 
solennellement  condamnés  par  le  concile 
général  devienne»  qui  réduisit  leurs  er- 
reurs h  un  certain  nombre  de  propositions» 
dont  plusieurs  ont  un  rapport  manifeste  arec 
la  doctrine  des  anciens  gnostiques  et  stcc 
celle  des  quiétistes  modernes.  Voici  quel- 
ques-unes de  ces  propositions  :  «  1*  L'homme 
peut  acjiiuérir»  dès  cette  fie,  on  tel  degré  de 
perfection»  qu'il  doTieime  impeccable»  et  ne 
puisse  plus  profiter  en  grâce.  2*  Dans  l'état 
de  perfection,  on  ne  doit  plus  jeûner  ni  prier. 
3*  Dans  ce  même  état»  on  est  aflRranchi  des 
lois  ecclésiastiques,  des  toî$  humaines,  et 
mêmedesoommandements  de  Dieu,  k*  L'exer- 
eice  des  rertus  n'est  que  ponr  l'homme  im- 
pariait«  l'âme  paiiiûte  en  est 


mrSTIOUB  (  TMOLOOIB  ).  —  DÉFlHlTtOH  ,. 

nnnsioii»  objit»  fui  bt  atatitâges.  —  Dé^ 
piitian.  —  La  théologie  mrstîque  est  une 
science  qui  procède  de  la  reyélalion»  et  qui 

fcérétiqves  connus  sons  le  nom  comnian  de  gnot- 
hmuê  arec  les  ^aotct^n^i  on  përfaks  CkrHiem,  dont 
Oémeni  d^Alexandrie  fait  on  si  heav  portrait*  dans 
ses  lîTTes  des  Sirammeê.  (Voit  FLcoat,  llûi  ecdU.^ 
ton  l'sliT.  nr,  n*â9,  etc.;  0.  Ccillibb^  llifi.  dit  mh^ 
Umn  eevf.»  ioni  II,  p.  866,  270,  eie.  ;  BoMCCTt  Ina- 
trucL  tmr  U$  éidu  d'oTMOit^  Iîy.  x,  n«  5. 
(334)  ChtME%j  s'Alcx.,  SirammUi,  Ky.  n,  p.  411^ 
(355)  Pldqobt.  Dictionmmre  dm  hére^iê,  articles^ 
BêtfCkûMia  et  Béguards;  Bob^cet  ,  imuma.  sar  tet. 
était  i'wahem^  Ihr.  x.  n**  I,  4. 

(S56)  CLÉmiRTia,  livre  n  titre  5,  eh.  S  Ad  ao- 
irmai  ;  tAiA.au,  acrm.  i  In  domm.  pnÊ^  qmadM^^ 
Hossvst,  mbi  fsirrs;  idmirciuemmiê  déê  pkrMtê  n|»» 
lériemiu  de  Saini-Jeëu  de  la  C>ofl>,  i-«  parlae,  cli«6». 
à  h  snile  de  ses  CEinraEs;  in4%  Paris»  1G64 


1115 


MYS 


MCTHHtNAlIΠ


MYS 


tH6 


ensei^e  les  moyens  d'arriver  à  la  vertu 
parfaite. 

La  théologie  en  général  est  la  science  de 
Dieu.  Les  spéculations  qui  ont  Dieu  pour 
objet  s*appûilent  ihéoloffie  nakirelh^  qmnd 
elles  ne  sont  éclairées  que  par  les  seules 
lumières  de  la  raison  ;  et  théologie  révélée ^ 
quand  elles  sont  éclairées  par  la  lumière  de 
la  révélation  divine.  Cette  science  prend  le 
nom  de  théologie  dogmatique  quand  elle 
consiste  dans  la  simple  exposition  desprin* 
cipes  révélés;  de  théologie  polémique  ou 
eontrovermte  ^  quand  elle  s*atlache  à  défen- 
dre ces  mêmes  principes  contre  les  ennemis 
do  la  foi  ;  de  théologie  morale f  quand  elle 
règle  les  mœurs  conformément  aux  préceptes 
et  aux  défenses  de  Tétemelle  loi  de  Dieu; 
de  théologie  ecolastique^  quand,  par  le  rai- 
sonnementielle  déduit  des  mystères  révélés 
toutes  les  vérités  moyennes;  de  théologie 
symbolique^  quand  elle  explique  les  symbo- 
les sacrés,  et  qu'elle  dévoile  les  mystères 
contenus  sous  ces  figures  apparentes;  de 
théologie  mystique  enfln,  quand  elle  ne  pro-* 
cède  plus  par  spéculation,  mais  qu'elle  nous 
dirige  et  nous  conduit,  conformément  aux 
vérités  pratiques  révélées,  et  par  toute  sorte 
de  perfcolion  morale,  k  connaître  et  à  aimer 
pieu  de  plus  en  plus.  Elle  diffère  de  la  théo- 
logie scolastique,  parce  qu'elle  ne  s'occupe 
que  de  la  pratique»  de  la  théologie  morale, 
parce  qu'elle  enseigne  les  moyens  d'arriver 
a  la  perfection,  et  que  sans  s'arrêter  à  la 
fuite  du  péché,  elle  va  beaucoup  plus  loin, 
elle  cherche  à  perfectionner  les  mœurs  jus^ 
qu'à  l'union  de  la  volonté  des  créatures 
avec  la  volonté  de  Dieu,  même  dans  les 
plus  hautes  régions  de  la  perfectibilité  hu- 
maine. C'est  du  v  sièole  que  date  celte  di- 
vision de  la  théologie  en  symbolique  et 
mysiique,  h  l'époque  où  parurent  les  livres 
attribués  h  saint  Denys  l'Aréopagite.  Parmi 
ces  livres,  nous  avons  encore  celui  qui  traite 
de  la  théologie  mystique.  (  V.  Denis  l'AbAo- 
PAoïTB.  )  Saint  Maxime,  Pach  vmère  et  quel- 
ques autres  l'ont  enrichi  de  leurs  commen* 
taires;  saint  Thomas  et  d'autres  théologiens 
font  le  plus  grand  cas  de  cet  ouvrage.  Les 
autres  divisions  furent  successivement  éta- 
blies au  XII*  siècle,  principalement  par  Té- 
vAque  de  Paris,  Pierre  Lombard,  dit  le 
Maître  des  sentences. 

La  théologie  mystlqne  est  réellement  une 
science;  car  elle  se  déduit  d'une  série  de  rai- 
sonnements avec  autant  d'évidence  que  les 
autres  sciences  humaines,  surtout  à  raison  de 
son  objet,  puisqu'elle  repose  sur  des  vérités 
de  foi  divine,  bien  qu'elles  ne  soient  pas  d'é- 
vidence rationnelle.  Elle  est  en  même  temps 
une  science  pratique 9  car  elle  tend  tout  en- 
tière à  faire  arriver  de  plus  en  plus  h  Ihinjon 
intime  avec  Dieu,  et  ceux  qui  commencent, 
et  ceux  qui  ont  fait  quelques  progrès,  et 
ceux  qui  sont  arrivés  à  la  perfection;  d'ail- 
leurs tous  ses  principes  révélés  sont  pra- 
tiques t  comme.  Vous  aimerei  le  Se  gneur 
voire  DieUf  etc.  ;  enQn  ses  tnoyens  le  sont 
également,  tels  que  la  prière,  la  mortitica- 
tion,   etc.,  etc. 


Division.  —  La  théologie  mystique  se  di- 
vise en  doctrinale  ou  subjectwe;  c'est  celle 
que  nous  avons  définie;  et  en  expirimtntdt 
ou  objective  :  celle-ci,  certains  auteurs  la 
définissent  une  élévation  de  l'âme  en  Dieu 


par  I  amour  pur 
et  fervent;  «rantres  une  connaissance  eipé- 
rimentale  de  Dieu,  qui  nous  est  procurée 
par  l'amour  unitif.  Gerson  (Tract.  7  mp. 
Magn. ,  i.  m  ) ,  la  définit  en  ces  termes:  C'est 
la  connaissance  trèsnlivine  de  Dieu,  con- 
naissance aue  l'ignorance  acquiert,  par  une 
union  supérieure  à  l'esprit,  alors  que  l'es- 
prit,  se  détachant  de  toute  chose,  s'a* 
bandonnant  lui-même  ensuite,  s'unit  aui 
rayons  de  la  splendeur  divine,  et  re(oil  la 
lumière  de  cette  sagesse,  dont  on  ne  peal 
sonder  les  profondeurs.  »  Cette  théologie 
n'est  pas  enseignée  par  les  hommes  ou  par 
la  parole,  comme  les  autres  théologies;  elle 
s'apprend  par  l'expérience  et  par  les  seos^ 
tiens  internes,  elle  n'est  enseignée  que  par 
Dieu  seul,  selon  les  paroles  de  saint  Deufs, 
au  début  de  sa  théologie  mystique. 
Il  résulte  de  ces  définitions  que  la  théolo- 

g*e  mystique  doctrinale  ou  subjeeliu  a  pour 
notion:  1*  déconsidérer  parmi  les  actes 
expérimentaux  de  la  théologie  roystii^oe 
ceux  qui  sont  parfaitement  ou  imparfau^ 
ment  unitifs,  et  d'examiner  les  propriétés  et 
les  effets  de  ces  différents  actes,  d*après  iau* 
torité  de  la  sainte  Ecriture,  et  les  écrits  des 
saints  Pères  et  des  mystiques.  2*  De  donner 
aux  contemplatifs  des  règles  certaines  poor 
s'avancer  sûrement  et  utilement  dans  leurs 
élévations  vers  Dieu,  et  assigner  d'autres 
règles  à  ceux  qui,  n'ét«int  pas  encore  par- 
venus à  l'état  de  la  contemplaiion,  se  dis()n- 
sent  eux-mêmes  à  acquérir  uu  don  si  pré- 
cieux. 

Objet  et  lin.  —  L'ot^et  et  la  fiu  de  la  théo- 
logie mystique  consiste  à  conduire  Tâmet 
par  la  voie  de  la  perfection,  jusqu'à  TuDioa 
de  la  charité  parfaite  avec  Dieu. 

Il  ne  faut  pas  restreindre  uniquement 
l'objet  de  la  théologie  mystique  au  degré  Je 
la  parfaite  union  contemplative:  elle  s'étenJ 
encore  soi  l  à  ceux  qui  commencent,  àcoui 
qui  progressent  et  à  ceux  qui  sont  parfails 
c'est-è-*dire  à  la  voie  purgiUive^  illuminatitt 
et  unitive^  dont  nous  parlerons  plus  tari. 
Ainsi  saint  Denys,  au  premier  cnapitre  de 
sa  théologie  mystique»  s'efforce  de  prourer 

2ue  la  pratique  de  ces  préceptes  conduii  l^$ 
mes  bien  purifiées  et  illuminées  jusquà 
l'union  de  la  charité  parfaite;  et  il  conriuta 
la  fin  par  l'exemple  de  Moïse  {Exod,  v}l  • 
c  Ce  n'est  pas  sans  raison,  dit-il,  quelediTin 
Moïse  reçoit  de  Dieu  Tordre  de  faire  d'abord 
des  expiations  (c'est  là  la  voie  purgative),  ei 
ensuite  de  se  séparer  de  ceux  qui  n'ont  pa| 
été  purifiés;  ces  expiations  terminées,  n 
entend  des  trompettes  retentissantes^elses 
yeux  sont  frappés  de  mille  rayons  d'une  éiio- 
celante  lumière  (c'est  la  voieillumioatiTe;; 
enfin  il  est  séparé  de  la  multltudct  et  avec 
les  prêtres  d'élite,  il  parvient  au  faîte  de  n 


lin 


MTS 


O^ASGETISIIE. 


HTS 


flIlS 


montagne  di?  ine  (e*esl  la  Toie  aoiti?e).  Ger* 
son  de  même,  «o  énnoiérant  les  disciples  de 
la  Ibéologie  mysliqoe,  dit  :  «  Noos  comp- 
tons d*abord  ceux  qui  commencent,  ensuite 
ceux  qui  progressent,  en6n  ceux,  qui  sont 
parfaits.  »  On  peut  reconnaître  toutes  ces 
divisions  dans  les  autres  théologiens  mvsti* 
ques.  Il  ne  ftut  pas  en  conclure  que  la  tbéo- 
Ic^ie  mystique  ne  soit  pas  dîBérente  de  la 
morale»  laquelle  consiste  k  présenrer  les 
hommes  de  tout  péebé.  La  théologie  mysti- 
que supplée  et  perfectionne  la  morale.  Elle 
s'occupe  non-seulement  de  ceux  qui  sont 
p'irfoits,  mais  encore  de  ceux  qui  tendent  et 
aspirent  à  la  perfection.  L'œuvre  de  la  théo- 
logie mystique  est  donc  de  perfectionner; 
ce  qui  suppose  nécessairement  les  trois  do- 
grés  de  commencement,  de  progrès  et  de 
perfectionnement  :  et  tous  reçoivent  de  la 
théologie  mystique  leurs  lumières  et  leurs 
forces. 

Les  sources  qui  fournissent  k  la  théologie 
mystique  ses  regles  et  ses  vérités  sont  les 
mêmes  que  celles  de  la  théologie  dogmati- 
que, polémique,  morale  et  scholastique  :  à 
savoir,  VEenêure  samie^  la  iradUiomt  c'est- 
à-dire,  Tunanimiié  des  Pères  k  reconnaître 
toujours  le  mèrae  dogme  ;  V Eglise^  soit  auand 
elle  est  mssemlHée  sous  la  pi&idence  de  son 
chef,  ôêus  les  conciles  œcuméniques,  soit 
quand  elle  adhère,  tout  en  restant  dispersée, 
au  dogme  dé6ni  par  son  chef;  enfin  les 
DéerHê  des  Souverains  Paniifès. 

L*Ecriture  sainte,  la  tradition,  TEglIse, 
les  décrets  des  Souverains  Pontifes,  sont 
appelés  Us  liemx  îkéologiqfues  internes  néees^ 
satres;  quant  aux  lieux  tniemes  non  néces^ 
smires^  source  de  principes  d*où  sont  dédui- 
tes des  propositions  plus  ou  moins  proliabies, 
ce  sont  Vamtariié  des  eaneiles  frovineiaux  ei 
maiianauXy  des  saints  Pêres^  en  tant  que  con- 
sidérés isolément,  et  des  ikéotogiens  dogata' 
tiques^  polémique»^  mwraux  et  mystiques.  Le 
iitu  externe^  destiné  k  éclaircir  les  vérités  de 
la  théologie  mystique,  est  ou  la  raison^  ou 
Vautariti  des  philosophes  et  des  hisioriens^ 
ou  Vexpérienee  .déns  les  choses  mystiques. 

Vexpirienee  et  la  pratique  sont  trèsHitiles 
•f  nécessaires  pour  acquérir  la  perfection 
de  la  théologie  mystique.  En  effet  :  f  *  Le  but 
de  la  tliéologie  mystique  est  la  pratique.  Or 
c*est  le  proj»re  de  tout  art,  ou  de  toute 
scii  nce  pratique,  de  perfectionner  les  ensei- 
gnements par  les  actes,  jusqu'k  ce  qu*oo  ait 
appris  par  sa  propre  expérience  k  faire  une 
juste  application  des  règles  et  k  éviter  toute 
erreur.  C'est  en  forgeant  qu'on  devient  for- 
geron :  Fii  fabrieando  faber.  2"  Nous  con- 
naissons mieux  les  opé^lions  intérieures  et 
les  affections  do  cœur  par  notre  •  propre 
expérience,  que  par  nos  recherches  ou  par 
le  témoignage  d'autrui.  Et  comme  c'est  leur 
perfectionnement  que  se  propose  surtout  la 
théologie  mystique,  il  est  clair  que  nous 
avons  besoin  de  notre  propre  expérience 
pour  l'étudier  ou  pour  renseigner,  c  Autre- 
ment ce  serait  comme  si  quelqu'un,  dit 
Cassien,  voulait  raconter  par  des  paroles  la 
douceur  du  miel  k  quelqu'un  qui  n'aurait 


jamais  rien  goûté  de  doux;  on  ne  peut 
assurément  uire  éprouver  k  l'oreille  les 
suaves  impressions  que  ressent  la  bouche, 
et  la  parole  ne  peut  rendre  la  douce  jouis- 
sance du  goût.  »  (Cass.,  Collât,  xn,  c  13.1 
3*  Les  mystiques  les  plus  parfaits  ont  anssi 
toujours  été  les  plus  saints  par  leur  propm 
ex|M§rience,  selon  les  ensei^ements  qu'ils 
avaient  reçus  de  Dieu  ;  lémoins  saint  Jean  dn 
la  Croix,  sainte  Thérèse,  etc.  Aussi  c'est  k 
juste  titre  que  Gerson  refuse  d'admettre  au 
mysticisme»  surtout  parmi  les  directeurs 
«  ceux  qui  s'enorgueillissent  d'une  vaine 
philosophie  qui  les  aveugle,  qui  foulent 
honteusement  aux  pieds  ce  qu'ils  ne  peu- 
vent goûter,  et  qui  déchirent  d'une  dent 
vorace  ce  Qu'ils  ne  |ienvent  comprendre  {Tr. 
do  mjfst.  tkéoL^  cons.  31),  »  selon  ces  paroles 
de  saint  Paul  (item,  viii,  5)  :  Ceux  qui  sont 
ehamels  gaulent  les  choees  de  la  dkâtr,  mots 
ceux  ^  êont  spirituels  goûtent  Us  choses  do 
Fespnt. 

En  disant  que  la  pratique  et  l'expérience 
sont  indisfiensablesk  Tétude  et  k  l'enseigne- 
ment parfait  de  la  Ibéologie  mystique,  H  ne 
faut  pas  comprendre  que  les  maîtres  ou  les 
disciples  doivent  nécessairement  être  par* 
faits  et  avoir  reçu  de  Dieu  le  don  d'une  ex- 
traordinaire contemplation;  il  leur  suffit 
d'entrer  et  de  s'avancer  avec  ferveur  dans  la 
voie  du  Seigneur,  et  de  diercber  k  expliquer 
ou  k  comprendre  de  mieux  en  mieux  les 
vérités  mystiques  propres  k  la  vie  spiri- 
tuelle. 

La  pratique  et  l'expérience  ne  sont  pas 
tant  dans  le  mysticisme  :  elles  doivent  s'jr 
subordonner  k  la  mystique  doctrinale,  qui 
par  les  règles  de  la  foi  et  des  docteurs  ex- 
périmenté, dont  l'Eglise  regarde  le  témoin 
ne  comme  certain,  préserve  les  hommes 
»uie  erreur.  D'après  Gerson,  il  ne  faut 
ni  mépriser,  ni  rejeter  sur-le-champ  les 
personnes  que  l'espnt  conduit  par  des  voies 
extraordinaires,  il  ne  faut  pas  non  plus 
les  croire  k  la  légère,  mais  les  examiner 
avec  soin,  suivant  Tes  règles  de  la  tradition 
de  relise,  afin  de  séparer  l'or  du  plomb. 

Nous  en  tirons  pour  première  conclusion 
que,  outre  la  théol<^e  mystique  expérimen- 
tale, nous  devons  admettre  comme  néces- 
saire la  théologU  mgsUquedoctrinaUf  en  tant 
que  science  acquise  et  procédant  k  la  ma- 
nière scientifique.  En  effet,  1*  quoique  la 
théologie  mystique  doctrinale  soit  en  partie 
révélée  de  Dieu  dans  la  sainte  Ecriture,  en 
partie  transmise  par  les  Pères,  en  partie  révé- 
lée particulièrement  k  TAme  contemplative, 
sans  aucun  autre  maître  qu'une  lumière  inté- 
rieure; elle  tire  cependant  de  ces  principes 
différents  des  rèdes  sûres,  pour  conduire 
les  Ames  au  faite  de  la  perfection  chrétienne. 
Or  la  nécessité  de  ces  règles  entraîne  la 
nécessité  de  la  théologie  mystique  doctri- 
nale. 2"  Privée  de  la  doctrinale,  la  théologie 
nsysêique  expérimentale  tombe  facilement  dans 
les  erreurs  de  l'esprit  privé,  source  de  toutes 
les  hérésies  spéctualives  et  de  toutes  les  ci- 
reurs mystiques.  C'est  |iourquoi  rE^lise,soit 
dans  les  jugements  de  l'inquisitiou ,  soit 


11!» 


MYS 


DICTIONNAIRE 


MYS 


lltt 


dans  tos  procès  âtt  oanotiîsalion  «  examiiM 
avec  Id  piuâ  grand  soin  les  esprits  les  plus 
extraordinaires  selon  les  règles  de  la  mys- 
tique doctNoAle.  Sainte  Thérèse  reoonb- 
roande  instaqiment  aux  Ames  spirituelles 
de  ne  point  mettre  en  elles-ménies  leur 
confiance»  mais  de  rechercher  un  confesseur 
éclairé,  qui,  bien  que  moins  habile  dans  la 
mystique  eipérimentale,  soit  néanmoins 
plein  de  zèle  pour  la  perfection.  «  Les  con«- 
naissances  littéraires,  dit^lie,  sont  un  grand 
avantage  :  elles  instruisent  et  enseignent 
notre  ignorance  :  leur  lumière  nous  fait  trou- 
ver le  sens  véritable  de  TEcriture,  et  nous 
apprend  à  faire  ce  que  nous  devons.  »  Et  le 
Père  Ségneri  indique  comme  le  caractère  le 
plus  défavorable  du  quiétiste  leurs  préten* 
tiODs  à  ne  vouloir  pour  juges  de  leurs  doc- 
trines que  ceux  qui  les  avaient  éprouvées. 
«L'expérience,  dit-il,  est  très-utile,  mais 
elle  est  souvent  trompeuse,  surtout  dans  ces 
matières  qui,  par  cela  mémo  qu'elles  ne  sont 
pas  physiques,  mais  morales,  sont  sujettes  à 
toute  sorte  d^erreurs.  »  La  théologie  mystique 
doctrinale  est  donc  nécessaire  pour  éviter  les 
erreurs  dans  la  voie  de  la  perfection,  et  pour 
diriger  les  Ames  et  discerner  les  esprits. 

Il  n'est  pas  diflScile  de  comprendre  le  motif 
de  cette  nécessité.  On  trouve  souvent  dans 
ÏEfhse  des  Ames  que  Dieu  seul  conduit  in- 
léneurement  et  qu  il  éclaire  par  des  lueurs, 
par  des  paroles^  par  des  visions  et  par  des 
extases  plus  profondes  et  plus  sublimes. 
Toutes  ces  Ames  cependant  sont  exposées 
au  danger  de  tomber  uanâleiserretirs  les  plus 
graves,  soit  par  les  illusions  de  leur  propre 
imagination,  soit  par  les  ruses  du  démon. 

Avantagea.  —  Nous  en  tirons  cette  seconde 
eODclusion  :  La  théologie  mystique  est  une 
Mcienee  de  la  plue  grande  utilité.  En  effet  : 
1"  €  La  véritable  sagesse,  dit  Alvarez  de  Paz, 
consiste,  non  dans  de  stériles  spéculationa, 
mais  dans  des  œuvres  utiles;  non  dans  les 
disputes,  mais  dans  la  fuite  de  tout  mal, 
dans  la  recherche  persévérante  du  bien, dans 
la  parfaite  observance  des  commandements 
et  dans  la  pureté  de  l'Ame.  «  (Prœf.  de  vit^ 
epir.)^  La  théologie  mystique  abonde  en 
principes  révélés  par  la  foi  à  tous  et  à  cha- 
cun; elle  présente  les  garanties  les  plus 
certaines  de  crédibilité,  quant  au  discer- 
nement des  inspirations,  m&  révélations  et 
des  esprits  ;  elle  fait  usage  d'exercices  aussi 
solides  qu'utiles,  edtre  autres,  de  l'oraison 
mentale,  dont  eMerecommanderasagecororae 
très-avantageux.  Elle  enseigne  b  reconnaître 
les  dons  surnaturels,  non-*seuleroent  de  la 
foi  et  de  la  science,  mais  même  du  discerne* 
ment  des  esprits,  des  ravissements  et  des 
«xtases,  et  k  distinguer  le  vrai  du  faux. 

Dne  troisième  conséquence,  c'est  Veneel*- 
ienee  de  la  théologie  mystique:  Aussi  les 
flscètesdonnent  h  cette  science  les  plus  grands 
éloges.  Gersondit  {ihinont.  contempL^  c.  k)t 
«  Je  6rois  que  c'est  li  la  sagesse  que  le  bien- 
neureuK  Denys  a  principalement  enseignée 
dans  son  ouvrage  de  la  théologie  mystique; 
et  cette  sagesse,  la  ptus  parfaite  et  la  plus 
frofoûdo  que  nous  fnjissions  avoir  ici^MS) 


est  celle  que  lui  a  révélée  le  bienheureux 
apôtre  Paul,  dont  il  avait  été  le  disciple.  » 
Louis  Du  Pont  dit  à  ce  sujet  (Introd.  ai 
ducemipir.):  «  Elle  est  sans  aucun  doute 
incomparablement  supérieure  à  toules  les 
autres  sciences  et  à  tous  les  arts  de  Tunivers  ; 
car  elle  est  plus  que  toutes,  profonde,  no- 
ble, sainte,  utile,  agréable  et  de  longue  du- 
rée. Elle  est  la  fin  dernière,  en  qui  réside 
la  béatitude  de  la  vie  présente,  à  laquelle  se 
rattachent  toutes  les  autres  sciences.  • 

La  principale  prérogative  de  la  théologie 
mystiane  est  donc  de  se  rapporter  par  saGn 
spéciale  à  l'amonr  de  Dieu  et  de  tendre  ï 
l'exercice  de  la  perfection  chrétienne.  SI  ce 
gentiment  ne  règne  dans  l'esprit  du  maître 
ou  de  l'écolier,  cette  science  sera  digne  à 
peine  de  son  nom  ;  ce  n'est  plus  qu'une 
science  tronquée  et  monstrueuse.  Luin 
seulementt  dit  saint  Bernard  (Serm,  innat, 
S.  Joan.)  c*est  une  vanité;  brûler  nuit- 
•nen/,  c'est  peu  de  chose;  la  perfection  eontiiii 
à  luire  et  à  briUer.  —-  Que  vou$  sert,  dil 
V Imitation^  de  parler  sur  la  Trinili  en  Itr- 
mes  sublimes^  si  vous  déplaisez  à  la  Trinité 
par  voire  peu  d'humilité?  J'aime  mieux  w- 
sentir  la  componction  que  d'en  connaître  ladé- 
finition.  Quelle  honte  pour  le  mystique, qui 
conduit  et  exhorte  à  la  perfection,  s'il  se 
contente  de  savoir,  sans  mettre  la  main  â 
Tœuvre?  «  Il  est  semblable,  dit  Gerson, 
{Théol.  myst.f  consid.  31)  à  un  fils  qui  cher- 
-  che  seulement  h  connaître  les  secrètes  vo- 
lontés de  son  père,  sans  sinquiéter  d'exé- 
cuter ses  ordres.  Aussi  ne  pourra-t-il  éviter 
ni  sa  vengeance,  ni  sa  colère.  » 

La  fin  de  la  théologie  mystique,  avons- 
nous  dit,  est  de  conduire  l'âme,  par  la  voie 
de  la  perfection,  jusqu'à  l'union  do  la  rba- 
rite  parfaite  avec  Dieu.  Le  théologien  qui 
veut  mettre  de  l'ordre  dans  cette  maiiènN 
1"  doit  expliquer  en  quoi  consiste  la  vies|>i* 
rituelle  et  la  perfection,  et  quelle  obliga- 
tion il  ^  a  pour  Thomme  de  tendre  i  cette 
perfection.  Et  comme  la  théologie  mystioue, 
qui  a  pour  but  de  rendre  l*homme  parfait, 
ne  peut  atteindre  ce  but  que  gradaeltemeot 
et  par  parties,  en  commençant,  en  eooli- 
nuant  et  en  atteignant,  elle  doit  donc  indi- 
quer, S*  de  quelle  manière  ceui  qui  com- 
menoent  doivent  tendre  à  la  periktion  par 
la  voie  purgative^  c'est-à-dire  par  l(  fuiie 
du  péché  mortel  et  véniel,  et  de  la  liédear» 
résultat  qui  nécessite  I  oraison  et  la  morti- 
ûcatioa.  3*  Comme  TAme  purifiée  de  toute 
souillure,  et  faisant  des  progrès  dans  la  vie 
spirituelle,  est  plus  souvent  éclairée  de P|(^u 
dans  la  voie  illuminative^  et  suit  Jésus-Ciin^i* 
qui  est  la  vraie  lumière,  la  voie,  la  vérité 
et  la  vie;  et  comme  dans  cette  voie  il  faut  ai* 

Suérir  des  vertus,  pour  parer  l'âme,  épouse 
e  Jésus-Christ,  et  pour  la  disposer  à  ai- 
mer ferooement  Dieu,  son  souverain  bien, 
le  théologien  doit  alors  traiter  de  rimitatioo 
de  Jéstts4Christ,  des  yertes  que  nous  devons 
en  recueillir,  des  tentations  et  des  obslacie^ 
que  nous  rencontrerons  dans  cette  voie.  * 
L'btmme,  ainsi  éclairé,  parvient  enfi»  *• 
sommet  de  la  perfectioni  autant  qu*il  loi^^. 


«Itt 


MfS 


D^ASGEIISMB. 


MTS 


11^9 


possible  en  celle  rie,  dans  la  voie  wUiive^ 
en  $*unissanl  avec  Dieu  ;  il  s*élë?e  jusquli 
la  conteroplaliou  à  laquelle  Dieu  le  cooauit 
par  diverses  voies,  el  s*unil  enfin  de  diffé- 
renles  manières  avec  Tâme  parfaite.  On  doit 
donc  eiplic|uer  quelles  sont  ces  manières. 
Celui  qui  recherche  la  perfection»  pour  ne 
pas  s*écarler  de  la  voiedirecle  qui  j  conduit, 
a  besoin  d'un  directeur  sniriluel.  Quel  doit 
être  ce  directeur  spirituel  |K>ur  les  âmesqui 
aspirent  k  la  perfection  ;  comment  ce  direc- 
teur doit-il  s'accommoder  au  degré  d'avan- 
cement des  uns  et  des  autres;  comment 
doit-il  aider  les  commençants,  eeui  qui  pro- 
gressent et  ceux  qui  sont  parfaits  et  corriger 
If  urs  débuts;  comment  peut-il,  parle  discer- 
nement des  esprits,  distinguer  les  bons  de 
ceux  qui  sont  méchants  ou  égarés,  elpurifier 
les  esprits  corrompus  ;comment  peut-il  recon- 
naître et  apprécier  avec  certitude  les  révéla- 
lions,  les  prophéties,  les  apparitions,  les  vi- 
sions, lesravissements  et  les  extases,queDiea 
aeeorde parfois  k  l*Ame parfaite;  comment  en- 
fin le  supérieur  d'une  communauté  peut-il 

saintement  et  habilement  diriger  les  religieux 
qui  lui  sont  soumis,  et  quelles  sont  les  qua- 
lités que  doit  surtout  réunir  un  bon  supé- 
rieur, telles  sont  toutes  les  questions  dont 
s*occu|)e  encore  la  théologie  mystique. 

Maintenant  il  est  aisé  de  comprendre  que 
cette  théologie  ne  peut  pas  plaire  aux  pro- 
testants. Comme  ils  ont  intérêt  de  persua- 
der que  la  doctrine  de  Jésus-^brist  ou  le 
▼rai  christianisme  a  commencé  h  dégénérer 
dés  le  11'  siècle,  et  que  le  mal  est  allé  tou- 
jours en  empirant ,  jusqu'à  la  naissance  de 
la  réformation  qu'ils  j  ont  faite,  ils  ont  cru 
trouver  une  des  causes  de  cette  corruption 
dans  les  rêves  de  la  théologie  mpstique,  et  ils 
se  sont  donné  carrière  pour  la  couvrir  de 
ridicule.  Mosbeim,  en  particulier ,  dans  son 
Histoire  chrétienne  et  dans  son  Histoire  ee* 
etésiastiquef  n'a  rien  négligé  pour  y  réussir. 
Il  n'est  presque  pas  un  seul  siècle  sous  le* 
quel  il  n'ait  lancé  des  invectives  contre  la 
vie  des  contemplatifs.  Il  l'appelle  mélas^eo^ 
lie,  démence ,  fanatisme^  extravagance^  délire 
de  rifnaginattont  etc.  On  est  presque  tenté 
de  douter  s'il  n'a  pas  été  lui-même  atteijit 
de  la  maladie  dont  il  a  voulu  guérir  les  au- 
tres. 

Avant  d'examiner  riiistoire  satirique  qu'il 
en  a  bite,  voyons  si  les  principes  et  les 
motifs  qui  ont  dirigé  la  conduite  des  con- 
templatifs, sont  aussi  chimériques  et  aussi 
mal  fondés  qu'il  le  prétend.  Nous  croyons 
les  trouver  dans  l'Ecriture  sainte,  el  puis- 
que les  pi  oiestants  ne  veulent  point  d'autres 
preuTes,  nous  avons  de  quoi  les  satis- 
faire. 

1*  lésus-Christditqu'iV  faut  toujours  prier 
et  ne  jamais  se  lasser.  (  Luc»  xviii,  1.)  Il  a 
confirmé  cette  leçon  par  son  exemple  ;  nous 
lisons  qu'il  passai/  lesnuiis  entières  à  prier. 
{Lue.,,  VI,  12.  )  Lorsqu'il  demeura  quarante 
jours  et  quarante  nuits  dans  le  désert,  nous 
présumons  qu'il  employa  principalement 
ce  temps  à  la  prière  et  a  la  contemi)lation. 
Pendant  la  nuit  qui  précéda  sa  passion ,  il 


se  retira,  suiwmt  sa  c oulym^,  dans  le  jardin 
et  sur  la  montagne  des  Oliviers  ;  il  y  rccom 
menca  sa  prière  jusqu'à  trois  fois  :  il  rej»rit 
ses  apôtres  de  ce  qujis  ne  pouvaient  veiller 
et  prier  une  heure  avec  lui.  (  Matlh.  xxvi , 
hh  ;  Luc.  XXII,  39.  )  Saint  Paul  répèle  aux 
fidèles  les  leçons  de  notre  divin  liaitre;  il 
les  exhorte  à  prier  en  tout  temps,  i  multi- 
plier leurs  oraisons  el  leurs  aemandes,  k 
veiller  et  à  prier  surtout  en  esprit  [Ephes. 
VI,  18)  ;  à  prier  sans  relâche  (i  Thess.  v,  17  ; 
Eom.  xn,  11);- è  joindre  les  veilles  et  les 
actions  de  grâces  a  leurs  prières  [Coloss.  iv, 
2  )  ;  k  prier  jour  et  nuit  (i  Tim.  v,  5).  Il  fai- 
sait lui-même  ce  qu'il  prescrivait  aux  au- 
tres (I  Thess.  lu,  10)  ;  saint  Pierre  tient  le 
même  langage.  (Epist.  1,  rv,  7.) 

2"  Quant  à  la  manière  de  prier ,  Jésus- 
Christ  nous  enseigne  k  rechercher  la  soli- 
tude ;  pour  le  faire,  t7  se  retirait  dans  les  lieux 
déserts  {Luc.  v,  16)  ;  il  allait  sur  les  monti^ 
gnes  (£tic.,  vi,  12;  ix,  28)  ;  il  priait  dans  le 
silence  de  la  nuit.  Lorsque  vous  voulex 
prier ,  dit-il,  entrez  dans  votre  chambre,  fer^ 
mez  la  porte  et  priez  votre  Père  en  secret. 
{Matth.  Ti,  6.) 

3*  Il  nous  fait  entendre  que  la  prière  in- 
térieure, la  prière  mentale,  est  la  meilleure, 
puisqu'il  dit  :  Lorsque  vous  priez ,  ne  parlez 
pas  beaucoup.  {Matth.  vi,  7.  )  Saint  Paul ,  de 
son  cêté,  nous  donne  la  même  instruction  : 
Priez  en  tout  temps  et  en  esprit.  (/  Cor.  xiv, 

»*  L'Ecriture  nous  apprend  encore  que  la 
prière  doit  être  accompagnée  du  jeûne; 
c'est  l'avis  du  saint  homme  Tobie.  (  xii,  8.  ) 
L^vangile  bit  l'éloge  d'Anne  la  prophé- 
tesse,  qui  ne  sortait  pas  du  temple,  qui 
s'exerçait  k  la  prière  et  au  jeûne  le  jour  et 
la  nuit.  (  Lue.  ii,  37.)  Nous  ne  répétons  pas 
la  foule  des  passages  cités  k  l'article  lioari- 
viCATion,  dans  lesquels  Jésus-Christ  et  les 
9p6lres  font  l'éloge  de  la  vie  retirée,  austère, 
pénitente  el  mortifiée. 

5*  S'il  étail  besoin  de  consulter  encore 
l'Ancien  Testament  •  nous  y  verrions  que 
les  psaumes  de  Havid  sont  remplis  d'exhor- 
tations k  la  prière,  non-seulement  k  la 
prière  vocale,  mais  k  la  prière  mentale,  k  la 
prière  de  l'esprit  et  du  ccBur,  k  la  médita- 
tion et  k  la  contemplation  ;  que  ces  leçons 
divines  sont  confirmées  par  les  exemples  de 
Pavid  lui^'inême,  de  Tobie,  de  Judith,  de  Da- 
niel et  des  autres  prophètes ,  ainsi  que  par 
ceux  de  saint  Jean-Baptiste,  d'Anne  la  pro- 
pbélesse ,  des  apôtres  dans  le  Cénacle,  du 
centurion  Corneille,  etc. 

Nous  ne  demandons  pas  si  les  protestants 
trouveront  des  explications  et  des  subter- 
fuges pour  tordre  le  sens  de  tous  ces  pas- 
sages et  pour  en  esquiver  les  eosséquences, 
ils  n'eu  manquent  jamais  ;  mais  nous  de- 
mandons si  les  Chrétiens  du  ii*  et  du  m' 


g-ande  partie  k  la  prière,  est  agréable  k 
ieu  ;  2*  que  la  meilleure  prière  est  l'oraisoo 
mentale  ;  3*  que,  comme  il  est  k  peu  près 


1125 


MYS 


DICTIONNAIRE 


Mtrs 


ilil 


loapossiblo  d'y  être  dans  je  monde,  il  vaut 
Odieux  se  reltrer  dans  la  solitude  pour  y  va- 
quer a?ec  plus  de  liberté  ;  k'  qu'il .  âiut 
lOiudre  h  la  prière  une  vie  austère  et  morti- 
Oée.  S*i]s  se  sont  trompés»  c'est  Jésus-Christ, 
ce  sont  les  apôtres  et  les  autres  écrivains 
sacrés  qui  les  ont  induits  en  erreur,  comme 
lè  soutiennent  les  incrédules.  SMis  ont  eu 
raison,  il  y  a  de  Timpiété  k  déclamer  sans 
aucune  retenue  contre  les  ascètes,  les  ana* 
cborètes,  les  moines,  et  contre  tous  les  con- 
templatifs. 

Leibnitz,  plus  sensé  que  le  commun  'des 
protestants ,  ne  blâme  point  la  théologie 
iiiysliqno.  «  Cette  théologie^  dit-il,  est  h  la 
lirénlogie  ordinaire  à  peu  près  ce  qu'est  la 
poésie  à  l'éloquence,  c*est-a*dire  elle  émeut 
davantage,  mais  il  fnut  des  formes  et  de  la 
modération  en  tout.  »  (E$prit  de  LeibnitXf 
t.  II,  p.  51.)  Pour  les  autres  qui  ont  eu  peirr 
sans  doute  d'être  trop  émus  par  le  langage 
de  la  piété  et  de  l'amour  de  Dieu,  ils  n'ont 
pas  poussé  les  réflexions  si  loiu,  ils  ont 
trouvé  plus  aisé  d'avoir  recours  au  ridicule, 
iDUx  raillerie?,  aux  sarcasmes,  et  d'objecter 
de  prétendus  inconvénients.  «  Si  tout  le 
monde  embrassait  la  vie  solitaire  et  contem* 
plaiive,  que  deviendrait  la  société?»  Nous 
avons  déjà  répondu  plus  d'une  fois  que  la 
Providence  y  a  pourvu  ;  Dieu  a  tellement 
diversifié  les  talents ,  les  goûts»  les  inclina* 
tions,  les  vocations  des  hommes,  qu'il  n'est 
jamais  à  craindre  qu'un  trop  grand  nombre 
«  nihrassenl  un  genre  de  vie  extraordinaire. 
M.'iis  la  question  est  toujours  de  savoir  si 
Dieu  n'a  pas  pu  donner  a  un  certain  nom- 
bre de  personnes,  du  goût  et  de  l'attrait  pour 
la  vie  contemplative ,  et  s'il  n'a  pas  pu  ré- 
compenser par  des  grAces  particulières  celles 
qui  ont  été  fidèles  a  suivre  cette  vocation  de 
Dieu,  qui  se  sont  occupées  constamment  à 
méditer  ses  perfections ,  à  exciter  en  elles 
le  feu  de  son  amour,  à  étouffer  toutes  les 
atreelions  gui  auraient  pu  affaiblir  ce  senti- 
ment sublime,  tant  exalté  par  saint  Paul. 
Nous  défions  dos  adversaires  de  le  prouver 
jamais. 

Après  ces  préliminaires,  nous  pouvons 
examiner  en  sûreté  les  imaginations  de 
Mosbeim. 

Il  rapporte  Toriginede  la  théologie  mytrt- 
que  au  ii*  siècle  et  aux  principes  de  la  pby- 
losophie  d'Àmmonius ,  qui  sont  les  mêmes 
que  ceux  de  Pythsgore  et  de  Platon.  Comme 
ceux-ci  ont  vécu  longtemps  avant  Jésus- 
ehri>l,  il  en  résulte  déjà  que  cette  théologie 
est  plus  ancienne  que  Je  Christianisme. 
Aussi  Mosheim  suppose  que  les  essénicns 
et  les  thérapeutes  en  étaient  déjà  imbus , 
et  que  Phîlon  le  Juif  a  contribué  beaucoup 
à  la  répandre.  Elle  était,  d'ailleurs,  dit-il, 
analogue  au  climat  de  l'E^pte,  où  la  cha- 
leur et  la  sécheresse  de  l'air  inspirent  natu- 
rellement la  mélancolie,  le  goût  pour  la  so- 
litude, pour  l'inaction,  le  repos  et  la  con- 
templation. II  déplore  les  conséquences 
pernicieuses  quecette  disposition  desesprits 
a  produites  dans  la  religion  chrétienne. 
(Hi8i.  christ,,  sect.   ii,  §  25;  Hist.  eccles,, 


sect.  Il,  part.  ii,cb.  1,  1 19.)  On  a  rétulé 
toutes  ces  Visio  ns  aux  mots  AscftiBs,  AHi. 
CHORÈTES,  Moins,  MoRTiFicAtioN,  etc.  Il  é$t 
bien  ridicule  de  supposer  que  le  commun 
des  Chrétiens  dutii*  et  du  tv  siècle  étaient 
des  savants  et  des  philosophes  ioous  des 
principes  de  Platon,  d'Ammonius  et  de  Phi- 
Ion,  et  qu'ils  les  ont  suivis  plutèt  que  !'£- 
criture  sainte  :  il  ne  restait  plus  à  Mosheini 

Îu'à  dire,  comme  quelques  incrédules,  qm» 
ésus-Christ  lui-même  et  son  précurseur 
étaient  prévenus  des  mêmes  errears,  qu'ils 
n'ont  fait  qu'imiter  les  esséoiens  et  le^  iltê^ 
rapeutes. 

A  l^époqnc  du  ni' siècle,  il  prétend  qa*Ori- 
gène  adopta  le  sentiment  de  ces  phila^ophes, 
qu'il  le  regarda  comme  la  clef  de  louiez  les 
vérités  révélées,  qu'il  j  chercha  les  raisons 
de  chaque  doctrine  ;  ri  imagina  ,  cooime 
Platon",  que  les  Ames  avaient  été  produite;, 
et  avaient  péché  avant  d*ôtre  unies  à  dis 
corps,  que  cette  union  était  un  cMlimeot 
pur  elles,  gue  pour  les  faire  relourneret 
les  unir  à  Dieu,  il  fallait  les  détacher  de  la 
chair  et  de  ses  inclinations,  les  purifier [lar 
des  austérités,  par  le  silence,  par  la  prièrei 
par  la  contemplation.  Sur  celte  liasse  h)[>o- 
thèse,  Hoshcim  prèle  h  Origène  un  plan  de 
théologie  qu'il  a  forgé  lui-même ,  et  doui 
l'absurdité  est  révoltante.  (Hist.  ckrùt,, 
sec.  III,  i  29  ;  Hist.  eeeteê.,  m'  sec,  ii'|)ârU 
ch.  S.  i  1.)  Si  Origène  en  était  vraimenl 
fauteur,  il  faudrait  le  regarder,  non-seule- 
ment  comme  un  visionnaire  insem^é,  luaii 
comme  un  apostat  du  christianisme 

Heureusement  il  n*en  est  non.  1"  li  est 
faux  que  ce  Père  ait  regardé  le  système  de 
Platon  comme  la  clef  de  toutes  les  Tentés 
révélées.  Après  avoir  proposé  l'opinioD  de 
ce  philosophe  touchant  la  préexistence  des 
Ames  (De  prtftctp.,  1.  ir,  eh.  8),  il  dit,D'4: 
€  Ce  que  nous  venons  de  dire,  qu'uik  etpril 
est  devenu  une  4me,  el  tout  ce  qui  peut  tenir 
i  cette  opinion,  doit  être  soigneusement  éli- 
miné et  discuté  par  le  lecteur  :  qae  l'en 
n'imagine  pas  que  nous  ravançoos  comioe 
un  dogme,  mais  comme  une  question  )  trai- 
ter, et  comme  une  recherche  à  faire.  >  Il  le 
répète,  n*  S.  3"  Origène  a  admis  formelle- 
ment le  péché  origmcl  (Homil.  8  ta  LniL 
n*4;  homil.  12,  n'  4;  (Contra  Ce/i.,1.  iti 
n*"  M  ;  homil.    14  in  Lucam  ;  Comnani.  ta 
Epiit.  ad  Rom.,  liv.  v,  pag.  546,  Siljlla 
pensé  que  ce  péché  avec  sa  peine  a  passé 
dans  tous  les  hommes,  parce  que  toutes  les 
Ames  étaient  renfermées  dans  celles  d*Adan:, 
opinion  incompatible  avec  celle  de  flitun. 
3"  Il  fonde  la  nécessité  de  mortiGer  la  cbair, 
non  sur  la  raison  qu'en  donnaient  les  plato- 
niciens, mais  su-r  celle  cju'en  apporte  saint 
Paul,  savoir  que  les  inclinations  de  lach.iir 
nous  portent  au  péché,  et  il  cite  à  ce  sujet 
plusieurs  passages  de  cet  apêtre.  {Cominni 
m  Epist.  ad  Rom.,  liv.  vi,  n'  1.)  4'  Origè.w 
a  eu,  pendant  sa  vie  et  après  sa  mort,  des 
partisans  et  des  ennemis,  des  accusateurs  et 
des  apologistes  :  ni  les  uns  ni  lés  autres  oe 
l'ont  regardé  comme  l'auteur  ou  le  prop- 
gateur  de  la  théologie  mystique;  Mosbeiœ  le 


1125 


MYS 


D^ASCETISHB 


MTS 


IISS 


sait-il  mieux  qu^eox?  5*  D*aulres  cntiaues 
oDi  atlribaé  celle  inyeDtion  è  Clémenl  a*A- 
fexandrte,  sans  lui  préférer  i^our  cela  loulcs 
les  réTeries  r|ue  Mosbeira  yeul  mellre  sur  le 
eoniple  d'Ortgèoe.  Son  prélemin  plan  de  la 
ibéologie  de  ce  Père  esl  donc  faux  à  tous 
égards.  (FotrOaieftaB.)  €*  EnOn  il  se  réfute 
lui-même»  en  disant  que  les  csséniens  elles 
thérapeutes  sTaient  puisé  leurs  principes 
dans  la  philosophie  orienlale ,  que  les  soli- 
taires et  les  moines  n*ont  fait  que  les  imiter. 
{Bi$i.  tkriit.^  Proleg.,  ch.  2,  f  18.) 

Au  xnr*  siècle,  suiftat  son  opinion  »  les 
philosophes  éclectiques ,  ou  les  noufeaux 
platoniciens  de  Técole  d'Alexandrie  «  culti- 
vèrent la  ikéologie  mysiique  sous  le  nom  de 
êcience  secritt.  Un  fanatique  imposteur,  qui 
prît  le  nom  de  saint  Denys  FAréopagite,  la 
t^luisit  en  système  et  en  prescri?it  les  rè- 
gles. Notre  critique  déplore  de  nouYeau  les 
erreurs,  les  superstitions^  les  abus  que  cette 
prétendue  science  introduisit  dans  le  chris- 
tianisme. (Hiêt.  de  r Eglise 9  ir*  siècle,  it* 
|iart.) 

Nous  répondons  qu*il  n*y  avait  rien  de 
tommun  entre  la  science  secrète  des  éclec- 
tiques, fondée  sur  un  paganisme  grossier, 
et  la  ikéotogie  wtytiiaue  des  docteurs  chré- 
tiens, si  ce  n'est  quelques  termes  ou  quel- 
ques expressions  que  les  premiers  empruntè- 
ri'Dt  du  christianisme  pour  tromper  les 
ignorants.  A  cette  époque  ,  la  religion 
chrétienne  étail  établie  ,  non  -  seulement 
chez  les  Arabes ,  chez  les  Syriens ,  les 
Arméniens  et  les  Perses ,  mats  en  Italie, 
en  Espagne,  sur  les  côtes  d'Afrique,  dans  les 
Gaules  et  en  Angleterre.  Nous  fera-t-on 
<:roire  que  les  platoniciens  d'Alexandrie  ont 
envoyé  des  émissaires  dans  ces  différentes 
régions,  dont  les  langues  leur  élaieut  étran- 
gères, pour  y  répandre  leurs  principes  et 
leur  science  secrète ,  pour  y  introduire  les 
superstitions  et  les  abus  dont  Mosheim  pré- 
tend qu'elles  été  la  cause? Nous persuadera- 
t-oQque*Lactance  {Juliuâ  Pirmieus  Mater-' 
nus)^  Eusèbe  et  Amobe ,  qui  dans  ce  siècle 
ont  écrit  contre  les  philosophes  païens,  qui 
en  ont  combattu  les  principes  et  les  consé- 
quences, qui  ont  démontré  les  absurdités, 
les  superstitions,  les  abus  auxauels  la  doc- 
trine de  ces  rêveurs  avait  donné  lieu,  et  qui 
n'ont  pas  mieui  traité  Platon  que  les  autres, 
ont  cependant  vu  de  sang-froid  introduire 
dans  le  christianisme  ces  mêmes  abus  sans 
en  témoigner  aucun  regret ,  ni  aucun  éton- 
nemeni?  Voilà  le  phénomène  absurde  que 
les  protestants  ont  entrepris  de  prouver. 

Plusieurs  écrivains  ont  contesté  rauihen- 
iicité  des  œuvres  de  saint  Denys;  nous  ren^ 
▼ojoos  sur  ee  point  le  lecteur  h  rarlicle 
Dsim  L  AsÉoPAGrrB. 

Mosheim  renouvelle,  au  vsièclc,  n'part., 
cb.  3,  i  11,  ses  plaintes  et  ses  invectives 
contre  la  multitude  des  moines  contempla- 
tifs qui  fuyaient  la  société  des  hommes,  et 
qui  s'exténuaient  le  corps  par  des  macéra- 
tions excessives  ;  cette  f»este,  dit-il,  se  ré- 
pandit de  toutes  paris.  Ce  n'était  donc  plus 
la  chaleur  de  l'atmosphère  de  TBgypIe  qui 


produisait  celte  conla^on.  jSlie  avait  déjh 
pénétré  chez  les  Latins  ,  puisque  Julien 
romère,  abbé  et  professeur  de  rhétorique  k 
Arles,  écrivit  un  traité  ùe  Yita  eoniemptaiiva: 
et  bientôt  elle  gagna  les  pays  du  Nord. 
(Vayex  Mostificatioii,  Sttlitbs,  etc.) 

Notre  sé¥ère  senseur  STOit  oublié  ces  faits, 
lorsqu'il  a  dit  qu'au  ix*  siècle  les  Latins 
n'avaient  pas  encore  été  séduits  parles  char- 
mes illusoires  de  la  dévotion  mystique,  mais 
qu'ils  le  furent,  lorsqli'en  82b,  l'empereur 
grec,  Uichel  le  Bègue,  envoya  à  Louis  le 
Débonnaire  une  cofâe  des  ouvrages  de 
Denys  l'Aréopagîte.  (ic*  siècle,  9r  part., 
ch.  3,  i  18.)  Il  est  cependant  certain  qu'au 
tri*  et  au  vil*  siècle,  les  moines  des  Gaules 
et  de  r Angleterre  étaient  pour  le  moins 
aussi  appliqués  A  la  vie  contemplative  que 
ceux  du  11*  et  du  x* 

Un  des  abus  que  ce  critique  fait  remar^ 
quer  dans  les  théologiens  du  xti'  siècle ,  est 
leur  affectation  de  rechercher  dans  l'Ecri- 
ture sainte  des  sens  mystiques,  et  d'altérer 
ainsi  la  simplicité  de  la  parole  de  Dieu, 
(impart.,  ch.  3,  S  5.)  Hais  les  lellres  de  saint 
Barnabe  r.i  de  saint  Clément,  disciples  des 
apôtres,  sont  toutes  remplies  d'exmications 
mystiques  et  allégoriques  de  FEcrituro 
sainte;  Mosheim  lui-même  le  leur  a  repro- 
ché comme  un  défaut;  ils  exhortent  les 
fidèles  à  la  méditation  et  h  la  mortification  : 
étaient-ils  platoniciens 7  il  reconnaît  (f  IS) 
que  les  mjfeiiquee  de  ee  même  siècle  ensei- 
gnaient mieux  la  morale  que  les  scolastl<(ues; 
que  leur  discours  était  tendre ,  persuasif  et 
touchant;  que  leurs  sentiments  sont  sou- 
Tent  beaux  et  sublimes ,  mais  qu'ils  écri* 
valent  sans  méthode ,  et  qu'ils  mêlaienl 
souvent  la  lie  du  platonisme  avec  les  vérités 
célestes.  Fausse. accusation.  S'il  y  eut  au 
xii*  siècle  un  excellent  maître  de  théologie 
myetique^  c'est  incontestablement  saint  Ber* 
nard  ;  mais  il  puisait  ses  leçons  dans  l'Ecri* 
ture  sainte,  et  non  dans  Platon  ;  ce  philo- 
sophe étail  profondément  oublié  pour  lors» 
les  scolasttques  mêmes  ne  connaissaient 
qu'Aristote. 

Au  xni*  siècle  (ii*  part. ,  c.  3,  f  9),  notre 
historien  s'adoucit  un  peu  k  l'égard  des 
mystiques  ;  comme  il  avait  dit  beaucoup  de 
mal  des  soolasliques,  il  a  su  t>on  gré  aux 
premiers  de  leur  avoir  déclaré  la  guerre, 
d'avoir  travaillé  h  inspirer  au  peuple  une 
dévotion  tendre  et  sensible,  de  s'être  fait 
goûter  au  point  d'engager  les  scolastiquc? 
k  se  réconcilier  avec  eux.  Mais  saint  Thoma5 
d'Aquin  ne  fut  jamais  dans  ce  cas;  pendant 
toute  sa  vie,  il  sut  allier  è  une  étude  assidue 
la  piété  la  plus  rare  et  la  plus  tendre,  et  il 
eut  au  fiius  haut  degré  le  talent  de  l'injuirer 
aux  autres.  Mosheim  parle  k  peu  près  de 
même  des  mystiques  au  xiv'  siècle ,  il  sem- 
ble leur  accorder  la  victoire  au  xv*  et  au 
commencement  du  xvi* ,  parce  qu'alors  la 
barbarie  et  le  philosophisme  des  scolasliques 
avaient  beaucoup  diminué,  comme  nous  l'a- 
vons remarqué  en  pailant  d'eux;  mais  ce 
censeur  malicieux  n'oublie  jamais  de  lancer 


4«» 


NA(r 


DKTIOliKAlRB' 


NAR 


m 


coQire  les  (>reD[)iers  quelque  tr^it  4e  ii&md 
fit  dâ  juénris 

EaBn»  ToD  vit  éclore  ke^U^  époque  !« 
brillante  Inmiàre  de  la  réform^iion ,  et  Ton 
saitJes  effets  qu'elle  produisit;  elle  étouffa 
la  piété  jusque  dans  sa  raciue  «  en  discrédi-^ 
tant  toutes  les  pratiques  qui  peuvent  là 
nourrir,  en  occupant  tous  les  esprits  de  con* 
troverses  Ihéologiques  ,  en  allumant  dans 
tous  les  cœurs  le  feu  de  la  haine  et  de  la 
dispute.  Tout  le  monde  voulut  lire  l'Ecri- 
ture sainte,  non  pour  y  recevoir  des  leçons 
de  morale  et  de  vertu,  mais  pour  y  trouver 
des  armes  offensives,  contre  l'Eglise  catho- 
lique, et  le  moyen  do  soutenir  toutes  sortes 
d'erreurs.  Vainement,  après  tous  ces  orages^ 
quelques  protestants,  honteux  de  ranéan- 
tissemenlde  la  piété  parmi  eui,  ont  voulu 
la  ranimer;  ils  ont  été  forcés  de  faire  bande 
k  part  ;  comme  ils  agissaient  sans  règle  et 

3u'ils  marchaient  sans  boussole,  tous  ont 
onnédans  le  fanatisme;  tels  ont  été  les 
quakers,  les  piétistes,  les  méthodistes,  les 
hernutes,  etc.,  et  tous  sont  regardés  par  les 
autres  protestants  comme  des  insensés. 

Ilsauectent  de  supposer,  contre  toute  vé-* 
rite,  que  les  solitaires,  les  moines,  les  reli* 
gieuses  se  sont  uniquement  voués  h  la  con- 
templationi  qu'ils  ont  me^é  nue  vie  abso- 


lument oisive  et  inutile.  Il  est  coQstanlque 
Içs  anciens  solitaires,  à  I9  réserve  d'ualrès- 
petit  nombre,  ont  joint  à  la  prière  et  à  la 
méditation  le  travail  des  mains,  ils  ont  cqI- 
tivé  d^s  déserts,  et  ils  sont  sortis  de  leur 
retraite  toutes  les  fois  que  les  besoins  elle 
salut  du  prochain  l'ont  eiigé.  Ils  opt  con- 
verti les  nations  barbares,  et  c'est  aiasi 
Su'ils  ont  humanisé  et  policé  les  peuples  du 
ord.  Dans  Içs  siècles  d'ignorance,  ils  ont 
cultivé  les  lettres  et  les  sciences ,  et  ce  sont 
eux  qui  lés  ont  conservées  en  Europe.  Tous 
les  Instituts  qui  se  sont  formés  depuis  cinq 
cents  ans,  ont  eu  pçur  principal  objet  Tuti- 
lité  du  prochain  ;  mais  les  fondateurs  ont 
compris  qu'il  était  impossible  de  conserTer 
la  constance,le  courage,  les  vertus  nécessaires 

Eour  remplir  constamment  des  devoirs  péni- 
Içs  et  souvent  rebutants,  à  moins  que  Ton 
ne  ^'occupât  beaucoup  de  Dieu ,  et  que  l'on 
a*en  obttot  des  grftces  dans  la  prière,  daash 
méditation,  dans  de  fréquentés  réQeiions 
sur  soi-même,  etq.  Ils  ;se  sont  donc  proposé 
de  réunir  la  vie  contemplative  à  uoe  Tie 
très-active  et  très^iaborieu^e.  Encore  une 
fois,  il  y  a  de  la  frénésie  à  les  blâmer,  i  les 
calomnier,  ïi  les  tourner  en  ridicule.  (Voir 

MOIHK,  AscàTPStORDllBS  EBueuui, DlSGÛUaS 


1^ 


NABDNAL  (BUe),  théotpçfeii  de  l'ordre 
des  Franciscains,  orkinaffedfa  Périgord,  de- 
vint archevêque  de  Nicosiç  et  patriarche  de 
Jérusalem,  et  fut  nommé  cardinal  en  13<^2 
par  Clément  VI.  Il  mourut  à  Àyignon  en 
1367.  On  a  de  lui  en  latin  :  1*  Des  Commen- 
taiffi  sur  le$  quaire  Livres  des  Sentences  et 
sur  V Apocalypse  ;  —  3"  Un  traité  de  la  vie 
contemplative  ;  —  3*  Des  Serthons  sur  les 
Evangiles. 

NADASI  (Jean),  né  h  t'irnau,  en  16U,  en- 
tra chez  les  Jésuites,  h  Gratz,  en  1633.  Après 
avoir  enseigné  la  théologie  et  la  controverse^ 
ii  devint  assistant  des  généraux  Nickel  et 
Oliva,  Il  vivait  encore  en  1676,  On  a  de  lui 
un  très^grand  nombre  d'ouvrages,  la  plupart 
ascétiques.  Il  est  auteur  de  ;  Annus  Mio-. 
tnadarum  cfelestium^  Prague,  1663,  in*<^°  ;  -— 
Viia  saneU  Emeriifis  Presoourg,  1644',  in-foKf 
et  de  plusieurs  ouvrages  qui  concernent  les 
religieux  de  sa  société ,  célèbres  par  leur 
piété  et  leur  zèle  pour  la  religion* 

NAGOT  (Charles-François),  de  la  Congré- 
gation 4e  Saint-Sulpice,  supérieur  et  fonda- 
teur du  séminaire  de  Baltimore^  naquit  à 
Tours,  le  19  avril  1734,  et  y  fit  ses  études 
chez  les  Jésuites,  Il  vint  à  Paris  pour  son 
cours  de  théologie  «  et  sollicita  son  entrée 
dans  Ja  Congrégation  de  Saiat-Sulpice.  Au. 
moment  de  la  révolution,  en  1791,  il  passa 
en  Amérique»  et  se  fiia  h  Baltiinore »  où 
Pie  VI  venait  de  créer  un  siège  éiHSOopalf  et 
où  le  zélé  Sulpioien  fonda  un  séminaire  dont 
il  eut  ia  direction.  Il  mourut»  le  9  avril  1816, 


dans  de  grian4s  sentiments  de  piéié.  (km 
une  Vie  de  M.  Olier  (Voir  ce  nQtn)^  il  a  k\ià 
la  traduction  dV  Dévot  chrétien^  du  docleur 
Hay;  celle  du  Catholique  chrétien^  de  Cba* 
lonnerf  celle  du  Quide  chrétien  »i  de  qad- 
ques  autres  ouiirrages  pieux  en  anglais. 

NAIN  (DoQi  Pijârre  JLe),  né  i  Parisien 
1640.—  Il  regut  une  sainte  édyoatioi)  sous 
les  yeux  de  madame  d<)  Braguelouei  si 
gcand'mère,  dau^e  vertueuse,  dirigée  ancien* 
nement  par  saint  FrAnçoijs  de  Salos.  Le  désir 
de  faire  3on  salut  loin  du  monde  le  lit  eolrer 
à  Saint-Victor,  à  Paris,  et  ensuiteàla  Trappe* 
Qù  il  fut  un  exemple  de  pénitence  etd'buifli* 
lité,  comme  de  toutes  \e»  vQrtus  chrétiennes 
et  monastiques»  Quoique  l'abbé  de  Rancéful 
Qnnemî  des  études  dQs  moines,  il  permit  i 
tenain  d'étudier  et  de  jfaire  part  au  publia 
de  ses  travaux.  Son  histoire  ae  Tordre  de  Ci- 
teaux,  qui  manque  de  critique»  ne  laisse 
pas  d'être  utile  aux  personnes  qui  y  tber* 
cheront  l'édification  plutOt  que  la  scieoce. 
On  a  de  lui  aussi  :  une  relation  de  la  vie  ei 
de  la  mort  de  plusieur^s  religieui  de  b 
Trappe;  un  Traité  de  Vétat  du  monde  aprf*  < 
jugement  dernier;  —  un  autre  sur  h  tettsm 
qui  peut  arriver  même  dans  tes  monoftirtê  If* 
meuçe  réglés;  -^  Elévation  à  Dieu  pçur  i(f^ 
parer  à  la  mort. 

NAm  (Corneille),  prêtre  catholique  irlao- 
landais,  naquit,  en  1660,  dans  le  corati  da 
Kildare». reçut  la  prêtrise  dans  la  ville  de 
Kijkennvt  et  vint  è  Paris,  où  il  acheia  se» 
études  dans  le  mUécre  irlandais«  dont  ii  d^ 


M» 


NAT 


D^ASCSnSIIE. 


NAZ 


I1j9 


Tint  ensuite  proviseor.  De  retour  en  Ir- 
lande» il  obtint  une  cure  à  Dublin.  Il  avait 
de  la  piété»  du  zèle,  du  talent  et  toutes  les 
vertus  ecclésiastiques.  Ses  ouvrages  ascéti- 
ques sont  :  1*  Des  prières  et  des  médiiaUons^ 
1703»  în-12  ;  — 2^  Règles  ei  pieuses  instructions 
composées  pour  ^avancement  spirituel  d'une 
decoteveuve,  Dublin,17l6,  in-16.  Nari  mourut 
le  3  mars  1738.  H  était  excellent  coutrover- 
ttste,  et  il  a  publié  plusieurs  écrits  de  con- 
troverse pleins  de  science  et  de  dialectique, 
adressés  aux  anglicans. 

NATALIS  (Jérôme),  jésuite  flamand,  mort 
en  1381,  est  connu  seulement  par  un  ouvr.i^e 
intitulé  :  Meditatianes  in  Etangelia  totius 
anni;  in-fol.,  Anvers,  1591. 

NATIVITE  (Jeanne  Le  Roteb,  Sœur  delà), 
née  le  2%  Janvier  173i ,  au  village  de 
Beaulot,  à  deux  lieues  de  Fougères,  d'une 
famille  de  laboureurs,  entra  comme  domes- 
tique, i  l'âge  de  dix-huit  ans,  chez  des  re- 
ligieuses de  l'ordre  de  Sainte-Claire,  appe- 
lées Urbanistes^  établies  à  Fougères.  Quoi- 
qu'elle n'apportât  rien  en  dot,  elle  obtint 
dans  la  suite  d'être  reçue  sœur  converse,  et 
fit  de  ffrauds  progrès  dans  la  vertu.  La  sœur 
de  la  Nativité  crut  avoir  des  apparitions  et 
di:s  révélations  dont  elle  fit  part  à  ses  con- 
fesseurs successifs,  qni  cherchèrent  à  Téclai- 
rer  sur  des  points  aussi  délicats.  Cependant 
un  nouveau  directeur  du  couvent,  M.  l'abbé 
Genêt»  s'eloignant  de  la  route  de  ses  prédé- 
cesseurs, confirma  la  sœur  dans  sa  pieuse 
croj^ance;  elle  lui  dictait  ce  qu'elle  croyait 
avoir  vu  on  entendu;  mais  la  révolution  les 
sépara.  La  sœur,  forcée  de  quitter  son  cou- 
vent, se  réfuçia  chez  son  frère,  puis  auprès 
d'un  charitable  habitant  de  Fougères,  où  elle 
mourut  le  15  août  1798,  âgée  de  soixante- 
six  ans.  Pendant  son  séjour  en  Angleterre, 
Tabbé  Genêt  avait  communiqué  ses  manus- 
crits h  plusieurs  personnes,  qui  varient  d'o- 
pinion sur  le  de^é  de  confiance  que  méri- 
taient les  prédictions  qu'ils  contenaient- 
Plusieurs  copies  en  furent  même  distri- 
buées. A  la  mort  de  cet  ecclésiastique,  sur- 
venue en  1817,  les  manuscrits  furent  ven- 
dus à  un  libraire  qui  les  publia  dans  la 
même  année  sous  le  titre  de  Vie  et  Révélor' 
tians  de  la  Sœur  de  la  Nativité;  3  vol.  in-12. 
Cet  ouvrage  est  composé  d*un  Discours  pré- 
litninaire  de  If.  l'abbé  Genêt,  qui  tâche  de 
prouver  que  la  sœur  était  inspirée;  d*un 
Abrégé  de  la  vie  de  la  Sœur^  par  le  même  ; 
d'une  Vie  intérieure  de  la  Sœur,  écrite  ou, 
pour  mieux  dire,  dictée  pair  elle;  de  ses 
nombreuses  et  extraordinaires  Révélations^ 
par  lesquelles  elle  prédit  beaucoupgde  cho- 
ses sur  l*l^ise  et  la  fin  du  monde.  Ces  ré- 
vélations contiennent  des  détails  pleins  de 
piété  et  d'élévation,  et  d'autres  qui  pcrur* 
raient  être  soumis  à  une  sévère  critique.  On 
trouve,  dans  le  troisième  volume,  un  ileeuei/ 
d  autorités  en  faveur  de  ces  mêmes  révéla- 
tions; des  Observations  de  V abbé  Genêt  sur 
cette  même  matière,  et  une  Relation  faite 
I>ar  lui  des  huit  dentier  es  années  de  ta  Sœur, 
On  fit  une  nouvelle  édition  de  cet  ouvrage 
en  1819,  en  k  vol.  in-8*  et  in-12.  Le  qua- 

PiCTiOHTiAiftB  d'Ascétisme.  I 


trième  volume  supplémentaire  a  été  dicté 
par  la  Sœur  h  des  religieuses  qui  avaient 
mérité  sa  confiance.  VAmi  de  la  Religion  a 
donné  une  analyse  et  un  extrait  de  cet  ou- 
vrage dans  le  tome  XXIIU  p,  321,  385,  et 
dans  le  tome  XXIV,  p.  193.  Un  anonvme 
lui  répondît  pa.r  une  brochure  intitulée  : 
Réponse  de  mon  oncle  sur  la  censure  de*  Ré- 
relations  de  la  Sœur  de  la  Nativité. 

Une  autre  Jeanne  de  la  Nativité^  religieuse 
ursulirie  est  auteur  du  Triomphe  de  Vamour 
ditin  dans  la  rie  de  la  bonne  Armelle;  Paris, 
16-3.  in  li. 

NAVOEUS  (Joseph),  prêtre  et  chanoine  de 
Saint-Paul  de  Liège,  naquit  à  Viesme  en 
1651.  Il  professa  la  poésie,  rt  ensuite  la 
philosophie,  à  Louvain  et  è  Liège.  Il  eut 
des  démêlés  assez  vifs  avec  les  Jésuites  au 
sujet  du  séminaire  de  cette  ville,  dont  ces 
Pères  cherchaient  à  avoir  la  direction.  Il 
mourut  à  Liège  le  10  avril  1705,  après  avoir 
publié  plusieurs  ouvrages,  et,  entre  autres. 
Le  fondement  de  la  conduite  à  la  rie  et  à  la 
piété  chrétienne  f  selon  les  principes  que  la 
foi  nous  en  donne  dans  l'Ecriture  sainte  et  la 
doctrine  de  VEglise^  livre  pieux  et  estimé, 
que  Navœus  composa  dans  la  retraite  k 
laquelle  ses  inlirmités  le  condamnèrent 
quelques  années  avant  sa  mort.   On  croit 

Su'il  partageait  les  sentiments  d'Arnauld  et 
e  Quesnel. 

NAZARÉEN,  NAZARÉAT  (Ascète  Juif). 
—  Ces  deux  mots  sont  dérivés  de  Pliébreu 
Nazar  distinguer ,  séparer,  imposer  des 
abstinences;  les  nazaréens  étaient  des  hom* 
mes  qui  s'abstenaient  par  vœu  de  plusieurs 
choses  permises  :  le  nazaréat  était  le  temps 
de  leur  abstinence,  c*élait  une  espèce  de  pu- 
rification ou  de  consécration  ;  il  en  est  parlé 
dans  le  livre  des  Nombres  ch.  vi.  On  j  voit 
que  le  nazaréat  consistait  en  trois  choses 
principales  :  1*  à  s'abstenir  de  vin  et  de 
toute  iM)isson  capable  d'enivrer  ;  3*  à  ne  pas 
se  raser  la  tète  et  à  laisser  croître  les  che- 
veux ;  3*  à  éviter  de  toucher  les  morts  et  de 
s'en  approcher.  —  Il  y  avait  chez  les  Jnift 
deux  espèces  de  nazaréat  :  Tun  perpétuel* 
qui  durait  toute  la  vie;  l'autre  ^lassager,  qui 
ne  durait  que  pendant  un  certain  temps.  Il 
avait  été  prédit  de  Samson  [Judie.  xni,  5 
et  7}  qu'il  serait  nazaréen  de  Dieu  depuis 
son  enfance  ;  Anne,  mère  de  Samuel,  promit 
(/  Reg.  1, 11)  de  le  consacrer  au  jSeigneur 
toute  sa  vie,  et  de  ne  point  Ini  dire  raser  la 
tête.  L'ange  qui  annonça  i  Zacharie  la  nais- 
sance de  saint  Jean-Baptiste,  lui  dit  que  cet 
enfant  ne  ferait  usage  d'aucune  boisson 
capable  d'enivrer;  et  qu'il  serait  rempli  du 
Saint-Esprit  dès  le  ventre  de  sa  mère.  (Lue,  i, 
15.)  Ce  sont  là  autant  d'exemples  de  naza- 
réat perpétuel.  Les  rabbins  pensent  que  le 
nazaréat  passager  ne  durait  que  trente 
jours  ;  mais  ils  l'ont  ainsi  décidé  sur  des 
idées  cabalistiques  qui  ne  prouvent  rien  ;  i) 
est  probiibie  que  cette  durée  dépendait  de 
Ja  volonté  de  celui  qui  s'y  était  engagé  pai 
un  vœu,  et  que  ce  vœu  pouvait  être  plusoa 
moins  long.  Le  chapitre  vi  du  livre  des 
Nombres  prescrit  ce  que  le  nazaréen  devait 

36 


1131 


NEL 


DICTIONNAIRE 


NEC 


Wlî 


faire  b  la  Gn  de  son  vœu.  Il  devail  se  pré- 
senter au  prêtre,  offrir  à  Dieu  des  Tictimes 
pour  trois  sacrifices,  du  pain,  des  gâteaui 
et  du  Tîn  pour  les  libations;  ensuite  on  lui 
rasait  la  tète,  et  on  brûlait  ses  cbereux  an 
feu  de  Tautel  ;  dès  ce  moment,  son  vœu 
était  censé  accompli;  il  était  dispensé  des 
abstinences  auxquelles  il  s'était  obligé. 

Ceux  qui  faisaient  le  vœu  du  nazaréat 
hors  de  la  Palestine,  et  qui  ne  pouraient  se 

()résenter  au  temple  à  la  fin  de  leur  vœu,  se 
iaisaient  raser  la  tête  où  ils  se  trouvaient, 
et  remettaient  à  un  autre  temps  l'accomplis- 
sèment  des  autres  cérémonies;  ainsi  en  usa 
saint  Paul  h  Cencbrée,  h  la  fin  de  son  vœu, 
{Ad.  XVI,  18.)  Les  rabbins  ont  imaginé 
qu'une  personne  pouvait  avoir  part  au  mé- 
rite du  nazaréat,  en  contribuant  aux  frais 
du  sacrifice  du  nazaréen  lorsqu'elle  ne  pou- 
vait faire  davantage;  cette  opinion  n*est 
fondée  sur  aucune  preuve.  —  spencer,  dans 
son  Traité  de$  lois  cérémonielle$  des  Hébreux^ 
11*  partie,  1'*  dissert.,  ch.  6,  observe  que  la 
coutume  de  nourrir  la  chevelure  des  jeunes 

f;ens  h  l'honneur  de  (juelque  divinité  et  de 
a  lui  consacrer  ensuite»  était  commune  aux 
Egyptiens»  aux  Syriens,  aux  Grecs,  etc.  :  et 
il  suppose  très-mal  à  propos  que  Moïse  ne 
fit  que  purifier  cette  cérémonie,  en  Timitant 
et  la  destinant  à  honorer  le  vrai  Dieu.  Il  dit 
qu'il  n'est  pas  probable   que  ces   nations 
raient  empruntée  des  Juiis;  mais  il    est 
encore  moins  probable  que  Moïse  l'ait  em* 
pruntée  d'eux,  et  il  est  fort  incertain  si  cet 
usaçe  était  déjà  pratiqué  de  son  temps  par 
les  idolâtres.  Si  Spencer  et  d'autres  y  avaient 
mieux  réfléchi,  ils  auraient  vu  qu'il  n'y 
avait  point  ici  d'emprunt  ;  que  la  coutume 
des  païens  n'a  rien  de  commun  avec  le 
nazaréat  des  Hébreux.    Les  jeunes  Grecs 
nourrissaient  leur  chevelure  jusqu'à  l'Age 
de  puberté;  alors  les  cheveux  les  auraient 
embarrassés  dans  la  lutte,  dans  l'action  de 
nager  et  dans  d'autres  exercices  ;  ils  les  con- 
sacraient donc  à  Hercule  qui  présidait  à  la 
lutte,  ou  aux  nymphes  des  eaux,  protectrices 
des  nageurs  ;  ils  les  suspendaient  dans  les 
temples  et  les  conservaient  dans  des  bottes; 
il$  ne  les  brûlaient  pas.  Leur   motif  était 
dûn(f  tout  différent  de  celui  des  Juifs.  Sous 
un  climat  aussi  chaud  que  celui  de  lu  Pales- 
tine, la  chevelure  était  incommode,  c'était 
une  mortification  de  la  garder,  aussi  bien 
que  de  s'abslenir  du  vin,  etc. 

On  voit  parce  que  nous  venons  de  dire, 
qne  les  œuvres  de  la  vie  ascétique  sont 
antérieures  au  catholicisme  qui  n'a  fait  que 
les  étendre  et  les  perfectionner. 

Le  nazaréat  dans  la  Synagogue  était  comme 
l'ombre  et  la  figure  de  la  vie  religieuse  ou 
itionastique.  —  Voir  Thérâpbutbs,  et  notre 
Discours  prêliminairb. 

NELSON  (Robert),  gentilhomme  anglais 
qui  vivait  pendant  la  révolution  d'Angle- 
terre de  la  fin  du  xvir  siècle.  —  Il  fut  de 
toutes  les  sociétés  de  bienfaisance  établies 
en  Angleterre,  et,  à  sa  mort,  il  .fit  une 
grande  quantité  do  legs  pour  des  bonnes 


œuvres.  On  a  de  lui  une  Pratique  de  la  trait 
dévotion. 

NEPy EU  (François),  né  à  Saint-HAlo,  en 
1639,  se  fit  jésuite  en  1654.  Il  professa  les 
humanités  et  la  philosophie,  et  devint  rec* 
teur  du  colléçe  de  Rennes,  où  il  moanil.  Il 
a  publié  plusieurs  ouvrages,  qui  ont  tons  la 
piété  et  la  morale  pour  objet  :  V  Dt  h 
connaissance  et  de  Pamour  de  rtotre-Seigncur 
Jésus-Christ.  Nantes,  1681,  tn-13  ;  —  t  Mi^ 
thoded^  Oraison^  in-lS,  Paris,  1691  ;— 3*£xfr- 
eiees  intérieurs  pour  honorer  les  myttèret  de 
Notre-Seigneur  Jésus-Christ^  Paris,  1691. 
in-12;  —  W*  Retraite  selon  Vesprit  et  la  mé- 
thode de  saint  Ignace^  Paris,  1687,  in*12;  ~ 
5*  La  manière  de  se  préparer  à  la  mort,  Paris, 
1693,  in-12  ;  —  6*  Pensées  et  Réflexions  chré- 
tiennes pour  tous  les  jours  de  t  année,  k  roi. 
in-12,  Paris,  1699;  —  7«  VEsprit  du  chriy 
Itanûme,  ou  la  conformité  du  chrétien  attc 
Jésus-Christ,  Paris,  1700,  io-12.  Tous  ces 
ouvrages  sont  bien  écrits;  l'auteur  a  sq 
joindre  les  agréments  du  langage  à  rooclion 
de  la  morale  chrétienne. 

NÉRI  (saint  Philippe  de),  fondateur  de  la 
congrégation  des  Prêtres  de  TOratoire,  en  Ita- 
liei  naauit  à  Florence,  en  1515.  Elevé  dans 
la  piété  et  dans  les  lettres,  il  se  distingua 
par  sa  science  et  par  sa  vertu.  Après  avoir 
reçu  le  sacerdoce  à  l'Age  de  trente-six  ans. 
il  fonda  une  célèbre  confrérie  dans  Téglise 
de  Saint-Sauveur  del  Campo,  pour  le  soula- 
gement des  pauvres  étrangers,  des  pèlerins, 
des  convalescents,  ((ui  n'avaient  point  de  re* 
traite.  Cette  confrérie  fut  comme  le  berceau 
de  la  congrégation  de  rOratoiro.  Le  saint  in- 
stituleur  ajrant  gagné  à  Dieu  Salviati,  Tara- 
giOy  le  célèbre  Baronius  et  plusieurs  autres 
excellents  sujets,  ils  commencèrent  à  former 
un  corps,  en  lS6fc.  Le  Pape  Grégoire  XIII 
approuva  la  congrégation  en  1575.  Le  père 
de  cette  nouvelle  milice  détacha  quelques- 
uns  de  ses  enfants  qui  répandirent  cet  ordre 
dans  toute  l'Italie.  Le  saint  fondateur  mon* 
rut  h  Rome,  à  l'Age  de  quatre-vingts  ans.  Il 
s'était  démis  du  généralat  trois  ans  aupara- 
vant en  faveur  de  Baronius.  Ce  fut  par  ses 
conseils  que  ce  célèbre  historien  se  aécidaà 
travailler  à  ses  immortelles  annales.  Nous 
avons  de  lui  ses  Constitutions^  imprimées  en 
1612.  Saint  Philippe  de  Néri  fut  canonisé  par 
Grégoire  XY.  Peu  d'hommes  ont  eu  uoe 
piété  plus  ardente  et  plus  tendre.  Son  orai- 
son était  une  espèce  de  ravissement. 

""NEUMAYER  (François),  né  à  Munich,  en 
1697.  —  Entré  chez  lés  Jésuites,  il  j  cnseï- 
gna  les  belles  lettres  et  la  théologie,  travailla 
avec  de  grands  succès  au  salut  des  Ames,  eu 
dirigeant  la  congrégation  latine  de  Notre- 
Dame  de  Munich.  Ildevint  ensuite  prédic^ 
cateur  de  la  cathédrale  d'Augsboui^,  fonc- 
tions dont  il  s'acquitta  pendant  dii  ansafec 
une  réputation  extraordinaire.  Ses  discours 
avaient  particulièrement  pour  objet  la  réfu^ 
tation  des  erreurs  du  temps.  11  écriîit8us5i 
sur  toutes  sortes  de  sujets  avec  uoe  force  w 
une  éloquence  de  raison  qui  entraînait  sou- 
vent ses  adversaires.  On  a  de  lui»  en  paru- 


1155 


NEU 


D*ASCCTIS1IE. 


NIG 


I15i 


eulier,  en  lalin  :  ]e  Théâtre  ascétique^  la  Cor- 
rection firatemelle^  le  Remède  de  ta  Métanco- 
/le,  les  Yertui  tkéologigue$. 

Il  moorat  k  Augsboarg,  en  1765. 

NEUVAINES.  —  Prières  continuées  pen- 
dant neuf  jours  en  Fiionneur  de  quelque 
saint,  pour  obtenir  de  Dieu  quelque  grâce 
par  son  intercession.  Comme  les  incrédules, 
instruits  par  les  protestants,  se  font  une  étude 
de  tourner  en  ridicule  toutes  les  pratiques 
de  piété  usitées  dans  TEglise  romaine ,  un 
bel  esprit  ne  peut  pas  manquer  de  r^arder 
une  neuTaîne  comme  une  superstition,  de  la 
mettre  au  rang  des  pratiques  que  Ton  nomme 
vaines  obêervanees  et  eulU  superflu.  Pour* 
q«oi  des  prières  répétées  pendant  neuf  jours 
ni  plus  m  moins?  Seraient-elles  moins  effi- 
caces, si  elles  étaient  faites  seulement  pen- 
dant huit  jours,  ou  prolongées  jusau'à 
dix,  etc.  ?  —  Ea  quelque  nombre  que  l'on 
puisse  faire  des  prières,  la  même  question 
reviendra,  et  ue  prouvera  jamais  rien.  L'ai- 
iuskin  k  un  nombre  quelconque  n'est  super- 
stitieuse que  quand  elle  a  quelque  chose  de 
ridicule,  et  n*a  aucun  rapport  au  culte  de 
Dieu  ni  aux  Térités  que  nous  devons  pro* 
fesser;  elle  est  louable,  au  contraire,  lors- 
qu'elle sert  k  inculquer  un  fait,  ou  un  dogme 
qu'il  est  essentiel  de  ne  pas  oublier.  Ainsi, 
chez  les  patriarches  et  chez  les  Juils,  le  nom- 
bre septénaire  était  sacré,  parce  qu'il  faisait 
allusion  aux  six  jours  de  la  création,  et  au 
septième,  qui  était  le  jour  du  repos  ;  c'était, 
ftar  conséquent,  une  profession  continuelle 
du  dogme  de  la  création,  dogme  fondamen- 
tal et  de  la  plus  grande  importance.  Le  cin- 
Îuième  jour  de  la  fête  des  expiations,  les 
uifs  devaient  offrir  en  sacrifice,  des  veaux, 
au  nombre  de  neuf,  nous  ne  croyons  pas 
que  ce  nombre  eût  rien  de  superstitieux, 
quoique  nous  n'en  sachions  pas  la  raison. 
[Num.  XXIX,  26.) 

Dans  l'Eglise  chrétienne,  le  nombre  trois 
est  devenu  sacré,  parce  qu'il  est  relatif  aux 
personnes  de  la  sainte  Trinité.  Comme  ce 
iDjstère  fut  attaquépar  plusieurs  sectes  d'hé- 
réliques,  l'Eglise  affecta  d'en  multiplier  l'ex- 
pression dans  son  culte  extérieur  ;  de  là  la 
triple  immersion  dans  le  Liaptème;  le  Tmo- 
gion  ou  trois  fois  saint  chanté  dans  la  litur- 

Î;ie;  les  signes  de  crfiix  répétés  trois  fois  par 
e  prêtre  pendant  la  messe,  etc.  Par  la  même 
raison,  le  nombre  de  neuf,  ou  trois  fois  trois, 
est  devenu  significatif  :  ainsi,  l'on  dit  neuf 
fois  Ejfrie  eteison;  trois  fois  à  l'honneur  de 
chaque  personne  divine,  pour  marquer  leur 
égalité  parfaite.  Nous  pensons  qu'une  neu^ 
raine  a  le  même  sens  et  fait  la  même  allu- 
sion; que  non-seulement  elle  est  très-4nno« 
cente,  mais  très-utile,  —  Si,  par  ignorance, 
une  personne  pieuse  s'imaginait  qu'à  cause 
de  cette  allusion,  ce  nombre  de  nnuf  a  une 
Tertu  particulière ,  qu'une  iifiiraïae  a  plus 
d'efficacité  qu'une  dixaine,  il  faudrait  par- 
donnera sa  simplicité,  et  l'instruire  de  la 
véritable  raison  de  la  dévotion  qu'elle  pra- 
tique. 
NEUVILLE  (Arine-Josepli-Claude  Fret  de) 


jésuite  né  en  1693,  à  Coutances,  d'ue  famillo 
noble,  fit  retentir  les  chaires  de  la  eoar  et 
de  la  capitale  .pendant  plus  de  trente  ans. — 
Après  la  destruction  de  son  ordre  en  France, 
il  se  retira  à  Sainl-Germain-en-Lajre,  où  il 
eut  la  permission  de  demeurer,  quoiqu'il 
n'eût  pas  rempli  la  condition  que  le  Park- 
ment  de  Paris  exigeait  des  jésuites  qui  von* 
laien  t  rester  dans  son  ressort.  C'était  d'abj u  rer 
leur  institut.  La  supériorité  de  ses  talents, 
ses  grandes  vertus  lui  avaient  mérité  à  la 
cour  d'illustres  protecteurs  qui  obtinrent  do 
Louis  XV  qu'il  pût  vivre  tranquille  dans  sa 
solitude.  La  leltre  qu'il  écrivit  à  un  de  se< 
confrères,  après  le.  coup  dont  Clément  XIV 
avait  frappé  son  ordre,  est  un  beau  monu- 
ment de  résignation ,  de  sagesse  et  d'obéis- 
sance. Sa  résignation  avait  d*autant  plus  de 
mérite  que  la  douleur  que  lui  causa  cet  évé- 
nement abrégea  ses  jours.  On  peut  lui  ap- 
pliquer à  lui-même  ce  qu'il  écrivait  à  son 
confrère  :  If  oui  avons  désiré  de  servir  la  reli- 
gion par  notre  zile  et  par  nos  talents^  tâchons 
de  la  servir  par  notre  chute  mime  et  par  nos 
malheurs.  Ses  sermons,  eu  huit  volumes,  se 
distinguent  de  la  foule  des  écrits  de  ce  genre 
par  la  neauté  des  plans,  la  vivacité  des  pen- 
sées, la  singulière  abondance  des  idées.  Sa 
Morale  du  Nouveau  Testamentesi  nn  ouvrage 
écrit  avec  netteté  et  solidité;  il  donne  une 
idée  juste  de  ce  que  doit  être  le  Chrétien 
dans  le  monde ,  et  même  de  la  vie  de  ceux 
qui  aspirent  à  une  plus  grande  perfection. 

NIEMEYER  (Alexandre-Hermès)  naquit 
à  Halle  en  1754,  et  parcourut  avec  la  plus 
grande  distinction  la  carrière  de  l'enseigne- 
ment. On  a  de  lui  plusieurs  ouvrages,  la 
plupart  sur  l'éducation.  U  en  a  aussi  sur  la 
morale  chrétienne.  En  particulier  :  Moyens 
de  consolation  pour  ceux  qui  souffrent  :  Jî- 
mothée^  ouvra^  destiné  à  exciter  ci  à  aug- 
menter  la  dévotion  des  Chrétiens. 

NIEREUBERG  (Jean  Eugène  De),  jésuite. 
Allemand  d'origine,  naouit  à  Madrid  en 
1590,  et  y  mourut  en  1^,  à  soixante-huit 
ans.  C'était  un  homme  pénitent,  austère  et 
très-laborieux.  Il  a  beaucoup  écrit,  et  la 
plupart  de  ses  ouvrages  dé  piété,  com()Osés, 
soit  en  espagnol,  soit  en  latin,  ont  été  tra- 
duits en  diverses  langues  et  quelques-uns 
en  français.  Le  traité  du  Discernement  du 
temps  et  de  Vétcmité^  ou  de  la  Différence  du 
temps  et  de  V éternité^  n'a  pas  été  seulement 
mis  en  français  par  le  P.  Brignon,  il  l'a  été 
au«si  en  arabe  par  le  P.  Fromage  de  la  même 
Société. 

MGRONI  (Jules),  Jésuite,  né  Tan  1553,  à 
Gênei,  professa  la  rhétorique,  la  phîloso* 
phie  et  la  théologie,  fut  constamment  préfet 
des  études  au  collège  de  Milan,  recteur  des 
collèges  de  Vérone,  de  Crémone  et  de  Gê« 
Des,  supérieur  des  maisons  professes  de 
Gênes  et  de  Milan;  il  mourut  le  17  janvier 
1625  dans  cette  dernière  ville.  On  a  du 
P.  Niffroni  les  œuvres  ascétiques  suivantes  : 
Regutœ  communes  Societatis  Jesu^  comment 
tariis  asceticis  illustrat^r;  Milan,  1613,  et 
1616:  Cologne,  1617,  in-k' ; -- Dissertatio 
moralis  de  liOrorum  amatoriorum  Icctioneju- 


115! 


NOU 


DICTIONNAIRE 


NOV 


m 


nioribus  maxime  vitanda,  Milan  1C22»  Co- 
logne 1630,  in-12;  —  Tractatun  ascetici  (au 
nombre  de  17);  Cologne,  1U2^,  in-V; — 
Historica  dissertatio  de  tancto  Ignatto,  So- 
cittatiê  Jesu  fundatore,  et  beato  Cajetano 
Thiœneo,  inslUutore  ordinis  clericorum  regu- 
iarium,  ouvrage  poslhuine,  Cologne,  1630, 
in-^'.  Le  P.  Nigroni  avait  encore  composé 
un  ouvrage,  De  mendicilaie  domorum  profes- 
sarim  Societatis  Jesu,  qui  est  resté  manus- 
crit. 

NIL  (SainO,  disciple  de  saint  Jean-Chry- 
soslonie,  avait  une  grande  réputation  de 
j)iélé  dès  le  commencement  du  y*  siècle,— 
On  croit  qu'il  était  de  Conslantinople  et 
d'une  des  premières  familles  de  cette  ville. 
L'empereur  Arcadius  l'y  éleva  h  la  dignité 
de  préfet.  Mais  voulant  s'éloigner  des  vices 
de  la  cour  et  renoncer  au  monde,  il  se  retira 
dans  le  désert  de  Sinaï  avec  son  fils  Théo- 
dule.  Sa  femme  consentit  à  sa  retraite,  et  se 
retira  elle-même  dans  un  monastère  de  re- 
ligieuses, en  Kgvpte.  Saint  Nil  mourut  vers 
itoO ,  laissant  pfusieurs  ouvrages  célèbres , 
parmi  lesquels  on  estinje  particulièrement 
ses  EpUres,  le  Traité  de  la  vie  monastique, 
et  celui  de  la  Prière. 

NOBILIBUS  (Robert  Nobili  ou  de).  — 
missionnaire  jésuite  né  à  Monlepulciana  en 
Toscane  en  15T7. 11  fut  attaché  aux  missions 
des  Indes  orientales.  Sa  méthode  de  se  con- 
former à  toutes  les  habitudes  des  Brahma- 
nes qui  n'étaient  pas  contraires  au  culte  ca- 
tholique fut  le  sujet  d'une  dispute  qui  lui 
valut  des  remontrances  de  Bellarmm  son 
oncle.  Mais  la  querelle  fut  étouffée  par  un 
bref  de  Grégoire  XV  oui  déclara  qu'il  est 
licite  aux  brahmanes  devenus  chrétiens  de 
continuer  à  porter  certaines  marques  qui 
sont  leur  signe  distinctif  et  à  se  conformer 
h  des  usages  singuliers  de  la  vie  civile.  Ce 
Père  a  composé  un  grand  nombre  de  livres 
de  piété,  entr'autres  ;  Regulœ  perfectionis. 

NOCTURNES.  (Foy.  Hkurbs  gàtioniàles.} 

NOM  DE  JESDS.  {Yoy.  Jésus.)    - 

NONNES.  {Yoy.  Rblioieuses.) 

NOIKER.  (Saint)  surnommé  Balbulu»  ou 
le  Bègue  moine  de  Saint-Gall  né  à  llétigaie 
mort  en  912.  —  On  a  de  lui  les  Viet  de 
saint  Gall  et  de  saint  Fridolin  et  d'autres  œu- 
Tres  consacrées  dans  le  Novus  thésaurus  mo^ 
numentorum  dç  dom  Pez  ;  Augsbourg,  1721. 

NOUET  (Jacques).  —  Jésuite,  né  l'an  1605, 
au  Mans  ;  il  fut  d'abord  professeur  d'huma-^ 
nités,  et  se  consacra  ensuite  à  la  prédication. 
Selon  Dupin,  auteur  de  VHistotre  ecclésias- 
tique  du  xvii*  siècle,  le  P.  Nouet  attaqua 
dans  ses  sermons  le  livre  de  la  Fréquente 
communion  du  fameux  A^nauld  ;  mais  comme 
ce  livre  avait  été  approuvé  par  des  évéaues, 
ceux-ci  conjointement  avec  d'autres  prélats, 
firent  comparaître  le  P.  Nouet  dans  une  as- 
semblée qu'ils  tinrent  à  Paris,  et  où  il  fut 
contraint  de  désavouer  ce  qu'il  avait  avancé 
contre  l'ouvrage  d'Arnauld.  Après  cette  dis- 
grâce,  il  devint  recteur  des  collèges  d'Alen- 
çoa  et  d'Arras,  place  qu  il  exerça  pendant 


vingt-cinq  ans.  D'après  Dupin,  déii^  cité,  et 
d*oS  nous  tirons  ces  faits,  le  P.  Nouet  fut 
un  des  plus  ardents  adversaires  de  Levoir, 
contre  lequel  il  publia  cet  ouvrage  :  Rmer- 
déments  au  consistoire  de  N.  aux  théologm 
d'Alençon,  disciples  de  saint  Augustin,  Il  di- 
rigea aussi  contre  Pascal  cet  écrit  :  Réponst 
aux  Provinciales.  On  a  encore  do  lui  plu- 
sieurs livres  ascétiques,  qui  parurent  en 
167fc  et  1678,  et  qu'on  lit  encore  avec  fruit, 
savoir  :  Méditations  sur  la  vie  cachée^  $ouf- 
frante  et  glorieuse  de  Jésun-Chrisi  7  vol  in-12; 
—  Vie  deJésus-Christ  dans  les  saints,  2  vol. 
VHomme  d'Oraison;  K  vol.,  réim| rimes  en 
1767;   —  La  dévotion   envers    Jésus-ChriU 
1666,  3  vol.  in-fc"  :  —  Méditations  et  en- 
tretiens  pour    tous   les  jours  de  Fannie^ 
sur  la  vie,  la  doctrine,  et  la  personne  sacrée 
de  Notre-Seigneur  :  Paris,  1675,  6  tom.  en8 
vol.  in-12.  On  y  trouve  la  Vie  de  Jésus-Ckritt 
dans  les  saints,  qui  forme  2  vol.  ;  Vhoime 
d'Oraison,  sa  conduite  dans  les  voies  du  salut: 
Paris  1695,  5  vol.  iri-12.  C'est  le  plus  esliiné 
de  ses  ouvrages  ;  il  a  été  réimprimé  en  1767. 
On  fait  entrer,  dans  un  ouvrage  intitulé: 
Bibliothèque  des  familles  chrétiennes,  îk  vol. 
in-18,  un  choix  des  méditations  du  P.  Nouet, 
sous  le  titre  de  Méditations  pour  tous  Us 
jours  de  l'année  ;  Paris  1828,  2  vol.  On  a  an- 
noncé à  Lyon  une  nouvelle  édition  des  prin- 
cipanx  écrits  de  ce  jésuite,  sous  le  titre 
à'OEuvres  spirituelles   du    il.  P.  Jacquti 
Nouet,  de  la  Compagnie  de  Jésus,  ou  YBommt 
d'oraison,  15  vol.  in-12,  comprenant  :  les 
Méditations,  8  vol.  in-12,  des  Retraites  os- 
nuelles  en  k  vol.,  et  pour  se  préparer  à  là 
mort,  1  vol.  ;  Conduite  dans  les  voies  deDitUy 
2  vol.  Comme  le  style  du  P.  Nouet  n'a  que 
très-peu  d'expressions  surannées,  l'éditeur 
annonçait  qu  il  conserverait  le  texte  de  ce 
pieux  et  savant  religieux  dans  toute  sou  in- 
tégrité.   Ses  ouvrages  étaient  devenus  si 
rares,  qu'à  peine  on  en  trouvait  des  exem- 
plaires complets.  Le  P.  Nouet  mourut  à  Pa- 
ris, en  1680,  âgé  de  soixante-quinze  ans. 

NOVICE,  NOVICIAT.  —  On  appelle  »^ 
vice  une  personne  qui  aspire  à  faire 
profession  de  l'état  religieux ,  qui  en  a 
pris  l'habit,  qui  s'exerce  à  en  remplir 
les  devoirs.  Dans  tous  les  temps  TEglisc  a 
pris  des  précautions  pour  empêcher  que 
personne  n'entrât  dans  l'état  religieux  sans 
une  vocation  libre  et  solide,  sans  bien  con- 
nattre  les  obligations  de  cet  état,  et  sans  j 
être  exercé  snflOisamment.  Le  concile  dt 
Trente  (Sess.  xxv.  ch.  16  et  suiv.)  a  renou 
vêlé  sur  ce  sujet  les  anciens  canons,  ft  a 
chargé  les  évoques  de  veiller  de  près  « 
leur  observation  ;  mais  cette  matière  appar- 
tient au  droit  canonique.  Les  bérélifiçs» 
les  incrédules,  les  gens  du  monde, qui  si- 
maginent  que  presque  toutes  les  vocations 
sont  forcées,  ignorent  les  épreuves  quon 
fait  subir  aux  novices,  les  soins  qoe  P*^"" 
nent  les  supérieurs  ecclésiastiques  pour  em- 
pêcher que  l'erreur,  la  séduction,  I*  ^^^ 
lence  n'aient  aucune  part  à  la  professioii 
religieuse.  On  peut  assurer  ingenéraUF 
s'il  y  a  dans  ce  genre  quelques  victimes  ii<^ 


1157 


NOV 


D*ASCEnSME. 


KOV 


1138 


Famiiilion,  de  la  cruauté  et  de  l'irréligion 
de  leurs  ftareais,  les  novices  y  ont  con- 
senti, qu*ils  ont  surpris  la  Tîgilance  et  Pat- 
tention  scmruleuse  des  éfèques  et  de  leurs 
préposés.  Mais,  il  est  inutile  de.répoudre  à 
ce»  objections. 

Le  P.  Rodriçuez,  dans  son  admirable  lîTre 
de  la  Perfection  ehrétiemUf  a  parCulement 
démontré  l'importance  do  noviciat  dans  la 
▼ie  religieuse.  Deux  raisons  prouTent,  dît* 
il,  cette  importance,  la  première,  c'est  qu*à 
parler  selon  le  cours  ordinaire,  tous  les 
progrès  d'un  religieux  h  l'aTenif  dépendent 
de  1  éducation  quM  a  eue  pendant  son  noTi* 
ciaty  et  de  la  manière  dont  il  s'y  est  com- 
porté ;  la  seconde  est  que  c'est  sur  cela  que 
toute  l'espérance  de  la  religion  est  fondée, 
et  de  là  que  dépend  absolument  tout  son 
bonheur.  Et  en  premier  lieu  il  est  cerfôin 
que  le  profit  ou  le  peu  d'avancement  d'un 
religieux  dépend  tellement  de  cette  éduca* 
tien  et  de  la  manière  dont  il  aura  vécu 
durant  son  noTiciat,  que.  moralement  par- 
lant, il  est  constant  aue,  si  alors  il  a  de  la 
néglireoce  et  de  la  licdeur  pour  les  choses 
spirituelles,  il  en  aura  également  toute  s.i 
vie.  Car  pourquoi  s'imaginer  qu'il  devien- 
dra ensuite  plus  soigneux  et  plus  fervent, 
puisqu'il  n'y  a  aucune  apparence  de  croire 
ce  cbangement,  et  qu'au  contraire,  il  y 
a  plusieurs  raisons  qui  doivent  nous  per- 
suader qu'il  demeurera  toujours  dans  le 
même  état  ? 

Pour  faire  voir  encore  plus  clairement 
cette  vérité,  adressons  la  parole  au  novice 
en  particulier,  déduisons  lui  nos  raisons, 
et  convainquons  le  de  cette  manière.  Main- 
tenant que  vous  êtes  dans  votre  noviciat, 
TOUS  avez  beaucoup  de  temps  pour  vous 
appliquer  è  votre  avancement  spirilucl,  et 
beaucoup  de  moyens  qui  peuvent  y  contri- 
buer, parce  que  vos  supérieurs  songent  à 
cela  uniquement,  et  en  font  leur  fonction 
principale,  Vousavezdevant  les  yeux  l'exem- 
ple de  vos  frères  qui  ne  varjueni  è  rien 
jotre  chose,  et  l'exemple  fait  d*ordinaire 
tant  d'impression  sur  nous,  que  quand  on 
est  continuellement  parmi  des  gens  qui  ne 
s  adonnent  qu'a  la  vertu,  et  qui  y  font  des 
progrès  considérables,  il  est  dinTicile  que 
quelque  lâche,  quelque  pesant  qu'on  soit, . 
on  ne  se  sente  excité  à  sortir  de  sa  lâcheté. 
Vous  avez  de  p!us  un  cœur  qui  n'est  plus 
embarrassé  de  rien,  qui  est  dégagé  de  toutes 
les  pensées  du  siècle,  et  qui  parait  même 
|¥)rlé  à  la  vertu;  vous  n'avez  nulle  occa- 
sion qui  vous  en  détourne,  et  vous  en  avez 
niille  qui  vous  y  portent.  Si  maintenant  que 
vous  n'êtes  ici  que  pour  cela  et  que  vous 
n'avez  pas  d'autre  affaire,  vous  ne  faites 
c<*pendant  aucun  progrès ,  et  n'amassez 
aucun  fonds  de  vertu  pour  l'avenir,  que 
s<*ra-ce  lorsque  vous  aurez  le  cœur  rempli 
lie  mille  choses  qui  vous  le  |»artdgeront  ? 
Si  maintenant,  avec  tant  de  loisir,  tant  de 
commodités  ei  tant  de  secours,  vous  ne 
faites  pas  bien  votre  oraison,  votre  ciamen  ; 
si  vous  ne  vous  attachez  pas  à  n'y  man- 
quer en  rien,  et  à  bien  luus  acqnitt*  r  de 


vos  autres  exercices  spirituels,  que  sera-re 
quand  le  soin  de  vos  études  vous  occupera 

I  esprit,  que  vous  serez  dans  les  charges  et 
dans  le  ministère  de  la  confession  et  de  la 
prédication  7  Si  avec  tant  de  conférences , 
tant  d'exhortations,  tant  d'exemples  et  tant 
de  sollicitations,  vous  ne  laites  aucun  profit, 
que  sera-ee  lorsqu'il  vous  surviendra  des 
empêchements  et  des  obstacles  de  toutes 
parts  ?  Si  dans  le  commencement  de  votre 
conversion,  lorsque  la  nouveauté  devrait 
vous  donner  pins  de  chaleur  et  de  zèle, 
vous  êtes  néanmoins  tiède  et  languissant, 
que  sera-ee,  lorsque  vous  aurez  les  oreilles 
accoutumées  et  le  cœur  endurci  h  tout  ce 
qui  pouvait  vous  toucher  et  vous  servir? 
Knfin,  si  maintenant  que  les  passions  ne 
font  que  de  naître  en  vous,  et  que  \f^s  mau- 
vaises, inclinations  sont  encore  tendres  et 
faibles,  vous  n'avez  pas  le  courage  de  vous 
y  opposer,  comment  pourrez-vous  y  résis- 
ter et  les  vaincre  quand  elles  seront  telle- 
ment fortifiées  par  l'usage  et  enracinées,  que 
vous  ne  pourrez  les  arracher  sans  vous  faire 
une  violence  plus  cruelle  que  la  mort  ? 

Saint  Dorothée  exp.ique  très-bien  cette 
vérité  par  un  exemple  qu'il  rap|)orte  d'un 
des  Pères  du  désert,  qui,  étant  un  jour  avec 
ses  disciples  dans  un  lieu  plein  de  cyprès  de 
toutes  grandeurs,  commanda  à  l'un  d'eux 
d'en  arracher  un  petit  qu'il  lui  montra,  et 
que  le  disciple  arracha  aussitôt  sans  peine. 

II  lui  en  montra  ensuite  un  autre  qui  était 
un  \te\x  pl'js  grand,  et  qu'il  arracha  pareille- 
ment, mais  avec  plus  d'efforts  et  en  y  met 
tant  les  deux  mams.  Pour  en  déraciner  un 
autre  qui  était  plus  fort,  il  eut  besoin  qu'un 
de  ses  compagnons  lui  aidât;  et  enfin  tout 
ce  qu'ils  étaient  de  solitaires  s'efforcèrent 
inutilen;ent  d'en  arracher  un  autre  qui  était 
beaucoup  plus  gros  que  les  premiers.  Voilé, 
leur  dit  alors  le  vieillard,  ce  qu'il  en  est  des 
passions.  Au  commencement,  quand  elles 
ne  sont  pas  encore  bien  enracinées,  il  est 
facile  de  les  arracher,  pour  peu  qu'on  veuiiln 
se  donner  de  la  peine  ;  mais  lorsque,  par 
une  longue  habitude,  elles  ont  jeté  de  pro- 
fondes racines  dans  le  cœur,  il  est  très-dif- 
ficile de  les  en  tirer;  il  faut  faire  des  efforts 
extraordinaires,  et  quelquefois  même  avec 
tout  cela  on  ne  peut  en  venir  h  bout. 

On  peut  voir  par  Ik  que  c'est  un  très- 
grand  abus  et  une  tentation  très-dangereuse 
de  différer  sa  conversion  de  jour  en  jour, 
dans  la  pensée  de  |)ouvoir  mieux  ne  vaincre 
dans  un  autre  temps,  sur  les  choses  où  en 
n'a  pas  eu  le  courage  de  s'opf^oser  h  vauseï 
de  la  difliculié  qu'on  y  trouve.  Si  vous  n'osez 
entreprendre  de  surmonter  cette  difficulté 
quand  elle  est  légère,  comment  le  ferez- 
vous  quand  elle  sera  plus  grande?  Si,  k 
présent  que  votre  passion  n'est  encore  qu'un 
petit  lionceau,  vous  n'avez  pas  la  hardiesse 
de  l'attaquer,  comment  le  ferez-vous  quand 
elle  sera  devenue  une  bête  furieuse?  Soyez 
donc  persuadé  que  si  maintenant  vous  êtes 
lâche  et  tiède,  vous  le  serez  dans  la  suitf"; 
si  maintenant  vous  n'êtes  pas  bon  novitc. 


Itl9 


NOV 


DICTIONMiUE 


NOV 


IIM 


TOUS  ne  serez  pas  dans  la  suite  bon  reli- 
gieux. Si  maintenant  vous  yous  négHgcz 
dans  les  choses  de  robéissance  et  qui  re- 
gardent Tobservalion  des  règles,  vous  le 
ferez  bien  plus  dans  la  suite;  si  maintenant 
vous  êtes  peu  attentif  h  bien  faire  vos  ex- 
ercices spirituels,  et  vous  ne  les  faites  qu*à 
demi,  vous  les  ferez  de  même  pendant  toute 
votre  vie.  Le  tout  est  de  bien  commencer; 
et  saint  Bonaventure  nous  rapprend  quand 
il  dit  :  On  ne  quitte  guère  les  impressions 
qu'on  a  reçues  la  première  fois,  et  celui 
qui,  dans  les  commencements  d*un  nouveau 
genre  de  vie,  méprise  la  discipline,  s'y 
apjilique  difficilement  dans  un  autre  temps. 
(Tesi  un  proverbe^  dit  Salomon,  que  celui  qui 
m  pris  un  chemin  dans  sa  jeunesse^  le  suivra 
toujours  sans  le  quiUeTf  même  dans  sa  vieil- 
lesse. {Prov.  XXII.)  C'est  ce  qui  a  fait  dire 
è  saint  Jean  Glimaque  que  les  commence- 
ments lAches  et  faibles  sont  très-dangereux, 
parce  que  c'est  un  signe  manifeste  d'une 
chute  à  venir.  Il  est  donc  très-important  de 
s'accoutumer  d'abord  à  la  vertu  et  à  bien 
faire  ses  exercices  spirituels.  Le  Saint- 
Esprit  nous  apprend  qu'il  est  tris-avanta" 
qettx  à  rhomme  de  porter  le  joug  dis  sa 
jeunesse  (Thren.  m),  parce  que  la  nratique 
de  la  vertu  lui  sera  aisée;  mais  s  il  n'y  a 
pas  été  formé  de  bonne  heure ,  comment 
pourra-t'Xl  trouver  dans  sa  vieillesse  ce  que 
dans  sa  jeunesse  il  n'a  pas  eu  le  soin  d'amas-- 
ser.  {Eceli.  xxv.) 

De  cette  première  raison,  on  tire  une  in- 
duction nécessaire  pour  la  seconde,  puisque, 
SI  tout  le  profit  d'un  religieux  pour  l'avenir 
dépend  de  la  première  éducation  qu'il  re- 
çoit, tout  l'avancement  de  la  religion  en 
général  en  dépend  par  conséquent  de  fa 
même  sorte.  Car  c'est  l'assemblée  des  reli- 
gieux et  non  les  murailles  des  maisons  et 
aes  églises  qui  font  la  religion  ;  et  ceux  qui 
sont  dans  \e  noviciat  sont  ceux  qui  doivent 
composer  tout  le  corps.  C'est  pour  cela  que 
par  une  salutaire  institution,  on  a  établi 
des  maisons  de  probalion,  pour  ne  s'y  appli- 
quer qu'à  Tabnégation  de  soi-même,  h  la 
mortification  de  ses  sens^t  h  la  pratique  de 
toutes  les  véritables  vertus.  Saint  François 
de  Borgia  disait  que  ces  maisons  étaient 
pour  ses  novices  une  Bethléem^  c'est-à- 
dlro  une  maison  de  pain^  parce  que  c'est  là 
où  l'on  fait  des  provisions  pour  celte  navi- 
gation de  Ijgng  cours  que  l'on  doit  entre- 
prendre M  sortir  de  ces  maisons.  Le  temps 
que  vous  y  demeurez  est  le  temps  de  la 
moisson,  le  temps  de  ral>ondance  et  de  la 
fertilité  dans  lequel  vous  devez,  comme 
Joseph,  vous  munir  contre  les  années  de 
stérilité  et  de  famine.  Si  les  Egyptiens 
eussent  bien  compris  ce  qui  devait  arriver, 
et  eussent  eu  de  la  prévoyance,  ils  ne  se 
seraient  pas  tant  pressés  de  se  défaire  de 
leurs  blés,  qu'ils  amassaient  avec  tant  de 
soin.  Si  vous  pouviez  concevoir  de  quelle 
importance  il  vous  est  de  ne  point  sortir  du 
noviciat  sans  avoir  fait  une  bonne  provi- 
sion, vous  ne  souhaiteriez  pas  d'en  être 
Dieutôt  dehors  •  et  vous  n*en*  sortiriez  au 


contraire  qu'avec  douleur  quana  voasvien 
driez  à  considérer  que  vous  êtes  peut-être 
fort  mal  pourvu  de  toutes  les  vertus  néces- 
saires h  un  bon  religieux.  Ceux  qui  sool 
impatients  d'être  bientôt  hors  du  ooficiat, 
montrent  bien ,  dit  le  même  saint,  qu'ils 
manquent  de  connaissance:  puisqu'allant 
faire  un  voyage  si  long  et  si  pénible,  iU 
ne  craignent  pas  de  1  entreprendre  sans 
avoir  fait  toutes  les  provisions  dont  ils  ont 
besoin. 

Saint  Ignace  s^est  tellement  persuadé  quef 
pendant  le  noviciaton  ferait  un  grand  amas 
de  vertus,  que  dans  ses  Constitutions  il  re- 

farde  cela  comme  une  chose  certaine.  Il 
tablit  deux  années  de  probation,  aûn  qae 
durant  ce  temps  on  ne  son^e  qa'à  son  araih 
cément  spirituel,  sans  faire  aucune  autre 
étude  que  celle  dont  on  peut  tirer  quelque 
profit  pour  parvenir  à  une  plus  grande 
abnégation  de  soi-même  et  à  un  plus  haut 
degré  de  perfection.  Ensuite,  se  persuadant 

3u  un  religieux  sort  de  là  avec  un  tel  esprit 
e  ferveur,  de  mortification  et  de  retraite, 
et  avec  tant  d'ardeur  pour  l'oraison  et  les 
choses  spirituelles,  qu  il  est  nécessaire  de 
le  retenir,  il  avertit  ceux  qui  continuent 
après  cela  leurs  études,  de  modérer  alors 
leur  ferveur,  de  vaquer  à  f oraison  'moins 
que  de  coutume,  et  de  faire  moins  d*âusté- 
rites  qu'à  Tordinaire.  Tâchez  donc  de  sortir 
du  noviciat  tel  que  ce  grand  saint  comptait 
que  vous  deviez  en  sortir;  ménagez  bien 
un  temps  si  précieux;  songez  que  peut-être 
de  votre  vie  vous  n'en  aurez  point  d'autre 
qui  soit  [si  propre,  pour  travailler  à  voire 
avancement  et  pour  amasser  des  trésors 
spirituels.  Enfin,  pour  me  servir  des  paroles 
de  l'Ecriture  :  Ne  souffrez  pas  qu^un  si  bon 
jour  se  passe  sans  que  vous  en  proGtiez,  et 
tâchez  cle  ne  rien  perdre  d'un  temps  si  ex- 
cellent. 

Ceux  que  Dieu  appelle  à  la  religion  dès 
leurs  plus  tendres  années,  ont  un  grand  su- 
jet de  lui  en  rendre  grâces  ,  parcequ'alors  il 
est  très-facile  de  s'appliquer  a  la  vertu  et  de 
se  soumettre  au  ioug  de  la  discipline  reli- 
gieuse. Il  est  aisé  dans  les  commencemeGts 
de  plier  un  jeune  arbrisseau ,  et  de  le  reodro 
droit;  mais  s'il  est  courbé  et  que  vous  le 
laissiez  croître  en  cet  état ,  il  y  demeurera 
toujours  et  vous  le  romprez  plutôt  aue  de  le 
redresser.  Il  en  est  do  même  de  rbommo 
dans  un  âge  tendre;  il 'est  facile  de  lui  faire 
prendre  un  lM>n  pli  et  de  le  tourner  au  bien; 
de  sorte  qu'y  étant  ainsi  accoutumé  de  bonne 
heure,  il  y  trouve  ensuite  une  très-grandn 
facilité  et  y  persévère  toujours.  Dne  élonc 
teinte  en  laine  ne  perd  jamais  sa  couleur, 
et  qui  pourra,,  dit  saint  Jérôme,  rendre b 
première  blancheur  à  la  laine  qui  aura  été 
teinte  en  écarlate?  Un  vase  neuf  retient  long: 
temps  l*odeur  de  la  première  liqueur  q^ui  y 
a  été  versée.  L"£criture  loue  Josias  de  s  être 
adonné,  dès  son  bas  âge,  au  service  de  Dieu. 
Lorsqu'il  était  encore  enfant  ;  il  commefiça^ 
chercher  le  Dieu  de  son  père  David.  (//  /'«^'• 

XXXIV.} 


lUl 


OBE 


D^ASCETISMB. 


OBE 


fllt 


Humli^rt,  personnage  illustre,  et  général 
de  l'ordre  des  Dominicains ,  rapporte  qu*an 
reiiffieux  étant  mort ,  apparat  è  un  autre  tout 
brillant  de  gloire,  et  que  le  tirant  de  sa  cellule» 
il  lui  mon  Ta  un  grand  nombre  d*bommes 
fétus  de  blanc  et  enrironnés  de  clarté»  qui 
portant  de  très  belles  croix  sur  leurs  épaules, 
8*en  allaient  en  procession  au  ciel.  Il  lui  en 
fit  Yoir  d'autres  ensuite  qui  marchaient  dans 
le  même  ordre»  mais  qui  étaient  beaucoup 
plus  éclatants  de  lumière  c^ue  les  premiers  » 
et  tenaient  chacun  è  la  main  une  croix  beau- 
coup plus  belle  et  beaucoup  plus  riche. 
Api^èscela»  il  passa  une  troisième  proces- 
sion, mais  incomparablement  plus  lumi- 
neus?  et  plus  admirable  que  les  deux  autres; 
toutes  les  croix  j  étaient  aussi  d*une  beauté 
bien  surprenante  «  et  au  lieu  que  les  hommes 
des  deux  autres  troupes  |K>rtaicnt  chacun  la 


leur»  ou  è  la  main»  oo  sur  leurs  épaules» 
ceux-ci  araient  chacun  ange  qui  p«)rtait  leur 
croix  devant  eux»  a6n  qulfs  marchassent 
plus  facilement  et  suit issont  avec  plus  de 
joie.  Le  religieux  étonné  de  celte  Tîsion  »  en 
demanda  l'explication  k  celui  qui  la  lui  aTait 
montrée;  celui*ci  lui  répondit  que  les  pre- 
miers qu'il  a?ait  tus  porter  leurs  croix  sur 
leurs  épaules»  étaient  ceux  qui  étaient  entrés 
en  religion  dans  un  âge  avancé;  que  les  se- 
conds qui  la  tenaientà  la  main,  étaientceux  qui 
s*7  étaient  mis  lorsqu'ils  étaient  encore  jeunes  : 
et  que  les  derniers,  qui  marchaient  si  libre- 
ment, étaient  ceux  qui  •  dès  leur  plus  tendre 
jeunesse,  avaient  embrassé  la  vie  religieuse 
et  renoncé  k  toutes  les  vanîtés  du  monde. 
NDDITE  CONTEMPLATIVE.  (Foy.  Co«- 

TEMPLAXIO^r.] 


O 


OBEISSANCE ,  sox  excellence  ,  ses  de- 
<sBÉs,  etc.  —  L'excellence  de  cette  vertu,  si 
io  iispensable  dans  la  vie  ascétique ,  se  fonde 
sur  1rs  divines  Ecritures ,  sur  l'autorité  et 
l'exemple  de  tous  les  saints. 

Est-ce  que  le  SeigneurJ  veut  qu'on  lui 
offre  des  holocaustes  et  des  victimes,  et 
lion  pas  plutAt  qu'où  obéisse  k  sa  voix  ? 
L'obéissance  vaut  mieux  que  les  victimes  ; 
ci  il  vaut  mieux  faire  ce  que  Dieu  veut, 
que  de  lui  offrir  la  graisse  des  béliers.  Saint 
Augustin  demande  en  plusieurs  endroits, 
paurqnoi  Dieu  défendit  a  l'homnie  de  man- 
ger du  fruit  de  Tarbre  de  la  science  du  bien 
et  du  mal  ;  et  une  des  raisons  qu'il  en  donne, 
c'est  eue  Oieu  voulait  montrer  aux  hommes 
qae  1  obéissance  est  d'elle-même  un  grand 
bien,  et  que  la  désobéissance  est  d'elle-même 
un  grand  mal.  En  effet,  ce  ne  fut  pas  le  fruit 
de  larbre  qui  fut  cause  de  tous  les  malheurs 
qui  suivirent  le  péché  d'Adam  ;  car»  outre 
que  cet  arbre  n'avait  rien  en  lui  de  mauvais, 
puisque  Dieu  lui-même  reconnut  que  tout 
ce  qu'il  avait  fait  était  excellent,  il  n*est  pas 
à  présumer  que  Dieu  eût  voulu  mettre  quel- 
que chose  de  mauvais  dans  le  jardin  des  dé- 
lices. Ce  fut  donc  la  désobéissance  seule  et 
la  transgression  de  la  défense  qui  furent 
cause  de  tout  le  mal  :  c'est  pourquoi  saint 
Augustin  dit  que  rien  ne  pouvait  mieux  faire 
voir  combien  la  désobéissance  est  mauvaise 
d'elle-même,  que  la  punition  du  premier 
homme ,  pour  avoir  contre  la  défense  de 
Dieu»  mangé  du  fruit  qui  n'avait  rien  de 
mauvais  sans  cette  défense ,  et  qui  n'aurait 
pu  faire  aucnn  mal.  Que  ceux  qui  se  dis- 
pensent d'obéir  quand  il  s'agit  de  choses 
légères ,  apprennent  de  Ik  à  connaître  quelle 
est  leur  erreur  et  leur  faute  :  car  ce  n'est 
pas  la  nature  de  la  chose  qui  fait  le  péché , 
c*est  la  désobéissance  qui  est  toujours  mau- 
vaise d'elle-même ,  soit  que  les  choses  soient 
im{>ortanlo5,  soit  qu'elles  ne  le  soient  pas. 


Une  autre  raison  que  saint  Augustin  donne 
de  la  défense  que  Dieu  fit  h  l'homme,  c'est 
(|ue  l'homme  ayant  étécréé  pour  servir  Dieu» 
il  était  h  pro|K)s  de  lui  défendre  quelque 
chose  pour  lui  faire  connaître  sa  dépendance» 
que  sans  cela  il  n'aurait  pas  si  bien  recon- 
nue; et  Dieu  voulut,  dit  ce  Père»  que  l'o-^ 
béissance  qui  étaitun  acte  par  lequel l'nomme 
reconnaissait  celui  qui  l'avait  créé»  fût  eu 
même  temps  un  moyen  par  lec{uel  il  pût 
mériter  d'être  uni  quelque  jour  5  lui.  Il  s'é- 
tend ensuite  sur  les  louanges  de  cette  vertu, 
et  il  ajoute  qu'une  des  raisons  pour  les- 
quelles le  Fils  de  Dieu  se  fit  homme ,  fut 
pour  nous  apprendre  l'obéissance  par  son 
propre  exemple.  L'homme,  dit-il,  avait  été 
désobéissant  jusqu'à  la  mort,  c'est-à-dire 
jusqu'à  mériter  la  mort  en  punition  de  sa 
désobéissance,  et  Jésus-Christ  se  fit  homme 
pour  être  obéissant  iusqu'a  la  mort.  La  porte 
du  ciel  nous  avait  été  fermée  par  la  désobéis- 
sance d'Adam  ;  elle  nous  fut  ouverte  par 
Tobéissance  de  Jésus- Christ  :  car,  comme 
par   la  désobéissance  d'un    seul   homme, 
|)Iusieurs  hommes  sont  devenus  pécheurs, 
ainsi,  par  l'obéissance  d'un  seul,  plusieurs 
sont  devenus  justes.  Dieu  a  même  voulu , 
dit  cnft)re  ce  Père  »  nous  faire  voir  le  mérite 
et  l'excellence  de  lobéissance,  dans  la  ré- 
compense et  dans  la  gloire  dont  il  a  couron- 
né l'humanité  sacrée  de  Jésus-Christ,  qui 
avait  été  obéissant  jusqu'à  la  mort  et  même 
jusqu'à  la  mort  de  la  croix.  Car  c'est  pour 
cela  ,  dit  l'Apôtre,  que  Dieu  l'a  élevé,  et  lui 
a  donné  un  nom  au-dessus  de  tout  autre 
nom  »  afin  qu'au  nom  de  Jésus  tout  ee  qui 
est  dans  le  ciel ,  sur  la  terre  et  dans   tes 
enfers,    fléchisse    les  genoux.  {Perfection 
ChréLf  de  Rode.) 

Les  saints  relèvent  le  mérite  de  l'obéia- 
sance  par  une  infinité  d'autres  louanges; 
mais  il  nous  suffira  maintenant  de  nous 
arrêter  à  un  des  avantages  qu'ils  lui  attrî« 


1143 


ODE 


DICIIONNÂIRE 


QBE 


DU 


DueiU,  el  qui  est  que  Tobéissance  est  une 
des  principales  verlus  d*un  religieuK  Saint 
Thomas,  qui  prend  ordinairement  les  cho- 
ses dans  toute  la  rigueur  des  principes  de 
l'école,  demande  si  Te  vœu  de  l'obéissance 
estlepriDcipaldesYœuxquefontlesroliçîeuXv 
et  après  avoir  r^i>ondu  par  Taflirmative,  il 
en  rend  trois  raisons  très-solides  el  très- 
utiles.  La  première  est  que,  par  le  vœu  d'o- 
béissance» on  offre  plus  à  Dieu  que  par  tous 
les  autres  vœux  ;  car,  par  le  vœu  de  pau- 
vreté» on  ne  lui  offre  que  ses  richesses,  et 
par.celtti  de  chasteté,  on  ne  lui  offre  que 
son  corps;  mais  par  celui  d^obéissance ,  on 
lui  offre  sa  volonté  et  son  jugement,  et  on 
se  sacriGe  enfin  soi-même  tout  entier  à  Dieu, 
ee  qui,  sans  doute,  est  bien  au-<iessu8  du 
sacrifice  au'on  lui  fait  par  les  autres  vœux. 
Saint  Jérôme  dit  quelque  chose  de  sembla- 
ble, en  parlant  du  sacrifice  de  soi-même 
et  de  celui  des  richesses.  L'abandonnement 
des  richesses  n'est  pas,  dit-il,  une  action  qui 
suppose  une  vertu  parfaite.  Ceux  qui  ne 
font  que  commencer  en  sont  capables.  An- 
tislhène  et  tant  d*aulres  philosophes  les  ont 
l:ien  abandonnées;  mais  s'offrir  soi-même  h 
Dieu,  c'est  le  propre  des  Chrétiens  et  des 
apôtres.  Aussi,  le  même  saint  Thomas  re- 
marque sur  ce  sujet  que  Jésus-Christ,  par- 
lant a  ses  apôtres  de  la  récompense  qui  leur 
était  préparée,  ne  leur  dit  pas  :  vous  qui 
nvez^tout  quitté,  mais,  vous  qui  m'avez 
suivi,  parce  qu'en  effet,  la  perfection  con- 
siste à  suivre  Jésus-Christ.  En  vérité,  je 
vous  dis  que  vous  qui  m'avez  suivi,  vous 
serez  assis  sur  douze  trônes.  Or,  le  conseil 
de  l'obéissance,  ajoute  ce  saint  docteur,  est 
renfermé  dans  ces  paroles;  car  obéir  n'est 
autre  chose  que  suivre  les  sentiments  et  la 
volonté  d'autrui. 

La  seconde  raison  pour  laquelle  le  vœu 
d'obéissance  est  le  principal  de  tous,  c'est 
qu'il  comprend  tous  les  autres,  et  qu'il  n'est 
compris  dans  aucun  autre;  car,  quoiqu'un 
religieux  s'oblige,  par  des  vœux  particuliers, 
a  garder  la  pauvreté  et  la  chasteté,  ces  deux 
obligations  cependant  ne  laissent  pas  d'être 
comprises  sous  le  vœu  d'obéissance,  par  le- 
quel il  s'oblige  généralement  à  observer 
tout  ce  qu  lui  sera  commandé;  etceto  est  si 
vrai,  que  mêmedans  quelques  ordres,  comme 
dans  celui  de  Saint-fiénoît  et  dans  celui  des 
Churtreux,  on  ne  fait  point  d'autre  vœu  que 
celui  d'obéissance  :  je  promets  l'obéissance 
selon  la  règle,  dit  le  religieux  qui  fait  pro- 
fessioli  ;  et  sous  ces  paroles,  les  vœux  de 
chasteté  et  de  pauvreté  sont  compris,  sui- 
vant les  règles  et  la  pratique  de  l'Ordre. 

La  troisième  raison  est  que  plus  une 
chose  nous  approche  de  la  fin  pour  laquelle 
elle  a  été  instituée,  et  plus  elle  nous  unit  à 
cette  fin,  plus  aussi  elle  est  parfaite.  Or, 
l'obéissance  est  ce  qui  unit  davantage  les 
religieux  avec  la  fin  de  leur  institution. 
Car,  de  même  que  pour  nous  faire  parvenir, 
nous  autres,  à  la  fin  pour  laquelle  nous  avons 
été  institués,  elle  nous  prescrit  de  travailler 
à  notre  avancement  spirituel  et  à  celui  de 


notre  procnain;  de  nous  appliquer  è  lorai* 
son  et  à  la  mortfication;  de  nous  occupera 
entendre  les  confessions  et  à  prêcher  la  pa* 
rôle  de  Dieu,  et  de  nous  exercer  à  tous  les 
autres  ministères  qui  peuvent  contribuer 
au  secours  et  au  serviceaes  flmes  :  de  même, 
elle  prescrit  h  tous  les  autres  religieux  tt 
qu'ils  doivent  faire  pour  parvenir  à  la  Gu 
particulière  de  leur  institution ,  el,  pnr  con- 
séquent, le  vœu  qu'on  en  fait  est  quelque 
chose  de  plus  excellent  et  de  plus  parfait 
que  les  autres  vœux. 

Saint  Thomas  tire  encore  de  là  une  con- 
clusion très-importante  ;  c'est  que  le  vœa 
d'obéissance  est  le  plus  essentiel  de  tons  à 
la  religion,  et  celui  proprement  qui  consii- 
tue  un  religieux  dans  l'état  de  là  vie  reli- 
gieuse; car,  qtuand  on  vivrait  dans  la  pau- 
vreté et  dans  la  chasteté  volontaires,  ou 
quand  même  on  aurait  fait  vœu  de  pau- 
vreté et  de  chasteté,  on  ne  serait  pas  pour 
cela  religieux,  ni  dans  l'état  parfait  de  la 
vie  religieuse,  si  on  n'avait  fait  vœud^obéis- 
sance.  Il  faut  avoir  fait  vœu  d'obéissanco 
pour  être  véritablement  religieux,  et  c'est 

{principalement  l'obéissance  oui  fait  les  re- 
igieux  et  qui  les  constitue  dans  l'état  où 
ils  sont.  Saint  fionaventure  est  du  même 
sentiment,  et  dit  que  toute  la  perfection  d'un 
religieux  consiste  à  renoncer  entièrement  à 
sa  volonté,  pour  suivre  celle  d'autrui,etque 
les  vœux  de  pauvreté  et  de  chasteté,  pr 
lesquels  nous  renonçons  aux  richesses  cl 
aux  voluptés,  sont  proprement  des  moyens 

Su'on  a  établis,  pour  faire  qu'étant  dégagés 
es  soins  de  la  vie  et  des  attachements  de 
la  chair,  nous  fussions  plus  en  état  de  sa- 
tisfaire h  notre  principale  obligation,  qui 
est  celle  de  l'obéissance.  C'est  pouraooiil 
ne  vous  servira  de  rien,  ajoule-t-il,  u  aToir 
renoncé  h  toutes  les  choses  de  la  terre,  si 
vous  ne  renoncez  à  votre  volonté  propre, 
pour  vous  soumettre  entièrement  à  coque 
l'obéissance  demande  de  vous. 

Entre  plusieurs  paroles  remarquables  que 
Surius  rapporte  de  saint  Fulgence,  qui  avait 
été  abbé  et  qui  fut  ensuite  évêque,  il  dit  que 
ce  saint  avait  coutume  de  dire,  au  sujet  do 
l'obéissance,  que  ceux-là  étaient  de  véri- 
tables religieux, qui.  mortifiant  leur,volonlé, 
étaient  toujours  en  état  de  n'en  avoir  aucune 
sur  rien,  et  de  s'attacher  uniqueraentàsuivre 
les  conseils  et  les  commandements  de  leur 
supérieurs.  Remarquez  qu'il   ne  fait  pas 
consister  la  perfection  de  la  vie  religieuse  à 
afniger  son  corps  par  toutes  sortes  d'austé- 
rités, à  travailler  sans  relâche  el  à  exceller 
dans  les  sciences  et  dans  la  prédication; mais 
seulement  à  être  soumis  à  la  volonté  desoo 
supérieur,  et  à  n'en  avoir  aucune  de  soi- 
même. 

L'obéissance  donc,  suivant  ce  que  noes 
venons  de  dire,  est  la  vertu  la  plus  essen- 
tielle de  la  religion,  et  celle  oui  lait  propre 
mem  qu'on  est  religieux,  Elleplait  piu^« 
Dieu  que  tous  les  sacrilices  qu'on  peuMyi 
faire,  et  elle  renferme  en  elle  lacbastcléja 
pauvreté  et  toutes  les  autres  vertus  cflseffi- 


1145 


OBE 


D^ASCETISME. 


OBE 


1146 


ble.  Cir,  pourra  que  tous  soyez  obcissaot, 
Yoas  serez  pauvre,  tous  serez  chastep  fOus 
serez  humble;  tous  aurez  Tespril  de  mo- 
destie, de  patience  et  de  mortiflcation  ;  en 
un  mot  •  Yous  acquerrez  toutes  les  vertus. 
Ceci  n'est  point,  au  reste,  une  exagération, 
e*esi  une  vérité  très-constante.  L^  vertus 
s*acquièrent  par  Texercice  de  leurs  actes,  et 
ce  n  est  gue  de  cette  sorte  que  Dieu  veut 
nous  les  donner  ;  or,  Tobéissance  nous  met 
dans  cet  exercice  et  tout  ce  que  nos  règles 
nous  prescrivent,  tout  ce  que  nos  supérieurs 
DOuscommandent,est  un  exercice  de  quelque 
▼ertu.  Laissez-vous  seulement  conduire  par 
rol>éîssance  et  embrassez  de  tout  votre 
cœur  toutes  les  occasions  qu'elle  tous  don- 
nera, et  cela  suffit.  Car  on  ne  manquera  pas 
de  vous  exercer,  tantôt  sur  la  patience,  tantôt 
surThumilité,  tantôt  sur  la  pauvreté,  tantôt 
sur  la  mortification,  tantôt  sur  la  tempérance, 
tantôt  sur  la  charité;  et,  de  cettesorte,  è  me- 
sure que  TOUS  augmenterez  en  obéissance, 
vous  augmenterez  aussi  en  toutes  les  autres 
Tertus.  C'est  le  sentiment  de  saint  Ignace  : 
Tant  que  Tobéissance,  dit-il,  fleurira  parmi 
TOUS,'  toutes  les  autres  vertus  y  fleuriront 
aussi,  et  produiront  dans  les  âmes  tout  le 
fruit  que  je  souhaite.  Tous  les  saints  en  gé- 
néral soutdecc  môme  scotiment,etc*est  pour 
ci'tte  raison  qu*ils  appellent  l'obéissance  la 
mèreet  la  source  des  vertus.  L*obéissaoce,  dît 
saint  Augustin,  est  une  des  plus  grandes 
Tertus;  et  elle  est,  pour  ainsi  dire,  la  source 
et  la  mère  des  vertus.  C'est  la  seule  vertu, 
dit  saint  Grégoire  ,  qui  imprime  toutes  les 
autres  vertus  dans  l'esprit,  et  oui  les  y  con- 
serve, quand  elles  y  sont  une  ibis  bien  im- 
primées. Et  le  même  saint  Grégoire  et  saint 
Bernard,  expliquant  ce  passage  des  prover- 
bes :  L*bomme  obéissant  ne  parlera  que  do 
Tîctoire  ,  disent ,  que  l'homuie  obéissant 
n'obtiendra  pas  une  victoire  seulement; 
mais  qu'il  en  obtiendra  plusieurs,  et  qu'il 
acquerra  toutes  les  vertus. 

Si  vous  voulez  donc  un  moyen  court  et 
facile  pour  faire  de  grands  progrès  en  peu 
de  temps,  et  pour  acquérir  la  perfeclio'i, 
soyez  extr(^mement  obéissant  :  c'est  là  le 
chemin;  vous  n'avezqu'àle  suivre  sans  vous 
détourner  è  droite  m  à  gauche,  et  vous  ar- 
riverez bientôt  où  vous  souhaitez  d'aller. 
Ouc  c'est  une  grAce  heureuse  et  abondante, 
dit  saint  Jérôme,  que  celle  de  l'obéissance  1 
toutes  les  vertus  y  sont  comprises  en  abrégé, 
et  elle  conduit  droit  à  Jésus-Christ;  il  n'y  a 
qu*à  marcher  parla  route  qu'elle  vous  mon- 
tre, et  en  peu  de  temps  on  se  trouvera 
parfait. 

Saint  Jean  Climaque  dit,  qu*arrivant  un 
jour  dans  un  monastère  il  y  vit  des  religieux 
tout  blancs  de  vieillesse  et  d'un  aspect  vé- 
nérable, toujours  prêts  à  faire  les  moindres 
clioscsqu'onpouvait  leur  commander;  et  ily 
en  avait  quelques  uns  d'entr'eux,  dit-il,  qui 
s'étaient  enrôlés  sous  rét«*ndard  de  l'obéis- 
sance, il  y  avait  déjà  plus  de  cinquante  ans. 
11  leurdemandaquelfruitetquelavantageils 
avaieut  retires  d'une  si  grande  soumission  : 


et  les  uns  lui  répondirent  que  par  ce  moyen 
ils  avaient  acquis  une  profonde  humilité, 
qui  les  avait  mis  è  couvert  des  plus  dange- 
reuses attaques  du  démon  ;  les  autres,  qu'ils 
étaient  parvenus  à  n'avoir  aucun  sentiment 
des  injures  ou  des  mépris.  Ainsi  nous 
voyons  que  l'obéissance  est  nn  moyen  pour 
acquérir  toutes  sortes  de  vertus;  et  c'est  ce 
qui  faisait  que  les  anciens  Pères  da  désert 
tenaient  c|ue  l'obéissance  et  la  soumission 
d'un  solitaire  à  la  volonté  de  son  Père  spi- 
rituel, était  comme  un  gase  assuré  du  progrès 
qu'il  ferait  un  jour  dans  Ta  perfection. 

Saint  Dorothée,  rapporte  que  son  disciple 
Dosithée,  qui  était  un  jeune  homme  de 
bonne  maison  et  d'une  constitution  fort  dé- 
licate, lorsqu'il  était  encore  dans  le  siècle, 
fut  touché  d  une  vive  appréhension  du  juge- 
ment et  du  compte  qu'il  aurait  un  jour  à 
rendre;  Dieu  accomplissant  eu  lui  cette  de- 
mande du  Prophète  royal  :  Seigneur  pénétrez 
ma  chair  de  votre  crainte,  car  j'appréhende 
vos  jugements.  Pour  se  mettre  dooe  en  état 
de  pouvoir  rendre  quelque  jour  un  bon 
compte,  il  se  fit  religieux  ;  et  vovant  que  l«i 
délicatesse  de  sa  complexion  ne  lui  permet- 
tait pas  d'aller  la  nuit  à  matines,  de  manger 
des  mêmes  viandes  que  les  autres,  ni  de 
suivre  l'usage  ordinaire  de  la  communauté, 
il  résolut  de  se  dévouer  entièrement  k  l'o- 
béissance, en  s'exerçant  continuellement 
dans  rinOrmerie  du  monastère  aux  services 
les  plus  vils,  et  à  tout  ce  qu'on  pourrait  lui 
commander  de  plus  humiliant.  Au  bout  de 
cinq  ans  il  mourut  pulmonique,  et  Dieu  ré- 
véla è  l'abbé  du  monastère,  qu'il  avait  ob- 
tenu la  récompense  de  Paul  et  d'Antoine  ;  ce 
que  les  autres  religieux  ayant  entendu,  ils 
commencèrent  à  murmnrer  entr'eui  et  à  s'en 
plaindre  :  «  Eh  quoi  !  disaient-ils,  où  est  la 
justice  de  Dieu?  Un  homme  qui  n'a  jamais 
jeûné  et  qui  a  toujours  été  nourri  délicate- 
ment, est  égal  à  nous  autres  qui  portons 
toute  ta  charge  de  la  vigilia^  et  tout  le  poids 
du  jour  et  de  la  chaleur;  que  gngnons-nous 
donc  par  les  austérités  et  par  les  travaux 
auxquels  nous  nous  exerçons  sans  cesse?  » 
Comme  ih»  faisaient  ces  plaintes.  Dieu  leur 
fit  entendre  qu*ils  ne  connaissaient  pas  le 
prix  et  rexcellence  de  l'obéissance,  et  que'!.* 
était  d'un  si  grand  mérite  devant  lui  que 
Dosithée  avait  plus  mérité  par  là  en  peu  de 
temps,  que  beaucoup  d'autres  par  de  longues 
et  rigoureuses  austérités. 

Saint  Ignace,  parlant  de  Tobéissance,  dit, 
dans  la  troisième  partie  des  Constitutions^ 
qu'il  est  très  à  propos  et  très-nécessaire  pour 
notre  avancement  spirituel  que  nous  nous 
proposions  tous  d'avoir  une  obéissance  en- 
tière. Venant  ensuite  à  expliquer  ce  que 
c'est  que  cette  sorte  d'obéissance*  il  dit  que 
non -seulement  il  faut  obéir  extérieurement, 
en  exécutant  ce  qu'on  nous  commande,  ce 
qui  est  le  premier  degré  de  l'obéissance: 
mais  qu'il  laut  aussi  obéir  intérieurement, 
en  conformant  notre  volonté  à  celle  de  notre 
supérieur,  et  en  réglant  la  nôtre  sur  la 
sienne,  ce  qui  est  le  second  degré.  Mais  ce 


IU7 


ODE 


DICTlONNAIIie 


QBE 


m 


nVst  pas  encore  assez,  ajoule-t-il,  i)  faut 
alltir  plus  loîfit  et  confonner  aussi  uolre  ju- 
gement h  celui  de  notre  supérieur,  en  sorte 
que  nous  soyons  toujours  du  même  senti- 
ment que  lui,  et  oue  nous  croyions  que  tout 
ce  qu'il  commanoe  est  bien  ;  et  c'est  en  quoi 
consiste  le  troisième  degré  de  l'obéissance. 
Quand  nos  actions,  notre  volonté  et  notre 
jugement  seront  tout  à  fait  conformes  k  ce 
qu'on  nous  aura  prescrit,  alors  notre  obéis- 
sance sera  parfaite  et  entière;  mais  s'il  y 
manque  quelqu'une  de  ces  conditions,  elle 
ne  saurait  l'être. 

Pour  commencer  maintenant  par  le  premier 
degré,  je  dis  qu'il  faut  une  grande  diligence 
et  une  grande  ponctualité  dans  l'eiécution 
des  choses  que  l'obéissance  prescrit.  Saint 
Basile  demande  de  quelle  sorte  il  faut  s'y 
norter,  et  il  répond  qu'il  faut  s'y  porter  de 
la  même  manière  qu'un  homme  extrême- 
ment  affamé  se  porte  à  rassasier  sa  faim,  ou 
qu'un  homme  qui  aime  extrêmement  sa  vie 
se  porte  aux  choses  qui  peuvent  la  conser- 
f  er.  Encore  devrait-on,  ajoute-t-il,  s'y  porter 
avec  un  empressement  et  avec  une  ardeur 
tout  autres,  puisque  la  vie  éternelle  qu'on 
mérite  par  l'obéissance  est  inHniroent  plus 
noble  et  plus  excellente  que  la  temporelle, 
qu'on  peut  se  conserver  par  ses  soins,  c  Ce- 
lui qui  est  véritablement  obéissant,  dit  saint 
Bernard,  ne  sait  pas  ce  que  c'est  que  de  diffé- 
rer et  deremettreau  lendemain  ;  il  est  ennemi 
de  la  lenteur,  il  va  au  devant  des  comman- 
dements qu'on  veut  lui  faire,  et  il  a  plus  tôt 
obéi  qu'on  ne  lui  a  commandé;  il  est  tou- 
jours prêt  h  entendre,  h  voir,  à  dire  et  à  faire 
tout  ce  qu'on  veut,  et  à  aller  partout  où  Ton 
veut;  enfln  il  se  tient  toujours  en  état  de 
recevoir  et  d'exécuter  tous  les  commande- 
ments qu'on  veut  lui  faire.  » 

Le  second  degré  de  l'obéissance  est  de 
conformer  entièrement  sa  volonté  à  celle  de 
ses  supérieurs,  en  sorte  qu*on  n'en  ait  point 
d'autre  que  la  leur.  L'obéissance,  dit  saint 
Jean  Climaqun,  est  le  tombeau  où  notre  pro- 
pre volonté  est  ensevelie,  et  d'où  rhnmiiité 
ressuscite.  En  effet,  du  moment  que  nous 
voulons  pratiquera  perfection,  nous  devons 
faire  état  que  nous  mettons  notre  volonté 
dans  le  tombeau,  et  que  dès  lors  nous  ne 
devons  point  en  suivre  d'autre  que  celle  de 
nos  supérieurs.  Saint  Ignace  ajoute  qu'il  faut 
que  nous  soyons  toujours  disposés  à  l'exé- 
cuter, quelque  difficiles  que  puissent  être 
les  choses  qu'ils  nous  commandent,  et  quel- 
que répugnance  naturelle  que  nous  puis- 
sions y  avoir.  «  C'est  même  particulière- 
ment en  celles-là,  dit>il,  qu'il  faut  témoigner 
davantage  notre  promptitude  è  obéir,  parce 
que  c'est  en  celles-là  principalement,  comme 
remarquent  les  saints,  que  la  véritable  obéis- 
sance se  fait  mieux  voir.  Lorsqu'on  nous 
commande  des  choses  qui  nous  plaisent  et 
qui  sont  conformes  à  notre  inclination,  on 
ne  peut  pas  bien  connaître  avec  quel  esprit 
nous  obéissons,  parce  que  nous  sommes 
peut-être  plus  portés  par  le  mouvement  de 
notre  propre  intilnalion  'pic  par  une  vérita- 


ble soumission  à  la  volonté  de  Dieu.  Mais 
lorsqu'on  nous  commande  des  choses  diffi- 
ciles et  auxquelles  nous  avons  de  la  répu- 
gnance, et  que  cependant  nous  ne  laissons 
pas  de  les  embrasser  avec  chaleur,  itn^ja 
plus  à  douter  du  motif  qui  nous  fait  agir, 
parce  qu'alors  nous  sommes  bien  assurés 
que  ce  n'est  point  nous-mêmes  que  nous 
cherchons  el  notre  propre  satisfaction,  mais 
que  c'est  Dieu  seul  et  l'accomplissemeut  de 
sa  volonté  sur  nous.  » 

Le  troisième  degré  d'obéissance  consiste 
à  conformer  notre  entendement  à  celui  de 
notre  supérieur,  en  sorte  que  uous  n*ajons 
qu*un  même  sentiment  que  lui,  non  plus 
qu*une  même  volonté  ;  que  nous  estimions 
que  tout  ce  qu*il  commande  est  raisonnablei 
et  que,  soumettant  tout  k  fait  notre  jugement 
nu  sien,  nous  fassions  du  sien  la  règle  du 
nôtre.  Pour  comprendre  la  nécessité  de  ce 
tioisième  degré,  il  suffit  de  ce  Que  nous 
avons  djt  d*abora,  que  sans  cela  TooéissaDce 
ne  saurait  être  parfaite  et  entière;  et  celle 
doctrine  est  conforme  à  celle  des  saints,  qui 
disent  que  l'obéissance  est  un  holocausle 
très-partait,  dans  lequel  l'homme,  par  le 
moyen  des  ministres  de  Dieu,  s^ofTre  tout 
entier  à  Dieu  dans  le  feu  de  la  charité.  Il  y 
avait  dans  l'ancienne  Loi  cette  différence 
entre  Tbolocauste  et  les  autres  sacrifices, 
que  dans  les  sacrifices  ou  brûlait  une  parlie 
de  la  victime  en  l'honneur  de  Dieu,  et  l*on 
en  gardait  une  autre  partie  pour  les  prêtres 
et  pour  les  ministres  du  temple;  mais  dans 
l'holocauste,  on  brûlait  la  victime  tout  en- 
tière, sans  en  réserver  aucune  chose.  Or,  si 
en  obéissant  vous  ne  soumettez  votre  juge- 
ment aussi  bien  que  votre  volonté,  voire 
obéissance  n'est  point  un  holocauste  ;  el  elle 
n'es(  point  parfaite,  puisque  vous  manquez 
à  offrir  à  Dieu  la  principale  partie  de  vous- 
même  et  la  plus  noble,  qui  est  votre  propre 
entendement.  C'est  pourquoi  saint  Igueta 
disait  que  ceux  qui,  soumettant  leur  Yolonlé 
aux  ordres  de  leur  supérieur,  n*y  sounjel- 
tent  point  leur  jugement,  n'out  encore  qu'un 
pied  dans  la  religion. 

Saint  Bernard,  dans  le'premier  sermon  de 
la  Conversion  de  saint  Paul,  explique  au  long 
qu'elle  doit  être  l'obéissance  d'entendemeni; 
et,  pour  cet  effet,  venant  à  parcourir  lesdil^ 
rentes  circonstances  de  son  sujet,  il  les  ap- 
plique a'ix  différentes  qualités  qu'elle  doit 
avoir.  Lorsque  saint  Paul,  frappé  de  la  lu- 
mière du  ciel,  el  saisi  de  cranite,  se  fut 
écrié  .  Seigneur^  que  voulez  •  vous  que  /> 
fasse?  le  Seigneur  lui  répondit  :  Atles  dam 
la  ville,  el  là  on  vous  dira  ce  quU  faut  î«« 
vous  fassiez.  <  Voilà,  dit  à  ce  sujet  saiot 
Bernard,  pourquoi  vous  êtes  entré  en  reli- 
gion, afin  d'y  apprendre  ce  qu'il  faut  q«« 
vous  fassiez  :  c'est  pour  cela  que  Dieu,  j^r 
un  ordre  admirable  de  sa  Providence,  vousa 
frappé  de  la  crainte  de  ses  jugements,  et 
que,  vous  donnant  un  désir  ardent  de  léser- 
vir,  il  vous  a  donné  le  dessein  d'entrer  tlans 
cette  ville  sainte  el  dans  cette  école  de  vtrta 
et  de  piété.  C'est  là  que  vous  appreuilre^ce 


I 


1149 


OBE 


D*ASCETIS1IE 


OOE 


1150 


qa*il  veut  de  vous,  et  ce  qu'il  faut  que  vous 
lassiez  pour  lui  plaire.  L*Ecrilure  ajoute, 
continue  ce  Père,  que  lorsque  saint  Paul 
entrardans  la  ville,  il  ne  voyait  rien,  quoi- 

2a*il  eût  les  veux  ouverts,  et  que  ceux  qui 
taient  avec  lui  le  meuaient  par  le  main.  Et 
c'est  là,  mes  frères,  ajoute-t-il,  la  figure 
d'une  parfaite  conversion  ;  c'est  là  le  modèle 
de  parfaite  obéissance  qu'un  religieux  doit 
avoir;  c'est  là  précisément  en  quoi  elle  con- 
siste :  de  ne  voir  rien  quoiqu'on  ait  les  yeux 
ouverts,  et  de  ne  juger  de  rien  par  soi- 
même,  mais  de  se  laisser*  conduire  par  ses 
supérieurs,  et  de  se  remettre  absolument 
entre  leurs  mains.  Prenez  garde  que,  mal- 
heureusement pour  vous,  vous  ne  veniez  à 
Toir  clair  comme  Adam  et  Eve,  de  qui  TB- 
criture  dit  qu'après  leur  pécbé  leurs  yeux 
furent  ouverts,  en  sorte  qu'ils  connurent 
qu'ils  étaient  nus,  et  qu'ils  eurent  bonté 
d'eux-mêmes.  Mais  comment  I  dira-t-on,  est- 
ce  qu'avant  leur  pécbé,  ils  n*étaient  pas  nus 
et  qu'ils  ne  voyaient  pas  clair?  Oui ,  sans 
cloute,  mais  ils  ne  prenaient  pas  garde  alors 
h  leur  nudité,  parce  qu'ils  vivaient  dans  la 
pureté  et  la  simplicité  de  la  justice  origi- 
oelle.  Or,  cette  pureté  et  cette  simpliiilé 

au'ils  perdirent  par  leur  désobéissance,  nous 
evons  essayer,  nous  autres,  de  l'imiter  et  de 
la  conserver  par  notre  soumission,  en  sorte 
que  nous  n'ayons  jamais  les  yeux  ouverts 

Iiour  voir  les  fautes  d'antrui,  non  pas  même 
es  plus  apparentes,  et  que  nous  les  fermions 
surtout  lorêqu'il  s'agit  de  choses  qui  regar- 
dent l'obéissance.  » 

Saint  Jean  Climaque,  parlant  de  l'extrême 
retenue  qu'il  faut  avoir  là-dessus  ,  dit  que 
dans  les  peusées  et  dans  les  sentiments  qui 
nous  viennent  contre  l'obéissance,  il  faut 
nous  comporter  comme  dans  les  pensées  qui 
nous  viennent  contre  la  pureté  ou  contre  la 
foi  ;  c'est-à-dire,  ne  nous  y  arrêter  en  aucune 
sorte,  mais  prendre  de  là  occasion  de  nous 
ai>aisser  et  de  nous  humilier  davantage. 
Saint  Jérôme,  écrivant  à  un  religieux,  et  lui 
donnant  des  régies  pour  sa  conduite  dans  la 
religion,  lui  recommande  particulièrement 
eette  soumission  d'esprit.  Ne  vous  mêlez 
point,  lui  dit-il,  de  juger  les  ordres  de  vos 
supérieurs,  et  d'examiner  s'ils  ont  raison  ou 
non  dans  les  commandements  qu'ils  vous 
font  ;  c'est  à  vous  d'obéir  et  d'exécuter  ce 

3u'ils  vous  commandent,  suivant  ces  paroles 
e  Hoise  :  Ecoutez^  liraël,  et  faita  silence. 
Saint  Basile  propose  aux  religieux  pour  mo- 
dèle de  leur  obéissance,  celle  d'un  apprenti 
qui  se  met  sous  un  maître  pour  apprendre 
quelque  métier.  11  a,  dit-il,  les  yeux  conti- 
nuellement attachés  sur  son  maître,  il  lui 
obéit  en  tout  sans  le  contredire  en  rien,  sans 
interposer  son  jugement  en  quoique  ce  soit, 
et  sans  lui  demander  raison  de  ce  qu'il  lui 
commande;  et,  de  cette  sorte,  il  se  rend  ha- 
bile avec  le  temps.  La  soumission  des  disci- 
ples de  Py  thagore  était  si  grande  à  cet  égard 
que  sa  seule  autorité  leur  tenait  lieu  de  rai- 
son; et  ils  y  déféraient  de  telle  sorte  que 
iiès  qu'on  leur  disait  :  Lui-même  l'a  dit,  il 
ue  leur  en  fallait  pas  davantage  pour  se  ren- 


dre. Quelle  déférence  ne  faudrait-il  donc 
point  que  des  religieux  eussent  pour  leur 
supérieur,  qui  est  sans  doute  bien  au*dessutf 
de  Pytbagore,  puisqu'il  tient  la  place  de  Jé- 
sus-Christ même?  Ne  faudrait-il  |ias qup,  dès 
qu'il  est  question  d'obéissance,  cela  leur 
suOIt  pour  les  obliger  à  soumettre  aussitôt 
leur  jugement,  et  à  croire  que  ce  qu'on  leur 
commande  est  toujours  ce  qui  est  le  plus 
convenable. 

Saint  Ignacedit  que,  comme  il  y  a  dans  TE- 
glisedeux  sortes  de  voies |K>ur  le  salut.  Tune 
qui  regarde  tous  les  chrétiens  en  général,  qui 
estcellederobservatîon  des  commandements; 
et  lautre  qui  regarde  particulièrement  les 
religieux,  qui  est  celle  de  la  pratique  des 
conseils  ajoutés  aux  commandements ,  aussi 
il  jT  a  dans  la  religion  même  deux  sortes  d'o- 
béissances :  l'une  générale,  commune  et  im- 
parfaite ;  I  autre  très-parfaite  qui  fait  voir  la 
force  et  la  vertu  de  1  obéissance,  et  qui  mon* 
tre  jusqu'où  fieut  aller  la  perfection  du  vé- 
ritable religieux.  L'obéissance  imparfaite, 
dit-il,  a  deux  yeux»  mais  pour  son  malheur; 
l'obéissance  parfaite  est  aveugle,  mais  c'est 
dans  son  aveuglement  que  S5  sagesse  et  sa 
perfection  consistent.  L'une  raisonne  suir 
tout,  et  l'autre  obéit  sans  raisonner;  Tune  a 
toujours  plus  d'inclination  pour  une  chose 
que  pour  une  autre,  et  n'est  jamais  indiffé- 
rente sur  rien  ;  l'autre  se  tient  comme  la 
languette  de  la  balance  sans  pencher  de  c6té 
ni  d'autre,  et  est  toujours  également  dispo- 
sée à  toutes  les  différentes  choses  que  I  on 
peut  lui  commander,  La  première  obéit  vé- 
ritablement au  dehors,  en  exécutant  ce  qu'on 
lui  commande:  mais  elle  désobéit  intérieu- 
rement f»ar  la  résistance  de  son  esprit;  ainsi 
elle  ne  mérite  pas  le  nom  d'obéissance.  La 
seconde  ne  se  contente  pas  de  faire  ce  qu'en 
lui  prescrit,  elle  soumet  encore  sonjugement 
et  sa  volonté  à  la  volonté  et  au  jugement  du 
supérieur,  supposant  toujours  qu'il  a  raison 
de  commander  ce  qu'il  commande  ;  et  elle  ne 
cherche  point  de  raison  tiour  obéir,  ni  ne  se 
laissepointconduireà'celleaqui  lui  viennentà 
resprit;maiselieobéit  par  la  seule  considéra- 
tion ducoromandement qu'on luiDsit,  et  parce 
que  c'estot)éir  aveuglément  que  d*obéir  de  la 
sorte.  Voilà  quelle  est  l'obéissance  aveugle 
que  les  saints  et  les  maîtres  de  la  vie  spiri- 
tuelle nous  recommandent  si  instamment 
et  dont  ils  nous  ont  donné  eux-mêmes  de  si 
grands  exemples.  Au  reste,  lorsqu'on  l'af»- 
pe!!e  aveugle,  ce  n'est  pas  qu'on  prétende 
qu'elle  doive  être  soumise  indistinctement 
à  toutes  les  choses  qu'on  peut  lui  comman- 
der, quand  même  elles  seraient  criminelles; 
car  ce  serait  une  dangereuse  erreur,  et  saint 
Ignace  nous  le  marque  expressément;  mais 
c^t  parce  que  dans  toutes  celles  où  nous  ne 
voyons  point  de  péché»  nous  devons  obéir 
simplement  sans  raisonner,  supposant  tou- 
jours que  ce  que  Ton  nous  commande  est 
conforme  à  la  volonté  de  Dieu,  et  ne  cher- 
chant  uoint  d'autre  raison  d'obéir  que  celle 
de  l'ooéissance  même  et  du  commandement 
qu'on  nous  fait.  Au>si  Cassien  appelle-t-îl 
cette  sorte  d^obéissaicCi  une>obéi5sance  sans 


IlSl 


OBE 


tKCTiONNAlRE 


oœ 


11» 


discussion ^et  sans  examen,  (uircc  qu'en  ef- 
fet il  ne  faut  qu'obéir  simplement  à  ce  qu*on 
nous  commande  9  sans  nous  ingérer  d'en 
rechercher  et  d'en  examiner  les  raisons.  Saint 
Jean  Climaque  dit  de  même  que  l'obéissance 
est  un  mottfement  de  la  volonté  sans  aucune 
discussion  et  sans  aucun  examen,  une  mort 
Totontaire,  une  yie  exempte  de  toutes  sortes 
de  curiosités,  et  un  dépouillement  entier  de 
son  propre  discernement.  Et  saint  Basile, 
sur  ces  paroles  de  Jésus4;ihrist  adressées  à 
saint  Pierre  et  à  tous  les  supérieurs  ecclé- 
siastiques en  sa  personne:  Paissez^  mes  bre^ 
bief  dit  que  de  même  que  les  brebis  se  lais- 
sent conduire  par  leur  pasteur  et  le  suivent 
partout  où  il  veut  les  mener,  de  même  un 
religieux  doit  se  laisser  conduire  par  son 
supérieur,  et  s'attacher  simplement  a  obéir, 
sans  raisonner  sur  ce  qu'on  lui  commande. 
Saint  Bernard,  parlant  de  cette  sorte  d'o* 
béissance,  dit  que  la  parfaite  obéissance, 
surtout  dans  ceux  qui  commencent  encore, 
doit  être  sans  discernement,  c'est-à-dire, 
ajoute*  t-il,  qu'il  ne  faut  pas  examiner  ce 
qu'on  TOUS  commande,  ni  pourquoi  on  vous 
le  commande,  mais  vous  attacher  seulement 
à  exécuter  avec  fidélité  et  avec  soumission 
ce  qu'on  vous  commande.  «  La  vraie  obéis- 
sance, dit  saint  Grégoire,  n'examine  point 
les  commandements  des  supérieurs,  ni  Tin* 
tention  qu'ils  ont  eue  en  les  faisant;  parce 
que  celui  qui  a  une  fois  abandonné  toute  la 
conduite  de  sa  vie  entre  les  mains  d'un  su- 
périeur, n'a  point  de  plus  grande  joie  que 
de  faire  ce  qu'on  lui  commande.  »  On  ne 
sait  ce  que  c'est  que  d'interposer  son  juge- 
ment, quand  on  sait  parfaitement  obéir, 
torce  qu'alors  on  ne  connaît  point  d'autre 
ien  que  celui  de  Tobéissance.  Il  en  coûta 
cher  a  nos  premiers  pères  d'avoir  voulu 
raisonner  sur  la  défense  que  Dieu  leur  avait 
faite:  ce  fut  le  commencement  de  leur  nerte 
et  de  la  nôtre,  et  ce  fut  par  le  que  le  démon 
les  Qt  tember  da^is  le  précipice.  Pourquoi, 
leur  dit-il.  Dieu  ne  vous  a-(-il  pas  permis 
de  manger  de  tous  les  fruits  du  jardin  ?  C'est, 
répond  Eve,  de  peur  que  peut-ôtre  nous  ne 
mourrions.  Dieu  leur  avait  dit  formelle- 
ment, en  parlant  de  Tarbre  de  la  science  du 
bien  et  du  mal  :  Au  même  jour  que  vous  en 
mangerez,  vous  mourrez;  cependant  Eve 
commeoce  par  douter  de  l'effet  de  celte  me- 
nace ;  elle  s*iraagine  que  Dieu  ne  Ta  peut- 
6tre  faite  que  pour  les  intimider,  et  voilà 
une  grande  disposition  pour  se  laisser  trom- 
per. Aussi  le  démon  ne  manque-t-il  pas  d'en 
profiter.  Vous  ne  mourrez  nullement ,  leur 
dit-il,  mais  vous  serez  comme  des  dieux 
sachant  le  bien  et  le  mal.  Il  veut  leur  per- 
suader par  là  que  Dieu  ne  leur  a  défendu 
d*en  manger  que  de  peur  qu'ils  devinssent 
aussi  savants  que  lui;  et  Eve  se  laissantem- 
porter  à  l'envie  de  s'élever  au-dessus  de  sa 
condition,  crut  aux  paroles  du  serpent, 
mangea  du  fruit  défendu  et  en  fit  manger 
à  Adam.  Ainsi  le  raisonnement  d'Adam  et 
Eve  les  ayant  portés  à  désobéir,  les  fit  mou- 
rir au  même  moment  de  la  mort  de  l'âme, 
les  assujettit  à  celle  du  corps,  et  les  chassa 


pour  jamais  du  paradis  de  délices;  et  comme 
cet  artiGce  réussit  si  bien  alors  au  aernou 
contre  nos  premiers  pères,  il  s'en  est  tou- 
jours servi  depuis  contre  nous.  C'est  (leur- 
quoi  l'Apôtre,  qui  connaissait  ses  rases, 
nous  avertit  de  nous  en  donner  de  prde.  Je 
crains,  dit-il,  que  comme  le  serpent  séduisit 
Eve  par  son  artifice,  vos  espnts  ne  soient 
aussi  corrompus,  et  ne  viennent  à  déclieoif 
de  la  simplicité  de  Jésus-Christ.  Gardez- 
vous  des  ruses  de  l'ancien  serpent;  attachez- 
vous  à  ce  que  l'on  vous  cominande,cnreié- 
cutant  ponctuellement,  sans  en  examiner 
les  raisons  et  motifs;  et  de  cette  sorte IV 
béissance  sera  pour  vous  une  règle  sûre  et 
infaillible  de  tout  ce  que  vous  aarezà faire. 
Il  est  surtout  d'une  très-grande  importance 
dans  les  commencements,  dit  saint  Bemanl, 
de  s'accoutumer  à  obéir  aveuglément  et  sans 
raisonner  :  car  il  est  moralement  impossible 

au'un  nouveau  religieux  demeure longtetops 
ans  une  cellule,  et  persévère  dans  sa  pro- 
fession, quand  il  se  conduit  par  les  règles 
de  la  prudence  et  de  la  sagesse  ordinaire  et 
qu'il  veut  savoir  la  raison  de  chaque  chose. 
Que  faut-il  donc  au'il  fasse  et  quelle  doit 
être  sa  conduite?  Il  faut  qu'il  renoDceàla 
sagesse  pour  devenir  saçe,  que  tout  son  dis- 
cernement soit  de  n'avoir  nul  disceinement 
dans  les  choses  de  l'obéissance,  et  que  toute 
sa  sagesse  soit  de  n'avoir  en  cela  aucane 
sagesse.  Car  c'est  au  supérieur  à  bien  con- 
sidérer les  choses  et  à  les  examiner  avec 
soin  avant  que  de  les  commander,  mais  c'est 
ensuite  aux  inférieurs  à  exécuter  avec  hu- 
milité, avec  simplicité  et  avec  confiance  tout 
ce  qu'il  commande;  enfin,  c*est  à  lui  à  rai- 
sonner, mais  c'est  aux  autres  à  obéir. 

Saint  Ignace,  suivant  les  traces  des  saints 
et  leur  doctrine,  et  voulant  nous  instruire 
des  devoirs  do  l'obéissance  par  des  choses 
sensibles,  se  sert  de  deux  comparaisons 
très-propres  et  très-utiles  pour  cet  effet. Que 
tous  ceux,  dit-il,  qui  vivent  dans  IWis- 
sance,  soient  persuadés  (\ii*\\s  doivent  se 
laisser  conduire  par  la  divine  proTideuce, 
par  le  moyen  d'un  supérieur,  de  mèmeqtrun 
corps  mort  qui  se  laisse  manier  commu  Ton 
veut  et  que  Ton  emporte  où  Ton  uuL 
Cette  comparaison  est  aussi  de  saint  Fran- 
çois ,  qui  la  proposait  souvent  à  ses  w- 
ligieux,avec  ces  paroles  de  l'Apôlre  :  ^'ow 
éles  mortSy  et  voire  vie  est  cachée  en  Dieunrtc 
JésuS'Christ.  En  effet,  un  véritable  reiii^icui 
doit  être  tellement  mort  au  monde,  ^ 
même  rentrée  dans  la  religion  s'appelle unâ 
mort  civile.  Soyons  donc  comme  si  nous 
étions  tout  à  fait  morts.  Un  corps  mort  ne 
voit  point,  ne  répond  point,  ne  se  pîai"^ 
point  et  n'a  aucun  sentiment.  N'ayons  point 
d'yeux  pour  observer  curieusement  lesl^ 
tions  de  notre  supérieur;  n'ayons  point |ie 
parole  pour  répliquer  à  celle  quefobéis- 
sance  nous  prescrit;  ne  faisons  jamais <i< 
plaintes,  et  quand  on  nous  commande  quel- 
que chose  qui  n'est  pas  à  notre  gré,soyoiu 
comme  si  nous  n'avions  aucun  senlim^n'' 
On  choisit  d'ordinaire  pour  ensevelira? 
mort,  le  linceul  le  plus  vieuxi  le  plus  ust 


1155 


on¥ 


DASCETISME. 


OBE 


11^ 


Un  religieiii  (loit  soiiliaîler  d'ôlrc  (railé  de 
uièiiio»  pour  son  Tôteincnt  el  pour  loulos 
t'Iioses,  d*ëlre  toujours  babill6  des  habits 
les  plus  grossiers  et  les  plus  mauvais:  et 
d*aToir  toujours  en  parta-ge  pour  son  loge- 
ment et  pour  sa  nourriture,  tout  ce  qu*ii  y 
a  de  pire  dans  la  maison.  Que  s*il  n*est  pas 
dans  celte  disposition  de  volonté,  et  (]u*au 
contraire  il  soit  fâché  quand  on  le  traite  de 
cette  sorte,  il  o*est  pas  véritablement  mort 
au  monde,  comme  un  religieux  doit  Tétre, 
il  n'a  nullement  l'esprit  de  mortification. 

Saint  Ignace  dit  encore,  et  c*est  là  Tautre 
comparaison  dout  il  se  sert,  qu*il  faut  que 
nous  nous  laissions  conduire  h  la  divine 
Providence  par  le  moyen  de  nos  supérieurs, 
de  même  qu'un  bâton  dont  on  se  sert  pour 
marcher.  Un  hàton  suit  partout  celui  qui  le 
|)Orte,  il  demeure  où  on  le  met  et  il  n'a  au- 
cun autre  mouvement  i;ue  celui  que  lui 
comronniçiue  ia  main  qui  le  tient.  Il  faut 
qu*uD  religieux  soit  de  même,  il  faut  qu'il 
se  laisse  entièrement  conduire  par  son  su- 

Iiérieur,  qu'il  n'ait  aucun  mouvement  de 
ui-m6me  et  qu'il  suive  toujours  ceux  de 
son  supérieur;  el  soit  qu'on  le  mette  dans 
un  lieu,  soit  qu'où  le  mette  dans  un  autre, 
qu'on  lui  donne  un  emploi  élevé  ou  qu*on 
1  occupe  k  quelque  chose  de  bas,  il  fiut 
qu'il  demeure  sans  répugnance  dans  le  Heu 
ou  dans  l'emploi  où  on  l'a  placé.  Si  le  bât  m 
qui  vous  sert  d'appui  en  marchant  venait  è 
TOUS  faire  quelque  résistance,  en  sorte  que 
lorsque  vous  voudriez  le  poser  en  un  en- 
droit il  se  portât  de  lui-même  rers  un  autre, 
il  vous  incommoderait  au  lieu  de  vous  ser- 
Tir,  et  vous  ne  manqueriez  pas  de  le  quitter. 
Ainsi  lorsifue  vous  résistez  à  la  main  du 
supérieur  qui  vous  gouverne,  lorsque  vous 
témoignez  de  la  répugnance  pour  les  lieux, 
pour  les  emplois  ou  pour  les  fonctions  où 
il  veut  vous  placer,  et  que  dans  vos  actions, 
dans  votre  volonté,  dans  votre  jugement,  il 
y  a  de  l'opposition  aux  mouvements  qu'il 
▼eut  impnmer  en  vou^,  il  est  constant  que 
TOUS  vous  rendez  incommode  an  lien  d'être 
utile.  De  sorte  que  si  vous  persistez  dans 
cet   esprit    d'indocilité,    vous   deviendrez 
bientôt  à  charge  à  tous  les  supérieurs  avec 
qui  vous  aurez  k  rivre,  et  tous  ferez  quo 
personne    ne   pouvant    s'accommoder   de 
▼ons,  ni  vous  mettre  à  aucun  usage,  chacun 
ne  songera  qu'k  se   défaire  de  vons,  el 
qn'ainsi  on  vous  ballottera  eonlinuellnnenl 
d'une  maison  h  une  autre.  On  porte  un  bâ- 
ton, el  il  ne  fait  point  de  peine  k  la  main, 
parce  qu'on  en  fait  ce  qu'on  veut;  il  faut  de 
même  qu'un  religieux  ne  fasse  point  de 
peine  au  supérieur  entre  les  mains  duquel 
on  l'a  mis;  mais  qu'au  contraire,  il  tâche 
de  se  rendre  agréable  par  son  obéissance  el 
de  lui  donner  lieu  de  dire  avec  le  centurion: 
J'ai  des  soldats  sous  moi  et  je  dis  à  celui-ci  : 
allez,  el  il  va;  el  k  l'autre:  venez,  el  il 
vient;  et  je  dis  k  mon  serviteur:  faites  ceci, 
el  il  le  lait. 

Saint  Basile  traitant  le  même  sujet,  se 

sert  d'une  autre  comparaison   très-propre. 

Te  même,  dit-il,  que  celui  qui  travaille 


• 


a  un  bâtiment,  se  sert  comme  il  veut  des 
instruments  de  son  art,  el  qu'il  n'y  a  jamais 
eu  d'instruments  qui  n'aient  aisément  oi>éi  â 
la  mnin  do  l'artisan  et  n'en  aient  suivi  tous 
les  mouvements,  de  mAme  un   religieux 
doit  être  un  instrument  utile,  dont  le  su- 
périeur peut  se  servir  k  son  gré  pour  ll'édi- 
ficc  spirituel  ;  el  il  no  doit  jamais  faire  de 
résistance  h  ce  qu'un  veut  faire  de  lui.  De 
plus,  comme  l'instrument  ne   choisit   pas 
l'usage  auquel  on  veut  remployer,  ainsi  un 
religieux  ne  doit  point  avoir  de  choix  pour 
aucun  emploi,   mais  il  doit  en  laisser  tout 
le  soin  au  supérieur  et  s'eu  rapporter  en- 
tièrement k  lui.  Enfin,  continue  ce  Père, 
comme  l'instrument   n'agit  point  en   l'ab- 
sence do   l'artisan,  parce  qu'il  n'a  aucun 
mouvement  de  lui-même,  et  qu'il  n'en   a 
point  d'autre  que  celui  que  l'artisan  peut 
lui  donner  quand  il  s'en  sert  ;  de  même,  il 
ne  faut  pas  qu'un  religieux  fasse  jamais  rien 
sans  l'ordre  de  sou  supérieur,  ni  que  dans 
les  moindres  choses,  il  dispose  de  l.ui-même 
pour  un  moment;  mais  il  faut  que  toujours 
et  en    toutes  choses  il  suive  les  mouve* 
ments  el  les   expressions   de  son    supé- 
rieur. » 

Ce  n'est  pas  seulement  dans  es  choses 
qui  semblent  avoir  quelque  rapport  avec  la 
ctiair  et  le  sang  qu'il  faut  soumettre  notre 
'ugement  k  celui  de  nos  supérieurs:  il  faut 
e  soumettre  dans  celles  (jui  sont  les  plus 
détachées  de  tout  ce  qui  regarde  le  corps 
el  qui  sont  purement  spirituelles.  Que  per- 
sonne ne  croie  que  dans  celles-ci  il  lui  soil 
plus  permis  de  s'éloigner  de  la  volonté  el 
du  sentiment  de  son  supérieur  que  dans  les 
aulres  ;  au  contraire,  la  soumission  cl  l'o^ 
bcissance  de  l'enlendemenl  y  est  encore 
plus  nécessaire,  parce  que  les  choses  spiri* 
luelles  étant  d'elles-mêmes  si  élevées,  le 
danger  serait  plus  grand  el  la  rJiute  plus  fâ- 
cheuse, si  nous  n  avions  point  de  guide* 
Cette  vérité  est  si  reconnue,  que  Cassien 
dit,  qu'il  n'y  a  rien  dont  le  démon  se  serve 
tant  pour  faire  tomber  les  solitaires  dans  le 
précipice,  que  de  leur  persuader  de  mépri- 
ser les  conseils  el  les  avis  que  leurs  anciens 
peuvent  leur  doimer  louchant  leur  conduite 
spirituelle,  el  de  suivre   seulement    leurs 

Ïrapres  lumières.  Le  même  Cassien  et  saiiil 
ean  Cltmaque  rapportent  des  exemi^Ies  do 
plusieurs  solitaires  Irès-adoonés  k  la  spiri* 
luatité  et  k  la  raison,  el  d^k  avancés  en  âge, 

a  ni  se  sont  laissés  tromper  par  les  illusions 
u  démon,  pour  s'être  trop  confiés  k  leurs 
propres  lumières,  el  pour  avoir  voulu  se 
gouverner  par  eux-mêmes.  Il  en  porta  un 
a  sacrifier  son  propre  fils  qui  était  dans  le 
même  monastère  que  lui;  et  cet  homme, 
s'imaginani  |iar  Ik  qu'il  deviendrait  un  autre 
Abraham,  en  serait  venu  effeclivemeul  k 
l'exécution,  si  son  fils,  le  voyant  préparer 
des  cordes  el  aiguiser  un  couteau,  n'eût 
conçu  quelque  soupçon  de  son  des.sein  et 
ne  se  fût  enfui.  11  suggéra  k  un  antre  de  se 
précipiter,  lui  faisant  accroire  qu'il  gagne^ 
rail  de  cette  sorte  la  couronne  du  martyre 
et  qu'il  serait  aussitôt  reçu  dans  le  ciel. 


If  55 


QBE 


DICTIONNÂIIIE 


OBË 


i(S6 


Cassieii  rdpporte  encore  à  ce  sujet  Tliis* 
toiro  du  solitaire  Héron,  qui  vivait  dans 
une  si  grande  retraite  et  dans  une  si  grande 
abstinence,  que  même  le  jour  de  PAques,  où 
tous  les  solitaires  avaient  coutume  de  pren- 
dre leur  réfection  ensemble  et  de  se  traiter 
mieux  que  les  autres  jours ,  il  demeurait 
dans  sa  cellule  et  gardait  une  rigoureuse 
abstinence ,  sans  vouloir  rien  ajouter  à  sa 
nourriture  ordinaire  qui  n'était  qu'un  peu 
de  pain  et  d*eau.  <  Cette  auslériie  de  vie, 
dit  Cassien ,  lui  inspira  tant  d'orgueil  et  lui 
donna  tant  d'attachement  pour  ses  propres 
lumières ,  qu'il  vint  h  se  persuader  qu'il 
était  parvenu   au  comble  de  la  sainteté  , 

3u'il  n'y  avait  plus  aucun  danger  pour  lui 
ans  la  vie,  et  que,  quand  il  se  jetterait 
dans  un  puits  la  tête  la  première ,  les  anges 
le  soutiendraient  de  leurs  mains  pour  empê- 
cher qu'il  ne  se  fit  mal.  L'esprit  donc  rem- 
pli de  cette  imaginatiofi ,  et  ne  redoutant 
point  que  Dieu  ne  dût  faire  un  miracle  pour 
faire  éclater  sa  vertu  et  son  mérite ,  il  se 
jeta  une  nuit  dans  un  puits  très-profond, 
d'où  les  frères  qui  étaient  accourus  au  bruit 
de  la  chute  ,  le  retirèrent  avec  peine  à  demi 
mort.  Cependant  Timpression  que  les  illu- 
sions du  démon  avaient  faite  en  lui  était  si 
forte,  que  pendant  trois  jours  qu'il  vécut 
encore ,  ni  l'expérience  malheureuse  qu*il 
venait  de  faire ,  ni  tout  ce  qu'on  put  lui  dire 
pour  le  désabuser  et  pour  l'obliger  à  se  re- 
pentir ,  ne  fut  jamais  capable  de  l'effacer. 
Cela  fait  bien  voir  que  ,  quelque  avancé 
qu'on  soit  et  dans  la  spiritualité  et  dans 
I  Age ,  il  est  extrêmement  dangereux  de  trop 
se  fier  à  son  propre  jugement ,  et  de  ne 
vouloir  pas  se  soumettre  à  ceux  que  Dieu 
nous  a  donnés  pour  nous  conduire.  C'est 
pourquoi  un  saint  homme  disait  avec  raison 
que  celui  qui  se  croit  trop  lui-même  n^a  pas 
besoin  de  démon  qui  le  tente,  parce  qu'il 
est  lui-même  son  propre  démon.  » 

Saint  Cbrysostome  dit  que  celui  qui  s'ap- 
puie sur  son  propre  jugement  est  en  plus 
grand  danser  Je  faillir,  quelque  éclairé  qu'il 
s'^lt  dans  Tes  choses  de  la  spiritualité ,  que 
celui  qui ,  ne  faisant  encore  que  de  com- 
mencer à  s'y  instruire ,  se  laisse  conduire 
Ear  autrui.  Il  compare  le  premier  à  un  très- 
on  pilote  qui ,  se  confiant  h  son  habileté  et 
&  son  adresse,  se  mettrait  en  mer  stir  un 
vaisseau  sans  voiles  et  sans  rames;  et  le 
second  h  un  passager  qui ,  n'ayant  aucune 
connaissance  de  la  marine ,  s'embarquerait 
dans  un  vaisseau  bien  appareillé,  sous  la 
conduite  d'un  très-excellent  patron.  Que 
personne  donc  ne  s'abuse,  en  s'imaginant 
que  dans  les  choses  spirituelles,  par  exem- 
)le,  dans  les  exercices  spirituels  et  dans 
a  pratique  de  la  pénitence  et  de  la  mortiQ- 
cation ,  on  peut  se  dispenser  de  l'obéissance 
et  se  conduire  par  ses  propres  lumières. 
Car,  comme  dit  très-bien  Cassien,  trans- 
gresser  les  commandements  de  son  supé- 
rieur par  envie  de  travailler,  n'est  pas  moins 
<iésobéir*que  de  les  transgresser  par  envie 
de  ne  rien  faire.  Tenez  pour  maxime  con- 
stance, dit  saint  Basile ,  de  ne  rien  jamais 


I 


faire  contre  l'avis  et  sans  la  participation 
do  votre  supérieur  ;  car  tout  ce  que  tous 
faites  h  son  insu  est  une  espèce  de  vol  et 
de  sacrilège ,  c'est  une  chose  qui  ne  saurait 
vous  être  que  très-préjudiciable  et  qui  ne 
peut  jamais  vous  apporter  nulle  utilité.  Je 
veux  bien  que  vous  l'estimiez  bonne;  mais, 
si  elle  l'est ,  pourquoi  vous  en  cachez-vous? 
pourquoi  ne  demandez'-vous  pas  permis* 
sion  ?  Votre  supérieur  ne  souhaite  pas 
moins  votre  bien  et  votre  avantage  que 
vous-même,,  adressez-vous  à  lui,  il  tous  la 
donnera  ;  et  alors  Dieu  versera  sa  bénédic- 
tion sur  ce  que  vous  ferez.  Ne  vous  exposez 
pas,  faute  de  soumission,  à  faire  une  chose 
non-seulement  inutile ,  mais  qui  voas  soit 
même  préjudiciable  ;  et  prenez  garde  que 
Dieu  ne  vous  dise  comme  à  son  peuple, 
dans  Isaïe  :  ne  m'offrez  plus  ioulilemeat 
des  sacriflces. 

Il  ne  faut  jamais  rien  commander  de  mal, 
disent  saint  Grégoire  et  saint  Bernard,  et  il 
ne  faut  jamais  obéir,  quand  il  s'agit  de  com- 
mettre un  péché  ;  mais  quand  il  ne  s'axitque 
de  manquer  à  faire  un  bien,  et  que  i  obéis- 
sance défend  de  le  faire,  on  est  obligé  de  se 
soumettre  à  l'obéissanc.  L'arbre  dont  Dieu 
défendit  à  nos  premiers  pères  de  manger» 
n'avait  rien  de  mauvais  de  lui-même;  au 
contraire,  il  était  tçès-bon  ;  mais  Dieu,  pour 
leur  donner  une  occasion  de  mériter  daTan- 
tage  par  leur  soumission  et  par  leur  obéis- 
sance envers  leur  créateur,  voulut  leur  dé- 
fendra l'usage  d'une  chose  qui  n'aTail  rien 
de  mauvais  que  la  défense,  et  dont,  sans 
cela,  ils  eussent  pu  manger  très-inoocem- 
roent.  Or,  un  supérieur  en  use  quelquefois 
de  même  envers  les  religieux  qui  sont  sous 
sa  conduite;  il  leur  défend  des  choses  qui 
sont  bonnes  d'elles-mêmes,  et  cela,  ou  parce 
qu'elles  ne  leur  sont  pas  alors  convenables, 
ou  pour  éprouver  leur  obéissance  et  leur 
soumission. 

Saint  Basile  ajoute  que  la  perfection  de 
l'obéissance  dans  les  inférieurs  éclate  moins 
à  s'abstenir  de  faire  le  mal,  qu'à  s'abstenir 
de  faire  une  chose  qui  est  bonne  et  sainle 
d'elle-même,  mais  qu'on  leur  a  coiumaniJé 
de  ne  pas  faire.  La  raison  qu'il  en  donne  e^t 
que,  de  ce  qui  est  mal,  ils  doivent  toujours 
s'en  abstenir,  quand  même  il  n'j  aurait  au* 
cune  défense;  mais  que,  do  ce  qui  est  boi 
de  soi-même,  ils  ne  s'en  abstiennent  qu'eu 
vertu  de  la  défense  qu'on  leur  a  faite.  De 
sorte  qu'il  est  vrai  de  dire  que  leur  oitéis* 
sance  paraît  en  cela  davantage,  puisquecVst 
l'obéissance  seule  qui  les  retient.  Au  con- 
traire, quand  on  ii*a  nas  de  soumission  dans 
ce  qui  regarde  les  cnoses  purement  spiri- 
tuelles, c  est  alors  qu'.on  fait  voir  plus  d'in- 
docilité d'esprit  et  plus  d'attacbeinentèsa 
propre  volonté;  car  dans  les  autres,  par 
exemple,  dans  ce  oui  regarde  le  silence,  la 
modestie,  la  tempérance,  et  ainsi  du  reste, 
le  plaisir  et  la  sensualité  peuvent  avoir  part 
h  la  désobéissance;  mais  dans  les  spirituel' 
les,  qui  sont  directement  contraires  à  la  chair 
et  au  sang,  on  ne  peut  être  porté  è  désobéir 
que  par  la  seule  envie  de  faire  à  sa  toIoqI^ 


1157 


ORE 


D*ASCETISXE. 


OBE 


Ut* 


et  par  un  esprit  d*indocilité  et  d'orgueil. 
Ainsi,  tout  ce  qui  arrive  de  là,  c*est  que  par 
les  choses  même  qu'oc  fait  pour  son  a?an* 
cernent  spirituel  et  pour  se  rendre  plus 
agréable  a  Dieu,  on  parvient  à  s'éloisoer 
davantage  de  la  perfection,  et  à  déplaire 
davantage  à  Dieu  et  è  ses  supérieurs.  C'est 
une  chose  dangereuse  d'avoir  affaire  h  un 
cheval  fort  en  bouche  ;  car  comme  il  n'obéit 
point  au  mors,  on  ne  saurait  en  être  mattre, 
et  il  est  capable  d'emporter  son  homme  à 
90ut  moment  et  de  le  jeter  dans  un  préci- 

{»ice.  Il&ut  qu'un  cheval,  pour  être  bon,  ait 
a  bouche  bonne,  qu'il  porte  bien  son  mors, 
et  qu'il  obéisse  bien  à  la  main.  11  en  est  de 
même  d'un  religieux;  il  faut  qu'il  ait  l'es- 
prit souple  et  aisé  à  gouverner,  qu'il  ne  ré- 
siste point  au  frein  de  l'obéissance,  et  qu'il 
se  laisse  conduire  comme  on  veut. 

Nous  lisons  dans  YHistoire  eceUsiastiqm , 
quesainlSiméon  Stjlilcayantchoi$i  sa  retraite 
sur  une  colonne  haute  de  quarante  coud(!^es ,  y 
pratîaua  longtemps  une  pénitence  qui,  jus- 
qoe-là,  n'avait  point  eu  d'exemple.  Il  de- 
meurait continuellement  exposé  a  toutes  les 
injures  et  h  toutes  les  rigueurs  du  temps;  il 
passait  tous  les  carêmes  satis  boire  et  sans 
manger,  et  il  ajoutait  tant  d'autres  austérités 
è  ceiles*lè,  que  Quelques -uns  ne  pouvant 
s'imaginer  qu'un  nomme  fût  capable  de  ré- 
sister è  une  pénitenoe  si  prodigieuse,  dou- 
taient que  ce  fût  véritablement  un  homme. 
Plusieurs  saints  Pères  du  désert,  entendant 
parler  d'un  genre  de  vie  si  nouveau  et  si 
étrange,  s'assemblèrent  pour  consulter  ce 
qu'ils  avaient  h  faire  sur  ce  suiet,  et  le  ré- 
sultat de  leur  assemblée  fut  qu  on  lui  enver- 
rait quelqu'un  de  leur  part,  avec  ordre  d» 
lui  dire  ces  paroles  :  Quel  nouveau  genre 
de  vie  est-ce  que  vous  menez?  Pourquoi , 
quittant  la  voie  que  les  Saints  nous  ont  mar« 
quée,  avez-vous  pris  un  chemin  si  étrange, 
et  qui  n  a  encore  été  frayé  de  personne?  Les 
Pères  du  désert  se  sont  assemblés  et  vous 
commandent  de  descendre  sur-le-champ  du 
lieu  où  vous  êtes ,  et  de  suivre  la  route  de 
tous  les  autres  solitaires,  sans  vous  distin- 
guer davantage  par  des  singularités.  Ils 
avaient,  atf  reste,  donné  ordre  que  s'il  refu- 
sait de  descendre  et  d'obéir,  on  l'j  contrai- 
gnit par  force,  mais  que  s'il  témoignait  vou- 
loir obéir,  et  qu'il  se  mtt  en  devoir  de  des- 
cendre de  sa  colonne,  on  lui  déclarât  en  leur 
nom  qu'ils  lui  permettaient  d'v  demeurer,  et 
de  continuer  dans  ce  genre  de  vie  si  nou- 
veau et  si  austère,  parce  que  son  obéissance 
marquait  assez  que  c'était  Dieu  qui  le  con- 
duisait  dans  la  voie  qu'il  avait  prise.  Celui 
qu'ils  avaient  chargé  de  ces  ordres  va  trou- 
ver le  saint,  lui  expose  sa  commission,  et  à 
peine  eut-il  achevé  de  lui  dire  aue  les  Pères 
du  désert  lui  ordonnaient  de  descendre  de 
sa  colonne,  que  le  saint  s'était  déj^  mis  en 
état  d'obéir  et  de  descendre.  Alors  cet  homme 
voyant  une  si  granJe  soumission,  exécute  le 
second  ordre  qui  lui  avait  été  donné,  et  dit 
au  serviteur  de  Dieu  :  Prenez  courage,  mon 
père,  et  continuez  généralement  dans  le 
gvure  de  vie  que  vous  avez  embrassé  :  c*esl 


Dieu  qui  vous  y  a  appelé ,  votre  ol>éissance 
le  montre,  et  c'est  le  sentiment  de  tous  les 
Pères  du  désert.  Remarquons  ici,  d'un  cAtét 
la  grande  ol>éîssance  du  saint ,  et  son  ex- 
trême détachement  h  l'égard  d*une  chose  si 
sainte  et  qu'il  croyait  procéder  de  Dieu;  et, 
de  Tautre ,  quelle  estime  les  anciens  Pères 
faisaient  de  I  obéissance  et  de  la  soumission, 
puisqu'ils  crurent  qu'il  ne  fallait  point  d'au- 
tre marque  pour  connaître  si  l'esprit  de  Dieu 
le  conduisait,  et  qu'au  contraire ,  ils  jugè- 
rent que  5*il  n'obéissait  pas ,  il  n'en  fallait 
pas  davantage  pour  conclure  que  sa  vocation 
n'était  pas  de  Dieu. 

Un  des  principaux  moyens  pour  acquérir 
la  perfection  de  rot^éissance,  ou,  pour  mieux 
dire,  le  principal  et  le  plus  propre,  est  d'en- 
visager Dieu  même  dans  la  personne  de  sou 
supérieur,  et  de  s'imaginer  que  c'est  Dieu 
qui  nous  commande ,  et  que  c'est  à  lui  et 
non  pas   aux  hommes   que    nous  obéis- 
sons.  Ce   moyen    nous    est   extrêmement 
recommandé    par  l'Apôtre ,  qui   nous   le 
pmpese  en  plusieurs  endroits  de  ses  Epi- 
iresj  et  principalement  dans  celle  aux  Épné- 
siens,  où,  s'aoressant  aux  serviteurs  de  Dieu, 
il  leur  dit  :  Serviteurs^  obéiseez  à  vos  matires 
ielan  la  chair ^  avec  cramie ,  arec  re$pee$ ,  ei 
dans  la  sinmliciié  de  votre  fUngar^  comme  vous 
obéiriez  à  Jésus-Christ.  Si  l'Apôtre  ordonne, 
dite  ce  sujet  saint  Basile,  qu'on* ot)éisse aux 
puissances  de  la  terre  comme  à  Jésus-Christ 
même,  et,  qui  plus  est,  h  des  hommes  qui 
étaient  encore  dans  l'infidélité  et  dans  la 
corruption  du  péché  :  selon  que  l'ordonne 
aussi  saint  Pierre,  qui  veut  qu'on  obéisse 
non-seulement  aux  maîtres  qui  sont  bons  et 
doux,  mais  encore  k  ceux  qui  sont  fAcbeux 
et  qui  vivent  dans  l'infidélité,  à  combien 
plus  forte  raison  les  religieux  doivent-ils 
obéir  de  la  même  sorte  h  leurs  supérieurs 
spirituels,  qui  ne  souhai'ent  autre  chose 
deux  que  I accomplissement  de  la  rolonté 
de  Dieu?  C'est  pourquoi  le  même  saint  Paul 
ajoute  aussitôt  :  Que  ce  ne  soit  pas  seulemeiU 
en  les  servant^  lorsqu^Hs  vous  votent^  et  comme 
pour  plaire  aujc  hommes ,  mais  que  ce  soit  en 
en  fauant  la  volonté  de  Dieu  de  tout  votre 
eœur^  comme  serviteurs  de  Jésus^hrist^  et  en 
servant  volontiers^  comme  si  c'était  le  Sei^ 
gneur^  et  non  pas  les  hommes  que  vous  sertis^ 
siez.  Nous  ne  devons  plus  regarder  Vhomme 
dans  la  personne  du  supérieur  qui  nous  com-- 
marnée^  nous  ne  devons  regarder  que  Dieu  ; 
en  effets  nous  ne  sommes  point  entrés  dans  la 
religion  pour  servir  les  hommes  f  mais  pour 
servir  Dieu,  et  ce  nest  plus  avec  des  hommes 
que  nous  g  vivons^  mais  avec  Dieu  mêmt« 
puisque  notre  vie  y  est  crucifiée  avec  Jésus- 
Christ.  Tout  ce  que  vous  ferez  ,  dit  rA|»ô:re 
en  un  autre  endroit,  faites4e  de  bon  cœur^ 
commue  le  faisant  pour  le  Seigneur  et  non  pour 
les  hommes^  et  comme  étant  assurés  que  vous 
en  recevrez  la  récompense  du  Seigneur. 

Saint  Ignace,  appuyé  sur  cette  doctrine 
insiste  fort  sur  ce  moyen  dans  ses  Consti^ 
tutions^  et  nous  le  recommande  souvent.  «  Il 
est  très  à  propos  et  très-nécessaire ,  dit-il 
en  un  endroif ,  de  s'abandonner  à  une  obéis* 


tl59 


OBE 


DICTIONNAIRE 


QBE 


1160 


sanoQ  entière,  reconnaissant  que  le  supé- 
rieur, quel  gu'il  puisse  ôlre,  tient  la  place 
de  Jésus-Christ  même.  U  est  très-nécessaire, 
dit-il  ailleurs,  d'obéir  non-seulement  au  su- 
périeur général  de  la  Compagnie,  ou  au 
supérieur  particulier  de  chaque  maison, 
mais  aussi  à  tous  ceux  qui  ont  autorité  de 
lui,  et  de  s'accoutumer  à  regarder  dans  To- 
béissance,  non  pas  la  personne  du  supérieur 
è  qui  on  obéit,  mais  la  personne  de  Jésus- 
Christ,  pour  Tamour  de  qui  on  obéit,  et  h 
qui  tout  le  monde  doit  obéir.  »  U  établit  la 
inéme  chose  pour  fondement,  dans  la  sixième 
partie  des  Constitutions^  où  il  traite  plus 
expressément  de  Tobéissance;  et  il  dit  que 
si  Ton  veut  acquérir  la  perfection  de  cette 
vertu,  il  faut  avoir  continuellement  devant 
les  yeux  colui  pour  Tamour  duquel  on  obéit, 
qui  est  Dieu  lui-même,  notre  Créateur  et 
notre  Sauveur.  L'efficacité  de  ce  moyen 
pourra  très-bien  se  connaître  par  la  suppo- 
sition suivante.  Si  Jésus-Christ  lui-même 
vous  apparaissait  et  vous  commandait  de 
faire  telle  ou  telle  chose,  avec  quelle  promp- 
titude, avec  quelle  joie,  aveequelle  soumis- 
sion d'esprit  et  d'entendement  î\e  vous  por- 
teriez-vous  point  h  obéir?  il  ne  vous  vien- 
drait pas  la  moindre  pensée  de  juger  tle  ce 
3u'il  vous  commanderait  ;  pas  le  moindre 
oute  si  ce  serait  une  chose  juste  ou  non  ; 
mais  vous  vous  porteriez  aveuglément  h 
l'exécuter,  par  cette  seiile  raison  qui  est 
au-dessus  de  toute  autre  raison  :  c'est  Dieu 
qui  me  le  commande,  c'est  Dieu  qui  le  veut, 
c*est  ce  qu'il  y  a  par  conséquent  de  meil- 
leur. Vous  vous  estimeriez  même  heureux 
que  Dieu  voulût  se  servir  de  vous  ;  et  plus 
ce  qu'il  vous  conmianderaii  serait  pénible, 
plus  vous  le  tiendriez  à  grâce,  Or,  voilà 
|ir('*cisément  le  moyen  que  nous  vous  pro- 
posons. Saint  Basile  le  pro)>ose  de  môme 
dans  ses  constitutions  ;  et  afin  de  nous  en 
donner  (oute  l'estime  qu'il  mérite  :  ce  n'est 
pas,  dit-il ,  de  moi-même  que  je  m'avance 
de  faire  cette  comparaison  ;  c'est  sur  la  foi 
et  sur  l'autorité  ^e  Jésus-Christ,  qui  dit  : 
celui  qui  vous  écoule  m'écoule  ;  c'est-à-dire 
celui  qui  vous  obéit,  c'est  à  moi-même  qu  il 
obéit.  Tous  les  saints  interprètent  ainsi  ces 
paroles,  et  ils  diseat  qu'elles  ne  doivent  pas 
seulement  s'entendre  des  apôtres,  mais  de 
tous  les  supérieurs  spirituels  ;  et  cette  doc- 
trine était  tellement  reçue  parmi  les  anciens 
Pères  du  désert,  qu'ils  regardaient  les  corn- 
mandements  de  leurs  supérieurs  comme  des 
commandements  de  Dieu  même.  Ils  ne  s'at- 
tachaient point  à  regarder  l'homme  dans  la 
personne  de  leur  supérieur;  mais  ils  regar- 
daient Dieu  dont  il  occupait  la  place;  et 
c'est  ce  que  Jésus*Christ  nous  recommande 
expressément,  quand  il  dit  :  Les  scribes  et 
les  pharisiens  sont  assis  sur  la  chaire  de 
Moïse.  Observez  donc  tout  ce  qu'ils  vous 
diront  et  faites-le;  mais  gardez-vous  bieo 
de  faire  ce  qu'ils  font.  (Konaio.,  Perf.  ch.  ) 

Avis  PRATlt2DBS   TOUCHANT  LA  VB&TU  D*0- 

BÉiHSANCB.  —  J.  Le  directeur  doit  s'appli- 
quer avec  le  plus  grand  soin  à  implanter 
profondément  dans  le  cœur  de  ses  disciples 


la  vertu  d'obéissance,  sans  laquelle  il  perdra 
son  temps  et  sa  peine,  et  emploiera  en  ?ain 
toutes  sortes  d'industries  pour  les  conduire 
à  la  perfection.  Il  aura  beau  conseiller,  or« 
donner,  exhorter,  instruire  ;  si  le  péniteot 
n'obéit  pas,  il  ne  fera  aucun  progrès,  même 
avec  la  meilleure  direction.  Or,  il  y  a  deux 
moyens  d'obtenir  l'obéissance  :  première- 
ment, il  faut  s'attacher  fortement  a  inspirer 
au  pénitent  une  grande  estime  et  un  ardent 
amour  pour  cetle  vertu  :  car  il  est  impossi- 
ble d'oDtcnir  la  possession  d'aucune  vertu, 
si  la  volonté  ne  se  résout  efficacement  i 
chercher  à  y  parvenir.  Dans  ce  but,  le  di- 
recteur fera  sentir  tous  les  avantages  de 
cette,  vertu,  et  la  proposera  pour  sujet  de 
méditation  :  car,  les  réSexions  apportent 
cette  lumière  qui  inspire  à  la  volonté  l'a- 
mour de  ta  vertu  et  le  désir  de  l'acquérir. 
Secondement,  il  faut  que  le  disciple  s'exerce 
constamment  dans  l'obéissance,  puisqu'il 
n'y  a  pas  d'autre  moyen  d'acquérir  l'habi- 
tude uned'  vertu  quelconque  que  par  le 
fréquent  exercice  des  actes  qui  lui  sont 
propres  ;  et  quaùt  à  la  vertu  dont  il  est  ici 
question,  il  est  évident  que  celui  qui  s'ac- 
coutume à  suivre  sa  volonté  propre  n'ob- 
tiendra point  la  facilité  de  se  soumettre  à  la 
volonté  d*autrui.  C'est  pourquoi  qu'en  toutes 
choses,  autant  que  possible,  il  l'assujétisse 
à  ses  conseils,  et  non-seulement  pour  l'u- 
sage des  sacrements,  mais  aussi  pour  les 
exercices  de  pénitence,  les  mortifications , 
les  méditations  et  pour  les  autres  Œu?res 
extérieures,  même  indifférentes.  Il  faut  donc 
briser  la  volonté  du  pénitent,  en  lui  refu- 
sant certaines  choses  quoique  permises, 
comme  les  communions,  les  pénitences,  ou 
d'autres  exercices  de  piété  pour  lesquelles 
il  a  plus  d'inclination  :  et  cela  uniquement 
pour  guo  sa  volonté  s'assouplisse etse re- 
connaisse sous  la  dépendance  d'une  autre 
volonté.  Sainte  Thérèse,  parlant  d'elle- 
même,  rapporte  quelle  avait  eu  aulrefois 
un  directeur  qui  travaillait  particulièrement 
à  briser  sa  volonté,  et  qu'elle  en  avait  ex- 
cessivement souffert;  puis,  eile  ajoute  que 
ce  directeur  lui  avait  plus  servi  qua  tous 
les  autres.  Le  démon  qui  connaissait  roieui 
qu'elle  combien  ce  directeur  lui  était  utile, 
la  poussait  souvent  à  le  quitter.  Mais  lors- 
qu  elle  s'attachait  à  ces  suggestions  du  dé- 
mon, elle  sentait  intérieurement  la  grâce 
divine  lui  faire  d  amers  reproches  et  lui  re- 
présenter l'avantage  d'avoir  un  tel  directeur. 
IL  II  ne  faut  pas  oublier,  cependant,  qu'eo 
mortiGant  et  en  brisant  ainsi  la  volonté  oa 
ne  doit  agir  qu'avec  prudence  et  modéralioa; 
autrement  il  en  résulterait  plus  de  mal  que 
de  bien.  C'est  pourquoi  le  directeur  se  gar- 
dera de  prescrire  des  choses  impossibles.  Ils6 
gardera  même  d'imposer  des  choses  tnrp  au- 
dessus  des  forces  corporelles  ou  spirituelles 
du  pénitent  :  autrement  ce  ne  serait  pas  bri- 
ser, assouplir  sa  volonté,  mais  le  jeter  daos 
de  profondes  angoisses.  Il  faut  examiner, 

f^eser  arec  soin  les  progrès  qu'il  fera  daos 
es  voies  spirituelles,  et,  en  proportion  de 
ces  progrès,  s'opposer  à  ses  inclinations,  lui 


ti61 


OBB 


D*  ASCETISME. 


OBL 


IIGl 


imposer  .e  joug  de  la  mortiCcation.  En  un 
DJOl,  pour  que  la  direction  d'un  pénitent 
puisse  oblenir  un  heureux  résultat,  il  faut 
commencer  par  examiner  quelles  sont  ses 
forces,  ce  que  ses  épaules  refusent  ou  sont 
capables  de  porter.* 

111.  Outre  Ja  modération,  le  directeur  a 
besoin  d'un  sage  discernement  pour  le  ctioix 
des  mortifications  qu'il  doit  imposer  au  pé- 
nitent dont  il  veut  mortifier  la  volonté.  C  est 
pourquoi ,  s'il  lui  prescrit  quelque  chose  de 
contraire  à  ses  inclinations,  il-doit  agir  de 
manière  à  ne  lui  pas  faire  connaître  son  in- 
tention.  Nous  parions  ainsi,  parce  qu'il  n'est 
pas  rare  de  rencontrer  certames  personnes, 
et  surtout  des  femmes,  qui,  si  elles  s'aper- 
çoivent que  le  directeur  s'appli(|ue  à  les 
exercer  h  la  mortification,  ne  retirent  de  là 
qu'une  vaine  complaisance  en  elles-mêmes, 
au  lieu  de  devenir  plus  humbles ,  parce 
qu'elles  voient  en  cela  une  preuve  que  le 
directeur  a  une  haute  idée  de  leur  avance- 
ment spirituel  ;  de  sorte  que  la  mortification 
dégénère  enfin  en  vanité;  ce  qui  n'arrive 
pas,  si  pour  leur  imposer  une  mortification 
on  attend  quelque  occasion  où  elles  ont  fait 
une  faute,  car  alors  elles  s'imaginent  qu'elles 
ont  mérité  celte  mortification.  11  faut,  en 
outre,  s'abstenir  de  paroles  dures,  vives  et 
humiliantes,  à  moins  qu'on  n'ait  à  traiter 
avec  une  personne  de  telle  vertu  qu'elle 
peut  supporter  toute  sorte  d'épreuves;  car 
de  telles  paroles  ne  produisent  point  ordi- 
nairement la  tranquillité  de  l'flme,  même 


dans  les  personnes  spirituelles.  C'est  pour- 
guoi,  si  elles  doivent  se  vaincre  elles-mêmes, 
il  vaut  certainement  mieux  qu'elles  le 
fassent  avec  la  paix  de  l'âme  et  sans  inquié- 
tude. 

IV.  Que  le  directeur  ait  recours  à  la  sainte 
obéissance  pour  discerner  les  qualités  des 
esprits,  surtout  à  il'éçard  des  personnes  qui 
se  livrent  à  des  mortifications  extraordinai- 
res, ou  qui  reçoivent  de  Dieu  des  faveurs 
f»articuliëres,  comme  visions,  extases,  révé- 
ations.  L'obéissance,  plus  que  toute  autre 
vertu,  fera  facilement  connaître  si  l'esprit 
du  pénitent  est  droit  et  sincère,  ou  s'il  est 
faux  et  déguisé.  Et  la  raison  en  est  évidente  : 
toute  la  perfection  ou  l'imperfection  de  la 
vie  spirituelle  a  sa  source  dans  la  volonté» 
puisque  toutes  nos  actions  intérieures  et 
extérieures,  si  elles  sont  bonnes,  tirent  leur 
éclat  et  leur  beauté  de  la  volonté  qui  leur 
donne  le  lustre  de  la  vertu,  et,  si  elles  sont 
mauvaises,  reçoivent  de  la  volonté  encore 
le  voile  qui  couvre  l'ignominie  du  vice.  Car 
comment  une  volonté  indocile,  intraitable, 
inflexible,  et  que  l'obéissance  n'a  point  en- 
core soumise  à  Dieu  et  aux  supérieurs, 
pourrait-elle  devenir  le  temple  du  Saint- 
Esprit,  le  sanctuaire  où  Dieu  vienne  habiter 
I)Our  y  fixer  sa  demeure  et  y  faire  ses  dé- 
ices. 

OBLIGATIONS  DES  CLERS.  -  Schram  a 
retracé  dans  un  tableau  synoptique  les  obli- 
gations générales  et  communes  à  tous  les 
clercs  ;  il  est  divisé  en  quatre  avertissements. 


REHIER  AVERTISSEMENT. 


11$  se  conserveront  saints  pour  leur  Dieu  et  ils  ne  souilleront  point  son  nom\  carilspri^ 
senient  l'encens  du  Seigneur ,  et  ils  offrent  le  pain  de  leur  Dieu  :  c'est  pourquoi  ils  seront 
saints,  [Levit.  ixi,  6.) 


Prenes  vos  habitudes 


noBdaB' 
mais  dans 


1 


la  légèreté, 

Tavarice, 

rambition, 

la  vocation  de  Dîea, 

rattrait.de  la  perfection  de  votre  état, 

le  zélé  pour  votre  salot  et  celui  du  prochain 


Maichez  avec  on  extérienr 


grave, 
modeste, 
pur, 
canoniqiie 

diéîssantf 


Soyez  avec  votre  évèque 


Fuyez 


.  vous  terez  retitns 

de  tétements  saints. 

{Exod.  XL.) 

dans  ses  ordres, 
dans  ses  décrets 
dans  ses  avis, 
de  cœur, 
de  parole, 
d'action. 

les  maisons  suspectes,  —  la  sodété  des  femmes,  —  les  jeux , 

dansés,  —  les  théâtres,  —  les  chasses  broyantes  - 
le  mépris  contre  Févéque, 
rinsubordination  contre  le  supérieur, 
les  querelles  avec  tout  le  monde, 
les  fonctions  viles  par  ime  honteuse  économiCi 

en  recevant  des  présents , 
Tavarice      (     en  commettant  d*odieuses  exactions, 

en  administrant  le  bien  d'aotroi. 


1 
{ 


—  es 


^: 


DlCTION?(.  D  ASCETISME.  L 


37 


fl6S  OBL  D1€TK»(NAIRE  OH.  lia 

DËCXIÈMB  AVERTISSEMENT. 
Voui  serex  parfaits  et  sans  tache  {Deut.  xTiii.) 

i  divine, 
ecclésiâsUqiie, 
civile. 

Comme  voue  aveu  rejeté  la  uietue,  ie  «om  rejetm^d,  pour  fue  iOM  iCmh 
ciêz  poUU  les  fonction»  du  eacerdoce  {Oee  iv,  6.) 

tdiiiis  leB  conseils, 
dans  les  jagements, 
dans  les  eonunandânents. 

Le  chef  sane  ftrudence  fera  périr  betmcotip  de  mmée.  (Praik  ixvm.| 

D^-  !«  ^^^éi^    l  dans  les  vêtements, 
Par  la  modestie    I  a i^  j:.^..^ 


»^-  !«  ^^^éi^    l  dans  les  vêtements 

^  u  ^f?h^       l  dans  les  discours, 
et  la  gravité       \  ^^  ^  ^^^^s. 


Vhabillement  d*un  homme^  ton  eontire  et  en  éêmmre^  le  font  eounltn, 
{Eccli,  XII.) 


Serve»  d'etoemple  amx      j  j  envers  les  étrangers, 

Par  la  libéralité    I  envers  les  pauvres, 


I 


fUèlee.  (/  timotk.  nr.)      ^  \  envers  les  églises. 

Sotfe%  mieéricordieux  autant  que  vous  ie  pourrez.  (Tob.  tv .) 

(dans  les  richesses, 
dans  les  festins, 
dans  les  consolations. 

Ne  laisMx  pas  appesantir  votre  coeur  par  la  débaucke  et  Vivrognerie^  m  fer 
\les  soucis  de  cette  vte.  (Luc.  xxi.) 

ien  présence  de  Dieu, 
en  présence  des  hommes, 
en  présence  de  vous-même. 

Gardez-vous  vous-mêmes^  ainsi  que  votre  àme^  avec  solHcUude  {Deut,  it.) 

Par  Tobéissance     (   envers  TEslise, 

Par  la  soumission  |  envers  le  Souverain  Pondfe> 

Par  Tamour  (  envers  ses  décrets. 

Celui  qui  me  suit,  ne  marche  pas  dans  les  ténèbres.  {Joan,,  viii.) 

Celui  qui  vous  écoute^  m'écoute  -  celui  oui  vous  mévrise^  me  méprise.  (Luc.^  x.) 

TROISIÈME  AVERTISSEMENT. 

Èoyex  purSf  vous  qui  portez  les  vases  du  Seigneur.  {îsa.  lu./ 

QiH  vos  prêtres  soient  revêtus  de  justice.  {Ps.  cxzxi.) 

redoutable  aux  anges  ; 
une  dignité        {  plus  élevée  que  la  dignité  royale; 

vénérable  pour  tous* 


Rappelez-vous  quni  y  a  <h«.s      unead^^W*      }  fj  t^g^^^^pgS  «^^ 
VOS  fonctions  \        puissance         (  sur  les  esprits  célestes  et  infernaux. 


de  vous  appliquer  à  |  ^^^  ^^^^^  ^^  ^  ^»^^^ 

rinterpréte  et  ranbassadeur  de  Dieu,  celui  qui  promulgue  ses  décrets 
éternels; 

I    le  prêtre    éternel ,   immolant  et  ofElrant  en  sacrifice  le  Fils  da  Péra 
Par  elles,  vous  êtes  devenu  (éternel: 

'    le  médiateur  entre  Dieu  et  les  hommes»  par  Toffirande  du  sacrifice  do 
pain  et  des  prières  des  fidèles  ; 
le  dispensateur  des  célestes  mystère  • 

contempteur  des  choses  sacrées  ; 

peu  soumis  à  Fautorité  du  Souverain  PonUfii, 

Prenez  donc  sarde  de  d*» venir  /     "secta^cur  d*nne  doctrine  périlleuse  ou  douteuse; 

rrenear  aonc  garae  ae  devenir  (     ^^^^^^  ^^  désagréable,  ou  trop  large  ei  trop  fàîMe  pour  les  pénitesls; 

avare^ — immonde^ — impudique, — enclin  au  vin. — avide  d^un  gmn  konUsî- 
(I  Tim.  m;  Tit.  i.) 

!     pieux,  —.innocent,—  sobre,—  sans  souillure»  —  séparé  dfli  pé- 
cheurs; 
Plus  élevé  que  les  cieux.  {Hebr.  vu.) 

FoM  serez  mon  peuple  sainte  parce  que  je  suis  saint,  moi  qui  suis  le  Seigneur,  et  que  je  wms  si  Uptuf^ 
de  tous  les  autres  peuples,  afin  que  vous  fussiez  à  moi,  (Levit.  xx,  26.) 


1165  OBL  D'ASCETISME.  OBL  IIM 

QUATRIÈME  AVERTISSEMENT. 
Je  voui  conjure  de  vous  conduire  d'une  manière  qui  soit  digne  de  Féiai  auquel  voue  Mês 
appelée.  {Eph.  it,  !•) 

de  Dieu. 


Les  moyens  sont 


la  crainte 
l'amoar 

la  garde 

la  sainte  occu- 
pation. 


la  oootume 
assidue 


la    dévotion 
envers 

la  prudence  et 
la  modération 


la  fidélité  à 


1 
t 


du  cœur, 
des  sens. 

delà 

de  rîBlelligenôe. 

de  la  volonté, 

d'entretien  avec  le  confesseur, 
de  lecture  spirituelle. 

d'examen  de  conscience 
des  sacrements. 

iDicu, 
la  bienheureuse  vierge  Marie 
les  saiAts. 

idans  les  affaires, 
dans  les  conversations, 
dans  les  consolations. 

i  faire  un  bon  emploi  do  temps.; 
sanctifier  les  Jours  de  fête  ; 
remplir  chaque  Joor  des  exercices  de  piété. 


Faitee  cela  ei  tous  «larMb^  (Ljm*  x.) 
OBLIGATIONS  DES  PRÊTRES.— Fov.PnÊ- 

TRES 

OBLIGATIONS  D'UN  RELIGIEUX.  —Nul 
peut-être  n*a  mieux  que  Louis  de  Blois 
retracé  les  obligations  du  religieux.  Nous 
laisserons  parler  le  pieux  auteur  en  oonser- 
vant  son  langage  d'une  admirable  simplicité. 
Son  opuscule  intitulé  :  Le  directeur  dee  âmes 
religieuses^  est  dédié  à  Odon,  Tun  de  ses  amis. 

f  I.  Vous  me  demandez,  mon  cher  Odon, 
an  ouvrage  de  piété  qui»  comme  un  miroir 
fidèle ,  vous  représente  vous-même  à  vos 
yeux,  avec  tout  ce  que  vous  pouvez  avoir 
de  bon  ou  de  mauvais.  le  vous  avoue  que 
voire  prière  me  surprend.  Sans  doute  vous 
ne  me  connaissez  pas,  quand  vous  exigez 
une  chose  toute  spirituelle  d'un  homme 
terrestre  et  charnel.  Je  no  veut  pourtant  pas 
qu'on  puisse  m'accuser  d'avoir  regardé  avec 
indifférence  ou  avec  trop  peu  d'égard  une 
liemande  aussi  édifiante  que  la  vôtre.  Je  me 
rends  donc  è  vos  instances,  et  je  vous  en- 
Toie  un  petit  recueil  de  maximes  spirituel- 
les. Ma  pauvreté  ne  me  permet  pas  de  vous 
faire  un  plus  riche  présent.  Recevez  celui-ci 
tel  qu'il  est.  11  vous  servira  au  moins  comme 
d'une  ébauche  pour  entrevoir  ce  que  vous 
êtes,  ce  que  vous  n'êtes  pas  encore  et  ce  que 
TOUS  devez  être. 

«  II.  Je  vous  exhorte  d'abord  à  vous  rap- 
peler souvent  et  sérieusement  le  motif  qui 
vous  a  fait  entrer  en  religion.  C'est  afin  do 
mourir  au  monde  et  à  vous-même,  c'est 
afin  de  ne  vivre  que  pour  Dieu  seul.  Voilà 
tout  ce  que  vous  vous  êtes  proposé  en  renon- 
çant au  siècle  ;  il  faut  donc  en  venir  h  bout. 


mez-vous  k  rompre  votre  volonté  par  de 
généreux  efforts,  avons  renoncer  vous-même 
peir  on  saint  abandon  de  tout  ce  que  vou3 


avez  de  plut  cher,  à  détruire  vos  passions  et 
vos  mauvaises  inclinations  par  la  mortifica- 
tion chrétienne.  Travaillez  à  fixer  les  pen- 
sées vagues  qui  dissipent  l'esprit,  et  affer- 
missez-vous contre  les  dégoûts  et  les  ennuis 
qui  abattent  le  cœur.  Telle  doit  être  votre 
occupation  tous  les  jours  et  tous  les  moments 
de  votre  vie.  J'avoue  que  c'est  une  guerre 
difficile  à  soutenir,  mais  elle  sera  suivie 
d'une  couronne  de  gloire  ;  c'est  un  état  de 
souffrances  et  de  peines,  mais  il  est  accompa- 
gné des  plus  précieux  avantages.  Evitez 
surtout  l'indolence  et  le  relAebement,  et 
soyez  exact,  vigilant,  attentif,  ferme,  intré- 

fdde  dans  les  combats  qu'il  vous  faudra 
ivrer  k  vous-même.  Allez- jr,  pour  ainsi  dire, 
à  corps  perdu,  et  ne  vous  épargnez  point 
par  une  délicatesse  mal  entendue.  Dieu  le 
demande,  et  la  sainteté  de  votre  état  l'exige. 
Vous  portez  le  nom  de  religieux,  Il  s'agit 
de  l'être  en  effet,  et  d'en  remplir  les  obliga- 
tions, d'en  combattre  le  vice  et  de  le  chasser 
de  votre  âme,  d'être  enfin  toujours  en  garde 
contre  le  dérèglement  de  la  nature,  les  sail- 
lies de  l'humeur,  les  plaisirs  des  sens  et  les 
attraits  de  la  volupté. 

«  m.  Comprenez  bien  ce  aue  je  vous  dis. 
Si  vous  permettez  à  rorgueil,  à  la  vanité,  & 
utie  secrète  complaisance  de  vous-même 
de  prendre  l'ascendant  sur  votre  raison  ;  si 
vous  suivez  votre  propre  sens  dans  votre 
conduite,  si  vous  regardez  avec  mépris  ce 
qui  est  bas^  petit  aux  yeux  des  homikies, 
vous  n'êtes  pas  vraiment  religieux. 

«  Si  vous  ne  réprimez  Tenvie,  la  haine, 
les  amertumes  du  coMir,  les  mouvements 
d'ittdimatiOQ  ;  si  vous  n'avez  soin  d*écarter 
les  dénances,  les  soupçons  injustes,  les  ja- 
gements  téméraires,  les  plaintes  puériles,  et 
à  plus  forte  raison  les  murmures  qui  Sion- 
tent  la  révolte,  vous  n'êtes  pas  religieux.  — 
Si,  dans  un  différend  qui  s'élève  entre  un  de 


im 


OBL 


DICTIONNAIRE 


OBL 


ilC8 


VOS  frères  et  vous,  vous  ne  travaillez  pas  à 
îrous  réconcilier  sur-le-champ;  si  vous  ne  par- 
donnez pas  à  Tinslanl,  quelque  injure  qu'on 
Yous  ait  faite;  si  vous  roulez  dans  votre  es- 
prit des  desseins  de  vengeance;  si  vous  y 
conservez  de  l'aigreur;  si  vous  faites  paraî- 
tre du  ressentiment  au  dehors,  et  si  vous 
ne  donnez  pas  au  contraire  toutes  les  mar- 
({ues  d'une  affection  sincère;  si  vous  hési- 
tez même  à  secourir  dans  l'occasion  celui 
qui  vous  a  maltraité,  vous  n'êtes  pas  reli- 
gieux ;  que  dis-je,  vous  n'êtes  pas  chrétien, 
vous  êtes  abominable  aux  yeux  de  Dieu. 

«Si,  après  être  tombé  dans  qu*elque  faute, 
vous  avez  honte  de  vous  en  accuser,  comme 
la  règle  y  oblige;  si  vous  ne  recevez  pas 
avec  beaucoup  d'humilité,  de  docilité  et  de 
patience  les  reproches  et  les  corrections; 
qu'on  vous  fait,  vous  n'êtes  pas  religieux.-^. 
Si  vous  ne  rendez  pas  à  votre  supérieur  une' 
obéissance  prompte,  entière  et  générale,  en 
tout  ce  qui  n'est  pas  mauvais;  si  vous  n'a- 
vez pas  pour  lui  le  respect  et  la  tendresse 
qui  est  due  è  celui  qui  tient  sur  nous  la 
place  de  Dieu,  vous  n'êtes  pas  religieux.  — 
Si  vous  cherchez  à  vous  dispenser  du  chœur 
ou  de  quelque  autre  exercice  commun;  si 
vous  assistez  à  l'office  divin  sans  l'attention 
et  la  dévotion  requises,  vous  n'êtes  pas  reli- 

fieux.  —  Si  vous  bornez  tous  vos  soins  à 
ien  régler  votre  extérieur,  et  que  votre 
intérieur  n'en  soit  pas  le  principal  objet  ;  bi 
vous,  vous  contentez  d'être  présent  de  corps 
aux  exercices,  sans  que  l'esprit  et  le  cœur^ 
aient  part  ;  si  vous  n'y  allez  que  par  habi- 
tude, vous  en  perdez  tout  le  mérite,  vous 
n'en  retirez  aucun  fruit,  vous  n'êtes  point 
religieux.  —  Si  vous  ne  vous  appliquez  avec 
ferveur  à  la  prière,  aux  lectures  de  piété  et 
aux  autres  pratiques  de  dévotion  ;  si  votre 
âme,  tout  occupée  des  choses  du  monde, 
demeure  courbée  vers  la  terre  et  ne  prend 
que  rarement  son  essor  vers  le  ciel,  vous 
n*êtes  pas  religieux.  —  Si  vous  cherchez  à 
satisfaire  votre  sensualité  dans  les  repas,  si 
vous  prenez  de  la  nourriture  au  delà  du 
nécessaire;  si,  en  ce  qui  regarde  le  vin, 
vous  ne  vous  contentez  pas  d  une  très-pe- 
tite mesure,  surtout  quand  vous  vous  portez 
bien ,  et  que  d'ailleurs  vous  avez  de  la  bière 
ou  quelque  autre  boisson  convenable,  vous 
û'êtes  point  religieux. 

«  Si  vous  voulez  être  bien  habillé ,  molle- 
ment couché,  jouir  de  mille  petites  commo- 
dités qui  ne  conviennent  pas  à  l'état  que 
vous  avez  embrassé;  si  vous  accordez  à 
votre  corps  le  repos  qu'il  souhaite ,  et  refu  - 
soz  à  Dieu  le  travail  qu'il  demande,  vous 
n'êtes  pas  religieux.  —  Si  vous  fuyez  la 
solitude  et  le  silence,  aimant  iTvous  dissiper 
en  des  entretiens  inutiles  et  par  des  ris  im- 
modérés, vous  n'êtes  pas  religieux.  —  Si 
vous  prenez  plaisir  à  vous  trouver  dans  la 
compagnie  des  séculiers,  à  sortir  du  monas- 
tère et  à  vous  montrer  dans  les  villes  et  les 
châteaux,  vous  n'êtes  pas  religieux.  —  Si 
vous  êtes  assez  hardi  pour  disposer  de  la 
moindre  chose,  donner  ou  recevoir,  envoyer 
ou  retenir  quoi  que  ce  soit,  sans  la  perpiis- 


sion  de  votre  supérieur ,  vous  n'êtes  pas 
religieux.— Si  vous  estimez  peu  les  règles  du 
monastère ,  et  que  vous  en  violiez  quel- 
qu'une de  propos  délibéré,  quelque  petite 
qu'elle  soit,  vous  n'êtes  pas  religieux.  ~Ea 
un  mot,  si  dans  le  monastère  vous  cher- 
chez autre  chose  que  Dieu,  et  que  vous  ne 
tendiez  de  toutes  vos  forces  à  la  perfeelion 
de  votre  état,  vous  n'êtes  pas  religieux. 

«  IV.  Ainsi  pour  revenir  à  ce  que  je  vous 
disais  tout  à  l'heure ,  si  vous  voulez  remplir 
le  nom  que  l'on  vous  donne  et  être  un  ?éri- 
table  religieux,  vivez  en  véritable  religieux; 
armez-vous,  combattez  contre  vous-même, 
n'omettez  rien  de  ce  qui  est  en  vous  pour 
vaincre  et  dompter  votre  amour-propre. 
Mais  si  vous  ne  trouvez  pas  d'abord  la  paix 
que  vous  cherchez  ;  si  Dieu  diffère  à  vous 
accorder  la  tranquillité  de  votre  âme;  si  les 
mouvements  delà  concupiscence  vous  atta- 
quent ;  si  les  passions  s'élèvent,  n'en  soyez 
pas  étonné.  Quand  Dieu  même  pour  votre 
avantage  permettrait  à  ces  ennemis  domesti- 
ques de^vous  faire  la  guerre  pendant  toute 
votre  vie,  ne  vous  laissez  point  abattre; 
mais  vous  humiliant  devant  Dieu  à  la  rue 
de  vos  faiblesses,  attendez  tout  de  la  force 
de  sa  grâce. 

«  Saint  Paul,  ce  vaisseau  d'élection,  n'eut* 
il  pas  à  souffrir  toute  sa  vie  une  teolatiou 
humiliante,  un  aiguillon  de  la  chair,  dont 
l'ange  de  Satan  se  servait  pour  lui  donner 
des  coups  et  pour  l'insulter?  Et  quoiqu'il 
eût  souvent  prié  le  Seigneur  de  1  en  déli- 
vrer, il  ne  fut  point  exaucé,  parce  qu'il  ne 
lui  était  pas  avantageux. de  l'être,  m  grâce 
V01M  suffU^  lui  dit  le  Seigneur,  car  maiùm- 
êance  ne  parait  jamais  avec  le  plus  aécht 
que  dans  la  faiblesse.  Il  n'en  fallut  pas  davan- 
tage  à  ce  serviteur  de  Dieu  pour  supporter 
dans  la  suite  avec  courage,  et  même  arec 
gaieté,  la  rigueur  des  épreuves  imposées  à  sa 
vertu.  Fortitiés  par  l'exemple  de  ce  géoéreux 
athlète  de  Jésus-Christ,  ne  nous  laissons 
point  abattre  par  la  tentation  ;  soutenoos-ea 
les  attaques  avec  courage,  sans  que  rien 
puisse  nous  faire  chanceler  dans  les  bous 
desseins  que  nous  avons  pris. 

^  Ce  qui  nous  parait  un  travail  pénible  et 
chagrinant,  I)ieu  prêt  à  le  récompenser  s'en 
fait  un  spectacle  agréable.  A  la  vue  de  la 
récompense  qui  nous  attend,  volons  avec 
une  ardeur  invincible  à  cette  espèce  de  mar- 
tyre spirituel  où  l'on  demande  le  sacrifice  do 
notre  âme.  Oui,  n'en  doutons  point  ;  eussions- 
nous  reçu  mille  blessures  dans  le  combat, 
eussions-nous  été  renversés  par  terre  mille 
fois,  mille  fois  foulés  aux  pieds  île  n"s 
ennemis,  nous  sommes  encore  assurés  ii>' 
la  victoire,  pourvu  qu'au  lieu  de  metlrc 
lâchement  les  armes  bas,  nous  résistions 
jusqu'au  bout.  Faisons  seulement  ce  quie>t 
en  notre  pouvoir,  abandonnons  le  reste  aux 
dispositions  de  la  Providence,  et  disons: 
«  Que  ce  qui  est  arrêté  par  les  dispositions 
«  du  ciel  s'accomplisse.  »  C'est  cette  sou- 
mission aux  ordres  de  Dieu  qui  doit  faire 
toute  notre  consolation  et  toute  notre  res- 
source^ dan$  les  souffrances.  Après  tout»  b 


«163  OM-  ^'ASCETISME. 

peine  esl  le  partage  de  1  âomme.  De  quelque 
côlé  qu'il  se  tourne,  et  quelque  part  qu'il 
aille,  les  tribulations,  les  croix,  les  tenta- 
lions  l'accompagnent  partout  et  dureront 
autant  que  sa  vie.  Il  doit)  par  conséquent 
être  touioors  prêt  à  les  soutenir.  Heureux, 
SI  la  grâce  l'élève  à  ce  haut  degré  de  per- 
fection et  de  bonheur,  oii  l'on  ressent  une 
Térilable  joie  à  tout  souffrir  pour  le  Sei- 
gneur. 

#«  V.  Eh  bien,  mon  cher  frère,  tous  ai-je 
assez  développé  les  devoirs  d'un  vrai  reli- 
^eux7  Ne  voudriez-vous  pas  encore  des 
instructions  plus  étendues?  Voudriez-Yous 

Suc  je  vous  détaille  la  manière  dont  tous 
evez  régler  votre  intérieur  et  YOtre  exté- 
rieur, le  train  de  vie  que  vous  devez  mener 
et  à  quelles  occupations  vous  devez  princi- 
palement consacrer  chaque  moment  de  la 
{onmée,  pour  tenir  une  conduite  raisonna- 
ne  et  digne  de  Dieu  T  Je  yeux  bien  ;  conti- 
nuez à  m'écouter. 

€  A  votre  réveil,  et  sur  le  point  de  vous 
lever  pour  l'office  de  la  nuit,  faites  dévote- 
ment le  signe  de  la  croix,  et  demandez  à 
Dieu,  par  une  courte  prière,  le  pardon  de  vos 
péchés  et  le  secours  de  sa  grâce.  Ensuite 
rgetez  les  idées  grossières  et  confuses  dont 
Je  sommeil  laisse  assez  souvent  des  traces 
dans  l'esprit  ;  occupez  Yotre  âme  de  quelque 
pensée  spirituelle;  puri6ez-la  de  plus  en 
plus  par  de  saints  désirs  ;  excitez-vous  à  de 
secrets  transports  de  joie,  de  yous  voir 
appelé  à  chanter  les  louanges  du  Seigneur 
et  à  lui  rendre  vos  hommages.  —  Que  si  la 
pesanteur  du  sommeil,  la  fragilité  de  la 
chair,  la  légèreté  naturelle  à  l'esprit,  mettent 
obstacle  à  ces  élévations  vers  le  ciel,  bien 
loin  de  yous  rebuter,  prenez  courage,  faites- 
TOtts  violence,  et  tnomphez  de  toutes  ces 
difficultés  par  un  effort  de  la  Yolonté  et  de 
la  raison  ;  car  le  royaume  de  Dieu  se  prend 
par  la^  violence^  et  %l  n'y  a  que  ceux  qui  se 
font  violence  qui  Vemportent.  La  mesure  du 
travail  que  vous  entreprendrez  pour  votre 
Dieu  sera  la  mesure  de  la  récompense  que 
▼ous  recevrez  de  lui.  —  Après  vous  être 
promptement  leYé ,  offrez  en  sacrifice  an 
Créateur  votre  Ime  et  votre  corps,  et  mettez 
l'un  et  l'autre  sous  sa  protection.  Courez 
aossitêt  au  chœur,  comme  dans  un  asile 
assuré  contre  les  poursuites  de  yos  ennemis, 
comme  dans  un  jardin  de  délices  spirituelles. 
En  attendant  que  l'office  commence ,  faites 
CD  sorte  que  votre  esprit,  dégagé  de  toutes 
pensées  tumultueuses, «se  trouve  dans  une 
sitcation  libre  el  tranquille;  et  au  milieu  de 
ce  profond  recueillement,  tâchez  de  vous 
exciter  à  de  tendres  sentiments  d'amour 
pour  Dieu. 

«  VI.  Durant  l'office,  ayez  soin  d'en  pro- 
noncer et  d'en  écouter  toutes  les  paroles 
avec  respect,  avec  attention,  avec  une  sainte 
joie.  C'est  le  temps  de  goûter  combien  le 
Seigneur  est  doux,  le  temps  de  ressentir  les 
charmes  ineffables  et  la  force  incompréhen- 
sible de  la  parole  de  Dieu,  re  temps  d'ac- 
quérir l'intelligence  des  Ecritures  et  de 
comprendre  ces  oracles  de  I  Esprit-Saint , 


on 


fr/^ 


qui  furent  toujours  .a  nourriture  et  -4^  ^>  ^ 
ces  des  âmes  chastes,  huml>les  et  ix»oft.U>^ 
Souvenez-vous  donc  de  TattentioD  <vi  1.  fa.4 
y  apporter.  —  Evitez  cependant  un<f  if/^ 
grande  contention  d'esprit,  surtout  %\  v^^us 
ne  vous  sentez  pas  la  tète  à  Ténreuve  d'uM 
trop  forte  application  :  sans  cela  vous  prnjf  * 
riez  vous  causer  un  grand  préjudice  è  vout- 
même,  et  tomber  dans  un  accablement,  une 
confusion  d'idées,  une  gêne  et  une  con- 
trainte qui,  vous  rendant  impraticable  Tu.' 
sage  de  la  méditation,  vous  fermerait  Tcn» 
trée  à  la  connaissance  des  divins  mystères. 
€  Vil.  Que  les  distractions  ne  vous  caul 
sent  point  une  inquiétude  scrupuleuse ,  qui 
pourrait  vous  jeter  dans  le  trouble  et  le  aé- 
couragement  ;  mais  chantez  les  louanges  du 
Seigneur  avec  une  attention  assez   tran- 

JuiTle  d'un  côté  pour  bannir  la  perplexité 
e  ce  saint  exercice,  et  de  l'autre  assez  vive 
pour  faire  naître  la  joie.  Si  votre  cœur  vous 
échappe  malgré  yous,    ne   yous  alarmez 

gnnt;  rappelez-le  par  un  doux  effort,  et 
ites  sans  trouble  et  sans  embarras  ce  qui 
dépendra  de  vous,  abandonnant  le  reste  à  la 
volonté  divine.  —  Vous  n'avez  qu*à  aimer 
Dieu  constamment,  et  les  défauts  dont  il 
vous  est  impossible  de  vous  défaire  vous 
deviendront  un  sujet  d'humiliation,  un  motif 
de  Yertu,  une  occasion  de  mérite,  une  source 
de  consolation.  Le  terroir  bien  disposé  trouve 
toujours  dans  le  fumier  un  surcroît  de  fer- 
tilité, et  l'homme ,  rempli  de  bonne  volonté 
jusque  dans  le  sein  de  la  misère,  retire  en  son 
temps  le  fruit  de  ses  impeifections  et  de  ses 
faiblesses.  Cela  arrive  lorsque  le  Seigneur» 
qui  semble  quelquefois  se  cacher,  daigne 
reparaître.  Mais  en  attendant  le  temps  de  sa 
visite,  il  faut  souffrir  avec  patience  l'aban- 
don où  il  nous  laisse;  car  que  servirait-ii 
de  s'impatienter  7  Ce  serait  ajouter  peine 
sur  peine  et  faire  voir,  d'une  manière  bien 
sensible,  qu'au  lieu  d'une  humilité  bien 
parfaite,  on  n'a  qu'un  amour-propre  perni- 
cieux pour  le  salut. 

«  Êtes-vous  à  la  prière  avec  respect,  et 
dans  un  vrai  désir  d'y  apporter  de  l'atten- 
tion, il  n'en  faut  pas  davantage.  Dieu  est 
content  de  vous  malgré  les  distractions  qui 
vous  empêchent  d'être  aussi  attentif  que 
YOUS  le  voudriez.  II  ne  vous  fera  jamais  uu 
crime  de  ces  écarts  d'une  nature  faible  et 
▼olage,  pourvu  que  vous  ne  vous  j  arrêtiez 
pas  volontairemenl  quand  ils  arrivent,  et 
qu'auparavant  vous  n'y  avez  pas  donné 
occasion,  faute  de  veiller  à  la  garde  de  vos 
sens.  No  pouvant  alors  rendre  au  Seigneur 
un  hommage  parfait,  offrez-lui  du  moins 
avec  une  humilité  profonde  votre  bonne 
Yolonté  et  la  droiture  de  vos  intentions. 
Le  démon  après  cela  n'aura  plus  aucun  su- 
'et  de  vous  chicaner. 

«  Quand  vous  n'auriez  autre  chose  à  pré- 
senter à  Dieu  que  la  résolution  sincère  de 
sacriGer  votre  corps  et  votre  âme  à  son  ser- 
vice, avec  les  sentiments  d'une  humble 
crainte  à  la  vue  de  son  auguste  majesté,  il 
n'en  faut  pas  davantage  pour  vous  donner 
la  juste  coQr*!iQce  que  yous  ne  perdrez  pas 


il7ft 


OBL 


DIGTfONNAIRB 


ON. 


4  «72 


la  récompefnse  que  Dieu  promel  k  ceux  qui 
lui  sont  Qdèles.  Mais  malheur  à  yous,  si 
pendant  l'oraison  vous  êtes  lâche,  indolent, 
inappliqué I  car  il  est  écrit  :  Maudit  est  celui 
qui  fait  Vmuwe  de  Dieu  négligemment  l  Em- 
ployez donc  toutes  vos  forces  pour  lui  donner 
tout  ce  qui  dépend  de  vous,  et  vous  serez 
(fuitte  de  tout,  quand  m6mo  vous  ne  pour- 
riez pas  tout  ce  que  vous  voulez.  —  Persua* 
dé  de  la  vérité  de  cette  maxime,  ne  vous 
troublez  point  lorsque  vous  rencontrez  des 
obstacles  qui  ne  vous  permettent  pas  d*aller 
aussi  loin  que  vos  bons  désirs.  Si  vous  avez 
Tesprit  abattu,  le  cœur  sec  ou  languissant, 
mal  à  la  tète,  les  sens  dissipés  ;  si  vous 
ressentez  quelque  tentation  ou  quelqu'autre 
peine,  garaez*vous  bien  de  dire  :  Me  voilà 
sans  ressource,  le  Seigneur  m'abandonne» 
mon  service  lui  déplaît  :  langage  ordinaire 
des  enfants  de  la  défiance.  Au  lieu  que,  si 
vous  portez  cet  état  avec  soumission  et  sans 
murmure  pour  l'amour  de  celui  oui  vous  a 
appelé  et  vous  a  élu,  croyant  fermement 
qu'il  est  toujours  à  côtédeceux  qui  souffrent, 
pour  les  soulager  dans  leurs  travaux  et  les 
récompenser,  vous  ne  sauriez  croire  quel 
poids  immense  de  eloire  ce  Dieu  de  bonté 
vous  prépare.  Alors  vous  pourrez  dire  avec 
le  Prophète  :  Seigneur^  fêtais  devant  vous 
eonune  une  béte^  et  néanmoins  fêtais  toujours 
avec  voMf ,  et  vous  avec  moi. 

«  Mais  écoutez  ce  que  je  vais  vous  dire* 
Quand  vous  seriez  rempli  des  délices  de  la 
plus  douce  contemplation;  quand,  élevé  au* 
dessus  de  vOus*m6me,  vous  seriez  trans- 
porté jusqu'au  troisième  ciel  et  favorisé  de 
l'entretien  des  anges,  tout  cela  serait  moins 

Îîand  et  moins  estimable  que  de  soutenir 
e  bon  (xmr  pour  Tamour  de  Dieu  les  pei- 
nes de  la  vie  spirituelle,  les  aridités,  les  sé- 
cheresses, les  désolations  intérieures.  Pour- 
quoi? Parce  que  ce  dernier  état  vous  rend 
glus  semblable  à  Jésus  souffrant.  Ce  divin 
Sauveur»  accablé  de  tristesse,  d'ennui,  de 
frayeur  et  réduit  à  une  agonie  mortelle, 
eut  recours  à  son  père, en  lui  disant:  «  Mon 
Père,  que  votre  volonté  soit  faite  et  non  pas 
la  mienne.  »  Et  lorsqu'il  se  vit  attaché  à  la 
croix,  les  pieds  et  les  mains  percés  de  clous, 
ii  se  contenta  de  dire:  «  Mon  Dieu,  mon 
Dieu,  pourquoi  m'avez-vous  délaissé?  »  Et 
c'est  pour  tous,  mon  frère,  qu'il  a  souffert 
avec  un  très-grand  amour  les  douleurs  et 
les  angoisses  d'une  passion  si  remplie  d'a- 
mertumes. Souffk*ez  donc  avec  une  simple 
et  invincible  patience,  et  attendez  en  si- 
lence le  temps  où  il  plaira  au  Tout-Puis- 
sant de  vous  délivrer.  Soyez  persuadé 
que  quand  il  paraîtra  au  jour  de  ses  ven- 
geance^, il  n'examinera  pas  si  vous  avez  eu 
beaucoup  de  consolations  intérieures,  mais 
si  vous  avez  été  fidèle  à  le  servir  et  à  l'ai- 
mer. 

ffVIII.  Parmi  ceux  qui  servent  Dieu,  la 
plupart  ne  sont  que  des  serviteurs  merce- 
naires et  infidèles.  Tandis  qu'ils  jouissent 
des  douceurs  d'une  dévotion  sensible,  et 
qu'ils  ont  actuellement  le  don  des  larmes, 
on  leur  voit  une  ferveur,  un  attrait  pour 


l'oraison,  une  ardeur  pour  toutes  sortMde 
bonnes  œuvres,  une  tranquillité  d'âme  qoi 
porterait  à  croire  qu'ils  sont  au-dessus  des 
faiblesses  ordinaires  à  tous  les  hommes; 
mais  dès  qu'ils  sont  privés  de  ces  faveurs» 
leur  vertu  s'évanouit;  ils  entrent  daos  le 
trouble,  dans  l'indignation, dans  l'amertame, 
dans  l'impatience;  ils  négligjent  la  prière, 
ils  abandonnent  leurs  exercices,  et  ijaree 
qu'ils  ne  ressentent  pas  à  leur  gré  les  joies 
spirituelles,  ils  se  tournent  vers  les  plaisirs 
des,  sens  par  un  changement  funeste  et  dé- 
plorable. 

«  Quand  on  est  capable  d'en  venir  U,  il 
est  visible  qu'on  n'aime  pas  Dieu  d'un  amour 
pur  et  chaste;  que  l'on  ne  désire  ses  dans 
que  par  un  amour  déréglé,  et  qu'on  ne  cher- 
che que  sa  propre  satisfaction;  car  si  on  ai- 
mait Dieu  purement  et  sans  avoir  de  ratta- 
che pour  ses  seules  douceurs,  le  chagrin  de 
s'en  voir  privé  n'ôterait  point  la  paix  ioté- 
rieure  et  ne  porterait  point  ceux  dont  je 
parle   à  quitter  Dieu  pour  se  livrer  aui 

Blaisirs  des  sens.  Ils  ne  servent  donc  pas 
^ieu  fidèlement,  puisqu'une  petite  épreuve 
suflit  pour  les  rendre  infidèles  à  leurs  en- 

Sagements;  et  on  doit  les  mettre  au  rang 
e  ceux  dont  parle  l'Evangile  :  ou'tl<  ae 
croient  que  pour  un  temps^  et  quHls  oian- 
donnent  leur  devoir  au  moment  de  la  tenta- 
tion. La  prospérité  les  retient,  l'adversité 
les  écarte.  Tant  que  Dieu  remplit  leur  km 
de  délices,  ils  sont  k  lui  ;  dès  qu*ll  les  en 
prive,  ils  quittent  son  service:  cequidoone 
droit  de  dire  que  c*est  plus  pour  eux  qce 
pour  lui  qu'ils  le  servent,  puisqu'ils  cher- 
chent leur  propre  satisfaction  à  faire  leur 
propre  volonté  plutôt  que  celle  de  Dieu. 

«  Quel  est  leur  aveuglement  1 1^  sainteté, 
qui  consiste  proprement  dans  la  destruc- 
tion des  vices,  ils  la  mettent  dans  les  coo- 
solations  spirituelles;  ne  sachant  pasqu*elles 
rendent  toujours  équivoque  l'amour  qu'oo 
a  pour  Dieu,  et  que  la  preuve  la  plus  cer- 
taine du  véritable  amour   est  de  soutenir 
avec  courage  la  privation  de  ces  douceurs. 
Ne  vous  y  trompez  pas;  la  dévotion  sensible 
vient  plus  souvent  de  l'homme  que  de  Dieu, 
de  la  nature  que  de  la  grAce,   de  l'humeur 
et  du  tempérament  que  d'un   principe  sur- 
naturel et  divin.   Mais  enfin,  de  quelque 
part  qu'elle  procède,  si  on  n'est  continuelle* 
ment  sur  ses  gardes,  elle  produit  un  secret 
orgueil,  une  criminelle  complaisance  en  soi- 
même  et  une  pernicieuse  sécurité:  témuios 
les  personnes  dont  je  parle.  Dans  les  accès 
de  leur  ferveur,  elles  forment  aisémeol  dos 
soupçons  et  des  jugements  au  désaraotage 
du  prochain,  et  le  méprisent  comme  ioJi- 
gne  de  participer  aux  privilèges  dont  elles 
jouissent.  Elles  se  croient  déjà  des  modèles 
de  sainteté  et  les  dépositaires  des  secreb 
de  Dieu.  Elles  souhaitent  ies  révélatioos 
célestes,  et  s'imaginent  bientôt  qu'elles  en 
ont.  Elles  vont  même  jusqu'à  désirer  qu*iis« 
fasse  en  leur  faveur  ou  par  elles  des  mira- 
cles éclatants,   pour  convaincre  les  autres 
hommes  qu'ils  sont  très-éloiçnés  du  baiil 
degré  de  sainteté  où  elles  croient  être  arri* 


1173 


OBL 


0*ASCETISlfE. 


OBL 


im 


Tées.  Cesl  ainsi  que  se  perdent  dans  leurs 

G  osées  ceux  qui  soupirent  plus  après  les 
nédictions  du  ciel  qu*apris  celui  qui  en 
est  le  dispensateur. 

tf  IX.  Les  fidèles  serriteurs  en  usent  an* 
trement.  Ils  s'oublient  eux-mêmes  pour  ne 
songer  gu*k  Dieu  ;  ils  ne  cherchent  qu*à 
accomplir  sa  Tolonté,  gu'i  procurer  sa  gloire, 
qu*k  lui  faire  un  sacnfice  continuel  de  leur 
amour-propre.  Qu'il  répande  dans  leur 
cœur  les  joies  spirituelles,  ou  qu'il  en  sus- 
pende le  cours  pour  laisser  leur  âme  dans 
raridité,  ils  sont  toujours  les  mêmes,  tou- 
jours dans  une  égalité  d'esprit  que  riea  ne 
trouble,  toujours  constants  h  aimer,  k  louer, 
à  bénir  le  Sei^eur.  Ni  les  ouag^es  qui  s'é- 
lèTent  dans  l'intérieur,  ni  la  Tiolenee  des 
impressions  des  sens,  ni  la  froideur  de  leur 
âme,  ni  l'engourdissement  de  l'esprit,  ni  la 
sécheresse  du  cœur,  ni  la  Tiolenee  des  ten- 
tations, rien  au  monde»  les  peines  non  plus 
que  les  douceurs,  ne  les  tirent  de  la  Iran- 
quillité,  ni  ne  font  sortir  lAjr  âme  de  son 
assiette.  Ce  n'est  pas  qu'ils  soient  insensi- 
bles aux  impressions  de  ces  mouvements: 
les  uns  les  flattent  et  les  autres  les  affli* 
gent,  mais  la  supériorité  de  la  raison  les 
met  au-dessus  des  sentiments  de  la  partie 
inférieure  de  l'âme.  Le  fond  de  la  folonté 
se  cooserTe  dans  le  calme,  au  milieu  du  tu- 
multe qui  s'élève  autour  d'elle.  Elle  est 
tranquille,  parce  que  toujours  conforme  à 
ce  qu'il  platt  à  Dieu  d'ordonner  ou  de  per- 
mettre, elle  se  contente  de  désavouer  tous 
les  mourements  qui  s'élèvent  contre  l'ordre 
de  la  raison. 

c  Heureux  état  I  où  l'homme,  appuyé  sur 
la  terre  fermfe,  c'est-è*dire  sur  la  charité,  se 
trouve  inébranlable  dans  l'amour  qu^il  a 
pour  son  Dieu,  et  incapable  de  goûter  au- 
cune consolation  que  dans  une  parfaite  sou- 
mission à  ses  ordres.  Beoreux  étatl  où  Ton 
fuit  avec  ardeur  tout  ce  qui  déplaît  à  Dieu, 
où  l'on  regarde  avec  horreur  tout  ce  qui 
pourrait  souiller  le  moins  du  monde  la  pu- 
reté de  l'âme,  et  où  l'on  se  remet  de  tous 
les  événements  de  la  vie  à  la  Providence. 
Comme  on  a ,  par  ce  moyen»  le  cœur  pur, 
libre  et  tranquille,  on  est  véritablement  dé- 
▼ot,  car  c'est  dans  cette  pureté,  dans  cette 
liberté,  dans  cette  tranquillité, que  consiste 
la  vraie  dévotion  et  la  plus  agréable  aux 
jeux  de  Dieu. 

c  Pour  celle  qu'on  nomme  dévotion  sen- 
sible, elle  n'est  ni  d'une  aussi  longue  du- 
rée, ni  si  capable  de  nous  rassurer.  Aussi 
▼oyons-nous  que  Dieu  la  donne  plus  com- 
munément k  ceux  qui  sont  depuis  peu  con- 
vertis ou  qui  commencent  à  entrer  dans  la 
Tie  spirituelle,  qu'à  ceux  qui  y  ont  déjà 
faft  des  progrès  considérables.  Elle  ne  laisse 

f pourtant  nas  d'être  d'une  très-srande  nti- 
ilé  quand  on  sait  en  laire  un  bon  usage  ; 
c'est  pourquoi  elle  est  aussi  l'objet  des  dé- 
sirs des  âmes  les  plus  avancées,  de  ceux 
que  Jésus-Christ  dit  qu'il  n'appellera  plus 
serviteurs,  parce  qu'il  les  regarde  comme 
ses  amis.  Oui»  ceux-ci  recherchent  les  oon- 
soiati(ns  intérieures  dont  les  charmes  sont 


si  délicieux  et  dont  la  force,  pour  soutenir 
dans  la  vertu»  est  si  merveilleuse.  A  peine 
en  sont-fls  privés,  qu'ils  s'en  plaignent  à 
leur  divin  maître,  et  le  conjurent  avec  le 
prophète  de  leur  rendre  cette  joie  sainte  qui 
est  le  gage  précieux  de  sa  protection,  lis 
ont  une  ardeur  inconcevable  pour  ces  com- 
munications où  Dieu  se  laisse  voira  décou- 
vert, et  où  Ton  jouit  de  ces  chastes  et  déli- 
cieux embrassements  ;  mais  le  désir  qui  les 
anime  est  pur,  spirituel,  plein  de  modéra- 
tion et  de  retenue,  et  par  là  bien  diflérent 
de  celui  des  faux  dévots,  qui  n'est  gu'une 
avidité  indiscrète,  une  vraie  sensualité,  un 
effet  de  légèreté  et  de  faiblesse,  un  empres- 
sement inquiet  et  plein  de  trouble.  Les  vrais 
dévots  soupirent  après  les  douceurs  de  la 
grâce;  mais  loin  d*avoir  en  vue  leur  sattsfacr 
tion  particulière ,  ils  n'y  cherchent  qu'un 
nouveau  moyen  de  croître  en  ferveur,  de  se 
purifier  sans  cesse  de  leurs  imperfections 
et  de  plaire  de  plus  en  plus  à  leur  divin 
époux.  Ils  aiment  les  consolations,  et  quand 
Dieu  les  leur  fait  coûter ,  ils  ne  manquent 
pas  de  l'en  remercier  ;  mais  ils  les  aiment 
comme  des  moyens  et  non  comme  leur  fin. 
En  sorte  que,  ne  les  prenant  jamais  pour 
motif  ni  pour  règle  de  leur  conduite  et  des 
mouvements  de  leur  omor,  ils  sont  à  cet 
égard  dans  une  lil)erté  et  une  indépendance 
parfaite,  prêts  à  faire  également  leur  devoir 

2uand  même  ce  secours  leur  serait  Até. 
'est  que  ces  faveurs  ne  sent  pas  la  fin  où 
ils  tendent,  mais  le  canal  par  ou  ils  remon- 
tent jusqu'à  Dieu,jusqu'au  souverain  bien, 
a  qui  ron  est  obligé  de  tout  rapporter,  et 
en  qui  seul  il  est  permis  de  s'arrêter.  Enfin, 
pour  comble  de  bonheur,  moins  ils  sont  at- 
tachés à  cette  sorte  de  grâces ,  plus  elles 
leur  sont  données  avec  profusion. 

«  Quelque  riches  qu'ils  soient  des  dons 
célestes,  on  ne  remarque  point  en  eux  d*é- 
lèvement  de  leur  cœur  ;  ils  ne  s'en  estiment 
pas  davantage  et  n'en  conçoivent  pas  le 
moindre  mépris  pour  les  autres;  s'estimant 
peu  eux-mêmes,  les  faveurs  dont  ils  sont 
comblés,  loin  de  leur  inspirer  de  l'orgueil, 
leur  font  sentir  de  plus  en  plus  qu'étant  in- 
dignes de  toute  grâce  spirituelle,  -e  peu 
3u'ils  en  ont  vient  de  la  pure  miséricorde 
tt  Seiçneur,  et  que  ceux  a  qui  on  a  fait  de 
plus  nches  présents  et  confié  des  dépôts 
considérables,en  rendront  à  Dieu  un  compte 
plus  sévère.  Dans  cette  idée,  ils  se  regar- 
dent comme  les  derniers  serviteurs  de  Dieu, 
marchent  toiqours  avec  um  sainte  frayeur, 
et  font  d'autant  plus  de  progrès  dans  l'hu- 
milité ,  que  les  bénédictions  que  le  ciel 
Terse  sur  eux  sont  plus  abondantes. 

«  Quelle  joie,  quels  transports,  quelle 
gloire  pour  eux ,  si ,  k  l'exemple  de  Jésus- 
Christ,  ils  se  voient  diflamés,  noircis  de  ca- 
lomnies, accablés  d'outrages,  d'injures, 
d'humiliations,  sans  y  avoir  donné  aucun 
sujet  1  C'est  alors  qu'ils  se  ré^jouissent  dans 
le  fond  de  leur  coBur,  eî  qu'ils  sont  plus 
contents  que  s'ils  avaient  des  réTétations  et 
des  risions,  ou  qu'ils  opérassent  les  plus 
grands  prodiges.  Ces  roules  extraordinai* 


H75 


OBL 


DIGTIONNAIUË 


OBL 


ii:6 


res  leur  paraissent  à  craindre  plulAt  qu'à 
souhaiter,  et  lis  sont  toujours  en  garde  con- 
tre ce  qui  pourrait  les  porter  à  la  yaine 
gloire  et  à  une  secrète  complaisance  en 
eux-mêmes.  Le  démon  a  beau  se  transfigu- 
rer en  ange  de  lumière,  ils  ne  donnent  pas 
dans  ses  pièges,  et  avec  le  signe  de  la  croix 
ils  savent  rendre  inutiles  les  artifices  qu'em- 

Floie  le  serpent  infernal  pour  les  séduire. 
1$  n'ont  pas  la  présomption  ni  Torgueil  de 
fonder  '.'espérance  de  leur  salut  sur  lo  nom- 
bre ou  sur  les  mérites  de  leurs  bonnes 
œuvres  ;  mais  ils  mettent  toute  leur  con- 
fiance dans  les  mérites  de  Jésus-Christ,  qui 
leur  a  acauis,  par  son  sang,  la  liberté  des 
enfants  ae  Dieu.  —  Pour  vous  ,  mon  cher 
frère,  après  avoir  reconnu  la  différence  qui 
se  trouve  entre  les  faux  dévots  et  ceux  qui 
Je  sont  véritablement,  faites  vos  efforts  pour 
être  du  nombre  de  ces  derniers.  Si  par 
malheur  vous  étiez  encore  de  ceux  dont 
vous  ne  voudriez  pas  être,  gémissez,  humi- 
liez-vous :  Dieu  donne  sa  grâce  aux  hum- 
bles, et  c'est  avoir  déjà  un  pied  dans  la 
compagnie  des  véritables  serviteurs  de 
Dieu,  que  de  reconnaître  avec  humilité  et  de 
confesser  avec  douleur  qu'on  est  encore  au 
rang  des  serviteurs  lâches,  inutiles  et  infi- 
dèles ;  mais  travaillez  cependant  jusqu'à  la 
mort  et  ne  craignez  rien.  A  ce  prix  vous  ne 
serez  point  rejeté  avec  les  mauvais  servi- 
teurs, mais  vous  entrerez  avec  les  bons 
dans  la  joie  et  dans  la  gloire  de  votre  maî- 
tre. 

oc  X.  Il  y  a  une  troisième  espèce  de  gens 
engagés  au  service  de  Dieu,  qu'on  ne  sau- 
rait regarder  en  aucun  sens  comme  ses  ser- 
viteurs et  qui  sont  plutôt  de  vils  esclaves 
du  démon.  Je  parle  ae  ces  misérables  et  in- 
fortunés religieux  oui  ne  font  aucun  cas 
de  la  dévotion  et  de  la  grâce,  qui  négligent 
tout  à  fait  le  soin  de  leur  salut,  qui  hono- 
rent Dieu  des  lèvres,  tandis  que  leur  cœur 
est  loin  de  lui.  Plongés  dans  un  déluge  de 
maux,  à  peine  jettent-ils  les  yeux  sur  le 
danger  qui  les  environne  et  sur  le  moyen 
d'en  échapper.  Ils  sont  aujourd'hui  tels 
qu'ils  étaient  hier  :  ils  sortent  du  chœur  tels 

Ju'ils  y  étaient  entrés,  pleins  de  vices  et  de 
éfauls,  tièdes,  lâches,  dissipés,  immodestes 
et  même  effrontés.  Que  sert  à  ces  malheu- 
reux de  mêler  leur  voix  à  celles  de  leurs  frè- 
res pour  chanter  les  divins  cantiques? 
Leurs  lèvres  souillées  irritent  le  Seigneur, 
loin  de  l'apaiser. 

«Plût  au  ciel  que  le  monde  eût  retenu  ces 
gens-là  1  Pourquoi  sont-ils  venus  dans  le 
monastère?  Faut-il  que  leurs  pieds  impurs 
souillent  une  terre  aussi  sainte?  Faut-il 
que  la  piété  de  ceux  qui  ont  fait  des  libé- 
ralités aux  maisons  religieuses  serve  contre 
leur  intention  à  nourrir  de  tels  sujets? 
Faut-il  que  les  pécheurs  dévorent  ce  qui 
n'a  été  donné  que  pour  la  subsistance  des 
justes?  Faut-il  enfin  qu'ils  profanent,  par 
des  plaisirs  çrossiers  et  charnels,  la  maison 
de  Dieu,  le  heu  saint,  l'école  respectable  où 
l'on  doit  apprendre  à  mener  sur  la  terre  la 
vie  des  anges  et  à  fnire  leurs  fonctions? 


Puisqu'ils  vou. aient  croupir  dans  le  vice,  que 
ne  se  tenaient-ils  dans  le  siècle,  qui  esiie 
lieu  de  la  corruption  ;  et  pourquoi  soDt-ils 
entrés  dans  la  religion,  qui  est  le  lieu  de  la 
pureté?  La  vie  criminelle  qu'ils  auraient 
menée  dans  le  monde  ne  leur  eût  attiré 
qu'un  enfer,  au  lieu  que  la  vie  molle  et 
sensuelle  qu'ils  mènent  dans  la  maisou  do 
Dieu  leur  prépare  un  double  supplice; 
mais  mon  dessein  n'est  pas  de  vous  entrete- 
nir  au  long  sur  leur  sujet.  Revenons  donc 
à  vous. 

a  XI.  Ayez  soin  de  régler  d'avance  et  de 
vous  prescrire  heure  par  heure  tout  ce  que 
vous  devez  faire  dans  la  journée  ;  mais 
souvenez*vous  que  cette  exactitude  à  dé^ 
terminer  toutes  vos  occupations  doit  èire 
accompagnée  d'une  grande  fidélité  à  suivre 
l'ordre  que  vous  aurez  une  fois  choisi.  Que 
si  pourtant  l'obéissance  ou  toute  autre  bonoe 
raison,  ou  enfin  quelque  contre-temps  im- 
prévu, vous  oblige  d'interrompre  et  même 
de  retrancher  en  tout  ouen  partie  quelques- 
uns  de  vos  exercices  ordinaires,  gardez-Toas 
bien  de  vous  en. inquiéter.  C'est  la  liberté 
d'esprit,  l'égalité  d'âme,  la  pureté  ducœar, 
que  vous  devez  rechercheravant  toutes  cho- 
ses, et  tous  vos  efforts  doivent  principale- 
ment aboutir  à  vous  procurer  une  paixiBal- 
térable  que  nul  retour  d'amour-propre  ne 
puisse  troubler.  Tâchez  de  vous  maintenir 
dans  cet  état  sans  perdre  Dieu  de  vue;  par 
là  vous  vous  rendrez  plus  agréable  à  ses 
yeux  qu'en  faisant  les  bonnes  œuvres  les 

Elus  pénibles  et  les  actes  de  vertu  les  plus 
éroïques.  Laissez  donc  sans  crainte  tout  ce 
qui  pourrait  donner  atteinte  à  cette  heu- 
reuse tranquillité  ;  et  de  quelque  utilité 
qu'une  chose  vous  paraisse,  quelque  rapport 
qu'elle  puisse  avoir  à  la  pieté,  faites-en  le 
sacrifice  et  abandonnez-la  pour  un  temps, 
podrvu  que  l'obéissance  n'y  soit  pas  inté- 
ressée. Le  scrupule  est  un  obstacle  à  la  vé- 
ritable paix,  à  la  parfaite  confiance  en  Dieu 
et  au  progrès  spirituel.  C'est  pourquoi  l'on 
ne  saurait  assez  prendre  de  mesures  poor 
en  prévenir  les  suites. 

«  Evitez  avec  soin  roisiveté;  c'es^  uo 
poison  qui  gagne  peu  à  peu  et  qui  doooe 
enfin  la  mort  à  l'Ame.  Fuyez  avec  la  même 
attention  les  occupations  gui  ne  sont  d'au- 
cune utilité  pour  le  salut.  Quand  je  parle  de 
l'oisiveté,  j'entends  celle  qui  est  vièieose; 
car  il  y  a  une  espèce  d'inaction  qui  n*a  rien 
que  de  louable;  c'est  lorsque  l'Ame  repose 
dans  le  sein  de  la  Divinité,  et  que,  délivrée 
du  bruit  et  de  l'impression  des  objets  seu- 
sibles,  elle  se  tient  dans  un  silence  iot^ 
rieur,  où  elle  semble  ne  pas  dgir»  mais 
seulement  recevoir  les  faveurs  de  sonbien- 
aimé.  Si  la  main  de  Dieu  vous  y  conduit 
quelque  jour,  ô  que  vous  serez  utilement 
et  heureusement  oisif!  Partout  ailleurs,  no 
soyez  pas  un  seul  moment  sans  vous  appli- 
quer ou  à  la  lecture,  ou  à  la  méditation,  ou 
à  la  prière ,  ou  à  quelqu'aufre  oecupation 
sérieuse 

«  XII.'  Si  vous  êtes  assidu  à  la  !ectar« 
des  livres  spirituels,  si  vous  vous  y  pofl«^ 


1177 


OBL 


D'ASCÉTtSME. 


OBL 


IITS 


avec  empressement,  toos  eprouyerez  bien- 
tôt qu*il  n^j  a  rien  de  plus  propre  à  remplir 
Tâme  de  joie,  à  lui  adoucir  les  exercices  de 
la  piété,  à  l'accoutamer  insensiblement  aux 
pures  délices  de  l'esprit,  à  la  dégoûter  des 
plaisirs  des  sens,  à  l'affermir  parfaitement 
dans  ses.  bons  desseins.  Mais  pour  en  retirer 
de  si  grands  fruits,  il  faut  s'appliquer  non- 
seulement  avec  ardeur,  mais  encore  avec 
sagesse;  c'ést*à-dire  y  rechercher  des  ins- 
tructions salutaires,  des  motifs  d'aimer  Dieu 
de  plus  en  plus,  et  non  de  quoi  flatter  la  cu- 
riosité, comme  serait  un  vain  étalage  d'éru- 
dition, ou  l'ornement  du  discours  et  la 
politesse  des  termes.'  Le  rojaume  de  Dieu 
ne  consiste  pas  dans  la  beauté  du  langage, 
mais  dans  la  sainteté  de  la  vie.  Cependant, 
comme  on  ne  doit  pas  se  faire  une  peine  de 
ne  pas  rencontrer  dans  un  livre  de  dévotion 
J'élégance  du  style,  il  ne  faut  point  aussi, 
quand  elle  s'y  trouve,  la  rejeter  avec  mé- 
pris, mais  en  profiter  avec  reconnaissance, 
car  c'est  un  don  de  Dieu.  Recevez  tout  avec 
actions  de  grâces,  et  tout  contribuera  à 
votre  avancement  dans  la  vertu. 

«  Ne  vous  chagrinez  pas  de  voir  que  ce 
que  vous  lisez  ou  ce  que  vous  entendez 
dire  de  bon  s'efface  aussitôt  de  votre  sou- 
venir. Ce  défaut  de  mémoire,  qui,  malgré 
le  soin  que  vous  prenez  d'éviter  dans  vos 
lectures  la  précipitatioB  et  l'excès,  parait 
TOUS  enlever  la  divine  semence,  ne  jom  en 
dérobe  pas  tout  le  fruit.  Les  maximes  spi- 
rituelles dont  on  se  nourrit  souvent,  et  qui 
semblent  d'abord  s'effacer  de  l'esprit,  ne 
laissent  pas  de  maintenir  l'Ame  toujours 
pure  aux  yeux  de  Dieu ,  semblables  a  ces 
eaux  vives  qui  purifient  les  canaux  par  odi 
elles  ne  font  que  couler  sans  s'y  arrêter. 
Après  tout,  le  grand  avantage  que  vous 
devez  retirer  de  la  doctrine  céleste  répandue 
dans  les  livres,  ne  consiste  pas  à  en  retenir 
les  paroles,  mais  à  en  conservée*  les  effets, 
qui  sont  la  pureté  de  Fftme  et  une  forte 
résolution  de  faire  toujours  et  en  tout  la 
Tolonté  du  Seigneur. 

«  Appliquez- vous  tout  ce  que  les  livres 
disent  contre  les  défauts  et  les  vices,  et 
n*en  faites  jamais  l'application  aux  autres 
par  un  travers  où  il  y 'aurait  peu  de  sûreté 
pour  vous  et  beaucoup  de  prévention  contre 
le  prochain.  Cette  conduite  peu  charitable 
pourrait  facilement  altérer  la  paix  de  votre 
conscience  et  même  la  souiller.  —  Si  vous 
tombez,  par  hasard  sur  certains  endroits 
capables  d'alarmer  la  chasteté,  et  que  vous 
ne  puissiez  vous  dispenser  de  lire,  passez- 

Îr  rapidement.  Il  faut  espérer  alors  que,  vos 
ectures  se  faisant  dans  l'ordre  de  Dieu,  ces 
matières  délicates  ne  feront  pas  d'impres- 
sion snr  votre  cceur.  Mais,  si  malgré  vos 
soins  et  tos  précautions,  elles  trouvent  en- 
trée dans  votre  esprit,  qu'elles  ne  fassent 
qu'en  effleurer  la  pointe,  et  qu'elles  soient 
aussitôt  rejetées  avec  fidélité  ;  c'est  un  ex- 
cellent moyen  d'arrêter  les  suites  que  pour- 
raient avoir  les  images  indécentes  qui  se 
présentent  à  l'esprit,  et  de  prévemr  les 
mouvements  impurs.  Que  si  cela  ne  suffit 


j>as,  et  que  des  tentations  importunes  con- 
tinuent à  vous  fatiguer  et  à  vous  troubler, 
désavouez-les  promptement.  Opposez  la 
raison  à  la  chair,  refusez  de  consentir  au 
crime,  munissez-vous  du  signe  de  la  croix, 
invoauez  le  Seigneur,  tournez  vers  lui  vos 
pensées,  car  ce  n'est  point  ici  qu'il  faut 
combattre  de  front  pour  vaincre  l'ennemi. 
C'est  en  fuyant,  c'est  en  pensant  à  toute 
autre  chose,  que  vous  échapperez  au  danger. 

c  Ne  suivez  pas  Texemple  de  ceux  qui  ne 
gardent  aucun  ordre  dans  leurs  lectures,  et 
se  jettent  indifféremment  sur  tout  ce  qui  se 
présente  à  leurs  yeux.  Imitez  encore  moins 
ceux  qui  ne  veulent  que  du  merveilleux,  à 
qui  rien  ne  saurait  plaire  sans  la  grâce  de 
la  nouveauté,  et  pour  qui  les  choses  les 
plus  utiles  sont  fadeset  insipidesdèsqu'elles 
sont  communes,  à  la  portée  de  tout  le 
monde  et  autorisées  par  un  lonç  usage.  Loin 
de  vous  des  sentiments  si  bizarres,  plus 
propres  à  vous  égarer  dans  les  voies  spiri- 
tuelles qu'à  vous  faire  avancer.  Loin  de 
vous  une  maladie  si  dangereuse  et  ,si  ca- 
pable de  vous  exposer  aux  plus  grands 
risques. 

t  Bornez-vous  donc  à  une  lecture  utile, 
dont  vous  aurez  fait  un  choix  prudent.  De- 
meurez-y attaché  malgré  les  dégoûts  que 
vous  y  pourriez  sentir.  Relisez  même  plu- 
sieurs fois  les  endroits  qui  vous  paraîtront 
importants  et  propres  à  vos  maladies  spiri- 
tuelles. En  un  mot,  faites  vos  lectures  avec 
méthode  et  non  avec  condsion,  ni  en  pas- 
sant tant6t  d'un  côté,  tantôt  de  l'antre.  Ce 
n'est  pas  que  dans  le  temps  de  la  tentation, 
des  peines  intérieures  et  de  la  disette  spiri- 
tuelle, on  ne  puisse  quitter  pour  un  temps 
le  livre  qu'on  aurait  commencé,  et  chercher 
ailleurs  la  force,  la  consolation  et  la  nour- 
riture dont  on  a  besoin.  C'est  à  la  pru- 
dence à  choisir  alors  ce  que  la  nécessité 
semble  exiger. 

«  Rien  de  plus  vrai  que  cette  maxime 
des  maîtres  de  la  vie  spirituelle,  qu'il  est 
très-utile  de  passer  de  la  lecture  à  l'oraison, 
et  de  l'oraison  à  la  lecture.  C'est  une  prati- 
que très-louable  de  lesfaire  succéder  1  une  à 
1  autre  pour  en  i>annir  le  dégoût  et  l'ennui. 
L'esprit,  plein  de  vigueur  au  sortir  de  l'un 
de  ces  exercices,  se  trouve  en  état  de  re- 
prendre l'autre  avec  des  forces  toujours 
nouvelles.  Enfin,  ces  deux  sources  étant 
jointes  ensemble,  les  biens  qui  en  décou- 
lent n'en  sont  que  plus  abondants.  Et  qui 
vous  empêche  même  de  mêler  de  telle  sorte 
l'oraison  avec  la  lecture  que  vous  n'en 
fassiez  qu'une  seule  et  unique  occupatioaT 
Vous  n'avez  qu'à  interrompre  de  moment  à 
autre  ce  que  vous  lisez  pour  faire  de  courtes 
aspirations  vers  le  ciel,  pour  soupirer  après 
Dieu  par  de  tendres  élancements  d'amour. 
Et  combien  y  a-t-il  de  traités ,  combien  de 
livres  d'oJI  vous  pourrez  tirer  tout  à  la  fois 
des  sujets  de  lecture,  de  prière  et  de  médi- 
tation? Tels  sont  eu  particulier  les  livres  de 
l'Ecriture  sainte  dont  on  peut  dire  que  la 
lecture  n'est  autre  chose  qu'un  entretien 
continuel  de  l'âme  avec  son  Dieu. 


4ltô 


OBL 


DICTIONNAIRE 


OBL 


m 


«*teur  plein  de  bonté,  maître  plein  de  dou- 
«  ceur,  roi  de  la  gloire  éternelle,  quand 
«  pourrai-je  paraître  devant  vous  sans  au- 
«  cune  tache,  sans  avoir  rien  qui  puisse  vous 
«  déplaire,  et  avec  rhumililé  qui  seule  peut 
«gagner  rotrecœur?  Quand  mépriserai-je 
«  entièrement  les  choses  sensibles  pour  Ta- 
«  mour  de  vous?  Mais  surtout  quand  aurai- 
<  je  cette  (Darfaite  abnégation  de  moi-même, 
«  qui  consiste  dans  un  sacrifice  entier  de 
«  ncoT  amour-propre?  Oh  1  si  je  pouvais 
«  une  bonne  fois  me  voir  parfaitement  guéri 
«  de  cet  amour-propre  et  de  ma  propre  vo- 
<r  lonlé  I  Je  serais  à  couvert  des  passions  et 
a  de  toute  affection  déréglée,  je  ne  me  ctier- 
«  cherais  en  rien.  L'amour-propre  est  la 
«  seule  chose  qui  puisse  mettre  entre  vous 
«  et  moi  un  mur  de  séparation  ;  lui  seul 
«  arrête  mes  pas  vers  vous.  Quand  en  serai - 
«  je  donc  délivré  ?  Quand  m'abandonnerai- 
«  je  à  vous  par  une  entière  résignation  à 
«  vos  volontés  ?  Quand  vous  servirai-je  avec 
«  un  cœur  pur  et  tranquille,  un  cœur  dont 
«  la  sincérité  ne  connaisse  pas  les  rafGne- 
«  ments  de  l'amour-propre,  et  dont  le  calme 
«  ne  puisse  être  troublé  par  les  images  des 
«passions?  Quand  vous  aimerai-je  sans 
«  partage?  Quand  aurai-je  la  consolation  de 
«  me  jeter  dans  votre  sein  adorable  et  de 
«  m'attacher  entièrement  à  vous  ?  Quand 
«  ressentirai-je  les  saints  transports  de  votre 
«  amour?  Quand  ce  même  amour,  ce  feu 
«  divin  que  vous  êtes  venu  apporter  sur  la 
«  terre ,  détruira-t-il  pour  jamais  le  fond 
«  de  tiédeur  et  d'imperfection  qui  est  en 
«  moi  ?, 

tf  O  mon  Dieu,  la  douceur  de  mon  âme, 
«  ma  consolation,  ma  vie,  mon  amour,  mon 
«  désir,  mon  trésor,  mon  unique  bien,  mon 
«  principe  et  ma  fin  I  Que  ne  suis«je  déjà 
«  dans  la  jouissance  des  douceurs  ineffables 
«  que  Ton  goûte  entre  vos  bras  et  pendant 
«  qu'on  vous  possède!  Que  ne  puis-je  m'at- 
«  tacher  à  vous  par  les  liens  indissolubles 
«  du  plus  tendre  amour  1  Que  ne  puis-je 
a  vous  être  uni  de  la  manière  la  plu^  intime 
«  et  la  plus  parfaite  I  Car,  hélas  1  qu'ai-je  à 
«  désirer  dans  le  ciel,  et  que  puis-je  aimer 
«  sur  la  terre,  si  ce  n'est  vous,  ô  mon  Dieu? 
«  Mon  cœur  et  ma  chair  ne  peuvent  pas 
«  soutenir  la  violence  des  désirs  qui  me 
«  portent  vers  vous,  ô  Dieu  de  mon  cœur,  A 
«  Dieu  qui  êtes  mon  partage  pour  jamais  I 
«  Ah  I  quand  le  monde  ne  me  sera-t-il  plus 
«  rien,  et  que  les  embarras,  les  inquiétudes, 
«  les  vicissitudes  du  siècle  seront  unies  pour 
«  moi?  Quand  serai-je  au  terme  de  mon  pè- 
«  lerinage,  à  la  fin  de  mon  triste  et  doulou- 
«reuiexil?  Quand  verrai-je  les  ténèbres 
«  de  cette  vie  mortelle  sur  leur  déclin  et  le 
«jour  de  l'éternité  prêt  à  luire  et  h  se  lever 
«  pour  moi  !  QuancI,  délivré  du  poids  de  ce 
«corps  mortel,  pourrai-je  m'élever jusqu'à 
«  vous  ?  Quand  est-ce  enfin  que,  sans  délai 
«  et  sans  aucun  empêchement,  je  serai  assez 
«  heureux  pour  vous  voir  face  à  face,  et 
«  vous  bénir  de  concert  avec  tous  vos  saints 
«  pendant  l'éternité?  Hâtez  ce  moment  qui 
«  doit  faire  mon  bonheur,  ô  mon  Dieu,  ô 


«  mon  Dieu,  mon  amour,  mon  désir,  mon 
«  unique  bien  1  » 

«  Il  faisait  un  fréquent  usage  de  ces  aspi- 
rations,  sachant  qu'elles  sont  un  eicellenl 
moyen  de  parvenir  bientôt  à  l'union  de 
l'âme  avec  Dieu  et  à  une  parfaite  abnégation 
de  soi-même.  Il  tenait  tonjours  prêtes  celles 
qu'on  vient  de  rapporter,  pour  pouvoir  en 
faire  usage  en  tout  temps  et  en  tous  lieui. 
Quand  il  avait  quelques  moroenls  de  pins 
qu'à  l'ordinaire,  il  s'abandonnait  plus  long- 
temps et  plus  librement  à  ces  saints  trans* 
ports.  Assis  aux  pieds  de  son  divin  maître, 
à  l'exemple  de  Marie,  il  goûtait  les  pins 
pures  joies  qu'il  recherchait  non  pour  lui- 
même,  mais  uniquement  pour  la  gloire  de 
Dieu.  Il  ne  manquait  pas,  au  milieu  de  tout 
cela,  de  produire  les  autres  actes  de  religion, 
comme  ne  le  louer,  de  l'adorer,  de  le  re- 
mercier, de  le  prier  ardemment,  selon  les 
circonstances,  et  le  tout,  avec  une  tendresse, 
une  vivacité,  une  effusion 'de  cœur  admi- 
rables. 

u  II  s'adressait  encore  à  la  sainte  Vierge, 
comme  à  une  reine  pleine  de  miséricorde, 
et  à  une  mère  remplie  débouté,  età cellei 
qui  il  est  donné  de  dépenser  les  trésors  cé- 
lestes et  qui  les. répand  libéralement.  En 
Erésence  de  cette  auguste  mère,  il  redoo* 
lait  ses  pieux  gémissements,  implorant 
sans  relâche  ses  faveurs  par  de  saintes  im- 
portunilés.  —  Un  autre  jour  il  cousidérait 
son  Sauveur  livré  à  ses  ennemis  car  le 
traître  Judas,  et  il  appliquait  à  cet  objet  les 
exercices  de  dévotion  dont  on  vient  de  parler. 
Il  parcourait  ainsi  par  ordre  les  mystères  de 
la  Passion,  consacrant  un  jour  à  CDacun;et 
après  le  dernier,  il  les  reprenait  de  nouveau. 
Pour  l'endroit  de  la  Passion  qui  représente 
Jésus-Christ  en  croix,  il  n'attendait  pas  pour 
y  penser.  quMl  vint  dans  son  rang,  mais 
quand  il  le  jugeait  à  propos,  il  y  donoait 
quelques  moments  les  autres  jours,  et  il  oe 
s'en  passait  guère  ou'ii  ne  fit  des  réOexions 
particulières  aux  plaies  du  Sauveur  crucifié, 
qui  ont  été  aussi  douloureuses  pour  lui  que 
salutaires  au  genre  humain  ;  et  lorsqu'il  ea 
voyait  couler  le  sang  à  grands  flots,  il  tâchait 
d'exciter  en  son  âme  tous  les  sentiments 
de  passion  et  de  reconnaissance  qu'un  tel 
spectacle  exige  de  nous. 

«  Aux  jours  des  fêtes  du  Sauveur  et  del^ 
sainte  Vierge,  il  s'occupait  des  mystères  que 
l'Ëglise  y  célèbre,  en  suivant  son  espnt 
plutôt  que  son  propre  goût.  Il  interrompait 
sans  peine  les  points  de  la  Passion  qui  arri- 
vaient ces  jours-là,  tournant  ses  exercices 
et  ses  aspirations  à  la  solennité  et  aui  cir- 
constances des  mystères  ou  de  la  fêle;  mais 
ce  qui  transportait  surtout  ces  jours-là  ce 
fidèle  serviteur  de  Dieu,  c'était  le  cbanl  des 
psaumes  et  des  autres  cantiques  de  r^H^* 
—L'usage  continuel  et  réitéré  de  ces  dévotes 
aspirations  fut  pour  lui  une  source  abondante 
de  consolations  spirituelles,  et  son  iraTui 
fut  abondamment  récompensé.  Je  vous  [pro- 
pose un  exemple,  c'est  à  vous  de  le  suitre, 
si  vous  voulez.  Si  vous  le  faites,  quels  arao- 
tages    n'en  retirerez-vous  pas!  Tant  « 


ffM 


OH. 


ifAsasHÊmL 


OBL 


litt 


une  parfaite  sûreté,  loot  y  brille  d'ane  clarté 
luoiiDeuse.  Mon  âme,  que  ce  soit  donc  pour 
TOUS  one  demeure  de  choix  et  d'inclination. 
Fous  y  troQTerei  toute  l'assurance,  toute  la 
liberté,  toute  la  joie,  tous  les  agréments 
qne  tous  pouYez  désirer.  C'est  là  que  les 
Tertas  réunies  répandent  au  loin  un  parfum 
céleste,  mille  fois  plus  doux  que  les  fleurs 
les  plus  odoriférantes.  C*est  de  là,  comme 
d*un  feu  sacré,  que  partent  les  plus  claires 
lumières  et  les  ardeurs  les  plus  épurées. 
Enfln,  c'est  là  que  tous  trouyerez  la  vérita- 
ble consolation,  la  Téritable  paix,  le  yérita- 
bie  repos,  le  comble  de  tons  les  biens.  » 

«  Telles  étaient  les  réflexions  courtes  et 
pieuses  dont  se  nourrissait  ce  religieux  pour 
s'animer  à  la  piété,  pour  rentrer  dans  son 
intérieur  et  pour  élerer  son  esprit  vers  Dieu. 
11  en  choisissait  une,  deux,  trois,  tant6t 
plus,  tantôt  moins,  suirant  le  mourement 
de  sa  dévotion  et  l'impression  de  la  ^rAce. 
Il  réitérait  au.4si  et  répétait  souvent  les  mè« 
mes  ins()irations.  Il  gravait  profondément 
dans  son  âme  ce  que  iésos-Christ  fil  et 
souffrit  au  jardin  des  Olives.  Et  à  quels  sen* 
liments  de  dévotion  ne  s'eicitait-il  pas  à  la 
▼ue  de  ce  divin  Sauveur  7  Tantôt  ii  pesait 
avec  attention  l'excès  prodigieux  de  son  hu- 
milité,  de  sa  douceur,  de  sa  patience,  et 

I  ardeur  inconcevable  de  sa  charité;  tantôt 
il  s'attendrissait  sur  les  souffrances  et  sur 
les  humiliations  de  ce  Dieu  de  majesté. 
D'autres  fois  il  s'animait  ou  à  le  remercier 
de  tant  de  bienfaits,  ou  à  lui  rendre  amour 
pour  amour,  ou  à  demander  le  pardon  de 
ses  péchés,  ou  à  solliciter  quelque  grâce. 

II  se  disait  souvent  à  lui-même  avec  ferveur  : 
«  O  mon  âme  I  quand  serez-vous  prête  à  mar- 
cher sur  les  traces  de  votre  Dieu,  à  imiter 
son  humilité,  sa  doqceur  et  sa  patience  7 
Quand  ferez-vous  reluire  dans  votre  con- 
duite un  exemple  aussi  touchant 7  Quand, 
guérie  de  vos  infirmités  spirituelles  et  déli- 
Trée  de  vos  passions  et  de  vos  inclinations 
Tîcieuses,  verrez-vous  disparaître  tout  ce 
qui  se  trouve  en  vous  de  mauvais  et  de  dé- 
i^gl^T  Quand  supporterez-vous  avec  tran- 
quillité et  avec  piaisir  les  peines  et  les  ten- 
tations qui  vous  arrivent?  Quand  aimerez* 
vous  parfaitement  votre  Dieu  ?  Quand,  unie 
intimement  à  lui,  aurez-vous  le  bonheur  de 
le  tenir  entre  vos  bras  7  Quand  serez-vous 
tout  abtmée  dans  son  amour  7  Quand  parat- 
trez-vous,  devant  lui  avec  la  pureté,  la  sim- 
plicité, le  dénûment  qu'il  exige?  Quand 
pourrez-vous  sans  obstacle,  jouir  de  ses 
cliastes  emi>rassements  ?  O  si  vous  aimiez 
▼otre  Dieu  avec  ardeur  I  ô  si  vous  étiez  in- 
séparablement et  pourjamais  attachée  à  vo- 
tre souverain  bien  !  m 

<  11  fixait  parfois  ses  regards  vers  le  ciel, 
et  s'écriait  :  «  O  mon  Ame  I  où  est  votre 
c  amour?  où  est  votre  trésor  et  l'ol^et  de  vos 
«  désirs?  où  est  votre  souverain  bien  et  votre 
«  Dieu?  Quand  aurez-vous  le  tionheur  de  le 
c  voir,  de  le  posséder  et  de  jouir  de  lui  ? 
€  Quand  pourrez-vous  mêler  votre  voix  à 
c  cellesdes  citoyens  du  ciel,  pour  chanter  à 
«jamais  ses  louanges?»  C'est  ainsi  qu'il 


s'entretenait  d'esprit  et  de  cœur,  ou  qu'il 
suivant  le  de  bouche  tout  bas  ces  paroles, 
prononçait  mouvement  de  l'Esprit-Saint. 

«  D'autres  fois  il  s'accablait  de  reproches» 
blâmait  son  âme  de  sa  pesanteur,  de  sa 
mollesse,  de  sa  tiédeur,  de  sou  ingralitudet 
de  son  endurcissement,  de  son  inconstance, 
de  sà  misère  et  de  ses  malheurs.  Quelque- 
fois pour  se  fortifier  contre  la  pusillanimité, 
et  dissiper  ses  vaines  frayeurs,  il  lui  disait  : 
Ne  vous  découragez  pas,  ô  mon  âme,  ne 
vous  désespérez  pas,  consolez -vous  et 
ayez  confiance.  Vous  avez  péché,  il  est 
vrai,  vous  êtes  couverte  de  plaies  ;  mais 
voici  votre  Dieu,  votre  médeciu  céleste 
prêt  à  vous  guérir.  Il  est  assez  t>on  et  as- 
sez miséricordieux  pour  vous  pardonner, 
et  jissez  puissant  pour  effacer  vos  fautes 
en  un  instant.  Peut-être  sa  qualité  déjuge 
vous  lait  trembler  ?  Hais  rassurez- vous, 
celui  qui  est  votre  juge  est  aussi  votre 
avocat.  Quand  il  vous  voit  pénitente,  il  se 
charge  de  votre  cause  pour  solliciter  l'abo- 
lition de  vos  péchés,  et  quand  il  vous  voit 
humiliée  en  sa  présence,  il  est  votre  juge, 
non  pour  vous  condamner,  mais  pour  por- 
ter en  votre  faveur  un  arrêt  de  vie  et  de 
salut.  Sa  bonté  est  infiniment  plus  grande 

Sue  votre  malice,  et  ses  miséricordes  plus 
tendues  que  vos  iautes.  Je  vous  le  dis, 
non  pour  que,  persévérant  dans  le  mal, 
vous  vous  rendiez  indigne  de  sa  clémence, 
mais  afin  qu'en  détestant  sincèrement  vos 
crimes,  vous  n'en  désespériez  pas  le  par- 
don. Que  votre  Dieu  est  plein  de  douceur 
et  de  bonté,  qu'il  mérite  qu'on  Taime  et 

au*on  le  désire  plus  que  tout  le  reste  I 
Quelle  est  sa  tendresse  pour  les  ou t rages 
de  ses  mains  I  Ah  I  quand  on  pense  à  lui, 
peut-on  se  figurer  quelque  chose  de  sé-- 
vère  et  d'effrayant?  S'A  est  terrible,  ce 
n*est  que  pour  ceux  qui,  abusant  de  sa 
patience,  diffèrent  de  se  convertir.  Ne 
liaut-il  pas  qu'à  la  fin  il  punisse  des  crimes 
dont  rénormité  fait  injure  à  sa  bonté,  et 
dont  l'infamie  déshonore  sa  sainteté?  Pour 
les  fautes  légères  qu'il  n'est  pas  possible 
d'éviter  en  ce  monde,  elles  ne  doivent  pas, 
ô  mon  âme,  vous  jeter  dans  la  constero<i- 
tion.  Ne  pensez  pas  que  Dieu  vous  re- 
garde de  mauvais  œil,  parce  que  vous 
aurez  des  imperfections  et  des  faiblesses. 
Vous  ne  lui  en  deviendrez  oue  plus  chère , 
si  'vous  désirez  un  plus  oaut  degré  de 
perfection  et  que  vous  travailliez  à  y  par- 
venir. Bien  plus,  ce  sera  lui-même  qui 
vous  soutienora  dans  ces  généreux  efforts, 

2 ni  vous  rendra  de  jour  en  jour  plus  par- 
dte,  et  ce  que  vous  n'oseriez  pas  espérer 
peut-être,  qui  vous  embellira  jusqu'à  vous 
rendre  un  objet  digne  de  ses  re^rdset  de 
^  toute  sa  tendresse.  »  Telles  étaient  à  peu 
près  les  entretiens  de  ce  religieux  avec  lui- 
même,  et  les  moyens  qu'il  employait  pour 
s'animer  à  chérir  son  bien-aimé  de  Famour 
le  plus  pur  et  le  plus  ardent.  Il  prenaitaussi 
la  liberté  de  lui  parlera  lui-même,  et  en 
soupirant  après  lui  par  de  saints  désir.  . 
<  O  Jésus,  disait-il,  mon  doux  Jésus  I  Paa-< 


Ii«7 


ÔBL 


mCTlONMAlRE 


OBL 


lia 


TopproDre  du  inonde  et  le  Jouet  d'une 
vile  populace,  pour  vous  qu  il  a  été  fla- 
gellé et  couronné  d'épines,  pour  vous 
Su'il  a  été  frappé  d'un  roseau  et  chargé 
a  poids  de  sa  croix,  pour  tous  qu'il  a 
été  cloué  à  cette  croix  et  abreuré  de  fiel 
et  de  vinaigref  pour  vous  qu'il  a  répandu 
son  sang  adorâole,  qu*il  est  mort  et  a  été 
enseveli.  Enfin  c'est  lui  qui,  ayant  acquis 
par  un  si  grand  prix  le  royaume  des  cieux, 
vous  a  choisie  préférablement  à  tant  d^au- 
très  pour  vous  transmettre  l'héritage  qui 
vous  promel  ce  que  l'œil  n'a  point  vu,  ce 
que  l'oreille  n'a  point  entendu,  ce  que  le 
cœur  de  l'homme  ne  saurait  comprendre. 
«  Maisvousy  mon  Ame»  que  lui  avez-vous 
rendu  pour  tant  de  grâces?  Vous  avez 
quitté  et  méprisé  celui  qui  vous  en  a  ia- 
vorisée»  vous  vous  êtes  dépouillée  de  tout 
sentiment  de  respect  et  de  crainte  pour 
celui  qui  vous  a  aimée,  vous  avez  secoué 
le  joug  plein  de  douceur  de  celui  qui  vous 
a  choisie  I  vous  êtes  devenue  semblable 
aux  eu&nts  de  Bélial  ;  comme  une  pros- 
tituée f  vous*  vous  êtes  abandonnée  au 
erime  sans  remords  et  sans  honte;  vous 
avez  fait  alliance  avec  la  mort,  vous  avez 
contracté  avec  le  démon.  D'abord  vous 
vous  êtes  portée  dès  votre  enfance  à  toute 
sorte  de  mal,  tous  n'avez  cessé  depuis 
d'entasser  crime  sur  crime,  et  d'ajouter 
aux  désordres  communs  aux  autres  hom- 
mes des  excès  qui  ne  pouvaient  peut-être 
aller  plus  loin.  Malheureuse,  vous  avez 
crucÎM  derechef  par  vos  péchés  Jésus- 
Christ  qui  vousavait  prise  pour  son  épouse, 
et  vous  avez  rouvert  les  plaies  d'une  pas- 
sion si  douloureuse,  par  la  multitude  et 
l'éuormité  de  vos  péchés. 
«  Ah  I  qui  vous  donnera  des  soupirs  et  des 
gémissements  proportionnés  à  de  si  grands 
maux?  Qui  fera  de  vos  yeux  une  fontaine 
de  larmes  pour  pleurer,  nuit  et  jour,  un» 
aussi  noire  ingratitude?  horrible  étal  que 
celui  où  vous  êtes  réduite  1  De  quel  côté 
vous  tournerez-vous?  0  si  vous  étiez  de- 
meurée pure  et  sans  tache  1  si  vous  ne 
vous  étiez  pas  couverte  d'une  telle  infar 
miel  si  vous  n'aviez  pas  quitté  le  Sei- 
gneur 1  Mais  hélas  1  vous  avez  perdu  l'iu- 
ooceuce,  vous  avez  contracté  des  taches 
hideuses,  vous  vous  êtes  honteusement 
déshonorée,  vous  avez  lâchement  aban 
donné  votre  Dieu.  A  qui  recourir?  quel 
secours  implorer  ?  Le  secours  de  celui-là 
même  que  vous  avez  offensé.  Il  est  bon  et 
miséricordieux,  au  delà  de  ce  qu'on  peut 
dire;  humiliez-vous,  jetez- vous  à  ses  pieds, 
anéantissez-vous  en  sa  présence,  et  vous 
en  obtiendrez  miséricorde.  » 
«  11  est  quelquefois  à  propos  que  ce  pé- 
cheur adresse  direciameut  au  Seigneur  ses 
plaintes  et  ses  gémissements  à  peu  près  en 
ces  termes  :  «  Hélas,  Seigneur  1  mon  doux 
€  Jésus,  hélas I  qu'ai-je  fait?  Comment  ai-je 
«  pu  trahir  votre  parti ,  avoir  pour  vous  une 
«  si  coupable  inciifférence,  oublier  ce  doux 
«  titre  de  Sauveur,  qui  vous  a  coûté  si  cher  ? 
«  Comment  ai-je  perdu  la  crainte  de  vos  ju- 


€  gementst  Comment  ai-je  pa  feuler  au 
«  pieds  votre  loi  ?  Je  suis  donc  un  prévari* 
«  cateur,  ô  mon  Dieu  !  je  suis  ub  ingrai,  i 
«  mon  créateur  I  je  suis  le  plus  malbeureui 
ft  des  hommes,  6  mon  Sauveur  1  ma  vie,  mno 
«  unique  bien  !  Malheur  à  moi,  misénble 
«  que  je  suis,  parce  que  f  ai  péehél  mslbeor 
«  à  moi  dé  m'être  ravalé  au  rang  des  bètes, 
«  ou  plutôt  d'être  tombé  dans  un  étateneore 
«  plus  honteux  I  Doux  Jésus  !  pasteur  cb»- 
«  rilable  et  le  meilleur  des  maîtres,  aidei- 
ff  moi  I  Me  voilà  abattu  sous  le  poids  de  mes 
«  péchés,  relevez-moi  ;  je  suis  prêt  à  tomber 
a  dans  le  précipice,  tendez-moi  laiDaiD;ie 
«  suis  souillé  de  mille  crimes,parifiezWi$ 
«  guérissez  mes  plaies,  fortifiez-moi  daes 
«  ma  langueur  et  ma  faiblesse;  je  suis  perda, 
«  sauvez-moi.  Je  mérite,  il  est  vrai  m  la 
«.terre  s'entr'ouvre  sous  mes  pas  et  messe- 
«  velisse  dans  ses  abtmes.  Je  suis  indigne 
R  de  la  vie  que  vous  m'avez  donoée  el  des 
«  grâces  que  je  tous  demande,  car  mon  io- 
a  gratitude  est  horrible^  réoormilé  de  mes 
«  péchés  est  infinie  ;  mais  votre  misérieorde 
«  l'est  bien  davantage.  Vous  donc,  Seigneur, 
«  qui  aimez  tendrement  les  hommes,  fons 
c  qui  êtes  mon  espérance,  nyti  pitié  de  moi, 
«  selon  l'étendue  de  vos  miséricordes,  el 
«  effacez  mon  péché  suivant  la  multitade  de 
«  vos  bontés.  » 

«  D'autres  fois  se  laissant  aller  i  de  son* 
dains  mouvements  de  dévotion,  il  se  pros- 
ternera devant  Dieu,  s^écriant  areoferfeor: 
«  Seigneur,  si  vous  Youlez,  vous  pourezise 
a  guérir.  »  Ou  l>ien  :  «  0  mon  Dieu!  serez 
«  nropice  à  ce  grand  pécheur  ;  Jésus,  fils  de 
ce  David,  ayez  pitié  de  moi,  Seigneur,  seeoo- 
«  rez-moi.  »  Il  déchargera  également  soq 
cœur  en  présence  de  la  sainte  Vierge  et  des 
saints,  et  emploiera  de  pareils gémissemeots 
pour  implorer  leur  intercession  auprès  de 
Dieu. 

«  XVII.  Un  commençant  doit,  ebaque 
jour,  ou  du  moins  très-souvent,  rentrer  sé- 
rieusement en  lui-même,  se  rappeler  (rèr 
humblement  les  péchés  de  sa  ?ie  passée, 
avec  une  ferme  résolution  de  ne  les  f\^ 
commettre,  il  doit  ensuite  s'en  accuser  de 
vant  Dieu,  s'arrêtant  parliculièremeot  sor 
ceux  dont  la  grièveté  et  l'énormilé  oi\l  Is 
plus  offensé  la  majesté  divine.  Pour  les  po- 
chés d'impureté,  il  les  considérera  en  ps^ 
aans  trop  s'y  arrêter,  de  peur  que  daiïs  une 
matière  si  délicate  les  fautes  passées  ne 
fournissent  des  idées  capables  de  donner 
occasion  à  des  fautes  nouvelles.  Dans  c^tie 
confession  il  s'excitera  à  une  contrition/^ 
rilable,  à  des  larmes  sincères,  à  une  pi^^^ 
tendre  et  sensible,  et  fera  en  sorte  qu^^  ^'• 
motif  de  sa  componction  se  prenne  des  ou- 
trages faits  à  son  Dieu,  à  son  créateur,  f 
meilleur  des  pères,  et  de  l'ingralitade  qu  il 
a  opposée  à  ses  bienfaits,  nlatôt  que  do 
peines  éternelles  dont  ses  péchés  Tout  mm 
digne. 

a  II  ne  s'attachera  pas  tellement  l  ^ 
formules  d'aspirations  et  de  plaintes  anioo- 
reuses»  qu'il  se  croie  obligé  aemployer  «'' 
les  énoncées  ci-dessus;  il  n'est  pas  nécei- 


Il» 


OBL 


ITASCEtlSlIE 


OBL 


nw 


saire  o  en  prendre  ud  grand  Domore  et  de 
suirre  Torore  qu'on  a  prescrit.  Qu*il  s'ar- 
rête à  celles  qu'il  Toudra,  en  choisisse  le 
nombre  qu'il  jugera  à  propos,  et  les  place 
de  la  manière  qui  lui  sera  la  plus  con?ena- 
ble.  S*0  en  prend  une  ou  deux»  qu'il  s'en 
sonrienne  et  s*en  nourrisse  pendant  la 
ioumée,  et  se  borne  là.  S'il  en  vent  pren- 
clre  dayantage,  il  le*  peut  encore.  Tout  ce 
qui  est  à  désirer,  c'est  que  sa  dérotion  soit 
entièrement  libre»  et  toujours  exemçfie  de 
ce  qui  pourrait  7  répandre  la  confusion  et 
la  perplexité. 

«  l'ai  connu  une  personne  qui  dans  ses 
occupations  extfrîeures  bornait  tous  ses 
entretiens  sur  la  passion  à  ce  peu  de  mots  : 
«  O  mon  aimable  lésns,  A  pasteur  plein  de 
«  bonté»  6  maître  plein  de  douceur  I  aima- 
«  ble  Jésus,  ayez  pitié  de  moi  ;  pasteur  j)lein 
«  de  bonté»  guidez-moi;  maître  plein  de 
«  douceur,  instruisez-moi;  mon  Seigneur  et 
m  mon  INeu,  secourez-moi.  »  J'en  ai  connu 
tm  antre  qui  choisissait  plusieurs  pensées 
plus  ou  moins  courtes»  et  qui  aimait  sur- 
tout h  exprimer  le  même  sentiment  de  mille 
manières  différentes. 

«  Tout  cela  doit  être  laissé  au  goût  et  à 
la  discrétion  du  disciple.  Il  peut  encore 
fnire  usage  de  la  considération  de  la  mort» 
<1u  purgatoire»  du  jugement»  du  paradis  et 
<Jo  I  enfer,  pour  s'animer  à  la  componction 
ei  se  fortifier  dans  sa  résolution  de  marcher 
A  grands  pas  dans  les  voies  spirituelles. 
Plus  an  tel  exercice  approchera  de  la  crainte 
Oiiale  et  de  l'amour  dirin»  plus  il  sera  agréa- 
ble à  Dieu  et  propre  à  purifier  l'âme;  au 
eofitraire»  plus  il  donnera  dans  la  crainte 
serTîie»  moins  il  en  retirera  de  fruits.  La 
crainte  filiale  nous  fait  craindre  le  péché  de 
peur  d'outrager  un  Dieu  infiniment  bon» 
et  de  perdre  sa  grâce  et  son  amitié  ;  la 
crainte  serrile  nous  fait  craindre  ce  même 
péché»  de  peur  de  tomber  dans  l'enfer.  Il 
rst  pourtant  tN>n  d'avoir  cette  crainte  ser- 
vîlc  qui  est  un  frein  pour  le  mal.  Mais  il 
faut  se  souvenir  de  ne  pas  en  demeurer  là» 
et  de  passer  de  la  crainte  des  esclaves  à 
celle  des  enfiints. 

«  XVIII.  S'il  veut  méditer  sur  la  gloire 
du  ciel»  il  pourra  faire  les  réflexions  sui- 
Tantes  :  «  Oh  I  que  la  céleste  Jérusalem  est 
«  un  doux  séjour  1  Ses  murs  sont  bâtis  de 
«  pierres  précieuses»  ses  portes^brillent  de 
m  réclat  ues  perles  les  plus  fines;  ses  rues 
«  et  ses  places  sont  pavées  de  l'or  le  plus 
«  pur»  ses  jardins  émaillés  de  fleurs  pré- 
«  sentent  le  speetacle  le  plus  riant.  C'est  là 
«  c|<ie  retentissent  continuellement  des  pa- 
m  rôles  d'allégresse»  que  se  chantent  sans 
«  relâche  des  cantiques  de  joie»  que  se  re- 
«  Douvelient  sans  cesse  des  cris  de  réjouis- 
se sance»  que  se  font  toujours  entendre  les 
a  concerts  des  esprits  «bienheureux.  C'est 
m  \h  que  le  baume  et  les  parfums  répandent 
m  lek  plus  douces  odeurs.  C'est  là  que  règne 
«  une  paix»  un  repos  qui  passe  tout  seuti- 
«  ment,  un  calme  au-dessus  de  toute  ima- 
«  gination,  un  jour  éternel»  une  union  for-.  '. 
«  mée  par  un  seul  et  même  esprit  qui  anime  ^ 


tout»  une  ferme  sécurité»  une  éternité 
assurée»  une  tranquillité  perpétuelle,  une 
agréable  félicité»  une  douceur  ineffable» 
un  charme  délicieux.  C'est  là  que  les  jus- 
tes brilleront  comme  le  soleil  dans  le 
royaume  de  leur  père.  O  quel  avantage 
d'assister  aux  chœurs  des  anges»  et  d'être 
pour  jamais  en  société  avec  les  patriar- 
cbes  et  les  prophètes»  les  apôtres  et  les 
martyrs»  les  confesseurs  et  les  vierges» 
et  surtout  avec  la  glorieuse  Vierge  Marie 
Mère  de  Dieu  IQuel  bonheur  de  se  voir  pour 
toujours  exempt  de  crainte»  de  tristesse» 
de  chagrin»  de  peine»  d'ennui»  de  travail» 
d'embarras»  de  dégoût»  en  un  mot  de 
tout  besoin  1  Mais  quelle  abondance  de 
consolations  1  quelle  multitude  de  délices  ! 
quel  excès  de  joie  I  quelle  vaste  étendue  et 
quel  abtme  de  plaisir»  de  voir  la  gloire 
ineffable  de  la  Trinité»  cet  être  immense 
ou'on  ne  saurait  comprendre»  cette  lumière 
aouce  et  ravissante  qu'on  ne  saurait  assez 
aimer;  de  voir  dans  Sion  le  Dieu  des 
dieux»  le  Seigneur  des  seigneurs;  de  le 
voir  non  dans  un  miroir  et  en  énigme» 
mais  face  à  face  ;  de  voir  enfin  l'humanité 
sainte  de  Jésus-Christ  dans  son  état  de 

f gloire  1  Si  l'on  trouve  tant  d'agrément  sur 
a  terre  à  considérer  la  grandeur»  la  di- 
versité, les  révolutions»  la  clarté  brillante 
des  astres»  l'éclat  et  les  rayons  du  soleil, 
la  blancheur  resplendissante  de  la  lune» 
la  lumière  répandue  dans  les  airs  ;  à  re- 
garder la  variété  des  oiseaux»  des  fleurs» 
des  paysages»  des  couleurs  ;  à  écouter  le 
son  harmonieux  des  belles  voix  et  les 
doux  accords  des  instruments»  à  sentir 
l'odeur  des  parfums  et  des  fleurs»  et  à  se 
nourrir  de  mets  délicieux;  si  tout  cela 
saisit  l'âme  et  la  pénètre  de  joie»  quel 
sera  le  torrent  de  volupté  dont  cette  ame 
sera  enivrée»  quand  elle  pourra  voir,  sen- 
tir» goûter»  posséder  pleinement  celui  qui 
est  la  beauté  et  la  bonté  même»  le  principe 
d*où  émane  tout  ce  qu'il  y  a  de  beau  et  de 
bon  dans  l'univers  »  la  source  féconde  de 
toutes  les  perfections»  dont  tout  le  reste 
n'est  qu'un  faible  écoulement.  Ahl  je 
comprends  ce  que  c'est  que  l'état  de 
l'homme  ressuscité  quand  il  entre  dans 
son  éternité  bienheureuse.  C'est  comme 
lorsque  le  printemps»  succédant  aux  ri* 
gueurs  de  1  hiver»  vient  renouveler  la  na- 
ture» embellir  le  ciel  et  la  terre»  réjouir 
tous  les  cœurs.  Mais  que  dis-je  T  il  y  a 
plus  de  différence  entre  ces  deux  choses 
qu'entre  les  ténèbres  de  la  nuit  la  plus 
obscure  et  l'éclat  du  soleil  dans  son  midi. 
Qu'il  est  donc  charmant  ce  séjour  de  la 
Jérusalem  céleste»  puisque  tout  ce  qui 
peut  plaire  s'f  trouve  en  abondance»  et 
que  tout  ce  qui  pourrait  chagriner  en  est 
banni  I  Qu'il  est  charmant»  puisqu'on  y 
loue  le  Tout-Puissant  durant  les  siècles 
des  siècles.  II  faut  cependant  autant  que 
possible  rendre  ces  désirs  du  ciel  purs  et 
désintéressés»  et  ne  soupirer  après  le  ciel 
que  pour  la  gloire  et  les  louanges  qui 
en  reviendront  à  Dieu.  Quoique  ces  médita- 


1191 


OBL 


«  lions  sur  le  ciel*  conviennent  mieux  à 
«  ceux  qui  sont  avancés  dans  la  spiritualité, 
«  ces  aspirations  ont  plus  de  vérité  et  de 
«  pureté  dans  leur  bouche,  que  dans  ceux 
«  qui,  n'étant  pas  encore  exercés  à  la  morti- 
«  ucation  des  sens,  sont  sujets  à  se  chercher 
«  eux-mêmes  plutôt  que    les  intérêts  de 

c  Dieu.  » 

«  XIX.  Revenons  donc  aux  pieux  gémis- 
sements qui  leur  conviennent.  Ils  doivent 
s'y  appliquer  avec  ferveur  et  persévérance, 
sans  pouvoir  dire  combien  de  temps  il  faut 
s'y  adonner.  En  général  Us  doivent  durer 
jusqu'à  ce  que  le  mépris  du  monde  et  de 
soi-même  ait  pris  quelque  empire  sur  leur 
cœur,  et  que  leur  peu  de  progrès  dans  la 
vie  spirituelle  ait  allumé  en  eux  une 
sainte  ardeur  d'en  faire  de  nouveaux.  Cela 
vient  après  un  ou  plusieurs  mois;  il  y  en 
a  même  qui  ne  se  trouvent  dans  cet  état 
qu'après  des  années  entières.  La  parfaite 
conversion  du  cœur  est  pour  quelques-uns 
un  ouvrage  de  longue  naleine.  Ordinaire- 
ment elle  ne  se  fait  que  par  degrés,  mais  il 
y  en  a  que  Dieu  prévient  tellement  par  sa 
grâce,  qu'un  instant  suffit  pour  opérer  en 
eux  un  changement  entier  et  parfait.  —  Au 
reste  on  peut,  parmi  ses  exercices  ordinai- 
res de  pénitence,  en  pratiquer  de  plus  doux 
et  de  plus  consolants,  en  y  joignaiît  les 
louanges  de  Dieu,  des  actions  de  grâces  et 
des  adorations.  Cependant  le  pénitent  doit 
faire  son  occupation  principale  de  s'occuper 
de  ses  péchés  et  d'en  eémir  jour  et  nuit. 
S'il  ne  peut  verser  des  larmes  comme  il  le 
désirerait,  il  ne  doit  pas  trop  s'en  alarmer. 
La  détestatioa  du  péché  et  l'horreur  des 
moindres  fautes,  sont  comme  les  larmes  du 
cœur  que  Dieu  exige  principalement. 

«  Après  que  l'amertume  salutaire  d'une 
véritable  contrition  aura  rendu  quelque  lus- 
tre à  l'image  de  Dieu,  que  le  péché  avait 
tellement  déflguré,  alors  animé  d'une  nou- 
velle confiance,  on  pourra  se  servir  plus 
utilement  des  aspirations  ci-dessus.  C'est 
ainsi  qu'on  avancera  peu  à  peu  dans  la  per- 
fection. Mais  on  ne  s  élève  de  la  sorte  qu'à 
roesurequ'on  s'affermit  dans  l'humilité  chré- 
tienne; et  on  n'entre  en  familiarité  avec  le 
céleste  époux  qu'à  proportion  de  la  ferveur 
.qu'on  a  pour  se  disposer  à  ces  communica- 
tions étroites. 

«r  Quand  on  se  sentira  froid  et  languissant, 
on  tâchera  de  s'enflammer  de  l'amour  divin 
en  faisant  de  sérieuses  réflexions  sur  l'In- 
carnation et  la  Passion  du  Fils  de  Dieu,  et 
en  s' entretenant  avec  soi-même  de  ces  deux 
mystères.  Par  là,  le  cœur  embrasé  d'une 
sainte  ardeur  se  portera  bien  vite  à  la  prière 
et  aux  aspirations,  et  l'âme  apprendra  à 
être  unie  avec  son  unique  et  souverain  bien. 
En  s]accoutumant  à  cette  sainte  pratique,  on 
parvient  en  peu  de  temps  à  se  passer  de 
considérations  et  de  réflexions  pour  se  por- 
ter à  Dieu  ;  d'une  simple  vue  on  se  sépare 
des  créatures,  on  les  oublie  et  on  s'enivre 
saintement  et  heureusement  dans  les  tor- 
rents de  délices  de  l'amour  divin. 

«  La  qualité  de  pécheur  et  le  devoir  do 


DICTIONNAIRE  OBL  im 

pénitent  n'obligent  pas  de  repasser  en  soi- 
même  tous  les  péchés  de  sa  vie  passée,  ni  à 
avoir  toujours  devant  ses  yeux  l'image  fâ- 
cheuse de  ses  anciens  désordres.  Ce  serait 
un  obstacle  à  la  liberté  de  l'âme  et  aux  pro- 
grès de  la  charité;  il  suffit  d'élever  souvent 
son  cœur  à  Dieu  par  l'amour  le  plus  tendre 
et  le  plus  vif.  Ce  qui  n'empêche  pas  qu'on 
ne  déleste  de  temps  en  temps  tout  ce  qui  a 
pu  nous  ôter  sa  grâce,  et  ce  qui  pourrait 
encore  retarder  la  course  qui  nous  porte 
amoureusement  à  lui;  car  je  ne  prétends  pas 
que  par  négligence  on  laisse  effacer  de  sa 
mémoire  le  mal  qu'on  a  fait;  il  fautaucoo* 
traire  y  penser  toujours,  mais  de  manière 
que  ce  souvenir  n'empêche  pas  un  plus 
grand  bien.  C'est  pourquoi  je  voudrais  qu'on 
se  contentât  alors  de  faire  chaque  jour  à 
Dieu  l'aveu  de  ses  fautes  en  général,  sans 
trop  descendre  dans  le  particulier. 

«  XX.  Pour  les  petites  fautes  dont  les  plus 
justes  ne  sont  pas  exempts,  on  peut  les 
effacer  plus  promptement  et  plus  efficace- 
ment qu'en  s'attachant  scrupuleusement  à 
les  examiner  en  détail  et  à.sen  punir  par 
des  pénitences  austères.  Ce  moyen  est  de 
les  jeter  dans  la  fournaise  d'un  amour  plein 
de  vivacité,  de  force  et  de  tendresse,  et  de 
les  plonger  avec  conGaace  dans  les  abîmes 
de  la  divine  miséricorde ,  là  ils  s'évanoui- 
ront comme  une  élincello  oui  tDiPbo  ao M 
de  la  mor.  N'oi;bUoûs  rien  pour  relraucùer 
de  bonne  houre  les  peines  de  consciencd 
qui  pourraient  nous  inquiéter  mal  à  propos, 
les  scrupules  qui  se  repaissent  de  vains 
fantômes,  la  pusillanimiié  qui  méconoait 
les  règles  de  la  sagesse  et  de  la  raison»  ^^ 
défiances  que  l'embarras  et  le  trouble  causent 
toujours.  De  quelque  bon  principe  que  ces 
inquiéluQes  semblent  sortir,  elles  n'ont 
guère  que  des  suites  funestes.  Ce  sont  des 
épines  dont  il  faut  couper  la  racine  dès 
qu'elle  paraît  ;  sans  cela  elles  ôtent  la  liberié 
de  l'âme,  empêchent  son  activité,  et  la  font 
marcher  plus  lentement  dans  le  chemin  de 
la  vertu. 

«  Nous  ne  devons  rien  tenter  au  delà  de 
nos  forces.  Contentons-nous  de  notre  sort, 
c'est-à-dire  du  degré  de  perfection  que  Dieu 
nous  accorde.  Si  nous  ne  pouvons  arriver  à 
celui  que  nous  désirons,  travaillons  du  JQoios 
à  acquérir  celui  qui  est  proportionné  à  dos 
forces.  Quand  on  ne  se  flatte  pas  et  quoooe 
se  laisse  pas  aveugler  par  un  excès  fmo^f 
propre ,  on  voit  aisément  à  quel  degré  de 
vertu  on  peut  arriver.  Cependant  la  bonté 
divine  est  infiniment  libérale;  aiffiaotise 
communiquer  avec  profusion,  elle  00 
manque  jamais  de  le  faire  quand  elle 
.  trouve  une  âme  bien  disposée.  C'est  f^oor- 
;  quoi  si  un  homme  appliqué  à  la  Tie  Mé- 
rieure  ne  se  trouve  pas  élevé  tout  à  coup  à 
la  contemplation  ni  à  la  charité  par/aite) 
qu'il  se  dise  qu'il  n'est  pas  encore  capablo 
dé  cet  heureux  état;  car  a  quoi  lui  servirait 
d'être  favorisé  d'une  grâce  dont  il  Défera'^ 
pas  un  bon  usage?  Qu'il  se  hâte  donc  de  dé- 
raciner tous  ses  vices;  pùnr  se  rendre  moins 
indigne  d'un  si  grand  bien ,  qu'il  nes'obiii^s 


fis» 


OBL 


D*ÂSCETISME. 


OBL 


1194 


pas  ft  vouloir  aller  au-delà  de  ses  forces. 
I  Cest  à  la  grAce  h  le  prérenir  avec  bon- 
té »  et  à  lui  de  la  suivre  avec  bumililé.  Qu'il 
se  garde  donc  bien  de  vouloir  pousser  son 
esprit  avec  violence  vers  un  ternie  où  il  ne 
peut  encore  parvenir.  Le  désir  présomptueux 
de  monter  trop  haut  ne  ferait  que  le  pré- 
cipiter plus  bas,  et  une  cbute  meurtrière 
serait  la  peine  de  sa  témérité.  Ce  n'est  pas 
qu'il  ne  soit  obligé  de  faire  de  continuels 
efforts  pour  devenir  de  jour  en  jour  plus 
parfait,  mais  ces  efforts  ne  doivent  point  te- 
nir d'un  emportement  fougueux,  d'un  soin 
chagrinant,  d'une  entreprise  violente  et  tu- 
multueuse. —  Qu'il  fasse  attention  h  la  me- 
sure de  la  grftce  qu'il  a  reçue ,  et  qu'il  n'ou- 
blie jamais  qu'on  n'arrive  plus  facilement, 
plus  sûrement,  plus  promptement  et  plus 
agréablement  même ,  au  degré  le  plus  élevé 
de  la  contemplation,  quand  c'est  la  grâce 
de  Dieu  qui  nous  y  porte,  que  quand  nous 
nous  tourmentons  nous-mêmes  pour  y  par- 
venir. Ce  n'est    pas  ainsi  qu'on   acquiert 
l'intelligence  de  la  théologie  mystique,  il 
faut  aller  sagement  et  avec  beaucoup  de  re- 
tenue ,  de  peur  qu'une  trop  grande  envie 
d'obtenir  ce  qu'on  n'a  pas  ne  fasse  perdre 
tout  d'un  coup  ce  que  I  on  a. 

f  Le  pain  des  larmes  est  une  nourriture 
excellente  et  délicieuse,  mais  il  y  en  a  qui 
en  prennent  trop,  et  cet  excès  abat  leurs 
forces  loin  de  les  réparer.  On  les  voit  pleu- 
rer si  longtemps  et  avec  tant  de  véhémence, 
que  leur  corps  et  leur  esprit  également  épui- 
sés ,  succombent  enQn  a  cet  exercice  trop 
violent  par  lui-même  et  par  sa  durée.  Il  y  a 
noorlant  des  âmes  privilégiées,  dont  les 
larmes,  quoique  continuelles,  no  pour- 
raient être  taxées  d'indiscrétion ,  parce  que 
le  Saint-Esprit  les  fait  répandre.  —  On  voit 
encore  des  gens  qui,  dans  le  moment  que 
Dieu  les  comble  de  délices,  font  de  nouveaux 
efforts  pour  porter  leur  ferveur  au-delà  de 
l'impression  de  la  grâce;  mais  ils  sont  bien- 
tôt punis  de  leur  indiscrétion  ;  Dieu,  les 
abandonnante  leur  propre  faiblesse,  leur  fait 
sentir  tout  le  poids  de  leur  misère;  et  aus- 
sitôt ils  se  trouvent  incapables  de  goûter  les 
grâces  qu'il  leur  faisait.  Il  faut  donc  modérer 
de  telle  sorte  cet  esprit  de  ferveur  dont  on 
est  Quelquefois  animé ,  qu'au  lieu  d'y  ruiner 
les  forces  de  notre  âme,  on  y  trouve  au 
contraire  un  surcroît  de  vigueur. 

c  Quand  on  a  la  tête  forte ,  on  peut  se  lais- 
ser aller  plus  librement  à  des  aspirations 
animées  et  pleines  d'ardeur.  Quand  on  a  la 
tête  faible,  on  doit  se  ménager,  surtout  si 
ces  efforts  indiscrets  ont  déjà  contribué  au- 
trefois à  la  situation  fâcheuse  où  Ion  se 
trouve.  On  se  voit  quelquefois  réduit  à  un 
si  triste  état,  qu'on  ne  saurait  presque 
s'occuper  d'un  motif  de  componction ,  d'une 
méditation  courte  et  légère,  d'une  simple 
lecture.  La  moindre  ap(Hication  incommode 
lors  même  que,  pour  se  la  faciliter,  on  se 
met  dans  une  posture  commode,  qu'on  s'ap- 
puie la  tête  ou  au'on  se  tient  assis.  Telles 
sont  les  Suites  déplorables  que  l'indiscrétion 
tratiie  après  soi.  Ceux  qui  les  éprouvent  ne 

JDicno2«5.  d'Ascétisme,  h 


doivent  pas  pour  cela  se  désespérer.  Qu'ils 
travaillent  au  contraire  pour  écarter  adroite- 
ment tout  ce  qui  pourrait  aigrir  leur  mal ,  et 
qu'ils  prient  iiumblement  le  Seigneur  de 
leur  rendre ,  par  un  effet  de  sa  bonté,  le  bien 
Qu'ils  se  sont  ravi  par  leur  faute.  Si  Dieu 
écoute  leurs  vœux ,  qu'ils  ne  manquent  pas 
de  l'en  remercier  ;  s'il  ne  les  exauce  point , 
qu'ils  ne  laissent  pas  de  le  bénir ,  et  qu'ils 
apprennent  à  supporter  avec  patience ,  pour 
l'amour  de  lui ,  un  malheur  qu'ils  se  sont 
attiré  par  leur  imprudence. 

«  Je  veux  que  l'homme  véritablement  spi- 
rituel se  tienne  en  garde  aussi  contre  Im- 
constance  et  la  légèreté ,  et  qu'après  un  choix 
iudicieux  des  pratiques  oui  lui  paraîtront 
les  meilleures ,  il  y  persévère  constamment, 
malgré  les  dégoûts  et  les  amertumes  qui 
pourraient  survenir^  Il  y  a  pourtant  ici  une 
précaution  à  prendre ,  c'est  d'obéir  avant 
tout  à  l'Esprit^Saint,  et  de  sacriûer  sans 
peine  toutes  les  méthodes  particulières  à 
celle  qu'il  nous  inspire,  pourvu  qu'on  ne 
prenne  pas  ses  propres  pensées  pour  des  ins- 
pirations du  Saint-Esprit.  H  nous  attire  en 
diverses  manières ,  et  il  a  un  nombre  infini 
de  voies  pour  nous  conduire  dans  ses  cel- 
liers mystérieux  où  l'on  est  abreuvé  d'un 
vin  céleste,  et  dans  ses  couches  spirituelles 
où  l'on  s'unit  à  lui  par  l'amour  le  plus  pur. 
Suivons-le  donc  partout  où  nous  avons  un 
juste  sujet  de  croire  que  sa  voix  nous  ap- 
pelle ,  et  n'écoutons  jamais  celle  de  notre 
propre  volonté. 

«  Nous  devons  toujours  être  entre  les 
mains  de  ce  divin  Esprit  comme  des  ins- 
truments dans  la  main  de  l'ouvrier,  toujours 
prêts  à  plier  du  côté  qu'il  voudra ,  toujours 
disposés  à  suivre  les  pratiques  qu'il  lui  plai- 
ra de  nous  inspirer.  L'âme  qui  se  voit  élevée 
à  une  sublime  contemplation  et  à  la  jouis- 
sance anticipée  du  bonheur  des  saints ,  no 
s'y  doit  pas  tellement  absorber  qu'elle  ii*y 
conserve  la  liberté  de  s'offrir  coutinuellu- 
ment  à  Dieu  pour  faire  en  tout  sa  volonté. 
C'est  alors  que  cette  âme,  comblée  des  fa- 
veurs de  sou  Dieu,  passe  légèrement  sur  les 
mystères  deNotre-Seigneurpobr  courir  avec 
ardeur  et  voler  même  partout  où  l'esprit  de 
Dieu  la  veut  transporter. 

«  Mais  comme  il  peut  s'élever  des  doutes 
et  des  incertitudes  dans  cette  voie,  il  est 
bon  de  consulter  et  de  suivre  les  avis  qu'on 
vous  donnera.  Ceux  que  l'on  consulte  doivent 
avoir  trois  qualités  :  la  prudence ,  l'expé- 
rience et  l'humilité.  Vous  avancerez  beau- 
coup plus  par  ce  moven  que  de  vous  en 
rapporter  à  vos  lumières  et  de  suivre  vos 
propres  vues.  Avec  toutes  ces  précautions 
il  ne  faut  pas  encore  tellement  s'appuyer 
sur  ses  bonues  intentions  et  sur  les  conseils 
des  autres ,  qu'on  ne  recoure  à  la  prière 
avec  un  saint  tremblement.  On  ne  saurait 
trop  s'humilier  devant  Dieu ,  ni  trop  lui  de- 
mander la  grâce  d'être  sûrement  conduit 
dans  ses  voies ,  d'être  éclairé  de  ses  lumières 
et  d'être  mis  à  l'abri  de  cet  esprit  de  séduc- 
tion qui  nous  fait  suivre  si  souvent  l'erreur 
sous  l'apparence  do  la  vérité.  Enfin  gravez 

3P 


il98 


08L 


DiCTIOMNAiRE 


OBi 


119e 


iirofrmdéraent  dans  votre  Âme  celte  maxime 
niiporlaiite ,  que  yous  ne  pourrez  jamais  vous 
unir  parfaitement  à  Dieu  que  vous  ne  soyez 
entièrement  libre  et  dégagé  de  tout  ce  qui 
n*est  pas  Dieu. 

a  XXI.  Je  «vous  ai  fourni  jusqu'ici  des 
instructions  salutaires  pour  une  ftme  qui , 
ne  bornant  pas  ses  désirs  à  une  vertu  com- 
mune, porte  ses  vues  au  plus  haut  degré  de 
perfection.  Je  vous  ai  marqué  quels  doivent 
être  ses  commencements  et  ses  progrès  dans 
les  exercices  de  la  vie  intérieure.  C'est  à 
vous  de  lire  et  de  pratiquer  ce  qjue  je  vous 
ai  enseigné.  Si  vous  le  faites  et  que,  favorisé 
du  secours  d'en  haut,  vous  sentiez  votreftme 
éclairée  d*une  lumière  céleste  et  attendrie  par 
le  chant  dos  psaumes  et  des  cantiques,  n'ayez 
pas  pour  cela  des  sentiments  élevés  de  vous- 
même  ,  mais  craignez.  Si  votre  cœur  étant 
dilaté  par  la  joie,  vous  courez  avec  ardeur 
dans  la  voie  des  commandements,  cela  ne 
vient  pas  de  vous,  c'est  un  don  de  Dieu  ;  et 
comme  il  peut  seul  dilater  le  cœur,  il  peut 
aussi ,  en  retirant  sa  grftce ,  le  faire  retom- 
ber dans  le  resserrement  et  la  tristesse.  Au- 
jourd'hui le  Soleil  de  justice  répand  ses 
rayons  dans  votre  Ame,  il  en  dissipe  les  té- 
nèbres, il  en  calme  les  tempêtes,  il  vous 
rend  l'heureuse  tranquillité  ;  mais  si  cet  astre 
brillant  veut  vous  cacher  sa  lumière ,  qui  le 
forcera  de  la  répandre  ?  Or,  n'en  doutez  pas, 
il  se  cache  quelquefois  :  attendez-vous  à  des 
temps  d'obscurité ,  oii  ces  divines  clartés  ne 
paraissant  plus,  vous  retomberez  dans  les 
ténèbres ,  le  trouble  et  l'agitation. 

«  Que  vous  dirai-je  des  assauts  que  vous 
livrera  l'esprit  malin?  Semblable  aux  flots 
réitérés  d'une  mer  furieuse,  il  donnera  sans 
cesse  à  votre  cœur  de  violentes  secousses, 
et  vous  vous  croirez  à  tout  moment  près  do 
faire  un  triste  naufrage.  La  tentation  sera 
])eut-être  si  affreuse,  que  les  pensées  qu'elle 
vous  suggérera  vous  paraîtront  ne  pouvoir 
entrer  que  dans  l'esprit  d'un  homme  ré- 
prouvé. Il  vous  semblera  que  tout  l'enfer 
est  conjuré  contre  vous,  et  que  Dieu,  dans 
sa  colère,  vous  a  livré  à  Satan.  Souvent 
même  vous  ne  pourrez  ouvrir  la  bouche  ni 
pour  prier,  ni  pour  chanter  les  louanges  du 
Seigneur.  Des  atta4}ues  si  aiUigeantes  en 
elles-mêmes  le  deviendront  encore  plus 
par  leur  durée  et  leurs  fréquents  retours. 
Le  démon  ne  se  contentera  pas  d'un  assaut 
ni  de  plusieurs  ;  plongé  et  replongé  dans 
cette  fournaise,  vous  passerez  de  tristes 
jours,  environné  de  pemes  plus  ou  moins 
affreuses,  mais  toujours  très-cruelles. 

«  Que  rien  de  tout  cela  ne  vous  abatte  et 
no  vous  fasse  défier  de  votre  bien-aimé«  Son- 
gez que  toutes  ces  peines,  dans  les  desseins 
de  sa  miséricorde,  sont  des  épreuves  pour 
faire  paraître  dans  tout  son  éclat  votre  amour 
pour  lui  ;  des  leçons  pour  vous  apprendre  à 
compatir  à  ceux  qui,  comme  vous,  seront 
en  butte  aux  traits  du  tentateur  ;  des  moyens 
d'expier  vos  péchés  et  de  prévenir  de  nou- 
velles fautes  ;  des  dispositions  à  des  gr&ces 
F  Mis  abondantes;  enfin  despréservalifscontre 
orgM^il,  qui  vous  font  sentir  que  sans  sa 


grAce  vous  ne  pouvez  rien.  C'est  donc  Nir 
un  effet  de  l'amour  qu'il  a  pour  tous  qu'il 
permet  que  vous  soyez  tenté  ;  c*estparbonlé 
qu'il  semble  en  quelque  sorte  s'éloigner  de 
vous  pour  an  temps,  quoiqu'il  n'en  soitja- 
mais  plus  près  qu'alors  :  c  est  dans  sa  mi- 
séricorde qu'il  vous  frap{)e»  qu'il  parait  en 
colère  et  prêt  à  vous  réduire  en  pouare. 

<  Conduite  admirable  de  l'Epoux  céleste 
envers  une  &me  qui  est  à  lui  1  Au  commen- 
cement, et  lorsque  les  nœuds  de  rengage- 
ment sont'à  peine  formés,  il  la  visite,  la  for 
tifie,  l'éclairé  ;  il  gagne  son  cœur,  en  ne  lui 
faisant  trouver  que  de  la  joie  daiissonser- 
vice;  il  Ty  engage  par  la  douceur  de  ses 
attraits;  il  se  montre   continueilemeol  à 
elle,  pour  la  retenir  par  les  charmes  de  sa 
présence;  en  un  mot,  il  ne  lui  fait  goûlei 
que  délices,  que  douceurs,  pour  ménager 
sa  faiblesse  :  mais  dans  la  suite,  il  lui  Ole  le 
lait  et  lui  donne  la  nourriture  solide  des 
afiliclions;  il  lui  ouvre  les  yeux  et  lui  dé- 
couvre combien  elle  aura  à  souffrir  à  sa 
suite.  Il  parle,  et  voilà  le  ciel,  la  terre  ei 
l'enfer  conjurés  contre  elle.  Ennemis  au 
dehors,  tentations  au  dedans;  au  dehors, 
les  tribulations  et  les  ténèbres ,  et  au  de- 
dans, les  sécheresses  et  les  désolatious:loul 
eontribue  à  son  martyre.  Ici  l'Epoux  se  dé- 
robe à  ses  yeux  ;  ti  reparaît  quelque  temps 
après  pour  la  quitter  encore.  Tantôt  il  la 
laisse  dans  les  ombres  et  les  borreors  de  la 
mort,  tantôt  il  la  rappelle  à  la  lumière  et  è 
la  vie,  pour  lui  faire  éprouver  la  vérité  de 
cet  oracie  :  Cest  lui  quiprécipUe  damU  (om- 
beau  et  qui  en  retire,  d'est  ainsi  que  Dieu 
éprouye  les  âmes,  qu'il  les  purifie,  les  hu- 
milie, les  instruit,  les  rend  souples  à  sa  to- 
lonté;  qu'il  retranche  tout  ce  qu'elles  avaient 
de  rude,  de  difforme  et  de  rebutant,  el  les 
pare  de  tous  les  ornements  qui  peuvent  les 
rendre  agréables  à  ses  yeux. 

«  Mais  aussi,  quand  il  les  trouve  fidèles, 
pleines  de  patience  et  de  bonne  volonté; 
quand  un  long  usage  de  IribulalioDslesa 
portées,  par  le  secours  de  sa  grâce,  jusqu'à 
ce  haut  degré  de  perfection,  qui  consiste 
à  souffrir  tranquillement  et  avec  joie  toutes 
sortes  de  tentations  et  de  peines,  alors  il 
les  unit  intimement  à  lui,  leur  confie  ses 
secrets  et  ses  mvstères  ;  il  se  communique 
pleinement  à  elles,  n'usant  plus  d'aue^ne 
réserve,  comme  au  commencement  de  leur 
conversion. 

a  Après  cela,  les  plus  fortes  tentations  se 
ront-elles  capables  de  vous  déconcerter? 
Vous  les  regarderez  plutôt  comme  un  gage 
précieux  de  l'amour  que  Dieu  vous  porUt 
comme  un  combat  où  il  cherche  noo  à  ex- 
poser votre  salut,  mais  à  faire  paraître 
votre  courage  et  votre  fidélité,  pourlesré- 
compenser  ensuite  d'une  couronne  de  gloire 
Ainsi  tenez  ferme,  et  ne  cessez  de  >ott5 
écrier  avec  le  saint  homme  Job  :  «  QuaQ^ 
«  Dieu  me  tuerait,  je  ne  cesserais  pasd'estié 
«  rer  en  lui.»  Il  est  vrai  que,  tant  queducefa 
la  tempête,  vous  n'assisterez  àtrofSce  divin 
qu'avec  peine,  parce  que  votre  esprit  sera  tout 
oiTScurci  de  nuages  et  hors  d'état  de  s'3(4'^ 


1197 


OBL 


D^ASCETISMC 


OBL 


llfiS 


quer;  mais  ayez  patience  et  faites  tranquil* 
lement  ce  qui  dépendra  de  tous  :  la  nuit 
passera,  les  ténèbres  se  dissiperont,  et  lot 
ou  tard  le  jour  refiendra. 

c  XXII.  Prenez  garde  surtout  que  le 
temps  de  ces  ténèbres  ne  soit  pour  tous  un 
temps  de  négligence  et  de  paresse.  Si  tous 
ne  pou? ez  prier,  ni  réciter  les  psaumes,  ni 
méditer,  appliquez*?ons  h  la  lecture.  Si  un 
dégoût  affreux  ? ous  rend  encore  cet  eier- 
cice  impraticable,  écrivez  ou  travaillez  à 
4]uelque  ouvrage  des  mains,  rejetant  tou- 
jours avec  soin  le  tumulte  des  pensées 
▼agnes  et  inutiles. — 11  oourrait  vous  venir 
alors  quelque  envie  de  aormir  hors  le  temps 
destiné  au  sommeil,  et  une  envie  assez  forte 
pour  vous  importuner  considérablement  et 
▼ous  jeter  dans  un  abattement  extraordi- 
naire, fin  ce  cas-là,  peut-être  ferez-vous 
mieui,  en  vue  de  Dieu  et  pour  sa  gloire,  de 
prendre  un  moment  de  repos  que  de  vous 
roidir  contre  ce  petit  besoin  de  la  nature; 
car  si  vous  n  avez  qu^une  occupation  exté- 
rieure h  opposer  à  cet  assoupissement,  vous 
serez  libre,  il  est  vrai,  tant  qu'elle  durera  ; 
mais  à  peine  sera-t-elle  finie,  à  peine  vou- 
drez-TOUs  reprendre  vos  exercices  spirituels, 
que  la  pesanteur  du  sommeil  vous  accafilera 
de  nouveau.  Le  repos  que  vous  prendrez 
dans  une  telle  circonstance  doit  être  court 
et  l^er  ;  ne  le  prolongez  pas  au  delà  du 
temps  qui  suffit  pour  réciter  deux  ou  trois 
psaumes;  Tâme  alors  se  trouvera  tout  autre, 
libre,  agissante  et  pleine  de  gaieté.  Ce  qui 
Tient  d*étre  dit  n'est  que  |*our  les  personnes 
lempé^antes  dans  le  boire  et  dans  le  man- 
ger. Pour  peu  qu'on  fût  sujet  à  sa  boucbe. 
Je  remède  serait  plus  propre  à  aigrir  le  mal 
qu'à  le  soulager.  On  s'ensevelirait  peut-être 
dans  un  sommeil  long  et  profond,  et  !a 
perte  du  temps  serait  la  suite  funeste  de 
cette  misérable  mollesse. 

«  XXIU.  Mais  quelle  vigilance  et  quels 
soins  ne  Caut-ii  pas  prini;i|>alement  employer 
contre  le  démon  de  l'impureté,  quand  il  veut 
ou  nous  arrêter  à  de  sales  imaginations,  ou 
Dous  porter  à  des  actions  criminelles  ?  Le 
g^ud  point  est  de  rejeter  d'abord  ces  tenta- 
tions ue  l'esprit,  avant  qu'elles  aient  eu  le 
temps  d'/  pénétrer.  Si  vous  ne  repoussez  pas 
Fennemi  dès  la  première  attaque ,  quelles 
brèches  ne  fera-t-il  pas  d'abord  dans  votre 
intérieur?  Après  quoi  il  y  entrera  comme 
dans  une  place  de  conquête,  et  aussitôt  il 
mettra  votre  Ame  dans  les  fers.  C'est  alors 
que,  privé  de  votre  première  liberté  et  de 
vos  anciennes  forces,  vous  aurez  bien  plus 
de  peine  à  le  renverser. 

c  Cependant,  quand  vous  auriez  commis 
d'abord  quelgue  négligence,  et  que  vous 
TOUS  trouveriez  déjà  embarrassé  des  liens 
lie  votre  ennemi,  ue  vous  rendez  pas  pour 
cela.  Criez  au  secours,  et  si,  dans  cette  es- 
pèce d'abattement  et  de  commencement  de 
déCute,  vous  ne  sauriez  faire  autre  chose 
«que  de  vous  remuer,  pour  ainsi  dire,  et  de 
ramper  à  terre,  donnez  encore  cette  marque 
de  la  résolution  où  vous  êtes  de  résister 
jusqu'à  la  mort.  Conjurez  le  Seigneur,  avec 


les  instances  ics  plus  Tîves,  de  rompre  vos 
chaînes  et  de  vous  rendre  la  liberté,  ou 
d'empêcher  au  moins  que  tous  ne  consen- 
tiez à  la  tentation,  s*il  ne  Teut  pas  qu'elle 
finisse  encore. — Quelque  redoutable  que 
paraisse  Totre  ennemi,  et  quelque  obscénité, 
quelque  impureté,  quelque  extraTagance 
qu'il  vous  propose,  il  vous  sera  souvent  fa- 
cile de  le  repousser,  en  méprisant  ses  ma- 
lignes suggestions.  Poursuivez  votre  chemin, 
sans  faire  attention  à  un  chien  qui  ne  peut 
qu'aboyer,  mais  qui  ne  saurait  mordre.  C'est 
une  comparaison  familière  des  maîtres  de 
la  vie  spirituelle,  qui  ne  veulent  point  qu'on 
s'amuse  à  disputer  avec  le  démon,  comme 
s'il  était  possible  de  lui  fermer  la  bouche  et 
d'arrêter  jamais  sa  langue,  dévouée  à  l'ini- 
quité. S'il  est  cependant  trop  importun,  et 
quei  repoussé  une  ou  deux  fois,  il  revienne 
toujours  à  la  charge,  il  faut  en  venir  géné- 
reusement aux  mains  avec  lui,  se  rappeler 
les  jugements  redoutables  du  Seigneur,  com- 
parer l'instant  du  f>laisir  avec  Téternité  du 
supplice  ;  employer  les  jeûnes,  les  macéra- 
lions  et  les  autres  remèdes  violents  qui 
fieuvent  réprimer  les  révoltes  de  la  cliair 
d'une  manière  prompte  et  cflicace.  Ces' 
ainsi  (ju'il  faut  obliger  Tenoemi  de  se  retirer 
chargé  de  honte  et  de  confusion. 

c  Le  démon  nous  attaque  de  différentes 
manières.  Tantôt  il  vient  secrètement  et  sans 
faire  semblant  de  rien,  ou  même  sous  les 
dehors  spécieux  de  la  piété,  pour  nous  en- 
gager plus  sûrement  dans  ses  pièges,  et  tan- 
tôt à  force  ouverte  i!  se  jette  sur  nous,  pour 
nous  faire  succomber  à  la  violence  et  à  la 
multitude  des  coups  qu'il  nous  porte.  En 
Certain  temps,  il  se  glisse  d'une  manière 
insensible  comme  un  serpent,  tâchant  de 
nous  conduire  à  de  grandes  fautes  par  la 
mépris  des  plus  petites,  ou  de  nous  faire 
passer  au-dessus  de  certains  remords  et  de 
certains  doutes,  pour  nous  former  ensuite 
une  conscience  ou  fausse  ou  endurcie  ;  et 
dans  d*autres  rencontres,  sans  garder  ces 
ménagements,  il  se  présente  avec  toutes  les 
horreurs  et  propose  tout  d'un  coup  les  plus 
grands  crimes.  Quelquefois  il  emploie  les 
consolations  spirituelles  ou  les  peines  inté- 
rieures, pour  nous  enOer  ou  pour  non$ 
abattre  ;  et  d'autres  fois  il  se  sert  de  la  pros- 
périté ou  de  l'adversité  temporelle,  pour 
nous  porter  à  la  mollesse,  ou  pour  nous  pré- 
cipiter dans  le  désespoir.  C'est  pourquoi  il 
faut  toujours  être  sur  ses  gardes,  toujours 
recourir  à  la  passion  du  Sauveur  comme  à 
notre  grande  ressource,  toujours  implorer 
avec  larmes  le  secours  de  Dieu. 

«  XXIV.  Souvenez-vous  surtout  de  ne 

BIS  vous  enorgueillir  des  dons  célestes  que 
ieu  pourrait  tous  aToîr  accordés.  «  Qu'a- 
Tez-Tous,  dit  saint  Paul,  que  vous  n'ayez 
reçu  ?  et  si  vous  l'avez  reçu,  pourquoi  vous 
en  glorifier,  comme  si  tous  ne  l'aTiez  pas 
reçu?  »Iie  serait-ce  pas  une  injustice  criante? 
N'ouvrez  donc  jamais  TOtre  cœur  aux  ins- 
pirations séduisantes  de  la  Taine  gloire  et 
de  je  ne  sais  quelle  secrète  complaisance  en 
vous-même.  A  plus  forte  raison  devez-^ens 


1199 


ODL 


DICTIONNAIRE 


OBL 


éviter  de  faire  jamais  parauc,  aux  yeux  da 
inonde,  de  ce  qui  pourrait  se  passer  en  tous 
d'extraordinaire.  11  faudrait  pousser  l'indis- 
crélioD  bien  loin,  pour  se  faire  de  ees  sortes 
de  faveurs  un  sujet  d'ostentation.  Gardez 
votre  secret  pour  vous  seul,  è  moins  qu'un 
motif  de  zèle  pour  l'avancement  spirituel  du 
prochain,  ou  un  besoin  pressant  qu'il  aurait 
de  consolation,  ou  l'obéissance,  ou  la  con- 
sidération de  quelque  grand  bien  que  vous 
pourriez  procurer  par  cette  voie,  ou  enfin 
une  indispensable  nécessité,  ne  vous  obi  i* 
ge&t  de  faire  connaître  l'état  de  votre  Ame 
et  les  faveurs  singulières  que  Dieu  y  répand  ; 
et  dans  ces  cas-là  même,  ne  vous  aécou* 
vrez  qu'à  des  personnes  sages  et  discrètes, 
et  que  ce  soit  toujours  avec  la  pudeur,  la 
mo'lestie  et  l'humilité  qui  conviennent  aux 
amis  lie  Dieu. 

a  Au  reste,  ne  regardez  pas  les  dons  de  Dieu 
comme  la  récompense  de  vos  mérites  et  le 
fruit  de  votre  travail  ;  mais  soyez  persuadé 
que  vous  en  êtes  indigne,  comme  vous  Têtes 
en  effet,  et  que  tout  ce  que  vous  méritez, 
c'est  qu'il  vous  rejette  et  qu'il  vous  aban- 
donne à  vos  misères.  Ne  vous  comparez  pas 
avec  ceux  qui  sont  encore  imparfaits,  et 
peut-être  moins  avancés  que  vous  dans  la 
vertu.  Jetez  plutôt  les  veux  sur  ceux  qui 
sont  les  plus  fervents  et  les  plus  saints,  atin 
que  vos  défauts  étant  placés  auprès  des 
perfections  de  ces  grandes  Ames,  ce  point 
de  vue  vous  frappe  davantage. 

«  Humiliez-vous,  abaissez-vous,  regardez- 
vous  comme  le  dernier  des  hommes,  dans 
toute  la  sincérité  de  votre  cœur.  Mais  com- 
ment y  parvenir,  direz-vous?  La  plupart  des 
cbrâlieus,  dépourvus  de  tout  sentiment  de 
crainte  et  de  pudeur,  mènent  une  vie  crimi- 
nelle; et  gr&ces  à  Dieu,  je  suiséloisné  de 
leurs  désordres.  Quoi  1  me  faut-il  donner 
dans  mon  esprit  la  préférence  à  de  telles 
personnes,  et  puis-je  bien  me  mettre  au- 
dessous  d'elles?  Oui,  vous  le  pouvez,  et 
vous  le  devez.  Considérez  que  ceux  qui  sont 
aujourd'hui  les  plus  méchants  peuvent  se 
donner  demain  dans  un  degré  do  vertu  plus 
éminent  que  le  vôtre;  considérez  que  s'ils 
avaient  reçu  les  mêmes  grâces  que  vous,  ils 
vous  surpasseraient  de  beaucoup  en  sain- 
teté, et  que  si  ces  gr&ces  abondantes  ne  vous 
soutenaient  pas,  vous  tomberiez  dans  des 
excès  plus  criants  que  les  leurs.  Considérez 
tout  cela,  et  vous  reconnaîtrez  que  les  plus 
grands  pécheurs  peuvent  vous  être  préférés. 
8i  vous  étiez  instruits  des  secrets  de  Dieu, 
quelles  seraient  vos  idées  et  tos  maximes? 
On  vous  verrait  céder  volontiers  aux  autres 
les  premières  places,  et  vous  faire  un  devoir 
de  n'occuper  jamais  que  les  dernières;  on 
vous  verrait  avec  joie  prosterné  aux  pieds 
de  vos  frères,  rendre  avec  empressement  les 
services  les  plus  bas  aux  derniers  de  tous 
les  hommes,  respecter  l'image  de  Dieu  en 
eu^,  et  par  ce  motif  de  piété,  n'avoir  pour 
tout  le  monde  qu'une  sincère  déférence; 
honorer  le  Sei^^neur  dans  la  personne  ae  vos 
supérieurs,  et  vous  porter  à  l'obéissance 
avec  une  ardeur  qpi  ne  vous  geroiellrait 


jamais  ni  le  plus  petit  murmure,  ni  le  plus 
léger  retard.    . 

«  Mais  il  y  a  encore  quelque  chose  do 
plus  excellent  à  vous  proposer,  et  un  degré 
d'humilité  plus  parfait  a  exiger  de  tous. 
C'est  de  vous  abaisser  d'esprit  et  de  cœur 
pour  l'amour  de  Dieu,  non-seulement  au* 
dessous  du  reste  des  hommes,  mais  encore 
au-dessous  des  autres  créatures  de  l'uniTcrs. 
Ainsi  ne  vous  regardez  plus  que  comme  de 
la  poussière  que  chacun  a  droit  de  fouler 
aux  pieds,  et  en  vous  voyant,  croyez  qoe 
vous  voyez  un  poids  inutile  à  la  terre,  un 
monstre  indigne  du  jour.  Pénétrez  le  fond 
de  votre  ingratitude  et  de  votre  infidélité, 
de  votre  lâcheté  et  de  votre  inconstance,  de 
votre  misère  et  de  TOtre  néant,  et  peut-être 
parviendrez-vous  enfin  jusqu'à  ces  senti* 
ments  de  vous-même,  et  jusqu'à  vous  mé- 
priser souverainement. 

«  Quand  le  serpent  infernal  Tiendra  frap- 
per insolemment  'à  la  porte  de  votre  cœur, 
et  qu'il  vous  inspirera  de  vous  croire  quelque 
chose,  de  vous  laisser  aller  à  la  vaine  gloire, 
do  vous  préférer  aux  autres,  repoussez  vive- 
ment ce  séducteur;  fermez-lui  toutes  les 
avenues,  et  quand  il  trouverait  le  secret  de 
répandre  son  venin  en  vous,  jusqu'à  faire 
que  votre  flme  en  ressente  la  malignité,  qu'il 
n'ait  pas  du  moins  la  force  de  la  faire  con- 
sentir à  son  souffle  empoisonné.  Car  si  vous 
cédez  un  moment  aux  sollicitations  de  ce 
père  du  mensonge,  si  vous  lui  accordez  ce 
qu'il  demande,  si  vous  vous  laissez  prendre 
à  ses  appas,  c'en  est  fait,  vous  avez  violé 
les  sacrés  engagements  que  vous  aviez  pris 
avec  l'Epoux  de  votre  Ame,  vous  avez  souillé 
cette  robe  nuptiale  qui  était  auparavant  cou- 
verte de  lis  tet  de  roses,  et  vous  ne  rentrerex 
pas  en  grâce  que  vous  n'ayez  rompu  un  si 
détestable  commerce,  et  que  vous  ne  vous 
soyez  humilié  profondémeni  en  présence  de 
votre  bien-aimé.  Peut-être  même  qu'avant 
de  rentrer  en  grâce  et  en  laveur,  il  faudra 
subir  la  peine  de  votre  intidélité,  et  demeu- 
rer longtemps  en  proie  à  la  douleur  et  aux 
afflictions,  jusqu'à  ce  que  votre  Dieu,  qui  est 
un  Dieu  jaloux  et  vengeur,  ait  purifié  votre 
Ame  et  lui  ait  rendu  sa  beauté  indignement 
ternie  par  un  infâme  rival. 

«  XXV.  Nous  avons  parlé  jusqu'ici  de  la 
manière  d'assister  à  l'ollice  divin,  de  la  na- 
ture des  exercices  spirituels  c|u'il  faut  choi- 
sir, de  la  méthode  qu'on  doit  garder,  de  ce 
qu'on  y  doit  faire  ou  éviter,  passons  maio- 
tenant  à  d'autres  points. 

«  Pour  ce  qui  regarde  la  nourriture  du 
corps,  fuyez  tout  excès.  Plus  l'estomac  est 
rempli,  moins  l'esprit  est  en  état  de  s'appî^- 
quer  aux  exercices  spirituels ,  parce  qu'ii 
n'est  pas  possible  que  le  corps  surchargé 
des  humeurs  qu'engendre  l'excès  des  vian- 
des, ne  fasse  ressentir  sa  pesanteur  à  l'âme, 
et  ne  la  rende  moins  propre  à  s'élever  vers 
Dieu.  Le  vin  surtout  produit  ce  fâcheux  eifet 
quand  on  en  prend,  non  jusqu'à  s'enivrer 
mais  jusqu'à  passer  les  bornes  de  la  plus  ri* 
gide  tempérance.  Il  embrase  le  corps,  boule- 
verse rinlérieur,  étouffe  l'activité  de  râaie,el 


IMI 


OBL 


0-ASCETISME. 


OBL 


fttS 


la  met  daos  une  espèce  d'engourdissemenl  et 
dd  stupidité  qui  la  reod  presque  semblable 
&UI  bêtes.  C'est  donc  eo  Taiiiqu*un  homme, 
qui  est  eocoresujet  è  sa  bouche,  prétendrait  h 
la  ?ie  intérieure. 

c  Commencez  par  retrancher  sur  cette 
matière  tout  désir  immodéré.  Ne  yous  em- 
barrassez pas  si  ce  qu'on  tous  donne  pour 
nourriture  est  exquis  et  délicat;  pourTu 
que  cela  soit  raisonnable,  et  qu'on  le  juisse 
manger,  que  touIcz-tous  da?antage?  Fai- 
sant profession  a'une  vie  parfaite  et  morti- 
fiée, TOUS  de?ez  tous  mettre  à  table,  |H)ur  ? 
prefidre  dans  les  dons  de  Dieu  de  quoi  re- 
I  arer  yos  forces,  et  non  de  quoi  nourrir  la 
volupté;  et  vous  n*éles  pas  religieux  si  les 
mets  les  plus  ordinaires  et  les  plus  conve- 
nables è  la  pauvreté  vous  causent  du  chagrin 
ou  vous  excitent  au  murmure.  — Si  vous 
goûtiez  l>ien  Jésus,  la  plus  pauvre  nourriture 
vous  paraîtrait  délicieuse.  Il  n*y  a  ni  fru- 
KaKté  ni  même  indigence,  où  Tamour  de 
Jisus  ne  fasse  trouver  du  goût  :  aimez  Jésus, 
et  vous  préférerez  les  repas  les  plus  vils  aux 
festins  les  plus  somptueux.  Jésus,  pressé  parla 
faim,  s*est  souvent  contenté  de  pain  sec  pour 
Famour  de  vous.  Jésus,  pressé  par  la  soif,  a 
été  abreuvé  pour  l'amour  de  vous  de  fiel  et 
de  vioai^. 

c  L'avidité  ne  convient  qu'aux  animaux 
dépourvus  de  raison  ;  mais  I  homme  ne  doit 
manger  et  boire  que  modérément  et  avec 
réserve.  Soyez  même  en  garde  contre  cette 

Kiute  de  plaisir  qui  est  inséparable  de 
saçe  des  aliments,  et  ne  voos  j  arrêtez 
jamais.  Si  vous  cherchez  à  satisfaire  la  sen« 
sualité,  elle  fera  dans  votre  âme  d'étranges 
ravages  :  c'est  un  feu  secret,  gui  mine  à 
mesure  qu'on  le  nourrit.  —Mais  comme  il 
faut  souvent  refuser  h  la  chair  ce  qu'elle 
demande  mal  è  propos,  il  faut  aussi  quelque 
fois  la  forcer  à  prendre  ce  qu'elle  voudrait 
refuser;  car  il  est  des  temps  où  elle  rejette 
avec  dégoût  ce  qui  est  absolument  nécessaire 
pour  soutenir  la  vie  du  corps.  — Mais  dans 
le  temps  que  celui-ci  prend  sa  réfection,  il 
faut  aussi  donner  à  l'éme  sa  nourriture.  Il 
f.ittt  se  rendre  fort  attentif  aux  lectures  qui 
se  font  de  la  parole  de  Dieu,  des  maximes 
de  la  vertu  ou  des  exemples  des  saints.  Si 
ces  leclures  ne  se  font  pas  à  la  table  où 
▼ous  mangez,  ne  vous  privez  pas  pour  cela 
de  cei  aliment  spirituel;  mais  entretenez- 
vous  avec  Dieu  dans  le  silence,  autant  que 
la  bienséance  le  permet.  Tout  au  moins 
conservez  toujours  dans  votre  esprit  quelque 
sainte  pensée  qui  l'empêche  de  s'évafiorer. 
«  XX  VL  Modéré  et  retenu  dans  la  nour- 
riture, soyez-le  de  même  dans  vos  babils. 
Rejetez,  méprisez,  avez  en  horreur  tout  ce 
qui  pourrait  blesser  fa  simplicité  religieuse, 
et  u*imitez  point  ces  misérables  moines 
qu'une  sotte  vanité  fait  rougir  de  leur  état, 
au  lieu  de  rougir  de  leurs  désordres. 
Quand  ils  doivent  sortir  du  monastère  et 
p.irattre  dans  le  monde,  on  les  voit  s'ae- 
conunoder  avec  une  affectation  ridicule, 
preuore  certains  habits  préférablement  h 
d'autres,  s'étudJ^r  à  les  ajuster  de  telle  et 


telle  façon,  se  faire  une  honte  de  porter  ta 
rot)e  et  le  manteau  de  la  manière  que  la 
règle  le  prescrit;  enfin  paraître  en  public 
avec  la  mollesse  et  la  propreté  des  mondains, 
et  non  avec  l'humilité  convenable  à  des 
religieux  :  spectacle  monstrueux  et  bizarre, 
dont  le  démon  triomphe,  dont  les  libertins 
plaisantent,  et  dont  les  sages  gémissent  de 
compassion  ou  sont  indignés  de  colère. 
Peut-on  jamais  mieux  que  par  une  telle 
eitravagnnce  faire  éclater  au  dehors  l'or- 
gueil, la  délicatesse,  la  mondanité  qui  est 
cachée  dans  le  fond  de  l'âme  T 

c  Quels  religieux,  qui  sont  si  prodigieu- 
sement éloignés  du  véritable  esprit  de  la 
religion!  Quels  religieux,  qui  ne  sont  rien 
moins  que  ce  que  leur  nom  signifie  1  Quels 
religieux,  qui  sont  filutôt  esclaves  du  dé- 
mon, que  serviteurs  de  Jésus-Christ  !  Bst-ce 
là  ce  qu'ils  lui  ont  promis  lorsque,  par  le 
vœu  de  pauvreté,  ils  ont  dit  un  adieu  solen* 
nel  au  monde,  h  ses  pompes  et  à  ses  vani- 
tés ?  Est-ce  Ik  ce  que  le  Roi  des  rois  leur  a 
enseigné  dans  son  Evangile  ?  Est-ce  Ih  ce 
qu'il  leur  a  appris  par  ses  exemples,  quand 
ayant  une  crèche  pour  berceau,  il  n'était 
couvert  que  de  quelques  pauvres  langes,  ou 

Suand  on  le  produisait  par  dérision  revêtu 
*une  robe  blanche  et  d*un  manteau  cou- 
leur de  pourpre?  Est-ce  le  suivre  Jésus? 
Est-ce  là  marcher  sur  ces  traces  ?  Quel  hor- 
rible désordre  1  Quelle  étrange  folie!  Ne 
réglez  pas  votre  conduite  sur  celle  de  ces 
hommes  vains  et  ridicules.  Mais  soit  que 
vous  sortiez  du  monastère,  ou  que  vous  y 
demeuriez  enfermé,  contentez-vous  d'un 
habit  modeste  et  décent.  C'est  un  point  dont 
la  profession  que  vous  avez  embrassée  vous 
fait  un  devoir  indispensable. 

«  XXVII.  Ayez  les  yeux  baissés  en  tout 
temps,  mais  surtout  durant  roflice  divin.  Por- 
ter la  vue  de  tons  cêtés  sans  besoin  et  par  es- 
prit de  légèreté,  c'est  se  mettre  en  danger  de 
voir  des  objets  capables  de  faire  tort  kl'âme 
et  de  corrompre  la  pureté  du  cœur.  Quand 
même  il  n'y  aurait  aucun  péril  è  craindre, 
l'ordre  de  la  régularité  demande  que  vous 
accoutumiez  vos  yeux  èêtre  retenus  et  bais- 
sés. Mais  surtout  n'ayez  jamais  la  curiosité 
de  tourner  les  yeux,  encore  moins  de  fixer 
vos  regards  sur  le  visage  de  quelque  femme 

3ue  ce  soit.  —  Ne  marchez  ni  trop  vite ,  ni 
'un  air  trop  empressé,  à  moins  que  la  né- 
cessité ne  vous  oblige  de  redoubler  le  pas. 
Evitez  princi|ialemenff  la  trop  grande  préci« 
pitation  dans  l'église  ou  dans  les  autres  en- 
droits consacrés  à  la  prière.  Que  T0lre  dé- 
marche, même  partout  ailleurs,  soit  accom- 
pagnée de  bienséance  et  de  modestie  ; 
évitant  néanmoins  une  certaine  lenteur  qui 
tient  de  la  mollesse  et  de  la  nonchalance. 
Que  tout  votre  extérieur  soit  enfin  si  réglé 
qu  il  ne  respire  qn'honnêtelé  et  modestie.  — 
Faites  paraître  sur  votre  visage  un  air  tou' 
jours  content,  un  air  do  joie,  qui  soit  tem- 
péré par  une  gravité  convenable,  un  air 
Î>révenant,  qui  vous  rende  affable  avec  lout 
e  monde;  un  air  de  douceur,  qui  se  sou- 
tienne au  ùiilieu  des  chagrins  les  plus  amers. 


1205 


OBL 


DICTrONNAIRE 


OBL 


im 


Pour  cela,  dissimulez  si  bien  les  peines 
qui  pourraient  malgré  vous  s'emparer  de 
voire  âme,  que  les  aolres  n*aient  rien  à  souf- 
frir de  votre  mauvaise  humeur ,  et  qu'ils 
ne  puissent  pas  même  s'en  apercevoir.  Si 
TOUS  riez,  faites-le  avec  la  retenue  conve- 
nable à  un  religieux.  Contentez  vous  d^un 
simple  sourire,  sans  aller  jusqu'à  un  rire  véri- 
table. Pour  les  éclats  de  rire,  évitez-les 
coffline  un  des  grands  obstacles  k  la  perfec- 
tion, et  comme  un  écueii  qui  ferait  tom- 
ber votre  âme  dans  le  précipice.  Un  rire 
immodéré  force  les  barrières  qui  défendent 
la  pudeur,  il  jette  l'intérieur  dans  une  dis-» 
sipation  funeste,  il  attriste  le  Saint-Esprit 
et  souvent  le  bannit  du  cœur. 

«  XXVIll.  Faites  ros  délices  de  la  soli- 
tude et  du  silence,  toujours  plus  disposé  h 
écouter  qu'à  parler.  Dans  vos  paroles  point 
de  précipitation,  de  vivacité  eicessive ,  de 
clameurs,  de  contestations;  mais  n'ouvrant 
votre  bouche  qu'à  des  discours  pleins  de 
droiture  et  de  vérité,  prononcez-les  toujours 
arec  douceur,  modestie,  retenue  et  candeur. 
—  Evitez  également  Tindécence  de  parler 
trop  haut,  et  la  mauvaise  grflce  de  parler  si 
bas  qu'on  eût  de  la  peine  a  se  faire  enten- 
dre. Les  circonstances  du  lieu,  du  temps,  du 
sujet  que  Ton  Iraite  et  de  la  personne  avec 
qui  Ton  s'entredent,  veulent  quelouefois 

au'on  élève  la  voix  un  peu  plus  ou  à  l'or- 
inaire.  Il  est  donc  vrai  de  dire  qu  un  reli- 
gieux obligé  de  |)ar]er  doit  toujours  le  faire 
modestement  suivant  son  état,  ordinaire- 
ment à  voix  basse,  conformément  aux  règles 
saintement  établies  dans  la  religion,  et  quel- 
quefois d'un  ton  plus  élevé,  suivant  les 
circonstances  particulières. 

«  N'assurez  jamais  une  chose  trop  aflir- 
matrvemenl,  si  ce  n'est  quand  elle  intéresse 
la  foi  et  le  salut.  Hors  de  là,  si  l'on  vous 
conteste  ce  que  vous  avancez,  prenez  le 
parti  de  céder  ou  de  vous  taire.  S*il  est 
expédient  de  ne  faire  ni  l'un  nil'autre,  parlez 
d'une  manière  positive  de  ce  qui  vous  est 
clairement  connu;  mais  exposez  vos  raisons 
avechumiliié  et  modestie.  Vousn'avez  pas  de 
meilleur  moyeu  que  celui-là  pour  prévenir 
toute  dispute  qui  pourrait  blesser  votre 
religion.  Que  les  traits  piquants  delà  raille- 
rie soient  à  jamais  bannis  do  vos  discours. 
Ne  vous  faites  pas  un  plaisir  de  rapporter 
ce  qui  pourrait  ou  vous  attirer  des  éloges, 
ou  devenir  pour  les  autres  un  sujet  de  blâme. 
Si  vous  y  êtes  forcé  par  la  nécessité  ou  en- 
gagé par  la  considération  de  quelque  grand 
avantage,  faites-le  avec  honnêteté,  retenue 
et  pureté  d'intention.  Regardez  avec  horreur 
tout  récit  de  fable  ou  d'histoire  où  l'on  passe 
les  tiornes  de  riionnôlolé  et  de  la  pudeur. 
Loin  de  les  rapporter,  interdisez- vous  la 
liberté  même  de  les  entendre.  C'est  un  poi- 
son présenté  à  l'âme,  dont  la  malignité  no 
tarderait  guère  à  lui  devenir  fatal.  Pour  les 
badineries  et  les  bagatelles  qu'on  pourrait 
raconter  en  votre  présence,  si  vous  êtes  con- 
traint de  les  entendre,  soyez  assez  sage  pour 
no  pas  les  redire.  N'af^prouvoz  jamais  ces 
langues  indiscrètes  i\\n  tiennent  des  discours 


impertinents,  indécents,  pernicieux.  En  pa- 
reille occasion,  il  faut  observer  le  précepte 
de  la  correction  fraternelle,  et  tâcher  avec 
douceur  de  ramener  à  la  raison  ceax  qui 
s'échappent  de  la  sorte.  S'il  n*est  pas  à  pro- 
pos de  leur  faire  ces  charitables  remontran- 
ces, rompez  le  discours  autant  que  possible, 
et  détournez  la  conversation  sur  des  ma- 
tières plus  innocentes.  Ne  prêtez  même  pas 
l'oreille,  si  cela  se  peut,  à  la  détraction  nié 
la  médisance. 

€  XXIX.  Prenez  garde  que  les  récréa- 
tions et  les  promenades  que  l'on  vous  per- 
met ne  dégénèrent  en  anus,  et  profitez-en 
de  manière  à  les  faire  servir  plutôt  à  votre 
avanc^ement  spirituel.  Vous  pouvez  vousj 
prêter  pour  la  gloire  de  Dieu,  et  non  vous  j 
livrer  tout  à  fait;  vous  pouvez  en  faire  un 
délassement  honnête,  et  non  un  divertisse- 
ment excessif.  Votre  esprit  hors  de  son 
assiette,  venant  à  se  répandre  au  dehors, 
s'égarerait  bientôt,  et  toutes  ces  fausses  joies 
lui  étant  contraires,  il  n'y  trouverait  que  de 
l'amertume.  Son  égarement  donnerait  prise 
aux  objets  sensibles,  l'impression  des  ODJcls 
exciterait  quelque  passion,  et  la  passion 
jetterait  dans  l'âme  le  trouble,  la  dissipation 
et  le  chagrin.  Apprenez  donc  à  vous  ren- 
fermer dans  vous-même  par  une  simplicité 
d'âme  qui  ne  vous  permette  pas  devons 
partager  en  une  fouie  de  sentiments  divers, 
mais  qui  vous  fasse  voir  Dieu  seul  et  aimer 
Dieu  seul  en  tout  ce  qui  se  présente  à  vous. 
Cette  simplicité  n'exclut  pomt  la  multitude 
des  pensées  ou  des  occupatious;  mais  elle 
les  réunit  sous  un  mêmepoiut  de  vue,parce 
qu'elle  les  rapporte  toutes  a  Dieu,  et  répri- 
mant parce  moyen  le  tumulte  confus  ûqs 
vaines  idées  et  dT;s  désirs  déréglés,  elle  éta- 
blit dans  un  cœut  le  calme  et  la  liberté.  Que 
serait-ce  si  vos  récréations  et  vos  délasse- 
ments vous  enlevaient  tant  de  précieui 
avantages?  Mais  non  :  vous  vous  y  souvien- 
drez de  Dieu,  il  y  sera  le  principal  et  même 
l'unique  objet  de  votre  pensée  ;  car  ce  ne 
serait  point  assez  de  dresser  alors  votre  in- 
tention vers  lui  d'une  manière  vague  el 
générale. 

«  11  faut  en  user  de  même  dans  toutes  les 
autres  occupations  extérieures,  et  vous  de- 
vez y  réunir  ensemble  les  exercices  de  Mario 
et  de  Marthe.  A  l'exemple  de  celle-ci,  faites 
votre  travail  pour  la  gloire  du  Seigneara?ec 
ardeur  et  avec  sagesse ,  et  à  l'exemple  de 
colle-là,  apportez-y  un  esprit  vide  des  objets 
sensibles  et  plein  de  Dieu  et  des  choses  di- 
vines, surtout  si  cequi  vous  occupe  d'ailleurs 
n'est  pas  de  nature  à  mériter  toute  Totre 
attention.  Marthe  a  quelque  chose  de  bon; 
mais  enfin  elle  n'est  pas  assez  parfaite,  pui^ 
que  malgré  son  intention  pure  et  droite, 
elle  se  laisse  distraire  dans  son  emploi  par 
la  multitude  et  la  diversité  de  ses  pensées, 
et  que  mille  choses  sont  capables  de  lui  eau* 
ser  de  l'embarras  et  du  trouble.  Marie  a  pri^ 
la  meilleure  part,  parce  qu'elle  a  su  fixer  la 
légèreté  do  sou  esprit  et  se  procurer  la  Iran, 
quillité  du  cœur,  en  ne  s'atucFiant  qu*i  l'u- 
nique nécessaire,  qui  est  de  s'unir  à  Dku 


I«5 


ML 


D'ASCETISMEé 


ML 


fiOS 


Il  bot  doDC  qu*au  eomroeneemeni  de  vos 
aciioDS  YOlre  intentioD  soit  droite  el  pure, 
comme  celle  de  Marthe,  et  que  dans  la  suite 
de  oes  mêmes  actions  elle  soit  simple,  sans 
trouble  et  sans  partage,  comme  celle  de  Ma* 
rie  :  Marte  a  ehoi$i  la  wuUleure  part  qui  ne 
imi  êera  point  ôtée.  Vous  avez  fiiit  le  même 
choix.  Si  TOUS  ne  tous  y  tenez  autant  qu'il 
est  en  tous,  stérile  en  bonnes  œuvres,  vous 
oe  porterez  pas  les  fruits  de  TOtre  sainteté, 
que  votre  profession  eiige.  Conservez  donc 
chèrement  une  simplicité  d'âme  que  ni  les 
lieux  et|iosés  au  bruit,  ni  les  temps  d'orage 
ne  peuvent  altérer.  Si  vous  êtes  encore  trop 
faible,  et  trop  peu  avancé  dans  la  vertu  pour 
suivre  Marie  dans  son  toI  rapide  vers  le  ciel 
et  dans  la  sublimité  de  la  contemplation, 
suivez-la  du  moins  dans  les  exercices  de 
sainteté  moins  relevés  et  plus  à  votre  por- 
tée, dans  son  affection  è  laver  de  ses  larmes 
les  pieds  du  Sauveur,  dans  sa  docilité  k 
écouter  les  leçons  de  son  divin  maître,  dans 
son  empressement  à  chercher  dans  le  sépul- 
cre le  corps  du  Seigneur;  car  dans  toutes 
ces  occasions  elle  ne  se  départit  jamais  de 
son  heureuse  simfilicité  :  elle  n'aima  que 
Jésus,  ne  songea  qu'à  lui,  et  ne  chercha  que 
lui. 

«  Imitez-la  dans  toutes  ces  saintes  prati- 
ques,  non  pas  tant  pour  y  trouver  des  con- 
solations que  pour  y  plaire  an  Seigneur. 
Si  par  un  malheureux  retourd'amour-propre, 
▼oire  but  principal  était  alors  de  tous  pro- 
curer les  douceurs  d'une  dévotion  sensible, 
TOtre  âme  ne  serait  plus  une  chaste  épouse 
de  Jésus-Christ,  mais  une  vile  esclave  du 
péché,  pour  ne  pas  dire  une  infâme  prosti- 
tuée du  démon.  De  ces  exercices  moins  su- 
blimes, TOUS  passerez  peut-être  h  d'autres 
qui  le  seront  davantage.  Vous  monterez  en 
haut  après  avoir  demeuré  quelque  temps  en 
bas;  si  pourtant  on  peut  appeler  bas  et 
petit,  un  éla(  dont  l'élévation  est  toujours 
Irès-grande. 

«  XXX.  C'est  un  grand  défaut  que  la  sin- 
gularité. Suivez  le  train  de  la  communauté 
généralement  dans  tout  ce  que  le  relâche- 
ment et  Tabus  n'auront  pas  introduit  de 
contraire  à  l'état  des  vrais  religieux.  Vous 
éieSf  grâces  au  ciel,  avec  des  personnes  dont 
les  austérités,  quoique  modérées  selon  la 
règle,  ne  laissent  pas  de  rendre  la  conduite 
irréprochable,  et  de  la  mettre  hors  de  tout 
soupçon  de  relâchement.  Tenez  donc  fiour 
suspectes  les  abstinences  et  les  veilles  qui 
TOUS  distingueraient  de  ceux  aTec  qui  vous 
sTez  le  bonheur  de  TiTre.  Si  vous  en  faites 
plus  qu'eux  sur  ce  point,  du  moins  n'allez 
pas  considérablement  au  delà ,  hors  le  cas 
où  l'inspiratiou  du  Saint-Esprit  vous  mar- 
querait clairement  qu'il  demande  de  vous 
cette  sorte  de  saints  excès. —  Ce  serait  un 
attentat  que  de  rien  entreprendre  en  cela 
saus  le  consentement  du  supérieur.  Les  mor- 
tifications excessives  qu'on  ferait  de  son  chef 
ne  seraient  propres  qu'à  en  Ater  tout  le  mé- 
rite, et  à  ruiner  tellement  le  corps  qu'on  ne 
Knrrait  plus  l'employer  aux  bonnes  œuvres, 
eu  veut  la  pureté  de  votre  cœur  et  non  la 


destruction  de  TOtre  corps.  Il  Teut  que  vous 
le  soumettiez  à  l'esprit ,  et  non  gue  vous  en 
fassiez  la  Tictime  d  un  zèle  indiscret.  ~  La 
prudence  doit  par  conséquent  modérer  Tar- 
deur  non-seulement  dans  l'oraison,  mais 
encore  dans  la  mortification.  Et  comme  il 
faut  réveiller,  animer,  eiciter  la  volonté, 
quand  elle  parait  s'endormir  ou  marcher 
avec  lenteur  dans  la  carrière  de  la  Tertu,  il 
ftat  aussi  l'arrêter  et  lui  mettre  un  frein 
quand  elle  se  laisse  trop  emporter  aux  mou- 
vements de  sa  dévotion. 

c  XXXi.  Tenez-vous  continuellement  en 
la  présence  de  Dieu  avec  un  saint  respect,  et 
souvenez-vous  toujours  de  cette  parole  de 
saint  Paul  :  Soyez  attentif  but  vous-m^e.Ne 
cherchez  pas  à  savoir  ce  que  font  les  autres, 
si  vous  n  êtes  pas  chaîné  de  Teiller  sur  eux, 
n'examinez  pas  leur  conduite  et  leurs  ac- 
tions. Tournez  sur  vous  tous  vos  soins  et 
toutes  vos  recherches.  Je  ne  dis  pas  que 
vous  regardiez  indifféremment  les  |>échés  de 
TOtre  prochain,  et  que  tous  ne  fassiez  Totre 
possible  pour  le  corriger  par  vous-même  ou 
pour  procurer  son  amendement;  c'est  la  cu- 
riosité que  je  blâme  et  non  le  zèle  et  la 
charité.  Je  ne  prétends  condamner  que  ca 
qui  ressentirait  Tesprit  léger  et  tropcurieuz, 
ou  ce  qui  blesserait  l'amour  sincère  que 
vous  devez  au  prochain. 

«  Pour  les  défauts  que  vous  voyez  dans  les 
autres,  ou  dont  tous  entendez  parler,  per- 
suadez-vous sans  autre  examen  que  les 
choses  ne  sont  pas  tout  à  fait  telles  qu'elles 
paraissent;  donnez  leur  au  moins,  s'il  se 
peut,  un  tour  avantageux.  Mais  si  le  mal  est 
si  évident,  que  de  quelque  cAté  qu'on  le 
considère,  on  ne  saurait  l'excuser  favora- 
blement, détournez-en  la  vue  et  la  pensée, 
et  rentrez  en  vousHODéme  pour  ne  penser 

3u'à  vos  propres  pécLés  ;  prosternez-vous 
evant  Dieu  si  les  circonstances  vous  le 
ficrmettentt  et  priez  avec  ferveur  pour  vous 
et  pour  les  autres.  Vous  vous  épargnerez 
par  là  des  soupçons  inquiets  et  turbulents, 
et  les  jugements  téméraires.  —  Prenez  bien 
garde  encore  de  ne  pas  consentir  volontai- 
rement, avec  réOexion,  à  vous  faire  un  su- 
I'et  de  joie  d'un  péché  que  commettrait  votre 
rère,  quelque  léger  qu'il  fût,  ni  de  tout  ce 
qui  pourraititti  arriverde fâcheux. Gémissez- 
en  pour  lui  devant  Dieu,  vous  souvenant  des 
devoirs  de  la  charité  chrétienne.  Jésus,  notre 
chef,  nous  a  tous  réunis  pour  être  membres 
d'un  même  corps.  Jésus,  notre  Sauveur,  nous 
a  tous  rachetés  au  prix  de  son  sang.  Que 
les  faiblesses  d'autrui,  loiod'exciter  en  vous 
une  indignation  amère,  vous  portent  à  une 
tendre  compassion.  Supportez  dans  vos  frè- 
rtss,  avec  une  patience  ^s^le,  les  défauts  du 
corps  et  les  imperfections  de  l'esprit.  Il  est 
écnt  :  Portez  tes  fardeaux  les  uns  des  au* 
tres^  et  tous  accomplirez  ainsi  la  loi  de  Jésus- 
Christ. 

c  Ce  serait  une  jalousie  de  démon  que  de 
voir  avec  peine  les  grâces  dont  les  autres 
sont  favorisés.  Cette  vue  doit  toujours  vous 
inspirer  une  sainte  émulation  et  une  pieuse 
complaisance.  Quoique  vous  vous  trouviez 


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DiCTlONNAmB 


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dépourvu  des  biens  spiriliiets  dont  vous 
voyez  un  autre  enrichi,  réjouissez-vous-on, 
puisque  le  Seigneur  y  trouve  sa  gloire.  Reo- 
dez-lui-en  des  actions  de  grAces,  comme  si 
ce  bien  vous  était  propre.  En  eOfet,  il  serait 
à  vous  par  ce  moyen.  Vous  en  profiterez  ; 
on  couronnera  en  votre  personne  le  mérite 
d*aulrui,  et  ce  qui  vous  était  auparavant 
étranger  commencera  dès  lors  è  vous  appar- 
tenir en  propre  et  d*ëlre  regardé  comme  à 
vous. 

<x  Prenez  pour  maxime  qu'il  ne  faut  ni  af- 
fecter de  plaire  au  monde,  nicraindrede  lui 
déplaire.  Dans  les  personnes  mêmes  qui  vous 
sont  unies  par  les  liens  du  sang»  n'aimez 
que  Dieu  et  sa  grAce  et  sou  ouvrage  ;  et  dans 
ceux  qui  vous  paraissent  le  plus  dignes  de 
haine,  ne  haïssez  que  les  vices,  les  péchés 
et  les  imperfections.  Qu'il  n'y  ail  point  de 
motif  de  parenté,  d'amitié  ou  de  reconnais- 
sauce,  capable  de  vous  faire  offenser  Dieu 
tant  soit  peu,  ou  de  vous  porter  è  seconder, 
flatter,  approuver  qui  que  ce  soit  dans  son 
péché.  -—  On  est  quelquefois  inquiet  de  l'ab- 
sence d'un  ami,  et  fâché  de  ne  point  jouir 
de  la  compagnie  et  de  l'entretien  de  certai- 
nes personnes.  Loin  de  vous  ces  regrets  fri- 
voles. On  ne  peut  les  justifier  que  quand  ils 
ont  pour  fondement  le  proQt  spirituel  que 
ces  4)ersonnes  pourraient  nous  procurer  par 
leur  présence;  encore  faut-il  borner  son 
chagru).  Aimez  Dieu  dans  tous  les  hommes 
et  tous  les  hommes  en  Dieu;  n'aimez  per- 
sonne par  des  motifs  humains,  par  humeur, 
par  des  vues  d'intérêt  ou  de  plaisir.  Il  arri- 
vera de  là  que  ni  Tabsencedes  gens  de  bien 
et  de  vos  amis,  ni  la  présence  des  mé- 
chants et  de  vos  ennemis,  ne  vous  causeront 
de  chagrin  excessif.  Que  dis-je,  vos  enne- 
mis? Vous  n'aurez  point  d'ennemis  alors, 
puisque  vos  persécuteurs  mêmes  vous  seront 
chers,  parce  qu'ils  contribuent  le  plus  & 
votre  mérite  et  à  votre  salut. 

«  Ne  vous  attachez  pas  aux  choses  de  ce 
monde,  queiaue  agréables  et  quelque  mer- 
veilleuses qu  elles  soient  dans  leur  nature, 
à  quelque  perfection  que  Part  et  Tindustrie 
le^s  aient  portées,  et  quelque  bien  que  vous 
puissiez  y  trouver  ou  que  vous  en  entendiez 
dire.  Les  créatures  ne  sont  faites  que  pour 
être  rapportées  à  la  gloire  de  leur  auteur, 
les  biens  périssables  ne  vous  sont  accordés 
que  pour  réveiller  en  vous  l'idée  des  biens 
éternels,  et  la  joie  ne  vous  est  permise 
qu'autant  (]u'elle  est  en  Dieu  et  selon  Dieu. 
Tout  plaisir  sensible,  de  quelque  part  qu'il 
vienne,  doit  donner  de  la  crainte.  Quels 
mauvais  effets  ue  produit  pas  une  vaine  sa- 
tisfaction recherchée  ou  goûtée  mal  à  pro- 
pos I  L'âme  s'y  engage  souvent  à  ne  pou- 
voir s'en  retirer,  et  cette  malheureuse  sa- 
tisfaction lui  fera  contracter  une  infinité  de 
taches  qui  la  souilleront. 

«  XXXII.  Ayez  en  horreur  toute  affection 
aux  péchés  même  les-  plus  légers  :  cepen- 
daut  quand  vous  en  commettez  quelqu'un 
par  surprise  ou  faiblesse,  n'en  concevez  pas 
un  chagrin  capable  de  vous  jeter  d^uis  la 
pusillanimité.  Accusez-vous-en  humblement 


devant  Dieu,  renouvelez  vos  bons  désirs, 
ranimez  votre  eonûance  et  votre  ferveur, 
en  jetant  tous  vos  péchés  dans  l'abîme  de 
ses  miséricordes  ou  dans  les  pUies  «eréei 
de  Jésus.  Tant  que  vous  habiterez  ce  cor\n 
de  boue,  l'âme  se  ressentira  toujours  de  la 
fragilité  de  la  chair.  Vous  pourrez,  y  est 
vrai,  étouffer  dans  votre  cœur  toute  attache 
volontaire  aux  plus  petites  fautes,  mais  non 
vous  garantir  entièrement  du  péché. 

«  Les  plus  justes,  les  religieux  et  lesploji 
dévots  ne  sont  pas  impeccables.  Ils  man- 
quent quelquefois  et  peut-être  souvent, 
mais  avant  leur  chute  ils  tâchent  de  Téviter, 
et  après  être  tombés  ils  se  relèvent.  Pour 
les  mauvais  religieux,  ils  pèchent,  mais  sans 
s'inquiéter  de  leurs  péchés,  sans  songer  à 
les  prévenir  par  la  fuite  des  occasions,  ni  à 
les  réparer  par  la  pénitence.  Ils  ne  soupi- 
rent qu'après  le  relâchement  de  la  discipline 
régulière,  après  un  train  de  vie  dont  la  li- 
berté touche  au  libertinage.  L'office  divin  et 
les  autres  exercices  de  la  règle  sont  pour  eux 
un  joug  onéreux,  et  ils  n'ont  jamais  nlusde 
plaisir  que  quand  ils  peuvent  s'en  dispen- 
ser. Ils  veulent  dans  le  boire  et  le  manger 
de  la  superfluité  et  de  la  délicatesse,  cher- 
chent avec  empressement  les  occasions  de  se 
dissiper  et  de  s'amuser.  La  vie  religieuse 
n'a  aue  des  dégoûts  pour  eux,  et  c'est  pour 
en  coarmer  les  ennuis  au*ils  se  livrent  ai- 
sément à  de  folles  joies,  a  entendre  les  nou- 
velles du  monde,  a  chercher  tout  ce  qui 
flatte  leur  curiosité,  à  s'accorder  l'usage  de 
ce  qui  est  le  plus  selon  le  monde,  et  par  cela, 
moins  convenable  à  la  simplicité  religieuse. 
C*estune  chose  monstrueuse  que  leur  amour 
propre,  le  ridicule  de  leurs  amusements,  la 
perte  de  leur  temps,  leurs  entretiens  inuli-^ 
les,  leurs  discours  dissolus,  leur  airévaporé 
et  leurs  manières  toutes  séculières.  Ce  qu'il 
y  a  de  plus  pernicieux,  c'est  qu'ils  croient  ne 
pas  faire  mal,  ou  si  peu  qu'il  ne  faut  pas  s'en 
tourmenter.  Déplorable  insensibilité!  qui, 
les  rassurant  quand  ils  ont  tout  à  craindre, 
et  leur  persuadant  qu'ilsse  portent  bien  lors- 
qu'ils sont  tout  couverts  de  plaies,  les  em- 
pêche de  gémir  sur  leur  malheureux  état  et 
de  travailler  à  Tamendement  de  leur  vie  et 
à  la  guérison  de  leurs  blessures. 

«Religieux  infortunés  1  religieux  inseo; 
ses!  religieux  dont  la  conduite  dément  si 
visiblement  la  profession  qu'ils  ont  embras- 
sée! Leurs  blessures  leur  paraissent  peu  de 
chose,  ils  les  négligent  et  n'en  sont  nulle 
ment  effrayés.  Mais  qu'ils  sachent  que,  n'u- 
sant d'aucune  précaution  pour  les  éviler,  m 
d'aucun  remède  pour  s'en  guérir,  elles  se 
multiplieront  sans  nombre,  s'aigriront  de 
plus  en  plus  et  ne  tarderont  pas  à  leur  don- 
ner la  mort;  sans  compter  que  cette  coupa- 
ble négligence,  cet  endurcissement  si  mar- 
qué, nu  manquera  pas  de  les  ppécipiter»  tôt 
ou  lard  dans  l'orgueil,  la  révolte,  la  dfco- 
béissance,  les  murmures,  la  médisance,  la 
haine,  l'envie,  la  fierté,  rintempérance,  en 
un  mot  dans  tous  le.s  vices  et  daus  tous  les 
crimes  même  les  plus  énormes.  —  N'imite» 
pas  ces  religieux,  ils  ne  sont  pointdu  nombre 


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D*ASCellSME. 


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des  Trais  discipies  de  Jésus-Christ  cniciiiét 
ni  da  nombre  des  frais  amis  de  Diea«  el  ne 
sauraient  jamais  en  être  qu'en  cessant  d'être 
ce  qu'ils  sont.  Sojez  plus  zélé  pour  ?os  Yé- 
ri  tables  intérêts;  abandonnez,  éloignez,  re* 
jetez,  sacrifiez  tout  ce  qui  pourrait  arrêter 
dans  Totre  cœur  le  progrès  de  Tamour  divin  ; 
bâtez-TOus  d'arriver  à  la  perfection  de  fotro 
état  par  une  entière  abné^tion  de  fous- 
méme,  comme  par  le  cbemin  le  plus  court, 
le  plus  assuré  et  même  le  seul  capable  do 
TOUS  y  conduire. 

«  XXXIU.  Voulez-fous  savoir  en  quoi 
consiste  la  Téritable  abnégation,  la  parfaite 
mortification  de  soi-même ,  cette  Toie  admi- 
rable qui  conduit  bientôt  k  la  perfection  la 
plus  sublime,  c'est  de  renoncer  à  toute pro* 
l>riété,  de  se  dépouiller  de  toute  volonté  pro* 
l>re,  pour  ne  vouloir  que  ce  que  Dieu  veut  ; 
de  se  dépouiller  de  toute  recherche  de  soi- 
même,  pour  n'envisager  que  les  intérêts  de 
Dieu;  de  se  dépouiller  du  vieil  homme,decet 
homme  de  péché,  «  pour  se  revêtir  du  non- 
c  Teau,  qui  est  créé  selon  Dieu  dans  nue 
jusiee  et  une  sainleté  véritables.  »  Hais  dé* 
veloppons  cette  maxime  importante.  Vous 
vous  êtes  engagé  solennellement  à  (rf)server 
la  pauvreté,  u  vous  faut  par  conséquent  être 
pauvre.  Mais  comment  Tétre  véritablement, 
sinon  par  une  pauvreté  qui  vous  interdise 
l'usage  des   biens  et  des  commodités  de 
celt^  vie  ;  par  une  pauvreté  qui  en  retran- 
che même  le  désir   et  l'affection;  par  une 
pauvreté  d'esprit  qui  vous  fasse  dire  a  Jésus- 
Christ  avec  saint  Pierre  :  Voilà  que  nous 
avons  ioui  quitU pour  vou$  suivre.  Si,  sus- 
ceptible encore  oe  quelque  amour  sensuel, 
▼ous  désirez  pour  votre  propre  satisfaction 
ce  que  vous  n'avez  point,  ou  que  vous  vous 
recherchiez  le  moins  du  monde  dans  ce  que 
ifous  pourriez  avoir,  vous  ne  possédez  pas 
la  pauvreté  volontaire  Téritable  et  essen- 
tielle, et  vous  ne  pouvez  tenir k  Jésus-Christ 
le  langage  des  apôtres.  A  son  eiemple,  dé* 
barrassez-vous  ae  tout  ce  qui  pourrait  vous 
empêcher  d'aller  sur  les  traces  de  ce  divin 
Maître;  quittez  tout,  biens,  désirs,  espé- 
rances; renoncez  è    tout,  au  monde  et  à 
Tous-mêroe.  Que  tout  ce  qui  n'est  pas  Dieu 
soit  incapable,  je  ne  dis  pas  de  former  un 
attachement  dans  Totre  cœur,  mais  encore 
de  lui  servir  d'amusement;  que  ce  cœur,  dé- 
TOué  à  Dieu  seul  et  indépendant  de  tout  le 
reste,  se  maintienne  toujours   dans  cette 
précieuse  liberté,  qu'il  soit  tel  au  milieu 
des  plus  grands  revers  qu'il  est  dans  la  pros- 
périté la  plus  florissante;  que  celle-ci  ne 
lui  inspire  pasune  folle  joie,  ni  ceui-là  des 
chagrins  amers.  Soit  qu*on  vous  refuse  ce 
qui  TOUS  manque,  soit  qu'on  vous  ravisse 
ce  que  vous  possédez,  soyez  toujours    le 
même.  Possédez  toujours  la  paix  du  cœur 
et  la  tranquillité  de  l'esprit,  et  tous  serez 
toujours  riche  et  heureux,  quand  même  tous 
perdriez  tout  le  reste.  Je  le  répète,  renon- 
cez entièrement,  pour  TamourueDieu,  non- 
seulement  au  monde,  mais  aussi  à  tous- 
méme.  Or,  tous  dire  de  renoncer  ainsi  à 
vous-même,  c'est  tous  dire  d'étouffer  les 


roouTements  de  la  concupiscence,  o'anioriir 
tout  sentiment  naturel  de  plaisir,  de  colère 
et  d'indignation,  d'être  insensible  k  tout  ce 
qui  peut  tous  arriTer  de  Ocheux  ou  d'a- 
gréable, et  de  TOUS  soumettre  en  tout  cela, 
sans  la  moindre  contradiction,  aux  Tolonlés 
de  la  ProTÎdence. 

c  Voilà  la  route  abrégée  de  la  perfection, 
cette  mortification  parfaite  de  nos  désirs,  ce 
sacrifice  entier  de  notre  amour-propre,  cet 
anéantissement  total  de  nous-mêmes.  Telle 
est  la  carrière  qui  s'ouvre  maintenant  k  ^os 
yeux,  et  que  vous  devez  fournir  avec  cou- 
rage. Elle  aboutira,  elle  vous  conduira  droit 
au  comble  de  la  perfection,  k  ce  lieu  de  re- 

tos,  de  sûreté  et  de  sainteté,  k  ce  terme 
eureux,  qui  n'est  autre  chose  que  la  par- 
faite pureté  de  l'âme  et  la  divine  charité. 

c  XXXIV.  Mais  comment  saurez-vous  si 
TOUS  êtes  parvenu  a  un  étal  si  sublime  et 
si  saint  ?  Vous  t  êtes  déjà  parTenu  si  tous 
TOUS  tenez  renfermé  dans  TOtre  cœur,  après 
TsToir  rendu  inaccessible  au  bruit  et  an 
tumulte,  si  ce  cœur,  dégagé  de  tout  soin  trop 
Tif  et  empressé ,  de  tout  attachement 
Ticieux  ,  de  toute  impression  trop  forte  des 
objets  sensibles,  de  toute  inquiétude  et  de 
tout  embarras,  se  porte  tendrement  Tcrs 
Dieu  et  se  repose  amoureusement  en  lui  ; 
enfin  si  Totre  mémoire,  Totre  entendement, 
TOtre  volonté,  c'est-à-dire  toute  votre  ême, 
se  trouve  heureusement  uin'e  à  cet  unique 
et  souverain  bien.  C'est  en  cela  que  consiste 
le  fioiul  essentiel  de  la  perfection. 

m  II  est  vrai  que  tandis  que  nous  sommes 
revêtus  de  cette  chair  corruptible  nous  ne 
pou  vons  pas  nous  attacher  tel  lemen  t  à  contem- 
pler  Dieu  que  nous  ne  le  perdions  quelque- 
fois de  vue;  mais  nous  devons  au  moins 
fixer  sur  lui  toute  l'attention  possible,  et 
rappeler  dans  notre  esprit  sa  divine  pré- 
sence toutes  les  fois  que  des  pensées  Tai- 
nes  et  déréglées*  Temitortent  ailleurs.  Au 
reste,  pour  ne  jias  peni^er  à  Dieu  dans  tous 
les  instants  du  jour,  il  ne  s'ensuit  pas  qu'on 
perde  sa  présence  et  qu'on  s'éloigne  de  lui. 
On  lui  demeure  toujours  nni  au  milieu 
même  des  occupations  les  plus  étrangères 
à  la  piété,  pourTU  qu  on  s'jr  porte  stcc  pu* 
reté  d'intention,  par  un  motif  de  nécessité 
ou  d'utilité,  dans  les  circonstances  qu'il 
faut  et  de  la  manière  qui  convient.  C'est  dans 
cesdispositions  que  vous  devez  lire,  méditer, 
écrire,  écouter,  vous  entretenir  et  travail- 
ler; el  quand  vous  vous  appliquerez  de  la 
sorte  ou  a  des  matières  de  spéculation  ou  à 
des  choses  sensibles,  assnrez-TOus  qu'elles 
ne  seront  |ias  capables  de  tous  éloigner  de 
Dieu.  Au  contraire,  on  pourra  dire  alors 
que  le  corps  de  tos  actions  est  une  oraison 
continuelle. 

«  Que  TOUS  êtes  heureux,  mon  cher  frère. 

Sue  TOUS  êtes  un  digne  élèTc  de  la  science 
es  saints,  de  la  philosophie  chrétienne, 
de  la  théologie  mystique,  si  ces  choses  que 
je  Tiens  de  dire,  après  aToir  frappé  tos  oreil- 
les, ont  pénétré  jusque  dans  TOtre  coBur  1 
Plus  heureux  encore,  si  Téritablement  animé 
de  cet  esprit  d'abnégation  de  T^us-mème, 


i^ll 


OBL 


MCTIONNAIRE 


OBL 


Ht! 


TOUS  aTOz  dëjb  mis  la  cognée  h  la  racine  de 
Tarbre»  cet  araour-propre,  la  volenlé  jpro- 
pre  <J|onl  nous  avons  déjà  tant  parlé.  (Jette 
cognée»  c'est  la  ferveur  dans  les  exercices 
de  la  vie  intérieure  ;  suriout  c^tle  ferveur 

3ui  s'allume  par  une  méditation  continuelle 
e  la  passion  du  Sauveur,  qui  se  nourrit 
par  de  fréquentes  aspirations  vers  Dien,  et 
qui  est  toujours  accompagnée  d'une  obéis-* 
sance  exacte  et  d'une  très-grande  sobriété. 
Arbre  mauiJit;  mais  cognée  heureuse  1  0 
ciel  !  quelle  différence  entre  les  deux  !  Celui- 
là  est  chargé  de  fruits  amers,  et  celle-ci  est 
remplie  dagréments  et  de  douceurs;  celui- 
là  fait  naître  et  croître  toutes  sortes  de 
malheurs  et  de  désordres,  et  celle-ci  procure 
les  biens  les  plus  précieux  et  la  charité  la 
plus  parfaite ;.celui-là,  indignede  la  lumière, 
est  obligé  de  cacher  sa  honte  dans  le  sein 
de  l'obscurité,  et  celle-ci,  plus  brillante 
que  l'or  et  p'us  éclatante  que  les  pierreries, 
mérite  d'avoir  le  ciel  et  la  terre  pour  spec- 
tateurs. Cet  arbre  ténébreux  est  en  vous, 
mon  cher  frère,  comme  dans  le  reste  des 
hommes.  Oui ,  il  est  dans  vous-même  ;  et 
tandis  qu'il  y  sera,  vous  ne  jouirez  jamais 
d'une  parfaite  clarté.  Si  vous  voulez  donc 

3ue  le  soleil  de  justice  répande  sa  lumière 
ans  votre  flme,  coupez  cet  arbre  et  le  jetez 
loin  de  vous.  Il  est  dur,  il  est  épais,  et 
peut-ôtreque  les  premières  années  ne  suffi- 
ront pas  pour  l'aoattre.  Apportez  donc  ici 
une  persévérance  et  une  patience  à  toute 
épreuve.  Une  Ame  délivrée  de  tout  amour- 
propre  ne  cherche  que  ce  qui  plaît  à  Dieu. 
£lle  n'a  point  de  peine  a  s  élever  et  à 
s'unir  au  divin  auteur  de  son  origine  ;  sem- 
blable à  la  flamme  qui  monte  naturelle- 
ment en  haut  quand  elle  n'y  trouve  pas 
d'obstacle.  Mais  comrqe  la  grossièreté  des 
autres  corps  les  précipite  toujours  en  bas, 
de  môme  l'amour  -  propre  appesantit  les 
Ames.  Tandis  qu'elles  n'en  sont  f)as  entière- 
ment déchargées,  elles  peuvent  tout  au  plus 
tendre  imparfaitement  vers  le  ciel,  et  voir 
de  temps  en  temps  quelques  faibles  lueurs 
de  la  lumière  éternelle.  Mais  enfin  elles  ont 
toujours  un  poids  fatal  qui,  les  entraînant 
vers  la  terre»  les  empêche  de  se  perdre  heu- 
reusement dans  le  sein  de  Dieu.  Elles  ont 
toujours  un  reste  de  mauvais  levain  qui*,  fo- 
mentant encore  en  elles  la  corruption  de  la 
nature,  les  empêche  de  s'unir  parfaitement 
à  Dieu  qui  est  leur  bien  souverain  et  peut 
seul  les  rendre  heureuses. 

«  Le  Seigneur,  plein  de  miséricorde  et  de 
bonté,   épargne  a   quelques-unes    de  ces 
Ames  choisies  la  trop  grande  violence  ou  la 
trop  longue  durée  des  tentations,  et  les 
conduit  a  son  saint  amour  par  des  rou- 
tes moins   pénibles.  Mais  on  ne  doit  pas 
aisément  se  persuader  qu'on  est  favorisé 
d'un  si  çrand  privilège.,    quelque  enrichi 
qu'on  soit  des  dons  célestes.  Que  personne 
ne  se  flatte  donc  d'être  arrivé  à  la  parfaite 
abnégation  de  soi-même,  qu'il  n'ait  passé 
par  un  grand  nombre  d'épreuves  rigoureu- 
ses et  ne  les  ait  souffertes  avec  une  entière 
soumission.  Que  de  gens  paraissent  dévots , 


patients  ,  humbles ,  quand  ils  n  ont  ni  coq- 
tradictions  ni  mauvais  traitements ,  ni  ten- 
tations ni  chagrins  à  essuver ,  mais  qui,  i 
l'approche  des  croix  les  plus  légères ,  écla- 
tent en  murmures ,  s'inttignenl  et  se  livreDl 
aux  transports  de  la  plus  vive  impatience  1 
Preuve  évidente  qu'ils  sont  encore  remplis 
d'eux-mêmes,  délicats,  immortifiés.  Le  sceau 
des  tribulations  souffertes  avec  courage  jus- 
qu'au bout  est  donc  la  seule  marque  qui 
caractérise  ceux  qui  ont  le  véritable  esprit 
de  l'abnégation  chrétienne.  Si  quelquefois 
le  Seigneur  n'éprouve  pas  d'abord  aue  âme 
par  les  afSictions ,  qu  elle  sache  que  c'est 
pour  la  ménager,  et  que  sa  vertu  est  encore 
trop  faible  pour  soutenir  des  épreuves  anssi 
fortes.  Ceux  qui  ont  une  piété  véritable  ne 
manquent  d'occasions  de  souffrir  que  quand 
ils  manquent  de  force  et  de  courage  pour 
obtenir  la  grAce  et  le  mérite  de  la  souffrance. 
Dieu  prend  plaisir  à  purifier  par  mille  peines 
différentes  I  Ame  avec  qui  il  veut  s'unir  de  l'u- 
nion la  plus  intime.  II  la  charge  de  croii 
four  la  parer  des  ornements  les  plus  propres 
la  rendre  agréable  à  ses  yeux  et  à  lui  don- 
ner les  traits  de  la  plus  parfaite  ressem- 
blance avec  Jésus-Christ. 

«  On  n'arrive  donc  au  pins  haut  point  de 
la  perfection  que  quand  ,  dépouillé  de  tout 
amour-propre ,  on  n'a  d'autre  volonté  que 
celle  de  Dieu  ;  quand  on  est  prêt  k  recevoir 

f^our  son  amour  les  adversités ,  les  hnmi- 
iations  et  les  désolations  intérieures  avec 
la  même  égalité  d'Ame  que  la  prospérité, 
les  honneurs  et  les  consolations  ;  enfin , 
quand  on  est  parvenu  jusqu'à  souffrir  avec 
un  véritable  goût  et  une  sainte  joie  toutes 
sortes  de  peines  et  de  tentations.  Quiconc^uc 
en  est  là  a  trouvé  la  perle  précieuse  de  )  E- 
vangile ,  préférable  à  tous  tes  trésors  de  la 
terre.  Il  est  uni  à  Dieu  en  tout  lieu ,  eu 
tout  temps  et  en  toutes  sortes  d'occupations. 
Rien  ne  l'empêche  de  s'élancer  à  tout  mo* 
ment  dans  le  sein  de  la  Divinité.  Comme  il 
ne  s'éloigne  jamais  de  la  présence  de  Dieu, 
une  lumière  céleste  guide  ses  pas;  la  pureté, 
la  tranquillité,  la  simplicité,  la  joie,  la  dou- 
ceur l'accompagnent  partout  ;  il  entre  dans 
la  contemplation  la  plus  sublime  avec  autant 
de  facilite  que  nous  en  avons  à  vivre  et  à 
respirer.  Mais  il  ne  nous  appartient  pas  de 
vouloir  expliquer,  par  nos  faibles  expref- 
sions,  les  faveurs  que  Dieu  fait  en  celle 
vie,  même  à  ces  Ames  choisies ,  ni  de  parler 
des  communications    intimes,  des  grâces 
singulières  et  de  la  sainte  familiarité  où  el!e$ 
entrent  avec  leur  divin  époux.  O  vous  1  qui 
goûtez -les  avantages  de  cet  heureux  étal, 
rendez-en  çrAces  au  Seigneur  et  confessez 
que  c'est  Dieu  seul  qui ,  transformant  ainsi 
en   ange  et  rendant  en  quelque  manière 
semblableà  soi-même  un  homme  encore  sujet 
aux  faiblesses  de  la  nature  humaine,  sailttrer 
l'indigent  de  la  poussière  et  le  pauvre  de 
dessus  le  fumier,  pour  le  mettre  au  raiç 
des  plus  grands  princes. 

«  XXXV.  Peut-être  serez-veus  tenté  de 
me  dire  que  cet  état  est  trop  relevé  pour 
vous,  que  vous  ne  sauriez  y  parvenir,  çtq«« 


lill 


OBL 


D^ASCETISHE. 


CM». 


m* 


Toas  n*y  aspirez  pas  pour  ne  pas  yous  don- 
ner une  peine  inutile ,  creuse ,  Taine  et  fri- 
vole. Si  ? ous  êtes  dans  ces  sentiments , 
TOUS  n'êtes  pas  relîçeux.  Votre  profession 
ne  TOUS  olilige  pas ,  il  est  vrai ,  è  être  par- 
fait ,  mais  elle  tous  oblige  à  faire  tous  ?os 
efforts  pour  tendre  et  panrenir  h  la  per- 
fection f  c*est*à-dire  à  ne  rien  négliger  pour 
r  arriver.  Flattez-Tous  tant  qu'il  yous  plaira, 
suivez  à  votre  gré  les  maximes  les  plus  re- 
lâchées ,  employez  tous  les  faux*fujants  et 
tous  les  vains  prétextes  que  l'amour-proprc 
a  coutume  de  vous  fournir ,  il  ne  sera  {«as 
moins  vrai  de  dire  que  vous  êtes  tenu  en 
conscience  d'aspirer  à' la  perfection  de  votre 
état  et  d'employer  toutes  vos  forces  pour 
Facquénr.  La  chose  est  ainsi,  vos  idées 
particulières  n'en  changeront  pas  la  sature 
et,  loin  de  vous  dispenser  de  vos  obligations, 
elles  a^raveront  votre  faute.  Si  vous  l'avez 
ignoré  jusqu'ici  ',  apprenez-le  du  moins  en 
ce  moment.  Ainsi  plus'd'eicuse,  plus  de 
prétexte.  Vous  vous  êtes  lié  ,  vous  vous 
êtes  engagé  ,  vous  demeurerez  toujours 
dans  vos  liens  et  dans  vos  engagements.  Et 
véritablement ,  que  prétend-on  en  disant  : 
«  Je  ne  suis  pas  capable  d'une  si  grande 
perfection  T  »  D'où  peut  venir  une  telle  dé- 
ûance  ?  Ignorez-vous  que  Dieu  peut  faire 
infiniment  plus  que  la  faiblesse  humaine 
n'est  capable  de  penser  ?  Vous  ne  pouvez 
parvenir  h  la  perfection  par  vos  propres 
forces ,  j'en  conviens ,  mais  Dieu  peut  vous 
y  conduire.  Ayez  de  la  foi  ,  espérez  en 
Dieu,  non  en  vous-même;  mettez  votre 
confiance  dans  sa  grâce  et  non  dans  votre 
industrie ,  non  plus  que  dans  vos  efforts , 
et  dès  là  vous  êtes  dans  la  voie  de  la  per- 
fection. Ce  qui  suppose  au'en  comptant 
sur  la  grâce ,  vous  y  coopériez  fidèlement 
en  traf  aillant  de  votre  côté  selon  l'étendue 
de  vos  forces.  Ne  manquez  pas  h  Dieu  de 
fidélité ,  et  son  assistance  ne  vous  manquera 
l>as.  Faites  tout  ce  qui  est  en  votre  pou- 
voir; disposez-vous  au  combat ,  préparez 
vos  armes  ,  aniniez-vous  h  détruire  vos 
vices  et  k  les  exterminer;  infailliblement 
vous  en  viendrez  à  bout ,  si  vous  ne  cessez 
pas  de  les  combattre  par  un  véritable  renon- 
c.ment  à  vous-même,  uar  un  profond  re- 
cueillement, par  l'usage  rré(|uent  des  saintes 
aspirations ,  par  des  élévations  continuelles 
de  votre  cœur  vers  le  ciel,  par  une  heureuse 
linbitudede  marcher  toujours  eu  la  présence 
de  Dieu.  Une  des  choses  les  plus  capalilesde 
vous  faciliter  ces  saintes  pratiques ,  c'est 
de  vous  proposer  un  point  de  la  |iassion  de 
Jésus-Christ  et  d'y  avoir  l'esprit  attaché 
toute  la  journée,  et  de  vous  en  occuper 
tendrement  avec  lui  ou  avec  vous-même. 
Je  ne  cesserai  de  vous  dire  qu'il  faut  vous 
nourrir  ainsi  de  saintes  pensées  pendant 
tout  le  jour  autant  que  vos  forces  vous  le 
jM^rmettront  ;  que  ce  soit  là  votre  but ,  votre 
étude ,  votre  application.  Tenez  h  cet  heu- 
reux état  avec  une  sollicitude  qui  ne  saurait 
être  trop  vive ,  pourvu  qu'elle  soit  toujours 
accompagnée  de  paix  et  de  tranquillité. 
«  Quand  à  cha^jne   instant  ,  pour  ainsi 


dire,  des  distractions  impoHunes  voudraient 
vous  arracher  k  ce  digne  objet  de  votre  at- 
tention ,  point  de  découragement  ni  de  pu- 
sillanimité. Soyez  ferme  et  constant ,  et 
faites  que  vos  recours  è  Dieu  soient  aussi 
fréquents  que  vos  égarements.  Un  travail 
assidu  surmontera  tous  ces  obstacles,  et  ce 
travail  même ,  perdant  peu  è  peu  ce  qu'il 
avait  d'abord  de  pénible ,  deviendra  bientôt 
une  occupation  douce  et  agréable.  Envi- 
ronné d'une  lumière  nouvelle  dont  l'éclat 
n'avait  pas  encore  frappé  vos  yeux ,  vous 
commencerez  è  voir  les  merveilles  que  Dieu 
cache  aux  prudents  du  siècle  et  è  goûter  les 
délices  qu  il  réserve  aux  âmes  justes.  Une 
heureuse  rég<*nération  vous  fera  cesser 
d*être  ce  que  vous  étiez,  et ,  vous  changeant 
en  un  autre  homme ,  elle  vous  rendra  sem- 
blable aux  anges,  et  vous  fera  partagiT 
avec  eux  le  bonheur  de  n'être  jamais  un 
moment  sans  aimer  et  sans  bénir  le  Seigneur. 
Alors  vous  ferez  un  ^and  cas  de  ce  que 
vous  regardiez  autrefois  avec  indifférence  , 
et  vous  mépriserez  souverainement  ce  qui 
faisait  auparavant  l'objet  de  votre  estime. 
Alors  ce  qui  plaisait  è  l'amour-propre  com- 
mencera a  vous  déplaire ,  et  ce  qu'il  avait 
en  horreur  n'aura  pour  vous  que  des  char- 
mes. Alors  tout  ce  qu'il  y  a  de  fiénible  dans 
la  vertu  s'évanouissant  devant  vous,  vous 
porterez  avec  joie  ce  qui  vous  [laraissait 
insupportable.  Alors  euOn  vous  ne  trou- 
verez plus  de  difficulté  ni  d'obstacle  dans 
votre  chemin  ,  parce  que  l'habitude  de  la 
vertu  vous  en  fera  comme  une  seconde 
nature ,  et  que  l'amuur  de  Dieu  remplira 
toute  voire  âme  et  vous  contentera  pariaile- 
ment.  Or ,  comme  il  est  impossible  que 
l'esprit  ne  soit  continuellement  occupé  de  ce 
que  le  cœur  aime  avec  ardeur ,  vous  aurez 
autant  de  facilité  pour  penser  à  Dieu  et  aux 
choses  du  ciel  que  vous  en  aviez  autrefois 
à  concevoir  des  pensées  vaines,  extrava- 
flantes  et  semblables  aux  songes  de  la  nuit. 
O  transformation  heureuse  I  A  changement 
de  la  droite  du  Très-Haut  I  que  vous  mé- 
ritez bien  de  faire  l'unique  objet  de  tous 
nos  désirs  f 

c  Ceci  n'est  pas  pour  vous,  religieux 
lâches,  tièdcs,  indévots,  religieux  de  nom  et 
d'habit,  qui  n'êtes  rien  moins  que  religieux 
par  votre  conduite.  Malheur  k  vous,  parce 
que,  méprisant  la  sainteté  de  votre  état,  et 
violant  les  vœux  que  vous  avez  faits  è  Dieu, 
vous  croupissez  sans  pudeur  et  sans  re- 
mords dans  la  boue  de  vos  vices,  dans  la 
vanité,  la  paresse  et  toutes  vos  passions. 
Heureux,  au  contraire,  les  religieux  qui, 
quoique  peu  avancés  dans  la  vertu  et  char- 
gés encore  de  plusieurs  défauts,  tendent  de 
toutes  leurs  forces  à  la  perfection.  Ils  sont  du 
nombre  des  enfants  que  Dieu  a  adoptés  et 
que  Jésus-Christ  console  par  ces  tendres 
paroles  :iVe  craignez  pa$^  petit  troupeau^  car 
il  a  plu  â  votre  Père  de  voue  donner  sou 
royaume.  Quoiqu'ils  ne  soient  peul-être 
qu'au  commencement  de  leur  carrière,  ils 
peuvent  sûrement  attendre  le  jour  de  leur 
mort:  elle  sera  précieuse  aux  yeux  du  Sei- 


HtS 


OBL 


DICTIONNAIRE 


OBL 


liie 


gneur.  QuMIs  rattendeoi  donc  tranquille- 
ment, cette  heureuse  mort  1  Mais  que  dis- 
je?  ce  ne  sera  pas  pour  eux  une  mort,  mais 
un  jour  de  paix  et  ue  repos  en  Dieu,  et  un 
simple  passage  de  la  mort  à  la  vie. 

«  D*après  cela,  ètes-vous  encore  flottant 
dans  l'incertitude  du  parti  qu'il  vous  faul 
prendre?  Balancerez-vous  encore?  Allons, 
courage  :  que  ces  puissants    motifs   vous 
fassent  entrer    dans  la  voie  qui  conduit 
au    salut.   Préparez   généreusement   votre 
âme  à  la  tentation,  ue  vous  rebutez  pas 
des  légères  difGcultés  qui  se  présentent  au 
milieu  des  croii  du  dehors  et  du  dedans; 
dites  avec  soumission  :  «  Que  la  volonté 
du   Soigneur  s'accomplisse  I  »  Faut»il  suer 
longtemps  et  beaucoup,   faut-il    livrer  de 
rudes  combats  avant  de  surmonter  et  de  dé- 
truire tout  k  fait  le  vieil  homme?  que  cela 
ne  vous  étonne  point  1—  Fermez  les  yeux 
sur  ce  qu'il  pourra  vous  en  coûter  pour  rem- 
porter  la  victoire,    et  ne  faites  attention 
qu'à  l'avantage  inestimable  dont  elle  sera 
un  jour  suivie.  D'ailleurs,  vous  ne  pouvez 
douter  que  Dieu  ne  vous  aide  dans  vos  tra- 
vaux, ne  vous  secoure  dans  vos  besoins,  ue 
vous  rassure  dqns  vos  craintes,  n'affermisse 
vos  pas  chancelants,  ne  vous  soutienne  dans 
vos  dangtrs,   ne   vous  soulage  daus  vos 
maux,  ne  vous  relève  daus  vos  chutes  et  ne 
vous  console  dans  vos  peines.  Il  répandra 
de  temps  en  temps  dans  votre  Ame  l'onc* 
lion  précieuse  de  sa  grAce.    Vous  n'avez 
qu'à  persévérer,  et  il  faudra  nécessairement 
que  la  violence  des  tentations  cède  à  la 
force  de  l'amour  divin.  Les  tentations  per- 
dront peu  k  peu  leur  force,  et  la  ferveur  de 
la  dévotion  eu  dtera  à  la  fin  toute  Tamer* 
tume.  Le  poids  des  tribulations  diminuera 
insensiblement,  et  l'espérance  vous  les  fera 
trouver  légères.  Ainsi,  le  mal  se  dissipant 
chaque  jour,  vous  n'aurez  plus  que  des  su- 
jets de  ioie  et  d'actions  de  grâces.  Les  dis- 
8 races,  les  aOlictionsde  celte  vie,  changeant 
e  nature  en  votre  faveur,  la  terre  même 
deviendra  pour  vous  un  paradis.  Ces  choses 
arriveront  infailliblement,  si  vous  persé- 
vérez avec  courage,  sans  jamais  vous  re- 
buter, et  que  si  vous  n'êtes  pas  du  nom- 
bre de  ceux  qui  commenceut  bien,  mais 
qui,  séduits  par  le  démon  ou  rebutés  par 
les  tentations  et  les  peines ,  abandonnent 
légèrement  leurs  entreprises,  rejettent  le 
joug  des  tribulations,  se  scandalisent  du 
Soigneur  même,  quand  il  les  appelle  aux 
souffrances,  le  quittent,  et  disent  avec  les 
Juifs  :  «  Ce  ioug  est  trop  dur,  qui  peut  le 
porter?  »  Architectes  ignorants  et  inhabiles, 
au  Heu  de  bâtir  sur  le  roc,  ils  édiflent  sur 
un  sable  glissant.  Quelle  merveille,  si  «leur 
bâtiment  est  bientôt  renversé  .par  les  vents 
ou  le  torrent  des  grandes  eaux!  Plaise  au 
Seigneur  au'un  si  grand  mai  ne  leurôte  pas 
au  moins  le  dessein  ni  le  courage  de  le  ré- 
parer! Qu'ils  ramassent  incessamment  les 
débris  de  leur  maison,  et  C|ue  ce  ne  soit  plus 
sur  le  sable  mais  sur  la  pierre  qu'ils  en  jet- 
tent do  nouveau  les  fondements. 
«  Si,  par  malheur^  il  vous  arrivait  que 


votre  édiUce  spirituel  vint  à  manquer  et 
tombât  en  ruines,  ne  différez  pas  un  mo- 
ment de  le  rétablir,  et  travaillez  de  ioulec 
vos  forces  à  faire  un  nouvel  ouvrage  plus 
beau  que  le  premier.  S'il  tombe  de  nou- 
veau  et  plusieurs  autres  fois,  relevez-le  tou- 
jours, aussi  souvent  qu'il  sera  tombé,  et  ne 
désespérez  jamais  de  la  miséricorde  ni  de 
la  clémence  de  votre  Dieu.  Le  seul  péc)ié 
de  désespoir  rend  le  Seigneur  plus  irr^n- 
ciliable  que  les  péchés  Tes  plus  affreux  par 
leur  énormité  et  leur  multitude.  Déses* 
pérer  du  pardon  de  ses  fautes,  c*est  nier  la 
fiuissance  et  la  bonté  de  Dieu,  et  blasphé- 
mer contre  le  Saint*Esprit.  Qu*il  est  conso- 
lant pour  nous  de  penser  que  nous  ne  sau- 
rions être  si  enclins  à  pécher,  que  Dieu  oe 
le  soit  encore  plus  à  pardonner,  si  néan- 
moins on  ne  s  obstine  pas  à  abuser  de  sa 
longue  patience,  c'est-à-dire  si  l'on  ne  se 
convertit  à  lui  de  tout  son  cœur  avant  la 
mort.  Tels  doivent  être  les  vrais  seolimeuts 
d'un  chrétien  sur  ce  sujet. 

«  XXX VL  Avant  de  terminer  mes  ioslruc- 
tions,  je  crois  utile  de  toucher  légèrement 
la  manière  dont  vous  devez  terminer  lesac* 
tions  de  la  journée.  —  Le  soir,  avant  de  vous 
coucher,  repassez  sérieusement  en  tous- 
mème  ce  que  vous  avez  fait  de  mal  durant 
le  jour,  sans  entrer  pourtant  dans  un  dé- 
tail trop  embarrassant.  Demandez  ensuite 
pardon  de  vos  fautes  au  Père  des  miséri- 
cordes; promettez  -  lui  de  mieux  vivre  i 
l'avenir  et  d'éviter»  avec  sa  grâce,  jusqu'aux 
plus  petits  péchés.  Priez-le  de  vous  préser- 
ver durant  la  nuit  de  tout  ce  qui  pourrait 
souiller  votre  âme  ou  votre  corps.  Mettez 
l'un  et  l'autre  sous  la  protection  du  Sau- 
veur, de  sa  sainte  Mère  et  de  votre  an^^e 
gardien.  En  vous  couchant,  faites  dévote- 
ment le  signe  de  la  croix,  et  vous  tenant 
dans  une  situatiouhonnète  et  décente,  élevez 
votre  cœur  vers  Dieu  pour  vous  occuper  de 
quelque  sainte  pensée  jusqu'à  ce  qae  vos 
sens  tombent  peu  à  oeu  dans  le  sommeil. 

«  Si  par  malheur  le  sommeil  devenait 
trop  profond,  et  qu'au  lieu  de  vous  procurer 
un  repos  salutaire  il  vous  jetât  dans  l'abat- 
tement; s'il  excitait  dans  Timaginatioades 
fantômes  impurs,  ou  qu'il  fit  sur  le  coq's 
des  impressions  fâcheuses ,  ces  accidents, 
sans  trop  vous  effrayer,  vous  doivent  por- 
ter è  gémir  devant  Dieu  sur  la  fragililé 
de  votre  chair.  Demandez-lui  pour  lors  avec 
instance  la  tempérance  dans  le  boire  et  le 
manger,  et  la  retenue  de  vos  sens,  deui 
vertus  qui  préviennent  presque  toujours  les 
illusions  nocturnes,  et  qui  sont  d*ordinaire 
suivies  du  don  de  la  continence. 

«  XXXVII.  Voilà,  mon  cher  frère,  ce  qu« 
j'ai  préparé  pour  satisfaire  à  vos  désirs. 
Vous  m'avez  demandé  un  miroir,  en  voici 
un;  c'est  à  vous  de  vous  y  reconnaître  et 
d'y  découvrir  tous  vos  défauts.  PourpeoQUf 
vous  soyez  content  de  mon  travail,  j'enbé 
nis  le  Seigneur.  S'il  n'a  pas  permis  qoej< 
réussisse,  je  l'en  bénis  également.  C'est  df 
ses  dons  seuls  que  j'ai  prétendu  vousfairf 
parti  et  je  n'ai  rien  pu  vous  donner  que  c* 


1217 


OBS 


d'asceusme. 


OBS 


«fS 


quej*avais  au|^ravaiil  reça  moi-même  de 
sa  bonté.  Au  resie,  de  quelque  nature  que 
soit  mon  petit  écrit,  je  tous  prie  d*y  jeter 
quelquefois  les  yeui.  Je  vous  souhaite,  de 
la.  part  de  Dieu,  hiîlle  et  mille  bénédictions, 
et  je  vous  conjure  instamment  de  le  prier 
|)oar  moi.  » 

OBSERVANCE.  —  Obserranee  se  dit  des 
statuts  et  des  usages  particuliers  de  quel- 
ques communauté  ou  congrégations  reli- 
gieuses. Chez  les  Cannes,  on  distingue  ceui 
de  Tancienne  observance  d'avec  ceux  qui 
ont  embrassé  la  réforme  laite  par  sainte 
Thérèse,  et  que  Ton  nomme  Carme$  déehaus^ 
9é$.  Parmi  les  Bernardins,  les  religieux  de 
Vitroitt  obêertance  sont  ceux  qui  ont  repris 
toute  la  rigueur  de  la  r^te  de  Sâint-Ber«> 
nard  ;  tels  sont  ceux  de  la  Trappe  et  de 
S^pt-Fonts.  Les  Cordeliers  sont  divisés  en 
ob$erTaniin$  et  en  conveniueU.  Peu  de  temps 
après  la  mort  de  saint  François,  plusieurs 
de  ces  religieux  avaient  mitigé  leur  règle, 
avaient  obtenu .  de  leurs  généraux  et  des 
Pafies  la  permission  de  posséder  des  renies 
et  des  fonds,  d'être  chaussés,  etc.  ;  d'autres , 
plus  fervents,  persévérèrent  dans  l'observa- 
tion de  l'institut  de  leur  fondateur,  et  pri- 
rent le  nom  d'obffrtHiiiltiif ,  pour  se  distin- 
Ker  des  premiers  qu'on  af  ipela  eonventueh. 
os  la  suite,  il  y  eut  encore  des  relâche- 
ments et  des  réformes  parmi  les  ob$ervantin$ 
mêmes;  on  y  distingua  la  (lelitcet  la  grande 
ou  rélroite  àbserrance.  Saint  Pierre  d'AI- 
cantara  fonda  cette  dernière,  Tan  1S55,  en 
Espagne  :  ce  sont  les  Franciscains  déchaus- 
sés. La  même  raison  avait  déjà  donné  lieu 
aux  réformes  des  Capucins,  des  Récoilets  et 
des  Tiercelins  ou  Picpus.  H  est  bon  d'ot>- 
server  que  la  coutume  d'aller  pieds  nus  est 
plus  supportable  en  Espagne  et  en  Italie  qne 
dans  les  pays  septentrionaux.  Les  ordres 
religieux,  en  se  répandant  au  loin,  ont  é.é 
forcés  d'accorder  quelque  chose  à  la  tem- 
jiérature  du  climat. 

OBSESSION.  ->  Voy.  PossBSSioei  et  Dévoti . 
—  VObseifion  est  un  des  moyens  de  purga- 
t  ion  passive  de  la  partie  sensible.  Le  démon 
ij'babite  plus  dans  l'homme  comme  dans  la 
l»ossession;  mais  il  le  tourmente  extérieu- 
i  ement  et  sensiblement  d'une  manière  ex- 
traordinaire. 

Cette  obsession  diabolique  peut  avoir  lieu 
de  différentes  manières  : 

1*  Quant  aux  yeux,  par  des  visions  ef- 
frayantes, des  images  obscènes,  etc. 

z*  Quant  à  l'ouie,  par  d'horribles  cris,  des 
blasphèmes  honteux  et  sacrilèges,  etc. 

3*  Quant  h  tout  le  corps,  par  de  cruels 
tourments,  des  coups,  etc. 

k*  En  éprouvant  l'imagination  et  par  con- 
séquent I  âme  par  diverses  tentaticms 

Souvent  il  arrive,  par  une  permission  de 
la  divine  Providence,  que  les  âmes  les  plus 
saintes  sontdis|>oséesè  la  contemplation  par 
l'épreuve  purifiante  de  l'obsession  iiaboli- 
que.  Nous  voyons,  dans  l'Bcritue  sainte,  le 
^eigneur  accorder  à  Satan  le  pouvoir  d'ob- 
5éJer  et  de  tourmenter  le  saint  homme  Job. 
Voici  quil  e$t  en  ia  main.   {Job  xi,  6.  )  — 


L*ennemi,  dit  saint  Grégoire  (m  Prœf.  ad 
Jfare.,  C.4),  cherche  à  triompher  de  cei 
homme  que  protège  le  solide  rempart  de  la 
justice: il  dresse  contre  lui  ses  tentations, 
comme  autant  de  machines  de  guerre.  Il  lui 
enlève  sa  fortune  ,  fait  périr  ses  enfants, 
frappe  son  corps,  suscite  contre  lui  jusqu'à 
sa  lemme,  et  change  en    reproches  pleins 

d'amertume  les  consolation  >  de  sesamis » 

Saint  Ephrem  (£..  devaiieni.)  et  saint  Jean 
Chrysostome  {Hom,  ae^B.  Job)  comparent  et 
assimilent  les  tourments  que  les  démons  ont 
fait  souffrir  aux  confesseurs,  à  ces  cruelles 
tortures  où  les  tyrans  ont  fait  eipirer  iei 
martyrs.  Niéremberg  (m  Fi7.  illusi.  5oc.«  t. 
1")  rapporte,  entre  autre  autres  faits  reiiiar«- 
quables,  que  le  P.  Joan  de  Castille  fut  obsédé 

Sar  le  démon,  qui  le  forçait  à  blasphémer 
^ieu  de  sa  propre  bouche,  sans  qu'il  ti 
toutefois  entendu  de  personne,  ou  bien 
l'obligeait  è  brûler  lui-même  une  image  de 
la  sainte  Vierge.  Tantôt  il  le  contraignait  à 
se  soûfDetter  lui-même,  tantôt  il  le  firivait 
de  l'usage  de  ses  mains  et  de  ses  pieds;  et 
enfin  il  le  tourmentait  cruellement  de  mille 
manières.  Sainte  Thérèse  (c.  31  Yiiœ)  racon- 
te que  souvent  ses  sens  ou  son  intelligence 
furent  en  bulle  k  l'obsession  du  démon,  qui 
la  tourmentait  horriblement,  à  l'ex  érieur 
par  des  souffrances  f)hysiques,  intérieure- 
ment par  des  inquiétudes  dévorantes ,  au 
point  de  la  contraindre  k  se  meurtrir  elle- 
même  la  tête,  les  bras  et  tout  le  corps.  Nous 
donnons  ailleurs  l'explication  de  cette  puis- 
sance du  démon,  Quoi  qu'il  en  soit.  Dieu  sou  - 
vent  permet  au  démon  d'éprouver  et  do 
gravement  tenter  les  âmes  les  plus  saintes  ; 
il  doit  donc  permetttre  l'obsession,  d'autant 

[>lus  que  l'obsession  proprement  dite  n'en- 
ève  pas  la  lilierté,  ei  n'est  pas  comme  U 
possession,  un  obstacle  au  progrès  spirituel. 
Au  contraire,  elle  éprouve  la  liberté ,  et  si 
Ton  résiste  courageusement  aux  obsessions 
de  l'ennemi, elle  acquiert  une  victoire  etbD9 
couronne  glorieuses. 

On  attribue  avec  raison  h  l'obsession  dia- 
bolique toutes  ces  opérations  que  le  démon 
peut  accomplir  extérieurement  ;  comme 
d'effrayer  la  personne  qu'il  obsède  par  des 
visions,  des  bruits  terribles,  de  l'accabler  de 
coups.  L'obsession  peut  encore  altérer  les 
organes  de  la  vue  et  de  l'ouïe,  mettre  en 
mouvement  les  humeurs  et  lesesprits  vitaui, 
exciter  des  chimères  et  des  passions,  en  pé- 
nétrant d'une  manière  régulière  et  naturelle 
dans  le  corps  de  l'obsédé.  Mais  quand  mal- 
gré l'homme,  il  use  despotiquement  de  ses 
membres  pour  lui  faire  faire  des  actions,  ou 
souffrir  des  tourments  extraordinaires,  qui 
ne  peuvent  être  raisonnablement  aitribués 
k  l'homme,  ni  k  aucune  cause  naturelle,  il 
n'y  a  plus  là  obsession,  mais  une  sorte  de 
possession  transitoire.  Car  il  ne  semble  pas 
possible  que  le  démon  puisse  du  dehors 
exercer  sur  l'homme  une  action  aus&i 
grande. 

Comme  nous  ua  pouvons  comprendre  la 
manière  dont  le  démon  agit  sur  le  corps  de 
rhomme,  qu^il  nous  suffise  de  croire  qu'il 


m$ 


OBS 


DICTIONNAIRE 


OBS 


im 


en  est  ainsi.  Hais  corotncnt  les  démons«  qui 

Krtoot  emportent  avec  eux  les  peines  de 
nfer,  peavent-ils  tourmenter  les  hommes? 
quel  avanlaget  quelle  satisfaclion  y  trou- 
Teot-ilsf  C*est  ce  nue  Gerson  nous  explique 
en  ces  termes  (t.  III9  in  Serm.  de  S.  Mich.)  : 
«  La  perversité  de  leurvolooté  leur  fait  tour- 
ner loule  leur  science  rets  le  mal.  C*est 
ainsi  que  Tavare  emploie  toutes  ses  facul- 
tés à  amasser,  Tenvicux  à  nuire  et  à  calom- 
nier, le  luxurieux  à  se  procurer  les  Jouis- 
sances charnelles.  Plus  leur  intelligence  est 
élevée,  plus  leur  dépravation  est  grande.  » 
Saint  Thomas'  (in  iv,  d.  50,  q.  2,  quiest.  4, 
ad.  3)  enseigne  que  les  démons,  par  un  effet 
de  leur  malice»  ressentent  une  sorte  de  sa- 
tisfaction à  se  venger  de  Dieu  et  des  hommes, 
quoique  en  réalité  Taccroissement  du  nom- 
bre des  damnés  soit  accidentellement  pour 
eux  une  occasion  de  souffrances  nouvelles. 
Afin  de  dégager  la  doctrine  de  Tobses* 
sion  diabolique  de  toute  équivogue  nuisible 
et  de  Tappuyer  sur  de  solides  londemenls, 
nous  distinguerons  avec  soin  et  ce  que  les 
démons  peuvent  faire  aux  personnes  obsé- 
dées et  que  Dieu  leur  permet  de  faire,  et  ce 
qui  provient  d'une  maladie  naturelle  ou  de 
notre  propre  imagination.  A  cet  effet,  nous 
recominandoûs  l'observation  des  règles  sui- 
vantes. 

I.  Très-souvent  ce  qu*on  regarde  comme 
une  obsession  diabolique  n'est  autre  chose 
qu'une  maladie  naturelle,  ou  une  chimère 
de  rimagination,  ou  un  commencement  de 
folie,  quelquefois  môme  une  folie  complète. 
Il  faut  donc  agir  avec  beaucoup  de  circons- 
pection, jusqu'à  ce  que  l'obsession  ait  été 
sûrement  constatée  par  des  signes  spéciaux. 
Kn  effet,  il  est  des  maladies,  telle  que  l'é- 
pilepsie,  Tb^rpochondrie,  l'hystérie  chez  les 
femmes,  qui  peuvent  donner  lieu  à  des  phé- 
nomènes tout  particuliers  ;  souvent  aussi, 
il  suflit  d'une  vive  imagination  pour  croire 
qu'on  voit,  qu'on  entend,  (ju'on  touche  et 
qu'on  souffre  ce  qui  n'existe  pas,  surtout 
si  quelque  altération  du  cerveau  a  déjh  af- 
faibli ou  troublé  l'usage  de  la  raison.  Dans 
ce  cas  le  médecin  spirituel  doit  s'adjoindre 
le  secours  d'un  habile  médecin  corporel  et 
conclure,  en  général,  qu'il  n'y  a  pas  obses- 
sion démoniaque,  tant  qu'il  y  aura  quelque 
sa^e  croyance  et  môme  quelque  présomption 
raisonnable  d'une  cause  naturelle.  Quoi  qu'il 
en  soit,  que  cette  épreuve  soit  une  maladie 
naturelle  ou  l'œuvre  spéciale  du  démon,  elle 
peut  être  très-utile  au  progrès  spirituel  de 
notre  âme. 

II.  Les  tortures  corportlles^  comme  les 
coups,  etc.,  et  généralement  tout  ce  qui 
affecte  les  organes  du  loucher,  ne  doivent 
pas  être  facilement  attribuées  à  l'obsession 
démoniaque;  elles  n'ont  souvent  d'existence 
que  dans  les  chimères  d'une  imagination 
malade.  Mais  comme  il  peut,  néanmoins, 
arriver  que  par  une  spéciale  permission  de 
Dieu,  soit  pour  punir  les  méchants,  soit 
pour  prouver  le  mérite  des  justes,  le  démon 
puisse  faire  subir  à  Thomme  cette  sorte  de 
tourments*  il  faut  recourir  à  des  signes  par- 


ticuliers afin  de  discerner  la  férité.  Tels 
sont  :  i*  Quand  de  Tavis  d'un  médecin  ei- 
|)érimenté,  il  est  impossible  d'assiper  \  ses 
effets  une  cawse  purement  naturelle.  2*  ij 
faut  tenir  compte  de  .la  conscience  du  p». 
tient  lui-même,  afin  de  voir  si  cette  épreoie 
est  un  chAtiment  de  ses  fautes  ou  on  mojeo 
de  l'exciter  k  la  pratique  des  vertus.  3* 
Quand  les  blessures  causées  par  le  démoa 
sont  tout  k  coup  et  miraculeusemeol  gué- 
ries de  Dieu»  on  peut  sagement  regarder, 
pour  les  Ames  justes,  cette  sorte  de  tour- 
ment comme  en  dehors  des  lois  ordinaires 
de  la  nature. 

Le  P.  Régnera  remarque  à  ce  sujet  (A-oz. 
iheol.  m/si.f  t.  I,  p.  753),  que  parfois  les 
instruments,  les  tourments  et  les  blessures 
par  lesquels  le  démon  tourmente  les  oîied^i, 
sont  physiques  et  réels;  quelquefois  les 
tourments  et  les  blessures  seuls  sont  réels, 
mais  non  les  instruments,  qui  n'ont  qu'une 
existence  imaginaire;  quelquefois  encore 
les  tourments  et  les  blessures  sont  imagi- 
naires, mais  la  douleur  est  physiquement 
ressentie  et  laisse  des  traces  physiques, 
comme  si  les  tourments  avaient  été  réels. 
Ainsi  le  vénérable  Horina  d'Escobar  (11  p. 
Yiiœ^  1. 1,  c.  kSf  —  auctore  Pinto  Raiiirez), 
dit  qu'il  lui  parut  un  jour  être  torluré  {w 
la  roue  do  sainte  Catherine;  il  ajoute  :  1  bien 
que  la  douleur  ne  se  ressente  que  dans 
1  esprit,  elle  produit  autant  d'effets  sur  nô- 
tre misérable  corps  que  si  elle  a?ait  élé 
réellement  soufferte.  Le  corps  tout  entier 
s'affaisse  :  les  bras  et  le  dos  ëprouveol  sur- 
tout une  violente  douleur.  » 

III.  De  même  aussi,  les  attaques  du  dé- 
mon contre  la  vue  et  l'otite,  et  quelquefois 
contre  Yodorat  et  le  goût^  ne  sont  que  des 
fictions  imaginaires;  elles  peuvent,  néan- 
moins, être  en  réalité  produites  exi'érieure- 
ment  par  l'obsession  aiabolique  quand  on 
entend  des  bruits  étranges,  des  cris,  des 
hurlements,  quand  on  voit  des  apparilionsi 
tantôt  sous  la  forme  d'un  homme,  tantôt 
sous  celle  d'une  béte  féroce,  tantôt  sous 
une  forme  monstrueuse  et  horrible. 

ïhyréo  (Ùe  dcnnoniac^  cil)  rapporte,dV 
près  le  Sacerdotal  romain,  différentes  agres- 
sions diaboliques,  qu'il  regarde  comme  au- 
tant de  signes  précurseurs  d*une  imminente 
possession.  Il  faut  entendre  par  là  que 
le  démon  procède  graduellenaent,  selon  qae 
l'homme  ne  lui  résiste  pas  et  que  Dieu  lui 
permet  de  pousser  ses  tentatives.  Aussi 
quand  de  prime  abord  l'homme  lui  résiste 
courageusement  et  avec  foi,  il  est  rare  que 
l'obsession  dégénère  en  possession;  ordi- 
nairement l'obsession  cesse,  ou  du  moins 
s'adoucit;  ou,  si  elle  continue,  elle  est  très- 
utile  à  l'avancement  spirituel. 

IV.  Dans  l'obsession,  les  démons  font  de 
leur  côté  tous  leurs  efforts  pour  exciter  les 
Ames  au  péché  par  leurs  attaques,  d'une 
manière  prochaine  ou  éloignée.  Toutefois, 
il  ne  peuvent  jamais  y  parvenir  par  fio- 
fluence  seule  de  l'obsession,  s'il  ne  s'y.jpint 
un  consentement  de  la  volonté  humaine, 
suffisamment  libre  pour  qu'on  puisse  lui 


î%lî 


OBS 


D*ASCETlSMe. 


OBS 


12» 


imputer  la  faute.  Aiosi  les  démons  s^efTor* 
cA^nt  d'ÎDsi^irer  aux  personnes  qu'ils  obsè- 
dent des  sentiments  de  pusillanimité,  de 
désespoir  et  de  haine,  des  amours  illicites; 
et  ils  leur  présentent  des  images  effrajantes, 
on  honteuses  et  lascives,  et  d'autres  objets 
capables  de  les  exciter  à  Tamour,  à  la  haine 
et  aux  antres  passions:  si  Tobsédé  y  ré- 
siste généreusement  par  les  armes  de  la 
prière,  de  la  mortîficationt  etc.,  il  ne  con* 
tracte  aucune  laute;  mais  s'il  j  consent,  la 
faute  lui  est  imputée,  car  ie  démon  ne  peut 
contraindre  sa  Tolonté. 

Remarquons  ici,  1*  que  quand  le  démon 
enlève  médiatement  1  usage  de  la  raison, 
comme  il  peut  le  faire,  on  n'est  pas  coupa- 
ble des  péchés  gui  peuvent  alors  être  com- 
mis. 2*  Cela  arrive  surtout  pour  les  actes  de 
la  partie  sensitive,  qui  n'est  pas  immédia- 
tement libre,  et  gui,  par  suite  de  la  rébel- 
lion de  la  concupiscence,  que  provoque  da- 
vantage la  séduction  excitante  de  ces  sortes 
de  tentations,  peut  annihiler  la  délibéra- 
tion de  la  raison.  3*  Dans  l'obsession  pro- 
prement dite,  le  démon  ne  supprime  pas 
J'usage  de  la  raison,  il  se  borne  à  la  ten- 
tation ;  si  l'usage  de  la  raison  était  sus- 
pendu, la  liberté,  par  là  même,  nécessaire 
pour  qu'il  y  ai  t  péché,  serait  aussi  suspendue; 
d*où  il  résulte  que,  i*  si  quelqu'un  s'excuse 
du  pécbé  sous  prétexte  de  n'avoir  pu  faire 
usage  de  sa  raison,  il  doit  prouver  ou  qu'il 
a  été  possédé  du  démon,  oa  qu'une  autre 
cause  a  altéré  son  esprit,  au  point  de  sus- 
l>endre  en  lui  l'usage  de  la  raison. 

V.  Quoique  k  part  le  consentement  de  la 
volonté,  les  démons  puissent  physiquement 
contraindre  les  personnes  obsédées  à  faire 
ou  souffrir  quelque  mal  extérieur;  et  quoi- 
qu'il n'y  ait  point  de  péchés  dans  lesquels 
Dieu  ne  permette  quelquefois  aux  pécheurs 
el  surtout  aux  grands  pécheurs  de  tomber, 
cependant  il  est  certaines  actions  mauvaises 
auxquelles  les  justes  et  surtout  les  parfaits, 
ne  peuvent  jamais  être  physiquement  con- 
traints, à  moins  que  Dieu  ne  le  permette. 
En  effet,  1*  le  démon  a  plus  de  force  pour 
agir  que  l'homme  pour  résister;  il  n'est 
donc  aucun  mal  extérieur  auquel  le  dé- 
mon ne  puisse  le  contraindre.  D'ailleurs  le 
démon  pourrait  bien  se  servir,  pour  l'ac- 
complissement de  cette  sorte  de  mal  exté- 
rieur, du  corps  même,  soit  d'un  animal,  soit 
d'un  homme  mort.  Il  se  sert  même  quel- 
quefois, à  cet  effet,  du  corps  d'un  homme 
vivant»  d'un  possédé  par  exemple.  Pour- 
quoi n'aurai t-il  donc  pas  le  même  pouvoir 
sur  le  corps  d'un  obsédé,  au  moins  quant  à 
la  production  d'actes  vitaux?  Que  la  coopé- 
ration de  l'homme  soit  libre  ou  non,  cela 
n'ajoute  ou  ne  retranche  rien  au  pouvoir 
du  démon,  mais  seulement  dégage  I  homme 
de  toute  responsabilité.  3:  Cette  permission 
que  Dieu  accorde  au  démon  d'abuser  ainsi 
'du  corps  de  l'homme,  est  par  fois  une  sorte 
de  punition  que  celui-ci  s'est  attirée  jpar  ses 
cViiues,  ce  qui  d'ailleurs  le  rend  indigne 
d  une  protection  spéciale  de  la  part  de  Dieu. 
Eu  outre,  ie  pécheur  consent  facilement 


h  la  tentation,  il  sollicite  même  le  tentateur 
à  abuser  ainsi  de  son  corps  ;  il  n'est  donc 
pas  étonnant  que  Dieu  en  accorde  Tautori- 
sation  au  démon.  3*  Le  démon  peut  con- 
traindre les  personnes  parfaites  à  quelques 
actions  extérieures  qui  ne  sont  pas  mau- 
vaises absolument  ni  scandaleuses,  comme 
on  le  voit  par  l'exemple  de  sainte  Thérèse, 
forcée  par  le  démon  a  se  meurtrir  tout  le 
corps.  Néanmoins,  il  ne  peut  les  contraindre 
à  des  actions  scandaleuses  pour  elles-mêmes 
ou  pour  les  autres.  Ce  dernier  point  a 
besoin  d'une  démonstration  spéciale. 

Dieu  ne  permet  jamais  au  démon  qui  ob- 
sède d'abuser  du  corps  de  la  personne  ob- 
sédée, surtout  si  elle  est  sainte  et  parfaite, 
pour  la  contraindre  à  coopérer  elle-même, 

rir  ses  mains  ou  par  quelque  autre  membre, 
des  péchés  extérieurs,  surtout  en  matière 
de  chasteté ,  quand  le  cœur  refuse  d'y  con- 
sentir.  Bien  que  cela  soit  possible  d'après 
la  nature  de  la  chose  et  les  efforts  de  la  puis- 
sance et  de  la  malice  du  démon,  cela  est 
toujours  impossible  d'après  la  loi  de  Dieu  , 

aui  ne  permettrait  jamais  rien  de  semblable. 
In  le  prouve,  1*  par  TEcriture  sainte,  qui 
atteste  (|ue  la  puissance  du  démon ,  surtout 
depuis  I  avènement  du  Christ,  est  considéra- 
blement restreinte,  particulièrement  par  ra|>- 
port  aux  âmes  saintes.  Si  auparavant  il  n'a 
lié  le  fort.  (Matth.  xn,  29.)  Saint  Thomas 
explique  ainsi  ce  passage:  «  Que  signiGent 
ces  liens  ?  C'est  que  Dieu  réprime  le  pouvoir 
de  nuire,  que  le  démon  a  de  lui-même.  » 
C'est  aussi  ce  qui  a  lieu ,  surtout  dans  ce 
cas  particulier,  car  le  pouvoir  du  démon 
n*est  pas  proprement  enchaîné  ;  quant  à  con- 
traindre ou  a  forcer  le  consentement  de  la 
volonté  humaine,  il  ne  le  peut  de  lui-même 
en  aucune  manière  ;  d'un  autre  cêté,  si  le 
pouvoir  du  démon  doit  être  enchaîné  relati- 
vement à  quelque  action  extérteure ,  c'est 
surtout  en  matière  de  chasteté,  terrain  fort 
glissant,  qui  sollicite  le  consentement  par 
tant  de  séouctions  diverses;  et  cela  princi- 
palement dans  le  cas  où  l'acte  impur  se  con- 
sommerait par  le  concours  des  mains.  Dieu 
veut  que  nons  évitions  avec  soin  tout  ce  oui 
peut  être  pour  nous-mêmes  ou  pour  les 
autres,  une  occasion  de  scandale.  Si  votre 
«loîn  vous  Mcandalieef  coupex-la  et  ietez4a 
loin  de  vous.  {Mailh.  v.)  malheur  à  fkomme 

{mr  qui  le  scandale  arrive.  (  Malth.  xviii,  7  ) 
I  ne  permet  donc  pas  au  démon,  d'une 
manière  illimitée ,  de  teuter  J'homme  au 
int  de  le  rendre  pour  lui-même  et  pour 
es  autres,  un  objet  de  scandale  :  C'est  cepen- 
dant ce  qui  arriverait  dans  le  cas  dont  il 
s'agit.  Enfin,  quand  Jésus-Christ  nous  a 
appris  k  dire  k  Dieu  dans  nos  prières  :  Ne 
nous  induisez  point  en  tentation ,  mais  déli- 
vrez nous  du  mal  {Malth.  vi,  13),  c'est  afin 
que  nous  demandions,  non-seulement  de  ne 
pas  consentir  k  la  tentation,  mais  aussi  de 
n'être  pas  tentés,  à  moins  que  la  tentation 
ne  soit  utile  à  notre  salut.  Aussi  Dieu  exauce- 
t-il,  dans  ce  cas,  nos  prières,  en  ne  permet- 
tant pas  cette  tentation.  2*.  On  donne  de 
cette  doctrine  différentes  raisons*  f«a  prè- 


les 


liS5 


OBS 


MCTIOiNNAllΠ


OBS 


im 


niière  est  do  sniiit  Tlioinns ,  qui  enseigne 
(1-2,  q.  80,  a.  3)  que  le  démon  ne  peut 
nous  induire  nécessairement  à  commettre 
quelque  action  coupable  en  elle-même, 
conmie  serait  dans  le  cas  présent  la  po/Zu- 
Iton,  â  moins  toutefois  qu'il  ne  puisse  suspen- 
dre entièrement  l'usage  de  la  raison ,  comme 
on  le  voit  dans  les  possédés.  Or,  dans  le  cas 
présent,  Tusage  de  la  raison  n*cst  pas  totale- 
ment suspendu  ,  Thomme  n*est  pas  possédé 
du  démon,  mais  seulement  dans  Tétat  d'oty- 
session,  état  où  Tusagede  la  raison  n'est 
pas  supprimé.  Donc  le  démon  ne  peut 
nécessairement  amener  l'homme  h  la  poilu- 
lion.  Une  antre  raison,  c'est  qu'il  est  incroya- 
lile  que  Dieu  veuille  éprouver  les  âmes  de 
prédilection  en  permettant  au  démon  de  les 
contraindre  à  commettre  les  actes  les  plus 
obscènes,  par  le  concours  de  leurs  propres 
membres,  et  tout  en  jouissant  de  l'usage 
do  leur  raison ,  quoiqu'elle  refuse  de 
consentir.  Dieu,  en  effet,  ne  permet  que 
bien  rarement  au  démon  de  posséder  ses 
serviteurs.  Et  ne  dites  pas  que  Dieu  le  per- 
met afin  de  les  humilier;  car  il  peut  les  iiu^ 
milier  par  les  tourments  et  par  les  tentations 
qui  n'ont  simplement  que  la  passion  pour 
objet.  D'ailleurs  l'Ame  ne  serait  pas  humi- 
liée par  le,  sachant  que  tout  le  mal  que 
pourrait  commettre  son  corps,  est  le  fait  du 
démon,  qui  en  est  seul  responsable.  Enfin  il 
est  inconcevable  que  la  nécessité  de  subir 
de  semblables  obscénités  puisse  allumer 
l'amour  de  Dieu  dans  le  cœur  de  l'homme. 
Nous  ne  parlons  pas  ici  des  tentations 
ordinaires  contre  la  chasteté,  auxquelles 
tous  les  hommes  sont  sujets,  qu'ils  soient 
plus  ou  moins  livrés  à  la  pratique  des 
exercices  spirituels.  Il  est  très-rare  en  effet 
de  trouver  des  Louis  de  Gonzague ,  doués 
d*une  pureté,  et  en  quelque  sorte  d'une 
nature  angélique,  qui,  durant  toute  leur  vie, 
n'ont  jamais  ressenti  l'aiguillon  de  la  chair. 
Nous  voulons  seulement  parler  de  ces  tenta- 
tions déshonnétes,  toutes  particulières,  que 
tes  démons  proposent  halMluellement  aux 
hommes  que  Dieu  purifie  par  l'épreuve  de 
l'obsession.  Ces  tentations  sont  si  violentes 
et  si  extraordinaires,  que  la  fragilité  humaine 
ne  saurait  les  soutenir,  si  elle  n'étaii  fortifiée 

|)ar  le  secours  de  la  grâce  divine: On  peut 
es  comprendre  généraiemenX  sous  le  nom 
de  luœure.  Telles  furent  les  tentations  de 
saint  Paul,  qui  sans  cesse  agité  par  le  vif 
aiguillon  de  ta  chair,  était  forcé  de  s'écrier  : 
Dieu  a  permis  que  je  ressentisse  dans  ma  chair 
un  aiguillon  qui  est  l'ange  de  Satan^  pour  mn 
donner  des  soufflets.  (Il  Cor,  xii,  7.j  Telles 
furent  aussi  les  tentations  de  saint  Benoît, 
de  saint  François,  de  sainte  Madeleine  de 
Pazzi,  qui  pour  éteindre  les  brûlants  aiguil- 
lons de  la  chair,  se  roulaient  sur  des  épines, 
et  ensanglantaient  ainsi  les  buissons  et  la 
terre.  Telles  furent  les  tentations  de  la 
bienheureuse  Angèle  de  Fulginée  ,  qui 
opposait  le  feu  matériel  au  feu  impur  que  le 
démon  allumait  en  elle.  In  locis  verendis^ 
dit-elle,  tantui  est  ionis  ^  quod  consuevi 
apponere  ignem  materiahm  ad  exstinguendum 


alium  ignem  concupiseentiœ,  donec  eonfettof 
mihi  prohibuit.  Telles  furent  enfin  les  tenta- 
tions de  saint  Hilarion,  à  qui  souvent  appa* 
rurent  sur  sa  couche  des  femmes  toutes 
nues  pour  le  provoquer  aux  plaisirs  sensuels, 
celles  de  saint  Antoine,  abbé^  k  qui  le  démoQ 
apparaissait  la  nuit  sous  la  forme  d'une  belle 
femme  parée^d'une  figure  et  do  gestes  lascifs. 

Le  maître  spirituel  ne  doit  pas  toutefois 
s'imaginer  que  ces  rudes  combats  soient 
seulement  réservés  aux  personnes  d'une 
sainteté  exemplaire,  comme  celles  que  nous 
venons  de  citer  ;  bien  d'autres  justes,  qui  ne 
sont  pas  encore  inscrits  au  catalogue  des 
saints,  ont  été ,  par  l'obsession  diabolique, 
soumis  à  ces  violentes -sollicitations  delà 
chair,  Dieu  le  |>ermettant  ainsi  iH>ar  les 
exercer  à  la  vertu  et  les  faire  parvenir  à  la 
contemplation  divine.  Car  si  les  autres  bom* 
mes  sont  tourmentés  par  le  démon,  qui  leur 
inspire  de  honteuses  pensées  et  qui  les  excite 
par  l'attrait  des  voluptés  sensuelles,  ceni 
dont  nous  parlons  sont  souvent  contraints, 
malgré  leurs  efforts,  à  les  éloigner  de  leur 
imagination ,  d'arrêter  leur  esprit  sur  les 
images  les  plus  obcènes.  Bien  plus,  les  dé- 
mons animant  des  corps  fantastiques,  offrent 
à  leijrs  regards  le  spectacle  d'accouplements 
sacrilèges  et  de  honteux  embrassemenls  ;  ils 
font  retentir  à  leurs  oreilles  mille  paroles 
*  impures;  ils  leur  présentent  enfin  les  pins 
épouvantables  obcénités.  C'est  ainsi  que 
Dieu  sait  faire  sortir  de  cet  immonde  et 
honteux  bourbier  les  &mes  des  justes  parées 
d^une  blancheur  plus  éclatante  que  la  neige. 

On  peut  ici  demander  si  le  demoo,  è  qui 
Dieu  a  permis  d'obséder  une  Ame  sainte, 
pour  la  perfectionner  et  la  faire  arriver  à  la 
contemplation,  peut  abuser,  par  de  honteux 
embrassements,  du  corps  des  personnes  de 
l'un  ou  l'autre  sexe.  Il  y  a,  quoi  qu'en  disent 
les  incrédules,  réellement  des  démons  ineM- 
Ae^et  succubes.  Il  y  aurait  témérité  à  le  nier, 
après  ce  passage  de  saint  Augustin  (l.iv 
De  civitate  Dei,  cap.  23)  :  «  Il  est  certain,  et  un 
grand  nombre  de  personnes  l'ont  éprouvé 
par  elles-mêmes  y  ou  appris  de  personnes 
diçnes  de  foi  qui  l'avaient  éprouvé,  qu'il 
existe  des  sylvains ,  des  fanes  et  des  fau- 
nes, appelés  vulgairement  incubes,  gui  ont 
désiré  et  obtenu  la  société  charnelle  de  fem* 
mes  perverties.  C'est  là  un  fait  incontestable, 
et  dont  on  ne  saurait  révoquer  en  doute  la 
certitude.  »  Saint  Thomas  1  affirme  ainsi  que 
presque  tous  les  théologiens.  Les  personnes 
qui  souffrectl  ces  monstrueux  accouplébenls, 
sont  des  pécheurs  qui  y  invitent  le  démon. 
ou  qui  se  rendent  volontiers  aux  tentatires 
qu'il  fait  pour  l'accomplissement  de  ses 
honteux  desseins.  Il  n'est  pas  douteux  que 
ces  personnes  souillées  d'iniquités,  ne  puis- 
sent être  violemment  opprimées  par  le 
démon.  Nous  lisons  dans  la  Yie  de  nûnt 
Bernard,  qu'il  déUvra  du  démon  incube  une 
fenune  qui  n'avait  pu  s'en  défendre  en 
aucune  manière  ;  et  bien  des  personnes, 
malgré  le  repentir  qu'elles  avaient  de  leurs 
fautes  9  malgré  l'horreur  qu'elles  avaient 
pour  ce  commerce  diaboliquci  ont  été  mai* 


OBS 

gré  leors  efforts,  obligées  de  le  souffrir.  On 
ne  doit  pas  sVtonner  si  Dieu  permet  que  les 
pécheurs,  en  punition  de  leurs  crimes,  soient 
soumis  à  cette  épreure:  il  est  juste,  en  effet, 
que  celui  qui ,  par  ses  péchés ,  s*est  volon- 
tairement soumis  au  pouvoir  du  démon  « 
surtout  si  ces  péchés  ont  été  commis  de 
concert  avec  le  dr^mon  lui-même ,  soit  en- 
suite obligé  malgré  lui  de  souffrir  les  effets 
de  ce  pouvoir;  il  est  juste  que  celui  qui  tant 
de  fois,  en  abusant  de  son  corps,  a  été  pour 
les  autres  un  objet  de  scandale,  soitrorcé 
de  se  prêter  aux  violences  qu'exerce  sur  lui 
le  démon. 

Quant  aux  âmes  pures  et  d'une  chasteté 
exemplaire,  qui  souffrent  cette  obsession 
passive,  nous  dirons  que  Dieu  les  laisse 
quelquefois  subir  ce  commerce  dial>olique 
|iour  les  élever  à  Théroïsme  de  la  vertu. 
Cesi  là  roiHnion  des  plus  savants  docteurs. 
En  effet,   les   personnes  vraiment   pures, 
hommes  ou  femmes,  s'efforcent  par  tous  les 
les  moyens  possibles,  de  repousser  loin 
d'eux  le  démon  incube  ou  succube  ;  et  ti 
elles  ne  peuvent  y  réussir,  du  moins  elles 
sont  bien  éloignées  de   consentir  à  cette 
union  sacrilège.  Elles  s'appliquent  courageu- 
sement à  rejeter  et  à  comprimer  toute  jouis- 
sance charnelle  ;  et  souvent,  dans  ces  vio- 
lentes et  extraordinaires  agressions,  elles 
eiercent  des  actes  de  chasteté  extraordinai* 
res  et  vraiment  héroïques.  Remarquons  ce* 
pendant  que  le  démon  peut  aussi  présenter 
à  rimagination  de  ces  obsédés  Timage  de 
divers   accouplements    d'hommes    ou    de 
liéinons,  avec  des  couleurs  si  vives,  qu*ii 
parvient   h    enflammer    assez  violemment 
leur  concupiscence,  pour  les  amener  à  des 
actifs  coupables.  Ces  sortes  d'accouplements 
sont,  ordinairement  plutôt  imaginaires  que 
léels.  Nous  disons  ordinairemenl^  parce  qu'il 
est  des  personnes  honnêtes,  d'uu  esprit  sain 
et  qui  jamais ,  dans  leurs  autres  actions  , 
n'ont  été    trompées  par  leur  Imagination, 
lesquelles  affirment  avec  force  avoir  vu, 
non  en  esprit,  mais  de  leurs  propres  yeux, 
quelqu'un  s'approcher  d'elles  dans  des  in- 
tentions honteuses  qui  étaient  mises  à  exé- 
cution. Il  serait  diflicile  dans  ce  cas  de  trai- 
ter le  fait  d'imaginaire  et  d'en  nier  la  réalité  : 
ce  serait  aussi  jeter  mal  à  propos  les  âmes 
aaiourouses  de  la  perfection  dans  les  plus 
cruelles  angoisses;  car,  d'un  côté,  elles  vou* 
draient  avoir  la  foi  fa  plus  grande  aux  pa- 
roles de  leur  directeur  ;  et,  d'un  autre  côté, 
elles  ne  le  peuvent  h  cause  de  la  résistance 
que  leur  oppose  leur  propre  expérience 
physique  et  l'évidence  même.  Il  vautniieux 
dans  ce  cas  dire  aux  pénitents  qu'il  y  aurait 
un  aussi  grand  péché  à  consentir  à  un  com- 
nieree  charnel  imaginaire  qu'à  une  uni(»n 
physiquement  réelle  avec  le  démon.  Sans 
ApproHHidir  le  plus  ou  moins  de  r^lilé  de 
ce  commerce  diabolique,  que  |les  personnes 
obsédées  s'appliquent   uniquement  et  de 
tout  leur  pouvoir,  à  résister  au  commerce 
que  l'esprit  du  mal  offre  à  leurs  sens,  fan- 
tastique ou  réel.  Qu'elles  le  repoussent  par 
J'eau  bénite,  par  le  signe  de  la  croix  et  par 

Diction?!.   d'Ascétisub.  1. 


ORS 


1226 


les  reliques  des  saints  :  qu'elles  implorent 
avec  ferveur,  dans  ce  péril  extrême,  l'assis- 
tance de  Dieu  et  de  la  sainte  Vierge;  qu'elles 
se  gardent  bien  de  consentir  à  la  sensation 
voluptueuse  qui  en  r^nlte  ;  qu'elles  pro- 
testent de  vouloir  mourir  mille  fois,  être 
brûlées  vivantes  ou  coupées  par  morceaux , 
plutôt  que  d'y  donner  un  consentement 
coupable.  Si  telle  est  leur  conduite,  elles 
seront  victorieuses  dans  ce  combat  terrible, 
et  leur  âme  sortira  de  cette  épreuve  honteuse 
plus  pure  et  plus  innocente. 

Il  nous  reste  à  exposer  ici  un  doute  assez 
grave,  qui,  dans  ces  sortes  de  cas,  a  cou- 
tume de  vivement  tourmenter  les  directeurs  ; 
il  s'agit  de  savoir  si  les  Ames  justes  pèchent 
dans  ce  commerce  forcé,  quelle  que  soit  la 
manière  dont  il  s'accomplisse,  et  si  elles 
commettent   un  péché  mortel   ou  véniel. 
Pour  la  solution  de  celte  difficulté,  le  direc- 
teur doit  se  guider  par  la  doctrine  de  saint 
Thomas,  comme  par  un  fil  d'Ariane  pour 
se  tirer  heureusement  de  ee  labyrinthe  de 
perfflexités.  Le  saint  docteur  demande  si  le 
démon. peut  contraindre  nécessairement  à 
pécher,  et  il  répond  (t.  1,  quaest.  80,  art.  3)  : 
«  Le  démon,  par  sa  propre  force,  et  à  moins 
d*étre  enchaîné  par  Dieu,  peut  conduire  né* 
cessairement  quelqu'un  à  commettre  quelque 
acte  qui  est  un  fieché  de  sa  nature  ;  mais 
il  ne  peut  jamais  contraindre  h  la  nécessité 
de  pécher;  car  l'homme  ne  résiste  au  péché 
que  par  sa  raison  :  or,  le  démon  peut  en 
suspendre  totalement  l'usage,  en  excitant 
notre  imagination  et  notre  anpélit  sensitîf, 
ce  qui  arrive  pour  les  possédés  ;  mais  la 
raison  ainsi  enchaînée,  l'homme  n'est  plus 
responsable  d'aucune  de  ses  actions,  si  cou* 
pable  qu'elle  soit.   Si  la  raison  n'est  pas 
complètement  enchaînée,  il  peut,  comme 
nous  l'avons  dit  plus  haut,  résister  au  péché 
avec  la  partie  qui  lui  en  reste  libre.  Donc, 
il  est  évident  qu«  le  démon  ne  peut  en  au- 
cune manière  induire  l'homme  à  la  néces- 
sité de  pécher.  »  Il  suit  de  U,  1*  nue,  selon 
la  doctrine  du  saint  docteur,  le  démon  peut 
violemment  avoir  avec  l'homme  un  com- 
merce charnel,  ce  qui  est  un  péché  de  sa 
nature;  2*  que  ce  commerce  charnel  peut 
avoir  son  accomplissement,  sans  aucun  péché 
pour  rhomme,  si  le  démon,  en  même  temps 
qu'il  agit  exlérieuremeiit,  suspend  inté- 
rieurement en  lui  l'usage  de  la  raison,  et  lui 
enlève  toute  possibilité  de  résistance  t  ce 
qui  peut  se  faire,  selon  saint  Thomas,  par 
la  vive  excitation  de  la  concupiscence  et  de 
l'appétit  sensitif,  excitation  qui  trouble  et 
éteint  toute  la  lumière  de  la  raison.  Si  tou- 
tefois quelque  rayon  de  cette  lumière  peut 
encore  briller,  l'homme  doit  en  faire  usage 
pour  résister  et  éviter  ainsi  le  péché.  Quant 
il  la  pratique,  le  directeur  doit  examiner  les 
,iénitents  qui  souffrent  ainsi  la  violence  du 
démon  en  matière  d'impureté,  comme  en 
toute  autre  matière,  selon  la  doctrine  du 
docteur  Angélique,  afin  de  voir,  ou  s'ils  re- 
marquent  en  eui-mèmes  quelque  pei  versilé 
(car  il  y  aurait  alors  péché«  offense  è  Dieu, 
ou  du  moins  action  mauvaise)  ou  Vils  oal4 

39 


iti7 


OBS 


MCTIONMAIftE 


OBS 


m 


conscience  d*avoir  résisté  6  cet  acte  crimi* 
nel.  S*ils  disent  que,  pendant  cette  violente 
tentation*  lenr  esprit  a  été  tellement  obs- 
curci qu'ils  ne  pouvaient  discerner  le  bien 
du  mal,  qu'ils  n'avaient  aucune  idée  du 

1>éché  qu'ils  pouvaient  commettre,  ni  même 
a  pensée  d'y  résister,  on  doit  les  assimiler 
aux  insensés,  qui  agissent  sans  aucune 
lueur  de  raison,  et  les  ranger  dans  le  nom- 
bre de  ceux  que  saint  Thomas  indique,  en 
qui  la  raison  est  alors  enchaînée;  il  n'y 
aura  surtout  aucun  doute  si  quelque  rayon 
de  la  raison  venant  à  briller,  ils  s'empres- 
sent de  résister  au  démon  et  de  repousser 
loin  d'eux  ses  suggestions  [>erverses.  Le 
directeur  doit  donc  avoir  toujours  sous  les 
yeux  cette  règle  de  saint  Thomas,  s*il  veut 
se  préserver,  ainsi  que  ses  pénitents,  de 
bien  des  incertitudes,  et  ne  pas  jeter  dans 
le  désespoir  les  Ames  affligées.  Quoi  qu'il  en 
aoit,  le  maître  spirituel  doit  veiller  avec 
soin  k  ce  que  toutes  les  personnes  ainsi 
tourmentées  par  le  démon ,  viennent  sou- 
mettre au  tribunal  de  la  jiénitence  toutes  les 
violences  dont  elles  sont  victimes,  parce 
que  nous  pouvons  difficilement  les  croire 
exemptes  ne  fautes  vénielles,  soit  par  défaut 
de  précautions  suffisantes,  soit  par  suite 
d'une  résistance  trop  faible,  soit  par  d'autres 
mplifs  de  même  genre  ;  d'ailleurs,  la  con- 
fession sacramentelle  les  rendra  plus  fortes 
et  plus  capables  de  lutter  contre  les  ennemis 
spirituels. 

Bien  que  la  personne  obsédée  par  le 
démon  doive,  avec  la  grAce  du  Seigneur, 
supporter  patiemment  cette  épreuve,  tant 
qu  elle  peut  durer,  néanmoins  c*est  une  pra- 
tique sainte  et  en  même  temps  très^-utile  à 
la  perfection,  surtout  dans  les  obsessions  en 
matière  d'impureté,  de  chercher  à  s'en  déli- 
vrer, avec  une  humble  confiance  en  Dieu 
par  les  remèdes  soit  naturels,  soit  surnatu- 
rels. Il  n'appartient  qu*à  un  petit  nombre 
d'Ames  très-parfaites,  et  seulement  par  suite 
d'une'impulsion  divine,  de  provoquer  contre 
soi-même  cette  épreuve,  comme  autrefois 
la  charité  porta  sainte  Jhérèse  k  le  faire 
(  VU. ,  c.  31  ).  Les  remèdes  salutaires  pour 
l'obsession,  sont  les  mêmes  que  nous  avons 
prescrits  pour  la  possession.  (F.  ce  mot.) 
Toutefois  les  docteurs  ne  sont  pas  d'accord 
sur  l'utilité,  dans  ce  cas,  de  remploi  des 
oxorcismes. 

On  demande  d'abord  si  les  exorcismes 
s'appliquent  d'une  manière  tellement  spé- 
ciale contre  les  énergumènes  ou  possédés, 
qu'on  ne  puisse  les  employer  parfois  utile- 
ment contre  les  attaques  et  les  obsessions 
du  démon.  Ce  point'  est  contesté  par  les 
théologiens.  Voici  l'opinion  du  P.  Godinez 
{Prax.  thtol.  myêt.^  1.  m,  c.  11}  :  «  L'ËgUse 
a  institué  pour  les  poêêidéê  des  exorcismes 
qui  n'ont  aucun  pouvoir  sur  les  démons 
obêeneurs;  bien  plus  ils  ne  font  qu'irriter  et 
tourmenter  cruellemeht  les  personnes  obsé- 
dées. J*ai  reçu  pendant  plusieurs  années  la 
confession  d  une  personne  qui  avait  à  souffrir 
les  attaques  de  trois  démons,  qui  la  tour- 
mentèrent dix-neuf  ans  :  huit  fois  elle  fut  vai- 


nement adjurée  par  des  exorcismes.  Or  c'était 
une  personne  éminemment  sainte,  et  qoi  fat 
plus  tard  honorée  du  don  des  miracles.  » 
Cette  opinion  est  appuyée  sur  plusieurs  rai- 
sons. 1*  Les  textes  évangéliques,  qui  seN 
vent  k  prouver  une  le  pouvoir  d^exorciser 
a  été  donné  k  l'Eglise,  parlent  expressément 
de  l'expulsion  des  démons  du  corps  des 
énergumènes.  2*  Dans  l'ordination  des  exor- 
cistes, il  est  dit  seulement  :  L'exoreUttioii 
ehaêser  les  démons  des  énerguminet.  3*  Le 
Rituel  romain  ne  renferme  d'exorcismesqae 
contre  les  énergumènes  ou  possédés, 

Thyrée  au  contraire  {De  loe.  infeil.)msh 
ble  pencher  pour  Fopinion  affirmaliTe,  eo 
faveur  de  laquelle  on  peut  donner  les  rai- 
sons suivantes.  1*  Quelques  textes  de  l'Ecri- 
ture parlent  du  pouvoir  sur  les  démoDS 
d'une  manière  générale,  sans  aucune  res- 
triction pour  le  cas  seul  de  la  possessioD  : 
//  leur  donna  puisionee  et  autorité  iur  tm 
le$  démone.  (  Lue.  ix ,  1.)  2*  11  est  dit  aussi 
dans  Tordination  des  exorcistes  :  Yow  cm- 
manderez  aux  autres  démons.  Et  dans  la 

{irière  :  Qu'Us  aient  le  pouvoir  de  réprimer 
es  esprits  immondes  :  qu'ils  soient  le$  méde- 
cins de  votre  Eglise^  confirmés  par  la  grkî 
des  Quérisons  et  par  les  vertus  céleiUi, 
3*  Même  dans  le  Rituel  romain,  outre  les 
exorcismes  contre  les  énei^mènes,  on 
trouve  des  formules  de  bénédiction  pour  les 
maisons  et  pour  l'eau  sainte,  dans  le  bul 
d'exorciser  les  démons  qui  peuvent  s*/ 
trouver  présents. 

Le  P.  Régnera  {Th.  my#/.,  t.  I,  p.  769, 
n.  711)  s'efforce  de  concilier  ces  deux  opi- 
nions ,  en  disant  que  dans  Tintenlion  primi- 
tive les  exorcismes  ont  été  institués,  il  est 
vrai,  contre  les  énergumènes,  et  que  leur 
action,  inutile  quant  à  l'obsession  exté- 
rieure, sert  du  moins  à  la  faire  distingoer 
de  la  possession  ;  que  toutefois  par  exten- 
sion on  peut  se  servir  pour  repousser  les 
démons  et  en  délivrer  les  personnes  simple- 
ment obsédées,  d'autres  exorcismes,  tels 
2 ne  ceux  qui  servent  à  la  bénédiction  des 
ditices,  à  la  consécration  de  l'eau  sainte  ou 
h  la  conjuration  des  tempêtes  :  ces  exoreis* 
mes  se  trouvent  dans  le  Rituel.  Au  reste  ils 
n'obtiennent  pas  toujours  tout  l'effet  qu'oo 
en  attend,  comme  dans  le  cas  de  la  postes* 
sion,  parce  que  l'épreuve  de  l'obsession  est 
souvent  utile  à  la  perfection  des  Iffl^ 
saintes. 

Thyrée  remarque  encore  (/oc.  çt/0  4^ 
ces  sortes  d'attaques  extraordinaires  p«u* 
vent  provenir  non-seulement  des  mauvais 
anges,  mais  quelquefois  aussi  des  âiocs 
damnées  ou  des  Ames  du  purgatoire  :  ee<|ui 
donne  lieu  aux  considérations  suivantes- 
1**  Les  &mes  du  purgatoire  ne  tourm^t^ 
que  d'une  manière  indirecte,  pour  aturer 
sur  elles  la  commisération  des  mants; 
S**  les  Ames  damnées  ne  tourmentent  qoc 
rarement  d^une  manière  directe  :  eUes  oa 
font  qu'instruire  les  vivants,  par  ordre  «< 
Dieu,  des  tourments  qu'elles  soufl^j'* 
3*  le  propre  des  démons  e^t  d'attaquer  ^- 
rectement,  pour  tourmenter  et  tenter  «^ 


OBS 


D'ASCETISME. 


OBS 


fiSO 


tiommes;  (*  od  peut  re^nnatlre  h  ces  diffé- 
reols  caractères,  d'une  manière  certaine  oa 
conjecturale,  de  quelle  sorte  d*esprit  Tob- 
sessioQ  procède,  bien  que  souvent  il  y  ail 
lieu  de  douter  sur  ce  point. 

R^istons  donc  au  démon  ,  non  avec 
crainte  et  pusillanimité,  mais  avec  foi,  et 
méprisons  ses  attaques,  quelles  que  soient 
les  tentatives  qu'il  dirige  contre  nous*  Le 
Seigneur  est  mon  appui  et  je  mépriserai  mes 
ennemis.  Alors,  comme  le  dit  saint  Bernard  : 
«  Le  tentateur  ne  s'apnrochera  pas  de  nous, 
le  calomniateur  nes'élèyera  pas  contre  nous  ; 
cet  accusateur  acharné  contre  ses  frères  ne 
saura  nous  atteindre.  Fuyons  soa?eot ,  mes 
frères,  dans  ce  lieu  de  refuge;  il  est  fortifié 
et  on  n^  redoute  aucun  ennemi.  »  Surmon- 
tons cette  tristesse  et  cette  mélancolie  qui , 
selon  saint  Bonaventore  (m  spee.  duc,  p.  1, 
c.  i)  c  est  un  serpent  tortueux  qui  se  cache 
habituellement  dans  Teau  trouble  pour  jr  (>é- 
cher  les  âmes.  »  tTabandonnejt  aone  point 
votre  âme  à  la  tristesse  et  ne  vous  afnigex 
point  vous-mêmes  dans  vos  pensées  {Èeeli. 
XXX,  22).  Saint  Jean  Chrjrsostome  nous  en 
aTert't  également  arec  raison  (  L.  ii  De 
Proctd.j  :  «  Ce  n*est  pas  le  démon  qui  etcite 
celte  tristesse,  c'est  plutôt  elle  qui  donne 
dvs  forces  au  démon  et  suscite  les  mauvaises 

Sensées.  »  C'est  ce  que  prouve  l'ApAtre 
Ji  Cor.  II,  7},  qui  ordonne  d'absoudre  Fin- 
cestueux  de  l'excommunication  portée  con- 
tre lui,  et  selon  les  interprètes  de  le  délivrer 
de  Satan  qui  le  possède,  de  peur  qu  il  ne  soit 
accablé  par  un  excès  de  tristesse. 

OBSTACLES  A  LA  GRACE.— 11  y  a  neuf 

firincipaux  obstacles  \  la  grâce  ;  nous  allons 
es  rapporter  avec  les  moyens  qu'on  doit 
prendre  pour  les  vaincre. 

Le  premier  est  Tamour  déréglé  de  soi- 
même,  qui  étant  incompatible  avec  la  pu- 
reté d'intention  fait  qu  on  se  cherche  eu 
toutes  ciioses  et  qu'on  préfère  ses  intérêts 
et  sa  gloire  i  ceux  de  Dieu.  Cet  amour-iiro- 
iire  ne  se  fait  p.is  seulement  remarquer  mns 
les  actions  ordinaires  et  naturelles,  il  se 
glisse  encore  dans  la  voie  de  la  perfection. 
On  (Italique  les  vertus  par  des  motifs  inté- 
ri^sés  ;  ou  s'attache  aux  dons  de  Dieu  plus 
qu'à  Dieu  même,  ce  qui  devient  ensuite  la 
source  de  mille  erreurs  et  de  plusieurs  pé« 
chés  où  l'on  tomt>e.  Pour  surmonter  un  tel 
obstacle,  il  faut,  après  avoir  employé  le 
secours  du  ciel,  sans  lequel  tous  uos  efforts 
sont  vains»  observer  toutes  nos  paroles, 
toutes  nos  actions  et  tous  les  mouvements 
de  notre  cœur,  et  veiller  sur  nos  intentions , 
afin  qu'elles  n'envisagent  que  Dieu ,  sans 
que  les  créatures  ni  nous-mêmes  y  ayons 
jamais  nulle  part,  de  sorte  que  nous  en 
▼enions  au  point  de  ne  rien  dire  et  de  ne 
rien  faire  que  ce  qui  peut  être  aRréable  à 
Dieu.  • 

Le  deuxième  obstacle  est  l'amour  désor- 
Qonné  des  créatures.  Cet  amour  embarrasse 
le  cœur,  le  rend  inquiet  sur  tout  ce  qui  peut 
arriver,  il  y  met  le  trouble  et  la  confusion, 
et  le  livre  successivement  en  proie  aui  pas- 
sions d'amour  et  de  haine,  de  joie  et  de 


tristesse,  de  désirs  et  de  craintes  ;  si  bien 

Su'on  n'est  pas  en  état  d'apercevoir  ce  qu'en 
oit  à  Dieu,  ni  ce  qu'on  doit  au  proctiain, 
ni  ce  qu'on  doit  i  soi-même.  Ce  mal  est 
très-grand,  et  on  ne  peut  y  remédier  que 
par  une  vigilance  assidue  à  conserver  la 
paix  du  cœur,  et  i  en  défendre  la  liberté 
contre  l'amour  des  créatures,  à  quoi  ne  con- 
tribuera pas  peu  de  se  résigner  è  la  conduite 
de  la  Providence,  de  l'adorer  dans  tout  ce 
qui  arrive,  de  se  décharger  sur  Dieu  de  tous 
ses  soins,  mais  surtout  de  se  tenir  cons- 
tamment It  la  porte  de  son  cœur,  pour  em- 
pêcher que  rien  n'y  entre  et  que  rien  ne 
l'occupe  que  Dieu  seul,  fl  sera  aussi  très- 
utile  de  se  bien  pénétrer  de  ces  grandes 
vérités,  qu'il  est  avantageux  de  donner  la 
terre  pour  avoir  le  Ciel,  et  de  renoncer  au 
monde  pour  posséder  le  royaume  de  Dieu  ; 

S[u'on  ne  saurait  servir  deux  maîtres  i  la 
ois,  ni  plaire  i  Jésus-Christ  qu'on  doit 
aimer,  en  même  temps  qu'on  aonne  son 
affection  au  monde  que  Jésus-Cliri^t  a  eu 
en  horreur.  Au  reste  cette  manière  de 
veiller  sur  nous-mêmes  nous  apprendra  à 
nous  connaître;  il  est  aisé  de  juger  de  nos 
inclinations  par  nos  pensées,  ce  qui  se  pré- 
sente souvent  à  notre  esprit  est  toujours  ce 
3ue  nous  aimons  ;  car  où  est  notre  trésor, 
it  Jésus-Christ,  là  est  aussi  notre  cœur. 
Le  troisième  obstacle  est  le  penchant  que 
nous  avons  i  satisfaire  nos  sens  et  k  cher- 
cher nos  aises  au  delà  des  bornes  de  la  né- 
cessité et  d'une  juste  discrétion ,  surtout 
dans  les  choses  qui  regardent  le  mander,  le 
boire,  les  eonversations,  les  occupations  et 
les  amusements  inutiles.  On  ne  saurait 
croire  quel  grand  obstacle  le  défaut  de  mor- 
tification en  ce  genre  apporte  i  la  paix  inté- 
rieure, aux  délices  de  I  esprit  et  aux  progrès 
de  la  grâce.  Quand  on  sème  dans  la  emir^ 
dit  l'apôtre  saint  Paul,  on  recueille  de  la 
ckair  ta  corruption  et  la  mort.  {Gai.  vi,  8.) 
On  ne  peut  surmonter  cet  obstacle  qu*à 
force  de  veiller  sur  ses  sens,  de  résister 
avec  courage  aux  penchants  naturels,  de 
s'éloigner  des  occasions  et  de  tout  ce  qui 
peut  porter  an  plaisir,  et  de  se  faire  violence 
pour  acquérir  les  vertus  contraires  h  ses 
mauvaises  inclinations,  jusqu'à  ce  que  la 
sensualité  soit  domptée  et  que  la  chair  soit 
parfaitement  soumise  à  l'esprit. 

Le  quatrième  obstacle,  c'est  dans  plo- 
si«îurs,  l'orgueil  et  la  vaine  gloire  qui  \?s 
enivrent,  et  dans  d'autres  une  eoffl|)iai- 
sance  secrète,  un  désir  inquiet  ou  une  joie 
vaine  de  se  voir  considérés,  loués  et  estimés 
des  autres.  Comme  ce  ne  sont  pas  là  des 
vices  grossiers  qui  attaquent  les  mœurs ,  la 
plupart  des  hommes  les  comptent  pour  rien 
et  ne  prennent  aucune  mesure  pour  les 
combattre;  ce  qui  oblige  Dieu,  qui  ne  veut 
habiter  qu'avec  des  âmes  humbles ,  à  se  re- 
tirer d'eux.  On  se  garantit  de  ce  malheur  en 
s'étudiant  à  l'humilité  qui  est  la  voie  la 

Elus  sûre  et  l'unique  pour  aller  à  Dieu, 
on  vainquons- nous  bien  du  besoin  que 
nous  avons  de  cette  vertu,  et  ne  cessons 
jamais  de  la  demander  au  Seigneur.  Ne  par- 


ii5i 


OBS 


DICTIONNAIRE 


OBS 


mi 


dons  jamais  de  vue  la  grandeur  de  Dieu  et 
l'abtme  de  notre  néant.  Jugeons-nous  nous* 
mêmes  dans  la  vérité^  et  croyons-nous  les 
plus  grands  pécheurs  du  monde»  indignes 
de  toutes  faveurs  et  dignes  de  toutes  sortes 
de  peines  à  cause  de  notre  malice  et  de 
notre  ingratitude.  Mettons*nous  au-dessous 
de  tous  les  hommes;  souhaitons  d'ôtre  mé- 
prisés et  foulés  aux  pieds;  disons  souvent 
comme  le  publicain  :  Mon  DieUf  soyez  pro- 
pice à  un  pécheur  comme-  moi,  {Luc,  xviiiy 
13.)  Ces  sentiments  d'humilité  gagnent  le 
cœur  de  Dieu  et  nous  disposent  à  recevoir 
ses  grAces*  Ils  qous  deviendraient  bientôt 
familiers,  si  nous  faisions  réflexion  que 
nous  ne  pouvons  pas  faire  grand  fonds  sûr 
notre  vertu,  que  nous  avons  une  peine  ex- 
trême à  surmonter  le  penchant  au  plaisir  et 
h  soumettre  la  propre  volonté ,  et  que  nous 
nous  trompons  souvent  nous-mêmes  en  pre- 
nant des  mouvements  de  la  nature  pour  des 
marques  de  sainteté. 

Le  cinquième  obstacle  est  une  certaine  a- 
mertume  de  cœur  qui  produit  les  impatien- 
ces, les  haines ,  les  désirs  de  vengeance ,  le 
mépris  des  autres.  Ceux  qui  sont  sujets  à 
ce  vice,  murmurent  volontiers  contre  les 
supérieurs ,  s*érigent  en  jitges  de  leur  pro- 
chain et  en  font  peu  de  cas.  Comme  le  venin 
qu'ils  ont  dans  l'Ame  se  communique  à  leur 
yeux,  ils  en  infectent  tout  ce  qu'ils  voient, 
ils  interprètent  en  mal  toutes  choses,  et  se 
rendent  haïssables  à  Dieu  et  aux  hommes. 
On  guérit  ce  mal  en  s'accoutumant  à  consi- 
dérer et  à  aimer  Jésus-Christ  dans  tous  les 
hommes,  h  honorer  en  eux  l'image  de  Dieu, 
è  ne  souffrir  dans  son  cœur  aucun  chagrin 
contre  personne,  à  se  présenter  à  tout  le 
monde  avec  un  visage  affable  et  des  paroles 
de  douceur  et  de  charité.  Mais  le  point  es- 
sentiel, pour  se  corriger  de  ce  vice,  est  de  se 
faire  violence  et  d'être  toujours  sur  ses  gar- 
des pour  ne  juger  ni  afUiger  personne,  pour 
supporter  les  défauts  et  les  faiblesses  des 
autres,  pour  les  soulager  dans  leurs  besoins, 
Dour  leur  pardonner  les  injures  qu'on  en  a 
reçues,  pour  interpréter  favorablement  leurs 
actions  et  pour  secourir  indifféremment  tous 
ceux  à  qui  on  peut  être  utile,  c'est-à-dire 
qu'il  faut  être  prêt  h  user  envers  tous  et  en 
toute  occasion,  d'une  conduite  pleine  de 
charité  et  dé  compassion. 

Le  sixième  obstacle  consiste  dans  l'attache 
à  son  propre  sens,  à  ses  volontés  et  à  ses 
lumières.  Cette  attache  va  si  loin  eu  quel- 
ques personnes ,  qu'elles  ne  veulent  se  fier 
ni  à  Dieu  ni  aux  hommes  :  elles  se  tiennent 
avec  opiniâtreté  à  leur  sentiment  et  ne  font 
que  ce  qui  leur  plaît,  c'est  là  le  principe  et 
le  fondement  de  leur  conduite.  Les  hommes 
de  ce  caractère  ont  beau  faire  des  œuvres 
qui  paraissent  grandes  et  saintes,  elles  sont 
viles  et  impures  aux  ycux  de  Dieu,  parce 
Qu'elles  sont  gâtées  par  la  propre  volonté. 
Qui  détruirait  cette  attache,  verrait  dispa- 
raître en  même  temps  la  plupart  de  ses  im- 
perfections. On  en  vient  a  bout  par  un  en- 
tier renoncement  à  soi-même  et  par  un 
dessaisissement  général  de  tout  ce  qu'on  a 


en  propre  pour  l'abandonner  à  Dieu  saut 
réserve.  Cet  abandonnement ,  pour  être 
parfait,  doit  renfermer  trois  choses: une 

4  résignation  entière  aux  ordres  de  Dieu,jus- 
qu'à  prendre  plaisir  à  voir  sa  volonté  ac- 
complie, même  à  nos  dépens  ;  une  obéi^ 
sance  fidèle  aux  hommes  qui  commandent 
de  la  part  de  Dieu,  obéissance  qui  doit  s'é- 
tendre à  tout  ce  qui  n'est  pas  péché;  une 
généreuse  confiance  en  la  bonté  du  Seigneur 
qui  ne  manque  pas  de  venir  à  notre  secours 
lorsque  nous  lui  remettons  tous  nos  inté- 
rêts, qui  dispose  des  biens  et  des  maux  à 
notre  avantage,  qui  entre  dans  le  détail  de 
notre  conduite  et  qui  nous  fait  trouver  dans 
notre  soumission  à  sa  Providence  des  dou< 
cours  auxquelles  nous  ne  nous  attendious 
pas.  C'est  donc  une  pratique  excellente  pour 
ceux  qui  veulent  se  défaire  de  l'attache  à 
leur  jugement  et  à  leur  propre  volonté,  que 
de  s'accoutumer  à  recevoir  avec  un  esprit 
tranquille  et  résigné  tout  ce  qui  vient  de  la 
part  des  créatures,  comme  s'il  partait  immé- 
diatement de  la  main  de  Dieu,  s'élevant 
ainsi  au-dessus  de  tous  les  changements  et 
de  toutes  les  vicissitudes  des  choses  humai* 
nés  pour  se  reposer  en  Dieu  et  ne  compter 
que  sur  lui,  jusqu'à  ce  qu'ils  soient  parve- 
nus à  cette  heureuse  indifférence  qui  rend 
tout  égal  et  qui  fait  regarder  d'un  même 
œil  l'adversité  et  la  prospérité 

Le  septième  obstacle  est  une  ardeur  im- 
modérée pour  cette  sorte  d'étude  qui  s'ar- 
rête à  la  spéculation,  sans  rien  contribuera 
la  dévotion  et  à  la  ferveur.  On  s'attache  i 
la  lecture,  parce  qu'on  s'y  platt  ou  qu'on  j 
puise  la  science,  sans  se  proposer  de  On 
plus  relevée.  On  devient  plus  savant  ï  la 
vérité,  mais  d'une  science  vaine  qui  enfle 
l'esprit ,  qui  produit  la  présomption  et  qui 
dessèche  le  cœur.  Ces  sortes  de  gens  sareat 
parler  de  choses  spirituelles,  mais  ils  ne 
sauraient  les  goûter.  Le  remède  à  ce  mal 

.est  de  ne  point  étudier  précisément  pour 
augmenter  ses  lumières,  mais*  pour  aug- 
menter sa  ferveur;  d'être  bien  convainca 
que  l'on  ne  sait  rien  quand  on  ne  sait  pas 
Jésus-Christ  crucifié  ;  et  qu'avec  cette  scieu- 
ce  on  peut  se  passer  de  toutes  les  autres. 
Heureux  celui  qui  fait  consister  son  élude 
à  penser  continuellement  à  la  vie  et  à  \i 
passion  du  Fils  de  Dieu  ;  à  considérer  ce 

Su'il  souffre  pour  lui  compatir  ;  la  manière 
ont  il  soulire  pour  l'imiter;  et  le  motif 
pour  lequel  il  soufi're,  afin  dé  lui  rendre 
amour  pour  amour.  C'çst  le  moyen  de  faire 
croître  de  plus  eu  plus  en  son  âme  le  désir 

.  de  ressembler  à  ce  divin  modèle,  de  souf- 
frir avec  courage  toutes  les  adversités  qui 
se  présentent.  Pour  ceux  qui  sont  tenoi 
d'étudier  par  em()!oi  et  afin  de  se  rendre 
utiles  au  prochain,  il  faut  qu'ils  le  fassent 
en  vue  de  Jésus-Christ  et  uuiqueaieot  pour 

.  l'amour  de  lui. 

Le  huitième  obstacle  est  l'inconslaoce  e| 
la  légèreté  de  cœur  dans  les  personucs.qu» 

.négligent  leur  intérieur,  ou,  ce  qui  est  '* 

-  môme  chose,  c'est  Ja  liberté  qu'on  se  donne 
de  courir  après  divers  objets  et  de  s'eu  oc- 


OBS 


D^ASCETISSIC. 


OBS 


124 


cuper  ;  ce  qui  produit  une  coofu^ioD  de 
pensées  et  une  maltipiicîté  d'images  qui 
empêchent  Tâme  de  faire  attention  aux  ins- 
pirations dîTînes.  Pour  arrêter  un  tel  dé- 
à^ordrOy  il  faut,  après  s*être  éloigné  de  tou- 
tes les  occasions  de  dissipation,  5*appiiquer 
sérieusement  k  chasser  toutes  les  idées  et 
Soutes  les  images  que  les  objets  créés 
a?aient  laissées  dans  notre  intérieur,  i  en 
effacer  jusqu*aux  moindres  traces  et  à  per- 
dre le  soutenir  de  tout  ce  qui  n*a  point 
de  rapport  à  la  sainteté.  Alors  notre  âme 
n*étant  phis  distraite  et  jouissKantd*!»  doux 
repos  dans  an  silence  intérieur,  notre  es* 
IHit,  notre  cœur,  notre  mémoire  étant  dé- 
gagés de  tout  ce  qui  est  terrestre  et  passa- 
ger, rien  ne  nous  empêchera  de  réunir  ton- 
tes nos  forces  pour  nous  élever  h  Dieu,  au- 
quel nous  ne  devons  jamais  cesser  de  ten- 
dre par  un  monvement  d'amour.  Et  pourquoi 
nous  embarrasser  de  tant  de  choses  qui 
troublent  notre  repos,  tandis  qu'il  ne  tient 
qu'à  nous  de  nous  borner  à  une  seule  qui 
suffit  pour  nous  rendre  heureux?  Ainsi 
donc,  quoique  nous  disions,  quoiçiue  nous 
fassions,  en  tout  temps,  en  tout  lieu,  ima- 
ginons-nous que  ces  paroles  frappent  conti- 
nuellement nos  oreilles  :  «  Mon  fils,  rentrez 
en  vous-mêmes,  ne  vous  laissez  piiint  dé- 
iiaucher  par  les  créatures  ;  tenez  voire  es- 
prit dégagé  ;  rendez-le  simple  en  le  rédaisai:t 
à  l'unité,  afin  que  vous  puissiez  vous  fixer 
en  Dieu,  ne  penser  qu'à  Dieu  et  ne  désirer 
qoe  DieUf^comme  s'il  n'j^  avait  que  lui  et 
vous  en  ce  monde.  »  Aspirons  à  ce  bienheu- 
reux état,  si  nous  voulons  que  la  vérité  de 
relie  parole  s'accomplisse  en  nous  :  Celui 
oui  $^ attache  à  ùieu  eeî  un  même  eeprit  avec 
lui.  (/  Car.,  vi,  17.) 

Le  neuf ième  obstacle  est  ane  mauvaise 
habitude  qu'on  prend  de  faire  ses  actions 
avec  tiédeur,  et  d'avoir  plus  d'égard  au 
nombre  des  bonnes  œuvres  que  l'on  lait 
qu'à  la  ferveur  de  la  charité  et  à  la  pureté 
d'intention  avec  laquelle  on  doit  les  fiiire. 
D]où  il  arrive  que,  ne  suivant  pas  l'attrait  de 
Dieu  qui  porte  au  parfait  renoncement^  on 
fait  peu  de  progrès  dans  la  vertu  et  dans  les 
▼oies  de  la  grftce.  Pour  revenir  de  celte 
mauvaise  habitude,  il  faut  prendre  pour  rè- 
gle de  conduite,  une  pratique  qui  renferme 
en  abrégé  toute  la  perfection.  Elle  consiste 
à  élever  en  tout  temps  notre  cœur  à  Dieu,  à 
nous  tourner  amoureusement  vers  lui ,  à 
renouveler  intérieurement  le  désir  de  lui 
l'Iaire  et  de  l'aimer  parfaitement;  à  soupirer 
et  à  crier  sans  cesse  après  lui  par  des  priè- 
res courtes  et  ardentes  et  par  de  ferventes 
aspirations,  telles  que  pourraient  être  celles* 
d  :  O  mon  Dieu  I  6  la  vie  de  mon  âme  1  6 
le  centre  de  mes  désirs  et  Tunique  sujet  de 
ma  joie  1  quand  pourrai-je  vous  aimer  très- 
ardemment,  me  mépriser  moi-même  et  re- 
noncer à  tout  pour  n'avoir  que  vous?  Qoe 
ne  puis-je  me  consumer  devant  vous  à  force 
de  vous  aimer  1  Qoe  ne  puis-je  me  détruire 
uioi-mêoie  et  m'abimer  pour  me  transformer 
en  vous  !  O  mon  Seigneur  1  faites  que  je 
vous  aime  de  tout  mon  cœur,  de  toute  mon 


âme,  etc.  Par  ces  inspirations  et  autres 
semblables  qoe  vous  suggérera  le  Saint-Es* 
prit,  entretenez-vous  avec  le  Dieo  de  votre 
âme  ;  cbercliez-le  par  vos  désirs,  glorifiez-le 
par  vos  louanges  et  fos  actions  de  grâces,  et 
offrez-vous  à  lui  pour  contribuera  Sà  gloire. 
Cet  exercice  est  très-noble  et  très  utile  ;  il 
peut  nous  procurer  des  biens  infinis,  et  les 
désirs  que  la  charité  enflamme,  ne  peuvent 
avoir  de  bornes ,  parce  que  celui  à  qui  ils 
s'adressent  n*en  met  point  à  sa  libéralité. 
Dieu  nous  ajant  commandé  de  le  prier  et 
nous  avant  promis  de  noua  accorder  nos 
demandes ,  noua  devons  être  persuadés 
qu'il  ne  permettra  pas  que  le  moindre  gé- 
missement poussé  vers  lui  soit  inutile  ;  oa 
il  vous  donnera  de  nouvell/3S  grâces ,  ou  il 
ajoutera  de  nouveaux  attraits  a  celles  qu*il 
vous  a  déjà  données ,  il  vous  attirera  à  lui 
p'tts  fortement,  il  vous  consolera  plus 
doucement,  il  vous  éclairera  plus  parfaite- 
ment, il  vous  soutiendra  plus  puissamment. 
Gardons-nous  donc  de  négliger  de  si  grands 
avantages  que  nous  pouvons  recevoir  à  tout 
moment ,  n'interrompons  jamais  un  com- 
merce si  utile,  cherchons  continuellement 
le  visage  du  Seigneur,  à  l'exemple  du  saint 
roi  David  (Ps.  xxvi,  8),  courons  après  le 
Dieu  de  notre  âme  à  travers  les  eaux  et  les 
feux  de  la  tribulation  ;  et  lorsque  les  distrac- 
tions nous  importunent,  que  les  tentations 
nous  pressent ,  que  la  tristesse  nous  abat» 
recourons  à  Dieu  en  e>prit  de  pénitence. 
Recommençons  chaque  jour  a? ec  un  dé- 
sir plus  ardent  d'employer  nos  forces  à 
l'aimer  et  à  le  louer.  Par  là  nous  lui  rendrons 
l'honneur  qu'il  mérite ,  nous  obéirons  à 
l'esprit  intérieur  qui  nous  fait  connaître  les 
dons  de  Dieu,  et  nous  nous  défendrons  de 
l'inçratitude  qui  tarit  la  source  des  miséri- 
cordes. 

OBSTACLES  A  LA  PERFECTION.— Parmi 
les  nombreux  obstacles  à  la  perfection,  il 
but  en  distinguer  quatre  principaux  : 

Le  premier  vient  des  desseins  particu- 
liers que  chacun  forme  selon  ses  inclina- 
tions, et  dont  il  s'occupe  tellement  qu'il  n'a 
ni  assez  de  liberté  d'esprit  ni  assez  de  force 
intérieure  pour  vaquera  l'étude  de  la  vertu. 
L'un  veut  amasser  du  bien,  Tantre  veut  se 
rendre  habile  dans  les  sciences  :  il  n'y  a 
presque  pas  d'hommes  qui  n'aient  quelque 
dessein  après  lequel  il  court  avec  ardeur  et 
jusqu'à  épuiser  toutes  les  forces  de  son 
âme,  si  bien  c|u'il  ne  reste  plus  de  vigueur 
pour  le  service  de  Dieu,  qui  demande  seul 
toute  notre  application  et  toutes  nos  forces. 
L'unique  moyen  de  vaincre  cet  oi»stacle  est 
de  ne  prétendre  à  rien  ici-bas, de  renoncera 
toute  autre  entreprise  età  toute  autre  vue  que 
celle  de  la  perfection  el  de  se  mettre  par  là 
en  état  de  ne  penser  qu'à  Dieu  et  à  soi* 
même.  Pour  en  venir  là,  il  n'est  pas  tou- 
jours nécessaire  de  quitter  son  emploi,  d*a* 
bandonner  ses  affaires,  de  renoncer  à  son 
étude,  aux  soins  de  sa  finoaille  et  aux  autres 
occupations  dont  on  est  chargé  ;  il  suffit  de 
les  regarder  comme  des  devoirs  que  Dieu 
nous  impose ,  de  n'y  pas  mettre  soo  affeo* 


OBS 


DICTIO!f!IAIRB 


lion,  de  ne  nous  y  appliqoer  que  par  amoor 
pour  Dieu  qui  Feiige  de  nous  comme  une 
lireove  de  notre  fidélité  et  un  serrice  qui  lui 
est  agréable.  De  celle  manière,  les  affaires 
du  dehors  ne  seront  pas  on  obstacle  à  notre 

Krfeclion,  parce  que  ce  qui  est  extérieur  à 
omme  ne  saurait  lui  nuire  que  par  sa 
faute,  lorsqu'il  %^y  attache  ou  qu'il  s  en  oc- 
cupe trop. 

Le  deuiième  obstacle  est  la  paresse  qui 
retient  Thomme  et  Tempéche  de  se  roidir 
contre  les  difficultés.  Et  comme  l'étude  de  la 
perfection  est  une  de  ces  entreprises  diffici- 
les qui  demandent  beaucoup  de  courage  et 
deviKilance,  qu*il  s'agit  de  se  vaincre  à 
chaque  pas,  il  n'y  a  pas  de  plus  grand  obs- 
tacle aux  eflbrls  conlinuels  qu'il  faut  faire , 
que  celte  inclination  naturelle  qui  nous  fait 
ebertber  le  repos.  Elle  nous  rend  lâches  et 
pesants  dans  la  pratique  du  bien,  et  comme 
elle  est  née  avec  nous  et  fortifiée  par  l'ha- 
bitude, il  faut  l>eaut'>oiip  de  vigueur  d'esprit, 
d'activité  et  de  diligence  pour  la  surmonter, 
en  mellant  en  usage  les  facultés  de  l'Ame 
que  celte  paresse  tient  dans  Tinaction.  Le 
meilleur  moyen  d'en  venir  è  bout  est  de  se 
prescrire  quelques  pratiques  particulières 
de  dévotion,  de  mortiQcation  et  de  charité 
envers  le  prochain,  points  importants  qni 
décident  de  la  pjerfeclion  du  chrétien.  Celui 
qui  s'adonne  à  la  vertu,  doit,  dès  le  com- 
mencement, destiner  quelque  temps  à  To- 
raison,  k  l'examen  de  conscience,  à  la  visite 
du  saint  sacrement  et  des  lieux  où  In  sainte 
Vierge  est  le  plus  honorée.  Il  doit  joindre  k 
ces  exercices  quelques  pratiques  de  péni- 
tence, quelques  aumônes,  etc., s'acquitter 
de  ce  qui  est  prescrit  avec  une  fidélité  in- 
violable. Comme  la  liberté  qu'on  se  donne 
d'écarter  ce  qui'  gène,  de  n'agir  que  par  hu- 
meur et  de  faire  tout  au  hasard,  entretient 
Ja  paresse,  le  moyen  de  la  vaincre,  est  de  se 
fixer  et  de  se  contraindre  par  l'observation 
de  certains  devoirs.  Les  entants  aecontumés 
h  faire  ce  qu'ils  veulent  ont  peine  au  com- 
mencement à  s'assujettir;  mais  dans  la  suite 
ils  éprouvent  combien  celle  gène  leur  est 
utile,  et  que  tout  leur  profit  en  dépend.  De 
même  pour  ceux  qui  veulent  être  parfaits, 
il  faut  que,  malgré  la  résistance  naturelle  de 
ce  fonds  de  paresse,  ils  s'obligent  à  vivre 
aelon  certaines  règles  pour  vaincre  cette 
mauvaise  inclination  qui  les  porte  à  suivre 
Ivur  fantaisie  et  à  ne  s'assujettir  en  rien. 
Outre  les  pratiques  particulières ,  il  faut 
aussi  durant  quelques  mois,  apporter  une 
grande  attention  à  veiller  sur  soi  et  à  se 
roidir  contre  la  paresse ,  s'avertissent  et  se 
corrigeant  soi-même  en  tout  temps  et  en 
tout  lieu,  comme  on  fait  à  l'égard  des  en- 
fants, lorsqu'on  veut  leur  faire  prendre 
quelque  bonne  habitude.  La  chose  est  diffi- 
cile au  commencement,  mais  dans  la  suite 
on  s'y  accoutume,  et  elle  devient  la  source 
d'un  solide  contentement. 

Le  troisième  obstacle  est  la  passion  domi- 
nante, car  il  y  en  a  toujours  une  qui  prend 
Tascendant.  Dans  les  uns,  c'est  l'orgueil  ; 
dans  les  autres^  la  colère,  la  démangeaison 


oe  perler,  la  cortosité,  ele.  Cetui  qui  veut 
être  parfait,  après  avoir  reconnu  ce  vice,  doit 
s'appliquer  à  le  combattre  de  toutes  ses  (or- 
ces,  comme  son  plus  grand  ennemi  et  le  plu 
grand  obstacle  à  son  avancement  spiritael, 
et  il  verra  bienl6t  par  expérience  que  ee  viee 
une  fois  vaincu,  il  viendra  bientôta  bout  des 
autres.  ' 

Outre  ces  obstacles,  il  y  en  a  an  qoatrièmo 
qui  est  aussi  très-grand,  c'est  une  bosse 
prudence  qui  nous  fait  croire  que  noiis  de- 
vons tout  taire  pour  conserver  notre  répnti- 
lion,  gagner  l'estime  et  l'amitié  de  toat  le 
monde.  Trompé  par  celle  illusion,  on  se 
donne  mille  mouvements  pour  se  faire  bien 
venir  des  autres,  on  a  pour  eux  des  égerds 
pt  de  très-grands  ménagements,  on  se  coq- 
duit  si  adroitement  qu'on  ne  déplaît  è  per- 
sonne. Si  c'était  par  un  motif  de  charité  et 
pour  édifier  le  prochain  qu'on  se  comportât 
ainsi,  il  n'y  aurait  pas  de  mal  ;  mais  quand 
on  le  fait  par  amour-propre,  c'est  un  obstacle 
d*aatant  plus  grand  à  la  perfection,  qu*il  est 
directement  opposé  è  la  confiance  en  Dieu, 
et  k  l'abandonnement  que  nous  devons  laire 
de  nous-mêmes  entre  S(às  mains.  C'est  pour 
cela  que  saint  Ignace  recommande  à  scS  re- 
ligieux, comme  un  excellent  d^é  de  per- 
fection, d'avoir  un  parfait  mépris  pour  ce 
que  les  mondains  estiment  le  plus,  savoir 
la  réputation,  jusqu'à  désirer  de  tout  leur 
cœur  d'être  déshonorés,  regardés  comoie 
insensés  sans  pourtant  y  donner  motif.  Le 
but  de  ce  grand  saint  a  été  d'enlever  aiD«i 
un  des  plus  grands  obstacles  i  la  perfection, 
qui  est  cette  sagesse  charnelle  et  trompeuse, 
laquelle  justifie  dans  les  hommes  TaisODr 
désordonné  pour  la  réputation,  et  leurs  soins 
incroyables  pour  la  conserver.  El,  comme  il 
coipprenait  bien  que  l'obstacle  était  difficile 
à  vaincre,  il  élève  Tesprit  de  ses  disciples, 
fortifie  leur  courage,  en  leur  proposaol  IV 
mour  du  mépris  comme  le  point  le  plus 
excellent  et  le  plus  haut  degré  de  perfection. 
On  voit,  en  etfet,  que  ces  faux  sa]^  qui 
aiment  tant  leur  réputation,  sont  timides  et 
chancelants  dans  leurs  projets  et  s'arrèient 
pour  un  rien  dans  le  chemin  de  la  vertu  t 
tandis  que  les  hommes  généreux  qui  fou- 
lent aux  pieds  leur  propre  honneur,  mar- 
chent avec  assurance  et  liberté,  ne  troufent 
rien  de  difficile  et  font  des  progrès  surpre- 
nants, tels  qu'on  doit  en  attendre  non 
homme  qui  choisit  pour  son  partage  la  folie 
de  la  croix  et  ne  craint  point  de  |)araUre 
sous  les  livrées  de  son  divin  maître. 

A  ces  obstacles,  il  faut  en  joinJre  trois  Au- 
tres qui  regardent  en  particulier  les  g*  ns  du 
monde. 

Le  premier  est  la  multitude  des  occupa- 
tions, le  soin  d'une  famille,  les  événemenU 
divers  qui  partagent  leur  vie,  les  procès  vi 
les  affaires  où  leur  vanité,  leur  avarice  et 
leur  ambition  les  engagent;  les  emplois,  les 
charges  remplissent  leur  esprit,  épuiscnl 
«oute  leur  attention  et  les  rendent  incap^ 
blés  des  exercices  de  piéié,  qui  demandent 
un  esprit  libre.  C'est  pour  cela  que  les  fem- 
mes, qui  sont  ordinairement  moins  occa^ 


OBS 


D'ASCKTISHK. 


OOC 


i23^ 


pées,  iont  filos  propres  à  la  déTOlion  que  les 
hommes  oui  sont  cnargés  de  Is  conduite  des 
allaires.  Il  faut  donc  qu'on  homme  du  siècle 
qui  Teut  tendre  k  la  perfection,  trouve  d'a- 
bord un  temps  pour  penser  à  soi  et  se  dé- 
robe à  ses  nombreuses  occupations  pour 
faire  une  retraite  de  quelques  jours.  U»  à 
force  de  s*emplojer  aui  exercices  spirituels, 
il  formera  une  sainte  habitude  de  rentrer  en 
soi-même,  et  prendre  de  justes  mesures  pour 
accorder,  au  sortir  de  sa  retraite,  ses  occu- 
pations sTec  le  serrice  de  Dieu.  Il  faut  encore 
que  dans  un  plan  de  fie  dressé  h  loisir,  il 
règle  Tordre  de  ses  actions  et  se  réserre 
surtout  certains  jours  de  l'année  et  quelques 
heures  de  chaque  jour  pour  les  consacrer  à 
Dieu  dans  un  saint  repos.  Ces  précautions 
sont  absolument  nécessaires  aux  gens  du 
monde  qui  aspirent  k  la  perfection.   *  *^ 

Le  second  obstacle  est  l'attachement  aux 
personnes  qui  nous  touchent  de  près.  Le 
firopre  de  cet  attachement  est  de  captiver  le 
oœur»  jusqu'à  le  mettre  hors  d'état  de  s'in- 
téresser k  l'aibire  du  salut  et  de  la  perfec- 
tion. Ce  ne  sont  pas  seulement  les  hommes 
diamels  et  vicieux  qui  sont  arrêtés  par  cet 
obstacle,  ceux  qui  pratiquent  la  vertu  et  ten- 
dent à  la  perfection  l'éprouvent  ésalement. 
Il  est  vrai  qu'ils  ne  portent  pas  T'attache- 
ment  j'nsqu  a  oBénser  Dieu  ;  mais  ils  don- 
nent trop  a  l'affection  naturelle,  et  les  satis- 
factions qu'ils  se  procurent  sont  autant  de 
liens  qui  gênent  leur  liberté.  Il  s'agit  de 
dégager  son  cœur  de  cette  affection  natu- 
relle, en  la  réduisant  à  de  justes  bornes. 
Pour  cela,  il  iaut  avoir  toujours  devant  les 
jeux  ces  paroles  de  saint  Paul  :  Que  ceux 
fui  ami  de$  femmes  eoieni  eawmie  Pile  n'ai 
enaieiU  pot  :  ceux  ^  ueemi  de$  ckoeee  de 
€e  w^ùnde^  comme  s'ib  n'ai  ueedemi  pot.  (/ 
Car.  vu,  S9,  31).  11  faut  s'appliquer  à  re- 
connaître :les  excès  où  cette  affection  lait 
tomber  et  se  mettre  k  l'épreuve  en  se  pri- 
vant des  satisfactions  qu  on  avait  coutume 
de  prendre.  Les  personnes  auxquelles  on 
peut  s'attacher  ne  sont  pas  toutes  également 
chères  ;  il  faudrait  se  contraindre  pour  té- 
moigner moins  d'amitié  k  celles  qu  on  aime 
beaucoup,  et  en  témoigner  davantage  à  celles 
qu'on  aime  moins.  Une  femme  qui  aime  son 
mari  ne  peut  supporter  son  absence,  elle 
est  toujours  dans  l'impatience  d'avoir  de 
ses  nquvelles  ;  et  si  elle  n'en  reçoit  pas, 
comme  elle  le  désire,  elle  s'afflige,  elle  se 
désole,  elle  fait  mille  réflexions  sur  les 
malheurs  qui  peuvent  lui  être  arrivés.  Ne 
ferait-elle  pas  mieux  d'éloigner  de  son 
esprit  toutes  ces  pensées  cjui  ne  servent 

au'à  l'inauiéter,  de  faire  k  Dieu  le  sacriCce 
e  son  désir  et  de  son  impatience,  et  de  se 
remettre  k  la  Providence  pour  ce  qui  peut 
arriver  k  son  mari  T  Par  ce  moyen,  elle  ac- 
coutumerait son  ccBur  k  se  détacher  des 
aifeclions  humaines,  et  le  disposerait  k  une 
aainie  liberté. 

Le  troisième  obstacle  est  une  trop  grande 
liberté  dont  les  gçns  du  monde  abusent  pour 
faire  tout  ce  qu'ils  veulent  et  agir  k  leur 
fantaisie.  Comme  ils  n'ont  rien  qui  les  con- 


traigne, ils  vont  et  viennent,  ils  se  lèvent , 
ils  se  couchent,  ils  prennent  leur  repos 
quand  bon  leur  semble  et  ne  ^rdeot  aucun 
ordre  dans  leurs  actions.  Cet  inconvénient 
est  très-grand,  parce  que  pour  pratiquer  la 
vertu,  surtout  dans  les  commencements,  on  a 
besoin  d'un  ordre  et  d'une  règle  k  laquelle 
on  se  soumette  :  et  c'est  Ik  le  grand  avan- 
tage des  personnes  qui  vivent  en  commu* 
naulé,  où  tout  est  réglé  par  l'obéissance. 

Pour  remédier  k  cet  inconvénient  les 
gens  du  monde  que  Dieu  appelle  k  une  vie 
parfaite,  dès  qu*ib  en  ont  formé  le  dessein, 
doivent  se  soumettre  k  la  conduite  d'un  saçe 
directeur  et  régler  sur  ses  avis  le  temps  du 
le? er,  de  la  prière  et  de  leurs  autres  occu- 
pations. Us  n'ont  que  ce  moyen  pour  se 
tirer  de  la  confusion  et  du  dérangement  où 
les  jette  le  mauvais  usage  qu'ils  font  de  leur 
liberté.  La  règle  est  établie  pour  vaincre  la 
négligence  naturelle  k  l'homme  et  pour 
dompter  la  propre  volonté  qui  aime  k  sui- 
vre son  caprice  ;  la  différence  qu'il  y  a  en- 
tre les  personnes  vertueuses  et  celles  qui  ne 
le  sont  pas,  c'est  que  les  premières,  qui 
n'ont  pas  besoin  d'un  ordre  extérieur,  parce 
qu'elles  savent  se  contraindre,  s'y  soumet* 
tent  volontiers;  et  nue  les  autres,  qui  en  ont 
besoin,  parce  qu'elles  ne  savent  se  gêner, 
ne  peuvent  pas  souffrir  la  rèsle,  soit  qu'elle 
leur  soit  imposée  par  une  volonté  étrangère, 
soit  qu'elles  l'aient  choisie  elles-mêmes. 

OCCUPATIONS  DES  REUGIEDX.—  U 
loi  do  travail  est  une  loi  générale  du  genre 
humain,  aucune  classe  d'hommes  ira  le 
droit  de  s'y  soustraire.  Mais  on  peut  dire 
que  plus  on  aspire  k  une  haute  perfection 

f>lus  on  doit  se  soumettre  rigoureusement  k 
a  loi  du  travail.  De  Ik  les  religieux  doivent 
être  les  premiers  travailleurs  du  genre  hu- 
main. Il  suffit  de  parcourir  leur  histoire 
pour  se  convaincre  que  tous,  selon  le  but 
plus  ou  moins  spécial  qu'ils  poursuivaient,  ils 
se  sont  montrés  de  dignes  et  nobles  modèles 
du  travail  dans  tous  Tes  çenres  de  travaux 
utiles  k  l'humanité.  (Foîr  Tes  articles  OaoaES 

mBLlGUUX,    MOIHBS.) 

Mais,  commençant  par  établir  la  thèse  gé*- 
nérale  du  travail  des  religieux  sur  une  base 
solide,  rappelons  d'abord  le  mot  de  VEccU" 
élastique ,  xxxm  :  Voieiveti  eei  urne  grande 
école  de  malice;  et  celui  de  saint  Paul,  aux 
Teeealonieienef  m  :  Si  quelfuuu  refuse  de  Ira* 
vailler^  qu*il  refuse  auss$  de  manger;  et  à 
Tile  :  Que  toue  ceux  qui  soni  des  noires  s'ap^ 
prémuni  à  éire  utiles  ffor  un  travail  opportun^ 
e4tn  de  n*étre  pas  stirila.  Voici  la  pensée  de 
saint  Augustin  (serm.  xii,  ad  Patres  m 
erem.)  :  c  Que  celui  qui  est  fatigué  de  prier 
ou  de  chanter  les  saints  cantiques,  se  hâte 
de  se  mettre  au  travail  des  mains.  Il  doit  se 
rappeler  que  tant  que  David  se  livra  aux  fa- 
tigues de  la  guerre,  la  luxure  ne  l'insulta 
point.  Mais  dès  le  moment  où  il  demeura 
oisif  dans  son  palais,  il  fut  poursuivi  par  des 
désirs  d'adultère,  et  finit  par  commettre 
un  homicide.  Cassien  doit  être  entendu 
dans  cette  matière  c  Voici ,  dit-il  (  lib.  x 
/lul.,  c.  8),    une  maxime  tranvuise  dt 


!2?Ç 


OCC 


DlCTIONMAlRfi 


OCC 


m 


toute  antiquité   par   les   Pères  d*Égjpte  : 
Le  démon  ne  tente  pas  un  moine  occupé, 
mais  celui  qui  est  inoccupé  devient  la  vic- 
time d'innombrables  mauvaises  pensées.  » 
C'est  aussi  ce  que  commande  le  grand  saint 
Jlenolt  [Reg.fe.  VS)  :  c  L'oisiveté  est  reoneraie 
de  l'Atne;  c'est  pourquoi,  dans  certaines  heu- 
res de  la  journée,  les  frères  seront  occupés 
au  travail  des  mains,  '.et  dans  d*autres  heures 
à  la  sainte  lecture,  »  —  «  Que  jamais,  dit 
saint  Bernard,  {Ep.  ad  Fair.  de  Monie)^  un 
dés  frères  ne  reste  oisif,  alors  même  qu'il 
aurait  fait  tons  ses  exercices  spirituels.  » 
Dans  son  chapitre  de  la  Diêcipline  des  moi-- 
ne$^  Thomas  A*Kempis  aflirme  t  que  trois 
choses  sont  nécessaires  à  un  religieux,  sans 
ces  trois  choseSt  il  ne  restera  pas  longtemps 
dans  la  bonne  voie;  ce  sont  l'oraison,  la  lec- 
ture et  le  travail.  Il  doit  s'y  exercer  tous  les 
jours,  et  élre  en  tout  temps  à  l'une  de  ces 
occufmtions.  »  Voici  ce  que  la  raison  et 
rêxpérience  ajoutent  à  ces  considérations 
e(  à  ces  preuves.  Les  religieux  oisifs  cher- 
rhant  çè  et  là  les  fréquentations  mondaines 
des  séculiers  pour  se  distraire  de  l'ennui 
do  la  soHtude  ,   perdent  peu  à  peu  toute 
là   communauté  ,  quelque   bien  réformée 
qu'elle  soit.  Qu'il  y  ait  beaucoup  de  tra* 
vail,  il  y  aura  peu  de  perdilion.il  vaut  mieux 

aue  les  personnes  manquent  au  travail  que 
e  voir  le  travail  manquer  aux  personnes. 
Un  religieux  oisif  est  un  religieux  vicieux. 
Quel  est  le  genre  de  travail  qui  convient 
h  drs  religieux?  Quel  est  celui  qui  est  au- 
torisé par  une  longue  expérience?  Les  pre- 
miers fondateurs  d'ordres  ont  posé  le  tra- 
vail des  moines  comme  la  base  de  leurs  ins- 
titutions. Il  n'est  aucun  religieux,  dit  Cas- 
sien  (lib.  IV  /n#/tV.),  qui  puisse  supporter 
ià  monotonie  de  la  solitude,  s'il  ne  se  livre 
pas  au  travail  des  mains,  et  s'il  ne  gagne  lui- 
même  le  pain  et  le  nécessaire  de  la  vie.  Le 
même  ajoute  que  le  travail  des  mains,  la 
sueur  ,  une  vie  laborieuse  était  la  vie 
habituelle  des  moines.  Ils  se  livraient  à  ces 
occupations  corporelles  avec  une  si  grande 
ardeur,  dit  Çassien,  qu'ils  ne  voulaient  pas 
même  les  interrompre  avec  le  jour;  ils 
cherchaient  des  occupations  auxquelles  on 
pouvait  se  livrer  sans  le  secours  de  la  lu- 
mière. Tels  étaient  les  principes  de  la  vie 
monastique  autorisés  par  les  premiers  Pères, 
et  saint  fienott  en  a  fait  une  scrupuleuse 
application  dans  sa  règle ,  ne  croyant  pas 
qu  il  y  ait  rien*  de  olus  salutaire  que  de  faire 
succéder  le  travail  a  Toraison  et  de  consolider 
l'oraison  par  le  travail  ;  on  soutenait  ainsi  la 
solitude  et  le  travail  par  la  prière  et  la  psal- 
modie. En  montant  ces  degrés,  ces  hommes 
de  Dieu  sont  arrivés  à  une  telle  éminencede 
sainteté  qu'on  ne  peut  assez  l'admirer.  Si,  " 
dans  des  temps  postérieurs,  les  religieux  se 
sont  beaucoup  éloignés  de  cette  perfection, 
c*est  parce  que  le  silence,  la  solitude  et  le 
Il  avait  des  mains  ont  été  négligés  ;  et  à  leur 
placo  sont  venues  les  futiUtés,  Ta  dissipation 
et  l'oisiveté.  Dos  mpines  oisifs  et  désœuvrés, 

vie 
du 


dit  dom  Calmet,  prennent  en  dégoût  la  vi( 
i-etiiée;  et,  pendant  qu'ils  cherchent  hors  d\ 


monastère  un  soulagement  à  leur  ennui,  j|| 
convoitent  d'almrd  les  rapports  séculiers,  en- 
suite  ils  prennent  leur  esprit  et  leurs  mœurs, 
ils  prennent  même  leur  laste,  leurs  délical^ 
ses  et  les  vices  qui  en  déc  mient.  Le  même  au- 
tour {Com.  tu  reg.  S.  B.  )  fait  ensuite  une 
peinture  très-énergique  des  graves  dangers 
qui  menacent  et  les  moines  et  les  comuiu- 
nautés,  par  ces  concessions  qu'on  M  à  la 
chaiir,  et  qui  proviennent  de  ce  point  unique, 
l'abandon  du  travail  «ia«ue/.  «  Il  ne  con- 
vient pas,  dit  saint  Augustin  [De  op.  mon.), 
que  là  où  les  sénateurs  deviennent  labn- 
rieux,  les  artisans  y  restent  oisifs,  i  —  iJe 
travaillais  de  mes  mains,  dit  saint  François 
(tfi  Testam.)^  et  je  veux  travailler,  elje^eui 
absolument  que  tous  les  trères  travailicul 
d'un  travail  honnête,  que  ceux  qui  ne  savent 
pas  apprennent,  non  dans  l'espoir  de  rece- 
voir le  prix  de  leur  travail,  mais  pour  le  bon 
exemple  et  pour  chasser  l'oisiveté.  »  Le 
concife  d'Aix-la-Chapelle,  de  817»  statue,  que 
«  tes  moines  travaillent  de  leurs  propres 
mains  dans  les  cuisines  et  dans  les  boulan- 
geries, et  dans  les  autres  lieux  où  il  y  a  du 
travail ,  et  qu'ils  lavent  eux-mêoies  leurs 
habits  en  temps  opportun.  »  Le  concile  de 
Cologne  de  13S6,  c.  16,  ordonne  «  quelearé- 

Fuliers  vaquent  à  la  prière,  à  la  lecture  de 
Ecriture  sainte,.au  culte  divin,  et  qu'ensuite 
ils  fassent  quel(]ue  ouvrage  manuel.  »  Voici 
les  travaux  [qui  sont  assignés  aux  moines 
dans  le  Cérémonial  de  Hordre  de  Saint-Be- 
noU  :  «  Imprimer  des  livres,  tes  corriger,  les 
cataloguer  et  leur  donner  l'ordre  convena- 
ble; cultiver  le  jardin,  planter,  arracher  la 
zizanie,  faire  des  petits  fouets  de  chanvre, 
distiller  des  herbes  pour  l'usage  de  la  oiéde- 
ciae,  tracer  et  colorer  des  images  pour  orner 
les  livres,  »  etc. 

Cependant  on  peut  suppléer  le  travail  ma- 
nuel par  l'étude,  la  prédication,  la  composi- 
tion d'ouvraçes  utiles,  ou  par  un  autre  ira- 
vail  d'une  utilité  incontestable  pour  la  reli- 
gion et  utile  au  prochain. 

Au  premier  rang  des  occupations  des  reli- 
gieux nous  devons  placer  l'élude  de  TÊcri- 
tare  sainte.  Notre-Seigneur  nous  dit  lui* 
même  dans  SaitU  Jean^  x  :  Semiez  lu  Ecri- 
tures: car  tous  pouvez  y  trouver  la  vie  éter- 
nelle^ ei  elles  rendent  témoignage  de  moi]  et 
saint  Paul,  aux  Romains:,  v,  dit  aussi  :  Tout 
ce  qui  a  été  écrite  a  été  écrit  pour  notre  t«i* 
truction^.afin  qu'en  recueillant  çvee  paiitnct 
les  consolations  des  Ecritures,  nous  oMonslts- 
péranoe.  £t  dans  son  Epîlre  à  Tite,  u  ajoute  : 
Toute  écriture  divinement  inspirée  est  utiU 
peur  instruire^  pour  répondre  et  pour  eorri* 
ger^  pour  éclairer  dans  la  justice^  afn  (jut 
Vkomme  de  Dieu^  devenu  parfait ^  soit  préparé 
à  toute  bonne  muvre*  C'est  pourquoi  le  con- 
cile de  Trente,  dans  sa  session  v'.  De  rtf.t 
c.  1,  a  ordonné  :  «  Qoe  dans  les  monastères 
de  religieux,  où  cela  pourra  se  faire  com- 
modément, on  fasse  la  lecture  de  r£criture 
sainte;  si  les  abbés  se  montraient  iiéglig^^^^ 
sur  ce  point,  les  évêques  du  lieu,  comme 
délégués  du  Saint-Siège  en  cela,  les  amène* 
ront  à  le  faire  par  des  laoyeus  0Quv^ual)ltfS« 


ftil 


OGC 


D^ASCfiTISME, 


OCG 


m% 


Bans  les  couvents  des  autres  religieui,  où 
les  études  peuvent  être  en  vigueur«  il  y  aura 
la  ieeture  de  TEeriture  sainte  :  cette  lecture 
sera  assignée  dans  les  chapitres  généraux  ou 
provincraux.  »  Si  nous  demandons  Tavis  des 
saints  Pères,  saint  Epbrem  (  paran.  i  )  nous 
ri^pondra  :  «  Que  la  lecture  de  VEcriture 
sainte  soit  l'exercice  d*un  moine  :  un  moine 
oui  n'y  est  point  versé  sera  désœuvré,  p 
Saint  Jérûme,  de  son  côté  (Ep.  ad Flor.)^  dit 
aux  moines  :  «  Aimea  les  sciences  des  sain* 
tes  Ecritures,  et  vous  n*aimerez  pas  les  vices 
de  la  chair.  »  Il  ajoute  {Ep.  ad.  Rusf.)  :  «  Vi- 
▼ez  de  telle  manière  dans  un  monastère  qua 
TOUS  méritiez  de  devenir  un  disciple  ;  mettez* 
beaucoup  de  temps  pour  apprendre  ce  que 
vous  devez  enseigner  un  jour.  Après  les 
saintes  Ecritures  lisez  les  traités  des  hom* 
mes  doctes,  de  ceux-là  seulement  dont  la  foi 
e^^l  éprouvée,  dont  la  piété  n'est  point  va- 
cillante. Que  peut  être  la  vie  sans  la  science 
des  saintes  Ecritures  par  lesquelles  nous  con- 
nnissons  Jésus-Christ  ?  Quel'e  est  la  nourri- 
ritore,  quel  est  le  miel  plus  doux  que  de 
Gonnaître  la  prudence  de  Dieu?  Suuit  Isi- 
dore (De  lib.  gent.)  dit  aussi  :  Que  sert-il 
d'avancer  dans  les  sciences  mondaines  et  de 
dessécher  dans  la  privation  des  sciences  di- 
vines? de  poursuivre  des  choses  caduques  et 
àes  images  sur  les  mystères  divins.  (ïardez- 
vo'js  des  livres  qui  brillent  par  l'éloquence 
des  mots»  et  qui  intérieurement  sont  vides 
de  sagesse  ;  évitez-les  pour  l'amour  des 
saintes  Ecritures.  » 

Afin  que  Tétude  des  saintes    Ecritures 
profite  aux  religieux  et  tourne  au  proGt  de 
la  religion,  il  faut  noter  les  points  suivants 
qui  sont  tirés  des  saints  Pères  et  des  mysti- 
ques :   «  Pour  arriver  à  la  vérité  et  à  la 
sainte  sagesse,  dit  saint  A^ugustin,  ne  vous 
préparez  pas  une  autre  voie  que  celle  que 
vous  montre  celui  qui  raffermit  vos  pascban-' 
celants  ;  et,  pour  cela,  il  vous  faut  en  pre- 
mier lieu  rtiumilité,  en  second  lieu  l'humi- 
lité, et  en  troisième  lieu  l'humilité:  et  clia- 
ffue  fois  que  vous  m'interrogerez  je  vous 
ferai  la  même  réponse.  p{Ep.  36 ad  l>ïo«c.) Hu- 
gues de  Saint-Viclor  (lib.  Ht  Dean.)  observe 
que  «pour  arrivera  une  parfaite  intelligence 
des  saintes  Ecritures  on  a  plus  besoin  de  com- 
ponction quede  profondes  investigations; on 
a  plus  besoin  de  soupirs  que  d'arguments,  de 
fiéquents  gémissements,   que  de  longues 
discussions:  que  les  larmes  sont  plus  utiles 
que  les  sentences,  Toraison  que  la  lecture* 
le  don  des  larmes  que  la  science  des  lettres  : 
la  contemplation  céleste  vaut  mieux  que  la 
préoccupation  terrestre.  »  Voici  ce  qu'ob- 
serve ieande  saint  Sam$on:{l>eftudto  «n'en/.) 
.  L'étude  qui  n'est   pas  ordonnée    pour  la  1* 
plus  grande  gloire  de  Dieu  est  un  chemin 
très-court  pour  aller  en  enfer:  ce  n'est  pas 
l'étude  qui  conduit  là,  mais  l'orgueil  qu'en- 
fanle  l'étude.  »  11  dit  ailleurs  :«Je  ne  reviens 
pas  de  mon  étonnement  de  voir  certains 
prêtres  tant   séculiers  que  réguliers    qui 
pensent'  que  tout   genre   d'étude  leur   est 
permis,  quelque    léger,  frivoie    et  profane 
qu*il  soit,  donnant  pour  prétexte  qu'ils  doi 


vent  tout  connattre  et  tout  voir  pour  mieux 
dénouer  les  didicultés  qui  naissent  de  la 
direction  des  gens  di|  monde.  »  Ce  n'est  là 
que  la  recherche  de  soi-même  et  la  niar- 

3U6  d'un  sens  pervers.  C'est  ravaler  son  état 
ans  la  corruption.  Le  même  auteur  ajoute  : 
ft  Celuiqui  veut  s'adonner  aux  études  sacrées 
doit  constamment  se  dépouiller  de  vues 
personnelles  et  tendre  à  Dieu  seul .  Ce 
n*estpas  que  ce  sentiment  doive  exister 
sans  interruption  ;  mais  il  faut  au  moins 
que  de  temps  en  temps  Tême  dirige  son 
intention  vers  Dieu,  el  ne  se  laisse  point 
entraîner  par  le  goût  de  la  nature.  % 

S*il  est  vrai  que  Télude  des  saintes  lettres 
ett  des  choses  utiles  à  la  religion  alimentent 
la  régularité  et.  la  piété  dans  les  monastères; 
il  n'est  pas  moins  certain,  que  la  curiosité, 
ou  un  désir  immodéré  de  savoir,  une  étude 
qui  se  porte  vers  les  choses  inutiles  en* 
traînent  vers  lo  relâchement.  Ces  sortes 
d'études  engendrent  l'orgueil,  et  l'orgueil 
ouvre  la  porte  à  bien  d'autres  vices.  C*est 

Kurquoi   les  moines  doivent  protiter  de 
vertissemontduSage  (fccK.,  m)  :  Nevoui 
efforcez  pas  de  scruter  ae-milU  manières  les 
ckosts  superflues  :  H  n'essf  pûini  nécessaire 
pêe  tfyus  vouiez  de  nas  yeux  charnels  bien  des 
choses  cachées.  Ne  voue  dispuiez  pas  avec  ar"- 
deur  sur  des  objeUqwi  ne  vous  blessent  pas; 
et  réprimez  votre  curiosité  sur  beaucoup  de 
choses.  EtJ'apôtre  saint  Paul  leur  dit  (//Cor. 
Il)  :  Je  n'ai  pas  prétendu  que  je  savais  autre 
chose  au  milieu  de  vous,  que  Jésus-Christ  et 
Jésuf-Chrisê  crucifié.  Le  même  dit  à  Tiino- 
thée  :  d'exhorter  les  fidèles  ;  à  combien  plus 
forte  raisofi  les  moines^  de  ne  point  se  f»aj« 
siosmer  pour  les  fables  et  les  génialoaies  tn- 
termimables ,  qui  jdimentent  plutét  lee  dis-- 
putsa  quo  VMifkcation  en  Dieu  qu'on  trouve 
dofi» /a /bt.  Saint  Augustin  dans  sa  lettre  à 
Dioscar,  écrit:  c  11  y  a  une  certaine  science 
qni  est  bien  opposée  à  la  salutaire  humilité 
que  iésuS'Christ  nous  a    enseignée,   c'est 
celle  par  laquelle  nous  nous  glorifions  de 
savoir     ce    au'Anaximèoes ,    Aaaxagore  , 
Pythagore,  Democrile  l't  autres,  ont  pensé 
sûr  certaines   questions,  afin  de  [>arallre 
doctes  parcetteérudition  :  et  cependant  cette 
vaine  science  estbiealoinde  la  science  véri- 
table, h^s  vers  des  poètes,  la  science  séculière, 
la  |K)œpe  de  parole  derétheurs  est  la  nourri- 
ture du  démon.  Ce  n'est  point  là  que  vous, 
trouverez  raiiuient  de  la  vérité,  la  règle  de 
la  justice;  vous  sentirez  là,  au  contraire,  la 
faim  du  vrai  et  la  pénurie  des  vertus.   Du 
reste,  tous  les  hommes  éclairés  et  respecta- 
bles qui  ont  parlé  de  cette  matière  ont  in- 
sisté sur  le  danger  qu'il  y  a  pour  un  menas* 
tère,   lorsque  ses   membres  courent  après 
les  frivolités  et  les  choses  curieuses  dans 
leurs  études.  » 

'  On  peut  demander  ici  par  quels  degréa 
insensibles  on  passe  de  la  solide  étude 
au  désir  des  choses  curieuses.  Saint  Tbo« 
mas  (2-S,  q.  1(6)  nous  repeindra  que 
cela  arrive  ainsi  lorsque  Fon  abaBdoone 
un  objet  d'étude  nécessaire  pour  un  autre 
moins  utile  :  c'est  ainsi  que  saint  Jér^iua 


na 


ODO 


DICTIONNAIRE 


OCI 


\m 


reproche  aux  prêtres  de  lire  les  corné*  ^ 
dies  des  anciens,  les  vers  des  bucoliques. 
Ensuite  «  lorsque  Ton  quitte  un  travail 
recommandé  et  licite  pour  courir  après  des 
connaissances  fournies  par  des  hérétiques. 
Enfin»  lorsqu*on  désire  connattredes  vérités 
qui  ont  pour  objet  des  créatures  sans  rap- 

Eorter  la  fin  de  son  travail  à  Dieu*  Il  j  en  a 
eaucoup,  dit  dom  Calmet,  qui,  incapa- 
bles de  se  livrer  à  des  études  élevées,  n'ont 
cependant  du  goût  que  pour  celles-là,  et  pen- 
dant qu'ils  se  passionnent  pour  elles,  ils  pe^ 
dent  ia  piété  qa'ilsavaient  acquise  pendant  le 
temps  d'épreuve...  Il  y  a  des  esprits  légers 
et  superficiels  qui  s'embarrassent  dans  des 
difficultés  invincibles  pour  leur  faiblesse,  et 
se  croient  rependant  seuls  capables  de  ré« 
soudre  les  objections  qu*ils  se  créent,  pre- 
nant alors  leur  ignorance  pour  le  dernier 
terme  de  la  science,  ils  tombent  misérable- 
inent  dans  le  doute.  Il  leur  semble  qu'il  n'y 
a  pas  une  vérité  contre  laquelle  on  ne  puisse 
soulever  des  objections  insolubles.  En  sorte 
que  toutes  les  vérités  leur  paraissent  des 
problèmes,  et  le  chemin  droit  de  la  vé- 
rité leur  échappe.  Les  conséquences  de 
cet  état  de  l'esprit  sont  faciles  à  tirer:  on 
conserve  dans  la  pratique  un  faible  respect 
pour  les  vérités  religieuses,  lorsque  dans  la 
spéculation  on  ne  les  voit  que  dans  un  nuage: 
mi  conserve  peu  de  respect  pour  les  supé- 
rieurs, lorsqu'on  sent  la  plus  grande  des  au<- 
torités  qui  commence  à  s'ébranler  dans  son 
esprit.  C'est  de  là  que  découlent  cette  liberté 
effrénée,  cette  licence  sans  bornes,  ce  mé- 
pris des  directeurs,  des  règlements  et  des 
oonstitutions.qui  n'apparaissent  plus  comme 
la  volonté  de  Dieu,  mais  comme  des  inven- 
tions arbitraires  des  hommes:  de  là  la  faci- 
lité avec  laquelle  on  viole  toutes  les  lois. 

Dans  cet  état,  on  n'a  plus  de  goût  pour 
les  éludes  sérieuses,  pourl'Ecriture  sainte, 
les  saints  Pères,  les  auteurs  ascétiques  les 

rlus  accrédités  •  La  solide  nourriture  de 
Ame  qu'on  trouve  toujours  à  ces  sources 
précieuses  devient  nauséabonde  ;  on  n'a 
plus  d'ardeur  que  pour  les  lectures  stériles, 
pour  les  historiettes,  les  relations  de  voyages, 
de  guerres  et  de  batailles,  pour  les  curiosi- 
tés et  les  nouvelles.  Mais,  pendantqu'on  se 
livre  ainsi  aux  futilités,  pendant  que  les 
vérités  capitales  ne  sont  plus  que  aes  su- 
jets de  disputes  subtiles,  f'espnt  de  piété,  et 
le  vrai  amour  de  Dieu  sontd^à  éteints  dans 
le  ccmir.  L'esprit  religieux  s'en  est  allé  avec 
le  respect  des  règles  ;  et  tout  cela  est  étouffé 
sous  le  poids  de  l'orgueil  engendré  par  des 
études  mal  dirigées.  Pour  éviter  ces  dan- 
gers,ilconvientde  régler  les  études  dans  les 
monastères,  selon  le  plan  d'étude  qui  a  été 
tracé  par  dom  Mabillon  (Traci.  desiud.  mon.)  ; 
et  d'exclure  impiloyablemenl  de  ces  saintes 
maisons  tous  les  livres  dangereux  ou   sus- 

Sects  dont  le  monde  est  maintenant  encom- 
ré. 

ODON  (Saint),  né  en  679,  fut  chanoine  de 
Saint-Martin  dfe  Tours  en  899 .  Moine  à 
Baume,  en  Franche-Comté  en  909^  et  second 
abb6  de  Chiny  en  937.  Sa  sainteté  et  ses  lu- 


mières répandirent  beaucoup  d'éclat  sur  cet 
ordre.  Le  saint  abbé  était  l'arbitre  des  pris- 
ces  séculiers  et  des  princes  de  TEglise.  Il 
fut  le  réformateur  d'un  grand  nombre  de 
monastères.  Il  a  laissé  un  abrégé  des  J(o- 
rates  de  eaint  Grégoire;  — la  FtedesatfUC^ 
rand^  et  divers  sermons. 

ODILON  (Saint).  —  Cinquième  ahbé  de 
Cluny;  il  naquit  en  Auvergne  en  961  Le 
désir  de  mener  une  Tîe  plus  parfaite  loi 
inspira  la  résolution  de  se  retirer  à  Clanj. 
Saint  Mayeul  ieta  les  .yeux  sur  lui  pour  lui 
succéder  :  Odilon  fut  le  seul  qui  désapprou- 
va ce  choix.  La  réputation  que  lui  6rent  ses 
vertus  vint  jusqu'à  l'empereur  saint  Heorj 
qui  le  pria  de  l'accompagner  dans  le  vojase 
qu'il  fit  à  Rome  pour  s'y  faire  couronner  :  le 
monarque  jouit  plusieurs  fois  depuis  de  ses 

I)ieux  entretiens.  L'humilité  de  saint  OdiloD 
ui  fit  refuser  Farchevèché  de  Lyon  et  le 
Pallium  dont  Jean  XIX  voulut  rbooorer. 
Il  mourut  à  Souvigny  en  10&9,  après  avoir 
répandu  son  ordre  en  Italie,  en  Espagne  et 
en  Angleterre.  Son  nom  est  immortel  dans 
l'Eglise  par  l'institution  de  la  comméaion* 
tion  générale  des  trépassés.  Cette  pratique 
passa  des^monastères  de  Cluny  dans  d'autres 
églises,  et  fut  enfin  adoj[>tée  par  l'Eglise 
universelle.  On  a  de  lui  la  Vie  de  eami 
Mayeul  et  celle  de  eainie  Adélaïde^  impé- 
ratrice, et  plusieurs  eermons  qui  marquent 
une  connaissance  approfondie  de  l'Ecriture 
sainte. 

OFFRANDE  DE  SES  ACTIONS.  -  Yoyn 
Aciiont, 

OGIER  (Joseph-Marie),  prêtre  du  diocèse 
de  Vienne ,  né  à  Cremieu ,  mort  en  fé- 
vrier  1821  dans  sa  soixante  et  onzième 
année,  après  une  vie  toute  consacrée aui 
fonctions  du  minisUère.  On  lui  doit  :  Jfoyeni 
de  perfection  pour  une  vierge  ehrilienntt 
3*  édition ,  augmentée  de  plusieurs  chapi- 
tres ,  de  TofEce  de  la  pénitence,  des  vêpres 
et  compiles,  Lyon  1820;  —  Moyens  de  wW 
pour  les  chrétiens  des  deux  sexes^  de  tow  la 
états  et  de  tous  les  àges^  elc,  Lyon,  1817, 
in-12.  C'est  une  traduction  libre  du  Safienm 
tia  christiana  d'Arvisenet.  La  2*  éditieu  a 
pour  titre  Sagesse  chrétienne ,  etc.  —  Bré- 
viaire  du  pénitent ^  Lyon,  1819,  in-18;- 
Préparalions  et  actions  de  grâces  à  Cusage 
des  personnes  pieuses  qui  font  leurs  di^ 
de  la  fréquente  communion;  Paris,  i^* 
in-18,  extrait  du  Sapientia  christiana.  ^^ 
recueil  renferme  une  préparation  pour  les 
troisiours  qui  précèdent  la  communient  et 
ensuite  huit]  préparations  et  actions  de 
grâces  différentes  entre  lesquelles  les  ûdèles 
pourront  choisir ,  ou  dont  ils  pourront  se 
servir  successivement.  —  Conférence  ^  «"" 
cours  sur  divers  points  de  morale  à  Fmgj 
des  ecclésiastiques:  Lyon,  1821, 2  vol.m-it 
Ce  livre,  écrit  d'une  manière  simple,  est 
très-utile  aux  fidèles  qui  ne  peuvent  assister 
aux  instructions  de  leurs  pasteurs.  Orj  J 
trouve  dix  conférences  qui  traitent  à^^?}^ 
positions  pour  les  sacrements  et  les  (lifl^ 
rents  points  de  morale,  et  six  discours  en 
forme  d'ewmen  sua  la  confession,  lescoo- 


ItlS 


OPE 


DASCETiSHE. 


OPE 


Wê 


mandements  de  Diea  et  de  l'Eglise  et  les 
péchés  capitaux;  des  instruciions  iMiur  la 
première  commuaion  des  enfants;  des  dis- 
cours poar  le  reDOUTellemeol  des  vœux  de 
baptême,  etc. 

OLIER  (Jean-Jacques),  instituteur,  fonda- 
teur et  premiersupérieurdela  congrégation 
de  Saint-Sulpice,  naquit  à  Paris  en  1608. 
Après  avoir  fait  quelques  missions  en  Au* 
Tergne,  et  refusé  révèché  de  ChAlons-sur- 
Marne,  qui  lui  était  offert  par  Richelieu,  il 
devint  curé  de  Saint-Sulpice  en  16fc2.  C'est 
alors  qu'il  jeta  les  fondements  d'une  non- 
Telle  congrégation,  qui,  aujourd'hui  encore 
dirige  une  grande  partie  des  séminaires  de 
France.  Olier  mourut,  avec  la  réputation 
d*un  saint  prêtre,  en  1657,  n'ayant  que 
cpiaranle-nenf  ans.  C'était  un  homme  d'une 
charité  ardente  et  d'une  piété  exemplaire. 
Nous  avons  de  lui  quelques  ouvrages  de 
spiritualité,  entre  autres,  le  Catéchisme  de 
la  vie  intérieure  et  des  Lettres;  Paris,  in-12, 
1674,  remplies  d'onction  et  de  simplicité. 

OLIVE  (Pierre-Jean),  Cordelier  de  Seri- 
gnan  dans  le  diocèse  de  Béziers,  était  un 
partisan  zélé  de  la  pauvreté  et  de  la  désap- 
propriatioo  des  biens.  Les  religieux  de  son 
ordre ,  ennemis  du  joug  qu'il  voulait  leur 
imposer,  cherchèrent  des  erreurs  dans  son 
Traité  de  la  pauvreté  et  dans  son  Commen- 
iaire  sur  F  Apocalypse.  Ils  crurent  en  avoir 
trouvé  plusieurs,  qui  furent  censurées  sur 
ïeur  dénonciation.  Olive  expliqua  sa  doc* 
trine  dans  le  chapitre  général  tenu  à  Paris, 
en  1292,  et  ses  accusateurs  furent  confon- 
dus.  Il  mourut  à  Narbonne  en  i2u7,  en 
odeur  de  sainteté. 

OMPBALOPHYSIQUES.  --Quelques  écri- 
vains ont  dit  que  ce  nom  avait  été  donné 
aux  bogomilles  ou  pauliciens  de  la  Bulgarie; 
mais  il  est  plus  probable  que  Ton  a  voulu 
désigner  par  \h  les  Hésichastes,  faux  mysli- 
qaes  du  xi*  et  du  xiv'  siècles.  C'étaient  des 
moines  fanatiques  qui  croyaient  voir  la 
lumière  du  Thabor  à  leur  nombril.  — -  Yoyex 

HiSICHASTBS. 

OONSELL  (Guillaume  vm),  religieux  Do» 
ininicaini  né  en  157i  k  Anvers.  —  Il  gnu- 
verna  successivement  les  couvents  de  Gand 
et  de  Bruges,  se  distingua  comme  prédica* 
leur,  et  mourut  subitement  en  1603.  Il  a 
composé  divers  ouvrages  de  piété  parmi 
lesquels  on  remarque  :  Comolatorium  nnt- 
ma  migrantii..»  Brevis  methodus  visitandi  ae 
vonsolandi  œgrotos, 

IPÉRATIONS  SURNATURELLES.  —  Ces 
opérations  ne  sont  pas  seulement  celles  de 
la  grâce  ordinaire  qui  nous  aide  è  produire 
des  actes  de  foi,  d'espérance,  de  charité,  etc., 
mais  encore  les  opérations  extraordinaires 
que  le  Saint-Esprit  fait  dans  les  Ames  où  il 
veut  faire  paraître  le^*richesses  et  les  trésors 
de  sa  miséricorde.  On  distingue  deux  sortes 
de  ces  opérations  extraordinaires;  les  unes 
Tiennent  de  Jésus -Christ,  les  autres  procè* 
dent  de  Dieu  par  Jésus-Christ,  qui  s  en  dit 
lui-même  1^  moyen  et  la  voie. 

Celles  qui  viennent  de  Jésus-Christ  sont 
des  impressions  qu'il  fait  lui-même  sur  les 


Ames,  lorsqu'il  les  associe,  pour  ainsi  dire, 
à  ses  états  et  è  ses  mystères  dont  il  leur 
donne  non-seulement  la  connaissance  et  le 
sentiment,  mais  encore  la  conformité  et  la 
ressemblance,  ce  qu'il  fait  quel(]uefois  subi<* 
tement  et  par  une  agitation  violente  dans 
l'esprit  et  dans  le  corps,  et  quelquefois  peu 
à  (>eu  et  d'une  manière  imperceptible.  En 
Toici  quelques  exemples. 

Notre-Seigneur  met  certaines  Ames  dans 
un  état  semolable  A  celui  de  sa  divine  en« 
fance;  et  on  voit  alors  des  personnes  d'un 
Age  avancé  réduites  à  une  simplicité  enfan- 
tine. Il  fait  part  à  d'autres  de  sa  passion,  par 
une  forte  impression  de  ses  souffrances  :  or 
en  a  vu  qui  étaient  inlérieurement  crucifiées 
et  qui  souffraient  les  tourments  de  la  croix 
et  les  douleurs  de  l'agonie.  Jésus-Christ  fait 
ces  opérations  dans  les  Ames,  pour  se  les. 
rendre  conformes.  On  le  voit  dans  sainte 
Madeleine  de  Pazzi  qui,  un  vendredi  saint, 
demeura  pendant  trois  heures,  en  présence 
de  plusieurs  personnes,  les  membres  aussi 
roides  que  s'ils  eussent  été  cloués  sur  une 
croix;  ensuite  elle  fut  élevée,  pencha  la  lé'e, 
comme  quelqu'un  qui  va  rendre  l'esprit-. 
Durant  tout  ce  temps-là,  elle  ressentit  les 
mêmes  douleurs  que  si  elle  eût  été  cruci* 
fiée.  Il  y  en  a  qui  demeurent  en  cet  état  des 
mois  entiers,  sons  iKmvoir  prendre  aucun 
repos,  comme  s'ils  étaient  crucifiés,  un  pied 
sur  Taulre,  les  bras  étendus  et  attachés  à. 
une  croix  ;  ils  ne  sentent  alors  en  eux-mê- 
mes que  Jésus  crucifié  ;  comme  on  l'a  vu  ea 
sainte  Catherine  de  Sienne,  lorsque  Notre* 
Seigneur  lui  imprima  ses  sacrés  stigmatet 
qu'elle  portait  non-seulement  dans  son  in« 
térieur,  mais  encore  sensiblement  sur  aoQ 
corps,  quoique  d'une  manière  invisible. 
Hais  la  plus  signalée  de  toutes  ces  opéra* 
lions,  c'est  celle  qui  a  paru  en  saint  Fran* 

Îfois,  lorsque  Jésus-Christ  grava  lui*même 
es  marques  de  ses  plaies  sur  le  corps  de  Ci 
saint,  ce  qui  produisit  une  impression  con 
tinuelle  de  compassion  et  d'amour  pour  ce 
Dieu*homme. 

L'effet  et  la  fin  de  ces  opérations  sont 
d'unir  l'homme  à  Jésus-Christ  et  de  le  trans* 
former  en  lui  de  telle  sorte  qu'il  ne  se  sente 
plus  soi-même,  mais  seulement  Jésus-Christ, 
qu'il  ne  voie  plus  en  soi  çue  Jésus-Cbristj 
et  que  voulant  penser  à  soi,  il  ne  pense  plus 
qu'a  Jésus-Christ.  L'amour  est  si  grand  et 
runion  si  intime,  que  Thomme  ne  se  dis- 
tingue point  de  son  aimable  Sauveur.  Ce 
n'est  pas  à  dire  que  ceux  qui  reçoivent  ces 
sortes  de  grAces  ne  puissent  en  certains 
temps'  se  considérer  eux-mêmes ,  se  haïr 
saintement  et  se  regarder  comme  ce  qu'il  y 
a  de  plus  vil  et  de  plus  insupportable  dans 
le  monde.  Mais  c'est  ce  qu'irs  ne  sauraient 
faire  durant  le  temps  de  ces  opéfatinns  dont 
le  propre  est  de  leur  mettre  sur  les  yeux 
comme  un  bandeau  qui  les  empêche  de  se 
voir  eux-mêmes.  Sainte  Gertrude  dit  que, 
recevant  ces  faveurs  durant  le  temps  de  ses 
infirmités,  elle  avait  soin  de  se  nourrir  dans 
la  vue  que  c'éuit  Jésus-Christ  même  qu'elle 
nourrissait.  L'abbé  Ru{)ert  nous  fournit  uo 


fSkY 


OPE 


DICTIONNAIRE 


OPE 


me 


exemple  de  ces  impressions  divines  ;  car  il 
dît,  parlafit  de  liu-méroe,  au  Hvre  xn  tur 
Maint  MaithieUf  qu*une  nuit  il  vit  en  songe 
un  homiBe  descendre  en  lui  et  s'unira  lui, 
et  gu'à  son  réveil  il  se  trouva  dans  des  joies 
et  des  délices  enexplicables.  Cette  union  ad- 
mirable ne  se  berne  pas  à  rintérieor,  elle 
passe  jusqu'à  Teitérieur  de  Thomme  qui 
peut  dire  avec  vérité  non-seulement  qu'il 
•st  plein  de  Jésus-Christ,  mais  qu'il  en  est 
revêtu.  Ce  dernier  effet  est  si  sensible,  que 
eeui  qui  l'éprouvent  auraient  beau  être  dé- 
pouilles et  conduits  en  cet  état  par  les  rues, 
comme  autrefois  les  martyrs,  ils  se  senti- 
raient toujours  revêtus  et  couverts  de  Jésus- 
Christ,  et  sans  les  règles  de  la  modestie,  que 
les  saints  n'oublient  jamais  ,  jls  auraient 

Îeine  de  s'apercevoir  qu'ils  sont  dépouillés, 
ésus-Christ  leur  tenant  lieu  de  vêtement. 
Elles  ne  sentent  ni  le  chaud  ni  le  froid,  au 
moins  jusqu'à  y  étrç  tpès»sensibles ,  comme 
le  sont  les  autres  hommes.  II  est  dit  de 
sainte  Catherine  de  Sienne  qu'ayant  donné 
sa  robe  à  un  pauvre,  Notre-Seigneur  lui  dit: 
Je  t'en  donnerai  une  autre^  et  que  depuis  ce 
temps->à  elle  ne  seuffrit  plus  du  froid  jus- 
qu'à en  être  incommodée.  Nous  lisons  aussi 
que  saint  François  voyageant  en  hiver,  se 
retira  dans  une  caverne^  pour  y  passer  la 
nuit  avec  son  compagnon,  et  que  celui-ci 
ne  pouvant  se  reposer  parce  qu'il  élaît  transi 
de  froid,  le  saint  ne  fit  que  le  toucher  de  sa 
main  et  lui  communiqua  une  chaleur  qui 
s'iiisinua  dan»  ses  niembres  et  le  flt  dormir 
à  5en  aise.  Il  no  faut  pas  croire  que  ces 
effets  soient  communs  parmi  ceux  qui  pra- 
tiquent la  vertu;  c'est  une  grâce  spéciale 
accordée  è  peu  de  personnes.  Ceux  qui  en 
sont  favorisés  la  sentent  au  dedans  d'eux- 
mêmes,  comme  un  esprit  qui  les  anioae. 
C'est  le  même  es|)rit  qui  fut  communiqué 
aux  apôtres,  et  qui  s'est  fait  remarquer  en 
plusieurs  sainlspar  des  eflfetsextraordinaires 
qui  ont  éclaté  au  dehors.  Quelques-uns, 
comme  saint  Vincent  Ferrier,  ont  été  vus  le 
visage  enflammé  et  semblable  è  un  charbon 
ardent.  D*atttre$  ont  été  élevés  de  terre  et 
suspendus  en  ^'air  dans  leur  oraison  ;  tel 
parut  saint  Ignace  à  Barcelonne  pendant 
plusieurs  nuits,  devant  une  image  de  la 
sainte  Vierge.  Plusieurs  ont  été  extasiés 
jusqu'à  perdre  le  sentiment,  comme  saint 
Fraiiçois  Xavier  que  des  matelots,  après 
avoir  bien  cherché,  trouvèrent  au  coin  d'un 
boie,  en  contemplation  ,  aussi  immobile 
qu'une  pierre  j  et  comme  le  saint  prêtre 
Bernard,  qui  tous  les  jours  après  sa  messe 
était  ravi  en  extase  el  sans  mouvement  pen- 
dant une  heure,  ce  qui  a  fait  l'admiration  de 
tout  Paris.  C'est  l'esprit  de  Ji^sus-Christ  ré- 
sidant dans  l'homme  qui  fait  toutes  ces 
Opérations. 

Les  opérations  qui  procèdent  de  la  divi- 
nité par  Jésus-Christ,  sont  des  faveurs  di- 
vines qu'on  ne  peut  attribuera  Jésus-Christ 
en  particulier,  mais  cfui  viennent  toujours 
par  lui;  car  il  est  la  porte  par  laquelle  oa 
entre,  et  personne  ne  vient  au  Père  que  par 
te  Fils.  C'est   la  grûce  du  Uédempteur  qui 


prévient  et  conduit  les  âmes,  ce  sont  s^s 
mérites  qui  les  enrichissent,  c'est  sa  vertu 
qui  les  soutient,  c'est  à  saconsidératioaqu* 
Dieu  les  aime  et  leur  fait  part  de  ses  dons 
et  de  ses  miséricordes  infinies.— La  divinilé 
opère  dans  les  Ames  par  deux  sortes  de  con- 
naissances dont  l'une  est  distincte  et  Taatro 
indistincte  et  confuse.  Le  fonds  de  ces  deui 
sortes  d'opérations  est  toujours  le  ravisse- 
ment ou  l'extase,  ou  la  perte  de  l'âme  ea 
l>ieu,  avec  cette  différence  que  dans  la  pre- 
mière manière  d'opérer.  Dieu  donne  des 
connaissances  distinctes  de  quelques-unes 
de  ses  perfections,  de  ses  grandeurs,  ou  de 
ses  productions,  au  lieu  que  dans  la  seconde 
sorte  d'opération ,  Dieu  après  avoir  tiré 
l'homme  hors  de  lui-même,  l'absorbe  dans 
nne  lumière  indistincte  et  dans  sa  dotfbeur 
divine,  sans  lui  donner  ni  goût,  ni  notion 
particulière.  £n  cet  état,  on  ne  voit  ni  on 
ne  veut  rien  surquoi  on  puisse  s'expliquer; 
tout  ce  qu'on  peut  dire,  g  est  qu'on  est  perdu 
dans  deux  abîmes  sans  fond,  qui  sont  son 
propre  néant  et  la  grandeur  de  Dieu  de  qui 
on  reçoit  tant  do  faveurs  et  tant  de  lumiè* 
res,  qu*au  sortir  do  cette  opération  on  cro  t 
avoir  beaucoup  plus  vu  et  plus  reçu  que  4 
on  avait  acquis  toutes  sortes  de  connais- 
sances particulières. 

Mais  d'où  vient  qu'une  Ame  qui  ne  con« 
naît  rien  de  particulier  reçoit  de  si  grandes 
lumières?  C  est  nue  la  lumière  surnaturelle, 
aussi  bien  que  la  lumière  naturelle,  lors- 
qu'elle n'est  terminée  par  aucun  objet  par- 
ticulier, est  beaucoup  plus  pure  el  plus 
déliée,  et  ne  saurait  être  aperçue  distiniii>- 
inent  par  la  faculté  qui  la  reçoit.  Cela  est  si 
vrai  que  dans  ces  sortes  d  opérations  ou 
croit  n'avoir  aucune  pensée.  Sainte  Thérèse 
le  disait  ainsi  d'elle-même,  en  expliquant  la 
manière  de  son  oraison  ;  et  comme  ceux  à 
qui  elle  parlait  ne  connaissaient  pas  ces 
comraunifsatiOHS  divines,  qui  sont  au-dessus 
de  toute  notion,  ils  lui  repondaient  qu  eile 
était  trompée  par  le  démon,  et  que  son  orai- 
son était  une  illusion  véritable.  Voilà  pour- 
quoi  saint  Denis  parlant  de  cette  lumière 
mystique,  dit  qu'elle  n'a  pas  de  nom,  qu'elle 
est  au-dessus  de  tout  être,  et  qu'on  ne|»eut 
la  connaître  que  comme  on  connaît  DicUi 
en  disant  ce  qu*elle  n'est  r^as;  aussi  donne-- 
t-il  h  l'objet  de  cette  lumière  les  noms  de 
céleste  et  de  suressentiel ,  pour  faire  cou; 
naître  qu'il  n'est  rien  de  particulier  et  qu'il 
est  confusément  tout  bien.  Le  même  saint 
Denis  exhorte  son  Timothée  à  se  meitre 
au-dessus  de  loutes  sortes  de  connaissances 
pour  aller  droit  au  rayon  divin.  Ne  pourrait* 
on  pus  dire  aussi  de  cette  divine  lumière 
et  de  son  ol)jet,  qui  est  le  plus  parfait  de 
tous  les  êtres,  ce  qu'Âristotc  a  dît  de  la  ma- 
tière, le  plus  imparfait  de  tous,  que  i^our 
en  comprendre  la  nature  il  faut  éloigner  de 
son  esprit  l'idée  de  tout  être  particulier,  de 
toute  dimension  elde  toute  propriété ?- 

Yoy,  CoXTBMPLATIOFr, 

Pour  faciliter  l'intelligence  de  celle  doc- 
trine, on  peut  comparer  cette  connaissaoc^ 
indistincte  à  la  lumière  qui  occupe  I  airi 


1319 


OPE 


D^ASCETISME. 


ORA 


flM 


laquelle  rend  «les  objets  visibles  saos  se  lais- 
ser apercevoir  elle-même»  ou  bien  au  rajon 
du  soleil  qui  entre  dans  une  chambre  bieo 
fermée  :  s*il  trouve  un  corps  qui  Tarrôte^on 
verra  ce  corps  el  ce  rajon  ;  mais  si  ce  rayon 
niest  pas  terminé  et  trouve  quelque  ouver- 
ture qui  lui.doDDe  passage»  on  ne  le  verra 
pas.dans  la  chambre,  quoiqu'il  y  soit  véri- 
tablement. De  même  pour  la  lumière  divine 
quand  elle  entre  dans  une  âme  et  se  termine 
à  des  objets  particuliers,  on  distingue  ces 
olriets  et  la  lumière  qui  les  découvre;  mais 
si  la  lumière  est  toute  pure,  c*est-è-dire  si 
elle,  ne  se  fixe  sur  aucun  objet  distinct,  elle 
ne  se  iâit  pas  remarquer.  Tout  ce  qu'on  peut 
dire  dans  cette  opération,  c*est  qu*on  est 
abtmé  en  Dieu  et  comme  englouti  dans  une 
lumière  qu'on  pourrait  aussi  appeler  ténè- 
bres, parce  qu'elle  ne  découvre  rien  à  IVn- 
tendement  dont  on  puisse  dire  qu'il  ait 
acquis  la  connaissance.  C'est  pour  cela  que 
saint  Denis  parlant  de  ceux  que  Dieu  favo- 
rise de  cette  sorte  d'oraison,  dit  qu'ils  en- 
trent dans  les  ténèbres  divines,  ce  qui  est 
ordinaire  è  plusieurs  saints.  Klais  il  y  a  bien 
de  la  différence  entre  ces  ténèbres  mysté- 
rieuses et  les  ténèbres  naturelles.  C'est  le 
défaut  de  lumière  qui  lait  celles-ci,  et  l'abon- 
dance qui  fait  les  autres;  Dieu  ne  se  com- 
muniquant à  Pâme  qu'à  la  faveur  d'une 
lumière  indistincte  et  illimitée ,  demeure 

f^lus  caché  que  découvert  parcelle  opération 
umineuse  ;  et  l'Ame  qui  reçoit  cette  abon- 
dance de  lumière,  dont  elle  est  pénétrée  et 
éblouie,  n'en  découvrant  le  terme  que  comme 
un  océan  sans  fond  et  sans  rives,  ne  peut 
que  s*j  plonger  pour  ainsi  dire,  et  s'y  perdre 
heureusement  sans  y  pouvoir  rien  distin- 
guer ni  comprendre.  Elle  peut  dire  qu'elle 
a  goûté  l'Etre  infini,  mais  elle  ne  peut  ex- 
pliquer ce  qu'elle  a  goAté,  ni  lui  donner 
aucun  nom ,  ni  le  renfermer  dans  aucune 
idée  ;  toutes  les  expressions  qu'on  |>eut  lui 
suggérer  et  celles  qu'elle  peut  inrenter  de- 
meurant fort  au-dessous  de  ce  qu'elle  a 
senti  et  de  ce  qu'elle  n'a  vu  que  confusé- 
ment. Ce  n'est  pas  que  celte  0|>ération  n'a- 
bonde en  lumière,  mais  c'est  que  la  lumière 
y  est  communiquée  d'une  manière  indis- 
uincte,  et  que  l'Etre  infini  qui  estl'ot^etde 
celte  opération  n'est  connu  que  coniusé- 
nient.  Une  Ame  qui  l'a  éprouvé  peut  dire 
qu'elle  a  goAté  Dieu,  sans  pouvoir  exprimer 
ce  qu'elle  a  coûté,  les  expressions  les  plus 
fortes  qu'on  lui  suggère  étaotfort  au-dessous 
de  ses  sentiments.  Celle  impuissance  de 
s'expliquer  sur  ce  qu'on  a  vu  et  senti  ne 
regarde  pas  seulement  (es  ravissemeals,  les 
extases  et  autres  faveurs  extraordinaires, 
mais. encore  les  moindres  degrés  de  con- 
templation oi^  la  lumière  que  Dieu  donne 
est  si  déliée  et  si  indistincte  qu'on  ne  sau- 
rait l'apercevoir.  De  Ik  vient  que  ceux  qui 
sont  dans  cet  état  d'oraison,  s'imaginent  être 
oisifs,  parce  qu'ils  n'ont  aucune  pensée  dont 
ils  puissent  désigner  l'objet,  et  souvent  ils 
trouvent  des  directeurs  qui  les  confirment 
dans  ce  sentiment,  qui,  faute  de  connaître 
lexcellence de  cette  lumière  confuse,  trou- 


blent .e  repos  où  Dieu  les  met,  en  les  fai- 
sant recourir  aux  actes  distinctifs  el  à  la 
méditation  ordinaire.  Ckisl  là  un  véritable 
excès;  mais  comme  pour  l'éviter  on  pour- 
rait tomber  dans  un  autre,  il  faut  savoirque 
la  contemplation  étant  une  opération  de  Dieu 
très-délicate,  il  est  très-diuicile  de  la  bien 
r4)nnattre  autrement  que  par  des  effets 

Dieu  accorde  ordinairement  ces  faveurs 
aux  Ames  simples  qui  ont  le  cœur  pur,  plu- 
tôt qu'aux  savants  et  à  ceux  qui  ont  beau- 
coup de  lumière  naturelle  sans  avoir  beau- 
coup d^humilité ,  comme  Noire-Seigneur  le 
dit  dans  l'Evangile .  Je  vous  béniif  mon  Pire^ 
Seigneur  du  cM  el  de  la  ierre^  de  ce  que  vou$ 
avez  caché  ces  choses  aux  savanis  et  aux  sa* 
gest  ei  que  vous  les  avez  révélées  aux  plus 
pelils.  iMaith.  xi,  23.) 

L*bomnie  ne  doit  pas  désirer  de  son  pro- 
pre mouvement. ces  opérations  sublimes;  il 
ne  doit  s'y  porter  et  y  penser  qu'autant  que 
Diru  ly  invite,  lorsqu'il  veut  lui  en  faire 
part.  On  ne  peut  s'y  disposer  que  d'une 
manière  indirecte  et  éloignée,  nar  la  pratique 
d'une  entière  et  continuelle  abnégation,  par 
un  soin  particulier  de  conserver  la  fiaix  in- 
térieure, de  se  maintenir  dans  un  profond 
recueillement,  de  s'instruire  à  fond  des 
maximes,  des  actions  et  dès  vertus  de  Jésus- 
Christ,  pour  y  conformer  sa  conduite. 

Car  il  ne  faut  pas  oublier  que  Notre-Sei- 
gneur  est  la  clef  de  tous  les  trésors  célestes, 
et  que  tout  ce  que  nous  avons  à  faire  de 
notre  côté  est  de  l'imiter,  surtout  dans  son 
humilité  et  son  amour  pour  la  croix,  faisant 
état  que  c'est  là  le  service  le  plus  parfait 
que  nous  puissions  rendre  à  Dieu,  et  que 
le  chemin  pour  aller  à  lui  est  Jésus-Christ 
humilié,  abandonné,  méprisé,  et  non  ces 
belles  connaissances  que  nous  fournissent 
la  philosophie  et  les  sciences  homaines.  On 
ne  prétend  pas  dire  que  les  savants  ne  puis- 
sent jamais  avoir  part  à  ces  insignes  faveurs; 
mais  il  faut  auparavant  qu'ils  soumeltent 
leur  savoir  et  leur  doctrine  à  la  sainte  en- 
fance el  aux  humiliations  du  Fils  de  Dieu  ; 
qu'ils  comptent  pour  rien  leurs  talents  natu- 
rels, et  qu'ils  ne  s'en  servent  que  pour  la 
gloire  de  Jesus-Chris(,  qui  doit  leur  tenir 
lieu  de  tout.  C'est  ainsi  que  Tbomme  peut 
se  disposer  à  recevoir  celte  lumière  qui 
surpasse  toute  science,  et  cette  paix  divine 
oui  surpasse  toule  intelligence. 

ORAISON  DOMINICALE.  —  f/oraison 
dominicale  est  une  prière  que  Jésus^Ihrist 
a  enseignée  ^ses  disciples.  (JUaith*  vi ,  9.) 
Sainte  Thérèse  conseillait  d*eu  méditer  sou- 
vent les  paroles. 

«  Comme  l'amour  de  Dieu ,  dit-elle,  est 
le  feu  divin  que  nous  prétendons  entretenir 
dans  nos  âmes,  il  a  besoin  de  beaucoup  de 
bois,  et  il  faut  tous  les  jours  y  en  mettre 
de  nouveau,  parce  que  la  chaleur  de  notre 
volonté  est  si  agissante  qu'elle  le  consume 
entièrement,  et  que  quelque  quantité  qu'il 
y  en  ait,  ellç  trouve  toujours  que  c'est  pttu. 
jusqu'à  ce  qu'entrant  dans  la  parfaite  \iO% 
session  de  ce  bien  infini,  qui  est  seul  capa 
ble  de  la  satisfaire  pleinement,  ce  mime  fev 


Ifill 


ORA 


DICnONMAlRK 


ORA 


ita 


d'amonr  qu'elle  aura  entretenu  dans  elle  ici- 
bas  devienne  dans  le  ciel  sa  divine  et  son 
éternelle  nourriture. 

c  Or,  puisqu'on  peut  dire  que  Foraison  du 
Seigneur  est  le  bois  le  plus  prof)re  pour  en- 
tretenir le  feu  du  divin  amour,  il  m'a  sera- 
blé  gue^  potti  empocher  que  l'âme  ue  s'at- 
tiédisse par  la  répétition  si  fréquente  de 
cette  sainte  prière,  il  serait  à  Propos  de 
chercher  quelques  moyens  pour  faire  qu'en 
la  redisant  chaque  jour,  nous  concevions 
de  nouvelles  pensées  pour  entretenir  notre 
esprit  et  notre  volonté  dans  une  vigueur 
toujours  nouvelle.  On  le  pourra  sans  peine 
eu  partageant  les  sept  demandes  qui  y  sont 
contenues  selon  les  sept  jours  de  la  semaine, 
aQn  que  chaçiue  jour  ait  la  sienne ,  et  en 
donnant  à  Dieu,  en  chacun  de  ces  jours,  un 
nom  particulier  qui  comprenne  tout  ce  que 
nous  désirons  et  espérons  obtenir  de  lui 
par  cette  demande. 

«  On  sait  assez  quelles  sont  ces  deman- 
des. Bt  quant  aux  noms  qu'on  peut  donner 
k  Dieu,  nous  prendrons  ceux  cle  père,  roi, 
époux ,  pasteur,  rédempteur,  médecin  et 
juge.  Ainsi,  chacun  réveillera  son  attention 
et  s'excitera  de  plus  en  plus  à  l'aimer,  en 
disant  le  lundi  :  Notre  Père^  qui  éte$  dans  les 
eieuXj  que  voire  nomêoit  êonetifii;  le  mardi  : 
noire  roi^  que  voire  régne  arrite  ;  lo  mer- 
credi :  époux  de  mon  âme^  que  votre  volonté 
êoit  faite  ;  le  Jeudi  ;  notre  paeteur^  donnez- 
flotfs  aujourdhui  le  pain  aoni  nouê  avon$ 
besoin  chaque  jour;  le  vendredi  ;  notre  Ré- 
dempteurtparaonneX''nou$not  offenses  comme 
nous  pardonnons  à  ceux  qui  nous  ont  offen- 
ses  :  le  samedi  :  noire  médecin  ne  nous  tais- 
sex  pas  succomber  à  la  teniaiion  ;  et  le  di- 
manche :  noire  juge^  délivrez-nous  du  mal.  » 
{Œuvres  de  sainte  Tkérise^  lYoy.  Prière.) 

ORAISON  MENTALE.  -^  L'oraison  men- 
tale est  une  prière  qui  se  fait  intérieurement 
sans  proférer  des  paroles.  On  l'appelle  aussi 
méditation  et  parfois  contemplation^  ou  sim- 
plement oraison:  faire  Voraison  s'entend  de 
loraison  mentale.  Elle  consiste  à  se  frapper 
d'abord  l'esprit  de  la  présence  de  Dieu,  it 
méditer  une  vérité  du  christianisme,  à  nous 
en  faire  h  nous-mêmes  l'application,  à  en 
tirer  les  conséquences  et  les  résolutions 
propres  à  corriger  nos  défauts,  et  à  nous 
rendre  plus  fidèles  à  nos  devoirs,  soîl  emrert 
Dieu,  soit  envers  le  procbara.  —  Sur  ce 
simple  exposé,  il  est  cfair  que  cet  exercice 
eal  l'Ame  du  christianisme,  c'est  l'adoration 
*eu  esprit  et  en  vérité  que  Jésus -Christ  a 
"«Meigoée  h  ses  disciples  ;  il  est  dit  que  lui- 
méoie  passait  les  nuits  h  prier  Dieu  (£uc, 
titi,  12  )>  ce  n'était  sûrement  pas  à  réciter 
des. prières  vocales.  Je  prierai  en  esprit^  dit 
saiut  Paul,  et  dans  l'intérieur  de  mon  âme 
(/  Cor.  XIV,  15.)  Le  prophète  Isaïe  disait 
déjà  (xxvi,  9)  r  Mon  âme  élève  ses  désirs  vers 
vous  pendant  ta  nuit,  e/,  dés  le  maiin^  mon 
esprit  et  mon  cœur  s'iléveni  vers  vous.  C'est 
ainsi  que  les  suints  ont  passé  une  partie  de 
leur  vie.  —  Koy.  Mâditatio». 

Comme  le  plus  grand  nombre  de  nos 
fiiutes  vient  de  la  dissipation  et  do  l'oubli 


dos  grandes  vérités  de  la  foi,  nous  serions 
sûrement  plus  vertueux  si  nous  en  étions  plus 
occupés.  Nous  avons  péchéf  ditiérémie,  nom 
avons  abandonné  le  Seigneur^  la  justice  tl  k 
vertu  se  sont  enfuies  du  milieu  de  nous ,  parce 
que  la  vérité  a  été  mise  en  oubli  (ux,  12).  La 
science  du  salut  est  si  importante  et  si  éleo- 
due,  est-ce  trop  d'y  donner  chaque  jour 
quelques  moments  T  Nous  ne  devons  donc 

f>as  être  étonnés  de  ce  que  les  Pères  de 
'Kglise  ont  fait  des  traités  de  la  prière,  Pont 
recommandée  comme  un  exercice  essentiel 
au  christianisme ,  de*ce  que  les  auteurs  as- 
cétiques de  tous  les  siècles  ont  fait  tant 
d'éloge  de  la  méditation,  de  ce  que  les  fier- 
sonnages  les  plus  éminents  en  vertu  Font 
regardée  comme  la  plus  douce  et  la  plus 
consolante  de  leurs. occupations;  uneâioe 
sincèrement  pénétrée  de  l'amour  de  Dieu 
peut-elle  trouver  de  l'ennui  à  s'entretenir 
avec  lui? 

Voraison  est  spécialement  recommandée 
aux  ecclésiastiques ,  et ,  sans  ce  secours,  il 
est  fort  à  craindre  que  toutes  leurs  fonctions 
ne  soient  mal  remplies  ;  elle  est  rigoureuse- 
ment  ordonnée  à  tous  les  religieux  et  aux  re- 
ligieuses par  leur  règle,  et  dans  toutes  les  com- 
munautés régulières  de  l'un  et  de  l'autre  sexe, 
elleestfaite  en  commun,  au  moins  unefcis 
par  jour.  On  a  multiplié  les  méthodes  et  les 
recueils  de  méditation,  jpour  en  rendre  la 
pratique  aisée  et  agréable.  (Voy,  Méthode 
n'oRAisoN.)  —  Mais  les  ennemis  de  la  piété  ne 
pouvaient  manquerde  tourner  cet  exercice  en 
ridicule,  de  vouloir  même  persuader  qu*il 
est  dangereux.  Ce  n'est,  dit-on  que,  depuis 
cinq  cents  ans  que  l'en  a  fait  consister  la 
dévotion  à  demeurer  à  genoux  pendant  des 
heures  entières,  et  les  bras  croisés,  cette 
piété  oisive  a  plu  surtout  aux  femmes,  natu- 
rellement paresseuses  et  d'une  imagination 
Tive;  de  là  vient  que  tant  de  saintes  des 
derniers  siècles  ont  passé  la  meilleure  partie 
de  leur  vie  en  contemplation,  sans  fioiire  aa* 
cune  bonne  œuvre. 

Si  cela  est,  ce  n'est  donc  que  depuis  en* 
yiron  cinq  cents  ans  que  les  femmes  s^ot 
devenues  paresseuses  et  d'une  imagination 
vive  ;  ce  phénomène  serait  singulier.  Mal- 
heureusement on  a  aussi  accusé  de  ces  dé- 
fettU  les  soliUir«  de  lai  TMbmte»  de  \i 
Palestine  et  de  l'Asie-Mineiire,  parée  qu'ils 
méditaient  aussi  bien  que  les  remmes;  il 
faut  ddnc  que  l'habitude  de  la  contempla- 
tion soit  plus  ancienne  qu'on  ne  le  prétend. 
On  peut  s'en  convaincre  en  lisant  les  Cou- 
férences  de  Cassien,  qui  a  vécu  au  commen- 
cement du  y*  siècle,  et  surtout  la  neuvième. 
Saint  Benoit,  qui  recommandait  à  ses  reli- 
gieux la  lecture  de  ces  conférences,  foroia 
sa  règle  sur  ce  modèle.  Si  l'on  veut  lire  les 
traités  sur  la  prière,  d'Origène,  de  Tertuf- 
lien,  de  saint  Cyprien,  qui  sont  du  m' siè- 
cle, on  verra  qu  ils  tendent  à  inspirer  le 
Î;oût  de  l'orataoti  meniahf  encore  plus  aQ« 
a  prière  vocale.  Les  auteurs  ascétiques  des 
bas  siècles  n'ont  rien  dit  de  plus  fort  qiM 
ces  anciens  Pères. 
Il  est  faux  que  les  saintes  religieusesioBt 


OIID 


D*ASCETISME. 


ORD 


iK$ 


OD  bUme  la  contemplation,  aient  passé  leur 
Tie  sans  faire  de  lionnes  œn?re8  ;  elles  ont 
rempli  exactement  tous  les  devoirs  de  leur 
état,  et  ont  été  des  modèles  de  toutes  les 
Tertus,  de  la  charité,  de  la  douceur,  de  la 
patience,  de  l'indulgence  pour  les  défauts 
d'autrui,  de  la  mortification,  de  la  pauyreté 
éf angélii^ue,  de  la  chasteté,  de  l'obéissance, 
de  1  iiumilité,  cela  se  peut-il  faire  sans  bon- 
nes œuvres  ?  —  On  dit  que  la  vie  contem- 
plative conduit  è  l'erreur  et  au  fanatisme  ; 
témoin  les  faux  gnostiques  anciens  et  mo- 
dernes, les  beggards,  les  béguins  ;  et  dans 
le  dernier  siècle,  les  sectateurs  de  Molinos 
et  les  quiétistes.  A  cela,  nous  répondrons 
que  s'il  ja  eu  des  fanatiques  parmi  les 
contemplatifs,  cela  est  venu  de  la  mauvaise 
organisation  de  leur  cerveau,  et  non  de 
l'habitude  de  F&raison  nunialt;  il  jr  en  a 
eu  un  plus  grand  nombre  parmi  ceux  qui 
ne  l'ont  jamais  laite*  Ce  n'est  pas  cet  exer- 
cice qui  a  inspiré  aux  incrédules  leur  fana- 
tisme chrétien  et  la  haine  qu'ils  ont  jurée  à 
toute  religion.  On  a  reproché  un  grain  de 
folie  à  plusieurs  philosophes  anciens  et 
modernes  ;  Ciut*il  en  conclure  que  les  mé- 
ditations philosophiques  sont  dangereuses 
par  elles-mêmes,  et  (|u'il  faut  s*en  abstenir? 
—  Nous  sommes  obligés  de  répéter,  pour  la 
centième  fois,  qu'il  n'est  rien  de  si  saint  ni 
de  si  utile  dont  on  ne  puisse  abuser  ;  qu'il 
faut  blâmer  l'abus  et  respecter  la  chose.  — 
Vojitz  MéorrATio^,  Paiftas,  CoNTsiiPLATiosr, 
TaÉoLOttiE  MTSTiQUB  ai»  mol  Htstiqub. 

ORAISON  (  Etats  d'  ).  —  Yoy.  MioiTA- 
Tio:i,  Affbctioiis,  Recdeillbiibnt  actif, 
Rbcueillement   passif,  Umoa,  TaAXSFoa- 

MATIOE. 

ORAISON  (  MÉTHODE  d'  ).  —  Toy.  Mé- 
thode. 

ORDRE  DE  LA  VIE  SPIRITUELLE.  — 
Le  commencement  de  la  rie  spirituelle  con- 
siste dans  la  bonne  volonté,  c'est-è-dire  le 
désir  sincère  de  servir  Dieu.  Ce  désir  se 
forme  par  l'eBèt  d'une  grâce  spéciale  que 
Dieu  donne  dans  certaines  conjonctures  mé- 
nagées par  sa  providence,  par  exemple  à 
l'occasion  d'une  sainte  lecture ,  d'un  entre- 
tien arec  quelaue  personne  spirituelle ,  d'un 
sermon  entenuu  en  certaines  circonstances» 
Cependant,  quoique  ce  désir  soit  en  don  de 
Dieu,  nous  pouvons  contribuer,  et  nous 
contribuons  en  effet  par  notre  Gdélité  à  cor- 
respondre \  la  grflce  qui  en  est  le  principe. 

On  met  ce  désir  en  pratique  en  commen» 
çant  par  s'éloigner  du  monde ,  de  ^s  coo- 
Tersaiions  inutiles,  de  ses  divertissements 
et  de  ses  occupations  frivoles ,  pour  s'ador>- 
ner  à  la  pratique  du  recueillement  intérieur, 
seul  capable  de  soutenir  Thomme  dans  la  pra- 
tique du  bien.  Car,  comme  notre  âme  perd 
s^  forces  eu  se  dissipant  dans  ie  commerce 
du  moude ,  elle  les  augmente  en  les  réunis- 
sant par  le  soin  qu'elle  a  de  se  recueillir  au 
dedans  d'elle-même.  Le  recueillement  sert  à 
nous  rendre  attentifs  à  Dieu  et  è  nous- 
mêmes.  On  connaît  que  cette  bonne  volonté 
est  dans  un  homme,  lorsque  de  l'attention 
sur  soi-même ,  il  passe  à  une  application 


à  mortifier  ses  passions ,  è  réprimer  les  mou- 
vements de  la  nature  corrompue ,  è  corn* 
battre  les  inclinations  <iui  portent  au  mal , 
et  k  s'éloigner  de  ce  qui  flatte  les  sens.  Cette 
étude  est  dilBcile  et  demande  beaucoup  de 
générosité ,  suivant  le  cours  ordinaire  de  la 
grâce,  elle  doit  être  continuée  au  moins  un 
an.  C'est  è  un  sage  directeur  è  en  régler  la 
durée  sur  le  soin  qu'on  prend  de  se  vaincrt*, 
et  sur  les  succès  dont  Dieu  récompense  les 
efforts  que  Ton  fait. 

Un  autre  soin  à  joindre  i  celui  ne  la  mor- 
tillcation ,  est  celui  d'embraser  notre  cœur 
de  l'amour  de  Dieu ,  par  l'assiduité  aux  exer- 
cices extérieurs  qui  excitent  la  dévotion ,  et 
surtout  à  ceux  qui  regardent  le  mystère  de 
la  passion ,  et  qui  nous  rendent  sensibles 
aux  souffrances  de  notre  Sauveur,  parce  que 
ce  sont  les  plus  utiles.  Après  qu'on  a  travaillé 
à  se  vaincre  avec  le  secours  ordinaire  de  la 
grâce,  k  former  l'habitude  du  recueillement 
et  k  s'enflammer  de  l'amour  de  Dieu,  il  ar- 
rive que  le  Saint-Esprit  se  rend  maître  de 
l'âme  en  faisant  cesser  son  activité.  Il  se 
communiquée  elle  d'une  manière  trèsndouce, 
et  il  la  remplit  de  saints  désirs ,  en  sorte 
qu'elle  ne  peut  agir  que  fort  peu  par  elle- 
même  ,  et  qu'elle  n'a  qu'à  suivre  le  Saint- 
Esprit  qui  la  meut  et  qui  la  guide  presque 
en  toutes  choses  d'une  manière  occulte.  La 
devoir  de  l'âme  est  alors  de  se  laisser  con- 
duire aux  mouvements  de  ce  guide  inté- 
rieur, de  conserver  avec  soin  la  paix  et  la 
tranquillité  qu'il  lui  donne,  et  de  marcher 
fidèlement  dans  cette  nouvelle  voie  beaucoup 
plus  avantageuse ,  plus  douce  et  plus  relevée 
que  la  première. 

Dieu  y  conduit  ordinairement  ceux  qui  ont 
bonne  volonté ,  mais  c'est  par  un  effet  de  sa 
miséricorde.  Après  avoir  longtemps  joui  de 
la  paix  du  SainuEsprit,  et  de  ses  communi- 
cations intérieures,  on  tombe  dans  l'aridité 
qui  sert  à  épurer  notre  foi  et  k  nous  bire 
marcher  en  esprit.  Cet  état  de  sécheresse  dure 
ordinairement  six  mois  ou  un  an,  et  quei- 

Suefois  davantage,  selon  qu'il  platt  à  Dien 
'en  ordonner,  afin  de  nous  apprendre  k  nous 
passer  des  ^ûts  sensibles  et  a  nous  conten- 
ter d'une  vie  qui  se  soutienne  par  la  pure 

foi. 

Quelquefois  l'âme  recouvre  son  ancienne 
paix  d'une  manière  avantageuse,  avec  un 
goCit  purement  spirituel,  et  beaucoup  plus 
excellent  que  le  premier.  Elle  est  attachée  k 
Dieu  plus  solidement  et  elle  le  sert  avee  tran- 
quillité jusqu'k  la  mort,  sans  éprouver  de 
changement  notable.  Quelquefois  aussi  Dieu 
la  fait  passer  par  les  peines  et  les  tentations 
extraordinaires  après  lesquelles  elle  est  ei|- 
fin  élevée  k  la  plus  noble  et  k  la  plus  excel- 
lente de  toutes  les  vies ,  ce  qui  s'accomplit 
de  deux  manières.  En  quelques-uns  c  est 
une  vicissitude  de  grands  biens  ei  de  grands 
maux  qui  se  succèdent  les  uns  aux  autres. 
Ils  sont  dans  des  peines  étranges  pendant 

Quelques  mois,  et  ensuite  ils  reçoivent  de 
)ieu  de  grandes  faveurs  pendant  un  temi  s 
considéralile.  En  d'autres ,  les  peines  sont 
contiuuilles  et  sans  relâche  durant  plusieurs 


ISSS 


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D1CTI0I«<NAIRE 


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années,  après  quoi  it  sont  établis  clans  un 
état  permanent  de  félicité.  Cesl  la  conduite 
ordinaire  que  Dieu  garde  envers  les  âmes 
qui  aspirent  à  la  perfection ,  ce  qui  n'empêche 
pas  qu'il  y  en  ait  plusieurs  qui  ne  passent 
point  par  ces  épreuves,  soit  à  cause  de  leur 
grande  innocence  9  soit  par  ce  qu'il  plaît  à 
Dieu,  qui  est  le  mattré  de  les  en  dispenser. 

Ce  que  nous  avons  dit  jusqu'à  présent  re- 
garde les  Ames  généreuses  qui  se  donnent  h 
Dieu  sans  réserve.  Car  pour  le  grand  nombre 
des  hommes,  en  qui  la  bonne  volonté  n'est 
pas  entière  et  qui  no  servent  Dieu  qu'à  de- 
mi, qui  conservent  toujours  les  mêmes  at- 
taches, qui  secbercheniloujourseux-môrùes,. 
on  ne  voit  quel  ordre  on  pourrait  prescrire 
pour  leur  conduite,  parce  qu'ils  n'en  gardent 
pas  eux-mêmes,  leur  vie  étant  un  mélange 
confus  de  vertus  et  d'imperfections,  de  fer- 
veur et  de  relâchement  qui  .^e  sutcètlent 
sans  cesse.  L'ordre  suppose  des  progrès  el 
des  changements  notables,  et  on  n'en  voit 
presque  point  dans  ces  personnes.  An  bout 
de  vingt  ans  leur  état  est  à  peu  près  le  même; 
elles  en  sont  au  môme  degré  d*oraison;  elles 
ont  les  mêmes  défauts  à  combattre ,  parcA 
qu'elles  ne  font  que  des  efforts  médiocres  , 
que  leur  résolution  n'est  pas  asser  gêné* 
reuse  et  qu*elies  n'ontpas  pris  au  commen- 
cement une  assHz  haute  idée  de  la  perfection. 
Cependant  elles  ne  laissent  pas  de  faire 
quelque  profit  à  cause  des  bonnes  œuvres 
qu'elles  pratiuûenl  constamment  et  de  quel- 
que soin  qu'elles  prennent  de  se  corriger  de 
certains  défauts;  et  on  doit  les  mettre  au 
rang  des  enfants  de  Dieu,  non-seulement 
parce  que  sa  grAce  habite  en  elles ,  mais  en- 
core parce  qu'elles  s'emploient  utilement  à 
son  service.  On  peut  comparer  ce$  personnes 
à  CCS  marchands  qui  ne  font  due  de  petits 
profils,  parce  i]u'ils  n'osent  étendre  leur 
commerce.  Au  lieu  que  celles  de  bonne  vo- 
lonté ressemblent  à  ceui  qui  d'un  petit  né- 
goce passent  à  un  plus  grand,  et  vont  tou- 
jours en  augmentant,  iusqu'à  ce  que  leur 
opulence  les  mette  en  état  de  monter  à  une 
coudition  plus  relevée.  Tout  dépend  du  com- 
mencement ,  c'est-à-dire  de  la  première  idée 
qu*on  se  forme  de  la  perfection  ,  et  du  pre- 
mier désir  qui  est  plus  sincère  et  plus  efli- 
cace  dans  les  unes  que  dans  les  autres.  Ce 
qu'on  doit  souhaitera  ces  spirituels  lâches  et 
timides,  c'est  que  DieU  leur  ménage  quelque 
heureuse  rencontre  qui  leur  donne  d'autres 
idées  et  d'autres  désirs,  et  qui  leur  fasse 
prendre  la  résolution  de  tendre  à  la  perfec- 
tion de  toutes  leurs  forces.  Alors  ils  entre- 
ront dans  cet  ordre  admirable  qui  fait  passer 
successivement  les  serviteurs  de  Dieu  des 
consolations  aux  épreuves  et  des  épreuvos 
aux  consolations,  jusqu'à  ce  que  la  lumière 
se  découvrant  à  eux,  les  fasse  entrer  dans 
les  voies  de  la  parfaite  sainteté. 

ORDRES  MILITAIRES.  Il  n'y  a  pas  un 
beau  Souvenir,  pas  une  belle  institution 
dans  les  siècles  modernes,  que  le  christia- 
nisme ne  réclame.  Les  seuls  temps  poéti- 
ques do  notre  histoire,  les  temps  chcvale- 
resques  lui  appartiennenl  encore. 


Quelques  auteurs  semblent  vouloir  sépa- 
riT  la  chevalerie  militaire  de  la  chevalirie 
religieuse,  et  tout  invite,  au  contrdre,  à 
les  confondre.  C'est  précisément  l'époque 
des  croisades  qui  donna  naissance  aux  Hos- 
pitaliers, aux  Templiers  el  à  l'ordre  Teu- 
tonique.  La  loi  formelle  par  laquelle  la 
2hevalerie  militaire  s'engageait  à  défendre 
la  foi ,  la  ressemblance  de  ses  cérémonies 
avec  celle  des  sacrements  de  l'Eglise,  ses 
jeûnes,  ses  ablutions ,  ses  confessions,  se$ 
prières,  ses  engagements  monastiques, 
montrent  suflisamment  que  tous  les  cheva- 
liers avaient  la  même  origine  religieuse. 
Enlin,  le  vœu  de  célibat  qui  parait 
établir  une  différence  essentielle  entre 
des  héros  chastes  et  des  guerriers  qui  ne 
parlent  que  d'amour  profane ,  n'est  pas  une 
chose  qui  doive  arrêter;  car  ce  vœun'éiail 
pas  général  dans  les  ordres  militaires  chré- 
tiens; les  chevaliers  de  Saint-Jacque5-(J^ 
l'Epée ,  en  Espagne ,  pouvaient  se  marier ,  el 
dans  l'ordre  de  Malte ,  on  n'est  obligé  de 
renoncer  au  lien  conjugal,  qu'en  passant 
aux  dignités  de  l'ordre,  ou  en  enlranten 
jouissance  de  ses  bénéûces. 

D'après  Tabbé  Giusliniani,  ou  sar  le  té- 
moignage plus  certain  d'Hélyot,  on  troure 
trente  ordres  religieux  militaires,  neuf  sous 
la  règle  de  saint  Basile,  quatorze  sous  celle 
de  saint  Augustin,  et  sept  attachés  à  Tinsti- 
tut  de  saint  Benoit.  Nous  ne  parlerons  (|ue 
des  principaux,  à  savoir  :  les  Hospilalie.s 
ou  chevaliers  de  Malte,  en  Orient;  les  Teu- 
toniques,  à  l'Occident  et  au  Nord,  it les 
chevaliers  de  Calatrava  (en  y  conaprenanl 
ceux  d'Alcantara  et  de  Saiut-Jacqucsde- 
l'Epée)  au  mid4  de  l'Europe. 

bi  les  historiens  sont  exacts ,  on  peut 
compter  encore  plus  de  vingt -huit  autres 
ordres  militaires,  qui,  n*élant  point  soumis 
h  des  règles  particulières ,  ne  sont  coosi- 
déiés  que  comme  d*illustres  confrériis 
religieuses  :  tels  sont  ces  chevaliers  du 
Lion,  du  Croissant ,  du  Dragon,  de  i'AiJ^ 
Blanche,  du  Lys-,  du  Fer-d  Or,et  ces  che- 
valiers de  la  Hache,  dont  les  nomsrapptil'nl 
les  Roland ,  les  Uoger ,  les  Renaud,  les  Oo- 
rinde,  les  Bradamante,  et  les  prodiges  de 
la  Table  ronde. 

!•  Les  Hospitaliers.  —  Quelques  mar- 
chands d'Amalti,  dans  le  royaume  deNapi^s, 
obtiennent  de  Romensor,  calife  .d'Egypte,  lï 
permission  de  bâtir  une  église  latine  à  Jéru- 
salem ;  ils  y  ajoutent  un  hôpital  pourjrce- 
voirles  étrangers  et  les  pèlerins  :  Gérard  de 
Provence  les  gouverne.  Les  croisades  cou  - 
mencent.  Godefroy  de  Bouillon  arrifCjil 
donne  aueiques  terres  aux  nouveaux  Hospi' 
taliers,  Boyanl  Roger  succède  à  Gérard,  Ra.;- 
mond-Dupuy  àRoger,  J)upuy  pi  end  le  tiireûe 
grand  maître,  divise  les  Hospitaliers  en  CA^ 
valitrsj  pou  rassurer  les  chemins  aux  pèlerins 
et  pour  combattre  les  inGdèles,  en  chapekins 
consacrés  au  service  des  autels,  el  enfrtrw 
servants  qui  devaenlaussi prendre  lesaraeSi 

L'Italie,  l'Espagne,  la  France,  l'Ai»glelem\ 
rAllomagne  el  la  Grèce,  qui,  tour  à  tour  ou 
toutes  ensemble,  vieniK'Ut  aborder  aui  Ȕ' 


1357 


ORD 


D*ASCET1SME* 


ORD 


Tages  de  la  Syrie,  sont  soutenues  par  les 
braves  Hospitaliers.  Mais  la  fortune  change 
sans  changer  *la  valeur  :  Saladin  reprend 
Jérusalem.  Acre,  ou  Ptolémaîde,  est  bientôt 
le  seul  fort  qui  reste  aux  croisés  en  Pales* 
tine.  On  y  voit  réunis  le  roi  de  Jérusalem 
et  de  Chypre,  le  roi  de  Naples  et  de  Sicile, 
le  roi  d'Arménie,  le  prince  d'Aotioche,  le 
comte  de  Jaffa,  le  {«triarche  de  Jérusalem, 
les  chevaliers  du  Saint-Sépulcre,  le  légat  du 
Pape,  le  comte  de  Tripoli,  le  prince  de  Galilée, 
les  Templiers,  les  Hospitaliers,  les  chevaliers 
teutoniques,  ceux  de  Saint-Lazare,  les  Vé- 
nitiens, les  Génois,  les  Pisans,  les  Floren- 
tins, le  prince  de  Tarenle  et  le  duc  d'A- 
thènes. Tons  ces  princes,  tous  ces  peuples, 
tous  ces  ordres  ont  leur  quartier  sépare,  où 
ils  vivent  indépendants  les  uns  des  antres  : 
«  Ensorte,  dit  I  abt>é  Fleury,  qu'il  y  avait  cin- 
quante-huit  tribunaux  qui  jngeaientà  mort.  » 
Le  trouble  ne  tarda  pas  à  se  mettre  parmi 
tant  d'hommes  de  mœurs  et  d'intérêts  di- 
Ters.  On  en  vient  aux  mains  dans  la  ville. 
Charles  d'Aqou,  et  Hugues  111,  roi  de  Chy* 
pre,  prétendant  tous  deux  au  royaume  de 
Jérusalem,  augmentent  encore  la  confusion. 
Le  Soudan  Mélec-Messor  profite  de  ces  que- 
relles intestines,  et  s'avance  avec  une  puis- 
sante armée,  dans  le  dessein  d'arracher  aux 
croisés  leur  dernier  refuge.  Il  est  em|H>i- 
sonné  par  un  de  ses  émirs  en  sortant  d'E- 
gypte ;  mais  avant  d'expirer,  il  fait  jurer  à 
son  fils  de  ne  point  donner  de  sépulture  aux 
cendres  paternelles  qu'il  n'ait  fait  tomber 
Ptoléraaïde. 

Mélec-Seraph  exécute  la  dernière  volonté 
de  son  |)ère  :  Acre  est  assiégée  et  emportée 
d'assaut,  le  18  mai  1291.  Des  religieuses 
donnèrent  alors  un  exemple  effrajrant  de  la 
ehasteté  chrétienne  :  elles  se  mutilèrent  le 
▼isa^e,  et  furent  trouvées  dans  cet  état  par 
les  infidèles,  qui  en  eurent  horreur,  et  les 
massacrèrent. 

Après  la  réduction  de  Ptolémaîde,  les 
Hospitaliers  se  retirèrent  dans  l'Ile  de  Chy- 
pre, où  ils  demeurèrent  dix-huit  ans.  Rhodes, 
révoltée  contre  Andronic,  empereurd'Orient, 
appelle  les  Sarrasins  dans  ses  murs.  Villaret, 
grand  maître  des  Hospitaliers,  obtient  d'An- 
dronic  l'investiture  de  nie,  en  cas  qu'il 
poisse  la  soustraire  au  joug  des  mahomé- 
laus.  Ses  chevaliers  se  couvrent  de  peaux  de 
brebis,  -et,  se  traînant  sur  les  mains  au  mi- 
lieu d  un  troupeau,  ils  se  glissent  dans  la 
ville  pendant  un  épais  brouillard,  se  saisis- 
sent d'une  des  portes,  égorgent  la  garde,  et 
introduisent  dans  les  murs  le  reste  de  l'ar- 
mée chrétienne* 

^  Quatre  fois  les  Turs  essaient  de  reprendre 
nie  de  Rhodes  sur  les  chevaliers,  et  quatre 
fois  ils  sont  repoussés.  Au  troisième  effort, 
le  siège  de  la  ville  dura  cinq  ans,  et  au  qua- 
trième, Mahomet  battit  les  murs  avec  seize 
canons,  d*un  calibre  tel  qu'on  en  avait  point 
enoore  vu  en  Europe. 

Ces  mêmes  chevaliers,  à  peine  échappés 
h  la  puissance  ottomane,  en  devinrent  les 

Brotecteurs.  Un   prince,  Zizime,  fils  de  ce 
lahomet  11  qui  naguère  f;iudroyait  les  rem<- 

DicrriO!i!f.  d* Ascétisme.  I. 


1^58 


parts  de  Rhodes,  implore  le  secours  des 
chevaliers  contre  Bajazet,  son  frère,  qui 
l'avait  dépouillé  de  son  héritage. «Bajazet, 

Si  craignait  nne  guerre  civile,  se  hâte  de 
re  la  paix  avec  Tordre,  et  jDonsent  à  lui 
payer  une  certaine  somme  tous  les  ans, 
pour  la  pension  de  Zisime.  On  Tit  alors  par 
on  de  ces  jeux  si  communs  de  la  fortune, 
un  puissant  empereur  des  Turcs  tributaire 
de  quelques  Hospitaliers  chrétiens. 
-  Enfin,  sous  le  grand  maître  ViUiers  de 
1  Isie  Adam,  Soliman  s'empare  de  Rhodes, 
après  avoir  perdu  cent  mille  hommes  devant 
ses  murs.  Les  chevaliers  se  retirent  h  Malte, 
que  leur  abandonne  Charies^uint.  Ils  y  sont 
attaqués  de  nouveau  par  les  Turcs  ;  mais 
leur  courage  les  délivre,  et  ils  restent  paisi- 
bles possesseurs  de  l'Ile  sous  le  nom  de 
'«^elle  ils  sont  encore  connus  aujourd'hui, 
y  L'oBOBB  TKOTOHiQUB.  —  A  l^utrc  ex- 
trémité de  l'Europe,  la  chevalerie  religieuse 
jetait  les  fondements  de  ces  Etats  qui  sont 
devenus  de  puissants  royaumes. 

L'ordre  teutonique  avait  pris  naissance 
pendant  le  premier  siège  d'Acre  par  les 
Chrétiens,  vers  l'an  1190.  Dans  la  suite,  le 
duc  de  Massovie  et  de  Pologne  l'appela  à  la 
défense  de  ses  Etais  contre  les  incursions 
des  Prussiens.  Ceux-ci  étaient  des  peuples 
barbares,  qui  sortaient  de  temps  en  temps 
de  leurs  foréU  pour  ravager  les  contrées 
voisines.  Ils  avaient  réduit  la  province  de 
Culm  en  une  affreuse  solitude,  et  n'avaient 
laissé  debout  sur  la  Vistule  que  le  seul  châ- 
teau de  Plotzko.  Les  chevaliers  teutopîques, 
pénétrant  [peu  à  peu  dans  les  bois  de  la 
Prusse,  y  bâtirent  des  forteresses.  Les  War- 
miens,  les  Rarthes,  les  Natangues  subirent 
lour  à  tour  le  joug,  et  la  navigation  des 
mers  du  nord  fut  assurée. 

Les  chevaliers  de  Porte-Glaive,  qui  de 
leur  côté  avaient  travaillé  à  la  conquête  des 
pays  septentrionaux,  en  se  réunissant  aux 
chevaliers  teutoniques ,  leur  donnèrent  une 
puissance  vraiment  royale.  Les  progrès  do 
1  ordre  furent  cependant  retardés  par  la  di- 
vision qui  régna  longtemps  entre  les  che- 
valiers et  les  évéques  de  Livonie,  mais  enfin, 
tout  le  nord  de  l'Europe  s'éUnt  soumis, 
Albert,  marquis  de  Rrandebourg,  embrassa 
la  doctrine  de  Luther,  chassa  les  chevaliers 
de  leurs  gouvernements,  et  se  rendit  seul 
maître  de  la  Prusse,  qui  prit  alors  le  niim 
de  Prusse  ducale.  Ce  nouveau  dudié  fut 
érigé  en  royaume  en  1701,  sous  l'aïeul  du 
grand  Frédéric 

Les  restes  de  Tordre  teutonique  subsistent 
encore  en  Allemagne. 

3*  L'oBDBB  DE  Calatbava.  —  La  chevale- 
rie faisait  au  centre  de  l'Europe  les  mêmes 
progrès  qu'aux  deux  extrémités  de  cette 
partie  du  monde. 

Vers  l'an  llW,  Alphonse  le  BaUilleur,  roi 
de  Castille,  enlève  aux  Maures  la  place  de 
Calatrava  en  Andalousie.  Huit  ans  après,  les 
Maures  se  préparent  à  la  reprendre  sur  Don 
Sanche,  successeur  d'Alphonse.  Don  Sabche, 
effrayé  de  ce  dessein,  fait  publier  qu'il 
donne  la  place  à  qui  roudra  la  défendre. 

ko 


135» 


ORD 


DICTIONNAIRE 


ORD 


m 


Personne  d*086  se  présenter,  hors  un  Béné- 
dictin de  Tordre  de  Ctteaux,  don  Didace 
Velasquès,  et  Raymond ,  son  abbé.  Ils  se 

Iettent  dans  Calatrava  ayec  les  paysans  et 
es  familles  qui  dépendaient  de  leur  mo- 
nastère de  Fitero  :  ils  font  {>rendre  les  armes 
aux  frères  con?ers,  et  fortifient  la  ?ille  me* 
nacée.  Les  Maures  étant  informés  de  ces 
préparatifs,  renoncent  à  leur  entreprise  :  la 
place  demeure  à  Tabbé  Raymond,  et  les 
frères  convers  se  changent  en  chevaliers  du 
nom  de  Calatrava. 

Ces  nouveaux  chevaliers  firent  dans  la 
suite  plusieurs  conquêtes  sur  les  Maures  de 
Valence  et  de  Jaën  :  Favera)  Muella,  Maca- 
Ion,  Valdetormo,  la  Fresuede,  Valderobbes, 
Aqua^Viva,  Orpipa,  tombèrent  tour  à  tour 
entre  leurs  mains.  Mais  l'ordre  regut  un 
échec  irréparable  à  la  bataille  d'Alarcos,  que 
les  Maures  d'Afrique  gagnèrent  en  1195  sur 
le  roi  de  Castille.  Les  chevaliers  de  Cala- 
trava y  périrent  presque  tous,  avec  ceux 
d'Alcantara  et  de  Saint-Jacques  de  l'Epée. 

Nous  n'entrerons  dans  aucun  détail  tou- 
chant ces  derniers,  qui  eurent  aussi  pour  but 
de  combattre  les  Maures  et  de  protéger  les 
voyageurs  contre  les  incursions  Jes  inndèles. 
Il  suffit  de  jeter  les  yeux  sur  l'histoire,  à 
l'époque  de  l'institution  de  la  chevalerie  re- 
ligieuse, pour  reconnaître  les  importants 
services  qu'elle  a  rendus  à  la  société.  L'or- 
dre de  Malte,  en  Orient,  a  protégé  le  com- 
merce et  la  navigation  renaissante,  et  a  été, 
pendant  plus  d'un  siècle,  le  seul  boulevard 
ùui  empéchflt  les  Turcs  de  se  précipiter  sur 
1  Italie;  dans  lo  nord,  l'ordre  teutonique,  en 
subjuguant  les  peuples  errants  sur  les  bords 
de  la  Baltic^ue,  a  éteint  le  foyer  de  ces  terri- 
bles irruptions  qui  ont  tant  de  fois  désolé 
l'Europe;  il  a  donné  le  temps  à  la  civilisa- 
tion de  faire  des  progrès,  et  de  perfectionner 
ces  nouvelles  armes  qui  nous  mettent  pour 
jamais  à  l'abri  des  Alaric  et  des  Attila. 

Ceci  ne  paraîtra  pas  une  vaine  conjecture, 
,si  l'on  observe  que  les  courses  des  Normands 
n*ont  cessé  que  vers  le  x*  siècle,  et  que 
les  chevaliers  teutoniques,  à  leur  arrivée 
dans  le  nord ,  trouvèrent  une  population  ré- 
parée et  d'innombrables  barbares  qui  s'é- 
taient déjà  débordés  autour  d'eux.  Les  Turcs 
descendant  de  l'orient ,  les  Livouiens,  les 
Prussiens,  les  Poméraniens,  arrivant  de 
l'occident  et  du  septentrion,  auraient  re- 
nouvelé dans  l'Europe,  à  peine  reposée,  les 
scènes  des  Huns  et  des  Goths. 

Los  chevaliers  teutoniques  rendirent  même 
un  double  service  à  l'humanité,  car  en  domp- 
tant des  sauvages,  ils  los  contraignirent  de 
s'attacher  à  la  culture  et  d'embrasser  la  vie 
sociale.  Chrisbourg,  Bartentein,  Wissem- 
bourg,  Wesel ,  Brumberg,  Thorn,  la  plupart 
Uèb  villes  de  la  Prusso,  de  la  Courlande  et 
de  la  Sémigalie,  furent  fondées  par  cet  ordre 
religieux  militaire ,  et  tandis  qu'il  peut  se 
vanter  d'avoir  assuré  l'existence  des  peuples 
de  la  France  et  de  l'Angleterre,  il  peut  aussi 
se  glorifier  d'avoir  civilisé  le  nord  de  la 
Germanie. 
Un  autre  ennemi  était  encore  peut-être 


plus  dangereux  que  les  Turcs  et  les  Prus- 
siens,  parce  quil  se  trouvait  au  ceotre 
même  de  l'Europe  :  les  Maures  ont  été  plu^ 
sieurs  fois  sur  le  point  d'asservir  la  cbré* 
tienté.  Et,  quoique  ce  peuple  paraisse 
aVoir  eu  dans  ses  mœurs  plus  d'élégance 

3ue  les  autres  barbares,  il  avait  toutefois 
ans  sa  religion,  qui  admettait  la  polygamie 
et  l'esclavage,  dans  son  tempérament  des* 
potique  et  ]aloux,  il  avait,  disons-nous,  un 
obstacle  invincible  aux  lumières  et  au  bon- 
heur de  l'humanité. 

Les  ordres  religieux  de  l'Espagne,  en  cooh 
battant  les  infidèles,  ont  donc,  ainsi  que 
l'ordre  teutonique  et  celui  de  Saint-Jean  de 
Jérusalem,  prévenu  de  ti  ès-grands  malheurs* 
Les  chevaliers  chrétiens  remplacèrent  en 
Europe  les  troupes  soldées,  et  furent  une 
espèce  de  milice  régulière,  qui  se  transpo^ 
iait  où  le  danger  était  le  plus  fressant.  Les 
rois  et  les  barons,  obligés  de  licencier  leurs 
vassaux  au  bout  de  quelques  mois  de  ser- 
vice, avaient  été  souvent  surpris  par  les 
barbares.  Ce  que  l'expérience  et  le  génie 
des  temps  n^avaient  pu  faire,  la  reii^on 
l'exécuta  :  elle  associa  des  hommes  qui  ju« 
rèrent,  au  nom  de  Dieu,  de  verser  leur  saog 

f>our  la  patrie  ;  les  chemins  devinrent  libres, 
es  provinces  furent  purgées  des  brigands 
qui  les  infestaient,  et  les  ennemis  du  dehors 
trouvèrent  une  dime  à  leurs  ravages. 

On  ablAmé  les  chevaliers  d'avoir  été  cher^ 
cher  les  infidèles  jusque  dans  leurs  (ojers. 
Mais  on  n'observe  pas  que  ce  n'étaient» 
après  tout,  que  de  justes  représailles  contre 
des  peuples  oui  avaient  attaqué  les  premiers 
des  peuples  chrétiens;  les  Maures  que  Cha^ 
les  Martel  extermina,  justifient  les  croisades. 
Les  disciples  du  Coran  sont-ils  demeurés 
tranquilles  dans  les  déserts  de  rArabie,et 
n'ont-ils  pas  porté  leur  loi  el  leurs  rarages 
jusqu'aux  murailles  de  Debly  et  jusqu*aui 
remparts  de  Vienne?  Il  fallait  peut-être  at- 
tendre que  le  repaire  de  ces  bêles  féroces  se 
fût  rempli  de  nouveau ,  et  parce  qu^oo  a 
marché  contre  elles  sous  la  oannière  de  la 
religion,  l'entreprise  n'était  ni  juste  ni  né- 
cessaire! Tout  était  bon.  Tentâtes,  Odin, 
Allah,  pourvu  qu'on  n'eût  pas  Jésus-Cbrist 

ORDRES  RELIGIEUX.  —  Nous  avons  dé- 
crit à  l'article  Moines  l'origine  et  les  consti- 
tutions de  la  vie  monastique;  nous  aroDi 
esquissé  d'une  manière  rapide  les  différeats 
ordres  religieux  dans  notre  DUcenin  frë- 
ifitnatre;  il  ne  nous  reste  plus  qu'à  oqod* 
trer  les  services  immenses  qu'ils  ont  rendoi 
à  la  religion,  à  la  société,  aux  lettres  et  aui  ' 
arts. 

En  lisant  attentivement  l'histoire  des  siè> 
des  passés,  il  est  facile  de  remarquer  qje 
les  grandes  vertus  qui  dès  l'origine  brifli' 
rent  dans  les  ordres  monastiques,  atdrèreot 
dans  l'Eglise  une  infinité  de  païens,  et  rani- 
mèrent les  Chrétiens  dont  le  nombre  te 
s'était  augmenté  qu*au  détriment  de  leur 
piété.  Les  moines  justifiaient  par  leurs 
exemples  la  religion  qiu'ils  professaient,  et 

trouvaient  que  les  préceptes  les  plus  péo^ 
les.  à  la  nature  pouvaient  être  prattquéi. 


1261 


ORD 


D*ASCET1SIIE. 


ORD 


liit 


De  là  trient  que  tes  Pdres  opposaient  sans 
cesse  leurs  vertus  aux  vertus  simulées  ou 
incomplètes  des  païens,  et  leurs  pénitences 
aux  pénitences  hypocrites  des  hérétiques. 
En  transportant  la  vie  monastique  dans  rOt* 
cident,  sUnt  Benott  y  ralluma  la  ferveur  des 
premiers  temps.  Les  grands  hommes  qui, 
dans  la  suite  des  siècles»  reformèrent  son 
ordre,  ou  en  instituèrent  de  nouveaux»  ou- 
Trirent  des  asiles  à  la  vertu.  De  nos  jours, 
au  milieu  de  Tincrédulité  et  du  libertinage 

aui  désolent  la  société^  TEklise  reçoit  de 
ouces  consolations  des  ordres  religieux. 
Voyez  comme  les  Trappistes,  les  Chartreux, 
les  Trappistines,  les  Carmélites,  les  Bénédic- 
tines du  Saint«Sacrement  sont  si  fidèles  à 
leurs  règles,  malgré  leur  rigueur.  Par  la 
pratique  des  conseils  évaneéiiquea  ils  s'é- 
lèvent à  'la  plus  haute  perfection.  Dans  un 
siècle  d'orgueil  et  de  volupté,  ils  passent 
quarante  ans,  soixante  ans  ignorés  des  hom- 
mes, portant  un  joug  austère,  sans  se  lasser 
un  instant  de  leur  sacrifice»  —  I>ès  les  pre- 
miers  moments  de  leur  établissement,  les 
corps  religieux  s'appliquèrent  à  l'étude  des 
saintes  Ecritures  et  des  sciences  ecdésiasli- 
ques.  Saint  Basile,  saint  Grégoire  de  Na* 
zianze,  saint  Epiphane,  saint  Bphrem  vécu* 
rent  longtemps  parmi  les  moines  orientaux. 
Saint  Jérôme,  saiut  Isidore  de  Peluze,  saint 
Grégoire  le  Grand,  et  beaucoup  d^autres  Pè- 
res qui  par  leurs  savants  ouvrages  ont  fixé 
le  véritable  sens  des  Ecritures,  refuté  les 
hérésies  et  conservé  le  dépôt  de  la  tradi*- 
tion,  vécurent  longtemps  parmi  les  moines 
occidentaux.  Pendant  les  conquêtes  des  peu* 
pies  du  nord,  les  monastères  contribuèrent 
puissamment  à  la  conservation  de  la  reli- 
gion. Cest  dans  leurs  écoles  et  celles  des 
églises  cathédrales,  presque  toutes  desser* 
Ties  par  des  moines»  que,  sans  exclure  les 
sciences  humaines,  on  expliquait  et  étudiait 
l'Ecriture  sainte,  la  théologie,  les  ouvrages 
des  Pères,  le  droit  canon,  rbistoire  ecclé- 
siastique. Ils  composaient  aussi  de  savants, 
de  pieux  ouvrages  pour  la  défense  de  la  foi, 
pour  l'instruction  des  pasteurs  et  des  fidè- 
les. Saint  Jean  Damascène  vengea  le  culte 
des  images  contre  les  iconoclastes,  et  ex- 
posa la  foi  orthodoxe  d'après  la  tradition, 
kotrou  de  Cort>ie  établit  contre  les  Grecs  la 
procession  du  Saint-Esprit  par  l'autorité  de 
saint  Grégoire  de  Nazianze  et  des  Pères  la- 
tins. Loup  de  Ferrières  défendit  la  doctrine 
de  l'Eglise  sur  la  prédestination  et  la  grâce, 
par  les  écrits  de  saint  Augustin.  Qui  ne 
connaît  les  immenses  travaux  des  écoles 
monastiques  de  saint  Victor  et  de  Lérius? 
Plus  tard  Lanfranc  fit  connaître  ce  que  pen- 
saient sur  l'Eucharistie  les  anciens  Pères 
dont  Bérenger  altérait  la  doctrine.  Hincmar, 
transféré  du  cloître  sur  le  siège  de  Reims, 
Réginou,  abbé  de  Prons,  Abbon  de  Fleurs, 
Botlhir  abt>é  de  Lobes,^  ensuite  évoque  de 
Véfonne,  Bauchard,  moine  de  Li^  et  évo- 
que de  Worms ,  Tves,  abbé  de  Saint-Quen- 
tio,  do  Beauvais  et   évèque  de  Chartres, 
Hugues,  abbé  de  Saint-Victor,  ont  laissé  de 
nombreux  travaux  sur  la  discipline,  This- 


toire  et  la  l^islation  ecclésiastiques.  Saint 
Bernard,  saint  Thomas,  et  plusieurs  autres 
moines  leurs  contemporains,  ont  éclairé 
leur  siècle  par  de  nomt>reux  écrits.  Depuis 
saint  Thomas,  les  religieux  |de  tous  les  or- 
dres, les  Bénédictins,  les  Augustins,  les 
Dominicains,  les  Bamabites,  les  Jésuites, 
les  Franciscains,  les  Génovéfains  se  sont 
livrés  aux  études  les  plus  approfondies»  aux 
investigations  les  plus  minutieuses,  les  plus 
pénibles  sur  l'Écriture,  sur  les  Pères,  sur  la 
tradition,  sur  le  droit  canon,  sur  les  histoires 
particulières  de  chaque  l^lise,  et  sur  l'his- 
toire génénde.  Toutes  les  sources  ont  été 
découvertes  et  éclairées  par  le  flambeau  de 
la  critique.  Nous  devons  à  ces  religieux, 
aussi  distingués  par  leur  génie  que  par  leur 
Taste  érudition,  des  ouvrages  qui  n'hono* 
rent  pas  moins  l'esprit  humain  que  l'Eglise. 
Les  religieux  ont  aussi  rendu  d'importants 
services  à  l'Eglise  par  la  publication  des 
ouvrages  ascétiques.  Versés  dans  la  connais- 
sance :du  ccBur  humain,  les  Baudrand,  les 
Grasset,  lesCroiset,  les  Berthier,  les  Saint- 
Jude,  les  Touron,  les  Avrillon,  les  Rodri- 
guez,  ont  traité  une  multitude  de  sujets  de 
piété  et  de  morale,  où  les  fidèles  puisent  do 
vives  lumières  pour  leur  conduite  et  pour 
arriver  à  la  fieriectîon. 

La  liturgie  a  fixé  aussi  Tattenlion  des  re« 
ligieuz  :  Dom  Martène  a  réuni  dans  un 
savant  ouvrage  sur  cette  matière  les  anciens 
rites,  a  exposé  les  cérémonies  de  l'Eglise 
dans  l'administration  des  sacrements,  dans 
les  oflices,  dans  les  punitions  canoniques; 
on  y  voit  quel  a-  été  en  tout  et  toujours 
l'esprit  de  I  Eglise.  Par  leur  fidèle  observa- 
tion des  cérémonies  de  ^Eglise,  les  religieux 
constataient  Tétat  antique  et  universel  de 
lacrovance  de  l'Eglise.  Cescérémonies  étaient 
un  témoignage  perpétuel  de  la  foi;  en  les 
pratiquant,  en  les  transmettant  à  leurs  suc- 
cesseurs comme  il  les  avaient  reçues  de  leurs 
prédécesseurs,  ils  attestaient  qu  ils  croyaient 
Ce  que  ceux-ci  avaient  cru,  et  léguaient  à 
ceux-là  des  preuves  invincibles  contre  les 
novateurs.  Lorsque  la  philosophie  du  dernier 
*  siècle  attaqua  le  christianisme,  les  religieux 
ne  reculèrent  pas  devant  ces  nouveaux  ad- 
versaires.  Us  prouvèrent,  dans  de  savants 
ouvrages,  que  la  raison  est  loogours  d*accord 
avec  la  foi  ;  ils  exposèrent  les  titres  primi- 
tifs de  la  révélation.  Dom  Lamy  établit  la 
vérité  de  la  religion  chrétienne,  dom  Tous- 
saint la  divinité  de  J6ius-Christ,  le  P.  Hager 
la  spiritualité,  Timmortalité  de  l'âme;  la 
P.  Griffèt  démontra  l'insuffisance  de  la  re* 
iigion  naturelle.  Parmi  les  religieux  qui  sa 
firent  remarquer  par  leur  science  et  leur 
esprit,  nommons  encore  le  P.  Barruel  dans 
les  Helriennes,  Jean  Mauduits,  Oratorien, 
dans  le  Traité  de  la  rdigiwHf  et  dom  Jamia 
dans  ses  Peoiées  ihéoloftqaes.  Les  religieux 
ont  aussi  rempli  les  diverses  fonctions  da 
ministère  ecclésiastique.  Saint  Pacôme  céda 
deux  de  ses  religieux  pour  être  évèques  ; 
saint  Athanase  cite  au  moine  Draconca 
l'exemple  de  sept  reiigianx  qui  avaient  été 
élevés  à  l'épiscopat.  Pendant  plasîeurs  siè« 


i^GS 


ORD 


DICTIONiNÂIRE 


ORD 


m 


dei^,  on  ne  prenail  guère  les  évoques  dans 
les  églises  d*Orienl:  et  d'Occident,  que  parmi 
les  religieux^  Cet  usage  est  devenu  une  loi 
do  TEglise  d'Orient,  où  Ton  tire  Cous  les 
évêques  des  couvents.  Depuis  le  premier 
concile  de  Nicîée  jusgu'à  celui  de  Trente,  ces 
vénérables  assemblées  ont  trouvé  dans  les 
moines  de  -sarants  docteurs  et  des  Pères 
zélés.  Le  siège  de  Rome  a  été  souvent  oc- 
cupé par  des  religieux,  et  sans  cesse  ils  se 
sont  fait  remarquer  par  leur  science  et  la 
sniiilelé  de  leur  vie.  L'illustre  Grégoire  XVI 
était  Camaldule.  Avant  la  révolution ,  les 
Carmes  et  les  Dominicains  remplissaient  les 
fondions  de  curés  dans  les  Des  du  Vent. 
Les  chanoines  réguliers  de  Saint-Norbert,  de 
Sainte-Geneviève  et  de  Saint-Victor  ont 
toujours  exercé  les  fonctions  curiales.  Les 
Prémonlrés  de  Télroite  obseivance  avaient 

Srès  de  cent  cures  dans  la  seule  province  de 
ormaniiie.  Les  Génovéfains  en  avaient  près 
de  neuf  cents  dans  les  diverses  contrées  dé 
la  France.  On  comptait  aussi  parmi  les  curés 
beaucoup  de  chanoines  qui  suivaient  la  règle 
de  Salnt-Aui^ustin,  et  plusieurs  religieux  de 
l'ordre  de  Funtevraull  et  de  la  Rédemption 
des  captifs.  Dès  les  premiers  temps  de  leur 
établissemi^nt,  les  religieux  sortaient  de 
leur  désert  pour  rendre  lémoi^^nage  à  la  foi, 
pour  la  prêcher  aux  idolâtres;  saint  Antoine 
encouragea  les  martyrs  pendant  la  persécu- 
tion de  Maximin,  et  confondit  ensuite  l'au- 
dace des  ariens,  qui  osaient  lui  attribuer 
leurs  erreurs.  Les  disciples  de  saint  Basile 
se  rendirent  très-utiles  à  l'Eglise  contre 
foutes  les  hérésies  d'£unomius  et  d*Apnolli- 
naire.  Saint  Pacôme,  saint  Benoit  et  leurs 
disciples  s*a{>pliquèrent  h  la  conversion  dos 
peuples  voisins  de  Tabennes  et  du  mont 
Cassin.  Saint  Jérôme  ne  suspendait  ses  tra- 
vaux scientifiques  que  pour  préparer  les 
catéchumènes  au  baptême.  Sanit  Ëuthj^me 
convertit  un  très-grand  nombre  de  Sarrasins. 
Des  moines  choisis  par  saint  Chrvsostomç 
pendirent  la  Phéuicîe  chrétienne.  L  Autriche 
dut  sa  conversion  aux  prédications  de  saint 
Séverin,  l'Angleterre  à  celles  do  saint  Au- 
gustin et  de  ses  compagnons,  la  Frise  à 
celles  de  saint  Villebrod  ;  l'Allemagne  à 
celles  de  saint  Boniface;  la  Suède,  le  Da- 
nemark ,  la  Norvège,  à  celles  de  saint 
Auxiaire  et  de  ses  coopérateurs;  la  Livonie 
et  la  Sibérie,  il  celles  des  Dominicains  et 
d'autres  religieux  de  différents  ordres.  Les 
Frères  prêcheurs  pénétrèrent  en  Chine  pour 
conserver  la  foi  dans  les  nouvelles  chrétien- 
tés, les  refligieux  y  fondaient  des  monastères 
où  ils  élevaient  les  enfants  du  pays,  les  ins- 
truisaient sur  la  religion,  les  formaient  à  la 
vertu,  et  les  rendaient  capables  des  fonc- 
tions ecclésiastiques.  Aussi  ces  Eglises  étaient 
en  état,  en  peu  de  temps,  de  se  soutenir 
elles-mêmes,  sans^avolr  besoin  de  secours 
étranger.  Du  sein  des  monastères  sont  sortis 
les  apôtres  des  deux  Indes,  et  leurs  succps- 
ccurs  ont  montré  le  même  zèle  pour  la  foi, 
soit  en  la  conservant  parmi  les  catholiques 
qui  vivaient  ^ous  la  domination  des  infidèles, 
des  hérétiques- et  des  païens,  soit  en  Téten* 


dant  finrmî  ces  derniers.  Onineconnnîl  lesad* 
mirables  travaux  de  saint  François -Xavier  et 
de  ses  collaborateurs?  Qui  n'admirerait  les 
succès  miraculeux  des  Jésuites  dans  le  Pa- 
raguay? Ces  religieux  et  les  DomiDÎcairw 
ont  arrosé  de  leur  sang  l'Empire  céleste. 

Avant  h  révolution,  les  religieux  des  dif- 
férents ordres,  et  surtout  les  Bénédictins  et 
les  Capucins  français,  évangélisaient  les  lies 
britanniques,  le  Danemark,  la  Suède  el  la 
Russie.  11  y  avait  des  Capucins  fran^^ais  en 
Hollande;  ceux  de  la  Basse-Allemagne  fai- 
saient des  missions  dans  les  cercles  voisins'; 
iceux  de  l'Italie  dans  les  différents  canloDs 
de  la  Suisse.  La  partie  de  la  Hongrie  sou- 
mise aux  Turcs  était  confiée  aux  Pères  de 
Saint-Paul  ermite.  La  Valachie,  la  Moldavie 
étaient  évan^élisées  par  les  Capucins,  qui 
prenaient  soin  des  catholiques  do  la  Grèce 
avec  les  Gonrentuels  de  Corfou.  Ces  reli- 
gieux avaient  douze  maisons  dans  les  fies 
de  TArchipel,  deux  à  Constantinople.  Ils 
partageaient  dans  cette  grande  ville  les  fonc- 
tions du  ministère  avec  les  Dominicains  et 
des  frères  mineurs  Observantins.  Ces  der- 
tiiers,  avec  les  Capucins,  dirigeaient  les  ca- 
tholiques de  l'Ile  de  Chypre.  Les  Carcus 
âvaientet  pntconscrvéun  couventsurlemoul 
Carmel.  Pendant  près  de  cinq  siècles,  les 
Bécollcts  et  les  Franciscains  entretinreuDis 
lieux  saints,  y  eurent  vingt-quatre  maisom, 
et  fournirent  des  curés  et  des  mi^siooDaires 
h  beaucoup  d'églises  de  ces  contrées.  Les 
Augustins  évangélisaient  la  Perse  ;  les  Car- 
mes et  les  Capucins  français,  la  Syrie.  Des 
Carmes  et  des  Capucins  prêchaient  ausâi 
dans  la  Georçie,  TArménie  et  l'Arabie  avec 
les  Dominicains.  La  Mingrélie  était  desser?ie 
pnr  les  Théatins  et  les  Capucins;  ces  der- 
niers avaient  aussi  la  direction  du  Hog^^let 
du   petit  Tibet.   Les   Ora.loriens  de  Saint- 
Philippe  de  Néri  prêchaient  dans  Ilndou»- 
tan,  les  Carmes  dans  le  Malabar,  les  Augus- 
tins dans  te  Bengale.  Les  Franciscains  à^s 
diverses  observances,   les  Augustins,  les 
Pères  de  la  Rédemption  des  captifs  élaiei.l 
chargés  des  missions  de  l'Afrique;  il  y  avait 
des  Capucins  français  au  Caire,  des  Récdi- 
lets  à  AlexandriCi  des  Observantins  avec  des 
RécoHets  et  des  Capucins  eu  Egypte,  h  Fez, 
è  lilarse,  où  se  trouvaient  aussi  les  Pères  de 
la  Hédeniption.  Les  Capucins  évangé.isaieot 
les  royaumes  d'Ovério,  de  Bénin  et  la  Gui- 
née ;  ils  avaient  des  maisons  è  Tunis,  à 
Mélisle.  lis  évangélisaient  aussi,  avec  les 
Dominicains,  Congo,  Angola,  et  Monomo- 
tapa.  Les  Récollets  étaient  établis  à  Alger  et 
dans  toute  la  Barbarie;  les  Augustins  dans 
l'Ile  de  Tabarca,  et  les  Pères  de  la  Rédefflf^ 
tfon  à  Trémisan.  Les  religieux  furent  les 
premiers  apôtres  de  l'Amérique.  Malgré  ps 
•  crimes  do  toutes  sortes  qu'y  commirent  les 
Espagnols,  ils  opérèrent  une  immense  et  sa- 
lutaire révolution  au  Pérou,  au  Mexique,  au 
Chili,  aux  Antilles,  dans  le  nouveau  royauuie 
cte  Grenade,  dont  ils  convertirent  les  indi- 
gènes à  la  foi.  Quelque  vif  et  profond  que 
fût  le  ressentiment* de  ceux-ci  coiJlre  les 
conquérants^  ils  donnèrent  toute  leur  coo 


n:» 


ORD 


DASCETISME. 


ORD 


lica 


fiance  aux  reliî^ieui,   ils   rcganSaienl  ces 
hommes  apostoliques  comme  leurs  pères  et 
I«';ir8.amî5.  La  reconnaissance  a  gravé  dans 
le«$  annales  de  rAmérique  les  noms  de  Las 
Cnsasy  de  Julien  Garces,  d'Antoine  Valdi- 
viesco,  de  Jean  Ramirez,  de  François  de 
S<)int-Michel«  d'Alphonse  de  la  Cerda,  et 
de  beaucoup  d'autres»  qui  protégèrent  cons- 
tamment les  Indiens.  Au  Brésil,  les  Capucins 
et  les  religieux  de  Saint-Philippe  de Néri  soi- 
gnaient d'une  manière  toute  spéciale   les 
malheureux  esclaves  nègres.  Les  Carmes, 
les  Bénédictins,  les  religieux  de  Saint-Fran- 
çois avaient  des  maisons  à  Saint-Sébastien, 
dnns  la  capitale  du  Brésil.  Les  religieux  de 
tous  les  ordres,  et  notamment  les  Frères 
prêcheurs,  les  Angustins,   les  Frères  mi- 
neurs, les  Pères  de  la  Merci,  les  Observan- 
tins  avaient  des  maisons  dans  les  diverses 
parties  de  l'Amériçiue.  Dans  toute  l'Europe 
catholique,  les  religieux  étaient  en  général, 
chargés  de  prêcher  Tes  stations  du  carême  et 
de  l'A  vent,  et  des  missions  dans  les  villes  et 
les  campagnes.  On  tirait  aussi  des  cloîtres 
les  aumôniers  des  régiments  et  ceux  des 
Taisseaux.  On  ne  sera  donc  çlus  surpris  de 
la  rage  de  nos  révolutionnaires  contre  les 
ordres  religieux.  Ces  ordres  rendaient  d*im- 
portants  services  à  la  religion  ;  ils  devaient 
donc  tomber  sous  les  coups  des  hommes 
qui  voulaient  détruire  le  christianisme.  Les 
ordres  religieux  établis  en  France  depuis  la 
révolution  marchent  sur  les  traces  de  leurs 
devanciers;  ils  se  montrent  aussi  pleins  de 
zèle  pour  la  propagation  de  la  foi.  rlos  reli- 
gieux actuels  occupent  les  principales  chai- 
res de  nos  églises  et  de  nos  cathédrales.  Les 
Pères  de  Ravignan,  Jésuite,  et  Lacordaire, 
DomioicaiD,  sont  les  deux  plus  grands  ora- 
teurs de  nos  temps  modernes.  Dom  Guéran- 
ger.  Bénédictin,  se  fait  remarquer  par  ses 
Tastes  connaissances  dans  la  liturgie  et  dans 
toutes  les  autres  parties  de  l'histoire  ecclé- 
siastique. Le  P.  de  Brayne,  de  la  Trappe  de 
Mortagne,  a  publié  divers  ouvrages  sur  la 
théologie,  la  morale  et  la  médecine.  Le 
P.  Péquîgni,de  la  même  maison,  est  auteur 
d*un   ouvrage  très-intéressant,   la    Trappe 
mieux  connue.  Nous  devons  aussi  au  P.  Gé- 
rawb.  Trappiste,  d'utiles  et  pieux  ouvrages. 
Les  Jésuites  publient  aussi  de  nombreux 
écrits,  touspropresè  nourrir  la  piété  des  fidè- 
les, et  è  leur  donner  une  instruction  solide. 
Mais  les  ordres  religieux  n'ont  nas  rendu 
Je  rfioins  importants  services  è  la  société 
rivile  qu'à  I  Fglise  :  ils   ont  desséché  les 
marais,  défriché  les  forêts  dont  la  majeure 
partie  de  l'Europe  était  couverte;  ils  ont 
transi^orté  de  la  terre  sur  de  nombreux  ro- 
chers pour  les  fertiliser;  ils  ont  fécondé  par 
lcu*s  sueurs,  par  d'immenses  travaux,  dus 
terres  stériles  ;  ils  ont  transformé  en  de  riches 
et  agréables  campagnes  des  déserts  arides, 
des  lieux  affreux.  Par  la  douceur  des  coutu- 
mes qu*iis  établissaient  dans  leurs  domaines, 
parla  tranquillité  dont  on  jouissait  soiis  leur 
protection,  ils   attiraient  des  populations 
nombreuses.  Aux  pauvres,  ils  distribuaient 
des  terres  pour  les  mcltrc  en  cuMuiv  valeur 


fournissant  de  nombreuses  avances  ;  aux  ''  ^ 
familles  riches,  ils  garantissaient  le  repos  el  j^ 
la  sécurité  qu'elles  ne  pouvaient  trouver  sur 
les  terres  des  seigneurs  livrées  è  toutes  les 
brutalités  de  l'anarchie  féodale.  Les  reli- 
gieux étendaient  aussi  de  toutes  parts  leurs 
secours  sur  les  malheureux.  D'après  saint 
Augustin,  les  moines  d'Egypte,  vivant  dans 
des  solitudes  affreuses ,  occupés  à  faire  des 
corbeilles  ou  à  d'autres  travaux  aussi  sim- 
ples ,  chargeaient  néanmoins  des  vaisseaux 
de  leurs  aumônes.  Les  monastères  de  l'Occi- 
dent versaient  aussi  d'abondantes  aumônes 
dans  le  sein  des  pauvres.  H  sufîit  de  dire 
que  Cluny  a  nourri  parfois  jusqu'à  dix-sept 
mille  pauvres  par  jour.  Les  ordres  religieux 
existants  de  nos  jours  conservent  le  même 
esprit  Ue  eharite;  interrogez  les  habitants 
des  lieux  où  nos  couvents  sont  établis,  ils 
vous  diront  de  quelles  ressources  ils  sont 
pour  les  pauvres.  Dans  les  villes ,  les  con- 
grégations religieuses  de  femmes  sont  les 
consolatrices  de  toutes  les  misères.  Récem- 
ment le  conseil  municipal  de  Paris,  le  pré- 
fet de  la  Seine  et  le  ministre  de  la  justice 
ont  rendu  un  témoignage  bien  solennel  à  là 
grande  chariié  des  dames  Bénédictines  du 
Saint-8acrement,  qui  sont  à  Paris  la  provi- 
dence des  pauvres  de  leur  quartier.  Dès  l'o- 
rigine de  la  profession  religieuse,  les  moines 
s'adonnèrent  aux  soins  des  malades  et  des- 
servirent les  hôpitaux.  Saint  Basile  fit  cons- 
truire pour  les  pauvres,  à  Césarée,  un  mo- 
nastère et  un  vaste  loj^ement  adossés  l'un  à 
l'autre,  aûn  que  le  service  fût  plus  facile.  Le 
testament  de  Vaudemir,  de  691,  nous  ap- 

6 rend  que  dès  lors  les  malades,  à  l'HôtoN 
^ieu  de  Paris,  étaient  assistés  par  des  reli- 
gieuses. 

Suivant  le  concile  d'Aix-la-Chapelle,  il^ 
devait  y  avoir  dans  chaque  monastère  des 
chanoines  et  des  chanoinesses  pour  lès 
pauvres  malades  valides  et  invalides.  Vin- 
rent ensuite  les  ordres  hospitaliers.  Gom- 
ment louer,  suivant  leur  mérite,  les  congré- 
gations des  deux  sexes  c|ui  se  dévouent  do 
nos  jours  avec  un  zèle  si  admirable  au  sou« 
lagement  des  diverses  maladies  ?  Nus  phU 
lanthropes  ont  reconnu  leur  impuissance  ;  ils 
ont  été  obligés  de  rendre  les  services  des 
hôpitaux  aux  hommes  et  aux  femmes  qui  tui 
cherchent  leurs  inspirations  que  dans  l'Eu- 
charistie et  la  charité  catholique.  Pendant 
près  de  sept  cents  ans  les  Pères  de  la  Ré- 
demption des  captifs  et  de  Notre-Dame  de 
la  Merci  ont  employé  leurs  revenus  et  les 
aumônes  qu'ils  recueillaient  à  racheter  les 
malheureux  que  les  infidèles  retenaient  dans 
les  fers.  Afin  de  prévenir  ou  d'arrêter  les 
funestes  effets  de  I  incontinence,  des  femmes 
remplies  de  piété  et  de  charité  se  sont  vouées 
à  la  pénible  mission  de  ramener  h  la  vertu 
des  êtres  que  l'erreur  et  le  vice  font  tomber 
dans  une  si  profonde  dégradation.  De  là 
nous  sont  venus  les  ordres  de  la  Providence, 
de  Sainte-Pélagie,  du  Refuge,  du  Bon  Pas- 
teur, et  autres  semblables,  répandus  dans 
toute  la  France  et  è  rétrangcr.  Les  prison- 
niers ont  trouvé  des  ordres  consacrés  h  leur 


1167 


ORD 


DICTIONNAIRE 


ORD 


m 


procurer  tous  les  soulagements  spirituels  et 
temporels.  Les  Récollets  et  les  Capucins  se 
vouaient  surtout  à  leur  instruction.  Les 
sœurs  de  la  Charité  étaient  chargées  du  soia 
de  plusieurs  prisons;  Les  filles  de  Saint- 
Vincent  de  Paul  s'appliquaient  en  divers 
endroits  au  service  des  forçats,  pour  lesquels 
saint  Vincent  de  Paul  avait  fait  bAtir  ua 
hôpital  à  Marseille.  A  Paris,  les  docteurs  de 
la  maison  de  Sorbonne  conduisaient  au  sup^ 
plice  les  condamnés  è  mort.  Les  Capucins 
se  rendirent  très-souvent  utiles  dans  les 
incendies;  bien  souvent  ils  furent  victimes 
de  leur  zèle«  Les.  ordres  religieux  des  deux 
sexes  ont  pris  aussi  bien  souvent  sous  leur 

f protection  les  enfants  trouvés  et  les  orphe- 
ins ,  ainsi  que  les  vieillards  pauvres  et 
infirmes.  Les  couvents  servirent  encore 
d*asile  contre  Toppression  et  la  tyrannie  des 
grands  ;  sous  nos  gouvernements  réguliers, 
où  la  justice  est  rendue  avec  exactitude,  on 
ne  comprend  pas  les  bienfaits  du  droit 
d*asile.  Mais  en  remontant  quelques  siècles 
pins  haut,  è  cette  époque  où  le  droit  du 
plus  fort  était  la  loi  régnante  de  la  société, 
où  le  succès  des  combats  et  le  résultat  des 
luties  faisaient  qu'un  homme  était  coupable 
ou  innocent;  le.droit  d'asile  était  très -pré- 
cieux et  vivement  réclamé  par  la  justice  et 
l'humanité.  Par  suite  de  la  considération  que 
les  religieux  s'attirèrent  par  leurs  vertus  » 
ils  devinrent  les  protecteurs  du  peuple,  ils 
arrêtèrent  les  exactions  et  les  vengeances 
des  grands.  Les  religieux  de  nos  jours  ne 
se  rendent  pas  moins  utiles  à  l'humanité 

Sue  ceux  des  siècles  précédents;  les  firères 
e  Saiat-]oseph ,  ceux  de  Saint  Jean  de 
Dieu,  les  sœurs  de  divers  ordres  s'emploient 
avec  zèle  au  service  des  hôpitaux.  Les  Frères 
de  la  doctrine  chrétienne,  ceux  encore  de 
Saint-Joseph ,  montrent  un  dévouement 
admirable  dans  le  service  d'un  très*grand 
nombre  de  prisons. 

I  Les  religieux  se  dévouèrent  avec  un  très« 
grand  zèle  h  l'éducation  des  enfants.  Il  y 
avait  dans  chaaue  monastère  une  école 
extérieure  pour  les  séculiers,  et  une  école 
intérieure  pour  les  moines.  On  rapporte 
l'origine  de  cette  double  école  à  Pacôme, 
qui,  outre  les  oathécumènes,  recevait  des 
enfants.  Au  Hont-Cassin  furent  élevés  par 
saint  Benoit,  saint  Haur,  saint  Plaoide,  les 
enfants  des  premières  familles  de  Rome,  Les 
religieux  envoyés  par  saint  Grégoire  en  An-r 
gleterre,  y  bAtirent  des  monastères  qui  fu-» 
rent  des  écoles  célèbres  de  science  et  de 
vertu.  Au  siècle  suivant,  Malmeshury  et 
Glattembury  avaient  une  très-grande  renom- 
mée; en  même  temps  Gleurissaient  en  Alle- 
magne Fulde,Fritslas,  Saint-Gall,Ricbenau, 
et  Prous.  Beaucoup  d*abbayes  avaient  été 
ruinées  par  les  Sarrasins  sous  les  derniers 
règnes  des  Mérovingiens;  les  études  langui* 
rent ,  mais  elles  se  réveillèreat  sous  Cbarler 
magne  par  les  soins  de  ce  prince,  qui  adressa 
une  lettre  à  ce  sujet  aux  évoques  et  aux 
abbés.  Dès  ce  moment  les  éludes  se  renou- 
velèrent dans  les  écoles  des  monastères.  Les 
plus  célèbres  en  France  étaient  Fonlenelle, 


Fleury,  Cluny.  Le  moindre  des  jeanis  gens 
était  élevé  dans  ces  écoles  avec  le  même 
soin  que  les  fils  des  rois  dans  leurs  palais. 
Un  grand  nombre  de  princes  furent  aussi 
élevés  dans  les  cloîtres.  Lothaire  fut  confié 
dès  son  enfance  à  saint  Germain  d'Auierre, 
Robert  II  et  Louis  le  Gros  furent  élevés  ï 
Saint-Denis.  Lorsque  le  flambeau  des  lettres 
s'éteignait  dans  une  maison,,  il  se  rellamaii 
dans  une  autre.  Comme  on  reprochait  aux 
moines  de  Cluny  de  s'adonner  aux  lettres 
profanes,  ils  s'en  justifièrent  par  Texemple 
des  plus  célèbres  monastères.  Pendant  plu- 
sieurs siècles  les  religieux  enseigoèreot  la 
(grammaire,  la  rhétorique ,  la  dialectique» 
a  musique ,  l'astronomie ,  la  médecine,  et 
même  le  droit.  C'est  à  un  religieui  que 
l'Angleterre  doit  la  connaissance  da  droit 
romain.  Thibaud,  abbé  du  Bec,  archevêque 
de  Cautorbéry,  en  1138,  y  porta  le  code 
Justinien,  découvert  depuis  peu  en  Italie. 
Jusqu'au  moment  de  la  révolutionnes  or« 
dres  relisieux  n'ont  pas  cessé  de  montrer  le 
même  zèle  pour  l'éducation.  Les  Bénédictins 
de  la  congrégation  de  Saint-Jtfaur  dirigeaient 
presque  toutes  les  écoles  militaires.  Ceux 
de  Cluny  et  de  Saint-Maur  avaient  différeo- 
tes  maisons  d'éducation,  ainsi  que  les  Bar- 
nabites  et  les  Oratoriens«  Dans  la  seule 
province  de  Toulouse,  les  Dominicains 
avaient  trente-deux  chaires.  Avant  leur  des- 
truction, les  Jésuites  avaient  des  collèges 
très-florissants.  Dans  celui  de  Toulouse,  lis 
avaient  eu  jusqu  à  1,700  élèves.  Presque  tous 
les  monastères  de  femmes  étaient  consacra 
à  l'éducation.  Depuis  la  révolution,  beau- 
coup de  congrégations  de  femmes,  ancien- 
nes ou  nouvelles,  sont  vouées  à  l'éducation. 
Nous  citerons  les  Ursulines,  les  Visitandines, 
les  Dames  du  Sacré-Cœur,  les  sœurs  de 
Nevers,  de  la  Sagesse,  de  la  Providence,  etc. 
Les   Frères    des    écoles    chrétienne  diri- 

Sent  dans  la  plupart  des  villes  rédncatioa 
es  enfants  du  peuple ,  et  impriment  dans 
leur  cœur  des  sentiments  chrétiens  que  les 

Eassions  peuvent  affaiblir  mais  non  détraire, 
.es  enfants  des  classes  riches,  moins  favori- 
sés que  ceux  du  peuple,  sont  obligés  do 
subir  l'éducation  des  maîtres  de  IDnirer- 
sité.  Cependant,  la  religion  étant  le  fon- 
dement de  toute  bonne  éducation,  et  les 
connaissances  que  l'on  doit  donner  anx 
enfants  devant  s'harmoniser  avec  ellei  n 
n'est  pas  douteux  que  les  meilleurs  ptobsr 
seurs  sont  ceux  qui,  sous  l'empire  d'ooe 
vocation  céleste,  se  sont  voués  à  la  vertu 
et  à  l'étude.  Sans  les  moines  nous  n^anrions 
pas  les  ouvrages  de  l'antiquité  chrétienne  et 
païenne  :  les  bibliothèques  avaient  été  dé- 
truites lors  de  l'invasion  des  ^barbares.  Les 
moines  s'occupèrent  de  recueillir  et  de 
copier  les  livres  qui  avaient  échappé  a  la 
destruction.  Ceux  du  monastère  de  Tours 
préféraient  celle  occupation  à  toute  autre; 
ceux  dltalie  y  consacraient  leurs  im^- 
«  J'avoue,  écrivait  Cassiodore  aux  religieux 
de  Viviers,  que  de  tous  les  travaux  docorpa 
celui  de  copier  les  livres  est  le  plus  de  œoB 
goût.  Par  cet  exercice,  l'esprit  s'instruit,  e» 


tas» 


OftD 


D'ASCETISME. 


ORD 


if70 


c^est  une  sorte  de  prédicaiioo  pour  ceux 
à  oui  ces  iif  res  se  communiquent  »  Pierre 
le  Vénérable,  et  Guignes,  général  des  Char- 
treux«  s'expriment  dans  le  même  sens.  La 
réforme  de  Clteaux  rétablit  le  travail,  Nico- 
las, secrétaire  de  saini  Bernard,  appelait  sa 
eellule  êcripioriolum. 

D'après  la  règle  de  Ramote  el  de  sa'nt  Be- 
noit ,  chaque  cou? ent  devait  avoir  une  bi- 
bliothèque. On  en  conflait  la  garde  h  un 
religieux  élevé  dans  la  maison.  C'est  ainsi 
que  se  conservaient  de  riches  et  précieuses 
collections  de  livres  dans  les  monastères. 
On  renouvelait  avec  soin  les  exemplaires  de 
chaque  ouvrage  en  les  copiant  de  nouveau. 
C'est  de  ces  bibliothèques  que  sont  sortis  tous 
les  excellents  ouvrages  de  l'antiquité ,  don* 
Dés  au  public  depuis  Tinvention  de  Timpri-  ^ 
merie.  Les  reKgienxoni  aussi  bien  mérité  de 
Tantiquité  en  recueillant  soigneusement  tous 
les  événements  contemporains.  Il  était  d*nsage 
de  choisir  dans  chaque  maison  un  religieux 
exact  et  habile  qui  rassemblait  toutes  les  ac- 
tions du  souverain  et  les  événements  les  plus 
marquants  de  son  règne.  A  sa  mort,  on  rappor- 
tait dans  le  chapitre  général  ce  qu'il  avait  mar- 
qué. Après  un  mûr  examen ,  on  le  rédigeait 
en  forme  de  chronique.  Sans  ce  travail  im- 
mense des  moines ,  Ihistoire  de  l'Eglise  et  ' 
celle  des  nations  modernes  nous  seraient  in- 
connues ;  sans  les  chroniques  des  moines  » 
une  foule  dhommes  éminents   par  leurs 
▼ertus  et  par  l'éclat  de  leurs  actions  seraient 
QDorts  dans  Tobscurité^  C'est  aux  moines 
que  les  royaumes  chrétiens  et  les  bmilles 
qui  s'j  sont  distinguées  doivent  leur  illus- 
tration. En  parlant  des  religieux   comme  . 
historiens,  nous  ne  pouvons  nous  dispenser  > 
de  dire  un  mot  des  grands  travaux  histo-^  : 
riques  des  Bénédictins  ;  ils  nous  ont  laissé  ' 
des  recherches  de  la  plus  haute  importance  ^ 
sur  l'origine  des  Gaulois ,  sur  leurs  con-  i 

Îuètes  jusqu'à  la  formation  de  la  monarchie 
ançaise  ,  sur  l'établissement  des  Francs 
dans  les  Gaules.  Nous  leur  devons  rBitioir^ 
tiiiéraire  de  la  France^  celle  de  diverses 
provinces  de  la  France ,  de  la  Bretagne ,.  de 
la  Bourgogne ,  de  la  Champagne,  de  la  Nor- 
mandie 9  de  la  Franche^omte ,  du  duché  de 
Luxembourg  et  de  la  Touraine  ;  celle  enfin 
du  I^nguedoc,  si  heureusement  revue  par 
le*  sa?ant  M.  Dumège.  Nous  leur  devons  en- 
core le  trésor  généalogique  de  nomlMreux 
nobiliaires  ^  VÉuioire  de  la  ville  de  Paris , 
des  ouvrages  très-appréciérs  sur  les  niouu- 
meiits  de  notre  droit  public ,  la  Diplomor- 
tique  de  dom  MabiJIon ,.  augmentée  par  dom 
Ruinart,  est  une  œuvre  de  génie.  Dom  Tas- 
sin  a  aussi  publié  sur  cette  matière ,  un 
ouvrage  très-apprécié.  Nous  devons  au  P. 
Borre  YHistoire  dee  laie  el  des  tribunaux^ 
VUistoire  d^ Allemagne  ,  si  étroitement  liée  à 
la  nôtre;  aux  Pères  Anselme  et  Coquet» 
Auguslins,  Y  Histoire  généalogipu  el  ehrâ^ 
nalogique  de  la  maison  de  France ,.  une  Mi- 
serUUion  remarquable  sur  Us  asuiennes  silles 
des  Séquanais;  au  P.  Joly,  Capucin,  des 
travaux  considérables  sur  rétablissement 
des  Francs  dans  les  Gaules;  au  P.  Biet, 


une  Histoire  de  Franee.  très-remarquable  et 
la  meilleure  que  nous  eussions  avant  celle 
de  M.  Laurentie  ou  P.  Daniel.  Indépendam- 
ment des  religieux  qui  se  sont  consacrés  à 
l'étude  des  sciences  modernes,  beaucoup  se 
sont  occupés  de  l'antiquité.  Dans  ce  nombre, 
on  reman]ue  surtout  Montfaucon ,  l'un  des 
hommes  les  plus  érudits  qui  aient  jamais 
existé  et  dont  les  écrits  prouvent  qu'il  cul- 
tivait avec  une  ^^ale  ardeur  la  philosophie, 
l'histoire  sacrée  et  profane ,  la  littérature 
ancienne  et  moderne  ainsi. que  les  langues 
vivantes  et  mortes..  Les  religieux  de  tous 
les  ordres  ont  cultivé  aussi  avec  soin  la 
littérature.  Les    Pères   Jouvency ,  Porée , 
Bapin,  Vanière,  Ducerceaux,   Lejaj,  Jé- 
suites, et  beaucoup  d'autres,  se  sont  distin- 
(;ués  par  leurs  talents  dans  Téloauence  et 
a  poésie.  Les  religieux  ont  montre  aussi  de 
vastes  connaissances  en  bibliographie,  ils 
ont  beaucoup  écrit  sur  les  belles-lettres  et 
les  beaux-arts;  ils  ont  composé  un  grand 
nombre  d'ouvrages  s^  la  peinture ,  la  sculn- 
ture  et  la  gravure.  Nous  leur  devons  une  foule 
de   livres  classiques  et  sur    l'éducation  , 
ainsi  que  de  fidèles  traductions  des  meil- 
leurs ouvrages  latins  et  italiens.  Les  corps 
religieux  ont  aussi  prodoit  des  hommes  ha- 
biles dans  les  sciences  exactes,  dans  les 
mathématiques ,  la  physique  ;  ils  ont  (oublié 
de   nombreux    ouvrages   sur  la  statique, 
l'hydraulique ,  l^coustique ,  sur  la  manière 
de  propager  les  sons^et  la  voix  aune  grande 
distance ,  la  gnomouique  ;   ils  ont  aussi 
beaucoup  écrit  sur  Tagricullure ,   la  bota- 
nique «  le  jardinage ,  la  médecine ,  la  chi- 
rui^ia  et  la  pharmacie.  Gerberi,    moine 
d'Aurillac,  introduisit  le  premier  les  chif- 
fres arabes  ou  indiens  et  la  première  hor- 
loge à  balancier.  Albert  Lc^nd,  Domini- 
cain, est  l'auteur  de  plusieurs  inventions 
ingénieuses  ;  Roger  Bacon ,  Cerdelier ,  en- 
trevit presque  toutes  les  dteouvertes  des 
siècles  postérieurs  ;  il  trouva  les  miroirs 
ardents  et  toutes  les  lunettes   (iropres  à 
grossir  et  à  diminuer  les  objets.  Aiexandre 
Spina,  Dominicain,  faisant  une  heureuse 
application  de  la  propriété  des  verres  con* 
vexes  ,  inventa  les  lunettes  appelées  be- 
sicles. Avant  la  découverte  de  I  Amérique 
par  Christophe  Colomb,  un  religieux  do- 
minicain qui  avait  passé  la  ligne  adressa  ses 
découvertes  à  Philippe  de   Valois;  il  dît 
dans  son  ouvrage.  De  mirabilibus  mmidi, 
que  l'existence  des  antipodes  n'est  pas  une 
fable.  On  a  de  dom  Gauthier ,  Bernardin  , 
un  ouvrage  précieux ,  intitulé  :  Expérience 
sur  la  propagation  du  son  el  de  la  voix  dans 
des  tuyaux  prolongés  à  une  graniie  distance. 
Dom  Bédos  a  publié  le  Facteur  d'orgues  et 
l'Arl  de  faire  des  cadrans  solaires  avec  la 
plus  grande  précision.  Le  P.  Chrysologue  , 
Capucin,  est  auteur  de  planisphères ,  grands 
et  petits,  et   d'une  mappemonde   sur   le 
plan  de  l'horizon  de  Paris.  On  doit  au  P. 
FeuilLée  »  Minime ,  un  Journal  iTeèseroo- 
lions  scieniiflques  sur  les  côtes  de  rAmétique 
méridionale  el  la  NauveHe-Espagne ,  el  d'an- 
tres ouvrages  très-importants.  Les  moines 


1271 


ORD 


DIGTIONTUIRE 


ORD 


im 


se  montràreBt  toujours  les  amis  des  arts; 
hi  construction  des  abbayes  prouve  leurs 
vastes  conna.issances  en  architecture.  Les 
clottres  étaient  souvent  des  ateliers  ;  les 
religieux  appelaient  pour  la  construction 
des  églises  de.  leurs  monastères ,  les  artistes 
les  plus  habiles  en  tous  genres.  Au  xit* 
siècle  ,  les  Prémontrés  de  Vigogne  firent 
une  châsse  qui  excita  l'admiration  de  tous 
leurs  contemporains.  Beaucoup  de  monu- 
ments d*utilité  publique  sont  l'œuvre  des 
moines;  Jean  Joconde,  Gordelier,  a  con- 
struit, à  Paris,  le  Petit-Pont  et  celui  de 
Notre-Dame;  un  frère  dominicain  a  dirigé 
la  construction  de  celui  de  Notre-Dame ,  si 
estimé  des  artistes.  Les  Bénédictins  ont 
couvert  la  France  de  magnifiques  églises  et 
de  riches  monuments.  Plusieurs  de  nos 
belles  cathédrales  ont  eu  des  moines  pour 
architectes.  Que  ne  doit  pas  la  musique 
à  Guy  d'Arrezzo  ?  Cet  habile  religieux  fit 
chanter  le  premier  ensemble  plusieurs 
voix  différentes  et  en  forma  une  harmo- 
nie de  nature  à  charmer  l'esprit  et  les 
oreiilos;  il  imagina  la  gamme  et  les  lignes, 
et  prit  les  six  syllabes  de  la  première  strophe 
de  saint  Jean^-Baptiste  :  ut  queantf  etc.  Par 
ce  moyen,  un  enfant  sut  au  bout  de  quel- 
ques mois  ce  qu'un  homme  n*ai>prenait  au- 
paravant, avec  de  grandes  difficultés,  qu'après 
de  longues  années  d'étude.  Des  corps  reli- 
gieux sont  aussi  sortis  des  hommes  d'Ëtat 
distingués;  la  France  n'oubliera  jamais  que, 
par  une  administration  habile  et  sage,  Suger 
mérita  qu'elle  lui  sôcordÂt  le  surnom  de 
Père  de  la  pa^m. . L'Espagne  se  ressouvien- 
dra toujours  avec  orgueil  que  le  cardinal 
Ximénès  est  un  des  hommes  politiques  les 
plus  remarquables  de  l'Europe, 

Les  propriétés  des  couvents  ont  été  le 
sujet  de  bien  de  déclamations;  cependant 
les  religieux  possédaient  leurs  propriétés 
aux  mêmes  titres  que  les  particuliers,  par 
les  voies  tracées  en  vertu  des  lois  civiles, 
par  donation,  par  testament,  par  achat';  leurs 
propriétés  étaient  donc  aussi  inviolables  que* 
oelles  des  simples  particuliers;  elles  avaient 
même  des  caractères  qui  les  rendaient  plus 
solennelles,  elles  reposaient  sur  une  posses- 
sion de  plusieurs  siècles.  Les  conciles 
avaient  frappé  d'anathème  ceux  qui  y  porte- 
raient atteinte.  Ceux  qui  laissaient  leurs 
biens  aux  couvents,  ne  le  faisaient  d'ailleurs 

3ue  pour  sauver  leur  ftme,  qu'afin  d'obtenir 
e  plus  abondantes  prières,  et  mettre  les  re- 
ligieux è  même  d'exercer  la  charité  envers 
les  pauvres,  les  pèlerins  et  les  étrangers, 
et  ils  défendaient  toujours,  dans  leurs  actes 
dé  libéralité,  à  qui  que  ce  fût  de  s'emparer 
des  propriétés  données  aux  couvents.  Or  le 
bien  public  a  toujours  voulu  que  chacun 
jouisse  en  paix  de  ce  que  la  loi  civile  lui 
accorde.  Faire  le  bien  public  aux  dépens  du 
{)articulier,  c'est  un  paralogisme.  Suivant 
Gicéron,  les  lois  agraires  sont  funestes , 
parce  que  la  cité  est  établie  pour  que  chacun 
conserve  ses  biens;  on  ne  peut  d'ailleurs 
attaquer  une  propriété  sans  troubler  les 
aM.tres.  Lorsqu  on  a  franchi  les  limites  du 


droit  naturel,  il  n*y  a  plus  de  bornes  pour 
s'arrêter,  on  Ta  yu  pendant  la  révolutioa  de 
89;  on  attaqua  la  propriété  du  clergé,  celle 
des  simples  particuliers  fut  aussi  YioIée.Les 
prétentions  extravagantes  et  destructives  da 
socialisme  contemporain  n'ont  été  si  auda- 
cieuses et  si  près  ae  leur  funeste  exécation 
que  parce  que  notre  siècle  a  donné  de  mau- 
yais  exemples  et  laissé  se  répandre  de  faux 
principes  contre  le  droit  sacré  de  propriété. 

Nous  ne  pouvons,  après  cette  esquisse 
rapide  des  immenses  services  rendus  parles 
ordres  religieux  i  nous  empêcher  de  citer, 
comme  développement  de  celte  matière,  tes 
belles  pages  de  l'auteur  du  Génie  du  christia- 
nisme sur  le  même  sujet. 

ff  Partout,  dit-il,  où  se  trouve  beaueoup  de 
mystère,  de  solitude,  de  contemplalioo,  de 
silence,  beaucoup  de  pensées  de  Dieu,  beau- 
coup de  choses  vénérables  dans  les  costu- 
mes, les  usages  et  les  mœurs ,  là,  se  doit 
trouver  une  abondance  de  toutes  les  sortes 
de  beautés.  Si  cette  observation  est  juste,  on 
va  voir  qu'elle  s'applique  merveilleusement 
au  sujet  que  nous  traitons. 

«  Remontons  aux  solitaires  de  la  Thé* 
baïde.  Ils  habitaient  des  cellules  appelées 
laureê ,  et  portaient,  comme  leur  fondateur 
Paul,  des  robes  de  feuilles  de  palmiers; 
d'autres  étaient  vêtus  de  cilices  tissus  de 
poil  de  gazelle;  quelques-uns,  comme  le  so< 
litaire  Zenon,  jetaient  seulement  sur  leurs 
épaules  la  dépouille  des  bêtes  sauvages;  et 
l'anachorète  Sérapion  marchait  enveloppé 
d'un  linceul  qui  uevait  le  couvrir  dans  la 
tombe.  Les  religieux  maronites,  daos  les 
solitudes  du  Lib.in;  les  Ermites  nestorioDs» 
répandus  le  long  du  Tisre;  ceux  d'Abjssi- 
nie,  aux  cataractes  du  Nil  et  sur  les  rivages 
de  la  mer  Rouge  ;  tous  enfin  menèrent  uoo 
vie  aussi  extraordinaire  que  les  déserts  où 
ils  l'ont  cachée.  Le  moine  cophte,eo  entraut 
dans  son  monastère,  renonce  aux  plai>irs, 
consume  son  temps  en  travail,  en  jeûnes, 
en  prières  et  à  la  pratique  de  rbospitalité. 
Il  couche  sur  la  dure,  dort  &  peine  quel- 
ques instants,  se  relève,  et,  sous  le  beau  Or- 
mament  d'Egypte,  fait  entendre  sa  voix  parmi 
les  débris  de  Thèbes  et  de  Memphis.  Tantôt 
l'écho  des  pyramides  redît  aux  ombres  des 
Pharaons  les  cantiques  de  cet  enfanlde  la  fa- 
mille dé  Joseph  ;  tantôt  ce  pieux  solitaire 
chante  au  matin  les  louanges  du  vrai  soleili  aa 
même  lieu  ou  des  statues  harmonieuses  sou- 
piraient le  réveil  de  l'aurore.  C'est  là  qu» 
cherche  l'Européen  égaré  à  la  poursuite  de 
ces  ruines  fameuses  ;  c'est  là  que,  le  sauvant 
de  l'Arabe,  il  l'enlève  dans  sa  tour,  et  prodi- 

f;ue  à  cet  inconnu  la  nourriture  qu'il  se  re- 
lise à  lui-même.  Les  savants  vont  bien  visi- 
ter les  débris  de  TE^ypte;  mois  d'où  vient 
que,  comme  les  moines  chrétiens,  objet  do 
leur  mépris,  ils  ne  vont  pas  s'établir  dans 
ces  mers  de  sable,^au  milieu  de  toutes  les  pn* 
valions,  pour  donner  un  verre  d'eau  au  voya- 
geur, et  l'arracher  au  cimeterre  du  Bédouin. 
«  Dieu  des  chrétiens,  quelles  choses  u  ai- 
tu  point  faites  ?  Partout  où  l'on  tourne  les 
yeux,  on  ne  voit  que  les  monuments  de  tes 


1273 


ORD 


D^ASCETISME. 


ORD 


1271 


bienfaits.  Dans  les  quatre  parties  du  monde, 
la  reiif^ion  a  distribué  ses  milices  et  placé 
ses  vedettes  pour  Thumanité.  Le  moine  ma* 
ronite  appelle ,  par  le  claquement  de  deui 
planches  suspendues  à  la  cime  d'un  arbre* 
rétranger  ciue  la  nuit  a  surpris  dans  les  pré- 
cipices du  Liban  ;  ce  pauvre  et  ignorant  ar- 
tiste u'a  pas  de  plus  riche  moyen  de  se  faire 
entendre  ;  le  moine  abyssinien  vous  attend 
dans  ce  bois,  au  milieu  dos  tigres  ;  le  mis- 
sionnaire américain  veille  à  votre  conserva- 
tion dans  ses  immenses  forêts.  Jeté  par  un 
caufrage  sur  des  côtes  inconnues ,  tout  à 
coup  vous  apercevez  une  croix  sur  un  ro- 
ch<T.  Malheur  à  vous,  si  ce  signe  de  salut  ne 
fait  pas  couler  vos  larmes  1  Vous  êtes  en  pays 
d*amis  ;  ici  sont  des  chrétiens.  Vous  êtes 
Français,  il  est  vrai,  et  ils  sont  Espagnols, 
Allemands,  Anglais  peut-être  !  et  qu'importe  T 
n*6te$-vous  pas  de  la  grande  famille  de  Jé- 
sus-Christ? Ces  étrangers  vous  reconattrout 
pour  frères,  c'est  vous  qu'ils  invitent  par 
cette  croix,  ils  ne  vous  ont  jamais  vu,  et 
cependant  ils  pleurent  de  joie  en  vous  voyant 
sauvé  du  désert. 

«  Hais  Je  voyageur  des  Alpes  n'est  qu'au 
milieu  de  sa  course.  La  nuit  approche,  les 
neiges  tombent;  seul,  tremblant,  égaré,  il 
fait  quelques  nas,  et  se  perd  sans  retour. 
C'en  est  fait,  la  nuit  est  venue;  arrêté  au 
bord  d'un  précipice,  il  n'ose  ni  avancer,  ni 
retourner  en  arrière.  Bientôt  le  froid  le  pé 
nètre,  ses  membres  s'engourdissent,  un  fu 
neste  sommeil  cherche  ses  yeux,  ses  derniè 
tes  pensées  sont  pour  ses  enfants  et  son 
épouse  1  Mais  n'est-ce  pas  le  son  d'une  clo- 
che qui  frappe  son  oreile  à  travers  le  mur- 
mure de  la  tempête,  ou  bien  est*ce  le  glas 
de  la  mort,  que  son  imagination  effrayée 
croit  ouïr  au  milieu  des  vents  ?  Non,  ce  sont 
des  sons  réels,  mais  inutiles  !  car  les  pieds 
de  ce  voyageur  refusent  maintenant  de  le 
porter*..  Un  autre  bruit  se  fait  entendre,  un 
chien  janne  sur  les  neiges,  il  approche,  il 
arrive,  il  nurle  de  joie  :  un  solitaire  le  suit. 

«  Ce  n'était  donc  pas  assez  d'avoir  mille 
fois  exposé  sa  vie  pour  sauver  des  hommes, 
et  de  s  être  établi  pour  jamais  au  fond  des 
plus  affreuses  solitudes;  il  fallait  encore gue 
les  animaux  mêmes  apprissent  àdevenir  l'ins- 
trument de  ces  œuvres  sublimes  ;  qu'ilss'em- 
bras  assent,  pour  ainsi  dire,  de  l'ardente  cha- 
rité de  leurs  maltrcfs,  et  que  leurs  cris  sur 
le  sommet  des  Alpes  proclamassent  aux  échos 
les  miracles  de  notre  religion. 

<  Qu'on  ne  dise  pas  que  l'humanité  seule 
puisse  conduire  h  de  tels  actes  ;  car  d'où 
vient  qu'on  ne  trouve  rien  de  pareil  dans 
cette  belle  antiquité,  pourtant  si  sensible  ? 
Ou  parle  de  la  philanthropie?  c'est  la  reli- 
gion chrétienne  qui  est  seule  philanthrope 
par  excellence.  Immense  et  sublime  idée  qui 
fait  du  chrétien  de  la  Chine  un  ami  du  chré* 
tien  de  la  France,  du  sauvage  néophyte  un 
frère  du  moine  égyptien  1  Nous  ne  sommes 
plus  étrangers  sur  la  terre,  nous  ne  pouvons 
plus  nous  y  égarer.  Jésus- Christ  nous  a 
rendu  l'héritage  que  le  péché  d'Adam  nous 
avait  ravi.  Chrétien  I  if  n'est  plus  d'océan 


ou  de  déserts  inconnus  pour  toil  tu  trouve- 
ras partout  la  langue  de  tes  aïeux  et  la  ca- 
bane de  ton  pèl*é  l 

«  Telles  sont  les  mœurs  et  les  coutumes 
de  quelques-uns  des  ordres  religieux  de  la 
irie  contemplative;  mais  ces  choses  néan- 
moins ne  sont  si  belles  que  parce  qu'elles 
sout  unies  aux  méditations  et  aux  prières  : 
ôtez  le  nom  et  la  présence  de  Dieu  de  tout 
cela,  et  le  charme  est  presque  di'^truit 
'  «  Voulez*vous  maintenant  vous  transpor- 
ter à  la  Trappe,  et  contempler  ces  moines 
vêtus  d'un  sac,  qui  bêchent  la  terre?  Vou- 
lez-vous  les  voir  errer  comme  des  om- 
i)res  dans  cette  grande  tôrèi  de  Mortagne  et 
au  bord  de  cet  étang  solitaire?  Le  silence 
marche  à  leurs  cOtés,  ou  s'ils  se  parlent 
quand  ils  se  rencontrent,  c'est  pour  se  dire 
seulement  :  Frères^  il  faut  mourir.  Ces  or-« 
dres  rigoureux  du  christianisme  étaient  des 
écoles  de  morale  en  action,  instituées  au  mi- 
lieu des  plaisirs  du  siècle;  ils  offraient  sans 
cesse  des  modèles  de  pénitence  et  de  grands 
exemples  de  la  misère  humaine ,  aux  yeux 
du  vice  et  de  la  prospérité. 

«  Quel  spectacle  que  celui  du  .Trappiste 
mourant  1  quelle  sorte  de  haute  philosophie  I  * 
quel  avertissement  pour  les  hommes  1  Etendu 
sur  un  peu  de  paille  et  de  cendre,  dans  le 
sanctuaire  de  l'église,  ses  frèrbs  rangés  en 
silence  autour  de  lui ,  il  les  appelle  h  la 
Tertu,  tandis  que  la  cloche  funèbre  sonne  ses 
dernières  agonies.  Ce  sont  ordinairement 
les  vivants  qui  engaf^ent  l'infirme  à  quitter 
courageusement  la  vie  ;  mais  ici,  c'est  une 
chose  plus  sublime,  c'est  le  mourant  qui 
parle  de  le  mort.  Aux  portes  de  l'éternité,  il 
la  doit  mieux  connaître  qu'un  autre  ;  et, 
d'une  voix  qui  résonne  déjà  entre  des  osse- 
ments, il  appelle  avec  autorité  ses  compa- 
Sions,  ses  supérieurs  mêmes  à  la  pénitence, 
ui  ne  frémirait  en  voyant  ce  religieux,  qui 
vécut  d'une  manière  si  sainte,  douter  encore 
de  son  salut  è  l'approche  du  nassage  terrible? 
Le  christianisme  a  tiré  du  fond  du  sépulcre 
toutes  les  moralités  qu'il  renferme.  C'est  par 
la  mort  que  la  morarité  est  entrée  dans  la 
vie.  Si  1  homme,  tel  qu'il  est  aujourd'hui 
après  sa  chute,  fdt  demeuré  immortel,  peut- 
être  n*eût-il  jamais  connu  la  vertu. 

«  Ainsi  s'offrent  de  toutes  parts  dans  la 
religion  les  scènes  les  plus  instructives  ou 
les  plus  attachantes  :  là,  de  saints  muets, 
comme  un  peuple  enchanté  par  un  filtre, 
accomplissent  sans  paroles  les  travaux  des 
moissons  et  des  vendantes  ;  ici,  les  filles  de 
Claire  foulent  de  leurs  pieds  nus  les  tombes 

Îdacées  de  leur  clottre.  Ne  croyez  pas  toute- 
ois  qu'elles  soient  malheureuses  au  milieu 
de  leurs  austérités  ;  leurs  cœurs  sont  purs, 
et  leurs  yeux  tournés  vers  le  ciel  en  siçne 
de  désir  et  d'espérance.  Due  robe  de  laine 
grise  est  préférable  à  des  habits  somptueux 
achetés  au  prix  des  vertus;  le  pain  de  la 
charité  est  plus  sain  que  celui  de  la  prostitn- 
.tion.  Eh  I  de  combien  de  chagrins  ce  simple 
Toile  baissé  entre  ces  filles  et  le  monde  no* 
les  sépare-t-il  pas  ? 
c  En  vérité,  nous  sentons  qu'il  nous  ftu* 


ivn 


cmo 


MCTIOIHNAmE 


onD 


\m 


N 


drait  un  tout  autre  talent  que  te  nôtre  pour 
traiter  dignement  des  objets  qui  se  pré- 
sentent à  nos  yeui.  Le  plus  bel  éloge  que 
nous  pourrions  faire  de  la  vie  monastique 
serait  de  présenter  le  catalogue  des  travaux 
auxquels  elle  s*est  consacrée.  La  reKgion* 
laissant  à  notre  oceur  le  soin  de  dos  joies,  ne 
s'est  occupée,  comme  une  tendre  mère,  que 
du  soulagement  de  nos  douleurs;  mais, 
<ians  cette  œuvre  immense  et  difficile^  elle 
a  appelé  tous  ses  fils  et  toutes  ses  filles  à 
son  secours.  Aux  uns,  elle  a  confié  le  soin 
de  nos  maladies,  comme  à  cette  multitude 
de  religieux  et  de  religieuses  dévoués  au 
service  des  hôpitaux;  aux  autres,  elle  a  dé- 
légué les  pauvres,  comme  aux  sœurs  de  la 
Charité.  Le  Père  de  la  Rédemption  s'embar- 
que à  Marseille  :  où  va^^t-ilseul  ainsi  avec  son 
bréviaire  et  son  bâton  ?  Ce  conquérant  mar- 
che à  la  délivrance  de  V  humanité,  et  les  ar- 
mées qui  l'accompagnent  sont  invisibles.  La 
bourse  de  la  chanté  à  la  main,  il  court  af- 
fronter la  peste,  le  martvre  et  l'esclavage.  Il 
aborde  le  dey  d'Alger,  il  lui  parle  au  nom 
de  ce  Roi  céleste  dont  il  est  1  ambassadeur. 
Le  barbare  s'étonne  à  la  vue  de  cet  Euro^ 
péen  qui  ose,  seul,  à  travers  les  mers  et  les 
orages  ,  venir  lui  redemander  des  captifs  : 
dompté  par  une  force  inconnue ,  il  accepte 
Tor  qu'on  lui  présente,  et  l'héroïque  libéra-» 
teur,  satisfait  d'avoir  rendu  des  malheureux 
à  leur  patrie ,  obscur  et  ignoré ,  reprend 
humblement  le  chemin  de  son  monastère. 

c  Partout  c'est  le  même  spectacle  :  le  mis- 
sionnaire qui  piart  pour  la  Chine  rencontre 
au  port  le  missionnaire  qui  revient,  glorieux 
et  mutilé,  du  Canada  ;  la  sœur  Grise  court 
administrer  l'indigent  dans  sa  chaumière;  le 
père  Capucin  vole  à  l'incendie;  le  frère  hos- 
pitalier lave  les  pieds  du  voyageur  ;  le  frère 
du  Bien-Mourir  console  l'agonisant  sur  sa 
couche;  le  frère  Enterreur  porte  le  corps  du 
pauvre  décédé;  la  sœur  de  la  Charité  monte 
au  septième  étage  pour  prodiguer  l'or,  le 
vêtement  et  l'espérance  ;  ces  filles,  si  juste- 
ment appelées  Filles-Dieu,  portent  et  repor- 
tent çà  et  là  les  bouillons,  la  charpie,  les 
remèdes;  la  fille  du  Bon-Pasteur  tend  les 
bras  à  la  fille  prostituée,  et  lui  crie  :  Je  ne 
suis  point  venue  pour  appeler  les  justes , 
mais  les  pécheurs!  L'orpnelin  trouve  un 
père,  l'insensé  un  médecin,  l'ignorant  un 
instructeur.  Tous  ces  ouvriers  en  œuvres 

lestes  se  précipitent,  s'animent  les  uns 
les  autres.  Cependant  la  religion,  attentive 
et  tenant  une  couronne  immortelle,  leur 
crie  :  Courage,  mes  enfants!  courage  1  hft- 
tez-vous,  soyez  plus  prompts  cpxe  les  maux 
dans  la  carrière  de  la  vie  1  méritez  cette  cou- 
ronne que  je  vous  i>répare,  elle  vous  mettra 
Tous-mèmes  à  l'abri  de  tous  les  maux  et  de 
tous  les  besoins.  " 

«  Au  milieu  de  tant  de  tableaux  qui  mé- 
riteraient chacun  des  volumes  de  détails  et 
de  louanges,  sur  quelle  scène  particulière 
arrêterons-nous  nos  regards?  Nous^  avons 
déjà  parlé  de  ces  hôtelleries  que  la  religion 
a  placées  dans  les  solitudes  des  quatre  par- 
ties du  monde;  fixons  donc  à  présent  les 


7eu.x  sur  des  objets  d'une  autre  sorte 
fli  Etait-il  quelque  nouvelle  qui  pût  briser 
l'Ame,  quelque  commission  dont  les  hom- 
mes ennemis  des  larmes  n'osassent  se  char- 
ger de  peur  de  compromettre  leurs  plaisirs, 
c'était  aux  enfants  du  cluttre  qu'elle  était 
aussi  dévolue,  et  surtout  aux  Pères  de  Tordre 
de  Saint-François  ;  on  supposait  que  des 
hommes  qui  s'hâtaient  voués  k  la  misère, 
devaient  être  naturellement  les  hérauts  du 
malheur.  L'un  était  obKgé  d^alier  porter  k 
une  famille  la  nouvelle  de  la  perte  de  sa 
fortune  ;  l'autre,  de  lui  apprendre  le  trépas 
d*un  Qls  unique.  Le  grand  Bourdaloue  rem- 
plit lui-même  ce  triste  devoir  :  il  se  présen- 
tait en  silence  h  la  porte  du  père ,  croisait 
les  mains  sur  sa  poitrine,  s'inclinait  pro- 
fondément, et  se  retirait  muet  corome  U 
mort  dont  il  était  interprète. 

ff  Croit-on  qu'il  y  eût  beaucoup  de  plaisir 
(nous  entendons  dfe  ces  pfaisirs  à  la  façoa 
du  monde),,  croit-on  qu'il  lût  fort  doux  pour 
un  Cordelier ,  un  Carme  ,  un  Franciscain , 
d'aller  au  milieu  des  prisons  annoncer  la 
sentence  au  criminel,  l'écouter,  le  consoler,. 
et  avoir,  pendant  des  journées  entières, 
l'ftme  transpercée  des  scènes  les  plus  déchi- 
rantes ?  On  a  vu,  dans  ces  actes  de  dévoue- 
ment, la  sueur  tomt>er  à  grosses  gouttes  du 
front  de  ces  compatissants  religieux,  et 
mouiller  ce  froe  qu'elle  a  pour  toiqours 
rendu  sacré  en  dépit  des  sarcasmes  de  la 
philosophie.  Et  pourtant  quel  honneur,  quel 
profit  revenait-il  à  ces  moines  de  tant  de 
sacrifices,   sinon    la  dérision  du  monde 
et  les  injures  môme  des  prisonniers  qu'ils 
consolaient?  Mais  du  moins  les  hommes, 
tout  ingrats  Qu'ils  sont ,  avaient  confessé 
leur  nullité  dans  ces  grandes  rencontres 
de  la  vie ,  puisqu'ils  les  avaient  abandon- 
nées è   la  religion,  seul  Téritable  secours 
au  dernier  degré  du  malheur.  0  apôtres  de 
Jésus-Christ,  de  quelles  catastrophes  n'étiez* 
vous  pas  témoins,  vous  qui,  près  du  bour^ 
reau,  ne  craigniez  point  de  vous  couvrir  da 
sang  des  misérables,  et  qui  étiez  leur  der- 
nier ami  ?  Voici  un  des  plus  beaux  spectacles 
de  la  terre  :  aux  ceux  coins  de  cet  échafaud 
les  deux  Justices  sont  en  présence,  la  Jus- 
tice humaine  et  la  Justice  divine  rVone. 
implacable  et  appuyée  sur  un  glaive,  est  ac- 
compagnée du  désespoir;  l'autre,  tenant  oo 
voile  trempé  de  pleurs,  se  montre  entre  la 
Pitié  et  rÉspérance  ;  l'une  a  pour  ministre 
un  homme  de  sang,  Tautre  un  homme  de 
paix  ;  l'une  condamne,  l'autre  absout  ;  in- 
nocente ou  coupable ,  la  première  dit  à  w 
victime  :  Meurs  !...  la   secande  lui  cric  • 
Fils  de  i*innooenee  ou  du  repentir,  momi 
au  ciet. 

«  Voici  encore  une  de  ces  grandes  et  non- 
Telles  idées  qui  n'appartiennent  qu'à  la  re* 
.  ligion  chrétienne.  Les  cultes  idolâtres  oni 
ignoré  l'enthousiasme  divin  qui  anime  i  a- 
pôtre  de  l'Evangile.  Les  anciens  ohilosopnes 
eux-mêmes  n'ont  jamais  quitté  les  avenues 
d'académies  et  les  délices  d'Athènes,  mj 
aller,  au  gré  d'une  impulsion  sublime,  nu- 
joaniser  le  saurage,  instruire  TignoraDJ^ 


ifT7 


ORD 


D'ASCETISIIE. 


ORD 


1271 


giiérir  le  malade ,  vMir  le  pauvre»  et  semer 
la  concorde  et  la  paix  parmi  des  nations 
ennemies  ;  c'est  ce  que  les  religieux  chré- 
tiens ont  fait  et  font  encore  tons  les  jours. 
Les  merSy  les  orages,  les  glaces  du  p6le,  les 
feux  du  tropique,  rien  ne  les  arrête  :  ils  vi- 
Tent  arec  TEsquimau  dans  son  outre  de 
peau  de  Yache  marine  ;  ils  se  nourrissent 
a*bulle  de  baleine  a? ec  le  Groënlandais  ;  avec 
le  Tartare  ou  Tlroquois,  ils  parcourent  la 
solitude  ;  ils  montmt  sur  le  dromadaire  de 
l*Arabe,  ou  suivent  le  Cafre  errant  dans  ses 
déserts  embrasés;  le  Chinois,  le  Japonais, 
rindien,  sont  devenus  leurs  néophytes  ;  il 
n'est  point  d*lle  on  d'écueil  dans  VOcéan 
qui  ait  pu  échapper  h  leur  zdie  ;  et  comme 
autrefois  les  royaumes  manquaient  h  Tam- 
bition  d*iilexanare,  la  terre  manque  h  leur 
charité. 

«  Lorsque  l'Europe  régénérée  n'offrit  plus 
aux  prédicateurs  de  la  foi  qu'une  famille  de 
frères,  ils  tournèrent  les  yeux  vers  les  ré- 

E'ons  où  les  âmes  languissaient  encore  dans 
s  ténèbres  de  l'idolâtrie.  Ils  furent  touchés 
de  compassion  en  Toyant  cette  dégradation 
de  l'homme,  ils  se  sentirent  pressés  du 
désir  de  verser  leur  sang  pour  le  salut  de 
ces  étrangers.  Il   fallait  percer  des  forêts 

Erofondes,  franchir  des  marais  impratica- 
les,  traverser  des  fleuves  dangereux,  gravir 
des  rochers  inaccessibles;  illallait  affronter 
des  nations  cruelles,  superstitieuses  et  ja- 
louses; il  fallait  surmonter  dans  les  unes 
l'ignorance  de  la  barbarie,  dans  les  antres, 
les  préjugés  de  la  civilisation  :  tant  d'obsta- 
cles ne  purent  les  arrêter.  Ceux  qui  ne 
croient  pius  à  la  religion  de  leurs  pères, 
conviendront  du  moins  que  si  les  mission- 
naires sont  fermement  persuadés  qu'il  .n'y  a 
de  salut  que  dans  la  religion  chrétienne, 
Tacte  car  lequel  ils  se  condamnent  h  des 
maux  inouïs  pour  sauver  un  idolâtre,  est 
au-dessus  des  plus  grands  dévouements. 

«  Qu'un  homme,  à  la  vue  de  tout  un  peu- 
ple, sous  les  yeux  de  ses  parents  et  de  ses 
amis,  s'expose  k  la  mort  pour  sa  patrie  :  il 
échançe  quelques  jours  de  vie  pour  des  siè- 
cles de  gloire,  il  illustre  sa  famille  et 
l'élève  aux  richesses  et  aux  honneurs.  Mais 
le  missionnaire  dont  la  vie  se  consume  au 
fond  des  bois,  qui  meurt  d'une  mort  affreuse, 
sans  spectateurs ,  sans  applaudissements, 
sans  avantages  pour  les  siens,  obscur,  mé- 
prisé, traité  de  lou,  d'at>surde,  de  fanatique, 
et  tout  cela  pov  donner  un  bonheur  étemel 
k  un  sauvage  inconnu...  de  <iuel  nom  iaut^ 
il  appeler  cette  mort,  ce  sacrifice  ? 

«  Diverses  congré^^ons  religieuses  se 
consacraient  aux  missions  :  les  Dominicains, 
l'ordre  de  Saint-François ,  les  Jésuites  et 
les  prêtres  des  missions  étrangères. 

«  Il  y  avait  quatre  sortes  de  missions  : 

c  Les  mUHons  du  Letani^  qui  compre- 
naient l'Archipel,  Constantinopie,  la  Syrie, 
l'Arménie,  la  Grimée,  l'Ethiopie,  la  Perse  et 
l'Egypte  ;  ^ 

«  Les  mi$$ion$  de  FAaUrique^  commençant 
è  la  baie  d'Hudson  et  remontant  par  le  Ca- 
nada, la  Louisiane,  la  Californie,  les  An< 


tilles  et  la  Guyane, jusqu'aux  fameuses  rét 
ductions  ou  jieuplades  du  Paraguay  ; 

«  Les  miuionB  de  F  Inde  ^  qui  renferment, 
rindoustan,  la  presqu'île  en  aeçà  et  au  delà 
du  Gange,  et  qui  s'étendaient  jusqu'à  Ma- 
nille et  aux  Nouvelles-Philippines; 

«  Enfin  les  misrions  de  la  thine,  auxquel- 
les se  joignent  celles  du  Ton-King,  de  la 
Cochinchine  et  du  Japon. 

«  On  comptait  de  plus  queloues  églises  en 
Islande  et  chez  les  nègres  de  r  Afrique,  mais 
elles  n'étaient  pas  régulièrement  suivies. 
Les  ministres  presbytériens  ont  tenté  der- 
nièrement de  prêcher  l'Evangile  à  O-Taiti. 

«  Lorsque  les  Jésuites  firent  paraître  la 
correspondance  connue  sous  le  nom  de  £el- 
tre$  éaifanies ,  elle  fut  citée  et  recherchée 
par  tous  les  auteurs.  On  s'appuyait  de  son 
autorité,  et  les  faits  qu'elle  contenait  pas- 
saient pour  indubitables.  Mais  bientêt  la 
mode  vint  de  décrier  ce  qu'on  avait  admiré. 
Ces  lettres  étaient  écrites  par  des  prêtres 
chrétiens  :  pouvaient-elles  valoir  quelque 
chose  ?  On  ne  rougit  pas  de  préférer,  ou 
plutôt  de  feindre  de  préférer  aux  voyages 
des  Dntertre  et  des  Cbarieroix,  ceux  d'un 
baron  de  La  Hoolan,  itérant  et  menteur... 
Des  savants,  qui  avaient  passé  trente  et 
quarante  années  à  la  cour  même  des  empe- 
reurs, qui  avaient  été  k  la  tête  des  premiers 
tribunaux  de  la  Chine,  qui  parlaient  et  écri- 
Taient  la  langue  du  pays,  qui  fréquentaient 
les  petits,  qui  vivaient  familièrement  avec 
les  grands,,  qui  avaient  parcouru,  tu  et  étu- 
dié en  détail  les  prorinces ,  les  mœurs,  la 
religion  et  les  lois  de  ce  vaste  empire  ;  ces 
savants,  dont  les  travaux  nombreux  ont 
enrichi  les  Mémoires  de  F  Académie  des  eeien* 
ces,  se  Tirent  traités  d'imposteurs  par  un 
homme  qui  n'était  pas  sorti  du  quartier 
des  Européens  à  Canton,  qui  ne  savait  pas 
un  mot  de  chinois,  et  dont  tout  le  mérite 
consistait  è  contredire  grossièrement  les 
récits  des  missionnaires.  On  le  sait  aujour» 
d'hui,  et  l'on  rend  une  tardive  justice  aux 
Jésuites.  Des  ambassades  faites  à  grands 
frais  par  des  nations  puissantes,  nous  ont- 
elles  appris  quelque  cnose  que  les  Duhalde 
et  les  Lecomte  nous  eussent  laissé  ignorer, 
ou  nous  ont-elles  révélé  quelques  menson- 
ges de  ces  Pères  ? 

«  En  effet,  un  missionnaire  doit  être  un 
excellent  Toyagenr,  obligé  de  parler  la  lan- 
gue des  peuples  auxquels  il  prêche  l'Evan- 
gile, de  se  confiormer  k  leurs  usages,  de  vi- 
Tre  long^mps  aTec  toutes  les  classes  de  la 
société,  de  cnercher  à  pénétrer  dans  les  pa* 
lais  et  dans  les  chaumières,  n'eût-il  reçu  de 
la  nature  aucun  génie,  il  parviendrait  encore 
è  recueillir  une  multitude  de  faits  précieux. 
Au  contraire,  l'homme  qui  passe  rapide* 
ment  avec  un  interprète,  qui  n'a  ni  le  temps 
ni  la  volonté  de  s'exposer  à  mille  pérfls 

Eour  apprendre  le  secret  des  mœurs,  cet 
omme  eût-il  tout  ce  qu'il  faut  pour  bien 
Toir  et  pour  bien  observer,  ne  peut  cepen- 
dant acquérir  que  des  connaissances  très- 
Tagues,  sur  des  peuples  qui  ne  font  que 
rouler  et  disparaître  à  ses  yeux. 


1270 


ORD 


DlCTIO:«iNAm£ 


ORD 


im 


c  Le  Jésuite  avait  encore  sur  lo  voyageur 
ordio/iire  l'ovantage  d*uneéducatien savante. 
Les  supérieurs  exigeaient  plusieurs  qualités 
des  élèves  qui  se  destinaient  aux  missions. 
Pour  le  Levant,  il  fallait  savoir  le  grec,  le 
copte,  le  turc,  et  posséder  quelques  con- 
nai<(sances  en  médecine;  pour  l'Inde  et  la 
Chine*  on  voulait  des  astronomes,  des  ma- 
thématiciens ,  des  géographes,  des  méca- 
niciens ;  TAmérique  était  réservée  aux 
naturalistes.  Et  à  combien  de  saints  dégui- 
sements, de  pieuses  ruses,  de  changements 
de  vie  et  de  mœurs,  u'élait-on  pas  obligé 
d'avoir  recours  pour  annoncer  la  vérité  aux 
hommes  I  A  Maduré,  le  missionnaire  pre- 
nait l'habit  du  pénitent  indien,  s'assujettis- 
S'iit  à  ses  usages,  se  soumettait  h  ses  austé- 
rités, si  rebutantes  et  si  puériles  qu'elles 
fussent  ;  à  la  Chine,  il  devenait  mandarin  et 
lettré;  chez  l'iroquois,  il  se  faisait  chasseur 
el  sauvage. 

«(  Presque  toutes  les  missions  françaises 
furent  établies  par  Colbert  et  Louvois,  qui 
comprirent  de  quelle  ressource  elles  seraient 

Iiour  les  arts ,  les  sciences  et  le  commerce, 
-es  PP.  Fontenay,  ïachard,  Gerbillon,  Le- 
conite.  Bouvet  et  Visdelou,  furent  envoyés 
aux  Indes  par  Louis  XIV.  Ils  étaient  maihé- 
maticieùs,  et  le  roi  les  fit  recevoir  de 
l'Académie  des  sciences  avant  leur  départ. 
•  «  Le  P.  Brédeyent,  connu  par  sa  disser- 
tation physico-mathématique,  mourut  maU 
heureusement  en  partant  pour  l'Ethiopie  ; 
mais  on  a  joui  d'une  partie  de  ses  travaux  ; 
le  P.  Sicard  risita  l'Egypte  avec  des  dessi-. 
nateurs  que  lui  avait  fournis  M  de  Maurepas. 
Il  acheva  un  grand  ouvrage  sous  le  titre  de 
Description  de  l'Egypte  ancienne  et  moderne. 
Ce  manuscrit  précieux,  déposé  à  la  muisoii 
professe  des  Jésuites,  fut  dérobé  sans  qu'où 
en  ait  jamais  pu  découvrir  aucune  trace. 

«  Personne  sans  doute  ue  pouvait  mieux 
nous  faire  connaître  la  Perse  et  le  fameux 
Thamas  Kouli-Khan,  que  le  moine  Bazin, 
qui  fut  le  premier  médecin  de  ce  conqué- 
rant* et  le  suivit  dans  sqs  expéditions.  Le 
P.  Cœur-Doux  nous  donna  des  renseigne- 
ments sur  les  toiles  et  les  teintures  indien- 
nés.  La  Chine  nous  fut  connue  comme  la 
France,  nous  eûmes  lés  manuscrits  originaux 
et  les  traductions  de  son  histoire  ;  nous 
eûmes  des  herbiers  chinois,  des  géographes, 
des  mathématiques  chinoises,  et  pour  qu'il 
ne  manquât  rien  à  la  singularité  de  celte 
mission,  le  P*  Rica  écrivit  des  livres  de 
morale  dans  la  langue  de   Confucius,  et 

Passe   encore  pour    un  auteur  élégant   à 
ékin. 

ff  Si  la  Chine  nous  est  aujourd'hui  fermée, 
si  nous  ne  disputons  pas  aux  Anglais  l'em- 
pire des  Indes,  ce  n'est  pas  la  faute  des  Jé- 
suites, qui  ont  été  sur  le  point  de  nous  ou- 
Trir  ces  oelles  régions.  Us  avaient  réussi  en 
Amérique,  dit  Voltaire,  en  enseignant  à  des 
sauvages  les  arts  nécessaires;  ils  réussissent 
à  la  Chine,  en  enseignant  les  arts  les  plus 
relevés  à  une  nation  s()irituelle. 

«  L'utilité  dont  ils  étaient  à  leur  patrie, 
dans  les  échelles  du  Levant,  n'est  pasmoijs 


avérée.  En  veut-on  une  preuve  authentique? 
Voici  un  certificat  dont  les  signatures  sont 
assez  belles. 

niCBET  DU  ROI. 

«  Aujourd'hui,  septième  de  juin  mil  sii 
«  soixante-dix*neuf,le  roi  étantàSaint-Ger- 
c  main-en-La^e,  voulant  gratifier  et  favora- 
c  blement  traiter  les  Pères  Jésuites  français, 
«  missionnaires  au  Levant,  en  considération 
«  de  leur  zèle  pour  la  religion,  et  des  avan- 
c  tages  que  ses  sujets  qui  résident  et  qui  iraf* 
«  auent  dans  toutes  tes  échelles^  reçoivent  de 
«  leurs  instructions^  Sa  Majesté  lésa  retenus 
c  et  retient  pour  ses  chapelains  dans  tV*. 
«  glise  et  chapelle  consulaire  de  la  villed*Â- 
«  lep,  en  Syrio,  etc. 

Signée  Louis. 
«  Et  plus  baSf  Colbert.  t 

4  C'est  è  ces  mêmes  missionnaires  que 
nous  devons  l'amour  que  les  sauvages  por« 
tent  encore  au  nom  français  dans  les  forêts 
de  l'Amérique.  Un  mouchoir  blanc  suflil 
pour  passer  en  sûreté  à  travers  les  hordes 
ennemies  et  pour  recevoir  partout  l'hospita- 
lité. C'étaient  les  Jésuites  du  Canada  et  de 
la  Louisiane  qui  avaient  dirigé  Tindustriedes 
colons  vers  la  culture,  et  découvert  de  nou- 
veaux objets  de  commerce  pour  les  teintu- 
res et  les  remèdes.  Eu  naturalisant  sur  noire 
sol  des  insectes,  des  oiseaux  et  des  arbres 
étrangers,  ils  ont  ajouté  des  richesses  è  nos 
manufactures,  des  délicatesses  à  nos  tables, 
et  des  ombrages  à  nos  bois. 

«  Ce  sont  eux  qui  ont  écrit  les  annales 
élégantes  et  naïves  de  nos  colonies.  Quelle 
excellente  histoire  que  celle  des  Antilles  par 
le  P.  Dutertre,  ou  celle  de  la  Nouvelle-France 
par  Charlevoix?  Les  ouvrages  de  cesboia- 
mcs  pieux  sont  pleins  de  toutes  sortes  de 
sciences  :  dissertations  savantes,  peintures 
do  mœurs,  plans  d'amélioration  pour  nos 
établissements,  objets  utiles,  réfiexionsmo- 
rales,aYenturcsio(éressantes,|touts'v;trouve; 
l'histoire  d'un  acacia  ou  td'uD  saule  de  la 
Chine  s'y   mêle  à  l'histoire  d'un  grand  em- 

[)ereur  réduit  à  se  poignarder;  et  le  récit  de 
a  conversion  d'un  paria,  k  un  traité  sur  les 
mathématiques  des  brahmes.  Le  style  de  ces 
relations,  quelquefois  sublime,  est  soureni 
admirable  par  sa  simplicité.  Enfin  les  mis- 
sions fournissaient  chaque  année  à  l'astro- 
nomie et  surtout  à  lagéographie  de  nouvelles 
lumières.  Un  Jésuite  rencontra  cnTarlaric 
une  fcmmo  huronne  qu'il  avait  connue  au 
Canada:  il  conclut  de  celte  étrange  aveniuns 
que  le  continent  de  l'Amérique,  se  rap|)ro- 
che  du  nord-ouest  du  continent  de  l'Asie; 
et  il  devina  ainsi  l'existence  du  d<5troitquî» 
lonetemps  après,  a  fait  la  gloire  de  Bérmg 
et  ae  Cook.  Une  grande  partie  du  Canada  et 
toute  la  Louisiane  avaient  é.té  décoiiveries 
par  nos  missionnaires.  En  appelant  au  chris- 
tianisme les  sauvages  de  I  Acadie,  ils  nous 
ivaienl  livré  ces  côtes  où  s'enrichissait  no- 
ire commerce  el  se  formaient  nos  marins: 
telle  est  une  faible  partie  dos  services  «v^^ 


!98l 


€RD 


DASCETISMK. 


onD 


Itfl 


ces   IjoranicSy    aujourd*ut   si  Diéprbés,  sa« 
vaient  rendre  h  leur  pays. 

«  Chaque  mission  arait  un  caracière  qui 
lui  était  propre,  et  un  genre  de  souffrance 
particulier.  Celles  du  Levant  présentaient  un 
^pectacle  bien  philosophique.  Combien  elle 
était  puissante  cette  roix  chrétienne  qui  s'é- 
levait des  tombeaux  d'Argos  et  des  ruines  de 
Sparte  et  d*Aihènest  Dans  les  lies  de  Naxos 
ri  de  Salamine  d*où  partaient  ces  brillantes 
théories  qui  charmaient,  enirraient  la  Grèce, 
un  pauTre  prêtre  catholique,  déguisé  eo 
Turc,  se  jette  dans  un  esguif,  aborde  è 
quelque  méchant  réduit  pratiqué  sous  des 
tronçons  de  colonnes,  console  sur  la  paille 
le  descendant  des  Xerxès,  distribue  des  au* 
mônes  au  nom  de  Jésus-Christ,  et,  faisant  le 
bien  comme  on  fait  le  mal,  en  se  cachant 
dans  lombre, retourne  secrètement  au  dé- 
sert. 

«  Le  sayant  qui  Ta  mesufer  les  restes  do 
l'antiquité  dans  les  solitudes  de  l'Afrique  et 
de  TAsic,  a  sans  doute  des  droits  ènotreaJ- 
miration;  mais  nous  TOjons  une  chose  en- 
core dIus  admirable  et  plus  belle:  c'est  quel- 
a  ne  Bossuet  inconnu,  expliguant  la  parole 
es  prophètes  sur  les  débns  de  Tyr  et  de 
Babylone. 

<  Dieu  permettait  que  les  moissons  fus- 
sent abonaantes  dans  un  sol  si  riche  ;  une 
Rareille  poussière  ne  pouvait  être  stérile- 
Fous  sortîmes  de  Serpbo,  dit  le  P.  Xavier, 
plus  consolés  que  je  ne  puis  vous  l'exprimer 
ici,  le  peuple  nous  comblantde  bénédictions, 
et  remerciant  Dieu  mille  fois  de  nous  avoir 
inspiré  le  dessein  de  Tenir  les  chercher  au 
milieu  de  leurs  rochers. 

«  Les  montagnes  du  Liban,  comme  les  sa- 
bles de  la  Thébaïde,  étaient  témoins  du  dé- 
Touement  des  missionnaires.  Ils  ont  une 
grâce  infinie  à  rehausser  les  plus  petites  cir- 
constances. S'ils  décrivent  les  cèdres  du  Li- 
baa,  ils  vous  parlent  de  quatre  autels  de 
I»ierre  qui  se  voient  au  pïéd  de  ces  arbres, 
et  où  les  moines  maronites  célèbrent  une 
messe  solennelle  le  iour  de  la  Transfigura- 
tion ;  on  croit  entendre  les  accents  religieux 
qui  se  mêlent  au  murmure  de  ces  bois  chan- 
tés par  Salomon  et  Jérémie,  et  au  fracas 
des  torrents  qui  tombent  des  montagnes. 

«  Parlent-ils  de  la  vallée  où  coule  le  fleuve 
saint,  ils  disent  :  «  Ces  rochers  renferment 
«  de  profondes  grottes  qui  étaient  autrefois 
m  autant  de  cellules  d'un  grand  nombre  de  so- 
m  litairesqui  avaient  choisi  ces  retraites,  pour 
m  être  les  seuls  témoins  sur  terre  de  la  rigueur 
«  de  leur  pénitence.  Ce  sont  les  larmes  de  ces 
«  saints  pénitents  qui  ont  donné  au  fleu vedont 
m  nous  venons  déparier  le  nomdeUeuve  saint. 
m  Sa  source  est  dans  les  montagnes  du  Liban. 
«  La  vuede  ces  grottes  et  de  cefleuTe,  dans  cet 
«  affreux  désert,  inspire  de  la  componction, 
m  de  rameur  pour  la  pénitence,  et  de  la  com-' 
m  passion  pour  ces  âmes  sensuelles  et  mon- 
m  daines,  qui  préfèrent  quelques  jours  dé 
«  Joie  et  de  plaisir  à  une  éternité  bienheu- 
«  rense.  » 

«  Cela  nous  semble  parlait,  et  comme 
sljle  eC  comme  sentiment. 


m  Ces  missionnaires  avaient  un  instinct 
merveilleux  (lour  suivre  l'infortune  à  la 
trace,  et  la  forcer,  pour  ainsi  dire,  jusque 
dans  son  dernier  gtte.  Les  bagnes  et  les  ga- 
lères pestiférés  n'avaient  pn  échapper  h  leur 
chante;  écoutons  parler  le  P.  Tarellon  dans 
sa  lettre  h  M.  de  Pontchartrain  : 
«  Les  services  que  nous  rendons  h  ces  pau- 
vres gens  (les  esclaves  chrétiens  au  ba^nc 
de  Constantinople)  consistent  è  les  entre- 
tenir dans  la  crainte  de  Dieu  et  dans  la 
foi,  à  leur  procurer  des  soulagements  de 
la  charité  des  fidèles,  è  les  assister  dans 
leurs  maladies,  et  enfin  k  leur  aider  â  bi<  n 
mourir.  Si  tout  cela  demande  beaucoup 
de  sujétion  et  de  peine,  je  puis  assunr 
aue  Dieu  v  attache  en  récompense  de  gra^- 
des  consolations. 

«  Dans  les  temps  de  peste,  comme  il  faut 
«  être  à  portée  de  secourir  ceux  qui  en  sont 
«  frappé>,  et  que  nous  n*avons  que  quatre  ou 
«  cinq  missionnaires,  notre usageest  qu'il  n'y 
«  ait  qu'un  seul  Père  qui  entre  au  bagne,  et 
«  qui  y  demeure  tout  le  temps  que  la  maladie 
«  dure.  Celui  qui  en  obtient  la  permission  du 
«  supérieur  s  y  dispose  penaant  quelques 

•  jours de  retraite,  et  prend  congé  de  ses 
«  frères,  comme  s'il  devait  bientôt  mourir. 
«  Quelquefois  il  y  consomme  son  sacf  iOce,et 
M  quelquefois  il  échappe  au  danger.  » 

«  Le  P.  Jacques  Cachod  écrit  au  P.  Ta- 
rillon  : 

«  Maintenant  je  me  suis  mis  an-dessus  de 
«  toutes  les  craintes  que  donnent  les  maladies 
«  contagieuses  ;  et,s'il  plattà  Dieu,  jene  mour* 
c  rai  pas  de  ce  mal,  après  les  hasards  que 
«  je  viens  de  courir.  Je  sors  du  bagne ,  où 

•  j'ai  donné  les  derniers  sacrements  è  qua^ 
«  tre-vin^-six  personnes....  Durant  le  jour, 
«  |e  n'étais,  ce  me  semble,  étonné  de  rien  ; 
«  il  n'y  aTait  que  la  nuit,  pendant  le  peu  do 
m  sommeil  ({uon  me  laissatl  prendre,  que  je 
c  nie  sentais  Tespril  tout  rempli  d*idées  t-f^ 
c  frayantes.  Le  plus  grand  péril  que  j'aie 
«  couru  et  que  je  courrai  peut-être  de  ma 
«  Tie,  a  été  à  fond  de  cale  d*une  stdtane  de 
«  quatre-Tingtdenx  canons.  Les  esclaves,  de 
«  concert  avec  les  gardiens,  m'y  avaient  fait 
«  entrer  sur  le  soir  pour  les  confesser  toute 
ç  la  nuit,  et  leur  dire  la  messe  de  grand  ma- 
«  tin.  Nous  fûmes  enfermés  à  double  cade- 
«  nas,  comme  c*est  la  coutume.  De  cin- 
«  quante-deux  esclaves  que  je  confessai, 
«  douze  étaient  malades,  et  trois  mourun  ni 
ff  avant  que  je  fusse  sorti.  Jugez  quel  air  je 
«  pouvais  resjiirer  dans  ce  lieu  renfermé,  et 
«  sans  la  moindre  ouTerture?  Dieu  qui,  pr 
«  sa  bonté,  m'a  sauvé  de  ce  pas  là,  me  sau- 
«  Tera  de  bien  d'autres,  b 

•  «  Un  homme  qui  s'enferme  volontaire- 
ment dans  un  bagne  en  temps  de  peste;  qui 
avoue  ingénument  ses  terreurs,  et  cpipour- 
tant  les  surmonte  par  charité;  qui  s'intro- 
duit ensuite  à  prix  d'argent,  comme  pour 
goûter  des  plaisirs  illicites,  à  fond  de  cale 
d*un  vaisseau  de  guerre,  afin  d'assister  dis 
esclaves  pestiférés,  un  tel  homme  ne  suit 
pas  une  impulsion  naturelle  :  il  y  a  quelque 


^^■. 


lâS5 


ont) 


lUCtlONNAIBE* 


ORB 


m 


chose  ici  de  plus  que  rhumanite  ;  les  mis- 
sionnaires en  contiennent,  et  ils  ne  pren- 
nent pas  sur  eux  le  mérite  de  ces  œuvres 
sublimes  :  «  C'est  Dieu  qui  nous  donne  celte 
«  force,  répètent-ils  souvent,  nous  n'y  avons 
«  aucune  part,  b 

«  Un  Jeune  missionnaire,  non  encore 
aguerri  contre  les  dangers  comme  ces  vieux 
chefs  tout  chargés  de  fatiffues  et  de  palmes 
évangéliques,  est  étonné  d.'avoir  échappé  au 
premier  péril;  il  craint  qu'il  n'y  ait  de  sa  faute, 
il  en  paraît  humilié.Après  avoirfaitàson  su- 
périeur lerécil  d'une  peste.où  souvent  il  avait 
été  obligé  de  coller  ion  oreille  $ur  la  bouche 
des  malades^pour  entendre  leurs  paroles  mou- 
rantes^ il  ajoute  :  «  Je  n'ai  pas  mérité,  mon 
«  révérend  Père,  que  Dieu  ait  bien  voulu 
«  recevoir  le  sacrifice  de  ma  vie,  que  je  lui 
m  avais  offert.  Je  vous  demande  donc  vos 
«  prières  pour  obtenir  de  Dieu  quMl  oublié 
«  mes  péchés  et  me  fasse  la  grâce  de  mourir 
«  pour  lui.  » 

«  C'est  ainsi  que  le  P.  Bouchet  écrit  des 
Indes  :  «  Notre  mission  est  plus  florissante 
€  que  jamais;  nous  avons  eu  quatre  grandes 
a  persécutions  cette  année.  » 

«  C'est  ce  même  P.  Bouchet  qui  a  en- 
voyé en  Europe  les  tables  des  brahmes,dont 
M.  Bailly  s'est  servi  dans  son  Histoire  de 
Vastronomie.  La  société  anglaise  de  Calcutta 
n'a  jusqu'à  présent  fait  paraître  aucun  mo- 
nument des  sciences  indiennes ,  que  nos 
missionnaires  n'eussent  découvert  ou  indi- 
qué ;  et  cependant  les  savants  anglais,  sou- 
verains de  plusieurs  grands  royaumes,  favo- 
risés par  tous  les  secours  de  l'art  et  de  la 
puissance  ,  devraient  avoir  bien  d'autres 
moyen  de  succès  qu'un  pauvre  Jésuite,  seul, 
errant  et  persécuté.  «Pour  peu  que  nous  pa- 
«  russions  librement  en  public,  écrit  le  P. 
«  Rover,  il  serait  aisé  de  nous  reconnaître  è 
«  l'ak  et  à  la  couleur  du  visaçe.  Ainsi,  pour 
«  ne  pointsusciterde persécution  niusgrande 
«  À  la  religion,  il  faut  se  résoudre  a  demeurer 
«  caché  le  plus  qu'on  peut.  Je  passe  les  jours 
«  entiers,  ou  enfermé  dans  un  bateau,  d'où 
ft  ie  ne  sors  que  la  nuil,  pour  visiter  les  vil- 
«  Tages  qui  sont  proche  des  rivières,  ou  retiré 
«  dans  quelque  maison  éloignée.  » 

ff  Le  bateau  de  ce  religieux  était  tout  son 
observatoire  ;  mais  on  est  bien  riche  et  bien 
habile  quand  on  a  la  charité. 

«  Deux  religieux  de  l'ordre  de  Saint-Fran- 
çois, l'un  Polonais  et  l'autre  Français  de  na- 
tion, furent  les  premiers  Européens  qui  pé- 
nétrèrent dans  la  Chine,  vers  le  milieu  du 
xir  siècle.  Marc  Paoie ,  Vénitien  ,  et  Ni- 
colas Mathieu  Paoie,  de  la  môme  famille, 
y  firent  ensuite  deux  voyages.  Les  Portu- 
gais, ayant  découvert  la  route  des  Indes, 
s'(:tablirent  à  Hacao,  et  le  P.  Ricci,  de  la 
compagnie  de  Jésus,  résolut  de  s'ouvrir  cet 
empire  du  Cathai,  dont  on  racontait  tant]  de 
m*  rveilles.  Il  s'appliqua  d^abord  à  l'étude  de 
la  langue  chinoise,  fune  des  plus  difficiles  du 
monde.  Son  ardeur  surmonta  tous  les  obsta- 
cles, et  après  bien  des  dangers  et  plusieurs 
refus,  il  obtint  des  magistrats  chinois,  en 


1682,  la  permission  de  s'établir  àChoua-» 
chen. 

«Ricci,  élève  de  Cluvius,  et  lui-même  très- 
habile  en  mathématiques,  se  fil,  à  l'aide  de 
cette  science,  des  protecteurs  parmi  les  man- 
darins. Il  quitta  rhabit  des  bonzes,  et  prit 
celui  des  lettrés.  Il  donnait  des  leçotis  de 
géométrie,  où  il  mêlait  avec  art  les  le- 

Îons  plus  précieuses  de  la  morale  chrétienne. 
1  passa  successivement  à  Chouacheoi  Nem- 
chem»  Pékin,  Nankin;  tantôt  mallraitéi tan- 
tôt reçu  avec  joie;  opposant  aux  revers  nno 
patience  invincible,  et  ne  perdant  jamais 
respérance  de  faire  fructifier  la  parole  de 
Jésus-^hrist.  Enfin,  l'empereur  lui-même, 
charmé  des  vertus  et  des  connaissances  da 
missionnaire,  lui  permit  de  résider  dans  la 
capitale,  et  lui  accorda,  ainsi  qu'aux  compa- 
gnons de  ses  travaux,  plusieurs  privilé^ 
Las  Jésuites  mirent  une  grande  discrétion 
dans  leur  conduite,  et  montrèrent  une  con* 
naissance  profonde  du  cœur  humain.  Ils  res* 

Î)ectèrent  les  usages  des  Chinois,  et  s'y  con- 
ormèrent  en  tout  ce  qui  ne  blessait  pas  les 
lois  évangéliques.  Us  furent  traversés  de 
tous  côtés.  Bientôt  la  jalousie,  dit  Yoitairc, 
corrompit  les  fruits  de  leur  sagesse,  et  cet 
esprit  d'inquiétude  et  de  contention,  atta- 
ché en  Europe  aux  connaissances  et  aux 
talents,  renversa  les  plus  grands  desseins. 
'  ff  Ricci  sufiisait  à  tout.  11  répondait  aux 
accusations  de  ses  ennemis  en  Earope,  il 
veillait  aux  églises  naissantes  de  la  Cmue. 
Il  donnait  des  leçons  de  mathématiques,  il 
écrivait  en  chinois  des  livres  de  conlrorerse 
contre  les  lettrés  qui  Tattaquaient,  il  cultivait 
Tamitié  de  l'empereur,  et  se  ménageait  des 
intelligences  à  la  cour,  où  sa  politesse  le&i- 
sait  aimerdes grands.  Tant  de  fatigues  abrégè- 
rent ses  jours.  11  termina  à  Pékin  une  vie  de 
cinquante-sept  années,  dont  la  moitié  aTait 
été  consumée  dans  les  travaux  de  Tapostolat. 

c  Après  la  mort  du  P.  Ricci,  sa  mission 
fut  interrompue  par  les  révolutions  qui  ar- 
rivèrent à  lal^hine.  Mais  lorsque  l'empereur 
tartare  Cun-chi  monta  sur  le  trône,  il  nomma 
le  P.  Adam  Schall  président  du  tribunal  des 
mathématiques.  Cun-chi  mourut,  et  pendant 
la  minorité  de  son  fils  Gang-hi ,  la  religion 
chrétienne  fut  exposée  à  de  nouvelles  per^ 
séculions. 

«  A  la  majorité  de  Tempereur,  le  calen- 
drier se  trouvant  dans  une  grande  confusioOf 
il  fallut  rappeler  les  missionnaires.  Le  jeooe 
prince  s'attacha  au  P.  Verbîest,  successeur 
du  P.  Schall.  Il  fit  examiner  le  christianisme 
par  le  tribunal  des  étals  de  l'empire,  et  mi- 
nuta de  sa  propre  main  le  mémoire  des  Jé- 
suites. Les  juges,  anrès  un  mûr  eiamen, 
déclarèrent  que  la  religion  chrétienne  était 
bonne,  qu'elle  ne  contenait  rien  decontrure 
h  la  pureté  des  mœurs  et  à  la  prosoérité  des 
empires. 

«  il  était  digne  des  disciples  de  Coniucius 
de  prononcer  une  pareille  sentence  en  faveur 
de  la  loi  de  Jésus-Christ.  Peu  de  temps  après 
ce  décret,  le  P.  Verbiest  appela  de  Paris  ces 
.savants  Jésuites  qui  ont  porté  rhouneur  au 
nom  français  jusqu'au  centre  de  l'Asie. 


)tt5 


ORD 


D^ASCEtlSME. 


OtiD 


ISM 


•  Le  JisuUe  qui  parlait  poar  la  Chine 
alarmait  du  léleseope  el  du  compas.  Il  pa- 
raissait A  la  cour  de  Pékio  atec  rurbanite  de 
la  cour  de  Louis  XIV»  et  environué  du  cor- 
tège des  sciences  et  des  arts.  Déroulant  des 
cartes,  tournant  'des  globes,  traçant  des 
sphèreSt  il  anprenail  aul  mandarins  éton- 
nés, et  le  Téritable  cours  des  astres,  et  le 
Téritable  nom  de  celui  gui  les  dirige  dans 
leurs  orbites.  Il  ne  dissipait  les  erreurs  de 
la  physique  que  pour  attaquer  celles  de  la 
morale;  il  replaçait  dans  le  cœur,  comme 
dans  son  véritable  siéj^,  la  simplicité  qu'il 
bannissait  de  Pesprit;  inspirante  la  fois, par 
ses  mœurs  el  son  savoir,  une  profonde  vé- 
nération pour  son  Dieu,  et  une  haute  estime 
pour  sa  patrie. 

«  Il  était  beau  pour  la  France  de  voir  ses 
religieux  régler  à  la  Chine  les  fastes  d'un 
grand  empire.  On  se  proposait  des  questions 
de  Pékin  à  Paris  :  la  cnronoloçe,  l'astro- 
nomie, l'histoire  naturelle,  loumissaîent  des 
sujets  de  diseussions  curieuses  et  savantes. 
Les  livres  chinois  étaient  traduits  en  fran- 
çais, les  français  en  chinois.  Le  P.  Parennia, 
dans  sa  lettre  à  Fontenelle,  écrivait  à  TAca- 
démie  des  sciences  : 
«  Messieurs, 

«  Tous  serez  peut-être  surpris  que  je  vous 
«  envoie  de  si  loin  un  traité  danatomie, 
«  un  cours  de  médecine,  et  des  questions  de 
«  physique  écrites  en  une  langue  qui,  sans 
«  doute,  vous  est  inconnue;  mais  voire 
«  surprise  cessera,  quand  vous  verrez  que 
M  ce  sont  des  ouvrages  habillés  à  la  lar- 
M  tare,  w 

«  Il  faut  lire  d  un  bout  à  l'autre  cette 
lettre,  où  respirent  ce  ton,  ce  style  de  poli- 
tesse et  ce  style  des  honnêtes  gens,  près- 
Îue  oubliés  de  nos  jours.  Le  Jésuite  nommé 
^aremiia,  dit  Voltaire,  homme  célèbre  par 
ses  connaissances  et  par  la  sagesse  de  son 
caractère,  parlait  très-bien  le  chinois  et  le 
tartare...  C'est  lui  qui  est  principalement 
connu  parmi  nous,  par  les  réponses  sages 
et  instructives  sur  les  sciences  de  la  Chine, 
aux  difficultés  savantes  d'un  de  nos  meil- 
leurs philosophes. 

c  En  1711,  I  empereur  de  la  Chine  donna 
aux  Jésuites  trois  inscriptions  qu'il  avait 
€om|)osées  lui-même  pour  une  église  qu'ils 
faisaient  élever  à  Pékin.  Celle  du  frontispice 
portait: 

AV  VEAI  Pmi^CIPB  DB  TOUTBs' CHOSES. 

c  Sur  Tune  des  deux  colonnes  du  péristyle 
on  lisait: 

Il  est  IHFIlilUBNT  BOTI  ET  I5FI!llMB!fT  JUSTE  ; 
IL  ÉCLAIBE,  IL  SOLTIEHT,  IL  BÈGLE  TOUT 
AVEC  UNE  SUPRÊME  AUTOBITÉ  ET  AVBC  UNE 
SOITVEEAIlfE  JUSTICE. 

«  La  dernière  colonne  était  couverte  de  ces 
mots: 

Il  n'a  point  eu  de  commencement,  il  n'auea 

POINT  DE  fin:  il  A  PRODUIT  TOUTES  CHOSES 

Bia  LE  commencement,  c'est  lui  qui  les 

cou  VEBNB  ET  QUI  EN  EST  LE  VÉRITABLE  SEI- 
GNEUR. 

«  Quiconque  s'intéresse  à  la  gloire  de  son 


pays  ne  peut  sWpêciier  d'être  vivement 
ému  en  voyant  de  pauvres  missionnaires 
français  donner  de  pareilles  idées  de  Dieu 
au  chef  de  plusieurs  millions  d'hommes  ; 
quel  noble  usage  de  la  religion  I 

«  Le  peuple,  les  mandarins,  les  lettrés  em- 
brassaient en  foule  la  nouvelle  doctrine  :  les 
cérémonies  du  culte  avaient  surtout  un 
succès  prodigieux  .  c .  Avant  la  commu- 
c  nion,  dit  le  P.  Premare  cité  par  le  P.  Fou-* 
«  quet,  je  prononçai  tout  haut  les  actes 
«  qu'on  fait  faire  en  approchant  de  ce  dkin 
«  sacrjBment.  Quoique  la  langue  chinoise 
«  ne  soîl  pas  féconde  en  affections  du  cœur, 
«  cela  eut  beaucoup  de  succès...»  Je  remar- 
«  quai  sur  les  visages  de  ces  bons  chrétiens 
«  une  dévotion  que  je  n'avais  pas  encore 
«  vue.  B 

«  I.oukang,  ajoute  le  même  missionnaire, 
«  m'avait  donné  du  goût  pour  les  missions 
«  de  la  campaçne.  Je  sortis  de  la  bourgade 
«  et  je  trouvai  tous  ces  pauvres  gens  qui 
«  travaillaient  de  cêté  et  d'autre;  j  en  abor- 
c  dai  un  d'entre  eux,  qui  me  parut  avoir  la 
«  physionomie  heureuse,  et  je  lui  parlai  do 
M  Dieu.  Il  me  parut  content  de  ce  que  je  di-* 
«  sais,  et  m'invita  par  honneur  à  aller  dans 
c  la  salle  des  ancêtres.  C'est  la  plus  belle 
«  maison  de  la  bourgade  ;  elle  est  commune 
«  à  tous  les  habitants,  parce  que,  s'étant 
c  fait  depuis  longtemps  une  coutume  de  ne 
c  point  s'allier  hors  ue  leur  pays,  ils  sont 
«  tous  parents  aujourd'hui,  et  ont  les  mêmes 
«  aïeux.  Ce  fut  donc  Ik  que  plusieurs,  quit- 
c  tant  leur  travail,  accoururent  pour  enten* 
«  dre  la  sainte  doctrine.  • 

c  N'est-ce  pas  là  une  scène  do  VOdygsie, 
ou  plutôt  de  la  BibUi 

«  Dn  empire,  dont  les  mœurs  inaltérables 
usaient  depuis  deux  mille  ans  le  temps,  les 
révolutions  et  les  conquêtes,  cet  empire 
change  à  la  voix  d'un  moiue  chrétien,  parti 
seul  du  fond  de  l'Europe.  Les  préjugés  les 
plus  enracinés,  les  usages  les  plus  antiques, 
une  croyance  religieuse  consacrée  par  les 
siècles,  tout  cela  tombe  et  s'évanouit  au 
seul  nom  du  Dieu  de  l'Evangile.  Au  mo* 
ment  même  où  nous  écrivons,  au  moment 
où  le  christianisme  est  perséculé  en  Europe, 
il  se  propage  à  la  Chine.  Ce  feu  qu'on  avait 
cru  eieint  s'est  ranimé,  comme  il  arrive 
toujours  après  les  persécutions.  Lorsqu'on 
massacrait  le  cierge  en  France,  et  qu'on  le 
dépouillait  de  ses  biens  et  de  ses  honneurs, 
lesordinations  secrètes  étaient  sans  nombre  ; 
les  évêques  proscrits  furent  souvent  obligés 
de  refuser  la  prêtrise  k  des  jeunes  gens  qui 
voulaient  voler  au  martyre.  Cela  prouve 
pour  la  millième  fuis,  combien  ceux  qui 
ont  cru  anéantir  le  christianisme  en  allu- 
mant les  bûchers,  ont  méconnu  son  esprit. 
Au  contraire  des  choses  humaines,  dont  la 
nature  est  de  périr  dais  les  tourments,  la 
véritable  religion  s'accroît  dans  l'adversité. 

€  Tandis  que  le  christianisme  brillait  au 
milieu  des  adorateurs  de  Fo-hi,  que  d'au» 
très  missionnairf  s  l'annonçaient  aux  nobles 
Japonnais  ,  on  le  portait  à  la  cour  des 
sultanSyOnle  vUseglisser,  pouroinsidire  jusr 


fîS) 


ORD 


DICTIONNAIRE 


ORD 


(|rje  dans  les  nids  des  forôls  du  Paraguay, 
ntln  d'apprivoiser  ces  nations  indiennes  qui 
vivaient,  comme  des  oiseaux,  sur  les  bran- 
ches d'arbres.  C'est  pourtant  un  culte  que 
colui-là  qui  réunit,  quand  il  lui  platt,  les 
forces  politiques  aux  forces  morales,  et  qui 
crée,  par  une  surabondance  de  moyens,  des 
gouvernements  aussi  sages  que  ceux  de  Mi- 
nos  et  de  Lycurgue.  L%urope  ne  possédait 
encore  que  desconstitutions  barbares,  for- 
mées par  le  temps  et  le  hasard,  et  la  religion 
chrétienne  faisait  revivre  au  nouveau-monde 
les  miracles  des  législations  antiques.  Les 
hordes  errantes  des  sauvages  du  Paraguay  se 
fixaient,  et  unerépubliqueevanséliquesortait 
àlaparoledeDieu,desplus  profonds  déserts, 

«  Et  quels  étaient  les  grands  génies  qui 
reproduisaient  ces  merveilles  ?  De  simples 
Jésuites,  souvent  traversés  dans  leurs  des- 
seins par  Tavarice  de  leurs  compatriotes. 

«  C'est  une  coutume  généralement  adop- 
tée dans  l'Amérique  espagnole,  de  réduire 
les  Indiens  en  commande,  et  de  les  sacri- 
fier aux  travaux  des  mines.  En  vain  le  cler- 
gé séculier  et  régulier  avait  récramé  contre 
cet  usage  aussi  politique  que  barbare.  Les 
tribunaux  du  Mexique  et  au  Pérou,  la  cour 
de  Madrid,  retentissaient  des  plaintes  des 
missionnaires.  Nous  ne  prétendons  pas,  di« 
saienl-ils  aux  colons,  nous  opposer  au  pro- 
fit que  vous  pouvez  faire  des  Indiens  par 
des  voies  légitimes;  mais  TOUS  savez  que 
l'intention  du  roi  n'a  jamais  été  que  vous 
les  regardiez  comme  des  esclaves,  et  que  la 
loi  de  Dieu  vous  le  défend...  Nous  ne 
croyons  pas  qu'il  soit  permis  d'attenter  à 
leur  liberté,  à  laquelle  ils  ont  un  droit  na- 
turel, que  rien  n'autorise  à  leur  contester. 

«Il  restait  au  pied  des  Cordillères,  vers 
la  côte  qui  regarde  l'Atlantique,  entre  l'O- 
rénoque  et  le  Rio  de  la  Plata,  un  pavs  rem- 
pli de  sauvages,  où  les  Espagnols  n  avaient 
{>oint  porté  la  dévastation.  Ce  fut  dans  ces 
bréts  qu'ils  entreprirent  de  fbrmer  une 
république  chrétienne,  et  de  donner,  du 
moins  a  un  petit  nombre  dlndiens  ,  le 
bonheur  qu'ils  n'avaient  pu  procurer  à  tous. 

«  Ils  commencèrent  par  obtenir  de  la  cour 
d'Espagne  la  liberté  des  sauvages  qu'ils  par- 
viendraient à  réunir.  A  cettenouvelle,  les  co- 
lons se  soulevèrent,  et  ce  ne  fut  qu*à  force 
d'esprit  et  d'adresse  que  les  Jésuites  surpri- 
rent, pour  ainsi  dire,  la  permission  de  ver- 
ser leur  sang  dans  les  déserts  du  nouveau 
monde.  Enfin,  ayant  triomphé  de  la  cupidité 
et  de  la  malice  humaines,  méditant  un  des 
plus  nobles  desseins  qu*ail  jamais  conçus 
un  cœur  d*homme,  ils  s'embarquèrent  pour 
le  Rio  de  la  Plata.  > 

«  C'est  dans  ce  fleure  que  vient  se  per- 
dre l'autre  fleuve  qui  a  donné  son  nom  au 
pays  et  aux  missions  dont  nous  retraçons 
rbistoire.  Paraguay,  dans  la  langue  des 
sauvages,  signifie  le  fleuve  couronné,  parce 
qu*il  prend  sa  source  dans  le  lac  Xarayès, 
qui  lui  sert  comme  de  couronne .  Avant 
d'aller  grossir  le  Rio  delà  Plata,  il  reçoit 
les  eaux  du  Parana  et  de  l'Draguay.  Des 
forêts  qui  renferment  dans  leur  sein  d'au- 


tres forèls  tombéos  de  vioîlIosse,dcs  marais 
et  des  plaines  entièrement  inondés  dans  la 
saison  des  pluies,  des  montagnes  uni  é!è- 
vent  des  déserts  sur  des  déserts,  formenl 
une  partie  des  régions  que  le  ParaguAv 
hrrosB.  Le  gibier  de  toute  espèce  y  abonde, 
ainsi  que  les  tigres  et  les  ours.  Les  bois 
sont  remplis  d'abeilles^  qui  font  une  cire 
blanche,  et  un  miel  très-parfumé.  On^voit 
des  oiseaux  d^un  plumage  éclatant,  et  qui 
ressemblent  à  de  grandes  fleurs  rouges  et 
bleues,  sur  la  verdure  des  arbres.  Dn  mis- 
sionnaire français,  qui  s'était  égaré  dans  ces 
solitudes,  en  fait  la  peinture  suivanlc: 

«Je  continuai  ma  route,  sans  savoirà 
«r  quel  terme  elle  devait  aboutir,  et  sans 
«  qu'rl  y  eût  personne  qui  pût  me  l'ensei- 
«  gner.  Je  trouvai  quelquefois,  au  milieu 
«  de  ces  bois,  des  endroits  enchantés.  Tout 
«  ce  que  l'industrie  des  hommes  a  pu  ima* 
«  giner  pour  rendre  un  lieu  agréable,  n'ap- 
«  proche  point  de  ce  que  la  simple  nature 
«  y  avait  rassemblé  de  beautés. 

«  Ces  lieux  charmant  réalisant  lesidéesc^ue 
«  j  avais  eues  autrefois  en  lisant  les  vies 
«  des  anciens  solitaires  de  la  Thébaïde,ilmc 
«  vint  en  pensée  de  passer  le  reste  de  mes 
«  jours  dans  ces  forêts  où  la  ProTidence 
«  m'avait  conduit,  pour  y  vaquer  unique- 
c  ment  à  l'affaire  de  mon  salut,  loin  de  tout 
«  commerce  avec  les  hommes  ;  mais,  comme 
«  je  n'étais  pas  le  mattre  de  ma  destinée,  et 
«  que  les  ordres  du  Seigneur  m'étaient  ctr- 
«  lainement  marqués  par  ceux  de  mes  so- 
«  périeurs,  je  rejetai  celle  pensée  comme 
«  uneillu>ion.  » 

«  Les  Indiens  que  Ton  renconlrail  dans 
ces  retraites,  ne  leur  ressemblaieiil  que  par 
h  côté  affreux.  Race  indolente,  stupide  et 
féroce,  elle  montrait  dans  toute  sa  laideur 
rhomme  primitif  dégradé  par  sa  chute.  Rien 
ne  prouve  davantage  la  dégénération  de  la 
nature  humaine,  que  la  petitesse  du  sau- 
vage dans  la  grandeur  du  désert 

«  Arrivés  à  Buenos-Ayres,  les  mission- 
naires remontèrent  le  Rio  de  la  Plata,  et  en- 
trant dans  les  eaux  du  Paraguay,  se  disper- 
sèrent dans  les  bois.  Les  anciennes  rela- 
tions nous  les  représentent  un  bréviaire  au 
bras  gauche,  une  grande  croix  à  la  main 
droite,  et  sans  autre  provision  que  lenrcon- 
fiance  en  Dieu.  Ils  nous  les  peignent  se  fai- 
sant jour  à  travers  les  forêts,  marchant  dans 
les  terres  marécageuses  où  il)s  avaient  de 
l'eau  jusqu*à  la  ceinture,  gravissant  des  ro- 
chers escarpés  et  furetant  dans  les  antres 
et  les  précipices,  au  risque  d'y  trouver  des 
serpents  et  des  bêtes  féroces,  au  lieu  des 
hommes  qu'ils  cherchaient. 

«  Plusieurs  d'entre  eux  y  moururent  de 
faim  et  de  fatigue;  d'autres  furent  massa- 
crés et  dévorés  par  les  sauvages.  Le  P.  U- 
zardi  fut  trouvé  percé  de  flèches  sur  un  ro- 
cher; son  corps  était  à  demi  mangé  par  les 
oiseaux  de  proie,  et  son  bréviaire  étbil  ou- 
vert auprès  dé  lui  àl'oflice  des  morts.  Quand 
un  missionnaire  rencontrait  ainsi  les  restes 
d'un  de  ses  compagnons,  il  s'empressait  de 
lui  rendre  les  honneurs  funèbres;  et  pleio 


liM 


OiD 


D^ASCETISME. 


ORD 


iij8 


d*aiie  grande  ioio*  il  chanlail  un  Te  Beum 
solitaire  sur  lelombeau  du  martyr. 

«  De  pareilles  scènes,  renouvelées  à  cha- 
que instant,  étonnaitfiit  les  hordes  barbares. 
Ouelquefois  eiies  s'arrêtaient  autour  du  prê- 
tre inconnu  qui  leur  parlaildeDieu,  et  elles 
regardaieni  le  ciel,  que  l'apôtre  leur  mon- 
trait; quelquefois  elles  le  fuyaient  comme 
un  eocnanteur,  et  se  sentaient  saisies  d'une 
frayeur  étrangç:  le  religieux  les  suivait  en 
leur  tendant  les  mains  au  nom  de  Jésus- 
Chrisl.  S'il  ne  pouvait  les  arrêter,  il  plantait 
sa  croix  dans  un  lieu  découvert,  et  s'allait 
cacher  dans  les  bois.  Les  sauvages  s'appro- 
chaient  peu  à  peu  pour  examiner  retendant 
de  paix  élevé  dans  la  solitude,  un  aimant 
secret  semblable  les  attirait  à  ce  signe  de 
leur  salut.  Alors  le  missionnaire  sortant 
tout  à  coup  de  son  embuscade,  et  profitant 
de  la  suiprise  des  barbares,  les  invitait  à 
quitter  une  vie  misérable,  pour  jouir  des 
douceurs  de  la  société* 

c  Quand  les  Jésuites  se  furent  attaché 
quelques  Indiens,  ils  eurent  recours  à  un 
autre  moyen  pour  gagner  des  Ames.  Ils 
avaient  remarqué  que  les  sauvages  de  ces 
bords  étaient  fort  sensibles  à  la  musique; 
on  dit  que  les  eaux  du  Paraguay  rendent  la 
voix  plus  belle.  Les  missionnaires  y'embar- 
quèrrâl  donc  sur  des  pirogues  avec  les  non- 
veaux  catéchumènes,  ils  remontèrent  les 
Oeuves  en  chantant  des  cantiques.  Les  néo* 
phytes  répétaient  Tair,  comme  des  oiseaux 
privés  chantant  pour  attirer  dans  les  rets 
de  roiselcor  les  oiseaux  sauvages.  Les  In- 
diens ne  manquèrent  point  de  se  venir 
K rendre  au  doux  pi^.  Ils  descendaient  de 
^urs  montagnes»  et  accouraient  au  bord  des 
fleuves  pour  mieux  entendre  les  accents: 
plusieurs  d'entre  eux  se  jetaient  dans  les 
ondes,  et  suivaient  à  la  nage  la  nacelle  en* 
chantée.  L'arc  et  la  flèche  échappaient  à  la 
main  du  sauvage  :  Tavant-goùt  des  vertus 
sociales  et  les  premières  douceurs  de  Thu- 
manîté  entraient  dans  son  Ame  confuse;  il 
vo/ait  sa  femme  et  son  enfant  pleurer  d'une 
joie  inconnue;  bienlêt,  subjugué  par  un 
attrait  irrésistible,  il  lomtMit  au  pied  de  la 
croix,  et  mêlait  des  torrents  de  larmes  aux 
eaux  régénératrices  qui  coulaient  sur  sa 
tête. 

«  Ainsi  la  religion  chrétienne  réalisait, 
dans  les  forêts  de  l'Amérique,  ce  que  la 
lable  raoonte  des  Amphion  et  des  Orphée  : 
réflexion  si  naturelle,  qu'elle  s'est  présentée 
même  aux  missionnaires,  tant  il  est  certain 
qu'on  ne  dit  ici  que  la  vérité,  ayant  l'air  do 
raconter  une  fiction. 

«  Si  ces  missions  étonnent  par  leurs 
grandeurs,  il  en  est  d'autres  qui,  pour  être 
plus  ignorées,  n*en  sont  pas  moins  touchan- 
tes. C  est  souvent  dans  la  cabane  obscure 
el  sur  la  tombe  du  pauvre  que  le  Roi  des 
rois  aime  à  déployer  les  nchesses  de  sa 
srâee  par  ses  miraâes.  Bn  remontant  vers 
m  Nord,  depuis  le  Paraguay  jusqu'au  fond 
du  Canada ,  on  rencontrait  une  foule  de  pe- 
tites niissioas,  où  le  nêophvte  ne  s'était  pas 
civilisé  pour  s'attacher  a  1  apêtre,  mais  où 

DicnoxH.  d'Asgétismb.  L 


l'apôtre  s'était  fait  sauvage  pour  suivre  le 
néophyte.  Les  religieux  français  étaient  à 
la  tête  de  ces  églises  errantes»  dont  les  pé- 
rils et  la  mobilité  semblaient  être  ù'its  pour 
notre  courage  et  notre  génie. 

c  Le  P.Creuilli,  Jésuite,  fonda  les  missions 
pour  Cayenne.  Ce  qu'il  fit 'pour  le  soulage- 
ment des  nègres  et  des  sauvages  paraît  au- 
dessus  de  rhumanité.  Les  Pères  Lombard 
et  Remette,  marchant  sur  les  traces  de  ce 
saint  homme ,  s'enfoncèrent  dans  les  ma- 
rais de  la  Guyane.  Us  se  rendirent  aimables 
aux  Indiens  Galibis ,  k  force  de  se  dévouer 
à  leurs  douleurs,  et  parvinrent  à  obtenir 
d^eux  quelques  enfants  qulls  élevèrent  dans 
la  religion  chrétienne.  De  retour  dans  leurs 
forêts,  ces  jeunes  enfants  civilisés  prêchè- 
rent l'Evangile  k  leurs  vieux  parents  sau- 
vages, qui  se  laissèrent  aisément  toucher 
par  l'éloquence  de  ces  nouveaux  mission- 
uaires.  Les  catéchumènes  se  rassemUèreut 
dans  un  lieu  an|ielé  Hourou,  où  le  Père 
Lombard  avait  bâti  une  case  avec  deux  nè- 
gres. La  bourgade  augmentant  tous  les  jours, 
on  résolut  d  avoir  une  ^iise.  Hais  com- 
ment payer  l'architecte  -  charpentier  de 
Cayenne,  qui  demandait  quinze  cents  francs 
pour  les  frais  de  Tentreprise  7  Le  mission- 
naire 'A  ses  néophytes,  riches  en  vertus, 
étaient,  d'ailleurs,  les  plus  pauvres  des 
hommes.  La  foi  et  la  charité  sont  ingénieu- 
ses. Les  Galibis  s'engagèrent  à  creuser  sept 
pirogues  aue  le  charpentier  accepta  sur  le 
pied  de  deux  cents  livres  chacune.  Pour 
compléter  le  reste  de  la  somme,  les  femmps 
filèrent  autant  de  coton  qu*îl  en  fallait  pour 
faire  huit  hamacs.  Vingt  autres  sauvages  se 
firent  esclaves  volontaires  d'un  colon ,  pen- 
dant que  ses  deux  nteres,  qu'il  consentit  à 
prêter,  furent  occuper  à  scier  les  planches 
du  toit  de  l'édifice.  Ainsi  tout  fut  arrange,  et 
Dieu  eut  un  temple  au  désert. 

c  Celui  qui,  de  toute  éternité,  a  préparé 
les  voies  des  choses,  vient  de  découvrir  sur 
ces  bords  un  de  ces  desseins  qui  échappent, 
dans  leur  principe,  à  la  sagacité  des  nom- 
mes, et  dont  on  ne  pénètre  la  profondeur 
În*à  l'instant  même  où  ils  s'accomplissent, 
fuand  le  Père  Lombard  jetait,  il  y  a  plus 
d'un  siècle,  les  fondements  de  sa  mission 
chez  les  Galibis,  il  ne  savait  pas  qu'il  ne 
faisait  que  disposer  des  sauvages  à  recevoir 
un  jour  des  martyrs  de  la  foi,  et  qu'il  pré- 
parait les  déserts  d'une  nouvelle  Thétiude 
à  la  religion  persécutée.  Quel  sujet  de  ré- 
flexion! Rillaud  de  Varenne  et  Pichegru»  lu 
tvran  et  la  victime,  dans  la  même  case  à 
Sy nnamary  ;  l'extrémité  de  la  misère  n'ayant 
pas  même  uni  les  cœurs;  des  bain*»  im* 
mortelles  vivant  parmi  les  compagnons  des 
mêmes  fers,  et  les  cris  de  quelques  infor- 
tunés prêts  à  se  déchirer  se  mêlant  aux  ru- 
gissements des  tigres  dans  les  forêts  du 
nouveau  monde  1 

«  Voyez,  au  milieu  de  ce  trouble  des  pas- 
sionsi  le  calme  et  la  sérénité  évangéliquea 
des  confesseurs  de  Jésus-Christ  jetés  chez 
lesnéophytesde  la  Guyane,  et  trouvant  parmi 
des  barbares  chrétiens  la  pitié  que  leur  re* 

41 


If9l 


OR0 


DldtlONNÂlRE 


mo 


tm 


fusaient  des  Français;  de  pauvres  religieuses 
liospilalièros,  qui  semblent  ne  s*ëtre  exilées 
(tans  un  climat  destructeur  que  pour  attendre 
un  Collot-d'Herbois  sur  son  ht  de  mort,  et 
lui  prodiguer  les  soins  de  la  charité  chré- 
tienne. Ces  saintes  femmes,  confondant 
l'innocent  et  le  coupable  dans  leur  amou^ 
de  Thumanité,  versant  des  pleurs  sur  tous» 
priant  Dieu  de  secourir  el  les  persécuteurs 
de  son  nom  et  les  martyrs  de  son  culte  : 
quelle  leçon  I  quel  tableau!  que  les  hommes 
sont  malheureux,  et  que  la  religion  est 
bellel 

c  L'établissement  de  nos  colonies  aux 
Antilles  ou  Ant-Iles,  ainsi  nommées,  parce 
qu'on  les  rencontre  les  premières  è  l'entrée 
du  golfe  Mexicain,  ne  remonte  qu'à  l'an  1627, 
époque  à  laquelle  M.  d^Enamouc  bâtiti  un 
fort,  el  laissa  quelques  familles  srur  rlle 
Saint-Christophe. 

a  C'était  alors  Tusage  de  donner  des  mis- 
sionnaires pour  curés  aux  établissements 
lointains,  mn  que  la  religion  f)mtégeàt  en 
quelque  sorte  cet  esprit  d'intrépidité  et  d'à- 
verntt^re  qui  distinguait  les  premiers  cher- 
cheurs de  fortune  au  Nouveau-Monde.  Les 
Frèrex  Prêcheurs  9  de  la  congrégation  de 
Saint-Louis ,  les  Pires  Carmes^  les  Capucins 
et  les  féêuiteSf  se  consacrèrent  à  Tinstmc- 
iion  des  Caraïbes  et  des  nègres,  cl  h  tous 
les  travaux  gu'exigeaienl  nos  colonies  nais- 
santes de  Sainl-CHristopho  et  de  la  Guade- 
loupe, de  la  Marlàiiquo  et  de  sainl-Dc- 
idinguo. 

«  Nous  no  nous  arrêtons  point  aux  mis- 
sions de  la  CGiifornie,  parce  qu'elles  n'of- 
frent aucun  caractère  particulier;  ni  à  celles 
de  la  Louisiaiic,  qui  se  confondent  avec  ces 
terribles  missions  du  Canada,  où  l'intrépi-^ 
dite  des  apôtres  de  Jésus-Christ  a  paru  dans 
toute  sa  glo;re. 

.  c  Lorsque  les  Frangais,  sou^  la  conduite 
do  Cliamplain,  remohtèrcnl  le  flnjvo  Saint- 
Laurent,  ils  trouvèrent  des  sauvages  bien 
dilTérents  de  ceux  qu'on  avait  découvert* 
jusqu'alors  au  nouveau  monde.  C'étaient 
dus  hommes  robustes,  fiers  d^  leur  indé- 
pendance, capables  de  raisonnemont  et  de 
calcul,  n*él)Biut  «étonnés  ni  dos  mœurs  des 
Européens,  ni  de  leurs  armtss  (337},  et  qui , 
loin  de  nous  admirer,  comme  les  innocents 
Caraïbes,  n'avaient  pour  nos  usages  que  du 
dégoût  et  du  mépris. 

«  Trois  nations  se  partagèrent  l'empire 
du  désert  :  l'Algonquine,  la  plus  ancienne 
et  la  première  de  toutes,  mais  qui  s'étant 
attiré  la  haine  par  sa  puissance,  était  prête 
à  succomber  sous  les  armes  des  deux  au- 
tres ;  la  Huronne,  qui  fut  notre  alliée,  et 
riroauoise,  notre  ennemie. 

«  Ces  peuples  n'étaient  point  vagabonds  ; 
ils  avaient  des  établissements  fixes,  des  gou- 
vernements réguliers.  Nous  avons  eu  nous- 
mêmes  occasion  d'observer  chez  les  In- 
diens du  nouveau  monde  toutes  les  formes 
de  constitutions  des  peuples  civilisés.  Ainsi, 


les  Natchez,  à  la  Louisiane,  offraient  le  des- 
potisme dans  l'état  de  nature  ;  les  Creecks 
de  la  Floride,  la  monarchie  ;  et  les  Iroquois 
du  Canada,  le  gouvernement  républicain 
Ces  derniers  et  les  Hurons  représentaienl 
encore  les  Spartiates  et  les  Athéniens  dan) 
la  condition  sauvagiô;  tes  Hurons,  spiritoels, 
gais,  légers,  dissimulés,  toutefois  braves, 
éloquents,  gouvernés  par  des  femmes,  abu- 
sant de  la  fortune  et  soutenant  mal  les  re- 
vers, a^ant  plus  d'honneur  que  d'amour  do 
la  patnè.  Les  Iroquois,  séparés  en  cantons, 
que  dirigeaient  des  vieillards  ambitieux» 
politiques,  taciturnes,  sévères,  dévorés  du 
désir  de  dominer,  capables  des  plus  grands 
vices  et  des  plus  grandes  vertus,  sacrifiant 
tout  à  la  patrie,  les  plus  féfoees  et  ies  plus 
intrépides  des  hommes. 

«(  Aussitôt  que  les -Français  et  les  Anglais 
parurent  sur  ces  rivages,  par  un  instinct  na- 
turel, les  Hui'ons  s'attachèrent aox  premiers  ; 
les  Iroquois  se  dévouèrent  aux  seconds,  mais 
sans  les  aimer  ;  il5  ne  s'en  servaient  que 
pour  se  procurer  des  armes.  Quand  leurs 
nouveaux  alliés  devenaient  trop  puissants, 
ils  les  abandonnaient,  et  se  donnaient  à  eux 
de  nouveau,  quand  les  Français  obtenaient 
la  viôtoire.  On  vit  ainsi  un  petit  troupeau 
de  sauvages  se  ménager  entre  deux  nations 
civilisées)  chercher  &  détraire  l'une  par 
Tautre,  toucher  souvent  au  moment  d'ac- 
complir ce  dessein,  et  d'être  à  la  fois  û 
mattre  et  le  libérateur  de  cotte  partie  du 
nouveau  monde. 

«  Tels  furent  les  peuples  que  nos  mis- 
sioanaires  entreprirent  de  nous  concilier  par 
la  religion.  Si  la  France  vit  son  empire  s'é- 
tendre, en  Amérique,  par  delà  les  cives  du 
Meschascébé  ;  si  elle  conserva  si  lonRtemps 
le  Canada  contre  les  Iroquois  et  les  Anglais 
uniS;  elle  dut  presque  tous  ses  succès  aux 
Jésuites.  Ce  furent  eux  qui  sauvèrent  la  cch 
lonie  au  berceau,  en  plaçant  pour  boulevart 
devant  elle  un  village  de  Hurons  et  dlro- 
quois  chrétiens;  en  prévenant  des  coalitions 
générales  dlndiens  ;  en  négociant  des  trai- 
tés de  paix;  en  allant  seuls  s'exposera  is 
fureur  des  Iroquois  pour  traverser  les  des* 
seins  des  Anglais.  Les  gouverneurs  de  la 
Nouvelle-Angleterre  ne  cessent,  dans  leurs 
dépêches,  de  peindre  nos  missionnaires 
comme  les  plus  dangereux  ennemis.  «  ils 
déconcertent,  disent-ils,  les  projets  delà 
puissance  britannique;  iis  décoavrent  ses 
secrets,  et  lui  enlèvent  le  cœur  et  les  armes 
des  sauvages.' 

«Ainsi,   nous  avons  indiqué    les  voies 

3ue  suivaient  les  différentes  missions  :  voies 
e  simplicité,  voies  de  science»  voies  de 
législation,  voies  d'héroïsme.  Il  nous  sem^ 
ble  que  c'était  un  juste  sujet  d'orgueil 
pour  l'Europe,  et  surtout  pour  la  France, 
qui  fournissait  le  plus  grand  nombre  do 
missionnaires,  de  voir  tous  les  ans  sortir 
de  son  sein  les  hommes  qui  allaient  faire 
éclater  les  miracles  des  arts»  des  lois»  de 


(557)  dans  le  premier  coipbat  de  Champlaio  cou-     çais  sans  donner  d'abord  le  bokidre   ^iis  de 
ire  les  Iroquois,  ceux-ci  soutinrent  le  feu  des  Fran-     frayeur  ou  d'élonnement. 


ORD 


D^âSCETISME. 


ORD 


l»l 


riMHMnm  el  du  eoarage,  dans  les  quatre 
parties  de  h  ierre.  De  là  proTeoail  la  haute 
idée  que  les  étrangers  se  formaienl  de  notre 
uatioâ  et  du  Dieu  qu*on  y  adorait.  Les 
peuples  les  plus  éloignés  Toulaienl  entrer 
en  liaison  arec  nous;  TaraLfassadenr  du 
sauvage  de  l'Occident  rencontrait  à  notre 
cour  l^mbassadeur  des  nations  de  l*aarore. 
Nous  ne  nous  piquons  pas  du  don  de  pro- 
phétie ;  mais  on  se  peut  tenir  assuré,  el 
l'expérience  le  prourera,  que  jamais  des 
sarants,  dépéchés  aux  pays  lointains,  avec 
les  instruments  et  tes  plans  d'une  académie, 
ne  feront  ce  qu'un  pauvre  moine,  parti  à 
pied  de  son  couvent,  exécutait  seul  avec  son 
chapelet  et  son  bréviaire. 

<  C'est  encore  en  grande  partie  aux  ordres 
religieux  que  Ton  doit  l'ongine  de  presque 
toutes  les  grandes  institutions  de  charité. 

«  La  charité,  vertu  absolument  chrétienne 
et  inconnue  des  anciens,  a  pris  naissance 
dans  Jésus4!hrist  ;  c'est  la  vertu  qui  le  dis- 
tingua principalement  du  reste  des  mortels, 
et  qui  fut  en  lui  le  sceau  de  la  rénovation 
de  h  nature  humaine.  Ce  fut  par  la  charité, 
à  l'exemple  de  leur  divin  matire,  que  les 
apôtres  {^g^rent  si  rapidement  les  cœurs 
tH  séduisirent  saintement  les  hommes. 

«  Les  premiers  fidèles,  instruits  dans  cette 
grande  vertu,  mettaient  en  commun  quel- 
ques deniers  pour  secourir  les  nécessiteux, 
les  malades  et  les  voyageurs  :  ainsi  com- 
mencèrent les  hôpitaux.  Devenue  plus  opu- 
lente, l'Eglise  fonda  pour  nos  maux  des 
établissements  dignes  a'elle.  Dès  ce  moment 
les  œuvres  de  miséricorde  n'eurent  plus  de 
retenue  :  il  y  eut  un  débordement  de  la  cha- 
rité sur  les  misérables,  jusqu'alors  aban- 
donnés par  les  heureux  du  monde.  On  de- 
mandera peut-être  comment  faisaient  les 
anciens,  qui  n'avaient  point  d'hôpitaux.  Ils 
STaient,  nour  se  défaire  des  pauvres  et  des 
infortunés,  deux  moyens  que  les  chrétiens 
n'ont  pas  :  rinfanUciéa  et  l'esclavage. 

c  Les  molodnef  ou  léproieries  de  Saint- 
Lazare,  semblent  avoir  été  en  Orient  les 
premières  maisons  de  refuge.  On  y  recevait 
ces  lépreux  qui,  renonces  parleurs  proches, 
languissaient  aux  carrefours  des  cités,  en 
horreur  à  tous  les  hommes.  Ces  hôpitaux 
étaient  desservis  par  des  religieux  de  1  ordre 
de  Saint-Bazile. 

«  Nous  avons  dit  un  mot  des  rriuilutref , 
ou  des  Pères  de  la  Rédemption  des  capiift. 
Saint  Pierre  de  Noiasque  en  Espagne  imita 
saint  Jean  de  Hatha  en  France.  On  ne  peut 
lire  sans  attendrissement  les  règles  austères 
de  ces  ordres.  Par  leur  première  constitu- 
tion, les  Trinitaîres  ne  pouvaient  manger 
que  des  lé^mcs  et  du  laitage.  Et  pourquoi 
cette  vie  rigoureuse?  Parce  que  plus  ces 
Pères  se  privaient  des  nécessites  de  la  vie. 

Elus  il  restait  de  trésors  à  prodiguer  aux 
arbares  ;  parce  que,  s'il  fallait,  des  victimes 
à  la  colère  céleste,  on  espérait  que  le  Tout- 
Puissant  recevrait  les  expiations  de  ces  re- 
ligieux, en  échange  des  maux  dont  ils  déli- 
vraient les  prisonniers. 
«•L*ordre  de  la  Merci  donna  plusieurs 


saints  au  monde.  Saint  Pierre  Pascal,  évoque 
de  Jaën,  après  avoir  employé  ses  revenus 
au  rachat  des  captifs  et  au  soulagement  des 
pauvres,  passa  chez  les  Turcs,  où  il  fut 
chargé  de  fers.  Le  clergé  et  le  peuple  de  son 
Eglise  lui  envoyèrent  une  somme  d'argent 
pour  sa  rançon.  «  Le  saint,  »  dit  Hélyot,  <  la 
c  reçut  avec  beaucoup  de  reconnaissance  ; 
«  mais,  au  lieu  de  l'employer  k  se  procurer 
«  la  liberté,  il  en  racheta  quantité  de  femmes 
ir  et'd'cnfaiits,  dont  la  faiblesse  lui  faisait 
«  craindre  qu'il  s  n'abandonnassent  la  religion 
c  chrétienne,  et  il  demeura  toujours  entre  les 
<  makis  de  ces  barbares,  qui  lui*procurèrent 
«  la  couronne  du  martyre  en  1900.  » 

«  H  se  forma  aussi  dans  cet  onire  une 
congréeation  de  femmes,  qui  se  dévouaient 
au  soulagement  des  pauvres  étrangères.  Une 
des  fondatrices  de  ce  tiers-ordre  était  une 
grande  dame  de  Barcelone,  qui  distribua 
son  bien  aux  malheureux  :  son  nom  de  fa- 
mifle  s'est  perdu  ;  elle  n'est  plus  connue 
aujourd'hui  que  par  le  nom  de  Marie  du 
Sc^urs,  que  les  pauvres  lui  avaient  donné. 
«L'ordre  des  Religieuies  péniietUeif  en 
Allemagne  et  en  France,  retirait  du  vice 
de  malheureuses  filles  exposées  k  périr  dans 
la  misère,  après  avoir  vécu  dans  le  désor- 
dre. C'était  une  chose  tout  à  fait  divine  do 
voir  la  religion,  surmontant  ses  dégoûts  par 
un  excès  de  charité,  exiger  jusqu'aux  preu- 
ves du  vice,  de  peur  qu^n  ne  tromp.1t  ses 
institutions  et  que  l'innocence  sous  la  forme 
du  repentir  n'usurpât  une  retraite  qui  n'était 
pas  établie  pour  elle. 
<  Vous  savez,  dit  Jehan  Simon,  évoque  do 
Paris,  dans  les  constitutions  de  cet  ordre, 
qu'aucunes  sont  venues  à  nous  qui  étaient 
vierges...,  h  la  suggestion  de  leurs  mères 
et  parents,  qui  ne  demandaient  qu'à  s'en 
défaire  ;  ordonnons  que  si  aucune  voulait 
entrer  en  votre  congrégation,  elle  soit  in- 
terrogée, etc.  Les  noms  les  plus  doux  et 
les  plus  miséricordieux  servaient  à  cou- 
vrir les  erreurs  passées  de  ces  pécheresses. 
On  les  appelait  les  filles  du  Bon-Pasteur, 
ou  les  filles  de  la  Madeleine,  pour  désigner 
leur  retour  au  bercail  et  le  parJon  qui 
les  attendait.  Elles  ne  prononçaient  que 
des  vœux  simples  ;  on  Iflchait  mime  de  les 
marier  quand  elles  le  désiraient,  et  on 
leur  assurait  une  petite  dot.  Afin  qu'elles 
n'eussent  que  des  idées  de  pureté,  autour 
d'elles,  elles  étaient  vêtues  de  blanc,  d'où 
on  les  nommait  aussi  Filles  blanches. 
Dans  quelques  villes,  on  leur  mettait  une 
couronne  sur  la  tète,  et  l'on  chantait  :  Ffnt, 
spansa  Chrieti;  Venez  ,épouse  du  Christ.  » 
I  Ces  contrastes  étaient  touchants,  et  cette 
délicatesse  bien  digne  d'une  religion  qui 
sait  secourir  sans  offenser,  et  ménager  tes 
faiblesses  du  cœur  humain,  tout  enT-arra- 
chant  à  ses  vices.  A  riïôpital  du  Saint-Es- 
prit, à  Rome,  il  est  défeudu  de  suivre  les 
personnes  qui  déposent  les  orphelins  à  la 
porte  du  Père-Universel. 
«  Il  y  a  dans  la  société  des  malhenreux 

3 u'on, n'aperçoit  pas,  parce  que,  descendus 
e  parents  honnêtes  mais  indigents,  ils  sont 


12»5 


OUD 


BlCTlONNAmE 


ORD 


im 


obligés   de  gardor  les  dehors  de  Taisanoe 
dans  les  privations  de  la  pauvreté  ;  il  n'y  a 

Suère  de  situation  plus  cruelle  ;  le  cœur  est 
lessé  de  toutes  parts,  et  pour  peu  qu'on 
ait  l'Ame  élevée,  la  vie  n'est  qu'une  longue 
souffrance.  Que  deviendront  les  malheureu- 
ses demoiselles  nées  dans  de  telles  familles? 
Iront-elles  cliez  des  parents  riches  et  hau- 
tains se  soumettre  è  toutes  sortes  de  mépris» 
ou  embrasseront-elles  des  métiers  que  les 
préjugés  sociaux  et  leur  délicatesse  natu- 
relle leur  défendent  ?  La  religion  a  trouvé  le 
remède  ?  Notre-Dame  de  Miséricorde  ouvre 
à  ces  femmes  sensibles  s^a  pieuses  et  res- 
pectables solitudes.  11  y  a  quelques  années 
que  nous  n'aurions  osé  parler  de  Saint-Cyr, 
car  il  était  alors  convenu  que  de  pauvres 
filles  nobles  ne  méritaient  ni  asile  m  pitié, 
a  Dieu  a  différentes  voies  pour  appeler  à 
lui  ses  serviteurs.  Le  capitaine  Caraffa  sol- 
licitait, àNapleSyla  récompense  des  services 
militaires  qu'il  avait  rendus  à  la  couronne 
d*Espa^ne.  Un  jour,  comme  il  se  rendait  au 
palais,  il  entre  par  hasard  dans  l'église  d'un 
monastère.  Une  jeune  religieuse  chantait; 
il  fut  touché  jusqu'aux  larmes  de  la  douceur 
de  sa  Toix  :  il  jugea  que  le  service  de  Dieu 
doit  être  plein  de  délices,  puisqu'il  donne 
de  tels  accents  à  ceux  qui  lui  ont  consacré 
leurs  jours.  11  retourne  à  l'instant  chez  lui, 
jette  au  feu  ses  certificats  de  service,  se 
coupe  les  cheveux,  embrasse  la  vie  monas- 
tique, et  fonde  Tordre  des  Ouvriers  pieux, 
qui  s'occune  en  général  du  soulagement  des 
infirmités  numaines.  Cet  ordre  fit  d'abord 
peu  de  i^rogrès,  parce  que,  dans  une  peste 
qui  survint  à  Naples,  les  relif^ieux  mouru- 
rent tous  en  assistant  les  pestiférés,  à  l'ex- 
ception de  deux  prêtres  et  de  trois  clercs. 

«  Pierre  de  Bétancourt,  Frère  de  l'ordre 
de  Saint-François,  étant  à  Guatimala,  ville 
et  province  de  l'Amérique  espagnole,  fui 
louché  du  sort  des  esclaves  qui  n'avaient 
aucun  lieu  de  refuge  pendant  leurs  mala- 
dies. Ayant  obtenu  par  aumône  le  don  d'une 
chétive  maison  où  il  tenait  auparavant  une 
école  pour  les  nauvres,  il  bAtit  lui-môme 
une  espèce  d'inurmcrie,  qu'il  recouvrit  de 
paille»  dans  le  dessein  d'y  retirer  les  escla- 
ves qui  manquaient  d'abri.  11  ne  tarda  pas  à 
rencontrer  une  femme  nègre,  estropiée» 
abandonnée  par  son  maître.  Aussitôt  le  saint 
religieux  cnarge  l'esclave  sur  ses  épaules, 
ot,  tout  glorieux  de  son  fardeau,  il  le  porte 
h  cette  méchante  cabane  qu'il  appelait  son 
hôpital.  11  allait  courant  toute  la  ville,  afin 
d'obtenir  quelques  secours  pour  sa  négresse. 
Elle  ne  survécut  pas  longtemps  à  tant  de 
charité  ;  mais,  en  répandant  ses  dernières 
larmes,  elle  promit  à  son  gardien  des  ré- 
compenses célestes  qu'il  a  sans  doute  ob- 
tenues. 

«  Plusieurs  riches,  attendris  par  ses  ver- 
tus, donnèrent  des  fonds  à  Bétancourt,  qui 
vit  la  chaumière  de  la  femme  nègre  se 
changer  eu  un  hôpital  magnifique.  Ce  reli- 
gieux mourut  jeune  ;  Famour  de  l'humanité 
avait  consumé  «son  cœur.  Aussitôt  que  le 
bruit  de  son  trépas  fut  répandu,  les  pauvres 


et  les  esclaves  se  précipitèri^nt  à  Thôpiui, 

r^our  voir  encore  une  fois  leur  bienfaiteur. 
Is  baisaient  ses  pieds,  ils  coupaient  des 
morceaux  de  ses  habits,  ils  l'eussent  déchiré 
)>our  en  emporter  quelques  reliques,  si  Ton 
n'eût  mis  des  gardes  à  son  cercueil  :  on  eût 
cru  que  c'était  le  corps  d'un  tyran  qu'on  dé- 
fendait contre  la  haine  des  peuples,  et  c'é- 
tait un  pauvre  moine  qu'on  dérobait  ï  leur 
amour. 

9  L*ordre  du  Frère  Bétancourt  se  répandit 
après  lui  ;  l'Amérique  entière  se  couvrit  de 
ses  hôpitaux,  desservis  par  des  religieux  qui 

Iirirent  le  nom  de  Beinliémiles.  Telle  était 
a  formule  de  leurs  vœux  :  c  Moi,  frère 

ff  je  fais  vœu  de  pauvreté,  do  chasteté  et 
«  d'hospitalité ,  et  m'oblige  de  seriir  les 
«  pauvres  convalescents,  encore  bienju^iU 
«  soieni  infidèles  ei  aiiaqués  de  maladiei  e<m- 
«  tagieuses.  » 

«  Si  la  religion  nous  a  attendus  sur  le 
sommet  des  montagnes,  elle  est  aussi  des- 
cendue dans  les  entrailles  de  la  terre,  loin 
de  la  lumière  du  jour,  afin  d'y  chercher  des 
infortunés.  Les  frères  Bethléémites  ont  des 
es[  èces  d'hôpitaux  jusqu'au  fond  des  mines 
du  Pérou  et  du  Mexique.  Le  christianisme 
s'est  efforcé  de  réparer  au  Nouveau-Monde 
les  maux  que  les  hommes  y  ont  faits,  et 
dont  on  l'a  si  iiyustement  accusé  d'être  Tau- 
teur.  Le  docteur  Robertson,  Anglais,  pro- 
testant et  même  ministre  presuytérieu,  a 
pleinement  justifié  sur  ce  poml  TËglise  ro- 
maine :  «  C  est  avec  plus  d  injustice  encore, 
«  dit-il,  que  beaucoup  d'écrivains  oot  attri- 
«  bué  à  resprit  d*intolérance  de  la  religion 
«c  romaine  la  destruction  des  Américains, 
«  et  ont  accusé  les  ecclésiastiques  espagnols 

<  d'avoir  excité  leurs  compatriotes  à  massa* 
^  crer  ces  peuples  innocents,  comme  des 
«  idolâtres  et  des  ennemis  de  Dieu.  L^  pre- 
«  miers  missionnaires,  quoique  simples  et 
c  sans  lettres,  étaient  des  hommes  pieoi  ; 

<  ils  épousèrent  de  bonne  heure  la  cause 
«  des  Indiens,  et  défendirent  ce  peuple  con* 
«  tre  les  calomnies  dont  s'efforcèreot  de  le 
«  noircir  les  conquérants,  qui  le  représeo- 
«  talent  comme  incapable  de  se  former  ia- 
«  mais  à  la  vie  sociale  el  de  comprendre  m 

<  principes  de  la  religion,  et  comme  une 
«  espèce  imparfaite  d'nommes  que  la  natore 

<  avait  marquée  du  sceau  de  la  servitude. 

<  Ce  que  j'ai  dit  du  zèle  constant  des  mis- 
«  sionnaires  espagnols  pour  la  défense  el 
«  la  protection  du  troupeau  commis  à  leurs 
«  soins,  les  montre  sous  un  point  de  îoc 

<  di^ne  de  leurs  fonctions  ;  ils  forent  des 
«  ministres  de  paix  pour  les  Indiens,  et 
«  s'efforcèrent  toujours  d'arracher  la  verge 
«  de  fer  des  mains  de  leurs  oppresseurs, 
c  C*esl  à  leur  puissante  médiatioD  que  les 
«  Américains  durent  tous  les  règlements  qui 
«  tendaientà  adoucir  la  rigueur  de  leur  sorl 
«  Les  Indiens  regardent  enr.ore  les  eccié- 
c  siastiques,  tant  séculiers  que  réguliers, 
c  dans  les  établissements  espagnols,  comme 
a  leurs  défenseurs  naturels,  et  c'est  à  eui 
«  qu'ils    ont  «recours   pour   repousser  les 


ÎVI 


ORD 


0*ASCETIbllE. 


ORD 


I2M 


m  eucUODs  et  les  yioleiices  auxquelles  ils 
«  sont  encoee  exposés,  m 

•  Ce  passage  esl  formel,  et  d'autant  plus 
décisif,  qu*aTaBt  d*eD  Tenir  ï  cette  eonclu- 
sioB,  le  ministre  protestaat  fournit  les  preu- 
ves qfoi  ont  déterminé  son  opinion.  Il  cite 
les  plaidoyers  des  Dominicains  pour  les 
Caraïbes,  car  ce  n'était  pas  Las-Casas  seul 
qui  prenait  leur  défense  ;  c'était  son  ordre 
entier  et  le  reste  des  ecclésiastiques  espa- 
gnols. Le  docteur  anglais  joint  à  cela  les 
bulles  des  papes,  les  ordonnances  des  rois 
accordées,  à  la  sollicitation  du  dergé,  pour 
adoucir  le  sort  des  Américains  et  mettre  un 
lirein  à  la  cruauté  des  colons. 

«  Au  reste,  le  silence  que  la  philosophie  a 
gardé  sur  ce  passage  de  Robertson  es't  bien 
remarquable.  On  cite  tout  de  cet  auteur, 
hors  le  fait  qui  présente  sous  on  nouveau 
jour  la  conquête  de  l'Amérique,  et  que  dé- 
truit une  des  plus  atroces  calomnies  dont 
rhistoire  se  soit  rendue  coupable.  Les  so- 
phistes ont  voulu  rejeter  sur  la  religion 
un  crime  que  non-seulement  la  religion  n*a 
P^  commis,  mais  dont  elle  a  eu  liorreur  ; 
c'est  ainsi  que  les  tjrrans  ont  souvent  ac- 
cusé leur  victime. 

c  Nous  venons  k  ce  monument  où  la  reli- 
gion a  Toulu,  comme  d'un  seul  coup,  et 
sous  un  seul  point*  de  vue,  montrer  qu'il 
n*j  a  point  de  souffrances  humaines  qu  elle 
n'ose  envisager,  ni  de  misère  au-dessus  de 
son  amour. 

«  La  fondation  de  THAtel-Dieu  remonte  à 
saint  Landry,  huitikne  évéque  de  Paris.  Les 
bâtiments  en  furent  snocessiTement  aug- 
mentes  par  le  chapitre  de  Notre-Dame,  pro* 

|>riétaire  de  ThApital ,  par  saint  Louis,  par 
e  chancelier  Duprat  et  par  Henri  IV  ;  en 
sorte  qu*on  peut  dise  que  cette  retraite  de 
tous  les  maux  s'élargissait  à  mesure  que 
les  maux  se  multipliaient  et  que  là  charité 
eroissait  à  l'égal  des  douleurs. 

«  L'hApital  était  desservi  dan^  le  principe 
par  desrelîgieux  et  des  religieuses,  sous  la 
règle  de  saint  Augpislin  ;  mais  depuis  long- 
temps les  reliçieuses  seules  y  sont  restées. 
m  Le cardinalde  Vitry,  »ditUélyot, «avoulu 
sans  doute  parler  des  religieuses  de  l'HÔ- 
tel-Dieu,  lorsqu'il  dit  qu'ilj  en  avait  gui, 
se  faisant  violence,  souffraient  avec  joie  et 
sans  répugnance  l'asp^  hideux  de  toutes 
les  misères  humaines^  et  qu'il  lui  semblait 
qu'aucun  genre  de  pénitence  ne  pouvait 
être  comparé  à  celle  espèce  de  martyre. 
<  11  n'y  a  personne,  vconiinne  l'auteur  «  que 
nous  citons,  qui,  en  voyant  les  religieuses 
de  l'HAtel-Dieu  non-seulement  panser, 
nettoyer  les  malades,  faire  leur  ht,  mais 
encore  au  plus  fort  de  l'hiver  casser  la 
glace  de  la  rivière  qui  passe  au  milieu  de 
cet  hôpital,  et  y  entrer  jusqu'à  la  moitié 
du  corps,  pour  laver  leurs  linges  pleins 
d'ordures  et  de  vilenies ,  ne  les  regarde 
comme  autant  de  saintes  victimes  qui,  par 
un  excès  d'amour  et  de  chaiité  pour  se- 
oonrir  leur  prodiain,  courent  volontiers 
€  à  la  mort  qu'elles  affrontent,  pour  ainsi 
•  dire,  au  milieu  de  tant  de  puanteur  et 


c  d'infection  causées  par  le  grand  nombre 
«  des  malades.  » 

c  Nous  ne  doutons  point  des  vertus  qu'ins- 
pire la  philosophie,  mais  elles  seront  en- 
core bien  plus  frappantes  pour  le  vulgaire, 
ces  vertus,  quand  la  philosophie  nous  aura 
montré  de  pareils  dévoûmenls.  VA  cepen- 
dant la  naïveté  de  la  neinture  dTHélyot  est 
loin  de  donner  une  idée  complète  des  sacri- 
fices de  ces  femmes  chrétiennes  :  cet  histo- 
rien ne  parle  ni  de  l'abandon  des  plaisira 
de  la  vie,  ni  de  la  perte  de  la  jeunesse  et  de 
la  beauté,  ni  du  renoncement  à  une  famille, 
à  un  époux,  à  l'espoir  d'une  postérité  ;  il  ne 
parie  point  de  tous  les  sacrifices  du  cœur, 
des  plus  doux  sentiments  de  l'Ame  étouffés, 
bore  la  pitié  qui,  au  milieu  de  tant  de  dou- 
leura,  devient  un  tourment  de  plus. 

c  Eh  bienl  nous  avons  vu  les  malades, 
les  mourants  près  de  passer,  se  soulever 
sur  leure  couches,  et ,  faisant  un  dernier  ef- 
fort, accabler  d'injures  les  femmes  angéli- 
ques  qui  les  servaient.  El  pourquoi  7  parce 
qu'elles  étaient  chrétiennes.  D'autres  filles 
semblables  è  celles-ci,  et  qui  méritaient  des 
auttds,  ont  été  publiquement  foueiiée$t  nous 
ne  d^uisons  point  le  mot.  Après  un  pareil 
retour  pour  tant  de  bienfaits,  qui  eût  voulu 
encore  retourner  auprès  des  misérables? 
qui  7  Elles  1  ces  femmes  1  elles-mêmes  I  Elles 
oiit  volé  au  premier  signal,  ou  pluidt  elles 
n'ont  jamais  quitté  leur  poste.  Voyez  ici 
réunies  la  nature  humaine  religieuse  et  la 
nature  humaine  impie,  et  jugez-les. 

«  La  sœur  grise  ne  renfermait  pas  fou- 
jours  ses  vertus,  ainsi  gue  les  filles  de  TUô- 
tel-Dieu,  dans  l'intérieur  d'un  lieu  pesti- 
féré ,  elle  les  répandait  au  dehore,  comme 
un  parfum  dans  les  campagnes;  elle  allait 
voir  le  cultivateur  infirme  dans  sa   chau- 
mière. Qu'il  était  touchant  de  voir  une 
femme  jeune,  belle  et  compatissante,  exer- 
cer an  nom  de  Dieu,  près  de  l'homme  rus- 
tique, la  profession  ou  médecin  I  On  nous 
montrait  oemièrement  près  d'un  moulin, 
sous  des  saules,  dans  une  prairie,  une  pe- 
tite maison  qu'aTaient  occupée  trois  sceun 
grises.  C'était  de  cet  asile  champêtre  qu'el- 
les partaient  k  toutes  les  heures  de  la  nuit 
et  du  jour,  pour  secourir  les  laboureura. 
On  remarquait  en  elles,  comme  dans  toutes 
leurs  smure,  cet  air  de  propreté  et  de  con- 
tentement qui  annonce  que  le  corps  et  l'âme 
sont  également  exempts  de  souillures;  elles 
étaient  pleines  de  douceur,  mais  toutefois 
sans  manquer  de  fermeté  pour  soutenir  la 
vue  des  maux  et  pour  se  faire  obéir  des 
malades.  Elles  excellaient  à   rétablir  les 
membres  brisés  par  des  chutes  ou  par  ces 
accidents  si  communs  chez  les  paysans. 
Hais  ce  qui  était  d'un  prix  inestimable, 
c'est  qne  la  somir  grise  ne  manquait  pas  de 
dire  un- mot  de  Dieu  à  l'oreille  du  nourri- 
cier de  la  patrie,  et  que  jamais  la  morale 
ne  trouva  de  formes  plus  divines  pour  se 
glisser  dans  le  cœur  humain. 

c  Tandis  que  ces  Filles  hospitalières 
étonnaient  par  lenr  charité  cenx  mêmes  qui 
étaient  accoutumés  à  ces  actes  sublimes,  il 


vm 


ORD 


DICTIONNAIRE 


ORD 


m 


86  passait  darfs  Paris  d*aulrcs  merTeiUes  : 
de  grandes  dames  s'exilaient  de  la  ville  eC 
do  la  cour»  et  partaient  pour  le  Canada. 
El^s  allaient  sans  doute  acquérir  des  liabi- 
talions,  réparer  une  fortune  délabrée,  et 
jeter  les  fondements  d*une  vaste  propriété  ? 
ce  û*était  pas  là  leur  but  :  elles  allaient  au 
milieu  des  forêts  et  des  guerres  sanglantes 
fonder  des  hôpitaux  pour  les  sauvages  en- 
nemis. 

«  En  Europe,  nous  tirons  le  canon  en 
signe  d'allégresse  pour  annoncer  la  des* 
truction  de  plusieurs  milliers  d*bommes  ; 
mais  dans  les  établissements  nouveaux  et 
lointains,  où  Ton  est  plus  près  du  malheur 
ot  de  la  nature,  on  ne  se  réjouit  que  de  ce 
qui  mérite  en  effet  des  bénédictions,  c'est- 
à-dire  des  actes  de  bienfaisance  et  d'hu- 
manité. Trois  pauvres  hospitalières,  con- 
duites par  madame  de  la  Pellrie,  descendent 
sur  les  rives  canadiennes»  et  voilà  toute  la 
colonie  troublée  de  joie.  <  Le  jour  de  l'ar- 
rivée de  personnes  si  ardemment  désirées» 
dit  Charlevoix,  fut  pour  toute  la  ville  un 
jour  do  fête  ;  tous  les  travaux  cessèrent  et 
les  boutiques  furent  fermées.  Le  gouver- 
neur reçut  les  héroïnes  sur  le  rivage  à  la 
tête  de  bes  troupes  qui  étaient  sous  Tes  ar^ 
mes  et  au  bruit  du  canon  ;  après  les  pre- 
miers compliments,  il  les  mena,  au  milieu 
des  acclamations  du  peuple,  à  Téglise,  où 
le  Te  Deum  fut  chanté...  Ces  saintes  filles, 
do  leur  cdté,  et  leur  généreuse  conductrice 
voulurent,  dans  le  premier  transport  de  leur 
joie»  baiser  une  terre  après  laquelle  elles 
avaient  si  longtemps  soupiré,  qu'elles  se 
promettaient  bien  d  arroser  de  leurs  sueurs 
et  qu'elles  ne  désespéraient  pas  même  de 
teindre  de  leur  sang.  Les  Français,  mêlés 
avec  les  sauvages,  les  infidèles  mêmes  con- 
fondus avec  les  chrétiens,  ne  se  lassaient 
1'  )oint  et  continuèrent  plusieurs  jours  à 
aire  tout  retentir  de  leurs  cris  d'allégresse, 
et  donnèrent  mille  bénédictions  h  coiui  qui 
seul,  peut  inspirer  tant  de  force  et  de  cou- 
rage aux  personnes  les  plus  faibles.  Â  la 
vue  des  cabanes  sauvages  où  l'on  mena  les 
religieuses,  le  lendemain  de  leur  arrivée, 
elles  se  trouvèrent  saisies  d'un  mouvement 
de  joie  :  là  pauvreté  et  la  malpropreté  qui 
y  régnaient  ne  les  rebutèrent  point,  et  des 
objets  si  capables  de  ralentir  leur  zèle  ne  le 
rendirent  que  plus  vif;  elles  témoignèrent 
une  grande  impatience  d'entrer  dans  l'exer- 
cice de  leurs  fonctions, 

«  Madame  de  la  Pellrie,  qui  n'avait  jamais 
désiré  d*être  riche  et  qui  s'était  faite  pau- 
vre d'un  si  bon  cœur  pour  Jésus-Christ,  ne 
s'épargnait  en  rien  pour  le  salut  des  âmes. 
Son  zèle  la  porta  même  à  cultiver  la  terre 
de  ses  propres  mains  pour  avoir  de  quoi 
soulager  les  pauvres  néophytes.  Elle  se  dé- 
pouilla en  peu  de  jours  de  ce  qu'i^lle  avait 
réservé  pour  son  usage,  jusqu'à  se  réduire 
à  manquer  dii  nécessaire,  pour  vêtir  les  en- 
fants qu'on  lui  présentait  presque  nus,  et 
toute  sa  vie,  qui  fut  assez  longue,  ne  fut 
qu'un  tissu  d'actions  les  plus  héroïques  de 
la  charité. 


ff  Trouve-t-on  dans  l'histetre  ancienne 
rien  qui  soit  aussi  touchant,  rien  qui  fasse 
couler  des  larmes  d'attendrissement  aussi 
douces,  aussi  pures? 

«  Il  faut  maintenant  écouter  un  ntoment 
saint  Justin  le  Philosophe.  Dans  sa  première 
apologie,  adressée  à  rempereur,ilparleftmst: 

«  On  expose  les  enfants  sous  votre  em- 
«  pire.  Des  personnes  élèvent  ensuite  ces  en- 
«  fants  pour  les  prostituer.  On  ne  rencontre 

<  par  toutes  les  nations  que  des  enfants 
^  destinés  aux  plus  exécrables  osageS)  et 

<  qu'on  nourrit  comme  des  troupeaux  de 
«  l)êtes  ;  vous  levez  un  tribut  sur  ces  en- 
«  fants...  Toutefois  ceux  qui  abusent  de 
«  ces  petits  innocents,  outre  le  crime  qu'ils 
«  commettent  envers  Dieu ,  peuvent  par 
«  hasard  abuser  de  leurs  propres  enfenb... 
«  Pour  nous  autres ,  chrétiens ,  détestant 
«  ces  horreurs,  nous  ne  nous  marions  que 
4  pour  élever  notre  famillo,  ou  noos  no  re- 
ft  nonçons  au  mariage  que  pour  vivre  dans 
«  la  chasteté...  » 

c  Voilà  donc  les  hôpitaux  qi|e  le  poly- 
théisme élevait  aux  orphelins.  0  vénérable 
Vincent  de  Paal,  où  étais-tu?  où  étais-tu 
pour  dire  aux  dames  de  Rome,  comme  i 
ces  pieuses  Françaises  qui  t'assistaient  dans 
tes  œuvres  :  «  Or  sus.  Mesdames,  voyez  si 
«  vous  voulez  délaisser  à  votre  teor  ees  pe- 
c  tits  innocents,  dont  tous  êtes  devenues 
k  les  mères  selon  la  grâce,  après  qu'ils  ont 
K  été  abandonnés  par  leturs  mères  selon  la 
«  nature  ?  »  Mais  c  est  en  vain  que  nous  de- 
mandons l'Aomme  des  miséricordes  à  des  cul- 
tes idolâtres. 

c  Le  siècle  a  pardonné  le  christianisme  à 
saint  Vincent  de  Paul  ;  on  a  vu  la  philoso* 
phie  pleurer  à  son  histoire.  On  sait  que, 
gardien  de  troupeaux,  puis  esclave  à  Tunis, 
il  devint  un  prêtre  illustre  par  sa  science  e( 
par  ses  œuvres;  on  sait  qu'il-  est  le  fonda-^ 
teur  de  l'hôpital  des  Enfants-Trouvés,  de 
fcelui  des  pauvres-vieillards,  de  rhôpitaldes 
galériens  à  Marseille,  du  collège  des  Prê- 
tres de  la  Mission,  des  confréries  de  charité 
dans  les  paroisses,  des  compagnies  de  Da- 
mes pour  le  service  de  l'Hôtel-Dieu,  des 
Filles  de  la  Charité,  servantes  des  malades, 
et  enfin  des  retraites  pour  ceux  (jui  dési- 
rent choisir  un  état  de  vie  et  qui  ne  sont 
pas  encore  déterminés.  Où  la  charité  va-l- 
el!e  prendre  toutes  ses  institutions,  toute 
sa  prévoyance  ? 

«  Saint  Vincent  de  Paul  fut  puissamment 
secondé  par  mademoiselle  Legras,  <ï»*^  "® 
concert  avec  lui,  établit  les  Sœurs  de  la  Cba- 
rite.  Elle  eut  aussi  la  direction  de  Thôpilai 
du  Nom  de  Jésus,  qui,  d'abord  fondé  pour 
quarante  pauvres,  a  été  l'origine  de  Thopi- 
tal-général  deParis.  Pour  emblème  et  pour 
récompense  d^une  vie  consuK^ée  dans  les 
travaux  les  plus  pénibles,  mademoiselle 
Legras  demanda  qu'on  mtt  sur  son  tomt)eatt 
une  petite  croix  avec  ces  mots  :  Spn  mta. 
Sa  volonté  fut  faite.  ^. 

«(Ainsi  de  pieuses  familles  se  dispu- 
taient, au  nom  du  Christ,  le  plaisir  de  ft»re 
du  bien  aux  hommes.  La  femme  du  cftai- 


«Mi 


OU) 


D*ASCm8IIE. 


0Kb 


1303 


oelier  de  Franee  et  madame  Fooquet  étaient 
Je  la  oonçrégation  des  Dames  de  la  C&arité. 
Elles  sYaioit  diacone  leur  iour  pour  aller 
instruire  et  exhorter  les  maïades,  leur  par- 
ler des  choses  oécessaire^  au  salut  d  une 
manière  touchante  et  familière.  D*antres 
Dames  recevaient  les  aurodnes;  d'autres 
avaient  soin  du  linge,  des  meubles,  des  pau- 
vres, etc.  Dn  auteur  dit  que  plus  de  sept 
c^its  cdvinistes  rentrèrent  dans  le  sein  de 
l\Eglise  romaine»  |>arce  qu'ils  reconnurent 
la  vérité  de  sa  doctrine  dans  Jes  producliaiia 
dHuÊU  ekariii  $i  ardaUe  ei  $i  étendue.  Saintes 
Dames  de  Miramion,  de  Chantai,  de  la  Fel- 
trie,  de  Lamoignon,  vos  œuvres  ont  été  pa- 
cifiques? Les  pauvres  ont  accompagné  vos 
cercueils,,  ils  les  ont  arrachés  à  ceux  qui  les 
portaient  pour  les  porter  eux-mêmes  ;  vos 
Ciinérailles  retentissaient  de  leurs  gémisse- 
ments, et  l'on  e&t  cm  que  tous  les  cœurs 
bienlaisants  étaient  passes  sur  la  terre  parce 
que  vous  veniez  de  mourir. 

<  Terminons  par  une  remarque  essentiellr 
cet  article  des  institutions  du  christianisme 
en  Civeur  de  l'humanité  souffrante.  On  dit 
que«  sur  le  mont  Saint-Bernard,  un  air  trop 
\\l  use  les  ressorts  de  la  respiration,  et 
qu'on  y  vit  rarement  dix  ans  :  ainsi,  le  moine 
qui  s'enferme  dansThospice  peut  calculer  à 
peu  près  le  nombre  de  jours  qu*il  restera 
sur  la  terre  :  tout  ce  qu  il  gagne  au  service 
ingrat  des  hommes,  c'est  de  connaître  le 
moment  de  la  mort,  qui  est  caché  au  reste 
des  hommes.  On  assure  que  presque  toutes 
Ijes  filles  de  l'HAtel-Dieu  ont  nabituellement 
une  petite  fièvre  qui  les  consume,  et  qui 
provient  de  l'atmosphère  corrompue  où  elles 
vivent  Les  religieux  qui  habitent  les  mines 
du  noi|veau.  iponde»  au  fond  desquelles  ils 
ont  établi  des  hospices,  dans  une  nuit  éter- 
nelle, pour  les  infortunés  Indiens,,  ces  reli- 
gieux abrègent  aussi  leur  existence  ;  ils  sont 
empoisonnés,  par  la  vapeur  métallique  :  en« 
fin,  les  Pères  oui  s'enferment  dans  les  bagnes 
pestiférés  de  ConsCantinople  se  dévouent  au 
martvre  le  plus  prompL 

c  Le  lecteur  nous  le  pardonnera  si  nous 
supprimons  ici  les  réOexions  :  nous  avouons 
notre  incapacité  à  trouver  dQ9  louanges  di 

Kes  de  telles  ceuvres  :  des  pleurs  et  d' 
.  dmiration  sont  tout  ce  qui  nous  reste. 
Qu'ils  sont  à  plaindre  ceux  qui  veulent  dé- 
truire la  religion,  et  qui  ne  Roûtent  pas  la 
douceur  de»  fruits  de  1  Evangile  1  «  Le  stoî- 
c  cisme  ne  nous  a  donné  qu  jm  Epictète,  dit 
«  Voltaire,  et  la  philosophie  chrétienne 
<  forme  des.  milliersu  d*Epictète,  qui  ne  sa- 
«  vent  pas  qu'ils  le  sont^  et  dont  la  vertu  est 
i^  poussée  jusqu'à  igqorer  leur  vertu  même.  » 
c  Consacrer  sa  vie  à  soulager  nos  doul(;urs 
^t  le  premier  des  bienfaits;  le  second,  est 
de  nous  éclairer.  Ce  sont  encore  des  prêtres 
supertiitieux  qui  nous  OQt  guéris  de  notre 
ignorance,  et  qiii»  depuis  dix  siècles,,  se  sont 
ensevelis  dans  la  poussière  des  écoles  poui 
nous  tirer  de  la  barbarie.  Ils  ne  craignaient 
pas  la  lumière,  puisqa'ils.nous  en  ouvraient 
les  sources;  ils  ne  songeaient  qu'à  nous 
laire  partager  ces  clartés  qu'ils  avaient  re- 


cueillies, au  péril  de  leurs  jours,  dans  les 
débris  de  Rome  et  de  la  Grèce. 

<  Le  Bénédictin,  qui  savait  tout,  le  Jésuite, 
qui  connaissait  la  science  et  le  monde,  IHî- 
ratorien,  le  docteur  de  l'Université,  m<-. 
ritent  peut-être  moins  notre  reconnaissance 
]ue  ces  humbles  Frères  qui  s'étaient  consa- 
irés  à  l'enseignement  gratuit  des  pauvres, 
c  Les  Clerci  réguliers  des  écolee  pieusee 
s'obligeaient  à  montrer,  par  charité,  à  lire^ 
à  écrire  au  petit  peuple^  en  commençani- 
par  Ta,  a,  c  ;  d  compter^  à  calculer^  et  même 
à  tenir  tes  livres  des  marchands  et  dans  les 
bureaux.  Hs  enseignent  encore,  non-seu- 
lement la  rhétorique  et  les  langues  latine 
et  grecque,  mais,  dans  les  villes,  ils  tien- 
nent aussi  des  écoles  de  philosophie  et  de 
théologie  scolastique  et  morale,  de  mathé- 
matiques, de  fortifications  et  de  géomé- 
trie... Lorsque  les.  écoliers  sortent  de 
c  classe,  ils  vont  par  bandes  chez  leurs  pa-t 
rents,  où  ils  sont  conduits  par  un  reli- 
gieux, de  peur  qu'ils  ne  s'amusent  par  les 
rues  à  jouer  et  a  perdre  leur  temps.  » 
c  La  naïveté  du  style  fait  toujours  grand 
plaisir;  mais  quand  elle  s'unit,  pour  ainsi 
dire,  à  la  naïveté  des  bienfaits,  elle  devient 
aussi  admirable  qu'attendrissante. 

«  Après  ces  premières  écoles  fondées  par 
la  charité  chrétienne,  nous  trouvons  les  con4 
ffr^alions  savantes,  vouées  aux  lettres  et  à 
Pédmation  de  la  jeunesse  par  des  articles 
exprès  de  leur  institut.  Tels  sont  les  reli- 
gieux de  Saint -Basile,  en  Espagne,  qui 
n'ont  pas  moins  de  quatre  collèges  par  pro4 
vince.  Ils  en  possédaient  un  à  Soissèns,  ei^ 
France,  et  un  autre  à  Paris  :  c'était  le  col- 
lège de  Beauvais,  fondé  par  le  cardinal  )ean 
de  Dormans.  Dès  le  ix*  siècle,  Tours,  Cer- 
beil,  Fontenelle,  Fulde,  Saint-Galj,  Saint- 
Denis,  Saint-Germain  d'Auxerre,  Ferrières, 
Aniane,  et  en  Italie  le  mont  Cassin,  étaient 
des  écoles  fameuses.  Les  Clercs  de  la  rie 
commune^  aux  Pays-Bas,  s'occupaient  de  la 
collection  des  originaux  dans  les  bibliothè- 
ques, et  du  rélabussement  du  texte  des  ma- 
nuscrits. 

«.Toutes  les  universités  de  l'Europe  ont 
été  établies,  ou  par  des  princes  religieur,  ou 
par.  des  évèques,  ou  par  des  prêtres,  et  tou- 
tes ont  été  dirigées  par  des  orares  chrétiens. 
Cette  fameuse  Université  de  Paris,  d'où  la 
lumière  s'est  répandue  sur  l'Europe  mo- 
derne, était  composée  de  craatre  fecultés. 
Son  origine  remontait  jusque  Charlemagne, 
jusqu'à  ces  temps  od,  luttant'seul  contre  la 
barbarie,  le  moine  Alcuin  voulait  faire  de  la 
France  upe   Atkèies   chrétienne.   C^est    li 

Su'avi|ient  eoseifgné  Builé,  CaÂiitfion,  Gre* 
au,  R.ollin,  Goffiq,  Lebeâu;  c*estlà  que  s*6 
talent  forn^.Abailard,  Amjot,  de  Jhou, 
Boileau.  En  Angleterre  Csmbridsé  a'  vu 
Newton  sortir  de  son  sein,*et  Oxforrl  pré- 
sente, avec  Içs  noms  de  Ba<;on  et  de  Thomas 
Moru^i  sa  bibliothèque  persape,  ses  manus- 
crits 'a*Homère.  ses  .marbres  d'Arnndel  et 
SQS  éditions  (les  classiques  ^  Glasgow  et 
Edimbourg,  en  Ecosse;  Leipsick,  léna.  Tu- 
bingue,  eu  Allemapme;  L^jde,  Utrecbt  et 


<303 


ORD 


DICTIONNAIRE 


ORD 


OH 


LouvarDi  aui  Pays-Bas;  Gaodie»  Alcala  et 
SJamaQque^  en  Espagne:  tous  ces  foyers 
des  lumières  attestenUes  immenses  travaux 
<Iu  christianisme.  Mais  deux  ordres  ont  par^ 
ticulièrement  cultivé  les  lettres  :  les  Béné- 
dictins et  les  Jésuites. 

«  L'ao  540  de  notre  ère,  saint  Benoit  jeta, 
au  mont  Cassin,  en  Italie,  les  fondements 
de  l'ordre  célèbre  qui  devait,  |)ar  une  triple 
gloire,  convertir  TEfurope,  défricher  ses  dé*> 
serts,  et  rallumer  dans  son  seiu  le  Qamheau 
des  sciences. 

«  Les  Bénédictins,  et  surtout  ceui  de  la 
congrégation  de  Saint -Maur,  établie  vers 
l'an  543,  nous  ont  donné  ces  hommes  dont 
lie  savoir  est  devenu  proverbial,  et  qui  ont 
retrouvé  avec  des  peines  infinies  les  manus- 
crits antiques  ensevelis  dans  la  poudre 
des  monastères.  Leur  entreprise  littéraire  la 
plus  effrayante  (car  Ton  peut  parler  ainsi), 
c'est  rédition  des  Pères  de  TEglise.  S'il  est 
diflicile  de  faire  imprimer  un  seul  volume 
correctement  dans  sa  propre  langue,  qu'on 

t'uge  ce  que  c'est  qu'une  révision  entière  des 
^ères  grecs  et  latins,  qui  forment  plus  de 
cent  cinquante  volumes  in-folio.  L'imagina- 
tion peut  à  peine  embrasser  ces  travaux 
énormes.  Rappeler  Ruinai  t,  Lobineau,  Cal- 
met,  Tassin,  Lami,  d'Achery,  Martène,  Ma- 
billon,  MonlfaucoB,  c'est  rappeler  des  pro- 
diges de  science. 

«  On  ne  peut  s'empêcher  de  regretter  ces 
corps  enseignants,  uniquement  occupés  de 
recherches  littéraires  et  de  l'éducation  de  la 

I'.eanesse.  Après  une  révolution  qui  a  reiflché 
es  liens  de  la  morale  et  interrompu  le  cours 
des  études,  une  Société  h  la  fois  religieuse 
et  savante  porterait  un  remède  assuré  h  la 
source  de  nos  maux.  Dans  les  autres  formes 
d*instittit,  il  ne  peut  y  avoir  ce  travail  régu- 
lier, cette  laborieuse  application  au  même 
aujetjqui  régnent  parmi  tes  solitaires,  et  qui, 

continuéssoLnsinterruption pendant  plusieurs 
sièclesjt  finisseut  jpar  enfanter  des  miracles. 
«  Les  Bénédictins  étaient  des  savants, 
et  les  Jésuites  des  gens  de  lettres  :  les  uns 
et  les  autres  furent  a  la  société  religieuse  ce 

âu'étaient  ^u  m.onde  àfiux  illustres  aca- 
émies. 

«(  L'ordre  des  Jésuites  était  divisé  en  trois 
dûgrés,.  ieolim'9  approuvée^  coadjuteurs  /br- 
méâf  et  profèê.  Le  postulant  était  d'abord 
i5prouvé  par  dix  ans  de  noviciat,  pendant 
lesquels  on  exerçai!  sa  mémoire,  sans  lui 
permettre  de  s'attacher  k  aucune  étude 
particulière  :  c'était  pour  connaître  où  le 
portait  son  génie.  Au  bout  de  ce  temps,  il 
servait  les  malades  pendant  un  mois  dans 
ua  hApital,  et  faisait  un  pèlerinage  }i  pied, 
en  demandaxit  l'aumône:  par  1^  on  préten- 
dait l'accoutumer  aîi  apectaçle  des  douleurs 
humaines,  et  le  préparer  aux  fatigues  des 
missions,  tl  achevait  alors  de  fortes  ou  bril- 
laQtes  études^  N^avaitril  que  les  grAces  de 
la  soiciété ,  e(  cette  vie  élégante  qui  plaît 
au  monde,  on  le  ^)iett(vt  en  vue  dans  la 
capitale,  on  le  poussait  à  la  cour  et  chez  les 
grands  Possédait-il  le  génie  de  la  solitude, 
on  le  rçlcnail  dans  lesbibliothàriucs  et  dans 


l'intérieur  de  la  compagnie.  S'il  s'annootait 
comme  orateur,  la  chaire  s^ouvrait  è  son 
éloquence;  s'il  avait  Tesprit  clair,  kste et 

f>atienl,  il  devenait  professeur  dans  les  col- 
éçes  ;  s'il  était  ardent,  intrépide,  plein  de 
2èTe  et  de  foi,  il  allait  mourir  sous  le  fer  da 
mahométan  et  du  sauvage  ;  enfin,  s'il  mon- 
trait des  talents  propres  k  souvemer  lès 
hommes,  le  Paraguay  rappelait  dans  ses 
forêts,  ou  l'ordre  a  la  tête  des  maisons.  Le 
général  de  la  com|)agnie  résidait  à  Rome. 
Les  Pères  provinciaux,  en  Europe,  étaient 
obligés  de  correspondre  avec  lui  une  fois 

I)ar  mois.  Les  chefs  des  missions  étrangères 
tti  écrivaient  toutes  les  fois  q»e  les  lais- 
seaux  ou  les  caravanes  traversaient  les  soli- 
tudes du  monde.  Il  y  avait,  en  outre,  |)Our 
les  cas  pressants,  des  missioimaires  qui  se 
rendaient  de  Pékin  à  Rome,  de  Rome  en 
Perse,  en  Turquie,  en  Ethiopie,  au  Paraguay, 
ou  dans  quelque  autre  partie  de  la  terre. 
L'Europe  savante  a  fait  une  perte  irrépara* 
ble  dans  les  Jésuites.  L'éducation  ne  s*est 
Jamais  bien  relevée  depuis  leur  chute.  Ils 
étaient  singulièrement  agréables  k  la  jeu- 
nesse; leurs  manières  polies  étaient  è  leurs 
leçons  ce  ton  pédantesque  qui  rebute  Teo- 
fance.  Comme  la  plupart  de  leurs  professeurs 
étaient  des  hommes  de  lettres  recherchés 
dans  le  monde,  les  jeunes  gens  ne  se  croyaient 
avec  eux  que  dans  une  illustre  académie. 
Ils  avaient  su  établir  entre  les  écoliers  do 
différentes  fortunes  une  sorte  de  patronage 

aui  tonrnait  au  profit  des  sciences.  Ces 
ens,  formés  dans  l'Age  où  le  cœur  s*ou?re 
aux  sentiments  généreux,  ne  se  brisaient 
plus  dans  la  suite,  etétabliss'aienl,  entre  le 
prince  et  l'homme  de  lettres,  ces  antiques  et 
nobles  amitiés  qui  vivaient  entre  les  Scipion 
et  les  Lélius. 

«  Ils  ménageaient  encore  ces  vénérables 
relations  de  disciples  et  de  maîtres,  si  chères 
aux  écoliers  de  Platon  et  de  Py thagore.  lis 
s'énoi^eillissaient  du  grand  homme  don^ 
ils  avaient  préparé  le  génie,  et  réclamaient 
yne  partie  de  sa  gloire.  Voltaire,  dédiant 
sa  tSérope  au  P.  Porée,  et  rappelant  son 
cher  mattre^  est  une  de  ces  choses  aimables 
que  l'éducation  moderne  ne  [jréseRte  plus. 
Naturalistes,  chimistes,  botanistes,  mathé- 
maticiens,  mécaniciens,  astronomes,  poètes, 
historiens,  traducteurs,  antiquafres,  journa- 
listes, il  n'y  a  pas  une  branche  des  sciences 
Îue  les  Jésuites  n'aient  culilivée  avec  éclaL 
ourdaloue  rappelait  l'éloquence  romaine; 
Brumoj  introduisait  la  France  au  théâtre 
des  Grecs;  Gresset  marchait  sur  les  traces, 
de  Molière  ;  Lecomte,  Parennin,  CharIjeToiz, 
Pucerceau,  Sanadon,  Duhalde,  Noël^  Bou- 
hours,  Daniel,  Tourneroine,  Mainbourg, 
Larue,  Jouveney,  Rapin,  Vanière,  Com- 
mire,  Sirmond,^  Bougeant,  Pelau,  ont  laissé 
des  noms  qui,  ne  sont  pas^  sans  honneur. 

S  lue  peut-on  reprocher  aux  Jésuites  T  un  peu 
'ambition,  si  nâturelJe  au 'génie.  «  Il  sera 
Cl  toujours  beau,  d;it  Montesquieu  en  parlant 
«  de  ces  Pères,  de  gouverner  les  hommes 
«  en  les  rendant  heureux.  »  Pesez  la  masse 
du  bien  que  les  Jésuites  on!  fait  j  souvenei- 


1305 


ORD 


D^ASCETISliE. 


OftD 


n06 


TOUS  des  écriTains  célèbres  que  leur  corps  a 
donnés  h  la  France,  ou  de  cens  qui  se  sont 
formés  dans  leurs  écoles;  rappelez-Tous  les 
rojaumes  entiers  qu'ils  ont  conquis  k  notre 
commerce  par  leur  liabileté,  leurs  sueurs  et 
leur  sang  ;  repassez  dans  rotre  mémoire  les 
miracles  de  leurs  missions  au  Canada,  au 
Paraguay,  k  la  Chine,  et  tous  Terrez  que  le 
peu  de  mal  dont  on  les  accuse  ne  balance 

ris  un  moment  les  serTices  qu'ils  ont  rendus 
la  société. 

c  C'est  au  clergé  séculier  que  nous  deTons 
encore  le  renouTellemeot  de  Tagriculture  en 
Europe,  comme  nous  lui  defons  la  fonda- 
tion des  collèges  et  des  bApitaux.  Défriche- 
meots  des  terres,  ouTertures  des  chemins, 
agrandissements  des  hameaux  et  des  Tilles, 
établissements  des  messageries  et  des  au- 
berges, arts  et  métiers,  manufactures, 
commerce  intérieur  et  extérieur,  lois  ciTiles 
et  politiques ,  tout  enfin  nous  Tient  originai- 
rement de  Tfilglise.  Nos  pères  étaient  des 
bariNires  k  qui  le  christianisme  était  obligé 
d'enseigner  jusqu'k  l'art  de  se  nourrir. 

«  La  plupart  des  concessions  faites  aux 
monastères  dans  les  premiers  siècles  de 
l'Eçlise  étaient  des  terres  Tagues,  que  les 
moines  cultÎTaient  de  leurs  propres  mains. 
Des  forées  sauTages,  des  marais  impratica- 
bles, de  Tastes  landes,  furent  la  source  de 
ces  richesses  que  nous  aTons  tant  reprochées 
au  clergé. 

«  Tandis  que  les  chanoines  prémontrés 
labouraient  les  solitudes  de  la  Pologne  et 
une  portion  de  la  forêt  de  Concy,  en  France* 
les  Bénédictins  fertilisaient  nos  bruyères. 
Molème,  Colan  et  CIteaux,  qui  se  couTrent 
aujourd'hui  de  Tignes  et  de  moissons, 
étaient  des  lieux  semés  de  ronces  et  d'épi- 
nes, où  les  premiers  religieux  habitaient 
sous  des  huttes  de  feuillage,  comme  les 
Américains  au  milieu  de  leurs  défriche- 
ments. 

c  Saint  Bernard  et  ses  disciples  fécondè- 
rent les  Tallées  stériles  que  leur  abandonna 
Thibaut,  comte  de  Champagne.  FontOTranlt 
fut  une  Téritable  colonie,  établie  par  Robert 
d'Ârbrissel,  dans  un  pays  désert,  sur  les  con- 
fins de  l'Âiyou  et  de  la  Bretagne.  Des  familles 
entières  cherchèrent  un  asile  sous  la  direction 
de  ces  Bénédictins  :  il  s'y  forma  des  mo- 
nastères de  TeuTes,  de  filles,  de  laïques,, 
d'infirmes  et  de  Tîeux  soldats.  Tous  dcTin- 
rent  cultiTateurs,  k  l'exemple  des  Pères,  qui 
abattaient  eux-mêmes  les  arbres,  guidaient 
la  charrue,  semaient  les  grains  et  couron- 
naient cette  partie  de  la  France  de  ces 
belles  moissons  qu'elle  n'aTait  point  encore 
portées. 

c  La  colonie  fut  bientôt  obligée  de  Terser 
au  dehors  une  partie  de  ses  haoitants,  et  de 
céder  k  d'autres  solitudes  le  superflu  de  ses 
mains  laborieuses.  Raoul  de  la  Fùtaye, 
compagnon  de  Robert,  s'établit  dans  la  forél 
du  Nid-du-Merie,  et  VituI,  autre  Bénédictin, 
dans  les  bois  de  Sarigny.  La  forêt  de  TOr- 
ges,dans  le  diocèse  d'Angers;  Cbaufournois, 
aujourd'hui  Chantenois,  en  Touraine;  Bel- 
Lay  dans  la  mêa:.e  proriiice  ;  la  Puie  en  Pot- 


ton,  l'Enclollre  dans  la  forêt  de  Gironde; 
Gaisne  k  quelques  lieues  de  Loudun;  Luçon 
dans  les  bois  du  même  nom  ;  la  Lande  dans 
les  landes  de  Gamacbe;  la  MadeleîBe  sur  la 
Loire;  Bourbon  en  Limousin,  Cadouin  en 
Périgord  ;  enfin  Haute-Bruyère  près  de  Paris, 
ftarent  autant  de  colonies  de  FonteTrault^  et 

?|ui,   pour  la  plupart,  d'incultes  qu'elles 
talent,  se  changèrent  en  opulentes  campa- 
gnes. 

c  Nous  fatiguerions  le  lecteur,  si  nous 
entreprenions  de  nommer  tous  les  sillons  que 
la  charrue  des  Bénédictins  a  tracés  dans  tes 
Gaules  sauTages.  Maurecoort,  Longpré,  Fon- 
taine, le  Charme,  Coliname,  Foicy,Bellonier, 
Cousanie,  SauTement,  les  Epines,  Bube, 
Vanassel,  Pons,  Charles,  Vainrille,  et  cent 
autres  lieux  dans  la  Bretagne,  l'Anjou,  le 
Berry,  l'AuTergne,  la  Gascosne,  le  Langue- 
doc, la  Guj^ènne,  attestent  leurs  immenses 
trsTaux.  Saint  Colomtian  fit  fleurir  le  désert 
de  Vauge  ;  des  filles  bénédictines  même,  k 
l'exemple  des  Pères  de  leur  ordre,  se  consa- 
crèrent k  la  culture;  celles  de  HontreuiMes- 
Damesc s'occupaient,  ditHermann,  k  coudre, 
c  k  filer  et  k  défricher  les  épines  de  la  forêt,  k 
c  l'imitation  de  Léon  et  de  tous  les  religieux 
c  de  Clainraus.  • 

<  Eu  Espagne,  les  Bénédictins  déployèrent 
la  même  activité.  Ils  achetèrent  des  terres 
en  friche  au  bord  du  Tage,  près  de  Tolède, 
et  ils  y  fondèrent  le  couTont  de  Venhalia, 
après  aToir  planté  en  Tignes  et  en  orangers 
tout  le  pays  d'alentour. 

c  Le  mont  Cassin,  en  Italie,  n'était  qu'une 
profonde  solitude  :  lorsque  saint  Benoit  s'y 
relira,  le  pays  changea  de  face  en  f>eu  de 
temps,  et  Tabbaye  nouTelle  derint  si  opu- 
lente par  ses  travaux,  qu'elle  fut  en  état  de 
se  défendre,  en  1057,  contre  les  Normands, 
qui  lui  firent  la  guerre. 

<  Saint  Boniface,  aTec  les  religieux  de  son 
ordre,  commença  toutes  les  cultures  dans 
les  quatre  évêchés  de  Bavière.  Les  Bénédic- 
tins de  Fnide  défrichèrent,  entre  la  Hesse, 
la  Franconie  et  la  Thuringe,  un  terrain  du 
diamètre  de  huit  mille  pas  géométriques, 
ce  qui  donnait  Tingt-qnatro  mille  pas,  ou 
seize  lieues  de  circonférence;  ils  comptèrent 
bientêt  jusqu'k  dix-huit  mille  métairies,  tant 
en  Bavière  qu'en  Souabe.  Les  moines  de 
Saint-Benolt-Polironne ,  près  de  Hantoue, 
employaient  au  labourage  plus  de  trois  mille 
paires  de  bœufs. 

c  Remarquons,  en  outre,  que  la  règle 

f>resqne  générale  qui  interdisait  l'usage  de 
a  viande  aux  ordres  monastiques  vint  sans 
doute,  en  second  lieu,  d'nn  principe  d'éco- 
nomie rurale.  Les  sociétés  religieuses  étant 
alors  fort  multipliées,  tant  d'hommes  qui  ne 
vivaient  que  de  poissons,  d'ceufs,  de  lait  et 
de  légumes,  durent  favoriser  singulière* 
ment  la  propagation  des  races  de  b^tiaux. 
Ainsi  nos  campagnes,  aujourd'hui  si  floris- 
santes, sont  en  partie  redevables  de  leurs 
moissons  et  de  feors  troupeaux  au  travail 
des  moines  et  k  leur  frugalité. 

c  De  plus,  l'exemple  qui  est  souvent  peu 
de  chose  en  morale,  parcp  que  Tes  passions 


îM 


ORD 


DICTlONiXAlRE 


ORD 


tM 


en  délrulsent  les  bons  effets,  exerce  une 
grande  puissance  sur  le  côté  matériel  de  la 
vie.  Le  spectacle  de  plusieurs  milHers  de 
religieux  cultivant  la  terre  mina  peu  à  peu 
ces  pré>ugés  barbares  qui  attachaient  le  mé- 
pris à  fart  (|ui  nourrit  les  hommes.  Le 
piysan  apprit  dans  les  monastères  à  re- 
tourner la  globe  et  i^  fertiliser  le  sillon.  Le 
baron  commença  à  chercher  daps  son  champ 
des  trésors  plus  certains  que  ceux  qu'il  se 
procurait  par  les  armes.  Les  moines  furent 
douQ  réellement  les  pères  de  Tagriculture, 
et  comme  laboureurs  eux-mêmes,  et  comme 
les  premiers  maîtres  de  nos  laboureurs. 

c  Ils  n'avaient  point  perdu  de  nos  jours 
ce  génie  utile.  Les  plus  belles  cultures*  les 
paysans  les  plus  ricnes,  les  mieux  nourris 
et  les  moins  vexés,  les.  équipages  champ6-i 
très  les  plus  parfaits,  les  troupeaux  les  plus 
gras,  les  fermes  les  mieux  eutretènues  se 
trouvent  dins  les  abbayes.  Ce  n'était  pas  là» 
ce  me  semble,  un  sujet  de  reproches  a  faire 
au  clergé. 

«  Mais  si  le  clergé  a  défriché  l'Europe 
sauvage,  il  a  aussi  multiplié  nos  hameaux, 
accru  et  embelli  noa  villes.  Divers  quartiers 
de  Paris,  tels,  que  ceux  de  Sainte-Genevièvç 
et  de  Saint-Germain  rÂu,xerrois,  se  sonjl 
élevés  en  partie  aux  frais  des  abbaves  du 
même  nom.  Kn  général,  partout  ou  il  se 
trouvait  un  monastère,  là  se  formait  un  vil- 
lage. La  Chaise^DieUf  AbbeviUe^  et  plusieurs 
autre  lieux,  portent  encore  dans  leurs  noms 
la  marque  de  leur  origine.  La^  ville  de  Saint- 
Sauveur,  au  pied  du  mont  Cassin,  en  Ita^e, 
et  les  bourgs  environnants ,  sont  Touvrage 
des  religieux  de  Saint-BenotL  A  fulde,  à 
May ence, dans  tous  les  cercles  ecclésiastiques 
de  rAllemagne,  en  Prusse,  en  Pologne,  en 
Suisse,  en  Espagne,  en  Angleterre,  une 
foule  de  cités  ont  eu  pour  fondateurs  de^ 
ordres  monastiques  ou  militaires.  Les  villes 
qui  sont  sorties  le  plus  tôt  de  la  barbarie 
sont  celles  mêmes  qui  ont  été  soumises  à 
des  princes  ecclésiastiques.  L'Europe  doit 
la  moitié  de  sts  monuments  et  de  ses  fon- 
dations utiles  à  la  munificence  des  cardi- 
naux, des  abbés  et  des  évêques. 

«  Mais  on  dira  peut-être  que  ces  travaux 
D*attestent  que  la  richesse  immense  de  TE- 
glise. 

«  Nous  savons  qu'on  cherche  toujours  à 
atténuer  les  services  :  Thomme  hait  la  re- 
connaissance. Le  clergé  a  trouvé  des  terres 
incultes,  il  y  a  fait  croître  des  moissons. 
Devenu  opulent  par  son  propre  travail,  il 
a  applique  ses  revends  ^  des  monuments 
publics.  Quand  vous  lui  reprochez  des  biens 
si  nobles,  et  dans  leur  emploi  et  dans  leur 
source,  vous  l'accusez  à  la  fois  du  crime  de 
deux  bienfaits. 

«  L'Europe  entière  n'avait  ni  chemins  ni 
auberges; ses  forêts  étaient  rempiles  de  vo- 
leurs et  d'assassins;  ses  lois|étaient  impuis- 
santes, ou  plutôt  il  n*y  avai(  point  de  lois; 
la  religion  seule,  comme  une  grande  co- 
lonne élevée  au  milieu  des  ruines  gothi- 
ques, offrait  des  abris  et  un  point  de  com- 
munication aux  hommes. 


«  Sous  la  seconde  race  de  nos  rois»  1& 
France  étant  tombée  dans  l'anacchie  la  plu$ 
profonde,  les  voyageuçs  étaient  sqrlout  ar- 
rêtés, dépouillés  et  massacrés  aux  passages 
des  rivières.  Des  moines  habiles  et  coure- 
Reux  entreprirent  de  remédier  à  ces  mui. 
Ils  formèrent  entre  eux  une  compagnie, 
sous  le  nom  d'Qospitaliers  pontifes  oq  faU 
seucs  de  ponts.  Ils  s'obljge^jent,  par  leur 
institut,  à  prêter  rôain-forle  aux  voyageurs, 
à  réparer  les  chemins  publics,  à  construire 
des  (>onts  el  à  loger  les  étrangers  dans  des 
hpspices  qu'ils  élevèrent  aux  oords.  des  ri- 
vières*  Ils  se  fixèrent  d  abord  sur  la  Du- 
rance,  dans  un  endroit  d^ngerecix  aopelé 

Siupas  ou, Mauvais-pas.  et  qui,  grAce  a  ces 
néreux  moines,,  pot  oientôt  le  nom  de 
Bonpas,  qu'il  poirte  encore  aujourd'hui. 
G*est  aussi  cet  ordre  qui  a  bâti  le'  pont  du 
Rhône  à  Avignon.  On  sajt  que  les  messa- 

feries  et  les   postps,.  perfectionnées  par 
.ouis  XI,  furent  d'al)oird,  établies. par.  rUui- 
tersité  de  Paijs.. 

c  Sur  une  rud^  et  haute  œootasne  di) 
Bouergue,  couverte  de  neiges  et  do  brouil- 
lards pendant  huit  mois  de  l'année,  09 
aperçoU  un  monastère,  bftti  vers  l'an  1190 
par  Alard,  vicomte  de  Flandre.  Ce  seienevr, 
revenant  d'un  pèlerljiage,^  fut  attaqué  dans 
ce  lieu  par  des  voleurs;,  il  fit  vœu,  ;*il  se 
sauvait  de  leurs  mains,  de  fonder  ei)  ce  dé- 
sert un  hôpital  pour  les  voyageurs  et  de 
chasser  les  brigands  de  la  montagne.  Etaat 
échappé  au  péni,  il  fut  fidèle  à  ses  engap 
ments,  et  l'hôpital  d'Albrac  ou  d'Aubrac  s  é- 
leva  tn  loca  horroris  et  vastœ  iolituiinii, 
comme  le  porte  CactjD  dfi  fondation^  A'ard 
j  établit  dés  prêti;es  pour  le  service  de  Té- 
glise,  des  chevaliers  pour  escorter  les  voja- 

{;eùrs,  Qt  des  dames  de  qualité  pour  laveç 
es  pieds  des  pèlerins,  faire   leurs  lils  et 
prendre  soin  de  leurs  vêtements. 

c  Dans  les  siècles  de  barbarie,  les  pèleri- 
nages étaient  fort  utiles;  ce  pripcipe  reii- 
J^ieux,  qui  attirai^  les  hommes  hors  de  leurs 
ojers,^ servait  puissamment  aux  progrès  de 
la  civilisation  et  des  lumières.  Dansianaée 
du  graiid  jubilé,  on  ne  reçut  pas  moins  de 

Ïuatre  cent  quarante  mille  cinq  cents 
trangers  à  l'hôpital  de  Saint*Philippe  de 
Méri,  à  Rome;  chacun  d'eux  fut  nourri, 
logé  et  défrayé  entièrement  pendant  trois 
jours. 

«  (1  n'y  avait  point  de  pèlerin  qui  ne  re- 
vint daixs  son  village  avec  quelque  préjugé 
de  moins  et  quelque  idée  de  plus.  Tout  se 
balance  dans  les  siècles  ;  certaines  classes 
riches  de  la  société  voyagent  peut-être  ^ 
présent  plus  qu'autrefois;  mais,  d'une  autre 
part,  le  paysan  est  plus  sédentaire.  Li 
guerre  l'appelait  sous  la  bannière  de  sou 
seigneur,  et  la  religion  dans  les  pays  loin- 
tains. Si  nous  pouvions  revoir  un  de  ces 
anciens  vassaux  que  nous  représentons 
comme  une  espèce  d'esclave  stupFde,  peut- 
être  serions-nous  surpris  de  trouver  plus 
de  bon  sens  et  d'instruction  qu'au  paysan 
libre  aujourd'hui. 
«  Avant  de   partir  pour  les   royaumes 


ISM 


ORD 


DÂ9CBTI9IIE. 


ORI 


tSiO 


étrangers,  le  Toyageur  s*«dressail  à  son 
évéque,  qui  lui  donnait  une  lettre  eposto* 
ligne,  arec  b^lie  il  passait  en  sAreté  dans 
toute  la  cbrétienté.  La  forme  de  ces  lettres 
variait  selon  le  rang  et  la  profession  du  por- 
teur, d*où  on  les  appelait  forwuUœ  Ainsi, 
la  reiigjion  n'était  oecupée  ({u'à  renouer  les 
Hls  sociaux,  que  la  barbarie  rompait  sans 
cesse. 

«  En  général,  les  monastères  étaient  des 
hôtelleries  où  les  étrangers  trouvaient  en 
passant  le  vivre  et  le  couvert*  Cette  bospi» 
talité,  qu*on  admire  chez  les  anciens,  et 
dont  on  voit  encore  les  restes  en  Orient, 
était  en  honneur  chez  nos  religieui  :  plu* 
sieurs  d*entre  eux,  sous  le  nom  d*Aojpilii- 
lierSf   se  consacrèrent  particulièrement  k 
cette  vertu  touchante.  Elle  se  manifestait 
comme  aux  jours  d*Abraham,  dans  toute  sa 
beauté  antique,  par  le  lavement  des  pieds, 
la  flamme  du  foyer  et  les  douceurs  du  re- 
pas et  de  la  couche.  Si  le  voyageur  était 
pauvre,  on  lui  donnait  des  habits,  des  vivres 
et  quelque  argent  pour  se  rendre  à  un  autre 
monastère,  ou  il  recevait  les  mômes  se- 
cours. Les  dames,  montées  sur  leur  pale- 
froi, lés  preux  cherchant  aventures,  les  rois 
égarés  à  la  chasse,  frappaient  au  milieu  de 
la  nuit  à  la  porte  des  vieilles  abbayes,  et 
venaient  partager  Thospitalité  qu'on  don- 
nait à  l'obscur  pèlerin.  Quelquefois  deux 
chevaliers  ennemis  sW   rencontraient  en- 
semble et  se  taisaient  joyeuse  réception 
jusqu'au  lever  du  soleil,  où,  le  fer  h  la  lùain, 
ils  maintenaient  l'un  contre  l'autre  la,  su- 
périorité de  leurs  dames  et  de  leurs  patries. 
Boucicault,  au  retour  de  la   croisade  de 
Prusse,  logeant  dans  un   monastère  .avec 
plusieurs  chevaliers  anglais,  soutint   seul 
contre  tous  qu'un  chevalier  écossais,  attaqué 
par  eux  dans  les  bois,  avait  été  traîtreuse- 
ment mis  à  mort. 

«  Dans  ces  hôtelleries  de  la  religion,  on 
croyait  faire  beaucoup  d'honneur  à  un  prince 
quand  on  lui  proposait  de  rendre  quelques 
soins  aux  pauvres  qui  s'y  trouvaient  par  ha-* 
sard  avec  lui.  Le  cardinal  de  Bourbon,  reve- 
nant de  conduire  l'infortunée  Elisabeth  en 
^pagne,  s'arrôta  à  l'hôpital  de  Roncevaux, 
dans  Tes  Pyrénées  ;  il  servit  à  table  trois  cents 
pèlerins,  et  donna  h  chacun  d'eux  trois  réaux 
pour  continuer  leur  voyage.  Le  Poussin  est 
un  des  derniers  voyageurs  qui  aient  profité 
de  cette  coutume  chrétienne  :  il  allait  à 
Rome,  de  monastère  en  monastère,  peignant 
des  tableaux  d'autel  pour  prix  de  l'hospi- 
talité gu'il  recevait*  et  renouvelant  ainsi  chez 
les  peintres  l'aventure  d'Homère. 

«  Rien  n'est  plus  contraire  à  la  vérité  his- 
torique que  de  se  représenter  les  premiers 
moines  comme  des  nommes  oisifs ,  qui  vi- 
vaient dans  l'abondance,  aux  dépens  des 
superstitions  humaines.  D'abord  cette  abon- 
dance n'était  rien  moins  que  réelle.  L'ordre, 
par  $es  travaux,  pouvait  être  devenu  riche, 
mais  il  est  certain  que  le  religieux  vivait 
très-rlurement.  Toutes  ces  délicatesses  du 
clotlre,  si  exagérées ,  se  réduisaient ,  même 
de  nos  jours,  a  uiie  étroite  cellule,  des  pra* 


tiques  désagréables,  et  une  table  ;fbr(  sim- 
ple, pour  ne  rien  dire  de  plus.  Ensuite',  il 
est  très-faux  que  les  moines  ne  fussent  que 
de  pieux  fainéants  :  quand  leurs  nombreux 
hospices,  leurs  collèges,  leurs  bibliothèques, 
leurs  cultures  et  tous  les  autres  services 
dont  nous  avons  parlé,  n'auraient  'pas  suffi 
pour  occuper  leurs  loisirs ,  ils  avaient  en- 
core trouvé  bien  d'autres  manières  d*ëtre 
utiles  ;  ils  se  consacraient  aux  arts  mééani- 
ques,  et  étendaient  le  commerce  au  dehors 
et  au  dedans  de  l'Europe.  —  Voy.  Moines. 
«  La  congrégation  du  tiers-ordre  de  Saint- 
François,  appelée  des  Boni-FieuXf  faisait 
des  draps  et  des  galons ,  en  même  temps 
qu'elle  montrait  à  lire  aux  enfants  des  pau- 
vres, et  qu'elle  prenait  soin  des  malades.  La 
compagnie  des  pauvres  Frères  cordonniers  et 
tailleurs  était  instituée  dans  le  môme  esprit. 
Le  couvent  des  Hiéronyniites ,  en  Espagne, 
avait  dans  son  sein  plusieurs  manulactures.' 
La  plupart  -des  premiers  religieux  étaient 
maçons,  aussi  bien  que  laboureurs.  Les  Bé- 
néaictins  bâtissaient  leurs  maisons  de  leurs 
propres  mains,  comme  on  le  voit'par  l'his- 
toire des  couvents  du  mont  Càssin,  de  ceux 
de  Fontevrauit,  et  de  plusieurs  autres.  Quant 
au  commerce  intérieur,  beaucoup  de  foires 
et  de  marchés  appartenaient  aux  abbayes , 
et  avaient  été  établis  par  elles.  La  célèbre 
foire  du  Landit,  à  Saint-Denis,  devait  sa 
naissance  à  l'Université  do  Paris.  Les  reli- 

Sieiises  filaient  une  grande  partie  des  toiles 
e  TEurope.  Les  bières  de  Flandre ,  et  ta 
plupart  des  vins  fins  de  rArchipol,  de  fa 
Hongrie,  de  l'Italie,  de  la  France  et  de  l'Es- 
pagne, étaient  faits  par  les  congrégations 
religieuses;  l'exportation  et  Timportation 
des  grains,  soit  pour  l'étranger  soit  pour 
les  armées,  dépendaient  encore  en  partie  des 
grands  propriétaires  ecclésiastiques.  Les 
églises  faisaient  valoir  le  parchemin,  la  cire, 
le  lin,  la  soie,  les  marbres,  l'orfèvrerie,  les 
manufactures  en  laine,  les  tapisseries  et  les 
matières  premières  d'or  et  d'argent;  elles 
seules,  dans  les  temps  barbares,  procuraient 
quelque  travail  aux  artistes,  qu'elfes  faisaient 
venir  exprès  de  lltalie  et  jusque  du  fond  de 
la  Grèce.  Les  religieux  eux-mêmes  culti- 
vaient les  beaux-arts,  et  étaient  les  pein- 
tres, les  sculpteurs  et  les  architectes  de  TAge 
gotbigue.  Si  leurs  ouvrases  nous  paraissent 

{grossiers  aujourd'hui ,  nV>ublions  pas  qu'ils 
orment  l'anneau  où  les  siècles  antiques 
viennent  se  rattacher  aux  siècles  modernes  ; 
que,  sans  eux,  la  chaîne  de  la  tradition  des 
lettres  et  dos  arts  eût  été  totalement  inter- 
rompue ;  il  ne  faut  pas  que  la  délicatesse  do 
notre  goât  nous  mène  à  l'ingratitude.  » 

ORIGNY  (Jean  d'),  Jésuite,  né  i  Reims, 
vivait  sur  la  fin  du  xvii*  siècle ,  et  au  com- 
mencement du  XVIII*.  Il  s'appliqua  tour  à 
tour  à  renseignement  et  k  la  direction  des 
âmes,  et  composa  plusieurs  ouvrages,  entre 
autres  :  Vie  du  P.  Coftiitus;  Paris,  1707,  in-H» 
traduite  en  latin  par  P.  Python  ;  Munich, 
17i0,  in.8'5  —  Vie  du  P.  Ani.  Posserin:  Mu- 
nich, 171à,  in-iS,  curieuse  et  recherchée;^ 
Vie  de  saint  Remy;  CliAlons  (Paris),  1714, 


i»ft 


rjouL 


Fiiiil— ■  r«%i»rttei>.  TVS    Jetime  de  Cbaa 

^  lérAme  (Saint). 

Jé90s(SaiotNomde). 


6abrlén«  de  BonriMNi. 

Cértrd  le  Grand. 

Geneo  (de). 

Gersoo  (Jeao). 

Gildai. 

Gtard  de  Villelbé^j  (Jeao) 

Giraodeaa  (Bpiufenture). 

Giiosiinaqaes. 

Gnostielaroe. 

Gobioet  (Chariet). 

GonDelieo  (Jêrdme  de). 

Goaidao  (Siinoo). 

GoaTenenient  rcligfeax. 

Gfflee. 

Grégoire  le  G  raïKl. 

Grégohre  de  Nyase. 

Grégoire  de  Tours. 

Grenade jLoiib  de). 

Griffet  (Henri). 

Guignes. 

Gttitt>ert  (Piprre). 

GuilUauM  {A\M). 

GolllaoïDe  d'AoTorgoe. 

GBillaame  de  Paris. 

Giiyoa. 

H 

HaMt  rellgieoi. 
Hxaéiiitt5(  Benoit). 
Uaire. 


901 

INIl 

901 

902 

907 

909 

941 

941 

9fl 

941 

941 

948 


947 


i6S  4é8os.Cbriat  (Iniutioo  de). 

763  JeOne. 

76.^  len. 

705  iolj  (Oande). 

763  Jordan  Rémond. 

763  Jugpment. 

764  Ja^ice. 
761  Joailn  (Saint). 

764  1^ 

7^§    Kroust. 

765  L 
7B?5 

771    Lactanee  (Lodas  OKiioa  PîraiaBas). 

7K0  049 

7g I     Lallian  (Pierre  François).  949 

78f    ^^U^^^rre  Fnnvois).  Btô 

Lairvelf.  gig 

Ulemant  (Unis).  qxo 

LaHemant  (Pirrre).  930 

Lsrobert  (Jaaef*h).  omi 
Lami  (Dom  Frauçois). 
Umotte(Loiiis-Prançois.Gabriel  d'Or- 


781 
781 
781 
781 
781 
781 
782 
782 


Maiima  ($ainlj« 

MedlialioD  oa  OraiaoB  Maiale. 

Héianoolle. 

MéaMiire  («orUScaUon  de  hl 

Méase  (Célébration  de  la).    ^ 

JlétezaaajPaui). 

Hétbode  d*oraiioo. 

îfilban  (Pierre). 

VodesUe. 

Moines»  vie  ummi^mt, 

Motina  (Antoine). 
Ho^inoB  (Mielid): 
Motinostane 

Moolia  (Pierre  deL 
Hotttreail  (BemarJin  deL 
Morel  (Dom  Robert). 
Uoriifleaiion. 
Moacbos  (Jean). 

Mnralorj  (Looif-Amoine). 
HjsUqoe  (Théologie). 


ai 

de»L 
«î 
9SS 
9» 
995 
«6 
t» 
iOI7 
I4IT 


léjwde). 
«M    LaaTrane. 
""    Ungagediflo. 

Langnet  (  Jean-Joeeph). 
785    î^^ndenot  (F/Milse). 
tS    îi«'«^Jtt«iBieo(Saîlrt). 
7S    Léandre  (Saint). 


N. 


709    i-eanore  (  saint). 

Hamon  (Jean).  789    {-éapdre  (le  P,). 

Harploa  (Henri).  790    L«clere  (Antoine). 

Hauteserre  (Antoine  Oadinede).  790    rîSSîil    .ii'   .. 

Hante? Ule  (Sioolas.  790    î-«*nrei  spirfinelles. 

Hégonmèiie.  790    W«T  (Antoine), 

Hélicitea.  -^    L«iaio/iv».i 

HelyotjPierfe). 

Henri  d*Ureaiarla. 

Hemutes. 

Herian  (Marie-Antoine). 

Hésieaates. 

Henrea  Canoniales. 

HeTendat  (Nicolas). 

HlÛebertdeLafaniln. 

Hincmar. 

Honoré  de  Sainte  Marie.  «w  m 

Horsins  (Jacqnea).  800    •«     ./-,*.. 

Hugues  de  Fosses  (lebienhenr«ni.  80!    2!?!'*  î|"!"9  "Ancien. 

Hogues  de  Saint-Victor.  801    S^^fS  (^"0  le  Jennc. 

Hnmbert  de  Romans.  801 

Humilité.  801 

1 

fdiot. 

Ignace  de  Lojrolt. 


7S1  Lenaio  (Dom). 

4^  Léon  (Saint). 

701  i-éon  (de  Saint  Jean). 

iaï  f'eroT(GHillailine). 

7^  Leasius  (Léooaril). 

794  {-«M  i '«lû-Baiitisle  De). 

4^  Lugendes  (Claude  de). 

^  Lndolpbe  de  Saie. 
800  M 


Maee  (François). 
Maoé. 

MalTel  (Végio). 
of K    S*^^  (Jean-Pierre). 

816    Malb05e(Dafiddc). 


etE.erdo«splrilu!2!  "^^T?  SSSSUf'ï^ài 

limace,  disciple  de  Saint  Pierre.  851  îiîSidSSmê  ^  '' 

Imiuilon  de  Jésns^rist  (Wéceasjté  mS^aSS^^^^^ 

JuUondeJésns43.rlst(Li.redeg  ^{V^Ti!::^^:^' 

Tmmaeiilée  Conception.  876  MÏSii'iiSJiard  de). 

todS"? Mjsticl^ne  00  ascétisme  dS)'  ÏÏS  ffieT'^  '•'' 

Infusion  pmsiTO.  I??  ^^i  i^S-nL"**"^'  ^ 

nteltoe£ce  (M(^ficsUoa  de  f).  880  mSuiSS  &, 

Intention  r Pureté  d'i.  noi  SI^SiZXmI.^^'* 


Intention  (Pureté  d'). 
Isidore  de  Peluse. 
Isidore  de  Séville. 

J 

Jnenlatoire  (Oraison). 

iard  (François). 

Jean  Cbrysostome  (Saint). 

insn  Qymaqdé  (Saint). 

insn  Cspislran  (Saint). 

insttdnisGroiitSsim). 


m  Mamiie  (Msre). 

992  Massallens. 

992  Masson  (  Innocent  Le). 

Masson  (Antoine). 

^,  MassouUé(Anloaln). 

991  Maternité  di?iae. 

893-  Mandon  (David  de). 

£3  Mauduit  (Micbel). 

894  Maugras  (Jean-François).  ye» 

2»9  Maupertny  (Jean-Baptiste)  Dronet  de 
^'^  969 


909 

960 
961 
961 
961 
961 
961 
962 
961 
9112 
964 


965 

963 

963 

983 

963 

963 

964 

964 

961 

964 

963 

966 

•fon 

966 

966 

966 

966 

967 

967 

967 

967 

967 

967 

968 

968 

968 

968 

969 

969 

969 

969 

969 

969 


HabnnaliMlie^ 
HadasffJean). 
fiigoi  (CF.). 
SliiilLc). 
Bri  (Corneille). 

*aljs  (Jérénie). 

iTité  (Sœur  de  la). 

^iis  (Joseph). 

féen,  Hasard 

Json  (Roben). 
IJepveo  (FrauçnfH). 
Héri(Pi,ilû-pediî). 
NeniMMrJFraii{ois). 
Henrilte  atné. 
llenffllle(A.^.^.). 
gjtoeyer  (Alei.-  H  eruiè 

Nil  (Saint) 

llobitibos  (Robert  De). 

Nocturnes. 

Rom  de  Jésus. 

Nonnes. 

Nodier  (Saint). 

Nouel  (Jacques). 

Novice,  Noviciat. 

Nndliô  contemplative. 

O 

Obéisssnee. 

Obligations  des  prêtres. 
Obligation  d'un  religieux. 
Observance. 
Obsession. 
Obstsdes  i  ta  grice. 
ObsudesàlaperrectioD. 
OocupaUons  des  reJtgieoz, 
Odilon(Saiai).       * 
Odon  (Saint). 
Olfrande  de  si>8  actions.. 
Ogier  (  Joseph-Marle). 
Olier  (iean-Jacqoes). 

OlivejPierreSi): 
Omphalopbjsi^ues. 
Oonsell  (Guillsome  van). 
Opérations  surnatarelles. 
Oraison  dominicite. 
Oraison  meuule. 
OraisuniËUtsd*). 
Oraison  (Méthode d'). 
Ordre  de  la  vie  spirituelle. 
Ordres  miliuires. 
Onlres  religieux. 
Orteoy  (Jean  d*  ). 
Oodfsu  (Joseph). 
Otfen  (Saint). 

Onltremao  (Philippe  d*). 


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