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•"iLOQVElICE CaRÉTlENNE, — DE LITTÉRATURE î^., — D*ARCnÉOLOCIE id.^ — D^ORIIEHESITATIOX îd*
* D^ABCHITECTORB, DE PEINTURE ET DE SCULPTURE id., — DE RUHISIIATIQUE II/., — D*HÉRALDH)CE M.,
— DE HUSIQUB id.^ — D^ANTHROPOLOGIE id,^ — DE PALÉOUTOLOCIE td.^ —
»*foCRAniE M.y — DB IOTAHIQUE id.^ — DE ZOOLOGIE id,^ — D*ETH!fOGRAPHIE, — DES HAlfUSCRITS, —
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'de MiDEaRE-PRATIQUE, — D*AGRI-SlLV|-TITl-fiT-HORTiCULTURE, ETC.
PURLlgE
PAR M. L'ABBÉ MIGNB,
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DES COVM CN>
SUR CHAQUE RR%?ICIIE DE LA SCIERCE ECCLÉSIASTIQUE.
• € r|« LB TOL. POUR LE SOUKRIPTEUR A LA COLLECTION ENTIERE, 7 FR., 8 FR., ET hAmE 10 PB* POUR
SOUSCRIPTEUR A TEL OU TEL DICTIOMHAIRB PARTICULIER.
TOME ÇUJLRANTE-GINÇUIÈnE.
DICTIONNAIRE D*ASCÉTISHE.
TOMB PREMIER.
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S'IMPRIME ET SE VEND CHEZ J.-P. MIGIVB , ÉDITEUR,
AUX ATBUBBS CATUOUQUBS, RUE D'AMBOiSI!, AU PliiTiï-UONTilOUGE,
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1853
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Imprimerie MIGNE, au Pelit-Monlroog^;;
DICTIONNAIRE
D'ASCÉTISME
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L*8IiT0UB GivimàtE DE L'ASCiTMMB DEPUIS l'ORIGINB DU MOUDB JVSQIl!à
nos JOURS ;
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TODTBS LES QITBSTIOIIS SPÉCdLATITES BT PRATIQUBS DE LA THiOLOGlE mrtTIQUB ;
fumapinx adtbdbs iscinQUEs, orthodoxes, depuis jésus-christ jusqu'à nos jauu |
DES VAUX MTSTIQUES ET DE LEURS ERREURS ;
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DES PRIECIPAUX AUTEURS ET OUTRAGES MTSTIQUES ;
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PmOPRB A FACILITER l'bTUDB RAttOHEÉE DE LA TBiOLOGIE MTSTIQUSJ
PAR LES ABBÉS J.-C. G. ET J.-C. P.
PUBUÉ
PAR H. L'ABBÉ MIGNE ,
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TOME PREMIER.
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S^IMPRIME ET SE VEND CHEZ J.-P. MIGNE, EDITEUR ,
AUX ATELIERS CATHOUQDES, RUE D'AMBOISE, AU PETIT -MONTROUGI,
•AUUiSB O'ilfm DB PABIf .
1853.
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DISCOURS PRÉLIMINAIRE.
Noos nous proposons dans ce discours de présenter une esquisse historique de l'as-
eétîsme, et quelques considérations générales qui n'ont pu trouTer place dans cet ouTrage
parmi les articles détachés.
Ce DicUomudre de myUiciême est Y^rilablement un traité complet de la théologie mys-
tique et de tout ce qui s^j rattache, soit au point de vue doctrinali soit au point de Tue
pratique, soit au point de nie historique
Doctrine, expérience, maximes des Pères et des plus illustres ascètes, bibliographie,
place que le déTeloppement de l'ascétisme occupe dans le dérelopperaent de l'histoire
du genre humain : telle est la matière de ce traTaîL Si ces choses ne sont pas neuves par
elles-mêmes, -et ce serait un malheur qu'elles le fussent, du moins il n'existe encore
pas une collection de matériaux aussi complète ui aussi facile k consulter que celle-ci
pour s'éclairer sur la question du mysticisme et de Tascéti^me.
Nous nous empressons de déclarer tout en commençant, que notre tAche n a consisté
qu*à choisir les meilleures sources et à y puiser. Nous avons fait une comparaison générale
de ce qui a été écrit sur cette importante matière, depuis saint Denys l'Aréopagite jus-
qu'k saint François de Sales.
C'est à Scrham que nous avons fait les plus larges emprunts, à cause de la grande mé-
mode et de la parftite exactitude théologique de Fauteur. Hais ce Dictionnaire est com-
plété par les travaux de Pierre de Blois, Ferrari, de Rodriguez, saint Xean d'Avila, sainte
Ther^, saint lean de la Croix, saint Bonaventure, saint François de Sales, Surin, Cour-
bon (J), Gosselin (2) et autres, pour les articles ascétiques ; de Feller, de Godescard, de
Bsrgier, de Rohrbacher, de la Biographie universelle pour la partie biographique et biblio-
graphique.
Quoiqu'il n*y ait en apparence aucun ordre raisonné dans un dictionnaire, cependant
ici les articles sont reliés entre eux par groupe, au moyen de renvois, en sorte qu'on y
trouve véritablement la marche d'un traité scientifique; et sur chaque point on y verra
la doctrine appuyée sur l'Ecriture sainte, les saints Pères, la pratique des saints, et sur
les meilleures autorités. Une table méthodique des matières relie par un facile enchaîne-
ment les articles épars dans le Dictionnaire.
La pensée principale (de ce discours, celle qui domine et gouverne tout l'ouvrage,
celle d'après laquelle toutes les autres se coordonnent est celle-ci : qu'il existe pour tous
ceux qui s'occupent de ces délicates matières, une nécessité absolue de se conformer à
la doctrine et k la pensée de l'Kglise exprimée par des autorités universellement res-
pectées.
Dans tout re qui touche à la religion, dans toutes les parties do la science sacrée, la
raison n'intervient qu^ pour confirmer, par des considérations qui lui sont naturelles, les
irérités fournies par les sources approuvées de TEglise; en sorte que son r6le n'est ja-
mais d'inventer du noi|veau, mais de chercher quelques motifs nouveaux quand, dans sa
fitbiesse native, elle peut en trouver, pour corroborer les vérités enseignées par l'Eglise
et TEcriture sainte. Voilà son rôle, qui n'est pas fort considérable; aussi noua devons
remercier Dieu qui a voulu que le chemin de nos destinées éternelles fAt éclaira* par une
autre lumière que ee)le de la raison vacillante de l'Jiomme , et quedans des affaires de
eetle importance l'homme s'en rapportât surtout à Dieu lui-même. Or, si ce que noua
disons est vrai quand il s'agit des vérités enseignées par la théologie dogmatique et morale,
on peut dire que ^|a est incomparablement plus démontré quand il s*agit de la théolo-
^) BUi. inUf. de Ffnelon, an. QutétUme.
Durnoxîi. n'AscirrsvB. I.
il DICTIONNAIRE D*ÂSCETISME. f^
gie mystique» cette portion de la science sacrée qui est pour ainsi dire la plus voisine da
ciel» et qui est le côtô le plus sublime de .cette science. ,
On comprend donc que nulle part la raison privée ne doit p us qu'ici se défier d'elle-'
même : sa seule fonction consiste à recueillir et à peser les auto, itôs, à marcher pas à pas
avec l'Ecriture sainte» avec les conciles qui contiennent la pen ée de l'Eglise, avec les
appréciations des saints Pères sur la pratique de la perfection é /angéligue, avec les con-
sidérants des bulles de canonisation, avec les auteurs ascétiques les plus autorisés, avec
les vies des saints, accueillies universellement comme parfaitement authentiques.
Cette marche prudente et conseillée par la difficulté de la matière rend les erreurs bien
difficiles. Aussi» pour ce qui nous concerne nous avons fait tous nos efforts pour ne point
nous en écarter en quoi que ce soit» même dans les derniers détails des questions ; et si
malgré nos intentions bien pures et tout notre soin» des inexactitudes s'étaient glissées
dans notre travail» nous les désavouons et soumettons tout à la suprême autorité à laquelle
il est toujours si sûr et si doux d'obéir.
Nous n'avons emprunté nos articles qu'aux écrivains ascétiques qui ont compris cette
nécessité de s'en tenir strictement è l'enseignement traditionnel et catholique et qui ont
le moins accordé aux vues particulières et au goût d'une dévotion privée, quoique d*aiU
leurs très-respectable.
Mais s'il faut être enfant docile de l'Eglise et ne jamais s'écarter de sa pensée» il ne
faut pas croire pour cela qu'il faille repousser comme les effets trompeurs d'une imagi-
nation peu réglée» toutes les grâces particulières que Dieu répand quelquefois sur ses
fidèles serviteurs. Nous reviendrons bientôt sur ce point pour le traiter avec l'attention
qu'il mérite : mais en attendant nous devons dire qu*il serait également contre la doc-
trine de l'Eglise de refuser à la gr&ce de Dieu les effets merveilleux qu'elle produit natu-
rellement et par sa propre vertu» quand elle tombe sur une bonne terre ; et de re-
connaître les caractères de ces mêmes effets extraordinaires» dans certains états qui
sont le fruit d'une imagination ardente ou d'un orgueil déguisé ou d'une excessive
sensibilité.
Au surplus» nous n'en sommes pas encore à juger certaines questions pratiques qui
ressortent de la théologie mystique. Quant au dogme et à l'ensembe de la doctrine» nous
venons de faire notre profession de foi » et maintenant on sait par quels motifs nous
avons cherché h suivre les auteurs les plus savants» les plus orthodoxes» les plus prudents;
ceux, en un mot» qui nous ont paru posséder la science de la théologie avec le
plus de profondeur et d'étendue» et aussi avec la plus grande somme de bon sens
pratique.
La théologie mystique a contre elle de grands préjugés» nous en combattrons quelques-
uns» ceux-là seulement que nous considérerons comme sérieux. Ella a contre elle les pré-
jugés des philosophes incrédules; nous ne nous préoccupons pas beaucoup de ceux-lè, et
toutefois nons aurons quelques réponses à leurs attaques. Elle a contre elle le mépris des
Chrétiens rel&chés et corrompus» qui ne sentent plus ce qui est de Dieu» nous n'avons
rien h leur dire ; ils ne connaissent du christianisme que la superficie ; les croyances les
plus fondamentales-aonl déjà mutilées dans leur esprit. Une partie de la morale» celle
même qui est de précepte» leur parait du superflu. Comment pourraient-ils estimer les œu-
vres surérogatoires du christianisme» lorsque les motifs mêmes des plus indispensables
devoirs leur échappent?
Placés dans les antres ténébreux du vice» ils s'indignent de ce aue ceux qui sont sur la
montagne leur partent de la majesté du ciel qui se déroule au loin devant eux. Les as-
tres cessent-ils de briller au firmament» parce que certaines personnes ne veulent pas y
porter leurs regards ?
Mais voici le grand mal : La théologie mystique a contre elle même des Chrétiens sin-
Hcères et des personnes respectables ; et avouons-le» non-seulement d'honnêtes laïques» mais
encore un bon nombre d'ecclésiastiques d'ailleurs irréprochables» ou ignorant le vrai objet
de la théologie mystique» ou la dédaignant» soit comme superflu» soit comme ne rentrant
pas dans leurs attributions» et comme n'éclairant aucun devoir essentiel à remplir. S'il
IS DISCOURS PREUNINAIRE. U
était bien vrai qa'on ecclésiastique pût se contenter do la simple obserration des précep^
tes sans se croire appelé par sa sainte Tocation à une perfection snpériearey ce qui serait
en contradiction arec renseignement des 'conciles , des saints Pères et des pins grates
autorités; au moins estnl certain que tout prêtre ayant charge d'âmes peut être appelé à
diriger des pénitents qui se lirrent plus ou moins à la rie contempIatiTe, qui se sentent
appelés par la grâce de JWeu k pratiquer quelques-uns des conseils éyangéliques , et dès
lors il doit être familiarisé avec les règles et les maximes des saints, avec les règles reçues
dans TEglise pour la conduite des âmes qui suirent la ?oix de la perfection.
Maintenant quel est l'objet, la fin et les moyens de la théologie mystique?
• La théologie mystique, dit Schram, est une science qui, s'appuyant sur les choses diri*
nemjent révélées, expose la doctrine qui conduit h l'acquisition de la perfection des
vertus.
Ainsi la théologie mystique n*est que le complément de la théologie dogmatique et mo-
rale; ou si vous voulez, une des divisions, une des parties intégrantes de la théologie ou
science de Dieu. C'est une science^ dit le même auteur, d*abord parce que son procédé d*in*
duction n'emporte pas moins d'évidence que les autres sciences humaines» et ensuite
parce que dans sa matière elle repose sur des principes plus certains que les autres
sciences; car ces principes ont pour fondement la révélation divine.
Sa fin est de conduire l'âme par la voie de la perfection jusqu'à l'union de la charité
âes parfaite avec Dieu.
Ainsi en même temps que Dieu est l'objet de cette science, la fin en est la perfection
âmes par l'union avec Dieu.
Ses moyens sont, outre l'accomplissement exact des commandements de Dieu et de l'E-
glise, c'est-à-dire l'accomplissement des devoirs communs à tous les fidèles, un usage par-
ticulier de la prière, de la méditation des vérités étemelles, de la mortification; l'accom •
plissement partiel ou universel des conseils évangéliques, et cela dans le but d'accomplir
p!us sûrement et plus parfaitement les choses de précepte, et d'arriver par là et avec la
grâce de Dieu à un parfait amour de Dieu, à une entière union avec lui.
11 est naturel dé conclure de là avec Gerson que la théologie mystique est la sagesse par
excellence, la sagesse la plus haute qui puisse nous éclairer en ce monde. Elle surpasse, dit
Louis Dupont, incomparablement toutes les autres sciences et tous les arts de Tunivers,
parce qu'elle est plus haute, plus sainte, plus noble, plus utile, plus douce, plus durable,
puisqu'elle est la fin dernière d'après laquelle et le bonheur de la vie prteente et toutes
les autres sciences se condamnent.
Sans doute le but de la théologie dogmatique et de la théologie morale est au^si la con-
naissance et finalement la possession de Dieu» la connaissance des règles à observer pour
y arriver. Mais la théologie mystique enseigne la règle pour arriver plus sûrement à ce
noble but et pour y arriver avec la plus grande perfection.
Nous avons déjà vu que les principes et les lieux théologiques de la théologie mystique
sont les mômes que ceux de la théologie dogmatique et morale. Or, il y en a de deux
sortes : les uns qui emportent d'eux-mêmes la certitude, les autres qui fournissent des
autorités respectables sans engendrer la certitude. Les sources de première classe sont
l'Écriture sainte, prise dans le sens où elle est interprétée par l*Ëglise, le consentement
unanime fdes saints Pères, l'Église parlant ou dans les conciles généraux, ou dans les
constitutions des Souverains Pontifes s'adressent à TÉglise universelle.
Les autres lieux théologiques sont d*un ordre inférieur et par eux-mêmes n'élèvent une
proposition que jusqu'à une plus ou moins grande certitude ou probabilité. Ce sont les
conciles provinciaux, les saints Pères, pris séparément et émettant une ooinion particulière.
C'estt encore l'autorité de l'histoire, de l'expérience et de la raison.
D'oJk il suit que la théologie mystique a sa doctrine certaine et ses opinions ou ses doutes.
Les choses certaines réclament et commandent l'unité]; les douteuses, la prudence.
Voyons maintenant comment cette science divise et dispose ses matières.
La fin de la théologie mystique étant de conduire une âme, par la voie de la perfection»
jusqu'à Funion de la charité parfaite avec Dieu» la première chose qu'elle fait» c'est de
15 DICTIONNAIRE D*ASGET1SME. H
donner le caractère de la perfection et de montrer quels sont les molifs qui nous obligent
^ y atteindre, en quoi elle oblige chacun de nous.
C'est ensuite à partir de ce point que commencent à se ramifier les divisions. Car comme
il n'est pas naturel d'arriver à la perfection tout d'un élan, mais successivementt
et par degrés, on a distingué trois voies différentes, par lesquelles on arrive au sommet de
)a perfection, autant qu'une créature humaine , même aidée de la grâce, peut y arriver. Il
y a la voie purgative, la YOie illuminative et la voie unitive. Les personnes qui parcourent
ces voies sont appelées, en conséquence, les commençants, les progressants et les
parfaits.
i" Dans la voie purgative ^ que suivent les commençants, on s'occupe et de la pé-
nitence des péchés passés et de la fuite, non-seulement du péché mortel, mais aussi du
péché véniel et de la tiédeur. Les deux principaux moyens pour arriver à ce but, sont
J'oraison et la mortification, dont on traite selon l'importance de ces matières.
2r Dans la voie illuminative , que parcourent les progressants, on suppose les flmes
purgées des péchés et délivrées des liens du vice, et occupées particulièrement à
suivre Jésus-Christ, qui est la voie, la vérité et la vie. En imitant Xésus-Christ, ces Ames
acquièrent toutes les vertus par lesquelles elles deviennent les épouses de Jésus-Christ, et
'sont disposées à aimer Dieu par-dessus toutes choses et à s'y attacher comme au souverain
bien. De là, dans cette partie, on traite particulièrement de l'imitation de Jésus-Christ,
de la pratique des vertus, de la victoire des tentations, et des difficultés qui se présentent
dans la vie.
3* Enfin, l'homme ainsi illuminé par la pratique des vertus et par l'imitation de Jésus-
Christ, arrive à la perfection, dans le degré où il est donné d'y parvenir, dans la vote
unitive. L'Ame monte à cette vie unitive par la contemplation, et Dieu l'élève lui-même
jusqu'à lui par sa gr&ce et par des voies diverses, et ces voies diverses, ces grAces spéciales,
que Dieu accorde à ces Ames, caractérisent cette TOie , où marche le petit nombre des
parfaits.
Mais il reste encore un objet important , le plus important même h traiter par la
théologie mystique , ce sont les règles de conduite du directeur des Ames dans la vie
spirituelle.
»
Et, h ce propos, ceux qui ont lii les œuvres de sainte Thérèse goûteront la sage réflexion
àe l'un des continuateurs de Fleury, M. l'abbé Goujet : « Ce qui me plaît surtout dans
sainte Thérèse, dont tous les ouvrages sont si mystiques qu'ils sont à la portée de peu de
personnes, c'est qu'elle se défiait de ses propres lumières, qu'elle craignait toute illusion,
que les états extraordinaires où elle tombait lui paraissaient ordinairement suspects,
qu'elle les soumettait au jugement de supérieure éclairés, et que ce qu'elle a écrit, elle ne
l'a fait que par obéissance, et en avertissant même de ne les lire qu'avec précaution. »
On voit par là avec quelle attention la théologie mystique doit traiter la question des
qualilés du directeur des Ames qui aspirent à la perfection évangélique. On y examine
* cinq points différents qui embrassent cette matière : l^'Que! doit être le maître de la vie
spirituelle. ^ Comment le directeur doit s'accommoder aux dispositions des personnes, et
distinguer les commençants, les progressants et les parfaits ; les éclairer, les corriger et les
soutenir. S* Comment il doit faire la distinction des bous et des mauvais esprits, des bonnes
et des mauvaises inspirations. 4* Distinguer les véritables grAccs extraordinaires d'avec les
illusions. 5" Examiner comment un supérieur doit conduire la ^communauté et quelles
sont les qualités que les saints Pères lui supposent pour faire profiter les Ames qui lui
sont confiées.
La théologie mystique pourrait encore se diviser en deux parties : la partie spéculative et
la partie pratique. Elle est spéculative et doctrinale lorsqu'elle fonde son enseignement sur la
base solide des autorités que nous avons indiquées plus haut; elle est pratique et expéri-
mentale lorsqu'elle entre dans le détail de la vie, par l'application des principes démontrés,
U DISCOURS PREUMINAIRBL iS
i (et ou tel cas particulier» à teile ou tdie personne. El ici on contient qu'elle a lé même
genre de difficultés que la théologie morale» dont les principes généraux sont très-clairs et
précis, mais qui ne laissent pas d'engendrer une foule . d*embarras et de perplexités
dans la pratique, parce que les circonstances de temps et de lieu, de personnes» etc.»
font que ce qu'il j a d'abso(u, dans le principe» ne se prftte que très-péniblement aux acci-
dents des cas particuliers. H n*est pas étonnant qu'il j ait cette similitude entre ces deux
sciences, puisque la théologie mystique n*est réellement, comme déjà nous TaTons obsenré,
qu'un prolongement» un complément de la théologie morale.
Cependant» nous devons observer que les difficultés réelles que présente la pratique de
la théologie mystique ne sont pas» de leur nature, aussi épineuses» aussi embarrassantes
pour la conscience de celui qui applique ces principes» et qui en a la responsabilité» que
lorsqu'il s'agit du principe de la théologie morale ; celle-ci agit» en effet» généralement sur
ce qui est'de droit» de rigueur» 'd'obligation. Dès lors la décision» pour ou contre» a un
effet infaillible de bien ou de mal ; tandis que dans la théologie mystique» souvent on traite
des œuvres et des pratiques de surérogation. S'il y a erreur» elle n'existe souvent que du
mieux au bien; tandis qu'ailleurs elle est du bien au mal.
C'est id le lieu de rappeler quelques jugements peu iavoranles à la théologie mystique»
iwrtés par des hommes très-considérables.
Bt d'abord» commençons par rappeler la déGnition un peu obscure qu'en donne Bergier.
« Ceux qui ont traité de la théologie mystique, dit-il» disent que ce n'est point une habi-
tude ou une science acquiu^ telle que la théologie spéculative » mais une connaissance
expérimentale » un goût pour Dieu qui ne s'acquiert point» et qu'on ne peut obtenir par
êot-mémef mais que Dieu communique à une âme dans la prière et la contemplation ; c'est»
disent-ils» nn étai surnaturel de prière passive » dans lequel une Ame qui a étouffé en elle
toutes les affections terrestres » et qui s'est accoutumée à converser dans le ciel » est telle-
inent élevée par le Seigneur» que ses puissances sont filées sur lui sans raisonnements et
sans images corporelles représentées par l'imagination. Dans cet état » par une prière
tranquille mais fervente» et par une vue intérieure de l'esprit» elle regarde Dieu comme
une lumière immense» étemelle ; et» ravie en extase» elle contemple sa bonté infinie» son
amour sans bornes. »
Quoique nous ayons envisagé le mysticisme comme une science armée de toutes ses
parties pour établir ses vérités» cependant nous conviendrons avec Gerson qu'il consiste
surtout & connaître Dieu par l'expérience du cœur : mais cela n'empêche point qu'il no
soit une des branches de la théologie générale » qui spéculalivement arrive à des consé-
quences certaines.
Ainsi» 1* malgré i opinion de Beigier » le mysticisme est une science » et en second
lieu» elle ne consiste pas seulement dans les extases. Ceux qui marchent dans cette voie
ne doivent même pas les chercher. LiiS grâces surnaturelles dépendent de Dieu. Mais le
but de la théologie mystique est d'arriver à une union continuelle d'intention avec
Dieu par la pureté du cœur et la vivacité de la charité.
Cet exposé de Bergier ne donne pas» comme on voit» une idée juste ni bien favorable
de la chose qui nous occupe. Bergier prend une partie pour le tout» et voilà pourquoi H
est incomplet et obscur dans ce passage » et nous ne lui en faisons pas un reproche.
Contre qui était dirigé son Dictionnaire de théologie? conire les philosophes* du xviiT
siècle. Or» aux yeux de ces hommes» il n'avait pas à traiter la question de mysticisme
à fond » il s'agissait seulement de faire respecter par les ennemis de l'Eglise des choses
qu'ils ne comprenaient pas; et partant il n*a parlé à ces hommes que de la prière pas-
sive et des extases» de certaines grâces particulières que Dieu fait aux justes» parce que
ces choses-là seulement étaient un sujet de scandale pour les philosophes. Hâtons-nous
d'ajouter que Bergier» avec son intelligence ordinaire» a noblement défendu les droits
de la grâce et la vie des âmes contemplatives, il a fait ce qu'il devait faire ; il a» en bon
soldat» défendu les remparls dans le point seulement où ils étaient attaqués.
» BICTIONNAIRE D'ASCETISME. M
Le discours qu'on lit dans les (Œuvres de Fleury, mais qui est de l'un de ses contî-
' nuateurs, traite assez rudement les mystiques, et ménage peu la théologie mystique elle^
même. Nous allons citer ce passage ayant d'en exprimer notre sentiment.
« La théologie mystique en général est une connaissance infuse de Dieu et des choses
divines, qui émeut l'Ame d'une manière douce, dévote et affective, et l'unit à Dieu in-
timement , éclairant son esprit et échauffant son cœur d'une manière tendre et extra-
ordinaire. Nous n'avons garde de condamner cette théologie , enseignée par plusieurs
saints, et approuvée par l'Eglise. Mais il est bon de remarquer que les anciens, dont les
écrits brillent de tant de lumières, en ont peu fait sur cette matière , parce que, d'un côté»
' il est plus facile de sentir ces communications intimes de Dieu avec TAme , que de les
exprimer, quand on en est favorisé; et que, de l'autre, il n'y a rien de plus sujet à l'illu-
sipn que ces voies extraordinaires oh Dieu fait peut-être moins entrer d'Ames qu'on ne
le pense. Les saintes Ecritures et les Pères de TEglise ont recommandé, comme autant
de préceptes indispensables , d'aimer Dieu de tout son cœur, de ne vivre que pour lui, de
lui rapporter toutes ses actions par amour, de s'acquitter exactement des devoirs de son
état , chacun selon sa condition , dans le dessein de lui plaire , de le servir, et de parve-
nir à le posséder dans l'éternité ; mais ils ont peu connu ces états habituels de visions,
' d'illuminations, d'illustrations intérieures, d'oraisons passives, etc., et ils en ontsûre-
Sient ignoré les termes: au moins, le plus grand nombre n'en a-t-il rien dit. Nous ne
voyons pas non plus que, quelque éclairés qu'ils aient été sur les voies du salut, ils. aient
fait un art mélhodique de l'oraison , ni qu'ils aient cru que les sentiments du cœur puis-
sent être, pour ainsi dire, mesurés au compas, ni être produits que les uns après les
autres, selon un ordre arbitraire, et en quelque sorte mécanique, qu'on leur aurais
prescrit. Si la plupart de ces spéculations abstraites ne sont pas nées de l'oisiveté des
cloîtres, je ne sais si l'on ne peut pas dire qu'au moins elles s'y sont nourries et fortifiées^
et que c'est de là qu'elles se sont le plus répandues.
« Le célèbre Gerson f si sensé sur ces matières , était persuadé que Rusbrock s'était
égaré dans ses visions , et que l'enthousiasme lui avait un peu échauffé l'imagination.
Cependant il a eu des défenseurs éclairés. Jean Taulère, son ami, surnommé le Docteu»
illuminé f était beaucoup plus théologien; et l'on s'en aperçoit dans ses traités spirilueif
où il est bien plus exact que Rusbrock. La religieuse Marie d'Agreda a eu ses partisans,
et peut-être en a-t-elle encore, malgré le ridicule qui est répandu dans sa Cité myêlique^
.où elle ne s'entendait peut-être pas elle-même. Ce qui me plaît dans sainte Thérèse, dont
presque tous les ouvrages sont si mystiques qu'ils sont à la portée de peu de personnes,
c'est qu'elle se défiait de ses propres lumières, qu'elle craignait toute illusion , que les
états extraordinaires où elle tombait lui paraissaient ordinairement suspects , qu'elle les
soumettait au jugement de supérieurs éclairés , et que ce qu'elle en a écrit , elle ne l'a
fait que par obéissance, et en avertissant même de ne les lire qu'avec précaution. Les
quiétistes de ces derniers temps n'ont eu ni cette humilité, ni cette soumission, ni cette
défiance d*eux-mèmes ; et l'Eglise a condamné leur doctrine et leurs écrits, sans donner
atteinte à la vraie spiritualité, comme sans prétendre nier qu'il y ait des Ames privilégiées
h qui Dieu puisse accorder des grAces singulières et extraordinaires; de la vérité des-
quelles elle juge par l'imiformité de la conduite, l'humilité des sentiments, le règlement
des passions, la pureté des mœurs, Tinlégrité de la doctrine de celles qui croient en être
favorisées. Mais ce qui est extraordinaire ne peut servir de règle, et, par conséquent, la
théologie mystique n'a jamais pu servir, ni pour la direction particulière des mœurs, ni
pour la prédication, qui ne doit avoir qu« deux buts, persuader l'esprit en l'éclairant,
toucher le cœur en l'échauffant. »
Ce jugement sévère a d'autant plus d'autorité qu'il est exprimé avec le ton de la mo-^
dëration et du bon sens.
tJné seule observation suflira pour ramener celte mercuriale h son vrai sens. Lorsque
«
M. TabbéGoujet écrivait ce discours, la France était encore sous rimj)ression des qun*
tl DISCOURS PREUyiNAlRE. »
relies da quiétisme. Le mouvement de réaction de Topinion publique contre Molinos et ':
ses disdples D*éUit pas encore tout à fait apaisé. Le mysticisme Yrai et louable parut un
peu responsable des abus qu'on en fit. Mais qu*on remarque que Tauteur s*empresse de
déclarer : Nou$ n^avons gardé de condamner eeiie ihéologie emtignée par plusieurs saints et
mpproutféepar V Eglise. Lors qu'ensuite il termine par ces paroles : Ce qui est extraordi^
noire ne peut servir de règle ^ nous lui répondons qu'il n'y a point de règle pour les grâces
particulières de Dieu. Si donc, c'est de cela que Fauteur veut parler, nous sommes de son
a?is. Mais s'il entend que la théologie mystique ne fournit pas des règles sûres, sages et
prudentes pour conduire un grand nombre de personnes, particulièrement les religieux
et les ecclésiastiques, dans les yoies de la perfection évangélique, alors il se trompe.
Car il est vrai que la théologie mystique fournit ces règles sûres et prudentes, non pour
tous les Chrétiens sans distinction, mais pour tous ceux qui, touchés spécialement par
la grâce, aspirent à une Tie plus parfaite que le commun des fidèles.
Mais pour trancher ce genre de difficulté par la racine, remontons à la source même de
toute la doctrine catholique et écoutons les euseignements de lésus-Christ.
C'est dans le discours sur la montagne qu'il a réuni presque toute la substance de sa
morale. Or, il est aisé de Toir que, dans le plan de vie qu'il a tracé à tous les Chrétiens,
il y a des choses qui sont de précepte et d'autres seulement de conseil. Cette distinction
importante et fondamentale dans la doctrine de l'Eglise n'est point à l'arbitraire des inter-
prètes; elle est fondée sur la tradition unirerselle, sur l'autorité des saints Pères, des
conciles et de tous les docteurs.
Un pieux auteur a très-bien eiposé cette distinction t
A la suite des lois, dit-il , le Sauveur passe aux conseils.
A prendre les choses en général, les conseils n'obligent point chacun des Chrétiens,
mais il est essentiel qu'ils soient toujours observés par un nombre de fervents disciples,
et que leur pratique persévère dans le corps de la société chrélienne. Ils ne sont pas le
corps évangélique, mais ils contiennent l'esprit de l'Evangile. Ce n'est pour personne une
obligation dé les .garder en tout temps et en tous lieux; mais se croire pour toujours dis-
pensé de leur totalité, c'est s'exposer au péril prochain de s'affranchir du précepte. En un
mot, dans une spéculation abstraite, aucun conseil ne fait loi, mais il arrive quelquefois
dans la pratique, eu égard aux circonstances des lieux, des temps et des personnes, que le
conseil oblige.
Voilà le fondement, la règle et la justification de la théologie mystique. On pourrait
donc la définir : La tciencequi traite de la pratique des conseih évangéliqueSn
Elle repose sur les paroles et les discours de lésus-Christ. Elle est une partie intégrante
et substantielle du christianisme. Sans elle le christianisme est mutilé et privé de son
plus bel ornement, de son lustre le plus éclatant.
Nous tomberions dans l'exagération si nous disions que l'accomplissement du précepte
ne suffit pas. Ce serait une erreur pareille et tout aussi condamnable de dire que la pratique
des conseils n'est pas plus parfaite et plus agréable à Dieu, ou qu'il ne faut pas exhorter les
fidèles à suivre les conseils selon Tinspiration de la grâce. C'est un devoir pour les pasteuts
d'en favoriser la pratique, d'en faire l'éloge, d'en avoir de l'estime et d'inspirer cette estime
aux fidèles qui sont capables d*en être touchés. Et remarquez ici qu'il ne s'agit nullement
de choses extraordinaires et plus ou moins surnaturelles qu'éprouvent certaines âices
privilégiées. Ces choses sont la récompense anticipée de la sainteté, mais ne sont pas la
sainteté elle-même. La perfection dont s'occupe la théologie mystique embrasse tous les
degrés, et même elle s'occupe essentiellement et avant tout des plus bas degrés, c'est-à*
dire de la complète et entière expiation des péchés, des moyens de les éviter, de la prati*
que parfaite des vertus communes à tous les Chrétiens, parce que c'est là la base de
rédifice, et que si celui-là manque , le reste ne peut se tenir debout.
On peut voir mainleiiant combien sont abusés ceux en qui la théologie mystique ne
13 DICTIONNAIRE D^ASCETISME: U
■
réveille que des idées d*une piété malenteDdue et sans règles* Ceux-là, bien loin de coûnattre
la théologie mystique» n'entendent pas môme la théologie commune, o est-à-dire rensei-
gnement de TEglise et le sens des paroles de Jésus-Christ; ils n'entendent ni saiot Paul,
ni saint Bonaventure, ni sainte Thérèse*
ESQUISSE HISTORIQUE DU HYSTICISUE
Avant de nous livrer à d'autres réflexions, et pour jeter sur notre sujet toutes les
lumières qu'il peut comporter, nous allons suivre le mysticisme dans l'influence qu'il a
exercée dans la suite de l'histoire du genre humain. S*il y a eu un mysticisme Trai et
légitime dès l'origine du genre humain, bientôt aussi l'erreur apparut à cflté de la vérité. Un
mysticisme faux commença à tenir une grande place chez les Juifs et surtout dans l'Inde,
et depuis, ce genre d'erreurs, mille fois transformé, s'est propagé jusqu'à nos jours*
Tous les Pères, dit Thomassin, ont remarqué que le premier commandement que Dieu
fit à l'homme dans la première félicité du paradis terrestre fut le commandement sinon
d'un jeûne, du moins d'une abstinence, et ce fut le violement d'une abstinence qui attira
sur Adam et sur tout le genre humain ce déluge de crimes et de calamités que nous
n'avons encore pu expier par tant de jeAnes et par tant d'abstinences.
C'est une chose bien digne de méditation que cette abstinence du fruit de l'arore de
vie imposée à des hommes justes. Nous comprenons les abstinences comme peines expiai
toires imposées aux délinquants; encore, quand je dis nous, je ne parle que des catholi-
ques et des honnêtes païens ; car messieurs les philosophes font profession de ne rien
comprendre aux pénitences prescrites par la religion, quoiqu'ils comprennent assez bien-
celles imposées par les Codes delà société civile.
Nous comprenons, di&je, les expiations du péché; mais avons-nous assez remarqué
avec les saints Pères cette privation imposée à l'homme juste? Nous en devons conclure
avec certitude qu'il y a dans la privation volontaire, un mode naturel et sans doute le
plus efficace de^tous, de reconnaître la souveraineté infinie de Dieu. C'est le sentimeqt
du profond respect de la créature qui se traduit en actes. L'homme, composé d'&me et de
corps, a besoin, môme dans l'état de justice, d'exprimer sa dépendance par la soumission
affectueuse de son intelligence; il faut en même temps que le corps participe à sa ma-
nière à cette soumission, afin que tout l'homme rende hommage à son souverain.
11 parait que c'est la condition naturelle de Tétat d'épreuves des êtres raisonnables et
créés.
Il est facile de comprendre que ces privations imposées aux sens ont dû devenir plus
multipliées et plus rigoureuses dans l'état de Thomme 4échu. Dieu s'est chargé lui-même
d'imposer les pénitences que méritait le péché qui pèse sur la race tout entière du genre
humaiUj et ces pénitences nous donnent dans leur rigueur et dans leur étendue, une
haute idée du Dieu puissant et incompréhensible qui manifeste d'une manière si terrible
son courroux. Sans parler des misères attachées à notre corps et des incommodités dont
la nature, devenue ingrate, nous harcelle.de toutes parts, pourrions-nous concevoir une
peine comparable à la mort? pourrait-on porter un plus grand coup à celte portion ma-
térielle de nous-mêmes et inspirer plus d*horreur à notre sensibilité ? Eh bien, nos sens
ont beau se boulcTerser à cet aspect, l'arrêt est porté, et, avec la grâce de Jésus-Christ,
notre réhabilitation est à ce prix, c'est-à-dire au prix des misères de cette vie et de la mori
soufferts en expiation et avec patience.
Mais outre cette peine générale qui atteint ta race tout entière. Dieu a voulu encore que
chaque offense eût sa peine et son expiation particulière. Ce point qui parait plus obscu-
rément dans la loi ancienne est devenu très-clair dans la loi de grftce ; et on peut dire
qu'après le bonheur incomparable que nous avons eu d'avoir été rachetés par le Fils de
Dieu, le plus grand bonheur qui vienne ensuite est que nous savons clairement com-
ment nous devons nous y prendre pour expier nos péchés et profiler de la grâce de Jésus-
Christ
iS DISCOURS PRELIMINAIRE. |(l
Aussi le dogme de rexpiatiôn, si révoltant pour la philosophie qui» de nos jours sur-
tooty a la vue si courte ; le dogme de l'expiation, dis-je» fait le fond de toutes les religion^r
de tous les cuites. Non-seulement les jeûnes et les abstinences se trouvent au berceau
mémo des fausses religions et dans tous leurs rituels » mais aussi IMmmoIation des vic-
times, comme si le genre humain avait unanimement compris qu*il était insuffisant pour'
satisfaire par lui-même, et qu'il devait chercher de toutes parts une substitution. Voilà'
la vérité voilée. Un seul peuple parmi tous les autres a connu la vérité plus clairement :
c'est le peuple hébreux; celui-là même qui devait donner le souverain Réconciliateur.'
Aussi est-ce là que nous trouverons les exemples de la vie contemplative et pénitente
bien comprise. **
Le jeûne de Hoïse» pendant quarante jours et quarante nuits avant que de recevoir la'
Loi, fui une action si héroïque qu'on peut juger que ce n'était point son apprentissage et
que ce n'était qu'après des jeûnes fréquents et ordinaires, qu'il était monté à ce comble^
d*ane parfaite abstinence.
Bie se signala piar un jeûne de même nature, et l'Ecriture nous parlant si souvent des'
jeûnes de tint de justes avant lui, il ne faut pas douter qu'Elie ne fût aussi monté oar'
degrés à C6 haut point de perfection.
Tous ces jeûnes étaient arbitraires et particuliers ; l'Ecriture en fournit un grana nom-
bre d'autres exemples. On ne peut taire celui de Judith, qui jeûnait tous les jours de
Tannée, excepté ceux qui passaient pour jours de fête chez les Juifs.
Mais on trouve également les jeûnes ordinaires publics et commandés. Le premier que'
Dieu ait ordonné est celui du dixième jour du septième mois, fête de l'expiation du'
tabernacle. Vous affligerez voi éme$^ dit le Seigneur, vous vous purifierez par l'expiation/
On comprend très-bien la relation qu'il j a entre les jeûnes, les abstinences et la vie con-'
templative.
Par le jeûne, l'esprit se dégage des sens et s'élève plus librement vers Dieu. Voilà ce
qoe tous les peuples ont compris et surtout ce que l'on a compris chez les Hébreux. On '
peut juger par l'exemple de Moïse combien le jeûne élève une ftme jusqu'à la plus grande -
perfection, et la rend capable de la plus parfaite contemplation. Aussi ce grand homme '
eut-il la gloire la plus éclatante qui puisse environner un nom d'homme dans les annales
du genre humain : la gloire d'être directement le médiateur entre la Divinité et tout son. peu- -
pie ; de leur porter de sa part une loi dictée par ce Dieu terrible, et cela dans les circons-*
tances les plus faites pour frapper les imaginations et graver ce grand événement dans
la mémoire des hommes. Si Moïse a été choisi pour ce noble et sublime ministère, il est
évident que sa grande âme, dirigée par son amour pour le Dieu créateur du monde , avait
monté tous les degrés de la contemplation pour s'unir de cœur à son Dieu et lui offrir'
hibituellement le pur encens de ses profondes adorations.
Ce que nous disons de Moïse nous pouvons le dire de Melchisedech, de cet homme de '
de Dieu qui ne paraît si mystérieux, sans doute, que parce qu'il se renfermait plus soigneu-*'
sèment dans le silence de la contemplation.
Nous pouvons le dire de Job, de Samuel^ de David et de tous .es prophètes.
Nous avons parlé du jeûne d'Elie qui dura quarante jours; de celui de Daniel, qui dura
trois semaines. On peut poser en règle générale que, partout où il y a jeûne volontaire
offert à la Divinité, il y a purification de mœurs et élévation de Tême vers les régions su-
périeures. Il suffit, pour en donner une preuve, de raconter simplement la vie des pro- '
phèles, telle que nous la donne l'abbé de Vence.
« Quoique l'autorité des prophètes fût grande dans Israël, et que le peuple et les princes'
pieux les écoutassent avec respect et ne fissent point d'entreprise importante sans leur
ivisy'cependant leur vie était fort laborieuse, fort pauvre et fort exposée aux persécutions
et aux mauvais traitements. Ils vivaient, pour l'ordinaire, séparés du peuple^ dans h retraite^
k la campagne et dans les communautés de Isurs disciples ^ occupés au travail, à la prière; à
instruction, à l'étude. Mais leurs travaux n'étaient point de ceux qui exigent une trop*
forte application et qui sont incompatibles avec la liberté d'esprit que demandait leur,
aisistère.
13 DICTIONNAIRE D'ASCETISHEI. U
réveille que des idées d*une piété malenteDdue et sans règles* Ceux-là, bien loin de coûnatire
la théologie mysliquei n*entendent pas môme la théologie commune, o*est-à-dir6 rensei-
gnement de TEglise et le sens des paroles de Jésus-Christ; ils n'entendent ni saint Paul,
ni saint Bonaventure, ni sainte Thérèse.
ESQUISSE HISTORIQDE DU HYSTICISUE
Avant de nous livrer à d'autres réflexions, et pour jeter sur notre sujet toutes les
lumières qu'il peut comporter, nous allons suivre le mysticisme dans l'influence qu'il a
exercée dans la suite de l'histoire du genre humain. S*il y a eu un mysticisme yrai et
légitime dès l'origine du genre humain, bientôt aussi l'erreur apparut à cflté de la vérité. Un
mysticisme faux commença à tenir une grande place chez les Juifs et surtout dans l'Inde,
et depuis, ce genre d'erreurs, mille fois transformé, s'est propagé jusqu'à nos jours.
Tous les Pères, dit Thomassin, ont remarqué que le premier commandement que Dieu
fit à l'homme dans la première félicité du paradis terrestre fut le commandement sinon
d'un jeûne, du moins d'une abstinenc-e, et ce fut le violement d'une abstinence qui attira
sur Adam et sur tout le genre humain ce déluge de crimes et de calamités que nous
n'avons encore pu expier par tant de jeûnes et par tant d'abstinences.
C'est une chose bien digne de méditation que cette abstinence du fruit de l'arore de
vie imposée à des hommes justes. Nous comprenons les abstinences comme peines expiai
toires imposées aux délinquants; encore, quand je dis nous, je ne parle que des catholi-
ques et des honnêtes païens ; car messieurs les philosophes font profession de ne rien
comprendre aux pénitences prescrites par la religion, quoiqu'ils comprennent assez bien,
celles imposées par les Codes de la société civile.
Nous comprenons, dis-je, les expiations du péché; mais avons-nous assez remarqué
avec les saints Pères celte privation imposée à l'homme juste? Nous en devons conclure
avec certitude qu'il y a dans la privation volontaire, un mode naturel et sans doute le
plus efficace dejous, de reconnaître la souveraineté infinie de Dieu. C'est le sentimeoit
du profond respect de la créature qui se traduit en actes. L'homme, composé d'&me et de
corps, a besoin, môme dans l'état de justice, d'exprimer sa dépendance par la soumission
affectueuse de son intelligence; il faut en même temps que le corps participe à sa ma-
nière à cette soumission, afin que tout l'homme rende hommage à son souverain.
11 parait que c'est la condition naturelle de l'état d'épreuves des êtres raisonnables qi
créés.
II est facile de comprendre que ces privations imposées aux sens ont dû devenir plus
multipliées et plus rigoureuses dans l'état de Thomine déchu. Dieu s'est chargé lui-même
d'imposer les péniteices que méritait le péché qui pèse sur la race tout entière du genre
humaiuj et ces pénitences nous donnent dans leur rigueur et dans leur étendue, une
haute idée du Dieu puissant et incompréhensible qui manifeste d'une manière si terrible
son courroux. Sans parler des misères attachées à notre corps et des incommodités doni
la nature, devenue ingrate, nous harcelle.de toutes parts, pourrions-nous concevoir un^
peine comparable à la mort? pourrait-on porter un plus grand coup à celte portion na-
térielie de nous-mêmes et inspirer plus d'horreur à notre sensibilité ? Eh bien, nos sens
ont beau se bouleverser à cet aspect, l'arrêt est porté, et, avec la grâce de Jésus-Christ^
notre réhabilitation est à ce prix, c'est-à-dire au prix des misères de celte vie et de ia mort
soufferts en expiation et avec patience.
Mais outre cette peine générale qui atteint la race tout entière. Dieu a voulu encore que
chaque offense eût sa peine et son expiation particulière. Ce point qui parait plus obscu-
rément dans la loi ancienne est devenu très-clair dans la loi de grftce ; el on peut dire
qu'après le bonheur incomparable que nous avons eu d'avoir été rachetés par le Fils de
Dieu, le plus grand bonheur qui vienne ensuite est que nous savons clairement com-
ment nous devons nous y prendre pour expier nos péchés et profiter de la grâce de Jésus-
Christ
» DISCOURS PRfUMLNAlRE. M
Aussi le dogme de rexpîalioD» si réyoltaot pour la philosophie qui, de dos jours sur-
tout, a la rue si courte ; le dogme de Texpiation, dis-je, fait le fond de toutes les religions*.
de tous les cultes. Non-seulement les jeûnes et les abstinences se trouTent au berceau'
nAme des fausses religions et dans tous leurs rituels , mais aussi Timmolation des vic-
times, comme si le genre humain avait unanimement compris qu'il était insuffisant pour
satisfaire par lui-même, et quMI devait chercher de toutes parts une substitution. Voilà^
la vérité voilée. Un seul peuple parmi tous les autres a connu la vérité plus clairement :
c'est le peuple hébreux; celui-là même qui devait donner le souverain Réconciliateur.'
Aussi est-ce là que nous trouverons les exemples de la vie contemplative et pénitente
bien comprise. ^
Le jeûne de Moïse, pendant quarante, jours et quarante nuits avant que de recevoir la'
Loi, fut une action si héroïque qu'on peut juger que ce n'était point son apprentissage et
que ce n'était qu'après des jeûnes fréquents et ordinaires, qu'il était monté à ce comble
d*ooe parfaite al>stinence.
Bie se signala t»r un jeûne de même nature, et l'Ecriture nous parlant si souvent des
jeûnes de tant de justes avant lui, il ne faut pas douter qu'Eue ne fût aussi monté oar
degrés à ce haut point de perfection.
Tous ces jeûnes étaient arbitraires et particuliers ; l'Ecriture en fournit un grano nom-
bre d'autres exemples. On ne peut taire celui de Judith, qui jeûnait tous les jours de
Tanoée, excepté ceux qui passaient pour jours de tète chez les Juifs.
Hais on trouve Clément les jeûnes ordinaires publics et commandés. Le premier que*
Dieu ait ordonné est celui du dixième jour du septième mois, fête de l'expiation du'
tabernacle. Voum affligerez vos âmes^ dit le Seigneur, vous vous purifierez par l'expiation/
On comprend très-bien la relation qu*il y a entre les jeûnes, les abstinences et la vie con- '
templative.
Kbt le jeûne, l'esprit se dégage des sens et s'élève plus librement vers Dieu. Voilà ce
que tous les peuples ont compris et surtout ce que l'on a compris chez les Hébreux. On
peut juger par l'exemple de Moise combien le jeûne élève une ftme jusqu'à la plus grande
perfection, et la rend capable de la plus parfaite contemplation. Aussi ce grand homme '
eut-il la gloire la plus éclatante qui puisse environner un nom d'homme dans les annales
du genre humain : la glmre d'être directement le médiateur entre la Divinité et tout son. peu-
ple ; de leur porter de sa part une loi dictée par ce Dieu terrible, et cela dans les circons-
tances les plus faites pour frapper les imaginations et graver ce grand événement dans
la mémoire des hommes. Si Moïse a été choisi pour ce noble et sublime ministère, il est
évident que sê grande Ame, dirigée par son amour pour le Dieu créateur du monde, avait
iDonté tous les d^rés de la contemplation pour s'unir de cœur à son Dieu et lui offrir*
habituellement le pur encens de ses profondes adorations.
Ce que nous disons de Moïse nous pouvons le dire de Melchisedech, de cet homme de
de Dieu qui ne parait si mystérieux, sans doute, que parce qu'il se renfermait plus soigneur'
•emeni dans le silence de la contemplation.
Hous pouvons le dire de Job, de Samuel^ de David et de tous .es prophètes.
Nous avons parlé du jeûne d'Elie qui dura quarante jours; de celui de Daniel, qui dura
trois semaines. On peut poser en règle générale que, partout où il y a jeûne volontaire
offert à la Divinité, il y a purification de moeurs et élévation de Tftme vers les régions su-
périeures. Il suffit, pour en donner une preuve, de raconter simplement la vie des pro-
phètes , telle que nous la donne l'abbé de Vence.
« Quoique l'autorité des prophètes fût grande dans Israël, et que le peuple et les princes
pieux les écoutassent avec respect et ne fissent point d'entreprise importante sans leur
avis, cependant leur vie était fort laborieuse, fort pauvre et fort exposée aux persécutions
et aux mauvais traitements. Ils vivaient, pour l'ordinaire, séparés du peuple^ dans la retraiie^
à la campagne et dans les communautés de leurs disciples^ occupés au travail, à la prière, à
rinstruction, à l'étude. Mais leurs travaux n'étaient point de ceux qui exigent une trop'
fNte application et qui sont incompatibles avec la liberté d'esprit que demandait leur.
Mttstère.
17 DICTIONNAIRE D'ASCETISME. 19
« Elisée quitte sa cbarrue dès qu'il est appelé à la fonction de prophète. Amos dit qu'il
n^était pas prophète, mais pasteur, quand le Seigneur rappela. Elle et Elisée bAtissaient eux-
mAmes leurscellules.Elie était vêtu de peaux et portait un sac.Lapauvretédes prophètes paraît
dans toute leur vie. On leur faisait des présents de pains, on leur donnait les prémices^
comme à des pauvres. LaSunamite ne met dans la chambre d'Elisée que des meut)les sim-
ples et modestes. Le prophète refuse les riches présents deNaaman et donne sa malédic-
tion à Giéxi qui les avait acceptés. Leur éloignement des personnes du sexe parait par la
conduite du prophète envers son hôtesse : il ne lui parlait que par l'entremise de Giézi;
elle n'ose entrer ni se présoxiter devant le prophète : Giézi l'empêche, lorsqu'elle veut em-.
brasser les pieds du prophète.
«Quoique quelques prophètes fussent maries, il n'y avait pointue lemmes dans leurs
communautés. Leur frugalité éclate dans leur biistoire. On sait ce qui est rapporté des co-
loquintes qu'un prophète fit cuire pour laj réfection de -ses frères. L'ange ne donne que
du pain et de l'eau à Elie. Habacuc ne porte que de la bouillie à Daniel; Abdias ne sert que
du pain et de l'eau aux prophètes qu'il nourrit dans les cavernes;
« Souvent ils étaient exposés à la violence des princes dont ils reprenaient les im-
piétés ; aux insultes et aux railleries des peuples dont ils condamnaient les dérèglements.
Plusieurs d'entre eux sont morts d'une mort violente: ils sont du nombre de ces hommes
saints dont l'Apôtre relève les souffrances, lorsqu'il dit : a Les uns ont été frappés de bAtons,
« les autres ont souffert les moqueries et les fouets, les chaînes et les prisons. Ils ont été
« lapidés , sciés , éprouvés en toutes manières, morts parle tranchant de l'épée; vaga-
« bonds et couverts de peaux de brebis, étant abandonnés, affligés, persécutés, eux dont le
«.monde n'était pas digne. »
« Mais au milieu de ces persécutions et de ces opprobres, on les voit toujours dans une.
parfaite liberté, mépriser la mort, les dangers et les tourments, attaquer avec une intrépi-
dité merveilleuse tout ce qui s'opposait à Dieu; mépriser les richesses, la faveur, les bon-*'
neurs avec un désintéressement qui étonnait ceux qui cherchaient à ébranler leur
constance»
« Leurs maisons et leurs communautés étaient des asiles contre l'impiété» On y venait
consulter le Seigneur, on s'y assemblait pour faire la lecture de la Loi: c'étaient des écoles
de vertus et des abris de l'innocence. »
Changez les noms et mettez en place celui de cénobites, et vous aurez l'histoire des
moines des premiers siècles de l'ère chrétienne. Voilà le même esprit de mortification
des sens pour sa propre amélioration morale et le môme esprit de dévoument pour sa re-
ligion et pour se3 frères.
A cette époque Tidolfllrie n'avait pas jeté chez tous les gentils des racines telles, que.
certains peuples ne fussent encore capables de retour au vrai Dieu, et ce retour se prati*
quait par l'abstinence et le jeûne.
« Les Ninivites reviennent de leurs iniquités à la parole de Xonas, et leur pénitence est .
accompagnée des actions les plus contraires à l'inclination des hommes du siècle, accoutu-
més depuis longtemps à une vie molle et délicieuse. Ils étaient aupararant habillés super-
bement, et nous les voyons qui se revotent d'un sac, et qui se couvrent de poudre et de '
cendre. Ils passaient leur vie dans les festins splendides; et ils embrassent tout d'un coup .
un jeûne si austère, qu'ils ordonnent aux hommes de ne rien manger et de s'abstenir même
de boire de l'eau. C'est pourquoi ils méritèrent que Dieu dise d'eux que, voyant qu'ils
s'étaient convertis en quittant leur mauvaise voie, il eut compassion d'eux, et ne leur en-
voya point les maux dont il les avait menacés. »
Ce ne sont pas là les seuls exemples de vie spirituelle et purifiée avani XesuMJorlsU
11 est vraisemblable que les réchabites remontent juqu'à Jethro, parent de Moïse, et on
croit qu'ils eurent la même durée que le peuple de Dieu. C'est à eux probablement que se
rattachent les nazaréens, du moins l'abstinence du vm leur était commune.
Ce que l'Ecriture sainte dit des réchabites nous en donne une haute idée. C'étaient des
hommes d'une vie exemplaire, d*une abstinence rigoureuse, d'une grande retraite,, et d'une
désapproprialion presque entière.
n MSGOoas prelihimire. mi
Lear demeare était à la earopagoe, et sous des tentes, négligeant le séjour des filles et
fujaot le commerce du monde ; sans biens, sans terres, sans maisons, sans retraite fixe. On
les regarde oDmme les imtlaleors de la vie des prophètes , et les modèles que se sont
proposés teseasénieiis et les thérapenles parmi les Hébreux et les solitaires dans TEglise
chrétirane.
L'obsenrance des réehabites se soutiotdans toute sa vigueur pendant plus de trois cents
ans, jusqu'à la captivité de Babjlone. Sous le r^e de loakim, Nabucbodonosor étant venu
assi^r Jérusalem» les réehabites, ne pouvant plus en assurance demeurer à la campagne,,
se retirèrent dans la ville, sans toutefois quitter leur coutume de loger sous des tentes.
Leur abstinence fut louée par le Seigneur dans la bouche de Jérémie.
Quelques-uns croient que les assidéens,tdont il est parlé au temps des Hachabées, étaient
>es successeurs et les imitateurs des^ réchaliiles. Mais nous sommes persuadés que les assi-
déens étaient en bien plus grand nombre que les réehabites. Le nom d'aisidéem se donnait
à toutes les personnes qui laisaient une profession particulière de dévotion et de piété.
Cest en ce sens qu'il se rencontre souvent dans le texte hébreu des Psaumes et des Paralipo-
mènes. Et qui oserait soutenir que tous ceux qui consacraient leur fie aux exercices de
la religion suivaient Tinstitut des récbabitesT D'autres les confondent avec les esséniens,
mais leurs genres de vie sont trop dissemblables. Les esséniens vivaient à la campagne,
occupés à cultiver la terre; ils n'avaient point de biens propres et mettaient tout en com-
mun; ils n'avaient ni femmes ni esclaves; ils faisaient leurs oflrandes.au temple, mais n'y
sacrifiaient point, parce que leurs cérémonies étaient plusr pures et plus saintes que celles
du commun des Hébreux : ils faisaient eux-mêmes leurs sacrifices à part, lis avaient des
officiers qui prenaient soin de leurs revenus, et qui les leur distribuaient selon les besoins
de chacun : ils ne demeuraient pas tous dans une certaine ville, mais ils étaient dispersés
dans plusieurs lieux, où ils recevaient leurs frères dans une parfaite union. Or tout cela
est contraire a l'institut des réehabites qui, comme on l'a vu, avaient des femmes et des
enfants, et observaient d'autres pratiques qui n'étaient pas communes avec les premiers.
Ainsi ces diverses corporations avaient un fond commun d'observance, qui consistait.
à se vouer d'une manière particulière au service de Dieu et à la pratique de la vertu. Les
premiers étab!is ont sans doute fait naître les autres, mais ils étaient séparés et de com-
munauté et de genre de vie spécial. [Vay, le mot AssiniBirs.}
Nous ne parlons pas ici de la secte des pharisiens, ni de celle des sadducéens et des
hérodiensa
Quoiqu'il 7 eût dans ces sectes un très-grand nombre de personnes recommandables
par la r^ularité et l'austérité de leur vie, on doit les considérer comme hors de la
voie droite et du chemin de la véritable vertu, mémo comme elle devait être entendue
sous la loi de Moïse. Ces sectes blessaient le dogme jusqu'à nier les plus fondamentales
vérités, comme l'immortalité de l'Ame et les récompenses et les peines de l'autre vie;
elles blessaient la morale jusqu'à éluder les soins que l'on doit aux parents devenus
vieux, c'est-à-dire quand les obligations des enfants sont devenues plus rigoureuses. De
(flusils avaient fini par surcharger la Loi et par l'étouO'er sous des pratiques superstitieuses
et ridicules, quand elles n'étaient pas injustes et immorales. Môme les esséniens n'étaienL
pas exempts de quelques graves reproches. Les réehabites soutiennent mieux la critique :
leur vertu est mieux entendue. En résumé cependant, le plus parfait modèle de la vie
contemplative se résume sous la Loi ancienne dans les premiers exemples que nous avons
donnés en commençant par Moise jusqu'aux prophètes et aux enfants des prophètes; voilà
des exemples autorisés et respectables en tout point.
La série des hommes contemplatifs de l'Ancien Testament se clôt par un saint per*
tonnage qui mérite d'avoir ici une place à part; c'est saint Jean-Baptiste qui a' reçu le
plus bel éloge qui puisse être décerné ici-bas à une intelligence créée. A l'occasion des
deux disciples que ce saint prophète envoya de sa prison au Fis de Dieu pour savoir s'il
était le Messie, lésus-Christ répondit par ces paroles qui sont un témoignage si éclatant
^ DICTIONNAIRE D*A$G£TISME. : fÊf
de sa dirine mission .: Allez dire à Jean ce qtM vous aves^ entenda ei ce que vaui atexvu* Les
aveugles voierU, les boiteux marchent ^ les lépreux soni guéris f etc.
Lorsqu'ils furent partis, Jésus s'adressailt au* peuple leur parla de cette manière : Qui
fleS'Vous allés voir dan$ ledés^t^ un ra#eaii agité parle vesUt Qui ttes-vous allés voir ^ un
homme vêtu avec mollesse? Vous savez que ceux qui s'habillent de cette sorte sont dans tesC
miisons des foi9. Qui étes'^vons allés voir ^ un ptùpkiUf Oui^jèvous enàssûrCf et plus qu'un
prophète; car c'est de lui quHl a été itrit : Voilà que f envoie mon angs devanê vous^ qui vous'
préparera la voit par où vous devez miarcher*
Eufin JésaSirChrist termine par ces paroles i En vérité je vous le diSy parmi ceux qui sont
nés des femmes f persfinnen'^est plue grand ^que J^on^i^apIMe. Voilà les honneurs extraordi-
Daires rendus par le Sauveur à cesaini prophète, C*est comme un acte de canonisation
décernée co saint homme de son vivant par l'auteur inème et la règle de la sainteté.
■
JÉSUS-CHRIST MODÈLE DES CONTEMPLATIFS.
Nous devons maintenant nous arrêter pour contempler avec attention la vie de Jésus-
Christ dans 1o rapport qu'elle nous présente avec la vie contemplative, ou, si vous vou-
lez trancher le mot qui n'a plus pour nousniain(enant qu'un sens très-juste et fort relevé,,
avec la vie mystique. »
En effet, si la vie mystique est non-seulement un genre de vie bon en soi, mais très-dis-
tingué, nous devons en trouver le modèle en Jésus-Christ, qui renferme en lui-môme^
tout ce qui est bon. i
C'est une chose vraiment admirable que dans les trente-trois années de sa vie mortelle,
passées avec cette majestueuse simplicité que nous lui connaissons et qu'on ne saurait^
assez méditer, Jésus-Christ apparaisse comme le modèle naturel et très-parfait de tous les»
genres de vie très-divers que les hommea sont appelés à pratiqyer sur là terre. Il est un,
modèle des supérieurs et des inférieurs, des riches et des pauvres, des savants et des»
ignorants, de ceux qui mènent un(ï vie. active dans les exercices du corps et de ceux qui
mènent une vie où l'occupation do l'esprit fait les plus grands frais,
Cependant pour être vrai et rendre à Jésus-Christ, les honneurs qui lui sont dus, il faut
reconnaître que sa vie tout entière a été avant tout une contemplation continuelle. N*é-'
tant sujet ni à l'ignorance, ni à la torpeur de l'esprit, ni aux attaches déréglées des créa-
tures, sa sainte Ame &*a. pas cessé un seul instant d'être élevée au-dessus de ce monde,,
déjuger toutes les choses de ce monde dans les rapports qu'elles ont avec laglotre de son'
Père et avec la sanctification des Ames. Son humanité sainte, toujours un)e au Verbe
éternel, avait pour occupation principale, incessante même, d'oifrir à Dieu son Père des'
adorations parfaites, des actions de grâces pour les bienfaits qu'il répand sur toute créa-
ture, des amendes honorables pour les outrages sans nombre dont les créatures se ren-r
dent coupables envers Dieu. On peut bien affirmer que les travaux de sa vie, soit les*
occupations manuelles de sa vie cachée, soit les travaux plus relevés de sa vie publique,
étaient tous réglés très-exactement selon la volonté de son Père. En soi, ils n'araient'
pour lui ni plaisir ni déplaisir. C^étaient des actions sanctifiées par l'intention de procu*
rer la gloire de Dieu le Père. II ne voyait ce qui se passait dans les sens, il n'interve*
nait dans cette région sensible de la matière , à laquelle il touchait par son corps,
c'est-à-dire surtout par ses souffrances et ses privations, que pour spiritualiser tout parla
considération du but où tendait tout son être, la rédemption du genre humain et la
satisfaction due à la majesté lésée. Ainsi, il n'y pas une seule de ses occcupations, si
Tulgaire en apparence, aui n'acquière un mérite sans bornes par l'hommage très-parfait
dont elle était l'expression devant son Père. Toutes les circonstances connues de sa vie
nous indiquent clairement qu'il en était ainsi. Une seule fois, pendant sa vie cachée, il
noua est permis de le suivre k Jérusalem ; et nous le voyons occupé k montrer aux docteurs,
étonnés d'une telle science dans un enfant de douze ans, le vrai sens des saintes Ecritures.
Il les disposait à recevoir dans peu de temps le Messie qui était déjà sur l'horizon, quoi-
qu'on ne le vit pas encore. Nous n'avions pas besoin de cette preuve pour être convainpus
i^ »
S5 /nSCODRS rREtlMLXAWE.- ^
qu*aa milieti de ht vie actife de TartiseD^ il TÎyait coDtinaellement de la rie de resprit,
et que rien ne poaTail Mre on ebslaele à tenir son intention unie à celle de son
Père»
• Noos doTOns remarquer avec soin que ces trente ans de la Tie cachée de Jésus-Christ
sur trente-trois , lorsque le Messie était appelé à fonder de ai grandes choses ; que ces
trente ans de rie cachée et inconnue au monde sont un modèle accompli et de la fie soli-
. taire des moines » et de la rie retirée des personnes qui dans ce monde, voulant arriver k
une plus haute perfection , rompent avec le monde et ne conservent que les liens que la
nature elle-même veut qu'on respecte. On a lieau crier que la société s'arrêterait tout
conrt si elle n*était peuplée qne de personnes de ce caractère , qui estiment si peu le côté
agréable et riant de la vie ainsi que les relations sociales qui ont de Féclat et quelque-
fois de la grandeur. Il n*est pas à craindre que le grand nombre cesse d*aimer le luxe et
réclat qoand il est possible d'en iaire parade et d'en jouir. Ce penchant est trop fort
pour se perdre jamais ;. il est même tellement excessif et déraisonnable qu'il ne faut pas
craindre de lui donner de puissants contre-poids. Aussi voit-on que Jésus-Christ n'a lait
m
aucun casde ces petites considérations des philosophes politiques qui s'inquiètent des causes
pouvant donner un aliment aux arts et à l'industrie , et qui tremblent de voir manquer
cet appui nécessaire de la prospérité des nations. Esprits étroits qui se croient les plus
profonds penseurs , ils ne comprennent guère combien il y a une philosophie plus haute
dans ce simple mot de la Bible : JusiUia élevai gentem , miseros auiem faeit populoi peeca-
ium. Qu'on nous permette un exemple qui ne s*écarte pas de notre sujet. Au point'de vue
de la politique mondaine » saint Louis n'aurait pas été très-adroit * en s'astreignant trop
minutieusement à une justice rigide ; on traiterait aujourd'hui ses actes de scrupules mal
entendus qui accusent un esprit faible. Hais qu'on juge de l'honneur que fait aujourd'hui
à son règne cette équité sévère et cette simplicité de vie, toutes les fois qu'il croyait pouvoir
mettre de côté les signes de la grandeur sans nuire à sa dignité. La noble simplicité qu'il a
mise dans sa grandeur et la pratique si impartiale de justice envers ses voisins , font
aujourd'hui plus d'honneur à la France, et lui sont moralement et même politiquement
plus profitables que les victoires et les conquêtes de dix règnes.
Laissons donc le3 intérêts des arts, du luxe, du commerce , du brillant confortable dé
la société, que nous sommes loin d'excommunier ; laissons-les seulement se défendre
eux-mêmes , ils ont de puissants avocats dans le cœur des hommes. Ils ne cesseront d'avoir
trop d'empire, de faire faire des bassesses , de grandes fautes et de grandes violences;
acceptons ces choses conmme des maux nécessaires : ainsi pouvons-nous comprendre lo
sens profond des paroles de Jésus-Christ , lorsqu'il semble lancer des anathèmes contre
les riches. Ce ne sont point les hommes riches qu'il hait , mais les richesses , instrument
de leur perte; il a même indirectement approuvé le bon usage des richesses en s'asseyant
\ la table bien servie des riches. Il les voit, ces dangereuses richesses, comme un obstacle
infranchissable que la passion leur met sur le chemin du ciel et qui les empêche d'arriver
au royaume de son Père; les hommes riches, il les aime, il est mort pour eux.
Aussi les richesses, d*après la doctrine de Jésus-Christ , ne sont bonnes que lorsqu'elles
sont arrivées dans une maison en compagnie de la justice, qu'on les répand en bienfaits
et qu'on sait en tenir son cœur détaché et son esprit libre d'orgueil. Voilà le problème
presque impossible à résoudre que Jésus-Christ, la souveraine sagesse, tranche d'une ma-
nière qui semble une folie pour le monde ; il le tranche par le mépris et par le renonce-
ment. C'est comme s'il disait : Mes enfants , je supporte de vous voir riches quand cela
vous arrivera naturellement et justement; mais vous courez si grand danger dans cette
position, que votre salut y devient presque impossible; prenez donc, je vous y invite , le
parti le plus sûr: délestez les richesses. Soyez riches malgré vous si vous n'êtes point
libre d'être pauvre effectivement , et alofs vous serez pourvus d'esprit, vous me ressemble-
rez par le cœur. Hais que ceux qui le peuvent, qui s'en sentent le courage, vendent tout et
donnent le produit aux pauvres , et partagent ma paurreté effeclive, qui est la plus grande
de toutes les richesses.
Toilà la théorie de la richesse et de la pauvreté d après l'Evangile ; elle est un peu diffé-
^ ACTIONNAIRE D*ASGETISME. K
rente de celle de réconomiste du iix* siècle et de rhomme du inonde , qui croit que sa
grande fortune ajoute quelque chose à son mérite ; elle est aussi très-différente de celle
du prolétaire peu chrétien de nos jours, qui maudit son sort parce qu'il n'arrive pas
assez Tite à Taisance. Mais c'est une doctrine chère aux amis de Jésus-Christ, qu'ils soient
dans léclottre ou dans] le monde, dans les salons d'or et de marbre ou sous le chaume.
Où qu'ils se trouvent, ils ont du goût pour la croix de Jésus-Christ et pour sa sainte pau-
vreté , car leur cœur ne tient à rien de ce qui est de ce monde ; et on ne peut en douter t
ces futurs citoyens du ciel sont aussi les meilleurs , les plus utiles citoyens de la patrie
terrestre ; ceux qui rendent plus facile la tAche des gouvernements, qui se contentent le
plus Aisément de peu quand il faut , qui murmurent le moins contre leurs supérieurs
même injustes, qui nourrissent la paix, qui sont empressés à apaiser les dissensions et
h prier pour tous, pour le bien général , quand ils ne peuvent concourir d'une autre manière
au bien de leurs frères.
Hais revenons à la vie simpie et sans apprêt de Jésus-Onnst , qui va droit à son but »
sans toucher aux choses de ce monde, que pour la pure nécessité de l'accomplissement
d'un devoir ; et cela parce que son esprit parfaitement juste ne pouvait jamais se laisser
séduire par le faux éclat des choses périssables qu'il estimait h leur juste valeur, c'est-à-
dik*e comme n'étant faites que pour les besoins nécessaires du corps et ne devant jamais
donner occasion de mettre un seul nuage entre l'Ame et Dieu. Or, ce que Jésus-Christ a
toujours fait, nous devons y aspirer sans jamais y atteindre , allourdis que nous sommes
par le péché originel.
Comparons spécialement la vie cénobitique avec cette sainte et consolante vie de Jésus*
Christ.
Toute la vie cénobitique repose sur les trois vœux d'obéissance, de chasteté et de
pauvreté.
Ces trois points bien observés et établis sur le terrain solide de looservaiion des
préceptes généraux qui obligent tous les Chrétiens, contiennent l'expression de la|plu5
haute perfection à laquelle on puisse aspirer en ce monde, par cette raison, que ceux qui
jtrrivent là sont totalement détachés de tout ici-bas pour être plus librement et plus intî-
mement attachés à Dieu.
Eh bieni la chose n'est ainsi que, parce qu'en suivant cette voie, on est parfaitement sur
la trace de Jésus-Christ; on le voit marcher devant, et on le suit de plus près que les autres
Chrétiens, qui sont tenus sur la terre par des liens très-légitimes, sans doute, comme sont
ceux du mariage, du gouvernement, de ses affaires pour le bien de ses enfants, du com-
mandement sur ses inférieurs. Mais tous ces liens en vous impliquant dans les choses ma-
térielles, remplissent l'Ame en grande partie, Tétourdissent, et laissent beaucoup moins de
place à Dieu; aussi personne ne peut savoir ce que Dieu a de complaisance, de prédi-
lections et souvent de douceur pour ceux qui quittent tout pour lui. Je dis donc que
ceux-ci suivent de plus près Jésus-Christ; ils sont plus courageux, plus rapides que les
autres à s^élancer à la suite de Jésus-Christ, à s'élever en pensée vers le ciel.
Sans doute Jésus-Christ n'a pas fait les trois vœux dont nous parlons. C'est le propre delà fai-
blesse de s'engager ainsi par des serments ; c*est un acte dedéfiance de soi-même, et la possibi-
jité et quelquefois la réalité de Tinfraction prouve que cette défiance n'est pas déplacée. Il est
certain qu'un serment solennel pique l'amour-propre et fait craindre la violation comme
un déshonneur à ses propres yeux. L'homme misérable et blessé par le péché originel a
besoin de ce ressort pour le soutenir. Mais toutes ces idées répugnent dans Jésus-Christ.
11 sentait dans son propre fonds toute la force nécessaire pour pratiquer le bien dans la
forme et dans la mesure la plus parfaite; ce bien il le concevait clairement, sa volonté l'y
portait sans détours, à travers tous les obstacles les plus pénibles. Mous ne disons pas
toutefois qu'il le faisait sans effroi pour les sens, on l'a vu au jardin des Oliviers ; mais, du
moins, sans faiblesse de courage ou d'intention; elle se maintenait toujours à la hauteur
du but sublime qu'il poursuivait.
Ainsi s*il n'a pas fait les vœux, il les a mis admirablement en pratique. Il a pratiqué
l'obéissance d'abord dans Tintérieur de la sainte famille. L'Ecriture nous le dit : Il leur
57 DISCOURS PREUMINAIRE.. S8
élait soamis : erat subdiius illis. Oo peut se rappeler dans corubieo de circonstances il
alléguait la Yolonté de son Père» non-seulement en parlant h ses apAtres, mats encore à sa
sainte mère; pour les confaincre que ce qu*i!s demandaient de lui, il ne devait pas le leur
octroyer» il invoquait la volonté de son Père, à laquelle il devait perpétuellement se confor-
mer. Peut-on trouver un plus beau modèle de la vertu d*obéissance ; de cette renonciation,
de cet abandon de la faculté de notre âme, qui, étant une des plus malades dans Tfaomme pé-
cheur, a le plus besoin d*étre contenue, humiliée et unie à Dieu,pour se guérir et se pnrifiert
Quant è la chasteté, nous nous dispensons d'exposer les raisons qui devaient lui faire
choisir l'état de virginité parfaite. Le caractère de son auguste personne commandait cet
état de vie au point, qu'il a dû même s'étendre autour de lui ; de plus il a voulu naître
d'une mère vierge, et l'homme du monde qu'il aimait le plus après sa sainte mère ,
•t qui fut son remplaçant auprès d'elle au pied de la croix » fui un homme vierge :
c'est sans doute la raison pour laquelle saint Jean a mérité non-seulement de re-
poser sur le cceur de Jésus pendant la cène, mais aussi d'avoir une plus profonde
communication des secrets de Dieu. Ceci est manifeste, d'abord, par son Evangile, qui
expose un ordre d'idées plus élevées que les antres Evangiles, quoiqu'ils soient
tous admirables ; ensuite dans VApoealypse, oik, è travers les images gigantesques, on en-
trevoit des beautés ravissantes dont nulle poésie humaine, nulle littérature nationale n'a
jamais donné d'exemple. C'est de cette époque seulement que la virginité commence à être
connue comme une vertu qui a des privilèges. Mais il fallait la plénitude de grâces de la
Loi noavelle et l'exemple du Fils de Dieu incamé pour triompher à ce point du plus
emporté des penchants du cœur, et soumettre à cette noble et pure vertu des légions d'êtres
humains, qui, en renonçant à être les membres d'une famille particulière deviennent émi-
nemment et exclusivement les membres de la famille sociale.
Enfin, Jésu»-Cbrist a pratiqué la pauvreté, et déjà nous avons vu ce qu*il pensait des
riches et des richesses ; il plaignait ceux-là et anathématisait celles-ci. Sur ce point je
cède volontiers la parole à Fleury qui, dans la Tie de Jéêuê-Chrûi^ a si bien comparé les
traits de l'Evangile. cDans sa vie publique. Ma vie était plue pénible^dii Fleury, que quand
il travaillait de ses mains, car il n'en avait plus le loisir, puisqu'il souifrait que des femmes
le suivissent pour le servir de leurs mains,]et qu'il gardait quelque argent dont Judas était
le dépositaire, tant il estimait peu l'argent. Du peu qu'il avait, il donnait l'aumône, mais
il en manquait lorsqu'il fut obligé de iaire trouver à saint Pierre, par miracle, de quoi
payer le tribut des premiers-nés, qui n'était qu'un demi-sicle, environ 16 sous de notre
monnaie.
« En eifet, il vécut toujours dans une grande pauvreté ; il dit lui-même qu'il n'avait pas
où reposer sa tête, c'est-à-dire qn'il ne logeait que par emprunt chez ceux qui voulaient
bien le retirer. A sa mort, on ne voit pas qull eût d'autre bien que ses habits. Il dit qu'il
n'est pas venu pour être servi, mais pour servir. Il voyageait à pied, et quand il monta
sur un âne, pour entrer à Jérusalem, on voit bien que ce fût une action extraordinaire. »
11 faisait imiter sa pauvreté à ses disciples, les envoyant sans argent et sans ancune pro-
vision; même lorsqu'ils étaient avec lui, la faim les réduisait quelquefois à prendre ce
qu'ils trouvaient dans la campagne, comme les épis qu'ils arrachèrent le jour du sabbat
Assorémentf voilà bien la pauvreté et le mépris des biens pratiqués dans toute sa sévé-
rité. Aucun monastère n'a donné exemple d'un abandon plus absolu entre les mains de
la Providence.
Dn autre caractère de la vie ascétique est oe pratiquer la mortification et de se livrer à
l'oraison. Ici encore tout se trouve dans le divin modèle.
C'est par des œuvres de pénitence qu'il inaugure sa vie publique; il s'y prépare par le
baptême, la prière et le jeûne; il n'avait pas besoin de ces précautions, c'était, comme il le
dit lui-même, pour accomplir toute justice et pour nous donner l'exemple. Quel jeûae
que le sien encore 1 II reste quarante jours et quarante nuits sans manger. Ce peul^tre
un miracle : cependant il faut se garder de l'affirmer, puisque les anciens nous parlent
d antres exemples de pareils jeûnes. Du moins est-il certain que cette mortificaL^n indique
dans Notre-Seigneur combien grande était à s^ yeux la puissance de la mortification et le
59 DICTIONNAIRE D*ASCET1SME. iO
mérite de la répression des sens pour avancer dans les choses de Dieu ; et ce fait montre
.qu*il devait être habituellement Irès-morliQé dans son corps et le tenir, comme nous
ravoos déjà remarqué, très-détaché des objets qui flattent les sens, c*est-à-dire entière-
ment à la disposition de Tesprit et de la volonté de son Père.
[ Pendant ce jeûne et dans cette affreuse solitude, à quoi s'occupait Jésus-^bnst, sinon h
prier? Mais qui oserait parler de son oraison? dit Fleury. Méditons humblement ce que
TEcriture nous en rapporte, entre autres cette admirable prière que nous voyons dans
saint Jean, chap. xvii. II suffit de la lire pour sentir son Ame élevée et se fondre d*amour en
.sentant le cœur brûlant de Jésus qui s*échappe dans ces expressions ravissantes. Je ne
dte que deux versets :
Pire taintf je me sanctifie moi-même afin quih soteni sanctifiée dans la vérité. Je prie^ non-
seulement pour eux^mais aussi pour tous ceux qui doivent croire en moi par leur parole^
■afin que tous soient un^ comme vous^ mon Père^ vous êtes en moi et moi en vous^jet queux aussi
ils soient un en nous^ et que le monde croie ainsi que vous m'avez envoyé.
Trouvez donc des paroles qui soient en même temps et plus douces et plus grandes :
cette même manière simple et large se retrouve dans le Pater qu'il nous a donné comme
prière quotidienne. Et qui pourrait dire ce qui se passait en son Ame dans ses prières
solitaires, comme lorsqu'il s*élevait sur la montagne pour se soustraire au peuple, et sur-
tout au jardin des Oliviers? Mais ces prières et ces communications entre THomme-Sieu et
;Ie Père éternel, nous devons les respecter comme des mystères où tout est beaucoup plus
.admirable que nous ne pouvons penser; d'ailleurs nous l'avons déjà vu, sa vie tout entière
.a ete une oraison continuelle. Il n'est donc pas nécessaire de faire violence au texte sacré
et donner une interprétation forcée à la vie de Jésus-Christ pour y trouver le type le plus
parfait de la vie contemplalive et mortifiée , et en particulier le modèle le plus par-
afait de la pratique des trois vœux qui lont la base de l'ordre monacal, vœux qui sont
l'expression complète des conseils évangéliques mis en actions ; et chose admirable, cela
€st ainsi sans que Jésus-Christ cesse pour cela d'être le modèle de tout le monde; car il y
a une telle harmonie et une telle simplicité dans cette vie, que tout y parait naturel et
facile.
Son extérieur, du reste, n'avait rien de singulier, rien qui le distinguât des autres
Juifs , des simples particuliers et ces hommes du commun, comme il le dit lui-même,
,car il s'appelle le Fils de l'Homme. Sa vie était dure et laborieuse, mais sans aucune
austérité particulière que celle que nous avons marquée.
, One pareille vie devait exciter l'enthousiasme et l'admiration de tous ceux qui Tavaient
vue et qui l'avaient comprise ; elle devait avoir pour résultat de chercher à aiq>rocher de
ce beau modèle aussi près que le permet notre faiblesse. C'est ce qui arriva, et nous
)e voyons non-seulement dans les apôtres, dont la vie et les pensées étaient devenues
Routes célestes depuis qu'ils avaient compris à fond cette vie divine de leur maître ,
nous le voyons aussi dans les premiers Chrétiens.
LA VIE ASCETIQUE DEPUIS JÉSUS-CHRIST
On peut dire dans sa réalit é que cette vie des premiers Chrétiens, telle qu'elle apparaît
dans les Actes des apôtres et dans les premiers monuments de l'histoire ecclésiastique,
était la vie des gens de religion dans les monastères les plus fervents, le célibat seul
excepté. Et on peut affirmer encore que le plus grand prodige de Tordre moral a été accom-
pli alors, je veux dire celui d'une grande multitude de peuple qui s'accordent tous sans
exception à mettre leurs biens en commun. Jamais la victoire sur l'esprit de cupidité
n'avait été ni aussi eompidte ni aussi étendue. Ceci nonsjndique jusqu'où allait dans
ces premiers temps l'empire de l'esprit sur la chair , et l'habitude de Tesprit de con-
templation. Cette pratique était trop parfaite pour se prolonger beaucoup, et trop peu
compatible avec la marche ordinaire des sociétés civiles, compliquées de toutes sortes
ie passions et de toutes sortes de citoyens, pour avoir son application sur une grande
échelle. U faudrait pour cela deux choses : et que tous les citoyens d'un même Etat
^1 MSCOURS PRELUilNAIRfi 4i
fossrat Chrétiens orthodoxes, et qu'ensuite la piété se maiultnt au niveau de
celte prenûère byeur; alors la terre deviendrait réellement un ciel anticipé, ou un
nouTd £dea, plus les douleurs physiques. Personne ne peut dire, toutefois, qu'un jour
la terre ne sera pas témoin de quelque chose de semblable. Il ne faudrait pas juger de ce
qui peut être un jour par ce que nous voyons; et il ne faut pas juger le christianisme épuisé
parce que les peuples chrétiens de ce temps-ci sont bien dégénérés des mœurs chrétiennes
des temps apostoliques. Qui sait si le temps d'épreuve, d'enfantement, de grands obstacles à
vaiocre* de fortes crises ne sera pas bientôt passé? Hais ce qu'il y a de certain, c'est que dix-
huit cents ans sont très-courts pour faire l'éducation du genre humain. Les persécutions ont
duré trois siècles, ensuite sont venues les hérésies qui ont tenu l'Eglise constamment en
action pour maintenir intacte la pureté dogmatique et donner un sens net et juste du texte
sacré et des vérités traditionnelles. Ce travail est accompli. Voici maintenant l'ère de la
crise purement intellectuelle et philosophique qui, depuis plus d'un siècle, tenant les
esprits en susiiens,, fait demander à une multitude d'esprits timides et de peu de foi, si
l'Evangile est le dernier mot du développement moral de l'humanité; si la raison seule,
montant triomphalement tous les degrés dé ses découvertes dans les sciences et dans ïe
vaste domaine de la nature, et forte de ses propres réOexions, de sa propre intuition darfs
le coup d*Œil qu'elle jette de cette hauteur sur l'univers et sur les destinées de l'homme,
ne pourra pas présenter une solution plus satisfaisante. Il est certain que cette questioh
ressort par mille endroits de la littérature et de la science de notre temps. Mais il est vrai
aussi que Dieu a ménagé les événements contemporains, depuis la fin du dernier siècle
jusqu*k ce jour, en 1853, de manière k donner de cruels démentis et d'incomparables
humiliations à ceux qui avaient engsgé leur honneur à voir réussir une combinaison
sociale anlicatholique. La déroute des dieux de l'Olympe devant le Ber et victorieux
lupîter, tel que l'a dépeint Homère, ne -donne pas une idée assez forte de la défaite
complète des philosophes de nos jours devant l'irrésistible cours des idées chrétiennes,
qui commencent à couler à pleins bords dans tous les esprits, et n'attendent plus que de
passer dans les actes avec plus de franchise. Mais au moins on peut le constater, la victoire
intellectuelle sur l'esprit philosophique, qui s'appelieou philanthrope comme il y a soixante-
dix ans, ou panthéiste et socialiste comme de nos jours, cette rictoire intellectuelle du
catholicisme est décisive. L'armée philosophique est en déroute générale sur tous les
points, on ne sait plus où poursuivre les fuyards; ils ont disparu : on croirait qu'ils sont
rentrés dans les entrailles de la terre, etqu*ils n'ont pu sauver un seul de leurs drapeaux.
Oui, ce serait une grande erreur de croire le christianisme épuisé. Une simple lecture de
ripaco^pta laisse entrevoir, à la fin, à travers ses figures cependant si mystérieuses et si
étonnantes, des siècles de prospérité morale. Ils sont dépeints en peu de paroles, car
l'histoire des temps de paix est courte, mais ces paroles sont significatives.— Je demande
pardon |iour cette digression, qui ne s'écarte que très-peu de notre sujet : elle en fait
même partie ; ces réflexions nous feront mieux comprendre comment la vie monastique
a pris naissance h côté de la vie commune. Car la vie ascétique et contemplative est la vie
parfaite; el ee^enre de vie sera toujours protégé dans l'Eglise. Elle sera toujours assez
féconde poar enfanter des Ames toutes spirituelles et dominant les vanités du siècle. Quand
les mœora communes des Chrétiens dégénérées se furent tout à faii corrompues ,
tes âmes d'élite dont nous parlons ont dô prendre le parti, ne pouvant rendre le monde
semblable à elles, de le laisser aller de son côté et de marcher du leur, par un chemin plus
caché, à la suite de Jésus-Christ portant sa croix% Les unes ont pratiqué cette vie pure et
néditative dans le monde, mais comme n'usant pas du monde mm qyya parle saint Paul ;
les autres ne se croyant pas en sûreté, ou ayant plus de facilité de se tetirer, l'ont fait
tourageoaemeBt, et sont allées peupler les déserts (déserts pour le monde, mais vraie terre
prooûse depuis qu'ils Curent peuplés par les anges de la terre), attirant les regards
cooiplaisanta du ciel.
Il s'est élevé une controverse à laquelle plusieurs savante eut pris part. C'était do savoir
si les thérapeutes, dont l'origine est essénienne, q'ont pas été des Juifs convertis au
christianisme. S'il en était ainsi, nous devrions les considérer comn^e les oremiers
DlCTlORH. n'AscicTisuB. h S
43 DICTlONNAmE D'ASCETISME. ^
coiilemplalife do l'ère chrétienne menant une vie distinguée de la vie commune. Nous
n'entrerons pas dans cette controverse. Seulement, nous avouons qu'il nous partit que le
sentiment le mieux établi est celui qu'ont soutenu le Père de Montfaucon et le PèreHélyot,
savoir que réellement les thérapeutes étaient convertis au christianisme, et que c'est vrai-
semblablement avec ces âmes si bien prédisposées que saint Marc a réussi à fonder
une Eglise si florissante à Alexandrie, dans laquelle apparaissent, dès ce temps, des Chré-
tiens menant la vie ascétique.
M On demeurera aisément d'accord, dit le Père Hélyot, qu'il y a eu une succession de
^loines depuis les thérapeutes jusqu'à saint Antoine, si en quittant toute prévention, l'on
veut reconnaître pour disciples des thérapeutes les ascètes, qui se renfermaient aussi dans
des solitudes où ils gardaient la continence et mortifiaient leur corps par des abstinences
et des jeûnes extraordinaires, portankcontinuellement le cilice, dormant sur la terre, lisant
l'Ëcrilure sainte, et priant sans cesse; et on doit les comprendre dans l'état monastique,
puisque, comme remarque le cardinal Bellarmin, les Grecs ont donné plusieurs noms à
ceux qui l'ont embrassé: de ihérapeuêes^ pour les raisons que nous avons déjà dites; d'eu-
€iiest c'est-à-^dire athlètes ou exercitants, parce que le devoir d'un moine est un exercice
continuel ; 6t c'est le nom dont se sert saint Basile, appelant Ascétique$ son traité de l'ins-
titution des moines. On les nomma aussi suppliants f parce que leur principale occupation
était la prière et l'oraison. Saint Chrysostome et quelques autres les ont appelés philosophes.
Enfin le nom le plus commun et que les Latins ont retenu est celui de moine qui signifie
proprement solitaire ou ermite que saint Augustin prétend devoir aussi appartenir aux
cénobiieSf comme en effet il leur est resté. On a encore ajouté à tous ces noms celui de
religieuXf qu'on donne indifféremment à tofus ceux qui se consacrent à Dieu par la solennité
des vœux. Quelques-uns disent qu'avant Salvien de Marseille, qui vivait dans le v* siècle»
il n'était pas en usage. Il parait néanmoins, par un des canons du quatrième concile de
Carlhage et par la traduction de la Règle de saint Basile par Ruf&n, que, dans le iv* siècle^
l'on donnait déjà ce hom aux personnes qui se consacraient à Dieu. »
« Saint Palémon, avec qui saint Pacôme se retira vers l'an 3i&, était un anachorète fort
.^gé, et néanmoins instruit par d'autres dans les pratiques de la vie solitaire. Nous
4rouvons au ni* siècle saint Denis, Pape, qui, d'anachorète qu'il était, ayant été fait
prêtre de l'Eglise romaine, fut élu l'an 259 pour la gouverner. Si nous remontons au
ir siècle, nous trouvons saint Télesphore, qui, ayant été aussi anachorète, fut élevé au
souverain pontificat l'an 128. L'hérétique Harcioo, selon ce que nous apprend saint
Epiphane, se sépara de l'Eglise vers le milieu de ce siècle, après avoir fait profession de
la vie monastique. Enfin, dans le i" siècle, nous trouvons, comme on vient de le dire,
les thérapeutes, que le P. Papebroch ne veut pas néanmoins reconnaître pour moines;
mais il ne fait pas diOiculté de reconnaître pour tels les autres disciples dvb apôtres dont
parle Philon, qui» selon cet auteur Juif, étaient répandus chez les Grecs et les barbares :
Altos vero (dit ce savant Jésuite) quos in aliis regionibus inler Grœcos et Barbaros indieai
Philo f cUiorum quoque apostolorum vel apostolicorum virorum fuisse discipuloSf nequaquam
ambigOf et veros omnino monachos {licei hoc nomen necdum usurparetur) id est solitarios
agnosco. Ei l'on peut croire aisément que, pendant les persécutions, il y à eu des commu-
nautés qui, à la vérité n'étaient pas si nombreuses qu'elles Tont été, lorsque l'Eglise fut en
paix ; en effet l'Angleterre et l'Irlande possédaient des monastères même sous la persécution. »
« Au reste, les noms de thérapeutes, d'ascètes, de moines, de solitaires et d'ermites ayant
été donnés indifféremment à tous ceux qui ont fait profession de la vie monastique, on
doit reconnattre une succession de moines sans interruption depuis saint Marc jusqu*à
saint Antoine; presque tous les historiens, et M. de Tillemont môme demeurent
d*ac<*ord qu'il y a toujours eu des ascètes dans l'Eglise. On doit reconnaître leurs laures
pour de véritables monastères, quand bien même ils n'auraient été que de huit ou de dix
religieux au plus, puisque l'essentiel de la vie cénobitique n'est pas de demeurer quatre ou
cinq cents ensemble» mais seulement plusieurs, et que le nombre de huit ou dix, et même
un moindre nombre i est suffisant pour cela. Car il n*y a personne qui dise que les Capu-
45 DISCOURS PRELIMLNAIRE. 46
cins soient des solitaires» et lear qualité - de menJiaots u'empèche pas qu'ils ne soient
▼éritablement cénobites. »
c Tafoue, continue le P. Héljot, que, quoique ces monastères des trois premiers siècles
fussent de Téritables monastères, ils n'étaient pas néanmoins aussi parfaits qu'ils l'ont été
au temps de saint Antoine, et encore da?antage au temps de saint Basile, qui a donné la
dernière perfection à l'état monastique : c'est pourquoi on peut les appeler de simples
monastères pour les dislinguer de ceux-ci; et je crois que le P. Papebrocb voudra bien me
passer cette 'distinction de simples monastères et de parfaits, puisque, nonobstant qu'il
dise que les disciples des apôtres, dont nous venons de parler, fussent de véritables
moines, il ne laisse pas de dire .aussi qu'ils étaient de simples moines, qu'il compare aux
ermites de ce temps-ci, pour les distinguer de ceux du iv^ siècle, engagés par des vœux;
et comme il se voit à présent des communautés considérables d'ermites de dix, de vingt,
de trente, et même de plus grand nombre, qui sont de véritables communautés, on peut
les comparer k celles des premiers siècles,*^!! l'on vivait sans doute avec plus de subor-
dination que dans la plupart de celles-ci qui sont néanmoins gouvernées par un supé-
rieur. »
« Dans ce gmtf nombre ae solitaires qui ont peuplé les déserts, il s'est formé deux es-
pèces de moines, dont ceux qui ont vécu en commun ont été appelés cénobiteSf et ceux
qui se sont retirés dans une solitude plus étroite, après avoir vécu longtemps en commu-
nauté, et y avoir appris à vaincre leurs passions, retinrent le nom d'anaehorites. »
II y avait aussi les rbémoboles ou sarabaîtes, dépeints par saint Jérôme et Cassien (3;,
moines voyageurs qui n'étaient pas toujours dignes de leur profession.
Cassien les préfère aux cénobites , comme étant plus avancés dans la perfection, et
saint Jérôme {h) a d*abord cru que cet état était le comble de la perfection monastique.
Mais ce Père changea ensuite d'avis. L'expérience l'a mieux éclairé, et lui a fait voir
que la vie cénobitique, ou en commun, était celle qu'on devait suivre le plus sûrement,
comme la moins exposée aux tentations.
c Saint Basile, qui en a fait l'éloge, en a fait connaître les avantages. Il ait que Dieu
ayant voulu que nous eussions besoin les uns des autres, nous devons, par cette considé-
ration, nous unir tous les uns aux autres ; que les avantages que nous possédons sont
inutiles dans une vie absolument solitaire ; qu'elle ne se propose qu'un seul but qui
est la commodité de celui qui l'embrasse, ce qui est visiblement contraire à la cha-
rité que l'Apôtre a si parfaitement accomplie, et qui consiste à ne chercher point ce qui
nous est avantageux en particulier, mais ce qui est avantageux à plusieurs pour être
sauvés ; que les solitaires ne reconnaissent pas facilement leurs défauts, n'ayant personne
qui les reprenne et les corrige, et qu'on leur peut attribuer ces paroles du Sage : Malheur
à celui qui est seul t parce que lorsqu'il tombe, il n'a personne pour le relever; qu'un
grand péril qui est à craindre dans la vie solitaire est celui de la complaisance, dont il est
très-diflicile de se garantir dans cet état; car un solitaire n'ayant personne qui puisse
juger de ses actions, s'imaginera être arrivé au comble de la perfection ; mais qu'au con-
traire, la vie cénobitique a cet avantage que la correction y étant faite, même par un en-
nemi, est souvent une occasion à ceux qui jugent sainement des choses, de désirer le re-
mècie de leurs maux; qu'elle est une carrière où l'on s'applique aux combats spirituels,
un chemin facile pour s'avancer dans la piété, un continuel exercice, une perpétuelle lué^.
ditation des commandements de Dieu ; et enGn que ce genre de vie est conforme è celui
der premiers chrétiens qui étaient tous unis ensemble, et qui -n'avaient rien qui ne fût
commun entre eux. »
Du reste, en relevant le mérite de la vie cénobitique, il faut bien se garder de condam-
ne^ la yie érémitique ou solitaire, quia donné de grands saints à l'Eglise
II y avait autrefois des reclus qui étaient enfermés Irès-étroitemênt. Le concile tn Trullo
leur ordonna de n'embrasser ce genre de vie qu'après avoir commencé, dans le monastère,
à vivre séparés comme des anachorètes, et après avoir persévéré dans cet état pendant
(S) Cass., coll. 18.
(4) Episi. ad Eu$t.
n DICTIONNAIRE DASCETISHE. 4S
trois ans, outre une année d^épreuve qu'ils devaient faire encore hors du monastère,
après quoi ils pouvaient être enfermés; mais il ne leur était pas permis de sortir du lieu
de leur réclusion, à moins que ce ne fût pour quelque cause qui regard&t le bien public,
ou qu'il n*y eût péril de mort pour eux. Alors ils en pouvaient sortir avec la bénédiction
del'évèque; et si quelques-uns de ces reclus en sortaient autrement, le même concile
ordonna qulls seraient enfermés, malgré eux, dans le même lieu, et qu*on leur imposerait
des jeûnes et des mortifications. Le concile do Francfort n'en voulut point souffrir, i
moins que les évoques et les abbés ne les renfermassent eux-mêmes, i»
« Il n'y a pas lieu de douter que saint Antoine n'ait établi de véritables monastères par-
faits et réglés, où l'on vivait en commun; puisque, comme dit saint Atbanase, les monas-
tères qu'il établit étaient remplis de solitaires qui passaient leur vie à chantera étudier,
; à jeûner; è prier, à se réjouir, dans l'espérance des biens à venir; h travailler, pour pou-
voir donner Taumûne, conservant entre eux Tunion et la charité, mangeant aussi en com-
mun, comme nous le pouvons juger par la complaisance de saint Antoine qui, aimant à
manger seul, ne laissait pas souvent do manger avec ses frères, lorsqu'ils l'en priaient,
afin de pouvoir, avec plus de liberté, leur tenir des discours utiles. »
PROGRÈS DE LA VIE MONASTIQUE
DANS LES SIX PRBIIIEBS SIÈCLES l>E l'BGLISE.
« Comme la Vie de saint Posthume, qui se trouve parmi celles des Pères du désert, est
regardée par de savants critiques comme fausse et supposée, je ne m*arrête pas è ce que
dit l'auteur de cette Vie, que saint Macaire avait le soin et la conduite de cinquante mille
moines que saiut Antoine lui avait laissés en mourant. Je veux même croire qu'il s'est
glissé quelque erreur dans le texte de la préface que saint Jérôme a mise è la tète de la
Kègle de Saint-Pacôme qu'il a traduite, où il dit que les disciples de ce saint s'assem-
blaient» tous les ans, à pareil nombre, pour célébrer les fêtes de la Passion, et de la Ré-
surrection de Notre-Seigneur; et il se peut faire que Pallade ne se soit point trompé,
lorsqu'il n'a mis que sept mille moines de cet ordre. Mais au moins faut-il avouer qu'après
la mort dç saint Antoine et de saint PacAme, le nombre des moines et des solitaires était
înflni, puisque Rufln qui fit le voyage d'Orient en 373, c'est-à-dire environ dix-sept ans
après la mort de saint Antoine, nous assure, comme témoin oculaire, qu'il y avait presque
autant de moines dans les déserts que d'habitants dans les villes^ que dans celle d'Oxi-
rinque il y avait plus de monastères que de maisons; qu'à toutes les heures du jour et de
la nuit on y faisait retentir les louanges de Dieu, et qu'il avait appris de l'évêque de ce
lieu qu'il y avait vingt mille vierges consacrées à Dieu et dix mille religieux ; il assure
avoir encore vu le prêtre Sérapion, Père de plusieurs monastères et supérieur d'environ
dix mille religieux ; mais il est bon de faire connaître quels étaient les illustres capitaines,
qui conduisirent dans le désert et dans les villes tant de saintes colonies, après que la
paix eut été rendue à l'Eglise. Nous avons déjà dit que saint Antoine établit les premiers
monastères réglés et parfaits dans la basse Thébaide ; saint Amon, sur le mont de Nitrie,
et saint Pacôme, dans la haute Thébaïde. Le désert de Scété fut aussi fort célèbre par la
multitude des saints qui y ont demeuré, et qui suivirent saint Macaire l'Egyptien comme
leur chef. Saint Hilarion, qui avait été, de même que saint Macaire, disciple de saint An-
toinoi se retira dans la Palestine, où ses miracles continuels et l'éclat de ses vertus firent
qu*en peu de temps un grand nombre de personnes se rangea sous sa conduite. La Syrie
a eu l'avantage d*êlre habitée par de saints religieux, sous la conduite d'Aonès, qui don-
nèrent aux habitants qui étaient idolâtres la connaissance du vrai Dieu. Elle a encore
Iiroduit un illustre écrivain qui nous a appris les vies admirables de ces saints solitaires,
et leurs principaux exercices, qu'il avait lui-même pratiqués dans un monastère dont il
fut tiré malgré lu:, pour monter sur le siège épiscopal de Tyr. C'est le savant Théodoret
qui, quoique élevé à cette dignité, ne diminua rien de ces saintes pratiques. La montagne
de Sinaï, si célèbre par la demeure de saint Jean Climaque et de saint Nil, fut aussi babi-
. tée par de saints moines, dès le iv' siècle ; de même que la Perse, où plusieurs solitaires
suivant les traces de sang des autres Chrétiens qui le répandaient généreusement pour la
fui de Jésus-Christ, couraient avec la même générosité au martyre. Saint Grégoire, apôtre
li MSCOURS PREUMIMàlRE. 5»
d'Arménie, introduisit anssi la vie monastique dans ce pajs-lè. Enfin il n*jr ent presque
poiol de prOTince en Orient où elle ne fût établie. ^
c Mais son plus grand accroissement fut lorsque saint Basile Teut introduite dans le Pont
et la Cappadoee, vers Tan 383 ; qu'il Teut réduite à un état certain et uniforme; qu*il eut
réuni les solitaires et les cénobites ensemble ; qu'il lui eut donné sa dernière perfection
eo obligeant ses religieux à s'y engager par des vœux solennels; et qu'il leur eut écrit
des règles qui furent trouvées si saintes et si salutaires, comme n'étant qu'un abrégé de la
morale de TEvangile, que, dans la suite, la plus grande partie des disciples de saint ln«
toine, de saint PacAme, de saint Hacaire et des autres anciens Pères des déserts, s'y sont
soumis, ce qui lui a fait donner le nom de patriarche des moines d'Orient; car il y a
plusieurs siècles que sa règle a prévalu sur toutes les autres en Orient; et quoique les
maronites, les arméniens en partie, les Jacobites, les coptes et les nestoriens se disent
de Tordre de Saint-Antoine, ils ne suivent néanmoins ni la règle que nous avons dans le
Cedf des rigUê sous le nom de Saint-Antoine, ni aucune des anciennes règles des Pères
d*Orient, et ils n'ont seulement que certaines pratiques pour les monastères de chaque
secte. Mais généralement tous les grecs, les nestoriens, les melcbites, les géorgiens, les
mingreliens et la plus grande partie des arméniens suivent la règle de Saint-Basile.
■ La profession monastique ne fit pas de moindres progrès en Occident, où les troubles
excités dans l'Eglise par la fureur des ariens la firent passer d'Orient; car saint Alhanase ,
évèque d'Alexandrie, s'étant retiré è Rome vers Tan 339 avec plusieurs prêtres et deux'
moines d'Egypte, il fit connaître aux personnes de piété la vie de saint Antoine qui de-
meurait alors dans son désert de la Thébaîde« et il y eut plusieurs personnes qui voulurent
embrasser une profession si sainte. L'on bâtit à cet eflét des monastères à Rome, ce qui
servit comme de modèle pour tout le reste de l'Italie. »
« Saint Benoît y parut à la fin du v* siècle. Quelques-uns ont préfenau qu'il n'é-
crivit point sa règle dans le désert de Subiaco; d'antres ont cru qu'elle ne fut publiée
par l'abbé Simplicius que l'an S86, et que saint Benoit ne l'avait faite que pour les
moines du mont Cassin. Hais depuis que dom Thierry Ruinart, religieux Bénédictin de
la eoDgrégation de Saint-Haur, dans sa savante Dissertation sur la mission de saint Maur
em Frmc€, imprimée à Paris en 1702, depuis que dom Jean Mabillon, de la même congré-
gation dans les Annales de Vordre de SainS-Benoit, ont pnmvé que saint Maur y avait été
envoyé par saint Benoît, avec quatre de ses disciples, Tan 5V3, et qu'ils y apportèrent avec
eux la Eègle de ce saint patriarche des moines d'Occident, écrite de sa main, avec un poids
et un vase, pour mieux observer ce qu'elle prescrit de la quantité du pain et du vin dans
le repas, il n'y a point de doute que saint Benoit ne l'eut publiée de son vivant, et que ce
n^était pas pour le seul monastère du mont Cassin qu'il l'avait faite, quoique les preuves
convaincantes de ces savants Bénédictins n'aient pas satisfait ceux qui avaient combattu
cette mission et qu'ils n'aient regardé ces preuves convaincantes que comme des pr^ugés
et des conjectures. Cette règle fut trouvée si sainte qu'elle fut universellement reçue en
Occident, ce qui fit donner h ce saint fondateur le nom de Patriarche des moines d'Occi-
dent. 9 (HiLTOT.)
La France, avant même l'établissement de sa monarchie, n'a pas été privée de la gloire
d'avoir produit plusieurs communautés religieuses. Dès le iv* siècle, saint Martin qui
s'était retiré dans la petite Ile Galtinaire, à la côte de Ligurie près d'Albengue, ayant appris
le retour de saint Hilaire, évèqne de Poitiers, dans sa ville épiscopale après son exil, le
vint trouver et bâtit auprès de cette ville le monastère de Ligugé. Ce saint, ayant été élevé
dans la suite sur le siège épiscopal de Tours, bitit un autre monastère à une lieue de cotte
ville, qui, après sa mort, fut appelé Marmoutier, en latin, Majus monasterium^ k cause
qu^il était plus grand et plus spacieux que celui qui fut construit dans la même ville, sur
le tombeau de ce saint, et que tous les autres qu'il avait aussi fondés dans la province.
Saint Maxime, l'un de ses disciples, voulant vivre dans un lieu où il fût inwnnu, se
rcUra dans le monastère de l'Ile Barbe, proche de Lyon. Quelques-uns prétendent que
c'est la première communauté de moines qui se soit formée dans les Gaules : certain
aulcur fait môme remonter la fondation de cette abbaye vers le milieu du m' siècle^
Si DICTIONNAIRE D*ASCET1SME. 5t
en lui doQDam pour fonckleur ud seigneur du pays, nommé Longin, qui Tan 9k0 environ,
y assembla plusieurs solitaires, qui vivaient séparément dans cette tle, où ils s'étaient
retirés. Mais tous les historiens n'en demeurent pas d'accord, et il est dillieile de savoir si
cette abbaye était déjà fondée avant que saint Martin vînt en France.
Cassien, s'étant retiré à Marseille vers Tan W9, fonda deux monastères, l'un d'hommes
et l'autre de filles. On dit qu'il eut sous loi jusqu'à cinq mille moines, et on le reconnaît
pour le fondateur de la célèbre abbaye de Saint-Victor de Marseille. L'île de Lérins, où
se retira saint Honorât, l'an 410, et où il eut on grand nombre de disciples, s'est rendue
célèbre par la sainteté des solitaires qui y demeuraient dans des cellules séparées et qui,
par l'austérité de leur vie, surpassaient ceux delà Thébaïde. Saint Honorât, dont elle porte
le nom, en fut tiré pour être évoque d'Arles. 11 eut pour successeur saint Hilaire , son dis-
ciple, et il en sortit un si grand nombre de religieux pour gouverner les églises de France,
que l'on regarda depuis cette île comme une pépinière d'évéques.
Nous ne parlons point de communautés établies par saint Césairo et par saint Aurélien,
aussi évoques d'Arles, par saint.Féréol, évèque dtJzès, et par saint Donal, évèque de Besan-
çon, dont les règles se trouvent parmi celles qui ont été recueillies par saint Benoît, abbé
d'Aniane. Nous parlerons en son lieu de saint Colomban qui, étant sorti d'Irlande avec
àoiite compagnons dans le vu* siècle, fonda la fameuse abbaye de Luxeuil, dans le
comté de Bourgogne, dont la communauté fut si nombreuse, qu'on y chantait jour et
nuit saus interruption les louanges de Dieu. Son ordre se répandit par toute la France»
Le relâchement y fut introduit en peu de temps ; mais l'ordre de Saint-Benoît s'éten-
dant de jour en jour, envoya de ses meilleurs sujets dans plusieurs monastères de
l'ordre de Saint-Colomban, pour y rétablir|la discipline régulière ; et dans quelques-uns
de ces monastères, les règles de ces deux saints y furent observées conjointement.
Mais comme les choses vont en décadence, les Bénédictins abandonnèrent aussi
l'observance régulière, ce qui a donné lieu à tant de congrégations qui sont sorties de
cet ordre, et qui en forment de différents par la diversité de leurs habits et par la
forme du gouvernement, sans s'éloigner néanmoins de leur tige, .ayant ; toujours
suivi la règle de Saint-Benoît, que les fondateurs de ces congrégations ont fait observer
plus exaetement, en y joutant des constitutions particulières qui ont été approuvées
par les Souverains Pontifes.
Le condie de Saragosse , en Espagne, tenu Tan 380 , qui condamne la conduite
des clercs qui affectaient de porter des habits monastiques, est une preuve que, dans le
IV* siècle, il y avait des religieux dans ce royaume, ce qui est encore confirmé par la
lettre qu'Immérius, évèque de Tarragone, écrivit au Pape Sirice, où il lui demande sod
avis sur Tordination des moines ; ce qui fait croire au P. Mabillon qu'il y en avait
déjà en Espagne, avant que saint Donat y eût' passé d'Afrique avec soixante-dix dis-
ciples, et qu'il eût fondé le monastère de Sirbite.
Saint Augustin, depuis archevêque de Cantorbéry, ayant été envoyé en Angleterre
par le Pape saint Grégoire, l'an 596, pour y prêcher la foi, introduisit en même temps
dans ce royaume l'état monastique, dont il faisait profession, étant religieux de l'ordre
de Saint-Bènolt. Cet état monastique y fit un si grand progrès et y était dans une si
haute estime, qu'un protestant de nos jours dit avec admiration que, dans l'espace
de deux cents ans, il y a eu en ce royaume trente rois et reines qui ont préféré
l'habit monacal à leurs couronnes, et qui ont fondé de superbes abbayes où ils ont
fini leurs jours, dans la retraite et dans la solitude. Il avoue que la vie monastique
y était aussi ancienne que le christianisme, et qu'ils y ont fait également des progrès.
Il reconnaît que, pendant un très-long temps, les monastères étaient des séminaires
de saints et de personnes savantes ; et que ces lumières de la chrétienté, Bède, Àlcuin,
Yillibrod et plusieurs autres, en sont sortis. Il déplore ce jour fatal où tant de beaux
monastères furent démolis, dont il ne reste plus que les ruines, qui sont encore des
monuments de la piété de leurs pères et de leurs ancêtres, et il ne regarde qu'avec
horreur la profanation des temples qui étaient consacrés à Dieu, et qui sont maintenant
changés en des écuries, où des chevaux sont attachés au même lieu où Ton offrait au-
^ DISCOURS PRELIUI.NAmE. 54
lrefoi$ le sacriGce adorable de iios autels. EnGn il regarde comme des eilravaganls
et des gens passionnés ceux qui disent que les ordres religieux sont ^rtisde i'ablme, pour
parler le langage de plusieurs hérétiques. Jam dudum, (dit-il,) diem fatalem obieruni mo-
moMieria notlra. née prœier semiruiOM parieies et deplormda rudera Bupersuni nohiê avilis
pieialiâ indieia.... Videmus^ heu: videmus auguâiisêitna iempla ei siupenda œtemo Det
dtdicaia monumenia {quîbus nihil kodie $poliaiiu$) sub $pecioso eruendœ supersiiUimi i
obieniUt êordidissimo conspureari viiuperio^ txiremamque montre iniemecionem^ ad aliaria
Ckrisii Mtabulati eyiii, martyrum effo$$a reliquiœ. Sunt quidam zelaioreê adeo religion deli-^
ranies ut religiosos veierum ordine$ ex abytsi puteo prognaios aiunl : lia libenter iibi tiufti/-
gel prœconeq^ta pauio. C'est néanmoins un hérétique qui parle, et c*est ce qui doit rem-
plir de confusion les aulres hérétiques qui ne peuvent parler de la religion catholique et
de la ?io monastique, qu'en iiiTectivaoi et faisant paraître la passion dont ils sont
prétenus; lia lieenUr êibi indulgel praconeepla pauio.
La profession monastique fut aussi introduite dans l'Irlande par le ministère de
aaint Patrice qui est reconnu pour TapAlre de ce royaume; et elle s'y multiplia si
prodigieusement que cette lie fut appelée Tlle des Saints, à cause du grand nombre et de
réminente sainteté des religieux dont elle fut remplie. Enfin, il n'y eut presque point do
ro/aume et de pro?inee qui ne reçût le même avantage, et Ton peut juger oar li du grand
progrès de l'ordre monastique.
Il y avait aussi un grand nombre de filles qui consacraient à Dieu leur virginité, soit
par le conseil de leurs parents, soit de leur propre mouvement. Elles menaient la vie
ascétique, et on comptait pour rien la virginité, si elle n'était soutenue par nne grande
mortification, par le silence, la retraite, la pauvreté, le travail, les jeûnes, les veilles, les
oraisons continuelles. On ne tenait pas |>our de véritables vierges, celles qui voulaient
encore prendre part aux divertissements du siècle, même les plus innocents, faire
de grandes conversations, parler agréablement et montrer leur bel esprit; encore
moins celles qui voulaient faire les belles se parer, se parfumer, traîner de longs
habits et marcher d*un air affecté. Saint Cyprien ne recommande presque autre chose aux
vierges chrétiennes, que de renoncer aux vains ornements et à tout ce qui appartient à la
beauté. Il connaissait combien les filles sont attachées à ces bagatelles, et il en savait les
pernicieuses conséquences. Dans ces premiers temps, les vierges consacrées i Dieu
demeuraient la plupart chez leurs parents, ou vivaient en leur particulier, deux ou trois
ensemble, ne sortant qne pour aller à l'église, où elles avalent leurs places séparées du
reste des femmes. Si quelqu'une violait sa sainte résolution pour se marier, on la mettait
en pénitence.
Les veuves, qui renonçaient aux secondes noces, vivaient à peu près comme les vierges,
dans les jeûnes, dans les oraisons et les autres exercices de la vie ascétique; mais elles
&*élaient pas si enfermées, parce qu'elles s'appliquaient aux œuvres extérieures, comme h
T:si!er et à* soulager les malades et les prisonniers, | articu!ièrement les martyrs et les
confesseurs ; à nourrir les pauvres, è retirer et servir les étrangers, h enterrer les moris,
et généralement *% toutes les œuvres de charité. Toutes les femmes chrétiennes, veuves ou
mariées, s'y empIoyaientfort,et ne sortaient guère que pources bonnes œuvres, ou pour aller
h l'église. Les veuves, étant plus libres, s'y adonnaient entièrement; si elles étaient riches,
elles fiiisaient de grandes aumûnes; si elles étaient pauvres, TEgliseles nourrissait. Ou
choisissait pour diaconesses les veuves les plus âgées, c'est-i-dire de soixante ans. Cet âge
fut réduit depuis à quarante ans ; mais c'étaient toujours les veuves les plus sages et les
plus éprouvées par toutes sortes d'exercices de charité. On donnait aussi quelquefois
cirtte cliarge à des vierges, et alors on leur donnait aussi le nom de veuves. Les diaco
nessf'S recevaient l'imposition des mains, étaient comptées entre le clergé, parce qu'elles
exerçaient, à l'égard des femmes, une partie des fonc4ion8 des diacres. Leur charge était de
visi!er toutes les personnes de leur sexe que la pauvreté, la maladie ou quelque autre
misère rendait dignes du soin de l'Église; elles instruisaieut celles qui étaient catéchu-
mènes, ou plutôt leur répétaient les instructions du catéchisme ; elles les présentaient au
bai tème, leur aidaient à so déshabiller et à se rpvêlir, afin que les prêtres ne les vissent
DICTIONNAIRE D'ASCETISME. 56
pas dans un état indécent ; elles conduisaient ensuite ces noBTelles oapltsées pendant
quelque temps, pour les dresser à la Tîe clirétienne. Dans l'église, elles gardaient les portes
du côté des femmes, et avaient soin que chacune fût placée en son rang, et obser?At le
silence et la modestie. Les diaconesses rendaient compte de toutes leurs fonctions à
révèque, et par son ordre aux prêtres ou aux diacres. Elles serraient principalement i les
avertir des besoins des autres femmes, et à ISûre» sous leur direction, ce qu'ils ne pouvaient
faire eux-mêmes avec autant de bienséance.
Les prélats usaient d'une grande patience et d'une grande discrétion pour gouverner
toutes ces femmes, pour maintenir les diaconesses dans la sobriété et Tactivité nécessaires
è leurs fonctions, mais difficiles k leur Age, pour emiiêcher qu'elles ne devinssent trop
fiiciles ou trop crédules, ou qu'elles ne fussent inquiètes, curieuses, malicieuses, colères
et sévères avec excès. U fallait prendre garde que, sous prétexte de catéchisme, elles ne
lissent les savantes et les spirituelles; qu'elles ne parlassent indiscrètement des mystères,
ou ue semassent des erreurs et des fables; qu'elles ne fussent parleuses et dissipées. Il
fallait encore bien de la charité pour guérir ou supporter les défauts des autres veuves et
des autres femmes, comme la tristesse, la jalousie, l'envie, les médisances, les murmures
contre les pasteurs même ; enfin, tous les maux qui suivent ordinairement la faiblesse du
sexe et de Tâge, surtout quand elle est jointe k la pauvreté, k la maladie, ou k quelques
attires incommodités.
Dès la fin du m* siècle, c'est-k-dire vers le temps où florissait saint Antoine, on vil
apparaître également des monastères de femmes.
Sainte Sjnclétique est généralement regardée comme la première fondatrice de ces
monastères.
On croit cependant, qu'k peu près dans le même temps, saint Pacôme et saint Antoine
établirent, chacun de leur côté, des monastères de vierges, dont ils confièrent la direction
k leur sœur.
Saint Basile, peu après, en établit de nouveaux sons sa direction. D'où il apparaît que
ee fut vers ce temps que l'on reconnut dans l*Église les avantages delà vie de communauté
pour toutes les personnes qui voulaient arriver k la perfection
Depuis ce moment, les communautés de femmes se sont multipliées, en Orient et en
Oceiilent , dans la même proportion que celles d'hommes. Et, dans la suite, lorsque les
ordres religieux se sont diversifiés en une multitude d'instituty, chaque fois qu'il surgissait
un ordre nouveau, il amenait k sa suite, comme une conséquence naturelle, la création de
monastères de filles qui suivaient la même règle. Il n'y a d'exception que pour certains
instituts qui ne pouvaient avoir leurs parallèles dans l'autre sexe, comme les ordres
militaires.
Aussi, ce que nous dirons, dans -la suite de ce discours, des congrégations d'hommes
sera également applicable, dans la généralité, aux congrégations de femmes quoiqu'on no
les nomme pas.
Parmi les règles anciennes, qui furent faites pour les monastères de femmes, celle que
le Père Thomassin admire le plus, est celle de Saint-Augustin, qu'il regarde comme un
chef-d'œuvre. Hais tous les saints Pères de cette époque se sont occupés, dans leurs écnits,
de la direction des vierges vivant en communauté; ils ont la plupart fait des traités pour
eHes. Tous ces évêqnes s'occupaient avec une tendre sollicitude de cette portion si pré^
cieuse et si délicate de leur troupeau. Et rien n'approche du charme et de l'onction aveo
lesquels ils en font Téloge.
ORDRES REUGIEDX
»BPCis lIuvasion ntnjcmvB nss RàniunBS HîSQU^t nos jocb^.
) n*entrè pas dans notre plan de faire l*historiqne des ordres religieux, mais simple*
ment de juger par un coup d'œil général la place qu'ils ont occupé dans l'Eglise. La ma-
tière que nous traitons est plus étendue que les ordres religieux : c'est Tascétisme. Lo
monachisme en est la plus grande et la plus pure expression; mais ce n'est pas tout. II
57 DiSCODiiS PRELUONAIRE. 5S
nous sufiSra de saroir que le nombre des religieux a été infini» que les exemples de f ertus
qoUs <Hit donnés onl édifié la terre et Wyotti le ciel» que TEglise les a eonstamment favori-
sés et protégés comme des enfants d*éKte, comme les membres les plus précieux du corps
mjslique de Jésns-Cbrist.
Qui pourrait assex louer Tinnomorable famille de saint Benoit? Depuis douze siècles
elle a peuplé toutes les parties de Tunirers de se$ enfacU : c'est à cet ordre qu'une partie
da monde est rederable d'aroir quitté Tidolâtrie et d'at oir abandonné plusieurs hérésies
dans lesqueUes des proTinces entières étaient tombées; c'est à lui que celles qui n'en
araient pas été infectées doivent d'avoir conservé la foi orlbodoie dans ces siècles où
la science se trouvait tout entière dans les cloîtres, et où la piété était bien affaiblie hors
des doltres. C'est cet ordre qui a fourni, pendant longtemps, un grand nombre de Papes, de
cardinaux» d'archevêques et d'évAques. Il a produit une infinité d*hommes savants dont
oo ne se lasse pas d'admirer les ouvrages.
Tons les monastères d'Occident» k peu d'exception près, étaient gouvernés par la règle
admirable de Saint-Benoit Car c'est k partir du xii' siècle que la variété des ordres reli-
gieux a commencé d'une manière plus sensible.
La perfection de la vie religieuse (5) à cette époque éclate dans l'existence de ces hom-
mes éprouvés dont l'histoire a conservé et l'Eglise consacré les noms glorieux : Patrik»
Colomba, Augustin, Golomban, Gall, Séverin, Kiliao, Emmerand, Norbert, Corbinien, Bo-
Dîface, Ludger, apMre et missionnaire, Grégoire d'Dthrec, Storm de Fulde, Bède le Véné-
rable» et tant d'autres moines et abbés, qui formèrent, dans leurs couvents, ces générations
pieuses et dévouées, par lesquelles la vie intérieure» la vraie et profonde piété se répandit
parmi les chrétiens.
Les moines de cette époque furent réellement les propagateurs du christianisme et de
ses vertus, les premiers instituteurs du peuple, les moteurs de toute culture spirituelle, do
toute civilisation, les gardiens et les conservateurs de la science. Si l'on se rappelle, en
même temps, leurs mœurs austères, leur zèle et leur activité, si contraires, on peut le dire,
à la mollesse du clergé de ce temps, on comprendra l'amour, le respect qu'ils inspirèrent
aux peuples et les libéralités doiU ils furent ToLget. Les princes leur donnaient en fief des
terres considérables» garantissaient ces terres de tout pillage par de sévères lois; les papes
leur accordaient toutes sortes de privilèges. L'abbé jouissait d'une considération presque
égale k celle de l'évèque diocésain, et quoiqu'il ne fût pas entièrement exempt de sa sur-
veillance» il dépendait surtout immédiatement de Rome.
Les moines vivaient, en général, comme nous venons de le dire, d'après la règle de
Saint-Benoit sagement modifiée d'après les circonstances nouvelles, par Colomban, Isidore
de Séville» Fructueux, évéque de Braga et saint Boniface.
C'est en Iki qu'un concile introduisit la règle de Saint-Benoit dans tous les couvents du
rojanme firank; le zèle et la vigilance de saint Boniface augmentèrent le nombre des
eottvents et y relevèrent la discipline singulièrement déchue au milieu des orages |)olitiques
de l'époque. C'est k ce saint Pontife qu'en Allemagne les magnifiques couvents de Fulde»
de Hersfeld et autres» durent leur origine; ceux de Rechenau et de Prûm, fondés quelque
temps après» ne furent pas moins importants, comme pépinière du clergé. Ualheureuse-
ment leurs richesses, leur indépendance de l'évèque, le gouvernement des abbés laïques
les firent tomber dans le relftchement des mœurs et de la discipline. L'ardent et pieux Be*
Dott d'Aniane (821) soutenu par Louis le Débonnaire, devint le réformateur des moines do
sa congrégation» et son couvent le modèle de tous les monastères franks. Hais les ré-
ftrmes de ce second Benoit ne furent pas adoptées partout, et elles furent peu durables.
Cqwndant, grâce k la piété active de Guillaume d'Aquitaine, on vit sortir de l'abbaye de
CInoj la semence d'une rénovation spirituelle et le germe de la future liberté de l'Eglise.
Le pieux Bemon, premier abbé de Cluny» fonda la solide réputation de cette abbaje. Plus
grand que son maître, saint Odon, qui lui succéda, sut conquérir au monastère qu'il di-
rigea l'estime et la faveur générales. L'inOuence de ce saint et savant asile ne fit qu'aug«
(3) Alzoc., I. n, p. 6S
DICTIONNAIRE D'ASCETISME. 60
mèntersous les successeurs d'Odon, Aymar, Mayeal, Odilou et surtout Hugon, si biea que
Ters la fin de cette époque de nomt)reux couvents, même en Espagne et en Pologne, se
mirent sous la dépendance et Tunique direction de Tabbé de Cluny.
Le moine Guillaume, disciple de Saint-Mayeul, digne de son mattre, restaura les cou-
Tents de Normandie et du Nord de la France et y Qt fleurir de pieuses écoles; Richard,
abbé de Saint-Vannes, à Verdun, réforma de son côté les couvents de Belgique. La règle
de Saint-Benoît fut observée à Cluny dans son austérité primitive, avec son silence
permanent, l'aveu public du péché, le travail des mains adouci par la récilation du
psautier.
Pendant deux cents ans, cette congrégation sérieuse soutint, par ses exemples et son
influence, la vie spirituelle dans la chrétienté, sauva la science, conserva en honneur
les pratiques de Tascétisme chrétien, eut sa part directe dans la plupart des événements de
rBglise, jusqu'au temps de saint Bernard. Seul, le couvent des bénédictins du Hont>Cas-
sin conserva les saintes traditions du christianisme durant les luttes tumultueuses des
factions d'Italie; et quoique son influence ne put s*exercer efficacement aux* siècle sur les
autres couvents sécularisés, ce fut cependant dans son sein que vinrent se réfugier une
foule d'âmes dégoûtées des abominations du siècle. Tel fut saint Romuald de la famille du
duc de Ravenne, qui, après avoir subitement changé de vie, se mit à prêcher le mépris du
monde et la pénitence, à remuer et à convertir les pécheurs les plus endurcis, qu'il ras-
sembla dans la solitude de l'Apponnin, h Camaldoli, et forma un ordre conOrmé par le
Pape Alexandre U. Jean Gualbert fonda à Vallorabreuse, en Toscane, une congrégation
plus sévère encore, dans laquelle s'observa ^ avec la plus scrupuleuse. exactitude, la règle
de Saint-Benoît. Ces deux congrégations, primitivement destinées à la vie érémitique*
furent plus tard réunies à des couvents, et eurent pour but de mener l'homme dans les
▼oies de la perfection, en lui inspirant le goût de In vie spirituelle, par les pratiques sim-
ples, douces et pieuses d'une vie régulière et commune.
La nouvelle vie qui avait pénétré les ordres religieux, vers la fin de l'époque précédente»
exerça dans celle-ci une haute influence sur le développement de l'Eglise entière (6). Dans
le xr siècle, le zèle réformateur de Grégoire Vil avait ranimé, chez les peuples occi*
dentaux, l'esprit de pénitence; les moines continuèrent son œuvre, et bientôt on les vit
apparaître au milieu du monde, tantôt se présentant en hardis prédicateurs devant les
princes et lés évèques, tantôt se portant médiateurs entre doux partis ennemis, partout se
montrant les protecteurs des pauvres. Le cloître devint le refuge du crimes repentant et do la
science amie de la solitude. On y fondait des écoles, on y cultivait les arts, on y établis-
sait des fabriques et des ateliers (7). La faveur générale dont jouissait la vie monastique
lui donna une telle extension et des formes si variées, qu'Innocent III se crut obligé do
défendre l'établissement de nouveaux ordres. Le choix restait libre entre ceux qui exis-
taient. Néanmoins cette prohibition ne put empêcher les fondations de plusieurs congré-
gations, qui se dévouèrent avec une incroyable énergie et avec un succès non moins
extraordinaire à combattre les dangereux hérétiques de ces temps. Le secret de leur.force
était dans la sévérité de la règle, et dans la sainteté des fondateurs ; malheureusement
en vit trop paraître une contradiction flagrante entre le vœu de pauvreté et la possession
des grandes richesses que ces ordres acquirent, et qui impliquait une décadence plus ou
moins prochaine. L'appétit pour les jouissances sensuelles une fois éveillé, la vocation
(6) HoLSTENU Codex regul monastic, etc. Les ouvrages d'Hélyot, de Schmidl , de BicnJelf. On trouve
aussi un tableau complet et fort intéressant de h vie relisieusc à ceUe époque , dans Hurter, t. Ill , p. 4i7-
6i6; t. IV, p. 4-512. Le comparer avec Bauher, Hist. des Uohen$tau(en, t. VI, p. 320-430, et avec
ScHRAEKTS , Histoire de l'Egiise , xxvh* partie. . ,. . , «41^
(7) I On est saisi d'élonnement quand on lit le dénombrement des bibnotheoucs conventuelles. A la fin
du XI- siècle, un incendie consume 5,000 volumes à l'abbaye de Groylaiid. En liiS, celle de Gladslone-Iinry
renfermait 400 volumes, parmi lesquels on trouve plusieurs poêles et historiens romains. Le catalo;5ue de
Prifliug est moins riche ; toutefois on y rencontre un Homère. Etait-ce un original ou simplement une tra-
duction latine? c'est ce qu'on ne dit pas. A la même époque, BenediclHeurcn vanUit son 1^"^»»/» * .»«» ""■
race, son Virgile et son Salluste. Ce monastère posséJait en tout 247 volumes. Souslabl)e >Vorraiit,
celui de Saint-Michel, près de Bambcrg, reçut une riche collection de livres, parmi lesquels figurent la plu-
part des p êtes latins , sans compter bcaiico'ip d'aulros auîcurs appartenant a rantiquito païenne ou chic-
ticiinc. ) (UtRTLR,1. ill, p. 5S2.)
61 DlSCOmS PRELIMINAIRE.
uionasUqae perdit bienidl son caraclère sacré» eU les oioiacs lombèreoi dans aes Tices
cachés 00 dans des scandales publics.
L*ordre le plus célèbre de Tépoqae précédente comme de celle-ci fut encore la congré-
gation de Cliiny. Le costume de cet ordre était noir et fort simple. La discipline arait
déjà subi une profonde atteinte sous la TÎcieuse direction d'un abbé Ponticus, qui mourut
en il2à. La science et les bantes Tcrlus de Pierre le Vénérable (1122-1156), relevèrent et
étendirent la réputation de ce monastère. Nous Tavons déjà remarqué, tous les établisse-
ments de Bénédictins reconnaissaient pour chef suprême Tabbé de Clunj, qui nommait
les prieurs des autres couTeuts. Chaque année, il se tenait à illunj une assemblée géné-
rale qui délibérait sur les plus grands intérêts de Tordre, et y promulguait des lois. Cette
congrégation continuait encore de fournir des Papes, ainsi que des évoques, à l'Kglise, et,
en retour» la protection des Pontifes augmentait Tinfluence de Tordre, surtout en France.
Mais des richesses toujours croissantes vinrent arrêter cette sève de vie : Cluny dot céder
subitement laplaceà des monastères plus dignes de TinOuence dont il avait joui jusqu'alors.
Robert, mécontent de la léthargie où les biens de ce monde avaient plongé les Bénédictins,
et plus encore de Topiniitreté avec laquelle ils s'opposaient à ses projets de réforme,
fonda, en Tannée 1098, une nouvelle congrégation à Cîteaux, près de Dijon, dans Tévêché
de ChAlons-sur-Saône (8). Le pieux abbé eut à lutter contre une foule de difficultés. Cl-
leaox devait être absolument Topposé de Cluny : un parfait renoncement h soi-même, uno
simplicité rigoureuse dans le culte, la soumission au pouvoir diocésain, Texclusion de
toute affaire séculière, tout, jusqu'au vêlement blanc, rendait le contraste plus frappant.
Après la mort de Robert (1106), Tordre reçut son organisation définitive par la charte
d*amour (charta charitatis) (1119), et Pascal II la confirma. Trois abbés se succédèrent sans
voir augmenter les habitants d'une maison aussi sévère ; cependant , déjà les contem-
porains y reconnaissaient avec joie une image vivante des temps apostoliques, et, quand
saint Bernard y entra, en 1113, Clleaux brilla parmi les plus illustres congrégations.
Bernard fonda immédiatement, dans une forêt impénétrable , une succursale qui prit le
nom de Clairvaux (C/ara ta//»). Il avait alors vin^t-cinq ans. Guillaume de Champeaux
le nomma chef de ce nouvel établissement (9). Le jeune abbé appartenait à une noble et
pieuse famille de Bourgogne; il était né à Fontaine en 1091, et sa mère avait mis un soin
rare k lui inspirer les plus tendres sentiments de religion. Avant la naissance de ce fils,
un songe avait révélé à sa mère qu'il serait un fidèle gardien de la maison du Seigneur.
Le jeune homme, qui dépassa bientôt ses compagnons dans les études spéculatives e^
dialectiques , se distingua, dès ses plus tendres années, par une vie grave et paisible, par
un grand penchant k la contemplation et i la solitude. Aussi disait-il que les arbres de
la forêt lui avaient servi d'instituteurs. Après un moment de lutte contre les pencbanls
de sa jeunesse, Bernard entra dans le clottre de Cîteaux avec trente compagnons (1113).
Formé par l'étude de sa propre conscience , prêt à réaliser en lui-même les plus hauts
enseignements de l'Eglise» aussi disting&é par ses connaissances et sa prudence pratique^
que par son humilité profonde et son dégoût des honneurs, cet homme étonnant sut
vaincre tous les obstacles, et accomplir tons ses projets, par son éloquence entraînante
que confirmaient ses nombreux miracles (10). kernard personnifia son siècle. Qui sut
(8) ËeUUio quaiUer inetpU ardo Ci$tercieH$h. (Anberti Miejki Chran, Cisterciens, ord.; Colon., 1614;
ilc9ttiQCEz, Régula eanstit. et jniviteg. ont. Ciiterciensit ; Anlvcrp. 1630; Uolstenius Bhiockie, loco cxt,^
fib. n,_p. 365468.) Cf. HAljot, Hurter, I. IV, p. 164-200.
(9) toXAUi, Opera^eâ. Habilloii; Paris, 1667-1690, 6 vol. in-foL; Yenet., 1759, 2 vol. in-fol. Sa
biomphie a été écrite par U^ois de ses conteinporains : Guîllaame, abbé de St-Thierry, Gaurred et Alain
des Des, tous moines de Clainraax. ( Mabillo5 , Àcta SS, ord. S. Benedie,^ t. I et VI.) Parmi les modernes ,
yajez NÉAimER, Saini Bernard et son temps; Berlin, 1815; Ratisb05I5E, Vie de saint Bernard ; Paris, 1845.
(10) L*al»bé Wibald de SlaTdot dil, en parlant de cette circonstance : Xir ille bonus^ longo eremi squalore
€t jejmmns ac pailore eonfecius^ et in quatudam sjnriinalis formœ tenuitatem redactus, prius persuadet tisus
quam mÊdiins. Optima ei a Deo eoncessa est natura^ eruditio summa^ exerciîium ingens ^ oronuntiatio aperta^
§estms earporis ad omnem dieendi modum aeeommodatus, { Marté5C et Di'rai«d , Colucl. ampiiu.^ t. Il ,
p. 330.) Godefroi de VendAme vante aussi réloquenœ de saint Bernard : Kosse poterunt aliquatenus , qui
ipsims iegerent uripta^ etsi longe minus ab eis qui terba ejus sœpius amdierunt. Siquidem diffusa erat gralia
in labiis' ejus et igmtum eloquium ejus vehementer^ ut non posset ne iysius quidem slylus, iicci eximius, lotam
iltmm dnlcedinem , totum retinere fervorem.
63 DICTlOiNNÂlRE O^ASCETISME. 6A
mieux que lui co . b.itlro les formes multiples du génie fanlaslique qui mèlail les rôve-
r!es d'une imagination dévergondée ou'd*une raison indocile au grand réveil intellectuel
(!e ces temps? Dévoué à TEgliseet & Tidénl qu*il s*en faisait , il sut, mieux qu^aucun autre»
attaquer les désordres de ses membres» Papes, évoques et princes, ou leur prodiguer ses
bienveillants conseils. Grâce à lui, Innocent H est reconnu, et Eugène III exerce une
haute influence; Tordre des Templiers reçoit la sanction de Tautorité pontiflcale.; grflce h
lui, une seconde croisade est prêchée avec une force irrésistible , et les hérétiques sont
ramenés au sein de TEglise. Que de choses accomplies par un seul homme I Cependant,
ce puissant représentant de Télément spirituel, cet ange de paix entre les peuples et les
rois, De tarde pas è suivre son ami, Eugène III » dans la tombe (20 août 1153), et bientôt
les pressantes demandes des nations obtiennent sa canonisation (1171). Après sa mort.
Tordre de Cîlcaux garda le premier rang parmi les congrégations religieuses, et s'étendit
dans tonte^l'Europe ; car au pied de ses murailles solitaires, les orages du monde venaient
expirer; dans ses tranquilles cellules, une foule de cœurs brisés trouvaient un repos
eonsolateur. « Ah 1 qu'il me serait bien plus doux, écrit un moine de Ctteaux, de cultiver
1^ sagesse comme simple frère dans nos cabanes, que d'accompagner mon ami dans les
cités les plus magnifiques. »
Etienne de Thiers , fondateur de Tordre de Grammont (Grand Mont), naquit en Auvergne,
de parents qui l'avaient demandé S Dieu par plusieurs années de supplications (10^6 [11].}
Aussi, son éducation fut-elle extrêmement soignée, et, è l'Âge de douze ans, il accompagna
son père en pèlerinage au tombeau de saint Nicolas de Bari. I! tomba malade au retour,
et Tarchevèque Milon, son compatriote , l'accueillit k Bénévent. Etienne reçut sous sa
direction, une instruction solide et propre à le faire entrer dans TEglise. Mais le jeune
homme s'était senti fortement ému en visitant le monastère de la Calabre. A peine revenu
en France, il j fonda le nouvel ordre de Grammont avec la faveur toute particulière do
Grégoire Vil (1073). « Fondez, dit ce dernier, autant d*élablissements qu'il y a d*étoiles au
ciel, mais obtenez de saint Benoit plus de grftces spirituelles que de bénédictions tempo-
relles. » Afin de se conformer au vœu du Pontife, Etienne posa d*abord pour fondement
la règle des Bénédictins , mais plus tard, lorsque ses religieux vinrent lui demandera
quel ordre ils appartenaient : ^ A TEvangile, répliqua -t-il, qui a donné naissance à toutes
les règles. Telle doit être votre réponse. Pour moi, je i.o veux être appelé ni moine, ni
chanoine, ni ermite : ce sont des noms trop sacrés, trop appropriés à la perfection, pour
que j'ose les usurper. »
L'austérité de sa vie, jointe à celle qu'il exigeait des autres , lui gagna peu à peu des
confrères, qu'il établit 5 Muret. Elienne de Thiers mourut en 1124, leur laissant pour
héritage la pauvreté et une confiance inébranlable dans la bonté divine. Les enfants se
montrèrent fidèles à Thumble esprit de leur père : ils abandonnèrent la légitime possession
de Muret qu'on leur disputait, pour ne point plaider, et suivirent la voix du Ciel qui les
appelait à Grammont. On attribue la première règle écrite pour Tordre au quatrième
abbé, Etienne de Lisiac, ouau septième, nommé Gérard (1188); elle recommande la plus
complète pauvreté. « Jamais, dit cette règle, l'homme n'est plus assuré de l'amour divin
que dans la pauvreté; vous devez donc vous y conformer rigoureusement. Les malades
eux-mêmes ne pourront manger do la viande. L'administration do toutes les affaires
temporelles sera confiée à des frères lais.» Or, ce fut précisément contre cet écucil
imprévu que se brisa cet ordre si pacifique et si estimé. Il périt dans le cours du xii*
siècle, par les audacieux empiétements des frères lais sur la direction spirituelle.
Le fondateur des Chartreux fut le prêtre Bruno , de Cologne (1085^ [12].) H avait dirigé
l'école épiscopale de Reims, et comptait Urbain II parmi ses disciples. La vie mondaine
Grand
(il) HUioria brevUpriùr, Grandimontetuium, historia protixiar ffrior. Grand, et vita S. SUvham, ord.
^:and., par Gsehard, 7- prieur de Grammont. (MàBTtKE et Durakd, CsolUci. ampiitê. t. VI, p. 413 sq., 1Î5
sa. et f 050 sq. ; Mabillo», Ann. ord. S. Bened., t. V, p. 65.) Cf. Hélïot, Hurter, t. IV, p. 457 sq.
(lî) Viedetaint Bruno (Bolland., Acia SS., mens. Octobr., 1. 111, p. 494, sq.; MabillO!!, Afin., t. V,
p. «02 ; cîusd. Acta SS. ord. S. Bened., t. VI, p. 41 , praîf., p. 5«, sa.) Vo'.r aussi la terrible légende
intitulée : De vera cqntâ $eeestu$ S. Brunoif, in ercminm. (Lai>oy, 0pp. t. 41, p. tl, p. 52 i, sq.) Cf. Hélvot,
t. Vif, llURTER, t. IV, p. 449, scq.
€5 DISCOURS PRELlMlfCAIRE. eC
de rarebev£que Ifanassès riodigua (13). Ce prélat s*é(ail laissé aller jusqu^à dire : « Cesi
une belle chose que l*arcbeTëché de Reims, mais il esl fâcheux que, pour en toucher les
reTenus» il faille chanter des messes. » Bruno se retira doue, avec quelques amis qui par-
tagèrent ses idéeSf dans le diocèse de Grenoble, dont le chef raccucillit avec joie. A quel-
ques lieues de la rille se trouvait une effroyable solitude nommée la Chartreuse (Car/tutum),
destinée k devenir le berceau d*un ordre plus rigoureux que tous les autres. La règle
prescrivait un silence perpétuel , Tabstinence de la viande, et un cilice pour vêtement.
Hais, en même temps, Bruno communiqua & ses frères son amour pour la science. A côté
des pratiques religieuses et des travaux manuels, il leur enjoignit la transcription des
auteurs anciens et des actes les plus importants, afin de leur assurer des titres à la recon-
naissance de la postérité. Malgré la rigueur de ses observances, Tordre se propagea
rapidement et vit même se former une branche collatérale pour les femmes. Le profond
spiritualisme qui distinguait les Chartreux leur acquit une haute importance durant la
grande querelle des investitures. Urbain II voulut avoir auprès de lui l'austère Bruno (1090);
mais le saint était peu fait pour la vie active des cours, moins encore pour Tévêché de
Beggio, qu*on voulut enfin lui conférer. 11 trouva une nouvelle Chartreuse k Torré» en
Calabre, où il mourut en 1101. L'esprit du fondateur, la rigueur primitive et le génie de
la contemplation, se conservèrent plus intacts qu'ailleurs dans les monastères de son
ordre ; Téclal même qui les environna plus tard, ne pat j porter aucune atteinte* Le
prieur, Guigo, qui gouverna la première Chartreuse (f 1137), laissa un précieux legs
ei une riche peinturé de la vie ascétique dans son écrit intitulé : manuel des moines, c II
7 a , dit-il » quatre degrés presque inséparables pour s*élever vers le ciel : la lecture, la
méditation, la prière et la contemplation. Cherchez d*abord la lecture, elle vous conduira
vers la méditation ; frappez à la porte de celle-ci avec la prière, elle rouvrira pour vous
laisser entrer dans le domaine de la pure contemplation. La lecture porte les aliments à
la bouche ; la méditation les brise et les miche ; la prière éveille le goût, mais la véri-
table jouissance c'est la contemplation : elle seule renouvelle Têtre, elle seule procura le
bonheur. Dans certains plaisirs sensuels, Tâme et le corps semblent se confondra;
j*homme n'est plus que matière ; de même aussi, k l'autre extrémité de la ligne et dans
la plus haute contemplation» tous les mouvements, tous les penchants du corps sont
tellement absorbés, neutralisés par rime, que la chair ne contredit plus l'esprit. L'homme
devient complètement spirituel. Il y en a qui courent k Jérusalem ; quant k vous, allez
plus loin, poussez jusqu'k la patience et k l'humilité. Vous trouverez la cité sainte id-bas,
mais les deux autres sont au delk du monde. *
Eo 11^1, s'éleva, pour la première fois, la pensée de convoquer k la Chartreuse de
Grenoble ane assemblée générale, que présida le chef de cette maison. Tous les prieurs
des divers établissements y parurent. On s'j occupa de règlements pour l'ordre entier et
d*uoe rigoureuse surveillance k établir dans chaque monastère.
Herbert de Genuep, fondateur des Prémontrés, naquit k Santen, dans le duché de
QèTes (1^). D'abord , chapelain de Henri V, puis chanoine k Cologne, il avait une
grande fortune, et sa position lui permettait d'aspirer k tous les honneurs ecclé-
siastiques. Hais pendant qu'il se laissait l>ereer par ses illusions mondaines et ses
brillantes espérances, la foudre vint tomber un jour k ses pieds. Ce coup du ciel
lui montra le néant des choses humaines. N'ayant pu faire partager ses idées de ré-
forme aux chanoines de quelques cathédrales, il distribua ses biens aux pauvnrs , et
se mit k prêcher la pénitence en France et en Allemagne. Les clochettes des bergers
servaient k rassembler les auditeurs autour de lui. Son éloquence grave et mkle pro-
duisait une profonde impression ;k sa voix, on vit quelquefois des chevaliers armés sus*
(13) L*idée mère de rafireuse légende xilée dans les sources, se lie évidemment k rhistoire des désonires
wpiuiliéi à iiaiuiSBès.
(14) Norbeni Vita pr le Jésuite PAPctaocH. (BoiXABn»., Àcla SS.^ mens, laa., t. 1, p. S04.) flESSAim
BOBsehi, De tmrmeulU S. Mariœ lamdêê^ ill, 2 sq. (Gcuesti 0pp., éd. d*Acfcéry, p. 5ii ; Hcco, vf> de
tmmi Norbert; Lniemb., 170i, iii-4*; Bibliol. ord. Prem. aat. i. Le Paige : Paris i6^.) Cf. Héltot.
L 11, p. 206, sq ; Hcetch, t. iV, p. 200.
G7 DlGTlONNÀlUE DÂSCETISUE. 68
penJio leurs hostilités et s'embrasser. Tous se disputaient l'honneur de recevoir chez
eux l'homme de paix. En 1119» au concile de Reims, Calixle II lui donna rautorisalion
de fonder un ordre, et l'année suivante Norbert réalisa ses projets dans une vallée fort
insalubre, au fond de la forêt de Coucy, près de Reims, nommée Préraonlré. Les
conslitulions des Augustins servirent de base à la règle des chanoines réformés, qui
furent soumis aux rigoureux devoirs des moines (15).
Honorius II conflrma cette organisation. Quoique Norbert recherchât avec le plus
grand zèle la prospérité de son ordre, il était si loin de le préférer à aucun autre genre
de vie, qu'il repoussa les avances du vieux Théobald, comte de Champagne, qui
Toulait s'attacher à lui avec toutes ses richesses. « Loin de moi, s*écria-t-il à celte occa-
sion, de vouloir détruire l'œuvre de Dieu. Songez donc que votre démarche anéantirait
le bien que vous faites comme prince. » Lorsque le saint chanoine vint prêcher à la diète
de Spire, en 1126, on le choisit pour archevêque de Magdebourg; sa résistance fut opi-
ni&tre, et quand il entra dans sa ville épiscopale, la pauvreté de ses vêtements contrastait
singulièrement avec la pompe du cortège. Cependant sa rigueur devint non moins odieuse
au clergé qu'au peuple; Norbert dut fuir. Il avait fait un voyage en Italie, quand il mou-
rut en 1134. Sa mort éveilla les plus vifs regrets, en lui conciliant tous les cœurs. Per-
sonne n'osa disputer à Prémontré les saintes reliques de son corps.
L'ordre des Carmes dut son origine au croisé Berthold de Calabre, qui, en 1156,
bfltit pour lui et ses (compagnons, sur les hauteurs du Carmelynon loin de la caverne
où s'était retiré le prophète Elie, quelques cabanes, qui devinrent bientôt un mo-
nastère (16). Comme depuis bien des siècles , des solitaires avaient habité cette
montagne, pour y perpétuer le souvenir d'Elie et d'Elisée (17), ces Carmes se crurent auto-
risés à reconnaître pour leur fondateur le prophète lui-même (18). A la prière de leur
second abbé, le patriarche de Jérusalem, Albert, leur imposa une règle sévère (1209). La
pauvreté absolue, la réclusion dans les cellules isolées^ l'abstinence de toute viande, etc.
Honorius III la confirma en 1321^. Les conquêtes des Sarrasins Grent perdre aux Carmes
et leur monastère et leur vie d'anachorète. Innocent IV leur donna, dès lors, avec de nou-
veaux domaines en Occident, le titre de Frèrei de Notre-Dame du Mànt-Carmel. Selon une
pieuse légende, le sixième général de l'ordre, Simon Stock, reçut de la sainte Viei^o
elle-même le vêtement ou le scapulaire (icapulare) (19). Bientôt après, les Carmes
furent compris dans les ordres mendiants (12Ui), et lorsque Eugène IV adou-
cit et développa leur règle, ils furent divisés en Convenlaelt ou Chaussée^ Observants ou
Déchaussés. Dans la suite, il se réunit à leur ordre une foule de confréniies du scapulaire,
dont l'objet immédiat était d'honorer la sainte Vierge d'une manière toute particulière et
de se livrer à des œuvres pies.
On peut rapprocher des Carmes l'ordre de Fontevrault, qui se voua aussi spécialement au
culte de la Reine du ciel (20). Robert d' A rbrissel en fut le fondateur en 1094. Il avait professé
la théologie à Paris, et avait été coadjuteur de Tévêque de Rennes (1085), fonctions dans
lesquelles il avait déployé la plus grande énergie pour la réforme ecclésiastiaue. Après
(15) U s*éleYa une discussion entre les moines et les chanoines, pour savoir lesauels étaient supérieurs
airx autres. Voyez pour les derniers, Lamb., abb. saneti Rufi, Ep, ad Ogerium (Martène, Thesaur., t. I,
p. 329 sq.) ; pour les premiers, ABiCLARu ep. 111, Ruperti Tuit. $up. quœd, capitula reg. Ben. (0pp., L U,
p. 965.
(16) JoAN Phocas (1185), Compendiaria descriptio easiror. et urbium ab urbe Antiochia usque ad Hiero-
solym. (Léon. Allàtu Symmicta ; Venet., 1733, in-fol ; Jacob de Vitriaco, HisL Hierosolym., c. !)2;
BoNGÀRS, p. 1, p. 1075 ; Alberti Begula dans Holstenivs, t. III, p. 18 sq.) Cf. Dan, a Virg. Maria, spé-
culum carmelitar. Antv. 1680, 4 vol. in-fol. Hélyot, u 1, Hurter, t. IV, p. 211.
(17) /// Reg. xvui, 19 sq.; IV Reg. ii, 25 ; iv, 25.
îbfoch a ramené les choses à la vérité dans qaelques-uns de ses traités (BoLLAi<n>., mens. Apr.,
(17) /// Reg. :
(18) Papebfocl
1. 1, p. 774 sq.).
(19) Ladnot, Di$s. V de Simon Stockti riso, de sabbathinœ bultœ prtvf'/., et scapularis Carmelitar. soda-
tidate, (Opp^^ t. U, p. n).
(20) Mabillon, A«n. t. Y, o. 511 sq. • Bolland., Acta SS. mens. Fobr., i. UI, p. 593 sa. Cf. IUliot,
C9 DISCOURS PRELiaiINAIRE 70
la mort de Févéque» Robcrl, désespérant d^amender les chanoines» reprit momenlaoé-
luent l'enseignement dans la TÎlle d*Angers; mais il Tabandoona bientôt pour se consa-
crer à une Tie de pénitence et d'abnégation dans la sauvage forêt de Craon. Des racines et
des herbes lui servirent d'aliments, et il n*eut d'autre couche que la terre. On accourut vers
Termite pour partager son genre de vie. Il se vit obligé de former trois divisions de
Frères qu'il distribua dans les forêts voisines. Lui-même bâtit un monastère à Crâbn, dans
la Drofondeur de la solitude (iOM), et lui donna la règle de Saint-Augustin. Le Pape
Urbain U envoya à Robert Tordre de prêcher la croisade, et sa parole ardente ébranla toutes
les Ames. A sa voix on abandonnait le vice pour commencer une nouvelle vie (21).
Dans la dernière année du siècle, il éleva deux nouvelles maisons à Fonlevrault {Fon$
Ebraldi)^ lieu couvert d'épines et de ronces. De ces deux établissements, l'un fut destiné
aux hommes, l'autre aux femmes. Ils devinrent bientôt trop petits pour la foule qui y ac-
courait; il fallut en fonder de nouveaux (1100). Pascal II confirma l'ordre en 1106 et 1118.
A l'exemple du Sauveur mourant, qui recommanda le disciple bien-aimé à sa mère,
Robert confia ses monastères d'hommes et de femmes à la sainte Vierge, en les sou-
mettant à Tabbesse de Notre-Dame de Fontevrauit. Enfin, il leur assigna la difficile
et délicate mission de ramener au bien les femmes livrées au désordre, œuvre pénible, à
laquelle il avait dévoué toutes les forces de sa vie, oubliant trop souvent peut-être et
les convenances de sa position et le soin de sa propre réputation. Robert mourut
en 1117.
»
■ Ohl que tu es heureuse! » s'écriait, à la vue d'une fille entrant au cloître, un fidèle
interprète des sentiments de son siècle 1 « Que tu es heureuse d'avoir repoussé les fils des
hommes, et d'avoir choisi le Fils do Très-Haut pour ton époux. Tu lui seras d'autant plus
cnère que ton vêtement sera plus pauvre, l'éclat de ta virginité plus pur. Tu as bien fait
de fouler aux pieds des richesses périssables et des trésors perfides ; mais que désormais
rien de mondain n'entre en ton âme; offre toi tout entière en sacrifice à ton céleste fian-
cé. » (Peti. Rlbs., ep. 55.)
U n*7 a pas une répugnance de la nature, pas un sentiment de dégoût que la charité
chrétienne ne sache vaincre. Aussi, dans les temps malheureux où d'épouvantables épi-
démies ravageaient des régions entières, cette charité enfanta des associations religieu-
ses deslinéès à porter des secours spirituels et corporels aux malades, aux pestiférés.
A côté de la lèpre, qui s'était glissée de TOrient en Eurof^e, on vit s'avancer une aflTreuse
eontiigion, appelée le feu sacré ou fou saint Antoine, qui emportait le patient après d'a-
troces douleurs, on le laissait mutilé pour la vie.
Le fils d'un gentilhomme dauphinois, nommé Gaston, fut atteint de cette maladie. Le
père eut recours à l'intercession de saint Antoine et conserva son enfant. Tous les deux ,
pleins d'une profonde gratitude, se rendirent en pèlerinage k Didier-la-Motbe, où le saint
était (larticulièrement vénéré, et cocsaerèrent leur fortune à la fondation d'un nouvel
ordre, destiné k soigner les maladies du même genre. Ces religieux prirent le nom d'iiii-
Umi$U$ on d* Hospitalière^ après avoir été confirmés par Urbain II , en 1096. Leur- habit
était noir avec la moitié d'une croix bleue sur la poitrine ; Tordre fut composé d'abord
de laïques, et dans la suite de chanoines soumis k la règle de Saint-Augustin (2â).
11 se forma également une association de laïques et d*ecclésiasliques pour se vouer k la
louable et pénible tâche de soigner les lépreux. < Ces Frères, dit le contemporain Jacques
(21) Balderic s'exprime ainsi dans sa Biographie (Bollând., Àeta SS, d. 25 mens. Fébr.), c. 4, n* 93 :
TtmUm prmtUctûmU gratiam Dominm$ domaverat , ut qunm commmnem terwMcimUiamem populo facereî ,
MUfvts^M gaod êihi eonveniebat^ acciperet. Ibid : Ego audenter dico ; Robertmm ta mirMcufu i^piosum ,
nper dœmotie$ imperiotum^ $mper principes gUmosum. Quis emm nosiri temporis toi iangmidoê eurovit^ toi
leprosoê flMUMtani, loi morimot nueitaoit? Qui de terra est de terra loguitur et mracula in eorporihu$ ûdmà'
ralmr. Qui auum spiritualiê est, languidot et leprosot^ mortuoi quoque convaluisu lestaturj quando quilibet
amuMbus languidis et Uprotiê iuscitandiê consulit et medetur,
(12) BoLLAMD. ActaSS.^ mens, ian., t. Il, p. 160; Kapp., De Fratribns sancii Àntonii ; Lypsiac, 1757,
Il DICTIONNAIRE D*ASCETISIIE. 7t
de Vilry {vers 1240), se font une violence incroyable au milieu d'une dégoûtante corrup-
tion et des plus nauséabondes odeurs; ils souffrent pour l'amour de Jésus-Christ une pé-
nitence è nulle autre pareille. On pourrait la comparer aux|tourments des saints martyrs. »
Quant aux Trinitaires (23), on peut considérer comme leur fondateur le Pontife Inno-
cent III, qui, après avoir interprété un songe qu'avaient eu en même temps Jean de
Hatha, théologien de Paris, et Félix de Valois, dirigea leurs pensées vers la rédemption
des Chrétiens pris par les Sarrasins, traça les règles de Tordre {ordo de Redempiione captù
vorum)^ et lui donna la dénomination d*ordre des Trinilaires. Leur vêtement était blanc
avec une croix rouge et bleue. La France les accueillit avec faveur , leur fournit de fortes
sommes d*argent et un grand nombre de membres dont plusieurs fort savants. En 1200, on
vit arriver du Maroc une première troupe de 200 Chrétiens rachetés^ qui regagnèrent leurs
foyers depuis si longtemps désirés. Les membres de l'ordre, appelés aussi Mothurins, du
nom de leur première église à Paris, s'étendirent avec rapidité^ dans la France méridio-
nale, et y fondèrent des établissements pour les femmes. Ce/froy devint la résidence du
général [mini$ier generalii). L'ordre pénétra en Espagne, (À les guerres continuelles avec
les Maures lui offrirent l'occasion de rendre des service^ éminenls. Grflce è un Français
dedistincliou, Pierre deNolasque, et & Raymond de Fennafort, les Trinitaires obtinrent
en 1218, une constitution particulière et furent pltriés sous la protection spéciale de la
sainte Vierge (ordo B. Mariœ de Mercede). Les Pères de la Merci devaient vouer non-seu-
lement leur fortune, mais aussi leur vie au rachat des esclaves. Grégoire IX confirma un
ordre qu'animait d'une façon si admirable l'esprit de dévouement.
Les Humiliés (2&-) formèrent comme un degré intermédiaire entre le monde et le cl
tre. Ce furent d'abord quelques pieuses personnes qui se réunirent pour prier en commun»
telles par exemple qu'un petit nombre de familles chassées de Milan au xi* siècle par
Henri II. Les Humiliés se composaient généralement d'ouvriers; car ils avaient pour prin-
cipe de vivre du travail de leurs mains, ils s'occupaient surtout de préparer les laines et
de fabriquer du drap. Chaque membre travaillait, non pour lui-même» mais pour la com-
munauté, qui pourvoyait à tous ses besoins. On compensait ainsi lu travail plus faible des
valétudinaires et des vieillards par celui de la jeunesse et de l'flge mûr, et l'on évitait le
mécontentement et les soucis. Plus tard, des moines et des prêtres se joignirent à cette as-
sociation. Innocent III modifia pour elle la règle de Saint-Benott. Grégoire IX adoucit la
rudesse des travaux & cause des jeûnes rigoureux observés par les Humiliés , qui obtin*
rent un grand matlre en 12U. L'activité et la pureté de mœurt qui les distinguaient Jeur
attirèrent le respect généiiil , et quelquefois la voix publique les portai des fonctions
éminuntes. Néanmoins, dans la suite, l'ordre s'étant laissé envahir par des préoccupatbns
mondaines, Pie Y le supprima en 1571.
Vers ce même temps apparaissent les ordres militaires.
Au rapport de Tacite, la cavalerie formait déjà chez les Germains le principal corps
d*armée. Sous le régime féodal, et surtout sous les Carlovingiens, les grands propriétaires
qui servaient à cheval, formèrent une classe à part et distincte des bourgeois, L'Eglise eut
besoin de toutes ses forces pour mettre des bornes aux duels des chevaliers et à la barba-
rie de leurs tournois; elle parvint par les croisades è donner à la chevalerie une direction
plus noble et plus bienfaisante. Désormais, pour être admis dans ses rangs, il fallut
faire preuve d'une parfaite connaissance de l'usage des armes et d'une conduite chré-
tienne. En effet, à partir de la première croisade, ceux qui s'étaient acquis une incon-
testable réputation de valeur , et ne s'étaient rendus coupables d'aucun acte déshonorant
jusqu'à l'âge viril, prirent un rang supérieur dans leur propre classe (militeê equiiei)^ et
subirent une sorte d'initiation précédée d*un serment public et solennel. Dès lors les che-
vaners furent entourés d'une considération d'autant plus grande qu'on, attribua à leur
(tt) BoRAVENTCRA Baro, A$in. ordîfi. s, Trtfi. ; Rom. iG8i ; Régula^ dans Holstktc., t. lU, p. 5 sq. Tf.
IlÉLIOT, t. Il ; Ht'RTER, t. IV, p. %13.
(24) TiRABOSCHi, Vêlera Humilialor. moHumenta ; Hcdiol., 17CC sq., 5 vol. in'4* ; IIurter, t. IV, p. 2«fô.
n MSCOCRS PRELHilNàlRE. 74
prodeoGe^ non moins qu*à leur aadace, Fbeureax succès do la croisa Je. Ce noble exem-
ple éveilla , dans ceux qui n'avaient point pris part à l'entreprise» un héroïque désir dn
se signaler par des prouesses analogues 9 et créa ces brillantes assemblées de la chevale-
rie qui fournirent un si raste champ k Timagination et à la poésie. L'Occident s*élanç«i
dans une carrière nouvelle, comme autrefois la Grèce aux jeux de Némée et de Corir.-
the. Puis y quand fenthousiasme religieux, nourri par les Croisades, fut éteint, et que les
femmes et les jeunes Biles prirent la place dans les 'tournois, un élan nouveau, mais fac-
tice, poussa le chevalier à veiller sur les grandes routes et à protéger le laboureur pour
plaire à sa dame, mais priva Tinstitution elle-même de sa véritable dignité. Ainsi tomba
peu k peu la chevalerie, el Ton vit reparaître les farouches combats des temps primitifs*
Les ordres militaires combinent, darts leur organisation, Texistence du religieux et
celle du guerrier. La pensée mère du premier est de renoncer à sa propre volonté, soie
en s*élevant par la contemplation jusqu'aux choses éternelles, soit en se modelant sur
Tamour divin par la consécration de sa vie au service du prochain. Les ordres militaires
naquirent de celte dernière idée, et ajoutèrent aux trois yœux monastiques celui de
combattre les infidèles. Le régime féodal étant fondé sur la possession du fief par le fils
atné, les cadets purent trouver dans le nouvel ordre une position convenable, assortie k
leur rang et sanctifiée par la religion.
Au temps où florissail le califat du Caire, plusieurs marchands d'Amalfi bAlirent une
église k Jérusalem et la placèrent sous l'invocation de la sainte Vierge (1048). Peu k peu
ils j joignirent un premier hApital, puis un second pour les pèlerins. Ceux qui y faisaient
le service sous Gérard prirent le nom de Frire$ ho$piUdier$ de Saim^ean-Baptisie (1099).
Son successeur, Raimond du Puj, ajouta aux premiers devoirs d'offrir Thospitalilé et de
soigner les malades, celui de combattre les infidèles (1118). Plus tard on établit de nou-
Tolles divisions : il y eut des prêtres, des chevaliers el des frères servants, gouvernés par
on grand maJlre, des commandeurs et des chapitres de chevaliers. Innocent 11 sanctionna
celle organisation et permit aux Hospitaliers de porter une croix blanche sur la poitrine
âTec une croix rouge sur leur étendard (25). Les chevaliers de Saint-Jean conservèrent
toujours une réputation digne de leur vocation : accablés par les Sarrasins, ils se retirè-
rent à Rhodes en 1310, et enfin k Malte en 1530.
An moment où le^ Hospitaliers se chargeaient ainsi de comba!tre les mécréants, neuf
rbeTaliers, sous la conduite de Hugues des Pajens {magititr miliiiœ) ajoutaient k leur
^œa ordinaire ceux de religion, et le roi Baudouin II leur donna son palais pour habitation.
Il était sitaé sur remplacement de Pancien temple de Salomon, qui donna k la nouvelle
milice sacrée le nom de Templiers, pouperes commUiiones ChrUti tempKque Salomoniê.
Cependant le nouvel ordre allait mourir en naissant, quand quelques-uns de ses membres
se rendirent en France pour s'y présenter au concile de Troyes (1127) et lui demander
une règle. GrAce k Tintervention de saint Bernard, H(Miorius II leur assigna pour fonc-
tion de défendre les pèlerins centre les brigands qui infestaient les routes. Leur. vêtement
fut d*une grande simplicité : un manteau blanc avec une croix rouge (26). Les Templiers^
puissamment soutenus par TOccident, rendirent les plus grands services k la chrétienté
contre les Turcs et les Sarrasins. Lorsque Ptolémaïs fut arrachée aux Chrétiens, ils s'éta-
bliront dans l'Ile de Chypre, et, peu de temps après, ils revinrent en Europe, où ils se
fixèrent dans les immenses domaines qu'ils avaient acquis comme association générale
de la noblesse. Paris devint le centre de Tordre.
(iSj Wnxcuics Tift., Itb. i, 10 ; xvm, i sq.; Jacob, db YrraiACO, Biêi. BUtûêolp».^ c 64 ; Siatuta ord,
BoUUm.^ t. II, p. m aq.; PrUfUepa , Masis , t. XXI, p. 780 sq.'; Vertot, BUt, àe% chevaliert kospitaGen
dé Sl-J^4ui; Paris, 1726, 4 vol. in-4% 4761 ; 7 vol.; Himin, t. IV, p. 515; Gamgek, La ordfe$ de dtevaUrie
de Méru$eiem au Uê Haitait , é^aprè$ des doeumenu iaédiu et amihemthiques ; Carlsnilie, 1844.
(26) WuxEL. Tte., xu, 7; Jac. dc Vitruco, c. 65; Bcaiiâmai, Trmei. de no9. mi/liiii, nvehortatione ad
miUL Templi ; Befula dans Holstui., U II, 429, sq.; M ami, t. XXI, p. 565 fiq.; Mchtcr, Statutê de tordre
des Tempiien : Balm ^ 1794; Dorav, ITttf. de$ Templien; Paria, 1650; Unix. 4754, în^*; v^Estivat,
ITtsf. cnt. et apolog. des eheveliers du TempU; Paris,- 1789, 2 vol. iii-4*; HttvoT, t. Vi ; Wilcxc, Bitt. d^
Temptiers, Leipzig , 1896-35; Addiso!i, Bistory of Ihe kneight TempUrs; Lood., 18il.
I>i€Tio^5. d'Ascétisuk. I 3
75 DICTIONNAIRE D^ASCETISME. 7(1
Les frères Hospitaliers offraient leurs soins aux pèlerins de toutes les nations, mais il
leur était souvent impossible de se faire comprendre par les Allemands. Cette circoos-
lance donna Tidée d*un hospice germanique (11%), qui fut soumis à Tinspeclion du
grand maître de Saint-Jean de Jérusalem. Hais comme, malgré cette amélioration, les
pèlerins allemands furent négligés pendant le siège d*Accon, les bourgeois de Bi-ème et
de Lubeck formèrent, dans la ville sainte, un nouvel établissement national auquel se
joignit bientôt le premier. Telle fut Torigine de Tordre Teutoniqmj placé également sous
l'invocation delà sainte Vierge, dont Walpot de Bassen fut Je-premier chef (1190}, et doat
le vêtement consistait en un manteau blanc orné d*mie croix rouge (37). Ou ne tarda pas
% obtenir la double confirmation de Clément III et de Henri VI. L*ordre compta bientôt
deux mille membres, et, lorsqu^avec leur concourt Damiette fut prise en 1219, on leur
assigna des terres en Prusse (1226), avec fa mission de protéger les chrétiens de ces con-
trées contre les incursions de leurs voisins idolâtres. Différentes cités durent leur exis-
tence à ces cheraliers; de ce nombre sont Marienwerder, Torn, Culm, Rheden, Elbing
et Kœnisberg (1232-55). Après la perte d'Accon, le grand mettre résida quelque temps à
Venise, d*où il transporta son siège k Marienbourg en 1309. L*ordre des Porte$-glaive$
qui s'était élevé en 1202, en Lithuanie, se réunit trente«cinq ans après à Tordre Teuto«
nique (28).
Cette époque, si féconde en institutions de tout genre» produisit aussi dans ces ordres
mendiants une sorte de chevalerie purement spirituelle, plus héroïque encore que la
première, et qui, unique dans Thistoire, accomplit de la manière la plus admirable la
plus difficile des missions (29). Une foule de causes contribuèrent à leur établissement :
les dangers de la religion menacée au milieu de son triomphe, les besoins du peuple
désirant avec ardeur des guides animés d*un esprit apostolique qu'il ne trouvait point
dans le clergé séculier, Taudace des Cathares et des Vaudois répandant partout leurs rê-
veries mystiques, et enfln, l'intervention générale des moines dans l'éducation du peuple
et la direction des &mes. Tout se réunissait donc pour amener la formation d'un nouvel
ordre qui, supérieur aux sectes, en austérité, en esprit de renoncement et de pénitence,
devait par le fait détruire les objections des hérétiques et élever en face d'eux une vraie
chevalerie spirituelle. Cette pensée une fois écloie fit nattre celle d'étendre la sphère de
l'activité monastique, et de combiner les devoirs du moine et du prêtre, à l'exemple de
ce qui venait de se passer pour les ordres militaires. Au commencement du xiii' siècle»
deux esprits également éminents s'occupèrent de ce problème. Tous deux eurent, dans la
suite, des rapports d^amitié, quoique chacun d'eux résolût la question d'une manière
différente (30).
François d'Assise naquit en 1182, au royaume de Naples, d'un riche négociant. Au mi-
lieu des plaisirs et des caprices de la jeunesse» François conserva la véritable noblesse de
l'âme; il se montrait compatissant et généreux jusqu'à la prodigalité. Une longue ma-
ladie, jointe à de terribles angoisses spirituelles, l'arracha à sa vie futile et légère : une
caverne solitaire devint son lieu de retraite et de prière. Un jour (1208) il entendit lire
(27) Jac de Vitriaco, t066; HBimiNG, Statutt âei orare$ ailemands ; Kœnisberff, iS06; Pétri de Dois-
Bimc (vers 1236), Chron. Pruu,^ siveJiist. TeuL ord.; éd. HarCknoch. , len», 1679, in-4«; Duelli, UUi.
ord, etfuit. TeuL; Viennae, 1727, in-foL; Voigt, Histoire de Prusse jusqu'à la chute des ordres ailemaudi;
Kœnigsb., 1827, 9 vol.
(28) PoLL. De Gladiferis, sive fratribus milit. Chnsti; Erlang, 1806.
(29) Vita S, Francisci , par Thom. de Celano , en 1229 , puis complétée , en 1246 , par Léo Arcelub et
RcFFiMiTa, surtout fioNAVEfiTuiu (BoLLAND., Acia SS., mens. Oct., t. Il , p. 653 seq.) ; Régula dans Holst^r,
Bbom . t. m ; Cf. Luc Wadding , Ann. Minor., 1S40, Lugd., 1625, sq., 8 vol. in-fol., 1564; Rom», 1731»
19 vol. in-fol., éd. Voigt; St François d* Assise, Essai historique; Tubingue, 1840; E. Chavin de Malan ,
Hist. de saint François d'Assise ( 1182-1226) , Paris , 1841. Cf. Hdrter , t. IV, p. 249-82. — Yita 5. Do-
minici par ses successeurs Jordanus et Huhbertus, 5* général (Bolland., Aeta SS., mens. Aug., t. 1, p.
358 sq.) ; Constitut. Frat. ard. Prwd.^ dans Holsten., t. IV, p. 10 sq.; RnK>Li et Bremond., Bullar. ord.
Praà.^ 1757, sq., 6 vol. in-fol.; Monachii aliorumque Ann. ord. Prœd.^ Rom», 1746; LACORDAmE, Les
Ordres relimeux et notre temps; Paris, 1839; Joah, Vie de saint ihminique; Hdrter , t. IV, p. 282-312.
(30) f L un était environné de tout Téclat d*un séraphin (François) ; Tautre marchait dans la sagesse et
la sainteté, entouré de la splondeur d'un chérubin (I>ominique). i Daute, Paradis^ chant si, v. 38-40.
7T USCODRS PRELDONAIRE. n
le passage de l*Efangile où Nolre-Stigneor envoie ses disciples an milieu des honmies,
sans or ni argent» sans bâton ni aliments pour le voyage (Maiik. x, 8, 10. ). A ces paroles,
le jeone Napolitain se sentit ému d*ane immense joie. « Yoili, s*écrie-t-il, Tobfet de mes
rcaaXf Yoilà le Tœo aoqnel mon cœar aspire I » Malgré ses richesses, il se sentit sar-Ie-
champ dans un Yéritable dénûment» et conçut le projet d'une association dont les mem*
bres seraient destinés k parcourir le monde en préchant la pénitence comme les apôtres.
Hais cette subite conrersion lui attira le mépris de ses compatriotes et la malédiction de
son propre père. Quelques esprits cependant furent touchés de respect en Tojant cette
haute sainteté» ce profond mépris du monde» cette humilité sincère» cet amour de Dieu
sans partage» cette rigoureuse imitation de la rie indigente du Sauveur. Bientôt quelques
persoimes se joignirent à lui pour aspirer à la même perfection. Une longue robe brune
surmontée d*un capuchon et une corde pour ceindre les reins devint le simple et noble
▼élément des associés. Cependant les recommandations de Tarchevéque Guido d'Assise
et du cardinal Jean de Saint-Paul permirent à François d'approcher du grand Pontife
Innocent III. Qui done» demanda le Pape» tous fournira la subsistance nécessaire? —
J'ai mis ma qonfianceen notre Seigneur Jésus-Christ, répondit le saint; celui qui nous
promet la gloire de la vie éternelle ne nous refusera pas la nourriture du corps. ~ Allez
donc avec Dieu» cher fils» reprit Innocent» et à mesure qu'il vous éclairera» prêchez à tous
la pénitence. Si le Seigneur daigne augmenter votre nombre et la grâce en vos cœurs»
mandez-le-nous ; alors nous tous accorderons avec plus de sécurité de plus grandes
faveurs. — Il faut se rappeler» en effet, qu'Innocent avait défendu rétablissement de
nouveaux ordres. François d'Assise se prosterna pour prêter serment d'obéissance et
dlionimage au Samt-Père. Peu après» il envoya ses compagnons dans toutes les direc-
tions (1209). « Partez, disait-il au moment de ladieu» voyagez toujours deux à deux.
Louez Dieu dans le silence de vos cœurs jusqu'à la troisième heure; alors seulement
vous pourrez parler. Hais que votre prière soit simple» humble et de nature à faire ho-
norer le Seigneur par celui qui vous écoulera. Annoncez partout la paix» mais commencez
par la gardcjf dans votre propre Ame. Ne vous laissez jamais aller à la haine ni à la colère,
ni vous détourner de la route que vous avez choisie» car nous sommes appelés i rame-
ner dans la voie droite ceux qui s'égarent» à guérir les blessés» à redresser les estropiés....
La panvreté est l'amie» la fiancée du Christ; la pauvreté est la racine de l'arbre» elle est la
pierre angulaire» la reine des vertus. Si nos frères la délaissent» nos liens sont brisés;
mais s'ils s'j attachent, s'ils en donnent au monde le modèle» le monde se chargera de
les nourrir. »
François passa ensuite en Espagne» ocux fois en Syrie et en Egypte. Honorius III ac
eorda aux Franciscains [Fratres minores) le privilège de prêcher et d'entendre les confes-
sions dans tous les lieux où ils se présenteraient (1223). Néanmoins l'ordre s'imposa la
missioD de prêcher plutôt par la pratique que par la parole. Le génie de saint François a
inspiré les plus suaves accents de la littérature mystique. L'esprit intérieur anime partout
sa rè{^e, personne ne peut l'adopter avant l'Age de 15 ans et sans subir un noviciat d'une
année. Des vceux de chasteté» d'obéissance et de pauvreté sont de rigueur; aucun membre
n*a le droit de rien posséder» ni dans le présent ni dans l'avenir; les frères doivent» par-
dessus tout» se garder de l'hypocrisie ou piété étroite ; montrer une douce joie dans le
Seigneur» une disposition permanente k servir amis et ennemis* innocents et criminels^
pauvres et riches ; tel doit être le cara<^ère d*un Franciscain. Le saint rédigea une règle
pour son élève et amie spirituelle la B. Claire d'Assise (ISSfc)» qui avait fondé un ordre
analogue pour les femmes (31) dès l'année (i21S) {Ordo saneiœ Clarœ).
François se vit obligé aussi d'instituer une confrérie dont les membres» vivant dans le
monde nouèrent des rapports intimes entre l'ordre de Saint*François et les laïques, et lui
assurèrent partout une l>ase large et solide (Teriiuê ordo de Pmnitaitia^ TeriiariU 1221). Le
(3t) HoLSTcmos, Brocsie, tom. m, p. 54, sq, et poor ia règle du tiers-erare, ibia,, page 59, sq.
79 DICTION^lAinE D'ASCETISItE. 80
saint ne saraîl pas préparer des discours médités et écrits d^nvance, comme celui qu'il
devait prononcer devant le Pape AleModre et les cardinaux en 1217; mais ses improvisa-
tions respiraient une éloquence incomparable, quand elles s'échappaient toutes brûlantes
de son cœur. Rien de plus admirable que le profond sentiment de la nature qui lo rap-
prochait (32] des créatures et attirait à lui les animaux des champs et les oiseaux de l'air»
qu'il interpellait eomme des frères et des sœurs chéries^ Les hymnes de saint Frangois
sont d'une grande élévation el doivent 6tre rangées parmi les plus magnifiques produc-
tions de la poésie chrétienne (33). Il obtint de nombreuses indulgences du Saint-Siège et
de grandes grâces du Ciel pour le petit coin de terre {poriiuncula) oik s'éleva sa cellule el
où il bâtit l'église de Sainte-Marie, sanctuaire de prédilection, témoin de ses extases et vrai
centre de son ordre. Le bienheureux s'identiGa tellement avec les souffrances terrestres du
Sauveur, que le Christ lui apparut sous la forme d'un séraphin et imprima sur sa chair
les stigmates de la Passion (34), dont les douleurs remplissaient le saint d'une joie toute
divine. Etendu nu sur le pavé de l'église, il expira comme un séraphin en chantant son
triomphe. « Heureux, s*écriait-ii, d'être enfin délivré et de se retrouver dans le sein du
Seigneur I {k oct. 1226.) » Grégoire IX avait canonisé saint François en 1228; BenoU XU
élabiil pour les Franciscains la fôle de ses stigmates {Festum ttigmatum S. FranciêciU
qui devint générale sous ses successeurs (17 septembre).
Les Dominicains ne furent pas moins célèbres que les Franciscains. Dominique» leur
fondateur, appartenait à la puissante maison de Guzman et reçut le jour à Callaroga
(Calahorra) en 1170. Il étudia pendant quatre ans à TUniversité de Valence, reçut la pré-
irise des mains de l'évéque d'Osma et fut bientôt élevé au rang de chanoine. Le bonheur
et le malheur des hommes faisaient l'objet constant des pensées de Dominique. C'était au
temps où Innocent III avait envoyé dans le midi de la France, pour convertir tes hérétiques,
les moines de Clleaux, qui avaient échoué dans leur mission, parce que, disait Diego,
l'évéque d'Osma, ils s'étaient montrés dans l'appareil de la religion triomphante, au lieu
de déposer toute pompe extérieure, de voyager à pied et de confirmer leurs prédications
par l'exemple d*une vie mortifiée. Peu h peu les missionnaires, qui avaient vainement
arrosé de leurs sueurs cette terre désolée, finirent par l'abandonner ; Dominique seul per-
sistait encore. Dix ans se passèrent pour lui dans cette œuvre ingrate, et sa parole (>acifique«
ses prières, sa patience inaltérable, formaient un contraste consolant avec la croisado
sanglante, récemment commencée contre les Albigeois. Enfin, après avoir mûri sa réso*
lulion, Dominique partit pour Rome en 1215 et soumit à Innocent III le projet de doter
l'Eglise d'un nouveau moyen de défense, en combinant la vocation du moine avec celle du
prfttre séculier. Le Pontife prescrivit la règle de Saint-Augustin, modifiée par celle des
Prémontrés, qui permettait encore la propriété. Honorius lli, d'après les prédictions de son
illustre prédécesseur, donna aux membres de Tordre le nom de Frêres-^Prétheuré (Prmdica^
toreê), avec le droit de se livrer partout k la direction des âmes. Les ft^mmes eurent aussi
leur part dans le nouYel institut {Sorore$ de Militia Christi)- Le but spécial en était d'bssu-
rer le salut des âmes, en annonçant la foi qui seule peut le procurer. La prédication et
l'enseignement, principales armes des Dominicains, ne les empêchaient pas de se donner à
toutes les œuvres utiles au prochain. On exigeait de l'aspirant une année de noviciat^
après laquelle il fallait en consacrer neuf ides études philosophiques et théologiques, pour
se préparer à figurer dignement dans les universités et les chaires chrétiennes. Lorsque,
plus tard, le moine espagnol rencontra saint François, il voulut fondre les deux ordres en
un seul ; mais celui-ci lui dit ; « Par la grâce de Dieu, les lois» l'austérité, le but mémo
de nos congrégations établissent entre elles de profondes différences, afin que l'une serve
(32) c Comme il avait, dit Gcerres, éleint en kii le péché, Ifes suites du jpéché orifinel avaient aussi
,comptéiemeDt disparu eu loi. La nature devint son amie ; elle obéit à l*énergie de sa voionié : les animaux
entrèrent dans des rapports fomiliers avec lui, comme, suivant les traditions antiques, ils obéissaient à
rhomme avant la grande catastrophe. > (Le Cathotique.)
(33) GœaRES, tainî François camidéré comme troubadour. Voyez aussi ta traduction de ses poésies par
Scnlosser, et surtout le Lever du so/et/. Les cantiques en allem. et italien ; Francf.-s.-le-M., 1842.
(34) RiTNJXDUS ad. an. 1237, n* 60 ; Waduuig., cd. Rom., t. II, p. 459. Cf. GoEnass, Myit. chreu^ U H,
f V 440.
,j .«ISCOURS PRELIIUNAIRE. .«*
d« modèle el d'«guiUoo à l'aulre, et qae celai qui ne se plairait point parmi nous puisse
ÎttuS^V eo^^^^CeUe déclaration ne permit donc pas la fusion projetée P«; «o^-j
^.„™o7n« a en résulta un rapprochement fondamental, puisque, au chapitre généra qu
rJ:;C'"X"^rduT-^^^^^^^ "--- - "- •" -^-
Cette conformité se fit encore sentir dan. la hiérarchie, les ^«"'«'«"i;^;"™;'^;
g.Sren.Sles Dominicains nn prieur, pour diriger chaque "'«"«'*'«• ^'«*''*'"î*°dê
un iéoL\ (minuter generali., fnagUter ardim^ gouvernait tout »« corps. B« outre .de
^rt et d'au re on établit un défnU,Hr (d^finUor) pour représenter et présider »« ««^mu
r^uté ^ conseiller les hauts fonctionnaires. Des chapitres co»Tentu«ls «""f)^^^;;-' «^^
réglementaient les établissements particuliers, et un chapitre «entrai don«n«t 1 ense»^^^^
Dominique termina sa vie si remplie en menaçant ^«i'»»^ ?'" iT^rrorbllTe
ordre par des richesses temporelles (6 août laij. Ce fut encore Grégoire IX q« «^«"^^ J«
Î>ie toute la chrétienté en le canonisant (123^). Les Frères-Précheurs prirent une rap^^
Utension en Europe. Les Bolonais, poussés par une ?«««*« ^''«"""^^sd; Wseiusai'à
orner le tombeau de Guzman. et les plus célèbres artistes, depuis Nicolas f f^/^ J^*
Michel-Ange Buonarotti. y portèrent le tribut de leur »«»«»»«» «^riîifr.UTn S w^^
celle de Dominique. L'austère Dante lui-même glorifia les deui fondateurs en les pré
sentant comme les réritables héros de leur siècle.
Lorsque ces moines, forU de leurs privilèges et plus encore d. lardente &» <»"« ^
.«aient léguée leurs fondateurs, se mirent à travailler au salut <1«^*"*';,^" ^^ J"^
voir l'Eglise revenir à sa jeunesse primitive. Cne vénération «"V«"?"* '"^J'* '*"."
pas (35). Les ordres mendiants devinrent.en même temps un des plus '«^^ «PPf f
iVpipauté, qui leur avait accordé de grands privilèges; celui qui ««J^*»;""'^ '«^^^^^
dinûuence était le droit d'enseigner, dont les Dominica ns ««;»«"» *f;rj,„""S^^
succès. Us avaient, en effet, reconnu de bonne heure que le seul moyen d^jonj»*""- '»
consUéraUon publique éUit de s'illustrer par la science et de P'^^'»™ P'f * ^r/ '^^
universités, lis obtinrent «ne chaire à Paris en 1230. Bientôt '««»>«»«/•"'*' ï'/'l^is
a du chancelier leur procurèrent deux chaires de Ihéologie h la place ^*'\Pl^'r'f^\''^
q.ii les remplissaient avant eux. Les nouveaux titulaires f»'f «' '"/'^'^'f;'°^^^^^^^
3e Saint-Gilles. En même temps les Franciscains élevèrent des P^*^«"7^;:^^^^^^^^
le grand théologien de leur ordre, Alexandre de Haies, fut pourvu de »« P'^"»'^;^^^*' ^
de nJniversilé (36). Aux xiu' et xiV siècles, les ordres mendiants ^^«P^.^"» '«J^^^^
plus élevé dans la science théologique. Saint Thomas d'Aquio fut la gloire J<^* »7'«'
Lins, s«nt Bonaventure, et plus tard Duns Scot ( t i^^S). furent I ^-"«»^J«» ^^^^
ciscains. les uns et les autres les Dambeaux et les colonnes de ' «f "'^J;. ^^. "«.^'"'X
se distinguèrent par un zèle incomparable pour les missions; la «"'f "«• '^j;*'?;
lArménie, la Perse, la Tartane, l'Inde, l'Ethiopie. l'Irlande, l'Ecosse, le Danemark, la
Pologne, la Prusse et la Russie forent tour à tour le théâtre de leurs courses «PO*'»»'q«^s.
Us visitèrent les peuples où la foi avait été prêchée, mais où elle n avait P«s J«»6 de pro-
fondes racines, el où une foule de vieilles saperslilions continuaient de ' "«»^[' Jf *
premières brises qui poussèrent au Groenland des vaisseaux européens y portèreni aussi
les Frères-Prôcheurs, et au commencement du xvii- siècle, les Hollandais ne furent pas
pea surpris d'y trouver un couvent de Dominicains dont, en 1280, le capitaine Nicolas Hani
avait déjà'fait mention. . . , ,• .• ^,,iiJ„
Cependant ces efforts et ces succès excitèrent la jalousie du clergé séculier, et particu-
lièremeat des universités. Il en résulta des attaques ouvertes, et malheureusementla
rivalité des deux ordres donna trop souvent lieu à des plaintes légitime»; car, œaigr»
leurs leodanees communes, la diversité des o|nnions théologiques Ût naître de fréquents
(35) lHATTS., Pauis , ad Ii45.1«6. Cf. Emm. Rodehici , Xota coUectio pritiUgior, apost, ReçuL mendir
€ùmt.; AntT. 46i3, in-fol.
(36) BtuEi, Hist. uniten.Pamienê.^uUL
M DICTIONNAIRE D^ÂSCETISME, U
conflits entre eux (37). Coite opposition contre les ordres mendiants éclata daos la ?io-
lenie attaque de Guillaume de Saint-Amour, qui les compara aux pharisiens (38). Saiat
Thomas d*Aquin et saint Bonaventure se chargèrent de I*apologie de' leurs fràre$(39)«
Leurs réponses humilièrent profondément Guillaume, et les deux ordres, sibieo défendus,
recueillirent les fruits de la victoire. Au moment où saint François avait entrepris son
second YOjage de Syrie et d'Egypte, et conGé te gouYernement de Tordre à son yicaire,
Elie de Cortone, le caractère moins austère de ce dernier avait déjà fait naître un parti qui
voulait un adoucissement de la règle. François, en le ménageant, Tavait empêché d'écla-
ter. Mais» à la mort du saint, Elie devint général, et la môme tentative se renouvela avec
succès. Un autre parti, dirigé par Antoine de Padoue, voulut, au contraire, maintenir la
sévérité primitive. Antoine resta Gdèle à l'esprit de saint François; pour lui, le salut était
dans le mépris absolu du monde, et quand il trouvait les hommes rebelles à sa parole, il
s'adressait aux animaux (f 1231). Padoue lui éleva, d'après les dessins de Nicolas de
Pise, une église magnifique qui, sous plusie^urs rappocts, surpassa celle d'Assise; et le
tombeau du saint, orné de tout le luxe des arts, n'est pas moins digne d'admiration que
celui de saint Dominique. Cependant les deux partis continuaient une lutte fort animée ;
Elie, deux fois élu général, fut deux fois renversé (t 1253). Qans leur ardeur, les rigo*
ristes allèrent jusqu^à rompre avec le Pape pour s'allier avec Frédéric U* l'eanemi de
l'Eglise. La réputation de saint Sonaventure procura encore quelque temps, même après
sa mort, la victoire à ces derniers. Néanmoins l'antagonisme éclata de nouveau; les modéf
rés prirent le nom de Frairet de communitaU; les rigoristes, celui de Zelatores ou de
Spirilualei^ et bientôt ils furent regardés comme des sectaires. Les Pontifes Grégoire IX,
Innocent IV et Nicolas III furent décidément opposés aux rigoristes (t^O). Ce dernier inter-
préta la règle dans le sens de l'indulgence par sa bulle Exiit (41), Le parti vaincu se laissa
emporter, dans ses écrits, à des attaques contre le Pape et l'Eglise romaine, opposant,
comme les sectes hérétiques» 1^ pauvreté des temps apostoliques à la pompe dont l'Eglise
s'entourait alors. Il ne craignit pas de prophétiser un nouvel ordre de choses, en faisant
allusion particulièrement à une prédiction du Calabrais Joachim de Floris (t 1202), su^r
les trois Ages du monde» prédiction plus amplenient développée par les deux Franciscains
rigoristes, Gérard, dans son introduction à YEvangile itpnel (1254), et Jean d'Oliva, mort
on 1297 (42). La faveur que montra le saint Pape Céleslin Y aux rigoristes sembla mettre
un terme à la dispute. Ce Pontife les réunit auxCélestins ; mais après l'abdication de leur
protecteur, ils recommencèrent la querelle. Boniface VUI les poursuivit avec vigueur el
les contraignit à se dissoudre ( 1302 [43] ).
En Tannée 1233, les puissantes exhortations de Boniface de Monaldo portèrent plusieurs
riches négociants de Florence à renoncer au monde. Ils se défirent de leurs biens, embras-
sèrent une vie mortifiée sur le mont Sénatorio, y élevèrent une église et des cellules, dont
les habitants se consacrèrent surtout à honorer les souffrances de la sainte Vierge (sem
B. M. F. Strvitvt). Alexandre lY confirma l'ordre des Serviljes (12S5J ; Martin Y en devint le
principal bienfaiteur. Cette congrégation s'assura une influence durable en s'adonnant aux
sciences. L^historien passionné du concile de Trente, Paul Sarpi (t 1623), et le célèbre
archéologue Ferrari (f 1636)^ furent tous d,e\ix Servîtes (44). En 1244 et 1245, innocent IV
^57) Mattu., Paris (ad an. 1239) nous donne le récitée la dispute animée qui 8*éleva entre les deux
orares sur la priorité de Tuq ou de Tautre.
(58) Gdilleliius, De Pericul. novistimor. tem,^ 1256. (Onp, Constant. 1652- Paris , éd. J. Alethoplittus
Cordesius.) Cf. Natali Alex., Hiit. eccUitast., sasc xin, c. 5, art. 7.
(59) S. Thomas, Contra retrahentei areliffioniê ingressu; contra impugnantee Dei cuttt^m (Ojtp,; fmn ^
t, XX}; BoNAVEiiTURA, Lit. apotof. in eos qui ordini Minor, adversantur; de Pauvertate ehr, eontra Cuil.;
Exposttio in reautam Fratrum Mtnor. (Ojtp.^ Luc[d., 1778 , t. VU). Cf. Rapmer, ui$t. des Hokem lamfen ,
1. 111, p. 615. Cf. CoU, catkoL contra pertcula eminentia Eccl^$. per hypoeritoif etc. (Dvpi^, Biblioth. dee
tmteurteccU$ia$t,^X.Ji.)
(40) RoDERici, CoUectio nova privilegior. apo$t. Reguiarium mendieantium et^non mendicantium.; Antv.,
162S,in-fol.<, p. 8, sq.
(4t) Cf. Waddwg, toco df., l. V, p. 75.
(42) Cf. IVaddwg, ioco cit., t. V , p. 514-558.
U5) Cf. Wadding, ad an. 1502, n<» 7, 8, an. 1507; n* 2, sa.
(44) Cf. Palli Flore.nt. Diahg, de Orlg, ord» Serv. (Lauii De lie, eruditor.^ t. h).
S5 MSCODRS PREUMINAIRE. S6
réunit plusieurs anachorètes sous la ràgle de Saint Augusiia ((5); Alexandre IV imita cet
eiemple (1256), et les Ermites-Auguslins obtinreni les mômes priTÎléges que les ordres
mendiants.
Cette tendance générale k la Tie intérieure, que Ton ne trouvait pas toujours dans le'ciergé
séculier, une idée erronée de la véritable piété, et le désir de procurer on asile aux ?eu?es
et aux jeunes filles privées de protection par suite des croisades, portèrent, dès le xi* siècle,
de pieuses chrétiennes i former des associations religieuses et édifiantes, dans les Pays-
Eas et en Allemagne. Ces associations tenaient le milieu entre le monde et le cloître. Les
associées, nommées, depuis le xii* siècle. Béguines (de Beghtn ou Jfefai, prier), s'adon*
naient particulièrement aux œuvres de charité, et devinrent une ressource précieuse pour
le peuple. Mais elles n'avaient pas de règle fixe, et leurs conciliabules ne tardèrent pas è
être le théâtre d'une foule de rêveries fantastiques. On les poursuivit, et elles finirent par
se réunir an tiers ordre de Saint-Fcançois. A cAté des Béguines, on eut aussi des Beggardê.
composés de jeunes gens et d'hommes bits (fc6). Ceux-ci se choisirent pour patron saint
Alexis, dont ils prirent même le nom; mais il se changea plus tard en celui de LoUardi^
qui signifie gtne qui dumieui à voix Aoiif , et qui leur fut donné parce qu'ils portaient les
morts i la sépolture en chantant k voix basse et sur un ton lugubre. Ils se distinguèrent
paiement par leur industrie, par les soins pieux qu'ils donnaient aux malades, aux indi-
gents et è la jeunesse ; les souverains et les grands les accueillirent avec laveur. Malheu-
reusement les Beggards imitèrent aussi les erreurs de leurs soours aînées, et tombèrent
comme elles dans un panthéisme mystique qui dégénéra en une véritable hérésie.
Après avoir vu les œuvres que, fidèles à l'esprit de Dieu, les ordres religieux essayèrent
et accomplirent, ce ne sera pas sans un profond sentiment de respect et d'admiration qu'on lira
le tableau de la vie d'un couvent bien réglé et d'un véritable moine, tracé par un pieux écrivain
qoif pour reconnaître sérieusement sa vocation, avait attentivement examiné les habitudes
d'un monastère et de ses habitants (47). c J*|iabitai Marmoutiers {Major monasitrium) pen-
dant huit mois, écrit Guii»ert de Gemblonrs à Philippe, archevêque de Cologne. J'y fus
traité, non comme un hôte, mais comme un frère. Dans ce paisible lieu on né voit ni
haines, ni disputes, ni aigreurs; un silence maintenu avec sagesse leur en ferme la porte.
Le simple coup d'œil d'un supérieur suffit pour rappeler au devoir. Chaque fonction est
confiée à un homme d'une vertu éprouvée. Nulle part on ne rencontrera plus de piété aux
offices, plus de respect dans la célébration des saints mystères, plus d'affabilité et de dé-
vouement au service des hôles. En toute chose tous trouvez la bonne foi, la sérénité» la
complaissance ; rien au deli, rien en deçà de la mesure. Le fort porte le faible, l'inférieur
respecte le supérieur, et celui-ci est occupé de ses subordonnés. Ici le chef et les membres
fbrment vraiment un seul et même corps. Quand il s'agit d'élire un abbé, on s'y prépare
par d'ardentes prières. Une fois que le choix est proclamé, Félu jure de maintenir inviolé*
bkmeot la r^Ie de la maison, et de n*e jamais rien prendre hors du réfectoire et des heures
fixées pour le repas. Cette disposition contribue au bien être temporel de l'établissement.
Chaque jour l'abbé fait manger à ses côtés trois pauvres, comme les représentants de Jé«
sus-Christ Celui qui remplit aiyourd'hui ces fonctions possède toutes les vertus nécessai*
res pour diriger une communauté aussi nombreuse ; en lui la prudence s'unit à la douceur..
Parmi les frères, personne ne senge à sa naissance, aux dignités, aux charges dont il jouis-
sait autrefois dans le monde ; il n'y a plus là que des serviteurs du Christ. Grâce' aux
jeûnes et aux veilles, on parvient à dompter complètement le corps de ses passions et de
ses caprices. La force du lion empêche l'un d*ètre ébranld par la prospérité ou par le mal*
heur, l'autre s'élance comme un aigle vers le ciel ; tous allient la prudence du serpenlà
la douceur de la colombe. Dans les choses extérieures, tout porte l'empreinte d'une sa-
gesse consommée. A l'église comme dans l'atelier, tout se fait avec mesure, an temps coa*
veuable, car ces hommes admirables se tiennent continuellement en la présence de Dieu.
On accorde à la nature ce qui lui est indispensable ; le reste du temps est donné an Seigneur.
(15) Bmliar. Rom., 1. 1, p. 100. Cf. Boluhd. meos. lébr., t. U, p. 744.
(46) MosKiM, Jk Beghmrdiê et Seguitiëkui; éd. Martini, Lipsiae, 1790.
(47) QodL HimTxa, t lU. p. 599-tfOl.
S7 DlCTlONNAmE D*AS€ET1SME. M
On dirait une armée, dont les armes retentissent depuis l'aube du jour jusqu'à la siiième
heure. On voit des files entières de moines se prosterner devant Jes autels ; h peine une
messe esl-elle finie qu'une autre commence. Il serait impossible de calculer ce qu'ils dis-
tribuent en aumônes dans le couvent» de compter les flmes que leurs prières arrachent au
purgatoire. Le temps se partage entre la lecture et les eiercîces de chant. On ne parle qu'à
certains jours» peu de temps» et seulement afin de suspendre une trop longue contrainte et
d'empêcher les entretiens secrets. Jamais personne ne mange hors du réfectoire ou de
rinfirmerie. Quant aux hôtes qui n'appartiennent pas à un ordre religieux, on les accueille
dans un bâtiment séparé. Pendant les repas» l'attention des frères se dirige plus vers là
lecture que vers les aliments placés devant eux. La majeure partie de ce qu'on sert reste pour
les pauvres. Le dortoir est continuellement éclairé ; les lits, exposés à tows les regards,
sont durs et grossiers. La lampe qui brille pendant la nuit indique que les habitants de ces
lieux veulent être des enfants de lumière et non de ténèbres.
Aussi le Seigneur a-t*il répanda sur eux des flots de bénédictions ; car» outre une ma-
gnifique église et des richesses de tout genre» le monastère a encore deux cents celloles
extérieures sous sa dépendance. Les manuscrits nombreux et précieux qui couvrent toutes
les tablettes sont une preuve visible des vertus qu'on cultive et qui fleurissent dans le
louvent, grâce aux avis, aux exhortations et aux sages leçons que d'habiles interprètes de
la parole divine donnent chaque jour» et surtout aux grandes fêtes» à leurs frères réunis
en chapitre, pour s'édifier mutuellement. Je les entendais continuellement s'encourager» se
.consoler, se rappeler les uns aux autres les voies du ciel. Si je n'avais été obligé de retour-
ner chez moi , je ne m*en serais point séparé» je l'avoue , tant mon âme se trouvait bien
• n leur compagnie : mais si mon corps en est éloigné désormais, mon esprit demeurera,
toujours avec eux. » ,
Voilà pour la vie du cloître. Quant au religieux lui-même , il apparaît dans le portrait
suivant, qui a été copié d'après nature : « Le frère Robert de Saint-Marien d'Auxerre était
fort versé dans les sciences, remarquable par son %éIoquence, et aucun de ses contempo^
rains ne le surpassait dans la connaissance de l'histoire. Il avait TEcriture sainte si pré-
s(»nte à la mémoire qu'il pouvait résoudre sur-le-champ toutes les questions par unecita^
tion textuelle : son érudition à cet égard tenait du merveilleux. Il y avait dans sa per-
sonne je ne sais quelle grâce, quelle affectueuse bonté qui était comme le reflet de la pu-^
reté de son âme. Sa loyauté le rendait étranger à la méfiance , qu'il repoussait toujours
par ces mots de Sénèque : La confiance seule peut faire de thomme un véritable ami; com-.
6/en, par la crainte d'être trompés^ enseignent la ruse aux autres et donnent en quelque sorte
au mal le droit de natlre, en le soupçonnant avant qu'il tCexiste. Robert, ardent pour la jus-
tice, haïssait profondément Tiniquilé, suivant en cela les paroles du sage : Vous ne pou^.
tez trop détester ce qui est méprisable. Par contre, dévoué au pécheur» quels qu'en fussent
les crimes, il déployait une admirable charité pour le relever; car il savait que la miséri-.
corde est la compagne d'une vertu véritable», tandis que la dureté |caractérise la faussa
vertu. Il témoignait au pénitent la plus pure compassion : jamais le malheur (l*autrui ne
le trouvait insensible. Ses efforts tendaient à entretenir l'union des esprits par la paix inté-
rieure; il ne faisait la guerre qu'à ceux qui cherchaient à semer la discorde» convaincu,
selon la parole du Sage» qu'ils sont odieux an Seigneur. Il était, en outre» sincère et ferme
dans ses discours» zélé pour le service de Dieu» modéré» économe» conseiller, prudent»
sage confesseur. Parmi tant de brillantes vertus , celles que nous devons le plus admirer,
apprécier et imiter» étaient son humilité et sa chasteté; car il vécut comme s'il n'avait pas
eu de corps» et mourut emportant sa virginité dans la tombe. »
Mais si parmi les institutions humaines il n'en est pas qui», dans le cours des siècles»
aient jamais correspondu parfaitement à l'idéal de la pureté, ni qui se soient» sauf de rares
exceptions» complètement et constamment réalisées» pourquoi s'étonner si» parmi tant de
milliers de monastères, il s'en est rencontré beaucoup qui contrastèrent péniblement avec
le tableau que nous venons de tracer, qui tombèrent dans l'ignorance et la grossièreté, au
milieu du tumulte de la guerre» qui s'endormirent» amollis au sein des richesses» et dont
les religieux, au lieu d'offrir l'image de rhumilit^^, de la concorde, s'élevèrent leç^uns con-«
DISCOURS PREUMilfàlRE. 90
tre ks aatresy pleins d'orgueil et d*ambilîon, au lieu de pratiquer la chaMeté à laquelle ils
f 'étaient voués, se dégradèrent par les Ti'ces les plus honteux et permirent ainsi à des his-
toriens hostiles de prendre, pour les traits caractéristiques delà vie claustrale, ce qui n'en
était qu'une déplorable aberration?
Les canons des conciles ne montraient que trop clairement combien les sainicâ yujs des
premiers fondateurs avaient dégénéré dans les anciens ordres religieux (48).
D*ttu cAté, les troubles occasionnés parle schisme, de Tautre» les richesses croissantes des
monastères, éteignaient de plus en plus la charité, la sagesse, Tindustrie et Tamour de la
science, que Ton avait vu fleurir autrefois : la t)onne chère et le désordre des mœurs en pri-
rent la place. Il n*y avait pas jusqu'aux couvents de femmes qui n'eussent leur part de
ces tristes expériences. Nicolas de Clémenges est souvent déclamateur exagéré dans ses
peintures ; cependant le tableau qu'il nous trace de cet état de choses porte un grand
caractère de simplicité et les marques d'une douleur réelle.
c Dire que parmi les moines et les religieux il ne s'en trouve pas un seul qui déplore
des vices pareils, dît-il, ce serait certes s'avancer beaucoup; mais pourtant que pouvons-
nous alléguer en leur bveu.r? Leurs vœux les obligent d'être les plus parfaits des enfants
de l'Eglise; de ne s'occuper en rien des choses de ce monde ; de s'adonner uniquement à
la contemplation. £h bien! ils font précisément tout le contraire : ce sont les plus avares,
lis plus ambitieux des hommes; ils recherchent le monde au lieu de le fuir. Ce qu'ils
délestent le plus, c'est leur cellule, c'est leur cloître, c'est la prière, la lecture, la règle et
la religion (49). »
Mais pendant ce même temps et par un contraste frappant, les ordres mendiants offraient
une image tout opposée, continuant leur vie de sacrifice et d'activité, s'adonnant avec
ardeur à la scolastique et méritant l'estime générale. Insensiblement aussi la lutte des
Dominicains et des Franciscains perdit de son âpreté, surtout quand chacun des deux
ordres se fut choisi une mission différente. Les premiers s'imposèrent pour devoir spé-
cial de maintenir la pureté de la foi catholique contre les hérétiques; les seconds s'adon-
ii«^: ent presque exclusivement au soin de consoler et de soutenir le peuple.
Parmi les Franciscains, les spirituels ou rigoristes, excitèrent seuls quelques troubles, et
le Pape Jean XXII les poursuivit avec sévérité (1318). Une partie d'entre eui, sous la direc-
tion du général Uichel de Cézènes, s'attachèrent à Louis de Bavière; mais, après la môrc
jdece prince, ils furent réconciliés avec l'Eglise au concile de Constance (50), et dès ce
nîoment elle en approuva l'existence sous le nom de Fralres regularis observanliœ ^ titre
qui leur valut, dans la suite, plus de privilèges qu'aux Frères conventuels, Fralres
eanveniuales.
Dans l'oppojsi lion qui s'éleva contre le Saint-Siège, les ordres mendiants défendirent
généralement les Papes, leurs protecteurs, et quelquefois les soutinrent jusque dans leurs
prétentions les plus exagérées : par là ils se trouvèrent engagés dans une lutte fort animée
avec laSorbonne. En même temps, Topiniâtretéque ces ordres mirent à soutenir une sco-
lastique dégénérée et l'exagération avec laquelle ils accusèrent d'hérésie les nouvelles
études classiques, que Ton poursuivit avec tant d'ardeur pendant la (première moitié du xv*^
siède, leur firent perdre une partie de leur considération et les exposèrent aux traits acé-
rés d'one mordante ironie.
hà désir si souvent manifesté de voir la réforme opérée dans les chefs et les membres
de l'Eglise devait nécessairement attirer rattenlion sur la décadence trop manifeste des
monastères. Les Pères du concile de Constance imposèrent aux Bénédictins d'Allemagne
l'obligation de tenir un chapitre provincial, et prirent en outre des précautions pour que
les délibérations en fussent plus longues et plus sérieuses que dans une autre occasion
du même genre (U17 [51]). Ce précédent fut approuvé et imité dans plusieurs pajs. Le
(48) UoLSTEiiius, Codex regularum monasticarum. Cf. Héltot, BiE?iDciirELD.
^49) NicoL. De Clem., De ruina eccle$iaêiic.<, c. if. (S, de Hardt, 1. 1, par. lu, p. 55.)
(50) Sess. XII apod V. de Hardt., C0nc. Cojul., t. IV, p. 515.
(51) Cf. Tbitdemii Chwon. Hinaugienu 2d. ao. 1417, t. IT, p. 546 sq. , Y. de HiaDT, Cenc,Con$t.f U h
p. 1086. Cf. 5IV5SI e. XXVm, p. 1037.
91 DICTIONNAIRE D ASCETISME. M
concile de Bâic agit plus énergiquement encore, et ]e cardinal Nicolas deCusa» en sa qua-
lité de légat» s^occupa efficacement de ce sujet en Allemagne. Le gaspillage des biens de la
communauté par les individus était la cause de nombreux désordres dans les monastères,
et l'on s'efforça d'y mettre un frein» malgré l'égoïsme intéressé d'un petit nombre de con-
tradicteurs. D'ailleurs» parmi les moines eux-mêmes» il ne manqua pas non plus d'hommes
généreux qui réclamèrent avec vigueur contre les dérèglements de leurs frères. Ou
soumit aussi à la réforme les établissements des ordres mendiants qui s'étaient aussi relA-
cbés de leur austérité (52)» quoique leur dévouement pour la science leur assurflt une haute
estime dans l'opinion publique. Le concile de Constance se déclara même pour les conven-
tuels rigoureux (53),^fln d'inspirer une noble émulation aux autres branches de l'ordre;
mais malheureusement la plupart ne le comprirent pas et répondirent à cet appel par une
froide indifférence.
Cependant la vie spirituelle ne s'éteignit jamais complètement dans l'Eglise : à mesure
que de nouveaux besoins se faisaient sentir» ils donnaient naissance à des ordres nou-
veaux qui y répondaient à leur tour par une nouvelle activité. Un professeur de philoso-
phie , Jean Tolomei de Sienne» ayant recouvré la vue miraculeusement, fonda par grati-
tude» en 1313, l'ordre des Olivétains {Congregalio S. Mariœ moniis Oliveti). 11 s'établit dans
une solitude couverte d'oliviers» près de sa ville natale, et Jean XXlI^approuva le nouvel
inslilut» qu'il soumit à la règle de Saint-Benoît (1319 [5^]). A Sienne même» Jean Colom-
bino fonda les Jésuates (55). Une Vie de sainU Marie d'Egypte le charma tellement qu'il
renonça à la plus haute dignité de l'État pour se consacrer au service des pauvres et des
malades. Lorsque Urbain V quitta Avignon pour Rome, en 1367, il approuva rétablisse-
ment des Jésuates sous la forme d'une congrégation de Frères lais, qui furent rangés
parmi les Frères Mendiants et soumis à la règle de Saint- Augustin. Ce fut seulement au
commencement du xvii* siècle qu'on imposa aux Jésuates l'obligation de recevoir la prê-
trise; mais peu après Clément IX abolit Tordre» quand les riches Padri deW aqua vite s'oc-
cupèrent de distillation en même temps que de pharmacie dans quelques-uns de leurs mo-
nastères (1668). En Espagne et en Italie» on vit encore un certain nombre d'ermites se réu-
nir en congrégation et prendre le nom dCHieronymiies (56), soit qu'ils prissent saint Jérôme
pour patron» tout en suivant la règle de Saint-Augustin» soit qu'ils eussent extrait leur
règle des écrits du solitaire de Bethléhem. Leur premier supérieur en Espagne fût Pierre
Ferdinand Pécha» chancelier de Pierre le Cruel; Grégoire XI leur donna l'approbation
nécessaire» et les Hiéronymiles se répandirent bientôt en Italie, sous la conduite de Pierre
Gambacorli, autrement dit Pierre de Pise.
Sainte Brigitte» issue de la famille royale de Suède, s'était déjà affiliée au tiers ordre de
Saint-François pendant qu'elle remplissait encore les devoirs d'épouse et de mère (57) ; après
la mort de son époux» elle eut des révélations que les Pontifes Grégoire XI et Urbain Vl»
ainsi que les conciles de Constance» reconnurent solennellement pour vraies. Ce fut dans
une de ces visions que le Seigneur lui ordonna de fonder un nouvel ordre» qui fut réalisé
à Wadstena» en 1363, et les enfants de sainte Brigitte» après avoir été formellement recon-
nus par Urbain V (t 1370)» devinrent pour les Etats septentrionaux de l'Europe une
source abondante de grflce et de bénédictions. La suprématie de l'abbesse de Wadstena
était reconnue par tous les établissements de l'ordre» qui ne pouvait recevoir que soixante
religieuses dont les besoins spirituels étaient contiés à treize prêtres et quatre diacres, tan-
dis que huit Frères lais dirigeaient les affaires temporelles. Le nombre entier des monas-
tères devait rappeler celui des treize apôtres et des soixante-douze disciples. Sainte Bri-
gitte mourut en 1373.
(M) NicoL. DB Glem.» De rvùna euie$iast.^ c. 35. (Y. de Habdt» 1 1» par. m» p. 33«,)
(53) Avud V. DE Hardt, Conc. Consl.,t. IV, p. 515, sq.
(54) Cr. Retnald, ad an. 1320» n** 50; Hélyot , Holsten.» Brockie^ t. V, p. f , sq.
(55) BoLLAND., Acta SS., mens. Jul., t. VU, p. 533, sq.
(56) Holsten., Brocki, t. Ill, p. 43; t. VI, p. 1, sq.
(57) Brigittœ retelationei^ éd. turrccremala, Lub. 1492; Romae, 1628; Vie de sainte Brigitte. (Yaslovii,^
Vuiê aquifonia^ seu Vit^ SS. in Scandinavia ;col. 1623, in-fol., cum notis Erici Bciizel.; Ups.» 1708» îilr4".)
La règle est dans Holst.» 1. 111, p. 100, sq.; Hélyot.
98 DISCOURS WlKUmNAIBK, M
Knfln François de Paule, originaire d'une petite ville de ce nom^ située dans la Calabie,
derint aussi on fondateur d'ordre (58). Plein d'une beureuse témérité, il s'efforça d'imiter
la çanvreté de Notre-Seignenr plus parfaitement encore que les Franciscains; il vécut d'a-
bord en ermite dans le voisinage de sa ville natale; mais, vers {l'an 1(57, il lui vint des
eompagnons disposés à se mettre sous sa direction, et pour renchérir sur les Minorités,
ils prirent le nom de Minimes. La haute piété, la pureté angéliqne de ces moines, jointes
aux miracles de leur chef, donnèrent à leur ordre une rapide extension en Italie, en
France et en Espagne, surtout quand Sixte IV l'eut approuvé {iVîk) {Ordo Mininu^rum Fn-
irum eremiiorum^ Fratrym Framciâei dePaula)^ Léon X combla la joie des Jf mimei en cano-
nisant saint François, qui mourut en 1507.
Pendant Tépoque précédente, on a vu se former les Beggards et les Béguines ; pendant
eelle^ leurs opinions hérétiques et leur conduite irréguliëre leur attirèrent des persécu-
tions qui pourtant n'empêchèrent pas l'Allemagne et les Pajs-Bas de rechercher de préfé-
rence ces associations indépendantes, dont l'heureuse iniuence sur la société porta bien-
tôt TEglise à les autoriser sous une forme plus parfaite. Déjà fort de l'expérience acquise,
Gérard Groot de Deventer (t 138b) établit une congrégation de clercs libres dans la Hol-
lande, le pays pratique par excellence {clerict ei frairu witœ eommtinû). Gérard, après
avoir d'abord étudié à Paris, et professé avec distinction la théologie à Cologne, obtint on
bénéfice important (59) ; mais bientôt il se d^oûla de sa vie mondaine et en adopta une
plus austère, quoique non moins active. Son expérience , comme prédicateur , lui apprit à
connaître à fond la misère et la pauvreté des clercs. Pour soulager cette indigence, il consacra
tonte sa fortune i la fondation d'un institut dont les membres devaient suivre les traces
des apôtres, alliant le travail des mains aux exemples et aux enseignements de la piété
ctirétienne. Le monastère des Chanoines réguliers, créé en 1386, à Windesfaeim, devint
le centre de ces associations auxquelles s'attachèrent insensiblement des laïques apparie*
nant aux deux sexes, et tous se conformèrent aux observances des Beggards et des Bégui-
nes, et se répandirent insensiblement dans les Pajs-Bas et la Westpbalie, où, par une sage
disposition, on introduisit parmi eux des études philologiques. Ce fut précisément d'une
semblable association que sortirent le célèbre Thomas A' Kempis et Gabriel Biei, le dernier
des sententiaires. Eugène IV et Paul II accordèrent de nombreux privilèges à ces confré-
ries spirituelles, où l'élite du clergé trouvait une excellente sauvegarde contre les désor-
dres du temps.
Les membres oes ordres religieux s'étaient, pour ainsi dire, rendus inutiles dans l'Eglise,
au milieu des graves et nouvelles luttes qu'elle soutenait; les uns étaient restés froids et
impassibles spectateurs du combat, les autres avaient embrassé le luthéranisme. L'Esprit,
toujours vivant dans l'Eglise, produisit alors un ordre nouveau, qui, né de la force des
Mrconstances, était par là même propre à répondre aux besoins du temps. Cet ordre, devant
surtout faire contre-poids dans l*Eglise au protestantisme, a toujours effrayé l'imagination
des protestants, qui n'y ont vu qu'un épou vantail pour l'humanité, aussi redoutable
qu'odieux, et rarement, au sein même de l'Eglise catholique, ou s'est formé un jugement
exact et vrai sur cette société célèbre. Due exposition impartiale et fidèle devient donc,
plus que jamais, un devoir pour l'historien.
Ignace, fondateur de l\>rdre , né d*une famille noble au château de Loyola, en Espa-
gne (U91), se signala et fut blessé au siège de Pampelune (1521). Durant les longues
journées de sa convalescence, à défaut de romans, il lut l'Ecriture sainte et la Vie des
saints, et fut pris de l'ardent désir, comme jadis François d'Assise, de conquérir la gloire
du ciel par les souffrances et les misères de ce monde. Il résolut, aussitôt qu'il fut guéri,
d'embrasser la vie la plus austère, d'entreprendre un pèlerinage à Jérusalem et d'y tra-
vailler à la conversion des infidèles. Détourné de son pieux et imprudent projet, sur les
(5S) BoLLA90., Acla S5., mens Aprilis. t. l,p. 103, sq.
(59) VofessaTie, par Tbomas A^Kehfis (OnPf éd. Sommstius; Antr., 1607. in-V, p. 765); Chro-
«cm coliegn wmdeêkemensii (Gddem, SsUoge prinut twrwr. dipUmatonorum^ &c.; Franccf., IJ^*.^-
MO) ; DeLPftAT , (her de Broedenchap van G. Groot. ; Ltrecht , 1830. €f. Uuurai, Jean Wcsscl, Uaiiai.,
4tU, 1'^ appendice.
05 DiCnON.NAlRE D*ASCaSTISIlE. M
lieax saints mèoiest par le proïîDcial des Franciscaioa, et déterminé à revenir ea Europe,
il eonçut l'idée d*an ordre nouveau. Pour le réaliser, il ne roogil pas de se remettre sur
les baoes, parmi des enfants, d'apprendre le latin, et d'achever son éduralion littéraire
dans les universités d'Âlcala et de Paris, où il parvint à communiquer sa ferveur et à faire
embrasser son sévère genre de vie i quelques compagnons d*étude, qui lui transmirent
ft leur tour leurs connaissances, et le mirent à même de recevoir, après une sérieuse
épreuve, le grade de docteur (153fc). Ses principaux associés furent Pierre Lefèvre de
Itevoie, le Navarrais François-Xavier, les trois Espagnols Jacques Lainez, Alphonse
Salméron, Nicolas Bobadilla, et le Portugais Rodriguez. Bientôt leurs idées s'élargirent,
leur projet mûrit; ils se décidèrent à se consacrer au salut des âmes. Ayent dû renoncer
au dessein de se rendre en Orient, Ignace Lefèbre et Lainez vinrent à Rome, firent vœu
de pauvreté, de chasteté, d'obéissance absolue, et se déclarèrent prêts à se rendre partout
où le Père de la chrétienté voudrait les envoyer. Paul lil ne put résister à des vœux si
fermes et si sincères, et approuva c la société de Jésus b (I5M), 'qui ne devait d'abord se
composer que de soixante personnes. Cependant, les premiers résultats de leurs travaux
firent bientôt lever cette restriction par le Pape (15^3), et ses successeurs leur accordèrent
de grands privilèges. L'ordre se propagea rapidement en Europe. François-Xavier le trans-
porta au deli des mers.
La constitution de l'ordre, beaucoup plus nette et plus forte que toutes celtes des autres
ordres, se résume comme il suit :
Le but principal de l'ordre est la plus grande gloire de Dieu (il. Jf. D. G.); donc les
membres de la Société doivent travailler au salut du prochain comme au leur. Ils travail-
lent au salut du prochain parla prédication, les missions, les catéchismes, la controverse
contre les hérétiques, la confessiou, et surtout par l'instruction de la jeunesse; à leur
propre salut, par la prière inlérieurcy l'examen de conscience, la lecture des livres ascé-
tiques et la fréquente communion.
L'ordre ne reçoit que des membres sains de corps et doués de talents.
Les nouveaux membres passent par un sévère noviciat de deux ans, durant lesquels
toutes les études sont interrompues, et qui est principalement employé à des exercices
spirituels.
A la fin du noviciat se font les premiers, souvent les seconds vœux, semblables i ceux
des autres ordres.
La pauvreté des membres consiste en ce qu'ils ne peuvent posséder, soit indifiduelle-
ment, soit collectivement, ni revenus, ni propriétés, et doivent se contenter de ce qu'on
leur donne ponr leurs besoins. Mais les collèges sont dotés, pour que ceux qui enseignent
et ceux qui étudient ne perdent pas leur temps aux soins de leur entretien.
Après le noviciat commencent les études, qui consistent principalement dans la con-
naissance des langues, de la poésie, de la rhétorique, de la philosophie» de la théologie,
de l'histoire ecclésiastique et de l'Ecriture sainte.
Ceux qui se livrent à ces études doivent, pour entretenir la piété dans leur cœur, faire
de fréquents examens de conscience, s'approcher des sacrements tous les trois jours , et
renouveler leurs vœux deux fois par an.
Chaque membre est surveillé par un confrère, il sort toujours accompagné.
Alors vient le second noviciat , qui dure un an , et pendant lequel on est employé h la
prédication , aux catéchismes , à l'enseignement. Cependant, la majeure partie du temps
doit être employée à la contemplation, dont Ignace a dressé le plan dans les exercices
spirituels (farerciVJa tpiriiualia).
D'après leur talent, les membres de la société sont partagés en trois classes : f* Les
profës , qui, outre les trois vœux monastiques, font le quatrième vœu d'obéissance absolue
au Pape , par rapport aux missions. Il y a peu de profès ou de Jésuites du quatrième
TOBu. C'est parmi eux que sont élus le général et les autres chefs des instituts de l'ordre.
Ces iostituts sont : Les maisons professes , dirigées par un préfet ; les collèges , compre-
nant au moins treize membres , sous un recteur; les collèges afliliés ou résidences i ayunt
17 DISCOURS PREUUINÂIRE. 9S
uo supérieur et dao9 lesquels les Pères Agés trouvent une retraite pour se reposer ou
mettre la dernière main à leurs écrits ; enGo les roaîsoos de mission , pour venir au se-
cours des curés dans les campagnes. Les prétendus Monita sécréta des proies qu'on a si
souvent reprochés à la société, ne sont qu*une méprisable calomnie, comme la proposition
qu*on prétend tirer des constitutions, et qui donne è un supérieur le pouvoir d'ordonner
un péché , résulte d'un perfide malentendu.
3* Les coadjuleurs , qui comprennent la majorité des membres de la société , chargés
de renseignement des colKges et du ministère pastoral , et parmi lesquels les scolastiques
( icohutici approbaii ) sont destinés aux plus hauts emplois de l'enseignement.
3* Les coadjuteurs temporels ( coadjiUores temporales ), frères laïques , destinés aux
serrices manuels et aux plus basses fonctions.
A la tète de chaque province est placé un provincial.
Tout Tordre est gouverné par un général ^ qui réside è Rome, jouit d'un pouvoir absolu ,
en tant qu'il observe les anciennes lois de Tordre. Les modifications ne peuvent être intro-
duites que dans les assemblées générales. Le général nomme les supérieurs, pour empêcher
les troubles, les intrigues, parmi les subordonnés : cependant il consulte le provincial
et trois autres Jésuites. Les supérieurs de tous les instituts sont obligés de rendre compte
chaque année , au général , de la conduite et des talents de leurs subordonnés.
Le général a six assistants ^ hommes éprouvés et expérimentés, appartenant à l'Allema-
gne, la France, l'Espagne , le Portugal, l'Italie et la Pologne » qui sont élus dans les
assemblées générales.
Le général est soumis à leur contrôle. Ils peuvent, dans des cas urgents, le déposeï ;
en temps ordinaire, il ne peut être déposé que par les assemblées générales.
Vadmoniteur^ adjoint encore au général , a pour mission de le soutenir comme un ami ,
un père, un confesseur.
Ainsi la société , présentant le modèle d'une monarchie constitutionnelle fortement
organisée , d'une législation sage et parfaite , devait , autant par cette organisation que
par Tesprit vigoureux qui l'animait , ol>teDir une grande autorité et exercer une immense
influence dans le monde.
La constitution maintenait l'unité la plus rigoureuse dans le fond de l'enseignement ,
au milieu de l'activité la plus vivante; elle ordonnait de réprimer avec le plus énergique
empressement tout ce qui s'écarterait de la doctrine de l'Eglise , et accordait en même
temps, pour ce qui était de pure opinion » une très-grande liberté » 4on4 on fil plus tard
un déplorable abus.
11 ne faut pas oublier , pour bien juger le quatrième rœu des Jésuites et quelques au-
tres particularités de leur constitution et de leur manière d'agir, qu'ils avaient pour but
de former une société absolument contraire au protestantisme. Le protestantisme ajaiii
attaqué le centre de Tunité et v(*ulu renverser le Pape , les Jésuites prenaient par là même
Tobligation de se rattacher fortement au Saint-Siège. Les protestants poussaient la liiierîé
jusqu'à la licence ; les Jésuites imposaient Tobéissance la plus absolue , de manière à sa*
erifier la volonté de l'individu aux intérêts de la société. Les protestants, ayant le plus
sourent procédé avec passion et agi sans réflexion ni prudence » étaient restés longtemps
sans pouvoir s'organiser ni se constituer ; les fondateurs de Tordre des Jésuites , guidés
par une haute et religieuse inspiration , merreilleosement unis entre eux, agirent avec
la prudence la plus consommée , avec la prévoyance la phis réfléchie.
Aussi, des éléments qui sont le plus souvent opposés vinrent se fondre ici dans la plus
parfaite harmonie. Ignace, rempli d'un enthousiasme noble et pur, qui pouvait paraître
parliiis exagéré, brûlait dezèle pour le Christ et pour TBglise, et ne connaissait que TEi^lise
et Jésus-Christ. Lainez, homme d'une raison calme, pénétrante, d'un esprit positif et or-
99 DICTIONNAIRE D*ASCETISMC. fOft
ganisateur, semblait né pour gouverner de grands empires. Au zèle plein de foi d'Ignace,
Lainez joignait la science des choses de la foi. Ignace posa le principe de la vie intérieure,
qui fonda la Société; Lainez lui donna la forme et l'organisation nécessaires pour qu'elle
p'ût se manifester et atteindre son but. Les qualités de ces deux hommes, qui s*idenliGèrent
dès Torigine, se sont toujours conservées d'une manière remarquable dans la Société qu'ils
ont fondée et qui a été si active* si vigoureuse» qu'on ne peut en lire Thistoire sans le
plus vif intérêt.
Il fallait, pour arrêter les progrès du protestanlismei une grande énergie, un véritable
dévouement, une prudence consommée, une vue claire du but k atteindre; tout cela so
rencontra dans Tordre des Jésuites.
Les faits que nous allons résumer prouvent toute Tactivité que les Jésuites déployèrent
dans rintérêt de TEglise. Il semblait qu'une véritable barbarie allait s'étendre sur TAlie-
magne, berceau du protestantisme* Les universités étaient en décadence et menaçaient
ruine. Le peuple était tombé dans la plus profonde ignorance; et comme pour être pro-
testant il suffisait de rejeter quelques points de la foi catholique, on sentait même dans
les pays strictement catholiques, comme l'Autriche, une tendance prononcée vers le pro-
testantisme. Pendant vingt ans il n'était pas sorti un prêtre de l'université de Vienne,
autrefois si florissante. Les ecclésiastiques protestants apparaissaient de tous côtés. Cette
situation porta Ferdinand I" à demander des Jésuites (1551). On distingua dès lors parmi
ceux qui furent envoyés. Le Jay et Canisius. Canisius, par aes instructions suivies, des
prédications fréquentes, une nouvelle organisation de l'université de Vienne, la publica*
tion d'un nouveau catéchisme et l'administration prudente du diocèse, rétablit Tordre en
peu de temps, et non-seulement arrêta les progrès du protestantisme, mais riimena la
plupart des protestants au catholicisme. Le célèbre collège des Jésuites de Fribourg, en
Suisse, rappelle également l'activité de Canisius (béatiQé le 21 novembre 1843).
Les mêmes circonstances amenèrent les Jésuites en Bavière. Le Jay y combattit d'abord
le protestantisme; puis on conQa, h Ingostadt, l'enseignement de la théologie aux Jé-
suites (1549). Le Jay expliqua les Psaumes; Salméron, les Epîtres de saint Paul et les
Evangiles; Canisius, la dogmatique. Bientôt après, Munich appela à son tour les Jésuites
(1559). Ils surent y réveiller le goût des éludes classiques, littéraires et scientiaques, dont
les protestants proscrivaient l'enseignement, comme une occupation mondaine, inutile,
dangereuse à l'éducation religieuse, tandis que TEglise avait appris par une triste expé-
rience tout ce qu'elle avait eu à souffrir du défaut de ces connaissances.
Dès lors TEglise catholique de Bavière fut garantie contre les attaques ennemies. Il en
fut de même lorsque les Jésuites fondèrent des collèges à Cologne (1556), Trêves (1561),
Mayence (1562), Augsbourg et Dillingen (1563), Paderborn (1585), Wurtzbourg (1586),
Munster et Salzbourg (1588), Bamberg (1595), Anvers, Prague, Posen (par Tévêque Adam
Konarski, 1571, confirmé par le roi Henri, 12 avril 1574), et dans d'autres contrées; par-
tout ils devinrent Tappui et le rempart de TEglise. Leurs remarquables travaux sur toutes
les parties de la théologie, de la philosophie et de la philologie, se répandirent partout.
Tels furent les travaux de Tursellin {De particulis linguœ latinœ) , de Viger (De idioiiimit
linguœ grœcœ)f sur la grammaire; de Jean Perpiniam (f 1566), Pontanus, Vernuleus et
d'autres, sur la bonne latinité; de Jacques Balde, Sarbiewski, Jouvenci, Varrière, Spée,
sur la poésie; de Clarius, Hell, Scheiner, Schall, de Bell, Poczobut, à Wiina, sur les
mathématiques et l'astronomie; de Kircher, Nieremberg, Raczinski, sur l'histoire natu-
relle; d'Acunha, de Charleroix, Dobrizhofer, Gerbillon, sur la géographie; d'Aquaviva, de
Mariana, de Ribadeneira, sur les sciences politiques. Les hommes les plus judicieux ont
toujours reconnu que la méthode des Jésuites, alliant la science et la religion, et soutenant
l'esprit par toutes sortes de moyens extérieurs ingénieux, est parfaitement appropriée à
Tinstruction de la jeunesse. Nous ne rappelons ici en témoignage que les paroles de
Louis XVI, faisant le portrait de Choiseul : t Le gouvernement a toujours trouvé un appui
spécial dans cette célèbre Société, qui élevait la jeunesse dans l'obéissance à l'Etat, dans
la connaissance des arts, des sciences et des bollcs^leltres. Choiseul a livré les Jésuites
ffl MSCOimS PREUMINAIRE. în
aux perséoitioDS des par.emenis ; il a Ii?ré la jeunesse eux systèmes de la (Ailosophie,
00 aux infloeoces des opinions parlementaires les pins dangereuses. En renrersaoC les
Jésuites, il a bit, au grand détriment de Téducation et de la science, un Tide qu'aucune
autre corporation ne pourra jamais remplir. »
Les exemples donnés par 8. Ignace agirent puissamment sur les siens. Il combatlit aTOC
succès, en Italie et à Rome surtout, le désordre des moeurs ; institua des maisons spécia-
les pour ser? ir de refuge aux femmes repenties, reçues et dirigées par la Sociéli de SahUe-
Marik€t qu*il arait fondée, ainsi que le couvent de Sainte-Catherine, pour les jeunes per-
sonnes dont la chasteté était en danger. En Portugal, les Jésuites avaient lutté si victo-
rieusement contre le luxe et la corruption des mœurs» qu'un témoin oculaire dit, en par-
lant de leurs eflbrfs : € C'est une seconde Sparte qu'ils veulent fonder, k Cette activité
morale et scientiQque fit naître le désir d'avoir des évèques jésuites. Ignace ne voulut point
7 consentir, parce que cette élévation, contraire à la pauvreté et à l'humilité de Tordre,
pouvait fomenter et nourrir l'ambition, et nuire, sous bien des rapports, è la Société, dont
les membres, disait-il, doivent être des soldats du Christ, toujours prêts k se rendre par-
tout où Dieu les appelle. Cette rigueur fut légèrement adoucie sous Lainez, second géné-
ral de l'ordre, et complètement rétablie sous le troisième général, François de Borgia. Il
n'est pas étonnant que l'habileté et les vertus morales des Jésuites les fissent souvent ap-
peler et réussir auprès des princes et dans leurs cours. L'expérience avait prouvé com-
bien, à cette époque, les princes, par leurs bonnes ou mauvaises dispositions, avaient
d'influence sur les destinées de l'Eglise. Néanmoins, on regrette que quelques Jésuites se
soient trop immiscés dans les affaires politiques. François de Borgia, dans les circulaires
adressées aux membres de la Société, blâma fortement celte immixtion dans les affaires,
ainsi que les travaux purement scientifiques des Jésuites, c Vous avez bien, disjkil-îlt
dompté Toiigueil, qui se nourrit au milieu des dignités de l'Eglise, mais vous le satisfaites
d'une autre manière par vos ambitieux travaux. » II se plaint de ce que, dans l'admission
des nouveaux sujets, on a plus égard à leur aptitude pour la science et à leurs avantages
temporels, qu'à la sainteté de leur vocation.
Plus d'un homme de bien avait reconnu que la dégénération du clei^é, et, par suite,
rignorauee et la misère du peuple, avaient préparé les voies au protestantisme : aussi di-
verses congrégations rivalisèrent de zèle pour remédier à ces tristes maux et subvenir à
rinstruction du peuple. Il fallait, à cet effet, d'abord tendre à une réforme du clergé, afin
qu'il remplit son devoir. C'est dans ce but que se formèrent :
1* Les Capucins. Cet ordre manifesta sa force et sa vertn d'une manière toute diffé-
n»te de celle des Jésuites. Il prit à tâche de combattre l'amour des richesses et l'esprit
noDdaiu des vieux couvents dégénérés, par une pauvreté rigoureuse, par l'abnégation la
plus entière, l'humilité la plus complète, et de servir ainsi de modèle au monde, et surtout
au clergé des paroisses, en le secondant dans le soin des âmes. Les Capucins ne furent
qu'une modification des Franciscains. La sévérité de la règle avait de bonne heure excité
des discussions parmi ceux-ci ; ce fut une discussion de ce genre qui amena la modifica-
tion de l'ordre, opérée par Matteode Bassi, dans le couvent de Monteftlco.II appartenait au
parti rigoriste des Minimes, et voulut ramener l'ordre à la sévérité primitive. Il commença
parle dehors, et ajouta à la robe des religieux un capuchon pointu, tel que l'avait, disait<on,
porté saint François. Puis, il communiqua ses pensées de réforme au Pape Clément VU
(1588), dont il obtint, pour ses religieux, l'autorisation de porter un capuchon et une
longue l)arbe ; de vivre selon la règle de Saint-François, dans des ermitages , de prêcher
et de s'occuper du salut des grands pécheurs. D'après ces principes austères, les églises
des Capucins devaient être sans ornements, leurs couvents de la plus grande simplicité.
Us se rendirent d'abord extrêmement utiles et populaires par l'intrépidité avec laquelle ils
secoururent les malades, durant la peste qui ravageait alors l'Italie. Le troisième vicaire
général de l'ordre , Ochino, porta une rude atteinte à la réforme naissante. Après avoir
été un zélé prédicateur, il séduisit une jeune fille, embrassa le protestantisme (1548), se
maria, et fit, par sa honteuse conduite, interdire la prédication aux Capucins , pendant
105 DICTIONNAIRE D'ASCETISME. *0*
deui ans. Mais ils se reievèrenl tigoureusement, et fournirent une noble et fruclueuse.
carrière. La rapide propagaUon de l'ordre, la faveur qui l'accueillit, les grands person-
nages qui y entrèrenti tels qu'Alpnonse d'Esté, duc de Modène (1626), Henri, duc de
Joyeuse, et d'autres, prouvent combien cet ordre mendiant élait populaire, et répondait
aux besoins du temps.
a- Les Théatîns. Dès 1525, plusieurs prélats s'étaient associés en Italie dans le but
immédiat de soigner les malades, et par là môme de travailler au salut des âmes. Cette
oeuvre de charité fit peu à peu naître le désir et le projet d'améliorer le clergé, de ma-
nière que, pur de mœurs, instruit et désintéressé, il remplit les fonctions du culte avec
dignité, repoussât du langage de la chaire toute expression basse et profane, se dévouât
au service des malades, et préparât les condamnés à la mort. Gaétan de Tbienne
peut être considéré comme le fondateur de cette association. 11 se rendit, d'après l'avis
de son confesseur, à Rome, y gagna Carafifa, évoque deChieti (Theaêi en latin), et lui fit
accepter la supériorité de la société. Caraffa élu Pape sous le nom de Paul IV, donna le
nom de Théatins aux membres de l'ordre, déjà confirmé par Clément VU (ISâk), sous le
nom de Chanoines réguliers de la congrégation de Lalran. Les Théatins devinrent,
comme prédicateurs et missionnaires, la pépinière du haut clergé. D'après leurs statuts,
ils ne devaient pas mendier, mais vivre sous la protection de la divine Providence,
c'est-à-dire de dons volontaires.
3" Les Somnsqucs. Celle congrégation de clercs réguliers fut ainsi nommée d^une
ville du Milanais. Jérôme Emiiien, fils d'un sénateur de Venise, en fut le fondateur (1528).
Paul m la confirma (1540), et Pie IV l'honora de divers privilèges. En 1568, le
Pape Pie V la rangea parmi les autres ordres monastiques. La règle prescrivait aux
Somasques une vie austère, la prière continuelle, môme pendant la nuit, l'instruction des
peuples de la campagne, et surtout l'éducation des orphelins. Ils fondèrent aussi des
écoles supérieures à Rome, à Pavie, et dans d'autres villes de l'Ilalie.
&" Les Barnabites. C'était également des clercs réguliers. Ils tinrent leur nom d'un<i
église dédiée à saint Barnabée, à Milan, et se réunirent, comme les premier^ Chrétiens,
pour vivre en commun, et se livrer à l'enseignement. Ils eurent pour fondateurs trois
gentilshommes (1530), Antoine-Marie Zaccaria, de Crémone, Barthélémy Ferrera, de
Milan, et Jacques-Antoine Morigia. Clément VII confima cet institut {1532), qui fut
principalement destiné à des missions dans les pays chrétiens, à l'instruction de la jeu-
nesse et à la surveillance deis séminaires. Il obtint quelques chaires dans les universi-
tés de Milan, de Pise et d'autres villes italiennes.
5* Les OratorienSr fondés par le célèbre Philippe de Néry, né à Florence. Philippe,
après de brillantes études, se livra de bonne heure, dans Evine, à Tinstruction de la jeu-
nesse et aux soins des malades dans les hôpitaux. Il y fonda la confrérie de la Sainte-Tri-
nité (ISM), qui fut accueillie si favorablement que Philippe, n'ayant d'autres ressour-
ces que la charité des âmes généreuses, bâtit un grand hôpital pour les pauvres pèlcrinsl
Cet oratoire {orcUoriumjt dans lequel on lisait et expliquait les saintes Ecritures aux
pèlerins, fut bientôt trop étroit. Paul IV fit présent à Philippe d'une église (1358).
Les Pères de IX)ratoire, autorisés par Grégoire XIII (1574), composé de laïques et d'ec-
clésiastiques^, sans vœux particuliers, se répandirent de Rome dans les autres Etats de
l'Italie. Philippe avait désiré que sa société devint le refuge de ceux qui ne se senti-
raient point propres à entrer dans un ordre religieux. Quoique le but principal de l'Ora-
toire fût l'instruction du peuple, on s'y adonna, dès le principe, à de hautes et fortes études.
Baronius Ordérit*, Rainald, Galloni, appartiennent à POraloire, qui eut le bonheur de
voir son fondateur canonisé par Grégoire XV (1622). C'est d'après l'exemple de saint Phi-
lippe de Néry que le cardinal de fiérulle institua en France, avec quatre prêtres, les
Pères de l'Oratoire de Jésus (Wtl), pour la réforme et l'éducation du clergé français.
Les Oratoriens de France furent autorisés par Paul V (1613). Ils se composaient d'incor-
|H)rés et d'associés, cft ne faisaient ni vœux solennels, ni vœux simples. Ils se multi-
plièrent rapidement, et formèrent d*illnstrcs savants et de grands prédicateurs, tels
lOS MSGOURS PREUnNAIRB. lOS
que Valebranche , Mortn , Tbomasrâ , Ricliard Slrnoo , Beraard Laoïy , Boubigant »
Massiilôû.
€r La congrégaCîon de daint-Maur. L*ordrc des Bénédictîos^ jadis si puissant el si
actif, était tombé, en France comme ailleurs, dans la tiédeur, et avait été euvahi par
l'esprit du siècle. Il s*était appauvri au milieu de ses îmmebses richesses; Après bien des
essais infructueul, Didier de La Gour, prieur de Tabbaye de Seint-Vaones, en devint le ré-
formateur. I^lacé, jeune encore, à la tète de cette abbaye, il s*j prépara, par vn tra? ail
assidu et des études sérieuses, à visiter avec fruit one université savante. II en revint plein
de zèle, et résolut d*exhorter ses frères, destitués de foute culture intellectuelle, à se livrer
à rétude et à recevoir une réforme indispensable. Ce ne fut qu'avec la pins grande peine
qu*il parvint à réformer Tabbaye de Hoyen-lfoutier, qui s*unit k la congrégation de Saint-
Tannes et de Saint-Hidulphe, et à remettre en vigueur la règle de Ijînt-Benott. Le Fape
Clément TIII ayant confirmé cette règle (1601), elle fut favorablement accueillie dans
un grand nombre de couvents de France. Dès lors le chapitre général, tenu à Saint-
Mansuy, à Tulle (1618), résolut de former une congrégation particulière de ces couvents
réformés, sous finvocation de saint Ifaur, le plus grand disciple de saint Benoit.
Grégoire XV autorisa cette congrégation. Richelieu s'y intéressa vivement, et elle compta
bientôt cent quatre-vingts abbayes et prieurés conventuels. La congrégation avait, outre la
règle des Bénédictins, quelques statuts particuliers, un supérieur général qui demeurait
à Paris, dans le cloître Saint-Germain. La vertu nouvelle de la congrégation se manifesta
parrexcellenle organisation qu'elle donna aax séminaires, et surtout par les savants solides
qu'elle forma, et qui, tels que Mabillon, Montfaucon, Ruinart, Thuillier, llarlène« Durand,
D'Achery, Nourry, H^irtianay, s'acquirent un nom immortel par leurs travaui sur les
Pères et l'histoire de l'Eglise.
7* Les Carmélites. Sainte Thérèse régénéra cet ordre, dont la vie s'était évanouie apris
les adoucissements apportés à la règle par Eugène M.... Pille d'un grand d'Espagne, bée k
Avila, en Castîlle (1515), Thérèse eut dès son bas âge une grande tendance i la ptété.
Destinée de Dieu à guider les flmes dans les voies de la perfection, elle apprit à connaître,
par sa propre expérience, les faiblesses et l'instabilité du cœur humain. Longtemps ballotéo
entre Je zèle et la négligence de ses devoirs, désireuse d'être à Dieu et inclinant vers
le monde, elle finit par être arrachée \ cet état d'incertitude, après une vive lutte qn elle a
dépeinte avec une grande sincérité, comme jadis saint Augustin, dans Thistoire de sa vie.
On y reconnaît tout ensemble la sensibilité la plus vive et l'intelligence la plus Inmineuse.
L'Eglise, dans l'office de la sainte, appelle céleste la doctrine contenue dans ses écrits, et qui
a servi de guide à des milliers d'âmes en Espagne. Autorisée par Pie IV, Thérèse commença,
euiSfSif à réformer les couvents de femmes de l'ordre des Carmélites. Elle rencontra la plus
violente opposition; mais Dieu lui avait départi un courage qui surmontait \0xis les
obstacles. Sa réforme passa même dans les couvents d'hommes qui s'étaient te t>lQ^ éner-
giqueœent prononcés contre elle d'abord (1568), grâce à Théroique concours du Séraphin
Jean de La Croix, dont les oeuvres mystiques sont plus remarquables encore que Celles de
sainte Thérèse (t 158S). Les Carmes déchaussés, hommes et femmes, se distinguèrent
par leur dévouement à soigner les malades, à instruire les ignorants, el \e\it réforme s'é-
tendit bientôt dans presque toute la catholicité.
9* L'ordre de |la Visitation. Il fut également fondé par le concours de deux âmes
saintes, unies dans le Seigneur, saint François de Sales, et la baronne Françoise de
Chantai, l^rançots, né an château de Sales, en Savoie (1567), après avoir reçu une éducation
chrétienne et une solide instruction, étudia le droit à l'université de Padoue. Il y trouva
pour confesseur un homme éclairé de Dieu, le Jésuite Possevio, dont les sages instruc-
tions révélèrent au jeune étudiant que les plaies de l'Eglise provenaient de la corruption
tlu clergé. François, pénétré du désir de servir Dieu, résolut d'embrasser l'état ecclésias-
tique, malgré la résistance de sa famille, qui voulait le marier et le destinait à une riclie
alliance. Les vertus, la piété, la vie tout intérieure du saint prêtre, le fir^t bientdt élire
évèqne de Genève. Son éloquence affectueuse et populaire ramena des milliers d'h^rS-
DlG110!lll. o'AscftTISMC. I. k
107 NCTiONNAlRE D'ASCETISME. lOS
tiqaes en sein de l'Eglise. Ses écrits, pleins d*onctioDS, de grâce et d'originalité, guidèrent
plus d'âmes fidèles encore dans les voies de la dévotion chrétienne. La congrégation de
femmes qa'il fonda, de concert avec sainte Françoise de Chantai, à Annecy, en Savoie (1610),
n'obligea pas d'abonl ses membres aux règles invariables de la vie commune ; elle avait
pour but principal le soin des malades. Plus tard, cependant, saint François lui imposa la
règle de Saint-Augustin, avec des constitutions particulières, et Paul V érigea la congré-
gation eu un ordre religieux. (De VUitaiione B. M. F., 1618.) Saint François vit, avant sa
mort, quatre-vingts ix-sept maisons de son ordre fondées en Savoie et en France ; elles se
propagèrent plus tard en llalie, en Allemagne et en Pologne.
9* Les Drsulines, fondées vers(lS37} par Angèle de Brescia, une de ces vierges angéli-
ques qui mettent leur joie à s'oublier elles-mêmes pour soulager toutes les misères. C'est
dans cet esprit d'abnégation qu'Angèle se voua d'abord au salut des femmes perdues, et
s'unit plus tard à d'autres âmes saintes sous la protection de sainte Ursule. Les associées
devaient vivre dans la maison de leurs parents, soigner les malades indigents, et diriger
réducation des jeunes filles. Dans la suite elles s'organisèrent. en ordre religieux. Paul III
le confirma (15U), en l'autorisant â se modifier suivant le temps et les circonstances. Le
but principal de l'ordre devait être l'éducation des femmes. Madeleine de Sainte-Beuve le
propagea en France depuis (1604), où on.Iui confia bient6t- jusqu'aux plus jeunes enfants.
Tous les pays catholiques raccueillirent avec joie. On retrouve le même esprit et la même
tendance dans ia congrégation française des Père$ de la Doctrine ehrUienne^ fondée par
César de Bus, confirmée par Clément VIII (1596), et qui, après sa réunion avec les somas-
, ques (1616-47), forma une société de prêtres séculiers, liés par des vœux simples. Il en fut
de même des Sœutê de$ écoles de VEnfant Jitui^ réunies par le Franciscain Nicolas Barré
(1681), qui institua des séminaires de maltresses d*écoles qui devaient donner l'enseigne-
ment gratuitement.
10* Les Piaristes, qui rivalisèrent de zèle avec les Jésuites, eurent pouj but l'éducation
des jeunes gens, et pour fondateur l'Espagnol Joseph Galasauzio (f 1648). Après s'être
démis des fonctions de vicaire général de l'évêché d'Urgel, Calasauzio s'était rendu à
Rome, y avait mené une vie extrêmement mortifiée et édifiante, s'était signalé par son
.zèle à porter des secours corporels et religieux aux malades, durant une longue épidémie,
el c'avait pas cessé de prendre un soin tout paternel des orphelins. Il institua , avec
l'approbation de Clément VIII (1600), une congrégation de prêtres séculiers pour l'ins-
truction des jeunes geus« La faveur de Paul V et de Grégoire XV valut à la congrégation
le caractère d'un ordre religieux {Ordo Patrum sehàlarum piarum) dont la mission fut
d'élever la jeunesse dans la piété autant que dans la science.
11* Les Frères de la Charité, institués par le Portugais Jean de Dieu. Né en U95 1
Jean mcMi une vi? dissipée Jusqu'à l'âge de quarante-cinq ans. Il se convertit alors à
Grenade, et se consacra au soin des malades (dep. J545). Ses héroïques efforts pour
imiter par son active charité la miséricorde du Seigneur, lui firent donner le surnom de
Jean de Dieu par l'archevêque de Grenade et par l'évêque de Ticy. Il mourut en ISSO,
pauvre des biens de ce monde, riche de bonnes œâvres. Ses amis les continuèrent, en se
liant plus étroitement par les trois vosux monastiques et l'obligation de soigner gratuite-
ment les malades dans les hôpitaux. Paul Y approuva, en 1617, l'ordre des Frères de
Saint-Jean de Dieu, qui rendit d'éminenls services dans tous les pays catholiques, et se
montra non moins généreux envers les hérétiques que ses constitutions lui faisaient une
loi de secourir. Urbain VIII canonisa le fondateur en 1630.
12* Les Prêtres des Missions de France, qui devaient, sous certains rapports, réaliser
le but de toutes les congrégations précédentes, furent en effet bien souvent les plus solides
appuis du christianisme. Leur fondateur fut saint Vincent de Paul, né dans le village de
Pouy, au pied des Pyrénées, de parents pauvres, mais pieux (1576). il commença d'abord
par garder les troupeaux jusqu'au moment où ses parents jugèrent que sa vive intelli-
gence et sa bonté de cœur rappelaient à quelque chose de plus élevé, el le mirent dans
un couvent de Franciscains (1S88), dans lequel il reçut l'instruction et acquit la conscience
de sa vocation ecclésiastique. Après avoir fréquenté l'université de Toulouse, il obtint la
109 DISCOURS PREUMINAmE. 116
préirise (1600), deviol instituteur à Buzel, et y forma, eutre autres élèves, deui petits
neveux do célèbre défenseur de Malte, le grand maître Jean de la Valette. Ces occupations
ne Tempèchèrent pas de cultiver la science, et, en 16W^, il se fit recevoir bachelier. Dans
QO voyage par mer de Marseille à Toulouse ( 1605) , il fut pris avec ses compagnons de
roule» par des pirates qui le vendirent à Tunis. Vincent parvint à convertir son troisième
mat&e, un renégat de Nice, qu'il fit entrer dans un couvent des Frères de la Charité
à Reme, après leur commun retour à Nice. Adressé par Tambassade française de Rome
au roi Henri IV (1609), Vincent fut admis, après diverses épreuves, parmi. les
ecclésiastiques attachés à la reine Marguerite. Les loisirs trop grands que lui
laissaient ces fonctions nouvelles ne pouvant convenir à Tactivité et au zèle de Vin-
cent» il entra dans le nouvel ordre fondé par M. de Bérulle, fut, sur la recommanda-
tion de ce pieux personnage, nommé à la cure de Clicby, et, plus tard, chargé de Tédnca-
lion des enfants du comte de Gondy , général des galères du roi. Lk rîen n*échappa i
rardente charité de Vincent, qui s'occupait alternativement d'instruire les enfants de la
lanûlle de Gondy, d'édifier leurs parents par ses exemples et ses conseils» d'administrer
sagement leur immense patrimoine, de soigner les malades, de catéchiser les pauvres. Ce
fol là aussi qu*après avoir entendu la confession générale d'un malade qui jouissait de
l'estime générale sans la mériter, il conçut le projet des missions de France, dont la pieuse
comtesse de Gondy réclama une des premières la réalisation pour ses domaines. Nommé
plus lard curé de ChAtillon, Vincent y déploya une activité prodigieuse, et y créa des
oeuvres dont chacune semblait réclamer toute la vie d'un homme. Ainsi il fonda l'institut
des Fittes de la CkarUé ou des Semrs gri$t$^ auxquelles il donna plus tard une règle (1618),
et qu'il chargea du soin des hôpitaux. Il s'occupa d'adoucir le sort des malheureux détenus
sur les galères, dont il fut nommé supérieur général, quand son infatigable zélé l'eut fait
connaître à la cour de Louis XllI. 11 consentit également, sur la demande de sou ami
saint François de Sales, i se charger d'une œuvre toute différente, en acceptant la direction
des Dames de la Visitation à Paris (1620). Enfin, le prcget qu'il avait conçu de fonder des
missions» qui devaient, sous l'autorité des évèques et avec le consentement des curés»
évangéliser le peuple .des campagnes, se réalisa, grâce aux largesses de la famille de
Gondy, auxquelles s'iyoutèrent bientôt de nouvelles et plus riches dotations. En Ifôl,
Louis XIII autorisa les prêtres des Missions de France. En 16S» le Pape Urbain VUI les
reconnut et chargea leur pieux fondateur de leur donner une règle. Vincent de Paul,
prévoyant que le succès de ces missions ne serait que passager» si le clergé des paroisses
ne continuait leur œuvre avec zèle et persévérance» et ne pouvant méconnaître la déca-
dence de ce clergé, instituai de concert avec plusieurs évèques, pour le réveiller de son
fatal sommai» de sévères examens, des exercices spirituels» des ccihférences pour la
prédication. Après la mort de la comtesse de Gondy (1625)» Vincent entra en rapport
îmime avec une femme aussi distinguée par son cœur que par son esprit, Louise de
Marillac » veuve de M. Le Gras, dont il mit la vocation sérieusement i l'épreuve pendant
quatre années, et qu'il chargea alors de la supériorité générale de toutes les communautés
de Sœurs grises (1639). Quant à son ordre de missionnaires, qu'il établit dans la maison
du Saint-Lazare de Paris» et dont les prêtres reçurent dès lors le nom de Lazaristes, il se
propagea rapidement» grAce à son activité inlatigable. Elle s'étendit aussi à l'œuvre des
séminaires qu'on fondait dans diverses provinces» conformément aux prescriptions du
concile de Trente» et dont on confia la direction aux Prêtres des Missions.
Il en envoya même, plus tard, en Italie (16fcS), à Alger, à Tunis» à Madagascar, en Pologne,
oji la reine Marie-Louise, femme du roi Casimir» les avait appelés» et où ils apparurent au
moment d'une peste et d'une famine» dont les premières victimes furent le chef même de
la mission» Lambert et son successeur Ozenne. Vincent de Paul fit lui-même des missions
jusqu'à l'âge de soizaote-di;c-huit ans, s'occupent en même temps de fonder en divers
lieux des hôpitaux sous l'invocation du saint nom de Jésus, et de ranimer le zèle des
associations religieuses par l'institution des conférences tenues dans les maisons de son
ordre, et qui eurent la plus heureuse influence sur l'avenir. Après une vie si active et si
1 1 1 DICTIONNAIRE D*ASCËT1SIIE. 1 1 1
pleine, Vincent de Paul obtint la couronne de justice, dans j autre monde* par sa sainte
mort (27 septembre 1660), dans celui-ci par sa canonisation sous Clément XIl (1737).
MISSIONS ÉTRANGÈRES.
La charité et le dévouement des Gdèles ministres de l'Evangile ne s'exercèrent pas
seulement parmi les peuples appartenant depuis longtemps à l'Eglise chrétienne, mais
s'étendirent aux peuples païens les plus éloignés et les plus sauvages. Nul ordre ne montra
\m zèle plus héroïque à cet égard que celui des Jésuites, dont un grand nombre n'ont
d'autre ambition que celle de mourir dans les missions étrangères pour l'amour ^u Christ.
Les découvertes des Portugais et des Espagnols leur en fournirent l'occasion et leur en
facilitèrent les moyens, et les conversions entreprises parmi les païens par ces hardis
missionnaires furent singulièrement encouragées, et en quelque sorte régularisées, par
l'institution de la Propagande, fondée sous Grégoire XV. ( Congregaiio de propaganda Fide^
1622.) Cette congrégation se composa de quinze cardinaux, de Irois prélats et d'un
secrétaire. Leâ abondantes aumônes des catholiques obtinrent ainsi une destination sûre
et régulière. Urbain YIII dota l'institut de la Propagande ( 1627) d'un grand bâtiment
( collegium de propaganda Fide), qui devint le séminaire des missions étrangères. L'exemple
du Pape fut noblement imité: de riches dotations assurèrent Tœuvre; de nombreux ouvriers
de tontes nations s'j formèrent à l'apostolat, et l'on vit se renouveler à Rome^ chaque
année, aii dimanche après celui de la Trinité, le sublime spectacle de la Pentecôte. Cette
fête de la Propagande, oil le nom du Seigneur est glorifié dans toutes les langues de la
terre, est une des solennités qui exprime et révèle le mieux l'idée fondamentale âe TEglise
catholique.
La conversion de l'Inde a tonjours présenté les plus grandes difficultés, malgré les
rapports qui semblent exister entre les mystères du christianisme et certains dogmes des
Té las, comme celui de la Trinité, représenté par les trois personnes de Brah'ma, Vischnou
et Si va, manifestation de l'être primordial, et celui d'une secte d'incarnation dans Vischnou.
liais la doctrine religieuse des Indes, embellie par les sages et les poètes, avait jeté de
trop profondes racines dans l'esprit des peuples, pour permettre un facile accès h l'Evangile.
Quoique soumis depuis près de dix siècles à la domination musulmane, le peuple indien
conservait avec un rare courage ses sanctuaires, défendait avec persévérance ses idées
religieuses, et, presque indifférent au joug extérieur qui l'opprimait, se nourrissait avee
joie des souvenirs de son antique gloire. Il était réservé aux généreux efforts des Jésuites
de vaincre ces obstacles.
François-Xavier, dont le zèle ardent pour le salut des hommes, laconfianceenDieu, lecou*
rage et l'héroïque patience font un second saint Paul, partit, d'après les ordres deLéon UI»
roi de Portugal, et avec l'autorisation duPape, pour Goa ( 1542), où, dès ISlOJes Portugais
avaient essayé quelt^ues conversions et opéré la réconciliation des nestoriens avec l'Eglise.
Maisles Chrétiensde Goa ne Tétaient quedenom;lapoljgamie,ledivorce, l'iniquité, régnaient
généralement parnli dux. François vit qu'il fallait d'abord convertir les colons chrétiens.
Il se mit en rapport avec les enfants, par là avec les parents; exerça une puissante in-
fluence, consola les malades, secourut les affligés, et sut, par son active charité, gagner
les pins puissantes ftmilles. Il se dirigea bientôt après vers les rivages de Travancor, et
parvint au bout d'un moi^, par ses incontestables miracles, sa douceur, sa bonté, et à
l'aide d*excellents interprètes, à baptiser à peu près dit mille idolâtres. « C'était un tou-
chant spectacle, dit«-ildans sa relation, de voir avec quelle sainte émulation ces néophytes
renversaient les temples de leurs idoles. ^ De là François se rendit à Halacca, dans les
îles Moluques et de Ternate. L'effrayant tableau qu'on lui Gt des mœurs de ces peuplades
ne put arrêter son zèle. « Des nations moins sauvages et plus riches, dit-il, ne manqueront
pas d'ouvriers évangéliques ; mais une moisson qui répugne à tout le monde est bien
celfe qui m'est réservée. » Comblé des plus douces consolations intérieures, au milieu des
fatigues les plus dures, des souffrances les plus cruelles, il écrivait à saint Ignace : a tes
dangers auxquels je suis exposé, les travaux que j'entreprends pour la gloire de Dieu.
n^ DISCOURS PREUMLNAIRE. IU
sont des sources inépuisables de joies spiriiaelles; el celle eonsolaliOD eslsi pure, si
douce et si persévérante, que mon corps luirmême derient insensible k la douleur. »
Fraii(MS forma des disciples parmi ces nou?eaux cooTerlis. L'un d*eux entreprit d'an-
noncer TErangile dans File de Maoar. L>p6tre, après a?oir fait traduire en langue in-
dienne les Psaumes de la pénitence, les Evangiles et un Calécbismei fojant le cbristia-
nisme fleurir parmi les peuples qu'il avait évangélisés jusqu'alors, se rendit au Japon
(15^), qui était divisé en plusieurs royautés subordonnées k un empereur (Dairo). Fran-
çois avait également fait traduire en japonnis le sjmbole de la foi, avec des explications.
Malgré les mauvaises dispositions de ce peuple et Topinifllre réMStance des bonzes, il
parvint k poser les fondements de l'Eglise do Japon, surtout k Amangoucbi, et dans le
royaume de Bungo, où, dans l'espace de deux ans et demi, il réussit k baptiser plusieurs
milliers d'idolfltres. Plus tard quelques princes japonais embrassèrent le cbristianisroe,
et envoyèrent, en signe de leur pieuse reconnaissance, une ambassade au Pape Gré-
goire XIII (1502), qui l'accueillit avec une joie extraordinaire. Xavier eut encore le vif
désir, avant de mourir, de porter l'Evangile dans la Gbine, dont l'entrée était sévère-
ment défendue aux étrangers. Après avoir surmonté d'incroyables obstacles, il aborda
dans rUe de Sancian, k six milles du continent de la Chine. Lk était marqué le terme des
travaux et des courses apostoliques de Théroîque missionnaire ; il resta douze jours
étendu sur le rivage, sans secours, et mourut le S décembre 1S53. en s'écriant : Sdgneur^
c'et r en eons que fat mis ma ampmce^ je ne serai pas confondu !
Les Jésuites continuèrent l'œuvre de saint Frangois. Le P. Nobili apparut dans les Indes,
avec raotorisalion de J'archevèque de GbaQdemagor, sous la forme et les habitudes d'un
brahme pénitent (sofitas) , évita le contact des parias, gagna la confiance et l'estime des
braiunes, en convertit soîxante-dix, qui entraînèrent facilement k leur suite une nom-
breuse population. Ce mode de conversion, ce système d'accommodation, occasionna entre
les Jésuites et les autres ordres religieux de longues controverses, que le Pape Alexan-
dre VU (1636) trancha en partie en faveur des Jésuites. En 1597, le Japon, qui comptait
déjk deux cent mille Chrétiens, deux cent cinquante élises, treize séminaires et un
noviciat de Jésuites, vit éclater une violente persécution contre le christianisme. Les
iésuites reçurent rordre de quitter en masse le pays; mais la protection de quelques
princes leur permit de s'y maintenir encore. A peine le calme fut-il rétabli que le zèle in-
discret des Franciscains renouvela l'ancienne querelle, et la jalousie des Hollandais contre
les Portugais porta enfin le dernier coup k l'établissement du christianisme dans l'Ile.
La persécution qui s'éleva alors arrosa le sol du Japon, plus abondamment qu'aucune
contrée du monde, du sang des Chrétiens. Ce sang ne serait-ii pas le gage d'une restau-
Tttion future?
Le désir d'évangéhser la Chine survécut k saint François dans son ordre. Les Jésuites
surent résoudre et vaincre, avec le zèle ingénieux que donne la charité, les graves difll-
cultes et les opiniâtres préjugés que leur opposaient les Chinois. Ils en étudièrent avec
soin les nuBurs, les caractères, les habitudes ; tour k tour savants, artistes, mécaniciens,
ourriers, ils se firent tout k tous pour les gagner tous è Jésus^hrist. Trois Jésuites, parmi
lesquels se distingua surtout Matth. Ricci (1582*1610), trouvèrent accès en Chine. Kicci,
habile mécanicien, parvint k se faire accueillir k la cour, et obtint l'autorisation de s'éta»
blir à Canton, et plus tard k Nanking. il bâtit un observatoire, acquit une grande considé-
ration, et en^profita pour répandre les principes de l'Evangile et gagner k la vérité, outre
beaucoup de simples habitants, quelques mandarins. Sa réputation lui ouvrit le chemin de
Péking( 1600), et lui valut la protection de l'empereur, dont il obtmt l'autorisation de
construire une i^lise, après avoir converti plusieurs grands de la cour. Il mourut en 1610,
et fut enseveli avec pompe. On remarque parmi ses successeurs, aussi actifs que lui,
Adam Schall, de Cologne ( dep. 1622), qui devint président d'une société mathématique
de Péking, et obtint aussi la permission de bâtir des églises. En 1661, les ministres de
l'empereur, encore jeune, profitant de sa minorité, suscitèrent un commencement de per-
sécution aux Chrétiens .et firent emprisonner les missionnaires. CepMidant les Jésuites
lis DICTIONNAIRE DASCETISME M
reconquirent la faveur impériale sous le règne de Lhangi, monté sur le trône en 1669, et
firent élever un monument à la mémoire d'Adam Schall, qu'avait remplacé le Néerlandais
Verbiest. Plusieurs circonstances heureuses augmentèrent la faveur dont jouissaient les
Jésuites, telles furent les leçons que Verbiest donna à Tempereur, les services qu*il ren-
dit aux Chinois par une sorte de canons fort commodes de son invention, et la paix obte-
nue entre les Chinois et les Eusses (1689), par Tentremise du P. Gerbilion. Ainsi le
christianisme gagnait de jour en jour en Chine; malgré le petit nombre de missionnaires,
on y comptait vingt mille Chrétiens. Louis XIV envoja un renfort de six Jésuites, fort
habiles mathématiciens, .et, en 1692, la prédication de l'Evangile fut légalement autorisée
dans le Céleste Empire.
En Amérique, la propagation rapide du christianisme était arrêtée par Tintelligence
bornée des Indiens, dont on mettait parfois en doute les droits et la dignité, malgré les
décisions formelles de Paul III en leur faveur (1537). D'ailleurs les Dominicains, pour
la plupart Espagnols, ne montraient plus le zèle apostolique des anciens missionnaires.
Ces difficultés n'effrayèrent point les Jésuites, animés encore de toute l'ardeur d'un ordre
naissant. Six Jésuites, parmi lesquels le P. Emmanuel Robriga, se rendirent au
Brésil (IStô), apprirent rapidement la langue du pays, et parvinrent à faire embrasser la
doctrine sévère et les mœurs chastes du christianismi» à des peuplades si sauvages et si
féroces, qu'elles mangeaient leurs ennemis et s'abandonnaient aux excès les plus mons-
trueux. En 1550, on érigea l'évôché de Saint*Salvador pour ces nouveaux convertis (1551).
Mais la mission la plus importante des Jésuites fut celle du Paraguay.
Les Espagnols avaient découvert le Paraguay, situé sur les bords de la Plata, en 1516,
ei s'en étaient emparés en 1536. Les premiers essais de conversion avaient été faits sans
succès par les Franciscains (1580-83). Trois Jésuites, qui arrivèrent dans la province de
Tucuman, en 1586, furent plus heureux. D'après l'expérience qu'ils avaient des hommes
et la connaissance de l'histoire, ils résolurent de s 'y prendre comme les missionnaires du
moyen Age à l'égard des peuples germains , en identifiant la conversion de ce peuple
sauvage, avec sa civilisation politique et la culture du pays lui-même, et en formant peu
à peu, des paroisses chrétiennes du Paraguay, un État indépendant. Us en obtinrent
Tautorisation de Philippe III, roi d'Espagne (1610), avec cette clause, qu'ils avaient
demandée, qu'aucun Espagnol ne pourrait, sans le consentement des Jésuites, pénétrer
dans les réductions fondées par l'ordre. Ils formèrent rapidement, de leurs néophytes
dociles, des ouvriers, des artistes, des agriculteurs, des soldats ; ils leur procurèrent des
armes et de l'artillerie pour se défendre contre leurs voisins, et les amenèrent ainsi peu à
peu aux habitudes régulières de la famille et de la vie civile; l'exécution des lois était
confiée à des confréries religieuses. Les Jésuites s'étaient réservé le soin des malades;
leurs connaissances médicales, l'ingénieuse et prudente charité des Pères au milieu des
épidémies fréquentes et dangereuses du pays, leur assurèrent rapidement l'empire des
Ames. Malheureusementcette prospérité fut troublée par les discussions qui s'élevèreùt entre
eux, l'évAque Bernardin de Cardenas (1640) et Jean de Palafox, évéque d'Angélopolis (1647).
On ne leur épargna aucune espèce d'incrimination, et on alla jusqu'à les accuser de n'avoir
cherché autre chose, dans le Paraguay, que des trésors.
Leur mission , dans la province voisine de Cbiquitos, n'était pas moins florissante que
celle du Paraguay. On y déplore encore aujourd'hui la malheureuse expulsion des
Jésuites, qui a certainement arrêté pour des siècles, la civilisation indo-américaine.
UTILITÉ DES ORDRES REUGIEUX.
La grande variété, que nous avons remarquée dans les ordres religieux, n'a pas pour
premier fondement la variété des goûts de la nature humaine; le vrai motif qui a donné
Jiaissance à tant d'instituts si divers, c'est la variété des besoins de l'Église ; et l'on a dit
avec vérité que, pour savoir le nombre des instituts religieux, il fallait compter le nombre
des misères humaines à soulager, soit de l'esprit, soit du corps.
117 DISCOURS PRELIMINAIRE. itS
Après le motif géuéral de se coDsacrer enliàremenl i Diea , au des plus dara-
bles, des plus nobles, des plus saints, qui eicila le zèle d*an plus grand Dombr*
de saintes âmes, c'est celui de la propagation de la foi, de la conversion des
infidèles et des hérétiques : et il faut dire à la louange des communautés d*hommes, qu'il
j en a très-peu qui n*aient participé à celte gloire de la propagation de l'Éfaugile.
Lorsqae l'Eglise était menacée par le croissant, non-seulement elle a trouvé en elle
assez d'énergie pour soutenir les guerres gigantesques des croisades, mais des religieux
militaires se sont créés, à point nommé, afin de mettre une force régulière et permanente
au serriee de l'Église contre ses terribles ennemis, qui étaient aussi les plus dangereux
eonemis de la civilisation.
Quand on entendit des plaintes lointaines de captib chrétiens qui gémissaient dans les
prisons des mahométans, et qui couraient le danger de perdre la Ibi, on vit se fonder les
ordres admirables de la rédemption des captib.
SU y avait quelques lieux, dans l'univers, où les voyageurs, où de pieux pèlerins
couraient quelque péril, on y voyait s'établir un couvent d'hospitaliers, qui étaient la
providence des voyageurs.
Si certains religieux se sont faits mendiants, c'était surtout pour partager la honte du
mendiant involontaire et l'adoucir en la partageant.
Des religieux et religieuses se sont trouvés tout prêts pour servir les malades dans les
bdpilaax, pour recueillir les enfants trouvés, les filles perdues, les filles du repentir ; pour
donner l'instruction gratuitement aux enfants indigents, pour aller servir, è la suite des
■nssioonaires, de l'autre côté des mers, les malades et les ignorants. Chaque infirmité
morale et diaque infirmité corporelle a eu un moine ou une religieuse a son service,
cTesi-è-dire un ange de consolation ; et» chose remarquable, non-seulement des secours
ont été organisés pour les besoins que l'on n'avait jamais eu la pensée de secourir, mais
lorsqu'ils ont eu une concurrence purement civile ou philanthropique, c'est pour constater
la décisive victoire du génie chrétien.
Les bi^iCuls que les ordres religieux ont versée sur le monoe sont infinis. Ils ont été un
des bras de la religion. On peut voir à notre article : Moines f MonasiireSf etc., une esquisse
des bienfaits divera dont la religion, l'humanité, les lettres, les sciences, la civilisation
tout entièra, leur sont redevables.
Hons supposons id ces choses connues, et nous supposons aussi qu'on a une idée
qipioximative du nombre de ces âmes courageuses qui se sont enrôlées dans les
légions d'avant-garde du peuple chrétien; marchant comme une armée immense à traven
^e désert de cette vie, sous la conduite non plus de Moise, mais du Messie, vera la
véritable terre promise. Si du temps de saint Antoine et peu après il fallait compter par
cent mille les habitants du désert, que sera-ce lorsque les enfants du grand Basile, du
grand Augustin, du grand patriardie Benoit, peupleront la terre et sembleront, à eux seuls,
avoir hérité des bénédictions données autrefois i Abraham pour sa postérité ?
Que sera-ce lorsque plus tard encore s'a^oindront les enfants de saint François» de
saint Dominique et ceux de saint Ignace, en qui Dieu semble avoir suscité un courage ^1
à la grandeur de l'hérésie qu'ils ont eue à combattre.
Ces légions infinies d'ascètes, de vierges et de moines, légions innombrables comme
celles de saint Jean dans ses visions, diversifiées selon nos besoins et toujoura à leur
poste ; et cependant, dans cette diversité fondée sur la diversité même des misères de
l'humanité, marchant sans cesse, comme un seul homme, sous un seul commandement,
sons un seul chef. N'est-ce point un vrai prodige dans l'ordre moral T Une parole, une
seule parole tombée des lèvres du saint vieillard qui habite le Vatican fait voler comme
on éclair ces forts bataillons d'un bout de l'univera à l'autre, là où les appelle de nouveaux
besoins de l'Église aflligée ou de l'humanité souffrante.
Voilà le plus beau spectacle qu'on puisse avoir en ce monde ; et en parlant ainsi je n'ou-
Uie pas le sacerdoce chrétien, puisqu'il est lui-même compris dans ce merveilleux tableau.
Nous venons de contempler le combat visible de ces milices saintes, avec les puissances
ennemies de ce monde ; mais combien serait plus ravissant le travail invisil^le de ^ces
lit DICTIONNAIRE D^ASCETISME. ItO
Amcê se répafidfint coplinuellement devant le trône de Dieu en amour^ en adorations, en
action» fie grAces et en amendes honorables pour les péchés des hommes.
Dieu, «0 créant le mondei en formant des êtres intelligents» a droii à leurs hommages
et i )0ur culte : si ce but qu'il s'est proposé cessait un seul instant d'être rempli» Dieu
iQangueraii de motif pour conserver le monde davantage, et le temps des vengeances serait
arrivé^ Maïs heureusement pour le salut de la société» à côté des crimes du siècle il y a
les prières de la solitude; à côté des plaisirs criminels» il y a les pénitences et les macéra-
lions gui s'unjssent à l'hostie vivante et sans tache qui s'offre pour la rémission des péchés.
Sans doute îl y a dans le monde chaque jour» et qui pourra assee en pleurer I des millions
de crimes qui se commettent; mais il y a aussi des millions de victimes s'offrant è Oieu
ppjur le salut de leurs frères, et qui s'immolent sur la croix de Jésus-€hrist pour expier et
leurs iautes et celles du monde corrompu. Le jour a ses saintes occupations» la nuit a ses
saintes veilles. L'adoration, la pénitence et l'expiation ^ont perpétuelles comme l'offense.
Malgré les péchés commis, l'Eglise est encore rassemblée des saints. Le nombre des
saints est encore innombrable dans le sanctuaire» dans les dottres» dans les solitudes»
dans le monde lui-mCme, où t^nt de personnes vivent en union avec Die^ avec d'autant
plus de mérite qu'il leur faut plus de courage pour résister à ses séductions.
Le philosophe superficiel pour qui les intérêts de l'humanité sont bornés par l'horizon
de la vie présente ne comprend pas les intérêts d*un ordre plus élevé... Il n'apprécie les
monastères que par 1-e hieo social et terrestre qu'ils ont produit» que par la part qu'ils ont
prise & l'avancement de«la civilisation. Mais nous» catholiques et hommes de foi, nous
jugeons les choses différemment. Nous sommes loin» bien loin de mépriser ce qui sentîtes
intérêts de ce monde; nous savons que chaque homme doit payer sa dette terrestre par
son travail en passant ici-bas; mais cela ne nous fait pas oublier que les droits de Diea
passent avant ceux des hommes et ceux delà civilisation, et bien loin que ces iatéràta
soient au fond incompatibles» bous <^royon5 que l'on ne sert jamais mieux les intérêts de
la terre que lorsqu'on lest en paix avec le ciel; car 'tous \^ succès durables sont dans les
mains de celte Providence qu'on y adore et qui n'oublie jamais ce qu'on fait pour elle.
Il suffirait, pour faire un éloge com^riet des ordres religieux» el en même temps pour
en faire f histoire «abrégée» de rapporter la série des grands noms qu'ils fournissent. Le
plus grand nombre des maints dont «^honore le christianisme» Tétat monastique les re-
vendique. Parmi les noms glorieux que fournit l'histoire voilà les plus beaux ;> la gloire
h plus pure est sans doute la plus sainte.
Si saint Antoine, saint Hilarion» saint Pacôme, etc., ont été les patriarches de la vie
monastique, saint ^Rasile, sefint (Augustin et saint Benoit en ont été les législateurs.
Nous ne 'voulons pas donner tin sens exagéré à ce mot de législateurs. Nous l'avons vu
déjè, la lé^^ktion fondamentale des ordres religieux se trouve dans l'Evangile et son
application dans ^la vie de Jésus-Christ.
Toutes les constitotions monastiques n'ajoutent à ce qui se trouve dans l'Evangile et
dans Ja vie de Jésus-Christ que quelques règlements spéciaux qui déterminent le temps
et la manière du travail et de la^ prière» par le bon ordre et la discipline de la vie de
communauté. Sous ce point de vue on peut dire que toutes les règles de religions ont
beaucouj),plus de ressemblance que de différence: elles sont les mêmes. Les similitudes
sont dans le Tond» dans les choses essentielles : les différences à la superGcie ou dans
quelque but spécial que poursuivent les différents ordres dans leurs occupations exté«
rieures et dans leurs rapports avec le prochain.
Malgré ces réserves cependant tl reste encore une grande part de gioire à saint Basile»
à saint Augustin et à saint Benott. Ces grands hommes avaient prévu presque toutes les
difficultés de détail et y jBvaient remédié. Leurs travaux ont fourni la matière do toutes
les fondations postérieures.
A la suite de ces grands fondateurs d'ordres, quelle série d'honwnes extraordinaires par
la sainteté de leur vie el le parfum de bons exemples qu'ils ont laissé» par les ouvra-
gés qu'ils ont écrits» où respire l'esprit de Dieut {Yoy. le Catalogue à la On du t. H;)
Saint Martin, Cassien, saint "Vincent de Lérins, saint Colomban, le Vénérable Bède» saint
Ml DISCOURS PREUMINÂIRE. I2i
BoDîfâce, ap6tre de rAUeniagne, Alcuio, saint Fraoçois d*Assîse, saint Dominique, saint
BoMTeoture, saint Thomas, l'autear de r/mt/a/ion, saint Ignace, sainte Thérèse, saint
François de Sales, voilà de quoi gioriGer l'ordre moiiasltque, et tous ces noms sont des
étoiles brillantes qui forment le centre de grandes et magniGques constellations qui peu-
plent'le ciel et que personnes ne peut compter, tant elles sont nombreuses aussi bien que
Tariées dans leur éclat.
L'ASCÉTISME JUSTIFIÉ
Le mooachisme tout entier est un fruit et un développement naturel de Tascétisme ou
dtt désir de la perfection ; mais Fascétisme, c'est-à-dire la pratique des conseils évangé-
iiqôes D*est pas renfermé dans les limites des monastères : on le trouve non -seulement
dans le sanctuaire, mais encore au milieu du monde. Le clergé, Tordre sacerdotal surtout,
est voué à une perfection plus haute que le commun des fidèles. Il appartient à Dieu par
un contrat spécial, dont les clauses principales sont les vœux de chasteté, celui de la
prière pour le peuple chrétien, avec la promesse d'obéissance. Et si on mesure la perfec-
tion de ces observances avec la difQcullé de les remplir au milieu du monde, on sera
étonné que le clergé catholique puisse se conserver aussi digne et aussi zélé qu'on peut
Tadmirer dans tout l'univers catholique. Nous pouvons bien faire la part de la faible hu-
manité, sans craindre de diminuer Testime que commande l'attitude du clergé au milieu
des populations. On a pu admirer sa prudence au milieu des commotions politiques de
l'Europe : mais la sainteté de sa vie et la pureté de ses mœurs, au milieu des séductions
du monde, sont aussi merveilleuses que le fait des trois jeunes hommes jetés dans la four-
naise ardente sans en être consumés.
11 est elair que c'est l'esprit de contemplation, l'union avec Dieu, une naoitude de voir
et de juger les choses de ce monde au point de vue de l'autre monde, qui produit ces ad-
miratries effets dans le clergé catholique. Aussi que de saints Pontifes, que de saints prêtres
depuis les apAtres jusqu'à saint Vincent de Paul et jusqu'à nos jours, ont donné au monde
l'exemple d'une vie consommée dans la vertu, et toute dévouée au salut des Ames et à la
bien&isance chrétienne 1
Ne craignons pas, malgré la corruption du siècle, d'jr jeter un regard attentif pour y
démêler un grand nombre d'Ames justes, dans les villes i*t dans les campagnes, adorateurs
en esprit et en vérité; elles touchent la corruption sans être souillées, et si le péché leur
a lait de profondes blessures, elles les ont lavées dans les eaux salutaires de la pénitence;
elles continuent tous les jours leur vie pénitente, en supportant avec courage et résigna-
tion les travaux et les contradictions de la vie présente.
Nous avons vu, dans la primitive Eglise, des vierges chrétiennes qui pratiquaient la
chasteté sans sortir du monde. Le tiers ordre de Saint-François avait enrôlé un très-grand
nombre de personnes séculières qui vivaient dans leur famille comme dans les clottres.
Sainte Elisabeth de Hongrie appartenait au tiers ordre de Saint-François.
Plusieurs ordres ont eu des affiliations dans le monde et enseignaient aux Chrétiens à
trouver les douceurs de la solitude au milieu de l'agitation du siècle.
Ainsi, dans tous les temps, l'esprit de Dieu agissant dans ces Ames vertueuses est le
même; il les pousse à la contemplation des choses divines, et pour s'y élever plus sûre*
ment, on donne un frein à la chair et aux sens, on cherche la solitude et le silence, on
mène une vie pénitente et modeste, voilà les caractères étemels de la vraie piété et le seul
chemin de la perfection. Que l'on vive dans un cloître, ou dans le sanctuaire, ou dans le
monde, la mortification des sens et le recueillement intérieursont la base de la solide vertu.
Les mœurs divers et les temps différents ne changent pas le fond des choses, parce que les
deux termes dont la pratique de la vertu est l'objet, restant immuables, c'est un Dieu
offensé et tout-puissant, d'une part, et une créature coupable, ingrate, et cependant tou-
jours prête à retourner à ses infidélités, de l'autre. Voilà ce qu'ont compris les patriarches
qui marchaient sans cesse dans la présence du Seigneur; les prophètes, qui vivaient dans
la retraite; les solitaires, dans leurs déserts ; les moines, dans leurs couvents; et tous les
justes }|ui, au milieu du monde, usaient du monde comme n'en usant pas.
125 DICTIONNAIRE D*ASGET1SME. 124
A côté de rascétisme orthodoxe et saint, on peut remarquer dans la suite de l'histoire,
un ascétisme faux et erroné, un mysticisme de faux aloî,dont la racine est l'orgueil d*abord
et un désir violent de se distinguer des autres par des pratiques extraordinaires; ensuite,
la corruption qui quelquefois trou? e son compte, dans ses calculs diaboliques, à prendre
un air dévot pour trouver des complices ou des victimes.
U j a eu les faux prophètes à côté des prophètes inspirés de Dieu|; ils affectaient aussi
un air austère.
Dans les sectes juives que nops avons eu occasion d'admirer, les réchabiu$, les théro'
peuUs et les essénienSf il y avait aussi le côté exagéré. Nous avons vu quelques principes
faux qui devaient donner naissance à ces vices qui se personnifient surtout dans la secte des
Pharisiens.
Nous pourrions, en traversant tous les siècles, trouver çii et là des esprits exagérés ou
des hérétiques formels, comme les gnostiquis, les montanisies^ les manichéens^ les albigeois^
les fratricilles^ les flagellants j les beghards^ les quiitistes^ les illuminés^ etc., etc. (Foy. ces
mots.) Dans ces derniers temps nous avons vu les théophilantropes, les disciples de
Vintras, etc.
Hais, depuis l'hérésie de Lumer, il n'est plus possible de compter les sectes qui pullu-
lent au fond de ce gouffre d'erreurs; sectes qui, la plupart, ont senti le besoin de revenir
à un culte plus empreint de piété que celui que leur faisait l'hérésie. Hais, séparés de
l'unité, au lieu de revenir au vrai culte consacré par la tradition de seize siècles, ils retom-
bent dans de déplorables extravagances. Demandons à Dieu que l'heure du retour sonne
bientôt. A quelques signes on pourrait conjecturer que ce moment approche.
Nous n'avons que faire de remuer cette poussière d'hérésie, qui ne peut jeter un grand
jour sur la pieuse matière que nous traitons. Laissons là ces coupables tentatives de l'orgueil
et de la corruption, qui ressemblent à la vraie piété bien moins que le singe ressemble h
l'homme. Au fond, cependant, la comparaison est assez juste, car ces faux mystiques
n'ont pas l'Ame de la piété; ainsi, c'est l'Ame qui manque des deux côtés.
Cependant les temps modernes nous ont fourni deux exemples d'un mysticisme fort dan-
gereux pour l'entraînement des Ames naturellement austères et aimant la piété; c*est le
molinosisme et le jansénisme. L'un étalait des principes d'une pureté et d'une perfection
apparente si séduisante, que plus on sentait dans son cœur de penchant aune haute vertu
plus on était facilement entraîné à suivre ces maximes. {Yoy. Holinosisme, QuiiTUME.)
Quoi de plus sublime, en apparence, que de dire que la perfection chrétienne consiste
dans la tranquillité de l'Ame, dans le renoncement des choses extérieures et temporelles,
dans le silence absolu imposé à tous les mouvements de l'esprit et de la volonté. Voici
le serpent caché sous cette spiritualité si rafinée; c'est que tandis que l'on supposait Tes*
prit tout absorbé en Dieu, la partie inférieure, c'est-à-dire le sens,'pouTait être livrée aux
dérèglements, pourvu que la partie supérieure se tint en repos en Dieu.
Les jansénistes sont les montanistes du xvii* siècle, sévères, exagérés, subtils et in-
soumis comme eux|; dans ces deux époques, dans ces deux siècles on voit de grands noms,
de nobles vertus. Il ne manque qu'une chose à ces deux branches si fortes en apparence,
c'est d'être attachées au tronc vital, c'est de tenir à la racine de l'Eglise, qui seule peut
communiquer la vie, la durée et le mérite. Par leur résistance, ces deux branches qui
paraissent couvertes non-seulement d'un beau feuillage mais de bons fruits, on les a vues se
dessécher comme des branches mortes. La vraie piété, la perfection ne peut exister que
dans le corps mystique de Jésus-Christ : — Ut sint consummati in tititim. — Nous observons
ici que ce qui est vrai pour les sectes l'est pour les particuliers. 11 faut se défier des dévo-
tions particulières extraordinaires : la règle est que les fidèles qui veulent se perfectionner
doivent suivre la direction de celui qui s'est chargé de leur conscience. 11 est pour elle la
voix de l'Ëglise; si en se trompant il nous trompe, il est seul responsable de ses erreurs,
du moment où l'Ame qui s'est volontairement confiée à sa garde a mis toute la bonne foi
possible dans ce discernement.
tu DISCOURS PREUMINAIRE. 126
Qa*j a-t-fl au monde de plus inoffeDsif et en même temps de plus utile qu'un Chrétien
fenreni priant Dieu pour lui et pour son prochain, dans un cloître ou au milieu du monde,
toujours prêt à Atreutile selon son pouvoir, maître de ses passions, se contentant de peu,
oubliant les injures et ne cherchant que la paix ? 11 semble que ces sortes de personnes
devraient être en tout temps un sujet d'admiration. Il n'en est rien cependant : la seule vue du
juste est une accusation contre le pécheur, sa présence le condamne. Voilà le secret de la
baine dont il est l'objet.
Depuis trois siècles le génie du mal, l'antique ennemi qui rôde^sans cesse autour de l'E-
l^lse pour ISûre une bràche au bercail, a fait consister sa tactique à abaisser le christianisme
an nifeau des de?oirs généraux de la loi naturelle.
Le premier acte d'hostilité de cette guerre, dont le dernier combat n'est pas encore li? ré^
quoiqu'elle dure depuis trois siècles, a été une admiration exagérée pour l'antiquité païenne*
Mien ne paraissait plus innocent d'abord ; on ne songeait qu'à l'éclat d'une littérature har-
monieuse et aux formes magiques des arts. On a poussé cette fièvre d'admiration jusqu'à
méconnaître les incomparables chels-d'œu?re daus tous les genres dont le génie du chris-
tiamsme, longtemps arrêté par la chute des empires et le sac des barbares, commençait
seulement depuis une période assez courte à doter le monde chrétien. Ce n*est qu'au
bout de trois siècles d'ingratitude qu'on commence à être juste*
Ce que nous roulons signaler dans cette guerre gigantesque contre l'Eglise et contre
l'esprit de l'Evangile, c'est que l'enthousiasme pour le paganisme a été contemporain de
la haine contre les monastères et la politique de la perfection érangélique.
Le cAté rationnel, en apparence, de cet argument contre le christianisme, tel qu'il était
entendu par nos pères du moyen Age, était que les conséquences extrêmes du principe de
renoncement et de mépris des choses du monde conduisait directement à arrêter le mou-
fement aseensionnel de la cirilisationdans ses développements les plus brillants. Nous ne
nous écartons pas de notre sujet : nous sommes au cœur même du sujet.
Connaissez-vous une institution qui ait été attaquée avec plus d'acharnement que la vie
céoobitique depuis cette époque. On a prétendu lui faire son procès au nom do tous les
intérêts et au nom de tous les droits. On criait à la violation de la liberté individuelle; à la
sauvage et inatile cruauté des macérations; à l'insulte faite à la Providence, qui convie
tous les hommes à jouir sans réserve des biens matériels qu'il répand sur nous ; au déplo-
rable larcin que le célibat fait à la société en diminuant le nombre des citoyens; aux
charges exborbitantes que les ordres mendiants imposent inutilement à la société. Quel
thème fertile, en discours et en livres éloquents, depuis Luther jusqu'à' Eugène Suel
Patience, Messieurs I Dieu ne semble pas se presser, mais il sait bien se donner raison. Et
id Dieu s'est si bien donné raison, que nous n'avons plus rien à ajouter pour défendre sa
cause. Oui, la Providence a donné de nos jours trois grandes réponses qui réduisent à
néant et les faux politiques et les faux philosophes qui , depuis le xvi* siècle , ont
déclamé contre les ordres religieux. Aux politiques. Dieu a répondu par deux plaies : celle
du paupérisme, et celle de l'effrayante exutiérance de population dans les pays qui ont
remplacé exclusivement les monastères par les usines, qui ont fait jeter des cris de
détresse aux plus fameux docteurs, et qui ont réclamé le célibat forcé au nom de la loi.
Aux philosophes il a donné un démenti plus éclatant et plus humiliant encore. Il a répondu
par ce hideux déchaînement socialiste de 18^8. Que pensent-ils aujourd'hui des droits de
l'homme et de la société violés dans un moine qui ne se plaint jamais et qui console sou-
vent, en face de ces socialistes, qui sont leurs enfants , et qui prétendent avoir trouvé le
droit du pillage et du massacre?
M. Chassay a victorieusement répondu aux attaques des principaux philosophes de
notre temps, qui ont voulu flétrir la vie monastique. On peut consulter son eicelleni
ouvrage du Mysticisme eaiholique. Un des plus sérieux adversaires du mysticisme catho-
lique est 11. Jouffroy dont nous allons relever quelques assertions. En lui répon-
dant, nous répondons à tous. La vie monastique blesse profondément lés tendances
sensualistes de sa philosophie, la religion chrétienne est trop .spiritualiste pour lui; il
ii7 DICTIONNAIRE D*ÂSCET1SM£. Ii8
ne manque pas d*en faire un chef d'accusation. Le spiritualisme exalté du christianisme
naissant^ dit-il, tournant au mépris de la terre et au désir du ciel. Nous acceptons le
reproche.
Les communautés reh'gieuses sont peuplées d*Ames courageuses* qui ne tiennent aux
biens de la terre que par les liens de la stricte nécessité. Laissez-les] donc, je vous prie,
dans cette simplicité de goûts. La soif des biens est inextinguible dans ie monde, Jamais
i*appétit des richesses ne s'est traduit en menaces aussi formidables contre les pro-
priétaires. Les passions aspirent aux jouissances, non plus par le trayail mais par la
spoliation, et tous voulez fermer la seule soupape de sûreté qui vous reste peul-^tre.
Hélas 1 il n'y a pas assez de biens pour tous. Laissez donc des Chrétiens modestes vivre
sans bruit dans un coin de terre, se contentant d'un morceau de pain noir et de légumes:
la part des gens du monde en sera meilleure. Le superflu, s*ils en avaient, passera aux
malheureux. N'entendez-vous pas les plaintes de quelques économistes qui vous me-
nar^nt d'un excès de populations et des fléaux qui viennent à sa suite ; ces craintes
n'ont rien perdu avec le temps de leur caractère sérieux. Le mysticisme, (fDinme vous
dites, vaut bien la corruption et la débauche pour mettre un frein a l'exubérance de la
population.
\Le plus grand développement mystique que notis connaissions a eu lieu dans les temp$
qui ont suivi la naissance du christianisme^ et vous savez dans quel état se trouvait le
monde à celte époque. Le scepticisme le plus complet de philosophie s'unissait, dans la
décadence de l'empire romain, à la corruption la plus profonde en morale et à la tyrannie
la plus dégradante en politique : la vérité^ la vertu^ la liberté^ ne s&nblaieni plus que des
mots, et tout paraissait se réunir pour décourager, rhomme de tout effort, pour lui en dé-
jncnt^er l'inutilité. A quoi bon, si la vérité est introuvable, la chercher? Si tout est indiffé-
rai, agir d'une manière plutôt que d'une autre ? A quoi bon même agir, si des siècles
d'héroïsme et de victoires ne conduisent une société qu'à vivre malheureuse et sans glotrCf
soius des oppresseurs inAéciles où sanguinaires? Voilà ce que semblait dire aux hommee la
grande époque dont nous parlons et sous quel aspect elle tendait à faire envisager la destinée
humaine. D'un autre côté l'inondation des barbares grondait aux portes de l'empire, et la
menace de cette fatale et inévitable calamité parlait peut-être encore plus haut de la vanité
4e$ choses d'ici-bas et de l'impuissance humaine, que la voix du passé et le spectacle du
présent. Ajoutejs le spiritualisme exalté du christianisme, qui tournait au mépris de la
terre et au désir du ciel, des âmes que tout concourait déjà à pousser dans cette direction ,
,et vous comprendrez que jamais circonstances, ne furent plus favorables au développement de
cette doctrine (60).
Nous ne sommes pas loin d'accepter cette interprétation, nous faisons nos réser*
Tes sur ce qu'il y a d'absolu dans l'esprit de l'auteur sur la puissance de ces causes ;
car le christianisme porte en lui-même, indépendamment de l'esprit et de l'état de chaque
siècle, des motifs permanents qui appellent certaines Ames orivilégiées à la vie contem-
plative, à la séparation du mon jh.
Du reste peu s'en faut que cette éloquente peinture, de la décrépitude de l'empire
romain ne soit applicable à notre époque. Heureusement il y manque encore bien des
traits pour une ressemblance parfaite. Mais qui nous dit que nous « saurons nous
arrêter sur cette pente ou nous glissons. Qu'il est sombre l'aspect de notre société (61),
et que nos douleurs sont déchirantes 1 et vous arrêtez ceux que les scandales de noire
çorruptiofii affligent et dégoûtent et qui voudraient s'enfoncer dans la solitude pour
servir Dieu et prier pour leurs frères égarés. Tel est l'esprit libéral de notre temps,
qu'on refuse cette dernière consolation à ceux qui la réclament.
Cet immense entraînement, ajoute notre auteur, faillit détourner cette grande religion de
son véritable esprit et l'absorber dans un ascétisme impuissant.
On peut se rassurer : Tesprit de Dieu gouverne son Eglise sur la terre. Par le principe
même de la liberté humaine, on a pu voir quelques communautés religieuses s'éloigner
f60| Cours de droit naturel, 1. 1*'.
(61) Ceci a été écrit avant le 2 décembre.
1Î9 DISCOURS FREUMINAIRE. 130
du 7érilable esprit qui devait les aDÎmer ; mais le christianisme aura toujours assez de
jeunesse et de rigueur ponr recruter cette milice d*élites des communautés religieuses»
a?aDt-garde de TEglise militante, prête à tous les dévouements, à toutes les souffrances pour
Uea et pour leurs semblables.
Oo peut se rassurer surtout de la crainte de voir la religion chrétienne a aucune époque
pousser les générations en masses vers la vie purement contemplative.
Joollroj oe pouvait pas se douter que le régime chrétien a deux parties, les préceptes
et les conseils.
Il 7 a les préceptes positifs, absolus, le décalogue : c'est-à-dire des lois générales; et il
e2»t de ressence de toute loi véritable d*étre générale et absolue. H y a ensuite les conseils,
comme lorsque Jésus-Christ dit à un jeune homme : Vendez votre bien et donnez-le anx
pauvres; conseils qui n'obligent personne précisément, parce qu'ils invitent aune perfection
morale, qui n'est faite que pour quelques âmes d'élite. L'héroïsme de la vertu n est pas si
vulgaire qu'on doive craindre que le genre humain périsse par cet endroit.
La masse du genre humain est appelée par la religidb à mener la vie active du travail
des mains, à manger son pain h la sueur de son front, et cette vie l'Eglise l'hoûore el
Tencourage.
Jouffroj a en une incroyable distraction lorsqu'il a dit : Le dogme mystique attire à lui
rawuneparune nécessité invincible^ ou le dogme du maniehéismet ou le dogme dupéchéf la chute
de rhomme (62).
te dogme mystique , singulière expression qui accuse les notions superficielles de Tauteur
sur cette matière , attire à lui le dogme du manichéisme. Hais l'Eglise a-t-elle été mani-
chéenne quelque part? N'a-t-elle pas condamné cette erreur dans plusieurs conciles?
A-t-elIe toléré cette doctrine monstrueuse dans les cénobites qui suivaient son esprit 7
Suns doute les moines étaient manichéens, parce qu'ils croyaient au démon ^ principe
du mal qui séduisit Eve et qui s'efforce de détourner rhomme de cette patiente soumission
et de Fattirer dans les voies insensées de Tactivité mondaine.
Remarquez que la croyance aux mauvais esprits nous est donnée ici comme une croyance
particulière aux moines el non comme un dogme de l'Eglise universelle ; première erreur.
Cette croyance des anges déchus est prise pour le manichéisme ; seconde erreur plus
grossière que la première. Les enfants savent qu'il n'y a aux yeux des Chrétiens qu'un
seul être nécessaire , seul principe de toutes choses, qui permet au démon , ange déchu ,
de tenter les hommes, mais qui ne souffre jamais qu'il entame la liberté humaine*
Toute cette leçon brille d'aper^s de cette justesse et de parfaite connaissance de son
sqjel.
Par une bizarre contradiction , dit le même auteur, ces idées coexistent avec la doctrine
tout opposée de répreuve , qui est la vraie doctrine du christianisme sur cette vie , celle par
laquelle il a exercé sur Vhumanité une influence sî puissante et si utile , et opéré en morale
si heureuse et si magnifique révolution,
sommes heureux enfin d'entendre une appréciation juste dans cette longue et fts-
tidieuse leçon. Oui, la doctrine de l'épreuve est à la base du christianisme , parce qu'elle
suppose la réhabilitation comme la suite nécessaire d'une chute primitive ; oui, la rengioo
chrétienne a exercé par là une heureuse influence sur le genre humain, parce que seule elle
a bien jugé le cœur de l'homme et saisi la maladiequ'elle était appelée à guérir. Cet aperçu
aurait dû Tavertir qu'il pouvait bien tomber à faux datis ses critiques précédentes , et
qu'il n'y avait pas contradiction entre le manichéisme et l'idée de Tépreuve, attendu qu*il
n'y a pas de manichéisme : il n'y en a pas non pins avec le dogme du péché originel.
Etrange distraction de l'auteur I s'il y a eu chute primitive, cela n'appelle-t-il pas naturelle-
ment répreuve de la réhabilitation ? Je m'empare de cette idée d'épreuve que Jouffroy
admet dans son système, du moins en principe , car chez lui elle n*influe pas la réalité de
(S2) thoit uaiur.^ 1. 1'', p. 148.
151 DICTIONNAIRE D'ASCETISIfE. »i
la yle; je m*en eiiipare,^dis-je» et avec cette idée je le forcerai k admettre un spiritualisme
plus franc que le sien.
L*épreuve suppose le provisoire et s'achemine vers le définitif, comme ]*exil appelle la
patrie. A ce point de vue le monde se rapetisse et la TÎe n*a de grandeur que par Té-
preuye bien supportée , parce qu'elle établit ou fortifie nos droits à la possession de la
chose qui est le but final de répreuve.
Ne plaisantez donc plus les*cénobites qui éteignaient les appétits de la chair et fermaient
ainsi Fun des chemins par lesquels les choses extérieures nous tenieni et nous aitireni plus
puissamment.
On pourrait rappeler ici à l'auteur les immenses services qu'ont rendus les ordres reli-
gieux , et lui prouver que cette portion si intéressante de la famille chrétienne n'est pas
une pièce inutile au monde, même sous le rapport de la civilisation. Hais Jouffroy a jugé
les ordres religieux avec les plus mauvais préjugés de son temps , et son travail n'est
qu'un tissus de bévues et de fausses allégations; je ne crainspasmême d'avancer qu'il n est
pas assez sérieusement préparé pour motiver la critique que j'en ai faite. J'ai voulu seu-
lement montrer comment, avec beaucoup de talent et d'esprit, un philosophe savait estro-
pier un sQjet et se moquer de ses auditeurs.
M. Thiers, autrefois si rude adversaire des ordres religieux, a senti la rigueur de ses
préjugés se détendre. Le monde mieux compris , l'expérience des événements et de l'âge
lui ont découvert déjà bien des côtés avantageux dans la vie du cloître ; op le trouvera
cependant encore plus éloquent que théologien. Ecoutons-le signalant un des bienfaits
du cloître, qui h nos yeux n'est point le principal.
« Le christianisme saisit au passage ce désespéré qui allait attenter à sa vie , arrête son
bras, l'emmène , le conduit dans la solitude , l'arrache h cette vie agitée des cités , à ces
sensations infinies , tour à tour délicieuses ou poignantes , qui le troublaient sans cesse ;
l'enferme dans ces cloîtres silencieux et tristes , où , dans un espace étroit , entre les qua-
tre faces d'un portique uniforme , il se le vera , priera , travaillera, tous les jours aux mêmes
heures ; n'entendra que la cloche du couvent , n'aura d'autre événement que le lever et le
coucher du soleil, et sentira son ardeur s'éteindre dans la sublime et douce uniformité
de la prière , remède puissant et unique contre Tagitation morale , capable de calmer
jusqu'à l'âme tendre et passionnée d'Héioîse et de la Vallière (63). »
Je termine par cette réflexion : Jamais on n'a mieux compris que de nos jours que le
bonheur n'est point fait pour la terre que nous habitons. Le mécontentement des masses
semble croître et s'aigrir de plus en plus à mesure que la civilisation étale de plus éton-
nantes merveilles et de plus abondantes richesses. Il^doit $tre clair pour tout le monde
que nous aurons toujours, comme le dit l'Evangile, des pauvres parmi nous, et que la
satisfaction des sens , le calme même de l'esprit n'est point le but de la vie. Ceux donc
qui jugeraient la vie monastiquaau point de vue des privations qu'elle impose, et qui la
condamneraient parce qu'elle refuse à l'homme les jouissances auxquelles il peut et doit
prétendre en ce monde, feraient preuve d'un esprit très-étroit. Ceux-là ne comprendraient
guère, d'abord la diversité des vocations, des goûts qui sont dans le cœur de l'homme et
que l'Evangile a si bien discernés , ni les charmes secrets que la grâce et l'amour de Dieu
savent répandre sur les habitudes calmes, et presque toujours bienfaisantes et utiles au
prochain , des personnes qui se séparent du monde à la voix de la religion. Voilà ce que
Jouffroy a été loin de comprendre , nous ne l'en féliciterons pa^ , ni tous ceux qui ont
partagé ses sentiments. (Voy. Mtsticisiie, Théologie mystique Asc&tbs, Moines et
MONASTiRES.}
C'est peut-être trop nous occuper des ennemis de la vie contemplative dans un ouvrage
comme celui-ci. Qu'avons nous besoin de nous troubler pour ces serviteursde Dieu e(|denous
tnquiéteiidu jugement qu'en portent les impies. Puisqulls ne craignentrien pour eux-mêmes
et que leur confiance est en|Dieu, ajous nous-mêmes cette confiance dans cette douce pro*
(63) De la propriété.
131 DISCOURS PREUMlNAIfiE. 134
Tidenee qui a des miséricordes el des longanimités infinies même poar les méchants :
Defons-noos craindre qu'elle oublie de protéger ses amis T
Ce qui nous préoccupe darantage ce sont ces préjugés dont nous ayons déjà dit un
mot* que les gens de bien eux-mêmes ont conseryés contre tout ce ^ui se rapporte au
mysticisme.
An début de ce discours, nous a?ons posé des principes certains et clairs que nous
ne répéteras pas ici, et que nous supposons incontestables et acceptés. Toutefois, il
n*est pas hors de propos d'entrer dans quelques détails, et de nous appuyer sur quelques
aolôrités, afin de faire tomber le dernier nuage de» préjugés, s'il pouvait encore en
rester.
Les uns Tondraient qu'on s'en tint à une vie régulière, mais commune, qui ne se dis-
tingue en rien des Chrétiens irréprochables qui vivent dans le monde. Tout ce qui dé-
passe ce niveau, ils le regardent ou comme superflu ou comme dangereux et sujet à iliu-
s ion* ou nourrissant l'orgueil ou poussant sur le penchant des excentricités et des extra-
vagances.
Cette considération a un côté séduisant, puisqu'on effet on peut supposer une personne
très-parfaite tout en vivant de la vie commune. Il n'est pas même rare de voir des per-
sonnes du monde conserver une Ame bien pure et un cœur très-innocent, qui cependant
ne font à Textérieur que ce que font les Chrétiens tièdes qui les entourent. Ils observent
rigonreusement les commandements de Dieu et de l'Eglise et ne vont pas au delà. Us ne
savent ce que c'est qu'oraison mentale ; ils ne pratiquent que les jeûnes commandés par
TEglise, ne connaissent ni contemplation, ni extase, ni pénitence extraordinaire. Ils
prennent part même aux plaisirs innocents que Ton se donne dans leur condition ; mais,
du reste, ils sont bons, pacifiques et justes avec le prochain, patients dans les adversités,
craignant f:mndement le péché mortel. Certes, il serait à souhaiter, nous dira-t-on, que
le monde fût peuplé de pareils Chrétiens i ainsi soit-ii, disons-nous à notre tour. La terre
serait un Sden ; mais cela n'est pas ainsi, et nous avons la douloureuse certitude qu'il n'en
sera jamais ainsi. Le mot de Jésus-Christ sera toujours vrai : Fdr mundo a seandalii.
Nous avons, certes, confiance que Dieu saura trouver ses prédestinés, et nous aimons
i espérer, puisque l'Eglise ne nous le défend pas, que le grand nombre sera sauvé. Mais
il est évident que pour cela il faut compter, d'une part, sur ceux qui meurent avant l'Age
de raison, et, d'autre part, sur ceux qui se convertissent à l'article de la mort ; nous
sommes persuadés qu'il y a de grands trésors de miséricorde répandus sur les mourants.
Ces considérations n'empêchent pas d'accepter ce que nous voyons de nos yeux , que
le monde est une masse de corruption. Les justes y sont des exceptions; les prévarica-
teurs y triomphent; la veriu y est non-seulement rare, mais persécutée; on y tend des
emt>ûcfaes à l'innocence; tout y est pièges pour elle, et il faut une force presque surhu-
maine pour se conserver, je ne dis pas entièrement pur, mais exempt des péchés graves,
an milieu de l'entraînement général.
Nous tirons de Ik cette conclusion : que celai qui, vivant au milieu d'un monde aussi
séducteur, sera presque certainement entraîné par le courant, s'il ne prend quelques pré-
cautions au delà de celles qui sont rigoureusement exigées.
0 Ciut éloigner le combustible du foyer argent si on ne veut pas qu'il s'enflamme. Il
iant même quelquefois, selon la parole de Jésus-Christ qui se rapporte directement i
notre objet, jeter son pied et sa main, et même son œil s'il nous scandalise ; c*est4i-dire
qu'il faut d'une manière on d'une autre rompre avec le monde, il faut le haïr et le fuir,
smt que l'on consomme cette séparation comme les cénobites, en cherchant la solitude,
soit que, restant dans le siècle, on tranche nettement avec le monde par une conduite
opposée à la sienne. Et nous disons que les précautions ordinaires ne suffisent pas ; il
dut avoir recours à quelques précautions, à quelques œuvres de surérogation ; et c'est
dans ce sens que quelques spirituels ont dit que dans certains cas les conseils évan'gé-
liques deviennent des préceptes; et c'est le commentaire naturel et exact des paroles de
Jésus-Christ : Sivotrtmil voui seandalistt arroehez-Uf etc
135 DICTIONNAIRE D ASCETISME. 156
Nous admettons volontiers lapéAexion de Gudescarty qui est aussi celle des maîtres de
la vie spirituelle.
11 dit à la fin de la ViQ de saint fionaventure, que la perfection de la vie chrétienne con-
siste à bien faire chacune de ses actions.
Mais nous ajoutons : Qui peut se flatter de bien faire toutes ses actions en vue de Dieu,
s'il a la prétention Je rester perpétuellement sur les frontières du péché mortel. Pocfssé
a riniquité par tout c6 qui Tentoure, s'il ne prend pas certaines résolutions hénoiques,
certains remèdes plus forts et plus efficaces contre le péché, soit dans les mortîGcations,
Soit dans les prièrres et Toraison; il tombera.
D'ailleurs, concevez-vous que celui qui est arrivé à bien faire chacune de ses actions,
y soit parvenu sans avoir arraché de son cœur l'affection au péché véniel, non qu'il ne
tombe souvent encore dans les fautes légères; mais nous concevons que de bien faire'
chacune de ses actions, c'est une si grande perfection, un si haut degré de sainteté^ qu'il
vous parafa impossible d'y parvenir avec l'affection au péché véniel, et disons-le aussi,
sans pratiquer plus ou moins quelques-uns des conseils évangéliques.
Celui qui en est venu à cette perfection, y est arrivé au prix de bien des victoires sur
ies passions; il vit maintenant en union bien intime avec Dieu, et il nous est trop difficile
de croire qu'il marchande avec son Dieu, si bien servi, le strict nécessaire de la loi.
Ainsi, pour conclure, les propositions suivantes sont certaines sans s'exclure : il y a
beaucoup de personnes vertueuses dans le monde.
Il est possible de vivre très-saintement, et, dans la réalité, les saints n'aiment point le
monde et le fuient autant qu'ils peuvent. On peut faire relativement assez bien chacune
Je ses actions, et être peu avancé dans le chemin de la perfection, comparativement aux
saints, et même aux personnes avancées dans la perfection.
Mais à Dieu ne plaise que nous paraissions hésiter dans la défense des conseils évan-
géliques, et qu'on pense que nous ayons besoin de longs discours pour les sauvegarder.
Ils subsistent par eux-mêmes, depuis que Jésus-Christ les a formulés dans ses divines
maximes, depuis qu'il les a. mis si saintement en œuvre dans sa vie.
Outre les préceptes de la vie commune, il a fait un appel à tous les cœurs généreux,
aux âmes d'élite de tous les siècles et de tous les climats, pour les appeler à une perfec-
tion plus haute, à un renoncement plus parfait, à un genre de vie plus spirituel.
C^est une marque de divinité de la religion chrétienne, qu'elle fasse un appel à une si
haute perfection. •
C'en est encore une plus grande que tant de millier^ d'&raes aient répondu généreuse-
ment à cet appel d'en haut. Quelques lambeaux de vertus, qui sortaient de la voie com-
mune chez les païens, vertus imparfaites encore, ont jeté un vif éclat sous la plume bril-
lante de leurs historiens; mais ces' vertus, infiniment plus pures, plus solides et plus mo-
destes, sont devenues, pour ainsi dire, communes chez les Chrétiens, et on les admire à peine.
O religion de Jésus-Christ 1 vous seule avez compris la perfection véritable ; vous seule
avez les modèles accomplis et d'admirables imitateurs. Oui, c'est l'éternel honneur du
genre humain que le génie sanctificateur du christianisme ait pu élever si haut certaines
Ames. Imaginez-vous quelque chose de plus sublime qu'un saint Paul, qu'un saint Louis,
]u'une sainte Thérèse, etc.
Mais comment ne pas craindre, nous dira-l-ôn, les excès de l'illuminisme, qui ont fati-
gué si souvent l'Eglise, et qui fournit une si ample matière à lâ risée des incrédules?
A cette crainte nous répondons par celte question : Doit-on cesser de pratiquer la
vertu, parce qu'il y a des hypocrites? devons-nous cesser de vénérer les saints et de nous
les proposer pour modèles^, parce qu'il y a eu des citravagants qui ont fait pat*ade d*uno
fausse perfection et d'inspirations mensongères?
Cette difficulté, dans sa généralité, est donc simplement inepte, et ne vaut pas qu'on
sy arrête; mais elle paratt plus sérieuse, si on la réduit à des points plus précis^ Ainsi
on peut demander quelles sont les règles pour discerner les communications surnatu-
relles, les effets de la gr&ce, qui tiennent du merveilleux, qui ne peuvent plus être expli-
qués par les règles ordinaire^, ou bien les effets de la grâce qui sont tout à fait des prodiges.
I» DISCOURS PREUHiNAlRE. 43S
Qaelqaes mots d*al)ord sar la chose en elle-même. Posons en principe qa*on ne peut
mettre en question que la grâce de Dieu ne puisse produire et n*ait produit en effet bien
souTeot dans les âmes, sanctifiées par la pratique de la Tertu, des effets merreilleui qui
surpassent les forces de la nature. Gelaseprou?e par saint Paul, par les bulles de cano*
Disation, par toute la tradition de l'Eglise.
Au surplus, cette question se confond ayec celle des miracles et des prophéties; puisque
Tune est certaine et sert de fondement à la divinité du christianisme, Feutre ne peut non
plus être ébranlée. Nous admettons les miracles opérés par saint François-Xa?ier, les
merveilles de la vie de sainte Thérèse, les stigmates de saint François, les prodiges de
saint Bernard, an même titre que les miracles des apôtres et de Notre*Seigneur lui-même.
Nous les croyons, parce que leur authenticité est à Tabri de toute séduction. Us sont
rerêtue de Tautorité de l'Eglise , ils sont rappelés par la liturgie dans les fêtes de TEgliset
comme ceux de Jésus-Christ et des apêlres.
La difficulté n'est pas plus grande ici que Ik, c'est le même esprit tout-puissant qui agit
et qui souffle où il veut. Qu'il surgisse des âmes éminentes en sainteté, et que le bien de
J*£giise le demande, et nous verrons les mêmes miracles se reproduire; et en effet, chaque
siècle aura ses prodiges, ses prophéties, ses avertissements surnaturels. Mais il est vrai
aussi que chaque siècle aura ses incrédules. Combien de Juifs révoquèrent en doute les
miracles de Jésus-ChrisI, sinon en eux-mêmes, du moins dans leur principe et leur valeur
morale» ce qui revient au même. Ces Juiis-là ne meurent jamais: ils dureront autant que
les siècles, c'est-à-dire autant que l'orgueil et que la perversité du cœur humain, qui ne se
prête pas aisément à lire sa propre condamnation dans un miracle. 11 est plus simple
de le nier.
Est-il plus difficile à Dieu de procurer un ravissement, une extase, à une sainte âme, de
la consoler par des apparitions surnaturelles, de donner à son corps quelques qualités
anticipées des corps glorieux, que de ressusciter un mort? 0 homme$ dédaigneux ^ s*écrie
FéneloD en parlant des ravissements de sainte Thérèse, qui osez tout mesurer à vos couries
epéenlaiians ; ô vaut gui eorrompex le$ vérités mêmes que Dieu nous fait eennaUre^ tt qui
hloMpkimez les ntj/stires intérieurs que vous ignorez ; taisez-vous^ esprits impies et superbes ;
apprenez ici que nul ne peut sonder les profondeurs de T esprit de Dieu^ que Fesprit de
Y a-t-il des marques de discerner la vraie communication du ciel et les fausses extases t
n est juste ici de laisser parler les saints. Ecoutons saint François de Sales.
« Afin donc qu'on puisse discerner les extases divines d*a vec les humaines et diaboliques»
les serviteurs de Dieu ont laissé plusieurs docuroens. Mais quant à moy, il me suffira
pour mon propos de vous proposer deux marques de la bonne et sainte extase. L'une est
que l'extase sacrée ne se prend nj attache jamais tant à l'entendement qu'a la volonté^
laquelle elle esmeut, eschauffe et remplit d'une puissante affection envers Dieu ; de
manière que si l'extase est plus l>elle que l)onne, plus lumineuse que chaleureuse, plus
spéculative qu'affective, elle est grandement douteuse et digne de soupçon. Je ne dis pas
qu'on ne puisse avoir des ravissemens,'.dos visions mesme prophétiques, sans avoir la
charité; car je sçay bien que comme on peut avoir la charité sans estre ravy et sans
prophétiser, aussi peut-on estre ravy et prophétiser sans avoir la charité ; mais je dis que
celuy qui en son ravissement a plus de clarté en l'entendement pour admirer Dieu, que
de chaleur en la volonté pour l'aimer, il doit estre sur ses gardes : car il y a danger que
cette extase ne soit fausse, et ne rende l'esprit plus enflé qu'édifié, le mettant voirement
comme Saûl, Balaam et Caîphe, entre les prophètes, mais le laissant néantmoins entre les
réprouvez.
« La seconde marque des vrayes extases consiste en la troisiesme espèce d'extases que
nous avons marquée cy-dessus. Extase toute sainte, toute aimable, et qui couronne les
deux autres; et c'est l'eitase de l'œuvre et de la vie. L'entière observation de commande-
mens de Dieu n'est pas dans l'enclos des forces humaines, mais elle est bien i>onrtant
dans les confins de l'instinct de l'esprit humain, comme très conforme à la raison et
lumière naturelle; de soHe que vivant selon les commandemens de Dieu, nous ne sommes
DicnoHW. D'AscinsiiB L 5
ISD DICTIONNAIRE D'ASCETISME. Ild
pos pour cela hors de noslre inclination naturelle. Mais outre les commandemens divins»
il y a des inspirations célestes pour Teiécutiori desquelles il ne faut pas seulement que
Dieu nous esiève au-dessus de nos forces, mais aussi quMl nous tire au-dessus des
instincts et des inclinations de nostre nature, d'autant qu'encore que ces inspirations ne
sont pas contraires à la raison humaine, elles Texcèdent toutefois, la surmontent, et sont
au-dessus d*icelle;dc sorte que lors nous ne vivons pas seulement une vie civile, honneste
et chrestienne, mais une vie sur-humaine, spirituelle, dévote*et extatique, p'est-à-dire
une vie qui est en toute façon hors et au-dessus de nostre condition naturelle. Ne point
desrober, ne point mentir, ne point commettre de luxure, prier Dieu, ne point jareren
vain, aimer et honorer son père, ne point tuer: c'est vivre selon ia raison naturelle do
l'homme. Mais quitter tous nos biens, aimer la pauvreté, l'appeler et tenir en qualité de
très-délicieuse maîtresse ; tenir les opprobres, mespris, abjections, persécutions, martjres
pour des lélicitez et béatitude; se contenir dans les termes d'une absolue chasteté, et enfin
vivre emmy le monde et en cette vie mortelle contre toutes les opinions et maximes du
monde, et outre le courant du fleuve de cette vie, par des ordinaires résignations,
renoncemens et abnégations de nous-mesmes : ce n'est pas vivre humainement, mais sur-
faumainement ; ce n'est pas vivre en nous, mais hors de nous et au-dessus de nous. Et
parce que nul ne peut sortir en cette façon au-dessus de soi-mesme si le Père éternel ne
le tire, parlant cette sorte de vie do(4estre un ravissement continuel et une extase perpé-
tuelle d'action et d'opération.
« Quand doncques on voit une 'personne qui, en l'oraison, a des ravissemens par les-
quels elle sort et monte au-dessus de soy-raesmeen Dieu, et néantraoins n'a point d'extase
en sa vie, c'est-à-dire ne fait point une vie relevée et attachée à Dieu par abnégation des
convoitises mondaines, et mortification des volontcz et inclinations naturelles par une in-
férieure douceur, simplicité, humilité, et sur-tout par une continuelle charité, croyex,
Théotime, que tous ces ravissemens sont grandement douteux et périlleux : ce sont ra-
vissemens propres à faire admirer les hommes, mais non pas à les sanctifier. Car quel
bien peut avoir une ame d'estre ravie à Dieu par l'oraison, si en sa conversation et en
sa vie elle est ravie des affections terrestres, basses et naturelles. Estre au-dessus do soy-
môme en l'oraison, et au-dessous de soy en la vie et opération, estre angélique en la médi.
tation, et bestial en la conversation, c'est clocher de part et d'autre, jurer en Dieu, et
jurer en Melchon; et en somme, c'est une vraye marque que tels ravissemens et telles
extases ne sont que des amusemens et tromperies du malin esprit. Bienheureux 5ont
eeux qui vivent une vie sur-humaine, extatique, relevée au-dessuis deux-mesmes, quoy-
quUls ne soient point ravis au-dessus deux-mesme6 en l'oraison. Plusieurs saincta sont au
ciel qui jamais ne furent en extase ou ravissement de contemplation. Car bien de martyrs
et de grands saincts et sainctes voyons-nous en l'histoire n'avoir jamais eu en l'oraison
autre privilège que celuy do la dévotion et ferveur. Mais il n*y eut jamais sainct qui n'ayt
eu l'extase et ravissement de la vie et de l'opération, se surmontant soy-mesmo et ses
inclinations naturelles. »
Le moyen le plus certain de ne point tomber dans l'illusion en Jugeant lesefforts extraor-
dinaires de la grâce dans certaines âmes est donc déjuger les personnes par Ie3 œuvres,
d'apprécier les ravissements et autres grâces par la vie, et non |a vie par les ravissements.
Saint François de Sales confirme encore cette pensée.
« C'est dans de pareilles circonstances qu'il faut une prudence consommée et une
connoissance solide des maximes désignées par les maistres de la vie spirituelle. Car il
n'est pas moins dangereux de rebuter une ame innocente, et de l'exposer h luy faire faire
fausse route, que de s'exposer à accepter comme des inspirations de Dieu des extrava-
gances d'un esprit faux ou des illusions de l'esprit malin. »
Sainte Thérèse Ja séraphique, sainte Thérèse n'a-t-elle pas été l'objet d'une véritable
persécution de la part de ses premiers confesseurs qui la traitèrent comme une vision*-
naire. Ils allèrent même jusqu'à la croire possédée du dénaon. Laissons Fénelon nous
«** DISCOCRS PRELIMINAIRE. 142
rappeler cette înstruclire circonstance dans le panégyrique de cette illustre sainte.
€ Dîi-huit ans s'éloienl écoulés du milieu de sa solitude dans ce feu dévorant de la
peine intérieure qui purifie Fâme en la détournant sans cesse contre elle-même. Mou
cœur, dit-elle, étoil sans cesse déchiré. Aui craintes du dedans se joignirent les combats
du dehors ; les dons intérieurs augmentèrent en elle. De cette oraison simple où elle étoit
déjà. Dieu Tenlève Jusque dans la plus haute contemplation; elle entre dans l'union où
se commence le mariage virginal de l'époux avec l'épouse; elle est tout à lui, il est tout à
oiîe, révélations, esprit de prophéties, visions sans aucune image sensible, ravissements,
tourments délicieux, comme elle le dit elle-même, qui lui font jeter des cris mêlés de joie
el de douleur, où l'esprit est enivré et où le corps succombe, où Dieu lui-même est si
présent que Fâme épuisée et dévorée tombe en défaillance, ne pouvant sentir de près
tant de majesté; en un mot tous les dons surnaturels découlent sur elle. Ses directeurs
d^abord se trompent. Voulant juger de ses forces pour la pratique des vertus par le degré
de 500 oraison, et par le reste de faiblesse et d'imperfection que Dieu laissoit en elle pour
l'humilier, ils concluent qu'elle est dans une illusion dangereuse, et ils veulent l'exor-
ciser. Hélas I quel trouble pour une âme appelée h la plus simple obéissance et menée
comme Thérèse, par la voie de la crainte, lorsqu'elle sent tout son intérieur bouleversé
par ses guides : € J'étois, dit-elle, comme au milieu d'une rivière, prête à me nojer sans
« espérance de secours. » Elle ne sait plus ce qu'elle est, ni ce qu'elle fait quand elle prie.
Ce qui faisoil sa consolation pendant tant d'années, fait sa peine la plus a mère. Pour obéir,
elle s'arrache & son attrait; mais elle y retombe sans pouvoir ni en sortir, ni se rassurer.
Dans ee doute elle sent Jes horreurs du désespoir; tout disparait, tout l'effraye, tout lui
est enlevé. Son Dieu même en qui elle sereposoit si doucement est devenu un songe pour
elle. Dans sa douleur, elle s'écrie comme Madeleine : Us me Coni enlevé et je ne $aiê où Us
r&ni mis.
« O vous, oints du Seigneur, ne cessez donc jamais d'apprendre, par la pratique de
l'oraison, les plus profondes et les plus mystérieuses opérations de la grflce, puisque vous
en êtes les dispensateurs. Que n'en coûte-t-il pas aux Ames que vous conduisez, lorsque la
sécheresse de vos études curieuses et votre éloignement des voies intérieures tous font
coodamoer tout ce qui n'entre pas dans votre expérience? Heureuses les Ames qui trouvent
l'homme de Dieu, comme Thérèse trouva enfin les saints François de Borgia, les Pierre
d'AIcantara, qui lui aplanirent la voie par où elle marchait. Jusqu'alors, dit-elle, j'avoLs
plus de honte de déclarer mes révélations, que je n'en aurois eu de déclarer les plus grands
péchés.
m Et nous aussi aurons-nous honte de parler de ces révélations dans un siècle où
l'incrédulité prend le nom de sagesse? Rougirons-nous de dire, à la louange de la grAce,
ce qu'elle a fait dans le cœur de Thérèse? Non, non, tais-toi, ô siècle I où ceux mêmes qu^
croient toutes les vérités de la religion, se piquent de rejeter sans examen, comme fables,
toutes les merveilles que Dieu opère dans ses saints. Je sais qu'il faut éprouver les
esprits pour savoir s'ils sont de Dieu. A Dieu ne plaise que j'autorise une vaine crédulité
pour de creuses visions I Mais à Dieu ne plaise que j'hésite dans la foi quand Dieu se fait
semir! Celui quirépandoil d'en haut, comme par torrents, les dons miraculeux sur les
premiers fidèles, en sorte qu'il falloit éviter la confusion parmi tant d'hommes inspirés,
n'a4-il pas promis de répandre son esprit sur toute chair? N'a-t-ii pas dit : Sur mes servi-
teurs et mes servantes. Quoique les derniers temps ne soient pas aussi dignes que les
premiers de ces célestes communications^ fandra-t-il les croire impossibles? La source en
est-elle tarie? Le ciel est-il fermé pour nous? N'est-ce pas même l'indignité de ces derniers
temps qui rend ces grAces plus nécessaires pour rallumer la foi et la charité presqu'é-
teintes?
« N'est-ce pas après ces siècles d'obscurcissement, où il n'y a eu aucune vision mani-
bsie, que Dieu, pour ne se laisser jamais sans témoignage, doit ramener enfin sur la
terre les merveilles des anciens jours? Hé 1 où en est-on, si on n'ose plus, dans l'assemblée
U5 DICTIONNAIRE D ASCETISME. lU
des enranls de Dieu, publier les dons de leur Père? Pourquoi ces ris dédaigneux, hommes
de peu de foi, quand on vous raconte ce que Ja main de Dieu a fait? Malheur à celle
sagessecharnelle qui nous empêche de goûter à ce qui est de l'Esprit-Saintl Mais que dis-je,
notre raison est aussi faible que notre foi môme. N'y a-t-il donc qu'à refuser de croire
pour s*érîger en esprit fort? N'est-on pas aussi foible et aussi aveugle en ne pouvant
croire ce qui est, qu'en refusant de croire ce qui n'est pas? Le seul nom de miracle et de
révélation vous choque, ô esprits foibles, qui ne savez pas encore combien Dieu est
grand, et combien il aime à se communiquer aux simples. Devenez simples, devenez
petits, devenez enfants ; abaissez-vous, abaissez-vous, âmes hautaines , si vous voulez en-
trer au royaume de Dieu. Cependant taisez-vous, et loin de douter des grâces que
Thérèse a reçues en nos jours, pensez sérieusement à faire qu'elles rejaillissent jusque
ur vous. »
LlTÏÉtlATURE DES ECRIVAINS ASCÉTIQUES.
Les saints personnages qui dans tous les siècles nous ont laissé des écrits sur la perfec-
tion chrétienne, ne se sont guère préoccupés de l'art de bien dire. Ils n'avaient qu'un but,
celui d'être utiles, en parlant clairement, simplement. A leur insu cependant, l'amour qui
les enflammait les a souvent élevés jusqu'à la plus haute éloquence (6^). Les plus tendres
poésies de Virgile me paraissent fades, même au point de vue de rintérêt purement arlis-
24). Qu*oii nous permette une citation qui fournira rexemple d*an ffenre unique d*exposilion dans la
Logîe mystique : nous voulons parler de certaines pages oe saint Denis rAréonagite, qui paraissent
singulièrement originales et peu intelligibles. On croirait que Tidée se subtilise et s*évapore par les efforts
qu*elles font pour se passer de Texpression matérielle. Nous citons en latin.
c Tu lautero, o amice Timothee, drca mysticas vîsiones forti contentione et sensus derelinque, et in-
tellectuaîes operationes, et omnia sensibiliâ et intelligibilia, et omnia existentia ;| et sicot est possibile,
ignote consurjge ad ejus unitionem, qui est super omnem substantiam et cognitionem. Etenini exccssu tuî
ipsius et omnium irretentibili et absoluto, munde ad supersubstantialem radium, cuncta auferens, et a
cunctis absolutus, sursum ageris (/. Scoti Expos, in Myst. Theolog. S. Dionys.^ éd. Migne, Patrologim
t.CXXii,col. 27i). I
c Yideautem, ut nullus indoctorum ista audiat; istos autem dico, qui in existentlbus sunt formati,
DÎhil super existentia supersubstantialiter esse opinantes, sed putantes scire, qu» secondum ipsos est co-
gnitione eum, qui ponit tenebras ad latibulum suum. Si autem super istos sunt divinae doctriiiae myste-
riorum, quid dicat quidem aliqids de ma^is indoclis, quicunque omnibus superpositam causam et ex
I)ostremis in existentlbus figurant, et nihil ipsam habere dicunt super eompositas ab ipsis impias et mul-
tiformes formationes (Ibid. col. 272). i
c Oporlet autem enim in ipsa et omnes existentium'ponere et affirmare positiones, sicut omnium causa,
et omues magis ipsas proprie negare, sicut super omnia superexistente, et non negatioues oppositas opinari
esse aflirmalioaibus, sed multo prius ipsam super privationes et quae est super omnem ablationem et po-
sitionem (Ibid, col. 275). i
La scbolie de saint Maxime avertit qu'on ne doit pas prendre le sens de tous ces mots quand ils s*ai^-
quent à la cause première, comme lorsque nous les appliquons aux êtres créés
Voici un exemple bien autrement subtil et apocalyptique.
cCaput V. Quod nihil est intelligibilium omnis intefltgibilis per excellentiam eausalis, — Synopsis eapitis»
— Docet (Dionysius) Deum nihil esse eorum quae nos cognoscimus; sed esse supra omnia ista quxcunque
quomodocunque a nobis concipi vcl intelligeutia percipi possunt.
4 Rursus autem ascendentes dicimus, quod neque anima est, ncc mens, nec phantasiam, nec opinîo-
nem, aut rationem, aut intellectum habet, nec ratio est, nec iniellectus, nec dicitur, nec intelligitui', nec
uumerus est, nec ordo, nec magnitude, nec parvitas, nec:aequalitas, nec similitudo, nec dissimilitudo, nec
stat, nec movetur, neque silentium agit, nec virtutem habet, nec virtus est, nec lumen, nec vivil, neqnc
vita est, nec substanlia est, nec aevum, neque tempus, nec tactus ejus intelli|;ibilis , nec scientia « ncc
Veritas, nec regnum, neque sapientia, nec unum, nec unitas, nec deitas, aut bonitas, nec spiritus est, sicut
nos videmus, nec filiatio, nec palernitas, nec aliud aliquid cognitum a nobis, aut al) alio quodam existen-
tium, nec aliquid est existentium, neque aliquid est essentium, nec existentia ipsum cognoscunt esse
secundum quod ipsa est, nec cognoscit ea, quae sunt existentia, secundum quod existentia sunt, nec ratio
ipsius est, nec nomen, nec coguitio, nec tenebrae, nec lumen, nec error, nec veritas, nec universaUs ipsius
positio, nec ablatio, sed eorum, quae sunt praeter ipsam, positiones et ablationes faclentes ipsam, oec
pouimus, nec auferUnus, quoniam et super omnem ablationem est perfectiva et uoita et unitiva omnium
causa, et super omnem ablationem est excessus ab omnibus simpliciter absoluti et supra totum (Ibid. col.
281,282). I
Notre mtention en rapportant ces passages de saint Denys a été simplement de donner une idée de tous
les styles les plus divers qui ont été employés par les mystiques. Nous ne voulons nuUement le proposer
pour modèle, même quand il s*agit d'un saint personnaffe qui a conféré avec les apêtres (car Topuiion que ces
ouvrages dont nous parlons sont réellement de saint lienys est la plus accréditée, quand il s'agit d'un saint
qui a eu pour commentateurs saint Bonaventure, et même saint François de Sales, et tant d'autres person-
nages, il n'est pas plus permis de critiquer lajorme que le fond), (luelque surprenante et inexpliquable
qu elle soit. Toutefois, en méditant sur ces étonnantes paroles on finit par entrevoir des sens sublimes qui
vous accablent, et on Anil par admirer singulièrement la capacité métaphysique d'une psi^Ue intelligence*
Ce sont des coups de tonnerre qui éclatent dans la nue.
I4S OiSGOORS PREUMINAIRE. U»
tiqoe f quand je lis les toachantes conrersatioDs de saint François d'Assise sTec tons les
êtres qui peoplent la nature. Ici ce sentiment est plus Tif , parce qu'il est plus vrai et plus
profond. Les plus nobles fibres de ]*âme humaine sont touchées arec une délicatesse infi-
nie ; on sent que c'est un ange qui tient la lyre : chez les classiques ce n'est que le génie
de l*bomme.
Quelle richesse, quelle abondance, quelle souplesse dans la manière dont saint Bona-
Tenture parle de Dieu et de la rertul Quel métaphycien a écrit des pages plus nobles, plus
lucides, sur la nature de Dieu et sur toutes les branches les plus élefées de la métaphysi-
que ! Et quand il descend aux détails de la rie pratique, il est plus simple sans cesser
d'être noble ; pourtant il défoîle sa belle âme si unie à Dieu, si pure, si doucement zélée
pour attirer les coBurs aux suares jouissances de l'amour de Dieu.
Tout le monde connaît le génie supérieur du docteur Angélique, esprit unirersel ; ses
ourrages sont l'encyclopédie du xiu* siècle; après six siècles, il reste le plus grand, le plus
profond, le plus renommé des théologiens, également exact dans la morale et profond dans
le dogme ; et cependant ce grand esprit , nourel athlète , qui portait la science de son
temps, qui paraissait dCToir être accablé sous les amas d'éruditions et la sécheresse des
froides discussionSi tous le trouTez, dans ses opuscules de piété, un des plus onctueux, des
ascétiques.
On croirait que c'est saint Jean, l'apôtre bien-aimé qui lui dictait, lorsqu'il écriTait
won sermon sur l'amour du prochain, ou ses pages sur l'Eucharistie.
Jean Tauler s'est frit une grande réputation parmi les mystiques ; il a eu aussi un cer-
tain nombre d'adTersaires qui l'ont accusé d'exagération, mais on peut se rassurer, non-
seulement sur son orthodoxie mais encore sur sa sagesse de Tue, lorsqu'il a pu mériter les
étoges des hommes, tels que ceux que nous allons citer : Bellarmin l'appelle un prédica-
teur iriâ'émmmU tn piéié €i tn savoir; Louis de Blois : défenseur iris*xéléde la foi ealholique^
domi les éeriis soni non-seulement orthodoxes^ mais encore tout divins ; et te Docte Sponde :
Ceoi «n komme digne d^admiraiion : ses ouvrages sont pleins de Fonction et delà grâce do
FEeprii-^Saint.
Je Tondrais faire conbattre au lecteur son entendement dans les secrets de la Tie spiri-
toélle. n a un génie très-souple et très-fin, pour saisir tout, peindre toutes les situations
de rime; je prends, dans ses InstUutionSf son chapitre sur la Tue simple de Dieu. II traite
un siget traité depuis afec un grand succès par saint Jean de la Croix, c'est peut-être
dans la lecture de ces écrits de Tauler que l'auteur du Hont-Carmel s'est si bien inspiré.
< Quelqu'un me demandera peut-être, dit Jean Tauler, s'il faut bannir toutes sortes
d'images, et s'attacher à Dieu par un acte d*esprit pur et dégagé de toute imagination. A
quoi je réponds qu'on peut se dépouiller de toute image en deux manières, pour s'appli-
quer purement è Dieu. L'une est utile, l'autre est nuisible. Car si je dissipais les images
qui sont bonnes afant que de les bien connaître, ce serait agir imprudemment, et sans rai-
son, parce que ce serait dérober à ma connaissance la vérité qu'elle pouvait acquérir par
les images. »
Ensuite l'auteur, après avoir observé qu'il faut songer è ses péchés passés avec une forte
aversion, i sa conduite présente pour la purifier, à la passion de Jésus-Christ et à toute
sa vie, il ajoute que les images les plus sublimes et les plus parfaites sont, 1* l'union pro-
fonde et incompréhensible de la nature divine avee la nature humaine; 9* la noblesse,
l'excellence et la richesse de l'esprit humain ; 3* le corps précieux du Sauveur.
m Si on s'applique à considérer ces choses, dit-il , on connaîtra que les Images en sont
très- relevées,
m Mais enfin, quelles sont les images les plus parfidtes et les plus nettes? Ce sont celle»
que la foi nous donne sujet de former de la Trinité adorable des personnes, ensuite la
génération étemelle du Fils de Dieu, et de son existence dans le Père qui l'engendre,
eomme aussi de la procession du Saint-Esprit, qui émane de tous les deux, du Père et da
Yeriie, et qui demeure en eux. Ensuite l'essence dé la Diviniléi simple et infinie tout en-
U7 DIGTIONNAIHË D'ASCETiSMEj 'i48
(embloi Xl'ast en pensant à ces objets divins, autant que ntrtrè foi en est capablOi qu^'on
se forme des idées et des images qui surpassent toutes les autres en pureté.
. « Que si on veut savoir pourquoi il faut renoncer à toutes sortes d'imagesi la raison
en est qu*elles ne sont que des moyens pour nous conduire à la vérité toute simj^le et
toute nue. Si je veux donc arriver à cette vérité, il faut que je laisse après moi, pas à pas,
le chemin qui m'y conduit ; il faut parcourir la série de toutes les pensées qui nous gui-
dent; commencer par les plus basses, passer à celles qui tiennent le milieu» pour s'élever
enfin aux plus sublimes^ afin de ne pas perdre un seul point de la vérité que 1 on cherche.
Car une des plus nobles occupations de l'homme eu cette vie, est de s'élever par la raison
dans les idées qui nous représentent la Divinité.
« 11 y a trois marques qui nous font connaître quand nous devons nous dépouiller des
images matérielles, afin de ne pas les chasser trop tôt: i*" lorsque bous avons du dégoût
pour t«ut ce que nous concevons, et tout ce que nous entendons dire; 2° que rien de ce
qui entre dans notre pensée ou frappe notre ouïe ne nous cause aucun plaisir; 3** lorsque
nous sentons en nous une soif, un désir du souverain bien, où nous ne saurions néan-
moins atteindre, et que nous disons dans l'ardeur qui nous presse de plus en plus : Mon
Seigneur et mon Dieu , je ne puis que vous adresser mes prières, c*est à vous de les
exaucer ; je ne puis aller plus loin. »
. C'est alors que l'auteur conseille d'aller à Dieu par une Yue simple et formée sans
images, par la pure pensée et le pur amour.
. Evidemment, celui qui a tracé cette page avait accoutumé son esprit et son cœur à
habiter une région très*élevée. 11 y a de plus un grand talent d'expression dans cette
manière. On aura remarqué un trait bien digne de Pascal, dans cette énergique expres-
sion de l'auteur en parlant des images : Je laisse après moi , pas à pas^ le chemin qui m'y
conduii.
MaiSf de tous les auteurs mystiques, le plus admirable dans les ^temps modernes est
sans contredit sainte Thérèse.
Voici le jugement qu'en porte saint François de Sales :
« La bienheureuse Thérèse de Jésus a si bien escrit des mouvemens sacrés de la dilec*
tion en tous ses livres qu'elle a laissés, qu'on est ravi de voir tant d'éloquence en une
si grande humilité, tant de fermeté d'esprit en une si grande simplicité : et sa très savante
ignorance fait paroltre très ignorante la science de plusieurs gens de lettres, qui après un
grand tracas d'estudes, se voyent honteux de n'entendre pas ce qu'elle escrit si heureu-
sement de la practique du saint amour. Ainsi Dieu élève le trosne de sa vertu sur le
théâtre de notre infirmité • te servant des choses faibles pour confondre les fortes. »
Ecoutez maintenant Fénelon disant à peu près les mômes choses. On croirait qu'il avait
eu un entretien avec le doux apôtre de Genève sur la ravissante sainte Thérèse :
« Plutôt m'xtublier moi-même, dit-il, que d'oublier jamais ces livres si simples, si vifs,
si naturels, qu'en les lisant on oublie qu'on lit et qu'on s'imagine entendre Thérèse elle-
même 1 O qu'ils sont doux ces tendres et sages écrits, où mon âme a goûté la manne
cachée I quelle naïveté, mes frères, quand elle raconte les faits I ce n'est pas une histoire,
c'est uD tableau. Quelle force pour exprimer ses divers états. Je suis ravi de voir que les
paroles lui manquent, comme à saint Paul, pour dire tout ce qu'elle sent. Quelle foi vivel
les deux lui sont ouverts, rien ne l'étonné, et elle parle aussi familièrement des plus
hautes révélations que des choses les plus communes. Assujettie par l'obéissance, elle
parle sans cesse d'elle et des sublimes dons qu'elle a reçus ^ sans affectation, sans com-
plaisance, sans réflexions sur elle-même : grande âme, qui se comptant pour rien, ne
voyant plus que Dieu seul en tout, se livre sans crainte elle-même à l'instruction d'autrui.
O livres, si cbers à tous ceux qui servent Dieu dans l'oraison, et si magnifiquement loués
par la bouche de toute l'Eglise, que ne puis-je vous dérober à tant d'yeux profanes i Où
Ates-vous âmes simples et recueillies à qui ils appartiennent I %
Mous ne pouvons nous^dispenser de citer plusieurs passages des œuvres de celte illustre
149 DiSCODRS PiœtIMINAIRE* tSO
saiote^afin qu'on sache bien que l'amour de Dieu qui s'évapore d'une âme agrandit l'espriti
lui donne plus de justesse et de force: Pieias ad omnia utilis est.
leootez sainte Thérèse rendant compte des faux jugements des hommes sur les person-
nes pieuses et les peines qui en reviennent à celles-ci.
«Certes, je ne vois rien de bon dans ce misérable monde, sinon qu'il ne peut souffrir
les Bioindres iœperfeotions dans les gens de bien, et qu'ainsii à force de murmurer contre
eax« il les force i devenir meilleurs. C'est ce qui me bit croire qu'une personne qui n'est
pas parfaite a besoin de plus de courage pour marcher dans le chemin de la perfection que
pour souffrir le martyre, parce qu'il faut beaucoup de temps pour devenir parfait, si Dieu,
par une faveur toute particulière, ne nous accorde cette grâce. Les gens du monde ne
Yoientpas plutôt une.personne entrer dans ce chemin qu'ils veulent qu'elle soit sans aucun
défaut; ils aperçoivent de mille lieues loin les moindres fautes qu'elle commet et considè*
rent eommo mal ce qui peut être une vertu, parce que, jugeant les autres par eux-mêmes,
ils auraient commis cette faute, s'ils avaient été à sa place. Ils voudraient que, dès qu*uno
personne s'est résolue à servir Dieu^elle ne mangeât ni ne dormit, ni n'osât presque respirer.
L'estime qu'ils ont de sa vertu leur fait oublier qu'elle a un corps comme les autres, et
que* quelque parfait qu'on soit, on ne peut vivre sur la terre sans être sujet à des misères,
quoique la partie supérieure de l'âme s'élève au-dessus et les foule aux pieds. »
m N'ai*je donc pas raison de dire que ces personnes ont besoin d'un grand courage, puis-
qu^elles ne eommenoent pas plutôt à marcher que l'on voudrait qu'elles volassent, et que,
bien qu'elles ne soient pas encore victorieuses de leurs passions , ]on s'imagine qu'elles
doivent, dans les occasions les plus capables de les ébranler, demeurer aussi fermes que
les saints l'ont été après avoir été confirmés en grâce ? »
Ce tour vif et naturel ne la quittera pas, alors qu'elle parlera de choses plua élevées.
Dans une de ses visions qui rappelle le ravissement de saint Paul, elle voit la vérité comme
dans sa source. Sur Tordre pieux de son confesseur, elle rend compte comme elle peut de
ses sublimes communications, qui ne peuvent être comprises que par eeux qui les
éprouTent.
Voici d'abord les paroles bien remarquables que Jésus-Christ lui-même, par une faveur
spéciale, lui adressa et qu'elle entendit distinctement : t La foveur que je vous fais main-
tenant est une des plus grandes dont vous m'êtes redevable, parce que tous les malheurs
quiarrirent dans le monde viennent de ce que l'on n'j connaît que confusément les vérités
qui sont dansTEcriture, qui, jusqu'au moindre to/a, ne manqueront pas de s'accomplir ; et
il ajouta : Ah I ma fille, qu'il y en a peu qui m'aiment véritablement! et s'ils m'aimaient
autant qu'ils doivent, je ne leur cacherais pas mes secrets. Mais savex-rous ce que c'est
qu'aimer véritablement 7 C'est de croire que tout ce qui ne m'est pas agréable n'est que
mensonge; que si vous ne le comprenez pas k cotte heure, vous le connaîtrez plus claire-
ment un jour par l'avantage que vous recevcx d'en être bien persuadée. »
m Les effets, dit sainte Thérèse, m'ont confirmé la rérité de ces paroles, et je ne saurais
trop en rendre grâces à Dieu; car, depuis ce temps, tout ce qui n'a point rapport à son ser-
Tice me parait si évidemment n'être que vanité et que mensonge, que je ne puis exprimer
jusqu'à quel point il me semble digne de mépris: et quelle est ma compassion de ceux qui
ignorent cette vérité?...
«La véritable connaissance de celte divine vérité, contenue dans l'Ecriture, qui me fut
représentée, je ne sais comment, fit une si forte impression sur mon âme qu'elle me donna
un nouveau respect pour Dieu, par une vue si claire de sa majesté et de son pouvoir qu'elle
ne se peut exprimer, et que l'on comprend seulement que c'est une chose merveilleuse.
Je demeurai dans un grand désir de ne plus parler que de ces vérités si élevées au-dessus
de ce qui passe dans ce monde pour des vérités; je commençai à souffrir avec peine de
continuer à vivre ici-bas, quoique je m'estimasse heureuse de goûter avec humilité et un
sentiment plein de tendresse la douceur des faveurs que Dieu me faisait ; et quelque
extraordinaires qu'elles fussent, je ne pouvais être touchée de la moindre cramte qu il X
entraide rillusion;je ne vis rien, mais je compris le grand bien que c'est de ne faire i^^
151 DICTIONNAIRE D'ASCETISME. 151
que de ce qui nous peut approcher de Dieu et de ce que c*est que de marcher,' en vérhé»
en présence de la vérité qu*il me fit connattre étre> lui-même.
^ « J'ai appris tout ce que j'ai rapporté jusqu'ici, tantôt par des paroles que l'ai distinc-
tement entendues, et d'autres fois d'une manière inexplicable qui, sans que l'on me
parlât, me faisait comprendre les choses plus clairement que si on me les eût dites de
vive voix ; et j'ai connu de beaucoup plus grandes vérités touchant cette vérité que je
n'aurais pu en être instruite par plusieurs personnes très- savantes, puisqu'elles
n'auraient su me les imprimer de cette sorte dans l'esprit, ni me faire con-
naître si évidemment quelle est la vanité du monde. J'appris par ces divines instructions
que cette vérité dont je parle est la Vérité même ; qu'elle est sans commencement et sans
fin ; que toutes les autres vérités en procèdent comme de leur source, toutes les autres
Igrandeurs comme de leur origine, et toutes les autres amours comme de leur souverain
principe. Par quoi tout ce que j'en dis ici n'est qu'obscurité en comparaison de la clarté
et de la lumière avec laquelle Dieu me le fit voir. On peut voir par là quelle est la puis-
sance de cette suprême majesté qui opère de si grands effets dans les flmes, et les enri-
chit presqu'en un moment par une telle effusion de ses grftces.
« O grandeur infinie , ô suprême majesté, ô Dieu tout-puissant I à quoi pensez-vous :
à quoi pensez-vous, mon Sauveur, lorsque vous me comblez de tant de faveurs ? Avez-
Tous oublié que j'ai été un déluge de vanité et un abtme de mensonge, et cela purement
par ma faute, puisque vous m'aviez donné par mon naturel tant d'aversion pour le
mensonge ? Gomment donc, Seigneur, avez-vous pu accorder tant de grâces à une per^
sonne qui s'en était rendue indigne ? »
On n'ose comparer à rien autre chose ce genre de beauté. Gela est beau comme les
plus belles pages de Malebranche ou de Platon, plus la sainteté et une inimitable
candeur.
Peut-on trouver une comparaison plus ingénieuse et plus juste pour peindre les dif-
férents degrés d'oraison dont se sert la sainte.
« Je dis que celui qui commence doit s'imaginer qu'il entreprend de faire, dans une
terre stérile et pleine de ronces et d'épines, un jardin qui soit agréable à Dieu, dont
il faut que ce soit notre Seigneur lui-même qui arrache ces mauvaises plantes pour en
mettre de bonnes en leur place ; et il peut croire que cela«est fait quand il s'est résolu
de pratiquer l'oraison. Il s'y exerce, et qu'à l'imitation des bons jardiniers, il cultive et
arrose ces nouvelles plantes afin de les faire croître et produire des fleurs, dont la bonne
odeur invite sa divine majesté à venir souvent se promener dans ce jardin, et prendre
plaisir à eonsidérer ces fleurs qui ne sont autres que les vertus dont nos âmes sont
parées et embellies.
« Il faut maintenant voir de quelle sorte on peut arroser ce jardin ; comment on doit y
travailler; considérer si ce travail n'excédera pas le profit qu'on en tirera, et combien de
temps il doit durer. Il me semble que cet arrosement peut se faire en quatre manières. En
tirant de l'eau d'un puits à force de bras, ou en en tirant avec une machine et une rouei
comme j'ai fait quelquefois, ce qui n'est pas si pénible et fournit davantage d'eau, ou en
la tirant d'un ruisseau par des rigoles, ce qui est d'un moindre travail et arrose néan^
moins tout le jardin, ou enfin par une abondante et douce pluie que Dieu fait tomber du
ciel, ce qui est incomparablement meilleur que tout le reste et ne donne aucune peine au
jardinier. Ges quatre manières d'arroser un jardin pour l'empêcher de périr étant appli-
quées à mon sujet pourront faire connattre en quelque sorte les quatre manières d'orai-
son, dont Dieu , par son infinie bonté, m'a quelquefois favorisée. Je le prie de tout mon
eœur de me faire la grâce de m'expliqucr si bien, que ce que je dirai serve à l'un de ceux
qui m'ont ordonné d'écrire ceci, et à qui il a fait faire en quatre mois plus de chemin
dans ce saint exercice que je n'en ai fait en dix-sept ans. Aussi y est-il mieux préparé que
je n'avais fait , et il arrose par ce moyen sans grand travail ce jardin de toutes ces quatre
manières. »
La manière dont la sainte applique cette comparaison est tout aussi admirable que sa
conception. Où trouverez*- vous plus de grâce, de justesse et d'énergie?
18 MSCOURS PRELDONAIRE. I54
Aq point de vae simplemeDl littéraire, les plus belles poésies lyriques, les monvementf
les plus éloTés des tragiques, ne me paraissent pas approcher^ de cette Tébéraence de
sentimenis qai jette un cœur tout enflammé vers le ciel , comme sainte Thérèse le fiût
dans ses cantiques d'actions de grâces après la communion. C'est un genre différent, sans
doole, mais sublime pour sublime celui de la sainte surpasse les autres comme le mont
Blanc surpasse une pjramide.
La plus profond et le plus savant de tous les mystiques est assurément (udnt Jean de
la Croix.
Je rappellerais volontiers le métaphysicien de la perfection évangéliquOi tant il a de
précision et de hauteur de vue en traitant ces matières.
n n'a pas ces épanchements doux et affectueux , ces élans séraphiques , où ressort sur-
tout la tendresse de l'amour de Dieu, comme on la trouve habituellement dans l'auteur
de l'Imitation , dans sainte Thérèse et saint Bonaventure. Il y a dans saint Jean de la
Croix quelque chose de plus mflle, de plus sé?ère. Aussi il n*a pas écrit pour les com«
mençants, mais pour les parfaits; et encore la perfection à ^laquelle il s'efforce de eon*
duire est la plus sublime, et on voit qu'il en connaît bien le chemin. Le caractère
le plus frappant de ses écrits est une logique serrée, une grande force dans le raisonne*
ment, une profonde connaissance de l'Ecriture sainte dont il fait un usage merveilleux;
CD admire aussi une grande noblesse de style qui est parfaitement à la hauteur des cho-
ses qu'il traite. Il est difficile de le citer, car tout se tient dans la chaîne de ses écrits. H
faut le lire, mais tout le monde ne peut pas le lire, car il laut^ étre'préparé par un grand
désir de servir Dieu parfaitement, et aussi par une certaine mesure d'intelligence. Nous
allons cependant en donner quelques extraits qui seront un exemple de précision théo-
logique. Il apprécie les première mouvements des passions :
< J'appelle en cet endroit première mouvements ceux où la raison et la volonté n'ont
point de part soit en ce qui les précède, soit en ce qui les accompagne, soit en ce qui les
suit : car il est impossible de les déraciner en cette vie et de les faire mourir tout à fait;
étant comme elles sont des épurations nécessaires de la nature. »
m L*âme, agissant selon l'esprit et la raison, se peut défendre de leur impression; elle
peut même quelquefois être élevée, selon la volonté ou la partie supérieure, à une sublime
union avec Dieu, et jouir du repos et des douceurs* qu'elle y goûte pendant que les pas*
sions et les mouvements naturels et nécessaires se feront sentir, même avec violence
dans la partie inférieure , parce qu'ils n'ont nul commerce avec la raison et la volonté qui
peut pendant ce temps-là s'appliquer à la contemplation
m C'est pourquoi on ne peut voir sans compassion certaines personnes qui sont chargées
des richesses de la grâce, de la vertu et des bonnes œuvres, et qui n'arrivent jamais au
port d'une parfaite union avec Dieu, parce qu'elles n'ont pas le courage de détruire l'at-
tachement qu'elles ont à une petite satisfaction des sens ou amitié trop naturelle, à quel-
ques bagatelles de cette nature, quoique, aidées des secoure de Dieu , elles aient brisé
les chaînes de l'orgueil, de la sensualité, de plusieurs vices grossière et de plusieurs
péchés grieb. »
Voici maintenant une charmante interprétation du mot de l'Evangile : Beaucoup tap^
pelée eipeu dCilui. «Notre-Seigneur dit que le chemin est étroit, c'est-à-dire le chemin de la
perfection , pour nous apprendre que celui qui désire d'y entrer doit non*seulement pas*
wtr par cette petite porte, en abandonnant tout ce qui flatte les sens , mais renoncer
encore à toute propriété , affranchissant tout ce qui concerne l'esprit et la partie supé-
rieure. Ainsi nous pouvons appliquer à la partie animale ce que le Fils de Dieu dit de la
porte très-petite
« Au reste, quand il affirme qu'il y a peu de personnes qui trouvent cette voie, cela
vient de ce que peu de gens connaissent ou veulent pratiquer ce dépouillement d'esprit,
car le chemin qui conduit à la montagne de perfection va nécessairement en haut et est
fort étroit; il faut donc que ceux qui soobaitoot d> [passer w WMir cbaigéi d'ancua
Ki DICTIONNAIRE D'ASCETISHE. iSé
fardeau qui les tire en bas. Et coraine Dieu est le seul terme où Ton prétend arriver dans
te commerce sacré, on ne doit s'occuper qu*à le chercher seul et qu'à parvenir à sa po6<-
<ession. »
Mais on n'admire jamais assez les quelques vers où l'illustre saint parle de la nuit
bbscure. Nous ne trouvons rien d'exagéré dans le magnifique éloge qu*en a fait le
*. Berlhîer.
Quoi de plus ingénieux, de plus gracieuxi que cette image où la raison dans l'homme
'est comparée au maître de la maison, et le corps, les sens, sont le logis. Or it s'agit d'en
sortir pour aller au loin et bien haut s'unir à Dieu. Cette union ne peut* se consommer
dans le tumulte des passions, dans l'agitation des sens; elle ne s'accomplit que dans le
calme et le silence. La nuit est le moment du profond silence; c'est le moment des ré-
flexions sérieuses. Cette nuit des passioiJs,Mans*saibt Jean de la Croix, est un moment
sublime ; la raison les a vaincues; leoorps est vaincu, la partie sensitive de l'âme est vain-
cue avec tous ses penchants, les coupables curiosités mèmede l'intelligence sont vaincues ;
la raison, guidée par Tamour de Dieu, les a forcés à sommeiller: tout dort dans la maison,
fendant ce sommeil, l'âme peut sortir avec précaution par une porte secrète, et va con-
sommer son mariage virginal avec l'Epoux divin, et elle ne rentre à la maison que pour
consolider la victoire obtenue à grands frais sur les esclaves qui l'habitent, qui conser-
vent toujours des projets de révolte.
J'ai admiré dans Platon avec quel succès il nous démontre la difficulté avec laquelle la
vérité arrive à Tintelligence de Thomme, parla comparaison de ces ombres humaines qui
se dessinent dans le fond d'une caverne, où il n'y a qu'un demi*jour pour juger les cho-
ses. J'ai admiré le discours de Socrate pendant que le poison était déjà dans sa. poitrine;
le Songe deScipion^ dans CicéroUi et d'autres beautés de cette valeur; tnaià la hauteur et
la profondeur de saint Jean de la Croix sont^plus remarquables dansjes pages dont nous
parlons. Il y a beaucoup moins de prétention; ce coup d'œil sur la nature humaine
est, d'une part» plus large, plus profond, et les conséquences plus précises et plus vraies.
Je ne connais nulle part une philosophie plus sublime, plus transcendante.
Nous ne ferons pas l'éloge du livre à(^\ Imitation de Jésus-Christ, Il aura un article à part.
Nous ne voulons en ce moment que dire un mot du charme de cettediction naturelle et simple,
qui est dans ce livre admirable au service d'une connaissance si juste du cœur humain,
qu'elle en peint toute la mobilité ; et cela avec un accent si céleste et si doux^^qu'on a partout,
quelque chose qu*il traite, le désir de devenir meilleur et de s'amender. Il se peut que la
sainteté toute seule produise ces fruits; je n'en reste pas moins certain qu'il y a dans ces
productions un grand art littéraire, un talent d'écrire d'autant plus remarquable, qu'il ar-
rive a son but en ne faisant pas songer à lui.
En parlant des écrivains qui se sont fait une grande et juste renommée, en traitant des
règles de la vie spirituelle, nous ne pouvons passer sous silence le savant Jésuite Rodri-
guez. Peu d'hommes ont eu un esprit plus juste et plus sensé. Il connaissait l'histoire
profane et sacrée; il a su assaisonner ses traités d'exemples et de traits puisés à toutes
les sources, comme son contemporain Montaigne.' Ceux qui ont voulu lui faire la guerre
pour ses exemples peu admissibles, historiquement parlant, ont oublié quUl suffisait,
pour le but de l'auteur et le fruit du lecteur, qu'ils eussent une valeur parabolique. Riais
quelle exactitude dans le théologien I quelle prudence consommée dans le moraliste !
quelle manière large et naturelle d'embrasser un sujet! quelle suite dans l'exposition des
preuves I quelle force dans le raisonnement I Quoiqu'il ne semble marcher que pas h pus^
et sans se presser, vers son but« il l'atteint infailliblement et force son lecteur à se plier
I insensiblement sous le joug de la conviction à sa belle et pure doctrine, qui respire sans
cesse la fleur de l'Evangile.
I Ce n'est pas un génie médiocre qui, dans le temps où il vivait, trouvait des comparai^
\ sons telles que celles-ci :
Comme les mathématiciens ne considèrent dans les corps que le$ dimensions et les figtires^
et font toujours abstraction de la matièrcf parce qu'elle ne fait rien à leur sujet : de mime le
véritable serviteur de pif u^nfi 49it êonger, dans to^tes ses actions. fu*à foire la volonté de
■••»»•-. p» ,• .1.' ^„
DI8C0CRS PREUVINAIRE. ISS
« •
Dieuy e/y pour cet effets il faut qu*il fasse une entière abstraetioftf de la matOref c^est-à-dire
ju*il ne regarde points ni dans quelle charge an remploie^ ni quelle chose on lui com^
mamâej parée que ee n*est vas en cela que consiste notre perfection^ mais à faire la volonté
de Dieu.
Ce n*esl pas un écriTaio ordinaire qui, dans Faction de grâces après la Communion, sailf
trouTer des images aussi ingénieuses et d'un aussi boo goût que eelles-ci : « Ceux qui
ont reçu la Communion se représentent Jésus«Cbrist au dedans d'eux-mêmes et appellent
toutes leurs puissances et tous leurs sens pour le Tenir reconnaître comme leur roi et
fiour se soumettre à lui ; de même que dans U monde un bomme, qui recevrait cbez lui
un grand seigneur, ferait Tenir ses parents pour le saluer et lui rendre leurs deToirs. Ou
bien ils considèrent leurs sens comme des malades, et regardent en même temps Jésus-
Christ comme un médecin; ils le mènent de Tun à l'autre, comme un médecin qu'on
mènerait dans une inûrmerie où il y aurait plusieurs malades, et lui disent : Seigneur,
reoes et TOjez, ayez pitié de moi et de mon infirmité. »
Les œuvres de Rodriguez ne Tieillîroni jamais, parce qu'elles portent le caractère du
naturel, de la solidité et du bon goût.
Disons donc en terminant : Le mysticisme contient la fleur de la pensée chrétienne, et
cherche à réaliser le beau idéal de ITvangile. Il aspire à échapper à toutes les illusions du
monde.
Quelle erreur ! les plus innocents d'entre les hommes se regardent devant Dieu comme
des repris de justice, des flétris, et ils ne se trompent pas : et les plus coupables se Tan-
tent d'être irréprochables et se posent comme des maîtres à qui tout est dû. Avec la foi
00 sait de quel côté est la sagesse dans ces extrêmes ; cependant même aTeo de la foi
notre sagesse est souTent en délaut pour juger sainement de bien des choses en parti-
culier.
La pensée chrétienne élevée jusqu'à l'habitude de la contemplation, accompagnée de la
rralîque de laTcrtu, peut seule faire monter nos intelligences jusqu'à la juste appréciation
de ce que nous sommes et de ce que nous entreprenons.
Le monde ne ressemble pas mal à ces situations où par un jeu d'optique les objets pa-
raissent renversés : ceux qui montent paraissent descendre, ceux qui descendent paraissent
monter. Cromwel, qui multipliait les forfaits pour arriver à sa fin, semble grandir aux yeux
du siècle. Cbarles-Quint, abdiquant la couronne qu'il portait si fièrement pour se réduire
à l'état de simple particulier et méditer.sur la mort deTant un cercueil, parait se rapetisser.
Yoilà comme les jugements du monde ne sont que vanité.
Les âmes vraiment contemplatives, qui, au milieu des travaux de la vie présente ont
assez de force d'Ame et de chaleur dans le cœur pour rester habituellement unies de pensée
à leur Dieu, sont véritablement la portion d'élite du genre humain. Malgré leur extérieur
simple et modeste, Dieu les comble d'honneur même en ce monde. Us sont vraiment les
familiers du grand roi ; aussi sont-ils constamment admis non-seulement à sa cour, et
à sa itable, mais encore à toutes ses communications et à ses familiarités les plus intimes.
w
DICTIONNAIRE
D'ASCETISME
A
ABANDON. (Voy. Von uviTirB.) —La
première union de l'âme avec Dieo {Voir
UffiOR), est Vunion obscure qui dispose à
l'union euave^ et se fait au mo^en de l'a-
bandon. Par cet abandon on doit entendre
tout cbfttiment que Dieu nous envoie par
une volonté positive oa permissive, dans
te but de purifier notre flme^et de la disposer
à l'union suave.
Les mystiques et les ascètes ont donné
k cet état diverses dénominations. 1* On
l'appelle disolaiion^ en ce sens qu'il exclut
la consolation sensible et accidentelle; 3*
on l'appelle aridité^ en ce sens qu'il exclut
la dévotion sensible et accidenleile; 9^pur»
gaiion paime, en tant qu'envoyé de Dieu
pour la purification de 1 âme. Il n'est donc
pas ici question de ces pénitences volontai-
rement entreprises, ni de la mortification
des passions» par laquelle on s'efforce, avec
la grâce divine, de se purifier du pécbé et
de toutes ses traces, ce qui constitue la
puraation active. Il ne s'a^t pas nom plus
de la purgation paesive^ qui est, en un cer-
tain degré, du domaine de tonte la vie et
propre a toutes les conditions de l'humanité,
puisqu'il n'est personne à qui Dieu n'envoie
quelques châtiments pour purifier son âme.
Il en frappe les pécheurs, pour bss rappeler
au bien : \qs nouveaux convertis, pour les
affermir dans leurs bonnes résolutions;
ceux qui tendent à la perfection dans la
voie purgative, pour les purifier du vice;
dans la voie illurainative, pour faciliter leurs
progrès dans ia perfection et dans l'exer-
cice des vertus; dans ia voie unitive,pour les
perfectionner par l'union avec Dfeu. C'est ce
qui se fait dans l'union obscure dont il s'agit
ici. Et k ce propos remarquons que dans la
voie unilive on|peut aussi}Clistinguerdes com-
mençants, des progressants et des parfaitsqui
éprouvent tous alternativement quelque çur-
gationpassivedecoosolationetdedésolation.
Mais comme ceuxqui commencent à marcher
dans celte voie, qui est aussi ordinairement
celle de la contemplation, sont éprouvés
préalablement par une pursation passive
toute spéciale, nous allons ici la décrire sous
le nom A'abandon^ prélude ordinaire de la
contemplation de l'âme en Dieu.
Vabandon est appelé par saint Jean de la
Croix nuit obscure {Lib. de noct, obsc.)^ et
lUviié m pwgotion paam imêibh, c*esl«4«
dire qui agit dans la partie sensible des'fSi-
cultes sensitives de Tâme, et purgation
passive spirituelle qui s'exerce sur la partie
intellectuelle. De même qu'au milieu de
la nuit, le voyaçeur marche tout tremblant
et comme privéde ses sens etde ses facultés,
de même dans ces deux pulsations, en
l'absence de toute lumière et de toute con-
solation sensible pour elle , l'âme s'avance
avec crainte dans l'obscurité, et, dépouillée
en quelque sorte de ses sens et de ses
facultés , elle ne trouve rien qui lui plaise
hors de Dieu, et se trouve ainsi disposée à
ne chercher que Dieu seul, à la clarté de la
lumière nouvelle qu'il lui envoie. Il ne
faut pas toutefois confondre cet état avec
l'apathie stoïque ou l'inaction des faux illu-
minés; car dans ces sortes d'abandon, no-
tre coopération est toujours réclamée par
la pulsation active. Il est une autre division
de l'abandon : abandon de la vie ac/tve,
abandon de la vie contemplative^ et abandon
de la vie mixte. Quoique, en effet, le don
de contemplation convienne mieux à la vie
contemplative et v prépare l'âme par cetl(
épreuve toute spéciale de Vabandon^ comm'
cependant, aucune de ces trois vies indiquée:
n'exclut l'autre. Dieu peut aussi accorder
la contemplation aux âmes qui marchent
dans la rote active et dans la voie mixte ;
et ainsi ces âmes peuvent se préparer pa-
reillement à la vie contemplative par un
abandon spécial. Nous exposerons tour à
tour les diverses espèces d'a6andon, après
avoir traité d'abord de Vabandon en gé-
néral :
1* L'abandon est ordinairement et pres-
Ï[ue toujours une sorte de disposition préa-
able à fa contemplation divine. Ainsi nous
le montrent, 1* les saintes Ecritures : Il y a
un temps pour fleurer et un temps pour
rire (Eccle. m, V). Heureux ceux qui pleu^
rent^' parce qu'ils seront consolés (Matth.y^ 5).
Ces textes nous montrent que la consolation
qui, selon saint Thomas (1-3, q. 69, a 3),
est la béatitude contemplative de cette vie,
est ordinairement précédée de la tristesse
ou de Tabandon. L'Ancien et le Nouveau
Testament nous font voir beaucoup d'âmes
saintes, éprouvées d'abord par la tribula-
tion, admises ensuite à goûter les consola-
tions promises de la béatitude, témoins
Abrabami I$aaC| Jacob, Job| Moiisoi David'»
Hî
abT
DICTIONNAIRE U'ASCETISlfE:
ABà
in
Tobîe et saiot Jean-Baptiste ; ensuite Jésus
lui-mémey notre Sanveur, Marie , Joseph,
les apôtres , les martjrs , les confesseurs
et les Tiei^es. — 3* Les saints Pères. Saint
Jean-Cbrysostome (m Matth. yiu) démon-
tre cette Térité par Texemple de Jésus»
souffrant* dès son berceau, les persécutions
d*Hérode, € afin que* fortifiés par cet exem-
ple, noos supportions avec courage toutes les
tribulations, sachant qu'elles sont les coropa*
gnes inséparables de la vertu ; » et concluant
Kr l'exemple de la sainte Vierge et de saint
sepb, en butte à toute sorte d'épreuves,
il ajoute : € que Dieu a fait en sorte de ne lais-
ser aucun de ses saints au milieu des consola-
tions ou des tribulations perpétuelles; mais
iîa parsemé la vie des justes d'une admirable
Yariétédefélicitéset d'épreuves.» Saint Bona-
venture {in iv Proc. relig. ) expose minutieu-
sement toutes les tentations par lesquelles
Dieu éprouve lésâmes justes dans Ieurintér6l,
et pour les faire arriver à la contemplation.
GersoD dit [Théol. mysi., caus. 9) : t Que la
pourriture pénètre mes os et me ronge inté-
rieurement,afinqiiejemere[)Oseaujourdela
trikulalion et que je m'élève (par la contem-
plation) jusqu à notre peuple ceint, » c'est-
à-dire jusqu'aux hommes parfaits. Sainte
Thérèse, qui, pendant dix-huit ans, fut dis-
posée à la contemplation par l'aridité, dit au
chap. X de sa vie : c Je pense que le Sei-
gneur, toujours au commencement, quel-
quefois à la fin de la vie spirituelle, éprouve
ceux qui l'aiment par des tourments inté-
rieurs et des tentations, afin de savoir s'ils
pourront boire son calice et porter sa croix,
avant de leur confier des trésors d'un prix
infini. » 3* La raison. L'âm eest puri-
fiée par l'abandon et par le feu d'une tri
bulation spéciale, afin aue, exempte des
dé&uts, même les plus légers, elle puisse
s'enflammer tout entière du feu de l'amour
divin et de la flamme de Ja contemplation.
Saint Jean de la Croix nous en donne une
belle explication {Noct. obscur, lib. ii, c. 10)
Sr la comparaison du bois qu'on met au
A. D'abord, il perd l'humidité qu'il con-
tient, il noircit ensuite; bienlAt il s'éclair-
cit, et enfin, après l'expulsion de toutes
les matières contraires à l'action du feu, il
s'enflamme et se transforme en un feu ar-
dent. Ce saint continue en ces termes : « Il
en est de même pour ce feu de l'amour et
de la contemplation. Avant^de s'unir et de
transformer rame, il la purifie de tout ce
qui lui est contraire, il la fait paraître dans
toute sa laideur, il la rend noire et obscure,
pire même qu'elle n'est en réalité; car cette
divine purification agite les humeurs vi-
cieuses et les maux intérieurs qui, pro-
fondément enracinés dans l'âme, lui avaient
échappé, en sorte qu'elle était loin de se
croire dans un aussi triste état. Bientôt,
EUT expulser et anéantir toutes ces souii-
res, cette épreuve les lui montre claire-
ment à l'éclat de la lueur divine , qui
rayonne du sein même de cette obscurité. »
JL'abandon, avons-nous dit, précède ordi-
nairement la contemplation et y dispose
l'flme ; car il n'est pas douteux que Dieu,
dans sa providence infinie et sa bonté, ne
Teuille parfois élever l'âme du premier de-
gré de la sainteté jusqu'à la contemplation,
comme il nous l'a montré dans la subite con-
version deSaul, et dans la sanctification, dès
le sein de sa mère, de son saint précurseur.
Outre cette disposition à la contemplation.
Dieu se propose encore , dans cet abandon,
d'autres fins, très-utiles pour nous, lesquel-
les sont autant d'effets et d'avantages que
Dieu nous procure par ce moyen. En effet.
Dieu, qui est si bon, ne tourmenterait pas
spécialement les âmes qui lui sont si chè-
res, s'il n'avait voulu leur accorder par là
des laveurs toutes particulières. Sans comp-
ter les autres fins, qui ne sont connues que
de la seule sagesse infinie, saint Jean Chry-
sostome (bom. i, ad popu/.), saint Bona-
venture (in vu Proc. rel.)^ Gerson IMyst.
théoLf caus. 6), Rodriguez (p. ii Èxerc,
perf.^ t. IV, c. *), en ont indiqué plusieurs,
dont nous donnons les principales. La pre^
mièrt de ces fins est d'instruire l'âme par
l'expérience, à ne pas trop s'attacher à la
douceur de la consolation^ mais à se laisser
éloigner de la mamelle par l'amertume de
Taloès , afin de puiser its forces dans une
plus solide nourriture, selon ces paroles
d'isaïe (xxviii, 9) : A qui le Seigneur ensei*
gnera-t-il sa loi? à qui donnerort-il Fintelli^
gence de sa parole 7 à des enfants sevrés ei
arrachés de la mamelle. • Il y a, dit saint Gré-
?;oire (I. xxiv Jtfor., c. 7), trois degrés dans
a conversion » le commencement, le milieu
et la perfection. Au commencement, les
convertis éprouvent le charme d'une déli-
cieuse douceur; au milieu de la conversion,
ils ont à lutter contre les tentations; mais à
la fin ils goûtent la plénitude de la perfec-
tion. Ils ressentent donc d'abord une dou-
ceur qui les console, ensuite une amertume
qui les exerce, enfin de suaves délices qui
les affermissent. »
La seconde fin de l'abandon, c'est de faire
désirer à l'âme, avec plus d'ardeur, la con-
solation dont elle est privée , de la lui faire
considérer comme une pure faveur, et de
l'exciter à mieux rechercher son bien-aimé,
dont elle déplore la perte. C'est par ce senti-
ment que l'âme sainte disait a son bien-
aimé : Le voici qui se tient derrière notre
mur, qui regarde par les fenêtres^ qui jette sa
vue au travers des barreaux [Cant. ii, 0); et
que saint Jean Cliniaque s'écriait {Scal.^
f. 7) : t La mère du petit enfant se cache
dessein, et elle se réjouit de le voir la
chercher avec inquiétude ; elle lui apprend
ainsi à ne f^s s'attacher constamment à ses
pas, elle lui fait mieux apprécier tout son
amour, et l'excite à l'aimer elle-même avec
plus d'ardeur. »
La troisième /m consiste à ffréserver l'âme
d'un subtil sentiment d'or j^uet/, qui se glisse
avec les biens que lui piocure la consola*
tion. En effet, dit l'Ecclésiastique (ii, 5) :
Vor et l'argent s^éprouvent par le feu : mais
les Aommet que Dieu veut recevoir au nombre
des siens $^ éprouvent dans h creuset de TAu-*
\f&
ARA
DICTIONNAIRE
ABA
464
miliation. « Si Vhomme, dit .^aint Bonaven-
ture, n'était pas quelquefois privé de lalcon-
solation spirituelle, il s'enflerait trop, per-
drait la grâce et périrait; Dieu la lui enlève
donc, pour l'orapôcher de la perdre. C'est
jusqu'à ce qu - #»
sacne le conserver avec prévoyance. » (Pro"
cess. Tii Relig.^ c. 1.) « Comme une mère,
dit saint François de Sales {Introd,^ p. 5,
c. lî), refuse du sucre à son fils, parce
qu'il engendre des vers; ainsi Dieu nous
enlève les consolations , guand elles font
nattre en nous des sentiments de vaine
complaisance et qu'elles nous exposent aux
vers de la présomption. »
'La Quatrième fin est d'affermir de plus en
plus I âme dans Vhumililé du cœur, par la
connaissance d'elle-même et de sa misère.
Rien, en effet, n'inspire mieux ce sentiment
que l'abandon, comme l'atteste David : Cest
un bonheur pour moi d*avoir été humilié par
vous [Ps, Gxviii, 71). Comme rien ne convient
mieux à l humilité que la tristesset dit saint
Jean Climoque [Scala^ grad. 7), rien ne lui
est plus opposé que le rire. « Pour réprimer
.l'audace de Thomme , écrit saint Laurent
Jusl. (i De cart. connub.^ c. 15), parfois la
sagesse divine se soustraif sagement h ses
regards, non par haine ou par mépris, mais
par amour ; car Jamais on ne reconnaît mieux
isa faiblesse que quand on se voit abandonné.
Un succès continuel est une cause de va-
nité. C'est à peine si l'âme instruite par
l'adversité et brisée par les sens, ^ûs, peut
reconnaître son infirmité. »
' La cinquième fin est de faire pousser à la
crainte filiale de Dieu de plus profondes ra-
cines dans l'âme. Sur qui jetterai-je les yeux ,
dit le Seigneur, sinon sur. le pauvre qui a le
cœur brisé let qui écoute mes paroles avec
tremblement? (Isa. lxvi, 2.) Et saint Jérôme
ajoute ce commentaire : oc Le Seigneur jette
donc ses regards sur quiconque est humble
et paisible, et écoute ses paroles avec
crainte. »
La sixième fin est d^eiciter l'âme à la
prièrCf en lui faisant reconnaître tous ses be-
soins. C'est ce que faisait David : Sauvez-
moij Seigneur, parce que les eaux des tribu-
lations sont entrées jusque dans mon àme
(Ps. Lxviii, 2). Ez^chiàs s'écriait aussi, sur
le point de mourir : Le Seigneur, comme un
lion, a brisé tous mes os. Le matin je disais :
Seigneur, vous finirez ma vie ce soir. Je
criais comme le petit de Vhirondelle, je gé-
missais comme la colombe (Isa. xxxviii, 13,
H). Voici comment saint Jérôme explique
ce passage : « Xa mort qui s'approche, la
douleur qui m'accable, ont, comme un lion,
brisé tous les os de mon corps. Et moi,
comme l'hirondelle et la colombe, je passais
toutes mes nuits dans les pleurs et tes gé-
missements ; et, les yeux levés vers le ciel,
je n'attendais de secours que de Dieu, qui <■ la vérité de Dieu, tant que vous ne you«
seul pouvait me venir en aide. » éloignerez pas volontairement de lui » en
La septième fin est d'exercer l'âme duiusle consentant a transgresser ses préceptes. » •
% ]$L patieneef selon ces paroles de VEccli- i Là dixième fin est de purifier l'âme dans
siastique (ii, k) : Recevez de bon cceur tout ce
qui vous arrivera : demeurez en paix dans
votre douleur, et au temps de votre humilia-
tion conservez la patience. Car Vor et l'argent
s'épurent par le fcu; mais les hommes que
Dieu veut recevoir au nombre des siens^
s^ éprouvent dans le creuset de r humiliation.
Saint Jacques dit aussi : Mais vous autres,
mes frères , persévérez dans la patience jus-
qû*à Vavénement du Seigneur : vous voyez
?nie le laboureur, dans Vespérance de recueil^
ir le fruit précieux de la terre, attend pa-
tiemment la première et r arrière-saison. Soyez
ainsi patients et affermissez vos cœurs; car
Vavénemcnt du Seigneur est proche [Jac. v, 7
et 8). Saint Augustin dans son Commentaire
sur le ps. Lxi, s'exprime ainsi : « La four^
naise, c'est le monde ; la paille, les mé-
chants; l'or, les justes; le feu, la tribula-
tion; l'orfèvre. Dieu. Je fais ce que veut
l'orfèvre; je supporte les épreuves qu'il
m'impose. Mon devoir est de les supporter»
et c'est par elles qu'il me purifie. » Voici
comment saint Jean Chrysostome explique
la comparaison de saint Jacques (hom. jh,
ad. pop.) : « La pluie ne fait pas germer et
croître la semence, autant que les larmes
répandues font grandir et fleurir les semen-
ces de la piété. Ces larmes purifient Tâme
et arrosent l'entendement; elles font croître
en peu de temps le germe de la doctrine ;
aussi est-il nécessaire de tracer un profond
sillon. »
La huitième fin est de fortifier l'âme dans
la foi pure, indépendamment de Texpé-
rience de la consolation. Aussi VEccléstas-
tique, parlant de ceux qui sont livrés à
Tabandon (ii, 8), dit : Vous qui craignez le
Seigneur, croyez en lui, et votre récompense
ne sera pas vaine. C'est ce que prouve saint
Bonaventure {Proeess. vu Relig., c. 1) : a Le
Seigneur veut nous instruire, par la priva-
tion de consolation, à nous appuyer sur la
vérité de l'Ecriture et de la foi, plutôt que
sur notre expérience, quelle quelle soit;
car la foi n'aurait pas do mérite, si elle con-
sistait dans la seule expérience. »
' La ^neuvième fin est cf'affermir davantage
l'âme dans Vespérance, indépendamment du
secours des consolations. V Ecclésiastique
nous le montre encore (ii. 9) : Vous qui
craignez le Seigneur, espérez en lui, et sa mi--
séricorde vous consolera. Saint Bonaventure
le prouve {loc. citât.), en montrant que
l'espérance qui s'appuierait sur l'expé-
rience, ne serait pas une espérance vérita-
ble, et que nous devons par conséquent
plutôt espérer par la patience et la consola-
tion des Ecritures, a M'ayez donc aucune
défiance, dit-il, si Dieu vous prive des dou-
ceurs de la consolation intérieure, comme
s'il vous délaissait et n'agréait pas vos bon-
nes œuvres; mais recourez à ces témoigna-
ges véritables et qu'ils vous consolent , de
manière à vous remplir de confiance pour
les
ABA
D'ASCETISMEs.
ABA
1641
Yamour de Dieu^ abstraction faite de toute
consolatioa et de toute jouissance particu-
lière. C'est encore VEcclésiastique qui nous
renseigne (Tf 10) : Vou$ qui craignez le
Seigneur^ ckérissex îe ^ et rot caurt seront
éclairés, Jean d*AriIa dit à ce sujet (m Audi
filia^ c. 26] : € De môme que c'est la marque
d*un bon Chrétien d*aimer pour Tamour de
Bieu celui qui m*a fait du mal, car il n'est
personne qui n*aiaie son bienfaiteur; de
même rendre grâces à Dieu dans Tadvcrsité,
et ne pas s*arrèler à la rigueur qu'il nous
montre extérieurement, pour ne considérer
que la récompense cachée qu'il nous nré-
pare par ces épreufes, c'est la marque d'un
homme qui ne voit pas avec les yeux de la
chair, et qui aime Dieu, puisqu il se con-
forme à sa Yolonté dans les peines qu'il a à
souffrir. »
La oiixteme /ttt est d*enseigner à l'âme, par
le langage en quelque sorte nouveau que
Dieu lui parle dans Tabandon, i connaître
minutieusement, à discerner et à extirper
tous ses défauts^ toutes ses intentions mau-
vaises , toutes ses affections vicieuses ca-
chées dans sa partie sensitive ou intellec-»
luelle. En effet, la tribulation et l'abandon
soitl cette parole de Dieu^ vivante et efficace^
qui perce plus quune épie à deux tranchants ;
elle entre et pénètre jusque dans les replis de
Came et de t esprit^ jusque dans les jointures
et dans la moelle ; et elle démêle les pensées et
Us mouvements du cœur [Hebr* iv, 12). Car,
«linsi que le remarque saint Grégoire (m
Ezech.^ bom. 31) : Souvent nous pensons une
chose et nous avons intention d'en faire une
autre.
La douzième fin est d'orner l'âme de vertus^
de la rendre digne de son divin époux, de la
uriQer complètement par le feu de la tri-
ulation et (le la rZ/bnner tout entière d'une
manière conforme a la volonté de Dieu. C'est
ainsi que David s'écriait : Je me suis écoulé
cornsne Teau, tous mes os se sont déplacés; mon
cœur au milieu de mes entrailles est devenu
semblable à la cire qui se fond (Ps. xxi, 15,.
Aussi Thaular nous enseigne (c. 11 Just.) :
m Toute âme qui voudra devenir la reine
bien-aimée et [^référée de son é{>oux éternel
ne peut v parveni&que par le feu ardent des
adversités ou des aJUictions, qui étendent
leurs ravages uisque dans la moelle de ses
os, et qui préparent l'âme comme le feu
prépare la cire à recevoir toutes les impres-
sions que Touvrier voudra lui faire pren-
dre. 9
Pour que Tabandon poisse obtenir toutes
tes fins, nous devons, avec le secours de la
grâce, coopérer à la volonté de Dieu. Ainsi
nous l'enseigne TEcriture sainte : Efforcez^
mauê de plus en plus^ mes frères^ d affermir
votre vocation et votre élection par les bonnes
eeuvres (II Petr. i, 10). Mes frères bien-^imés^
demeurez fermes et inébratitables^ et travaillez
soiu cesse de plus en plus à l'ouvre de DieUf
êoehani que votre travail ne sera pas sans ré^
compense en Notre-Seigneur (I Cor. xv, 58).
C est aussi l'avis du concile de Trente, qui
exhorte les justes à la persévérance en disant :
c
// faut opérer son salut avec crainte et trem-
blement dans les travaux^ les veilles et les au^
ménes^ dans les prières et les offrandes^ dans
les jeûnes et la chasteté (sess. n, c. 13). Donc
les âmes d'élite,app"lées par la dure épreuve
de Tabandon h la douceur de la contempla-
tion et à une perfection complète, doivent
fortement s appliquer à la pratique des bon-
nes œuvres en supportant avec courage cet
abandon ; elles doivent rester fermes et im-
mobiles et coopérer h la grâce divine; car
leur labeur ne restera pas stérile aux yeux
de Dieu.
;. Cependant certaines âmes affligées ont
coutume de prétexter des excuses d'im|)os«
sibiiité, et 1' elles disent que» dans leur
abandon, il leur est impossible de continuer
]a pratique des bonnes œuvres, qu'elles ne
se reconnaissent propres à rien de bien et
sont obligées de s'écrier, en gémissant avec
saint fiernard (serm. 54, in Cant.) : « Je ne
trouve aucun goût dans Jes psaumes ; la lec-
ture et la prière sont pour moi sans dou-
ceur; je ne puis plus me livrer à mes médi-
iations accoutumées Paresseux pour le
travail manuel, endormi Quand je voudrais
veiller, je suis devenu prompt à la colère,
opiniâtre à la haine, intempérant dans mes
pdroles et mes repas, lourd et négligera
dans la prédication. » J'ompfunteraif pour
leur répondre, les paroles de l'Apôire: Dieu
est fidèle et Une permettra pas que vous
soyez tentés au-dessus de vos forces ; mais il
vous fera tirer avantage de la tentationméme^
ajin que vous puissiez persévérer (I Cor. x, Vi).
Car, selon Je concile do Trente : t Dieu
n'ordonne pas rimjiOssible; en ordonnant,
il vous avertit de faire ce que vous pouvez,
de demander ce que vous ne pouvez pas, el
il vous aide pour que vous le puissiez (sess.
6, c. llj. n Dieu lui-môme dit formellemeni
aujusle : Je suis avec lui dans la tribulations
je le délivrerai et je le glorifierai {Ps. ic, 15).
Donc bien que, par uous-mômes, nous oe
puissions seuls faire de bonnes œuvres au
milieu d'une telle contradiction , nous le
pouvons toutefois avec celui qui peut tout«
Quoique nous paraissions et môme que nous
2»ojons réellement abandonnés de lui, quant
à sa présence sensible et expérimentale,
toutefois par sa présence insensible et pu«
rement spirituelle, il est avec nous et il
travaille avec nous par sa grâce. — â*Ces
âmes disent encore que, malgré tous leurs
efforts, elles ne pensent pas pouvoir coopé-*
rer à la grâce de Dieu, et qu'elles éprouvent
en elles-mêmes le sentiment que désigne
l'Apotre {Rom. vu, 18) : Je trouve en moi la
volonté défaire le frien, mais je ne trouve point
le moyen de l'accomplir. Saint Thomas leur
répond (lect. 30) : € Je trouve en moi la vo*
lonté de faire le bien depuis que j'ai été ré*
généré par la grâce. En effet, c'est par l'opé^
ration de cette grâce divine que non-seule*
ment je veux le bien, mais ensore que je fais
quelque bien, puisque, guidé par l'esprit,
je résiste è la concupiscence; mais \e ne
trouve pas en mon pouvoir les moyens
d'accomplir entièrement le bien, c*est-a^dire
167
ABA
MCTIONNAtRE
ABA
168
de repousser complètement Ta concupis-
cence.» Résistons donc &la partie inférieure,
luttons contre elle, voulons efficacement le
bien dans la partie supérieure ; qu'il soit
Tobiet de tous nos désirs ; car si nous le
désirons ardemment, dit saint Augustin,
pourquoi ne Tobtiendrions-nous pas?(conc.
§ m ps. Gxnii) : « Ce .qui seul nous em-
pêche d'obtenir les justifications de Dieu,
c'est que nous ne les désirons pas réelle-
ment. » Si ces Ames ont encore des craintes
sur Tefficacité de leur coopération, | il ne
leur reste plus, dit saint Bonaventure ( in
IV Proe. retig.f c. 4), « qu'à élever vers le
Seigneur leurs cris et leurs instances, quand
elles souffrent la Iribulation, aQn d'être dé-
livrées de leurs nécessités. » — 3* Elles di-
sent aussi qu'elles connaissent bien toute la
vertu de la prière, mais qu'elles en sont com-
plètement incapables, qu'elles peuvent à
Seine dire un seul mot, à peine élever leur
me à Dieu. Répondons-leur avec saint Lau-
rent Justinien] (7'r. de perf. mon., c. 18) :
« Dans cette situation, loin de négliger la
firière,il faut y persévérer avec constance....
I faut élever ses cris vers le ciel avec un
humble et ardent désir de cœur, toujtes les
fois que notre esprit est assailli, pendant la
prière, par le choc des pensées mauvaises.»
C'est la nécessité elle-même qui nous donne
ce conseil. Aussi ce grand saint ajoute:
« Après avoir perdu le port du paisible re-
pos, on doit s'écrier sans cesse vers le Sei-
gneur el lui dire : Sauvex-moi, mon Dieu^
puisque les eaux ont pénétré jusqu'à mon
âme. » « Faites une prière, dit saint Augus-
tin, aussi courte et aussi parfaite que jpossi-
ble : Di^u est toujours le même Puissé-je
me connaître et vous connaître! Une invo-
cation semblable sufTit. » Qu'on ne résiste
donc pas aui desseins de Dieu, mais qu'on
se soumette à sa volonté avec humilité et ré-
signation.—4"* Elles disent enGn que cette
résignation leur serait moins difficile si elles
avaient la certitude que l'abandon intermi-
nable auquel elles sont livrées, est seule-
ment une épreuve, et non une punition de
leurs fautes présentes et passées. Mais si
quelqu'un est puni par l'abandon des fautes
qu'il a commises ou qu'il commet encore
tous les jours, c'est une raison pour lui de
s'abstenir d'en commettre de nouvelles, et
de subir le chfttiment de ses péchés avec
patience et résignation à la volonté divine,
en s'écriant avec Job (xxxni, 27) : J'ai p^-
chéf foi vraiment offensé Dieu et je n'ai point
été châtié comme je le méritais. Ecoutons cet
avis de Louis de Blois(65) (Consol.pusillan.^
c. 25) : « Si dans les afflictions votre âme
n'est pas toujours également résignée, vous
n'avez pas perdu pour cela tout espoir de
aalut, ni même la grâce de Dieu ; gardez-
TOUS seulement do résister à Dieu avecim-
patience et opiniâtreté. Car si vous conser-
vez, autant qu'il vous est possible, une
humble et douce patience, vous serez chéri
de Dieu, et vous parviendrez enfin à la féli-
cité de son céleste roj^aume. »
L'âme affligée coopérera en effet henrea-
sèment, dans l'état d'abandon, à la volonté
et à la grâce de Dieu, si ell; observe avec
soin les règles suivantes :
L Que la personne affligée se confie hum-
blement et simplement à un sage et pieux
directeur spirituel. C'est le conseil de saint
François de Sales (p. k Introd.^ c. ii) « Al-
lez trouver votre confesseur, ouvrez-lui
votre cœur, dévoilez-lui tous les replis de
votre âme; acquiescez on toute simplicité
et toute humilité aui conseils qu'il vous
donnera: car Dieu, qui aime surtout l'obéis-
sance , rend souvent utiles les conseils que
l'on reçoit, surtout les conseils des direc-
teurs des âmes, quand même nous n'en
apercevrions pas 1 utilité. » Le saint prélat
le prouve par l'exemple du Syrien Naaman,
c^ui vint trouver Elisée pour obtenir la gué-
rison de sa lèpre ( lY Reg. v ).
Cette règle est-universelle et en quelque
sorte transcendante. En effet, toutes les rè-
gles suivantes peuvent bien être pratiquées
par celui qui souffre l'abandon ; toutefois,
dans leur observation, il doit toujours se
laisser guider par les conseils de son direc-
teur; et le directeur doit aussi s'en servir
pour venir eii aide à l'âme abandonnée.
|r IL Si rame, en proie à l'abandon et aux
tribulations est souillée de péchés, qu'elle
se tourne de tout cœur vers le Seigneur, se
rappelant que c'est par cette voie que Dieu
rappelle ordinairement les pécheurs à son
amitié; il les trouble par les adversités, aQn
de leur apprendre à ne chercher de vérita-
ble paix qu'en Dieu seul C'est ce que le
concile de Trente nous enseigne (sess. iit,
c. k) par l'exemple des Ninivites et par ce
qui est arrivé au roi Manassès (// Paralip.
xxxiu , 12) : la tribulation de la captivité
inspira à ce prince un véritable repentir.
Beaucoup d'autres ont été de même con-
duits à la pénitence par les afflictions ; mais
cette pénitence par leur faute est demeurée
stérile , parce qu'ils n'ont pas convenable-
ment répondu a la grâce : témoin le roi An-
tiochus [I Mach. vi; f/, ix).
Dans ce dernier cas, l'âme pécheresse
n'est pas disposée à la contemplation par
rabandon et les adversités, à moins que ,
par une faveur toute particulière, qui ne
peut faire règle, on ne s'élève, au moment
même de la conversion jusqu'à la hauteur
de la contemplation. Alors cette faveur se
manifeste d'une manière toute spéciale.
Ainsi Saiil est terrassé, aveuglé, en proie à
de vives tribulations; quand il se relève, il
s'appelle Paul, il est ravi jusqu'au troisième
ciel [Act. ix). Remarquons néanmoins que
dans ces cas extraordinaires, où Jésus veut
lui-même servir de maître au nouveau con-
verti, il envoie son disciple, malgré sa haute
perfection, à Ananie, a un directeur hu-
main (Act. vn). C'était, selon la remarque
de Cassien [Collât.^ ii, c. 15), pour donner
un exemple à la postérité, et pour réprimer
la présomption de ceux qui prétendraient
ne prencire d'autre maître que Dieu seul, et
(65) JB/ostaii, en français Loais de^Blois, né (à Liège, écrivain du xvi* siècle, voir Tart. m Blois«
ABà
D*ASCET1SM£.
ABA
!:•
préféreraient 8*ea tenir exclosiTement à sa
doctrine, méprisant les enseignements des
personnes expérimentas.
III. Si TAme en proie à la tribulalion est
iiide dans le service dirin, n'aspirant pas h
la perfection et cherchant k peine à fuir le
péché mortel , qu'elle onvre ses yeux acca-
blés par le sommeil de la tiédeur, qu'elle
Voie dans cette tribnlation un mo^en dont
Dieu se sert pour rinstruire, lui faire con^
nattre les dangers qu'elle court, et la faire
marcher avec fermeté et avec ferveur dans
la voie de Dieu. C'est pourquoi le Roi-Pro*
phèCe priait ainsi le Seigneur: Camprimeg
f «NT bouAe aoec te mors et le frein , parce
qu^oHiremetu iU me $* approcher aient pat de
«MU {Pt. xxs. 9K C'est aussi de ces Ames
que parle Gerson , en disant ( Tr. de mont.
comiempL^ c. 15] : « Il en est d'humeur et
de condition aiflérentes, qui sont plus
endurcis^ et ont un caractère aussi rétif que
rtoe même ; ils ont besoin d'être stimulés :
les tribulations et les adversités sont les
meilleurs mo/ens de les ramener à Dieu. Ce
IKeu tout-fmissant les attire è Inî, comme
une mère attire son enfant qui Ta quittée.
Elle fait en sorte oue d'autres l'attaouent et
le tourmentent : renfant appelle alors sa
mère et retourne auprès d'elle en pleurant.
Bile le reçoit dans ses bras , et ''avertit de
ne point s éloigner d'elle à l'avenir, ajoutant
Sue partout ailleurs il ne peut qu'éprouver
u mal. »
Dans ce cas encore Tabandon n*est pas
4ioe disposition k la conlempletion ; car de
la tiédeur A la contemplation» le chemin est
long A parcourir. Et si Dieu, par un miracle,
n'y dispose pas autrement, il faut d'abord
dusser toute tiédeur, éveiller la ferveur en
son Ame, rentrer dans la voie spirituelle, et
y faire de grands proj^rès. L'âme tiède doit
donc suivre ce conseil de Y Apocalypse (ui,
19): Animex-vous de zèle et faites pénitence^
c*est-iHlire, selon l'explication d'Alcazar;
« Reconnaissez à la fois TOtre misère et
mon amour, et animé du feu de mon amour,
enQammez-vous de zèle contre la tiédeur et
laites pénitence.»
IV. ^i l'Ame éprouvée par la tribulalion
s'applique avec une entière résignation au
service divin, et au*elley persévère, évitant
les péchés mortels et les fautes légères les
filus notoires et les plus fréquentes, faisant
e bien, s'avançant par Texercice des vertus
et aspirant A la perfection ; mais que d'un
autre côté elle fasse peu de progrès dans la
mortification de ses passions, dfans la con-
naissance de soi-même et de ses défauts, et
ne soit pas en état d'agir d'une manière
héroïque, elle doit s'efforcer, au milieu de
ses tribulations , de les supporter avec une
sainte résignation, et d'avancer dans la vertu,
surtout dans la vertu d'humilité. Voici ce
que nous lisons dans YEccUsiasîique (ii, i ),
an sujet de ces Ames, quand elles commen-
cent A marcher dans la voie spirituelle:
Mon fUSf lorsque vous entrerez au service de
Dieu^ demeurez ferme dans ta justice et dans
la crainte^ et préparez votre âme à ta tentation.
Diction!!. n'AscftDsxE. 1.
Quant h ceux qui sont en voie de progrès,
Jésus-Christ leur dit lui-même : Je mti
venu apporter te feu sur la terre^ et que veusp*
je, sinon qu'il s'allume? {Luc. xii, lo.) Qu'il
s'agisse ici du feu de la tribulation, comme
Teotend Maldonat, d'après Tertullien; qu'il
s'agisse du feu de la charité, selon Taccep-
tion commune , cela prouve, dans l'un et
l'autre sens, que Jésus-Christ veut allumer
par la tribulation le feu de la charité, comme
par un bûcher.
Ce n'est pas encore là une disposition à
la contemplation ; il faut, dans cette situa*
tion d*esprit, s'appliquer aussi persévéram*
ment que possible à la méditation. Voici ce
que dit Gerson A ce siyet (7r. de perf.^
consid. 5 ) : « Il est aussi difficile d'allumer
le feu de la dévotion spirituelle au souffle
de la méditation, que d allumer un feu ma-
tériel avec du bois humide, vert ou souillé
de boue. Soufflez, faites les plus grands
efforts ; ce bois ne produit d'abord que des
nuages de fumée qui tous aveuglent. A
peine si Ton voit briller une étincelle, qui
's'évanouit aussitôt. A moins de persister
avec constance, vous aurez bientôt, dans
▼otre dépit, dispersé tout le bois : cette pei^
sévérance doit ici se joindre à la méditation. »
V. Si l'Ame délaissée a déjA fait de grands
progrès dans la mortification de ses passions,
et dans la connaissance de soi-même et de
ses défauts; si die agit héroïquement,
qu'elle s'exerce alors, au milieu de ses tri-
bulations, A pratiquer héroïquement les
Tertus et surtout I humble résignation au
bon plaisir de Dieu. Si elle n'y manque pas,
elle peut espérer qu'A cette épreuve succé-
dera le don de la contemplation. Qu'elle se
rappelle l'exemple de Jérémie, s'élevant de
cet état d'abandon jusqu'A la contemplation,
il l'atteste lui-même (Thren. ni, 1) : Je suis
un homme voyant ma pauvreté^ sous la verge
-de rindignation du Seigneur. Il trace un
tableau terrible de son abandon; ensuite il
prie Dieu humblement : Souvenez-vous de la
pauvreté où je suis et de r excès de mes maux
{tfttd., 19). Alors Tespérauce renaît dans
son cœur : Ce souvenir que f entretiendrai dans
mon cœur deviendra te sujet de mon espérance
Iibid. , 21 ). Il est bon d'attendre en silmee
e salut que Dieu nous promet (t6td. , 96].
Il dit entin : îl s'assiéra^ il se tiendra soli-
taire f et il se taira , parce qu'il a mis ce joug
sur lui (t'Aid., SB)!, ou, selon d'autres,
parce qu'il s'est élevé au-dessus de lui-
même. Voici comment saint Basile expose
ce passage ( De laud. vit. solit. ) : « L âme
qui désire Dieu avec ardeur, s'élève
au-dessus d'elle-même, et en s'arrachant
des choses terrestres, elle parvient A la
hauteur de la contemplation divine , se
sépare des actions du monde, et pa' ses
célestes désirs s'envole dans les réçons les
f»Ius éleyées de la contemplation. Lorsque
'homme s'efforce d'apercevoir celui qui est
au-dessus de tout, il s'élève au-dessus de
lui-même et de toutes les bassesses de cette
vallée du monde. »
Louis de Blois ( Consol. pusitlan. , c. 96 )
e
171
ÂBÂ
DlGTlONiNAlRE
ADA
172
nous montre combien doit ôlie parfaite la
résigaation de l'Aoïe dans l*abandon« pour
la disposer à la contemplation : « La morti-
fication, TabnégatioD, la résignation Ja perte
et l'annihilation de soirméme« voilà le fon-
dement du salut. Si vous vouiez être /ce que
vous u*êtes pas, détachez -vous d*abord de
ce gue vous êtes. Qu'on se persuade bien c|u'il
ne laut pas se flatter de résignation, ni s'ima-
jginer qu'on est réellement résigné, tant
qu'il reste une seule goutte de sang dans
les veines qui n'ait été purifiée par une véri-
table résignation. » Il ajoute avec sagesse :
« Ne vous laissez point abattre, mes bien-
aimés I l'entrée du céleste royaume vous
est ouverte, quand même vous ne parvien-
driez pas au faite de la perfection. Il y a
dos petits et des grands dans la divine
patrie. Faites tout ce qui dépend de vous,
persistez dans vos bonnes résolutions et dans
vos saintes pratiques. Et si vous ne pouvez
atteindre au sommet de la montagne, vous
n'en serez pas moins sur le chemin du
salut éternel. »
VI. Si l'Ame parfaite^ éprouvée par l'afflic-
tion, tombe dans quelques défiiuts, que
loin de perdre confiance, elle cherche à se
perfectionner, en s'bumiliant, en faisant à
son directeur l'aveu de ses fautes, et en
ayant toujours recours à Dieu. « Les délais
que l'on éprouve dans la voie de la perfec-
tion, dit saint Bonaventure (Pr0e. yii Relig,^
c. 2 ) , sont eux-mêmes un moyen de per-
fection, quand on s*humilie. Aussi Dieu
modère sagement notre course, pour que
nous puissions aller plus loin et mieux
nous défendre de l'orgueil. Car souvent
des progrès trop sûrs et trop rapides et une
ferveur continuelle épuisent les forces du
corps. » Voici comment Louis de Blois le
démontre ( De eons. pusill. c. 30 ) : « Les
apôlrcs, les disciples et les amis de Dieu
désiraient avec ardeur posséder toutes les
vertus et s'élever à la plus haute perfection;
mais en cette vie ils n ont pu se débarrasser
entièrement do toute imperfection. » Aussi
disaient-ils : Nous faisons tous beaucoup de
fautes {Jac. m, 2), et : Si nous disons que
nous sommes sans péchi^ nous nous séduisons
nous-mêmes^ et la vérité n'est point en nous
(/ Jom. I, 8 ).
Consignons encore ici une sage remarque
de Louis, de Blois i^loc, cit.^ c. 16 ):
« Presque toujours Dieu permet que ses
amis les plus chers aient encore quelque
défaut, qu'ils soient prompts à la colère et
à l'emportefoent Les serviteurs du Christ
ne doivent en concevoir aucune crainte :
s'ils n'ont pas trop de confiance en eux-
mêmes et s'ils se connaissent parfaitement,
ils remédieront facilement à ces défauts et
seront plus précautionnés è l'avenir. » C'est
ce qui fait dire à sainte Thérèse (Mans, vi,
cl), è propos d'un confesseur 'inexpéri-
ineniô : « Quand il remarque dans une âme
arrivée à cette extraordinaire perfection ,
quelque faute légère, il l'attribua de suite
andéinon ou à des humeurs noires; car
U s'imagine qure les personnes ' que Dieu
gratifie de ces faveurs, deviennent des
anges, ce qui est impossible, tant que nous
sommes dans ce corps terrestre. » C'est
pourciuoi les amis de Job ont été biftuiés
de Dieu, de ce qu'au lieu de le consoler, ils
lui reprochaient amèrement les fautes les
plus légères, et leur supposaient une gra-
vité qu'elles étaient bien . loin d'avoir
( Job xLii, 7 ).
VU. L'Ame parfaite peut se consoler par
la pensée qu'elle n'est pas abandonnée de
Dieu en réalité; car Dieu l'aime toujours
secrètement et ne se cache à elle que pour
un temps. C'est ceque montre Notre-Seigneur
Jésus-Christ lui-même, qui, dans l'extrême
abandon où*il était réduit, fut visité par un
ange^envoyé du ciel pour te fortifier. D'ailleurs
nous voyons dans r£crilure sainte et dans
la Vie des saints, que Dieu console habituel-
iement les &mes désolées par des anges ou
par ses ministres. Aussi Louis de Blois nous
art ( in jConsol. pusill.f c. 23): « Ayez boo
courage, ô ftme patiente ; car, dans toutes
vos amertumes, Jésus-Christ, l'élu de votre
cœur, saura [)énétrer en vous, bien que les
portes lui soient fermées, c'est-à-dire mal-
gré tous les eiforts que votre dureté lui
oppose, et il saura vous remplir d'une dou-
ceur nouvelle et que vous n'avez pas encore
éprouvée: souffrez donc avec patience l'amer-
tume de votre abandon, pour votre, enfer, et
votre purgatoire. »
Le sage directeur ou confesseur d'une de
ces &mes délaissées peut lui permettre d?
chercher quelque secours, soit en Dieu^ en
le priant avec humilité et avec amour, ou
même en lui faisant entendre quelques
plaintes innocentes, afin que, s'il ne montre
pas son visage, il donne au moins quelques
marques de sa présence ; aot/ dans les moyens
naturels^ en cherchant è calmer un peu les
angoisses de son cœur par quelaue prome-
nade ou quelq^ue innocente récréation. Ces
moyens de cnercher quelque consolalioo
dans la prière ou dans quelque déiassemeat
se trouvent fréquemment indiqués dans les
Psaumes et les Cantiques. Jésus-Christ lui-
même, dans le jardin, au moment de son
abandon, priait son Père d'éloigner de juif
s'il était possible, le calice de sa passion.
Sainte Thérèse (in Ftia, c. 11) remarque
3ue parfois ces sortes d'aridité proviennent
e quelque indisposition du corps ou de
quelque agitation des humeurs : et dans ce
cas, la situation s'empire, si l'on a trop de
contention d'esprit. « Il faut donc, dit-elle»
que les directeurs sachent reconnaître quanu
la sécheresse vient de cette cause, pour ou il-^
n'achèvent pas d'accabler cessâmes malheu-
reuses. Ils doivent alors les 'traiter coma^^
des malades, et changer l'heure de leur
prière, souvent même pour plusieurs jours.»'
Elle ajoute que ce discernement est d'autan
plus nécessaire, qxxe l'aridité peut encore
être causée par le démon. Aussi n'esl-il P**
toujours utile de se dispenser de la prière,
sous prétexte de distraction et de gr»"''
trouble dans l'intelligence, et, d'un ai» ^J^^
côté, il ne faut pas forcer l'àmeàfalre cf
lis
ABA
D*ASC£T1SME.
ABA
i?i
qu'elle ne peut eiâcater. Cesi pourquoi la
même sainte a|oate : c II ne manque pas
d'autres œuvres extérieures de charité, de
lecture spirituelle, etc.» pour s'occuper. Et
si rame Tenait k ne se trourer capable d*au-
cune de ces œurres, qu'elle s'ooeupe alors du
corps pour l'amour de Dieu, afin d'obtenir
la grâce de s'occuper plus souvent d'elle-
même ; qu'elle Se soulage par quelque sainte
récréation, comme une pieuse conversation,
une promenade dans un jardin ou dans la
campagne, d'après le conseil du confes-
seur. »
YUL L'Ame affligée doit concevoir l'espé-
ranee d'une future consolation, sans toutefois
calculer en elle-même le temps que doit
l urer l'abandon, et sans déterminer à l'a-
vance le moment de la consolation. Qu'elle
soit toujours animée du généreux sentiment
de se conformer toujours au bon plaisir de
Dieu,dût-elle rester toute sa vie dans l'aban-
don. C'est ce que nous enseigne VEcelésioi^
iiipu ( XI, 27 et 28 J : i^Te perdez pas le souvenir
du mal au jour heureux^ ni le souvenir du
bien au jour malheureux. Car il est aisé à
Dieu de rendre à chacun^ au jour de la mort,
selon ses voies. Il faut donc peu s'inquiéter
de la consolation qui doit suivre l'abandon
en cette vie, mais s'inquiéter plutôt de la
eonsolation après la mort, guand même la vie
tout entière serait en proie k la désolation.
Jésus-Cbrist lui-même, après avoir déclaré
que son abandon durerait jusqu'à sa mort
( JfolA. xxvu, M ), dit bientôt qu^il ne cher-
che de consolation que dans celte mort:
Mon Pire, je remets mon esprit entre vos
mutins [Lue, xxiii, 46 j.
i Thaulcr (in Serm. de SS. Mart.) appelle
martyrs spirituels ces flmes qui parfois
sont éprouvées ;par l'abandon, après s'être
élevées à la peiiection, par la voie moins
ordinaire et moins ferme des consola-
tions. Le plus souvent les consolations
n'arrivent que quand les épreuves ont
fait faire des progrès solides dans la perfec-
tion. Alors ces Ames doivent éviter, dans
leur affliction, d'offenser Dieu par leurs
{plaintes, et de perdre par leur abattement
es progrès qu elles ont déjà faits, en ne
montrant aucune résignation, et en trouvant
trop pénible de supporter ces adversités
jusqu à la mort. Leur peu de courage ne
fera que prolonger et aggraver ces souffran-
ces, que la bonne volonté el famour leur au-
raient lait trouver légères. Plus leur résigna-
tion serait sincère, plus elles en recueille-
raient de fruit et de gloire. Après cette nuit
obscure de l'abandon, éclate la urillante clarté
de la lumière parfaite, qui fera luire l'éter-
nelle vérité sur l'homme, dont la conduite
aura toujours été droite et sans reproehe.
IX. Quoique le confesseur, d'après des
signes sagement remarqués, puisse espérer
Îu'une telle Ame sera consolée par l'élévation
la contemplation et les faveurs qui en dé-
coulent, il n est toutefois utile qu à lui seul
de constater tacitement ces effets, et de se
conformer, selon cette observation, aux
desseins de Dieu ; il n'y a donc ni avanlagCi
ni nécessité d'en prévenir cette Ame k l'a-
vance, ni même de l'encourager par l'espoir
certain dVriver k la contemplation. Car au-
trement, cette Ame serait exposée au péril
de désirer avec excès cette fkveur et de servir
Dieu dans cette seule intention ; il pourrait
même arriver qu'après avoir vaillamment
supporté toutes ces épreuves, Dieu refu-
sAt, dans la profondeur de ses desseins, de
lui accorder la grAce de la contemplatîo».
En effet, comme le remarque justemeut
Louis de Blois {De eohs.pusitt., c. 28) : « Lé
Seigneur Jésus, Roi des roii, n'a pas permis
k tous les hommes de venir, pendant la du*
rée die leur exil, s'asseoir avec lui k sa table*
c'est-k-dire jouir pleinement des délices et
de la quiétude de la sainte contemplation.
H en a choisi plusieurs pour se tenir.devant
sa table, comme ses serviteurs, et le servir.
Il ne veut pas, dans son vaste palais, dans
son Eglise, n'avoir que des jeunes filles déli-
cates et parées, mais il établit des princes^
des cheis, des soldats et des serviteurs:
chacun a son rôle k remplir, et se tient tou-
jours prêt k s'en acquitter. Dieu n'aime pas
uniquement les délices intérieures de la
haute contemplation; il voit aussi avec
plaisir les exercices extérieurs des occupa-
tions utiles, qui sont exclusivement pratiqués
pour sa gloire et son amour. Au reste, après
cet exil, tous ceux qui sont k Jésus-Christ
viendront s*asseoir k sa table éternelle et
bienheureuse. Qu'ils ne perdent donc pas
courage, ceux qui, tout en pratiquant avec
soin la mortification, Tabnégation et la rési-
gnation, n'obtiennent pas toutefois ici-bas
la çrâce de la parfaite contemplation ; mais
3u ils persévèrent fidèlement dans le service
u Seigneur, et qu'ils aiment cette grAce
dans les autres, k qui Dieua daigné l'accorder
en cette vie, par une bonté toute gratuite. »
Saint Jean de la Croix indique trois man-
ques pour reconnaîtra si l'abandon doit être
suivi de la contemplation. 1* Quand la par-
tie sensitive ne prend aucun goût pour les
choses divines ou humaines ; 2* quand Tâme»
au milieu de Taridité, et avec une viv«
crainte de rien faire qui déplaise k Dieu,
conserve toujours la résolution bien ferme
de lui plaire; 3* quand, malgré ses efforts,
elle ne peut méaiter comme auparavant.
Mais ces marques ne sont toujours que des
conjectures; car, ainsi que l'observe en
concluant le même saint ascète (1. i Noet.
obscj c. 9) : « Tous ceux qui s'exercent
avec soin dans la voie de l'esprit, ne sont
pas tous élevés de Dieu k la contemplation
parfaite. » Pourauoi?Dieu seul le sait. Quant
a cette opinion ue certains auteurs qui croient
que l'abandon est une disposition prélimi-
naire k la contemplation, quand l'âme affli-
gée n'a la conscience d'aucune faute délibé-
rée, même légère, c'est un moyen qui,
habilement employé, peut consoler cette
Ame, afin de prévenir de cruelles anxiétés^
en lui insinuant que .Dieu ne punit en elle
gue des fautes purement présentées par son
imagination obscurcie par les épaisses ténè-
bres qui Tenvironnent. Au reste, le directeur
m
ABA
DIGTIONISAIRE
ABA
171
t
doit toujours laisser celte âme dans une
sainte appréhension, tempérée par l^cspé-
rance, de peur qu'elle ne succombe à quel-
que faute de surprise, d'ignorance ou de
malice, qui la fasse abandonner de Dieu.
Aspirons donc ardemment à supporter
avec une sainte résignation l'abandon auquel
Dieu nous soumet, et cela, non-seulement
avec joie, daus l'espoir d'une consolation
future, c'est-à-dire de la consolation qui doit
suivre dans le temps ou dans l'éternité,
mais encore avec cette ioie dont l'esprit est
capable au milieu de la tribulation. C'est
ainsi que soupirait Jésus-Cbrist, quand il
s'écriait : Je dois êêre baptisé d'un baptême, et
combien me sens-je pressé jusque ca qu'il
s'accomplisse ! {Luc. xii, 50.) C'est ainsi que
tes apôtres sortirent tout joyeuse du conseil^
Ïarce quits avaient été jugés dignes de souffrir
ignominie pour le nom de Jésus -Christ
(Act. V, ki). Saint Paul dit aussi : Je suis
rempli de consolation , Je suis comblé de
joie parmi toutes mes souffrances [Il Cor, vu,
%). Écoutons Henri Suso nous transmettre
les enseignements qu'il a reçus de la sagesse
divine [uialogi, sapieht.^ c* 13) : « L'afflic-
tion est un don caché que rien ne çeut
compenser. On me demanderait une croix à
genoux, pendant cent ans, qu'on ne parvien-
drait pas à la mériter par là L'affliction
est un breuvage salutaire, une herbe pré-
cieuse entre toutes les herbes du paradis....
L'affliction entraîne et pousse l'homme vers
Dieu, qu'il le veuille ou non... Quiconque
demeure gai au milieu des adversités, sait
tirer parti et p.roGte du bonheur et de la
raisère, des amis et des ennemis.... J'aime-
rais mieux créerdes afflictions de rien, que de
laisser mes amis sans croix à supporter
Kester patient dans le malheur vaut mieux
que de rappeler des morls à la vie et do
faire d'autres miracles. » En effet, par l'afflic-
tion et l'abandon on arrive à la mortification
et l'abnégation, au moyen de laquelle on est
en quelqus sorte mort au monde. C'est là la
mort mystique, par laquelle l'homme mort à
lui-même ne vit plus que pour Dieu seul, de
sorte que, selon saint Bernard (serm. 7 De
Quadr^ : « 11 est également insensible au
bl&me et à la louange, car il est mort. Mort
vraiment heureuse, par laquelle l'homme
devient et reste complètement étranger au
monde. Non-seuletnehtil est mort au monde,
continue ce saint Père, il est aussi crucifié,
ce qui est le genre de mort le plus ignomi-
nieux. Puisque Jésus a été cruciflépour moi;
Îourquoi ne le serais-je pas aussi pour lui?
outceque.le monde aime est une croix
f)our nlôi, les plaisirs charnels, les honneurs,
es richesses, les vaines louanges des hom-
mes; tout ce que le monde regarde comme
une crdfx, je m'y attache tout entier, je
l'embrasse avec amour, v C'est pour cela,
comme nous l'avons dit, que Thauler don-
nait le nom de martyrs spirituels aux ftmes
éprouvées par l%bandon.
Après avoir considéré la nature, les ^van-
tnçes, ta fin et lefs règles de Tétat d'abandtin
uns en général , il est important d'enétu-^
dier les différentes es[)èces, telles que la pur-
gation passive de la partie sensible et lapui*'
gation passive de làpartie intellectuelle. Nous
renvoyons à ces articles pour donner à celte
question tout le développement dont elle est
susceptible. '{Voir Partie sensible, Paetib
INTELLECTUELLE.) t
Aphorisves de l'abandon. — l. L'homme ^
qui n'éprouve ni tentation, ni tribula-
tion, ignorera toujours cequ'îl y a de plus
subtil et de plus délicat dans la vie spiri-
tuelle.
IL L'abandon est comme un creuset de
purification qui rend le cœur de l'homme
plus capable de toute perfection.
IIL La douleur, l'altération de la santé, de
ruies tribulations sont les dispositions qui
précèdent habituellement la contemplation.
IV. La voie la plus courte et la plus sûre
[lour arriver à la perfection est de supporter
es plaintes et les injures.
y. Dans l'abandon, plus se fait vivemeot
sentir Tabsence divine, mieux on goûte
ensuite les douceurs de la divine présence.
VL Plus l'âme abandonnée souffre de
violence, moins elle éprouve alors le besoin
des bénitences corporelles.
VIL Le pénitent qui néglige les mortiHca-
tions, quand même sa chair serait morte,
con.serve vivantes toutes ses passions.
VIIL La pénitence corporelle est toujours
ulile à l'oraison; mais la mortification, qui
est une pénitence spirituelle, lui est plus
utile encore.
IX. Souffrir en punition d'une faute est le
propre des crimmets; souffrir sans avoir
commis de faute est le propre des saints.
X. Celui qui souffre la persécution et
l'abandon atteindra le comble de la perfec-
tion.
XI. L'intempérance peut exister en même
temps que la pénitence extérieure : cepen-
dant oh existe la désolation, doit se trouver
ensuite la consolation.
XIL L'abnégation de la volonté person-
nelle est le signe le plus certain d'une sain-
teté solide.
XIII. Ceux qui dans leurs pénitences veu-
lent ne suivre d'autre guide que leur vo-
lonté, outre des vices cachés, montrent
.toujours beaucoup de vanité. •
XIV. Qu'est-ce que la pénitence sans l'o-
béissance, sinon une vertu et une sainteté
seulemrent apparentes?
XV. 'tes pénitences que l'on pratiqué
uniquement d'après sa propre volonté, in-
troduisent ordinairement dans l'Ame une
vanité secrète.
XVI. Les pénitences que Ton pratique
sous la direction d'un père sj)irituel, noû-
seulement purifient l'esprit, mais assurent
l'efiicacité de l'oraison mentale.
XVII. Une fastueuse austérité dégénère en
vanité ambitieuse.
XVIIL Celui qui désire ne commettre ou-
cune erreur dans la pratique de la pénitence
corporelle, doit se conformer en toute chose
à la volonté d'e son père spiritu«^l.
XIX. Que l'homme se [lersuade bien qu«
177
ABA
D*ASC£T1SME.
ABB
I7S
sans répreuve de la pénitence, jamais il ne
poonn obtenir la pnreté de conscience.
XX. De la parole à Taction grande est la
distance ; mais il y à encore beaucoup plus
loin de l'action è la tolérance des afllictioiis.
XXI. Celai qni fait beaucoup de bien,
Biais n*a pas beaucoup de maux è endurer,
ne deviendra. pas un borome parfaileoient
spiriloel.
XXII. La prièro faite aTec persévérance,
que raridité arcompagoe d'ordinaire, en-
tendre ordinairement dans les flmes une
saÎBleté solide.
XXIII. Les larmes, la douceur, la ten-
dresse et la dérotion sont de peu d utilité
Four Tavancement spirituel» s'il ne s'y joint
eipiation.
XXIV. La suavité exquise de la contem-
plation est pleine de douceur, mais ! amer-
tame de l'abandon est très-utile.
Nous devons un mot d'explication à quel-
ques-uns de ces apborismes.
L*apborisme V doit s'entendre de l'aban-
don dans lequel l'âme ne souffre pas préci-
sément et fait le bien comme elle peut. L'a-
phorisme VI signiGe que la pénitence
corporelle n'est d*aucane utilité pour la
consolation, jusqu'à ce que la mesure défi-
nitive des épreuves à souffrir ait été entière-
ment comblée de Dieu; il faut néanmoins se
garder de négliger cette pénitence, ou de la
pratiquer avec excès et sans discernement ;
il faut se conformer è la règle prescrite par
nn sageet prudent directeur. L'aphorisme VII
doit s'entendre du pénitent qui ne pratique
que les mortifications corporelles, et né-
glige les mortifications intérieures et spiri-
tuelles.
AmCAHSS DB L'ABA!fD0!f. — I. QucIqUCS
personnes spirituelles , en même temps
qu'elles sont intérieurement tourmentées
par labandon, la Iristesse et l'aflliction, res-
aeolenl extérieurement dans le corps de
terribles douleurs. En effet, à ces passions
de l'Ame correspondent divers mouvements
el divises altérations des humeurs, qui
oecasionnenl ces sortes de douleurs , dont
la gnérison ne dépend ni des médecins, ni
de la médecine, mais plutAt des consolations
que procure un prudent directeur. L'expé-
rience a plus d'une fois montré qu*il suffisait
de calmer ces passions désordonnées, pour
rétablir entièrement la santé. Néanmoins il
ne faut pas complètement exclure le secours
de la médecine.
If. Les Ames prédestinées à la contem-
plation éprouvent presque toi^ours en elles-
mêmes une sorte d'abanoon; car l'abandon
étant une certaine amertume spirituelle,
Diea, dans sa prévoyance, en a fait une dis-
position h la céleste forme de la contempla-
tion, qui unit enfin la créature avec son
Créateur : aussi est-il bien rare de voir une
personne comblée des délices de la contem-
plation, sans avoir passé par quelqu'un des
sentiers de l'abandon. C'est pourquoi, si la
rontemplation survient sans cette disposi-
tion, ou elle ne sera pas de longue durée.
on elle sera une exception 5 la rè|ile géné-
rale. .
III. L'abandon n'a pas une durée déter-
minée; quelquefois il persiste pendant vingt
années et plus , jusqu'à ce que lui succède
la contemplation.
IV. On ne peut absolument définir su
dans ces terribles combats qu'ont à soutenir
les Ames éprouvées par l'abandon, surtout
au milieu des blasphèmes, du désespoir et
dés tentations contre la chasteté, on se rend
coupable de quelques péchés, au moins vé-
niels : c'est la profire conscience de chacun
qui doit l'indiquer. On peut néanmoins pré-
sumer, s'il s'agit de personnes d*unc 5oin-
teté éminente. Qu'elles ne commettent aucun
péché, et qu'elles n'y consentent jamais,
soit parce que leur raison est alors aveuglée,
obscurcie, opprimée et violentée par la pas-
sion prédominante, circonstances qui sont
incompatibles avec la liberté; soit parce que
Dieu permet que ses enfants soutiennent ces
terribles combats, non pour les laisser suc-
comber, mais pour les faire triompher,
V. Les actes héroïques de pénitence,
comme de porter un cilice sur la chair nue,
de se charger de chaînes, de jeûner pendant
un long espace de temps, etc., sont plus di-
gnes aètre admirés qu'imités, et doivent
être le résultat d'une inspiration plutôt
divine qu'humaine : ils sont alors une dis-
position très-prochaine è une sainteté émir-
nente.
VI. Autant il j a de di&tance entre parler
et agir, autant i! yen a entre açir et souffrir;
et il est plus difficile de se laisser frapper»
même une seule fois, par une main étran-
gère, que de se frapper dix fois de sa propre
main ; aussi le signe le plus certain d'une
solide sainteté est plutôt de souffrir que
d'agir. Cependant il est parfois plus im-
Fortant d'agir que de souffrir, c*est quand
un offie plus que Taulie la véritable cha-
rité. C'est pourquoi il est impossible d^as^i-
gner sur ce point aucune règle certaine;
et celles que donnent quelquefois des per-^
sonnes spirituelles sont de pures exagéra-
tions.
ABBÉ , ABBESSE. — Ce mot , tiré de l'hé-
breu, ab , pérCf est le nom qu*on donne au
supérieur ou à la supérieure d'un monas-
tère ou d'une communauté religieuse. On
les appelle ainsi pour montrer que la dou-
ceur ooit être la principale vertu d'un céno-
bite qui préside ses frères. Dans une société
où l'homme se consacre volontairement à
Dieu pour pratiquer la pi rfeclion évangé-
lii|ue, le chef de la maison ne doit pas ou-
bl!er qu'il est appelé à donner l'exemple de
toutes les vertus, et que l'orgueil de la
prééminence et la dureté du commandement
§ui en est la suite, sont des choses odieuses,
i le religieux se soumet à l'obédience de
l'abbé, s'il fait le sacrifice de sa volonté pour
avoir une ressemblance de plus avec le Fils
de Dieu qui s'est rendu obéissant jusqu'à la
mort, le sacrifice est assez héroïque pour
qu'un supérieur n'aggrave pas cette condi-
tion par la sévérité de ses caprices, et pour
.♦
-♦ • I
179
ABB
DICTIONNAIRE
ABB
180
qu'il ne rende pas ce joug intolérable sous
prétexte qu'il est le maîlre. Il est certain,
néanmoins, que la douceur de Tabbé ne doit
pas dégénérer en faiblesse, etque,s*il est le
père des religieux, il est aussi le dépositaire
de la règle ; qu'il doit veiller avec soin à ce
Su'on ne l'enfreime point ; sans cela , toute
iscipline périrait. Saint Benoit , dans sa
judicieuse règle monastique, donne à l'abbé
des avis très-prudents pour sa conduite » Il
doit, dit-il , instruire les religieux de deux
manières ^ par ses actions et par ses paroles.
Sa vie doit être un modèle toujours digne
d'être copié par ses disciples, en sorte qu ils
apprennent, en le voyant , ce qu'ils doivent
faire ou éviter; l'abbé ne doit faire acception
de personne parmi ses religieux; mais il
doit les aimer tous également, puisque nous
sommes tous assujettis au jorig d'une même
servitude et d'une même milice, sous un
môme Seigneur en qui il n'y a acception de
personne, S*il doit reprendre avec zèle ceux
qui manquent à la règle ou qui troublent
leurs frèreSt il doit encourager ceux qui sont
faibles dans la vertu ; il doit surtout se sou-
venir de son nom et de la pesanteur de la
charge qu'il porte, et ne pas oublier qu*il
rendra compte à Dieu de son administration
et du soin ou de la négligence çu'il aura eus
pour le salut des âmes qui lui étaient con-
fiées ; aussi doit-il avoir plus d'estime pour
elles que pour les choses terrestres et pé-
rissables, » — Tels sont en abrégé les pré-
ceptes de saint Benoit; malheureusement
{)lus d'un abbé ne les mit pas en pra-
tique, et de là naquit le relAcnement dte la
discipline monastique et le mépris trop
grand oil plusieurs ordres religieux tom-
bèrent, et dont ils ne purent se relever par
les plus saintes réformes (66). — On distin-
guait deux sortes d'abbés : les réguliers et
les coounendataires. Les premiers gouver-
naient l'abbaye sous le rapport spirituel et
temporel ; les seconds, sous le ra{iPOi^(
temporel seul , et ils confiaient le soin du
spirituel à un prieur claustral. L'abbé com-
mendataire jouissait des revenus de l'abbaye;
il devait seulement acquitter les charges du
monastère, veiller à ce que l'office divin se
célébrAt avec décence, et distribuer les au-
mônes : il ne pouvait aliéner les immeubles;
mais les règles canoniques avaient beau
prescrire de sages règlements , la plupart
des abbés commeudataires ne se mettaient
malheureusement guère en peine de les ob-
server. Les commendes dataient de si loin
et favorisaient tant de personnes , que les
bulles de certains Papes et les canons des
conciles ne purent jamais les abolir. Les
premiers abbes étaient laïques, ainsi que les
moines qu'ils gouvernaient ; ils ne furent
ecclésiastiques que lorsque le Pape saint
Sirice eut appelé les moines à la cléricature.
Kn 817, quelque temps après le concile
d'Aix-la-CnapeUe, qui avait approuvé les
réformes de saint Benoit d'Aniane, quelques
abbés devinrent seigneurs; ils eurent de$
(66) 0. Vidal...
vassaux et furent admis. aux parlements avec
les évoques, que parfois ils éclipsaient ou
avec qui ils allaient de pair. Suivant la loi
des fiefs, ils furent obligés de prendre parti
dans les guerres civiles comme les autres
seigneurs; les capitulaires les dispensèrent
seulement de rendre en personne le service
militaire; mais plusieurs le continuèrent
longtemps, s'imagiuant qu'une telle dispense
dégradait leurs fiefs. Cette coutume ne fut
abolie que vers la fin du xi' siècle; il est vrai
que dans ces temps de luttes continuelles,
ils n'avaient souvent d'autre moyen de se
garantir du pillage, que de se mettre à la
tête de leurs serfs ou de leurs vassaux.
Néanmoins, ce qui surtout introduisit et
conserva si longtemps cette coutume , c'est
que les abbayes furent données pour récom-
pense à des soldats qui introduisirent leurs
mœurs dans le cloître, et que des seigneurs
laïques, sous prétexte de protection, se mi-
rent en possession des abbayes , soit par
concession des rois, soit de leur propre
autorité, et prirent le nom d'abbés, sans
rien changer à leur vie mondaine. Cet abus
dura deux ou trois cents ans; ces abbés
laï(]ues qui ne s'occupaient nullement du
spirituel, furentappelés abbates milites. C'est
ainsi que Hugues le Grand, père de Hugues
Capet, prenait le titre d'àbbé; il possédait à
lui seul cinq ou six abbayes considérables.
Philippe r% Louis VI, et ensuite les ducs
d*Orléans, prirent le titre d'abbés de Saint-
Aignan d'Orléans; les ducs d'Aquitaine por-
taient le titre d'abbés de Saint-Hilaire de
Poitiers; les comtes d'Anjou, celui d'abbés
de Saint- Aubin, et les comtes de Yerman-
dois, celui d'abbés de Saint-Quentin.
On sent qu'au sortir d'un pareil état, les
abbés commendataires ne durent pas paraî-
tre une anomalie; aussi cet abus, si favo-
rable à quelques familles, s'enracina-t-il si
fort, qu'il rendit vaines toutes les prohibi-
tions laites à ce sujet. Les abbés furent élus
* jusqu'en 1556, époque du concordat entre
Léon X et François!*'. Le concordat, avant
aboli en France les élections des monastères
et dès évèchéSy donna au roi le pouvoir de
nommer aux abbayes et aux prieurés élec-^
tifs : l'élection fut conservée seulement aux
abbayes chefs-d'ordre, comme Cluny. L'abbé
régulier devait, avant d'être élu, avoir pra-
tiqué la vie monastique pendant plusieurs
années. Du reste, le gouvernement différait
suivant les différentes espèces de religieux.
Dans l'ordre de Saint-Benoit , chaque mo-
nastère était dirigé par un abbé qui était
gouverneur pour le spirituel et la conduite
intérieure; il devait disposer du temporel
comme un bon père de famille ; les religieux
le choisissaient entre eux, et Tévéque dio-
césain Tordonnail abbé par une bénédiction
solennelle. L'abbé vivait comme un simple
moine, si ce n'est qu'il était chargé du soin
de la maison, et qu il avait sa manse (table)
è part, pour y recevoir ses hôtes. L'orare de
Cluny, au contraire, avait à sa tète un seul
»l
hm
D*ASCET1SME.
ABN
m
abbé, et les maisons qui en ilépeDdaienl n'a-
▼aient que des prieurs. L'ordre de Citeaux
eut des abbés dans chaque monastère, mais
ils s'assemblaient sourent en chapitre gé-'
Déral pour y discoter les affaires de l'ordre.
Les ehanoines réguliers suirirent d*dbord le
rétament des moines, mais la plus grande
pailîe finit par abandonner la Tie commune.
Les ordres mendiants mirent à leur tète un
chef connu sous le nom de généra!, nommé
à rie dans quelques ordres, et à temps dans
d'antres. Les diverses maisons ont des supé-
rieurs particuliers élus dans le chapitre gé-
néral ne l'ordre. On ne parle pas ici des
congrégations créées dès le xti* siècle; les
Msuiles , les plus célèbres de tous , col
adopté pour leur gouyemement la forme de
la monarchie absolue. Tout est soumis, dans
celte société, k un général à Yîe , et se fait
par ses ordres. — Dès que les abbés eurent
une puissance assez grande, ils tâchèrent de
s'exempter de la juridiction de i'évèque ; si
ces exemptions produisirent du bien sous le
rapport de la prospérité du monastère, elles
enfantèrent des désordres, puisque ces abbés
n'appartenaient à aucun diocèse. La puis-
sance de l'abbé, toute grande qu'elle était,
n'allait pas jusqu'à empêcher qu un religieux
passAt à une plus étroite observance ; ii ne
pooTait pas non plus renvojer un moine
dans on autre monastère, sinon pour des
causes grares. — Les abbesses ne jouissaient
Ks d'un pouvoir aussi étendu que celui de
bbé ; elles étaient aussi nommées à vie,
Eur trois ans, quand l'ordre roulait em-
r qu'elles ne devinssent trop absolues,
inutile de s'étendre sur un sujet qui
n'a pour nous d'autre intérêt que le souve-
nir historique. — Les canons uéterminentia
Înissance des abbés. [Voir Mohastèek,
[omB, ObDRBS BKLI6IBUX Ct SiHPÉBIBURS.)
ABELLI (Louis), grand vicaire de Ba jonne.
curé de Paris, puis évèque de Rodez, na*;
Suit dans le Veiin français en 1604. Il se
émit de son évêcbé en 1667, trois ans
a;»rès sa nomination, pour vivre solitaire
dans la maison de Saint-Lazare, à Paris. Il
mourut en 1691. C'était un homme rempli
d^ioutes les vertus sacerdotales. Outre sa
MtduUa iheologiea et sa Tradition de l* Eglise
sur U enlie de la sainie Vierge^ il a laissé
plusieurs livres ascétiques ct propres à nour-
rir la piété, dont les principaux sont : 1* La
He de saini Vineeni de Paul^ oii il se déclare
ouTertement contre les disciples de iansé-
nius, et surtout contre Tabbé do Saint-
Cjran. 2* Des médiiatiansy en 2 vol. in-12»
Irès^répandues et fort estimées.
\B?ikGATION, renoncement à soi-même .
— J^sus-Christ dit dans l'Evangile : Si quel-
an un veut venir après mot,, qu il renonce à
iui'fnéme , qu*il porte sa croix et qu*U me
suive. Par là, le Sauveur nous ordonne- t-il
d'étooffer Tamour de nous-mêmes et de
notre bonheur, de renoncer à notre intérêt
bien entendu? Non, sans doute, puisqu'il
nous iorite à la vertu par l'attrait de la ré«
compense et du bonheur qu'il nous promet,
conséqucmmont, par un motif (rnitcTôt trOs*
solide. Il Teut donc nous dire que nous re*
noncions à l'amour de nous-mêmes, aveugle
et mal réglé; à nos passions, à nos inclina-
tions vicieuses, que nous confondons mal à
propos avec notre intérêt. C'est nous haïr,
en effet, et pour l'Ame et pour le corps, que
de ne pas nous renoncer nous-mêmes. Saint
Augustin parlant sur ce passage de saint
Paul : Vesprit combat contre la chair : A
Dieu ne plaise, dit-il, que l'esprit baisse la
chair en combattant contre elle; l'esprit
hait seulement ies vices de la chair; il hait
la prudence delà chair; il hait la révolte et
la contradiction de la chair, qui est capable
de donner la mort à notre Ame. Car pour la
chair, il l'aime en effet en la mortifiant et
en la contrariant; c'est ainsi que le méde-
cin ne hait nas le malade, il ne hait que la
maladie; cest contre eilo qu'il comt>at;
quant au malade, il l'aime, bien loin de le
haïr. En effet, aimer quelqu'un n*est autre
chosequede lui vouloiroubien ;etle haïr n'est
pareillementautre chose que de lui vouloir du
mal. Or, celui qui s'attache à mortiGer son
corps, qui résiste à ses appétits et è ses désirs
déréglés, veut et procure à son corps le plus
grand bien qu'il puisse jamais obtenir , le
repo» et le bonheur éternel ; et ainsi il aima
véritablement son corps; mais celui qui le
flatte, qui lui laisse suivre ses mauvaises
inclinations, loi procure le plus grand mal
qui puisse lui arriver, une éternité de pei*
nés et de souffrances; donc il hait son corps
effectivement. Car de même, dit saint Au«
gustin, que, suivant les paroles du prophète t
Celui qjui aime riniouité» hait son Ame, parce
qu'il lui procure i enfer ; de même , celui
qui aime l'iniquité, bût son corps, puisqu'il
fui procure le même maiheur. Auj»si les
théologiens disent que les justes et les gecs
de bien s'aiment beaucoup plus eux-mêmes
oue ne font les. pécheurs, non-seulement à
1 égard de l'Amet mais aussi à l'égard du
corps, puisqu'ils souhaitent è leurs corps^
et lui procurent le véritable bien qui est la
béatitude étemelle, è laquelle il doit partici-
per à sa manière. Saint Thomas ajoute, pour
cette même raison, que le juste aime son
corps, non pas d'un amour ordinaire, mais
d'un amour de charité, qui est le plus su-
blime et le plus élevéde tous.
Saint Bernard répondit à des gens du
monde qui s'étonnaient de l'austérité do
ses religieux, en disant qu'il fallait qu'ils
eussent bien de la haine pour leur corps»
puisqu'ils le traitaient si mal. Vous vous
trompez, leur dit-il : c'est vous autres qui
haïssez, en effet, votre corps, puisque, pour
quelques plaisirs passagers que vous lui pro-
curez, vous l'exposez a des tourments éter-
nels ; ceux-ci, au contraire, aiment vérita-
blement leurs corps, puisqu'ils ne le mal-
traitent pendant quelque temps, que pour
lui acquérir un repos et un bonheur éter-
nel. Voilèpour l'abnégation du corps. Mêmes^
raisons pour l'abnégation de Vesprit.
Cette vérité en effet du renoncement à
l'esprit nous est enseignée par le Fils do
Dieu dans rEvongile. Car, aigres avoir dit :
1»
AB9
MCTIONNAmE
▲BS
«SI
Que Celui qui veut tenir apri$ moi^ renonce à
lùû'méme^ porte sa croix ^ et me suive, il en
donne aussiiôt celle raison : Car celui qui
voudra sauter son âme la perdra ; mais celui
qui la perdra pour Vamour de moi^ la iroun
vera ensuite. Saint Aagasiin sar ces paroles
a fait co commentaire : « Voilé, dit-il, une
5ran«le et admirable sentence, que l'amour
e l'homme pour son flme soit cause de sa
perte; que la haine qu'il lui porte soit
cause de son salut. C'est, continue-t-il, que
c'est la haïr, en effet, que de l'aimer d'une
manière déréglée, et que c'est l'aimer, en
effet, que de la haïr comme il faut, parce
que c'est la conserver, en effet, pour l'éter-
nité, suivant ces paroles de Jésus*Christ :
Celui qui hait son dme en ce monde^ la conn
serve pour la vie éternelle» Bienheureux,
poursuit le saint, ceux qui la baissent en la
conservant, de peur do la perdre en l'aimant
trop : c'est pourc^uoi gardez-vous bien de
l'aimer en cette vie, de crainte de la perdre
élernelicment en l'autre. » Ces paroles peu-
vent s'entendre aussi bien du renoncement
il son propre esprit, è toutes les facultés de
son âme par l'abnégation, que du renonce-
ment à la sie. (Voyez Moetificatioh.)
ABSOLUTION. Voy. Confessicm.
ABSTINENCE. — Le motif général de
l'abstinence est de mortifier les sens et de
dompter les passions ; l'on connatt assez
les suites^ naturelles de la gourmandise.
Selon BuQon lui-m6me, la mortification la
plus efficace contre la luxure, est Vabsti-
nence et te jeûne. ( Hist. nat., tom. 111, in-12,
cap. 4, pag. 105.) Dieu, après avoir créé nos
{crémiers parents, leur accorda ponr nourrî-
ure les plantes et les fruits de la terre; il
ne leur parla point de la chair des animaux
(Gen. 1,29). Mais vu les excès auxquels se
livrèrent les hommes antérieurs au déluge,
il n'est guère probable qu'ils se soient abste-
nus d'auiun des aliments qui pouvaient
flatter leur goAt.
Après le déluge, Dieu permit h Noé et à
ses, enfants de manger de la chair des ani-
maux ; mais il leur défendit d'en manger le
sang ( Gen. ix, 3 et suiv.). Par les termes
dans lesquels cette défense est conçue, il
})aralt que le motif était d'inspirer aux hom-
mes l'horreur du meurtre. L'habiluded'égor-
^erles animaux et d'en boire le sang porte
jnfailliblemônt les hommes à la cruauté.
Moïse par ses lois défendit aux Juifs la
chair de plusieurs animaux qu'il nomme
impurs^ il exclut nommément tous ceux dont
la chair pouvait être malsaine, relativement
au climat, et à cause des maladies. Quelques
f>hilosoplios ont rapporté au même motif
*usage des Egyptiens, de s'abstenir de la
chair de plusieurs animaux.
L'usage du vin était interdit aux prêtres
])endant tout le temps qu'ils étaient occupés
au service du temple, et aux Nazaréens pour
tout le temps de leur purification. Les ré-
chabites sont loués d'avoir observé la dé-
fense de boire du vin(J^. xxx, 6). A la
naissance du christianisme, les juifs voulaient
que l'on assujetttt les païens convertis à
foutes les observances de la loi judaïque, à
toutes les abstinences quMIs pratiquaient.
Les apôtres assemblés à Jérusalem décidè-
rent qu'il suffisait aux fidèles convertis du
paganisme de s'abstenir du sang, des viandes
suffoquées» de la fornication et de l'idole^
trie {Act. xv). Saint Paul dans ses Lettres a
donné sur ce point des règles très-sages.
Bientôt même cette abstinence se trouva su-
jette à des inconvénients ; Tertullien nous
apprend que les païens, pour mettre les
Chrétiens à l'épreuve, leur piié^enlaient à
manger du sang {ApoLf c. 9). Les ob-
s^tfifncrs prescrites à Noé, aux Juifs, aux
fidèles, démontrent l'abus que les protes*
tants ont fait de la maxime de rEvanrilef
que ce n'est point ce qui entre dans la Bou-^
che qui souille Tbommej (Matth. iv, il).
C'est en vain qu'ils contestent l'usage où
Vabstinence dans les premiers siècles de
l'Eglise : Origène nous apprend que plu-
sieurs Chrétiens fervents s abstenaient pour
toujours de la viande et du vin, afin de ré-
duire leur corps en servitude (I. v Contra
Ceh.). Saint Jérôme constate contre Jovinien
le mérite de Vabstinence {Ad Jov. ). Jésus*
Christ n'a- t-il pas loué l'abstinence de saint
Jean? Cetterépugnancemanifestedes héréti-
ques de tous les siècles pour une loi dont l'aoti*
quité nepeutêtre mise en doute, devrait d'au«
tant plus étonner, si l'on ignorait tout ce queles
appétits contrariés de l'homme peuvent ics-
fnrer d'injustes préventions. Admise par
e plus grand nombre des philosophes et des
médecins anciens, comme loi morale et hy-
giénique de la plus haute importance, elle
est, à ne la considérer même que sous ce
point de vue purement humain, plus propro
que toute autre à contribuer à la perfectioa
et au bonheur de l'homme. Si Épictète a
résumé toute sa doctrine par ces deux mots:
Absline, sustine ; sache f abstenir et supporter ;
si Porphyre a laissé un traité complet sur
cette matière, si les pythagoriciens et les
orphiques ont chaleureusement pris sa dé-
fense, c'est que tous avaient compris quelle
force donne à l'homme l'empire au'il ac-
quiert sur ses passions par rhabitude de les
modérer. Comme il est incontestable, en
effet, que plus on les satisfait, plus leurs
exigences deviennent tyranniques, il est
évident par là même que plus on les resserre
dans des bornes étroites, moins leurs ca-
prices sont impérieux. Le domaine que l'es-
prit de l'homme acquiert ainsi sur la ma-
tière n'est-il pas d'ailleurs une de ses plus
belles prérogatives î Et quand on voit cha-
que jour la profondeur du crime se creuser
au sein des désirs d'autant plus immodérés
qu'ils sont plus docilement satisfaits ; quand
on voit, d'un autre côté, les passions d'autant
Iilus facilement comprimées, au'on s'est plus
onguement disposé à fermer l'oreille à leurs
voix impétueuses, ne doit-on pas convenir
que l'abstinence, si l'Eglise ne l'inoposait
pas comme un devoir, devrait être pratiquée
comme le plus puissant auxiliaire de ta
vertu, estimée comme l'arme la plus ®ffi^ço
contre le vicô et les attraits du monde? liiiO
ACB
D*A5CEnSMC
ACtt
•Si (Tailleurs la source des pensées diasies,
des eonseils saiataires, des résolations sages
el prudentes. Si elle oontribae à réduire le
corps en serritode, sniraot Tei^ression de
saint tëuh ( Gniai.^ xiiv; / Carmi. ix, 97),
ce n*esC que pour donner plus de Jiberté à
Fesprity poor dteager TAme des liens trop
terrestres qui rétreignent et la dominent;
elle agit à Tégard du corps, comme un écuyer
prodeot k l'égard d*un cheval fougueux dont
il veut dompter les écarts, et qui retranche
quelque cboae à la qualité ou a Tabondance
mm seê aliments pour le rendre plus docile»
cl ne pas être précipité par lui dans la boue.
— Déoz excès doivent être cependant pré-
vus et évités, soit dans la pratique, soit
dans les principes de l'abstinence. Le pre-
mier est celui des hérétiques encratitest
Dontanistes, manichéens, etc., qui regardent
Fosage de la chair comme impur, toujours
illicite et mauvais en soi. Ils ont été con-
damnés k Tavance par saint Paul {I Tim.
iT, 3). Le second est celui de Jovinien, élo*
quemment refuté oar saint Jér6roe, et des
protestants qui prétendent que Tabstinence
de la viande, sans aucun mérite en elle*
même, est superstitieuse, judaïque, ab*
sarde, etc. — Plus sage et plus raisonnable,
l*Eglise catholique la regarde comme méri-
toire, quand de bons motifs en dirigent la
pratique, et comme obi içatoire,auaod aucune
raison plausible n*en dispense. Elle Fimpose
è la mflice chrétienne comme un bouclier
contre les attaques du vice ; comme une ré-
paration du premier péché, source de tous
les maux et de toutes les faiblesses de lliu-
maoité; comme le roojen le plus ^cace
pour rhorame de racheter la liberté qu'il a
perdue, et de reconquérir l'empire de lui-
même, dont il a si malheureusement abusé.
Sôos tous ces rapports, et quoi qu'en disent
les hérétiques anciens et les épicuriens mo*
demes, la loi de l'abstinence est pleine de
sagesse et de haute raison. ( Voir Jsuas. )
La plupart des ascètes ont pratimé les
plus rudes abstinences. Les ordres religieux
ne se sont point contentés de la loi générale
de l*Eglise, ils ont fixé dans leur règle un
grand nombre de jours consacrés à I absti*
nence. Nous ne voyons pas que ce régime
austère si utile au point de vue de Tasser*
▼issemeot des passions, ait été nuisible au
Ï3inl de vue hygiénique. La Thébaïde, la
rappe, Ctteani, le Cannel ont offert et
offrent chaque Jour de nombreux exemples
de longévité. Une longue vie est en effet la
suite ordinaire et naturelle, non d'une ali-
mentation succulente et confortable, mais
bien du calme des passions et de l'asservis*
sèment des sens à l'esprit.
ABSTRACTION de L'asparr.-^ Foy. la-
ABUS DBS oaicBS. — foy. Gbacbs, Avbo-
GLEMB1VT spiarruEL.
AGHERY (Dom Luc d'), né en 1609 h
(67) Pour trouver plus de deuils sur les oavragiet
ascétiques, il soflU de consolter le Caialogoegénéral,
$m da I, il; oa B*est eooienté dans chaque notice
Saint-Quentin en Kcardie, fit profession
dans la congrégation de Saint-Maur, ordre
de Saint-Benoit. Il s'jr rendit recommanda»
ble par un savoir profmid et une piété ten»
dre. Il mourut à Saint-Germain des Prés en
1685, Agé de soixante-^seise ans, avec la con-
solation d'avoir consacré toute sa vie à la
retraite et à l'étude. Ses œuvres spirituelles
et ascétiques sont : 1* Son Spicilége^ en 13
vol. in-4*9 oà l'on trouve entre autres choses»
une foule de Vies de saints, de légendes, de
lettres spirituelles inédites. Il orna ce re-
cueilv fait avec choix, de préfaces pleines
d'érudition. 2* RjBgula soliiariorum. 3* Un ca*
talogue in-i* des Outrages aseétiqties des Pè-
res. Il a aussi publié les Œuvres de Lan»
franc (67). [Voy. ceuùm.]
ACORMÈTES ou Acêmàtes (qui ne dar--
meni point). — Hom de certains religieux
fort célèbres dans les premiers siècles de
l'Eglise, surtout dans TOrient, appelés ainsi,
non qu'ils eussent les yeux toujours ou-
verts sans dormir un seul moment, comme
quelques auteurs l'ont écrit, mais parce
qu'ils observaient dans leurs églises une
psalmodie perpétuelle sans l'interrompre
ni jour ni nuit. Ce mot est grec, composé
d'à privatif et de koi^âv, dormir.
Les Acœmètes étaient partagés en trois
bandes, dont chacune psalmodiait à son
tour et relevait les autres : de sorte que
cet exercice durait sans interruption pen^
dant toutes les heures du jour et de la
nuit. Suivant ce [partage chaque Actemète
consacrait tous les jours religieusement huit
heures entières au chant des psaumes, à quoi
ils joignaient la vie la plus exemplaire et la
plus édifiante : aussi ont-ils illustré VEffiise
orientale par un grand nombre de saints,
d'évèques et de palriarcbes.
Nicéphore donne pour fondateur aux
Acœmètes un nommé Marceilus, que quel-
ques écrivains modernes appellent Marcei-
lus d'Apamée; mais Bollandus nous apprend
que ce fut Alexandre, moine de Syrie, an-
térieur de plusieurs années à Marceilus.
Suivant Bollaodus, relui-là mourut ^ers l'an
390. Il fut remplacé dans le gouvernement
des Acœmètes, (>ar Jean Calyoe, et celui-ci
par Marceilus,
On lit dans saint Grégoire de Tours et plu-
sieurs autres écrivains, que Sigismond, roi
de Bourgogne, inconsolable d'avoir, à l'ins-
tigation d'une méchante princesse au'il
avait épousée en secondes noces, et qui était
fille de Théodoric, roi dltalie, fait périr soa
fils Géséric, prince qu'il avait eu de sa pre-
mière femme, se retu*a dans son monastère
de Saint-Maurice, connu autrefois sous le
nom d'Agaune, et y établit les Acœmètes,
pour laisser dans l'Eglise un monument
durable de sa douleur et de sa pénitence.
Il n'en fallut pas davantage pour que le
nom d*Acœa»èteet la psalmodie perpétuelle,
fussent mis en usage dans l'Occident, et
d'bidiqacr temmairemeni les écnls ks plos
Ues.
m
àCS
MCnONNÂlRE
ACT
m
maxÊonû «n France. Plusieurs monastèras,
entre autres celui de Saint-Denis, suivirent
l'exemple de Saint-Maurice. Quelques mo-
Dastères de filles se conformèrent à la môme
rè^ie. Il parait par l'abrégé des actes de
sainte Salaberge, recueillis dans un manus-
crit de Compiégne cité par le P. Ménard,
que, cette sainte, après avoir fait bâtir un
▼aste monastère et y avoir rassemblé trois
cents religieuses, les partagea en plusieurs
cboaars différents, de manière qu'elles pus-
sent faire retentir nuit et jour leur église
du chant des psaumes.
On pourrait encore aujourd'hui donner le
nom d*Acœmètes ) quelques maisons reli-
gieuses, où l'adoration perpétuelle du Saint-
Sacrement fait partie de la règle ; en sorte
3u*il y a jour et nuit quelques personnes
e la communauté occupées de ce pieux
exercice.
On a quelquefois appelé les Stylites ,
Acœmètes, et les Acœniètes, Sludiles,
ACTES DE l'intelligence, de la volonté.
— Foy. Intelligence, Volonté.
• ACTIONS (rapport des actions a dieu).
— Sort que vous mangiez ^ soit que vous bu-
vieZf soit que vous fassiez quelqu autre chose,
faites tout pour la gloire de Dieu, dit TA-
pôtre. Ce qui rend ce point d'une grande im-
portance, dit Rodriguez, c'est que notre
avancement et notre perfection consistent
dans la perfection de nos actions, et que plus
elles seront saintes et parfaites, plus aussi
nous serons saints et parfaits. Cela supposé
comme infaillible, il est encore vrai de dire
que nos actions auront plus de mérite et de
perfection selon que notre intention sera
plus droite et plus pure, et que nous nous
Eroposerons une fin plus haute et plus su-
lime. Car l'intention et la fin sont ce qui
donne le caractère aux actions, conformé-
ment à ce passage de l'Ecriture : Votre œil est
lalampe de votre corps :si votre œil est simple,
tout votre corps sera éclairé; mais si votre œil
estmauvais, toutvotre corps sera dans les téni-
hre$. Par l'œil les saints entendent l'inten-
tion qui regarde et qui prévoit ce qu'elle
doit faire ; et par le corps ils entendent Tac-
lion qui suit l'intention qui la dirige, comme
lecorns suit lesyeuï qui le conduisent. Le
Fils de Dieu veut donc dire en cet endroit
Sue c'est l'intention qui donne de l'éclat et
e la lumière à l'action, et qu'ainsi l'action
sera bonne ou mauvaise suivant la bonté ou
la malice de l'intention. Si la racine est
saine, dit saint Paul, les branches le seront
aussi. Que doit-on attendre d'un arbre dont
la racine est gâtée, sinon qu'il pousse du
bois qui n'aura presque aucune sève, et
qu'il porte des fruits qui seront de mauvais
f;oût et se corrompront facilement? Hais si
a racine est saine, tout l'arbre sera beau et
produira de bons fruits. Aussi la bonté et la
perfection des actions dépendent de la pureté
de l'intention qui en est comme la racine; et
plus l'intention qui les fait produire est pure
et droite, plus elles sont vertueuses et ac-
complies. Saint Grégoire, expliquant eu pas-
sage de Job, Sur quoi ces bases onl elles été
appuyées, dit que comme souvent tout un
bâtiment est soutenu par de$ colonnes, et
les colonnes par leurs bases; de même toute
la vie spirituelle est soutenue par les vertus,
dont la base est la pure et droite* intentiou
de ccËur.
Mais afin de garder quelque ordre dans ce
que nous avons h dire, nous parlerons pre-
mièrement de la fin que nous devons évilep
d'avoir dans nos actions, qui est de les faire
par un motif de vaine gloire, ou par quelque
autre respect humain. Nous traiterons en-
suite de la fin que nous devons nous pro-
I)Oser en les faisant, et nous garderons ainsi
a méthode que le Psalmiste nous enseigne
quand il dit : Evitez le mal, et faites U
bien. Tous les saints nous avertissent de
nous donner garde de la vaine gloire, parce
que c'est, disent-ils, un voleur subtil qui
nous dérobe souvent de nos bonnes actions
et qui se glisse si secrètement, qu'il a plus
tôt fait son coup que nous ne l'avons
aperçu. Saint Grégoire dit que c'est an voleur
qui aissimule et qui s'accoste d'un voyageur,
en feignant de tenir la même route que lui,
et (lui le vole après et l'assassine lorsqu'il
est le moins sur ses gardes, et qu'il se croit
être le plus en sûreté. « Je confesse, dit ce
grand saint dans le dernier chapitre de ses
Morales, que quand je me mets à examiner
mon intention,, en écrivant ceci, il me sem«
ble que je n'y ai point eu d'autre but que de
plaire à Dieu : mais néanmoins quand je ne
suis pas en garde contre moi, je trouve qu'il
s'y mêle, je ne sais comment, quelque désir
de contenter les hommes, et quelque vaine
complaisance d'y avoir peut-être réussi; et
quoi qu'il en soit, je m'aperçois fort bien que
ce que je fais n'est pas entièrement si net
de poussière et de paille qu'au commence-|
ment. Car je sais que je l'entrepris d'abord
avec la meilleure intention du monde et dans
la seule vue de plaire à Dieu ; et maintenant
je vois bien qu'il se mêle encore h tout cela
d'autres considérations, qui rendent mon
intention moins pure el moins droite qu*aa<
paravant.
« H nous arrive en ceci^ajoute-l4l,lamômo
chose qu'au manger : au commencement,
c'est par nécessité que nous mangeons;
mais la sensualité s'y glisse ensuite si adroi-
tement que ce que nous avons commencé
pour subvenir aux besoins xle la nature et
pour conserver notre vie, nous le conti-
nuons à cause du plaisir et du goût Qoe
nous y prenons. L'expérience ne nous wit
voir que trop souvent la même chose dans
les actions les plus saintes, nous nous aban-
donnons d'abord, ou à la prédication ou a
quelque autre chose de pareil, par le seu
motif de la charité et du salut des âmes; ei
ensuite il entre de la vanité dans tout cela;
nous désirons de plaire aux hommes et d^»
'être estimés, et quand cela vient à nous
manquer il semble que le cœur nous man-
que pareillement, et nous ne faisons pio»
rien qu'à regret. » ..
La malignité de ce vice consiste en ce
que ceux qui en sont infectés, tâcheni uu
itt
ACT
Ifk
ÂCl
19»
dirober à Dieu la gloire qui n'appartient
gai lai senly suivant ces paroles : A Dieu
isal soit honneur et gloire» et de laquelle
n fst si jaloux qu'il dit lui-même dans
IsAie : Je ne donnerai f)oini ma gloire à un
aii/re/ C'est pourquoi saint Augustin parlant
sur ce sujet : « Seigneur, dit-il, celui qui
Teat être loué de tos dons, et qui, dans le
bien on'il fait, ne cherche pas votre gloire,
mais fa sienne, celui-là est un Toleur, et il
ressemble au démon, qui prétendait tous
rîîir TOlre gloire. »
I Dans toutes les œuvres de Dieu on peut
considérer deux.choses : l'utilité et la gloire;
à regard de l'utilité, il la laisse tout entière
8QI hommes : mais il veut aussi que toute
la gloire soit réservée pour lui seui. Le Sei-
gneur 8 opéré toutes choses pour lui-même,
c'est4-dire pour sa gloire ; et il a créé tou-
tes les nations pour louer et gloriGer son
saint nom» Aussi voyons-nous que toutes
choses nous parlent de sa sagesse, de sa
bonté et de sa providence ; et c'est pour
eetle raison qu'il est dit que le ciel et la
terre sont pleins de sa gloire. Quand donc
il arrive que dans les bonnes œuvres on
cherche à s'attirer l'estime et la louange des
hommes, on .pervertit l'ordre que Dieu a
élahli, et ou lui fait injure, puisqu'on veut
fûre en sorte que les hommes, qui ne de-
vraient être occupés qu'à le louer et à l'ho-
Dorer, s'emploient à louer et à honorer la
créatare, et qu'on essaie de remplir d'estime
pour soi-même des cœurs que Dieu a faits
pour être des vases qui ne fussent pleins
que de ses louanges et de sa doire. C'est
lui dérober les cœurs, et en quelque sorte le
chasser de sa propre maison *: peut-on com-
mettre an plus grand mal que celui-là, et
s'imaginer quelque chose de pis que de ra-
vir de telle sorte la gloire de Dieu, que tan-
dis que de bouche vous avertissez les
hommes de ae regarder que lui, vous sou-
haitez dans le fond du cœur, qu'ils en dé-
tournent les yeux et qu'ils les arrêtent sur
voasfCelui qui est véritablement humble
ne veut point vivre dans le cœur d'une créa-
tare, mais dans celui de Dieu seul ; ne
(Perche point sa nropre gloire , mais celle
(le Dieu seul, ne uésire point que personne
s'entretienne de lui, mais de Dieu seul ;
enfin, il veut que tout le monde ait telle-
<neri( Dieu dans le cœur, que nul objet ne
ptiisse jamais y avoir place.
. U grièveté de ce péché pourra encore
aisément se comprendre par cette comparai-
^n : Si une femme mariée se parait et s'a-
joslait pour plaire à un autre qu'à son mari,
^lle lai ferait sans doute une grande injure,
les bonnes œuvres sont la parure et lajus-
tenneni de votre âme : si vous les faites pour
piaire h d'autres qu'à Dieu qui en est l'é-
poui, TOUS lui' faites une injure signalée.
l>e plus, imaginez quelle honte ce serait,
*t UD particulier faisait extrêmement valoir
inelque léger service qu'il aurait rendu à
nn grand roi qui auparavant se serait ex-
F^>^ f>our l'amour de lui à mille peines et
«tnille dangers! Que si outre cela il se van-
tait à tout le monde du service peu amsi-
dérable qu'il aurait rendu à son prince; et
si le prince, dans tout ce qu'il aurait fait
pour cet homme n'avait regu aucun secours
de lui, au lieu que cet homme n'aurait rien
fait qu'avec celui du prince, et y étant ex-
cité par de grandes récompenses qu'on lui
aurait promises auparavant, et qull aurait
reçues ensuite: sa vanité ne paraîtrait-elle
pas insupportable, et son procédé ne serait-
il pas Iflcbe et indigne? Mous devons, cha-
cun en particulier, nous appliquer ceci à
nous-mêmes, afin que nous rougissions de
la bonne opinion qne nous avons de nous,
avec si peu de fondement, et que nous ayons
honte de nous vanter et de nous louer de
quoi que ce soit, puisqu'en comparaison de
ce que Dieu a fait pour nous et ce que
nous devrions faire pour, lui, ce que nous
faisons est si peu de chose, que nous devrions
en avoir de la confusion plutôt que d'en
concevoir de la vanité.
Ce qui nous marque encore sufSsamment
la difformité de ce Yice,e'est que les saints et
les théologiens le mettent au rang des pé-
chés que I c)n appelle ordinairement morieli^
et que l'on nomme encore plus proprement
capitaux, puisqu'ils sont comme la tête et
la source de tous les autres péchési Quelques*
uns en mettent huit de cette nature, et di-
sent que le premier est l'orgueil et le se-
cond la vaine gloire, mais la commune opi->
nion des saints et celle qui est reçue par
l'Ëglise est qu'il y a sept péchés capitaux;
et saint Thomas, nommant la vaine gloire
comme le premier, dit que l'orgueil est la
racine de tous les autres conformément à
ces paroles du Sage : Le commencement de
toute sorte de péché est orgueil.
Le préjudice que la vaine gloire nous
porte, nous est assez clairement expliqué
par le Fils de Dieu dans l'Evangile, lorsqu'il
dit : Prenez garde de ne point faire vos
bonnes actions devant les hàmmes^afin d'atti-
rer leurs yeux sur vous^ autrement vous n*en
recevrez ntUle récompense de votre Pire ^ui
est dans le ciel. N'imitez pas les hypocrites
Sut ne font rien que pour être vus et estimés
es hommes. En vérité^ je vous dis qu'ils ont
reçu leur récompense. Vous avez désiré d'ac-
Juérir de la réputation'; elle a été le motif
e vos actions, elle en sera la récompense ;
mais n'en attendez point d'autres. Malheur
à vous qui avez déjà reçu votre salaire, et à
qui il ne reste plus rien à espérer. Uespé"
rance de Vhypocrite périra^ dit Job, il ne lui
demeurera que le déplaisir de son peu d'en-
tendement.
Saint Cyprien parlant de la seconde ten-
tation dont le démon se servit contre Jésus-
Christ, lorsque le portant sur le pinacle du
temple il lui dit : Si vous êtes le Fils de
IHcu^ jetez^vous en bas ; O exécrable ma-
lice du diable, s'écrie-t-il, il s^imaginait, le
malheureux, que celui qu'il n'avait pu vain-
cre par la gourmandise» il le surmonterait
par la vaine gloire.'C'est pourquoi il tâche
de lui persuader de se jeter en l'air, afin
que venant à voler il soit un spectacle
«91
AGT
DlCTtONflAlRB
ACT
m
d*admiration h tout le peuple. Le, démon
6*iniaginaitqu*il aurait contre Jésus-Christ
le même succès qu*il avait eu contre beau-
coup d'autres. Il avait éprouvé, dit saint
Gyprieuy que souvent il avait dompté par
la vaine gioire ceux dont il n'avait pu venir
à bout par d'autres moyens, et c'est pour
cette raison qu'après Tavoir tenté inutile-
ment de gourmandise, ille tenta de vaine
gloire, comme de quelque chose de plus
considérable et à quoi il est plus difficile
de résister. Car il est rare de n'être pas
touché des louanges; et comme peu de gens
sont bien aises d'entendre dire du mal
d'eui, il y en a peu aussi qui ne soient
ravis que l'on en parle avantageusement.
Ainsi la tentation de la vaine gloire n'est
pas simplement une tenlaiion de gens qui
ne fassent que de commencer dans la vertu,
elle attaque encore ceux qui y sont les plus
avancés; c'est même à ceux-là principale-
ment qu'elle s'adresse.
Le saint abbé Nil, qui avait été disciple
de saint Chrysostome, rapporte que les Pè-
res du désert les plus anciens et les plus
expérimentés élevaient et instruisaient les
nouveaux religieux d'une manière toute
différente de celle qu'ils pratiquaient à l'é-
gard des autres. Aux jeunes, ils recomman-
daient et enjoignaient la tempérance et
l'abstinence, parce que celui, disaient-ils,
aui se laisse aller à la gourmandise, s'aban-
onne encore plus facilement à l'impureté,
Îiuisqu'ayant succombé à une tentation plus
àible, il n'y a pas d'apparence que jamais il
puisse résister à une plus forte ; mais h l'é-
gard des anciens, ils les avertissaient do
veiller et d'être continuellement sur leurs
Ïardes pour se garantir de la vaine gloire,
omme ceux qui naviguent sur mer doivent
soigneusement éviter les bancs et les écueils
qui sont voisins du port, parce que souvent,
après une navigation très-heureuse, on vien*
faire naufrage au port ; ainsi il faut que les
plus consommés oans la vertu se défendent
extrêmement de la vanité, parce que sou
vent il est arrivé, qu'après avoir heureuse
ment voKué pendant tout le cours de sa vie
et résisté coura([eusement à tout ce que le
démon avait excité de tempêtes, àlaûn, lors-
qu'on était à la vue du port et comptant sur
ses victoires passées on se croyait hors de
tout danger, par son orjgueil et par sa noncha-
lance on est venu à faire un triste et lamen-
table naufrage. C'est pour ce sujet que les
maints appellent la vaine gloire, une tem-
pête dans le port; et que quelques autres
disent qu'elle fait dans les plus parfaits ce
que ferait un homme qui, montant un
▼aisseau, bien équipé de toutes choses e*
chargé de beaucoup de marchandises, ferait
lui-même un trou par lequel Teau entrant è
gros bouillons le submergerait à la fln.
Ainsi les anciens Pères no croyaient pa5
qu'il fût nécessaire de donner aux novices
aueun avertissement et aucun remède parti
entier contre la vaine gloire, parce qu'ils
supposaient que ceux qui ne faisaient quF
de sort'r du monde tout couverts des bles-
sures du péché, et die qui les plaies sai-
gnaient encore, avaient en eux-mêmes une
assez grande matière d'humilité et d'abais-
sement, et qu'ainsi il ne fallait leur parler
aue d'abstinence, de pénitence et de morli-
cation. Véritablement les anciens qui ont
déjà pleuré leurs péchés, qui en ont fait de
rudes pénitences, et qui se sont longtemps
exercés dans la pratique de la vertu, doivent
être continuellement en garde contre la
vaine gloire; mais ceux qui commencent,
qui n'ont encore acquis aucune vertu, qui
ne se sont pas défaits des inclinations vi-
cieuses et des mauvaises habitudes qu'ils
ont contractées, et qui n'ont pas encore
achevé de pleurer les péchés et l'oubli des
choses de Dieu dans lequel ils ont vécu;
ceux-là n'ont pas besoin de se précaution-
ner contre la vanité, puisqu'ils ne voient
en eux que des sujets de douleur et de con-
fusion. Ce qui devrait cependant en donner
encore à beaucoup de gens, c*est de voir
qu'ayant tant de raison de s'humilier en une
infinité de choses, ils s'enQent d'orgueil pour
une seule par laquelle ils sont recomrnan-
dables. C'est un grand abus : un seul défaut
Îue nous aurions devrait suffire pour nous
nmilier et nous confondre, parce qu'il ne
faut pas que rien manque à ce qui est bien,
et qu'au contraire la moindre défectuosilé
rend une chose imparfaite et mauvaise.
Nous en usons cependant tout autrement:
tant de fautes, tant de péchés (jue nous com-
mettons tous les jours, ne suffisent pas pour
nous inspirer des sentiments d'humilité; et
le moindre avantage que nous croyons pos-
séder, nous donne de la vanité, et nous fait
soupirer après l'eslime et Tapprobation du
monde. Par là il est aisé cfe voir que la
vaine gloire est extrêmement dangereuse,
puisqu'elle n'épargne personne et qu'elle
nous attaque même sans aucun fondement.
C'est la première chose qui nous fait suo
comber et la dernière qui résiste. C'est pour-
quoi, mes frères, dit saiot Augustin, ar-
mons-nous et précautionnons-^nous couire
ce vice, comme faisait le Prophète ro.vai
quand il disait : Seigneur, détournez mes yeus^
de peur qu'il» $e laissent charmer à la vanité,.
Quoique tout le monde ca général ait be-
soin de se précautionner contre la vaine
gloire, cependant ceux qui par leur état et
far leur charge sont employés au salut des
mes, ont encore une obligation plus par-
ticulière d'être continuellement en garde
contre ce vice. Car leur ministère étant si
snWime et si exposé aux yeux du public,
ils ont d'un côté beaucoup plus à craindre
que les autres, et ils se rendent f a'»'^^{[^f
appluscoup'*
n ils ne rei
jcherchentqi , ^
hommes. Ce serait se servir des grâces ei
des dons de Dieu comme d'un instrumen
de révolte contre lui : c'est pourquoi saiw
Bernard s'écrie : Malheur à ceux qui ont io
don d'avoir de grands sentiments de Pieu
et d'en parler avec éloquence; s'ils regar-
dent la uiélé comme un tiafic, s'ils tournent
195
ACT
ITASCETISMB.
ACT
191
à riotérèt dHine Taine gloire ce qu'ils ont
re^u pour l'appliquer à l'a? aolage de Dieu,
et si réiéTation de Tesprit ne s'accorde pas
en eui avec rbumilité du cœur, qu'ils crai-
gnect que ce qui se lil dans le prophète
0»ée (il, 8) ne soit dit pour eux. Je teur oî
donné de rargeni et de Far^ ei ils en ani faii
$me idole de Boai. Ile en ani formé une idole
à leur vaniié.
Lorsque les maîtres de la vie spirituelle
veulent expliquer de quelle manière on peut
foire ces actions avec une extrême perfec-
tion, ils ont coutume de se servir d'une com-
paraison très-juste. Comme les maibémali-
ciens, disent-ils, ne considèrent dans, les
corps que les dimensions et les figures, et
font toujours abstraction de la matière,
parce gu'eSIe ne fait rien à leur sujet ; de
même le véritable serviteur de Dieu ne doit
songer dans toutes ses actions qu'à faire la
volonté de Dieu, et fiour cet effet il faut
qu'il lasse une entière abstraction de la ma-
tière, c'est-à-dire qu*il ne regarde point
ni dans quelle chaire on l'emploie, ni
quelle chose on lui commande ; parce que
ce n'est pas en cela que consiste notre per-
fection, mais seulement à faire la volonté
de Dieu et à chercher sa gloire dans tout
ce que nous faisons. C'est ce que nous en-
seigne le grand saint Dasile après l'Af^ôlre :
c 'fôutela conduite d'un chrétien, dit-il, no
se propose qu'un but • qui est la gloire de
Dieu. 9
Les actions qui sont faites d«9 la façon que
nous avons dit , s'appellent actions pleines ;
et saint JérAme et saint Grégoire disent
que, quand l'Ecriture sainte parle de ceux
qui ont vécu de cette sorte, elle dit qu'ils
ont vécu des jours pleins et qu'ib sont
morts pleins de jours, quoique cependant
ils soient morts fort jeunes. C'est ce que le
Sa^e nous apprend lorsque, parlant du juste,
il dit que dans le peu qu'il a vécu il a rem-
I»li an grand espace de temps. Mais com-
nieiit peut-il se faire qu'en peu de temps
on Tire beaucoup, et que l'on renferme un
grantl nombre d'années? Voulez-vous savoir
comment en faisant des actions pleines, et
ea vivant des jours pleins, on trouvera en
eux dee jours pleinst dit le Psalmiste, et de
ce second passage, il est facile de tirer Tex*
plicatîon du premier.
Tons les jours des véritables serviteurs
de Dieu sont des jours de vingt-quatre
heures entières. Ils ne souffrent pas qu'il
j ait un moment de vide etd'inutile dans une
journée; et elle est toujours pleine et en-
tière pour eux, parce qu'ils l'emploient
toujours toute à faire la volonté de Dieu.
Les heures mêmes du repas, de la récréation
et du sommeil, ne sont point pour eux des
heures Tides et inutiles, parce qu'ils rap-
portent toutes ces choses a la plus grande
gloire de Dieu, et qu'ils ne le font qu'à
cause ^m Dieu veut qu'ils le fassent. Ils ne
mangent que pour leur besoin, jamais pour
leur plaîsiff, et ne cherchent leur propre
satisfaction -en rien; au contraire, ils vou-
draîest, si c'était la permission de Dieu,
pouvoir se passer de manger, de dormir et
de se dissiper l'espnt par les récréations;
ils voudraient n'être jamais occopés qu'à
aimer Dieu, et ils désireraient, avec le Pro-
phète royal, qu'il les délivrAt de leurs be-
soins, c'est-à-dire qu'il les dégageât de
l'esclavage des misères du corps, et qu'ils
fussent exempts de satisfaire à ses besoins,
pour être toujours ateorbés dans l'amour et
dans la contemplation de Dieu.
Saint Grégoire établit une bonne marque
pour discerner si dans les ministères où 1 on
est employé pour le salut du prochain, ou
cherche purement la gloire de Dieu, ou ai
l'on envisage aussi la sienne propre. « Re-
gardez, dit-ril, si, lorsque quelqu un prêche
bien, qu'il est extrêmement suivi et qu'il
fait un grand fruit dans les âmes, vous en
avez la même joie que lorsque vous pro-
«iuisez les mêmes effets. Car si tous ne
TOtis en réjouissez pas autant, et qu'au
contraire ses succès vous donnent quelque
sorte de chagrin. ou quelque espèce d'envie,
c'est une marque infaillible que vous ne
cherchez pas purement la gloire de Dieu,
- puisque l'apôtre saint Jacques dit en termes
exprès : Si tous avez une jalousie amire, et
que vous nourrissiez dans voire cœur des
sentiments de contention ei d'envie^ votre
sagesse ne vient point d^tn haut ; mais elle est
terrestre^ animale et diabolique, »
Nous pouvons recueillir de la doctrine
des saints Pères et principalement de celle
de saint Bernard, qu'il y a trois degrés de
perfection par lesquels nous pouvons nous
élever à une extrême pureté d'intention et
à un très-parfait amour de Dieu. Le pre-
mier est de ne chercher que la gloire de
Dieu; de manière qu'en tout ce qu'on fait
on ait l'esprit absolument dégagé de toutes
les choses du monde, et que mettant tout
son contentement en Dieu seul, on se borne
à songer que l'on a accompli sa volonté.
« Voulez-vous, dit saint Bernard,«avoir une
bonne marque pour ciinnattre, autant au'on
le peut, si vous aimez extrêmement Dieu,
regardez s'il y a quelque chose hors de Dieu
qui puisse vous donner de la satisfaction
et de la joie, et par là vous verrez quels
Erogrès vous avez faits dans l'amour de
lieu. Certes, tant que je suis capable de
recevoir quelque consolation et quelque
contentement d'ailleurs, je n'ose pas dire
que ce soit Dieu qui occupe entièrement
toute la tendresse de mon cœur. » Saint Au-
tin est du même sentiment, quand il dit :
« Seigneur, on vous aime moins, lorsqu'on
aime encore avec vous quelque chose que
l'on n'aime pas pour vous. » Cette manière
d'aimer est bien éloignée de i'exoellence et
de la pureté de l'amour de cette grande
reine, qui, au milieu de la pompe et du
faste de la majesté royale, disait à Dieu :
« Vous savez. Seigneur, qne depuis que j'ai
été amenée ici, justju'à piéstAt votre sar-
"vante ne s'est jamais r^onio qu'en tous.
Seigneur, qui êtes le m&a d'Abraham. »
Voilà sans doute une f^yon d'aimer bieli
parfaite et bien épurée. Saint Grégoire ,
W5
AGI
DICTIONNAIRE
ACT
sur ces paroles de Job : Qui $e bdti$$eni une
solitude^ demande ce que c'est que se bAtir
une.sôlitude; et dit que celui qui est tellement
détaché de toutes les créatures, et qui s*est si
absolument dépouillé de Taffectioo de toutes
les choses de la terre, qu*au milieu delà
foule et des divertissements il ne laisse
pas de se trouver seul, celui-là s*esti>flti une
solitude, parce que rien de tout cela ne le
touche, et qu'ayant mis tout son contente-
ment en Dieu, il ne peut trouver ni entre-
tien, ni consolation ailleurs. Nous éprou-
vons même tous les jours que quand on
s'est attaché d'affection à quelqu'un et qu'on
vient à le perdre par l'ansence ou par la
mort, on est alors dans une solitude ef-
frojable au milieu des meilleures compa-
gnies, parce qu'on n'y est point avec celui
avec qui on se plaisait d'être. La mémo
chose arrive à quiconque a banni entière-
ment de son cœur toutes les créatures pour
ne le remplir que de Dieu : au milieu des
plaisirs et dans les plus grandes assemblées
il se trouve seul, parce qu'il ne prend nul
plaisir aux choses du monde et ({u'il n'y a
que l'objet de son amour ciui [)uisse l'occu-
per agréablement. Ceux, dit saint Grégoire,
3ui sont parvenus à ce point, jouissent
'une très-grande tranquillité d'Ame, rien
ne les inquiète et rien ne leur fait peine, et
ni l'adversité ne les trouble et ne les abat,
Téi la propérité ne les enorgueillit et ne les
enfle. Comme ils n'out aucun attachement
aux choses du monde, tous les changements
qui y arrivent ne produisent en eux aucune
«altération ; et se faisant ainsi un bonheur
qui ne fieut dépendre des événements, ils
en méprisent la vissicitude. Savez-vous»
ajoute-t-il, qui s'était élevé jusqu'à ce de-
gré de perfection et qui s*élait bAti une
solitude? Celui qui disait : J'ai demandé
une chose au Seigneur ^ je ne cesserai point
qu'il ne me Vaccordé ; c'est de demeurer toute
ma vie dans la maison du Seigneur, Car,
après tout, quelle autre chose y a-t-il à
chercher et a désirer dans le ciel et sur
terre? et quelle est maintenant mon attente,
si ce n'est Dieu? Le saint abbé Silvain était
encore parvenu à ce même état; car on
raconte de lui que lorsqu'il sortait de l'orai-
son, toutes les choses de la terre lui sem-
blaient si méprisables, que se bouchant les
yeux avec les mains : Fermez- vous, mes yeux,
dit-il, fermez-vous et ne regardez point les
choses du monde, car il n'y en a aucune
qui mérite d'être regardée. Nous lisons
Î pareillement de saint l^nace^ que quelque-
ois élevant la vue au ciel et le cœur à Dieu,
il s'écriait : Hélas 1 que la terre me dé-
plaît, lorsque je contemple le ciel 1
Le second degré par lequel nous pouvons
^ monter à la perfection dont nous parlons,
i est celui qu'établit saint Bernard dans le
Traité de Famour de DieUf je veux dire non-
seulement d'oublier, toutes les choses du
monde-mais de s'oublier aussi soi'-même, et
de ne s'aimer soi-même qu'en Dieu et pour
Dieu ; car si nous voulons être parfaits, il faut
que nous soyons tellement absorbés dans cet
198
oubli de nous-mêmes et de tout ce qui peut
regarder notre avantage et notre iatérét * il
faut que nous aimions Dieu d'une rnsoiàre
si pure et si élerée, que dans tous les bi«os
que nous recevons de sa main, soit dans
ceux de la grAce, soit dans ceux delà gloire
ce ne soit point le profit que nous eo reli-
rons , mais que ce soit I accomplissement
de sa volonté sur nous qui fasse notre con-
tentement et notre joie. C'est ce que pra-
tiquent les bienheureux dans le ciel ; ils
se r^ouisseut plus de la volonté de Dieu
3ui s'accomplit en eux, que de l^éiévation
e gloire ou ils sont, et ils aiment Dieu
d'une façon si sublime, ils sont tellement
transformés en lui et tellement unis à sa
volonté, qu'au milieu des contentements
ineffables où ils sont plongés , c'est moins
à cause d'eux-mêmes qu'à cause de Dieu
au'ils aiment la félicité qu'ils possèdent.
'est de cette sorte que nous devons aimer
Dieu, dit saint Bernard; et c'est ainsi que
faisait ce saint prophète qui disait : Bénis-
sez le Seigneur parce qu'il est bon. Il ne dit
pas, parce qu'il m'est bon ; mais simple*
ment, parce qu'il est bon. Il ne l'aime point
et ne le loue point par rapport à sou propre
intérêt, comme ceiui dont il dit dans un
autre endroit : Il vous, ft^ntra, lorsaue vont
lui aurex fait du bien ; mais il 1 aime et
le loue, parce qu'il est bon en lui-mêoQe, pa^
ce que Dieu estDieu,et que sa bonté estinfinie.
Le troisième et dernier degré de perfec-
tion est, dit saint Bernard, de faire les choses
non pas pour plaire à Dieu, mais parce oue
Dieu nous plait, ou que ce que nous hi*
sons plait à Dieu. De cette sorte, sans soq<
ger aucunement à soi, non plus que si Ton
n'était pas au monde, on n'envisage que le
seul contentement de Dieu ; et voilà une ma<
nière de l'aimer très-parfaite et très-épurée.
« Cetamour, continue-t-il, est véritablemeni
la montagne du Seigneur, une montage
très-élevée, une montagne grasse et fertile;
car ce terme de montagne de Dieu ne peul
dire autre chose dans l'Ecriture, que i(
comble de l'excellence et de la perfection.
Mais qui montera sur la montage du Sei
gneur et qui me donnera des ailes commi
à une colombe, afin que j'y vole et queji
m'y repose? Hélas I s écrie ce grand saint
le mal est que dans cette terre d'exil je ni
puis m'oublier entièrement moi-même
misérable que je suis, qui me délivrera di
ce corps mortel? Seigneur, je souffre y'v>
lence, répondez pour moi. Quand mourrai
je entièrement à moi, pour ne plus vivr
qu'à vous? Pourquoi faut-il que mon en
soit prolongé? Otiand iraine me présente
devant la face de Dieu? Seigneur, quam
serai-je uni tout à fait à vous, et transport
en vous par amour? Quand serai-je enlii
remeni détaché de moi-même, quand n
serai-je plus qu'un esprit avec vous, i
quand enfin n'aimerai-je plus rien en moi
ni pour moi, mais tout en vous et pou
vous? Car ne se chercher et ne se trouve
non plus dans tout ce qu'on fait, que si o
était perdu soi*même> pour ainsi dire» o
•<•»
191
ACT
D'ASCETISME.
ACT
m
qae l'on ne fût plus du lout; no se sentir
soi-même «i oolie Cacon et s'anéantir enfin
soi-même, c*est refifet de ta charité des
bienheareax, et non pas le parlasse d*iine
affection humaine. C'est pourquoi le Pro-
phète royal disait : TmUrtrai dans la pms--
ÊOMê dmSeigmaÊr^ et alarM, Seigneur^ je ne me
êowriendrai plue de rien que de voire jmtice.
Lorsqu'après nous être comportés comme
des semteurs fidèles, nous entrerons dans
la joie do Seigneur et que nous serons eni*
vres de l'abondance ue son amour; alors
nous serons tellement absorbés et transfor-
més en loi, que nous ne nous souviendrons
plus de nous-mêmes; alors nous lui serons
semblables, parce que nous le verrous tel
qu'il est; alors la créature se conformera à
son Créateur; et comme il a fait toutes
choses ^ur loi-même, selon le témoignage
de l'Ecriture, aussi n'aimerons-nous rien
que lui, et nous-mêmes nous ne nous ai-
merons qu'en lui et pour lui. Ce qui fera
notre joie, ne sera pas tant la consiaération
de la misère dont nous serons dégagés, ou
de la félicité que nous aurons obtenue,
que de voir que sa volonté sur nous aura
été accomplie en nous. Et c'est ainsi qu'on
entre dans la joie du Seigneur. »
« O amour saint et chaste I s'écrie saint
Bernard en cet endroit, 6 douce et tendre
afleeiion! ô droite et pure intention de
volonté, d'autant plus droite et plus pnfe
qu*il n'/ reste plus aucun mélange d'intérêt
propre! affection d'autant plus tendre et
plus douce que l'on ne sera touché de rien
qui De soit divin I Etre épris de cette sorte,
c*esl être déifié. Pour expliquer comment
nous serons alors déifiés et transformés en
Dîea, le même saint se sert de trois com-
paraisons, et dit que de même qu'une goutte
d*eaa, jetée dans une grande quantité de
vin, [icrd toutes s%s propriétés, et prend la
couleur et le goût du vin; de même qu'un
fer rou^ dans la fournaise ne parait plus du
fer, mais du feu ; enfin de même que quand
l'air est éclairé des rajons du soleil il devient
si Iqmineux qu'il semble qu'il soit la lu-
mi^ même ; de même quand nous serons
dans la gloire, nous perdrons entièrement
DOS premières qualités, nous serons déifiés et
transformés en Dieu, et nous n'aimerons
rieo que lui et en lui : autrement, comment
est-ce que Dieu serait alors toutes choses
eo tout, si dans l'homme il restait quel-
que chose de Thomme? 11 n'y aura donc
rien lè qui soit notre gloire même, et notre
joie sera la gloire et la joie de Dieu, et non
ras la n6tre,suiv<'intcesparolesduPsaImiste:
Foaif iUe nui gloire^ et e*e$l vous ,qui nC exal-
tez; enfin, nous ne mettrons point notre
satisfaction en notre propre félicité; mais
ce sera en Dieu seul que nous rétablirons
Imit notre contentement. Uais quoique dans
ce monde nous ne puissions jamais parvenir
i on si haut point de jperfeclion, nous de-
vons essayer d*y avoir les yeux continuel-
lement attachés, parce que plus nous appro-
chons de ce but, plus notre union avec Dieu
sera étroite. »
Concluons, avec ce grand saint, et disons :
Seigneur c'est en cette union que consiste
la volonté de votre Fils en nous; c'est ce
qu'il vous a demandé par la prière qu'il
vous a faite pour nous, quand il vous a dit :
Faites que comme vous et moi ne sommes
qu'un, ils ne soient aussi qu'un en nous;
c'est-à-dire qu'ils vous aiment pour vous, el
2\\\\s ne s'aiment eux-mêmes qu'en vous,
'est là véritablement la fin, la consomma-
tion et la perfection de toutes choses ; c'est
la paix, c'est la joie du Seigneur, c'est la joie
dans le Saint-Esprit; c*est le calme et le
silence des bienheureux dans le ciel.
ACTIONS DE GRACES APais la gommd-
NiOR.— Comme avant que de manger, dil
Rodriguez, il est bon de faire un peu d'exer-
cice, pour réveiller la chaleur naturelle, il
est bon aussi avant que de s'approcher de
la sainte table de s'exercer à quelque sainte
méditation, qui puisse réveiller la dévotion
et la ferveur, qui est à l'égard de l'âme ce
que la chaleur naturelle est à l'égard du
corps. Il est bon encore de donner quelque
temps à la conversation après le repas ; et il
sera de même très«à propos d'employet
quelque temps à s'entretenir avec Dieu, au
sortir de ce divin banouet. C'est là le temps
le plus favorable et le plus propre pour
traiter avec Dieu, et pour nous unir avec
lui : c'est pourquoi il faut tAcber d'en pro-
fiter, et de ne pas en perdre la moindre partie.
Ne laissez pas perdre un si bon jour, et ne
laissez pas échapper la moindre partie d'un
don si précieux.
Pour cet effet, il faut employer ce temps-là
à faire Quelques médilations pieuses; sur-
tout il faut s'occuper à louer Dieu, et à le
remercier de tous les bienfaits qu'on en a
reçus, et particulièrement du bien inestima-
ble de noire rédemption, et de la grêce qu'il
nous fait de se donner lui-même à nous de
cette sorte. Comme cependant nous ne pou-
vez jamais de nous-mêmes lui en rendre les
remercîments qui lui sont dus, il faut, pour
suppléer à notre délaut, lui offrir toutes les
bénédictions et toutes les louanges que lui
ont jamais données tous les anges ensemble^
depuis le commencement du monde, et tous
les bienheureux pendant leur vie; toutes
celles qu'ils lui donnent maintenant dans le
ciel, et toutes ceHes qu'ils lui donneront
durant toute l'éternité. Il ftut joindre nos
intentions à leurs intentions, et le prier de
commander que nos voix soient admises
avec les leurs. Il faut enfin inviter toutes
les créatures à le louer avec nous, et dire
avec le Prophète : Célébrez la magnificence
du Seigneur avec mot, et glorifions ensemble
son nom. Mais parce que Dieu est infiniment
au-dessus de toute sorte de louanges, et
que toutes celles que toutes les créatures peu-
vent jamais lui donner n'approchent point de
celles qui lui sont dues, il lautdeplussouhai-
terqu'ils'aimeetqu*ilselouelui-même comme
il le mérite, puisque lui seul peut le faire.
Secondement, il faut employer ce temps-là
à produire des actes d'amour de Dieu; car
c*est alors principalement qu'on ceut exal-
4M
ACT
UCTIOMNAIRE
ACT
ter son eœur en*de saintes aspirations qai
ne sont antre chose que des actes d*amour
et des désirs ardents de s'unir h Dieu. C'est
alors qu'il faut lui dire avec le Prophète
ro jal : Stignewr^ voum éies ma farce^ fue je
vous (Urne toujours. Mon âme soupire tnees^
sammeni après vous^ ô mon Dieu^ comme le
terf poursuivi des chasseurs^ soupire après la
source des eaux.
Il faut en troisième lieu employer ce
temps-là à demander des grâces à Dieu, car
iTest un temps propre pour en obtenir et
pour bien faire nos affaires avec lui. L'Ecri-
ture sainte rapporte que la reine Eslber»
ajant à demander quelque chose au roi
Assuérus, ne voulut point d'abord lui dé-
clarer ce que c'était; elle l'invita seulement
à venir manger chez elle, se réservant à lui
expliquer alors ce qu'elle souhaiterait. Il y
fut; et elle en obtint tout ce qu'elle lui
demanda. C'est ainsi que dans ce saint barf-
quet, où le Roi des rois est notre convié et
où nous sommes les siens, pour mieux dire^
nous obtiendrons de lui tout ce que nous
lui demanderons ; car nous sommet venus
dans un jour heureux, et nous poilvous lui
dire ce que Jacob dit à l'ange crvec qui il
avait lutté toute la nuit : Seigheur^je ne
TOUS laisserai point aller que vous ne m'ayez
hini. Seigneur, lorsque vous entrâtes dans
la maison de Zachée, vous dites : Cette mat-
son a re}u aujourd'hui le êalut ; dites-en
autant maintenant de la nAaisou où vous
venez d'entrer; dites à mon âme: Je suis
votre salut.
C'est aussi alors qu'il faut demander par-
don è Dieu de nos péchés, et lui demander
en même temps la lorce de vaincre nos pas-
sions et de résister aux tentations du démon,
et la grâce d'acquérir l'humilité, l'obéissance,
la patience, la persévérance et les autres
Tenus dont nous avons le plus besoin.
Mais il ne faut pas seulement demander
alors pour nous-mêmes ; il faut aussi prier
pour tous les besoins de TEdise, tant en
(général qu'en particulier, pour le Pape, pour
e souverain, cour tous ceux qui gouver-
nent la république chrétienne, ou dans le
spirituel ou dans le temporel, et pour toutes
les personnes particuL^es à qui on a quel-
Îue obligation,. comme ii se pratique dans le
femento de la messe, et comme nous le
dirons ensuite.
Quelques-uns font leur action de grâces
après la communion de la manière que nous
allons dire* Ils se représentent Jésus-Christ
au dedans d'eux-mêmes, et appellent toutes
leurs puissances et tous leurs sens, pour le
venir reconnaître comme leur roi, et pour
se soumettre à lui; de même que dans le
monde un homme qui recevrait chez lui un
grand seigneur, ferait venir ses parents pour
Te saluer, et pour lui rendre leurs devoirs.
Ensuite à chaque sens et à chaque puissance
qu'ils présentent, ils font trois choses. La
t crémière, de remercier Dieu du don qu'il
eur en a fait. La secondci de s'accuser de
n'en avoir pas fiait tout le bon usage qu'ils
doivent, et la troisième de lui demander la
grâce d'en faire un meilleur usage à l'avoDir.
Cette sorte d'action de grâces peut être très-
utile; et des trois méthodes d'oraison que
saint Ignace marque dans le livre des EieN
cices spirituels, celle-là est la première.
Quelques autres considèrent toutes leura
puissances et tous leurs sens comme autant
de malades ; et regardant en même temps
Jésus-Christ comme un médecin qui guérit
toutes nos maladies, ils le mènent de i*UQ
à l'autre» comme un médecin qu'on mèn^
rait dans une infirmerie où il ^ aurait plu-
sieurs malades, et lui disent : Seigneur, venez
et voyez ; ayez pitié de moi et de mon in-
firmité; guérissez mon âme qui est malade,
parce que j'ai péché contre vous. Or, il faut
remarquer que dans ce temps-là il n'est pas
nécessaire de feindre un lieu ni de le cher-
cher hors de nous, puisque Jésus-Christ
est alors présent au dedans de nous» non-
seulement quant à sa divinité, qui est tou-
jours partout, mais aussi quant à son huroa**
nité sacrée , qui est réellement dans nos
entrailles, et qui y demeure autant de temps
que durent les espèces sacramentelles» c'est-
à-dire autant de temps que la substance du
f»ain pourrait y durer, si elle y était. Que si
a vue d'une imase nous donne du recueil^
lement et de la dévotion, que ne doit point
faire. la vue de Jésus-Christ lui^onême, qui
est présent en personne au dedans de nous?
C'est pourquoi, que chacun tourne alors ses
regards sur soi, et qu'il considère Jésus-
Christ au dedans de soi, comme la sainte
Vierge le considérait au dedans d'elle-même
lorsqu'elle le portait dans ses entrailles;
qu'il s'entretienne avec son bien-aimé, et
qu'il dise avec l'épouse : J'ai trouvé celui
que mon âme chérit ; je le tiens et je ne le
laisserai point aller. Quelques théologiens
disent une chose qui peut nous porter à
employer encore plus de temps à notre
action de grâces. As disent que tant que
durent les espèces sacramentelles et la pré*
sence réelle de Jésus-Christ au dedans de
nous, plus on fait de semblables actes, plus
on reçoit de grâces, non-seulement à cause
du mérite des actes, mais à cause de là
vertu du sacrement, suivant ce que nous
avons déjà dit en parlant de la préparation
à la communion.
Par-là on peut connattre combien font mal
ceux qui laissent perdre un temps où il y a
tant à gagner, et qui n'ont pas plutét reçu
un si grand hôte chez eux , qu'ils lui tour-
nent le dos, qu'ils sortent par une porte, pour
ainsi dire , au même moment qu'il acnère
d'entrer par l'autre, et qui le reçoivent froi-
dement sans lui rien dire. Si dans le monde
ce serait commettre une incivilité , de rece-
voir chez soi une personne de considéra-
tion, et de ne lui rien dire et de ne lui bire
aucune offre de service^, que sera-ce d*en
user ainsi envers Dieu même ?
Surius rapporte que toutes les fois que
sainte Marguerite , olle de la reine de Bon-
grie , devait communier, elle jeûnait h
veille au pain et à l'eau, à cause du ban-
quet céleste qu'elle devait faire le lendemnio»
toi
ACT
D'ASCETISME.
ACT
2Ci
et passait toute la nuit en prières ; et qu'après
avoir communié » elle employait tout ce
joar-U à la prière jusqu'à ia nuil qu'elle
prenait quelque nourriture.
iésQS-CbrisI pendant sa vie mortelle a
plusieurs fois marqué Timportance que
rbomme devait attaclier è la reconnaissance
des bienfaits de Dieu» et en particulier à
l'occasion des dix lépreux guéris, dont un
seul vint le remercier de sa guérison. Si
nous devons être reconnaissants des dons de
Dieu , de sa grâce , de ses secours , quelle
sera notre reconnaissance lorsque nous au-
rons à le remercier pour l'avoir reçu lui-
même ?
La rerx>nnaissance des bienfaits reçus est
d'ailleurs le meilleur titre auprès cie Dieu
pour recevoir de nouvelles faveurs.
ACTIONS ORDINAIRES (pBRFficnoN des).
-— Il est constant que l'état tN)n ou mauvais
de notre âme dépend de nos bonnes ou de
nos mauvaises actions » parce que nous se-
rons tels que seront nos œuvres et qu'enfin
ce sont elles qui découvrent ce que nous
sommes. L'arbre se connaît par le fruit* et
saint Augustin dit que l'bomme est . l'ar-
bre, que les œuvres en sont Je fruit;
qu'ainsi par le fruit des œuvres on voit
bientôt ce que chacun est. C'est pourquoi le
Sauveur parlant des hypocrites et des faux
prophètes : Vous les recannaUrex , dit-il ,
par leurs fruits; et au contraire, parlant de
lui-même : Les œuvres ^ dit-il , que je fais au
iMM de mon Pirt rendent témoignage de mot ,
€i si vous ne voulez pas me erotre , croyez du
siêoius à mes œuvres , elles vous diront qui je
suis. Mais les actions ne disent pas seule-
ment ce que l'on est en cette vie , elles pré-
disent aussi ce que l'on doit être en l'autre,
et telles qu'elles aiuront été en celle-ci , tels
nous serons en l'autre pour iamais; car
Dieu récompensera chacun selon ses œu-
vres» comme la sainte Ecriture nous rap-
prend en divers lieux de l'Ancien et du
nouveau Testament : Seigneur^ dit le Psal-
miste , vous rendrez à ckaeun selon ses «im-
vrtê. Et saint Paul, écrivant aux Galates : Ce
^ue rhomms, dii^iU aura semé pendant savie^
tlle moissonnera après sa mort. (Rodbjoukx.)
liais venons au détail des choses , et
▼oyons quelles sont les actions desquelles
tout notre bien, tout notre avancement
toute notre perfection dépendent. Je dis que
ce sont les actions les plus ordinaires,
et c|tie nous taisons tous les jours ; c'est
à bien faire Toraison que nous avons ao*
eootumé de ftire, h bien faire notre examen
ordinaire , à entendre ou a célébrer la messe
avec le respect que nous devons, à dire
notre office et nos prières avec attention et
avec ferveur ; è nous exercer coutinueile-
ment dans la pénitence et dans la mortifi-
cation; è nousbienacquitterde noire charge
et de tout ce que l'obéissance nous impose;
enfin c'est à bien faire les choses qui nous
sont les plus fréquentes et les plus fami-
lières dans la vieque consistent notre avan-
cement et noire perfection. Nous serons par-
faits si nous les faisons parfaitement bien ;
DicnoRH. D'AscftnsuB. I.
nous serons imparfaits si nous les faisons
imparfaitement. Voilà proprement tout ce
qui met la différence entre un parfait chré-
tien et celui qui ne Test pas; car elle no
vient point de ce que l'un fait plus de choses
gue l'autre, mais seulement de ce qu'il les
fait mieux; et, à proportion de la manièio
dont chacun les fera» chacun sera infailli-
blement plus ou moins parfait.
Le Fils de Dieu , dans sa parabole du se-
meur, nous dit que le grain qui fut semé en
bonne terre, en un endroit rendit le tren-
tième , en un autre le soixantième , et en un
autre rapporta jusqu'au centuple; et par là,
disent les saints , le Sauveur nous a marqué
les trois degrés de ceux qui servent Diiu ,
c'est-à-dire, ceux qui commencent, ceux
qui sont dans le progrès et ceux qui sont
en6n arrivés au comble de la perfection.
Nous semons tous le même grain, parce que
nous faisons tous les mêmes choses; nous
avons tous la même heure pour l'oraison ,
et depuis le matin jusqu'au soir nous som-
mes tous occupés à ce qui nous est prescrit
par le devoir. Hais avec tout cela , combien
y a-t-il de distance d'homme à homme I
En quelques-uns, les œuvres qu'ils sèment
rapportent au centuple, parce qu'ils les font
avec une extrême ferveur d'esprit et une
f grande pureté d'intention , et ceux-là sont
es parfaits ; en quelques autres , elles ren-
dent le soixantième , et ceux-là ne sont en-
core que dans le progrès, ils ne sont pas ar-
rivés a la perfection ; enfin , la récolte eu
d'autres, n'est que de trente pour un, et
ceux-là ne font que de commencer à servir
Dieu. Que chacun re^rde du nombre des-
quels il est , voyez hi vous n'êtes point de
ceux qui ne rendent que le treniième , et
Dieu veuille que personne ne soit do ceux
dont l'Apôtre dit que, sur le fondement de
la foi, ils ont entassé du bois et de la
paille pour brûler au jour du Seigneur. Pre-
nez g^rde de ne rien faire par ostenta-
tion, par respect humain, pour contenter
les hommes, pour vous attirer leur estime ;
car ce serait bâtir un édifice de bois et de
paille I pour brûler du moins dans le pur-
gatoire. Mais t&chez de faire toutes choses
dans la dernière perfection , et ce sera ,
comme dit saint Paul , vous élever un bâti-
ment tout d'or et d'argent , et de pierres
précieuses.
La vérité de tout ce que je viens de dire
se comprendra encore plus clairement, en
élablissant ce principe : que notre avance-
ment et notre perfection ne consistent qu'en
deux choses : à faire ce que Dieu veut que
nous fassions, et à le faire (x>mnie il veut
Sue nous le fassions ; car, assurément, ces
eux points comprennent tout. Quant au pre*
mier, tous les religieux y sont déjà parve-
nuspar la miséricorde deDieu. Et sans doute,
c'est un des grands avantages et une des
grandes consolations de ceux qui vivent dans
la reliffion, d'être certains que les choses
qu'ils font par obéissance sont justement
celles que Dieu veut qu'ils fassent I Cette
proposition est dans la religion comne une
7
S05
\CT
DICTIONNAIRE
ACT
a^i
espèce de premier principe» et la doctrine
de ]*Evangi)e et des saints y est entièrement
conforme, comme nous le ferons ?oir am-
friement, lorsque nous parlerons de l'obéis-
sance :Celui qui vous écoute m'écoute. Obéis-
sant au supérieur, nous obéissons è Dieu,
et nous faisons sa volonté , parce que c'est
là ce qu'il demande précisément de nous.
Les gens du monde trouvent la volon-
té de Dieu écrite aussi dans les comman-
dements de Dieu et de l'Eglise et dans les
devoirs particuliers de leur état. Il ne reste
plus que le second point qui est de faire les
choses comme Dieu veut que nous les fas-
sions, et d'autant qu'on ne peut pas douter
qu'il ne veuille que nous les fassions avec
toute la perfection possible : il n'est pas
besoin de s'étendre davantage pour prou-
ver une vérité claire.
Lorsque le P. Natal , de la Compagnie de
Jésus, nomme illustre pour sa aoctrine et
pour sa vertu, visita les provinces d'Espa-
gne, il ne recommanda rien davantage que
l'enseignement continuel de cette vérité,
sjBvoir : que tout notre avancement et toute
notre perfection consistent, non pas à faire
des choses extraordinaires, ou à être occu-
pés dans les emplois les plus élevés et U*s
ulus laborieux» mais seulement à bien faire
les choses ordinaires et à nous bien acquit-
ter de celles où l'obéissance nous appelle,
quelque basses ou Quelque faciles qu'elles
puissent être. C'est la ce que Dieu demande
de nous, et c'est là par conséquent sur quoi
nous devons arrêter nos veux, si nous avons
envie de lui plaire et d acquérir la perfec-
tion.Voyons maintenant et examinons à com-
bien peu de frais nous pouvons l'obtenir,
puisque, sans rien faire de plus que ce que
nous faisons tous les jours , nous pouvons
nous rendre parfaits , et nous trouverons,
sans doute, que ce doit être une très-grande
consolation pour chacun de nous et un très*
puissant motif pour nous exciter à la perfec-
tion. Si on ne pouvait y arriver que par des
occupations sublimes, de grandes élévations
d'^espritetdes méditations fort relevées, vous
pourriez avoir quelque excuse, vous défen-
dre sur votre incapacité, et dire que vous ne
sauriez voler si haut. Si on exigeait de vous
3ue vous vous donnassiez tous les jours la
Iscipline jusqu'au sang, que vous jeûnas-
siez au pain et à l'eau , que vous allassiez
toujours nu-pieds et que vous portassiez
continuellemeAt la baire et le cilice, vous
pourriez répondre que vous ne vous sentez
pas assez de forces pour cela. Hais ce n'est
pas là aussi ce que l'on souhaite de vous ni
d'où votre perfection dépend , elle dépend
simplement de faire les mêmes choses que
vous faites. Vous pouvez , avec cela, vous
rendre parfaits. Si vous voulez , toute la dé-
pense est déjà faite : il n'est pas besoin d'y
ajouter d'autres œuvres. Qui ne s'encoura-
gera donc à acquérir la perfection , puis-
qu'elle est tellement à notre portée, et qu'elle
consiste en des choses si ordinaires et si fai-
sables ! Dieu disait à son peuple, pour l'ex-
citer à le servir et à observer sa loi : Le eom-
mandement que je voue donne aujourd'hui ne
consieie pas aan$ une chose qui soit au-
dessus de vous^ni qui soit fort éloignée^ ni qui
soit dans leciel:de sortequevouspuissiexdtre:
Qui de nous autres pourra monter au ciel pour
nous l'apporter^ afin que nous l'entendions et
que nous raccomplissions en effet ? Ce n'est
pas non plus une chose qui sott au delà des
merSi de façon qu'il y ait lieu de s'excuser et
de -dire : Qui de nous passera les mers pour
l'aller quérir y afin que nous puissions entendre
et foire ce qui nous est ordonné. Mais c'est
une chose qui est proche de vous , un précepte
dont on vous entretient souvent, que vous
avez souvent dans la bouche , et rexécution
ne dépend que de votre cosun Nous pouvons
en dire autant de la perfection dont nous
parlons : et c'est aussi le moyen dont saint
Antoine se servait pour exhorter ses disci-
[>les. Les Grecs, dit-il, qui s'abandonnent à
'étude delasagesse, entreprennent de grands
voyages par mer et parterre, endurent beau*
coup de fatigues et s'exposent à de grands
dangers pour l'acquérir; mais vous, pour
acquérir la vertu, qui est la sagesse véritable,
vous n'avez que faire d'aller si loin, ni d'es-
suyer tant de périls ; il ne faut pas môme
sortir de vos cellules : car c'est là que tous
la trouverez , ou plutôt le royaume de Dieu
est au dedans de vous-mêmes ; et c'est dans
les choses qui vous sont les plus familières,
et que vous faites tous les jours» que consiste
votre perfection.
Lorsqu'on approche des teraps qui sont le
plus consacrés à la piété, comme par exem-
ple celui de l'Avent, du Carême, de la Pente-
côte, on nous demande ordinairement, dans
les conférences spirituelles, de quels moyens
nous nous servirons pour nous préparer à
renaître avec Jésus-Christ , ' à mourir et
à ressusciter avec lui, à recevoir le Saint-
Esprit ; et l'on ne manque pas de proposer
une infinité de moyens très-propres et très-
salutaires. Mais le plus important de tous» et
celui sur lequel nous devons le plus nous
arrêter, est celui dont nous parlons mainte-
nant : je veux dire de nous perfectionner
dans les choses que nous avons coutume de
faire. Corrigez-vous chaque jour des fau-
tes et des imperfections aue vous commet-
tez dans ces sortes de cnoses , appliquez-
vous chaque jour à les faire de mieux en
mieux, et ce sera là une très-bonne prépa-
ration pour tout ce que vous voudrez. Enfin
attachez-vous principalement à cela , et ne
regardez tout le reste que comme des moyens
qui peuvent vous servii.
Mais voyons en quoi la bonté de nos ac-
tions consiste» afin que» parla, nous veniorii
à mieux connaître les moyens de bien les
faire. Je dis qu'elle consiste en deux choses
dont la première , et la principale » est que
nous agissions purement pour Dieu. Saint
Amboise demande quelle est la cause pour
laquelle» dans la création du monde» Dieu,
après avoir créé les choses purement corpo-
relles et les animaux, les loue dans le mèu)e
instant. // créa les plantes et tes arbres, et H
vit, dit rEcriture» que cela était ban ; il créa
ACT
DASCETISME.
ACT
soa
leM animaux de la terre^ les oiseaux et les pois-
sans^ ei il vit que cela éiaii ban ; il créa les
cieuXf les étoiles ^ le soleil et la lune^ et il vit
aue cela était bon, EnGn tout ce qu'il créa, il
le loua, dès aa*il eut achevé de le créer,
liais quand il vient h créer rbomme» il sem-
ble qu il le i&isse, lui seul , sans louanges,
puisqu'il D*ajoule pas aussitôt que cela
était bon, comme il TaTait ajouté a tout le
reste des choses. Quel mystère y a-t-il lA-
dessous, et quelle peut être la cause de cette
dilTéreor^e que Dieu fait?
Jl regarde arec quelle intention chacun fait
les choses, et c'est i)0ur ce sujet qu'il ne
loue pas l'homme, immédiatement après
ravoir créé, comme il avait loué toutes les
autres créatures. L'intention est le fonde^
ment de la bonté de toutes nos actions. Les
fondements ne se voient point, et néan-
moins c'est ce qui soutient tout l'édifice :
il en est de même de l'intention.
La seconde chose qui est requise pour la
perfection de nos actions, c'est que nous
fassions tout notre possible pour bien les
Ciire. Il ne suffit pas que votre intention soit
lionne , il ne somt pas que vous disiez que
vous les faites pour Dieu; mais il faut que,
poor lui plaire davantage, vous ticbiez de les
faire du mieux que vous pourrez.
Le troisième mojen, pour faire bien les
choses, est de les foire chacune séparément,
comme si on n'en avait point d'autres à
faire ; de vaquer à l'oraison, de célébrer la
messe, de dire son chapelet et ses heures;
et ainsi de tout le reste, comme si effecti-
▼ement on n'avait aucune autre chose à
fiiire que celle qu'on fait. Nous n'avons
rien qui nous presse, ne nous troublons
point dans ce que nous faisons, et qu'une
chose n'embarrasse pas l'autre ; mais appli-
quons-nous entièrement à celle dont il s'a-
git. Pendant l'oraison* ne pensons ni à
rétude, ni aux affaires, ni aux devoirs de
notre emploi; car cela ne sert qu'à nous
détourner de l'oraison et à empêcher que
Doos nous acquittions bien de quoi que ce
soit. Nous avons tout le reste du jour libre,
soit pour étudier , soit pour satisfaire aux
obligations de notre charge, et faire toutes
choses en leur temps : ne confondons point
l'ordre mal à propos, et songeons qu'A cha-
que jour suffisent son inquiétude et son afflic-
tion particulière. Ce moyen est si propre
et si conforme A la raison que les païens
mêmes le pratiquaient pour se tenir dans
un profond respect en présence des idoles
de leurs bux dieux, et c'est de lA qu'est
venu cet ancien proverbe : Que ceux qui
adorent soient assis. Que ceux qui adorent
Dieu dans la prière, qui s'entretiennent avec
lui dans l'oraison, le fassent en repos et
avec attention, et non pas en courant et
comme songeant A autre chose. Plutarque,
parlant de la révérence avec laquelle les
prêtres de son temps s'approchaient de leurs
dieux , dit que pendant que le prêtre fai-
sait le sacrifice, il y avait un homme qui
ne cessait de crier A haute voix : Faites ce
que vous faites : comme s'il eût voulu dire :
Ne pensez qu'A ce que vous failes ; ne vous
détournez point, mais appliquez y' entière-
ment votre esprit. C*est lA maintenant le
moyen qu'il nous propose pour bien fiaiire
toutes choses ; attachez- vous fermement et
uniquement A chacune comme si vous n'en
aviez aucune autre A faire : n'ayez d'atten-
tion que pour ceUelè, mettez*y tout votre
soin , éloignez de vous toutes les autres
[>ensées, et vous ne manquerez jamais de
a bien faire. Faisons ce qu'il y a mainte-
nant A faire, disait Aristipe, et sans son-
ger ni au passé ni A l'avenir, renfermons
toute notre application dans le présent; car
il n'y a*que cela seul qui soit en notre pou-
voir, puisque le passé n'étant plus, ne peut
pas dépendre de nous,^et que l'avenir étant
incertain, nous ne saurions nous répondre
de ce qui arrivera. Que l'on serait heu-
reux si on pouvait gagner la même chose
sur soi, et si on était seulement maître de
son imagination et de ses pensées, que
Bmais on ne songeât qu'A ce que l'on fait!
ais, hélas, l'instabilité de notre cœur est
trop grande , et d'aiHeurs te démon est si
adroit A profiler de notre légèreté natu-
relle, que quand nous taisons quelque chose
il nous remet devant les yeux ce que nous
devons faire dans un autre temps, pour nous
dissiper l'esprit, et nous détourner de ce
que nous faisons alors. Cette façon de nous
tenter lui est d'autant plus ordinaire, qu'elle
est très -dangereuse et très-pr^udiciable
pour nous, parce que de celte sorte il
empêche que nous ne fassions jamais rien
parfaitement. Pendant l'oraison, il nous re-
met dans l'esprit des pensées d'étude et
d'affaire, afin que nous ne puissions pas
bien faire notre oraison, et pourvu qu'il
réussisse A nous détourner de l'attention
que nous devons y avoir, il ne se souciera
Eas de nous avoir su^éré mille moyens de
ien faire ensuite les autres choses ; car,
lorsque nous viendrons A les faire, il ne
manquera pas d'en avoir encore d'autres A
nous remettre devant les yeux , afin que
pareillement nous nous acquittions mal de
celles dont il est question, et de celte sorte
il lAche de nous tromper continuellement
et de rendre toutes nos actions défeclueu-
ses. Mais puisque nous n'ignorons plus ses
artifices, laissons-IA les choses A venir, et
rejetons-les dès qu'elles se présenteront :
il sera bon d'y songer dans leur temps;
mais il est mal de le faire quand on doit être
occupé A d'autres pensées. Que si la crainte
de ne pouvoir pas peut-être ensuite vous,
souvenir de ce qui s'offre alors A votre
imagination, est ce qui vous porte A vous
y arrêter, cela même doit vous faire con-
naître que ce n'est pas une inspiration de
Dieu, mais une tentation du démon; car
D.eu est ami de la paix et de l'ordre ; et
ainsi ce qui trouble votre repos et décon-
certe l'ordre des choses ne vient pas de
Dieu, mais du démon, qui n'aime que la
confusion et le désordre. Rejetez donc tout
ce qui se présente A votre idée sous ce pré-
texte, pour vous détourner de ce que vous
i(n
ACT
DICnONNAIRE
ÀCT
m
faites; et assurez-vous que si vous fbites
bien ce qui est alors Je votre devoir. Dieu
ne manquera pas de faire rerenir en son
temps dans votre mémoire les idées que
vous en aurez hannies, et de vous les
remettre encore plus avantageusement dans
Tesprit. Si, par eiemple, il arrive que pen-
dant vos exercices spirituels vous soyez
surpris de quelques pensées d'étude, et
qu'il s'offre a vous quelques raisons con*
vaincantes sur un point important, quel-
que lumière sur un passage obscur, ou
quelque solution sur un doute, éloignez
tout cela de vous également, et croyez que
vous y gagnerez au lieu d'y [)erdhe. La
science que Ton méprise pour la vertu,
dit saint Bonaventure, s'acquiert ensuite
beaucoup mieux que la vertu même, et
le P. Avila donne cet avertissement, que
lorsque quelque affaire se présente à con-
tre-temps h l'esprit, on dise : Dieu ne
m'ordonne point cela maintenant, c'est
pourquoi je n'y veux point penser; quand
il me le commandera, alors je m'y applique-
rai avec soin.
Dn autre moyen que les saints nous en-
seignent pour bien faire nos actions, est
de les faire toutes de môme que si celle
que nous faisons devait être la dernière de
notre vie. Saint Bernard, parlant de la ma-
nière dont un religieux doit se comporter
dans tout ce qu'il fait : Que dans toutes
ses actions, dit-il, il se répète souvent è lui-
même : Si tu devais mourir maintenant ,
ferais-tu cela. Saint Basile nous donne les
mêmes préceptes quand il dit : Ayez tou-
jours votre dernière heure devant les yeux ;
quand vous vous lèverez le matin, doutez si
vous irez jusqu'au soir, et lorsque vous vous
jcoucherez le soir, ne vous assurez point de
Tevoir le lendemain ; par ce moyen, il vous
sera bien plus facile de vous réprimer sur
toutes sortes de vices. Thomas A'Kempis en
dit autant, et presque dans les mêmes
termes. Saint Antoine donnait souvent aussi
jin pareil avertissement à ses disciples, pour
les encourager à la vertu et à la perfection »
et sans doute il n'y a point de meilleur
moyen pour nous porter k bien faire les
choses, que de croire que chaque jour est
le dernier de notre vie. Si nous pouvions
nous bien mettre cela dans l'esprit, et que
nous fissions chaque chose comme si nous
devions mourir aussitôt, assurément nous
ferions nos actions d'une autre manière et
avec bien plus de perfection. Avec quelle
ferveur un prêtre ne dirait-il pas la messe,
s'il croyait que ce dût être la dernière action
de 6a vie, et qu'il ne lui rest&t plus de
temps ensuite pour faire aucune bonne
œuvre et pour mériterl Quelle attention et
quel zèle n'aurait-on point dans son orti-
son, si l'on était persuadé que ce fût la
dernière, et que jamais on ne dût avoir le loi-
sir do demander pardon de ses péchés à
Dieu, et d'implorer sa miséricorde I C'est
pour cela qu'on dit ordinairement qu'il n'y
a point de lieux où l'on apprenne mieux
à prier Dieii que sur la mer ; car la fer-
veur est tout autre quand on a la imn
devant les yeux, que quand on ne croit avoir
rien i^ craindre.
Pylha^ore donnait un très-bon conseil à
ses disciples et à ses amis pour les faire de-
venir vertueux, et leur rendre la pratique
de la vertu douce et facile Que chacun, di-
sait-il, se choisisse une manière de vivre qui
soit honnête; et que l'on ne prenne pas
garde au commencement si elle est diflit ile
et pénible, parce que la coutume la rendra
ensuite agréable et aisée. Voilk un moyen
très-important et duquel nous devons nous
aider, non pas {>arce qu'il vient du très-grand
philosophe, mais parce que le Saint-Esprit
lui-même nous le suggère, comme nous
allons le voir, et qu'il est très-propre pour
parvenir à notre Qn.
Cette doctrine nous est enseignée par le
Saint-Esprit en plusieurs endroits de rEcri-
ture. Je vous montrerai^ dit-il.dans les Pro-
verbes, le chemin de ta sageue , c'est-à-dire,
suivant le sens de saint Bernard qui pré-
tend que, dans l'Ecriture sainte, le mot de
sagesse doit se prendre pour une connais-
sance délicieuse de Dieu ; je vous montrerai
le chemin où vous viendrez è prendre goûl
& la eonnaissance, à l'amour et au seivice
de Dieu : Je vous minerai par le* eentiers de
Véquilé; et quand voue y $erex une fois en-
iréf rien ne contraindra vo$ pas et ne vous
fera broncher en courant. Le Saint-Esprit
appelle sentier le chemin de la vertu, parce
que notre méchante inclination natureiloi
nous rend la vertu si difficile dans les com-
mencements, qu'il semble que l'on n'y en-
tre que par des sentiers étroits; mais après
qu'on les a passés, on trouve le chemin large;
on marche a son aise, et même on y peut
courir sans rencontrer rien qui fasse chan-
celer. C'est ainsi que, par une métaphore
très-élégante, il nous enseigne qu'encore
que la pratique de la vertu nous semble fâ-
cheuse d'abord, il ne faut pas toutefois per-
dre courage pour cela, parce qu'ensuite
non-seulement nous n'y trouverons aucune
difficulté, mais nous y aurons même du
plaisir , et nous dirons avec le Sage : Tai un
peu travaillé^ eifai trouti un profond repos*
A peine f dit-il dans un autre endroit, aures-
rottf un peu travaillé à acquérir la tagesse^
que voue mangerez des fruits qu^elte vous
rapportera. Bt sair^ Paul nous enseigne la
même chose, quand il dit : Toute discipline
semble^ au eommencemeni donner plutôt du
chagrin que de la joie; mais ceux qui y auront
été accoutumés en recueilleront en paix des
fruits de justice. C'est è peu près ce que l'on
éprouve tous les jours dans toutes sortes
darts et de sciences i quelle difficulté, par
exemple, ne trouve-t-on point au commen-
eement dans les études I II faut souvent
qu'on nous y entraîne de forcoj et qu on
nous y retienne par le châtiment ; de là
vient le proverbe qui dit : Que la science
entre avec le sang. Cependant, quand on j
est accoutumé, qu'on vient à y faire quelques
progrès, et qu'on sait déjà quelque chose, on
y prend quelquefois tant de goût, aue Ton
t9
ACT
D'ASCETlSilE^
ACT
210
fAïC tout 50O divertissement et tout son
plaisir d^étndier 11 en est de même du cbe-
miii de la Terlu et de la perfection.
^ Le tout dépeod donc de Thabilude que
ToD a ani cnoses : de sorte que si tous
ayez de la peine A observer toutes les cir*
coDstaoces qui sont nécessaires pour bien
faire votre oraison ou votre eiamen* c*esl
que vous n*/ êles pas assez accoutumé. Si
A votre réveil, ou dans le temps de vos priè-
res, vous ne sauriez retenir votre imagina-
tion, et Fempècher de se promener de cAté
et d'autre, c est que vous ne vous êtes ja-
mais fait de violence pour vous accoutumer
A la recueillir, et pour faire en sorte qu*elle
ne se dissipAt point A d'autres choses qu*A
ce qui doit être le sujet de votre méditation;
si le silence et la retraite vous donnent du
ehagrir, c'est que vous u*y êtes pas habi-
tué. On trouve de la douceur dans sa cham-
bre, quand on v demeure souvent ; mais on
s^j ennuie cruellement quand on ne s'est pas
accoutumé A s'y tenir : rendez-vous la re-
traite familière, elle vous deviendra agréa-
ble. L'oraison et le jeûne ne paraissent dif-
ficiles aux gens du monde, que fiarce qu'ils
d]j sont pas assez exercés. Saùl rt vêtit Da-
vid de ses propres armes, quand il l'envoya
eombattre les Philistins ; et parce que David
D*avait pas accoutumé d'en porter, il s'en
trouva embarrassé, et il les quitta : il s'y
habitua néanmoins depuis, et elles ne Tin-
commodèrent plus dans le combat. Ce que
je dis de la vertu doit s'entendre pareille-
ment du vice; car si vous vous laissez aller
A une mauvaise habitude, le mal augmentera
et prendra des forces de jour en jour, ei en-
fin il vous sera si difficile d'y apporter re-
mède, que vous serez en danger de n'en
guérir de votre vie.
Si dès le commencement vous vous étiez
accoutumé A bien faire chaque action, vous
seriez maintenant heureux, et la vertu vous
serait devenue douce et aisée. Commencez
dès maintenant A vous y habituer; il %aut
mieux tard que jamais. Que de mérites vous
pouvez encore acquérir! Ne dissifiez pas les
richesses que Dieu place devant vous; il n'y
a (iu*A prendre et A vous les approprier, eu
faisant oien, les unes après les autres, tou-
tes les actions ordinaires de votre état.
ACTIVE (Vib). — Les auteurs ascétiques
désignent, sous le nom dei?ûac/ii^,cellequi
est plus particulièrement consacrée aux oc-
cupations extérieures, aux travaux de l'es-
firiton du corps, par opposition A la vie
contemplative. C'est iÏMis l'union simultanée
de la vie active et de la vie contemplative
que la pluiuirt des fondateurs d'ordres, ins-
pirés de Dieu, ont (ait consister la perfec-
li#>a de la vie religieuse ; les uns donnant
un peu plus à la contemplation, les autres
un peu moins. Si la vie contemplative a fait
des saints, la vie active nous a donné ces
illustres docteurs, ces artistes distingués,^
qui» dans les temps barbares, ont sauve du
naufrage général les monuments de l'anli-
^uité, et préparé la civilisalion moderne.
(1 0jf. M0t3iES, OaDBES ftEUGIEUX.} La Ut.\-cs-
sité du travail est proclamée dans foutes les
constitutions religieuses. Qui ne connaît les
immenses travaux scientifiques des Béné-
dictins ; les écrits et la vie apostolique des
disciples de saint Ignace ; les missions des
Dominicains, des Lazaristes, etcl En re-
montant plus haut, nous voyons les Pères
de la Thébaïde tresser des nattes, sans in-
terrompre la prière. I«es religieux de Cas-
sien, de saint Colomban, etc., avaient ordre
de s'appliquer A l'étude et au travail de»
mains; les religieuses, établies par sain
C^ire, transcrivaient les manuscrits, ou
vaquaient au soin des liApitaux. Les reli-
gieux du moyen Age furent A la fois tbéoio-
giens,jurisconsultes, littérateurs, historiens,
agriculteurs, architectes, peintres, scul|>-
teurs, musiciens, fondeurs, etc. ; en un mot,
les seuls savants, et presque les seuls artis-
tes de ces temps, appelés barbares. Pendant
que» tour A tour. Vandales, Suèves, Bour-
guignons, Angles, Saxons, Normands, se-
maient partout les ruines, une autre armée,
celle des moines, relevait en silence les res-
tes éparsdela dévastation, et, sur les débris
de la civilisation romaine, préparait et ache-
vait l'œuvre de la restauration chrétien ne.
Les savants de nos jouis sont donc bien in-
grats, lorsqu'ils nous représentent modes-
tement nos instituts religieux comme des
écoles de quiétisme et de fainéantise; lors-
qu'ils traitent d'ignorants ceux même dont
ils pillent les œuvres, |.our s'en attribuer
traminillenient la gloire.
ACTIVITÉ NATLIiELLK. —Par aciitiié
naiurelle on entend la force de l'Ame lor^-
qu'elle agit par ello-inéiiie au préjudice du
mouvement de la grâce.
Le mal de cette activité est un obstacle A
la grâce, au mouvement de laquelle elle
substitoe son propre mouvement et sa ma-
nière d'agir qui est bouveni très-imparfaite.
Nous en avons parlé ailleurs, mais non
pas aussi amplement que le demande l'im-
|H>rtance de cette matière.
Celte activité est plus ou moins dange-
reuse, selon le principe qui la produit et
les effets qu'elle cause. On peut en distin-
guer trois degrés.
Le premier, qui est le plus grossier et le
plus dangereux, consiste dans^ une ardeur
naturelle qui fait que certaines personnes
ne peuvent rien entreprendre qu avec im-
pétuosité et sans quelque mouvement do
passion. Ce n'est iamais la raison seule qui
les fait agir, ou la seule nécessité qui les
mène;leur action est toujours véhémente
et fougueuse. Cette disposition est fort con-
traire A la grâce, parce qu'elle est suivie de
dérèglements, et qu'elle jette dans les ténè-
bres. Le principe de cette activité est la-
mour-propre et le'désir de se satisfaire; A
peine a-t-on commencé qu'o» voudrait avoir
achevé. De lA vient une rapidité que rien
n'arrête et qui, pr<|duisaut la précipiiatiou
et le trouble, dérange le cœur et lui ôto ^a
tranquillité.
Le second degré d'activité est une autre
sorte d'impétuosité itui u est pas bi daugc*
su
ACT
DICTIONNAIRE
ACT
M
reuse qae la première, parce qu*elle se
trouve dans des personnes qui ont la cons-
oience délicate, et qui ne veulent souffrir
aucun désordre dans leur intérieur. Cepen-
dant, faute de réflexion, elles se laissent al-
ler à leur empressement naturel, et n'écou-
tent pas assez le Saint-Esprit, qui n*agit que
dans le calme et avec tranquillité. Elles
B*ont pas aussi assez de soin pour empê-
cher que la propre volonté ne se glisse dans
leur action ; de sorte que si le succès ne
répond pas à leur attente, il leur en revient
du trouble, du chagrin et de la tristesse;
ce qui n*arriverait pas si, au lieu de se dé-
terminer par elles-mêmes et d'agir par leur
propre choix, elles altenJaient le mouve-
ment de la grâce pour n*agir que par le
motif de la volonté de Dieu. Voilà ce que
c*G$t que l'activité naturelle, qu'on peut ap-
peler empressement dans ce second degré,
où elle n'est point si vicieuse ni si iiréjudi-
ciable que dans le premier, vien des âmesqui
désirent la perfection sont sujettes à ce aé-
faut et le comptent pour rien, parce qu'elles
ne comprennent pas combien il est con-
traire à la perfection où elles aspirent, et
auel grand obstacle il apporte à I opération
u Saint-Esprit, qui les aiderait beaucoup
plus s'il les trouvait plus tranquilles.
Le troisième degré d'activité est un dé-
faut beaucoup plus subtil et beaucoup plus
difficile à connaître que les deux autres.
Il se trouve dans les personnes qui ont les
passions fort modérées et les intentions fort
pures. Quoiqu'elles désirent sincèrement la
plus grande perfection, par un trait d'amour»
propre dont elles ne s'aperçoivent point,
elles se font une habitude d^açir par leur
propre mouvement, sans consulter et sans
attendre la gr&cOi ce qui leur porto un pré-
judice plus grand qu'elles ne sauraient
croire; ear il arrive, par cette conduite,
au'il se forme entre Dieu et l'âme une espèce
e milieu qui empêche de voir la lumière
«livinc, de sorte qu'on opère souvent dans
les ténèbres. Le Saint-Esprit, voyant que
l'âme s'introduit elle-même, se retire en la
f)rivant de son assistance particulière, et la
aisse agir avec beaucoup moins de perfec-
tion que si elle avait attendu le mouvement
de ce divin Esprit. Pour bien comprendre
cette vérité/il faut savoir que nous avons
en nous deux principes qui concourent à
nos actions, qui sont la nature et la grâce.
Le bon ordre demande que la grâce gou-
verne et que la nature obéisse. Lorsqu'un
écrivain conduit la main de son élève pour
le former à l'écrituret il faut aue l'élève
agisse, autrement il n'apprendrait rien;
mais il faut qu'il agisse mu et guidé par la
main du matlre qui conduit la sienne. Si
l'élève prévient le maître, il ne peut que
Hâter l'ouvrage, son avancement dépend de
son attention et de sa dociHté à suivre le
mouvement de celui qui le conduit. Il en
est de même de la grâce, elle, est prête à
nous guider dans nos actions; le défaut des
hommes, même les plus vertueux, est d'a-
gir par eux-mêmes, ciest-idire de prévenir
la grâce au lieu d'attendre que la erâce
commence. Ge mouvement précipité de
l'homme vient de l'activité naturelle qui in-
terrompt l'action de Dieu et met obstacle à
l'entière perfection des âmes. C'est pour
cela que les derniers et les plus grands ef-
forts des personnes vertueuses tendent à
supprimer cette activité.
Pour en venir à bout, il faut se servir de
ces trois pratiques : la première est de faire
une étude particulière de se retenir lors-
qu'on se sent porté avec impétuosité è quel-
que chose qu'on désire, si on n'est pas
pressé de la faire par obligation; car, quoi-
qu'on puisse faire ce qu'on désire, lorsqu'oa
ne désire rien de mauvais, c'est toujours
un mal de le faire par un principe naturel,
tel qu'est celui de contenter son désir. II
est bon, dans ces occasions, de s'arrêter et
de suspendre son action pour modérer
l'activité qui emporte; par là on apprend è
se rendre maître du mouvement naturel
qui presse le cœur avec importunité, et qui
y laisse toujours quelque trouble et quel-
que espèce d'obscurcissement dont on ne
sapergoit point. La, seconde pratique pour
réprimer l'activité naturelle et pour se dis-
poser à recevoir le mouvement de la grâce,
c'est de consulter souvent Dieu dans Tes af-
fnirps un peu considérables, de soupirer
après la lumière divine, de la demander
avec constance, et (comme le conseillait
saint Ignace à ses enfants) de ne rien en-
treprendre d'important qu'après avoir eu
recours à l'oraison, pour connaître la vo-
lonté de Dieu. C'est un des exercices les
plus essentiels de la vie intérieure, par le-
quel on s'attire l'assistance particulière du
Saint-Esprrt. Et quoique la volonté divine
ne se manifeste pas d abord avec évidence
à ceux qui la cherchent de cette manière,
il est vrai, pourtant, que cette fidélité à re-
courir à Dieu lui est très-agréable et qu'elle
prépare bien l'esprit â recevoir la lumière
divine. La troisième pratique qu'il faut
ajouter aux deux autres, c'est que dans les
affaires de quelque importance on ne se
contente pas de consulter le Seigneur, mais
ou'en effet on attende pour Texécution le
mouvement de la grâce. Dieu, qui a beau-
coup d'égards aux efforts qu'on fait pour lui
plaire, content de cette fidélité, ne man-
quera point de faire connaître à une âme,
par quelque mouvement intérieur ou par
quelque trait de lumière , le parti qu'elle
noit prendre et la manière dont elle doit se
comporter. Il est vrai que, comme nous
sommes grossiers et que cette lumière est
fort subtile, l'home aura de la- peine à la
distinguer au commencement; mais dans la
suite elle se rendra sensible et remplira
d'une joie parfaite l'homme qui se verra
ainsi sous la main de Dieu et conduit oar
son Esprit en toutes choses.
Lorsqu'on n'aperçoit pas cette lumière, le
meilleur parti qu'on puisse prendre pour
être certîiin de ce qu'on doit faire, c'est de
diriger son intention à Dieu, s'appliquanl
sincèrement et de toutes ses forces à se dé-
tîZ
ADf
D'ASCETISME.
ADV
S1I
gager de tooteaUaefae à ses propres lutérèts,
ï renoncer è toutes les vues hamaioes et à
toutes les satisfactions naturelles, pour
chercber uniquement la plus grande gloire
de Dieu, sans se flatter ni se ménager en
rien. Par cette fidélité on acbèTO de se dis-
poser h sentir le mouvement de Dieu et à
distinguer sa lumière ; et on arrive enfin à
réiat dont nous avons parlé ailleurs, lors-
que nous avons défini 1 homme parlait, ce-
lui qui est conduit en toutes choses par le
mouTement de la grâce et par la direction
du Saint-Esprit. Cet état, qui est la disposi-
tion ordinaire des saints, n*empéche pas
qu*ils ne donnent dans quelques faiblesses
qui sont des suites de la fragilité humaine,
liais comme ces faiblesses sont rares et de
ptfu de conséquence, et que peu doit être
compté pour rien en celte matière, il reste
toujours vrai que les saints sont Kuidés en
tout par l'esprit de Dieu qui habile en
eui.
ADAM DE SAINT-TICTOR, chanoine ré-
gulier de Tabbaye de Saint Viclor les Paris,
mourut Tan 1177, et fut inhumé dans le
cloître de cette abt>a7e, où l'on vit longtemps
son épilaphCt en quatorze vers, qu'il avait
composée lui-même. Il a laissé plusieurs
traités de dévotion, entre autres une prose
en rbonneur de la sainte Vierge, dont on
trouve une traduclion française dans le
Grmid Martial de la Mire de vie; Paris, 2 vol.
in-4% 1539.
ADAM (Jean), Jésuite, prédicateur et con-
troversiste fameni, connu |Kir son zèle ar-
dent contre les jansénistes et les calvinistes,
recleor du colléçe de Sedan, procureur de
la province de Champagne è Rome, était né
h Limoges en 1608. Il entra dans la Compa-
gnie de Jésus en 1622, h l'âge de quatorze
ans. Après avoir professé les humanités et
la uhilosophîe pendant quelques années, il
l»reclia dans les ririncipales villes de France
et à la cour. Il fut envoyé par Louis XIV à
Sedan, pour y travailler au rétablissement
de la foi catholique. Il mourut en 168%, su-
périeur de la maison professe de Bordeaux.
Panni les nombreux ouvrages qu'il publia
oo remarque les livres ascétiques qui sui-
vent z V La règle deê fidileêf ttrée de CEcri-
îwre Mainte et des saints Pères; Paris* 1651,
iii-9*. — 2* Heures catholiques contenant...
les règles de la vie chrétienne^ etc. — 3r La
rondmiie des fdèles par les règles de la foi,
les wMximes de rEvangile et tes saints detoirs
de ious les Chrétiens dans tous les états ; tirée
de FEcriture sainte; Paris, 1656, in-12. -•
Ces ouvrages, comme tous les autres du
même auteur, sont dirigés spécialement
contre les calvinistes.
ADELMfi, ou mieux Adhelmb, fils de
Kentred et neveu d'Inas, roi des Saxons
ocddenlaux, fut élevé dans le monastère de
Saint-Augustin de Cantorbéry, et parvint à
TéTèché de Sherbum, aujourahui Sarisbury
On a de lui un traité De laude virginum^ et
un autre De virginitate. Adelme mourut en
709.
ADVERSITÉS. - Elles signifient plus spé-
cialement les événements filcbeux, les acci-
dents imprévus qui bouleversent notre exi
stence.
« il y a trois sortes d'accidens, observe un
vieil auteur anonyme, qui ont coutume de
nous surprendre : c'est a sçavoir des accr-
dens imaginaires, qui n'ont aucune subsis
tance que dans l'imagination, lorsqu'elle
se représente des choses qui ne sont et ne
furent jamais. Ces accidens changent queU
anefois des troupeaux de brebis en soldats,
es roseaux et des cannes en lances, des
lieux obscurs en autant de tombeaux, d'où
les aïeuls et les bisaïeuls sortent enseTelis
dans leurs suaires; et tout cela ne subsiste
que dans l'imagination qui nous tourmente
ordinairement par des maux fantastiques,
quand les véritables nous épargnent.
« Il y a des accidens qui ne regardent que
l'âme et la conscience, c est-è-dire les péchez,
qui la surprenent et qui la frapent tout d'un
coup; car c'est un grand accident pour l'ame,
qu'un emportement de colère, qui altère la
tionté de son tempérament : c'est un grand
accident pour la conscience que le consente-
ment au mal, où elle tombe en un moment.
Il y a des accidens temporels, comme ceux
qui nous arrivent tous les jours en nos biens
et en nos corps; c'est de ceux-cy que nous
parlons. Il y en a peu qui les reçoivent
comme il faut ; car imrmy les gens du com-
mun, ils donnent des ailes aux pieds des
uns, et des entraves aux pieds des autres,
faisant prendre la fuite inconsidérément aux
uns, et arrestant quelques autres par uno
espèce d'immobilité de tous leurs membres ;
ils étouffent la voix des uns, et font plaindre
hautement les autres, ils jettent les uns dans
(les emportemens, dans des murmures et
dans des impatiences qui témoignent l'alie
nation de leur esprit; ils poussent les autres
a des plaintes et des lamentations qui mar-
quent la foiblesse de leur naturel.
« Parmi les gens sça vans et les esprits forts,
nous trouvons des philosophes qui font pro-
fession de ne s'etonuer de rien, et qui, af-
fectant une gravité stoïcienne» veulent s'é-
lever au dessus de tous les accidens , et
veulent que l'on croye qu'ils ne sentent pas
ce qui ébranle tout le re^^te des hommes ;
mais quoy que Casse cette vaine philosophie
pour éviter la peur et l'impression des acci-
dens, elle ne fera jamais si bien que Tigno-
rance et la-stupidité qui ne craint rien bien
souvent dans les accidens qui nous arrivent.
Et pourquojr voulez-vous que ce qui est
envoyé de Dieu pour nous étonner ne non»
étonne pas, et que nous soyons insensibles
aux choses que Dieu nous envoyé pour nous
punir ? Pourquey vouler-vous que ce qui
nous arrive |K)ur nous humilier nous fasse
lever la teste |iar un espril d'orgueil et de
témérité? Ce n'est pas là le temps de dis-
courir en nhilosophe, nj de faire ostentation
de gravite, quaftd l'accident ne nous laisse
du temps qae pour crier miséricorde.
« Le sag« s'y comporte bien autrement, il
se possède en ce moment, mm pas comme
ces anciens i^iilosophes, qui, faisant profes
^15
ADV
DICTIONNAIRE
ADV
i\î
sion de se iK>.ssedër en ces grands accidens,
se laissoieut posséder par )a superbe, dont
ils faisoient ostentation dans les dangers,
et qui, roulant paroistre gens d'un esprit
fort, cessoient d'estre hommes et quittoiont
la condition de la nature humaine, dont le
Î propre est de suer, de pasiir, de frémir dans
es grands accidens, pour vouloir trop s'éle-
ver au dessus; mais le sage se possède dans
la surprise en homme, en philosophe et en
chrestien; en homme qui appréhende, en
philosophe qui modère ses craintes par la
force de son esprit, en chrestien qui cherche
son secours et la force en Dieu. Il n'a pas
le loisir en ce temps-là de raisonner, mais
il a le loisir de reconnoistre la foiblesse de
la nature et de lever les yeux au ciel; il n'a
pas le temps de parler en théologien des at-
tributs de Dieu, mais il a le temps d*invo*
quer sa miséricorde ; il n'a pas le temps de
porter son esprit dans le ciel, mais il a le
lemps de reconnoistre sa dépendance et le
besoin qu'il a de son secours.
« Le sage craint donc pour lors, mais d'une
crainte qui est plutost capable de reveiller
la force de son esprit que de l'abattre; il
frémit, mais d'un frémissement qui montre
plutost la foiblesse de noire nature que la
foiblesse de son cœur; il est alarmé, mais
d'unealarmequi est plulost capable d'eiciler
son industrie que de l'embarrasser; il appre
Iiende, mais d'une apiirehension qui con-
siste à aller au devant du mal et de ses
suites, par la vivacité de son esprit plutost
qu'à le grossir par l'imagination ; il s'humilie,
mais d*une humiliation qui est plutost pour
faire paroistre la soumission qu'il a aux
ordres de Dieu que pour découvrir !a bas->
sesse de son esprit.
« Nous ne sçavons pas ce qui doit nous ar-
river, tenons-nous prêts. On se prépare aux
accidens dont on presse la violence par le
raisormement.
a On se prépare aux accidens que Ton ne
peut prévenir par la résignation. Dieu nous
. cache la conuoissanco de ceux*cy, et quanl
il nous les revSle, ce n'est pas tant pour
nous les faire éviter, que pour nous y pré-
parer par un esprit d'humilité.
a Si nous ne pouvons pas reconnoistre les
circonstances et les suites de l'accident qui
nous arrive, rcxonnoissons la providence
qui nous l'envoyé; si nous n'avons pas la
liberté de nous échapper, nous avons la
liberté de nous humilier devant Dieu.
« Puisque la méditation ne peut abattre
notre superbe, il est raisonnable que les
accidens Ja soumettent. Heureux si ces ac-
cidens-là nous pouvoient délivrer du péché
3ue jious pouvons nommer le plus grand
e tous les accidens.
« Dieu a monstre le baston, nous en avons
fremy*; craignons davantage la maiu qui
frappe sans advertir. Dieu nous a menacés,
nous en avons tremblé ; tremblons davan-
t-ige d.ns le silence et dans le repos qui nous
attaque sourdement. Si nous craignons l'ac-
cident qui marche devant la miséricorde
qai nous voulait reveiller, craignons davan-
tage Ja prospérité qui nous endort dans les
approches de la justice qui vient pour nous
donner le dernier coup. »
Ne quittons pas ce siiyet sans nous adresser
au grand saint Cbrysostome, qui a si excel-
lemment donné l'exemple dans lea adver-
sités, et qui en a si dign^oa^n^ parlé*
tf L'adve'*s*té nous visite et nous tente de
bien des manières, dit-il ; ce sont : ou des
infirmités, ou des pertes de biens temporels,
ou la perle des personnes qui nous sont
chères, comme il arriva h Job et à Tobie.
Toute adversité qui nous atteint en ce
monde, sans que noas|y donnions occasion,
est un baptême de feu, si nous la suppor-
tons sans murmurer contre Dieu qui nous
l'envoie pour expier nos péchés. Si par ha-
sard vous n'aviez pas péché, ce qui est dif-
ficile à supposer, et que ce feu ne trouve
rien de souillé à ronger autour de votre
Ame, il la rendra elle-même plus splendide,
et votre âme brillera d'un éclat d'autint
plus vif que l'épreuve aura été plus violeole.
Nous ne sommes l)aplisés qu'une seule fois
nar l'eau, mais nous le sommes souvent par
le feu. Comme notre vie n'est jamais pure
de péché, car l'âme se souillé par la vue,
par l'ouie, par la parole, par la pensée;
ainsi le feu de la tribulation ne doit jamais
nous quitter. Et il est profitable aux sages
qu'il en soit ainsi, car il est écrit : Heureux
celui que le Seigneur éprouve sur la terre,
« LËglise est l'aire, le grenier, c'est fo
royaume céleste ; le champ c'est le monde.
Le père de famille envoie ses moissonneurs
recueillir les épis dans soii champ et ks
porter dans l'aire; et là on les triture, on
les ventile, afin que le grain se sépare de la
paille. Un grain lourd et nourri se sépare
aisément, un grain maiçre se sépare difficile-
ment, et un épi vide a beau être foulé, il ne
rend rien. C'est ainsi que les hommes profi-
tent plus ou moins des adversités selon
leurs dispositions.
a Ainsi un Chrétien fidèle, qui a un cœur
bien disposé, quelque peu qu'il soit atteint
de la tribulation, néglige ce qui est de la
chair et s'empresse de courir à Dieu. Celui
qui commence h être infidèle est à peine ra-
mené à Dieu par de grandes tribulations;
enfin celui qui est infidèle et vide de mé-
rites, quelque agité qu'il soit par l'adversité,
ressemble a un grain vide qui reste avec la
paille : il ne peut se dégager des affections
de la chair, des empiétements mondains; il
ne peut se décider a aller à Dieu; et ainsi il
est broyé par les maux, et il est rejeté au
dehors comme une pailleinutile. » (ZnAfaM.,
serm. &.)
f^ plus bel exemple que l'Ecriture nous
propose de la résignation dans les adversités
est celui de Job. Dieu a épuisé en lui tous
les genres d'épreuves; elles ont été rendues
aussi vives, aussi sensibles, aussi univer-
selles qu'on pouvait l'imaginer, et sa verta,
avec la grâce de Dieu, a été plus grande et
plus forte que toutes ses tribulations. Il a été
éprouvé dans ses biens au point que de la
I>lus florissante prospérité il est tombé dans
«17
AIT
D'ASCmSME.
AFP
<IS
une paorreté absolue; il a perdu ses mai-
sous» ses troupeaui el tous ses biens. Dans
sa famille il pefd ses enfants, et sa femme
ne surrit çie pour Tinsulter. Dans son corps»
il devient un instrument de douleur et de
dégoût. Dans ses amis, qui se coalisent
|our piquer son amour-propre, ridiculiser
sa vertu , et faire de sa sagesse et de sa pru-
dence Tobjet de leurs amers sarcasmes. Et
tous ces fléaux Taccablent coup sur coup,
sans que la nature éperdue ait le temps
de se remettre d'un coup à Tautre. Il
tombe de revers en revers, d'adversités
en adversités, jusqu'au fond d'un abîme de
maux; et le, dans cet abîme, seul avec lui*
même, il donne le plus beau spectacle que
nous puissions admirer. Il se courbe avec
résigution et calme sous la main de Dieu. Il
ne se plaint pas, et h chaque coup de la Pro-
videncequi lui ravit Quelque chose, il répond
Kr cette parole : Dieu me ratait dinné^
euwu Fa M; que êon êaitU nom soii béni!
Ce saint a été assurément incomparablement
plus çrand, plus admirable, plus méritant
dans les revers que dans les succès. Les
revers ont donc été pour lui une véritable
richesse et une grande fortune. La natieoce,
selon Dieu, est donc dans la religion la
pierre philosophale qui change tout en or.
Cherchons cette pierre précieuse, et nous
aurons du succès même dans les revers ; et
f*our la trouver sûrement, cette pierre pré-
cieuse, il faut la chercher au pied ae la croix:
on est toujours sûr de ly trouver.
iEKLREDE, ou Etbmulède^ abbé de Re-
verfoj, puis de Kiéval, en Angleterre, con-
temfiorain de saint Bernard, est auteur du
Miroir de la chariié^ ouvrage dans lequel ce
Père aurait reconnu son caractère et son
stjle. Il mourut en 1166, en réputation de
r»iété et de savoir. Ses Œuvres ont été pu-
bliées par le Jésuite Gibbon, à Douaj,
en 1631, in-fol.
AFFECTIONS. Yay. Anmé, Chabite.
AFFECTION (OaAisoN d*), ou Obaisou af--
FEcnvK ; M fkoture^ ses effets^ ses diffieuliés,
ses faveurs. — On sait que les auteurs mys-
tiques distinguent plusieurs états ou degrés
dans l'oraison. Le premier est la médilaiion
firoprement dite, ou Toraison mentale ordi-
naire (Fejf. l'art. MiotTATiosi ) ; le second
c'est I oraison affective^ dont il s'agit ici. 11
faut passer par ce second état d'oraison
avant que l'âme puisse s'élever jusqu'aux
oraisons de reeueiUemeni actifs de quiétude
ou recufiilemeni passifs d'union et de trans*
formation, ijoy. ces mots,) Or on doit, pour
arriver à Voraison affective^ éviter trois in-
convénients : Le premier, c'est de ne point
vouloir quitter du /oiU la méditation; car si
la méditation est le premier degré d'oraison,
il faut, pour avancer en ce saint exercice, se
rendre digne de passer au second degré ;
autrement ce serait s'arréier en chemin
et commencer un ouvrage sans vouloir
l'achever. Le second, c'est de la quitter trop
tard. C'est encore perdre t>eaucoup et se
priver de grands biens que de se permettre
des ajouruements. Ceux qui lombeiil dans
3
ce défaut perdent un temps précieux qu'ils
auraient mieux employé s'ils fussent montés
au second degré quand il le fallait. Il en est
de ces personnes comme de celles qui sont
sous un maître qui leur a appris tout ce qu'il
r^uvait leur apprendre, et qui s'opiuiâtrent
n'en point cnanger; ils perdent donc et
leur temps et leurs peines. Le troisième in-
convénient, c'est de la quiUer trop tôt. C'est
une imprudence, en effet, d'at>andonner trop
tAt l'exercice de la méditation; agir ainsi,
c'est imiter les écoliers qui montent dans
une classe avant d'en être capables, et qui
t'amais ne deviennent savants; c'est ressem-
>ler aux fruits qui mûrissent avant le temps
et ne sont jamais t>ons.
Les marques pour connaître qu'il n'est ni
troptdt ni trop lard de quitter la méditation
pour entrer dans l'oraison affective, sont :
1* quand on a de la peine à méditer el qu'on
se sent porté aux affections; 2* quand on s'a-
perçoit que, loin de retirer quelque fruit de
la méditation, on n'en rapporte que de l'é-
puisement et du dégoût, qu'on en sort froid
et sans résolution de mieux faire ; 3* quand
on est assez instruit des mystères de la reli-
gion et des maximes de Jésus-Christ, et
u'on est pénétré des vérités chrétiennes et
e ses obligations ; k* quand on a les vertus
convenables au premier degré d'oraison ,
comme sont l'horreur du péché, le dégoût
des divertissements, la fuite des occasions
dangereuses du péché, la retenue dans les
paroles, la mortification des sens. Quand on
est bien affermi dans la pratique de ces ver-
tus, alors on peut hardiment laisser la mé-
ditation de côté pour s'abandonner aux
affections.
Il ne faut pas quitter tout d'un coup la
méditation pour entrer dans l'oraison affec-
tive, à moins qu'on n'y soit poussé d'une
manière extraordinaire; car Dieu réduit
Sufelquefois dans une si grande impuissance
e méditer, qu'on ne pourrait pas le iaire
malgré tous ses efforts; mais hors ces cas
peu ordinaires, on ne doit pas quitter la
méditation tout d'un coup. On la quittera,
en diminuant les considérations et les lé-
flexions. et en augmentant en môiue temps
les affections. Le temps ôté aux considéra-
tions sera donné aux affections, en sorte qoe
les unes irunt toujours en augmentant, et
les autres en diminuant, jusqu'à ce ou'enfln
les affections occupent entièrement la place
des considérations.
L'oraison affective est un état d'orai*
son où l'âme, éprise de l'amour de Dieu
el des vertus, tend è lui et à elles par di-
vers actes de sa volonté. Il y a plusieurs
différences entre le premier état d'oraison
et le second. La première différence, c'est
que dans l'état de la médilaiion on raisonne
sur quelque sujet, on médite quelque pas-
sage, on réfléchit sur quelque venté, sur
quelque mystère pour en tirer des affec-
tions; et dans l'état de l'oraison affective,
les raisonnements ont cessé, il n'v a pliis
ni méditations ni réflexions, mais renie se
porte d'elle-même à produire des affections,
M9
AFF
DICTIOMMIRE
AFF
m
sans le secours dont elle avait oesoin» lors-
qu'elle n*était encore que dans le premier de-
tfré d*oraison. La seconde différence est que
dans la méditation Tâme produit des affec-
tions avec peine et travail d^esprit, il faut
s'appliquer et réfléchir altentivement pour
en venir à bout ; ici ce n*est plus de même,
les affections ne coûtent rien à produire ,
elles sortent de la volonté avec beaucoup de
facilité et de suavité. Dans le premier état
d'oraisooy les affections étaient comme une
eau qu'on tire à force de bras d'un puits
très-profond y et dans celui-ci elles sont
comme une eau qui roule fort naturellement
par un canal ou par le lit d'une rivière. Dans
le premier état, les affections étaient un feu
qu il fallait allumer à force de souffler, et
qui ne pouvait s'allumer au'en y mettant
presque incessamment du oois : ce souffle,
c'était la multiplicité des actes par lesquels
le cœur s'excitait k produire les affections;
le bois, c'étaient les considérations dont ce
feu avait toujours besoin pour se conserver;
mais actuellement les affections sont non-
seulement un feu plus ardent que celui de
l'oraison de méditation, mais un feu plus
constant, plus fixe et presque continuel.
Il en est de l'oraison comme de l'appren-
tissage d'un art quelconque, les commen-
cements coûtent ; mais avec le temps et un
peu de peine, on acquiert une facilité mer-
veilleuse ou à faire un ouvrage, ou h exer-
cer l'art appris avec tant de travail. Quand
on apprend k jouer de la guitare ou de
quelque autre instrument, les premiers
mois demandent de la peine et du soin ,
mais ensuite cette exercice devient peu à
))eu si aisé, qu'on en joue presque sans
s'appliqner. De même la méditation qui est
comme l'apprentissage de l'oraison est pé-
nible, et dans cet état on ne produit les
affeclions qu'avec difficulté ; mais quand
une fois l'habitude est prise, que Ion a
acçiuis un penchant vers Dieu, ou vers les
saints, ou vers le ciel et les vertus, on s'y
sent porté sans peine et on s'y laisse aller
sans y penser.
Il se fait quelquefois dans l'oraison affec*
tive des réflexions et des considérations ,
mais rarement, et cela, quand le Saint-Es-
prit nous porte à en faire ; ce qu'on con-
naît quand on s'aperçoit qu'on tirera du
profit de quelque mut entendu, de quelque
passage qu'on aura lu, d'un mystère qui
aura été représenté. Quand on se sent en-
flammé par ces objets, c'est un signe (jue
c'est la volonté de Dieu ; qu'on y réfléchisse
un peu. De mémo quand on se trouve par-
fois sec et aride, et qu'on pense que quel-
ques considérations ou réflexions remet-
traient dans le premier état, il ne faut pas
manquer d'en faire.
Il n'est pas nécessaire de garder quelque
méthode dans cette oraison comme dans la
1)récédente; car dans cet état, on commence
i s'abandonner plus pai'faitement aux mou-
vements du Saint-Esprit que dans l'autre;
w«emblable à ces oiseaux qui no peuvent s'é-
lancer en Tair sans un vent favorable, on
aoit de même aans celte oraison attendre le
secours de l'Esprit saint qui par son souffle
nous portera ou il lui plaît.
Dans ce second état, il faut prendre un
sujet d'oraison, mais dans la disposition de
le quitter quand il plaira à Dieu de nous
I porter ailleurs. Celui dont on croira tirer
e plus de profit sera le meilleur : si Jésus
crucifié est aussi utile que les autres, qu'on
le préfère ; si l'on aime mieux quelque at-
tribut de Dieu, ou la considération de quel-
que mystère ou quelque mot de la sainte
Écriture, il faut s'y attacher et s'y appli-
quer. Ce sujet de méditation, quand même
on ne s'en servirait pas, servira comme
d'entrée aux affections. On ne donne pas de
sujet pour occuper l'esprit, mais comme ud
secours pour enflammer le cœur ; après auoi
on le laisse pour s'abandonner aux auec-
tions.
Les effets que l'oraison affective peut pro-
duire dans une Ame peuvent se réduire à
douze principaux. Le premier effet est un
grand amour pour Dieu; c'est dans cette
oraison que s'allument ces grands feux qui
ont embrasé tant de saintes âmes ; c'est ià
qu'elles ont puisé pour Dieu tant de saintes
affections répandues dans leurs ouvrages.
Ce feu sacré ne peut demeurer renfermé eo
elles ; il s*exhaie par mille élans qu'elles
poussent vers Dieu, et par mille soupirs
(ju'elles tirent du fond de leur cœur; cest
dans cet état d'oraison que se produisant
une infinité d'actes d'amour de prifératct^
iï amour de complaisance^ et d^amour de bien"
veillance.
On appelle amour de préférence celui
Ear lequel on aime Dieu par-dessus tout.
ne Ame qui est persuadée , d'un côté, des
grandeurs et des perfections de Dieu, et de
l'autre de la vanité des créatures, s'écrio aveu
David : « Qu'y a-t-il dans le ciel et sur la
terre que je doive aimer comme vous, A
mon Dieu I qui êtes le Dieu de mon cœur,
mon partage pour l'éternité ?» Ou bien
avec saint François d'Assise.: Vous êtes mon
Dieu et mon tout. C'est par ce saint amour
que tout ce qu'il y a de bon,, de riche, de
grand et de puissant dans le monde, ne nous
[>aralt que comme vil, comme des bagatel-
es et comme des amusements d'enfants ea
comparaison de Dieu.
L'amour de complaisance est celui par
lequel nous sommes ravis de ce que Dieu
est ce qu'il est ; le plus grand de nos conten-
tements est de savoir que Dieu est bon,
Çrand, puissant, juste, immense, inGni,
incompréhensible. Une Ame pénétrée de cet
amour sacré est beaucoup plus contente da
bien de Dieu, de sa félicité, de ses gran-
deurs, que de tout ce qui regarde ses amis et
l'intéresse elle-même.
L'amour de bienveillance est celui aui nous
fait désirer du bien h Dieu, outre celui qu'il
a déjà : quoiqu'il possède des biens et des
perfections inûnies,et que tout ce que nous
pouvons lui souhaiter de bien ne puisse rieu
ajouter à son bonheur, l'Ame ne laisse pas
d exercer ces actes d'amour de bienveillance ctt
.' ^
AFF
D^ASGETISMf
AFF
deai manières : l*eo désirant que Dîen
soit aimé de toot le monde, looé et glorifié
de toote la terre; 9* en souhaitant à Dieu
f oos les biens qu*il a» supposé qu*it ne les
eût JMB. Mon Dieu I dit-elle, si vous n*éliez
aussi puissant que tous Tètes, je désirerais
que TCMis le fussiez I s*il ma nouait quelque
chose k Yotre bonheur, je ▼oodrais que vous
eossies ce oui vous manquerait, aux dépens
de ma rie, de mon honneur et dé ma liberté !
Quand ces actes d*amour ne sont pas ac-
compagnés des œuvres, il est à craindre
qa*on ne soit abusé, sMmaginant aimer,
<|iioîqn*en effet on n*aime pas. La marque de
I amour vrai ou faux se trouve dans les effets.
II faut que Tamour ne soit pas seulement
mgeeiif, mais effectif. L*amour effectif est ce-
lui (|Qi est suivi d*effets: par exemple, après
«Toir conçu dans son cœur un ardent amour
de préfirenee pour Dieu, on doit dans les
occasions préférer les intérêts de Dieu aux
siens, sa gloire à la sienne; quand il s'agira
de contenter Dieu et un ami, on devra pré*
férer Dieu è cet ami ; s*il est question de
satisfaire Dieu ou soi-même, on devra donner
^ Dieu la préférence. Celui qui se sent em-
brasé de Pamour de eomplaieanee pour son
l^leu^ et se réjouit de s^ perfections infinies,
doit conformer sa vie k se^ sentiments, se
soumettre à la toute-puissance de Dieu, se
consacrer è son service et ne rien faire que
Eur lui. Si Ton se sent pénétré d'amour de
mtciltemce pour Dieu, il faut travailler
pour sa gloire, et faire tous ses efforts pour
qu*il soit connu et servi de tout le monde.
Voilà l'amour effectif. — Le second effet de
Toraison affective, c'est qu'elle inspire un
wérUable désir de faire la volonté de Dieu en
tomtts choses. On est dans cette oraison
comme cette fleur qui se tourne selon les
divers mouvements du soleil. Ainsi il faut
s'abandonner à Dieu pour suivre en toot sa
sainte volonté, et se dépouiller de la nêlre
pour revêtir la sienne; c'est l'exemple que
nous a laissé le Fils de Dieu dans son orai-
son au jardin des Olives : « Mon Père, di-
sait-il, que votre volonté soit faite et non pas
la mienne. > Il est vrai que tous les jours, en
récitant le Pater^ nous disons : « Que votre
volonté soit faite en la terre comme au ciel, »
mais il est difficile d'entrer parfaitement
dans cette sainte pratique. Il n'y a que les
âmes d'oraison 'qui puissent y parvenir.
Cette pratique de renoncer à sa propre
volonté pour laire en toutes choses celle de
Dieu, consiste non i consulter ses inclina-
tions naturelles et s^s propres lumières, mais
à consulter ce que Dieu veut de nous ; à agir,
Doo par un motif de propre intérêt, mais
par le bon plaisir de-Dieu. Par exemple, si
quelqu'un me demande un service, je ne dois
pas consulter l'inclination ni la répugnance
que j'aurais è le lui rendre, mais examiner si
c'est la volonté de Dieu : »i je reconnais que
non, je ne le lui rendrai bas; sinon, je le
loi rendrai. — S'il s'agit d'aller en quel«iue
lien, on ne le fera point par le plaisir qu'on y
aurait ou qu'on procurerait, mais parce oue
c'est la volonté de Dieu qu'on y aille. — s'il
est question de dire quelque chose ou de
se taire, on ne consultera pas ses propres
désirs ni son propre avantage; si Dieu veut
qu'on parle, on le fera; sinon, on gardera le
silence.
Vous connaîtrez la volonté de Dieu, quand
une chose est commandée ou de Dieu, ou
par l'Eglise, ou par ceux qui ont autorité; il
est clair alors que c'est la volonté de Dieu.
Quand une chose, au contraire, est défendue
par les commandements de Dieu, ou de son
Eglise, ou par les supérieurs, il est certain
Î|ue c'est la volonté de Dieu qu'on ne le
asse ^s. Quand la chose n'est ni comman-
dée ni défendue, il faut voir ce qui est
meilleur en soi, ou bien eu égard à noire état.
Par exemple, il s'agit d'aller è la messe un
f'our ouvrier : si la charité ou Fabéissanee ne
e défendent pas,on.doit y aller; car on doit
croire que Dieu exige ce qui est le meilleur;
je dis, it la charité ou F obéissance ne le dé-
fendent pas: car la charité pourrait retenir
auprès d'un malade, ou porter h rendre que)-
qu'autre service important au prochain; ou
bien les supérieurs auront pour de bonnes
raisons employé à quelque lonction, qui ne
permettra |ias de faire antre chose ; en ce
cas-là, c'est la volonté de Dieu qu'on n*aille
pas h la messe.
Si l'on ne peut connaître dans une occa^
sion ce qui est meilleur, ou la chose dont
il s'agit est importante ou non; si elle est
importante , comme serait de choisir un état
de vie , de fïiire un long vovage , d'entre-
prendre un procès , etc., il but beaucoup
I^rier Dieu pour qu'il fasse connaître sa v6-
onté , offrir des communions pour cette fin,
faire des aumênes , faire dire des messes ,
faire quelques austérités , et surtout consul-
ter son directeur qui est celui parla bouche
duquel Dieu a coutume de narler , et s'en
tenir è ce qu'il dira. Si la cnose est de peu
d'importance, comme serait de faire une
visite on de ne la pas faire , de dire quelque
chose indifférente ou de la taire , de lire un
bon livre plutêt qu'un autre également bon ,
en ces occasions il faut éviter deux extré-
mités ; l'une serait de faire toutes ces choses
sans se mettre en peine de connaître la
volonté de Dieu , et I autre serait de se trop
embairasser et d'être trop long è se déter-
miner. Il faudrait dans ces rencontres ren-
trer un peu en soi-même avec la^disposition
d'écouter Dieu , et se déterminer aussitôt à
faire ou non la chose en question. Il est vrai
qu'il peut arriver quelquefois qu'on ne ren-
contre pas comme il faut, et que peut-être
il eût mieux valu faire le contraire de ce
u'on a fait ; mais en cela il n'y aurait rien
e notre faute , et nous aurions bien mal
fait de perdre le temps dans une plus lon-
gue délibération , pour une chose de si peu
d'importance. Saint François de Sales dit
lè-dessus que« l'on n'a pas coutume de
peser la menue monnaie*; ainsi, ajoulc-
t-il , il ne faut pas s'amuser h peser l<*s
menues actions qui se présentent à faire.
Ce ne serait pas bien servir un maître
d'employer autant de temps à considérer
3
fis
kFV
DICTIONNAIRE
AFF
m
I
1
ce qu'il fiut fairo cotuine à faire ce qui
est requis. » Il suffit doqc de rentrer en
soi-même , et de renouveler le désir qu'on
doit avoir de faire en cette action et en tou-
tes les autres la volonté de Dieu.
Le troisième effet de Toraison alT^'ctive ,
c'est d'inspirer un grand zèle pour ta gloire
de Dieu. Une âme qui est dans Toraison af-
feclive voudrait donner autant de gloire h
Dieu que tous les anges et tous les saints
lui en ont jamais donné ; elle voudrait que
tous les hommes ensemble se joignissent à
elle pour gloriiier Dieu; elle désirerait que
toutes les feuilles des arbres fussent autant
de langues pour louer leur Créateur ; elle
convie à cela toutes les créatures animées et
inanimées; tant le zèle de la gloire de Dieu
la dévore 1
Pour que ce zèle soit véritable» il faut
qu'il soit accompagné des œuvres; aussi les
personnes qui sont véritablement dans cette
oraison accomplissent-elles très-parfaite-
ment le précepte de TApôtre : « Soit que vous
mangiez, soit que vous buviez, et quel-
que chose que vous fassiez, faites tout
pour la gloire de Dieu. » Elles ne feraient
pas un pas qu'elles ne le fissent pour glori-
fier Dieu ; elles ne diraient pas un mot que
ce ne fût pour la gloire de Dieu; et parce
Îu*elles savent qu*iT n'est rien qui donne à
•ieu plus de gloire que Jésus-Christ, elles
unissent toutes leurs actions aui siennes ,
et les teignent en quelque sorte de^ son sang,
afin qu'elles glorifient davantage sa divine
majesté, et qu'elles lui soient plus agréables.
Elles prient la sainto Vierge de présenter
ao qu'elles font, afin de Thonorer davantage
par des actions ainsi présentées par la mère
de Dieu. Elles supplient la très-Sainte-Tri-
nité de se vouloir glorifier elle-même, n'jr
ayant rien au monde qui le puisse faire aussi
dignement qu'elle. Elles voudraient , pour
ainsi dire , se mettre en pièces et eu mor-
ceaui , pourvu que de la sorte elles pussent
donner quelque gloire à Dieu. Tels étaient
un saint Ignace, fondateur de la compagnie
de Jésus, qui faisait toutes ses actions pour
la plus grande gloire de Dieu, et une sainte
Thérèse qui avait fait vœu de faire toujours
ce q^u'el le croirait être plus agréable et plus
glorieux à Dieu.
^ Le quatrième effet de loraison affective ,
c'est un grand désir de communier. Il y en a
qui ont une faim si pressante de ce divin
sacrement, qu'ils ne font que soupirer jus-
qu'à ce qu'ils soient rassasiés de cette nour-
riture sacrée. On dit que sainte Catherine
de Sienne brûlait d'une si grande ardeur de
s'unir à Notre-Seigneur dans ce divin sacre-
ment, qu'elle en desséchait et mourait
Eresquededésirs.La faim gu'on avait sainte
atherine de Gènes n'était pas moindre ;
lorsqu'elle voyait Tbostie entre les mains
du prêtre, elle s'écriait avec une ferveur
tout extraordinaire : « HAtez-vous , envoyez
Jésus au plus profond de mon cq9ur,
puisq^u'il est sa nourriture. » On rapporte
do sainte Thérèse qu'elle avait des désirs si
violents de la sainte communion, qu'aucune
peine ni aucun danger n'euss* ni été capa-
bles de l'empêcher de s'en approcher. Telles
sont les dispositions des saintes Ames à l'é-
gard de la communion. Où les prennent-
elles ces dispositions ? Dans l*oraison affec-
tive.
Cette ardeur de communier doit nous faire
approcher souvent de la sainte Table, selon
l'état où Ton se trouve. Les plus avancés doi-
vent s'en approcher plus souvent, mais la
meilleure règle qu'on puisse donner à ce
sujet, c'est de Suivre en cela la volonté du
directeur qui vous accordera la sainte com-
munion autant de fois qu'il le jugera pour
votre bien ; et il penchera plutôt à vous le
permettre souvent que rarement.
Le cinquième effet de l'oraison affective
e^i de parler en son corps et en son âme la
mortification de Jésus -Christ. Jamais un
mondain n'a eu plus de passion pour les
plaisirs, qu'une Ame dans cet état d'oraison
n'en a pour les croix et les mortifications.
Une des grandes peines d'un din cteur est
de la retenir, de peur qu'elle ne donne dans
quelque excès. Il est certain que la mortiti-
cation intérieure est préférable à l'exté-
rieure; car par elles, on règle le cœur et
l'esprir, qui sont les principales parties de
nous-mêmes, et Ton modère les passions,
qu'il est de la dernière importance de bien
morlifior; il s'en faut de beaucoup qu'on
trouve tant d'avantagesdaos les mortilications
corporelles, qu'on peut dire n'être que des
movens pour la mortification intérieure; il
ne faut pourtant pas les négliger ni les mé-
priser, comme font quelques-uns. Toutefois,
il. faut en user avec modération et ne le pas
faire sans l'avis d'un directeur. {Yoy. Mor-
TIFICATIOi«.)
Ofi ne peut pas précisément les déterminer
en particulier, il raut avoir égard aux forces,
i la santé et au lieu où l'on se trouve. Tons
n'ont pas assez de forces pour faire beaucoup
déjeunes, ni assez de santé pour porter la
baire et le cilice, et autres instruments de
pénitence; quelciues-uns en auront assez
pour en user un jour ou deux de la semaine,
et non continuellement. On se trouve endos
lieux où l'on ne peut coucher sur la dure,
ni pratiquer certaines austérités, parce que
ces mortifications pourraient être aperçues;
dès lors il les faut omettre, car il est impor-
tant qu'elles se fassent en secret. Mais oira
toujours mille occasions de pratiquer des
mortifications qui, quoique petites, ne lais-
seront pas d'être plus agréables à Dieu, plus
exemptes de vanité que les autres qui ont
plus d'apparence, et d^étre plus méritoires
a cause de leur nombre, et parce qu'elles sont
faites plus purement pour Dieu. Dans celles
qui sont considérables, on ressent un appui
et un soutien secret qui les rend faciles; on
a le plaisir de penser qu'on a fait pour Dieu
quelque chose qui en vaut la peine, et qui
ne se trouve point dans les petites morun-
calions. Par exemple, qui nous empêche «e
nous abstenir de regarder toutes sortes d ou*
jets que nous aurions envie de voir, de
retenir beaucoup de paroles que nous vou-
^--^
AFP
I^ASCETSSIIE.
AFF
(trions dire, de mortîQer notre curiosilé en
U3e infinité de rencontres où nous serions
bienais6td*apprendredesnoaveltes ou antres
choses indifférentes. Qui empêche dans le
repas de se mortifier en beaucoup de ma-
oièreSp soit dans le boire, soit dans le man-
ger, sans qu'on s*en aperçoive ? Ces petites
mortifications et autres semblables dont la
pratique ne peut nuire h la santé, ni être
aperçues du monde, ni donner prise è la
TBnité, doivent être conseillées. On peut en
faire usage chez soi, dans les rues, dans l»s
églises, h la campagne, seul et en compagnie.
Il table et hors de table, dans le loisir et le
travail, dans Toraison et hors de Toraison,
dans les affaires âcheuses et dans les agréa-
bles, en un mot, partout et à tout moment.
Souvenons-nous que ce qui rend un mar-
chand riche, c*est le soin qu'il apporte à ne
pas laisser échapper le moindre gain. Imi-
tons-le, et ne laissons pas échapper la moin-
dre occasion de nous mortifier, et nous ver-
rons bientôt le ç^nd profit que nous retire-
rons de cette sainte pratique.
Le sixième effet de Toraison affective,
c^est d'inspirer un grand désir de la solitude^
et de porter au détachement de toutes les af-
faires^ au moins non nécessaires. Comme on
voit dans le monde des personnes qui, avant
certaines passions dans le cœur, cherchent
les endroits les plus écartés pour soupirer
k leur aise et exhaler leurs plaintes; ainsi
les amants de Dieu aspirent après la soli-
tude pour être libres ae produire toutes les
affections que Faraour leur inspire. Il est
bon d*étre aussi silencieux et aussi soli-
taire que possible, mais il est dangereux ,
sans une vocation particulière, de se jeter
dans une solitude extérieure trop grande ;
il Test surtout de quitter l'état où l'on était,
et oii l'on croyait avoir été appelé de Dieu
pour en éprendre un autre, sous prétexte
d'une solitude plus exacte. On peut jouir
partout d'une solitude intérieure, sans la-
quelle Textérieure serait plus nuisible
quantité.
Par solitude intérieure on entend un état
où Time se vide et se dénué de tout, pour
demeurer seule avec Dieu , comme s'il n' j
avait que lui et elle au monde. Telle a été
la solitude de saint Philippe de Nér^ dans
là ville de Rome , au milieu d'une infinité
d'affaires que sa charité lui faisait entre-
prendre. Ce saint avait eu envie de se reti-
rer dans quelque désert , mais Notre-Sei-
gnear lui fit connaître qu'il le voulait soli-
taire dans Rome, non pas solitaire d'une
solitude extérieure , mais intérieure. Telle
fut celle de sainte Catherine de Sienne, qui
s*était bftti un petit oratoire au fond de son
eœur, pour s'; retirer et s'y entretenir avec
Dieu , au milieu des embarras du ménage,
dont ses parents l'avaient chargée pour la
distraire de ses dévotions. Telles ont été
relies de saint François Xavier, de saint
François de Sales, et de tous les autres qui
se sont employés au salut des âmes, et qui,
parmi les embarras de leurs fonctions et de
leurs emplois , étaient plus solitaires de la
véritable solitude que tous les ermites de
leur temps.
Le septième effet de l'oraison affective
est une certaine avidité de sUnstruire de tout
ce qui regarde Dieu et des voies qui con-
duisent à lui. On veut lire tons les livres
dans lesquels on pense trouver les lumières
dont on croit avoir besoin ; on cherche ceux
que l'on regarde comme capables d'éclaircir
ses doutes; on écoute avec soin les sermons,
et on va dans les conférences spirituelles où
l'on peut apprendre ce qu'il faut faire pour
avancer avec sûreté dans les voies intérieu-
res. Dans cette manière d'agir, le principe
est bon, mais il peut y avoir de l'excès; le
trop grami empressement ne vaut rien. 11
est dangereux de consulter tant de monde
et de lire tant d'ouvrages; car ce grand nom-
bre de gens et cette quantité de livres peu-
vent engendrer de la confusion dans un
esprit. Pour tenir un juste milieu, il faut
lire et consulter, mais sans trop le faire* Il
faut lire des livres bien choisis, et consulter
des personnes bien intérieures; mais qu'on
se persuade bien que Dieu dans l'oraison
nous en apprendra plus que tous les livres
et tous les docteurs ensemble.
Le huitième effet de l'oraison affective,
c*est daimer à parler de Dieu. On parle vo-
lontiers de ce qu'on aime, et comme cette
oraison est celle de toutes où l'on a de plus
{grands sentiments d'amour pour Dieu , il ne
aut pas s'étonner si on aime à en parler.
Tous les autres entretiens sont insupporta-
bles aux personnes de cette oraison ; elles
Easseraient les jours et les nuits è parler de
^ieu, comme autrefois firent saint Benoit et
sa sœur sainte Scholastique. Si un père
aime à parler de ses enfants, parce qu'il les
aime ; si l'on se plaît h raconter ses ancien-
nés aventures, parce qu'elles nous touchent
de près; si un plaideur parle continuelle-
ment de ses procès, parce^qu'il y a son cœur;
si un soldat aime à s'entretenir de la guerre
et des occasions où il s'est rencontré, pour«
quoi un serviteur de Dieu n'aimerait-il pas
k parler de celui qui seul doit être l'objet de
son amour? Hais pour cela il faut être dans
l'oraison affective , parce que, si l'on n'était
que dans fétat de méditation ^ on n'aurait
pas tant de facilité ni tant d'ardeur pour
parler de Dieu; et si Ton était dans une
oraison plus avancée que l'affective, comme
Tamour ne serait pas si sensible, on ne
pourrait pas non plus parler si facilement
de Dieu , ni avec tant de ferveur.
Il peut , sans doute . se glisser bien des
défauts, lorsqu'on parle beaucoup de Dieu;
car de le on peut prendre occasion de quel-
que vanité, en se persuadant fiiussement
qu'on est bien avancé , et que la facilité à
s expliquer sur les matières spirituelles est
une marque assurée du progrès qu'on y a
fait. Or cela n'est pas toujours vrai. En ef-
fet, on trouve souvent des personnes qui
sont parfaitement à Dieu , et qui cependant
parlent peu des choses spirituelles, parce
au'elles sont tellement occupées de Dieu au
edans d'elles-mêmes, qu'elles n'ont pas la
w
AFF
DICTIONNAIRE
AFF
Si8
liberté de se produire au dehors. Le saint
homme Grégoire Lopez ût connaître au P«
Loza que de parler beaucoup des choses «
même Donnes et excellentes» n'était pas le
meilleur. Celui-ci lui demandait un jour
KMirquoi, étant si éclairé dans les voies de
icu« il s'était tu , tandis que les religieux
qui étaient venus le voir avaient beaucoup
parlé et dit de très-bonnes choses? Le ser-
viteur de Dieu lui répondit ce peu de mots :
« Mon Père» laissons- les dire, et faisons»
nous autres. » Il voulait par là nous faire
entendre que souvent ceux qui parlent le
plus de Dieu ne sont pas ceux qui sont le
plus à Dieu. Un autre serviteur de Dieu di-
sait qu'il valait mieux parler à Dieu que de
parler de Dieu. D*après cela» il sera bon
de parler de Dieu dans Toccasion» mais de
le faire modérément» non comme faisant le
suilisant et Téclairé» mais seulement pour
s'enflammer avec les autres de plus en plus
dans Tamour de Notre-Seigneur.
' Le neuvième effet de l'oraison affective»
c'est d'in$pirer un grand courage pour iur-
monter toutei les difficultés qui se rencontrent
dans le cours de (a vie intérieure. Il n'est
rien de si diflicile dont on ne vienne à bout
tant qu'on est dans la ferveur que donne
cette oraison , c'est alors qu'on dé&e avec
saint Paul toutes les pui:ssances du ciel, de
la terre et des enfers ; que l'on ne craint ni
les menaces, ni les tourments» et qu'on se
rit de la malice des hommes et des démons.
D'où vient ce grand cœur 7 C'est de l'oraison»
QÎL l'on boit de ce vin nouveau qui donne
cette hardiesse qu'eurent autrefois les apô-
tres» lesquels étaient (oujoi^rs prêts à se
piVsenler devant les tribunaux des juges et
des empereurs. Ce courage n'est pas loujours
bien solide ; car souvent il est appuyé sur
une ferveur qui passe» et qui» nous étant
6tée, nous laisse dans la faiblesse qui nous
était naturelle; ainsi en arriva-t-il a David»
comme il le rapporte lui-môme: « Pour
moi, j'avais dit dans mon abondance» je
se serai jamais ébranlé; mais. Seigneur»
vous n'avez pas détourné plutôt votre vi-
sage de moi» que je suis tombé dans le
trouble. » Le moyen d'éviter ce malheur»
c'est de ne pas s'appuyer sur soi-même, mais
sur la grAce de Dieu ; de ne pas regarder les
difficultés comme faciles à surmonter, mais
comme insurmontables sansle concours parti-
culier de Dieu» et de persévérer toujours dans
loraison» par laquelle s'augmentera de plus
en plus notre amour» qui est» dit le Saint-
Esprit» fort comme la mortf à laquelle rien ne
{}eut résister. Cet amour ayant jeté de pro-
ondes racines dans nos Âmes nous rendra
courageux et invincibles à nos ennemis.
Le dixième effet de l'oraison affective est
de nous donner un grand désir de mourir;
afin d'abord d'être délivrés du danger conti-
nuel d'offensor Dieu en cette vie» et ensuite
afin de voir Dieu et de l'aimer parfaitement»
ce qui ne peut se faire sans sortir de ce
monde. Si nous avons égard à Iji chose en
elle-môme» il est plus parfait d'être indiffé-
rent à tout» que d avoir quelque désir pour
quoi que ce soit; et si Ton a égard à ta diver-
sité des dispositions» il sera meilleur pour
3uelques-uns de désirer la mort, pour
'autres de souhaiter la vie» et pour d'autres
d'être indifférents pour l'une et pour l'autre.
Saint Paul a désiré la mort» saint Martin a
été indifférent pour la mort et pour la vie, et
saint Ignace eût choisi de vivre, plutôt que
d'aller seul au ciel» s'il eût su que sa vie eût
été utile pour le salut des hommes. Tout
dépend de la disposition où Dieu nous met;
ce qu'il veut nous est toujours le meilleur,
S[uoique ce ne soit pas toujours le plus pa^
ait considéré en soi-même. H est cepen-
dant certain que c'est un très-bon effet dn
l'oraison, que de nous donner d'ardents dé-
sirs de mourir pour les Ans et les mot fs
indiqués, et c'est alors que s'accomplit lo
proverbe, que les saints ont la vie en patience,
et la mort en désirs.
Le onzièmec effet tle l'oraison affective,
c'est un grand xéle pour le salut d$s àmu.
On ne saurait s'imaginer jusqu'où va le zèle
des personnes d'oraiaon ; c'est un feu qui
Ihs brûle et les consume ; elles passent avec
joie les mers pour le salut des Ames, elles
se privent de tout plaisir et de toute satis-
faction pour les secourir; et ce qui est plus
admirable, elles s'offrent à la justice divine
pour souffrir les peines qui seraient dues
aux ftmes dont elles ont entrepris le salut.
Et il ne faut pas douter que cette offrande
ne soit un très-grand acte de charité;
ff car, personne, disait Notre^Seîgneur, n'eu
saurait avoir une plus grande nue de mou-
rir pour ses amis. » C'est ce zèle oui faisait
dire à sainte Thérèse: « Quel grand malheur
serait-ce donc quand je serais jusqu'au
jour du jugement dans le purgatoire, si
jiar ce moyen une seule &me pouvait être
sauvée? »lt est bien certain qu'un prêtre
qui est dans cette oraison» quand il est
appliqué à la conversion des ftmes» prêche,
catéchise» fait des conférences» entend les
confessions avec beaucoup plus d'onction et
d'utilité que les autres. Quelquefois Dieu se
contente de la bonne volonté de ceux qui
s'offrent pour recevoir la peine due aux
Ames dont on désire le salut d'une ma-
nière particulière; mais d'autres fois il les
prend au mot et leur fait sentir la pesaotiur
de son bras» de telle sorte qu'il n'y a pas de
peine comparable è la leur, comme on le
verra plus loin» en parlant des peines de
cette oraison; il n'y a que les grandes âmes
qui soient capables d'un si généreux dessein;
si quelques autres se mêlent de vouloir
s'olirir de la sorte» c'est qu'elles ne savent
[)as ce qu'elles font. Pour s'offrir de cette
manière» il faut» 1* être déjà avancé et bien
établi dans la vertu; 2* se sentir portée
faire cette offrande par un mouvemeotde 1a
grâce ; 3" faire approuver ce dessein par ua
directeur habile.
Le douzième et dernier effet de l'oraison
affective, c'est le mépris que l'on fait de et
que dira le monde. On commence à n'avoir
plus de respect humain, quand on est une
fois dans l'oraison affective. Dans le premier
V»
AFF
D^ÂSCETISME.
AFF
SM
degré d*oraison, od garde encore quelques
mesures, on ressemble à ces disciples de
Nolre-Seignear qui le venaient trouver ia
nuit, parce qu'ils craignaient les Juifs. 11
est un temps où il convient de cacher ses
bons desseins, et d*Atre de ces serviteurs
cachés de Jésus-Christ; mais quand une fois
le feu de Tamourde Dieu est fortement allu-
mé dans un cœur, il n*est pas possible de le
cacher, il faut qu'il paraisse; et il peut le
bire sans danger, parce que l'on est affermi
dans de bonnes résolutions. Lorsque quel-
que plante a été nouvellement transplantée,
on la couvre, de peur que les ardeurs du
soleil ne la fassent sécher, ou que le trop
grand froid ne la fasse périr; mais quand
une fois elle a pris racine, ces précautions
sout inutiles. Il est très-bon sans doule, et
même nécessaire de ne faire jamais osten*
laiioD du bien qui est en nous ; mais il est
très-bon aussi de paraître, dans certaines
occasions et dans certains temps, serviteurs
déclarés de Jésus-Christ.
L'oraijson affective est exposée à des dé-
fauts. Il n'est rien au monde, quelque excel-
lent qu'il soit, dont on n'abuse; et l'oraison
affective n'est pas exceptée [de cette règle
générale. Tous ceux oui la pratiquent ne
vont pas toujours si droit dans cette route
qa*ils ne se trompent quelquefois et ne
s égarent même, s'ils ne sont bien sur leurs
gardes, et s'ils n'ont de bons guides pour les
préserver de leurs égarements.
Parmi les défauts auxquels on est exposé
dans l'oraison affective^ le premier est Vipui^
semmt. On se laisse aller quelquefois telle-
ment à sa ferveur, que la poitrine et la tète
en souffrent beaucoup, en sorte qu'on se
trouve dans l'impossibilité non-seulement
de continuer son oraison, mais même do
s'acquitter de ses autres fonctions ; cela ar-
rife è force de faire des actes et de pousser
des sou{^s et des élans avec trop de
violence.
Le remède à ce défaut est de se persua-
der que les actes les plus sensibles ne sont
pas les meilleurs, que Dieu est esprit, et
qu'il aime à être servi beaucoup mieux quo
par le sentiment. Pour bien entendre ceci,
il faut savoir que notre Ame, tout indivisible
qu*dle est, fait en nous des fonctions diver-
ses. Elle nous fait croître comme les plantes,
elle nous &it sentir comme les bétes, et elle
iait de plus ia fonction d'Ame raisonnable.
Or il est certain qu'en tant que raieonnablef
elle produit des actes beaucoup plus par-
faits qu'en tant que eenêitive. Les actes rai-
sonnanles, absolument parlant, ne sont
point sensibles ; ils ne le deviennent que
f^r une espèce de rejaillissement et de con-
nexion; cest ainsi que, lorsqu'on remue
une chose jointe à une autre, il est presque
impossible que l'autre ne remue en même
temps. Ainsi, quand je produis un acte d'a-
mour de Dieu, cet acte n'est point sensible
l«r lui-même ; mais comme l'âme, en même
lemps qu'elle est raisonnable, est aussi sen-
sitive, elle ne fait pas plutôt cet acted'a-
uiour de Dieu par la volonté raisonnable et
spirituelle, qu'il rejaillit sur la volonté sèn-l*
suive, si on peut rappeler ainsi, et par le
cet acte est rendu sensible. Si donc Ton
pouvait faire en sorte que notre acte fût
seulement spirituel, et qu'il fût dégagé des
sens, il ne laisserait pas d*être très-bon; car
il ne platt pas à Dieu en tant qu'il est sen-
sible, mais seulement en tant qu'il est pro-
duit par la volonté spirituelle aidée de la
grflce. De là vous devez conclure que ces
efforts que l'on fait pour rendre l'amour ou
d'autres actes sensibles, sout fort inutiles,
ne profitent point à l'&me, et ne font qu'af-
faiblir le corps. Il vaut donc mieux s'accou-^
tumer de bonne heure à simpliQer et à spi-'
ritualiser ses actes.
Il est assez difficile de faire comprendre
comment il faut simpliOer et spiritualiser ses
actes : voici cependant ce qu'on en peut dire.
Imaginons-nous que notre âme est comme
un petit chflteau (cette comparaison est de
sainte Thérèse); ce ch&teau a ses dehors et
ses dedans ; les sens résident au dehors, et
la volonté au dedans ; quand les actes sont
poussés avec véhémence, ils prennent bien
naissance de la volonté qui est au dedans,
mais ils se répandent jusqu'au dehors,
c'est-à-dire jusqu aux sens, et voilà pourquoi
ils sont rendus sensibles; donc, pour les
simplifier, les spiritualiser et les rendre
moins sensibles, il faut faire en sorte qu'ils
ne sortent point de Tintérieur de l'âme, les
produisant non avec ces efforts qui les font
rcgaillir jusqu'au dehors, mais sans bruit,
d'une manière douce et suave ; c'est ainsi
que nos actes seront simples et dégagés des
sens. Voici une pensée qui vous rendra
f)eut-être la chose plus claire ; Si noua vou-
ions nous imaginen quelque objet spirituel,
nous nous formerions l'idée d'une chose dé*
liée, mince et délicate, tout au contraire des
objets sensibles, qui sont toujours grossiers.
Pour rendre donc nos actes ainsi déliés,
minces et délicats, il faut les simplifier.
Voici encore une autre manière de faire
comprendre la chose : Quand on demande, en
théologie oomment les anges et les âmes
bienheureuses, séparées de leurs corps,
parlent ensemble, plusieurs théologiens ré-
pondent que ces bienheureux esprits par-
lent entre eux par une direction d'intention,
c'est-à-dire qo^ls veulent se parler de quel**
que chose; cette volonté est leur langage, ils
n'en ont point d'autre; un seul acte de leur
volonté communique leurs pensées. Qui
nous empêche de faire de même pour parler
à Dieu? Un petit signe de notre volonté suf-
firait, et, sans élans et sans affections sen-
sibles, ce petit signe lui dirait ce qu'on au«
rait à lui dire, et plus éloquemment» et sans
danger de s'épuiser.
On ne conseille pas d'en venir là^ tout
d'un coup, mais peu à peu, parce qu'on a
besoin pendant quelque temps d'un peu de
sensibilité pour se soutenir, et qu'on s'expo-
serait à supprimer les grâces sensibles qu'il
platt à Dieu d'accorder pour nous fortifier
dans les premiers états de la vie spiritoelle.
Quand ce Dieu de bonté veut conquérir le
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DlGTiONNAIEE
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petit ébftteao de notre ftme» il cooimence
par les dehors* c'esl-à-dire par les sens, pour
nnir par le dedans, c'est-à-dire par le spiri-
tuel, il gagne les sens en j répandant ses
douceurs, et il Tiendra ensuite h gagner la
Tolonté par une paix qui surpasie tout sen-
timent: il faut le laisser faire, nous tenant
cependant dans la disposition de simplifier
nos actes peu à peu, jusqu'à ce qu'enfin ils
deviennent tout spirituels, autant qu'il est
possible en ce monde, où Tâme dépend trop
des sens, pour que les actes soient tout à
fait dégagés, comme ils le seront en l'au-
tre vie.
Le second défaut dans lequel on peut
tomber dans l'oraison affective^ c'est de met-
tre toute sa dévotion dans les ferveurs de
l'oraison, sans faire attention aux bonnes
œuvres qu'on doit produire, et aux vertus
que l'on doit acquérir. Agir de la sorte, ce
n'est pas agir raisonnablement, mais faire
du moyen la fin. Le moyen pour acquérir
les vertus, c'est l'oraison ; ce serait donc
une erreur de s'arrêter à l'oraison, comme si
c'était la fin et non un moyen. De ce vice
naissent de grands maux.
Le premier, c'est que, ne travaillant point
à s*exercer dans la pratique des vertus, on
n'est ni humble, ni doux, ni patient ni cha-
ritable, ni mortifié.
Le second, c'est que les passions restent
pleines de rie, et au'ainsi on est à tout mo->
ment en danger de tomber en de grandes
fautes, et on n'v tombe en effet aue trop
souvent. Et voilà ce qui scandalise les gens
du monde : quand ils voient une personnel
faisant profession d'oraison, être emportée,
être délicate sur le point d'honneur, aimer
ses aises, rechercher ses petits intérêts, ils
en sont plus mal édifiés que de tous les pé-
chés que les mondains peuvent commettre.
Le troisième, c'est que ces personnes s'at-
tachent tellement à l'oraison, qu'il n'y a pas
moyen de la leur faire quitter, quand Dieu
même les appellerait à d^utres occupations;
si quelqueiois on les tire de là, elles en sont
fort chagrines et de mauvaise humeur , à
peu près comme un petit enfant qu'on ôte
du sein de sa nourrice; vous 1 entendez
crier, se tourmenter, jusqu'à ce qu'on le re-
mette à l'endroit où il était. Il en est ainsi
des personnes qui font consister toute leur
dévotion dans les ferveurs de l'oraison.
Le remède à ce défaut, c'est de se désa-
buser et ne pas prendre le change , c'est-à--
dire, le moyen pour la fin ; de ne jias aspi-
rer seulement à la douce conversation avec
Dieu, ni aux tendres embrassements de
l'Ame avec lui, mais de^ se perfectionner
tous les jours de plus en plus, et de mêler
la pratique des bonnesSœuvres et l'eiercice
des vertus à celtii de I oraison. Il sera bon
de prier pour cela votre directeur de vous
exercer et de vous faire pratiquer la vertu.
Avec ces moyens, il est à espérer qu'on ne
tdmbera pas dans le malheur, où plusieurs
se trouvent engagés, de faire oraison, sans
en être meilleurs.
Le troisième défaut dans lequel on tombe
dans Toraison affective, c'est de se persua-
der qu'on est beaucoup plus avancé dans la
vie spirituelle qu^on ne l'est en effet; de
mesurer ses progrès sur les grands senti-
ments qu'on éprouve, de compter sur ses
bonnes intentions, sur ses saints désirs, et
sur certains desseins de procurer la gloire
de Dieu ; tout cela est quelque chose, mais
ce n'est pas tout, à beaucoup près. Cependant
il arrive de là qu'on vient à mépriser ceux
qui ne sont pas dans cet état de ferveur, et
2ui pourtant peuvent être plus parfaits,
eux-ci n*ont pas tant de paroles, ils n'ont
pas tant de bons sentiments, ils n'ont pas
une ferveur si sensible, ils agissent avec
plus de modération que les autres , et c'est
pour cela qu'ils en sont méprisés comme
gens qui n'ont pas d'amour de Dieu ni de
zèle pour sa gloire. Mais ces premiers se
trompent et ne s'aperçoivent pas que cet
amour, qu'ils se vantent tant d'avoir, n'est
encore que dans les dehors de l'Ame, cest-è-
dire dans les sens; il n'est souvent que su*
perficiel, pendant aue celui des autres est
I)eut-être dans le lond, et pénètre jusoa'à
'intime de l'Ame.
Un peu plus d'humilité est le remède qu'il
faut employer. Les vrais humbles s'estiment
toujours pires que les autres et croient les
autres beaucoup meilleurs. Il faut donc se
{persuader qu'on ne doit pas juger de la par*
action d'après les apparences. Il n'est rien
de plus aisé que de se tromper en ce point.
Il n'y a que Dieu qui puisse juger de la
perfection qui est tout intérieure. Il faut
encore bien croire que tout le monde n'est
{)BS conduit par la même voie, car 11 y a dif«
érentes routes dans la vie spirituelle, et si
les uns sont attirés par les grandes ferveurs,
d'autres pourront être conduits par une
autre route qui n'aura pas tant d'apparence,
mais qui ne laissera pas de les mener aussi
droit et peut-être plus sArement. Ainsi, Ton
se tiendra donc petit devant Dieu et defant
les hommes.
Le quatrième défaut dans lequel on peut
tomber dans l'oraison affective, c'est de se
croire conduit et poussé par le Saint-Esprit
en tout ce qu'on fait ; de penser être inspiré
du Saint-Esprit pour entreprendre quelque
bonne œuvre que le Saint-Esprit ne demande
nullement; de croire être éclairé d'en-baat
pour donner des avis aux uns, reprendre les
autres, ou pour remédier à quelques désor-
dres.
R Voici quelques marques qui feront con-
naître si c'est le Saint-Esprit qui inspire
Îuand on se sent poussé à quelque chose :
* quand l'inspiration nous porte à quelque
chose de bon et de conforme à notre étal et
à notre condition; â* quand l'inspiration
est suivie d'une grande paix; 3* quand elle
est accompagnée de beaucoup d^humilité et
de bas sentiments de nous-mêmes; 4* quand
elle vient dans les temps oii l'on est plus
attentif à Dieu, comme dans l'oraison et
après la communion; ce sont là des marques
que l'inspiration est bonne. Que si la chose
pour laquelle on se croit inspiré est con-
fS5
AFP
D'ASCETISME.
ÂFF
t34
traire à rétat ou & la conduite ordinaire de
rEglise el aax aris des directeurs, H est
bien à craindre que ce ne soit une illusion ; de
même, si lapen5eequ*onainquièteet trouble,
OQ si elle jette dans un grand embarras d*es-
prit. Il en faut dire autant, si cette prétendue
inspiration donne des sentiments d'orgueil,
si elle Ote le dessein qu*on doit avoir de
s'éclairer en consultant son directeur et des
gens expérimentés dans le discernement des
esprits, et surtout si elle est accompagnée
d'ane grande opposition à se soumettre à
leurs afis.
Le cinquième défiiut dans lequel on peut
tomber dans Foraison affectire, c*est une
trop grande actirité et un trop grand empres-
sement dans les bonnes œuvres qn*on entre-
prend. Car certaines personnes ne pense*
raient pas correspondre comme il faut à la
grande ferveur que Dieu leur donne, si
elles ne se jetaient pas comme à corps perda
dans les saintes occupations extérieures
cr»iiforroes à leur état. Elles s'y donnent de
toat leur cœur, sans se ménager, mais aussi
sans se souvenir qu'elles perdent la paix de
l'âme par cette grande activité, et que ce
n*esi point là imiter Dieu qui fait toutes
choses fortement, è la vérité, mais suave-
ment et avec une tranquillité qui ne peut
jamais être troublée.
n ne vaut pas mieux tomber en ce défaut
Îoe dans on autre tout contraire, qui serait
e faire ses exercices de piété, ou les l>onnes
enivres que Dieu demande de nous, avec
négligence et tiédeur. La diOérence qu'il y
a entre ces deux manières d'agir, c'est que
la première tire son origine d'une bonne
cause dont pourtant on ne se sert pas comme
il dut; et la seconde, d'un mauvais principe,
qui n'est autre chose que la paresse et la
tiédenr. Ceux qui opèrent de la première
façon doivent laire comme le cavalier monté
sor un cheval fougueux, qu'il retient dans
son ardeur en lui tirant la bride de temps
en temps, afin de le modérer; et ceux qui
agissent de la dernière manière, doivent
ressemblera celui qui est monté sur un
cheval lent et paresseux, qu'il faut exciter
souvent de l'éperon.
Le sixième défaut dans lequel on peut
tomber dans l'oraison affective, c'est le zèle
indiscret. Il y a des personnes qui entre-
prennent des affaires trop au-dessus de leur
portée ; il suffit qu'une œuvre soit bonne,
ou en aitseulepaent l'apparence, pour qu'elles
se mettent en devoir de la faire, sans con*
sulter si elle est faisable, si elle convient à
leur état, et surtout si elle est de la volonté
de Dieu.Ilyen a d'autres, ou qui invectivent
trm âprement contre les pécheurs, en sorte
qujl j parait plus de passion que de zèle,
ou qui les reprennent à contre-temps, lors-
qu'us ne sont pas en état de profiter de la
correction qu'on leur lait, ou qui, ne pou-
vant sapporter la moindre imperfection dans
leur prochain^ se choquent de tout, se scan-
cUîseot de tout, et voudraient que les autres
fussent parfaits tout d'un coup. II. en est
encore qui exposent tém(^ra*r«^mon( l*ur
salut, sous prétexte de sauver le prochain,
comme quand on se mêle sans vocation,
sans conseil et sans prévoyance, de retirer
certaines personnes de leurs désordres; ou
de fréquenter d'anciens amis sans religion
et sans principes, dans l'espérance de les
ramener de leur égarement; ou bien quand
on abandonne l'état où l'on était appelé de
Dieu, sous prétexte d'aller convertir ses psh '
rents ou ses compatriotes. Quelquefois, on
se met en tète d aller faire des avertisse-
ments à des personnes considérables , qui,
sans doute, ne les recevront pas en bonne
part. D'autres fois, on a un empressement
étrange pour enseigner l'eiercice de l'orai*
son, voulant y mettre tout le monde, se
fftcbant si on ne veut pas écouter, blâmant
aisément ceux qui ne sont pas de notre sen-
timent. On tombe enco: e en ce défaut quand
on s'accable de mortifications extérieures,
qu'on fait des jeûnes excessifs, des veilles
trop longues, des austérités au-dessus de
ses forces, qu*on entreprend des travaux
auxquels on est ensuite obligé de renoncer.
C'est un autre zèle indiscret, que de vouloir
communier plus souvent que ne le veut le
directeur, que de murmurer de sa conduite,
et de trouver à redire qu'il permette à d'au-
tres plus de communions au à nous; que de
passer la règle qu'il a donnée là-dessus, et de
se cacher de lui pour communier contre ses
ordres. Enfin, c'est un zèle indiscret de
vouloir avancer dans les voies de l'oraison
plus que Dieu ne veut. Comme Dieu lait
toutes choses sagement, et que, pour lor-
dinaire, il veut que nous allions à lui pas à
{>as et par degrés, il ne convient pas de vou-
oir monter au premier degré avant d'avoir
passé par les premiers. Voilà les dangers où
peuvent se trouver les personnes qui ne se
conduisent pas comme il faut dans l'oraison
aOèctive, ou qui abusent de ce saint exer*
cice.
Les diflicultés et les peines qui accompa-
gnent l'oraison aOéctive sont les mêmes qoe
celles rapportées dans la méditation ; elle»
sont communes à tous les états d'oraison ;
dans tous se trouvent des distractions, des
sécheresses, dès dégoûts, des vides, les per«
sécutions des hommes, des tentations du
démon; mais avec cette différence que dans
le second d^ré d'oraison, les peines sont
plus grandes que dans le premier. Les dis-
tractions, par exemple, sont plus sensibles
dans l'oraison affective, parce qu'elles vien-
nent nous troubler lorsque nous possédons
une plus grande paix. Les privaitions sont
plus difficiles à supporter, parce qu elles
nous privent d'une plus grande jouissance.
Les persécutions du côté du monde sont
plus fréquentes et plus rudes, parce que
nous nous éloignons encore plus de ses
maximes que dans l'état de méditatiou. Les
attaques du démon sont plus terribles, parce
qu'il est irrité contre nous, et que Dieu,
voyant que nous sommes plus forts pour lui
résister, lui permet de nous tenter avec plus^
de violence.
Voici les tentations les plus communes
q
tS5
AFF
DICTIONNAIRE
AFF
VB
du démon dans Toraison aiTective : la pre-
mière, c'est la tentation de vanité; on se voit
en cet état tout plein do ferveur» rempli do
bons désirât tout ardent d'amour de Dieu et
du prochain; on se sent en soi-même un si
grand mépris des biens du monde, des plai-
sirs et des vanités du siècle, que Ton croit
être quelque chose; on en vient même quel-
3uefois jusqu'à douter si on peut avancer
avantat^e, et s'il est un état meilleur; de
cette pensée, le démon nous inspire de l'es-
time Dour nous et pour tout ce que nous
faisons, et nous donne du mépris pour les
autres et pour leur état.
Le remède à celte tentation, c'est que ce-
lui qui est ainsi tenté se persuade bien qu'il
n'est encore que novice dans les voies inté-
rieures ; que ce ne sont pas les bons senti-
ments qui rendent meilleurs, qu'il y a en-
core bien du chemin à faire avant d'arriver
«u terme où Ton tend. Il faut se souvenir
qu'on peut perdre son trésor en un instant,
par une seule parole, par une seule pensée
de son esprit, par un seul désir de son cœur.
II faut cacher a tout le monde le peu de bien
au'on a en soi, et ne pas s'exposer h le per-
re en le faisant paraître sans nécessité;
qu'on se le cache autant gue possible à soi-
même, et qu'on prie Dieu avec David de
détourner $e$ yeux de peur guHh ne voient la
tanité. On doit arrêter ses regards sur ses
imperfections qui sont encore en assez bon
nombre» croire qu'on ne les voit pas toutes,
se souvenir de ses péchés passés, faire
comme certaines personnes qui, ayant été
élevées è une haute fortune, conservent les
marques de leur première condition pour se
rappeler ce qu'elles ont été, et pour empê-
cher par ce moyen que leur condition pré-
sente ne les aveugle. Si l'on est fidèle à
suivre ces avis» la vanité ne trouvera point
d'entrée dans notre esprit.
' La deuxième tentation du démon, c'est
celle de la colère. Le démon tente de ce
eôté^li, parce que, dans l'oraison affective,
on est plein d'ardeur pour Dieu, pour le
prochain, pour le ciel, etc.; et ces ardeurs,
toutes saintes et toutes spirituelles qu'elles
I)ui8sent être, ne laissent pas, à cause de la
iaison qui se trouve entre la partie raison-
nable et la partie animale, d'échauffer la
partie inférieure de notre Ame où résident
les passions. Or, de toutes les passions»
celle qui prend le plus tôt feu, c*est la co*
1ère» et ainsi cette partie de nous-mêmes»
Dù la colère réside, étant échauffée, elle se
ressent plus que toutes les autres passions
-de cette chaleur. Le démon» qui voit cette
-disposition» soufSe de son côté et achève
•d'allumer en nous le feu de la colère. On est
encore tenté de colère dans l'oraison affec-
tive» parce qu'il est malaisé d'être sans quel-
que attache pour les douceurs de l'oraison,
lesquelles sont plus sensibles dans ce degré
que dans les autres; or, quand quelqnun
interrompt ces douceurs en nous détournant
de l'oraison, soit pour nous parler d'affai-
reS| soit pour quelque autre chose, comme
il nous arrache de ce que nous aimons, il
nous arrive alors ce qui arrive à ceux que
Ton retire d'un granci divertissement» tels
que la comédie, la chasse ou un festin» ctc.^
on est disposé à la colère, à Timpatiencc et
auchagrid; le démon, voyant cette disposi-
tion, no manque pas de faire tous ses efforts
pour nous v lairo tomber.
Le remède à cette tentation, c'est» 1* d'a-
voir recours à Jésus-Christ qui nous dit :
Apprenez de moi que je suis doux et humble
de cœur. Celui qui se sent porté à la colère
doit donc s'adresser h Dieu et lui dire avec
confiance: Mon divin maître, enseignez-moi
la douceur» permettez-moi d'être 'votre dis-
ciple et apprenez-moi cette grande leçon do
mansuétude que vous êtes venu enseigner
au monde. 2' Ne pas parler» ne pas dire un
seul mot quand on se sent ému de colère;
mais tAcher de.se retirer à l'écart et de s&
mettre en oraison jusqu'à ce qu'on ait re-
couvré sa première tranquillité. 3* Si on a
le malheur défaillir» ne pas s'en émouvoir,
ce qui serait le moyen de tout g&ter ; mais
s'humilier alors profondément devant Dieu
et reconnaître que les emportements sont
les fruits delà terre maudite de notre cœur.
Par cet acte d'humilité, l'on profite de sa
chute et Ton entre dans l'intention que Dieu
a en permettant que nous sovons tentés et
Sue nous succombions même a la tentation,
veut nous faire comprendre notre fai-
blesse et le besoin que nous avons de sou
secours dans la tentation. 4* H faut se déta*
cher des douceurs de l'oraison pour qu'elles
ne servent plus d'occasion à la colère, et être
content d'en être privé si Dieu le juge à
propos. 5"* S'imposer une pénitence et se
punir de s'être laissé aller h quelque empor-
tement. Ce remède est général pour toutes
sortes de chutes. 11 n'y aurait qu à s'en ser-
vir pour ne plus tomber, ou du moins pour
tomber plus rarement.
La troisième tentation du démon dans
l'oraison affective» c'est l'impureté. Il arrive
quelquefois que quand T&me se sent embra-
sée d'un feu tout sacré et tout céleste» le
corps se trouve en proie à un feu infernal.
Le démon forme en nous mille représenta-
tions infâmes» en faisant comme passer en
revue dans notre esprit tous les objets que
nous avons pu voir dans notre vie, et qui
peut-être nous ont autrefois fait tomber
dans le péché : cette tentation est une des
Elus pénibles pour des âmes qui, aimant
>icu comme elles font » doivent avoir en
même temps un grand amour pour la sainte
vertu de pureté. Quelle confusion pour elles
de se présenter à leur chaste époux se
croyant pleines de souillures! De quelles
craintes ne sont-elles point agitées» dans le
doute si elles ont consenti oudion, si ces
pensées» si ces mouvements ne sont pas
volontaires! Quelles peines n'ont-elles point
è s'expliquer là-dessus à leur confesseur 1
Elles pensent ne s'être jamais bien déclarées
ou que leur confesseur ne les a pas bien
entendues et n'a pas bien compris ce qu'elles
voulaient dire. On voit par là combien cotte
teplalian est fâcheuse.
VI
kft
D*ASCETISMË.
AFT
S»
Les ftutears (}ui ont traité celle matièt-e
ont marqué beaucoup de pratiques très-
t)oiiDes pour se garantir de la Tioieiice de
cette teutation. Il suffira d*en rapporter
deui : La première est de s*humilier beau-
coup, car la fin que Dieu se pro|>ose ordinai-
remeot eo permettant qu*onsoit ainsi tenté,
c'est rhumilité. En effet» rien de si bumi-^
liant que ce qui se passe dans cette espèce
de tentation, il fikut donc, pour accomplir
en cela le Immi plaisir de Dieu, s'abîmer
detaot lui à la Vue de ses misères , recon-
Aitlre de bonne foi que toutes ces pensées,
ces représetttatiotis et ces mou?emeots ne
sont aue de mauvaises exbalaisons qui sor-
tent de nous comme d*un fumier iniècl, tel
que nous sommes Téritablemeot; que si
Dieu De nous soutenait, il n*y a pas d'abo-
minations auiquelles on ne se laisserait
aller. La deuxième pratique, c'est de mépri-
ser la tentation le plus qu'on pourra. Qu'on
se donne bien de garde de s*alarmer, quelque
chose qui arrife en cette matière; qu'on ne
s'amuse pas à se trop agiter et h trop se re«
taaer, comme le font quelqneS'^uns, croyant
qu'en changeant si souvent de posture, de
{lace, de lieu et d'occupation, ils viendront
bout de cette tentation. Cela peut servir
quelquefolsi et quand ou a l'expérience que
ces mojeds sont utiles , ou peut en user ;
mais pour l'ordinaire ils sont plds nuisibles
que profitableSé Tous ces mouvements ne
serrent qu'à amuser le démon qui ne cber*^
che qu*à nous inquiéter, car il sait bien qu'il
ne pourra jamais faire tomber dans un pé-
ché pour lequel on a tant d'horreur; le vé-
ritable moyeu de le tromper et de le vaincre,
c'est de ne pas s'ébranler de tousles assauts
qu'il liTrci mais de rester sur le champ de
bataille» sans faire aucun cas de toutes ses
attaques, quelque violentes qu'elles soient.
Qu'on se donne garde surtout d'abandonner
Toraison, sous prétexte que c'est pendant
qu'on la fait qu ou est agité de cette impor-
tune tentation. C'est justement cet abandon
que le démon désire ; il n'en demande pas
dayaolage. Sors de l'oraison» disait*il un
jour à une flme accablée de toutes sortes de
imtations impures ; ne vois-tu pas que tu
pèches grandement, puisque tu continues
nu exercice qui eat la cause de tous ces dé«
soffdres qui se passent en toi 7 mais cette
âme oe fit pas semblant de l'écouler et de^
deora victorieuse.
11 but encore avoir liien soin de ne ja-
mais parler avec ses amis spirituels de ce
qui se passe touchant la tentation d'impu*
relé ; Il faudrait même qu'on n'en parlât que
fort sobrement avec son directeur; et si
Too est obligé de se confesser de quelque
chose qui regarde cette matière, il faut le
bire en des termes qui ne puissent renou-
veler aucune mauvaise idée. Il faut de plus
éviter l'empressement oii sont quelqueS-uns
de lire les livres qui traitent de ce sujet, et
de consulter plusieurs maîtres de la vie spi-
rituelle pour éclaircir leurs doutes; au lieu
d'exagérer les peines que cause cette tenta-
tion, le mieux est de les méi)risor et d*en
détourner son esprit, parce que plus on y
pense, plus on en parle, plus on la regarde
comme quelque chose de considérable, plus
elle s'imprime dans l'esprit, et plus on a de
peine à Peu bannir.
Enfin , quand quelque chose tous est ar»
rivé que vous doutez être un péché, il faut
non vous chagriner et vous désespérer, mais
garder toujours la tranquillité de votre âme»
et continuer vos exercices spirituels, vous
contentant de vous humilier et de deman-^
der promptement pardon à Dieu de votre
infidélité, s'il y en a eu, vous réservant de
vous en confesser à l'occasion , sans y son*
ger davantage. ^- L'oraison affective est
quelquefois une oraison sumaiurelUf pa$^
site et infuse. Or, on appelle oraison suma*
turelle, passive et infuse celle que Dieu
opère en nous, par une grâce spéciale et
extraordinaire « et où nous n'avons d'autre
part, sinon que nous la recevons, et qu'eu
agissant par l'impression donnée, nous con-
sentons à l'opération divine qui se fait en
nous. Pour bien entendre ceci » il faut corn-
f>arer l'oraison commune et ordinaire avec
'oraison surnaturelle et passive. La pre*
inière se fait en nous et par nous avec la
grâce commune; on fait, par exemple, des
considérations» on produit des affections : ce
sont là des actes de Toraison ordinaire que
tout le monde peut fidre avec la grâce de
Dieu, laquelle grâce est donnée commune^
ment et ordinairement k tout le monde*
Pour la seconde, il n'en est pas de même t
Dieu la donne k qui il. lui plaît et quand il
lui plaît; c'est un don qui n'est pas commun
et ordinaire, mais spécial et particulier» et
c'est pour cela qu'on l'appelle opération de
Dieu en nous. On l'appelle encore oraison
passive^ parce qu'elle est reçue en nous, k
la différence delà première, nommée oc/tee»
parce que c'est nous qui agissons en cette
oraison en produisant des actes» tandis
qu'en celle-ci, c'est Dieu qui agit, et, pour
nous, nous ne faisons que recevoir sou
opération, et consentir à ce qu'elle se fasse
en nous; non que notre esprit et noire
cœur n'agissent alora , mais c'est qu'ils agis>
sent par une impression particulière que
Dieu leur donne, et qui n'est point de
nous , mais que nous recevons et k laquelle
nous nous soumettons.
Quant k savoir s'il y a quelquefois du
surnaturel et du passif dans l'oraison, il est
certain que Dieu se communique quelque-
fois spécialement k certaines âmes dans cet
état aoraisou affective , et qu'il opère par^
ticnlièrement en elles.
Les opérations de Dieu dans ces âmes se
montent k huit, mais elles n'ont pas lieu
dans toutes les âmes qui sont dans Tétat
d*oraison affective. Il y ade ces grâces qui ne
sont accordées qu'a des âmes choisies , ou
parvenues dans les derniera degrés de la vie
spirituelle. Ainsi beaucoup de personnes ne
laisseront pas d'être très-avancées dans les
voies de l'oraison, ;ans que pour cela elles
aient jamais éprouvé aucune desopératio -
divines dont on va parler*
m
hFV
DICTiONNAIHE
ÂFF
M
La première opération ou grftce dont Dieu
'farorise certaines personnes dans Toraisoa
effective est le don des larmes que Dieu
donne à quelques-uns en si grande abon-*
dancOf que jour et nuit ils eq sont tout
baignés. Un D)0t qu'ils entendront ou qii*ils
'liront, le souvenir de leurs péchés, un re-
gard sur quelqu*une des souffrances de
Notre-Seigneur , la vue d*une image ou do
quelque autre objet f leur tire aussitôt les
larmes des yeux , et leur en fait répandre
par torrents. Si nous ne regardions simple-
ment que les larmes, ce serait peu do cho-
se; mais il faut voir la source d*où elles
coulent, qui n'est autre chose ;qu*une cer-
taine tendresse d'âme; or cette tendresse est
une grande grâce , de même que la dureté
du cœur est un grand malheur.
La deuxième grâce sont certains entre-
tiens tendres et amoureux entre Târae et
Nfttre-Seigneur. Ce n*est ni par findustrie
ni par les efforts de cette âme que ces col-
'loques ont lieu; car il n*est pas en son pou-
voir d'en obtenir de semblables, quelques
efforts qu'elle fasse pour cela. Aussi les a-
*t-e)l6 souvent lorsqu'elle y pense le moins,
^t est-elie tout étonnée quand elle s*en aper-
Soit« Tout ce qu'elle a a faire alors, c'est
e se tenir passive, c'est-à-dire sans agir
S ar aucune propre opération, laissant faire
!otre-Seigneur, consentant seulement à ce
qu'il fait en elle, et se tenant dans un grand
repos, tant que cette grâce dure.
La troisième grâce dont Dieu favorise cer-
taines personnes dans l'oraison affective,
sont des embrassements fort étroits de
i'âme avec Notre-Seigneur. On a vu des per*
sonnes qui, dès le matin, en s'éveillant, se
trou? aient dans ces divins embrassements,
qui leur continuaient pre3que toute la jour-
née. Cette çrâce leur durait pendant des
4emps considférables, et avec tant de dou-
càixt qu'elles ne pouvaient l'expliquer que
par des exclamations* Ohl si l'on savait
'Combien le Seigneur est douxl disaient-
olles; ô hommes, s'écriaienl-elles, à quoi
songez-YOus de quitter le service d*un Dieu
«i bon , pour suivre de misérables créatures
qui n'ont d'autre récompense à vous don-
ner que beaucoup d'amertume l Ces deux
dernières grâces produisent de grands dé-
tachements de toutes choses, des mépris de
tout ce qui est estimé dans le monde , des
désirs de souffrir, d'être méprisé, foulé
aux pieds et autres semblables; il suffit do
dire qu'il ne faut que jouir un moment
d'une de ces gr£cQS pour en ressentir des
eilets qui durent quelquefois toute la vie.
La quatrième grâce dont Dieu favorise
certaines personnes dans Toraison affective,
c'est celle qu'on nomme langueur d'amour,
qu'éprouvait l'épouse des cantiques quand
elle disait : Je vous conjure^ filles de Jéru^'
salem , de dire h m.7n bienraimé que je lan-
guis d'amour. C'est ce qu*ont éprouvé beau-
coup de saintes âm )s qui menaient une rie
languissante, et é'^ient presauo toujours
comme dans des défaillances d amour. Tels
étaient saint Bernard et saint François d'As-
sise, sainte Catherine de Sienne et sainte
Thérèse, sainte Angèle de Faligny et sainte
Catherine Qe Gènes, comme on peut le yoir
en leurs Vies, et comme nous en assure sain*
François de Sales dans son livre De ramour
de Dieu. Tel était encore saint Philippe de
Néri, dont le cœur était si enflammé, qu'il
en serait mort si la Providence n'y avait
f>ourvu; on sait que deux Je ses côtes s'é-
evèrent et se rompirent, pour donner plus
d'espace à son cœur embrasé, afin que, res-
pirant plus d'air, i-l en fût rafraîchi. Tels
étaient enfin plusieurs grands serviteurs de
Dieu, dont I amour était si ardent, qu'il
leur fiillait mettre plusieurs linges mouillés
sur la poitrine pour les empêcher de mou-
rir.
La cinquième grâce -do Dieu dans l'o-
raison afleclive est celle qu'on appelle {i-
Îuéfaction, ou écoulement de l'âme en
ieu, et dont parle le saint roi David, quand,
regardant d*un esprit prophétique les tour-
ments du Fils do Dieu, il dit : Mon cœur
s'est fondu comme de la cire au milieu de
mes entrailles. Saint François de Sales, par-
lant de cette grâce que Dieu fait è une
âme, et de la manière dont ell» s'opère en
elle, s'exprime ainsi : « Comment se fait
cet écoulement sacré de l'âme en son bien
aimé? Une extrême complaisance de l'a-
mant en la chose aimée produit une certaine
impuissance spirituelle, qui fait que l'âme ne
se sent plus aucun pouvoir de demeurer en
soi-même. C'est pourquoi, comme un baume
fondu qui n'a plus de fermeté ni de solidi-
té, elle se laisse aller et écouler en ce qu'elle
aime; elle ne se jette pas par manière d'é-
lancement, ni elle ne serre pas par manière
d'union, mais elle va doucement, coulant
comme une chose fluide et liquide dedans
la divinité qu'elle aime, et comme nous
voyons que les nuées, épaissies parle vent
du midi, se fondant et se convertissant en
pluie, ne peuvent plus demeurer en elles-
mêmes, mais tombent et s'écoiilenten bas,
se mêlant si intimement avec la terre
qu'elles détrempent, qu'elles ne sont plus
qu'une même chose avec elle; ainsi i'âme,
laquelle, Quoique amante, demeurait en-
core en efle-même, sort par cet écoule-
ment sacré, cette fluidité sainte, et se
quitte soi-même, non-seulement pour s'unir
au bien-aimé, mais pour se mêler toute et
se détremper en lui. » Voilà comme ce
grand saint explique cette opération divine
dans une âme qui aime Dieu sincèrement.
La sixième grâce de Dieu dans l'oraison
affective est celle qu'on no&ime plaie ou
blessure d'amour. C'est ainsi que furent
blessés sainte Thérèse par le dard dont an
séraphin lui perça le cœur ; sainte &fade-
leine de Pazzi, qui courait par la maison
avec un crucifix à la main, s'écriant: O
amour ^ tf amour/ saint François d'Assise*
qui allait tout transporté en criant de tou-
tes ses forces : Lamour n'esi point aimé.
Voici comme saint François de Sales expli*
que cette opération de Dieu daus les âmes :
« Il y a une sorte de blessure que Dieu
ut
àFW
D^ASCETISME.
àFP
laiHDéme SriC quelquefois ea Tâme qu'il
Teut grandement perfectionner. Car il lui
donne des sentiments admirables, et des
attraits non pareils pour sa souferaine
bonté, comme la pressant et la sollicitant
d*aimer, et alors elle s'élance de force
eomme pour Yoler plus baut vers son diyin
objet ; mais demeurant courte» parce ou'eile
oe peut pas tant aimer comme elle le uésire»
A Dieu ! elle sent une douleur qui n*a point
«Inégale; et en même temps qu'elle est attirée
puissamment à voler Ters son cher bien-aimé,
elle est aussi retenue puissamment et ne peut
▼oler, comme aUacbée aux basses misères
de cette rie mortelle, et de sa propre im*
fioissanee ; elle désire dei ailes de colombe
pomr roter em son repoê, et elle n'en trouve
|K>inl. La roîlà donc rodement tourmentée
entre la violence de $iis élans et celle de sou
impuissance. O misérable que je suis, disait
l*uD de ceui qui ont expérimenté ce tra-
vail, qui me délivrera de ce corps de mort.
Alors, si vous j prenez garde, Tbéo-
time, ce n'est pas le désir d'une chose al>-
sente «{ui blesse le cœur, car Fâme sent que
«on Dieu est présent, il l'a déjà menée dans
son etUier à rie, il a arboré sur son ceeur Pé^
Undard de famour ; mais quoique déjà il la
voie toute sienne, il la presse et décoclie
de temps en temps mille el mille traits de
son amour, lui montrant par de nouveaux
moyens combien il est plus aimable qu'il n'est
aimé et elle uui n'a pas tant de force pour
l'aimer que d amour pour s'efforcer, voyant
ses efforts si faillies en comparaison du dé*
sir qu'elle a pour aimer dignement celui
que nulle force ne peut assez aimer, hélas I
elle se sent outrée uun tourment incompa-
rable : car autant d'élans qu'elle fait pour
voler plus haut en son désirable amour, au-
tant reçoit-eUe de secousses de douleur. Ce
cœur amoureux de son Dieu, désirant inS*
niment d'aimer, voit bien que néanmoins il
ne peut ni assez aimer, ni assez désirer. Or
ce désir qui ne peut réussir est comme un
dard dans le flanc d'un esprit généreux ;
mais la douleur qu'on en reçoit no laisse
pas que d'être aimable, d*au(ant que qui-
conque désire bien d'aimer aime aussi bien
à d&irer, et s'estimerait le plus misérable
de Tuniverss'il ne désirait continuellement
d'aimer ce qui est souverainement aimable.
Désirant d'aimer, il reçoit de la douleur §
mais aimant à dé:iirer, il reçoit de la dou-
ceur. ■ C'est ainsi que ce grand saint nous
explique ce que c'est que celte blessure
d'amour.
La septième grâce de Dîcu dans l'oraison
affective, c'est fine certaine vue (ju^il donne à
cesâmes de leur néant cl ilu mauvais fond qui
est en elles; en sorte qu'elles ont une hor-
reur extrême d elles-mêmes, et se regardent
Mmme abominables. C'est ain^i que saint
Frznçois d'Assise et autres saints, se disant
. si grands pécheurs, parlaient sincèrement,
I«arr45que Dieu leur avait donné celle vue
de leur misère et de leur mauvais fond.
Sainte Catherine do Gênes assurait que si
Dieu nous montrait dans toute son étendue
le fond de péché qui est en nous, cette ?uo
nous ferait mourir do peur. Elle ajoutait
qu'il avait plu à Dieu de lui montrer une
partie de sa malice, et qu'elle avait pensé
en mourir. 11 est des âmes à qui Dieu a
donné cette vue du péché, et qui au milieu
des plus héroïques vertus, ne sérient jamais
de celte pensée qu'elles ne valent rien et
qu'elles sont pires que les démons. Quand
Dieu veut faire part de te don à quelqu'un,
il devient en un moment plus humble que
ceux qui se sont exercés dans la vertu d'hu-
milité pendant plusieurs années. A la vérité,
Dieu ne fait pas toujours ce don dans l'é-
tat d'oraison affective, il le réserve ordinai-
rement aux âmes les plus avancées dans la
voie de la perfection.
La huitième grâce de Dieu dans l'oraison*
affective est une si grande abondance de
douceur, que les âmes qui reçoivent ce jlon
seo\blent être des vases trop petits pour
pouvoir les contenir; elles disent avec
saint François-Xavier : Cest assez^ Seigneur^
c'est Mf«x. Telle est une partie des dons sur-
naturels que Dieu fait à quelques âmes dans
l*oraiscn affective. Toutefois, a'ils nous sont
inconnus, ne nous découraçeons point;
mais allons selou les voies ordinaires, puis-
qu'il le veut ainsi ; soyons fidèles à la grâce
commune qui ne nous manquera pas, ei
Dieu nous fera entrer dans le troisième
état d*oraison, ou de recueillement actif..
Notre âme y trouvera des i^lturages infini-
ment plus gras et plus fertiles que dans les
états précédents, et elle se perfectionnera
beaucoup mieux et plus aisément ou'ello
n'avait jamais fait. (Cqurbon , Etats, aorai'^
sonJUYoy. Rbcueillbmeutactif.)
AFFLICTIONS. — Ce sont les peines do.
corps ou de l'esprit que Dieu nous en-
voie, soitpoor nous donner l'occasion d'ex-
pier une faute passée et nous détourner de*
celles que nous pourrions commettre; soit
pour nous éprouver, afin d'augmenter nos.
mérites, si nous les supportons avec rési-
gnation. Plusieurs esprits superficiels ont eu
peine h concilier les contradictions infinies
Îui aflligent la vie humaine avec l'idée d'un
îeu juste et bon. Ceux-là oublient, d'uno^
part, le dogme du péché originel, qui ex-
plique nettement Télat de souffrance perpé-
tuelle du genre humain et de tous srs mem<»
bres ; de 1 autre* ils ne comprennent rien h.
la destinée de Tbomme. Ils prennent la vie
présente pour une patrie, lorsqu'elle n*est
qu'un temps d'épreuve, d'expiaton. et do
transformation : Afi7t7ta est vita hominis su-
per lerram; ntmo coronabitur nisi qui legi*
time certaterit, dit saint Paul. Qu'on ne se
plaigne pas que l'épreuve est trop longue,
puisqu'elle n est qu'un point en comparai-
son d'une récompense éternelle; ni trop
dou!oureuse, puisque la rémunération est
sans mesure et au-dessus de toute concep-
tion : rœil de Vhomme n"a point en, To-
rei7/e n'a point entendu^ le cœur n*a point
compris ce que Dieu prépare à ceux qu'il
aime.
Les afflictions atteignent l*homme toul
149
ÀFF
bICTIONMAIRE
A6A
tu
limier 9 parce qu*elles doivent le transfor-
fùer et le purifier tout entier t Tesprit et le
corps avec toutes leurs i^uissauce;^. 11 y a
les contrariétés et les afQictions c|e reufance,
(le Tadolescence, de l'Age rqûr» et elles seqa*
illent encore s'aggraver pour la vieillesse.
L'esprit est éprouvé par sqs imperfections^
les impuissances naturelles, par les bornos
opposées à la curiosité de qotre raison»
par les obstacles qui s'opposent ^ ses des-
peins, bons Qu mauvais ; par Torgueil et les
prétentions d*autrui ; par les caractères acer-
pes ou déraisonnables des personnes qui
vivent avec nqus, («o corps est afiligé par les
infirmités naturelles, par ses difformités, sa
pesanteur, par le mauvais service qu'il donne
^ Hntelligence, par ses passions brutales
pi impétueuses, qui en font un cheval fou-
gueux et emporté dans les mains de la
raison. \l est affligé par les malaises, les
fnaladies*, qui le reudeqt un oiiijet inutile
et incommode à soi et à autrui, qui appor-
tent les souffrances et les gémissements, et
iouvent nous tiennent misérableipent sus-
pendus sur Tabîme de la mort, yoilà cet
empire que les a(I}ictions ont sur nous, Eli
^ienl ces afflictions tombient ^galpment sur
tous indistinctement. Mais en tombant sur
jes hqmmes, elles trouvent trois sortes (\e
1>e|;!SQnnes, bieù diversetpent disposées re
ativeruent' à T^ffliction, et elle produit en
pui des énfets bien différents. Elle atteint
d'abord les' sensuels qui vivent comme sans
pieu sur la (erre. Ceux-là sont désespérés
Ï)ar Taffliction ; ils en sont écrasés | elle est
eursoqVerain mal , parcequ'elle n'a pour eux
fiucifne compensation. Ils tournent le dos h
eur destinée, et le revers est pour eux un
(nalhe^r insupportable, et la mort uu mal
' infini, Quand l'affliction atteint les Chrér
iîens tiôdes, elle perd beaucoup de sa ri-
gueur. Ceux-ci ont une foi' faible et lan-
guissante; mais enfin ils ont là fpf, et finis-
sent pi|r reconnaître la main de Dieu qui les .
châtie ou les éprouve dans T'affliction; ils
(inisseqt par se résiijner avec patience aux
paaux inévitables.
Enfin, l'affliction atteint aussi |e petit
Îiombre de justes et de contemplatifs, ^ui
ugent des cnoses de ce monde d^ns leur
rapport avec l'éternité. Ceux*ci, non-seule-
inent ne s'irritent pas contre la main dç Dieu
aui le^ châtie paternellement; non-seule?
lenl souffrent avec résignation, mais en-
core t]|énissent la main qui frappe. Ils re-
mercient Dieu qui les visite par la tribulation.
Ils comprennent l'ei^cellent parti qu'ils peu-
tent tirer des' souffrances et des contradic-
tions; ils se souviennent que la vie est une
épreuve et une expi-itioii; qu'il faut imiter
Jésus-Christ et porter sa croix avec lui, châ-
tier son cQrps el le réduire en servitude, et
femercieiit Dieu qui leur aidCi par les ma*
{adies, h atteindre ce but.
Voi'là ce qu'entendait saint ^ean-Qhrjsos-
tome, lorsqu'il disait à son peuple : « ?/e
flous troublons pas TesprU^ lorsque'nous som-
fàes affligés^ mais prions, de peur de succom-
liter dans 1^ (entalion. Acceptons ce qui nous
est envoyé, et ainsi nous nous dépouillerons
de nos péchés, et s'il y a quelaae jusllcfl
en nous, elle paraîtra plus brillante. Les
vignerons no permettent pas aux boor-
f;eons d*étendre au loin leur chevelure trop
uxuriante; on ne le permet pas plus dans
les arbres, mais la faux s'empresse défaire
tomber tout le superflu , de peur que la
sève, consommée «n feuilles vaines, ne
produise ensuite que des fruits stériles. Il en
est ainsi des hommes. L'âme quiYépuise
en soius pour les douceurs frivoles da
mpnde, devipiit impuissante à produire des
fruits mûrs et parfaits de piété. 8i vous
pressez des objets peu résistants et gonflés
d'air, ils s'affaissent; mais ceux qui suppor-
tent courageusement les afllictions, ressen*
tent un effet contraire. S'ils paraissent pe-
tits et abjects, ils se relèvent et s'agrandissent
par la ré$istauce. Puisque nous savous ceii
choses, continue le saint docteur, acceptons
donc les afflictions avec actions de grâces,
et de pette sorte, nous nous accoututnerons
h les porter, et elles nous deviendront k
prix des biens immortels. » (/n ps. CXLl.)
AGAP^T, diacre de l'Eglise deConstanli-
pople au vr siècle, adres^ une IsUrs à
l'empereur Justinien sur les devoirs d'un
prince chrétien. Les G^ec^ , qui faisaient
^rand cas de cette lettre, l'appelaient h
royale, l^lle a été insérée dans la Bibliothi-
qiie des Père^f et a ét^ plusieurs fois impri-
mée iri-fr',
AGAPETES.-- C'étaient, dans la prîmi^
tivo Eglise, des vierges qui vivaient eu
communauté, et qui servaient les ecclésiasr
tiques par pur motif de piété et de charité.
Ce mot signifie bien^aimée^ et comme le
précédent^ il est dérivé du grec.
Dans la première ferveur de l'Eglise nais^
santé, ces pieuses sociétés, loin d'avo'rrien
de criminel , étaient qécesspires^ à bien des
égards. Ce pqtit nombre de yierges qui fai-
saient, avec la mère du Siauveuf, paftie de
TEglisc, et dont la r:!upart étaient pareple»
de Jésus-Christ ou de ses apôtres, ont vécu
en coiqmun avec evix comme avec .tous les
autres fldèlels. Il en fut de même de celles
que quelques apôtres prirent avec eux en
allant prêcher TÉvangile aux nations : outre
qu'elles étaient probablement leurs pmcbes
parentes, et d'ailleurs 'd*un âge et d'une
vertu hoi's de tout soupçon, ils ne les retin-
rent auprès de leurs personnes qpe pour Ip
seul intérêt de 1 Evangile, apii d^ nouvoir
par leur mojeq , comme dit isàiht Llémenl
d'Alexandrie, introduire la' foi dans certain
nés maisons dont l'accès n'était |)erniis
qu'aux feinmes. Qn sai( quechez les Grec^
leur appartement était séparé et qu'elles
avaient rarement communication avec le^;^
hommes du dehors. On peut dire la même
chose des vierges dont Iq père était promu
aux ordres sacrés, corume des quatre filles
de saipt Philippe, diacre» et de plusieurs
Hutres, Mais, hors do ces cas privilégiés el
de nécessité, il ne paraît pas que l'Kglise
oit jamais soufferf'qùe des vierges, sou^
quel<]im prétexte que ce fût, vécusseçl
lis
AlC
tk^ASCETISXE.
AMB
SM
nfec des ccclésiasliques autres que leurs
plus proches parents. On voit par ses plas
anciens mODuœenls qu'elle a toujours in-
terdit ces sortes de sociélés,Tertullien,dans
son livre sur le voile des vierges^ peint leur
état comme un engagement indispensable è
TJTre éloignées des regards des hommes , è
plus forte raison, à fuir toute cohabitation
avec eux. Saint Cjprien , dans une de ses
épitres, assure aux vierges de son temps,
que FEgiise ne pouvait souffrir non^^seuie-
ment qu'on les vtt loger sous le même toit
avec les hommes, mais encore mander h la
même table: le même saint évôaue, instruit
qu*un de ses collègues venait d'excommu-
nier UQ diacre pour avoir logé plusieurs fois
avec une vierge, félicite ce prélat de cette
action comme d'un trait digne de la pru-
dence et de la fermeté épiscopales ; enfin,
L*s Pères du concile de Nicée défendent ex-
pressément & tous les ecclésiastiques d'avoir
chez eux do ces femmes qu'on appelait sub-
introduciœ^ si ce n'élait leur mère , leur
sœur, ou leur tante paternelle, è regard
desquelles, disent-ils, ce serait une horreur
de f»enser que des ministres du Seigneur
fussent capables de violer les droits de la
nature.
Par cette doctrine des Pères, et par les
précautions prises par le concile de Nicée,
il est probable que la fréquentation des aga-
pèles et des ecclésiastiques avaient occa-
sionné des désordres et des scandales. C'est
ce que semble insinuer saint Jérôme, quand
il demande avec une sorte d'indignation :
Unde agapeiarum pe$ti$ in Ècclesiam introi^
fit? C'est à cette même fin que saint Jean
Chrysostome, après sa promotion au siège
de Constantioople, écrivit deux petits traites
sur le danger de ces sociétés; et enfin le
concile général de Latran, sous Innocent III,
en (139, les abolit entièrement.
ALBERT LE Gband naquit avec le
xiir siècle ; sa grande gloire a été d'avoir
eu pour disciple saint Thomas, et d'avoir
contribué à former ce grand génie. Les
âmes pieuses lui doivent le Paraaie de Vdme.
ALBI (Heiri), né è Bolène, dans le
Comtat-Vouaissin, en 1590, entra chez les
Jésuites à TAge de yehe ans. Après avoir
professé les humanités et la théologie, il
fut successivement recteur des collèges
d'Avignon, d'Arles, de Grenoble et de Lyon.
il mourut à Arles le 6 octobre 1659. Ses
ouvrages ascétiques sont: 1* Uart d'aimer
Dieu; Lyon, 163«. — ^ Du renouvellement
d^tifrit: »bid. 1651, in-4\ — 3* Quelques
Vies de Sainf$.
AI^OCK (Jeao)» savant et pieux évo-
que anglais, naquiiè Beverleyen Yorkshire,
au milieu du xv* siècle, et lit ses études
dans l'université de Cambridge, où il prit
ses degrés. Il dut son avancement à son
tuérite. Une des premières places qu'il
occupa fut celle de doyen de Westminster ;
il fut nommé, en 1&70, à l'évôchéde Roches*
ter, d*où il passa, en 1^76, sur le siège de
Wurcesler, et en 1W6 sur celui d'Ely. Henri
^U le fit ^rand cJiancclicr d'Angleterre^ cl
l'envoya en ambassade prè^ du roi de Cas-
tille. Il mourut en l'année 1500, au mois
d'octobre à Wisbeach, en odeur de sainteté.
Parmi les écrits qu'a laissés ce savant^pré-
lat, on remarque les livres ascétiques qui
suivent : 1** Mons perfectionis ad Carihueia--
nos; 1501,in-V.~- ^Galli cantus ad confra-
très suos curatos^ etc.; H99,in-4*'.— 3** Aoba--
tiœ sancii Spirilus in pura conscienlia fun--
data; 1531, in-4.*. — 4' Medilationes piœ, —
5^ Le mariage d*une vierge avec Jisus-Christ.
C^s différents ouvrages ont tous été publiés
à Londres.
ALCDIN [Flaceus Albinus)^ diacre de
l'Eglise d'York, où il enseignait les sciences
eccTésiatiques, fut appelé en France par
Charlemagne qui le prit pour son maître.
Alcuin fonda, sous les auspices de ce grand
empereur, plusieurs écoles a Aix-la-Chapelle,,
à Tours, etc., et fit renaître les lettres dans
les vastes Etats de ce prince. Il mourut en
804, dans son abbaye de Saint-Martin de
.Tours. Ses œuvres ont été publiées i Paris
en 1617, par André Duchesne, in-fol. Le
P. Chi(Qet a aussi édité un écrit intitulé:
La confession d Alcuin ^ 1656, iB-4-*, que
dom Mabillon prouve être de ce savant. Il
y a dans ces œuvres do la théologie, de la
philosophie, des histoires, des légendes, des
epitres spirituelles,des poésies, eic.Yoj/s fin
du 2' voL le catal. de ses Œuvres ascétiques*
ALOMBRADOS.— Yoy. Illuminés
AMBITION. — Foy. Ëleghqjc, Amour-
PROPRR
AMBBOISE (Saint) naquit vers Tan 340^
Fils d*un préfet des Gaules, il suivit d'abord^
la carrière du barreau. Après la mori
d'Auxence, évèquede Milan,, i! fut élu DOur
lui succéder, par le peuple,, qui le proclama
d'une voix unanime, et ce choix fut conUrmé
par l'empereur Valentinien. Ambroise lut
sacré le 7 décembre 37<k 11 se montra inflexi*
Ûe contre l'hérésie des ariens. On connaît sa
ferme résistance à l'empereur Théodose qu'il
refusa de recevoir dans l'Eglise, après le
massacre de 7,000 habitants de Thessaloni-
que, et auquel il imposa la pénitence publia
que. Il vendit ses vases sacrés pour rache-
ter les captifs que les Goths, dans leurs dé-
vastations, entraînaient de toutes parts. Eih
6x1 après av.oir donné à l'Eglise l'exemple
des plus sublimes vertus, il mourut la veille,
de Pâques» l'an 397, ftgé de cinquante-sept
ans. Ses œuvres ascétiques sont : le l"£tt>ra'
de Cain. — Isaac ou lÀme. — Des avantages,
de la mort.-- Jacob o\h La vie bienheureuse, —
La fuite du siècle, — David pécheur et pini-
tenL—ElU ou Le j/eûne. --Interpellations do
Job en deuxMivres. — Discours sur te*
Psaumes. — Chap. 3 et il^ sur Jont^s, ou L&
saint Traité du Jeûne et de la Pénitence. —
Di»ux livres sur. la Pénitence. —Trois livres
Des devoirs. — Plan de conduite pour une
vierge. — Livre à une vierge sage. — Livre à
une vierge tombée. —De la dignité du sacer^
doce. — Sermons : le \>\ sur la charité; les
25% 26*, 29* et 3i* du jeûne quadragésimal i
les 36%37% 38' 39% W,41* Wd« larmes d^
Pierre; le 3Ji* de la manière de faire pén*'*
}Ainé*m
M7
AMI
l>ll.lU)XNAm£
AMI
818
— Livre de la Vie et de$ maure des prélate. —
Uû &* livre sur divers sujets, utile surtout
aui jeunes gens et aux personnes affligées.
AME, eee divers étais dans Varaisan. —
Yay, Obaiso?!,
AMES (DiBECTioii DBs).-«Foy. Diebctbue.
AMENDEMENT DE LA ViE. — Voy. Mob-
riKiCATfON, PÉfrrrENCB.
AMITIÉ. — L*amitié, en général, se définit :
: une bienveillance réciproque, connue et
i désintéressée entre des personnes oui se
' veulent du bien mutuellement et désirent
se combler de bienfaits réciproques. Il ré-
sulte évidemment de ces paroles : 1* qu*il y
a une différence extrême entre Tamour pro-
prement dit et Tamitié : en effet, Tamour peut
u*étre pas réciproque, il peut être même in-
connu de la personne aimée : d*où il arrive
ï^ue Tamitié renferme toujours l'amour, et
que l'amour ne suppose pas toujours Fami-
tié ; 2* que pour l'amitié, il faut une récipro-
cité de .rapports honnêtes et de vertueuse
bienveillance, sans quoi elle ne pourrait
exister et serait plutôt une liaison corrup-
trice qu'une amitié réelle; 3* que cet amour
mutuel doit être désintéressé et gratuit : re-
cherchef son intérêt particulier, son utilité
Iiropre, serait non le rôle de i'amilié, mais
e caractère du mercenaire. Ainsi, une so-
ciété contractée entre des négociants, dans
l'espoir et la rechorcli** d'un gain mutuel
pour les associés , un traité conclu entre
des princes, dans l'intérêt mutuel de leurs
Etats, nedoiventpoint être considérés comme
des rapports d'amitié, mais comme des rela*
tions qui ont pour base et pour motif un
avantage, un gain quelconque. De même
encore, une liaison fondée sur lenlaisirmême
innocent qui a sa source dans la beauté du
corps, dnus la bonté de caiactère, dans un
rapport sympathique entre deux personnes
de même sexe ou de sexe différent, ne peut
être non plus considérée comme une amitié
réelle; et si cette liaison dégénère en un
amour honteux et impudique et amène un
mutticl consentement à des actes obscènes,
loin d*êlre une amitié, elle n'est plus qu'un
faux amour, qu'une fausse amitié, qu'une
liaine ?éritable, puisqu'elle cherche, non pas
ce qui est bon, mais ce qui est mauvais.
D'où il faut conclure que l'amitié honnête
seule est véritable, et que celle-là seule est
honnête, qui tend à rendre l'ami meilleur ; et
elle sera plus ou moins une amitié vérita-
ble, selon qu'elle sera plusou moins honnête.
L'amitié est naturelle ou surnaturelle , gi"
nérale ou particulière. L'amitié naturelle est
celle qui se fondesur une honnêteté morale,
nnturulleou philosophique: c'est de celle ami-
tié que s'aiment mutuellement par l'inclina-
tion de la nature, les frères et sœurs , les pa-
rents et les enfants, l'époux et l'épouse, les
membres d'un même corps d'état, d'une so-
ciété littéraire, eto. L'amitié .surnaturelle et
tliéotogiquecstcu!lec|ui,ajanlsasourcedans
'in principe elun motif surn^urels,tendaussi
h une fin surnaturelle, comme dans le cas où
lainitié entre les personnes que nous ve-
nous do désigner I serait jointe & la c!:arité
chrétienne, principalement si elle portait des
amis unis entre eux par la charité parfaite,
si elle les portait et les conduisait a la per-
fection et à l'avancement spirituel. L'amitié
^nérale ou universelle est l'amour de cha-
rité par lequel nous aimons tous nos sem-
blables. Cet amour peut être appelé une vé^
ritable amitié» en ce sens qu'il est an amour
d'amitié et non d'intérêt propre , quoiqu'il
lui manque plusieurs caractères de l'amitié
f)roprement dite, comme la réciprocité dans
'affection, le don et le retour d'actes de
bienfaisance» etc. L'amitié particulière est
l'amour de la charité par lequel une personne
en aime une autre de préférence à toute
autre; par exemple» un parent » un conci-
toyen, etc.
L'amitié universelle et Tamitié particu-
lière peuvent être également naturelles ou
surnaturelles. L'amitié particulière peut être
bonne ou numvaise : bonne, si elle a un prin-
cipe et une fin honnêtes; mauvaise» dans lo
cas contraire; et alors elle n'est point pro-
prement une amitié. Dans ce dernier cas,
elle n'est pas autre chose que l'association
de quelques personnes unies entre elles par
ries intentions perverses et conspirant clan*
deslinement, sous la maligne influence du
démon, pour porter atteinte à la loi.
L Cette amitié mauvaise doit être évitée
avec le plus grand soin» et surtout dans les
communautés religieuses : car une amitié de
la sorte portant au mal, quand même ce ne
serait qu*indirectement , ne doit point être
qualifiée du beau nom d'amitié et n'en a
point les aimables caractères, puisqu'elle
veut le mal et non le bien. Aussi lisons-
nous dans saint Matthieu : Si votre ail droite
c'est-à-dire, selon saint Augustin, si votre
ami vous scandalise , rejetex-le et éloignex-ls
de vous (Matth. v, iO). Les Pères de I Eglise
et les maîtres de la vie spirituelle s'élèvent
hautement contre cette amitié mauvaise.
Voici oe que dit saint Basile : « La loi de la
charité ne permet point que, dans cette com-
munauté, il se contracte u'amitié ou d'union
particulière, puisqu'il est inévitable que ces
affections ne portent plus au mal qu'au bien»
et ne causent un préjudice considérable à
l'union générale.» (Basil., Serm. 1 Ascet,)
Selon saint Jean Chrysostome» se lier inti-
mement à deux ou trois, pour se séparer dés
autres, ce n'est point là la charité, mais la
division de la charité. (Chrtsost.» in II
Thessal.^ homil. 3.)» Nous devons éviter soi*
gneusement, ajoute saint François de Sales,
do nous laisser séduire par ces sortes d'ami-
tiés, surtout entre personnes de différent
sexe, sous quelque prétexte que ce soit : car
le démon corrompt souvent 1 amitié de ceux
qui s^aiment de la sorte. On commence par
un amour honnête et vertueus, puis, à moins
d'une extrême prudence , on en vient à un
amourfrivole:de là à un amour sensuel, eteu-
fin à un amour charnel et grossier, (S. Fbaîi-
çois DE Sales. Intr. à lavie dév. m, p.,c, 20.)
11. Ou doit éviter, surtout en religion, de
faire amitié particulière avec ses parents,
soit séculiers, soit môme religieux. Siqucl^
U9
AMI
DASCETISMe.
AlU
V»
am*im vient à moi, dît Noire-Seigneur, et ne
matt'poini Mon père et sa mère^.,. et $es frère$
ei $e$ sœurs, il ne peut être mon disciple
( Lue, xiT, 96). ~ Et ailleurs : Suivex-moi^
dît-il encore, et laissez les morts ensevelir
leurs morts (Matth. viu. 23). Telle est aussi
la doctrine des Pères, et entre autres de
saint Basile qui s'explique à ce sujet de la
maDîàre la plus précise : « Si l'on trouve
que quelqu'un témoigne une trop grande
iDclInatioo pour un frère en religion, ou
pour un parent, ou pour qui que ce soit,
sur quelque prétexte qu'il fonde cette ami-
tié, il faut lui infliger un châtiment, une
punition, è raison du préjudice qu'il porte
a la charité commune. » (Serm. 1 Àseet.)
II est, en effet, facile de voir que l'amour de
la chair et du sang ne peut que nuire ex-
trêmement à l'amour spirituel qui doit ani-
mer parliculièroment les personnes de re-
ligion. Une amitié excessive et trop tendre
pour les parei'its remplit d'inquiétude, et
distrait nécessairement le cœur et l'esprit
des devoirs de la vie monnslique et spiri-
luelle. De là tant de religieux, entraînés
par trop d'altacliement pour leurs proches,
recherchent leurs intérêts malériels, s'oc-
cupent de leurs affairt-s, songent è faire
avancer dans le monde un frère, une sœur,
un neveu, toujours au préjudice de leur
âme à eux-mêmes, et de leur propre voca-
tion quelçiuefAis. De là cette anxiété in-
quiète qui rend certains religieux trop sen-
sibles aux diverses chances de succès ou
d'infortune, d'adversité ou de pros|iérité
qu'ils voient éprouver à leurs proches. Dn
religieux est mort pour le monde, il est cru-
cifie pour le monde; que peut-il donc avoir
de commun avec les gens du siècle, aux-
quels il a renoncé en renonçant au monde?
III. On doit éviter encore*, surtout en re-
ligion', l'amitié particulière pour les per-
sonnes de même pays, de même nation.
Car, bien que cette amitié particulière entre
gens de même \ajs puisse, retenue dans
les Itm'tes d'une sage modération et dans
les règles de la nature et de la grâce, être
quelquefois fort louable, comme nous avons
lieu de l'admirer en ceux qui se sacrifient
au bien spirituel Je leur patrie, souvent re-
peodant elle ne prend sa source et ne fait
que consister en une tendre et douce incli-
nation pour le sol natal ; et elle devient fa-
cilement excessive et déréglée, si on ne lui
met un frein, si on ne la retient dans de jus-
tes bornes, ainsi qu'il convient h un Chré-
tien et particulièrement è un religieux de le
faire. // n'y a point de distinction entre le
Juif et le Gree^ comme dit saint Paul, car
c^est le même Dieu que tous invoquent {Rom.
X, 12). « Savez-vous, dit saint Grégoire de
Nazianze, quelle est ma patrie? Toute la
terre est ma patrie, et ma patrie n'est nulle
l»art sur la terre. » (Orat. 28, n. 35.) En
t érité, il n'y a rien de plus contraire à la
r.iisoa et à la sainteté de la vie religieuse,
que de se laisser emporter par une aveugle
préférence nationale, et de s'attacher è une
I*ersonne, de la préférer à toute autre, uni*
quemeut parce qu'elle est de la même nation,
de la même province, de la même ville
IV. L'amitié particulière doit être éviflëo
entre personnes âgées et jeunes gens, si elle
n*a sa source que dans une affection toute
naturelle et toute bumaîpe, si elle n'a
sa raison d'être que dans un principe
frivole, comme la bonté du caractère, la
beauté du visage, ou quelqu'autre avantage
physique. Aussi saint Jean, en tête de sa
deuxième épitre qu'il adresse k une dame
nommée Electa et à ses enfants, a-t-il soin
de dire qu'il les aime, les chérit dans la vé-
rité. Senior Electœ dominœ et natts ejus^ quos
ego diligo in veritate, pour faire comprendre
qu'il ne veut avoir d'amitié avec cette dame
et ses enfants que dans le Seigneur. Ajoutes
à cela la chute du roi David à la vue de
Betbsabée, le crime des vieillards qui cher-
chaient k déduire la chaste Suzanne dont
l'aspect avait allumé en eux le feu d'un
amour infime. — La beauté extérieure des
jeunes gens, fussent-ils des anges, doit suflire
pour détourner les personnes plus âgée^ de
contracter imprudemment avec eux aucune
amitié particulière. « Ordinairement, dit
saint Basile, les jeunes gens, même les plus
ciiastes, ont je ne sais quelle fleur de jeu-
nesse, quelle fraîcheur de teint, qui excita
le plus souvent l'aiguillon de la chair et des
sens en ceux qui les regardent » (Serm. 1
Àscet.) — c Evitez, autant que voua le
p«iurrez décemment, dit saint Bernard, la
compagnie et Tamitié des jeunes gens, et
surtout de ceux qui ont encore la flgure en*
fantine. ■ {Form. hon. Fiï., o. 6. )— « Si
l'on s'aperçoit, ajoute saint Pacôme dans
la rè^le qu'il donne k ses moines , si
Ton s*atierçoit qu'un frère s'amuse volon-
tiers â jouer et k badiner avec les enfants, k
leur faire des caresses d'amitié, on l'avertira
par trois fois de renoncer k de telles liai-
sons, de se rappeler la crainte de Dieu et
de revenir k des habitudes plus honnêtes ;
s'il ne veut pas cesser, il sera puni du châti-
ment le plus sévère, ainsi qu'il le mérite. »
( Pacbov. iteg., c. 90. ) — Quant k ce qui
concerne ces sortes d'amitiés entre per--
sonnes de différent sexe, voici ce qu'en dit
saint Bonaventure : « Si vous ne dé^iaîgnez
pas mon avis, je vous conseille de ne jamais
contracter d'amitié particulière avec au-
cune femme, quand ce serait une religieuse,
3uand ce serait une sainte ; car outre le
anger des tentations de la chair qu'une
telle iiaison amène toujours; outre les
soupçons et la mauvaise idée qu'elle suggère
aux autres sur la pureté de ceux qui s'jr
laissent prendre, une telle affection ftarticu-
lière engendre toujours une excessive in*
quiétude dans le cœur. ■ {Opusc. de inform.
novit,, 39. )
V. Les jeunes gens doivent également
éviter de contracter entre eux une amitié
trop particulière. La raison en est que, si les
glaces de la vieillesse ne suilisent point pour
résister au feu de la jeunesse, k plus Jforte
raison les rapports intimes déjeune homme
k jeune bumuio seront-ils dangereux. S*il
251
àMI
DlCnONNÂinB
AMI
2!»
suffit pour allumer un eharbon éteint de
rapprocher d*un cliarbon en feu, que se-
ra-ce si les deux charbons sont embrasés ?
Une amitié particulière entre deux ou plu*
sieurs* jeunes gens qu*un caractère sympa-
thique unit entre eux, à moins de s*éle?er
et de s*enDoblir }iar Tamour de la vertu et
le zèle pour l'arancement spiriluelt ne peut
produire (|ue des effets yaîns, que des dis-
tractions inutiles et étrangères h Tesprit re-
ligieux; et cette seule raison sufQt pour
qa*on l*éTite. Il j a en outre un gra?^ dan-
ger (témoin bien de tristes expériences!)
que de ces inutilités on ne passe h des actes
Ticieox et scandaleux» et qu'il n'en résulte
un dommage sourent irréparable pour Thon-
nèteté publique et privée. « Il serait trop
long de raconter, dit saint Laurent Justinien,
les paroles, les actions, les pensées obscè-
nes nue produit, sous ce voile de la rliarité,
une liaison trop familière peu à peu dégéné-
rée en amitié déréglée. » (De dise, mon.^
c. 2S.) Cassien, traitant le même sujet, rap-
porte que chez les anciens moines d'Egypte
on veillait avec la plus scrupuleuse atten-
tion à ce que deux frères, jeunes surtout,
ne restassent ensemble à Técart, ne s'é-
loiçnassent des autres, ne se donnassent la
main. ( xxi InslUul.^ c. 15.)
VI. L*ami(ié particulière doit être évitée
entre ceux qui se conduisent avec tiédeur
dans le service de Dieu. • Que faites-vous le,
disait le propriétaire de la vigne h des ou-
vriers inoccupés , que faites-vous Ih sans
travailler de tout le Jour : Quid hic stalis
iota die otioiif» (Matih. xx, 6.) Ce repro-
che s'adresse è tous les Chrétiens, et particu-.
lièrement aux religieux, qui au lieu de tra-
vailler à la vigne du Soigneur, ainsi que
les y oblige leur proi)re vocation, au lieu de
planter les vertus dans leur c^Kur et dans
celui du prochain, se tiennent tout le jour,
comme aes serviteurs inutiles et des ou-
vriers inoccupés, loin de ceux qui travaillent,
et passent le temps è des riens, à des frivo-
lités en compagnie d*amls particuliers; ce
temps qu'ils devraient employer au service
de Dieu, ils le sacrifient à leur amour-pro-^
pre; ils devraient toujours, en raison de
leur état, avancer, faire des progrès dans la
voie de la perfection ; mais non, ils sont là
k rien faire, et au lieu d'avancer, ils reçu*
lent. Saint Lnurent Justinien s^élève avoc
véhémence contre une telle conduite. « On
lei voit, dit-il, toujours courir cà et là, cher-»
chant ceux qui Jour ressemaient ; ils se
réunissent à I écart, ils se livrent à de longs
entretiens pendant le temps du silence, ils
attaquent et déchirent les absents, et non
contents de leur propre damnation, ils s*ef-
forcentde perdre les autres avec eux Et
afm de pnuvoir se laisser entrainer à leurs
alTections déréglées , ils violent les règles
des Pères, ils n'observent point les consti-
tutions du monastère, ils font peu de cas du
silence, ils dédaignent la prière, ils négli-
gent le saint et srcret repos de la cellule,
el, malgré les remords, qui comme un ver
rongeur déchirent leur consciente, ils se
laissent dominer tout entiers par leurs sen-
timents et leurs désirs dépravés... Dans leurs
entretiens familiers, hélas 1 trop assidus, il
n'y a que paroles vaines, mépris des autres,
détractions, rires bouffons et immodérés :
de là dissipation du cceur et distraction de
l'esprit, perle de la componction, soustrac-
tion de la grâce, scandale du prochain, ou-
bli de la prière, ténèbres et endurcissement
de la conscience, et enfin perte déplorable
d'un temps si précieux... Ils aiment i se
trouver avec leurs amis, avec ceux qui leur
ressemblent, ils se livrent à de frivoles
amusements, ils se tiennent à Kécart, ils
veulent toujours apprendre et voir de nou-
velles choses, et ne cessent de s'occuper
avec una curiosité inquiète de ce qui con<
cerne les autres ; et ils ne s'aperçoivent pas
que, plus ils se repaissent de ces aliments
grossiers de la chair, plus l'esprit intérieur
s'affaiblit en eux ; et que, comme des ma-
lades hvdropiques, plus ils s'abreuvent i la
coupe des joies passagères de cette vie, plus
ils sentent une soif cruelle les dévorer, b
(De diic. mon,^ c. 22.)
VII. Les amitiés particulières mauvaises
doivent être évitées avec encore plus de
soin par les gens du monde. Ailulterei, m
taveX'Vous paSy dit saint Jacques, jue Tamt-
tié de ce monde est ennemie de Dieu? Celui
donc qui voudra être ami de ce ei^cle^ h fait
l'ennemi de Dieu (Jacob, iv, h). — If aimez
point le monde^ ajoute saint Jean, ni ce qui
est dans le monde. Si Quelqu'un aime le monde,
la charité du Pire n est poinf en lui; parce
que tout ce qui eH dans te monde n'est que
concupiscence de la chair et concupiscence du
yeuXj et orgueil de la vie; or y cette concupis*
cence n'est point du PirCf mais elle est du
monde (IJoan. ii, 15).
De là il suit que toutes ces mauvaises
amitiés particulière^, que nous avons com-
battues jusqu'ici, doivent être, à plus forte
raison, évitées par les gens du monde:
i* Pour ce qui concerne l'amitié particu-
lière fondée sur la concupiscence de la cAair,
c'est*à-dire la gourmandise et la luxure,
voici ce qu'en dit saint Paul : Il en est beau-
coup dont je vous ai dit souvent et dont je
vous dis encore en pleurant , qu'ils sont en-
nemis ois la croix du Christ^ dont la fin est la
perdition^ qui font leur dieu de leur venlre^rt
!fut, n'ayant du goût que pour Us choses de
aterre, mettent leur gloire dans leur igno-
minie (Philipp. III, 18). Le même apôlre
énumère, au chap. y de son EpUreaux Ga-
latesy les oeuvres de la chair qui excluent
du royaunae de Dieu , quoniam qui ww
aguntf regnum Dei non possidebunt; et dans
son Epitre aux Romains^ chap. xni, il i^ovs
avertit de ne point vivre dans l'intempé-
rance et rivrognerie, dans l'inoonlinence et
l'impureté. Et quant à ce qui regarde la
luxure, saint Grégoire de Naziaoze s'aurcs-
snnl à la femme trop élégan\raenl paréjJ f
« Vous vous plairez a voir, lui dit-il» celui
qui admire votre beauté; vous rendrez re*
gard pour regard; de doux sourires vien-
dront biculOtf puis les çntretie^s dwW
àin
D^ASCfTiSME.
AMI
151
quelqao pea limiJes et réseryés, se ch.iD-
geroot eo discours libres et sans pudeur.
Au reste* je tous le dis eu vérité* en tout
ce que les femmes disent ou font en badi-
lunt irec les jeunes gens. Il y a un dange-
reux aiguillon pour l'impureté. » {Adv.
wmlier^ ambii. $e onuml.) En effet, n'est-il
pas évident qu'une telle amitié ne oeut être
chrétienne, qu'elle ne peut être qu une ami*
lié fausse, aésbonnète et vicieuse, qu'elle
ne peut Aire, en un mot, qu*une liaison
d*intemi>érance et d'impudicité?
De là il faut conclure que toutes les ami-
tiés qui n*ont pour fondement qu'un amour
sensible, et que les hommes du monde ap-
pellent mcrars polies et galantes, etc., sont
pleines de péril, et la source de tristes
ehates, et qu il but se garder de croire que
Ton puisse éprouver et inspirer un amour
violent, surtout entre personnes de diQé-
rent sexe, pour la beauté extérieure ou
fioiir d'autres qualité» qui enflamment les
sens, et s'en tenir à un amour abstrait, p/a*
l^mftfe, comme ils disent, et par conséquent
être à l'abri de tout danger. De tels 4>s*
cours sont de vrais paradoxes, « Vouloir se
modérer dans l'amour, dit Sénèque, en s'y
laissant aller, c*est vouloir déraisonner avec
la raison. ■ Selon saint François de Sales et
saint Laurent Juslinieu, l'amour spirituel
eft dégénéré en amour sensible et cnarnci,
entra personnes de sexe différent, lors-
qu'elles cherchent à se trouver ensemble,
qu'elles sont tristes d'être séparées, qu'elles
aiment à converser seule k seule,
2" L'amitié particulière fondée sur la con-
cupiscence des jeux, c'est-à-dire sur Tava-
ciceet la curiositié, doit être évitée avec non
moins de soin par les gens du monde. Je
f oiâ éefi9f dit saint Paul aux Corinthiens,
pour que vau$ noyez aucun commerce^ pour
que 90Ui ne mangiez poini à la mime îable^
fitec le$ fomieateurs ni le$ avaree^ avec les
idolâtrée^ axec les médisante^ atee les iwoanes
pt Ifi rôtisseurs du bien d'auirui (/ Cor*
T, li). Saint Grégoire, commentant ces pa-
fole$ de Jérémie : Aseendii mors per feae^
^tras nosiras (ix, 21), s'exprime en ces ter-
mes ! « La mort monte par no» fenêtres et
^ntre che^ nous, lorsque, par les sens du
corps, la concupiscence pénètre jusqu*à
notro Ame, et j lait sa demeure* Celui qui
re^rde imprudemment an dehors par ces
fenêtres est ordinairement, et malgré lui,
entraîné à la délectation du péché; et com-
inence, poussé qu'il est par la concupiscence,
^ vouloir ce qu'il ne voulait pas... Pour
que l'âme se conserve pure dans ses pen-
sées, il faut détourner les yeux de ce qui
les flatte voluptueusement : car nos yeux
sont comme des voleurs qui cherchent à lui
ravir son tnqocence. i (L. ixi Mor.f c. 9.)
3* L'amitié particulière fondée sur l'o'r-
gnetl de la vie, ou sur l'amour déréglé fie
^ propre sup^rioriié, doit être principaler
nient évitée par las personnes du monde.
4^ commencement^ la source delout péché est
Çorgueily dit TEcritore. iEccli. x, 15.) « Aussi,
^çqle s^int TUomas« le pretu^er p^cbé du
premier homme fut l'orgueil. » {Secundo se-
eundœ^ q«8^, a. 2.) Saint Jean Chrysostoroe,
prouvant la même vérité par la chute de nos
premiers parents, remarque les diverses
fautes qui amenèrent cette chute lamenta-
ble : la première, c*est que la. femme, éioi*
gnée de la présence de son mari, engage
avec le serpent un entretien secret et ami(»l
en quelque sorte ; la seconde, qu'elle l'in*
terroge indiscrètement sur le dessein de
Dieu ; la troisième, qu'elle se laisse séduire
par l'orgueil et par ces paroles qui flattent
son amour«propre : « Vous sere^ comme des
dieux; »la quatrième, que, pour se procu-
rer cet honneur divin qui uii est promis,
elle mançe du fruit que Dieu lui a interdit;
et enfln, la cinquième, qu'elle séduit à son
tour son mari, et le porte an même orgueil et
à ta même désobéissance. Voilà bien tous
les caractères de l'amitié particulière fondée
sur Torgueil et l'ambition; car c'est par sa
triste influence que le pauvre cherche à deve«
nir riche et noble;lc noble àdivenir prince $
le prince à devenir roi, et te roi à se faire
le monarque suprême de l'univers. Pour ar«
river à cette Gn, et snns égard à l'ordre éta-
bli par la sagesse de Dieu, on emploie toutes
sortes de moyens, bons et mauvais; on re^
cherche la faveur des grands et l'amitié des
autres pour l'honneur et l'intérêt d'un ami;
le prince ambitieux recherche de nombreux
aillés pour entreprendre toutes sortes de
guerres justes ou iqjustes; le marchand, des
associés |>our toutes sortes de spéculations
commerciales, licites^ ou illicites; le dueN
liste des témoins, pour soutenir, par une
lutte homicide, un faux point d'honneur. Si
un emploi considérable se présente, on y
pousse son ami, sans le moindre égard à sa
capacité, et bien quM doive résulter de là
un grave préjudice [>our l'intérêt public*
Pour ne point contrarier une femme ou des
enlbnts, on les laisse, par une lâche conni-
vence de cette amitié de la chair et du sang,
se II?rêr à leurs mauvaises inclinations,
s'adonner au vice, etc. Concluons donc que
de telles amitiés ne peuvent que produire
de funestes effets et doivent être évitées
avec le plus grand soin.
VIU. Si l^mitié particulière fondée sur
un principe mauvais et portant au mal doit
être évitée, il n'en est pas de même de Ta-r
mitié particulière dans le Seigneur; celle-ci
n'a pour but que ï'avancemenl spirituel dans
la perfection chrétienne, et, par conséguemt,
elle est fort louable , et même un religieux
doit la pratiquer. Faites amitié ^ dit l'Hcri^
Inref et troutez' tous souvent avec Phomme
sainte avec celui qui a la crainte du Seigneur,
et dont rdme est en rapport avec votre dme;
si vous venez à trébucher dans les ténèbres, il
vous relèvera et vous consolera {Eccli. xxxTIt,
15.) — Ouil est bon, qu'il est doux pour des
(rires dnabiln- ensemble et dans /'ufiion/dit
e Psalmiste. [Ps. cxxxii, 1.) Saint Basile,
traitant de cette amitié, s'exprime ainsi:
« On doit avoir soin dans toute communauté,
nonobstant la charité génér<ile qui nous unit
à tous les memlircs, de rendre cependant
VIS
AMI
MCTIONMAIRE
AMI
M»
S
•
If
)Ins dlioancur à ceux qui sont plus utiles
i notre avancement, et de leur témoigner
plus de conHance et d*affeclion. » (Serm. 2
Ascet.) Ce saint docteur en a donné lui-même
un exemi'le admirable par sa liaison indis-
soluble et sa tendre amitié avec saint Gré-
goire de Nazianze. « Nous {paraissions» Jit
ce dernier à ce sujet , n'avoir (|u'une âme
animant deux corps. L'un et Tauire, nous
n^avions qu*un désir» qu'une occu()ationt la
pratique ue la vertu; nous ne vivions que
pour les espérances immortelles» et nous
cherchions a n'être plus de ce monde même
avant notre mort. Les yeux constamment
fixés vers ce but sublime» nous dirigions
notre vie et nos actions dans la voie des
commandements de Dieu» nous nous ani-
mions l'un l'autre à Tamour de la vertu, et»
si vous me permettez de le dire» nous étions
le modèle l'un de l'autre» nous étions l'un
pour Taulre la règle qui nous faisait distin-
guer le bien du mal. » (Serm. 20 In obit, S.
Basil.) Selon saint François de Sales» l'a-
mitié fondée sur la vertu et n'ayant pour
but que la vertu» la charité, la dévotion» la
perfection chrétienne, doit èlre appelée une
amitié sublime : sublime» parce qu elle vient
de Dieu ; sublime, parce que Dieu même en
est le lien; sublime» parce qu'elle doit durer
éternellement avec Dieu. {Vie dévote, u* part.»
ch. 19.) En effet» deux ou plusieurs per-
sonnes, unies par une telle amitié, ne s'ai-
ment que pour s'animer davantage h l'amour
de Dieu par de saints entretiens et par des
prières réciproques; et en s'aimant parfai-
tement dans le Seigneur, elles remplissent
dans sa \)\as haute perfection le beau pré-
conte d*aimer le prochain comme soi-même,
selon celte parole de saint Augustin : a Heu-
reux celui qui vous aime, ô Dieu, et qui
niiiie son and en vous!... car celui-là seul
ne perd aucun de ses amis » puisqu'il lès
aime tous en celui qui ne se perd point. »
(Confess.^ I. iv, c. 9.)
I\. Celte amitié dans le Seigneur est en-
core plus louable dans les personnes du
siècle. Ex|)0S(^es comme elles le sont à toutes
sortes d*enncmis de part et d'autre, elles ont
besoin d'un ami (idèle qui les environne de
sa p.oleclion et les aide à se procurer la
sainteté de vie et l'immortalité. {Eccli. vi,
H.) C*esl aux gens du monde (|ue s'adresse
parliculiùrcmenl cet avis de l'Ecrilure i^flQ
nous avons rapporté au numéro précédent :
Faites amitié et trouvez-vous souveni avec
rhomme saint, avec celui qui a la crainte de
Dieu, et dont Vdme est svmpathiaue à votre
âne : si vous venez à trébucher dans les té^
n-'bres, il vous relèvera et vous consolera,
(Eccli. xsxvii» Ij.) — « La consolation do
celle vie, dit saint Ambroise» c'est d'avoir
quelqu'un à qui nous ouvrions notre cœur
avec ses pensées et ses secrets» c'est de se
choisir un homme fidèle qui prenne parla
nos joies» qui compatisse a nos douleurs et
nous soutienne dtns l'adversité.» (L. m De
offic,^ c. 22.J Sainte Thérèse et sainl Fran-
çois de Sales recommandent singuliè.ement
CCS saintes amitiés particulières» et en ensei-
gnent môme la nécessité pour les gens du
monde : « par ce moyen» ait ce dernier» ils
sont animéSi aidés et conduits au bien. » [Vit
dév.)
X. Mais pour que cette bonne amitié par-
ticulière ne dégénère point, et ne soit point
nuisible» mais utile à la perfection» quelques
précautions sont nécessairement è prendre.
l"" La première est que toute amitié» ou in-
différente» ou moralement bonne» telle que
l'amitié naturelle entre parents, ou l'amitié
civile entre concitoyens, etc.» soit relevée
par le motif de la charité et de la perfection
chrétienne» et qu'elle tende à une fin surna-
turelle. Aussi, le Sauveur a<-t*il dit : Si vous
aimez ceux qui vous aimenif quelle récom-
pense m aurez-vous? (Mat th. y» i6.) De là
encore» quoique Dieu nous commande d'ai-
mer plus spécialement nos père et mère, il
dit aussi : Si quelqu'un vient à mot» e^fieAat^
point son père et sa mêre^ ^tc.» il ne peut être
mon disciple (Luc. v» 26). < Or » dit saintGré-
goire» commentant ce texte» nous devons
régler cette haine de nos parents» de telle
sorte que nous aimions en eux ce qu'ils soni,
et que nous haïssions en eux ce qui nous
empêche d'arriver à Dieu. » (Homil. 37 m
Evang.) Saint Thomas nous enseigne lama*
nière de relever ces amitiés par la charité:
a Je puis» dit-il» vouloir par un principe
de charité» que cette personne qui m'est pa-
rente soit meilleure qu'une autre^ et puisse
par là obtenir un plus haut degré de gloire
cl de béatitude dans le ciel. Cela peut eacoro
se fin're autrement» selon que nous aimons
de diverses manières. Car» quant à ceux qui
ne nous sont point unis par le sang, nous
n'avons pour eux qu'une amitié de charité;
mais» pour ceux qui nous sont unis |iar le
sang» nous Us aimons de diverses manières,
selon les divers degrés de parenté qu'ils ont
avec nous. Et ainsi» cet amour que nous
avons pour quelqu'un » ou parce qu'il est
notre parent, ou parce qu'il est notre com-
patriote» ou pour quelque autre motif louable
et susceptible d'être relevé par la charité, cet
amour peut être commando par la charilé.»
C'est ainsi que les hommes vraiment spin-
luels aiment ceux qui leur sont unis par le
sing; ils les aiment d'une amitié purement
spirituelle» en rapportant tout motif de les
aimer au désir et à la recherche de leur
bien spirituel. On peut lire à ce sujet les
excellents avis de sainte Thérèse. [Youdtla
perfection^ ch. 9.)
2* L'amitié particulière dans le Seigneur
ne doit point exclure, mais plutôt reufertiier
et produire l'amitié générale et proporlioo-
nolle pour lous»même pour les pécheurs el les
ennemis. Car le précepte delà charilé "'»
sans exception : Vous aimerez votre prochatn
comme vous-même [Matth, xxn, 39). EtNolr^-
Seigneur ajoute : Pour moi je vous le^i^f
c%:nez vos ennemis (Matth. v» W). t Nous ne
devons haïr dans les pécheurs que le péelio»
dit saint Thomas, el nous devons \e^^^^^!^
en ce qu'ils sont appelés à la béalilufje c^
lesle, cl c'est ainsi que Ton aime vérilauje-
muni i)0ur Dieu. » (2-2, q. 25, a. t)^^^'
AMO
D'ASCEnSVE.
mitié de eharilé, ajoute-t-ii, s'éleod aussi
«QX eonemis , qoe dous devons aimer de
charité et poor Dieu, h qui se rapporte prin-
cipalemenl Tamitié de cbarilé. > (/6ûl., a. 6.)
Or, cet amoor de charité enrers les pécheurs
et les eonemis peut Téritablement se dire
amitié , parce que c'est un amour non do
concupiscence , mais d*amitié , bien qu*tl
manque de retour et qu'il n*y ait point com-
munication et réciprocité de bien^. C'est
aussi une amitié fondée sur l'honnêteté « en
ce sens que, si elle n'est pas fondée sur
rhonnèteté du prochain, elle l'est sur l'hon-
Dételé qn'on lui désire. EnGn celte amitié
oniYerselle n*est point un obstacle à une
amitié plus grande pour quelques-uns, ni k
une amitié [larticulière pour une ou deui
personnes, ainsi que nous allons le dire pour
terminer ce long article.
3* Dans Famitîé particulière entre deux
personnes , principalement dans la même
communauté, on doit éviter avec soin toute
commuHieaiion extérieure qui ne soit pas
purement spirituelle, ou qui cause quelque
scandale. Prenez garde ^ dit saint Paul, que
reiie permission que je vous accorde ne soie
us scandale pour Us faibles (f Cor, nii, 9).
« La sainte amitié, selon saint Jérôme, ne
eonnatt point ces petits présents, ces petites
eoterieSy ces douces et tendres correspon-
dances, ces billets flatteurs. Toutes ces ex-
pressions de tendresse, ces petites politesses,
ces empressements , ces prévenances ridi-
cules nous font rougir même dans des
amants de comédie » et nous les détestons
dans les personnes du monde; que serait-ce,
si Doas les trouvions chez les religieux et
les clercs? ■ (Micaoït., Epist. 2 ad Nepoi.)
Saint Jean Climaque rapporte q-i'il connais-
sait deux jeunes gens qui s'aim lient de l'a-
mitié la plus chaste et selon Dieu, et qui,
cependant, s'apercevaiit que la conscience
des autres en était offensée, convinrent
entre eux de s'éloigner pour quelque temps.
Sainte Thérèse, qui permettait les amitiés
particulières dans les communautés nom-
breuses, les défendait dans les petites com-
ronflantes. Il est érident, enfin, que si l'a-
mitié particulière était accompagnée de
quelque communication extérieure et aen-
saelle, ou si elle était pour les autres une
source, une occasion de scandale , elle ne
serait ptns alors une amitié vraiment spiri-
tuelle, et n'aurait plus pour fin l'avancement
et le progrès dans les TOies spirituelles et
parCiites.
AMOUR DE DIED ET DU PROCHAIN. *a
Fejf. CHAmrri.
AMOUR-PROt'RE. —C'est l'amour exagéré
de nous-mêmes. L'amoor-propre n'est consi«
déré généralement que comme on diminutif
de l'orgueil : souvent il a le môme sens que
Toniiéf c'est-à-dire qu'il s'applique à des
choses plus superficielles. Quoi qu'il en soit,
il tient de la nature de Toi^ueil, et doit être
comtMttu par les mêmes moyens. Saint
Paul a caractérisé durement Tamour-propre
en pariant prophétiquement des hérésiar-
ques : // tiendra^ dit-il, des hommes amouieux
d'oix^émeSf hauiams^ superbes^ violenis, etc.
Un homme qui s'aime à l'excès rapporta
tout à son propre intérêt ; il veut une préfé-
rence exclusive, ne rend justice à personne :
cest un ennemi commun; plus il est sensi*
ble et chatouilleux, plus il est aisé de le
chagriner et de le mortifier.
Voici comment le peint un moraliste que
nous nous garderons bien de citer souvent,
Larochefoucauld : « Rien n'est si impétueux
que ses désirs, rien de si caché que ses des-
seins, rien de si habile que sa conduite
L'amour-propre est le plus grand de tous les
flatteurs. ■
L'amour de nous-mêmes, pris dans un
sens raisonnable et mesuré, est légitime,
puisque Jésus-Christ nous commande d ai-
mer notre prochain comme nous-mêmes;
1 amour que nous avons pour nous-mêmes
est on modèle que Dieu nous propose.
Charité bien ordonnée, disent les théolo-
giens, commence par soi-même; et Abba-
die dit très-philosophiquement : l'amour-
propre entre essentiellement dans Texercico
des vertus, ei une lionne action n'est qu'une
manière de s'aimer plus noble que les au-
tres. Dieu intér&sse famour-propre par ses
promesses et par s^ menaces, et il en fait un
motif pour nous conduire à la sanctification.
Ainsi on peut, on doit même s'aimer, mais
selon la règle, c'est«è-dire en aimant Dieu
par-dessus tout, et en aimant son prochain
comme soi-même et en respectant tous ses
droits, en pratiquant envers lui tous les
éffards qoe commande ou qu'inspire la
charité.
On doit s'aimer, mais sans oublier ses dé-
fauts, sa petitesse, ses misères, ses péchés, ses
mau vais penchants, ses torts effectifs envers le
prochain, ceux dont on est encore capable. On
doit s'aimert mais en songeant que nous n'a-
vons pas ledroitde nous enorgoeillirbeaucoup
de ce ou'il y a de bon en pous, puisque la
grâce ue Dieu, les dons naturels comme les
surnaturels, les bons exemples, les bons
avis j entrent pour une si grande part, et
que ce qui reste notre pre^triété dans nos
lionnes œuvres n'est presque rien en com-
paraison de ce qui nous est étranger.
Nous devons nous aimer, et si nous vou-
lons le faire parfiiitement, il faut nous aimer
tout pour Dieu qui nous a mis au monde
pour sa gloire, et qui désire que nous ten-
dions sans cesse et simplement et purement
vers ce but digne de lui et de nous.
L'amour-propre trahit ses intérêts à fgrce
d'être intéressé. Celte maxime est vraie,,
même appliquée aux intérêts de ce monde ;
elle est encore vraie appliquée aux choses
du ciel. Plus on aime Dieu* pour lui-même , ^
avec le moins de retour possible vers l'a-
mour de soi, plus nous sommes agréables
à Dieu, el plus aussi nous faisons Mlle la
part qui nous est réservée dans le rojaume
de Dieu.
François de Sales a parlé de l'amour-
propre dans les choses extérieures avec un
esprit et une vivacité bien capnbles d'en gu<V
rir. Ce qu'il dit semble, il est vrai, s'appli-
tt^
ÂMO
DICTI0?INÂ!RE
AMO
260
quer plus spécialement b la vanité; 'néan'*
moins il va aussi à notro sujet.
c H y en a qui se rendent tiers et morgants
pour estro sur un bon chevali pour avoir
un paonache en leur cbappeau, pour estre
habHlei somptueusement; mais qui ne voit
cette folie? Car s*il y a de la gloire pour
cela» elle est pour le cheval, pour Toyseau»
et pour le tailleur. Et quelle lascbeté de
courage est-ce d*emprunter son estime d*un
cheval, d'une plume, d*un goderon I Les au-
tres se prisent et regardent uour des nrous-
taches relevées, pour une barbe bien peignée»
})Our des cheveux crespez, pour des mains
douillettes, polir savoir danser, joiier, cbsn«
ter ; mais ne sont-ils pas lasches de courage,
de vouloir enchérir leur valeur, et donner
du surcroist à leur réputation par des choses
si frivoles et folastres? Les autres pour un
peu de science veulent estre honorez et
respectez du monde : comme si chtMicun
devoit aller k l'escole chez eux, et les tenir
pour maistres : c*est pourquoy on les ai>-
pelle pedans. Les autres se pavannent
sur la considération de Ijour beauté, et
croyent que tout le monde les muguetto.
Tout cela est extrêmement vain, sot et im-
Eerttnent : et la gloire qu*on prend de si fai*
les sujets, s'appelle vaine, sotte et frivole.
On cognoist le vray bien comme le vray
baume : on fait Tessay du baume en le dis-
tillant dedans reau|, car s*il va au fond»
et qu*il prenne le dessous» il est jugé
pour estre du plus Gn et précieux : ^insi
pour cognoistre si un homme est vravo-
ment sage , sçavaut , généreux , noble ,
il faut voir si ses biens tendent h Thu»
roanité, modestie et soubmission : car
alors ce seront de vrais biens; mais s'ils
surnagent et qu'ils veuillent paroistre, oe
seront dès biens d'autant moins véritables
qu'ails seront plus apparens. Les perles qui
sont cooceiies ou nourries au vent et au bruit
des tonnerres, n'ont que l'escorce de perle, et
sont vuides de substance, et ainsi les vertus
et belles qualitez des hommes qui sont re-
ceuës et nourries en Torguéil, en la ventauce
et en la vanité, n'ont qu'une simple appa-*
rence du bien, sans suc, sans moûelle,et saiis
solidité.
« Les honneurs, les rangs, les dignitez,
sont comme le saffran, qui se porto mieux
et vient plus abondamment d'estre foulé aux
pieds. Ce n'est plus honneur d'estre beau
quand on s'en regarde ; la beauté pour avoir
bonne grâce doit eslro négligée : la science
nous des-honore quand elle nous enfle, et
qu'elle dégénère en pédanterie.
« Si nous sommes poinctilleux pour les
rangs, pour les séances, pour les tiltres, outre
qnenous exposons nos qualitez à l'examen,
• Tenqueste et è la contradiction, nous les
rendons viles et abjectes : car l'honneur qui
est beau estant receu en don, devient vilain
auand il est exigé, recherché et demandé.
>oand le paon fait sa roiie pour se voir, en
levant ses belles plumes, il se hérisse tout le
reste, et monstre de part et d'autre ce qu'il
a d'infâme : les fleurs qui sont belles plan*
lécs en terre, tie$tt*issent estant maniées. Et
comme ceux qui odorent la mandragore de
loin, et en passant, reçoivent beaucoup de
suavité; mais ceux qui la sentent de près et
longuement, en deviennent assoupis et ma-
lades : ainsi les honneurs ren-lent une douce
consolation h celuy qui les odore de loin %i
légèrement sans s'^ amuser, ous*en empres-
ser : mais à qui s'y affectionne et s'en
repaist, ils sont extrêmement blasmables et
vituperablea.
« La poursuite et amour de la vertu €om«
mence à nous rendre vertueux» mais la pour-
suite et amour des honneurs commence à
nous rendre mesprisables et fituperables.
Les esprits bien nays ne s'amusent pas i ces
menus fatras de rang, d'honneur, de saluta-
tions ; ils ont d'autres choses à faire x c'est le
propre des esprits fainéants. Qui peut avoir
des perles, ne se charge pas de coquilles, «t
ceux qui prétendent à la vertu, nes'emprcs*
sent point pour les honneurs. Certes, cbascuri
peut entrer en son rang, s'y tenir sang
violer l'humilité , pourveu que cela se fasse
négligemment et sans contention. Carcomme
ceux qui viennent du, Peru, outre l'or et
Targent qu'ils en tirent, apportent encore dos
singes ei perroquets, parce qu'ils ne leur
coustent gueres, et ne chargent pas aussi
beaucoup leur navire : ainsi ceux qui pre*
tendent a la vertu, ne laissent pas de pren-
dre leurs rangs et les honneurs qui leur
sont deus pourveu touteafois que cela m
leur coustepas beaucoup de soiu et d'atten-
tion, et que ce soit sans estre chargez de
trouble, d'inquiétudes, de disputes et cou-
tentions. Je ne parle néanmoins pas de
ceux desquels la dignité regarde le public,
ny de certaines occasions particulières qui
tirent une grande conséquence : car en cela
il faut que chascun conserve ce qui luy ap-
partient avec une prudence et discrétion qui
soit accompagnée de la charité et courtoisie. »
Voici la comparaison que fait Féneloa
entre l'amour de Dieu et i'amour-propre t
t L'amour-propre est un amour jaloux , dé-*
licat, ombrageux, plein d'épines, douloureuif
dépité. Il veut tout sans mesure, et sent
que tout lui échappe, parce qu'il n'ignore
pas sa faiblesse. Au contraire» l'amour de
Dieu est simple, paisible, pauvre et content
de sa pauvreté, aimant l'oubli, abandonné à
tout, endurci k la fatigue des croix et ne
s'écoutant jamais dans sa peine. Heureux qui
trouve toutdans ce trésorau dépouillementtt
La .détit'vnce de soi-même et une juste ap*
nréciation de ses défauts sont déjà une habi-
leté au point de vue des rapports sociaux*
Ne point se flatter sans raison» ne point
s'aveugler sur ses qualités, ses vertus et ses
mérites, comme sur l'esprit et les capacité!
des autres, sont un des rares apanages du
bon sens et de sa propre capacité. C'est une
chose mal habile et dangerense de ne pas
connaître les autres pour ce qu'ils sont ou
de ravaler leur mérite» parce que c'est une
œuvre de mensonge, d'injustice» et que le
jour de la révélation des mensonges et des
injustices peut être bien amer pour vous» et
m
AMO
D*ASCEnSMB.
4M0
bieo préjudiciable k totrc considération ci à
voire ioléréL
Vous accorder trop et accorder trop peu
;iu prochaio par Taoïlé, c*esl donc une ma*
n<eu?red*un esprit bas et petit» qui se tend
:i lui-mèoie des embûches en même temps
lii'il s'éloigne de la charité de TEvangile et
|u*il chasse de son cœur la plus fondamen*
ule des vertus du christianisme» rbumîlilé.
Mais ce que nous avons le plus à cœur de
démontrer dans cet article, et ce qui va le
pius directement k J*instructiou de ceux qui
aspirent k la perfection » c*est de montrer
les détours d*un amour-propre subtil qui
fait sertir toutes ses délicatesses à repousser
Topération crucifiantede la main de Dieu pour
le déraciner. Et ici nous empruntons la plume
pleine de douceur et de suavité de Fénelon.
m le TOUS laisse k Dieu et je souhaite
que TOUS tous y laissiez aussi. Oh 1 si vous
réccMiliez et si tous ne vous écoutiez point,
quelle seroit votre paix 1 Mais vous com-
nieoeez par prêter Toreille aux délicatesses
el aux dépits de Tamour-propre. Cette inG-
délité manifeste en attire cent autres qui
sont moins faciles k découvrir. Vous cher*
chez k TOUS étourdir et k autoriser votre
égarement. Vous voulez vous soustraire k
la souffrance, comme si Tamour-proprc
pouvoit échapper au feu vengeur. Vous
espérez du repos loin de Dieu. Vous fermez
votre oœnr, et vous employez toute votre
industrie k repousser la grâce. Eh 1 qui est-
ce qui a résisfé k Dieu et qui a eu la paix ?
Rendez-vous, revenez, hâtez-vous ; chaque
moment de délai est une infidélité nouvelle.
Mon cœur est bien serré ; c'est en vous que
je devruis trouver un vrai soulagement.
O ma chère fille, laissez-vous dompter par
l'esprit de grâce. Souffrez que je vous repré-
sente ce qu il me semble que Dieu veut que
jo vous mette devant les yeux. Le fond que
voos avez nourri dans votre cœur depuis
l'enfance, en vous trompant vous-même, est
on amour-propre effréné et déguisé sous
Tapparence d'une délicatesse et d une géné-
rosité héroïque; c'est un goût de roman
dont personne ne vous a montré Tillusion.
Vous l'aviez dans le monde et vous l'avez
porté jusque dans les choses les plus pieu-
ses. Je vous trouve toujours un goût pour
l'esprit, potir les choses gracieuses et pour
la délicatesse profane, qui me fait peur.
Cette habitude vous a fait trouver des épines
dans tous les états. Avec un esprit très-droit
et très-solide, vous vous rendez inférieure
aux gens qui en ont beaucoup moins que
vous. Vous êtes d'un excellent conseil pour
les antres, mais pour vous-même les moin-
dres bagatelles vous surmontenc. Tout vous
ronge le cœur; vous n'êtes occupée que de
la crainte de faire des fautes, ou du dépit
d*en avoir fait. Vous tous les grossissez par
un excès de Tivacité d'imagination, et c est
toujours quelque rien qui vous réduit au
dés^poir. Pendant que vims vous voyez la
plus impariaile personne du monde, vous
avez l'art d'imaginer «lans les autres des
perfections dont elles n'ont pas l'ombre.
D'un cAté, vos délicatesses et vos généroai^
tés ; de l'autre, vos jalousies et vos défian-
ces, sont outrées et sans mesure. Vous
voudriez toujours vous oublier vous-même
pour vous donner aux autres; mais cet oubli
tend k vous faire Tidole et de vous-même et
de tous ct-ux pour qui vous paraissez vons
oublier. Voilk le fond d'idolâtrie raffinée de
vous-même que Dieu veut arracher.
« L'opération est violente, mais nécessairo.
Allassiez-vous au bout du monde pour sou-
lager votre amour-propre, vous ii en seriez
que plus malade. Il faut ou le laisser mourir
sous la main de Dieu, ou lui fournir quelque
aliment. Si vous n'aviez plus les personues
3ui vous occupant, vous en chercheriez
'autres bientôt sous de beaux prétextes, et
vous descendriez jusqu'aux plus vils sujets,
faute de meilleurs: Dieu vous humilieroit
même par quelque entêtement méprisable,
ou il vous laisseroit tomber ; Tamour-propre
se nourriroit des plus indignes aliments,
plutêt que de mourir de faim.
« Il n*y a donc qu'un seul véritable re*
mède, et c'est celui que vous fuyez. Les
douleurs horribles que vous souffrez vien-
nent de TOUS et nullement de Dieu. Vous
ne le' laissez pas faire. Dès qu'il commeico
l'incision, tous repoussez sa main, et c'est
toujours k recommencer. Vous écoutez Toiro
amour-propre dès que Dieu l'attaque. Tous
vos attachemenis, faifs par goût naturel et
pour flatter la vaine délicatesse de votre
amour-propre, se tournent pour vous en
supplice, (/est une espèce de nécessité o&
vous mettez Dieu de vous traiter ainsi.
Allassiez-vous au bout du monde, vous trou*
vericz les mêmes peines, et vous n'échap-
periez pas k la jalousie de Dieu, qui veut
confooure la nêtre en la démasquant. Vous
porteriez partout la plaie envenimé*^ de
votre ixeur. Vous' fuiriez en vain comme
Jouas, la tempête vous engloutiroit.
m Je veux bien prendre pour réel tout ce
qui n'est que chimérique : eh bien t cédez à
Dieu et accoutumez vous k vous voir telle
que vous êtes. Accoutumez- vous k vous vo r
vaine, ambitieuse pour l'amitié d'dutrui,
tendant sans cesse à devenir Tidole d'autrui
pour l'être de vous-même, jalouse et déliante
sans aucune borne: vous ne trouverez k
a^ermir vos pieds ((u'au fond de l'abîme. 11
faut vous familiariser avec tous ces mons«
très. Ce n'est que par Ik que voos vous désa«
buserez de la délicatesse de votre cteur. Il
en faut voir sortir toute cette infection ; il en
faut sentir toute la puanteur. Tout ce ({ui
ne vous seroit pas montré ne sortiroit |)Oinl,
et tout ce qui ne sortiroit point seroit un
venin rentré et mortel. Voulez-vous accour-
cir l'opération? ne Tinterrompez pas. Laissez
la main crucifiante agir en toute liberté. Ne
vous dérot>ez point k ses incisions salutaires.
N'espérez pas de trouver la paix loin de
Foraison et de la communion. Il ne s'agit
pas d'aimiser votre amour-propre en ré|»ar-
gnant et en résistant k l'esprit de grâce ;
mais au contraire, il s'agit de vous livrer
sans réserve k l'esprit de g-âce, pour o'épar**
«j»
AN\
DÎGTIONNÂIRB
ANA
i6i
gner plus votre araour-propro. Vous pouvez
vous élourdir, vous enivrer pour un peu de
temps et vous donner des forces trompeuses
telles que la fièvre ardente en donne aut
malades qui sont en délire; mais la vraie
paix n'est que dans la mort. On voit en
VOUS9 depuis quelques jours, un mouvement
convulsif pour montrer du couraze et de la
Kaietéy avec un fond d'agonie. On! si vous
luisiez pour Dieu ce que vous faites coutrei
quelle paix n*auriez-vous posi Oh! si vqus
souiïriez, pour laisser faire Dieu, le quart de
ce que vous vous faites souffrir pour Tem*
pocher de déraciner votre amour-propre,
quelle seroit voire tranquillité! Je prie celui
à qui vous résistez de vaincre vos résistances,
d'avoir pitié de cette force contre lui, qui
n*et que foiblesse, et de vous faire, malgré
vous, autant de bien que vous vous faites
de mal. Pourmoi, comptez queje vous pour*
suivrai sans relâche, et que je ne vous quit-
terai point. J'espère beaucoup moins de mes
paroles et de mes travaux pour vous, que
de ma peine intérieure et de mon union à
Dieu dans le désir de vous rapprocher de lui.»
AMOUR PUR. — Yoy. Charité, Béatitude,
QuiÊTISlfK,MOLlIfOSISUE,FÉNELON,M"*GDTO!l.
AMPHILOQUE (Saint), issu d'une noble
famille de Cappadoce, se livra d*abord au
barreau, nuis se relira dans la solitude, par
le conseil de saint Grégoire de Nazianze.
Elevé sur le siège épiscopal dlcone, vers
Yen 34<^, il se montra plein de zèle contre
rhérésie arienne; il assista au premier
concile général de Constanlinople, en 381,
et présida celui de Side. Il mourut vers 3%.
Saint Grégoire de Nazianze Tappelle unançe
( t un héros de la vérité. Les œuvres ascéti-
ques de saint Ampbiloque sont: l'^un Dis^
cours sur lapéniience, — 2* Une Lettre à Se-
leucus^ en vers iambiqucs, sur les vertus
tshi'élipnnfis
ANACHORÈTES. — Ermite ou solitaire,
homme retiré du monde par motif de reli-
eion, qui vit seul, alîn de ne s'occuper que
de Dieu et de son salut. Ce mot vient du
grec «va^u^fliv, se retirer, de môme qu'er-
mite est dérivé d*ip>3fioc, solitude, lieu dé-
sert. THins Torigino ou a encore donné aux
solitaires le nom de moines^ tiré de fiovoc
seulf retiré.
Ce genre de vie a toujours été connu dans
rOrient. Saint Paul (Hebr. 11, 38) dit que
les prophètes ont erré dans l^s déserts et
sur les montagnes, qu*ils ont demeuré dans
les ancres et les cavernes de la terre. Saint
Jean-Baptiste, dès son enfance, se retira dans
le désert, et y vécut jusqu*à TÂge de trente
^ ans; Jésus-Christ lui-même Gt l'éloge de sa
} vie austère et de ses vertus. (Matth. 11, 7.)
Mais saint Paul de Thèbcs en Egypte est re-
gardé comme le premier ermite ou ana^
chorite du christianisme. Il se retira dans le
désert de ta Thébaïde , Tan %0, pendant la
persécution de Dèce et de Valérien ; bientôt
il y fut suivi par saint Antoine et par d*au-
très qui voulurent mener le même genre de
vie. Plusieurs se réunirent ensuite pour vi-
vre en commun I el furent- nommés cénobi^
tes. Cet eiomplo fut même suivi par les fem-
mes; quelques-unes s*cnfoncèrent dans les
déserts pour faire pénitence et pour éviter
les dangers du siècle, d*autres se renfermè-
rent dans les cloîtres pour y vivre ensemble
sous une même règle. Telle a été rorigino
de rétat monastique. (Foy. Moins, Cêno-
BrtE, Rblioibuse, etc.)
Sur la fin du iV siècle, la vie érémiliquo
passa d'Egypte en Italie, et bientôt après
dans les Gaules; on y v t des anachorcMes
et des cénobites. L'irruption des h/irbaro^
arrivée au commencement du v* siècle, con-
tribua à les multiplier : pour se soustraire au
bri{;aodage, un crand nombre d*hommes se
retirèrent dans des lieux déserts; plusieurs
(guerriers, tourmentés par des remords et par
a crainte de retomber dans de nouveaux
désordres , allèrent expier leurs crimes dans
la solitude : on admira leur courage et leur
vertu. La même raison, oui faisait i^ugmenter
le nombre des monastères , servit aussi à
multiplier les ermites ou anachorètes, et te
goût pour ce çenre de vie s*est conservé jus-
qu'à nous. Mais les supérieurs ecclésiastiques
ont reconnu depuis ionglom|)s quMI était
mieux de réunir plusieurs ermites dans une
même habitation que les laisser vivre ab-
solument seuls.
Cette manière de vivre singulière ne pou-
vait manquer d*exciter la bile des ennemis
de la religion ; aussi a^t-elbe été blAmée avec
autant d*aigreur par les protestants que par
les incrédules. Ils en ont censuré Torigine,
les motifs, les pratiq^ues; ils en ont relevé
les inconvénients et les pernicieuses censé*
Sfuences. Leclerc , Mosheim, Brucker, el la
ouïe des protestants, ont déclamé h Tenvi
sur ce sujet, et nos philosophes mouton-
niers ont enchéri encore sur leurs invectives-
Les uns ont dit que le goût pour la vie
solitaire était, dans TOrient, et surtout en
Egypte, un vice de climat, un effet delà mé-
lancolie et de la paresse que la chaleur ins-
pire; d'autres ont jugé qu il a été augmenté
chez les Chrétiens par les notions de la phi-
losophie de Pythagore et de Platon, selon
lesquels on croyait que plus Téme se déta-
chait du corps et des sens, plus elle s'appro-
chait de Dieu. Quelques-uns ont deviné que
dans les premiers siècles du christianisme,
on renonçait au moude, parce que Ton croyait
qu'il allait finir. Presque tous ont décidé que
1 estime pour la vie austère est née d'une
notion fausse et absurde de la Divinité. Us
Chrétiens, disent-ils, se sont persuadés que
Dieu, non content d'exiger le sang de son
Fils pour apaiser sa justice, se plaisait en-
core au tourment de ses créatures.
A toutes ces réflexions, il ne manque
que du. bon sei s. Si tous ces savants dis-
serlateurs avaient passé la plus grande
partie de leur vie à la campagne et loin du
tumulte des villes, ils auraient éprouvé par
eux-mêmes que l'on contracte Irès-aiséraent
le goût de la solitude absolue» sans penser
à la fin du monde, sans connaître la pliilo*
sophic de Pythagore,* et sans avoir des no-
tions absurdes de la Divinilé. Une prouve
»5
AM.\
DASCETISIiE.
ANA
S€6
qu*il ne Tient point du clim t, c'est i|u*il a
été pour le moins aussi commun et aussi
Tîf dans les contrées du Nord que dans les
ré^'ons du Midi. Mais bornons-nous à des
considérations religieuses.
11 est ficheux d*al>ord que les protestants
aient condamné aTec tant de hauteur un
genre de Tie que Jésus-Christ a daigné louer
dans son saint précurseur, et que saint Paul
a proposé pour modèle dans les prophètes.
Dirons-nous des uns ou des autres ce <(ue
Mosbeim a osé dire de saint Paul, premier
ermite, que, retiré dans le désert, il mena
une rie plus digne d'une bmte que d*un
homme? {HtMi. ecelés. dm m* iiicle^ ii* part.,
c 3, i 3.) Ou penserons-nous qn*£lie, les
autres prophètesetsaint Jea'^-Bapliste avaient
paîsé le goût de la solitude dans les écrits
de Pytbagore ou de Platon, dans la crainte
de la fin du monde, etc.? Voilà comme les
protestants respectent TEcriture sainte.
En second lieu, nous les défions de faire
contre les solitaires aucun reproche qui
n*ait été fait aux premiers Chrétiens par les
païens. Nous Tojons, par V Apologétique de
Tertullien, que ceux-ci appelaient les Chré-
tiens insensés» hommes inutiles au monde,
misanthropes on ennemis du genre hu-
main; on tournait en ridicule leur air aus-
tère et pénitent, leur goût pour la solitude,
la société particulière qulls faisaient entre
eax, etc. Les protestants semblent n'avoir
£iît que oopier tous ces sarcasmes, en faisant
la satire des moines et des afaachorèles.
Aussi les incrédules n'ont pas manqué de
tourner contre le christianisme même la
c^isure que les protestants ont faite de la
Tîe monastique ou érémitiqne. Jls disent
que les maximes de rEvangile tendent i sé-
|)arer Fbomme d'arec ses semblables, et à
le détacher absolument du monde; que c'é-
tait d^à la morale des esséniens et des thé-
rapeutes, et que Jésus-Christ sTait puisé sa
doctrine parmi eux. Us soutiennent que les
premiers Chrétiens furent de vrais moines,
puisque saint Antoine ne prétendit faire au-
tre chose que de suivre l'Evangile à la lettre,
d'où ils concluent que la morale évangéli
que n*est fSaiite que pour les moines. « En
ffîct, saint Antoine, dit M. Fleury, saint
Hilariou, saint Pacdme et les autres qui les
imitèrent, ne prétendirent pas introduire
fine nouveauté ou renchérir sur la vertu de
lear père: ils voulurent seulement conser-
ver la tradition do la pratique exacte de TE-
«an^île qu'ils vojaieut se relâcher de jour
C'a lour. Ils se iiroposaient toujours pour
modèles les ascètes ou lés Chrétiens fer-
vents qpii les avaient précédés. » (Mœurs des
CkrH.^ i 32.) Bingham lui-même, quoique
1 protestant, avoue qu'à Texception de la so-
J.tude absolue, la vie des Asciies était la
luème que celle ée$ anachorètes et des
rnoioes. {Orig. seclés. , I. vu, cl.) — Voyez
îious prions les protestants de vouloir
bien justifier, contre la censure des incrédu-
les, les premiers Chrétiens formés par les
i^rçons de Jésus*Ch'i«t et des apôtres, ce
Bicnci!!. d'Ascétissie. I.
qu'ils diront nous servira de même à faire
I apologie des solitaires qui ont renoncé au
monde. Mais ils n'en feront rien; peu leur
importe de livrer le christianisme au mé-
pris des incrédules, pourvu qu'ils satisfas-
sent leur propre haine contre l'élise ro-
maine.
On ne sait que penser quand on lit leurs
lamentations sur la multitude des erreurs
a n'a fait naître dans l'Eglise la philosophie
e Pjrthagore et de Platon. De là est née, di-
sent-ils, cette folle idée que l'on pouvait
mener une vie plus sainte que celle de Jésus-
Christ et des apôtres, et pratiquer des ver-
tus plus parfaites que celles qui sont com-
mandées dans l'Evangile; de là l'estime in-
sensée pour les austérités corporelles, pour
l'abstinence et le jeûne, pour le célibat et la
virginité; de là la condamnation des secon-
des noces, le mépris pour l'état du ma-
riage, etc. (Bbcckeb, Hisi. philos. , tom. 111.)
On croit entendre raisonner des déistes
ou des épicuriens. En parlant do ces diffé-
rents articles de la discipline chrétienne,
nous leur ferons voir que tous sont fondés
sur l'Ecriture sainte, sur les leçons formel-
les de Jésus-Christ et des apôtres, et nous
les mettrons à couvert de leur folle censure.
II s'ensuit déjà que les platoniciens et les
pythagoriciens, qui ont fait cas de toutes ces
pratiques, étaient plus raisonnables que les
protestants et les incrédules modernes.
Ajoutons que la rie des solitaires de la
Thébaîde, qui nous parait si terrible, était
à peu près la même que celle des pauvres
et du peuple en Egypte. Selon le récit des
▼ojageurs, le seul habit des deux sexes est
une chemise ou un morceau de toile. Tous
couchent sur la dure, dans la rue ou sur les
toits des maisons, et avec deux poignées de
riz un homme peut vivre pendant vingt-qua-
tre heures, sans avoir besoin d'autre nour-
riture, il en est de même dans les Indes;
et telle y fut toujours la vie des brachmanes,
ou des philosophes de ce pajs-là. Mais des
épicuriens septentrionaux sont eflra jés de
ce genre de vie; gâtés par un luxe^désor-
donoé, ils regardent les austérités comme
un miracle lent et comme une folie; ils
s'emportent contre les anachorètes, parce
que ceux-ci étaient plus robustes et plus
sobres qu'eux.
Ecoutons néojmioins leurs déclamations.
Si saint Paul, disent-ils, et saint PacAmeont
bien fait de renoncer au monde et de se re-
tirer dans les déserts, tout homme qui fera
comme eux sera anssi louable qu'eux; il
faudra donc rompre toute société avec nos
semblables, et jiyre comme les animaux
sauvages, pour être Chrétiens parfaits. Dès
aue Dieu a créé l'homme pour la société,
est absurde d'imaginer un état plus saint
et plus respectable que l'état social, ou des
devoirs plu.s sacrés que ceux du sang et de
la nature. Se détacher du monde et s en sé-
parer, c*est dans le fond renoncer à l'hu-
manité et se soustraire à l'ordre général do
la Providence, se rendre inutile aux autres;
c'est un travers, un altenlat punissable, il
ne peut venirque d'un fond de misanthropie,
de paresse ou de vanité : le canoniser et
ranger en vertu, c'est un trait de démence.
— Si les anacborètes, eo cherchant la
solitude, avaient mant^ué aux devoirs du
sang ou de la nature, violé les engagements
d'homme et de citoyen, résisté à Tordre de
la Providence, nous avouons qu'ils n'au-
raient élé Di saints ni louables. Mais c'est h
leurs détracteurs de prouver 1* qu'ils ont
abandonné leurs parents et leur famille dans
des circonstances où ils pouvaient avoir be-
soin de leurs secours ; 2° qu'ils n'avaient
tias reçu de la nature un goût décidé pour
a retraite, pouf la prière, pour un travail
auquel ils pouvaient vaquer seuls; 3* qu'il
n'y avait aucun danger pour eux à demeu-
rer daus le monde; J»° qu'ils n'ont élé d'au-
cune utilité pour leurs semblables. Au-
trement, nous soutenons qu'ils n'ont man-
qué ni h la nature qui les portait au genre
(le vie qu'ils ont embrassé, ni h leurs pa-
reuts qui pouvaient se passer d'eux, ni à
leurs concitoyens auiquels leur retraite ne
portail aucun pr^udice, ni aux emplois pu-
blics pour lesquels ils ne se sentaient pas
faits, ni à la foix de Dieu, puisque au con-
traire, ils croyaient lui obéir. Avant de con-
clure que tout homme fera bien de les imi-
ter, il faut savoir si tout homme se trouve
dans les mêmes circonstances qu'eut.
Mais si tout homme prenait ce parti, que
deviendrait la société T Folle supposition.
U eu y a pourvu. 11 a tellement varié les
goûts, les caractères, les talents, les besoins
des hommes, qu'il est impossible que tous
embrassent le même état de vie, des qu'ils
seront maîtres de choisir. C'est pour ct;la
que toutes les conditions se trouvent tou-
jours fa peu près également remplies, et
tgn'aucune ne demeure vacante : le choix
3ue font les solitaires, loin de gêner celui
es autres, leur laisse une place de plus.
11 n'est donc pas vrai qu'ils aillent contre
les ordres de la Providence, puisque )a Pro-
vidence veut que chacun choisisse l'état
aui lui codvieutle mieux; ni contre le bien
0 la société, imisqu'elle est intéressée fa
ce que personne ne soit gêné dans son
choix; ni contre le droit de leurs sembla-
bles, puisque ceux-ci n'en reçoivent aucun
préjudice; les solitaires nuisant moins au
public que les )i>iniiùles fainéants oui sur-
chargent la sociC-itj du poi'ls ei du l'ennui
de leur oisiveté. Il n'est pas vrai non plus
?u'ils soieut inutiles su monde. Dans les
emps de caljtniii^, de dévaslalina et de
eoolagioOf lorsrjue la rt^ll^ioti ^'ust trouvée
en danger, lorsque les peuples ont manqué
de secours spirituels, lorsque le clergé sé-
culier a été fa peu près anéanti, on a vu les
solitaires quitter leur retraite, aci-,ourir au
secours de leurs frères, exercer la cbarilé
d'une manière héroïque. Souvent les rois
sont allés les chercher au désert pour leur
conSer les affaires les plus importantes.
Ceux de la Thébaïde travaillaient non-seu-
lement pour se procurer la subsistance,
mais encore pour assister les pauvres du
Erii de leur travail. D'ailleurs, plus [f$
ommes sont vicieux, plus les mœurs publi-
ques sont corrompues, plus il est utile et
nécessaire de leur donner des exemples à»
frugalité, de désintéressement, demortîQca-
tion, de patience, de piété, de soumission h
Dieu, de mépris des choses du moude.
Quoi qu'on en dise, les solitaires l'eut fgil
dans tous les temps, et les peuples ne les
ont respectés qu'autant qu'ils le mérilniei'l
par leurs vertus.
Un humilie fatigué du tumulte de la so-
ciété, rebuté par les vices de ses semblsbles,
dégoûté des objets qui excitent les passion,
n'a-t-il pas droit d'aller cJiercher dans la s(.-
litude la paix, le repos, l'innocence, la li-
berté, le calme de la couscienceT Celui qui
fuit le (langer de la corruption, qui B'occu[Hi
fa prier, fa méditer, fa trarsiller, qui s'accou-
tume fa retrancher fa la nature tout ce dool
elle peut se passer, n'est-il pas louableT 11
donne aux autres une grande leçon, savoir
aue l'un peut trouver avnc Dieu un repos,
es consolations, uu bonheur que le monda
ne peut donner.
ANDKADA (Alphonse d'}, jésuite rspa-
gnol, né fa Tolède en iSW, fil de si boim»
éludes qu'on lui confia une chaire do nhi-
losophie, quoiqu'il fût jeune encore; il la
quitta fa l'âge de vingt-deux ans, nour em-
brasser l'institut dès lésuites. Il y tut chargé
d'enseigner la théologie morale, devint qui-
lificaieur de l'Inquisition, et travailla soi
missions d'Espagne pendant près de cin-
quante ans. 11 mourut fa Madrid enjuin 16Tî.
Outre un /Cinéraire kitlorique, et les Via
dti JéiuUtê itlutlres, on a dû lui des ttiii-
taiioni pour tout Ut jourt de l'tMnét : uas
Traduction dei cinq tivru ateHiquti du car-
diiml Bellarmin, et d'autres livres de jii^ié
dont il est fait mention dans la Biblioihffa
det écrivaint iéiuilet de Folwol.Tous les ou-
vrages d'Alphonse d'Andrada sont ccrilseii
espagnol.
.ANDBADA (Thomas], plus connu soiisie
nom de Thomas dsJéttu, réformateur des Au-
gusiius Déchaussés, naquit fa Coïmbro tcd
1530. Il était (ils du grand trésorier du toi
Jean, en Portugal. 11 suivit la roi Sébastien
dans la malheureuse expédition d'Afrique.
Jl y mourut en captivité en 11^, lai^^^nt
uu livre plein d'onction, intitulé les Sauf-
(rancei de Jiiut, composé dans sa prison;
il a élé traduit en français, 3 vol. in-lS.
ANSELME (Saint), abbé du Bec, nuis sr-
chevêque de Cantorhéry. Il mérita les bon*
neurs dt> la persécution de Guillaume 'a
Roux, pour avoir soutenu les immuoilés
de son siège, et passo plusieurs années lui'i
""e SB patrie. Pendant son glorieux eiil. «'
homme, si reoiaiquable par son profond sa-
voir et par sa saitilulé, reçut un accueil
trfts-honorable en France et fa Rome. Sous
Hen.'i II, roi d'Angleterre, il revint prendra
possession de son siège; il eut le uonbeur
de réconcilier le roi avec Robert, son frÉfe,
au retour de la terre saiule et de calmer la
guerre civile. L'ingratitude du prince fui '■
récompense de cette belle action. 11 mourut
ANT
D^AScensyE.
AXT
270
en 1100. (Voir au Coialoguif fin du toro. il,
U nomenclalure de ses ouvrages ascétiques.
lis sont instructifs, édifiants, pleins d'onc*
lion et d*une certaine tendresse d*amour
pour Dieu. Un stjrle simple* naturel, clair et
conds.(ait le pnncipal mérite de ses lettres.
On retrouve partout dans les écrits de saint
Anselme une Krande connaissance de la
philosophie et de la théologie.)
ANTOINE (Paul*Gabriel), théologien jé-
>uîte, né en 1670, à Lunéville, mort, en
17U, à Pont-à-Mousson, où il avait long-
ttf^raps occupé une chaire de théologie, est
auteur d'un ouvrage intitulé : Theologiœ
tueetico-moraliâ in$Uiuiiotu$: Cologne, 1760,
îo-lS, et de phisieurs livres de piété.
ANTOINE DE MÉLISSE vivaU dans le
▼ui* siècle, il est auteur de deux livres de
Sentences tirées des saints Pères; ils peu-
vent être lus par ceux qui s'occupent de la
vie spiri:uelle.
ANTOINE (Saint), patriarche des céno-
bites. — Saint Antoine vint au monde Fan
251 de Jésus-Christ. II naquit au village de
CôiDe,près d*Héraclée,dans la haute Egypte.
Ses parents qui étaient Chrétiens, et encore
plus distingués par leur piété que par leurs
richesses, prirent un soin particulier de
son éducation. Ils le gardèrent toujours au*
près d*eux, dans la crainte que les mauvais
exemples et les discours des personnes vi-
cieuses ne corrompissent sou innocence.
Antoine, ainsi retenu dans la maison pater-
nelle, ne s'appliqua. |)oint h l'étude des
belles-lettres, et ne sut jamais lire que Té-
gyptien, qui était la langue Je son paVs (68).
Mais il était bien dédommagé du début de
quelques coimaissances, dont il n*est que
trop ordinaire d*abnser , par les excel-
lentes dispositions que Dieu mit dans son
âme. On le vit dès son enfance aimer la so-
briété, assister régulièrement aux oiBces
de l'église et obéir à ses parents avec une
I^onctoalité singulière. La mort les lui ajant
enlevés. Il devint possesseur d'une fortune
considérable, et se trouva chargé du soin
de pourvoir à l'éducation d'une sœur plus
jeune que lui. Il n'était point encore dans
sa vingtième année (60).
(6g) Sent Alhanase dit (p. 795 A) ijtie saint An-
UHae ■ apprit point ies ieitres^ afin d*evi)er plus sa-
ftmeoi 1» mauvaises compagnies, f n^ll n%sl pas
rare de troever dans les écoles publiques. Evagore
et d*anCfes auteurs rapportent ^u'un philos^ibe
ajant marqué sa surprise de ee qa*il pouvait viTre
sans le pbisir que Ton goàte dans b lecture, il ré-
pomâU qee la nalnre lui servait de livres (Soceate,
i. I?, c »: RosvEiM, Ftf. Pafr., t. Yl, c. 4; saint
XiL, t. 1?, p. €0). Il paraîtrait naturel de condnre
ée ces passages que saint Antoine ne savait pas lire,
tt saint Augustin a été de ce souiment, puisque, selon
fan, aocie saint n*avait appris FEcriture sainte qu'en
Tcnlemlant liie aux autres (saint Au«., De doeu
tkriêi.^ looL III, p. 5). n nous semble assez |>ro-
kaUe, néanmoins, que saint Athanase a voulu sim-
ileuicnt marquer que saint Antoine avait négligé
léiode des sciences de la Grèce, et de tout ce que
ToB n appelé beUes-lettres Nous nous fondons sur
(e qu'il affi-rroe que le #2iDt aimait beaucoup la lee-
htf>^, soit lorsqu n éta't chez son père, soit lorsqu'il
Six mois après, Antoine entendit lire
dans réglise ces |iaroles, adressées au jeune
borome de l'Evangile : AlUz^ vendez ee que
vous aveXf dannex-le aux pauvres^ et vous
aurez un trésor dans le ciel. {Maiih. xix» âl.;
Il s'en 6t de suite rapj[)lication à lui-même,
et, de retour à sa maison, il atiandoona à
ses voisins environ 140 arpents de bonne
terre (70), à condition qu'ils payeraient pour
lui et sa sœur tous les impôts publics. Il
vendit le reste de son bien et en distribua
le prix aux pauvres, ne se réservant que ce
qui était nécessaire à sa subsistance et à
celle de sa sœur. Quelque temps après,
ajant entendu lire dans l'église ces autres
paroles : Ne soyez poini en peine du lende-
main {Maiih. VI, 3fc), il se dent de ses meu-
bles en faveur des pauvres, et mit Sà sœur
dans un monastère de vierges (71), où elle
devint la conductrice d'un grand nombre
de personnes de son sexe. Quant h lui, il
se retira dans un désert du voisinage, afin
d*imiter un saint vieillard qui y vivait en
ermite (72). Là, il partageait son temps entre
le travail des mains, la prière et la lecture.
Sa ferveur était si grande, que lorsqu'il en-
tendait parier de qùelaue anachorète, il
allait le trouver pour profiter de ses instruc-
tions et de ses exemples. Ils se fit une rèsle
de pratiquer tout ce que pratiquaient Tes
vrais serviteurs de Dieu ; voilà ce qui le
rendit en peu de temps un modèle accompli
de toutes les vertus.
Le démon, jaloux des progrès qu'Antoine
faisait chaque jour dans les voies de la per-
fection, mit tout en œuvre pour le perdre.
Il lui représenta d'abord toutes les bonnes
œuvres qu'il eût pa faire dans le monde
par le moven de ses richesses, et les diffi-
cultés qu'il aurait à surmonter dans la soli-
tude; artifice qu'il a coutume d'employer
quand il vent dégoûter une âme de l'état
auquel Dieu l'appelle. Cette première at-
taque ne lui ayant pas réussi, il tourmeoti
le saint nuit et jour par des pensées con-
traires à la pureté. Mais le jeune ermite
triompha de cette tentation par une exacte
vigilance sur ses sens, par des jeûnes ri-
goureux, par l'humilité et la prière. Le
vivait seni (Atha5., p. 795, B, p. 97). Si Ton ré-
pond qu*U s agît senlement de la lecnire qve fTao-
très loi faisaient, nous demanderons par qui il se
faisait lire quand il était seul ( Vvyex Rosweioc, nef.
in Vit, sancti Aiitonii;Bollandas, 17 januar, p. 119,
S4; TiLLEMOsiT, noc 1, p. 666; Godescaid).
(69) La vie de saint Antoine, résumant ceHe des
ascètes de la primitive Eglise, ne pouvait manquer
de prendre place dans notre DUtiotinaire.
(76) Le texte dit trois cent arurss, Varura conte-
nait cent coudées, c'est-à-dire, environ la moitié
d'un arpent (Voyei le Lexieom de Cotutaniin^ et
Flecbi , L VUI, p. 418).
(71) C^est la première fois, selon la plupart des
modernes, qu*il est parlé dans THistoire ecdësiastî-
que d*un monastère de filles.
(72) On voit que la vie ascétique chez les Cbré*
tiens est antérieure à saint Antoine; Cassien fait
remonter à saint Marc Tinstitution de la vie reli-
gieuse dans les déserts de TEgypte.
DICTIONNAIRE
djiDoa revint encore k la charge; il se ser- j'étais auprès de toi ; j*ai él6 speclaïuur de
vit du piège de Ia raine gloire* il prit les combats, cl parce que lu as résista
diveraes formes pour séduire on pour épou- courageusemenl h tes ennemis, je le prolé-
vaoler Anloine. Ses roses n'eurent poinl
l'effet qu'il en attendait; il fut toujours
Taincu, il fut même forcé d'arouer sa dé-
faite. Antoine, averti par le danger au'il
avait couru, redoubla ses nustériles. Il ne
prenait pour toute nourriture qu'un peu de
gérai pendant le reste de ta vie, etjeren-
(irai ton nom célèbre sur la terre. ■ A co
mots le saint, rempli de conâolalion etdt
force, se lève pour témoigner sa recoDnaii*
sancc à son libérateur.
Depuis sa retraite, saint Anloine aviil
nain et de sel, et ne buvait jamais que do demeuré dans dos lieux solitaires neii éloi-
l'eau. Une faisait par jourqu'un seul renas, gnésdcsa patric(73); mnis, ftl'^gedstreDl»-
et toujours après le coucher du soleil, cinq ans, il résolut de s'enfoncer davanlags
Quelquefois il gardait une abstinence totale dans le désert. Il passa donc le brasorieiH
pendant deux et même quatre jours. Sou- lai du Nil ; puis, s'étant retiré sur le somiDït
Tent il passait la nuit sans dormir; et le d'une montagne, il s'y renferma dam on
peu qu'il accordait h la nature, il le preuatt vieux château, où il vécut dans une telle
ou sur une simple natte de jonc, on sur un séparation du monde, pendant près de viogl
ciljca, ou sur la terre nue. EnGn il em- ans, qu'il ne voyait guère que celui qui loi
ployait tons les moyens pro|)res h chAlier apportait du pain de temps en temps,
son corps et ï le soumetire parfaitement i Cependant le bruit de sa sainteté attinit
la loi de l'esprit. auprès de lui un grand nombre de disciplej.
Le désir d'une solitude plus entière porta Use rendit k la longue au désir qu'ils avaient
notre saint à se retirer dans un vieux se- de vivre sous sa conduite ; )i deHeodil
pnicre, où an de ses amis lui portait du donc do sa montagne vers l'an 305, et fooda
pain de temps en temps. Dieu permit encore le monastère de Phaium (7^. La dissipation
au4 le démon vint l'y attaquer. Il ticha occa-iionnée par cette entreprise fut somo
'abord de l'effrayer pr un horrible fracas, d'une tentation de désespoir; mais il s'en
It le battit même un jour si rudement, qu'il délivra par des prières ferventes et par une
le laissa tnut couvert de blessures et k demi- forte application au travail des mains. Sa
mort, il fut trouvé dans cet état par l'ami nourriture, dans ce nouveau genre de i\i,
charitable qui pourvoyait à sa subsistance, consistait en six onces de pain trempé dans
A peine eut'il repris ses sens, qu'avant l'eau et un peu de set ; il y ajoulail île
mdme de se ri'levur, il cria aux démons : temps en temps quelques dattes. Ce De fui
« Eh bien, me voilà encore prêt k combat- oue pendant sa vieillesse qu'il usa d'un peu
tre. Non, rien ne sera capable de me sépa- o'huile. Souvent il passait trois ou qualto
rer de Jésus-Christ, mon Seigneur. » Les iours sans prendre aucune sorte de nourri-
esprit's des ténèbres acceptent aussitôt le ture. Do cilice lui servait de tunique; il
défi. Us redoublent leurs efforts, poussent poriait par-dessus un manteau faii de peam
des rugissements épouvantables, et se re- de brebis, attactté avec une ceinture. Dci
vêlent des formes les plus hideuses elles austériiésiiussirigoureusesnerempéchaient
plus effrayantes. Cependant Antoine reste pas de parattie robuste et content. Son plut
inébranlable, parce qu'il met en Dieu toute grand plaisir était de vaquer dans sa «Hua
sa conSance. Un rayon do lumière céleste aux exercices de la prière et de la conleœ-
descend aussilât sur lui, et les démons plalinn. Eiant à table avec ses frères, il Inî
prennent honteusement la fuite. ■ Où étiez- arrivait souvent de fondre en larmes, et de
vous donc, mon Seigneur et mon Maître T sortir sans avoir rien pris, tant était tits
s'écria-l-il alors. Que o'ètiei-vous ici dès le l'impression que faisait sur lui la pensée il»
commencement du combat T Hélas I vous bonheur des saints, qui n'avaient dans 1c
auriez essuyé mes larmes et calmé mes ciel d'autre contemplation que relie d*
peines 1 > Cne voix lui répondit : < Antoine, louer Dieu continuellement (75)- De 11 ce
f73) Saint Antoine mena la vie des Atcita, tant
S lit resta dans !■' i'>i~în;i^<- Jr rniin!, sa patrie,
ais, au rapport de s.iint AiIkiii.-i>i'. jI -iirpassa tous
lesiutrcfi parureiM'iiri'i ^s nii'^i riu^. Son éloi-
gnemcnt oes lieui lr;<l>ii<'s, h l«' iti mi de viequ'il
embrassa ensuilediiii-^ li's 'tc^^ri^ trAr~inoé, etc., le
rendirent te Père et i in-iii'ii'fir Ar !.i vie monasti-
que et cénobititjuc. l'ii '■■• ••i-u-.. .m rimliis, qs'il ré-
gubrisa celle tnslitut:»]) (V. ijii. Mji.ies). Il y
avait des ascètes parmi les andens Juifs, tels furent
les Naiaréens perpétneb, comme Samson; les flis
des propliètes (saint Hiei., ep. 13, ad Paulin. ; saint
r.iiF.G. Naz., Carm., S, ad tirgin., p. 58), et les Ihé-
ripcntes dont parle Pliilon, quoique cei derniers,
selon certains auteurs, paraissent avoir été des
Chrélims. au molni en partie, comme nons l'assu-
rent Ensébe (But., t. Il, c. 17), ei saint Jéhohe
tCatat. tir. illuitr.). Nons trouvons dea modèles de
l* vie ascétique dam celle de saint Jean-Baptiflie.
dans celle des premiers Chrétiens à Jérusalem, cl
dans celle des disciples de saint Hart 1 AleuDdne
( Voir Ascètes).
(74) Ce monasiére, qui nt le premier de sûil
Antoine, ne fol d'atwrd composé que de qidqM>
ceUutes éparses ci et U. Il n>uil ptt&mpéiilt
h»le Emie, etde l'Egypte da miliea. QodqMmi
it est designé soos le nom de Mimiutin r<*. "
IkuM, et on le met à peu de distance d'Aphrodiir.
dans l'Heptamone, ou l'Ëgvptc du milieu, l* ^
d'A^ilirodite, dont il s'agit ici, était la plas Imm rt
la pfas ancienne de ce nom. Saint Aihanaw »■>*
placer le même monasiére dans la Tbéhiide, w
Uaute-lil^-pie, sans doute parce aa.'U était voi»"
des frontières de celle contrée. D'auleurs, «putiidM
ne divisaii l'Egypte qu'en bute el ixsse, cmm
pinsieurs l'ont laii, les frontières de la ptww"
avaicnl licaucoiip plus d'étendue. ,,
(75) Saint Atuhise, VU. 5. Aulm., u* *><
pagefoo.
Î73
AXT
D'ASCETISME.
ANT
87 i
zèle à recommander à ses disciples de donner
au soin de leur corps le moins de temps
•possible, afin qu'il leur en restât davantage
pour louer et adorer les grandeurs dirines.
Il était pourtant bien éloigné de croire que
la perfection cousistAt dans la seule morlifih
cation du corps; persuadé que les meilleures
œuvres ne sont rien sans la charité , il s'ap-
pliquait à en allumer de plus en plus le feu
dans son ime.
Quelles instructions un tel maître ne
devait-il pas donner à ses disciples? Voici
ÎnelquesHines des maximes qu'il ne cessait
e leur répéter : c Que le souvenir de Téter^
nité, disait-il, ne sorte jamais de votre
esprit. Pensez tous les malins que peut-être
TOUS ne vivrez pas jusqu'à la lin du jour;
pensez tous les soirs que peut-être vous
oe verrez pas le lendemain matin. Faite»
chacune de vos actions comme si elle devait
être la dernière de votre vie, c'est-k-dire
avec toute la ferveur et 1 esprit de piété dont
vous êtes capables. Veillez sans cesse contre
les tentations,' et résistez courageusement
aux efforts du démon ; cet ennemi est bien
faible quand on sait le désarmer. 11 redoute
lejeûae,la (Rière,rhumilité et les bonnes
œuvres; quoique je parle contre lui, il n'a
BIT la force de me fermer la bouche. Il ne
ut que le signe de la croix pour dissiper ^es
prestiges et ses illusions (76). Oui, ce signe
de la croix du Sauveur, qui Ta dépouillé de sa
naissance, suffit pour le taire trembler (77). »
Le saint fortifiait ces dernières instructions
par le récit des divers assauts qui lui avaient
été livrés par le démon.
« Cest par la prière, aioutait-il, que j*ai
triouiphé de tous ses pièges. 11 me dit un
îoor, après s'être transformé en ange de
lumière : Antoine, demandez ce que vous
Tondrez, je suis la puissance de Dieu. Mais
je n*eus pss plutôt invoqué le nom de Jésus,
qu'il disparut. » Le saint avait merveilleu-
sement le don de discerner les esprits. Voici
la r^e qu'il donnait à ses disciples sur ce
sujet (78). « La vue des bons anges, disait-il.
D'apporté aucun trouble ; leur présence est
douce et tranquille; elle comble TAme de
joie, et lui inspire de la confiance. Ils font
concevoir un «tel amour des choses divines,
Îtt'on voudrait quitter la vie pour les suivre
anf la bienheureuse éternité. Au contraire,
l'apparition des mauvais anges remplit de
trouble. Ils se présentent avec bruit; ils
jettent TAme dans une confusion de pensées,
ou dans une frayeur qui la déconcerte. Ils
dégoûtent de la pratique des vertus, et ren-
deot Tâme inconstante dans ses résolu-
lions. »
Pendant qu'Antoine était ainsi occupé,
dans la solitude, de sa propre sanctification
et do celle de ses disciples, l'Eglise se vit
attn«|uée par llaximin,qui ralluma le feu de
la fiersécution en 311. L espérance de verser
(76) Pag. 814.
(77) Ceue règle a reçu de justes louanges da
rarJiaal Booa» et de tous ceux qui ont bien écrit
sur le diseememeot des esprits.
(78; Pag. 825, édit. Ben.
son sang pour Jésns-Clirist l'engagea k sortir
de son monastère. 11 prit la route d'Aleian-
drie, afin d'aller servir les Chrétiens renfer-
més dans les prisons, et condamnés à travail-
ler aux mines. 11 les engageait tous h rester
inébranlables dans la confession de la foi,
et cela jusque devant les tribunaux^ et dans
les lieux où se faisaient les exécutions. 11
portait publiquement son habit monastique,
sans craindre que le ju{;e le reconnût. 11 ne
voulut pourtant point imiter l'exemple de
ceux qui se livraient eux-mêmes aux tjrans,
parce qu'il savait qu'on ne peut asir ainsi
sans une inspiration particulière uo Dieu.
Là persécution ayant cessé l'année suivante,
il retourna dans son monastère, résolu d'v
vivre plus que jamais dans une entière sù-
paration du monde. Ce fut ce qui le porta k
laire murer la porte de sa cellule. 11 en sortit
néanmoins quelque temps après, et quitta
la contrée où étaient ses. premiers monastè-
res, que saint Athanase appelle le$ Manoê^
lires m dekorê. Ils étaient aux environs de
M emphis, d'Arsinoé, de Baby looeet d'Aphro-
dite (79). Le nombre des solitaires de co
premier désert de saint Antoine s'accrut
prodigieusement ; et Rufin, en parlant de
saint Sérapion d*Arsinoé, peu après la mort
de saint Antoine, dit qu'il était supérieur
de dix mille moines, il qoute qu on ne
pouvait presque compter ceux qui habitaient
les solitudes de Memphis et de ftabylone. Do
ces solitaires, les uns vivaient ensemble et
formaient des corps de communautés. Les
autres menaient la vie anachorétiqoe dans
des cavernes séfiarées. Saint Athanase, qui
les visita souvent, n'en parle qu'avec des
transports d'admiration.
« Il y a, dît-il, des monastères qui sont
comme autant de temples remplis de per-
sonnes dont la vie se passe à chanter des
psaumes, h lire, à prier, k jeûner, à veiller;
qui mettent toutes leurs espérances dans les
biens à venir, qui sont unies par les liens
d'une charité aamirable, et qui travaillent
moins pour leur propre entretien que pour
celui des pauvres. C'est comme une vaste
région absolument séparée du monde, et
dont les heureux habitants n'ont d'autre
soin que celui de s'exercer dans la justice
et la piété. > Tous ces solitaires étaient
conduits par le grand saint Antoine, qui no
cessait d animer leur ferveur par sa vigi-
lance, ses exhortations et ses exemples. Et,
quoiqu'il eût établi des supérieurs subal-
ternes, il ne laissa pas de conserver toujoucs
sur eux une surintendance générale, mémo
après qu'il eût changé de demeure.
Cependant le saint, après avoir recom-
mandé à Dieu ses disciples, résolut de pé-
nétrer plus avant dans les déserts, afin d*j
vivre plus éloigné du commerce des hommes,
et, pour ainsi dire, seul avec Dieu seul. Par
là il se préservait encore de la tentation de
<79) C*est-à-dire, dans les déserts, situés autour
de la moougne, où était le vieux château quil
avaii habité, el d'où il était sorti pour fonder ci
gouverner ces monastères.
1
275
ANT
DICTIONNAIRE
ANT
!76
la vanité, qu'il craignait extrômomont. H
se détermina donc à s ^ retirer dans un lieu
de la haute Egypte, où il n'y avait aue des
hommes sauvages. Etant arrivé sur le bord
du Nil, il 5*arrèta dans un lieu commode»
attendant qu'il passât un bateau sur lequel
il pût remonter le fleuve vers le sud. Mais,
par une inspiration particulière de Dieu, il
cliangea de dessein ; et au lieu do s'avancer
v^rs le sud, il se joignit k quelques mar-
chands arabes quiailaient vers la mer Rouge,
du c6téde l'Orient. Enfin, ayant marché trois
jours et trois nuits porté apparemment sur
un chameau, il gagna le lieu où le ciel
voulait qu'il fixflt sa demeure nour le reste
de ses jours. C'était le mont Coizin, ({u'on a
depuis nommé le mont Saint- Antoine, et
qui n'est qu'à une journée de la mer Rouge.
Au bas est un ruisseau sur le bord duquel
on voit un grand nombre de palmiers, qui
contribuent beaucoup à rendre ce lieu com-
mode et agréable. Cette montagne était si
haute et si escarpée, qu*on ne pouvait la
regarder sans frayeur; on la découvrait du
Nil, quoiqu'il y eût trente milles ou douze
lieues (80), à l'endroit où elle en était le
plus proche. Saint Antoine s'arrêta au pied
de cette montagne, et fixa sa demeure dans
une cellule si étroite, qu'elle ne contenait
en carré qu'autant d'espace qu'un homme
en peut occuper en s'étendant.
Il y avait aeux autres cellules toutes sem-
blables, taillées dans le roc, sur le sommet
de la montagne, où Ton ne montait que très-
difficilement, par un petit sentier fait en
forme de limaçon. Le saint se retirait dans
l'une de celles-ci, lorsqu'il voulait se déro-
ber à la presse ; car il ne put rester long-
temps.inconnu. Ses disciples le découvrirent
i la fin, après beaucoup de recherches, et se
chargèrent du soin de lui procurer du pain ;
mais il voulut leur épargner cette peine. Il
les pria donc de lui apporter une bêche, une
cognée, et un peu de blé qu'il sema, et qui
lui rapporta suffisamment de quoi se nour-
rir. Sa joie fut extrême quand il vit qu'il n'é-
tait plus à charge à personne.
Quelque désir qu'il eût de vivre dans la
retraite, il ne put résister aux instances
qu'on lui fit d'aller visiter ses premiers mo-
nastères. Il y fut regu a?ec les démonstra-
tions de la joie la plus vive. Ses discours
(80) Saint Antoine passa les dernières années de
sa vie, et moumt sur sa montagne. Il est dit, dans
la vie de saint Hilarlon, qu'un diacre d* Aphrodite,
nommé Baisan, louait des chameaux à tous ceux
qui avaient envie de visiter notre saint, et qu^il y
avait trois journées de chemin à faire pour gagner
sa montaffne; encore tallait-il que ces animaux
-allassent fort vite. Le monastère de saint Antoine,
fondé sur cette montagne, a toujours été célèbre
dq[)uis par un grand nombre de pèlerinages
(Voyez leg Commeniaireê de Kocher sur le$
fa$tes des AbysiitUt dans le Journal de Berne^
an 1761, t. 1«% p. 160 et 169). On voit encore un
peu au-dessus de Tancienne ville d'Aphrodite, sur
le bord du Nil, un monastère dont saint Antoine est
patron. On l'appelle dans le pays der Mar. Aitlo-
titous êl bahf.^ c'est-à-dire, le monastère de saint
Antoine sur le fleuve {Voyez Pococke, p. 70, avec ta
inspirèrent à ses disciples une nouvelle ar*
deur de croître en vertu et en sainteté. Ce
fut dans ce même voyage qu'il visita sa sœur,
supérieure d*une communauté de vierges,
qu elle édifiait par rexem|)le de tontes les
vertus. Après avoir satisfait à ce devoir de
cliarité, il reprit la route de sa montagne.
Les solitaires et les personnes affligées Te-
naient de toutes parts le consulter. Il don-
nait aux uns des avis salutaires, et obtenait,
par ses prières, des miracles du ciel en fa-
veur des autres. Nous apprenons de saint
Atbanase qu'il guérit un nommé Fronton,
de la famille de l'empereur, d'une maladie
si extraordinaire, qu*il se coupait la langue
avec les dents. Il rendit la santé h une fille
paraljliaue et à plusieurs autres malades. Si
quelqueiois Dieu n'accordait pas è ses priè-
res la guérison des malades, il se soumet-
tait à la volonté du ciel, et exhortait forte-
ment les autres à faire la môme chose. Sou-
vent il les envoyait à d'autres solitaires,
afin qu'ils obtinssent parleurs prières ce qui
avait été refusé aux siennes. « Je leur suis
bien inférieur en mérite, disait-il, et je m'é-
tonne qu'on vienne me trouver, tandis qu'on
pourrait s'adresser à eux. »
Le lieu de la retraite du saint ayant élé
découvert, comme nous l'avons dit, plusieurs
de ses disciples se rendirent au[)rès de lui;
mais ils ne purent, malgré l'envie qu'ils en
avaient, obtenir de lui la permission de s'é-
tablir sur sa montagne. Ils bAtirent donc,
avec son consentement et par son avis, le
monastère de Pispir ou Pispiri (81). Ce mo-
nastère» peu éloigné du Nil, et peut-être sur
le bord de ce fleuve, était du c6té de Torient,
et à douze lieues de la montagne du saint.
Macaire et Amathas y restèrent iusqu'ao
temps où ils demeurèrent auprès du saint,
Fiour le servir dans son extrême vieillesse.
I s'y forma une communauté aussi nom-
breuse que dans les déserts d'au delà du Nil.
On dit qu'après la mort du saint patriarche,
Hacaire y eut sous sa conduite jusqu'à cinq
mille moines. Dans la suite, Amathas etPi-
thirion gouvernèrent aussi un grand nombre
de moines, qui habitaient dans des cavernes,
sur la montagne même du saint. Il y atail
beaucoup de ces cavernes, à cause de la
quantité de [>ierres qu'on avait tirées pour
la construction des pyramides d'Egypte.
carte quMl a mise à la tète de cette partie de ses
voyages , ibvà, , p. 128 ; Changer , Relatm dt
voyage^ etc., p. 107 ; Nouveaux tném. de* miistaitft
tome V, p. 156; Maillet, DescripL de CEq^^
p. 320, etc.).
(81) Quelqaes-uns appellent saint Antoine fon-
dateur du mouastère de Pispir; d'autres dooneat
ce titre,è Macaire, son disciple, qui en eut la coo-
duite. Pispir était situé sur le bord du Nil, dans la
Thébaide. Pallade (Latia, c. 63), le met à irenie
ffnfaûc de la montagne de Saiut-AntoÎDe. Les cnti-
ques sont partagés sur les mesures, appelées eo
grec êemeia. Les uns lès entendent des milles ro-
mains, les autres des schœnei égyptiens, dont clia;
cun était de 30 stades. Pispir devait être fort éloi-
fné des premiers monastères de saint Anloiw
Voyez Kocher, ioc. cit.).
•n
ANT
DÀSCËTtSME.
AMT
SIS
Saint Aotoine était trop éloi^é de ses pre-
miers disciples pour les visiter souvent;
mais il ne négligeait pas pour cela leurs be-
soins spirituels. Outre les instructions |)ar-
timlièrâs qaMl donnait à ceux qui venaient
la visiter de temps en temps, il leur écrivait
encore, comme nous rapprenons de saint
JéfOme. Quant au monastère de Pispir, qui
éiait plus près» il j allait fréquemment. Ce
fut là qu'il confondit les philosophes et les
sophistes qui voulurent disputer avec lui.
Celait lA aussi qu'il instruisait les étran-
gen$, surtout les grands, qui ne pouvaient
arec leur suite gagner le haut de la monta-
gne. Macaire, son disciple, chargé de rece-
Toir les étrangers, Tinformait de ce dont
voulaient lui parler ceux qui demandaient à
l'entretenir. Ils étaient convenus entre eux
d'appeler Egyptitns les personnes du monde,
HJérosolymitaini celles qui faisaient pro-
fessioD d'une rare piété. Ainsi, lorsque Ma-
caîre disait A son mattre que les lérosoljmi-
ittios étaient venus pour le visiter, il s'as-
sejait avec eux et leur parlait des choses de
Dieu; s'il lui disait au contraire que c'était
des E^pticDs, il se contentait de leur faire
une petite exhortation, après laquelle Ma-
eaire les entretenait et leur préparait des
lentilles. Dieu lui ayant un jour fait voir
toute \a surface de la terre tellement cou-
verte de pièges, qu'il était presque impossi-
ble de Cure un pas sans y tomber, il s'écria
tout tremblant ; « Qui pourra donc, Seign.eur,
éviter le danger? » Une voix Jui répondit
aussitôt : « Ce sera l'homme vraiment hum-
ble (81*). »
Antoine était assurément dans le cas de
oe rien craindre, car il se regardait toujours
comme le dernier des hommes et comme le
rebut du monde. 11 écoutait et suivait les
avis qai lai étaient donnés par toutes portes
da personnes ; ses leçons sur l'humilité
étaient anssi admirables que son exemple.
U disait A son disciple : « Lorsque vous gar-
dez le silence, ne vous imaginez pas pour
cela faire an acte de vertu; mais reconnais-
sez plutôt que vous n'êtes pas digne de par-
ler. 9
Aotoine avait auprès de sa cellule un petit
jardin, qu'il cultivait de ses propres mains.
Il en tirait de quoi procurer quelques ra-
fraîchissements aux personnes qui, pour ar-
river jusqu'A lui, étaient obligées de traver-
ser avec beaucoup de fatigues un vaste dé-
sert. La culture de son jardin n'était pas le
seul travail auquel il s'occupait ; il faisait
encore des nattes. Un jour qu'il s'affligeait
de ne pouvoir se livrer avec une continuité
tssidue au saint exercice de la contempla-
tiiin, il eut la vision suivante : un ange lui
apparut; cet esprit céleste se mit à faire une
natte avec des feuilles de palmier, et il quit-
tait de temps en temps son ouvrage pour
s'entretenir avec Dieu dans l'oraison. Après
(SI*) RoswEiDc, t. 111, c. 129; Cotbl, etc
(82] Saint Nu., ep. 24; Cotel, Apophth. Patr.^
p. 34è; RoftWEiDE, t. m, c. 105; t. V, c. 7.
(85) pALLAa., Laui,
(84> Cassun., Collât. 9, cap. 5!, p. 495.
avoir ainsi entremêlé plusieurs lois ie tra*
vail et la prière, il dit au saint : « Faites la
môme chose, et vous serez sauvé (8S). »
Antoine n'omit jamais cette pratique, et il
tint toujours son cœur uni à Dieu pendant
que ses mains travaillaient. Qu'on ju^e de
la ferveur de ses prières et de la sublimité
de sa contemplation par ces traits 1 II se le-
vait à minuit, priait à genoux, les mains r
levées au ciel, jusqu'au lever du soleil, et
souvent jusqu'à trois heures après midi (83).
Quelqueiois il se plaignait de ee que le re-
tour de l'aurore le rappelait à ses occupa-
tions journalières ISk). « Qu'ai-je affaire de
ta lumière, disait-il au soleil, lorsqu'il com-
mençait k paraître, pourquoi viens-tu me
distraire? pourquoi ne te lèves-tu que pour
m'arracberè là clarté de la véritable lumière? »
Cassîen, qui rapporte ce trait, ajoute que,
pendant l'oraison, il disait que celle d'un
religieux n'était pas parfaite lorsqu'en .
priant il s'apercevait lui-même qu'il priait :
ce qui fait voir combien sou oraison était
sublime.
Les visions dont nous avons déjà parlé ne
furent pas les seules dont Dieu favorisa son
serviteur. Il lui découvrit, sous la figure de
mulets qui renversaient l'autel à coups de
pieds, les horribles ravages que les ariens
causèrent deux ans après dans la ville d'A-
lexandrie. Et de çraves auteurs (85) nous
assurent qu'il prédit clairement les excès
auxquels la fureur de ces hérétiques se
porta. U détestait, en général, tous les en-
nemis de l'Eglise; il les chassait de sa mon-
tagne,en les traitant de ierpentê venimeux ^9ê)f
et jamais il ne leur parlait, à moins qu'il ne
fût question de les exhorter k rentrer dans
l'unité.
Plusieurs évoques, persuadés que per^
sonne n'était plus propre que notre saint à
confondre lus ariens , l'engagèrent, vers
l'an 355, à faire un vojage à Alexandrie. 11
se rendit à leurs sollicitations. A peine
fut- il arrivé dans cette ville, qu'on l'enten-
dit prêcher hautement la foi catholique. IL
enseignait que le Fils de Dieu n'était point
une simple créature, mais qu'il était consubs-
tantiel au Père : « U n'appartient,, disait-il,
qu'aux sectateurs impies d'Anus de le
traiter de créature. Aussi ne diffèrent-ils
f»as des païens, qui rendaieni un culte sacri-
ége à la créature^ au lieu d^adorer le Créateur.
Tout le monde s'empressait d'aller le voir et
de l'entendre. Les idolâtres partageaient cet
empressement avec les Gnrétiens. Nou$
voulons voir Vhomme de Dieu, disaient-ils.
Il j en eut plusieurs d'entre eux qui, frap-
pés de ses discours et de ses miracles, de-
mandèrent le baptême. Antoioe vil à Alexon*
drie le célèbre Dydime, qui, quoique aveu-
gle dès rage de quatre ans» s'était néanmoins
rendu très-habile dans toutes sortes de
sciences, et qui, k cause de son zèle à dé-
(85) SaiBt Athah.,d. 82, p. 857; saint CbetbosTh
hom. 8 in MaHh.; saint Jêrphb, ep. 16; Sozoa.,
l. \1, c. 5.
(86) Saint Atha!«., n. 68, 69, p. 847
279
ANT
DICTIONNAIRE
ANT
feoilre ta foi de Ni<:ét», élait fort estimé de
saint Atbanase et du tous les évoques catho-
liques. Il lui dit, un jour quMIs s'entrete-
naient 'ensemble : « Fourriez-Yous regretter
la perte de la vue? Les yeux vous étaient
communs avec les mouches, les fourmis et
les animaux les plus méprisables. Vous
defez plutôt vous réjouir de posséder une
lumière qui ne se trouve que dans les apô-
tres, les saiQts et les ançes, lumière par la-
quelle nous voyons Dieu même, et qui
allume dans nous le feu d'une science tonte
véleste. La lumière de l'esprit est infiniment
préférable à celle du corps. Il ne faut qu'un
regard impudifiue pour que les yeux char-
nels nous précipitent dans l'enfer. » Le saint
ayant passé quelques jours à Alexandrie, ne
pensa plus qu'à retourner dans sa cellule.
En vain le gouverneur d'Egypte voulut le
retenir plus longtemps; il ne répondit ft ses
invitations que par ces paroles : « II en est
d'un moine comme d'un poisson; l'un meurt
s'il quitte l'eau, et l'autre s'il quitte sa
solitude (87}« » Saint Atbanase le reconduisit
{)ar respect jusqu'aux portes de la ville, où il
e vit çuérir une ûUe possédée du démon.
Plusieurs philosppbos païens, curieux de
voir un solitaire dont la renommée publiait
tnntdemerveilles, visitèrent souvent Antoine,
dans le dessein de disputer avec lui. Il leur
prouvait d'âne manière invincible que la
religion chrétienne est la seule vraie, la seule
qu'on puisse professer avec sûreté. « Nous
autres Chrétiens, leur disait-il, en pronon-
çant seulement le nom de Jésus-Christ cru-
cifié, nous mettons en fuite ces démons que
vous adorez comme des dieux. Leurs presti-
ges et leurs charmes perdent tontes leurs
forces où le signe de la croix est formé. » Il
confirmait ce qu'il avait avancé en invoquant
le nom de Jésus, et en faisant le signe de la
croix sur des possédés qui, se trouvant
tout k coup délivrés, se levaient pour té-
moigner à Dieu leur reconnaissance (88).
Quelques-uns de ces philosophes lui deman-
dèrent un jour k quoi il pouvait s'occuper
dans son désert, puisqu'il était privé du
plaisir que l'on goûte dans la lecture. « La
nature, répondit'^il, est pour moi un livre
oui me tient lieu de tous les autrtts. » Quand
il y en avait qui voulaient tourner en ridi-^
cule son ignorance dans les sciences profa-
nes, ri leur demandait, avec une simplicité
admirable, qui de la raison ou de la science
était la première, et laquelle des deux avait
produit l'autre? « C'est sans doute la raison,
répondirent-ils. La raison suffit donc, repre-
nait le saint. » C'était ainsi qu'il réfutait ces
t Prétendus savants, et qu'il prévenait toutes
eurs objections. Us s'en allaient si frappés
de la sagesse de ses discours, qu'ils ne
pouvaient lui refuser leur admiration. D'au-
tres, dans le dessein de le trouver en défaut,
l'interrogeaient sur les raisons qu'il avait de
croire en Jésus-Christ. Mais il leur ferma la
(87) Saint AthaN., n. 85, p. 859.
(88) Saint Athan., o. 89, p. 855.
(89) Saint Antoine, comme le rappoiic saint
bouche en leur montrant que d'attribuer,
comme eux, les vices les plus infâmes i la
Divinité, c'était la dégrader; que le mystère
purifiant de la croix était la preuve la plui
sensible de la bonté divine, et aue les humi-
Hâtions passagères de Jésus-Cnrist avaient
été amplement effacées par la ^oire de sa
résurrection et parles miracles sans nombre
qu'il avait opérés, en rendant la vie aux
morts, la vue aux aveugles, la santé aui
malades. Il établissait ensuite que la foi en
Dieu, et les œuvres dont elle est le principe,
avaient quelque chose de bien plus clair et
de plus satisfaisant que les rêveries des
Grecs (80).
On ne peut douter de rattachement de
saint Antoine à la doctrine 'du concile de
Nicée après ce que nous avons dit de son
voyagea Alexandrie. Cen^est cependanf pas
la seule occasion où il fit connaître ses seati-
ments ; car il n'eut pas été plutôt informé
que le faux (>atriarche Grégoire, soutenu de
I autorité du duc de Balac, persécutait les
orthodoxes avec fureur, qu'il lui écrivit de la
manière la plus pressante pour Texhorterà
ne pas déchirer le sein de l'Eglise. Malheu-
seoient sa lettre ne produisit aucun effet;
le duc, au lieu d'y avoir ésard, la mit en
pièces, cracha dessus et la foula aux pieds.
II menaça même le saint de décharger sar
lui le poids de son indignation. Mais la jus-
tice de Dieu ne tarda guère à le punir. Eo
effet, allant cinq jours après i(90}, sur des
chevaux de sa propre écurie, avec Nestor,
gouverneur d'Egypte, ces animaux se mirent
ajouter ensemble, et celui (;^ue Nestor mon-
tait, quoique très-doux, se jeta sur Balac, le
renversa par terre, et hennissant contre lui,
le mordit plusieurs fois à la cuisse. Le duc,
extraordinairement maltraité, fut portée la
ville, où il mourut au bout de deux jours.'
La vénération qu'on avait pour notre saint
était si universelle, que le grand Constantin
et ses deux fils. Constance et Constant, lui
écrivirent vers l'an 337. Ces princes, dans
leur lettre commune, sollicitaient le secours
de ses prières, et lui témoignaient le plus
vif empressement de recevoir une réponse
de sa part. Les disciples d'Antoine étant
surpris de l'honneur que lui faisait le maître
du monde, il leur dit : « Vous ne devez pas
vous étonner de ce que je reçois une lettre
de l'empereur; c'est un homme qui écrit a
un autre homme. Hais étonnez^vous de ee
que Dieu nous a fait connaître ses volontés
par écrit, et de ce qu'il nous a parlé par son
propre Fils. » 11 ne voulut pas d'abord taire
de réponse, alléguant pour raison qu'il ne
savait pas comment s y prendre. A la un
pourtant il céda aux représentations réitérées
de ses disciples, et écrivit h Tempereur et a
ses enfants une lettre dans laquelle il [^
exhortait à mépriser le monde, et i oe i^
mais perdre de vue la pensée du jugement
Athanase, n. 77, p. 852, se servit d'un inierprèÉe
pour discuter contre ces philosophes grecs.
(OOj Saint Athan., n. 86, p. 8G0.
tu
ANT
DASCETISHK.
ANT
sa2
dernier. Elle nous a été oonserrée par saint
Athanase.
Le saîBt écririt aussi plusieurs lettres (91)
à divers iponastères d'Egypte, dans les-
quelles on trouve le stjle des apAtres et la
solidité de leurs maximes. 11 insiste forte-
ment , dans celle qui est adressée aux moi*
Des d*Ar$inoé , sur la nécessité d*opposer
aux tentations la Tigilance, la prière, la
mortification et rhumilité. Il ; obseive ,
pour mieux faire sentir le danger de Tor-
gueil , que c'est ce péché oui a perdu le
oémon, et par conséquent celui dans lequel
il s'efforce particulièrement d'entraîner les
hommes. Il répète souvent que la connais-
sance de nous-mêmes est Tunique moyen de
nous élever à la connaissance et è l'amour
de Dieu (92). Il ne parait pas que saint An-
toine ait écrit de règle pour ses disciples (93),
du moins les anciens auteurs n'en ont rien
dit. Ses exemples et ses instructions étaient
une règle vivante à laquelle les saints moi-
nes de tous les siècles ont toujours essayé
de conformer leur vie.
Dieu fit connaître au saint la décadence
future de Tétat monastique. Il en avertit ses
disciples un jour qu'ils marquaient leur
surprise de ce qu'un si grand nombre de
personnes venaient pratiquer dans la soli-
tude tout ce que la pénitence a de plus ri-
(;oureux. « Du jour viendra , leur dit-il les
armes aux yeux , que les moines se cons-
truiront des bâtiments magnifiques dans les
villes , qu'ils aimeront la bonne chère , et
Îu'ilsnese distingueront plus des personnes
u monde que par leur habit. Cependant ,
malgré cette corruption générale , il s'en
trouvera toujours quelques-uns qui conser-
veront l'espnt de leur état ; aussi leur cou-
ronne serait-elle d'autant plus glorieuse, qou
leur vertu n'aura pas succombée la multi-
tude des scandales » ( Roswetob , Vit. Patr.^
t. y, c. 8). C'était dans l'intention de préve-
nir ce malheur, que le saint inculquait si
fréquemment k ses disciples le mépris du
monde, la nécessité d'avoir toujours la mort
f Présente à son esprit , d'avancer cootinuel-
ement dans la perfection , d'être sans cesse
(91) 6àiBt iéréme parle de sept. Im originanx
écrits es langue égyptieBoe se cooservent encore
daas ffasieurs monasléres d'^yple. Nous n*en
avons qn'oiie assez mauvaise traductico bcine faite
sor le grec (In Bibt. Pair. Coton,^ tom. IV, p. 26).
Toyez le Ihrre intiuilé : S» Antomi Magtd £»»-
$uim tt, cura Abraham Eckelleniis^ imprimé à Pa-
ns, en IMl. De ces vingt lettres attribuées à saint
Antoine, il n'y a qne tés sept dont nons avons
parié et-derant qui soient véritablement de lui ; on
ne peut m non plus lui ôcer les discours rapportés
dans sa Vie par saint Athanase.
(») Les BoUandistes ont publié, Mail, tom. m,
p. 555, «ne courte lettre de saint Antoine à saint
Théodore, aUié de Tabenne, dans laqueUe il dit que
Dieu lui avait assuré, dans une révélation, que tous
W pécheurs sincèrement repentants de leurs
butes en obtiendraient le pardon.
(95) Celle que Ton trouve sons son nom dans
Abrwam Eckeliensîs est de beaucoup postérieure
au temps oà il vivait. En Orient, plusieurs moines
de Saint-Basile portent, depuis le xvii* siècle, le
de moines de Saint-Antoine, mais ils suivent
en garde contre les ariiflces du démon , et
de bien discerner les esprits ( S. Athah.,
n. 16 et 43 ).
Antoine , qui sentait que sa fin approchait ,
entreprit la ? isiie de ses monastères ; ses
disciples, auiquels il prédit sa mort pro-
chaine, le conjurèrent tous, les larmes aux
jeux , de rester avec eui jusqu'à son der-
nier moment ; mais il ne voulut jamais y
consentir. Ils craignaient qu'on n'embaumât
son corps, suivant la coutume des Egyp-
tiens , abus qu'il avait lui-même condamné,
comme ayant la vanité et quelquefois la su*
perstition pour principe; et ce fut pour empé*
cher qu'on ne le commit è son égard , qu'il
avait expressément recommandé è Macaire
età Amathas, qui demeurèrent avec lui les
quinze dernières années de sa vie, de l'en-
terrer comme les patriarches l'avaient été ,
et de garder le secret sur le lieu de son
tombeau. De retour dans sa cellule , il y
tomba malade peu de jours après; il réitéra
k ses deui disciples les ordres qu'il leur
avait donnés précédemment sur sa séfiulture,
puis il ajouta : « Lorsque le jour de la ré-
surrection sera venu , je recevrai ce corps
incorruptible des mains de Jésus-Christ.
Partagez mes habits ; donnez è révéaue
Athanase une de mes peaux de brebis , fyk)
avec le manteau (95) sur lequel je couche;
donnez à Tévêque Sérapion l'autre peau de
brebis, et gardez pour vous mon cilice.
Adieu , mes enfants, Antoine s'en va et n'est
Blus avec vous. » Quand il eut ainsi parlé ,
[acaire et Amathas l'embrassèrent, il éten-
dit ses pieds et s'endormit paisiblement
dans le Seigneur. Ceci arriva l'an 3S6. Il
f tarait que ce fût le 17 janvier , jour auquel
es plus anciens Martyrologes le nomment,
et auquel les Grecs célébrèrent sa fôte peu
de temps après sa mort. 11 était âgé de cent
cioa ans , et malgré ces grandes austérités,
il n avait éprouvé aucune de ces infirmités
qui sont le partage ordinaire de la vieillesse ;
il fut enterré comme il l'avait ordonné.
Son corps ayant été découvert en 561 , il
fut transféré avec beaucoup de isolennité h
Alexandrie (96). Les Sarrasins s'étant em-
toujours la rèj^e contenue dans les ouvrages ascé-
Uques de samt Basile. Ds oiisenrent encore les
jeunes et les antres pratiques oui sont en usage
(kws les monastères d4 Tordre Saini-fiasile. U en
est de même des Maronites, et Tiilemont se trompe
en disant le contraire.
(91) Saint Athanase se sert du mot épmdytes
(o. 46, p. 831), ce qui a fort embarrassé les criti-
ques, n semble que« c*était un manteau de laine
blanche.
(95) Il voulait montrer par là qu^il mourrait dans
la communion de saint Athanase.
(96) La translation des reUques de saint Antoine
à Alexandrie a été révoquée en doute par idusieurs
ÇrotestanU; mais eUe est attestée par Victor de
unies (CArofi., p. 22, tu Scaliges. Theêamrc)^ oui
éuit alors reloue il Ganspe, bourg éloi^ seule*
ment de quatre à cinq lieues d'Alexandrie, et qui
pouvait avoir été témoin oculaire de cette cérénio-*
nie. Saint Isidore de Séville, qui vivait dans le même
siècle, Bède^ Usuard, etc., ont aussi parlé de cette
transtadon, conune d'un fait certain.
fhZ
AJVT
DICTlOiNNÂlRË
APA.
tu
i)arés de TEgypte , vers l*an 635 , on le porta
I Conslantinople (RoLLAf«D., p. 162, 113^).
De cette Tille il fut transporté dnns le dio*
cèse de Vienne en Daupnîné ^h la fin du
X* siècle ou au commencement du %i% vers
l'an 980. Un seigneur de cette province ,
nommé Josselin, auc[uel l'empereur de
Constantinople en avait fait présent, le dé*
posa dans Téglise prioralede La Motte-Saint-
Didier (97), laquelle devint dans la suite le
chef-lieu de Tordre de Saint-Antoine. Il s*est
opéré plusieurs miracles par intercession
du saint, dont les reliques, è l'exception
d'un bras , furent transférées , sur la fin du
XIV* siècle, à l'abbaye de Montmajour-les-
Arles; elles y sont restées jusqu'au 9 jan-
vier 111^91, qu'elles furent transférées de'
nouveau , et déposées danis l'église parois-
siale de Saint-Julien de la ville d'Arles , où
elles étaient enfermées dans un beau reli-
quaire de vermeil (98). Voici un des plus
célèbres miracles du saint ( Voyez Bollan-
Dfjs). Un érysipèle contagieux, connu sous
le nom de feu sacrée causait, en 1089,
d'horribles ravages dans plusieurs provin-
ces de France. On ordonna, pour écarter ce
fléau , des prières publiques et des proces-
sions. Un grand nombre de personnes s'é-
lant trouvées miraculeusement guéries ,
après avoir prié devant les reliques de saint
Antoine, il se fit un concours prodigieux à
l'église où elles re|iosaieut. Toute la France
implora la protection du saint contre une
mniadie qui emportait tant de monde, et
l'événement prouva que ce n'était pas en
vain qu'on avait mis sa confiance dans l'in-
tercession du serviteur de Dieu (99).
L'amour extraordinaire de saint Antoine
pour la retraite lui mérita le don de la prière
et de la contemplation dans le plus sublime
degré. Ces saints exercices avaient pour lui
tant de charmes , qu'il y consacrait les nuits
entières , encore lui paraissaient-elles trop
courtes. Une union avec Dieu aussi intime
et aussi continue supposait nécessairement
dans notre saint une pureté incomparable,
un détachement sans bornes , une numililé
profonde, une mortiOcation absolue des
sens et de toutes les puissances de l'Ame.
De là cette inaltérable tranquillité qui an*
nonçait un homme accoutumé à maîtriser
toutes ses passions. Il ne faut pourtant
(97) Ce prieuré relevait alors des Bénédictins de
ral)baye de Montmajour, près d'Arles.
(98) On peut coiisulter Thistoire manuscrite de
l'abbaye de Moutmajour, qui était à Saint-Ger-
main-des-Prés.
(99) Un seigneur des environs de Vienne, nommé
Gaston, fonda, de concert avec son filsGiroud, qui
avait recouvré la santé par Fintercession de saint
Antoine, un hôpital auprès du prieuré de La Motte-
Saini-Didicr, afan d'être à portée de servir tous les
pauvres qui seraient attaqués de la maladie du feu
sacré (appelé depuis le feu de Suint-Antoine). Sept
autres personnes s'étant jointes à eux, il se forma
une congrégation de laïques, qui se dévouèrent au
service des pauvres malades. Bonifacc Vil! fit du
prieuré de La* Motte-Saînt-Didier une abbaye qu'il
doniia àt ces Frères Hospitaliers. 11 érieea leur so-
ciété en religion, leur prescrivit la règle des cha-
pas s'imaginer qu'Antoine fût un de ces
dévols sombres et farouches qui n'ont
rien que de rebutant. Nous apprenons
le contraire de saint Athanase (100). La mi-
santhropie n'approche pas d'un cœur où ré-
gnent , avec la paix , la simplicité, la douceur
et la charité. La vraie vertu , toujours in-
flexible lorsque le devoir parle, ne peut
rendve intraitable celui qui la possède; elle
sait que le défaut d'affabilité et de complai-
sance pour le prochain a communément sa
source dans l'orgueil , vice qui ternit l'éclat
de toutes les vertus que l'on aurait d'ail-
leurs, et qui, en nous éloignant de cette
ressemblance que nous devons avoir a?ec
la nature divine, nous rend en quelque
sorte participants de celle des démons; et
nous apprenons encore de saint Athanase,
que saint Antoine possédait la vertu de pa-
tience dans le plus héroïque degré; la paix
de son âme paraissait sur son visage par
une douce sérénité et une grflce merveil-
leuse , qui faisaient que ceux quina rayaient
vu le reconnaissaient au premier abord, et
le distinguaient aisément des autres frères,
lorsqu'il était en leur compagnie ( Voir les
art. Ascètes, Moines , Caloyers , ANicHosè-
TES , Abbés, Abbaye ].
APATHIE SPITITUELLE. — Le mol apa-
thie, dans le langage mystique, désigne ou
la tiédeur spirituelle^ ou cette impassibUiU
de l'ime dont les quiétistes ont si souTeot
abusé. Nous expliquons au mot Tiédeue l'a-
pathie entendue dans le premier sens. Reste
donc à établir ce qu'il faut penser de celle
doctrine de Pimpassibilité ou de Tapathie
des Ames parfaites.
Depuis que les erreurs de Jovinien et de
Pelage ont rendu l'Eglise plus attentire
h cette matière, saint Jérôme, en écri-
vant contre ce dernier, a remarqué qu'E-
vagre de Pont avait publié un livre et des
sentences.sur Fapathie, «que nous pouvons,
dit-il, appeler impassibilité ou imperturba-
bilité. C*est un état où l'Ame nW émoe
d'aucun trouble vicieux, où , à parler fran-
chement, on est une pierre ou un Dieu. Les
Latins n'avaient jamais donné dans ces
sentiments, et ne connaissaient pas ces ei-
pressions; mais Rufiin traduisit ce livre de
grec en latin, et le rendit commun en Occi-
dent. Cassien, dans les conférences qui!
noînes réguliers de Saint-Augustin, et créa leur
abbé général du nouvel ordre, qui était connu sous
le nom de Chanoines réguliers de Saint-AnUn^'
On l'a supprimé ei incorporé à celui de Malte, par
bulles des 17 décembre 1776 et 7 mai 1777. Ij T
avait en France plusieurs maisons d'Antonins, qu ou
appelait Commanderies, à cause de la dcstinaiioa
primitive de cet institut. Dé là vient que les supé-
rieurs de chaque maison portaient le titre de com-
mandeurs. Le général seul était qualifié abbé, étani
abbé de SainirAntoine en Dauphiné, r.hcf-lie« de
rOrdre. Cette abbaye est à quatre lieues de Ro'^JÏf;
et à une demi-lieuè de Tlsère. La magnifique égttse
subsiste encore (Voyez Bollandus; BiimwR, »• "»
p. 980; le Père Longoeval, Hist. de VEgl. w/w»
1. xxn, t. VllI, p. 16, et la nouvelle édition de Mo-
héri, par Drouet, au mot Antoine.
(m) N. 67, p. 817; n: 73, p. 850.
APA
D^ASCETISXE.
APn
SSS
publie des Orientaux, parle beaucoup d'à-
palbie, mais avec de grands éclaircissements.
Du temps de saint JérAme, cette matière fut
un grand sujet de contestation parmi les
solitaires. Ce Père* comme tous les Occi-
dentaux, fut fort opposé à Tapathie* et en-
i ourut pour cela I indignation de la plupart
des moines d*Orienty comme il paraît dans
Palladius. A la fin, les livres d'Evagre furent
condamnés dans le cinquième concile, avec
ceux d*Origène, dont u était sectateur, et
la doctrine de Tapalhie a été mise, depuis
ce temps-lè, parmi les erreurs. On voit
même, dès auparavant, et même dans saint
Jérdme, qu*£vagre avait été condamné de
son temps par les évoques, et la condam-
nation ae l'apathie passe pour constante.
Il dut pourtant demeurer d'accord que ce
terme d apathie était familier aux spirituels
parmi les Grecs, tant avant le cinquième
concile que depuis. On le trouve dans saint
Uacaire, disciple de saint Antoine. L'apa-
thie (ait un des degrés de l'Echelle de saint
Jean Clîmaque ; mais partout on en parle
plutôt comme d'une chose où l'on tend, que
comme d'une chose où l'on arrive. Vojez
ces spirituels Grec^ dans un combat perpé-
tuel contre leurs pensées, et, selon Isaac Sy-
rien, ce combat durait jusqu'à la mort.
Combattre ses pensées, c'était combattre les
passions qui les faisaient natlre. C'est à
cause des passions, qu'on n'avait jamais as-
sez vaincues, que saint Jean Climaque di-
sait c qu'après avoir passé tous les degrés
des vertus, il fallait encore demander la
rémission de ses péchés, et avoir un conti-
nuel recours à Dieu, qui seul pouvaitfixernos
inconstances. » Il n'v avait rien qu'on fit
tant craindre aux solitaires que la pensée
d'être arrivé à la perfection ; et on raconte
de saint Arsène, ce grand solitaire, dont la
vertu était parvenue à un si haut degré,
qu'en cet état il faisait à Dieu cette prière :
« G mon Dieul faites-moi la grâce qu'au-
jourd'hui, du moins, je commence à bien
faire, ji Ainsi, lésâmes les plus consommées
dans la vertu, bien éloignées de se croire dans
U perfectionne l'impa ssibili té, ou défaire ces-
ser leurs demandes, faisaient celles des com-
mençants. Comment, s'ilsne sentaient rien à
combattre en eux? 11 faut avouer après cela
que le terme d'apa^Ate n'est guère de saison
en cette vie. Saint Clément d'Alexandrie s'en
est servi très-souvent pour attirer les philo-
sophes, qui ne connaissaient de vertu que
dans cet état : tous y aspiraient, jusqu'aux
épîcariens. C'est par là que ce Père a mis
ce terme en vogue ; mais il y a apporté les
tempéraments qu'on a vus, qui reviennent
à la doctrine de saint Augustin et de toute
rÉgtise catholique, sur les combats et l'im-
perfection de la justice de cette vie. Après
saint Clément d'Alexandrie , celui des an-
ciens le plus propre à confondre les no-
vateurs, cest Cassien, parce qne, comme
saint Clément, il a expressément traité de
l'oraison des parfaits contemplatifs, et même
de leur apathie, qu'il appelle, comme lui,
liur immobile et perpeiuelle tranquillité^
mais avec les mAmes correctlis; car, d'a-
bord , dans la^ neuvième conférence , où
l'abbé Isaac commence à traiter de l'oraison,
il enseigne que les parfaits doivent « tendre
à cette immobile tranquillité de l'esprit, et
à la parfaite pureté de cceur, autant que la
fragilité humaine le peut souffrir : quantum
humanœ fragilitati eoneeditur, s Or, cette
fragilité qui reste dans les parfaits consiste
ea deux points, dont l'un est le perpétuel
combat de la convoitise jusqu'à la fin de la
vie; le second est l'inévitaule assujettis-
sement au péché tant qu'on est sur la terre.
Il pousse si loin le premier point, dans
ses institutions monastiques, qu'il ne craint
pas d'assurer que« les combats augmentent
avec les triomphes, de peur oue l'athlète de
Jésus-Christ, corrompu par roisivté, n'ou-
blie son état ; » ce gui est vrai principalement
de l'orgueil, à qui tout, jusqu'à la vertu et
à la perfection, sert de pâture : « Et, dit-il,
l'ennemi que nous combattons est enfermé
au dedans de nous; il ne cesse de nous
combattre tous les jours, afin que notre
combat soit un témoignage de notre vertu. »
Pour venir aux conférences, la sixième,
qui est de l'abbé Théodore, nous montre les
plus parfaits en cette vie, « comme des
gens qui, remontant une rivière, en com-
battent le courant par de continuels efforts
de rames et de bras; d'où il conclut que,
pour peu qu'on cesse d'avancer, on est en-
traîné, ce qui oblige à une sollicitude qui
ne se relâche jamais; «par où il fait voir,
dans les plus parfaits, des exercices actifs
jusqu'à la fin de la vie. U conclut encore
qu'il n'y a personne de pur sur la terre; ce
qui démontre que le repos et la pureté de
cette vie ne peut jamais avoir ce nom à
toute rigueur, ni autrement qu'en compa-
rant un état à l'autre.
Bans les vingt-deuxième et vingt-troisième
conférences, 1 abbé Théonas entreprend de
prouver que ce n'est pas en la personne des
infidèles, mais en la sienne propre , c'est-à-
dire en celle de tous les ndèles, sans en
excepter les plus parfaits, que saint Paul a
dit : Je ne fais pas le bien fue je veux; et le
reste : où ce saint apôtre porte ses gémisse-
ments sur le combat de la convoitise jusqu'à
cette exclamation : Malheureux homme que je
euis! Le docte abbé conclut de là « que les
plus forts ne soutiennent pa^un combat si
continuel, sans y recevoir quelques blessu-
res; que les plus saints et les plus justes ne
sont pas sans péché; que ce n'est pas seu-
lement par humilité, mais en vérité qu'ils se
reconnaissent impurs. »
APHORISME. — On désigne sous ce nom
une sentence ou une maxime énoncée en
peu de mots expressifs. Tout le monde con-
naît les Sentences ou Aphorismei d'Hippo-
crate; en jurisprudence, le livre des Apho^
riêmeSf les Pandectee de Pothier. Par imita-
tion, les auteurs ascétiques ont désigné
sous ce nom les plus belles maximes de la
perfection chrétienne.C'est ainsi iqu'aux mots
Peefbctioii, Abahdoh, etc., nous donnons
les principaux aphorismes qui y ont rap-
287
APP
DICTIONNAIRE
APP
M
port, tels que nous les ont laissés les meil*
leurs maîtres de la vie spirituelle.
APOTACTITES ou apotagtiqubs, en grec
hroTOfxzlrgUf COmposé de ftiro et Tarrwy je re*
nonce. — C'est le nom d'une secte de faux
mystiaues, qui renonçaient à tous leurs biens
et voulaient imposer à tous les Chrétiens
l'obligation de faire de môme, pour suivre
les conseils évangéliques , et pour imiter
l'exemple des apôtres et des premiers fi-
dèles.
11 ne parait pas qu'ils aient donné d'a-
bord dans aucune erreur. Selon Quelques
auteurs ecclésiastiques, ils eurent des vier-
ges et des martyrs sous la persécution de
Dioclétien, au iv* siècle. Ensuite ils tombè-
rent dans l'hérésie des encratites.
APPARITION. — Action par laquelle un
esprit tel que Dien, un ange bon ou mau-
vais, l'Ame d'un mort y se rend sensible,
agit et converse avec les hommes. Les exem-
ples en sont fréquents dans TEcriture sainte
{Voir Vision.)
Les auteurs profanes ont aussi rapporté
une multitude (Tapparitions des esprits; les
philosophes du m* et du iv* siècle de l'É-
glise, entêtés de théurgle, de théopsie et
de magie, croyaient ou faisaient semblant
de croire que l'on pouvait converser avec
les génies ou dieux du paganisme; que plu-
sieurs hommes en avaient vu, leur avaient
parlé et en avaient reçu des réponses. Quel-
ques Pères de TÉglise ont été persuadés
qu'en effet le démon s'était rendu sensible
à ses magiciens, en particulier à Julien l'A-
postat, et que Dieu l'avait permis pour pu-
nir leur impiété. On ne peut savoir avec
certitude jusqu'à quel point l'imagination ,
les prestiges de l'esprit impur, ou Timpos-
ture, ont eu lieu en ces circonstances. Com-
ment nous fier à de prétendus philosophes,
dont la mauvaise foi allait de pair avec leur
fanatisme? Porphyre et Jamblique, moins
entêtés que les autres , ont témoigné qu'ils
n'ajoutaient aucune foi h toutes ces visions;
les Chrétiens ont plus d'une fois défié les
païens de faire agir en leur présence ces
génies dont on vantait la puissance (Ter-
TULLiEN , Apolog., ch. 22 et 23.) Si l'on veut
en croire les voyageurs, les magiciens ont
souvent commerce avec le démon.
Quant aux apparitions des morts, rien
n'estplus commun chez les historiens païens ;
c'est ce qui avait fait naître dans le pa-
f;anisme la nécromancie, ou l'art d'évoquer
es morts, pour apprendre d'eux l'avenir;
mais aucun de ces faits, dont les auteurs
{)aïens repaissaient leur crédulité, n'est
bndé sur des preuves assez fortes pour
nous obliger à le croire. S'il y en avait de
bien prouvés, nous n'aurions aucune ré-
pugnance à y ajouter foi. D'autre part , les
doutes que nous inspirent des narrations
apocryphes ne dérogent en aucune ma-
nière à la certitude des faits rapportés dans
les livres saints; vainement ^s incrédu-
les se croient eu droit de tout nier, parce
que tout n'est pas également prouvé.
l"" Ceux qui admettent un Dieu peuvent-
ils mettre des bornes k sa puissance, régler
ses décrets, prescrire la conduite qu'il a dA
tenir envers les hommes depuis la création?
Dieu, sans doute, peut se revêtir d'un corps,
c'est-à-dire rendre sa présence plus sensi-
ble, par la parole et par l'action qu'il donne
à un corps quelconque; que ce corps soit
igné, aérien, lumineux ou opaque, cela est
é^al ; on ne prouvera jamais que cette ma-
nière d'instruire les hommes, de leur dic-
ter des lois, de leur prescrire une religion,
est indigne de la sagesse et de la majesté
divine; Dieu a donc pu s'en servir. Com-
ment prouvera-t-on qu'il ne l'a pas fait?
Une preuve qu'il Ta fait à l'égard des pa-
triarches, de Moïse, et d'autres, c'est qu'ils
nous ont laissé les monuments d'une reli-
gion plus pure, plus sainte, plus sensée,
plus vraie que toutes celles des peuples qui
n'ont pas pas eu le môme secours. Il faut
donc que Dieu la leur ait révélée.La manière
dont ils disent que cette révélation leur a été
faite était donc convenable, puisqu'elle a
produit l'effet que Dieu se proposait.
Les apparitions des anges et des morts ne
renferment pas plus de difficultés que les
apparitions oe Dieu. Il ne lui est pas moins
aisé de donner un corps à un ange que d'en
revêtir une flme humaine. Lorsque celle-ci
est séparée de nos corps, Dieu peut certai-
nement la faire reparaître, lui rendre le
même corps qu'elle avait, ou un autre, la
remettre en état de faire les mêmes fonc-
tions qu'elle faisait avant la mort. Ce moyen
d'instruire les hommes et de les rendre do-
ciles est un des plus frappants que Dieu
|iuisse employer.
2" Les matérialistes m Ames, qui ne croient
à Dieu ni aux esprits, et qui nient tous les
faits capables d'en prouver l'existence, ne
raisonnent pas conséquemment. Bayle a dé-
montré que Spinosa, dans son système d'a-
théisme, ne pouvait nier ni les esprits, ni
leurs apparitions, ni les miracles, ni les dé-
mons, ni les enfers. {Dici. crit.f art. Spinoia^
rem. Q et suiv.)
En effet, selon l'opinion des matérialistes,
la puissance de la nature , c'est-à-dire de la
matière, est inBnie ; or, elle ne le serait pas,
si elle ne pouvait pas faire tout ce qui est
rapporté dans l'Ecriture sainte. Un défen-
seur de ce sytème nous dit que nous ne
savons pas si ^a nature n'est pas actuelle-
ment occupée h produire plusieurs êtres
nouveaux , si elle ne rassemble pas dans son
laboratoire les éléments propres afaire éclore
des générations toutes nouvelles, et qui
n'auront rien de commun avec ce que nous
connaissons. ( Système de la nat. , tom. I"»
ch. 6, pag. 86, 87. ) Donc nous ne M^ons
pas non plus si, plusieurs milliers d'années
avant nous, elle n'a pas produit des phéno-
mènes .singuliers, et que nous ne concevons
pas. Nous ignorons si, par quelques combi-
naisons fortuites de la matière, il ne s'est
pas allumé au sommet du mont Sinaï un feu
terrible, d'où sortait une voix qui a dicté
le Décaloguc. Nous ne pouvons décider h
APP
DASCETISIIE.
APP
S«0
par daatres combinaisons il ne sVst pas
lormé tout à coup une figure d^homme qui a
conduit, protégé et comblé de biens \o jeune
Tobie; si, par magie ou autrement, il nVbt
pas sorti de terre un spectre semblable à
Samuel, qui à parlé à Saiil , etc. Puisque la
nature, par sa toute-puissance, a fait des
faommes tels que nous sommes, pourquoi
ne pourrait-efle pas former des anges
beaucoup plus puissants que les hommes*
%ïes corps ignés ou aériens capables de faire
des choses supérieures aux forces humaines?
2r En bonne logique, les sceptiques peu-
vent encore oioins rejeter le témoignage des
auteurs sacrés; selon leur système, il n*y a
aucune connexion nécessaire entre les idées
qui nous Tiennent à Tesprit par les sensa-
tions et Tétat réel des corps existants hors
de nous; nous ne sommes pas sûrs s*ils
sont réeliements tels qu'ils paraissent à nos
sens. Donc le cerveau de Moïse a pu être
affecté de manière qu*il ait pu Toir, enteu-
dte, et (aire tout ce qu*il racobte; les sens
des parents de Tobie ont pu se trouver
daus la même situation que si un ange leur
était apparu» leur avait parlé, et avait fait
tout ce qu'ils ont cru voir et éprouver ; les
organes de Saùl ont pu être modiliés de la
même manière que si Samuel était réelle-
mtrot sorti du tombeau, etc. Nous aurions
donc tort de suspecter la sincérité de ceux
qui ont écrit ces faits. A la vérité, si
c*étaieot des illusions, tous cas gens-là
n'étaient pas dans leur bon sens; qu'im-
porte 7 nous ne sommes pas sArs si à ce
moment notre cerveau et celui des scepti-
Îues ne sont pas aussi malades que celui
es personnai^es dont nous parlons*
Si donc les mcrédules savment raisonner,
ils ne borneraient jamais les forces de la
nature, ni le nombre des possibles; ils
seraient aussi crédules que les vieilles, les
enfants et les ignorants les plus grossiers.
Ceux qui croient à la magie sans croire en
Dieu ne sont pas ceux qui raisonnent le
plus mal.
hr Le grand argument est de dire : Si tout
cela était arrivé autrefois, il arriverait
encore; puisqu'il n*arrive plus depuis qu'on
est mieux instruit, c'est une preuve qu'il
n*est jamais arrivé. Faux raisonnement
Selon l'opinion des matérialistes, il est
sorti autrefois du sein de la terre ou de la
mer des hommes tout formés, il n'en sort
plus aujourd'hui; tous viennent au monde
par one suite de générations régulières; si
nous en croyons les sceptiques, il n'y a
aucune connexion nécessaire entre ce qui se
bit aujoard*hui et ce qui s'est fait autrefois.
Dès qu^il n'v a point de providence qui
entretienne oans la nature un ordre cons-
tant, il n'est rien qui ne puisse arriver par
hasard, ou par des combinaisons inconnues
de la matière.
Les déistes, i leur tour, se fondent mal
à propos sur ce même argument. S'il y a
un Iheo , il a pu, et il a dû conduire autre-
ment le genre humain dans son enfance
que dans les âges postérieurs. Ii fallait alors
des miracles, des prophéties, des apparitions
et des inspirations pour établir la vraie
religion ; une fois fondée» elle n'en a plus
besoin; les mêmes fnits qui lui ont servi
d'attestation dans l'origine lui en serviro: t
jusqu'à la fin des siècles ; il n'est donc plus
nécessaire que Dieu fasse aujourd'hui ce
qu'il a fait autrefois. CVst la réflexion de
saint Augustin. Il s'en faut beaucoup que
les dissertations de dom Calmet sur les
apparitions aient été faites avec la sagacité
et le bon sens qu'exigeait une roalièrn
aussi délicate. L'abbé Langlet lui a fait,
avec raison, plusieurs reproches dans son
traité sur le môme sujf t ( tome II» p. 91 ).
Celui-ci prouve fort bi>«n (|ue le très grand
nombre des apparitions dos morts rappor-
tées par les écrivains des bâs siècles man-
quent de preuves et de vraisemblance
(p. 393etsuiv).
APPETIT. — Pour traiter ceci à fond, il
est nécessaire de supposer, en premier lieu,
<-u'il y a deux parties principales dans notre
auie» c[ui sont appelées par les théologiens
su|>érieure et inférieure, et qu'on distingue
ordinairement sous les noms de raison et
d'appétit sensitif. Avant le péché, et dans le
bienheureux état de l'iniiocence et de la jus-
tice originelle oà Dieu créa I homme, la
rrtie inférieure était parfaitement soumbe
la partie supérieure, comme une chose
moins noble à une plus noble, et comme un
serviteur ^ son mattre. Dieu fit l'homme
droit, dit l'Ecriture. H ne le créa point déréglé
comme nous le sommes. L'appétit obéissait
alors à la raison, sans peiue et sans répu-
gnance; et l'homme se portait lui-même à
aimer son créateur et è le servir, sans que
rien l'en détournât. Cette sujétion de Tap-
pétit sensitif à la raison était si grande qu il
ne pouvait alors exciter aucun mouvement
désordonné dans 1 homme, ni aucune ten-
tation, s'il ne le voulait de lui-même. En
cet état uous n'eussions été sujets ni à la
colère, ni à l'envie, ni à la gourmandise, nî
à l'impureté, ni à aucune autre inclination
corrompue, si de nous-mêmes, et par une
volonté déterminée, nous ne nous y lussions
portés. Mais la raison s'étant depuis révol-
tée contre Dieu par le péché, l'appétit sen-
sitif se révolta aussi contre la raison ; de
sorte que malgré nous, et contre notre con-
sentement, il s'élève quelquefois dans noire
aj^pétit sensitif des mouvements et des affec-
tions que nous condamnons suivant ces pa-
roles de TApAtre : Je ne fais pas le bien que
je veux ; mais ije fais le mal que je ne veux
pas. Que si l'homme n'eût point péché, le
corps aurait toujours été disposé à uire sans
peine et sans contradiction ce une l'âme eût
voulu de lui ; mais è présent la corruption
du cor|is appesantit l'Ame. Le corps l'empêche
de bien iles choses qu'elle pourrait et qu'elle
voudrait. C'est un méchant cheval sur leque
on a beaucoup de chemin à faire; qui n*a
Eoint de pas, qui va un traia rude, qui
ronclie souvent, qui se lasse en moins de
rien, qui est quelquefois rétif et ombrageux,
et qui se couche lorsqu'on a le plus de be-
291
APP
DICTIONNAIRE
APP
soin de le Taire aller. Celte punition était
bien due à IMiomme; il avait désol)éi à sou
créateur, et le juste jugement de Dieu sur
lui veut que sa chair aussi lui désobéisse,
et que la révolte de son appétit excite une
f;uerre continuelle en lui-même. Les théo-
ogiens disent avec le vénérable Bède que,
par le péché, Thomme a été dépouillé des
dons de la grâce, et qu*il a reçu une plaie
dans les dons de la nature. Car, non seule-
ment il a été privé de la justice originelle
et des dons surnaturels qui y étaient atta-
chés, mais il a souffert aussi une grande al-
tération dans les dons qui sont purement
naturels. Son entendement s*est obscurci,
son libre arbitre s*est affaibli, sa volonté
pour le bien s*est rçiflchée, son appétit s'est
rendu violent pour le mal, sa mémoire a
diminué, son imagination est devenue si
inguiète, si aisée à dissiper, qu'à peine peut-
il faire la moindre prière avec attention, et
sans qu*aussitôt elle s*échnppe et se promène
de tous c^tés ; ses sens ont perdu ce qu'ils
avaient d*exquis, sa chair est demeurée
pleine de corruption et de mauvaises incli-
nations ; enfin, la nature a été tellement al-
térée, tellement gfltée en lui, que ce qui lui
était alors aisé lui est devenu désormais
comme impossible. Avant le péché, Thommc
aimait Dieu plus que lui-même ; depuis le
péché, il s'aime plus que Dieu, ou plutôt il
n*aime que soi; il n'a d'ardeur que pour
faire sa volonté, que pour contenter ses ap-
pétits, que pour se laisser emporter h ses
passions, quelque contraires qu'elles puis-
sent être à la raison et aux lois de Dieu.
De plus, il faut remarquer que auoique le
baptême nous ait délivrés du péché originel,
qui est la cause de tout ce désordre, il ne nous
a pas délivrés de la rébellion de notre appétit
contre la raison et contre Dieu, qui est ap-
pelée parles théologiens l'aliment du péché.
C'est par un juste jugement et par une pro-
vidence adorable que Dieu a voulu que cette
rébellion subsistât toujours pour punir et
pour réprimer notre orgueil, et afin que la
considération de notre misère et <le notre
bassesse servit à nous humilier devant lui.
Il avait comblé l'homme de dignité et d'hon-
neur en le créant; il l'avait paré et embelli
de ses dons et de ses grâces; mais l'homme
en ayant mal connu le prix, et ayant été in-
grat envers son créateur, mérita d'en être
privé et d'être fait semblable aux bêtes, en
devenant sujet aux mêmes désirs et aux
mêmes inclinations quiles emportent. Ainsi,
Dieu a touIu abaisser l'homme, aGn gu'il
rentrât en lui-même, et qu'il n'e&t plus croc-
casions do s'enorçueillir; comme, en effet, si
nous nous connaissions, nous verrions bien
que nous n'en avons aucune, mais que plu-
tôt nous en avons une infinité de nous hu-
milier à tout moment. Secondement, il faut
supposer encore une autre vérité principale,
et qui est une. suite nécessaire de ce que
nou5 venons de dire, c'est que le dérègle-
ment de notre appétit et la perversité de
rinclination de notre chair, est le plus grand
obstacle qui s'oppose à notre avancement
dans la vertu. C'est ce qu'on dit ordinaire*
ment, que la chair est notre plus grand en-
nemi, parce qu'en effet c'est de là que vien-
nent toutes nos tentations et toutes nos chu-
tes. D'où viennent les guerres et les contra-
dictions que vous sentez en vous-mêmes?
dit l'apôtre saint Jacques. N'est-ce pas de
vos passions qui combattent dans votre es-
prit ? La sensualité, la concupiscence cl le
dérèglement de l'amour-propre, sont la causo
de toutes nos guerres intestines, de tous les
péchés, de toutes les fautes et de toutes les
imperfections que nous commettons, et, par
conséquent, le plus grand empêchement que
nous rencontrions dans le chemin de la per-
fection. Les philosophes anciens, qui n'é-
taient éclairés que de la seule lumière de la
raison naturelle, ont connu cette vérité.
Aristoto établissait toute la difficulté de la
vertu dans la modération des plaisirs et des
chagrins. Epiclète réduisait toute la philo-
sophie à ces deux mots : souffrez et abste-
nez-vous. En effet, toute la vertu consiste
à souffrir constamm nt les afflictions et les
douleurs, et à s'abstenir sagement des plai-
sirs; et nous le voyons tous les jours par
expérience : car on ne pèche que pour éviter
quelque peine et quelque chagrin, ou pour
avoir quelque plaisir ou quelque commodité,
ou pour ne savoir pas s en priver. Les uns
pèchent par le déiir ou des richesses, ou des
honneurs, ou des plaisirs sensuels ; les autres
par la crainte de la peine qu'ils trouvent
daub la pratique des commandements de
Dieu et de l'Eglise, par la difficulté qu'ils
ont à aimer leurs ennemis, h observer le
jeûne, et h confesser leurs péchés honteux
et secrets. Tous les péchés viennent donc do
ces deux sources, et non-seulement tous les
()échés considérables, mais toutes les fautes
é^ères et toutes les imperfections où nous
tombons darfs le chemin de ia vertu.
.Tout ceci supposé, il n'est pas difficile de
concevoir que la mortiGcation consiste è ré-
parer ce désordre de nos passions, c'est-à-
uire à réprimer en nous les mauvaises in-
clinations et le dérèglement de l'amour-
propre. Saint Jérôme écrivant sur ces paroles
de Jésus-Christ : Si quelqu'un veut venir
apriê moU ^uHl renonce à lui-même^ et quil
Jwrie sa croix et me suive^ dit : c Que celui-
à renonce à lui-même, et porte sa croix,
qui était auparavant impudique, et qui de-
vient chaste; qui était auparavant sans mo-
dération, et qui devient tempérant ; qui élait
auparavant taible et timide, et qui devient
fort et courageux. C'est là renoncer vérita-
blement à soi-même que de devenir tout
autre que Ton était, n »
Mais ce qui nous fait bien voir la néces-
sité de la mortiGcation, c'est que le Sauveur,
comme le remarque très-bien saint Basile,
dit premièrement : quHl renonce à lui-même,
et qu'il ajoute après, el qu'il me suive: c'est-
à-dire que si vous ne renoncez première-
ment à vous-mêmes, et si vous ne vous dé-
pouillez entièrement de votre propre vo-
lonté; si vous ne mortifiez vos mauvaises
incliualix)ns, vous rencontrerez mille eui*
m
APP
D*ASCETISME.
APP
291
barras et mille obstacles qui tous empoche-
ront de pouvoir suivre Jésus-Christ. Il faut
dooc que vous vous aplanissiez première-
meot le chemin par la mortification ; et c'est
pour cela qu'il Ta établie comme le fonde-
ment* non-seulement de la perfection, mais
de toute la vie chrétienne. C*est là celte
croit que nous devons toujours norter avec
D0US9 si nous voulons suivre Jésus-Christ.
C*est ainsi que nous devons toujours porter
sa mort en notre corps, afin que la pureté de
sa vie paraisse aussi dans notre corps. 14a vie
de rhomme sur la terre est une guerre per-
pétuelle. Car /a chair^ comme ditsaint Paul, a
du dinrê coniraire$ à ceux de V esprit ^el Ves-
prit en a decontraires àceuxde la chair. Voilà
d'où vient la guerre continuelle que nous
avons avec nous-mêmes; celui qui saura le
uieui. vaincre sa chair etsesappétitSy celui-là
sera le meilleur et le plus brave de tous les
soldatsde Jésus-Christ. Saint Grégoire et Saint
Imbroise disent que c'est en cela que con-
siste la Téritable valeur des serviteurs de
Dieu ; la force du corps n'y fait rien ; il n'est
question que de celle du courage qui va à
vaincre sa chair, à gourmander ses passions,
à mépriser les plaisirs de cette vie, et à en
supporter patiemment les adversités et l^s
travaux. En eifet, ajoutent-ils, cVst quelque
cboie de plus grand de se commander et
tf être maître de soi-même et de ses passions,
que de commander aux autres. Un homme
paiieot, dit le sage, est plus à estimer qu'un
oooune vaillant ; et celui qui est maître de
M colère, que celui qui emporte des villes
d*assaut. La raison qu'en rend saint Am-
broise, c*est que nos mauvaises inclinations
sont des ennemis bien plus dangereux que
tous les ennemis étrangers; aussi dit-il que
Joseph acquit plus de gloire en se commen-
dam à lui-même, et en résistant aux sollici-
tations de Pntipbar, qu'en commandant en-
suite à toute l'Egypte. Saint Chrysoslome est
de ce même sentiment, et dit que David
remporta une plus belle victoire lorsque,
pouvant se venger de Saùl et le tuer dans la
caverne, il ne le voulut point faire, que
lorsqu'il vainquit Goliath*. Les trophées de
cette première victoire furent érigés non pas
dans la Jérusalem de la terre, mais dans la
Jérusalem céleste; et c'est de là aue sortent
au devant do lui, non pas les filles d'Israël
en chantant ses louantes, comme lorsqu'il
eut vaincu Goliath, mais tous les chœurs des
aoçes» qui se réjouissent du haut du ciel et
qui admirent sa vertu et son courage.;
Pour connaître mieux la nécessité où
nous sommes de mortifier notre chair, et
pour nous encourager davantage à prendre
•es armes contre elle, il importe extrêmement
que nous sachions combien c'est un ennemi
dangereux. C*en est un si redoutable, que les
saints disent qu'une des plus grandes puni-
tions de Dieu et où il montre le plus sa co-
lère contre le pécheur, c'est lorsqu'il le livre
entre les mains de cet ennemi et qu'il l'a-
baodonne à ses désirs et à ses appétits sen-
suels, comme à de cruels bourreaux. Ils
lapltortent, à ce sujet, plusieurs passages de
rEcrilure sainte, et entre autres celui du
1 rophèle : Mon peuple [n^a point écouté ma
voix; Israël ne s'est point attachée moi;
c'fst pourquoi je les ai abandonnés aux désirs
de leurs cœurs ; ils ne suivront plus que leur
propre fantaisie. jSainl Paul dit que c'est cio
celte sorte que Dieu voulut châtier l'orgueil
des philosophes, qui ayant connu Dieu, ne
le glorifièrent pas comme Dieu, et ne lui
rendirent pas les grâces qu'ils lui devaient,
mais s'égarèrent en de vains raisonnements.
St c'est pour ceta^ ajoute-t-il, que Dieu les
livra aux désirs de leur cœur et à l'impureté,
afin que^ venant à s'y abandonner, ils déshono-
rassent eux-mêmes leur propre corps. Le châ-
timent que^Dieu exerça contre eux fut de les
livrer à leurs désirs. Mais il faut remarquer
ici, en passant, avec saint Ainbroise, que
quand TEcricure dit que Dieu livre un
nomme à ses désirs, on ne doit pas enten-
dre par là que Dieu incite quelqu'un au mal,
et fasse tomber personne dans le péché,
mais seulement qu'il permet que les mau-
vais désirs ou'on avait conçus dans le cœur
viennent à éclater au dehors, et à être mis
entin en exécution par l'instigation et par
le secours du démon.
On peut voir combien celte sorte de châ-
timent est horrible par tout ce que l'Apôlre
ajoute ensuite. Il montre de quelle manière
ces philosophes superbes furent traités par
cet ennemi furieux, à qui Dieu les avait li'-
vrés; et on ne saurait dire à quel excès de
désordre il ne les porta point. Il les entraîna
dans toutes sortes de vices, jusque à les
plonger enfin en des péchés honteux et abo-
ininables. Dieu les livra, [dit-il, à des pas-
sions infâmes. Malheur à vous si vous vous
laissez tomber entre les mains d'un ennemi
si terrible, entre les griffes d'une bêle si
cruelle et si indomptable! Savez-vons com-
ment vous en serez traités? Ecoutez saint
Ambroise : « Celui, dit-il, qui ne sait pas
commander à ses désirs se trouve bientôt
emporté par ses désirs comme par un che-
val indompté, qui a pris le mors aux dents,
qui court de toute sa force par des lieux
inaccessibles, et qui ne s'arrèle point qu'il
ne soit tombé, avec son homme, dans un
précipice. C'est ainsi que si vous ne gour-
mandez la concupiscence, si vous ne la
domptez, elle vous emportera de désordre
en désordre, de vice en vice, et ne s'arrêtera
point qu'elle ne vous ait précipité dans des
péchés énormes et dans les abîmes de l'en-
fer. Ne vous laissez point aller à la concupis-
cence, diiVEcdésiasiique, et gardez-vous bien
de suivre votre propre volonté : si vous don-
nez à vos désirs ce qu'ils vous demandent,
vous deviendrez un spectacle de joie et de risée
à vos ennemis. Nous ne pouvons donner un
plus grand sujet de joie aux démous, qui
sont nos ennemis, que de nous livrer nous-
mêmes à nos.passions; car elles nous traite-
ront de manière que tout l'enfer ensemble
ne pourrait point nous traiter si mal. C'est
pourquoi le même Ecclésiastique demande
si instamment à Dieu qu'il détourne ce châ-
timent-là de lui : Seigreur^ qui êtes mon
i35
APP
DICTIONNAIIIE
APP
m
Pare et mon Dieu» détournez de moi toute
sorte de ()ensées impures; ne permettez
f>oint que je sols possédé par les désirs de
n chair, et ne me livrez pas à l'égarement
d*un esprit sans honte. Et certes, c*est avec
grande raison que les saints disent que la
plus grande marque aue Dieu puisse donner
de sa colère à un pécheur, c'est de l'aban-
donner k sa propre volonté, et de lui laisser
suivre en liberté les mouvemeuls de ses
passions. Cest un mauvais si^ne pour un
malode quand un médecin iui laisse boire
et manger tout ce qu'il lui plaît; c'est dire
qu'il en désespère entièrement, ( t qu'il le
regarde déjà comme un homme mort. Dieu
en use de fa même sorte envers le pécheur
qui Ta irrité; il lui laisse faire tout ce qu'il
veut : et que peut vouloir un homme dans
un état si déréglé et avec des inclinations si
méchantes, si^ion tout ce qui lui est le plus
contraire et qui lui donne la mort? Il est
aisé de comprendre par là combien est dé-
plorable et malheureuse la condition de ceux
qui mettent leur bonheuràfaire tout ce qu'ils
veulent.
Si nous faisons bien réflexion sur ce que
nous venons de dire, cela suffira pour nous
donner cette sainte haine et cette sainte
aversion de nous-mêmes que Jésus-Christ
veut de nous, et sans laquelle il dit que
nous ne pouvons être ses disciples. Car
que faut-il davantage pour nous laire haïr
notre corps, que de savoir que c'est le plus
grand ennemi que nous ayons, et le plus
traître qu'on ait jamais vu; mais un ennemi
mortel ; mais un traître, qui cherche à toute
heure à donner la mort et une mort éter-
nelle à l'Ame qui le soutient, et qui fournit
à tous ses besoins; un traître qui, pour un
> plaisir passager, ne se soucie pas d'offenser
Dieu, et de la précipiter pour toujours dans
les abîmes éternels. Si on disait à un
homme : Sachez qu'un de vos domestiques,
qui boit et manee tous les jours avec vous,
machine une trahison pour vous tuer, quelle
devrait être sa crainte? Que si on ajoutait :
Il y a encore plus, car il vous hait de telle
sorte, qu'il ne se soucie pas de mourir,
pourvu qu'il vous tue; il sait bien qu'on le
prendra aussitôt et qu'on le fera mourir
cruellement; mais il compte sa vie pour
rien, (>ourvu qu'il vienne à bout de son en-
treprise : de quelle fraveur n'en serait-il
point saisi? N'appréhenderait-il pas à toute
heure et à tout moment qu'on ne lui vînt
donner un coup de poignard ? et s'il pouvait
découvrir le traître, quelle haine ne conce-
vrait-il point, et quelle vengeance ne vou-
drail-il pas en prendre? Or, notre corps est
ce traître, qui boit et mange, qui couche
avec nous, et qui sait bien qu'en faisant du
mal à notre Ame, il s'en fait a lui-même, et
qu'il ne saurait la précipiter dans l'enfer
sans y tomber aussi après elle. Cependant,
k l'appétit de faire ce qu'il lui plaît, il foule
tout aux pieds et ne considère rien. Regar-
dez si nous avons raison de le haïr. Com-
bien de fois ce traître vous a-t-il poussé au
bord de l'abîme 1 Combien de fois vous a-t-
il fait offenser la bonlé de Dieu 1 Combien
de grAces vous a-t-il fait perdre I Et com-
bien de fois tous les jours met-il en danger
votre salut I Quelle sainte indignation do
devez-vous donc point avoir contre un en-
nemi oui vous a fait tant de maux, qui vous
a prives de tant de biens, et qui vous met à
toute heure en de si étranges [lérils? Si nous
baissons te démon, et si nous le regardons
comme notre principal ennemi, à cause du
mal qu'il nous fait continuellement, com-
bien davaiitage devons-nous haïr notre chair,
qui est pour nous un ennemi bien plus
cruel et plus dangereux! Les démons se-
raient bien faibles si noire chair ne s'était
uiise de leur narti pour nous faire une
guerre continuelle.
Voilà ce qui faisait que les saints avaient
une si grande haine d'eux-mêmes; et de là
naissait en eux cet esprit de mortification
et de pénitence par lequel ils se vengaieiu
de leur ennemi, et le tenaient toujours dans
la sujétion. Ils n'avaient garde de trailer
doucement leur corps, et de lui donner au-
cun plaisir, étant persuadés que c'eût été
donner des armes à leur ennemi, et lui fa.re
reprendre une nouvelle vigueur et de nou-
velles forces contre eux. Prenons garde, dit
saint Augustin, de ne point laisser prendre
trop de forces à notre corps, de [leur qu'il
ne s'en serve à faire la guerre contre notre
Amo; mais appliquons-nous plutôt à le mal-
traiter et à le mortifier, pour l'empècberde
se révolter : car celui qui élève un dômes-
4 tique avec trop de délicatesse, le trouvera
ensuite insolent.
Les anciens solitaires s'appliquaient avee
tant d'ardeur è cet exercice de la roortili-
.calion du corps et croyaient qu'il était si
nécessaire d'en aSaiblirles forces, que quand
les autres moyens ne suffisaient pas, ils
avaient recours à des fatigues excessives
Qu'ils s'imposaient pour l'atténuer et pour
1 abattre. Pallade raconte qu'un saint ana-
chorète, se trouvant extrêmement tourmenté
de quelques pensées d'orgueil et de vanité
dont il ne pouvait se défaire, s'avisa ilc
prendre une hotte et de transporter conti-
nuellement do la terre d'un endroit à un
autre; et comme on lui demandait ce qu il
faisait : Je fais de la peine, répondit-il, à
celui qui m'en fait; je me venge de mon
ennemi. On dit la même chose de saint Ma-
caire; et on rapporte de saint Dorothée
qu'il faisait de grandes pénitences et de
urandes austérités, et qu'un jour quelqu'un
lui ayant demandé pourquoi il tourmentait
tant son corps : « C est parce qu*il me tour-
mente moi-même, » répondit-il. Saint Ber-
nA.rd, enflammé d'une sainte colère contre
son corps, comme contre son ennemi capi'
t^ij : « Que Dieu s'élève, s'écriait- il, que ce
g«3ant armé tombe devant lui; qu'il tombe et
qu'il soit écrasé cet ennemi de Dieu, cet
amateur de lui-même, ce partisan du monde,
cet esclave du di^mon ; que vous en semble,
ajoutait-il ? Certes, si vous en jugez saine-
ment, vous vous écrierez avec moi, quil
197
AQU
D*ÂSCETISME.
ARY
298
est coupable de mort, qu'on le peade I qu'on
le crucifie !•»
C'est arec ce courage et ces armes que
Dous derons combattre notre corps et l'as-
sujettir» de crainte qu'il ne se soulève et
qu'il n'entraîne lesprit et la raison dans la
rérolte. Cette victoire nous en attirera une
autre ; car la chair étaot vaincue, il nous
sera aisé de vaincre le démon. Comme c'est
j ar le mojen de la chair dont il fomente la
rébellion, qu'il nous fait la guerre; il faut
lui foire pareillement la guerre, en morli-
Oant notre chair, en la macérant, en l'em-
\ ècbant de pouvoir se révolter. Saint Au-
gustin écrivant sur ces paroles de l'Apôtre :
Pour mot, je cours de nutniire que je ne coure
pas au hasard; je combats de sorte que je ne
donne pas des coups en Vair : mais je mal^
traite moncorps^ et je le réduis en servitude^
remaroue que c'est là le véritable moyen de
triompher au démon. Maltraitez votre corps,
et vous vaincrez les démons; car c'est ainsi
que l'Apôtre nous a enseigné qu'il fallait
(ombatlre contre eux. Quand un capitaine,
qui est en garnison sur une frontière, en-
tend sonner l'alarme, s'il a quelque prison-
nîer, il le met aussitôt aux fers dans un
cacbot, de peur qu'il ne se soulève contre
lui et ne secoure ses ennemis. Nous devons
en user de la même sorte à l'égard de notre
chair : il faut la mortifier, il fiiut la mettre
à la chaîne, de crainte qu'à l'approche de
nos ennemis elle ne se range de leur
parti.
les divers appétits que nous portons en
nous sont comme des séducteurs qui sem-
blent avoir fait une ligue pour nous entraî-
ner dans leurs pièges. Leurs armes sont des
caresses; ils nous flattent, ils cherchent à
nous faire comprendre que leurs intérêts
sont les nôtres, nue le bopheur consiste à
se laisser aller à leurs sollicitations; mais si
nous avons le malheur de mordre àcet appAt,
nous sommes perdus; car les appétits sen-
suels, une fois qu'on leur a laissé prendre
rautorité,»nous mènent tout droit à des pré*
cipices. Il n'est pas un appétit, pas une
passion qui n'aboutisse à un précipice. .
Pour conclusion de ce sujet, nous pou-
vons donc admettre comme une maxime
i'indée sur l'Evangile, sur l'eipérience
uuiverselie, qu'on ne peut gouverner les di-
vers appétits du cœur humain et conserver
r<;'Utorité de la raison au milieu de ce peuple
u'esclaves qu'en commandant avec dureté,
en usant de terreur : ce sont des ennemis
arec lesquels la paix est impossible. Ils ne
^jrit soumis que lorsqu'ils voient brillei les
armes dans nos mains. Si vis pacem , para
bellum^ comme disaient les païens, des enne-
iiiisde la patrie; mais le Sauveur du monde
nous l'a dit souvent des ennemis de notre
^iui, et en particulier dans ces paroles :
Celui qui perd sa rie pour Famour de mot,
'a tauvera, {Voy. Mobtification et Purga-
TIOM PASSIVE DE LA PARTIE SEflSlBLE.
AQUAVIVA (Claude) , de la famille des
(i^cs d'Atri, au royaume de Naples, devint
Boiterai des Jésuites en 1581, et mourut eu
DiCTi0X!i. d'Ascétisme. 1.
1615, âgé de soiiante-douze ans. On le re*
Sarde avec raison comme l'un des généraux
e la société qui ont montré le plus de fer-
meté et de prudence dans le gouvernement.
Ses œuvres ascétiques sont: 1* des Lettres
sur divers sujets spirituels ; 2* des Médita-
tions en latin sur les psaumes 44 et 93; 3*
Oratio de Passions Doinini ; kr Industria ad
curandos animi morbos, 1606, in-12 : cçt ou-
vrage qui annonce une grande connaissance
du cœur humain, a été traduit en français
sous le titre de Manuel des supérieurs. Paris.
1776, in.12. i' » f
ARCANES. — Les alchimistes désignaient
sous le nom d'arcanet certains remèdes se-
crets, dont la composition n'éudt connue
que de l'inventeur, et qui possédaient, disait-
on, des propriétés toutes merveilleuses. Les
auteurs ascétiques se sont emparés de cette
expression pour désigner les moyens se-
crets qu'ont pratiqués les maîtres les plus
expérimentés de la vie spirituelle, pour con-
duire les âmes dans les voies de la perfec-
tion. C'est ainsi que nous donnons d'après
eux les arcanes de l'abandon et des différen-
tes voies de la vie spirituelle. (Voy. les mots
ABA1ID05, PeRPECTION, CtC.)
ARIAS fFrançois) , Jésuite de Sévîlle ,
mourut en 1605, âgé de soixante-douze ans,
en odeur de sainteté. Ses ouvrages de piété
avaient le suffrage de saint François de Sales,
ils ont été traduits d'espagnol en latin, en
français et en italien. Nous signalons en
particulier : 1* Son Traité sur l'avancement
spirituel: — 2* un autre sur la Défiance de
soi-même ; — 3* sur la Mortification , — k*
sur ta Présence de Dieu ; — 5*surla gravité du
péché ; — 6* une Imitation de Jésus-Christ.
ARNAULD, abbé de Bonneval, ordre de
Saint-Benoit, diocèse de Chartres, nommé
aussi Arnauld de Chartres, était ami de saint
Bernard, qui lui écrivit sa dernière lettre,
peu de jours avant sa mort. Arnauld est
auteur du second livre de la Vie de saint
Bernard^ attribué mal à propos, comme Ta
prouvé dom Habillon, à un autre AruauM ,
abbé de Bonneval, en Bauphiné. 11 passe
pour être le véritable auteur des douze
traités De operibus Christi cardinalibus^ at-
tribués par quelques-uns, sans fondement, à
saint Cyprien. Ils sont adressés au Pape
Adrien IV. On a encore de lui : 1* Tractatus
de septem verbis Domini in cruce ; 2" Sermo de
laudibus B. MariŒf dans la Bibliothèque des
Pères : le P. Titelman, cordelier, et le P.
Scholt, Jésuite, les ont publiés l'un et Tau-
ire ; 3** Tractatus de operibus sex dierum^ pu-
blié par Denys Pertonnet de Melun, théo-
logal d'Auxerre.
ARVISËNET (Claude), chanoine et vicaire
général de Troyes, puis archidiacre dé Lan-
gres, sous Mgr de La Luzerne, naquit à
Laugres, le 8 septembre 17&5, et mourut à
Gray le 17 février 1831. Forcé par k révolu-
tion de se retirer à Lucerne, Arvisenet com-
posa dans Texil plusieurs ouvrages de piété,
et entre autres le Memoriale titœ sacerdota-'
lis, répandu dans toute TEurope catholique,
10
M9
ASC
DICTIONNAIRE
ASC
.300
et qui a mérité à l'auteur les éloges du Papo
PieVlî.
ASCÈTES, du grec àerx»îT»3c, mot qui signi-
fie, è la IcUre, une personne qui s'eierce,
qui (ra?aillo. Ce nom a été donné en général
à tous ceui qui embrassaient un genre de
vie plus ausière, et qui par là s'exerçaient
plus à la vertu, ou travaillaient plus forte-
ment ^ l'acquérir que le roram.un des hom-
mes. En ce sens, les esséniens chez les Juifs,
les pyUiagoriciens entre les philosophes,
pouvai<3nt être appelés ascètes. Parmi les
Chrétiens, dcus les premiers temps, on
donnait le mô^ne litre à tons ceux qui sedis-
tinguaient.des autres par l'austérité de leurs
mœurs, qui s'abstenaient , par exemple, do
pain et de viande. Depuis, la vie monastique
ayant été mise en honneur dans l'Orient, et
regardée comme plus parfaite que la vie
commune, le nom d'a5mc5 est demeuré aux
moines, et particulièrement à ceux qui se
retiraient dans les déserts, et n'avaient d'au-
tre occupation que de s'exercer à la médita-
tion, h la lecture, aux jeûnes et aux autres
mortifications. On l!a aussi donné à des re-
ligieuses ; c'est nourquoi on a nommé asce-
teria les monastères, mais surtout certaines
maisons dans lesquelles il y avait des mo-
niales et des acolytes, dont rofllce était d'en-
sevelir les morts. Les Grecs donnent géné-
ralement le nom A'ascêtesh tous les moines»
soit anachorètes et solitaires, soit cénobites.
M. de Valois dans ses Notes sur Eusèbe,
et le P. Pagi, remarquent que dans les pre-
miers temps, le nom A'ascètes et celui de
moines n'étaient pas synonimes. Il y a ton-
|oui*s eu des ascètes dans l'Eglise , et la vie
monastique n'a commencé h y être en hon-
neur que dans le IV' siècle. Bingham observe
plusieurs diiïérences entre les moines an-
ciens et les ascètes; nar exemple, que ceux-ci
vivaient dans les villes, qu'il y en avait do
toute condition, même des clercs , et qu'ils
ne suivaient point d'autres règles particu-
lières que les lois de l'Eglise , au lieu que
losmoincs vivaient dans la «olilude, étaient
tous laïques, du moins dans les commence-
ments, et assujettis aux règles ou constitu-
tions do leurs fondateurs. De là , on a
nommé vie ascétique^ la vie que menaient
les fervents Chrétiens. Elle consistait, selon
Flenry, à pratiquer volontairement tous les
exercices do la pénitence. Les ascétiques
s'enfermaient d'ordinaire dans des maisons,
où ils vivaient en grande retraite, gardant la
continence, et ajoutant à la frugalité chré-
tienne des abstinences et des jeûnes extra-
ordinaires. Ils pratiquaient la xérophagieet
les jeûnes de d^ux ou trois jours de suite»
ou plus encore ; ils s'exerçaient à porter le
cilice, à marcher nu-pieds, à dormir sur la
terre, à veiller une grande partie de la nuit,
h lire assidûment l'Ecriture Sili.nte» à prier
le plus contintfellement qu'il était possible.
Il est souvent parlé des ascètes dans Ori-
gène et dans les autres auteurs ecclésiasti-
que». Les plus célèbres dont ils fassent
mention, sont : saint Sérapion, élu évéquo
d'Anlioche sous Commode (S. Hier., Calai);
Piérius, prêtre d'Alexandrie f/iiU); saini
Lucien, martyr (S. Atuan., velalius, Synopi.
sacr. scriptor, , in fine, p. 20i, 7,2); saint
Pierre, martyr en Palestine (Eus., De mer/.
Palest.^ c. 20} ; saint Pamphile et saint Se-
leucios, martyrs (/6id., cil) ; saint Justin,
martyr (S. EpiPH.,hœr. 46); sainlCyrilIo do
Jérusalem {Synax. grœc. mss, colleg» Jesuit,
Paris,, et Bolland., t. Il, mart., ifppend.,
p. 748); saint Basile et saint Grégoire de
Naziaaze,avnnt qu'ils eussent embrassé l'état
proprement monastique ; saint Chrysoslome,
saint Amphiloque , saint Athanase, saint
Martin, saint Jean d'Egynte , saint Suipicc-
Sévère, saint Paulin, Heliodore, Népolico,
Finien (Pallad., Laus., c. 84, 121, lâ2,ctc.).
On appelaitquelquefois les ascètes, abstinents
(RuFi?i,£fM(., t. Il,c. id), solitaires (S.Epiph.,
or. 2; S. Cyr., Hier., caL 4, 12 et 16;,(f(f-
vots (S. Jac. Nisib., Or, de devotis),nazarém
(S. Greq. Naz., or. 20, 32, etc.) , enfin con-
fesseurs, parce que leur vie était une con-
fession perpétuelle de la foi dont ils prati-
quaient les œuvres avec un zèle vraiment
héroïque (Du Gange, Glossar. , v. Confets.),
C'est de là qu'est venu le nom de confetsm
h saint Martin, le premier qui Tait port(^
dans les calendriers , et ensuite aui autres
saints qui n*étaient pas martyrs (Foy.M.AN-
TONELU , C. 4, p. 134).
Parmi ces ascètes, il y en avait qui étaient
solitaires, et qui menaient une vie purement
contemplative ; dMutres s'appliquaient aui
travaux du ministère ecclésiastique, et à
rinstruclion du peuple. (Foy. S. Gbégohb
DE Nazianze, or. 23, p. 411 ; or. 12, p. 191;
(T. 20, p. 358; S. Basile, ep. 9, cl. 4). ad
Maximum, etc.) Saint Sérapion saiut Jus-
tin, Aristide, Quadrat, Athénagore,Pan-
Ihône, Clément, Origène , Héraclas, etc.,
furent du nombre de ces derniers.
Il est clair, par saint Ambroise (Cp. 58
ad Sabinum episc, n. 3, t. Il), que Icsaj^cMcs
avaient des habits dilTérents de ceiisdis
personnes du monde ; et ces habits élaionl
pauvres, et ordinairement de couleur noiic
ou brune. (Svnes., ep. 146, p. 282, etc.) Les
uns se consacraient à Dieu par des vœuï.il
les-autres sans vœux. Saint Jacques de Ni-
sibc (or. 6, De devotis, p. 203) distingue for-
mellement ces deux sortes cl'nscètcs. Tous
ceux qui avaient embrassé la vie ascétique
vivaient dans une grande pauvreté, et f»i-
saieni profession d'une continence p«'rpi^-
tuelle. (Orio.,I.i, contra Cels., n. 6,etl. vu,
n. 48 ; S. Cyril. Hierosol., calecb. 4 et 12:
S. Basil., ep. 1184 ; S. Greg. Nazianz^op.
12, p. 191 ; Carm. 18, p. 218 ; S. Chbys., De
virginit., etc.) Ils ne mangeaient point de
viande, et pratiquaientdes jeûnes rigoureux.
(pRàO., i contra Cels., p. 264, ethoro. lî^»»»
Jerem., n. 7.) Leurs veilles étaient lonjîues
et leurs autres mortifications lort ausiùrcs.
{Clkm. Alex., Pœdag,, et Strom,, i. ">•
p. 538; Eus., //m., I. v, etc. ; m , eic.)Kn-
fin, la lecture, la prière et le travail, faisai^'^j
toute leur occupation. (S. Basil., vp. 3 nn
Greg, Naz.) Le nombre des ascètes i^lai'
très-considérable 5 Nnzianze. (SJinFC Nt/j
3D1
ASC
D'ASCETISME.
ASC
302
or. 19); à Césarée, en Cappadocc {Idem^ or.
âO, et S. BAsn..« ep. 323 , alias 29]; en Ar-
ménie (S. Geeg. NAZ.y Corm.kSadnellmium
Armenum^ et S. Jacob. Nisib.^ or. 6^ De de-
voiis^ p. 202) 9 et surtout en Egypte.
Les ascètes avaient un rang disiingné dans
TE^Iise, et étaient placés entre le clergé et
le peuple. (Voy. S. De^tis, De EccL Hier,,,
c. 6, 1. lu, p. 386; les ConstituHans aposio-
iiqueSf 1. nii, c. 13;S.Ctbil. dbJébcsalbii,
cat. 4, n. 2%; cat. 12, n. 33, et cat. 6, n.23;
S. GBteoiBB DB Naziahzb» op. 12, etc.) Saint
Basile (Ep. canon, ad Amphiloc.) parle aussi
de Tordre des vierges. L*Eglise , dans une
des oraisons du vendredi saint, qui est de
la plus hante antiquité, puisqu'on la trouve «
dans les sacramentaires ne Gélase et de saint
Grégoire, prie pro oi^tartu, canfessaribuit
rirginibtiât viduM, etc. Ménard croit, con-
formément au sens du quatrième concile de
Cartbage, que les confetteur$ dont il s*agit
sont les chantres; mais on peut aussi bien
les entendre des asciies avec M. Antonelli.
y^Voyez sur les ascètes, S. Jacqcbs db Nisibb,
or. 6 Dedevoiis^ei la dissertation De aecetiê
3ue M. Antonelli a insérée dans son édition
es Œuvres de ce Père, depuis la p. 107,
jusqu*à la p. 2flâ. Cette édition do saint Jac-
ques de Nisibe parut à Rome en 1756.)
On conçoit que la vie ascétique telle que
nous Tenons de la décrire, ne pouvait man-
quer de déplaire aui protestants, et qu'il est
de leur intérêt de la faire envisager comme
un effet de Tenlbousiasme de quelques
Chrétiens mal instruits. Ce fut, selon leur
opinion, une erreur capitale, un système
extravagant, qui a causé dans tous les siè-
des les plus grands maux dans TEglise.
« On distmgua, dit Mosheim, les précepies
que Jésus-Cbrist a établis pour tous les
hommes, d'avec les conseils auxquels il a
exhorté seulement quelques personnes; on
se flatta de s'élever, parla pratique de ceux-
ci, à an degré supérieur de vertu et de sain-
teté, et de Jouir d'une union plus intime
avec Dieu. Dans cette persuasion, plusieurs
Chrétiens du ii' siècle s'interdirent l'u-
sage du vin, de la viande, du mariage, du
commerce; ils exténuèrent leurs corps par
les Teilles, l'abstinence, le travail et la faim:
bientôt ils allèrent chercher le bonheur dans
les déserts, loin de la société des hommes.
Ce travers d'esprit lui a paru né de deux cau-
ses; la première fut l'ambition d'imiter les
philosophes platoniciens et pythagoriciens,
dont Porphyre a rendu les folles idées dans
son Troiié de FabsHnence; le second fut la
mélancolie qu'inspire naturellement le cli-
mat de l'Egypte, maladie dont étaient affec-
tés les esséniens et les thérapeutes, qui
avaient déjà mené cette vie triste et lugubre
loDKtemps avant la venue de Jésus-Cbrist.
De là, dit-il, elle passa dans la Syrie et dans
les contrées voisines, dont les habitants sont
à peu près du même tempérament que les
Egyptiens; et dans la suite elle infecta môme
les nations européennes. Telle a été l'orjgioe
des vœux, des mortifications monastiques,
'lu célil «t des prêtres, des oénitcnccs in-
fructueuses et des antres superstitions qui
ont terni la beauté et l'a simplicité du chris-
tianisme.» [Hist. ecciés. du ii* siècle, ii'part.,
c. 3, S 11 et suiv.) C'est le langage de tons
les protestants.
Amsi, suivant leur opinion, c'est dès le
n* siècle, et immédiatement après la mort
du dernier des apôtres, qne le cnristianisme
a commencé à se corrompre, à devenir un
chaos d erreurs et de superstitions ; ce sont
les disciples mêmes des apôtres qui ont pré«
féré à la doctrine de leurs maîtres celle des
philosophes païens» et qui ont fait dominer
celle-ci dans l'Eglise. Et c'est ainsi que Jésus-
Christ a tenu la promesse qu'il avait faite
dêtre avec son Eglise jusqu à la consomma-
tion des siècles. Quand on considère ce
système des prolestants, on est tenté de leur
demander s'ils croient en Jésus-Christ.
Au mot CoTisEiLsév ANGÉLIQUES, nous ferons
voir que la distinction que les premiers
Chrétiens en ont faite d'avec les préceptes,
n'a pas été une vaine imagination de leur
part, et que Jésus-Christ Fa faite lui-même;
Sie c'est lui qui a dit qu'il y a quelque
ose de plus parfait que ce qu'il a prescrit
et ordonné à tons les hommes, et qu'en le
faisant on peut mériter une plus grande
récompense. Ici nous avons, à' prouver que
c'est encore lui qui a donné l'exemple de la
vie ascétique, et que ses apôtres l'ont prati-
quée comme lui : les Chrétiens n'ont donc
pas eu besoin d'en aller chercher le modèle
chez les philosophes païens, ni chez les
esséniens ou chez les thérapeutes juifs.
Jésus-Christ a loué la vie solitaire, péni-
tente, chaste et mortifiée de saint Jean-Bap-
p:iste (Malth. xi, 8), vie ascétique s'il en
fut Jamais: il a pratiqué lui-même la chas-
teté, la pauvreté, la mortification, le jeûne,
le renoncement à toutes choses, la prière
continuelle: tout cela cependant n'est pas
commandé à tous les hommes ; nous per-
suadera-t-on qu'il y a de l'enthousiasme et
de la folie à vouloir imiter Jésus-Christ?
Il dit qu'il y a des hommes qui se sont faits
eunuques pour le royaume des cieux. (Maîth.
XIX, 12. ) 11 appelle bienheureux ceux qui
pleurent; il prédit que ses disciples jeûne-
ront lorsqu'ils seront privés de sa présence;
il leur promet le centuple parce qu'ils ont
tout quitté pour le suivre. {Matth. v, 5; ix,
15; XIX, 29.) Il ne reste aux protestants
qu'à se joindre aux incrédules et à dire
comme eux, que Jésus-Christ était d'un
caractère austère, fâcheux, mélancolique,
comme les Egyptiens; qu'il avait été élevé
parmi les esséniens, et s'était imbu de leur
morale arbitraire; que le christianisme, tel
qu'il l'a prêché, n'est propre qu'à des moines.
Ils auront encore le même reproche à
faire à saint Paul : Je châtie mon corps et je
le réduis en servitude^ dit-il, de peur qu*aprés
avoir prêché aux autres^ je ne sois moi-même
réprouvé, (/ Cor. ix, 27.) — Ceuj: qui sont à
Jesus-Christf crucifient leur chair avec ses
vices et ses convoitises. {Galat. v. 2Î.) —
Montrons^nous dignes ministres de Dieu, par
la patience f par les souffrances, par le travail,
503
ASC
DICTIONNAIRE
ACS
364
par les veilles^ par les jeûnes, etc. (// Cor.,
VI, 4.) Il a loué la vie pauvre, austère et
pénible <les prophètes. {Hebr. xi, 37.) Nous
avons cherché vainement, dans les commen-
tateurs prolestants, des explications et des
subterfuges, pour esquiver les conséquences
de ces passages : nous n'y en avons point
trouvé ; nous serons forcés de les répéter
aux mots Abstinence, CéuBàT, Jeune, Mor-
tification, Moines, Voeu, etc., parce que
les protestants ont blâmé toutes ces prati-
ques avec la même opiniâtreté, et toujours
sans fondement.
Mais ils se flattent de répondre à tout par
un seul passage de saint Paul, qui dit à
ïiraothée : (/ Tim, iv, 7.) Exercez-vous à
la piété, car tes exercices corporels sont utiles
à mu de chose ; mais la piété est utile à tout,
elle a les promesses de la vie présente et de la
vie future. La question est de savoir si, par
exercices corporels, TApôtre entend la prière,
le travail, les veilles, les jeûnes, etc., quMl
recommandait aux fidèles; dans ce cas,
TApôlre se serait contredit grossièrement,
et nous demanderions encore ce qu*il faut
entendre par s'exercer à h piété. Pour nous
auicrai^jnons de mettre saint Paul en contra-
iction avec lui-môme, nous pensons que
par les exercices corporels, il a entendu la
course, le pugilat, le jeu du disque et les
autres exercices violents dont les Grecs et
les Romains faisaient beaucoup de cas et
beaucoup d*ttsage: que s'exercer à la piété,
c*est s'occuper de la prière, de la méditation,
de la lecture, des louanges de Dieu, des
veilles et des jeûnes, comme TApûtre le
recommande, et comme faisaient les ascètes
de TEglise primitive; nous soutenons que
ces exercices font partie de la vraie piété, à
laquelle Jésus-Christ a pronis les récom-
penses de la vie présente et de la vie future.
(JUatth. XIX, 29.)
Nos rationalistes contemporains n*ont pas
mieux traité les ascètes que ne i*avaientfait
les écrivains protestants. Pour eux, les as-
cètes chrétiens ne sont que d.es espèces de
fakirs, le mysticisme catholique n'étant
qu'une copie du mysticisme indien. Point
de différence pour le fond entre les pratiques
de la perfection chrétienne et celles do la
perfection enseignée par Bouddha et par ses
lidèles disciples.— Il suQit de lire bs écrits
et la vie admirable de nos plus célèbres
mystiques, de saint Antoine, de saint Hila-
rion, de saint Jean Climaque, de sainte
Thérèse, de saint Jean de la Croix, pour
faire tomber de pareilles objections. Com-
ment oser comparer les pratiques si pures
de la vie spirituelle, avec les puérilités
cruelles et absurdes que nous retrouvons
dans les livres sacrés de llnde? Ces receltes
(iOl) Il parle à Ardjouna qu^il initie aux vé-
rités divines, et qui rappelle le Télémaquc de Fé-
ueion.
(102) Ou ont, syllabe mystique et sainte, qui dé-
signe les trois dieux de la trimouni. — Le Manava-
Dharma-Sastra , explique ainsi Torigine de ce mot
célèbre, c La leure A , la leUre U et la lettre M , qui
par leur réunion , forment le monosyllabe sacre, ont
du mysticisme indien sont trop cuiieuses
pour que nous ne les mettions pas sous ^es
yeux du lecteur; elles serviront, à fairo
juger de l'exactitude de certains prallèles.
Le Rhagavad-Gita prescrit à celui qui as-
pire à la sagesse, « de se tenir dans la soli-
tude, dans une contrée pure, sur un siège
qui ne soit ni trop haut ni trop bas, qui soit
couvert de vêtements ou d*une peau de ga-
zelle, ou d'un peu d'herbe sacrée; de domp-
ter ainsi ses sens, ses pensées et ses actloos,
en se purifiant lui-môme; de tenir le corps,
la tête, la nuque. immobiles; de regarder
fixement la pointe du nez, sans détourner
ses yeux ; de rester calme, libre de crainte,
chaste ; de ne songer qu'à Dieu ; c'est ainsi
que l'yogi arrivera à cette tranquillité voi>
sine de Tabsorption. » {Rhagavad-Gita,]]!,
VI, il, 16. — Chassay, Essai sur le mj/ui-
cisme. }
« Lechemin,dilKrichnadanslemèmepoë-
me, le chemin que suivent ceux quise domp-
tent, quisont libresdecolère,que recherchent
ceux qui vivent dans la chasteté, c'est te che-
min queje t'indiquerai (lOi). llsfermenl toules
les portes du corps ( les sens ), renferment Jc
sens intérieur dans le cœur, retiennent
l'haleine dans la tète, persévèrent dans
^*yàgti, prononcent Aum (102), c'est*àdin)
la divinité éternelle, et pensent à moi. Celui
qui s'applique à cette pratique s'élèvera
après la mort sur le sentier suprême.! (AAa*
gavad'Gita, liv. viii, 11.)
Il faut lire, dans l'analyse que H. Lanjui-
nais a donnée de VOupnek'Jiat, comment les
livres sacrés de la première classe envisagent
la manière de se réunir h la substance uni-
verselle (103].— On apprend, dans ce curieux
résumé de la doctrine philosophique des
védas, qu'il faut « retenir son baleine, lier
sa pensée à un objet particulier, raisonner
on soi selon les védas, penser que l'Ame est
une avec Dieu. Retenir rhaleine, c'est Tatti*
rer, ou la garder, ou l'expirer. Quand on
Tattire, il faut s'en 'gonfler pleinement;
quand on la garde, il faut rester sans mou-
vement, et dire autdht de fois le nom de
Dieu ; quand on l'expire, il faut penser que
le vent est sorti de i'éther et va s'y absor-
ber. Dans cet exercice, il faut se rendre
commeaveugle et sourd, et immobile comme
un morceau de bois. »
Cette manière de respirer et de relenir
l'haleine est encore décrite plus spéciale-
ment : « Avec un doigt on terme une aile
du nez, par l'autre on attire l'air, puis on la
ferme avec un doigt en pensant que le Créa-
teur est dans tous les animaux, dans Ia
fourmi comme dans Téléphartt. — D'abord
on dit douze fois Aum; pendant chaque as-
piration,on doit dire quatre-vingts fois Am*
éié exprimées aes trois livres saints par Brahmà, le
Seiçneur des créatures, t
(Manava-Dharma-Sastra , traduction LoiSELsri-
Deslongciiamps, I. II, stance 76.)
(103) Cf. LANJUiNAid, Analyse de Loupnek'hat,
surtout le chapitre intitulé : Méthodes praliq^
d'unifié ^(ion.
305
ÂSC
D'ASCETISME.
ÂSC
306
puis, autant de fois que possible, se repré'
senlanl le Créateur comme un être parfait^
et pensant qu'on peut le voir par le moyen
de sa lumière. Faitesceia pendant trots mois
^ns crainte, sans paresse, mangeant etdor*
mant peu : au quatrième mois, les bons an-
giS ▼ous.apparaltront; au cinquième, tous
aurez acquis les qualités des anges; au
si lième, vous serex devenu Dieu ! »
Terminons ces curieuses citations par
Texposé d'une méthode d*unificaiion four-
nie par rOupjieika/; c A?ec lo taian bou-
cliez puis tirez le ?ent de t>as en haut
par le côté droit; faites-le tourner trois fois
autour de la seconde région, ensuite au
nombril qui est la troisième, puis à la qua-
trième, qui est le milieu du cœur, puis à la
oLociuièmequi est è lagorge, puis à la sixième
^ riolérieur du nez. Le, retenez le ?ent,
il est defenn celui de i*âme uniferselle;
alors pensez au grand Aum qui est le nom
da Créateur, la Toix universelle, pure et
t!idi visible, qui remplit tout, qui est le
Créateur (IM).»
Mais pourquoi tant de pénibles efforts ?
^j a-C-il pas des moyens plus prompts,
/>'us énei^iques pour rentrer dans la suti-
siance universelle ? — Arrivés là, nous allons
voir éclater toutes les redoutables consé-
a'Jences du quiétisme, de cette fausse et
o'risoire piété qu'on veut comparera cellede
rEvangile,etIe mysticisme hindou venirenfm
a^utir, comme le scepticisme du xix' siè-
cle, à une théorie raisonnée du ^icide.
« Que l'anachorète, est-il dit dans le Ma-
nata'd'Barma'S€ulraf se roule sur la terre,
ou qu'il se tienne tout un jour sur le bout
lies pieds, dans la saison cnaude (grichma) ;
qu'il supporte l'ardeur de cinq feux, pendant
les pluies (varchai); qu'il s*expose tout nu
aux torrents d'eau que versent les nuages
durant la saison froiue {hemania) ; qu'il porte
un vêtement humide, augmentant par de-
grés ses austérités. — Trois fois par jour, en
taisant son ablution, qu'il satisfasse les dieux
(*t \ts mânes par une libation d'eau, et se li-
vrante des austérités de plus en plus rigou-
(101 On verra dans rcavrage du vénérable abbé
DqMs , de curieux détails sur les extravagances du
qaiirlisiBe hindou. (Cf. Dubois, Mamn des Hindous,
4, «71.)
(105) Mmuna-Dkarma-Sattra , tradurlion Loise-
uni-4>csL03iGCHAHPS, lîv. VI , staoccs ii-4i. — Le
leite de la 24' slance laisse tûen des obscurités sur
^ Uu de ces péniteoces , mais la stauce St* éclaircil
il06) Sur la péuiteiiec appelée Tapas, cf.CLAVEL,
Wist. des reiig., 1 , 20-1; liocuiNCCN , Vie contemplât,
in Hindous^ i" part. chap. 9, 10, et surtimt Ma-
Mp« Dkarma-Sastra , liv. ix , stances 25^24^. —
{^a(>rèsoe livre sacré, < la puissance du Tapas est
H tmiide, qn*il fait aller au ciel les vers , les ser-
^'p.ls , les sauterelles et les plantes. » Kt c*est de
^-Ues extravagances qu^on voudrait tirer FEvangile !
-^ Du reste , la science est aussi eflicace que le Ta-
/^s: fl car an lirahinane possédant le Rig-Yéda tout
botter, ne serait souillé d aucun crime, même s'il
^fail tué tons les habitants des trois mondes ! »
iMamâsva-Dharma-Sastra, Ut. xi, stance 261.) Quels
^^iranjîes rapports avec le gnosticisme!
(107j Mûnava-Dharma-Sattra , traduction LoiS£-
reuses, qu'il dessèche sa substance mor-
telle (105).>
Le Ramayana et le Mdhâbàraia abondent
en exemples de ce terrible tapas (106). Mais
tout cela n'a-t-il pas été autorisé par la lé-
gislation révélée? Ecoulez un de Sfts con-
seils : c Qu'il s*avance vers la région invin-
cible (nord-est), et marche d'un pas assuré
vers la dissolution de son eorps^ aspirant à
Vunion divine^ et ne vivant que d*eau et
d'air (107). «Quand on entend les livres sa-
crés prêcher une telle doctrine, et qu'on les
voit arriver aux plus funestes conséquences
du quiétisme, faut-il s'étonner que le suicide
rel igieux soit devenu dans Tlnde une profonde
et incurable maladie, que la conquête an-
glaise et les progrès de la civilisation n*ont
pu, jusqu'ici, parvenir à faire disfiarattre?
Citons quelques exemples qui forment un
contraste curieux avec l'antipathie que l'E-
vangile professe pour la mort volontaire et
avec la résignation qu'il recommande sans
cesse aux décrets du ciel : la pémtenes car-
dagni consiste à se couvrir entièrement de
bouse de vache, à !a laisser sécher et à se
laisser brûler avec elle. Par ce moyen, tous
les péchés sont consumés, et l'âme du pé*
nitent va droit au ciel (108). — M. Bochinger
cite encore quelques pénitences mortelies«
comme de se faire enterrer dans la neige,
de s'exposer à l'embouchure du Gange, aux
alligators, de se couper la gorge au con-
fluent du Gange et de la Djumna (109).
H. Clavel raconte les suicides qui accom-
pagnent encore de nos jours la procession
deDjaggernÀtha(llO). — La pénitence ap«*
pelée Rayopastescha^ dont il est parié dans
le Ramayana , consiste à se laisser mourir
de faim (lit). Autrefois le suicide par le feu
n'était pas rare; les Hindous et les Grecs
l'attestent unanimement (lia). Mais pourquoi
recourir à de si rudes moyens pour précipi-
ter la délivrance de l'ârae ? Les privilèges
du ceux qui, pendant celte vie, parviennent
à s'idenlilier avec Rrahm , ne sont-ils pas
tellement glorieux qu'ils sembleraient bien
faits pour satisfaire les désirs les plus insa-
LEL'R-DESLO.waïAMPS, Uv. 6, stancc 31. — Plus bas
la rentrée en Brabm, ou délivrance, est appelée
Moekcba. (Cf. liv. vi, stauce 35, et liv. i, slance 98.)
Dans le dernier passage , on dit que le Brahmane
est destiné à s'identifier avec Rrahm.) — Sur la
pénitence du Mahaprasthama, que cite ici le code
sacré, cf. le Ramayana, édition Carey et Marsbam,
2, 451. — Au reste , les Yédas eux-mêmes, la plus
grande autorité théologique de rindc,nerccomman*
dent-ils pas le suicide religieux?
(108) Cf. MooR, Panthéon hindou, t38. ^
(109) Cf. RocHi?(CER, Vie contemplât, des Hindous,
!'• partie, ch. 9.
(110) Ou Jagrenat,on Jaguernat, oo Djagannatba,
ou Djagîçemal, car on trouve ces différents nom».
— Cl. Clavel, Uist. des religions, liv. i, ch. 11;
ButiLLEV , Dictionn. universel , article Djagger-
nai. ^ --
(111) Cf. lAtRamagana, édition Carrey et Mar-
sbaui. II, 451.
(1 12) l^ Ramayana, UI, 74; Wn.so3i, Théâtre «in-
dou, I, ti, UI, 130;Steaboîi, C^09riipAt>,xv,U'aduct.
LàrORTE DU TllEIL, GoSSELW, COBAI , et LETEOSJiE.
— Maiulcuaut, au lieu de se brûler et de s empoi-
907
^x
ss
DICTIONNAIRE
AUG
308
liables ef contenter la plus audacieuse am-
bition?— En effet, une fois que , par l'abs-
traction et Tanéantissement de sa person-
nalité, un yogi est arrivé à s'élever au-des-
i sus des agitations passagères de ce monde,
1 il obtient alors cette inamissibilité de la
jtistice attribuée par Calvin à la justification,
et par Molinos à la vie vraiment contempla-
tive. Ces étranges assertions qui ruinent la
morale par la base, sont une des chimères
qu'a toujours le plus volontiers caressées la
folle iiùagination des quiélistes de l'Inde.
Pendantque TEvangile recommande, comme
la voie suprême de la perfection, la simpli-
cité des petits enfants, le mysticisme pan-
théiste précipite l'humanité dans toutes les
extravagances d'un orgueil effréné. En effet,
quel plus sûr moyen d'égarer la raison de
1 homme, que de le présenter dès ici-bas
comme revêtu d'une sainteté qu'aucune
chute ne peut affaiblir, qu'aucune souillure
ne peut jamais ternir? Exposer de pareilles
doctrines, c'est réfuter les conséquences
que Ton voudrait en tirer contre l'ascétisme
catholique (113).
ASCETIQUES (Livres et auteurs.) ^Voy.
le Catalogue fixa du tom. H.
ASCÉTISME. — Foy. Ascètes, Théologie
mystique.
ASPIRATION A LA BÉATITUDE. — Foj/. Es-
pérangb.
ASSELINE, d'abord professeur d'hébreu à
la Sorbonne, puis éveque de Boulogne, na-
quit à Paris en 17i2. 11 eut la gloire de con«
yertir le comte de Stolberg. Ses principaux
ouvrages spirituels sont : ConsidércUions sur
rEucharistte; des Méditations; Réflexions sur
les Vertus théologales:,..
ASSIDEENS ou Hassidéens. — Secte des
1*uifs mystiques, ainsi nommés du mot hé-
)reu hhasiaim justes. Les assidéens croyaient
les œuvres de surérosation nécessaires au
salut. Ils furent les prédéceseurs des phari-
siens, desquels sortirent les esséniens qui
enseignaient, comme eux, que leurs traditions
étaient plus parfaites que la loi de Moïse.
Serrarius, jésuite, et Drusius, théologien
protestant, ont écrit l'un contre l'autre tou-
chant les assidéens , à l'occasion d'un pas-
sage de Joseph, (ils de Gorion. Le premier
a soutenu que, par le nom d'assidéens,
Joseph entend les esséniens, et le second a
prétendu qu'il entendait les pharisiens. Il
serait facile de concilier ces deux senti-
ments, en observant qu'assidéens a été un
nom générique, donné à toutes les sectes
des Juifs qui aspiraient à une perfection
plus haute que celle qui était prescrite par
la loi : tels que les cinéens, les réchabiles,
les esséniens, les pharisiens, etc., à peu
près comme nous comprenons aujourd'hui,
sous le nom de religieux et de cénobites,
tous les ordres et les instituts religieux.
. sonner, on se noie ou on se fait enterrer. (Cf. lie-
cherches asiatiques, Yll, 25() ; Journal asiatique, XXY,
205, et H, 259.) — Nous n'avons sur celte question
du suicide, cité que les faits les plus importants. On
trouvera des détails plus étendus dans un écrivain
que nous avons sur ce point souvent consulté nous-
'Mais tous les assidéens n'étaient pas pha-
risiens. ( Bbuckeb, Histoire de la phtlos,,
tome H, p. 713.)
ATHANASE (Saint), surnommé le Grand,
naquit à Alexandrie d une famille distinguée.
Il fut élevé au diaconat par saint Alexandre,
évêque de cette ville. Dieu, qui le destinait
à combattre la plus terrible des hérésies,
armée tout à la fois des subtilités delà dia-
lectique et de la puissance des empereurs
de Constantînople, avait mis en lui tous les
dons de la nature et de la grâce qui poa-'
vaient le rendre propre à remplir cette
haute destination. Il accompagna son évéque
au concile œcuménique de Nioée, et s*j dis-
tingua par son zèle et son éloquence. Saint
Alexandre le choisit pour son successeur
Tannée suivante, en â26. Athanase signala
son entrée dans Tépiscopat en refusant de
recevoir Arius à sa communion. Après une
vie continuellement agitée par la persécu-
tion, et toute consacrée à la défense de la
vérité catholique, il mourut le 2 moi 373,
après M ans d*épiscopat. Il avait l'esprit
juste, vif et pénétrant; le cœur généreux et
désintéressé ; une foi vive, une charité sans
bornes, une humilité profonde; un chris-
tianisme mâle , simple et noble comme
l'Evangile. Ses œuvres ascétiques sont :
V Traité de la virginité: — ^Lettre à Ammon^
où il établit que le péché seul peut souiller
l'homme ; 3* Abrégé de l'Ecriture sainte; -
k"* Vie de saint Antoine, la plus belle qu'on
puisse lire; — 5*" Exhortation aux moine$;
— 6" De ta perfection de la vie monastiqut,
ATTENTION. Foyejs intelligence, prière,
DISTRACTION.
AUGE, premier archidiacre de la métro-
pole de Paris, mort le 12 novembre 18U,à
quatre-vingt-sept ans, était originaire de
Beauvais. Il composa pendant l'émigration,
de concert avec M. Coquatrix, grand vicaire
de M. Asseline , évoque de Boulogne, le
livre si estimé et si répandu , intitulé :
Miroir du clergé.
AUGUSTIN (Saint), né à Tagaste, en35i,
de Patrice et de Monique, étudia d'abord
dans sa ville natale, ensuite à Madaureetà
Carthage. Ses mœurs se corrompireot dans
cette dernière ville autant que son esprit s'y
perfectionna. Il eut un fils nommé Âdéodal
( a Deo datus }, fruit d'un amour criniinc),
mais né avec le génie de son père. La secte
des manichéens fit d'Augustin un adepte qui
devint bientôt son plus ferme appui. Il pro-
fessa ensuite la rnétorique à Tagaste, à
Carthage, à Rome, à Milan, où le prt^fot
Symmaque l'envoya. Ambroiso était alors
évoque de celte dernière ville. Augustin»
qui alla l'entendre, touché de ses discours
et des larmes de la pieuse Monique, sa mère,
pensa sérieusement à quitter sa vit «iéré-
glée et le manichéisme. Il se fit bautiser à
même. (Cf. Bociiinger, Vie complatire chez tes Hin-
dous, I" parli«, ch. 9. — M. Cfavel esl Dicn moir^
complet sur la question des pénitences el du suiciu**
rclitfieux.)
(115) Voij. Chassay, Essai sur le mysticisme. {\^'^
Van, MOLNES, Mo.NASltRES.}
:w
AVA
D'ASCETISME.
ATA
310
Ififan, \A veille de Pâ^jues, en 387, Jnns la
ireiUe-nJeuxième année de son Age. Il re-
n43nça dès lors à la profession de rhéteur.
De retour à Tagaste, il se livra au Jeûne el
à la prière, donna ses biens aux pauvres, et
forma une communauté avec quelques-uns
de seâ amis. Il se rendit peu après à Hip-
p3ne, et Vaière, qui en était évéque, le Gt
r>rétre malgré lui au coromencement de
Tan 391. L^nnée suivante, Augustin con-
fondit Forinnat, prêtre manichéen, dans
une conférence publique, et avec d'autant
I lus de succès, qu'il avait connu le fort et
le faible de cette secte. En 393, il donna
une explication si savante du symbole de la
fjî, dans un concile d'Hipponc, que les évô-
q*jes pensèrent unanimement qu'il méritait
d'être élevé à l'épiscopat. Un aulre concile,
tena en 3%S, le donna pour coaJjnteur à
Yalère.Ce fut alors que l'on vit éclater toutes
les vertus et tout le génie d'Augustin, il eut,
eitre autres, l'occasion de déployer toutes
les ressources de sa science, de son élo-
quence et de sa pénétration , dans une con-
férence des évéques, catholiques et dona-
tistes, à Carthage en ill. Il y ût éclater son
zèle pour l'unité de l'Eglise, el le commu-
niqua à ses collègues. Consumé de travaux
et d'aostérité5, il mourut en J^30, âgé do
soixante-seize ans, dans sa ville é'piscopale,
•]uî était assiégée depuis plusieurs mois par
U^s Vandales. Ce grand homme vivait, pour
ainsi dire, des succès de la religion et de la
gloire de l'Eglise. Possidonius, évoque de
Calame, son ami, écrivit sa vie. Cet histo-
rien compte 1030 de ses ouvrages, en y corn-
prenent ses Sermons et ses Lettres. On re-
marque dans tous un génie vaste, un esprit
|iénélrant, une force de raisonnement admi-
rable et un style plein d'énergie et de vi-
gueur. {Voir pour ses œuvres ascétiques, le
Catalogue, è la fin du tome II.)
AUSTÉRITÉS. — Voy. MoRTiFiCATioîf.
AVANCEMENT SPIRITUEL. — C'est une
miximé générale de tous les saints, que
c'est reculer dans la voie de Dieu, que de
n'y point avancer. C'est ce que nous préten-
dons montrer ici, afin que cette considération
nous serve d'un moyen efficace pour nous
encourager à faire tous les jours de nouveaux
progrès dans la perfection. Car quel est ce-
lui qui voudrait retourner en arrière après
avoir longtemps cheminé, sachant prîncipa-
li-ment qu'il aurait contre lui celte sentence
ilu Sauveur dans l'Ëvangije i Quiconque met
la main â la charrue et regarde derrière soi,
ntst pas propre au royaume de Dieu. Voilà
des paroles qui devraient nous faire trem-
l»!er, et le grand saint Augustin dit là-des-
sus : Nous ne pouvons nous empêcher de
descendre qu'en nous etTorçant toujours de
monter. Car dès que nous commençons à
nous arrêter, nous descendons, et c*est re-
culer que de ne pas avancer : de sorte que
si nous ne voulons retourner en arrière, il
faut qne nous courions toujours sans nous
reposer. Saint Grégoire, saint Chrysoslome,
saint Léon Pape et plusieurs autres saints
disent souvent la môme chosci et i^rcsque
dans les mômes termes. Mais saint Bernard
retend bien davantage. Dans deux de ses
épttres, s'adressant au religieux lâche et
tiède qui se contente de mener une vie or-
dinaire, sans songer à son avancement, il
Timerroge, et fait le dialogue suivant : « £h
quoi, ne voulez-vous point proOter? — Non.
— Vous voulez donc retourner en arrière?—
Je veux demeurer comme je suis, et ne de-
venir ni meilleur ni pire. — Vous voulez
donc l'impossible, puisque dans le monde il
n'y a aucun état de consistance? C'est un
avantage qui n'appartient qu'à Dieu seul,
dans lequel il n'y a point de changement,
ni même la moindre oiLbre de vicissitude :
Je suis le Seigneur ^ dit-il, et je ne change
poini. — Mais toutes les choses du monde
sont sujettes è tfn changement perpétuel.
Ils s^ useront comme un vilement, (lit le Psaî-
miste, parlant des cieux, et tous les change-
rez aussi aisément quon change d habit ;
mais pour tous. Seigneur, vous îles toujours
le mime , et vos années sont . éternelles.
L'homme surtout, selon le témoignage de
Job, n'est jamais dans une même situation. H
fuit comme l'ombre et no demeure jamais
dans le môme état. Et Jésus-Christ môme,
ajoute saint Bernard, tant qu'il a été sur la
terre, et qu'il a conversé avec les hommes,
s'est-il arrêté? — 11 croissait en sagesse, en
âge et en grâce devant Dieu et devant les
hommes : c'est-à-dire qu'à mesure qu'il crois-
sait en âge, il donnait des marques plus écla-
tantes de sagesse et de sainteté, el se pré-
parait è courir comme un athlète dans la
carrière des peines et des souffrances. Saint
Jean dit aussi que celui qui veut demeurer
avec Jésus-Christ , doit marcher dans le
môme chemin et au môme pas que lui. Mais
si, lorsciu'il court, vous vous arrêtez, n'est-
il pas évident que vous vous éloignez de
lui, au lieu de vous en approcher? L'Ecri-
ture sainte nous aprend que Jacoh vit uno
échelle oui tenait depuis la terre jusqu'au
ciel, au naut de laquelle Dieu était appuyé
et qui était pleine d'anges qui montaient et
c|ui descendaient incessamment sans qu'au-
cun d'eux s'arrêtât, pour nous donner à en-
tendre, dit saint Bernard, ({ue dans le che-
min de la vertu il n'y a point de milieu en-
tre monter et descendre, entre avancer et
reculer. Lorsqu'on travaille au tour, la roue
retourne sur elle dès qu'on veut l'arrêter;
de môme aussi , dès qu'on cesse d'avancer
dans la vertu, on recule nécessairement en
arrière, j» L'abbé Théodore nous explique
les mômes sentiments en ces termes, rap-
|K)rtés par Cassien : « Nous devons, dit-il,
nous appliquer sans relâche à l'étude de la
vertu , et en pratiquer sérieusement les
exercices, do peur que cessant d'y profiter,
nous ne commencions aussitôt à y devenir
moins parfaits; car l'esprit, comme nous
l'avons dit, ne peut demeurer dans une
niôme assiette ; il faut ou qu'il augmente
ou qu'il diminue en vertu ; c'est perdre que
de ne pas acquérir, et l'on est en danger de
déchoir bientôt, dès qu'on ue se sent plus
Teuvic Je faire des progrùîj. •
911
A VA
DICTIONMIRE.
AYA
312
Le même Cassiea nous explique celle vé-
rilé par une comparaison (rès-jusle, (jui esl
aussi de sainl Grégoire : « Ceux oui mar-
chent* dît-il, dans la YÎe spiriluelle » res-
semblent h un homme qui sérail au milieu
d'un fleuve rapide; s*il vouiail s'arrôler le
moins du monde, et qu'il ne s*eSbrçAl pas
toujours d'aller contre le courant, il risque-
rait d'en être emporté. Le chemin que nous
avons è tenir est si directement contraire
au penchant de notre naturç corrompue par
le péché, que si l'on ne travaille, et si 1 on
ne s'efforce d'aller toujours en avant, on
sera sans doute entraîné par le cours impé-
tueux de ses passions. Le royaume du ciel
souffre violence; il n'y a que les violents
8 ni l'emportent. Quand on s'avance contre
i marée, on doit toujours ramer sans relA-
che,eiron ne peut cesser un moment, qu'on
ne se trouve fort éloigné du lieu où l'on
était. De même ici, il faut toujours ramer
sans relâche, et il faut toujours voguer, et
fiiire force contre le courant de nos passions
déréglées, si nous ne voulons nous voir
bientôt extrêmement éloignés du degré de
perfection où nous étions auparavant arrivés. »
Les six moyens qui contribuent surtout à
notre avancement spirituel, sont le recueil-
lement, la paix du cœur, le détachement
des créatures, le renoncement à soi-même,
l'esprit de douceur et de résignation parfaite
à Id volonté de Dieu.
On pratique le recueillement en gardant
le silence et la retraite et en ne se mêlant
point des affaires d'autrui. Le silence con-
siste k ne parler que lorsqu'il est néces-
saire, et alors même à parler peu, à moins
qu'on ne s'entretienne sur des matières qui
regardent Dieu; autrement, parler beaucoup
nuit toujours à la dévotion. On garde vrai-
ment la retraite, lorsqu'on suit ce conseil du
prophète Isaïe : Entrez dans le secret de
votre chambre^ fermez vos portes sur vous
( Isa. XXVI, 20 ) ; c'est-à-dire qu'il faut se
tenir chez soi, s'éloigner du commerce des
créatures, ne chercher leur conversation que
Eour la nécessité, ou lorsque la gloire de
ieu l'exige; se passer des visites et de
toute communication au dehors autant que
la bienséance et l'état de chacun peuvent le
permettre. On ne s'éloignerait pas autant
qu'il est nécessaire de ce qu'on appelle
affairesd'autrui,$i Ton n'était déterminé à se
borner à son emploi, et à s'intéresser sim-
plement à ce qui est du devoir; à ne point
s'informer des nouvelles et des bruits.qui
oaurent, et à renoncer aux connaissances
mondaines; car toutes ces choses doivent
être mises au nombre des inutilités dont
il ne faut Jamais permettre à l'esprit de
s'occuper, afin que, donnant toute son atten-
tion è la présence de Dieu, aux mystères de
Jésus-Christ et aux paroles do 'l'Ecriture
sainte, on ne perde jamais de vue la pratique
des vertus et surtout de la charité et de '
rhumilité, et qu'on entretienne toujours en
soi une ferme résolution de s'y perfection-
ner.
Trois choses contribuent surtout h entre-
tenir la paix du coour : la première esl de
renoncer à toute affection aux objets créés ;
de n'avoir nulle prétention, nul désir, nul
soin qui inquiète : quand on ne préteod
rien, qu'on ne cherche rien hors de Dieu,
on possède son âme en paix; la seconde esl
de réprimer tout mouvement de passion,
tout sentiment un peu vif et tout empresse*
ment qui pourrait troubler le calme inté-
rieur. Pour y réussir, il faut avoir soin d'é-
viter toute sorte de contestation avec le
prochain ; la troisième est de conserver le
goùl des choses divines et de faire toutes
ses actions dans le même goût, prenant
garde de ne donner aucun lieu au trouble,
^n sent alors comme un baume céleste qui
se répand sur le ccHur et qui contribue à le
maintenir dans une assiette tranquille. Par
ce moyen, on parvient à la paix aoot parle
sainl Paul, laquelle surpasse toute pensée
(Philip. IV, 7). Celle paix s'arrête quelque-
ibis dans la partie supérieure de l'âme, sans
passer jusque dans les sens. Alors l'âme,
Suoique sans goût sensible, ne laisse pas
'être tranquille, parce qu'elle est péné-
trée d'une suavité divine purement spiri-
tuelle.
Le détachement des créatures consiste,
l"* à renoncer par un dépouillement effectii
ou du moins par détachement du cœur à
tous les biens de la terre, de sorte qu'il n'y
ait rien de temporel en quoi l'on cherche
quelque appui ou le moindre contentement;
2^ à user avec modération de toutes choses
extérieures, à fuir l'abondance, à se passer
de tout ce qui est précieux , de tout ce qui
ne sert qu'aux aises de la vie, ou à conten-
ter la curiosité; de tout ce qui n'est pas pré-
cisément nécessaire; 3* en un entier déga-
gement de tout ce qui nous environne, si
bien que nous ne tenions à rien et gue les
choses les plus nécessaires nous deviennent
indifférentes.
Le renoncement à soi-même consiste à
sacrifier ses intérêts pour ne se chercher en
rien, à se mortifier en tout, combattant
sans relâche les inclinations et les senti-
ments déréglés de la nature, et n'accordant
à son esprit et à son corps aucun soulage-
ment ni aucune satisfaction, que la raison
et la nécessité ne l'ordonnent; à s'oublier,
à se haïr soi-même d'une sainte haine, et à
se traiter comme une créature insupporta-
ble qui mérite que tout le monde la foule
aux pieds.
L'esprit de douceur comprend deux cho-
ses : 1* une égalité d'âme et une humeur
accommodante, qui se prêle à tout dans la
société civile, et qui ne sache ce que c'est
que de témoigner de l'aigreur et du ressen-
timent, lorsqu'elle se voit contrariée;
2" une invincible patience dans les acci-
dents fâcheux, à l'exemple de Jésus-Christ
et des saints à qui ce divin Sauveur a ex-
pressément recommandé cette vertu, lors-
qu'il leur a dit qu'il les envoyait coffime des
brebis au milieu des loups; voulant leur
faire entendre, que les plus grandes adver-
sités et les persécutions les j)lus cruelles ne
SIS
A\A
D'ASCETISME.
AVE
3U
doirent jamais altérer la paii el la douceur
de leur cœur.
La résignation parfaile renferme trois ex-
cellentes pratî(|ues : de soumission sincère
à tout ce qui rient de la part de Dieu, d a-
bandoo areugle à sa conduite* de confor*
mité sincère à sa sainte volonté.
i* La soumission consiste à nous résigner
de ocBur aux ordres de Dieu, jusqu'à j trou-
Ter notre contentement et notre plaisir.
Cette résignation doit s'étendre première-
ment, h tout ce qui nous regarde nous-mê-
mes : Doos devons être bien aises que la
volonté de Dieu s'accomplisse sur nous, et
trouver bon tout ce qui nous arrive, quel-
que desagréable et quelque fâcheux qu'il
puisse être, â* La résignation doit s'étendre
à tous les malheurs publics, tels que sont les
renversements des royaumes, les guerres,
les révolutions qui arrivent dans l'Etat ou
dans l'Eglise ; toutes ces calamités doivent
être acceptées avec une soumission cordiale,
ce qui n'empêche pas qu'on ne supplie la
bonté divine d'y remédier. 3* La résignation
doit encore ^e pratiquer à l'égard des cho-
ses que Dieu n'ot donne point et qu'il ne
vent point ordonner, mais qui ne sauraient
arriver sans sa permission, comme sont les
scandales publics, les fautes considérables
qui font ton à la religion et à la vertu : en
tout cela nQiis |)ouvons et nous devons ado-
rer avec soumission la volonté de Dieu,
sans cesser de détester le péché qui lui dé-
plaît.
L'abandon aveugle entre les mains de
Dieu doit aller jusqu'à être parfaitement
tranquille sur toute sorte d'événements;
mais en particulier, il faut en user : 1* à
l'égard de la Providence. Tout ce qui nous
vient de sa part, ou qui arrive aux person-
nes que nous chérissons, la maladie aussi
bien que la santé, la perte aussi bien que
le profit, tout cela doit être accepté, non-
senSement sans murmurer, mais encore
avec plaisir, â* En matière d'obéissance il
ne snmtpas de se soumettre aux ordres des
supérieurs, il faut s*j livrer sans examen
el sans réserve. 3* Dans la manière d'obser-
ver la loi évangélique, il faut tout sacrifier,
lout risquer pour y être fidèle, se confiant
pleinement en la sagesse et en la bonté de
celai qui en est l'auteur. Ainsi le pratiqua
saint Antoine, lorsqu'ayant entendu ces pa-
roles : AUeZf vendez tout ce que vous avez^
etc., il se dépouilla de tout pour obéir.
Ainsi l'observent tous les jours ceux qui
quittent père et mère et tout ce qu'ils pos-
sèdent pour Tamourde Jésus-Christ, sans
se mettre en peine de tout ce qui peut ar-
river.
Mais de toutes les pratiques, la plus excel-
lente et la plus utile, c'est la conformité à
la volonté divine. Elle consiste à faire ce
que Dieu veut, à le faire comme il veut et
ryce qu'il le veut. C'est à quoi une âmo qui
d'jsire son avancement doit apporter une
attention continuelle. Il faut qu'à lout mo-
ment elle se demande à elle-même : La vo-
lonté de Dieu se trouve-t clic dans rac'.ion
que je vais faire? La manière doni je fais
cette action est-elle conforme à la volonié
de Dieu? Est-ce bien le motif de la volonté
de Dieu qui me la fait entropre»idre ? On
doit pendant plusieurs mois s'examioor
tous les jours, et plusieurs fois par jour,
sur ces trois points , jusï|u'5 ce que celle
sainte pratique ait passé en habitude, et
qu'elle nous soit devenue aisée et fami-
lière. {Voir Perfectios).
AVANCIN, Ji^suite, originaire duTyrol,
enseigna la rhétorique , la morale et la
philosophie à Gratz, puis devint profes-
seur de théologie à Vienne. On remarque
parmi ses œuvres l'ouvrage ascétique inti-
tulé : Via et doctrina Jesu Christi; Vienne,
1667.
AVEUGLEMENT SPIRITUEL. - L'aveu-
glement spirituel est un élat d'obscurité qui
em|>êche l'âme de voir bien des choses im-
portantes pour son salut et sa perfection.
L'aveuglement produit dans les Ames
trois elîets principaux, dont chacun est
une espèce particulière d'aveuglement. La
première espèce est de ne point apercevoir
le mal qu'elles font ; la seconde, d'ignorer
le bien qu'elles pourraient faire et qui leur
est nécessaire ; la troisième, de no pas
connaître le fond de leur âme.
1* La première espèce d'aveuglement sup-
pose, comme tout aveuglement spirituel,
une privation de lumière et des infidélités
qui nous attirent cette privation. L'effet
que produit ce premier aveuglement, c'est
de nous empêcher de voir, ou de nous faire
compter pour rien, certains désordres de
l'intérieur qu'on peut réduire à trois. It
est des âmes qui s imaginent n'avoir d'au-
tre dessein que celui de contenter Dieu :
c'est en cela qu'elles s'aveuglent; car elles
sont toujours occupées à former des projets
qui marquent peu de vertus et beau-
coup d'imperfections. Mais ce sont des
projets cachés et presque imperceptibles,
qui se dérobent à leur connaissance par le
moyen du trouble el du tumulte qu'ils jet-
tent dans leur âme. Cependant elles sont
très-ardentes à la poursuite de ce qu'elles
désirent; elles eu attendent l'accomplisse-
ment avec beaucoup d'impatience; elles
comptent tous les moments. £t comme elles
forment plusieurs desseins qui se succèdent
les uns aux autres, toute leur vie se passe
dans une agitation continuelle dont elles no
s'aperçoivent pas. D autres personnes, d'un
autre caractère, se laissent emporter par
leur activité naturelle : elles ne sauraient
rien faire qu'avec un certain empressement
qui gâte tout, parce qu'il est touiours ac-
compagné de quelque trouble, et fort con-
traire à la paix du cœur et au recueillement
intérieur. Cependant elles ne se détient
point de cette disposition, parce qu'elles
n'en comprennent point les conséquences.
D'aulres parlent trop Ibrement, décident
hardiment de tout, coupent el tranchent
pour ainsi dire, et commettent en cette ma-
tière une infinité de péchés qu'elles n'aper-
çoivent pointi parce que le lorrcul de l'ha-
515
AVE
DlCTIONNAiriE
AVI
516
Inludo les eniraîiie, cl que leur dissipa-
lion les cinpôehe de veiller sur leur in-
térieur. Leur aveuglement esl semblable à
celui de David qui , après sou adultère
vi son homicide, fut longtemps sans se
reconnaître.
2* La seconde espèce d'aveuglement, c'est
d'ignorer le bien qu'on pourrait faire pour
la gloire et le service de Dieu. Les lumières
naturelles no découvrent ordinairement que
ce qui flatte Tamour-propre; et quand on les
prend pour guides, on cherche à se faire
valoir, a pousser ses prétentions, h s'attirer
l'estime des hommes. Mener une vie cachée,
ê!re abandonné des créatures, prendre pour
soi ce qu'il y a de plus incommode, faire
fonds sur l'humilité, sur la pauvreté d'es-
prit et sur la souffrance, toutes ces maximes
évangéliques, où la lumière du Sainl-Espiit
découvre de si grandes richesses aux saintes
Ames, ne présentent au commun des hom-
mes que p.iuvreté et disette, parce qu'étant
dans l'obscurilé, les vérités les ])lus lumi-
neuses ne sont pour eux que ténèbres. C'est
pour cela que saint François Xavier, parlant
de cette sentence de l'Evangile : Celui qui
en ce monde hait sa v/e, s'en assure pour la
vie éternelle {Joan, xii, 25), dit que rien
n'est plus clair que cette vérité puur ceux
qui la contemplent dans l'oraison, et que
rien n'est plus obscur dans la pratique, pour
ceux qui n'en ont pas l'intelligence et le
goût.
3' La troisième espèce d'aveuglement
consiste à ignorer ce qu'il y a de plus pro-
fond et de plus secret dans le cœur. Il y a
des personnes qui paraissent vertueuses,
qui se croient telles, et qui le sont au juge-
ment de bien dos gens : il s'en faut pourtant
de beaucoup qu'elles le soient autant qu'el-
les le paraissent, parce qu'elles n'ont pas
poussé la mortification assez loin, et quVu
attaquant leur orgueil, leur vanité et leurs
autres vices, elles'ne sont pas allée.s assez
ayant pour les détruire jusqu'à la racine. Ces
vices demeurent cachés au dedans, à la fa-
veur de leurs ténèbres intérieures; il faut
que quelque occasion imprévue les fasse
paraître, et alors ils se montrent, du moins
aux yeux de ceux qui sont éclairés.
On poul comparer les âmes plongées dans
J^aveugleraent spirituel, à des étangs dont
J'eaa paraît claire et tranquille. Pour l'agiter
et la troubler, il ne faut qu'y jeter quelque
appât : on voit alors des poissons mons-
trueux monter jusqu'à la surface de l'étang,
et se replonger incontinenl dans le fond d'où
ils sont sortis; c'est dans ce fond bourbeux
qu ils habitent, et ils ne le quittent que pour
courir à quelque proie. Ainsi en est-il des
vices cachés : ils demeurent tranquilles dans
le fond de l'âme, et on ne les connaît point ;
mais que quelque accident, auquel on ne
«attendait pas, vienne à les exciter, ils se
montrent tels qu'ils sont, et on commencée
les connaître. Or il importe beaucoup aux
âmes, que ces sortes d'accidents leur arri-
vent, et qu'elles trouvent des gens qui les
ctcrcent et les éprouvent, pour leur apjir'ju-
dre h se connaître. On peut encore compaptr
les personnes dont nous parlons à ces mers
pleines d'écueils dangereux, cachés dans le
fond, et qu'on ne découvre que lorsqu'on
s'en approche, et que le vaisseau vient à
toucher.
La plupart des hommes ne connaissent
pas le fond de leur cœur; leurs vices s'y
tiennent cachés sous une montre de vertu et
sous une tranquillité apparente ;- il faut
qu'on les heurte pour les leur faire connaî-
tre. Comme la connaissance des écueils ca-
chés est la grande science du pilote, on peut
dire que l'ignorance des vices occultes esl le
plus mneste aveuglement et le plus grand
malheur d'une âme. On ne peut remédiera
ce mal qu'avec le secours de la grâce el par
la conduite ferme d'un directeur éclairé :
deux moyens qui doivent concourij ensem-
ble pour opérer une entière guérison. L'âme
est ensuite capable des dons exlraordinaires
de la grâce, qui demande beaucoup do pu-
reté dans le sujet qui les reçoit. (Voy. Tari.
Abandon.)
AVILA (Jean d') , né à Almodovar de!
Campo, bourg de l'archevêché de Tolède,
dans la Nouvelle-Castille, vers l'an Î500, fut
surnommé V Apôtre de IWndalousie, W eut
pour Diaîlro de philosophie Dominique Solo,
à Alcala. Après la mort do ses parents, il
distribua tous ses biens aux pauvres, il exer-
ça le ministère de la parole avec un zèle
admirable, el opéra de nombreuses conver-
sions. François de Borgia et Jean de Dieu
lui durent la leur. Sainte Thérèse lui fut
aussi redevable d'avoir décidé sa vocation.
On peut le regarder comme le père de tant
de saints qui édiQèrent l'Espagne au xvi' siè-
cle. C'était un génie universel, un directeur
éclairé, un prédicateur célèbre, un homme
révéré dé toute l'Espagne, connu de tout
l'univers chrétien; sa réputation était parvie-
nne à un tel point, que les princes se sou-
mettaient à ses décisions, el que les savanls
lui demandaient le secours de ses lumières;
enlln il mérita par sa doctrine, par son zèle
el par ses autres vertus, d'ôtre l'édification,
le soutien et Toracle de l'Eglise. 11 mourut
le 10 mai 1560. On a de lui des Lettres spi-
rituelles et des Traités de piété y traduits en
français par Robert Arnauld d'Andilly. Jean
d'Avila a reçu l'honneur de la béatification.
Louis do'Grenade, Louis Munnoz el Martin
Kuiz ont écrit sa vie.
AVRILLON (Jean-Bapliste-Elie), né à Pa-
ris en 1652, Minime distingué par ses ser-
mons el par sa piété, mourul à Paris en
1729, âgé de soixante-dix-huit ans. On a do
lui plusieurs ouvrages ascétiques. Les prin-
cipaux sont : V Méditations et sentiments sur
la sainte communion, in-12; — 2^ BeiraiU
de dix jours pour tous les étals ^ in-12; —
3' Conduite pour passer saintement le tempt
de rAvent, in-12 ; pour passer saintement U
temps du Carême, in-12; pour passer sainte-
ment les octaves de la Pentecôte, du Saint-Sa-
crement et de VAssomptiont in-12; — h"* Com-
mentaire affectif sur le psaume Miserere,
vir de préparation à ta mort, ia-l->
pour sert
*3..
517
BAS
D'ASCETISME.
IXS
518
— S* VAnmée affective^ oa Seniimeniê sur
ramumr divim^ tirés du Cantique des canti-
ques, in*12 ; — 6* Réflexions ihéologiques ,
muMraUs et affectives sur les attributs de Dieu^
in-i2 ; — 7* Commentaire affectif sur le grand
précepte de Famour de Dieu^ in«12 ; — 8* Ré-
flexions pratiques sur la divine enfance de
Jéstt^^^\rist , ui-12; — 9^ Set^iments d'un
in retraite pendant V octave du Saint-
Sacrement^ in-94; — 10* Traité de Vamour
de Dieu à regard des hommes^ et de l'amour du
prochain^ in-i2 ; — 11* Pensées sur divers su-
jets de morale^ in-lâ. Tous ces ouvrages sont
très-estimés par les boainies ? ersés diins les
Toies spirituelles et dans la connaissance
des cœurs. Ils sont écrits avec beaucoup
d*onction, d*une manière attachante et per-
suasive. Le style est clair, noble et naturel.
B
BACCHIARIUS, philosophe chrétien, flo-
rissail au T* siècle. On a de lui une lettre
écrite à l'évéque Januarius, touchant Tin-
eoDtiDeoce d'un moine. On y voit autant de
prudence que de zèle, autant de sévérité
que de diarité.
BACON (Jean), provincial des Cannes,
docteur de Sorbonne, appelé le docteur Ré-
solu^ naquit à Baconthrop, dans la province
de Norfoick, en Angleterre,' et mourut à
Londres vers Tan 13V6. Outre ses Corn-
wtentaires sur le Maître des sentences^ on a
de lui un Traité de la règle des Carmes,
BAIL (Louis), docteur de Sorbonne, et
50us-pénitencier de Paris, né à Abbeville,
est auteur de plusieurs ouvrages fort peu
estimés : 1* L'Examen des confesseurs^ livre
rempli d'inexactitudes; — 2* une Biblio-
thèque des prédicateurs^ en latin, sous le
titre pompeui de Sapicntia foris prœdicans;
— J* Summa concîliorum^ 2 vol. in-fol.
BAKER (David), Bénédictin anglais, né
dans la religion jprotestaute, 1575, dans le
comté de Kent, fit ses premières études h
Oiford, et vint ensuite à Londres où il fit
son droit. Ayant embrassé la religion ca-
tholique, il se rendit en Italie et entra dans
Tordre de Saint-B^nolt. Ses supérieurs le
renroyèrent à Londres en qualité do mis-
sionnaire, sous Charles ^^ Il y mourut en
IMI. Il publia une explication de Walter
HiltOD, intitulée : V Echelle de perfection^
ourragede spiritualité qui prouve les pro-
grès que David Baker avait faits dans la
science de la vie intérieure. Il était d ailleurs
très-^rudit, et il a laissé d^inimenses recueils.
BARRY (Paul de), provincial des Jé-
suites de la province de Lyon, mort à Avi-
gnon, en 1661, publia plusieurs ouvrages de
K'été où il y a plus de bonne morale que Je
m goût. La plupart furent traduits en
latin, en italien et en allemand. Voici les
titres singuliers de quelques-uns : 1" Les
saints accords de Philagie avec le Fils de
Dieu; — 2* La riche alliance de Philagie avec
les SMnts du paradis; — 3** La Pédagogie cé-
leste;— k* L^instruction de Philagie pour
vivre à la mode des saints. Paul de Barry est
aussi l'auteur du Pensez-y bien.
BASILE, pieux et savant évoque deSék'U-
CÎ3, fut dé(>osé au concile de Chalcédoin'^,
en Wl, i)0ur avoir souscrit au conc.îc d'E-
phèse; mais il reconnut sa faute et fut lé-
tabli. Nous signalons plusieurs de ses ser-
mons, son travail sur roflice dos pasteurs,
sur rhumilité et ses exhortations aux pê-
cheurs. Ses ouvrages conviennent à ceux
qui ont des âmes à conduire.
BASILE, qui de mendiant devint empe-
reur et empereur assez sage et vertueux,
ce qui était rare en ce temps-là, nous a
laissé des Avis h £0n Gis, où Ton trouve de
bonnes maximes de piété chrélienue.
BASILE (Saint), surnommé le Grande
naquit en 329, à Césarée en Cnppadoce. Il
alla continuer ses éludes à Couslanliiiople,
où il proûta des leçons des plus célè-
bres philosophes, puis à Athènes, où il
cultiva Tamilié de saint Grégoire de Na-
zianze. Il revint de là à Césarée, où il plaida
auelques causes avec succès. Mais bientôt,
égoûtédubarreauetdu monde, il alla sVnse-
velir dans un désert de la province du Pont,
oùsa sœur Macrine et sa mère Emilie s'étaient
déjà retirées. Saint Grégoire et plusieurs au-
tres vinrent se former à la vertu dans la
solitude de Basile. Après la mort de révo-
que de Césarée, en 309, Basile fut élu, contre
son gré, pour lui succéder. L'empereur
Valens, partisan fanatique des ariens, es-
saya de rengager dans cette secte, et em-
ploya auprès de lui les prières et les me-
naces. Mais ce fut en vain : ni la crainte de
subir Texil ou la perte de ses biens, ni la
menace de la mort, rien ne fut capable
d'ébranb^r le saint évèque. Cette gramleur
d*ânie désarma Valens. B.isilo mourut en
379, laissant de volumineux écrits. On y
trouve des Homélies; des Commentaires;
des Traités de morale, et enfin des Lettres
où les fondateurs lies monastères occiden-
taux ont puisé bien des points de leurs
constitutions, et où l'on admire plusieurs
avis fort judicieux que la plupart des moines
o*U pris pour leur rè^le. Dans ces divers ou-
vrages de saint Basile, tout respire une élé-
gance, une pureté que la solitude n'avait
pu altérer. Son stylo est élevé et majes-
tueux, ses raisonnements profonds, son
érudition vaste. Ses écrits étaient lus de
tout le monde, même des païens. On lo
comparait aux plus célèbres orateurs de
l'antiquité, et on doit le mettre au rang des
Pères de l'Eglise les plus éloquents. La Vie
de saint Basile a été écrite par Godefroi lier*
319
OËA
DICTIONNAIRE
DEA
SïO
mnnl, docleur de Sorbonne, 2 vol. in-l^'*,
un.
BASTIDE (Marc), Bénédictin do la con-
grégaiion de Saint-Maur, niquit à Sainl-
Benoît-du-Saull, en Berry. Il fit profession
à Sainl-Augiistin de Limoges, en 1616. Il
passa par toutes les charges de son ordre,
ce qui ne l*empècha pas de composer plu-
sieurs ouvrages, tous traitant de^piritualité,
parmi lesquels on remarque : 1" Des Direc-
tions pour les novices ; — 2' des Méditations;
— 3' Traité de l'esprit de la congrégation de
Saint'Maur; — le Carême bénédictin, Marc
Bastide mourut à Saint-Denis, le 7 mai 1668,
dans de grands sentiments de piété.
BADDKAND (Barthélemi), Jésuite, né à
Vienne, en Dauphiné, entra jeune dans la
société, et après sa suppression se retira à
Lyon, où il s'occupa de la composition d'ou-
vrages de piété bien connus et estimés des
I ersonnes religieuses et des ecclésiastiques
qui les dirigent. Ces ouvrages sont : V Uis-
toires édifiantes et curieuses tirées des meil-
leurs auteurs; — 2" VAme contemplant les
grandeurs de Dieu^ avec l'Ame se préparant à
r Eternité, Lyon, 1775, in-12; — .S« VAme
élevée à Dieu^ etc., Lyon, 1776, in-12; tra-
duite en Allemand, Ausbourg, 1790; —
4" rAme éclairée par les Oracles de la sagesse^
dans les paraboles et béatitudes évangéliques,
Lyon, 1776, in-12; —5° iAme affermie dans
la foi, Lyon, 1776, in-12; —6' l'Ame inté-
rieure ou Conduite spirituelle dans les voies
de Dieu, Lyon, 1776, in-12;— 7* Gémisse-
ments d'une âme pénitente ; — 8" Réflexions,
Sentiments et Pratiques de piété; — 9" Pané-
gyriques des saints, etc. Le pieux Baudrand,
qui n'est connu que par ses ouvrages, aux-
quels il n'avait pas mis son nom, et sur la
vie duquel on n'a pas de détail, est mort le
3 juillet 1787.
BÉATIFICATION. — Voy. Canonisation.
BÉATITUDE (Motifs de). —On sait que
les faux mystiques ont prétendu qu'il y
avait un certain amour pur tellement désin-
téressé (Ju'il excluait tout motif de béati-
tude; c'était pour eux le beau idéal de Ta-
mour des parfaits; or cette doctrine cnsei
gnée par 1 école quiétisic, est certainement
contraire à l'Ecriture.
En effet, ce motif de béatitude est égale-
ment proposé à tous dans les termes les
plus généraux sans aucune restriction, de
sorte qu'on n'en peut excepter personne. Il
n'y a point de restriction dans les huit bép-
lîiudes; il n'y en a point dans cette parole.
Réjouissez-vous, parce que vos noms sont
écrits dans le ciel, ni dans toute VEpUre aux
Hébreux^ où la cité permanente nous est
proposée, ni en aucun des endroits de l'Ecri-
lur-e, oii toute l'Eglise, sans distinction de
parfaits et d'imparfaits, est mise en mouve-
ment vers le ciel.
Ce motif nous est proposé avec le grand
et premier commandement, qui est celui
d'aimer Dieu; ce qui paraît par ces panJes
àyi Deutéronome : Ecoute, Israël, et prends
garde à observer les commandements que le
donne h Seigneur ton Dieu, afin que tu sois
heureux (ut bene sit tibi), que lu sois muUi-
plié, et que tu possèdes la terre où coulent U
miel et le lait, comme le Seianeur te Va pro*
mis. Cette terre où coulent le lait et le miel,
est pour nous la patrie céleste, qui est U
terre des vivants et le royaume de Dieu, à
quoi le Seigneur attache le commandement
en ces termes : Ecoute, Israël, le Seigneur
notre Dieu est un seul Dieu. Tu aimeras U
Seigneur ton Dieu de tout ton cœur, de toute
ton âme, et de toutes tes force»,
U n'est pas ici question de discuter les
motifs de I amour de Dieu spéculatifs, g<^né-
raux, immédiats, subsidiaires, ou autres
dont on dispute dans l'école; mais seule-
ment de considérer les choses que Dieu
veut unir ensemble en (Quelque manière
3ue ce soit ; qui sont d'aimer Dieu à tltro
e Seigneur; ce qui est un titre relatif à
nous : à titre de notre Dieu, Deum tuum,
d'un Dieu qui veut être à nous en toutes
manières, et autant par ses bienfaits que
par son empire naturel : et enfin, avec le
motif de désirer d'être heureux, et de pos-
séder la terre qu'il nous a promise.
Ces annexes, inséparables du premier
commandement, ont la même étendue que
le commandement même, et entrent dans
les motifs, sinon spécificatifs » dont il no
nous importe pas à présent, du moins exci-
tatifs de Tamour de Dieu, comme il parait
encore dans ces paroles du Deutéronomt:
Regarde que le ciel, et le ciel des deux, est au
Seigneur ton Dieu, avec la terre et tout ce
qu'elle contient ; et toutefois le Seigneur tciA
Dieu s' est attaché et collé à tes pères (couglu-
tinatus est), et les a aimés et leur postériti
après eux : pour en veriir à conclure, Airm
donc le Seigneur ton Dieu, ce qui montre
que l'union de Dieu avec nous pour nous
rendre heureux, et son amour bienfaisant,
entre en quelque manière que ce soit dans
le motif de l'aimer, et ne peut en être ab-
solument séparé. Bossuer.
Ce motif de notre béatitude n'entre pas
seulement dans le culte de l'Ancien Testa-
ment, comme il paraît par ces passages:
Heureux l'homme qui ne marche point dans
le conseil des impies : heureux ceux dont les
péchés sont remis : heureux ceux qui marchent
sans tache dans la voie du Seigneur ; et eent
autres de cette nature : mais il est encoie
présupposé , comme un fondement do la
nouvelle alliance, dès le sermon sur la
montagne , où Jésus-Christ commence à
établir la loi nouvelle par les huit célèbres
béatitudes, qui sont le fondement de ce
grand éditice.
Jésus-Christ, en proposant ce'raotif, n'use
pas de paroles de commandement, mais il
procède en présupposant que de soi il est
voulu de tout le monde, et le donne aussi
pour motif commun de tous les commande-
ments qui doivent suivre dans les 5', 6" et
7' cliap.de saint Matthieu.
Ces commandements regardent les par-
faits comme les autres, et môme plus que
les autres, puisque Jésus-Christ y établit
rexccllence de TEvangile par-dessus la loi »
311
BEA
DWSCETISME.
PE-l
;2î
ainsi les bédlitudes, qui en sout les fonde-
meols el les motifs, les regardent aussi.
Le motif de la récompense est clairement
exprimé par ces paroles adressées à tous :
Quoi! touM me rouies pas venir à moi pour
avoir la vie? (Joan.) Qu*est-ce que ?euir à
iiiî. sinon s'unir à lui par une foi vive, ce
qui revient à cette parole : Maître^ que
frrai-je pour posséder la rie étemelle? (Luc.)
Celui qui parte ainsi, déclare assez de quel
motif il est poussé; et loin de Ten détour-
ner, le maître céleste, après lui avoir fait
léciter le commandement de la cliariié, le
conGrme dans son intention en lui disant :
Faites ceta^ et vous vivrez.
Pour exclure toute exception, ce motif
e.4 proposé nommément aux plus parfaits,
à ceux qui font les plus grands miracles,
lorsqu'on leur dit : Ne vous réjouissez pas de
ce que les démons vous soni assujellis, mais
de ce que vos noms sont écrits dans le ciel :
il est proposé à ceux qui souffrent persécu»
tion pour la justice (matth.)^ qui sont au
[nos baul degré de la perfection chrétienne^
auxquels on dit néanmoins : Réjouissez-vous
U tressaillez de joie ^ parce que votre récom-
pense est grande dans le cieU ce que Jésus-
Christ conGrme, lorsqu'il promet le centu-
ple avec la vie éternelle; il est proposé à
ceux qui ont pour lui un si gra id amour,
quil leur fait quitter pour son nom leurs mai^
$ons^ leurs frères^ leurs sœursy leur père^ leur
Viértf leur femme^ leurs enfants^ leurs terres ;
co sont sans doute les plus parfaits : et tou-
tefois, il ne trouve pas indigne d'eux, ni de
lui 9 de les exciter par la récomucnse éter-
nelle.
Si on répond que ce motif doit être pro-
f«osé à tous les justes, et môme aux |>lus
;»ar£ii(5, mais non pas précisément comme
le motif de la charité; oa oublie cetie pa*
rAe de saint Paul : La fin du précepte est la
charité; ce qui montre que Dieu se propose,
dans tous les préceptes, de la faire régner
oa nous déplus en plus; et c'est aussi re
qui a fait dire à saint Augustin « que !'£-
i riture ne défendait que la convoitise, et no
commandait que la charité : Non vetat nisi
cupidiiaiem^ non prœcipit nisi ckariiatem.
Les exemples secondent les piéceptes :
Abraham est le père des croyants et le mo-
dèle de la justice chrétienne, même dans les
plus parfaits. Son premier pas a été de fout
quitter pour l'amour de Dieu, et de le sui-
vre aveuglément; et néanmoins Dieu ne juge
pas indécent dattirer par la rtcompeuse
un homme si parfait, en lui disant : Je suis
ton protecteur et ta trop grande récompense
lGenJ)\ h quoi Abraham consent en disait :
Seigneur ^qjue me donnerez-vous? pnrce qu'on
ne peut mieux répondre à la liberté de Dieu
qu'en Tacceptant.
Moïse est si parfait, que lorsque Dieu lui
promet Jésus-Christ, il se sert de ces paro-
les : Je leur donnerai un prophète comme
tottf, (sicut te) [Deut.]^ ce qui montre qu'il
devait être la plus parfaite image de Jésus-
Christ, et néanmoins saint Paul ne croit pas
se rjbaisser en disant que s'il proférait à
tous les trésorsde V Egypte Vopprolre de Jésus-
Christ^ cest parce quil regardait à la récom-
pense, (Uebr.)
Si l'on ré[)ond que lorsqu'il agissait par
cette vue, il n*élait pas encore si parfait, ou
qu'en tout cas, ce n*étiit pas là sa plus par-
faite action, il faudrait rendre raison pour-
quoi c'c't celle-là que s«iint Paul remarque,
el demander s'il voiilait par là dégrader
Uoïse, un si parfait ami de Dieu, qui dès
lors, //an/ dfrenu ^ran^/, ne voulut plus être
le fils de la fille de Pharaon (Htbr.), ni chan-
ger pour celte naissance royale, la sienne,
si méprisée et si haïe dans l'Egypte. Il fau-
drait aussi expliqu r si ce n'est pas au plus
haut état de la perfi^ction qu'il disait à Dieu :
Si f ai trouvé grâce devant vos yeux ^ montrez-
moi votre face (Exod,), et encore : Montrez-
moi votre gloire : et Dieu ré|K)ndit : Je vous
montrerai tout bien, [Exod.) Que ne disait-il
une fois à ces parfaits qu'ils étaient encore
trop intéressés, et que contents de l'ain.er
sans rien désirer de lui, ils ne devaient pas
demander do voir sa face.
J'en dis autant de David, cet homme se-
lon le cœur de Dieu, qui confesse qu'il a
incliné son cœur à observer les commande-
ments^ à cause de la récompense. (Ps. cxviii.}
Je me suis souvent éionné de quelques au-
teurs scolasliques, qui, pour éluder ce pas-
sage, remarquent qu'il est cité dans 1 hé-
breu un peu autrement, sans considérer
qu'il est indiqué précisément selon la ver-
sion Vulgale pour le concile de Trente, pour
établir le motif de la récompense. Les Se|v-
tanle j sont conformes; saint Jérôme en
traduisant selon l'hébreu, et [tour en mieux
prendre lesprit, a mis, propter œtemam re-
tributionem; cette virsion e^t conforme à
l'esprit de Da\id, qui dans ce psaume, l'un
des plus parfjils et des plus pr(»fonds, ne
cesse de s\'XCiter («ar tous les motifs à aiintr
Dieu, comme on le voit par ces mots : Ré-
tribue servo /tfo, récom()enscz votre seivi-
teur; et par ceux-ci, dans la sécheresse :
Quand me consolerez-vous? quando conso-
laberis me? et autres semblables pour ne
pas parler des autres psaumes, où il disait :
Le Seigneur est mon partageetmon héritage,. :
Je ne lui demande quune chose que je ne ces-
serai de lui demander.,,. Que désirai-je dans
le ciel^ et quai-je voulu sur la terre? Vous
êtes le Dieu de mon cœur^ et Dieu est mon
partage pour jamais; et autres endroits
sans nombre. Il ne reste plus qu'a dire qu'A-
braham, Moïse et David étaient de ces saints
qu il (allait laisser dans ces motifs imparfaits
et intéressés.
On ne peut donner un autre sens à ces
exemples de Moïse et de David, sans encou-
rir la condamnation du concile de Trente
qui les rapporte expressément pour mon*-
trer qu'on peut « exciter la paresse» et sVn-
courager par la vue de la récompense, quoi-
que ce soit principalement pour glorifier
Dieu, » ce qui montre qu'il reste toujours
dans la nature, et même daiis les plus grands
saints, un fond de paresse qu'il faut exciter
par le molif de la récompense.
323
BExV
DlCTIONiNAIRE
BEA
llk
l\ y a donc plusieurs niotirs d'aimer Dieu :
Vexcellenco de sa nature, comme quand on
Mil : Lo Seigneur est grand, Magnus Domi^
nus; sa bonté communicative, ou, co [qui
est la môme chose, sa magnificence, comme
quand on dit et qu*on répète avec un vif
sentiment : Louez le Seigneur parce qu'il
est bon, et sa miséricorde est éternelle,
qnoniam in œternum misericordia ejus; le
bienfait particulier de la création, comme
quand on dit : 11 nous a faits, et nous ne
nous sommes pas faits nous-mêmes : IpÈe
fecU nos^ et non ipsi nos : tous les bienfaits
réunis, lorsqu'on dit : Je vous aimerai, 5et-
gneur, qui êtes ma force; le Seigneur est mon
appuiy mon refuge, mon libérateur, mon Dieu,
mon secours , et f espérerai en lui : où l'on
prend pour motif de son amour, les grâces
reçues, et celles qu'on en espère.
C'est un grand motif surtout de Taîmer
pour la rémission de Ses péchés, et si elle
n'était pas un des motifs aes plus naturels
d'un grand amour, Jésus-Christ n'aurait pas
dit que celui à qui on remet plus aime plus,
et que celui à qui on remet moins, aime moins»
{Luc) Il s'agit certainement de l'amour de
charité, puisqu'il s'agit de l'amour à qui les
péchés sont pardonnes : Plusieurs pécnés lui
sont pardonnes, d\i-\\, parce qu*elle abeaucoup
aimé; c'est donc s'opposer directement a
IMntention et à la parole de Jésus-Christ que
d'ôter ce motif à la charité.
C'est encore un grand motif d'aimer Dieu,'
que d'élre prévenu de son amour, et le dis-
ciple bien-aimé dont Tamour était si parfait
en est si ému, qu'il s'unit à tous les fidèles
pour dire avec eux d'une seule voix : Aimons
donc Dieu, puisqu'il nous a aimés le premier,
quoniam ipse- prior dilexit nos; quoniam
])ar cette vue, par ce motif. La charité a donc
plusieurs motifs nécessaires en tout état,
elle en a une infinité, puisqu'elle en a autant
qu'il y a, pour ainsi parler, de grandeur en
Dieu et de bienfaits envers l'homme.
Tous ces motifs sont compris dans l'orai-
son dominicale, qui n'est pas moins l'oraison
des parfaits que des imparfaits; et l'on y
joint l'excellence de la nature divine à la
grandeur de ses bienfaits, d'abord sous le
nom de Père, ensuite en le regardant dans
les cieuXf où il jouit de sa grandeur et où il
en fait jouir ceux qu*il aime : toute la tra-
dition reconnaît que, par la première de-
mande, son nom saint en lui- môme devait
être sanctifié en nous : que son règne en lui-
môme toujours invincible devait nous arri-
ver; que sa volonté, toujours accomplie
dans le ciel, le devait être en nous et par
nous, en sorte que nous fussions saints et
heureux; et ainsi du reste, où la charité
parfaite nous fait joindre la grandeur de
Dieu à notre bonheur et à ses bienfaits.
Quand donc, en considérant tous ces motifs
de la charité, on demande, en théologie,
quel est le premier et le principal, ou, ce
qui est la môme chose, quel est l'objet spéci-
fique de cette vertu, on demande quel est
l'objet sans lequel elle ne peut ni être, ni
être entendue, robjetqu*on ne peut sé|>arer
d'elle, pas môme par abstraction et par la
pet sée; et on répond que c'est l'excellence
et la perfection do la nature divine; mais ea
pratique on ne prétend pas dire qu'on doive
négliger les autres motifs, ou les regarder
comme faibles, 0U9 ce qui serait encore plus
faux, les exclure d'entre les motifs de la
charité; ce serait contredire directenoent
l'Ecriture. On peut bien n'y pas penser tou-
jours, et le seul objet qu'on ne peut pas sé-
parer absolument des autres, môme par la
conception et la pensée, c'est celui de l'ex-
cellence et de la perfection divine; car qui
peut songer seulement à aimer Dieu sans
songer que c'est à l'être parfait qu'il se veut
unir? C est la première pensée qui vient à
celui qui l'aime; et sans elle on ne connaît
même pas les bienfaits de Dieu, puisque ce
qui en fait la valeur est qu'ils viennent de
cette main divine et parfaite qui donne le
prix à ses présents.
BEATITUDES. — Los huit béatitudes
sont comme le fondement de cette morale
sublime dont Jésus-Christ a posé les prin-
cipes dans son premier discours sur la nion«
tagne. Co sont les règles de la perfection
chrétienne, et les dispositions habituelles dn
l'àroe qui marche à la poursuite de son
bonheur éternel.
Première béatitude. La pauvreté d'esprit.
— Par cette pauvreté d'esprit, nous nous
alTranchissons de tous ]es embarras du
siècle; qui sont comme autant d'entraves à
l'âme chrétienne ; nous aspirons uniquement
à être riches des biens de Dieu, et nous pre-
nons la voie qui mène à la vie des anges.
Cette vertu ne suppose p9S seulement qu'on
a su vaincre tous les désirs criminels et
qu'on est convaincu de la vanité de toutes
les choses de la terre, mais elle est encore
une preuve que l'humilité règne dans le
cœur, et que la vaine gloire y a fait place à
la basse opinion de soi-même; disposition
qui est le fondement de toutes les vertus, et
attire infailliblement les dons de la grÂce.
Les plus hautes et les plus sublimes leçons
nous ont été données par le Fils de Dieu sur
cette double pauvreté d'esprit, que Ton re-
trouve dans sa doctrine et dans ses exemples.
Seconde béatitude. Les larmes. — Par les
larmes de la componction nous purifions
nos cœurs, nous les ouvrons au règne de la
grftce, à la joie, à la paix intérieure, et nûns
y allumons toutes sortes de saints désirs
pour le ciel.
Troisième béatitude. La douceur, — Par
la douceur, nous asservissons la colère et
toutes les passions qu'elle irrite en nous.
La morale et la conduite du Sauveur nous
apprennentque, parmi les vertus chrétiennes,
eue tient un des premiers rangs, et qu'elle
est d'une extrême importance pour le salut.
Il n'en est point, en eifet, d une pratique
plus étendue, et qui contribue davantage à
assurer la paix de notre âme, soit avec le
prochain, soit avec nous-mêmes. Il n*ea est
point qui nous aide davantage à soumettre
notre orgueil, h réprimer Tambilion, à
élouUer 1 envie, à nous guérir do la vanité»
BEA
D ASCETISME
V,E\
326
de Tamouf-propre, de la curiosilé, des mau-
vais soupçons, de la trop grande crédulîlé,
de la précipitation, de la négligence et de la
légèreté OQ irréflexion de Tesprit. Elle sem-
Me être la seule béatitude à laquelle Notre-
Seigneur promet expressément les récom-
l^enses de la terre avec celles de l'éternité.
Heureux Us hommes douXf parce quils pos^
séderoni ta terre. Paroles qu'il ne faut pas
entendre des biens ou des richesses de ce
monde, qui ordinairement embarrassent et
p-^ssèdent plus l'homme qu'il ne les possède
lui-même. Ce qu'elles signifient, c'est que
ceux qui possèdent les biens de la terre en
jouissent avec consolation, avec plaisir et
tranquillité d'esprit, parce qu'ils savent en
jrjîr et en user selon les ?ues de Dieu. Avec
cette paix intérieure, on goûte vraiment
toutes les jouissances que l'on tient de sa
]ruvidence toute paternelle; elle nous as-
sure les bécédictions du ciel, nous g.igne
rdfifcction du prochain; elle triomphe eniin
*ïe la malice et de la méchanceté même, en
apaisant les hommes les plus emportés, et
4]uelquefois en nous rendant chers à nos
iiropres ennemis. C'est ce que nous enseif^ne
le saint roi Prophète, lorsqu'il dit : La terre
tombera en héritage à ceux qui sont doux^ et
ils se verront comblés de joie^ dans Vabon-
dance dune paix constante et invariable. Un
bien médiocre vaut mieux au juste qui jouit
de cette paix, que les grandes richesses des
pécheurs.
QciTKifeME BBATiTCDE. La faim et la soif
de ta justice. — Par la faim et la soif de la
justîco, c'est-à-dire, par les désirs ardents,
|i<ir la demande fervente et la poursuite con-
tinuelle de toutes les vertus, par les efl*orts
que nous faisons pour croître en sainteté et
en grâce, nous dilatons la capacité de notre
C'Cur, nous sentons croître en nous le goût
des choses spirituelles, nous jetons les fon-
d«-ments d'une immense fortune pour Téter-
iiito, et chaque jour nous mulli;)lions nos
trésors pour le ciel ; car, le conimencemenl
do la sagesse, c'est de la désirer avt-c ardeur.
Plus nous dilatons notre cœur par la vélié-
i:i«.'nce de nos soupirs, plus Dieu nous rera-
piit de ses dons et de ses giâces dès celte
vîe, et nous remplira un jour des biens de
la gloire.
Ci!«QtiiiiB BÉATrrcDB. La miséricorde. —
Par la miséricorde, c'esl-h-dire par le senti-
ment de compassion qui nous inspire la
volonté et la résolution de secourir tous
ceux qai gémissent sous le poids des misères
temporelles ou spirituelles, et par la dispo-
sition à pardonner toutes les injures per-
sonnelles, nous imitons le Père des miséri-
cordes et nous l'engageons à se montrer mi*
séricordieux envers nous; c'est là le seul
fondement de toute notre espérance et de
tous les droits que nous avons de pouvoir
prétendre à sa grâce et à sa gloire. Nous ne
vovoos qr.e misères en ce monde, soit en
nous-mômes, soit dans tout ce qui nous en-
vironne. Telle est la bonté de Dieu, que dans
ui»c si triste condition, nous ne trouvons de
r-TMÙLs à nos |To:»re> maux que dans la
pratique de ia midéricordo envers les autres.
SixièyE BÉATITUDE. La pureté du cœur. —
La pureté du cœur ou le détachement de
toute affection aux choses qui passent, aUire
sur nous les gr,lccs par lesquelles Dieu
manifeste les richesses de son amour en cette
vie, en attendant qu'il se découvre à nous
face à face dans sa gloire pendant toute Té-
temité. Cette vertu n*est pas une condition
moins essentielle pour être saint que pour
être heureux, soit dans ce monde, soit après
cette vie. Fille porte Dieu, la sainteté même,
à venir habiter en nous par sa grâce, pour
commencer ici-bas l'union spirituelle qui
doit nous consommer en lui éternellement
dans le séjour de sa gloire. Ainsi, tout
homme qui a le cœur pur verra Dieu, selon
la promesse du Sauveur, en ce sens que,
durant les jours de son pèU*rinage, il aura
une connaissance ftlus parfaite de sa bonté
et de ses mystères, en ce svns qu'il mettra
ses délices à les contempler dans la lumière
de la foi, en altend.mt qu'il les contemple
éternellement lui-mônic dans sa gloire.
Septiëue BÉATiTiDE. Vcsprit de paix. —
Par Tesprit pacifique, nous devenons Timago
de Dieu lui-niCMue et nous portons sur nous
un caractère de ressemblance avec Dieu, ce
qui est le propre de ses enfants. Il est le
Dieu de la | aix, et Jésus-Christ son Fils est
appelé lange et le prince de la paix. Il a
légué la paix à ses disciples, comme le der-
nier présent de la tendre charité qu'il leur
portait, et la dernière prière qu'il fit avant sa
passion, fut pour la paix et Tunité de son
Eglise. Si nous chérissons cette sainte paix,
et si nous (»renons soin de la cultiver, nous
la conserverons premièrt*ment dans nous-
mêmes, en rési>lant au péché et en subju-
guant nos passions. Secondement, avec \es
autres, par une conduite chari'able, douce
et souverainement ennemie de tout ce oui
pourrait altérer Tunion et la concorde. ZikAfz
d'avoir la paix avec Jlout le monde^ dit saint
Paul, et de conserver la sainteté^ sans laquelle
nul ne verra Dieu. Virez en paix^ si cela se
peut^ dit-il encore, et autant quil est en rous^
avec toutes sortes de personnes. 11 dit, si cela
se peut, parce que, malgré la dispositif;n où
nous devons toujours être, pour le bien de
la paix, de nous dépouiller de nos propres
droits, nous ne devons cepenciant pas aban-
donner ceux de Dieu, en renonçant à notre
foi ou en violant sa sainte loi, et en trahis-
sant la vérité, ne fût-ce que dans un seul
point. Les méchants veulent-ils nous forcer
à des actions incompatibles avec nos devoirs
essentiels, nous devons leur résister, au
fiéril même de notre vie; mais nous devons
aussi les traiter en esprit de pa x, autant
qu'il est en notre pouvoir, c'est-à-dire, leur
fiardonner tout le tort qu'ils nous font, et
eur rendre le bien pour le mal; montrant
ainsi combien nous désirons sincèrement
conserver la paix à quelque prix que ce
Cette disposition suppose qu on a déjà su
établir dans son âme le fondement de beau-
coup d'autres grandes vertus , comme !a
527
BEA
DICTIONNAIRE
BËG
5Î8
parfaite hamilité, la douceur, la charité et
la piété ; car elle est un des plus hauts de*
grés do la perfection chrétienne et un des
plus beaux traits de l'imaga de la divinité
formée en nous par lesprit de Jésus-Christ.
11 n*est donc pas étonnant que l'adorable
Trinité se plaise à habiter dans une âme si
riche en vertus , et déploie en elle les tré-
sors de sa toute-puissance et de son inGnie
bonté, qu*elle la comble de ses grâces , et
qu'elle répande en elle ses chastes délices.
L'esprit de paix qui règne en elle est une
sorte de titre à ses faveurs les plus chères ,
et particulièrement à la dignité d'enfant de
Dieu , par la ressemblance avec Dieu , et par
les prérogatives de grâces dont il l'honore.
Huitième béatitude. Lapatience dans les
persécutions, — Le dernier et le degré le plus
parfait de béatitude est réservé à ceux qui
souffrent persécution pour la justice, avec
patience , douceur , résignation et charité.
Les souffrances, prises dans l'esprit dii chris-
tianisme, appellent à leur suite toutes ces
vertus avec beaucoup d'autres et les élèvent
jusqu'à l'héroïsme. Elles sont le remède le
plus efficace contre toutes les maladies de
rame , et nous assurent un poids immense
de gloire dans le ciel. C'est le sens de ces
paroles : Le royaume des deux leur appar-
tient. L'homme , en effet , ne peut offrir à
Dieu un sacritice plus parfait de lui-môme ,
puisr[u'il est accompagné des vertus les plus
sublimes et du degré de ferveur I9 plus par-
fait , ou de tout ce aue le divin amour peut
inspirer de plus généreux ; car nos sacrifices
n'ont de mérite devant Dieu , qu'à propor-
tion de cette ferveur ; il ne lui manque donc
rien pour prétendre au plus haut degré de
gloire. De là cette doctrine de saint Jacques:
Considérez j mes frères ^comme un grand sujet
de joie les diverses afflictions qui vous arri-
vent , sachant que répreuve de votre foi pro-
duit la patience. Or la patience est parfaite
dans ses œuvres; pratiquez- la fidèlement , et
vous serez des hommes parfaits , des chrétiens
accomplis , en qui Dieu trouvera tout ce quil
récompense dans ses élus.
Les vertus renfermées dans les huit béa-
titudes sont autant de vertus morales d'un
ordre sublime et héroïc^ue; mais pour appar-
tenir aux béatitudes, il faut qu'elles aient
des motifs surnaturels pour fondement,
qu'elles soient infuses dans l'âme par une
grâce spéciale , qu'elles découlent du pur
amour de Dieu, qu'elles soient par consé-
quent élevées à un ordre supérieur et con-
formes à la dignité de leur source.
Les vertus morales peuvent bien s'acqué-
rir jusqu'à un certain degré par les forces
naturelles et à l'aide des motifs que suggère
la simple raison. Mais dans les hommes
d'oraison , remplis de ferveur et de charité,
elles deviennent infuses ^ et s'obtiennent de
nouveau d'une manière bien plus noble et
bien plus parfaite que par les efforts et les
artes répétés, gui en laisaienl auparavant
des vertus acquises, khm rhumililé, quand
elle est infuse ^ donne à l'âme une vue bien
plus profonde, et une connaissance bien
plus vive de sa bassesse et de son néant,
qu'elle ne pourrait l'acquérir par des moyens
naturels, quand môme elle serait assistée
des grâces actuelles ordinaires. De là il ar-
rive qu'il lui semble être transportée dans
une nouvelle région de lumières, où elle
voit et où elle sent les plus importantes vé-'
rites avec bien plus de clarté que jamais,
selon la remarque de saint xhomas,€t
qu'elle s'élève beaucoup plus haut dans la
voie de la perfection , par des actes bien
supérieurs aux voies orainaires. |
BËAUMONT ( Guillaume-Robert-Philippe-l
Joseph de ), curé de Saint-Nicolas de Rouen,
sa ville natale, mourut au mois de septem-
bre 1761 , regretté de son troupeau qu'il
édiQait et instruisait. On a de lui quelques
ouvrages ascétiques, qui ne sont pas du
premier ordre : l*" De V Imitation de lasainU
Vierge ; — 2° Pratique de la dévotion du divin
Cœur de Jésus; — 3* Exercice du parfait
chrétien ; — 4" Vie des saints , en 2 vol. ; —
5" Méditations pour tous les jours de Fosh
née 6lo
b'eAuVaiS ( Vincent de ) , Dominicain ,
ainsi appelé du lieu de sa naissance, s'ac-
quit l'estime du roi saint Louis et des prin-
ces de sa cour. Ce pieux monarque l'honora
du titre de son lecteur , et lui donna inspec-
tion sur les études des princes ses enfants.
Vincent mourut en 126^. On a de ce savant
religieux : l*" Spéculum majus , raste collec-
tiou divisée en quatre parties : Speculumna-
turale^ Spéculum doctrinale^ Spéculum moro/e,
Spéculum historiale; — 2* Un Traité de Cédur
cation des princes , et quelques autres traités
en latin écrits d'un style assez barbare. La
collection de ces ouvrages a été publiée à
Douai en 162!^.
B£DË (Le Vénérable), docteur de l'Ëglise,
le plus savant homme de son temps en An-
gleterre et peut-ôtre la plus vive lumière
de l'Eglise universelle au viii* siècle, passa
presque toute sa vie au monastère de Jar-
rjw, au diocèse do Hexham.ll écrivit sur la
philosophie, l'astronomie, l'arithmétique, le
calendrier, la grammaire, l'histoire ecclé-
siastique, etc. Ses œuvres théologiques com-
posaient cependant la principale partie de
ses ouvrages. On trouve dans ses écrits
beaucoup de clarté et de prééision. 11 y
règne une aimable simplicité, avec union
de fraîichiseï de piété, de zèle, qui intéres-
sent vivement le lecteur. La candeur et Ta-
raour de la vérité caractérisent ses livres
historiques. Personne ne sanctifie mieui ses
études par une vie innocente et le plus pur
désir du bien et de 1 utilité du prochain.
Aussi Dieu s'en est-il servi pour éclairer
l'Ëglise dans un siècle où la lumière com-
mençait è faire défaut par suite des inva-
sions des Barbares. II a eu la gloire de
compter parmi' les plus brillants flambeaux
qui éclairaient le monde dans ces siècles
malheureux ; il fit des efforts inouïs pour re-
nouer les anciennes traditions de la scionci3
avec le monde nouveau. Une de ses gloires
fut d'avoir formé Alcuin, le précepteur des
Gaules. Oa nous pardonnera de donner uno
m
BEG
D*ASC£TISME.
B£G
Si4)
liste un peu étendue des ouvrages de ce
^and homme ; tous, même ceux-qui ont des
titres profanes, respirent une odeur de
piété et de sainteté. [Voir le Catalogue^ au
KNne ll.j
BEGARDS ou Beghards. — Secte de faux ^
nystiifues ou de faux dévots, qui parut en'
Italie, en France et en Allemagne sur la
lin du lur et au commencement du xiv*
Avant celte époque, tes Albigeois et les
Vaudois s*étaient fait remarquer par un
extérieur simple , mortifié , dévot ; plu-
sieurs renonçaient à leurs biens, vaquaient
à la prière et à la lecture de l'Ecriture
sainte, faisaient profession de pratiquer les
conseils évangéliques. Cette régularité vraie
ou feinte, comparée à la vie licencieuse
4e la plupart aes catholiques, et d^utie
partie €« dergé, avait contribué beaucoup
lux progrès de Thérésie et au discrédit
de la foi catholique. Plusieurs personnes,
touchées de ce malheur, sentirent la néces-
sité de réformer les mœurs et de tenir une
conduite plus conforme aux maximes de
l'Evangile, c'est ce qui fit naître la radii-
laiie d ordres religieux et de congrégations
que l'en vit éclAre dans les temps dont
noua parions. Les esprits une fois tournés
decec6té-b, seraient encore allés plus
loin, 51 fe concile de Latran, tenu l'an 12t5,
fl*arait défendu d'établir do nouveaux or-
dres religieux , de peur que leur trop
Çrifide diversité ne mit de la coefusion dans
Tf^lise.
Plusieurs séculiers, sans prendre l'habit
religieux, formèrent aussi des associations
^ piété, «t «'unirent entre eux pour va-
quer à des pratiques de dévotion ; mais
par le défaut d'instruction et de lumièret
plosieurs donnèrent bientôt dans ^illusion,
t\ d'un excès de piété tombèrent dans ua
eioës de libertinage. Tels furent ceux que
Yon nemma beggaras, frère t« on fraticeiles,
«luioinistesv apostoliques, etc. Ces différent
les sectes n'avaient entre elles aucune liai-
fon ; elles ne se ressemblaient que par la
juanière dont chacune s^était égarée de
ion e6té«
Il faut distinguer des beggards de plu-
iieurs espèces. Les premiers furent des fran-
ciscains austères que Ton appelait le$ spiri-
tëeU : ils se piquaient d'observer la règle
de âainU'François dans toute la rigueur, de
oe rien posséder eu iirepre ni en commua,
ie vi'Tre d'aumônes, d'être couverts de hail-
c>n5, etc« Comme ils se séparèrent de leur
ordre et refusèrent d'obéir k leurs supé-
rieurs« Boniface Vlll condamna ce schisme
ters l'an 1360. Alors ces révoltés se mirent
ï déclamer contre le Pape et contre les évê-
ques ; ils annoncèrent la réformatioa pro-
tbaine de l'Eglise par les vrais disciples
de &inl-Francoi5, et adoptèrent Jes rêve-
ries de Tabbe Joachim, etc. Ils attirèrent
dans leur parti un bon nombre de frères
iais da tiers or<jre de Saini-François, que
i on nomme fratietlUs ou i^etits frères, en
Italie bixocki ou besaeiers, en. France bé^
DiCTIO». pAsciTisME^ I
êtunf, dans les Pays-Bus et en Alle;nngna
oeggards: do \h tous ces noms furent do; jnés
h la sectH en général : comme tous les pré-
dicanls, ils en imposèrent par leur exté*
rieur mortifié et firent des prosélytes
Au commencement du xiv* siècle, il s'en
trouvait un grand nombre en Allemagne, le
long du Rhin, surtout à Cologne; et comme
leur fanatisme était ailé toujours en crois-
sant, leurs erreurs se réduisaient à huit chefs
principaux. 1* Ils prétendaient que l'homme
peut acquérir en cette vie un tel degré do
iteifection, qu'il devienne impeccable et ne
puisse plus croître en grâce. 2* Ceux qui sont
parvenus à ce degré n'ont plus besoin do
prier ni déjeuner; leurs sens sont teltemeol
assujettis à la raison, quils peuvent accorder
librement h leur corps tout ce qu'il demande.
3* Parvenus à l'état de liberté, ils ne sont
plus tenus d'obéir ni d'observer les préoep-
tes de l'Eglise. %r L^liomme peut parvenir
ici-bas à la parfaite béatitude, et posséder le
même degré de perfection qu'il aura dans
l'autre vie. 5* Toute créature intelligente est
naturellement bienbeureuse , et n'a pas
besoin de la lumière de ^oire peur voir et
posséder Dieu. 6" La pratique des vertus est
pour les âmes imparfaites; celles qui ont
atteint la perfection sont dispensées de les
pratiquer. 7* Le simple baiter d'une femme
est un péché mortel, JEnais le commeree
charnel avec elle n'en est pas un, lorsqu'on
est tenté. 8* Pendant Télévation du corps de
Jésus-Cbrist, lesparlaitsnesont pas obligés
de se lever, ni de lui rendre aucun rcvoeel^
ce serait un acte d^imperfection f)Our eux de
se distraire de la contemplation, pour penser
h l'Eucharistie ou h la Passion de Jésus-Christ.
{Voytex Bcpior et le P. ALBmnDajB sur le
XIV* siède.J
Ces erreurs furent comdaamées dans ie
concHe général de ITienne, sous Clément Y,
en 1311; mais celte condamnation n'étoulFa
pas entièrement l'erreur ni les désordres
Îui en étaient la suite, llssubsistaient ericor»)
ans le xV siècle. Leurs partisans se nom-
maient alors ies frirtê €i Itê êmurê ém libre
esprit; on les appelait en Allemagne beg-*
gardé et êchutes triones^ traduction du latin
i^r^rius; en Bohème pigardt ou pieardi; en
France picards et iurl^pim. Ils avaient se-
coué toute honte; ils disaient que l'on n'est
parvenu à l'état de liberté et de perfection
que auand on peut voir sans émotioo le corps
nu d une personne de sexe difl'éreni; pour
Aire conséquent, ils se dépouillaient de leurs
babits dans leurs assemblées, ce qui leur fit
donner le nom d^adamisies. .Ziskn, géné.al
des hussites,en extermina un grand nombre
l'an lt^21. Quelques-uns ont donné, par er«
reur, le nom de frères picards aux bussiles,
mais ces deux sectes n avaient rien de com-
mun.
Au xvji* siècle les sectateurs de Holinos
ont renouvelé une partie des erreurs des
beggards.X'en est assez pour nous convain-
cre que les anciens Pères de l'élise uSÊb
ont point imposé, lorsqu'ils ont ani|sy^
mêmes égarements et le" ^^
531
DEL
DICTIONNAIRE
BEN
5ô»
aiiYgnostiaues. Les hommes se ressemblent
dans les différents sièck*s, et les mêmes
p:!S3ions produisent les mêmes effets. {Hist.
de l'EgL gallic,^ 1, m» an 1311.
Beggards, Béguins e( Béguines, sont aussi
les noms qu*on a donnés aux religieux du
tiers ordre de Saint-François. On les appelle
encore à présent, dans les Pays-Bas, beg~
gards, p/irce que longtemps avant qu'ils
eussent reçu la règle du tiers ordro de Saint-
François, et qu*its fussent érigés en commu-
nauie régulière, ils en formaient déjà dans
plusieurs villes, vivaient du travail de leurs
mains, et avaient pris pour patronne sainte
Begghe, fille de Pépin le Vieux, et mère tic
Pépin d'Héristal, princesse qui fonda le
monastère d'Andoune, sV relira et y mou-
rut, selon Sigebcrt, en 692. A Toulouse, on
]es nomma héguim , parce qu'un nommé
BarthélemiBéchin leur avait donné sa maisan
{>our les établir en cette ville. De cette con-
brmité de nom, le peuple ayant pris occa-
sion de leur imputer les erreurs des beg-
gardn ^i (ÏQS béguins y condamnés au concile
de Vienne, les Papes Clément V et Benott XII
déclarèrent, par dos bulles expresses, que
ces religieux du tiers ordre n'étaient nulle-
ment l'objet des analbèraes lancés eontre
les beggards et les béguins répandus en Alle-
magne. Mosheim dérive les noms beggard^
béguin, bégatte, bigote du vieux mot allemand
beggtny demander avec importunité» prier
avec ferveur.
BEGUINE, BEGUINAGE. — C'est le nom
qu'on donne dans les Pavs-Bas à des filles ou
veuves qui, sans faire de vœux, se rassem-
blent pour mener une vie dévote et réglée.
Pour être aggrégé au nombre des béguines,
il ne faut (ju'ap})0rter suffisamment de quoi
vivre. Le lieu où vivent les béguines s^a|>-
pelle béguinage ; celles qui Tbabitent peu*
vent y tenir leur ménage en particulier, ou
elles peuvent s'associer plusieurs ensemble.
Elles portent un habillement noir, assez
semblable à celui des religieuses. Elles sui-
vent de certaines règles générales, et font
lies prières en commun aux heures marquées;
le reste du temps est employé à travailler à
des ouvrages d'aiguille, à faire de Ta dentelle,
de la broderie, etc., et à soigner les mala-
des. Il leur est libre de se retirer du bégui*
nage. Elles ont aussi une supérieure qui a
droit de commander, et à qui elles sont
len ues d*obéi r tant qu'elles demeureront dans
Télar de béguines.
Il y a dans plusieurs villes des Pays-Bas
des béguinages si vastes et si grands qu'on
les prendrait nour de petites villes. A Gand,
en Flandre, il y en a deux, le grand et le
uetil, dont le premier peut contenir jusqu'à
iiuit cents béguines.
11 ne faut pas confondre ces béguines avec
certaines femmes qui étaient tombées dans
les excès des béguines et des beggards, qui
furent condamnés comme hérétiques parle
Pape Jean XII, et dont il ne reste aucun
vesligi*. iyoyez Beggabds.)
BELING AN. — Jésuite. On a de lui : Con-
naissanca de Jésus-Christ: — Retraite pour
les dames; — Retraite pour les personnes du
monde; — Sur les Vertus de Jésus-Christ,
BELLARMIN, cardinal» né en 1620, l'un
des plus illustres et des plus éclairés défen.
seurs de l'Eglise et du Saint-Siége; outre ses
œuvres de controverse, on a aussi quelques
opuscules qui peuvent être offerts aux spi-
rituels : tels que son Elévation de resprii
à Dieu : "^ les Gémissements de la Colombtt
ou du Don des larmes.
BELLECIIUS.— Jésuite» auteur de plusieurs
ouvrages ascétiques fort estimés : Medulk
ascetica; — De virtutis solidœ impedimtntis
et in citamentis,
BELLEVUG (Armand de), religieux Domi-
nicain, ainsi a|)pelé du lieu de sa naissance,
en Provence, vivait au xiv* siècle. Il était
attaché au Pape Jean XXII, qui te fit doclcur
en tiiéologio, et lui donna l'emploi de lec-
teur du sacré palais. Il mourut de 1332 à
i33k. On a du lui entre autres ouvrages,
des Conférences sur les psaumes^ sous la dé-
nomination pompeuse de Sermones dtrinj,et
un Recueil de prières et de méditations sur la
vie et les bienfaits de Notre-Seigneur.
BENARD- (Dom Laurent), religieux de
l'ordre de Cluny, et l'un des promoteurs de
la réforme bénédictine, né à Nevers en 1573,
avait fait profession de la règle de Saint-Be-
nott au prieuré de Saint-Etienne de cette
ville. Devenu prieur du collège de Clunj,
et zélé pour la discipline et les observances
religieusei«, il se rendit à I abbaye deSainl-
Vanne à Verdun, y fit profession le 5 mars
lGi5, suivant la réforme qui venait de s'éta*
blir dans cette congrégation. Il fut un des
commissaires pour Térection d'une seconde
congrégaticm qui fut établie en 1618 sous le
titre de Saint-Alaur. Uom Bénard mourut au
collège de Cluny, le 21 avril 1620. Ses œu-
vres ascétiques sont : 1* Pensées chrétiennes
ou Sermons très-utiles à toutes personnes^
tant laïques f ecclésiastiques que régulières,
Paris, 1616; — 2« De Vesprit des ordres nli"
givux, et spécialement de Vesprit de Cordre de
Saint-Benoit, Paris, 1616;— 3* Police règu-
Hère tirée de la règle de Saint-Benoit ^ 1619.
Ces ouvrages sont pleins d'excellentes cho-
ses, propres à inspirer et à nourrir la \^\M,
BENEDICTINS. - Vop. saint BekoÎt (w
vie et sa règle).
BENOIT (Saint), abbé d'Aniane, nu dio-
cèse de Montpellier, était tils d'Aigulfe,
comte de Maguelone. Après avoir servi
avec distinction dans la maison et dans les
armées de Pépin et de Ctiarlemagne, il s'en-
ferma dans un monastère dont il devint
abbé. Il se retira ensuite dans une terre de
son patiimoino, où il fonda l'abbaye d'i-
niane. Ses réformes et son zèle lui lireol uo^
nom en France. Louis le Débonnaire l'éla-^
biit chef et sujtéricur de tous les monastères
de son empire. Benott mourut en 821. Ooa.
d3 lui Codex regularum, qui niontre.ce qi^e,
la règ'e de Saint-Benoît a do commun avec
celles des aulies fondateurs. Sa vie a éi^^
écrite par Ardon Smar. gdus, et a élé pu-
bliée en 1638 par dom Hugues Méiw<rc1, ave
lo^Concorde des règles^ duiLêuie sa"nl Benoit.
BEN
D^ASCETIbME.
BEM
5:>i
BENOIT (Saint), naquit en UN), an terri-
foire de Norcia, dans le duché de Spolète.
Il fût élevé à Rome dès sa plus tendre jeu-
nesse, et s> distingua f^ar son esprit et sa
Tertu. A rtgé de seize ans il se retira du
monde où sa naissance lui promettait de
grands avantages. Une caverne affreuse dans
le désert deSubiac, à M milles de Rome, fut
sa première demeure ; il y resta caché trois
ans. Ses austérités et ses vertus Tajanl rendu
eél&re, unefôulede gens de toutâgese rendit
auprès de lui. Il bâtitiusqu*è douze monastè-
res. Ses succès excitèrent l'envie. Il quitta
cette retraite et vint à Cassin, petite ville
sur le penchant d^une haute montagne. Les
paysans de ce lieu étaient idolâtres; à la voii
de Benoît, ils devinrent chrétiens. Leur tem-
ple dédié à Apollon fut changé en église. On
y vit bientôt s'élever un monastère devenu
le berceau de Tordre bénédictin. Son nom
se répandit dans toute l'Europe. Totila , roi
des Golhs, passant dans la Campanie, voulut
Je voir, et pour éprouver s'il avait le don de
prophétie, comme on le disait, il lui envoya
un de ses oflScîers, nommé Riggon qu'il avait
lait revêtir de ses babils royaux, et auquel
il avait donné, pour l'accompagner, trois
des principaux seigneurs de sa cour avec un
nombreux cortège. Le saint, qui était alors
assis, ne Feût pas plutôt aperçu qu'il lui cria:
Qmliex^ mon fU$j les habits que vous portez ;
iis me sont pas à vous. Riggou saisi de crainte,
et confus d'avoir voulu tromper ce grand
bomme, se jeta à ses pieds avec sa suite.
Lorsqu'il fut de retour , il raconta au roi ce
qui lai était arrivé. Totila vint alors lui-même
visiter le saint A sa vue, il se prosterna h
terre» et il y resta jusqu'à ce que Benoit Teût
relevé. Il uit bien plus étonné d'entendre le
saint lui dire : < Vous failes beaucoup de
mal, et je prévois que vous en fcrc^z davan-
tage. Vous prendrez Rome, vous |>asserez
la mer et régnerez neuf années, mais vous
mourrez dans la dixième, et vous serez cité
au tribunal du juste juge pour lui rendre
compte de vos œuvres... L'événement vériGa
la pr^iction. Totila, qui en avait été effrayé,
se recommanda aux prières de Benoît et fut
moins cruel. Ayant pris peu après Naples, il
traita les prisonniers avec beaucoup d'bu-
nunilé. Benoît mourut Tannée suivante, en
5V3, suivant le P. Mabillon, et quelques an-
nées plus tard suivant d'autres. Sa règle a
été adoptée presque par tous les cénobites
d'Occident. Sa vie a été écrite par saint Gré-
goire le Grand dans le second livre de S(*s
MHaioçues. Pau! Diacre, moine du Mon t-Cassiu
en aparié fort amplement dans V Histoire des
Lomoards. Soa ordre a été, sans contredit,
an des plus étenJus, des plus illustres et des
pÎQS riches, c 11 fut longtemps, dit un écri-
rain célèbre, un asile ouvert à ceux qui vou*
iaient fuir les oppressions du gouvernement
guih et vandale.» Le peu de connaissances qui
n^staieot chez les barbares fut perpétu(5 dans
les cloîtres. Les Bénédictins transcrivirent
beaucoup d*auteurs sacrés et profanes. Nous
leur devons en partie les plus précieux res-
tes de l'antiquité, ainsi que b;;aucoup d'in-
ventions modernes. On a reprochée cet ortire
célèbre ses grandes richesses, mais on ne
fait pas attention que c'est en défricha m
avec beaucoup de peines des forêts incultes
et des terres ingrates qu'ils se les ont pi-o-
curées. Tel.'e ville aujourd'hui flo.issnnte
n'était autrefois qu'un rocher nu, ou un ter-
rain en friche, devenu fertile sous des mains
saintes et laborieuses. « De quoi, dit un au-
teur judicieux et é()uitable, auraient vec;u
S and nombre de solitaires s'ils n'avaient été
borieuxTOn ne leur donnait ni des ter-
res cultivées, ni des colons pour les faire
valoir, puis(]u'ils se plaçaient tous dans des
déserts. Miiis les censeurs de la vie monas-
tique demandent pourquoi renoncer aux af-
faires de la société, pour aller passer sa vie
dans la solitude. C est pour se soustraire
aux fureurs des tyrans et des guerriers' qui
ravageaient tout,qui, cependant, respectaient
encore les moines dont la vie les étonnait et
dont les vertus leur imposaient. ■
Quant à leurs richesses, qui étaient le fruit
de leur travail, de leur sage et ju licieuse
économie, quel usage en faisaient-ils? On
f^eut bien dire qu'ils ne les avaient que pour
es répandre; que, sobres et économes pour
ce qui les regardaient, ils n'étaient magni-
Gques que quand il s'açissait d'orner la mai-
son de Dieu, d'enrichir des bibliothèques,
de concourir à des amusements utiles, de
porter des secours aux pauvres et aux affli-
gés. Cette observation pouvait s'étendre à
tous les religieux qui avaient conservé Tes*
prit de leur état. L'ordre de saint Benoit a
produit beaucoup de grands hommes en
tous eenres, sauf ou'il soit vrait de dire
que l'on compte dans son sein quarante
Papes, deux^cents cardinaux, cinquante pa-
triarches, mille six*cents archevêques, quatre
mille^ six cents évèques, quatre empereurs,
douze impératrices, quatre reines, et trois
mille six cents saints canonisés. Ce détail,
puisé dans la chronique de l'ordre de Sciint-
Benolt, ne peut partir que d'un zèle outré
et maladroit. C'est ne savoir pas louer que
dé recourir à l'exagération. Dom Bastide,
Bénédictin de Sainl-Maur, fâché de ce que
Itfabillon, son confrère, avait retranché quel-
ques saints dans le grand recueil des Act^^^s
des saints de l'ordre de Saint-Benott,|Té?ei,(a
contre lui une requête au chapitre gén:5ra(
de 1677; mais ceux qui composaiei.t C' tic
assemblée n'y eurent aucun égard. [Voy.
Cajetax, Co!fSTA?iTi?i.) Dcpuis l'an 900, l'or-
dre de Saint-Bcnolt s est divisé en plusieurs
branches. De là sont sortis les Camaldulcs,
les Cisterciens, lesGilbertins,lesSylvesti ins,
les moines de Fontevrault. Toutes ces obst-r-
vances ne sont que des réformes de Tordre
de Saint-Benott , qui ont ajouté qurliiues
constitutions particulières à la rè^le priuii*
tive.
On compte parmi les Bénédictins plusieurs
congrégations, telles que celles deCluny, de
Sainte-iusline, de Savigny, de Tiron, de
Rorsfeld, de Sainl-Maur, etc. La règle de
Saiut-Bcnolt a été imprimée plusieurs lois,
et notamment en 173i, en deux vol. in-^s
ZSi D£N DlCTiONNAlRC
ATec les Commentaires de dom Calmât; dom
Mége/i écrit sa Vie en un vol. in b
nEN
SôS
Sa règle. — La règle de Saint-Benoit, qui
a été celte de presque tous les moines oc-
cidentaux, résume trop bien la perfection
de la vie monastique, pour être omise dans
notre travail.
Saint Benoit la commence par la distinc-
tion de quatre sortes de moines : les céno-
bites vivant dans une communauté réglée,
sous la conduite d'un abbé; les anachorèles
ou ermites, qui, après s*6(re longtemps exer-
cés dans une communauté, se retiraient pour
mener seuls une vie encore plus pariaite.
Les deux autres genres étaient de la pire
espèce : les iarabaUe$f qui demeuraient deux
ou trois ensemble, ou entièrement seuls, vi-
vant h leur fantaisie, et sans suivre de rè^lc;
les gjfTovagues^ ou vagabonds, qui couraient
continuellement de monastère en monastère^
sujets k rintempéranco et à tous les plaisirs:
c'étaient les pires de tous.
Quant aux ollices divins, saint Benoît \ts
règle ainsi : L*hiver, depuis le 1" novem-
bre jusqu'à Pâques, on se lèvera ii la hui-
tième heure de la nuit, cVst-h-dire k deux
heures. L'abbé lui-même annoncera Theure
de roffice, ou en commettra le soin à un
Frère très-exact. Ce ^ui restera de temps
après les vigiles jusqu au jour sera employé
è apprendre les psaumes, oii'à les méditer,
ou à quelque lecture nécessaire. Saint Be«
noit appelle vigiles Tolllice nocturne que
nous appelons Matines, et il appelle matines
rofiice du point du jour que nous nommons
Laudes. Pour Tété, c est-à-dire depuis Pâques
jusqu'en novembre, il ne règle point le
temps précis de commencer les vigiles : il
vput seulement qu'on les règle de telle sorte
au'on puisse commencer Matines au point
ujour.
Tous les jours, aux vigiles, on chantera
douze psaumes après l'hjmne que saint Be-
noit nomme l'AniDroisien, parce que la plu-
part étaientdesaintÀmbroise. Après six psau-
mes, tous les Frères, étant assis, liront tour
à tour trois leçons, à chacune desquelles on
chantera un répons ; ensuite on dira six au-
tres psaumes avec Alléluia ; puis une leçon
de l'apôtre, que l'on récitera par cœur, avec
le verset et la litanie, c'est-à-dire Kyrie elei-
ton. Ainsi Rnira l'offiee de la nuit. En été,
comme les nuits sont plus courtes, on ne
lira point de legons; mais on en dira seule*
liient, par cœur, une de l'Ancien Testament,
nui sera suivie d*un répons bref. Los leçons
des vigiles seront de l'Ecriture sainte, ou
des expositions des Pères. Les dimanches
on se lèvera plus matin, et, après avoir
chanté six psaumes, on lira quatre leçons
-avec leurs répons, puis six autres psaumes
et quatre leçons; puis trois cantiques tirés
des proptiètes, ettiuatre leçons du Nouveau
Testament. Après le dernier répons, l'abbé
commencera I hymne 7e, Deum. Si, par mal-
heur, on s'étciit'levé plus tiu*d, on abrégerait
quelque chose des leçons ou des répons,
|)0urdire toujours Matuiesau point du jour.
Aux i'êlitô des saints et aux autres solenni-
tés, on fera, comme le dimanche, cxecplé les
psaumes, les antiennes et les leçons propres
du jour.
A Matines, on dira, outre les psaumcs.ut)
cantique tiré dos prophètes, comme clianlc
l'Eglise romaine. C'est ainsi que parle saint
Benoit; et par là il montre qu'il suivait Tu-
sage de celte Eglise. 11 nomme bénédiction
le cantique BenedicUe, qui se dit les dininn*
ches; et Laudes ou louanges, les trois dcN
niers psaumes qui se disent tous les jours,
et commencent par Laudaie. Le Pa(fr se dira
tout haut à la fin de Matines et de Vêpres.
afin que, si quelqu'un avait quelque peine
contre un autre, il soit pressé de pardonner,
par ces paroles : Bemcttrznons nos dellrs
comme nous remettons aux autres. M ne ta-
rait pas qu'il y eût alors d'autre oraisoo pour
la conclusion des oflices.
Pour marquer la fin de chaque heure,
saint Benoit se sert de ces mots : Et missa
/lan^;. c'est-à-dire que, l'office étant achevé,
on renvoie Tassistance. H fait en détail la
distribution des psaumes pour chacune d(S
heures, telle que son ordre l'observe encore;
puis il ajoute : si quelqu'un n'est pas con*
tent de cette distribution, il peut ks ranger
autrement, pourvu que, chaque semaine, on
dise le psautier tout entier ; cal* c'est le
moins que nous puissions faire, puis(]ue
nous apprenons que nos Pères le lisaient
tout entier, chaque jour, avec ferveur.
Saint Benoit ne prescrit point d'aulres
prières ; il suppose que les moines s'appli-
queront d'eux-;r.êmes à Toraison menlale,
lorsqu'il dit : que Toraison doit être courte
et pure, à moins qu'on ne la continue plus
longtemps, par un mouvement de la grâce.
Après l'ollice tous doivent sortir de l'ora-
toire, afin de ne pas troubler ceux qui vou-
draient prier en particulier, et ceux-ci le
doivent faire sans parler haut, tnnis avec
larmes el application de cœur. On voit aussi
dans sa vie, que les moines, après avoir
achevé déchanter les psaumes, se rueltaient
en oraison; et qu*un d*entre eux, tenté par
le démon, n'y pouvait durer, et sortait du
l'oratoire. Après la prière, le reste de la
journée des moines était employé au tra-
vail ou à la lecture. En été, e est-à^lire de-
[ mis Pâques jusqu^au 1*' octobre, itssortaienl
e matin pour travailler, depuis la preinièie
heure jusqu'à la quatrième, c'est-à-dire de-
puis six heures jusqu'à dix, allongeant ou
diminuant les heures suivant la iongueir
des joui s. Après ces quatre heures de tra-
vail, ils vaqueront à la lecture, dit la règle,
pendant deux heures,ju5qu'à Sexte environ.
Après Sexte et le dîner, ils se reposeront
sur leurs lils en silence. Si quelqu un v<ul
lire, il le fera sans troubler les autres. Cn
avancera None, et on la dira au milieu de la
huitième heure, c'est-à-dire à une heure et
demie, et on travaillera jusqu'au soir. Ce
sont au moins sept heures de travail psc
jour, avec deux heures de lecture* Saint Be-
noit ajoute que si la nécessité du lieu ou la
pauvreté les oblige à s*occuper eux-ménies
de la récolle de leurs fruits, ils ne s'en ai*
557
DEN
DASCKTISME.
BEM
33g
lligeol |K)inl ; puisque c*es( alors au'Hs se-
ront véritdblemcnl moiues, quand ils vivrooi
du travail de leurs mains, comoie uos Pères
et les apAlres.
En hirer, e*est-à-diro depuis le 1*' octobre
jusqu'au Carême» les sept heures de travail
se prenaient de suite. On comuieoçait par ia
lecture, qui dgrail jusqu'à la seconde heure,
c*esi-i-dire è huit heures du matin. Alors ou
disait Tierce, puis on vaquait è la lecture,
ou à apprendre les psaumes par cœur. Kn
Carême, la lecture durait jusqu'à Tierce, et
le travail, depuis neuf heures du matin jos-
qu*à quatre heures après midi. Au commen-
cefloeot du Carême, on donnait à ebacun un
livre de la bibliothèaue, pour le lire de suite.
Pendaut les heures de la lecture, un ou deux
«iiciens visitaient le monastère, pour voir si
(|aeiqu*un dormait ou s'amusait à causer et
interrompre les autres. Le dimanche, tous
étaient occupés à la lecture , excepté ceux
qui étaient chargés de divers oflkes. Si quel-^
']a*un ne pouvait méditer, ni lire, on le fai-
^ittravailler. On donnait dis travaux plus
tuiles i ceux qui étaient faibles et délicats.
Ceux qui travaillaient trop loin, pour venir
i loratoiro aux heures marquées, se met-
Idieniè genoux au lieu du travail, et y fai-
SM^Qt leurs prières; ceux qui étaient en
themin disaient aussi rofBce aux heures,
selon qu'ils le pouvaient. Personne nechoi-
^'t^Jitson travail; mais il était imposé par
'fô5»))érieurs. Ceux qui savaient des mé-
tiers 1)0 |K)uvaienC les exercer que par la oer-
D)is$iuu de Tabbé, et en toute humilité.
> One si quel(iu*uii, dit saint Benoit, s*élève
i'^ la science ae son art, s'imaginant appor-
ter quelque utilité au monastère, on le re-
iirera de son métier. Si Ton vrnd quelque
ouvrage, ceux qui en siéront chargés pren
JlruiU garde égalementà rien rotenirdu prix,
en fraude du monastère, et à ne le pas aug*
meoter par avarice; mais ils donneront
ioujours les ouvrages un peu à meilleur
marché que les séculiers, afin que Dieu soit
gioriGé en tout. » Celte distinction des arti-
»^os fait voir que le commun des moines se
W'fliposait de simples ouvriers, comme les
eens'de journée, et que les plus nobles se
réduisaicQt, par humilité , au rang du plus
>^t peuple. Ils n*avaient pas besoin d*études
P^iur entendre la langue latine, qui était en-
core vulgaire.
Ils étaient simples laïques, et il ne paratt
pu que saint Benoit lui-même ait eu aucun
ryi^dans le clergé. Toutefois il prêchait,
puisquM convertit plusieurs infidèles par
^s instructions ; et il envo.yait souvent ses
luoines faire des exhortations à des religieu-
ses voisines. < Si un prètrn, dit-il, veut être
^^\ï dans le monastère, on ne se pressera
pssde le lui accorder; mais s*il persiste, il
doit garder toute la règle sans aucune dis*
P^nse. On lui accordera toutefois la pre-
"iiere Diace après Tabbé, et le droit de don-
iitîr la bénédiction et de présider à l'oRice,
?'|^1>M l'ordonne ; mais, dans les assem-
blées i)our les affaires, il ne tiendra que le
^^^ de son entrée au monastère. Si quel-
qu'un des clercs inférieurs veut êfre reçu au
monastère, on lui accordera un moindre rangi
Si l'abbé veut faire ordonner un prêtre ou
un diacre, il choisira d*en!re les siens celui
qu'il en croira digne. Mais le nouveau prê-
tre n'en sera pas moins soumis à la disci-
pline régulière et aux supérieurs. Que s'il
est rebelle, il pourra être châtié, et même
chassé du monastère, toutefois avec la par-
ticipation de Té vêque.» Toutes les heures de
la journée sont terlement remplies par la rè-
gle, qu'on n'y voit point de place pour la
messe, les jours ouvriers; ce qui fait croire
que les moines ne l'entendaient que le di-
manche.
Quant à la nourriture, saint Benott donne
à chaque repas deux portions cuites , afin
que celui qui ne pourrait manger de l'une,
mangeât de l'autre. Le mot de pulmentarium,
dont il se sert, signitie proprement des lé-
gumes ou des grains, réduits en bouillie ou
en purée, quoiqu'il se puisse étendre à tou-
tes sortes de viandes bouillies ; mais la
pauvreté des 4noines ne donne pas lieu do
croire qu'ils y comprissent le poisson, que
les anciens plaçaient entre les mets les
plus délicieux. La règle permet une troi-
sième portion de fruits ou de légumi^ crois-
sant sur les lieux. Elle ne donne qu'une livre
de pain par jour, c'est-à-dire seize onces,
soit qu'on fasse un repas ou deux. L'abbé
pourra augmenter la portion, s'il y a quelque
travail extraordinaire, et on donnera moins
aux enfants. La chair des bêtes à quatre
pieds est défendue à tous , hors les cas de
maladies. Pour la boisson, ils auront chacun
une hémiiiede vin iiar jour , c'est-à-dire un
demi-setiorsuivant la meilleure exjilicaiion ,
à moins que le travail ou la chaleur n*oblige
à en donner plus. Saint Benoit loue ceux
qui pouvaient s'en passer, et ajoute : « Quoi-
que le vin ne convienne point du tout aux
moines, toutefois, dans notre temps, il n'est
pas possible de le leur persuader; au
moins gardons la tempérance nécessaire.
Que si la qualité du pays fait qu'il ne s'y
en trouve point du tout, que ceux ouï y de-
meurent en louent Dieu, et se gardent d'en
murmurer. »
Quant aux heures des repas , depuis Pâ-
ques jusqu'à la Pentecôte , ils dîneront à
Sexte, et ils souperont le soir. Tout le reste
de Tété, ils jeûneront jusqu'à None, le mer-
credi et le vendredi ; si le travail de la cam-
pgne ou la chaleur excessive ne les empêche
les autres jours, ils dîneront à Sexte. I>epuis
le 13 septembre jusnu'au caiême, ils man-
geront toujours à None, et, pendant le ca-
rême, au soir : en sorte toutefois qu*ils sou-
pent toujours au jour » en quelque temps
que ce soit. En la (wiitie dllalie où vivait
saint Benoit, le soleil ne se couche jamais
plus t6t que quatre heures et demie. Il exhorte
les moines à faire en carême ouelque absti-
nence particulière, mais avec le conseil du
supérieur. On fera la lecture pendant le re-
pas, et le lecteur sera choisi toutes les
semaines , don par ordre mais selon qu'il y
sera plus propre.
339
BEN
DlCTlONNAtRE
BEK
340
l4es moines se servaient les unsIesautreSy
cl faisaient tour à tour la cuisine par se-
raaine. Ce qui montre combien leur nourri-
tui^e était simple « puisque tous étaient
capables de Tapprèter. On avait grand soin
dos malades: ils avaient une chambre par-
ticulière et un des frères pour les servir. On
leur donnait delà viande et du pain toutes
]«^s foisquMI était à propos. Maison n'accor-
dait guère Tusaçe du bain en santé, princi-
jialement aux jeunes. Les babils étaient
réglés à la discrétion de Tabbé , suivant la
qualité du pays, nlus chaud ou plus froid.
« Nous croyons, dit saint Benoît, que dans
les climats tempérés, c'est assez d une eu*
cullcetune tunique; la cuculle nlus épaisse
nonr l'hiver, plus légère pour rété; et un
capulaire pour le travail. » C'était depuis
uigtemps 1 habit ordinaire des pauvres et
' 3S paysans. Saint Benoît n'en marque ni la
juleur ni la longueur, qui sans doute était
t o.jortionnée à la commodité du travail.
* scapulaire était plus large et plus court
i ù présent, et avail son capuce. C'était
liabil de dessus pendant le travail , on l'ô-
il pour prendre Ifr^uculle, qu'on portait
e reste du jour. Chacun avait deux tuniques
l deux cuculles, soit pour changer la nuit,
ii pour les laver. Ils les prenaient au ves-
,/ive commun, et y remettaient les vieilles.
.5 étoffes étaient celles qui se trouvaient
ns le pys è meilleur marché. Pour ôter
ai sujet de propriété, l'abbé donnait à
a un toutes les cnoses nécessaires : c*est-
- .il c, outre les habits, un mouchoir, un
r.:oau, une aiguille, un stylet et une ta-
'0 pour écrire.
•. urs lits consistaient en une natte ou
liasse piquée, un drap de serge, une
iverture et un chevet. Chacun avait son
* mais ils couchaient tous en un même
« au moins dix ou vingt ensemble, si la
lunauté était grande. Une lampe brû*
1 Loute la nuit dans le dortoir, et toujours
me ancien y couchait, pour observer la
) aite des autres. AQn d'être toujours
' ; à se lever pour l'office, ils couchaient
\s vêtus, même avec leurs ceintures de
. ou de corde; seulement ils devaient en
' les couteaux de ()eur de se blesser en
' lant. On nç parlait plus après Compiles
" gardait, la nuit, un profond silence; le
. : même, on parlait rarement. Les bouffon-
:• 7, les paroles inutiles ou propres à iaire
. étaient entièrement bannies des monas-
s, et la règle ne fait aucune mention de
M jréation. alais elle ordonne qu^en tout
T'S, après le soupert les frères soient
."^ssis en un même lieu, et qu'un d^en-
X lise des conférences , des Vies des
, ou quelque autre livre d*édiGcation.
moines ne recevaient, sans ordre de
^'•j>u ni lettres, ni présents de personne,^
tnôme de leurs parents. Ils ne sortaient
'\i sans permission de l'enclos du mo-
• -re. Et, pour leur ôter tout prétexte, on
issait, autant qu*il était possible, de
i sorte qu^ils eussent au dedans toutes
uQses nécessaires , l'eau, le jardin, le
o
Ol
.«■*'
moulin, la bouiangene, et les commodités
pour les métiers différents. La porte était
gardée par un vieillard sage et discret, qui
sût répondre aux pauvres et aux autres sur-
venants. Si quelques frères étaient enToyés
dehors, ils se recommandaient aux prières
de la communauté, et h leur retour demeu-
raient prosternés dans l'oratoire pendant
toutes les heures de l'office, pour expier les
distractions et les autres fautes qu'ils pou-
vaient avoir commises. Il leur était étroite-
ment défendu de rien dire de ce qu'ils
avaient appris au dehors.
On recevait les hôtes avec beaucoup de
charité et de respect. On les menait à I ora-
toire pour prier, on leur faisait une lecture
d'édification , puis on les traitait avec toute
l'honnêteté possible. L'abbé leur donnait à
laver, et mangeait avec eux; aussi avait-il sa
cuisine et sa table à part, pour être en ét/it
de les recevoir à toute heure sans troubler
la communauté. Personne ne leur parlait,
que le moine destiné è les recevoir, et ils
avaient leur logement préparé.
L'abbé qui devait gouverner le monastère
était choisi par toute la communauté , ou la
plus saine partie, eu égard au seul mérite.
sans considérer son rang. Que s'ils s'accor-
daient tous à choisir un mauvais sujet» I é«
vêaue diocésain, les abbés, nu les simples
fidèles du voisinage, devaient empêcher ce
désordre, et procurer un digne pasteur au
monastère. L abbé étant choisi, était ordonné
par l'évêque ou jpar d'autres abbés. Il devait
être instruit de la loi de Dieu, charitable,
prudent et discret, montrer en tout rexcm-
ple, et n'être que l'exécuteur de la rè^le,
pour la faire garder fidèlement. « Qu'il se
souvienne toujours, dit saint Benoit, qu*il
est chargé du gouvernement des âmes, cl
qu'il se garde bien de les négliger pour
s'appliquer davantage aux choses tempo-
relles ; mais qu'il ait grande foi en la Pro-
vidence. Il doit tout faire avec conseil. Dans
les moindres choses, il consultera seulement
les anciens ; mais dans les plus importantes,
il assemblera toute la communauté, propo-
sera le sujet, et detnandera l'avis de cnacuo:
à la charge toutefois que la décision dépen-
dra de lui, et aue tous lui obéiront. » Au-
dessous de l'aboé il y avait un prieur ou
prévôt (prœpositus) et plusieurs doyens. En
Quelques monastères , le prévôt était or-
donne par l'évêque ouparlesabbés,comroe
Fabbé même : ce qui lui donnait sujet dose
regarder comme un second abbé, et de n*ëtre
pas assez soumis. C'est pourquoi saint Be-
noît rcgette cet usage, et veut que le monas-
tère ne soit gouverné sous l'abbé que par
des doyens dont l'aulorité étant partagée,
sera moindre. Que si l'on iu^e a propos
d'avoir un prévôt, il sera étaoli par l'abbé,
et lui demeurera soumis. Ces doyens, dég-
arni, étaient établis pour veiller surdjx
moines, au travail et a leurs autres exer-
crées, et soulager l'abbé qui ne pouvait être
partout. On les choisissait, non par Vbi\'
cicnnelé , mais par le mérite, et on pouvait
les déposer après trois aclmonilions. Voila
5tl
BtN
HASCKTISVE.
BEN
343
les officiers poar le gouTernemenC du mo*
naslère.
Il j en ataiC d*aufres pour le service :
comme le cellérier, Tiofirmier» rhospitalier,
le portier. Le cellérier avait la garde des
proTÎsîoDS et de teus les ustensiles, et dis-
tribuait à chacun, selon l'ordre de Tabbé,
ce qui lui était nécessaire pour les besoins
de la fie ou pour le travail. L'abbé avait
un étal de tous les objets appartenant au
monastère, afin que rien ne se perdit, et la
propriété était étroitement défendue jusgue
dans les moindres choses, un livre, une ta-
blette, un sljlet. Ceux qui se présentaient
pour entrer dans le monastère n'étaient
ftçQS qu'après de grandes épreuves. Pen-
dant quatre ou cinq jours, on laissait le pos-
tolanl frapper à la porte, et on lui faisait
des difficultés, jusqu'à le maltraiter. S'il
persislail, on le mettait pour quelques jours
dans le logement des hôtes, puis dans ce-
lui des nOTîces, et on lui donnait un ancien
pour examiner sa rocation, lui proposant
combien le chemin du ciel est rude. Au
bout de deux mois on lui lisait la règle,
puis six mois après, et une troisième fois
an bout de quatre mois. Après un an de
persévérance, on le recetait. La profession
^e £iîsdit âsna Toratoire devant toute la
communauté, et if ne promettait autre
chose que la stabilité, la conversion de ses
mœurs et Fotiéissance. Il en faisait la cé-
dule écrite de sa main, et la mettait sur
TanteK S'il avait quelque bien il le donnait
aux pauvres ou au monastère par un acte
solennel. Alors on le revêtait de l'habit du
monastère, et on zardait le sien pour le lui
rendre si par malheur il sortait. Les pères
ponTaient offrir leurs enfants en bas â^e
|K>or être reçus dans le monastère. Ils fai-
saient pour eux la promesse qu'ils envelop-
Kienl de la palle ou nappe de l'autel, avec
ur offrande, de la main de l'enfant. Ils ne
poaraient lui rien donner; mais seulement
an monastère, pour lui ôter tout sujet de
teolation. Si *uo moine étranger demandait
Thospitalité, on le gardait tant qu'il vou-
lait. On recevait ses avis, et si Ton était édi-
fié de sa conduite, on le priait de demeurer
dans le monastère. Mais on ne recevait point
nn moine d'un monastère connu sans le
coiisentement de l'abbé. On gardait dans le
monastère le rang de la réception ; et les
Îilus jeunes rendaient honneur aux anciens,
es appelant nonnes, c'est-à-dire Pères, se
lerant devant eux et leur demandant la bé-
nédiction.
Il n'était pas permis aux Frères de se dé^
fendre l'un l'autre, ni de se frapper, ou
s'excommunier de leur autorité privée. Si
quelqu'un manquait à la règle, ou désobéis-
sait aux supérieurs, les anciens l'avertis-
saient en secret jusqu'à deux fois. S'il ne
se corrigeait, on le reprenait publiquement,
puis on rexcommuniait, si on jugeait qu'il
comprit la grandeur de cette peine : s*il
était trop dur, on usait de punition corpo-
r^'lle, c'est-à-dire de jeûnes ou de coups de
fimel, el on traitait de même à pru[K>rtion
les enfants, l^es moindres fautes étaient
châtiées, mais plus légèrement quand le .
coupable s'en accusait le premier. i
La règle appelle excommunication tonte'
séparation de la communauté, plus ou moins
grande, à proportion des fautes, comme de
ne point entonner de psaumes ou d'antien-
nes, ou de ne point lire de Leçons à Toffice ,
de manger seul après les autres, d'être ex-
clu tout ensemble de la taille et de l'ora*
toire, de ne fiarlcrà personne, d'être séparé
de tous, même dans le travail. Saint Benoit
applique à cette entière séparation les paro-
les de l'Apôtre, qui dit que l'excommunié
est livré à Satan : ce qui fait croire qu'il
parle d'une véritable censure ecclésiastique;
mais il veut que l'abbé prenne un soin |iaf-^
ticulier de l'excommunié. Que si quelqu'un
ne profitait point des corrections, même cor-^
porelles , après avoir essayé tous les moyens
de le corriger, on le chassait enfin du mo-
nasière de peur qu'il ne corrompit les au-
tres. Que s'il voulait revenir, promettant de
s'amender, on le recevait jusquà trois fois.
Telle est la règle de Saint- Benoit quipréteo^l
n'j mettre rien de rode ni de diflicile, et
ne la traite que d'un petit commencement»
bien éloigné de la peifection qui est écrite
dans les conférences de Cassien, les Vies
des Pères et la règle de Saint-Basile.
BERNARD (Saint), né en 1091, dans le vil-
lage de Fontaine, en Bourgogne, d'une Ci-
mille noble, se fit moine à I âge de vin^t*
deux ans, à CIteaux, avec trente de ses com-
Baguons. Quoique à peine sorti du noviciat,
ernard fut choisi pour être le premier at>t>é
de Clairvaux en 1115. Son nom se répandit
bientôt partout. Il eut jusuu'à sept cents no-
vices. Le Pape Eugène 111, Jescardinaux, une
foule d*évêaues et d'abliés furent tirés de
son monastère. Du sein de son cloître, ii
était souvent pris pour arbitre desdiflérends
dans l'Eglise et l'Etat. En 1128, à la prière^
du grand maître des Templiers, il rédigera*
les statuts de cet ordre religieux et miU-
taire. En 1130, Louis le Gros le chargea de
décider qui on devait reconnatire pour
Pape dlnnocent 11 ou d'Anai:let. Bernard se
prononça pour Innocent 11,. et l'Eglise en-
tière se soumit à sa décision. Peu d'années
après, il fut envoyé à Milan pour concilier
le clergé de cette ville avec celui do Rome.
Il réussit, et les Milanais, enthousiastes do
ses talents supérieurs et de ses vertus, vou-
lurent l'élever sur le siège archiépiscopal de
saint Amiiroise; mais il se déroba à leurs
hommages et retourna dans son cloître. En
1140, il se signala au concile de Sens par sa
véhémence contre les derniers écrits d*A-
bailard, et en poursuivit inflexiblement la
condamnation. L'influence de son génie
allait se faire plus universellement sentir.
Le Pape Eugène 111, l'un de ses anciens re-
ligieux, l'exhorta à prêcher une s«H!onde
croisade. L'activité et l'éloquence de Ber
nard subjuguèrent toutes les résistances;
el, malsré I opposition du sage abbé Suger,.
Louis vil prit la croix avec une foule dr
seigneurs. De France, Bernard, passa eu
343
deh
DJCTlOriNAlRE.
BIE
M
Àllemagno, et détermina l'emporeur Gon-
rné III h prendre aassî la croix. On sait qoe
celleseconde croisade échoua complètement.
Cet échec n'empêcha pas le saint religieux
de j^uir de l'a conQance de toute TEurope.
11 fut de noureau consulté dans toutes les
grandes questions et forcé k cbaaue instant
de quitter sa vie studieuse du r lettre pour
se mêler aux débats du monde. Mais fatigué
de ses courses et de sa vie active» il résolut
f nfin de se retirer complètement dans la so-
litude de son clottre ue Clairreauxy et il y
succomba, en liSM, à ses austérités» à Tâge
de soixante-deux ans. Il fut canonisé vingt
ans après sa mort, en 1173. C'était un de ces
hommes puissants d*intelligence qui ne sau-
raient passer à travers les siècles sans y
laisser des traces profondes de Pinfluence de
leur génie. Il fut également un grand écri-
Tain. La vivacité» la noblesse» Tènergie et
la douceur caractérisent son style. 11 est
plein de force» d*onetion et d'agrément. Ses
sermons surtout respirent cette éloquence
tendre et douce» qui touche le cœur et
oliarme l'esprit. S;iint Bernard est regardé
comme lo dernier des Pères de l'Eglise, ville-
fort» le Maistre et dom Clémencel ont pu-
blié sa Vie. Ses ouvrages sont nombreux »
mais on rcmarcfue principalement ses livres
ascétique^, qui sont : 1" Le Traité de la
ConnidiraHon^ ouvrage écrit k la demande
du Pape Eugène; saint Bernard y enseigne
éloquemment aux Papes l'importance et
détendue de leurs devoirs» expose avec vi-
gueur les désordres du clergé, et» en traçant
mi Pape Eugène les règles morales qui doi-
Tent le diriger, offre en même temps è tous
les hommes les meilleures règles a suivre;
— 2* Le Traité des devoirs et des mœurs des
étiques ; — 3" Le Traité de la conversion des
wtœurs des religieux; — k" Des degrés de
rhumilité et de Voraueil ; — 5* Apologie de
la vie et des mœurs des religieux; — 6* Traité
de V amour de Dieu; — 7* De nombreux ser-
mons ; 8* Une foule de Lettres spirituelles.
BERNARD (Claude)» dit le Pauvre Prêtre,
et vulgairement le Père Bernard^ naquit h
Dijon le 26 décembre 1588. Il se consacra
entièrement an service des pnuvres et des
malades de THûtel-Dieu et de rbOnital de
la Charité, à Paris. Il mourut en oueur de
sainteté le S3 mars 16M. On a imprimé le
Testament du H. P. Bernard^ et ses Pensées
pieuses f Paris» 16!^1, in-8^ Plusieurs bio-
graphes ont écrit saTte.
BERNARDIN DE SIENNE (Saint) naquit
en 1380» à Blassa-Carrara» d'une famille
distinguée. Après sa philosophie, il entra
dans une conlrérie de l'hôpital de la Seala,
h Sienne. Son courage et sa charité se firent
admirer pendant la peste de HOO, Deux ans
après il prit l'habit de Saint-François, réfor-
ma l'étroite observance et fonda près de
trois cents monastères. Son humilité lui fit
refuser les évèchés de Sienne, de Ferrare
et d'Urbin» qui lui furent successivement
proposés. Après une vie laborieuse, il
mourut à Aquila en ihkh. Il fut mis au
rangdes .saints six ans après. Il a laissé plu-
sieurs ouvrages parmi lesquels on remarque
des Sermons 9 des Traites de spiritualité,
des Commentaires sur r Apocalypse^ etc
BERTHIER i Guillaume-François), célè-
bre Jésuite» ne à Issoudun en Berri,le7
avril 170!^, professa les humanités h Blois.
la (ihilosophie è Rouen, et la théologie à
Paris. Ses supérieurs lui confièrent la conti-
nuation de l'Histoire de l'Eglise gallicane,
et la direction du Journal de Trévoux, 11
mourut le 15 décembre 1782» 11 a, outre
plusieurs ouvrages^ laissé des OEuvrei
spirituelles^ en 5 vol iu-12» 1790 et 1811.
BÉRDLLE ( Pierre ), né en 1575, au chi-
leau de Serilly^ près de Troyes en Cbaropa-
gnp^ se distioçoa dans )a fanoeiise coufé*
rence de Fontainebleau» où Duperroa com-
ballit du Plessis-Mornay, qu'on nommait fe
pape des huguenots. Il fut envoyé en Espa-
gne par Henri IV, dont il élait aumônier,
pour amener quelques Carmélites k Paris.
Ce fut par ses soins que cet ordre Ôeurit
en France. Quelque temps après il fonda la
congrégation de l'Oratoire de France, dont
il fut le premier général. Urbain VIII récom«
pensa le mérite de Bérulle d'un chapeau de
cardinal. Henri IV et Louis XUI avaient
voulu inutilement lui faire accepter des
évêchés considérables. L*autori té qu'il avail
dans l'Eglise et l'Etat ne lui fit point aban-
donner son premier plan de vie. La simpli-
cité,la modestie, la pauvreté, la tempérance,
furent toujours ses vertus favorites. Il neps-
sait aucun iour sans offrir le saint sacriuce.
Il mourut d apoplexie à l'autel, le 3 octobre
1629, à rage de cinquante-cinq ans. saint
Ftançois de Sales, César de Bus, lecardinal
Bentivo^lio, etc., avaient été ses amis et
les admirateurs de ses vertus. Ses ouvrages
ascétiques, qui respirent la plus grande
piété, sont: un livre sur Fêtai et la grandeur
de Jésus; — des Elévations x Lettres à m
prêtres; divers petits Traités.
BESSË (Pierre de), docteur de Sorhorne,
prédicateur de Louis XllI, naquit au bourg
de Rosiers, en Limousin, au milieu dux?i"
siècle, c;t mourut à Paris en 1639. Outre ses
Sermons, il a laissé les ouvrages de piélé
qui suivent: 1* Des qualités et deh bonnet
mmurs des prêtres. — 2* Triomphe des saintn
et dévotes confrairies. — 3* La royale prê-
trise. — kr Le démocrite chrétien. —5* Le bon
Pasteur. — 6* Lhéraclite chrétien.
BEUVELET ( Matthieu ) , prêtre du sémi-
naire de saint-Nicolas du Chardonnet, à
Paris, y fit fleurir la science et la piété. Il
est connu particulièrement par ses œuvres
ascétiques ; 1* Méditations , in-4% sur les
principales vertus chrétiennes et ecclésiatiqmi
— 2* Manuel pour les ecclésiastiques. Matthieu
Beuvelet mourut vers 166Q.' '
BIENS (Communauté des). — La vocation
religieuse repose sur les trois vœux de
pauvreté, d^obéissancH et de chasteté.
Le vœu de pauvreté ne peut se pratiquer
qu'en renonçant à toute propriété person-
nelle. Mais è moins de vivre exclusivement
d'aumônes, il en résulte la conséquence que
la communauté monastique doit pouvoir
uz
niE
D^ASCETISMC
S4«
po$$é:ier ve qu'il n*esi point permis à un
simple religîeui d'avoir en son nom. Le
frail même de son traTail quotidien n*e&l
pis h tnt; ce qu'il consomme de nourritures
et de ▼êtemf'Dts, fiM-il Tœuvre de ses mains,
est un don de la communauté pour laquelle
chacun travaille,
AGd de mieux entendre la communmté
des biens dans la vie religieuse, rappelons
sommairommt les principes évangiliques,
qni démontrent la {>crfeclion et les avantages
lie la fiauvreté, matière qui sera traitée selon
son importance dans l'article Pauvreté.
Bienkeuretix les pauvres (Tesprit^ nous dit
le Sauveur, parée que le royaume de Dieu est
ieux.
Pourez«¥ou5 faire un marché plus aranta-
geux que de changer tout ce que vous nos*
sédez. ootilre un trésor de si grand prix?
Il dit encore : Le royaume du ciel est sem"
hlable à un marchand qui cherche de Ifelles
pertes 9 et quif en ayant trouvé une^ s'en va et
Tfnd tous ce quil avait ^ et rachète. Or de
même, dit Uûwlriguez, nue cette perle est h
ce marchand, parce qu'il Ta achetée de son
«rgeut , de même le royaume du c:iel est à
vous, parce que vous Vavez aclieté de tout
Yotre bien.
Saint Pierre ayant dit un jour h Jésus-
Christ : Toità que nous avons tout quiUé , et
«ue «ouf vous avons suivi ; quaurons-nous
aoncpour récompense? — En vérité^ je vous
dis, répondit-il. Que dans te temps de ta
régénération^ quand le Fils de l'Homme sera
auis sur le siège de Sa Majesté ^ vous qui m'avez
ftttn, vous serez de mime as^is sur douze
sièges pour juger les douze tribus d'Israël.
Ces paroles doivent s'entendre non-seule-
ment oes apôtres , mais aussi de tous ceux
qui imitent leur esprit de pauvreté.
Voilà donc le rovaume du ciel promis i
ta pauvreté, et m^me des distinctions lui
sont réservées dans ce lieu de félicité.
Ce n'est pas encore tout. Le Sauveur pro-
met encore dès cette vie des compensations
ponr les sacrifices qu'on fait en son nom.
QuiconquCf dit-il, quittera sa maison^ ou ses
frères f ou ses sœurs^ ou son père^ ou sa mire^
om sajemme^ ou ses enfants^ ou ses terres
pour fanMur de mot, recevra le centuple et
possédera la vie éternelle: et afin qu*on ne se
trompe pas sur le sens du centuple, saint
Marc dit le centuple dans le temps présent.
Sans df'Ute cette expression désigne, selon
quelques interprètes, les biens spirituel's, les
richesses du mérileoKMral; cependant d'autres,
avec Ca^aien» entendent le centufile dans le
sens do lx>nbeur de ce monde, mais non du
bonheur grossier des sens. On peut l'cnten*
dre de la paix du cœur, des jouissances de
la pureté de la^eooseience, des faveurs par-
tscalières que Dieu fiiit à ceux qui se don<<
Dent è lui sans réserve..
Ces paroles n'ont-elles pas une applica-
tion as^ez juste dans les communautés reli-
gieoses où les bons religieux sont heureux
ielenrdépouillement, et h qui le nécessaire
ëe la vie est d'autant plus doux qu'il est
plus modeste^ qu'ils u ont besoin d*aucun
souci, d'aucune crainte fatigante pour se le
procurer? Ils sont délivrés de la soif de l'or
qui consume les séculiers, et toute i'affec*
lion et les désirs que le mondain accorde
aux biens terrestres, le religieux les fait
monter vers Dieu. Ces réjouissances, que l'on
trouve dans les communications intimes avec
Dieu, sont plus délicates et plus durables
3ue celles que fournissent les fragiles biens
e la terre.
En partant de ce principe si bien établi
dans l'Evnngilc, que les richesses sont un
grand danger pour le salut, et que la pau-
vreté volontaire est une des plus belles vie-*
toires qu'un chrétien puisse remnorler sur
ses mauvais penchants, que les plus magni-^
fiquos bénédictions y sont attachées, tousi
ceux qui ont aspiré à la perfection ont dA
commencer par rompre avec les biens du
monde.
Les premiers Pères du désert, comme
saint Antoine, commençaient par abandon-
ner tout avant deseconsacrer à la vie con-
templative ; ils s'abandonnaient à la Pro-
vidence au point de ne compter que sur le
travai^l des mains, travail simple et peu
lucratif, comme de faire des nattes, pour
l'entretien de la vie, et se contentaient des
choses les plus srossières, et pour la nour-
riture, et pour le vêtement, et pour l'habi-
tation.
Plus taird, lorsque les moines se réunirent
en monastères, ce qui d'après l'expérience
des saints est la manière la plus parfaite de
vivre des religieux, on trouva le moyen de
posséder, tout en affranchissant chaque re-
ligieux des liens de la propriété. Ce qui est
à tous u'est à personOe, et profite néan-*
moins k chacun. Les besoins sont satisfaits,
et non la cupidité; car la cupidité aime à
dire : Ceqi est à moi ; je puis en disposer
pour mon agrément ou mes plaisirs. Il va,
sans dire que sous prétexte que 1rs biens
de la communauté ne sont à personne, il
ne convient pas que ces monastères devien-
nent opulents. Il V a à cela plus d*nn dan-
ger. D'abord les Clirétiens du siècle ne sont
pas édifiés; ensuite il est difïïcile de se
tenir alors sur la ligne tracée par la règle
qui veut qu'on donne rigoureusement aux
pauvres ce qui passe le modeste, nécessaire^
du religieux. L'usage le moins répréhensi-
ble qu'un puisse faire alors de ses richesses
est de les prodiguer en bâtiments somp*
tueux, ce qui s'écarte visiblement de la vo-
cation religieuse. 00 ne peut citer aucun
fondateur d'ordre qui ait eu des vues pareil-
les : tous, au contraire, ont recommandé la
simplicité. In pauvreté pour la cOmmunauU'
comme pour les particuliers.
Le premier exemple fameux de la commu-
nauté des biens est celui qui a été donnt
par les premiers Chrétiens : exemple d'au-
tant plus étonnant qu'il a trouvé son applj-
cation dans une société composée d'une
grande diversité de rangs, de fonctions et
d'états. On avait vu auparavant quelquea
essais de communauté; mais entre person-
nes de même condition» comme quelques
S47
BIË
DICTIONNAIRE.
BIE
3iS
%
t
fectes juires; mais il était inouï qu*un eût
Jamais rencontré quelque chose d'une exé-
cution aussi (iifQcile, par eonséquenU aussi
a<lminiiile. Evidemment la sociétéchrétienne
s*élendantde plus en plus, la communauté
des biens devenait impossible; mais il n*est
pas moins admirable qu*un tel exemple ait
pu être donné. Ce genre de vie n*a point
péri cependant, puisque nous l'avons vu re«
vivre dans les monastères.
Nous avons ru, de notre temps, des tenta-
teurs de communautés des biens établis en
dehors de rinfluence de la religion chré-
tienne. Nous n'essaierons pas d*en faire la
réfutation, ce n'est pas ici le lieu. Nous vou-
lons seulement faire remarquer que toutes
ces conceptions pèchent par un point capital
qui se rattache à notre siyet.
La vie de communauté est le genre de
vie qui impose le plus de sacrifice, surtout
lorsqu'il 8*agit d'une communauté étroite
confondant les intérêts, qui octtupent une
aussi grande place dans le oœnr humain
Sue ceux qu*on voulait pla«^r en commun,
est contre la nature de ftire des sacrifices
constants, perpétuels, qui se font sentir à
chaque instant tels que les demande la vie*
de communauté imaginée par les réforma-
teurs sociaux. Dans la rie commnne, entre
uu grand nombre, les droits de tons écra-
sent la volonté particulière, et la rolonté
personnelle ne se résigne pas ainsi à n'être
rien.
Voici en quoi consiste Terreur de ces
coupables systèmes. C'est que les modernes
réformateurs ont roulu établir des commu-
nautés au nom des intérêts matériels an
profit du bien-êlre, de la sensualité : au lieu
lie modérer les passions pour les mettre en
intime contact, ils les ont exaltées. La mé-
prise est profonde et grossière.
Les communautés religieuses n*ont pas
pris ainsi le twar bumam à rebours, ni
accepté les obstacles comme des moyens.
Qoedit un fondalenr d*ordre à ses disciples?
U leordit : Ven^ Tivre de la vie commune,
non pour j Ironver les jouissances terres-
tres, poor y faire votre volonté, pour aug-
menter ros ricbesses en les associant, pour
at^^meoter la somme de plaisir en unissant
▼of mojrehs et vos ressources, mais venez-y
poor briser votre vDlonté contre la règle ; la
cupidité, contre la pauvreté absolue ; la vo-
l0pté^ contre les mortifications; en un mot,
méprisez la vie présente, n'en tenez que peu
de compte pour posséder plus sûrement la
vie k Tenir : Ik seulement sont vos espéran-
ces.
La foi, et une foi vive, est donc le mobile
de la communauté religieuse, et celte foi
rend tous les sacrifices possibles; elle fournit
une raison à toutes les privations.
Dans le système sensualiste des réforma-
teurs les sacrifices ne s'y peuvent com-
mander ni pratiquer par aucun motif,
pour aucune raison.
Au contraire» krorigine de la vie monastique
les opinions furent partagées k l'occasicDde
la vie commune. Les uns préféraient,pourles
religieux, la viesolilairecomme favorisaiUla
vie contemplative : et saint Jérôme lui-même
fut pendant quelque temps de cette opinion.
Les autres, k la tête desquels il &ut placer
saint Basile, conseillèrent la vie de la com-
munauté comme étant un remède auxexcen- '
trîcités et aux autres dangers de la vie soli- '
taire, comme ofl^rant plus de ressources
contre l'ennui de la solitude, contre la pa-
resse, par l'exemple et les ressources de la
charité fraternelle.
Il est certain que les communautés reli-
Sieuses, dans leurs rapports avec la richesse
es nations, non-seutêment n'offrent aucun
inconvénient^ mais encore sont une véritable
ressource, tant que ces communautés res-
tent dans la mesure de l'esprit évangilique.
D*autre part, on ne peut di^e que ces bras
renfermés dans les cloîtres soient inutiles
ou k charge k la société, puisqu'il est bien
établi que les monastères ont largement payé
leurs dettes k la sodélé et k la civilisalion
par des serriees de tous les genres, comme
ce peot le voir dans les articles : MonasU-
T€$f etc.
Ajonlottsqiie les moines vivant en commun
dépensent excessivement peu, et ils sont
par Ik utiles au monde et comme modèles
de modération, et, comme consommateurs
économiques, et comme citoyens soumis et
faciles k gouverner, qui ne murmurent ja-
mais.
Au point de vue ascétique, la communauté
des biens a aussi nn caractère inappréciable
en ce qu'elle ôte au religieux tous soins de
la vie matérielle, soit parce qu'il y tient peu»
soit parce qull reçoit son petit nécessaire
régulièrement comme une aumône de son
couvent. Ainsi dépjôuillé et libre des biens
terrestres, il devient pour ainsi dire un
homme purement spirituel. Il a trouvé le
moyen de spiritualiser même son travail
manuel, car il ne travaille plus pour lai;
Tesprit de renoncement le fait travailler pour
ses Frères, c'est-k-dire pour la communauté,
et c'est alors que le travail se spiritualise
réellement par la charité.
BI£NS SUKNATURELS. — Les biens sur-
naturels, dans le langage mystique, sont
ceux dont Dieu gratifie les personnes qui
suivent en tout le mouvement du Sainl-ES'
prit. Il ne faut pas les confondre avec les eQels
ordinaires de la grflce; il ne s'agit ici que
des effets extraordinaires dont la *grâce^ est
tellement le principe, que la nature ny a
rien et ne peut y avoir aucune part. On oe
saurait s'y méprendre pour peu qu'on soil
versé dans la connaissance de l'intérieur.
Il y a trois sortes de biens surnaturels:
les uns sont dans les sens des hommes par-
faits; les autres pénètrent plus avant etju»-
qu'où les sens ne sauraient aller; les l'^Jl ^
mes sont très-intimes. —Ceux qui s'arrôtem
dans les sens, c'est-k-dire dans la première
région de l'âme, sont des impressions seosi-
d
SI»
D'ASCETISanw
DîE
5.70
bles des olgets samaturels, impressions que
la foi seule ne produit pas, mais seulement
la foi appliquée par une grâce extraordi-
naire; ce soDt des attraits puissants oui
touchent et qui élèTentà Dieu aune manière
sublime ; ce sont des goûts merTeilleui et
des sentiments délicats qui Tiennent sou-
▼eut à la rencontre des choses les plus com-
munes. Sainte Thérèse dit qu*en prenant
de Tean bénite elle ressentait le même nlaisir
que lait une boisson agréable à quelqu'un
pressé par la soif. D autres éprouvent de
I^reils eOets, qui remplissent leurs sens î ilé-
rieurs, k rapproche des églises, des autels et
des images ae piété. Quelquefois la commu-
nion leur communique la même vigueur que
la nourriture la plus succulente, avec une
chalenr divine qui les fortifie et les console,
et cette chaleur produit è sou tour une douce
lumière qui leur donne une infinité de
connaissances. La grâce donne à quelques-
uns nn attrait sensible pour les pauvres, de
sorte qu'ils trouvent un plaisir plus eiquis
\ panser et à baiser leurs ulcères qu'à user
des Tîandes les plus délicates.
Les biens surnaturels de la seconde sorte
sont des images intellectuelles, môme des
choses qui ne tombent pas sous les sens : ces
images produisent la joie, la paix et une
suavité merveilleuse. Il ne manque pas
d'exemples de telles faveurs. Combien de
r^rsonnps qui, i l'oraison, sesententaitirées
considérer le côté ouvert de Jésus-Christ et
à s*attacher è cette j)Iace sacrée, comme si
elles la voyaient véritablement, et qu'elles
eussent fe bonheur de la toucher, et qui
après l'oraison conservent celte même dis-
l'Osition et ce même goût spirituel, sans que
le tumulte des choses extérieures puisse le
leur iaire perdre, et sans qu'il leur en coûte
aucune application ! Combien d'autres, éle*
vées en esprit dans le ciel, vivent sur la terre
eomme si elles n'y étaient pas, et jouissent
de cette insigne uveur au milieu des occu-
e lions du dehors qui ne sauraient troubler
félicité du dédans. Voilà ce qu'on ap|>el!e
des biens surnaturels, et avec raison, parce
que ce u) sont pas de simples pensées pas-
sagères, mais des opérations marquées et
sensibles, qui durent nn temps considérable,
et on ne doit pas être surpris que la grâce
qui produit ces opérations fasse sur l'âme
plus d'impression que tous les objets des
sens n'en peuvent faire. On rapporte de
sainte Liduvine, gu'étant réduite à garder le
kU elle se sentait transportée en esprit par
Jésus-Christ, son époux, dans tous lieux de
dévotion les plus célèbres de la chrétienté,
et gue la force de l'occupation intérieure
était si grande , qu'elle s entretenait de la
même manière et sentait la même consola-
tionqne si el le eût été corporell emen t présen le
dans ees lieux. On peut mettre au nombre
de ees faveurs le souvenir des mystères, de
la naissance, de la vie et de la passion de
Notre-Seigneur, lorsque ces mystères font
sur l'âme la même impression que s'ils
V avaient été pavés. L'idée du mystère de
la Sainte-Trinité avait été en effet gravée
dnns l'âme de la bienheiu^use Claire de
Moutefalco, comme on en peut juger par les
trois petits globes qu'on trouva dans Sim
corps après sa mort, lesquels y avaient élé
mis snrnaturellement, comme pour entrete-
nir en elle le souvenir du mystère. Ces sor-
tes de faveurs sont commedes gages précieux
qui, étant possédés au dedans, presenlent
continuellement à l'esprit le sujet de ses en-
tretiens, et au cœur l'objet de son amouf.
Les biens surnaturels de la troisième sorte»
qu'on a dit être très-intimes, sont certaines
opérations faites dans la substance de Tâme,
et commedes attouchements divins, par les-
quels elle est unie à Jésus-Christ si étroite-
ment et avec une telle impression de l'hu-
manité et de la divinité de ce Dieu-Homme,
qu'il semble ï cette âme qu'elle ne fasse
qu'une même chose avec lui* ce qui la
transporte hors d'elle-même. Sainte Ger-
trude témoigne avoir eu part à cette faveur,
un jour qu'on célébrait la fête de la Purifi-
cation de la sainte Vierge, ce qu'elle regar-
dait comme la plus grande grâce qu'elle eût
reçue de sa vie. L'âme de Jésus-Christ fut
imprimée sur la sienne, comme un sceau,
comme elle le dit elle-même; et, depuis ce
temps-lè, elle en consenra l'empreinte et une
ressemblance avec Jésus^hrist qu'elle sen-
tait en elle-même. Cela se fait d'une ma-
nière inexprimable. Les docteurs mystiques
qui en ont traité disent que l'âme par 1 at-
touchement, qui est la plus délicate des
opérations intérieures, reçoit une impres-
sion de Jésus-Christ et de la substance di-
Tine, et que c'est en cette faveur, lorsqu'elle
devient ordinaire, que consiste l'état qu'ils
appellent les noces spiriiuelles. Tout ce qui
concerne ce divin mariage appartient à cette
troisième sorte de biens surnaturels, et ren-
ferme tant de faveurs et de caresses céles-
tes, qu'on croirait cet état iroaçînaire, s'il
n'était attesté par le témoignage de plusieurs
grands saints, et en particulier par celui de
sainte Brigitte. Sans entrer dans aucun dé-
tail, il suffit de dire qne ces grâces surpre-
nantes sont fort ordinaires aux âmes d une
grande élévation. Oser dire, comme font
auelques*uns, qu'il n'y a en tout cela que
e simples pensées suivies de quelques af-
fections agréables, ce serait vouloir prouver
i un homme qui a passé par tous les remèdes
de la médecine que ce n'a été qu'en idée.
Les effets de la grâce dans l'état dont nous
parlons sont si réels, si sensibles, si mani-
festes, qu'on ne saurait s'y tromper; et
d'ailleurs ils produisent des changements et
des altérations considérables, non-seulement
dans l'âme, mais encore dans le corps, jos-
Î|u'à déranger les humeurs, jusqu'à ecbauf-
er le sang d'une manière extraordinaire.
Lorsqu'on ouvrait la veine à sainte Cathe-
rine de Gênes, celui qui tenait la palette
pour recevoir le sang n en pouvait soutenir
la chaleur, tant il était bouillant. La force
de Tamour dont saint Philippe de Néri était
embrasé, fit élever et rompre deux de ses
côtes pour pouvoir se dilater. Sainte Ma-
deleine de Pazi et plusieurs autres sainia
551
POE
DICTIONNAIRE
BOL
5^
Oïl éorouvé (les eiïi^ts semblables. Et si ce
sont là des opérati<ins de la grftce qui ont
leur principe dans la partie la plus intime
do l'âme, et qui rendent Thomme heureux
autant qu'il peut Tôtre ici-bas, D*a-t-on pas
raison de les mettre au rang des biens sur-
naturels les pins excellents?
BIENVEILLANCE (Amour de). — Yoy.
Oraisoti affective et Charité.
BLOIS (Louis df»), de In maison dn Châtil*
lon-sur-Marne et de Blois, illustrée par
plusieurs alliances avec les tôles couronnées
et par les liin^s des souverainetés qu'elle
possédait elle-môme, naquit nu châleau de
Doustienne, dans le pays de Liège, en 150G.
A Tâgn de quatorze ans, il entra dans Tah-
baye dé Lîessies, près d'Avesnes. Il fut
nommé abbé de cette raai5;on en 1530, quoî-
2u*il n*eût que vingt-quatre ans. Il avait
té élevé auprès du prince Charles, devenu
depuis l'empereur Charles-Quint, qui con-
serva toujours pour lui son aflTection^ d'en-
fance, il offrit môme à Louis de Blois l'ar-
chevêché de Cambrai et l'opulente abbaye
de Tournay ; mais le modeste religieux pré-
féra la retraite paisible de son couvent ,
qu'il réforma en 15W, par d» nouveaux
statuts approuvés par le Pape P.ml III. Il y
mourut saintement le 7 janvier 1566, âgé de
soixante ans. Livré tout entier aux médita-
tions religieuses, il avait composé î)lu$ieurs
ouvrages de haute piété. Le plus célèbre est
son Spéculum religiosorum^ composé h la
demande . d'un de ses religieux nommé
Odon. Cet ouvrage a été plusieurs fois trar
doit en français; la meilleure traduction est
celle qu'en a faite le Jésuite de la Nauze,
sous le titre de Directeur des âmes religieuses.
On aime aussi à lire les Entrjtîiens spiri--
tuets de Louis de Blois.
.BOÈCB (Anicius-Manlius Torquatus Boe-
ihiuê) naquit vers l'an 455, dans la ville de
Rome, où ses ancôtres avaient exercé les
premières charges de l'Etat. Dès l'âge de
dix ans il fut envoyé à Athènes pour y étu-
dier la langue et les sciences de la Grèce«
et il j resta dix-huit ans. En 485, il f<il
nommé consul de Rome; en 500 il devint
ministre de Théodoric, roi des Osirogoths,
dont il avait fait l'éloge à son entrée dans
Rome. Sur un frivole soupçon que le sénat
de cette ville entretenait des intelligences
secrètes av«c Justin , empereur de Constan-
tinople, le roi Théodoric fit mettre en pri-
son Boèce et Symmaque, son beau-père, les
plus distingués de ce corps. Conduit h Pa-
vie, Boèce y endura divers genres de sup-
plices et eut la tête tranchée le 23 octobre
524. C'est dans sa prison qu'il composa son
beau livre : De consolatione philosophiœ^ en
vers et en prose. Ce traité a été traduit dans
presque toutes les langues de l'Europe, et
même dans les langues grecque et hébraïque.
La meilleure traduction française est celle
de Léon Colesse, publiée en 1771, à Paris.
Les Consotations de la philosophie^ écrites
par Boèce dans sa prison sans le secours
d*aucnn livre, sont un i]es plus beaux mo-
numents de la philosophie chrétienne.
BOILEAU ( Jean- Jacques ), chanoine do
Saint-Honoré, de Paris, était originaire du
diocèse d'Agen. II mourut en 1735, âgé de
quatre-vingt-six ans. On a de lui, outre la
Vie de madame Combe^ institutrice du Bon-
Pasteur, des Lettres sur différents sujets de
morale et de piété; 2 vol in-12.
BOLLANBISTES, continuateurs de Bol-
landus, savants Jésuites d'Anvers, qni,
depuis plus de deux siècles, se sont occupés à
recueillir les actes et les vies des saints,
d'après les auteurs originaux, et ont ainsi
réussi h éclairer plusieurs faits importanîsde
l'Histoire ecclésiastique et civile. — Cet
utile et vaste projet fut formé au ccromen-
remont du xvir siècle, par le P. Béribéri
Roswoid, Jésuite d'Anvers; mais on sent
3u'il était beaucoup au-dessns des forces
*un seul homme : le P. Rosweid ne
put faire pendant toute sa vie qn'aroas-
ser des matériaux; il mourut en 1629, sais
avoir commencé à leur donner une forme/
L'année suivante, le P. Jean Bollandos,
son confrère, reprit ce dessein sous un autre
f^oint de vue, t*t se proposa de composer
ui-m6me les vies des saints d'après les au-
teurs originaux, en y ajoutant des notes
semblables à celles dont les éditeurs des
Pères ont accompagné leurs ouvrages, soit
pour éclaircir les passages obscurs, soit
pour distinguer le vrai du fabuleux. En
16*15, il s'associa le P. Godefroi Hensclu^
nius, et, en 1643, ils firent paraître les actes
des saints du mois de janvier, en 2 vol. in-
fol. Ce livre eut un succès qui augmenta
beaucoup, lorsque, en 1658, ces deux sa-
vants eurent donné trois autres volumes
dans la même forme, qui contenaient les
actes du mois de février. Bollandus s*étnii
encore associé, en 1650, le P. Papebrocli,
et travaillait h donner le mois de Mars, lors-
qu'il mourut, en 1665.
Après la mort d'Enchenius, le P. Pape-
broch eut la principale direction de cet ou-
vrage, et prit successivement pour collabo*
rateurs les Pères Baert« Jauni ng, Dusolier
et Raie, qui ont publié 2i vol. contenant les
vies des saints jusqu'en juin. Aprè.^ la mort
du P. Papebroch, en 1714, les Pères Duso-
lier, Cuper, Piney et Roch ont continué
l'ouvrage et ont fait paraître successivement
les actes des saints aes mois suivants. Cette
immense collection contenait alors plus de
50 vol. in-fol. Elle avait été longtemps in-
terrompue par la suppression des Jésuites,
mais elle fut reprise sous la protection et
par les bienfaits de l'impératrice reine. Au
moment où les Jésuites furent supprimés
dans la Belgique, les premiers tomef d'oc-
tobre, qui com))létaienl le nombre deSO vn!.,
avaient paru. La dernière publication étitit
de l'année 1770.
A cette époque, les Jésuites chargés de la
rédaction de Acta sanctorum^ étaient Cor-
neille de Bye, Ignace de Bue, Ignace Hj*
bens et Joseph Ghesquière. Celte suppres-
sion eut lieu le 13 septembre 1775. Mais le
gouvernement s'occupa bientôt de la conti*
nuation des ilc/asanc^orum. Le 19 juin 1778,
BOI
D*AS0I£I1S1IE.
BON
.V.i
an décret do prince Charles de -Lurmine
urdoDfia que rétablissement des Bnilandis-
tes serait transféré à Kabliaye de Caudcn-
berg, et régla la manière dont cette corn-
pitation derrait parattreà TaTenîr. Toutefois
ce ne fut qn*ea 17H0 que cet établissement
eut toute sa consistance. Le lA' volume
de Àeia Maueiarumf qui était le quatrième
da moisd'octobre, parut vers la Go de la même
ann^. Les rédacteurs de ce volume étaient
l«^ abbés do Bjre, de Bue et Hul>cns. En
1786» parut le volume Lit*. Mais à peine cet
établissement était-il ainsi constitué, que
de nouveaui embarras vinrent arrètt r ses
Iravaai. Le 16 octobre 1188 , le gouverne-
ment notiiia à la Chambre des comptes qn*il
avait résolu de faire cesser le travail des
Bollandi^tes. et qu'en conséquenee, à fiartir
du i" novembre suivant, on devrait se bor-
ner à payer aui abbés de Bjre, de Bue,
Foiison,,Gbesquière et de Smet, leur |ien-
siao annuelle de 800 florins. La suppression
répandit une véritable consternation parmi
les amis des lettres. De toutes parts arrivè-
rent au gouvernement des propositions
Cdur racqtiisition de cet établissement.
*al»liajre de Tongarloo remporta sur ses
compétiteurs ; par une convention en date
du 18 mai 17^, le gouvernement lui trans-
féra la propriété de rélablissem(*nt des
Bellandistes, et elle reçut dans son sein les
alitiés de Bye, de Bne,'Sooton, Chesquîère
et deSuiet. Un dernier volume, le Lllt'de la
e^lledion, et le V* du mois d'octobre parut
^a i7M. Trois religieui de l'abbaye de
Tangerloosont désignés dans le titre comme
ajant coo^ré avec les BoilanJistes à <a ré-
daction L entrée des Français dans ta Be-
gîqoe* qui eut lieu la même année, (lorla
le dernier coup k pet élibiissement. Les
moines de Tongerloo se dispersèrent, et les
rédacteurs de Aeia stmetorum^ réfugiés
dans diffôreats pays, moururent successi-
vement sans avoir pu continuer leurs tra-
vaux. La bibliothèque royale de Bruxelles
possède sous les n*"* 368 i 386, rangés dans
un très-l>on ordre, jour [lar jour, du 16 oc-
t«4ire au 3t décembre, tous les matériau i
rassemtriés |Mir les Bullandistes. Il y a à peu
près UD an iju'un prospectus fut publié par
It^ Bénédictins de Solèines, annonçant la
continuation des Aeîa sanc/onim , mais cette
promesse n'a |ias encore été suivie d'eifet.
On a reproché à Bollandus de n*avoir pas
été assez en garde contre les légendes apo-
cryphes et labulcuses; Papehrock et 9e%
successenrs ont en une critique plus éclairée
et plus exacte dans le choix des monuments
ilonl ifs se sont servis. Leur premier soin,
(lès le commencement de leur travail, fut
d'établir des correspondances avec tous les
savants de TEurone, de faire chercher dans
les archives et bibliothèques les titres et les
monoments qui pouvaient servir à leurs
desseins ; les matériaux rassemblés forment
une bibliothèque considérable. Avant de
(aire usage d'aucun titre* Itê Bollandisies
ru examinent rauibcnticîté, son degré d'ao-
t irîtc, et le rejettent s'ils y découvrent des
indices de si«p{iosttion et de fausseté : s'ils
le jugent vrai, ils le publient tel qu'il est
avec la plus grande fidélité, et en éclaircis-
sent les endroits obscurs f>ar des notes ; >i
c'est une pièce 'douteuse, ils e\|K>sent les
raisons do douter ; s'ils n'ont que dvs ex-
traits, ils en font une histoire suivie'. Lors-
qu'ils reconnaissent qu'ils se sont trompés,
nu ont été induits en erreur, ils le disent tou-
jours dans le volume suivant et le rcctiiient
avec toute la candeur et la t)onne foi possibl**.
On trouve souvent dans cet ouvrage im-
portant des traits qui intéressent non seul**-
meut l'histoire ecr.lésiastique, mais ei.corc,
rhisloire civile, la chronologie, la (;éi>gra-
phie, les droits, les prétentions des souve-
rains et des peuples; tous les volumes sont
accompagnés de tables exactes et trèsrt'-om-
modes. Les soins qu'ont ces laliorieui écri-
vains de se former des successeurs semblent
répondre au public ^ue cet immense pnjet
sera un jour conduit à sa fin. Comme les
premiers volumes donnés par Bollandus
étaient devenus très-rares, on a réimprimé
à Venise toute la collection; mais celte
édition ne vaut pas celle d*Anvers.
BONA (Jean), né kMondovi en Piémont,
l'an 1609, général tles Feuillants en IGoU
fut honoré de la nourpre, en 16G9, r*ar
Clément IX. Après la mort de ro P«iniife,
bien des gens le désignèrent pour son suc-
cesseur, ce qui donna lieu h celle mauvaise
pasquinadc : Papa Bona $arebbe un goiecis*
mo. I.C P. Dau^ièrcs répondit à Pasq lin,
par l'épigrammc suivante :
ieffes plerunufue Ecclesta spernit;
Fon erii ui liceaî dieere Papa Ham,
Varna ioiœcUmi me le coaturbet imago,
Eiêet papa bomoê^ si Bona papa foreL
Bona, digne de la tiare, ne l'eut ponrlant
pas. H mourut à Rome en 1674, dans «a
soixante-cinquième année. Il joignit a une
profonde érudition et à une connaissance
vaste de l'antiquité sacrée et ecclésiastique,
une piété tendre et éelairée. On a de lui plu-
sieurs écrits, recueillis à Turm en 1747-
1753, k vol. in fol. Les principaui sont:
!• De rébus liiurgieiê^ plein de reclierihes
curieuses et intéressantes sur les rites, les
prières et les cérémonies de la messe ; —
9r Mnnuduciio ad cœium^ traduit en franijais
en 1771; — 3* Hofologium a$eeticum; —
k* Deprineipiiê vUœ chriêiianœ. traduit en
français par le président Cousin et parlabbé
Gouget ; — 5* Putlleniie eecleêiœ harmwaia ;
— 6* De $aeru Psalmodia^ et plusieurs autres
bons ouvrages de piété, qui vont également
à respril et au cœur. Si»s cuivres complètes
(optra oamia] ont été ptililiées h Turin, avec
des Utiles de Roliert Sala.
BONAVENTURE (Saint), né, Tao 1«M, t
Baçnarea en Toscane, entra dans Tordre des
Frères Mineurs, et fut disciple d'Alexandre
de Aies. Son ordre le fit successivement
professeur de philosophie, de théologie, et
cnlin général en 1256. Cléuieul IV lui offrit
rarclievéclié dYork, et le saint religieux le
refusa. Ai)re5 la mort de ce Souverain Fon-
555
BOR
DICTIONNAIRE
BOS
5S6
life, les cardinaux s'engagèrent d*élire celui
que Bonaventure nommerait; ce fat sur
Grégoire X qu'il jeta les yeux. Ce Pape
l'honora de la pourpre romaine, et lui donna
révèché d'Albaito. Le nouveau cardinal
suivit Grégoire au concile de Lyon, en 1274,
et y mourut des fatigues qu'il s'était don-
nées pour préparer les matières à traiter dans
le concile. On Ta honoré du surnom de
Docteur séraphique. Saint Bonaventure est
mis au rang des docteurs de l'Eglise. Outre
des Commentaires sur VEcriture^ des Ser^
mons et des Commentaires sur le Maître des
sentences, il a laissé de nombreux ouvrages
ascétiques, des Opuscules moraux^ des M^-
dilations^ des Opuscules pour les religieux
Ces divers ouvrages portent l'empreinte
d'une piété affectueuse, qui saisit encore
plus le cœur que l'esprit.
BONHEUR ETERNEL. — Yoy. BÉATI-
TUDE et FIN DERNIÈRE.
BONNEFONS (Amable), Jésuite, hé à
Riom, est auteur de plusieurs livres de
£iété, qui eurent la vogue dans leur temps,
es principaux sont : 1** Vannée chrétienne,
2 vol. in-12; — 2** La Vie des saints, 2 vol.
in-8^ Il mourut à Paris en 1653
BONIFACE (Saint), apôtre d'Allemagne ,
né en 680. Il est illustre par un zèle vrai*
ment apostolique, par le grand nombre
d*églises nouvelles qu'il fonda en Allema-
gne, par la quantité de peuples qu'il con-
vertit à la foi, et de ceux qui, déjà fidèles,
conservaient encore les rocBurs païennes. Sa
piété, son obéissance profonde envers la
Chaire de saint Pierre; sa haute prudence
dans les affaires épineuses qu'il eut è con-
duire au milieu de la diute des trônes et de
la transformation des empires, furent égales
à l'ardeur djc son zèle. On a de ce grand
saint quelques lettres qui peuvent être mé^
ditées par ceux qui aspirent à la perfection.
BORDE (Vivien la), prêtre de TOratoire,
né à Toulouse en 1080, supérieur de la mai-
son de Saint-Magloire, à Paris, mourut dans
cette ville en ilkS, Il avait été envoyé À
Hume, par le cardinal de Noailles, pour les
affaires de la Constitution. Ses ouvrages as*
céliques sont : 1*" Retraite de dixjours^ 1755,
iu-12; — 2** Conférence sur la pénitence,
in- 12. Cet ouvragé est d'une morale exacte.
BORDONip (loscph-Anloine), savant Jé-
suite italien, naquit à Turin en 1682, et
entra au noviciat de la Société en 16%. Il
professa les humanités à Pignerol, d'où il
passa à Gênes, et do là, en 1703, à Turin,
pour y occuper la chaire de rhétoriquo. Plus
tard, en 1715, il professa la théologie. Il
mourut en 17&2, Agé de soixante ans. Ce
religieux, non moins recommandable [lar sa
piété que par son savoir, a laissé, entre au-
tres ouvrages, un livre ascétique intitulé :
ùiscorsi per t esercizio délia huonu morte;
Venise, 3 vol. m-k^ 17W-175I. C'est Tun
des meilleurs livres ascétiques qu'ait l'I-
talie.
BORELLISTES, disciples d'Adam Borell,
Ziilandais. Ils suivaient les erreurs des meiu-
nonites. Leur vie était très-austère, et ils
employaient en aumônes une partie de leurs f
biens.
BORROMÉB (Frédéric), cardinal et arche-
vêque de Milan, naauit à Milan le 18 août
15611- et mourut le zl septembre WSî. il
était cousin germain de saint Charles Bor-
romée. {Voir ee nom.) Frédéric Borromée
avait professé les humanités à Parie. Il avait
eu aussi le bonheur d'être l'héritier de la
science et de la piété de saint Charles. C'est
lui qui a fondé la célèbre bibliothèque am-
brosienne. On a de lui Sacra colloçjUa et
d'autres ouvrages.
BORROMÉE (Saint Charles) naquit en
1538, au cb&teau d'Arone, d*un père illustre
par sa naissance et par sa piété. Son oncle
maternel, Pie IV, 1 appela auprès de lui, le
lit cardinal et archevêque de Milan. Charles
n'avait alors que vingt-deux ans.II conduisit
les affaires de l'Eglise comme un homme qai
l'aurait gouvernée depuis longtemps, le
concile de Trente se tenait alors, et pour
répondre au vœu d'une réforme générale
exprimé par les Pères du concile, Charles
donna l'exemple, et après l'avoir conseillée
aux autres, il l'exécuta sur lui-même et sur
sa maison. Il tint des conciles, renouvela
son clergé et les monastères, établit des sé-
minaires, des collèges, des communautés,
et fit de sa maison un séminaire d'évêques.
Il fonda également des établissements pour
les pauvres, les orphelins et lés filles expo-
sées à se perdre ou revenant de leurs éga-
rements. Il finit sa carrière en 158&, à l'âge de
quarant-septans, et fut canonisé par Paul V
en'lSlO. O a recueilli ses œuvres en 5 vol.
in-fol., 17<i'7, Milan. On y trouve un grand
nombre de traités sur des matières de piété
et de morale, des lettres, des instructions
pour les confesseurs, etc. Le P. Tourona
écrit sa vie en 3 vol. in-12, Paris, 1761.
BOSSUET (Jacques-Bénigne) naquit à Di-
jon, en 1627, d'une ûimille ae robe, noble
et ancienne. Il vint è Paris eu 1642, et re-
çut le bonnet de docteur de Sorboniie en
1652. De retour à Bfrtz, où il était chanoine,
il s'appliqua à rinstruction des protestants
et en ramena plusieurs à la vérité. Ses suc-
cès lui firent dès lors un nom. La reine-
mère, Anne d'Autriche, lui fit donner, à l'âge
de trente-quatre ans, TA vent de la cour eu
16Gl,et le Carême en 1662. Il eut le bonheur
de faire de nouvelles conversions, et entre
autres, celle du srand Turenne. Le roi lui
donna Tévôché de Condom en 1669, et lui
confia l'éducation du dauphin en 1670. Un
au après, il se démit de son évôché de
Condom, ne croyant pas devoir garder une
épouse avec laquelle il ne vivait pas, disnil'
il. Los sdins que Bossuet s'était donnés
pour l'éducation du dauphin furent récoai-
ponsés par la charge de pr^jmier aumônier
de la dauphiue, en 1080, et par l'évêché de
Meaux, en 1681. Fénelon, archevéaue «le
Cambrai, venait de publier son livrede'''^*
plication des maximes des saints sur la vie
intérieure. Bossuet, qui voyait dans cet
ouvrage des restes de molinîsme, s'éleva
357
DOU
D^ASCETISIIE.
0OU
contre loi dans des éerils n^iléré», eo |KNir-
suÎTÎt el eo obtint la condamnation rar la
ei>ur de Rome. Ce grand liomoiet qn on a»
d''|iuîs, surnommé Mi|f/e de Mtaux^ fut en-
levé à son diocèse, à la France et à l'Bglise
^n 17M, i I â^ de soiiante-dix-sept ans.
Ses oufrages ascétiques sont : 1* ses di?ers
ëcrîU sur le qmAume; 2* deux volumes
de différents ouvrages de piété; dr des In$'
Imrltans pasiarates, elc; k* Eléraiians sur
ie* tmifsiires: Sr Médiiaiion» sur FEvangtle.
BOUDON t Henri-Marie), grand archidiacre
d'EtreuXy était né i la Fère, le tk janvier
i6i^. Il eut pour marraine Madame Henriette,
âUe de Henri tV, depuis reine d'Angleterre.
Ou ignore ce qni procura cet honneur à sa
lauiille, qui était pauvre et obscure. Il 6t
ses premières études à Rouen, d'où il vint
à Paris faire ses cours de philosophie et
de théologie, édiûant partout ceux qui le
coî.naîssaient par la r^ularilé de sa con-
duite. Etant entré dans les saints ordres, il
obtint, par résignation, l'archidiaconé d'E-
vrf^ui, dont il remplit fidèlement toutes les
obligations. Il mourut à Evrenx en 1709,
dans la soisanle-dix-neuvième année de son
à^t^^ laissant la bonne odeur de ses vc-rtus.
U est auteur de t>eattC0up d'ouvrages ascéti-
ques, qui respirent tous la piété la plus ten-
drv : f * Dieu seuif ou te sami eseiatage de Cad*
mirable Mère de Dieu^ Paris, 167i; — S* Xa
ri* eackée avec Jésus eu Dieu, 1676 et 1691 ;
-- Jr ija conduise de la divine Providence,
f678; 4* La science et la pratiqi$e du Chré^
tien ; — 5* Dieu présent parioui i—tT Delà
profanation ei du respeci qu^on doit avoir
aux églises ;'^1* La sainieié de Fétat ucU^
siasiique; — 8* La dévotion â la irês^saisUe
Trùûté; — 9r La gloire de Dieu dans des
âmes du purgatoire; — 10* Le Chrétien m-
connu, ou idée de la grandeur du Chrétien;
— 11* Vie de Marie-Elisabeth de la Croix, fon^
datrice des religieuses de Sotre-Davse du Me-
fuge. Eroielles, 1686 et 1720;-:- là* Vie de
Marie-Angélique de la Providence ^ Paris,
1760; — 13* rie de saint Taurin, évéque dE-
creux^ Rouen, I69i; — IV Vie du P. Sevrin,
Paris, 1689 ; — 15* enfin des Lettres spiri^
tudtes, etc. Collet a écrit la vie du pieux
Boudon, en 2 vol. in-12, 173V.
BOCETTE DE BL£MtR (Jacqueline), née
en 1618, d'une iamille noble, prit Tbabit île
B^nàdîctîne à Tâge de onue ans, dans l'ab-
baje de la Sainte-Trinité de Caen. La du-
chesse de ilecklembourg, avant projeté d'é-
Uldir à Cliâtillon des Bénédictines du Saint-
Sacreuienl, demanda la ]dère B melle. Celle
sainte religieuse, de prieure qu'elle était à
la Trinité, se ri'dui.sit à i^lre novice à Cbâ-
liSiuu. Elle éUiii alors â^ée de s«>ixa île ans.
L«rsabba>'es qu*on lui olFrit ne purent lui faire
quitter sa nouvelle demeure; elle y mourut
saintement en 1696, Ou a d'elle : 1* U Année
bénédictine, 7 vol. iu-V; — ^Eloges de plu-
Sieurs personnes illustres en piété des der-
niers siècles, 2 vol. in-4*; — 3* Yitdes saints,
iu-r«»l., 2 vol.
BOUiiiS ( Dom Simon ), pieux et savant
supérieur général de la congrégaûou de
Saint-Maur, était né à Séez en 1690, et avait
lait fvofession dans I abbajre de Vendôme,
le 6 juillet 1651. il s'appliqua à l'étude des
saints Pères, et particulijrement de saint
Augustin et de saint Bernard. Religieux
e&act rt ami de la règle, il fut élu oar ses
confrèros pour leur supérieur-général, en
1703. Il mourut le l'' juillet 17U, âgé de
Suatre-vingl-quatre ans. Il est auteur de
ivers ouvra^^es dans le genre ascétique, et
propres à exciter ou h nourrir la piété. Les
princifiaux sont : 1* Méditations pour les no-
vices, \Tl\, în-4*; —2* Méditations pour
tous les fours de Vanmée, 2 vol. in-^*; — S*
Méditations sur les principaux devoirs de la
vie religieuse, Paris, 1699, in-fc^
BODHODRS f Dominique ), né h Paris en
1628, Jésuite à l'âge de seize ans, fut ch«»r/é,
après avoir professé les humanités, de v<sil-
.1er â l'éducation du marquis de Seignelay,
fils du ç'and Colbert. Il mourut à Paris en
1702, laissant plusieurs ouvrages de littéra-
ture. Ses enivres de piété sont : 1* Vie de
saiut Ignace, in-12 ; — 2* lu de saint Pran-^
çois-Xavier, 2 vol. in-12 ; Ces deux Vies
sont écrites d'une manière intéressante,
{»ropre à nourrir les sentiments de piété et
e zèle pour la religion.
BODQC£T SPIRITUEL. — Vou. Onaison
( Méthode i ).
BOCRDALODE ( Louis }, né k Bourges en
1632, se fit Jésuite en 16to. Si*s heureuses
dispositions pour la cliaire engagèrent ses
supérieurs â le faire passer de la province à
la capitale. Les diaires de Paris et bientôt
la conr retentirent de 9fi% sermons. On rap-
pelait U roi des prédicateurs et le prédicateur
des rois^ Il mourut en ilQk, admiré de son
siècle et regretté même des ennemis de sa
com|iazuie. On publia, en 1707, la première
et la plus belle édition de ses ouvrages en
16 vol. in-8*. Outre ses Sermons, ses «euvres
ascétiques sont : des Exhortations, une Jb-
traite et des Pensées spirituelles.
BOCRGOING ( François ), troisième Géné-
ral de l'Oratoire, naquit à Paris en 15t3, et
mourut en 1662. Il publia les ouvrages du
cardinal de Bérule, dont il avait été un des
coopérateurs, et quelques autres écrits as-
cétiques de sa i'Oni|io>ition. Bossuet pro«
nonça son oraison funèbre.
BOURIGNON ISTES, disei|»les d'Antoinette
Buurignon, célèbre quiéliste dont la secte
s'est un instant répandue clans les Pajs-Bas
protestants.
BOUSSARD (Godefroi ), docteur rn théo-
logie, do>en de la Faculté de Paris Pt cban-
ceâerde TUniversité, lit briller son élo-
auencc et la solidité de ses raisonnements
ans plusieuis occasions d'éclat. Vers 1518,
il se retira au Mans d'uù il était originaire,
et mourut vers 1320. On a de lui un traité
assez rare. De continentia sacerdotum, Paris,
1515, in-V, et quelques ouvrages de tiiéoSo-
gie et de morale.
BOUTAULO (Michel), Jésuite parisien,
né en 1607, exerça (ilusieurs années le mi-
nistère de la i^rédication, et mourut k Pou-
toise eu 1688. Ou a de lui plosieucf ou-
8îi9
BRI
oiniiONNAme
CCS
3IK)
Trages estimés. Les principaux sont : 1* Les
Conseils de la sagesse^ in-12; — 2" Méthode
pour converser avec Dieu^ Paris, 168^, in-16.
-Ce petit fiuvragc est plein d'onction.
BRETAGNE (Dom Claude), Bénédictin de.
la congrégation de Saint-Maur, né àSaumur
en Au!ioi8, diocèse d'Aulun, en 1625, fit
profession à Moutior-Saint-Jean, le 9 novem-
bre 16H.
Universellement estimé pour la beauté
de son esprit et plus distingué encore par sa
piété solide et éclairée, il remplit avec ap-
plaudissement les postes les plus importants
de sa congrégation. Il était visiteur de la
i)rovince de Normandie, lors(ju*il mourut à
kmnc-Novel!e de Rouen, le ISJuilIel 1691^.
Ses ouvrages ascétiques sont : 1* Médita-
lions chrétiennes sur les principaux devoirs
de la vie religieuse^ marqués dans les paroles
de la profession des religieux ; avec aes lec-
iures spirituelles , tirées des Ecritures des
saints Pères, pour une retraite de dix jour s,
Paris 1689, souvent réimprimées. 0:i petit
regarder cet ouvrage comme un bon extrait
de ce qiront écrit de plus édifiant et de |Hus
proftre à émouvoir le cœur, les saints Pères
et les mailres de la vie spirituelle, — 2"
Constitutions pour les filles de Saint-Joseph^
dites de la Providence, établies dans le fau-
bourg Saint'Germain, 1691, in-8%
BRETONiNEAU (François), né h Tours
«1 1660, Jésuite en 1675, mourut à Paris
eti ilki^ après avoir pas^é par tous les em-
plois de sa compagnie. On a de lui : Bé^
flexions chrétiennes pour les jeunes gens qui
entrent dans le monde, in-12. Il a revu aussi
les OEuvres spirituelles du P. Valois, et édité
les sermons de ses confrères Bourdaloue,
Cheminais elGiroiist.
BRÉVIAIRE. — Voy. Heures canoniales,
PmÈRE.
BRlDOrOL( Toussaint), iésui(e flamand,
élait né à Lille et avait i^it firoiession en
1618. âgé de vingt-trois ans. Il se distingua
dans la compagnie par sa piété et son
amour pour le travail. Il mourut à Lille en
1672. Il avait une tendre dévotion è la sainte
Vierge, et consacra à sa louange qu«!(j|ue9-
uns de ses écrits. Ses œuvres ascétiques
sont : 1* Le paradis ouvert par la dévotion
envers la sainte Vierge^ Lille 1671, in-12;
— ^ 2* Venfer fermé par la considération des
peines des damnés, il)id. — 3" Itinéraire de
ia vie future, traduit de Titalien du P. Vin-
neiU Caratfa.
BRIGNON (Jean), Jésuiie^ est aul«ur
Cuiie traduction du Combat spirituel, ou-
vrage Justement estimé et irès-pronre à
conduire lesChrétiens è la perfection ou leur
foi tes appelle. On n'eu connaît fias Tautear.
«Quelques écrivains i'attriJ^ueut au P. Lau-
rent i»cupoli^ tbéatin^ d*auti*es k Jean Cas-
(aâisa^ Béuédielin es]tagiiol;Tliéopiiile Ray-
naud le donne au Jésuite Achille Gaglia^do.
On a encore de Jean firiçnon les Penséa
-consolantes^ et une traduction de Hmitation
de Jésus-Christ. Il est mort vers 1725.
BRUNO (Saint), fondateur do Tonire des
Chartreirx, naquit à Cologne, Tan 1060, rjc
panants nobles et vertut^ui. Après avoir fait
ses études à Paria, il fut chanoine d^^ Colo-
gne, puis de Reims. Il était chancelier et
maître des grandes études de cette dernière
ville, lorsqu'il prit la résolution de quitler
le monde pour se retirer dans la solitude.
Si première rotraitef tt Saisse-Fonlaine, au
diocèse de Langres. Il passa de le è Greno-
ble, vu 108^, et alla habiter le désert de la
Clinrtreus'î. — Urbain II, disciple de Bruno
à Técole de Reims, l'obligea, en 1090, de se
rendre à Rome, pour Taider de ses conseils
et de ses lumières. Le saint solitaire, dé-
placé dans cette cour, se retira dans un dé*
sert de le Calabre. Il y finit saintement ses
jours en llOt, dans le monastère qu*il avait
Ibndé. Il fut canonisé en 151^. On a de loi
deux Lettres, Tune à Raoul I\î Verd, arche-
vêque de Reims, et l'autre h ses religieui
deja Grande-Chartreuse. Les OBuvres de
saiiit Bruno furent imprimées h Paris ea
1509; mais on lui a attribué plusieurs ser-
mons qui so'it de saint Bruno de Ségny, ou
de Bruno, évoque de Wurlzbourg.Oa lui ett
connaît cependant quelques-uns.
BRUNO oe Ségny (Saint), appelé aussi
Bruno astensis^pnvcQ qu'il était de Soléria,
du diocèse d*Asti, se distingua an concile
de lionie contre Bérenger , en 1079. Gré*»
goire VII le lit ensuite évé;^ue de Ségny;
mais ilse retira quelque temps après (IM)
au monastère du Mont>Cas$in, dont il de-
vint abbé. Un ordre du Pape le rappela
auprès de son troupeau qui le redemandait
instamment. Il mourut en 1125. Ses ouvra*
ges ont été publiés à Venise en 1051, en 2
vol. in-fol. Ils se composent de Sermons,
de Traités dé piété et de Lettres spiritutUejf
de Commentaires sur l'Ëcriture sainte, elc
BRUNO, évoque d3 Wurtzbourg, était rrp-
cle de Tempereàr Conrad H. Il se rendit
recoramandabte par sa science et par sa
vertu, et mourut le 17 mai lOVS^ en Hongrie.
11 est auteur de plusieurs Comnuniaires sur
fEcrUure et de plusieurs Traités de piéié,
qui ont été quelquefois imprimés cous lo
nom du saint fondateur des CiuarlreuT.
BUSÉE (Jean L Jésuitn, né à Niuièguc
en iWl, mort a Majence en 1611« où il
avait été iiendarU vingt-deux ans professeur
de tbéologie, est auteur de quelques ou-
vrages de piété estimés, et de |Jusieur«
livres de controverse. Il a publié une édi-
tion des Œuvres de P.erre de Blois, dUinc-
flaar et deTriihème.— Gérard Busée, son
frère^ s'est fait con laître i^ar un Catéchiffntt
Cologne, 1572.
Cal
D'ASiXTfSliE.
CkH
knà
c
CACHET (lean-Ricolas), lésnitei origi-
naire de Neofcbftleaa en Lorraine» entra
dans la Société en 1613 , âgé de 16 ans. Il
écrivit la Vie de plusieurs saints. Il mourat
en 163fc, n*ajant qne trente^^sepC ans. Ses
(BOTresascétigaessont : 1* Canférenees ipiri'
imeUegf îroduUu de Fetpagnol du P. Nieoioi
Anaga, Paris » 1690 , in-4*; ~ 9- Vkarreuf
dm pécké^ Pont^k-Mousson, 163^, in-4*; et
Rouen f 1681, in-13.
CA LOYER ou Calogbr.— Moine, reiigieox
et religieuse grecs qui suivent la règle dé
Sainl-Basile. Les caloyers habitent par-
ticolièrement le mont Athos; mais ils des»
serrent presque toutes les églises d*Orieot.
Us font des tomix , comme les moines en
Occident. Il n'a jamais été fait de réformé
ches enx ; ils gardent eiactement leur pre^
Dîer institut, et conserrent leur ancien
Yêteoseot. Taremier obserTe qu'ils mènent
on genre de lie fort austère et fort retiré ;
ils ne Dum^ent jamais de viande , et outre
eela ils ont quatre carêmes et oliservent
plusfeors antres jeûnes de l'Église grecque
xrtc une extrême régularité. Us mangent
da pain après l'aroir gagné par le travail
de leurs mains ; il jr en a oui ne mangent
qu'une Ibis en trois jours, d autres une fois
par semaine. Pendant leurs sept semaines
de carême, ils passent une grande partie de
la mait à pleurer et h gémir pour leurs pé-
chés ei ceni des antres. --Quelques -uni
disent qu'on donne paKicuKèrement ce nom
aux religieux vénérables par leur âge , leuf
retraite et l'austérité de leur vie, et le
dérivent du grec ««ak beau, et f^pitc^
vieillesse. Il est h remarquer que quoiqu'en
Prmnce tous les moines soient compris sous
le ooBâ de taloytr$^ il n*en est* pas de même
eo Grèce; il o*; a (fxe les rrèrès qu'on
Bonme ainsi, car ceux qui sont prêtres sont
ap|ielés Jiéimtmamuê (sacHGcateurs). Le^
Tores donnent quelquefois le nom de catoi/erê
èleorsdervmbesou retigieok. Les religieu^
iwlmfita sont reiifermées datas des^ monas-^
tères où elles virent séparément ebaennd
dans leor naisoii. Eller pértent toutes un
habik de laitie noire et un manteau de même
caolenr ; elles ont la tète rasée , les bras el
les mninlr couverts jusqu'au bout des doigts..
Chacune a une cellule séparée, et lootM
aont eoomises h une supérieure oo abbesise.
BUes ^n'observent poortaol paS nue détore
régnKère, pmsqne l'entrée ne leur couvent^
întcjptiite aax prêtres grecs, ne l'est pas' aux
Turcs qui Tont j acheter de petits ouvraees
i PeigÉille laits par ellesj Celles qni' vivent
sans être en communauté sontpoî^rln plu^
p«t des reuTes qui n'ont fiiit d'autre twa
3 ue de mettre un virile sur lenr tête, et de
ire qu'elles ne Tenlent plus se marier. Le^
unes et les autres vont partout où il leur
{lait, et jouissent d'une assez grande liberté
la ftrvenr de l'habit religieux.
CAMBET (Jeanne), nommée en religion
Jeaane'iÊarie dr la Présêuiaiion^' Ûle de
Michel Cambrv,- docteur en droit, naquit
è Toumay. Bile était douée de tous les
avantages oui rendent une jeune personne
recommandable. Bile avait de la fortune, de
la beauté , de l'esprit , des connaissances ,
tout ce qui peut donner l'espoir de feire uù
faon établissement dans le monde. Elle pré-
féra se consacrer k Dieu , et entra dans l'or-
dre de Saint-Augustin. Bn lôSS; elle se fit
recluse à Lille, et y vécut occupée de lec-
tures spirituelles, de méditations et de la
composition de quelques ouvrages de piété.
On a d'elle : 1* Traiude la rume de raniour-
breipre: — S* Bdlimeni de rameur dMn.
Jeanne mourut le 19 juillet \9lSè,
CANONISATION DfiS SAINTS (11»).— U
dmonitatiau dans la priniilive Eglise con-
sistait dans l'insertion simple du nom d'un
confesseur dé la foi dans le Cneande la mes-
se. Les noms que nous y lisons et qui, dans
certaines Liturgies, sont en très-grand nenr-
bre , forment le seul acte de eanentMiton
des' sainu qui les portent , et cette inser-
tion stffBsail pour leur iiriré rendre le
culte de dolie. Bellarmin, en prenanf éé
terme dans une plus grande latitude tfâe sa
valeur étymologique , fait remonter la emie-
itfitfitbii a l'Ancien Testament, etil le prouvé
par les paroles du chapitre xtnr du liire
de tBecUskutique : Lamdemuâ véroiê gtoriô^
io$^ lesquelles exaltent les mérites des
anciens patriarches et des prophèlés; tout
ce chapitre en effet retrace les vertus de ces
hommes glorieui. Les louanges der 6aitM
ne sont donc point une innovation dans
l*Église catholique, et la emoniiotiotKt n'a
d'autre butque de leur procurer rhontiéiiî*
dont ils sont dignea.
L'acte par lequel on canonisait était dond
bien simple dan9 les premiers siédes : lors-
qu'un Chrétien avait sooflért lé martyre,
on élevait un autel sur sa sépulture et l'en
Ï offrait le saint sacrifice; aussi l'on appe-
rit ces oratoires Mariyria. La M des peu*
pies a ainsi devancé la sanction- solenoeller
de l'Église, parce que ces canonisation^
s)M)htanées étaient inspirées [tar l'Espint-
Saint t un peuple rempli de la plus ardente
plélé. Plus tero on dut prendre dé' sègés
précautions. L'évèque^ dans le diocèse du-
quel un Chrétien avait SuM le martyre;
n'inscrivaircdotM^idans le Mèrlyrologe où
les Dyptiqepca qu'éprès s*èlrë as^ré qu'il
avait souffert pour lu fol àiihdliiioé. HMis
comme ce if est pas seolèméot en souffrant
la mort pour Jésus'^brist qdë Vàh peut
<ltl^ Ran i^avmi paa cra ua\m atiid« sttr la Bktièirtkalré éTéÈtHl^ê, ]à étÉibé»itiM ek coiMe#
niiwiaiiia éeésamu fêt aô Kr^-d'oravre dans oà TapoUiéoae de la peilieclliMi chéâeiMè.
Ihcno^s. p'AscÉTiçMF. I. 13
^3
CAN
DIGTIONMAIRB
CAN
3G4
acquérir le ciel, et qu'il y a d*aulres sortes
de témoignages ou martyres non moins
agréables a Bieu, c'est-à-dire une Tie mor-
tifiée, des travaux apostoliques, de grands
services rendus à rbumanité par amour
'pour Jésus-Christ, on inscrivit pareillement
sur les Byptîques les noms de ces autres
martyrs ou témoins de la foi chrétienne. Les
évoques étaient juges suprêmes du mérite
de ces vertueux personnages , et une dé-
cision émanée de leur autorité sanctionnait
le culte de dulie qui leur devait être rendu.
On croit que c*est vers le iv* siècle que Ton
assimila aux martyrs qui avaient répandu
leur sang, ces autres martyrs non moins
vénérables.
Vers la Gn du x' siècle, il fut jugé plus
prudent de laisser au Pape le droit de cano-
nisation. Le premier exemple d'un acte
solennel de ce genre fut donné en 993 , lors-
<|ue le Pape Jean XV canonisa Udalric,
évéoue d'Augsbourg. Ce pontife était mort
en ^3. Le second exemple est la canonisa-
tion de saint Siméon de Trêves par Benoit
YIII, en 1042. Le dernier saint canonisé
sans le concours direct du Souverain Pon-
tife est saint Galtier de Pontoise. Cette
canonisation fut faite par Tarchevèque de
Rouen , en 1153. Une bulle d'Innocent 111 ,
en date du 3 avril 1300 , à l'occasion de
sainte Cunégonde canonisée par ce Pape ,
confirma pour toujours la constitution a'A»
lèxandre 111 , qui avait réservé le droit de
canonisation au Saint-Siéçe. La procédure
Ikite pour une canonisation fut toujours
accompagnée d'une grande prudence et de
scrupuleuses formalités qui ne peuvent lais-
ser aucun doute sur le mérite réel du per-
sonnage inscrit dans le catalogue des saints.
Ces formalités, bien loin de se simplifier,
sont devenues au contraire plus sévères , et
les hérétiques de bonne foi ont été forcés
d'avouer que la prudence était poussée à
ses dernières limites. On cite entre autres
un gentilhomme anglais, auquel un prélat
de ses amis communiqua un proeès-verbai
contenant la preuve de plusieurs miracles :
tt Si tous les miracles reconnus par l'Eglise
roiBaine,s'écria-t*il,étaientaussiévidemment'
démontrés que ceux-ci , je n'aurais point de
peine à y souscrire. » Le prélat lui répondit :
a£h bien! de tous ces miracles qui vous
semblent si bien prouvés la congrégation
des Rites n'en a pas admis un seul , parce
que les preuves ne lui en ont pas semblé
suffisantes.»
Pour .nous renfermer dans notre plan,
nous devrons nous borner au cérémonial de
la canonijsatiou, après avoir exposé succinc-
tement les préliminaires. Lorsqu'une per-
sonne est décédée en odeur de sainteté, et
qu'elle s'est rendue célèbre par des mira-:
clos, si un souverain, un corps, une com-
munauté ou môme un simple particulier,
veut la iaire placer autlientiqnement dans
le catalogue des saints, une requête est
adressée au Pqpe, une commission est in-
stituée pour instruire la cause, elle est en-
suite examinée dans un consistoire secret,
composé des seuls caruinaux ; la même couse
est appelée dans un consistoire public, et
puis dans un troisième, qui na qiruiic
demi-publicité. Dans le premier, ou exa-
mine la vie, les vertus et les miracles du
saint qui est proposé; l'abrégé de cette pro-
cédure est adressé aux patriarches, arche-
vêques et évêques qui devront être présenis
au consistoire à demi public. Après anur
recueilli les voix et avoir entendu les avo-
cats consistoriaux qui débattent la cause,
S|uoique le jugement paraisse devoir 6lre
avorable, le Pape ordonne des prières pu-
bliques pour demander les lumières da
Saint-Esprit. Le Saint-Sacrement est exposé
pendant trois jours dans les basiliques pa-
triarcales de Rome; une indulgence |iléiiièr«
est accordée à ceux qui, après avoir jeûné
pendant trois jours et s être confessés, auroiU
reçu la communion et visité ces églises.
Le Pape lui-même, les cardinaux, les pa-
triarches, archevêques et évêques font ces
visites. Ces grâces spirituelles s'étendent
aux monastères, dont les membres s*unis-
sent d'iniention dans leurs prières pour la
sainte Eglise et le Souverain Pontife. Au
consistoire où doit être votée la canonisalioD,
les cardinaux et les autres prélats votent
individuellement en s'inclinant devaat le
Pape, assis sur son trône, en cbape rouge
et mitre de lames d'or. De nouvelles prières
sont ordonnées, et enfin la canonisation est
Crononcée dans un consistoire à jdemi pu-
lie, par un décret solennel.
Le jour de la solennité de la canonisation
est fixé. Le Pape concède une indulgeuce
plénière à ceux qui assisteront à la cérémcH
nie. Elle s'étend même aux personnes qui
seroqt légitimement empêchées, telles que
les membres des congrégations religieuses
qui observent la clôture, les infirmes, les
t>risonniers, pourvu qu'elles se soient con-
èssées et aient reçu la communion, et ré-
citent, en l'honneur de la très-sainte Trinité,
trois Paimr ii trois Ave, à genoux, au si-
gnal qui est donné par le canon du château
Saint-Ange et des cloches de la ville. La
cérémonie commence par une procession
très-solennelle. La description abrégée de la
canonisation du Pape Pie V, en 1712, suiSn
pour en donner une idée. On dressa, au
milieu de Saint-Pierre du Vatican, un vaste
et magnifique théAtre, couvert de riches
étoffes ; un trône destiné au Pape Clément XI
y fut placé; des deux côtés étaient les sta*
tues de l'Eglise et de la Justice; aux extré'*
mités, celles de la Foi et de rEspéronce.
L'église était illuminée d'un nombre prodi-
gieux de cierges, et les murs étaient ornés
de draperies chargées d'emblèmes propres
à caractériser la fête qu'on célébrait.
La procession sortit de l'église. Elle était
ouverte par les enfants de l'hôpital aposto*
lique de Saint-Michel, qui portaient des
flambeaux; puis venaient les orpheliasde
tous les ordres monastiques de la ville; eo^
suite marchaient les membres du clergé sé-
culier précédés des bannières, les cbanoioes
de Saiule*Marie*Uaieure, de Saint^Pierre et
m
CAN
D*ASCET1SME.
CAN
le Saint-Jean du Latnin; les ordinaires de
& cbapeile papale* les procureurs généraux
les ordres mendiants, les camériers en
"obe, tous les fonctionnaires de la cour pon-
iGcale précédaient une nombreuse musique,
|ui etécutait VAve maris Stella; après eux
)aralssaient les bannières de saint Pie et
les trois saints qui Turent canonisés avec
ui. Après une longue file composée des
;énéraux d*ordres, des abbés, des éTÔgues,
ircbeîôques et patriarches, venait le Sacré
ioilége des cardinaux avec le connétable et
e gouverneur de Rome.
La chaise ou sedia gestaloria du Pape
ftaii portée par les officiers chargés de cette
bndion. Le Ponlife y était assis sous un
nagnifique baldaquin. La procession élait
ermée parles protonotaires apostoliques,
es ordres mendiants, etc.
QoaDd le Pape entre dans Saint^Pierre,
les chantres entonnent Tanlienne : Tu es
NrutAl descend de la chaise, pour se pros-
terner devant le Saint-Sacrement, et puis
w place sur son trône où il est entouré de
tOQte sa cour. Le cardinal procurateur de la
canonisation, accompagné de Tavocat con-
sislorial, et des autres avocats qui doivent
faire la demande, se mettent à genoux de-
vant le Pape, et la demande est faite en ces
larmet*. i Beaiissime Paler^ Reverendissimus
cardmfllti ff. hic prœsens instanter petit per
Sonetitatm Yestram catalogo sanctorum D,
^* / C. ascribi et tanquam sanciumf ou
^/0i, ob omnibuê Christi fidelibus pronun"
tisritenerandumf ou foenerandosp beatum ou
^09, NN... Très-saint Père, le cardinal
M* ici présent, demande avec instance que
!V. soil incrit par Votre Sainteté au catalo-
Soe des saints de Notre-Seigneur Jésus-
Christ, et que son vénérable nompuisseètre
Eonoocé comme celui d'un saint par tous
\ fidèles chrétiens. » Le prélat secrétaire
les brefs aux princes répond, au nom du
^p^i que les vertus et les mérites de ce
Henheurenx sont bien notoires, mais qu'il
^t encore invoquer Dieu par Tinterces-
)^0Q de la sainte Vierge, des saints apôtres
"met Paul et de tous les autres saints.
ilûrs le Pape se met à genoux, et les chan-
weDloDoeat les litanies des saints en les
rsuivant juspu'à VAgnus Dei. Une se-
1e instance esl faite an Pape selon la
(ule précitée. On répond de même, et le
ioal-diacre ajant dit : Oremus et Levate,
\ le monde se lève, et le Pape, un cierge
Usa main, entonne l'hymne Yeni Créa-
•CelleKïi est suivie du verset et de l'o-
ordinaires. Lé Pape s'assied encore
son trône et le cérémonial de l'instance
f^pété pour la troisième fois. La pre*
'e instance est dite instanter; la
lème, instantius: la dernière, instan-
^. Ici le nrélat secrétaire des brefs ré-
Que Sa Sainteté, étant bien persuadée
la canonisation de tel saint est agréable
i<:u, va prononcer la sentence ; alors le
l«« assis sur son trône, et couvert de
pitre, la prononce en ces termes, ^u
^^u d uo silence solennel . « Ad honorem
sanctm et individuœ Trinttatis^ ad esatiaiiO'-
nem fidei catkolicœ, et christianœ retigionis
augmentum^ auciorilate D. iV. /• C., beQ-
torum apostolorum Pétri et Paulin ac nostra
matura deliberatione prohabita et divina ope
implorataj ac de venerabilium fratrum fio-
slrorum S. A. £. cardinalium^ patriarcha^
riim, archiepiscoporum^ episcoporum in Ùrbe
existentium consilio , beatos^ NN. sanctos et
sanctos, ou bien beatum N. sanctum decerni^
mus esse et definimus^ ac sanctorum catalogo
ascribimus ; statumtes ab Ecclesia untvfr-
sali eorum memoriam quolibet anno^ die «o-
rum natalif nempe beali N. die^ e/c, pia
devotione recvli debere^ in nomine Patrie f
et Filii f et Spiritus f saneti. Amen. A
l'honneur de la sainte et indivisible Trinité,
pour l'exaltation de la foi catholique et
l'augmentation de la religion chrétienne;
par l'autorité do notre Seigneur Jésus-Christ
et des bienheureux apôtres Pierre et Paul,
et la nôtre, après une mûre délibération, et
après avoir imploré la protection divine,
ainsi qu'après avoir pris I avis de nos véné-
rables frères les cardinaux de la sainte
Eglise romaine, les patriarches, archeTéques
et évêquos qui se trouvent dans la ville,
nous déflnissons et décrétons que le bien-
heureux N. est saint', et nous l'inscrivons
au catalo^e des saints. Nous statuons que
sa mémoire doit être honorée par l'Eguse
universelle avec dévotion, le jour de sa
naissance, au nom du Père, etc. »
Après cette sentence l'avocat consistorial
remercie le Pape, et le conjure de faire
expédier les lettres apostoliques, ce qui lai
est promis ; il y a pour cela quelques for-
roules peu importantes que nous omettons.
Le Pape dépose la mitre et entonne le Te
Deum que poursuit la musique pontificale ;
en ce moment les trompettes de la garde
noble se font entendre, et à ce signal oq met
en branle les cloches du Vatican. Les tam-
bours roulent, on tire des boites d'arti-
fice placées près de IVglise. L'artillerie du
chAteau Saint-Ange et la grosse cloche du
Capitole répondent è ce signal, ainsi que tou-
tes celles de la ville, et cela dure au nioins
l'espace d'une heure. Quand le Te Deum
est fini, le cardinal premier diacre entonne
le verset Ora pro nobis i^., eu s'ils soni
plusieurs saints canonisés, il s'exprime au
pluriel. G*est la première fois qu'une m-
vocation liturgique est adressée au nou-
veau saint. On fait la réponse ordi-*
naire : Ut digni efficiamur...; puis le cardi-
nal second diacre, se tenant a la gauche du
Pape, chante le Confieor dans lequel, après
les apôtres saint Pierre et saint Paul, le
nouveau saint est nommé. Enfin le Pape,
après l'absolution qui suit le Confiteoff
donne la bénédiction solennelle, et ejoufe
à la formule ordinaire : Preeibue et meri^
tis bèatœ Mariœ^ etc., le nom du saint qui
vient d'être canonisé. La cérémonie de la
canonisation est terminée. On peut placer,
la canonisation parmi les plus solennelles
et les plus magnifiques cérémonies de TE-
g)i$e romaine. C'est là que brille da.is tout
S67
GAN
DiCTIONNAïRE
CâN
ses
son éclal le principe d'égalilé devant Dieu,
ce principe que ta philosophie des hommes
a Toulu établir par le meurtre et le pillage,
et que la philosophie chrétienne sanctionne
par la prière et la bénédiction. Ainsi en
i712 furent confondus en une même cano-
nisation, et dans une égale pompe, le Pon-
tife-Roi qui portait la triple couronne, et
rhumbic Félii de Cantalice qui avait porté
il* simple et modeste froc de capucin.
Quand le Pape le juge à jiropos, il célèbre
la messe solennelle ou la fait célébrer par
11.1 cardinal, et, en ce cas, il y assiste sur
son trône. A Toffertoire de cette messe est
annexé un rite que nous ne devons point
omettre. Nous voulons parler de l'offrande
3ui est présentée par les personnes qui ont
lé désignées. La marche est ouverte par
deux massiers pontiticaux suivis d'un maître
des cérémonies, après lequel marchent deux
gentilshommes dn cardinal-évêque qui por-
tent chacun un gros cierge, dont le plus
Srand pèse soixante livres, et qui sont ornés
e diverses peintures au milieu desquelles
brille l'image du nouveau saint. Le plusan^
tien cardinal-évè(|ue, le cardinal procura-
teur de la canonisation et plusieurs autres
ofliciers viennent h la suite. EnBn, deux per-
sonnages choisis parmi ceux que la canoni-
sation intéresse plus spécialement, portent,
)*unutt cierçé beaucoup moins gros que les
deux premiers, et l'autre une belle cage
dorée, dans iaauelle sont deux colombes.
A ceux-ci succèdent deux gentilshommes
du cardinal de Tordre des prêtres, ponant
deux pains, l'un doré et l'autre argenté et
ornés des armes ponliOcales. Après ces gen-
tilshommes vient le cardinal-prétre, suivi
de deux personnes, choisies comme les pre-
mières parmi celles qui ont provoqué la ca-
nonisation, et dont Tune porte un petit
eier{[e et l'antre une seconde netite cage qui
contient deux tourterelles. L ordre des car-
dinaux-diacres y est représenté comme les
deux premiers, et les gentilshommes por-
tent deux barillets do vin, dont l'un est
doré, l'autre argenté. Ifs sont suivis du car-
dinal-diacre et des autres personnes inté-
ressées, dont Tune porte un cierge et l'autre
une troisième cage contenant plusieurs es-
pèces d*oiseaux. Chacun des personnages
présente au Pape son offrande.. Les cardi-
naux baisent seuls la main et le genou du
Pontife, les autres baisent le pied. Les cier-
ges et les autres offraniles sont reçus par
)e Pape, qui les touche de> la main, et puis
on les place sur les crédences. Un sens niysr
tique est attaché h chacun dt^s objets offerts.
Les cierges figurent les actions vertueuses
du nouveau saint, et ils sont placés. sur des
chandeliers conime pour répandre une lu-
mière d'édiBcfttioo sur les fidèles. Le pain,
symbole de toute sorte de nourriture, ex-
primai, qu'h l'exemple de lésus-Christ, la
prinofpale nourritufe du nouveau saint a
été de faire la volonté de notre Père qui est
dans les ciein. Le vin est l'embième de la
grâce sanctifiante. Les colombes sont le signe
de la douceur, les tourterelles celui de la
fidélité, les divers oiseaux celui de la con-
templation céleste. Autrefois on lâchait ces
oiseaux, mais comme l'empressement des
assistants k les saisir occasionnait beaucoup
de tumulte, cette coutume fut abolie.
Le Pape Grégoire XVI a ajouté une nou-
velle pompe à la canonisation. Comme celte
cérémonie amène à Rome une grande quan-
tité d'étrangers, il a jugé à propos de leur
donner la bénédiction solennelle du haut de
la loge du Vatican, comme cela se fait dans
les grandes fêtes de l'année. En outre, par
ses ordres, la grande coupole du Vatican
est illuminée le soir de cette mémorable
t'ournée. Pie VII avait déjà introduit cette
>rillante innovation.
Les bannières ou étendards qui représen-
tent les saints canonisés, et que Pou porte à
la procession ou que Ton suspend aux voû-
tes de l'église, méritent une mention sp<jciale.
Cette coutume remonte à la canonisation da
saint Stanislas, martyr, évAque de Cracovie.
Le jour où se fit cette canonisation, sous
Innocent IV, le 17 décembre 1253, au mo-
ment où le Pape venait de prononcer la sen-
tence , on vit apparaître aans les airs une
bannière soutenue par des an^es. Elle était
rouge ^ et au milieu on voyait dépeint un
évêque en habits pontificaux. Cette apparition
frappa les resards d'un grand nombre de
fidèles qui s'écrièrent que la couleur rouge
exprimait le sang du maityretque l'image de
l'évêque représentait saint Stanislas, évoque
deCracovie.C'estde là, selon Papebrocke, que
tire son origine l'usage de pavoiser féglise
de ces étendards sacrés et de les porter eo
procession, lorsqu'on célèbre une canonisa-
tion.
il n'y a rien de réglé touchant le jour où
doit avoir lieu cette cérémonie. On vient de
voir que saint Stanislas fut canonisé le 17 dé-
cembre. Nous avons des exemples de cano-
nisations faites les jours de la Pentecôte, de
l'Epiphanie, etc.
Les postulateurs d'une canonisation doi-
vent fournir au Pape et h ses principaux
ministres les ornements et autres objets qui
seront employés dans cette circonstance. Ils
doivent être rouges» si le saint a été martyr;
blancs, s'il a été confesseur; mais si lej^ouf
fixé pour la cérémonie esLcelui d^uae grande
fôte dd TEglise,. les. ornements doivent être
de fa Gouliiur convenable.
Pour ne pas Caire, un article spécial sur la
béiktificationf nous allons fournir ici ce 'qu*il
est utile de counattre en cette matière qui se
rattache h la ca[nonisatLon. La béatification
n'est point un jugement solennel. en vertu
duquel le Pape déclare, ex caêhcdr<i^ qu^uu
personnage mort en odeur de sainteté jouit
du bonheur des saints dons le ciel. C^est une
simple permission que le Pape accorvie
d'honorer, par un culte particulier, un. ser-
viteur ou une servante de Dieu» Ce culte se
borne à une église, à une contrée, & un
diocèseï tandis que la canonisation ordonne
que le saint soit vénéré dans toufe la catho-
licité. La congrégation des Rites, instituée
par Sixte V, en 1S87, est chargée de procédei
CAN
DASCËTISMZ:.
CAR
570
ii«ns des eauses de cette nature. L^ordîoaire
da lien fournit tous les documents néces-
saires, après afoir pris des infûrmations au-
près des personnes qui ont pu connaître par
elles -meoics, ou par tradition certaine,
le serviteur de Dieu mort en odenr de sain-
teté. La congrégation des Rites, munie de
ces procès-verlKiux 9 eiamine la cause et
présente le résultat de cet examen au Sou-
verain PùDtife, qui décide s'il y a lieu de
BonuneruDa eommission spéciale. Si la dé*
eision est IkTorable, la commission destinée
i exaiDioer les doeumeuts reçoit son organi-
sation et, dès ce nomenl, le titre de vétié-
ffBble est donné an serriteur de INeu ; mais
on ne peut, en raison de ce titre, loi acoor^
der aucun cutte: La vie, les vertus, les mi*
racles do vénérable sont examinés et discu-
tés avec le plus grand aoin, et sont Tobiet de
plusieurs rapports en assemblée, ou les
avocats sont entendus pour et contre la
cause. Quant aux miracles oui lui sont attri-
bués, on consulta les médecins el les chi-
rurgiens, qui donnent leur avis sur les
curas opéi'ées. Après de aombreuses forma-
lités, qui tendent toutes à bien constater la
vérité, la cause est eneore envoyée à la
coogrésation des rites. Si, eoSo, de ces
scrupuleuses recherches il résulte un juge-
ment favorable, le jour de la solennité de la
béatification est fixé.
L'église où la cérémonie doit avoir lien
eet parée de draperies , et devant la porte
IMfineijpale est suspendue une grande kwn-
Dîère qui représente le bienheureux dan^s le
séjîour de la ^oire. On y voit aussi des in-
scriptions qui rappellent les principaux traits
de sa vie et de ses miracles. L'image du
bienheureux est aussi placée dans Tégliseau
ohilîeu d'un brillant luminaire, et si la cé-
rémonie se fait à Saint-Pierre de Rome , cette
image est fixée sur le magnifiaue transpa-
rent qui domine la tribune. Sur las co-
lonnes qui soutiennent celle-ci , sont des
ttédailloos figurant les deux miracles ap-
prouvés pour la béatification. Les cardinaux
de la congrégation des Rites, accompagnés
d'autres prélats , ainsi que les chanoines du
Vatican , prennent les places qui leur sont
réservées, fin discours est prononcé , on y
lait uu court éloge du bienheureux , et l'o-
rateur demande au cardinal-préfet de la
congrégation qu*il soit publie un décret
[loulifical de béatification. Après quelques
autres formalités du cérémonial , le secré-
taire des brefs monte sur une estrade placée
du côté de l'Epltre et publie le aécret.
A|irès la lecture , on enlève les voiles qui
cachaient les bannières dont nous avons
|iarlé , tandis que le château Saint-Ange fait
tirer des salves d'artillerie et que Ton sonne
les cloches du Vatican. On expose les reli-
ques du bienheoreox el lé Tt lèeum est en-
tonné. Pendant ce temps on encense de trois
coups les images du bienheureux , puis on
chante la messe qui est prise du commun
des martyrs ou des cofifesseurs , selon la
ifualité du bienheureux. Ensuite le Pape ,
accompagné du Sacré Collège , fient révérer
les images et les reliques du nouveau bienheu-
reux. Ce rite de béatification a pris l'exten-
sion que nous venons d'exposer briève-
ment, depuis le xvii* siècle. Anciennement
on se bornait i allumer uni^ lampe et des
cierçes devant le tombeau du bienheureux ;
son iniaçc était suspendue devant b («ortede
réglise a laquelle le Pa[>e accordait la per-
mission de célébrer l'oflice de la mosse du
même bienheureux. La première béatifica-
tion solennelle faite dans l'église de Saint-
Pierre de Rome est celte de saint François
de Sales par Alexandre Vlll , le 8 janvier
i66il. Dn peu plus de trois ans après, le
même Pape canonisa le bienheureux évéque
de Genève, dans la même basiliuae, le 19
avril 1665.
La béatification n'est qu'un acte prépara*
toire pour la canonisation. On en trouve des
exemples dans les premiers siècles de
l'Eglise ; non pas que le terme et le céré-
monial y fussent connus, mais à cause ées
équivalents. Ainsi, saint Pie l*%Pape, élu
en 158 , écrivait è saint Jost de conserver
les corps des saints martyrs, comme les
apôtres avaient conservé celui de saint
Slienne. Saint Cjrprien , au ui* siècle ,
recommandait à son cleiîsé de consigner
dans liss registresie jour de la mort des confes-
seurs. C'est ce qui se faisait dans lesdyptiques.
Le culte de dulie rendu aux bienheureux
doit êtrç moins solennel que celui qu on
rend aux saints. Ou ne peut, sans un Induit
apostolique, les prendre pour patrons d'un
royaume, d'une cité, dune église. Leur
office ne peut avoir d'Octave, et le jour où
se fait leur fête , ne peut être de précepte ,
etc. Ainsi, pour aussi grande el même
aussi iuste que puisse être la vénération pro>
noncée pour un bienheureux , elle ne doit
jamais dépasser les bornes qui sont prescri-
tes par l'Église. Une neuvaine solennelle en
son honneur, avec offices chantés, ne sau-
rait être célébrée sans méconnaître la sa-
gesse des règles que nous venons d'exposer.
La béatification ne peut el ne doit être ({u'uo
E réliminaire de la canonisation. ( TratX^ de*
I tanonis.^ par Baiiorr XIV. )
CARCADO(Madame Pohcbtob la Rtviisa,
veuve de), d'une famille nobie et ancienne,
et parente de Mathîas Poncet de la Rivière,
évéque de Troyes, né è Paris, mort en 1780,
a écrit un ouvrage de piété intitulé : VAme
imte à J.-C. dans le iaini sacremeni de FauieL
L'abbé Duquesne en a donné une édition
après la mort de cette dame^ vers 1780, avec
un éloge de sa vie.
CARKEL. — Il y a deux montagnes qui ont
porté ce nom dans la Palestine, Tune au midi
prèsd'Hébron, I autre plus au nord , près de
Ptolémaide. Saint Jérôme dit que c'elait un
lieu planté de vignes, très-fertile et fort
agréable»
Souvent ce nom est employé dans l'Ecri-
ture pour exprimer la fertilité et l'abondance.
C'est sur la seconde de ces montagnes que le
Crophète Elle et son disciple Elisée ont ha-
ité; mais il n'y a aucune preuve que c'ait
été un lieu de dévotion.
Kl
CAS
DICTIONNAIRE
CAS
La Montée du Mont-Car mel^ ouvrage d ô piété
• composé j)ar saÎDtieao*<le-la-Croii, est un des
plus profonds etdes plus parfaits qui existent.
CARTHAGBNA (Jean de), Jésuite esna-
gnol» sortit de la Société pour entrer chez tes
Mineurs Observantinsy et professa la théolo-
gie à Rome et à Salamanaue» h fa fin du nry
siècle. II mourut à Napîes en 1617. Outre
plusieurs ouvrages, on a de lui : Praxis ora-
tionis menialii; Venise, 1618» in-12.
GASSIEN (Jean). — .Fondateur du monas-
tère de Saint-Victor de Marseille, Scythe, ou
plutôt Gaulois de nation; selon l'histoire lit-
téraire de France, il sortit d'une famille il-
lustre et chrétienne. Ayant été élevé parmi
les solitaires de îa Palestine et de T^yple,
il se proposa de bonne heure leur exemple
à suivre. H s'enfonça avec Germain, son
ami, son parent et son compatriote, dans les
déserts les plus reculés de la Thébaïde. Après
avoir étudié et admiré les honunes merveil-
leux de ces déserts, il vint àConstantinople,
et y fut fait diacre par samt ChrysostomOt
qui lui avait servi de maître; de là, il passa
è Marseille où il fut vraisemblablement or-
donné prêtre. Il y fonda un moaastère d'hom-
mes et un autre de filles, leur donna une
règle, et eut sous lui justiu'a 5,000 moines.
On ignore Tépoque précise de sa mort; il
jvivait encore en «33, selon la chronique de
saint Prosper. Dupin recnle sa mort jusqu'en
UO, Baillet la porte en Vi»: l'un et l'autre
'le font mourir à onatre-viD^t-dix-sept ans.
Dom Rivet pense qu'il termina ses jours en
kSh ou 435. On a de lui : l** IK)uze livresd*/n-
êtitutions mt^nasiiques et vingt-quatre Con/<^
renées des Pires du' disert^ qu il composa à la
'prière de saint Castor, évéque d'Apt, en Pro-
vence. Elles furent traduites en 2 vol. in-8*,
'1663, par Nicolas Fontaines; 3" un traité de
^r/ncama/Con, contre Nestorius, faite la prière
du Pape saintCéleslin. Le style des livres de
Cassien, écrits en latin, répond aux choses
'qu'il traite : il est tantôt net et facile, tantôt
Ipathétique; mais il n'a rien d'élevé ni de
Srand. Il y a| dans la treizième Conférence,
, es propositions qui ne paraissent pas exac-
tement conformes à la doctrine de l'Eglise
sur la grftce; Cassien n'avait jamais pu goû-
ter celle de saint Augustin : il pensait quelle
avait des conséquences fâcheuses contre la
;bonté de Dieu et la lib^rté de l'homme ; mais,
eu voulant éviter une extrémité, il ne s'éloi-
gna pas assez de l'autre. Saint Prosper, dis-
ciple et défenseur de saint Augustin, écrivit
son ouvrage intitulé : Contra Collatorem,'
pour le réfuter. « Mais du temps de Cassien,
dit un critique, l'Eglise n'avait pas encore
prononcé sur ce point ; il ne fut décidé qu'au .
concile d'Orange, en 529.; conséquemment,
la méprise de Cassien n'a pas empêché que
sa mémoire fttt en vénération. » La dernière
édition des œuvres de ce saint solitaire est
de Leipsick, 1723, in-fol., avec des commen-
taires et des notes. Il y en a aussi une édition
de Paris, iu% in-fol. On les trouve dans la
Bibliothèque des Pires. Tous les écrivains qui
'te
ont traité de la vie contemplative ont puisé
avec fruit dans ses (nstitutions monastiqm
et ses Conférences sur tùvie cénobitique. C'est
toutefois une mer imipense où il faut plon-
ger bien des fois ^vant d'èQ retirer des ri- 1
chasses utiles. Le savant Cassiodore n'en
permettait la lecture à ses moines qa'arec
discernement.
Le Pape Géiase avait mis ses livres m
nombre des ouvrages apocryphes. Saint Be-
noît les recommandait cependant à ses reli-
gieux. — Dans ses Institutions mondstiqttes^
Cassien déclare d'abord qu'il ne parlera point
dps miracles des moines d'Egypte, quoiqu'il
en eût entendu raconter un grand nombre, et
qu'il en eût vu plosieursde ses yeux ; il entend
seulement parler de leur règle de vie et de
leurs maximes pour régler les mœurs.
Dans le premier lîivre » il décrit leur habit;
dans le second, l'ordre de leurs prières du
^oir et de la nuit ; dans le troisième, l'ordre
des prières que les autres moines orien-
taux, c'est-à-dire de Palestine et de Méso^
•potamie, faisaient pendant le jour ;» car les
Egyptiens ne s'assemblaient que pour V6p
près et pour les Nocturnes ; les autres reli-
gieux s'assemblaient aussi pourTierce, Seite
et Npne. U maraue que l'heure de Prime
avait commencé de son temps , et dans soa
monastère de Bethléem, pour obvier à la pa-
resse de ceux qui , après les prières de la
nuit, dormaient jusqu'à Tierce, etpourinaD-
-quer ainsi le commencement du travail oj^
la journée. Dans le quatrième livre des Jmft-
triions 9 il parle de la manière d'examiner
et de recevoir les moines, particulièrement à
Tabenne, où il observe qu'ils ne souffraient
pas que le novice donnât de. son bien au mo-
nastère. Dans les huit autres livresdes Institu-
tions.^ il traite de la maniera de. combattce
paresse, la vanité et l'orgueil. A l'occasion
île la. paresse, il traite amplement de la n^.
cessilÀdu travail. des mains.
Dans se$. dix premières Conférences^ Cas-
sien ne fait intervenir que des moines de
ScétiX; dans les sept suivantes «^ adres;sées>
saint Honorai, abbé dé Lérinst et k saint
Çucher, moine , puis évèquQ de Lvon, il fait
parler les moines qu'il avait vu3 à son pre-
mier voyage. d^Egypte : l'un de ses interlo-
cuteurs, Cnérémon^ jparle, en^re autres cho-
ses, de la protection de Dieu, c'est-è-dire (le
la grAce, mais d'unç manière peu orthodoxe.
Lus sept qui terminent sont adressées à dès
mointes de Marseille^ Ces vingt-quatre Con-
férmces sont rangées., non selon l'ordre dû
^ temps, mais selon l'ordre des matières.
Sa ràolb. — ^ Ce fut dans le monastère de
S^inl- Victor que,Cassieiii entreprit de mettre
en pratique ce qu'il avait appris dans ses '
voyages parmi les cénobites et les anacho-
rètes de l'Orient; autant du moins que les
différences du climat et des mœurs le lui
pouvaient permettre.
373
CAS
DASCbiTiSME.
CAS
374
Lbabit des moines de Saint- Victor (115)
st* rapprochait beaucoup de celui des moi-
nes égyptiens; il cousislait en une robo
loiigue*et une tunique à manches, serrées
sur la poitrine par deux bandes de laine
lissée (Ckss , De insiii.^ lib. i, c. 6), en une
cucuile assez ample qui couvrait la tète
llbid,, c. 4 et 11)» une ceinture (/6id., c 2.
^Episi.CœUsiinipap.f n"" t) » et un man*
teau. (/6ttf., C.7. — EpUl. Calestini pap,^
irl.)Cassien ne put adopter la chaussure
égyptienne, à cause de la rigueur du climat
delatiaule (Cass., De instU.^ lib. i, c. llj,
d la peau de brebis que portaient les moi-
oe$ orientaux dans leurs voyages eût été
ridicule en Occident {Ibid.), 11 ne donna pas
non plus à ses moines le cilice (#6td., c. 31)
que portaient les enfiints de saint Martin,
pce qu'il gênait pour le travail des mains
il pouvait inspirer de la vaine gloire; caf
on Id nortnit par-dessus tous les autres ba-
bils (^DLPiT. Sbv., dial. 1, c. 1).
Cassien reconamande le travail des mains
el le croit nécessaire au maintien de la dis-
ciplioe monasliaue. Il blâme les. cénobites
gaulois (Ciss., m imtit*^ lib« ii) de ne pas
IrdTailler. Saint ITartiir avait, en eflfèt, établi
è Uarmoutier l'usage de consacrer tout te
temps à la prière et à la méditation. Nous
w pouvons évidemment nous donner le
ridicule de prononcer entre les opinions
contradictoires de nos premiers législateurs
ŒOfiastiques, qui avaient sans doute l'un et
Taulre de très-graves raisons en faveur de
leur sentiment.
Le travail des mains n'absorbait pas ce-
I»endant tout le temps qui restait aux moines
de Saint-Victor après les prières communes,
et ils s'appliquaient en outre à la lecture
des livres sainîs et à la théologie. C'est au
monastère de Saint -Victor que Leporius
avait conçu el organisé son système héré-
tique, et qu'il avait trouvé des adeptes. C'est
encore ce monastère qui fut comme le foyer
de toutes les discussions ardues sur la grAce
et le libre arbitre.
On peut donc croire que Cassien partagea
la journée entre le travail des mains, l'étude
et la prière.
La prière commune, ou office canonique,
^e partageait en trois parties principales:
ri oflScedu soir ou les V'èpres ; 2* l'office de la
tiuit,appelé depuis Matines ; 3* l'office du jour.
Cassien trouva dans ses voyages des usa-
ges bien différents relativement Tlt6) (Cas».,
^MRiftf., lib. II, c. 9) au nombre des psaumes
qu'on devaityéciterè chaque partie de l'office.
Il établit à Saint-Victor la coutume des
monastères de l'Egypte pour les Vêpres
i't loflice nocturne, et celle des moines
(115) Ce fui Cassien pariicaliércmeni qui apporta
^ modifications au o»slume monastique, qui
ililBérail peu, pour les t;b06e& essentielles, du cos-
I l<i<De des pauvres; il en (ut bien différent dans la
«oiie» paite qu*il resta le même; tandis .^ue les
(ofUmes civils subirent de continuelles variations.
(HS) Les Vêpres cDDiprenaient ce que rpn appelle
waJnlenanl Vêpres et (emplies.
(11 7j L*olttce du jour a encore anjourd^hui le
de Mésopotamie pour Toffice du jour.
Aux Vêpres (117), on récitait douze psau-
mes (Cass., De instU.f lib. ii, c. 6), après
lesauelson lisaitdesleçons tirées, lapremière,
de l'Ancien Testament, la seconde, du Nou-
veau. A l'office nocturne, on disait également
douze psaumes suivis de deui leçons. (Ibid.)
Aux Vêpres du samedi, le dimanche, et
pendant la Quinquagcsime, c'est-à-dire pen«
dant les cinquante jours de Pâques a la
Pentecôte, les leçons étaient tirées, l'une et
l'autre, du Nouveau Testament. La première»
des Epttres ou des Actes des apôtres, la
seconde, de l'Evangile.
L'office du jovrr se disait k tmis heures
différentes. A la troisième heure du jour ou
Tierce (neuf heures du matin) ; à la sixième
ou Sexte (midi) ; et à la neuvième (trois
heures après midi) ou None. A chacune de
ces heures, on disait trois psaumes suivis
d'une prière. (CAss.,l>e tiif^i^, lib. m, c. 2.)
Dans rOcciJent, ou avait partagé en deux
f)arties l'office nocturne. (Cass., De instiê.,
ib. III, c. k.) La première partie était com-
posée de neuf psaumes, el se disait au mi-
rieu de ta nuit (ilS); la seconde partie, coœ«
posée de trois psaumes, se disait à la pre-
mière heure du jour ou à Prime (six heures
du matin); on avait établi cette coutume
dans les monastères , pour empêcher les
moines de dormir jusqu'à Tierce, ce qu'ils
{mouvaient tout naturellement être tentes de
aire après avoir passé une partie de la nuit
à l'office nocturne.
Cassien établit cette coutume de l'Eglise
d'Occident h Saint-Victor, et les moines de
ce monastère ne devaient donner au som-
meil que le temps qui s'écoulait depuis
l'heure du coucher jusqu'à l'office nocturne,
et depuis l'olfice nocturne jusqu'à Prime.
Il était contraire à la règle de se coucher
après cette heure. (CASs.,l>etnirfil.,Ub. iii,o.5.)
Les jours de vigiles, ils ne se couchaient
pas avant l'office nocturne^ Pour vaincre le
sommeil^ on divisait alors l'office en trois
parties, entre lesquelles on mettait un cer-
tain intervalle (119). Chacune de ûes parties
était alors composée de trois psaumes et
de trois antiennes. (Cass., De insiU.^ lib. m,
c. 8.) On appelait alors antienne, un chant
alternatif qui suivait la récitation de cbaquu
psaume; le psaume était toujours chanté
par un seul (Cass., de instU.j lib. ii, c. 11),
et les autres assistants devaient écouter
assis et dans le plus profond silence. Lors-
que deux moines seulement disaient l'office,
ils devaient réciter chacun la moitié des
psaumes. S*ils étaient trois, chacun le tiers;
s'ils étaient quatre, le quart- dans les (»ffices
des vêpres et nocturne. Au chœur, un même
moinenopouvftitdiremoinsde trois psaumes.
même nombre de psaumes,, et se compose des prières
de Tierce, Sexte et None.
(118) L'oflice noeuirne a encore neuf psaumes
et on dit Prime composé aussi de trois psaumes.^
(119) C'est là Torigine des trois nocturnes qui
composeni ToOice de la nuit au jour du rit double
et au dessus. Chaque nocturne est composé de trois
psaumes, etr ou peut mettre un certam intervalle
entre la récitation de l'un et de Fautre.
Apri^^ |a fr^cilp^îoQ (}e chaque psaume^el
de 1 antif^nne, tous je^ assistjints 9e levaient^
^t après 9?p|rj||ns»i prié /^uelqjiès iostabts
ne
liait la çqllep)^, qui était une prière résu-
inaat ciVn^ manîàrq générale fpiftes les
prières partici)lières.
Dan^ lés Gaulps (Cass.« BIç inslit.^ libi. u»
f • 8) OQ avait |a coutume de réciter après chà«
aM9 jisaûi^q ja dôxolc^^ie fî/prfVi Paitrjl» etc^
|5n Pfiem , on pp^ J^a- aisaijt qii>près l'an-
tienne (lâQ); Cassiea établit saps doute il
^aifllrVictor 'a cpMtnme gauloise. '
Aù|C vêpres dji samedi» le dimanchey et
depuis PAqiies jiisqu'^ la Pe^tecOte (Quin-
quagésimç), bp ne se mettait p^s & genoux
pçndapt rpffice(12f).
Le dfoiaacb^iy pp f)e 9e réunissait qu'une
foispo);|r î'officp pi| jour^ ^ Vheure de Tierce.
L'office y é)^t plus long & cause de la com-
0,11 dJsiiit de^ psaïuh^ et des leçons qui te^
n^jept Ueu4eSe^|é §t de Nooe.(i22^. Quand
JI^QUice était terminé/ chaque moine devaif
se retirer c(aas le recueillement et en silence.
Celui qui mapguâit'l cette prescription
{Qa9^., Pe mii^f Ub. 1^ ç. 13 el 16) était
ipterdit de 19 prière publique » jusqu'^ ce
qu'il eût ^e(band4> à genoux^ pardon à ses
Irëcéil et obtenu sa réconciliation de Tabbé.
ileluî qui , k rpQc9 dé la nuit , n'arrivait
pas avant la génuflexion qu\ suivait le
deuxième pSduqp {^'(îd., lib. iii, ç. 7)» et à
l'ollice dMjQur a/9pt ce)le du premier psau-
me, ne pouvait entrer dans I oratoire. Il se
mettait a genoux à la. porte, et, quand les
fières sortaient, il leur demandait pardop
de sa négligence. S.ur tout autre point,' la
discipline du monastère de Saint-Victqf
n'était pa^ tno.iM sévère.
{«orsqu'ua postuliint se présentait pour 7
4tre admis, il d^vaît,^ pendapt dix jours
^Cass.. ih instii.f lib. iv. a cap. 3 ad cap. 7),
rseater àla porte et 7 implorer la grâce d*6t-
tre reçu. S'il siy)p9rtajt cette première
épreuve, on le dépouillait cfe ses habits sé^
culiers, on le revêtait de riiâbit monastique,
et,.f)epdant un an, son occupation était de
servir les l\Ote^. 11 devenait ensuite novice,
et entrait sous la conduite d'uu moine ^ui
avait le titre ^Q senior^ et auquel il (fèvait
découvrir toutes ses pensées. Sii» pendant le
noriciat, il ne dionpalt pas de preuves de
TOcatîon,on lui remettait ses habits séculiers
çt or^ Je renvo7ait dçihs le m.on,de. SL'il était
admis, on ne lui pero^ettait pas de dbnpér
son bien au monastère , de^ pexir qi^'il qe
s'estimât pius qu'un autre. Il né pouvait
plus rien posséder en propre, él était obligé
a une obéissance parfaite. (/frtd.Jib. i,Vy a
cap.7 ad fin. passlmS
(ISO) Antienne, en latin antiphona, vient du grec
inm^'iJi, qui emporte Tîdée d'un chant alternatif;
^1213 Diaprés l^yroologie du mot antienne, et ee
qu on en trouve çà et 1&' dans les auieiirs HUirgis-
les, elle devait avoir une grande analogie avec
et qu^oii.appcUe aujourd'hui répons bref.
DlCTfOdiNAfRE C^T &]fi
Jejs furent les règlements établis par
Cassieq à Saint- Victor de Marseille, et qu9
çi^ivji*ent, en tout ou en partie, la niupurt
des monastères des Gaules, jusqu'à l^adop-
tîon'de là règle de Saint-Benoit.
CASSlODQRE (Uagnus - Aurélius), Cala-
brais, d'une famille illustre , princi[ial mi-
nistre du roi Théodoric, consul en 5)1, puis
préfet du prétoire, quitta le monde vers5&0,
et se retira* âgé de soixante-dix ans^ dans
un monastère qu'il avait bâti, pour ne s'ir
occupprqujs de son salut. C'est dans cette
retraité qu'il mit au jour son Commentain
$ur les psaumes et sesin^ltfu/torif des divina
Ecritures^ recueil de règles pour ses moine^
sur la manière de les étudier. Il indique les
principaux auteurs de Ja science ecclésiasti-
que, tnéologiens, historiens, ascétiques. Ou-,
tré ces ouvrages, on a encore de lui des Trai-
fés philosophiques. Ce\m de l'dme est un des
pi.etlléurs. Cassiodore mourut en 563, âgé
de plus de quatre-vingt-treize ans. Sa Vie a
été écrite par le P. de Sainte-Marlbe, supé-
rieur général de la congrégation (|e S^fot-
Jdftur.
^ CASTANNISA (Jean de), religieux béné-
dictin dé la congrégation de valladolid eii
]^spague, peut être regardé comme un de
çeui^ qul| par leur piété et leur savoir, ont
le plus honoré l'ordre de Saint-Benott au
XVI' siècle. Ses talents pour la chaire le
ârent nommer prédicateur général de l*o^
die, ^t Téclat de son mérite parvint jusque
Philippe II. qui lui ^nna une place dans
son conseil ae conscience, le fit son aumô^
nier, et censeur de théologie aupi:è5 des
ju^es apostoliques de la foi. Ce prince voulut
VéTever à des dignités plus émioentcs en-.
core« mais l'humble religieux s'y refusa. Il
mourut à la 0^uir de l'âge à Salamanqoe en
1^98. Ses œuvres ascétiques sbn(, outre la
Vie dé ^ plusieurs saints : ^"^ Inslitulionum
divines ptetalis libriquinquet Madrid, IS^i
in-y;—^ Deçlar^çion d^lpadre nwo^^ro, 1604;
—-3* Dfi là perpcçipn dfi (^ t^tdfa chri$tiana.
C'est l'ouvraj^e si coniiu saus le titre ds
Combat spirilu^ ^ et' plusieurs auteurs
prétendepf que c'es( ('•priginf 1. Cependant
lesi Jésuites et les Théatins en réveodiqueot
rhonneur pourïeûr ordre, l'aliri^uant, les
premiers, k AchilJe Gagliardo, et les autres,
au^TÇhéatinScupoIi IVoy. Tâf t. muquoHJ. Mais
le P. Gerberon, qui l'a traduit eh fraoç^is
^ur l'original manuscrit, en 167$ ; Nicolas
AntoniOi auteur de h Bibliothèque fStpa-
3 ne, ainsd que tes savants ^om H^billûo et
pià Luc d Acbéryt prouveat qi;^ (Joo^ Cas*
iânuisa en est le véritable auteur.
CATHERINE de Sienne (Sainte), née en
1^7,^ embrassa, à Tâgè de ^ ans, riostitut
(ief^ sœurs de Salnt-jiomihique, Ses révéla-
tions^' son zèle et ses écrits lui Arent un nom
célèbre. Elle réconcilia lea FloreiMio^ ^^^^
(112) Cass., Be instiL, lib. n, c. i^ — ^f
encore la eouiume, après chacune des paiiies de
l'offieè, de faine des prières à geiÎQur ea c^mias
temps de Tannée , partîcnlièreipent pendant la
Cardmeé Ces prières se terminent par la collede oa,
oraison.
S71
m
i>*i^CëlfJHI&
CEL
m
Grégoiro XI, qui rHUl^i k Avigapn. Ella
joua un grand rôle dans toutes 1^$ querelle^
du schisme; elle écrivit de tous cAlés en
faTtur idu Pape Drbaûi, et moonf t eu 1389,
è <3 Mos. Elle STait paru partout 9? ec écU|,
et joai «Tuu grand crédit par son émineotçi
piété. On a d elle quelques traités de d^vch*
tion et des lettres spirituelles, qui sonteçrj.<f
tes avec pureté en italien. Toutes ses OEuTres.
ont été iiubliées ^ Sienué, ep 1113, ep 4 voU
in-**.
CELPBAISO^ DE LA MESSE,— |i cour
rieni que tous les prêtres, généralemeaf
parlant, céièhreot cnaque jour la suinta
sesse. Les paroles du conçue de Trente h
ce sujet soqt digues dé remarque : € Que
l'éfèque tienne la main, dît-il, à ce que le^
prêtres célèbrent la messe ov moins les jours
de dimanches et les fêtes solennelles ; et
s'ils ont charge d*âmes, aussi sourent que
leur charge leur en fait un devoir, i (Sess,
3txiu, c. 18, Dereform.) D'où il suit que le
concile ordonnant la célebt atioo de la messe,
p« ■lotl^ pour les dimanches et fêtes, cou?
seille implicitement et d*uoe manière claire
la célébration* quotidienne. Aussi écoutons
le langage des Pères de TEglise : € Eq cél^
brant cfaçuê jour le sacrifice de Dieu, di|
saint Cjpriên, préparons pour Dieu d^
hosties et des victimes, » enlendaqt par
cette dernière parole les fidèles qu'il fallait
préparer au martyre par la particiiiation à la
dinne Eucharistie. (Ep. f^f ad Corn.) € Le
Christ, lôoute saint Augustin, n*a-Ml pa«
été immolé une fois en lui-même, et ne
l'esl-il pas, non*seulement à la fête de ?&▼
ques» mais encore eliaque jour dans le sacre^
meott 9 (Ep. 23, ad ponif.) Saint Grégoire
loue en plusieurs occasions saint Gassius,
éTèqae de Namit de ce qu'il avait la cou*
tome d'offrir chaque jour le saint sacrifice,
« en sorte, dit-il, qu'il n'y eut presque aucun
jour de sa vie qu'il n'immolit au Dieu tout-
puissant la victime de propitiation. » (ffem.
97 in Evamg.; et Dîoi., I. ^v, c. $6.) Le grand
èerson s'eiprime à cet égard d'une manière
fort précise :« Toutes choses égales, dit-il,
et sauf un empêchement légitime, il est plus
loualile de célébrer chaque jour. »:( jteo. mm-.;
et Tr^ defrœp. odinit(., copsid- 4^-) M suffit.
dureste,decoiisîdérer tous les précieui avan-
tages qui en résultent soit pour le célébrant
laiHDème, comme communiant et comme
sacrifiant; soit pour l'Eglise universelle,^
c'eat-à-diro, tous les fidèles i^ivants et tr6r.
passés, pour rec^snnallr^ combien est avan-
tageuse et louable la célébration quotidienne.
Enfin le prêtre qui agît autrement, manque
MUMt saintes fonctions qui lui ^ont psposees,
et enfontt dans la terre lo la/enf que Dieu
lui a confié. Ajoutons encore que la félébitr
tioo quotidienne est plus cooforme à l'insti-
tution de l'Eucharistie et h llnleoliîon, à
respritdeaon divin Instituteur, quia vxiulu
que ce. sacrement soit lu pain quotidieii des
fidèles et wrtout des préM'es.
Mais pour que les prêtres soient dignes de
célébrer chaque jour, ib doivent s'appliquer
a viv^re saipleopent 9t se préparer k l'offrande
de ^^ mgmy^ sawR^e, Si la# pfétrfs de fo
loi ^apaîeni^e devaient Aire aaiols, Sanciificfi^
mni qm ftrêU ^m f^ommi, pour immiifer A
Piçu d^ seerifiees qui n'étaient que iWhrp
du plus grand de nos mystères, k enni^ieà
plu9 forte raispp lea pr4tres d9 la neuvellf
Loi doivenNIs êlr^ faints, m% qui sont
çharefts d'imo^oler le 6«in( des saints I
V Fopr comprendre, dit le concik de Trente,
ayee qnel sentiment de religion, de piété et
de respect on doit célébrer le tre«-<saiAt
Mcriûce de la messe, il suffit de 9e rappeler
que les saintes Ecritures appellent msedit
celui qqi fait Tœuvre de Dieu négligemmeiii^
Or, comme il faut nécessairement reconnaU
tre qu*il n'y a dans la religion chrétienne
rien de si saint, de si divin que ce redou*
table mystère, oà les nrètres immolent tona
les jours sur nos autels la victime vivifiantfl
qui nous réconcilie avec Dieu le Père, H en
résulte évidemment que nous devons appor-*
ter tous nos soins, toute notre attentions
pour que ce haut mystère soit célébré av.ee
la plus grande pureté de cœur, et avec
rextérieur le plus pieux et le plus respeor
tueux qu'il est possible, s (S^. xui, J)$
ttUbr. mîss.) Le prêtre dait donc s'efforeer
d'acquérir la sainteté que réclame son sur
blime ministère, et par conséquent vivre de
telle sqrte, se préparer avec tant de soin à
ce divin mystère, qu'il soit digqe de l«
célébrer chaque jour.
Noua aligna maintenant établir lee règles
J pratiques pour la célébration quoCidienne ea
iréquente de la messe.
1* La prêtre, avant de célébrer, doit s'^
prouver lui-mtm^^ examiaer s'il n'est |>as
en état de péché mortel : célébrer en cet état
serait commettre un horrible sacrilège. Par
conséquent, quelque urgente obli^tion
qu'il y ait pour lui de célébrer, on il doit
s'abstenir et satisfaire à son ot>ligation en
se faisant remplacer |)ar nn autre, ou sortir
de son état n'indi^ité par la confassian
sacramentelle, ou bien, k défaot de confes»
seor, par la contrition parfaite avec l'inten^i»
tien formelle de se confesser au plus tôt.
C'est ainsi que le veut le concile de Trenle,
en rapportant ces terribles paroles de TA-
f lôtre : Cdui qui mauge ei boit indignemoui le
corps el U samg du SHgueur^ mamge ei boii
sa propre eondamnaiion. (I Cor. u, 29.) « Ce
qu'il y a de plus affreux, dit saint Bonaven-
tore, c'est que quelques-uns en sont venus
de nos jours h une telle perversité, qu'ils
pensent, les malheureux! etpier par la cé-
lébration quotidienne, sans pénitence et
sans confession, leurs crimea el Ic^ pécliés
Ignominieux dont ils remettent la confession
de jour en jour. » {Traei. de prmp. ad e^fs.,
c. a.) € Ce ne sont iKûm là des prêlres,ajoule
fr^il, mais des sacrilèges 9 ce ne sont poiiU des
Chrélaees, mais des hérétiques; car s'ils
avaient la foi, ou ila éviteraient de pèches,
ou ils cesseraient de célébrer. » (MtdC)
Sr Pow célébrer la mesa» chaque jour
avec fruit, le nrèlre ne doit paa seuhrnient
se contenter de se confesser anparavani dB
SA% péchés mortels, mais ik ihm aussi tra-
tni
CEL
DICTIONNAIRE
CEL
S80
Tailler efBicacement h Vamendement de $a vie^
en évitant avec soin de tomber dans le péché
mortel, au moins d'y tomber fréquemment.
N*est-il pas honteux au plus haut point, et
de la dernière indécence, de céléorer fré-
quemment et chaque jour, et de tomber en
même temps dans des fautes graves fré-
quemment) presque chaque jour? D'ailleurs
rhabilude seule de rechutes graves, du
moins quand cette habitude ne diminue
pas moralement, est une preuve morale
qu'il n'y a pas eu pénitence suffisante, et
i;u'tl y a par conséquent célébration sacri-
lège. Aussi saint Paul a-4-il dit : Je ne veux
point que voue soyez- en société avec les démons.
Vous ne pouvez boire le calice du Seigneur ei
le calice des démons. Vous ne pouvez parti*
ciper à la (abk du Seigneur et à la table des
démons. (/ Cor. x, 90.)
3^ Pour célébrer avec fruit la messe cha-
que jour, le prêtre, bien que sa conscience
lui reproche rarement des fautes graves,
doit en outre s'efforcer eflicacement de sor-
tir d'une vie tiède et négligente» et éviter la
rechute fréquente dans les fautes vénielles.
Autrement agir, ce serait déchoir de l'état
de perfection sacerdotale, et se rendre moins
digne de ce ministère auguste par lequel le
prêtre consacre et reçoit le corps et le
sang de Jésus-Christ. Et en outre, ilj aurait
juste sujet de craindre que l'on ait commis
quelque faute grave par l'effet d'une igno^-
rancë coupable, qui n excuserait point d une
consécration et d'une communion sacrilè-
ges. « Il faut éviter, dit saint Bonaventure,
non-seulement les péchés mortels, mais
aussi les péchés véniels, qui, multipliés par
la négligence et la tiédeur, rendentl'homme
appesanti, le remplissent de ténèbres, et le
privent des dispositions saintes qu'il doit
apporter à la célébration de la messe; à
moins, ajoute-t-il, que par la ferveur du
cœur et par la considération de sa propre
indignité et de sa misère, il ne fasse dispa-
raître la poussière de ces fautes vénielles au
souiQe de l'esprit, et qu'il n'en brûle les
mauvaises herbes au feu de la charité. »
{ De prœp. ad mû«., c. S.)
k*" Pour célébrer avec iruit chaque jour, le
prêtre ne doit pas seulement éviter la tié-
deur,^ mais il doit encore tendre avec zèle à
la perfection de son état, tant par sa con-
-duite que par sa préparation au saint sacri-
fice. « Voyez quelle est votre intention en
célébrant, dit saint Bonaventure; prenez
garde de le faire par avarice, ou par habi-
tude, ou dans l'espoir d'un gain temporel,
comme plusieurs le font de nos jours pour
leur propre perte. » (De prœp. ad mm.,
c. 8.) De là le conseil que le pieux Ayila
donnait à un de ses disciples, d'employer
Eour préparation à la sainte messe deux
eures et demie de méditation, et pour l'ac-
tion de grflces une heure ou au moins une
demi-heure. Il y a, sans aucun doute, exa-
gération dans ce conseil.; mais il montre au
moins ce qu'il faut penser de la triste pré-
paration et de la pauvre action de grâces de
certains prêlres, qui, ne discerMairt point le
corps du Seigneur, ne célèbretit que par liahi-
tude, et peut-être même que pour l'honoraire.
5" Le prêtre qui a la perfection de son
état doit célébrer chaque Jour avec confiance,
afin de se sanctifier de plus en plus, de sorte
cepandant que l'amour lui fasse mettre en
Dieu toute sa confiance, et que d*autre part
la crainte ne lui laisse point oublier sa pro-
pre indignité, c Qu'il y ait dans les prêtres,
dit saint Laurent Justinirni, conformité qd-
tre la vie et la . dignité, entre la science et
la piété, entre la charité et la foi. Si celte
conformité existe en eux, ils seront aimés
de Dieu, glorifiés par Jésus-Christ, proté-
gés par les anges, vénérés par les peuples,
enrichis des dons de la gr&ce, comblés des
consolations spirituelles,assoèiés aux cligeurs
des bienheureux, et quelquefois ravis dans
la contemplation des choses célestes... Quel-
ques progrès qu'ils aient fait dans la vertu,
ait-il encore, quelque haute que soit leur
sainteté, qu'ils sachent bien qu ils sont en-
core indignes de leur sublime ministère,
puisque les anges eux-mêmes n'en seraient
pas dignes. » (Serm. de EucA.)
6* La pollution pleinement involontaire
dans le sommeil ne doit pas empêcher de
célébrer chaque jour, pas même è titre de
conseil, à moins qu'il n'en reste quelques
effets, quelques inquiétudes, et qu'il n'y ail
Kint espoir d'avoir de la dévotion dans
cte même de la célébration. Telle est la
doctrine de saint Bonaventure, de saiut Tho-
mas, de saint Pierre C^lestin, de Gerson, et
d'une foule de maîtres de la vie spirituelle,
ff Dès là, dit saint Bonaventure, que vous
n'avez donné ni sujet, ni occasion k une
telle |>ollulion par des actes (précédents de
concupiscence ou par des excès dlntempé*
rance> et qu'il n'en est point résulté pour
Time dé notable souillure,, par l'effet de la
réminiscence ou de Tillusion fantastique
produite par les impressions sensuelles, ju
crois, sauf meilleur avis, que vous pouvez
monter h l'autel, surtout si vous y êtes porté
par une dévolion particulière, à raison de
quetaue grande fêle ou pour quelque autre
iH0tirsenî4)lable. » {Deprœp. ad miai.,c. ».)
« Que l'homme s'accoutume, ajoute Gerson,
è juger spirituellement des choses spiri-
tuelles, et parla il saura s'absoudre lui-
même d'une foule de fensalions itnpurps
nées de fantômes et d'illusiTons involootai;
res. Par là il s'inquiétera moins de ce qui
en efifel ne doit point l'inquiéter, je vcui
parler des souillures purement corporelles.
Par là enfin il mettra plus sa confiance dans
la pureté du cœur que dans celle du corps. >
{De prœp. ad miss., cons.7.) Et à ce sm
Gerson rapporte une vision qu'eut sam»
Pierre Célestin. Ce pieux Pontife étant dans
une profonde anxiété au sujet de la célébra-
tion quotidienne, à cause de celte misère o«
la nature et des avis différents de plusieurs
docteurs qu'il avait consultés, adressa a
Dieu une prière fervente, et vil en songe
tjue, au moment où il essayait de roonier
jusque dans le palais du souverain »<>J«
l'âne sur lequel il. était couvrit le chenim
5tl
i!EL
KàaasmmL
CEL
'582
„ «I qoB uêmêM pottr cela
ilajQgaeQt» il entendit cette
|Mirole : « Approebe, approche; pourquoi
n'-approches^ta pas? Est-ce pour ce que ton
âne a fait, selon sa coutume? Que t'importe?
approche, approche. > (Gers., /fttd.)
7" Toutes les fiDis qu'il est permii aux
prêtres de célébrer, on doit leur eotueiller
Je célébrer chaque jour, ordinaîrémeat par-
iant, en ayadt toujours soin cependant qu'ils .
aient une parfaite disposition, prochaine et
éloignée, autant qu'ils le peuvent ayec te
grâce de Dieu. La raison en est, selon saint
Bonaventure, quele |ir6tre qui s'abstient de
cé]ébrer,sepri?edetouslesfruitsque produit
la lainle communion, qui sont : la rémission
des péchés, iecalmedes passions, la lumière
de l'esprit, la réfection intérieure, l'incor-
poration de Jésus-Christ et de son corps
OTstique ; en outre elle fortifie la vertu,
die est une arme contre le démon , elle
anime la foi, elle élève l'espérance, elle
excite la charité, elle augmente la dévotion
et noos fait participer au banquet des anges.
De plus, le prêtre qui s'abstient de célébrer
ne remplit point le devoir que lui impose
sa haute dignité, il manque de rendre à
Dieu rbommage qu'il lui doit; sans recon-
Baissanee pour les bienfaits de Pieu, il lui
nVise, autant qu'il est en lui, le culte et
l'adonlioQ.Kfforcez-vousdonc,de tout votre
poofoir, par l'exercice des bonnes œuvres,
|4rles lannes du repentir et par le feu de la
charité, de rejeter loin de vous toute tié-
ileoret toute négligence, et de ne point dé-
daigner les trésors de tant de grAces.
8* On peut sagement conseilier k quelques
prêtres ae s'abstenir quelquefois de la célé-
WatioD quotidienne, pour leur inspirer un
plus profond respect' envers les augustes
mystères, pourvu que cela ne provienne
point de négligence ou de paresse, et qu'il
n'y ait point quelque circonstance qui soit
on obstacle à cette abstention. C'est ainsi
<{»e l'enseime Louis Dupont : a Si, dit-il,
I habitude de célébrer souvent le saint sa-
crifice diminuait dans un pr&tre le respect
et la Ténération qu'il doit à une action si
sublime, il ferait bien de s'abstenir quel-
quefois par le motif d'une sainte crainte,
aûa de s'en approcher ensuite avec plus de
ferveur et plus d'amour. » {P^f* Christ. ^
Ir. 2, c, 15. )
^ Poar la célébration quotidienne, i( faut
ooD-sealement une convenable dévotion
intérieure, mais encore la dévotion exté-
neure. Car ce serait un abus intolérable.,
4^ an ministre de Dieu se conduisit avec
(ndécence et sans respect dans l'acte le plus
sugoste, dans le mystère le plus sublime
<1u christianisme. Aussi le concile de Trente
H-il ordonné d'apporter au sacrifice de la
messe la plus grande pureté intérieure qu'il
^t possible, et en même temps l'extérieur
^ plas dévot, l'attitude la plus pieuse.
(Ses8. itu, D$ celebr. mUê.^ Les paroles et
l^s actions que l'Eglise a voulu que les
piètres emploient dans le sacrifice de la
ut^w, seul de la plus haute importance, et
l'on doit s'y conformer sous peine de péché
grave; par conséquent, il faut obsei'ver
avec le plus grand soin, avec le plus de
décence et die gravité possibles, toutes les
r^les qui concernent les vêtements, le lieu,
le teinps, les cérémonies, les vases sacrés,
etc. , et en même temps éviter cette'préci-
pitation indécente, contré laquelle s'élèvent
tous les maîtres spirituels, et qui est loin
d'être compatible avec la dignité du saint
sacrifice.
10* % l'avancement spirituel ne répond
pas à la célébration quotidienne ou fré-
quente, il est fort à craindre que le célé-
brant, qui se croit en étot de grflce, ne soit
réellement, aux yeux de IMeu, en état de
péché, n y a surtout lieu de le craindre en
ceux qui retombent habituellement dans
des fautes graves, car alors la contrition et
b bon propos sont bien suspects. Il faut
aussi le craindre en ceux qui sont fort tiè-
des, qui, habitués à ne point s'inquiéter des
fautes vénielles, tombent facilement, et sans
s'en douter, dans les fautes mortelles, et quel-
quefois pendant l'acte même de la célébra-
tion. Enfin il faut le craindre dans les
imparfaits, qui, en ne s'appliquent pas à
faire des progrès, s'exposent peu k peu à
tomber dans rabtmé, car si une communion
bien faite sufiit pour rendre une Ame fort
parfaite, que faut-il penser do tant de
communions, de tant de célébrations, avec
peu ou point de progrès?
CÉLIBAT. — Le célibat est l'état de ceux
qui ont renoncé au mariage |>ar motif de
religion ; c'est une des conditions inhérentes
à la vie ascétique.
L'histoire du célibat, considéré en lui-
même, l'idée qu'en ont eue les peuples
anciens, les lois qui ont été faites pour
l'abolir, les inconvénients qui peuvent eh
résulter dans les circonstances où nous ne
sommes point, sont des spéculations étran-
gères è l'objet de la théologie mystique.
Nous devons nous borner à examiner si
l'Eglise chrétienne a eu de bonnes raisons ôy
assujettir ses ministres, et d'en autoriser le
vœu dans l'état monastique, si les préten-
dus avantages qui résulteraient du mariage
des prêtres et des religieux sont aussi cer-
tains et aussi solides qu'on a voulu le per-.
suader de nos jours*
Béjè les censeurs de cette discipline de
l'Eglise conviennent que le célibat, consi-
déré en lui-même, n'est point illégitime,
lorsqu'il est établi par une autorité divine ;
que Dieu, sans doute, peut témoigner qwe
la pratique de la continence lui est agréable;
or il l'a témoigné en elTet.
Jésus-Christ, après avoir dit : Heureux U$
eœunpurSf parce quHls verront Dieu (Maith,
V, 8), ajoute ailleurs: Il y a de$ eunuques
Jui ont renoncé au mariage^ pour le royaume
e$ dieux; que celui qui peut le concevoir y
fane attention Quiconque aura quitté
$a famille f eonépouief ses enfante ^ $e$ pos^
sessions à cause ae mon nom^ recevra le cen^-
tùplcy et aura la vie éternelle. ( Matth* xix,
12, 2d. ) Si celui qui vient ù moi n*eit poi
385
CEL
dictionmahœ
CEL
SI
di$po$éà if^iêttf f <m pére^ éa mèn^itm épouêê,
ses enf(wt$t $ti firèrM, in $muT€^ napropt «»»
i7 ne ppii être mvndiseipU. (Luc. xiv^ 26. )
Tel e9t» en ^flbl, la sacrifice que les tpAtres
ont été objigfésilelaire; oailssofitderBeurés
d«ns le eéii£9l, ou ils ont toui quitté pour
^e livrer à i« pfédication de l*Bvaiigile et
AUi |ra?iua de rapoaiolat. Cependant cer^
tains Qritiquea ont afDrrué avec une entiàre
(K^Ofiançe que Jésas-Christ u*a imposé à per-
sonne roblîgation de la continence^ pas
Qiânia auK ipAtrea. ( BAaBBnuc, Traiii de
l0 morale dm Piree^ cb. 8, { 4 el suivants. )
Saim Paul dit aui fidèles : Ce n\H point
m ardre que je voue donne^ nuxU un coneeil:
j> pondrun que vous fussiez taus comme moi ;
piai$ eh^eun reçoU de Dieu le don (fui lui
convint te dis donc A ceux qui sont dans
le célibat ou dtms le neuvage. yuil leur est
^0% d'y demeurer comme moi. S'ils ne peuM)ent
garder (a eontinenee^ qu*ils se marient ; cela
vaut mieux ma de brûler d'un feu impur.
.( / Cor^ yii» 6. ) II avait commenoe par pa&er
pour maxime qu'il est bon à Chomme de no
pas toucher une femme. (/6td., 1, ) Poor dé-
tourner le sens de ce passage, les protes*-
tants disent que saint Paul parlait ainsi, à
cause des perséoutiona, et non pour tous
les temps ; mais le texte mémo réfute cette
explication. La raison que donne saint Paol,
est que celui qui est marié est occupé des
choses de ce monde et du soin de plaire à son
épouse ; au lieu que celui oui vit dans le céli-
bat n'a d'autre soin fua de servir Dieu et de
lui plaire. {Ibid., 33.) Cette raison est cer-
tainement pour tous les temps. Il exhorte
Timothée à se conserver chaste. (/ Jtm, r,
32. ) Entre les qualités d*un évéque» il de-
mande quil n'ait eu qu'une femme et qu'il
foit continent. ( TU. i^ & ) Par continence,
laruais saint Paul n*a entendu l'usage mo^
déré du mariage, mais rabstinenoe absolue;
cela est clair par le premier passage que
pous venons de citer.
Mosheim convient, que dès Torigine du
clu*iatianisme, les paroles de Jésus-Christ et
celles de saint Paul ont été prises à la let-
tre, et que c'est ce qui a inspiré aux pr^
miers Chrétiens tant d*cistiroe pour le céli-
iiat ,. il le prouve par des passages d'Athéna-
gore et de Tertulllen. ( Hist. dkrist. sect 8,
§35, note 1.)
Saint Jean représente devant le trône de
Dieu, une foule de bienheureux plus élevés
eu gtoire que les autres: Fot7â, dit-il, ceux
qui ne sesoni point souillés avec lu femmes;
ils sQuA VMryes, Us suivent rianeau partout
où il fpo; ce êont les prémices de eeux qu'il a
rachetés à Dieu parmi les hommes {Apoc.
uv, 4 >;: al l'Quese encore décider que l'E-
criture a'attache aucuoft idée de sainteté ou
de nerfeciioa à la conàiofloce. ( ftAusTHÀC,
Uid».)>
VaiMoieat quelques, incrédule» ont con»-
cliiiia laquelle ckfistianismt avili! le ma-
riage, et eft détoUMii» las. hommes ;. au coo-
ttave, e'eaè Jésu^Chnàl qui lui a rendu sa
saintelé et sa dignité primitives. Les apô-
tres um coadamné les héritiiues , qui le
regardaient comme un état impur r mais iis
nous. représentent la corilinence comme un
état plus parfait, par conséquent comme
1>lus convenable aux ministres du Seigneur.'
h\ état moins parfiiit qu'un autre n*est pas
pour cela criminel ou impur.
Los mêmes critiques avooerU, en secûDd
lieu, que tous les peuples anciens ont atta-
ché une idée de perfection à Téuit de conti-
nence, et ont jugé que cet état convenail
surtout aux Jiommes consacrés au culte de
In Divinité. Juifs, Egyptiens^ Perses, In-
diens, Grecs, Thraces, Romaiiis^ Gaulois,
Péruviens, pliilosophes, disciples de Pytlia-
gore et de Platon, Cicéron et Soerate, loiu
ae sont accordés sur ce point. On sait Tex*
cèades prérogatives que les ttomains aYnieol
accordées aux vestales. 11 n'est donc pu
étonnant que les fondateurs du christia-
nisme aient reciiGé et consacré cette mémo
idée. Malgré la haute sagesse dont se flat-
tent nos politiques modernes, nous jh^su-
mona que l'opinion des anciens pouvait itre
mieux fondée que la leur.
En troisième lieu , ils conviennent que
l'esprit et le v<bu de TEçlise ont toujours
été, que ses principaux ministres vécussent
dans la continence, et qu'elle a toujours
travaillé à en établir la loi. En effet, le cou-
oile de Néooésarée, tenu «n 315, dii aos
avant celui de Nicée, ordonne de déposer
un prêtre qui se serait marié après son or^
dinalion. Celui d'Ancyre, deux ans aupara-
vant, n'avait permis le mariage qu'aux dia*
ères qui avaient protesté contre l'obligatioD
du célibat en recevant l'ordination.
Le 26* canon des apôtres ne permettait
Ju'aux lecteurs et aux chantres ue prendre
es é(K>uses. Selon Socrate (I. t« c. 11 ), et
Sbzomène (1. i, c. 23), c'était l'ancienna
tradition de TBglise, à laquelle le concile de
Nicée trouva bon de se fixer, et qui est en-
core observée aujourd'hui dans les diffé-
rentes sectes orientales.
Nous concevons que ces conciles D'obli«
gèrent point les évéques , les prêtres ni les
diacres à quitter les épouses qu'ils avaient
prises avant d'être ordonnés, mais ou ne
peut montrer par aucun exemiple qu'il leur
sit jamais été permis de se maner après
leur ordination^ ni dfi vivre con)UgalemeDt
avec tes femmes qu'ils avaient épousées au-
paravant. Saint Jérôme ( Adv. figitanti.^ [v
S81), et saint Bpiphane ( bœr. S9, n* I ) at-
testent que les canons le défendaient.
Nos adversaires sont-ils en état de prou-
.ver que saint Jérôme et saint Spiphane os
ont imposé? Dodwel (Dissert, qtprian.n 3>
a* 15) cite l'exemple de plusieurs ecclésias-
tiques qui vivaient avee* leurs épeases
eomme avec leurs sœurs. Eusèbe (M. iDt-
monst. evang.^ c. 9) en donne pour raisoo
qm les prêtres de la loi nouvtfle sont en-
tièrement occupés du service de Dieu et
du soin di'élever une faodlle spirituelle.
En Occident Ift loi du célibat est plus an-
cienne ; elle se trouve dans le trente-trot-
siëme canon du concile d'Elvire, que "on
croit avoir été tenu l'an 300. Elle fat cou*
sss
CEL
D'ASCETISME.
CEL
flrmëe par le Pape Sirice Tan 385, par Inno*
veni 1*' l'aD hOk^ par le coneile de Tolède
Yèù iOOy par ceux de Carthage, d'Orange^
dArleSt de Tours» d'A9de,d*0rléaDSy etc*, et
par les capitulaires de nos rois.
Celle loi n*est qae de discipline; qu'im-»
Tiorte? elle est fondée sur les maximes de
Jésus-CbrisI el des apôtres» sur le vœu de
relise prîmiliTe» sur la sainteté des de*
Tuirs d'un ecci<^siaslic|ue» sur. dos raisons
néme d*une sage politique ; nous le verrons
diDs un moment. Que faut*il de plus pour
U rendre ioriolable?
Les devoirs d*un ecclésiastiçiue» surtout
d'un pasteur, oe se bornent oointè la prière
et au eulte des autels; il doit administrer
les sacrements» surtout la pénitence* ior*
s Iruire par ses discours et par ses exemples,
léiifiter les malades. Il est le père des pau-*
1res» des veuves» des orphelins» des en-«
faots abandonnés; sou troupeau est sa &«•
mille; il est le distributeur des aum6nes#
rKlmiQÎstra tour des établissements de cha*-^
riié) la ressource de tous les malheureux.
iialte multitude de fonctions pénibles et dif*
Iwùles est ittconipatitde avec les soins» les
embarras, les ennuis de l'état du mariage.
Cn prêtre qui y serait engagé» ne pourrait
phift se concilier le degre^ de respect et de
(ftn&iBee nécessaire au succès de son mi-*
Bisièfe; nous en sommes convaincus par la
(tNkltijie des Grecs envers leurs papas ma-*
Tiés, et des protestants envers leurs mi-»
sistres.
I/Sglise ne force personne à entrer dans
les ordres sacrés ^ au coRtrairCy elle exiger
des épreuves^ et prend toutes les* précau^
tiens possiblea pour s'assurer de la voea-»
lioB et de la vertu de ceux qui y aspirent 9
^«n qui s'jT engagent le font par choix et
de leurpleiB gré» à un Age auquel tout
bonne est eensé connattre 9ts forces et son
tempérament» longatemua après l'époque à
hqoelle il eei habile a contracter le uia^
rii^e. S'il y a de fausses vocations^ ellea
vieDotnt de tai cupidité et de ranibilion de»
>^liers,,et non de le discipline eeolésias-*
U'iue^
Aqai la eoolineDee est«elle pénible? A
ceui qui n'ont pas toujours été chastes, à
€eai qu*inf&cte? la dépravation acIudM
des BUBurs pabliques» Il faut retitmotan* la»
cause, et la vertu rentrer» daas tous ses
^ts. Lorsqu'il arrive des soindalesi. ils ne
vienaent pas de la part des ouvriers acoa*'
Ms du poids des fonctions' eceléstastiques^
nais de eaux que l'intérêt iait. enirer dane
'Eaiise malgré elle.
Oa nous oppose l'intérêt politique de. le
soeiétéi. les avantages qui résulteraient dt»
triage dee clercs» surtout l'aocfoisseounl
delà population.. Cet te discussion ne devieifr
pas oeus rag9fder;.il UnU eapendast y aa«
liibirei
l' U est< fiax^ toute» chosee égales c^ail^
jeun» que la- poputattoe soit plus nom^
muse dans les pays où le célibat est pros*
ant. L'Italie^ aulgré le nomtire des ecolé-
«iastiqoes.et des oioines, est plus peuple
mi'elle ne Tétatt sous le goov'emement des
Komaiiis; on peut le prouver» non-s«ule<^
ment par un passage de saint Ambroise qui
rassurait déj^L de son temps» mais par Pline
le Naturaliste, qui avouait que sans les es-
pèces de prisons qui renfermaient les
esclavesy une partie de Pltalie aurait été
déserte; s'il y a donc encore aujourd'hui
des parties dépeuplées, elles le sont par la
tyrannie des gouvernements» et non par
1 hnfluence du célibat relixieux^ Lorsque la
Suède était catholiqife, elle était p(us peu-
plée qu'elle n'est depuis qu'eMe est devenue
f>rotestante. Les cantons catholiques de TAI-
emagne ont autant d'habitants» k propor-
tion, que les pays protestants. Il en est de
même des cantons de la Suisse et de l'Ir-
lande en comparaison de l'Angleterre. On
prétend que la France était plus peuplée il
y a oeux siècles qu'elle n'était avant 93;
nous n en croyons rien ; cependant il y avait
alors un plus ^rand nombre d'eociéstasti-
gués et de religieux qu'il n'y en a de nos
^our&
S* Il est absurde d'altribizer te mal k une
cause innocente»» lorsqu'il y en a d'autres
3ui sont odieuses» et sur lesquelles il fau-
rail frapper. Dans les grandes villes ou
compte plus de célibataires voluptueet et
libertins que de prêtres et de moines, et lé
nombre des prosHteées excède de beaucoup
celui des religieuses : fiiut-il' épargner le
vice f)our bai<nir la verictt Danites campa^
gnes» le défaut de subsistance éloigne d\i
mariage les deux setesf^ ce n*esr pas au
eélibol dés prêtres que l'on^ doit s'en pren^
dre.
Lehixre qui rend l^s mariages reines x,
la corruption des moEurs qer y pdfi^ I a^
mertume el rignomtniis, (d fastey l'oisiveré,
les prétentions des fe^mmes» le préjugé de
naissance qui Ihît éviter des aMianoes iàé^
gales, le multitude des deinesllc^es et des
artisans dont la: subsis^nce est im^rtainé^
le libertinage des eniïnts mt fair Miouier
la paternité, l'irréUgioiir et Végplsme eeî ne
veuient souffrir auouir joug; etci v fùim les
désordres* qui» de tout- temna^ ont dépmrplé
l'univers^ contre lesquels il ftiut séfk^'tfMaiH
de touchera ce que! Ir relMea a sagemetit
établi.
» LeapoUtiqeesqutse^smt éltmM^ohtt^
le mariage des soldats» onr dit q^é Vém
serait surcharaé des teMmev des enllÉhB
qu'ils laisseraient dans la mi^^ére i il le' seMit
encore davantage par les veuves ei l^ en^
fànts' des. ecclésiastiques;
il y aurait bien d'autres rénevions il fMrt
sur les dissertations politiques Qe9 délrhc^
teiirsdtt oélibali mais nous y répondrons
bientôt.
Un tbëèlogien anglalsv nommé Werthon»
,ui a: traité cette q[ueiitioâia voulu pr<>uver»
* que le célibat: du eterj^é n'a' été* institué
ni par Maus-Ghrist» m paV' \ei apOtres;
B* qu'il n'Urien d'dx»e)lent en^ so^ et ne
Eocureaucnri wantage k^rBgKs^ ni k la re^
jion chrétienne; 3* que le iDi qui rimiiosa
au clergé est injuste^ et cotftns ire* b lar loi fia
i
sn
CEL
DIGTIONNAIRE
GEL
3j»
Dieu ; h" qu'il n'a jamais élé prescrit ni pra-
liqué uDiverseilement dans l'ancienne
Eglise. Voilà de grandes prétentions ; Tau-
teur les a-t-il bien établies?
Sur le premier chef, nous arons cité les
paroles de Jésus-Christ et celles des apô-
tres, qui prouvent Testime qu'ils ont faite
de la continence, la préférence au'ils lui
ont donnée sur Tétat du mariage, la dispo-
sit4on dans laquelle doit être un ministre
de TEvangile, de renoncer h tout pour se
livrer entièrement à ses fonctions. Ils
D*ont pas prescrit le célibat par une loi ex-
presse et formelle, parce qu'elle n'aurait
pas été praticable alors. Pour les ^onctions
apostoliques, il fallait des hommes d'un
âge mûr: il s'en trouvait très-peu qui ne
fussent mariés. Hais ils ont suffisamment
témoigné que, toutes choses égales d'ail-
leurs, des célibataires seraient préférables.
11 est plus aisé de renoncer au mariage que
de quitter son épouse et une famille, comme
Jésus-Christ l'exige. L'Eglise l'a compris, et
s'est conformée aux intentions de son divin
maître dès qu'elle a pu le faire.
Warthon dit que le célibat du clergé tire
son origine du zèle immodéré pour la virgi-
nité qui régnait dans l'ancienne Eglise; que
cette estime n'était ni raisonnable, ni uoi-
Terselle, ni juste, ni sensée. Cependant elle
était fondée sur les leçons de Jésus-Christ
et des apôtres; c'est la prétention des pro-
testants contre la virgiuité et le célibat qui
n'est ni raisonnable ni sensée : elle vient
d'un fond de corruption et d'épicuréisme,
qui est l'opposé du christianisme. (Foy. Via-
eiNiri.)
n entreprend de prouver par saint Clé-
ment d'Alexandrie, que plusieurs apôtres
ont été mariés. Ce Père, disputant contre
les hérétiques qui condamnaient le mariage,
dit : « Condamneront-ils les apôtres? Pierre
et Philippe ont eu des enfants, et ce der-
nier a marié ses filles. Paul, dans une de
sts EpUreif ne fait point difficulté de parler
de son épouse; il ne la menait pas avec lui,
parce qu il n'avait pas besoin de beaucoup
de services; il dit dans cette lettre : lfavan$'
nouM pa$ le pouvoir de mener avec noue une
femme j notre iesur, comme font les auireê apô-
êre$? Mais comme ils donnaient toute
leur attention à la prédication, ministère
qui ne . veut point de distraction, ils me-
naient ces femmes, non comme leun époueeêf
mais comme leurs sodurs, afin qu'elles pus-
sent entrer sans reproche et sans mauvais
soupçon dans l'appartement des femmes, et
Jr porter la doctrine du Seigneur. » (Strom.^
. m, c. 6, p. 535, édil. dePotter.) Warthon a
supprimé ces dernières paroles, et a tronqué
la moitié du passage.
Nous avons prouvé par saint Paul lui-
même qu'il n'était pas marié. Le Philippe
qui avait deux filles était l'un des sept
diacres, et non l'apôtre saint Philippe. Ces
deux méprises de saint. Clément d'Alexan-
drie ont été remarquées par les anciens et
par les modernes. {Yoy. les notes des criti-
ques sur cet endroit des Stromateê et sur
Eusèbe, Hi$i. eccle'e.t liv. m, c.90et31.)|i
résulte du passage même de saint Clément
d'Alexandrie, c|4ie les apôtres ne vivaient
point copjugalement avec ces prétendues
épouses. Saint Pierre est donc le seul dont
le mariage soit incontestable, mais il l'avait
contracté avant sa vocation à l'apostolat, e(
il dit lui-même h Jésus-Christ : fioui avoni
iout quitté pour vous suivre. (Matik,
XIX, 37.)
Au m* siècle, on était si'persuadé que les
apôtres n'avaient pas été mariés, que la
secte des apostoliques renonçait au mariage-
afin d'imiter les apôtres.
Sur le second chef, ce n'est pas assez de
prouver, comme fait Warthon, que Tusage
chrétien du mariage n'a rien en soi d'impur
ni d'indécent, c'est la doctrine formelle de
saint Paul ; il faut encore démontrer, contre
l'Evangile et contre saint Paul lui-même,
que la continence n'est pas an état plus
parfait et plus agréable k Dieu, lorsqu'on y
demeure afin de mieux servir Dieu. Elle
renferme en soi le mérite de dompter une
passion très-impérieuse; et si le nom de
vertUf synonyme de celui de farce, signifie
quelque chose, la continence est certaine-
ment une Tertu.
Le livre de VExode (xix, 15) et saint Paul
(/ Cor. vu, 5) attachent une idée de sainteté
et de mérite k la eontinence passagère;
comment celle qui dure toujours peut-elle
être moins louable ?
Le célibat des ecclésiastiques procure k
l'Eglise et k la religion chrétienne un avan-
tage très-réel, qui est d'avoir des ministres
uniquement livrés aux fonctions saintes de
leur état et aux devoirs de charité, des mi-
nistres aussi libres que les apôtres, toujours
prêts à porter comme eux la lumière de TE*
vangile aux extrémités du monde. Les eo-
gages dans l'état du mariage ne se consa-
crent point à servir les malades, k secourir
les pauvres, k élever et k instruire les en-
fants, etc. Il en est de même des femmes:
cette gloire est réservée aux célibataires de
TEglise catholique. Il n'est pas étonnantque
les protestants, après avoir retranché le
saint sacrifice, cinq des sacrements, l'ofGce
divin de tous les jours, etc., aient trouvé
bon d'avoir des ministres mariés ; on sait
comment ils ont réussi k en faire des mis-
sionnaires et des saints.
Sur le troisième, chef, Warthon n'a pas
Erouvé, selon sa promesse, que la loi du cé-
batirnoosée aux clercs est injuste et con-
traire k la loi de Dieu. Elle pourrait paraître
injuste, si l'Eglise forçait quelqu'un, comme
elle l'a fait autrefois, k entrer aans le clergé,
et k se chaîner du saint ministère. Lorsqu'un
homme marié avait d'ailleurs toutes les lu-
mières, les talents et les vertus nécessaires
pour être un e;LceUent pasteur, l'Eglise, en
fui faisant une espèce de violence pour se
J'attacher, né croyait point devoir pousser ta
rigueur jusqù'k réiôigher de son épADse;
cette, femme aurait eu droit d'alt^er Is
sentence de Jésust-ChVist : Qut fkomme ne
sépare point ce que Dieu a uni (JÊattk* içrx, 6J.
z»
CKL
D*ASCETl$liE.
CEL
W»
Pendant les perséculions des trois pre-
miers siècles les nrAtres étaient les priiici-
l».iux objets de la haine des païens; ils
étaient forcés de prendre des précautions
l»our ne pas être connus, et de rifre à rex*
térieor comme les laïques : il n'y aurait donc
l>as eu 'de prudence à leur imposer pour
lors extérieurementla loi du célibat, ou klaf
obliger d'abandonner leurs épouses.
Mais on ne peut pas citer un seul exemple
d*éTé<|ues ni ^e prêtres, qui, après leur or-
dination, aient continué a ? i?re conjugale-
ment aTec leurs épouses, et en aient eu des
enfants. Les protestants ont Tainement fouillé
dans tous les monuments de Tanliquité pour
eo tronrer; celui de Syoésius, dont ils
triomphent, proufe contre eux. Ce saint
p€^rsoDnage, pour éfiter Tépiscopat, protes-
tait qa*il ne foulait quitter, ui son épouse,
ui ses opinions philosophiques; on ne laissa
pas de rordonner. « Je ne Yeux, disait-il, ni
■ me séparer de mon épouse, ni l'aller voir en
€ secret» et déshonorer un amour légitime
« par des manières qui ne conviennent qu*à
€ des adultères. » Ce bit même prouve que
les évèques ne vivaient plus conjugalement
aTec leurs épouses après leur ordination
(Btacsb, HisL eeclés.9 lib. i, c. 15). Beau-
sobre, qui a senti cette conséonence, dit
que c'était une discipline particulière au dio-
cèse d'Alexandrie; mais oit en est la preuve?
Sur le quatrième chef allégué par Warthon,
il oe sert à rien de citer un grand nombre
d'érêques mariés et qui avaient des en-
fants, à moins que Ton ne Cisse voir qu'ils
les avaient eus depuis leur éniscopat, et non
auparavant. Voilé ce dont les ennemis du
célibat ecclésiastique ne fournissent encore
aocone preuve. Socrate (liv. i, c. 11) et So-
loiDèoe niv. I, c. 9k) rapportent qu'au con-.
cite général de Nicee, les évêques étaient
d'aria de défendre, par une loi expresse, aux
érêques, aux prêtres et aux diacres, qui s'é-
taient mariés avant leur ordination, d'habi-
ter eonjogalemeat avec leurs femmes ; que
rérêqne Apbnuce, quoique célibataire lui-
même et d'une chasteté reconnue, s'y op-
posa ; qu'il insista sur la sainleté du ma-
riage, sor la rigueur de la loi proposée, et
sur les inconvéniebts qui en résulteraient ;
que, sur ses représenutions, les Pères du
concile jugèrent qu'il fallait s'en tenir à l'an-
ciemie tradition de l*Bglise, selon laquelle
il était défendu aux évêques, aux prêtres et
aux diacres, de se maner, dès qu'une fois
ils araient été ordonnés.
Four comprendre la sagesse des réflexions
de Paphnnce et de la conduite du concile de
Rtcée, il laut savoir aue, pendant les trois
premiers siècles de l'Eglise, il y avait eu
plusieurs sectes d'hérétiques qui avaient
condamné le mariage et la procréation des
enfants comme un crime. Outre ceux dont
Crie saint Paul (/ Jtm. iv, 3), les docètes,
I marcionites, les encratites, lés mani-
chéens, étaient de ce nombre. Sous l'empiré
deGallîen, mort l'an S68, plusieurs évêques
forent misa mort comme manichéens, parce
que Ton supposa qu'ils gardaient le célibat
par le même principe que ct^s h<'réliqiies
( Rb?iaddot , bisi. Pairiareh. Aiejran^, ,
p. VI). Si la loi proposée au concile de Nii'é«)
avait eu lieu, elle aurait paru lavoriser e<^
sectaires, et ils n'auraient pas manqué Ua
s'en prévaloir; Paphnuce avait donc raison
d'insister sur la sainteté du mariage et sur
l'innocence du commerce coorjugal, et les
évêques n'eurent pas lort d'y avoir ^rd
dans ces circonstances; c'est pour cela que le
43' canon des apôtres condamne les ccclésias*
tiques qui s'abstiennent du mariage, en haine
de la création.
Malgré ces fiiits,. Beausobre affirme que
les Pères de l'Eglise avaient puisé Irtur
estime pour le célibat dans les erreurs
des docètes, des encratites, des marcio-
nites et des manichéens; mais, par une
contradiction grossière, ii avoue que plu-
sieurs Chrétiens donnèrent dans ce fana-
tisme dès le commencement, par conséquent
avaut la naissance des hérésies dont nous
parlons ÇBist. du manich.f liv. ii, c. 6, ^ 2
et 7); preuve certaine qu'ils avaient puisé
ce prétendu fanatisme dans les levons ne Jé-
sus-Christ et des apôtres. En eSét, Beanso-
bre avoue encore ailleurs qu'il venait de la
fàîMsse idée du bien et du mieux, dont saint
Paul a parlé (i Car,^ vu, 8» 9; i, 7; iv,
12). Mosheim, plus judicieux, lait le même
aveu {Hisi. ekrisi.^ s»c. u, S M* note); il
Srouve la réalité du lait par le témoignage
'Atbéoagore et de Tertuliien; il n'a pas osé
blâmer cette estime |iOur le célibat, aussi
ancienne que le christianisme.
Ces mêmes faits prouvent que les Pères de
Nicée attachaient une idée de perfection et
de sainteté au célitMt ecclésiastique et reli-
gieux ; qu'ils le regardaient comme l'état le
plus convenable aux ministres des autels;
qu'ils auraient désiré |K>uvoir y assujettir
dès lors le clergé. Eu eOet, les inconvénients
^ui suivaient du mariage des ecclésiastiques
tirent bientôt sentir la nécessité d'en venir
Ik, ou de prendre di'S moines, obligés par
VŒU k la continence, pour les élever k l'é-
piscopat et au sacerdoce; et si cette Un
n'existait pas déjà, un serait bientôt forcé
de l'établir ; sans cela l'on verrait renaîtra
les mêmes désordresqui arrivèrent au n* siè-
cle et dans les suivants, lorsque les grands
s'emparèrent dés étêchés, des atibayes et des
cures ; eo firent le patrimoine de leurs en-
tànis ; déshonorèrent relise par les. vices
des intrus, et anéantirent enfin le clergé se*,
culier par leurs rapines.
S'il était vrai, comme le prétendent nos
adversaires, que la loi du célibat fût iiynsta
en elle-même, et contraire à la loi de Dieu,
il ne serait pas moins ii^uste d'empêcher les
clercs de se marier après leur ordination
qu'auparavant. Cependant nous voyons, par
tous les monuments ecclésiastiques, que ni
dans l'Orient, ni dans l'Occident, on ne leor
a jamais laissé cette lit>erté. Quel avantage
des censeurs imprudents peuventils donc
tirer de l'ancienne discipline, et de la pru-
dence avec laquelle se conduisirent les Pè-
res de Nicée? Eosèbei qui avait assisté k cf
501
GEL
DICTIONNAIRB
GSL
o93
concite, dit qtiâ les prêtfe^de Tan^refme Loi
TivAientdanâ Pélaldu matiage, et désiraient
avoir des enfanta, au lieu que leS prôtres
de la Loi Nouvelle s'en absticfAaent,' parce
qu'ils $ont entièrement oeeupés à servir Dieu
et à élever une famille Spirituelle {DimàiUst.
éwingéliqut^ iiv. h C 9).
Aussi la loi du célibat poui^ le^ évèqués^,
les prêtrfS et les diacres, après leur ordina^
tion, a continué d'A(#e observée par lea jff-
cobites et par les nestoriens, après leur
schisme. Elle fut interrompue chez ees^ der-
niers Tan 485 el en 496. (Assémani, Biblioik.
orteniale^ iotù* IV, c. 14, p. 857).
En 1549, le parlement d'Angleterre, quoi-
que réformateur, fut plus raisonnable que
les écrivains moderues de cette nation. Dans
la loi même qu'il porta pour permettre le
mariage aux ecclésiastiques, il dit : « Qu*it
eonvenait mieux aux prêtres et aux ministres
de TEglise de vivre cnastes et sans mariage,
rt qu*il serait h souhaiter qu'ils voulussent
d'eux-mêmes s'abstenir de cet engagement. »
(D* Ku^fB, ffisiùire de la maison de TudoTf
tom. III, p. 204.)
Un auieur, dan» une brochure intitulée :
Les inûonténieniê du célibat des prêtres^ a
rassemblé tous les sophismes, les reproches,
lois impèstwea det^ protestants sur ce sujet-;
il n'y a rien ajouté que quelques passages
qu'il a faisifiés, d'autres qu'il a forgés, en
citant des auteurs inconnus, et quelques
G' rases impiidiques, copiées dans nos phi«-
ophes épleurieïis; nous ne relèverons de
cet ouvrage qoé les endroits les plus ab<-
sufdés.
L'aotetfr (r« pii'tie, c. 2) prétend que le
célibat peut nFUire K la santé et abréger la
vief; il exagère l'extrême difBcUlté de garder
laMntiireoce. Si cette fertu est si pienible
el ai meurtrière, il est dé Thumanité de nos
oenseurs de permettre l'adultère aux per^-
•OHMS mariées, qui se trouvent séparée^
pour longtemps, ou dont l'une est tombée
dans- un état d'infirmité qui lui rend la: vie
etffijilgifle impossible. Ilfaudraii encore per-
BfetH*0 la fornication aux particuliers des
i^fii aèxes qui ne peuvent pas trourer à se
marier, maljÇré lé désir qu'ils ènont; T a-til
mmWÊ de vietllardd parmi les céKbataire^
mslésiasliquea ou reltgieoit, eiuer pérôri leè
gcfni maries?
Selon lui^ l§ ôéKbat e^t* un signe èértaiâ
cte la déeadentsé et de la corruption de^
mœurs; S'il emerrU parfei' du célibat volup^
tueux et libertin des laïques, nous pensons
oomriiafuit'mtfi^est'^fl en étcft de prouver
qoe tea iiitBU¥#s<^nt plùî^pùrësidan^ les lleui
oit le olerg« dr'ôbàerve point le célibat T
Qéond ri a dit i MmipKtt léà frtàtiagéÉ\' et
hs' mamrs* émiènd¥énê Hàemaréi; il déVtfit
clianger ia>pbnig|^ët diM : PUrifiéif lesfMum
H lt9 mofia^ itnvuUipH^Mîi sans* qu'il
ioil besoiii à» êhaï^érrétAt des' eedëèié^ti^
ifues ni dea i^ligtenr (& 9 èl 4)i i
A l'éxempl0< deis pH>të*Uint»/ il Miitiittft
(chj 8) qiÊ^ Ii9s pahMea d^Dieii^ adressées à
lios prieliriers pàrentsr : Crdbléji^, iMMpKéi\
ptupU% laterrSf rdttfei^i^ât uAë loi; Cepêb^
dant le texte dépose que c*est une bénédic-
tion et non une loi. Ouand c'en eût été une
Iiour les premiers hommes, elle n'a plus
iéu depuis que le monde est peuplé. Sou-
liendra-t-onr que tout homme qui ne se ma-
rie pas pèche contre la loi de Dieu? On dit
que si lecélibat devenait général, le genre
Dumain périrait. Nous répondons que si le
mariage était général, la terre ne ponrraft
plus nourrir ses habitants : la population ne
coYisiste pas seulement à mettre des hommes
âU' monde, mais à les faire subsister.
Dans la n* partie, ch. 2, notre grand cri-
tique prétend que le célibat, lom d*êlre
loué ou recommandé dans l'Evangile, y est
formellement condamné par ces mots iQut
VhomMe nt sépare point ce que Dieu a uni;
saint Clément d'Alexandrie, dit-il, Fa ainsi
entendu fS/romo/., Ht. m, p. 544}.C*esluDe
citation fausse. Saint Clément prouve seule-
ment, par ces paroles, que le mariage n'est
point un état criminel, comme l'entendaleat
certains hérétiques. Mais autre chose est
de vouloii^ séparer ceux que Dieu a unis
Ear le mariage, et autre chose de trourer
on que oeul qui ne sont pas mariés con-
tinuent ft virre ainsi, lorsque cela peut être
lïtile pour eui et pour les autres; saiot
Paul lui-même a fait cette distinction.
Après avoir censuré tous les commenta-
teurs de l'Etangile, ce même écrivain s*é-
rige en interprète des paroles du Sauveur
(ilfarfA. X, 12) : Il y a dés eunuques qui ont
renoncé au mariage pouf le royaume da
cieust : que àèlui qui peut le eonee^oit Hatu
aiteiition. « Si ces paroles^. dit-Il, signifient
qnc cette sentence est obscure^ elles ne
prouvent rienj si cela veut dire qu'il &ut une
grâces l^artîculréfre pour pratiquer cette
maxime', ce ne peut pas être lîne loi; le
sens le plus naturel de ce passage est que
ceux (^î sé' trouvent séparés par un di-
vorce, feront fort bied: de s'db^eliir d'un
siecond mariage. »
• Cette découverte n'est pas henfèuse. Une
preuve que la m«[xime du Sauveur n'e^t pas
obscùre,r c'est que tout le monde renlend
très-bien, à rexcepliorf des anri-è(^liba!airej
qui fofit lai sourde oreille. JéSii^ChriSt fait
entendre qu'il faut une grflce et utte voca-
tion particulières pourbieh entendre ce qu'il
dit, par conséquent, té n'est pas une loi
poti^ tous, mais pour ceux^à qui Dieu donne
cette grJce et Cette* vocation. Mais', après
que le Sauveur a déclaré foi'mellement que
ceux qui se remarriënt dprès un divorce^
ôommettent un adultère, il est absurde de
lui faire dit^e sin^plement que ceut qui ool
fait diyorce feront ttês-bien de ne pas se
marier. Il est d'ailleurs' évident (}ue ceut
qui- arai^ renoncé ad' mariage pour li
royaume de$ cieusé étaient iean-6i(ptiste et
les' apôtres, puisque ceux-ci disiâieût h leur
làattrëf : Seigneu^, ntnh at^ong" toUt quiUf
poùt voUè mhtnre:
• Le pa^slègé'dè saint Paul [ICot.^ vu) est
élaik* r 71 «rT bon à Vhatàmê. dit -il, de m
pas^ rMdIeH tirii^ fèmmél.. Je Mite que roui
s&yM toké tdmum mtrt ; fhaii éhatm d ftç^
CEL
D^ASCETISME.
CEL
SM
de Diem mm don parhcuiier^ Fun d'une ma-
nière^ Foutre d^une autre. Mais je dis à ceux
qui sont dans le célibat ou dans le veuvage^
quii leur est bon de demeurer en cet état
comune moi. Que sUls ne sont pas continents^
qu'ils se marient. Il est mieux de se marier
que de irûier d'un feu impur. Notre censeur,
ûJèle écolier des protestants, dit, c. 3, que
Mînt Paul parle ainsi à caus« des persécu-
tiftns; faux commentaire.: TApAlre ajoute :
quit donne ce conseil^ parce que ceux qui ne
sont pas mariés s'occupent du sertice de Dieu
et du soin de lui plaire j au lieu que ceux qui
te sont s*occwent des affaires du monde
(/Car.Tii,32). Ensuite, noire critique prétend
que saint Paul parle seulement des Teufs,
et les exhorte à ne pas passer à de secondes
noces. Nouvelle satisfaction ; TApôtre s'ex-
plique clairement : Je dis aux veuls et à
ceux qui ne sont pas mariés : Dico autem
stan nuptis et viduts^ )• 8; il parle même
des Tier^ {f 25). 11 dit que celui qui marie
sa fille &i bien, et que celui qui ne la ma-
rie pas fait mieux {j 98). Si c était une loi
el on devoir de se maner, comme nos ad*
Tersaires le soutiennent, de quel front saint
Paal aurait-il pu y donner atteinte d*uoe
manière aussi formelle.
Maïs nous avons affaire à des oisputeurs
fertiles en ressources ; saint Paul, disenl-
its, était marié, ou du moins l'avait été :
c'est le sentiment de saint Ignace, dans son
EpUreaux Pkiladelpkiens; de saint Clément
d'Alexandrie (Stromates^ liv. ui, cb. 6,
p. 533); d'Ori^ène ( in Epist. ad Rom.^ 1. 1,
o.' 1) ; de saint Basile (De abdic. serm.) ;
d*Busèbe {Hist. ecclés.^ liv. m, ch. 30), et de
plusieurs autres Pères. Saint Paul lui-même
le témoigne assez dans sa Lettre aux Php^
lippiens T\. ir, 3 ). Donc il a voulu seule-
menl détourner les fidèles des secondes
noces, et encore ce conseil est-il contraire
à celui qu'il donne aux jeunes veuves ( I
Tim. t) : Je «mx, dit-il, quelles se ma--
Si nos censeurs étaient moins aveugles 7
ils auraient vu que saint Paul , qui, suivant
eux, était veuf lorsqu'il écrivit aux Corin-
thiens, n'a pas pu parler de son épouse
eomme vivante, dans sa lettre aux Pnilip-
piensy qui ne fut écrite que cinq ou six ans
après ; mais la prévention leur Ole la pré-
sence d*e$prit. La plupart des citations qu'ils
nous opposent sont infidèles ; il n'est parlé
du prétendu mariage de saint Paul aue dans
la lettre interpolée ou falsifiée de saint
Ignace aux Pbiladelphiens, et non dans le
texte grec autbentique. Il n'est pas vrai
qu'Ortgène soit de ce sentiment; il dit que,
selon Topinion de quelques-uns, saint Paul
était marié lorsqu'il fut appelé à l'apostolat;
que, suivant d'autres, il ue l'était pas. Nous
n^avons rien trouvé daus saint Basile de ce
qu'on lui attribue ; saint Clément d'Alexan-
drie est le seul des Pèrrs qui ait cru le ma-
riage de saint Paul. Eusèbe, h la vérité, cite
ce qu'a dit saint Clément, mais il n'y donne
aucune marque u'approbation ; et cette opi-
DiCTuns. D'AscfrnsMK. I.
nion n'est fondée que sur un passage de
saint Paul mal entendu.
Aussi Tertullien (lib. i Ad uxor , c. 3 ;
lib- De monogam, c. 3, 8) ; saint Hilaire (in
ps. cxxTii) ; saint Epipbane (hœr.^ 58) ; saint
Arobroise (m Exhortât, ad tirgines); saint
Jérôme (liv. i contra Jotin.^ et Enist. 22 ad
EustochiamYy saint Augustin (L. ae Grat. et
lib. Arb.9 c. k; Lib. de bono conjug.^ c. 10;
lib. I De adult. conjug.^ c. i^ ; Ltb. de opère
monach.^ c. (), affirment unanimement que
saint Paul ne fut jamais marié. L'opinion
l>articulière de saint Clément d'Alexandrie
ne^peut"pas prévaloir sur cette tradition con-
stante.
Il n'y a aucune opposition entre les divers
avis que donne saint Paul ; il veut que les
jeunes veuves se remarient, parce qu'elles
en ont le désir, quia nubere volunt^ et
parce que plusieurs ont manqué à la foi
qu'elles avaient jurée. {ITimoth. v« 11, 12).
Sans doute, il était mieux pour elles de se
remarier que de brûler d'un feu impur (/
Car.Tii,9).
Quant au passage de saint Paul, tiré de
la même Lettre aux Corinthiens (ix, 5), qui
a trompé saint Clément, et sur lequel nos
adversaires insistent, il ne fait aucune dif-
ficulté. tTavons^ous pas, dit l'Apôtre, le
pouvoir de mener avec nous une femme,
comme notre smur, comme font Us autres
apôtres^ et les frères du Seigneur et Céphasf
Saint Clément, disent ces critiques, sous le
nom de femme^ a entendu une épouse; cette
traduction est fautive. Mais nos censeurs,
toujours frappés du nëme vertige, veulent
que saint Paul , après avoir parlé comme
veuf, dans le chapitre vir, ait fait mention
de son épouse dans le cbapitre ix.
Suivant leur coutume ordinaire, lorsqu'un
Père de l'Eglise a dit Quelque chose qui
leur est favorable, ils en lont un éloge pom-
r»eux, pour tous ceux qui ne sont pas de
eur avis, ils les dépriment et en parlent
avec dédain.
A force de spéculations, ils ont deviné
l'origine de l'estime que Ton a eue, dès les
i premiers siècles, pour la Tirginité et pour
e célibat ; elle est venue, disent-ils, de la
croyance dans laquelle étaient les premiers
chrétiens que le monde finirait bieniôt, de
la mélancolie qu'inspire le climat de TEgypte
et des Indes, aes idées chimériques de |>er-
fection puisées dans la philosophie de Py-
thagore et de Platon; et cette supetstition
s'est répandue partout.
Nous voilà donc réduits à croire que Jé«
sus-Chfist et ses disciples, saint Paul et
l'auteur de l'Apocalypse, qui ont fait cas de
la virginité et du célibat, étaient dans Topi-
ni(«n de la prochaine fin du monde, qu'ils
étaient attaqués de la mélancolie de FEgypte
et des Indes ; qu'ils étaient prévenus des
idées de Pythagore et de Platon.
Qui n'admirerait l'entêtement de nos ad-
versaires? ils disent que l'estime pour la
virginité et le célibat est absurde, injurieuse
à la na!ure, contraire aux desseins du Créa-
teur, aux intérêts de l'humanité, aux plu(3
13
S95
CEL
DICTIONNAIRE
CEL
399
pures lumières du bon sens; et, par une
contagion déplorable, celte superstition s^est
répandue partout ; elle a passé de PEgypte
aui Indes et à la Chinet elle a infecté les
ignorants et les philosophes. Avec le chris-
tianisme, elle a pénétré en Italie et dans les
Gaules, en Angleterre et dans les climats
glacés du Nord ; elle est allée jusqu'au Pérou
faire établir les vierges ou Soleil. Ils se
flattent néanmoins, par la supériorité de
leurs lumières, de guérir ennn l'univers
entier de cette maladie, et de lui rendre le
bon sens qu^eux seuls croient posséder ex-
clusivement. Ils disent que cette estime
aveuele pour la continence a été poussée à
l'excès par les Pères de l'Eglise, et ils s'ef-
forcent de prouver que les Pères n'ont ja-
mais pensé à en faire une loi au clergé. Ils
disent que les Pères ont eu le même luépris
pour l'état du mariage, çiue les docètes, les
marcionites et les manichéens , et à peine
ces hérétiques ont-ils paru, qu'ils ont été
réfutés et condamnés par les Pères.
Mais c'est ici un fait dont la discussion
est importante. Notre dissertateur, instruit
probablement par Beausobre, soutient que
ces anciens hérétiques, détracteurs du ma-
riage, ne le condamnent pas comme absolu-
ment mauvais et criminel , qu'ils le regar-
daient comme un état moins parfait que le
célibat, doctrine qui est à présent celle de
rEglise romaine, mais qui a été condamnée
par les Pères.
Heureusement, le mattre et le disciple se
contredisent et se réfutent chacun de leur
cOté. Le premier, après avoir fait tous ses
efforts pour prouver que (es manichéens ne
pensaient pas, touchant le mariage, autre
mont que fes Pères, est forcé de convenir
Î(ue ces hérétiques ne pouvaient, suivant
eurs principes, ni approuver le mariage,
ni le regarder comme une institution sainte,
puisqu'ils enseignaient que c'est le démon
ou le mauvais principe qui a. construit le
corps humain, et qu'il s'est proposé de per-
pétuer, tant qq'il le peut, par la propaga-
tion, la captivité des âmes ; c'était aussi
Terreur de plusieurs sectes gnostiques
{Hist. dumanich., liv. vu, c. 3, § 13; c. 5»
S 9). Le second n'a pu s'empêcher d'avouer
que les encratites et les apostoliques reje-
taient le mariage comme absolument mau-
vais, qu'Eustate de Sébaste, en Arménie, fut
condamné au concile de Gangres, vers l'an
241 , parce qu'il interdisait la cohabitation
aux gens mariés (Inconv, du célib,^ seconde
part., c. 9, 10, 13). Voilà ce que les Pères
ni l'Eglise n'ont jamais enseigné, mais ce
qu'ils ont toujours proscrit et censuré.
Nous ne suivrons pas cet auteur dans ses
déclamations contre les vœux, contre l'état
monastique , contre les couvents de reli-
gieuses, contre les superstitions portées
dans le Nord par les missionnaires dans le
neuvième siècie et les suivants; ces invec-
tives copiées d'après les protestants , et re-
battues par les incrédules, seront réfutées
chacune dans leur place. Quant aux mœurs
du clergé daub les bas siècles , cl oux scan-
dajes qui ont affligé l'Eglise, ces désordres
n'ont eu lieu qu'après la chute de la maison
:de Charlemagne , et après la révolniion qui
bouleversa les gouvernements dans nos
contrées. Les seigneurs , toujours armés ,
s'emparèrent des bénéfices , en firent leur
[patrimoine , y placèrent leurs enlanfs et
eurs protégés; ces {intrus ne pouvaient
manquer d'avoir tous les vices de leurs pâ-
trons , la simonie et le concubinage allèrent
itoujours de compagnie, Mosheim et d'autres
îprbtestants l'ont remarqué aussi bien que
nous. £n général, q^ui sont les prélats qui ont
Ile plus déshonoré rEglise ? Ceux qui avaient
|eu des enfants légitimes avant leur ordina-
jtion , ou qui avaient eu des enfants natu-
rels. Faut-il renouveler aujourd'hui les dé-
sordres qu'ils ont causés? 11 est faux cjuele
mariage permis aut ministres de la religion,
dans Tes pays du Nord , y ait rendu les
mœurs plus pures; Bayle a prouvé le con-
traire ( Dict. crit.y art. Ermite , rem. 1, S 3).
Pour ne rien laisser à désirer sur cette
question tant rebattue , il nous reste à eia-
miner si le changement de discipline sur ce
point produirait des effets aussi avantageux
qu'on le prétend.
Dans les Annaltt politiques de 1782, n* 21,
il y a une lettre dont l'auteur se propose do
démontrer, par le calcul, que la suppression
du célibat ecclésiastique ei religieux serait
une fausse politique , une 'puérilité indigne
de l'attention d'un grand législateur, et une
innovation sans fruit pour la population.
« La haine , dit-il , la jalousie , la crédu-
lité» l'enthousiasme réformateur , la rivalitf
des philosophes avec le clergé , ont exagéré
jusqu'au ridicule le nombre des ecclésiasii-
Sues et des moines; mais voici le résultat
es dénombrements les plus exacts.
) « Sur plus de dix millions d'habitants ,
l'Espagne compte cent soixante mille céli-
bataires religieux , dont un tiers forme la
clergé séculier ; c'est un et demi pour cent
de la génération complète. En Italie, il y a
Quatorze millions et demi d'individus, et
eux cent quatre-vingt mille ecclésiasliques;
ce sont deux hommes par cent sur la totalité
des habitants : mais plus de la moitié dVn-
tre eux se trouvent aans le royaume de Na-
pies et dans les Etats du Pape; le reste de
l'Italie ne suppose qu'un soixanle-ouinziènie
ou environ de sujets voués à la religion.
0 II faut observer que l'Italie a peu de
grandes villes qui absorbent la population;
elle n'entretient point d'armées ni de marine
militaire. Dn climat doux et uu sol fertile»
en diminuant les besoins , augmentent jes
subsistances.
« Les calculs faits sous l'administration de
M. Necker ont porté la population de ta
France à vingt-trois millions cinq cent
mille habitants; en y supposant deux cent
mille célibataires religieux , comme l'ont iâit
les plus grands exagéra teurs , c'est moins
d'un centième de la nation.
« 11 y a plus : sur le total de six millions
et plus de deux cent mille femmes propres
au mariage , il y en a un million et quiiranie
Z»1
€EL
D'ASCtTISME.
CEJL
3?S
iiiiile qui ne sont point oiariees, et on ne
yaai coiuprer que soixante et dix mille reli-
peuses, c'est le quinzième des femmes ce-
iibalaires. Sur la totalité des hommes , on
f<oit en compter au moins un million qui
pourraient être mariés et qui ne le sont pas ;
sur oe mîHion il n'y en a qu'entiron cent
trente mille ecclésiastiques ou religieux, ce
n*est que le dixième.
«Rendez au monde, continue l'auteur ,
tous les bommes enfermés dans les monas-
tères, ce sera soixante mille célibataires de
moins sur un milKon. Mais tous n*auront pas
les facultés , le penchant , la fortune, la vo-
cation , nécessaires au lien conjugal. Les
cadels de famille, les vieillards , les in6r-
mes, ceux qui préféreront la liberté et l'in-
dépendance du célibat au joug du mariage ,
etc., sont à retrancher , et c'est au moins
une moitié. Vous gagnerez donc , sur un
million d*babitanls, environ trente mille
sujets, snr lesquels la mort, la pauvreté,
l'abstinence forcée, prendront leurs tributs:
voilà à quoi se réduisent les romanesques
visions des déoiamateurs.
« La seole capitale renferme plus de do-
mestiques qu'il n'y a de religieux dans tout
«e royaume , le nombre de ces esclaves du
luxe , dans toute la France , est un douzième
de la population. Aux serviteurs, le mariage
est intordit comme nuisible à l'intérêt des
maîtres ; dans les femmes , on tolère le li-
bertinage , et non la fécondité légitime. Le
célibat forcé des domestiques est an foyer
de désordres , celui des ecclésiastiques est
contraint dans ses penchants par la sainteté
de son institut, par la crainte de la honte ,
par rhonnenr du corps ; un religieux a de-
vant Isi dix exemples de vertus iKmr un de
dépravation.
• Deux cent cinquante mille soldats on
ii<«ttelots sont enlevés sur la population , et
I on choisit les individus les plus capables
des services civils. La débauche , les mala-
<iies honteuses , empoisonnent les armées ,
tandis que la désertion les diminue.
« Compta les mendiants , les employés
des fermes » les rentiers , les journaliers , la
nuée des gens de lettres , mais surtout les
philosophes : Tesprit philosophique , oui
n'est autre chose <)ue l'esprit d égoisme , fut
toujours antipathique du mariage. Voyez
nos moBors,nas capitales, nos ménages;
observes le luxe dans ses gi^ntesqnes pro^
grès , le coiiccd>inage imp<»sible à réprimer,
la puissance maritale et paternelle de jour
eo Jour plus relâchée et plus insupportable,
le ton et la conduite des femmes ; flattez-
vous ensuite que la propagation de l'espèce
ta couvrir la terre , lorsque cinquante mille
BMines auront renoncé au voeu du célibat.
< Il existe en France plus de |iro6tituées
que de religieuses; lesquelles sont les plus
funestes à la population? Le nombre des
enbnls trouvés augmente chaque jour d'une
luatiiêre effrayante.
« L'auteur des Recherchts philosophiques
«w (e céltbal s'écrie : « Voyez les Etats
■ protestants, ils fourmillenl de bras, et la
« catholicité de désitris. » Vingt antres ont
fait cette comparaison.
« Mais en Suisse, le plus peuplé des cju^
tons est celui de Soleure,et il estcatholi-
3ue; il a des ecclésiastigues, des moines d
es religieuses. Si la Sicile est pleine < e
masures » c'est l'effet du gouvernement féo-
dal, le plus atroce et le plus destructeur
qu'ait inventé l'usurpation. Les Pays-Bas
catholiques , les riches républiques d'Italie ,
étaient-elles dépeuplées dans le xv* ot
le XVI" siècle? Avaient- elles moins de
prospérité que la Hollande? La Prusse
est-elle plus féconde en habitants que les
contrées catholiques, et la Suède que la
Lombardie? La fertilité du sol , la position
topograpbique et le gouvernement , ont une
tout autre force que les couvents.
« Réformer et non pas détruire , telle doit
être la maxime qui spécule en politique.
Changez des asiles inutiles en hosfHces de
la pauvreté , de l'âge , de la douleur, du re-
pentir et de l'abnégation , la société pourra
y gsgner, mais non sa population. L'amour
du paradoxe n'inspire poirtt cette opinion:
quand on se défend avec des chiffres, on
iie peut guère être soupçonné d'imposture.
« Il nous parait une cet auteur ne craint
pas d'être réfuté ; s il se trompe, il est très-
s propos de démontrer son erreur.
« L'auteur de l'article CéUbaif dans le
Dictionnaire de Jurisprudence^ a copié les
diatribes de l'abbé de Saint-Pierre, placées
dans Tandenne Encyclopédie, et il y a joint
ce que les protestants ont dit dans celle
dTverdun. Nous ne pouvons nous dispen-
ser de relever quelques-unes des contradic-
tions de cet article.
« Aprte avoir soutenu que le célibat était
prosent chez les Juifs en vertu de la préten-
due loi : Croissez ei muUipliex^ on nous
assure qu'£lie, Elisée, Daniel et ses trois
compagnons, vécurent dans la continence.
Voila donc des propliètes, des amis de Dieu,
^ui ont violé publiquement la loi de Dieu
portée dès la création. L'on nous vante les
lois que les Grecs et les Romains avaient
faîtes contre le célibat, l'espèce d'infamie
dont ils l'avaient noté, les privilèges qu'ils
accordaient aux personnes mariées ; ce|>eu-
dant Ton nous fait observer que tous Us
peuples ont attaché une idée de sainteté
et de perfection à la continence observée par
motif de religion; il n'est donc pas vrai que
toute espè<» de célit)at ait été notée d'infamie.
D'un côté r^n dit qu'il n'y a guère d'hommes
à qui le célibat ne soit difficile à observer,
que les célibataires doivent être tristes et
mélancoliques; de l'autre on cite une haran-
gue de lletellus Numidius, adressée au
peuple Romain , dans laquelle il avoue que
c'est un malheur de ne pouvoir se ^a^ er
des femmes, que la nature a établi qu on ne
peut guère vivre heureux avec elles. Pour
^tre heureux, il faudrait donc n'être m
marié, ni célibataire. Un de ces oraeies dit
que, dans le christianisme, la loi du célibat
|)OUr les ecclésiastiques est aussi ancienne
que l'Eglise, que Dieu l'a jugé.iiécessairn
«69
CEIN
dictionnaire:
CES
m
pour approclier plus dignement de ses autels ;
un autre prétend que le célibat n'était que
de conseil, et que, malgré ce qu'en a pensé
le^concile de Trente, la question que nous
examinons esl purement jpolitique. Dans la
même page on lit au'en Occident le célibat
était prescrit aux clercs, et qu'il était libre
dilns I Eglise latine; il faut donc cpxQ celle*
ci ne soit pas la même que r£glise d'Occi-
dent.
a Ce cfue disait Tabbé de Saint-Pierre, que
les ministres protestants sont aussi respectés
du peuple que les prêtres catholiques est
absolument faux. Il est certain, par cent
exemples, que les protestants sensés, même
les souverains» ont toujours témoigné plus
de respect pour les prêtres catholiques,
dont ils connaissaient les mœurs, que pour
leurs propres'^ministres ; on sait d'ailleurs
qu'en Angleterre le bas clergé est très-mé-
prisé. » {Londres, 1. ii, p. 2fcl.)
Nous n'avons garde de blimer ce qui esl
dit dans cet article contre le célibat volon-
taire ou forcé des séculiers ; mais les moyens
que Ton propose pour y remédier sont à
• peu près impraticaoles, et ceux que l'abbé
de Saint-Pierre avait rêvés pour prévenir les
inconvénients du mariage des prêtres sont
absurdes.
CELLULB. — Diminutif du mot celle,
qui a signifié autrefois un Heu fermé, et
conséquemment un monastère. C'est une
petite chambre habitée par un religieux
ou par une religieuse, qui fait partie d'un
couvent. Elle renferme ordinairement un lit
ou un grabat, une chaise, une table, quel-
ques images et quelques livres de piété : le
reste serait superflu. Les premières habi-
tations des moines d*Orient s'appelaient
laurei.
Un religieux qui sait s'occuper, dans sa
cellule, à prier, h lire, à méditer, à écrire, à
faire quelques ouvrages des mains, est plus
heureux qu'un çrand seigneur dans un vaste
appartement. S'il lui arrive d'entrer dans un
de ces palais qui renferment les chefs-
d'œuvre des arts, et des meubles précieux,
dont le roattre ne se sert jamais, il peut dire,
comme un ancien philosophe : Combien de
choies doni je n'ai pas besoin !
Dans la Thébaïcfe il y avait trois déserts
habités par les solitaires anachorètes : l'un
appelé des cellules, l'autre de la montagne de
Nitrie, le troisième de Scété; c'était le plus
éloigné du centre de l'Egypte; il confinait
la Libye. L'auteur de Vltnitalion a dit :
Cella bene cuitodita dulceesil.
CENOBITE. — Religieux qui vit dans une
communauté, sous une règle commune,
avec d'autres religieux. Ce nom vient de
«oivôc, commun, et Sioc, vie. Un cénobite est
ainsi distingué d'un ermite ou d'un ana-
chorète qui vit dans la solitude.
L'abbé Piammon parie de trois espèces de
moines qui se trouvaient en Egypte, dans la
ïhébaide, savoir : les cénobites, qui vivaient
rassemblés en communauté ; \esanachoriles,
Îui demeuraient seuls , et les sarabaltes^ qui
talent vagabonds ; ces derniers ont toujours
été regardés comme de faux moines. Il rap-
porte au temps des apAtres l'institution des
cénobites; c'est, selon lui , une imitation de
la vie commune des fidèles de Jérusalem;
mais ces fidèles étaient des gens mariés, qui
n'avaient pas renoncé au monde. Saint
Pacême passe pour le premier instituteur de
la vie cénobitique, parce qu'il es^le premier
qui ait fondé des communautés réglées.
Avant lui, les moines étaient anachorètes ou
solitaires. On prétend cependant que saiut
Antoine avait bftti un monastère ringt ans
plus tôt que saint Pac6roe; mais celui-ci est
te premier qui ait écrit une règle monas-
tique.
Dans le Code théodosien (I. ii, tit. 30, De
appellat., leg. 57), les cénobites sont appelés
synobitm, h la lettre, gens qui marchent en-
semble, qui suivent le même chemin; ee ne
sont donc pas les domestiques des moines,
comme l'ont imaginé quelques glossateurs,
mais les cénobites. (BiivGBAMf Orig. ecci^
tom. 111,1. vu, c. 3, §3. )
• CEPARl (Virgile de), Jésuite du commen-
cenlent du xvii* siècle, a laissé plusieurs
Vies de saints très-estimées : nous signalons
seulement, dans le but plus spécial que nous
Soursuivons, son opuscule de la Présence de
Heu.
CESAIRE d'ARLBs (Saint), né en MO, prêt
de Chftlons*sur-Saône, se consacra à Dieu
dans le monastère de Lérins. Ses austérités
ayant altéré sa santé, on l'envoya à Arles
pour la rétablir. Trois ans après il fut élevé,
malgré lui, sur le siège épiscopal de celle
ville. Il fonda, à Arles, un monastère de
filles» et leur donna une règle adoptée der
Kuis par plusieurs communautés religieuses,
ans son voyage qu'il fit à Rome, le Pape
l'honora du pattium, et du titre de son vi-
caire dans les Gaules. Césaire présida le
concile xi'Agde en 506, et le second concile
d'Orange en 529. Il mourut en 54i, après
avoir gouverné son diocèse en apôtre. Nous
avons de lui des homélies et des traitéaïe
piété, qui ont été insérés avec ses autres
ouvrages dans la Bibliothèque des Pères.
Sa RÈGLE. — Un des plus anciens monu-
ments de la vie ascétique en France, après
les institutions de Cassien, est la règle que
fit saint Césaire pour les religieuses aArles;
elle fut depuis généralement adoptée, et eo
particulier par sainte Radegonde, pour son
monastère de Sainte-Croix de Poitiers. C'est
à elle*môme et à ses religieuses que saiut
Césaire adresse cette règle devenue le mo-
dèle de tant d'autres. Nous lui conservons sa
forme épistolaire.
« Aux saintes et vénérables sœurs en Jésus-
Christ, habitant le monastère que nous avons
fondé par V inspiration et avec le secours de
Dieu^ Césaire, évéque.
« Puisque le Seigneur nous a inspiré de
fonder voire monastère, nous avons recueilli
dans les écrits des anciens Pères les avis
spirituels les plus propres à diriger voire
vie. Par vos prières, attirez le Fils de Dieu
dans vos Ames, afin que vous puissiez les
observer et dire : Nous avons trouvé celui
401
ces
D*ASCETfSllE.
CES
102
rie DOS cœars cbercliaient. — Je demande
Dieu que toqs sojrez toujours du nombre
de ces Tierges sages qui attendent le Sei-
gnenr aTec leurs lampes allumées, et j*es-
père que tous prierez pour moi, qui ai tant
travaillé pour élever votre monastère. —
Les avis que je vous adresse sont extraits de
toutes les règles en usage, où j*ai choisi ce
3 ai m*a paru le mieux convenir è des vierges
e tout âç4 oui doivent vivre en commu-
nauté. Yoiri le point fondamental que vous
devez toutes observer.
« Si une vierge quitte ses parents et re-
nonce au monde pour entrer dans la sainte
bergerie et échapper, avec Taide de Dieu, à
la dent des loups, elle doit prendre la réso-
lution de n'en sortir jamais jusqu'à sa mort,
et de ne pas même aller dans la basilique
qui touche au monastère et qui a une porte
extérieure. — On ne donnera l'habit de reli-
gion h une postulante qu'après des épreuves
multipliées. On la mettra d'abord sous la
conduite de l'une des p!us anciennes reli-
gieuses pendant une année entière, et ce ne
sera ordinairement qu'après ce temps qu'elle
pourra r<!cevoir l'habit et être admise dans
le dortoir des religieuses. La prieure pourra
prolonger ou abréger le temps des épreuves
en quelques circonstances particulières, sui-
vant le degré de ferveur de la postulante.
— Les femmes veuves ou les femmes mariées
qui, du consentement de leurs maris, les
Ïuilteraient pour entrer dans le monastère,
erroat donner ou vendre leurs biens et se
débarrasser de toutes leurs affaires tempo-
relles suivant cette parole du^ Seigneur : Si
iu veux être parfait^ va et vends tout ce que
tu poi$ide$. Celui qui ne quitte pas tout pour
me svttTTf , ne peut être mon disciple. Je vous
parle ainsi, vénérables filles, parce que les
religieuses qui posséderont quelque bien ne
posséderont jamais la perfection. Ainsi, les
vierges elles-mêmes, qui ne renonceront pas
à leurs biens, ne pourront être reçues parmi
vons. On ne leur donnera Thabit qu après
qu'elles seront entièrement débarrassées des
soins du monde.
« Celles qui auraient leurs parents et ne
posséderaient pas encore leurs biens, ou qui
seraient mineures, devront faire un acte de
vente ou de donation qui aura son effet au
moment où e]Us entreront en possession do
lenrs biens on dans leur flge de majorité.
« Aucune religieuse n'aura de servante ,
pas même J'abbesse. Les plus jeunes lui
rendront les seivii^es dont elle pourrait avoir
besoin. On ne recevra pas dans le monas-
tère d'enfant au-dessous de six ou sept ans,
et on ne prendra en pension aucune fille,
soit noble, soit plébéienne, pour enlairei'é-
ducalion. — Personne n'aura le choix do
son ouvrage. Chaque religieuse fera ce qu'or-
donnera l'abbesse; aucune n'aura ni cham-
bre î part, ni meuble fermant à clef. Toutes
coucheront dans un même dortoir, en des
lits séparés; les anciennes et les malades
auront seules une salle particulière.
> Jamais on ne doit parler è haute voix,
et pendant la psalmodie il nn faut ni parler
ni travailler. — Celle qui, au signal donné»
ne se rendra pas avec empressement à l'of-
fice ou à l'ouvrage, sera fortement répri-
mandée; si elle ne se corrige pas après deux
ou trois avertissements, elle sera privée de
la table commune et excommuniée. » Oit
appelait excommunication, dans les monas-
tères, l'exclusion des prières communes.
« Cne religieuse qui sera réprimandée
devra écouter, sans répondre, les avertisse-
ments qu'on lui donnera. Celle qui refusera
de se soumettre à la correction, sera privée
de la communion de la table ou de la prière,
suivant la gravité de la faute. — Les religieu-
ses chargées de la cuisine auront à leur
repas un peu plus de vin que les autres.
Toutes seront chargées alternativement de
la faire et de remplir tous les autres oflices
domestiques. La mère et la prieure en sont
seules exemptes. — Pendant les veilles on
s'occupera à faire des ouvrages qui'éloigne-
root le sommeil, et ne pourront distraire de
l'attention qu'on devra apporter à la lecture.
Si une religieuse s'endort, elle sera con-
damnée à se tenir debout tandis que les
autres seront assises.
« Toutes recevront humblement la tâcho
qui leur sera donnée pour leur journée et
raccompliront du mieux possible. Personne
ne fera rien pour soi et ne possédera rien
en propre, ni vêtement, ni autres choses. —
Après Dieu, c'est à la mère qu'il faut obéir;
on doit aussi se soumettre a la prieure. —
A table, on écoutera attentivement la lecture,
et on continuera à la méditer du fond de sou
cceur quand elle est terminée. On demandera
par signes les choses nécessaires à celle qui
servira la table ; il faut songer à écouter la
parole de Dieu tandis que le corps prend sa
nourriture. — Toutes les religieuses a(>-
prendroot k lire. En tout temps, les deux
premières heures du jour seront consacrées
a la lectufa; le reste du jour, au travail et à
la prière. Depuis la deuxième heure jusqu'à
la troisième ou tierce , une sœar lira k
haute voix pendant que les autres travaille-
ronL Durant le temps qu'on ne fera pas do
lecture, on méditera intérieurement la
Îiarole de Dieu, et on pariera seulement
orsqu'on ne pourra s'en dispenser.
c Celles qui possédaient quelque chose
dans le monde l'offriront humblement à la
mère pour la communauté; celles qui n'a-
vaient rien ne chercheront pas à acauérir
dans le monastère ce q[u'elles ne possédaient
pas dans le monde. Celles qui étaient riches
ne mépriseront pas leurs sœurs qui étaient
pauvres. A quoi leur servirait-il d'avoir
quitté leurs richesses si elles avaient gardé
lour orgueil? Vivez toutes ensemble dans
l'union et la concorde, et respectez mutuel-
lement en vous le Dieu dont vous avez mérité
d'être les temples.
« Quand vous chantez des psaumes et des
hymnes, que vos cœurs s'unissent à vos
voix. Quand vous travaillez, ayez toujours
dans l'esprit quelques passages des saintes
Ecritures, —vous aurez soin de bien trai
ter les malades, afn qu'elles se rétablissent
40S
CES^
DICTIONNAinE.
CM
101
promptement, et puissent reprendre leurs
absiinences accoutumées. On leur donnera
tout ce qui leur sera nécessaire, et comme
G*est Tordinaire de n'avoir pas de bon vin
pour la communauté, l'abbesse aura soin
d'en avoir de meilleur pour les malades et
celles qui auraient une sauté délicate. —
Votre vêtement n*aura ricnde remarquable.
Vous ne devez pas chercher à plaire par vos
habits, mats par vos vertus, ce qui convient
mieux À votre profession. Les vêtements
seront confectionnés dans la communauté.
Ils seront simples et honnêtes; ils ne seront
ni noirs ni d'une couleur éclatante, mais de
laine blanche.
« Comme la mère du monastère doit pren-
dre soin du spirituel, avoir des rapports
avec les personnes du dehors, tenir la corres-»
pondance et surveiller le temporel, la prieure
aura la surveillance du vestiaire, et aura
soin qull y att toujours des vêlements pour
les sœurs qui en auraient besoin. — yous
n'userez jjfimais d'argenterie, et il n'y en
aura dans le monastère que paur le minis-
tère <le l'oratoire. Les ornements de l'oratoire
seront en laine. On n'y mettra ni tableaui,
ni fleurs, parce qu'il ne doit rien y avoir
dans le monastère qui puisse flatter les re^
gards; — Si on fait pour l'oratoire quelque
présent dont Tusage est prohibé, on le
vendra et on te mettra dans la basilique de
Sairtte-Marie.
(c Ayez toutes beaucoup de pudeur et de
réserve dans vos reganis. Si vous remarquez
un peu de légèreté en quelqu'une de vr>s
sœurs, reprenez-la secrètement. Si elle mé-
prise votre avertissement, dites-le à la mère,
et ne pensez pas être malveillante quand
TOUS agissez avec une intention droite. Vous
seriez coupables, si, par votre silence, vous
laissiez périr une de vos sœurs que la cor-
rection pouvait sauver. — Si une sœur, ce
3u'à Dieu ne plaise! était tellement avancée
ans le mal qu'elle reçut en cachette des
lettres ou de petits présents, on devrait user
d'indulgence et prier pour elle, si elle
avouait sa faute avec candeur; mais elle de-
vrait être sévèrement punie, si elle la niait,
quoiqu'elle fût convaincue.
« On punira de la même manière celle qui
fera des présents ou écrira des lettres ; seule-
ment, si une religieuse, par affection pour ses
parents, voulaitleurenvoyerdeseulogies, elle
en demanderait la permission à la mère, et, si
elle l'obtenait, lelJe les ferait remettre par
les portières. — Si une des sœurs commet-
tait un vol ou se laissait aller à des injures,
elle devrait recevoir la discipline en pré-
sence de toute la communauté. — Une reli-
gieuse, qui aura mérité d'être excommuniée
et séparée de la communauté, restera dans
le lieu que l'abbesse lui aura désigné, jus-
qu'à ce qu'elle ait demandé pardon de sa
faute.
« Avant tout, et pour conserver intacte
voire réputation, que jaipais aucun homme
n entre dans l'intérieur du monastère ou
da is l'oratoire, excepté les évêques, le pro-
v.seur de la communauté, un prêtre, un
diacre, unsous^iacre et un ou deux lecteurs,
tous recommandables par leur âge et par
leurs vertus, et qui n'y entreront que pour
célébrer la messe. Les ouvriers ne seront
admis qu'accompagnés du proviseur, et
encore iaudra-t-il que In mère Tait su d'a-
rance et Tait permis. Le proviseur,- lui-même,
n'entrera jamais dans le monastère que dans
les cas indispensables, et encore sera-t-il
toujours accompagné de l'abbesse et d'une
autre sœur des plus respectables. — Les^
dames du monde, les ieunes personnes on
autres femmes ayant l'habit laïque ne pour-
ront non plus y être admises.
ic L'abbesse elle-même ne pourra aller au
parloir sans être accompagnée de deux cm
trois sœurs. Les évêques, les abbés et au-
tres religieux recommandables par leur
sainteté, seront admis dans l'oratoire pour y
prier, s'ils le demandent. — La porte du
monastère devra être ouverte à certaines
heures convenables, aux personnes qui vou-
draient rendre aux religieuses leurs devoirs
de politesse. — Jamais, ni dans le monas-
tère,.ni dehors, vous ne donnerez de repas aux
évêques, auxabbés,aux moines, aux clercs,
auxîaïques, aux femmes portant l'habit sécu-
lier, ni même, au proviseur. Seulement, vous
pourrez admettre à votre table, et encore
très-rarement, les religieuses de la cité qui
auront une grande réputation de vertu et
honoreront votre monastère. Si cependant
une femme venait de loin pour voir sa Gile
dans la communauté, on pourrait l'inviter à
partager le repas des sœurs, si elle était
pieuse et si l'abbesse y consentait.
« Si on vient rendre visite à l'une des
sœurs, on lui permettra d'aller au parloir,
accompagnée de l'une des plus anciennes
religieuses. — On ne fera pas d'aumônes
Îuûtidiennes à la porte du mouastère; si
^ieu vous donne la faculté de secourir les
pauvres, l'abbesse chargera le proviseur des
aumônes du monastère. »
S. Césaire termine sa règle par ces paroks:
« Nous vous avions composé une règle dès
la fondation de votre monastère, et nous
avons été obligé plusieurs fois de la modi-
fier. Mais après avoir fait l'expérience de ce
que vous pouviez faire, nous avons fixé au-
jourd'hui définitivement ce que nous avons
cru possible, raisonnable, utile à votre
sanctification. Nous avons tellement adouci
cette règle, que nous vous croyons capables,
avec le secours de Dieu, de l'accomplir par-
faitement. Nous vous conjurons, en présence
de Dieu et de ses anges, de n'y jamais rien
changer. »
Après avoir composé cette rèçle, Césaire
l'envoya au Pape Hormisdas qui Tapprouva-
CHAIR (Mouvement de la). — Yoy. Ap-
pétits, Mortification.
CHAMPION (Pierre), Jésuite, né à Afran-
ches, en Normandie, le 19 octobre 1631,
entra dans la société à l'âge de vingt ao^
et y professa les humanités. Il partit ensuiti;
pour les missions d'Amérique, puis reviril
en France el mourut à Nantes le 28 juin 1701.
Ses ouvrages ascétiques sont : 1" La vie eiln
405
tHA
DAbt&llhlIE.
iMk
40^
aoci iî%e êpiriiuelU dn Ê^. Louis Lallemand,
Jé5iiie. Paris, 16%, iD-i2. ; — â*Xa rie des
fomlnteurê de retraite*^ etc. Nantes» 1696,
in-12. — Il a en outre publié les Lettrée
$piritueUe$ et les Dialogues du P» Surio.
( Voir ce nom.)
CHAPELETS. — Ce sont plusieurs grains
attachés les qds aux autres et oui servent à
compter les pater et les we qu on récite en
rhonueur de Dieu ou de la sainte Vierge.
Dans la basse latinitéi ils ont été nommés
capiUina^ et chez les Italiens corona; ils
contiennent cinq dizaines de grains et les
rosaires en ont quinze. L*usage de réciter le
chapelet n*est pas fort ancien* Qaelques-iiiia
le font remonter k Pierre l'Ermite; le ro-
saire fut institué par saint Dominique.
I! 7 a un chapelet du Sau?eur composé
de trente-trois grains, h Thonneur des trente-
trois ans que Notre-Seigneur a passé sur la
terre; il a été imaginé par le P. Michel,
de Tordre des Camaldules. Ces divers ins-
truments de dévotion ont été mis en usage
afin qu'aucun travail de mémoire n'empêche
les affections du corar de monter vers Dieu
avec la prière vocale.
CHAPITRE. — Un moyen qui contribue
Puissamment au bien de la vie religieuse et
la conservation de la discipline dans les
monastères, c'est la célébration des (^pi-
tres. Là s'assemblent les supérieurs avec
les religieux députés par les communautte»
pour r^er, corriger, modifier» décider tout
ce qui peut concourir à l'avantage de la
vie monastique et k la conservation de la
discipline régulière. C'est dans ces chapi-
tres que les uutes commises contre la règle
sont punies par des peines régulières; que
les supérieurs rendent compte de leur ad-
ministration, et reçoivent une nouvelle ins-
titution ou sont maintenus dans leur charge ;
c'est là encore que sont discutés, examinés
et édairds les points douteux de la règle.
On comprend donc combien les chapitres
sont utiles au bien de la vie monastique.
Aussi leur institution date-t-elle de Tinsti-
tntîon même des monastères. Saint Pacôme,
qui avait fondé plusieurs communautés, réu*
oissait chaque année les abbés et les supé-
heors, traitait avec soin des affaires* im-
Krtantes de l'ordre, rétablissait la paix et
nion, quand elles étaient altérées; nom-
mait des supérieurs pour maintenir la paix
dins les monastères, etc., ainsi qu'on peut
en juger par sa Règle, ch. 27. Le concile de
Latran, de Tan 1215, ordonne de célébrer
c^ chapitres tous Iqs quatre ans. Benoît
XII prescrit également, en 13%, la tenue
des chapitres généraux, provinciaux et par-
ticuliers.
Les chapitres généraux sont ceux où
s^assembleiit les préfets de toutes les pro-
vinces, comme chez les Mendiants, et chez
les religieux des ordres qui sont divisés en
certaines congrégations. Les chapitres pro-
vinciaux, chez les Mendiants, sont ceux où
se réunissent les préfets des monastères
d'une province. Enfin les chapitres particu-
liers sont ceux qui ont lieu chaque semaine
pour le bien de la disciplioe, dans les mo-*
nastères bien réglés. Quant à la manière
dont ces chapitres doivent être célébrés, il
faut suivre en cela les constitutions de cha-
que ordre ; ce qui imfwrte le plus, c'est que
ces réunions aient toujours pour but le bien
seul de la religion.
CHAPPONEL D'ANTESCOURS (Raimond),
chanoine régulier de Sainte-Geneviève, et
prieur-curé de Saint-Eloi deRoissj, s'est fait
connaître par ses Recherches historiques sur
Fordre canonique. On a de lui un ouvrs^ge
ascétique intitulé : Examen des voies inté»
viomres^ 1700, in-12. Il j prémunit ses lec-
teurs contre les illusions des quiétisles. Sa
mort est arrivée en 1700.
CHARITÉ. — La charité est une vertu
théologique divinement infuse, par laquelle
nous aimonM Dieu pour lui-même et par-
dessus tout, et toutes les autres choses pour
Dieu. 1* C'est une vertu; car la charité
rend Thomme bon et ami de Dieu ; elle est,
d'après saint Paul, la vertu la plus excellente
de toutes,puisqu'elle arrive jusqu'à Dieu, et
?in'elle demeure en lui : Ces trois vertus, la
oi, r espérance et la charité demeurent à nré-
sent; mais la charité est la plus excellente
des trois (/ Cor, xiii, 13). — 2* Théologique
divinement infuse, selon ces paroles : Vamour
de Dieu a été répandu dans^nos cœurs par le
Saint-Esprit qui nous a été donné ^Rom.
V, 5). — 3* Pour lui-^mémCf c'est-à-dire, à
cause de ses perfections. — i^* Et par-dessus
tout, c'est-à-dire au-dessus de toutes les
choses créées. — 5* Et tout le reste pour Dieu.
« En effet, dit saint Augustin, nous aimons
Dieu et le prochain; mais nous aimons
Dieu (>our lui-même, et nous-mêmes et le
prochain pour Dieu. » (L. viii De Trin.^ c. 8.)
cr Ces deux amours, dit saint Grégoire le
Grand, sontdeuxanneaux et uneseulechalne,
deux actions et une seule vertu, deux œu-
vres et une seule charité. » (Moral., I. vu,
c. 10.) Et assurément le sentiment qui nous
fait aimer quelqu'un est identique à celui
qui nous lait aimer son image.
11 j a diverses sortes de charité. Elle est
ou habituelle, et se définit Vhabitude infuse
par elle-même des actes de charité, rendant
capable d'une manière permanente de produire
des actes de charité; ou actuelle, ei se définit,
selon saint Augustin, lemougfement mimé' de
rame, pour jouir de Dieu à cause de lui-même^
et de soi-même et du prochain à cause de Dieu;
ou appréciative; c'est celle qui fait préférer
Dieu a toutes les créatures; ou intensive;
c'est celle qui non-seulement aime Dieu par
dessus tout, mais de plus produit pour lui-
même certains dearés de ferveur^ par un vif et
puissant effort au cœur et de la rolonté. La
charité est encore affective, quand elle ne
réside que dans le cœur, et effective quand
elle se manifeste par des œuvres. Il est en-
core une autre division vulgaire, que nous
croyons devoir mentionner ici. Quand elle
se rapporte à Dieu, la charité s'appelle chm-
rilé envers Dieu; rt quand elle re^«ude |epri>«
i07
CHA
DICTIONNAIRE
CHA
40g
I
ctaain» charité envers le prochain : toutefois
ces deux vertus n*en font qu*oDe, comme
dit saint Thomas (2-9, q. S5, a. 1), puis-
qu'elles a*ODt qu'un seul et même motii, qui
est Dieu.
C'est Dieu qui est Vohjet matériel premier
de la charité, selon ces paroles : Vous aime-
re% le Seigneur votre Dieu^'voilà le premier et le
plus grand commandement (JlfanA.xxii);robiet
matériel secondaire, c'est nous-même^' et
rolre prochain. Car c'est le propre de l'ami-
tié parfaite de ne pas aimer seulement les
personnes avec lesquelles on est en com-
merce d'amitié, mais aussi celles qui sont
liées avec nos amis. Or les créatures intel-
lectuelles, capables de la béatitude, sont,
Eour ainsi dire, en relations intimes avec
^ieu. L'objet formel et le motif, c'est la bonté
divine, en tant qu'aimable en elle-même et
pour elle-même. De là nous voyons que
ramour de charité diffère de l'amour de con-
cupiscence, en ce qu'ils ont uii motif diffé-
rent. La cliarité est supérieure à toutes les
autres vertus; elle peut toujours s'accroître,
et l'acte de charité nous est de grave obli-
Kalion. Saint Thomas même enseigne
(22, (]. 2&, a. 8) que la charité peut être
larfaite en cette vie, soit alors que
*homme met tous ses soins à -ne s'oc-
cuper que de Dieu et des choses divines,
en négligeant tout le reste, autant que le
comportent les besoins de cette vie; cette
perfection n'est pas commune à tous ceux
qui ont la charité; soit dors qu'il place ha-
bituellement son cœur tout entier en Dieu,
de manière à n'avoir aucune pensée, aucun
vouloir contraire è l'amour divin : cette
perfection convient à tous ceux qui ont la
cbaritë.
Saint Thomas, saint Bernard et saint Bo-
navonture nous donnent les différents degrés
de la charité envers Dieu. 1* Languir utile-
ment : Je languis d*amour (Cant. n, 5) ; 2"
Chercher Dieu sans cesse : Cherchez le Sei-
gneur et fortifiez-vous {Ps. av, k); 3" agir
sans relAche : Jacob servit pour Racheta et
tout ce temps lui paraissait peu de chose ^ à
cause de la grandeur de son amour (Gen»
XXIX, 20). <k* Tout supporter avec un cou-
rage infatigable : Heureux ceux qui souffrent
persécution pour la justice. (Matth, v, 10).
5" Désirer avec impatience : Mon âme désire
d'entrer dans la maison du Seigneur ^ et elle
est presque en défaillance (Ps. lxxxiii, 3). 6**
Courir avec empressement : J'ai couru
dans la voie de vos commandements^ lorsque
vous avez élargi mon cœur (Ps, cxviii, 32) ;
7* Montrer une énergie pleine d'audace :
Quy a-t'il pour moi dans le ciel? et que
déstré-je sur la terre^ sinon cous^ mon Dieu !
Ma chair et mon cœur ont été dans la défail-
lanccy à Dieu l qui êtes le Dieu de mon cœur
et mon partage pour toute V éternité ( Ps.
Lxxii, 25 et 26). 8"* Lier cet amour par
des tiens indissolubles : Jésus-Christ est
toute ma vie {Phil. i, 21) ; 9" Brûler d'une
douce ardeur : Mon .cœur s'est échauffé au
dedans de moi {Ps. xxxviii, 4) ; iO** Une
ressemblance compiëto avec Dieu, autant
du moins qu'il est permis ft la créature ici<
bas : C'est ainsi que vous deviendrez partiei-
panis de la nature divine (II Petr. i, i). C'est
par ces différents degrés que rhomme de-
vient le principe des opérations surnaturel-
les et moralement parfaites, en raison des-
quelles il est assimilé à la manière surnala-
relie d^agir de la nature divine, et il sed^
tourne des œuvres de concupiscence et de
corruption.
1" L'exercice de la charité envers Dieu
est un des meilleurs moyens d'avancer dans
la perfection. On le prouve : 1" par l'Ecri-
ture sainte, qui fait surtout consister la
perfection chrétienne, dans la charité. Et
au-dessus de tout cela (c'est-è-dire, des au-
tres vertus, que l'Apôtre venait de recom-
mander), ayez la charité, qui est le lien de k
perfection (Coloss. m, !%)• Voici le premier
et le plus grand commandement : Yovn
aimerez le Seigneur votre Dieu de tout votre
cœur, de toute votre âme et de tout votre nprit
{Matth. xxiT, 37). Enfin, c'est par la charité
que Dieu habite en nous : Dieu est la charité,
et celui qui demeure dans la charité demeure
en Dieu et Dieu en lui (/ Joan. iv, 16). La
charité est donc absolument nécessaire pour
Tavancement spiritueL
2'' Par les saints Pères. «Comme la cu-
pidité est la racine 'de tous les maui,
de même la charité est la racine de tous
Jes biens. » (S. Augustin, serm. 39, De
Temp.) — « Notre cœur est l'autel de Dieu ,
sur lequel nous devons toujours entretenir
une flamme ardente ; car il est nécessaire
d'allumer sans cesse à ce feu la flamme de
la charité pour le Seigneur. » (S. GaftooiaB,
I. XXXIV Mor. , c. 7.) — « Dieu veut que
nous le craignions comme notre Seigneur,
que nous Thonorions comme notre Père,
que nous l'aimions comme notre époux.
Parmi ces obligations, quelle est la plus im-
portante? C'est l'amour A Dieu seul
l'honneur et la gloire ; mais Dieu n'accep-
tera ni l'un ni l'autre, s'ils ne se sont ren-
dus agréables par le miel de l'amour. • (S.
Bernard, serm. 83, in Cant.)
3r Par la raison. D'abord la perfection
consiste principalement dans la charité en-
vers Dieu, et cette charité, qui forme le pins
grand précepte, est la reine de toutes les
autres vertus. Ensuite sans elle nous ne
pouvons rien, pas même acquérir le moin-
dre mérite pour la vie éternelle. Car, quand
même je parlerais le langage des hommes et
des anges.... si je n'ai pas la charité, tout
cela m est inutile. (/ Cor, xiii, 1.) Enfin paroi
toutes les vertus, la charité est celle qui se
rapporte plus parfaitement à Dieu: elle ré-
side et repose en lui.
Les saints Pères et les écrivains ascéti-
ques pous indiquent les différents motifs
d*aimer Dieu, tirés de la souveraine bonté
de Dieu , de l'amour qu'il nous porte, des
bienfaits de la création, de rincarnation et
de la rédemption, de notre conservation et
de notre gloire future, etc. On les trouve
It9
OIA
DASCETISIE»
CIIA
410
dans «aînt Augustin, dans saînt Thomas ,
ssi'Yl Bonavenlure et saint François.
Nous avons dit qu*il faut aimer Dieu ap-
préciatîTement par-dessus tout. Puisqn*il
e>i aimable par-dessus tout, quoi de plus
raisonnable de Testimer plus que toute
chose et de lui Atre si fermement attachés,
Don-seuiement d'esprit ou spéculatiTement,
mais aussi de conir ou pratiquement, qne
Doos soyons prêts è tout perdre plutôt que
son amitié? Car c'est là ce qu'exige de nous
Tamour de ioui noire concr. Le Catéchisme
romain dit que ramowr de Dieu doit être
prrferé à ioule choee^ à tel point qu'il tCest
pas permie de pécher^ même pour Muver ea
rie. Cesi là la contrition efficace et véritable
( De peenii. c. 5 ]. Aussi ne faut^il pas écou-
ler les théologiens de Louvain et quelaues
Français modernes, qui prétendent qu une
certaine inteusitéd*amourdéterminée, outre
la perfection apprécia ti ve, es t nécessai re pour
la contrition parfaite. C'est tout au plus si
l'on peut admettre quelque intensité indé-
lerminée dans quelque moindre degré,
pour que la contrition soit appréciât! vement
efficace ; quoique la ferreur et l'intensité de
Tamour devenant de plus en plus titc soit
d'une irés-grande utilité pour la perfection.
Or, l'amour de Dieu, ainsi appréciatifement
parfait, doit renfermer la volonlé efficace
d'obsenrer tous les préceptes divins : Celui4à
wCmune qui garde mesfiommandementê et qui les
•frf€ro0(J<Kiii.xiy,21); volonté non pas efficace
effectivement, soit au elle agisse ou qu'elle
commande, de manière que toute action s'ac-
complisse en effet; mais efficace affactive-
ment, c'est-à-dire, actaellement déterminée à
remplir tous les préceptes dont l'observation
se présentera, et par suite de celte détermi-
nation habituelle, refusant son consentement
à tout grave (léché. C'est ce que doit nous
procurer la considération de la grandeur de
Dieu, l'affermissementde notre espérance en
Dieu, d'humbles prières, la mortiûcation et
Tabnégation de soi-même. Bien qu'il soit
louable pour les âmes parfaites de desceo*
dre à un cas particulier, comme de souffrir
plutôt le martyre que de pécher, ce qui in-
dique le plus |iarfait amour ae Dieu, cepen-
dant pour les faibles, dit saint Thomas
\QHodlib. I, c. 9), cette application partie
u iiière de l'amour a quelque chose de diffi-
cile qui n'est ni nécessaire ni convenable ;
à moins que, comme le remarque Louis Du-
pont ( t. I Christ, perf., c. 3), il ne s'agisse
de tentations sur des choses oui se présen-
tent fréquemment et qui ont été antérieure^
ment pour nous une cause de chute. Si
alors le tentateur présente à notre esprit
des cas extraordinaires et excessivement
difficiles, il suffit en général de prendre la
résolution d'être Gdèle à Dieu, avec sa grâce,
en toute circonstance, et de mépriser ainsi
les menaces de notre ennemi furieux.
Concluons de là qu'il peut bien se faire que
Tamour de Dieu soit efficace affectivetnent
sans Têtre effectivemenl, parce que celui
uui possède i maintenant un amour af-
fectif, peut bientêti par suite de la fragilité
hnmaine, manquer à cet amour, et à son
effet qui consiste dans l'observation des
commandements. De sorte que, outre la
grâce requise pour posséder l'amonrde Dieu
fiar-dessus tout, il faut une nouvelle grâce
requise pour persévérer longtemps, sans
commettre de faute grave. Toutefois tom-
ber bientôt dans le péché mortel, ou y re-
tomber fréquemment, est une marque que
l'acte d'amour n'a pas été assez anective-
ment efficace, et oue même il a manqué
tout à fait; car il n est pas naturel de voir
le cœur de l'homme passer si facilement
d'une extrémité à l'autre, de la plus pro-
fonde vénération pour Dieu au mépris de
Dieu pour les choses les plus viles.
Les actes d'amour de Dieu sont : 1* de se
réjouir de tout son ccsur de ce que Dieu est
Dieu et tout notre bien, et de souhaiter qu'il
soit reconnu, aimé, loué, adoré par toutes
les créatures, et que sa volonté soit faite
et glorifiée, parce qu'il est Dieu et qu'il est
digne de tout amour, â* De produire très-
souvent un acte d'amour de Dieu. 3" De
faire présider l'amour de Dieu è tous les
mouvements et les battements de i.otre
cœur, à tous nos pas, toutes nos pensées,
nos paroles, nos actions et nos œuvres, de
manière à ne rechercher en toute chose que
la gloire de Dieu, que sa volonté et son
amour, k* De chercher à foire connaître,
aimer, et gloritîer Dieu de tout le monde,
et à faire accomplir sa volonté en toute
chose. 5* De s'offrir tout entier à Dieu, de
lui sacrifier sa vie et de verser tout son
sang pour son amour. 6* D'avoir toujours
Dieu présent à l'esprit, de vivre, de s'en-
tretenir avec lui, de s'unir à lui, de le louer,
de s'humilier soi-même, de lui rendre grâ-
ces, de le bénir, de l'adorer, de se résigner
tout à fait à sa volonté, et d'accepter avec
reconnaissance tout de sa main. 7* De dé-
sjrer souvent de jouir de Dieu dans la ce*
leste patrie.
Ici se placent naturellement les erreurs
du molinosisme et du quiétismct dont on
trouvera Texposition à chacun de ces arti-
cles. Nous j renvoyons le lecteur.
Le désir de jouir de Dieu est-il un acte
de charité? Oui, quand il tend à jouir de
Dieu pour la gloire de Dieu même. C'est
bien plus, un acte de charité parfaite, parce
que la jouissance de Dieu est la consomma-
tion de la charité. C'est pour cela que saint
Augustin définit la charité tin mouvement de
rdme à jouir de Dieu pour lui-même. De
même c'est un acte de charité que de chérir la
bonté divine , comme nous donnant les
moyens d'accomplir la volonté de Dieu et^ de
parvenir à notre fin dernière. En effet, c'est
chérir Dieu à cause ées bienfaits qu'il nous
accorde, mais en ne considérant ces bien-
faits que comme la communication de la
bonté de Dieu ; c'est enfin cLcrir la bonté
de celui qui nous donne ses faveurs.
La charité héroïque envers. Dieu se re-
connaît, selon Benoit XIV ( De serv. Dei
beatif. 1. lu, c. 23 ), par les actes extérieurs
suivants : le zèle du culte et de l'honneur
411
ŒK
DICTIONNAIRE
CIIA
i!i
divin, le disir de mourir pour être entiè-
rement réuni à Dieu, la joie intérieure ma-
nifestée extérieurement quand on parle de
Dieu, la paix dans les adversités, la joie
quand il arrive de souffrir quelque chose
pour Dieu : aussi sarnt Maxime loue la cha-
rité de saint Pierre» parce que^ placé sur le
navire, il considère le Seigneur^ et conduit
par son amour ^ descend dans la mer. ( Hom. V.)
Sainte Agnès répondit è un jeune homme qui
l'aimait éperdument : Retirez-vous de moi,. ^
je ne puis abandonner celui auquel je suis unie
par les liens de la charité. Saint Jérôme
nous propose un .noble exemple d*amour de
Dieu par-dessus tout» quana il nous mon-
tre sainte Paula sortant de la ville pour aller
visiter les lieux saints, et méprisant ramour
de ses enfants à cause de son vif amour pour
Dieu. (Ep. ad Eustoch.) Snint Laurent oisait
an tyran : Vous perdez votre temps » vos
flammes ne pourront vaincre la flamme de la
ciiarité de Jésus-Christ. (Saint Léon, .Serm.
de saint Laur. ) Quand ces actes sont pro«
duits fréquemment» d'une manière prompte
et empressée» avec joie dans les dimcuUé5;»
au péril de la vie ou des richesses, ils dé-
notent une charité héroïque» ainsi que le
montre Laurœa ( in m» t. II» d. 32 )» et pro-
cèdent du don de sagesse. La charité se
reconnaît encore par la tension continuelle
de Tesprit en Dieu, par de fréquents entre-
tiens sur Dieu» par une considération con-
tinuelle de la bonté divine et des mjrstères
de notre religion» surtout de la passion du
Seigneur, par les méditations en vue d*ex-
citer I amour de Dieu, par un grand déplai-
sir de l'absence de Jésus-Christ, par une
observation très-exacte de sb% préceptes et
de ses conseils» par les extases» les ravisse-
ments, et les autres signes extérieurs au
moyen desquels Dieu daigne manifester
parfois la charité intérieure de ses servi-
teurs.
Puisque la charité envers Dieu est abso-
lument nécessaire pour notre avancement
spirituel, et que Dieu par lui-môme est in-
finiment aimable» aimons-le donc autant
du*il nous est possible» efforçons-nous de
1 aimer de tout notre cœur et d'un amour
infini. En effet, comme dit saint Thomas :
c Malgré tous vos efforts, vous ne pourrez
jamais l'y renfermer, parce qu'il est plus
grmd que tout votre cœur. » (m Matth, xxii.)
« Voulez-vous apprendre de moi, dit saint
Bernard, pourquoi et comment on doit ai-
mer Dieu ? Voici ma réponse : la cause de
Tamour de Dieu» c'est Dieu ; la manière de
l'aimer» c'est de l'aimer sans mesure. »
(Tr. de dilig. Deo^ c. 1.) « L'épouse court
avec empressement, attirée par l'odeur de
vos parfums, elle aime avec ardeur» et sem-
ble encore ne pas rendre assez d'amour pour
celui qu'elle reçoit, même lorsqu'elle s'est
livrée tout entière h l'amour.... Et en effet,
comment reconnaître un amour si grand et
si précieux? » ( /6td., c. k. ) Concluons
donc avec saint Thomas de Villeneuve :
« Seigneur, vous m'avez accordé le don de
votre amour, accordcz-raoi de pouvoir m'ac-
Îuilter envers vous ; car si je ne suis pas
igné de vous aimer, vous êtes. Seigneur,
bien digne d'être aimé de moi... Je vous
chérirai donc de toute manière, car ce que
vous avez fait pour moi est sans mesure....
Il n'est pas bien grand» l'amour qui met
une mesure dans son action ou gui cher-
che à trouver la mesure qu'il y doit mettre.
Car la mesure de l'amour est de faire tout
sans mesure» et sa raison de n'en examiner
aucune. L'amour spirituel n'a ni loi» ni rai-
son» ni mesure ; il est lui-même la loi, la
mesure et la raison sunérieure. i^{Serm. de
S. Magdal. )
La même vertu théologique de charité, qui
mène à l'amour de Dieu» conduit aussi à
fmmûmr du prochain; car il est dit iNtm
avons reçu de Dieu ce précepte que celui qui
aime Dteu, aime aussi son frère (/. Joan iv,
21 ]. Quant è la raison et a la manière d*ai-
mer le prochain, saint Thomas nous les en-
seigne. (2-2» p. 4%, c. 7.) Laraison de Tai-
mer, c'est que nous devons aimer les autres
avec charité, parce qu'ils sont nos proches,
en tant qu'ils sont comme nous l'image na-
turelle de Dieu et aptes à sa gloire. La
manière est que nous devons aimer notre
prochain pour Dieu, comme nous devons
nous aimer nous-mêmes pour Dieu; que
nous ne devons nous réjouir que du bien
et jamais du mal du prochain» et cela» non
pour^ notre utilité ou notre plaisir, mais
avec le même sentiment qui nous fait dé-
sirer le bien pour nous-mêmes : cet amour
du prochain doit même s'étendre jusqu'à
nos ennemis.
C'est par la même espèce de charité qu'on
aime Dieu et le prochain, Dieu pour lui-
même et le prochain pour Dieu, caria raison
formelle d'aimer le prochain, c'est Dieu.
Ce que nous devons aimer dans le prochain,
c'est qu'il soit en Dieu et qu'il s'attache è
lui comme à sa Gn dernière, c'est par con-
séquent que Dieu soit aimé» loué et glori6é
à cause de sa bonté infiniev De sorte qu*ain$i
le motif formel d'aimer le prochain, c'est la
bonté infinie de Dieu aimable en lui et oour
lui. Donc, si quelqu'un aime son procnain
è cause des bienfaits qu'il en a reçus ou de
quelques éclatantes qualités naturelles ou
surnaturelles, ce n'est plus qu'un amour
naturel, k moins que l'on ne considère ces
qualités comme des participations de la per-
fection divine» et que l'on n'aime unique-
ment en elles que la perfection même de
Dieu.
Notre prochain le plus proche, c'est nous-
mêmes. L'hommedoitdonc s'aimer lui-même
par un acte intérieur de charité. Dieu est
digne» comme infiniment bon» d*être aimé
par tous d'un amour de bienveillance; donc
rhomme doit aussi exiger pour lui-même
cet amour à cause de Dieu. Or, c'est là s'ai-
mer soi-même d'un amour de charité. Donc.
rhomme doit s'aimer lui-même pour Dieu.
L'homme doit avoir pour lui-même plus
de charité que pour le prochain. Car il est
dit {Matth. xxu) : Vous aimerez votre pro-
chain comme vous même; cet amour de soi*
115
CBA
D'ASCETISME.
CSA
414
iLéiDe doit donc èlre le modèle de Tarnoor
f\n prochain; or, le modèle est toujours sa*
p *rieur à sa reproddctioa. C'est ce qui fait
d re à saint Augustin (I. t Deciv» Dei^ c. 20) :
• L*amoar qu'on se porte k soi-même est la
rèj:le de celui qu*oo doit porter au procbaio.
D'ail leurs on aime Dieu comme le principe
du liien : or, Thomme s'aime lui-mAme,
comme participant à ce bien, et il aime le
prochain comme associé ahfHuiageaU dans
ce tneo. • Mais la participation est supérieure
à frassociation, comme Tunité Tant mieux
qae Tunion, donc l'homme doit s'aimer lui-
riK^me plus que le prochain. Voici quel ordre
)i faut observer dans la charité : 1* Dieu doit
Hre aîflié rmr-Jessus ^ tout ; 2* chacun doit
«aimer soi-même en rue des biens spirituels ;
3" on doit au^ssi aimer le prochain en vue
des biens spirituels ; 4* on doit ensuite s*ai-
ffîer soi-même en vue des biens du corps ;
5' puis aimer le prochain en Tue des biens
4 j corps ; 6* enfin s'aimer soi-même et aimer
le prodiain en Yue des biens extérieurs.
Il nous faut aussi aimer nos ennemis par
Tii acte intérieur et formel de charité.
I Ainsilereoommande Jésus-Christ(JfallA.T):
Aimez vot ennemis. Il nous déclare que c'est
fin précepte^, en ajoutant : Afin que vous toyez
W fnfanlt de votre Pire qui eii dont le ciel.
It.'s effet, il est nécessaire an salut de tous
t) éire )es enfants du Père céleste. Ensuite,
'i^ns Toraison dominicale, nous demandons
£ Dieu qu'il nouspardonnenofo/fauet comme
noMspardomnons à ceux qui noue oni offeneie,
Cest donc un précepte de pardonner à ses
ennemis : autrement nous ne serions pas
iv^nioonés. Car Jésus-Christ dit encore :
Sx tous ne pardemnex aux hommes^ votre Père
p.e touspardonnerapoêvoipéehéi, 2* L'amour
vi^s eiiuerois nous élève k la perfection spi-
r.tuelle et natu^-eile, et nous évite bien des
faiiîes, en domptant nos passions désordoo-
Rées; il établit en nous la paix intérieure,
ii amène notre ennemi à rechercher notre
imitié, et nous en fait un ami fidèle dans
«Vccasion. Cet amour ramène notre ennemi
^ de meilleurs sentiments; d'ailleurs, ne
v^.jlons-nous pas nous-mêmes que ceux que
b^.us avons offensés nous paidonnentetnous
£ ment? Nous devons donc aimer nos enue-
T is comme nos proches, par un acte inté-
r-urde charité.
L^amonr d'un ami, en lui-même, et toutes
'ircoi.stances égales, est absolument meil-
\-'iT et plus méritoire que Tamour d'un en-
^ r.i. Car, un ami est un olijct meilleur et
; u^ uni à Dieu et à nous-mêmes qu'un en-
r^.iii, du moins si Tami est considéré en
f'iS'in de Tamilié et relativement à celui
Tu aime. Donc l'amour d'un ami est meil-
'^ur. Certes, absolument parlant, il vaut
i^^'ins haïr un ami qu*un ennemi. Donc, ab-
Ki! liment parlant, il vaut mieux aimer un
^iDî qu'un ennemi. Si cependant on consi-
dère le mérite de ces actes de charité par
>^i[>;)Ort k la didicnlté vaincue, à l'effort fait
r-^înr triompher de ses passions, on dira
9 •il j a plus de mérite a aimer ses enne-
^is, car le nint if surnaturel de l'amour,»'
apparaît plos^pur. Si Ton objecte que l'amour
des amis ne mérite aucune récoropensOt
selon ces paroles de saint Matthieu (v) : ^t
voui aimez ceux qui voue aifneni^ quelle récom^
pense aurez ^ vous? Nous répondrons que
l'amour des amis ne mérite point de récom-
Ksnse, seulement, si ce n est point pour
ieu qu'on les aime, et si Ton n'aime point
en même temps ses ennemis.
On assigne habituellement i la vertu de
charité envers le prochain certaines parties
riotentielles qui sont : la bienveillance, la<
bienfaisance et la miséricorde. La bienveil-
lance a rapport aux choses surnaturelles et
ne se distingue pas de la charité; la bien-
faisance entraîne un acte correspondant de
bienveillance, et oonséquemment produit
par la charité : en sorte qu*il n'v a que la
miséricorde qui soit une vertu spéciale, con-
sidérée non comme douleur ou passion de
Pappéfit sensitif produite par une misère
étrangère, mais comme mouvement de l'ap-
pétit intellectuel, sentiment pénible causé
par la misère d'autrui et la volonté de la
secourir d'une manière directe. L'acte de
miséricorde estroiim4)fi€, c'est-k-dire l'action
de donner quelque chose à un indigent par
compassion à cause de Dieu. Les aumônes
sont spirituMes et corporelles. Les aumênes
spirituelles sont au nombre de sept, savoir :
1* Enseigner les ignorants.; 2r conseiller ceux
qui sont dans l'incertitude; 3* consoler ceux
qui sont affligés; 4* corriger les pécheurs ;
5* pardonner les offenses; 6* supporter ave&
patience les personnes ennuyeuses et d*hu-
meur intolérable; 7* prier pour tous. Les
auroênes corporelles sont aussi au nombre
de sept : 1* Donner à manger à ceux qui ont
faim; 2* donner à boire à ceux qui ont soif;
3* vêtir ceux qui sont nus; 4* donner l'hos-
pitalité aux étrangers; 5* visiter lesinfirmes ;
6* racheter les captifs; 7* ensevelir les morts.
Alin donc de faire des progrès dans la
Toie de la perfection, nous devons nous
exercer avec ferveur doiu la charité du pro-
chain, (K>ur l'amour de Dieu. En effet, V l'Ecri-
ture sainte ajoute immédiatement après le
premier et le plus grand commandement»
celui de l'amour de Dieu. Le second est sem--
blabfe à celui-ci : Vous aimerez votre prochain
comme vous-même {Matth.nxîU^). De même
S de, dans rficriture sainte, l'amour seul de
ieu est plus d'une fois recommandé comme
son précepte , de même l'amour seul du
prochain y est déclaré comme la meilleure
preuve de l'amour de Dieu et en quelque
sorte comme l'abrégé de tous les comman-
dements. Nous avons reçu de Dieu ce com-
mandement^ que celui qui aime Dteu chérisse
aussi son frère (1 Joan. iv, 21; Joan xni,.
34; XV, 12). Celui qui aime le prochain^ ac-
complit la loi {Rom. xiii, 8 ; GaL v, 14)-
2* On le prouve aussi par les SS. Pères :
c Celui qui aime Dieu, dit saint Augustin,,
doit faire ce que Dieu ordonne, et son amour
est proportionné à ses actions. Il doit donc
aimer le prochain, puisque Dieu Ta ordonné»
et celui qui aime le prochain doit aimer
parti^^ulièrement cet amoiur lui-même. Or»
415
CIIA
DlCTiONNAIRC
CHA
416
c*est Dieu qui est cet amour, et celui qui
demeure dans Tamour demeure en Dieu,
donc on doit aimer Dieu particulièrement. »
(L.?iii De Trtn.9C.7);saint Jérôme (Comment.
ad GaL); saint Isidore {Différent, spir.);
saint Laurent Justioien (Groa. Perf.^ c. 13)»
tienDeo.t h peu près le même langage, 3^ La
raison vient d'en être donnée par saint Au-
gustin : de même que la cbarilé envers Dieu
est absolument nécessaire pour l'avance-
ment spirituel* de même aussi la charité
envers le prochain, sans laquelle la cbarilé
envers Dieu n'est rien.
Les actes de cbarilé envers le prochain
sont : t"* de se réjouir des bonnes œuvres du
prochain et des biens que Dieu lui accorde;
2* de s'attrister du mal du prochain» tant
spirituel que corporel; 3* de prier pour tous,
môme pour ses ennemis; ^* de s'eiposer aux
plus dures extrémités, bravant la mort même
pour leur salut; 5° d*exercer envers eux des
œuvres de miséricorde tant corporelle que
spirituelle. Pratiquer souvent ces actes et
d autres semblables, malgré toutes les dif-
Ocullés, avec joie, promptitude et empresse-
ment, dénote une chariti kiroxque ; elle se
prouve le plus souvent par un zèle ardent
pour le salut des Ames, par d'abondantes
aumônes, par la fondation d'hôpitaux pour
les malades et de collèges pour la jeunesse.
(Yoy. Benoit XIV, De serv. Dei beatif., c. S3.)
Que notre amour envers Dieu soit donc
nop-seulement affectif, ce qui regarde plus
principalement Dieu en lui-même, mais
qu'il soit encore effectir, ce qui a plus de
rapport au prochain, et en même temps à
nous-mêmes, fin effet, le zèle pour le salut
des Ames, de notre Ame surtout, est le meil-
leur effet, la marque et la preuve d'un véri*
table amour de Dieu. Or, ce zèle ne doit pas
être désordonné au point que le trop grand
désir d'être utiles aux autres nous fasse
négliger le soin de notre propre salut. La
charité doit être sagement ordonnée, selon
ers paroIe& : // a ordonné en moi la charité,
{Cant. II , k.) Saint Bernard distingue, à ce
sujet, entre la charité en acte et la charité
en affection. La charité d'affection doit aller
jusqu'à faire ce qu'il y a de mieux, sinon par
nous-même, au moins par les autres, pour l'a-
luour de Dieu ; la charité d'acte, commandant
les œuvres extérieures, doit rester dans les
limites de l'ordre prescrit, soit à nous,
soit aux autres. Concluons donc avec saint
Jean Chrysostome : c Puisque nous tfvons
un Seigneur si miséricordieux, si bienveil-
lant et si doux, prenons soin de nous-mê-
mes et de nos frères. N'ayant pas de solli-
citude exclusivement pour nous seuls,
sojrons aussi utiles à notre prochain ; con-
duisons-le en quelque sorte parla main vers
la voie de la vérité ; ce sera pour nous une
preuve et une occasion de salut. » (Hom. 3
1» G en.)
Congeili pratiques aux directeurs sur la
charité envers Dieu^ sur son essence^ ses pré--
rogatives et les moyens de Vacquérir. — I. Le
directeur, pour ne pas commettre d'erreur
Sur le degré de charité auquel s'élève son
pénitent, doit distinguer la substance des
accidents de cette vertu théologale; autre-
ment, il court risque de 'regarder comme
ayant atteint la dernière limite de la cha-
nté divine, une personne qui à peine aura
mis le pied dans cette voie. Il doit donc
considérer qye le^ vertu de charité est une
habitude infuse par Dieu dans l'Ame eu
même temps que la grico, et remarquer si
celte habitude est autre chose que la grâce
sanctifiante, et si elle s'en distingue véri-
tablement. L'acte de la charité est /a*
mour pour Dieu, amour qui résulte de la
volonté et de l'habitude infuse, avec le
concours de certains secours surnaturels,
par lesquels Dieu élève l'intelligence ptfor-
titie la volonté pour aimer. Il suit de laque
l'acte de charité n'est pas sensible par lui
même; car étant un effet de la faculté spi-
rituelle, il est spirituel aussi, tout comme la
mère qui l'a engendré. Il est vrai que rH
acte spirituel se manifeste bien souvent
dans la partie inférieure del'&me, oCk réside
l'appétit seusitif ; alors, il se rend sensible
par une sorte de tendre, suave et délicieuse
affection; et s'il se développe avec forcctil
se transforme en ardeur, en ferveur, en
élancements impétueux; il éclate même ea
soupirs, en gémissements et en larmes
Cela posé, il faut savoir que la charité
divine, en tant que vertu, consiste dans une
habitude infuse, et en tant qu'acte d'amour.
dans un certain mouvement de la volonté
envers Dieu, qui, par lui-même, n'est pai
sensible. Les tendresses, les douceurs, les
ardeurs et les larmes spirituelles qui sui-
vent l'acte de la volonté, sont un pur acci-
dent de la charité, et leur absence n'enlève
rien à la substance de cette vertu. H faut
aussi remarquer que la sensation de cet
amour est parfois plutôt un effet de la nature
que de la grâce. Un tempérament sanguin et
porté à la tendresse se répand facilement
en douces affections envers l'objet aimé:
de sorte que, malgré le peu d'énergie que
sa volonté déploie dans l'amour de Dieu,
non-seulement son cœur s'attendrit et s*en-
ilamme avec facilité, mais il en vient mtm
t' usqu'à verser des larmes. Au contraire, uu
lomme d'une complexion moins sensibk
et plus rude, quelle que soit la viracité
de son amour pour Dieu, bien qu*il le
préfère à toute créature et qu'il soit prêta
accomplir pour lui les plus grandes choses,
ne peut cependant éprouver aucune affec-
tion de tendresse, m ressentir aucune de
ces douceurs qui transportent des penson-
nés moins affermies dans la fbarité. 11 peut
encore se faire qu'on aime Dieu avec beau-
coup de tendresse et de douceur, sans avoir
le moindre sentiment de charité. En effet.
l'homme constitué en grflce, et animé {lar
l'habitude de la charité, produit fréquem-
ment des actes surnaturels d'amour sensi-
ble, d'où résulte, dans son appétit seosH
tif , une sorte d'habitude et de facilité à
concevoir ces actes d'amour remplis de ten-
dresse et de douceur, ce qui constitue une
habitude acquise et non infuse, et par cou-
iî7
eux
D*ASCETISME.
CIU
418
st^^uent oatorelloy et non surnaturelle. Si
cette persoone vient à tomber en péché mor-
tel, il est certain qu*elle. perdra a la fois la
grêce et la charité. Si, dans ce cas, elle arrive
à fixer naturellement sa pensée sur Dieu (car
la nature nous annonce que Dieu est un être
iufioiment parfait), l'appétit sensitif, par
suite de cette habitude acquise, s'abandon-
nera facilement à des affections d*amour
sensibles et délicieuses, affections qui n*ont
aucun mérite, et qui ne sont certainement
pas des actes de charité, car elles n'ont
aucun principe surnaturel d*où elles puis-
sent proTenir. Le directeur comprendra
far là combien grande est Terreur de ces
ères spirituels, qui, pour mesurer le de-
gré d'amour de leurs disciples, prennent
fiour règle certaines tendresses , certaines
ardeurs et certaines défaillances pleines de
suavité. Car il peut arriver que, pour les
nns^ la charité soit en raison inverse de
l'intensité de ces sortes d'affection, tandis
que d'autres qui éprouvent beaucoup moins
lie ces tendres sentiments, possèdent une
charité beaucoup plus vive et plus pré*
aeuse.
Toutefois, que le directaur n'aille pas
s'imaginer que nous prétendions blâmer ici
l'amour et la piété sensible envers Dieu, ni
nous associer aux impiétés de Moiinos, qui
a osé traiter cet amour sensible de honteux
et d'abominable. Toute personne raisonna-
ble sait que l'amour sensible de Dieu est
saint et pieux ; que cet amour est un vérita-
ble don de Dieu, par leauel les âmes sont
attirées, entraînées dam Vodeur de se$ par^
fum»^ et détachées des vains plaisirs du
monde ; que, oien que nous sojrons de purs
esprits, nous avons aussi des sens, qui de-
mandent un certain aliment ; enfin que ces
atfeLtious sensibles, si nous en faisons, à
l'exemple des saints, un usage régulier, nous
sont très-avantageuses. Nous disons seule-
ment que les directeurs ne doivent pas s'en
exagérer l'importance, au point de les pren-
dre pour mesure de la charité. Autrement
ils tomberaient dans une grossière et hon-
iffuse illusion. Car ces affections ne sont ni
le suc, ni la moelle, mais seulement l'é-
lorce, c*est-à*dire un pur accident de la
charité. D'ailleurs elles proviennent bien
souvent en grande partie, et quelquefois
b.ème exclusivemeni, de la nature. Nous
di>eas donc que non-seulement il ne faut
p:is s'exagérer la valeur de ces affections,
mais qu*on doit même se garder de mani-
fester extérieurement, l'importance au'on y
attache, afin de ne pas exciter par là dans
\t pénitent des sentiments de vaine complai-
sance. En effet, quelque saintes et nrofilaol s
que soient ces affections sensibles, elles
Uevieouenl nuisibles quand on en abuse,
et sont un grand obstacle à la perfection
chrétienne.
Ainsi le directeur, dans l'appréciation
de la. charité de ses disciples, doit doue
)>rendre pour règle» non la tendresse, mais
la forée; non la douceur des affections,
ii.dis la vigueur des opérations. Saint Jean
nous en donne le précepte (/ Joan. m,
18).: Aimons, non en parole ni de bouche^
maie en action et en vérité. Ce saint ajiAtre
nous l'enseigne encore d'une manière sym-
bolique, par cet ange de l'Apocalypse, qui,
pour mesurer la JéruMolem céleste, fait usagis
non d'un fragile roseau des champs, mais
d'un roseau d'or, c'est-à-dire eoihposé d'un
solide et dur métal, qui, loin de se détruire,
s'épure et se perfectionne au contact du feu.
Il mesura ta ville avec une toise if or, et la
trouva large de douze mille stades (Apoc. xxi,
16). Quelle est cette toise d'or que le di-
recteur doit avoir continuellement k la
main , pour mesurer avec vérité les pro-
grès de ses pénitents dans la charité ei la
perfection, c est ce que nous allons exa-^
miner.
II. La charité ne doit pas se mesurer par
les impressions qu*on éprouve, mais par
ce qu'on fait et ce qu'on souffre pour Dieu.
Ce sont le les deux toises d'or, dont la me-
sure est infaillible. Voici ce que dit à ce sujet
sainte Thérèse, dont Tautonié est si grande
en matière spirituelle : € Si vous medemc-n-
dez comment peut s'acquérir cet amour, je
vous répondrai : c'est en agissant et en stiuf-
fraut pour Dieu d'une manière sérieuse et
efficace, soit en se proposant d agir, soit en
exécutant cette résolution quand l'occasion
s'en présente. » (Fundnt, c. 10.) Quant è
ces opérations , le directeur doit toujours
avoir sous les yeux ces paroles de saint
Grégoire (Hom. 30 m Evana,) : c L'amour
de Dieu n'est jamais oisif : s'il refuse d'agir,
ce n'est nlus de l'amour. » La raison en est
claire. L amour est un feu ; et le Sauveur
a dit : Je suis venu apporter le feu sur la
terre ; et que veux-je sinon qu'il s'allume?
Ainsi l'amour a-t-il toutes les propriétés
du feu. De tous les éléments il n'en est pas
de plus actif, ni d'une action plus |)roiiinie
?ue le feu. Il réduit en poussière les plus
normes rochers, il amollit le fer le plus
dur, il fond les métaux rebelles. Il ravage
les champs, les bois, les pala's, tout ce qu il
. rencontre: De même l'amour divin ne laisse
fias languir dans une honteuse oisiveté
l'âme qu'il occupe ; mais il la pousse sans
cesse a accomplir de grandes choses en
elle-même et dans le prochain, pour plaire
à son bien-aimé Seigneur. Il crie sans cesso
en son cœur, comme autrefois Rarhel à son
époux Jacob : Donnex-moi des enfants ou je
mourrais {Gen. xxx, 18.) Donnez-moi di s
gages d'amour, donnez-moi des fat gués,
donnez-moi des peines', donnez-moi des
inGrmités, donnez-moi des âmes, donnez-
moi des sueurs : car tout cela platt à mon
bien-aimé.
Si la personne spirituelle en est arnr.'e au
point ue sopporier pour Dieu les travaux
les plus pénibles, sans en ressentir aucune
peine, et même de trouver du plaisir à eft-
durer ces falîgues et ces difficultés, elle
est parvenue à un degré plus parfait d'à*-
mour. Saint Augustin a dit {De bono vidait. ^
c. 21) : Les fatigues de ceux qui aiment ne
leur sont nullement pénibles : dits v>f^I nlu^
1*19
CHA
DICTIONNAIRE
CHA
4îe
tôt pour eux une source de plaisify comme la
pêche et la chasse... Car quand on aime^ on
ne souffre aucune peine^ ou bien on aime la
peine quon endure.
Si donc le directeur voit ses pénitents se
donner beaucoup -de mal et de peine pour
arriver à la perfection et pour rendre ser^-
vice à leur prochain , et n'épargner pour
le soulagement de leurs besoins corporels
ou spirituels ni peine, ni fatigues, ni tra-
vaux , ni difficultés , ni argent ; n*agir
enlin dans aucun motif d^utilité personnelle
ou de vanité, mais i)0ur Dieu seul ; il peut
l^iir dire alors que la vraie charité règne
dans leurs cœurs. Mais si le* contraire
arrive, si cette femme, qui vient souvent
se jeter aux pieds du directeur, aime peu le
travail, et s'efforce peu de s'occuper de ses
affaires domestiques ou de venir en aide à
ses compagnes; si elle ne s'inquiète que
de fréquenter les églises et de réciter des
prières vocales ; le directeur peut lui dire
sans hésitation avec saint Jean, quelle aime
de bouche et non en action et en vérités Si le
pénitent, ecclésiastique ou séculier, ne s'ap-
plique pas à mortifier ses passions, et ne veut
endurer aucune incommodité pour le soulage»
ment de ses frères ; mais s'il se repaît seu-
lement de pieuses affections dans ses priè-
res et de soupirs poussés au pied de l'autel ;
il peut lui dire encore qu'tl aime de bouche
et non en action et en vérité. 11 doit ensuite
graver dans leurs esprits ces paroles de saint
Augustin et de saint Grégoire : L'amour vé-
ritable^ dit le premier (m /oati., tract. 75),
pour ne pas être un vain nom^ doit se prou^
ver par les œuvres. La marque de Vamourf
dit saint Grégoire ( m Heg.^ U xi, c. 4 ],
consiste non dans Vaffection de Vàme^ mais
dans le zèle de Vaction.
L'autre mesured'or, avec laquelle il faut me-
surer la charité des pénitents, c'estde voir s'ils
y souffrent avec joie pour Jésus-Christ. Cette
mesure est infaillible. En effet là où l'amour
propre ne peut pénétrer (comme dans l'amour
des souffrances), il.nepeuty avoir deplaceque
Jour l'amour divin. « Il n'est rien, dit saint
ean Chysostome (Hom. 64. adpopul.)^ que
ne surmonte l'amouravec le désir. Or, comme
cetamour est le désirde Dieu, c'est l'amour le
plus sublime; et ni le feu, ni le fer, ni la pau-
vreté, ni les inûrmités, ni la mort ne semble-
ront pénibles à quiconque possède cetamour;
méprisant tous les obstacles, il volera vers
le ciel, et se conduira en toute chose comme
ceux qui y habitent; ni le ciel, ni la terre,
ni la mer n'occuperont son esprit, il ne con-
sidérera uniquement que la beauté de la
gloire du Créateur, et m la tristesse de la vie
présente ne pourra le décourager, ni les dou-
ceurs et les consolations spirituelles l'enor-
gueillir. » Saint Augustin en dit autant en
quelques mots : « U n'est rien de si dur et
de si difficile que ne puisse surmonter le feu
de Tamour. Si Tflme sur les ailes de ce feu
s'élève en Dieu, elle volera libre et digne
d'admiration au-dessus de tous les suppli-
ces, » [In Joan.y tract. 48.)
Voulez- vous avoir sous Icsyuux un exem-
ple do cette charité forte et robusie, invin-
cible au milieu des adversités, voyez l'Apô-
tre des nations. Considérez-le, tantôt chargé
d'entraves au fond d'un cachot, taotèt suc-
combant sous le poids de ses chaînes, un-
tôt poursuivi à coups de pierres par i.i mul-
titude, déchiré à coups de fouet parles ty-
rans, mis à mort par ses persécu leurs, e(
écoutez ce qu'il écrit aux Corinthiens (/]
Cor. VII, k) : Je suis rempli de comolatm^
je surabonde de joie au milieu de mes adter^
stï^^. Entendez l'apôtre André s'écrî<r à Tas^
pect de la croix où il va être attaché : f 0
bonne croix, depuis si longtemps l'objet de
mes désirs, de mon amour le plus ardeot,
que j'ai recherchée sans cesse, mainlenanl
enGn mes vœux sont accomplis et je viens à
toi sans crainte et avec allégresse. » {Bm.
Rom.^ in fest. S. Andreœ> 30 Nov.) Ecoutez
Sainte Thérèse de Jésus qui refuse lic vivre
sans douleurs et qui désire ou souffrir on
mourir pour sou bien-aimé. Kt sainte Ma-
deleine de Pazzi, qui souhaite de vivre afin
de souffrir davantage pour son bien-aimé,
et qui s*écrie : Non fui^urtr, mais souffrir.
Donc si le directeur voit que son pènileol
supporte avec plaisir, par amour pour Dieu,
les douleurs et les inûrmités; lui oiïre avec
un cœur<satisfait les calomnies, lesinjureset
les persécutions; supporte avec patience la
perte de ses biens, ae son honneur, de se»
f>roches et de ses amis les plus chers; aime
a mortification et pratique la pénitence; il
doit alors se réjouir, parce que cette âme est
pleine de charité. Mais si le pénitent bc mon-
tre ennemi de toute affliction, de toute ad-
versité et de toute mortification, etqucloute
la force de son amour consiste en de tciidres
affections, et s'il- n'aspire dans son «nuour
qu'à éprouver la douceur des cousolc.lioiis
sensibles, si enGn, lorsqu'il s'en voitcoibbi^
il s'y complaît, tout comme s'il était ûlevé
à l'amour des Séraphins, le directeur duil
s'attrister, parce qu'un tel disciple est eucore
faible dans la charité; et il est hors de doute
que, malgré ces consolations sensibles, il
n'aime Dieu que d'un amour languissant.
Je dirai plus: cette flme, en aimaul Dieu,
s'aime plutôt elle-même que Dieu, car elle
recherche plutôt dans eet amour une satis-
faction personnelle que le goût de Dieu.
Il est encore une autre mesure de la cba*
rite, c'est la conformité en toutes choses à
la volonté de Dieu. Cette conformité est l'acte
principal de la charité, et par conséquent !a
marque la plus certaine du véritable à\noiit
de Dieu. (V. Confommitê.)
Conseils pratiques sur Vamour de confor-
mité; ses fondements^ ses motifs et son, utiU^é,
— I. La bonne direction d'un Père spirituej
est d'une grande utilité pour le péiiileut qui
veut acquérir une véritable conformité à la
volonté de Dieu, et par conséqu^'nt une cha-
rité véritable, puisque c'est $iirtuul daus
cette conformité que consiste la charité.
Quand le directeur remarque fSaws une âiue
exempte de péché mortel q.uelques senti-
ments d'amour qui s'y maiûfcstent peu i
peu, il d il l'appliquer à en saint exeicice.
m
CHA
D'ASCETISME.
CHA
afin de transformer ces seutimenls en un
amour solide el iéoood en œuvres. Aussi
doil-il lui proposer sou f en t la considération
des motifs eiposés plus haut, aûn qtie sa
Tolonté prenne h détermination de ce sou-
mettre surtout dans les choses pénibles à la
faililesse de noire nature. 11 faut donc lut
enjoindre de prendre et de répéter plusieurs
fois dans la journée, comme oraisons Jaou*
latoires, certaines paroles de l'Ecriture, où
se trouTe eiprimé un désir ardent de con-
furuiité à la volonté de Dieu. Ainsi : Quevo-
ire volonté se fasse et non la mienne, — Non
comuneje veux, mais comme vous voulez, —
Que votre volonté se fasse sur la terre comme
au ciel. — Seigneur f que voulez^vous que je
fasst ? — // est écrit de moi en tête du livre^
qu^je fasse votre volonté. — Mon Dieu ^ je le
veux. Sainte Gertrude répétait jusqu'à 365
fu.s (4ir jour ces paroles : Mon doux Jésus!
que votre volonté se fasse ^ et non la mienne.
Ce pieux exercice aura pour fruit, e!i inspi-
rant au pénitent des aspirations fréquentes
d'accomplir la volonté de Dieu, de conserver
toujours vivant daus son cœur ce saint désir;
de sorte que s'il se présente quelqu'une de
ces adversités et de ces tribulations , qui ne
manquent jamais dans cette misérable vie, il
sera toujours prêt à se soumettre aux ordres
divins.
11. Que le directeur instruise aussi son
disciple è joindre à cette conformité la con-
tiaoce en Dieu. Ce dernier sentiment dis-
pose au premier et le rend plus facile. Si
l'homme, en butte aux tribulations provo-
quées soit par les hommes, soit par les dé-
mons, soit par des causes nécessaires, croit
avec une loi vive que tout a été ordonné
^e Dieu pour son plus grand bien, il espère
aussi fermement que !e résultat de toutes
ces épreuves ne peut que lui être avanta-
geux, el il se confie en Dieu avec un gé-
uéreux abandon. Par ce sentiment d'espé-
rance, il se conforme facilement à la volonté
de Dieu, et supporte avec patience et rési-
gnation toulis les adversités qui lui arri-
vent, en ré|iéiant ces paroles de David : Je
danmiraiet me reposerai dans la paix que je
trouve en vous^ parce que vouê m^aveZf Set-
gmessr, affermi dans l'espératue tune mtunière
iOMte singulière {Psed. ir, 9, 10}. Au con-
Iraire si rboiume est dépourvu de cette
eonfiance dans la providence divine, s'il
craint un fâcheux résultat des adversités
qui loi surviennent, il se conformera diffi-
alement h la volonté de Dieu, et même n j
parviendra jamais, k moins de posséder une
Tertu à toute épreuve.
C'est ceque prou veadmirablement l'exem-
ple du moine Martin, rapporté par saint
iirégoire {Dial.^ 1. ui, c. 16}. Ce digne ser-
viteur de Dieu habitait une caverne prati-
quée dans une montagne : Dieu pour mon-
trer la bienveillante sollicitude qu'il lui
partait, en fil jaillir une source, qui lui four-
nissait sa boisson. Le démon, supportant
avec peine la sainte vie que Martin menait
dans cette caverrie, tenta de l'effrayer par
CLur^.bU:s citions. Pendant que le saint
moine était cti ornison, ii lui apparut foiis
la forme d'cîn affreux serpent, qui s'appro-
chait de lui comme pour le dévorer et s'en-
laçait autour de ses membres, afin de le dé-
tourner de ce saint exercice. S'il se piéfia*
rait à se livrer au repos, le serpent, pour
troubler son sommeil, s'étendait a ses côtés.
Mais si grande était la conformité de Martin
à la volonté de Dieu, que dans sa conliance
que ce serpent ne pouvait lui faire aucun
mal, € ce saint homme, comme le raconte
saint Grégoire, approchait ses mains ou ses
pieds de sa gueule, en lui disant : Si tu as
reçu le pouvoir de me faire du mal, qui te
retient? je ne m'y oppose pas. » Cette ten-
tation diabolique dura trois années consé-
cutives. Enfin, vaincu par tant de constance,
le monstre infernal se mil à pousser d'af-
freux s.filemeots , et vomissant feux et
flammes, se précipita du sommet de la monta-
gne, entraînant avec lui les arbres, les rochers,
tout ce qu'il rencontrait sur son passage. Le
saint docteur termine ainsi ce récit : « Pen-
sez combien il fallait de confiance à cet
homme du Seigneur, pour vivre ainsi trois
ans sans crainte, au sommet d'une mon-
tagne, avec un serpent. » Tant a de force
la conformité à la volonté de Dieu, quand
elle est soutenue par une rive confiance que
Dieu viendra à notre secours et fera tourner
è notre avantage les maux qui nous arri-
Tent. Le directeur doit donc, dans les ad-
versités, exciter dans le cœur du pénitent
cette pensée, que Dieu ordonne toute chose
en vue de son plus grand bien. Celte eon-
fiance aplanira les difficultés de la nature»
et déterminera sa volonté h se couformer
facilement à la volonté divine, et à lui té-
moigner toute la soumission qu'il lui doit.
lu. Un moyen très-utile d'arriver à cette
sainte conformité, c'est de s'habituer à faire
toutes ses actions, quelle que soit leur im-
portance, en vue déplaire a Dieu, et d'avoir
toujours pour motii et raison d'agir le bou
plaisir de Dieu et l'accomplissement de sa
sainte volonté. Si l'homme en effet daus les
œuvres de son propre choix se propose ha-
bituellement ce bon |>laisir divin, il se dis-
pose fortement h se proposer le même but
dans les œuvres qui ne dépendent pas de
son libre arbitre, et même dans celles qui
arrivent par la permission de Dieu et qui
sont contraires k son caractère et h son in-
clination naturelle. De cette sorte, dans ces
circonstances, il s'y conforme avec plus de
facilité, et il n'a pas de répugnance à vou-
loir ce que Dieu veut. Remarquons à ce su-
jet que cette sainte disposition qui préside
a nos'actions, doit, pour produire l'ilfet dé-
siré, être tellement pure qu'on n'ait jamais
en vue dans ses opérations autre chus.* que
la volonté de Dieu, et si souvent r. pétéo,
qu'elle ne puisse être souillée par i«- con-
tact des autres iuis humaines el iiitc itioi<s
terrestres.
IV. Le directeur doit amener peu à peu
ses pénitents à cet!e sainte conformité de
l'âme, de manière à les iaire passer d'un
ilc^rC' l l'autre, jusqu'à ce qu'enfin ih abj^*-
425
CIIE
DiCTIONNAIftE
CtIR
lït
renl nu desré le plus subtil et le plus par-
fait. Qu'il s efforce d'abord de leur persuader
de sup|iorter avec patience les tribulations
qui leur viennent de la roain de Dieu. En
effet, le meilleur moyen de soumettre sa vo-
lonté propre à la volonté divine consiste 5
comparer entre elles ces deux volontés, et h
considérer quelle audace i! y aurait à vou-
loir préférer h la volonté suprême et domi-
natrice de Dieu celle d'un homme qui n*c$t
que bassesse et néant. Sainte Ludivine s'é-
criait au milieu de ses cruelles infirmités :
« Seigneur, je vous remercie infiniment de
ne pas m'épargner les douleurs et les afllic*-
tions : car la pensée que votre volonté
s'accomplit en moi est pour moi une source
d'ineffables consolations. » Que le directeur
remarque aussi, auel que soit le degré de
conformité auquel aspire le pénitent, ^u'il
est toujours necessai.''e do le demander ins-
iammeut h Dieu; car si, pour acquérir quel-
que vertu, il est besoin de prières ferventes
et continuelles, à plus forte raison, pour
arriver à la conformité parfaite, qui est la
reine de toules les vertus, ces prières se-
ront-elles indispensables. Aussi le nénitent,
désireux d'unir sa volonté h la volonté di-
vine, devra-t-il s'écrier souvent en présence
du Seigneur : Enseignex-moi à faire votre
volonCé^ parce que vous êtes mon Dieu ( Ps»
GXLII, 10)»
V. Le directeur rencontrera des personnes
pieuses, qui, dans les maux terrestres,
comme dans la perte de la santé, des hon-
neurs ou des ricnesses, savent se conformer
k la volonté de Dieu; mais il en rencontrera
bien peu qui sachent s*y soumettre pleine-
ment, quand elles sont privées des consola-
tions sensibles, quand elles sont en proi«)
à la sécheresse ou à l'abandon spirituel. Il
doit donc leur persuader que cette séche-
resse ot cet abandon viennent de Dieu, et
qu'elles sont tenues de s'y conformer, non
moins que dans les autres adversités.
CHARTREUX.— Voy. Discours prélimi-
naire.
CHAUCHEMER (François), Dominicain,
né à JBloisen 16^0, et docteur en théologie,
se distingua dans son ordre par son talent
pour la prédication. Il prêcha souvent à la
cour, et y recueillit des applaudissements
mérités. II fut provincial de Paris. Il mourut
dans cette ville le 6 janvier 1713, dans le
couvent de son ordre, rue Saint- Jacques.
Ses œuvres ascétiques sont: t'' Sermons sur
les mystères de la religion chrétienne^ Paris,
1Ï09, in-12; — 2- Traité de piété sur les^
avantages de la mort chrétienne^ ibid. 1707,
a vol. in-12.
CHEMINAIS (Timoléon), Jésuite, né à
Paris en 1G52, 6t admirer son talent pour la
chaire à la cour et à la ville. Il mourut en
1689, Agé de trente-sept ans, en digne mi-
nistre de cette religion qui l'avait animé
{rendant sa vie. Sa carrière fut courte, mais
ûen remplie. Outre ses sermons, on a de
lui Les sentiments de piété, 1691, in-12, ou-
vrage qui se ressent un peu trop du style
brillant de la chaire, et pas assez du langa(;e
affectueux do la dévotion.
CBEVASSUS (Joseph;, curé de Rousses
dans le diocèse de Saint-Claude, mort à
Saint-Claude, sa patrie, le 25 octobre 1753,
Agé de 78 ans, était l'exemple du troupeau
qu*il instruisait. On a de lui des Méditations
ecclésiastiques^ 6 vol. in-12, 1764, où il y a
des choses solides et neu de touchantes
CHOEUR.-— Parmi les devoirs de la vie
reliKieuse, un des principaux est l'assiduité
au chœur. Sur la fidélité a ce devoir on peut
mesurer la ferveur et la régularité dune
communauté; et lorsqu'il n'est point rem-
|)li, c'est une marque certaine, dit Bourda-
oue, du dépérissement de la diseiplinr.
Les supérieurs doivent donc, sous peine de
faute grave, veiller à l'exacte observanc6 de
cette grande obligation. Nous nous conten-
tons ici de faire remarquer quelques abus
qui doivent être soigneusement corrigés,
pour le bien de la religion ; nous voulons
parler des motifs frivoles qu'on allègue sou*
vent pour s'exempter de Tassistance au
chœur. Clément VIII et Urbain VIII ont or-
donné qu'aucun réçuijer, quel qu*il soit, et
nonobstant tout privilège, ne soit exempté
du chœur, pas même .Tes- généraux, ni les
provinciaux, ni les autres supérieurs quel-
conques, à moins qu'ils ne soient actuelle-
ment occupés aux fonctions de leur charge.
Sainte Thérèse s'élève avec force contre les
religieux qui, sous prétexte de quelque in-
disposition légère, se dispensent facilement
du chœur et des autres exercices de la rè^^le;
elle ne voit dans une telle conduite qu'une
lAcheté honteuse, une affligeante tiédeur et
un piège dangereux du démon, qui, sous le
frivole prétexte do la santé du corps, attaque
]*Ame a'une maladie mortelle. (Jùant à la
durée des oflices, D. Calmet remarque que
leur longueur démesurée n'est pas toujours
avantageuse à la religion. Les prières voca-
les trop longues et trop multipliées, non-
seulement n'entretiennent pas la dévotion
et l'esprit d'oraison, mais elles l'épuisent et
l'éteignent, pour ainsi dire. Ces longues
prières, souvent, n'engendrent que l'ennui
et le dégoût, et donnent lieu de nouveau à
ce reproche du prophète : Ce peuple m'honore
des livres, et son caur est loin de moi. Il
sera donc plus utile, pour les communautés
religieuses, de partager le temps entre Ws
exercices du chœur, l'oraison mentale, les
lectures particulières ou publiques de piété,
et l'étude ou le travail des mains.
CHRODEGAND (Saint), évèque de Metz,
mort en 766, fut employé par le roi Pépin
en diverses négociations. La plus honorable
est celle de I année 753, où il fut chargé
d'amener en France le Pape Etienne III, qui
lui accorda le pallium avec le titre 'd'arche-
vêque. Il institua une communauté de clercs
réguliers dans sa cathédrale, et leur donna
une Règle, qui a été publiée par le P. Labbe,
dans sa Collection des conciles. Ce* saint
évoque est regardé comme le restaurateur
de la vie commune des clercs, et 'comme
Tinslituteur des chanoines réguliers.
CBR
D^ASCETISMC
ClIR
4S0
SA «tete. — Le plus beau titre de gloire
de saint Cbrodegang , après ses éaiinentes
▼erlus 9 fut la r^e qu'il composa pour ses
clercs. Il la tira en grande partie de la règle
de Saint-Beoolt qull modifla de manière à
la rendre praticable à des ders destinés au
service de l'Eglise.
Les dercs des différentes ^lises» Tivant
en commun, étaient bien déjè une règle
tirée des canons «et que pour cette raison
on appelait l'ordre canonique. Mais les dis-
positions de cette règle étaient oubliées et
trop peu pratiquées. Peut-être aussi qu'elles
ne repondaient plus aux besoins du clergé
de cette époque et que certaines modifications
étiiient devenues nécessaires. Saint Cbrode-
gang entreprit ce travail ; sa rèdefut si es-
timée , que plusieurs érèques l'adoptèrent
pour leurs clercs canoniques ou cbanoines
(123), c'est-è<Kiire les clercs rivant en com-
munauté.
La règle de saint Cbrodegang {iVk) ne
contient que trente -quatre articles avec
une préface » où il déplore le mépris des
canons et la négligence des pasteurs, du
clergé et du peuple. Il n'engage pas les
clercs de sa communauté k une pauvreté
absolue , mais il veut que quiconque j en-
trera fasse une donation soieonelle de tous
ses biens à l'église de Saint-Paul de Metz ,
permettant de s'en réserver l'usufruit et de
disposer de ses meubles pendant sa vie.
Les prêtres auront la disposition des aumô-
nes qui leur seront données pour leurs
niessbs , pour la confession on l'assistance
des malades » si ce n'est que l'aumêne soit
donnée pour la communauté (1%). Pour la
clôture , les cbanoines ont liberté de sortir
le jour t mais k l'entrée de la nuit , tous doi-
vent se rendre k Saint*Etienne qui est la ca-
tbédrale de Metz « pour cbanter compiles ,
Sfirès lesquelles il n'est plus permis de
lK>ire, de manger et de parler; on doit gar-
der le silence jusqu'après prime du lende-
main. Celui qui ne s'est pas trouvé k com-
piles ne peut entrer, ni même frapper k la
porte , jusqu'k ce qu'on vienne aux noctur-
nes. L'arcbidiacre , leprimicier ni le por-
tier ne donneront aucune dispense de cette
règle dont ils ne puissent rendre compte k
révoque. Tous les cbanoines logeaient donc
dans un cloître exactement fermé , et cou-
chaient en différents dortoirs communs, où
chacun avait son lit. Aucune femme n'en-
trait dans le cloître ni aucun laïque sans
(13^ Les dercs caiieiiîqiics eu chanoines éuieni
les clercs qu n'avaient |ias de bénéfice et ne rece-
Taieot le«r nécessaire que des revenos eodésbsU-
f«es disCrilNiés par les HMlrini/arti, soos la surreil-
b«ee de rérèqûe. On donnait, an vin* siècle et
ptms tard, le nom de chanoines ans dercs virant
en eonuinnauté, soit dans la maison épiscopale,
ftoit dans les diflérenles écoles ecdésiasliqoes. An*
joanThni on le donne seulement à des prities
diaraés de dire pabli<iuenient Toflloe canonique dans
rq^fise Msoopale.
(It4) woff, LccociTE, Xfina/., t. Y, et Labbc, Cor-
ciln, t. YHI. Nous Uanscrivons à peu près rexcellente
anaiiM qn*a laite de œUe règle Ijeurr* dans son
Uulmre êedénmsti^^, Uv. Ilui, i| 37, 1», 39.
. d'Ascétisme. I.
permission. Si on donnait k manger k quel-
qu'un , il laissait ses armes hors du réfec-
toire (196-7)t et, aussitôt après lerepas, sortait
du cloître. Les cuisiniers mêmes, si on en
prenait de laïques , sortaient aussitôt qu'ils
avaient fait leur service.
Les cbanoines se levaient la nuit k deux
heures pour les nocturnes comme les moi-
nes, suivant la règle de Saint-Benoît, et
netlaient entre los nocturnes et les mati-
nes ou laudes, un intervalle pendant lequel
il était défendu de dormir. On devait j ap-
prendre les psaumes par cœur, lire ou
chanter. Pendant le jour , ceux qui se trou*
vaient trop loin de l'église au moment où
on sonnait l'office, pouvaient le réciter au
lieu où ils se troufaient. Il est défendu aux
clercs de tenir des bâtons k la main dans
l'église , sinon pour cause d'infirmité. Les
cban'oines doivent garder entre eux le rang
qu'ils tiennent dans le clergé , se traiter
avec respect et ne se point nommer simple*
ment nar leur nom.
Apres l'office de prime, on tiendra le
chapitre tous les jours. On lira un article
de la règle , des homélies , ou quelque au-
tre livre édifiant. L'évéque ou le supérieur
J donnera ses ordres et j fera les correc-
tions. Au sortir du chapitre, chacun ira au
travail manuel qui lui sera prescrit.
Quant k la nourriture , depuis Pâques jus^
qu'k la Pentecôte , on fera deux repas , et
on pourra manger de la chair, excepté le
vendredi seulement. De la Pentecôte k
la Saint^Jean , on fera deux repas, mais
sans manger de chair. De la Saint- Jean à la
Saint - Martin , deux repas et abstinence
de chair, les mercredis et vendredis. De la
Saint-Martin k Noël, al>stinence de chair
et jeûne jusqu'k none. Depuis; Noël jusqu'au
carême, jeune jusqu'k none, le lundi,
le mercredi et le vendredi, avec abstî*
nence de chair ces deux derniers jours ;
les autres jours , deux repas. S'il vient une
fête en ces fériés, le supérieur pourra
permettre la chair. En carôme , on jeûnera
jnsqu'k ? épres , avec défense de manger bore
du cloître. Il y aura sept tables dans le ré-
fectoire, la première pour révéque« les
hôtes avec fes étrangers, Tarchiniacre et
ceux que l'évéque y appellera; la seconde
pour les prêtres, la troisième pour les diacres,
la quatrième pour les sous-diaeres , la cin-
quième pour les autres cleres , la sixième
pour les abbés et ceux que le su|»érieur
(125) c Cest la première fois, dit Fleory k cet
eiidroit,aiie je trouve des aaménes ou rétributioiis
particulières pour des messes oo d*aotres fonctioiis
ecdësisstiques. t Le docte historien eûtpu remarquer
auparavant ces rétributions, en particnlier dans le
canon deuxième du premier coneUe de Yaison, le
canon douzième du denûéme condie d*Âiies. Noos
ponnrions dter on grand nombre d*aatres conciles
de rEg;lise de France, où il est fait mention des of-
frandes des fidèles k Toccasion des fonctions ecclé-
siastiques. On les trouve indiquées dans le deuiième
volume de VHUtaire de VEglue de Framee^ aux d(f •
férentes expositions des travaux législatifs* sous le
titre : Bietu eeeUnaêtiqnet.
(1^7) Les Francs allaient urajo^ifs armes.
1%
4i7
CHR
DICTIONNAIRE
CHR
428
voudra , la septième pour les clercs de la
ville » les jours de fête (128). La quantité du
pi^in n'est point fixée. A dîner , les cbanoi^
nés auront un potage, deux portions de
viande, ou un e portion de viande et une autre
d*un certain aliment maigre appelé cibaria.
A souper,une demi-portion de chair et une
portion de cibaria. Les légumes et le fromage
remplaçaient la viande les jours maigres.
La boisson est réglée, et l'es chanoines
avaient une petite mesure qu*on remplis-
sait deux ou trois fois , suivant les jours.
Ils devaient faire la cuisine tour à tour,
excepté l'archidiacre et autres fonctionnaires
occupés plus utilement.
Pour les vêtements , on donnera tous les
ans , aux anciens, une chape neuve , et les
vieilles serviront anx jeunes. Les prêtres et
les diacres qui arrivent continuellement
auront deux tuniques , ou de la laine pour
en faire , et deux chemises. Tous auront
chaque année, pour leur chaussure, un
cuir de vache et auatre paires de semelles ;
on leur donnera ae Targent pour acheter le
bois ; et toute cette dépenso du vestiaire et
du chauffage se prenait sur les rentes que
]*£glise de Metz levait sur la ville et aux
campagnes. On aura un soin particulier des
chanoines malades , sMIs n'ont pas de quoi
subvenir à leurs besoins ; ils auront un lo-
gement séparé et un clerc pour les servir.
Ceux qui seront en voyage avec l'évêque ou
autrement, garderont, autant qu'il leur sera
possible, la règle de la communauté.
Celte communauté de chanoines était
gouvernée par Tévéque, et sous lui par
l'archidiacre et le primicier, que l'évêque
pouvait corriger et déposer s'ils manauaient
à leurs devoirs. Il j avait aussi un celiérier ,
un portier, un infirmier.
Il est ordonné aux clercs de se confesser
à l'évêque deux fois l'année : au commen-
cement du carême, et depuis la mi-août jus-
qu'au premier jour de novembre. Ils pour-
ront se confesser , dans les autres temps,
toutes les fois qu'ils le voudront, soit à l'évê*
que , soit à un prêtre désigné par lui. Celui
qui aura celé quelque péché en se confes-
sant à l'évêque et cberctiera à le confesser à
d'autres, si l'évêque peut le découvrir, il lo
punira en le faisant mettre en prison et en
Juî donnant la discipline(tâ9). Saint Chrode-
gang veut que les clercs reçoivent le corps
et le sang de Notre-Seiçneur tous les di-
manches et les grandes lêtes , è moins que
leurs péchés neleâ en rendent indignes.
Lo chanoine coupable de grands crimes ,
homicide, fornication, adultère, larcin,
recevra d'abord la discipline , puis sera mis
en prison à la discrétion du supérieur sans
communication avec personne ; au sortir de
(12^) LcB communautés des clercs n'excluaient
donc point le clergé séculier, même dans les villes
où elles étaient éiablies.
(129) Nous ne croyons pas qu'il s'agisse dans ce
passage d'une confession sacramentelle, mais de
ce que dans les communautés, on appelait la coulpe.
Si révêque ou le prêtre désigné par lui eût entendu
uii« conlessioa sacramentelle, il n eût pas pu décia-
la prison , il fera encore pénitence publique,
si Je supérieur le juge a propos. Celui qaj
était en pénitence venait h toutes les heu-
res de l'oiOce à la porte de l'église, et j de-
meurait prosterné jusqu'à ce que tous fus-
sent entrés. Il récitait l'ofTice debout en
dehors de l'église, il gardait l'abstinence
telle qu'elle lui était imposée par le supé-
rieur.
Pour les péchés graves, comme désobéis-
sance , révolte, murmure , médisance , ivro-
gnerie, transgression du jeûne, ou quel-
qu'autre précepte delà règle, saint Chrode-
gang établit qu'il y aura deux admonitions
secrètes, puis une publique, et si le cou-
pable ne se corrige, il sera excommunié;
s'il est trop grossier ou trop dur pour élre
touché de Texcommunication , on usera ï
son égard de punitions corporelles.
Quant aux fautes légères , comme d'être
venu tard à l'ofQce ou au repas, on
donnait pour pénitence de se tenir quelque
temps debout ou à genoux auprès de la
croix qui était à côté du cloître , ou on im-
posait quelau'autre punition toujours moin*
are pour celui qui s'accusait lui-même.
Les clercs, qui n'étaient point de la com-
munauté et demeuraient dans la ville de
Metz , devaient venir les dimanches elles
fêtes aux nocturnes et aux matines (c'esl-à-
dire laudes) dans la cathédrale; ils assis-
taient au chapitre et à la messe, et man-
geaient au réfectoire h la septième table,
qui leur était destinée. Les chanoines pou-
vaient avoir des clercs pour les servir , avec
la permission de l'évêque. Ces serviteurs
étaient sujets k la correction et devaieot
assister aux oilGces en habit de leur ordre,
comme les clercs du dehors , mais ils B*as-
sistaient point au chapitre et ne mangeaient
point au réfectoire.
A la fin de sa règle , saint Chrodegang
prescrit les aumônes qu'on devra faire aux
pauvres inscrits sur les matricules des
églises, et recommande fortement de leur
donner en même temps l'aumône spirituelle,
l'instruction , les bons conseils , les secours
de la religion.
Cette règle de saint Crhodegang fut adop-
tée par toutes les communautés de clercs
réguliers ou chanoines, comme celle de
saint Benoît le fut par les moines ; seule-
ment elle fut modifiée en ce qu'elle avaltde
particulier concernant l'Eglise del^]etz,et
augmentée au concile d'Aix-la-Chapelle.
CHROMACE (Saint), pieux et savant évé-
que d'Aquilée, au iv*^ siècle, succéda à saint
Valérien, en 387, défendit avec zèle Rufioet
saint Jean Chrysostome, fut ami de saint
Ambroise et de saint Jérôme, et mourut
versIS^OG. Il nous reste de lui quelques ou-
rcr que telle ou telle faute lui aurait été célëe , sani
trahir le secret de la confession. La cou Ip était an
acte d*faumilité que pouvaient s'imposer (es moines
et les chanoines plus souvent que ne rordoonait
la règle, par esprit de pénitence et de componction.
Cette coulpe ou confession non sacramentelle éuit
en usage même dans les communautés de femmes,
et se faisait à Tabbcsse.
4i9
CLO
D*ASCET1SHE.
COE
450
▼rages ascétiques, imprimés dans la Biblio-
thèque des Pires, Ce sonl des homélieSf au
nombre de dix-huit, dans lesquelles on
trouve une explication de l'Oraison domini-
cale, et d*exceileotcs maximes surTaumône,
le jeûne et les autres vertus chrétiennes
CIANTÈS (Joseph), né à Rome Tan 1612,
entra dans I ordre de Saint-Dominique, s'y
distingua par ses rertas et sa science, fut
nommé è un évêché dans la Calabre, et
iiiourut è Rome, en 1670. On a de lui, entre
autres ouvrages, un livre intitulé : De laper*
feclion de la rie épiscopale^ en italien.
CILICE. — Large ceinture, ou espèce de
scapulairc, que Ton met autour des reins,
(•otjr se livrer à la mortification.
Il existe une opinion qui fait venir cette
expression du pajs où cet instrument fut
tJ*abord mis en usage ; c'est la Cilicie.
CLÉMENT d'Alkxandrie (Saint) succéda
k Portonies dans l'école d'Alexandrie, en
190. 11 s'illustra par ses savants travaux : le
Seul qui nous intéresse dans le but aue nous
l'OursuîvonSj c'est son Traité de pédagogie ^
en trois livres, où il donne une haute idée de
ia sainteté à laquelle un Chrétien doit tendre.
CLÉMENT (Denis-Xavier), de l'Académie
de Nancy, doyen de l'église collégiale de
l.îgoj, prédicateur du roi, né è Dijon en
1706*, mourut en 1771, avec une grande ré-
ttutation de piété. Il se consacra de bonne
licare k la chaire et è la direction, et il ser-
ait utilement l'Eglise dans ce double emploi.
Outre ses Sermons^ h vol., nous avons de lui
quelques ouvrages de piété, dont les prin-
cipaux sont : 1* Avis à une personne engagée
dans le monde ^ in-8*; — ^ Méditations sur la
pntiionj in-12; — 3* Maximes pour se con-
duire chrétiennement ; — %" Exercice de
fâme^ etc.
CL£MENTdeBoisst (Athanase-Alexandre),
né à Créteil, près de Paris, en 1716, d'une
f>miile parlementaire, dévouée aux opinions
•le Port-Rojal, maître des comptes, est au-
tour de plusieurs ouvrages spirituels, dont
îes principaux sont : !• Jésus-Christ^ notre
amour ^ 1788, in-12; — 2* Traïf^ de la prière^
178^, in- 12; — 3* Le mépris des choses hu-
maines^ 179L II eut un frère qui devint évé-
q»it' constitutionnel de Versailles, en 1797.
U 'ment de Boissj mourut le 22 août 1793
CLOTURE DES RELiGIEDSES. — Lei lois
ecclésiastiques pour la clôiure des religieu-
sr»^ étaient très-sévères. Il y a des canons
>]•] ir" siècle, qui défendent, même auxévè-
qties, d'entrer dans les monastères des vier-
^'••s sans nécessité, et sans être accompagnés
'i ecclésiastiques vénérables par leur âge et
rar la gravité de leurs mœurs. Cette sévé-
rité était nécessaire, surtout en Afrique et
dans l'Orient, où les femmes ont toujours
été plus renfermées que dans les contrées
i\\i nord, et où la moindre familiarité avec
V* > hommes suilisait pour rendre leur con-
duite suspecte. Dans nos climats septen-
trioiaux, où les mœurs sont plus douces et
la so:.cté plus libre entre les deux sexes,
on s'est relâché de cette austérité, sans qu*il
en soit arrivé de grands inconvénients. Il y
a des maisons de filles non cloftrées, où les
mœurs sont aussi pures que dans celles qui
gardent la clôture la plus sévère. Mais ce
n*est point une raison de donner alteinte à
Tancienne discipline, ni de blâmer les pré«
cautions que TEglise a toujours prises pour
entretenir une parfaite régularité dans les
cloîtres. Les communautés les plus renfer*
roées, et qui ont le moins de communica-
tions avec les personnes séculières, sont or-
dinairement les mieux réglées, les plus pai-
sibles et les plus heureuses. On sait qu*il
est défendu, sous peine d'excommunication,
aux personnes séculières, d'entrer dans les
maisons des religieuses sans nécessité.et sans
la permission des supérieurs ecclésiastiques.
La clôture monacale est un mur de sépa-
ration entre le monde et le serviteur de
Dieu, qui trouve un abri dans cette retraite
contre les scandales t'i les perfides amorces
du péché. Le monde ne peut plus étaler le
spectacle de ses sollicitations séduisantes à
ces âmes qui, se défiant de leur faiblesse,
ont rompu avec lui et ont juré même de ne
plus le voir. Ellestrouventqu*ellesont encore
assez à combattre, ({uc d'avoir à vaincre le
monde intérieur qui se porte avec elles dans
la solitude.Elles goûtent la parole de Fauteur
de V Imitation : Quoties inter homines fui^ mi-
nor homo redii ; et cette autre : In silentio
et quiète proficit amma devota,
CLCGNY (François de}, né , en 1637, à
Aigues-Mortes, entra fort jeune dans la con-
grégation do rOratoire, à Paris. Après avoir
enseisné avec réputation dans divers collé-
f s, il fut envoyé a Dijort en 16C5. 11 y passa
e reste de ses jours, occupé à la direction
des âmes, et mourut en 169&, à cinquante-
sept ans. Ses Œuvres spirituelles ont été
recueillies en 10 vol. in-12. Elles sont plei-
nes d*idées singulières et bizarres.
COEFFETEAU (Nicolas), Dominicain célè-
bre du temps de Henri IV et de Grégoire XV,
Sui tous deux le chargèrent de réfuter, Tun,
[enri YIII , et Tautre, Duplessis-Mornay ot
deDominis. Il s*acquilta de cette commis-
sion avec succès : ses sermons étaient goû-
tés; mais le seul ouvrage que nous ayons à
signaler à nos lecteurs est son ouvrage de la
Pénitence,
COEUR DE JÉSUS (Dévotion au). — La
dévotion au sacré cœur de Jésus, quelque
nouvelle qu'elle paraisse au premier abord,
et qu*clle soit en effet à raison de quelques-
unes de ses pratiques, est, dans le rond,
aussi ancienne que le christianisme, et in-
timement liée avec ses principes fondamen-
taux (130).
C'est un dogme de la foi chrétienne, qu*il
y a en Jésus-Christ deux natures distinctes,
la nature divine et la nature humaine, in-
séparablement unies eu la personne du
Verbe. En vertu de cette union, que les
théologiens appellent hyposlatique ou per«
sonnelle, il se fait entre les deux natures
f,
(i3(») Coss£Li5, ïiistructions hisUniques^ dogmaiiqnet et morales.
131
COE
DICTIONNAIRE
cor
m
une communication mutuelle de noms» d'at-
tributs et de propriétés; d'où il résulte que
les propriétés d'une nature peuvent être at-
tribuées à l'autre, et que les deux natures,
avec leurs propriétés, peuvent être attri-
buées à la personne du Verbe. De là ces ex-
pressions consacrées par l'usage et l'ensei-
gnement universel de l'Eglise : Le Verbe in-
carné, ou le Fils de Dieu fait homme, est
Dieuel homme tout ensemble; il est tout à
la fois passible et impassible, mortel et im-
mortel; et autres ex[)ressions semblables,
par lesquelles on attribue à Tune des deux
natures les propriétés de l'autre, h cause de
leur union étroite et inséparable dans la
personne du Verbe. En vertu de cette môme
union, la divinité de Jésus-Christ et son hu-
manité sont dignes du môme culte de latrie;
avec cette seule différence, que la divinité
mérite ce culte par elle-même et par sa
propre nature; tandis que Thumanité, étant
par elle-même un objet créé, ne mérite ce
culte qu'i raison de son union avec la per-
sonne du Verbe. Par la mêmeraison, le culte
de latrie peut être rendu, non-seulement à
riiumanilé entière de Jésus-Christ, mais en-
core à toutes les parties de son humanité,
en tant qu'elles sont personnellement unies
au Verbe ; en sorte que la sainte âme de Jé-
sus-Christ, son corps, son sang, et toutes
les parties de son corps, ne sont pas moins
dignes de ce culte que son humanité tout
entière. Conséquemment à ces principes,
les théologiens enseignent que, pendant
les trois jours de la mort de Jésus-Christ,
non-seulement son âme sainte, mais son
corps et son sang, séparés l'un de l'autre,
étaient dignes du culte de /o/rte, parce qu'ils
étaient toujours unis k la personne du Verbe,
A plus forte raison peut-on leur rendre ce
même culte, maintenant qu'ils sont insépa-
rablement unis entre eux, aussi bien qu au
Verbe divin. La légitimité de ce culte, selon
la remarque des theoloi^iens, est fondée sur
ce que, en adorant l'humanité de Jésus-
Christ, ou quelqu'une de ses parties, on ne
les considère pas séparément de sa divinité,
mais en tant qu'elles lui sont inséparable-
ment unies; à proprement parler, on n'ho-
nore pas une partie considérée isolément
et en elle-même, mais on honore la partie
avec le tout, dont elle ne peut être sépa-
rée (131).
Le langage de la tradition est parfaite*
ment conforme à ces notions ; rien n'est si
ordinaire» dans les écrits des saints docteurs
et de tous les auteurs ecclésiastiques, que
les expressions de cuUe de latrie^ appliquées,
(131) Pour le développement de ces notions ,
voffez MuzEARKLLi, ubt Bupra^ Du bon usage de la /»-
giqueen matière de religion, p. 7-11, 23-26.
(132) On trouve un recueil de ces témoignages
dans les ouvrages du P. Galiffet et du P. deMontnard.
(133) Sanguiê quem effudit de corde^ testis est
dilectioniê maximœ,,.. fudit tanguinem de vulnere
tatorti et con/ts, ut disctpulot in fide dubios, et a/tos
muttoê in fide et bonœ vitœ êtabiiitale tentatos,
et ideo [rigtdos guasi mortuos calefaceret et revivid-
earet. (Opusc. 58, cap. 27 et 28.)
soit à la sainte humanité de Jésus-Christ en
général, soit à certaines parties de son hu-
manité, à son corps, k son sang, k ses plaies,
et surtout à son cœur sacré. Qu'il nous suf-
fise de rapporter ici quelques passages de
ces auteurs, qui expriment d'une roaoière
plus touchante la dévotion singulière dont
ils étaient pénétrés pour le sacré cœur de
Jésus, longtemps avant que l'Eglise eût éta-
bli une fête et des pratiques spéciales en
rhonueur de ce divin cœur (132).
L*angc de Técole, saint Thomas, repré-
sente le cœur de Jésus, ouvert sur la croix
d'un coup de lance, comme le (^motn de am
immenee charité envers len hommes, comme
la source des grâces qui ont confirmé sa dis-
ciples dans la /ot, et ressuscité tant d'àma,
mortes devant Dieu par le péché (133). Saint
Bonaventure parle des plaies de Jésus-Christ,
de son sang et de son cceur, comine des
sources de la grâce et du salut. « O aimable
passion de mon Sauveur Is*écrie-t-il; A mort
admirable 1 » Qu'y a-t-il en effet de plus admi-
rable que cette mort qui nous vivifie, que ce»
blessures quinotM guérissent, que ce sang qui
nous purifie, que ce côté ouvert qui unit k
cœur de Jésus a notre cœur f O mort aimable
et délicieuse! Non, je ne veui plus me se-
f»arerde Jésus; je veux être è jamais avec
ui ; je veux établir en lui trois demeures,
Tune dans ses mains, une autre dans ses
f)ied8, et une plus continuelle dans son côté;
à, je parlerai à son cœur, et j'obtiendrai de
lui tout ce que je voudrai O aimables
plaies de mon Sauveur 1 Qui pourrait expri-
mer le bonheur d*une Ame qui s*unit au coeur
de Jésus par ces sacrées ouvertures? Non,
je ne puis Texprimer; mais faites-en vous-
même Texpérience, et vous le compren-
drez (13^}. Saint Bernardin de Sienne, pour
exprimer l'amour infini que Jésus-Cbrisl
nous a témoigné sur la croix, dit qu*î/fiotf'
y montre son cœur comme une fournaise du
plus ardent amour, capable d'embraser f uni-
vers (135). Les plus célèbres auteurs mjsli-
ques, Blosius, saint Vincent-Ferrler, sainl
François de Sales, et plusieurs autres par-
lent des plaies sacrées de Jésus^hrisK et
surtout de son cœur sacré, comme d*un lien
de refuge, où les Ames fidèles trouvent tout
à la fois une source de délices ineffables et
un asile assuré contre toutes les attaques
de leurs ennemis. « Que le Seigneur est
bon I dit le saint évêque de Genève ; que son
cœur est aimable! Demeurons Ik» dans ce
saint domicile; que ce cœur vive toujours
dans nos cœurs. » (136). Mais il entrait dans
les desseins de la Providence de doQuer,
(134) Saint Bohavcnturb, Stimnl. Amer., ca^ 1-
Ge teite du saint docieur forme la sixième leçon
des matines de la féie da Sacré-Cœur de icsus,
dans le Bréviaire de Paris.
(455) Saint Bernardin de Sienne, De pasusm
Domtat, serra. 51, part, n, art. i.
(136) Saint François de Sales, LoUre 61 da
livre IV. Voyez aussi les lettres C9 et 101 du n^
livre. {Œuvres de saint François de Sales, U 1" oS
réditioa in-folio de Paris, i«fi3.)
133
COS
D*ÂSCEnSHE.
COE
134
dsDs ces derniers tempSt un noaveau dé-
Teloppement à cette dévotioD, toujours si
chère aui âmes ferrentes ; et la même sa-
gesse, qui a souvent inspiré à TEglise d'é-
tablir ou de propager, suivant les circons-
tances, certaines fêtes et certaines dévotions,
propres à ranimer la piété des fidèles (137),
devait rengager à étendre de nos jours le
coite du sacré, cœur de Jésus, comme un
puissant remède contre la tiédeur univer-
selle et contre les plaies cruelles de Findif-
férence et de Timpiété. La France elle-même,
qui devait être le théâtre des plus terribles
attaques livrées à la religion par l'esprit
dlncrédulité, devait aussi être comme le
berceau d*une dévotion réparatrice, destinée
à eipier tant d excès.
Un des plus zélés propagateurs de celte
dévotion , au xvu* siècle, fut le P. Eudes,
fondateur d*une congré^tion principale-
ment destinée à la direction des séminaires
et à Tœuvre des missions (138). Ayant éta-
bli, en 16!^, dans la ville de Caen, celte
pieuse congrégation, il voulut qu'elle fût
particulièrement dévouée aux sacrés cœurs
de Jésus et de Marie. Dans cette vue, il en
ûl célébrer la fête dans les séminaires de sa
congrégation, avec i approbation de plu-
sieurs évêc{nes et archevêques de France,
et il obtint du Pape Clément X, en 16*72^,
Tapproftiation de plusieurs confréries, éri-
gées dans les mêmes séminaires en l'hon-
neur des sacrés cœurs de Jésus et de Marif*,
avec plusieurs brefs d'indulgences à per-
pétuité, pour les membres de cette con-
frérie.
Vers ce même temps , la dévotion au sacré
cœur de Jésus prit encore de plus grands
accroissements, par suite du zèle et des
efforts de la vénérable mère Marguerite-
Marie Âlacoque, religieuse de la Visitation,
et du P. de la Colombière, Jésuite, son
directeur (139). Dieu , qui avait suscité au-
trefois la bienheureuse Julienne, prieure
d'un monastère de Liège, pour donner com-
mencement à la Fête du saint sacrement,
adoptée depuis par toute l'Eglise, parut sus-
citer, au XVII' siècle, la mère Marguerîle-
Marie, religieuse du monastère de la Visita-
tion de Paray-le-Monial, au diocèse d'Autun,
pour procurer Tétablissemeut de la fête du
Sacré-4>Bur de Jésus, et pour ranimer dans
r£glise la dévotion des fidèles envers ce di-
vin eoeur. Cette religieuse, d'une éminente
vertu et favorisée de grâces extraordinaires,
crut avoir reçu de Jésus-Christ lui-même
l'ordre de s'employer de tout son pouvoir
pour l'établissement d'une fête particulière-
en Tbonneur du sacré cœur de Jésus. Nous
rapporterons ici cette révélation dans les pro-
pres termes qu'a employés la mère Uargue-
(157) n est i ranarqoer qne plosieurs dévotions,
aB|o«rd*hiii très répandoeSy et plusieurs fêles ao-
jourdlmi câébrées par toute FEglise, doivent leur
ori^iiie k certaines provinces, à certaines villes, à
certains ordres religieux» quelquefois même à des
révélations particulières.
(138) De MoiiT5AaD, ubi ^f^p"* i" part., chap. 5,
p. 51 etc.; Alsas Bctleb, frailé des fêtes mod..
rite-Marie, dans la relation qu'elle en écrivit
par ordre du P. de la Colombière , son di-
recteur. < Etant devant le saint sacrement,
un jour de son octave, je reçus de mon Dieu
des grâces excessives de son amour. Comme
j'étais touchée .du désir d'user de quelque
retour, et de lui rendre amour pour amour,
il me dit : Tu ne peux m'en rendre un plu»
grand qu^enfaUani ce que je faidéjàiant de
foie demandé. Puis, me oécouvrant son divin
cœur : Yoiià , dit-il , ce cœur qui a tant aimé
le$ hommeây quil n*a rien épargné^ jusqu'à #'/-
puiser et se consumer pour leur témoigner son
amour ; el, pour reconnaissance^ je ne reçois de
la plupart d'entre eux que des ingratitudes ,
par les mépris^ les irrévérences^ les sacrilèges
et la froideur quHls ont pour moi dans ce
sacrement d'amour. Mais ce qui m*est encore
plus sensible^ c'est que ce sont des cœurs qui
me sont consacrés qui me traitent ainsi, Cest
pour cela qtu je te demande que le premier
vendredi après Coctave du saint sacrement
soit dédié à une fête particulière^ pour hono-
rer mon cœur^ en lui faisant réparation d'hon-
neur par une amende honorable ^ communiant
ce jour-là pour réparer les indianités quil a
souffertes pendant le temps quil a été exposé
sur les autels ; et je te promets que mon cœur se
dilatera^ pour répmdre avec abondance les
influences de son amour divin sur tous ceux
qui lui rendront cet honneur» >
D'après cette révélation, la mère Margue*
rite-Marie avant prié Dieu avec ferveur de
choisir u ne *^ personne plus capable qu'elle
d'exécuter un si important dessein, il lui
ordonna de s'aitreser au P. de la Colom-
bière, son serviteur, et de lui dire de sa part
qu'il n'oubliât rien pour établir celte dévo-
tion; qu'il trouverait de la difficulté, mais
qu'il lui ferait la grftce de la surmonter. Le
P. de la Colombière , doué d'un rare dis-
cernement, et digne par sa haute piété de
conduire une âme favorisée de grâces extra-
ordinaires, examina soigneusement devant
Dieu les révélations dont nous venons de
pirler; et le résultat de cet examen fut
de les lui faire regarder comme venant ef-
fectivement de Dieu. Il entra donc pleine-
ment dans les vues de la mère Marguerite-
Marie, et prit la résululion de s'employer
désormais de tout son pouvoir à l'exécution
des ordres qu'il croyait avoir reçus de Dieu
par lorgane de cette âme privilégiée. Il se
consacra lui-même au cœur de Jésus, et ne
négligea rien pour répandre de tous c6tés
celle dévotion. Ses efforts furent puissam-
ment secondés par la réputation de sainteté
dout il jouissait, aussi bien que la mère
Marguerite-Marie, et qui s'accrut de plus en
Elus jusqu'à leur mort. Le P. de la Colom-
ière mourut en 1682, et la mère Marguerite-
édit. de UUc, 1854; I2* traîlé, cbap. Il , p. 441 ;
Picot, Essai sur Pinf menée de la religion^ t. il, p.
369; VAnù de la religion, i, XIX, p. 1*25; XlO,
538; YUdu P, Eudes; Paris, 1827, in-li.
(139) De MoïfTHAaa.. Ibid., p. 52, etc.; Al»a5
BLTLEa.,ii6i s«pra,p. 194; Vie de la mère Margue-
nte-Marie Alacoane , par M. Lakgi-et , arclicvéquo
de Sens; Paris, I .^, in-4^
455
COE
DICTIONNAIRE
COE
436
Marie en 1690. La canonisalion de celte
sainte religieuse se poursuit à Rome en ce
roorcent\ le 28 mars 182^4', elle a été déclarée
vénérable par un décret de la congrégation
des Rites; et, le 23 août 1846» le Souverain
Pontife Grégoire XVI, après avoir entendu
le rapport de la même congrégation, a pu-
blié le décret qui déclare « que la vénérable
servante de Dieu, sœur Marguerite-Marie
Âlacoque , a pratiqué les vertus au degré
héroïque, et qu'en conséquence il peut être
passé à l'examen des trois miracles néce0*
saires pour obtenir sa béatiGcation (lU)}. »
Sa Vie, écrite par M. Langue!» archevêque
de Sens, donne la plus haute idée des grAces
singulières dont elle avait été prévenue, et
de sa fidélité à les mettre à profit. Dans la
préface de cet ouvrage, Tauteur discute avec
soin et prouve de la manière la plus satis-
faisante la vérité des révélations de la mère
Marguerite-Marie; il rapporte un des mira-
cles opérés après sa mort, par son interces-
sion ; miracle qu'il dit avoir lui-môme vérifié
sur les lieux, lorsqu'il était grand vicaire
d*Autun.
Quoi qu'il en soit de la vérité de ce mira-
cle et des révélations de la mère Marguerite-
Marie, sur lesquels le Sainl-Siége n*a rien
prononcé jusqu'ici, les efforts du P. de la
Colombière et de sa pénitente ne tardèrent
pas à obtenir le but qu'ils se proposaient.
La dévotion au sacré cœur de Jésus se ré-
pandit en peu de temps dans toutes les par-
ties du monde chrétien,, malgré les obstacles
et les difficultés qui ne manquent jamais de
traverser les œuvres de Dieu. La nouveauté
apparente de cette dévotion, et les difficultés
que lui opposaient quelques esprits critiques
et railleurs, n'empêchèrent pas les évoques et
le Saint-Siège lui-même, de Tautoriserouver-
tement, et de favoriser à cet égard le pieux
empressement des fidèles (1^1). Les religieu-
ses de la Visitation, surtout, embrassèrent
avec ardeur les pratiques de cette dévotion,
avec la permission des évoques sous la juri-
diction desquels se trouvaient leurs mona-
stères. La dévotion au sacré cœur de Jésus
fut d'abord établie dans celui de Moulins en
1678, dans celui de Dijon on 1681, et dans
celui de Paray en 1686. La fête du Sacré-
Cœur de Jésus fut autorisée dans le diocèse
de Coutances en 1688, dans celui de Besan-
çon en 1694, dans celui de Lyon en 1718;
et dans ces diocèses, comme dans plusieurs
autres, il se forma bientôt de nombreuses
confréries en l'honneur du sacré cœur.
11 est à remarquer que le diocèse de Paris
fut un des premiers où cette dévotion s'é-
tablit, et où les pieux fidèles témoignèrent
plus d'empressement h l'embrasser, il est
vraisemblable qu'on y célébrait déjh la fôle
du Sacré-Cœur de J(^sus, au moins dans
quelques églises, avant Tépiscopat du cai-
H40) Alban Butler , Vies des saints, cdit. de
Lille, Ï83i, t. XX, p. 491; VAmi de la religion,
t. XXXIX, p. 308; LXÎU, 54; LXXXil, 5i7; CXXX,
B67,
(lit) De Montnard, ibid, chap. C; Alba.\ Bitlek
ubi supra, p. 194, etc.
dinal de Noailles; car on voit la fête du
Sacré-Cœur de Marie célébrée pendant les
premières années de l'épiscopat de M. de
Harlay et avec son approbation, dans l'é-
glise des religieuses du Saint-Sacrement, où
la reine, mère de Louis XIV, aussi tîien que
la reine son épouse, avaient coutume d'as-
sister chaque année à la célébration de cette
fête {ik2). ti n'est guère probable que la
fête du Sacré-Cœur de Marie ait été auto-
risée dans le diocèse de Paris avant celle
du Sacré-Cœur de Jésus. Mais, quoiqu'il eu
soit de cette particularité, il est certain qu'on
voit la conirérie du Sacré-Cœur de Jésus
établie, sous M. de Noailles,dans huit églises
ditrérenles du diocèse de Paris, particulière-
ment dans celle des Récollels de Versailles,
en 1695 ; dans celle de la Visitation, de la
rue Saint-Jacques, à Paris, en 1699; dans
celle de la Visitation du faubourg Saint-
Germain, eii 1700 ; et dans celle des Filles
de Tunion chrétienne, en 1706 (143).
Parmi lesprélatsqui établirent depuis cette
dévoliondans leurs diocèses, on doit surtout
remarquer M. de JBeIzunce, évéque de Mar-
seille, qui, pendant la peste dont son troupeau
fut frapj[)é en 1720, se dévoua avec tant de
générosité au service des malades. Tous les
moyens ordinaires paraissant inutiles pour
remédier à ce fléau , le pieui évoque
résolut , de concert avec les magistrats
do la ville, de la consacrer, par un acte
solennel, au sacré cœur de Jésus. Il indi-
qua pour cet effet une procession soleu*
nelie qui eut lieu le 1" novembre 1720, et
pendant laquelle il voua pour toujours à ce
divin cœur la ville et le diocèse de Mar-
seille, avec tous leurs habitants. Dieu se
laissa toucher par lesinstances'du charitable
pasteur ; depuis le jour de cette consécra-
tion, la violence du fléau diminua sensible-
ment; le jour dePâaues 1721, on put rouTrir
les églises fermées depuis le commeueenient
de la contagion; et le 20 août suivant, H. de
Beizunce publia un mandement pour an*
noncer la fin de cette affreuse calamité; il y
déclare, en termes exprès, que la diminu-
tion de la peste date du jour de la procès*
sion qu'il avait ordonnée au mois de nevem-
bre de l'année précédente.
Un si heureux événement contribua beau-
coup à étendre de plus en plus la dévotion
au sacré cœur de Jésus. Les évéques
voisins deMarseille, dont les diocèses étaient
atteints ou menacés de la contagion, ordon-
nèrent aussi la célébration de la fête du
Sacré-Cœur. Nous citerons en particulier les
archevêques d'Aix , d'Arles et d'Avignon,
les évoques de Toulon et de Carpentras;
leurs mandements parurent en 1721 et 1722.
Depuis ce temps, le nombre des confréries
du Sacré-Cœur se multiplia de jour en jour.
Le P. Galiffet, Jésuite, dans son ouvrage
(lia) Galiffet, Excellence de la divoiion «•
Sacré-Cœur de Jésus^ liv. ui, chap. 4; 6' ëdit.,t. f,
p. 277; l. n, p. 207.
(ir>) Ibid,, t. H, p. 206, etc. — Yoyei aussi le
MumlenuiHl de monseigneur de Quélcn, sur ta (éiedn
S.uré-Cœur, du 2 jniÙol 1822.
137
C0£
D^ASCETISME.
OQE
43t
publié en 1733, sur VexceUenee de la déto^
iiom au cœur adorable deJéeuif donne la liste
de ces confréries alors établies en France
et aîliears, et il en compte plus de quatre
cents, toutes autorisées par des brefs parti-
culiers ; un de ces brefs, du 28 février 1732,
autorise l*élid)lissemeot de la confrérie h
Rome.
Il est cependant à remarquer que ces brefs
n'autorisaient pas précisément la fête du
Sacré-Cœur de Jésus, mais seulement les
confréries établies en son honneur. Le Saint-
Siège voulait examiner la chose plus k fond
avant d*autoriser une fête nouvelle, et qtii
éprouvait quelques oppositions dans un cer-
tain nombre de diocèses {ikk). Ce fut par
ce motif que le Souverain Pontife, sans blâ-
mer la conduite des évéques qui avaient cru
pouvoir rétablir, refusa pendant quelque
temps de l'autoriser. Des motifs également
graves Oreot mettre h Tindei quelques ou-
vrages qui ne s*exprimaient pas avec assez
d'eiactitude sur le culte du sacré cœur de
Jésus (145). Mais la réserve dont le Saint-
Siège crojait devoir user en celle matière,
n*empèehait pas qu'il ne lui arrivât de plu-
sieurs parties du monde chrétien de fré-
quentes sollicitations pour Tapprobation de
la (%te. Auguste, roi de Pologne, écrivit pour
cet effet au Pape Benott Xill, en 1726, et
Philippe V, roi d'Espagne, en 1727; leurs
demandes étaient appuyées par celles de
Plusieurs évoques et congrégations reli-
gieuses de leurs Etats. Ces demandes, sou-
vent renouvelées depuis, se multiplièrent
particulièrement sous le pontiûcat de Clé-
ment XIII qui fut élu en 1758. Ce Pontife,
depuis lon^^lemps favorable au culte du sacré
cœur, le Cl examiner avec soin dans la con-
gré^tion des Rites; et le résultat de ret
examen fut un décret du 26 janvier 1763,
qui accorde aux évèques du royaume de
Pologne et à larchiconfrérie romaine, la
permission de célébrer la i'èle du Sacré-Cœur
de Jésus. Voici les propres termes de ce
décret : c La congrégation des Rites, assem-
blée le 26 janvier de la présente année 1765,
considérant que le culte du sacré cœur de
Jésus est déjà répandu dans presque toutes
les parties de l'univers catholique, avec
Tapprobationde leurs évèques; que le Saint-
Sié^ lui-méiue l'a jusqu'ici encouragé par
ti.-ïefnnititudiide brefs d indulgences, accor-
des h ues confréries presque sans nombre,.
et cano!iiquemeot érigées sous le titre du
Sacré-Cœur de Jésus; que, par la célébration
de Toflice et de la messe du Sacré-Cœur, on
ijt:f fart que donner un nouveau lustre à un
culte déjà établi, et renouveler symbolique-
lucfjt la mémoire de ce divin amour, par
i I i4) BcMiT XIV, Ik Cam. SS., lib. iv, parL ii,
cap. 31, n* 19, etc.
( 1 iô) Uo décret du 11 mars 1704 mil à riiidei
l^oa «rage do P. Croise!, La dévotion am Sacré-Cttur
de JéâÊu: Lyoa, 1691, îii-12. Noos isnorons le véri-
uihle motif de ce décret : peol-étre euil-ce rineiac-
iito le de quelques eipressions employées par le
P. Croiset, peut être était-ce seulemeol la publica-
SÂ>fi d*uB oflîce non autorisé, qni se trouve à U
lequel le Fils unique de Dieu s'est revêtu^
de la nature humaine, .et, obéissant jusqu*à
la mort, a déclaré ou'il nous donnait TVxem-
pie d'éire doux et numblei de cœur; h ces
causes, ladite congrégation, se désistant de
la décision rendue par elle le 30 juillet 1729
(et qui refusait d'autoriser ladite fête), croit
oevoir acquiescer aui prières des évèques
de Pologne et de l'archiconfrérie romaine,
se réservant à délibérer sur l'office et la
messe, avant de les approuver comme ils
doivent l'être. Et ce vœu de la congrégation
ayant été mis sous les veux de notre Saint-
Père le Pape Clément XIII, Sa Sainteté, après
avoir lu le présent décret, l'a approuvé dans
tout son contenu, le 6 février 1765 (IM). »
En France la dévotion au sacré cœur de
Jésus faisait toujours de nouveaux progrès.
Le 1" septembre 1748, on célébra avec ma-
Fnificence, dans l'église de Saint-Su Ipice de
ans, la consécration d'un autel dédié aux
sacrés cœurs de Jésus et de Marie. Cette
consécration fut faite par Mgr Durini, nonce
du Pape et archevêque de Uhodes. L'année
même où Clément Xlil adressa aux évèques
de Pologne le décret que nous venons do
citer, les évèques assemblés è Paris, et solli-
cités par la pieuse reine Marie Leczinska,
femme de Louis XV, convinrent entre eux
d'établir dans leurs diocèses la fête du Sacré-
Cœur; ils invitèrent aussi, par une lettre
circulaire, tous les archevèaues et évèques
qui n'étaient pas de rassemblée, à faire de
même. La plupart se conformèrent è cette
invitation, en ordonnant ou oermettant la
célébration delà fête du Sacré-Cœur de Jésus.
Quelques-uns même publièrent h cette occa-
sion des mandements aussi solides que
touchants, sur le culte et la fête du Sacré-
Cœur. Parmi ces mandements, on remarque
en particulier ceux des évèques de Boulogne
et de Lodève. L*archevêque de Paris, Chris-
tophe de Beaumont, par un mandement du
22 juin 1767, exhorta aussi, dans les termes
les plus pressants, tous les chapitres, pa-
roisses, séminaires et communautés, tant
régulières que séculières, de son diocèse, à
célébrer chaque année la fête solennelle de
ce divin cœur.
Depuis cette époque, la dérotion au sacré
cœur de Jésus se répandit en France et dans
les autres parties de l'E^^lise, avec une rapi-
dité toujours croissante, et avec les Plus
heureux fruits pour le renouvellement de la
piété et pour la consolation des âmes fi-
dèles. Les pratiques de cette dévotion ne
trouvèrent plus guère d'autres adversaires
que des hommes de parti , connus pour la
hardiesse et la singularité de leurs opi-
nions (1^7). Ils furent quelques temps sou-
soile de Fouvnge, dans quelques éditions. Un antre
décret, du 22 mai 1745, proscrini le livre intitulé :
La détoliom à VaimabU cœur de Jé$u$j exiraiu det
oavro^et de Jean ËMiuperg^ Chartreux^ auteur aêcéti-
Que du XVI* siècie»
(146) Alsas Bctlee, «W iupra, p. IM; Mcxxa-
BCLLi, ubi iujfra^ p. 20.
(147) On peut voir dans Touvrage d*AIban Bntler
{ubi mpra, p. 200-202), findication des principaax
459
COL
DICTIONNAIRE
COL
m
tenus par un prélat italien, Scipion RicGi«
évéque do Pistoie, qui, dans un synode tenu
en 1786, leva pour ainsi dire Tetendard de
la révolte contre TE^Iise, eo renouvelant
plusieurs erreurs déjà solennellement con-
damnées, particulièrement sur les matières
de la çrAce. Hais les actes de ce svnode
scandaleux furent bientôt condamnés par
une bulle dogmatii^ue de Pie VI, datée du
38 août 179<h, et commençant par ces mots :
Auctorem fidd. Parmi les propositions que
le Pape condamne dans cette bulle, on re-
marque plusieurs assertions du svuode
contre la dévotion au sacré cœur de Jésus,
et particulièrement celle qui rejette celte
dévotion comme nouvelle ^ erronée f ou du
moins dangereute. Cette assertion est con-
damnée comine /buste, téméraire^ pemicieufe,
offensive des oreilles pieuses, et injurieuse au
Saint-Siège (148). Le Saint-Père s*élève en-
suite contre tout rcprochefait aux fidèles qui
adorent le cœur de Jésus comme le cœur
même du Verbe auquel il est inséparable-
ment uni (1<^9).
* Ce jugement solennel du Saint-Siège, ac-
cepté sans difficulté par tous les évoques du
monde catholique, et souscrit, en 1805, par
l'évéque de Pistoie lui-même (150), parait
avoir terminé toutes les controverses rela-
tives au culte et à la fête du Sacré-Cœur.
Il est aujourd'hui bien peu d'églises parti
culières où ceHe dévotion ne soit en hon-
neur, et où la fête du Sacré-Cœur de Jésus
ne soit célébrée chaque année avec pompe.
Partout, les Âmes pieuses accueillent avec
empressement cette dévotion : son nom seul
Ïmrait avoir une onction secrète qui lui gagne
es cœurs, et une sorte de persuasion géné-
rale s*est répandue parmi les fidèles, que le
triomphe de la peligion sur l'impiété est
attaché à cette dévotion , particulièrement
eu France, où elle a pris son origine.
COLBERT (Michel), abbé de Préraontré,
était de la famille du ministre de ce nom.
Il entra très-jeune en religion, fit ses cours
de théologie eu Sorbonne, et passa par
toutes les charges de son ordre. Il fut élu
abbé général en 1670, et mourut h Paris le
29 mars 1702, Agé de soixante-neuf ans. On
a de lui : 1" Lettres d*un abbé à ses religieux^
Paris, 3 vol. in-8*. Elles traitent de divers
sujets relatifs à l'état religieux. -^ 2" Lettres
de consolation; elles sont adressées à sa
sœur, qui venait de perdre son mari, pre-
ouvrages publiés depuis celte époque par les aii«
versaires de la dévotion au Sacré-Cœur de Jésus.
Un des plus ardents et des plus opiniâtres fut le
rédacteur des Nouvelles ecclésioitique» , voué à la
défense du puiii de Janséuius et de Quesnel. —
Voyez, à ce sujet, VAmi de la religion, I. XXI, p.
m; t. XXII, p. 344, 385, etc.
(148) c Doctrîna (synodi) qux devotionem erga
sacrailssimum cor Jesu rejicit mter devoiioiics quas
notât velutnovas, erroneas, aut sa Item periculosas;
intellecta de hac devotione, qunlis est ab apostolica
Sede probata; falsa, lemeraria, perniciosa, piarum
uurium o/fensiva , in apoUolicam sedem injurio$a, »
(BiiUa Auctorem fidei, prop. 62.)
(149) f Item ineo quod cultores cordis Jesu hoc
eUain naininc arguit quod non advertant sanctîssi-
mier président au parlement de Rouea.
COLLET (Pierre), prêtre de la ooogrégS'
tion de la Mission, docteur et professeur de
théologie, né à Ternaj dans le Vendômois,
le 6 septembre 1693, et mort le 6 octobre
1T70, s est fait un nom distingué parmi les
théologiens, et a mérité Testime des per-
sonnes pieuses par ses écrits et par ses
mœurs. Ses ouvrages de piété sont : 1* fie
de saint Vincent de Paul, à vol. in-4% 1748;
— a* Vie de M. Boudon, 3 vol. iu-12, 1753;
— 3* Vie de saint Jean de la Croix, 1769,
in-12 ; — k'* Traité des saints mystères, 2 vol.
in-12, 1768; — 5** Les devoirs aes pasteurs^
in-12, 1769; — 6** Devoirs de la vie re/t-
gieuse, 2 vol. in-12, 1765; — 7* Traité de$
devoirs des gens du monde, in-12, 1763; -*
8* Devoirs des écoliers, in-12; — 9* InslruC'
tion pour les domestiques, in-12, 1765; —
10* Instruction à Vusage des gens de la cam-
pagne, in-12, 1770; — 11" Méditations pour
servir aux retraites, in-12, 1769; — 12* La
dévotion au sacré cœur de Jésus, établie et
réduite en pratique, in-16, 1170.
COLLÉCjIALE. — Eglise desservie pardes
chanoines séculiers ou réguliers. Dans les
villes ou il n'y avait point d'évèque, le dé
sir de voir célébrer Tofficc divin avec la
même pompe que dans les cathédrales, fit
établir des églises collégiales, des chapitres
de chanoines qui vécurent en commun et
sous une règle comme ceux des églises ca-
thédrales. Un monument de cette ancienne
discipline sont les cloîtres qui accompà-
Î;nent ordinairement ces églises. Lorsque
e relAchement de la vie canoniale se fut
introduit dans quelques cathédrales, les
évoques choisissant les plus réguliers d*eDlre
lescnanoines en fnrmèrentdesdétachemenls,
et établirent ainsi des collégiales dans les
villes épiscopales. Avant la révolution de la
fin du dernier siècle, la vie commune des
chanoines avait cessé, et depuis la restau-
ration du culte en France, il n'est resté
que les chanoines séculiers attachés aux ca-
th éd rai 6s
COLOMBAN (Saint). — Sk ntoLB. — Saint
Colomban, Tun des plus grands restaura-
teurs de la vie monastique en France, foudn,
vers Tan 590, la célèbre abbaye de Luicuil.
Il donna k ses religieux une règle courle,
mais pleine de Tesprit de Dieu. Elle ne
contient que dix chapitres oui traitent de
Tobéissance, du silence, de la nourriture,
mam carnem Christi, aut ejus partem alîquam, aui
ctiam bumaiiitalem totam cum separalione aut
praeeisione a divinitate, adorari non posse culiu
lalriae ; quasi fidèles cor Jesu adorareni cum sepa-
ralione vel praeeisione a divinitaie , dom ilind tAo-
ranl ut est cor Jesu, cor nempae personae Verbi, ciii
inseparabililer unitum est, ad eum modura quo
exsangue corpus Chrisli in triduo mortis, sine se-
paralione aul praeeisione a divinitate , adorabilc fuit
in sépulcre; capliosa, In fidèles cordis Chrisli cul-
lores injuriosa. > (Ibid., prop. 63.)
(150) Mémoires pour servir à V histoire ecdétiai'
ihue pendant le xvni* siècle, t. 111, p. 260 cl Itîâ;
t. IV, p. 646; LAmi de la religion, t. XXXU.P
177.
441
OOL
D*ASCETISXE.
OOM
Hf
de to MOTreléy de la Tiiiité» de la cbapté,
de l'office dÎTin, de la diseréUon« de la locir*
tifieatioD, de la perfection du moine. Tou-
chant la noorriture, il dit : < Les moines ne
prendront leor repas qoe Ters le soir ; leur
nourriture doit être grossière « et jamais
asseï abondante pour les rassasier; elle
cDQsialera en légumes, un peu de farine dé-
trempée d*eau, ayec un petit pain. Il faut
néanmoins r^ler Tabstinence ayee discré-
tion. On doit jeAner chaque jour; mais il
lirat aussi chaque jour manger, prier, tra-
▼ailler, lire et croître en Tertos. » Au cha-
pitre de la pauTreté, saint Colomban dit
qu'un moine doit non-seulement ue pas
avoir de superflu , mais n'en point désirer,
et que le déoûment absolu n*est que le pre-
mier degré de la perfection roooaslique. H
règle ainsi la psalmodie : k tierce, seite et
none, trois psaumes avec des versets ; aux
▼èpres, douze psaumes. L'office de la nuit
est différent, le samedi et le dimanche, des
jours ordinaires.
Les jours ordinaires, nendant les six
mois d hiver, en disait 36 psaumes sons
12 antiennes. C'était la coutume de ne dire
qu'une antienne pour trois psaumes. Pen-
dant les six mois d'été, comme les nuits
étaient moins longues, on récitait seule-
ment fk psaumes sous 8 antiennes. Le sa-
medi et le dimanche, le nombre de psaumes
à Toflice de la nuit, variait suivant la sai-
son. Pendant les trois mois de décembre,
janvier et février, où les nuits sont plus
longues, on disait S5 antiennes et 75 psau-
mes, ce (fui disait tout le psautier dans les
deux nuits. Dans les mois de mai et juin,
Foffiee de la nuit se composait seulement
de 12 antiennes et 96 psaumes, 12 pour
l'office nocturne, et 2% pour celui du matin,
car l'office de la nuit se divisait ainsi eu
deux parties.
Pendant les autres mois de l'année, l'on
auçmentait ou Ton diminuait l'office do la
nuit de trois psaumes par semaine, selon la
diminution ou l'augmentation des jours.
Saint Colomban tenait ces règlements sur la
psalmodie de ses frères, c'est-è-diredes moi-
nes de Bankor. Il a bien soin, après avoir
réglé la prière vocale, d'qouter Qu'elle se-
rait complètement inutile, si on nj joignait
la prière du cœur et Funion continuelle
avec Dieu.
La règle de saint Colomban est suivie de
son Pémientiet. C'est un recueil de péni-
tences qu'on imposait aux moines pour les
différentes fautes où ils tombaient, quelque
légères qu'elles fussent. Le% coups de fouet
soiit la (NUS ordinaire. On donnait six coups
de fouet à celui qui ne répondait pas Amen
i la prière, qui causait pendant le repas,
qui souriait à l'office, au prêtre qui disait
la messe sans s'être coupe les ongles, au
diacre qui servait à l'autel sans s'être fait
la barbe. Celui qui ne faisait pas le signe
de la croix sur sa cuiller, qui ne ramassait
par les mirttes pi*ndant le repas, qui ne de-
mandait pas d'ouvra^^e après avoir 6ni sa
tâche, qui, dans ses vornges couchait dans
une maison où il y avait une femme, était
également soumis k diverses pénitences.
Pour les fautes légères, la pénitence était
ordinairement de six coups de fouet ; pour
celles qui étaient plus graves, de douze,
cinquante et même deux cents; mais on
n'en donnait jamais plus de vingt-cinq k la
fois. Quelquefois on prescrivait pour péni-
tence des jeûnes et des psaumes k réci-
ter.
Le Pémiemiid de saint Colomban contient
plusieurs particularités remarquables. Les
moines faisaient le signe de la croix sur tout
ce qu'ils prenaient, comme une lampe, une
cuiller, etc. En sortant de leurs cellules, ils
demandaient la bénédiction et allaient se
présenter devant la croix. Lorsqu'ils sor-
taient du monastère, ils portaient sur eux
un petit Tase appelé ehryimalf dans lequel
il y avait de l'huile bénite ou l'Eucharistie.
H y avait des |iénitences pour celui qui
laissait tomber une hostie consacrée, la |)er-
dait ou la laissait manger par les vers. Saint
Colomban ne se servait que de vases de
cuivre pour le saint sacrifice, et ses moines
faisaient eux-mêmes le pain qui servait à
la consécration.
Les moines couchaient habillés, mais ils
avaient un vêlement particulier pour la
nuit; pour le prendre ou le quitter, ils
étaient obligéi de demander chaque fois
CDrroission. Leur vêtement du jour était
lanc. Ils se lavaient souvent la Xéie, mais
ceux qui étaient en pénitence ne pouvaient
se laver que le dimanche. Il y avait dans
chaque monastère deux économes. Le prer
mier, appelé aussi fMrévôt^ étai chargé des
choses extérieures; le second, du détail de
l'intérieur; un supérieur ou abbé ne s'oc-
cupait que du spirituel.
COLOMBIÈRE (Claude m La), Jésuite
célèbre, né k Saiol-Symphorien près de
Lyon, se fit un nom par ses talents pour la
cnaire. Il mourut Agé de quarante et un ans,
en 1682, k Paray dans le Cbarolais. C'est lui
qui, avec Mario Alacoquc, a donné une
forme k la célébration de la fête du Coeur de
JésuSf et qui en a composé l'office. Outre
des Scfiiums, on a de lui des Ré/lexion$ mo-
rale$ et des Leiire$ ipirituelles.
COLOMME (Jeaii-Baptiste-Sébastien), su-
fërieur général des Barnabites, naquit k
au, le 12 avril 1712, et mourut k Paris m
1788. Ses ouvrages ascétiques sont : 1* Vie
ckrétiemUf ou principes de la sagesse, 1774,
2 vol. in-12. — 2* Manuel des religieux,
1778, in-12; — Btemiié malkeureusef ou te
supplice étemel des réprouvés, traduit du la-
tin de Dreielius, in-12, Paris, 1788.
COMBAT SPIRITDEL.--La viedelliomme
est un combat sur la terre : chaque jour,
le soldat chrétien doit être préparé au com-
bat. Il est placé sur cette terre d'épreuves
comme au milieu d'ennemis qui lui dis-
putent le royaume céleste. La première
chose que vous devez laire k votre réveil,
c'est d'ouvrir les yeux de l'Ame, et de vous
considérer comme dans un champ de ba-
taille, en présence de votre ennemi et dans
44S
COM
DICTIONMIRE
COM
444
la nécessité ou de combattre, ou de périr
pour jamais. Figurez-vous donc devant vous
cet ennemi, qui n'est autre chose qu*un
vice, qu'une passion déréglée, dont vous
tâchez depuis quelque temps de vous dé-
faire; Ogurez-vous ce monstre furieui qui
vient se jeter sur vous pour vous dévo-
rer. Représentez -vous, en même temps
à la droite, Jésus-Christ, votre invincible ca-
pitaine, accompagé de Marie et de Joseph,
de |)lusieurs troupes d'anges et de bienheu-
reux, et particulièrement du glorieux ar-
change saint Michel ; à la gauche, Lucifer
avec ses ministres, résolus de soutenir cette
passion ou ce vice que vous avez à com-
battre, et de mettre tout en œuvre pour vous
y faire succomber.
Cependant, imaginez-vous entendre au
fond du cœur la voix de votre ange gar-
dien qui vous parle de la sorte : C*est au-
jourd'hui que vous devez faire les derniers
tifforts-^ l^>ouc vaincre cet ennemi et tous
ceux qui ont conspifé contre vous. Ayez
bon courage; ne vous laissez vaincre, ni
par une vaine frayeur, ni par quelnue con-
sidération que ce suit, parce que Jésus vo-
tre capitaine est ici auprès de vous, avec les
troupes de l'armée céleste, dans le dessein
de vous défondre contre tous ceux qui vous
fonl la guerre, et de ne permettre jamais
qu'ils vous réduisent sous leur puissance,
ni par force, ni par adresse. Demeurez
ferme, et quelquepeinequevousy trouviez,
faites-vous violence, criez au Seigneur du
plus profond de votre âme, invoquez con-
tinuellement Jésus et Marie, priez tous les
saints de vous secourir; et ne doutez point
après cela que vous ne gagniez la victoire.
Quelque faible que vous vous trouviez,
quel(]ue redoutables que vos ennpmis vous
paraissent, et par leur nombre, et par leurs
forces, ne craignez rien; car les troupes qui
viennent du ciel à votre secours sont plus
nombreuses que celles que l'enfer envoie
pour vous ôter la vie dtt la grâce. Le Dieu
qui vous a créé et qui vous a racheté est
tout-puissant; il vous aime, il vous pro-
tège, et il a sans comparaison plus d*envie
de vous sauver, que le démon n'en a de
vous perdre.
Combattez donc vaillamment, ne vous
lassez point de vous mortifier; parce qu'en
faisant une continuelle guerre a vos mau-
vaises inclinations, à vos habitudes vicieu-
ses, vous remporterez enfin la victoire ; et
parla vous entrerez dans le royauiro du
ciel, où Târae demeure éternellement unie
à son Dieu. Commencez dès maintenant à
combattre au nom du Seigneur, ayant pour
épée et pour bouclier la défiance de vous-
même, la confiance en Dieu, l'oraison,
l'exercice saint de vos puissances spiri-
tuelles.
Avec ces armes vous attaquerez l'ennemi,
je veux dire cette passion dominante, que
vous vous Êtes proposé de vaincre, ou par
un mépris généreux, ou par une ferme ré-
sistance, et par des actes réitérés de la vertu
qui lui e8t contraire, ou enfin par d'autres
moyens que le ciel vous fournira pour l'ex-
terminer de votre cœur. Ne vous donnez
1)oint de repos que vous ne l'ayez tout à
ait domptée; vous mériterez par votre cons-
tance de recevoir la couronne des mains du
souverain Juge qui, avec toute l'Eglise
triomphante, sera spectateur de votre com-
bat. Je vous le dis encore une fois, vous
ne devez point vous ennuyer de cette
ffuerre. Considérez seulement que tous les
nommes sont obligés de servir Dien et
de tâcher de. lui plaire; que c'est d'ailleurs
une nécessité de combattre, puisqu'on ne
peut prendre la fuite, sans s'exposer à être
Liesse, et mémo à perdre la vie; et qu'après
tout, quand on voudrait se révolter contre
Dieu, embrasser le parti du monde, s'abau*
donner aux plaisirs des sens, l'on ne serait
pas exempt de peines, puisau'on aurait
touiours è souffrir beaucoupet dans le corps
et dans l'âme, pour satisfaire sa sensua-
lité et son ambition. Quelle plus grande
folie que de ne pas craindre en ce monde
des peines très- rudes, qui sont suivies
d'une éternité de tourments; de craindre
quelques peines assez légères qui se
terminent n une éternité de bonheur et k
un repos où Ton jouit pour jamais de
Dieul
Entre les choses nécessaires pour réussir
dans le combat spirituel, il faut compter la
persévérance, qui est la vertu par laquelle
nous nous appliquons à mortifier, sans re-
lâche, nos passions déréglées, qui ptsridaoi
que nous vivons ne meurent point, mais
poussent et croissent toujours dans notre
cœur, comme dans un champ fertile en
mauvaises barbes. C'est en vain que Ton
prétend faire cesser cette guerre, puisqu'elle
ne peut finir qu'avec notre vie, et que qui-
conque ne voudra pas combattre peaira in-
failliblement la liberté ou la vie. Hé! com-
ment ne serait-il pas vaincu, ayant en lélc
des ennemis résolus de ne lui donner ni
fm\x ni trêve, parce que plus on recherche
eur amitié, plus on éprouve leur haine?
Vous ne devez pourtant vous étonner ni d^
leurs forces, ni de leur nombre, puisqu'on
cette sorte de combat, nul n'est vaincu que
celui qui veut l'être, et que d'ailleurs vos
ennemis n'ont de pouvoir que ce que leur
en donne votre capitaine, pour l'honneur
duquel vous combattez. Or jamais il ne
permettra que vous tombiez entre leurs
mains; il sera lui-même votre défenseur;
comme il est infiniment plus puissant qu'eux
tous, il vous donnera victoire, pourvu que,
combattant avec lui, vous mettiez votre
confiance, non pas en vos propres forces,
mais en sa toute-puissance et en sa bonté
souveraine. Que s'il tarde à vous secourir,
s'iJ vous laisse dans le danger, ne perdez pas
pour cela courage; croyez fermement, et
servez -vous de celte considération pour
vous animer au combat ; croyez, dis-je, fer-
mement qu'il disposera les choses de sorte
que tout ce qui semble devoir faire obstacle
h votre gloire tournera à votre avantage.
Témoignez-lui seulement de la résolutioB et
445
r.oM
D*ASCET15ME.
COM
4i«
de la Gdélilé; suivez partout votre chef, qui
s*est exposé pour tous à la mort, et qui en
moarant a vaincu le roondo; comliatiez
oourageosemenl sous ses enseignes , et ne
quittez point les armes, que vous n'ayez dé-
truit tous vos ennemis; car si vous négligez
de TOUS défaire d*un de vos vices, ce sera
toujours une paille que vous porterez dans
rcetl, ou une flèche que vous aurez dans le
cœur, et qui, vous empêchant de combattre,
retardera votre victoire.
COMMUNAUTE (Vie db). — Pour conser-
Ter la pauvreté religieuse, et partant le vé-
ritable esprit de rétat religieux rien n*est plus
nécessaire que la vie commune: et les supé-
rieurs doivent veiller h sa conservation avec
soin sous peine de faute grave. Aussi le concile '
de Trente ordonne-t-il que les réguliers
observent toutes les règles qui concernent
la vie commune, la nourriture et le vête-
ment Si Ton n^observe pas exactement,
3Joute-l-il, ces règles gui sont la base et le .
fondement de toute discipline régulière, il
en résulte l'écroulement de tout l'édiGce.
.Sess. 25.) Qu'il ne soit donc permise aucun
religieux, à aucune religieuse, dit encore le
niéme concile, de posséder en propriété ni
même au nom du monastère, aucuns bien?,
meubles ou immeubles, à quelque titre
qu'ils les aient acçiuis et de quelque nature
que soient ces biens ; mais (]u*aussitêt ils
soient remis au supérieur et incorporés au
monastère, (ibid.)
Les Pères n'avaient point parlé autrement ;
pojr n'en citer qu'un, voici ce que dit à ce
sujet saint Basile : « Que tout soit commun
à tous, que personne n'ait rien en propre,
ni le vêtement, ni la chaussure, ni rien de
ce qui est h Tusige du corps, muis que
chacun reçoive de Téconome ce qui lui est
nécessaire. > (Serm. 1 A$cei.) On peui con-
sulter encore saint Benoit, saint Laurent
Justinien, Gerson el une foule d'autres, qui
n'ont point un autre langage. D'où il suit
que non-seulement les biens d'un monas-
tère doivent être possédés par Us religieux
en commun, mais encore que la vie doit être
commune, la table commune, le vêlement
commun, le travail commun; et cette règle
s'applique aussi bien aux supérieurs des
communautés qu'aux autres religieux.
COMMUNION FREQUENTE. - La com-
munion fréquente est de la plus grande
utilité, non-seulement pour ceux qui com-
mencent à marcher dans la voie de la per-
iectioD, mais encore pour ceux qui ont déjà
fiit des progrès et pour ceux qui sont par-
faits. Chacun y trouve la force nécessaire
pour éviter le mal et pratiquer le bien. Nous
allons donc en tracer les règles, à '*usage
des directeurs, d'après la doctrine de l'E-
glise, des saints Pères et des maîtres de la
vie spirituelle. [Voy. Eucharistie.)
Le concile de Trente « exhorte du fond
d*un cœur tout paternel, il prie, il conjure
par tes entrailles de la miséncorde de notre
Dieu tous ceux oui portent le beau titre de
Chrétien, de vénérer les mystères sacrés du
corps et du sang de Jésus*Christ, et d*avoir
pour ce sacrement auguste une telle dévo-
tion, une telle piété, un tel respect, qu'ils
puissent recevoir fréquemment ce pain di-
vin. » (Sess. XIII, c. 18.) c Le même concile
désirerait que les fidèles, chaque fois qu'ils
assistent à la messe, communiassent non-
seulement en esprit, par la communion Mpi»
rituelle^ mais encore réellement, par la ré-
ception sacramentelle de rEucbaristie, afin
de recueillir de ce saint sacrifice des fruits
f)lus abondants. » (Sess. xxii, c. 16.) Ce sont
es propres termes dont se sert le concile.
Le Rituel romain de Paul Y dit encore :
« Que les curés emploient tous leurs soins,
pour que le peuple qui leur est confié vé-
nère et reçoive saintement et fréquemment
ce sacrement auguste, particulièrement aux
grandes solennités. » Enfin, selon le décret
de la sacrée congrégation du concile, en
date du 12 février 1679, et publié par ordre
d'innocent XI, c on ne fteutrien statuer de
certain sur la communion quotidienne, à
Kégard de tous les fidèles en général, mais
la communion plus fréquente ou même quo-.
tidienne doit être accordée au jugement des
confesseurs, eu égard à la disposition de
ceux qui la demandent. » Cela posé :
1" La communion fréquente est utile à
ceux qui ne sont pas encore dans Tétat de
perfection. Cette proposition s'appuie sur le
témoignage de l'Êcrilure sainte, sur la doc-
trine des Pères et sur les enseignements
ûes docteurs et des maîtres de la vie spiii*
tuelle.
c Venez à moi^ voue tous qui iravailiez et
oui ête$ chargée^ et je vous soulagerai^ dit te
Seigneur. » {Matth, ii, 28.) «Oh I s'écrieà ce
sujet l'auteur de Vimitation^ que cette parole
est douce et tendre à Toreille d'un pécheur,
lorsque vous-même. Seigneur mon Dieu,
appelez à la communion de votre très-saint
corps le pauvre et l'indigent 1 » « Pour moi,
ajoute-t-il, qui suis si faible et pèche si
souvent, qui tombe sitôt dans l'engourdis-
sement et dans l'abattement, il est néces-
saire que je me renouvelle, que je me purifie
et que je m'enflamme par des prières, des
confessions et des communions fréquentes,
de peur que m'en abstenant trop longtemps
je ne m'écarte de mes saintes résolutions. •
(De Imitât. Christi, lib. iv, c. 1 et 3.)
« Il est hors de doute, dit saint Basile,
S lue communier fréquemment c'est recevoir
réquemment la vie; aussi communions-
nous quatre fois chaque semaine. » (Ep. 93.)
Et Cassien ajoute : « Nous ne devons point
nous éloigner de la communion du Sei-
gneur, parce que nous nous reconnaissons
pécheurs, quia nos agnoscimus peecalores;
mais nous devons y recourir de plus en plus
pour guérir et purifier notre âuie. » (Coll.
23, c. 21.) Telle est aussi la doctrine do
saint Augustin (I. ii De scrm. Dom. in
monte); de saint Jérôme (Ep. 52j; de saint
Isidore (\. i De off. eccl>, c. 18.); de saint
Bernard ISerm. in cœn. Dom,); de saint Lau-
rent Justinien IDe perf. mon.^ c. 19), et
d'une foule de uocteurs de J'Eglise.
2* Cependant il ne convient [^as d'ad-
417
GOM
DICTIONNAIRE
COU
M
mettre à la communion de chaque jour tous
les justes indistinctement» mais ceui-ià seu-
lement c{ui sont dans un état de perfection
fiarticulière.
Le concile de Trente, rappelant (Sess.
X11I9 cil. 7) ces paroles de 1 Écriture : que
Chomme $ éprouve lui-même^ et quaimi il
manqe ce pain et boive ce calice; car celui
qui le» mange et boit indignement^ mange et
hoit ion propre jugement^ ne discernant pa$
le corps au Seigneur (/ Cor. 11, 28), le concile
de Trente enseigne que pour éviter le sa-
crilège, il suffit d'avoir la conscience libre
de fanle grave; mais que la communion
fréquente, qui n'est que de conseil, exige
une plus grande disposilion ; et la commu-
nion quotidienne, une préparation, une
épreuve plus grandes encore. Et le niéme
concile ajoute que, toute désirable que lui
semble la coramunio 1 quotidit^nne, si elie
se fait avec fruit et les dispositions requises,
il ose cependant à peine espérer que Ton
puisse atteindre communément un assez
haut degré de perfection, et que partant il
ne la conseille point à tous indistinctement.
Si l'on consulte les saints Pères, on trouve
les mêmes enseignements. Ainsi saint Ba-
sile, tout en louant la communion quoti-
dienne, n'osait cependant s*éloigner de la
coutume de communier seulement quatre
fois chaque semaine. « Quant à la commu-
nion quotidienne, disait saint Augustin, je
ne veui ni la louer ni la blâmer'; cependant
je conseille fortement de communier tous
\^% dimanches, si l'Âme est dégagée de l'af-
fection pour le péché. » [De EccL dogm.^
c. 53.) Enfin nous trouvons encore la même
doctrine chez les maîtres de la vie spiri-
tuelle, saint François de Sales, saint Jean
de la Croii, sainte Thérèse, etc., lesquels
exigent pour la communion quotidienne,
outre l'absence du péché mortel et de Taf-
fection au péché véniel, 1* que Ton ail ré-
primé en grande partie ses indinations
mauvaises; 2* que Ton n'açisse ainsi que
d'après le conseil du père spirituel.
3* Les laïques ne doivent pas, absolu-
ment parlant, être exclus de la communion
fréquente ou quotidienne, mais plutôt ils
doivent y être admis, s'ils sont à un degré
surTisant de perfection, et qu'aucun empêche-
ment extérieur ne s'y oppose. L'esprit
souffle où il veut^ dit rÉcriture, {Joan. m,
Yiii.) Et ailleurs: Dieu ne fait acception de
personne^ et , dans toute nation^ celui qui le
craint et pratique la justice f lui est agré<U)le.
IAct. x], dk. L'espnt de Dieu -peut donc
aire disparaître tous les obstacles qui em-
pêcheraient les gens du monde de commu-
nier chaque jour, et.les rendre dignes d'une
telle faveur. Aussi la Sacrée Congrégation ,
par un décret daté du mois de janvier 1587,
a-t-elle rejeté le statut d'un évêque, par le-
Ïuel il défendait d'administrer la sainte
ucharistie, si ce n'était en certains jours
seulement, à quelques personnes de certain
état, de certain sexe. Et en effet, puisque ce
sacrement est un pain quotidien, il est à
croire qu'aujourd'hui encore il y a dans
l'Église , outre les prêtres, quelques per-
sonnes qui peuvent être admises \ la coin-
mufiion plus d*nne fois par semaine. Et de
même que, dans la primitive Eglise, les
apôtres administraieiit chaque jour ce sacre-
ment à une foule de fidèles, de même il est
à croire qu'il y a encore dans l'E^lis» quei«
ques personnes, quoique en petit nombre,
qui sont dignes de le recevoir aussi souveut.
kr Pour la communion quotidienne, il
faut bien que la conscience rende k chacun
le témoignage qu'il a pour cela les disposi-
tions nécessaires; mais ce témoignage n'est
pas suffisant: il faut encore le consentement
du père spirituel et du supérieur. La raison
en est que, agir sans le consentement du
supérieur dans une chose aussi grave, c'est
s'exposer au danger imminent de ne suivre
que son propre jugement, que sa volonté
propre, et d'éprouver pnr là les pertes les
plus déplorables. Aussi tous les auteurs
ascétiques exigent-iis avec Vincent de Blois
le consentement du père spirituel, et en-
seignent-ils que ce n'est pas déplaire à Dieu,
mais lui plaire, que de remettre une com-
munion par obéissance.
5* La marque d'une bonne disposilion,
delà vocation à ta communion quotidienne,
c'est une faim spirituelle, un oésir ardent,
inspiré par la charité, de se nourrir de ce
pain céleste. En effet cette faim suiriluelie
n'est autre chose que le désir do s unir, de
s'incorporer à Jésus-Christ de plus en plus
par un saint et brûlant amour. Et chacun
conçoit combien cette disposition est néces-
saire. Ceux qui me mangent auront encore
faim, lisons-nous dans l'Écriture. lEccli,
xxiv, 29.) c 11 n'y a, dit saint Grégoire,
que ceux qui sont affamés et qui, s'exerçant
à un jeûne parfait du péché, reçoivent les
divers sacrements dans la plénitude de la
vertu, il n'y a que ceux-là de rassasiés, i
( / Reg. c. 1. } Et saint Antoine ajoute : t Pe^
sonne ne doit s'en approcher sans un ardent
désir; or, comme il convient à un Chrétien
de vivre de telle sorte (ju'il mérite toiiyours
de recevoir la communion, il ne doit jamais
être sans le désir de la recevoir toutes les
fois qu'il le pourra convenablement et qu'il
le jugera utile. » (m p. Sum.^ U XIU, c. 6.)
6* Pour permettre la communion quoti-
dienne, il faut avoir égard k la perfection
des vertus solides, particulièrement de
l'humilité et de la mortification, et en outre,
examiner si ce ne serait point un sujet de
scandale pour les autres. On ne doit pas en
effet violer la loi de la charité, et parfois il
sera mieux de s'abstenir de la communion
quotidienne, à l'exemple de sainte Thérèse,
s'il y a lieu de craindre que les autres, ^
moins disposés, ne prennent de là occasion
de murmurer et de jeter le ridicule et le
mépris sur leur frère plus parfait, ce quif
dans les communautés surtout, serait la
source d'un grand désordre. Quant è ce qui
concerne les gens du monde liés par le ma-
riage, il faut également prendre garde que
la communion quotidienne ne nuise au soiA
4(9
am
D'ASCETISME.
COH
iSt
qu'ils iloiTenl i leur famille« ou à Tobéis-
sance qn*ane femme doit à son mari.
7* C*esl d'après les cBurres qu'il laul juger
de rbumîlilé* de la morlification et des
antres Tertus» et ce n'est que d'après les
cMiTres que l'on doit permettre la commu-
nion quotidienne, selon qu'elle est plus ou
moins fructueuse. Un décret du Pape Inno-
cent Xlt déjà citét ordonne aux confesseurs
et aux évéques de faire attention aux fruits,
aux vertus que la communion produit, afin
que par elle les grâces et les yertus prennent
un accroissement simultané, c Chacun doit
examiner en soi-même, dit saint Thomas,
auel fruit il retire de la réception fréquente
e ce sacrement. » (L. t in ICar., xi.)
Sr Tous ceux qui aspirent-à la perfection
cbrétiennejpeuTeot être admis à la commu-
nion une lois par semaine. C'est ainsi que
pensent une rouie de maîtres spirituels.
m le conseille, dit Gennade, de communier
tous les dimanches, si toutelbis l'âme est
d^gée de l'affection au péché.» {De êcel.
dog«i.,c.53.) Dans les communautés reli-
geuses, où l'on est tenu et où il est plus
cile d'aspirer k la perfection, la commu-
nion de chaque semaine est établie comme
un point de la règle approufée par Cassîen
(Coll. 23, c. 31), ainsi que de celle de saint
PaeOme. (C. 5.) Telle est aussi la doctrine
de saint BonaTcnture. (tu Proe reliqioi.f c.
21.) Par là, en effet, on sauTegarde suffi-
samment et le respect dû an sacrement et le
fruit que les âmes doiTent en tirer, puisque,
à raison des dîTers obstacles qui se pré-
sentent dans la ne humaine, il n' y a point
ordinairement d'autre moyen de se préparer
con? enablement etdelSiire l'action de graces.
9* Quant k ceux qui tendent moins à la
perfection ou qui éprouvent de plus grands
obstacles extérieurs, on doit leur conseiller
de communier tous les quinze jours, on
chaque mois, ou encore aux principales
fêtes de l'année- C'est ainsi que saint
François de Sales conseille à une TeuTe de
communier chaque mois, tout en l'exhortant
k se confesser plus souvent. (L. ni, ep. 13. )
Avila admet plus difficilement les gens
mariés que les célilMtaires, et les jeunes
gens que ceux qui sont d'un âge mûr, k la
communion de tous les huit jours. {Ep. ad
prœd. ) Et il lui parait suffisant pour ceux
qui commencent, de communier aux fêtes
principales, c'est-à-dire, dix ou douze fois
par an ( L. n, ep. 46. )
ÎQr II est plus louable de faire précéder,
autant que possible, la communion de la
confession sacramentelle, qaelqoe fréquente
que soit la communion, et oien que la
conscience ne soit chargée d'aucun péché
mortel. Tel parait être l'esprit de l'Église,
telle est l'intention des Pères. Car si l'Eglise
ordonne pour la communion la confession
préalable, lorsqu'il y a péché grave, ne peut-
on pas conclure que cette confession est de
conseil, lorsqu'il y a péché véniel? Bien
plus, saint Bonaventure et saint François de
Sales, ainsi iju' une foule d' autres maîtres
de la vie spirituelle, conseillenl de se con-
fesser plus souvent que l'on ne communie.
« Si vous pouvez vous confesser chaque
jour, dit le premier, vous faites bien; sinon,
efforcez-vous de ^ous confesser au moins
tous les trois jours. » {Reg. nov., c. k.) Du
reste on comprendra combien il est louable
de se confesser avant de communier, si l'on
considère quelle est la dignité de la sainte
Eucharistie, quelle augmentation de grâce
Eroduit le sacrement de pénitence, et com-
ien les actes de vertus que Ton produit en
se confessant, l'humilité, la contrition, la
charité, etc., sont propres k servir de pré-
paration k la sainte communion.
11* Quant k ceux qui retombent encore
facilement dans des péchés graves, il sera
très-utile de leur conseiller de se confesser
et de communier de temps en temps, pourvu
Ïu'il y ait quelaue espoir d'amendement,
'est ainsi que s exprime le Rituel romain,
tout en ordonnant cependant de différer
l'absolution, quand le pénitent ne veut pas
renoncer au péché et changer de vie. La
raison en est que la réception fréquente des
sacrements de Pénitence et d'Eucharistie est
un remède puissant qui guérit notre âme et
la purifie; et que ceux qui les reçoivent
souvent tombent plus rarement dans le
péché mortel, k cause des secours particu-
liers qu'ils y trouvent, tandis que ceux qui
s'en approchent rarement les reçoivent
aussi rarement avec les dispositions re-
quises. D'où l'on peut conclure que non-
seulement on fera bien de conseiller aux
pécheurs qui retombent facilement, de se
confesser et de communier de temps en
temps, mais même qu'on pourra leur donner
pour pénitence de le faire plus souvent.
COMPONCTION. ^ Ce mot exprime une
douleur qu'on adans l'âme pour avoir offensé
Dieu : on doit éprouver ce sentiment quand
on s'approche du tribunal de la pénitence.
Dans la vie spirituelle, il a une significa-
tion plus étendue; la componction se prend
non-seulement pour la douleur qu'on a d'a«
voir offensé Dieu , mais aussi pour un sen-
timent pieux de douleur, de tristesse, de
d^oût, qui a différents moliCi : comme les
misères de la vie, le danger où l'on est de
se perdre dans le monde, l'aveuçlement des
mondains, et le désir de voir Dieu et de se
reposer en lui sans crainte de le perdre, etc.
On a un air humble et modeste quand on a
la componction dans le cœar. Si ce senti-
ment devient habituel, il est un signe do
prédestination. (Foy. coiifbssior, contbi-
TiOH , péiirrsircB.)
CONCUPISCENCE, --roy. appétit, mom-
T1FIC ATIOH .
CONDRÊN (Charles de), général de la
congrégation de l'Oratoire, docteur de Sor-
bonne, naquit k Vaubuin, près de Soissons,
en iSSS. l) refusa constamment le chapeau
de cardinal, l'archevêché de Reims et celui
de Lyon. Après avoir travaillé longtemps
dans son ordre pour la gloire de Dieu et le
salut du prochain, il mourut k Paris en
1641. On a de lui : Idée du eaeerdoee d€
Jéêus-Chrieip in-i2, qui ne parut qu'après
48i
CON
DICTtOiNNAIRE
CON
4aS
2ia mort; et des Letires el des Diêcours en
2 vol. in-12. Le P. Amelode a écrit sa
Vie, in-8».
CONFESSION FRÉQUENTE. — Nons
montrerons, en parlant de rEucHARisnE,
que la confession en est la préparation
indispensable pour toat homme en péché
mortel ; il nous reste ici h donner quelques
aris pratiques sur la confession fréquente.
1* On ne doit nullement approuver la
conduite de certains confesseurs qui don-
nent rarement Tabsolution à quelques per-
sonnes d*une piété éminente. On en a vu
qui ne raccordaient qu*une fois en six mois
à des pénitents, qui, du reste,' avaient une
conscience fort délicate, tout en les admet-
tant fréquemment h la sainte communion;
et d'autres qui permettaient aux religieuses
de toute une communauté de s'asseoir sou-
vent à la sainte table, et en même temps
ne leur donnaient que rarement l'absolution
au tribunal de la pénitence. Il est difficile
de comprendre comment il se fait que des
' prêtres aient le triste courage de priver les
Ames de leurs pénitents d'un bien spirituel
aussi grand que celui qui est produit par
Tabsolulion sacramentelle. Car il est cer-
tain que l'absolution communique la grâce
è l'âme qui l'a perdue, et augmente cette
grâce sanctifiante eu l'âme qui 1 a conservée.
D'où il suit que, par Tabsolutiou, celte âme
acquerra un nouveaudegre.de grâce sanc-
tiQante, de sainteté et de justice, qui lui
méritera un nouveau degré de gloire et de
benheur dans le ciel. D'ailleurs, celte aug-
mentation de grâce produit en elle un nou-
veau degré de force pour ne plus retomber
dans ses péchés d'habitude, et pour avancer
dans la vertu et la perfection. Pourquoi
donc priver ainsi l'âme de ses pénitents de
trésors aussi grands, de richesses aussi pré-
cieuses, lorsqu'on peut les en rendre parti-
cipants par l'exercice d'un pouvoir qui n*a
été accordé au prêtre que dans l'inlerét do
ceux qui lui sont conliés?
En vain objectera-t-on que dans les con-
fessions de ces sortes de personnes, il n'y
a pas matière suffisante; que les défauts
dont elles s'accusent sont de peu de gravité,
et difficiles à corriger, comme étant le fond
même du caractère, et par conséquent qu'il
y a lieu de douter si ces confessions sont
accompagnées des dispositions requises , à
savoir, la contrition et le ferme propos. Car,
premièrement, lés théologiens s'accordent à
dire que le même péché peut être la matière
de plusieurs absolutions, eu sorte que le
pénitent, pourvu qu'il soit contrit et s'ac-
cuse d'un péché de sa vie passée, présente
au confesseur une matière suffisante pour
une absolution légitime et fructueuse. En
second lieu, les théologiens enseignent que,
pour la validité de la coufession et do I ab-
solution, il suftlt que le pénitent conçoive
une douleur efficace sur un seul des péchés
véniels dont il s'accuse, quoiqu'il déleste
avec moins d'efficacité quelque autre péché
véniel, à cause du graud danger où il se
voit d'y retomber. En fait de fautes légères.
il suffit de se repentir d'une seule, & la ri*
(;ueur, pour ioomir une matière certaine à
'absolution ; et une antre faute légère dont
on n'a pas un repenlir suffisant, ne rend pas
l'absolution nulie. Que le directeur habitue
donc ses pénitents à s'accuser d'un ou de
plusieurs péchés de la vie passée, sor le
repentir desquels il ne reste aucun doute;
et ainsi, quand même ils n'auraient pas un
regret suffisant pour les fautes légères dont
ils s'accusent, I absolution ne laisserait pas
d'être bonne, et le sacrement ne serait ex-
posé à aucun danger de nullité. De cette
manière, la confession fréquente et même
quotidienne sera bonne et utile. Je ne veux
pas dire cependant qu'un pénitent, qui doit
recevoir la sainte communion plusieurs
jours de suite, soit obligé de se présenter
chaque jour au tribunal de la pénitence
pour y recevoir l'absolution ; je dis seule-
ment que, si entre une communion el la
suivante il y a plusieurs jours d'intervalle,
et que le pénitent demande la grâce de
l'absolution, on ne doit point la lui refuser,
de peur qu'il ne soit privé d'une augmenta-
tion de grâce sanctifiante, et d'un nouveau
degré de force qu'il trouverait dans l'abso-
lution sacramentelle pour se corriger de
plus en plus de ses défauts.
2*" Un directeur doit éviter de s'en rap-
porter trop facilement ft certaines âmes mé-
ticuleuses , qui croient ne pouvoir conce-
voir aucune douleur de leurs péchés, et qui,
par suite de cette crainte, tombent dans
une profonde anxiété toutes les fois qu'elles
s'approchent du tribunal de la pénitence.
Avec des personnes de ce caractère, on
doit se rappeler la doctrine de saint Thomas
et de tous les théologiens h sa suite : «Dans
la contrition, dit ce grand docteur, il r a
deux douleurs différentes : l'une qui'est
iians la volonté et est essentiellement la
contrition elle-même, puisque la contrition
n'est autre chose que le déplaisir conçu
pour les péchés passés , et l'autre qui et
dans la partie sensitive, et vient de la dou-
leur.de la volonté ou de la nature du tem-
pérament, selon que les f&rces de la partie
inférieure suivent le mouvement de la par-
tie supérieure. 9 ISuppl. m part. ,q. 3,
art. 1, in corp. ) Nous devons donc nous
rappeler toujours que la douleur essentielle
h la contrition est celle qui est produite par
la volonté, et nullement celle qui se fait
sentir dans le cœur ou dans la partie sensi-
tive. Cette dernière est indépendante do
l'autre, et il arrive souvent que la volonté
éprouve une douleur réelle et sérieuse,
sans que cependant cette douleur se fasse
sentir dans le cœur ; d'où il suit que cer-
taines personnes, qui n'éprouvent pas cette
douleur dans la partie sensitive, s'imaginent,
mais à tort, qu'elles n'ont pas de contrition,
quoiqu'elles aient la contrition réelle dans
la volonté. Si donc le directeur s'aperçoit
que son pénitent demande à Dieu la douleur
nécessaire, qu'il ne néglige rien pour s'ex-
citer h la contrition, et qiril a le fônne nro*
pos bien arrêté de ne plus retomber oans
45S
CON
D*ASCET1S1IE
CON
45i
5<>s fautes passées» il doit le soulager de
toute aoxiéféy ef le rassurer sur la réalité
de sa contrition, bien qu'il se sente le cœur
plus dur que le marbre. Un directeur éclairé
veillera à ce que ces Ames craintires pro-
duisent les actes de leur douleur arec paix
et sans inquiétude. Car ces angoisses, cette
aniiété inquiète mettent obstacle à la lu-
mière et au mouTement intérieur de l'Esprit
saint, qui n'agit d'ordinaire que dans les
âmes tranquilles, sereines et calmes.
3* La confession, pour être un moyen
d'arriver k la perfection, doit être d'une telle
intégrité qu'elle s^étende à l'accusation des
fautes même légères et peu graves. Mais, il
faut, dans cette accusation, éviter l'excès et
ne point outrepasser les l>orne$ de la pru-
dence et d'une sage modération. Car on
trouve de ces personnes qui sont pénétrées
d'une douleur si vive pour leurs égarements
Kssés, qu'elles ne se rassasient jamais de
s accuser en confession, et que, si on le
leur permettait, elles voudraient s'en con-
fesser chaque jour. Il faut les avertir que la
pénitence ne consiste point en cela. Saint
Thomas distingue deux sortes de pénitence;
Tune intérieure, l'autre extérieure. La péni-
tence intérieure consiste dans la douleur et
le déplaisir des péchés commis ; et celle-lè,
dît saint Thomas, après saint Jean Chrysos-
tome, on ne doit jamais la quitter, on doit
ta conserver pendant tout le cours de sa vie.
La pénitence extérieure est celle par la-
quelle on donne, on produit des signes ex-
térieurs de douleur, et l'on fait à un prêtre
laccusation de ses péchés pour en obtenir
labsolufion. Or il n est pas nécessaire que
cette pénitence dure jusqu'à la Gn de la vie ;
il suffit qu'elle ait une durée déterminée,
selon la mesure et la gravité du péché.
( Saint Thomas, lu part., g. ^,art. 8, in corp.)
D après cette doctrine, si un directeur trouve
de ces âmes si virement pénétrées de dou-
leur pour leurs péchés qu'elles désirent tou-
jours les effacer par de nouvelles accusa-
tions, il devra les exhorter à produire des
actes de repentir, en leur particulier, au
pied de la croix et en présence de Dieu
seul ; à renouveler souvent leur douleur
dans leurs méditations et leurs prières, et à
se tenir constamment dans un sentiment de
confusion intérieure, d'humilité profonde et
de douleur amère au souvenir de leurs fau-
tes, sans qu'elles aient besoin de les accuser
tant de fois au tribunal de la pénitence,
supposé toutefois qu'elles aient fait, h re-
gard de ces fautes, ce qui était nécessaire
l>our en obtenir le pardon. De cette manière,
non-seulement elles feront plus de progrès
dans la perfection, mais elles acquerront
encore une confiance plus grande, une tran-
quillité plus parfaite a l'égard de la rémis-
sion de leurs péchés. (Voy. Ecchabistie.)
CONFORMITÉ A LA VOLONTÉ DE DIEU.
— Un des principaux moyens de perfection
chrétienne donnés par Jésus -Christ, c'est
rentière conformité à la volonté divine.
C'est une doctrine que non-seulement il
Dous a enseignée par ces paroles de lorai-
son dominicale : Que voire rotonde soit faitt
êur la terre comme dans le ciel, mais qu'il
nous a aussi confirmée par son propre exem-
ple, puisqu'il dît lui-même : Je suis descendu
du ciel non pour faire ma volonté^ mats celle
de celui qui m'a envoyé. {Joan, vi.j C'est
pourquoi, dans son oraison au jardin des
Olives, étant sur le point de donner le der-
nier accomplissement i l'œuvre de notre sa«*
lut, quoiqu il eût horreur de la mort en tant
qu'homme, et que p^our faire voir qu'il
1 était véritablement, il dit : Mon Pire,$Hl
est possible^ faites que ce calice passe loin de
moi [Matih. xxvi), sa volonté demeura tou-
jours parfaitement conforme à celle de son
Père, et il ajouta aussitôt : Toutefois, qu'il
soit fait non comme je veux, mais comme
vous voulez. {Matlh. xxvi.)
Pour bien traiter cette matière et établir
la pratique de cette conformité, il faut sup-
poser deux principes sur lesquels roule toute
cette doctnne. Le premier est que notre
avancement et notre perfection consistent
en la conformité à la volonté de Dieu, et
que plus cette conformité sera grande, plus
notre perfection le sera aussi. Ce principe
est très-clair et très-aisé à comprendre»
parce qu'il n'y a pas de doute que la perfec-
tion consiste essentiellement dans la charité
et l'amour de Dieu, et que plus ou aimera
Dieu, plus par conséquent on sera parfait.
L'Evangile est plein de celte doctrine,
ainsi que les Epîtres de saint Paul et les
livres des Saints. Vamour de Dieu est le plus
grand et le premier commandement de tous
[Matth. xxii) ; la charité est le lien de la per^
{ection [Coloss,) ; la charité remporte sur tout
e reste. (/ Cor. xiii.) Or, comme ce qu'il v a
de plus élevé et ue plus parfait dans les
vertus, est d'aimer Dieu, de même ce qu'il y
a déplus exquis, de plus sublime et de plus
pur dans cet amour, est de se conformer en-
tièrement à la volonté divine, et de n'avoir
en tout d'autre volonté que celle de Dieu ;
car l'amitié, dit saint Jérôme après l'ora-
teur romain, n'est véritablement ferme et
solide que quand nous ne savons vouloir et
ne vouloir pas que ce que notre ami veut et
ne veut pas ; et ainsi, plus on sera conforme
k la volonté de Dieu, plus on sera parfait.
Outre cela, il est constant qu'il n y a rien de
meilleur et de plus parfait que la volonté
de Dieu, par conséquent on ne deviendra plus
parfait qu'autant qu'on s'unira davantage à
cette volonté, suivant cette parole de Cicé-
ron : « Si Dieu est ce qu'il y a de plus par-
fait, il est certain que plus une chose lui
ressemblera, plus elle sera parfaite. »
Le second principe est qu'il ne peut rien
arriver dans le monde sans Tordre et la
volonté de Dieu, ce qu'il faut entendre au
péché près, dont il ne peut être ni la cause,
ni l'auteur; car s'il est contraire h la nature
du feu de refroidir, à celle delà glace d'é-
chauffer et à la lumière d*obscurcir, il répu-
gne bien plus à la bonté inCnie de Dieu
d'aimer le mal et d'en être la cause Vos yeux
sont purs^ Seigneur^ dit le prophète Haba-
eue j roiif ne pouvez voir le mal ni regarder
453
CON
DICTIONNAIRE
CON
45(S
Viniquilé. (Hàbae. i, 13.) De même que
dans le monde on dit de quelqu'un qu on
n*Arme pas« qu*on ne saurait le regarder, de
mémo le prophète dit que Dieu ne saurait
voir riniquité, pour exprimer toute l'horreur
qiril en a. You$ n'éles pa$ un Dieu à qui
fittiquité soit a^réable^ dit le Psalraiste; roui
avez aimé la juitice et vous avez kai Vini'
quité. (P$. y et xuv.) Enfln l'Ecriture parle
dans une inQnité d'endroits de la haine que
Dieu porte au péché; ainsi il n'en peut être
ni la cause, ni l'auteur. Mais hors le péché,
tout le reste* les souffrances, les atllictions,
les peines, tout arrive par Tordre et la vo*
ionté de Dieu. Ce principe est incontes-
table, et ce que les païens ont supposé tou-
chant la fortune, n est qu'une chimère. La
fortune n'est rien; ce n*est point elle qui
donne les biens qu'on appelle communément
les biens de fortune, mais Dieu seul, comme
nous le dit le Saint-Esprit par la bouche du
Sage : Que les biens et les mutix, la vie et la
mort, les biens et les richesses nous viennent
également de Dieu, {Eccli, xi, ik.)
Quoique toutes ces choses arrivent par
l'intermédiaire des causes secondes, il est
certain cependant que rien ne se fait dans
1 univers que par Vordre et la volonté du
souverain matlre qui le gouverne, ilien ne
se fait par hasard à l'égard de Dieu; il a
arrêté tout lui-m£me de toute éternité; il a
compté les cheveux de votre tête, et aucun
ne tombera sans son ordre. Hais pourquoi
no parler que des hommes, comme si la
Providence ne s'étendait pas sjur tout le
TésieJ Deux passereaux f dit Jésus-Christ, ne
se donnent'ifs pas pour une obole? Cependant
aucun d^eux ne tombera à terre sans lapermis-'
sion de votre Père céleste, [Matth. x, 29.) Il ne se
remue pas même une feuille d'arbre sans sa
volonté, et c'est par celte même volonté que
se régissent les choses auxquelles le hasard
semble avoir le plus de part. On tire au sort^
dit le Sage, mais c'est Dieu qui règle le sort.
(Prov. XVI.) Il ne faut pas croire qu'il y ait
dans cela du hasard; ce qui parait avoir été
déterminé le plus par le sort est un effet de
l'ordre immuable de la Providence qui inuste
tout à ses fins. Le sort tomba sur Mathias,
dit saint Luc; ce fut par une disposition
fiarticulière de cette même Providence qui
'avait destiné de toute éternité k l'apostolat,
et qui voulait se servir de cette voie.
La seule lumière naturelle a suffi pour
taire parvenir quelques philosophes à U con-
naissance de 6ette vérité, et à leur faire dire
que, quoique ayant eu égard aux causes se-
condes, plusiein*s choses arrivassent par ha-
sard , cependant, eu égard à la cause pre-
mière, elles n'arrivaient que par ordre de la
Providence. C'est, disent-ils, comme si un
mattre ayant envoyé quelque part son servi-
teur pour affaire, en envovait un second
pour autre chose, sans que l'un eût aucune
connaissance de l'envoi de l'autre, mais avec
intention pourtant qu'ils se rencontrassent
tous deux dans lé môme lieu : leur rencon-
tre, h leur égard, serait véritablement for-
tuile; mais à l'égard du maître ce serait un
dessein prémédité. De même pour ce qui
semble arriver ici-tias fortuitement; è Tégard
des hommes qui voient* arriver les choses
contre leur attente et sans y avoir songé,
c'est un effet du hasard ; mais à l'égnrd de
Dieu, c'est la suite nécessaire et TeiécutioD
de l'ordre éternel de sa providence qui Ta
voulu ainsi pour des. raisons secrètes et ca-
chées qui ne sont connues que de lui seul.
Ce que nous devons conclure de ces deux
Brincipes, c'est que toutes choses venant de
ieu, et que notre perfection consistant k
nous conformer è'sa volonté, il faut les re-
cevoir toutes comme venant de lui et nous
conformer entièrement è ce qu'il veut. Ne
[irenez rien comme arrivé par hasard, ou par
a conduite et la malice des hommes; €ar
c'est là ce qui a coutume de faire le plus de
peine ; ne vous imaginez pas qu'une chose
vous est arrivée parce que quelqu'un s'en
est mêlé, et qne sans telle circonstance elle se
serait tournée autrement. Ce n'est pas là ce
qu'il faut examiner; mais de quelque ma-
nière qu'elles nous arrivent, recevez-les
toutes comme venant de Dieu, puisque c'est
lui, en effet, qui vous les envoie par ces
moyens. -- Un des anciens Pères du désert
disaitordinairement qu'un homme nepouf ail
avoir de véritable repos et de vraie satisfac-
tion dans la vie, s'il ne s'imaginait bien que
dans le monde il n'y avait rien que Dieu el
lui. Saint Dorothée rapporte que ces ancieDS
Pères s'étaient tellement habitués à prendre
toutes choses comme venant de la main de
Dieu, de quelque nature qu'elles fussent el
de quelque manière qu'eues leur vinsseolf
que par ce moyen ils se maîntenaieat dans
une profonde tranquillité d'esprit, et me-
naient toujours une vie céleste.
Cette conformité offre 'les plus grands
avantages. 1* Elle produit la véritable rési-
gnation, ou plutôt elle est elle-même cette
résignation parfaite et entière dont les saioU
el les maîtres de la vie spirituelle font tant
de cas, qu'ils disent que c'est. la racine et le
principe de la paix et de la tranquillité de
l'Ame ; car, par cette résignation, l'homme
se remet entre les mains de Dieu, afin d'y être
comme un peu d'argile entre les mains d'an
potier; c'est-à-dire afin que la divine Prori-
dence dispose de lui comme elle voudra, ne
désirant plus dès lors être à lui-même» ni
vivre et ne plus rien faire pour lui; mais
voulant faire toutes choses pour Dieu seul»
et dans la seule vue de son service et de sa
f;Ioire, La conformité à ia volonté divine fait
e même effet ; car par elle l'homme s'aban-
donne tellement à cette volonté, qu'il ne
sait ni désirer, ni chercher autre chose que
d^en voir l'accomplissement en lui,, non-
seulement en toiit ce qu'il fait, mais aussi
en tout ce qui lui arrfve dii dehors, et non-
seulement dans la prospérité et les consola-
tions, mais aussi dans l'adversité et les
souffrances. Celte soumission est si agréabie
à Dieu que, pour cela, il appelle David iio
homme selon son cœur. J ai trouvé^ dit-il»
un homme selon mon caur^ qui fera toute$
mes volontés. (/ Reg.) En effet, David éUiU^
157
CON
D^ASCETISME.
CON
45f
ioumis iiix ordres de la Providence, qu il
était toujours disposé à recevoir également
toutes choses de la main de Dieu» comme
une cire reçoit lellfi figure qu'on y veut Im-
l>riiner; aussi, il s'écrie en plusieurs en-
droits : Mon cœur est dispoié^ 6 mon Dieu!
mon cmur est disposé. {Ps. lvu)
^ Celui qui aura une pleine et parraîte
conformité a la volonté de Dieu, aura ac-
quis une parfaite mortification de ses passions
et de ses mauvais penchants. On sait com-
bien cette mortification est nécesssaire à un
Chrétien, eC combien elle est recommandée
par TEcriture et par les saints. Or, pour
parvenir è une entière conformité, cette
mortification doit être absolument supposée,
parce que la conformité est considérée
comme la fin, et la mortification comme le
moyen pour l'obtenir ; et la fin, comme on
sait, est dIus parfaite et plus élevée que le
moyen. Que la mortification soit un moyen
nécessaire pour acquérir une véritable con-
formité, rien trest plus elair; car il est cer-
tain que notre propre volonté et le déré-
g^ment de nos désirs sont autant d'obsta-
des en nous à cette conformité; par consé-
quent^ plus on renoncera à soi-même et
l'on mortifiera sa volonté et ses désirs plus
on s'unira et on se conformera h la volonté
divine. Pour joindre une pièce de bois rude
H mal polie avec une autre bien travaillée,
il faut la rabotter et la polir, sans cela ou
lie pourra bien les rassembler. Voilà ce que
fait en nous la mortification: elle retranche,
«Ile polit ce qui pourrait empêcher notre
union avec Dieu, afin que nous puissions
ensuite nous joindre plus étroitement k lui
tit nous conformant entièrement à sa divine
volonté. Ainsi, plus on se mortifiera, plus
aussi on s'unira à Dieu, et quand on se
sera mortifié entièrement sur tout, on par-
viendra alors à une entière union et è une
conformité absolue à la volonté de Dieu en
toutes choses.
9* Cette résignation, et cette conformité
entière est le plus grand et le plus agréable
Mcrifice de soi-même qu'on puisse oH'rir à
Pieu. Dans les autres sacrifices, on n'offre
que quelque chose de soi, mais dans celui-ci,
on s offre soi-même. Dans les autres sacit-
fices et les autres mortifications, on ne se
mortifie que sur quelque chose do narlicu-
lier: dans la tempérance, par exemple, Tliu-
milité, la modestie et la patience, le Chrétien
D offreèDieu qu'une parliede lui-même; mais
ici, il s'offre tout entier en holocauste, afin
qoe la majesté diviita fasse de lui tout ce
quelle voudra, connue elle voudra et quand
elle voudra, sans eicepter quoi que ce soit,
tt sans se réserver rien pour lui-même.
Ainsi, autant il jr a de différence entré
riiomme et ce qui ap^iartient è l'homme,
entre le tout et la partie, autant il y en a
entre ce sacrifice et tout ce qu'il y a d'au-
tres sacrifices et d'autres mortifications. —
Au reste. Dieu fait tant de cas de cet holo-
raustede notre cœur, que c'est là précisé*
Dtent ce qu'il demande de nous. Donnez-moi^
dit'il, votre cmur^ mon fils, {Prot, xxiii.)
DlCTIOSSr P*A3CÉTIS¥B. 1.
De même que loiseau royal ne se repaît
que de cœurs; de même ce que Dieu estima
le plus est le cœur, et si vous ne lui don-
nez le vôtre , vous ne pouvez lui Caire
ailluursaucun présent qui le contente. Après
tout, ce n!est pas nous demander beaucoup;
car si pour nous satisfaire pleinement, nous,
cendre et poussière, il ne suffit pas de tout
ce que Dieu a créé ; et si pour remplir no-
tre t)auvre cœur il ne faut pas moins que
Dieu, comment pouvoir contenter Dieu on
ne lui donnant qu'une partie de noire cœur«
et en réservant l'autre pour nous ? C'est s'a-
buser que de le prétendre; notre cœur ne
peut être ainsi partagé: Car le lit est si
étroit f dit Isate^ qu'il faut que Vun ou Vautre
tombe^ et la couverture si courte quelle ne
saurait les couvrir tous deux. {Isa. xxviii).
Le cœur de Thomme est un lit étroit^ il n^y
peut tf*nir qoe Dieu seul» c'est pour ctlM,
que t'É[>ouse l'appelle un petit lit. J'ai cher*
ché^ dit-elle, tous les jours dans mon petit
lit cdui que j'aime de toute mon âme. ICant.
m ) Elle avait telJemenl rétréci le lit de sou
cœur, qu'il n'y avait de place que pour soa
époux; et celui qui voudra, au contraire*
élargir son cœur pour y l'aire place è uu
autre, en chassera Dieu aussitôt. C*est de
ce passage aue le Seigneur se plaint par
Isaie, quand il dit : Vous m'avez découvert
pour recevoir l'adulttre pris de moi. Vous
avez élargi votre lit^ et vous avez contracté
alliance avec d'autres. (Isa. ltii, 8.} Si nous
avions mille cœurs, nous devrions le» offrir
tous à Dieu, et croire encore que ce sérail
peu en comparaison de ce que nous lui
devons.
4" Celui qui aura une paif^Jte conformité
à la volonté divine, aura aussi une charité
parfaite, et plus il augmentera dans eette
conformité, plus aussi il augmentera dans
la charité ti l'amour de Dieu, et par consé-
quent dans ta peifection qui consiste dans
ces deux choses : car Tamour de Dieu ne
consiste pâl dans les pa4'0les, mais dacHs'
les actions. La preuve de Tamour, dit ssiiK
Grégoire, est dans les œuvres, et plus \ef
œuvres nous coûtent et sont difficiles, ptuir
elles marquent d'amour. Aussi saint Jean
voulant eipliqucr Texrès d*aniniirde Dietf
pour le monde dit : Dieu a tdlemtnt aimet
le monde, qu'il a donné son Fils unimse,
( Joan. uu } Et Jésus-Christ, parlaiH lui-
même de l'amour qu'il portait h son Pètes
Afin, dit*il , qtie le monde connaiste fus
j'aime mon Pêre^ et que je fais ce qu^il m'n
commandé^ levez-vous^ allons^ous en. (afosii.
xiT.) Où allait-il ? souffrir la mort sur une
croix, et c'est en «Iccomplissaiit un ordre si
rigoureut qu'il a vraiment téj&pjgi é au
mon Je qii'il aimait son Ptre. iiifisj Tamour
se tiiniôigne par les actions; et plus les
actions s6nt grandes et pénibles plus on
fait paraître d*amour. Or la conformité è la
volonté de Dieu est le i>lus gtand lacrifice
que nous [fuissions hii faire de nOi*6-niémes;
parce qu'elle supposé une mortification
parfaite de nos sens, et une résii^nation ab-
solue par laquelle ojus nous offrons à Di^i^
Si
c^
DICTtONNAmC
CON
IGO
et nous nous remettons, entre ses mains
pour faire de nous ce qu*il lui plaira. 11 n'y
a donc pas de meilleure preuve d'amour que
celte conformité, puisque par elle on lui
donne et on lui offre tout ce qu*on a et ce
qu*on pourrait jamais avoir ou désirer; et
qu'on lui donnerait plus si on pouvait Tavoir.
5"* Celui qui sera parvenu h cette pleine
conformité à la volonté de Dieu, prenant
toutes choses comme envoyées par la^ Pro-
vidence, et se conformant à tout ce que
Dieu voul, aura acquis la suprême félicité
des serviteurs de Dieu sur la terre, puis-
gu'il possédera pleinement celte paix pro-
fonde et cette joie intérieure dans laquelle
consiste la véritable béatitude de cette vie.
Car ce qui faitj dit TApôtre, le royaume de
DieUf c'est-à-dire le bonheur des Saints
itans le monde, ce n'est ni le boire et le man^
ger^ mais la justice, la paix et la joie dans le
Saint-Esprit. Voilà le royaume du ciel sur la
terre, voilà notre paradis de délices, ici-bas, et
c'est avec raison qu'on l'appelle béatitude ,
-|>uisque par là nous devenons en quelque
sorte semblables aux bienheureux. Comme il
n'ya pas de changement ni de vicissitude dans
le ciel, et que les bienheureux sont toujours
xlans le même étal, €t y jouissent continuel-
lement de Dieu, aussi dans le monde, ceux
oui sont parvenus à celte conformité et à
établir tout leur contentement en celui de
Dieu, ne s'inquiètent et ne se troublent nul-
lement de rinstabilité des choses et des di-
vers accidents de la vie. Leur volonté est si
soumise à celle de Dieu, que la connais-
sance qu*il ont que tout vient de lui, et que
-e'esi sa volonté qui s'accomplit dans tout ce
qui leur arrive de fâcheux, fait que préfé-
rant la sienne à la leur, leurs souffrances
et leurs peines se changent on joie, et leur
iimertumeen douceur et consolation. Aussi,
rien ne peut les troubler; et comme il n'y a
que les déplaisirs, les traverses, les dou-
leurs et les affronis qui en sont capables,
cui le» recevant comme une faveur singu-
lière de la main de Dreu qui les leur envoie,
il ne reste {)lus rien qui puisse en quelque
manière altérer la paix et la Iranquulité de
leur Ame.
CONFORMITÉ (obaison de). — Yoy. cou-
CONFRÉRIE. — Sociélé do plusieurs per-
somies pieuses établie dans quelques églises
pour lK)norer particulièrement un mystère
'OU un saint et pour pratiquer les mêmes
exercices de piété et de charité. Il y a des
confréries du saint Sacrement, de là sainte
Vier^t» , de la Croix ou de la passion , de9
Agonisants. Plusieurs sont établies par des
bulles de Pafiesqui leur accordent desindul-
j$ences; toutes ont pour but d'exciler les
iidèles /aux 'bonnes œufres. de cimenter
'«ntre'eitx'Iapîix et la fc'alurnité et de leur
iacilîier. les plus saintes pratiques do là
jiiété et de la perfection chrélienhe.
CONURÉGATION DE PIÉTÉ. — Ce sont
lies associations pieusos,' intlniment utiles
(Kwr eucoui'ager le? tidèlcs dans les voies do
1 ifcviu ta de la jperfeclion, par les avis
qu'on y reçoit, par tes exemples qui s'y
donnent, par la surveillance charitable qu'on
peut exercer les uns sur les autres, parla
communauté de prières toujours plus puis-
santes au()rèsde Dieu. Par cela môme quel-
les sont faites en commun, nos prières ont
en effet bien plus d'efficacité, selon celte pa-
role : Si deux ou trois se rassemblent en mon
nom , je serai au milieu d'eux.
CONNAISSANCE DE SOI-MÊME. - Il est
'peu de vertu plus utile et plus importante
que la connaissance de soi-même.
1° Elle est la source de l'humilité et le
princii)al moyen pour l'acquérir. Ou a perdu
une drachme, dit saint Jérôme, et c'est
dans la boue et l'ordure qu'on la retrouve.
C'est dans la corruption de nos péchés et
de notre misère qu'on retrouve la précieuse
vertu de l'humilité. Pour procéder avec
ordre, considérons l'homme dans son état
naturel. Ayez toujours présent à l'esprit, dit
saint fiernard, ce que vous avez été, ce que
vous êtes et ce que vous serez. Qu'avez-
vous été? Une semence impure. Qu'ètis-
vousî Un vase niein d'immondices? Que
serez-vous ? La pâture des vers. Quel plus
grand sujet do méditation , aussi le pape
Innocent s'écrie avec raison : O misérable
et honteuse condition de la nature humaine]
Voyez les plantes et les herbes, elles pro*
duisent des Oeurs et des fruits » et le corps
liumain n'engendre que pourriture. C'est
cette considération qui fait dire à Job : fai
dit à la pourriture : Vous êtes mon pire;
et aux vers : Vous êtes ma mère et ma saur,
{Job XVII.} En effet, l'homme est-il autre
chose qu'une source de corruption? De
quoi donc pouvons nous tirer vanité? De
quoi peut s'enorgueillir la poussière et la
cendre? Ce ne sera pas de ces choses, car
nous n'y trouvons que des sujets de nous
humilier et de nous mépriser nous-mêmes.
Le souvenirdes infirmités et des misères de
l'homme est un bon gardien do l'humilité
dit saint Grégoire, cest sous ces misères
que celte plante se conserve en bon étal.
{Perfect. Chrét. de Kodmgvez.) Mais allons
plus en avant encore. Regardez ce que vous
étiez avant voire création, vous verrez que
vous n'étiez rien« que vous ne pouviez de
vous-môme vous tirer de l'abîme du néant,
mais que c'est Dieu par sa bon lé qui vous
en a tiré en vous donnant l'être dont vous
jouissez. Nous ne sommes donc rien de
nous-mômes, et nous ne devons pasnouse^U-
iner plus que les choses qui ne sont pos«
c'est à Dieu seul qu'il fiut attribuer ce que
nous avons de plus qu'elles. Si fuWyu'a/',
dit saint Paul , s'imagine être quelque chosft
quoiquil ne soit rien eti effet, il se trom^i
lui-même, (Galat, yi,) Voilà de quoi uous
enrichir d'humiliié toute notre vie.
Mais de plus, c'est qu'après avoir reçu Tô-
tre, nous ne subsistons pas de nous-iuéiues.
Ce n'est pas comme une maison que l'ai-
chilecto abandonne après lavoir bâlie, et
qui se soutient a'elle-niëme saiis aucun
besoin de lui. Nous avons autant besoiu (i^
Dieuaj)rès la création et à chaque inâlatii
451
€0N
D'ASCETISME.
CON
*et
de uolre vie poar ne pas perdre notre exis-
tence, que nous en avons eu pour l'acquérir,
quand nous n*élions rien. Il nous soutient
«ans cesse de sa main puissante, pour nous
eoif^ècher de tomber dans le néant dont-il
nous a tirés; c*est pourquoi le Prophète
royal lui dît : Vous m'avez formé ^ Sei^eur;
ri vouM avez étendu votre main $ur mot, ( Ps.
cxxYviii.) Cest cette main qui me soutient,
me conserve et m'empêche de retomber dans
le néant d'où je suis sorti. Nous dépendons
tellement de Dieu, que s'il venait à nous
manquer et à retirer sa main un seul moment»
nous manquerions nous-mêmes aussitôt «
nous cesserions d'être, comme la lumière
ce^se quand le soleil se cache, et nous
reloornerions 'dans noire premier néant.
Toutes les nations , dit Isaîe, sont devant lui,
tornsÊU si elles n étaient pas, et elles sont comme
rien à ses yeux. ( Isa. il , 17. ) Allons encore
pins avant, approfondissons et creusons
dans la connaissance de nous-mêmes. Y
»-t-il quelque chose au delà du néant? Oui;
il j a le péché que vous avez ajouté. Et
quel abîme plus profond ! Il est plus grand
que le néant , parce qu'il est pire que lui»
et qu'il vaudrait mieux ne pas exister que
de pécher. // aurait mieux valu pour lui
au il ne fût pas n/, dit Jésus^Chrisl, en par*
tant de Judas qui voulait le trahir. Il n'y
a rien de si abject et de si méprisable aux
jeux de Dieu^ dans toute l'étendue de l'être
et du néant» que Thomme coupable de pé-
ché mortel , banni du Ciel , déclaré ennemi
de Dieu, et condamné aux peines éternelles
de l'enfer. Ce qu'il j a encore de plus fort
en cela, c'est que malgré l'espéraocc que
nous devons avoir en Pieu pour le pardon
de nos fautes, nous n'avons pourtant aucune
certitude qu'il nous les ait remises. L'Aomme,
dit le sage» ne sait s'il est digne d'amour ou
de haine. ( Eccle. ix. ) Ma conscience ne me
reproche rien , dît VApô're , mais je ne suis
pas justifié pour cela. (/ Cor. iv, 4.) Si, par
malheur, je ne le suis pas , è quoi bon avoir
embrassé la vie religieuse , et converti des
Ames à Dieu 7 Quanaje parlerais le langage
des hommes et des anges ^ si je n'ai pas la cAa-
rite 9 je suis comme une trompette ou une
cymbale retentissante : quand f aurais le don
de prophétie et que je pénétrerais dans les
secrets de toutes les sciences ^ que f aurais
assez de foi pour transporter toutes les mon-
tagnes , ft je fi'ai pas la charité je ne suis
rien : quand je donnerais tout mon bien pour
ta nourriture des pauvres , et que je livrerais
mon corps pour être brûlée tout cela ne me
servira arten, si je n'ai pas la chari:é(I Cor.
XIII, i, 2, 3). Masheur donc à vous, si vous
n'avez pas la charité, si vous n'êtes pas dans
la grftce de Dieu, car, sans cela , vous n*êtes
rien, et moins que rien. C'est un grand mojren
|Kiur demeurer toujours dans Thumilité, et
avoir peu d'opinion de soi,, de ne pas sa-z
voir SI on est ej) état dé grâce ou non. Nous .
savons certainement que nous afons oCTensô.
Dieu, mais nous ne savons pas s*U nous,
a pardonné. Qui osera marcher tête levée?
Qmî ne se confondra et ne s'abaissera pas
jusqu^au centre de la terre, dans une incer-
titude si étrange ? C'est ce qui a fait dire à
saint Grégoire , que Dieu a voulu que nous
ne fussions pas assurés de sa grâce, afin que
nous eussions toujours une ^âce assurée^
qui est celle de Thumilité.
Si, outre cel<% nous nous arrêtons à consi-
dérer les malheurs et les préjudices causés
par le péché originel, que de sujets de nous
numilîer et de nous méi^iser, en songeant
combien la nature a été corrompue en nous
par le péché ! De même qu'une pierre est
attirée en bas par sa pro;)re pesanteur, de
inême par le pédié originel nous som*
mes portés à tout ce qui regarde notre
chair, notre vanité et notre intérêt. Nous
avons un sentiment très-vif pour les cho-
ses de la terre, et très-peu de goût pour
celles du ciel; ce qui devrait obéir en nous
y commande, et ce qui devrait y comman^
der, obéit. Nous sommes si malheureux^
gu'étaiit nés pour le ciel, nous avons des
inclinations de bêtes, et des cœurs inclinés
vers la terre. Le cœur de Vhomme est trom^
peur et plein de détours^ dit Jérémie; quji
pourra le connaître? (Jer. xvii.) C'est cette
muraille d*Ezéchiel : (lus .on y creusera,
plus on découvrira d*aboroinations. Mais
si nous jetons la vue sur nos défauts qui
sont notre propre fonds, que de motifs
de nous confondre ny verrons-nous pas?
Quelle est l'intempérance de notre Jangue^
et avec quelle négligence ne gardonss-noas
pas notre cœur! Comme nous sommes io-r
constante dans nos bonnes résolutions et
amateurs de notre intérêt etde nos aisesl
Comme nous sommes ardents à faire ce qui
nous platt, et remplis d'amour propre |
Comme nous sommes attachés à noire vo-
lonté et à nos sentiments ; violents dans
nos passions, fermes dans nos mauvaises
habitudes, et faciles à nous laisser aller à
nos mauvais penchants. Saint Grégoire
écrivant sur ces paroles de Job : Vous mom^
irez votre pouvoir contre une feuille que U
vent emporte (Job xiii), dit avec raison que
l'homme est semblable A une feuille d'arbre^
car de même qu'une feuille remue au moin^
dre vent, de même l'homme se laisse agiter
facilement par les vents des passions et des
tentations. Tantôt il se laisse emporter à
la colère, et tantôt il s'abandonae A une
vaine joie ; tantôt l'avarice et l'ambilion. la
tourmentent, tantôt le plaisir et la sensua-
lité Tenlrainent ; tantôt l'orgueil Télève, et
tantôt la crainte ou le trouble, l'abat. Aussi
lé prophète Isaïe dit-il-avec raison : que noiif
sommes tous tombés comme des feuilles, et qus
nos iniquités sont U vent qui nous emporte,
(Isa. Liiv.) Le nK>indre vent des tentations
nous renverse et nous emfiorte ; nous n'a-
vons aucune fermeté dans la vertu et nos
bonnes résolutions ; nous avons donc eu
cela bien sujet de nous humilier et d%
nous cou i'ondre. Non-seulpment nos péchés
et nos défauts nouS:en d<«nncnt sujet, mais
même nos bonnes actions, si ^nous ex^mir
nous do près de combien de fautes et d'iuay
perfections elles sont souvent mêlées^ sjvj«-
^M»
CO.N
MCTSONNAinE
CON
4a
»
I
^
ynht les paroles du même prophète : Nom
$otnme$ ious devenue comme des gens immon-^
des, et toutes nos bonnes œuvres sont comme
un linge souillé de sang corrompu {Isa. Liir.)
2"* La connaissance dé soi-même est le
iieroin le plus sûr pour arriver à la con-
naissance et fa Taraour de Dieu. La raison
qu*en donne saint Bernard est que cette
science étant bien aussi sublime que les
autres, elle nous mène aussi plus directe-
ment à Dieu. Saint Bonaveolure dit que
c*e$t ce que le Sauveur du monde nous a
fait entendre par la guérison de l'aveugle-
né ; il lui donna, en lui frottant les yeux
d'un peu de boue, la vue du corps pour
se voir lui-même, et celle de Tâme pour
connaître Dieu et Tadorer. C*est ainsi, dit-
il , qu'étant nés aveugles et dans Tigno-
rance de Dieu et de nous-mêmes, le Sei-
gneur nous éclaire en nous frottant lesyeui
du limon dont nous sommes nés, afin que
nous commencions d*abord à nous connaî-
tre, et que nous adorions ensuite avec une
foi vive celui dont nous avons reçu la lu-
mière. C*est aussi ce que TEglise nous ensei-
gne dans la cérémonie des cendres en nous
disant : Souvenez-vous^ homme, que vous êtes
poussière^ et que vous retournerez en pouf-
siêre. (Gen. m.) Elle nous remet devant les
yeux ce que nous sommes, ajin que par la
connaissance de nous-mêmes^ nous venions
h reconnaître Dieu, à nous repentir de nos
fautes et è en faire pénitence. La connais-
sance de nous-mêmes est donc un moyen
de parvenir à celle de Dieu; et plus nous
considérerons la bassesse de notre origine,
plus nous connaîtrons la grandeur de Dieu,
suivant cet adage que rien ne fait mieux
connaître les choses opposées qu'en les rap-
prochant Tune de rautre. Or, Thomcue est
rextrême bassesse et Dieu l'extrême gran-
deur ; c*esi pourquoi, plus l'homme se con-
naît et sait que de lui-même il n'est que
misère et péché, plus il connaît quelle est
)a bonté et U miséricorde de Dieu d'aimer
une chose ao>si abjecte que l'homme. Par
cette considération, l'âme s'enflamme en-
core de plus en plus dans l'amour de Dieu,
ne cessant de le remercier pour tant de
bienrnits répandus sur une misérable créa-
ture, et de s'étonner que, les hommes ayant
lant de peine fa se souUrir mutuellement.
Dieu, non-seulement aii la bonté de les
»oufTrir, mais de dire que, ses délices sont
d être avec les enfants des hommes [Prov. viii).
C'est ainsi que pour parvenir è une plus
grande connaissance et è un plus grand
4imour de Dieu, les saints s'appliquaient fa
ia connaissance d'eux-mêmes ; c'est pour
«ela que saint Augustin avait coutume
de dire : « Mon Dieu, faites que je me
connaisse et ()ue je vous connaisse. » Saint
François Xavier s'écriait jour et nuit : « Qui
êtes-vous, 6. mon Dieu 1 et qui suis-je? »
C'est pir-lfaque tant de saints sont arrivés
à une si haute connaissance de Dieu. Cette
vole eit donc infaiUilHe : car plus vous vous
anéantirez dans la connaissance de voUs-
^lutmes, plus vous vou^ élèverez dans celle
de Dieu ; et plus vous vous élèverez dans
celle de Dieu, plus vous profiterez dans
celle de vous-mêmes, parce que la lumière
du ciel pénètre dans les replis les plus se-
crets duciBur, et nous fait trouver des sujets
de confusion dans les choses qui parais»
sent les meilleures aux yeux du monde. De
même, dit saint Bonaventure, que quand
les rayons du soleil entrent dans une cbam-
bre on y découvre mille atomes qu'on D*y
voyait pas auparavant ; de. même lorsque
notre cœur est irappédes rayons de la grAcei
Tême y aperçoit jusqu'aux moindres im-
perfections dans les choses qui semblent
parfaites fa. ceux qui ne sont pas frappés
d'une lumière si vive.
3^ De tout ce qu'on vient de dire, ood«
cluons combien il importe de se bien con-
naître. Thaïes , l'un des sages de la Grèce
interrogé quelle était la connaissance la plus
difficile fa acquérir, répondit que c'était celle
de soi-même, comme ayant pour obstacle
l'amour-propre. De Ifa, cet axiome si célèbre
parmi les anciens : Connaissez-vous vo}u*
même. Puis celte autre d'un philosophe : « De-
meurez avec vous. » Mais laissons de cêté ces
enseignements païens pour en venir fa ceux
des philosophes chrétiens, les meilleurs maî-
tres en cette matière. Saint Augustin et saint
Bernard disent : la plus sublime et la plus utile
des connaissances est celle de soi-même. «Les
hommes, dit saint Augustin , font beaucoup
de cas des sciences qui leur apprennent ta
disposition du ciel et de la terre et leur donne
la connaissance du mouvement descieui.da
cours des planètes, de leurs influt^nces et de
leurs vertus, mais ia science la plus utile et
la plus élevée est celle de soi-même. » « Les
autres sciences, dit saint Paul, nous enflent
et nous détruisent, mais celle-ci nous abaisse
et nous édifie. » Aussi les maîtres de la vie spi-
rituelle n )us recommandent cet exercice pen-
dant l'oraison, et blâment ceux qui passant lé-
gèrement sur les défauts qui leur font le plus
de peine fa regarder, perdent du temps sur
une mêdilatiou pieuse où ils éprouvent de
la douceur, a Si vous voyiez ce que tous
êtes, dit saint Bernard, parlant au nom de
Dieu, vous vous déplairiez et vous me plai-
riez; mais, comme vous ne vous voyez pas,
vous vous plaisez et tous me déplaisez. Un
temps viendra que vous ne plairez ni k tous
ni fa moi. Vous ne me plairez pas, parce que
vous avez péché; vous ne vous plairez pas,
parce que vous aurez causé votre perte éier-
nelle. ^ -— Saint Grégoire traitant le même
sujet dit qu'il y en a qui croient ê.refoints
i\^ qu'ils commencent fa servir Dieu, et à
faire quelques actes de vertu : ils s^altacbent
tellement fa regarder le bien qu'ils font, qu*ils
perdent de vue leurs péchés et ne voient pas
même parfois ceux qu*ils commettent, ûs
véritables gens de bien font ie contraire, cor
remplis de veftus et de bo mes oeuvres, ils
regardent ce qu'il y a de uiauvaîs.en.euxal
ont toujours V^s yeux sur leurs imperft'C-
tiens et leurs défeuls. D après cela, il arrîTe
aue tous s'humiliant fa ta vue de leurs dé-
lauis, conservent eu eux leurs verluSf taudis
AWt
CON
D^ASCCTISUE.
CO^
4«e
qae les «utres se glorifiant de leurs bon-
nes actions» les perdent par leur orgueil
•t se perdent eux-mêmes. Ainsi les uns
se serrent si bien de ce qu'ils ont de mau-
vais qa*ils en tirent du proGt, et les autres
tournent k leur dommage le bien qu'ils
o t. « Lorsque le démon» dit le même saint»
Teul TOUS inspirer de la vanité pour vos
bonnes actions» opposez- lui le souvenir
de Tos péchés. » C'est ce que faisait ra|i6-
tre» qui, craignant que la grandeur de
ses révélations et des merveilles que Diea
aT it Ofiérées par lui ne lui donnât trop de
▼.snité» se souvenait d*aToir été on blasphé-
mateur et d*avoîr pt*rsécuté et outrage les
serviteurs de Jésus-Chi ist. JenesuUpoM di-
gne déire appelé apôtre^ disait- il» puismefai
perêéemié FEgtise de Dieu. .7 Cor. it.) Con-
tre de telles attaques» il n / a pas de meil-
leur moyen que de se rappeler ses péchés
passés.
Saint Jérôme écrivant sur ces paroles de
range Gabriel au projihète Daniel : Fils de
rkowume^ écoutes ce que je veux voue dire {Dij^
miel vni}» dit que les anciens prophètes sem-
b aient déjà être devenus des anges par la
soblimilé de leurs révélations continuelles.
De peur qu'ils n'oubliassent leur condition
en se croyant d'une nature tout angélique;
l'ançe leur rappelait par ordre de Dieu la
fragi!i;é et la misère de leur origine» en les
appt-lant /f/i de Vhomme^ a6n qu^n considé-
rant ce qu'ils étaient, ils s'humiliassent dans
la connaissance de leur nature. Dans Tfais*
toire ecclésiastique et l'histoire profiine»
nous avons beaucoup d'exemples sembla-
bles, où plusieurs saints et autres grands per-
sonnages se servaient d'un tel moyen pour
se préserver de la vanité; ils gardaieht au-
prâ d'eux quelqu'un pour les avertir de
temps en temps qu*ils étaient hommes.
CX>NSEILS EVANGBLIQUES» ou Maxixes
wm rBBFBcnoif. — Jésus-Chrisl les distingue
évidemment d'avec les préceptes. Un jeune
homme lui demandait ce qu'il faut iaire
pour obtenir la vie éternelle» Jésus lui ré-
pondit : Gardes les commandements. — Je les
a observée die ma jeunesse^ répondit ce prose*
Zle» gue me manque t-il encore f Si vous vou*
t être par fait f répliqua le Sauveur» allex
tendre ce que vous possédez^ donnez-le aux
pauvres 9 vous aurez un trésor dans le ciel,
alor» venez et suivez-moi. IMatth. xix» 16;
Jforc. X» 17 ; Lue. xviii» 18.) Selon ces paroles»
ee que Jésus-Christ lui pro(K)sail n'était pas
o^^essaire pour obtenir la vie éternelle» mais
pour pratiquer la perfection et pour être ad-
mis au ministère a|»ostolique.
Plusieurs censeurs de l'Bvangile ont dit
que la distinction entre les préceptes et les
conseils e^t une subtilité inventée par les
thécdogiens |K)ur pallier l'absurdité de la
morale chrétienne. Il est clair que ce repro-
che est trèf-mal fondé. La loi ou le précepte
se borne à défi?ndrecequi est crime» è com-
mander ee qui est devoir; les conseils doi-
vent aller plus loin pour la sûreté même de
la loi; quiconque veut &'en tenir à ce qui
est étroitement commandé, ne tardera pas
de violer la loi.
D'autres ont été scandalisés du terme de
conseils ; il ne convient pas k Dieu, disent-
ils de conseiller» mais d'ordonner. Cette ob-
servation n'est pas plus juste que la précé-
dente. Dieu législateur sage et non» ne me*,
sure point l'étendue de ses lois sur celle de
son sonverain domaine» mais sur la faiblesse
de l'homme; après avoir commandé en ri-
gueur, sous raitemative d'une récompense
ou d'une peine éternelle, ce qui est absolu-
ment nécessaire an bon ordre de l'univers
et au maintien de la société, il peut montrer
è rhomme un p!us haut degré de vertu» lui
promettre des grtces pour y atteindre, lui
proposer une plus erande récompense. C'est
ce qu'a fait Jésus-Christ. En général, on ne
peut donner à l'homme une trop haute idée
de la perfection k laquelle ilpeut s'élever
avec le secours de la grâce divine. Dès gu'il
est pénétré de la noblesse de son origine »
de la grandeur de sa destinée, des pertes
qu'il a faites, des moyens qu'iPa de les ré-
parer, do prix que Dieu r&erve à la vertu,
il n'est rien dont il ne soit capable, l'exem-
ple des saints en est la preuve.
Au reste, la prévention des incrédules
contre les conseils évangéli(]iies leur vient
des protestants ; ceux-ci n'en ont pas parlé
d'une manière plus sensée. Ils ont dit que
Jésus-Christ avait prescrit à tous ses disci-
ples une seule et même règle de vie et di;
mœurs; mais que plusieurs chrétiens, soit
par le goût d'une vie austère, soit pour imi-
ter certains philosophes , prétendaient que
le Sauveur avait établi une double règle de
sainteté et de vertu : l'une ordinaire et com-
mune» l'autre extraordinaire et plus sublime;
la première» pour les personnes engagées
dans le monde; la seconde» pour ceux qui,
vivaiit dans la retraite, n'aspiraient qu'an
bonheur du ciel; qu'ils distinguèrent con-
séquemment, dans la morale chrétienne, les
préceptes obligatoires pour tous les hommes,
et les conseils qui regardaient les Chrétiens
plus parfaits. Celte erreur, dit Mosbeim,
vint plutôt d'imprudence que de mauvaise
Tolo'ité; mais elle ne laissa pasd'en produire
d'autres dans tous les siècles de l'Eglise, et
de multiplier les maux sous lesquels l'Evan-.
gile a souvent gémi. Hais nous demandons
aux protestants si Jésus-Christ imposait un
précepte i tous les Chrétiens, lorsqu'il di-
sait : Quiconque Centre vous ne renonce pas
à tout ce quHl possède^ ne peut pas être mon
disciple. (Luc. XIV, 33.} Heureux les pauvris^
ceux qui ont faim^ ceux qui pleurent t don^
nez à quiconque vous demande^ et s'il vous m-
lève ce qui vous appartient^ ne le répétez pas^
{Luc. VI, 20, 30.) Si quelqu'un veut venir
après moi, ^u'il renonce à lui-même^ qu'il
porte sa croix tous lesjours^ et qu'il me suite,
{Luc. IX, S3.} il y a des eunuques qui oni re*
nonce au mariage pour le royaume des deux;
que celui qui peut le comprendre le eom--
prenne {Uatth. xix, 12.) Les commentateurs,
même protestants, ont été forcés de re-
connaître dans ce passage un conseil et non
^67
COiX
DiGTIONNAmE
coii
«M
ùQ préeepte. Voyez la Synapse sur cet en-
droit.
Saint PauJ a dit (ICor. vu, 40) : Une veuve
êera plus heureuse si elle demeure dans cet
étatf selon mon conseil : oVf je pense que fai
aussi l'Esprit de Dieu, En exhortant les Co-
rinthiens èdes aumônes, il leur dit : Je ne
t>ous fais pas wa cotftmandement mais je
vous donne un conseil^ parce que cela vous est
utile. (II Cor. yiii, 8, 10.) £l aui Galates
(v, ^\) : Ceux qui sont à Jésus-Christ ont
'crucifié leur chair avec ses vices et ses corrup-
tions. Si les Chrétiens du ii* siècle se sont
trompés en distinguant les conseils d*avec
les préceptes, c'est Jésus-Christ et saint
taul qui les ont induits en erreur. Pour es-
timer et pour pratiquer des austérités, des
mortifications, des abstinences, et le renon-
eemenl aux commodilés de la vie, ilsn*ont
pas eu besoin de consulter l'exemple des
philosophes, le goût des Orientaux, ni les
fnœurs des essériiens et des thérapeutes; il
leur a suffi de Tire l'Evangile.
Voici comment le docteur Angélique ex-
pose la doctrine des conseils évangéliques.
Cette exposition est on no peut plus daire
et plus juste.
11 y a cette différence entre le conseil et le
précepte^ que le précepte emporte la néces-
sité, et le conseil repose sur le choix de
celui h qui il est proposé : c'est pourquoi
dans la loi nouvelle qui est une loi de liberté^
on a convenablement surajouté les conseils
aux ()réceptcs ; mais on ne Va point fait dans
)a loi ancienne qui est une loi de servitude.
Il faut donc comprendre que les préceptes
de la nouvelle loi sont donnés pour ordon-
[iier les choses oui sont nécessaires pour
obtenir la fin de réternelle béatitude, dans
laquelle la loi nouvelle introduit immédia-^
lemont. Mais les conseils ont pour objet les
choses parlesquelles riiommeoblient mieux
ai plus sûrement laQn susdite. L'homme est
t)(acé entre les biens de ce monde et les
nens spirituels, dans lesquels consiste l'é-
ternelle béatitude, de manière à ce qu'il
s'approche d'autant plus de l'une de ces sor-
tes de biens qu'il s éloigne plus de Tautre,
et vice versa. Celui donc qui s'attache tota-
lement aux choses de ce monde, qui y trouve
sa fin< les considérant comme les raisons et
les régulateurs de ses actions; celui-là est
tout à fait fruslré des biens spirituels : et
ce genre de désordre est combattu par les
i)récept(;s. Mais que l'homme se dépouille
lolalement de ce qui est de ce monde, cela
n'est point nécessaire pour atteindre la Qn de
Thomine : car il peut atteindre réternelle
iiéalitude en usant des choses de ce monde,
pourvu qu'il n'y place pas sa fin, mais il y
parviendra plus sûrement et plus vile en.se
dépouillant totalement des biens de ce
Inonde i c'est dans ce but que sont donnés
les conseils évangéliques. Or les biens de
Çd monde qui servent à Tusage de la vie se
divisent en trois classes : Il y a les richesses
des biens extérieurs qui se rapportent à la
concupiscence des yeux; et les délices de la
Oboir qui ee rapportent à la concupiscence
de la chair; et les honneurs qui se rappor*
tent à l'orgueil de la vie, comme il parait
par l'apôtre saint Jean, chap. ii. Fouler aux
pieds ces trois sortes de biens autant qne
cela est possible, voilà l'objet des conseils
évangéliques. C'est dans ces trois points
que se résument tous les instituts religieux
qui se destinent à la pratique de la perfec'*
lion : car les richesses sont méprisées par la
pauvreté; les déliées de la chair par la chas-
teté perpétuelle; et l'orgueil de la tie par
la servitude de l'obéissance.
Ces choses simplement observées appar-
tiennent aux conseils absolument proposés:
mais l'observance de chacun d'eux dans un
cas particulier appartient au conseil évangé"
Tique dans un sens restreint {secundumquiit\i
par exemple lorsque quelqu'un fait une au-
mône à un pauvre auquel il n'est pas obligé
de donner, il suit le conseil dans celte ac-
tion spéciale. De même lorsque pendant m\
temps déterminé il s'abstient des plaisirs
permis de la chair pour vaquer à l'oraison^
il suit le conseil pendant ce temps. De mêtua
lorsque quelqu'un ne suit pas la volonté
(tans un cas particulier, ce qui cependant
est supposé trés-permis, par exemple, îors-
Su'il fait du bien à un ennemi ou qu'il ne
oit point ce bienfait, ou s'il n*exi|j;e point
de satisfaction d'une offense pour laqucilo
ri pourrait en exiger, il accomplit un con-
seil dans ces circonstances* C'est ainsi que
tous les conseils pratiqués dans les cas par-
ticuliers se rapportent à ces trois conseils
généraux et pariaits que nous avons vus. >
' Les conseils évangéliques sont la raison
de l'existence des ordres religienx, des SO'
litaires, des contemplatifs, des ouvrages
mystiques et de tout ce qui touche à la vio
ascétique, puisque sans les conseils évan-
géliques tout retomberait dans la vie com-
mune. [Voy. Moines.)
Les conseils évangéliques sont la gloire
de la religion, ce beau idéal de la perfec-
tion morale^ Nos anciens apologistes nous
attestent que la mortification, la cliastdé,
le désintéressement des premiers Chrétiens,
aussi bien que leur douceur, leur chariié
et leur patience ont causé de Tadmiiation
aux païens, et ont produit une infinité de
conversions. Dans les siècles suivants, les
mêmes vertus, pratiquées par les solitaires,
ont fort adouci la férocité des barbai*es; et
si les missionnaires qui ont converti les
peuples du Nord n'avaient pas pratiqué les
conseils évangéliques, ils n'auraient pas at-
tiré peut-ôtre un seul prosélyte.
CONTEMPLATION, sa définition, ses pro-
priétés, sa division, les règles pour s'y préparer
et s'y bien conduire. — 1% A l'union obscure
de Vabandon succède ordinairement une au-
tre union de l'âme avec Dieu, union pleine
de suavité et qui se fait parla contemplation.
(Yoy. Abandon.) La contemplation mysti-
que est une élévation de Ta me^ vers Pieu
et vers les choses divines, par une siinj)le
intuition admiralive et toute brûlante dua
suave et ardent amour pour les choses tli*
vinos*
469
C05I
D'ASCETISMB.
GON
Noas parlons ici de la cooleroplatîoa di-
vine, théologique, mystique et affective, qui
illumine Tintelligence et enflamme l'affec-
tion d*une manière spéciale, sublime et en
quelque sorte surhumaine, non par le rai-
sonnement, mais autant qu'il e$i possible
ici-bas, par l'intuition des mystères de Dieu,
intuition qui excite à l'amour divin. C'est
ce qui a fait donner par les mystiques à
la contemplation le nom de théologie mysti"
qu€» il ne s'agit donc pas ici de la contem-
plation purement philosophique, par la-
quelle les philosophes peuvent aussi con-
templer Dieu par les lumières de la nature,
ainsi que le tirent ou purent le faire ces
philosophes dont fiarle saint Paul (Hoir, i,
2): Il ne s'agit pas non plus de la contem-
plation théoTogique purement spéculative,
par laquelle le théologien, aide de la lu-
inière de la foi, contemple Dieu; cardans le
philosophe comme dans le théologien, cette
contemplation est vaine, si elle procède de
la curiosité et ne tend pas vers l'amour.
La contemplation a été diversement dé-
finie par différents mystiques. Saint Au-
gustin, ou plutôt quelque autre docteur
postérieur à Boèce, la aéOnit ainsi (L. de
spir. et anim.^ c. 33) : c La contemplation
est l'admiration délicieuse de Téclatante
vérité. » Saint Bernard (L. de tckoL clausir.^
c. 1), dit : « La contemplation est une cer-
taine élévation de l'âme attentive vers Dieu,
goûtant les joies de réternelle douceur. •
Il dit encore (£. de consid. c. 2) : c La con-
templation peut se déQnir une intuition
▼éritable et certaine de l'âme sur chaque
chose, ou bien la possession non douteuse
du vrai. » Richard de Saint-Victor (L. i De
eoHiempt.^ c. k) en donn*3 une double défi-
nition : la première est de lui-même : « La
eoutemplation est une libre perspicacité de
l'esprit, en suspens dans la considération
et I admiration du spectacle de la sagesse. »
La seconde est de Hugues de Saint-Victor :
« La contemplation est une intuition perspi-
cace et libre de l'esprit se livrant à la con-
sidération des choses. » Saint Bonaven-
ture, Gerson et Harpius la déiinissent de
la même manière que Richard de Saint-
Victor. Selon saint Thomas (2-2, q. 180,
a 3, ad. i), c la contemplation se rapporte à
la simple intuition de la vérité. » Il «ijoute
(ad 3} « qu'elle se termine en affection. »
C'est ce que prouve saint Bonaventure d'a-
près la déOuition de Richard, en disant :
• Ou voit par là que Richani ne regarde pas
la contemplation précisément comme un
acte de l'intelligence, mais comme renfer-
uiaot encore une affection pleine de dou-
ceur. Le mot sagesse {sapieniia) vient de
iapor (goût), comme le dit saint Bernard,
et l'objet principal et premier de la sa-
gesse est Dieu lui-même; aussi, la vérité,
en tant qu'elle eicite la volonté à ce suave
amour aelle^méme et constitue ainsi l'acte
(151) Ighur tpeeîacula sapientiœ êicufeognitioveri
et amof^ nve $apor, boni, (S. Beay.) Speclacnla sa-
piemiim^ mot-à-mot , phénomène* de U sagcs^; il
véritable de sagosse, consiste dans la con-
templation de Dieu, non faite d'une ma-
nière ordinaire, mais accompagnée d*amour
et d'une certaine douceur expérimentale.
L'acte même proprement dit de la sagesse
consiste donc dans la connaissance du vrai
et l'amour on le goût (sapor) du bien (151^. •
Enfin, Benoît XIV {de Beatif. et canon,^ 1. m,
c. 26) décrit ainsi la contemplation : c C'est'
une simple intuition intellectuelle a\i€ un
amour suave des choses divines et des véri-
tés révélées, procédant de Dieu, qui appliquo
d'une manière spéciale l'intellect à l'intui-
tion et la volonté è rinlelligence de ces vé-
rités révélées, et qui concourt à ces actes
ftar les dons du Saint-£«pril, c'est-à-dire par
'intelligence et la sagesse, en éclairant l'io-
tellect et en enflammant la volonté.
Toutes ces déûuitions de la contempla-
tion, bien qu'elles ne soient pas toutes es-
sentielles et spéciûques, coïncident cepen-
dant avec la nôtre en tant qu'elles s'efforcent
de la décrire par ses propriétés. £n effet
cette admiration pleine de douceur de Vécla--
tante vérité^ cette élévation de Pâme attentive
vers Dieu f et y goûtant les joiei éternelles^
cette véritable et certaine intuition de Ves^
pritf celte intuition perspicace de l'esprit^
en suspens dans le spectacle de l'éternelle
sagesse, enGn celle intuition simple de la
vérité^ se terminant en affection et accompa-
gnée d'un délicieux amour dtrin, ne sont
autre chose qu'une certaine élévation do
l'esprit' en Dieu, par une intuition simple et
h la fois ardemment affectueuse : dans les
actes de contemplation, en effet, l'admira-
tion, la suspension, le goût, la libre diffu-
sion, etc. ,• sont au moins viriuellemenC
contenus, ou du moins en résultent. Ensuite
rien ne convient mieux h la contemplation,
que de l'a^ipeler une élévation de rame en
Vieuy détînition qui convient à toute prière,
et surtout è la prière mentale. La contem-
plation est une élévation de l'âme par sim-
ple intuition; c'est en cela qu'elle diffère de
la méditation, qui procède par le raisonne-
ment et qui émeut la volonté. Enfin cette
intuition est ardemment affectueuse, ou ei^
citant la volonté aux affections les plus ar-
dentes ; c'est ce qui distingue la contempla*
tion mystique, de la contemplation nhiloso-
phique et de la pure spéculation tliéologi-
que. « il faut remarquer, dit Albert le Grand
( De adhœr. Deo, cap. 1 ), la différence qui
existe entre la contemplation des Gdèles ca-
tholiques, et celle des idiilosonhes païens.
La contemplation des pnilosoplies se lait en
vue du p»erfeciionnemeut de la contempla-
tion ; aussi réside-t-elle dans rintelligence,
et a-t-elle pour fin la cofinaissance intellec-
tuelle. Hais la contemplation des catholiques
est la conlempUtion de Dieu même : aussi
n'a-t-elle pas pour Gn dernière la connais-
.sance, et ne résidc-t-elle pas dans l'intelli-
gence; mais elle s'élève à ralTeclion par
faut prendre ici phénomène* non dans son accep-
tion vulgaire, mais dans le seus philosophique.
471
COW.
DICTiONMAiaC
a»
n
ï
Tamour. Çesl pourquoi las saints dans leur
contemplation» ont Tamour de Dieu pour
objet principal. >
Cette contemplation mystique telle que
nous l'avons définie , existe réellement :
i* L'Ecriture sainte nous l'enseigne; Goûtez
€t noyez combien le Seigneur est doux, ( Pi.
iLXTiii, 9). Soyez dam un saint repos et eon*^
sidérez que c'est mot, ^j suis Dieu. { Ps,
SLT, 11 ). Bienheureux ceux qui ont le ecgur
pur^ parce quUls verront Dieu. ( Matth. v, 8 ).
Ces passages nous montrent qu*un cœur
J^iir^ délivré de toute inquiétude, peut s'é-
ever» par une intuition simple et affective,
jusqu'à voir et goûter Dieu, ce délicieui
époux de TAme, qui Texalte et la réjouit.
9* Outre les saints Pères que nous avons
déjà cités dans la déGnition, Hugues de
saint-Victor ( c. 2 De cœl. hier.^ I. m ) dis-
lingue trois sortes d*yeux; Tœil de la chair,
par lequel on voit le monde et les choses du
monde; l'œil de la raison, par lequel on voit
Tâme et les choses de Târne ; et Tœil de la
contemplation , par lequel on voit Dieu et
les choses divines, ou bien ce qui est en soi
et au-dessus de soi. Saint Bonaventure
adopte celte distinction (7r. de itiner, œter.f
lu 3 itin. 9 d. 7) , et ajoute: « C*est de cet
œil de la contemplation que parle l'époui,
en disant : Vous avez blessé mon cœur ^ ma
sœurf mon épouse^ par un de vos yeux (Cant.
IV» 9); c'est-à-dire, par votre intelligence
simpliQée, vous avez pénétré toutes choses,
vous êtes parvenu jusau*à mon cœur. »
Saint Bernard ( 1. 1 De aign. amor.f c. 8)
remarque dans Tâme deux yeux, qui sont
l*amour et la raison, palpitant sans cesse du
désir de voir Dieu, et il ajoute ; « Lorsque
Tun agit sans Tautre, Dieu ne bénit pas ses
efforts; mais lorsqu'ils se prêtent un mutuel
secours, leur action est très-puissante, parce
qu'ils ne font pins qu'un seul et môme œil. »
D'après saint Thomas (1-2, q. 69, a. 2) :
« Même en cette vie, on peut en quelque
sorte voir Dieu, au moyen de l'œil purifié
par le don de TinteHigence. » Et en expli-
quant (loct. 7 ) ce passage de saint Denis
(L. de div. nom, , c. &, p. 1 } : Le mouve-
ment circulaire de /'dme n'est autre chose
que le retour de Vdme revenant des objets ex-
térieurs vers elle mime ; il consiste dans l'uni'
forme évolution des puissances intellectuelles
sur elles-mêmes; Saint Thomas dit : « Re-
marquez que saint Denys place eu premier
lieu, dans le mouvement circulaire de l'Ame,
le retour de l'Ame quittant les objets exlé*
rieurs pour revenir h elle-même; et qu'il
affirme en second lieu que l'évolution uni-
forme des puissances intellectuelles de
l'flme est nécessaire, afin que tout raisonne-
ment venant h cesser, l'œil de l'Ame se fixe
uniquement dans Ja contemplation de la
simple vérité. 9" La raison nous montre que
le jugement de simple intuition peut exis-
ter sans le secours du raisonnement, non-
Seulement en Dieu et dans les anges, mais
aussi dans Tbomme, qui par l'intelligence
ie$ premiers principes, donne son assenti-
ment à leur vérité ^ans le setcours du rai-
sonnement, et qui |>ar la foi adhère aux vé-
rités révélées, toujours sans le secours do
raisonnement. Or ces vérités peuvent exci-
ter la volonté aux afleclions les plus arden-
tes, et c'est en cela que consiste imciséffleni
la contemplation.
Il* LouisDu Pont distingue quatre proprié-
tés principales de la contempatiao fjn Duct
spir., tr. 3, c. 3, § 2). 1- L'élévation de
I esprit au-dessus de lui-même; 2* la sus-
pension de ce même esprit dans les choses
qu'il contemple; 3* l'admiration; k' la dou-
ceur spirituelle. En effet, cette extraordinaire
intuition simple des choses divines élève
l'homme au-dessus de lui-même; ensuite
elle tient Tesprit en suspens par ce mode
nouveau et plus élevé ae contempler les
choses, ou encore par le charme qu'il trouve
dans la vision de choses nouvelles; l'âme
alors ne s'occupe exclusivement que de le
connaissance et de l'amour de Dieu. Aussi se
prend-elle pour lui d'une vive admiration, ce
qui est la suite ordinaire do la nouveauté;
enfin l'Ame y ressent une spirituelle douceur,
qui surpasse tout sentiment, et que produit
1 intuition des choses divines.
m* La contemplation se divise générale-
ment en ordinaire et extraordinaire. Toutes
deux sont, ou chérvbiques^ c'est-A-dire intellcc-
tives, ou séraphiqueSf c'est-à-dire affectives.
La contemplation chérubique se subdivise
en différentes espèces, telles que la contem-
tilation mystique de la Sainte Trinité, de
'Incarnation, de l'Eucharistie et des attri^
buts divins, les entretiens symboliques
intérieurs, le silence, etc., sorte de contem-
plation où la partie intellectuelle aie plus de
part. La contemplation sérapbique se divise
en contemplation embrasée {tgnea)^ vulnérantê
(vulnerans) , etc., auxquelles a plus de i^srl la
partie affective ou la ferveur de 1 amourdivin.
Le cardinal Lourac (opusc. keil De orat.)
et d'autres mystiques divisent plus commu-
nément la contemplation en acquise et infuse^
ou en active et passive, ou en produite par
V effort humain et produite par la grâce, ou
en naturelle et surnaturelle; mais comme
ces termes sont équivoques, nous avons
cru devoir préférer la division précédente,
que nous avons donnée d'après le P. Reguers.
(Théol. myst., t. I, p. 788 )
La contemplation ordtfiatre est donc une
élévation de 1 Ame en Dieu, par simple intui-
tion : élévation ardemment affectueuse, et
qui ne surpasse pas les lois de la divine
Providence dans l'ordre surnaturel.
1* La contemplation ordinaire peut 6(re
dite acquise, entant que l'homme peut s'y
préparer d'une manière dispositive et i la
fin l'obtenir, non cependcnt par les forces
de la seule nature, ni comme une chose
tout à fait due, pouvant être acquise sans
une grAce nouvelle, ou que l'on puisse mé-
riter, sinon d'un mérite de comfenanee. De
même, 2* on peut aussi l'appeler aetivef mais
elle Test seulement d'une manière disposa
tive. 3* On peut encore, dans ce même senfi
dire qu'elle est produite par Hos propres ef-
forts f en supposant toutefois quo' nos tffufis
•I
GOM
D^ASCKTISMC
GON
471
tt DOS disfiositioos sont duit» non aux forces
de notre nalore, mais principalement aux
r<>re :s de la grâce, k* On )ieut bien moins
eiactemenl aitpcler la contemplation oriii-
naire naimreUe d'une manière absolue, si ce
n est dans un sens com^iaratif, en ce sens
qo*elle est moim sumaturelie que la con-
templation eitraordinaire; car la contempla-
lioo même ordinaire est intrinsèquement
sumatnrelle et infuse.
On ne peut contester Texistence de cette
contemplation ordinaire, que l'âme peul
aequtrîr» selon les lois de la dirioe Provi-
d« me dans l'ordre surnaturel, en ce sens
que l'homme, par la fçrâce de Dien, peut s'y
préparer d'une manière dispositire et l'ob-
leair, non toutefois par les forces de la
seule nature, ni comme une chose tout à fait
due ; car sans une grâce nouvelle on ne la peut
méiîter autrement que d'un mérite de con-
remamee. • Nous arançons Quelquefois dans
la Tertn, dit Richani de saint -Victor (De
eouiemp. I. r, c. 2), par suite de nos efforts;
mais en disant que cet avancement est le ré-
sultat de nos ellorls, il ne faut pas toutefois
s'imaginer que nous puissions rien sans le
secoars de la grâce; car nous ne serions
capables même d*auean effort sans la grâce. »
On prouve Texistence de la contemplation
ordinaire ainsi déflnie : 1* Par les textes déjà
ctlés de TEcriture-Sainte : Goûtez et voyez
combiem U Seigneur est doux, etc. Tous, en
général, sont invités h la contemplation ; tous
«)Dt appelés k se préparer an repos en Dieu,
par on amour pur et une grande pureté de
eceur. Il faut par conséquent admettre une
contemplation ordinaire pouvant s'acgnérir
4e la manière que nous avons indiquée.
D'ailleurs les i>éatitudes sont dans l'Evangile
proposées h tous en général, ei, selon la pro-
vidence ordinaire, sont accessibles h tous.
l>onc nous pouvons tous acquérir cette béa-
titude, an moyen de laquelle chacun se dis*
fiose par la pureté do cœur h voir Dieu
per la contemplation ordinaire. 2" On le
prouve par les SS. Pères et par les Mvsli-
Î[ues. Saint Denys (c. i De myst. iheol!) ex-
lorte son Timothée i se dis|K)ser au plus
êublime exercice de$ visiom mytHaues^ c^st-
â-dire, à la contemplation, en s abstenant,
autant goe possible, de tout acte des sens
o«j de rinteiligence. a Tandis que par notre
effort, dit saint Grégoire (in I. Reg ), nous
v>iiuDes en 'suspens dans la méditation des
C7jo5es divines, cet état de contemp!atiop
tleTienlpour noos comme l'éclat d'un nou-
veau jour» Et en effet nous jr voyons comme
^certains rayons d'une lumière toute spiri-
Xaelle, nous en attirons d'autres au fond de
"VMHre âme, et bientôt nous nous élevons de
notre humble humanité jusque dans les
îj^oos les plus sublimes. » L'auteur de
yitheUe clauMirale (c. 2, k) tient le même
^^ifgsge. Hugues de Saint-Victor dit anssi
(Bom. 1, in Eccli.) : « Ce que cherche la
flKmileiion, la contemplation le trooTe. » Et
^lleurs (1. m De anima, c. h8 et k9) : • Jus-
^u'è ee que par la méditation nous nous
^levions à la contemplation. » -- « Autant
de fois Joseph se jette au cou de Benjamin,
dit Richard de Saint- Victor (£. de prœp. ad
coniempl.^ c. 87), autant de fois la méditation
se change en contemplation. » Ce fiassage
réguKer et ordinaire de la méditation à la
contemplation est constaté par saint Jean de
la Croix et sainte Thérèse. Cette dernière
enseigne que l'esprit par la méditation tire
comme par des canaux liabilement prati*
qués, ou comme d'un puits, avec beaucoupde
|>eine, Feau de la grâce divine, qu'elle ob-
tient du ciel par la contemplation, avoc
beaucoup plus d'abondance et presque sans
fdtigiie. Selon saint François de Sales, « la
méditation est la mère de l'amour, la con-
templation en est la fille. » (L. vi De amor.
Dei^ c. S). Selon Louis du Pont ({ JO, Introd.
ad suas medi^,}^ « on ne parvient d'ordinaire
à la contemplation que par un fréquent
exercice de la méditation et du raisonne-
ment. 9 3* Saint Thomas en donne la raison
(in 3, d. 3%, q. 1, a. 1). La méditation pro-
cède du concours du raisonnement humain
ou théologique, et par conséquent est le
fait de l'homme; la contemplation s'obtient
par le don de l'intelligence, de la sagesse et
de la science, et, par conséquent, est au-des-
sns des forces de l'homme; donc comme la
foi. aussi bien que le don d'intelligence, de
sazesse et de science, est donnée à tous d'a-
près les lois ordinaires de la Providence,
pour servir à leur avancement spirituel, on
peut, selon les lois ordinaires de la Provi-
dence, arriver non-seuleuient à la médita-
tion, maisencoreà la contemplationordinaire.
En outre, saint Bonaventure enseigne (in ni
' et vu //m. œter.f d. 1), « que le mouvement et
la recherche de la méditation resteraient im-
parfaits et moins utiles, sans le terme et le
repos delà contemplation; caria méditation
doit avoir son terme et sa Gn dans la con-
templation, celle-ci étant un degré plus par-
fait. » Donc, selon les lois ordinaires de la
Providence, la contemplation vient après la
méditation, comme le ternie du voyage, la
fin après le moyen, et cela autant qu'il est
possible en cette vie, à moins de vouloir
accuser la Providence de manquer de sa-
gesse dans le mode régulier de ses opéra-
tions.
La coniemplation extraordinaire est nue
élévation de i âme en Dieu, par une intuition
simple ardemment affectueuse, en vertu
d*un privilège, et an-dessus des lois ordi-
naires de la Providence divine dans l'ordre
surnaturel.
Voici comment Louis du Pont exotique la
contemplation extraordinaire (S 11, InirodJ) t
« il est une autre voie extraordinaire, qui
embrasse les autres modes extraordinaires
d'oraison, plus surnaturels et spéciaux, et
que nous appelons oraison de quiétude ou de
silence, accompagnée de suspensions, d'ex-
tases, de ravissements ; cet état donne une
vue extraordinaire des vérités cachées, ou
en découvre quelquefois seulement la lu-
mière intellectuelle. 11 est encore signalé
par des révélations, \ynr des entretiens in-
térieurs,' cl par un très- grand nombre
47S
CON
l)lCTlONNAinK.
COU
47G
d'aatrcs privilèges , par lesquels Dieu se
co:niiiuniqu3 ani âmes, et dont la vérifable
rè^le ne peut être prescrite ; car celte règle
n'est autre chose que rimpulsion et la di-
rection du Mattre suprême, qui n'instruit
et ne favorise ainsi que ceui qu'il veut et
comment il le veut. > Cette contemplation
extraordinaire peut-être appelée avec les
auires mystiques : 1* lnfu$e, non en ce
sens que la contemplation ordinaire ne se-
rait pas également infuse; mais parct^ que
fa contemplation extraordinaire ne peut
s'acquérir d'une manière dispositive; 2*
passive dans le même sens; 3' produite par
la grâcCf non comme si la contemplation
ordmaire n'était pas aussi produite par la
gf'Ace; mais parce que la contemplation ex-
traordinaire est toujours accompagnée de
quelqu'une des grâces données gratuite-
tnenl; k' on peut encore l'appeler en ce sens
surnaturelle, surtout d'une manière compa-
rative, en tant que la contemplation ordi-
naire est en quelque sorte moins surnatu-
relle que Textraordinaire.
La contemplation extraordinaire existe
réellement^ et nous devons lad mettre : 1*
L'Ecrilure sainte en fM mention : Le sci-
J^neur Dieu envoya un sommeil à Adam
Gen. II, 21.) Les Pères afiirmeut communé-
ment que ce fut un sommeil extati(]ue. Man-
oeXf mes amis, et buvez : enivrons-nous, mes
lien-aimés {Cant. v, 1.) Richard de Saint-
Victor (I. IV De contempl. c. 16) applique
ces paroles aux transports de Tesprit causés
fmr la contem[)lation exlraordinaire. Tout
e livre du Cantique des cantiques nous pro-
pose le degré suprême de la contemplation,
au témoignage do Hugues de Sainl-Viclor
(Hom. 1, m eccles). Je répandrai mon esprit
sur toute chair, dit le prophète Joël (ii, 28),
et vos fils prophétiseront, ils auront des
songes^ et vos jeunes hommes verront des
visions. Ces paroles eurent leur accomplis-
sement. Les exemples en sont nombreux ;
car c'est ainsi que Dieu en agit avec ses pa-
triarches et ses prophètes, el beaucoup plus
parfaitement encore avec ses aj)ôlres,Ie lOir
de la Pentecôte (Act. ii, 16), où ils s éle-
vèrent de la contemplation ordinaire h la
contemplation extraordinaire. Cette faveur
n'a jamais manqué h TEglise, comme le té-
moignent les Actes des saints et les motifs
de leur canonisation; 2* les saints Pères
en font foi. Saint Denys, en f)arlant de Hié-
rothée (c. 2 De div, nom,,, p. 2), atteste qu'il
fut instruit partie par les apôtres, partie par
Tétude des saintes Ecritures, a II puisa la
science b une autre inspiration plus divine
encore, en recevant passivement en lui
(patiendo) rins()iration divine, et dans
cette es()èce de passivité intérieure [corn-
passioncU s'il est permis de s'exprimer
ainsi, il fut instruit dans celle foi el celle
union mysli'^uequi ne peut être enseignée.»
Saint Bernard (I. v De cons,^ c. ult.) assigne
comme le plus haut degré de contemplation
Tadmiration de la majesté divine, admira-
tion qui élève f.iciicmenl le cœur aux choses
céleslesi si elle le trouve bien purifié, « et
3 ni parfois transporte celui qui admire par
es extases et des ravissements. • Saint Bo-
naventure (m Jtin. mentis, c. 7) donne pour
exemple de cette contemplation extraorii-
naire saint François, quand il fut, dans lo.
transport de la contemfilation, transformé
en crucifié, et placé comme modèle de la con-
templation parfaite. Saint Laurent Juslinien,
saint Jean de la Croix parlent de celle
espèce de contemplation. Sainte Thérèse
(Fi7., c. 18-20) la désigne sous le nom do
quatrième eau tombée du ciel. Enfin tous les
mj^stiqnes sont d*accord sur ce point, lors«
qu'ils traitent des ravissements, des risions
et des autres caractères qu*accompagnenl
la contemplation exlraordinaire; 3* nous en
empruntons encore la raison à saint Tho-
mas (2-2, q. 45, a. 5), qui enseigne qu^il
jr a une contemplation non comrauDc à
tous les justes, dont la cause est la grâce
gratuite (gratis data) de la sagesse, qui
perfectionne le don ue la sagesse el!è-mô-
me; cette contemplation n'est pas néces-
saire au salut , ni même à lai perfection, et
le Saint-Esprit en fait part a qui il veut :
c'est précisément la contemplation extraor-
dinaire, et elle peut aussi procéder des
autres grâces données gratuitemenl.
Ces considérations nous montrent corobiea
la contemplation divine est un bien précieui.
En efTet, si contempler et aimer Dieu par
une intuition simple et une ardente atfeLlioa
est le plus grand bonheur qu'on puisse
avoir en cette vie; si c'est le frnil le plus
glorieux des vertus, des dons ou des grâces,
ou plutôt du Saint-Espril i'éoondant, suit par
lui-même, soit par ses dons, l'esprit et le
cœur de Tâme sainte, quel bien est plus ho-
norabiei et plus utile et plus délectable, quel
avantage lui peut être comparé? La conleic-
plation, c'est cette belle Rachel, pour la-
quelle Jacob voulut servir pendant quatorze
ans. (Gen. xxix. ) Elle est ce bien dont
Dieu dit à Moïse {Gen. xxxiii,19): Je vous
montrerai tout bien. Elle est cette meill'uro
part dont parlait Jésus (Luc, x, 42): lifarie
a choisi la meilleure part, et elle ne lai sera
point enlevée. Ecoutons à ce sujet HiclianI
de Saint- Victor (1. i De contempl.^ ci)'
« Quelle est celte meilleure part que Marie a
choisie, sinon de se reposer et de voir com-
bien le Seigneur est doui ?.... Elle com; ro-
uait en l'écoutant, et elle voyait en la com-
prenant, cette souveraine sagesse de DitUt
cachée dans la chair, qu'elle ue pouvait vujf
des yeux du corps; et en se tenant siiH
assise auprès de Jésus pour l'écouter, elle
se livrait à la contemplation do la vérité su-
prême. Voilà la |)art qui ne sera jamais eu-
levée aux élus el aux parfaits. Voilà Tocci"
pation qui n'aura jamais de tin. Car la cou-
lemplation de la vérité commence en celle
vie, n)ais se conlitme gloritiusemenl J^'»^
l'éternité bienheureuse. O grâce singulière»
grâce que nous devons rechercher avt:c une
préléreoce toute spéciale 1 C'est par elle que
nous devenons saints dans celte vie et bic"-
heureux dans l'élernilé. » — « Il n'ya, u'»
Cassien, qu'une seule vision ou conieuipi*'
177
CON
D^ASCETISIIE.
cm
478
don de Bîea. Elle e^l juslement estimée
supérieure è tous les mérites de la justifica-
tion et de la rertu (collât. 23, c. 3); » si»
selon la remarque d'un auteur» elle unit
Fâme ï Dieu par l*amour parfait. Il faut doue
afec ardeur nous disposer à la cont^iu; la-
lion, et, par le secours de la grâce divine*
éloigner tous les obstacles et surmonter les
plus pénibles épreuves, afin de n'en pas
devenir indignes. Combattons donc, résis-
tons aol nombreuses afDictions de ce désjit
de la vie, si nous ne voulons pas être exclus
de cette manne et de cette terre promise.
Traraillons des jours et des aunées pour
cette belle Raenel. PuriQons auparavant
notre âme par des larmes avec Marie, afin
de pouvoir trouver la meilleure part aux
(Hects du Seigneor. Grarissona péniblement
a montagne, afin de |)OuToir, avec Moïse,
contempler Dieu, ou, avec les disciples,
apprendre du Christ les moyens d'être bien-
heureux en ce monde et en Vautre ; ou trtiln^
avec les ai>ôtres favoris, goûter la gloire de
la transfiguration de Jésus-Christ, li est né-
cessaire, dit saint Grégoire (1. xviii Mor.^
c. âS), que l'esprit contemplatif meure
d*aliord au monde, et que le monde soit
mort à lui; alors il entre et se cache dans la
contemplation des choses éternelles. » Et
ailleurs (hom. 11^, in Exech.): « La douceur
de la vie contemplative est souverainement
aimable. » Saint Thomas ajoute que la dou-»
ceur de la contemplation surpasse tout plai-
sir terrestre, et il en donne celte raison
(2-2, q. 180, art. 7) : • Puisque la vie con-
templative consiste principalement dans
la contemplation de Dieu, vers lequel la
charité nous porte, il en résulte, dans la rie
contemplative, un plaisir provenant non-
seulement de cette même contemplation,
mais encore de l'amour divin lui-même. Et
ce plaisir surpasse tout plaisir humain. Car
la jouissance spirituelle est préférable à la
jouissance charnelle, comme nous Tavons
montré en parlant des passions, et l'amour
divin sur|>asse tout amour.» (S. Thomas,
i-2, q. 180, ait. 7.)
Puis donc que la contemplation est un bien
si précieui, il est saint et utile pour tous
d j aspirer avec un esprit prudent. 1* La
siiute Ecriture nous fournit de nombreux
exem; les de ces sortes d'aspirations. Mon
cœur vous a parlé ; mes yeux vous ont cher^
rA^; je chercherai^ Seigneur ^ votre visage
' Ps, xxTi, 8j. Répandez votre lumière et
Votre vérité. Ce sont elles qui m*ont conduit
et qui m* ont amené jusqu'à votre montagne
sainte et votre tabernacle (Ps. xlii, 3 ). Qui
me donnera des ailes comme à la colombcy afin
que je puisse m*envoler et me reposer? ( Ps,
UT, 7). O vous qui êtes le bien-aimé de mon
dme^ apprenez^noi où vous menez paître votre
troupeau, ou vous vous reposez à midi, de
peur que je ne nCéqwre, en suivant les trou-
peaux de vos compagnons (Cant, i, 6). Venez
â moi, vous tous qui êtes dans la peine et
taevablement, et je vous soulagerai,.,,, et vous
trouverez le repos pour vos âmes ( Malth,
xj, 2i ]^ Si quelqu'un entend ma voix et m*oii-
rre la porte, f entrerai chez lui et je souperai
avec lui (Âpoc, m, 90 }é Dans ces passages,
tous les hommes sont invités à l'intuition,
au repos, au soulagement et au festin do le
eonteinniation divine : donc il est saint et
utile dy aspirer avec prudence. 2* On le
prouve aussi par les SS. Pères et les mysti**
c|ues. Saint Grégoire |hom. 17, in Ezech, ),
a propos de ces paroles : Entrant intérieur
rement dans le vestibule par Vouverture de la
fenêtre, remarque « que non-sculement les
membres les plus éminenls de la sainte
Eglise reçoivent la grâce de la contemplation,
mais encore que ce don est le partage de
ceux qui, tout en se faisant remarquer nar
l'élévation et l'ardeur de leurs désirs, n en
r^fmplissent pas moins les fonctions les plus
obscures; car, si le Dieu tout-puissant ne
répandait pas la lumière de la contempla^
lion sur ceux qui semblent voués au mépris,
il n'y aurait pas besoin de fenêtres dans
le vestibule dont parlait le Prophète. »
Puisque la contemplation est proposée aux
fidèles de toute condition, tous doivent donc
y aspirer sagement. L'auteur de VEchelle
claustrale (c 3), parlant de l'âme médita-^
tive, enseigne comment on doit désirer la
contemplation. «Que ferait-elle? Elle est
tourmentée du désir de la posséder, mais
elle ne sait comment y parvenir; et plu»
elle la cherche, plus elle soupire après elle.
Elle a recours à la méditation, et n'éprouve
aue de Id douleur; car elle ne ressent pas la
douceur, que la méditation montre bien
comme la compagne des cœurs purs, mai»
qu'elle ne procure pas. » Richard de Sainl^
Victor (\* Y De contempL, c. 6) enseigne
3ue le désir de la conlenijilation procède
un saint désir. « Le premier transport de
Tesprit, diMl, naît de fanxiété du désir et
de la gran'ieur de la dévotion. > 3* Aux au-
torités se joint la raison. 11 est en effet utile,
il est saint, il est même nécessaire pour
tous les hommes d'aspirer à la perfection
clirétienue : or , la contemplation est le
mei.leur moyen d'arriver à la perfection,
comme étant la prière la plus parfaite. Donc
il est saint et utile d'y aspirer; car elle est
la seule chose nécessaire et la meilleure part«
{Luc, X, 42.) D'ailleurs, toute la perfection
chrétienne consiste essentiellement dans la
chaiité. Donc, puisque rien n'augm(*nte
plus la charité que la contemplation, il con«
vient d'y aspirer. Enfin, il est saint et utile
pour tous d'aspirer à la coniemplatiou de la
patrie, comme aussi è la méditation de plus
en plus parfaite. Donc il faut aspirer aussi h
la contemplation de la voie qui mène à la
patrie éternelle, vers laquelle tend la médi«
tation, à laquelle elle nous dispose, et sans
laquelle elle est imparfaite.
IV* Toutefois, bien qu'il soit saint pour
tousd'aspirer à la contemplation, il faut s'atla«
cher à le faire avec prudence^ et pour éviter
toute erreur à cet égard, on observera soi-
gneusement les règles suivantes.
I. 11 est bon et utile de prier Dieu pour en
obtenir la contemplation. On le prouve:
1" par tous les textes sacrés cités plus haut^
ri
CCN
DXTSOX^AIBe
CO!l
180
el a«iiquel$ nnus «ioittûns ceui-ci : cest
pourquai'ffii dMri Nnielligence et elle nCa
été donnée J*ai invoqué le Seiantur et' f esprit
de saqeue est venu en moi (Sâp. Yiii 7). Je
Cai atmée^ Je l'ai recherchée dis ma jeunesse
(tiii, 2). St auelgu^un de vous a besoin de la
sagesse^ qu'il la demande à Dieu, qui donne à
tous en abondance {Jac. i, 5). â^'Sainl Thomas
nous eo donne la rabon [2-% q. 83, a. 6) :
m 11 est permis de demander ce qu'il est j^r-
mis de désirer. » Or, il est permis de désirer
la contemplation. Il est donc aussi permis
de la demander dans nos prières, comme
la rériiable sagesse et le don le plus pré-
cieux. C*est ce qui fait dire h Tauleur de
Y Echelle clauslrate (c. ii) : t 11 est rare et c*est
f»rjsque un miracle d'ublenir la contempla*
ti'>n sans le secours de la prière. »
H. Bien que le désir et la demande de la
contemplation soient^en tout lemp^, utiles h
tous les hommes, il ne faut pas y insister^
eo ?ue de l'obtenir immédiatement, mais
prier seulement pour l'obtenir plus tard»
quand on y sera suffisamment disposé. Salo-
ifion aima et rechercha dis sa jeunesse la sa-
gesse de la contemplation [Sap. viii, 2). il
a été dit à tous les hommes : Soyez parfaits
comme votre Pire céleste est parfait {Matin, r,
tô.). Ce ne sont donc pas seulement les par-
faits, les I rogressaiits et les commençants
qui doivent saintement la désirer et la de-
mander comme le meilleur moyen de per
feciion, mais encore les pécheurs. D'ailleurs,
en règle générale, la sagesse de la contem-
plation ne se trouve pas sur la terre de ceux
Îui vivent dans les délices (Job xxTiiiy 13.),
Ule n'habitera pas dans le corps soumis au
péché [Sap* 1, k). Il n'y a que ceux qui ont
le ciBur pur oui peuvent voir Dieu par la con-
templation ^Matth. v, 8). Donc, il ne faut pas
demander inconsidérément è Dieu de nous
accorder la conlemnjationy avant d*y être
suffisamment disposés.
m. De même que nous pouvons désirer
et demander la contemplation, de même
aussi nous pouvons mériter du moins la
contemplation ordinaire, non d'un mérite de
con lignite (de condigno)^ mais d'un mérite
de convenance (de congruo^. 1* En effet,* la
contemplation même ordinaire est une
grflce supérieure h la gnlce qui produit les
autres actes méritoires qui peuvent préparer
à la contemplation; d*a Heurs, elle n'est pas
un moyen absolument nécessaire pour agir
d'une manière juste et parfaite; enfin. Dieu
ne nous a nullement promis de nous accor^
der la contemplation, si nous faisons telle
ou telle chose : donc, nous ne pouvons Toi)-
tenir par mérite de condignité. 2* le mérite
de convenance est, il est vrai, surpassé par
la récompense et il n'engendre pas une obli-
gation de justice, bien qu*il ait, avec la ré-
compense, certaine convenance el certaine
proportion, à cause de la grandeur el de la
dignité' du Rémunérateur. Donc, de môme
que chacun peut mériter la grâce habituelle
première de mérite de convenance, de même,
il peut également mériter la grâce de la con-
lemplaiton. « Je ne vous demande pas, Sel :
Îneur, dit Tauteiir de VEchelle clauilraie^
ans les ceuvres de saint Bernard, je ne youi
demande pas cette grâce au nom de mes
mérites, mais vûr votre miséricorde; je suis
indigne et pécheur, je Tavoue, mais les pe-
tits chiens mangent les miettes qui tombeol
de la table de leurs maîtres. »
IV. L'aspiration h la contemplation doit
toujours commencer par la vocation divint
et l' par la vocation donnée à tous en ffénéral.
Tenez -vous en repos et voyez^ etc. Ventx à
moi vous touSf etc. Si quelqu'un entend ma
voiXf etc. (Ftd. sup.]. Tous doivent donc se
disposer i recevoir un jour la contemplation,
quand il plaira h Dieu de la leur accorder;
S" par une vocation réitérée et plus spéciale,
afin que ceux qui ont déjà bien commencé,
fassent, en se disposant ainsi, des progrès
de plus en plus grands ; 3* par une vocalioa
nouvelle et toute spéciale, afin que ceux qui
ont beaucoup avancé, se perfectionnenl,
pour obtenir prochainement la contempla-
tion, selon ces paroles (Cant. ii, 10) : Lmi-
vous^ mon amte^ ma colombe^ ma beauté,
hdteZ'Vous et venez. Apoe. iv, i :Et la prf-
miire voix que jentenaisy.... disait : monttt
jusgtCici. Si fiour toute bonne œuvre est re-
quise la vocation et rinspirationdivine,èplus
forte raison le sera-t-elle pour la contempla-
tion divine. C'estainsi que pour la perfection
chrétienne, il y a d'abord une vocation gé-
nérale adressée à tous : Soyez parfaitn^ etc.
Il y a ensuite une vocation spéciale pour la
perfection spéciale : Si vous voulez itrepor-
faitSf allez, vendez ce que vous avez e... tt
suivez-moi {Mal th. xix, 21.).
V. La contemplation extraordinaire avec
ses faveurs, ses ravissements et ses visions,
etc., ne doit être désirée ni demandée à
Dieu pour elle-même, si ce n'est par acci-
dent et dans des cas bien rares, quand Dieu
nous y pousse par une impulsion extraor-
dinaire. 1' En effet, les grâces gratuites ne
sanctifient pas par elles-mêmes, et sans elles,
on peut recevoir toute la sainteté dnns sa
perfection ; elles peuvent donner lieu, même
dans les parfaits, s'ils ne sont extrêmement
humbles, è des défauts de vaine gloire, de
curiosité et d*illusion. Aussi TEcriture sainte
ne nous apprend pas que les prophètes et
les apôtres aient été comblés do ces fateors
en les demandant, mais elle suppose qu'ils
les reçurent sans s'y attendre, t Les grâces
gratuites peuvent, d'après la volonté de Dieu,
être utiles pour l'exercice de la charilé
envers Dieu et envers le prochain, en ce
sens, qu'on peut, par les visions, les rétô
lations, etc., être excité è un ulus ardert
amour de Dieu, h un plus vif désir de faire
du bien au prochain. Aussi Moïse ût-il cette
prière {Exod. xxxiii, 13) : Hontrez-moitotre
visage^ montrez-moi votre gloire. Et Samuel
celle-ci (1 Reg. m, 9} : Parlez , Stiijnt^T.
parce que voire serviteur vous éconte. Les
apôtres 1*1 les autres saints ne faisaient com-
munément aucun exercice de la grâce des
guérisons et des miracles, sans se livrrra»*
paravaul à la prière. La grâce de la conteu»-
4SI
CX)N
D*ASCETISME.
CON
4tt
platioD peut doue èlre désirée el demandée
for aeeidmU.
VI. La coDlemplatioriy soit ordiDaire« soit
extraordinaire, ne doit être désirée et de-
mandée conformément aux règles indiquées
jusqnici, que sous la condition tacite ou
expresse» de l'utilité, pour celui qui demande
k obtenir cette fareur. En effet, la contem-
plation extraordinaire n'est que rarement
utile et ne doit pas être demandée sans une
spéciale inspiration di?ine;la contemulation
ordinaire sourent aussi n*est pas utile, soit
fiar défaut de dis(K>sition du sujet, soit pour
des fins connues k la divine Providence; et
d^ailleurs, ce n*est pas une çrâce nécessaire
à la perfection, h laquelle il faut toujours
aspirer par degrés.
Les esprits méditatifs ne veulent tenir
aucun compte de la contemplation et ia re-
jettent comme un mode d'oraison qui n'est
ni nécessaire, ni facile, ni convenable. Il
font les objections suivantes : I* Il est dît au
livre des Proverbeg (xxv, 27) : Celui qui
êcruie la majesté $era écroêé par la gloire;
Eccli. III, 22 : Ne recherchez rien de trop
élevé; Luc. xiv, 10: Lorsaue voui serez invité^
allez vous asseoir à la aemiire place. Donc,
il ne faut pas aspirer à la contemplation. —
Tout cela, répondrons-nous, prouve seule-
ment qu'on ne doit pas j aspirer sans les
précautions et les règles que nous avons
prescrites, c'est-à-dire par curiosité, pour
ne |«as être écrasé |)ar la gloire divine, ou
sans y être manifestement appelé de Dieu ;
sans cette vocation, en effet, il faut s'asseoir
è la dernière place de la prière vocale et de
l'oraison mentale. 2" C'est, en quelque sorte,
tenter Dieu, disent-ils encore, de se placer
ainsi dans le silence de la méditation, pour
que Dieu parle è l'homme, tandis que
I homme peut, par la méditation, parler lui-
même k Dieu. — Nous convenons qu'il y
aurait vraiment témérité à se présenter pour
entendre la voix de Dieu, sans marque au-
cune et sans espoir que Dieu veuille nous
fiarler dans le silence; mais si les signes sont
frappants d'évidence et si l'âme est bien dis-
posée, ce serait cette fois une grossière té-
mérité de vouloir interrompre, par notre
humble langage, les paroles du souverain
Roi. — On objecte : 3* que la voie contem-
plative est exftosée à de nombreux dangers,
cjle inspire facilement la vaine gloire; elle
excite 1 avidité des délices spirituelles; elle
est peu propreaux exercicesdela vie active,
de l'obéissance et de l'oflSce divin ; elle jmrto
à dédaigner les âmes non contemplatives ;
*-\\e (ait mépriser la voie de la méditation
C'iiniue l'alphabet des commençants. A celte
ubjectio^nous répondons que ces dangers
et ces dérauls proviennent uniquement de
l'abus dé la'ijjDnteinpIdtion, mais non de son
usage juste él Intime, et ne se manifestent
qae dans le *èas <|ù une âme mal purifiée,
toute couverte encore de souillures, sans
vocation dUlne, mais de sa propre autorité,
est venue s'introduire dans la conlempla-
tioo; car, fout au contraire, la contempla-
Uuii 110115 fa.t penser à Dieu plus souvent et
nous excite è l'amour divin, h rfaomiKté ei
aux autres vertus. — 4* Puisque la contem-
1)lation, ajouie-l-on, requiert préalablomeiit
a f)erfection de l'âme, qu'est-il besoin de la
contemplation ? — La contemplation exige,
il est vrai, une certa'ne perfection, mais
n'empêche nullement l'âme de croître de
plus en plus en perfection. — 5* Au moins,
direz-vous, il est inutile de donner une doc-
trine de la contemplation, car Dieu seul et
non l'homme, peut l'enseigner ; c lie est le
Eroduitdo l'expérience et non celui de l'art,
iifin, il n'j a que les contemplatifs, ins-
truits de Dieu, qui puissent tout au plus
l'enseigner d'après leur propre expérience;
aussi les principaux ascètes n'en disent rien
dans leurs écrits. — A cette objection, nous
disons que, si l'expérience propre est requi>e
pour la théologie mystique, celle-ci ne doit
gis être abandonnée à la seule expérience,
t si quelques-uns des principaui ascètes
se sont abstenus d'exposer la docttiiie de la
contemplation, s'occupent uniquement de
suivre et d'observer toutes les prescriptions
de la règle commune, afin de pouvoir s'éle-
ver, avec la grâce de Dieu, jusqu'à la con*
templation, ils ont néanmoins reconnu qu'il
fallait demander è d'autres la direction do
ces âmes privilégiées, dont parLnt un grand
nombre d'auteurs.
Malgré toute la sainteté du désir de la
contemplation, il est cependant inutile, très-
dangereux, et même erroné de rechercher
la pratique de la contemplation pour tou<*
jours et avec exclusion ae la méditation;
c'est la méditation qui doit avec la prudence
de l'esprit, disposer à la contemplation et y
suppléer. — On le prouve, 1* par l'Ecriture
saiiite, où la méditation est si souvent re-
commandée à tous les hommes en général.
C'est donc k tort qu'on voudrait délaisser
et mépriser la méditation pour la contem-
plation, comme trop imparfaite et plus em-
barrassante qu'utile. 2" Par les saints Pères»
qui tous recommandent la méditation. « La
vie contemplative, dit saint Thomas (3, d,
35, q. 1, quœstiun. 2), consiste principale*
ment dans l'opération de l'intelligence, el
c'est ce qui l'a précisément faitapfieler con-
templation. Le contemplatif fait néanmoins
usage des investigations de la raison, pour
arrivera la vision contemplative. Donc la
recherche de la raison, ou la méditation
dispose à la contemplation, et c'est è tort
qu on voudrait la rejeter. » Saint fionaven-
ture demaude (in ii Itin. ater. d. 6} « de
quelle manière noire esprit s'efforce, dans
le chemin de la studieuse niéJiialion, de
|>éoélrer dans le sanctuaire intérieur et dans
la demeure éternelle du Seigneur Jésus; »
après avoir montré que c'est par la médi-
tation, laquelle détache l'esprit des choses
temporelles, il conclut : « Enfin la médita-
tion è force de s'exercer et de se perfec-
tionner, se change en contemplation. »
Ecoutons aussi Gerson ( Tr. de médit. ,
cens. 7) : « Quand je pense que sans l'exer**
cice de la méditation, personne, è moins
d'un mirade tout spécial de Dieu, ne peut
485
CON
DICTIONNAIRE
CON
48i
se diriger vers la perfection de la contem-
plation, ou y parvenir; que personne ne
peut atteindre le point le plus élevé do !a
religion chrétienne, ni même s'y disposer;*
je ne puis recommander avec trop de zèle
i*exercice de la sainte méditation. » El Louis
(Je Blois (Spec. Spir.^ c. Il) remarque que
toutes les personnes spirituelles ne sont
pas admises à la contemplation, et que les
personnes les plus élevées en contempla*
lion, sont. parfois obligées de revenir h la
méditation. Saint Jean de la Croix, de l'au-
torité duquel certains voulaient abuser,
requiert expressément dans les commen-
çants l'usage de la méditation comme une
disposition à la contemnlation. (Opusc, de
psalm. amor., cant. m, 3); il enseigne en-
core {in Ascms. ad mont,^ 1. ir, c. 15) que
les progressants doivent, en raison des dif-
férentes dispositions de leur esprit, se li-
:vrer tantôt h la méditation, tantôt à la con«
tempiation. Il conseille môme aux parfaits
(c. 32) de faire parfois usage de la médita-
tion. Ënfîn sainte Thérèse (in Fia per/l, c. 16)
fait opposition à ses ûlles, qui ne voulaient
s'appliquer qu'à la seule contemplation;
elle leur disait qu'il valait mieux se livrer
è la méditation, qui était utile à tous, même
quand on manquait de vertus^ tandis que la
contemplation exigeait de grandes vertus
el de nombreuses dispositions. Et elle con-
tinue : a Restez donc toute votre vie dans
votre oraison mentale. Je vous promets avec
certitude ce bien de la contemplation, à
vous et à toutes les personnes qui le dési-
rent; je vous parle d'après ma propre ex-
périence et sans crainte de me tromper.
Pendant vingt ans j'ai fait de vains elTorts
pour obtenir ce précieux don; sans cette
condition préalable, vous ne parviendrez
jamais à la véritable contemplation. » 3"* En
voici la raison : 1° La médilatîou est plus
naturelle à Tbomme qui raisonne que la
contemplation par intuiiion simple; celle-cî
i;onvient mieux aux anges, et il serait pré-
somptueux de la rechercher de son propre
choix. 2° La voie de la méditation seule est
euflisanie pour le commencement, l'accrois-
sement et la (in de Ja perfection, et Dieu ne
oous a fait aucune promesse de la contem-
plation; il est donc téméraire à Thomme de
l'attendre pour se déterminer. 3" On cour-
rait autrement le risque do tomber dans les
erreurs deMolinos.
Nous avons dit que la méditation doit,
avec la prudence de l'esprit, di>poser à la
contemplation et y suppléer.
On pourra se servir à cet effet des règles
suivantes :
L La méditation ne doit pas précéder la
contemplation comme cause; car éiant d'un
ordre inférieur, tandis que la contempla-
tion est un don de Pieu tout h fait gratuit,
la méditation ne peut par elle-même influer
sur la contemplation. Néanmoins la médi-
tation doit précéder la contemplation comme
disposition; car le don précieux de la con-
templation ne $'accoriequ!aux urnes conve-
.Dabiement. préparées {^ar la médilalion.
C'est ce que Hugues de Saint-Victor d(^-
montre {Hom. 1, in ecc.) par l'exemple du
feu qu'on allume avec du bois vert.
II. La méditation peut en quejqne ma-
nière et doit suppléer la contemplation,
quand, pour une épreuve ou pour toute
autre (in connue de Dieu seul, unepersoDue
se trouve nour quelque temps privée des
faveurs de la contemplation dont elle jouis-
sait. Car souvent les âmes contemplatives
et bien disposées sont éprouvées par des
aridités telles qu'elles peuvent à peifie
prier, loin de pouvoir jouir du repos de la
contemplation. Elles doivent alors se forti-
fier, autant que possible, par l'exercice des
vertus, la lecture spirituelle, la prière vo-
cale et mentale. « L'esprit ainsi éprouvé,
dit Richard de Saint-Victor, (1. v De con*
templ.y c. 17) doit réveiller en lui les dou-
ceurs spirituelles par la méditation du
cœur. » Saint Laurent Justinien {De Discr,
prof,y c. 18) ajoute : «Il faut demeunr
dans cette jouissance amoureuse, c'est-à-
dire dans la contemplation, tant que dure
Taffection divine : si elle vient è cesser ou
à s'attiédir, il faut la ranimer par le secours
de la méditation, a
IIL La disposition résultant de la méditatioo
ne peut se régler sur un certain espace d«
temps, pour préparer sutlisamment l'âme au
passage à la contemplation. Car une médi-
tation courte peut être plus profitable,
comme une longue peut l'être moins, en
raison de la ferveur, ou de la tiédeur, ou
de la nécessité plus ou moins grande de la
purgalion. D'ailleurs, la contemnlation est
un don gratuit, que Dieu ne uoit à per-
sonne, quelque bien disposé qu'on soit, et
qu'il accorde ordinairement pour des fins
connues de lui se4jl tôt ou tard« un jour ou
jamais. Aussi Gazée reprend-il Cassien
{CoUat. 12, 15) qui assigne l'espace de six
mois comme suflisant pour obtenir la per-
fection de la chasteté, fixant en quelque
sorte à Dieu une époque déterminée.
« C'est une pratique suspecte, dit Louis du
Pont, que de suivre pendant tant d'années
ou tant de mois certains exercices, en vue
d'obtenir telLe ou telle faveur de Dieu, et
d'attendre tel ou tel degré de vertu. »
Il ne faut donc pas écouter ceux qui pré»
tendent que pour s'élever h la contempla-
tion il suffit de se livrer à la médilatioa
pendant deux années, pendant quatre ou
six mois. On lit dans le prologue de la théo-
logie mystique, dans les œuvres de saint
Éonaventure, qu'il suffit de s'exercer un
mois ou deux à la méditation^oor s'élerer
à la conlemjdalion unitive. Cfettejproposi-
lion suffit pour démontrer que.fièdfelhéolo»
gie mystique est fausseitieiil^^
s^aint Bonaventure, d'autadt
tous ses autres ouvrages^ oii
qui se rapporte à cette doclrio^
(Jinnl Ooiia observe avec rafSon (i ,
c. 10 ) que sainte Thérèse peudanl tingj'
deux ans et son confesseur Baltbazar Al-
varez pi^ndiuit seize ans^ ont laiïgui dans
buée à
u6,daDS
oit rieo
l le cir-
ir
CON
D*ASCET1SM£«
cra
48$
1h$ peines de la méditation, avant d'être
élevés ^ la contemplation.
IV. Il faut s*en rapporter com[)létement à
Dieu, non-seulement quant au temps et à
la manière d'obtenir la contemplation, mais
encore quant à la substance même de la
rniemplatiou. Nous devons mettre notre
sol'ioihide à nous j dis|>oser par la médita-
tion, aSn de ne pas apporter obstacle à un
si ^rand bien. En effet, la contemplation,
riH>flie en supposant que la méditation nous
à\i bun disposés à la recevoir, doit être
i.ri.iiblement demandée comme une grâce
i:) iveile, mais ne peut être obtenue et ac*
pise comme une grâce qui nous est due*
c Ni la lecture spirituelle, ni la méditation
ne peut nous en faire connaître la douceur,
51 elle ne nous est pas donnée d'en haut. »
( Aucl. ScaL clau$tr,y c. 13. )
Sainte Thérèse ( Fi7., c. 22) dit avoir vu
a^'ec déplaisir certains traités de l'oraison
enseigner que l'âme, quoiqu'elle ne pût par
elle-même s'élever jusqu'à la contemplation,
comme œuvre surnaturelle, pouvait cepen-
dant s'aider à j parvenir, en détachant l'es-
Krït de toute chose créée , et en s'élevant
nmblement, après de nombreuses années
passées dans la voie purgative et illuminât! ve.
Ce;te doctrine dit-elle, pèche par défaut d*hu-
in lité,;eo enseignant à l'homme qu'il peut
s'élever lui-même, avant d'être élevé de Dieu,
en lui faisant croire à tort qu'il peut en
quelque sorte s'égaler aux anges, et par ses
(ropres efforts mériter un si grand bien. »
y. Pour que la méditation puisse disposer
à lacontemnlation, elle doit être piutôtajfec-
tÎTt qu'intejlecti ve, c'est-à-dire enQammée par
des aspirations jaculatoires, ou actes anago^
giques; elle doit être en quelque sorte con-
tinuelle, même jour et nuit. C'est ainsi, en
effet, que le feu de l'amour divin dessèche
le cœur comme le foin, en fait jaillir des
étincelles et l'enflamme, aCn d*exciter par
le feu descendu du ciel un nouvel incendie.
« La voie la plus courte vers Dieu, dit le
cardinal Bona ( in 17a comp.^ c. 5 ). vers le
sommet de la théologie mystique, vers l'u-
nion intime avec lo Verbe, consiste dans les
mourements anagogiques et dans l'exercice
<ies aspirations. L'âme, en effet, commence
à faire un retour sur ses sentiments inté-
rieurs, retour qui s'opère au mojen des
aspirations actives, en même temps que
la partie inférieure et l'esprit de l'homme
s'élèvent à Dieu par ces mouvements anago-
9'ques ; bieatôi les affections du cœur s'en-
flamment, et la partie raisonnable de l'âme*
je dégageant du lien des passions et des
«ux prestiges du monde, dirige son regard
inléri<»ur sur tes célestes régions qu elle
^t^ut p^keourir, et ainsi passe à l'état le
plus subliine de ia divine contemplation. »
^LCetiftmddifalionrloit être non-seulement
^ffecfiJi^Aais aussi efficace^ et so f>roposer là
destractiao ûa péché et des restes du péché,
la comprcSBsion et l'extirpation, aulait que
f'Ossîbie, des fiassions, le développenienl des
vertus et si^riout de 1 humilité. S.ifîs telle di;-
f-Cift-lion, c'est en vain ijn'oii ritiei:*] la ^r^ce le
la contemplation, c 11 faut d'abord, dit saint
Grégoire ( I. vi. JUor , c. 17 ), purifier l'es-
prit de tout amour de la gloire temporelle
et de tout plaisir de la concupiscence char-
nelle; et alors seulement on doit l'élever
vers la montagne de la contemplation.
Ainsi lorsque le peuple reçoit la loi il lui
est interdit d'approcher delà montagne;
quand la faiblesse de son esprit le retient
encore attaché aux choses de la terre, ce
serait à lui une folle présomption de vou-
loir contempler les choses sublimes. »
Lorsque 1 âme a été suffisamment dispo-
sée par la méditation, et conformément aux
règles que nous venons d'exposer, lors-
qu'elle est appelée à la contemplation par
une inspiration spéciale de Dieu, alors il
est saint et utile pour elle de s'y 1. vrer hum-
blement, et de laisser momentanément la
méditation. 1* L'Ecriture sainte nous l'indi-
que en nous invitant à la contem{ lation (Voir
les textes cités plus haut ). 2" C'est aussi
la doctrine des saints Pères. Saint Denjs
( TheoL mysl.^ cl) enseigne à Timolhée
J|u'il doit, délaissant toute chose créée, iV/T-
orcer d'arriver au rayon des ténèbres divines^
?ui est supérieur à toute essence. L'auteur dd
Echelle claustrale ( c. 10) dit en parlant de
la contemplation : « Dieu veut que nous I0
priions, et qu'à son arrivée, quand il frappa
à notre porte , nous lui ouvrions le sanc-
tuaire de notre volonté et nous la confor-
mions à la sienne. » Richard de Saint-Vic>-
tor ( Deprop. ad contempL^ c. 83, 8i; 1. 1 Ai
cont.f c. 2) dit aussi : « l'arche d'alliance est
construite et dorée sous la direction de Dieu«
quand l'intelligence humaine est élevée à la
contemplation de la grâce par l'insp-ralion
et la révélation divine. »3* Selon saint Tho-
mas (2-2, q. 180, a. 4), « la contemplation
nous est pi omise comme la lin de toutes les
actions et la perfection di^s joies éternelles :
cette contemplation sera parfaite dans la Tia
future, alors que nous verrons Dieu face à
face; et par elle les parfaits jouiront de la
béatitude. Mais maintenant la contemplation
de la vérité divine est en rapport avec no-
tre faiblesse; aile se fait d'une manière im-
parfaite, comme dans un miroir et sous le
voile du mystère: elle est pour nous une
indication de la béatitude qui commence
ici-bas pour continuer dans l'éierniié. »
Nous devons donc nous dispenser à la rece-
voir. D'ailleurs la méditation cherche labo-
rieusement la vérité à r<nide du raisonne-
ment quand elle ne peut l'obtenir par Tin-
tuition simple. Donc si Dieu nous l'offre
par cette intuition, c'est inutilement que
nous la recherchons par la méditation. Eufia
dans la voie de la méJita ion, nous devuns
marcher en aspira'U à la co iieiip ation ; il
est donc contniire a la raison do r^rster aliO"
ché à ia médilalioi, alors que réfKiux se
présente à nous par la contemplation.
Mais pour ne pas quitter prématurément
la voie de la UiédiLalion, il nous faut obser^
ver les règles suivantes ;
1. Le caractèro fondamental du passrge
réi^uiier de ta niédilatiuii à la contemplùtîup
i
487 CON
consiste dans tific spéciale vocaiion et ins-
piration de Dieu. Cette vocaiion est une
condition indispensable, et en Tâbsence de
laquelie, c'est h tort nu'on veul aspirer à la
contemplation. On doit se contenter alors
de 1 oraison vocale ou mentale. Mais si l'on
possède cette condition de la vocation di-
vine il y aurait témérité à se refuser à la
contemplation. Ainsi renseignent Louis de
Blois, Alvarez et Jean de Jésus Marie.
La plus grande difficulté est de savoir re-
connaître si rame est appelée de Dieu à la
contemplation, et doit s'y livrer avec une
liumble contiance ; ou bien, si elle n'y est
DICTIONNAIRE
CON
i»
quand elle y a été autorisée par un mattre
spirituel qui a nu a'^iuérir une conaais-
sance suffisante ue ses progrès dans la verta
et dans la méditation : lorsqu'elle y est por«
tée par des inspirations intérieures et par
une cerlaine satisfaction de l'esprit; lors-
qu'enfin fatiguée d'ariditédans la méditalim,
elle fait plus de progrès dans ce regard dat-
tention amoureuse vers Dieu, se montre plus
forte à fouler au pied le monde, h se mépriser
elle-même et à pratiquer toutes les vertus.
IV. Si l'âme n'a pas été purifiée par la
mortitiration intérieure et estérioure, si
elle n'a pas proiilé des épreuves que Dieu
pas appelée et doit s'en éloigner avec mo- lui a envoyées, si elle n'a pas expié ses
destie. On peut le reconnaître à trois signes ' péchés, détruit tous les restes du péché,
certains et évidents, indiqués par saint Jean subjugué ses passions, cessé de commettre
de la Croix {Ascens. ad mont. 1. ii, c. 13 et
1^ ) : !• le premier signe, c'est qu.md l'Ame
suffisamment disposée à la contemplation ne
peut plus se livrer à I» méditation. Quand
ce signe est seul, il est trompeur et ne suf-
fit pas pour discerner si l'on est appelé de
Dieu à la contemplation. Car l'impuissance
è méditer peut naître de la tiédeur, ou de
la négligence à remplir ses devoirs de piété,
ce qui arrive souvent. 2* II est donc néces-
saire à ce premier signe d'en ajouter un
second, c'est lorsque l'Ame qui ne peut ni
méditer ni raisonner sur les choses divines
et surnaturelles, montre en même temps
beaucoup d'éloignement pour la dissipation
et (tour le goût des choses terrestres. 3* En-
fin, le troisième et le principal signe, sans
lequel les deux autres ne peuvent rien
quant è la nécessité de se livrer à la con-
templation, c'est quand TAme s'applique à
Foraison avec des aspirations affectueuses
vers Dieu. Ce sont ces aspirations que le
même saint appelle attention ou connais-
sance affectueuse dans la paix et laquié--
tude (152).
IL Quand on a la certitude de cette voca-
iion spéciale, il faut s'y conformer et y
coopérer par la voie de la contemplation
comme à une grAce toute spéciale. En effet
la voie de l'oraison étant par elle-même
beaucoup plus parfaite par la contemplation
que par la méditation, et Dieu voulant par
elle élever l'esprit, ce serait non de l'nu-
milité, mais de la pusillanimité et de la
paresse que de résister k la vocation di-
vine : on perdrait ainsi de précieux avan-
tages, et il pourrait en résulter de grands
inconvénients. Aussi saint Jean de la Croix
( m Pram, ascens. ad mont, Carm ), se pla.nt
« que certains confesseurs et pères spirituels,
par leur inexpérience de cette voie, sont
ordinairement plutôt nuisibles qu'utiles aux
Ames contemplatives. »
III. Pour connaître cette vocation spéciale
si nécessaire à la contemplation il laul le
diseemement des esprits, ( voir ce mot, ) Nous
donnons en pass^int cette règle empruntée
d'Alvarez. (\. y De contemp. p. 2, c. 13). Une
Ame |)eut jse livrer à ce genre d'oraison
aucune faute délibérée, et fait des progrès
dans la vertu i-t surtout dans l'humilité, on
ne peut, à moins de circonstances rares et
extraordinaires, supposer que l'inspiralioa
divine la porte à la contemplation.
V. La con'emplalion, même accompagnée
de la vocation et des dispositions requises»
peut encore être ou seulement imparfaiu
et comme ébauchée, ou parfaite; elle peut
être aussi ordinaire ou extraordinaire. En
etfet, la contem^^lation, en général, ne ditTère
pas logiquement, mais seulement morale-
ment ue la méiiilation, c'esl-à-dire en tant
qu'elle lui est sui^érieure d'une manière
notable et permanente. Aussi , la médita-
tion peut souvent participer en quelque
chose de la contemplation imparfaite, et
dcins la contemplation même parfaite se
trouve mêlée quelque méditation :souTent
mêmeellesdoiventalternerl'une avec l'autre.
On peut voir aux articles nouifosisiie et
QciéTisHB Texposition et la réfutation de
queK]ues erreurs opposées à cette doclrioe
Uo la contemplation. '
Le meilleur moyen d'aspirer à la contem-
platioui c'est d'aspirer avec ferveur à la pen»
fection. Celui qui en toute circonstaoce
s'applique à agir parfiiiteoient, s'efforcera
d'aimer Dieu sans mesure et par-dessus
tout; et pour l'aimer ainsi, il le priera de
l'éclairer et de Tentlammer toujours de plus
en plus. A cet etfet, il se livrera avec zèle à
la prière vocale et instrumentale, aux aspi*
rations vers Dieu, et à sa continuelle pré-
sence. Il s'y portera non par un sentiment
de stérile curiosité, mais par un amour effi*
cace, et avec le secours de la grAce divine*
Aussi, pratiquant toutes sortes deroorlitica-
tions, il évitera avec soin les fautes nséme
les plus légères, du moins celles qui tout
délibérées; il déracinera eu lui les vicas, d
repoussera les distractions, méprisera toute
chose créée, ne désirera pas av(3c trop dV
vidité même les céleates délices, mais i«
résignera tout entier et avec iiumilité au
bon plaisir divin. Voilà la meilleure dispo^
sition à 1j contemplation ; et Dieu la Im
accordera, ou s'il ne juge pas è propos de
lui donner celle laveur, il n'en avancera !»««
(158) Voir Oraison ArrKcxtvr , Oraison dk nECDeuxEHEM actif et PASStr eu ces
observations reçoiveiit lout leur dév^opprmeut.
frgleê
fl tfl
4»
cm
D'ASCenSHB.
C03I
49»
moins dans la perfection. Car la perfection
ne consiste pas dans le don de la contem-
plation, et Dieu peut la lui refuser, tout en
suppléant h son absence par le don de son
amour plus sûrement défendu par Thumilité.
En effet, saint Grégoire remarque (I.ti Mor.^
c. 17) que la contemplation est utile à beau-
coup de personnes, mais non h toutes; qn^il
est préférable pour d'autres que Timpéluo-
siié de Tamour soit assurée par le poids de
i'bumilité, comme par une ancre que la
charité jette sur le rifage de Tamour dirin.
« Dans rbumiiité, la mortification, Tabné-
gation et les autres vertus, dit sainte Thé-
rèse (m Tia perf.jC. 17), il y a toujours
beaucoup de sécurité; il n'y a rien à crain-
dre, aucun danger à courir de ne pas arriver
h la perfection; soyez donc, autant que les
âmes les plus élevées dans la contemplation,
toujours en parbite sécurité, faisant tout ce
qui dépend de vous pour arriver à la con-
templation, et iaites-le avec toute la perfec-
tion possible ; et si Dieu refuse de vous
accorder cette faveur (et je ne pense pas
qu'il le fasse, si votre abnégation et votre
humilité sont véritables), croyez que cette
joie vous est réservée dans le ciel, où vous
la goûterez on jour avec plus d*alK>ndance
et de délices. »
La contemplation, soit ordinaire, soit
extraordinaire, se divise en chérubique ou
intellective, et en séraphique ou affective.
S^sla contemplation cnérubique coexistent
deux actes partiels d'intelligence et de vo-
lonté; mais c'est l'acte intellectuel qui sur-
tout y prédomine.
Ces deux termes de chérubique et de êéror
phiqut sont empruntés aux deux premiers
chœurs delà hiérarchie des esprits célestes.
Les séraphins sont ceux en qui l'ardeur de
i'amour éclate plus ^ne la lumière de la
sdence, bien qu'ils jouissent de ces deux
perfections. Les chérubins, dont le nom
signifie pléniiude de science 9 sont ceux en
aui la lumière intellectuelle brille avec plus
'éclat que l'ardeur de l'amour, bien qu'ils
possèdent l'une et l'autre à un très-haut
degré. De même, dans la contemplation^
qui consiste dans une foi vive et uneaideote
cliarilé, l'un ou l'autre de ces actes se ma<-
nifeste avec plus de splendeur, et celui où
prédomine la lumière intellectuelle de la foi
vive s'appelle contemplation chérubique
ou intellective; et celui où surtout se mani-
Itîste l'ardeur brûlante de la charité se nomme
contemplation séraphique ou affective.
DS LA COSTKMPLATIO?! CBiBLBIQUB. — La
contemplation chérubique a pour fonde-
ment nécessaire la foi, ou une grande ha-
bitude à comprendre les choses divines et
révélées, auxquelles la théologie, par ses
eipifcations, peut apporter quelque lumière.
A des explications, la contemplation, par
\^ trois dons du Saint-Esprit, savoir par
ceux dlotelligence, de sagesse et de science,
(155; Ce passage assez diiBcile d*IIugues de Saint-
Tidorest ainsi exprimé eo lat:o : Cum cœperit mens,
de,..; in tantum in koe mentis ctceuu pas Ula quœ
DlCTlOSI^. D*AsciTlSXE. I.
ajoute une nouvelle lumière intellectuelle,
claire et chaleureuse, qui, unie k la lumière
delà foi, élève et exalte souverainement
l'intelliKence, de manière à lui faire con-
naître Tes vérités divines révélées, d'une
nouvelle manière, avec une lumière nou«
Telle et avec une nouvelle vivacité qui en
agrandit le. cercle à ses yeux. Cette lumière
de la contemplation est claire, certaine,
forte, pacifique, délicieuse et pure; elle est
le principe des connaissances qui amélio-
rent la vie et les mœurs: elle est pratique et
éclaire l'intelligence, de manière i échauffer,
amollir, fondre et récréer en même temps
la volonté, à pénétrer l'âme de tendresse et
k rectifier l'intention, afin que dans tousses
désirs, dans toutes ses paroles et ses actions
elle ne cherche que Dieu seul. Et de même
que si dans une chambre ténébreuse où
quelque malade est tristement étendu, vient
à pénétrer quelque chaud rayon du soleil de
midi, la chambre est subitement éclairée,
l'air purifié et le malade transporté de joie;
de même dans l'âme contemplative, l'igno-
rance est éclairée par cette lumière de la
contemplation, se% affections sont purifiées,
son intention rectifiée, son cœur pacifié, son
entendement illuminé, et les choses divines
et humaines, qu'elle n'avait jusiju'alors ni
connues ni comprises, lui apparaissent sous
un jour nouveau et d'une manière excellente
et plus parfaite. C'est ainsi que le P. Go-
dînez décrit la contemplation chérubique.
(Pr. th. mgtt. , I. v, c. 1.) Hugues de Saint-
Victor la présente à peu près sous le même
point de vue (1. 11 De anim.^ c. 20) : c Lors*
que l'esprit, par la pure intelligence, com-
mence a s'élever au-dessus de lui-même,
k pénétrer tout entier dans les splendeurs de
cette lumière incorporelle, à goûter quelque
douceur intime des choses qu'il contemple
intérieurement , à en former son intelli-
gence et à en créer sa sagesse* il arrive, dans
ce transport d'esprit, à un tel degré de cette
paix supérieure aux sens, qu'il se fait comme
un stlence dans le ciel (153). Les sens et
l'imagination n'ont rieo à faire ici, et toute
la partie inférieure de l'âme se trouve dis*
pensée de ses propres fonctions. » — « Si les
mystères de notre foi que nous avons appris
par la révélation, .dit Richard {I. iv De c<m-
iemplX ou qui nous ont été enseignés par
les théologiens, deviennent l'objet habituel
de notre eontemplaticm, alors, il arrive (si
Dieu nous accorde cetfe faveur) que notre
esprit se transporte d'admiration pour ces
mystères, qu'il s'en nourrit, s'en humilie, et
s'enflamme du désir le plus ardent pour les
choses divines. » Les écrits de sainte Thé-
rèse et de saint Jean de la Croix nous four-
nissent l'exemple de saints qui ont excellé
dans cette contemplation.
La contemplation chérubique peut avoir
pour objet le mystère de la sainte Trinité,
celui de l'Incarnation , celui de TEucharis-
exsuperat omnem semum^ tnvemtur atqme obtinetur.
ut fiai ùltiaiw» m£#/o.
40i
COIS
iiiti A lOiNi^iiitii:*
CON
492
tie, etc. Nous allons successivemeni exami-
ner ces différents genres de contemplation.
1" La contemplation de la tri$-sainte Tri-
nilé est fondée sur la foi, qui nous enseigne
qu'en Dieu, un dans son essence, se trou-
vent trois personnes réellement distinctes,
le Père, le Fils et le Saint-Esprit. Le Père
n'est pas engendré; il est le principe pro-
duisant par une génération féconde son Fils
unique, consubstantiel au Père, et égal à
lui en toutes choses. Le Père et le Fils, quoi-
que étant deux personnes réellement dis-
tinctes , sont un seul et môme principe
d'où procède le Saint-Esprit , qu'ils pro-
duisent par une seule et même volonté, un
seul et même acte. Le Saint-Esprit, bien
qu'il n'engendre pas comme le Père , est
néanmoins bon, sage et saint comme le
Père et le Fils, leur est consubstantiel en
tout, et ne forme avec eux qu'un seul et
môme Dieu. La théologie prouve toutes ces
assertions et explique en quelque sorte
l'unité de l'essence dans les trois personnes
par la coexistence de trois facultés d'intelli-
gence, de volonté et de mémoire dans une
seule &me; elle jette ainsi quelque clarté
sur les obscurités de la foi. Mai:$, dans les
&mes contemplatives, tandis qu'elles voient
le mystère de la sainte Trinité sous l'ombre
de la foi, à la lueur du flambeau de la théo-
logie, il leur survient parfois sur ce mystère
une lumière éclatante, chaleureuse, splen-
dide, pacitique et délicieuse, qui leur fait
apparaître ce mystère suprême avec une
éblouissante clarté. Elles y contemplent,
€omme dans un divin miroir, de nombreuses
vérités nouvelles, de nombreux secrets et
mystères divins, de nombreuses perfections ;
et cette intuition simple transporte TAme
d'admiration, la réjouit, l'enflamme, la
change intérieurement, l'élève et la perfec-
tionne. Sainte Thérèse l'atteste par son pro-
pre exemple ( Ftï., c. 39) , et le P. Godinez
(I. V, c. 3} rapporte avoir connu quelques
tliéologiens qui avaient parfois reçu la
faveur insigne de ceite sublime contempla-
tion ; ils disaient que la lumière qu'ils trou-
vaient dans les livres sur ce mystère n'était
qu'obscurité, en comparaison de cette lu-
mière éclatante et chaleureuse de la con-
templation , qui éclaire l'intelligence d'une
manière sublime et échauile délicieusement
la volonté.
Quand nous disons ici que la théologie,
soit dogmatique, soit scolastique, peut être
de quelque utilité pour la contemplation,
nous ne prétendons pas qu'elle y soit in-
dispensable ; car en beaucoup d'âmes con-
templatives qui n'ont aucune notion do
la théologie, la lumière de la contemplation
supplée abondamment au défaut de connais-
sances théologiques. Nous vouions dire seu-
lement que ceux qui ont étudié la théologie
f meuvent utilement s'en servir pour éclairer
eui' foi, et se disposer ainsi à la contem-
plation.
2* La contemplation du mystère derincar-
nation^ V est fondée sur la foi, qui nous en-
seigne que le Fils de Dieu s'est incarné dans
le sein de la bienheureuse Vierge Marie,
réunissant dans sa personne divine, par une
union hypostalique» la nature divine et la
nature humaine ; de sorte qu'en Jésus-
Christ notre Seigneur, bien qu il y ait deui
natures complètes, il n'y a cependant ni
deux personnes, ni deux Fils de Dieu. Cette
môme foi nous enseigne que les actions de
Jésus-Christ ont été théandriques, c'est-à-
dire d'un Dieu homme, qui a souffert comme
homme, est ressuscité comme Dieu. 2* La
théologie confirme ces vérités, les explique
et les éclaire en quelque sorte par divers
exemples. — 3"* A ces deux fondements se
joint la méditation affective et continue
d'un si grand mystère. — k* Ces vérités
étant crues par la foi et appréciées par une
méditation vivement affective. Dieu parfois
allume et développe dans rîntolligence la
lumière ardente de la contemplation, dont
l'effet se communique à la volonté; celte
lumière fait apparaître ces vérités sous un
point de vue nouveau, admirable et délec-
table, et produit dans l'âme une connais-
sance si vive, si rapide, si perçante, si
claire et si délicate, que cet Homme-Dieu
attire et retient à lui le cœur de l'homme et
Teuflamme par cette contemplation d'un
tendre et suave amour; i'&me alors déborde
d'affections, elle désire, elle brûle, elle
aime, elle se tait, elle écoute, elle sent d'une
manière divine. Alors la foi est vivifiée,
l'espérance se ranime, la charité s'enflamme,
toutes les vertus morales reçoivent un nou-
vel éclat. On contemple Jésus-Christ, tan*
tôt dans son enfance, tantôt dans sa pré-
dication, tantôt dans les souffrances de
sa passion , pour exciter en soi les at
fections des vertus morales, o'est-i^-dire de
componction, de patience, d'humilité, d'o-
béissance, de douleur, de crainte, de confu-
sion, par la considération et l'imitation de
l'enfance, de la vie« de la passion et de la
mort du Sauveur.
Il est utile aux flmes contemplatives de
s'efforcer de connaître Dieu par la contem-
plation, de s'appliquer à la contemplation
de rhumanité du Christ. On le prouve : i*
par l'Ëcriture sainte, qui nous propose à
tous, sans exception pour les contemplatifs,
la considération de Jésus-Christ comme
homme. Celui-ci est mon fils Aten-atW, écovi-
tez-le, {Luc, ix, 35.) La vie éternelle consiste
à vous connaîtrcy vous^ qui êtes le siul Dieu
véritable, et à connaître Jésus Christ que vous
avez envoyé. (Joan, xvii , 3.) 2" Par les
saints Pères. Saint Denys (c. 2 De div. nom.)
contemple à la fois Jésus comme Dieu et
comme homme, et il rapporte avoir appris
celte contemplation du divin Hiérolbée,
![ui était ins{)iré de Dieu. Jésus, dit-il, est
a manifestation de toute théologie. Cassien
(coll. I , c. 15), parmi différentes vérités
qu'il propose comme matière de contempla-
tion, place au ()remier rang le m^ère de
l'Incarnation. Richard de Saint-Victor (l.i
De coni.^ c. 3, et I. iv, c. 22), pense que
non-seulement Dieu, mais toutes les vérités
révélées peuvent servir indistinctement de
CON
matière ï la méililalion et ït la conlempla-
Ijoii, qui sont deui aortes do prière, seule-
ment difTércDtes quant h la manière; et au
c. 18, il présente les mystères de la sainte
Trioil^ et de l'Incarnation comme la malière
du degré le plus parfait de la contempla-
lion. Saint Augustin, h. propos de ces pa-
roles {Joan, iiv, 6) : Je tuU ta voie, la
térilé tt la'eie, s'exprime ainsi (serm. 55,
De ttrbit Domini) : «Il estdevenu la voie en
» Taisant homme. C'est en passant par l'hu-
manilè tiuu vous parvenez h Dieu; c'est
)i«r lui, c est vers lui que vous marchez. Ne
cherchez pas d'autre moyen que lui-même
[)our arriver k lui..,. Il vaut mieux aller en
boitant dans la voie que de marcher h
grands pas hors de la voie. » Saint Ber-
nard [serm. 3 De atcem.) enseigne que
lëus-Christ est venu pour éclairer notre
intelligence f> tous, afin que nous petuions
foHjour* tt tant ceue, par la méditation et
lacoDlemplalioD, aux iturveiUet qu'il a fat-
1». Saint Bonaventure(tn Stim. amor., p. ii,
c. 3} dit aussi : ■ Quiconque veut entrer
daus \a repos et la douceur de la contempla-
tion autrement que par l'ouverture du côté
lie Jésus-Christ, doit se regarder comme un
Tolcur de nuit.» Alvarez PéTage s'eiprime en
C€s termes, dans sa réfutation des Béguards
(il Planet. Eecl., 1. ii) : ■ Ces hérétiques,
en prétendant que ce serait déchoir des
hiuleurs de la contemplation, que d'arrêter
» ueosée sur la cliair ou sur la passion
de Jdsus-Chrisl, sont inspirés par un esprit
de folie et d'orgueil, diabolique; car, en
tsnsidéraol le corps de Jésus-Christ, on
voit Dieu par la foi, et on contemple sa di-
vinité, qui est intimement unie à la chair
de Jésus-Christ.... Quel sujet plus noble et
plospar de contemplation que Dieu soui-
frint dans sa chair, et que cet auguste sa-
crement, institué principalement en mé-
moire de ce divin mjslëreT... Rien n'attire
(t n'enchaîne l'homme k Dieu comme la
cnniemplatioD de Dieu fait homme. » 3* Le'
troisième motif est tiré de saint Thomas
{i-î, q. 180, a. ^), qui établit que, « bien
•|ue la Divinité soit le premier objet de
notre contenaplalion , néanmoins nous
sommes, par l'amour divin, conduits en
quelque sorte par la main dans ia contem-
l'IalioQ de Dieu, selon ces paroles de l'ApA-
Ire [Rom. i, 20J : Ce qu'il y a d'inviiible en
A'm ut devenu tiiible par la connaistanee
9« i« créature* nout en donnent. C'est pour-
^•wji la contemplation des effets divins est
une seconde matière de contemplation, en
tant qu'elle conduit l'homme â la connais-
"nce de Dieu. « Or, de tous les eflfets di-
'iiis, le plus divin est snns contredit l'In-
f-JrnatioD; donc, elle doit être, bien que
5':coQdaireflftenl , l'objet de la contempla-
lion. EnOn,' selon lo même docteur {Quodl.
Tiii. art. 20], l'humanité de Jésus-Christ est
la porte delà contemplation, non-seulement
pour les hommes morlelsi mais encore pour
Kt anges et les bienheureux dans le ciel.
■ Le premier objet de la contemplation des
MIDIS, dit-il, est Dieu lui-même ; il est pour
D'ASCETISME. CON «t
eus le moyen do toul(> connaissance et la
règle de toute opération. Ils conlemphni
donc d'abord la divinité de J<^sus-Christ
avant de contempler son humaniié. Néan-
moins, ils trouvent un égal |)lui^ir ^ii:is
chacune de ces contemplations: C'ost ce qui
a fait dire à saint Jean (i, 9} : li-s bienheu-
reux entreront pour contempler la divinité
de Jéiu$-Chriat,et Ht tordront pour con-
templer ton humanité, et partout iln Iroure-
ront det pâturages, c'est-à-diie jo'e et bon-
heur, t Donc les Âmes contemplatives qui
sont dans la voie, c'est-à-dire plus impar-
faites encore que celles qui sont dans la
patrie, doivent s'élever & la contemplation
par rhumanité de Jé.^us-Chiist.
La contemplation; de l'humanité do Jé-
sus-Christ est encore utile pour exciter
en nous l'amour de Dieu et les autres af-
fections de vertu propres h. la contempla-
tion, C'est c& que prouvent, 1° les textes
sacrés rapportés ci-dessus ; 2* les saints Pères
et les mystiques dans les passages elles plus
haut. Joignons-y celui-ci de saint Booaven-
lure (c. 60 Medtt. Chritt. tiit.] : ■ Vous avez
vu comment il y a trois genres de «-ontem-
piation : celle de l'humanité de Jésus-Christ,
celle de la céleste cour et celle de la ma-
jesté divine. Vous devez savoir que dans
chacune de ces contemplations coexistent
deux transports d'esprit, un transport in-
tellectuel et un transport affectif, aeic.
Réfutons ici quelques objections proposées
sur ce sujet. 1* La contemplation, dit-on,
consiste dans l'intuition simple de Diea
comme Dieu. Donc l'humanile de Jésus-
Christ n'y a aucun rapport , et se rattache
seulement à la méditation qui dispose à la
contemplation. — Hép. La contemplation de
Dieu comme Dieu est la contemplation pre-
mière et principale, mais elle n'exclut pas
un objet secondaire de contemplation , qui
est l'humanité de Jésus-Christ. — 2* Saint
Bonaventure a dit [ Médit, vit. Chritt. c. fiO) ;
a La coniemplatioii de l'humanité de Jésus-
Christ est pour les commençants et les im-
parfaits. ■ £t il conclut (c. Si) : a Celte con-
templation est plutôt une méditation qu'une
contemplation véritable. » Saint Bernard le
prouve (serm. 62 m Cant.),en disant que
l'âme parfaite peut seule pénétrer dans lo
sanctuaire du Verbe, par la sublime con-
templation , tandis que les imparfaits ne doi-
vent pénétrer que dans les blessures du
Christ, par la méditation , pour s'y puri-
fier,—A^p. Saint Bonaventure veut seule-
ment dire que la considération de l'huma-
nité du Christ dons la méditation convient
également aux parfaits et aux imparfaits;
tandis que la contemplation no convient
seulement qu'aux parfaits. C'est aussi en ce
sens qu'on doit expliquer les paroles de
saint Bernard. — 3° La contemplation par-
faite détache de tout ol>jet sensible, parce
que, selon l'Apôtre, n'ayant poinr de voile qui
noutcouvrelevisageet conlemplantlagloire du
Seigneur, noui tommet tran» formés en lamémt
image{IiCor. m, 18). D'aiHeurs saint De-
nys (c. i De mgtt. th. ) exhorte ainsi Timo-
DICTIONNAIRE
CON
tilde : a Laissez de cAlé les sens, les actes
de l'esprit , tout ce qui tombe sous les sens,
tont ce qui est aperçu par l'esprit, ■ etc.
Thnuler e( saint Jean de la Croix tiennent ie
TVi&tne 1nn!;n;;n. Donc riiumanilé de Jâsus-
Clidst, l'OiiiLLji' objet sensible, ne peut âEre
riialiferu tieconliimplation. — Rép. Les cho-
ses SCD»ibles |ii.uven[ aussi servir de raa-
tièreï la coiiif^m'platiûi). Dans le passage
ci[^ , sainl l'aiil oppose la manière uonl les
spiïtres ont tu Jésus-Christ en Ini-mâme , et
dont tons les hommes peuvent le voir par
la foi , à la manière figurée dont Moïse l'a
vu , et enseigne que nous apercevons en lui
.»mine dans un miroir la gloire de la Di-
vinité. Quant à saint Denys et aux autres
mystiques , ils sont loin d'exclure de la con-
templation l'humanité do Jésus-Christ,
comme on voudrait le prétendre. Concluons
donc que l'buuianité de Jésus-Christ non-
seulement ne peut être un obstacle à la
contemplation , même la plus sublime , mais
encore est un des moyens les plus eflicaces
Jiour y arriver. Jésus-Christ , eu effet , s'est
ail homme visible , sfm d'élever l'homme à
la connaissance du Dieu invisible. Il est la
porte par laquelle on parvient à riatelligeoce
de Dieu , par laquelle on arrive à Dieu par
la profonde contemplation. Aussi les saints
qui ont été le plus comblés dus faveurs de
la contemplation sont aussi ceux qui ont le
plus aimé Is sainte humanité du Christ. Jt
n'ai point fait profeuion de savoir autre chose
parmi voue que Jétiu-Chritt , et Jetas Christ
erueifié. {I Cor. n, 2.) Je porte sur mon
<orp$ tes stigmates de mon Seigneur. ( Gai.
Ti , 17. ) Je vis , ce n'est plus moi qui vis ,
c'est Jésus-Christ qui vit en moi, { Gai.
II, 20. JQui ne sait le rang de sainl Fran-
çois d'Assise parmi les personnes contcm-
pl'itivesT Pour juger avec quel vif amour
pour Jésus crucifié il se livrait à sa contem-
plation sublime , jetez les yeux sur les stig-
mates qu'il porte au côté , auz mains et aux
pieds. Saint Antoine de Padoue n'était pas
non plus un des moins favorisés sous le
rapport de la contemplation. Voulez-vous
savoir de quelle ardeur pour Jésus-Christ
son cœur était embrasé ? Considérez l'Enfant
divin qu'il serre dans ses bras. Parmi les
saintes contemplatives, les plus émincntes
60nl : Sainte Catherine de Sienue,qui,|iar la
couronne d'épines dont elle entourait sa
léte. montre assez combien elle chérissait
son époux crucifié ; sainte Srigitle.qui cha-
que jour recevoit la nourriture de la doc-
trine céleste de lu bouche même de sou
Seigneur crucifié; sainie Thérèse, qui pleu-
rait avec amorlume les moments passés
sans songer à Jésus. Telle est la voie royale
qu'ont suivie les saints pour s'avancer dans
la connaissance et dans l'amour de Dieu.
3* La contemplation du mystèredi}laSatnfe
Euchnristie a pour fondement la foi par la-
quellu nous croyons qu'après la prononcia-
tion des paroles de la consécration paruo
ministre légitime, la substance du pain et
du vin se lranssubstanlieQ.a le corps et le sang
do Jésus-Clirist, et qu'il nç reste plus que
les seules apparences du pain el du via.Co
mystère de la sainte Eucharistie est eipli-
qué, confirmé et défendu par la théologii-.
Dieu fait luire parfois dans les dmesunelu-
mière de contemplation, qui leur montre
la manière dont le corps de Jésus-Cijrisl
existe sous les espèces sacramentelles, et
le leur fait opparaltre comme un roi sur
son trône, qu un rideau voile aux regards ;
ou comme un bnilanl soleil dont quelques
nuages tempèrent momenlanément l'éclat;
comme la source du paradis , cachée £ous
le feuillage des espèces sacramentelles, et
d'où émanent quatre Qesves de grSce, de
miséricorde, de charité et de pieté, pour
arroser, réjouir el féconder l'Eglise .ainsi
que les cœurs des fidèles qui viennent y
boire. Une contemplation revêtue de ces ca-
ractères a parfois tant de force , qu'elle ra-
vit l'âme dans une sorte de transport admi-
ratif , h la vue de ces découvertes dudiTÎD
amour. L'âme alors tressaille d'allégresse,
et comme débordoul par l'ardeur enQammfe
de son amour, elle se fond en quelque sorle
et se répand en affections de gratitude. Avec
quelle facilité ne croit-on pas alors à ce
qu'auparavant on révoquait pour ainsi dire
on doute T Avec quelle certitude D'em-
brasse-t-on pas ce qu'on ne pouvait com-
prendre T Avec quelle clarté ne com[lrenl^
t-onpas les vérités inaccessibles au raisono^
ment humain T La foi pousse dans l'âme des
racines si profondes, qu'on est prêt à mille
fois mourir pour la défense do chacune des
vérités révélées. El quand même tous les
hommes et les anges s'élèveraient contre ce
que l'on croit alors , rien au monde ne pour-
rait ébranler dans l'âme la fermeté avec la-
quelle elle croit ces vérités. Dans celte peifeo
tion de l'intelligence, la volonté n'est pas oi-
sive, mais elle brûle d'amour, elle adore avec
une crainte respectueuse. Cette majesté
dont la grandeur l'effraie, elle l'adore,
j'aime, la vénère et l'admire; elle lui offre
sas hommages el sa reconnaissance, elle ^
célèbre avec la pureté la plus grande. L'joie
alors s'humilie, et comme stupéfaite delà
grandeur de ce don , par lequel Dieu se
donne lui-même, incarné dans ce sacre-
ment, en nourriture aux âmes, elle est
toute hors d'elle-même , incapoble de trou-
ver uu mot, un sentiment d'amour, un
acte, par lequel elle puisse témoigner sa
reconnaissance de cet insigne bienfait. EIlo
se tient donc dans un silence prudent, ren-
dant tacitement à Dieu l'hommage qu'elli^
no peut dignement lui exprimer du vire
voix.
4* La contemplation des attributs de Dit'*
a aussi pour fondement la foi, par laiiuelle,
I" nous croyons la toule-puissance, la jus-
lice, la miséricorde el les autres perfecliuns ,
do Dieu que la foi nous révèle ; 2* nous les
connaissons par les affections nréées coiniT"!
étant les qualités de la cause inciéée. Ainsi
la toute-puissance se révèle par la crfiilioQ
du ciel et de la terre, des anges et des liom-
mes, do touies ces magnifiques créaluns
ci^lestes cl élémentaires, dont lu contemili-
M7 CO:i D'ASCETlSlie.
tioD nous Innsporte de J'admiraliOD la plus
rire. La justice éclate dans la récompense
ëlernelle des bons el l'élernel chàliment des
méchanrs, d'où résulte la crainte de la pu-
nilioD el l'espoir de la rémunéralioD. La
miséricorde se trouve en quelque sorte oc-
cu))ée A secourir toutes les misères de l'hu-
manité. La bonté se manifeste dfins les mille
mojens par lesquels Dieu se commaoïque
aux créatures. Toutes ces considérations, si
elles sont ordinaires, sodI do domaine de
la méditation. Mais si elles élèvent et Irans-
porteol l'âme, elles produiront l'uDioa, avec
le détacbemect de la créature et l'amour du
Créateur; et li par elles l'âme parvient à
un degré plus sublime dans la connaissance
de la foi et la Tivacilé de l'amour, il pourra
7 avoir conteoiplatloo. Supposons, par exem-
ple, la foi de Vimmensité de bleu, par la-
quelle Dieu est intimement présent en tout
lieu, comme cause nniverselle, conservant
IVssence de chaque créature; les personnes
contemplatives sont quelquefois favorisées
d'une lumière si claire, si pure el si sublime,
que dans la consïtJération de celte Imiuen-
silé, elles trouvent Dieu présent en tout
temps, en tout lieu, en toute personue et eo
toute action ; leur cœur est en même temps
si bien disposé, qu'à \a moindre pensive, an
moindre signe qui leur rappelle l'idée du
Créateur, l'âme tressaille vers lui par des
prières jaculatoires, des anxiétés, des trsns-
(«ris d'amour, des soupirs el d'autres mou-
vemi^nts internes ou externes Ainsi, i
l'aspect d'une belle Qeur, la pensée se porte
aussitôt sur la beauté du bien-aimé, et toutes
les créatures sont en quelque sorte les de-
grés de l'échelle rar laquelle on s'élève aux
choses célestes. Ce mode d'oraison est fé-
cond en délices, en tendresse, en dévotion,
aiiisi qu'en aspirations jaculatoires, en sou-
pirs et en larmes. Hais l'union intérieure
rend les âmes compicnlatives extérieure-
ment modestes, composées, silencieuses,
sans affectation el sans hypocrisie, avec
sne^iité et vérité. L'âme puise dans cette
oraisoi une grande force pour la pratique
ré-,$ulière des vertus morales, surtout de
celles qui ont le plus de rapports avec les
devoirs et les obligations de son étjl, el sans
lesquelles la contemplation serait très^M)m-
[rontise. Caria personne plus veriueusea plus
rie sainteté que la personne plus contempla-
live. Celle-ci doit donc èlre aussi riche de
vertus que d'exemptes. (Voy.GoDiK£i,c. 6.)
ToMltt lei créatures qui brillent dans le
ciel, qui ornent la terre que nous habitons,
peuvent devenir l'objet de la contemplation ;
soit parce qu'elles montrent la toute-puis-
sance de Dieu, qui par sa parole a tiré
toutes choses du néant ; soit parce que leur
ordre tl leur symélriefont éclater la souve-
raine sagesse de celui qui a présidé A leur
arrangement; soit parce que leur beauté
nous sert en quelque sorte d'échelle pour
nous élever è la connaissance de la Beauté
infinie ; soit encore parce qu'elles nous dé-
montrent l'immense sagesse de cet Esprit
si vaste, qui les connaît et les comprend,
aa 19»
malgré leur quantité innombrable et leur
variété ; soit enlin parce qu'elles rendent
visible  nos regards la providence de leur
suprême Créateur, qui les régit et les gou-
verne, et que nous élevant i-.-s'i 'i linuMÎ-
gence des attributs de Dicn, ' ' - i.iuii uolre
esprit sur ces attributs et ' ri niplissciit
d'un étonnement mêlé de d'i - r.
Ecoutons Cassicn sur ce - i|' i f collât, t.
c. 15) : iLa contemplation l' l):<.-u («nt si-
concevoir sousde nombr<.'Ui i >< ils d(^ vu-j ;
car Dieu n'est pas connu parla seule admi-
ration de sa substance incompréhensible;
il se manifeste encore par la grandeur de
ses ouvrages, par la méditation de sa jus-
tice et du soin atlentif avec feouel il veille
journellement sur nous. Quand nous con-
templons d'un cœur pur lout ce qu'il fait
dans chaque génération, nous sommes frap-
fiés de craioie el d'adm ira lion, h l'aspecl de
a puissance par laquelle il gouverne, mo-
dère et régit toutes choses, de l'immensité
de sa science et de la pénétration de son
regard, qui sonde jusqu'aux secrets les plus
cachés cfcs cœurs. Lorsque nous pensons
avec frajeur que tous les grains de sable,
tous les flots de la mer lui sont connus,
malgré leur immensité : que toutes les
gouttes de pluie, tous les jours el les heures
des siècles écoulés, que le passé el l'avenir,
rien n'écbappe h sa science, nous restons
immobiles d'élonnement.. .. Ces sortes de
contemplations peuvent se multiplier à l'in-
fini, selon ra régularité de notre vie, lo pure-
té de notrecŒur et de notre entendement.»
Lei auvrei mmaturelUs de Dieu peu-
vent encore être l'objet de la contemplation
divine : ainsi la grâce sanctiliante, les grâces
actuelles, les sacrements, les bienfaits que
nous recevons A toute heure, soil dans l'or-
dre de la nature, soit dans l'ordre de ta
grâce. ■ Lorsque nous considérons sa clé-
mence ineffable, dit encore Cassien [loe.
âl.) , et les fautes innombrables que nous
commettons k tout moment eo sa présence,
el qu'il supporte avec une infatigable lon-
ganimité; lorsque nous réOéchissons k la
vocation k laquelle il nous appelle, sans
aucun mérite de notre part et par la seule
grâce de sa miséricorde, et aux occasions
de salut qu'il nous [trésenle; lorsque nous
sommes transportés d'admiration, en pun-
sani et qu'il nous a fait naître pour verser
sur nous ses grâces dès noire berceau, pour
oons initier k la connaissance de sa loi , el
que, triomphant lui-même en nous de notre
ennemi , il ne nous demande que l'assen-
timent de notre volonté pour oons accorder
en récompense l'éternelle béatitude; qu'en-
fin il s'est incarué pour notre salut et qu'il
a étendu sur toutes les nations les merveilles
de ses mystères ; nous faisons alors des
œuvres surnaturelles de Dieu l'objet de
notre contemplation.»
La contemplation peut encore avoir pour
objet tn saints, les anges et leur Reine:
Dieu se propose lui-même k notre admira-
tion dans les plus glorie'jses de ses créa-
tures, selon ces paroles du Boi-Prophète :
4M
CO»
i>i«i til admirable dttnt tet iaintt. Enfin,
disons-le avec Kichard de Saint-Victor (I. i,
c. 3, et I. IV, c. 22,- De contempt.) : « Tout ce
qui est matière de foi peut devenir par cela
m^niL- Tii.iltère de cotilemplalion. » Car,
r<inui)(> II' <iil le Docteur aogélique : • c'est
imr Ih que l'homme est en quelque sorte
l'iiruluil |i.'ir la main à la coooaissance de
Dlou. > Ainsi saint Bernard conclut (l'n Sen-
l<-ttf.)qui- I ['5 âmes saintes Irouveol en toute
choïu iiinn<;re 6 contemplation. ■ Ceui qui
ne s'occupent que de Dieu seul, en cunsi-
déranl ce que Dieu est dans le monde, dans
les anges, dans les ifaiols,dans les réprouvés,
reconnaissenldans la contemplation queDieu
est legouverneuret le maliredu monde, le li-
bérateur des liommes, les délices et la gloire
des anges; qu'en lui-même il e&t le commen-
cement et la fin, qu'il est la terreur et l'ef-
froi des réprouves ; enfin, qu'il est admi-
rable dans ses créatures, aimable dans les
hommes, désirable dans les anges, incom-
prébensible en lui-même, inesorable dans
les réprouvés. >
5* La cinquième espèce de contemplation
cliérubique est YOraiton de Mtlenee et de
(/Méttidt {¥. Becueillbueht passif ), par la-
quelle l'esprit est absorbé et plongé uans la
vérité première el dans la bonté souveraine,
avec une sorte de perception simple et at-
tentive de l'objet , qui l'empCcbe Je se por-
ter ailleurs et de considérer toute autre Terité
que celle qui l'occupe alors; et par une
contemplation toute spéciale, l'esprit jouit de
la vérité qu'il cberchait dans la méditation.
Il ne s'agit pas ici de l'oraison de silence
vocal , mais de l'oraison de silence mental ;
car nous pouvons parler et garder le silence
d'une manière mentale aussi bien que d'une
manière vocale; CD eGTet, méditer, c'csl^it-
dirc, procéder par le raisoniienienl à cher-
cher ainsi laborieusement Dieu, s'exciter à
sou amour, et lui proposer pour ainsi dire
ses doutes, comme un discijile à son maî-
tre, lui demanderde nous instruire, graver
ka doctrine dans nos cœurs par une opéra-
lion laborieuse et diicuriive, est plutAt
parler que garder le silence; le contem-
pler, au contraire, c'est-à-dire, s'abstenir de
toute opération intellectuelle produite par
notre propre effort, être instruit do Dieu
par simple intuition, et l'écouter en quelque
sorte enseignerlui-mémesa doclrine ànotre
âme par une grâce spéciale, l'âme restant
silencieuse et attentive à ses enseignements
divins , sans aucune opération, aucun effort,
mais lisant par intuition avec la plus pro-
fende quiétude ue qu'il lui faut savoir,
comme dans un livre aux caractères d'or,
c'est plutôt garder le silence que parler. C'est
ce qui arrive dans toute contemplation re-
lative b la méditation. Maisdans la contem-
plation en général se distingue certain degré
spécial, appelé contem|ilalion ou oraison de
silence, par rapport aux autres modes de
contemplation. Parfois, souvent même, le
niionce de la contemplation n'est pas tel-
lement complet, que l'âme se taise en-
tièrement, pour n écouter que Dieu soûl
NNAWE CON SM
qui lui parle intérieurement; ce silence
est interrompu par des prières, des louan-
ges et des entretiens , qui se font d'une ma-
nière sinon discursive, simple tout du
moioi; de même il peutaussisurvenirquel-
3ue inquiétude, soit involontaire, soilprft-
uite par une négligence volontaire, résul-
tant desdislracliois extérieures des sens, nu
intérieures de l'imagination ; queiquefois
aussi le silence est absolu, l'âme su lait
C'im, létcment, et n'écoute uniquement que
Dieu qui lui parle; elle est en uuelque sorte
étonnée et comme stupéfaile, elle ne trouve
plus aucune parole mentale, elle écouta
avec des signes silencieux, comme un dis*
ciple obéissant , non plus un maître mortt^l,
mais le souverain et le maître des nalio. t
nui descend du ciel pour l'instruire dHos
I endroit le plus retiré. C'est dans ce siknce
que surviennent les révélations. , les vi ions,
les extases et les ravissements.
L'oraison de silence est désignée de dif-
férentes manières par les mystiques. Od
l'appelle, 1° OtaiioH de quiéttùit, parce que
l'âme étant seule avec Dieu, on peut dire
justement qu'elle s'y repose, sans qu'aucun
mouvement vienne désormais la truubler et
l'exciter à chercher quelque chose borsde
Dieu. 2* Repos de l'âme; c'est en effet ua
saint repos que de quitter toute autre occu-
pation , pour rester fixée en Dieu seul. 3*
Oraiêon,auntrobtettrilé ; oa se trouve réelle-
ment dansl'obscurité, quand l'âmeest éblouie
plus que n'est l'œil qui tente de souteoir
l'éclat du soleil. V5i>tntnei7, morlet tombtn
de lame; c'est en fffet une sorte de sommeil,
de mort et de tombeau de l'âme , h cause d«
la privotion inhérente à cet état de toute
jouissance hors de Dieu.
II existe rétillement eo un certain sens,
dans la contemplation divine, une cer-
taine manière do prier qu'on nomme i
juste titre oraison de silence et de quiéttUle.
On le prouve,^ 1* par l'Ecriture sainte. i(
est digne de vous, à mon liim, 911' on vous
chanie des hymnes et qu'on vous honore dans
Sion par te sitence. (4nterp. du saint }ktià»B,
Ps. Liiv, 1.) C'est-à-dire, selon Batlarmin,
« il est convenable, 6 mon Dieu , de rester
d'abord dans une admiration silencieusa de
votre grandeur; el c'est avec un cœur ainsi
filongé dans le silence qu'on doit vous
ouer dans Sion. ■ Il est bon d'attendre n
silence le salut que Dieu nous promet. (JArni.
ni, 2C.} Il l'assiéra, il se tiendra soli-
taire, et il se taira , parce qu'il a mis ce jovg
sur lui. (/(ti'd-, 2S.1 Le Seigneur vous tien-
dra toujours dans le repos ; il remplira veiri
âme de su splendeurs. {Isa, Lvtii, 11.) ^
bien-aimi du Sei^eur detueurera en lui aeet
confiance; H habitera tout lejour eommedans
sa chambre nuptiale et il se reposera entre s»
bras. {Deut. xxxiii, 12.) Apprrnex de moi
et vous trouverez le repof dans vos dmrs.
(il/affA. XI, 29.) D'autres textes défiiijneiit
sous d'autres noms celte oraison du silence.
Elle est celte obscurité dont il est dit : JfoiM
t'approcha de Vobscuriléoû Ùituétait. {Exod.
xï, 21.) Plus rame en effet s'api-roclie du
Mf CON ft-ASCI
Dieu par la conlfiiiiplalion , plus elle est obs-
curcie en Toyant et silencieuse en écoutant.
C'est ce repos dont parle le R'oi-Propbète
(J*>. XLT, 11) : Tmtx-vouM dont U rtpot et
vogex que je suit Dieu. Ce sommeil da livre
desCanliquet (ii, T] : Je coui m eofijurr....
n* Iroublex pas Itsommeil démon bien-aimé,
ne réeeilles pas. — Je dors, mais mon enur
veille. [Cant. n.) Saint Bernard [serm. SSi'n
Cimt.)f Corneille de la Pierre, saint Grégoire,
etc., appliquent ces paroles i l'oraison de
qaiéiude. Elle est cette mort dont parle l'A-
pdtre.(Co/o>i. m, 3.) Vous êtes morts,etvotre
rie est cachée avec Jésus-Christ en Dieu. Go
tombean dont il est parlé an livre de Job
(m, ffi) : Us se réjoAûroni vivement, lors-
qu'ils trouveront le tonneau. Saint Grégoire
ri. T Mot., c. 5) applique anssi ce passage à
U conlemplalion. — 2* Par les saints Pères.
Saint Deiiys (I. ii T'A. myst., c. 1) reconnatl,
au sommet delarie mystique, une manière
dont l'Ame est instruite parla sainte Trinité,
et qui consiste dans rooscuriti éblouissante
du silaue qui nousrévile les viritis seeritts.
Il eD donne ainsi la raison (c. 3) : « Plus
DOus nous éle?ons vers les hauteurs subli-
mes, plus les paroles nous manquent pour
rendre les impressions produites en nous
par ce divin spectacle. Aussi, quand nous
entrons alors dans cette obscurité qui sur-
passe notre esprit, nous ne pouvoiisplus nous
lirrer & l'oraison, nous ne trouTOns plus
que le silence el la privation de l'intel-
ligence. > — ■ Quand le tumulte de la cbair,
quanj la terre, l'eau el l'air, quand toutes
les créatures ne parlent plus&l'âme, l'âme
se lait alors, et s'élève au-dessus d'elle-
mtme , uniquement sttentiTe aux paroles
de l'Auteur de la création. «[Saint Aggcstit,
1. IX Conf,, c 10.) Saint GréKOire exhorte
ainsi les esprits conteuiplatiTs (I. xxx Mor.,
e. 11) : «Qu'ils réchercne^ten eux-mêmes
un endroit secret , k l'abri de tout bruit du
dehors, pour s'entretenir inlérienreiDent et
silencieusement avec le Seigneur Le ciel
est appelé l'Eglisedes étns; cette Eglise s'é-
JëTe vers lessublimités éternelles sur les ailes
de la contemplation, et comprimant le tu-
multe de ses pensées, impose silence ètoutce
Ïuî pourrai! en elle-même la détourner de
lieu.s Hugues de Saiut-Victor dit aussi (1. ii
De anima, c. 20): ■ Qusndl'esprit commence
par la pure intelligence è s'élever au-dessus
de lui-même, el à entrer tout entier dans la
cUrtô de la lumière incorporelle.... la partie
la plus pure de l'Ame pénètre dans le sanc-
tuaire de la quiétude intérieure et jouit des
douceurs mystérieuses d'une tranquillité
ftfofonde. ■ Saint Bonaventure {Optuc. de
TU grad. conlempl.) caractérise en ces ter-
mes l'oraison de quiétude : «Elle consiste
dans un repos merveilleux de l'Ame tout
entière el dans une suave tranquillité, ré-
snllanl de cette délicieuse douceur que ré-
God en nous ta fréquence d'oraisou.* Saint
nrent iuslinien,Thauler, Blosius, Ger-
son, saint Jean de la Croix, saîate Thérèse,
admettent cette oraison de silence et de
quiétude. 3* Par la raison : l' C'est le pro-
pre des a/fecliotu et des objets , quanJ ils
dépassent la portée de notre intelligence,
de ne pouvoir se rendre ni intérieurement ,
ni extérieurement par parole; T -; :il I. -
meure uniquemEiil occupé i voir i ,> i m -
dre, et s'enorce en silence de ;:.jif']r'i:t {i,'u
des signes k ce qu'il ne peute. .iijirj..
desnaroles.Doncdanscertainesrj i
de la contemplation divine, Ir
fiarle et se fait voir aux Ames s.
es-ci , uniquement attentives
entendre, restent plongées dans une sorte
d'étonnement silencieux; d'autant plus que
l'admiration, comme l'elTet principal de la
conlemplalion, les transporte au point de
les rendre incapables de parler. Cette cir-
constance se présente surtout quand la
grandeur de l'objet, c'est-à-dire des choses
divines, éblouit les yeux de l'espril, em-
brase l'Ame d'un si ardent amour, qu'il
s'exprime mieux en silence que par des
paroles. 2* Plus on connaît Dieu , el plus it
semble au-dessus de toutes les paroles de
la bouche et du cœur. Il ne sufEt pas, en ef-
fet, d'aflirmer les perfertions de Dieu, si l'on
ne nie les imperfections ; il ne suHlt pas non
plus de nier qu'il ait aucune imperfection,
si l'on n'en allirme les perfections; d'ailleurs
celte négationetcetteauirmation elles-mêmes
ne sont pas sufllsantes, si elles ne se font
d'une manière infinie. Or cela est au-dessus
des forces d'une créature misérable et
finie, même dans la manière de connaître.
Il n'est donc pas de meilleur moyen pour
l'Ame, plongée dans une si grande obscurité,
que de recourir au silence, oii seule elle
trouve le rejKis; c'est en cela que consiste
l'oraison de silence el de quiétude.
Louis Du Pont rapporte dans la Vie de Bal-
thazar Alvarez (c. 41], que celui-ci ayant re^u
du général de la Société l'ordre de rendra
compte de la manière dont il faisait Torai-
son [et c'était l'oraison de silence et de quié-
tude], fut obligé de réfuter les objections
qu'on lui opposait, et qui étaient les suivan-
tes : 1* Dans l'oraison de silence, l'Âme ni
ne médite, ni ne raisonne; on perd donc un
temps qui serait plus utilement employé
dans la pratique de la vertu. — R/p. Ce re-
pos de rame est la plus importante de ton*
tes les actions; bien qu'alors cessent les opé-
rations de l'intelligence sur les mystères
fiarticuHers, rien n arrête l'aclino do ta vn-
onté dans la considération de Dieu, qu'ellH
contemple avec les yeux de la foi. De là ré-
sultent l'admiration, l'action de grâces, la
joie des divines perfections, l'amour, la ré-
signation et les autres sentiments que sng-
gère l'inspiration du Sainl-Esprit. — 2* il
semble que ce soit une erreur des pseudo-
illuminés, de négliger la mr^ditalion, pour
attendre que Dieu nous parle daqs l'oraison
de silence, qu'il nous inspire et qu'il se ré-
vèle à nous : c'est en quelque sorte tenter
Dieu. — Bép, L'orajson de silence ne se
trouve jamais chez les commençants, è moins
d'une spéciale inspiration divine, mais seu-
lement chez ceux qui dépuis lon^emps
s'exercent à la méditation. Si Dieu Tes ap>
S93 CON UCTK
pelle à ce genre d'oraison, loin de désirer et
il'flltendre les révélations divines, ils s'ap-
pliquent alors à reconnaître la présence de
Dieu etè s'exercer aux différents sentiments
(jiiQ mjii^ 'ivons indiqués: et.su lieade ten-
terJÛeu. i!^ ne font qu'obéir fa sa voix qui
ICJ^Qipct'' Au contraire, les pseudo-illumi-
II.';, ; Il ■ cation ni disposition, sans au-
n de conduite, sans aucun exer-
,us solides, tentent, avec une
témérité, de se livrer à celte
quiétude contemplative. — 3* On ne peut
sârement reconnallre si c'est Dieu qui nous
appelle dans cette voie, et non un secret
orgueil, ou un certain amour de la douceur
spirituelle. — Rép. La. vocation divine se
rcconnaU aux fruits de celte contemplation.
Si le cœur brûle do l'amour divin ; s'il se
conforme égalt^menl h la volonté de Dieu,
dans la prospérilé comme dans l'infortune;
s'il s'efforce enGn d'imiter Jésus-Christ, le
modèle de toute perfection, surtout dans le
mépris de soi-même, dans l'abnégation do
sa volonté propre et dans l'accom plissement
des ordres divins, il ne peut plus exister
itucua doute sur la réalité de la vocation. —
V L'oraison de silence excite ceux qui la
protiquent i la vaine gloire, au mépris des
autres et & la désobéissance envers les su-
périeurs qui prescrivent une autre voie;
elle détourne aussi àes œuvres de charité
envers le prochain, et est très-nuisible à la
santé du corps, si nécessaire pour remplir
ses obligations. — Bép. De tels inconvé-
nients proviennent, non de l'oraison de si-
lence, mais de la faiblesse, du peu de dispo-
sitions et de l'imperfection de la personne
qui, s'y livre; l'oraison de silence, au con-
traire, excile fa l'humilité la plus jirofonde,
fa l'obéissance la plus exacte et aux œuvres
de cbarllé les plus parfaites, cl elle ne nuit
nullement fa la santé du corps, si l'on sait
en user avec prudence et discrétion. —
5° L'oraison de silence absorbe l'homme,
au point de lui faire négliger toute dévotion
envers les saints, les anciennes formules de
prières, l'otEce canonique lui-même, et les
prières pour Ips besoins publics ou particu-
liers.— Rép. Rien, aucontraire, n'enilamme
cette dévotion comme l'oraison de silence;
car elle disjose fa ce repos où, sans rien de-
mander expressément, on demande et on
obtient beaucoup plus en réalité, parce que
Dieu connaît parfaitement les vceux et les
désirs de l'Ame en cet état, vœnx que d'ail-
leurs elle lui a souvent exposés en dehors
de celle oraison de silence. ~ 6° Celte ma-
nière de prier singularise ceux qui la prati-
quent, et Jette le trouble dans Tes commu-
nautés. — Rép. Il n'y a Ifa aucune singula-
rité, parce que les personnes que Dieu n'ap-
pelle pas spécialement fa ce genre d'oraison
doivent se conformer oui pratiques com-
munes, C[ui disposent fa cet éiet et le font
naître. D ailleurs.l'oraison de silence ne jette
aucun trouble dans les communautés, parce
qu'elle est un privilège pour un petit nom-
bre d'âmes parfaites, que Dieu appelle à s'é-
lever au-dfssus des voies communes, qui no
COïi
6U
sont pas toujours d'une complète perfection.
Dans cette oraison de silence et de quié-
tude, il n'y a pas pour l'âme suspcnsian de
tout acte d'amour et d'inlelli^ence. 1* Les
textes sacrés nue nous avons cités plus haut
ne recommanuent pas un silence de stalue,
mais le silence de Pâme, afin de mieux voir
et entendre : Ecoute, ma fille, et voit. [Pi,
XLIT.) On ne promet pas un repos de pierre,
mais celui d'un disci|jle, qui n'est pas pure-
ment passif, mais qui reçoit avec enipresi^e-
meat les enseignements de fod divin maî-
tre, et qui y trouve une douce quiétude.
Apprenti de moi et vous trovterex le n-
?ot. [Matlh. XI, 29.) L'Ame n'entre pas data
obtcurité pour ne plus rien voir absola-
ment, mais pour connaître qu'elle contem-
ple une lumière inaccessible. Elle ne t'en~
dort pas tout entière, mais le cœur reste
éveillé: elle ne meurt pas d'une mort qui
exclut toute vie, mais elle se réjouit au fond
de son tombeau, tani il est vrai que les actes
d'intelligence et d'amour ne sont nullement
suspendus. Saint Paul, dans sod ravisse-
ment extatique, saint Jean, dans son Apo-
calypie, loin d'être paralysés dans ces facul-
tés, eurent bien des choses fa connaître, fa
apprendre et fa aimer. 3° Selon saint Denys
[fh. muit., c. 1), celui qui, comme Moïse,
entre oans l'obscurité mystique de l'igno-
rance, ■ se rapproche davantage de Dieu,
qui lui est inconnu, par la cessation de toute
connaissance; et, par cela même qu'il na
connaît rien, il élève son esprit fa une con-
naissance supérieure. » — ■ Le contempla-
teur, dit saint Augustin (I. xix Deciv., c. 19),
ne doit pas rester oisif, an point d'oublier
dans celte quiétude les intérêts du pro-
chain Dans cet état, on oe doit fis se
livrer fa une oisive jouissance, mais recher-
cher et découvrirla vérité... L'ardeurfa con-
naître la vérité n'est inienlite à personne;
elle est même le caractère du repos contenir
plalif, vraiment digne d'éloges. ■ — ■ Ce que
nous savons de Dieu n'est réellement véri-
table, dit saint Grégoire (I. vJIfor., c. sè),
que lorsque nous éprouvons pleinement que
nous ne pouvons rien savoir de lui. ■ Saint
Bernard, expliquanl le sommeil de l'Ame et
les entreliens qu'elle a avec le Verbe divin,
s'exprime ainsi (serm. US in Canl.) ; « Lo
Verbe lui parle en la combianl do ses fa-
veurs; l'Ame lui répond par des sentiments
d'admiration et d'actions do grâces. ■ 3* Toute
oraison, surtout l'oraison mentale, et cod-
séquemment toute contemplation, consiste
dans un aclo d'intelligence et de volonté:
l'intelligence et la volonté subsistent donc
dans l'oraison de silence et de quiélHile.
D'ailleurs la contemplation, en général, se
déBnit une intuition eimple de la véritt,
jointe à une ardente affection de la volonté;
elle consiste donc dans un acte d'intelligeece
et de volonté ; il en est donc ainsi de la con-
templation de silence et de quiétude, iiui
serait autrement un repos vraiment oisif et
un sommeil semblable au sommeil nature).
Les quiéti&les, au contraire, exaltent avec
exagération l'excellence de l'oriâson lie quié-
CON
^'ASCETISME
CON
tade. Noos renToyons k Tarticle QciéTisiiBt
pour l'ei position et la réfutation de leurs er-
reurs en celte matière.
Afin de distinguer la réritable et sainte
oraison de silence et de quiétude de celle
qui est fausse et périlleuse» nous propose-
rons les règles suivantes.
1. Tandis que Dieu parle è Tâme dans le
silence de ToraisoUy celle-ci doit an moins
ï^eouieTt si elle ne peut s*entretenir avec
lui. Car Dieu parle a rime, éclairée d*une
lumière surnaturelle, par nos actes inlel-
Itctuels indéiibéréSy qui nous indiquent
H volonté divine ; par des inspirations per-
suasives, ou des jugements plus nette-
ment exprimés ; mais comme ces actes sont
des actes vitaux, ils ne peuvent se produire
sans une coopération au moins indélibé-
rée de notre part ; ainsi nous pouvons en-
tendre les paroles divines et les conserver
en nous sans aucun effort vojontaire. Mais
si nous nous y montrons volontairement
attentifs, si nous nous efforçons de mieux
percevoir les enseignements divins et de
les mettre en pratique, si nous écartons
tous les obstacles qui pourraient nous en
d<';;ourner, alors nous coopérons, nous ou-
vrons volontairement en quelque sorte les
oreillos pour mieux entendre , selon ce
précepte IP'oL lxiv ) : Ecoute , ma fille^
et prête V oreille. Nous voyons ainsi de
quelle manière Dieu nous parle, d*abord
par des actes indélibérés, qui uo [)euvent
rester inaperçus pour Tâme, au moins in-
Tolontairemcht; râroe alors, excitée par la
dévotion, est saisie d'une admiration silen-
cieuse, ou transportée du plus ardent
amour.
H. L*Ame, quand Dieu lui parle et se
manifeste clairement à elle dans Toraison
de silence, doit au moins lui répondre dé-
Totement par des affections d*amour et
d*admiration, comme par autant de paro-
les intellectuelles, c L*bomme doit parler
à Dieu, dit le P. Suarez j[ De orat.^ c. 13),
quand il désire en obtenir quelque chose
et qu*il lui exprime ce désir ; son langage
alors doit avoir Dieu lui-même pour objet,
et commencer par Dieu oui excite ses alfec-
tions et dirige son intelligence. Et cepen-
d<int ce n*est pas Dieu qui parle, bien quM
soit le principe de son intelligence et de
ses opérations ; c*est Thomme qui parle,
en tant que, coopérant à la grâce de Dieu ,
il lui exprime ses sentiments... Ce langage
de rhomme peut cesser dans la plus haute
contemplation, alors que TAme, par un acte
simple et par une sorte d'intuition, se
présente à Dieu et se le rend présent ; elle
s*unit à lui par une intime affection, et
est en quelque sorte tellement absorbée en
lui, qu'elle devient incapable de lui parler.
On dit justement alors qu'il se produit dans
rame un silence intérieur et spirituel; et
c'est ainsi qu'il faut comprendre les doc-
teurs mystiques et .les personnes spirituelles,
j'jrsqu'elles parlent de Toraison de si-
lence. 9
m. Si donc tout acte d'intelligence et
d'amour cpssedans la personne attentive
aux paroles de Dieu» et lui répondant par
l'amour et les autres affections que nous
avons indiquées', dès lors l'oraison mentale
ne peut ni commencer» ni persévérer, et
encore moins la contemplation et l^oraison
de silence, pourvu toutefois que celle sus-
{ tension soit délibérée. Car si elle est indé-
ibérée et involontaire, l'oraison, bien que
moins parfaite, peut encore persévérer.
Mais la cessation volontaire et délibérée est
coupable, et à ce titre empêche Télévation
de l'âme vers Dieu k l'oraison ; par consé-
quent l'oraison de silence ne peut plus sul)-
sister.
IV. Quand Dieu appelle è Toraison de
silence, il faut absolument lui obéir, comme
pour la contemplation. « Si le Seigneur, dit
Blosius (Spect. spirit.f c. 11], veut opérer
en vous quelque merveille particulière,
ne l'en empêchez pas, conformez-vous doci-
lement à sa volonté, et nourrissez sans cesse
en votre cœur des sentiments de sainte hu-
milité et de mépris de vous-même. »
V. Il faut toutefois se bien garder, en
l'absence de la vocation ou des dispositions
requises, de s'introduire témérairementdans
l'oraison de silence et de quiétude, sous
peine de tomber danâ les erreurs du quié-
tisme ; ce serait vouloir tenter Dieu , qui
n'a pas promis de nous donner cette grâce,
toute gratuite. « Efforcez-vous, dit encore
Blosius, de plaire à Dieu de plus en plus, et
soyez toujours satisfait des grâces que dai-
gne vous accorder le Seigneur. » {Loc. cit.)
L'exacte observation du silence de la
bouche est une excellente disposition à
Toraison de silence, comme aussi à toute
méditation et à toute contemplation. « Le
silence et l'oraison, dit Louis Du Pont (tr. h
Duc. spir., c. 16, | 2), se prêtent un mu-
tuel secours avec une merveilleuse familia-
rité : le silence dispose k l'oraison, et l'o-
raison nous invite au silence. > Rien en
effet ne dissipe plus le cœur sur les objets
terrestres que la loquacité, ainsi que 1 ex-
périence le prouva- Si quelqu'un croit avoir
de la religion et ne met pa$ un frein à ta
langue, il trompe son propre cœur et $a reli"
gion est taine. Jac. i, 26.) Saint Grégoire
fl. vil Hor., c. 18), à propos de ce passage :
Vous jetez vos paroles au vent^ compare
l'esprit humain a de l'eau qui se soutient,
tant qu'elle est contenue dans un vase,
mais qui se répand inutilement quand elle
cesse d'être contenue. « Que de paroles inu-
tiles, comme autant de ruisseaux qui l'en-
traînent au dehors, viennent troubler son
silence et son recueillement 1 Bientêt il ne
peut plus se connaître intérieurement lui*
même, parce que la futile abondance des
paroles a dispersé au dehors tous les fruits
de sa dernière méditation. » Ce n'est pas
seulement s/iir la langue, c^est aussi sur
les oreilles que doit veiller avec soin qui-
conque désire se disposer à l'oraison de
quiétude. Celui qui ne ferme pas l'oreiHe
aux choses inutiles pourra difficilement
s'emf 4cher d'en parler, et aura de la peine
CON
DlCtlONNAIRE
GON
m
à perceToir intérieurement les choses diri*
nés. Entourez vos oreilles d'une haie d'épi--
ne$9 dit le Sage« et fCicovdez pas les mauvaises
langues. [Eccli. xiyiii, 28.) « Que celui qui
Teut éviter les distractions demeure solitaire»
dfl Tabbé Cyzin. {In prat. spir. vit. PP.^
1. X, c. 187.) Que celui qui veut contenir
sa langue terme ses oreilles. » Hugues de
Saint-Victor (I. ii De elaus. anim.^ c. 20}
exhorte les religieux à s'abstenir d'écou-
ter les rumeurs mondaines. « Bien des re-
ligieux, dit-il, aiment à s'entretenir des rois,
à raconter les exploits des guerriers, à
défendre tel ou tel parti , à prendre fait et
cause pour hii ; enfin ils s'occupent de
choses qui leur sont tout à fait étrangères.
Ils ne doivent pas s'occuper des luttes entre
les princes de la terre, mais des combats
contre le démon. Que ce soit lè, mon très-
cher frère, votre seule occupation, et mépri-
sez tous les bruits du dehors. » {Voy. Re-
CUEILLEMEffT PASSIF.)
De la CONTEUPLATIOIf SÉRAPHIQUB. — La
contemplation séraphioue ou affective est
celle qui, parmi les aeux actes d'intelli-
gence et de volonté dont elle se compose,
brille surtout par celui de ces deux actes
qui est le plus affectueux, le plus ardent et
lu plus brûlant de charité.
La contemplation séraphique est donc la
perfection de la yolonlé et de la charité,
ainsi que de toutes les vertus morales qui
sont comme les servantes de la charité, et
qui résident dans la volonté. Aussi, quand
la contemplation séraphique s'élève au
degré sublime, toutes les vertus qui sont
dans la volonté s'élèvent et se pefeclionnent
en même temps. C'est donc une erreur de
croire que la charité puissedevenir parfaite,
sans un accroissement parallèle de perfec-
tion et d'intensité pour les vertus morales.
Bien plus, la contemplation séraphique
ajoute une nouvelle excellence à la charité
théologale. D'abord elle enflamme l'amour
divin d'une ardeur nouTelle et beaucoup
plus vive. Elle fait ensuite reiaillir sur lui
un nouvel éclat, et le transforme en une
sorte de Qamme chaleureuse, éclatante et
aplendide, qui lui fait ap|:)ara!tre les choses
divines sous un nouveau jour. Enfin elle la
rend semblable à de la cire amollie, sur la-
quelle se gravent les modes variés et mer-
veilleux de l'amour. L'flme alors parle avec
Dieu dans cette langue amoureuse par la-
quelle les séraphins ont coutume de lui ex-
primer toute leur ardeur. Elle s'entretient
avec lui, en paroles de feu, do ces mystères
d'amour dont Dieu ne donae l'intelligence
au'à ceux qui l'aiment. Et plus s'étend ce
ivin incendie d'amour, plus s'éteint le
désir des choses terrestres; plus l'Ame s'at-
tache au Créateur, plus elle se détache des
créatures. Elle n'éprouve plus que dégoût
pour les plaisirs du corps; la douceur des
jouissances de la terre lui semble pleine
d'amertume; elle méprise les honneurs;
elle dédaigne toutes les choses d'ici-bas ;
elle ne trouve de consolation que dans la
pensée de la mort et de la vue de Dieu,
dont elle jouira sûrement pendant toute
l'éternité.
11 ne faut pas se faire illusion au point
de se croire arrivé à la sublime contempla-
tion séraphique, tant qu'on néglige la pra-
tique des vertus morales. Nous le démon-
trons ;
!• Par l'Ecriture sainte. — Notre Sauveur,
prêchant la perfection évangélique sous le
nom des béatitudes, et désignant aussi par
là la i:ontemplation, recommandait surtout
l'exercice des vertus morales évangéliques.
La contemplation séraphique doit donc être
accompagnée d'une pratique sérieuse de la
vertu. Car ceux-là seuls sont appelés bien-
heureux, qui souffrent volontairement l'ha-
milité et la pauvreté, qui sont doux, qui
pleurent, qui ont faim et soif de la justice,
qui exercent la miséricorde, qui ont le
cœur pur, qui sont pacifiques et qui souf-
frent avec courage. Et quand l'Afiôtre
[Gai. v) énumèreles fruits que produit l'Es-
pril-Saint dans une âme parfaite et contem-
plative, il cite presque toutes vertus morales
et pratiques, telles que la charité, la joie, la
[)aix, la patience, la bienveillance, la tionté,
a longanimité, la douceur, la foi, la mo-
destie, la continence et la chasteté. Aussi
dans les procès de canonisation a-t-on soin
de rigoureusement examinersi les serviteurs
de Dieu ont praliq[ué les vertus morales.
(Benoît XIV, Cou., l.iii.)
2" Par les SS. Pères. — « La pratique des
vertus (cardinales) nous conduit h la con-
templation de Dieu seul. » (Saint Augustin
inPs. Lxxxiii.) Paroles oui peuvent s'enten-
dre, non-seulement de la contemplation de
la patrie, mais encore de la voie. Saint Ba-
sile (m Reg. fusio. c. 7) regarde la vie soli-
taire comme moins propre à cette sublime
contemplation; car le solitaire court risque
c de se croire arrivé à une complète perfec-
tion Il en résulte que tenant assidûment
comprimée et pour ainsi dire enfermée
cette disposition naturelle qu'il a pour la
vertu, il n'a plus l'intelligence de ce qui lui
manque, ni la connaissance des progrès
Su'il lui reste h faire dans la vertu. » Saint
limaque [ScaL^ gr. 27) dit aussi : « Il est
dangereux de nager avec ses habits ; de même
l'esprit enclin au vice ne peut avoir l'intel-
ligence des mystères divins et des secrets
de la théologie. » Selon Cassien (collnt. ix,
c. 1) : « De même que la structure do toutes
les vertus tend à la perfection de l'oraison,
de même, si celles-ci ne sont pas réunies par
ce lien sublime, elles no pourront avoir ni
durée, ni solidité. »
3" Parla raison.— La perfection chrétienne
s'atteint et s'exerce par la contemplation,
surtout par la contemplation séraphique;
or cette contemplation est principalement
excitée par la charité, qui est le lien de la
perfection, et cette charité doit être non-
seulement affective, mais encore etTective.
Donc, de même que la charité affective
s'exerce surtout dans la contemplation séra-
phique, de même la charité effective doit
s'exercer par les actes des vertus morales.
GON
D'ASCETISME.
CON
510
La coDlemplalioD séraphique se divise en
différents deç^s.
I. Le premier est la contemplation de feu^
qae saint Bonarenture décrit ainsi {Tr. de
TU or. emUempL^ Çr.l) : « C'est le feu ardent
de la chaleur dirine, ou cette fenreur d*a«
mour échappée dn foyer de la Jérusalem cé-
leste. Quand TAme contemplative on active
se Itvre tout entière à Toraison en présence
de Dieu, elle ressent tout à coup la chaleur
de ce feu, qui TenTironne d'une splendeur
radieuse, qui Tembrase, qui allume en elle
des mouvements et des affections pleines
d'ardeur. Elle reconnaît la présence oe Dieu
el elle s*en épouvante. Dieu augmente l'ar-
deur du feu dont elle est embrasée, et nour-
rît les affections que ce feu a fait naître,
afin d'accroître l'intensité de l'incendie, en
lui fournissant sans cesse de nouveaux ali-
ments. » Cette description, comme aussi la
contemplation de feu elle-même, est fondée
sar l'Ecriture sainte. Ses lampes éiaieni des
lampeM de feu^ ou, selon le texte hébreu, des
ekarbans ardents. {Cani. Tiii, 6.) Ne senlioiM-
nous pas noire eaur embrasé? {Lue. xxiv, 32.)
Saint Denys {De eal. hier.,, c* 15) expose la
nature et les propriétés du feu, pour en con-
clure que ce symbole est à juste titre em-
ployé car les saintes Ecritures et par les
théologiens, leurs interprètes, pour designer
la nature de Dieu et des anges, des séraphins
surtout, et les propriétés du divin amour
dont ils brûlent pour Dieu, pour eux-mêmes
et pour les autres.
Le P. Godinez {Prax. th. mysi.^ I. ti, c. S)
explique parfaitement la contemplation de
feu par la similitude du feu et par ses effets.
De même, en effet, que le feu élémentaire
se compose, pour ainsi dire, de différentes
particules, dont les unes, douées d'intensité,
de densité et de puissance calorifique, pénè*
Irent les parties intérieures du bois, et les
autres, subtiles, agiles et éclatantes , s'en
vont en flammes; de même le feu de la
contemplation a certains actes unitifs avec
Diea, doués de beaucoup d'intensité et de
chaleur, et tendant à pénétrer vers l'inté-
rieur de l'âme avec de vifs mouvements af-
fectueux et une réunion complète de toutes
les puissances vitales. Et de môme que plus
le feu pénètre un charbon ardent, plus il se
lotime en cendre légère, qui le recouvre et
le iait durer plus longtemps; ainsi plu^ ce
feu du divin amour pénètre intérieurement
dans l'Ame, plus il se recouvre de la cendre
de notre propre connaissance, et mieux ce feu
de la charité se conserve par l'humilité. Si
Ton jette sur des charbons embrasés quel-
ques grains d'encens, ils s'élèvent tout à
coup en une fumée abondante et d'une odeur
suave; ainsi quand l'âme brûle des affec-
tions ardentes de l'amour divin, ce feu de
l'amour exhale les délicieux parfums des
vertus morales : alors l'âme aime, adore; elle
aime et s'humilie; elle aime et se résigne,
et aspire à obéir; elle aime et souhaite 1rs
souffrances; elle aime et déplore ses péchés
passés : et cetamour enfante les ravissements,
leb extases et les autres effets merveilleux
de la sublime contemplation. Enfin cd
amour excite i la pratique des vertus moRiles
3ui sont le plus en rapport avec la condition
e chacun. Cette contemplation toujours ex-
cellente toujours réclame l'accomplissement
des obligations que l'on est tenu de remplir.
II. Le second degré de la contemplation
séraphique est la contemplation de fiamme^
?|u'on peut ainsi définir, d'après saint Denys
L. de cal. hier., c. 15) : C'est une contem-
plation dans laquelle le fende l'amour divin
est « sensible, éclatant, illuminatiff brillant
de splendeurs cachées , élevant vers le ciel,
pénétrant profondément, sublime : il ne peut
être négligé : il brille naturellement et pro-
prement, en consumant, comme une flamme
vengeresse. » Cette contemplation de flamme
est mdicjuée par l'Ecriture sainte : Pendant
ma méditationfUn feu s* est enflammé dans mon
eesur. {Ps. xxxvni, !►.) Mon cœur s* est enflam--
mé. {Ps. Lxxii, 21.) Le livre des Canttques,
en parlant da l'amour divin, ne dit pas seu-
lement (vni, 6) : Ses flambeaux sont des
flambeaux de feu^ il ajoute encore et de
flamme, ou, selon la version des Septante,
ses ailes sont des ailes de feu et de flamme.i La
charité est excellente, dit saint Ambroise
!L. de Isaae.y c. 8), quand sur des ailes de
èii elle vole dans le cœur des saints, et
brûle tout ce au'ii y reste de matériel et de
terrestre : son leu éprouve tout ce qu'ils ont
de pur el de sincère, et améliore tout ce
3u'il touche... Prenons donc ces ailes, qui
irisent, comme la flamme, vers les régions
supérieures. Qoe chacun dépouille l'enve-
loppe souillée de son âme, et que le feu la
purifie comme l'or du limon qui la recou-
vre. > Nous pouvons, .avec Louis Du Pont
(I. X in Cant., exhort. 10, f 3), définir en
peu de mots la contemplation de flamme,
« une contemplation dans laquelle l'amour
divin détache des choses.de la terre, fait agir
en toute circonstance pour la gloire de Dieu,
et ne recherche et ne goûte que les choses
du ciel. >
Le p. Godinez explique encore la contem-
plation de flamme par ses effets, au moyen
de la comparaison du feu et de la flamme.
(L. viu, c. 3.) De même que le feu élémen-
taire se compose de certaines parties subti«
les, brillantes, ténues et transparentes, qui
se transforment en une flamme etincelante et
splendide et s*élèvent avec une rapidité na-
turelle vers les cieux, de même les actes de
l'amour contemplatif de flamme sont des ac-
tes vitaux, subtiles et agiles, qui enlèvent
avec anxiété vers son Dieu le cœur de Ta-»
mant, en lui inspirant le désir de le voir et
d'être délivré des liens du corps, pour s'unir
avec lui d'une manière plus intime. Ces af-
fections se transforment parfois en une
secrète anxiété qui afiliçe tendrement le
cœur et tourmente délicieusement l'âme,
parce qu'elle ne peut être délivrée du corps
aussitôt qu'elle le souhaite, pour s'unir plus
vivement à son bien-aimé, qui lui est inti-
mement présent dans la partie intellectuelle
r»ar la simple connaissance d'une foi vive el
umioeuse. Cette connaissance excite dans
5it
CCN
DICTiONNAïaE
CON
m
la volonté une sorte de flamme amoureuse,
oi embrase tout l'intérieur do l'âme des
rives flammes de l'amour. Cette flamme se
mmifoste quelquefois par des effets exté-
rieurs, comme cette blessure du cœur que
r6S<:entait sainte Thérèse, comme ce craque-
ment d'os qu*éprouvait saint Philippe de
Néri ; toutefois ces effets, dans la haute con-
templation et union avec Dieu, ne se font
plus sentir à la partie supérieure de râmo,
qui n'est plus animée que de sentiments de
retenue, de modestie, de circonspection,
d'humilité, et d'attention vigilante sur nos
propres misères et nos faiblesses.
Do tous les effets de la contemplation do
feu et de Qamme, le principal et le plus im-
portant, celui qui accompagne et suit l'une
et l'autre, c'est l'humilité. {Voy. le mot Hu-
m. Le troisième degré de la contempla-
tion séraphique est la contemplation <\e con-
formité et de résignation, danslaquelle l'âme,
faisant abnégation de tout jugement et de
toute volonté personnelle, conforme avec
fidélité et résignation tous ses désirs et
toutes ses déterminations au bon vouloir de
Dieu: Saint Paul nous en donne un exemple,
lorsqu'au moment de sa conversion il fut
élevé tout à coup, par un privilège spécial,
h la plus haute contemplation (Aci, ix, 8) :
Saul se leva de terre^ et ouvrant les yeux, il
ne voyait rien. Et il disait : Seigneur, que
voulez vous ^ue je fasse? « Heureux aveugle-
ment I s'écrie saint Bernard ( serra. 1 De
conv, S. Pauli), que celui qui frappe
pour une conversion salutaire des yeux qui
ne voyaient autrefois que pour commettre
le péché.... Qu'il est rare de rencontrer une
forme aussi parfaite d'obéissance, au point
de faire abnégation complète de sa propre
volonté, d'abdiquer jusqu'à la propriété do
so 1 cœur, et de rechercher sans cesse non ce
qu'on désire, mais ce que Dieu veut ! »
Voici comment le P^ Godinoz (Prax. th.
myst., I. VI, c. 4) explique la contemplation
de résignation par ses effets : « De mémo
que l'artiste, après avoir soigneusement pré-
paré et purifié le verre par le feu, .après
l'avoir débarrassé do tout mélange de terre
formant opacité, lui donne à son gré la figure
d'une vierge, d'un martyr ou d'un autre
saint confesseur; de même Dieu, quand il
trouve la volonté suffisamment amollie, pure,
tendre, sans aucun désir, sans aucune affec-
tion pour les choses transitoires, pure dans
l'intention, nue dans l'abnégation et solide-
ment fondée sur l'humanité, lui communi-
que tout à coup une sorte de subtilité ansé-
lique pour comprendre et de flamme séraphi-
que pour aimer; alors s'élèvent dans l'âme,
embrasée de ce feu divin, de vifs désirs
d'être martvrisée pour son bien-aimé et do
redoubler de pénitences et de mortifications;
elle n'a plus que du mépris pour les choses
humaines, elle ne goûte que colles de Dieu,
elle s'efforce avec une parfaite docilité d'ac-
complir la volonté de son bien-aimé. Aussi
met-elle tous ses soins, toute son attention,
k rechercher ce qui peut lui plaire. Les
tourments lui sont doux, si c'est la volonté
de Dieu qu'elle soit tourmentée; les oppro-
bres lui semblent des honneurs ; elle re^rJe
comme précieux des haillons déchirés : ^es
jeûnes, les cilices, les flagellations ne sont à
ses yeux (qu'une trop légère pénitence. Si
Dieu lui faisait connaître que sa volonté sera
qu'elle aille en enfer, elle se rendiait en en-
fer de préférence au ciel. Et si par simple
intuition elle aperçoit les tourments des
damnés, môme de ses parents et de ses amis,
loin de s'en attrister, elle s'en réjouit, parce
que la volonté divine s'accomplit en tous. »
Toutefois, ce dernier sentiment, pour ne pas
dégénérer en exagération, a besoin d'ôlre
contenu par des règles spéciales que noas
allons exposer. ( Voy. QuiérisnB, Maiimes
DES SAINTS.)
1" Dans la contemplation séraphique de
conformité peuvent se produire avec utilité,
Ear une inspiration toute particulière de
^ieu, des affections extraordinaires de l'a-
mour divin, en vertu desquelles on peut
souhaiter d'aller en enfer, et se réjouir des
tourments des damnés, mèraedeses parents,
parce qu'ainsi s'accomplit la volonté divine.
Ce fait est prouvé, l"* par r£criture sainte.
Moïse nous en donne un exemple, quand il
dit : Pardonnez-leur celte faute, ou, sivo\u
ne le faites pas, effacez-moi de votre livre (jut
vous avez écrit. (Exod, xxxii , 31 et 32.) Saint
Paul disait aussi : J'eusse désiré moi-même it
devenir annlhème à l'égard de Jésus-Chrisl
pour le salut de mes frères. (Rom. u, 3.)
Telles furent ces affections de charité hé- i
roïque, qui faisaient préférer l'amour du
prochain pour Dieu en quelque sorte aui
tourments de l'enfer. Le saint vieillard Eléa-
zar s'écriait guil aimait mieux descendu
dans Venfer [Il Macc. vi, 23), plutôt que de
feindre cle renoncer à sa foi. En effet, commo j
rfit Louis Du Pont fexhorl. 9, § 2), lachariii
souffrirait mille enfers, pour empêcher tonU:
faute contre Dieu ou pour expier les fcnUtt
déjà commises,
2» Par les SS. Pères. — Saint Jean Chrysos-
tome s'écrie (hom. 16, in Rom.) : «Pourquoi,
illustre apôtre, demandez-vous d'être ana-
thème, et recherchez-vous cet abandon sans
rolourîC'est, répondez-vous, parceqoej'aiffl»
Dieu de la plus vive ardeur. » Tous les autres
Pères attribuent ces sentiments de Moïse et
de saint Paul à ta véhémence de leur charité.
a Si je voyais, dit saint Anselme (m Simi*
lit., c. 19i), d'un côté la honte du péché, de
l'autre Ihorreur de l'enfer, et aue je fo5<6
forcé de faire un choix, je préférerais être
englouti dans l'enfer, plutôt que de m^aban-
donner au péché I J'aimerais mieux entrer
dans l'enfer, pur et innocent de tout péché,
que de. pénétrer dans le royaume des cicwx
avec la tache du péché ; car il n'y a que les
méchants qui puissent être tourmentés dans
l'enfer, et one les bons qui puissent jouir de
Téternelle néaiitude. »
3- Parla raison.— Selon saint Thomas (ipt
q. W, a. 6), on peut et on doit préférer e
mal de la punition, pour éviter celui de w
faute. Car le mal de la faute est réelletnem
SIS
CON
DASCETISME.
a>N
SU
un ma], paisqu*il répugne à Diea par lui*
nième el h Ja droite raisoa; au coulraire» le
uial de la puoitiou n*est pas un mal réel,
puisqu*il n est pas par lui-même contraire
a la drf)ite raison » mais seulement une
incommodité pour rbomme. Donc la peine
de Fenfer doit être préférée à la faute du
péché, dans le cas où Ton serait forcé d'opter
entre les deux; eU par conséquent» il y au-
rait plus de perfection à choisir la peine de
Teofer, dans le cas où, sans être obligé à ce
choix de nécessité de précepte, on reconnat-
Irait qu'on agirait ainsi selon le bon plaisir
de Dieu. D'ailleurs tout homme, pour pos-
séder la contrition parfaite, est rigoureuse-
ment obligé d'aroir pour le péché morte!
une aversion si efficace, qu'il préfère au
moins virtuellement souffrir les peines éter*
Délies, plutôt que de pécher; donc Time
parfaite peut aussi, non-seulement virtuel-
lement, mais d'une manière expresse, for-
muler ce désir, non en vue d'éviter le péché,
mais même pour se conformer au. bon plai-
sir de Dieu, agissant ainsi d'une manière
plus parfaite qn elle n'est tenue.
On peut objecter: 1* que cette supposition
est impossible. Dieu ne pouvant précipiter
dans l'enfer une Ame innocente, parce que
ce serait une cruauté, une injustice et une
cause de désespoir. Ce sentiment ne peut
donc être inspiré de Dieu. — Cette hypo-
thèse, il est vrai, est impossible absolument,
relativement aux caractères de l'enfer pré-
sent, de sorte qu'absolument parlant, on ne
doit préférer l'enfer ni pour éviter le péché,
ni pour mieux accomplir la volonté de Dieu.
Néanmoins, on peut, par hypothèse, consi-
dérer l'enfer comme un lieu de tourments,
abstraction faite de l'idée du | éché, qui en
est inséparable d'une manière absolue. En
ce sens, on peut le préférer et l'accepter,
dans l'intention de plaire à Dieu et de lui
témoigner son amour. Dans ce cas, ce senti-
ment, loin d'être inutile, servirait h faire
apprécier la gravité de la faute, à inspirer
la haine du péché, et à faire preuve d'une
charité héroïque envers Dieu.
On objecte , 2* que le sentiment de joie,
relativement aux torluresdes damnés, même
des parents, n'est pas en harmonie avec le
précepte d'aimer son prochain comme soi-
même, parce qu'il n'est pas permis de se
réjouir ae sa propre damnation. — Ce senti-
ment, répondrons-nous, n'est autre qu'un
sentiment de conformité h la volonté de
Dieu et aux effets de la justice divine; nous
devons d'ailleurs nous réjouir de la gloire
qui résulte pour Dieu de l'accomplissement
de sa justice. C'est en ce sens que les bien-
heureux dans le ciel se réjouissent des
Kioes des damnés, quand même ils seraient
_ jrs parents.
On dit, 3* que le désir de souffrir, pour le
saJut du prochain, les peines âe l'enfer et
la privation de la béatitude, est contraire à
la charité bien ordonnée, par laquelle on
doit, en matière spirituelle, s'aimer plus que
son prochain. — .Ce désir n'est encore que
conditionntl, et fondé sur la considération
des peines seuiCs de l'enfer. Et de. même
3u*on peut les souhaiter ^ un sentiment
'amour parfait, afin de mieux se soumettre
au bon vouloir de Dieu, de même on peut
encore le faire en vue de l'amour du pro-
chain pour Dieu. Rien en cela ne trouble
l'ordre de la charité; car, selon saint Tho-
mas (3-2., q. 26, a. 4), c il n'est seulement
défendu que de commettre le péché, pour en
préserver le prochain. » ( Voy. Béatitldk. )
Ces sortes d'affections extraordinaires no
sont pas utiles aux âmes impaifaiies. En
effet, les textes de lEcriture que nous avons
cités h propos de Moïse, de saint Paul et du
vieillard Eléazar, ne sont appliiables qu'à
des personnages, comme eux, d'une extrême
Perfection. C'est aussi l'opinion des SS.
ères, c Autant nous sommes loin de lar-
dent amour de Paul, autant nous devons
repousser, même do nos iiensées, de pareils
sentiments. » ( S. Jean Chrtsostoub, hom.
16 ad Rom, ) « Dans noire froideur et uuli e
indigence, nous ignorons les richesses de
ces anies; aussi lorsque nous lisons que l'un
a demandé d'être anathème pour ses fi ères,
aue l'autre a consenti d'être effacé du livre
e Dien^ nous atlénuon.^ le sens de ces pa-
roles. » (RcpERT, I. IV, c. 30 in Exod.) Ri-
chard de Saint- Victor ( L. de grad. vicient,
eharit.) n'admet cette affection que dans le
degré suprême de la charité tiolenie et pres-
Îue en dé.ire. Saint Bonaventure, «aint
nselme, Alvarez et NieremlH*rg sont du
même avis. Saint Thomas nous en donne la
raison ( Quodlib. 1, a. 9 ). Suivant la plu-
part des théologiens, l'amour de Dieu, la
naine du péché et les autres affections sem-
blables, pour être suffisamment parfaites,
doivent être au-dessus de tout, seulement
d'une manière appréciative. Aussi u'est-il
pas nécessaire, et même serait-il très-nui-
sible aux Ames imparfaites, que cette condi-
tion, par-desMUS iouies ehoseSf soit exprimée
d'une manière formelle, relativement aux
peines les plus graves, et surtout aux tour-
ments de l'enfer. 11 suflit que cette cocdition
soit formulée d'une manière implicite et
générale. D'ailleurs, descendre h cet égard
dans les applications particulières, ce serait,
sans besoin, se jeter dans des embarras
inextricables, et ouvrir ample carrière aux
scrupules. Car les choses les plus pénibles
étant celles qui impressionnent le plus la
partie sensitive, une personne imparfaite
pourra difficilement reconnaître si la répu-
gnance qu'elle éprouve à les supporter
provient de la partie supérieure, ou seule-
ment de la partie inférieure. Enlin ce serait
s'exposer sans nécessité au danger dos plus
graves tent&tions, que de vouloir, lorsqu'on
n'est \Hks encore parfait dans rabnégation de
soi-même, lutter sans cause urgente contro
les plus grands périls, comme s'ils étaient
{prochains et pressants. Donc ces sortes d'af-
èctions ne sont pas requises des Ames im-
parfaites, et souvent leur seraient nuisibles.
On objecte ici : 1* Tout pénitent, en s'ap-
prochant du sacrement de pénitence, doit
ressentir une vive douleur de ses fautes, au
515
Go:«
DICTIONNAIRE
CON
Sl$
point de préférer tout souffrir plutôt que
de pécher. Or, il doit lui être utile d'énumé-
rer les châtiments les plus graves et de les
préférer explicitement au péché; car, de
cette manière, il obtiendra lui-même et il
donnera à son confesseur la certitude que son
repentir est sincère. It^p. Comme il est mo-
ralement impossible de parcourir explicite-
ment toutes les sortes de peines, et que
d'ailleurs ce serait s'exposer à de. graves
inconvénients, ainsi que nous l'avons vu, il
sudit de former ce sentiment d'une manière
implicite et générale; c'est assez pour acqué-
rir la certitude morale ou conjecturale d'une
douleur suffisante.
2* Mais, si ce sentiment, dira-t-on, n'était
pas explicitement formulé, la résolution de
ne plus pécher ne serait pas assez efficace.
Rép .11 n est pas nécessaire d'avoir un ferme
propos fondé sur une douleur si vive, qu'on
s'engage à résister victorieusement à toutes
les tentations imaginables qui pourraient
survenir; car une telle douleur et un tel
propos seraient à peine réalisables en cette
vie. Pour qu'il soit parfait et efficace, il suffit
d'agir d'une manière effective, ou de se pro*
poser d'agir à l'occasion, conformément aux
intentions de la divine Providence.
3* Hais, direz-vous, il peut se présenter
des circonstances où une personne impar-
faite soit tentée d'une manière si violente,
qu'elle se voie forcée d*opter entre le péché
et les plus horribles tourments ; elle doit
au moins, dan^ ce cas, se proposer explici-
tement de souffrir ces bornbles tourments et
mémel'enfer, plutôt quede pécher. Rép. Dans
ces cas extraordinaires, il n'est ni néces-
saire, ni utile pour tous, de prendre une
détermination immédiate; il vaut mieux
laisser sans réponse ces pensées importunes,
et s'en remettre à la divine Providence, qui
ne permettra pas que notre faiblesse soit
exposée à de telles tentations, ou nous ai-
dera de son secours, avec lequel nous som-
mes sûrs de les mépriser. Il suffit donc pour
rinstant d'une résolution générale, à atten-
dre, pour prendre une détermination parti-
culière, que Toccasion s'en présente. Quant
auxcas impossibles, la meilleure réponse sera
de n'en faire aucune, ou de se dire que le pé-
ché est pireetplusdéteslablequelessupplices
de l'enfer. {Voy. Gerson, tr. 8 m Magnificat.)
Si l'flme est bien éprouvée et parfaite
dans l'abnégation de soi-même et dans la
résolution de tout endurer, de tout souffrir
pour l'amour de Dieu et pour le salut des
âmes, il lui est permis de se livrer à ces
affections extraordinaires, quand elle y est
excitée, soit dans la contemplation, soit dans
tout autre état.
Il faut aussi permettre à celte ftme les
affections extraordinaires de crainte filiale
qui peuvent se présenter à elle. 11 arrive en
effet parfois, surtout au temps de l'épreuve
et de l'aridité, au milieu des nuages et des
ténèbres dont l'homme se trouve intérieure-
ment enveloppé , que les ftm'es parfaites
soient en proie à de vifs sentiments de
crainte, comme ceux qui se rencontrent si
souvent exprimés dans les Psaumes et sur-
tout dans le livre de Job. Qu'il nous suflise
d'en citer un : Qui me pourra procurer cette
grâce, que vous me cachiez dans le tonibeau^
et que vous me mettiez à couvert ^jusqu à et
que votre fureur soit passée? (Job xiv, 13).
Quelque parfaites que soient ces Ames,OQ
ne doit leur permettre de 'se livrer à ces
affections extraordinaires que comme ea
passant et autant qu'elles y sont excitées
par une impulsion spéciale du Saint-Esprit.
Car, par cela même qu'elles sont extraordi-
naires, elles doivent être provoquées par
une impulsion extraordinaire. On le voit
par la condamnation de cette proposition
de Fénelon, qu'il rétracta dans la suite et
par laquelle il suppose qu'un pareil re-
noncement peut être habituel : « L'homme
peut arriver à un état habituel d'amour
divin, qui est la charité pure et sans mé-
lange d'aucun motif d'intérêt personnel.
La crainte des châtiments et le désir des
récompenses n'est plus pour rien dans cet
état. On n'aime plus Dieu en vue du mérite,
ni de la perfection, ni du bonheur qu'on
trouve dans son amour (Propos. 1").... Le
directeur alors peut permettre à cette âme
d'acquiescer simj^lement (c'est-à-dire sans
condition) à la ruine de ses propres intérêts
et à la juste condamnation qu'il croit portée
par Dieu contre lui. (Prop. 1-3.}»
Dans ces sortes d'affections extraordi-
naires, même à l'égard des flmes parfaites,
il faut veiller avec soin k ce qu'elles soient
toujours, malgré leur forme exagérée, en
rapport avec la vraie théologie. Aussi , le
P. Régnera (Th. myst., t. II, p. 135, d-226)
n'approuve-t-il pas entièrement celle affec-
tion, ordinairement attribuée à saint Au-
gustin, quoique sans aucune preuve certaine:
« Si Augustin était Dieu, et que Dieu fût
Augustin, Augustin aimerait mieux cesser
d'être Dieu, pour que Dieu fût Augustin.»
C'est là une insignifiante exagération.
Les imparfaits ne doivent ni mépriser ces
affections extraordinaires des personnes
parfaites, ni tenter de les imiter, si ce n*e$t
d'une manière proportionnée à leurs forces,
car elles ne leur sont pas toujours utiles;
toutefois, elles peuvent servir comme d'uu
aiguillon pour avancer de plus en plus dans
la vertu. Si ces âmes n'osent pas désirer le
malheur, la mort et les peines de l'enfer,
pour l'amour de Dieu et du prochain, elles
doiventau moins se préparera cet amour plus
ou moins parfait, ensupportant les adversités
qui leur arrivent , en redoutant les peines
et en espérant les récompenses éternelles.
Tous néanmoins, quelque imparfaits qu'ils
soient, doivent s'exercer à aimer Dieu de toat
leur cœur et par-dessus tout. Et, bien qu'il ne
soit pas nécessaire de descendre à des appli'
cations particulières, pour aimer Dieu par-
dessus tout et pour lui-même d'une affec-
tion appréciative, il faut cependant que celte
affection soit assez efficace pour excmre,
d'après la disposition actuelle de l'âme, tout
autre amour contraire à celui-ci. C'est en
cela que consiste celte condition dei^^r-
517
con
D*ÂSCET1SME.
CON
SIS
di$su9 iaui€$ dkoMf , nécessaire k Tamour
e liait de Dieu et à la contrition parfaite,
tte condition doit encore se trou?er dans
la contrition imparfaite, quel qu'en soit le
motif, pour qu'elle soit accompagnée d'une
résolution ferme et efficace, sans laquelle
cette contrition ne suffirait pas pour la
justification dans le sacrement de péni-
tence.
Enfin, il est certains cas où les parfaits et
les imparfaits sont tenus de prendre, quand
même il s'agirait des choses les plus péni-
bles, la détermination de les souffrir plutôt
due de commettre un péché. Ainsi, quand la
foi est persécutée par des tjrans, quand on
esi menacé des plus cruels supplices si l'on
se refuse à commettre un péché d'impureté,,
quand on est horriblement tourmenté par
un ennemi dans sa personne, dans ses biens,
dans sa fortune et dans sa réputation ; quand
on se trouve exposé à certams dangers atta-
chés à sa profession, comme un soldat aux
lois iniques du duel, un marchand aux gains
illicites, dans ces sortes de circonstances,
l'esprit doit être particulièrement prémuni;
car il serait à craindre que la généralité des
déterminations, même avec une attention
sérieuse, n'eût pas assez d'efficacité.
IV. Le quatrième degré de la contem-
plation séraphique est lantidt^^ contempla^
îit€^ qui consiste dans un détachement, une
purification si complète de l'appétit sensitif
et de toute affection pour les créatures,
qu'on n'a plus d'amour , de rœux , d'aspi-
rations et de désirs que pour Dieu seul.
Qaitanqiu ne renonce pas à tout ce qu'il
posêide^ ne peut être mon dieeiple. (Luc» xit,
33.) L*amour«propre et l'amour divin sont
incompatibles; on ne peut voler dans leciel
en restant attaché à la terre, ni être rempli
en même temps des créatures et du Créa-
leur. IVoff. sainte Thébâsb, in m Mans. $ui
casiMif et saint Jeah pb la Cboix, inAic.
flUNil., I. I , c. 4 et 5.)
Voici comment le P. Alvarez de Paz carac-
térise cette nudité ( 1. 111 Vit. $pir.^ 1. y, p. 1 ) :
« Ceux qui s'efforcent de commander à leurs
passions conservent encore certaines affec-
tions terrestres dont ils n'ont pu entière-
ment se détacher. » Il en donne des exem-
ples : Ainsi, ceux qui , sous prétexte de la
gloire de Dieu, ne souffrent arec résigna-
tion aucune atteinte à leur réputation ;
ceux qui ont pour d'autres personnes ver-
tueuses un attachement si vif, qu'ils ne
craignent pas de se faire remarquer par leur
empressement à les exalter en tonte occa-
sion; ceux qui veulent trop abonder dans
leur sens, et qui s'élèvent implacablement
contre les défauts de leurs frères avec un
zèle bon en lui-même, mais qui n'est pas
selon la science divine. Et il conclut ainsi :
« Il faut se détacherde toutes ces affections,
si Ton désire se préparer au repos et aux
jouissances de la contemplation et des dé-
iices intérieures. >
y. Le cinquième degré de la contemplation
^t la #o/t7iiaeaiffc<t9f. état dans lequel l'âme,
habituée aux aciices spiriluellesi ne ressent
Eas cette spéciale et douce présence de son
ien-aimé , après laquelle elle aspire. UÈ-
criture sainte, le Psalmiste, les Prophètes,
le livre des Cantiques, expriment fréquem-
ment cette affection de l'Ame contemplative
sur l'absence de son bien-aimé. O toue^ gui
êtes le bien-aimi de mon âme^ apprenez-moi
où vous menez paître votre troupeau, où vous
vous reposez à midi. {Cant. i, 6.) Hélas ! foi
cherche dans mon petit lit pendant plusieurs
nuits celui qu*aime mon âme : je Fai cherché
et je ne Caipoint trouvé. [Cant. ifi,l.) Jevous
conjure^ 6 filles de Jérusalem^ si vous veniez
à rencontrer mon bien-atméf de lui dire que
je languis d'amour. {Cant. t, 8.) « L'époux
se cache quand on le cherche, oit saint Gré-
goire (I. V Jlfor.,c.4), afin que, ne le trou-
vant pas, on le chercne avec beaucoup plus
d'ardeur encore ; et l'épouse qui le recher-
che est longtemps sans le trouver, afin d'en
être plus digne par ce délai , et de goûter
plus vivement le bonheur de le trouver,
quand elle obtiendra celte faveur. » 11 nous
exprime encore les mêmes sentiments
eom. 35 m £9.), quand il nous montre
arie-Hadeleine se tenant en pleurs à la
porte du tombeau de Jésus. « Plus l'affection
se lasse, dit saint Ambroise (m Ps. cxviii,
serm. Il), plus l'amour s'accrott. L'atiènte
enflamme les désirs d'un feu d'autant plus
ardent, que se fait plus longtemps désirer
la présence de l'objet aimé. » « Ce n'est pas
l'amour, c'est l'amant qui languit,» dit Gil-
bert, abbé jserm. M). Sainte Thérèse, saint
Jean de la Croix, saint Jean de Jésus-Marie,
nous parlent souvent aussi de cette affection
de solitude.
Le P. Godinez [Prax. th. myst. i. vi, c, 6)
rapporte quelques-unes de ces affections et
de ces plaintes amoureuses de l'âme dans
l'état de solitude. « O ma beauté, que j'ai
tardé à vous connaître, et que je vous ai bien-
tôt perdue 1 Je suis donc sans vous et sans
moi; en vous perdant, je me suis perdu moi-
même, car eu vous trouvant, je me trouve
moi-même, et je me perds moi-même en
vous perdant. O vous qui rassasiez l'Ame
pour toujours , où êtes-vous allée! Beauté
sans tache, où vous êtes vous cachée ? Vérité
sans erreur, où m'avez-vous délaissé,! O
doux bonheur de ma misérable vie, pour-
auoi vivre sans vous dans cette triste vie?
) roi de mon Ame alQigée, où êtes-vous, que
lai tes- vous, pourquoi tardez- vous? Est-ce
que la vue de mon isolement ne peut émou-
Toir votre bonté? Jusques à quand, mon
Jésus, vivrai-je «ans vous? Jésus de ma vie,
qui peut supporter patiemment de se voir si
longtemps éloigné de vous? » Cette affection
venant à s'étendre, les sensations amoureu-
ses se multiplient, au point que l'âme reste
muette dans l'excès de sa tendresse et de son
amour. Et de même que si beaucoup de per-
sonnes veulent sortir h la fois par la même
porte, elles se gênent mutuellement au point
que nulle d'entre elles ne peut passer : de
même tous ces tendres sentiments se pres-
sent à la fois dans la volonté, au point qu'on
ne peut trouver moyen d'en exprimer un
«19
CON
DiCTlONNAlRE
CON
m
seul : l'Ame osl comme saisie cl*anc sorte do
frissonnement plein de douceur et d*une
sorte de langueur amoureuse. Si la force de
cette oraison est tout intérieure et que rien
ne s*en communique aux sens , elle dure
longtemps et a plus d^elTicacité; mais si
l'âme se répand en tendres entretiens et en
plaintes amoureuses avec son bien-aimé,
alors surviennent ordinairement les larmes»
l'attendrissetoent et les autres impressions
des sens. Cet état, bien que rempli de déli-
cieuses consolations, dure peu à cause de sa
violence.
VI. Le sixième degré de la contemplation
séraphique consiste dans les ioliloqua af-
fectifs de l'Ame, quand elle a trouvé son
bien-'aimé; et de môme que dans la solitude
affective le soliloque était tristeet lugubre, de
môme il doit alors ôtre agréable et rempli
d*une douce suavité. Mon bien-aimé est à
moi et je suis à lui : il se nourrit parmi les
tis]^ avant aue le jour commence à paraître et
que les ombres se dissipent peu à peu. [Cant,
II, 16 et 17.) J*ai trouvé celui qu'aime mon
âme et je ne le laisserai point aller, (Cant. m,
4.) Je suis à mon bien-aimé^ et mon bien-aimé
est à moi, (Cant. vi, 2.) Saint Bernard désigne
ces soliloques et ces affections anagogiques
quand, il dit (serm. 67, in Cant.) : «.... L'a-
mour ardent et enflammé, l'amour divin sur-
tout, quand il ne peut plusse contenir en
' lui-même, ne s'arrête pas à considérer en
quels teimes et dans quel ordre il exnrîme
ses sentiments impétueux, pourvu qu il les
exprime, et que son ardeur n'en éprouve
aucun refroidissement. Et souvent pour cela
il n'a besoin ni de la parole, ni de la voix,
les soupirs seuls lui sullisent.» Saint Augus-
tin dans ses Confessions abonde en affections
de ce genre, comme aussi saint Anselme
dans ses Soliloques et ses mélitations, sainte
Thérèse (Exclamât, xvi), saint Jean de la
Croix (in sua Cant.) y saint Jean de Jésus
Marie (Th. myst. , append. , ep. 2), et la B.
Catherine de Janua fm suo Dialog.).
Remarquons avec le P. Godinez (Prax. de
th. myst.j 1. VI, c. 7), que la contemplation
diffère complètement des sciences humaines.
Celles-ci s'appuient sur dos premiers prin-
cipes dont on lire les conséquences. La con«
templation n'a aucun principe dont on puisse
tirer des conséquences certaines; à certain
degré de la contemplation ne succède pas
régulièrement un autre degré, de manière
à obtenir Ja certitude, en remplissant cer-
taines conditions, de recevoir immédiate-
ment de Dieu le don des larmes, de la dévo-
tion, de la douceur spirituelle, etc. La con-
templation dépend plutôt d'événements con-
tingents et inopinés que de conséquences
nécessaires. Personne ne doit donc s imagi-
ner que. les élévations dont parfois l'Ame
parfaite est favorisée dans la voie de la con-
templation, par suite de ses bonnes disposi-
tions, sont comme les degrés d*une échelle
mécanique, car nous sommes ici en matière
de morale* et bien au-dessus des choses qui,
se reproduisant très-souvent dans le môme
ordre, sont susceptibles d*ôtre subordonnées
h des règles conjecturales. D'ailleurs il s'agit
d'une grAce gratuite, que Dieu ne doit à per-
sonne, quels que soient ses mérites; et enfin
comme dit saint Jean (m. S) :L esprit $ouf fit
où il veut.
Dans les soliloques, l'Ame est habituelle-
ment transportée d*une tendresse et d'une
suavité pleines de douceur ; aussi soulTre-
t-elle beaucoup de relâchement dans les opé-
rations des sens extérieurs : elle entend, elle
voit, elle sent avec peine, elle est incapable
de soutenir une conversation. En présence
de son bien-aimé, elle est comme une glace
d*où jaillissent de nombreux rayons de lu*
mière, de douceur, de clarté, d*ardeur et au-
tres grAces, qui l'excitent de nouveau à de
tendres et amoureux colloques, tels que :
t Mon Dieu, ma vie, ma joie, beauté des
séraphins, comment une si aimable majesté
I)eut-elle porter un si vif amour, à moi dont
a perversité est si grande I Seigneur et
Père de mon Ame, que diront les anges s'ils
vous voient jeter vos regards sur I horrible
fange (}ue nous sommes? Bien-aimé de mon
Ame, n étes-vous pas la sagesse du Père, qui
ne peut ni tromper ni se tromper? Comment
donc peut-il se faire sans erreur que votre
bonté ait tant d'amour pour mon iniquité?
Faites que je vous aime, 6 mon Dieu! Puissé-
je mourir de suiœ autant qu'il est en moi!
Puissé-je vous honorer, en souiïrant toutes
sortes d'ignominies 1 Je ne veux plus rica
désormais que vous, 6 mon Dieu. Tout le
reste n'excite en moi que dégoût.— Si ces
sortes de colloques se font intêrieurcmcnl,
ils sont do longue durée et pleins de dou-
ceur; mais s'ils se manifestent au dehors
par des gémissements, des larmes, des san-
glots et d'autres actes sensitifs, ils netar-
dent pas à cesser. »
Vil. Le septième degré de contemplaliou
séraphique est le nuage spirituel^ qui cnele
toute créature aux yeux du conleuiplalouff
afin qu'il voie mieux le Créateur. C'est une
sorte de lumière éclatante, puro, iorto et
splendidc, qui n^Kis liéeuuvre tellement la
Créateur, qu'elle nous cache toute créature.
Ce degré résulte d'une proiondo rttcntif'n,
d'une grande intensité et vivacité de foi,
par laquelle l'Ame possède Dieu inlimcmcnt
présent et uni à elle. De là s'élùvo dans la
volonté une sorte de flamme ardente, qui
s'empare tellement de l'atfeclion et IVih
traîne tellement vers le Créateur, qu'elle ne
sait plus vouluir, désirer et souhaiter autre
chose. Ainsi cette lumière éclairant \\ùm
sur les choses divines, l'environne o'una
sorte de nuage d'obscurité qui lui voile tou-
tes les choses humaines.
Souvent dans la contemplation nous son)**
mes forcés de faire usage d'expressions mé-
taphoriques, dont l'acception est empruntée
aux objets matériels; comme par exemple
ce terme de nuage. De môme en elfel
qu'une personne, dans un temps brumeux,
ne voit que les objets les plus rapprochés;
de môme 1 Ame douée de cette grâce no
voit plus les créatures, se trouvant tout
proche du Créateur et s'uuissanl inliiBcmeut
S3I
COM
d^asceusmr.
CON
5tS
h lui. Celte eootemplation de nuage ou
d*ob$curité se rapporte à Toraison de si-
Ience« avec cette seule différence que dans
1 oraison de silence, c^est l*inteilîgence qui
est surtout obscurcie» tandis que c'est sur-
tout Taffeetion, dans la contemplai ion sera-
pbione.
¥111. Le huitième degré de la contempla-
tion sérapbique est la Uberié d'esprit^ alors
que Dieu, par une sorte de miracle, et d*une
manière absolument indépendante des sens
esiérieurs ou intérieurs, répand dans Tin-
telliçeoce une^ certaine apparence ou image
spirituelle, oui représente les objets divins
el somaturels, dont Tamour allume et em-
l>rase la rolonté. Cette sorte d*orai$on ou
de contemplation s'appelle liberté d'esprit,
parce gue la partie supérieure, c'est-è-dire
rînIeUigence et la volonté, y est libre et in-
dépendante des sens soit extérieurs, soit
intérieurs; en effet, le principe, par le se*
cours duquel elle comprend, n est (ms acquis
au moyen des sens^ mais est inspiré et in-
fu$ immédiatement par Dieu; de sorte que
l'es^t s'unit à Dieu, par une certaine in-
tuition et par l'amour de la partie supé-
rieure, sans que la partie inférieure y mette
le moindre obslacle. Où se irouve Fesprit du
SeigneuTt dit TApôtre, ià se irouve aussi la
Uberté (// Cor. m, 17), c'est-à-dire, dans
toute 1 acception du mot grec, une volonté
spontanée» noble, libre et clairement illu*
minée. Hugues de Saint-Victor parle ainsi
de cette même liberté d'esprit (\. n De
mmima^ c. 20) : « Les sens et l'imagination
n'ont rien à faire ici, et toute la partie infé-
rieure de l'âme se trouve dispensée de ses
fonctions habituelles; mais la partie supé-
rieure est introduite avec un bonheur dé*
licieox dans celle retraite d'intime quié-
tude, dans ce sanctuaire de profonde tran-
quillité. 9 Bien que la liberté d'esprit, au
moins comme propriété, en tant que la par-
tie supérieure est r^e par la lumière de
la foi et le don d'intelligence, se rencontre
dans toute espèce de contemplation; cepen-
dant, en tant qu'elle est spécialement dirigée
par la lumière ultérieure d'une grâce gra-
tuite, par les images divinement et immé-
diatement infuses, elle constitue ce degré
spécial de contemplation de liberté d'esprit,
dont il est ici question, et qu'Alvarez de
Paz désigne en ces termes (t. 111 De vit,
spir.^ 1. V, p. 2) : « L'esprit, dégagé des
choses terrestres, s'élève librement, comme
Toisean dans les airs, partout où le pousse
le souffle de Dieu. Tantôt il s'élance dans
les plus sublimes régions, tantôt il s'enfonce
dans les plus basses, c'est-à-dire dans la
connaissance de soi-même. EoGn il est libre
l^r son intuition même : car cette intuition
ou bien esi dégagée de loule imafte sensibUf
c*est la liberté spirituelle spéciale; ou bien
elle se fait par le moven même de ces
ioiages, et c'est la lil>erte d'esprit commune
à toute contemplation. »
Quand on a reçu celte oraison de liberté
i'esprit, d'après le P. Godinez (I. vi, c. 9),
la partie supérieure ou l'intelligence et la
Dicno!i!i. u'AscéTisME. I.
volonté, avec la grâce infuse qu'elle reçoit,
s'élèTeà une telle hauteur d'oraison, quelle
est complètement à l'abri de toutes ces
distractions, aridités, tentations, images et
autres impressions étrangères, qui atta-
quent d'ordinaire, pendant Poraison, les
personnes contemplatives, même les plus
spirituelles. Et peu importe alors qu^on se
livre à des occupations extérieures, qu on
voie, qu'on écoute et qu'on parle par les
sens extérieurs ; car, de même que les sens
extérieurs ne sont fiour rien dcins rette
oraison, de même leur exercice régulier
ne lui fait aucun tort. Celui donc qui est
en cet état d'oraison, semble avoir en quel-
que sorte deux natures. Quant à l'âme, il
agit surnaturellement par le principe infus,
J|uant aux sens, il agit naturellement avec;
es principes acquis. La partie supérieure
d'intelligence et de volonté comprend,
aime, se réjouit et s'unit par les affections
les plus secrètes à son bien-aimé, sans que
les sens empêchent ou favorisent celte con-
templation; la ^>arlie inférieure des sens
vit modestement au milieu des hommes,
comme si elle n'avait dans Tâme aucun em-
pêchement intérieur; et c'est en cela que
consiste la liberté d'esprit, faveur que Dieu
n'accorde qu'à très-peu d'âmes.
Le P. Godinez (c 10) remarqué à ce
propos que les personnes contemplatives,
surtout celles qui mènent une vie séden-
taire et recueillie, doivent de temps en
temps se permettre quelque récréation cor-
porelle, nonnête, licite et proportionnée
a leur état, comme de se promener dans un
jardin ou dans la campagne ; de moditier en
quelque choset pour un jour, l'ordre habi-
tuel de leurs occupations; d'omettre quel-
ques pénitences qui ne sont pas nécessai-
res; d'admettre quelque recherche dans la
nourriture, quelque gaieté extraordinaire
dans le rire et la conversation, de chanter,
déjouer de quelque instrument, mais tou-
jours avec modestie. Une occupation atten-
tive, une contention intérieure trop long-
temps prolongée, fatigue le corps et ruine
la saute. Il faut donc récréer le corps de
temps en temps et entretenir sa santé par
quelques honnêtes divertissements, afin que
Pâme réponde et se conforme avec (>lus de
souplesse et de docilité aux inspirations de
la grâce. Ce serait assurément un scandale
dans une communauté, que de voir une
personne, passant pour spirituelle, se lever
plus tard, se ooucner plus tôt, et jouir de
quelques douceurs et privilèges pariiculiers
pour raison dosante; pour n être pas obligé
d'en venir là, il faut donc se livrer modé-
rément à quelques récréations corporelles.
Celte pratique est utile à la conservation
de la santé; elle soutient Thomme intérieur
et favorise la charité et l'union fraiemelle;
et, bien que rejetée par des personnes d'une
austérité excessive, elle est auraise et re-
commandée par tous les matlres spirituels
les plus sages, les plus doux et les plus firu-
deuts. {Voy. EtTEAPius.)
IX. Le neuvième degré de la contempli^
17
5»
CON
DICTIONNAIRE
CON
SSl
tibn séraphique esl la coniempIcUion obscure,
dans laquelle TAme, ballottée par les flots
de pensées et d'affections contraires, tout
en étant saisie de crainte, jusqu'à douter
quelquefois de son propre salut, parvient
cependant à l'état d*oraison le plus élevé,
sans qu'elle s'imasine avoir fait le moindre
progrès. « Il y a dans la vie contemplative,
dit saint Grégoire (hom. ik in Execn.), une
si grande contention d'esprit lorsqu'il s'élève
vers leschosescélestes, qu'il dirige toutes ses
facultés sur les objets spirituels, qu'il s'ef-
force de s*élever au-dessus de tous les objets
corporels, et qu'il se resserre pour se dila-
ter. Parfois ses efforts sont heureux; il
dissipe les ténèbres de son aveuglement; ii
entrevoit furtivement quelques légers rayons
de la divine lumière; mais bientôt il revient
avec accablement vers lui-même, et de cette
lumière à laquelle il aspirait, il retourne en
soupirant et en se lamentant aux ténèbres
de son aveuglement. » Il explique cet état
par la lutte de Jacob contre un ange pen-
dant toute une nuit {Gen. xtxii). « L Ame
qui s'efforce de contempler Dieu soutient
on quelque sorte un combat où elle est
tantôt vaincue, tantôt victorieuse. » Cette
paralysie de la iambe dont fut frappé Jacob
&u contact de I ange, est la figure de cette
paralysie si désirable en l'Ame de tout
amour pour le siècle, par suite de laquelle
l'Ame n'a plus d'autre appui que le seul
amour de Dieu.
Cette contemplation obscure diffère de la
contemplation nébuleuse, en ce que, dans
celle-ci, l'obscurité de l'esprit est accompa-
gnée de la plus profonde quiétude, ou plu-
tôt elle résulte d'une excessive lumière que
Dieu répand sur nous, pour nous détourner
de toute considération inquiète des autres
choses. Au contraire, la contemplation obs-
cure est accompagnée de la plus vive inquié-
ludé,commeétantuneconnaissancedîrectede
Dieu seul, par une foi très-obscure , connais-
sance qui ne lui dévoile rien qui ne soit pour
elle ufi sujet de trouble. Comme cette con-
templation est accompagnée d'un amour
réel très-fervent, et par suite, d'une sorte
d'union inconnue avec Dieu, on trouve le
repos au sein même de cette inquiétude, et
la force au sein de cette faiblesse.
Selon le P. Godinez (loe cit., c. 11), la
présence et l'union que l'Ame a avec Dieu
dans la contemplation obscure, est aussi
forte que laborieuse, aussi obscure qu'afQic-
tive, et consiste dans une faim insatiable,
une soif ardente de Dieu, qu'elle cherche,
sans le trouver toutefois comme elle le vou-
drait; car bien qu'intimement uni à cette
Ame, Dieu lui semble fort éloigné d'elle. La
sensation spirituelle dans ce cas est très-
violente, tout intérieure, et accompagnée
de plaintes qui n'en sont pas moins na-
vrantes, pour n'être pas proférées par la
bouche. L'Ame gémit, pleure, souffre inté-
rieurement; souvent cette atlliction rejaillit
•ur le corps, qui est brisé, accablé, et en
proie à' de cruelles douleurs, dont il ne
trouve le remède que dans la seule consola-
tion intérieure. Toute l'excellence de cette
oraison consiste en deux points: d*abord
un grand désir de plaire a Dieu, ensuite
une grande crainte d'offenser Dieu. Ces
deux sentiments n'obtenant pas, dans l'idée
de l'Ame, la satisfaction qu'ils poursuivent,
la jettent dans des perplexités continuellrs,
car elle est toujours en la présence de Dieu,
qu'elle croit irrité contre elle et dont la
majesté l'épouvante, dont la grandeur
récrase, dont la justice la confond. A la vue
de sa faiblesse, de sa misère, de son infor-
tune et de ses défauts, elle est saisie de
honte, de confusion, d'ennui; elle se croit
abandonnée, elle est en proie à des tour-
ments au-dessus de toute comparaison.
Malgré cela, elle trouve une sorte de joie
dans ces tortures morales; elle éprouve un
sentiment qui l'enOamme d'amour; la pré-
sence de Dieu, bien qu'afQictive, lui est aussi
salutaire, et exalte en elle toutes les vertus
morales afflictives, telles que la résignation,
l'humilité, la mortiGeation, la ix)nstance, la
force : toutes ces vertus, elle les pratique
au degré sublime dans cette contemplation
obscure.
X. Le dixième degré de contemplation
séraphique est l'amour vulnérant {vulnerans)
ou la blessure ou ianguenr d'amour, qui
consiste dans certains actes subtils, délicats
et pénétrant avec une puissante impétuosité
tout l'intérieur de l'Ame; de sorte que la
ferveur de la charité allume dans TAme un
feu intense, qui la pénètre jusqu'à la moelle
et lui fait éprouver une sorte de violence,
pleine de douceur il est vrai, mais qui pro-
duit sur elle une certaine contraction, une
sorte de repli sur elle-même, analogue aux
effets d*une blessure corporelle sur les
membres et tout le système nerveux. L'âme,
en se repliant ainsi sur elle-même, fait de»
découvertes d'autant plus précieuses et s'u-
nit d'autant plus intimement avec son bien-
aimé, qu'elle semble ne plus trouver en elle
que misère et néant. C'est ce sentiment du
plus fervent amour qui faisait soupirer Té-
pousedes Cantiques (fi,5) : Je languis d'amour,
ou selon les Septante, j»; suis blesséed'amour.
«Dépouillons nos membres^, dit saint Am-
broise. {in ps. cxvii, 33, serm. 5, n. ii)f
Eour les offrir tout nus à cette délicieusd
lessure, à cette flèche choisie. Celte flèihe,
c'est Jésus-Christ, qui a dit : Il m* a place
comme une flèche choisie. {Isa. xux, 3.) Il
est avantageux pour nous d'être blessés pr
cette flèche: tous ne peuvent dire qu'ils oit
été frappés de blessures d'amour. » Saint
Jérôme, saint Basile, saint Giégoire, tiennent
le même langage. Richard de Saint-Victor
assigne quatre degrés de charité par-
faite {De grad. viol, charii.) : « Les uns sont
blesses, les autres enchaînés, ceux-ci lan-
guissants, ceux-là défaillants, mais non
d'amour. La charité blesse, la charité en-
chaîne, la charité fait languir, la charité
amène la défaillance. Ne vous senibK-t-ii
pas avoir le cœur percé, quand ce trait en-
flammé d'amour vous pénètre jusque 'a
moelle et excite si vivement vos affectioosi
s»
CON
d\\s:etisii&
CON
S26
Iua vous ne pouvez eo comprimer ou en
bsimnier Tessor impétueux? L*Ame alors
brûle de désirs ; baletaDte, elle soupire et
Î;émit profondément. Les gémissements et
essoopirSy la pâleur et l'amaigrissement
da Tisage, voilà les signes certains d'une
âme blessée. L'esprit n'est-il pas réellement
enchaîné, quand il lui est impossible de se
fixer sur aucun autreobjet? Quoi qu'il fesse,
qooi qu'il dise, toujours ce sujet est présent
à sa mémoire; il en est occupé même pendant
son sommeil. Cet état ne le rend-il pas lan^
gni&sant, puisqu'il exclut toute autre aOec*
tien, puisqu'il ne|ltti permet plusd'amourque
Cur Dieu seul ? * Enfin il amène la défail-
lee, puisque l'Ame désespère de tout re-
mède, et comme sur le point de mourir, se
prépare à quitter la vie. « Quoi qu'elle fasse,
êuoi qu'elle éprouve, rien ne peut rassasier
I ardeur de ses désirs; sa soif est inextin-
guible; elle boit sans cesse, et elle ne peut
la satisfaire; et même plus elle boit, plus sa
soif est ardente. »— < L'Ame, dit sainte Thé-
rèse (c. 99 de sa Fte), ne son^e pas à se
plaindre de cette blessure que lui cause l'ab-
sence du Seigneur. Elle est percée d'une
flèche dans la partie la plus vive de ses en-
trailles et de son cœur, mais elle ne sait an
juste ni ce qu'elle éprouve, ni re qu'elle
voudrait; elle sait seulement qu'elle ne dé-
sire que Dieu, et elle regarde et veut con-
server cette flèche, comme une herbe
d'amour, afin de se haïr elle-même pour
l'amour de Dieu, ï qui elle ferait volontiers
le sacrifice de sa vie. On ne peut apprécier
ni décrire la manière dont Dieu s'approche
de FAme, ni cette peine si douloureuse dont
il TafDige, pour la corriger en semblant s'é-
ioi^er d'elle. Cette peine est néanmoins
pleine de douceur et préférable k toutes les
délices de la terre. L*Ame voudrait en quel-
que sorte toujours mourir de cette mort. >
Sainte Thérèse donne pour preuve la vision
qu'elle eut i>lus d'une fois d'un séraphin
qui lui perçait profondément le cœur d une
Bêche d or et d'un trait enflammé, qu^il reti-
rait ensuite en disparaissant, et la laissant
tout enflammée dun ardent amour f>our
Dieu. Saint-Jean de la Croix parle aussi de
C4il amour vulnéranl(tii Flamm.fnv. amor.,
cant. 2), ainsi que saint François de Sales
(I. VI Ae amor Dei.) Il n'est pas besoin
d'établir aucune distinction entre la bles-
sure, la lanaueur et les autres effets sem-
blables de I amour, qui sont autant de de-
grés plus ou moins intenses de l'amour
vulnérant.
Cette blessure d'amour, selon la remar-
que du P. Godinez, cause parfois de déli-
cieuses défaillances.d'esprit, où l'amour se
mêle à la douleur, et dont les fruits senties
tendres soupirs, les expressions amoureu-
ses, les affections brûlantes» les joies céles-
tes, la paix, l'union tranquille et une sorte
de mode inexplicable d'amour. L'Ame, rassa*
siée de délices et blessée d'amour, est sem-
blable à celui qui, fatigué des feux du midi,
se réfugie sous l'ombrage d'un arbre ; elle
ne soupire qu'après le repos ; elle aime, loue
et rend grAces; elle adore et bénit son
bien-aimé ; et si cette affection vient A se
communiquer an corps, elle produit les
extases, les visions, les révélations, etc.
C'est une source d'où jaillissent les ruis-
seaux de la charité fraternelle, par laquelle
on désire de faire du bien au prochain en
tant que créature de Dieu. De là s'élève le
brûlant désir de la conversion des gentils ,
du retour des hérétiques et des pécheurs, le
tendre amour de ses ennemis et le zèle k
secourir les Ames du purgatoire.
L^amour du prochain, amour actif par
excellence, est un des plus précieux effets
de la contemplation. 1* La sainte Ecriture
loue d'autant plus les saints qu'ils se sont
montrés plus remplis d'activité pour le bien
du prochain: témoins Moïse, Ëlie, David,
le Précurseur de Jésus-Christ, la sainie
Vierge et les apôtres. 2* Ecoutons aussi les
saiots Pères : « La perfection de tous les
membres de la céleste hiérarchie consiste
pour chacun d'eux k se montrer le plus
possible imitateur de Dieu; et le meilleur
moyen d'y arriver, selon TApdtre (I Cor.
m, 9), c'est de secourir ses semblables ; car
c'est ainsi ou'ôn montre en soi l'action di-
vine. » (S. DE9IS, c. 3, cod. hier,) Saint
Basile {in Const. monast., c. 2], tout en
exhortant k la vie contemplative, k moins
que la vocation n'exige la vie active ,
ajoute néanmoins: « Si vous pouvez prati-
quer l'une et l'autre, vous en retirerez des
deux cdtés le fruit du salut. > Saint J. Chry-
sostome (l^om. 34 , ad pop.) prouve par
l'exemple de saint Paul combien il importe
d'être utile non-seulemeut k soi-môme, mais
encore au prochain; car « jeûner, coucher
sur la dure, pratiquer la virginité, Vivre
avec sobriété, toutes ces pratiques ne sont
utiles qu'k cent qui les remplissent ; mais
nos œuvres pieuses envers le prochain, Tau-
mône, l'instruction et la chanté, nous sont
utiles k nous-mêmes, et aussi au prochain,
k qui elles se communiquent de notre
[lart. » « On ne doit pas, dit saint Augustin
I De civ.t c. 19), se livrer au repos , sans
sMnquiéter du bien du prochain , ni cher-
cher k lui être utile, sans aspirer k la divine
contemplation. » « Le serviteur de Dieu ,
conclut saint Isidore (I. ii De Disger., r. 29), k
l'imitation du Christ, mène de front la vie
contemplative et la vie active; toute autre
conduite ne serait pas droite. Et comme ri
aime Dieu par la contemplation, ainsi par
la vie active il chérit le prochain. * Sainte
Thérèse (in Pundai.f c. 5), prouve jusqu'k
révidence que, bien qu'on aoive s'efforcer
de converser avec Dieu par la <M)ntempla-
tion, quand Tobéissance ou la charité n'exige
pas autre chose , toutefois alors ne se livrer
qu*k la contemplation seule, serait de Ta-
mour-propre ; car Tamour de Dieu ordonne
de préférer Tactiob au repos. C'est dans la-
mour de Dieu et du prochain que consiste
principalement la perfection chrétienne.
iMatth. XXII, 38.) Donc Famour de Dieu et
(a contemplation.doiventVxciter k l'amour
effectif du prochain, par les œuvres de
527
CON
DICTIONNAIRE
CON
m
charité, qui viennent interrompre la con-
tempiation, dont la durée ne saurait ôtre
continuelle en cette vie; bien plus ces
œuvres continuent cette contemplation , si
elles sont faites en vue de Dieu, car alors
c*est quitter Dieu pour Dieu, et s'unir plus
intimement à lui par son amour.
V Nulle personne véritablement contem-
plative ne peut s'excuser d'exercer la cha-
rite envers le prochain. De même que le
solitaire peut aider son prochain par ses
exemples et ses ferventes prières , de même
les personnes du siècle, de l'un el l'autre
sexe, sont tenues aux œuvres de charité
envers leurs domestiques, leurs supérieurs
Gt leurs inférieurs. Car comme toute vraie
contemplation doit allumer l'amour de Dieu
et du prochain, de môme elle doit enflammer
le zèle, des Ames, par lequel elle s'efforce
de repousser tout ce qui est contre l'hon-
neur et la volonté de Dieu. 2* Outre ces
œuvres de charité, qui ne détournent pas
celui qui les pratique de la vie purement
contemplative, parfois la contemplation ou
la vocation excitent la personne contempla-
tive h exercer envers le prochain des œuvres
extérieures de charité corporelles et spirituel-
les; et môme pour la perfection de cesœuvres,
elles doivent ôtre animées par une certaine
contemplation. Les œuvres corporelles, tel-
les que les aumônes, le rachat des captifs,
le secours aux infirmes, ont besoin au moins
d'une contemplation imparfaite, qui en
élève rintention vers Dieu; aussi sont-elles
du ressort de la vie purement active. Mais
les œuvres spirituelles, comme la prédica-
tion , l'enseignement, l'administration des
sacrements, la direction des Ames, etc., ont
besoin d'une contemplation plus parfaite,
sinon entièrement parfaite , qui doit au
moins ôtre aidée par la méditation ; aussi
ce genre de vie appartient-il, non à la vie
purement active, mais à la vie tnixte. —
« Qu'il soit donc hors de doute, dit Rosi-
gnoli (I. V De discipL Christ.^ c. Ik et 15],
que ceux qui sans le secours de la mortifi-
cation et de la contemplation s'adonnent à la
vie active, en vue du salut des ftmes ( je ne
dis rien ici de la nécessité qui résulte des
devoirs], sont bien loin de l'état élevé do
Serfection où ils se pensent, et se bercent
ans une funeste erreur. » 3"* Il faut se garder
ici do deux excès, dont l'un consiste a quit-
ter, par amour de la contemplation, les œu*
vre$ spirituelles ou corporelles de charité
envers le prochain, môme alors que la
charité, l'ooéissance, la vocation ou l'ap-
titude particulière en font un devoir. L'au-
tre consiste à se livrer tout entier à ces
œuvres par un zèle de charité pour le salut
des Ames, au point do s'inquiéter h peine
d'acquérir, de fortifier et de retenir l'esprit
intérieur de mortification et d'oraison. « La-
raour de l'éternelle vérité, dit saint Augus-
tin (I. XIX De civ. c. 19), cherche le saint
repos ; la nécessité de la charité fait entre-
prendre l'œuvre de lustice. Si personne no
nous impose cette charge, il faut s'attacher à
la perception et à Tinluition de la vérité; mais
si elle nous est imposée, il faut la porter pour
la nécessité de charité. Cepenuant il ne
faut pas délaisser complètement la jouis-
sance de la vérité, pour n'en pas perdre la
douceur et ne pas être accablé par celte au-
tre nécessité. »
L'amour du prochain, qui est le fruit de
la contemplation, doit s'étendre jusqu'aux
ennemis et aux contradicteurs.
1* En effet, les maximes et les exemples
de la sainte Ecriture nous enseignent que
les personnages contemplatifs les plus par-
faits ont souffert les plus gravas outrages
de leurs ennemis et de leurs contradicteurs,
et leur ont généreusement rendu le bien
B^nr le mal. Témoins, Jacob, Joseph, Job,
Oise, David et particulièrement Jésus-
Christ lui-môme et ses apôtres : Si ton en-
nemi a faim^ donne-lui à manger; s'il a soif,
donne-lui de reau à boire ; car iu amassera»
ainsi de» charbons sur sa iéie^ et le Seigneuf
t'en tiendra compte. [Prov. xxv, 21.) Orjt
vous le dis : aimez vos ennemis, faites du bien
à ceux qui vous haïssent» ( Luc. vi, 27.)
Faites du bien à ceux qui vous persécutent»
bénissez et ne maudissez pas. (Rom. xii, 1^.)
2* Les saints Pères prouvent que le ca-
ractère des parfaits et conséquemmenl dos
contemplatifs est d*aimer leurs enneniis
« Dieu, dit saint Jérôme {in c. v Matth.),
nous commande, non ce qui est impossible,
mais ce qui est parfait. » Il le prouve par la
conduite do David, de saint Etienne et de
saint Paul, à Timilation de Jésus-Christ.
Saint Jean Chrvsostome ( bom. 18 in Matth,]
enseigne que l'amour des ennemis est un
des plus hauts degrés de la perfection; « cai
celui qui agit ainsi ne peut Ôtre rennemi
de personne ; » il dit même : « ce qu'il y a
de plus noble et de plus parfait dans cette
conduite, c'est de se montrer Tami de ce-
lui-là môme qui nous aofTensé.» — • Lacbar
rite est véritable, dit saint Grégoire (honr.
38 in Eoang,), lorsqu'on chérit son ami en
Dieu et pour Dieu, et qu*on aime . ceux-
mômes, dont on sait ne pas ôtre aimé.» (foir
Cassie?!, collât. 16, 26; S. BeRNARoiif, t. Hf
serm. 50; S. LAURBnT Justinieh, De char.*
c. 13, 14; Blosius, Inst. spir., c. 2, etc]
3* La raison 11 est en effet du devoir d'un
contemplatif, de s'attacher à la perfection et
d'agir avec perfection ; or la perfection ne se
pratique jamais mieux que par l'amour
spécial des ennemis et des contradicteurs
en vue de Dieu. Donc les âmes contempla-
tives doivent spécialement s'attacher a la
pratique de cet amour.
Or les signes d'un amour véritable et
parfait des ennemis sont : 1* de prier pour
eux : Priez pour ceux qui vous persécutent
et vous calomnient. (Matth. v, W.) 2" D'en
dire du bien : Bénissez ceux qui vota wam-
dissent. [Luc. vi, 28.) Bénissez ceux qui vous
persécutent; bénissez et ne maudissez pfl**
(Rom. XII, H.) 3- De saluer ses ennemis :
Si vous ne saluez que vos frères^ que faites-
vous de si remarquable? Les paiens n*en font-
ils pas autant? (Mittth. v, kk.) 4* De leui
faire du bien: Faites du ^ien à eeu9 q^^
SS9
CON
D'ASCETISME.
COM
haUseni. (MaHh. r, U.) Si vous ne faiies du
bien quà ceux gui vous en font aussi^ quel
mérite aveX'Vous ? Les pécheurs agissent
ainsi. {Luc. ru 27.) 5* De leur prêter, s'ils
empruolent : Ne refusez pas celui gui vous
demande à emprunter quelaue chose. {Matth.
▼, 32.) 5i votfj ne prêtez qu à ceux dont vous
esvérez recevoir^ quel est votre mérite? Les
pécheurs prêtent aussi aux pécheurs dans
f espoir de retour. [Luc. tu 3(.) 6* Même de
leur donner gratailement : Donnez à qui
vous demande, (Matth. y, 42.) Donnez à qui-
conque vous demande ; et si fon eisUve ce qui
TOUS appartient^ ne le réclamez pas. Agissez
envers tes hommes comme vous voudriez quils
agissent envers vous. (Luc. vi, 30.) Soyez mi-
9/ricordieux^ comme votre Pire est misérieor-
dieux, [ibid., 36.)
Enfin lamoiir da prochain doit encore
exciter Tâme contemplative à prier el à sa-
t sfaire pour les Ames da purgatoire. Mous
1^ proiiTon5:
I* Pftr TEcriture sainte : Sainte et salur-
taire est la pensée de prier pour les morts ♦
n/fn qu'ils soient délivrés de leurs péchés
[Il Ma»:h. XII. M); précepte qoi confient
surtout aux contemplatifs.
2* Parles saints Pères. « Le prêtre, dit
5a»nl Denys Je. 7 Dt eccl. *«r.)» •«« funé-
railles des fidèles, demande les célestes
récompenses pour ceux qui ont pieusement
▼éeu ; se conformant lui-même à Timita-
tion de Dieu, il implore les dons et les
grâces pour les autres arec autant de fer-
veur que pour lui-même. » C'est ainsi que
doit agir tout contemplatif. « Ce n'est pas
en yain, dit saint Jean Cbrjsostome (hom.
21 m Ad.), qu'on offre pour les morts des
sacrifices, des prières et des aumônes. C'est
le Saint-Esprit qui Ta ordonné, afin que
nous nous aidions les uns les autres. » —
« Je me lè?erai pour aller à leur secours,
dit saint Bernard (serm. 42 de divers.), je
supplierai, j'intercéderai, je satisferai pour
eux par mes prières, mes soupirs et mes
gémissements, par le saint sacrifice de la
messe..... Parcourez, Ame fidèle, la région
de l'expiation, et royez ce qui s'y passe;
r t dites-y provision d'amour et de compas-
sion. 9 {Voir aussi Gbrso!! et Blosius.) « Le
Seigneur, dans sa douceur et sa bonté, dit
ee dernier {Enehir. parv,^ c. 4), chérit telle*
ment les Ames de ses élus, qu'il achève de
les purifier après la mort de la chair, et il
désire si ardemment leur délivrance, que si,
{lar une bienveillante charité pour cette dé-
ivrance, nous le prions avec ferveur et
nous lai offrons le saint sacrifice de l'au-
tel ou toute autre oblation salutaire et
expiatoire, il nous en sait autant de gré que
si nous nous efforcions de consoler notre
Sauveur loi-même retenu dans les fers.
IVa-t-il pas dit lui-même : Tout ce que vous
faites pour un de ces* petits^ c^est pour moi
que vous le faites. {Matth. xxv, 40.) »
3* Par la raisou. C'est un point de foi que
tous les saints ou les justes ont entre eux
une communion de biens spirituels. Or les
Aines du purgatoire sont saintes et justes;
donc elles partici(>ent à cette communion
avec les justes qui sont sur la terre; et
comme elles sont dans le plus grand besoin»
les justes vivants doivent venir à leur se-
cours. Or c'est là surtout le devoir des
personnes contemplatives, qui doivent de
tous leurs efforts tendre à la perfection par
l'amour de Dieu et du prochain, et surtout
du prochain qui a le plus besoin de leur se-
cours.Rien ne|>eutdonc les excuser de cette
obligation. (Fetr Mansi, tr. 86; Boai, Div.
psalm., c. 13; BkhoIt XIU, t. III, serm. 19.)
Selon Topinion commune des théologiens
et celle de saint Thomas (4, d. 45, q. 2,
a. 3), les Ames du purgatoire peuvent être
soulagées par toutes les bonnes œuvres des
justes vivants, en tant que ces bonnes
œuvres sont satisfactoires pour l'expiation
des peines. En effet : 1' Les bonnes œuvres
des vivants sont toutes entourées de quel-
que difficulté dont le triomphe est un mé-
rite satisfactoire; d'ailleurs, par leur union
de charité, les fidèles vivants sont en quel-
que sorte les fondés de pouvoir des justes
3ui sont morts, et peuvent par leurs œuvres
'expiation suppléer en quelque sorte aux
expiations de ces derniers. Toutefois, se-
lon l'opinion commune de TEslise et la
remarque de Régnera (TA. JÎyal., t. I,
p. 849), cela doit s'entendre non cfes œuvres
projetées, mais des œuvres menées h exé-
cution; c'est-à-dire qu'elles ne sont utiles
aux Ames du purgatoire qu'après leur en-
tière réalisation. 2* Le meilleur moyen de
les secourir est le sacrifice de l'autel. 3* Les
Ames du purgatoire peuvent être aussi sou-
lagées par les indulgences et les aumônes.
4* Par le jeûne et toutes les œuvres exté-
rieures de mortification, qui sont satisfae-
toires et applicables aux autres justes. 5* Par
la prière publigue ou particulière, en tant
que satisfactoire ou impétratoire. 6* En
général il vaut mieux soulager les morts
par zèle cfe charité envers le prochain, ((ue
de ne pas les soulager par zèle de la justice
divine; car ce sentiment plaît davantage à
Dieu, qui punit en père. 7* A proprement
parler il est même préférable, par zèle de
charité pour ces Ames, de leur céder toutes
nos œuvres satisfactoires qui peuvent leur
être appliquées, que de nous les réserver à
nous-mêmes; car c'est offrir de voir différer
notre ()ropre béatitude pour que ces Ames
en jouissent plus vite; sentiment héro'iquet
qui nous est plus profitable que toutes les
satisfactions et qui peut même nous obtenir
l'exemption du purgatoire, comme on le
voit par Texemple de sainte Gertrude (I. v,
c. 11). Toutefois cet abandon plein et entier
ne doit pas être indistinctement conseillé
à tous, mais seulement aux plus parfaits,
et en raison de Finspiration divine; car une
telle libéralité dans les œuvres satisfacloires
a ses inconvénients, quand on en néglij^e
de plus essentielles, dont on aurait besoin
pour sa satisfaction personnelle; aussi
TEglise ne permet point d'appliouer tou-
tes les indulgences aux morts. De même
on doit bien rarement aussi faire Tabandon
531
CO^
OICTIOiNNAlRE
CON
m
des secours qui doivent nous arriver après
]a mort, parce crue co a*est|)As toujours pour
un plus grand bien [de meliori bono)^ et que
d'ailleurs, onn*a pas la libre disposition de
ces suffrages futurs, h moins que la do-
nation n*eD ait été fatte avant la mort
du donatai e. Il ne faut pas non plus faire
avec parcimonie cette distribution des
œuvres satisfactoires, les calculer comme
une monnaie courante, et tenir en quelaue
sorte h Tégard de Dieu une comptabilité
par doit et avoir. Notre situation de sup-
pliants nous dicte la conduite prudente et
respectueuse» que nous devons tenir. C*est
avec la plus profonde humilité que nous
devons offrir a Dieu, avec les mérites de
Jésus-Christy nos faibles œuvres de satis-
faction pour les Ames du purgatoire, soit
on totaHté, soit en partie, suivant la dévo-
tion de chacun et Tavis du directeur, en
suivant Fordre, 1' du devoir, s'il y a lieu,
2* des liens du sang, et ensuite de la con-
formité d'esprit et du besoin plus ou moins
grand des Ames du purgatoire; laissant à
Dieu le soin de faire l'application de ces
œuvres satisfactoires seton son bon plaisir,
et comme il l'entend pour notre bien propre
et celui des défunts. (Foy. Union d'infusion
PASSIVB.}
Aphoiiisii£S de la vois gonteuplative
pour les ames contemplatives. — i. la
conception delà contemplation consiste dans
un acèe parfait de charité, supérieure la lu-
mière de l'hitelligence.
II. 11 n'y a plus contemplation, mais foi
et acte spéculatif ds Tintelligence, quand
cet acte n est point complété par la dernière
expression de l'amour.
III. La perfection permanente et la sain-
teté formelle n'est pas la contemplation,
mais la grâce habituelle.
IV. Il faut éprouver le goût de la con-
templation pour connaître toute la douceur
de cette union délicieuse.
y. La con'amplation, qui ne renferme pas
la plus profonde humilité, se perd bientôt
ou se change en sécheresse.
VI. L'humilité contemplative nait de >a
connaissance de Dieu ; l'numilité affective
nait de la cdnnaissance de soi-même.
VIL II est donné à peu de personnes de
s'élever à la plus haute contemplation; mais
c'est un devoir pour tous de remplir les
obligations de leur état.
Vill. Les douleurs les plus sûres sont cel-
les qui excitent et entretiennent les amours
contemplatif^^
IX. Les trois degrés par lesquels on s'é-
lève au fatte de la contemplation, sont ceux
de nudité, de persécution et d'abnégation.
X. Il n'y a ni sainteté, ni contemplatioUi
là où l'on ne fait aucun cas de l'humilité.
XI. Les croix et les peines nombreuses
et recherchées sont le pain quotidien des
contemplatifs.
XIL La pureté angélrque de mœurs et d'in-
tention est une disposition très-prochaine
è la contemplation.
XHI. Montrer de l'innocence et de ia i^-
tience dans la tribulation, ce n'est point
marcher pas h pas, mais c'est voler dans la
voie de la perfection.
XIV. Il est rare de trouver quelqu'un qui
f;ardele silence quand on l'accuse; maisce-
ui qui reste sans dire un mot quand on
porte contre lui de faux témoignages, aPa-
mour d'un séraphin et souffre avec la cons-
tance d*un maitvr.
XV. Les ténèbres dans les Ames contem-
platives sont habituellement le soir d'une
excessive clarté.
XVI. Dans la contemplation, ce qui est
infus offre plus de douceur; mais ce qui est
acquis, avec la grâce de Dieu bien entendu,
a beaucoup plus de valeur.
XVII. Celui qui s'est séparé de tous les
hommes, veut-il cependant atteindre à la
perfection la plus délicate, doit de nouveau
faire société avec eux.
XVIII. Celui qui ce cherche que Dieu,
sera coniorme à Dieu en toutes choses.
XIX. La contemplation, pour laquelle on
néglige ses obligations, est en elle-même plus
voisine de l'erreur quede la véritable oraison.
XX. Pour jouir d'une hante contempla-
tion, il faut une vocation toute spéciale :
si vous roulez vous y élever sans elle, vous
retomberez bientôt à terre.
XXI. Beaucoup se perdent dansia voicde
la contemplation, parce qu'ils n'ont pas un
bon mattre de perfection.
XXII. C'est se tiomper que de croire la
perfection accessible à tous les hommes;
c'est une pierre très-précieuse que bien peu
peuvent posséder.
Arcanes DE la voie contemplative.— L La
contemplation est une grAce donnée gratui-
tement (gratis data)^ et ordinairement uno
grâce infuse, telle qu'est le don d'opérer des
miracles. Si les règles humaines nous sont
utiles |)Our vivre d une manière exactement
conforme aux obligations de notre état, tout
en aspirant è une grande sainteté de mœurs,
il n'en est pas de même pour la contempld-
tiou ; cette laveur, en effet, dépend beaucoup
plus de la libéralité de Dieu que d'aucune
disposition humaine.
- II. Voici la règle unique pour la conseil
vatlon de la contemplation : cherchez un
maître bien versé en cette matière, qui vous
rappellera qu'à la pureté de vie, de mœurs
et d'intention, doit se joindre une exaflo
observation des devoirs de notre profession
respective.
m. La sainteté formelle consiste dans la
grâce habituelle, cette forme sanctifiante,
dont la première infusion se feit, soit par
les sacrements, soit par un acte d'amour ou
de contrition parfaite : elle s'accroît par les
actes méritoires de toutes les vertus, que la
contemplation exerce, pour la plupart, avec
qui^lque perfection accidentelle, résultant de
KefScacité des dons, ou de quelque grâce
accordée gratuitement. C'est pourquoi, com-
munément, l'homme le plus saint, n'est pas
le plus contemplatif, mais le plus vertueux:
si ceux qui ne possèdent pas le don de la
contemplation sont plus vertueux, i4s seront
>
.1
co^
rASCETISME
cm
plus saiots que les coDlemplalifs. Cependant
ce serait aoe erreur de croire qu'on puisse
atteindre le faite de la contemplation, à
moins de posséder de nombreuses rertus,
de supporter mille peines et mille difficultés,
et d*ètre spécialement privilégié de Dieu.
IV. De même que ihomme se compose
d'un corps el d*une ftme, de même l'acte de
la cootemplalion résulte d'une foi vive et
d'une charité ardente. Et de même que le
tout est plus noble que les parties qui Je
composent prises séparément» de même
Taete de la contemplation est plus noble que
tout acte simple; et comme la contempla-
tion se compose de la réudion de la foi et
de la charité, elle est plus noble que la foi
seule, ou que la charité seule. Bien plus,
elle est plus noble que les vertus prises
collectivement, si elles sont simples, en ce
sens que, toutes choses égales, à l'efficacité
dps dons et des grâces données ^atuitement,
elle ajoute une certaine manière d'opérer
plus noble, et qu'elle rend souvent Topera-
tion même plus parfaite quant à la subs-
tance.
V. Le mérite qui survient à l'acle physi-
quement vifal et surnaturel, résulte, soit
d*uiie grâce habituelle pi us ou moins grande,
soit d'une grâce actuelle par manière de se-
cours élevant notre action, soit d'une liberté
d'indifférence élevée par la grâce, soit d'une
difficulté plus ou moins grande, qui est sur-
montée avec la grâce dans l'acte vertueux,
soit d'une plus ou moins grande intensité
de l'action, en dehors de toute extensité. Si
donc l'acte de quelque vertu morale se pro-
duit, dans toutes ces circonstances, plus
abondamment que l'acte de la contempla-
tîon« cet acte de vertu morale sera plus mé-
ritoire.
VI. Les ravissements, les extases et tout
ce qui, en matière de sainteté, quant à la
manifestation extérieure, dépasse notre pon-
Toir, et en ce sens manque de liberté, n'est
sous ce rapport ni libre, ni méritoire. Si toute-
fois il se trouve un acte intérieur, surnaturel
et libre, pn'venanf , dans la partie supérieure
de l'âme, d'un principe surnaturel, alors les
actes internes libres seront méritoires, et
Doo pas les passions ou actions externes
nécessaires. De sorte que, si Salomon a eu
quelque mérite dans un de ses songes, ce
mérite provient des actes internes, et non
do songe extérieur, qui était un acte natu-
rel et nécessaire
VH. La çrâee habituelle nous unit è Dieu
d*ane manière méritoire, comme è la fin
dernière que nous mériterons et gue nous
obtiendrons en temps opportun, si nous y
persévérons. La charité nous unit à Dieu
comme à son objet; elle nous dispose vers
lui, en qualité de vertu théologique; et
l'acte deeette charité, en tant que méritoire,
e4 une disposition qui mérite la grâce ha-
bituelle, comme semence de notre gloire et
de notre dernière fin. Hais la contemplation
supjiose pour fondement la grâce habituelle
5S4
et son union avec cette grâce, et elle renferme
d'une manière intrinsèque la charité comme
Eartie composante ; de sorte qu'elle regarde
^ieu comme son objet, et qu'elle unit de
plus l'âme avec Dieu comme avec soq prin-
cipe. Ainsi donc, la contemplation associée
avec la grâce et la charité unit l'âme avec
Dieu comme avec son premier principe, sa
fin dernière et son objet, les trois plus
grandes unions que le voyageur sur la terre
peut avoir avec Dieu, tant qu'il demeure en
cette vie, éclairé par la lumière de la foi.
VUL Quand Dieu substantiellement, non-
seulement par son essence, par sa présence
et par sa puissance, mais comme principe
f particulier, prend place au milieu de la
umière de la foi et de la contemplation,
dans le sanctuaire le plus secret de l'essence
même substantielle et vitale de Tâme, et à
la façon dont il est dans le ciel, au milieu
des splendeurs de sa gloire, .alors, comme
principe vital, surnaturel et divin, il com-
munique une certaine vigueur et une sorte
de vitalité, également d'une manière divine,
aux ^puissances de l'intelligence et de la
volonté, au point de leur faire produire les
actes contemplatifs les plus sublimes. On
dit alors que Dieu est dans l'âme, par ma-
nière d'infusion {illapsu$)^ non comme
forme qui communique sa forme {forma
informant) f mais comme principe subor-
donnant et élevant è lui-même Tame deve-
nue à son tour coprincipe [eomprineipium)
élevé à un nouveau mode a'operer surna*
turel et vital; l'âme imite alors jusquà un
certain point les bienheureux dans le ciel»,
où ils sont élevés de la même manière par
la lumière de la gloire, pour contempler
clairement l'essence de Dieu (151).
IX. Par l'union à'infusion Dieu ne sanc-
tifie pas Tâme, mais la suppose sanctifiée
par la grâce habituelle, qui est forme for^
mant {forma informant) et communiquant à
Fâmela sainteté. Dieu n'est pas alors dans
l'âme comme forme formant^ mais comme
cause efficiente élevant l'âme.
X. Puisque Dieu, dans l'union d*infu$ion^
n'est pas forme formant, mais cause effi-
ciente ; puisque l'âme n'est pas cause maté-*
rielle, maistm coprincipe {concausa) efficient,
élevé, Dieu ne fait nullement avec l'âme un
tout composé, mais il se la subordonne seu-
lement ; et cette subordination suffit è l'union^
d'écoulement ou d'infusion passive; cette
subordination peut encore s'appeler tact subs-
tantiel ,cettedenomina(ion ne désignaolqu'u
ne certaine coexistence intimede la substance
divine en tant que principe élevant, avec la
substance humaino comme principe élevé; de
manière toutefois que Dieu et l'âme ne for-
ment pas un seul principe adéquat résultant
de deux principes inadéquats; mais Dieu
est le premier principe total, et Tâme le
principe ou la cause seconde totale, agis-
sant avec les grâces qu'elle reçoit de Dieu':
Dieu et l'âme ne forment donc pas un toul
(t5t) Ce lanpge fort obscur s'explique cbirpriieiit par Tarcano X.
53S
UOR
^DicnoNîumE
COR
536
composé dans cette union, mais l'âme est
subordonnée à Dieu.
XI. La contemplation scholastiqae est la
eoonaÎAsance purement spéculative des vé-
rités divines; la contemplation mystique
est un acte composé d'une foi vive et d'une
charité ardente; la scbolastique perfectionne
rintelligence, la mystique perfectionne Tin-
tell igence et la volonté.
Xfl. C*est une imprudence de conseiller
indistinctement à tous la recherche et la
pratique de la contemplation; car c'est une
grâce plutôt infuse qu'acquise, et comme
les grâces données gratuitement ne sont pas
infuses à tous, tous ne peuvent se les pro-
curer. Ensuite certaines personnes de la vie
mixte se conduisent avec si peu de sagesse,
qu'après avoir atteint quelque deçré de la
contemplation, elles- se sentent prises d'un
liéijoût subit de leur vocation, préférant
l'amour de la solitude à l'obligation de la
rliarité fraternelle, rejetant la laborieuse
Lia, c*est-i-dire le commerce avec le pro-
chain, pour la belle Rachel, c'est-èndire
pour la contemplation. Ces personnes igno-
rent que la prière, les douceurs et la con-
templation, qui portent préjudice aux devoirs
lie rélat qu'ils ont embrassé, sont plutôt une
illusion qu'une oraison véritable.
XIII. il arrive ordinairement que les ca-
ractères indociles, qui sont a^tés de pas-
sions terribles et violentes, deviennent inca-
pables de ce qu'il y a de plus doux et de
plus sublime dans la contemplation. Car
bien qu il puisse arriver que ces hommes
soient plus saints et plus amis de Dieu que
la plupart des esprits contemplatifs, s'ils
ont soin de m<'lifier et de comprimer
ces passions , cependant on les voit d'ordi-
naire, è cause de 'leur opiniâtreté, de leur
orgueil et de leur penchant à la colère, à
cause du peu de mesure qu'ils mettent dans
presque toutes leurs actions et de l'inégalité
de leur caractère, devenir rarement capables
de la contemplation Infuse, qui leur ferait
goûrler avec plénitude cette suavité, cette
paix, cette tranquillité, cette mansuétude et
ces autres avantages incompatibles avec le
dérèglement de leur esprit ; à moins toute-
fois que lo.ur mortification ne soit tellement
héroïque, qu'elle transforme leur ancienne
rature en une nature nouvelle. (Ifoy. Trans-
portation.)
CONT£NSON (Vincent), né dans le diocèse
de Coudom en 164^0, Dominicain en 1657,
luortè Creil au diocèse de Beauvais en 167fr,
se distingua dans son ordre par ses talents
|)ûur la théologie et pour la prédication. On
a de lui une théologie intitulée : Theoloffia
mentit €i cordû, en 9 vol. in-12, où l'auteur
a voulu corriger la sécheresse des scolasti*
ques, et parler autant au cœur qu'à l'esprit.
CONTINENCE. — Foy. Célibat, Virginité.
CONVERSION.-^Fay. Pénitence.
CORNARO (Flaminio), célèbre sénateur
vénitien, né à Venise le k février 1693, fit
5 es éludes chez les Jésuites. En 1730, il fut
lu sénateur et se montra homme d'état
aussi éclairé que citoyen vertueux. Non
moins pieux que savant, il dirigea ses re-
cherches vers des objets utiles à la religion;
il écrivit Thistoire des églises vénitiecnes
et des monastères. Ses dernières produc-
tions furent des ouvrages ascétiques. Il mou-
rut à Venise en 1778, Agé de quatre-ringt-cinq
ans. Ses œuvres de piété sont : 1* Bagiotoaium
Ualicum^ 1773, Bassano»S toI. îd-v.—
2* Esercixio de perfeziane ei di christiana
rtr/if, composta dci Padre Alfomo Rodri-
gueZf nuovamenie aecomodaio ad ogni slato
di persone; Bassano, 1779, 3 vol. Benoit XIV
adressa à Cornaro un bref honorable et flat-
teur.
CORNELISSEN (Corneille) [Vah di !f Steti],
plus connu sous le nom de ComiUU de la
rierre^ en latin Comtliuê a Lapide^ né à
Bockbolt, au pays de Liège, en 1566, se Gl
Jésuite, et se consacra k l'étude des langues
anciennes, des belles-lettres, et surtout à
celle de TEcriture sainte. Après avoir pro-
fessé avec succès è Louvain et à Borne, il
mourut dans celte dernière ville, le 12 mars
1637* en odeur de sainteté. Nous avoos de
lui 10 vol. in-fol. de Commentaires surtouU
r Ecriture sainte: Anvers, 1681.
CORRECTION FRATERNELLE. — Saint
Bernard dit que quand Dieu nous châtie
c'est une marque qu'il nous aime comme
ses enfants ; et l'Ecriture sainte, nous four-
nit partout des preuves de cette vérité. Le
Seigneur châtie celui quHl aime, dit le Sa^e,
et t/ met son plaisir en lui commt un pert
dans son fils^ Le Fils de Dieu, par la bouche
de saint Jean, dit aussi qu'il reprend el
qu'il châtie ceux qu'il aime ; él TApôlrQ
nous ensei^e la même chose, çuaod il
dit : te Seigneur châtie celui au il aime,
et il frappe de verges tous les enfanis
qu'il reçoit; car quel est le fils qui ne
soit pas châtié par son pire? C'est pourquoi
tous les saints tiennent qu'une des plus
grandes grAces que Dieu fasse è une ime
qui tombe dans le péché, c'est de TaiBiger
aussitôt par les remords de sa copscieuce.
Car c'est une marque que Dieu vous aime
et que vous êtes du nombre des élus; puis*
qu'il ne vous abandonne pas tout à fait, H
au'au contraire il vous invite et vous appelle
ans le temps que tous vous éloignez do
lui ; mais quana le péché n'est suivi ni de
' remords ni de châtiments, c'est, disent-ils,
une marque que Dieu es( extrêmement ir*
rit^, et un des plus grands châtiments dont
il punisse les pécheurs en cette vie. Le
même saint Bernard allègue à ce sujet ces
paroles dTzéchiel : Tapaiserai mon indigna"
tion contre vous :jen'auraiplus dejalousiede
vous,^ je me reposerai el je.ne me mettrai plui
en colère; et ces autres d'Isaïe : Tai juré de
ne me mettre plus en colère contre tous el de
ne plus vous reprendre. Regardez, dit-il, que
Dieu n'est jamais plus en colère que lors*
au'il n'y est plus; si sa jalousie vous. a
onc abandonné, croyez que son amour
vous a abandonné aussi ; vous serez iodj-
gne de son amour, s'il vous juge indigne de
ses châtiments; car ses châtiments sont les
grâces dont il favorise ceux qu'il aime. Or.
537
COR
D'ASCETISME.
COR
»33
de luême que les châtiments de Dieu sont
ttOtt marqoe de son amour, en vers nous,
de même one marque de Tamour paternel
des supérieurs envers les inférieurs est de
les reprendre de leurs fautes et derles aver-
tir, ano qu'ils s'en corrigent. Il vaut mieux
reprendre ouvertemeott dit le Sage, que
d aimer sans le faire paraître. En elfet, la
cbarité et raOèction que Ton a intérieure-
ment pour TOUS est très-bonne; mais elle
n'est uonne que pour celui qui vous aime,
et elle vous est inutile s*tl ne vous en donne
queJqoe preuve. C*est ce que fait le supé-
rieur lorsqu'il vous avertit charitablement
de quelque faute dont vous ne vous aper-
c<;viez pas, on que vous ne re^rdiez pas
comme une faute; c'est tous aimer d*un
amour de père, qui ne désire que t'avan-
tage de ses enfants, puisque, s'il n avait pour
vous de véritables sentiments de |>ère , il
ue tous reprendrait pas de yos fautes. C'est
aiusi que quand un père trouve son fils en
quelque faute, il le reprend et le chfttie
parce que c^est son fils, et parce au'il l'aime
comme son fils et qu'il Youdrait le voir par-
lait. Que si le même homme surprend quel-
que aulre eniant dans la même faute il ne
lui dit rien et ne s'en met point en peine,
parce «jue ce n'est pas son fils. Que son
père, dira*t-ii, y prenne garde et ait soin de
le corriger ; car ce n'est pas à moi à me tour*
meoter d*uae chose qui ne nie touche
l>oict. ( Perfèet. Ckrét. \W. Rodejguez. )
Aureste,lorsque le supérieur vous reprend
ae vos ûuies, il ne vous fiait pas Toir seu-
lement qu'il TOUS aime comme son fils , il
TOUS lait voir encore qu'il est persuadé de
votre affection pour lui, et que vous êtes
^o'^lement persuadé de la sienne et du zèle
qu'il à pour voire bien. Il vous témoigne
même par Ik q|j*ii a bonne opinion de votre
vertu; parce que s'il ne croyait pas que
vous eussiez assez d'humilité pour bien re-
cevoir ses avis et sa correction, il n'aurait
|;arde de vous rien dilre. Au contraire, quand
ii o*en use pas si librement avec vous qu'il
garde des mesures, et qu'il ne vous avertit
\*9s de vos f lutcs et de ce qu'on dit de vous ,
c'est ou qu'il ne vous aime pas comme son
fiU, ou qu'il ne croit pas que vous l'aimiez
comme votre père, ou qu'il ne vous juge
pas assez humble pour faire votre profit de
»es avertissements et de ses réprimandes;
enfin c*est toujours faute d'amour ou d'es-
lime. Il pourra se faire cependant au'il y
aura au dehors des appareuces de 1 un et
de l'autre, mais il n'y aura rien d'effectif; ce
oe sera qu'une estime et une amitié feintes;
car ces apparences extérieures d'estime, de
bienveillance, de quoi vous serviront-elles,
si au fond on a si mauvaise opinion de vous,
que même on n'ose pas se hasarder à vous
avertir de vos débuts? C'est un procédé
double, que de témoigner au dehors d'au-
tres sentiments que ceux qu'on a au dedans ;
et c'est atusi que les gens du monde en
Usent entre eux, parce qu'ils n'osent pas se
dire librement les uns aux autres ce qu'ils
P'.'iiscnt ; il leur arrivera souvent de vous
louer et de vous flatter, pour vous marquer
l'estime qu'ils font de vous. Cependant ils
ont de tout autres sentiments dans le cœur.
£fttrs paro/f A, dit le Prophète, sont plus dow^
ces que rhuile; et Us portent en même temps
des coups d'épée. Leur bouche donne des hé-
nédietions A ceux quUls maudissent dans îeur
cœur. Us usent de tromperies dans leurs dis--
cours f et ils ont le venin des aspics sur les livres.
Nous devons être fort éloignés de tout
cela parmi nous; la charité dont nous fai-
sons profession demande un procédé sin-
cère et ouvert, et ne souffre point ces dé-
guisements. Quoi ! j'aurai des défauts dont
peut-être je ne m'apercevrai point, ou qui
ne me sembleront point des aéfauts, et lo
supérieur qui les voif, et qui sait que mes
frères s'en scandalisent , ne m'en avertira
pas! ce serait n'avoir nulle charité. Si vous
portiez votre manteau à l'envers, observe
saint François de Borçia, ou que vous eus-
siez le visage barbouillé, n'est-il pas vrai
qu'il y aurait de la charité k vous en avertir
et que vous remercieriez celui qui vous le
dirait; q[u'au contraire vous sauriez mau-
vais gré a celui qui le verrait, et qui ne
vous en avertirait pas?
Noos devons k bien plus forte raison
avoir les mêmes sentiments à l'égard des
fautes qui blessent la vertu dans notre Ame,
et qui scandalisent nos frères ; et c'est un
grand avantage pour nous qu'il y ait quel-
qu'un qui ait soin de nous en avertir avec
charité, puisque l'amour que nous nous
portons et qui nous aveugle, fait que nous
ne nous apercevons pas de nos fautes, ou
que nous ne les connaissons pas pour ce
qu'elles sont. De même que la tendresse
qu'une mère a pour son fils dit qu'elle
trouve beau et agréable en lui ce qui est
laid et difforme , de même la tendresse dan-
gereuse que nous avons pour nous fait que
nos défauts nous paraissent de bonnes qua-
lités et que nous y donnons toujours de
belles couleurs; c'est pourquoi les philoso-
phes disent très-bien qu'un homme n'est
Ks bon juge dans ce qui le regarde: car si
mour des autres pour nous les rend aveu-
gles, combien plus l'amour que nous avons
rmr nous même nous doit-il rendre suspects
nous-même dans notre propre cause. Un
tiers qui n'est prévenu d'aucune passion
pour ce qui nous touche, s'aperçoit bien
mieux de nos fauies, et est bien plus capable
d'en juger : outre que deux, comme on dit,
voient toujours bien mieux qu'un.
Plutarque dit que nous devrions donner
de l'argent pour avoir un ennemi, parce
qu'il n'y a aue les ennemis qui disent les
vérités; car oes amis, il ne faut en attendre
3' ue des flatteries et des louanges. Ils vous
iront qu'il ne se peut rien ajouter k vos
bonnes qualités, quoique peut-être ils ne
vous en trouvent aucune ; rien n'est plus
commun dans le monde que celte sorte^ de
langage. Ce qu'il y a encore de mal, c'est
que noire vanité et notre faiblesse font que
nous écoutons ces sortes de flatteries avec
plaisir, et que même uous y ajoutons foi ; au
5S9
COH
DICTIONNAIRE
COR
&10
lieu que nous devrions en user comme le
Prophète royal, qui disait: Le juste me re^
prendra par chanté et me fera une correction
sévère ; mais le parfum de Vhuile du pécheur
n engraissera point ma tête. Saint Augustin
dit que par le parfum de Thuile du pécheur
il faut entendre la flatterie, et que le Pro-
pliète nous marque par là qu'il la déteste et
qu'il aime mieux être repris charitablement
et sévèrement par un homme de bien, que
d'être comblé de louanges et de flatteries
par les méchants. Elles ne servent, dit ce
Père, qu'à augmenter notre folie et notre er-
reur, suivant ces paroles d*lsaïe : Mon peu-
ple^ ceux qui vous appellent bienheureux vous
trompent; au contraire ^ ceux qui vous re-
prennent sévèrement vous font un grand bien.
Suivant c^s autres paroles du Sage : Les bles-
sures que fait celui qui aime valent mieux
que les caresses trompeuses de celui qui hait;
et il vaut mieux être repris par un homme
sage que d'être séduit par la flatterie des fous.
Ce qui nous fait de la douleur pour quelque
temps est justement ce qui est cause de
notre guérison; au lieu quelle devient plus
difficile quand on flatte notre mal ; car alors
nous nous figurons qu*il n'y a rien à dire
en nous, et nous ne songeons point à nous
corriger.
Diogène disait que nous avions besoin
ou d'un véritable ami qui nous avertit de
nos fautes, ou d'un ennemi fâcheux qui nous
les reprochât, afin aue les avertissements de
l'un ou les reprocnes de l'autre servissent
à nous corriger. Le second moyen est assez
en usage dans le monde, où il n'y a d'ordi-
naire que l'inimitié et la haine qui parlent
sincèrement des fautes d'autrui, et où l'on
n'entend la vérité que de la bouche de ses
ennemis.
^ Une des choses qui marquent le plus
l'orgueil de l'homme est la répugnance qu*on
a à souffrir d'être repris de ses fautes.
Trouvera-t-on aisément quelqu'un, dit saint
Augustin, qui veuille bien qu'on le reprenne,
eC où est ce sage de qui il est dit dans le
neuvième chapitre des Proverbes : Repre-
nez le sage et il vous aimera? Il mérite sans
doute le nom de sage, puisqu'il reconnaît
comme il doit un aussi grand bienfait que
celui de la correction ; mais où le retrou-
vera-t-on, et qui est-il, afin que nous lui
donnions des louanges? Nous sommes si
enflés d'orgueil , dit saint Grégoire, et c'est
un vice si enraciné en nous, que nous ne
saurions souffrir qu'on nous avertisse de
nos fautes, parce que nous nous figurons
que ce qu'on nous dit nous rabaisse dans
1 opinion du monde, et nous rend moins
estimables.
Comme nous sommes donc très-sensibles
aux moindres choses qui regardent notre
honneur, nous prenons feu dès que nous
croyons qu'on le blesse ; au lieu de remer-
cier ceux qui nous reprennent de nos fautes,
nous regardons leurs avertissements comme
des persécutions et des injures. Il y a des
gens, en eflet, qui, lorsqu'on prend soin dé
les avertir de leurs défauts , disent qu'on
les persécute et qu'on a de l'aversion ponr
eux. Et on en voit aussi qaelqaes-uus
continue ce Père, qui s'accusent volontiers
eux-mêmes de leurs fautes ; mais s'il arrire
qu'on les en reprenne, ils s'emportent aussi-
tôt et les excusent, parce qu'ils ne peavent
souffrir qu'on les estime moins qu'ils ne
croient devoir l'être.
Ceux-là ne sont pas véritablement ham*
bles et ne parlent point de leurs fautes eo
esprit de vérité; car, s'ils l'étaient effective-
ment, et qu'ils crussent d'eux ce qu'ils eu
disent, ils ne seraient pas fâchés qiroD leur
dit les mêmes choses, et ils ne prendraient
pas tant de soin de s'excuser et de se défes-
dre. La véritable humilité consiste à noas
connaître et à nous mépriser nous-mêmes,
et à êire bien aises que les autres connais-
sent aussi nos fautes et nous méprisent. B
ces gens-ci, dit saict Grégoire, font voir
clairement, que ce n'est pas afin d'être mé-
prisés Qu'ils disent du mal d'eux-mêmes,
mais afin de passer pour humbles et pour
justes , parce qu'il est écrit quelejuste est k
premier accusateur de lui-même. Voustoq-
lez vous acquérir de l'estime et passer
pour humbles, et vous dites du mal de
vous-mêmes, parce que vous croyez que c*est
un moyen de parvenir à votre fin. Hais
en même temps, comme vous ne crojez
pas que le mal qu'un autre dit de tous
puisse vous y aider, et qu'au contraire vous
vous imaginez qu'il peut détruire la bonne
opinion qu'on a de vous, vous ne sauriez
souffrir dans la bouche d'autrui ce que tous
dites vous-mêmes. Tout cela ne part que
d'orgueil et de vanité ; et de là vient encore
que souvent, quoique nous voyions que ce
au'on nous dit est vrai» et qu on a raison
e nous reprendre, nous ne laissons pas
cependant de souffrir impatiemment la ré-
primande et d'en avoir du dépit.
Ainsi, nous ne devons plus dire : Repre-
nez le sage et il vous aimera; car, où sont
maintenant les sages qui veuillent être re-
pris et qui sachent bon gré à ceux qui les
avertissent de leurs fautes? Mais nous som-
mes réduits à dire ce que )e même Salomoa
dit au même endroit : Gardez-vous de re-
prendre un moqueur^ de crainte quHl ne vous
haïsse. C'est la récompense que l'on a ordi-
nairement dans le monde» des bons avis
qu'on y donne ; car le méchant n'aime
point celui qui le reprend; et il n'a point de
commerce avec les gens sages qui peuvent
l'avertir de ses défauts ; enfln, il y a déjà
longtemps qu'on a dit que la vérité ne fait
que des ennemis.
Les saints comparent ces sortes de gens
à des fous et à des frénétiques qui ne peu-
vent souffrir la présence du médecin et qui
rejettent toutes sortes de remèdes, parce
qu'ils en ressentent de la douleur et qu'ils ne
se croient pas malades. Cette comparaisoii
est tirée du Saint-Esprit, qui dit que celui
qui hait les réprimandes est un insensé. En
effet, il ne manque pas seulement d'burm-
lité, il manque aussi de jugenoent et de
sens ; en un mot, c'est un fou et un freoô-
541
COR
D^ASCETlSIie.
CX)R
Mi
liqae» puisqu*il fcjettc les remèdes salutai-
res qu*on lui donne, el qu'il se fàcbe cocilre
le médecin qui veut le guérir.
L'orgueil et la folie dont nous Tenons' de
parler ront jusqu'à un tel excès, et tout
le monde le sait si hien» qu'A peine y a-t-îl
maioteoaot quelqu'un qui veuille avertir
ses frères de leurs fautes , parce qu'il, n'y
a personne qoi soit bien aise de se faire
baïr, et d'acheter des inimitiés è prix d'ar-
gent 9 comme on dit. Mais les oi^ueilleux
n ont en cela que ce qu'ils méritent ; car,
que mérite un malade oui ne yeul pas se
iaitfer traiter, sinon qu on rat>andonne et
qu'oo le laisse mourir, et quelle autre chose
peut mériter aussi un homme qui ne veut
(tas qu*on le reprenne, et qui reçoit mal les
avertissements charitables qu'on lui donne?
Celui qui baît la correction mourra, dit le
Siage, et celui qui hait la discipline ne lait
pas cas de son âme. Il mérite, sans doute ,
qu'on ne l'avertisse etquun ne le reprenne
ue lien: que ses défauts augmentent tous
les jours ; qu'ils viennent à la connaissancd
de lonl le monde et que tout le monde s'en
(U. retienne, sans que personne ait lâcha-
nte de lui en parler.
C'est ce qui arrive ordinairement à qui-
conque trouve mauvais qu'on le reprenne*
Et quelle plus graude punition peut rece-
voir on homme de cette sorte, que d'être
abandonné à son opiniâtreté et a son or-
uueil ? Noos avon« t ris soin de Babylone,
e. elle n'est pas guérie : abandonnons-la; il
fie veut pas protiter des remèdes qu'on lui
donne, il faut le laisser. Quand on ne la-
iioore plu^ une vigne, et qu'on ne la taille
p:as, c'est qu'on la laisse comme ne pouvant
l»lus porter du raisin ; ans^i, quand on cesse
ce faire des réprimandes à une personne
qui les reçoit mal, c'est qu'on l'abandonne
comme étant incapable de correction.
Saint François de Borgta, parlant des in-
convénients qu'il y a à ne pas bien recevoir
la correction, dit qu'il y en a deux cunsi-
sidérables en l'un ou l'autre desquels il est
infaillible de tomber. Car, ou 1 on cessera
d'oser de correction, parce que personne
ne voudra se charger de donner des remèdes
à lies malades impatients et intraitables , et
alors les défauts prendront racine partout
où ils se rencontreront ; ou, si on ne lai^se
pas d'user de correction envers ceux qui
t-n auront t>esoin, et qu'ils en sachent mau-
vais gré, toute la maison sera bientôt rem-
plie de Gel et d'amertume par leur indoci-
lité, qui leur fera prendre pour une injure
Ci qu'ils devraient recevoir comme une
grâce, et qui fera que, convertissant tous
les remèdes en poison, ils demeureront of-
fensés et ulcérés de la même chose dont ils
d*fTraient se sentir éternellement obligés.
Cela devrait, ce me semble, donner extrê-
mement à penser à tous ceux à qui on ne
fait aucune réprimande; car ils devraient
faire réflexion sur eux-mêmes et se dire :
N'est-ce point parce que je suis un mauvais
m lade qu'on ne se donne plus le soin de
me tiaiter ; n'es'.-ce point parce que j'ai mal
reçu ce qu'on m'a dit, que l'on ne prend
plus la peine de me rien dire 7 Le même
saint nous recommande ensuite au même
endroit cet esprit de douceur, de simplicité
et de charité, qui régnait dans les commen-
cements de notre institution, et qui faisait
que la correction, bien loin d'être une occa-
sion de scandale et d'amertume à ceux qu'on
reprenait de leurs fautes, leur était un soget
d'édification et de reconnaissance.
Un grave docteur, parlant de ceux oui
ne veulent point qu'on les reprenne, les
compare au démon, parce qu'ils sont incor-
rigibles comme loi; et il dit qu'une chose
qui distingue le pécheur d'avec le démon,
aest qne le |>écheur est capable de correc-
tion tant qu'il est en vie, au lieu que le
démon en est éternellement incapable. Il
rapporte encore à ce sujet ces paroles de
l'Ecclésiastique : Celui qui hait la correc-
tion est la trace du pécheur, c'est-à-dire du
démon qui est appelé figurément le pécheur.
Comme donc la trace du pied est sembable
au pied, de même celui qui hait la correc-
tion est semblable au démon, parce qu'il se
rend incorrigible comme loi, en fermant la
porte à un des meilleurs moyens qu'il puisse
avoir pour se corriger. Saint Basile oit qoe
celui qui en use ainsi est d'un commerce
très-pernicieux, parce que son exemple fait
hair la correction aux autres, et les détourne
ainsi de leur entreprise, qui est de travailler
sans cesse à l'amendement de leur vie. C'est
pourquoi il ordonne que ces sortes d'esprits
indociles soient séparés du reste de la com-
munaulé, de peur qu'ils communiquent leur
maladie à leurs frères.
Un des meilleurs conseils qu'on puisse
donner sur cette matière est celui que nous
donne Galien qoi, ne s'étant pas contenté
d'avoir écrit plusieurs aphorismes pour la
guérison des maladies do corps, a composé
aussi un livre de la connaissance et de la
guérison des maladies de l'âme. 11 dit donc
que celui qui veut se corriger et faire du
progrès dnus la vertu, doit chercher un
homme sage qui l'avertisse de ses fautes, et
que quand il en aura trouvé un, il faot qu'il
la conjure instamment de vouloir bien
l'avertir de tout ce qu'il remarquera de
mauvais en lui, qu'il lui promette de lui en
aToir obligation toute sà vie, comme de la
plus grande marque d'amitié qu'il puisse
recevoir de lui; et qu'il l'assure qu'autant
que l'âme est au-dessus du corps, autant
cette obligation sera au-dessus de celle qu'il
devrait lui avoir, s'il l'avait guéri de quel-
que grande maladie. Que si celui à qui vous
vous serez adressé, ajoute-t-il, veut bien se
charger du soin de vous avertir de vos
fautes, et qu'il se passe ensuite quelques
jours sans qu'il vous dise rien, allez vous
plaindre à lui et conjurez-le encore plus
fortement que la première fois de se souve-
nir de ce qu'il vous a promis, et de vous
avertir de vos fautes, dès que vous en au-
rez fait quelqu'une. S'il répond qu'il se
souvient de sa imrole, mais qo'il n'y a |ias
eu occasion de (a tenir, parce que vous ne
U43
COU
DICTIONNAIRE
COR
»l
vous Aies rien laissé échapper en qaoi vous
ayez besoin d^avertissetneuty gaidez-vous
bidn de le croire et de vous imaginer qu'il
ait manqué de matière ; mais croyez que
son silence peut provenir de quelqu'une
Jes tn)is causes que nous allons dire : En
premier Jieu« de négligence, et parce qu'il
n*a fait nulle attention ni à vos défauts, ni
è ce qu'il vous avait promis, y ayant peu de
gens qui veuillent bien travailler de cette
sorte à rendre les autres' plus sages. En
second lieu, parce que s'if a remarqué quei-
3ue faute en vous, il n'a pas eu Tassurance
e vous le dire; ou que même il n'a pas
voulu se mettre au hasard de perdre par là
votre amitié, sachant bien que tout ce qu'on
gagne d'ordinaire à dire la vérité, c'est de se
faire haïr; ou enfin, parce qu'il a vu qu'il vous
est quelquefois arrivé de ne recevoir pas
en bonne part les avertissements qu'on vous
a donnés ; et qu'ainsi quelque chose que .
vous lui ayez pu dire, il ajoute plus de foi
aux effets qu'aux paroles, et il ne peut se
persuader que vous souhaitiez tout do bon
qu'il vous avertisse de vos défauts. Prenez
garde» ajoute-t*il encore, que, quoiqu'il
vous semble quelquefois que les fautes dont
on vous reprend ne sont pas si grandes
qu'on vous le dit, il ne faut pas cependant
les défendre, ni vous excuser. Première*
ment, parce que d'ordinaire un autre voit
mieux nos défauts Que nous ne les voyons
nous-mêmes, et qu ainsi il peut se faire
qu'il juge mieux des vôtres que vous. En
second lieu, parce que quand même il se
tromperait, ce qu'il vous dit peut toujours
servir à vous faire avoir un peu plus d'at-
tention sur votre conduite» et à faire que
dans la suite vous évitiez avec soin de
donner aucune occasion de rien soupçonner
do vous de semblable.'
Voilà tout ce que dit Galien sur ce sujet ;
et nous avons besoin de mettre tout cela en
pratique, si nous voulons trouver quelqu'un
qui se charge volontiers du soin de nous
avertir de nos faules; car ce n'est pas une
chose aisée, et chacun peut en juger, non-
seulement par le chagrin que la correction
peut lui donner quand il la reçoit, mais
aussi par celui qu elle lui donne, quand il
est obligé de la laire aux autres et que le
supérieur le charge de les avertir de leurs
défauts. C*est une des choses qui font même
le plus de peine à un supérieur, d'avoir af*
faire à des religieux qui n'ont pas l'esprit
iissez humble et assez aocile pour bien rece-
voir la correction. Car comme d'un côté il
est obligé de la faire, et que de l'autre il
(craint qu'on ne la reçoive mal, il ne la fait
qu'eu tremblant, comme on ferait une opé-
' ration difficile et dangereuse, souvent même
il ne sait 8*il doit parler ou non. Quelque*
fois il lui semble qu'il doit la faire, mais
en prenant bien son temps, en assaisonnant
sa réprimande de quelque chose qui la
rende moins anière; quelquefois 11 trouve
dans ceux à qui II doit la faire, si peu de
disposition à la bi^sn recevoir, qu'il prend
\q parti dw ne rien leur d rc, au hasard de
les voir demeorer dans leurs défauts. C'est
qu'il craint que ses avis ne leur nuisent au
lieu de leur proGler, et qu'ils ne sérient
qu'à les aigrir davantage contre lui, et ï
faire que dans la suite ils s'aequiiteri
encore moins bien de lenr devoir. Le soleil
amollit la cire et durcit la boue, et qaaod
les plantes ont bien pris racine, l'eau, Talr
et le soleil aident à les faire mieux pousser;
mais quand elles ne sont pas bien enraci-
nées, ces mêmes choses ne servent qo'è les
pourrir ou à les sécher. C'est ainsi que la
correction amollit le cœur de ceux qui sont
véritablement humbles par la conoaissaoce
d'eux-mêmes, et en qui l'humilité a jeté de
f»rofondes racines; au lieu qu'en ceux dont
'humilité n'est pas bien enracinée dans la
connaissance de leur bassesse et de leur
néant, elle ne produit que la sécheresse
et l'endurcissement de cœur. C'est pourquoi
les supérieurs s'abstiennent souvent de
reprendre ceux en qui ils voient celle mag-
vaise disposition, parce que leur mal oo
fait qu'empirer r>ar les remèdes; et coaver-
tissant les meilleures choses en poison, ils
prennent pour aversion et pour acharne-
ment ce qui est un effet de l'amitié qu'on
leur porte, et du zèle qu'on a pour leur
salut; et certainement ces sortes d'esprits
méritent bien qu'on les abandonne.
Si .vous voulez donc qu'on ne vous aban-
donne pas comme un malade incurable et
comme un esprit incorrigible, il faut que
vous receviez en bonne part ce qu'ôa tous
dit. C'est une très^bonne chose quand od
est repris, dit le Sage, de lémoigoer qu'on
se repent de sa faute. Mais quand même
vous n'auriez pas fait la faute dont on tous
avertit, ou qu'elle serait moindre ou que les
choses se seraient passées autrement qu'on
ne vous les dit, il ne faut pas laisser de
montrer que vous en savez bon gré à celui
qui vous a averti, et de lui dire que tous
prendrez mieux garde à vous une autrefois,
et qu'il vous a fait un très-sensible plaisir,
parce que vous l'encouragerez par là à tous
avertir une autre fois. Que si vous Touiez
commencer par vous excuser et vous défen-
dre, tout ce que vous gagnerez, c'est qu'une
autrefois, et peut-être dans quelque occa-
sion où vous auriez en grand besom d'aTe^
tissement, il ne vous dira rien. La première
chose que font certaines gens, quand on les
reprend de quelque faute, c'est de l'exca-
ser d'abord ; et quand ils voient qu'ils oo
peuvent plus la défendre entièrement, m
cherchent des raisons et des couleui^ pour
la faire paraître moindre, et c'est A le
moyen de faire que jamais on ne les ater-
tisse de rien. Car quand on voit quon ne
peut jamais vous faire demeurer d'acconi
des fautes dont on vous avertit et que vous
trouvez toujours des excuses à toutes cboses,
on prend la résolution de ne vous averiir
jamais de rien. Ainsi, outre qtï'eD f •*
vous faites une chose de mauvaise édioci-
tion, tout ce que vous gagnez par vos Ju^
li'ications et par vos excuses, c*e^ dem-
:.4i
COR
n'ASCETlSME.
GOR
546
p^*her qii*OD se veuille jamais charger de*
TOUS donner un avis utile.
Oo regarde mëcne comme un grand défaut
dans les supérieurs» de ne pas bien rece-
voir les avis et les conseils qu*on leur
doane; jusque-là qu'on dit qu*un homme
qui a des lumières bornées, mais qui con-
naît ses défauts, et qui écoute conseil,
est plus uropro au gouvernement qu'un
antre qui a plus d^étendue d'esprit, mais
qui esl d'ailleurs rempli de lui-môme, et
qui croît tellement savoir toutes choses,
qo*îl trouve mauvais au*on Taverlisse et
qa*OD lui donne conseil. L*Ccriture sainte
esc pleine de passages qui marquent la vé-
rité de ce que nous disons. N*avcz-vous
point vu un homme qui se croit habile 7
dit Salomon. La conduite d*un fou pnratt
trës-lx>nne à ses jeux; mais un homme
sage écoute conseil. Je suis la sagesse qui
fais me demeure dans le conseil. Où il y a
quantité de bons conseils, on j trouve son
salul. L*ap6tre saint Jacques marque aussi
comme une des conditions de la sagesse
l'être traitable et de se laisser persuader,
Lm »Q§€U€ qm vient (ten haut, dit-il, est pre-
wûiramaU pUme de pudeur; ensuite elle esl
omie ée la paix moaeslep traitable et aisée à
ferler au Sien. Que si dans les supérieurs
il est si louable d*écouter volontiers les avis
et les conseils qu'on leur donne, et si, au
coQUmire, il est si blâmable en eux de ne
pas le fidre, à combien plus forte raison
doit-on bUmer les inférieurs qui souffrent
trec impatience que leurs supérieurs les
Ttprennent ? Gela seul devrait nous obliger
i recevoir la correction avec docilité. Mais
ifin que nous nous j portions encore plus
volontiers de nous-mêmes, il est bon de
fiire ici une remarque : c'est que quand on
reçoit la correction comme il faut, et que le
supérieur en est persuadé, il se met beau*
coup moins en neine des fautes dans les-
quelles OD tomoe, parce qu'en vojant le
nul, il voit aussi le remède. Mais quand lm
ne la reçoit pas bien, il se trouve fort ei?-
birrassé, panse qu'il voit la porte fermée h'A
remède; et c'est là une des plus grandes
peioes d>sprit que puissent avoir les supé-
rieurs. C'est pourquoi il est bon de témoi-
Sner en particulier h son supérieur qu'on
a extrêmement envie d'être repris de ses
laotes. Bt pour cet effet, il faut le prier de
veiller sur notre conduite avec des yeux do
père, et de nous reprendre librement de
tons nos défauts, sans prendre garde si
quelquefois on aura peut-être fait voir
quelque impatience dans la correction et si
oo ne l'aura pas reçue avec toule la soumis*
iMn qu'on devait. Il ne si^t pas au re^te
de lui avoir &it une fois cette prière, comme
par manière d'acquit; mais il faut la réité-
rer plusieurs fois avec instance; et soyez
eertjio que vous n'en sauriez trop faire
(^ur 1^ bien persuader et pour le fiorler à
se bien acç|nitter à votre égard d'une com-
mission si désagréable d'elle-même et si
difficile. A'nsi, quoique en toute autre
rencontre nous devions être bien aises
qu'on nous croie pleins d'imperfections, il
faut bien se garder ici de donner lieu au
supérieur de nous croire assez immortifiés
et assez indociles pour ne pas bien recevoir
ses corrections ; car il faut même tâcher de
le persuader du eoniraire de peur qu'il ne
veuille plus se donner la peine de nous
reprendre, et que de cette sorte nous ne
venions à être privés d'un des principaux
moyens qne nous ayons pour notre avance-
ment spirituel.
Comme un malade qui a envie de gué-
rir, dit saint Basile, se soumet de bon cœur
aux ordres du médecin et quelque fâcheux
que soient les remèdes, il ne s'en preid
point à loi et ne le soupçonne d'aucune
mauvaise intention : de même un homme
qui a véritablement envie de se corriger,
reçoit de bon cœur les avertissements qu'on
loi donne, et ne se met point dans l'esprit
que ce soit par chazrin et par aversion
au'on trouve a redire a ce qu'il fait. Que si
I intérêt de notre santé, ajoute le même
saint, nous fait prendre de bon cœur des
médecines très-amères; si pour cette raison
nous souffrons que le médecin et le chirur-
gien emploient le fer et le feu sur nous
comme il leur platl ; si même nous les en re-
mercions comme d'une grande grAce ; n'esl-
il pas juste que pour notre salut et pour le
bien de toute la religion, nous nous sou •
mettions de la même sorte à la correction,
quelque Ûcbeuse au*elle puisse être d'elle-
même, et quelque répugnance que nous pois-
sions y avoir.
Saint Cbr^sostome, voulant nous porter \
bien recevoir la correction et à profiter des
avertissements qu'on nous donnot allègue
l'exemple de Moïse , qui, étant de lui-même
si sage et si éclairé, et d'ailleurs ayant été
Choisi de Dieu jK>ur être le conducteur de
son peuple et l'instrument de tant de mer-
veilles, ne laissa pas de bien recevoir l'avis
de Jéthro, son t>eaU'père, qui lui conseilla de
choisir des gens pour le soulager dans le.
gouvernement du peuple et dans l'adminis-
tration de la justice. Vous ne faites pas bien^
lui dit Jétbro, voyant qu'il faisait lui seul
toutes choses; et vous vous accablez de tra^
voit mal à propos. Ce que vous entreprenez
est au^essus de vos forces^ et vous n y sau^
riez suffire seul. Et le même Père remarquo
sur ce sujet que Moise se garJa bien de fairo
comme quelques-uns, qui, lors même que
le conseil qu'on leur donne leur paraît l>on,
se fichent contre celui qui le donne, comn e
étant indignés qu'un homme moins habile
qu'eux se permette de les conseiller; mnis
qu'il le reçut avec soumission, et le mit aus-
sitôt en pratique.
Saint (iyprien et saint Augustin proposent
aussi l'exemple de saint Pierre, lorsque saint
Paul le reprit de ce qu'il voulait assujettir h
!a circoncision ceux d'entre les gentils qui
se convertissaient k la foi. Remarquez, disent-
ils,que saint Pierre ne présuma point de lui
même et oo voulut |ioint l'emporter, parce
qu'il était le chef de l'figtiseel que son senti-
ment devait prévaloir à celui des autres. lU-
547
COR
DICTIONNAIRE
COR
548
marquez qu'il ne méprisa point saint Paul,
pour a?oir été peu de temps auparavant le per-
sécuteur de i^Bglisede Dieu, et qu*i) ne fut
point f&ché d'être repris par lui; maisqu'il re-
çut très-bien son conseil, et se rendit aussitôt
a la vérité et k la raison.
C'est encore un exemple digne de mémoire
et de remarque que celui que donna le grand
Tbéodose, en recevant avec soumission et
avec humilité la correction et les répriman-
des de saint Ambroise, soit lorsoue ce saint
évoque l'excommunia, et lui déiendit ren-
trée de l'église, h cause du massacre qu*il
avait fait faire de tout le peuple de Thessa-
Icinique, soit lorsqu*étanl demeuré dans l'en-
ceinte du chœur, après avoir fait son otfrande
à l'autel, ce même saint lui envoya dire de
se retirer dans la nef, parce qu'il n'apparte-
nait qu'aux prêtres de demeurer dans le lieu
où il était, et que la pourpre n'élevait pas
les emnercurs à la dignité du sacerdoce.
L'histoire ecclésiastique rapporte au long
ces deux exemples, et dit qu'on ne saurait
décider à quoi on doit j)lus de louanges, ou
à la constance et à la rermeté du saint évê-
que» ou à Tobéissance et à l'humilité d'un
si puissant empereur.
Nous lisons dans la Vie du même saint
Ambroise, qu'il remerciait ceux qui l'aver-
tissaient de ses fautes, et qu'il recevait leurs
avis comme une faveur signalée. £t This-
toire de l'ordre deClteaux fait mention d'un
religieux de Clairvaux, qui recevait la cor-
rection avec tant de reconnaissance, que, tou-
tes les fois qu'on le reprenait de quelque
faute, il disait un Paternoster^ pour celui
qui l'avait repris. Il est marqué aussi au
même endroit, que cette coutume a toujours
été pratiquée depuis dans ce monastère, et
qu'elle s*y observe comme une loi inviolable.
Saint Arsène était dans une grande répu-
tation de sainteté parmi les solitaires de son
temps et il avait été auparavant en grande
considération à la cour cle l'empereur Théo-
dose qui Pavait fait gouverneur de ses en-
fants, Arcadias et Honorius,qui furent aussi
empereurs après la mort de leur père. Comme
il avait donc été nourri toute sa vie è la cour
et que la sainteté ne détruit pas entière^
ment toutes les imperfections , il lui était
resté quelaues légers défauts, qui étaient des
restes de la manière libre dont il avait été
élevé; entr^ autres il avait celui de tenir
ordinairement ses jambes croisées Tune sur
l'autre., quand il était assis en conférence
avec les autres solitaires. Cette posture leur
semblait è tous indécente et immodeste, et
ils eussent bien voulu l'en avertir ; mais pas
un d'eux ne voulant s'en charger, parce
qu'ils avaient de la répugnance à reprendre
un homme de cette considération uour une
simple bagatelle, ils tinrent conseil à ce su-
jet pour trouver quelque moj[en pour le cor-
riger de cette mauvaise habitude, et l'abbé
Pasteur, qui était un homme très-saint et
très-éclairé, leur proposa un moyen très-
propre et très-facile. « La première fois que
n^us nous assemblerons, leur dit-il, je me
mettrai dans Ja même posture qu'Arsène :
vous m'en reprendrez publiquement; je m
mettrai aussitôt dans une posture plus mo-
deste, et ainsi il sera suffisamment averti, s
Cet expédient fut approuvé de tous les Pè«
res, de sorte que dès la première fois qu'ils
s'assemblèrent pour la conférence spiri-
tuelle, Tabbé Pasteur ne manqua pas de se
mettre dans la même posture que saint Ar-
sène. Les Pères l'en ayant aussitôt repris,
comme d^une chose qui blessait la bien-
séance et la modestie, il se remit au même
instant dans la situation où il devait ;être;
et saint Arsène prit si bien l'avis pour lai,
qu'aussitôt, sans faire semblant de rien, Il
aoaissa peu à peu sa jambe, et que depuis,
il ne lui arriva jamais de retomoer dans la
même faute.
Cet exemple nous fait voir deux choses :
et combien c'est un emploi fAcheux et diffi*
cile de reprendre les autres' : et que chacun
doit preudre pour soi les réprimandes que
l'on fait publiquement à son frère.
La neuvième règle du sommaire de nos
constitutions, continue le P. Rodriguez,
porte que pnour notre plus grand] avao^
cément spirituel , et surtout pour nous
abaisser et nous humilier davantage, nons
devons être bien aises que quelque faute,
quelque imperfection dans laquelle nous
soyons tombés, quoi que ce soit enfin que
r.ous ayons fait et dont oa ait eu connais-
sance nors de la confession, on le décoane
è nos supérieurs. Il est k propos^ pour bien
établir ce que nous avons à dire sur celle
matière, que tout le monde sache, que non-
seulement toutes nos constitutions ont éié
approuvées et conGrmées par le Saint-Siège,
et que même Grégoire XllI, dans la bulle
qui les approuve, a mis expressément celte
clause : « de notre propre mouvement; imais
que la règle que nous venons de citer a été
particulièrement approuvée par le Pape dan$
un jugement contradictoire, ce qui la rend
encore plus authentique; et voici comment
la chose arriva. Un prêtre qui avait été d«!
notre compagnie, et que l'on avait renvoyé
comme un esprit brouillon et inquiet, 61
imprimer une partie de la Somme du cardi-
nal Tolet, et il y joignit un cnapitre où H
disait, que dans un certain ordre pour lequel
il avaitd'ailleurs beaucoup de res^tect èctiu^^*
des savants hommes qui enétaiient,il yavait
une règle qui obligeait tous les religieux, dès
quMls savaient quelque faute de quelqu'un
(le leurs frères, d'en avenir immédiatement
le supérieur, sans en rien dire aupararani
h celui qui avait commis la faute; et il ajou*
tait qu'il pouvait naître de grands ÎDConTé-
nionts de cette règle, et qu'elle était entiè-
rement contraire h FËvangile. Le P. E^e-
rard Mercurien, qui était alors général de
la compagnie, se plaignît de cette calomnie
au Pape ; et le Pape a^ant voulu voir le livre
et la règle, et s'étant informé de quelle ma-
nière elle était pratiquée dans la compagnie,
déclara que non-seulement elle n'était ()oiril
contraire à l'Evangile, mais que, bien loip
de pouvoir être justement biftmée, elle était
véritablement remplie de la (lerfection évaD-
5lf
COR
D*ASCET1SUE.
COR
550
gëliqae; et il ordonna que Tendroit du livre
où il en élail parlé si injurieasement serait
défendo, comme il le fut ensuite par le car*
dînai Sirlet, en veiin du pouvoir que lui en
donnait sa charge d'inquisiteur général.
Quoique cette règle soit par la suiBsam-
menl justifiée, on doit encore observer
que les. novices la voient prat'quer; ce
qui suffit pour supposer qu'en f isant on-
s^ute leurs vœux, ils renoncent tacite-
ment au droit qu'ils pourraient avoir
contre cette r^Ie, quoiqu'ils ne disent
pas en terqaes formels qu'ils y renoncent.
C'est ainsi qu'un Chartreux qui tàii profes-
sion, et qui sait que dans l'ordre où il s'en-
gage on garde une i>erpéluelle abstinence,
qu on ne rompt jamais pour quelque cause
Sue ce soit, renonce en s'y engageant au
roit naturel qu'il a de conserver sa vie
en maneeant de la viande, quoique cepen-
dant û vry renonce point en termes formels,
et quoique ce droit soit préférable à celui
de conserver sa réputation. C'est encore de
la même sorte que celui qui prend les ordres
sacrés, renonce au droit de pouvoir se ma-
rier, et demeure étroitement obligé à garder
la chasteté toute sa vie, quoique cependant
il ne fasse expressément aucun vœu de chas-
teté. De plus, saint François de Borgia étant
général, et étant consulté sur cette matière
parquelques congrégations provincialesd'Es-
pagne, leur répondit que ceux qui rentraient
dans la compagnie étaient censés avoir re-
noncé au droit qu'ils pouvaient avoir contre
cette règle; et il est certain que parla teneurde
DOS bulles et de nos privilèges , le général de
notre compagnie a pouvoir de déclarer le sens
Téritable de nos constitutions. Pour conclu-
>ion,?ette règle ajant encore après celaétédis-
catée dans la sixième congrégation générale,
les diosesy furent décidées de la même ma-
Dière ; et la congrégation générale de notre
compagnie, comme il est marqué en cet en-
droit, a autorité du Saint-Siège de décider
sur les doutes qui peuvent naître touchant
les r^les de notre institut. Il fut dit aussi
dans celte sixième congrégation, qne ces
l^rolesde la règle, « par qui que ce soit qui
ail nu en avoir connaissance hors de la
confession , » ne doivent s'entendre que des
fautes qu'on pourrait avoir remarquées, et
non pas de celles qu'on pourrait avoir dites
soi-même en secret à quelqu'un en lui de-
mandant ses conseils et ses lumières.
Toutes les difficultés qu'il pourraity avoir
dans cette matière demeurent par là entiè-
rement aplanies , et par là tous les sujets
de plaintes cessent ; car c'est une maxime
de droit très-constante , qu'il n'y a point de
lésion quand on agit avec connaissance et
de son bon gré. On vous a informé de cette
T^e lorsqu'on vous a reçu , et vous avez
dit qoe tous vouliez bien vous y soumettre :
si vous êtes fâché ensuite qu'on découvre
î(H fautes au supérieur , ne vous en prenez
point à la règle qui l'ordonne, ni à votre
tfère qui y obéit ; mais prenez vous-en à
TOUS seul qui devriez être maintenant plus
confirmé dans l'esprit de mortification et
d'humilité que vous ne l'étiez au commen-
cement, et qui cependant Têtes bien moins,
puisque vous n'êtes plus dans la même dis
position où vous étiez alors. C'est de là que
vient toute la peine que cette règle fait à
quelques-uns : ainsi notre saint instituteur,
connaissant bien que l'orgueil et l'immor-
tification étaient les seules choses qui pour-
raient la rendre fâcheuse , nous marqt e que
l'esprit d'humilité et le désir d une |Hus
grande perfection doivent en être les fonde-
ments. Si nous avions donc cet esprit et ce
désir , nous serions bien aises gue Ton sût
ces fautes, afin qn'on nous en estimât moins :
à combien plus forte raison devons-nous
être ravis qu'on les sache , afin qu'on nous
en reprenne et qu'on nous en corrige. Ci kjî
qui n'a pas assez d'humilité pour vouloir
bien qoe nos fautes soient sues à ce pn'x-là,
n'a guère l'esprit d'humilité et de mortifica-
tion.
Il faut observer en troisième lieu, que,
quoique notre frère ne trouve pas bon qu'on
le corrige de ses défauts, on ne doit pas
laisser cependant d'en avertir les supérieurs,
et de faire son devoir, quoiao'il ne fasse pas
le sien. Saint Augustin pariant de ceux qui
ne reçoivent pas bien la correction , dit
qu'ils sont semblables aux frénétiques qui
ne veulent point entendre parler de méde-
cine ni de médecins. « Mais que faut-il faire,
ajoute-t-il , à ces esprits inoocilesT Faut-il
pour cela les abandonner , et ne prendre
plus aucun soin de leur gjuérïson 7 Nulle-
ment, continue-t-:l ; car ni un frénétique
ne veut point qu'on le lie , ni celui qui est
dans la léthargie ne veut point qu'on le ré-
veille ; cependant la charité ne laisse pas
de persister toujours à lier l'un et à réveil-
ler l'autre, et à les aimer tous deux. On les
offense en cela tous deux , mais on les aime
tous deux aussi : on leur fait i tous deux
de la peine et du dépit, tant qu'ils sont
malades ; mais sitôt qu'ils sont guéris , ils
voient qu'on leur a fait p'aisir , et ils vous
en savent bon gré. Nous devons espérer
qu'il en sera de même de notre frère : car
quoiqu'il soit maintenant fâché qu'on le re-
6 renne, il viendra un temps où, faisant ré-
exion sur lui , et considérant les choses
dans la vue de Dieu, il reconnaîtra sa faute,
et se sentira obligé de la grâce qu'on fui
aura faite. Si les hommes, dit ce même
Père, ne laissent pas de prendre beau-
coup de peine, et de s'exposer même quel-
quefois à de grands hasards , pour guérir des'
bêtes qui n'ont point d'entendement, et
dont ils n'espèrent aucune reconnaissance,
à combien plus forte raison devons-nous
travailler à guérir et corriger notre frère ,
afin qu'il ne périsse pas éteniellement 7 II
a de la raison , et il pourra se faire qu*il
sentira quelque jour le prix de la ^âce que
TOUS lui aurez faite : car celui qui reprend
un homme, dit le Sage, sera mieux ensuite
dans son esprit , que celui qui le trompe
par des flatteries. * Saint Basile applique à
ce sujet ces paroles de saint Paul aux Corin-
thiens : De qui esi-ce que je reçois de la joie j
551
COR
DICTIO.\iNAilŒ
cno
KH
êinon de celui à qui fat donné du chagrin ?
La peine et le chagrin que la correction vous
donne est justement ce qui donne de la
joie , parce que Je sais que vous en tirerez
de l'avantage. Car la véritable tristesse selon
Dieu opère une pénitence solide et salu*
taire; et cela même que vous êtes affligés
selon Dieu, combien vous a-t-il rendus plus
soigneux? Mais il j a des gens, direz-vouSi
à qui la correction et les avertissements ne
servent de rien. Saint Aususlin répond
très-bien à cette objection. En quoi I dit'-il ,
faut*il renoncer à la médecine f parce qu'il
y a des maux incurables? Non , sans doute;,
et il ne faut pas non plus renoncer à corri-
ger ses frères • parce qu*il y en a quelques-
uns qui ne font pas un bon usage de la
correction. 11 est du devoir des (médecins
des Âmes et des médecins des corps dVm-
ployer incessamment tout leur soin et tout
l^ur art pour la guérison des malades, de
ne les abandonner jamais, et de leur faire
toujours quelque remède. Pour co qui est
mamtenant de la manière dont on doit
faire la correction , Saint Basile dit que ce-
lui qui la fait doit imiter les médecins , qui
ne se fâchent jamais contre le malade , inais
qui s'attachent seulement à la maladie, et la
combattent par toutes sortes de remèdes .1! ne
fautdoncpas quecelui qui reprend se mette en
colère contre celui qui a failli; il faut qu'il
s'applique uniquement à retrancher ce qu'il
y a de mauvais en lui. « 11 doit s'y prendre,
continue ce Père , comme un médecin qui
traiterait son fila d'une plaie très-doulou-*
r4nxs9 : avec quelte délicatesse et quelle cir-
conspection ne traiterait-il point cette plaie?
on verrait bien qu'il ressent la douleur de
son fils comme la sienne propre. » C'est
ainsi que doit en user le supérieur h l'égard
de ceux à qui il fait quelque correction :
il est leur père, ils sont ses enfants; il doit
les ceprèndre comme dit l'Apôtre , avec un
esprit de douceur. « Celui qui veut égorger
un homme, dit saint Augustin, ne se sou-
cie pas comment il le fasse; mais celui qui
se propose de guérir quelqu'un , et qui est
obligé de faire des .incisions, prend garde
comment il les fait! » Le supérieur qui se
propose de guérir son frère par la correc-
tion, et non pas de lui faire du mal, doit
avoir les mêmes égards et la même circons-
pection ; et c'est là une chose irès-im-
fH>rtante qui nous est très-recommandée
par les saints. Que celui , disent-ils , qui
reprend quelqu'un , se garde bien de témoi-
gner de l'emportement et de la colère, car
il perdra tout le fruit qu'il aurait pu faire.
Il ne guérira pas le mai , il ne fera que l'ai-
grir; et ils allèguent à ce sujet les paroles
de l'Apôtre : < Reprenant avec douceur ceux
qui résistent à la vérité, » car, quoique la
Yulgaie porte avec modestie , l'un revient à
l'autre, parce que, pour reprendra avec mo-
destie , il faut parler sans emportement et
sans passion. Pour conclusion , il faut tel-
lement assaisonner la correction , que celui
à qui on la fait^ soit persuadé que tout ce
qu on lui dit ne part que d'un excès d'affec-
tion et de charité , et de Teiilrèiue dé^iir
qu'on A de le voir parfait ; car lorsqu'on s'y
prend de cette sorte » on ne manque guère
de la rendre utile.
COSTADONI (Jean-Dominijjue), savant rN
ligieux camaldiile, naquit à Venise, enHU.
Il fit ses éthdes chez les Jésuites, et entr.i,
k l'âge de seize ans, dans Tordre desCarnal-
dules. 11 mourut à Venise, le 23 janvier 1785,
laissant de nombreux ouvrages sur les anti-
quités italiennes. Ses œuvres ascétiques
sont : V Âpvisi ed istrnzioni pratiche iVUomo
à principalidoperi de* regolari ; Faenza,1770.
— â*" Lettere coneolaiorie di un tolitarioi m*
torno alla vaniià éelle cose délie monrio, V(-
uiso, 1775.
COCLPE.— Expression qui prend son ori-
gine de eulpa^ mot latin, qui signifie faute.
Nous ne prenons pas ce terme dans son
sens théologique* La croyance cdiholir]u«
est que le sacrement de pénitence remet au
pécheur la coulpe et la peine éternelîo, mais
non la peine temporelle; que \à iharilé par-
faite remet l'un et Tau Ire.
Hais la coulpe est aussi une pratique de
pénitence, un exercice spirituel dans quel-
ques monastères. Elle consiste h déclarer
1 état de son Ame, ses mauvais penctiants
non-seulement dans le sacrement de péni-
tence et à un seul homme, mais devant tous
ses frères. Il est diflîcile de concevoir une
pratique plus crucifiante pour rorçucil bu-
main. Mais aussi on conçoit qu elle doit
tourner au profit de la vertu la plus fonda-
mentale de la vie religieuse, rhumilité, et
qu'on doit y faire, par ft, de grands progrès
C'eist la plus éclatante victoire remportée
sur le plus rebelle de nos penchants.
COUVENT.— Fo». MoiNBS, Ordres mu-
gi eux.
CRAINTE DE DIEU. — Toy. Espérée.
CRASSET (Jean), né à Dieppe, J<^suite,
mort en 1692, publia des Médiiat\on$ fovx
tous les jours de Vannée^ et quelques autres
livres de piété qui ont été fort goûtés.
CROIX (Amour des). — Deux conditions.
d'après l'enseignement de Jésus-Christ, soni
nécessaires pour arriver è la vie {larfaite:
La première, c'est Tao/zégation, Abnegel l^
mettpsum. {Yoy. Ab^sêgation./
La seconde, c'est l'amour des croix ctues
souffrances : Tollat crucem suam.
On distingue trois degrés dans cet amour
des croix et des Souffrances : le premier est
de préférer la croix à tout; le second, de s'y
attacher par amour; ic troisièrae,de ue pou-
voir vivre sans elle.
Pour le premier degré, l'âme, qui désire
la perfection, choisit la croix pour son par-
tage et la regarde comme son trésor, se pro-
posant sans cesse ce conseil de NotreSei-
gneur : Si quelquun teut marcher sur ««*
paSf qu'il prenne sa croix et qu'il me fuiv^'
(Matth. XVI, 2k). Elle laisse volontiers la
voie large pour embrasser la voie étroite»
parce qu'elle est bien persuadée qae vitre
dans les douleurs, dans l'indigence et e>
opprobres, est un avantage intiniment plu*
CRO
irASCETISIB
CSO
SS4
grand que tous ceux qu'oa peut soubailer et
posséder dans le monde. Il y a, eo effet,
entre le mérite des souffrances et celui d'une
▼ie tranquille, la même différence qu'entre
Tor et le cuivre, entre des cailloux et des
pierres précieuses; et une grande reine n*est
pas plus au-dessus d'unefemme de basse oon*
dilton, que ne Test une personne (^ui souffre
pour Dieu, à Vénrd d*une autre qui ne souf*
Ire point, quelle TeKueuse qu*elle soit.
Cest ce que disait saint Pierre aux Cbré-
tieos qui souffraient persécution. Vous éie$
kemremXf parce qne t honneur f la gloire^ la
9eriu de OieUf reposeni $ur vous. Il n*est pas
surprenant que tout en se trouvant dans
U joie, la consolation, la gloire même* un
homme, pénétré de cette Térilé, préfère la
croix à tout ce qu'il y a de plus précieux et
de ^ns exauis sur la terre. Il sait que Jésus-»
Christ l'a laissée pour hérita|$e à ses disci-
Eles, et qu'il s'en est serri lui-même pour
dre le plus grand œuvre qui soit jamais
sorti des mains de Dieu. Gomment n aime-
rait-il pas la croix par-dessus toutes choses,
|usgu'è vouloir s'y attacher d'une manière
inséparable, jusqu'à mettre son bonheur à
la posséder, jusqu'à la chercher avec em-
pressement, jusqu'à ne pouvoir pas s'en
passer? Il la regarde, en effet, comme son
appui, comme le remède à tous ses maux,
oomme son recours dans ses perplexités,
comme sa force dans la faiblesse, et un puis-
sant secours dans les périls et les accidents
les plus flcheux.
Pour en venir là, il faut s'accoutumer à
recourir dans ses peines au souvenir de la
croix et de Jésus^Christ, qui j est attaché et
oui y meurt accablé de douleurs et couvert
d'ignominies. Cest par ce souvenir que se
communique la vertu que Dieu a mise dans
eel instrument de notre salut } mais cette
▼ertu est cachée, et nnl n'en a Tidée que
celui qui en a lait l'expérience. Ce qui est
Certain, c'est que tout fruit de sainteté vient
dé la croix comme d'une source intarissa'^
ble; que tous les grands n'ont rien désiré
avec tant d'ardeur que d'être transformés
en Jésus crucifié ; et qu'au prix de la croix,
tout leur a paru, comme à saint Paul, de
l'ordure, des pertes et des désavantages.
C'est elle, en eiiet, qui donne le prix à tout,
non-seulement parce qu'elle est la source
de la grâce et du salut en Jésus-Christ el
par Jésus-Christ, mais encore, parce que, si
nous ne participons à la croix Je notre San*
Teur, nous avons peu de force et peu de
courage, et que la souffrance nous est né-
cessaire pour affermir nos vertus et pour
les rendre solides. Saint Jérôme dit que
Noire-Seigueur a confirmé et fortifié par la
croix tout ce qu^il avait enseigné aux hom-
mes : Omnem aoeirinam tuam Chrieiue pali^
bulo robaratilf c'est-à-dire que c'est pkr la
croix qu'il a rendu sa doctrine efficace et
qu'il nous a donûé la force pour la mettre
en pratique. Ce n'est pas merveille que
ceux qui ont l'expérience de cette Vérité
estiment singulièrement la croix et qu'ils la
préfèrent à toutes sortes de biens.
DicnofiR^ D'AscÉnsui. «.
Le second degré consiste à passer de l'es-
time à l'amour, et de l'amour à une étroite
Maison ; de soKe qu'on cherche partout la
croix, qu'on désire de souffrir en tout temps
et en tous lieux, à la ville comme à la cam-
pagne, dans l'action comme dans le repos,
et en toutes sortes d'occasions. On prend la
croix pour compagne inséparable, on lait ses
délices d'être avec elle, on l'embrasse amou-
reusement, on répouse comme l'objet des
complaisances de Jésus-Christ, on se platt
dans les contradictions, dans les rebuts et
les mépris, les regardant comme la chose la
plus désirable du monde. Telle était la dis*
position de TapAtre saint André, lorsqu'il
s'écriait : O eroia^ objet de met d^trs / Il y a
une grande différence entre aimer une chose
parce qu'on l'estime, el l'aimer jusqu'à ne
plus vouloir s'en séparer, jusqu'à la regarder
comme le premier objet de sa tendresse.
Ceux qui prétendent à la perfection doivent
aimer la souffrance jusqu'à ce point. Poui
en venir là, il faut qu'un homme soit telle-
ment prévenu en faveur de la croix, que
son premier soin en tout ce qu'il entreprend
soit d'observer s'il y aura quelque chose à
souffrir, que ce soit là pour lui un sujet de
joie et qu'il s'afDige lorsqu'il ne rencontre
point de souffrances, tl faut qu'il trouve son
repos dans la croix, qu'il s'estime faible*
indigent et abandonné auand elle lui man-
que, que tout lui semble rien sans elle et
qu'avec elle les moindres choses lui parais-
sent de grand prix. On raconte du B. Louis
de Gonzague, uu'il était tellement attentif
aux occasions de souffrir, qu'étant obligé
d'aller en carrosse, il relevait sa robe et la
repliait sous lui de manière qu'il fût assis
avec incommodité. Ceux qui n Ont pas l'es-
prit de Dieu trouveront cette attention trop
gênante, mais celui qui connaît la croix et
qui s'est uni à elle ne la veut jamais quitter;
et lorsqu'il n'a à souffrir ni froid, ni chaud,
ni faim, ni soif, il supplée à ce défaut par
des pénitences volontaires» son amour pour
la cfoix, qu'il a choisie pour sa compagne
inséparable, ne lui permettant pas d épar-
gner son corps et de condescendre en rien
aux inclinations de la nature. Tout ce qu'on
peut hii dire.ne fo louche noiot et lui parait
méprisable, s'il n^est relevé p^ la souf-
france. Tout ceci n'est que l'accomplisse-
nient de la i>rophétie de notre Sauveur:
Quand je serai étenfé de terre^ f attirerai tout
a moi, {Joan. xn, 82.) Il est évident que par
ces paroles il voulait faire entendre de quel
genre de mort il devait mourir, et qu'il nous
proposait dans sa mort le plus grand e^ort
de sa puissance, oomme s'il eût dit que
toute la force ou'il avait fait paraître pen-
dant sa vie n'était encore rien, et que la
vertu divine, qui devait lui awdém tant
d'adorateurs, était dans Son supplice et dans
sa moK infâme. Les imitateurs de ce ûinia
Kattre mettent, à son exemple, toute leur
force dans la'«roix, et s'appliquent h èux-
méflàes ces paroles de saint Paul : Ce qui te
-dit de la croix e$i «ne folie à F égard de ceux
qui sont dans la mrie de pcrdiiton, aïois à
18
IS55
CYP
DICTIONNAIRE
CYR
556
Vigard de ceux qui tant dans la voie du
êaîuif cesi-à-dire pour nouif c*est la force de
Dieu. (/ Cor. i, 18.)
Le troisième degré de perfection et le
comble du mérite en ce genre est d*aimer
la croix jusqu*à un tel point et de la désirer
si ardemment, qu'on en ait besoin pour pou-
voir supporter la vie. Sans elle alors point
tie contentement; on veut des peines,dût-on
€n être accablé. C'est dans cette disposition
queNotre-Seigneur, parlant de son supplicCi
disait : Tai à être baptisé d'un baptême; et
en quelle contrainte ne suis-je point jusqu'à
xe que cela s'accomplisse ! Plusieurs saints
ont eu lo même empressement : une vie
sans souffrances leur paraissait la plus pe-
sante de toutes les croix ; ils se seraient
crus morts s'ils n*eussent rien eu à souffrir.
Sainte Thérèse avait coutume de dire qu'il
n'y avait point de milieu pour elle : ou souf-
frir ou mourir, aut patiautmori»
Ce désir si ardent des souffrances dans los
maints vient de ce qu'elles procurent de si
grands avantages, que, quand on les a une
fois goûtées, on ne peut pas s'en passer. On
Î>eut dire que les trésors et les délices de
>ieu sont dans la croix et qu'elle ressemble
à ces plantes qui, sous une écorce amère,
cachent un suc merveilleux. On peut, au
reste, aimer passionnément à souffrir, sans
sortir de l'état d'indifférence et de sainte
résignation h tout ce qui plaît à Dieu, parce
que la croix est le lit de 1 époux et qu il lui
est très-agréable qu'on sounaite d'v mourir
avec lui, si telle est sa volonté. Et Notre-Sei-
gneùr lui-même n'a rien de plus précieux
que sa croix pour récompenser ses plus
grands serviteurs. Il imprima sur le corps
de ^aint François les marques de ses sacrées
plaies, lorsqu'il voulut l'honorer d'un té-
moignage éclatant de sa tendresse, et le
rendre vénérable à tout le monde chré-
tien.
GROIZBT (Jean), lésuile, fut longtemps
recteur du noviciat d'Avignon, et le gou-
verna avec beaucoup de douceur et de régu-
lari^té. On a de lui plusieurs ouvrages ascé-
iiques très-répandus.l" Une Année chrétienne^
en 18 vol.— 2* Une Retraite^ en â vol. in-12.
— 3* Une Vie des «atnlf, 3 voK in-fol.— i** Des
Réflexions ehrétiennest 2 vol. in-12.— 5** Des
Heures ou Prières chrétiennes^ in*18. Le P.
Groizet était un des plus grands maîtres de
la vie spirituelle. Ses livres le prouvent et
ses directions le prouvaient encore mieux.
CURIOSITÉ. — Voy. Hortificition de
l'intelligence.
CYPRIEN ( Saint) [Thascius Cœcilius Cy^
priant»], naquit à Carthagé de parents ri-
ches et distingués. Il donna, encore païen,
des leçons d'éloquence dans sa ville natale.
En SU, convaincu par les soins du prêtre
Cécile, de l'absurdité du paganisme et de
l'excellence de la religion de Jésus-Christ,
il reçut le baptême. Son méritQ et sa vertu
le firent bientôt élever à la prêtrise, nuis
sur le siège épiscopal de Carthagé, l'an 248.
Ses travaux pour son Eglise furent immen-
ises. llfut le père des pauvres, la lumière
du clereé, le consolateur du peuple. Pendant
la sanglante persécution de l'empereur Oé-
cius, Cyprien fut obligé de quitter son trou-
peau ; mais, il fut toujours auprès de lai,
soit par s^s lettres, soit. par ses ministres.
Lorsque l'orage fut dissipé, il se signala
par la fermeté avec laquelle il résista è ceux
qui avaient apostasie pendant la persécu-
tion. Il assembla un concile à Carthagé, en
251, pour régler la pénitence qu'on devait
leur imposer. En 257, le feu de la persécu-
tion vVetant rallumé, Cyprien fut relégué à
Curube, à douze lieues de Carthagé. On l'ar-
rêta peu de temps après pour le conduire
au supplice. lient la tête tranchée le ii
septembre 258. Saint Cyprien avait beaucoup
écrit pour la vérité, qu il scella de son sang.
Outre quatre-vingt-deux lettres^ il nous resta
de lui plusieurs traités profondément pen-
sés et fort bien écrits. Ses ouvrages pure-
ment ascétiques sont : 1* Liber de haùitu
virginum ; — 2* Liber de lapsis ; — 3* Libtr
de Oratione dominica ; — k* Liber de opm
et eleemosynis; — 5"" Liber de bonopatientia;
— 6** De disciplina et bono pumcitiœ; —
T De singularitate clericorum ; — 8* De duo»
decim abusionibus sœculù La Vie de saint Cy-
8 rien a été écrite par le diacre Ponce et par
>. Gervaise, abbé de la Trapjpe.
CYRILLE DB JiausiLKM (Saint) naquit
vers l'an 315, à Jérusalem ou dans les en-
virons. 11 s'appiioua de bonne heure è Té-
lude des divines Ecritures, et il se les ren-
dit si familières que la plupart de ses di^
cours eux-mêmes, qu'il, faisait sans prépara-
tion, ne sont gu'un tissu de passages ou
d'allusions à divers endroits des Livres
saints. Il puisa une connaissance parfaite
de la doctrine de l'Église dans les écrits des
Pères qui l'avaient précédé. Il fut témoin
avec son troupeau de deux grandes mer-
veilles pendant son épiscopat. La première
est l'apparition miraculeuse d'une croix de
lumière qui dura plusieurs heures h la vue
de tout le monde avec un éclat pareil i ce-
lui du soleil. Sa grandeur était telle qa*elle
allait de la montagne des Oliviers a celle
du Calvaire.
L'autre merveille plus grande encore, ce
fut la tentative de rebâtir Je temple de lé-
rusalem, à laquelle les Juifs de son temps
furent pousses par Julien l'Apostat, pour
donner un démenti à la parole de Jésus-
Christ. C'est alors que des globes de feu
sortirent des entrailles de la terre qui boule-
versèrent les matériaux d^'à poses et dis-
persèrent les travailleurs après les avoir
maltraités.
Saint Cyrille fut l'objet de la persécution
de Julien et de Valons.
Après son dernier exil, il trouva soa peu-
ple divisé, son zèle y ramena Tunion ; cl
après avoir consumé son ardeur au salut de
son peuple et son génie à la gloire de TE-
Çlise, il passa de cette vie è la glorieose
immortalité en 386. (Voyez au Catalogue la
nomenclature de ses écrits, ascétiques.)
557
OEM
D*ASCET1SME.
DEM
D
DAGUBT (Pierre-AQtoine-AlexaDdre)» né
à Baome-Ie»-Dames en ITOT, entra dans la
Compagnie de Jésus. Lors de la suppression
de cette société, ii se retira à Besançon, où
il mourut en ITRS, laissant la réputation
d*un homme estimable et d*un ecclésiastique
édifiant. On a de lui les ouvrages ascétiques
suivants, tous composés pendant qu'il était
encore jésuite : V'Can$idiraiian$ ehréiimneM
peur chaque jour dumoiij Lyon, 1768, in-12;
— 2* Exereiccê du Chréiien^ Ljon, 1759,
in-12; — 3* Exercietê ehréUem des gens de
guaref Ljoo, 1759, in-12; — k* La eanso-
laiion du Chrétien dans les fers, ou Manuel des
ekiourmes^ ibid., in-12.
DÉBONNAIRE (Louis), né à Troyes, entra
dans la congrégation de TOraloire, dont il
sortit dans la suite. Il mourut en 1752. Ses
cauTres ascétiques sont : 1* Une Imtaiion^
avec réflexions, in-12 ; — 2* Leçons de la
sagesse f 3 vol..in*12, bon livre; — 3" Lare^
ligion chrétienne midUie, avec le P. Jard
(r. ce nom), 6 vol.; — hr La Bigle des de-
voirs^ h vol. in-12.
. DÉLECTATION. — Vay. TsirrATioif .
DEMEURES MYSTIQUES DE L'AME. ~
Par ces demeures on entend les diflférents
états où se trouvent les âmes par rapport à
leurs puissances intellectuelles et à 1 usage
Sn'elles font de ces puissances, selon les
iflérentes opérations de la grâce. {Vin^. la
notice de sainte TnÉaiss sur son Chùieau de
rame.)
En comparant Tâme à un palais, et les
étals dont nous parlons à divers apparte-
floenls, on peut y distinguer quatre étages
ou demeures. La première est au rez-de-
chaussée; tout peut y entrer aisément,
même les animaux. La seconde, au-dessus
de la première, sert de logement aux sages
et aux vertueux. La troisième, au-dessus de
la seconde, est pour les personnes parfaites
ei distinguées par la f^âce. La quatrième,
au-dessous de la première, est comme une
cave profonde.
La première demeure est l'état ordinaire
du commun des hommes qui, suivant les
indînations des sens, et n aspirant à rien
de parfait, permettent l'entrée de leur âme
è toute sorte d'objets. Mais surtout ils y lais-
sent établir l'amour-propre qui leur lait
chercher avidement leurs intérêts, la passion
oui favorise l'amour-propre, et le démon qui
M>mente la passion.
La seconde demeure est l'état de ceux
qui ont quelque vertu an-dessus du commun
des bommesgrossierset terrestres. On trouve
dans celte demeure la raison, la vertu et la
grâce. J'entends parla raison l'inclination
naturelle au bien. La vertu comprend les
habitudes acquises qui perfectionnent-la rai-
son, comme sont la prudence, la force, la
jostice, la tempérance et les autres vertu?
morales. J'entends (lar la pâce les mouve-
ments du Saint-Esprit, qui élèvent la vertu,
et qui, par les principes de la foi et de TE-
vangile, conduisent un Chrétien à la perfec-
tion dont on est capable en cette vie. Les
âmes de cet état sont en petit nombrCf en
comparaison des premières.
La troisième demeure est un état où l'on
trouve la grâce présupposant la raison natu- '
relie et les vertus morales, mais une grâce
fort relevée* laquelle renferme trois choses r
la sagesse divine, l'amour divin et les avant-
goûts du paradis. La sagesse consiste en
des lumières sublimes qui découvrent beau-
coup, et qui découvrent de loin. L'amour
divin comprend, avec le feu céleste qui
embrase les saints. Fonction du Saint-Es-
prit, la paix et la joie. Les avant-goûts du
paradis sont les communications qui tien^
nent quelque chose de l'état des bienheu-
reux. Dans cette demeure tout est or et aziir ;
on n'y iipit que peintures admirables, et on
Îr respire un air si pur, qu'il n'y a aucune
angue qui puisse en parler dignement; aussi
est-ce le séjour des âmes singulièrement fa-
vorisées de Dieu.
Le démon peut sans doute entrer dans
cett^ demeure ; car tandis qu'on est sur la
terre,onn'estpoiot Inaccessible àla tentation.
Job parlant au démon dit quHl ne vùU rien
que de haut et de sublime {Job xu, 15), pour
nous faire entendre qu'il en veut surtout à
ceux qui sont plus élevés que les autres, et
S|u'il leur tend toute sorte de pièges pour les
aire tomber dans le précipice.
La quatrième demeure, que nous avons
comparée à une cave profon<le , renferme
quelquefois les caresses de l'époux céleste,
et les délices de sa sagesse et de son amour.
Ces délices sont désignées par ces paroles
du Cantique des cantiques : Le roi m*a fait
-entrer dans ses appartements secrets. (Cant.
I, 3.) C'est aussi ce que Job a voulu nous
faire entendre lorsqail a dit, en parlant du
^8^1 qu® son bien vient d'un lieu pn^
fond.
* Quelquefois aussi cette cave est un abtme
de maux et une espèce d'enfer où Dieu per-
met que les âmes saintes tombent pour y
souffrir une espèce de martyre, comme nous
l'apprenons de sainte Madeleine de Paz^i,
S ai fut, dit-elle, cinq ans dans la cave aux
ons. C'est là que régnent les ténèbres
dont nous avons parlé ailleurs ; le trouble
causé par les tentations presque continuel-
les; la désolation qui accable et qui est
incompatible avec le repos. On peut dire
que cette demeure sombre, par rapport aux
^0ts qui s'v opèrent, est très-proche de la
troisième, c est-k-dire de la plus élevée*
{puisqu'on passe sans milieu de Tune à l'aut-
re,* et que Dieu a coutume d'introduire les
personnes vertueuses dans- ce lieu téné-
U9
DEM
DICTIONNAIRE
963
breux, lorsque! ?eut leor donner les der-
nières dispositions à la plus haale perfec-
tion. Mais ceux que Dieu fait entrer dans
cette demeure, et qui ne savent pas à quel
dessein, la regardent comme un cachot et
comme un abtroe de maux où ils se croient
Krdus, et c'est pour cela que nous Tappe-
18 le lieu le plus bas el le plus proCood
tlu palais de l'âme.
Ceux qui ont expérimetfté les différentes
opérations de la grâce ont distingué dans
)*âme un intérieur et un extérieur, la partie
supérieure el l'inférieure et la plus intime,
Îui sont comme autant de demeures où
^ieu opère diversement. Quand on est versé
dans la science des mystiques, on voit entre
toutes ces choses une différence notable,
et on connaît fort bien si les paroles que
l'âme entend et les visions qu'elle a se ma-
Difesteot dans Tintérieur ou dans rextérieur,
si cW dans la partie supérieure ou dans
la plua intime. Saint Augustin semble avoir
marqué cette différence, torsque, s*adressant
à Dieu dans ses ConfemimSf, if lui dit : c Vous
êtes en moi plus profondément quels partie
la plus profonde de moi-aième; et je vous
trouve ao-des&us de la partie la plus élevée :
Tu et inMar ihfimù meo^ $i nêperior aummo
mio. m Sainte Thérèse distingue sept diffé-
Fentes desMures dans ce qu'elle appelle le
•Câdifott de tàme. D'aulres mystiques ont fait
de semblables divisions, toutes fondées sur
de véritables expériences. SeloA qu'il plaît
iBîeu de mettre dans l'un ou l'autre de ces
étata une personne qu'il cooduit, elle se
trouve tantôt au-desaost et taoïM au plus
Er^/fond de soi-même; tant&t emportée en
aut, et tantôt plongée au dedans. Quelque*
lois aussi elle Qst atiirée au debora poor
s'employer en laveur du prochain; et, dans
ces occupations extérieures, elle trouve
nieu qui agit en elle |>ar dles effets, très-mar-
Jiués; mais les opérations les plus notules se
. ont dans la partie ta plus intime et la plus
profonde où habite le véritable sagesse.
L'Âme entre donc dans quelqu'une de ces
demeures, selon qu'elle y est attirée de
de DiQu» et elle y réside autant de temps
.qu'i4 plaît à Pieu de l'y ocQuper. Au dehors
elle estrevétu^Ue l'esprit de J|ésii3*Chriat«
et j^lus unie à sa sainte humanité, fietirée
au dedans, elle entre plus avant dans la Ri-
/finitér olle pénètre les perfectjona iacréées;
.elle les goûte, pour ainsi direi ayant La. Ijh
berté d*entjper at de sortir pac lé^u&^Cbrisi»
qui sa dit lui-même la clet pour ouvrir et
S Dur fei^m^i: la porte quand il lui plajit,
ous pouvons ajojuter que c'est dans le pax^
tie la pitu^ intime quja^ leroe lie un commerce
sacré avec las trois uarsoAiies» divine» C'est
l^i^dit saio^te ïhéré;sef qu'on (y)praDd de
grands secrets d&nsja.'commumcatioin que
VQn a taot^. avec l'une et tançât, avec l'ajutre
d# ce3 adprables personnes ; c'est. là qu'on
les. distioKue l'une de L'autre avec beauooiu^
ue netteté, qu*oa éproiwe différentes im-^
pressions tantôt, de la part du Père dont on
Mnt Ja puissance, tantôt delà part du Fils
idout on distingue en soi la sagesse^ et tan-
tôt de la part du Saint-Esprit dont on sa-
voure la douceur. C'est là enfîn qu*on reçoit
et au*on possède tous les biens qu'il platt
è cnacune des trois personnes ae .verser
dans le fond de l'âme.
Le fond de Tâme dont parlent si souvent
les mystiques est une des principales de-
meures où l'âme réside tranquillement quand
elle se repose en Dieu ; c'est tt que se ter-
minent la plupart des opérations de la
grâce, et c*est de \k qu'elles se répandent
dans tes fiicultés. Une âme qui ne connaît
pas ce fond pour s'y retirer n'a point de
demeure Qxe. Il ne fout pas au reste eon-
fondre le fond de l'âme avec rintime qai
est plus profond et pins imperceptible, et
fui sert de cabinet secret k l'Epoux eéiesle.
ainte Tbérèse, dans son ChAieau^ le repré-
sente comme le milieu de Iliomme. C*est la
résidence des trois personnes divines, lors-
qu'elles daignent habiter en nous d'une
manière spéciale, selon ce qui est dit dans
l'Evangile : Noue le vitiUreeie et nous éiMi-
roue notre demeure en lui. {Joan. xiv, 33.)
Le centre de f âme n'est pas différent de
l'intime dont nous venons de parler. Mais
pour rendre ceci sensible, servoDS-noes
d'une comparaison, et imaginons-^nous que
l'âmè est un globe. L'intime sera dans le
centre où le feu de l'amour divin est allumé.
Allant du centre à la circonlérence, on trou*
vera d'abord ce que nous apjMlons le fond ;
après le fond, les puisaanoes întellectnelles,
ensuite les sens, et enfin le corps. Les opé-
rations divines qui se font dans l'intérieor
gardent cet ordre dans leurs progrès ; elles
nt premièrement impression sur le fond
d'oui elles passent dana les Incultes» des fa-
cultés dans les sens^ et quelquefois jusqu'au
corps.
I)EUON(Tbzitatiohi>u}.— Le démena
de tout temps été Tennemi du genre bn-
main« La chute d'Adam et d'Eve, qui ri-
vaient dans l'état de sainteté le plus parfailt
e été causée par la tentation du serpent in-
fernal, ^iii Creii.} Le saint bomme Job fui
éprouvé par les nombreuses el cruelles ten-
tations de Satan. ( Joè i et ii.) Ce lut Satan
2ul excita David^ cet homine selon le cœor
e Dieu, à Caire le dénombrement de soo
peuple. (IPar. xxi.) Ce fut à son instigation
que l'apôtre Judas trahit et livra son maître.
{Jom^ JA\h S*) Paul, après son ravissement
au ciel, fut' tenté par Satan. [U Car. xn, 1)
Kofin; le Saint des saints lui-même eut par
troÂs fois à re(ieuaser les attaques du dé-
QUHi* (Afa4lA. Lv«> JaraiMftmfratyditresprit
impur» dans Uk aememe d'où je iuie sorli.
Umq* »i, 21k) Stme», ditle Seigneur k Pierre,
Satan a demandé à vouti cribler comme U
fi-omfinl. ( Im^ xxu^ 31) ;. e'est-è-dire»à vous
tonter,. selon l'eupUcation de Corneille de
le Pierce; « car on compare justement la
tentatioftk^ue oribie et^à leetioo de cribler :
de même que le crible s^are le bon grain
de la paille» de même dans la tentation tes
justes et, las saints persévèrent avec fidélit^f
tandis (^e les impies ne peuvent l'endurer.»
€ Le vieil ennemi^ dit saint Grégoire (I. xxini
561
DEM
D^ASCGTiSME.
0EH
Jfor., c. 6 )» oe se eonlente pu de iiure po-
ser le joog tjrrannique sur les boinmes 1er-
resire?, il lui faut, comme Tatleste le Pro-
phète (Âeôoc.i, 16), une nourriture de cboix.
Il ne regarde pas comme bien merfeilleux
d*eogloolir ceux que l'orgueil élève, que
oorrompeni rararice et la ▼olupté,que la co-
lère enflamme, quedirise la discorde, qu*en-
▼enîme Tenrie, que souille et qu'étouffe la
luxore...» Ceux qu^il s'efforce surtout de
perdre^ ce sont les hommes qui méprisent
les biens de la terre et n'ont de goût que
Ciur ceux du ciel. » Saint Bernard dit aussi
t. Qm habUai^ sernu 7 ) : « Si nous con-
sidérons arec soin le grand corps de l'Eglise,
nous remarquerons que les personnes spi-
rituelles ont plus à souffrir des attaques du
démon que les personnes chamelles. •
Sainl Thomas nous en donne la raison (i p.,
q. li^a. i) : Quant au démon, ses attaques
prof iennent de sa malice : Ctêt par envie
qu'il $*efforce de meiire obetaele aux progrèt
deê kommeê. Donc plus une âme est i)arfaile,
plus est enflammée contre elle la jalousie
des démons, et plus ils font d*effort pour
nuire à son avancement spirituel. Celte rai-
son est communément indiquée par les saints
Pères. —Considérées par rapport à Dieu, les
attaques du démon proviennent non-seule-
ment de leur malice, mais encore de la per-
mission de Dieu, qui, par un dessein secret
de sa providence, laisse le champ libre au
démon, afln d*en iaire sortir un plus grand
bien, c'est-k-dire, un accroissement de
gloire pour lui et de mérite pour nous» De
même il est plus glorieux pour un roi et
plus méritoire pour ses sujets d*avoir d^
soldats habitués au combat, que des soldats
qui ne courent aucun danger. Donc plus les
âmes sont |:»arfaites, plus elles dqivent sou-
tenir une lutte violente contre les tentations
du démon, pour la gloire de Dieu et l'ac-
croissement de leurs mérites.
Selon 1 opinion commune des théologiens,
d'accord en cela avec saint Augustin ( I. ii
Mh Gem. ad tiii.^ c. 26), les démons en grand
nombre remplissent les airs et la terre.
L*Apdlre Tinuique dans son EpUre aux Ephé-
sUmê (h, 9), en disant : Vous avez autrefois
mécu selon la coutume de ce moude, selon le
prince des puissances de Fair; cet esprit qui
exerce maintenant son pouvoir sur les incr^
dules. L'auteur des Commentaires sur rEpUre
oux Ephinens^ dans les œuvres de saint
Jérôme^ ajoute : c D*après Vopinion de tous
les docteurs, l'air est pléiade puissances en*
nemies. »
Les mauvais anges se vojrant exclus de
la participation aux bienfaits de la Rédemp-
tion, auxquels sont conviés tous les hom-
mes, ont conçu contre ceux-ci une haine
envieuse par laquelle ils s'efforcent d'obscur-
cir la gloire de Dieu et de précipiter les
hommes, autant qu'il leur est possible dans
une misère temporelle et éternelle, afln de
les rendre semblables à eux {l Petr. v, 8),
•t, à cet effet, ils ont recours a toutes sortes
de ruses et de tentatives. (Eph. vi, 11.) Le
démon cherche donc à faire tomber l'homme
dans le péché. C'est pourquoi lésus-Christ
IJoan. viu, 40) dit aux Juifs, qui veulent
le faire mourir, qu'ils accomplissent la vo-
lonté du démon. En effet l'homme par le
péché se rend malheureax en celle vie et
en l'autre, puisaue Dieu de peut s'empêcher
de punir d un éternel cb&timent tout péché
mortel»
Il est probable qu'un mauvais ange s'at-
tache è chacun des hommes. Saint Paul dit
aux Bphésiens (vi, 12) aue nous avons à
combattre non contre des nommes de chair et
de sang^ mais contre les principautés ei les
puissances 9 contre les princes du monde,
c^est'à'dire^ de ce siècle ténébreux. Ainsi l'en-
seignent Origène ( hom. 10 m Lucam ),
Tertullien (L. de anima^ c. 39), saint Gré^
goire de Njrce (I. i De vita Magni)^ etc. Ce
n'est pas Dieu, mais le prince des démous,
qui envoie chacun de ces mauvais esprits ;
car Dieu, qui est la bonté même, ne peut
ni par lui-même, ni par un autre, porter
l'homme au péché. Dieu permet les maux,
mais il ne tente lui-même personne. Dieq^
Eermot seulement au démon de tenter les
oniiiies afin d'éprouver la vertu du juste et
de punir les réprouvés. Chacun de nous
d'ailleurs est attiré et tenté par sa propre
concupiscence. Cette permissiou de Dieu ne
va que jusqu'à un certain point ; il ne laisse
pas nos ennemis sévir contre nous à leur
gré. Dieu permet que les hommes soient
tentés, afin qu'ils deviennent plus humbles ;
et s'il permet la perte des méchants, c'est
par la plus juste et la plus méritée des pu-
nitions.
Le démon, cherchant k porter l'homme au
péché, en prend tous les moyens, et ne né-
glige aucun effort pour arriver k cette fin.
Ainsi il excite dans l'homme l'ignorance de
la vérité [Il Cor. iv, k); il sème l'ivraie de
la fausse doctrine et des mauvais exemples
(ifo/lA. XIII, 25) ; il s'oppose aux prédications
des docteurs de la foi (/ Thess. ii, 18) ; il dé-
racine la narole deDieu du cœur et de l'es-
prit des nommes (Luc. viii, 12) ; il inspire
d'injustes et funestes desseins aux rois de
la terre (I Paralip. xxii) ; il s'efforce de sus-
citer des {ferres (i Reg. xxii) ; il cherche
enfin k ftire aux nommes tout le mal qu'il
peut. Toutes ces tentatives provoquent di-
rectement ou indirectement le péché. H pent
encore suggérer k l'homme de mauvaises
pensées, comme il fit k l'égard de David
\l Parai, xxii, SO); k l'égard de Judas (Jean,
xin, 37): k l'égard d'Ananie [Ad. v, 3). Il
veut et il peut nous tenter en nous excitant
au mal par l'attrait du plaisir, en nous dé-
tournant du bien par la crainte : il nous at-
taque,, tantôt d'une manière sensiblement
extérieure, tantAt d'une manière sensible-
ment intérieure, tantôt k découvert, tantAt
Sar des ruses secrètes et déguisées, il est
onc utile de considérer attentivement les
: divers moyens de tentation que le démon
\ met en œuvre.
'^ I. Les démons attaquent les flmes nui as-
pirent spécialement k la perfection, d abord
de vite force, par de formidables visions^
565
DCU
DICTIONNAIRE
164
par de terribles menacei^ par de notables
dommages dans la fortune ou les honneurs»
par de cruelles tarturei dans le corps ou
dans rime, aGn de les détournerdu cnemin
de la perfection et de les jeter dans le dé-
sespoir. Nous ayons déjà cité l'exemple de
J(5b : ajoutons ici celui de saint Antoine,
raconte par saint Athanase lYita S. Antoniif
c. 9) : « Je ?is un jour le aémon, avec un
corps d'une taille merveilleuse; il prétendait
être la force et la providence de Dieu, et il
osa me dire : que veux-tu que je te donne,
fAntoine? Je lui crachai plusieurs fois au vi-
dage, je me jetai sur lui, armé du nom de
Jésus-Christ, et aussitôt cette gigantesque
apparition s*éyanouit entre mes mains
J*avoue avoir été souvent frappé par les dé-
mdns. Je m'écriais alors : personne ne me
sépnrera de Tamour de Jésus-Christ. A ces
niots, ils se jetaient avec fureur les uns sur
les autres, et prenaient la fuite, non à mon
ordre, mais à celui du Seigneur, qui a dit :
J'ai vu Satan tomber du ciel comme un
éiihit, » Saint Jérôme, dans la Vie de iaini
iSTi/arfon, après avoir rapporté les tentations
par lesquelles le démon le tourmentait dans
sa jeunesse, ajoute: «Une nuit, il entendit
.tout à coup des va^ssements d'enfants, des
bêlements de brebis, des mugissements de
i>œufs, des gémissements de femmes, des ru-
gissements délions, lemurmured'uncarmée,
en un mot toutes sortes de cris si effrayants,
qu'il en fut terrifié avant de rien apercevoir,
il comprit que c'était un piège au démon,
et s'étant jeté aux genoux du Christ, il se
signa le front; puis armé de ce casque, en-
touré de la cuirasse do la foi, il combattait
courageusement, prosterné contre terre, dé-
sirant apercevoir ce qui causait cet effroya-
ble tumulte, et.jetantçàet là des regards at-
tentifs. Tout à coup, la lune venant h paraî-
tre, il vit un char emporté par d'ardents
.coursiers, se précipiter sur lui ; mais, au
noi» de Jésus qu'il prononça, tout ce pom-
peux appareil s'engioutit dans le sein de la
. terre. o.. Que de fois, pendant qu'il était
couché, des femmes toutes nues lui appa-
rurent! guede fois, pendant qu*il mangeait,
aperçut-'il tout à coup les mets les plus ex-
quis! Parfois, lorsqu.il était en prière, c'é-
tait un loup ou un renard qui passait en hur-
lant; lorsqu'il chantait des psaumes, c'était
le S(»ectac1e d'un combat de gladiateurs;
celui qui semblait tué par son adversaire
venait tomber à ses pieds et lui demander la
sépulture. A Nous voyons dans la bulle de
canonisation de sainte Catherine de Sienne,
'. qu' a elle avait très-souvent à lutter contre
les démons, et était vivement tourmentée de
leurs importunités. » Celle de saint Philippe
de Néri rapporte que, bien que le vieil en-
nemi du genre humain s'eiTorçAt souvent de
l'épouvanter, en lui apparaissant sous des
.formes effrayantes, il resta toiiùours invinci-
ble, et triomphant Glorieusement de ses at-
taques, 11 conserva la paix et la tranquillité
véritable dont il jouissait intérieurement. »
De pareils faits sont consignés dans les piè-
ces de canonisation de saint François-Xa-
Tier, de sainte Marie-Madeleine de Pazzi et
de sainte Françoise de Rome. « Si Jéius*
Christ, dit Benoît XIV (De sert. Dei 6m/.,
1. m, c. 90, n« 13), a été conduit par le
Saint-Esprit dans le désert, s*il s'est voloo*
tairement soumis è la tentation, non pour y
consentir, mais pour lutter contre elle et
pour la vaincre ; s'il s'est laissé transporter
par le démon sur le pinacle du temple on aa
sommet d'une montagne (ifal/A. iv);s'il s'est
en un mot assujetti à toutes ces é^ireuTes,
c'est pour nous apprendre que personne,
quel que soit le degré de sainteté où il soit
parvenu, ne doit se croire à l'abri des tenta-
tions ; c'est aussi pour nons montrer corn*
ment nous pouvons triompher des tentations.
Personne ne devra donc s'étonner de lire
dans la Vie et les Actes des saints, qu'ils aient
souvent été éprouvés par les tentations et
les apparitions du démon. »
Il est certain que le démon peut tonrinen*
ter le corps de rhomme par diverses mala-
dies et lui apparaître sous une forme visible.
Cependant, d'après le P. Reynera {Prax,
theol. nwst.f 1. 1, p. 7M), Dieu se sert aussi
quelgueiois, dans ces épreuves ou'il envoie
aux Ames saintes pour les puriner, du mi*
niatère des bons ançes. Seulement, d'aprds
les lois ordinaires, il est plus probable que
les mauvais an^es sont seuls chargés des
vengeances divines, dont ils sont les exécu-
teurs. C'est l'opinion de Suarez, de saint
Jean Chrysostome et de saint Augustin.
IL Outre la violence et la terreur dont le
démon se sert pour perdre les âmes saintes,
il leur offre quelquefois rappài des plaisirs
et de la voluptéy en présentant souvent à leur
regard, en réalité ou en apparence, des ob-
jets qui les provoquent vivement à la gour-
mandise, à la luxure, è Tavarice, etc., ou en
excitant intérieurement en eux des passions
aui les poussent à se procurer la possession
e ces objets; Ainsi, c'est ()ar 1 attrait du
plaisir que le serpent a séduit Eve; en lui
vantant la beauté et la douceur du fruit d^
fendu, il a excité en elle le désir d*en man-
ger. Ainsi, il faisait apparaître à saint Hila-
rion des femmes toutes nues et des mets
succuleuts. « Notre ennemi , dit saint Au-
gustin, tantôt nous déchire cruellement
comme un lion, tantôt se cache pour nous
surprendre comme un dragon » Lion ou
dragon, jamais il ne cesse de persécuter l'B-
glise ; il est môme plus redoutable, quand il
a recours à la ruse, que quand il agit ou-
vertement avec violence.
m. Une autre ruse du démon, beaucoup
f^lus dangereuse, c'est de chercher à séduire
es Ames saintes par une fausse apparence du
] bien : parfois il prend la forme visible ou
invisible d'un ange de lumière, et par de
~ spécieux prétextes, excellents en apparence,
il les détourne du bien et les attire au mal,
L'Apôtre l'a dit lui-même : Satan se /raiw-
forme en ange de lumière, (/ Cor. xi, 14.)
IV. Contre les Ames très-avancées dans la
perfection, les démons usent de subtilités
encore plus raffinées. Ils les détournent du
sentier de la véritable humilité, en leur iu^
D^ÂSCETISME.
piraDi une conOance présomphieuse dans
leur aTADC^Denl spiritael, ei en les faisant
se regarder comme moins sous la dépen-
dance de Dieu. De sorte que Dieu se relire
peu à peu de ces âmes qui tombent dans de
déplorables égarements. La chute de Salo^
mon est un exemple assez frappant, pour
nous dispenser d*en dter un plus grand
nombre. Saint Grégoire désigne ces âmes
sous le nom de ces Nazaréens ( Thren. ir,
7, ^, qu*on disait plus blancs que la neige,
plus éclatants que le lait, plus t>eaox et plus
brillants que Tif oire et le saphir ; et cepen*
dant leur msagê ett détenu plue noir que des
ekarb4nu; iU ne êoni plue eonnaiM$ables dans,
iesruee. 0 Car, dit le saint docteur, quand les
▼ertus s*étendent plus qu'il n'est utile, elles
inspirent de la présomption. »
Toutefois, dans répren?e de Tabandon
pour la purification ues âmes saintes, les
démons n*Qni pat plein pouvoir de les tour-
reefiter et de les tenter à leur gré; ils sont
obligés de se tenir dans les limites Oiées
par la dirine Providence, dans Fintérét de sa
gloire et du mérite de ces âmes. 1* L*Ecri-
lare sainte nous le montre par Texemple de
lob. D*abord Satan reçoit le pouvoir de lui
faire du mal dans ses biens extérieurs, mais
non dans sa personne. Gûrde-ioi de melire la
main but luit dit le Seigneur. {Job r, 12.)
Ensuite il est autorisé à le tourmenter dans
sa personne, mais non dans sa vie : Maie
respuie se$ joure. Ainsi encore, dans VApo^
calypee (xx, 1, S), Dieu charge le démon de
chaînes soit par lui-même, soit par le mi*
nislère d'un ange. De quelque manière
qu*on J*entende, on voit que le démon est
retenu par les ordres divins, toutes les fois
et aussi k>o(^eœps qu'il plaît à Dieu. —
2" C'est aussi la doctrine des saints Pères.
« L'enchaînement du démon, dit saint Au-
ga^tin, consiste en ce qu'il ne lui est pas
permis d'exercer toutes les tentations qu'il
voudrait, par violence ou par ruse, afin
d'entraîner les hommes à son parti. S*il avait
reçu ce pouvoir, notre faiblesse est si grande
que bien peu de nous seraient demeurés
selon le cœur de Dieu ; il aurait fait suocom-
lier les fidèles et étouffé leur foi. » (L. x De
ctr., c. 7, 8.) c 11 faut remarauer, dit saint
Grégoire, dans les paroles au Seigneur à
Job (i, 12), cette disposition de la divine
Providence, par laquelle il lâche et retient
tour à tour notre ennemi. » (L. h âfor., c. 7.)
m L*esprit du mal ne nous tente et ne nous
aiDige pas toujours quand il le veut, mais
seulement autant que Dieu le lui permet.
Dieu sait tout ce que l'âme peut supporter
d'épreuves et de tentations, et il règle sur
cette connaissance l'autorisation qu'il ac-
corde au démon. » (Saint E^hbbx, 1. 1, c. 58.)
— 3* En voici la raison. Dieu nous ordonne
de lutter contre les tentations du démon et
de les surmonter : donc, pour ne pas onlon-
ner l'impossible, il affaiblit les forces de notre
Euissant ennem],^i1 augmente léa nAtres par
I grâce, et il contient le tentateur dans de
telles limites que nous puissions soutenir la
tentation et en tirer protit.
Le démon a été enchaîné par Jésus-Christ,
non dans un sens complètement absolu,
mais comparativement, en ce sens qu'avant
l'avènement de Jésus^Christ, il avait telle-
ment séduit le mondé par l'idolâtrie, l'ab*.
sencede la foi et les vjces les plus honteux,
qu'il en semblait être le i^i ou plutôt le
tyran ; ce qui arrivera encore au temps de
I Antéchrist. Néanmoins toujours il a été et
sera suffisamment enchaîné, de manière à ne
jamais prévaloir contre celui qui lui résiste^
Cest ce qu'on remarque souvent dans le
christianisme 'et surtout dans la primitive
Eglise;. c'est ce qu'on remarquerait toigours
si, par nos*péchés, nous ne relâchions lee
ehalnes du oémon.
- Après avoir considéré, d'un c6té, la puis-
sance du démon et la malice de ses tenta-
tions; d'un autre côté la providence de
Dieu, qui ne permet pas que nous soyons
tentés au delà de nos forces, nous concluons
Ïu'il faut, au nom de notre Seigneur Jésus-
hrist , rieisier inirépidemeni à la lenialion*
C'est ce que nous montrent, .1* les saintes
Ecritures, par l'exemple de Job, xle David,. de
Paul, et de notre divin Sauveur lui-même,
qui furent en butte à des- tentations vio-
lentes, mais qui en triomphèrent glorieuse-
ment; par bien des passages, et surtout par
lé psaume Qui habiêai tout entier, .où Dieu
nous promet, outre son secours, la garde
des saints anges, à la laveur de laquelle
vous mareherex sur V aspic ei le basilic ei vous
foulerez au pied le lion et le dragon* Si Dieu
ùt pour' nous t dit saint-Paul (Bom. vni, 21),
qui sera contre nous? — 9r l^s saints Pères.
« Défendu par ces armes puissantes, suivant
Jésus pour chef, ne craignez pas ces géants :
VOUS' verrez comment le Seigneur Jésus
vous les soumettra ; et cqmme vos pères ont
foulé aux pi.eds la tête des nations^ de même
vous foolere'z aux pieds la tête des démons;
car il dit lui-même à ceux qui le suivent fi-
dèlement : Fotci que je vous ai donné le pou-
voir de marcher sur les serpents et les scor-
pions et sur toute puissance de Vennemif et il
ne pourra vous nuire. » (OEioinB, tn c. xu
Num.t hom. 7.) « Je ne comprends pas, dit
sainte Thérèse, dans sa Yiefc. S5), cet époa-
vantail, le démon^ le démon, quand nous pou-
vons dire, mon DieUf mon JHéu, et le faire
trembler. Car il ne peut rien faire, nous le
savons, sans la permission de Dieu. » —
3* Saint Ignace nous en donne la raison
(lAb. exercit.^ die 4, hebd. S) : « Le Ghrista
trois empires, où il lève des soldats; celui
des anges dans le ciel, celui des élus sur la
terre, celui des vertus^iui habitent dans le
cœur du juste; ces armées sont soutenues
dans le combat par le secours de ses puis-
santes inspirations. Et si les efforts du demoa
dépassent nos forces naturelles, nos forces
surnaturelles sont beaucoup plus puissantes
que les siennes : aussi, si beaucoup viennenl
â succomber, c'est qu'ils ne*font point usage
de ces forces. »
Donc, puisque nous avons en nous la
grâce de Jésus-Christ, çiiî nous empêche dé--
tte opprimés par Satan {Il Cou u,.li)> bl
sn
DEM
HCnONWURB
que la foi nous enseigne tes moyens (fe ré-
sister au démon, nous croyons utile d*expo^
»er ici les différente remèdes qu'il fiiut ap«
porter nux tentations.
I. Quand le démop nous (ente par des
Tisions effirayantes ou par des afflictions
corporelles, il faut nous dérendre par une foi
inébranlable. Dieu est fidèle dam seêpromes^
$e$^ dit rÀpAtre; t( ne vouê laissera pas sans
secours. (/ Cor. x, 13.) Ainsi Job, se tour*
Dant vers le Seigneur, lui dit e i[eiteX'4noi
auprès de vous^ ei alors que la main de qui que
te soii s'arme contre moi. {Job xtii, 8.)
fiaint Antoine s'écriait, au plus fort de sa
lutte contre le démon i « Si vous pouvez
quelque chose, si le Seigneur vous a donné
sur moi quelque pouvoir, me voici, empa-
rez-vous de votre proie. Hais si vous ne
pouvez rien, pourquoi tentez-vous de vains
efforts? Le signe de la croix et la foi an
Dieu sont pour nous un rempart inexpugna«-
ble. »
H. Pour résister aux tentations de volupté^
il faut se mettre sous la protection du Très-
Haut, ou» nous fera fouler aux pieds le lion
et le dragon. (Ps. xc, 13.) Saint Augustin
nous dit à ce sujet : « Vous avez vaincu le
lion, vous vaincrez le dragon : le lion ne vous
a pas terrassé, le dragon ne pourra vous
surprendre. » Vous lui écraserez la tète;
rar, ainsi que dit saint Grégoire (1. xvii
Mor.f c. 20) : « Si l'on ne résiste du fond du
cœur à ses suggestions, aussitôt et tant
qu'elles se font sentir, on finit par y succom-
ber, » ^^ « Combien ne donponsrnous pas
prise au démon, en nous affaiblissant nous-
inàmes par notre amour des honneurs, des
richesses et des plaisirs 7 Nous faisons alors
alliance avep lui, nous devenons nos propres
ennemis, nous aimons et nous désirons ce
que nous devrions haïr : Aussi nous cause-
141 toute sorte de maux. Nous lui livrons des
armes contre nous-mêmes, et nous tendons
k ses fers les mains avec lesquelles nous
devrions lui résister. C'est là un grand
malheur; car si nous haïssions à cause de
Dieu toutes ces choses, et si nous embras-
sions la croi^, le tentateur nous fuirait
comme la peste. » (Saiate TsÉRàsc, m YUqp
C.S&.)
^ IIK Quant aux tentalions du démon par
l'apparence du bien, bous y résisterons par
oette prière : Envoyex-nous voire lumière et
moire vérité. {Ps. xlii, 3,) < Le moyen de rp-
oonnaitre Terreur, dit Rossignol {^e disçipf.
Christ.)^ c^est de suivre le conseil de l'Ecri-
ture, des saints Pères et des mattres spirituels :
or pour profiter de ces conseils, il faut réu-
nir rbumilité et une sainte frayeur ; Thum-
ble prière est d'un grand secours, mais le se-
cours le plus puissant, c'est d'avoir d'hum-
bles sentiments de soi-même. « Gerson nous
donne à ce sujet un excellent avis (7r. de
divn tent. diab.) ; « Quelquefois le démon
nous pousse a mépriser les conseils des
nommes, et à n'attendre de secours que de
Dieu seul ou de la prière, ou à nous appuyer
sur notre propre sagesse, et à nous dire ta
quelque sorte : Je sais rooi*mème mieux que
tout autre ce qu'il faut faire en pareille cir-
constance ; {personne mieux que moi ne coq-
natt ce dont il s'agit, n'apprécie quel est mon
caractère et quelles sont mes ressources....
Cette tentation est la plus funeste et la plus
dangereuse, surtout pour les personnes qui
ont beaucoup de dévotion et d'intelligence ;
car elle est un vif sentiment d'orgueil. »
IV. On résiste aux tentations aorgueil et
de présomption^ en ayant toujours présentes
à resf)rit ces paroles de saint Jacques (iv, 6):
IHeu résiste aux superbes t ei il donne sagràc9
aux humbles. Kn effet, selon saint Augustia
(ep. &6) : c Si Thumilité ne précède, n'ae-
compagne et ne suit tout ce que nous fai-
sons de bien; si elle n'est pas le but de nos
efforts 9 l'appui auquel nous nous tenons
attachés, la lorce par laquelle nous refusons
tonte pensée d'orgueil, cet orgueil nous
fait perare et nous arrache en quelque sorte
des mains tout le fruit de nos bonnes œu-
vres; tous les autres vices sont à craindre
dans les actions coupables ; l'orgueil est re-
cueil des bonnes actions : le désir exagéré
de la gloire corrompt nos actions glorieuses. »
Aussi saint Antoine, voyant tout le monde
rempli de pièges, avec peu de moyens d'^
échapper, fut instruit de Dieu que c'était
par 1 humilité seule qu'on pouvait s'en pr^
server. {Voir Possession et Obsbssioh.)
DBNYS L'AR£0PAG1TE (Saint). -Deoys
l'Aréopagite fut disciple de saint Paul et
premier évêque d'Athènes. Est-il le môme
que saint Denvs de Paris? Est-ii surtout
1 auteur de la fameuse théoloe;ie mystique
que nous avons si souvent citée, et que
certains auteurs lui attribuent? Telle esi la
double question qu'il s'agit d'examiner.
Sans Touioir trancher une controverse qui
n'est pas de notre compétence, et malgcé
Topinion coptraire de Godescart, nous pen-
sons avec UM. Parboy et Rohrbacher qu'il 7
a de grandes raisons pour tenir l'affirmatîTe
sur les deux questions posées (155).
L'identité oe saint Denys l'Aréopagite et
de saint Denvs de Paris nous parait plus pro-
bable. En effet, nousa vous trois Vies rédigées
Kir des auteurs grecs ; la première par saint
éthodius, patriarche de Ûonstantinople, né
vers la fin du viii' siècle, et mort en 847;
la seconde par Hiobe] Syngelle ou Syncelle,
Brètre de Jérusalem, contemporain de saint
léthodius, et qui souffrit comme lui pour
la cause des saintes images ; la troisième
par Siméon, homme considérable par sa fa-
mille, ses emplois et sa science, qui, daos
le X* siècle, rassembla toutes les Vies des
saints qu'il put découvrir. Au plus f/tend
nombre, comme on peut s'en convaiocre
par la comparaison avec les vies antérieu-
res, il n'a lait d'autre changement que de
transformer les phrases, pour rendre k
style plus agréable, ce qui lui a fait donner
le nom de Métapbraste ou transformateur
de phrases. A c^s trois vies, on peut joio-
i5a) y. Mist. Ecelis* de M. RoHaBAcnsa, auquel nous empruntons cette dissertation ialéresiaflts.
M3i
D^AfiXnSHE.
dro rabrégé qu*eo donne le gree Nicépbore
dans son Bistaire eulésiasiigue (156).
D*âprès le récit de cet sutear, Denvs TA**
réopagiie naquit dans la YÎile d'AihèneSt
d*one illustre iamille ; cultiva les sciences»
notamment Tastronomie» et fut un des juges
de rAréopage. Encore païen, il remaraoa
robscnrcissement extraordinaire du soleil
à la mort de Jésus-Christ, et conclut de
deux choses Tuue : ou le Dieu de la nature
souffre, ou la machioe du monde se détra*
que. Lorsque saint Paul Tînt annoncer aux
Athéniens ce Dieu imeommt qu'Us adoraient
sans le connaître, Denys fut un de ses dis-
ciples. Il profita aussi des leçons d'un sa*
▼aut Chrétien, nommé Hiérolhée, fut fait
premier éféque d'Athènes, et ne se distiu-
gua pas moins par son zèle et sa rertu que
par sa science. 11 mérita d*6tre présent,
arec les apôtres, au trépas et aux funérailles
de la sainte Vierge Marie, mère de Dieu,
dont le corps fut transporté, par les mains
des apAtres, de la montagne de Sion dans
le sépulcre au jardin de Gethsémani, d*où
elle fut reçue dans le ciel. C'est ce que dit
expressément le prêtre de Jérusalem. Plus
de deux siècles auparsTaot, saint Sopbrone,
patriarche de la même ville sainte, chantait
arec amour, dans une hjmne sur les saints
lieux» « le jardin de Gethsémani, qui reçut
autrefois le corps de la sainte Mère de Dieu,
et où était son sépulcre ; * mais il ne parle
pas du corps même comme y étant (157).
Nous avons donc ici sur cet événement me*
morable la tradition expresse et constante
de TEglise de Jérusalem, et même de tout
rOrient.
De Jérusalem, saint Denjs ne retourna
point se fixer à Athènes, mais s'en alla
dans rOccideot, suirant l'exemple des àfi^
très, en particulier de son maître, saint
Paul. A Rome, il se présenta au Pape saint
Clément, disciple et successeur de saint
Pierre. Clément l'envoya dans les Gaules,
aree plusieurs compagnons. Saturnin, l'un
d*eux , prêcha l'Evangile dans l'Aquitaine.
Denys , cherchant les contrées où l'ido-
Utrie dominait encore , s'avança jusqu'à Pa-
ris, petite ville, mais remplie de paga-
nisme. Son compagnon Lucien alla prêcher
le vrai Dieu à Beauvais. Deux autres, le
prêtre Rustique et le diacre Eleuthère , de-
meurèrent avec lui pour travailler à la con-
rersion des Parisiens. Leur ville , nommée
aussi Lutèce, était renfermée dans une lie.
Denys jr érigea no temple au vrai Dieu, et
convertit un bon nombre de personnes,
tant par ses prédications que par ses mira-
cles. Il souffrit la persécution avec une
merreiileuse constance, sons Domitien, et
continua d'évangéliser les peuples jusque
sous l'empire de Truan. Ennn, il couronna
une rie d'apôtre par le martyre, et fut déca-
(156) CEmwnê de $mmi Dem§$ PAréop,^ çi gree et
CD latin, S vol. in-IoL ; Paris, 16i4, lom. 11, p. 315,
et SUIT.
(157) SpiciUyium nmamum , du cardinal Maî ,
I. IV, p. 1 16, vers 95-100.
(138) c Propositio , saactiuii IHoiiysium primo
pité avec les saints Rustimie et Sîeuthère'»
saint Héthodios et Siméon Métaphraste a|0Uf
tent que Denys prit sa tête entre ses mainsy
la porta l'espace de deux mille pas et la dé-
|K>sa entre les mains d'une femme chré-
tienne. Tel est, en somme, le récit des au-
teurs grecs. Comme jamais les grecs n'ont
été accusés de chercher à flatter les latins,
ce récit {inspire naturellement une certaine
confiance.
Les plus anciens martyrologes placent la
martyre de saint Denys l'Aréopaçite au 3 oc*
tobre,sous l'empire d Adrien, qui commença
de régner l'an 119. On lient que la colline,
où il fut décapité avec ses compagnons, ji
S ris de là le nom de Mont des Martyrs ou
(otUmarire. Plus loin, et plus tard a été
bftti le monastère de Saint-Denis, dont l'é-
glise est devenue la sépulture des rois de
France, et au tour duquel s'est formée une
ville. Vers le milieu du ix* siècle, 83fc, Louis
le Débonnaire, se croyant redevable à saint
Denys de sa restauration sur le trône, or-
donna à Hilduin, abbé du célèbre mo-
nastère, de réunir tout ce qu'il pourrait
trouver sur la vie et les œuvres du saint
patron. HilduiOp sous le nom d'Aréopagi-
tiques, composa des mémoires tirés des
histoires des Grecs« des livres de saint Det-
nys, même d'auteurs latins, d'anciennes
chartes de l'Eglise de Paris, en particulier
des Actes du martyre de saint Denys^ écrits
par Visbius, témoin oculaire. Le Domini-
cain français Noël Alexandre croit à l'au-
thenticité de ces Actes; il en conclut, ainsi
Îue de dix-huit autres preuves, que saint
enis est venu dans les Gaules au i" sièle;
que l'évéque d*Athènes et celui de Paris est
le même personnage; que c'est vraiment
saint Denys l'Aréopae^te, et que les argu-
menis des contradicteors ne sont pas sans
réplique (158). Nous pensons comme le Do-
minicain français, et comme les Jésuites
français Lansel, Cordier, Halloix et autres ;
on plutôt nous pensons comme les grecs
saint Héthodios, patriarche de Constan-
tinople, le bienheureux Michel, prêtre
de Jérusalem, et Siméon Métaphraste. Et ce
qui nous confirme dans cette manière de
voir, c*est l'origine et les arguments du
parti contraire. Les auteurs de la Gaule chré*
tienne^ article Eglise de PariSf e\poseni trois
opinions ; la première, qui tient et prouve
par des arguments positifs que le premier
évégue d'Athènes et le premier évèque
de Paris, c'est le même saint Denys l'Aréo*
pajpte envoyé dans les Gaules par le Pape
samt Clément, disciple et sucessenrde salut
Pierre ; la seconde qui, sansadroettre l'iden-
tité de la |>ersoone , tient et prouve, par
des arguments affirmatifs que, saint Denys,
premier évêqne de Paris, y a été envoyé
dès le 1** siècle par le Pape saint Clément ;
saMulo la Galliafl vcnîise; DnaBt|ae et enoidem esse
Atbenieiisinra et ParitiCBsitfm episcopom, vere Areoi
pagitam, probabUe est ; oec inconcossa sunl ^
lavicla virorum eruditomni , qui haoc opinioncm
impugnaniot, argumenta, t (/» Oittonam ecckna^
êticam iœculi i, Disseilatio, 16.)
f7l
DEN
DiCTUmMAlRE
KN
572
la f roisième qui , pour rqeter les deux pre-
mières et ne faire arriver saint Denys dans
les Gaules qu'au m' siècle, 8*appuie noa
pas tant sur des arguments affirmatils que
sur des arguments négatifs (159). Les au-
teurs de la Gaule chrétienne citent en faveur
de la troisième opinion l'autorité scientifi-
que du docteur Launoy et Teutorité judi-
aaire de Louis Antoine de Noailles, arcbe-
Téque de Paris, lequel, en 1700, réforma la
crojance et la pratique de son ^ise,et
d'un seul et même saint Denys en fit dcui,
dont il plaça TAréopagite au troisième jour
d'octobre, et le Parisien au neuvième.
Vais tout le monde sait que ce prélat , nlus
remarquable par sa piété que par sa aoc-
trine V fut toute sa vie la dupe et le jouet de
la secte jansénienne. Quant au docteur
l^unojt nous avons déjà appris , et en son
temps nous apprendrons encore mieux h le
connaître comme un esprit téméraire , d'un
catholicisme pour le moins douteux ; et
qui , pour soutenir ses nouveautés, ne crai-
Snait pas de falsifier les textes des Pères et
es conciles. En un mot , c'est par la même
influence de secte que le Bréviaire de Paris
a divisé sainte Marre Ifadeleine en trois , et
saint Denys en deux. Le Bréviaire romain
continue, avec les auteurs grecs, k regarder
saint Denys l'Aféopagite comme le même
évêque d'Athènes et de Paris. Cet accord de
Rome et de la Grèce ne laisse pas que do
mériter attention, même de la part des
catholiques.
Pour les jansénistes , c*est différent. A
eux il suffît que Rome approuve ou semble
approuver une chose, pour qu'ils la contre-
disent. Cette antipathie est tellement sincère
qu'elle s'étend à tous ceux qui s'accordent
avec Rome, fussent-ils des Grecs et des
Grecs du Bas-Empire. Ainsi, saint Hétho-
dius , patriarche de Constantinople, Michel,
prêtre de Jérusalem , que Cédrénus qualifie
de bienheureux , Simeon Métaphraste, Ni-
céphore Calliste, s'accordent k dire que
Denys l'Aréopa^îlea été évêque d'Athènes,
ensuite de Poris; cela est incontestable.
Oui ; mais Rome dit la même chose , donc
les Grecs Mélhodius, Michel, Siméon et
Nicéphore ne savent ce qu'ils disent et ne
méritent aucune eréance. U est un autre
motif pour les jansénistes de répudier ces
historiens grecs : c'est que, d*après leurs
histoires, saint Denys rAréopagite, avant
de venir en Occident aurait assisté avec les
A|)6tres au trépas et aux funérailles de la
sainte Vierge à Jérusalem et non pas à
Ephèse, où les jansénistes et compagnie la
font mourir et enterrer, parla raison qu'il y
avait dans cette ville une église de ta sainte
Vierge Marie.
L'autorité de l'abbé Hilduin et des autres
écrivains d*Occident , sur l'identité de saint
Denys d'Athènes et de saint Denys de Paris,
ne prouve rien, attendu qu'ils ont emprunté
cette opiuiou aux Grecs; d'un autre côté
(159) c Restât jam tertb opinio, non tam argu«
neuiii alOrmantibui qaamnegantibus mea. i
l'opinion des Grecs sur l'identité de saiot
Denys de Paris et de saint Denys d'Athènes
ne prouve rien, attendu qu'ils ont emprunté
eette opinion lux Latins d'Occident, l'abbé
Hilduin et auires. On trouve un complaisant
et fidèle écho de cette augmentation là même
où l'on ne s'y attend guère (160).
La cause fondamentale de l'antipathie des
jansénistes contre saint Denys de l'Aréo-
fMge et ses œuvres, c'est que, sur ces ma-
ttères, il ne pense pas comme eux , œsis
couime l'élise romaine.
L'Eglise nous l'enseigne , avec saint Tho-
mas : La grftce est un don surnaturel quo
Dieu accorde à Thomme oour mériter la rie
éternelle. Cette grâce est un don surnature',
non-seulement h l'homme déchu de la per-
fection de sa nature, mais à l'homme en sa
nature entière ; surnaturel , non-seulement
h l'homme , mais à toute créature, non-seu-
lement à toute créature actuellement exis-
tante, mais encore k toute créature possible.
En voici la raison, développée par l'Ange de
Técole. La vie étemelle consiste à connallre
Dieu, à voir Dieu, non plus i travers le
voile des créatures , ce qui fait la théologie
naturelle ; non plus comme dans un miroir,
en énigme et en des similitudes, ce mi fait
la foi ; mais k le roir tel qu*il est, à le con-
naître tel qu'il se connaît. Nous le Terrons
comme il est, dit le disciple bien-aimé.
( / Joan. m, 2. ) El saint Paul : Maintm^nt
noue le voyons par un miroire en énigm;
mais alors ce sera face à face. Maintenant jt
le connais en partie; mais alors je le connai-
Irai comme f en suis connu; ou plutôt suivant
la force du texte original,/eftjperc(mRa(/rai
comme je suis superconnu. ( / vor. xni, ii j
Or tout le monoe sait , tout le monde con-
vient , que de Dieu à une créature quelcon-
que ii y a l'infini de distance. Il est donc
naturellement impossible h une créature,
quelle qu'elle soit, de voir Dieu tel Qu'il
est, tel que lui-même il se voit. Il lui lau-
drait pour cela une faculté de voir infinie,
une faculté que naturellement elle D*a pas,
et que naturellement elle ne peut pas avoir.
11 y a plus. La vision intuitive de Dieu, qui
constitue la vie éternelle , est tellement au-
dessus de toute créature , que nulle ne sau-
rait par ses propres forces en conceTOir
seulement l'idée. Oui, dit saint Paul t après
le prophète fsaïe : Ce que Vœil n'a point tu ,
ce que V oreille n'a point entendu , ce qui n nt
point monté dans le cœur de rhomme,toilà
ce que Dieu a préparé à ceux qui f (««<«'•
(/ Cor. II, 9; Isa. liiv, h.) Pour donc que
l'homme puisse mériter la vie éternelle, et
même en concevoir la pensée, il lui fa"^
en tout état de nature , un secours surnatu-
rel , une certaine participation k la nature
divine. L'homme ne pouvant s'élever en ce
sens jusqu'à Dieu, il faut que Dieu descem e
jusqu'à rbomme , pour le déifier en quel-
que sorte. Or cette ineffable condescen-
dance de la part de Dieu , cette participadoo
(160) Aet'a êanctorum; 9 octotw., Cominente^i^
prœvius, BOtammeiit { 4 et 8.
579
DEN
ITASCETtSilE.
574
I ta ratura difioe, cetle déification de.
rhoramii, c*est la grâce. Vmlà ce que saint
Thomas enseigne dans sa Somme de Théolo-
gie (16i) et rfiglise par ses décisions , et
saint Denys l*Aréopagite dans ses œuvres.
Or, les jansénistes pensent différemment
et de saint Denys^etoesaint Thomas» et de.
TE^ise. Baiûs et les jansénistes supposent .
que, dans le premier homme, la grtce n'était
autre chose que la nature ; que le premier
homme pouvait ainsi, par ses seules forces
naturelles, 8*élever au-dessus de lui-môme,
franchir rintervalle infini qui sépare la créa-
ture du Créateur, et voir Dieu immédiate-
ment en son essence. D'où ils concluent
nécessairement que, si Thomme déchu a
besoin de la grftce proprement dite, ce n*est
que pour guérir et restaurer la nature. Il
est aujourd hui encore des catholiques sin-
cères, mais si neu sur leurs gardes, qu'ils
admettent ou laissent passer le venin du
jansénisme pour la doctrine de l'Eglise.
Ainsi, dans un ouvrage, reeommandable
d'ailleurs par les religieuses intentions de
sctQ auteur, avons-nous lu avec étonnement
ces mois : m La grftce de Dieu par Jésus-
Christ est le retour de la vie primitive. Anssi
paraltrelle surnatupelle, et elle l'est en effet,
mais par rapport à la nature corrompue seu-
lement. Car, par rapport à la nature primi-
tive, elle est naturelle, puisqu'elle est celte
nat jre même réintégrée en nous (ICS). »
Ces mils renferment précisément l'erreur
que TB^ise a condamnée dans les jansénis-
tt*«, notamment daps cette proposition de
Quesnel : c La grftce du premier homme est
une suile de la création, et elle était due à
la nature saine el entière (163) ; » et dans
eelte autre de Balus : « L'élévation de la na-
ture humaine à la participation de la nature
divine était due à riatégrité de la première
création^et par conséquent on doit rappeler
naturelle, el non pas sumalurelle (1M). *
L*on conçoit que des savants catholiques
mêmes, avec de pareilles préventions, ne
soient pas compétents pour apprécier au
|aste les oravres de saint Oenys I Aréopagite,
ni les questions qui s'y rattachent.
Les critiques modernes ont posé en pnn-
cipe: Les œuvres attribuées à Denys l'Aréo-
I^gite ne peuvent être de lui. Une preuve,
c'est que dans le i" et le n* siècle on
no panait pas comme il parle : on n'avait
ni les idées, ni les expressions qu'il a, telles
que superessence, supersubstantiel, super-
bonté, Donté supéréminente, superscience,
superoonnaissaooe, etc. (165). Ces critiques,
si nomi>reux qu'ils soient, permettront ce-
pendant de leur opposer certains ouvrages
du 1" siècle , où les mêmes idées et les
mêmes expressions se retrouvent. Ces ou-
vrages curieux, ordinairement imprimés en
un volume, sont les quatre Evanj^iles et les
Epttres des apêtres, en particulier les Eptlres
de saint Patil, le maître même de saint Denys
l'Aréopagite. Une pièce assez connue de ces
ouvrages, c'est TOraison dominicale. Dans
le texte grec, qui est l'original, on lit cette
demande: Domnex~nou$ aujowrd'kui notre
pain $upere$$eniielf $uper$ubsianiiel (Malik.,
VI, il ; Lue. u, 3); ce nue la Vulgate traduit
ainsi dans saint Matthieu : Panem nosirum
syperêubstaniialem da nobis hadie I Serait-ce
exiger trop des critiques modernes, avant
de juger les Pères de rEglise, qu'ils sachent
au moins leur Pater ?
Saint Paul, dans toutes ses Epttres, no-
tamment dans celles aux Chrétiens d'Ephèse
et de Colosse, exhorte tous les fidèles à
s'élever, par la Krftce de Dieu et 1a sainteté
de leur vie, à la connaissance parfaite do
Dieu et de son Christ. Cette connaissance
parfaite, il ne l'appelle pas simplement gnose,
connaissance, science, mais épignose, super-
ooonaiss.inee, superscience (EpJkes. i, 17;
nr, 13; Ce/oss.f, 9 et 10; ii,2; m, 10); atten-
du qu'elle donne de Dieu, de son essence,
de ses attriirots et de ses ceuvrest des idées
infiniment au-dessus de tout ce que la
science humaine peut ima^ner de plus su-
blime. La sritneef eonma%$$anee ou gnose^
dit-il aux Corinthiens, sera détruite. Car
nous eonnaissone en partie^ et en partie nous
prophétisonê. Mais quand viendra ce qui est
parfait^ alors disparaîtra ce qui est partiel.
Mamtenant nous vogons par un mtroir en
énigme ; mais alors ce sera face à face. Main"
tenant je connais en partie ; mais alors je
supereonnaUrai, comnu je suis superconnu.
(/ Cor. XIII, 13.) Saint Pierre, dans aa se-
conde Eptlre, se sert de la mêine expression,
et plusieurs fois. (// Petr: i, % 3, 8.)
il y a plus, Turtique mettre des apôtres,
Jésus-Christ, leur donne l'exemple de ce
langage. Dans le texte grec de saintMatthieu,
il dit littéralement: Toutes choses m'ont été
remises par mon Pire ; et personne ne super-
connaît le Fils, si ce n'est le Pire ; iij per-
sonne ne superconnaît le Pere^ si ce n^est le
Fils , et à qui le Fils le voudra révéler.
IMatth. Il, 21; Ltif. x, 22.) C'est ici, on le
voit, la connaissance suréminente, super-
scientifique, superintellectuelle, que le Père
a essentiellement du Fils, et le Fils coessen-
tiellement du Père. Nulle créature ne peut
y participer que par la grftce et la révélation
du Fils. Aussi ce même Fils dit-il jusquà
deux fois à ses apôtres : Vous n avez qu'un
maître ou docteur ^ c'est le Christ. (Mattk.
xxiu, 8,10.)Les premiers hérétiques, sous
(161) Smmmassmctà Taou, i-2, q. 109, ail. 5;
lit, art. S, 5, ci alibi.
(102) Eiwdes pkilosopkiqties sur le Ckristiamsme,
par Auguste Nicolas, seconde édition ; Bruxdles,
laia, t. U, p. 207.
(tt»3) c Gralâa Adami est seqnda creatioois, et
crat dânta naturae sans et intcîprae. • (Prop. 35).
(164) c Humanae oaliurs soUimatio et eiaitatio in
consortiam divînae naUine ddiiU fuit intttritaii
primae crealîonis, ac proinde natoralis dieenda esl,
.ei non sopemauiralis. > (Prop. 21).— Voir de plus
amples détails bur ces matières, dans nn opuscule
De la grâce et de la nature, chez (Jaunie el ChaliOr
dre, par Fauteur de cette Histoire.
(165) Voir entre autiw le ùtcUmmaire de FeLLaa«
édUion de MM. WeissetBasion.
S7S
DiCTHINHAIRE
ni
préteiCe d'aoe 5oî-disaot gnose» cbercfaaient
à rabaisser Jésua-Cbrist au-dessous des
puissances célestes. Voilà pourquoi les apô-
tres» dans presque toutes leurs Epltres, no-
tamment saint Paul dans ses EpUre$ aux
Efhéêimê et aux Cotù$iien§, rappellent que
lésus-Christ est Timage substantielle du
Dieu inTisible, qu'il est né aTant toutes les
créatures. C'est par lui et pour lui que tout
a été créé au ciel et sur la terre, les choses
visibles comme les invisibles, les trônes,
les dominations, les principautés, les pui»-
sancos. Il tiî awmt t&uie$ ehoêa^ et touie$
se cancenirent ei subrisieni m lui. Il ai a$$i$
à la droite de son Pire dam les régiant super'
eélesies {Ephes. i, 20), par-d«issus toute
principauté, toute puissance, toute vertu,
toute domination, et tout nom qui peut se
nommer, non-seulement dans le siècle pré-
sent, mais encore dans le siècle futur. Et
tout est soumis à 8e% pieds. Il est le chef du
corps de TEglise, le premier-né d'entre les
morts; afin qu*il soit le première» tout,
parce qu*il a plu au Père de mettre en lui la
plénitude de toutes choses et de tout récon-
cilier par lui avec soi-même, purifiant, par
le sang qu*il a répandu sur la croix, et ce
qui est sur la terre et ce qui est dans les
çieux. Cesl en lui que $oni renfermée iaue le$
triêon de la êoj/eese et de la ecienee; trésors
dont la participation produit Vépignose^ la
tonnaissance surnaturelle et parfaite du myi-
Ore de Dieu et de son Christ IColoss. u»
8,3).
Or, ce que font les apôtres contre les
gnostique dans tontes leurs Bpltres, ce que
fait particulièrement saint Paul, son disci-
ple, saint Denys le continue contre les
mêmes gnostiques dans ses œuvres. C'est
le même but, c'est le même fond de doc-
trine, ce sont bien souvent les mêmes ex-
pressions, ou des expressions semblables :
expressions qui paraissent étranges, quand
on n'est pas familiarisé avec le texte origi-
nal du Nouveau Testament; mais quand
on s'y connatt, elles deviennent comme le
signalement d'un disciple et contemporain
des apôtres.
Les ouvrages de saint Denvs l'Aréopa-
gite ont été très - célèbres depuis le v*
siècle, et méritent leur célébrité par la
haute théologie qu'ils renferment : ce sont
)e5 livres dn la Hiérarchie céleste et de la
Hiérarchie ecclésiastique , les traités des
Noms divins et de la Théologie mystique,
avec dix lettres. Il avait composé encore
quelques autres écrits, mais qui ne sont pas
venus jusqu'à nous. Quant aux ouvrages de
eaint Denvs en général, on les voit cités dans
une homélie d'Origèuo, traduite par Rufin.
Saint Denys d'Alexandrie, contemporain
d'Origène, écrit des notes pour servir à
nnteîiigence de saint Denys de l'Aréopage,
qui est cité avec éloge dans un sermon de
saint Jean Chrysoslome. Saint Cyrille d'A-
lexandrie, qui appartient aux premières
années du v siècle, invoque, entre autres
témoignages, celui de saint Denys l'Aréo-
pagite, contre les hérétiques, qui niaient
le dogme de llncamation. Jnvéoal, évèque
de Jérusalem, dans une lettre è l'empereur
Marcien, touchant le trépas de la sainte
Vierge, cite comme une tradition de l'E-
glise le récit même de notre Aréopagite sur
ce sujet : « Il ▼ avait lè, dit-il, srec les
apôtres , Timolnée , premier évëqae dt-
piièse, et Denys TAréopagite.'comme il nous
rapprend lui-même en son livre.» (Des ao«i
dtrifia, chap. 3.) Dans la première moitié du
VI' siècle, Léonce de Bysance en uo lirre
quMI composa contre Nestorius et Euty-
cbès, cite en premier lieu, parmi les an-
ciens, Denys l'Aréopagite, contemporain des
apôtres. Dans un autre traité, il donne la
liste des Pères qui ont illustré l'Eglise
depuis Jésus-Christ jusqu'au règne de Cons-
tantin, et il cite parmi eux notre auteur :
« Ces docteurs, dit^il, furent Ignace, sur-
nommé Théophore, Irénée ; Justin , philo-
sophe et martyr. Clément et Hjppolile,
évoques de Rome, Denys l'Aréopagite ,
Hétbodius de Patare, Grégoire, thauma-
turge , » etc. Saint Anastase Te Sénaïte écri-
vit des réflexions mystiques sur l'œavredes
six jours : là, il rappelle en ces termes uq
passage du livre des Noms divins : c Ce
Denys, célèbre contemporain des apdtres,
et versé dans la science des choses difines,
enseigne en sa sublime Théologie que le
nom donné par les Grecs à la Dmnité
signifie qu'elle contemple et voit tout. » Le
Pape saint Grégoire le Grand explique quel-
ques fonctions des esprits bienheareuiaTec
les propres paroles de saint Denys, et en le
nommant ancien et vénérable Père.
Si les ouvrages de saint Denys ne se
voient pas cités plus souvent dans les quatre
premiers siècles, il y en a une raison pa^
ticulière dans la nature même de ces ouvra-
ges. L'auteur v développe la plus sublime
théologie', celie qu*on n'enseignait pas à
tous les fidèles, mais seulement aux plus
parfaits, comme saint Paul nous l'apprend
dans sa première Epltre aux Corintkim ;
Sapientiam autem loquimur inter perfectoi,
(/ Cor. II, 6.) Aussi râuteur adresse-l-il ses
écrits à un évêque , à Timothée , eu lui
rappelant l'obligation du secret sur ces cho-
ses devant les personnes qui ne seraient
pas capables de les bien entendre.
Le vu' siècle tout entier est plein de la
gloire de saint Denys. Les meilleurs écri*
vains, de saints évèques, des Papea et des
conciles, l'Orient et lX>ccideut le proclanieot
l'auteur des livres que nous possédons au-
jourd'hui sous son nom. Pas une voii dis*
cordante ne rompt l'unanimité soleonelie.
L*hérésie elle-même invoque ou subit celte
autorité incontestée. Le philosophe et mt-
tyr saint Maxime la cite au monotbélite
Pyrrhus, qui se convertit : de plus, il enn*
cbit de pieuses et savantes notes les ceu-
vresdu docteur apostolique. Le Pape saïQi
Martin, en plein concile de Latran, mfoque
contre le roonothélisme l'autorité de saiDl
Denys d'Athènes. « L'illustre Denys, dani
son livre des Noms^ divins^ nous apprend
que le Seigneur fut formé du pur sang
«n
DEN
D*ASCETISME.
DEM
^n
d'une yiergiDfGontraireroent auxloisde la|Qa-
tare, e(qo*il foula les flots d'un pied sec, sans
qoe leor mobilité cédAI sous le poids de soo
corps. K( il dit encore dans sa lettre à Caïus:
Le Seigneur, s*abai5sant jusqu'à notre subs-
laoce, lui a communiqué la supériorité de
soo être, 9 etc. Et le concile de Latran, com-
posé de cent quarante évéques, entendit ces
ciUiions faites par l'ordre du PapCi et les
ippitMiTa/ et en tant qu'elles expriment le
d(^e catholique» et en tant qu'elles ve-
naient de saint Denys i'Aréopagite. Un
lulrePape, saint Agathon» dans sa lettre
aoi empereurs, s'appuie Clément sur les
passages qu'on fient de rappeler» et en dé-
signe l'auteur par ces mots : Denjs l'Aréo-
Dagitei éféque d'Athènes. Les citations du
Pape furent collationnées dans le sixième
ooDcilegénéralyet trouvées conformes. Saint
SûphroDe» patriarche de Jérusalem, dans
ooe leltre à Sergius de Canstantinople,
fauteur du monothélisme» recourt à l'auto-
nié de saint Denys, comme les Papes et les
oûicUes précités. Et ni le monothélite Ser-
?us de Conslantinople» ni le monothélite
rros d'Aleiandrie, ni Macaire d'Anlioehe,
De déclinent l'autorité qu'on leur op[)osei
Kulement ils l'interprètent à leur manière.
Comme ou le voit» tous les grands sièges
de la catholicité» Rome par la ooucbe de ses
pontifes ; Alexandrie, Antioche, lérusalemf
Cûostaatioople» par leurs patriarches ; !'£<-
jlise dans plusieurs conciles affirme tenir
jiour authentiques les œuvres connues sous
eDOffl de saint Denys l'Aréopagite.
Parmi les témoins subséquents de cette
nditioD, on distinguci au yui* siècle» saint
iéthodius de Conslantinople » saint Jean
^amascène» le Pape Adrien, le deuxième
oocile œcuménique de Nicée ; au ix% Mi-
bel, prêtre de Jérusalem, le savant Pho-
uSf labbé Hilduin, Hincmar de Reims,
^Pape saint Nicolas; au x% Suidas et
inéon Métaphrasie; le célèbre moine
olbimius dans le xi' ; aux xu* et xm%
historien George Paebimère parmi les
recs,e( parmi les Latins, HuKuesde Saint-
ietor, Pierre Lombard, Alexandre de
'lès, Albert le Grand, saint Boftaventure,
liot Thomas. Plus tard, le concile de Flo-
!Qce, les iditstres eardinaux Bessarioi»,
troaias, Bellarmin, les savaota Marcile
>cia et Pic de la Mirandele. Depuis le
n'sièele, certains eritieues, soit protes-
Dts, soit d'uo eatholieisme douteux, se
K)t inscrits en faux contre cette tradition
'^ siècles, et ont élevé des doutes sur Tau-
eotirité des œuvresde saint Denys l'Aréo-
gite; mais d'autres critiques, et des plus
lineox, Haiioîx, Schetstrate, le P. Bonoré
Sainte-llarie, le P. Noël Alexandre, ont
( roir que les raisons alléguées pour cela
sont pas eoncluanles.^ Nous peosons
■me eux» A«ssi » avons-nous vu avec
bonheur cette question éclaircie de nouveau
dans un ouvrage que nous ne faisons que
résumer, et auquel nous renvoyons pour
le détail des preuves (166), ainsi qu'à la dis-
sertation du P. Noël Alexandre (167).
SaintDenjs de l'Aréopage composa d'abord
des Imiitutions théQloffiquUf qu'il rappela
plus d'une fois, mais qui ne sont (>as venues
jusqu'à nous. Il y expliquait ce qui concerne
runité de nature et la Trinité des personnes
en Dieu.
Le livre Aes Noms divins est adressé à
saint Timothée. Saint Denys y pose pour
règle, comme dans ses Institutions, de mon-
trer la vérité sur Dieu, non par les parolea
persuasives d'une sagesse humaine, mai^
par la démonstration ch» la puissance inspi-
rée de l'£sprit-Saint.
Après le livre des tfoms divins^ saint
Denys com|>osa une Théologie sgmboliqusf
qui n'est point venue jusqu'à nous. 11 y fai-
sait voir comment les choses divines por-
tent des noms einoruotés aux choses sen-^
sibles; comment Dieu a forme et figure,
membres et orsanes; comment il habile des
lieux et revêt des ornements^ pourquoi en-
fin on lui prête du courage, des tristesses
et de la coière» les transports de Tivresse ;
des serments et des malédictions, et le som-
meil et le réveil, et les autres symboles et
pieuses images sous lesquels nous est re-
présimtée la Divianlé» Enfin il composa en
cinq chapitres assex courts une Théologie
mystique dont il nous montre cette image
dans Moïse. Dieu lui ordonna d'abord de se
sanctifier et de s'éloigner de tout ce qui est
Srofane. Après toute cette purification,
[oïse entend diverses trempettes» voit de
nombreuses lumières qui lancent de toutes
parts de très-purs rayons. Ensuite il est se*
paré de la muKitude, et, avec Télite des
prêtres, il atteint au sommet des élévalions
divines. Avec cela il ne communique pas
encore familièrement avec Dieu, il ne le
contemple pas encore lui-même (car nul
homme ne le verra et vivra); mais il voit
le lieu où il est.
C'est ainsi que des flmes d^élite qui sV
disposent par la pureté du cœur et par la
prière. Dieu les élève amoureusement dès
ce monde» non pas iusqu'à le voir en lui**
même comme nous le verrons dans le cieU
mais jusqu'à le connaître, iusqu'à Tèntre-
voir avec une clarté au dessus de toute
pensée, de toute parole» de toute science
terrestre. Tels étaient Moïse et Elle : tel
fut saint Paul, ravi jusqu'au troisième ciel :
tels nous rerrons saint Bonaventure, saint
Thomas d'Aquin, sainte Thérèse, saint Jean
de la Croix. Cette connaissance de Dieu et
des choses divines forme la Théok)gie mys-
tique.
Pour diriger les créatures intellectuelles
yers ce honneur infini dont celui de Uoïse
M) CEwsrts ds isint Deityi rAréopagiU, tra-
its dn grec; précédées d*une introduction oè
i diseote raûumtidlé de ces livres , etc., par
rabbé Daiibot ; Pirts, 1815'.
(167) Nat4l. Aunci^^ Bi^tffrsse^hul.,
diiiertatiett»
.fi
579
DEN
DICTIONNÂIRC
DE7
ne fat qa*un avant-goût, Dieu a établi
parmi elles deux administrations : la bié-
riarcbie céleste parmi les anges, la hîérar-
cbio ecclésiastique parmi les bomraes.
Saint Denys a fait un traité de Tune et de
rautré
Depuis le commencement du monde, nous
ne cessons de Toir ces esprits administra-
teurs, envoyés de Dieu pour le salut des
bommes. Ce sont les chérubins à la porte
du paradis terrestre, les trois anges chez
Abraham, lés deux chez Loth. C'est la pro-
vidence ministérielle de Tan^e sur Agar et
sur Ismaôl, père des Arabes, l'ange de Dieu
au sacriflce dlsaac; les anges de Diea mon-
tant et descendant sur l^chelle de Jacob.
Lutte de Jacob contre un ange. Les anges de-
vant Dieu, et Satan parmi eux. L'ange de
Jébova dans le buisson ardent, donnant sa
mission à Moïse. L'ange de Dieu conduc-
teur du camp d'Israël. Après le péché du
peuple, Dieu se fait remplacer par un an^o.
Un ange apparaît à Balaam. L'ange de Dieu
donne ses ordres à Josué. Un ange apparaît
h Gédéon, et l'établit sauveur du peuple.
Un anse annonce la naissance de Samson. Le
prophète Elle est nourri par un ange. Isaïe
voit les séraphins devant le trdne de Dieu,
et en reçoit sa mission. L'ange Raphaël et
Tobie. Les chérubins vus par le prophète
Ezéchiel. L'ànge Gabriel révèle à Daniel l'é-
poque de la venue du Christ. Les trois an-
8 es des Perses, des Grecs et du peuple de
»ieu. Les anges protecteurs de Judas Ma-
chabée. L'ange Gabriel annonce à Zacharie
la naissance du Précurseur. Il annonce à
Marie la naissance du Sauveur même. Les
anges annoncent le Sauveur né aux pasteurs
de Bethléem. Jésus-Christ nous signale les
anges des petits enfants. Un ange assiste
Jésus-Christ dans son agonie. Les anges
annoncent sa résurrection. Les apôtres, par-
ticulièrement saint Pierre, mis en prison,
sont délivrés par un ange. Saint Paul, dans
ses Epltres, notamment dans celle aux Co-
lossiens nomme plusieurs degrés dans la
hiérarchie des anges. Saint Jean dans sa
Révélation voit les chérubins ainsi que le
ministère des anges sur les nations et sur
l'Eglise.
De ces faits et antres, ainsi que de l'en-
sei|;aement des prophètes et des apdtres,
Ïu'il appelle les antiques théologiens, saint
'enjs déduit tout le foud de sa hiérarchie
céleste. Hiérarchie une, mais distincte en
trois ordres, et chaque ordre en trois chœurs.
Les séraphins, les chérubins et les trdbes
forment le premier ordre; les vertus, les
I puissances et les dominations, le deuxième;
es principautési les archanges et les anges,
le troisième.
Il y a plus. Des critiques modernes ont
dit, d'autres ont répété : s Les œuvres at-
tribuées à saint Denys l'Aréopagite ne sau-
raient être de lui, attendu quon y parle de
cérémonies qui n'ont été en usage que
dans le v* siècle, par exemple, les encen-
soirs et les encensements dans le divin sa-
crifice. » Tout ceqpe prouve cette objection,
c'est que ceux qui la font ou la répètent,
y compris, les Éollaodisies du neuvième
lour d'octobre, n'ont pas lu ou ont oublié
les écrits des apôtres, en particalier ceui
de TapAtre saint Jean. Car nous y avons tu,
nous y voyons dès lors une liturgie pom-
peuse. C'est un jour de dimanche que
saint Jean a sa divine révélation. Cesl une
assemblée à laquelle préside un Pontife
vénérable» assis sur un trône, etenfirooné
de vingt-quatre vieillards ou prêtres. Ce
sont des habits sacerdotaux, des robes blan-
ches, des ceintures, des couronnes, desias-
trumeots du culte divin, un autel, des chan-
deliers, des encensoirs, un livre scellé. Et
cet autel, ces couronnes, ces ceinlures, ces
chandeliers, ces encensoirs sont d or. Il y
est parlé d'hymnes, de cantiques et d'une
source d'eau qui donne la vie. Devant le
trône, et au milieu des prêtres, est un agneau
en état de victime, auquel sont rendus les
honneurs de la divinité. Sous l'autel sont
les martyrs qui demandent que leur sang
soit vengé. Un ange présente h Dieu de l'en-
cens, et il est dit que c'est l'emblème des
prières des saints ou des fidèles. En un mot,
saint Jean nous *fait voir nos cérémonies
saintes, ou transportées du ciel, ou trans-
portées au ciel. Hais on dirait que, depuis
trois siècles, certains critiques out fermé les
yeux pour ne pas voir.
Pour résumer, les fidèles catholiques
qui auront lu avec foi, amour et inlelli-
gence, surtout dans le texte original, d'un
côté, le Nouveau Testament, en particulier
les Epltres de saint Paul, et, de raulre les
œuvres de saint Denys l'Aréopagite, n'au-
ront pas de peine à reconnaître que saint
Paul et saint Denys sont deux écrivains du
môme temps, qu ils ont la même pensée,
el que le second est vraiment disciple du
premier.
DENIS LOEWIS, surnommé le Chartrm.
naquit h Ryckel, dans le pavs de Liège,
vécut quarante-huit ans chez les Cbartreoi
de Ruremonde, et mourut en 1471, âgé de
soixante-neuf ans, après s'être rendu utile à
J*Eglise par son savoir et par ses vertus. Son
attachement continuel à la contemplatioD
)ui fit donner le nom de Docteur estatlipie.
On a de lui un grand nombre d'ourragrs
pleins d'instructions salutaires et d'une oo^
tion touchante, mais écrits sans éléfatioo^l
sans style. Il était sobre el sage dans sa spi-
ritualité, et il n'y a guère d'auteurs mjsti-
3ues dont les ouvrajjes se lisent avec pla|
e plaisir et de fruit. Ses œuvres ont été
recueillies en 21 vol. in-fol., Cologne, 15^'>
DESESPOIR.— Foy. Rspébasoe, Abaiim»!i.
DEVOIR DES CLERCS, DES RELIGIEDX.
— Voy. Obugations.
DEVOTION. — La dévbtîon, selon saint
Thomas, « est la volonté de faire proinpte-
ment tout ce qui regarde le service de Dieu.»
S-S,q.82, a. 1.)
En théologie, le mot de dévotion iés\p^
une certaine propension particulière de
l'âme vers Dieu : il dérive de dcvovco (w-
581
DEV
D^ASCEIWME.
DZ¥
Toaer), qiii signifie s*offrir ou se livrer aa
5«:r¥ieef ta culte de quelqu'un, se consacrer
k lui. Cette consécration, par rapport k Dieu*
se fait par tcbu ou par jurement ; si elle oon«
sîsle dans une simple intention de se vouer
è lui et dans le sentiment de cette intention,
elle constitue proprement la dévotion dont
nous parlons et qui a été diversement dé-
linîe. L'auteur du livre De $pir. ei ttnim.
{0£u9. de êonU AuguMiin, c. 50) dit : c La
dévotion consiste dans Taction de se tourner
Ters Dieu par une pieuse et humble affec-
tion ; humble, par la conscience de notre
propre faiblesse ; pieuse, par la considéra-
tion de la clémence divine. » Saint François
de Sales définit la dévotion une charité au
moins générique, par laquelle nov^eeulemeni
om fait le 6ifir, mais encore an le fait avec
sam^ fréqnemmeni et prompiement; c'est-à-
dire, comme il l'explique lui-même, en ce
sens, que la dévotion nousi>rocure une agi-
lité spirituelle, par laquelle la charité exerce
en nous, ou nous exerçons par la charité les
ceuvres de précepte ou de conseil* Toutes
ces définitions reviennent à celle de saint
Thomas, citée en tête de cet article. Remar-
quons aussi que par la prom|>titude, il faut
entendre la ferveur, 1 affection fervente,
qu*on ne doit pas confondre avec Théroisme,
car quelqu'un peut prier dévotement, sans
cependant prier avec la perfection spéciale
des parfaits, ni avec la perfection plus spé*
cîale de l'acte héroïque. Quant à la ferveur,
dit Valentia, c'est plutôt par Texpérience
que par l'enseignement qu on en comprend
U «lature et l'utilité, alors qu'il pialt à la
imesté divine de répandre sa grâce dans le
eoBor de l'homme. (T. III, d. 6, q. 1.)
Lrdévotion, selon le même samt Thomas,
prise an im sens spécial, est un acte de reli*
gion, parce qu'elle a le culte divin pour
nMKif. Le même saint docteur remarque que
la dévotion est principalement un acte de la
volonté, k cause du sentiment affectueux
de celui g>ii se consacre k IKeu ; mais en un
sens indirect, elle renferme aussi un acte
de rintellinnoe, qui excite la volonté ; de
sotte que roraison et la méditation, en tant
qa élévation de l'ftme vers Dieu, s'appellent
quelquefois dévotion. Et il observe que le
eonuneocement de cette excitation, comme
se Cûsant en nous sans notre eoneours, con-
siste dans .une eertaine pensée et une oer-
leine affection spontanée ; alors ces senti-
■leols de dévotion viennent de Dieu comme
cause extrinsèque, mais opérant principale-
ment, tant par lui-même immédiatement
Se par une grâce actuelle intrinsèque. Bn-
, il remarque encore que la dévotion est
spécialement attribuée a l'oraison, bien
qu*elle s'étende, en effet, aux actes des
autres vertus, surtoutdu cuite divin, soit en
les ordonnant, soit en les provoquant l'orai-
son est singulièrement propre a l'exerdce
de la dévotion , Unt par les actes des autres
vertus en particulier, que par l'acte fréquent
de dévotion, dans celui qui prie.
La cause extrinsèque et principale de la
dévotion est donc Dieu lui-même qui» par
le secoues de sa grâce, nous Inspire la vo-
lonté de le servir avec empressement. La
cause intrinsèque est la méditation de la
bonté divine et de ses bienfaits, qui excite
l'amour, comme cause prochaine de dévo-
tion; la méditation de notre faiblesse, qui
exclue la présomption; laquelle, en nous
donnant confiance en nos propres forces,
nous empêche de nous soumettre k Dieu ;
de sorte que la méditation cause la dévotion
comme cause morale formatrice, en nous
représentant les motifs de se dévouer k Dieu,
et la dévotion cause la méditation comme
cause morale eOicieote, en appliquant notre
intelligence k chercher et k trouver de nou-
veaux motifs.
Quoique la véritable dévotion présuppose
Tamour de Dieu et soit très-intimement liée
avec cet amour, elle en diffère cependant,
en ce sens, que la charité fait observer, en
général, tous les préceptes de Dieu, selon
cette parole de Jésus-Cbrist : Si votu m'ai-
mes, observez mes eommandemeniê; la dévo-
tion a cela de plus, qu'elle les fait observer
avec un certain empressement et une joie
toute particulière. C'est pourquoi, comme le
dit saint François de Sales, ce maître su-
blime de dévotion, la charité est en quelgue
sorte un feu, et la dévotion est, pour ainsi
dire, la flamme de ce feu. De sorte que, pour
être appelé véritablement dévot il faut avoir
nécessairement, outre la charité, une cer-
taine vivacité d*âme k accomplir les actions
qui sont le propre de la chanté;
Il est une autre dévotion stièslm/jelle ou
intellectuelle , dont l'empressement s'appuie
sur la considération des principes de foi ,
qui dans une Ame établissent la solide re-
lation de se dévouer k Dieu par-dessus
tout et en toute occasion , dans la prospérité
comme dans le malheur. Cette dévotion est
appelée Bubêtantielle , parce que sans elle ne
peut exister l'empressement requis pour la
dévotion , et qu'elle est suflteante pour agir
dévotement en substance. Elle est appelée
intellectuelle f non qu'elle exclue la volonté ,
mais parce qu'en eiie ressort plus vivement
l'action de l'intelligence que de la volonté.
11 est encore une antre dévotion , acciden*
tdle f intégrale ou affective ^ quant k l'em*
pressement dont nous avons parié, se joint
une certaine affection suave, qui, aune
manière ineffable, rend doux tout ce qu*il
T a de r pénible dans la voie du Seigneur.
£ile se nomme accidentelle ou intégrale ^
parce qu'elle nous dispose k agir avec plus
d'empressement; de sorte que dans un sens
vulgaire une personne est regardée comme
ayant de la dévotion ou n'en ayant pas ,
selon qu'elle agit avec cette sorte de conso-
lation ou avec aridité, bien qu'elle conserve
encore la dévotion substantielle. Elle se
nomme affective, parce qu'en elle éclate
plutôt l'affection de la volonté que l'action
de l'intelligence , quoique ces deux facultés
y concourent. Cette dévotion accidentelle et
affective , qiumd elle n*est sensible qu'inté-
rieurement dans l'ftme, s^appelle simple-
ment affective; mai^ si elle edate dans le
ISV
DKTlO^INAïaB
DEV
S8i
corps par les larmes de lasensîbilUé oo par
d*autres affections, elle peut s'appeler affûte--
iive et êetuibU à la fois , ou dévotion «en*
sible.
11 faut s'attacher en tout tenps à la déro-
tioa substantielle , même indépendamment
de la dévotion accidentelle i comme étant
nécessaire h Toraison et à toute Tie chré-
tienne et parfaite^ i'' L'Ecriture sainte nous
la propose souvent pour exemple. Elle dit
notamment des enfants d'Israël : Us offrireni
au Seigneur avec une volonté prompte ti
pleine d'affection les prémices de leurs biensé
(Exod. XXXV, 2i.)Je vous offrirai volon-
tairement un sacrifice , et je louerai votre nom^
parce qu'il est rempli de bonté. (Ps. un» 8.)
Mon cœur est préparé ^ô mon Dieul mon
cœur est préparé : Je chanterai vos louanges
et je les ferai retentir sur des instruments.
( Pj. Gvii , 2. ] Le Seigneur Jésus dit par son
prophète : Il est écrit de moi au commence^
ment du livre que je ferai votre volonté. Cest
se que j'ai voulu, 6 mon Dieu, et votre sainte
loi est au fond de mon cœur. {Ps. nxxix , 8,
B. ) Dans tous ces passages se trouvent re«
commandés la promptitude ef l'empressé^
ment volontaire à offrir à Dieu nous-mêmes
et nos biens ; et c'est en cela que consiste
la dévotion lubstanyelle^ Cette même dé^
YOtiou nous est montrée f indépendamment
de la dévotion accidentelle , comme suffît
santé et nécessaire, alors que rficritore
nous bit voir notre Seigneur Jésus^hrist«
priant dans le jardin accablé de tristesse #
et repoussant par une répugnance naturelle
le CMice de s» passion. Si je ne puis être
dispensé de le boire » qm votre volonté se
fasse. (^Matth. xxvi,tô.)
Il dit, lorsqu'il s'apprête arec un empres«
aement admirable à souffrir sa passion i
Levea^voue et marchons, i Ibid.^ M. ) Et
lorsqu'il trouve ses disciples endonnis au
milieu de leur prière : VetUez et priez , leur
ses disciples, bien qn'iis n'eussent aucuDa
déyotioQ sensible ^ a cause de< la faiblesse
de leur chairyS'vaienl cepemdaaA uneoer*
laine dévotion substanlieite ^ qui avait be^
soin d'être ranimée , sinon aeeNlenteltonent)
au moins substmiiellement par la prière^
2" On Je prouve par les sainis Pères » « La
dévotion , dit srât Amboise # est nno vertu
du premier ordre, et ie fondement des* au»-
très. V ( L*. I De Abraham , c« 3. ) Saint Boira*
venture dit aussi ( Opuse* de ses e/ir, c. 8):
« Sons l'aile de la dévotion , les entres ver-
tus ne peuvent s'élever k la perfection;
e'est ce qui la rend la plus nécessaire. » ^
c La ferveur de le dévotton est la langue de
l'Ame : sans elle l'ême est oMielte , et ne
peut avoir aucun entreiieB avec la paroto; s
( Saint BBKiiAnD>serm. M, ise Canif, )
8* Par la raison. Sans la dévotion subs-
tantielle f iotelleetueHe, on , comme ra|>-
pelle Blostus ^ ratiounetie ^ il ne peut y avoir
it^oraison. Car ort ne peut prier Dieu digne-
ment r qiumd on ne le prie pas eomme il en
a donné les moyens à l'homme , c'est-à-dire
aeec zile et dévotion ( C. Dolentei de ce{e6r.
missœ)^ ét'sans elle il est impossible d'aroir
l'attention requise. Sans elle aussi , point
de charité, et par conséquent point d'amitié
de l'homme avec iUeu , amitié qui est le
fruit de la charité. Car l'affection nous
donne de l'empressement k rendre service è
nos amis , et c'est cet échange empressé de
services qui conserve et augmente Tamilié
eomme le remarqoe saint Thomas (%-%
q«'82, a. S, ad. S)« Sans elle enSn point de
vie chrétienne ni parfaite; car sans elle,
d'un c6té « ne peut exister cette charité et
cette amitié avec Dieu , nécessaire à la vie
chrétienne et parfaite*; d'un autre eôlé, on
ne peut éviter la tiédeujr , cet éeueil de la
Yie chrétienne et parfaite ; et enfin on
triomphe anssi pendes ennemis acharnés
de notre Ame , <iu'un soldat qui dans une
bataille remuerait à peine les bras.
Puisque la dévotion provient princinalc-
ment de Dieu, comme feicitant sevI, ou
comme y coopérant k titre de cause princi*
fMile, nous devons puiser dans la foi la cer-
titude que Dieu, de son côté, nous donnera
les moyens d'obtenir an moins la déroiion
substantiellOi Nous devons donc, dociles à
l'excitation de Dieu, le prier de noos aider
imissammeni par cette dévotion snbalan-
tielle fondée sur la foi, afin de ne pas suc-
comber dans la voie du salwt. Et eomme
notre coopéretion est nécessaire, il nous
faut nous livrer à la méditation ; elle noos
inspirera d'humbles el pieuses alfeetioos
« par la considération de nos péchés, laquelle
suggère k ftiomtne d'humbles sentiments de
lui-même; parle souvenir des châtiments
qui l'excite à faire le bicte; par la eoosidém-
tion de notre esil sur la lerror qui l'engage
à mépriser les choses* rieibles; par le désir
de la rie éternelle,, qui le pousse à la per*
fection et le contraint k détaeber sa volonté
des affections terrestres*» {Sentent.^. Bsa-
HiRD.) Hais poar que eette dévotion soit
solide pour tout état, pour celui de consola-
tion comme pour celui de tribulatioo, elle
doit nécessairement i^dppoyer sur les vérités
de foi, profondément méditées dans Torai^
son^ Et bien qoe souvent la divine Prori-
dence ne nous accorde pas la dévotion acci-
dentelle, nous derens tonjours rechercher
kdévotionsubslasiieiîerqm nenotisfflanqufi
que par notre faute* En effet, eomme nous
ie dit saînl fieneventure i « Lorsque vous
étee privé de la doneenr des cousolatloos
intérienresr ne perdet pas conflance et ne
eroyen pas que Dieu- teus* s abendonnés et
qn'it n'agrée< pae vos bonnes œuvres; ntit
recouvecs k cesf véritables témoignages et
eberehea^y votre cottsolation^ Ayez confiance
en Dieur qui est la Yérité même ; tant que toos
ne voue Moi^pnei^s pas de lui, en traoKres-
sant Tolontaimiieoli ses préceptes, il o^
TMs abendonnere pae et ne cessera d'avoir
pillé de vtoiis. (£. eu,, c. i.)
On doit ausflii toujours redier^er la dé-
TOtibn même aecidemeltef soit sîmpisoaflt
affective, sûiî afléclive et sensible à li fotfi
DEV
DASCETISUE.
DET
oomme tres-ulile ei parfois nécessaire à To-
raîtoo et à la Tie chrétieoneel parbite.
1* L*Bcriture sainte la recommande :
Gûûiex H voffez combien le Seigneur eei dausc.
(ffi. xxim, 9.) Que vo$ forolee «€ f ofU dow-
€es!Blle$ ieêomt plueque iewùel ne Feii àtma
bemeke. [Fe. cxtiu, 103.) Je voue re^errai^ U
wotre eemr $e r^omira^ €i perêonne ne mus
rartrvi ooirejcie. (Joan. xvi, S2.) Demandez et
cens recevrez^ afm que voire joie soii pleine
d enUêre. {tbid.^ tt.) Lefmii de l'esprit e$i la
ekarité^ lajoie^ la paiXf elc. {Gai. ▼, 32.)
Tons ces passages nous proposent la joie
comme Tnn des froils de i'Esprit-Saint qall
&ot se procurer.
9' Les saints Pères s*accordent aussi à
nous la recommander, c II faut implorer de
noire Créateur, avec de profonds gémisse-
flients, le don des larmes. » (Saint Gafaoïas,
I. III Dialog.^ c. 3b.) « La dévotion cause
par elle-même, et principalement* la joie
spirituelle, car cette consiaération (celle de
la bonté dirine, de laquelle elle procède) a
rapport au terme du mouvement de la vo-
lonté qui se livre à Dieu, et par elle-même
die produit le plaisir. » (Saint Tbomas,
^% q. 88, a. 4.) Saint Bonaventure dit
de retle dévotion : < Elle est Tonction de
rBqirit, elle enseigne tout ce qui est utile
an salut. » {Opuee. de $ex oUt, c. 8.) Enfin
•le catéchisme romain (Ae contritione) ensei-
gne « oue dans, la contrition les larmes
doivent être désirées et recherchées avec le
|iins grand soin. »
3* La raison elle-même nous en fait un
devoir. La dévotion accidentelle en effet en
elle-même et d*une manière principale est
cassée par la dévotion substanlîetle : elle
la perfectionne et Taide à atteindre le but
qu'elle se propose, comme nous l'avons vu
plus haut par le passage de saint Thomas;
et cette dévotion accidentelle a pour effet do
cendre plus agréables h Dieu et à celui qui
les offre les sacrifices de prières et de bon-*
nés couvres, selon ces paroles : Que mom
éauMoitremplieeteommeroêeaeiéeou e/kgroiê-
eée^ et ma howeke vous louera dans de saints
iramsfwrts de joie. (Ps. lxii, 6.) En outre la
dévotion même sensible perfectionne, comme
nous Favons dit, la dévotion substantielle.
Toi couru dansla voie de vos commandements
lorsque vous avez Hargi mon cœur. {Ps.
CX.V1U, Si.) Par elle la partie inférieure con-
corde avec la supérieure, en se nourrissant
ensemble de la douceur des mêmes viandes...
dans un parfaii accord. {Ps. uv, 15.) Les lar-
mes mêmes qui émanent de la dévotion in-
térieure sont un don de Dieu; ellesassocient
d*uoe manière ineffable les délices sçlri-
loelles avec la douleur ducmur. EnfioDieu,
la souveraine douceur, ne cherche pas, à
proprement parier, à nous voir dans ramer-
tome; il veut, au contraire, que nous trou-
vions des consolations dans nos bonnes eau*
vres ; et si parfois il semble agir autrement,
c'est par accident, ou à cause de notre peu
de disposition, ou par le défaut de coopéra-
tion de notre part, on pour nous éprouver
dans notre intérêt , ann de récompenser
DiCTio?iif. d'Ascetisxe. L
notre patience par une plus grande abon-
dance de consolations. Donc on doit recher-
cher la dévotion même accidentelle. En
effet, comme, dit saint Laurent lustinien {Ik
perfeet. «on*, c. 18) : c Si la vénérable ma-
jesté de Dieu daigne visiter Tâme qui ne lui
témoigne que de la froideur au lien d'a-
mour, et que de Tindifférence è s'entretenir
avec lui, combien à plus f<Mrte raison répan-
dra-t-il le goût des célestes délices dans
Tâme fervente et qui le cherche avec solli-
citude? 9
Il est deux movens de se procurer la dé-
TOtion substantielle et accidentelle» spiri-
tuelle et sensible. Le premier consiste oans
une humble prière à Dieu : c'est è elle seule
de nous exciter d*abord à la dévotion par
nue lumière et des inspirations spontanées.
Le second est la morlimeation^ qui doit ac-
compagner la prière. Lar notre coopération
est nécessaire; mais nous ne pouvons la
joindre que par le secours et la présence de
la grâce de Dieu. Que voire grâce^ nous vous
en supplions. Seigneur^ nous prévienne et
nous suive toujours^ et qu^elle nous rende
sans cesse apjsliquis à la pratiquedes bonnes
œuvres. {Collecta Dom. xvi, post Pentec.)
Saint Augustin fait cette prière : « Seigneur,
mon Dieu, prêtez roreille à ma prière, et
que votre miséricorde exauce mon désir....
Accordez-moi quelque chose que je puisse
vous offrir; donnez-moi ce oue j'aime : car
j'aime et c'est à vous que je'ie dois, le vous
en conjure par notre Seigneur lésus-Chrisl,
par qui vous nous avez cherubés , nous qui
ne vous cherchions pas ; et vous nous avez
cherchés pourque nous vous recherchions. »
(L. II Cofi/eii., c. 2.)
Saint Grégoire remarque c que quand les
fidèles recherchent à s instruire plus pro-
fondément, c'est qu'ils ont déjà une grande
dévotion; et cette dévotion devient plus
S-ande encore après la prédication. » (L. i
eg.f k.) Bd effet, le désir de connaître la
volonté de Dieu dans la prière, désir excité
de Dieu, est d^à une marque de dévotion^
laquelle s'accrott et se perfectionne davan-
tage par la méditation, la prière et les <Ba«
vres, qui nous animent à cuire la volonté de
Dieu. Il y a de la dévotion dans cet effort
par lequel Dieu aime h prévenir et à être
prévenu, et la créature se trouve prévenue
et aspire à l'être. Dieu prévient notre désir
avant qu'il naisse en nous, et il aime à être
prévenu par les désirs les prières, les con-
sidérations et la pur46 de la vie, afin qne,
quand la créature j pense le moins, ce dé*
sir se trouve rempli au delà de son attente,
par la grâce de Dieu qui la prévient, la se-
coure et l'accompaçoe.
Or, lodévoiionsuoslaniielle doit Uredesnan^
d^ à Dieu et reclierchéed'mie mamère absolue
parla prière et la mortification, avec la ferme
espérancede l'obtenir. En effH,elle est néces-
saire et utile au salut étemel ; il faut donc la
demander absolument à Dieu. Comme elle
consiste dans l'empressement à plaire à
Dieu, Dieu est toujours disposé à nous venir
en aide; et nous pouvons toujours y arriver
19
M7
DEV
DICTIONNAIRE
DEY
m
aTCclo secours de lu grâce ilivine. Toujours,
in£me au milieu des désolations, nous avons
la lumière de la foi et des dons de l'Esprit-
Saint, nous avons des secours qui nous
éclairent et nous inspirent; et par eux nous
pouvons et nous devons toujours être affer-
mis dans la résolution de plaire à Dieu, soit
par les consolations» soit par les désolations,
avec une pleine résignation dans la volonté
do Dieu. C*esl en cela que consiste la dévo-
iion substantielle, au témoignage de Blo-
sius : « La véritable dévotion consiste dans
la véritable soumission, résignation, abné-
gation, et dans le véritable mépris de soi-
même, plutôt que dans une douceur et un
cbarmo sensible. » (/n conclav. an.f p. i,
c. 13.)
La dévotion, même substantielle, entraîne
toujours avec elle quelque plaisir à la fois
substantiel, intellectuel ou rationnel; car
les vérités solides de la perfection chrétienne
ont une douceur inséparable au-dessus de
toulo amertume. Denys le Chartreux l'ap-
pelle douceur habU}*eUe.{L, i De gaud. spir.f
a. 21). Les justes la possèdent habituelle-
ment, selon le degré de la grAce qui leur
est accordée. Les marques de celte douceur
sont une modération et une retenue conti-
nuelle dans la prospéritéf la patience dam
Vadversiti^ une constante volonté de plaire à
Dieu et de lui obéir en toute chose. Il faut
donc prier sans cesse, et sans condition,
pour obtenir cette douceur habituelle et
nécessaire. L*ftme désolée doit se contenter
de n'avoir pas perdu le désir spirituel de
plaire à Dieu et de le servir en tout temps;
et si elle n'éprouve pas ce désir, qu'elle dé-
rjlore humblement, et avec toute la ferveur
(iont elle est capable, son imperfection;
qu'elle aspire h désirer avec l'ardeur du
Psalmiste, et qu'elle répète avec lui : Mon
•âme a désiré en tout temps^ avec une grande
irdeur^ vos ordonnances qui sont pleines de
justice. (JPâ.cxviii, 20.)
On doit rechercher et demander à Dieu la
dévotion accidentelle^ mais sous la condition
ou limite tacite ou expresse, qu'elle est utile
à la dévotion substantielle.
. l*" Nous le prouvons par le témoignage
des saints. Saint Bonaventure (1. ii De prof.
reLj c. 69), ne permet de demander celte
dévotion qu'à celui qui est depuis longtemps
eiercé. Sainte Thérèse dit qu'elle ne con-
Tîent uniquement qu'aux personnes déjà
disposées. Saint Jean de la Croix s'efforce
de nous prémunir contre ce qu'il appelle la
ffourmandise spirituelle, c*est*à-dire, contre
Pexcès où tombent ordinairement les com-
mençants dans les exercices spirituels, et
qui dégénère pour eux en graves imperfec-
tions; car, en l'absence de.la dévotion sen-
sible, ils sont torturés par d'excessifs re-
mords. «Quandils ne ressentent pas leplaisir
de cette dévotion, ils s'attristent dans la pensée
qu'ils n'ont rien obtenu. Us perdent ainsi
la véritable dévotion et son véritable esprit
qui consiste à' persévérer avec patience et
humilité, et à se déQer de soi*m6me, pour
plaire à Dieu. » ( L. i Noct. ofric, c. 6.)
^aint Pierre d'Aicantara (p. ii De âetoL,
G. 1) recommande, il est vrai, la dévotion
accidentelle ; mais il conseille de ne la de-
mander qu'avec discrétion, et d'y recher-
cher moins les consolations que la vo-
lonté de Dieu. Saiht François de Sales (p. iv
Vit» dev.^ c. 13 ), tout on louant ces douceurs
spirituelles, nous avertit d'y éviter avec
soin l'orgueil : car elles ne rendent pas
justes par elles-mêmes, elles sont comme
le miel et les friandises qu'une mère donne
à son enfant chéri.
2* Les ascètes tiennent le même langage.
« 11 faut s'efforcer, dit Denys le Chartreux,
d'acquérir cette douceur actuelle et actuel*
lemeut perceptible, non toutefois comme
une chose nécessaire au salut, mais comme
une sorte de secours pour triompher plus
facilement des adversités et des joies mé-
prisables; et sous la condition do s'en rap-
porter à la volonté divine, en disant : Non
comme je veux ^ mais comme vous le voti/»»
6 DieUy notre Père (I. i De gaud^^ spir.f a. 21).
Blosius, tout en admettant qa'on puisse pieu-
sement demander les consolations sensibles,
ajoute pour les commençants : « 11 y a loutej
fois quelque imperCection secrète dans une
demande de cette nature, laquelle n'est pas
tout à fait conforme à rabnégalion qui doit
l'accompagner. » {insi. spirl^ c. 7.)
3* La raison confirme les témoignages pré*
cédents. £n effet, la dévotion accidentelle
est une do ces grâces surabondantes qui
d'elles-mêmes, il est vrai, sont utiles è la
vie spirituelle, comme Faction de niaoeer
avec appétit est utile à la vie corporelle;
mais souvent par accident il nous esta?an*
tageux que cette dévotion nous soit refusée,
au moins pour quelque temps, de crainte
que nous ne tombions dans l'excès ou la
Î;ourmandise spirituelle; c'est ainsi que
*ap[)étit qui dégénère en gloutonnerie se
corrige par l'abstinence. Donc c'est seule-
ment sous condition que la dévotion acci-
dentelle doit être demandée à Dieu.
Ce que nous veDons de dire de la défotion
accidentelle doit s'entendre autant de celle
qui est simplement affective ou spirituelle,
que de la dévotion sensible^ de telle sorte
cependant qu'on doive mettre plus de soins
à la recherche do la dévotion spirituelle.
Quant à la dévotion sensible, même en tant
qu'elle se rapporte à la véritable dévotion,
il ne faut jamais la demander que sous coo*
dition : ainsi l'Ëglise, dans le Missel, a placé
parmi les collectes ad libitum celle qui de*
mande le don des larmes. Parmi les aolres
dispositions requises pour obtenir les con-
solations divines, la principale est de se pri-
ver des jouissances charnelles, comme le
montre saint Bonaventure, d'après saint
Bernard (collât. 6): « Si vous voulez tous
réjouir aans l'amour de Dieo, que votre
âme renonce à chercher ailleurs des conso-
lations. Car la consolation n'est jamais acco^
dée à ceux qui recherchent des consolalioos
étrangères, celui dont l'Ame est ainsi ï l«
recherche de consolations étrangères, et ne
renonce pas comoléteraent aux cousolalio**^
rM
DEV
D*ASCETlSli£.
DEV
190
caduques et Iransiloires, se ravil à lui-mèoie
la gi^ce des célestes consolalîoDS. Cest se
tromper que de croire qu'il soit possible de
mêler la douceur céleste arec la douceur
charaelle, ce t»aume dîna arec cette herbe
▼éoéoeuse. • Sainte Thérèse rend le même
témoignage dans Thistoire de sa TÎe ( c. 21^ );
et elle affirme que tontes ses consolations lui
Tinrent A la suite du renoncement aux aon«
solations humaines, quelque innocentes
quelles lui parussent.
DÉTono!! (Exercices de). — I. Tout le
monde sait arec quel soin les saints s*appli«
quaient à offrir à Dieu rhommage d'adora-
tions nombreuses et réitérées, puisque plu-
sieurs en étaient venus jusqu'à faire chaque
jour des centaines d'actes d*adoration. Si
donc le directeur ne découTre pas dans le
cQ^ur de son pénitent cette haute idée de la
Majesté divine, qui le porte A ces actes fré-
quents d'adoration et de Téoératioo, qu'il
s'efforce de l'eiciter è faire ces actes au
moins lorsau'il se met en la présence de
Iiiea, ou qu il se trouve dans l'église devant
le saint sacrement, ou encore quand il se
dispose à s'entretenir avec Dieu par la médi-
tation, par l'examen de sa conscience, par
la récitationde l'office, du chapelet ou d'autres
prières. Car s'il convient end autres temps de
faire des actes d'adoration, il est nécessaire
d'en faire dans les circonstances que nous
venons d'énumérer, si l'on ne veut pas
s'exposer A manquer au resoect qui est dû
à la divine Majesté.
II. Quant aux actes d'adoration qui se
font par des gestes extérieurs du corps, le
directeur ne doit point permettre à son pé-
nitent d'eobire publiquement d'autres que
ceux qui sont conformes à l'usage ordinaire
des fidèles. Car se livrer en public à des
Actes inaccoutumés, quoique pieux, ce se-
rait non-seulement s'exposer soi-même à la
vaine complaisance, mais encore donner aux
autres l'occasion de rires mo(|ueurs. Nous
exceptons cependant le cas où le directeur
jugerait à propos de le permettre pour briser
1 orgueil de celui qui montrerait en cela
une répugnance particulière; et encore,
ii;!ns ce cas même, il ne doit agir ainsi
f]u'après les plus grandes précautions. Si le
l'énitent vaque à l'oraison seul en particu-
iîer, il faut lui conseiller tous les actes du
culte extérieur, qui sont les plus propres à
exciter en son cœur le respect pour la pré-
sence du Très-Haut, puisque, au témoignage
de saint Augustin , ces actes corporels ont
Imjar but particulièrement d'exciter le res-
|«ecl intérieur. Or, pour éviter toute crainte
d*erreor en celte matière, nous allons indi-
quer les actes du culte extérieur auxquels
on peut se livrer avec fruit pendant l'orai-
s-^n, et qui ont un rapport certain avec la
oature du vrai culte.
Cesi un acte du culte extérieur que de
f-rîer a genoux, et quelquefois même detiout.
Borunius affirme, en ses Annales (an. 58),
«|tjc les Q*lèles avaient coutume de prendre
«'.j.nc et l'autre d«î ces p^isturcs; et il s'ap-
l ^.c 5jr le Iciooi^nage de Terlullicn, seioi
lequel, d'après l'usage établi par Tl^^Iiset
les Chrétiens doivent prier et adorer quel-
quefois debout, quelquefois à genoux»
Baronius ajoute que son Eglise avait l'nsage
de prier à genoux six jours de la semaine,
et debout le dimanche, en mémoire de la
résurrection du Seigneur. Mais comme il
convient plus à nu pécheur de prier A g^
noux, et que cette posture humiliante est
plus propre A toucher le cœur de Dieu, il
vaut mieux la prendre plus souvent.
C'est un acte du culte extérieur que de
prier les mains jointes. Nous lisons dans
V Exode (chap. xvii) que, pendant 1)ue l'ar-
mée israélite combattait contre les Amalé-
cites. Moïse monta sur le sommet d'une
colline, et, pour obtenir de Dieu la victoire,
leva vers lui les mains, en les tenant join-
tes, selon le commentaire de Corneille de la
Pierre. La prière de Moïse, accompagnée de
cet acte extérieur de vénération, fut si agréa-
ble A Dieu, qu'il voulut en faire dépendre
tout le succès de la bataille. Car lorsque
Moïse Levait les mains, Israël était victorieux;
et pour peu qu'il cessât de les tenir levées,
la victoire tournait du cAté des Amalécites.
C*est |ioorquoi il fallut, A raison de la lassi-
tude qu'éprouvait Moïse, (|u'Aaron et Hur
vinssent A son aide et lui tinssent les mains
levées, jusqu'A ce que les Israélites eussent
remporté sur les ennemis une victoire com •
f)lète. Baronius rapporte dans ses Annales
an. 58) une épttre ae saint Nicolas, Souve-
rain Pontife, dans laquelle il répond aux
Bulgares qui l'avaient consulté sur cet usago
de prier les mains jointes, qu'il approuvn
celte manière de prier, A raison de ce qu'elle
exprime l'humilité, l'anéantissement du
cœur en présence de Dieu; et il ajoute que,
comme les réprouvés doivent être jetés
dans les ténèbres extérieures pieds et mains
liés, de même celui qui tient les mainsjointes
devant Dieu semble lui dire ces paroles :
« Seigneur, ne permettez pas que j'aie les
mains liées pour être précipité dans les
ténèbres extérieures, parce que voici que ju
les lie moi-même, tout disposé a recevoir
vos coups, selon cette parole de saint Paul :
Si nous nous jugions nous-mêmes, nous
ne serions pas jugés. •
C'est un acte du culte extérieur que de
prier les mains levées vers le ciel, ou éten-
dues en forme de croix. Ainsi pria Salomon
dans le temple, lorsque la construction en
fut terminée : // se leva de devanl Faulel, dit
l'Ecriture, car il s'Hait mis à genoux sur le
paré et avail étendu les bras vers le cieL
(/// Reg. vin.) Ainsi priaient les Chrétiens
de la primitive Eglise, comme l'indique ce
mot de saint Paul : Je veux aue les hommes
prient en tout lieu^ en levant des mains pures»
[1 Jim. II.) Ce conseil de l'Apdtre fui parfai-
tement suivi par le Père des anachorètes,
saint Paul : car saint Jérôme rapporte qu'il
mourut A genoux et les mains levées vers le
ciel, position que son corps même conserva
après sa mort.
C'est un acte du culte exténeur que de
[>rier le corps prosterné jusqu'A terrCi comme
S9f
DET
DICTIONNAIRE
DEir
S9!
la 6t Judas- Machabée arec ses compagnons
d'armes» au moment de combattre contre
Tarmée formidable de Timothée, pour de*
mander h Dieu le gain de la bataille. Moeha*
hée et ceux qui étaient avec fut, à rapproche
de f ennemi f priaient teSeigneur^eniecouvrant
ta tête de poussière, revêtus de ciliées et pros"
ternis au pied de Fautel. (II Maeh. \.) Ainsi
pria encore la face contre terre une légion
chrétienne de l'armée de l'empereur Marc-
Aurèle Antonin » et une glorieuse victoire en
résulta pour les Romainsy selon le rapport
que Femperenr lui-même en6t au sénat. Du
reste, le Sauveur Jésus a donné lui-même le
noble exemple de cette manière de prier»
lorsque priant son Père céleste dans le jardin
de Getbsémani » il se prosterna en tombant
la face contre terre : rrocidit in faciem suam
orans, [Uatth. ixyr» 29.)
C'est un acte du culte extérieur que de
prier en se frappant la poitrine, ainsi que le
publicain le fit dans le temple : /{ frappait
sa poitrine^ en disant : Seigneur y ayez pitié
de moi qui ne suis qu'un pécheur. [Lue. xvui,
)3.] Le Pape Nicolas, dans son EpUre aux
Bulgares^ loue aussi cette manière de prier
et en donne l'explication en ces termes :
« Nous nous frappons ta poitrine pour
signifier combien nous éprouvons de dou-
leur d'avoir péché, et que nous voulons nous
en punir par une digne pénitence, avant que
Dieu nous frappe, avant que vienne le jour
des dernières vengeances, h (Bae., loc. sup.
€it,^ an. 5S.) Aussi saint Jérftme se livrait*il
ai. souvent a ce pieux exercice, qu'il nous
dit de lui-même : « Je me souviens que je
troussais des cris, que je passais les jours et
es nuits h me frapper la poitrine, jusqu'à
ce que la tranquillité me revint par la grAce
du baigneur. » (Ep. 23 ad Eust.)
C*est un acte ou culte extérieur que de
prier les yeux pieusement élevés vers le
ciel, à Texemple du Sauveur, qui, comme
nous le lisons dans saint Jean, leta les yeux
au ciely et dit : Père Je vous rends grâces de ce
oiieo(nam'oves^ou(2r(/oan.ii,i&.}:etailleurs,
les yeux levés vers le ciel ^ il dit :Père^ l'heure
est venue^ glorifiez votre Fils. {Joan. xvii, i.)
C'est de même encore un acte du culte exté-
rieur que de prier les yeux humblement
baissés, comme nous le remarquons dans la
prière du publicain de l'Evangile, gut, se te-
nant éloigné^ ne voulait pas même lever les
yeux au ciel. (Lue, xyiii, 13.)
Ceci posé, il est facile de voir quels sont
les actes du culte extérieur qui s'appuient
sur les exemples des saints et sur l'autorité
de r£glise, et qui, par conséquent, peuvent
être louablemeut mis en usa^, non-seule-
ment sans danger de superstition , mais en-
core sans péril de vaine gloire et d'affecta-
tion. Il faut donc examiner pour lesquels de
ces actes extérieurs de dévotion les pénitents
ont leplusd'inclination,elquelssontceux qui
excitent eu eux plus de respect, de soumis-
sion, de vénération, de douleur. Et alors te
directeur engagera ses pénitents à s'v livrer
iréquemment dans le secret, lorsqu'ils peu-
vent donner un libre cours aux sentiments
qu'ils éprouvent, sans crainte d'être obscrTés
par les autres. Car, par ces actes soavent ré-
pétés intérieurement et extérieurement, ils
acquerront bientôt la véritable dévotion, en
témoignant ainsi pour la Majesté divine une
vénération profonde.
Dans les premiers siècles de TBgilise, les
fidèles avaient coutume do prier le visage
tourné vers l'Orient, ainsi qtie noas rap-
prennent saint Justin, Origène et saint Jean
de Damas. De là saint Antoinci qoi aTaii
coutume de passer la nuit en prière, se
plaignait, les matins, au soleil, de ce qne,
frappant son visage de ses rayons, il venait
troubler le repos et la paix -de ses douces
contemplations. Au témoignage de saint
Justin, cette coutume de l'Eglise venait des
apôtres eux-mômes. Du reste, cette manière
de prier n'est plus en usage. Mais nous n'a*
vons pas voulu la passer tout k fait sous si-
lence, afin que, si un directeur rencontre des
personnes qni y trouveraient des sentiments
de piété et de dévotion, il ne les condamne
pas sous prétexte de vaine observance; mais
Su'il sache que cet usasea eu lien longtemps
ans l'Eglise de Dieu.
III. Le directeur s'appliquera avec zèle à
inspirer la dévotion envers les églises, les
autels et le saint sacrifice , surtout aui
personnes du sexe, qui, tout en parais-
sant avoir une grande piété et un profond
respect pour ces choses saintes, commettant
cependant souvent des irrévérences k ce so-
jef . Elles sont assidues à l'élise, y passent
de longues heures et assistent à plusieurs
messes; en un mot, elles paraissent toutes
spirituelles et remplies de piété et de reli-
gion envers Dieu, liais si l'on considère at-
tentivement leur manière d'agir, on s'aper-
cevra qu'il y en a beaucoup qui sont attirées
à l'église moins par Tamour du culte de
Dieu que par l'ennui et le dégoût de la soli-
tude. Elles viennent dans la maison deDieo
pour y chercher un aliment à une vaine ca-
riosile qu'elles ne peuvent rassasier dans
leur propre maison. Aussi les voit-on alleo-
tives à examiner ce qui se passe, à observer
le maintien et la toilette des autres; appli-
quées à de futiles entretiens avec leurs TOi-
sines; occupées à s'informer des nouvelles,
ou à parler de leurs affaires domesti(^ues; et
elles se livrent même à ces sortes d.irréré-
rences, pendant l'immolation du redouliible
sacrifice de nos autels. Un sage directeur
doit corriger ces abus, et se rappeler la con-
duite de saint Ambroise, qui, un jour, célé-
brant lés saints mystères, avertit publique-
ment le peuple qui y asssistait, non-seule*
ment d'éviter de causer et de rire, losi^
même de tousser et de cracher, en un to^l»
de faire le moindre bruit qui pût troubler le
pieux silence du sacrifice. Qu'un diredear
ne craigne donc pas de faire en ^ arliculief
ce gue ce saint archevêque ne craignait p^
de faire en public»
IV. Le directeur doit être convaincu q?e
c'est un des points importants de son miD^^
tère de savoir bien diriger la dérolion sen-
sible ; car il est rare de trouver des personne*
INEY
D*ASCETISlfE.
DE\
S94
q»irilodles qui sacbeni se condatre coDTe-
jablemml dans I abondaDcc ou la priTation
ie la grâee sensible. Od en TOit qui, lorsque
^es affections sensibles leur nianquenl« s'ima-
^neol que tout est perdu pour leur STance-
jieot spirituel, se plaigbent de derenir
jioîns parfaites de jour en jour et de reculer
lâos la Toie de la perfection , et, ce qui est
.8 plus déplorable, tombent ordinairement
ians le découraf^ement. En ces circonstances,
i€ directeur doit examiner avec soin s'il n'y
% là que ie défaut du sentiment de la déTO-
iion, et non le défaut de la dévotion même;
et il pourra en juger Cicilement, en considé-
rant attentiTement la conduite du péniient
dans cet élat de froideur. Si le pénitent aime
les exercices spirituels, et s'il s'applique
comme d'babUude A la mortiGcation et aux
œawres de pénitence, il ne faut point s'iu-
quiéter de la disparution de la feryeuret de
U grâce sensible, puisqu'il existe toujours
la véritable dévotion tout entière, laquelle
consiste dans l'indinalion de la volonté à
faire le bien. Mais il faut ranimer le cou-
rage du pénitent, et Tempècher de tomber
daas rabattement et Tinquiétude. Si, au
coniraire^ le directeur s*apereoit que non-
seulement le sentiment de la dévotion, mais
U dévotion elle-même manque, à raison de
ee que les pénitents sont né^i^entset lâcbes
pour les couvres de la perfection^ se répan*
deal avec empressement dans les choses ex-
térieures, rechercbeot auprès des créatures
la consolation qu'ils 0e trouvent pas dans
les exercices spirituels, omettent facilement
les pratiques de piété et de dévotion, se
livrent A leurs mauvaises inclinations et
tombent dans des fautes qu'ils ne commet*
teni pas ordinairemmt : en ces cas, il doit
les reprendre avec fdrce, parce que non-
seulement ils manquent du sentiment de
la dévotion, mais s exposent encore à per-
dre |la dévotion elle-même. 11 doit les re-
prendre avec Cdrce, avonsHious dit, parce
que ceux qui sont tombés dans cet état d'im-
perfection ne pensent point ordinairement A
déplorer cette dureté de leur coeur, mais
Taiment sans vouloir s'en délivrer. Le di
recteur leur fera donc de vi^ureux repro-
ches, et leur montrera combien ils s'expo-
sent à tomber bientôt dans un état plus
triste encore, et même è encourir le danger
de leur perte étemelle, s'ils ne se font vio-
lence et ne se recommandent A Dieu avec
fer? eur, pour revenir 'A leur premier état.
V. La directeur' rencontrera des person-
oes pieuses, qui, se voyant privées des
effets settsibles*de la dévotion, tout en con-
servant leur dévolion intacte, tomberont
dans l'abatteaient , et dans un décourage-
BMOt tel , qu'elles se croiront entièrement
perdues. Car en se rappelant les menaces
que Dieu adresse A la tiédeur, elles s'ima-
gineront , dans leur douleur amëre, qu'elles
sont réproufées de Dieu, et que leurs bonnes
œuvres ne lui sont plus agréables ; elles se
<firoot qu'elles feraient mieux de se conduire
comme ie commun des hommes , et de re-
noocer A une vie si austère, remplie de
mortifications et d'exercices spirituels. Ces
Ames ont besoin d'être relevées et ranimées,
d'autant plus que ces pensées de défiance el
de découragement intérieur sont ordinaire-
ment des inspirations du démon. Il faut
leur répéter ces paroles consolantes dp
saintBonavenlure:«GardeK-vons de tomber
dans la défiance , lorsque vous ne sentez
plus la douceur des consolations intérieures,
sous prétexte que Dieu vous a abandonné «
ou que vos bonnes oeuvres ne lui sont point
agréables; mais réfugiez- vous, consolez-
vous dans cette pensée si vraie , que vous
devez mettre votre confiance et espérer en
Dieu , tant que vous ne vous éloignez pas
de lui |)ar le consentement au péché, parce
que, lui, il ne vous abandonnera pas dans
sa miséricorde.» (DeFroces. relig. c. 1; (
proc.) Si ces âmes, dans leur abattement,
voulaient s'éloigner de la sainte communion,
le directeur devrait, au contraire , les y en-
courager et même les y contraindre, selon
ces paroles de saint Laurent lustinien:
« Celui qui mène une vie sainte et vertueuse,
qui est numble, qui se confesse avecsincé-
nié et s'approche avec respect de la table
du Seigneur, ne doit pas s'éloigner sous
prétexte qu'il n'éprouve pas une dévotioa
sensible ; cette insensibilité ne Fempêchera
pas de trouver, sans qu'il s'en apcMnçoive ,
la vie dans ce sacrement auguste.*( De perf.
fliofli., 19. )
VI. Le directeur trouvera certaines fem-
mes qui paraissent remplies d'une dévolion
sensible et qui, si l'on examine plus attentive-
ment leur conduite, sont néanmoins totale-
ment dénuées de la véritable dévotion. On
les voit s'abandonner aux soupirs, aux lar-
mes, aux entreliens pieux ; elles récitent un
grand nombre de pnères vocales; elles veu-
lent s'asseoir fréquemment A la table sainte.
Hais A quoi bon ? Chez elles »e toorroen*
tent, s'irritent, s'emportent; ne connais-
sent point la soumission, ni l'humilité;
recherchent sans cesse les biens temporels
et leur propre intérêt; sont toujours livrées
A rimpatience, et n*ontpour autrui que
d'injnneux soupçons et une langue médi-
sante. La dévotion de telles personnes est
plutôt l'effet d*on tempérament sensible et
délicat que d'une grâce énergique el forte*;
et elle est souvent remplie de beaucoup d'af-
fectation. Aussi pouvons nous dire qu'elles
n*ont pas la dévotion rérilable et solide.
Caria vraie dévotion consiste dans la sou-
mission , dans la résignation , dans l'ai»-
négation et le mépris de soi-même, plutôt
que dans une douceur, une délectation sen-
sible. Le directeur doit donc éviter de mon-
trer jamais la moindre estime pour cotte
dévotion apparente , el faire tous ses efforts
pour donner A ceux qu'il dirige une idée
vraie de la dévotion solide, et leur en ins-
pirer la pratique. Éb un mot, il faut esti-
mer les dévolions sensibles, quand elles
produisent des fruits de vertu , et n'en faire
aucun cas, quand elles sont vides de bonnes
œuvres.
DEVOTIONS FAUSSES. -- On entend par
69o
DEV
DICTIONNAIRE
DEV
m
fausses dévolions celles qui, sous de belles
appareucesy manquent de fondement solide
et sont vides de vertus.
On distingue trois sortes de fausses dé-
votions ; les premières pèchent par trop
d'élévation » les secondes par bizarrerie , et
les troisièmes par trop de subtilité.
Le trop ffrand amour des voies sublimes
par lesquelles Di(*.u conduit quelques &mes
choisies est ordinairement la cause des dé-
votions fausses par trop d'élévation. Le désir
de se distinguer fait qu'on se jette dans ces
sortes de voies , de son propre mouvement,
comme s'il appartenait à l'homme de s'ap-
proprier des dons que Dieu ne veut dispen*
ser que rarement , et à qui il lui plaît. Ce
Îu'on appelle dans la vie mystique état
'inaction, est à plusieurs unu occasion de
tomber dans le piège. lis savent que le Saint-
EspriU pour achever de purifier les &mes,
a coutume de suspendre leurs facultés in-
tellectuelles , de les priver pour un temps de
certains effets de la gr&ce, sensibles et moins
parfaits, et de les réduire à une espèce
d'impuissance d'agir à leur manière ordi-
naire, pour opérer lui-même en elles d'une
manière très-occulte et très-subtile , mais
cependant très-efOcace et qui avance beau-
coup l'ouvrage do leur perfection. Certains
directeurs t dé leur côté, trouvant de grands
avantages dans cette voie, et croyant pouvoir
y mettre les flmes qui sont sous leur con-
duite , leur ordonnent de cesser leur travail
et leurs efforts; et leur répètent sans cesse
qu'il faut se tenir en repos pour laisser agir
le Seigneur, qu'il faut s'interdire toute ré-
flexion et toute attention sur soi-même,
qu'il faut être vertueux sans le savoir et
aimer Dieu sans s'apercevoir qu'on l'aime ;
ce gui est manisfestement une fausse élé-
vation.
CVst sans doute une maxime reçue qu'il
faut laisser faire le Seigneur, ^lourvu qu'on
l'applique au temps auquel Dieu veut agir
et où c'est à lui à faire. Mais si l'homme
s'avise de demeurer dans l'inaction lorsque
Dieu veut qu'il l'aide de son industrie , le
démon ne manquera pas de lui remplir la
tôle des idées magnifiques d'une fausse élé-
vation, et de le porter h la vanité. Une
preuve que souvent la suspension des puis-
sances et la suppression dos actes ne vien-
nent pas de Dieu, c'est qu'on voit des
directeurs qui les prescrivent à plusieurs
personnes quoiqu'il soit certain que Dieu
en doive être 1 auteur, et que ce soit une
conduite extraordinaire qui ne regarde que
peu de gens. Une autre espèce de fausse
élévation est de dédaigner les notions com-
munes, de penser d'une manière extraordi-
naire, de parler d'un style affecté et de ne
point se contenter du langage qui convient
^ la simplicité évangélic^ue. Une personne
de ce caractère, parlant de saint Alexi-s, au
lieu de s'exprimer en des termes simples et
ordinaires sur les vertus héroïques de ce
^'^and saint, en disant qu'il a demeuré caché
Mis la niriison de son f)ère, pour pratiquer
le mépris du monde et pour ne rien accor-
der aux sentimen.5 de la nature, dira que
ce saint a perdu ion être propre dam lEirt
divin ^ et ne trouvera de dévotion quediins
de pareilles expressions , ce qui ne vient pas
d'une véritable élévation d'esprit semblable
à celle qu'on a remarquée en saint Denis et
en d'autres grandes flmes, mais plutôt d*uQ
faux goût qui suppose un fonds vide de
Dieu , comme il est aisé de s'en convaiocre
par l'expérience. Car ces sortes de person-
nes, après s'être soutenues pendant quel-
que temps, font enfin voir par leur conaoile
qu'elles manquent de vertu solide.
Les fausses dévotions, qui se distinguent
par leur bizarrerie, sont celles qui ensagent
a des pratiques contraires à l'esprit de TE-
glise et au sentiment commun des saints.
Par exemple, il y a de la bizarrerie et même
de l'extravasance à dire presque toujours à
Dieu, dans les entretiens qu'on a avec lui,
quHl ie retire de nous ; qu'il se tienne dans
sa grandeur f et guHl nous laisse dam notre
bassesse. Il est vrai que saint Pierre a dit
quelque chose d'approchant dans un trans-
port d'amour et d'humilité : Eloignez-^oui
de mot, Seigneur f parce que je suis un p^-
cAeur. {Luc» v, 8.) Alais fonder sur ces ex-
pressions et d'autres semblables une ma-
nière ordinaire de prier, comme font ce^
taines personnes , c est aller contre l'esprit
de l'Eglise, qui, dans toutes ses prières,
demande à Dieu qu'il s'approche et qu'il
daigne venir à nous. Et en effet, dit saint
Augustin : «Qu'est-ce qu*invoquer le Sei-
gneur, si ce n'est l'appeler à nous et le prier
de venir en nous? »
Les dévotions, qui pèchent par trop de
subtilité, sont celles qui ont pour fondement
des points de théolo^e difficiles à com-
prendre, et dont à peine les savants peu-
vent se former une idée nette, ou qui consis-
tent en des conceptions abstraites, forl
éloignées des idées communes, et qui ne
proposent à l'esprit que des objets inûmmenl
relevés. S'il y a de la tendresse dans ces
sortes do dévotions, il est dangereux que
ce ne soit une tendresse forcée. On ne voit
pas comment l'esprit humain peut ôlre
irappé par des objets subtils et presque
imperceptibles, jusqu'à se répandre en sen-
timents naïfs et sans artifices, ^ la vue de
ces objets. Nous savons bien que les saints
ont eu des notions très-distinctes de Jésus-
Christ et des différents états par lesquels il
a passé; et qu'à la vue de sou amour, de sa
pauvreté, de son humilité , de son caiito
plein d'amertumes, de sa flagellation, de
son couronnement d'épines et de sa crois»
ils ont été pénétrés d'une tendresse singu-
lière, parce que ce sont là de vrais objets
de dévotion capables de toucher sensible-
ment, sans art et sans étude; mais nous
n'en savons aucun qui ait choisi pour sujet
de ses méditations des matières abstraites et
métaphysiques, ou qui ait fait des élans
d'amour à la vue de certains objets subtils
et relevés qui ne se laissent pas aisément
concevoir à tout le monde. Il est >mI qoo
auc'laues âmes distinguées ont pénétré dws
507
DIA
D*ASC£nSME,
DIA
998
les mystères et les secrets de la Difinité;
mats ces âmes sont en très*petit nombre;
et lorsqu'on Toît plusieurs personnes parler
avec subtilité et en des termes étudiés de
ces mystères impénétrables» on a sujet de
croire qu'elles sont peu touchées de ce
3u*elles disent, et que la plupart de ces
éTOtions sont Tourrage de Timagination ou
de Finclination naturelle, et nullement la
production du cœur et un effet de la grAce.
DISCORDE. ^ 1* La discorde est un des
plus grands obstacles qui s*opposentau bien
des communautés religieuses. On doit donc
y éTitcr avec le iilns grand soin cet esprit
de division et ne ruine. € Tout royaume
dîTisé contre lui-même périra. » {Mattn.^ m.)
— « La charité fait les religieux, dit saint
Jérôme; la charité fait les moines; sans
elle, les monastères sont un Téritable enfer»
et ceux qui les habitent, des démons; avec
elle, les monastères sont un Trai i)aradis,
et ceux qui y vivent, des anges. En vain vous
TOUS exténuez par de longs jeûnes; en vain
vous vous couvrez de sombres et grossiers
vêtements; en vain votre temps n'est-il
3u*une suite non interrompue d'offices et
e travaux, si la charité manque, vous n*êtes
pas même encore au degré le plus l>as
de la vie religieuse. » (Reg. mon.f c. 1.)
On comprend assez, du reste, que la dis*
corde est diamétralement opposée è la cha-
rité, qui est le lien de la perfection, et sans
laquelle les membres d une communauté
ne peuvent former un corps mystique sous
un seul chef, qui est Jésui^Christ.
2* Que les supérieurs aient donc soin
d'éteindre, dès le commencement, les moin-
dres étincelles de discorde et d'irritation;
de ramener sur-le-champ à des sentiments
de concorde et de paix ceux qui s'en écar-.
tent ; d'entretenir dans leurs communautés
une charité constante par la pratique des
devoirs que cetle belle vertu impose, et de
répéter souvent cette douce parole de saint
Jean : ■ Mes chers enfants, aimez-vons les
uns les antres. » — « Evitez avec soin, dit
saint Jean de la Croix, de vous occuper et
surtout de parler de ce qui se passe dans
la communauté, ou de ce qui concerne
quelque religieux en particulier; ne vous
entretenez point de sou caractère, ni de sa
manière d'agir, ni de ses affaires ; et sous
aucun prétexte de zèle ou de correction,
D*en parlez à personne qu'à celui à qui il
convient d'en faire part.... Occupez-vous
uniquement de vous : autrement, à quel-
ques travaux que vous vous livriez, vous
avez t>eau être dans un monastère , vous
n'êtes point un vrai religieux. »
DLACONESSE. — Terme en usage dans
la primitive Eglise, pour signifier les per-
sonnes du sexe qui avaient dans l'Eglise
une fonction approchante de celle des dia-
cres. Saint Paul en parle dans son EpUre
aux Romains, Pline, le jeune, dans une de
ses LeUret A Trajan, fait savoir à ce prince
qu*il avait fdil mettre à la torture deux dia*
conesses qu'il appelait minisirœ.
Le nom de diaconesH était affecté è cer-
taines femmes dévoles, consacrées au ser-
vice de l'Eglise, et qui rendaient aux femmes
les services que les diacres ne pouvaient
leur rendre avec bienséance, comme dans
.le baptême qui se conférait aux femmes par
immersion, aussi bien qu'aux hommes. —
Elles étaient aussi préposées è la garde des
éfflises ou des lieux d'assemblée, du côté
ou étaient les femmes, séparées des hommes
selon la coutume de ce temps-lè. Elles
avaient soin des pauvres, des malades de
Jeur sexe, etc. Dans le temps des persécu-
tions, lorsqu'on ne pouvait envoyer un
diacre aux femmes, pour les exhorter et les
fortifier, on leur envoyait une diaconesse.
{Voir B4LSAI109, $ur le deuxième canon du
concile de Laodieée^ et les Con$iiiution$ apoi-
toliquee, 1. u,c. 57; âssemahi, Biblioi.
orient., t. IV, c. 12).
Lupus, dans son Commentaire sur les con^
cites, dit qu'on les ordonnait |>ar l'imposi*-
tion des mains, et le concile in Trullo, se
sert du mot Xctpormcv, imposer les mains,
pour exprimer la consécration des diaco-
nesses. Cependant Baronius nie cette impo-
si tion des mains, et qu'on usAt d'aucune
cérémonie pour les consacrer; il se fonde
sur le dix-neuvième canon de Nicée, qui
les mit au rang des laïques, et dit expressé-
ment Qu'on ne leur imposait pas les mains.
Cepenuanl le concile de Cbalcédoine régla
quon les ordonnerait à 'quarante ans, et
non plus tôt; jusque-là elles ne l'avaient élé
qu'à soixante, comme saint Paul le prescrit
à Timothée, et comme on peut le voir dans
le Nomocanon de saint Jean d'Aotioche,
dans Balsamon , le Nomocanon de Photius;
et le Code théologien , et dans Tertullien,
De Velandis rirgin. Ce même Père, dans ^n
traité Ad uxorem, 1. 1, c. 7, parle des femmes
ordonnées dans l'Eglise, et qui pour cela
ne pouvaient plus se marier; car les diaco-
nesses étaient des veuves qui n'avaient plus
la liberté de se marier, et il fallait même
qu'elles n'eussent été mariées qu'une fois
pour pouvoir devenir diaconesses; mais,
dans la suite, on prit aussi des vierges ;
c*est du moins coque disent saint Epiphane,
Zonaras, Bàlzamon et autres.
Le concile de Nicée met les diaconesses
au rang du clergé; mais leur ordination
n'était pas sacramentelle, c'était une céré-
monie ecclésiastique. Cependant , parce
qu'elles prenaient occasion de là pour s'éle-
ver au-dessus de leur sese, le concile de
Laodicée défendit de les ordonnera l'avenir.
Le premier concile d'Orange, en kk\, fait la
même défense, et enjoint à celles qui avaient
été ordonnées, de recevoir la bénédiction
avec les simples laïques. — On ne sait pas
au juste quand les diaconesses ont cessé,
parce qu'elles n'ont pas cessé partout en
même temps. Le onzième canon du concile
de Laodicée semble, à la vérité, les abroger;
mais il est certain que longtemps après il y
en eut encore en plusieurs endroits.
Le vingt-sixième caiîQn du premier con»
m
m
DICTI0M9AIRE
DIR
elle d'Orange, tenu Tan 441; le vingtième
de celui d'Rpaaney tenu Fan 517, défendent
de même d'en ordonner; et néanmoins il
y en arait iencore du temps du concile in
'Tndtù* — Atton de Yerceil rapporte, dans
sa huitième lettre, la raison qui les tit abolir;
il dit que dans les premiers temps, le mi-
nistère des femmes était nécessaire poiur
instruire plus facilement les autres femmes,
et les désabuser des erreurs du paganisme ;
qu'elles servaient aussi à leur administrer le
lîaptôme avec plus de bienséance ; mais que
reia n'était plus nécessaire depuis qu'on ne
baptisait plus que des enfants. II laut en-
core ajouter maintenant depuis qu'on ne
baptise plus par infusion dans l'Eglise. Le
nombre des diaconesses semble n*a voir pas
été filé. L'empereur Héraclius, dans sa let-
tre à Sergius, patriarche de t^onslantinople,
ordonne que cians la grande église de cette
ville, il y en ait quarante, et six seulement
dans celle de ta Mère de Dieu, qui était au
quartier des Biaquernes.
Les cérémonies que l'on observai t dans la bé-
nédiction des diaconesses se trouvent encore
présentement dans l'Ëucolo^e des Grecs. Ma-
thieuBlastares, savantcanonistAgrec, observe
qu'on fait presque la même chose pour re-.
cevoir une diaconesse que dans l'ordination
d'un diacre. On la présente d'abord à î'é-
véque, devant le sanctuaire, ayant un petit
manteau qui lui couvre le cou et les épaules,
et qu'on nomme nuiforium. Après qu'on a
prononcé la prière qui commence par ces
roots : La grâce de jDteu, etc., elle fait une
inclination de tète, sans fléchir les genoux.
L'évèque lui impose ensuite les mains en
prononçant une prière; mais tout cela n'était
point une ordination, c'était seulement une
cérémonie religieuse semblable aux béné-
dictions des abbesses. On ne voit plus de
diaeonessee dans TEgiise d'Occident, depuis
le XII* siècle, ni dans celle d'Orient, passé
le XIII*. Ifacen, dan« son Bieroloxicon^ au
mot Diaeonuee^ remarque qu'on trouve
encore quelque trace de cet oflice dans les
églises où il y a des matrones^ qu'on appelle
neiuloneêj qui sont chargées de porter le
pain et le vin pour le sacrifice à l'offertoire
lie la messe, selon le rite ambrosien. Les
Grecs donnent encore aujourd'hui le nom de
diaconesse aux femmes de leurs diacres, qui,
suivant leur discipline, sont ou peuvent
être mariés ; mais ces femmes n'ont aucune
fonction dans l'Eglise, comme en avaient
les anciennes diaconesses. (Bingham, Orig.
ecclés.f tom. II, 1. ii, ch. 22.)
DIADOGHUS ou Diadogub, évéçfue de
Photioue en lllyrie, vers 460, lai^jsa un
Traite de la perfection spirituelle^ qui a été
inséré dans la Bibliothèque des Pires.
* DIBECTEUR, sa méckssité, ses quali-
Tis, etc. — Quiconque s'applique à la per«
fectiou chrétienne a nesoin d'un guide, d'un
matlre spirituel, d'un directeur, en un mot,
s'il ne veut point s'expuser à faire fausse
route, tiarmi les difficultés nombreuses et
extrêmes dont est hérissé le chemin de la
perfection, une des principales est le mao-
que de maîtres spirituels : des Âmes apptv
lées par la grflce divine n'aspirent qu'à s'é-
lancer sur 1 océan de la perfection, et elles
ne trouvent point de pilote qui les condfaise
sur cette mer inconnue. Malheur cependant
aux communautés où de tels maîtres ne se
rencontrent point, ou du moins j sont in-
connus et ne sont pas appréciés! Or un
mettre spirituel ou directeur est celui k aoi
l'on découvre toute sa conscience et à oui I on
se donne à conduire dans la voie de la per-
fection, soit que l'on se fasse diriger par
son supérieur ou par un autre particulier ,
soit que cette direction ait lieu au dedans
ou au dehors de la confession.
1* Les ftmes qui aspirent h la perfection
ont besoin d'un maître spirituel. Cette vé-
rité qui s'appuie sur le témoignage de TE-
criture, sur celui des Pères, et sur l'expé-
rience, a été admise par tous les auteun
spirituels, qui ont reconnu unanimement la
nécessité d un directeur. Le Seigneur^ dit
saint Paul, o établi des pasteurs et des doc-
est seu/, parce que^ s*il tombe^ il n'a ptrêonm
pour le relever. Œccle. iv, 10.) Trouttx-^oui
souvent avec un homme s atW, fue vous savex
être rempli de la crainte de DieUt dont PAmî
est selon votre tfme, et qui tmisse vous eimr
solerf si vous venez à tomber dans les tM-
bres. (EcclL xxxvii, 15-160 On trouve dani
l'histoire du peuple de Dieu une foule
d'exemples qui prouvent le besoin, la néces-
sité d'un directeur.
C'est ainsi que Dieu a donné à son peu-
ple un ange et Hoise pour le conduire k
travers le désert. C'est ainsi que le jeune
Samuel, appelé plusieurs fois par la voix
du Seigneur, alla trouver le grand prêtre
Héli, par qui il se croyait appelé , et p^
ri ta d'apprendre de sa bouche ce qu'il
devait taire pour reconnaître si c'était le
Seigneur qui lui parlait. C'est ainsi qu'un
ange fut envoyé pour procurer l'instruction
d'un eunuque de la reine Candace par le
ministère du diacre Philippe ; et qu'an ange
encore, apparaissant au centurion Corneille»
l'avertit de faire venir Pierre chez lui pour
sori instruction. Enfin, Jésus-Christ lui*
même, apparaissant en personne kSaul sur le
chemin de Damas, ne voulut pas l'instruire
par lui-même, mais l'envoya à Ananie pour
apprendre de lui ce qu'il devait faire. A ces
exemples si frappants joignons quelques
témoignages des rrères, des docteurs et des
maîtres de la vie sprituelle. « Usez de la
plus grande vigilance et d*une extrême or-
conspection, dit saint Basile, pour trouTcr
nn homme, un guide sûr qui vous conduise
dans la vie dont vous avez fait choix • ^^
qui sache indiquer la route droite à ceux
aui veulent s'acheminer vers Dieu. » (*n».
e ofcd.)— « 'e suis <*'«"«» dit saint Jérôme
à Rustique, que vous ayez société avec les
saints, et que vous ne marchiez pomU
DASCEUSUe.
DIB
G02
sur vos propres lumières et sans le conseil
d'un maître, dans la voie où tous êtes entré,
dans la crainte que bîenlAt vous n'alliez
vouseiposer à (aire fausse route, è tous
tromper de chemin » (Ep. k.) — « Un
homme sans maître qui le dirige, dit saint
Augustin, est comme un aveogie sans guide;
comme lui, il aura bien de la peine è suivre
la bonne voie. * (Serm. 112, De temp.) —
Cassien prouve la même vérité par la prati-
que générale des religieux, et conclut en
ces termes : c Par là il est prouvé de la
manière la plus claire que le Seigneur n*en*
seigoe la voie de la perfection h aucun de
ceux qui, ayant moyen de se faire instruire,
méprisent et dédaignent la doctrine et les
règles des anciens. » (L. iv In$i., c. 9, et
coll. n, e. 15.) —Saint Bernard, considérant
que l'épouse cherchant son époux ne le
trouve qu'après avoir interrogé les gardes
de la cité, ajoute : c qu'ils méditent cette
parole, ceux qui ne craignent pas d'entrer
dans les voies de la vie, sans guide et sans
mattre 1 Refuser de donner la main à
un maître c'est la donner au tentateur. »
(Serm. T7, m Cani.) c Je dis plus, ajoute
saint Vincent Ferrier, c'est que Jesus-
Chrisl n'accordera jamais sa grftce, sans
laquelle nous ne pouvons rien, A l'homme
qui, pouvant avoir quelqu'un qui l'instruise
et le dirige, s'en met peu en peine et ne
se soucie pas de se mettre sons la con-
duite d'un autre, dans la pensée qu'il se
sollit à lui-Hnéme et que seul il peut cher-
cher œ qui est utile au salut. » (Oe vii. spir.^
c. k.) — € L'homme présomptueux et qui se
fait son propre Kuide, dit Gerson, n a pas
besoin que le démon le tente; il est lui-
même son propre démon, son propre ten«
tateur m Que aiêiinci. ver. reoel., signo 2.)
2* Quoiqu'il soit, ordinairement, et géné-
ralement parlant , nécessaire de se procu-
rer un directeur spirituel, cette règle toute-
fois souffre exception, lorsque Dieu, par
une providence extraordinaire f au défaut
d'un homme capable ou par une faveur
toute particulière, daigne conduire et ins-
truire directement une ftme par lui-même
ou par le ministère d'un ange. Saint Gré-
goire s'exprime ainsi à ce sujet : « il y
en a quelques-uns, dit-il, qui reçoivent in-
térieurement les enseignements et les le-
çons du Saint-Esprit, eu sorte que n'ayant
point extérieurement de maître ni de guide,
ils ne sont |>oiot cependant privés des avis
d'un maître intérieur. Or l'âme qui est rem-
plie du divin esprit en a les marques les
f^lus certaines, les plus évidentes, dans
es vertus et l'humilité : dès que les vertus
et l'humilité se trouvent |iarfaileroent' et
simultanément dans une flme, c'est une
Ëreove manifeste de la présence du Sainl-
^prit en elle. » (L. i Dtat.^ c. l.| Tels fu-
rent, ajoute-t-il, saint Jean-Baptiste, ins-
truit dans le désert par le Saint-Esprit seul ;
Moïse instruit par un ange dans la solitude,
et saint Honore, abbé» qui n'eut pour mat-
tre que l'Esprit Saint. Et è ces exemples
saint François de Sales (I. viit, De tamouf
de Dieu, ch. 12} ajoute ceux de saint Paul,
ermite, de saint Antoine, de sainte Marie
Egyptienne, qui, instruits par le Saint-Es-
prit seul, et ^idés par l'amour de Dieu seul
qui suppléait à tout, sont parvenus h une
haute sainteté, non-seulement sans aucune
direction humaine, mais même sans en-
tendre la messe et sans le secours de la con-
fession et de la communion. Ces rares ex-
ct-ptions, qui selon la pensée de saint
François de Sales, sont des inspirations qu*il
faut plus admirer qu'imiter, n'empêchent
pas cependant que la règle générale ne soit
vraie, et qu'on ne doive, ordfinairement par-
lant, sy conformer exactement.
3* Les plus jeunes surtout et les commen-
çants ont besoin d'un directeur d'une ma-
nière toute particulière. Qu'ils écoutent
l'avis que leur en donne saint-Bernard:
€ Je vous en supplie, jeunes plantes du
Seigneur, vous qui n'êtes point encore exer-
cés à discerner le bien du mal, ne suivez
pas le sentiment de votre cœur..., humiliez-
vous sous la main puissante de Dieu votre
pasteur, et sou mettez- vous aux conseils de
ceux qui connaissent mieux les pièges de
l'ennemi, instruits qu'ils sont par une plus
longue expérience d'eux-mêmes et des
autres, » jSerm. 3, in ps. Qui habiiai.) —
€ Les commençants, dit saint Bonaventure,
ont besoin d'un maître pour apprendre ce
qu'ils ignorent, à savoir les choses utiles
ou nécessaires à leur salut et à leur avance
ment, pour apprendre ce qu'ils ont à éviter,
et à quoi ils uoivent s'appliquer, ce qu'ils
ont à faire, ce qu'ils doivent espérer, ce
Îu'ils doivent craindre, enfln pour savoir
iscerner entre les choses plus ou moins
louables, ou phis ou moins mauvaises, se-
lon ce témoignaKe de TApôtre : Vou$ atex
besoin d*apprenare lee première élémenit de
la parole de Dieu. [Hebr. v, 12.) De même
ils ont besoin d'être eiercés dans la pra-
tique des bonnes oeuvres, puisqu'il ne suffit
pas de savoir le bien, et qu'il faut encore le
f pratiquer; et parce que les imparfaits ne se
ivrent ordinairement à Texercice des vertus
qu'avec nonchalance, il est bon qu'ils y.
soient excités de temps en temps par un
autre. • [Deeex alisserapk^c. 1.) Et en véri-
té, ne serait-ce pas une folle présomption
que de vouloir apprendre sans inaltre la
science du salut? Ne serait-ce pas imiter la
conduite insensée du Toyageui qui, sans
guide, suivrait une route qui lui est in-
connue; ou de l'ignorant qui voudrait, sans
leçon, apprendre les sciences humaines;
ou du soldat inexpérimenté qui, sans chef
et sans connaissance de l'art de la guerr-e,
- voudrait livrer bataille à une armée enne-
mie?
h* Ceux qui sont plus avancés en âge et
en perfection , les parfaits eux-mêmes , ont
généralement plus ou moins besoin d*un
directeur et de ses avis, selon la diversité
des esprits. Malheur^ s'écrie le prophète
Isaîe, malheur à vous qui êtes sages à vos
propres yeux et qui êtes prudents devant vous-
mêmes. (Isa. r ,21.) — Ne soyez pas sages à
ws
DIS
blCTIOM^AlIlE
DIS
m
voi propres f/eux^ nous recommaDile saiot-
Paui (ilom. xii« 16); sur quoi saint Jean
Chrysoslome fait celle remarque: « Ne
soyez pas sages à vos propres yeux, c'esl-5-
dire, ne pensez pas que vous vous sufGsiez
à vous-mêmes 1 Dieu a voulu que nous
ayons besoin les uns des autres; il arrive
le plus souvent que le sage a besoin d*un
au*re; comme nous l'enseigne Texemplc de
Moïse suivant le conseil de Jethro» il arrive,
souvent que le sage no voit pas ce qui con-
vient, et qu'un moins sage Tapcrçoit. »
(Hom. 22). Nous en trouvons encore un
exemple admirable dans la conduite de
s.'iint Augustin, qui, comme il le dit lui-
même, était disposé, tout vieux évèque
qu'il était, è recevoir les enseignemenls
d'un évoque jeune encore, d'un collèguo
qui n'avait pas encore un an d'épiscopat.
(Ep.75.)
5* Nous devons remarquer ici que le di-
recteur spirituel peut être précisément tel,
ou en mèuie temps confesseur, ou bien su-
|)érieur; que tous les supérieurs ecclésias-
tiques, surtout dans les communautés,
doivent veiller h ce que ceux qui leur sont
soumis aient un maître spirituel, qui soit
ou le supérieur lui-même, ou un autre dé-
signé par lui; que le confesseur ou le
maître spirituel ne doit pas consentir au
vœu d'obéissance par lequel on voudrait se
lier à leur égard, et principalement si l'on
voulait s'obliger par vœu à ne prendre qu'un
seul confesseur ou qu'un seul directeur, i
Texclusion de tout autre. Aussi saint Jean
de la Croix Iraite-t-il de tyran un confesseur
q^ui refuse à ses pénitents la permission dé
sadresser à d'autres confesseurs. Il est
donc nécessaire que le confesseur donne
toute liberté à ses pénitents ; il doit même
Suelquefois les exciter à cet égard, à s'a-
resser à d'autres, pour leur donner occa-
sion, soit de se délivrer de quelques doutes
qui les inquiètent, soit de s'affermir et de
se conGrmcr de plus en plus dans la mé-
thode de dévotion qu'ils oui embrassée, etc.
6° On doit rendre è son directeur spiri-
tuel un compte exact, sincère et entier, de
sa conscience, d'abord pour toute sa vie
passée, puis pour la suite de la vie, autant
que le oirecteur le j.ugera à propos. « Cha-
cun de ceux qui sont sous la conduite des
autres, dit saint Buzile, doit, s'il veut faire
quelque progrès notable cl parvenir à la
perfection et à une sainteté de vie conforme
aux préceptes de notre Seigneur Jésus-
Christ, ne déguiser aucun mouvcmenl de
son Ame, mais, après un eiamen sérieux et
attentif de lui-même, ouvrir son cœur avec
ses plus secrèles affections h ceux de ses
frères qui sont chargés de la direction des
autres. » (Reg. fus. c. 26. ) Il est clair, en
effet, que le directeur, en sa qualilé de mé-
decin spirituel, ne peut rétablir ou fortitier
la santé de l'Ame de son pénitent, s'il n'a
une exacte et entière connaissance de son
état.
T On doit se choisir un maître spirituel
qui soit, aulant que possible, d'une vertu
accomplie. ChQm»$tz^tou$ tm ctmMtiUtr
entre mille ^ dit l'Ecriture. {Ecclù vi, 6.)
Or saint Bazile énumère en ces termes les
qualités du directeur : « Il faut, dit-il, qu'il
soit orné de vertus, que toutes les actions
de sa vie lui rendent témoignage, qu'il soit
animé de l'amour de Dieu, instruit dans les
saintes lettres, de vie intègre et d'une sage
et profonde maturité, rempli d'affection pour
ceux qui s'adressent à lui; plein de zèle
pour leur instruction spirituelle, inacces-
sible à la vaine gloire et à l'orgueil; qu'il
ne se laisse point enOer ni abattre par l'a-
dulation ; qu'il soit austère, grave et tou-
jours le même : enGn qu'il n'y ail pour lui
rien au-dessus de l'honneur de Dieu. »
{Serm. de abdic.) Et de son côté, saint
Laurent JuUinien trace ainsi le portrait du
maître spiriluel : € 11 doit être discret, expé-
rimenté, doué de bonnes mœurs, d'une
mûre gravité, d'une vie honnête, instruit
dans les divines Écritures, sévère pour lui-
même, compatissant pour le prochain , as-
sidu à l'oraison, doux de cœur, et, s'il est
possible, avancé en tout ce qui concerne la
vie spirituelle. » {De obed. , c. 20. ) EnGn
saint François de Sales, réduisant ces di-
verses qualités h leur plus simple expres-
sion, veut que le directeur soit un homme
rempli de charité, de science et de pru-
dence ; et il ajoute que l'absence d'une seule
de ces aualilés sumt pour mettre tout en
péril, ( fie dév.,ip.f ch. 6.)
Or, ce que nous venons do dire du direc-
teur doit aussi s'appliquer ao confesseur,
Erincipalement s'il s'agit d'.un confesseur
abituel, qui soit en même temps directeur,
puisqu'alors il est à la fois juge, médecin et
docteur. Aussi le Catéchisme romain engage-
t-ii fortement les fidèles à se choisir pour
confesseur un homme recommandable sous
le triple rapport de la sainteté, de la pru-
dence et de la doctrine. [De min. pcmit.)
8" Il est donc nécessaire que le maître
spiriluel réunisse la science , la piété et
l'expérience dans les choses de spiritualité.
En effet, s'il est instruit , il pourra , le plus
souvent du moins, faire le discernement des
esprits ; s'il esl pieux, il aura de grands sen-
timents 5 l'égard de Dieu, et il ne rHettera
pas avec trop d'empressement ce qu'il n'au-
rait pas éprouvé en lui-même; et en outre
il sera humble, petit à ses propres yeux, el
partant il consultera volontiers ceux qui
sont plus savants que lui. EnGn , s'il est
expérimenté suffisamment dans les choses
spirituelles, soit que celte expérience vienne
de lui personnellement, soit qu'elle vienne
des autres âmes, il sera capable d'en juget*
sainement, même dans les cas les plus rares.
9* On comprend facilement que l'humilité
aussi doit êlre une des vertus du maliro
spirituel. Apprenez de mot, disait le divin
Maître, que je suis doux et humble de taur
(Matth. Il, 29). Et en vérilé, il ne suffit pas
au directeur d'avoir la science et la doc-
trine ; il lui faut aussi la grâce de Dieu, cl
il en a grandement besoin i>our la direcliou
DiR
DASCCTlSaifi.
DIR
€9€
Ses ftoies ; or, cette grâce, IKeu ne l'accorde
4a*aux humbles : Amu/tfriw auiem dat gra-
tiàm. {Jac.^ it, 6.)
10^ Qaant k la conduite du directeur eu-
▼ers les Ames, elle doit être différenle,seIoa
qu*il a à diriger des personnes qui rommai-
ccjU, ou d'autres qui ont obtenu déjà quel*
quesproyr^f jptrtïue/f, ou enfln des per-
sonnes parfoUa. Pour ce qui concerne les
commençants, on doit mettre tous ses soins
à Taincre leurs inclinations encore Tives et
ret>elles au joug de la raison , et ne iK>int
oublier qu'ils n'éprourent encore ni facilité,
ni joie dans la pratique des vertus. Quel-
quefois cependant un directeur trouvera des
commençants si fervents dans l'oraison, si
avides de mortifications corporelles, et si
prompts A obéir et à se vaincre eui-mfimes,
que tous les vices paraissent morts en eux,
et toutes les passions éteintes. Qu'il ne mette
point en cela une confiance trop grande, et
Qu'il se garde d'y attacher trop d importance,
cir tout ce qui brille n'est pas or. Tout cet
e^upressement h se jeter aans les bonnes
œuvres n'est pas autre chose qu'une belle
apparence de vertu, mais ce n est point la
vertu encore» puisque tout cela ne vient que
d'une gi^ce sensible, de certaines consola-
tions sniriluelles qui excitent vivement au
bien. La vertu est la facilité à produire do
bonnes œuvres, mais une facilité acquise
par un lonç exercice de ces œuvres, et telle-
ment enracinée dans l'âme , qu'elle a déjà
affaibli et dompté les inclinations contraires,
eo sorte que ces* inclinations n'ont plus, ou
presque plus la force de détourner la volonté
du chemin de la justice et de la piété
où elle est entrée , en quelque état, ou
de consolation ou d*aridité , que cette vo-
lonté se trouve. Or , ces heureux résultats
ne s'acquièrent que par des combats, des
travaux, des épreuves et de nombreuses
victoires sur soi-même. Il est donc facile de
voir que la véritable vertu ne se trouve pas
chez les Commençants qui ne se sont pas en-
core éprouvés à de nombreux et difficiles
comt>ats. C'est pourquoi le directeur devra se
garder de porter un jugement faux sur ces
c«»mmençants, et ne point trop se fier à la
ferveur de leur début.
11* Ceux qui sont en voie de progrès ont
déjà, en grande partie, vaincu leurs mau-
vaises inclinations, et sont tout entiers
appliqués à l'exercice des vertus. Cependant
le directeur en trouvera qui, dans cet é(^t,
sont plus violemment agités par les passions
qu'ils ne Tétaient au commencement de leur
vie spirituelle, à leur début même; et il rc-
maniuera eo eux une immense difficulté,
uie extrême répugnance pour l'exercice
d'une vertu quelconque. Mais cela ne doit
pas lui paraître étrange, puisque toute cette
a^^itation n'est point le résultat de l'état na-
turel Je ces sortes d'âmes, mais seulement
des efforts extérieurs du démoai qui porte
envie à leur avancement spirituel ; et Dieu
ne le permet que pour une plus grande per-
fection de ces âmes. Un directeur doit donc
savoir ^u'il y a des âmes vraiment |»i uses
et extrêmement fidèles à Dieu, que le Sei-
gneur met dans un élat rempli de douleurs
et d'amertumes , qu'on appelle puraation
passive du sentiment^ afin que par là elles se
purifient de plus en plus dansia vertu. Dieu
donne toute liberté au démon, lui permet-
tant de leur faire souffrir d'horribles tenta-
tions de tout genre, dont les autres fidèles
sont ordinairement exempts , et en même
temps il 6te aux passions leur frein et leur
laisse toute leur fureur. Mais Dieu permet
toutes ces choses uniquement pour que ces
âmes, combattant courageusement au milieu
de ces luttes terribles, soient enrichies des
grandes vertus, à l'aide desquelles elles
puissent s'élever ensuite à une perfection
sublime, et souvent à un certain degré de
contemplation infuse. Qu'on lise, dans la
vie de sainte Madeleine de Pazzi.ce qu'ellea
souffert dans lafosseaux lions où DieuTavait
placée (or, c'est précisément le cas de cette
purgation passive dont il est question ici); or,
dans cette âme bi bien disposée auparavani,
qui avait eu tant de sublimes extases, et y
avait reçu de Dieu les plus hautes faveurs,
dans cette âme on trouvera un tel déchaîne-
ment de passions , un si horrible assaut de
tentations, que la lecture seule attendrit et
fait pitié. Le directeur évitera donc de se
former une idée défavorable à l'égard des
personnes déjà avancées, çui éprouvent les
combats de violentes passions; il les esti-
mera autant qu'auparavant; il les croira
meilleures même , puisque l'âme retire de
ces combats une utilité immense. (Pour ce
qui est des parfaits, voir Pebfectiox.)
Aphorismes des directeurs ou maîtres de la
vie spirituelle. — 1. La vocation au minis-
tère de père spirituel est un don rare et
précieux, qui opère beaucoup dans le secret,
et a peu de retentissement et d'éclat au
dehors.
2. Le père spirituel doit être le modèle de
ceux qu il dinge dans les voies de la piété.
3. 11 doit chercher à gagner l'estime et
l'affection de ceux à qui il veut inspirer le
désir de la perfection.
h. Qu'il enOamme le cœur de l'amour de
Dieu, et il fera de son disciple un homme
d'oraison.
5. Qu'il supporte patiemment les impar-
faits s'il veut les rendre parfaits.
6. Que le matlre ne commande point d'une
manière impérieuse, s'il veut que son dis-
ciple soit parfaitement soumis.
7. Que le mattro se contente d'obtenir
plus ou moins de sainteté, selon les forces
et les dispositions de chacun.
8. Si le disciple est dirigé selon la règle
de sa vocation et de son inclination, il arri-
vera bientôt à quelque degré de perfection.
9. Lespieusesatlentions, jointes aux œu-
vres et aux solides raisons, sont comme un
philtre divin qui remplit le cœur du saint
amour.
10. Celui qui se mortifie malgré lui et y
étant forcé par un autre, ressemble à l'homme
qui prend une nourriture que l'estomac no
digère ('Oint.
607
DIR
DICTIONNAIRE
DIR
des
11. Punir sans que le cœur raonlre de
Taffection» est moins un remède qu'une
blessure.
12. Si le roattre se montre irrité, il verra
son disciple Bempli de trouble; mais sMl
se montre affectueux, il verra naître en lui
la paix et la tranquillité de Tâme.
13. En ce qui touche la conscience , que
le matlre soit prudent; et autant le disciple
témoigne de crainte, autant le mattre doit
montrer d*affection.
14. Si l'on veut être reconnu pour un père
Téritable, qu'on le montre par ses soins et
qu'on imite une mère tendre.
15. Distinguer entre les mouvements de
la grflce et de la nature, c'est le propre des
hommes d'une haute sainteté et d'une grande
pureté de vie.
16. Si l'on veut que le disciple fasse en
peu de temps de grands progrès, qu'on lui
permette dapprocher souvent de l'Eucha-
ristie.
17. Hais en donnant cette permission pour
la communion, il faut avoir égard aux dis-
positions du disciple.
18. On doit donner rarement le conseil
de la communion quotidienne, et deux com-
munions par semaine suffiront au Ûdèle
même le plus pieux.
19. Il n y a point de règle générale sans
exception; et pour ce qui est de la commu-
nion, une sa^e discrétion est au-dessus de
la règle. {Voir Commonior fréquente.)
20. La perfection qui a sa source dans une
influence étrangère, aura plus d'apparence
que de réalité.
21. On marche hors de la voie avec sa
perfection, quand on va trop à la hflte ; si
en effet on ne se hflte lentement, tout est en
péril.
22. Une sainteté soudaine est peu éloignée
de la chute, puisque rien de ce qui est per-
manent n'obtient un accroissement soudain.
23. Celui qui s'occupe de diriger lésâmes
dans la voie de la perfection doit traiter
avec Dieu de cette affaire par de fréquentes
prières.
Arcanes. — 1. Les hautes et saintes fonc-
tions de mattre spirituel exigent une pro-
fonde sagesse avec beaucouf) de science et
d'expérience; d'où ii suit qu'un ignorant,
étant défiourvu de toute science, n'est point
Cropre a un tel ministère. Tel et tel sont
ons pour parler de Dieu et des choses spi-
rituelles, pour donner quelques conseils en
matière de spiritualité, pour diriger même
dans les voies ordinaires de la vie ascé-
tique : qu'ils prennent garde cependant d'en
sonder trop avant les profonds et mystérieux
secrets, s ils ne veulent pas tomber dans
l'abîme.
2. Les saints austères sont bons pour
prêcher la pénitence et la crainte de Tenfer,
ainsi que pour inspirer l'horreur du péché :
ce qui est propre à la conversion des pé-
cheurs. Mais quant à la |)erfection, comme
elle suppose d'avance la vertu et consiste
principalement dans l'amour de Dieu et du
prochaini ce n'est point la crainte^ mais
l'amour qui la fait croître et augmenter. Par
conséquent un saint austère sera propre à
faire nattre les vertus dans les cœurs; mais
un saint humble, paciGquc, doux et aimable*,
sera plus propre pour instruire et diriger
dans la perfection.
3. Les grands docteurs scolastiques, s'ils
ne sont pas spirituels ou s'ils manq^uent de
toute expérience dans les choses spirituelles,
ne sont point ordinairement propres è exer-
cer le mmistèrede maîtres spirituels. Car la
théologie scolastique.n'est que la perfection
de l'intelligence et ne s'adresse qu'a l'esprit ;
tandis que la théologie mystique est la perfec-
tiondei'intelligenceetdela volonté en même
temps, et forme l'esprit et le cœur. D'où il
arrive qu'un bon théologien scolaslique peut
n'être qu'un mauvais théologien mystique.
Cependant, dans les choses spirituelles qui
sont difficiles ou douteuses, il vaut mieux
consulter un théologien médiocrement spi-
rituel qu'un spirituel ignorant.
h. Personne n'estime l'oraison mentale
tiède, distraite et imparfaite. Mais les maî-
tres plus éclairés préfèrent singulièrement
une heure d*oraison mentale sèche, sans
goût et sans lumière, attaquée par diverses
tentations qui sont toutefois repoussées, à
quatre heures d'oraison tout inondée de lar-
mes ; et cela pour deux raisons : première-
ment, parce qu'on y trouve le plus solide exer-
cice de la vie spirituelle, qui est làCharitépé'
naie; secondement, parce que Ton doit éviter
de faire consister la vie spirituelle unique-
ment dans l'oraison. Car il viendra un temps
où l'Ame ne pourra plus s'y livrer , it
surgiront à sa place 1 aridité, les pensées
d'abandon, de mélancolie, de désespoir
même; et c'est alors que, avec la grflce di-
vine, il faut pratiquer l'humilité, la patience
et les autres vertus communes.
5. Tout maître de vertu doit tendre è la
rendre plus parfaite; cependant tout maître
d'une vertu ordinaire n'est pas toujours luai-
tre de perfection. L'un apprend à Tivrogôc
à devenir sobre; l'autre apprend è joindre à
la tempérance le jeûne, soit obligatoire,
soit volontaire. i.e mattre de vertu apprend
è Celui qui est distrait le recueillement et
l'attention dans l'oraison; le maître de per-
fection instruit sur ce qu'il y a de plus su-
blime dans l'oraison et le recueillement.
6. Les maîtres spirituels sont le plus sou-
vent exposés aux persécutions et aux ca>
loinnies des mondains ; Dieu le {>ermet, soit
pour qu'ils ne s'enorgueillissent pas de leurs
dons; soit pour leur procurer l'occasion
d'appuyer do leur exemple les bons conseils
quils donnent aux autres; soit pour ajouter
à la pureté de leur innocence l'éclat d'un
profond esprit de pénitence; soit enfin pour
{)unir leur imprudence à reprendre quelque-
bis les défauts des autres, sans Qu'ils aient
aucune autorité pour cela.
7. Que celui qui est doué du don de la
direction spirituelle se rappelle gu'il n'est
pas un maître, mais un guiue. Qu'il ne cher-
che point de disciples, mais se laisse che^
cher par eux. Qu'il ne forme point avec tant
us
D'ASCETlSyE.
«10
de zèle des associatioitt» des assemblées, des
réanions nombreuses ivotoar de lai. Qu'il
Teille à ee que ses disciples remplissent par-
faitement les deToirs particuliers de leur
état, bien que les larmes, la déTOtion sen-
>ible, etc.t ne leur soient point données. Si
Toraison manque, qu'une Tertueuse occu-
fiation ne manque pas: car il Tiendra un
temps où ce sera quelque chose de pénible
pour le disciple que de TiTre sans pouvoir
Taquer à Toraison. Que Ton évite de parler
souvent de ravissements, de visions ou
d antres grâces estraordinaires. Que l'objet
des exhortations soit rhumiiilé, la patience,
le recueillement, la pauvreté, l'obéissance,
la fuite du monde, le renoncement h ses pa-
rents et aux mauvaises amitiés particulières.
Enfin que le maître spirituel s'efforce de
planter les Tertus théolo^oues et morales
dans le cœur de ses disciples, aRn que de
leurs racines s'élève le bel arbre de la vie
spirituelle, où l'on puisse voir s'épanouir
les Qeurs de la perfection, et mûrir les fruits
d'une sainteté solide.
DISCERNEMENT DES ESPRITS. — L'un
des principaux devoirs du maître de la vie
spirituelle lorsqu'il dirige soit les commen-
çants, soit les prc^essaiits, soit les parfaits,
est de discerner les différents caractères des
esprits, afin que, par cette connaissance,
il rende lK>ns ceux qui étaient mauvais,
meilleurs ceux qui étaient médiocres; afin
Î|u*îl élève encore les parfaits et les ren*
erme dans les vertus qui sont les fonde-
ments de la perfection et sans lesquels toute
perfection apparente n'est-qu'illusion.
Ici, nous entendons par ce mot tiprii une
propension intérieure oe l'Ame, ou une im-
pulsion par laquelle on se sent porté vers
un but, ou vers un genre d'occupation.
Ainsi on dit de l'homme qui a le goAt de
l'oraison, de la pénitence, de la solitude, de
la pauvreté, qu'il a l'esprit d'oraison , de
pénitence, etc. Celui au contraire qui se
platt dans les disputes et lescontensions, passe
pour avoir l'esprit de contradiction. De là
on appelle un homme spirituel ou simple-
ment les spirituels ceux qui ont une propen-
sion ou des goûts décidés pour l'oraison,
la modestie, le silence, etc., et qui ne par-
lent, ne pensent et ne s'occu|)ent avec plaisir
que de choses spirituelles.
II y a une difTérence entre un homme spi-
rituel et un homme dévot. De ce qu'une per-
sonne est dévote elle n'est point par iè même
spirituelle. Dn homme dévot a de l'amour,
de la ferveur, de la piété, et une inclination
à tout ce qui est bien ; mais il a souvent
une intelligence très*médiocre, qui ne jouit
pour ainsi dire qu'à moitié de ses fecultés.
Comme l'esprit, tel que nous reotendoiis
ici, consiste dans une certaine mesure de
lumières intellectuelles assez élevées, unie
à une pieuse et affective inclination vers le
bien , de là nous disons que ceui-ià sont
spirituels qui sont en même temps et rem-
plis de lumières intellectuelles dans riutel-
ligence, et d'affections dans la Tolouté. De
là encore ceux oui remportent par la raison.
la discrétion et la prudence» font plutAt ce
qui est plus expédient que ce qui est plus
parfait, un homme qui est seulement pieux
et dévot est sujet à entreprendre à contre-
temps des bonnes œuvres par imprudence
et défaut de lumières. Dn homme spirituel,
au conlraire, peut tirer un grand* fruit de
certaines œuvres purement naturelles, par
considération de la fin qu'il se propose. Il
f^st intérieur, discret, plein de douceur,
ajraot horreur du'bruit et des contestations,
des applaudissements des hommes, des ver-
tus apparentes ; il parle peu, sachant beau-
coup, prie sans ostentation et se mortifie
sans artifices; sa dévotion concorde avec la
raison, sa charité avec la justice; son inten-
tion est pure, sa conscience droite. Le dé-
vot a beaucoup d'affection, peu de lumières,
et pour cela il trébuche volontiers. Si sa dé-
votion s'accrott, il est fervent; il s'attiédit et
se relâche quand elle manque. L'homme
spirituel, au contraire, reste toujours sem-
blable à lui-même dans la prospérité et
l'adversité, dans la sécheresse et les conso-
lations; il a les yeux fixés invariablement
sur Dieu et sou devoir.
Comment se divisent les esprits? Il y a
d'abord les lions et les mauvais esprits :
c'est la division la plus générale, cest-à-
dire ceux qui incitent an bien et ceux qui
entraînent au mal.
Hais il j a des subdivisions nombreuses.
Saint Biemard, en méditant les saintes
Ecritures, a trouvé six sortes d'esprits. Il y
a l'espritt 1* divin, 2* aogélique, 3*diaboli«
que, «* humain, 5* de la chair, 6* du monde.
Mais comme Tesprit aogéliaue est gou-
verné par Dieu, et l'esprit de la chair et du
monde par le démon, voilà cinq classes qui
sont réduites à deux: c'esl*à-dire l'esprit de
Dieu et Tesprit du démon , et en y ajoutant
Tesprit humain, il en reste trois : le divin,
roumain et le diabolique.
Rossignol a suivi cette division
Godioez admet quatre sortes d espnts :
le premier est l'esprit divin et bon oui nous
sollicite, par la grâce, à bien vivre, a fuir le
péché« à fréquenter les sacrements, à assu-
rer par des moyens convenables notre per-
fection et notre salut. Le second est l'esprit
diabolique ou mauvais, qui vous pousse à
tous les péchés mortels auxquels peuvent
donner occasion les différents états particu-
liers, ou bien en faisant régner dans le fond
da cœur des intentions perverses. Il affecte
de montrer au dehors les signes du mérite
et de la bonté, et couvre ainsi ses vices du
manteau de l'hypocrisie. Le troisième est
Tesprit mondain, lequel, s'il se montre à
découvert, est profane, vain, adonné aux
délices et à la paresse; s'il est caché, il al-
fecte de Thumilité, il se méprise pour four-
nir aux autres une occasion de le louer ; il
se conduit par respect humain et sMnquiète
beaucoup ne ce que les hommes disent ou
pensent de lui ; il est tiède et lâche dans la
pratique des vertus intérieures; il est ardent
et attentif dans la pratique des vertus appa-
rentes, afin d*atUrer l'attention par sa vaine
6H
MS
DICTIONNAIRE
DIS
m
-humililé. Le quatrièmo est un esprit d*a-
oiour-propre, qui se préoccupe beaucoup
des commodités de la chair. Il a une certaine
prudence pour accommoder les actions ver-
tueuses selon les exigences do la sensualité
etde ladélicatessede la chair. Dans l'oraison,
il penche vers la méthode la plus facile et la
plus douce; dans Tobéissance, vers les prati-
ques les moins laborieuses; dans la pénitence»
vers les moins pénibles. Ce genre d'esprit
jouo, chez les commençants, le rôle de mé-
decin qui veut prévenir la maladie ou les
excès; chez les progressants, le rôle de la
discrétion, qui prévient les inconvénients;
chez les parfaits, le rôle de la prudence, qui
.veut trop prévoir et orévenir les moindres
inconvénients.
Mais ce médecin, cette discrétion, celte
.prudence ne sont autre chose que i'amour-
propre qui se cache sous ces divins noms.
Comme Tcsprit peut être envisagé comme
une inclination intérieure de fâme, on peut
le considérer, soit dans Tacte premier, en
tant que TAme est attirée par des habitu-
des naturelles ou surnaturelles, ou d^autres
dispositions permanentes; ou dans l'acte
second, en tant qu'il est mu h l'action par
des sollicitations indélibérées. Or ces mou-
vements, quand ils nous portent au bien,
s'appellent.în^ptra^tonf ;et instigalionSf quand
ils nous portent au mal.
Ces inspirations ou ces instigations rem-
plissent toute la vie spirituelle, soit ac-
tive, soit contemplative ; surtout elles abon-
dent dans le saint exercice de l'oraison. Les
inspirations sont comme le fond de l'o*
raison , et c'est par elle que Dieu nous j
parle ou bien nous répond quand nous lui
parlons. Ces inspirations peuvent être
telles dans un sens vague, etalors elles sont
simplement des inspirations, ou bien des
inspirations formelles, et alors on les ap-
pelle révélations. Nous traiterons d'abord
des inspirations dans le sens le plus étendu
.et le plus vague.
Précisons maintenant le sens de cette
expression : Discernement des esprits.
. Le discernement des esprits est un juge-^
ment par lequel un homme discerne, parmi
plusieurs tendances de l'âme dont les im-
pulsions sont obscures, de quel esprit elles
proviennent, du bon ou du mauvais.
Il y a deux voies pour arriver au discer*
nement des esprits : il y a la prudence hu-
maine, et la grâce gratis data, ou infuse par
Dieu lui-même. De la deux discernements
des esprits: Tun acquis, comme quelques^
uns rappellent, ou doctrinal , qui est un
art ou une méthode qui s'acquiert par le
travail et l'industrie humaine, en suivant
les règles assignées par les théologiens, les
ascètes et les mystiques; cet art discerne
les esprits et les mouvements de l'âme bons
et mauvais, soit en nous, soit hors de nous.
L'autre, infus ou degrâcei gratis datWf que
l'Apôtre désigne dans sa lettre aux Cor. i,
et que le cardinal fiona décrit ainsi : C'est
un mouvement particulier du Saint-Esprit,
ou une illumination de rosprit,;)our discer-
ner, parmi les différentes impulsions de
Tâmc, de quel esprit elles proviennent, du
bon ou du mauvais, qu'elles regardent la
doctrine ou les mœurs, que quelqu'un soit
excité intérieurement et mvisiblement , ou
qu'il le soit extérieurement par les hommes,
ou par les anges parlant sensiblement, ou
apparaissant dans certaines circonstances.
Voilà la grâce du discernement des esprits,
que saint Paul met en septième lieu parmi
les grâces gratuites que le Saint-Esprit
donne comme il lui platt, et à qui il lui plaît,
pour discerner les esprits non-seulement en
soi, mais dans les autres, pour la commune
utilité de l'Ëglise. Cette grâce, comme toutes
les autres grâces gratuites, n'a existé comme
habitude et de droit qu'en la seule personne
de Jésus-Christ; mais elle est communiquée
aux autres par un mouvement transitoire
de la grâce, quand et comme elle le veut.
Cette grâce est infaillible, mais non acquise;
de plus, elle est accordée non pour la pro-
pre sanctification, au moins directement,
mais pour la sanctification des autres ; d où
il suit qu'on peut quelquefois la rencontrer
chez les méchants. Cependant, comme elle
a besoind'ètreaccompagnéed'uneinfusion de
lumière naturelle,(iu'elle requiert cette tran-
quillité et cette paix intérieure, qu'on trouvo
rarement dans un cœur troublé des afTec-
tions du monde» de là vient qu'on ne trouvo
généralement cette grâce que dans les jus-
tes. C'est le sentiment longuement exposé
du cardinal Bona.
Il est difficile cependant de discerner les
esprits par la voie ordinaire, c'est-k-dtre par
la prudence humaine. Gerson a exposé cetto
difficulté (Alphabet 17) : « Il y a un esprit
de Dieu, dit-il, un esprit de 1 ange ; un es-
prit de l'homme, soit raisonnable, soit ani-
mal. La même inspiration peut procéder
quelquefois de chacun de ces esprits, quoi-
que d'une manière diverse. Hais il y a dans
cette diversité une certaine similitude qui
empêche de la saisir, lorsqu'on a peu ei-
périmenté ces choses, lorsqu'on ne les con-
naît ni par la perspicacité du génie, ni par
l'érudition des théologiens et des savants,
ou par une tradition bien éclairée. Il n'est
pas étonnant que nous trouvions peu de per-
sonnes qui sachent parfaitement discerner
les pensées et les affections de l'âme raison-
nable, en tant que raisonnable, des autres
qui sont animales ou fantastiques. Où trou-
verez-vous, je vous prie, des hommes crai-
gnant Dieu et fuyant le péché, qui discer-
nent clairement, pendant l'orage des passions,
si l'objet sensible du péché est seulement
dans le sens ou dans le consentement de la
raison? tant il est difficile de discerner le
sentiment du consentemenL Combien plus
grande devient la difficulté d'éprouver les
quatre sortes d'esprit que nous avons distin-
guées; et puis une mauvaise inspiration peut
prendre une forme qui la fasse ressembler à
une bonne. Le sens de l'esprit humain a
deux parties : l'une supérieure, l'autre infé-
rieure. Nous trouvons dans t'Ëcriture sainte
une uiirole qui fait sentir cette séfutratloo
ei.'ç
DIS
DASCETISJIE.
DIS
614
el qui ncnoirc jiisqu^à la division de Tâme
et de 1 esprit, c*est lorsque Mario s*écrie :
' Mon âme glorifie ie Seigneur^ et qu'elle ajoute :
Et mon esprit $*eit réjoui en Dieu mon Sati-
reur.9
C'est une obligation pour le Mattre de la
Tie spirituelle de discerner les bons esprits,
lie les approuver comme venant de Dieu.
I^s saintes Lettres nous l'enseignent ainsi
dans lérémie, xr 19: Si vous séparez ce qui
est précieux de ce qui est rtV, vous serez comme
ia bouche de Dieu; et chap. ti, 17 : Je vous
ai établi sur le peupte pour réprouver^ afin
de sonder leurs voies et de les connaître. Âui
Thessalon.» xii : If éteignez pas les esprits^,.,
éprouvez tout et retenez ce qui est bon. Joan.
IV, 1 : Eprouvez les esprits et voyez s'ils sont
de Dieu. Les saints Pères établissent la même
chose. Saint Cbrysostome a dit dans une
homélie: D'épaisses ténèbres sont répandues
comme un nuage sur tonte la terre. Or, au mi-
lieu de celte nuit, qui n'a pas même un jour
lunaire, Dieu a allumé, par la grftce du Saint-
Esprit, une lampe qui brille dans nos cœurs.
C'est pourquoi saint Paul a dit : ITéteignez
pas les espritSf c'est-i-dire le don du Saint-
Esprit. Et si l'esprit est éteint, tous savez
ce qui nous reste h nous qui marchons dans
cette voie ténébreuse. S'il est si difficile d'v
marcher terre è terre, combien sera-t-il plus
pénible de tenir le chemin qui conduit de
cette terre au ciel, si nous ne sommes
éclairés par quelques secours ? Saint Jean
Climaque (gr. S6), place un des modes du
discernement spirituel dans le sens intel-
lectuel discernant le vrai bien du bien na-
turel, et par conséquent le discernant de
Terreur. Il ajoute aue le démon s'etTorce,
avant tout, de nous faire négliger et mécon-
naître ce qui est bien. Voici comment s'ex-
prime saint Bernard : « Quand l'esprit nous
arrive-t-il ?Quand s'en va-t-il ? Voilà ce que
nous ne pouvons ignorer sans péril. Cfar,
lorsque vous n'observez pas les difTérentes
ofiérations de l'Esprit saint, il vous arrivera
ou que vous ne le désirerez pas absent, ou
que vous ne le gloriGerez pas présent. Car,
s*il se retire pour être plus avidement re-
ciierché, comment soupirerez-voos après lui,
si vous ne remarquez pas seulement son
absence ? De même, s'il daigne revenir en
vous pour vous consoler, comment le rece-
vrez-vous selon sa majesté, si sa divine pré-
sence vous reste inaperçue? Donc l'âme,
qui méconnaît l'absence, est ouverte à la
séduction : et celle qui ne remarque pas le
retour est ingrate pour la céleste visite. »
Le même point se prouve par la raison,
et c'est saint Thomas qui en fait les frais.
(1*2, q. 68.) Il nous enseigne que les dons
du Saint-Esprit, |qui sont en nous par l'in-
spiration divine, sont nécessaires au salut,
parce que la raison, en suivant ie mou-
vement des vertus seulement, en tantqu'elies
ne sont encore qu'imparfaitement formées en
nous, n'a pas tout ce qui est nécessaire au
szlut^ si l'impulsion du Saint-Esprit ne s'y
ajoute point. Cela est|évident par la parole de
saint Paul : Tous ceux qui se laissent conduire
par r esprit de Dieu sont ses enfants. D*où on
conclut de quelle importance il est de se
laisser conduire parles inspirations divines,
ce qui ne peut être, si on ne peut les con-
naître et les discerner comme telles.
Comment s'opèrent les inspirations? C'est
Dieu lui-même, en tant que cause première
principaleetsumaturelle, qui parleavecl'âme
dans ses inspirations; c'est le sentiment de
saint Denis et de saint Thomas.
Il y a pins, lorsqu*un ange nous inspire
quelque chose à faire ou à évi:er, il nous
1 inspire au nom de Dieu, qui daigne nous
Srler par le moyen des anges qui voient sa
2e et qui trouvent dans son Verbe les pa-
rolesqu ils ont à nous dire Ce rôle leur appar-
tient comme étant familiers et avec Dieu et
avec nous,ce qui est vrai particulièrement des
anges gardiens. Voici ce que dit à ce propos
^aintThomas : € Dieu illumine par lui-même
les âmes pieuses, a6n qu'elles comprennent
les choses qui apparaissent et qu*on appelle
divines. Hais si le ministère d'un ange e. t
appliqué à ce but, l'ange pourra opérer quel-
que chose dans l'esprit de l'homme, afin quM
saisisse la lumière de Dieu, ce qui arrive
en effet. Si on comprend alors que l'ange
donne Tintelligence à l'homme et qu'il ré-
claire, on ne peut l'entendre que dans le
sens où Ton dit qu'un ouvrier éclaire une
maison et la remplit de lumière, lorsqu'il
ne fait que percer des fenêtres par où passe
la lumière; en réalité il éloigne simplement
les obstacles qui empêchaient jusqu'alors la
lumière de pénétrer. » Il n'est pas toujours
facile de distinguer si Dieu inspire une âme
par lui-mêcne ou par un ange. Saint Bernard
dit à ce sujet : « Distinguer qui nous parle
n'est pas chose facile, l'ignorer est périllcuxt
surtout lorsqu'il est constant qu'un ange ne
parle jamais par lui-même; car c'est Dieu qui
parle par sa lK)uche. »
Au surplus. Dieu trouve en nous, soit du
côté de la nature, soit du côté de la grâce,
de quoi nous inspirer ce que nous devons
faire ou éviter dans la nature, par le dicta-
men de la bonne conscience appuyé sur la
syndérèse. Saint Thomas l'enseigne ainsi :
« Plusieurs disent : qui nous fera voir les
biens T La lumière de votre visage est gravée
sur nous, Seigneur, de là la conscience est
appelée dès l'origine un esprit correcteur,
un pédagogue associé à l'âme, qui sépare le
bien du mal. Toutefois, comme la lumière
naturelle ne franchit pas la sphère naturelle,
et dans l'ordre de la béatitude naturelle, il
a plu au Seigneur d'élever cette lumière par
des moyens surnaturels, jusqu'au point où
elle est ntile dans l'ordre de la béatitude
sornatu:e.le. Dieu semblejeterdessemencis
de révélations supérieures, particulièrement
la foi vive, selon cette parole [Act. xv) :
Purifiant leurs cœurs par ta foi et la charité:
selon cette autre parole (11 Cor. v, li) :
La charité de Jésui-^hrist nous presse. »
RÈGLES POUB LE D1SCEB3IEMENT HES BSPBrTS*
— Il faut maintenant établir des règles d'a-
près lesquelles on discerne quelles sont les
au
DIS
NCTIONNAïaË
DIS
616
esprits bons et quelles sont les inspirations;
si elles ?îennent vraiment de Dieu.
llfautqu*ensuivant ces règles Tâme puisse
distinguer doctrinal emeot en elle-mônie, et
le directeur dans les autres» ce qui vient de
Dieut aQn de l'approuver et de le retenir.
Ces règles sont appuyées sur la doctrine du
cardinal Bona {Dtscernem. des esp. c. 6.), de
Louis Du Pont (Com. sp.f tr. 1, c. 21), d'Al-
varez {De. la vie $p,<, t. Ili), de Godinez
X TheoL myst,^ liv. i\ ), de saint Ignace
(ExerciLt fc' sem.).
Première règle. — Les bonnes inspirations
se connaissent par leurs fruits.
Cette règle est la plus universelle et fon-
damentale. £lle est fondée sur la parole de
^otre-Seigneur {Math, xii]. Vous les connais
Irez par leurs œuvres. Saint Paul reproduit
la pensée de Jésus-Christ, en disant (6a-
lat. y, 22) : Le fruit de l* esprit est la cha^
ritéf et /ti/ote, etc.
De même que nous connaissons un bon
arbre par ses fruits , ainsi nous distinguons
avec certitude une bonne inspiration, une
inspiration divine , si elle fait produire de
bonnes œuvres. Sur quoi il faut observer
que quand on parle des bonnes œuvres qui
sont une indication des inspirations , nous
entendons parler, non de telles ou telles
actions en particulier, mais des bonnes œu-
vres prises en général» considérées en soinnie.
Car, pour telle œuvre particulière, il peut y
avoir illusion, mais Tillusion ne peut alTecter
un ensemble de conduite, un temps pro*
longé.
Saint Bernard confirme cette règle en di-
sant : € Ce sont les actions et non les pa-
roles qui séparent les enfants de Dieu des
enfants de la malice. Je veux que vous
TOUS appliquiez ces paroles âifi Jésus-
Christ , et que vous en montriez en vous l'ap-
plication : Les œuvres que mon père m'a
données à faire rendent témoignage de moi.
{Joan. V, 36.) » Ainsi, en réalité, l'esprit de
Jésus-Christ rend témoignage à notre propre
esprit que nous sommes les enfants de
Dieu , lorsque, par sa vertu, des œuvres de
mort il nous élève aux œuvres de vie.
Gerson dit de son côté : Il faut que nous
sachions prendre des signes dans les œuvrer.
D'où il faut conclure : 1** qu'il a un bon
esprit, le chrétien fidèle qui observe la
loi de Dieu et les obligations de son état;
2* le Chrétien fervent qui vaque pieusement
à l'oraison, à la fréquentation des églises,
à l'audition de la parole de Dieu dans les
sermons, qui fréquente les sacrements;
3* c'est un bon esprit, celui qui aime à exer-
cer la charité, à donner l'aumône, à' faire
les œuvres de miséricorde corporelle et spi-
rituelle, en enseignant, en préchant, en con-
fessant ; 4* c'est un bon esprit, celui gui est
austère, aimant le silence et la pénitence,
quoiqu'il soit encore légèrement souillé par
le venin delà propre volonté, si d'ailleurs il
s'adonne avec humilité à l'oraison mentale :
mais qu'il prenne garde à lui, car il est
exposé au péril de la vaine gloire ; S' c'est
un bon esprit que celui qui pousse &
la solitude, à a recollection, aux habits
pauvres, à une habitation chétive, mais coq.
venable, à une. nourriture grossière, mais
sufiisante ; 6*. c'est un bon esprit que celai
qui aime de longues et de douces médit»^
tions, quoiqu'il ne se livre qu'avec réserve
à la pénitence et h la mortification, si cela se
remarque dans les commençants et dans les
privilégiés : en d'autres, il faut le tenir pour
suspect. Il serait préférable âe remarquer le
contraire, c'est-k-oire que la ^mortification
l'emportât sur l'oraison.
Seconde règle^ tirée des bonnes œuvres tn-
tirieures.^Oti doit regarder comme certain
que l'on est mu par un bon esprit, lorsque
non-seulement on produit de t)onnes œuvres
extérieures, mais encore qu'à ces bonoes
œuvres s'ajoutent les bonnes œuvres inté-
rieures, c'est-à-dire un grand goût intérieur;
ainsi l'on ne peut méconnattre Tinspi*
ration divine lorsque, par exemple, un pé-
cheur, en même temps qu'il pratique aoe
pénitence extraordinaire, change enmèue
temps de vie et de sentiment, lorsqu'un
tiède devient fervenl et ardent , lorsqu'un
commençant ou un progressant et même un
parfait font des progrès rapides dans la pra*
tique des vertus.
Saint Bernard, dans son vingt-troisième
sermon, donne cette règle. « Ne doutez pas,
dit-il, que vous avez 1 esprit de Dieu, qui
vous parle par lui-même ou par votre ange,
lorsqu'en châtiant votre corps, en hamiliant
votre cœur, en conservant ta charité parmi
les frères, et dans la pratique des autres
vertus» vous ne sentez dans votre ftme one
des mouvements pieux et des pensées saiu*
laires. »
Saint Ignace nous dit : « Croyez gua
vous avez en vous une consolation spiri-
tuelle, lorsque, par un mouvement iDlé*
rieur, vous sentez augmenter sensiblement
votre amour pour le Créateur, et que vous
sentez également que vous n'aimez plus les
créatures que pour Dieu ; lorsque vousrépan-
dez des larmes qui provoquent cet amour,
qu'elles soient excitées, ou par le regret du
péché , ou par la méditation de la PassioUf
ou bien qu'elles proviennent d'une autre
cause qui se rapporte à l'honneur de Dieu.»
On peut encore regarder comme une faveur
du ciel tout ce gui augmente la foi, V^sfé-
fance et la charité : de même toute joie qui
élève l'Ame à la méditation des choses cé-
lestes, au zèle pour son salut, à la tranquil*
lité et à la paix dans le Seigneur. Gerson
renseigne en s^appuj^ant de l'autorité de
saint Grégoire et de saint Augustin
Cependant , comme ces choses se passent
dans l'intérieur de l'Ame, elles ne sont con^
nues que médiatement parle directeur, ^ui
n'en peut faire usage pour les autres quen
éprouvant la sincérité' et la véracité de celui
qui lui allègue ces impressions.
Voici les conséquences qui suivent des
E oints précédemment établis. 1* Lorsque les
onnes œuvres exlérioures sont accompe'
gnées de louables sentiments intérieurs ou
■
I
I
( bon
lie co9
«Bur
Uon.
pour U charil
terreur excède
nés de la pni '
sa substance,
tolon tiers qui troi
latioDS dans la ~~'
Tolontiera, s'at
d'iiltei
DIS D'&SCE
œuvres iolérieures, aui sont
Il le principe et l'âme des ezté-
elles procèdent éridemmeot
" 2*'L esprit boa est un esprit
et de contrition , car un
lumilié est inème dans un
leucementde toute perfec-
ferrent, humble et zélé
prochain, quoique sa
luefois les justes bor-
.est bon au moios dans
[esprit qui se recueille
< du charme et des conso-
de Dieo , gui s'accuse
. se ώiirise, |qui se
devant Dieu comme
inconstaol et ingrat ,
bon, sûr et capable des
I. 5* Un esprit cootem-
irvalle ses regards sur
int quelquefuis sur la
faisant son orcupatioa
sur la passion et It
, satisfaisant aux
esprit
klésus-Cbrist est la i
d'une grarde orais
cette porte el elle .
Iliomilité. Allons doacn
nous j trouverons tous IJ
spirituels.
Troisième riait : L'k
les les
joe d'une vie t
Va des sifïnes Tes plus assurés
Dieu est celui qui s'imprime di
du cœur. Les preuves en sont dans
sainie ('m. LXiit 15) : Voici ce ,
groMâ et U tubtime qui kt^iU l'éttmité, dont
t€ mvm til taiiU dmu U ciel, qui kabitt la
taimitli, tpù e»t avtc retpril contrit et hu-
wùliéf ofM qu'il vivifie un cour humilié et
qu'il einfie un eaur contrit. Etc.Lxir,3:5ur
qui jtlterai-je me» regard*, n ee n'eet jur
eeiui quiett pauvre, contrit de cmur, et crai-
gnant ma parole?— Pt. cixxril : LeSeigneur
rtt grand, §on regard tombe lur les cJtoies
kitmOlet. — Lue. i: Il a regardé l'humilité
de sa servante. Salut Bttriiard s'exprime ainsi
dans son 69* serm, m Cant. Cant. .- ■ Si je vois
mes sens s'ouvrir à l'intelligence des saintes
Ecritures et des discours de la sagesse, tout
mon Être s'enOjmmer pour ainsi dire, et
(•énélrer les mystères avec une nouvelle
lumière, et m'ouvrir en quelque sorte un
coin du ciel, en faisant tomber sur mon Ame
l'abondante rosée des douces môdilatious,
alors je ne doute point que l'époux est pré-
sent. Car voilà les riuliusses du Verbe, et
uous recevons de sa plénitude. Si en même
temps je sens le charme d'une humble dé-
votion, qui engendre la haine de la vanité par
la découverte de la vérité, de peur que la
science ne vienne m'enOer, et que les vi.sites
fréquentes et intimes ne me poussent à
l'orgueil, alors je comprends que l'on tient
envers moi une conduite paternelle; je ne
•loule plus que mon père ne fait près de
tat/i. > £t Gerson avoue que ce seul signe
tuint pour reconnaître les esprits bons.
DiCTioiia. D'AsctrisME. I.
nSHE. KS «S
a Tous les avertissemenls intérieurs, tous
les mouvements véhéments... tonte noira
opération intérieure ou extérieure, si elle
est précédée de l'bomilité, si l'humiliti
l'aocompaf^na et la suit, si rien ne s'y ajoute
2ui lui nuise, crojez-moi, c'est une marqua
TÎdeute que ces choses viennent de Dien
ou de son ange, et tous ne vous trompei
pas. »
En effet l'esprit malin, qui est tout d'or-
gueil, ne peut enseigner l'bumilité.
Concluez de Ik: 1' qu'un esprit qui, k
mesure qu'il est bvonsé des consolations
célestes, des larmes, des visions, des extases,
devient par M même pins bumble, timide
et reconnaissant, et qui en même temps
parait plus petit et plus vil à ses propres
yeux, s'en rapportant en tout à son père
spirituel , écarte la volonlé propre et la
confiance en soi, celui-là est un e«pril bon,
saiut.etsAr; 9* qu'un esprit dont les divines
faveurs t<mibeot sur le fondement solide
des vérins morales de l'obéissance, de la
chasteté, de la pauvreté, de l'humilité et de
"^ipe, surtout si ces vertus s'accrois-
I perfectionnent avec la réception
^^Fces laveurs, est aussi un esprit bon,
'"soli^^Rûr. S'il crainlîes louanges humaines
, engendrant la vanité : ou bien
ut écouter les louanges sans dan-
ans sQaiblissement pour son faumi-
fc'est une marque de la solidité de ses
LIS. 3* Les esprits extraordinaires qui
. même des miracles, s'ils fuient l'applau-
^ement humain, se cachent eus et leurs
aveurs, ont horreur des louanges, suppor-
enl le mépris avec sérénité, fuient les dé-
lices et les commodités, l'impatience et la
singularité, sont do bons esfyrils; si cepen-
dant après coup ils donnaient dans quelques
singularités, s ils retiennent de la volonté
propre, s'ils n'ont |ias horrcurdes louanges,
qu'ils fuient et se uacbeul, autrement ils sa
perdraient; concluez^* qu'un esprit pauvre,
et humble, qui prend les honneurs pour nn
déshonneur , I applaudissement popolaira
uour le démon, qui cacbe comme il peut
les faveurs divi:ies, qui se platt dans les ré-
duits obsrurs loin de la place imblique. est nn
esprit qui vient de Dieu, se perfectionne par
le don de la contemplation, ei s'bumilie de ses
laveurs elles-mêmes ; si cependant il jouît
du don des miracles, qu'il prenne garde de
ne plus jouir de lui-même. Un tel esprit
peut bien être assez fort, pour porter les
louanges qu'il n'a point recherchées, mais
s'il les recherchait, elles deviennent peut être
des coups mortels; 5* que ne point désirer
les choses Extraordinaires, soit dans les
vertus, soit dans les révélations, mais plutôt
les fuir, autant qu'il se peut, et ne songer
au'à s'avancer dans la perfection chrétienne;
e plus se juger indigne des faveurs reçues,
tout reporter à Dieu , craindre un grand
compte à rendre dans les révélations ex-
traordinaires, ne se préférer à personne, et
ne révéler les faveurs -que par la vertu
d'obéissance ; c'est avoir un bon esprit.
Quatrième règle : Aimer la souffrance et U
«19
DIS
MCTIONNAIRE
DIS
m^rif.-^ Désirer de tout son jcœut souffrir
et être hamilié, se r^ouir au milieu des
MHiffrances et des affronts, est iia signe évi-
dent d'une profonde humilité et de la pré-
sence de l'esprit de Dieu. Ceci est souvent
exprimé dans l'Ecriture sainte (Maith. iw) :
Heureux ceux qui touffreni pertecution pour
la justice : — Aci. y : Les apôtres sortaieni
joyeux de V assembliez parce qu*ils furent fugés
dignes de souffrir quelque chose d^humtliant
pour le nom ae Jisus^hrist. — / Peir. iv : Si
vous êtes injurié pour le nom de Jésus^hrist^
vous êtes heureuXf car son esprit repose en
vous.'-'Galat. ti : A Dieu ne plaise que Je me
glorifie en autres ckosesqu'enla croix de Jésus»
Christ. Saint Jean Cnrjsostome dit dans
Thomélie sur le don de souffrir pour Jésus :
« C'est un don g^tuit» et plus digne d'ad-
miration que de ressusciter les morts et
d'opérer de grands prodiges, car ici je suis
débiteur et là j'ai Jésus-Christ ponv déoiteur.
11 ne faut donc pas alors avoir de honte,
mais se réjouir comme d'un don gratuit. »
Et saint JBernard dit dans son sermon 25
in Cant. : « L'épouse met ingénieusement
sa gloire dans ce qui doit l'humilier aux
yeux de ses rivales; elle ne dit pas
seulement qu'elle est belle, mais qu'elle est
noire. Elle ne rougit pas de cette désagréa-
ble couleur qu'elle reconnaît avoir existé
dans son époux. Elle ne conçoit rien de
plus glorieux pour elle que do porter l'op-
probre du Christ. »
Tirez de là d'importantes couséquences :
l*que c'est un bon esprit, celui qui se recuit
de passer pour imparfait, hvpocrite, ou im*
posteur, pourvu qu'il ne fournisse à cela
aucune occasion coupable ; 2* qu'il est bon
encore, l'esprit qui se réjouit de ce que
son confesseur a de lui une petite idée, mais
sans sa faute, et qui le croit dans rillusion;
3* c'est un bon esprit, selon saint Ignace, de
répugner non eu partie, mais en tout, à ce
que le monde aime et poursuit, et de dési-
rer et d'embrasser tout ce que Jésus-Cbrist
notre Seigneur a désiré et embrassé... de
toile sorte que si cela se pouvait sans offen-
ser la divine Majesté et sans préjudice pour
le prochain, les personnes qui ont cet esprit
Tondraient souffrir les injures^ les faux témoi-
! pages, les accusations, et enfin passer pour
dlles, pourvu qu'il n'y eut pas de leur faute,
et quand même il n'en reviendrait pas plus de
S;loire à Dieu, mais pour leseul motifde suivre
ésus->Christde plus près. Elles préfèrent être
avec lui pauvres, méprisées, endurant toutes
sorte de privations, et passer encore pour
insensées, que d'être dons les honneurs et
jouir de la réputation de sages.
Cinquième, règle : Résignation à la volonté
de Dieu et de son directeur. — La règle capi-
tale fK)ur le discernement des esprits est la
résignation de son propre jugement, de sa
propre volonté surtout, à la volonté et au
jugement de ceux qui tiennent la place de
Dieu dans la conduite de l'ftme. Cette double
soumission est clairement indiquée dans
l'Ecriture. D'abord dans Isaîe^ tx* Le Sei-
gneur Dieu m*a ouvert rentendement^ et je ne
le contredis point : je ne suis pas retourné en
arrière. — Aci. ix : Seigneur, que voulez-vous
que je fasse? — Luc. x : Celui qui vous écouts
m'écoute. Quoi de plus clair que ces paroles
adressées à Paul {Act. ix } : Levez-^vous^ en-
trez dans la ville^ et là vous apprendrez par
Ananie ce que vous avez à faire.
De là saint Bernard s écrie: t Heureux
celui qui dit : Et moi je ne contredis point.
Voilà la formule de la vraie obéissance. »
Les Pères de l'Eglise d'&^pte, voulant
éprouver l'esprit de saint Siméon Stylite,
ordonnèrent qu'il descendit sur-Je-cnamp
de la colonne, sur laquelle il menait une vie
si austère. Aussitôt il se mit en dcTOir de
descendre et d'obéir aux Pères; ce que
voyant, ils s'empressèrent d'approuver I es-
prit qui ranimait, et lui permirent de conti-
nuer son genre de vie, jugeant par son obéis-
sance qu'il vivait en Dieu.
D'où nous concluons qu'il est mû par un
bon esprit: 1* celui qui» dans toutes les for-
tunes bonnes ou mauvaises, se soumet à la
volonté de Dieu, comme un enfant à son
père, qui ne fait pas attention à réléganc6
des vêtements, à la commodité de sa de-
meure, aux attentions ou à l'indifférence
des personnes qui sont avec lui; 2* celui
qui, même dans la poursuite de la perfec-
tion et dans l'acauisition des vertus, se con-
forme à l'impulsion des inspirations de la
grâce du Saint-Esprit, et ne va ni plus vite
ni plus lentement qu'elle lui commande,
car chacun doit marcher selon la mesure
de grâce dont il est favorisé, et non selon la
mesure des autres; 3* celui oui en tout
point se conforme à la volonté de son guide
spirituel, se conGe en lui avec abandon, se-
lon tous ses avis et conseils, et cela avec
fidélité et humilité.
Sixième règle : Il ne faut pas approuver
facilement les inspirations extraordinaires.
— Il y a des inspirations au dessus et même
contre les lois oriiinaires de la Providence :
en suivant les règles ci-dessus posées, ou
f^cut Ips approuver, comme on Ta vu dans
'exemple de saint Siméon Stylite. Mais
communément parlant, il n'est pas aisé
d'appliquer ici à coup sûr les règles du dis-
cernement.
Saint Augustin nous rappelle qu'il est pru-
dent de nous en tenir aux choses ordonnées
par les règles qui sont selon l'ordre établi, et
saintBernard,qù'il faut user d'une grande mo-
dération et discrétion, là où l'on ressent une
ardeur extraordinaire.
En effet, un esnrit discret et tempéré ne
nous pousse qu'à des choses ordinaires, ac-
commodées sans miracles aux forces de cha-
cun, et ces voies sont plus sûres que les
voies extraordinaires et inusitées, dans les-
quelles il y a plus de péril, et où l'esprit
malin se platl à livrer ses assauts, parce
qu'il y obtient du succès.
Il faut que le directeur delà vie spirituelle
prenne carde d'approuver trop fadlemeol
des inspirations très-véhémentes, de les ao-
cepter trop vile comme divines* à moin^
qu'elles ne s'aila[»lenl assez bien aux forces
DIS
D'ASCKTISMK.
D!S
6iS
da^rpSfk i*<Ut el à la condition, à l'édifi-
cation publique» aux habitudes enfin de la
[lersonae; ce qui est surtout Trai pour la
pratique eitérteure des vertus. Dieu inspire
à tous de progresser de plus en plus dans les
rertas intérieures d'humilité, de patience,
d'obéissance, d*aiDOur de Dieu et du pro-
rbaio. Mais dans la pratique extérieure de
ces vertus, quoiqu'il convienne à tous de les
loeUre en œuvre, chccun selon ses forces, ce*
pendant il convient de le faire avec mesure ;
car si souvent Dieu nous excite à des entre-
prises qui sont l'expression d'une haute ver«^
lu, comme i'entrée'en religion, le naartyre, les
missioDS étrangères ; ilseplatt aussi souvent
à mettre des obstacles à ces élans dans l'exé-
cution; il se contente de notre désir; et
alors il faut, pour que l'esprit soit, qu'il se
soumette à ce qui parait moins parfait,
fuirce qu'une autorité- légitime nous ar-
rèle.
Il n'est pas moins nécessaire de discerner
les mauvais esprits que les i)ons, car autant
il importe de suivre les inspirations, autant
il est dangereux de suivre les suggestions.
Malheuff s'écrie Isaife (vj, d voum q,ui appelex
U mal un (t'en, el le bien un mal ; et les Pro-
Hrbtê (xvn) : Celui quijuMlifie l'impie et q,ui
condamne le juste est abominable devant Dieu;
et saint Paul : Je crains qu*ainsi qu'Eve fut
Udaite par le serpent et son astuce^ ainsi vos
mt ne se corrompent et ne perdent leur sim*
pliàté, qui est dans te Christ,,., Satan se
traniforme en ange de lumière, — / JtV/i. iv,
1 : L eiprit annonce manifestement que dans
/ei derniers temps quelques-uns s'éloigneront
itla fùi^ écoutant l'esprit d'erreur et la doc^
irine des démonSf fartant avec mensonge la
t^ifue de fhypoemie. Il faut donc éviter
d'appeler le mal un bien, c'est-à-dire de
jusufler Timpie, de laisser corrompre ses
sens par l'astuce du défiion, de prendre Sa-
lao pour un ange de lumière. Il faut se gar-
<ier de l'esprit d'erreur et de mensonge, et
pour cet etfet, il est nécessaire de s'exercer
aa discernemeut des mauvais esprits.
f«s saints Pères enseignent cette doctrine,
^l Chrysoslome, reprenant sqs auditeurs
(le la paresse è repousser les insinuations
de l'esprit malin, dit : « Ayez soin de vous
eorironner de toutes paris d'armes spin-
taeiles, de découvrir ses pièges et ses arti-
^f de peur que, taudis que vous lui échap-
pa» .vous ne rappeliez vous*mème en
discuiant ses perfides propositions. »
< Gardons-nous, dit saint Jérôme, de pren-
dre la vérité pour le mensonge et les ténè-
bres pour la lumière. » Saint Cyrille de Jéru-
^em nous avertit « que nous avons besoin
d« la grâce divine, d'un esprit prudent, d'un
^1 eiercé pour ne pas confondre la zizanie
^rec le froment, le loup avec Tagneau, le
IJf mon avec le bon ange ; » et saint Grégoire
dira que « ce léviathan tente d'uue manière
^'âmes religieuses et bonnes, et d'une au-
ire les mondaines ; car il offre ouvertement
^ celles-ci les objets qui charment leurs
Koût5, mais aux Ames pieuses il ne pré-
*«uie le mal que déguisé el avec les cou-
leurs de la sainteté. » Saint Laurent Justi-
nien dit : « Il importe beaucoup que l'Ame ne '
soit pas ignorante des célestes inspirations :
il faut qu elle use d'une grande vigilance en
ce point; autrement elle accueillerait bien
des propositions du séducteur et résiste-
rait à l'arrivée de Tépoux; t
La raison nous dit la même chose. La
démon, la chair et le monde font une ligue
de tentation pour nous entraîner dans la
perdijtioo; il raul donc être vigilant et tout
œil pour ne pas se méprendre dans leurs
suggestions, et ne pas tomber dans le mal
par surprise ou par eîitraluement. Le dis-
cernement des mauvais esprits est donc
absolument nécessaire.
C'est pourquoi on a sagement établi des
règles d'après lesquelles on connaît les sug-
gestions des mauvais esprits pour les éviter.
Première règle: S'il suggère quelque chose
contre la foi et les mœurs, — $i un esprit
vous pousse è entreprendre quelque chose
contre la foi et les bonnes mœurs, c'est une
marque infaillible qu'il est mauvais, parce
qu'un bon arbre ne peut pas porter de mau»
vais fruits {Batth. vu, il), et aussi selon
ce que dit saint Paul [Eph. i) : Quand un
ange du ciel vous évangéliserait des choses
contraires à celles que nous vous avons an^
noncées^ quHl soit anathime. Le Saint-Esprit
ne peut pas se contredire lui-même, ni ins-
pirer ce qui est démenti par l'Ecriture
sainte, les conciles et les décisions solen-
nelles des vicaires de Jésus -Christ. Ceux'
qui s'écartent de cette règle sont trompés
1>ar Satan : ils prennent pour régulateur, non'
a voix de l'Eglise et ce que Dieu a révélé,
mais leur propre instinct, leur coupable cré-
dulité, et dès lors ce ne. sont pas des esprits
éclairés, mais des esprits ténébreux.
En conséquence, sans parler de l'esprit des
gentils, des Turcs et des Juifs, 1* reconnais-
sons pour un esprit très-pervers celui du
Chrétien qui se sert des choses qui sont à son
usage dans le monde, pour violer la loi de
Dieu par une suite de fautes graves, et avec '
obstination ; 2* celui des hérétiques, des faux
illuminés, des schismatiques, qui se sé«
parent du chefsouveraincle l'Eglise, comine
ues membres mourants ou morts ^ qui ensei-
gnent des dogmes pervers ou contraires
aux bonnes mœurs ; 3* il n'y a qu'un esprit
pervers qui pense mal et parle mal dts
images des saints , des inclulgences , û^s
saintes reliques, etc., moyens pieux et
saints par lesquels l'Eglrse nous conduit
doucement comme par la main , pour nous
élever insensiblement aux choses et aux
idées qui sont représentées par ces objets.
Arrêtons - nous un instant à présenter
quelques considérations sur les images. Quoi-
qu'ebes soient, comme nous venons de le
dire, des moyens de nourrir la piété, la
méditation, ï\ faut se garder cependant de
laisser pénétrer des abus dans l'usage
que nous en faisons. Saint Jean de la Croit
a sur ce point fait des remarques Irès-judi*
cieuses. Q^APt à ce qui concerne les iiua^ •
i^
DIS
nCTIONNAlRE
DIS
ges» dil-ily il peut y entrer une grande
vanité ou une vaine complaisance. EnefTeU *
quoiqu'elles servent au culte divin et nour-
rissent la piété , comme le prouve Tusage
constant et l'approbation qu'en donne no-
tre mère la sainte Eglise, cependant il y a
un bon nombre de personnes qui s*atta-
chent aux images par un goût mondain, soit
l raison de leur élégance, du prix de la
matière, de la perfection de l'art, plutôt que
pour s'élever a l'idée et à l'objet saint et
chrétien qu'elles doivent nous rappeler.
C'est pourquoi saint Jean de la Croix con-
seille d'avoir pour son usage plutôt des
images simples et qui suffisent pour nous
rappeler les pensées utiles, que des images
3ui parlent à notre imagination par le côté
e la vanité ; il ne veut pas qu on en ait
un trop grand nombre, qu'on f mette trop
de soin et de curiosité ; particulièrement,
il défend d'en avoir beaucoup attachées à
son rosaire.
Sainte Thérèse aérant lu ce passage oans
les œuvres du saint, penchait pour empê-
cher ses religieuses de s'occuper des figures
et des autres embellissements (jui or-
nent les livres de piété. Mais Dieu
lui donna une explication en lui deman-
dant : « Lequel des deux vaut le mieux, ou
la pauvreté ou la charité? Si donc la charité
vaut mieux, laissez vos religieuses s'eccu*
per de ce qui nourrit leur saint amour. »
Cependant il faut prendre garde que le
démon ne trouve dans ces objets, et par la
curiosité qu'ils inspirent, une voie cour
entrer dans l'âme, surtout lorsque ces ima-
ges ont des accompagnements singuliers
qui conviennent peu au sujet.
Seconde règle : Si le fond det peneéee ou des
affections n'est, pas moralement bon. — Si le
fond de la pensée ou des affections est vicié
eu quelque chose, dans un sens contraire à la
foi et aux bonnes mœurs, soit dans son com-
mencement, soit dans ses progrès, soit dans
son but, alors croyez que vous avez affaire
avec un esprit mauvais. Il ne faut pas perdre
de vue qu'une chose bonne cesse de l'être
SI elle ne l'est pas intégralement. Le moindre
défaut ou la moindre imperfection gflte une
bonne œuvre ; et un acte de vertu doit être
irréprochable sous toutes ses faces et sous
tous les rapports ; ce que le Saint-Esprit nous
enseigne dans le ps, xxxvi : Ecartez le mal
et faites le bien.
11 suit de là, 1* que c*e$t un mauvais es-
prit en religion que de pervertir en la trans-
formant la manière de vivre parfaite et spiri*
luelle, qui consiste à ne pas chercher ses aises
et ses commodités; que d'introduire des
goûts mondains qui respirent plus la sen-
sualité que la sainteté. Chargés de péchés se-
crets et publics, ces mauvais esprits abusent
des liensde la religion pouropérer leur propre
damnaliou.3*C'estunmauvaisespritquecelui
qui abuse de certains sacrements et de cer-
taines pieuses pratiques ou coutumes, pour
arriver à un bénéfice temporel et s'enrichir.
S" Cru un mauvais esorit, celui qui sème la
désunion et la discorde. V C'est un espnt
mauvais, selon saint Içnace, celui qui se
transformant en ange de lumière, inspire aux
Âmes d'abord de bonnes pensées, puis inseo-
siblement les détourne à des objets criminels.
Selon le même saint, il faut soigneusement
discuter toutes ses pensées et ses projets, par
rapport à leur principe , h leurs moyens
d'exécution et à leur fin ; car si on les trouve
irréprochables sous ces trois rapports, c'est
une preuve que tout vient du bon ange, et
qu*il nous a inspirés. Si au contraire nous
avons trouvé quelaue chose, soit dans le
principe, ou dans l'exécution, ou dans le
but, non-seulement qui soit mal, mais qui
soit défectueux, et qui ait une tendance au
mal, alors il faut penser que cet esprit per-
vers s'est mêlé dans votre projet , surtout si
vous remarquez la queue Ju serpent, c*esl-
à-dire si la un de l'action n*a pas une ten-
dance assez pure, quand« même le but se*
rait bon et nonnète, ce qui est cependant
un signe assez marquant d'une louable ac-
tion. Cependant ihfaut encore voir si la ma-
tière, l'objet et les moyens y correspondent
dans toutes leurs circonstances; s'ils n'em-
pêchent fias un plus grand bien : alors il fau-
drait tenir l'action, bonne en apparence,
pour suspecte.
Troisième règle : LHntervention de VorgueU.
— De toutes les causes qui peuvent vicier un
esprit, même bon d'ailleurs, la plus active
est l'orgueil même caché et spirituel en ap-
parence. Si en effet l'humilité seule, une
profonde humilité, est un signe qui décèle
un bon esprit, de même l'orgueil seul est la
marque du mauvais esprit, et. cet orgueil
peut atteindre même les hommes d^à avan-
cés dans la perfection et dans l'esprit d'orai-
son, ou qui ont reçu des faveurs célestes
assez considérables. Le Prophète (ps. cxii)
a signalé ce danger : Seigneur ^ mon cœur ne
s'est point enfléf et mes yeux ne se sont pai
élevés.
De là saint Augustin nous dit : «Combien
donc devons-nous craindre Torgueil dans les
dons de Dieu, quoique nous dussions tanijf
porter notre amour. » — «Le faux ange de
lumière, dit Gerson, sème d'abord Tesprit
d'enflure, et le pousse à désirer être d'ans
ces. distinctions, afin qu*il se croie sat^e et
se regarde avec un œil de complaisance : ce
qu'ayant obtenu, il le conseille et Tiliu-
sionne, le pousse et le joue comme il le
veut, à moins d'une grftce particulière : bien-
tôt rhomme est un démon pour lui-roéme;
il se trompe, s'enveloppe de fantômes séduc-
teurs; et de sage qu'il était, la propre adula-
tion en fait un insensé. »
Le corollaire de ces principes est : 1* qu'il
faut re^cder comme un esprit mauvais ce-
lui qui introduit l'illusiou et Terreur au
moyen de cérémonies pieuses, de paroles
dévotes, de vertus apparentés. Les hommes
parlent bien, agissent mal , et ils regorgent
intérieurement de péchés; 2* qu*il faut
prendre pour un mauvais esprit celui qui
rend certains hommes vains, superbes, an)-
.bitieuXi s*impliquant dans toutes sortes d af-
0*ASCEnSME.
ms
faires, turbnieols, qai, avec trois ou quatre
Yertus afMMrenteSy chercheut k couvrir deux
ou trois muzaioes de vices secrets et ou-
blies, et qui dégéoèreot en personnes lort
Tîdeuses; 3* qu un esprit qui a de Tapprêt»
qui use de petits mensonges, de petites du-
plicités^ qui est cérémonieux, est un esprit
bjpocnti»; et, qu'è travers la splendeur de
ses vertus extérieures, il court après sa pro-
pre esUme,*et est blessé intérieurement de
iiien des vices; k* qu'un esprit austère et
fort pénitent, qui devient vain et plein de
jactance, dès qu'il a écouté les approbations
populaires, est un esprit mauvais : sa péni-
tence est une ftbrique de vaine gloire et de
superbe; 5* que c'est un esprit mauvais, ce-
lui qui se persuade qu'il a acquis la sain-
teté par sa propre sagesse, qui exagère sa
vertu, la met au-dessus de celle de ses voi-
sins ; celui qui désire des dons extraordi-
naires, ou qui s'en glorifie s'il lui en vient,
qui s'agranait en rapetissant les autres, sous
prétexte d'un bien, et trouve toujours quel-
que motif spécieux de préférer son senti-
ment par orgueil.
Quairiiau règle : La grande * tristesse
dame te méprie. — Si quelqu'un est attristé,
se sent l'âme abattue, parce qu'il est mépri-
sé, c'est un indice, sinon d'un mauvais es-
prit, du moins d*un esprit imparfait, surtout
s*il a ea l'avantage de quelque faveur parti-
culière de Dieu. Car ceux qui sont bien se
r^ouisseat moins des dons de Dieu et de
ses laveurs que des chagrins et du mépris ;
et ils travaillent, par la mortification, au re-
noncement d'eux-mêmes. C*est ainsi que
TApAtre parie, malgré lui, de ses sublimes
communications {ifCor. xn) i Je ne me glo-
rifU de rfeie^ einen de mes infirmités. — ...Je
me glorifie volontiers de mes infirmités, afiri
que la vertu dm Christ demeure en moi. (Test
pourmsoije me complais dans mes infirmités,
damM tes mépris, dans les nécessités, dans les
persécutions, éùms les embarraSf pour Jésus-
Christ.
Ce qui liiit dire k saint Augustin : « L'Apô-
tre pouvait dire : Je me complais dans la
sagesse de Jésus-Christ, et il eût été vrai ;
dans sa majesté^ et il eût été vrai; dans sa
puissance, et il eût été vrai ; mais il a mieux
aimé dire : Je me complais dans sa croix :
là ou le philosophe mondain rougit , l'apô-
tro da Christ trouve un trésor. »
Celui-lk donc a un esprit mauvais qui ré-
pugne à rhomiliation ; de même celui qui
souffre les peines avec humilité, mais qui ne
travaille pas par la mortification atr renon-
cement de lui-même» n'a qu'un esprit et une
vertu suspects.
Cinquième règle: tTétre point soumis à la
volonié de Dieu ni de ses supérieurs. — C'est
la marque d'un mauvais esprit. II en est qui,
soos prétexte d'une inspiration particulière,
s'éearlaot de la volonté de Dieu exprimée k
tous par les movens ordinaires et réguliers,
'même quelquefois confirmée formellement
par leurs supérieurs. Aussi saint Bonaven-
ture, combattant la dangereuse interpréta-
tion de ce texte de saint Paul : « L'homme
spirituel juge tous, et il n*est lui-même juge
par personne ; » paroles dont les faux illu-
minés se paraient, disait: O peste! A mort
cruelle et cachée I elle chasse Dieu, appelle
la détestable présomption; elle déchire la
charité fraternelle ; eue précipite la joie spi-
rituelle dans la tiédeur; elle reporte au ué-
mon tous les honneurs dus k Dieu seul I
Homme misérable ! est-ce que vous êtes élevé
dans la sublimité de la contemplation, pour
vous faire le juge des autres, et leur creuser
un précipice plus profond?
L absence de la conformité k la volonté de
Dieu découvre plusieurs mauvais esprits.
1* D'abord l'esprit vertueux, mais adonné k
sa propre volonté, quoique livré k la péni-
tence et k de longues oraisons, est un esprit
imparfait et court le risque de devenir mau-
vais : en effet il ne donne k Dieu que l'action
extérieure, et il garde pour lui la volonté qui
l'anime : la volonté propre est le venin de la
perfection. S* L'esprit de grande pénitence
et de petite obéissance est imparbit et tend
au mal. 3* L'esprit imprudent devient sou-
vent importun et livré k se propre volonté;
s'il se fie k lui-même, il périt; mais il se ra-
chète s'il se confie k son père spirituel.
fc*Unespritexcentrique,quianectelasolitude
dans la communauté^ ou qui étant ermite»
se. permet des rapports lamiliers avec le
monde. Ce&i Ik un esprit paradoxal et arti-
ficieux qui a plus d'enflure que de dons du
Saint-Esprit : il s'éloigne du Christ et ne
médite point sur sa vie et ses vertus ; Ot-il
des miracles, il n'est pas digne le confiance;
Jésus est notre voie : ne pas le suivre, c*est
s*écarer.
Sixième règle : Rechercher les choses
extraordinaires. — 11 suffit de dire de quel*-
qu'un qu'il a un penchant pour les choses
eitraoniinaires pour conclure qu'il n'est pas
conduit par un bon esprit, k moins qu'il ne
soit d'une veriu privilégiée, fondée sur l'hu-
milité et l'obéissance. « Or, dit Louis Du
Pont, comme Dieu a établi une voie ordi-
naire et commune pour conduire au ciel,
voie par laquelle il a conduit nos pères, il
nous invite k suivre la même voie, et k ne
pas outrepasser les tK)mes établies, qui ont
marqué le chemin frajé par les anciens. 11
n'y a que lé démon qui puisse nous porter
k les outrepasser en nous suggérant des
choses singulières, nouvelles, curieuses,
prodigieuses, inusitées, qui excitent Téton
nement et nostulent les honneurs de la
sainteté. 11 faut donc se garder de ce mau-
vais esprit , faute de quoi, k l'exemple de
tant d'autres, nous tomoerions misérable-
ment. » Gerson place ce penchant parmi les
tentations du démon. « L'ennemi nous ex-
horte souvent k des actes de veriu difficilt^s
et extraordinaires, comme des jeûnes ri-
goureuxy des pèlerinages, ou des choses de
ce genre, ou pour nous la ire succomber k la
peine et nous décourager, ou pour nous
susciter quelque autre grave inconvénient;
par exemple, la mélancolie, la tristesse par
suite du jeûne ; l'impatience et la dissipa-.
9/Ï1
DIS
lion des pèlerinages; ou bien encore un
esprit de secte et d'hérésie pour fouroir
donner aux autres un enseignement releYé
et sublime. »
Tirons de là les conséguences suivantes :
r C'est un esprit mauvais celui qui, n'étant
î»as solidement fondé dans l'humilité, l'obéis-
sance et les autres vertus, sous prétexte
d'imiter les saints dans ce qu'ils ont faU de
plus digne de notre admiration que de no-
tre imitation, se livre à une vie extraor-
dinaire d'oraison, de contemplation et de
jeûnes. 2" Un eaprit de beaucoup de révé-
lations, de visions, de ravissements et d'au-
tres faveurs, mais avec peu de pénitence,
d'hamililé et d'obéissance, a plus d'illusion
que de vérité, si toutefois ces choses se
peuvent rencontrer. Car c'est un effet
non de l'esprit divin, mais du démon, d'édi-
fier des châteaux dorés sans le fondement
soHde des vertus morales, dr On ne
doit pas considérer comme un bon esprit,
fltil des miracles, fût-il environné d'ail-
leurs de toutes les œuvres de la sainteté,
celui qui court après les louanges, l'estime
p4iblique, Tapplaudissementdes hommes, les
ovations ; car on doit penser alors que si
cet homme a élé saint, il cesse de Tètre dès
qu'il suit les goûls de la vanité et de l'or-
gueil. 4' Si un esprit fait des révélations;
pénètre les secrets du dogme, mais qu'il
révèle quelque chose de contraire à l'Ecri-
ture sainte, n'y croyez point, les extases
mômes ne subiraient plus pour prouver que
c'est un bon esprit : il n'y a que le démon
oui puisse inspirer quelque chose contre
1 Ecriture sainte.
On a un grand oesoin ae posséder le
discernement lorsqu'il devient douteux si
un esprit est bon ou mauvais. Nous lisons
dans les Proverbes : « Il y a une voie qui
« parait droite aux yeux de l'homme, mais
« elle aboutit è la mort Toute voie pa-
« ratt droite à l'homme, mais Dieu sonde les
« cœurs. » Pans lérémie : « Si vous savez sé-
« parer ce qui est précieux de ce qui est vil,
« vousserezcommela bouche deDieu.»Dans
« l'épltrè aux Thessaloniciens:tf Eprouvez
« tout, retenez ce c^ui est bon ; abstenez-vous
« de l'apparence môme du mal. » Qu'importe
donc h l'homme que sa voie lui paraisse
bonne; puisquelle peut conduire à la perte,
et que Dieu seul, qui sonde les cœurs, sait
cfjmment nous marchoas.
LevS saints Pères nous confirment dans ce
sonlitoent. « Eprouvez tout, dit saint Jean
Chn soslomc, afin que vous discerniez avec
cerltUide, de manière à séparer le bien et à ^'
ftdlK^Tcr. Vous abhorrez le mal, vous ai-
nj('z le bien si vous avez su diligemment
et exactement les séparer l'un de l'autre. »
Saint Ambroise, rapportant le jugement de
Salomon entre les deux mères, ajoute : « Ce
fut un effet de la sagesse de lire dans les
consciences cachées,^ d'arracher la vérité du
fohd des ténèbres, et de pénétrer avec le
(jlaive de la prudence et de la sagesse jus-
DICTIONNAIRB »» <i»
qu'au fond des âmes. » Saint Grégoire dit :
« Notre première pensée doit être d'exercer
une sévère inquisition de notre cœur, de
peur d'être dirigés dans nos actions par des
mouvements de la chair, et qu'ayant conna
les secrets motifs de l'esprit malin, doqs do
les repoussions pas. Là seconde pensée est
de considérer comme les plus grandes fau-
tes celles qui se cachent sous la forme des
vertus ; car celles qui apparaissent comme
telles inspirent la confusion et la pénitence,
mais les fautes qui se font passer pour ver-
tus élèvent l'âme et ('égarent en la DattaDl. t
Voici les paroies remarquables du cardinal
Bona : « Toute la doctrine du discernement
des esprits repose sur ce fondement, sur ce
point capital, non-seulement de distinguer
les bons des mauvais, mais de bien carac-
tériser les esprits douteux et incertains, et
de reporter chaque mouvement intérieur
au principe dont il procède. » La raison
confirme ces autorités. L'amour -propre
aveugle l'esprit d'un grand nombre et leur
fait penser qu'ils marchent avec sécurité
dans le chemin du salut, tandis que le reste
des hommes court à la perdition. Il y a en
effet une telle ressemblance entre certaines
vertus et certains vices, qu'il est facile de
les confondre; ainsi on prend la colère pour
du zèle, l'opiniâtreté pour de la constance,
l'amour de soi pour Vamour de Dieu. Cet
amour-propre est nourri par les sugges-
tions fallacieuses de la chair, par rentrai-
oement des affaires, par la faiblesse de ia
raison, d'où vient que nous prenons la lu-
mière pour les ténèbres, les ténèbres pour
la lumière, l'amer pour le doux, le doux
pour l'amer. C'est là une profondeur où
personne ne pénètre, si ce n'est avec la grâce
de Dieu.
Après les règles établies plus haut il con-
vient encore de donner sur i-elte ffl^^î^
quelques avis au directeur spirituel, tirés
ues exercices spirituels de samt Ignace. Il
avertit, sur la première règle, que le démoa
a coutume de répandre du charme sur les
péchés mortels de ceux qui en commettent
facilement, afin qu'ils ajoutent péchés sur
péchés ; tandis que l'esprit bon en repré-
sente la laideur pour inspirer des remords
et en détourner. Sur la seconde : qu'à ceux
qui se purgent de leurs péchés et qui tra-
vaillent à Tacquisition des verius, le démon
suscite des scrupufes et des troubles pour
empêcher leur avancement; tandis que
l'esprit bon a coutume de donner de l'âme
et des forces à ceux qui entreprennent le
bien,, et les console. Il avertit encore
que le démon , semblable à une femme
en dispute avec un homme vigoureux et cou-
rageux, tourne le dos dès qu on lui offre une
vigoureuse résistance, mais qu'il est pie» J»
d'audaceavec un hommetiroide.il esliDaij5"<*|
dit-il, toutes les fois qu'un homme spirituel
confie toutes ses peines elles rusos de son en-
nemi à son confesseur; attaque l'âme comme
un général habile, par l'endrnitrle plus faible,
pour prendre la place. L'esprit bouentreuans
l'âme doucement et lentement, et I espni
DIS
D'ASCenSME.
DIS
•30
mauvais arec Tiolence et iiapétuosité.
Haiotenaot nous allons résumer toute
la- matière précédente dans quelques règles
priQcîf)ales, afin de discerner les bons des
maufais esprits, particulièrement dans les
cas douteux.
La première est tirée de la parole du Sau-
veur : Vom$ U$ eonmattrex par leun fruits;
parole cependant qui dans son application
pratique demande du discernement. Si en
effet une CBuvre est erronée ou Ticieuse en
quelque point, elle participe, en cela du
moins, du mauvais esprit : car Tesprit du
^bien souverainement vrai et saint ne peut
rien inspirer de faux et de mal, même si
léger et si accidentel qu'il paraisse. Les
mauvaises opérations n excluent pas les
bonnes; un pécheur peut faire de bonnes
œuvres et an nomme non peut faire du mal.
Cest même ce qui arrive le plus souvent.
Car un pécheur sans la grâce habituelle
fait souvent des choses bonnes morale-
ment, non-seulement de Tordre naturel,
mais encore de l'ordre -surnaturel, |Mir la
grâce sanctifiante : ainsi le publicain est
loué lie la douleur de ses péchés comme
faisant une œuvre qui le dispose à la justifi-
cation. Or, se disposer h la justification est
uoe (Buvre bonne qui s'élève au-dessus de
l'ordre naturel. Jésu^-Christ confirme cette
doctrine en pariant de ceux qui siégeaient
dans la chaire de Moïse : Faites iout ce
qu'ils vous disenif mais n*imitez pas leurs
ouvres, [Lue. xxui.) Voici comment saint
Augustin concilie ces textes : c Cueillez un
raisin, mais évitez l'épine, car souvent ce
raisin est saspendu dans un buisson d'épi-
nes. Il y a du vrai dans le faux, du sarment
dans la broassaille ; choisissez prudemment
le raisin k travers les épines, de peur gu'en
toeillant le fruit vous ne vous blessiez la
main. »
Concluez de là : 1* qu*un esprit qui sait
juger et parler de rexcellence de la vertu et
de la perfection, mais dans l'occasion ne la
met pas en pratique ; qui sait en quoi con-
siste la patience, mais se plaint et se ftche
quand on lui manque; qui connaît bien
rhumiliié, mais ne sait se garantir de la
vanité, «{u'iin tel esprit*est en vérité bon en
spéculation, mais il est pratiquement man-
T«is ; 2* qu'un esprit qui a quelques vertus
mêlées de vices, étant recueilli et modeste,
envieux et poussé par un zèle indiscret,
adonné aux jeûnes et médisant; doit être
approuvé dans ce qui est bien et condamné
dans ce qui est mal. 3* 11 faut regarder
comme un bon esprit celui qui le plus sou-^
vent agit bien, quoique çà et là il a^sse
mal. k* II en est de même de celui qui fait
le bien avec quelques imperfections comme
les commençants. 5* Il est mauvais celui
qui tombe dans une petite erreur ou un
petit défaat,mai8 ose l'attribuer à l'esprit bon*
Secondement : // fatu eansidérer Vinten-
tûm el raffeeiion iuiérieure. Il faut considé-
rer avant tout l'état des affections intérieures
conforme au bon esprit, si elles se déploient
en efforts extérieurs; il faut s'assurer de la
Eureté d'intention qui ne fait rien que pour
)ieu. Nous en sommes avertis en saint
Mattb. ch. VI : Si voire œil est simple^ toui
votre corps sera lummeux; si votre ail est
méekœstf tout votre corps sera ténébreux^ et
ces paroles s'appliquent à la bonne intention,
et en sont une image admirable. Saint
Bernard nous dit : « La beauté de l'âme
éclatera au dehors si elle est au fond sans
duplicité : on peut simuler la franchise du
sentiment intérieur, sans que les œuvres
en procèdent. » — « La nature est subtile,
dit Tauteur de Vlmlaiion^ et en trahit plu-
sieurs, elle les séduit et les trompe, et
c'est elle-même qu'elle propose pour fin :
la grâce au contraire marche simplement,
se détourne de toute apparence de mal,
n'use d'aucun genre de séduction, et fait
tout pour Dieu en qui elle se repose fina-
lement. » La raison nous dit aussi qu'un
esprit bon nous conduit à une bonne fin,
c'est-à-dire à la gloire de Dieu, sans aucun
mélange d'intention mauvaise ou tortueuse
On peut dire que Dieu atout fait pour lui-même
et pour sa gloire, tout ce qu'il inspire va à
ce but et tout ce qui n'y va pas est suggéré
par un mauvais principe.
Voici quelques points qui restent établis
en conséquence de ces principes : 1* Même
dans les dons célestes, dans les douceurs
spirituelles, ou venant de Dieu ou simulées
par le tentateur, si l'âme se complaît en
elle*même et non en Dieu, elle s'éloigne
visiblement de l'esprit de Dieu. 2* Souvent
le démon provoque une g^nde consolation
avec sentiment de dévotion, afin que l'on
se repose doucement dans cette quiétude^
comme si l'âme n'avait rien à prétendre au
delà ni à s'occuper d'aucun autre devoir.
3* Sainte Thértee nous enseigne que souvent
les âmes sont séduites, même étant déjà
fort avancées dans la perfection, par l'astuce
du démon, qui à force de sumilités les
entraîne à quelque chose de moins bien,
puis d'un peu mal, sous prétexte de bien,
et insensiblement d'infraction en infraction,
l'amour-propre, la propre satisfaction arri-
vent à tout empoisonner. 4* Saint Jean de la
Croix nous dit aussi que le démon, soit eu
abusant d'une consolation venant véritable-
ment de Dieu, soit en en présentant une
fausse, entraîne l'âme à la gourmandise spiri-
tuelle, afin qu'étant alléchée par ce miel spi-
rituel, et devo/ée par ce goût flatteur, elle
fiie son attention plutôt sur la douceur elle-
même que sur l'amour de Dieu.
Troisièmement : Distinguer de quel esprit
procède Vhumilité du cesur. Comme Fesprit
de Dieu a coutume d'humilier le cœur,
même en distribuant ses dons, l'esprit
pervers de son cOté en prend occasion de le
porter à la présomption. Louis Du Pont
prouve la première partie de cette proposi-
tion ainsi : Les dons de Dieu internes et
eitraordinaires ont coutume d'apporter avec
eux une grande lumière : et cette lumière
donne une profonde connaissance de notre
néant et de notre indignité, en même temps
MS
dictionicaiek;
MS
639
qu'ane grande bonté et confusion de nos pé-
chés : et cette honte exclut'la Kiorioleet les
Tslnes compiaisances.»La bienheureuse An-
gèle de Fulginio étant dans une grande per-
plexité au sujet de Tesprit qui l'animait,
reçutduSeigneurcettemarquequ'ilétaîtbon,
c*est que pendant qu'elle recevait les divines
laveurs» elle ne pouvait penser à autre chose
Î[u'à ses péchés qui lui avaient mérité Tenfer.
1 lui était impossible dès lors d*avoir une
pensée de vanité. La seconde partie de la
proposition que nous avons émise plus haut
se démontre par ce fait» que le démon a osé
porter à la présomption Jésus-Christ lui-
môme, lorsque le plaçant au-dessus du
temple, il lui dit : 5t tu es le Fils de Dieu,
jetle-toi en bas^ car il est écrit : Il vous a
confySaux anges de peur aue votre pied ne
heurte contre la pierre. Saint Bernard en
commentant ces paroles dit : « Si quelqu'un
abandonne Téminence de la vertu pour s'a-
bandonner h là vaine gloire et à ses désirs,
il n'est point douteux que le Dieu des
vertus» qui a souffert ces choses parmi nous,
pour nous former à la sainteté, lui don-
nera la confusion pour les grAces mépri-
sées. »
« Le faux ange de lumière, dit Gerson,
nourrit quelciuefbis ses familiecs d'une
nourriture tres-délicate, qui ne parait pas
être charnelle; ceux-ci en tirent vanité et
b'écrient dans leur orgueil : Qui est notre
Dieu? Nous ne sommes pas comme le reste
des hommes. » Et sainte Thérèse nous aver-
tit des straïaçèmes très-subtils des démons :
ils nous insplrentla pensée, dit-elle» que nous
ayons au moins une vertu solide lorsque nous
n'en avons aucunaet que nous sommes dignes
de l'enfer, et ces fausses vertus engendrent la
vaine gloire. Il n'y a que les solides vertus
que Dieu anime qui sont pures de ce détes-
table vice. Saint Jean de la Croix donne des
moyens de connaître s'il se rencontre de la
superbe dans les dons spirituels que Dieu
nous fait : c'est devoir si nous sommes de
mauvaise humeur quand des personnes spi-
rituelles n'approuvent pas notre esprit, ou si
nous entendons avec déplaisir que Dieu ait
fait à d'autres les mômes faveurs ou de plus
grandes qu'à nous.
Quatrièmement : L esprit de mortification
est un moyen de discernement. L'esprit de
Dieu est toujours l'esprit de Jésus-Christ,
c'est-à-dire resprit de la croix et de la
mortification, que fuit toujours l'esprit du
démon, même lorsqu'il cherche à imiter
l'esprit bon. Jésus-Christ nous dit {Joan,
xiv) : UEsprit'Saint que mon Pire vous en--
verra en mon nom vous inspirera et ensei-
gnera toutes choses^ et vous inspirera tout
ce qui est selon mes paroles. Il ne peut donc
pas arriver que 1 esprit inspire quelque
chose qui soit contraire au genre de vie
assigné par Jésus-Christ pendant qu'il était
sur la terre et sur Ja croix» c'est-à-
dire à une vie mortifiée. C'est pourquoi l'A-
pôtre (J Cor.) disait qu'il ne connaissait
rion autre chose que Jésus-Christ et Jésus
crucifié.
Sainte Thérèse confirme cette dofbtrine.
Elle esiseigne que c'est un signe de per-
fection et de panaite contemplation, d'aimer
mieux non-seulement en spéculation, mais
en pratique, être méprisé qu'honoré, de
préférer le travail et les angoisses à h
joie et au repos ; de telle sorte que les vrais
conteioplatils Cassent un plus grand prix
des peines que des pierres précieuiies;
par la ils sont assurés de s'enrichir vérita-
blement. C'est uue marque qu'une âme
n'est encore qu'imparfaitement unie à Dieu,
si elle porte avec peine les injures; mais
s'en réjouir, c'est tellement le propre d'uod
âme parfaitement unie à Dieu, qu'il yak
crainoreque» sans cela, même les faveurs*
spirituelles ne soient que des tromperies<iu
démon. La même sainte ajoute que c*e$i
le propre de l'âme parfaite, de ne pas
même demander d'être délivrée de ses cha-
grins, de ses tentations, de ses comliats,
mais plutôt de les désirer, de les demander
et de les aimer. Voilà un signe non éaui-
voque 9ue les faveurs spéciales que l'on
reçoit viennent vraiment de l'esprit de Dieu*
Les âmes qui se conduisent ainsi sont de
vaillants soldats, qui préfèrent la guerre
parce qu'elle apporte du profil. Nous sommes
avertis par Gerson que l'ange tentateur
cache la ruse de sa malice .sous les formes
de la croix de Jésus-Christ, delà religioû, de
la piété envers les saints; mais le superbe
ne peut plaire à Dieu, s'élevât-il jusqu'au
ciel par 1 attrait de sa dévotion, de sa piété
envers les saints, de son amour de la croix.
Pourquoi cela? parce qu'il cherche, non la
gloire de Dieu, mais la sienne. Le même
Gerson observe que le démon, quelquefois
sous prétexte d'humilité et pour se contenir,
fait qu'on garde le silence par mépris, par
orgueil et d'autres motifs pareils, lorsquon
devrait parler.
Cinquièmement : La docilité de TespriL
Nous avons déjà proposé cette règle, et nous
la rappelons comme très-importante, surtout
dans les cas difiiciles et douteux. C'est utte
marque excellente que l'esprit vient de
Dieu, s'il est docile, soumis à l'autorité de
r£glise, de son directeur ; si-sesinspirstiens
sont discrètement conformes à ce qui con-
vient à son état, sa position et aux choses
qui s^y rapportent : mais s'il a horreur de
ces rèKles, sous prétexte d'inspirations pri-
vées plus excellentes, c'est une marque d es-
prit pervers.
Le cardinal Bona dit à ce sujet que c*est
une marque d'un esprit bon que d'avoir des
inspirations qui sont accommodées à l'âge et
au temps où l'on vit, et qu'on suive non
par goût, mais par convenance. Car il arrive
souvent que Dieu inspire à chacun les choses
3ui conviennent aux divers temps de la vie
u monde. Ainsi dans les premiers siècles
il conduisait les hommes par la lumière de
la raison, ensuite par la loi écrite et par les
cérémonies de la religion de ce temps ; enOn
depuis le temps du Christ, il les conduite ta
pratique des vertus évangéliques, c'est-à-dire
héroïques : et en effet dans les premiers s;e-
D^ASCETISME.
DIS
C54
des de l'ère cbréiienne la missioa de TE»-
prit'Stfnl avec tous ses doos était Tisible.
Os Tit apparaître la force des martyrs coiilre
les Ijrans, ensuite le zèle et la sagesse des
daeleurs contre les hérétiques, 1 austérité
des anachorètes et des moines éclata en-
suite. Depuis 00 a tu s'établir un*genre do
▼ie conComie à Tesprit de notre temps, qui
consiste k ne point chercher à se distinguer
par des choses singulières et inouïes, a ne
pas courir après les grandes austérités, à
s'en éloigner même quelquefois si on le
ju^e utile pour le bien des Ames et le motif
d'appeler les pécheurs à la pénitence. Nous
faisons nos réserves cependant pour cer-
taines âmes que Dieu se plaît dans tous les
temps i conduire dans des voies eitraordi-
naires» et celles-là trouveront ailleurs qu*en
eei endroit les avis qui les concernent.
• Dans le doute si une inspiration est
bonne ou mauvaise, dit Louis Du Pont, il ne
faal suivre que celles qui sont manifeste-
raient t>ounes sans aucun soupçon ni re-
mords, et ainsi on restera toujours dans la
sécurité, etp<air plus grandesécurité encore,
ajOQte-t-il, il faut voir:ii, après que vous avez
manifestement reconnu qu'une inspiration
est de Dieu, vous la suivez avec un vif em-
pressement, et lorsque vous la reconnaissez
poor être sûrement de l'esprit malin, si
vous la repoussez avec le même empresse-
ment. »
Enfin il faut en sixième lieu prier pour
son directeur, afin qu^l puisse connaître ,
avec la grâce de Dieu, les inspirations que
nous avons. Ainsi Salomon demande un
roeur docile, afin qu'instruit et éclairé par le
Seimeur il puisse sagement juger le peuple
et diseemer le luen du mal. Le roi Josaphat
a la même pensée : Que nous reste^^l à
faire Icrwque nous dou/ons de te quHl yaà
Élire, smon éTéiever noe yeux vers vaut?
i selon le concile de Trente, Dieu n'or-
donne jamais les choses impossibles; mais
en commandant il nous invite à faire ce que
nous pouvons et à demander le reste.
Saint Laurent Justinien nous dira à son
tour : Comme nous ignorons le plus souvent
ce qui est expédient, il faut implorer le
suffrage du Saint-Esprit, il &ut diriger tous
ses désirs et ses intentions vers lui, et lui
crier bien haut ces paroles : Venez , Éeprii'
Sainte etc...
Il j a un grand péril k nous tromper dans
cet ordre de choses , et le don du Saint-Bs-
prit pour ce discernemeut des esprits n'est
pas accordé à tout le monde. La raison
nous avertit donc de nous livrer à la médi-
tation et à la contemplation, k la fervente
prière, afin oue la lumière du Saint-Ksprit
arrive jusqu'à nous et nous dirige dans le
chemin de la perfection.
Afikorismes pour le discernement des es-
prùa. — 1. La vertu est le fondement de tout
bien ; et Ik où manque la vertu, il n'y a ni
perfection ni sainteté.
^ 2. Celui qui ne veut point se tromper dans
rexamen de la oerfectioo de vie, doit com-
mencer par eiaminer si l'on remplit exacte-
ment ses devoirs et ses obligations.
3. L'esprit d'un ignorant peut être mau-
vais sous le rapport de l'intelligence, et bon
en même temps quant k l'intention, ce qui
est le principal.
k. On se repentira d'agir trop précipi-
tamment et de qualifier trop têt un esprit
douteux.
5. Une multitude de révélations, qui ne
sont ni utiles ni nécessaires, offrent beau-
coup de variétés dans les âmes faibles.
6. On ne doit rejeter une révélation que
pour une raison suflSsante : car ce serait
agir légèrement que d'approuver ou reje-
ter des choses extraordinaires, sans apporter
au préalable un mûr examen.
7. Un esprit de vertu médiocre et de révé-
lations nombreuses doit être, au jugement
de la saine raison, considéré comme étant
dans l'illusion.
8. Du esprit droit, qui s*en rapporte k son
propre discernement, est peu éloigné de son
entière perdition.
9. Tout esprit oui est la source de divi-
sions et fait fcrand bruit au dehors, est or-
dinairement dangereux k cause d'un secret
orgueil.
iO. L'esprit qui est porté k la recherche
de nombreuses commodités, quelque ver-
tueux qu'il soity ne sera ni pénitent ni par-
fait.
11. L*esprit plus ami de sa volonté pro-
pre que de l'obéissance n'aura de la perfec-
tion que l'apparence.
12. La recherche de quelque avantage
peut exister simultanément aiec quelaue.
degré de vertu; mais un avantage, avec 1 af-
fection qu'on j porte, est incompatible avec
la pauvreté et la perfection.
13. Quelque affection déréglée peut coexis-
ter avec une vertu médiocre; mais rien
d'ambitieux n'est compatible avec l'humi-
lité.
H. Un esprit de contradiction, quelques
bonnes quahtés qu'il ait d'ailleurs, est tou-
tefois en ce point un esprit d'illusion.
15. Le tumulte, les discordes, les con*
testatioos et les dissensions ne sont point
les effets de Dieu, mais les œuvres du dé-
mon.
16. Un esprit qui se cache sous le voile
de la ruse et de I artifice se reconnaît faci*
lement pour l'esprit d'un hypocrite.
17. Une sainteté ({ui aime les applaudis-
sements, la popularité et l'ostentation, quel-
que vraie qu'elle soit, n'est pas éloignée do
sa perte.
18. Les révélations des personnes mélan-<
coliques sont quelquefois des effets du dé^.
mon.
19. Eprouver des grâces extraordinaires,
sans une vertu solide et véritable n*est (juint
l'indice de l'esprit de Dieu, puisque ce serait
essayer de bâtir une cour sur le sable.
9iO. L'esprit de Dieu doit apporter avec ■
lui la piété; au contraire l'esprit mauvais
n'amène que doutes, soupçons et trouble.
21. Des âmes très-saintes, qui ont dO'
655
DIS
DIGTIONNÂIRE
DIS
65d
bonnes révélations, ont la douleur de les
voir quelquefois mêlées d'illusions, comme
rivraie avec le bon grain.
22. Ordinairement un esprit vain est im-
prudent et profane.
23. Un esprit sans prudence devra
être nécessairement regardé comme inca-
pable.
2k. Un esprit emporté est impatient et
porté h la guerre.
25. Un esprit puéril ne peut que faire rire
les autres.
26. Un esprit qui se platt à rechercher ks
délices est incapable de pénitence et de per-
fection.
27. L'esprit s*accoro mode aux qualités na-
turelles du caractère, quelque surnaturel
qu*il paraisse.
DISCIPLlNE.~Fay.HÀiRE,MoHTiFiCÂTiON.
DISTRACTION DANS LA PRIÈRE. —
La distraction est ube des imperfections
de la prière. Elle consiste dans un éloigne-
ment deTesprit relativement à la matière ou
à Tobiet de la tprière, lorsque Timagination
se préoccupe de choses inutiles.
La distraction est un obstacle à toutes les
espèces de prières, et elle enlève Tatten-
tion qui leur est requise. Elle nuit surtout
h la méditation ; et si Ton ne s'efforce de
chasser les distractions qui surviennent
pendant la prière, celle-ci est nulle et in-
fructueuse. Et môme quand l'aUenlion ac-
tuelle, sans qu'il y ait de notre faute, vient
à manquer en quelque partie de l'oraison,
Dous n avons plus de part à la nourriture et
à la joie spirituelle 9 dont parle saint Thomas
(2-2, q. 8dy a. 13). Aussi, dit saint lsidore(l . m.
Sent.^ c. 7) : « Nous ne prions véritablement
que quand nous ne pensons à rien autre
chose ; mais il y en a très-peu qui peuvent
prier ainsi , * et encore ces derniers ne le
peuvent-ils pas toujours. »
Les sources des distractions sont : 1^ rima-
ÎlinatioHf puissance plus libertine ( 168 ) que
ibre, qui, secouant Je joug et l'obligation de
la raison, s'attache à l'objet qui lui plaît da-
vantage, surtout 8*il est conforme è quelque
passion prédominante. Ainsi quand c'est la
colère qui prédomine, les distractions seront
des images de vengeance, de disputes, de
querelles, de rixes Quand c'est la gour-
mandise, les distractions consistent à se
représenter des festins et des mets recher-
chés. Si c'est fappélit sensuel, Timaginalion
se porte sur des objets honteux, qui dis-
traient, tourmentent et contristent 1 flme.
2° La seconde source de distractions con-
siste communément dans le peu de soin à
veiller sur les sens extérieurs^ dont les opé-
rations entraînent Timagination, et par celle-
ci, l'intelligence.
* 3* La troisième consiste dans les passions^
qui jettent l'àme dans l'inquiétude, toutes
les fois qu'elles s'appliquent à leur objet,
ainsi, quand TambiCieux recherche les hon-
neurs, quand le débauché recherche les
plaisirs sensuels. Si l'on ne s'éloigne des
lieux, des personnes et des circonstances
qui peuvent nous jeter dans le trouble,
nous serons toujours inquiets et distraits.
k* La quatrième source est ordinairement
un caractère étroit, inquiet, curieux, et trop
adonné aux affaires extérieures et séculiè-
res. Les hommes de ce caractère sont pour
eux-mêmes un sujet perpétuel de distrac-
tion.
5** La cinquième source est, en inatière
d*oraison et surtout d*oraison mentale, un
mattre spirituel peu expérimenté, qui veut
s'imposer lui-même, ainsi que sa méthode
d'oraison, comme une règle fixe pour les
autres, et qui rend ainsi son disciple sujet
à des tentations et à des distractions per-
pétuelles.
6'' La sixième source consiste dans les
distractions que Dieu permet pour éprouver
les siens, afin qu'ils soient animés de plus
d'amour ponr lui que pour ses dons, et
qu'ils se perfectionnent en patience et en
humilité.
T La septième source est la suggestion
et la tentation du démon. En effet, comme
dit saint Nil ( c. 47, De orat. ) , « Toute la
guerre entre le démon et nous n'a d'autre
cause que la prière. Car la prière lui est
contraire et odieuse, autant qu'elle nous
est salutaire et favorable. » Saint Marcellio,
abbé, entendait retentir la trompette, et
comprenait que les démons allaient lui li-
vrer bataille, à lui et à ses religieux, alors
que le son de la cloche les appelait à chan-
ter les psaumes divins. (Roswbidus, fU»
PP., 1. XVIII, c. 152.)
Saint Moïse, abbé, au rapport de Cassien
(coll. I, c. 17), remarque qu'il est impossi-
ble que l'esprit dans l'oraison ne soit pas en
butte à toutes sortes de pensées ; mais qu'on
Ï>eut les accueillir ou les repousser, avec
a grâce divine. Car il ne faut pas tout atlri-
buer aux suggestions des esprits malins.
L'auteur du traité de Vamour de Dteu, qui
se trouve dans les œuvres de saint Bernard,
nous propose à ce sujet l'exemple d'Abra-
ham : « Soucis, inquiétudes, anxiétés,.pei-
nes, fatigues, servitudes, attendez-moi là
avec l'âne, c'est-à-dire avec ce corps, jus-
qu'à ce que je revienne à vous avec njon
tils, c'est-à-dire la raison avec l'intelli-
fence, après avoir été faire notre adoration
Gen. XXII, 5J. »
Pour déraciner avec plus de facilité les
distractions, nous proposerons les renaèdes
suivants.
1' Quand la distraction provient des écarts
d^ine imagination blessée par le péché et
tellement affaiblie, qu'emportée vers les
objets qui se rapportent à la passion pré-
dominante, il ne nous est pas même possi-
ble de dire sans distraction une seule orai-
son dominicale, il faut alors nous humilier
de notre infirmité et faire l'humble aveu de
notre faiblesse; cette humiliation sera la
meilleure des prières, si noire imagination
(168) Nous prenons ce mot dans son sens restreint et littéral.
MS
ir ASCETISME.
DOR
cs$
se porte au dehors sans qu'il y ail de notre
faute, et si nous nous efforçons, autant que
f ossible, avec la çrflce, de la purifier de ces
Tains objets de distraction.
2* Si la distraction provient d'une négli-
gence k veiller avec soin sur les sens exté-
rieurs, il fondra y mettre un frein par la
3* Si elle provient des passions, il fout
également s'attacher à les ihortifier, en écar-
tant les otgels qn! peuvent les exciter.
fc* Quand elle provient d'une trop grande
application aux affaires extérieures et sécu-
lières» il fout abandonner ces affaires, si
elles ne sont pas néc<'ssaires ; si elles le
sont, ou si Ton est obligé de mener une vie
mixte, comme de consacrer un soin parti-
culier k Tétude, à la lecture ou aux entre-
tiens avec le prochain, il ne fout pas cjuit-
ter ces occupations, mais éviter de s'y livrer
avec excès. En les remplissant, avec une
juste modération, on sera dans d'excellentes
dispositions pour prier plus souvent et avec
plus de soin.
5* Si le maître spirituel a un disciple
déjà d'un certain Age, d'une intelligence peu
développée, et qui ne puisse pratiquer l'orai-
son mentale sans distractions, il fout lui
prescrire la prière vocale du Rosaire ou
aautres pieux exercices, dans le temps que
les autres se livrent à l'oraison. Car mieux
vaut une prière quelconque qu'une prière
nulle.
6* Si c'est Dieu qui permet les distractions
pour nous éprouver, si l'on ne peut les
éviter dans ses prières, qu'on s'occupe de
chasser, comme autant de mouches impor-
tunes, les pensées qui surviennent, et on se
rendra très-agréable k Dieu. On serâ comme
l'esclave qui tout le temps du repas chasse
les mouches de la table, ou comme Abraham
2ui chasse les oiseaux de proie du sacri-
ce. {Gm. XV, 11.) Qu'on offre à Dieu son
désir d'imiter les ferventes oraisons des
saints; qu'on soit dans la volonté de rendre
hommage à Dieu, disposé à tout sacrifier
pour lui; qu'on s'humilie d'autant plus,
qu'on se trouve, sans doute h cause de quel-
que foute secrète^ moins capable de le prier.
Ou'on prie avec patience, et avec pleine
résignation à la volonté de Dieu. Qu'on s'é-
crie avec Blosius ]{Insi. iptr., c. 7, n* 1) :
« Sei^eur, quandÂmème tous les jours de
ma vie et jusqu'au jour du dernier juge-
ment, je devrais, par votre ordre, rester sans
aucune consolation , je n'en voudrais pas
moins, par votre grâce, être prêt à souffrir
les plus grands maux pour votre amour. »
7* Si la distraction provient de la tenta-
tion du démon, rétistonB lui^ en demeurant
fermes dawf la foi. (/ Peir. ▼. 9.) Crions avec
ravt'U'Xie, selon le conseil de saint Grégoire
(nom. 2, in evang.) : Jé$us^ Fih de David ^
agez piiié de moi. Et si les passants nous
répriot^ndent pour nous foire taire, c'est-
à-dire si le trouble des désirs charnels et le
tumulte des vices emportent notre esprit
loin de notre méditalion« crions encore olos
fort : Jésus, Fils de David^ ayez piiié dt
moi. Lorsque nous redoublons d'instances
dans notre prière, nous fixons dans notre
esprit Jésus k son passage. Car pendant que
nous étions livrés au trouble de nos vaines
pensées, dans l'oraison, nous tentions en
quelque sorte Jésus-Christ qui passait. Et en
redoublant de ferveur, nous le voyons s'ar-
rêter, pour nous rendre la lumière. Car
Dieu se fixe dans notre cmur, et nous retrou-
vons la lumière que nous avions perdue.
Outre ces remèdes contre les distractions,
les ascètes en assignent encore d'autres,
dont nous avons déjà cité quelques-uns, et
3ui se tirent des circonstances du temps,
u geste et du corps, de la préparation par
la lecture spirituelle, de la présence de Dieu,
du recueillement, d'une nouvelle lecture de la
matière k méditer. On peut y ajouter la
mortification du corps, sans laquelle l'orai-
son est bien difficile; car elle ne peut rési-
der dans l'habitation de l'âme, si celle-ci n'a
été bien purifiée par la pénitence et embellie
par la mortification. Régnera remarque
(Théol. myst., t. f, p. 3», n* 1051) qu'il
n'est pas besoin de poursuivre les objets qui
nous causent de la distraction ; au'il vaut
mieux, malgré toute leur difformité, les mé-
priser comme des chiens qui aboient sur le
chemin. Le combat le plus décisif est de se
remettre k la prière. Il n'est pas de meilleure
manière de prier, que de revenir k la prière,
mille fois s'il le fout, après en avoir été éloi-
gné par la distraction. (Yoy. Dévorio?!.}
DIVERTISSEMFNT. — Tèy. Elteapéue.
DONS DU SAINT-ESPRIT. — Yoy. Esfbit-
Saimt. ,
DORÉ (Pierre), Dominicain, docteur de
Sorbonne, professeur de théologie, naquit k
Orléans vers la fin du xv* siècle, et mourut
en 1569. H n'est connu que par des ouvrages
de spiritualité écrits bizarrement et intitu-
lés de même; c'était le goût de son siècle :
Ou remarque : 1* La tourterelle de viduité,
1574; — 2" le passereau solitaire;-—^ Les
neuf médicaments du Chrétien meUade; ^
V Les allumettes du feu divin. — 5* Le eerf
spirituel: ^ ^* La conserve de grⅇ —
7* Vanatomie des membres de notre Seigneur
Jésus-Christ,
DOROTHEE (Saint), évoque de Tyr, s est
rendu célèbre par ses écrits contre Porphyre
et Origène. D vivait au iv* siècle. Saint
Jérdme rapporte qu'il reçut la couronne du
martyre; -et Théopbane, qu'il souffrit do
grands tourments, d'abord sous Diorlélieii,
puis sous Liciniiîs, et fut condamné à mort
par les officiers de Julien l'Apostat, vers 365.
Il était âgé de plus de cent ans. Outre ses
écril» contre Porphyre et Origène, on a do
lui le Banquet des vierges.
DOROTHÉE, disciple dn moine Jean, fut
kb tôle d'un monastère en Palestine versoliO.
On a de lui des Sermons ou Instructions pour
les moines, qui ont été traduites en françaiî^
Er l'abbé de Rancé, 1686, in-8-; et de^
tires en grec et en latin. Le style en oM
rempli d'onction. Quelques-uns cepcniant
attribuent ces ouvrages k Dorothée le Jeune ^
059
DOU
DICTIONNAIRE
DOU
m
archimandrite d'uu monastère célèbre du
Pont, qui vivait vers l'an 1030.
DOuCEDR. — 1* La douceur est une vertu
3ui modère la colère selon les règles de la
roite raison. D'où il suit que toute colère
n*est pas contraire à la douceur, mais celle-
là seulement qui ^est en opposition avec les
règles de la droite raison. C*est ce qui a
fait dire à Aristote : « Cet homme est doux,
qui se fâche lorsqu'il le faut, comme il le
laut, autant de temps qu'il le faut et pour
les choses qu'il le faut. L'homme doux est
celui qui ne se laisse aller à l'emportement,
ne se livre à aucune émotion, tant que la
raison ne lui eu fait point un devoir. Mais
quant h ceux qui ne se fAchent jamais, même
quand il le faut, ce sont pour moi des hom-
mes sans caractère, puisqu'ils paraissent
n'éprouver ni sentiment, ni douleur. »
iiv Ethich*^ c. 5.) — « 11 n'est point interdit
i ceux qui s'appliquent à la douceur, dit
saint Basile, d'être quelquefois emportés par
une émotion intérieure. De là on peut faci-
lement, concevoir que Moïse, le plus doux
des hommes, au témoignage même de l'Ë-
criture, ait ressenti' une violente indigna-
tion, lorsque la raison des circonstances
Texigeait ainsi, et en soit venu à un tel de-
gré de colère, qu'il fit périr une foule dls-
raélites. » {ConstU. mon.^ c. 15.) En effet,
lorsqu'il descendit du Sinaï avec les tables
de la loi, il ne put, sans être enflammé
d'une sainte colère, voir un peuple ioçrat
qui prostituait son adoration à un veau d or ;
et appelant aux armes la tribu de Lévi,
il lui ordonna de passer au fil de l'épée
23,000 hommes. Ainsi, pour comprendre si
la colère est contraire ou non è la douceur,
toute la difliculté de la quçstioa est de sa-
voir si elle est d'accorà ou non avec la
droite raison.
Et comme il faut le remarquer ici avec
saint Thomas, quoique la colère, considé-
rée en elle«»méme et selon son essence pjfy-
sique, consiste dans une certaine inflam*
roation du sang., d'oii naît une brûlante
émotion , cependant, en tant qu'elle est un
acte propre à Thomme, elle n'est point
autre chose que le désir de la vengeance
exigeant un châtiment proportionné a i'in*
jure.
Nousàvoos dit<, m tant, qu'elle est un
acte propre* à Fhomme; car l'homme peut
éprouver aussi de la colère pour des choses
absolument incapables de mre une injure
et d^être atteintes par la vengeance; il peut
s'irriter contre une pierre contre laquelle il
se heurte , contre un animal qui ne marche
[K)int à son gré, contre une plume mal
taillée, contre de l'encre qui ne coule pas,
etc. Cette sorte de colère est semblable à
celle des animaux qui, tout incapables
qu'ils sont d'éprouver le désir de la ven-
geance, s'irritent cependant à la rencontre
des choses qui leur sont nuisibles, et quel-
quefois même s'irritent jusqu'à la fureur.
Du telles colères sont totalement indépen-
dantes de la raison. Il n'y a en elles qu'un
feu qui s'allume, soit en nous, soit dans
les animaux, à l'aspect de quelque choso
que l'imagination représente comme nui-
sible. Nous ne voulons point parler ici de
cette colère farouche et sauvage. H y a en
outre une autre sorte de colère qui est ac-
compagnée de la raison, en ce sens que la
raison prononce qu'une action en particu-
lier est injurieuse et digne de vengeance;
et c'est de celle-là aue nous traitons, et
dont nous disons qu elle est quelquefois
mauvaise et contraire à la douceur, quel-
2uefois bonne et compatible avec la douceur.
'est pourquoi la colère, qui est un désir
de vengeance, peut être contraire aux règles
de la droite raison, et en elle-même, et ,
quant à la manière. Elle est substantielle- '
ment opposée aux lois de la raison, iurs-
qu'elle est exercée par une personne privée
qui n*a aucun droit, aucune autorite pour
cela; elle l'est encore, si la vengeance,
quoique juste, n'est point appuvée sur un
motif raisonnable; fenfin elle lest encore,
si la vengeance exercée par un homme re-
vêtu de l'autorité compétente est injuste.
« Frapper ou pardonner, dit saint Chrysos-
tôme, ce n'est point là, absolument parlant,
cruauté ou douceur; cet homme est doux,
qui, pardonnant ses injures personnelles,
venge l'injure faite à autrui (si toutefois il
est revêtu de l'autorité légitime). » [In
piatm. Gxxxi).
D'où il suit que la douceur exige de
l'homme qu'il réprime, étouffe et éteigne
tout sentiment de colère qui le porte à ven-
ger ses injures personnelles. Hais la dou-
ceur n'est point incompatible avec la colère
par laquelle un homme, revêtu de rautorilé
nécessaire, venge les injures faites h autrui
et en tire un cnfttiment légitime. Or, celte
vengeance et ce châtiment, pour être cou-
formes à la justice et à la doueeur, doivent
être proportionnés à la gravité et à la m-
ture de la faute. En outre celui qui est chargé
de tirer ainsi vengeance et punition des
autres, ne doit point le faire avec un esprit
malveillant ni pour satisfaire une aversion
particulièpc; mais uniquement par amour
[)our la justice, ou par zèle pour l'honneur
ùe Dieu, à l'exemple de Moïse. Maintenant
vour n'être pas, quant à la manière, oppo-
sée aux lois de la raison, la vengeance,
quoique juste et exercée par un supérieur
avec une fin droite et raisonnable, ne doit
point être accompagnée, dans l'exécution,
d'un certain excès d'indignation et de co-
lère, ni de paroles inconvenantes et scanda-
leuses ou d'actes indécents. C'est ce quil
faut reprocher à un grand nombre de supi*-
rieurs qui, en corrigeant les fautes de ceux
qui sont sous leurs ordres, accompagnent
ce châtiment d'une foule de paroles obscène^s
de blasphèmes et d'injures ignominieuses
qui n'ont aucun rapport avec la punition
même : il ne faut voir en cela que les excès
déréglés d'une cqlère sans frein, d'une bile
furibonde. Pour conclure en un mot, nous
disons donc que cet homme est doué de la
vertu de douceur, qui, d'un côté, ne venge
ni ne poursuit les injures qui lui sont faites
641
KG
D^ASCETISME.
ELE
Ut
personnelleioent ; df^ l'autre, TeDge, en sa
qualité de sopériear» les iiQures faites à
autrui et eu tire une juste punition, et qui,
en même temps, n'agit que pour des fins
droites, que pour des motifs raisonnables,
et évite une colère trop passionnée, ainsi
que tout acte indécent et scandaleux.
DREXEUIIS (Jéréroie), Jésuite d'Augs-
bourg, mourut à Munich en 1638, Agé de
cinquante-sept ans. C'était un prédicateur
distin{[ué. On a de lui divers ouvrages de
piéiéf imprimés à Anvers en 2 vol. in-fo1.,
I6U. Ils ont été 'autrefois fort répandus ;
l'auteur confirmait par ses exemples ce qu'il
enseignait dans ses livres.
DDFOUR (Thomas), Bénédictin de Saint-
Manr, mort à luroiéges en 16^7, ayant à
peine trente-quatre ans, a laissé, entre au-
tres ouvrages de piété, un Te$iament $piri-
tud pamr servir de préparation à la mort^
in-12.
DDGDET (lacques-Joseph), né k Honlbri-
son en IfiSO, commença ses études chez les
Pères de TOratoire de cette ville. Il Tes
étonna par l'étendue de %ei mémoire et la fa-
cilité de son esprit. Entré dans leur congré-
gation, il professa la philosophie à Troyes,
et la théologie k Paris, en 16T7. Les confé-
rences qu'if fit les deux années suivantes
lui acquirent une gfjinde réputation. En
1685t il sortit de l'Oratoire, pour se retirer à
Bruxelles, auprès du docteur Amauld , son
ami. Mais il revint bientôt en France. Son
attachement \ la doctrine de Quesnel l'obli-
gea de changer souvent de demeure, et
même de pays. H mourut à Paris le 25 octo-
bre 1733, laissant un grand nombre d'où*
vrages écrits avec pureté, avec noblesse,
avec élégance. Ses livres ascétiques les plus
recherchés sont : 1* La conduite d'une aame
ekrétiennef in-12, composée pour madame
d'Aguesseau vers l'an 1680, et imprimée
en 1725; — 2* Traité des scrupules^ in-12,
estimé; — 3* Les caractères ae la charité^
in-12; — fc* De Féducation d'un prince, in-4%
qu'on peut regarder comme le manuel des
souverains; — STlJn Recueil des lettres de piété
et de morale^ en neuf volumes in-12.
DDQUESNE (Arnaud -Bernard dlcanl),
docteur de Somonne et vicaire général de
Soissons , né à Paris vers 1732, se distingua
par sa piété et son savoir. Il mourut le 20
mars 17^. On a de lui plusieurs ouvrage.^
ascétiques fort estimés, aont les principaux
sont : 1* VEvangile médité et distribué pour
tous les jours de Vannée^ 1773, 13 vol. in-12.
plusieurs fois réimprimé; ~2*Une édition
de rAme unie à Jésus-Christ dans le saint
sacrement de Fautel, ouvrage de M. de Car-
cado (voir ce nom) ; — 3* L'Année apoêtolique
ou Méditations pour tous les jours de ran-
née, etc-12vol. in-12, Paris, 1791 ; -k' Les
Grandeurs de Marie, 2 vol. in-12, achevés
seulement la veille de la mort de l'auteur.
Il avait été administré quelques jours aupa-
ravant,fet avait continué de travailler à ce
livre, qu'il désirait ardemment de pouvoir
finir. Son vœu fut rempli.
E
ECHELLE Di SAUfT Jvah Cuvaoub. —
Foy. Jkan Clivaquk.
ECKlDS(Jean),néen Souabe en 1486, pro-
fesseur de théologie à Tuniversité d'ingols-
tadi, signala son savoir et son zèle dans ses
conférences contre Luther et ses principaux
adeptes. 11 se trouva, en 1538, à la diète
d*Au2sbourg, et, en 15il , à la conférence de
Ratîsbonne, et brilla dans l'une et dans
I aatre. Il avait deréruditiouyde la mémoire,
de la facilité, delà pénétration. 11 mourut en
t5U, Agé de cinquante-sept ans, k logols-
tadt. On a de lui deux TraUésswr le sacrifice
de la messe, des Homélies, k vol. in-8*, et des
ouvrages de piété et de controverse.
EDMOND (Saint), né au bourg d'Abendon,
fit ses études k Paris, et y enseigna les ma-
thématiques et les belles-lettres. Le Pape
Innocent 111 lui donna ordre de prêcher la
croisade. Le zèle avec leaoel il remplit cette
fonction lui mérita l'arcnevèché de Cantor-
tiérj. Il se retira plus tard en France, et y
mourut en 12^1. Il fut canonisé en 12i9. il
jious reste de lui un ouvrage intitulé : 5pe-
culum EcclesiŒf inséré dans la Bibliothèque
des Pires.
EGGS (Léon), Jésuite, naquit à Rheinfeld
le 29 août IGlié. En 17U, Télecteur de Ba-
vière le choisit pour accompagner en qualité
d'aumônier les deux princes électoraux
Charles -Albert et Théodore, qui se rendaient
à l'armée du prince Eugène. Le P. Eggs
mourut, le 16 août 1717, au siège de Belle-
garde, et fut inhumé dans le camp impérial.
Ses (Buvres ascétiques sont : 1* Compositiones
morales et asceticœ; — 2* Opéra moralia^
pour tous les jours de l'année; — 3* des
élégies spirituelles sur des sujets tirés des
psaumes, sous le titre : Œstrum ephemeri-
eum poeticum; Munich, 1712.
EGGS (Georges^oseph), de la même fa-
mille que le précédent, né à Rheinfeld vers
1870, docteur en théologie, chanoine, cus-
tode et sénieur de Téglise collégiale de
Saint-Martin de Rheinfeld, ecclésiastique
instruit et laborieux, mort vers 1750, est
auteur de plusieurs ouvrages savants qui
prouvent son érudition. Ses œuvres ascéti-
ques sont : 1* Tractatus de quatuor novissi-
mis: — 2* Tractatus de morte sanete obeunda.
EHRARD (Dom Gaspard), Bénédictin, né
en Bavière, est auteur d'un ouvrage inti-
tulé : Duleis memoria, seu vita, doctrina et
mysteria Jesu Christif per brevem commenta-
rium in satêcta Evangelia eœplicata ; Augs^
boiig, 1719, in-8*.
ELECTION. — Nous nous occupons ici
d'élection particulièrement pour ce qui con-
cerne les supérieurs des monastères et des
ordres religieux.
643
ELE
DICTIONNAIRE
BN6
Cil
Pour qu*on soil sûr que la volonté de
Dieu se manifeste dans une élection de su-
périeur, si elle se fait à la pluralité des
voix, il faut que toutes les règles légitime-
ment établies pour la forme de Télection
soient strictement observées. Une de ces rè-
g\eSf fondée sur l'autorité de rEgUse» oblige»
sous peine de faute grave, et c'est la princi-
pale ; c'est que l'on est oblisé de choisir le
plus digne parmi les éligibles. Le concile
de Trente l'a ainsi décidé dans sa xiliv" ses-
sion (c. 1, De ref.)f en disant : « Le saint
concile exhorte tous ceux qui ont le droit
de promouvoir à des charges, à quelque titre
que ce soit qu'ils le possèdent ou qu'ifs
l'aient reçu du Saint-Siège, à ne rien inno-
ver dans les formes, et il les exhorte à se
souvenir qu'ils ne peuvent rien faire de
mieux, pour la gloire de Dieu et pour le sa-
lut des peuples, que de choisir de bons pas-
teurs, et capables de diriger l'Eglise de
Dieu : et s'ils ne choisissent les plus digues
et les plus utiles à TEglise d'après leur con-
viction; s'ils se laissent influencer par les
prières, les affections humaines et les sug-
gestions de l'ambition, alors ils nèchent
mortellement en participant aux péciiés des
autres, p
Et ici, par le plus digne, ofi ne doit pas
entendre quelqu'un en général (jui n est
pas indigne, mais réellement celui que l'on
croit le plus digne par ses mérites réels :
c'est ainsi que l'a déclaré Innocent XL
Il faut prendre le plus digne» dit saint
Thomas, non dans la pensée de l'élu, mais
dans celle de l'électeur; et il ajoute ces pa-
roles bien «remarquables : « Celui-là nest
pas toujours le plus digne qui est le meilleur
et le plus saint» mais le plus utile à l'Eglise. »
De Lugo en déduit ainsi les motifs : La
charge des âmes est telle que l'on ne peut
espérer pour ainsi dire de jamais trouver
quelqu'un de digne en tous points; c'est
pourquoi celui-là est censé digne qui a le
moins de défauts, et qui n'a cas de concur-
rent plus parfait connu ; et si on découvrait
ce plus digne, on ne pourrait sans un grave
dommage de la communauté ne pas le pré-
poser, puisqu'il est si dilïïcile .de, trouver le
supérieur qui par sa prudence et son exemple
contienne les religieux dans la discipline de
leur étaj, et qui ramène les relâchés à la ri-
Sueur de la règle» et qui les conduise tous
la perfection.
Si les électeurs sont tenus d'élire le plus
digne h leur jugement» il ne s'ensuit pas que
l'élu doive se croire pour cela le plus digne ;
car, dit saint Thomas, ce serait être orgueil-
leux et présomptueux ; mais il suffit (]u il ne
trouve rien en lui qui lui rende illicite l'ac-
ceptation de sa dignité, c'est-à-dire une sus-
pense» une irrégularité, une excommunica-
tion» etc. Le saint docteur appuyé ses rai-
sons de l'exemple de saint Pierre» qui, étant
interrogé s'il aimait le Seigneur plus oue
les autres» répondit, non qu il l'aimait plus
que les autres, mais simplement qu'il l'aimait^
L'élu ne doit pas résister obstinément à
sa vocation, si l'élection a été faite légiti-
mement, selon les règles établies, par ceux
par lesquels Dieu a coutume de manifester
sa volonté; quoique l'élu soit porté à sa
charge contre son inclination et ses goûts»
il fera mieux de se soumettre humblement
à porter le fardeau aue de résister avec
obstination. On peut déduire ceci de la para-
bole des talents» où l'on voit que le serviteur
qui caclia son talent fut sévèrement puni.
\ Saint Alhauase écrivant à Draconce, qui
refusait l'épiscopat parce qu'il était moine,
lui disait : « Ce que vous faites n'est pas
exempt de faute, mon cher Draconce» car il
n'est pas permis à celui quiareçu cette srâce
de la cacher» et il n'est pas prudent de four-
nir aux autres l'occasion de la fuir. Le Sei-
gneur connaît mieux que nous-mêmes ce
qui nous concerne» et il sait à qui il confie
ses Eglises. S'il arrive qu'il ne soit pas di-
gne» qu'il fasse attention non è sa vie» mais
à son ministère» de peur qu'en n'envisageant
les choses qu'au point de vue du monde. Il
encoure des malédictions.» « Il ^ en a quel-
ques-uns, dit saint Grégoire, qui ne refusent
que par humilité, de peur d*être préférés à
ceu!L à qui ils se croient inférieurs. Celte
humilité est excellente si elle est entourée
des autres vertus, elle platt à Dieu, pourvu
qu'il n'y entre point de ténacité. Car celui-
là n'est pas véritablement humble qui ré-
siste à la volonté de l)ieu convenablemeut
connue. *
Oii'peut encore observer» sur l'acceptation
des honneurs et charges» les points suivants:
l*" Celui-là pèche gravement en acceptant
des prélatures» s'il se sent exposé au péril
procnainde succombera la négligence de ses
devoirs. 2*" Si celui qui se sent exposé à un
grand péril de succomber dans les devoirs
de sa charge reçoit» malgré ses représen-
tations» l'ordre de celui qui a droit de lui
commander» il doit accepter, et mettre sa
confiance en Dieu. 3* Si, malgré ses obser-
vations et le danger personnel qu'on court»
des personnes recommandables vous font
comprendre que le bien de la communauté
demande votre acceptation, vous devez ne
point refuser, k" Si On n'a aucun motif par-
ticulier et puissant de fuir la dignité, on
peut humblement faire des efforts pour la
refuser » mais on peut aussi humblement
l'accepter. La maxime de saint François de
Sales a ses religieuses était de ne rien re-
chercher et de ne rien refuser. Or, celle
disposition» si elle est bien sincère» appelle
nécessairement les grâces de Dieu pour nous
aider à suffire à toutes les positions» ou
bien alors Dieu permettra que les chagrins
qui nous feraient succomber ne nous arrive-
vent pas.
£LOI (Saint) » évègue de Noyon sous le
règne de Dagobert» l'an 639, offre ce Irait
remarjiùable dans sa vie, qu'il sut mener
une vie contemplative au milieu de la cour.
Il a laissé quelques homélies qui contien*
nent des règles de la vie spirituelle.
ENFER.— Fov. Fins deeiuères.
ENGËLGRAVE (Henri), Jésuite, né è An-
vers en 1610» entra dans la Compagnie à
645
ERM
D^ASCETISME.
ERII
dix-buil ans. Il .sut allier avec Télude des
belles-lettres, dans lesquelles il fit de grands
progrès, une autre étude plus nécessaire
encore à un religieux, celle de TEcriture
sainte et des auteurs sacrés. On l'appelait
un magasin de science f officina scientiarum.
Il mourut à Anrers le 5 mars 1670. Oulre
des Sermons en grand nombre, et des Com-
meniaires sur les évangiles du carême , il a
laissé des Méditations sur la Passion^ tu
langue flamande, Anvers, 1670, in- 8*.
ENGELGRAVE (Jean-Baptiste), frère afnc
du précédent. Jésuite comme lui, naquit à
Anrers en 1601. Il fit profession en 1619,
devint recteur du collège de Bruges, et pro-
vincial de Flandre. C'était un religieux plein
de piété et de zèle et d'un grand savoir. Ou
a de lui : Méditations pour tous les dimanches
ti les mes de Vannée. Il mourut le 3 mai 1058.
£PflREM -Saint), diacre d'Edesse, se livra
dans sa jeunesse a une vie déréglée; mais
il reconnut ses égarements et se retira dans
la solitude pour les pleurer. II alla ensuite
à Edesse où il fut ordonné diacre. Quoiqu'il
eût Dégliffé ses études , il prêcha avec rant
de facilité et d'éloquence , que saint Gré*
|$oire de Nysse l'appelait le docteur de l'uni-
rers, et Tbéodoret, la lyre du Saini^-Esprit.
Il mourut vers Tan 379. On a de lui de nom-
breux ouvrages d'ascétisme et de contro-
verse publiés à Rome en 6 vol. in-folio, 1746.
Les ouvrages de piété ont été traduits en
français par Tabbé Lemerre. S vol. in-12,
Paris, 17U.
EPREUVE.— C'est ceque FEcritare nomme
tentation. Il est dit dans plusieurs endroits
que Dieu met à l'épreuve la foi , la coos-
tance, l'obéissance des hommes; qu'il mil
Abraham à l'épreuve, etc. Dieu n'a pas be-
soin de nous éprouver, il sait d'avance ce
que nous ferons dans toutes les circons-
tances où il lui plaira de nous placer; mais
nous avons besoin d'être éprouvés , pour
savoir ce dont nous sommes capables avec
la grâce, et combien nous sommes faibles
par nous-mêmes. Si Dieu n'avait pas mis à
de fortes épreuves Abraham » Joseph , Job,
Tobie, le monde aurait été privé des grands
exemples de vertu qu'ils ont donnés, et Ils
n'auraient pas mérité la récompense qu'ils
ont reçue. Ge qui est à notre égard une
épreuve, un moyen d acquérir de nouvelles
eounaissauces expérimentales, n'en est pas
un à l'égard de Dieu; mais, en parlant de
cette majesté souveraine, nous sommes
forcés de nous servir des mêmes expres-
sions que quand nous parlons des hommes.
(Foff. Tentatioh, Abahoon.)
ERMITE, SoLrrAraB. — Nous avons faif,
au mot Ahachobètb, l'apologie de la vie so-
litaire ou érémitique , contre la folle cen-
sure des philosophes incrédules; nous avons
lait voir que ce genre de vie n'est ni uu
effet de misanthropie, ni une violation des
devoirs de société et d'humanité, ni un
exemple inutile au monde, et nous avons
réfuté les traits de satire lancés par Tincré-
dulité contre les ermites. Aussi jces censeurs
téméraires n'ont pu se satisfaire eux-mêmes.
«M
en recherclianl les causes qui ont donn«
naissance à la vie solitaire. Certains auteurs
après avoir donné carrière à leurs conjec-^
Uires sur ce point, ont imaginé que saint
Paiil, premier ermite, put en puiser le
Çoûl dans les principes de la théologie mys-
tique, qui apprenait aux hommes que, pour
unir I âme à Dieu, il faut l'éloigner de toute
Idée des choses sensibles et corporelles.
{But. Chnst. sœe. m , p. 29.) Il nous pa-
raît plus naturel de penser que ce saint
solitaire avait contracté ce goût dans l'Evan-
gile, dans l'eiemple de Jésus Christ, qui se
relirait dans de^ lieux déserts pour prier,
qui y passait les nuits entières, et qui y
demeura Quarante jours avant de commen-
cer à prêcher l'Evangile. Ce divin Sauveur
a fait réloge de la vie solitaire et mortiGée
de saint Jean-Baptiste, et saint Paul a loué
celle des prophètes. En effet, nous voyons
que Dieu retint pendant quarante jours
Moïse sur le mont Sinaï, et qu'Eue passa
une partie de sa vie dans les déserts. Voilà
donc un des principes de la théologie mys-
tique consacré dans l'Ecriture sainte.
Mais la vie érémitique n'a jamais produit
des effets plus salutaires que dans le temps
d(»s malheurs de l'Europe, et après les ra-
vages faits par les barbares. Lorsque les
habitants de cette partie du monde furent
partagés en deux classes, l'une de militaires
oppresseurs et se faisant honneur du bri-
gandage, l'autre de serfs opprimés et misé-
rables, plusieurs des premiers , honteux et
repentants de leurs crimes, convaincus qu'ils
ne pourraient pas y renoncer tant qu'ils vi-
vraient parmi leurs semblables, se retirèrent
dans des lieux écartés pour y faire péni-
tence, et s'éloigner de toute occasion de
désordre. Leur courage inspira du respect;
malgré la férocité des mœurs, on admira
leur vertu. On alla chercher auprès d'eux
des consolations dans les peines, leur de-
mander de sages conseils, implorer lesecours
de leurs prières. Nos vieux historiens et
même nos romanciers parlent des ermites
avec vénération ; on comprenait que si leur
piété n'avait pas été sincère , ils n'auraient
|ias persévéré longtemps dansce genre de vie.
Quelques-uns peut-être l'ont choisi par
amour pour l'indépendance, d'autres pour
cacher leur libertinage sous le voile de la
[liété; mais ces abus n'ont jamais été com-
muns, et c'est à tort que les incrédules en
accusent les solitaires en général. Il n'a ja-
mais été fort difficile de distinguer ceux
dont la vertu u'élait pas sincère , leur con-
duite ne s'est jamais soutenue longtemps;
les yeux du peuple, toujours ouverts prin-
cipalement sur ceux qu'il regarde comme
des serviteurs de Dieu, ont bientôt décou-
vert ce qu'il peut f avoir de répréhensible
dans leurs mœurs.
On a encore dit que la plupart étaient des
fainéants qui affectaient un extérieur sin-
gulierpours'attirerdes aumênes, parcequ'ils
savaient que le peuple imbécile ne manque-
rait pas de leur en prodiguer. C'est uur
nouvelle injustice. Les Vrais ermites ont été
647
ESP
DlCTIONNÂine
ESP
648
toiû^urs laborieux, ot comme leur vie^élait '
très-fragale « leur travail leur a toujours
fourni, DOn-seuleoGient leur subsistance, mais
encore de quoi soulager les pauvres. — Les
protestants ont eu beau déclamer contre le
goût de la vie monastique et érémitique,ils
n*ont pu i'etouffer entièrement; il s'est formé
parmi eux des sociétés qui, h Texception du
célibat, ont beaucoup de ressemblance avec
ta vie des anciens cénobites.
ESCHIUS (Nicolas), prêtre pieux et savant,
né à Nordwik, prèsBois-le-Duc, en 1507, se
fil remarquer par la régularité de sa con-
duite, et professa les belles-lettres à Cologne,
où il eut pour élèves le Jésuite Pierre Cani-
sius et le Chartreux Surius.II devint ensuite
archiprètre de Diest et termina paisiblement,
en 1578, une carrière qu'il avait sanctifiée
par la pénitence et les bonnes œuvres. On a
de lui : V Exercices de piétés en latin, An-
vers, 1563, in-8°; —2^ Uagoge ad vitam m-
troversam capescendam, à la tète du Templum
animœ^ ouvrage anonyme; 3* une traduction
de la Perle évangélique^ 15^5.
ESPERANCE. — VEipérance^ prise en
général, est un mouvoment de la partie ap-
))étive vers un bien futur, difficile, mais pos-
sible à acquérir : ver$ un'biefif autrement ce
serait de la crainte; futur^ car le mouvement
vers un bien présent s'appelle joie ; difficile^
car nous désirons simplement ce que nous
pouvons obtenir de suite ; nous ne 1 espérons
pas; pojvft6/e, autrement il y aurait déses-
poir et non espérance. Ici nous entendons
par espérance une vertu théologale divine-
ment infuse, par laquelle nous attendons
avec une confiance certaine Téternelle béa-
titude et les moyens d'y parvenir, par le se-
cours de Dieu.
La vertu d'espérance nous est extrême-
ment nécessaire , non-seulement de néces-
sité de précepte, mais lencore de nécessité
de moyen : c*esl ce que montre le concile de
Trene : « Il faut proposer la vie éternelle
è ceux qui espèrent en Dieu, et comme une
ffrftcemiséricordieusement promise par Jésus-
Christ aux enfants de Dieu, et comme une
récompense Que Dieu, selon sa promesse,
accordera fidèlement à leurs bonnes œuvres
et h leurs mérites, m (Sess. vu, c. 16.) Nous
devons espérer réternclle béatitude et tous
les moyens nécessaires pour l'obtenir, tels
que la grâce de vivre et de mourir pieuse-
ment, de surmonter les tentations, de prati-
quer la vertu et d'obtenir le pardon de nos
péchés, et cette espérance doit être fondée
sur ce motif, que Dieu, souverainement bon,
souverainement puissant et souverainement
fidèle, nous a promis de nous accorder ces
biens, et que Jésus-Christ a souffert et est
mort pour nous précisément dans cette in-
tention. Toutefois, comme l'espérance n'ex-
clut pas toute crainte, nous devon3, tout en
espérant, craindre et nous défier de nous-
mêmes.
Poi/r faire des progrès dans la perfection
et avancer dans la vertu de foi, nous devons
nous exercer avec soin dans Vespérance. On
le prouve :
!• Par l'Ecriture sainte. Saint Paul exhor-
tant les fidèles Hébreux h croître en perfeo>
tion, et leur rappelant au'il espère d'eux de
f;randes améliorations: rious atons une met/-
eure opinion de vous et de votre salut , me»
bien-atmés (Hehr, vi, 9); c'est-à-dire uno
coopération fidèle vers toute perfection, les
y excite en disant : Notis souhaitons que
chacun de vous fasse paraUre jusqu'à la fin k
même xile^ afin que vçtre espérance soit accom
plie et que vous ne soyez pof lents et pares-
seux {fbid.t 11, 12); il relève leur courage
par l'espérance, et ajoute : Nous avons une
puissante consolation-^ nouf qui avons mis
notre refuge dans la recherche et facquisition
des biens qui nous sont proposés par Vespé»
rance^ laquelle sera pour notre Ame comme
uns ancre ferme et assurée, [Ibid.^ 18, 19).
3" Par les SS. Pères : « La foi commence
la gloire, dit saint Jean Chrysostome , l'es-
pérance la consomme en la soutenant; l'une
jette les fondements, l'autre édifie l'homme
tout entier; la première donne le principe,
la seconde conduit le Chrétien au but; la
foi s'adresse aux commencements de la cré-
dulité, l'espérance mène à la consommation
de la vertu ; celle-là croit ce qui est pro-
mis, celie-ci voit déjà ce. qu'elle espère. Per«
sonne ne peut profiter de la foi, s il ne veut
consommer la gloire de l'espérance; et de
même que l'espérance d'à aucune solidité
sans la foi, de même sans l'espérance la fol
ne peut être récompensée. » (Hom. de fide^
spe et charit,) Saint Bernard, décrivant com-
ment celui qui espère se réfugie en Dieu,
méprise ses ennemis, et reste sur au miliea
du danger, dit : « Sa libéralité pleine de dou-
ceur ne fait pas défaut à ceux qui espèrent
en lui : tout le mérite de l'homme consiste
à mettre tout son espoir en celui qui sauve
l'homme tout entier.... Il obtiendra tout ce
qu'il pourra espérer, pourvu que son espé-
rance soit fixée toute en Dieu , qu'elle soit
ferme et non chancelante. » (Serm. IS, ta
ps. xc, Qui habitat^ etc.)
3* Rossignol i en donne la raison* en di-
sant : « A mon avis, de même que la foi
rend héroïques les actions par lesquelles
l'homme, pour la gloire de Dieu , méprise
avec courage et générosité et lui-même et
toutes les choses du monde, de même l'es-
pérance est d'un grand secours pour celui
qui veut persévérer avec constance Pt ju.<;-
qu'à la fin dans les résolutions qu'il a pri-
ses. » (L, III De Christ, perf.^ c. 5) C'e^t
pourquoi l'Apôtre, dans la aéfinilioo elle-
même de la foi, passe de suite à l'espérance
et dit que la foi est la substance des choses
queVon espèrsy aSnque le Chrétien sache qu'il
ne doit pas porter sft pej:isée et s^s espérances
surlescnosesde la ierre,surlesbiensprésen!9
et périssables, mais sur les biens célestes,
futurs et^.tisrnels : ce doit être là l'objet de
ses entretiens et de ses soupirs. D autant
{»lua que, chacun peut, par une espérance
èrroement établie en Dieu, jointe avec'uoe
sage défiance de soi-même, surmonter, avec
le puissant secours de Dieu, tous les obsta-
619
ESP
G^ASGETISSE.
ESP
clcs qui se rencontrent dans la voie de la
perfection.
Saint Thomas (9-2, q. 17, a. 7) nous
enseigne comment procède l'esprit, pour se
lîTrer h Tespérance.La lumière.de la foi Tex*
cite à Pamonr de la béatitude et des choses
(lui y conduisent; delà résultele désir et enfin
1 espérance. Quand le désir est efficace, il
trouve un appui dans la connaissance delà fin,
en tant qu^elle est possible pour lui, par les
moyens que Dieu a mis à sa disposition.
Alors ce diésir commande un autre senti-
ment, ou bien il est Jui*mëme le sentiment
Par lequel on se propose de snmooter avec
aide de Dieu tous les obstacles et toutes les
difficultés. C'est en ce sentiment que con-
siste Pespérance. Si elle se manifeste au mi-
lieu des circonstances les plus difficiles, si
elle supporte toutes les adversités, à cause
de la vie éternelle; si elle est pleine de con-
fiance et de sécurité, et cela en tout temps,
avec empressement, promptitude, joie et
roiistance; ou du moins si Tesprit y est cons-
tamment disposé, Tespérance devient hérol-
gu€ et se révèle par la sublimité des l>onnes
œuvres, comme renseigne Lanrœa. (m 5m/.,
d. 32« a. 10.) De là l'espérance héroïque peut
consister: 1* Dans la manière parfaite d'espé-
rer, alors qu'on place uniquement son espoir
et soo amour en Dieu, coronte notre fin, et
dans les biens crises , en tant qu'il sont néces-
saires ou très-utiles pour arrivera cette fin.
Bans toute nécessité et dans tout péril, on
recourt à lui sans hé^tation et sans retard ;
c*est par lui et à cause de lui au*on espère
et qn'on obtient les choses les plus difficiles,
comme il est arrivé à sainte Thérèse, dans
la réforme de son ordre. ^ 8* Dans une ri-
goureuse pénitence, un parfait renonce-
ment aux choses temporelles, une grande
défiance de soi-même; dans les obstacles
que l'on éprouve pour la gloire de Dieu et
le salut des âmes, et dans la joie avec la-
quelle on supporte les adversités que Ton
a à souffrir pour Jésus Christ et pour la jus-
tice, comme saint Ignace, etc. — 3* Dans
l'entrée en religion, surtout quand il faut
pour cela surmonter de la part du monde
de nombreux obsUncles, ce qui est arrivé h
saint Louis de Goozngue. — k* Enfin dans
la joie que fait ressentir la nouvelle et la
méditation d'une mort prochaine, comme
pour saint Philippe de Néri. [Vay, Bc?io!t
XIV, De serv. Dei beatif., I. ui, c% 23.)
Les actes qui ont la propriété d'augmen-
ter en nous Vespérance surnaturelle et in-
fuse, sont : 1* d'avoir en toute circonstance
une confiance véritable et filiale dans la
bootf, la toute-puissance et la fidélité de
Dieu, de demander et d'attendre de Dieu
seul tout secours, tout conseil, fonte force
ci toute grâce, de lui dédier toutes nos
actions, et de lui adresser d'humbles actions
de grâces ; 2* d'avoir confiance , non dans
rbomme* ni dans les créatures, mais avant
tout en Dieu ; S* de penser combien d*hommrs
le Seigneur a d^jà sauvés» combien oar ses mi-
racles il en a déjà fait parvenir à la foi, à la
pénitence et à la sainteté, combien dans sa
DicnoNsiAiRi d'Ascétismv. L
miséricorde il en a préservé dcsiplos grands
maux, du péché et de. l'enfer; et, s*il se pré-
sente quelque grand mal, quelque grave
danger, de recourir d'abord à Dieu et anc
saints par la prière, et ensoKe aux remèdes
humains ; h* de croire fermement que nous
et toutes les créatures, nous ne pouvons
rien, que toute notre capacité vient de Dieu,
et |)ar conséquent de recourir è lui dans
tontes nos actions avec uneferme confinnce.
Crmme le principal acte do Tei^péranoe
Ihéologiqiie est Vatttnle et le désir de VUer^
nelle béatitude^ 'nous devons sans cesse as-
pirer à l'obtenir, aussitôt qu'il plaira h Dieu,
et être toujours prêts k nbendonnor do
grand cœur tous les biens présents et mêron
la vie, afin de parvenir à Paccomplissement
de ce vœu ;
1* C'était là le sentiment habituel de
David, même alors que les portes du para-
dis étaient encore fermées. €omme U cerf
êoupire après leâ éutior, s'écriatt-il dans l'ar-
deur de 9on désir, de même mon âme lau-
pire aprfê touêf 6 mon Dieu! Mon âme est
toute brûtante pour vout^ pour te Dieu fort
et rivant. Quand viendrai''je^ et quand parai-
trai-ie déviant la face de mon Dieu f (P«, xu,
% 3.) Il n'est donc pas étonnant combien
devaient être ardentes les aspirations des
saints du Nouveau Testament vers le ciel*
dont les portes leur étaient ouvertes, lésus-
Cbrist disant : Voici gue je rienê et ma r#-
eompenee est avec moi ; eoici que je viens.
Saint Jean s'empresse de lui réimndre :
Venez, Seigneur Jésus. Saint Paul disait aux
Romains (viii, 23) : Nous gémissons en nous-^
mêmes f dans VatUnte de ta rédemption de
notre corps et de Vadoption divine. Je désirs
d'être dégagé des liens du corps et d'être avec
Jésus-Christ. (Phil. i, 23.) Dans cette cou-
fiance que nous aroni , nous aimons mieux
sortir de ce corps pour aller kabiter avec te
Seigneur. (II Cor. v, 8.)
2* Les Pères et les autres saints brûlaient
du même désir. « Seigneur, s'écriait saint
Augustin, puissé-je mourir, afin de vous
voir I Je ne veux plus vivre, je veux mou-
rir. Je désire d'être dégagé des liens du
corps et d'être avec Jésus-Christ. Je désire
de mourir, afi^ï de voir Jésus-Christ. Je re-
fuse de vivre, afin de vivre avec Jésue-
rhrist. » (Solfloq.f c. 1.) ■ Si jamais je t'on-
blie, Jérusalem* disait saint Bernard, que
ma main droite soit vouée h l'oubli t...
Quand briserez-vous mon enveloppe, Sei-
gneur Jésus T Quand m'entourerez-vous do
joie, afin que ma gloire vous célèbre et que
je ne sois plus accablé de tristesse ?
Quand viendra le temps où nous pourrons
nous plonger au sein des joies étemelles
dans la source même de ta Divinité? »
(Serm. 2 De divers.)
8* La raison en est bien simple. D'almrd
cette aspiration à l'étemelle béatitude nous
excite puissamment à progresser dans la
perfection chrétienne; ensuite celui qui
manque de force pour désirer sa fin der-
nière, qui est la possession de Dieu par sa
vision et son amour, semble par cela mémo
21
651
ESP
DIGTlONiNÂlRE
ESP
632
manquer de force daos la foi| l'espérance
-et la charité , par conséqueut dans la subs-
tance du christianisme; donc nous devons
iétre souTent animés de ce désir. EnQn, celui
qui veut efficacement la fin, doit vouloir
«ussi les moyens d'arriver à cette fin ; or le
moyen d'arriver à la béatitude, c'est la mort :
donc, loin de la fuir, nous devons môme
souhaiter la mort, la mort dans le Seigneur.
11 est permis, il est même saint de désirer
la mort, surtout quand ce désir est inspiré
par l'amour le plus pur et par la volonté de
s'unir parfaitement avec Dieu. Rodriguez
l'enseigne et le prouve. (L. i, Exerc. per-
feet.f tr. 8, c. 19, 20, 21.) Bien plus, daus
tous les états, c'est non^seulement une af-
faire de perfection, mais même une obliga-
tion d'aspirer à la vision de Dieu ; et bien
des exemples ont montré qu'on encourt un
chAtiment, en négligeant ces aspirations sa-
lutaires. {Aussi sainte Brigitte raconte ainsi
une révélation qui lui avait été faite par la
sainte Vierge sur un certain ermite mort
tout récemment : c Sache que l'Ame de cet
liomme serait entrée dans le ciel, tout
aussitôt après sa sortie du corps, si elle
.avait eu, au moment de la mort, le parfait
désir de parvenir à la présence et à la vi«
sion de Dieu. C'est pourquoi elle est main-
tenant retenue dans ce purgatoire du désir,
où l'on n'éprouve d*autre peine que le seul
désir d'arriver auprès de Dieu, ji (L. iv
MeveL^c. 127.) Sainte Gertrude et saiute M ec-
tbilde, dans Blosius (MonU. spir,^ c. 13j,
tiennent le même langage, ainsi que le Vé-
nérable Bède, dans quelques révélations
2u'il raconte (I. v J/tsi. AngL^ c. 13), et
enys le Chartreux {DiaL de jud. part*^
<ۥ 31). Bellarmin admet ce purgatoire du
désir (1. u Dt purgat.f c. 7), et bien que
Suarez trouve matière à de graves diilQcul-
tés sur le mode et le lieu de ce purgatoire
(d, k6 De pœnit.f f. 1), à moins quon ne
J'entende crune manière symbolique, il re-
connaît toutefois la vérité de cette doctrine,
que l'Ame, tiède dans le désir de voir Dieu,
soit punie en ressentant ce même désir
après la mort, sans pouvoir le satisfaire ;
de sorte que les autres chAtiments ne se-
raient rien en comparaison de celui-ci, et en
réalité seraient beaucoup moins rigoureux.
Quoiaue l'espérance de notre éternelle
béatituae soit certaine par elle-même, ap-
puyée qu'elle est sur le motif de la bonté,
de la toute-puissance et de la fidélité de
Dieu, elle est néanmoins incertaine par rap-
port à nous, puisque persomm«'est certain
de posséder la grAce, ni d'y pers^érer.
Aus«i n'exclut-eile pas toute crainUf et ne
peut-on atteindre en cette vie cet état de
perfection où l'on ne ressente aucune crainte
des chAtiments éternels, aucun désir de
l'éternelle récompense, comme le veulent
les quiétistes. Mais bien que l'espérance ne
soit accompagnée ni de cette crainU mon-'
datne, par laquelle on craint, comm» un mal,
de perdre les biens temporels, et l'on est
disposé, pour les conserver, môme à violer la
loi de Dieu ; ni de cette crainte servilement
eervile^ par laquelle on craint plus le chiti.
ment que la faute, et l'on n'a que peu
d'horreur pour celle-ci; cependant avee
l'espérance se trouve cette crainte, serviU
quant à la substance, par laquelle on a ho^
reur de la faute, et l'on s'en abstient par la
crainte des chAtiments ; et aussi celte cratnu
filiale^ par laquelle on craint d'offenser
Dieu, par horreur de l'offense elle-mime,
cette dernière crainte est un don du Saini-
Esprit et une condition requise pour Tes-
pérance héroïque.
Celui donc aui cherche à s'avancer dans
la perfection cnrétienne, tout en s'exerçaot
à l'espérance doit aussi s'appliquer à la
crainte de Dieu. Ainsi l'enseignent :
1*" L'Ecriture sainte : La crainte du Seigneur
est le commencement de la sagesse. (Prov, i,
7.) Sur quijetterai'je les y eux y sinon sur le
pauvre qui a le cœur brisé et gui écouté mei
paroles avec tremblement? (/sa. lxvi, 2.)
Opérez votre salut avec crainte et tremble-
ment. {Phil. Il, 12.)
2° Les saints Pères : a Le roi du ciel, le
Créateur de l'univers, qui ne veut aToir
aucun temple terrestre, daigne recevoir
dans son temple Thomme humble et paisi-
ble, qui écoute sa parole avec Iremblemenl.
Le Seigneur jette sur lui ses regards (S. Jé-
rôme, tfi Is.f L c.) «Il est rare, dit saint
Augustin, et même il est sans exemple que
quelqu'un veuille devenir chrétien, sans
ôtre saisi dé quelque crainte de Dieu. » {De
catechiz. rudt&., c. 5.) « J'ai reconnu avec
vérité qu'il n'est rien de plus efGcace nour
mériter ou recouvrer la grAce, que d être
en tout temps devant Dieu animé de senti-
ments de crainte., et non d'orgueilleuse pré-
somption. Heureux Vhomme qui est touioure
tremblant. » (S. Bernard, serm. 54, in Cant,)
3"" La raison. D'abord, rien n'est plus efll-
cace pour conserver la grAce que cette crainte
et cette défiance de uous-mômes, jointe à
l'espérance et à la confiance en Dieu, puis-
que, comme le remarquent saint Bernard et
saint Ambroise, d'illustres saints ooLélé
entraînés à de graves chutes par trop de
présomption et par défaut de crainte et de
circonspection. D'ailleurs c'est de la crairile
de Dieu que natt la force : par elle celui
qui craint place tout son espoir en Dieu
qui est un ferme appui pour ceux qui k
craignent {ps. xxiv, ik); et, certes, nous en
avons une preuve éclatante dans le courage
et la force des saints martyrs.
Le Chrétien généreux et qui aspire aox
grandes choses doit donc s'exciter surtout
à l'espérance : il doit espérer même codt
tre toute espérance, se rappelant qu'elle
ne peut jamais être trop grande, et quii
n'espérera jamais de Dieu autant que Dieu
veut qu'on espère de lui. Si telle est son
espérance, il accomplira des merveilles au-
dessus des forcés de la nature. Suivon>
le conseil de saint Jean Chrjsostome :
« Chrétien, ne vous écartez pas de l'espé-
rance qui vous est proposée, ne perdez pas
la gloire de la persévérance, ne vous livrez
pas à Tesprit de révolte h&tez voire
ESP
D^ASCETiSME.
ESP
Ooi
course» empressez-vous d*a(leiodre \e bat ,
que rennemi ne relarde pas folre course»
Sue refl^érance même conduise auprès de
iea celui cpn s*empresse vers lui. Suivez
les plus rapides, alleignez les relardalaires,
dépassez les paresseux, imitez courageuse-
meot Ses forts, provoquez les autres afin
qu*ils TOUS provoquent; car il atteint bien-
tôt l'objet de ses désirs, celui qui suit les
plus rapides el qui craint de se laisser de-
vancer par les plus lents. Comparez, si vous
pouvez, les peines avec les mérites, les
sueurs avec les récompenses, la course avec
le royaume étemel. El cependant il n'é-
prouve aucune peine, celui qui s*eœpresse
avec l'aide de Dieu, et il ne ressent aucune
tàii^Bf celui qui la partage avec Jésus-
Christ. 9 ( Hëwn. de flae^ spe ei char.) Que
Tespérance nous fasse donc concevoir le
plus vif désir de la vie éternelle, afin
d*ètre parfaitement unis à Dieu; et alors,
malgré les craintes que doit nous inspirer la
connaissance de nous-mômes, nous serons
puissants en toute chose, par la connais-
sance de Dieu, qui est présent partout, qui
peut et voit tout : de même que de rien il a
tout créé, de même il agira dans notre
eœor, pourvu que nous reconnaissions que
rien ne vient de nous-mêmes et que tout
▼ieni de Dieu.
Maintenant il nous reste à donner quel-
ques avis aux directeurs sur la conduite
des âmes dans la vertu d'espérance...
I. Le directeur doit veiller avec le plus
grand soin à ce que l'espérance ne se re-
froidisse pas dans le cœur de ses pénitents;
car si cette vertu s'affaiblit en eux, i! verra
en même temps s'affaiblir toutes les autres
vertus. L'espérance est pour TAme ce que
les esprits vitaux sont pour le corps : elle
donne à ses opérations 1 activité, la vivacité
et Ténergie. Si les esprits vitaui s'affaiblis-
sent dans le corps, la force d'agir s'affaiblit
aussi dans les facultés corporelles ; et si le
corps est totalement privé des esprits vi-
taux, il n'est plus qu'une masse immobile
et incapable ae nulle action. De môme, si
dans lin Chrétien la vertu d'espérance s'é-
teint entièrement, il devient incapable
d aucune œuvre sainte ; et si cette vei lu ne
meurt pas tout à fait, mais s'affaiblit seule-
ment, la force, la vigueur pour le bien di-
minue en proportion. En un mot, le Chré-
tien qui manijue de l'espérance ne peut être
un bon Chrétien; et la perfection chrétienne
ne peut se rencontrer en celui qui n'a
qu'une espérance faible et imparfaite.
Cependant un directeur ne laissera pas de
rencontrer des personnes adonnées à la vie
spirituelle, dans lesquelles cette vertu de
SI haute importance n'a point de fonde-
ment, parce qu'elles tombent facilement
daas la défiance, dans l'abattement et
comme dans une prostration de l'Ame.
Aussi arrive^t-il que cet eng;ourdissement
de l'espérance amène le refroidissement de
l'amour divin, la négligence dans l'exercice
des vertus^ la paresse et la lenteur dans la
pratique des bonnes œuvres. Mais. ce qu'il
importe le plus de remarquer à ce sujef,
c'est que l'on ne s'impute point è péché, on
ne se reproche nullement ces pensées de
défiance ni cet engourdissement dans les
affections ; et que souvent on prend pour de
l'humilité cette basse pusillanimité, et pour
une ves-tu cet abattement déplorable. Le plus
grand mal consiste donc en ce que ces
sortes de personnes ne prennent point leur
mal pour un mal ; et ce qu'il y a de plus
dangereux pour elles dans cetîe tentation,
c'est qu'elles n'ont pas le moindre soupçon
que ce soit une tentation. «Si donc le direc-
teur a è conduire des Ames de cette sorte
iet il en trouvera souvent), il doit s'efforcer
relever leur cœur abattu, et à les réveiller
de cet assoupissement qui les paralyse : car
tant qu'elles demeureront en ce triste état,
elles ne pourront faire aucun progrès daus
la voie de la perfection
11. Mais il laut examiner ici en quoi con-
sistent ces sentiments de déGance et de dé-
sespoir, vices opposés à l'espérance, et
quelle en est la source: car si le médecin
spirituel connaît bien les qualités et les
causes de ces deux maladies, il lui sera fa-
cile d'j appliauer les remèdes convenables.
Selon saint Thomas, « le désespoir n'a pas
pour seul résulîatla privation de l'espérance;
mais il produit encore un certain éloigne-
ment de l'objet désiré, en faisant croire &
rimpossibilité de l'obtenir. » ( 1-2, q. 44,
art. 4. ) En outre, le même saint docteur
expose ainsi l'origine de cet éloigoement,
de cette aversion pour l'objet désiré, qui
constitue principalement la malice du dé-
sespoir: a Le désespoir naît de la crainte
de Dieu, ou de l'horreur du péché, en tant
qu'on abuse de ces sentiments, bons en
eux-mêmes, pour eu prendre'occasion de
se livrer au désespoir. » (/6td., q.20, art. 1.}
Quant h la défiance, qui ne renferme point
un tel excès de malice, il faudra rappeler
manque d'espérance, ou bien espérance lan-
guissante, froide et chancelante, née d'un
excès insensé de la crainte de Dieu et de
rhorreur du péché. II y a donc cette diffé-
rence entre I âme qui désespère de Dieu et
l'Ame défiante, que la première s'éloigne
entièrement de Dieu, sous prétexte qu'il lui
est impossible d'obtenir sa grâce ; et que la
seconde n'abandonne pas Dieu entièrement,
ni d'une volonté pleine,* mais cependant no
lui est point unie par l'espérance, ou ne
s'attache h lui que par une espérance bien
faible. Saint Thomas, comparant le déses-
poir avec l'iaûJélité et la Laine de Dieu,
n'a pas craint de s exprimer en ces termes :
c Si l'on demande notre avis sur le déses-
f|oir comparativement aux péchés d'infidé-
ité et de haine de Dieu, nous dirons que le
désespoir est plus dangereux, parce que
l'espérance nous retire du- mal et nous fait
rechercher le bien ; aussi, dès que rhomire
perd l'espérance, il n'a plus de frein, tombe
de vice en vice, et s éloigne des i>onni'S
œuvres. » (2-2, q. 20, art. 3.) Avant ce
grand docteur, saint Isidore avait dit:
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ESP
DICTIONNAIRE
ESP
656
« Faire le mal, c'est donuer la mort à Tâme ;
mais désespérer, c'est descendre dans les
enfers. » (Lib. n De summ. bonOf c. U.)
Quant à la- défiance, on ne peut en dire
autant, il est vrai; mais toutefois, elle est
aussi eicessivement dangereuse, puisqu'elle
provient de la môme source que le déses-
poir, c'est-à-dire d'un excès abusif de crainte
de Dieu et d'horreur pour le péché, bien
que dans la défiance cet abus soit moins
grave. Si elle n'éloigne pas tout à fait de
Bieu, au moins elle ne nous rapproche pas
de lui par l'espérance, ou ne nous en rap-
proche que fort peu : de là vient qu'elle a
pour résultat de nous rendre plus négligents
dans la pratique du bien, et de nous dispo-
ser à tomber dans le péché. II est donc facile
de voir qu'il ne faut espérer aucun progrès
dans la vie spirituelle pour une âme, tant
qu'elle n'aura pas rejeté ces sentiments
d'abattement spirituel.
Mais puisque un excès de crainte engen-
dre non-seulement le désespoir, mais encore
la défiance elle découragement, le directeur
doit nécessairement faire en sorte que la
crainte soit modérée par l'espérance dans le
cœur de ses pénitents. La crainte est néces-
saire ; sans elle, l'âme est comme un navire
qui vogue à voiles déployées, mais sans
lest, et qui va se précipiter contre les écueils
avec d'autant plus de vitesse, qu'il est plus
léger, L'espérance est également nécessaire:
l'âme sans espérance est un vaisseau sans
rames et sans voiles, qui reste immobile au
Oiilieu de l'Océan, sans pouvoir continuer sa
route. Mais l'âme qui craint avec l'espérance
et qui espère avec la crainte, est ce navire
heureux qui, poussé par un vent favorable
et maintenu par le contre-poids du lest, s'a-
vance, arrive à bon port. Le directeur doit
donc veiller à ce que l'espérance soit tou-
jours plus grande et l'emporte toujours sur
la crainte, selon le conseil de l'Apôtre, qui
nous recommande d'abonder toujours en
espérance, et de nous remplir de la force du
Saint-Esprit, ut abundelis in spe^ et virtute
Spiritus sancti. {Rom. xv, 13.) C'est elle en
euet qui doit imprimer le mouvement à nos
œuvres de piété et être l'âme des vertus.
Si la crainte marche toujours avec l'espé-
rance è sa suite, il n'y aura plus lé moindre
danger de tomber dans la défiance, et encore
bien moins dans le désespoir: en effet, la
crainte sera humble et courageuse tout à la
fois, étant appuyée sur l'espérance; et l'es-
pérance sera ferme et modesie tout à la fois,
étant modérée par la crainte. C'est pourquoi,
si un directeur trouve des âmes défiantes, il
leur ordonnera de méditer souvent sur les
motifs propres à exciter l'espérance, et de se
nourrir abondamment de ce sentiment sa-
lutaire dans leurs oraisons, puisque leur
état de faiblesse a un extrême besoin de
cette nourriture fortifiante. Mais il leur re-
commandera surtout, aussitôt qu'elles se
sentiront abattues par la crainte des peines
éternelles ou par 1 horreur de leurs fautes,
de faire des actes d'espérance et de les répé-
ter plusieurs fois, jusqu'à ce que leur esprit
sorte de cet abattement et reprenne son an-
cienne vigueur.
IIL Comme cette horreur excessive du
péché et cette crainte outrée peuvent natire
de diverses causes, à savoir, du souveoir des
péchés passés, de la considération des fautes
présentes, ou de l'inconstance de la volonté
dans le bien et de la rechute dans le mal, et
enfin de l'appréhension des peines futures,
le directeur doit avoir pour tous ces cas des
remèdes à appliquer aux âmes tourmentées
par un excès de crainte.
Si la défiance naît de l'horreur que Ton
éprouve pour les péchés de la vie passée, le
directeur fera remarquer^aux pénuents que
nos péchés, quelque énormes et nombreui
qu'ils soient, sontce|iendant toujours mom
grands que la miséricorde infinie de Dieu;
et que, par conséquent, ils n'ont aucune
raison de désespérer, mais seulement de
délester leurs péchés. Voici comme saint
Basile s'exprime à ce sujet : « Puisque les
péchés ne sont point infinis ni en énormilé
ni en nombre, et que les miséricordes de Dieu
n'ont point de bornes, ui pour la grandeur
ni pour le nombre, il est hors de doute qu'on
ne doit jamais se livrer au désespoir; maisil
suffit de reconnaître la miséricorde de Dieu
et de détester les péchés que l'on a commis.*
{ReÇj, brev.fq. 13.) «Qu'est-ce que le péché,
dit saint Jean Chrysostomé, en comparaison
de la miséricorde de Dieu? Une toile d'a-
raignée qui disparaît pour toujours au soufile
du vent. » (Hom. 2 tn ps. l.j Et quand le
directeur ajouterait, pour rassurer son péni-
tent. Que tout l'amas de .ses grauds crimes,
plonge dans l'océan immense de la miséri-
corde divine, est comme une goutte de fi;l
dans un océan de lait, il n'exagérerait poiut,
il serait encore en dessous du vrai.
Mais si le pénitent qui éprouve une craioio
excessive pour sesnéchés passés fonde cette
crainte sur ses confessions précédentes et sur
la pensée qu'il ne s'est pas bien confessé, le
directeur examinera sur quel fondement
cette crainte s'appuie. S'il n'en trouve au-
cun, il ordonnera à son pénitent dt faire
des actes de douloureuse contrition sur les
{)échés qu'il a commis; et. s'il a péché mille
bis, de se repentir mille fois, mais de s'ea
tenir là désormais. Car n'étant pas tenu de
^aire une nouvelle confession, puisqu'iU
fait une légitime accusation do ses péchés,
Ear des actes réitérés de contrition, i'/^^
lira de plus en plus en sécurité à l'égard
du pardon de ces fautes, si, pour une cause
inconnue, elles n'avaient pas encore été re-
mises. C'est le- conseil de saint JeanChry-
sostome : « Ne dites pas, je suis un blasphé-
mateur ; ne dites pas, Je suis un persécuteur,
un impudique: vous avez des exemples de
tous ces crimes ; en quel port voulez-jous
vous réfugier? Voulez-vous le chercher daus
la Loi nouvelle, ou dans Tancienne? Dans
. l'ancienne, vous avez David ; dans la nou-
\ velle, vous av€?z Paul. Ne me présentez point
d'excuses, n'alléguez point votre lâcheie.
Vous avez péché? Repeniez-vous. >otts
es?
ESP
D'ASCETISME.
ESP
65S
ATez mille fois péchf^? Repentez-Tous mille
fois. » (Hom. 2tit p$. l.)
Si la déûance nattde la considération des
fautes présentes et de Pinconstance t|ue
Thomme éprouve à Tégard de ses bons pro-
pos, comme il arrive assez souvent aux per-
sonnes spirituelles, à qui la rechute fré-
quente dans les fautes qu'elles ne voudraient
plus commettre, et le sentiment de passions
encore vives inspirent de la défiance con-
cernant leur avancement, le directeur doit
exciter ces sortes de personnes à mettre
dans le secours de Dieu une grande con-
fiance, dans cotte pensée ou'une entière vic-
toire sur soi-même est 1 œuvre de la grâce
et un don de Dieu, que la bonté divine ne
refuse à aucun de ceux qui Tespèrent et la
liemandent. On doit les ranimer encore par
Fexemple de saint Pierre, qui, choisi pour
Tapostolat entre tant de aulliers d*bommes,
et élevé seul parmi les apôtres à la sublime
dignité du souverain pontificat, est tombé
cependant si honteusement, après la pro-
messe plusieurs fois réitérée de ne pas tom-
ber; et oui, nonobstant cette chute, est
parvenu a une sainteté si éminente. « Si
Pierre, dit saint Bernard, après une ''telle
chute, est parvenu à une sainteté si su-
blime, qui désormais |)Ourrait désespérer,
avec la volonté de quitter le péclié? »
(Serm. 8 m sol. Pétri et PaulL)
Si enfin la défiance du pénitent a sa source
dans une crainte excessive des peines de
Tautre vie, le directeur doit lui rendre l'es-
pérance par la considération des douleurs
que le Fils de Dieu a souffertes pour nous,
afin de nous délivrer des peines éternelles
et de nous rendre éternellement heureux.
Aussi écoutons ce que nous dit saint Paul :
Rappelez-^ous la pensée de celui qui a tant
souffert de la part des pécheurs^ afin que votre
esprit ne tombe point dans un abattement qui
répuise. {Bebr. xii, 3.) Qu'on se rappelle
encore cette belle parole de saint Jean :
Dieu a tellement aîmé le monde^ qu'il a donné
son fils unique^ afin que quiconque croit en
lui ne périsse pas ^ mais obtienne la vie éter-
nelle, (Joan, iij, 16.) Et si pour relever un
cœur abattu par une crainte outrée, ces pro-
messes si claires ne sont pas sufiisantes,
qu*on lui répète ces paroles du Sauveur, par
lesquelles il témoigne qu'il est venu princi-
palement dans le monde pour le salut des
pécheurs : Je ne suis point venu appeler les
justes^ mais Us pécheurs (Matth. ix, 13);
et ces autres par lesquelles il nous assure
qu*il laisse quatre-ving-t-<lix-neuf brebis pour
aller à la recherche d'une seule qui s'est
égarée, et la ramener au bercail. En-
suite il faudra lui ordonner de répéter sou-
vent ces paroles de Job, qui sont si propres
à rappeler à l'espérance un cœur abattu :
Quand même vous me feriez mourir^ f espère^
rai en vous^ et vous serez mon sauveur l Oui,
Seigneur Jésus, vous m*avez donné tant de
de gages du salut éternel, que,quand même
vous seriez là prêt kfme frapper du glaive de
TOire justice, j'espérerais cependant en
TOUS. Vous êtes mon Rédempteur; vous
êtes mon Sauveur. Qui craindrais-je? Pour-«
quoi tremblerais-je?..
ESPRIT (DOHS BT FRUITS DU SAINT-). —
La grAce sanctifiante ou la charité habi-
tuelle, ce don principal du Saint*-Esprit,
n'est jamais donnée seule. Elle est toujours
accompagnée de plusieurs autres dons, c'est-
à-dire, 1* des vertus infuses ou surnatu-
relles, la foi, l'espérance, la charité et la
vertu de pénitence , ainsi que de plusieurs
autres qui découlent des vertus théologales ;
2* des sept dons du Saint-Esprit, de ses
douze fruits et des huit béatitudes: autant
de faveurs dont l'Esprit-Saint est le prin-
cipe, et qui croissent encore jusqu'à faire
de nous des héros chrétiens, selon la dis-
{ position et la préparation de nos âmes. {Voy.
e mot BÉATITUDES.)
Nos facultés int('*rieures ont été affaiblies
et presque ruinées par le péché. Nous avions
donc besoin d'être guéris et fortifiés. Le
Saint-Esprit, par ses sept dons inséparables
de la grâce sanctifiante, guérit la laiblesse
de la volonté, rélorme les erreurs on dis-
sipe l'ignorance de l'entendement, et les
rend par là capables de faire le bien. C'est
à l'aiae de ces grâces que les apôtres et les
autres saints de tous les temps ont couru
avec la vitesse du cerL et volé comme arec
les ailes de la colombe^ dans les voies de
Dieu; c'est par ces grâces que, s'élevant au-
dessus de la terre et des choses de la terre,
ils ont su prendre leur essor^ et pénétrer
en esprit jusque dans les cieux , pour y
f)rendre les affections, les sentiments et le
angage des saints. De là vient que le pro-
phète Isaïe nous les représente comme des
espritSy et leur en donne le nom. Saint
Paul appelle leurs opérations extérieures,
ou le don de parler avec une haute sagesse^ ou
celui Renseigner avec science^ etc.. VEcclé-
siastique représente ces mêmes' grâces,
comme des dons particuliers dont Dieu rem-
plit l'âme, et des dispositions qui demeu-
rent en elle sous le titre A*esprxt de sagesse
ou dk entendement. Ce sont autant d'habitudes
surnaturelles et permanentes qui disposent
l'âme, 1 excitent à suivre les voies de la
vertu, et à correspondre aux inspirations
du Saint-Esprit; rendent la mémoire plus
propre à retenir sts impressions; l'enten-
dement et la volonté plus dociles à ses lu-
mières et à ses bons mouvements.
Le premier de ces dons est le don tintel^
ligence.
Le don d'intelli^encei considéré comme
don du Saint-Esprit, apprend à l'âme à pé-
nétrer les choses surnaturelles, non-seule-
ment par la simple connaissance que nous
en donne la foi, ou par l'étude et les re-
cherches que nous en faisons, mais par
Texpérience et le goût des choses divines
Ïue donne l'union habituelle avec Dieu,
'état de stupidité où nous a réduits la cor-
ruption de notre nature, nous rend incapa-
bles, ou beaucoup moins capables, soit de
concevoir les motifs de notre sainte foi,
soit de comprendre la sagesse et de décou-
vrir la sainteté des lois divines^ soit enfin
659
ESP
DICTIONNAiriE
ESP
660
Je nous former une juste idée de nos de-
voirs; ce qui nous expose à beaucoup de
tentations différentes; tels. sont les doutes,
les troubles*, les incertitudes qui nous agi-
tent sur les vérités révélées : tels sont en-
core Tamour des plaisirs sensuels et des
biens de la terre» le dégoût et le mépris
môme des choses spirituelles. Le remède à
ces maux el à Tappesantissement de notre
o^prit, qui on est la cause, c'est le don
d'inlelligence qui, élevant notre Ame au-
dessus des nuages de rignoraiice, lui fait
saisir les grands motifs de foi, d'amour, de
confiance et des autres vertus que nous pré-
sente notre sainte religion, et qui nous cou-
(irment dans la foi. L*Esprit-Saint nous en
donne la certitude la plus lumineuse et la
plus inébranlable; il nous fait voir claire-
ment et il nous fait vivement sentir au fond
de notre&mele pouvoir des vérités révélées;
il fait nairre dans notre esprit de saintes
pensées qui enQammenl nos cœurs et les
remplissent de pieuses aiîeetions etde sainis
désirs. Fotis m'avez découvert^ 6 mon Dieu !
les secret» et les profondeurs de votre sagesse^
disait le saint roi. Saint Augustin, aorèssa con-
version, ne pouvait se rassasier ae contem-
jilcr la sublimité des conseils de Dieu dans le
mystère de noire rédemption. David frappé
de la grandeur de ce don d'intelligence di-
sait : Heureux, Seigneur, l'homme que vous
daignez instruire, et à c^ui vous donnez la
connaissance de votre loil »
2* Le don de, sagesse, comme don de TEs-
prit-Saint, nous fait connaître les vérités sur-
naturelles, non par l'expérience et le senti-
ment, mais en nous élevant jusqu'à la con-
naissance ou des vérités divines les plus
inaccessibles h la raison humaine, ou des
plus sublimes mystères qui les renferment.
C'est ainsi que la sagesse de Dieu, sa misé-
ricorde et ses autres attributs se découvrent
dans le mystère de la Trinité, dans celui de
llnc^rnation, etc. L'excellence de ce don est
admirablement développée dans les livres sa-
pientiaux. Elle éclaire, dit un auteur célèbre,
elle déitie en quelque sorte l'esprit humain,
celte sagesse descendue du ciel.
d!' La science donne les mêmes connais-
sances, mais par des voies moins élevées,
c'est-à-dire, par des causes qui sont à la
portée de notre raison, comme la création,
jdi divine Providence, etc. Par ce don et le
E recèdent, nous apprenons à mépriser les
agalelles de la terre, et nous nous formons
les plus hautes idées des choses divines;
nous les contemplons avec délices, et nous
nous perfectionnons dans la connaissance
de Dieu; d'oi!i il arrive que nous croissons
tous les jours en amour, et que nos cœurs
s*unissent toujours à lui de plus en plus,
cr Elles portent avec elles, dit saint Bona-
venture, un goût intérieur qui remplit l'âme
de suavité, et qui a fait dire au Psalmiste :
Goûtez et voyez combien le Seigneur est
doux,
4*" Le don de conseil est la science expé-
rimentale et le|goût des choses célestes, tel
quk)n vient de le représenter, considéré en
tant qu'il aide rentendemenl à mettre les
vérités saintes en pratique. Ce don nous fait
éviter la précipitation^ la négligence, Hin-
discrétion et autres dangers semblables; il
nous montre ce que nous devons faire pour
accomplir les volontés et les commande-
ments du Seigneur, et pour remplir digQ^
ment le devoir delà prière, en visage dans tons
ses détails. Je vous donnerai rintelligence,
dit le Seigneur f et je vous enseignerai la voie
par où vous devez marcher. La vertu morale
de prudence, soit acquise, soit infuse, dirige
l'homme dans sa conduite; elle le guide dans
la pratique des vertus ; elle est comme son
œil. Il en est ainsi du don du conseil par
rapport aux vertus théologales et à tout ce
qui tend à une Gn surnaturelle. Montm-
moi. Seigneur, vos voies et dirigez mes pai.
Le conseil vous gardera et vous préserTera
de tout danger.
5" La force comprend toutes sortes de
vertus, étant prise pour la résolution ferme
et constante de résister à toute mauvaise
suggestion et de pratiquer toutes les vertus
chrétiennes; car, il n'y a point de vertu sans
cette disposition. Hais elle est une vertu
particulière, et on la met au nombre des
vertus cardinales, si on la prend pour cette
habitude morale de l'Ame oui nous enseigne
à modérer nos craintes d une part, el de
l'autre notre confiance, en réprimant ce au*il
y a de présomptueux et de téméraire dans
notre courage. Elle rend l'homme capable
d'entrenrendre des choses difficiles, et da
f)orter uans la pratiquo et dans la carrière de
a vertu le poids des difficultés avec une fer-
meté raisonnable, mâle et tranquille. Cette
dernière disposition habituelle est la plus
héroïque, comme Ta fait voir saint Thomas.
C'est elle qui a inspiré les martyrs, quand,
pour la cause de la vertu, ils ont souffert
les tourments et la mort avec une intrépi-
dité réfléchie et toujours égale. La force.
comme don du Saint-Esprit, porte l'homnie
à faire et à souffrir tout ce qu'il est capable
de faire et d'endurer; ses œuvres partent en
effet d'un principe bien supérieur aui for-
ces do la nature, l'impulsion du Saint-Esprit,
auquel l'âme qui est gratiflée de ce]doo obéit
toujours avec une égale fermeté; an lien
que les vertus morales, appuyées uniq|j«-
ment sur elles-mêmes, ne rendent docilcî
qu'à la raison. De là vient qu'il inspirée
l'âme des entreprises, et lui fait remporter
des victoires bien plus dignes d'admirali^n
et de louange, que tout ce qui a jamais éic
inspiré par Ta nature.
C'est ainsi que le don de force a rcndo
les martyrs invincibles au milieu de tous
les affronts, de tous les supplices, de toutes
les persécutions, et leur a fait endurer a
pauvreté, les maladies, les souffrances de
toute espèce, avec un héroïsme inconnu, un
courage surnaturel ; car, telle est la ▼ertu
de ce don, qu'il fortifie l'âme contre les ten-
tations de pusillanimité et lui fait mépriser
toutes sortesdecraintes, de périls etde maux.
6* La piété, considérée comme don do
Saint-E««pril , ne doit pas être confondue
66t
ESP
D'ASCETISME.
ESP
atee celte ioclhiation nalureHe de teo*
dresse etd'altachemeDt qu'on éprouve pour
ses parents, pour ses concitoyens, pour
sa patrie ; ni avec cette vertu morale qui
nous rend Gdèles à remplir tout ce que nous
leur devons. C'est une disposition surnatu-
relle et infuse de Tâme , qui la rend docile
aux salutaires impressions de ITsprit-Saint,
qui la remplit surtout du plus tendre res-
pect envers Dieu, comme notre maître sou-
verain, comme un père infiniment bon ; et,
en vue de Dieu, nous remplit d'attachement
et de tendresse pour tous nos semblables,
comme lui appartenant, et portant sur eux les
traits divins de son image. Cette disposition,
nous devons la cultiver et la perfectionner
tous les jours, soit dans les affections du
cœur, soit dans nos paroles et nos œuvres.
Exercez^ vous à lapUté^ disait TApôtre à
son disciple Timothee.
7* La crainte de Dieu^ comme don du
Saint-Esprit , est la crainte de lui déplaire,
pour l*amour que nous lui portons. Elle
nous fait apprénender bien moins la puni-
tion de l'offense que l'offense même. Comme
vertu, elle naît du divin amour, et c'est
aussi le divin amour qui l'entretient. Comme
don du Saint*Esprit, c'est une soumission
permanente et habituelle de l'âme à Dieu,
accompa^ée du plus profond respect pour
son infinie majesté ; de la crainte d'encou^
rir sa disgrâce jusque dans les plus petites
choses, et d'un ardent désir de faire toujours
sa volonté avec les dispositions les plus
parfaites. Due proi>riété essentielle de ce
don, c'est de bannir les tentations de pa-
resse, de négligence, de présomption, d'a-
mour de soi-même. Il est encore un aiguil-
lon contiuuel à la pratique de toutes les
Tertus, et inspire la plus grande vigilance
contre les dangers et les occasions du
péché.
Les quatre premiers dons qu'on vient
d'expliquer guérissent, fortifient et élèvent
l*enlendement ; les autres perfectionnent la
Toloité et la forment à la pratique des ver*
tus héroïques. Nous y trouvons un glaive et
tout à la fois un bouclier spirituel ; des
armes défensives et offensives contre nos
ennemis et de puissants secours pour notre
avancement dans la perfection, pour la vie
contemplative et la vie active. Les vertus
morales et les deux premières des vertus
théologales peuvent habiter dans une âme
3ui a (>erdu la grâce sanctifiante, et pro-
uire les fruits qui leur sont propres; mais
les dons du Saint-Esprit ne peuvent exister
sans celte grâce ; et, unis avec elle, ils élè-
vi^nt la puissance de l'âme à tout ce que la
I perfection chrétienne a de plus sublime;
surtout dans l'ordre des vertus théologales
qtii tiennent le premier rang par rapport
au grand ouvrage de notre sanctification;
rien, en effet, ne peut nous attacher à Dieu
l*fus efficacement, ni lui rendre plus de
l^loire en nous. Ces sept dons sont donc
îf iférieurs aux vertus théologales, quoiau'ils
leur communiquent une grande activité; et
it3 sont d'un ordre supérieur aux béatitu-
des, au-dessous desquelles il faut placer»
dans rénumération des richesses et aes or-
nements de l'âme, les habitudes des vertus
morales. Ils comprennent encore sous eux
beaucoup d'autres dons gue saint Paul n*a
pas omis dans le détail oji il entre, en écrivant
aux fidèles de Corinthe.II en est ainsi des fruité
du Saint-Esprit 9 que le même ApAtre, et»
après lui, les écoles de théologie, féduisent
au nombre de douze.
Les fruits sont autant de perfections ha-
bituelles et permanentes, opérées par la
présence de l'Esnrit*Saint et par sa grâce
sanctifiante ; perfections dont les actes sont
des effets de ses mouvements intérieurs ou
de ses inspirations, et qui maintiennent
dans un ordre parfait toutes les puissances
de l'âme. Elles sont différentes ces vertus
qui portent le même nom et qui doivent les
précéder ; ce sont des habitudes du premier
ordre, par lesquelles Dieu élève, facilite,
perfectionne et couronne ces vertus, et les
porte au plus haut degré de mérite, en fai-
sant avancer l'âme aussi loin, pour ainsi
dire, qu'elle peut aller, dans les voies spi-
rituelles. Pour développer encore cette même
vérité, ces fruits sont autant d'effets parti-
culiers de la divine charité qui, avec leur
secours, Kouverne les affections du cœur,
l*par Yinfluenee qu'elle a sur lesactes qui lui
sont propres, c'est-à-dire, sur les actes d'a^
mour qui ont Dieu» le prochain et nous-
même pour objet ; 2* par la foie sainte qu'elle
répand dans Tâme, joie qui est pour elle un
festin continuel, et une sorte de paradis
anticipé ; 3* par ta paix intérieure dont elle
jouit, soit avec Dieu , soit avec le prochain,
autant qu'il est en elle, soit avec eUeninême ;
Eaix que rien ne peut troubler au monde ;
' et 5* par la patience et la longanimité dont
TEsprit-Saint arme le Chrétien qui aime
Dieu , malgré tous les maux gui lui vien-
nent du dehors. C'est par ces impressions,
en effet, de la présence de l'Esprit-Saint,
qu'un Chrétien gouverne tous ses mouve-
ments intérieurs et extérieurs. A l'égard du
prochain, les biens qu'elle produit, sont :
6* la bienveillance ou la vo'onté de faire du
bien à tous ; 7' la 6oft/^ou l'humanité, c'est-
è-dire, l'exécution de cette bonne volonté ;
8* la douceur^ qui lui fait endurer toutes
sortes d'injures; 9* la fidélité ou la sincérité
qui fait abhorrer toute tromperie et tout ce
3ui ressent la mauvaise foi. Enfin, à l'aide
e la charité, l'âme sait se gouverner k l'é-
gard des choses qui sont au-dessous d'elle;
10* par la modestie , qui règle et compose
tous les mouvements du corps; 11* par la
chasteté.qm met un frein à la concupiscence;
12* par la tempérance^ qui retient les plai-
sirs légitimes dans les justes bornes du
devoir.
ESPRIT ( Discernement de l' ). — Yoyex
Discernement, Directecr.
ESPRIT (Mortification de l'). — Foy«*
Mortification, Etude.
ESPRIT ( Vol de l' ) — Espèce de ravis-
sement que nous a retracé sainte Thérèse*
Ce ravissement consiste, dit la sainte, < eu
«63
ESS
DlCTiOiNNAlRE
ESS
m
ce que TAnae se sent quelquefois emporléo
pftr un mouvement si prompt, et qui lui
donne au commencement tant de crainte,...
que ceux à qui Dieu fait celte faveur out
besoin de beaucoup de courage, de foi et de
résignation, pour s'abandonner entièrement
l sa sainte volonté. Car, croyez-vous aucune
personne qui est dans une entière liberté
d'esprit, puisse ne se point troubler de sen-
tir ainsi cnlerer son Âme, et quelquefois
son corps avec elle, comme nou9 le lisons
de quelques saints, sans savoir d'où ni com-
ment lui viennent ces transports. Que si
vous me demandez si Ton peut résister à un
mouvement si impétueuxt je réponds que
i^on f et que, si Ton s'y efforçait , ce serait
encore pis».
« Ce ravissement de l'esprit si impétueux
est tel, uu*]l semble que véritablement il le
sépare de son corps Il parait à TAme
Su'etle est dans une région entièrement
ifférente de celle oà nous sommes ; elle y
voit une lumière incomparablement plus
brillante que toutes celles d'ici-bas, et elle
8c trouve instruite en un instant de tant de
choses merveilleuses, qu'elle n'aurait pu,
avec tous ses etforts, en imaginer en plu-
ijfieurs années la moindre partie. >>
En pareille matière, il suffit d'entendre
parler les saints. {Voy. le mot Extase.)
ESSKNIENS. — Secte célèbre parmi les
Juifs, vers le temps de Jésus-Christ. L'his-
torien Josèphe, parlant des différentes sec-
tes^du judaïsme, en compte trois principales :
les pharisiens, les sadducéens et les essé-
niens, et il ajoute que ce^ derniers étaient
originairement Juifs; ainsi, saint Epiphane
s'est trompé, lorsqu'il les a rais au nombre
des sectes samaritaines. Leur manière de
vivre approchait beaucoup de celle des phi-
losophes pythagoriciens.
Serrarius, après Philon, dislingue deux
sortes {I*es8^nten9, les uns qui vivaient en
commun, et qu*on nommait practici (ou-
vriers); les autres, que l'on nommait theore-
Itci» ou contemplateurs, vivaient dans la
solitude. Ces derniers ont encore été nom-
més Ihérapeuteêy et ils étaient en grand
nombre en Egypte. Quelques auteurs ont
pensé que les anachorètes et les cénobites
chrétiens avaient réglé leur vie sur le mo-
dèle de celle des esséniens; ce n'est qu'une
conjecture; il n'y avait plus (ïesséniens
lorsque les anachorètes out commen(;é &
paraître. Grolius prétend que les esséniens
sont les mômes que les assidéens; cela n'est
pas certain. Leur nom a pu venir du syria-
Îue hassan^ continent ou patient. De tous les
uifs, les esséniens passaient pour être les
plus vertueux; les païens même en ont parlé
avec éloge, en particulier Porphyre dans
son Tratté sur rabslinencef i. iv, § 11 et
5uiv.
Ils fuyaient les grandes villes et habitaient
les bourgades. Ils s'occupaient à l'agricul-
ture et aux métiers innocents, jamais au
trafic ni à la navigation ; ils n'avaient point
d'esclaves, mais se servaient les uns les au-
tres. Ils méprisaient \hs richesses; n'amas-
saient ni trésors, ni grandes possessions,
se contentaient du nécessaire, et s'étu-
diaient à vivre de peu. Ils habitaient et
mangeaient ensemble, prenaient à un même
vestiaire leurs habits, qui étaient blancs;
mettaient tout en commun, exerçaient Thos-
pitalité, surtout envers ceux de leur secte;
avaient ^rand soin des malades. La plupart
renonçaient au mariage, craignaient i infidé-
lité et les dissensions des femmes, élevaient
les enfants des autres, et les aecoutuoQaient
à leurs mœurs dès le bas âge. On éprou-
vait les postulants pendant trois années, et
s'ils étaient admis, ils mettaient leurs biens
en commun. (Philon, Josèphe.)
Ils avaient un grand respect pour les
vieillards, observaient la modestie dans leurs
discours et dans leurs actions, évitaient la
colère, le mensonge et les serments. Ils n*eu
faisaient qu'un seul en entrant dans l'ordre,
3ui était d'ot>éir aux supérieurs, de ne se
istinguer en rien; s'ils le devenaient, de ne
rien enseigner que ce qu'ils auraient appris,
de ne rien cacher à ceux de leur secte, et
de ne rien révéler aux étrangers.
Ils méprisaient la logique et la physique
comme des sciences inutiles à la vertu ; leur
unique élude était la morale qu'ils appre-
naient dans la loi ; ils s'assemblaient lesjours
de sabbat pour la lire, et les anciens rexpli-
auaient. A vant le lever du soleil, ils évitaient
e parler de choses profanes, ils employaient
ce temps à la prière; ils allaient au trarail
jusque vers onze heures; ils se baignaient
avec beaucoup de décence, sans se froller
d'huile, comme le faisaient les Grecs et tes
Romains. Us prenaient leurs repas assis,
en silence, ne mangeaient que du paio et
un seul mets, priaient avant de se mettre à
table et en sortant, retournaient au travai!
jusqu'au soir. Leur sobriété en faisait vivre
plusieurs jusqu'à cent ans. On chassait ri-
goureusement de l'ordre celui qui était
convaincu de quelque grande faute, et on
lui refusait même la nourriture; plusieurs
périssaient de misère, mais souvent ou les
reprenait par pitié. Tel est le tableau que
Philon et Josepbe ont tracé de la vie ues
esséniens. Il y en avait dans la Palestine un
nombre de quatre mille tout au plus, lis
disparurent à la prise de Jérusalem et delà
Judée par les Romains; il n'en est plus
question depuis cette époque.
Au reste, c'étaient des Juifs très-supersti-
tieux. Peu contents des purilîcations ordi-
naires, ils en avaient de particulières; i»
n'allaient point sacrifier aux temples, mais
ils y envoyaient leurs offrandes. i'.J*^*!*
parmi eux des devins, qui prétendaient dé-
couvrir Ta venir par Tétude des Livres sainte,
faits avec certaines préparations; ils rou-
laient môme y trouver la médecine, les prp-
Eriélés des plantes et des métaux. Us attn-
uaient tout au destin, rien au libre arbitre,
méprisaient les tourments et lamort,neTOU-
laient obéir à aucun homme qu'à leurs an-
ciens. (Jos., Andq.^ I. xvni.) Ce mélange
d'opinions sensées, de superstitions et de^
reurs, fait voir que, malgré l'austéritédcU
Ml
ESS
D'ASCETISME.
ETU
loi morale des esséDÎens» ils étaient fort au-
dessous des prerniers Chrétiens. Cependant
Eusèbe de Césarée et quelques autres ont
prétendu que les esséniens d'Eçy-pte, appelés
thérapeutes* étaient des Chrétiens confertis
par saint Marc. Sealiger et d'autres soutien*
nent que les thérapeutes étaient Juifs et non
Chrétiens. M. de Valois, dans sqs notes sur
Eusèbe, juge que les thérapeutes élaietit dif-
fé^rents des esséniens. Ceui-ct n'ezistaieut
que dans la Palestine; les thérapeutes étaient
ré|iandus dans TEgypte et ailleurs, (^oy. la
Diuértaiion sur les êeetes des Juifs; Bible
éC Avignon^ tome XIII, page 218.)
Il n'est pas aisé de savoir quelle est l'o*
rigine de c:eite secte juive» et en quel temps
elle a commencé. Sur ce sujet les saTants
ont hasardé dilTérentes conjectures; mais
elles ne sont pas plus solides les unes que
les autres. Il paraM seulement probable que,
pendant les différentes calamités que les
Juils esaujrèreni de la f art dos rois de Syrie,
plusieurs, pour s'y soustraire, se rt'lirèrent
dans des lieux écartés, s'accoutumèrent à y
vi?re, et embrassèrent un régime particu-
lier. Nous en ?oyons un exemple dans ceux
qui suivirent Matathias et ses enfants dans
le désert, pendant la persécution d'Antio-
€hus. (/ îiachab. li, 29.)
Ils se persuadèrent que, pour servir Dieu,
il n*étatt pas nécessaire de lui rendre leur
cuite dans le temple de Jérusalem; que Fé-
Iiiignemeut du tumulte, la méditation de la
loi, une vie mortifiée, le détachement de
toutes choses, étaient plus agréables h Dieu
que des sacrifices et des cérémonies. En
cela ils se trompaient déjà, puisque la lot de
Vuise était encore dans touie sa force, et
obligeait tous les Juifs, sans distinction, la
itécessité seule pouvant en dispenser. Ils au-
raieut eu besoin de la même leçon que Jé-
sus-Christ fit aux pharisiens (MuHh. xxii, 23)
en parlant des œuvres de justice, de misé-
ricorde, de fidélité, et du payement des
moindres dtmes, quand il disait au'il fallait
faire les unes et ne pas omettre les autres.
Parmi les opinions que les es^iéniens adop-
tèrent, il en est encore d autres que l'on ne
peut pas excuser, puisqu'elles sont formel-
lement contraires aux textes des Livres
saints.
On comprend que la vie austère et mo-
nastique des esicéniens a dû déplaire aux
protesta its; «nussi en ont-ils parlé avec beau-
coup d'humeur. «Ces Juifs, discr.t-ils, étaient
une secte fanatique qui mêlait à la crovance
juive la doctrine et les mœurs des pythago-
licieus; ils avaient emprunté des Egyptiens
le guût des mortifications et se flattaient de
parvenir, par de vaines observances, à une
plus haute perfection que le reste des hom-
mes. » Mais si Ton fait attention à ce que dit
saint Paul de la vie des prophètes, qui se
coavraient d'un vil manteau ou de la peau
d'un animal, qui vivaient dans la pauvreté,
dans les angoisses et dans les afflictions,
qui étaient errants dans les déserts et sur
les montagnes, qui habitaient dans les ca-
verueset dans les creux des rochers {Hébr. ii,
37], on comprendra que les esséniens n'a-
vaient pas besoin de consulter Pytbagore ni
les Egyptiens pour faire cas des mortifica-
tions. L'exemple des prophètes devait leur
être aussi connu qu'à saint Paul. H en était
de même des thérapeutes d*£gypte. {Voyez
TaiBAPECTES.)
Quelques incrédules de notre siècle ont
avancé fort sérieusement que Jésus-Christ
était de la secte des esséniens, qu'il avait
été élevé parmi eux, et qu*il n*a fait, dans
l'Evangile, que rectifier quelques* articles do
leur doctrine. L'un d'entre eux a fait un gros
livre pour le prouver; on comprend bien
comment il y a réussi. Mais le mépris que
les savants ont fait de cet ouvrage n'a pas
empêché d'autres imprudents de répéter le
même paradoxe; à peine mérite-t-ii une
réfutation.
Jésus-Christ a enseigné aux hommes des
vérités et des pratiques dont les esséniens
n'avaient aucune connaissance : la Trinité
des personnes en Dieu, l'Incarnation, la
rédemption générale de tout le genre hu-
main, la Tocation des gentils à la grâce et
au salut éternel , là résurrection future des
corps, que les esséniens n'admettaient pas ;
il n'y a dans l'Evanpile aucun trait du des-
tin ou de la prédestination rigide qu'ils sou-
tenaient. Jamais ils n'ont eu la moindre
idc^e ^es sacrements que Jésus -Christ a
institués, ni de la charité générale pour tous
les hommf s, qu'il a commandée; ii a blâmé
r^bservalion superstitieuse du sablmt, par
laquelle les esséniens se distinguaient.
(àlatth. XII, 5; Lue. xiii, IS.) Le seul en-
droit oCt l'on peut supposer qu'il fait allu-
sion à cette secte, est lor$qu*il dit qu'il y a
des eunuques qui se sont privés du mariage
Cour le royaume des deux. (Matlh. xix, 12 ;
RIDEAUX, Uist. des Juifs^ I. xiii, §5, t. II,
p. 166; MosHEiM, Hîsi. ecclésiast., premier
siècle, r part., c. 2, § 6 ; HisL Christ., c. 2,
§ 13; Brccxeb, Hist. crit» philos., t. H,
p. 759 ; t. VI, p. U8.)
ETAT SECDLlEll et RELIGIEUX. —
Voyez Vocation.
ETATS D'ORAISON.— Foyfjr Médititioit.
ETUDE (De l'). — Les dispositions néces-
saires à ceux qui s*adnnnent à l'étude con-
sistent dans un besoin particulier de morti-
fication, de discrétion et de pureté d'inlcii-
tion.
I. La Mortification. Elle est nécessairo
pour réprimer cette ardeur impétueuse qui
accompagne ordinairement l'étude des scien-
ces. Outre que c'est une occupation hono-
rable et que le fruit qu'on en retire est fort
attrayant, la curiosité de Fospril produit
bientôt Tempressement, et de là il afriYO
que bien des gens qui font profession de
vertu se portent à l'élude avec une applica-
tion excessive, qu'ils s'y plongent et s'y
abîment, pour ainsi dire, et en sont aussi
esclaves que les hommes les plus avares et
les plus sensuels peuvent I être de leurs
richesses et de leurs plaisirs. Ou ne saurait
croire quels grands préjudices apporte cette
application démesurée. V Elle épuise la vi-
mi
ETO
DICTIONiNÂmE
ETU
«g
{;uear de Tesprît ; 2° elle captive le cœar et
e rend incapable des fonctions de la vie spi-
rituelle, parce que le propre de ce grand
amour de l^étude est aôter le goût de la
présence de Dieu. Ce mauvais effets qui est
particulier à cette passion, lui est aussi
commua avec toute autre. ciffeclion désor-
donnée, n*éfant pas possible qu^on goûte
Pieu quand on a de Tempressement fiour
quelque autre objet. Rien^^p^ prouve mieui
combien il importe aux personnes spiri-
tuelies de ne s'affectionnera rien de créé. Il
est pourtant des goûts naturels et en quel-
que manière nécessaires, qu'on peut avoir
et qui peuvent subsister avec celui qu*on a
pour Dieu. Par exemple, on peut trouver du
goût aux viandes sans être sensuel, pourvu
qu'on lie s'attache pas au plaisir qu*on sent,
qu*on en use sans excès, sans avidité, et uni-
quement pour le besoin. Il en est de môme
pour rétude ; on peut lire un auteur avec
pla'sir^ goûter la naïveté de son style, le
bon sens qui règne dans ses pensées, son
éloquence ; et ce plaisir n'est pas déréglé
lorsqu'il se contient danj de justes bornes;
mais lorsqu'il produit un zèle ardent, et
qu'on n'a paix ni trêve tant qu'on a l'auteur
entre les mains, quand on passe les jours et
les nuits même à le lire, qu'on est tenté
d'abandonner les exercices de piété pour
vaquer à cette lecture, c'est un goût déréglé»
incompatible avec celui de Dieu, et c'est le
troisième préjudice de la trop grande ardeur
pour l'étude. Ce mal est plus commun gu'on
ne pense ; bien des gens sages et spirituels
ne s'en garantissent pas. Quelle pitié devoir
un homme d'une profession sainte devenir
esclave de son étude, en parler et y penser
sans cesse, ne pouvoir s'en arracher sans
une grande peine, soupirer toujours après
son cabinet après avoir été obligé de le quit-
ter, y aller précipitamment quand il peut y
retourner , se jeter sur ses livres et ses
écrits, y plonger et y ensevelir pour ainsi
dire tout son esprit et toutes ses affections 1
Comment accorder- une telle avidité avec le
f;oût dà la dévoiron et le saint exercice de
a présence de Dieu I On dira peut-être que
c'est pour Dieu qu'il étudie. Mais , outre
C(u'il n'étudierait pas avec moins de succès,
s il le faisait tranquillement et sans perdre
la paix intérieure, il aurait encore l'avan-
tage que les pensées de l'étude ne vien-
draient pas le troubler dans ses entretiens
avec Dieu ; car il est à remarquer que les
occupations ordinaires, qui sont du devoir,
peuvent se [içésenler à l'esprit sans détour-
ner de la prière, parce que le cœur n'y étant
point attaché, elles ne l'empêchent pas de
s'oL'cuper de Dieu; mais les pensées qui
viennent du cœur et d'une trop grande at-
tache, quoiqu'elles aient pour objet des cho-
ses saintes ou commandées, sont toujours
des distractions. Rien n'est donc plus néces*
saire à ceux qui étudient que h mortifica-
tion, pour prévenir et arrêter les mouve-
ments déréglés de cette ardeur impétueuse
qui accompagne ordinairement l'étude.
11. La discrétion. Elle sert d'abord à modé-
rer leur travail pour ne pas ruiner leur sanré
par une application excessive. Faute de cctto
f récaution, plusieurs, se laissant emporter
leur avidité, se procurent de i&cheuses
incommodités, et quelquefois pour acquérir
des connaissances dont ils auraient pu se
passer. La discrétion sert encore à mettre
de l'ordre dans les éttides, à s'y appliquer
avec méthode, acquérant les connaissances
les unes après les autres, et n'entrepreoaot
pas trop à la fois, comme font quelques-uns,
qui, voulant d'abord trop savoir, n'acquiè-
rent que. des idées coniuses et ne savent
rien à force d'apprendre. Lorsqu'on étudie
sans règle^ qu'on ne cherche qu'à entasser
connaissance sur connaissance, sans se don-»
ner le loisir dé digérer ce qu'on étudie et de
le ranger dans sa tête» on oublie à mesure
qu'on apprend. Le moyen de proflter.estde
ne point perdre de temps , d'entreprendre
peu à peu et de se défendre de redapresse"
ment. 11 ne faut pas étouflEer l'esprit a force
de le contraindre et de l'assujettir à la rè^
gle ; mais il faut empêcher que le cœur ne
s'empresse, parce que la précipitation em«
pêche que les idées ne se gravent dans la
mémoire. En troisièn^e lieu, la discrétion
est nécessaire pour fiiire le choix des ma-
tières qu'on doit étudier; il ne faut pas lire
indifféremment tous les livres qui se pré^
sentent, mais seulement ceux dont la lecture,
en cultivant l'esprit, ne porte aucun préju-
dice à l'avancement spirituel^imitant en cela
les brebis gui prennent dans un pAturage les
herbes qui leur conviennent, sans toucher
à celles qui pourraient leur être nuisibles.
Les gens curieux ne cherchent qu'à savoir;
tout est bon pour eux pourvu qu'ils rem-
plissent leur mémoire, et ils ne prennent
pas garde que les idées et les connaissances
qu'on acquiert sont la nourriture de l'esprit,
et qu'une mauvaise nourriture produit tou-
jours des maladies. C'est ce qui a fait dire à
saint Bernard gu'il y a un grand nombre de
personnes qui sont passionnées pour la
science, et qu'il y en a peu qui soient at-
tentives à leur conscience : MuUi quaruni
scientiam^ patici conscientiam. C'est pour
cela que l'homme vraiment spirituel ne veut
savoir que ce qui peut contribuer à son sa-
lut et à la gloire de Dieu.
111. La pureté d'intention^ qui consiste à
n'avoir que Dieu seul en vue. C'est i quoi
les hommes spirituels mettent leur princi-
pale attention; ils rapportent leur travail et
toutes leurs études a cette unique fin, qui
est de connaître Dieu de plus en plus, et de
se rendre utiles h son service. Ils défendent
soigneusement l'entrée de leur cœur à tout
sentiment de vanité, de curiosité et d'or*
gueil. Ce n'est point le désir d'apprendre»
ni l'amour de la science qui leur fait sup-
porter et leur adoucit les peines de l'étude,
c'est le seul amour de Dieu qui les anime et
les intéresse; tout le reste leur est indiffè-
rent, ils n'ont garde de tirer vanité de leurs
connaissances, quand ils pensent à ce que
disait saint Bonaventure, qu'une simpio
femme sans étude peut autant aimer Dieu
6G9
£UC
D^ASCETISME.
ECC
ero
qae le plus grand docteor du monde. Puis-
que, pour aller à Diou il faut Taimer, et
?u*oo D'est grand à ses ^eux qu'autant qu'où
aime et qu'on le sert, il ne faut souhaiter
d'être savaiit que pour l'aimer et pour être
en état de le serrir. Hors de le il n'y a dans
la science que yanité et orgueil, que source
d'ayeugleroent, et on éprouve ce que saint
Paul a dit des savants destitués de chanté: '
que leur esprit insensé s'est aveuglé, et que
ceux qui se disaient sages sont devenus fous
(Rom. u 21,22). Ce que nous venons de dire
convient à toutes sortes de personnes, mais
surtoutaui eccl^'Siastiques etaui religieux,
qui sont obligés plus que les autres h ne
chercher que Dieu et à pratiquer l'huniililé,
qui seule peut guérir l'enflure que cause
ordinairement la science.
EUCHARISTIE. — Un des fins utiles
moyens de perfection, c*est le pieux usage
de la sainte Eucharistie, comme nous le
montre la méditation affective de cet au-
guste sacrement. Jésus-Christ s'est donné
^ nous dans l'Eucharistie pour nous attirer
et nous unir de plus en plus à lui. En effet,
1* rappelons-nous ces paroles : Ma chair
est véritablement une nourriture et mon sang
est véritablement un breuvage : celui qui
mange ma chair et qui boit mon sang, de--
meure en moi et mot en lui {Joan, vi, 56);
paroles admirables dans lesquelles Jésus-
Christ exprime merveilleusement notre
union intime et permanente avec lui.
« Notre Sauveur, dit le concile de Trente,
a voulu que ce sacrement fût le symbole de
ce corps unique, dont lui-même est la tête, à
laquelle nous sommes unis comme les membres
par le lien étroit de la foi, de F espérance et
de la charité. » (Sess. xui, c. 2.) Et il ajoute
avec raison que l'Eglise a prescrit au prêtre
de mêler Teau au vin dans l'ublalion du
calice, eutre autres motifs, « parce aue feau
désignant le peuple, dans YApocalypse de
saint Jean, cette pratique représentait
l'union du |>euple Gdèle avec sa tête qui est
Jésus-Christ. » (Sess. xxii, c 7.) C'est aussi
pour cela que la sainte Eucharistie est
appelée par les Pères communion, c'est-i-
dire union commune, soit de celui qui
communique avec Jésus-Christ, soit de ceux
qui communiquent entre eux. N'est il pas
vrai que le calice de bénédiction, que nous
bénissons, est la communion du sang de Jésus-
Christ? afin, sans doute, que tous ne
soient qu'un en Jésus-Christ el avec Jésus-
Christ.
Jr Les saints Pères peuvent nous en
fournir des preuves nombreuses. « Quoique
chacun des sacrements, dit saint Drnjs,
unisse en une seule toutes les voies se-
crètes par lesquelles nous devenons, pour
ainsi dire, nous-mêmes des dieux; quoique
C'Aie connexion des divers éléments, qui
nous unissent par les liens de la charité
divine, devienne pour nous la source de
notre union et de notre société avec Dieu ,
cependant ces sacrements reçoivent leur
perfection et toute leur efficacité surtout
des dons divins de l'Eucharistie^ qui, de
leor nature, en élèvent les effets aux plus
hauts degrés de perfection. » (De cœl. hter.)
« Sous la figure uu pain, dit saint Cyrille
de Jérusalem, vous recevez le corps, et sous
la figure du vin, vous recevez le sang, afin
qu'après avoir reçu le corps et le sang do
Jésus-Christ, vous soyez participant de son
corps et de son sang. ^ (Catech. 22.) « Ainsi
celui qui reçoit le corps et le sang du
Seigneur est tellement uni avec lui, que
Jésus-Christ se trouve en lui et il se trouve
en Jésus-Christ. > (Saint Ctbtllb d'Alexan-
drie, 1. IV in Joan., c. 17.) c Jésus-Christ
voulant nous prouver son amour, dit saint
Jean Chrysostome, s'est mêlé a nous par
son corps, et Ta lait être un avec nous, afin
de réunir le corps à la tête : c'est là la plus
grande marque d'amour. » (Hom. 61, ad sap.)
« L'opération spirituelle ou l'efficacité de
ce sacrement, dit saint Bonaventure, con-
siste non à nous unir une première fois à
Jésus-Christ, mais à resserrer davantage les
liens qui déjà nous unissaient à lui par la
grâce : il rend plus fervent celui qui s'en
approdie dignement, comme un charbon
embrasé, et le rend plus fort, comme
un aliment salutaire. » (L. lu Centiloq.9
s. 50.J
3* âaint Thomas nous en donne la raison
en disant : « Cela convient à la charité de
Jésus-Christ, par laquelle il a pris pour notre
salut le véritable corps de notre nature. El
comme c'est surtout le propre de l'amitié,
que de vivre avec ses amis, il nous promet
en récompense sa présence corijorcllet
S|uand il nous dit : Partout où sera le corps,
es aigles s'y rassembleront. Cependant il ne
nous a pas privés de sa présence corporelle,
dans cette terre d'exil, mais il nous réunit
à lui-même par ce sacrement, qui contient
son corf)S et son sang véritables. Aussi nous
dit- il : Celui qui mange ma chair ^ et boit
mon sang, demeure en moi et moi en lui.
Donc ce sacrement est surtout une marque
de charité, et notre foi trouve son appui le
plus ferme dans cette union familière
de Jésus-Christ à nous. » (m p., q. 75
La première et la plus universelle ma-
nière dont Jésus-Christ s'unit à nous dans
l'Eucharistie est la manière sacramentelle.
Elle consiste en ce que, lorsque le prêtre a
fait la consécration avec l'intention , sous
la forme et de la manière requises, alors, et
jusqu'au moment où les espèces se modi-
fient, Jésus-Christ existe et demeure sacra-
roenlellcment présent sous ces espèces, et
se trouve sacramenlellement dans le lieu
où elles sont conservées et dans celui qni
les mange. Cette double présence peut
s'appeler une sorte d'union sacramentelle.
On le voit par les paroles de Jésus-Christ :
Ceci est mon corps... ceci est mon sang: ces
paroles n'auraient pas de vérité solide et
durable, si elles n'avaient pas le sens élevé
que nous venons d'indiquer.
La formule de la consécration une fois
prononcée, Jésus-Christ est présent teut
entier sous les espèces eucharistiques,
«71
EUC
DlCTIONNÂniE
EUC
m
d*une manière infaillible et sans aucun
■ délait et il y demeure tant que sub-
sistent les accidents du pnin et du vi'i,
auand même ils viendraient à tonaber
ans un bourbier ou un égoût , quand
•même ils seraient mangés par un animal,
^uaud même un pécheur communiant in-
d'gnement, un juif ou un hérétique s'appro-
cherait sacriiégement pour recevoir les
espèces sacrées. « Et cela ne fait rien perdrp
è la dignilé du corps de Jésus-Christ, qui
a voulu être crucifié par les pécheurs sans
aucun préjudice pour sa dignité. » dit saint
Thomas (m p., q. 30, a. 3, ad. 3); il ajoute
même, pour le ca3 où ua rat viendrait &
manger la sainte Eucharistie : « Il mange
le corps de Jésus-Christ non sacramentel le^-
ment, mais par accident. C'est ainsi que le
mangerait quelqu'un qui prendrait une
hostie consacrée, ne sacnanl pas qu'elle ie
fût. » Il prend un sacrement, mais non d'une
manière sacramentelle, avec la connaissance
que c'est un sacrement. Ainsi, à proprement
pNirler, Jésus-Christ, dans l'Eucharistie, ne
8*unit pas au pécheur, pas plus qu'à l'animal
qui mangerait une hostie, avec la même
^pécialaé qu'il s'unit au juste, ou même aui
espèces, parce qu'ils ne sont pas pris avec
l'intention qu'il s'unisse à eux d'une ma-
nière intime et amicale. C'est là ce qui
fait surtout éclater la grandeur et l'infinité
de l'amour de Dieu pour nous.
^ Le second mode par lequel Jésus-Christ
s*unit encore aux justes, qui ne peuvent
recevoir l'Eucharistie d'une manière sacra-
mentelle, est la communion spirituelle. Or,
on communie spirituellement, quand, par
la foi de ce mystère, qui opère par la cna-
rité, on e^t enflammé du désir de s'appro-
cher de Ja sainte table sacramentellemént,
s'il était possible et utile : celle communion
spirituelle, le concile de Trente la recom-
mnnde aux âmes, « qui, désirant manger ce
j)ain céJeste avec la roi vive, qui opère par
la charité, eu ressentent le fruit et les heu-
reux avantages.» (Sess. xiii, c. 8.j Pierre de
Blois, avec tous les ascètes, recommande
vivement aussi cette communion spirituelle
(Just. spir., c. 8, n. 6); il exprime le désir
qu'on la fasse au moins tou$ les jours ^t
môme plusieurs fois par jour. Sainte Thé-
rèse s'exprime en ces termes : « Mes sœurs,
quand vous ne pouvez vous approcher de
la sainte communion, vous pouvez cepen-
dant communier d'une manière spirituelle.
C'est* une pratique des plus utiles. C'est
ainsi crue s'imprime plus profondément en
nous I amour du Seigneur; car toutes les
fois que nous nous disposons à le recevoir, il
nous accorde toujours quelques faveurs
par do.s voies diverses, que nous ne pou-
vons comprendre. » (Fia perf., c. 35.)
A propos de la communion spirituelle,
nous remarquerons : 1" qu'à proprement
parler, ni les anges, ni les justes de l'an-
cienne Loi ne doivent être regardés comme
ayant spirituellement participé è ce sacre-
ment ; car il n'avait pas été institué pour
eux et ils no pouvaient en désirer la ré-
ception sacramentelle; ils ne IodI fait
au'improprement, en désirant ce qui existe
ans le sacrement, c'est-à-dire Jésus-Christ,
ou en le souhaitant tel qu'il est dans l'I^u-
charistie , non pour eux-mêmes, mais pour
leurs descendants; ^ que la commuoioa
spirituelle ne convient pas non plus pro-
prement au pécheur, qui ne peut, en de-
meurant dans l'état de péché, désirer réel-
lement la réception de cet auguste sacre-
ment, et n'est pas alors capable de recevoir
le fruit d'augmentation de la grâce, à moios
que la contrition ne commence à lejustiGer;
3°lefruitque le juste peut tirer de la commu-
nion spirituelle neprovient qu'objectivement
du sacrement , et subjectivement, il se pro-
duit seulement dans la mesure de l'œuvre de
celui qui opère, ex opère operantis^ et non de
l'œuvre opérée, ex opère operato^ car la pro-
messe de l'eiTet proprement sacramentel u*a
pas été faite pour le vœu ni pour le désir,
mais pour la réception réelle du sacrement;
&-* pour la communion spirituelle propre-
ment dite, il ne suffit pas du désir implici-
tement renfermé dans le vœu ou dans la
résolution d'observer tous les commande-
ments ; mais pour obtenir l'effet d'augmen-
tation de la grâce par une nouvelle union,
il faut un désir explicite.
Le troisième mode par lequel Jésus-Christ
s'unit plus ou moins, selon la qualité de
disposition, à ceux qui communient digne-
ment, c'est le mode sacramentel et spirituel.
Au moment oik il est reçu et tant que les
espèces demeurent xlans Teslomac sans
changer de nature, il est intimement pré-
sent, en corps, en sang, en âme et eu divi<
ni té, dans le corps et dans l'âme de celui
qui le reçoit, animé des plus vifs senti-
ments d'amour. C'est en cela que con-
siste l'union de Jésus-Christ avec l'homme.
C'est ce que prouve la vérité catholique
dé ce saint mystère , selon laquelle la
chair et le sang de Jésus-Christ, et Jésus-
Christ tout entier se communique vérita-
blement et réellement à celui qui le mange,
et demeure physiquement en lui comme
un aliment, tout le temps que cet aliment
n'aurait point changé de nature, s'il n'était
simplement que du pain. Comme tout ce
mystère s'accomplit dans le but d'unir Jé-
sus-Christ à l'homme, quand celui qui Je
reçoit possède toutes les dispositions re*
quises, il en résulte qu'il y a ici une cer-
taine union plus grande que la seule unioa
spirituelle, ou sacramentelle; ce que le P.
Suarez explique ainsi : «( Quand Jésus-Christ
est peçu dignement, il s'unit réellement à
celui qui le reçoit ; car il se trouve véritable-
ment et proprement en lui, et s'identifie-avec
lui d'une manière corporelle. D*oà il résulte
que tant que Jésus -Christ y est présent par
la vcrlu sacramentelle , il excite celui qui
l'a reçu à aimer et à chérir ce Dieu qu*il
possède corporellement présent. » (D. 64*
sect. 3. ) C'est ce que prouvent ces paro-
les : Ma chair est véritablement une nour-
rilure et mon sang est véritablement t»
C7Z
RUC
D^ASCETlSStt.
EUC
674
breuvage /{ demeure en moi et moi en
lui. Telle est aussi la doctrine des SS. Pè-
res : « Nous devenons Porîe-Chritî {christi^
feri), dît saint Cyrille de Jérusalem, et celui
qui communie devient eoncorporé ei consan^
gain du Christ.» Saint Hilaire (I. vni De
Trinit.) et saint Cyrille d*Alexandrie (I. it
in JoanJ) enseignent que Jésus-Christ est
en nous non-seulement en volonté et en
habitude, mais par la participation natun
relie et par la propriété de l'union parfaite.
Et saint Jérôme (I . m contra Petag.) dit que
p^r cepaînsupersubstantiel nous pouvons de-
Yenir dignes de Vincorporation[a$sumptione)
du corps de Jésus-Chnst. Saint Auçuslin dit
de même (Ir. 26 m Joan,) que celui qui s*en
approche dignement est incorporé à Jésus-
Christ. Saint Jean Chrysoslome affirme (bom.
61 ad Popul.) que dans la force de son
amour Jésuâ<!hrist par son corps se mêle à
nous. EnGn la raison nous montre que si la
nourriture corporelle ingérée dans Testo-
macy même avant son cuangemeni de na-
tOQe, est dite incorporée à nous-mêmes, il
doit en être de même de notre nourriture
▼itale etsupersuhstaolielle.Si, parla consom*
ination du mariage charnel, les deux époux
ne font plus qu'une chair, et si le mariage est»
selon rÀpAtre, te grand sacrement de l union
de Jésus^hrist avec son tglise^ comme étant
la figure de Tunion du Sauveur avec
Vàme juste, l'union n'esl-elle pas beaucoup
plus expresse et plus intime dans cet au-
guste mélange des corps, qui s'opère par la
réception de la très-sainte Eucharistie 7
Nous concluons de ce qui précède : 1* que
la réception ou manducation sacramentelle
n'est vraiment utile au'autant qu'elle est
aussi spirituelle, et elle n'est utilement spi-
rituelle, qu'autant qu'elle est sacramentelle;
car c'est dans cette double réception physi-
que et morale que résulte l'union physico-
morale sacramentelle ; i' que depuis le pre^
mier moment de la récepiion tt tout le
temps que durent les accidents, subsiste
celte union spéciale, réelle, eucharistique,
où Jésus-Christ possède et occupe en quel-
que sorte le corps et l'âme de celui qui le
reçoit ; 3* qu'il suflil que la langue, le gosier
etVestomac reçoivent iramédiat.^meut la
sainte Eucharistie pour que tout le corps et
toute l'âme de celui qui la reçoit (participent
à l'union complète en Jésus-Christ. Aussi
ce temps est-il le plus précieux et le plus
sacré : c'est celui où nous devons témoi-
gner la plus vive dévotion à Jésus-Christ,
présent tout entier, et lui présenter nos
demandes. « Que le pasteur, dit saint Char-
les Borromée, instruise ses fidèles, au mo-
ment de la sainte communion, à remer-
cier Dieu de tout leur cœur, et avec la plus
vive piété, d'un si grand bienfait et de
celte preuve si grande d"amour qu'il donne
au peuple chrétien... Il devra leur recom-
mander de ne pas quitter l'église aussitôt
après avoir reçu la sainte communion, mais à
prieraussi longtemps qu'il leur sera possible
ôans un lieu paisible et retiré..., qu'ils ava-
lent Teucbaristie avec le plus profond res-
pect, qu'ils se purifient avec le plus grand
soin : qu'ils évitent de cracher aussitôt, et
et qu'ils s*en abstiennent au moins \ endant
un quart d'heure. » (P. k Act. MedioL) En
effet, selon de Lugo (d. 10 De Euchar.), d'a-
près le témoignage des médecins, au bout
d'un quart d'heure les espèces ont drjà
change de nature. Enfin sainte Thérèse nous
dit : c C'est dans ce moment précieux que
notre Maître nous enseigne et nous instruis
Ecoutons sa voix, embrassons ses pieds,
divins, puisqu'il daigne nous instruire.
Prions et supplions-le <le ne pas s'éloigner
de nous. Si vous devez lui adresser ces
demandes, devant son image, n'y aurait-il
pas de la folie à ce moment de laisser
Jésus-Christ en personne» pour aller dépo-
ser nos hommages et nos adorations aux
pieds de son image. » (Fia perf.^ c. 34.)
Le quatrième mode par lequel Jésus-
Christ s'unit à celui qui communie digne-
ment, c'est par yaugmentation de la grâce
sanctifiante. Voici ce qu'enseigne le concile
de Florence:* L'effet de ce sacrement, •
dans l'Âme de celui qui le reçoit dignement,
est l'union de Thomme avec Jésus-Christ.
Et comme fiar la grâce Thomme s'incorpore
à Jésus-Christ et s'unit à ses membres, il.
en résulte que ce sacrement augmente la
grâce en ceux qui le reçoivent dignement,
et opère, quant à la vie spirituelle, le
môme effet que la nourriture et la bois-
sou matérielle pro<iuisent sur la vie cortK)'.
relie, qu'elles soutiennent, augmentent,
réparent et délectenL ■ {Décret fid.) Selon le
concile de Trente, ce sncrenieot est « comme
la nourriture spirituelle des âmes : il les
nourrit et. les foititje ; il les foit vivre do
la vie de.ct'Iui qui a dit : Celui qui me.
mange vivra lui-même aussi pour moi. »
(Sess. iiu, cap. 2.) Or, celte vie de l'âme
consiste dans la grâce sanctifiante. Outie
l'augmentation de la grâce sanctifiante (car
l'Eucharistie, comme sacrement des vivants,
ne confère la grâce première que par acci-
dent selon le même concile [loc. cit.]), elle
produit encore d'autres grâces, et elle est
■ l'antidote qui nous délivre des fautes
de chaque jour et qui nous préserve du
péché mortel ; elle est le gage de notre
gloire future et de notre félicité éternelle. »
Elle donne encore la grâce nutritive : elle
f>roduit la douceur spirituelle, elle apaise
a concupiscence , elle remet quelques^
peines temporelles et cause la résurrectioo
des corps.
Remarquons à ce sujet : 1* que la sainte
Eucharistie augmente, eu même temps que
la grâce habituelle, la charité et les autres
habitudes des vertus et des dons sumatu-
•rels, ce qui arrive dans toute justification,
ou dans tout accroissement de justification ;
2* qu'elle augmente aussi les grâces actuel-
les , les illuminations, les inspirations, les
pieuses affections de la volonté et le$ ver-
tus ()ui en procèdent, en tant que chacuq
se dispose alors à entendre la parole dé Dieu
qui lui parle intérieurement, et à y obéir ;
3* qu'elle nous obtient ainsi la douceur et
675
ECG
DICTIONNAIRE
EUC
m
la déTOtion » au moins substantielle, qui
est propre è ce sacrement ; k"* que la
sainte Eucharistie efface les péchés véniels
et diminue la peine qu'ils méritent, sinon
(lar œuvre opérée {ex opère operaêo), ce qui
est plus propre à TEucharistie comme sacri-
fice, au moins par la ferveur de la charité ;
5* qu'elle prévient les péchés mortels en
ftBffmentant nos forces et noire ferveur, et
ca ehiUant les ruses du démon, «t que, non-
seulement pour le temps de la communion,
mais encore pour l'avenir, elle nous ac-
quiert la protection spéciale de Dieu, sur-
tout si nous faisons mquemment la corn-
pare la voie de la persévérance, et par con-
séquent nous acquiert un droit spécial à la
résurrection du corps avec l'Ame dans la vie
éternelle.
Le cinquième mode d'union consiste en
ce que, môme après la corruption des espè-
ces, Jésus-Christ demeure uni à l'Ame qui
Ta dignement reçu, non-seulement par la
grAce et par la charité, mais encore person*
nellement par son hypostase et sa divinité.
Ainsi, de môme que dans toute justification,
le Saint-Esprit est présent dans l'Ame du
juste, non-seulement par la grAce, mais
encore personnellement , non - seulement
simplement par la substance, mais encore
d'une manière toute spéciale, par laquelle
il affecte le juste et demeure en lui; d'où
résulte dans l'Ame un effet spécial, qui est
de la rendre sainte, juste, agréable a Dieu,
fille adoptive de Dieu et héritière de la vie
éternelle. De môme Jésus-Christ, môme
après la corruption des espèces, demeure
personnellement, c'est-à-dire selon sou hy-
postase, d'une manière toute spéciale, par la
vertu de la sainte Eucharistie, avec accrois-
sement de la grAce et de l'union avec Dieu.
Telle est la doctrine de Régnera, de Lessius,
de Corneille de La Pierre, etc. On le prouve :
L Par le texte déjà plusieurs fois cité : Celui
qui mange tna chair et qui boit mon sang^
demeure en moi et moi en lui. Ces paroles
ne désignent pas, 1* Tunion purement sacra-
mentelle, c'est-à-dire, la présence réelle de
Jésus-Christ sous les espèces, parce que
c'est l'union transitoire et purement maté-
rielle par laqnellA ni la créature ne demeure
amicalement en Jésus-Christ, ni Jésus-Christ
dans la créature; 2*nironionpareraentspi ri-
tuelle par la communion spirituelle, pardo
qu'elle n'est pas là tnanducation sacramen-
telle et réelle dont parle le teite cité; 3* ni
l'union sacramentelle et spirituelle à la fois,
parce que cette union ne dure que iusqu*à la
corruption des espèces ; 4* ni runion par la
grAce, parce au'erle n'est pas tellement per-
sonnelle que Jésus-Christ ait pu dire : et moi
io deqieure en lui. Ces paroles désignent donc
l'union ou présence personnelle dont nous
avons parlé, par laquelle Jésus- Christ de-
meure d'une manière spéciale, quant à sa
{Personne, par la verlu d'une communion
àite dignement. C'est ce qne démontrent
r.
lus clairement encore les paroles qa'ajould
e Seigneur : Comme mon Pire qweH tivont
m'a envoyé, et que je vis pour mon Père^ 4t
même celui oui me mange vivra lui-même amsi
pour moi, 11 ne dit pas : vivra pour la cKair,
mais pour mot, pour le Fils de Dieu, auquel.
en le mangeant, il s'unit par la chair : et il
reçoit en lui Jésus-Christ, afin de pouYoir
dire qu'il demeure en lui.
II. Nous le montrons aussi par les SS. Pères,
qui, outre l'union affective, rtinion morale
et par la grAce, reconnaissent encore une
autre union. « Comment donc ce pain esl-il
vivant, dit saint Âmbroise? C'est parce que
le môme Jésus-Christ notre Seigneur est
Dieu et homme tout ensemble ; et tout en
ne recevant que sa chair, vous participez
Î)ar cet aliment à sa substance divine, i
L. VI De sacram^f c. 1.) « Ce sacrement est
encore appelé participation, dit saint Jean
Damascène, parce qu'il nous rend partici-
pants de la divinité de Jésus. II s'appelle
aussi justement communion, parce que par
lui nous avons commerce avec Jésus-Christ
et nous recevons en môme temps sa chair et
sa divinité: et ainsi nous communiquons
entre nous et nous sommes unis par UQliea
commun.» (L. iv De fide^ c. 11^.) Mais sans
le sacrement et sans les espèces, cette nnioû
ne se fait pas dans la chair, elle se fait donc
dans la divinité. Donc quand ce pain est
appelé vivant selon la divinité, il sutBt qu'a-
près la corruption des espèces il subsiste
selon cette divinité, pour nous vivifier; donc
pour que ces paroles de Jésus-Christ soient
vraies, je demeure en celui qui me mange
avec amour, il faut et il suffit qu'il demeure
non-seulement selon sa seule charité, mais
personnellement, selon sa divinité.
m. Par la raison. Tout les théologiens
sont d'avis qu'après la corruption des es-
pèces, subsiste encore l'union spéciale de
Jésus-Christ par l'accroissement de la grâce,
ce qui nécessite l'union ou présence person-
nelle de Jésus-Christ dont nous parlons.
C'est ce qui fait dire à Corneille La Pierre :
c De môme que la nourriture, après le tra-
vail de la digestion, dépose toute sa verlu
nutritive dans le chyle qui "demeure ; de
môme les espèces de l'Eucharistie, après
avoir été digérées, laissent en quelque sorte
leur vertu nutritive pour la vie éternelle,
dans la divinité du Christ, qui demeure avec
la jjrAce. » (In Joan. c. vi, 57.)
On a prétendu, 1* que les Pères et les
théologiens ne reconnaissent d'autre effet
de la sainte Eucharistie que l'union mjrsti-
3ue par la grAce, et non l'union personnelle
ont nous venons de parler. A cela nous
répondons que loin de l'exclure, ils la sop<^
posent môme, quand ils parlent de l'envoi
du Saint-Esprit. Si vous recherchez avec
subtilité la nature de celte union, nous
dirons qu'elle peut ôtre une union pluldt
spirituelle que corporelle, et non simple-
ment réelle, mais d'une manière éq;iivaiente,
comme tous doivent l'expliquer de l'union
simultanée du Saint-Esprit et de la grâce. On
prétend 2" Que cette union et cette perma-
611
EUC
D*ASCETISUE.
EUC
67S
nencepar la dmnité avec la grâce'est com-
mune a toute la sainte Trinité, ou au moins
spéeîaleaaSaînt-Espritscul. — La permanence
de Jésa^^hristy répondrons-nous, dans la
Tertu de la sainte Eucharistie, doit, il est
▼rai, être attribuée à Jésus-Christ d'une
manière spéciale, mais non au point de
ratlriboer à la sainte Trinité tout entière.
De même, en effet, qu*on attribue spécia-
lement au Saint-Esprit une mission (missio)
invisible, bien qu'elle soit commune à toute
la sainte Trinité , parce qu'elle produit une
augmentation spéciale de charité, qui cor-
respond à Tamour propre au Saint-Esprit,
de même, plus spécialement, il faut attribuer
à Jésus-Christ la permanence avec accrois-
sement de grâce et d'union avec Dieu, par la
vertu de la sainte Eucharistie, parce que c'est
surtout Jésus-Christ fout entier qui produit
cet effet sous un signe visible, et qui excite
le communiant à se disposer h l'augmenta-
tion de la grâce et à la conservation de cette
union avec Dieu. On objecte 3* que cet effet
est commun à tous les sacrements, parce que
tous produisent ou augmentent la grâce et
communiquent par conséquent la divinité.
--Nous répondons à cette objection, qu'il y a
cette différence que dans rEucharistie on re-
çoit en outre une grâce spéciale sacramentelle
pour exercer les pratiques de piété, pour en--
tretenir une union plus grande avecDîeu et
pour nourrir la charité et la vie spirituelle.
Le sixième mode par lequel Jésus-Christ
s'unit à nous d'une manière permanente
dans rEucharistie est, non^seulement parla
communication de sa divinité, de son by-
postaseonde sa personne, mais aussi parla
commonication de son âme sacrée, en ce sens
qu*après la corruption des espèces, et la
disparition du corps et du sang, il demeure
encore, par une communication, plus spé-
ciale que par sa seule divinité, très-intime-
ment uni à certaines âmes parfaites, et qui
se sont^ par leurs bonnes dispositions, ren-
dues dignes de ce privilège. Ainsi l'ensei-
gnent le cardinal C\entiÈe^os{Vitaabscondita)
et le cardinal Beliuga {Judic. prœliminar.
cit. libri). l*En effet, ce mode n'enveloppe
aucune contradiction. Cette union spéciale
avec les seules âmes parfaites, qui se sont
élevées à ce degré de perfection qu'on
nomme /rofu/ormo/jon, n'empèchepasi exis-
tence des effets de Tonion suffisamment
vérifiée pour les autres justes. Ainsi celui
3 ai s'approche de la sainte table avec une
évotion actuelle, éprouve l'effet spécial de
ce sacrement, c'est-À-dire, cette sjiirituellé
douceur dont est privé le juste qui commu-
nie sans cette dévotion actuelle. Et d!ailleurs,
dans ce sacrement, qui est le sacrement de
Ja charité par excellence, selon que nous
demeurons plus ou moins unis avec Jésus-
Christ par la charité, il demeure lui-même
plus ou moins unis avec nous. 2" Cet effet-
tout spécial d'union par l'âme de Jésus-
Christ ne dépasse pas les limites de sa
généreuse promesse : // demeure en moi et
tnoijen lui^ qui est Fuaion permanente, per-
sonnelle et illimitée, issue d'un amour in-
fini ; il n'y a donc rien en cela qui ruisse
exclure le mode d*unîon exposé plus haut,
pnr l'extension de cette promesse. D'ailleurs
il ne dépasse pas les limites de l'institution
de ce saint sacrement, en ce sens qu'on y
trouve en.réalité Tâme de Jésus^-Christ reçue
Far la divinité, et recevant causalement
âme du juste qui communie, tout le temps
que le sacrement demeure en lui. un
outre, ce n'est pas la durée du sacrement,
ni du corps et du sang, par la vertu des
paroles sacrées, qui nous a été promise,
mais seulement Tunion avec Jésus-Christ.
Donc cette promesse peut bien être étendue
jusqu'à ce point, où Jésus-Clirist, après la
disparition des espèces, demeure, par son
âme et sa divinité, dans Tâme parfaite et qui
s'est bien préparée. 3* Sans celte union
spéciale par l'âme de Jésus-Christ, la pro-
messe du Seigneur et l'institution de la
sainte Eucharistie ne s'accomplirait pas
avec toute l'extension qu'elle comporte. En
effet, bien que les mots : et moi en lui soient
vériOés d'une manière suffisamment abso-
lue par la personne de Jésus-Christ, cepen-
dant il est douteux que la vérificatiou soit
complète, si l'âme de Jésus-Christ demeure
toujours unie au Verbe. En effet, si les mots :
Il demeure en moif se vérifient autant que
possible par la divinité du Christ et l'huma-
nité qui lui est communiquée dans la sainte
E:icharistie, dans les âmes parfaites qui
souhaitent avec ardeur de coi.tenir ainsi
Jésus-Christ, pourquoi ces mois : ei moi en
luit ne seraient-ils pas effectivement vérifiés
par l'amour suprême de Jésus-Christ pour
elles, quand il laisse son âme demeurer en
nous, puisque d'ailleurs râme|rle JésusoChrîst
nous pas de plusardenl désir que de rencon-
trer de telles âmes, afin de se communiquer
à elles par tous les moyens conformes à ses
excellentes dispositions.
Puisque donc ce mode d'union n'enveloppe
aucune contradiction, puisqu'il est surtout
en rapport avec l'institution et la promesse
de Jésus-Christ sur la sainte Eucharistie, et
sur Teffet qu'elle produit en ceux qui
réunissent toutes les dispositions nécessai-
res; puisqu'il esi convenable à l'amour de
Jésus-Christ qui aime ceux qui le chéris-
sent; puisqu'il ne contient, dans sa singula-
rité, rien de contraire à la foi. Régnera
conclut (Prox. Ih. tnyst.^ t. i, p. Sio, n* k05)
que rien n'est plus conforme à la raison que
celle union , bien qu'elle n'ait lieu que
pour très-peu de personnes. Mais ce qui
est beaucoup plus rare et qui ne parait pas
généralement appuyé sur des témoignages
assez authentiques, c*estcequenous trouvons
rapporté dansla Jl/ys£. etc. (p. m, I. viiet viii),
c'est-à-dire que la bienheureuse vierge
Marie a sans cesse possédé dans son cœur son
Fils sous ce sacrement, depuis la première
communion qu'elle a faite jusqu'au moment
de sa mort, les espèces ayant été miraculeu-
sement conservées d'une communion à
Tautre. Quelques âmes auraient été aussi
favorisées de ce privilège, et auraient pen-
dant des années conservé intacte dans leur
GT9
EUC
MCTIONNAIIIE
EUC
sein la divine Eucharistie. Toutes ces opi-
nions ne s*appuient sur aucun fondement
solide, et ont été réfutées par Raynaud.
(lleleroclU. spirit.^ p. i, sect. 1, punct. 7.)
Pourôtre attirés par Jésus-Christ, dans la
sainte Eucharistie, à une union de plus en
plus intime avec lui, nous devons nous dis-
poser avec la plus vive dévotion. La première
de ces dispositions consiste à s*en appro-
cher avec une conscience pure de tout an-
cien péché mortel, qui n'aurait pas été bien
confessé. La contrition ne suffit pas sans la
confession , et si Ton ne peut user de
celle-ci , il no faut point communier. En*
effet, 1* Que Vhomme s'éprouve soi-même, dit
TApôtre, et qu'il mange ainsi de ce patn, et
gu*il boive de ce calice; car Quiconque mange
ce pain et boit ce calice indignement^ mange
et boit sa propre condamnât ion j ne faisant pas
le discernement quil doit du corps du Sei-
gneur. (/ Cor. XI, 28, 29.) 2* C'est ce c^ue
nous enseigne la tradition : « Ceux.qui s en
approchent avec le péché, dit saint Cjpriei,
fout violence au corps et au sang de Jésus-
Christ. » {De lapsu,) 3" L'Eucharistie est le
sacrement des vivants : l'état de.grftce est.
donc nécessaire pour sa réception : or, cet
état ne peut s'acquérir par la foi seule et
par l'attrilion
Bien que notre conscience ne nous repro-
che aucune faute grave, nous devons cepen-
dant nous éprouver avec soin et humilité
avant de recevoir ce sacrement d'amour,
surtout sur Tamourde Dieu, et nous deman-
der, si Jésus-Christ nous faisait celte Ques-
tion, comme autrefois à saint Pierre : Af' at-
mez'Vous(Joan, xii, 17)? si nous pourrions
lui répondre avec autant de sincérité que ce
sninl apôtre : Seigneur^ vous connaissez tou-
tes choses^ vous savez que je vous aime. En-
suite, sur la charité uu prochain, selon ce
précepte de l'Evanaile : Si lorsque vous pré-
sentez votre offrande à Vautel^ vous vous sou^
venez que votre frire a Quelque chose contre
vous, tuissez-là votre offrande devant Vautel^
et allez vous réconcilier auparavant avec vo--
tre frire. [Matth. v, 23, 24.)
La seconde disposition pour s'approcher
de la communion est, dans rinlervalle d'une
communion à l'autre, de s'efforcer, autant
qu*il est donné à l'homme, d'éviter les péchés
véniels f surtout par la fuite des distractions
et de toute marque irrévéreiite dans l'acte
même de la sainte communion, i" Jésus-
Christ nous le montre lui-même, comme
Tobserve, après les Pères, le Catéchisme ro-
main : « En effet, avant de donner à ses apô-
tres le sacrement de son corps et de son
sang précieux, il voulut laver leurs pieds,
<)uoiqu'ils fussent déjà purs, aGn de nous
montrer combien de soins et d'attention
nous devons apporter à rendre à notre Ame
Télat de pureté et d'innocence, avant de re-
cevoir ces sacrés mystères. » (DèSS. Eucha-
rist.). C'est ce qui a fait dire à saint Jean :
Celui qui sort du bain h* a besoin que de se /ci-
rer les pieds, (xiii, 10.) 2* Les saints Pères
recommandent souvent cette disposition.
(Saint Ambrûïsë. 1. ni De sacr.^ c. 1; saint
Bbhii ABB, Serm.ineœn. Dom.) C'ust pourquoi,
dans les rubriques et les cérémonies de la
messe, il est prescrit de se laver les mains
avant d'approcher de l'autel, cVst-è-dire de
purifier nos actions par un sentiment de
componction ; et, pendant la messe même,
le prêtre se lave le bout des doigts, pour se
rappeler, selon saint Denjs et saint Thomas,
qu'il doit être exempt des moindres défauts;
ces paroles de la messe : Elevons nos cœurs,
nous invitent à repousser la tiédeur et les
distractions. 3"* Ce qui nous excite à celte
disposition, c'est surtout la grandeur et la
dignité de cet auguste sacrement, et tel fruits
abondants dont nous priverait toute affec-
tion vénielle; c'est encore la crainte et la
respectueuse terreur avec laquelle nous de-
vons nous approcher d'un Dieu si puissant
et si élevé.
La sainte Eucharistie, pour augmenter en
nous la grftce habituelle, n'exige pas une
dévotion actuelle, excluant toute faute vé-
nielle, mais seulement Tétat de griee habi-
tuel qui exclut tout péché mortel. Cependant
les péchés véniels empêchent l'effet de la
spirituelle douceur; de sorte que celui qui
communie avec tiédeur, à cause de ses ha*
biludes vicieuses et des. secours dont il se
prive, empêche que la grftce de ce saint sa-
crement opère avec plus d^intensité ; bien
plus, la iréquence des communions tiè-
des fait craindre de tomber dans le péché
mortel.
La troisième disposition pour s'approcher
de la sainte Jtabie, consiste dans la morlifi*
cation des passions, et surtout dans la mor-
tification extérieure. « Rappelons-nous, dit
saint Grégoire, ce qu'est pour nous ce sa-
crifice, qui, pour l'absolution de nos fautes,
imite toujours la passion du Fils unique do
Dieu. » (L. IV Dial.f c. 58.) « Qu'il purifie
sa bouche de toute celte farine du siècle,
celui qui désire goûter la céleste nourriture:
s'il reste infecté de quelque passion terres-
tre. Dieu ne viendra pas dans son cœur, t
(Saint Thohàs de Villeneuve, conc. 1 De
corp. Christ.) En voici la raison : de même
que, dans le corps, pour qu'une médecine
soit efficace, il faut se débarrasser par la
diète ou perdes herbes purgatives, de tout
aliment et de toute humeur nuisibles et su-
{terQus, de même, à plus forte raison, dans
'Ame, pour que ce céleste remède soit efli-
cace, il faut purifier et repousser par la roo^
tification les aliments des objets sensuels ei
les humeurs des passions coupables.
Il est très-vrai que la sainte Eucharistie
apaise en nous les passions désordonnées et
la concupiscence, parce que, selon saint
Bernard, « ce sacrement produit en nous
deux effets : il diminue le penchant aux fau-
tes légères,|et tend à supprimer complètement
le consentement aux fautes plus graves. Si
vous ne ressentez plus aussi souvent, et avec
autant d'amertume qu'autrefois, les mou-
vements de la colère, de l'envie, de h
luxure, etc., rendez grâces au corps et au
sang du Seigneur, de ce que la vertu du sa-
crement opère en vous, et réjouissez-vous
est
EL'C
D^ASŒTISME.
EUC
6B3
de voir se gnérir la plaie honteuse qai vous
rongeait ÎDlérieurcmcnt. • {Serm. m eœna,)
Mais pour obtenir cet effet, il nous faut coo*
pérer k la grftce de Dieu. Si, tout en commu-
niant souvent, on nes*exerce point à la pra-
tique de la mortification, on doit s*accuser
soi-même de ne point avancer dans la per-
fection ; et si, tout en se nourrissant- du
Pain des anges, on prend toutefois plaisir à
manger la nourriture des animaux, jamais
on ne pourra jouir d'une santé bonne et du-
rable.
La qoatrijime disposition est de s'appro-
cher de la sainte table avec réOexion. consi-
dération, ou méditation. C'est ce que montre
ce texte : Celui qui mange et boil indignement^
mamge et boit ton jugement^ ne faisant pa$ le
discernement qu il doit du corps du Seigneur.
(ICor. XI, 29.) Saint Jean Chrjso^tomo ex-
plique ainsi ces paroles : i C'est-à-dire, ne
recherchant pas, ne considérant pas, comme
il le iaut, la grandeur et la magnificence du
présent que Dieu va lui faire. Si vous aviez
soigneusement appris à connaître qui est
celui que vous allez recevoir, et qui vousôtes
vous-même, à qui il se donne, celte connais-
sancevous tiendrait lieu de toute autre d is[>o-
siiion.àmoinsquevousnesojrez le plus lâche
des hommes, m (Hom. 28.) Aussi Alvarez do
Paz nous dit : « Craisnons, car beaucoup ne
reti/ent que peu de iruit de la table sainte,
parce qu'avant et après la communion ils ne
v*^illent pas suffisamment sur eux-mêmes, et
no rénéchissent pas avec assez de respect k
celui qui va venir en eux, et après Tavoir
reçu, ne se pénètrent [\as assez Je la pensée
qa*eo ce jour le Saint des saints est des-
cendu en eux. m (T. III De rit, spir.^ p. v,
sect. 3, c. 2.) Saint Thomas {Opusc. lvih,
c. 2) propose à ce sujet trois points de mé-
diialioo accessibles à tous : le souvenir de
celui qui nous a autrefois rachetés, qui
maintenant veille sur nous, et qui dans I a-
venir viendra nous juger.
Jean Avila(Enist. 2) pensait qu'il ny avait
rien d'excessif a consacrer une heure et de-
mie à la médîlation, pour se préparer à la
célétiration du saint sacrifice. Saint François
de Borgia, comme beaucoup d'autres saints
personnages, après la célébration des saints
mystères, employait une demi-heure, et
même une heure, h la méditation. Saint B.>
naventure {Reg. nor., c. k) veut que toute
la semaine soit une continuelle préparation
h la communion du dimanche; c'est ce que
faisait saint Louis de Gonzague, qui consa-
crait trois jours h la préparation et trois au-
tres jours à l'action de grâces. L*Ecriture
sainte nous propose aussi lexenii^le des pre-
miers fidèles, qui persécéraienl dans la doc-
irine des apôtres, dans la communion de la
fraction du pain et dans les prières. {Àct xi,
4^2.) Nous devrions au moins vivre conti-
nuellement comme ayant communié et de-
vant communier souvent. Que le prêtre ne
se contente jamais, pour préparation et pour
action de grâces, de ces courtes et excellen-
tes prières qu'il récite toujours pendant la
lucâse. En elfet, selon la reuiarque du r.ardi-
DiCTi03i?i. d'Ascétisve. I
nal Bona (Tr. de mm., c. 6}, autre chose est
ce qu'il doit faire publiquement comme mi-
nistre de TEglise, et dont la mesura est ré-
glée par l'Eglise même; autre chose est co
qu'on doit faire en particulier, selon la né-
cessité et riniérêt de chacun, suivant ce
conseil de TEvangile : Entrez dans votre
chambre^ fermez-en la porte^ et priez votre
Père dans le secret. (Matth. vi, 6.)
La cinquième disposition pour s*appro-,
cher de ta sainte table consiste dans une
dévotion actuelle^ aussi vive que la grâce de
Dieu nous le permet. La dévotion, qui est
très-importante et très-utile pour bien agir
et ponr bien prier, est surtout indispensa-.
ble à Tnsage salutaire de ce saint sacrement,^
et si Ton ne peut toujours avoir une dévo-^
tion sensible et accidentelle, qn*on ait au
moins la dévotion spirituelle et substan^
tiellc : au reste, on doit les demander à
Dieu l'une et Tautre par une humble prière.
D*ailleurs il est certain que cette dévotion
actuelle est nécessaire pour goûter la dou-
ceur spirituelle, qui est leffet de la sainte
Eucharistie. Or ^ui ne désire la goûter»
cette douceur qui contient toute sorte de
délices et de suavité? Saint Bonaventure
remarque que, « si I on ne ressent aucun
sentiment de douceur dans la communion,
c'est un signe de maladie ou de mort. Car
elle a mis le feu dans notre âme et nous
n'en ressentons pas la chaleur; elle a placé
du miel sur nos lèvres, et nous n'en éprou-
vons pas la douceur. Reconnaissons donc
notre misère et réformons notre conduite, m
( Prœp, ad miss. )
Saint Laurent Juslinien montre comment
Dieu exige de tous les hommes un senti-
ment d affectueuse dévotion, et comment»
selon le plus ou moins de charité qu'on
possède, on épronve d'une manière plus ou
moins sensible l'eff^et de ce sacrement, do
manière toutefois que le Juste n'est jamais
sans progresser dans la rie spirituelle. « Car
bien que la dévotion convienne surtout à
ce sacrement^ il faut s'appliquer avant tout
è mener une conduite irréprochable, et re*
chercher ensuite ta dévotion. Aussi ne doit-
on pas repousser de la sainte table du Sei-
gneur un homme peu dévot, mais se con-
duisant avec justice, meuant une vie ver-
tueuse, reconnaissant humblement son in-
firmité, en faisant l'aveu sincère, et s'appro-
chant avec respect de ce sacrement: un
tel homme y puise insensiblement une
nourriture et une vie spirituelles, h (L. de
perf. mon. , c. 19. ) ( Voyez saint Thomas ûb
.ViLLB?iEUVE,Cofic. de corp. Christ,^ et Rodei-
Guez, p. il Exerc. perf. , tr. 8, c. 13. )
La sixième disposition | our s*approcher
de la table sainte consiste dans la pratique
de toutes les vertus et surtout de la chanté.
L*£uctiaristie est cette pierre blanche qui est
donnée au vainqueur en même temps quj
la manne cachée (Àpoc. ii, 17 j ; cette pierre,
dis-je, que le séraphin avait em|:ortée de
Tautel, et avec laquelle il toucha la liouche
du prophète. ( Isai. i, 6. ) Elle est encore
indiquée dans l'A^rncau pascal, tlguro do
22
U5
£(]C
DICTIONNAIRE
EUC
6S4
l*Eacbarislie, lequel devait être rôti au feu et
dont on devait brûler tous les restes ( Exod.
kiiy 9y 10); car, selon la remarque du
bienheureux Albert le Grand: « Tout ce
sacrement doit être embrasé du feu de la
charité ! 9 [Tr. de Euchar. , d. 3, tr. &, c. S. )
EnOn TEvangile nous recommande d'atten-
dre le Seigneur avec des flambeaux ardents.
(Luc.xnr) Voici comment Dieu le Père,
dans un entretien avec sainte Catherine de
Sienne, expose celte comparaison : « Vous
devez venir recevoir cet auguste sacrement,
cette lumière si douce et si glorieuse, avec
un amour aussi grand que celui que je vous
ai témoigné en vous faisant servir par les
élus mes serviteurs, en me donnant à vous
comme nourriture. » (Tr. 3, dial. 110.)
Eprouvez-vous donc^ dit saint Bonaventure,
afin de rtconnaitre si vous avez la charité et
la ferveur nécessaires pour s'approcher de ce
sacrement. (Tr. de prœpar. ad miss.f c. h.)
Si nous voulons [donc nous unir intime-
ment à Jésus-Christ dans la sainte Eucha-
ristie, considérons avec attention de quels
lions ineffables nous sommes comblés par
olle. c Nous tous, qui participons à ce corps
divin, s*éciio saint Jean Chrjsostome,
réfléchissons que nous recevons dans notre
sein celui oui règne dans les cieux, qui est
adoré par tes anges, et qui siège auprès de
l'incorruptible vertu. » (Hom. 61 ad popul.)
Nous honorons par un culte sacré et nous
pressons sur notre cœur les saintes reliques.
Que ferons^nous donc, quand nous avons
dans notre poitrine le corps vénéré non de
quelque saint, mais du Saint des saints ; ces
mains et ces pieds sacrés, ce cœur si digne
d'amour, avec toutes ses blessures I Rappe-
lons-nous que c'est pour nous qu'il a été
attaché à la croix , que c'est pour nous et è
nous qu'il est livré dans la sainte Eucharis-
tie, et disons de tout notre cœur : Corps de
Jésus-Christ f sauvez-moi I Nous recevons
encore le sang de Jésus-Christ. « Ce sang,
dit saint Jean Chrysostorae, est notre gloire^
ineffaçable; ce sang ne laisse pas se flétrir'
la noble vigueur de Tâme, qu il arrose et
qu'il nourrit Ce sang a été répandu pour
puritier tout l'univers Il est le salut de
nos Ames : par lui l'Ame est nuriflée', em-
bellie, enflammée d'amour. 11 rend notre
esprit plus éclatant que la flamme, il rend
notre Ame plus brillante que l'or. Ce sang
répandu nous a ouvert le ciel. 11 est le
prix de l'univers; c'est par lui que Jésus-
Christ a acheté l'Eglise, c'est par lui qu'il
Ta comblée d'honneurs. Ceux qui partici-
pent à ce sang divin demeurent avec les
«mges, les archanges et les vertus célestes,
revôtus eux-mêmes de la tunique royale du
iihrist, et portant les armes spirituelles;
mais que dis-je, c'est le roi lui-même qu*ils
revêtent. » ( L. c. ) Nous recevons en outre
l'Ame de Jésus-Christ. « Considérez, nous
dit saint François de Borgia , que TAme de
Jésus-Christ a tous ses attributs dans le
Verbe, parce qu'elle subsiste dans la divine
bypostase, et qu'il n'y a rien hors du Verbe
divin. Rappelez-vous que nous devons, se-
lon notre faiblesse, imiter cette Ame sacrée,
ne rien faire qui vienne uniquement de dous-
mêmes, avoir tout en Dieu et lui êtreuais
Îar le lien de Tamour. » (L. ix G^er,, tr.
. ) 0 Ame sainte de Jésus I unissez-vous k
la mienne , afin que nous ne soyons qu'une
Ame et que je puisse dire avec l'Apôtre :7e
ne vis plus ^ c'est Jésus-Christ quivtt en mot.
iGal. II, SD. ) Enfin nous recevons encore
ésus-Christ comme Dieu, lui en qui ion(
tous les trésors cachés de sagesse et de «ctmce...
en qui habite corporellement toute la pléni-
tude de la divinité. {Coloss, 11, 3 et 9.) Ici
Dieu vient è nous avec tous ses trésors, il
veut enrichir notre pauvreté. Restaurons
donc nos cœurs et agrandissons-en la ca-
pacité, afin d'v renfermer nos récompe/Yses«
et de ne pas les mettre dans un sac percé^
comme dit le prophète, (ii^y. i, 6. {Di-
sons avec II! Psalmiste : Que rendrai-jt au
Seigneur pour tous les biens dont il m'aeotn'
blé? Je prendrai le calice du salut et [invo-
querai le nom du Seigneur O mon cnlict,
source d'ivresse ineffable^ que vous êtes beau î
( Ps. cxv, 12; xxiiy 5. ) Heureuse ivresse,
qui transporte l'Ame par la vertu du m
d'amour que renferme le calice eucharisti-
que, et qui la transforme en son bien-aimé.
Nous terminerons cet article par quelques
avis aux directeurs des Ames sur l'usage de
la communion qu'ils doivent prescrire à
leurs pénitents.
1. Le directeur peut et doit, tous les huit
jours datis les cas ordinaires, permettre
l'usage de la sainte communion aux itnes
quMl trouve au sacré tribunal disposées à
recevoir l'absolution. Tel est l'usage ordi-
naire des Pères spirituels et de l'Eglise. La
raison en est très-claire. Le pénitent a cou-
tume de vivre avec persévérance daus h
grAce de Dieu, ou de tomber dans quelque
péché mortel ; car il n'est pas ici question
des personnes dissolues, qui abusent de
toute occasion ; elles se présentent raremeol
au tribunal de la Pénitence, ce oui ue per-
met pas au directeur, quand il te voudrait,
de leur prescrire d'approcher plus souvent
de la sainte table. Pour les premières, quartd
elles vivent habituellement dans la grâce de
Dieu, on ne peut leur refuser l'autorisalinn
de communier tous les huit jours et les
principales fêtes, ni les priver d'un si grand
bien, puisqu'elles y sont suffisamment dis-
posées. A moins toutefois que l'arbitre de
leur conscience, ou pour leur inspirer un
plus profond sentiment d'humilité, ou pour
exciter en eux un plus vif désir de cette
sainte nourriture , ou pour éprouver leur
repentir, ou pour les mortifier, ne juge à
propos de leur imposer de temps en temps
celte privation. Si, d'un autre côté, le péni-
tent souille parfois sa conscience duneiaule
mortelle, mais en montre è son jago spiri-
tuel une douleur véritable et mérite de re-
cevoir l'absolution, alors il faut lui peroel-
tre de s'approcher du banquet diviui afin
d'y puiser la force de ne plus retomber
dans les mêmes erreurs; car c'est là luû
des principaux effets et le plus salutaire de
€SS
Eue
b'ASCEtlSlŒ.
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€tt
celte céleste noanilttre. El même, selon
saint Ambroise, plus on ML pécheur et in-
firme, plus on doit faire usaga de ce paîp
sacré, de ce remède qui nous fortifte contre
nos infirmités habituelles. (L. ly De mtm.»
c. 6.) Saint Hilaire ose dire : « Si les péchés*
ne sont pas assez graves pour faire encou-
rir Texcommunication (et à notre point de
Tue, nous disons plus justement, pour ren-
dre indigne de raosolution), on ne doit pas
s^abstenir du remède du corps et du sang
de Notre-Seigneur; car il est a craindre que
celui qui s*en est abstenu ne compromette
son salut. > lApud Geatiaii . , De cansecr, ,
dist. 2.)
Une autre raison qu*on donne, afin de
prouver Putilité de la communion hebdo-
madaire pour les Ames dont nous parlons ,
€*est la nécessité de briser, imrcet obstacle,
les efforts du démon. Par là il n'osera plus
les assaillir de ses tentations, ou, du moins,
il les attaquera arec moins de violence.
« Efforcez-vous, dit saint Ignace, martyr, de
vous rassembler fréquemment pour TEucha-
rîstie et ta gloire de Dieu. Quand vous êtes
souvent réunis en ce lieu, vous détruisez
les forces de Satan, et repoussez les traits
de feu qu'il vous lance en vain pour vous
exciter au péché. 9 (Epist. ad Ephes,)
II. Si une perscinne est arrivée au point
de vivre conlinuellement dans la grflce de
Dieu, et même de s'abstenir avec beaucoup
do soin du péché véniel, et d'étouffer toute
affection pour ce péché, si elle aime la pé-
uitence, et s'applique à la modération et à la
mortification de ses propres appétits ; si elle
s'adonne à l'exercice des saintes médita-
tions; si elle a un ardent désir du pain des
anges, et si elle retire de la table sainte
des fruits et des forces pour avancer dans la
vertu, on pourra lui permettre de commu-
nier deux, trois, quatre et même cinq fois la
semaine, selon qu on la verra faire de plus en
plus des progrès dans la perfection, et tirer
plus ou moins de profit de ce banquet divin.
Le Pape saint Grégoire Vil, écrivant à la
comtesse Hathilde, jeune fille d'illustre nais-
sance, et d'un caractère d'élite, mais plus
remarquable encore par l'esprit et la piété,
lui propose la fréquente communion comme
le principal moyen de perfection. {Apud
Babo!i. 107&, n. 12, 13.) Aussi le directeur
ne doit nullement craindre de se montrer
trop libéral à permettre à de telles âmes le
fréiiueut usage de la sainte communion,
puisque les saints, dont l'autorité est du
Elus grand poids dans l'Eglise, ont agi de
i sorte.
Si la personne spirituelle est arrivée déjà
à une haute perfection ; si elle a surmonté
et vaincu ses ap|)étits et ses mauvaises in-
clinations; je dis si elle a vaincu^ et non-seu-
lement assoupi par Tâliment des consola-
tions sensibles, ce qui arrive souvent aux
commençants; si elle a acquis, surtout dans
Tasagede ce mystère, une grande communi-
caiiouavecDieu,à tel p lint que Jésus-Christ
lui-même semble chercher ses délices dans
cette âme, alors on pourra lui permeltre de
se nourrir tous les jours de la céleste nour*
riture. Pour s'approcher chaque jour de la
table sainte, dit saint François de Sales, il
faut avoir surmonté presque toutes ses mau-
vaises inclinations et y être autorisé par
son père spirituel. [Introd. ad titam dévot. ^
p. n, c 19.)
Que le directeur ne permette pas qu'oc
se dispense de cette excellente habitude de
la fréquente communion , sous le spécieux
prétexte, all^é par beaucoup de personnes,
que ce fréquent usage engendre la familia*
nté, et diminue insensiblement le respect
qu'on doit avoir pour ce sacrement. Car, si
les âmes sont douées des qualités dont j'ai
parlé plus haut, et si elles s'approchent de
la table sainte avec toutes les préparations
requises, leur respect pour cet auguste mvs-
tère, loin de diminuer, augmentera tous les
jours. Il y a seulement cette différence entre
ceux qui vivent avec les habitants de cette
terre, et ceux qui s'entretiennent très-sou-
vent avec les citoyens de la céleste patrie,
que les premiers découvrent toujours plus
les défauts de ceux avec qui ils vivent fami-
lièrement, tandis que les autres comprennent
de plus en plus leurs excellentes préroga-
tives. De sorte que la familiarité chez les uns
éteint peu è peu l'estime et le respect, et ne
fait que les accroître chez les autres. Et si
le directeur veut en avoir une entière con-
viction, qu'il jette seulement les yeux sur
celui qui ne communie qu'une fois ou deux
l'année, et en même temps sur celui qui
communie plusieurs fois la semaine. Il verra
que celui-ci est plein de respect et d'amour
pour le Sauveur que fui voilent les espèces
sacrées, tandis que l'autre est tout indiffé-
rent, et semble s'approcher de ssl propre
table pour manger un pain ordinaire et
non le pain des an^es. Ce n'est donc pas la
fréquente communion, mais plutôt la négli-
gence à s'en approchi^r, qui fait perdre le
respect et la vénération pour ce divin mys-
tère.
m. Que le directeur remarque que les
règles ci-dessus prescrites sont sujettes à
diverses exceptions, en raison des différen*
tes circonstances auxquelles les pénitents
sont quelauefois exposés. Une religieuse,
par exemple, de beaucoup d'esprit et d'une
grande perfection, mériterait de puiser cha-
que jour de nouvelles forces par l'usage de
ce pain sacré. Il ne faudrait cependant pas
le lui permettre si les autres religieuses
ont Tbabitude de ne s'approcher de la table
sainte que deux fois la semaine. Lui accor-
der, en ce cas, i elle sei^e, l'autorisation de
communier chaque jour, ce serait introduire
une sorte de singularité, qui serait pour elle
une occasion de vanilé, et pour les autres
un motif de murmures. Avec un marcbaiid
ou un artisan d'une grande perfection, il
faut agir aussi avec beaucoup de précaution.
Souvent la multitude, la continuité et l'ur*
gence de ses occupations, ne lui laissent pas,
pendant la semaine, assez de temps pour se
recueillir, comme doit le faire quiconque
veut dignement recevoir le roi du ciel dans
^ST
EUC
DICTIONNAmC
ElTC
m
rhabilanon de son cœur. Un homme ou une
femme mariés ne devront pas recevoir l'au-
torisalion de communier aussi souvent qu'un
jeune homme, ou qu'une jeune fille pieuse,
quoique arrivés au même degré de perfec-
'lion. Bien que Faccomplissement des devoirs
conjugaux n'empêche personne de s'appro-
c^her de la table des anges, il y aurait cepen-
dant des inconvénients, parce au'en raison
de la fragilité de hotre nature, 1 état de ma-
riage est presque toujours exposé k des im-
perfections, des défauts et des péchés vé-
niels. Comme en celte matière ardue il nous
faut nous attacher plutôt au jugement des
autres qu'à notre opinion personnelle, nous
nous appuierons sur Tautorité de saint
Jérôme, et nous en citerons les paroles, en
laissant au directeur le soin de leis méditer
et de les peser en lui -môme. Ce saint doc-
teur, après avoir rapporté ces paroles de
^aint Paul : Ne vous refusez point run à
Taulre le devoir^ si ce n'est d*un consentement
mutuel f afin de vous exercer à la prière [I Cor.
VII, 5), ajoute : « L'apôtre saint Paul dit
que, quand nous voj^oos nos femmes, nous
ne pouvons prier. Si l'accomplissement du
devoiroonjugal est un obstacle pour la prière,
ce q^ui est moins grave, à plus forte raison
est-il un obstacle à la réception du corps de
Jésus-Christ, acte d*une plus haute gravité.
Saint Pierre nous exhorte à la continence,
pour qu'il n'y ait aucun obstacle à nos
prières. De quel péché, je vous le demande,
me suis-je ici (169] rendu coupable? Quelle
faute ai-je comnàise? Si les eaux sont trou-
bles, la faute en est non au lit, mais à la
source. En quoi suis-je répréhensible d'avoir
osé dire de moi-raéme : comment peut être
bon ce qui nous empêche de recevoir le
corps de Jésus-Christ ? Je réponds en deux
mots : quel est le plus important de [trier
ou de recevoir le corps de Jésus Christ? As-
surément c'est do recevoir le corps de Jésus-
Christ. Or si le devoir conjugal est un
obstacle à ce qui est moins important, à plus
forte raison 1 est-il à ce qui l'est le plus.
Nous avons dit, dans le même ouvrage, que
David et ses compagnons n'avaient pu man-
ger le pain de proposition selon la loi, sans
avoir déclaré s être abstenus pendant trois
jours de tout commerce avec les femmes. Or
il ne s'agissait pas de commerce avec les
courtisanes, ce qui était réprouvé par la
loi, mais avec leurs épouses légitimes. Le
peupFe aussi, avant de recevoir la loi sur le
mont Sinaï, reçut l'ordre d'être pendant trois
Jours pur de tout commerce charnel. Je sais
qu'à Rome les fidèles ont l'usage de rece-
voir en tout temps le corps de Jésus-Christ;
je ne blâme ni ne condamne cet usage ; cha-
cun fait comme il l'entend. Mais je ne suis
pas d'avis qu'on doive communier le jour
même qu'on a eu commerce avec sa femme.
...Que chacun s'éprouve, et s'approche ainsi
ilu corps de Jésus-Christ. Ce n'est pas que
«ce délai de la communion, d'un jour ou
«deux, rende te Chrétien plus saint, ni fosse
mériter demain on après ce dont on u'éla t
pas'digne aujourd'hui ; mais la douleur d'être
privé du corps de Jésus-Cbrist me fera
pendant quelque temps ro'abstenir des
devoirs d époux , et préférer è l'amour
conjugal l'amour de Jésus-Cbrist. • Œmtt,
ad Samach. pro lib. advers. Jovin.) A l'au-
torité de saint Jérôme je joindrai celle
du Docteur angelique, qui tranche ainsi In
Question, se fondant sar les paroles précé-
entes de saint Jérôme et sur d'autres de
saint Grégoire: « L'accomplissement du de-
voir conjugal, quand il se fait sans péché
(c'est-à-dire exclusivement dans le but d'a-
voir des enfants), n'a pas d'autre motif d'em-
f»êcher la réception de ce sacrement que ce-
ui que nous avons indiqué pour la pollu-
tion nocturne qui n'est pas accompagnée de
péché, c'est-à-dire, à cause de l'iDtpurelé
corporelle et de la distraction de l'esprit.
C'est ce qui fait dire à saint Jérôme, à pro-
pos d'un passage de saint l^atthieu : Si les
pains de proposition ne pouvaient être
mangés par ceux qui avaient eu commerce
avec leurs femmes, combien à pkis ferle
raison doivent s'abstenir de ce pain, qui e^l
descendu du ciel, ceux qui peu d'heures
auparavant se livraient aux actes de l'a-
mour charnel? Ce n'est pas que nous
veuillons condamner le mariage; nous di-
sons seulement que, sur le point de maoger
l'Agneau sans tache, nous devons nous abs-
tenir des œuvres de la chair. Et comme c'est
une affaire toute de convenance et non de
nécessité, saint Grégoire dit qu'il fdut laisser
à chacun son opinion sur ce sujet. Itfais si
dans l'œuvre charnelle on se propose plutôt
le plaisir que la postérité , ajoute saint
Grégoire, il faut interdire rentrée delà table
sainte. » (ni part., quœst. 21, — alias 80,
art. 7, ad.â.)
Ces paroles doivent être entendues p<ir
le directeur dans leur sens véritable. Rendid
le devoir à celui qui a droit de l'exiger
ne présente aucun inconvénient pour l'usage
de la communion, si on le fait avec l'iniei
tion sincère d'exécuter la volonté de Dieu
par l'accomplissement de ses obligation»
particulières. Quant à celui qui exige ce de-
voir, selon le droit qu'il en a, il peut cepen-
dant, et il doit en résulter pour lui quelque
inconvenance à s'approcher de rEucharislie,
surtout s'il exerce ses droits sans nécesMlé
et d'une manière ou dans des vues peu con-
folmes à latin naturelle du mariage. Le direc-
teur comprendra ce que nous voulons direici.
En général , il est certain qu'il faut se mon-
trer plus libéral envers les célibataires qu'en-
vers les personnes mariées. Leur condition,
dit l'Apôtre, est plus parfaite, et leurpurcié
les rend généralement plus agréables à
Jésus-Christ caché sous les espèces sacrée*.
Le lis de pureté virginale, qu ils conserveit
sans souillure, les dispose mieux à s'un r
avec le beau ils des vallées^ avec notre ai-
mable Rédempteur.
IV. Le directeur rencontrera des persi^n-
(169) Saint Jérôme défend ici un passage incriminé de sa rérutation des erreurs de Jovimen.
ets
EUC
D\SCET1SME.
EUC
090»
oes qui* mieux disposées que les autres à
recevoir fré(|uemmeol celle céleste nourri-
turc, s*absli6DueDt néanmoios de la table
sainte par humilité, reconnaissant leurs
bassesses et leurs ironerfections. H faut l.*s
avertir que cet humble abaissement de soi-
même est nécessaire, il est rrai, pour rece-
voir cette nourriturej mais que l'amour
doit prévaloir et triompher de cette crainte
resp^tueuse produite par rabaissement de
soi-même, qui nous priverait des fruits sa-
lutaires que cet arbre de vie produit habi-
tuellement dans nos flmes. Ils doivent donc
considérer leur propre indignité, mais non
pas s'arrêter à cette pensée. Il Tant mieux
|iajer à la contemplation de la bonté infinie,
que le Rédempteur nous témoigne dans cet
auguste mjstère ; et à ta méditation de Tar-
dent désir avec lequel il souhaite de s'unir
k nos âmes. Ces considérations exciteront
en elles un mutuel amour, et les enflam-
lieront d'ardeur pour la table sainte. Car,
selon saint Thomas : « Ce sacrement est la
nourriture spirituelle, et comme chaque
jour on prend la nourriture cor^iorelle, de
fiiéme c*est une pratique louable de rece-
▼oir ce sacrement tous les jours. > (d-3,
qu«st. 80; art. 10, ad. i. ) Rappelons-nous
toutefois qu'il iaut remplir les conditions
qoe nous avons exposées plus haut. Aussi
Louis de Rlois dit avec raison : « Il est
louable parfois de s'abstenir de la réception
sacramentelle de l'Eucharistie par humilité,
sainte frayeur ou respect; mais il est bien
Itréférable de s'en approcher souvent, psr
un sentiment de charité, par le désir de la
gloire de Dieu et du bien général, ou par
une dévotion toute spéciale. » {Monit. spi-
rii., 6, 7, 8. )
Avi$ iur la communion êpirituelte. —
I. Comme il n'est qu'un très-petit nom-
bre de personnes à qui l'on puisse ac-
c rder l'autorisation de recevoir tous les
jours le corps divin de Jésus-Christ, con-
tenu sous les espèces sacrées, tous les fi-
dèles doivent au moins s'appliquer è le re-
cevoir tous les jours spirituellement, c'est-
à-dire, par la commonion spirituelle. Elle
consiste, selon saint Thomas, dans un vif
désir de recevoir cet auguste mjstère. « On
^st tNiptisé ou on communie spirituellement
et non sacramentellement, quand on désire
de recevoir ces sacrements. » (m p., quœst.
21, a/ias80«— art. 1, ad 3. ) « On mange spi-
rituellement le corps de Jésus-Christ, quand
on croit à sa présence réelle sous les espè-
ces de ce sacrement, et qu'on désire avec
ardeur recevoir ce sacrement. » El alors on
oe reçoit pas seulement spirituellement Jé-
sus-Christ, mais encore on participe spiri-
tuellement à ce mjstère. Si c'est un désir
brûlant et plein d'ardeur, cette réception
spirituelle est souvent plus abondante en
fruits et plus agréable à Dieu que beaucoup
de communioud réelles faites avec tiédeur.
Celte différence provient non du mjstère,
mais de la froideur de celui qui s'en apfiro-
che. Nous vojons dans la Vie de sainte Ca-
ikrine de Sienne que, désirant arec la plus
vive ardeur s'unir à son divin époux caché
sous les espèces sacrées, elle en vint, dans
la yiolence de ses désirs, jusqu'à éprouver
des défaillances, et supplia l'arbitre de s»
conscience, le R. Rajmond, de vouloir bien
dès le point du jour lui apporter le pain des
linges, dans la crainte où elle était de suc-
comber sous la véhémente impétuosité de
ses désirs. Les angoisses d'amour de cette
pieuse viei^e furent si agréables à Jésus-
Christ, qu'un malin, pendant que Raymond
c(^*lébrait les saints mystères, le Seigneur
permit qu'au moment delà fraction de l'hos-
tie une parcelle s'échappât des mains du
prêtre et volAl sur la langue de Catherine,
présente au saint sacrifice : c'est ainsi qu'il
voulut rassasier la fervente avidité de son
épouse. ( Saint Antoxi!!, m pari. Chron.^
lit. 23, c. 13, S 8. )
Cette réception spirituelle de l'Eucharis-
lie peut se répéter plus de cent fois par
jour avec la plus grande utilité. L'Ame pieuse
en effet peut par de fréquentes affections
s'élever jnsgu'a Jésus caché dans l'Eucha-
ristie, et s exciter au désir de s'approcher
do lui et d'unir à son corps le corps sacré
de son Rédempteur. Saint Ignace, marijr,
d t dans sa lettre aux Romains : «Je ne dé-
sire pas les plaisirs de ce monde, mais le
pain de Dieu» le pain céleste, le pain de vie,
qui est la chair de Jésus-Christ, nls du Dieu
vivant; et je veux boire son sang, qui est
l'amour incorruptible et la vie éternelle. ^
De môme une Ame spirituelle pourra répé-
ter souvent dans la journée, quand les char-
mes et les plaisirs du siècle s'offriront à sa
pensée : Ce ne sont pas les plaisirs de ce
monde, les richesses, la beauté, etc., que je
désire , mais le pain de Dieu, te pain céleste ^
le pain de vie. Je souhaite uniquement de
recevoir mon Jésus, délices des anges, tré-
sor inépuisable de richesses et fleur de
toute beauté. Je désire avec ardeur seule-
ment de participera ce corps divin, dont le
glorieux visage remplit le paradis d'allé-
gresse; à ce sang, qui a été versé pour moi,
à celte Ame que le Sauveur a rendue pour
moi sur la croix; è cette divinité qui jest
Torigine et la source de tous les biens. Je-
sus-Christ est ma nourriture et je suis ta
sienne^ dit saint Bernard. ( Serm. 71 tu
Cant. ) Car il désire s'unir à moi et je dé-
sire m'unir à lui dans ce divin mjstère.
C'est par de telles aspirations que TAuie re-
nouvelle À toute heure la réception spiri-
tuelle du pain des anzes; réception ^ui
sera d'autant plus parfaite et plus utile,
que seront plus ferventes les affections pour
cet auguste mjstère.
IL Cette communion spirituelle doit se
faire au moins une lois par jour, avec calme,
recueillement et avec une préparation toute
spéciale, pour augmenter en nous la piété,
nous être profitable et compenser en quel-
que sorte les effets d'une communion véri-
table. Aussi le moment le p!us favorable
|K)ur cela est celui du saint sacrifice ; on
peut s'unir au prêtre, pour recevoir affecti-
Ycmcnt ci-lte diviae nourriture, tandis que
m Evc
celui-ci la reçoit effectlTement. Il faut donc
ke pénétrer aabord d'une vi?e douleur de
ses ()échés, et s'efforcer ainsi de purifier
l'habitation de son cœur où Ton désire si
ardemment de recevoir le Seigneur et de Vy
conseryer. Ensuite produire des actes d'une
foi vive sur la présence réelle de Jésus-
Christ dans ce mystère; considérer la ma-
jesté de Dieu qui se cache sous le voile de
ces apparences» méditer la grandeur infinie
de cet amour et de cette bonté avec les-
DlCnONMAlRC
EUT
m
places publiques des oratoires, qu'ils doid*
maient adoratoires; rejetaient comme inu-
tiles les sacrements de baptême, d'ordre el
de mariage. Ces sectaires furent aussi nom-
més massalimSf mot qui signifie en syria-
que la même chose- que eucAyle», et enthou-
siasteSf h cause de leurs visions et de leurs
folles imaginations. Ils furent condamnés
au concile d'Ephèse en 431.
Saint Cyrille d'Alexandrie, dans une de
, , . ., ^^ . . ^ ses lettres, reprend vivement certains moi-
<^uels non-seulement il ne «dédaigne pas de. nés d'Egypte, qui, sous prétexte de prier
s unir à nous, mais encore le désire avec
ardeur,; arrêter les veux de l'esprit sur
notre propre misère. Il faut alors produire
des actes d'humilité et de désir :d humilité
è l'aspect de notre indignité, de désir à la
pensée de l'amabilité infinie de son Sei-
gneur. Se rappelant ensuite qu'il ne peut
ce jour-là s'unir en réalité avec lui par
une véritable réception de l'Eucharistie, il
doit s'approcher de lui par l'affection et s'u-
nir à lui par le lien d'un amour paisil)le et
tranquille. Il lui faut enfin se répandre en
sentiments de gratitude et de louange. Si
Jésus-Christ n'est pas descendu réellement
dans son cœur, cela ne dépendait pas de
lui ; non-seulement il était disposé a cette
union d'amour, mais encore il la désirait,
autant que possible, avec la plus vive ar-
deur de charité. Qu'il lui demande donc
ces grâces dont il se reconnaît indigne,
et qu'il s'exerce à produire les actes qu'il
a coutume de procfuire après la réception
réelle de la sainte Eucharistie. Outre les
fruits qui résulteront pour lui de cette
communion spirituelle, il en retirera en-
core l'avantage de préparer parfaitement
son âme à recevoir le feu de l'amour divin,
jusqu'à ce Qu'elle s'approche réellement de
la sainte taule, pour s'y nourrir véritable-
ment de la chair vénérable de son divin Ré-
dempteur.
EUCHER ( Saint ), évêque de Lyon, d'une
naissance illustre et d'une piété émiuente,
se retira avec ses fils Salone et Véran dans
la solitude de Lérins, après avoir distribué
Yine partie de ses biens aux pauvres, et l'au-
tre partie à ses filles qui ne le suivirent pas
dans sa retraite. Hais il fut tiré de l'obscu-
rité où il se cachait, pour être élevé sur le
siège de Lyon vers 43i. 1( assista au premier
concile d'Orange en Ul, et s'y signala par
sa sagesse et par son éloquence. 11 mourut
vers kbk. On a de lui : i** Eloge du désert^
adressé à saint Hilaire; — 2" Traité du m^-
pris du mondCf traduit en français par Ar-
naud d'Andiily; — 3" JraW des formules
spirituelles ; — k* Histoire de saint Maurice
et des martyrs de la légion Thébéenne. Tous
ces ouvrages sont fort bien pensés et en-
core mieux écrits.
EUCHYTES. — Les euchytes sont des an-
ciens hérétiques ainsi nommés du grec s^x^f
prière f parce qu'ils soutenaient crue la prière
seule suffisait pour être sauvé. Ils abusaient
de ces paroles de saint Paul ( / Thess. v ) :
Priez sans relâche; ils bâtissaient dans les
continuel lemenr, menaient une vie oisive,
et négligeaient le travail. Les Orientaux es-
timent encore aujourd'hui ces hommes d'o-
raison, et les élèvent souvent aux emplois
les plus importants.
EUDES ( Jean ), frère du célèbre historieD
Mézerai, naquit à Rye, dans le diocèse de
Séez, en 1601. Il entra de bonne heure dans
la congrégation de l'Oratoire, où il régla
ses mœurs et forma son esprit sous la con-
duite du cardinal de Bérulle. Après y ôlre
resté dix-huit ans, il en sortit en 1643, pour
fonder la congrégation des Eudistes^ dont le
but était d'élever des jeunes gens dans la
piété et les sciences ecclésiastiques. Eudes
mourut à Caen en 1680, laissant plusieurs
ouvrages ascétiques qui ont fait plus d'boo-
neur à sa dévotion qu'a son esprit, parmi les-
quels on remarque son Traité de la dévotm
et de Voffice du cœur de la sainte Yierge^
in-lS, 16S0.
EULOGE (Saint), de Cordoue, prêtre,
élu archevêque de Tolède Tannée même où
il fut martyrisé par les Sarrasins, 859, for-
tifia par ses écrits et par sesç discours ses
frères dans la foi. Il nous reste de lui :
!• Memoriale sanctorum: — 2* Libri très dt
martyribus Cordubensibus^ et apologelicun
pro gestis eorumdem; — 3" Exhortation au
martyre: — 4" Quelques Lettres. Ces ouvra-
ges ont été insérés dans la Bibliothèque dci
Pères,
EUSÈRE d'Eph&sb mourut vers l'an 339.
Il nous a laissé douze Homélies adressées
aux moines.
EUTHANASIE. — Signifie mort heureuse
de ceux qui passent sans douleur, sans
crainle et sans regret de cette vie à Tautre»
ou qui meurent en état de grâce.
EOTRAPÉLIE. — (L'etilrap^/te (tOr/wn)!».
facilitas) est la plus agréable de toutes les
vertus. Elle peut se définir : La vertu qui
tempère les jeux et les divertissements confor-
mément à la droite raison. En effet, nous de-
vons quelquefois relâcher notre esprit pardes
divertissements agréables et joyeux, afln de
le rendre plus prompt et plus dispos pour
les devoirs les plus importants de la vie.
Mais, comme il est facile dans les ieux et les
divertissements de violer les pr&eptes do
la droite raison , il est besoin d'une certaine
vertu, qui puisse les retenir dans une jusle
mesure : et cette vertu, c'est Veutrabéhe.
Bit n que le jeu soit souvent conioodu
avec la plaisanlerie et le divertissement^
M3
EUT
D*ASCET1SME.
EX.V
$H
il y a cepenaaot, à proprement parier, quel-
que dîfférenee entre ces mots. En effet» le
jeu consiste proprement dans l'action, la
piaisanterie dans les paroles ; le divertisse-
ment se propose plutôt le plaisir que le
gain. Nous ne parions pas ici du jeu en
général, c'esl-è-dire comme un simple dé-
lassement de Tesprit ; car , dans ce sens,
personne ne doute qu*il ne soit permis. En
effett de même que le corps a besoin de
repos, pour qu'il ne soit point accablé par
Texcès du travail, de même notre esprit;
fH>ur ne pas être énervé par une méaita-
tion continuelle. Nous ne voulons parler ici
que du jeu par rapport à la justice, et qui
en ce sens se définit : un eonirai par lemel
ceux qui joupni canvienneni entre eux a un
prix certain , qui doit appartenir au vain-
aueur. Il en est de trois sortes : Tun où
lliabileté seule l'emporte, l'autre, où le
hasard décide, le troisième enfin, où le suc-
cès dépend à la fois de l'habileté et du
hasard.
Cette eonvmlcoii, quand elle est faite avec
les conditions requises^ n'est nullement illi-
cite. De même que le possesseur d'une
chose peut la donner absolument, de même
il peut la livrer à de certaines conditions.
D'ailleurs c'est une sorte de délassement. En
outre, les conditions sont les mêmes pour
les deux parties. Doue celui qui perd est
tenu de payer; car une convention faite
librement doit être tenue.
Nous avons dit , quand elle est faite atee
Us conditions requises. Ces conditions ont
2'our but :
1* de bannir du jeu toute chose hontense
ou déshonnête, soit en action, soit en paro-
les. Il y cr, disait Cicéron, quoique païen,
deux sortes de plaisanteries : tune est gros-
sière^ emportée^ criminelle et indécente ; l'au-
tre est pleine d'élégance et d'urbanité^ ingé-
nieuse et amusante.
2" De prévenir dans le jeu toute occasion
de pécher , ou de causer aux autres du
scandale ou du dommage. Ainsi on péche*
riit communément, et même on pécherait
mortellement, en se livrant tout au jeu,
quand on sait qu'il nous entraîne au blas-
phème , à des paroles déshonnêtes ou à
d'autres péchés, ou quand on est dans l'im-
puissance de payer ses dettes et de nourrir
sa famille. Il faut donc que la somme qu'on
expose au jeu soit proportionnée à sa
condition et à ses moyens ; qu'elle appar-
tienne en propre au joueur, et qu'il soit
maître d*en disposer librement.
3* De ne pas jouer principalement pour le
gain; car la fin prochaine du jeu doit être
le délassement et J'amusement de l'esprit,
arin de le rendre plus propre et plus dis-
I os à remplir s^s exercices spirituels. Aussi
le Docteur angéUque nous apprend que,
selon toute probabilité^ c'est un péché vé*
iiieJ que de jouer uniquement pour le gain
L2-2, 77. a. 1); qu'il y a une certaine
assesse dans ce sentiment ; il dit aussi :
« Il suffit de peu d*amusement dans la vie,
comme de peu de sel dans les aliments. »
(Q. 168, a. 4.)
4* D*éloigner toute fraude et toute injus-
tice : il faut donc au'il règne entre tous les
joueurs une sorte d égaUté morale dans l'es-
poir du sain et le danger de la perte. Le
jeu ne doit jamais léser en rien la jus-
tice.
Bien que tout ceci soit plutôt du domaine
de la théologie morale que de la théologie
mystique, nous avons cru devoir en parler
dans cet ouvrage, parce que rien n*est plus
contraire à la perfection que Texcès dans le
jeu; et cet excès n'est rien moins que rare,
même parmi les ecclésiastiques, qui doivent
tendre à la perfection d'une manière spé-
ciale.
EXAMEN DE CONSCIENCE. — Un des
moyens principaux et des plus efficaces que
nous ayons pour notre avancement spi-
rituel est celui de l'examen de conscience;
aussi les saints en recommandent-ils soi-
gneusement la pratique* Saint Basile, un des
plus anciens de ceux qui ont fait des règles
pour l'état religieux, ordonne de faire cet
examen toutes les nuits. Saint Augustin
ordonne la même chose dans sa règle.
Saint Antoine y formait et y exhortait les
swus par son exemple; saint Bernard, saint
Bonaventure, Cassien. et généralement tous
les instituteurs d'ordres et les maîtres de
la vie spirituelle^ veulent qu'on s'y appli-
que tous les jours. Saint Chrysostome, sur
ces paroles du Psalmiste : Excitez-vous à
la componction dans vos lits (ps. iv), est
d*avis qu'on fasse cet examen tous les soirs
avant de se coucher , pour deux bonnes
raisons : 1* afin que le lendemain on soit
f^lus disposé à éviter les fautes commises
e jour précédent ; car si on les examine
bien le soir, qu'on en conçoive un grand
regret, et Qu'on se propose fermement de
s'en corriger, il est certain que cela servira
de frein pour empêcher d'y retomber le len-
demain ; â* ce sera encore un sujet de retenue
pendant tout lejour, que de devoir s'examiner
le soir, parce que la connaissance qu'on a
que ce jour-là même il faudra rendre exac-
tement compte de tout, fait qu'on est da<-
vantage sur ses gardes , et qu'on a plus
d'attention sur soi. De même, dit saint
Chrysostome, qu'un grand seigneur qui
a de l'ordre ne laisse passer aucun jour
sans dire compter son mattre-d'hûtel, de
peur de lui donner lieu d'être moins soi-
gneux et de s'embrouiller dans ses comptes,
de même il est à propos que nous comp-
tions tous les jours avec nous, pour que la -
négligences et l'oubli ne mettent pas de dé-
sordre dans les nôtres. Saint Epbrem et
saint Jean Climaque ajoutent à cela que,
comme les marchands tiennent registre des
pertes et des gains de chaque Jour, et
que lorsqu'ils trouvent qu'ils ont fait queU
que perte, ils tâchent aussitôt de la répa*
rer, ainsi nous devons examiner chaque
jour les gains et les pertes que nous fai-
sons dans l'affaire de notre salut, afin que,
remédiant aussitôt à nos |)ertes, nous cui«.
695
EXA
DICTlONNArtlE
EXA
m
])6cbions par I& qu'elles ne s'accumulent ci
Jiu'elles ne viennent à consommer notre
onds. Saint Dorothée remarque un autre
profit considérable que l'on tire de Vexa*
men ; c'est qu'en s'accoutumant à le bien
l'aire tous les jours, et en se repentant tous
les jours de ses fautes, on empêche que le
vice ne prenne racine dans le cœur, et que
les mauvaises habitudes ne sf'j fortifient.
{Perfeci. chrét. de Rodeig.)
Il n'en est pas de môme de ceux qui né-
gUgent'de s'examiner, et les saints compa-
rent la conscience de ces gens au champ et
à la vigne dont parle le Sage quand il dit :
J'ai pasié par le champ du paresseux^ par la
vigne de rinsensé, et tout y était plein d'or-
iiesy tout y était couvert d'épineny et la mu^
raille siehe éia'A renversée. ( Prov, xxiv ,
30, 31.)
La conscience de ceux qui ne s'examinent
point est une vigne qui devient en friche ,
et qui se remplit d'épines et de ronces, faute
d*ètre labourée; car notre nature corrom-
pue est une mauvaise terre qui ne produit
autre chose d'elle-même ; et ainsi il faut
toujours avoir la serpe à la main, toujours
couper et arracher, c'est ce qu'on fait par
l'examen. C'est l'examen qui coupe le vice
par le pied , qui arrache les mauvaises in-
clinations, dès qu'elles commencent à pous-
ser, et qui empêche que les mauvaises ha-
bitudes ne s'enracinent.
Mais l'importance et l'efficacité de ce moyen
n'a pas été seulement connue des saints ,
elle l'a été aussi de plusieurs philosophes
païens qui n'étaient éclairés que de la lu-
mière naturelle. Saint Jérôme et saint Tho-
mas rapportent qu'un des principaux avis
que Pylhagore avait coutume de donner à
.ses disciples , était qu'ils employassent tous
les jours quelque temps, le matin et le soir,
ait s'examiner sur ces trois demandes : Qu'ai-
jefait? Comment l'ai-je fait? Et qu'ai-je
manqué de faire ? Se réjouissant de ce qu'ils
trouveraient avoir fait de bien , se repen-
tant ae ce qu'ils trouveraient avoir ftiit de
mal. Sénèque, Plutarque, Epictète et plu-
sieurs autres recommandent la môme chose.
Saint Ignace, fondé sur la doctrine des saints,
sur la lumière de la raison et sur l'autorité
de l'expérience , a fait tant de cas de Texa-
men , qu'il dit, après saint Bonaventure ,
que c'est un des meilleurs moyens et des
plus utiles que nous puissions avoir en
nous-mêmes pour notre avancement spi-
rituel.
On se sert de deux sortes d'examen, l'un
particulier, et l'autre général. Le particu-
lier se fait sur une seule matière , pour
i:ette raison il est appelé particulier. Le gé-
néral se fait sur les fautes commises le long
du jour , en pensées , paroles et actions; il
s'appelle général, parce qu'il embrasse géné-
ralement toutes choses.
Pour ce qui concerne l'examen parlicu-
lier, il y a deux choses è considérer r l'une
sur quoi il doit se faire, et l'autre com-
ment il doit se faire. A l'égard de la pre-
mière, ati'.i de bien connaître sur quoi il
doit se faire, il faut bien se graver dans
l'esprit un avertissement que saint Ignace
donne dans ses exercices spirituels , et qu'il
a tiré de saint Bonaventure. a Le démon,
dit-il, en use envers nous, comme un gé-
néral d'armée envers une ville qu'il veut
prendre. De mémo qu'un général s'attache
d'abord à reconnaître l'endroit le plus faible
d'une place pour y dresser ses batteries et
y faire agir toutes ses troupes, parce qu'il
sait que dès qu'il se sera emparé de cf? poste,
il se rendra aisément maître de la ville; de
même le démon apporte tout le soin possi-
ble à reconnaître l'endroit le plus fa'ble de
notre âme, pour nous attaauer ensuite par
là , et nous réduire plus racilement sous
sa puissance. » Servons-nou$ de cet svi^
pour nous tenir sur nos gardes , et nous
précautionner contre notre ennemi. Regar-
dons attentivement quel est Tendroit de
notre âme le plus faible et le plus dépourvu
de vertu, l'endroit que notre penchant na-
turel rend plus facile à attaquer, et c|ui est
le plus ruiné par nos mauvaises habitudes;
puis travaillons à y remédier et è bien le
fortifier. Voilà ce que veulent principale-
menl de nous les maîtres de la vie spiri-
tuelle; que nous nous attachions à dompter
nos inclinations déréglées, et è déracinernos
mauvaises habitudes ; et comme c'est là ce
qui nous est le plus nécessaire , c'est aussi
à Quoi notre examen particulier doit princi-
palement s'appliquer.
Cassien donne deux raisons du besoin
que nous avons de commencer ainsi pour
combattre nos mauvaises habitudes. La V%
3ue c'est de là que viennent nos plus grands
angers et les occasions de ncs chutes les
plus grièves; il faut donc y pourvoir soi-
gneusement avant tout. La 2* , c'tsi qu'après
avoir vaincu une fois les ennemis les plus
redoutables, et ceux qui nous font une
guerre plus rude , le reste devenu plus fai-
ble par la défaite des autres sera ensuite fa-
cilement vaincu par notre âme, devenue
plus forte et plus courageuse par sa pre^
fnière victoire, llrapporte à ce sujet ce qui
se pratiquait autrefois à Rome dans le com-
bat des nêtes farouches, où ceux qui vou-
laient se signaler davantage et plaire à
^ l'empereur s'attachaient d'abord à la plus
furieuse, parce que l'ayant tuée, ils ve-
naient facilement à bout de toutes les autres.
C'est, dit-il, ce que nous devons faire.
• Wous voyons par expérience que chacun a
quelque vice principal , quelque passion do-
minante qui le maîtrise et le porte è faire
bien des choses qu'il ne voudrait pas; delà
vient que beaucoup de gens disent : Si je
n'avais pas tel ou tel penchant, il me semble
qu'il n'y aurait rien qui m'embarrassât et
me fît dé la peine. Voilà justement ce quil
faut que nous commencions à combattre jt
ce que nous devons choisir pour sujet de
liotro examen. .
Dans la guerre que le roi de Svrie eut a
soutenir contre le roi d'Israël , il ordonna
h SOS capitaines de ne combattre contre qui
que ce lût, mais srukmeut contre k roi
«97
EXA
D'ASCETISME.
K\A
«9ft
fflsraM t so promeltaDt que la mort du roi
Ittî ifooneraii un€ victoire facile sur loute
J armée y comme la chose arriva en effet;
rar Achab ayant été tué d*uu coup de Oè*
che tiré au hasard, tout céda , et la guerre
fui aussitôt terminée. Faisons de même :
domptons notre vice principal , et nous vain-
crons facilement le reste; coupons la tête à
re Goliath, et tous les autres Philistins se-
ront bientôt défaits et entièrement dissipés.
Il uy a pas de meilleure règle générale que
celle-là, p4mr faire connaître a chacun sur
quoi doit rouler principalement son exa-
men. Mais ce ou'il faut encore ajouter» cVst
qu^if est bon d*en conférer avec son direc-
teur f après lui avoir rendu un compte si
eiact de Tétat de sa conscience, de ses in-
clinations, de ses passions, de ses attache-
ments et de ses mauvaises habitudes , qu*on
naît rien laissé à lui découvrir. De celte
manière, les besoins de chacun étant bien
cimnus , le directeur pourra facilement dé-
terminer sur quoi le pénitent devra faire
son examen. Une chose surtout qu*il faut
bien observer , ouand on rend compte de
sa conscience, c est de dire sur quoi ou
fait son examen particulier, et le profit
qu'on en retire; car il est très-important
que cet examen se fasse sur ce qu'il^ j a de
plus essentiel dans chacun. De même qu'un
médecin est très-avancé quand il a trouvé
la véritable cause d'une maladie, parce
qu*il y applique les remèdes les plus capa-
bl.*s d'opérer ; de même , on aura gagné un
grand point si on réussi! à pénétrer la véri-
table source de nos infirmités spirituelles ,
fiarce qu'on aura découvert le véritable
mo/en de les guérir , en y appliquant le re*-
mède salutaire de l'examen. Ce qui fait que
beaucoup ne profitent guère de celui qu ils
emploient, c*est qu'ils ne l'appliquent pas
ou il faudrait qu'il le fût. Si vous coupez la
racine d'un arbre, il séchera et mourra
bientôt; mais si vous n'en coupez que les
branches, il poussera dans peu de nou-
veau t>ois , et deviendra plus grand qu'il
n'é.ait.
Quant à l'examen général, il doit toujours
être inséparable de l'examen particulier;
ei pour cet effet, h première chose è faire
t 'US les matins en se levant, c'est d'offrir à
Dieu toutes ses actions de la journée. Quoi-
qu'il ait été dit, eu parlant^db Texamen par-
ticulier, que nous devons*, à notre réveil,
nous proposer de nous abstenir du vice dont
nous avons particulièrement entrepris de
nous corriger, et que c'est à quoi coit s em-
ployer le premier temps de «et exan>en,
ck?ta ne doit avoir lieu qu'après avoir offert
à Dieu toutes ses pensées, ses paroles et ses
actions, en les rapportant toutes â sa gloire;
et après avoir pris la résolution de ne point
I offenser et lui en avoir demandé la grâce.
Jl faut ensuite, deux fois le jour, le matin
et U soir^ joindre Texamen général avec le
particulier, comme il est d'usage chez les
reli^eux. De même que pour bien faire
aller une horloge ou en monte les contre-
poids le matin et le soir, de même, fiour
donner un mouvement bien réglé è noire
cœur, il faut nous servir, deux fois le jour,
de l'exameu particulier et de l'examen
géui/ral, exigeant de nous à raidi un compte
exact de toutes les fautes dans lesquelles
nous sommes tombés depuis notre réveil,
tant de celles que nous avons commises en
pensées, paroles et actioqs, que de celles
qui regardent la matière de nôtre examen
particulier. Ensuite, il faut nous exciter à
concevoir une vive douleur des. unes et des
autres, et nous proposer de n*jr plus retom-
ber le restant du jour ; et on doit observer la
même chose dans Texamen du soir.
Hais l'avertissement fe plus essentiel à
donner touchant la manière de faire l'exa-
men général est celui dont on a déjà parlé
au sujet de l'examen particulier, qui est que
toute l'efficacité et toute la force, aussi bien
de l'un que de l'a utre, consistent dans une vive
douleur des fautes qu'on a commises, et dans
la ferme résolution de s'en corriger. Le P.
Avila, traitant de c* t examen général : « Vous
devez vous figurer, dit-il, ^u'on vous a
chargé de la conduite d'un jeune prince,
pour avoir une continuelle attention sur lui,
le former aux bonnes mœurs et le' corriger
des mauvaises inclinations qu*il peut avoir,
et que chaque jour vous l'obligez à vous
rendre compte de ses actions. Il est certain
qu'en ce cas- là vous ne fonderiez pas la
principale espérance de son amendement
sur l'exactitude ou'il aurait à vous dire
combien de fois il aurait failli ; mais que
vous l'établiriez sur la connaissance que
TOUS tâcheriez de loi faire avoir de ses lau-
tes, sur la réprimande que vons lui en feriez,
sur les avertissements que tous lui donne-
riez, et sur la promesse qu'il vous ferait de
se corriger. > Vous devez tenir la même
conduite à l'égard de votre âme, puisque
Dieu vous a donné la charge d'en avoir soin ;
pour cela, ce n'est pas à rappeîter dans votre
mémoire le nombre de vos fautes que vous
devez faire servir votre examen et faire
consister votre amendement; c'est à avoir
uiie extrême confusion de les avoir commi-
ses, à vous en repentir du fond du cœur, à
vous en faire une sévère réprimande à vous-
même, comme vous le feriez envers une
autre personne dont on vous aurait confié
l'éducation, et à former enfin une constante
résolution de n'y tomber jamais.
Ce qui doit nous exciter encore particu-
lièrement à mettre exactement toutes ces
choses en pratique, c'est que l'examen gé-
néral est une disposition très-propre et
très-utile pour la confession, comme le porte
le titre que saint Ignace lui donne dans le
livre des £xercicesspirituels,oùil l'intituler
Examen général de la conscience^ três-utite
pour la guérisôn de l'âme et pour la confet-^
eion des péchés. La raison en est bien claire;
car. deux choses sont requises principale-
ment pour la confession : l'examen de ses
péchés et le regret de les avoir comoiis ; ei
toutes deux se rencontrent dans l'examen
de la conscience; de &orteque si nous liiir
699
EXA
DICTIONNAIRE
ElA
7U0
sons bien cet eiameu, nous sommes égale-
ment assurés de bien faire notre confession.
Avis au directeur.
I. Relativement à cet usage quotidien de
l'examen de conscience, le directeur doi^
remarquer deux choses: 1* que cet exercice
peut être pratiqué par toutes sortes de per^
sonnes, même par celles qui ne peuveut, è
raison de leur ignorance, emplriyer le^ au-
tres moyens spirituels, comme la médir**ion
on Ja lecture des livres de piété. Car qui-
conque est (capable de se confesser, rest
aussi de s'examiner chaque jour et de pro-
duire des actes de contrition à la vue de
ses péchés; 3" que personne ne doit être
exempt de cet examen, ni ceux qui aspirent
à la perfection, ni ceux qui ne s^appliquent
point à la perfection. Car cette pratique est
d*un grand secours, non-seulement pour
rendre Tftme parfaite, mais encore pour la
sauver. Do directeur n'éprouvera aucune
difficulté de reconnaître cette vérité, pour
neu qii'il considère que le propre de toutes
les cnoses humaines est de se détériorer
toujours et de marcher sans cesse à leur
destruction, si on ne les répare. Ainsi en
est-il de notre Ame. Les inclinations per-
verses qui nous portent au mal ont une
telle force, les tentations du démon nous
excitent au péché avec tant de violence, et
une foule d occasions dangereuses nous en«
traînent à notre perte avec une fatalité si
déplorable, qu'il est impossible à notre âme,
si misérable et si faible, de ne tomber jamais
soustaotd*atlaqaes,de nese laisser prendre
jamais à tant de pièges, de ne sortir jamais
de la voie droite, ou de n'éprouver jamais
quelque dommage considérable. Si donc ces
pertes, hélas 1 trop fréquentes, ne sont pas
réparées chaque jour par l'examen de cons-
cience, par la contrition et le ferme propos,
l'âme tombera nécessairement dans un état
de délabrement tel, qu'elle Qnira enfin pair
périr misérablement. C'est pourquoi le di-
recteur doit employer toutes les ressources
(l*un saint zèle, pour inculquer à l'esprit de
ses pénitents l'usage habituel d'une pratique
aussi avantageuse.
Saint Grégoire explique, par une compa-
raison tirée du corps humain, les pertes
que nos âmes éprouvent chaque jour , ainsi
que la nécessite d'y remédier cnaque jour
aussi par les examens , les actes de contri-
tion et les larmes. Voici les propres paroles
du saint docteur : « De même que nous ne
sentons pas quand nos membres croissent ,
quand notre corps s'augmente, quand notre
visage se change, quand nos cheveux noirs
blanchissent f car tout cela se passe on nous
h notre insu ; ; de même notre âme , pen-
dant la vie, se change, devient autre, et nous
ne le savons que quand, par une garde vigi-
lante sur nos sens intérieurs, nous rentrons
en nous-mêmes pour examiner nos progrès
et nos chutes... Or, en s'interrogeant ainsi
elle-même et en s'examinant soigneusement
avec un sentiment de repentir, notre âme se
purifie par ses larmes ne ses souillures, et
se renouvelle au creuset de la douleur. »
(MoR.l.xxin,c.6.)Nousle répétons donc, un
directeur, qui a à cœur le salut des âmes qui
lui sont confiées, ne doit pas cesser de leur
inculquer la pratique de l'examen quoti-
dien
II. Il serait à désirer que cet examen se
fit chaque jour deux fois, le matin et le soir.
f elle est la doctrine des saints, et en parti-
culier de saint Ephrem , de saint Dorothée
et de saint Bernard ; il j eut même plusieurs
fondateurs d'ordres religieux , qui , se con-
formant k la doctrine de ces saints, impo-
sèrent ce double examen è leurs commu-
nautés et en firent un article de leur règle.
Mais parce qu'un directeur ne pourra obte-
nir de tous la pratique de ce double examen,
qu'il insiste du moins pour que tous fas-
sent un examen sur le soir, avant Theure
du repos, nou-seolement à raison de ce que,
à la fin de la journée , le moment est plus
favorable pour demander à sa propre cons-
cience un compte de toutes les actions du
jour, mais encore parcelçiue les ténèbres et
le repos de la nuit favorisent l'attention, le
recueillement, et, par conséquent, sont plus
propres à faire naître le repentir.
Si le pénitent a si peu de piété qu'on ne
puisse espérer de lui un examen exact et
complet, le directeur doit exi|;er au moins
de lui un aperçu, un coup d'œil sur la jour-
née écoulée, un examen des choses les plus
frappantes, avec un acte de repentir, un sen-
timent de regret. Non-seulement cet eier-
cice, tout imparfait qu'il soit, servira ^ pti-
rifièr la conscience de ses souillures, mais
il rendra le pénitent plus précautionné pour
le jour suivant. Il en résultera pour lui
qu'il ne tombera point dans le malheur
d'une foule de Chrétiens, qui, devenus une
fois pécheurs, lâchent la bride à toutes
leurs passions, et se jettent dans toutes sor-
tes d'excès sans frein ni retenue.
Si le pénitent ne veut pas même s'astrein-
dre à si peu , il faut sans hésiter lui dire
qu'il n'a point è cœur son salut éternel. Dit
marchand qui ne peut se résoudre à repas-
ser ses comptes, à examiner ses gains et ses
pertes, assurément se soucie peu d'obtenir
de son commerce des résultats avanta*
geux.
m. L'usage de l'examen particulier sera
utilement conseillé aux personnes qui, dé-
gagées des fautes graves, commencent à as-
pirer à la perfection, car c'est là un moyen
fort efficace pour y parvenir. Le directeur
aura donc soin de leur laisser désigner les
sujets sur lesquels elles devront le faire.
Pour cela, qu'il remarque, pendant que sou
pénitent lui rend compte de sa conscience,
quel est la mauvaise inclination qui rem-
porte en lui sur les autres , quel est le dé-
faut dans lequel il tombe plus souvent, et
3ui met le plus d'obstacle à ses progrès
ans la vertu ; et alors il lui donnera ce
vice dominant pour sujet de l'examen par-
ticulier, après toutefois. lui avoir enseign-
la manière de la faire avec fruit. Or, W^^
préférable de choisir parmi plusieurs dé-
fauts à corriger , ceux qui sont extérieurs,
10%
EXE
D*àSCETI$HC.
EXE
lift
surtout au oommencement, parce que» d'or-
dinaire, ils ont on cAté scandaleux, et sont,
du moins , d*an mauvais exemple pour le
prochain ; et , en outre , parce gu*i!s sont
plus faciles à corriger que les défauts inlé-
rieors, qui sont comme une partie de nous-
mêmes. Il est facile , du reste, de voir qu'il
faut commencer par les choses plus bciles ,
afin d'ouvrir la voie pour les plus diffi-
ciles.
lY Le directeur demandera compte à son
pénitent du progrès qu'il fait sur ce qui est
l'objet de son examen particulier. Il lui
indiquera des œuvres d'expiation et de pé-
nitence en rapport avec les défauts dans
lesquels il est tombé, et lui suggérera les
moj'ens de remporter sur lui k I avenir une
victoire plus complète. Et s'il remarquait
en lui une trop grande négligence ou un
manquement trop grave , il pourrait, en ex-
piation de ces négligences, lui interdire la
sainte communion; supposé cependant qu'il
ait assez de vertu pour recevoir en paix et
avec humilité ce genre de punition.
V. Le directeur prendra garde è ce que
les pénitents, au lieu de profiter de ces exa-
mens pour leur avancement spirituel, n'y
puisent , au contraire, un sentiment de d^
couragement fort nuisible à TAme, ainsi
qu'il arrive souvent chez les femmes, crain-
tives de leur nature, surtout si k cette timi-
dité naturelle vient se joindre l'action ten-
^tricedu démon. Car voyant que, malgré
tant d'examens, elles avancent peu ou du
moins n'avancent pas selon leur désir, et
retombent de temps à autre dans les mêmes
fautes, elles perdent courage et se persua-
dent i^ue la perfection ne leur convient pas.
Le directeur chassera de leurs cœurs ces
ombres d'une vaine crainte ; il leur appren-
dra à supporter avec patience et sans perdre
courage ces sentiments d'abattement, à en
Î profiter pour voir combien elles sont fragi-
es encore, et è mettre en Dieu seul toute
leur confiance. Il leur fera remarquer que
le Seigneur permet qu'elles retombent dans
les mêmes fautes et qu'elles soient vaincues
par les mêmes inclinations mauvaises, uni-
quement pour les convaincre de leur misère
et les porter à en faire l'humble aveu, et
surtout pour qu'elles se défient d'elles-
mêmes et soient dans l'heureuse disposition
non-seulement de n'attendre leur délivrance
que de Dieu, mais aussi de la lui demander
avec une grande confiance, il s'attachera enco-
re à leur faire comprendre que, quoique nous
devions mettre tous nos soins à détruire nos
défauts et à vaincre nos mauvaises inclina-
tîous, cela cependant est un don de Dieu et
une œuvre de sa bonté; en outre que Dieu
n'enrichit point ordinairement de telles grA-
ces ceux oui perdent courage et se laissent
aller k l'aDattement, mais ceux-lk seuls qui
se défient d'eux-mêmes et mettent leur con-
fiance en Dieu. _
EXEMPLE DES SUPÉRIEURS. — C'est
Earticulièrement au point de vue de l'in-
uence des exemples des supérieurs et des
vif illanls dans les communautés, que nous
nous proposons de dire quelque chose sur
cette matière, quoique ce que nous en di-
rons puisse é^lement avoir son applica-
tion dans le siècle. Tous ceux qui sont
constitués en dignité de pouvoir, ou qui ont
la dignité de Tâge, ce qui est aussi une
puissance, sont tenus plus que les autres k
donner bon exemple.
Commençons mr nous appuyer snr des
autorités : Nous lisons dans le ii* livre des
Machabées que le vieillard Eléazar aima
mieux mourir que de scandaliser plusieurs
jeunes gens par une prévarication. Saint
Cyprien, parlant des abus du siècle, dit ces
paroles : Le second abus est de voir un
vieillard sans religion, car plus les membres
corporels s'usent, plus les membres de
rhomme intérieur doivent prendre de force.
Saint Bonaventure dit de son côté que la
seconde cause de relâchement dans les mo-
nastères, c'est le défaut de bons exemples
dans ceux qui doivent diriger les autres:
«car, dit-il, les nouveaux venus se laissent
façonner par les anciens comme la cire re-
çoit l'impression d*iin cachet. >
Trilhème fait cette réflexion tout k fait
conforme k la raison : que les vieillards
peuvent causer un grand scandale par une
seule parole peu mesurée ou peu religieuse:
les jeunes sont plus facilement entralués au
relAcbement et a la corruption par ceux qui
doivent être naturellement leurs tuteurs et
leurs guides.
Nous empruntons ici les paroles de
Schram adressées k tous ceux qui ont le
signe de l'Age ou de la prélature : « Nous
avons, dit-ll, des choses particulières k dire
k ceux qui sont constitués en diçnité:
« 1* Si par hasard des vieillards ont assez
d'incommodités pour ne pouvoir se sou-
mettre k toute l'étendue de la règle des
monastères, du moins qu'ils servent Dieu
et qu'ils remplissent fidèlement les devoirs
de leur état en tout ce qui e^t en leur pou-
voir : qu'ils donnent de bons conseils, qu'ils
parlent un langage mesuré par la sagesse,
car ceci est digne de leur Age; car nous li-
sons dans Job : La sageste est dans la an^-
cienSf ei la prudence dm$ les années. 9 Saint
Ambroise nous fait souvenir que dans les
premiers siècles de l'Eglise, chaque Eglise
avait ses anciens sans le conseil desquels
on n'entreprenait rien d'important. Que les
anciens se donnent donc de garde de donner
de mauvais conseils, soit par insuffisance,
d'instructions, soit par mauvais vouloir i
qu'ils se gardent de donner occasion d'in-
troduire le relAchement par certaines ré-
flexions qui puissent être mal interprétées»
Ils assumeront sur leur tête la responsa-
bilité des plus grands maux futurs de la
communauté.
« 2* Que les anciens et les supérieuni
soient doux et humbles. 11 faut qu ils fas-
sent etfort sur eux-mêmes pour conquérir
cette qualité de douceur et de bonté, parce
que leur âge et souvent leurs infirmités les
portent au contraire k la mélancolie et k la
dureté. D'ailleurs leurs cheveux blancs
703
EXO
DICTIONNAIRE
EXO
70&
semblent les autoriser à critiquer ce que
font les autres, à se plaindre de tout, à. se
préoccuper de oe qui concerne leurs be-
soins, el les petites consolations de la vieil-
lesse ; mais ils doivent se souvenir qu'ils
doivent se surmonter eui*môraes, se mettre
au-dessus et de leurs iotirmités et de leur
humeur, et se posséder complètement pour
ne pas démentir la dignité de leur Âge, con-
server la douceur et la bonté du caractère,
afin d'èire indulgents sans taiblesse et de
reprendre avec charité. Voici comment Inno-
cent III leur parle : « Le vieillard loue les
« aijcreus, méprise les jeunes gens, prend
« eri haine le siècle présent, relève les temps
ce passés. Il est prudent qu'un vieillard s'abs-
« tienne de ces comparaisons, qui blessent
« la science et diminuent la coniiance qu'ils
«c doivent inspirer : Ils se font passer comme
« des témoins infidèles ou passionnés d'un
« temps qui n'est plus. VÈcclésinste nous
0 avertit d'être prudent en ceci, car voici
« comment il nous parle : Ne diles point que
a les temps anciens furent meilleurs que les
a nouveaux^ car cette réflexion est insensée.
a Et voici pourquoi ajoute Innocent III :
« c'est qu'on suppose comme certaine une
« chose qui est douteuse, car il est diflicile
0 de comparer avec équité et exactitude des
« temps éloignés. »
« 3" Que les vieillards ne s'écartent point
sans de très -fortes raisons des exercices
cooimuns de la communauté, qu'ils ne
passent point les limites de la tempérance
diins le boire et le manger, de peur de nuire
et à leur santé et à l'édification qu'ils doi-
vent aux plus jeunes. »
Voilà les avis que Schram donne aux an>
eiens, nous les laissons dans leurj brièveté
et leur sage gravité.
EXERCICES DE PIÉTÉ. — Voyez Orai-
SON, Lecture spiritubllb, Préssncb de
Dieu.
EXORCISME. — Voir Possessiow. —
L'exorcisme consiste dans le pouvoir qu'ont
les hommes de commander aux démons,
au nom du Seigneur, de sortir dû corps des
possédés. Ce pouvoir a toujours été et est
encore dans l'Eglise, sort d'une manière ex-
traordinaire, comme grâce gratuite^ et il
rentre alors dans la classe dés miractes ; soit
d'une manière ordinaire, entre les mains
i[e$ ministres de FEglise qui sont revêtus de
Tordre de l'exorcisât.
L'Ecriture sainte le démontre. En effet
(JUatth, X, 1; Marc, ni, 15; Luc. ix, 1 ) Jé-
sus-Christ a donné et a confirmé aux apôtres
le pouvoir de chasser les démons. {Luc. x,
17. ) Il a offert ce pouvoir à tous les fidèles
en général. {Marc, xvi, 17.) Saint-Paul ad-
jura et chassa le démon d'une pythpnisse.
( Âct. XVI, 18. ) Ce pouvoir a été donné non*
seulement aux apôtres, mais aussi à leurs
successeurs et in tous ceux qui croiront par
eux, non en vertu de leur sainteté person-
nelle, mais comme une grAce miraculeuse;
car nous lisons en saint Matthieu (vu, 22)
que beaucoup chasseront les démons, à qui
le Seigneur uir-» au jour du jugement : Je n«
vous connais pas. Ce n'est pas qu'il soit per-
mis à tous indifféremment d'exorciser les
démons, mais à ceux-là seuls que Dieu des-
tine extraordinairement à cette fonction, ou
ciue l'Eçlise y appelle ordinairement par
I ordre de l'exorcisât. Les Actes des apôlres
(xix, 15) nous montrent la sévère puoiUou
de quelques exorcistes intrus. — Les con-
ciles et les Pères ont suivi la même tradi-
tion catholique que l'Eglise a conservée
jusc]u'ici dans ses Rituels. Saint Cyprien
écrit en ces termes à* Démétrianus, pfocoo-
sul païen : « Oh 1 si vous vouliez voir et en-
tendre, quand nous adjurons les détoons,
quand nous les tourmentons par des flagel-
lations spirituelles et par les supplices de
nos paroles saintes, quand nous les chas-
sons du corps des possédés? Ils pousseu
dos hurlements affreux; la puissance di-
vine leur fait sentir les coups de fouet el
de verges, et les force, avec une voix hu-
maine, de rendre témoignage au Juge qui
doit venir.>
Selon l'opinion commune des théologiens,
l'efficacité des exorcismes à chasser le dé-
mon résulte non -seulement de l'œuvre de
celui qui opère {ex opère operanti$)f mais
aussi de l'œuvre opérée elle-même (e^ optrt
operato); ce sentiment doit surtout être
celui des personnes qui prétendentque l'exor-
cisât, comme les autres ordres mineurs, est
un véritable sacrement.
Pour que le remède des exorcismes soit
efficace, il est certaines conditions que doit
nécessairement remplir l'exorciste. On tes
trouve détaillées daAs P Instruction deVtxw-
ciste^ du P. Pinamonti.
I. Et d'abord l'exorciste doit faire usa^e
des exorcismes aj)prouvés par l'Eglise ut
contenus danb le Rituel romain, de Paul V.
II faut donc non-seulement un ministre
établi spécialement par T Eglise, mais en-
core les paroles prescrites parle Vicaire
de Jésus-Christ, d'autant plus que les au-
tres formulaires d'exorcismes renferment
bien des choses apocry[)heSt vaines et
d'une orthodoxie douteuse; nous ne fai
sons pas même d'exception pour les exor-
cismes qui se trouvent à la fin du Sa-
cerdotal romain ; cette collection n'a pas
reçu l'approbation spéciale du Souverain
Pontife, et elle n'emprunte pas toujours à
des auteurs certains et approuvés.
II. La vertu des exorcismes, d'après l'ins-
titution de Jésus-Christ, repose lout en-
tière dans la plénitude de foi ^ tant dectlui
qui exorcise que de celui qui est exorcisé ^^
nom de Jésus-Christ. L'Evangile nous dé-
montre expressément que cette condition
est nécessaire et suffisante. Voici les mira-
des qui accompagneront ceux qui auront cru.
(Marc. XVI, 17.) Saint Matthieu (xvii)allri-
bue au peu de foi des disciples leur impuis-
sance à chasser un démon. Cest à causent
votre incrédulité, {f. 19.J 0 race incréduUi
s'écrie t-il encore! (f. 16.) Jésus-Christ dij
au i»èred'un démoniaque, eu lui reprocbaM
705
EXO
D'ASCETISME.
E\0
706
)on inerédulilé {Mare, w^ 22) : Si vous pou-
viex croire^ car iout est possible à celui qui
croit. Il n*en faut4>as conclure que la prière,
le jeûne et les exordsmes sont superflus,
puisque tout le succès est attribué à la foi.
L*exorcîsme est indispensable, pour que
celte disposition de la foi produise son
effet ex opère operato : La prière et le jeûne
forment une disposition médiate, car la
prière augmente la foi. Aussi le père du
démoniaque dont nous venons de parler
s'empressa-t-il de répondre à Jésus : Je
crois. Seigneur, aidez mon incrédulité. Les
apùtres priaient le Seigneur d'augmenter en
eux la /bt. {Luc. xvn, 5.)
IIL II faut procéder dans les eiorcismes
par voie de compulsion, arec un air de su-
fiériorité et de menace, et non par voie dt3-
précatoire, qui dénote le moins du nionle
quelque infériorilé ou familiarité. Jésus-
Christ nous en a lui-même donné Texemple
I3rattk. XTii,* 17] : Jéstis le menaça et te dé-
mon sortit de ce corps, c II y a, dit saint
Thomas (2-2, q. 90, a. 2j, deux ma-
nières d'adjurer : Tune par voie de dépré-
cation, qui sent la prière et le respect;
Tautre par foie de compulsion. Il ne no;is
est pas permis d*adjurer les démons de la
première manière; car elle semblerait té-
moigner de quelque sentiment de bienveil-
lance et d'amitié envers le démon, ce qui est
formellement interdît. »
IV. Dans les exorcismes, il faut faire
usage de ce mode d'adjuration que nous
venons d*indiquer; mais seulement dans le
but de chasser les démons : car c*c5t seu-
lement en vue de cette fin que Jésus-
Christ a promis et accordé son pouvoir aux
ministres désignés par TEgiise, selon ces
paroles (Matlh» x, 1) : Il leur donna pouvoir
sur les esprits immondes, afin quils pus^
sent les chasser. Saint Thomas ajoute a ce
sujet {loc, cit., a. 2j : « Il n'est pas toutefois
{ ermis de les adjurer pour en apprendre
ou pour en obtenir quelque chose; car ce
serait la marque de relations illicites avec
le démon.... Au lieu que les adjurer, pour
les chasser, c'est repousser l'idée de toute
alliance avec eux. »
J*" V. Il faut user avec discernement des
"^noyens qui tendent à Texpulsion du dé-
mon; c'est-à-dire, il faut distinguer en quoi
consiste la force principale des exorcisâtes,
forée qui réside dans l'adjuration faite avec
foi, au nom de Jésus ou de la très-sainte
Trinité.
Par cette foi requise pour refliicacité des
exorcismes, on entend : i* cette foi qui,
par un acte actuel, nous fait croire que Jésus-
Christ, comme Dieu, peut toutes choses, et
qu'il nous a promis respulsion du démon
toutes les Ibis qu'elle nous est avantageuse
et qu'elle est faite en son nom par ses mi-
nistres; 2* sous la dénomination de foi,
prise dans une large acception, est aussi
comprise la confiance et l'espérance, et de
plus un acte de la volonté, par lequel nous
certifions effectivement en Jésus-Christ
notre Seigneur que l'exorcisme sera suivi
d'effet. 3' Quelqucfnis à cette idée do foi est
jointe une certaine inspiration, résultant
d'un instinct spécial, bien qu'elle ne soit pas
nécessaire, que l'effet doit se produire abso-
lument; mais il suffit commuoénîent de la
foi, sous condition tacite, que l'effet soit
utile, et que nous ne manquions d'aucunes
des dispositions requises ; i* quoique la foi
nepuis;se être suffisante, sans la charité,
comme le déclare l'Apôtre (/ Cor. xiii, 2j,
souvent néanmoins la charité est utile à
l'effet, en facilitant la plénitude de la foi ;
5* bien que la foi soit communément requise
de la part de l'exorciste et de celle du pos-
sédé, souvent cependant la plénitude et la
surabondance de la foi, soit dans l'exorciste
seul, soit dans le possédé seul, soit même
dans son père ou dans un autre, supplée à
ce qui viendrait h manquer dans l'exorciste
ou le possédé.
L'adjuration prescrite par voie de compul-
sion doit être grave et sévère, mais non au
point de dégénérer en colère, fureur ou or-
gueil. Ce n est pas par orgueil qu'on prut
chasser le superbe, mais par une humble
supériorité. Aussi le Rituel ne parle-t-il ni
des soufllets, ni des flagellations, ni de toutes
ces autres manières de tourmenter le démoa
on lui crachant au visage, en le foulant a^jx
pieds, en foisant brûler des herbes ou des
matières nauséabondes, etc., etc. Cai de la
sorte c'est le possédé plutôt que le démon
qu'on fait souffrir. Ce serait d'ailleurs une
superstition que d'attacher à ces pratiques
auelque propriété spéciale pour l'expulsion
u démon. Si Ton ne veut en faire qu'un
usage modéré, et qu'on ne les regarde que
pomme de simples cérémonies, pour expri-
mer tout son mépris pour le démon, ilest
préférable et plus efficace, è l'exemple de
Jésus-Christ, de se contenter de paroles me-
naçantes. Quant aux moyens employés dans
certains cas par quelques saints, ils leuront
été suggérés par une impulsion -spéciale:
Ain^i Tobie chassa le démon par la fumée
d'un poisson qui lui avait été particulière-
ment désigné. [Tob. vi, 8.) Selon l'opinion
générale, ce moyen était tout symbolique, el
seulement applicable dans ce cas : d'ailleurs
il est probable que Dieu avait inspiré nu.
démon, comme punition, une horreur toute
particulière (tour celte espèce de poisson,
par un motif qui nous est inconnu. Quant
au cercle de Salomon, et à cette herbe qu'on
place sous le nez du démoniaque , en réci-
tant la formule d'adjuration , pratiques ra-
contées par l'historien Josèphe ( I. vin Antiq.,
c. 2), elles ne méritent pas grande confiance.
Comme les exorcismes n'ont d'autre fin
ue l'eipulsion du démon, le Rituel réprouve
'une manière tacite, et les "autres- auteurs
eiprcssément, les abus suivants : 1* Il faut
éviter toute vaine curiosité d'apprendre
quelque chose du démon, et de voir quelque
spectacle extraordinaire.Ce serait commettre
un péché grave, si peu importante qu'en
pourrait être la matière; car ne pouvant con*
traindre le démon à dire la vérité, on s'ei-
pose au dangçr de tomber dans une grande
3
707
F.XO
DICTIONNAIRE
EXO
70S
erreur ou de couimellre quelque mal. 2" Il
faut éviter d'adresser aucune question au
démon, môme en vue d'un grand bien. Ces
Questions ne sont d'aucune utilité pour la
n de l'exorcisme; l'exorciste d'ailleurs n'a
aucun pouvoir pour les adresser. 3* 11 faut
éviter de demander frivolement au démon
s'il possède réellement l'homme du corps
duquel on veut le chasser. 11 est d'autres
marques suffisamment caractéristiques pour
faire reconnaître la possession, k" Il faut
éviter de laisser le démon discourir sur des
choses étrangères, et lui ordonner, selon le
Rituel et d'après l'exemple de Jésus-Christ,
de répondre uniquement aux questions qu'on
lui adresse. [Marc, i, 25; Luc, iv, 35.) Tttis-
toif lui dit le Seigneuc, et sors dé cet homme.
On peut touteiois demander le nombre et
le nom ies esprits qui tourmentent le pos-
sédé, répoque où ils j sont entrés, la cause
de la possession et la manière dont elle s'est
opérée : par exemple, si c'est à la suite d'une
conjuralion magique : et dans ce cas il faut
brûler tout ce qui a servi à la conjuration.
Il faut leur ordonner aussi de marquer par
un signe certain le jour et l'heure de leur
sortie, ainsi par l'extinction d'une lumière.
Toutes ces pratiques nous sont prescrites
par l'Ëglise et par Jésus-Christ lui-même
[LuCm Yiii,30), qui demanda au démon : Quel
est ton nom? Qui Gt cette question au père
d*un démonirique : Combien de temps et de-
puis quand est-il dans cet état? Elles ont pour
effet de faciliter et de rendre plus naturelle
l'expulsion des démons. On peut avoir Tes-
))érance de contraindre le démon à dire la
vérité: si néanmoins il refuse de répondre
à ces particularités, de peu d'importance au
fond, il faut se garder ay insister plus long-
temps, et procéder par des moyens plus
substantiels. Au reste, il faut s'interdire
absolument toutes les pratiques vaines et
frivoles indiquées par quelques formulaires
d'exorcismes ou par le Sacerdotal, et omises
par le Rituel; comme d*exiger un serment
du démon, de lui commander, sous peine
d'excommunication, de l'envoyer pour un
siècle dans un étang de feu, dé l'adjurer par
les noms de Dieu les moins usités, ou par
des créatures (^ui ne soient point d'une sain-
teté toute particulière ; de brûler dans un
feu nouveau le nom du démon écrit sur un
billet; d'éprouver si c'est véritablement le
démon, par des reliques supposées et de
fausses adjurations, etc., etc.
li est encore quelques considérations im-
portantes pour le légitime emploi des exor-
cismes: le P. Régnera les a résumées dans sa
Théologie mystique (t. 1", p. 737).
1. 11 n'est pas permis d'adjurer un démon
supérieur, atin qu'il chasse les démons in-
férieurs. Car si ce démon est hors du corps
du possédé, le pouvoir des exorcismes ne
s'étend pas à proprement parler jusqu'à lui;
s'il est dans le corps du possédé, l'exor-
cisme a assez d'efficacité pour chasser à la
fois, et sans besoin d'un secours étranger,
le démon supérieur et les inférieurs. (F. Pi-
JfAMONTI, C. 7.)
II. L'exorciste ne peut adjurer le démon
de se rendre en tel ou tel lieu où son iu-
fluence soit moins nuisible; car, ni son
ordination, ni PËvangile, ni le Rituel, ne lui
ont conféré un semblable pouvoir. Il peut
tout au plus prier à cet effet le Seigneur,
quoiqu'il soit préférable de s'en remettre
sur ce point k la divine Providence. L'exem-
ple de l'archange Raphaël , qui relègue le
démon dans les déserts de la haute Egypte
[Tob. VIII, 3), et de quelques saints, ne peut
servir de règle pour tous les fidèles : oa doit
seulement se contenter de lui interdire tout
retour, selon le Rituel et l'exemple de Jésu^*
Christ (Marc. ix,2^) : /e te commande de sortir
de cet hommCf et ae n*y plus jamais rentrer.
Il faut aussi se gnrder de tout arrangement
avec le démon , comme de lui permettre
d'entrer dans un autre corps, h condition
qu'il sortira de celui d'où on veut le chasser,
Car ce serait faire injure au pouvoir de
chasser les démons, accordé à l'Ëglised'une
manière absolue. Il ne faut pas d'ailleurs
faire le mal pour qu'il en résulte du bien. On
ne doit pas mémo leur accorder la faculté
d'entrer dans un troi>peau de porcs : car, si
Jésus-Christ leur en a donné la permission,
c'était dans une fin spéciale de sa diviue
Providence.
m. L'exorciste ne peut, par l'adjuration,
précipiter le démon dans Venfer^ ni lui accor-
der sur sa demande, et à la condition qu'il
sortira du possédé, l'autorisation de ne pas
retourner en enfer. Tout cela dépasse son
pouvoir et n'appartient qu'à Dieu seul, le
.souverain juge. On ne doit point s'autoriser
de l'exemple de Jésus-Christ [/. c, 31); car
seulila les clefsdela mortetde l enfer lÂpoc. i,
18). D'ailleurs, à la demande qui lai était
adressée, Jésus-Christ, pour notre instruc-
tion, ne voulut rien répondre, et se contenta
d'ordonner à l'esprit immonde desortir deett
homme (viit, 28j. Enfin il pouvait faire cette
concession, lui qui, par un privilège spécial
de Dieu, avait reçu le pouvoir d'envo)er le
démon où il voulaiL
IV. L'exorciste ne peut infliger auxtf^
mons possesseurs de nouveaux châtimcDts:
la peine substantielle de la damnation qu'ils
endurent est infinie : ils ont dépassé toute
limite, et ne peuvent plus encourir au-
cun accroissement de souffrances. On peut
néanmoins quelquefois au moyen des exor-
cismes les tourmenter terriblement par des
châtiments accidentels; soit parce quelVs-
pril superbe a la plus vive répugnance à se
soumettre au ministre de Dieu; soit parce
que dans Texorcisme il est rudement me-
nacé, méprisé et foulé aux pieds au nooi de
Jésus; soit enfin parce qu'on lui rappelle le
jour du jugement, pour lequel il a la répu-
gnance la plus pporonde, et qu'on le con-
traint, malgré sa résistance , de quitter le
corps du possédé. Voici ce que le Rituel
prescrit à ce sujet : « Quand 1 exorciste est
arrivé à la formule comminatoire , qu'il 1'
répète à diverses reprises, en ayant S|Oiii de
toujours augmenter le châtiment, s'il voit
que sa menace fait impression, qu'il y per-
709
EXT
DASCETISIIE.
EXT
TIO
sé?ère pendant deux* trois, quatre heures
el plus encore, autant qu'il lui sera possible,
jQsqu*à ce qu'il ait remporté une victoire
coDiplèle. Qu*il dise dans son exorcisme :
plus tu tarderas à sortir, plus la punition
sera rigoureuse. 11 doit aussi terminer cha-
cune de ses prières, outre la formule habi-
tuelle, au nom du Seigneur Jésus, par cette
conclusion : fut doit venir jup^ l^ rivants
el les moris^ et purifier le siècle par le feu. >
Saint Luc (tiii, 28] nous le démontre par
l'exemple de ce démoniaque, dont le démon
dit à Jésus : Je vous conjure de ne pas me
laiinii«ii/fr;réYangéliste indique pour raison
de cette prière, que le Seigneur ordonnait à
Fesprit immonde de sortir de cet homme.
On est souvent embarrassé de comprendre
pourquoi certains démons résistent plus
longtemps que les autres à Tefficacité des
exorcismes. On peut répondre que cette
résistance a pour cause unioue et particu-
lière l'absence de toutes les dispositions
requises dans Texorcisle ou dans le possédé.
Néanmoins, la puissance, la malice, la ruse,
le nombre des démons possesseurs, et la
longue durée de la |K)ssession, peuvent y
être pour quelque chose. Mais comme la
promesse de Jésus- Christ est absolue et
qu'elle ne peut se modifier que par le défaut
des dispositions nécessaires; comme d'ail-
leurs 1 expulsion du démon est toujours
utile, la cause principale de la résistance
du démon n'est autre que Finsuffisance des
dispositions. Or, la principale de ces dispo-
sitions, celle qui rend l'eflicacité de l'exor-
cisme plus prompte et plus facile, c*est la
foi, comme nous l'avons déjà dit : nous ne
devons donc omettre aucun effort pour ex-
citer en nous la foi.
L*expulsion des démons par les exorcis-
mes, avec toutes les dispositions requises,
est fréquemment suivie d'effet, bien qu*elie
ne soit pas absolument infaillible; car par-
lais la possession diabolique est utile à
Ta^ancement spirituel de l'âme: « Lorsque,
dit saint Augustin (L. LXXXIU^ Quœst.f
q. 79), les puissancesde l'enfer résistent à ces
adjurations, c'est par un secret dessein de
Dieu, qui juge la possession juste et utile,.,,
soit pour coufouare les mécnants, quand il
faut les confondre,... soit pour instruire les
bons et augmenter en eux la foi. » (Fojf. Ob-
SKSSIOM.)
EXPIATION. — Foy. Péritbncb, M orti-
F1C4TI03I.
EXTASE. — Qu'est-ce que l'extase? Lais-
sc»iAs répondre le docteur d'Uyppone à Sim-
plicius : c'est une élévation ae l'Ame au-
dessus des sens du corps {Mentis alienatio a
sensibus carparis).
Les visions, les paroles intérieures, les
réTélations, les prophéties accompagnent
souvent les ravissements et les extases.
Cssajrons maintenant de pénétrer plus
araut dans sa nature : « Dans l'extase ,
dit saint Thomas. ( i-2, S8), on souffre
quelque chose, parce qu'on est entraîné
bors de soi (et en ce cas l'extase est for-
melle], ce qui arrive selon la force appré-
hensive, et quelquefois selon la force appé-
tiiive. »
« Par rapport à la force appréhensive,
continue le Docteur angélique, on dit que
quelqu'un est en extase quand il se trouve
placé en dehors de la connaissance qui lui
est naturelle, soit parce qu*il est élevé à
un ordre de choses sublimes, comme lors-
qu'il saisit des choses qui surpassent les
sens et le raisonnement ordinaire; soit
même lorsqu'il est emporté par une espèce
de furie. Il y a extase dans la partie sensi-
tive quand l'amour et le désir d*un être se
porte totalement sur un autre, en sortant
pour ainsi dire de soi-même. La première
sorte^ d'extase est dispositivemenl produire
par l'amour en méditant sur son bien aimé;
or une méditation intense sur un objet
éloigne de tous les autres, et l'amour pro-
duit par là directement la seconde extase. »
Dans l'extase, dit Alvarez, Tâme est or-
dinairement privée de lusage des sens :
Elle ne jouit, selon Harpius, que d'une
puissance végétative (c'est-à-dire animale)
a faire ses actions, car elle ne connaît plus
rien et si cet état durait, le corps succom-
berait d*inanition.
Qu'est-ce que le ravissement? C'est une
espèce d*extase plus douce. Nous venons de
voir que saint Thomas j suppose de la
souffrance ; mais il n'y en a pas dans le
ravissement. Voici comment Scacchus saisit
cette différence : « Dans l'extase il y a de
la douleur, dans le ravissement de Id force
et une certaine violence. » Ce que les
mystiques entendent d*une violente com-
motion corporelle, comme lorsque les
aliénés sont ou se croient transportés dans
les airs : Laurea pense cependant que ces
deux états se confondent souvent. Nous
suivrons ce dernier sentiment selon Laurea,
Durand, et nous diviserons l'extase et le
ravissement en, 1* naturel; 2* démoniaque;
3- divin.
1. De Fextase naturelle. — C'est celle qui
est due à des causes naturelles, par exemple
è la maladie, ou à un violent effort da
rimagination, à une violente application de
l'âme à des choses fort élevées.
Comment vient-elle de la maladie? d'a-
bord de \9 maladie que les médecins ap-
pellent la catalepsie; car dès que le patient
en est saisi, il est privé de tout mouvement
et sentiment, et il demeure immobile et
roîdement crispé, cemme il se trouve au
début, par exemple, les yeux fixes et ou-
verts, conservant le même visage que s'il
était éveillé, quoiqu'il soit évanoui. Le
médecin Zacchias donne à ce sujet des
explications tirées de la nature du cecveau,
de la quantité des esprits vitaux, pour
peindre la nature de cette espèce d'extase
naturelle, qui dérive en général de la
faiblesse des organes. [Quest. méd. leg.f
L IV.) Ensuite Fextase naturelle peut venir
d'une imagination fortement préoccupée^
alors les esprits animaux aiilueht au cer-
veau, et empochent Teiercice des sens
extérieurs qui y ont leur premier moteu» i
Il
EXT
DICTIONNAIIIE
EXT
7lS
plus rimngînnlion c«l forlomcnl prc»occiipéo,
IAhs Tafflueiicc ilfs esnriU est grande, f»Ius
aussi fextase est prolongi'*c et forte : c'est
une espèce; d'eilase de ce genre, prise de
rimagînalion qu'éprouvait sans doute saint
Thomas è la table de saint Louis, lorsque,
se croyant seul au milieu de (ouïe la cour,
il argumentait d'une manière irrésistible
contre les manichéens.
H y a donc des extases na(urell(*s, quoi-
que ce ne soit en effet pas de véritables
extases par comparaison aux extases dî-
irines; et toutefois les extases n<itureiles
sont désignées dans l'Ecriture sainte. Ainsi
il est dit d'Isaac, qu'il fat saisi (Tune téhé-
mente stupeur^ tombant dans une admiration
plus grande qu'on ne peut dire,.. Isaac fat
emporté dans une grande extase. Ainsi : on
dit de Nabal que son cœur se mourait inté-
rieurement^ et devint comme une pierre^ parce
que, dit Sanclius, il fut tellement surpris
t]u'il perdit l'usage de ses sens, ce qui
{irrirc souvent dans les grandes coinmollons
et la douleur.
On peut prouver la même chose par les
saints Pères. Saint Augustin dit da prêtre
llçstitut, qu'on le priait souvent d'opérer
certaines extases admirables , avec des
tons de voix prodigieusement Jamenlable,
et en même temps il était tellement ravi hors
de lui-même, qu'il tombait ensuite comme
un mort. Alors il ne sentait plus rien, ni
Jes coups, ni les tiraillements : on pouvait
même le brûler sans le réveiller et sans
douleur, si ce n'est après ce ravissement.
11 perdait jusqu'à la respiration; ensuite,
auand il commençait à parler, on enteiulait
es sons singuliers comme ceux d'une voix
humaine qui arrive d'un grand lointain.
Saint Thomas dit que l'extase naturelle
arrive de la même manière que si on toiu-
bait dans rirabécillilé mentale. Saint Fran-
çois do Sales rnpporto que certains philo-
sophes tombaient dans l'extase par suite
d'une application extraordinaire à des objets
forts élevés. Ainsi il dit de Socrate, que sa
pensée s'étant un jour fixée sur un certain
objet, il resta immobile dans la même
posture pendant un jour tout entier. Mar-
sile Ficin rapporte d'autres exemples qu'il
serait peut-être difficiles de vériher : Kpi-
niinide aurait dormi pendant cinquante ans,
Vivant comme sans le secours des sens;
Pythagore pendant dix ans; Zoroastre resta
enternié pendant vingt ans. 11 dit de Platon
qu'il fut souvent ravi dans les hautes con-
templations et succomba enfin à l'un de
ces ravissements; Xénocrate était ravi tgus
les jours pendant une heure : Archimède
était tellement absorbé dans ses démons-
Irations qu'il ne s'aperçut ni que sa pairie
succombait ni qu'il succombait avec elle;
Plotin sentait son corps comme se dissoudre,
Cl alors il avait des idées plus hautes qu'à
Tordinaire,
Selon saint Thomas la raison nous dit
qu'il doit en être quelquefois ainsi. L'ima-
Rination étant une fois violemment tendue
6t fixement arrêtée sur un objet, tous les
esprits animaux, destinés aux mouvements
externes et internes du sens confluant vers
le cerveau, il arrive qne tous les sens sem-
blent suspendre leurs fonctions et leur mou-
Yeinent plus complètement que dans lesoio-
meil. Môme dans le sommeil ii est des cas
où l'engourdissement est si profond qu*!!
ressemble à de Tanéantissement. Ainsi dans
Textase ou le ravissement, soit par TefTet
d'une chose fortement imaginée, soit fiar
une infirmité naturelle des principnux or-
ganes, peut-on être privé do mouvimenl?
D'où nous pouvons conclure que les étals
que nous venoTis d'examiner peuvent êire
réeltementappelé des extases, uiaiselles sont
imparfaites si on les compare, coiLme dous
le verrons, aux extases surnaturelles. Lo
sommeil, en tant qu'il ne dé|>asse pas L«s
limites d'un véritable sommeil, n'est pas un
ét<it extatique, car il n'a aucune pensée. Il
en est de même des maladies qui ne sort
qu'une suspension des opérations de les-
prit, aussi bien que du corps.
£n vertu de l'extase naturelle, il n'arrivera
jamais que l'âme quitte un se:d instant lo
. corps, comme l'ont soutenu quel(|ues au
teurs. Car c'est là un prodige que Dieu seul
peutopérer,en suspendant les lois naturelles:
il ne se rencontre donc pas dans re\tasc
naturelle. S'il y avait réellement séparation,
dit Tertullinn, ce serait la mort, et rien de
' plus, et s'il n'y a pas mort, il no peut javoir
autre chose qu'une vraie chimère.
Dans l'extase produite [>ar une violenlc
application de l'imagination, l'usage des
sens est suspendu, mais non l'usage do
l'imaginàlion.
Le premier signe d'une extase naturel!»
est l'état maladif d'une personne, un état
d'infirmité habituelle. Telles sont, suivant
Sacchii : l'apoplexie, l'épilepsie, la iélbar-
gie, la catalepsie, et d'autres maladies dites
somnambules. Ceux qui sont affectés de ces
dernières apparaissent dans un état qui est
entre lo sommeil et la veille. Mais les autres
deviennent comme des êtres insensibles et
inanimés; et on en a tu plusieursqui, reve-
nus à eux mêmes, se rappelaient d avoir vu
et entendu dans leurs évanouissements des
choses inouïes et fort extraordinaires.
Le second signe, c'est l'époque des exta-
ses. Si l'extase a un temps déterminé et ré-
gulier dans ses retours, il est très-présuma-
ble que c'est une extase naturelle; car $i
elle dérive des humeurs et d'une certaine
complexicn, on comprend qu'il doit en ré-
sulter des crises périodiques, commelemou-»
yement même des humeurs maladives. Tou-
tes les tièvres à peu près ont de ces inter-
mittences qu'on peut généralement réduite
à certaines périodes à peu près prévues.
Troisième signe : la souffrance qui suit.
Si quelqu'un parait avoir éprouvé une
extase, et qu'ensuite il tombe en apopieiiei
en paralysie, ou dans une autre maladie
qui y ait du rapport, on peut conclure que
cest là simplement une extase nalurelle
dans lo genre do celles dont nous avous
parlé, et qui se termine souvent par In n o.t'
713
EXT
D^ASCETJSUE.
EIT
7I«
Car sainte Thérèse nous assure, et elle en
a le droit, elle a si soureat éproaré un état
extraordinaire et d*nBe manière si variée;
elle assure, dts-je, que Textase dirifie ne
porte jaroaîs au corps le dommage d*une ma-
ladie corporelle» quoiqu'on puisse être souf-
frant pendant Textase; mais» au contraire»
qu*après Teffct est quelquefois de rendra
sain UB cerps oui était faaiade. AWarez dans
sa Vie êpiriiuetle assure aussi qu*il est bien
roerftilleux qu*en sortant de l'extase au lieu
de sentir son corps fdible» ce que l'on peut
liréToir après de telles commotions^ au con-
traire, on 4e sentait fort » dégagé de ses in-
firmités habituelles.
Quatrième signe : Une gninile lassitude de
membres. Si sn éprouire cet eSet, c^est yn
signe nue l'extase qui a lieu a été purement
naturelle. C'est dans cette différence que
Zaccbia |»lace la séparation des deux extases
diThie et naturelle^ Ja première opère «a
effet de force» et l'autre de faiblesse. Durand
dit aussi « que le corps de celui qui est
^leréà la contemplation extatique» ne tombt
iMînt par suite dans la débilité et la fai-
blesse, mais devient fort et aequieit une
noayeSe vigueur. » Les auditeurs de <la
Rote ont aussi observé, h foccasioa de la
▼ie des serviteurs de Dieu, que ceux qui
persévéraient dans Textase» une fois qu ils
revenaient! leurs sens naturels y revenaient
souvent avec ia plénitude de Leur sanlé» et
prêts è supporter toutes sortes de tra-
vaux.
Cependant n'oublions pas que dans l'ex-
tase elle-même le corps est faible. Daniel
lui-même nous l'apprend: Toi tu urne tmon,
dit-il» et il ne me reeia aucune force^ et ma
face a changé; je maigris^ et je perdais toute
ma puiiêonee. Toute Ta force de Fâme étant
concentrée et appliquée aux choses d.vines,
la chaleur rilale se précipite vers le cerveau
pour les fonctions de l'Ame^ il en résulte un
affaiblissement des forces du rosie du
corps ; il se refroidit» pâlit et flnit par s'en-
fl.<flaiiier. Cassien fait ainsi parler Tabbé
Jean : «Parla volon édeNolre-Seigneur Jésus-
Christ Je me souviensd*avoirsouveniéprouvé
des ravissements tels que je ne me souvenais
plus duftrdeau de mon corps; j*étais comme
un être priv^ de cette fragile enveloppe, et
comme exilé hors de moi-même ; ni mes
jeux, ni mes oreilles ne remplissaient leurs
propres fonctions» et alors I esprit se rem-
plissait de méditations divines et de théo-
ries spirituelles » j'arrivais jusqu'au soir sans
savoir queie n'avais pris aucune nourriture. »
Et sainte Thérèse dépeint dans son Château
de Féme le même état ; elle parle des souf-
frances de celui qui est ravi en extase» et le
peint comme privé de chaleur» manquant de
respiration» n'éprouvant pas le moindre
mouvement» ni te moindre souffle : ajou-
tons h cela la ri^dité des membres» le iroid
et la nâleur du visage, et tous les sjmplO-
mes des mourants et des morts.
Cinquième signe : L'oubli des choses pas-
sées. Si» après l'extase» après le ravisse-
ment de l'esprit» on a oublié ce qui s'est
DiCTi0!ia. d'Ascétisvb. I.
passé» c*ést encore une marque que l'effet
est purement naturel. Ce n'est pas i dire
que dans les extases surnaturelles on se
souvienne toujours de ce aui s'est passé» et
dans ce cas» on a recours a d'autres signes
pour découvrir sa vraie origine» mais la
règle générale est que» dans l'extase natu-
relle, on ne se souvient de rien» et dans
rextase divine» l'esprit conserve le souve-
nir de ses impressions.
Sixième signe : L'amour des choses ter-
restres. Si pendant que auelgu'un tomt>e
en extase» n était occupé de choses terres-
tres* de soins mondains» c'est une marque
que l'extase est naturelle ; car l'extase di-
vine ne peut prendre son origine que dans
le pur amour, dans famour surnaturel.
Septième signe : Si elle vient de Fa peur.
Lorsquec'est par suite d'un événement triste,
qui accable l'âme, qu'arrivo Textase, c'est
oDoere une marque qu'elle n'est que l'ac-
complissement d'une loi de la nature» comme
cela s'est vu dans Jacob et Nabal.
Huitième signe : Quand elle arrive par
suite d'une musique qui charme les sens.
La musique exerce une puissaste influence
sur nos sens. Il est certaines organisationn
surtout sur lesquelles elle opère des effets
prodigieux ; il n'est pas surfirenant que .
dans certaines circonstances, les sens en
soient complètement endormis et paralysés,
comme l'attestent Cassiodore et Dom Cal-
met.
U. Arrivons maintenant h la seconde es-
pèce d'extase ; c'est celle que nous appelons
démoniaque» lorsque les démons reçoivent
le pouvoir de lier les sens extérieurs.
Pour savoir comment cola peut arriver»
nous laisserons DeJrio nous l'expliquer,
c L'extase, ou le ravissement , dit-il» peut
être causée par le démon, en liant ou en
relâchant les sens extérieurs, e( cela» par
deux moyens. Il produit le premier effet en
obstruant les conduits par où les esprits du
cerveau arrivent aux sens extérieurs, etalois
se produit le même phénomène que dans le
sommeil. Le second effet a lieu lorsque le
démon rappelle avec violence les esprits ré-
pandus dans les extrémités, dans les épa-
nouissements nerveux vers le centre» etiesy
retient. Alors il y a embarras et confusiou
dans le centre» et tous les mouvements et
toutes les pensées sont troublés ou suspen-
dus. 9 Le même auteur soutient que « celte
cause du ravissement naturel ne surpasse
point la puissance du démon. »
Il existe des extases démoniaques. Teilà
une proposition qu^on peut établir. Hais
observons d*abord que ce ne sont pas» à
proprement parler» des extases» si on les
compare aux divines. Prouvons-le par l'E-
criture sainte. Au livre du Deuiéronomef on
reprend sévèrement ceux qui consultaient
les Pythonisses» ou les personnes en qui se
trouvait l'esprit pytbonigue. Si nous con-
sultons saint Augustin, outre l'exemple que
nous avons rapporté» que Durand fait servir
è prouver les extases démoniaques» ce Père
dit encore» en parlant de l'extase» que» lors-
23
715
EXT
DICTIONNAIRE
EXT
lu
w
que l*esprit est complètement emporté hors
des sens et absorbé dans une pensée qui
vous emporte et vous étourdit, cela peut
arriver par l'opération du démon. Dans un
autre lieu, le même Père parle encore des
hallucinations des fantômes intellectuels qui
ne sont qu*un jeu malin de Satan.
Saint Thomas prouve que des extases
peuvent arriver par Tinfluence du démon»
comme cela se démontre par les possédés.
Et saint François de Sales [Traité de Vamour
de Dieu) assure aussi que Tesprit malin
peut entraîner Tintelligcnce comme en ex-
tase, et lui fournir la connaissance de choses
admirables, qui la tiennent comme suspen-
due au-dessus des choses naturelles, et, par
de telles connaissances, prouver en nous
certains effets d*UQ amour tendre, mais vain.
On pourrait fournir des exemples de pa-
reils faits. Tertulîien rapporte qu'une cer-
taine prophétesse arait coutume de pro-
phétiser pendant la célébration des saints
mystères, et ensuite tombait en extase.
11 voulait, sans doute, parler de Priscilla qui
s'était attachée à l'hérétique Montan. Ueirio
rapporte, d'après Olaïus, qu'un enchanteur
donnait des réponses touchant des secrets
et des choses futures, et dit qu'il paraissait
à peine faire usage de ses sens.
Torrebianca dit qu'une certaine vierge de
Cordoue,1Madelaine de la Croix» avait acquis
U réputation d'une sainte à force d*éprouver
des ravissements diaboliquesqui séduisaient
les simples. Gerson ajoute deux autres
exemples & ceux-ci, et beaucoup d'autres en
fourniss'int un grand nombre. « H ne doit
pas paraître merveilleux, dit saint François
de Sales , que le démon, se (ransfoi mant en
ange de lumière, pour déduire les Ames et
tromper les hommes faibles, opère des ra-
vissemeols dans ceux aui no sont ciue fai-
blement conlirmés dans fa doctrine et la piété
chrétienne. »
Au surplus, l'extase naturelle no dépasse
f»as les forcus du démon , comme nous
'avons vu : il peut lier les sens, et obstruer
les passages des esprits animaux, tandis
nu'ils se portent aii cerveau ou qu'ils en
descendent» et cela même médiatement en
appliquant un esprit faible avec une violente
attention à un objet, ou par une autre cause
naturelle. ,
Voyons 'maintenant si dans Textase dé-
moniaque le corps peut être élevé en l'air.
Dans l'extase naturelle l'âme ne peut aban-
donner le corps ni sortir pour y rentrer
comme il arrive dans les véritables extases :
cepeniianl il peut se faire que le corps soit
élevé au-dessus do terre. On rapporte
comme un fait notoire, d'après Jamblique,
quePyihagorese trouva le même jour en Si-
cile et dans des régions éloignées de l'Italie;
ce qui ne pouvait avoir lieu que par l'en-
tremise du démon : Simon le Magi-
cien fut aussi élevé très-haut dans les airs,
Êar les démons, mais avec la permission de
)ieu, en sorte qu'il paraissait voler ; mais
à la prière de saint Pierre , les démons le
lûoherent et il fut brisé dans sa chute. Mal-
s
ré le silence d'Ëusèbe, on ne peut douter
e l'authenticité de ce fait rapporté par tous
lesautres écrivains ecclésiastiquesdulemps.
MadeleinedelaCroix fut élevée enl'air parles
démons à la vue d'une foule de spectateurs.
11 s'est trouvé cependant que dans certains
c^is d'ascension il n*y avait qu'un prestige
pour la vue : mais ces faits n'infirment pas
par eux-mêmes la véracité de ceux que oous
venons de rapporter.
11 y a plus : il peut arriver quelquefois
que contre la règle générale qui veut , d'a-
près la sentence divine» que les corns morts
soient, peu de temps après, livrés a la cor-
ruption» et qu'ils retournent h la poussière,
les démons préservent certains cadaYrcs de
la corruption pendant (]uelquo trmps , soit
en recourant k certains principes cachés
dans fa nature qu'ils distinguent mieux que
nous et dont ils se servent comme de cou*
diment et de préservatif de la corruption,
soit en usant d'autres précautions comme
suggérant h certaines personnes l'usage dV
liments particuliers qui peuvent donner
aux cadavres une certaine force contre la
dissolution en desséchant Tes parties après
la mort. On conçoit, en effet, cjue ce que les
hommes peuvent obtenir à iorce d'art, en
interrogeant les secrets de la nature, les
démons, toujours avec la permission do
Dieu, peuvent, à plus forte raison, l'obtenir,
car ils connaissent beaucoup mieux les ver-
tus secrètes de certains corps, leurs eflets
dans les combinaisons ebiiuiques ; et fic-
nott XIV nous apprend (]^ue dans la discus-
sion des causes de canonisation, on s'appli-
que à discerner les cas qui, dans les faits de
cette nature, doivent être attribués soit à
Dieu, soit au démon, soit à la nature seule.
Les Gn es schismatiques ont trouvé quel-
ques cadavres non corrompus, mais horri-
bles, dont ils ont tiré un argument en fa-
veur de leur déplorable schisme. Mais les
Bollandistes ont démontré que souvent ils
mêlaient le vrai au faux, ccrpendant qu'il
Souvait fort bien arriver que te démon pro-
uisit sur quel|ues-uns de leurs cadavres
des effets naturels, mais inexplicables, tels
qiiu ceux dont nous avons parlé.
Signes de fexiase diabolique. — Le pre-
mier : Une mauvaise vie... Par exemple, si
un homme entrait en extase dans le mo-
ment même où il se rendrait coupal>le d*uoe
mauvaise action.
Le second signe d^une extase diabolique
est l'indécence dans les mouvements du
corps. Si pendant que dure cet état on re-
marquait un grand désordre» une agitation
comme furibonde dans les membres , «iaos
les manières et dans les poses, ce serait un
signe que le démon est un des moteurs de
l'accident. Voici comment le cardinal Cnjé-
tan parle h ce sujot : « Comme ta grâce,
selon sa nature, sa tin et ses eOiels connus,
tend à perfectionner et non à détruire, à di-
minuer ou à violer > on peut dire que si
dans Textase it y a violent désordre de la
nature physique , il n'jr a rien du Saint-Es-
prit. De même s'il arrivait, pendant Tacci*
^17
EXT
DASCETiSME.
EXT
711
dent, que la personne» aliénée de ses sens,
se trouTait uans une position à offenser la
pudear« à moins que les assistants n'inter-
posent leurs précautions» la mauvaise ori-
Kine de te que le patient léprouTO le laii
imputer an démon. Dès qu'on pourra
donc remarquer quelque chose d'indécent»
soit dans les mouyements intérieurs» soit
dans les mouTements extérieurs du pa-
tient» quelque rtiose qui blesse la n4-
ture on qui blesse les mœurs» on peut dé«
duire , à coup sûr» <.u^il y a ou inGrmité ou
illusion diaboliquet oiais qn'il u*y a rien de
surnaturel ou de prophétique. » Gravina
tient le même sentiment que Cajélan.
Ajoutons à ces remarques, qu'il faut user
de prudence et de réserre dans l'apprécia-
tion de ce signe. Il ne Caudrait pas prendre
tout BOUTement dn corps inusité pour in-
décent et désordonné. Eicnard deSainl-Viclor
compare l'extasié à un poisson jouant dans
l'eau et sautant même par-dessus les eaux.
On rapporte de saint Philippe de Néri que
pendant qu'U célébrait la messe il était si
▼iTement agité de corps que l'autel trem-
blai t« et que sa joie était si féhémenlei l'of-
fertoire qu*il ressemblait à un paralytique*
et il ne pouvait verser l'eau dans le calice
qu'en appuyant son bras sur Tau tel. De
mAme encore pendant l'élévation ses bras
restaient roidemenl étendus et il ne pou-
vait les ramener, et à la communion sa joie
^tait telle qu'appuyé snr l'extrémité de ses
piedSyil paraissait danser. On pourrait aussi
rapporter certains traits de la Tie de sainte
Madeieine de Pezzi» qui font comprendre
que tous tes mouvements insolites et sin-
guliers du corps ne doivent pas être pris
jiour indécents : mais ceux qui sont gra-
vement malhonnêtes sont un signe certain
d'extase diabolique.
Troisième signe : Si quelqu'un éprouve
i'exlase quand et comme il lui plati ; car ni
la iiatore seule» ni la grâce, ne se nréte à
cette complaisance. Gonsalve Durand com-
bat l'opinion de ceux qui prélcndcnd qu'il
est des sujets tels qu'ils peuvent éprouver h
leur ^é des extases. On cite Texemple
d'une ieune fil le d'Augsbourg qui avait celte
liMîulté» mais l'évoque du lieu finit par dé-
couvrir la manœuvre du démon, et le chnssa.
Quatrième signe : Si l'on peut faire iresseï*
l'extase à sa volonté» à un certain signal,
par exemple è la voix impérative d'un assis-
tant, i moins que ce ne soit la voix du su-
périeur qui appelle son inférieur à l'obéis-
sance, car alors on peut supposer que la
grâce, qui ne peut rien inspirer contre la rè-
gle, lui laisse la liberté de sortir de Textase ;
snais dans les autres circonstances, il faut
tirer la conclusim contraire ; car le démon
ne bit des choses extraordinaires que pour
l'ostentation et [lour exciter une vaine ad-
miration » et non pour l'édification.
Cinquième signe : Si l'extatique parle
avec lies paroles décousues et un esurit
troublé » comme s'il ne parlait pas par lui-
fuémc, mais par une action étrangère. Saint
Tbom.is t'ait cette remarque, que si une
personne extatique se donne le loi de par-
ler au nom môme de Jésus-Christ ou u'un
saint comme si elle tenait sa place, c'est une
séductrice ou une séduite : et cependant le
monde admire et les fiaroles et les person-
nes. Cependant on doit admettre une ex-
ception a cette règle^ et nous en trouvons la
raison dans ce qui arriva è sainte Catherine
de Sienne. Cest lorsque la personne extati-
que prend physiquement la forme de
la 'personne de Jésus -Christ. C'est de
cette manière que la sainte dont nous
parlons apparut a son confesseur, et celui-
ci lui demanda : Qui est celui qui me re-
garde, et celle-là répondit : C'est celui qui
est. On sait aussi «|ue sainte Madeleine de
Pazzi a souvent dicté des paroles comme si
c'était le Père éternel ou le Verbe, ou le
Saint-Rsprit qui portassent Ja parole.
Sixième signe :Si le patient ne se sou-
vient nullement de ce qui s'est passé pen-
dant l'extase; s'il ne peut répéter les dioses
qu'il a dites; si, avec cela» on remarque
au{*laues-uns des signes précédemment in •
iques, c'ese une marque qu'il y a opéra-
tion du diable.
Septième signe : Si le patient entre en ex-
tase et souvent dans les lieux publics, où îl
y a grandeaffluencederoonde, c'est une mar-
que d'extase diabolique, selon l'observation
de Benott XIV» (De ^eol.) Car c'est le propre
du démon de courir après la gloire extérieure
et Hier les yeux des nommes.
. Huitième signe : Si le jialient pousse des
clameurs brutales» qui inspirejit l'horreur
par(« qu'elles n'ont rien d'humain, il faut s'en
défier» dit le cardinal Laurea» parce qu'il a
Ïppris par expérience qu'elles sont un effet
laboliquc.
Mais ii n'en est pas de même si les cris
sont décents. Gravina dit que parmi les
extatiques, on distingue les joyeux qui dan-
sent pendant Textase et poussent des cris;
et le cardinal Laurea cite saint loseph de
Cupertin» qui avait coutume de jeter quel-
ques cris lorsqu'il était élevé en extase; et
ces auteurs regardent les cris légers comme
un signe de joie qu'inspire la divine com-
munication.
III. La troisième espèce d'extase et de ra-
vissement est l'extase divine que le P. Al-
varez d^'finit ainsi : Une éUvation de Fûtne à
Dieu^ avec absiraeiion du sent esiériewr^ pro-
venant de la grandewr de celte élétati^n. Le
cardinal Bons et les mystiques en général la
définissent de la même manière; ils ont
suivi le sentiment de saint Augustin qui en-
seigne que l'extase est une séparation {alie-
natio) de Tâme avec les sens corporels» ou l'es-
prit de l'homme est emporté par l'esprit divin.
Comment a-t-elle lieu ? Pour connaître quel-
que chose clairement et intrinsèquement»
I at>straction des sens est tout à fait néces-
saire, car la variété des choses sensibles dis-
sipe l'espri t et l'affection» et la détourne de l'ob-
jet que l'on veut saisir.par la conuaissauceoii
l'amour. D'un autre côté, Tintensité de la
connaissance et de l'amour ralentit et em-
uèche les opérdlions de l'âme sur les autres
719
EXT
DICTIONNAIRE
EÎT
t^e
objets : l'Ame étant une puissance limitée,
plus elle est attentive à une opération, moins
elle s'applique aux autres, surtout si les
choses secondaires, auxquellesl*esprit se dis-
trait, ne s.e rattachent pas directement à la
principale! Quand la connaissance et Tamour
surnaturels, excités en nous par Dieu dans la
contemplation, sont très-forts, ils produisent
une abstraction très-parfaite des sens, et Tex*
taso peut être frès-parfaite. Deux choses sont
nécessaires pourqu'il y ait véritablement ex^
tase divine ; celle-ci s'appuie sur lesdeuxpar-^
ties de la contemplation^ 11 faut première-
mentque,ducôtéde rinlelliçence, il yaililiu*
mjnation extraordinaire, quiexcitefortement
Tadmiration, et par suite serve d*un motif à
J*amour; il faut que, du côté de ia volonté,
elle soit tellement enBammée qu'elle excite
un ardent amour, et un désir véhément de
connaître toujours de plus en plus. Car l'a-
mour ne pourrait s'enflammer davantage s*il
ne lui arrivait de nouvelles connaissances
de l'objet aimé, et la connaissance ne serait
pas provoquée sans un progrès^ de l'amour.
Cependant on appelle une extase ou intellec-
tuelle, ou affective, selon que l'un de ces
deux éléments domine, sans néanmoins
qu'ils seséparent.
HAtons-nous cependant d'observer que les
extases ne sont pas toujours en rapport avec
la perfection et l'ardeur de la contempla-
tion. Elle n'arrive ni dans toutes les contem-
plations à peu près parfaites, ni selon des
degrés marqués et prévus. 11 y a des per-
sonnes très-contemplatives qui n'éprouvent
aue rarement ou jamais d'extases. Il y en a
'autres qui sont peu contemplatives, qui ne
sont qu'un peu méditatives, qui en éprouvent:
on a même vu des pécheurs en avoir, parce
que les extases sont des grAces gratuites que
Dieu donne quand il lui plaît, comme ren-
seigne Laurea : Quand Dieu veut suspendre
l'opération du sens par l'extase, il lui suffit
d'accorder le don d*une contemplation telle,
qu'elle porte tous les esprits vitaux et ani-
maux vers le cerveau ou vers le cœur, d*iiù
il résulte que quoique la contemplation soit
en elle-même surnaturelle, même miracu-
leuse, la suspension de l'exercice des sens
est seulement surnaturelle quant au mode,
mais non quant h la substance, comme pro-
cédant d'une contemplation divinement t*x-
citée : c'est ainsi qu'on pourrait dire d'un
aveugle qui aurait merveilleusement recou-
vré la vue, que, dans le miracle, il a reçu
la puissance de voir, et, par cette puissance,
il passe à l'exercice de ta vue actuelle. Or
la suspension do l'usage des sens dans l'ex-
tase est tantôt totale, tantôt partielle. Cepen-
dant la perfection de Textase ne se juge pas
par l'étendue de la perte des sens; souvent
même dans des extases parfaites on a vu
parler, gémir, verser des larmes, etc., ce qui
favorise, plus qu'il n'empêche, l'union avec
Dieu. Lorsqu'une extase a pour objet la con-
templation d'objets matériels, ou d*images
sensibles, l'usage des sens n'est point el ne
peut être suspendu, parce qu'une telle ex-
tase dépend des images mêmes. Si, au con-
traire, elle dépend d'une contemplation pa-
rement intellectuelle, alors les sens internes
ne fonctionnent plus, en vertu d'une grâce
extraordinaire, quoique d'ailleurs il reste
des vestiges de choses sensibles dans Textase.
L'extase peut arriver même dans le sommeil,
comme il paraît par le sommeil extatique
d'Adam, quand Eve fut miraculeusement
tirée de son côté. .11 y a cette différence
entre le sommeil naturel et l'extatique, que
celui-ci lie les sens avec Violence, ne permit
pas le repos, et laisse l'activité nécessaire
pour recevoir les divines communications,
tandis que le sommeil de la nature est doux,
paisible, repose, et se termine sans secouss^e
comme il avait commencée
De toutes ces prémices nous tirons les con^
cl usions suivantes:!* Quand les sens externes
sont privés de leur usage et qu'il en est de
même' des sens internes et de toutes les
puissances, c'est un signe, non d'extase,
mais d'une maladie. 2* Il faut non-seulement
que les sens ne soient pas en action, mais
au'ils ne soient pas aptes à y être, comme
ans le sommeil. 3* Il ne suflit pas non plus
qu'une vague pensée, qu'un vague sentiment
d'affection se fasse sentir et accompagne la
suspension de l'usage des sens pour qu'il y
ait extase: elle demande des actes positiis
d'Intelligence el d'amour. k'W n'y a pas noa
plus extase sainte et divine sî les actes, qtiel-
que spirituels qu'on les suppose, ne sont | as
surnaturels, c'est-à-dire provoqués par >ac
pour être en plus grande union avec l'Ame
Dieu accorde souvent des extases et des
ravissements proprement dits et surnatu-
rels à ses Ames privilégiées, de manière à
ce que, élevées au-dessus des sens. Dieu
parle directement à l'oreille de l'esprit et du
cœur. Cela se prouve parl'Ecrituresainte; on
lit dans la Genève : Dieu envoya un sommeil
à Adam. Les Septante disent une extase. {G en.
II.] Dieu envoya un commet/ (LXXll, extase) à
Abraham (ffen.xv). Le prophète Daniel décrit
ainsi son extase : J ai perdu toutes mes forces^
monvisage a changé. Dans les Actes des apôtres^
on dit de saint Pierre, qu'il éprouva un ra^
vissement d'esprit. Saïtïi Paul dit lui-n.éme:
Je connais un nomme qui^ soit dans son corps^
soit hors de son corps^je ne le sais^ a été ravi
par le Christ jusqu'au troisième ciel : je sais
que cei hommcj soit dans son corps^ soU hors
de son corps^ Dieu le sait^ a été ravi au pa^
radis ; il a entendu des paroles mystérieuses^
quil n'est point permise un homme de redire.
Et saint Jean (Apoc. i) : Et quand je le vis, je
tombai à ses pieds comme un mort. Tous Us
interprètes entendent ces paroles d'une vé-
ritable extase.
L'autorité des saints Pères confirme aussi
ce point de doctrine. Saint Augustin, écri-
vant è Simplicius, a défini l'extase comme
nous l'avons vu un peu p'us haut. Saint Isi-
dore compte l'extase ou le ravissement de
l'esprit comme des espèces de prophéties.
Voici comment saint Bernard en parlera Cette
espèce de sommeil vif et léger illumine les
sens intérieurs, et« en chassant la mort, donne
une vie éternelle. » En effet, c'est un vrai
7ît
EXT
D*ASCET1SIIE.
£\T
m
sommeil C|ai n*endort pas les sehs, mais qui
met l*bomme au-dessus des sens* Saint Tho-
mas enseigne qu'onlre Textase naturelle et
diabolique» il existe Textase et le rarisse-
ment dirin: < Il arriTe« dit-il, par la vertu
divine; et nous parlons du ravissement en
tant qu'on est élevé par J*Esprrt-Saint à des
objets surnaturels avec Tabstraction des
sens. » Oopeut consulter .«aint Bonaventure,
GersoDt Harpius» ^aint Jean de la Croix,
sainte Thérèse, saint François de Sales, qui
tous parlent fort au long de cette matière.
Is raison conGrme cette doctrine. Si, par la
seule contemplation naturelle, en appliquant
fortement son esprit à ces objets* on inter-
rompt quelquefois Tusage des sens exté-
rieurs; si encore le démon peut, par rem-
ploi de certains moyens naturels, mais se-
crets, produire cet effet, combien plus faci-
lement devons-nous concevoir qu en appli-
quant notre esprit h des choses surnaturel-
.cs par une attention forte et un amour trèt^
ardent, nous arrivions enfin à une parlaite
extase, avec la suspension de Texercice des
sens.
Dans Textase divine, TAme quitte-t-elle le
corps? Il est certain que Dieu le peut per-
mettre, et saint Paul a douté s*il avait éprou-
Té cet effet; il |)eut se faire même que cela
soit quelquefois arrivé ; mais on ne doit pas
facilement le supposer, puisque cette sup-
position n'explique rien, attendu que Dieu,
par son immensité, étant partout, il peut
s unir surnaturellement h Tâme dans le corps
comme hors le corps, et cela sans Tintermé-
diairè des or^^nes. Et le cardinal Laurea
dit qu*oo n*a jamais reconnu qu'aucun des
saints personnages qui ont eu des ravisse-
ments aient pour cela quitté momentané-
ment leurs corps.
Autre question. Les extatiques aciuiërent-
îls des mérites dans cet état. Le cardinal
Laurea enseigne qu*on mérite dans les ac-
tes qui précèdent Vextase, lorsqu'ils sont li-
bres dans leur objet, leur fin et les rircons-
tanccs du bien ûu*on fait, comme sont les
actes de foi et de religion. Suarez soutient
la complète liberté de ces actes, et les ac-
reple comme méritoires, avec Antoine et
Cîravina. < La grftce divine, dit Suarez, ne
détruit pas la nature, mais la perfectionne.
Ainsi, quoique dans les contemplations éle-
vées Dieu excite et émeuve Tesprit et la vo-
lonté vers lui par les*inspiratioos, que nous
appelons grâces excitantes, qui sont des ac-
tes nécessaires, en tant que Tesprit touche
nos cœurs, cependant ces grâces ne détrui-
sent pas le libre arbitre et Te consentement
de Tamour parfait La liberté est néces-
saire dans cet exercice d'amour, afin qu'il
soit parfait, et par là il est un acte méritoire.
Il n est pas vraisemblable que Dieu prive
un juste du mérite qu'il pourrait acquérir en
lui commuDiqaantsesbveurs^etcnl'elevant à
une si parfaite contemplation. *
Diverses laveurs et grâces particulièresac-
rompagnent l'extase. Et d'abord le ravisse-
ment ou l'élévation des corps en Pair,
comme il est constaté dans rciaraen des
causes de canonisation des saints. Le car-
dinal Laurea a été témoin oculaire du ravis-
sement du bienheureux Joseph Cup. Sainte
Thérèse assure la chose positivement d'elle-^
même ; cela est aussi évident par le témoi-
gnage de saint Paul; car son doute n'infirme
pas la chose, et Corneille de la Pierres l'en-
tend de son ravissement comme d'une véri-
table^ ascension.
Selon le témoignage de l'Ecriture sainte,
ces ravissements ne sont souvent qu'imagi-
naires, comme lorsqu'Ezéchiel fut conduit à
Jérusalem depuis Babylone. (¥iii, 3.) Ceci se
comprend bien fiar saint Jean {Àpoe. vu) :'
Moniêx ieif».. et il ajoute: ei au$$iiôi je fus
fa fsprîl, non localement, comme marque
Corneille de la Pierre. Souvent, cependant,
ces ravissements sont miraculeux, soit par
Dieu directement, soit par le ministère des
anges. Ainsi en arriva-t-il è Hénoc, è Elle, à
Habacuc, à Philippe : ce qui arrive par une
certaine participation delà quotité d'agilité
dont les corps seront doués après la résur-
rection ; selon cette parole : ivouf seron$ m-
levés avec eux dtms les fia/et , avec le Christ
dams les airs*
On peut demander ici, si les ravissements
se font par miracle, ou en recevant quel-
ques-unes des qualités des corps glorieux ^
ce dernier sentiment implique sans doute
aussi un miracle; cependant dans cette opi-
nion les corps, en s*elevant dans les airs, ne
violeraient pas si directement les lois de la
nature ; puisque ces corps, devenus presque
glorieux par une abondante communication
de la grâce dans l'âme, échapperaient comme-
naturellement aux lois de la pesanteur, d'a-
près ce principe de Suarez, que la grâce per-
fectionne la nature et ne la contredit pas ;
mais alors il serait dillicile de ne pas admet-
tre un miracle dans le princi[)e, c'est-à-dire
dans le moment où le corps extatique reçoit,,
dans une certaine mesure, la qualité des
corps glorieux. D*après Tautre sentiment,,
les corps n'auraient aucune qualité des
corph glorieux, et tout le merveilleux serait
le fruit d'un pur miracle ; ce serait la puis--
sance de Dieu qui soutiendrait les corpa.
dans l'air pendant l'extase, comme Jésus
soutenait celui de saint Pierre sur les eaux :
c'est le sentiment de saint Thomas. Les ex-
tatiques sont environnés de lumière. Voilà,
une seconde merveille, qu*on remarque
communément dans l'extase divine : leurs
corris sont environnés de rayons lumineux ;
ils brillent comme d'une auréola* de splen-
dc'ur. Il serait tcopiooçd*énumérer tous les
saints peraoonages qui furent favorisés de
celte distinction pendant leur vie. Moïse,
descendant du Sinaï, tenant dans les mains
hes deux tables de la loi, apparat ave«*. deu^
rayons lumineux sur sa tête, et saiot Am*
broise pense que ces cornes lumineuses du->
rèrent jusqu'à sa mort. Bozius, Corneille de
la Pierre, les Bollandistes et Benoit XIV, rap^
portent une foule d'exemples de saints qui
apparurent lumineux penoant leurs extases.
Comment cela se fait-il ? c'est ce que nuu^
725
£IT
DICriONNAIIlE
KXT
721
alloDS essayer de monlreri d'après des sen-
timeoU res|)ectables.
Théophile Raynaud regarde Tes effets lu-
mineux qu*oa remarqjue dans les saints
comme de simples apparences qui n'unt
rien de réel, et qui u existeiK aue dans les
yeux de ceux que Dieu veut édiuer. IKautres
pensent arec Pignatellus, que cea lueurs
sont des qualités physiques que Dieu ou les
anges impriment aux corps dessaints^ pour
laisser manifester leurs mérites. D*autres
ont pensé que le démon lui-même a pu opé-
rer ces cOetSy et cite- les prodiges qui arri*
vèrent un pou avant la mort de Jules- César.
Mais hAlons-nous de consulter les aulori*
tés Traiment compétentes, et en premier
lieu Benett XIV. Voici ce qull dit du fait
lui-même : « 1* Il faut d'abord le constater
par des témoins dignes de foi et capables^
qui aient vu de leurs propres yeux; car il est
arrivé que quelques personnes se sont dites-
elles-mêmes illuminées de corps, et qui
é(a eut dans une balittcinalion» ce que les
médecins eipliquent par une grande abon-
dance de sang et par les esprits animaux
qiii'servent Torgano de la vue, qui sont sans
doute trop abondants* ou qui tombent sur
un organe malade. Il faut encore observer
que le corps maladif de certaines personnes
peut être atfecté de telle sorte, qu il peut y
avoir en eux une combinaison chimique si
anormoie, qulls répandent, naturellement
et sans miracle, quelque lumière. li faut donc,
avant d*adojettre Tauréole miraculeuse, s*en-
iiuérir de l'état de santé de la personne
ilont il s'agit. C'est ainsi qu'Aurélius Baccus
a fait beaucoup de contre-éf)reuves pour
s'assurer au^il n y avilit point d^iiallucinalion
datis Tauréole qui environnait saint Philippe
de Néri pendant la célébration de la mess.*.
2* Il faut s* enquérir de la nature de- celte
lumière. Elle (leut êlre regardée comme un
miracle si elle est plus resplendissante et
plus durable que les autres lumières qu\)u
peut regarder comme naturelles; si, le plus
souvent» elle apparaît pendant que la per-
sonne vaque k de saintes occupations, comme
au sermon, à la sainte messe ; si celui qui
est lumineux brille par de saintes mœurs;
sll en n^sulte la conversion des spectateurs,
ou quelque bien spirituel notable; si, entin,
il yad*autres signes aussi concluants que
cette illustration n'est qu^une conséquence
de la sainteté de la vie, et de la volonté de
Dieu de rendre hommage h son fidèle ser-
viteur. »
Les extatiques peuvent rester longtemps
sans prendre de nourriture , ni pour le
manger ni pour la boisson. On en a vu pro-
longer leur jeûne absolu jusqu'à une lon-
gueur de tem()S oui dépassa les forces de la
n.iturc. Le bionneureux Nicolas de Flue,
ermite, resta pendant vingt-deux ans sans
prendre aucune nourriture, à ce qu'on rap-
()Orte. Les auteurs ecclésiastiques citent
beaucoup d*exeuiples déjeunes extraordi-
naires et'surhumains. Les Bollandisles citent
plusieurs personnes qui ont passé le cnrônie
entier sans prendre aucune nourriture que
la sainte Eucharistie» et d'autres qui ont
eusse cette abstinence à plusieurs années,
int Thomas dit au'on ne peut récuser le
miracle à cause de la perception des saintes
espèces, parceqn'elles sont sf ténues qu'elles
ne peuvent être considérées comme une
nourriture corporelle.
• Tous les théologiens regardent comme
miraculeux les jeûnes de quarante jours de
Notre-Seigneor, de Moïse et d'Elie. Hippo-
crate assure que celui qui passe sept jours
sans prendre de nournture est incapable
d'en prendre, car l'estomac la refuserait. On
cite néanmoins un çrand nombre de jeûnes
prolongés de plusieurs mois qui parais-
sent, vn la qualité des personnes et leur
état, n'être pas miraculeux. Nous nous dis-
pensons de les désigner. On peut tenir pour
certain que parmi les jeûnes prolongés, il y
en a qui sont au-dessus de la nature,, et les
autres âàns 1» nature. Maïs ceux qui ont
écrit touchant la matière de canonisation,,
déterminent certaines circonstances qui in-
diquent le jeûne surnaturel, comme les.
suivantes : si le jeûneur souffre son absti-
nence pour soutenir quelque article de foi i
s'il l'endure sans perdre ses forces; s'il se
distingue par des vertus héroïques ; s'il se
soutient seulement en prenant les espèces
eucharistiques; alors on peut regarder lo
jeûne comme miraculeux. Voici commeni
Benott XIV détermine les conditions d*un
jeûne prodigieux : 1"* La durée du temps et
rentière abstinence. 2* Si le jeûne a com-
ineacé par suite d'une maladie; on a vu, à
la suite de certaines maladies, des exemples-
inexplicaÛes d'abstinence. 3* Voir comment
le jeûneur s'est trouvé de son jeûne, par
rapport à sa santé. 4"*- Il faut chercher la
cause de son jeûne; il faut que h) motjf soit
diçne de cette action extraordinaire. 5* Voir
slT continue de vaquer à ses bonnes œuvres,
s*il se conduit moins bien pendaul le jeûne;
car le ieûne, disent les mystiques, doit
soutenir les bonnes œuvres, et non les em-
pêcher. 6° U faut connaître les mœurs et les
vertus du pénitent, sans lesquelles toute
mortification ne sert de rien.
' Il y a quelques extatiques qui ont eu des
stigmates, et eest encore un signe certain du
caractère surnaturel de l'extase. Ils ont eu
les cinq plaies de Notre-Seigneur Jésus*
Christ imprimées sur leur corps. L'exem()ld
le plus célèbre est celui du séraphique saint
François, rapporté par saint Bonaventure.
Le même saint fait connaître que le Pape
Grégoire IX, qui avait vécu familièrement
avec saint François, doutait de ses stigmates,
et il eut une apparition du saint, qui lui
montra la plaie qu'il portait. D'autres auteurs
du temps ont parlé ae ce fait, qui a été con-
firmé par plusieurs souverains Pontifes,
Ttiéophile Uaymond,^ confesseur de sainte
Catherine de Sienne, et d'autres, rapportent
aussi de cette sainte que, pendant qu'eUe
demeurait à Pise, elle fut ravie en extase et
vit Jésus-Christ crucifié. I)e ses cinq plaiei
sortirent cinq rayons de couleur de sang«
qui se dirigeaient vers ses main<^, se:> pieds
EXT
D*ASCETISSIE.
EX*'
726
et soo cœur. Klle pria Noire-Seigneur de ne
point permellre que les sligmates dennsseot
Tisibies sur son corps* et alors les rayons
cessèrent d*avoîr la couleur rouge de sang,
et prirent la couleur de pure lumière, et lui
causèrent une YÎve douleur dans le cœur»
les mains et les pieds. Du temps deSiilelV,
il'jr eut une défense de regarder comme
Téritables ces stigmates ; mais la défense
n'était que snspensîTe» car* depuis, plusieurs
auteurs les reconnurent comme autben«
tiques. Tous ces détails se troureot ample-
ment dans Benoît XIV.
Voici comment Barthélémy de Pise décrit
toutes les circonstances des stigmates de
saint François : c 11 n*^ a que la puissance
de Dieu, dit-il, qui puisse opérer un pareil
pftxlige; ceci ne peut être opéré ni par la
natare, ni par Tari* ni par suite d'une forte
et Tire imagination. Il s'était formét, dans
les pieds et les mains de saint François, des
cJous formés ou de ses nerls ou de sa chair.
Ces clous avaient des tètes solides, grosses.
Ils étaient allongés, dépassaient de lieaucoup
feptisseur des pieds et des mains, et se re-
coortMÛent : on pouvait placer un doigt près
du clou dans la chair, comme lalleste saint
Bonaventure.
« La plaie du cœur était tellement creu-
sée et déchirait si largement les chairs, que
la décomposition des parties et la mort de-
vaient s'ensuivre, s'il n*y eût eu une puis-
sance surnaturelle dans l'acte. Au surplus,
on ne pourrait expliquer le bit par la force
Imaginative, autrement il faudrait supposer
que la sainte Vierge aurait eu les stigmates,
car personne n'a été plus vivement frappé
et» plaies de Notre-Seigneur et n'en a conçu
plus de douleur ; si la seule nature pouvait
les produire, nous les aurions vus dans la
divine Mère de Dieu. »
Il est à remarquer que si l'on voyait dans
les extatiques une sueur de sang ou des
larmes de sanç tombant des yeux, ce signe
De constaterait point un miracle par lui-
mérne. Dom Calmet a cité plusieurs exem-
ples de ce fait qui sont jugés des phéno-
mènes naturels; d'ailleurs, la sueur de
Notre-Seigneur au jardin des Olives est
ello-méme jugée comme un effet selon la
oalare, comme un résultat d'une immense
doideur. D'où Benoit XIV conriut qu'il faut
rqeter cette note comme indiquant le sur-
natorel.
Outre les signes négatifs que nous avons
é^à indiqués, voici les marques auxquelles
on reconnaît que l'extase vient de Dieu et
qu'elle est surnaturelle :
La première consiste en ce que les sens
extérieurs étant suspendus dans leurs fonc-
tions, l'esprit et le cœur continuent à être
actiCs au moins par intervalles assez longs
et que ces puissances puissent se livrer à
des actes de contemplation parfaits ; autre-
ment il V aurait absence ou folie et non
extase. C est ce que Ton peut conclure de
la définition de Textase, donnée par saint
jtngnstin, et des observations de sainte Thé-
rèse, qui dit que bien loin que l'esprit soit
alors anéanti et incapable, au contraire, il
est plus apte qu'à 1 ordinaire, plus vif et
plus ardent à saisir les choses de Dieu.
D*où l'on conclut que les extatiques peu-
vent se souvenir de ce qu'ils ont appris ou
gmsé pendant le ravissement. Sur quoi il
ut observer, d'après Tillustre sainte d'A-
vila, que si Dieu révèle pendant le ravisse-
ment des choses qui lui aient été communi-
quées par des images et des paroles ordi-
naires, l'extatique ponrra les reproduire
et les raconter; que si, au contraire, les com-
munications ont été purement intellectuel-
les, alors il ne s'en souvient que vaguement
et il ne lui est pas possible de les raconter.
Voici la comparaison de la sainte : « Si on
était tout d'un coup transporté au milieu
du palais d'un grand roi et qu'on fût spec-
tateur de toutes les richesses qu'on y a
étalées, de tous les objets et de la splendeur
do décor qui brille de tous les côtés; mais
Sue l'on n eût qu'un instant pour parcourir
es yeux ce magnifique spectacle, l'on au-
rait, il est vrai, une idée générale et con-
fuse des olriets , mais on ne pourrait les dé-
B oindre. C est ce qui arrive k celui que
ieu favorise d'une vue intellectuelle dans
les choses supérieures.» Ceci peut aussi se
conclure de ce que dit saint Paul.
Seconde marque d'extase divine : L'exta*»
tique sent dans son Âme et son corps une
forte agitation, une forte commotion qui
ressemble k du désordre; mais dans cet
état, il ne dit que des choses édifiantes et
iustes, qui soient capables de porter les
spectateurs k l'amour de Dieu. Puisque l'ex-
tase provient d'un grand élan du cœur vers
Dieu, d'une vive admiration de sa majesté
et des choses célestes, les paroles qui sui-
vent doivent se sentir de cette noble ori«
gine.
On ne peut nier que les extatiques ne
parlent, puis()ue même on voit des person*
nés endormies faire la conversation. Le
P. Géparios, confesseur de sainte Madeleine
de Pazzi, la vue (aire bien des choses édi«
fiantes pendant ses extases, et, en particulier,
elle proférait des paroles admirables sur la
divinité. Plusieurs religieuses qui étaient
témoins, écrivirent ses discours, et oa lui
montra le papier qui les contenait; mais la
sainte se mit k verser des larmes en pen^
sant qu'elle avait été obligée de révéler les
dons de Dieu.
Troisième marque : L'extase divine est
ardemment affective. 11 ne suflit pas pour
qu'il y ait extase divine, qu'elle soit accom-
pagnée des actes intérieurs de l'intelligence
et de la volonté; il faut encore que ces actes
soient ardemment aflectueux; autrement
ce serait une extase plutôt philosophique
que mystique. C'est dans ce sens que Isaïe
nous dit : Eât-ce qu€ mes paroles ne iont pat
comme du feu^ dit le Seigneur^ ei comme un
marieauqui brise ta pierre. Et saint Fran-
çois de Sales ajoute ces paroles : « Si l'ex-
tase a plus d'éclat que de bouté, plus de lu-
mière que de chaleur, elle est plutôt spécu-
laiiTe qu'aflfecUve, et même elle est dou-
Ti7
EXT
DlCTlONiNAJUE
EXT
1^
teuse il faut donc cruindre alors qu'elle ne
vienne pas de Dieu ou qu'elle n'enfle plus
qu'elle n'édiQe;» car ce saint prélat recon-
Datt que quelquefois Dieu peut faire des
eoBQmunicalions surnaturelles, mêcne à ceux
qui n'ont pas la charité; quoique te fait
soit rare et n'indique qu'une extase impar-
faite, comme celle de Nabucbodonosor, rap-
portée dans DanieK «Il est mftme constant
que plus une extase est afiteétive, plus la
preuve de la divine origine est certaine,
quoiqu'en toute extase on doive reconnaître
>e caractère intellectuel et le capactère af-
fectif. »
D'où l'on conclut que l'extase doit tirer
son origine de la charité divine ; et dans les
causes de canonisation on n'admet jamais
les extases comme divines, si elles n'apparais-
sent point comme une surabondance^comme
un trop plein, pour ainsi dire, de la charité
qui inonde le cœur, et alors on les regarde
comme des témoignantes du caractère de
l'héroïsme de la coanté et de ToraisoD, et
cela sans cerele vicieux.
Quelquefois l'extase divine peut avoir
pour but de reprendre et de corriger la
tiédeur et certains défauts. Il est possible
alors qu'elle ne soit pas »ccompa(p:iée de
charité; mais on reconnatt ensuite sw\
caractère surnaturel par les fruits de bonnes
œuvres et de ferveur qui suivent; ou bien,
s'il y a une menace de faite, on voit si
l'événement comminatoire s'accomplit ,
comme on le voit dans les Dialogues do
saint Grégoire.
Quatrième marque : L'extase arrive )e plus
souvent dans les exercices de piété. Le
plus souvent elles sont survenues pendant
toraJson^ la sainte messe, après M commu-
nion, après l'audition des sermons sur Dieu,
sur sa gloire. Deirio cite une servante de
Dieu qui eut souvent des ravissements im-
médiatement après la sainte communion^ et
comme, revenue à elle-même, elle voyait
qu'on s'en était aperçu, elle se hAtait de se
retirer dans sa chambre.
Cinquième marque : L'extase a coutume
d'être courte, comme le remarquent le eardi-
i.a1 Bona, Thomas de Jésus et sainte Thé-
rèse.
Sixième marque : El?e entrafne après soi
une vie sainte. L'extase sera parfaite et ne
devra exciter aucune inquiétude, si elle
correspond à une vie sainte, selon le mot de
Notre-Seigneur : Vouê les connaUrex par
leurs fruits. C'est ce que remarque saint
l^raiiçois de Sales, dans son Traité de Ta-
mour de DieUf, c. 7, et sainte Thérèse dans
sa Fie, c. 20^ où ces deux illustres saints,
qui avaient tant de titres pour faire auto-
rité dans cette matière, nous parient de
cette nécessité d'une vie sainte pour con-
naître les vraies extases, avec l'accent de la
piété et de la sainteté..
Concluons cet article, en disant que quo>
que nous ne devions pas désirer les extases
pour nous-mêmes, cependant il ne faut pas
lus mépriser dans les autres, parce qu'elles
détache. u l'âme des choses terrestres , et
l'unissent étroitt'ment h Dieu. « Bien plus
comme le rendarque Richard de Saint-Tic^
tor^ qjuand nous nous sentons életgnéi
d'éprouver de tels effets de l'amour, qoe
devons-nous penser, sinon que noire amour
est faible et lâche. Car, qui que vous soyez,
si vous aimiex parfaitement, il est vraisero-
blabie que l'excès de TOtra amoor, l'ardeur
de voire désir vous raviraient an extase, i.
Quoi qu'il en soit, nous devons iiife dos ef-
forts pour avoir tout l'amour qui accom-
pagne d'ordinaire les extases, quand mêmo^
nous serions privés des faveurs visibles et
sensibles que d'autres éprouvent : car cet
amour ardent et pur suffit h toute perfec-
tion ; et ici noua noua rappalona l'obserfa-^
tion de saint Françeia de salea: tBiendes^
saint! aont aujourd'hui au ciel qui n'éprou*
vèreut de toute leur vie aucune extase nk
ravissements. Combien de saints et de
saintes qui n'eurent d'autres |if îviléœs dan»
leurs oraisons gue la piété et la lérïeur.
Mais tous les saints, au contraire, ont eu à
un haut degré la. praii(|ue de se vaincre et
de se surmonter soi-mémr; ce qui est la véri-
taMe extase. » C'est ce qu'entendait Ti-
pôtre, lorsqu'il disait : La charité ds Jim-
Christ nous presse^ car si un seul est msrt
pour tous, donc tous sonl inor4s : et' le Chriêt
est mort pour tous^ afin que eeuM qjuitiventf.
ne vivent plus pour eux-mêmes, mait powt
celui qui est mort et est ressuscité pour eux*
De là saint François de Sales dit : t Jésus-
Chrîst est tout pour mot et je suis tout à
lui. Je vivrai el je mouvrai sursan cœor,
et ni la mort ni la vie ne me sépareroDt de
lui.... C'est ainsi qu'il faut entendre l'eitasH
du divin amour, ajoute le saint : c'est que
nous ne suivons |hus les impressions de l<i
teri*e, ni les goûts de la nature; mais que
nous nous laissons conduire par les inspi*
rations et les instincts du divin amour. ■
Abganss de l'état bktatiqcb. — Àrcam
des extases et des rmtisssmemts. — 1. Orrdoil
rarement emplover à l'égard des eitatiquis
les épreuves violentes, comme de leur com-
primer les pieds, de leur tordre les mains,
de les piquer jusqu'au sang, d'éblouir leur»
yeux à l'aide d'un flambeau aUuBié:cardd
telles épreuves ne peuvent être pour ceoi
qui les souffrent que la source de cruelles
et trop longues douleurs. Si l'on soupçonne
quelque feinte ou un simple évanouisse-
ment dans telle ou telle personne spirituelle,
il suffira de n'jr avoir aucun égard, deny
faire aucune attention, de n'y opposer qu»
le mépris.
2. 11 ne répugne pas, pbysiqtteinant par-
lant, que quelqu'un meure cfans l'extase»
parce qu'elle peut produire sur le corps uu
symptôme qui eaii.se la mwU CepeodtQU
moralement parlant^ un tel effet ne peut ve*
nir de l'extase, à moins que Dieu ne le per-
mette pour d'autres raisons; et Ton concoiu
en effet, que l<es dons de Dieu ne doiveni
point être la source d(*au3si lâcheux resuh
tats.
3. Lorsque l'on Ait subir aux extatiques
une violente compression , ils reviennent
ns
FAV
D*ASCETISME.
FAM
730»
aassitM à eax, par suite de rattealion pré-
TOjrante de la nature qui envoie les esprits
Tîtaux dans la partie souffraiiie do eôrps
pour lui porter secours; et lorsque le
membre eomprimé éprouve une -violente
douleur» les esprits vitaux, rassemblés dans
le cerveau on dans le cœur, s*en échappent
aassit6t pour venir au secours de la partie
do corps qui souffre, et les extatiques re-
viennent ainsi à eux-mêmes. Cependant ce
résultat n*a souvent |ias lieu, par exemple,
dans le cas où le ravissement estfotl surna-
turel.
4. On ne lit point dans TEvangile que
Noire Seigneur Jésu^brist ni la bienheu-
reuse Viergellarie aient eu des ravissements
ni des extases; ils n'avaient pas besoin
d'éprouver rien de semblable.
5. Si les rayissoments et les extases ont
leur principe et leur cause dans une grâce
infuse, et que» la partie inférieure étant pri-
vée de l'usage des senSt la partie supérieiire
de rintelligence et de la volonté soit unie h
Dieu par l^>raison , dans ce cas , ils contri-
buent grandement à rendre la vie plus fiar-
laite; mais s'ils se tiennent dans la partie
inférieure, sans l'usage des sens et sans
Toraison (ce nui n'est pas rare) , alors on
doit les oonsiaérer comme inutiles et comme
uo temps perdu.
6. Il y a aussi des évanouissements eila-
tiques, ou des extases qui ressemblent i^ des
évanouissements, comme il arrive onlinai-
rement chez les personnes adonnées à l'orai-
son, et principalement chez les femmes de
petite tête, de cœur kans énergie « et de
faible complexion. Ui raison en est aue, par
l'effet d'une opération intérieure aouce et
forte tout à la fois, ces sortes de personnes
sont subitement privées de l'usage des sens
extérieurs et en même temps de la raison,
laquelle dépendant d*un principe acquis par
les sens extérieurs, est suspendue par là
même que ceux-ci le sont. Qu'on demande
à ces personnes, revenues à elles, s'il leur
reste dans la mémoire intellective quelque
souvenir de ce qu'elles ont fait ou éprouvé,
elles avoueront qu'elles n'ont souvenir
de rien. Il n'en est pas ainsi pour ceux dont
tes extases dépendent d*ua principe iufus :
car ils se rapnellent les faveurs que Dieu
leur a accordées dans l'extase.
7. Quant à ceux qui éprouvent de temp»
è autre des ravissements, et qui, revenu»
quelque peu è eux-mêmes, sont ravis do
nouveau et restent en cet étal plusieurs
jours sans pouToir ni manger, ni noire, nî
dormir, on fera très-bien de les placer dan»
une chambre, de les soigner, de les traiter
avec les précautions et les égards que ré-
clame leur état, et de leur faire prendre
quelques t>ouillons, jusqu'à ce qu'ils revien-
nent cntrèroment h eux-mêmes; et s'il s»
présente des signes d'une extase divine, il
ne faudra ni intniecins,ni remèdes, ni bruiU
ni applaudissemonlSf ni réunion d'hommes.
Dieu, qui a réiJi.it une personne à un tel
état, saura bien l'en tirer. II n'y a aucon
exemple certain que quelqu'un en soit Ja-
mais mort; et, du reste, celqi qui perdrait
la vie de cette nian ère serait bien heureux,
{luisqu'il ne mourrait que par la violence de
'amour divin, et qu'un tel effet ne serait
produit que par l'excès de cet amour.
8. Pour ce qui est des personnes qui
éprouvent fréquemment des évanouisse-
ments ex tatiaues, et qni sout,de fois à autre,
privées de 1 usage des sens par la force in-
térieure de l'oraison mentale, il faut leur
ordonner de manger ou de dormir plus
qu'elles n*ont coutume, et de se livrer plus
à l'oraison vocale qu*à Toraisun mentale.
Ces sortes de personnes sont toutefois très-
attacbées ordinairement à leur volonté, et
rarement on réussit à les faire obéir, et à
obtenir d'elles qu'elles renoncent à leur ma-
nière de vivre.
9. La voie des révélations et des ravisse-
ments divins est, à la vérité, iKMme en elle-
même, mais aussi assez périlleuse. Il en est
d'elle comme de l'état dangereux des fu-
nambules, qui sont toujours exposés à tom-
ber et à périr. Au contraire, celui qui marche
avec humilité dans la voie royale de l'obéis-
sance, qui supporte l'adversité avec pa*
tience, et qui s*dpp!ique à l'exercice des
autres vertus, lui, il acquerra une sainteté
solide, et n'aura point à craindre de telles
chutes. La première voie est bonne, mais
dangereuse; la seconde est fructueuse el
sûre.
F
FAMILISTES. — Les familiales éUient
une secte de fanatiques qui eut pour au-
leur» en 1555, un nommé Henri Nicolas, dis-
ciple et i^ompagnon de David George, chef
de la secte des dovidtftiet. Nicolas trouva
des sectateurs en Angleterre et en Hollande,
•C les nooMna la famille â^amour et de cha-
Vité. Il était, disail-il, envoyé de Dieu pour
apprendre aux hommes que l'essence de la
religion consiste à être épris de l'amour di-
Tin; que toute autre doctrine touchant la
foi et le culte est très-peu importante i qu'il
99l indiOérent que les Chrétiens pensent de
Dieu ce qu'ils voudront , pourvu aue leur
emur soit e^Oammé du feu sacré de la piété
et de ramour,>-On I accuse d'avoir parié avec
très-|)eu de respect de Moise , des prophètes»
de Jésus Christ même; d'avoir prelendoquo
le culte qu'ils ont prêché est incapable de
conduire les hommes au bonheur étemel,
que ce privilège était réservé à sa doctrine.
Toutes ces erreurs sont en effet des consé-'
quences assez claîms du principe qu'il éta-
blissait; et il n'est pes étoDiianl qu'au mi«*
lieu du libertinage de eroyance introduit par
la prétendue réforme des protestants, il ail
fait des prosélytes. Georges Vox^ fondateur
de la secte des quakers, s'éleva forteiaent
755
FIN
DICTlONNÂmË
nm
u
coite maxime de Platon : La méditation de
la mort eit toute la vie du sage^ préfère
celle ci de saint Paul : Je meurs chaque iour^
et njoute : « Noas deyons doBC méditer à
l'av: Tace sur ce que nous serons un jour, et
(|ui nous arrivera bientôt» que nous le vou-
1 onsou non. » (Ep. SadBeliod.) «Celui-là
n)é()rise facilement toute chose, dit-il en-
core, qui pense toujours qu*il doit mourir.»
(Ad /^cfii/m.,eii. 133.) Saint Augustin remar-
que aussi que «rien ne détourne mieut les
iiommes du péché que la pensée d*une mort
prochaine. » (L. ii De tienes.^ â8.) « Considé-
rez souvent, dit saint Bonavenlure, ayez
toujours présent à votre esprit que vous ne
pouvez éviter la mort, ni connaître l'heure
de la mort, ni changer Tinstant déterminé
f»ar Dieu. » {Soliloq.^ c. 3.) c Comme de tous
es aliments, dit saint Jean Climaque, le
pain est le pins nécessaire, de même la plus
utile de toutes les actions est la méditation
de la mort. » (ScoL^ grad. 6.) Vimitation de
Jéius-Christ (1. 1, c. 23) nous montre avec
détails toute Futilité de la pensée de la
mort.
III. En voici la raison : La mort est en quel-
que sorte le souverain mal de la nature et le
moment d'oii dépend l'éternité. La prudence
demande donc que nous y pensions sérieu-
sement è Tavance, it que nous prenions de
bonne heure les moyens de changer un si
grand mal en souverain bien, et un moment
de tribulations on toute une éternité de bon-
heur. Or ce moyen consiste à méditer tou«
jours sur la mort, que nous devons subir cer-
tainement une fois, mais dont nous igno-
rons l'heure. C*esl ainsi que nous vivrons
toujours comme si nous étions sur le point
de mourir, et que, craignant moins la mort
que la mauvaise mort, nous la rendrons
bonne eu vivant bien. Nous mourrons à
nous-mêmes nar la mortiGcalion, et nous
ne laisserons a la mort d'autre soin que de
trmcher le lien qui nous attache à la vie.
KnQii par les veilles et la prière, nous nous
habituerons à vaincre courageusement nos
ennemis et à souhaiter une mort glorieuse
par nos blessures.
Le meilleur fruit que nous puissions tirer
de la méditation de ià mort, est une conduite
«-hrétienne, conforme au principe telle vie^
telle ^n. Pour cela il faut une sérieuse mé-
ditation de la mort, car la pensée fugitive de
la mort, ou l'habitude de contempler les
morts et leurs ossements, n'est pas d'une
grande utilité pour notre instruction particu-
lière et pour la réforme de nos mœurs, comme
l'ont remarqué saint Jean Climaque et
I>enys le Chartreux. Car ces pratiques exté-
rieures dégénèrent facilement en pures cé-
rémonies, si elles ne sont animées par
le saint exercice de la méditation. Les
païens eux-mêmes dans leurs festins avaient
diverses images de la mort, qui, loin de les
déterminera réformer leur conduite, étaient'
pour eux un motif de se plonger dans les
voluptés. Mangeons et buvonSf s'écriaient ces
insensés, car nous mourrons demain (Isa.
XXII, 13). En outre la méditation de la mort
ne sera pas suffisamment utile, si elle est
purement humaine, si elle n'envisage la
mort que comme ta fin de la vie : cette mé-
ditation doit s'élever plus haut par les lu-
mières de la foi, è considérer la mort comme
le commencement d'une éternité heureuse
ou malheureuse, qai attend notre Ame im-
mortelle, et notre corps après sa résurrec-
tion. Car tel est le privilège singulier de la.
foi, de nous certifier, outre ce que nous
voyons,laréalitédecequeuousnevoyonsp$.
Aussi TÂpôtre nous donne cet avis : Veillez^
jusleSf et ne pécher pas (I Cor. xy, 3^j. le
temps est court; ainsi il faut que ceux ^i
usent du monde soient comme n'en usant point^,
car la figure de ce monde passe (l Cor. vii ,
29, 31). Quelques-uns ont pensé avec In-
nocent m (I. II De coniemptu mundi) qu'au
moment de la mort tous les hommes voyaient
le démon acharné à les tenter, et Jésus-
Christ crucifié consolant les bons et effrayant
les méchants : cette opinion n'est pas assez
fondée pour passer en règle générale, comme
le prouve Grenade, (m p., contr. 13, tr. i,
d. !.)• 11 suffit toutefois que cela soitpossible,
d'autant plus que sourent Jésus-Christ cru-
cifié vient invisiblement stimuler notre con-
science et le démon nous tenter avec force.
Si les méchants et les tièdes ne s'en aper-
çoivent pas, c'est précisément une preuve
du danger de leur situation. Ehfin pour ne
pas confondre la crainte chrétienne avec b
crainte naturelle de la mort, il faut remar-
quer avec saint Jean Climaque que la pre-
mière n'exclut pas cette crainte naturelle,
qui est un sentiment inspiré par la oatore
et que Jésus-Christ lui-même a éprouvé daus
sa très-sainte humanité. Elle n^exdnt pas
non plus la crainte de la mort fondée sur ua
motif surnaturel qui est l'incertitude de la
bonne ou mauvaise mort et de l'heureuse
ou malheureuse éternité qui doit la suirre.
Les saints ne sont pas même exempts dû
cette crainte. Mais ces deux craintes, et su^
tout la dernière, ne doivent pas, dans la mé-
ditation de la mort, nous empêcher de con-
cevoir en Dieu l'espéranee d'obtenir sur
notre salut toute la certitude possible, ai
nous la recherchons par une constante ré-
forme de notre conduite; car la charité s'ac-
froissant en nous, diminue ces deux crain-
tes, nous inspire de saints désirs de la mort,
et enfin nous procure la mort la plus douce.
La Méditation du Tugemeni n'est ^s moins
utile et nécessaire gue la méditation de la
mort. Il y a deux jugements, le jugeioeot
particulier^ que subit chaque ftme après la
mort et le jugement aénéralf que subiront
tous les hommes à la nu du monde, après la
résurrection des.morts. Tous deux sont ia-
diqués et proposés comme salutaire uiédita-
tion.
1* Par rScriture sainte : d'aboni le juge*
ment particulier : A la fin de /acte, les aeliens
de rhomme seront dénoilées^ {Scele. xi« 99)*
Après cela viendra le jugement (Hebr, ix,27);
ensuite le jugement général t Le temps vtes-
dra où tous ceux qu% sont dans les upulcrtt
entendroni la voix du Fils de Dieu; et ceiui
ra
HN
DASCKTISME.
FIN
7SS
^ auront fait de bùnnes autre* torîiront
pour ressuscitera la vie; mais ceux qui enau-
ramifait de ftutuvaises^ en sortiront pouf res-
susetter à leur eondanmaiion (Joan. t» 28
et 29.) Saint Ifatlbiea (xxiTt 37} a fait de ce
jugement une description détaillée. Puisque
dans ce jugement il nous faudra rendre le
compte (e plus exact de toutes nos actions,
et que nous en ignorons l'époque, il faut mé-
diter arec soin sur les moyens de YÎYre en
Chrétiens, et de n*a\ oir pas à redouter la pré*
sence de notre juge.
9" Par les saints Pères. « Couvert de tou-
tes les souillures de mes péchés , dit saint
Jérôme ( Ep. 5 , ad Florent. ), j'attends jour
et nuit dans la crainte le moment où il me
Cindra rendre jusau'à la dernière obole. »
«Soit que tous lisiez, dit-il encore ( ite-
yii/., »(mi:rA.)soit que yous dormiez, soit
que tous écriTiez , soit que tous Teillicz ,
que toujours retentisse à tos oreilles la
trompette d*Anias et de TApdtre , qui ont
1>rédit ce jour redoutable pour les impies et
es pécheurs. — Que toujours cette terrible
trompette lasse entendre à tos oreilles c<^s
paroles : Levex-tous^ morts ^ et tenez aujun
gemeni. » Ecoutons aussi saint Grégoire
( tom. 1, m Etang,) : < Que ce jour, mes
très-chers frères, soit toujours présent à
Toire pensée; que son souTenir corrige
votre conduite. Informe tos mœurs, tous
fasse résister à la tentation du mal et la
vaincre, vous repentir et foire pénitence de
▼os mauvaises actions. *
9" En voici la raison : La méditation de la
mort est très-utile et nécessaire au Chrétien ;
donc h plus forte raison la méditation du
jugement; caria mort n*est redoutable qu*à
cause du jugement qui la suit, puisque le
jugement, selon Denjs le Chartreux , est
plus terrible que la mort corporelle et ten:-
f>orelle , et môme que les peines temporel-
les de Tenfer. Qui me pourra procurer cette
grâce f que tous me cachiez dans V enfer et que
tous m y mettiez à eoutert^ jusqu^àceque
totre fureur soit passée? Ensuite le souvenir
continuel du jugement, comme le remarque
saint Thomas , détourne l'homme du péché,
par la considération de la justice et de la
miséricorde de Dieu, et par Tespérance
qu'il puise dans la considération de cette
miséricorde qui remet les péchés et récoro*
fienso le bien. (2-2, q. 12, a. 2.) En
effet, celui-là seul désespère , qui ne croit
pas au jugement futur , ou qui n*y pense
pas pour n*avoir pas è le redouter; au co-i-
traire, pour celui qui y croit et qui y pense,
la crainte est un puissant aiguillon pour vi-
vre en Chrétien et par conséquent {xiur es-
Itérer en Dieu.
Pour que la méditation du jugement soit
lus protonde, il est utile d'en bien examiner
es circonstances. 1* Le lieu , pour le juge*
roent particulier, est celui où chacun de
nous vient à mourir. Le naufragé qui périt
dans les flots , le voyageur assassiné par un
brigand , celui qui dans un duel tombe sous
les coups de son adversaire, le soldat tué
i>ar i*ennemi , celui que frappe la foudre ,
r.
tous sont aussitôt jugés par Dieu an lieu
même de leur mort. Sur ce môme Ut , té-
moin de votre mollesse et peut-être de vos
turoitudes, vous ne serez bientôt plus qu'un
cadavre, et c'est là que vous serez jugé.
Hélas! Dieu tout-puissant! A quoi pensons-
nous, de négliger ainsi des méaitations d'une
si grande importance pour notre Ame I —
2" Le temns du jugement. Ce sera l'instant
même ou notre âme sera séparée de notre
corps, où l'homme ne pourra plus ni méri-
ter , ni démériter. — 3* Quand les Pères et
les ascètes représentent Je jugement sous
l'image des plus terribles jugements des
hommes, c'est pour se mettre à la portée de
notre intelligence ; car ce jugement est loin
de ressembler aux nôtres ; il est bien supé-
rieur, et nous pouvons à Ipeine maintenant
nous en foire une idée. C'est en quelque
sorte une vision intellectuelle de Tâme par
laquelle elle se voit elle-même , ainsi que
toutes les pensées , les paroles et les actions
de ssi vie , et elle aperçoit son juge, et peut*
être aussi la sainte Vierge, samt Michel et
son saint ange gardien , et entend d*une
manière spirituelle la sentence prononcée
contre elle. A ce sujet le Père Ri-guera
( TheoL myst.^ t. I, p. 438 ) remarque que
ce juge , qui, avant 1 avènement du Christ ,
était Dieu, est maintenant Dieu et homme
à la fois; et bien qu'il soit permis de croiro
2ue dans le jugement particulier Jésus-
brist ne vienne pas personnellement et
sensiblement comme homme pour nous ju-
ger, il vient cependant , selon la vision in-
tellectuelle dont nous venons de parler »
non de la même manière qu'il se montre aux
bienheureux , mais sous une autre forme
Sublime , où il se montre parfois aux bo'n-
mes ; c'est pour le coupable un juge sévère ,
comme Dieu, réellement présent, et comme
homme en tant qu*il est le même qui est à
la droite du Père. — 4* Ce jugement particu-
lier s'accomplit en un instant , d'une ma-
nière plus sublime et plus terrible que nous
ne pouvons nous l'imaginer; car cette ma-
nière sera propre à l'Ame dé^gée des sens
et connaissant les choses spirituelles par les
idées propres infuses ; tandis que sur la
terre nous ne nous représentons ce sujet
que sous d<'S images étrangères fournies par
les sens , et qui diffèrent plus du vrai que
la peinture de la réalité. La rapidité in-
croyable avec laquelle s'exerce ce jugement,
loin de diminuer notre terreur , doit au con-
traire la redoubler, puisque nous trouve-
rons notre juge en nous-mêmes, et non
au dehors. — 5* Quant au jugement univer-
sel, il renfermera de plus la confusion que
nous ressentirions en voyant toutes nos
actions secrètes divulguées aux j^cux du
monde entier. Toutes ces considérations do:-
tent nous déterminer à suivre l'avis de
Tabbé Amon : « Soyez comme un criminel
dans un cachot, et dites vous k vous-même:
ilalheur à moi 1 Comment irai-je me pré-
senter devant le tribunal de Jésus-Christ ?
Comment pourrai-je rendre compte de toutes
mes actions? Si vous méditez sans cesse
739
FIN
DICTIONNAIRE
riN
*IU
xxiiie pensée» vous pourrez èlre sauvé. »
( YU. PP.^ apad Rotweidum^ I. t. )
La méditation de Venfer n*est pas moins
ntile et nécessaire à la perfection de la vie
cbrélienne. 1* TEcriture sainte nous Ten*
seigne. Bien souvent elle répète que les
chAtiments de Tenfer sont réservés aux im-
pies. Elle l'affirme surtout dans ce passage :
KtoigneZ'i>ouê de moif maudite , allez au feu
étemel (Matih. xxt, ^1). Elle recommande
en divers endroits ia méditation de Tenfer:
Que les vivants descendent (par la pensée)
dans Venfer [Psal. uv, 16). «Ce ne sont nas
les mourants» ce sont les vivants qui aoi-
vent y descendre et contempler sans cesse
les douleurs de Tenfer, afln de les avoir en
horreur et de les éviter. » (L. ii ad Frat. de
moniet c. 4» attribué à saint Bernard.) Saint
Bernard dit aussi (serm. 42, De divers.) :
« Descendez vivant dans renfer» et considé-
rez avec les yeux de l'esprit tout cet attirail
de tortures. » Il est dit encore dans TEcri*
ture : Cest le Seigneur qui conduit en enfer
et qui en ramène [iReg. ii» 6). Saint Grégoire
dit à ce sujet : « Nous cessons de pécher,
alors que la céleste grAce* amollissant nos
cœurs, nous redoutons les peines futures;
et nous sommes retirés de l'enfer, alors que,
visités par des consolations intérieures, nous
fassons des gémissements de la pénitence
l'espoir du pardon. » La description de
l'enfer faite par Notre-Seigneur Jésus-Christ,
k l'occasion du mauvais riche, qui y était
t précipité {Luc. xvi), confirme la nécessité de
e méditer sérieusement, et cette méditation
nous sera plus utile que si nous le voyions
de nos yeux, ou si quelqu'un des damnés
venait à ressusciter, pour nous en retracer le
supplice, selon cette parole de Jésus* Christ :
S'ils n'écoutent niMotse^ ni les prophètes^ ils
ne croiront pas non plus^ quand même quel-
qu'un des morts ressusciterait (Luc. xvi, 31}.
S" Les saints Pères nous exhortent aussi
h cette méditation. « Si nous avons sans
cesse h l'esprit la pensée de Tcnfer, dit
saint Jean Clirysostomo, nous no sommes
ps près d*y tomber. C'est pour cola que te
Seigneur nous a menacés de ces supplices ;
car Dieu ne nous aurait pas fait cette me«-
nace, si la pensée de Tenter n'avait pas dû
nous être profitable. Cette menace est en
quelque sorte pour nos Ames un remède
salutaire. » (Hom. 2 in U Reg.) il donne en-
suite le conseil d'inspirer celte pensée et
et cette horreur de Tenfer aux enfants, dès
leur plus tendre jeunesse. Saint Prosner dit
au sujet des peines de l'enfer: « En lire ou
en écouter le récit, les avoir toujours sous
les yeux de l'esprit, croire qu'elles arrive-
ront, les craindre sans aucun troubln, pen-
ser quel malheur ce serait pour nous d être
exclus de la joie de la divine contempla-
tion, se nourrir enfin de toutes ces pensées,
est le meilleur moyen de repousser les vi-
ces et de mettre un frein à tous les attraits
de la chair. » (L m De vit. contempl.)
3* La raison en est bien claire. Les damnés
auront une horreur perpétuelle de l'enfer
(Job X, 22), du feu étemel (Matth. xxv, 41),
de ce lieu de supplices j^Luc, xvi, 28.) ; et la
vue et la contemplation continuelle des
maux qu'ils y endurent, sera pour eux la
source d'une douleur et d'une tristesse in-
comparable. Or rien de plus Juste que de
faire utilement nous-mêmes ce qu'ils font
sans aucune utilité ; et pendant les courts
instants de notre vie de considérer, comme
ils le font dans Tiromensité des siècles, ces
Eeines et ces tourments que nous pourrons
ieu subir un jour. Cette considération nous
ferait concevoir pour le péché, qui nous
mérite l'enfer, beaucoup de haine, de lar-
mes et de repentir; car il faut, ou faire pé-
nitence, ou brûler. C'est ainsi que nous se*
rons excités & vivre en parfaits Chrétiens.
11 est trois points que doit embrasser la
sérieuse méditation de l'enfer :
1* La peine du dam^ qui consiste dans la
privation de la vision bienheureuse : c'est
un malheur aussi grand que la privation de
Dieu même, et dont la perte fait souffrir
des tourments indicibles.
S* La peine du sens ou du feu. Si pour le
monde entier nous refuserions de livrer no-
tre corps seulement pendant une heure aux
flammes, qui pourra^ parmi vous, rester au
milieu de flammes étemelles? (Isa. xxxui,
14.) Comment la flamme de la colère, de
la luxure ne s'éteindrait-elle pas devant ce
feu7« Conservez en le souvenir, dit saint
Augustin, et opposez le feu de l'enfer à ce
feu des passions et de la concupiscence,
qui maintenant vous agite, afin d en vain-
cre l'ardente violence par une violence plus
ardente encore.» (Serm. 181, De tempore,
c. 18.)
S* Ùélemité des peines. « Quoi de plus af-
freux, dit saint Bernard, que de toujours
vouloir ce qui ne sera jamais, et de ne ja-
mais vouloir ce (|ui durera toujours I Quel
supplice qued'avoirainsi sa voloutéasservieà
la nécessité de vouloir et ne vouloir pas ? •
(L. V De cofuid., c. 12.)
Enfin la méditation ae la céleste gloire est
encore très-utile à la perfection chrétienue.
1" L'Ecriture sainte nous le démontre, en
nous proposant sans cesse celte éternelle
récompense, afin de nous exciter à vivre
saintement : J'ai porté mon ccsurà accomplir
éternellement vos ordonnances pleines de jut-
ticCy à cause de la récompense [Ps. cxviii,
112). Elle veut que nous en ayons comme
une soif ardente : Jlfon âme est toute brû-
lante pour Dieu, pour le Dieu fort et virant.
Quand viendrai-je et quand parattrai-je dt-
vont In face de Dieu? (Ps. xi'.i, 3. ) Je serai
rassasié, lorsque vous m*aure% fait parailrt
votre gloire [ Ps. xvi, 15. ) Elle relève nos
espérances et ^es dirige vers le ciel : U
verrai mon Dieu Cest là V espérance g»<
fai et qui reposera toujours dans mon sein
( Job XIX, 26 ^t 27). Vous êtes semblables à
des hommes qui attendent leur Seigneur. ( Itir.
xn, 36). Elle exige que nous priions pour
l'obtenir, et que nous y demeurions en es-
prit : Notre Père, qui êtes au ciel.... Que ro-
tre règne arrive. (Matth. vj, 9). Nous tirons
déjà dans le ciel comme en étant citoyen
Ui
UN
D'ASCETISME.
riJi
7M
( Phil. III, 90. ) Le Calhéchismc romain
donne à ce sujet cet avis : « G*est pourquoi
les corés, dans rioslruclion des fidèles* ne
négligeront jamais d*enQammer leurs cœurs»
en leur proposant les récompenses de la
Tie éternelle» afin de leur apprendre à re-
garder comme faciles et agréables les cho*
ses même les plus diificiles qu'il leur fau-
dra faire comme Chrétiens, et afin de les
rendre plus prompts et pins joyeux à obéir
aui préceptes divins. » {Expos. Symbol.)
2* Les saints Pères nous conseillent aussi la
méditation du ciel. « Toutes les fois, dit
Tertullien {L. ad Mort.) gue vous tous élè-
Tcrez eu esprit vers la gloire des cicux, tous
sortirez de votre prison : la jambe ne sent
plus aucun lien, quand l'ânie est dans le
ciel. » Saint Jérôme dit aussi ( £p. 18 ad
Eusioth.) : m Toutes les fois que la vaine gloire
du siècle tous flajtera, toutes les fois que
dans le monde quelque chose tous paraîtra
glorieux, éieTez-vous en esprit jusqu'au |ia-
radis et couimencez h être ce que vous se-
rez un jour« » — « Si nous considérons, mes
Irès-chers frères, dit saint Grégoire, tous
les biens qui nous sont promis dans le ciel,
notre esprit n*a plus que du mépris pour les
biens de la terre. » ( Hom. 37 m Evang. )
— « Quoique notre espérance, dit saint Tho-
mas (in II Cor, it, lect. k ), ne doive se
réaliser que dans TaTenir, et qu'il faille au-
|iaravant que notre corps soit détruit , néan-
moins nous sommes ranimés par la pensée
«|ue ce n'est pas à ces biens temporels , mais
aux biens célestes que nous aspirons. »
En voici la raison : Sous le nom de cé-
leste gloire, il faut comprendre la dernière
lin de l'homme, celte béatitude où tous leS'
désirs se trouveront satisfaits, et tout appé-
tit rationnel apaisé ; nous devons continuel-
lement et en toute chose tendre et aspirer h
cette béatitude; et nous ne le pouvons sans
une fréquente et sérieuse méditation du
ciel, car on ne désire pas ce qu*on ignore.
Or le ciel doit être le but de nos désirs, vif
selon la conclusion de saint Augustin, pour
Cobtenir, il noui faut vivre MainiemetkL *
( L. XIX De Civ.^ c. k. )
Nous pouvons diijicilement concevoir
d'une manière positive la grandeur et Téclat
de la céleste gloire; nous ne la comprenons
i|ue d*une manière négative, en ce sens
i|u'elle surpasse infiniment tout ce qui nous
apparaît comme glorieux dans la création.
Car rail n*a point ri«, l'oreille n'a point en*
tendu^ et le cceur de Chomme na jamais conçu
ce que Dieu a préparé pour ceux qui faiment
( / Cor. Il» 9). D*a[>rès saint Paul ( / Cor.
XV, 42 ), les corps ressuscites acquerront
i|uatre qualités glorieuses et deviendront en
quelque sorte spirituels. Dans VApocalifpse
( xxu), la cité céleste est décrite soit d une
inanièie symbolique, dans les mêmes ter-
nies que nos objets matériels, quoique è un
degré infiniment supérieur, comme ses |)0r-
tes en pitrres précieuses, soit en termes
ué^tiis» comme : elle n*aura besoin de ta
lumière ni du soleil^ ni de la lune ; la mort n*g
entrera points etc. Il est donc inutile de
chercher à comprendre d'une manière posf-
tive le bonheur du ciel: il nous suffit d'j
croire par la foi, et de méditer ce que TA-
Fôtre nous pro|)Ose d'une manière négative :
œil n*a point vu, etc. ; de manière à mé-
priser, dans l'occasion, avec les saints mar-
tyrs, tout le reste et même notre Tie, pour
acquérir la Tîe éternelle. Joignons-y cette
bienheureuse éternité, cet état parfait | ar la
réunion de tous les biens« et celte TÎsiou béa-
tifique, que ni la parole ni la pensée ne peu«
Tent comprendre, puisque, selon te P. Ré-
gnera (Tneol. myst.f t. I, p. U9), c*est un
bien plus grand que le mal qui résulte de
sa privation, quoique cette | rivation soit
pire que tous les tourments possibles. « J*en
connais beaucoup qui redoutent Tenfer, dit
saint Jean Chrysostome : quant h moi j'af-
firme que la perte de la gloire céleste est plus
douloureuse que le supplice même de I en-
f.r. Il n'est pas étonnant que je ne puisse
vous le démontrer; car ne connaissant pas
la béatitude des récompenses, nous ne pou-
vons savoir le malheur qui résulte de leur
perte.... Nous ne le connaîtrons d'une ma-
nière certaine que par rex|)érience.... Per-
sonne n'ignore combien la question est in-
tolérable, et combien les supplices en sont
horribles. Supposez les tortures de mille
questions, et vous nu pourrez encore avoir
une idée du malheur qu'H y aura à être re-
poussé de la gloire étemelle. » ( Hom. 8(
m Matth.) Témoin le démon lui-même, qui»
au rapport de Drexelius (I. iDeCeslo, e. fO)»
dit qu il souffrirait de bon cœur, jusqu'au
jour du jugement, toutes les peines que lui-
même et tous les démons souffrent dans l'en-
fer, s'il lui était seulement permis de voir
Dieu uniour.
H est deux fruits que nous devons sur-
tout recueillir dp la méililalioi des fins
dernières. Le promiiT c'est une haine
souveraine du péché , comme la cause
de tous les maux que la méditation des
fins dernières nous fntt découvrir. Hn
effet le péché est Toriginc de la mort, et il
fait de la mort un très-grand mal. La mori
est venue par le péché ( Rom. v, 12). La mori
du pécheur est tris-fimeste (Ps. xxxiii, 22).
Sans le péché qui est la Térilable mort,è peino
si la mort dd corps mériterait le nom de
mort : et bien que celle-ci soit très-pénible»
on doit la mépriser pour éTiter le péché ;
et alors, loin d être une honte, elle doTient
un sujet de gloire et de bonheur. JLa mort
des saints est précieuse aux yeux du Seigneur
{Ps. cxT, 5). C'est ce qui a fait dire à saint
Bernard : « La mort des pécheurs est un
mal par la perte du monde, un p!ns gran t
mal par la dissolution de la chair, le
filus grand des maux, par le supplice de
*enfer. Au contraire» la mort des ju.^^tes est
un très-grand bien : elle nous procure le
repos de nos fatigues, le charme de la nou-
Toauté, et une sécurité éternelle sur notre
avenir. * ( Serm. 41 ex parvis. ) Quant au
jugement» c'est le péché qui le rend si ter-
rible, c'est le péché qui en (bit une condam-
nation. Supiriincz le péché, en vous repen-
74}
FLA
nCTIONXAIttfi
FLà
141
tant de celui qae tous avez commis oa en
TOUS abstenant de le commettre, et Diea
Tiendra k tous, non comme ua voleur^ mais
comme un époux^ non en tous menaçant
de la mort dans sa colère, mais en tous in-
Titaot fJans son amour à Tenir dans ses
bras. Si nom nom jugiom nom-méauêf si
nous recherchions et punissions séTèrement
nos propres péchés, nom ne $erion$ pas ju-
géêy c^eMr-k-éire, nous ne serions pas con-
damnés, mais absous, et notre jugement se-
rait moins un jusement gu'nne récompense.
C'est ce que souhaite sauit Bernard : « Heu-
reux le jugement qui me soustrait et me
dérobe au séTère jugement de Dieu* Je fris-
sonne à la pensée de tomber entre les mains
du Dieu TiTant : je reui me présenter à la
face de sa colère déjàiugé et non plus è ju-
ger. » (Serm. 55 tu (Jani.) Quanta Te. fer,
c*est le péché qui fait Tenfer, c'est lui qui
en est le plus grand supplice. C'est un ver
qui ne meurt pas, parce qu'il se nourrit du
souTenir ineffa^ble des péchés commis^
C'est un feu qui ne s'éteint pas, parce que
les péchés sont un bois embrasé par le sou-
fle de la colère de Dieu« Là se trouvent les
démons^ qui étaient autrefois des anges;
car c'est par le péché que le démon existe,
c'est par le péché que les hommes devien*>
nent les (ils du démon, et comme autant de
démous eux-mêmes. — Enfin quant à la
Sloire céleste, c'est le péché qui nous prive
e ce souverain bieo« parce qu'il est incom-
patible aTec elle.
L'autre avantage que nous devons retirer
de cette méditation, est la continuelle abné-
gation de nous-mômes et de nos passions
déréglées, selon ces paroles : Ctlui qui aime
ion âme, c'est-ihdire, qui dans ce monde
s'abandonne à ses absurdes convoitises, la
perdra : et celui qui baii eon âme dans ce
mondef la conservera pour la vie élerneUe
fJoan. xiif 25), c'est-à-dire, qui se refuse h
ui obéir quand elle loi ordonne quelque
mal. Et, puisaoe notre chair est cet euneuii
domestique ue notre Âme, poui* qui nous
devons avoir tant d'horreur, crucitions-la
sur la croix du Chridt, où est Je salut et la
Tie. Pensons à la mort, et mourons pendant
la vie, pour trouver la vie dans la mort.
Pensons au jugement et jugeons-nous nous-
mômes, pour u*élre point jugés. Pensons à
l'enfer et punissons-nous nous-mêmes ou
aimons à être punis pondant la vie, afin de
n'être point punis pendant l'éternité. Pen-
sons à la gloire des cieux» et rappelons-
nous que tout ce que nous pouvons faire
ou souffrir n'est que peu de chose^ afin qu'é-
levés au-dessus de toutes ces choses, nous
puissions entrer dans la joie de Notre-Sci-
gneur.
FLAGELLANTS. — Pénitents fanatiques
et atrabilaires» qui se fouettaient en public,
et qui attribuaient à la flagellation plus de
vertu qu'aux sacrements pour effacer les
péchés. Quoique Jésus-Christ, les a|)ôlres
et les martyrs aient enduré avec patience
les flagellations que les juges persécuteurs
leuravdlent fait subir, il ne s ensuit pas qu'ils
aient touIu introduire les flagellatioas ta-
lODtaires ; et il n'y a «acone preuve m tes
premiers solitaires, quoique très-mortifiés
d'ailleurs et très-austères, en aieot bit
osage. Fleurjr nous apprend néaomoiDs qo^
Thâ>doret en a cite plusieurs exemples
dans son Histoire retigeeun^ écrite aa
T* siècle, {ttesurs des CkrétieHs^ n* 63.) La
règle de saint Colomban qui vivait sur la
fin du Ti* siècle, punit la ^iiupart des fautes
des moines par nn certain oombre de coups
de fouet ; mais nous ne Toyons pas qu'elle
ait recommandé les flagellations volontaires
comme une pratique orainairede péoitence.
Il en est de même de la règle de saint Ce-
saire d'Arles, écrite l'an SCNB, qui ordonne
la flagellation comme une peine contre les
religieuses indociles.
SuiTant ropînioa commune, il o'j a pas
d'exemples de flagellation Tolontaire avant
le xr siècle; les premiers qui se sont dis-
tingués par làp sont saint uui ou Gujon,
abbé de Pompose, et saint Popon, abbé de
StaveilCp mort en lOU. Les mornes du Mont*
Cassin avaient adopté cette pratique, arec
le jeAne du Teodredi, à l'imitation du
bienheureux Pierre l'Ancien : leur exemple
mit eu crédit cette dévotion; elle trouva
néanmoins des opposants ; Pierre Damien
écrivit pour la justifler. Fleur j, dans soa
Histoire eceUsiasUquet 1. lx, nr â, a donné
l'extrait de l'ouvrage de ce pieux auteur,
on ne voit pas l>eaucoup de justesse ni de
solidité dans ses raisonnements*
Celui qui s'est rendu le plus célèbre par
les flagellations volontaires, est saint Domi-
nique l'Eucuirassé, ainsi nommé d*uoe
chemise de mailles qu'îJ portait toujours,
et qu'il n'dtait que pour se flageller. Sa
peau était devenue semblable & celle d*un
nègre; non-soulemeni il voulait expier par
là SOS propres péchés, mais eflactr ceux
des autres; Pierre Damien était son direc-
teur. On croyait alors que vingt psautiers
récités en se donnant la discipline, acquit*
taient cent ans de pénitence. Cette opiniuiii
comme Ta remarqué Fleurv, était a$^ez mal
fondée, et elle a contribué au relftcht;uieut
des mœurs«
Il y a cependant lieu de croire, dU-it,qne
Dieu inspira ce^ mortifications extraordi-
naires aux saints personnages qui en
usèrent, et qu^elles étaient relatives aoi
besoins de leur siècle. Ils avaient affaire à
une génération d'hommes si perverse cl si
rebelle, qu'il était nécessaire de les frapper
par des objeis sensibles* Les raisonneuieuis
et les exhortations étaient faibles sur des
hommes ignorants et brutaux, accouluiït<^>
au sang et au pillage. Ils n'auraient compta
pour rien des austérités médiocres, ccui
qui étaient nourris dans les fatigues de la
guerre, et qui portaient toujours te harnaif ;
f)Ourles étonner, il fallait des mortifications
qui parussent supérieures aux forces de \}
nature, et cet aspect a servi pour cooTeriir
plusieurs grands (lécheurs. ( Maturt àts
Chrét. n' 63.) Ajoutons que dans ces lemi'S
malheureux, la misère, devenue commuiit-
745
FLA
n^ASCETISlIE.
FOI
746
et habituelle 9 endurcissait les corps, et
donnait udc espèce d*atrocilé à tous les
caractères.
Quoi qu'il on soit, on abusa des flagella-
tions TOlontaires. Vers Tan 1200, lorsque
rilalie était déc|iirée par les factions des
guelpbes et des gibelins» et eii proie à toutes
sortes de désordres, un certain Reignier,
Dominicain, s'avisa de prêcher les flagella-
tions publiques comme un moyen d'apaiser
Dieu. Il en persuada beaucoup, non-seule-
ment parmi le peuple, mais dans tous les
états : bientôt Ton vit à Pérouse, à Rome
et dans toute l'Italie des processions de
flagellants de tout âge et de tout sexe, se
frappani cruellement en poussant des cris
affreux et regardant le ciel d'un air féroce
et égaré, afin d'obtenir miséricorde pour
eux et pour les autres. Les premiers étaient
sans doute des personnes innocentes et de
bonnes mœurs; mais il se mêla bientôt
parmi eux des gens de la lie du peuple dont
plusieurs étaient infectés d'opinions ab-
surdes et impies. Pour arrêter cette frénésie
religieuse, Jes Papes condamnèrent ces
flagellations publiques comme indécentes,
contraires à la loi de Dieu et aux bonnes
mœurs.
Dans le siècle snivant, vers l'an 1318,
lorsque la peste noire et autres calamités
eurent désolé tonte l'Europe, la fureur des
flagellations recommença en Allemagne.
Ceux qui en furent saisis s'attroupaient,
quittaient leurs demeures, parcouraient les
bourgs et les villages, exhortaient à se
flageller et en donnaient l'exemple. Ils en-
seignaient que la flagellation avait la vertu
du tuiptéme et des autres sacrements, qu'on
obtenait par elle le pardon de ses fautes
sans le secours des mérites de Jésus-Christ,
que la loi qu'il avait donnée allait bientôt
être abolie et faire place à une autre qui
enjoindrait le baptême de sang sans lequel
aucun Cbrétien ne pourrait être sauvé. Ils
causèrent des séditions, des meurtres, des
pillages. Clément VII condamne cette secte,
les inquisiteurs livrèrent au supplice ç^uel-
ques-uns de ces fanatiques, les princes
d'Allemagne se joignirent aux évoques pour
ies exterminer. Gerson écrivit contre eux,
et le roi Philippe de Valois les empêcha de
pénétrer en France. Au commencement du
XV* siècle, on vit renaître en Misnie, dans
la Tburinge et la Basse-Saxe, des flagellants
entêtés des mêmes erreurs que les précé-
dents. Ils rejetaient les sacrements et tontes
ies pratiques du culte extérienr, fondaient
leurs espérances de salut sur fa foi et la
flagellation, disaient que pour être sauvés
c'est assez de croire ce qui est contenu
dans le symbole des Apôtres, de réciter
l'oraison dominicale et la salutation ange-
lique, et de se fustiger de temps en temps
pour expier les fautes commises. (Moshbim,
Bisi. eeeliê. du xr siicU, iV part., c. 5.)
L'inquisition en fit arrêter un grand nombre,
on en brûla une centaine, pour intimider
ceux qui seraient tentés de les imiter et de
renouveler les anciens désordres.
DicneiiN. d'Ascétisme. L
: En Italie, crï Espagne, en Allemagne, il j
a encore des coutréries de pénitents qui
usent de la flagellation, mais il5 n*ont rien
de commun avec ies flagellants fanatiques
dont on vient de parler. Lorsque cette
pratique de pénitence est inspirée par un
regret sincère d'avoir péché, et |K)ur
apaiser la justice divine, elle est louable;
mais lorsqu'elle se fait en public, il est
dangereux qu'elle ne dégénère en un pur
spectacle, et ne contribue en rien à la cor-
rection des mœurs. Il y a d'autres moyens
de se mortifier. L'abstinence, le jeûne, la
privation des plaisirs, les veilles, le travail,
le silence, le cilice, paraissent des mortifica-
tions préférables aux flagellations.
Le P. Gretser, Jésuite, en avait pris la
défense dans son livre De sponianea disci-
plinarum seu flagellorum cruce^ imprimé i
Cologne en 1600. En 1700, l'abbé Boileau,
docteur de la Sorbonne et chanoine de la
Sainte-Chapelle de Paris, les attaqua ; mais
son Histoire des flagellaiians scandalisa le
public par des récits et des réflexions indé-
cents. Thiers fit la critique de cette histoire
avec peu de succès; sa réfutation est faible
et ennuyeuse.
FLAGELLATION. — Yay- Moetifica-
TIO!f.
FOI {Vertu). — L'Apôtre définit la foi la
substance des choses que nous devons espérer^
c'est-à-dire le fondement de l'espérance, la
conviction entière des choses que Von ne voit
point (Hebr. xi, 1) , la lumière qui nous
incline habituellement à croire aux vérités
obscures révélées par Dieu. La foi est une
vertu théologique, divinement infuse, par
laquelle nous croyons fermement, à cause
de la vérité divine, è tout ce que Dieu nous
a révélé et qu'il nous a proposé par son
Eglise, que ces révélations soient écrites ou
non.
Il nous faut donc croire, comme vérités
révélées par Dieu|, (outes celles qui nous
sont proposées à croire par notre sainte
mère, l'Eglise catholique romaine, qui est
l'unique épouse de Jésus-Christ et la co-
lonne de la vérité ; et il nous faut les croire,
parce- que c'est Dieu, la souveraine vérité,
qui nous les a révélées. On peut sur ce sujet
et sur les motifs de notre foi consulter les
ascètes, qui ont traité cette matière, et entre
autres Jean de Jésus Marie. {Instruct. no^
vit.f c. 2.)
' La foi, base des autres vertus et fonde-
ment de toute la vie chrétienne, sans la-
quelle personne ne peut plaire à Dieu, est la
première vertu à la pratique de laquelle
nous devons nous appliquer de tous nos
eflbrts, si nous voulons faire des progrès
dans la perfection. On le prouve :
I. Par l'Ecriture sainte. L'apôtre, exaltant
la yertu de la foi, et là prouvant par l'exem-
ple des saints de l'Ancien Testament, dit :
Les saints^ par la foi^ ont vaincu les royau^
meSf ont accompli les devoirs de la justice et
ont reçu l'effet des promesses. [Hebr. xi, 33.)
Saint Thomas proove que ces merveilles ont
été spiritaollement accomplies par les saints.
747
FOI
DIGTIOMMAIRE
FOI
7IS
qui par la foi ont vaincu le démon, la chair
el le monde avec ses royaumes. « Personne,
en effet, ne peut mépriser les choses présen-
tes, sinon aans l'espoir des biens futurs :
c'est principalement par le mépris que l'on
triomphe du monde; et comme c'est la foi
qui nous montre les choses invisibles, en
vue desquelles on méprise le. monde, il en
résulte que c'est notre foi qui nous fait vaincre
le monde. » (Lect- 7.) Nous trouvons encore
dans Mansi [Biblioth. wor., tr. 22, dise. 3)
de nombreux éloges de la foi, tirés de l'B-
criture sainte.
II. Par les saints Pères. « La foi, dit saint
Jean Chrysostome, est l'origine de la justice,
la source de la sainteté, le principe de la dé-
votion, le fondement de la religion. Sans
elle on ne peut rien faire de méritoire aux
yeux du Seigneur; sans elle, personne ne
peut atteindre au faîte de la perfeclîon.ïoutes
les fois que l'homme est animé de cette foi,
et qu'il consolide ainsi Talliance conclue
entre Dieu et lui, il proclame qu'il croit en
Dieu, etDieu lui accorde un gage de l'Esprit
saint. » {Hom.f de fide.) Saint Thomas de
Villeneuve dit aussi, en parlant de la foi :
a C'est elle qui fait rejeter aux Chrétiens la
mollesse, renoncer à tout plaisir, souffrir et
affronter les peines et les fatigues. C'est la
foi qui met un frein aux désirs dépravés,
qui contraint les appétits déréglés, qui apaise
les mouvements altiers du cœur, qui atta-
que le vice et cultive la vertu; c'est elle qui
fouie aux pieds le luxe et l'indolence, qui fait
supporter le malheur, qui relève le courage
dans l'adversité et qui empêche de s'enor-
gueillir dans la pros{)érité; enQn il n'est rien
de difficile et de pénible que n'affronte pour
Dieu celui qui croit en lui avec une foi vive. »
[Serm. in oct. Pa$chœ.) Remarquons ces mots,
avec une foi vive; car une foi morte, oisive,
une foi qui n'est pas agissante et que n*ac->
compagncnt ni res|)érance ni la charité, est
sans aucune efficacité , selon le concile de
Trente (sess.vi, c 7). Le même concile nous
•nseigne encore (c. 10) que les autres ver-
tus, jointes aux œuvres, n'ont d'utilicé ni
pour la première jusiiiication, ni pour l'ac-
croître en nous, sans la coopération de la
foi par les bonnes œuvres. Les saints Pères
nous ont tous représenté la foi comme la
racine et la cause, comme le fondement de
tout le salut de l'homme. Aussi l'Apôtre a pu
dire avec raison : Le juste qui m'appartient
vitra de la foi. (Hebr, x, 38.)
III. Paria raison. Car, selon saint Thomas
2-2, q. 7, art 82, et q. 8, a. 1, 7, 8),
e principal effet de la foi est de purifier le
cœur : Pwriâani leurs cœun par lafoilAct. xv,
9) ; ensuite la foi se fortifie du don de l'intelli-
gence, par lequel le Saint-Esprit nous pousse
à mieux pénétrer les choses de la foi et à
demeurer plus fermement attaché à Dieu ;
d'ailleurs à ce don, à cette foi, ainsi fortifiée,
correspoad, comme nous l'avons dit, la pu-
reté du cœur, qui est une des huit béatitu-
des. Enfin, comme le remarque Rossignoli
{\. mCkriêt.perf.y c. 4), la foi, au degré
parfait, provoque à i*exercice de toutes, les
i
vertus et actions héroïques qu'il est au pou-
voir de l'homme de faire , telles que surtout
lé mépris du monde et le renoncement par-
fait aux richesses et à toutes les choses de
la terre.
La foi, dans le degré parfait ei héroïque,
peut se reconnaître par la profession exté-
rieure de ceux qui croient de cœur, c'est-à-
dire par l'observation des préceptes, par la
Srière, par la soumission aux volontés de
>ieu, à l'Eglise catholique et au Pontife
romain son chef visible, en tout ce qu'il faut
croire et faire pour le salut étemel ; par
l'extension de la foi, ou du moins par le
désir de cette extension; par la crainte de
Dieu, par le culte de Dieu et des saints; p^r
l'horreur du péché et par le repentir des
fautes commises; par la patience à souffrir
l'adversité, par la joie dans les bonnes œu-
vres, par des sentiments d'humilité et d'ab-
jection sur soi-même; enfin par le martjrc
et les autres souffrances et persécutions ea-
durées pour la foi. De même l'habitude
héroïque de la foi se reconnaît à ces mêmes
actions, quand elles sont fréquemment répé-
tées, quand elles sont faites avec empresse-
ment, facilité et plaisir; quand elles se pro-
duisent au milieu de circonstances telles que,
pour les accomplir, il faille surmonter des
obstacles et s'élever au-dessus de la ipanière
d'agir habituelle des hommes, même des
hommes de bien. Ces actions réclament le
concours d'un don du Saint-Esprit; celui de
l'intelligence. Il est dit en effet : Je vous
donnerai Vintelligence; je voue enseignerqik
voie par laquelle vous devez marcher; et far-
rêierai mes yeux sur vous. (Ps. xxxt, 8.)
Les actes qui font entrer la foi dans l'âme
du Chrétien, sont :
1*" De rendre chaque jour ^âces à Dieu
pour le bienfait de notre vocation è la foi ca-
tholique, et de le prier en même temps (fu'il
daigne nous conserver toujours dans la vé*
ritable foi, jusqu'à la mort.
â° De répéter chaque jour, avec uue
attention réfléchie, le symbole des apôtres,
et de croire très-fermement, à eaose de la
véracité infinie de Dieu, tous les mystères
renfermés dans le symbole, et tout ce que
r£g)ise catholique romaine nous propose à
croire.
d^ De se rappeler souvent que chacun
doit, avec la grâce de Dieu, préférer mourirf
tout perdre et tout souffrir ici-bas, piutùt
que de renier ou d'abandonner la foi calVio*
lique romaine. Celui qui m'aura renié devant
les hommes^ moi aussi je le renierai dteant
mon Père. (Matth. x, 33.)
4." D'avoir souvent à l'esprit et de recon-
naître la faiblesse, l'ignorance et les ern.ur>
de notre intelligence et de noire jugeuieu
propre ; de nous rappeler combien de fois i
nous a déjà trompés, et que par conséquei.:
il vaut mieux, pouc nous, enchaîner noise
intelligence et notre jugement, nous sou^
mettre k la foi chrétienne, et croire simple-
ment tout ce que Dieu nous a révélé, lui
qui est l'omniscience, qui ne peut ni s%
tromper, ni nous tromper; et cela avec une
7«9
FOI
irÂSCETlSME.
roi
7M
pieuse affection de rolonté envers Dieu»
c'est-à-dire avec amour pour Dieu » avec
une Ténération et une conGance toutes
filiales envers ]ul, avec la plus profonde
estime pour sa divine omniscience* pour sa
sagesse et sa bonté, avec le resjiect le plus
humble pour ses jugements divins.
5* De nous rappeler souvent que Dieu est
Tétre infiniment parfait et que nous ne pou-
vons avoir qu*une perfection limitée et
qu'une bien faible intelligence; que ses
divins mystères, ses jugements et ses eau-
vres sont donc impénétrables et incompré-
licnsibles pour nous, el que nous devons y
soumettre notre intelligence, en nous écriant
avec! 'Apôtre : O profondeur des irésors delà
sagesse ei de la science de Dieu 1 Que ses juge-
ments sont incompréhensibles et ses voies tin-
pénélrables!(Rom. xi, 33.)
6* De ne pas discuter avec le démon qui
nous tente sur les articles de foi, mais de
croire simplement tout ce que croit notre
sainte mère l'Eglise catliolique romaine, de
vivre dans cette toi, et de vouloir mourir
pour elle, avec la grâce de Dieu.
Exerçons-nous donc à pratiquer la foi, non
pas d*une manière quelconaue, mais dans le
degré parfait et héroïque. Soyons forts iUms
la foi. {IPetr. v, 9.) Et pour y arriver, faisons
celte prière : Seigneur^ augmentez en nous la
foi. {Luc. xvu, 5). La foi en effet peut être,
comme la charité, plus ou moins parfaite,
s^Jon la remarque de saint Thomas (2-2,
q. 5 , a. 4) , c'est-i-dire de tout noire
ciMur (Act. viu, 37), non-seulement en n'ad-
mettant pas la craint^, mais en s'attacbant
aux vérités révélées d'une manière de plus
en plus parfaite, tant intensive qu'extensive.
On connaît avec la certitude de l'expérience
toute la différence qui sépare les Chrétiens
parfaits des imparfaits, bien que tous se glo-
rifient de leur foi et répètent présomptueu-
sement'avec saint Pierre : Quand mémo il me
faudrait mourir avec vous Je ne vous renierais
point. (Matth. xxvi, 35.) Mais il est à crain-
dre que les imparfaits ne viennent à succom-
ber iacilenient quand il s'agit de prou|[er
leur foi; un trè»-grand nombre font défaut
par les œuvres, et vivent comme s'ils ne
croyaient pas. Les parfaits, au contraire,
montrent en agissant que leur foi est vérita-
ble, puisqu'elle peut produire tant d'œuvres
saintes. Aussi s'efforcent-ils avant tout de se
fierfectionner dans la foi, afin de faire des pro-
grès dans toutes lesautres vertus et d arriver
ainsi à la perfedioii. (Voy. Esféeaiicb.)
I. Le airecteur doit prendre garde de
tomber dans l'erreur au sujet de la foi de
certains pénitents, «t de les croire entière-
ment pnvés de cette verla théoiogique,
lonqu ils en sont remplis. Car il n'est point
rare da trouver de ces Ames vertueuses et
afridesde-leur parfectiootqoi sont lourmen-
lées |)ar de violentes tentations contre la
foi. Dieu le permettant ainsi pour enraciner
plus profondémeot en elles cette vertu. De
même, en effet, que l'on fortifie davantage
une citAdelle et qu'on s'efforce de. la rendre
inexpugnable du côté où les ennemis diri--
gent leur attaque ,' de même les Ames pieu-
ses, par une généreuse résistance aux as-
sauts de l'ennemi tentateur, deviennent plus
fortes dans les vertus par où le démon les
attaçjue avec plus de violence. Voilà pour-
quoi on rencontre tant d'âmes timorées qui
sont tellement tourmentées par des tenta-
tions contre la foi, qu'il leur semble, non-
seulement hors de 1 oraison, mais pendant
l'oraison même, qu*f| n*y a point de Dieu,
point de ciel ni d'enfer, et que les vérités
catholiques ne sont que des impostures ou
les rêves de cerveaux malades. Saint Jean
Chrysoslome compare ces sortes d'Ames à
un vaisseau battu par la tempête sur une
mer orageuse et qui toutefois, avec le se-
cours de l'ancre, se maintient en sûreté.
« De même, dit-il, que l'ancre tient en sû-
reté et soutient au milieu de la mer un
vaisseau açité par un vent impétueux et
battu par des vagues furieuses , de même,
lorsque notre barque est agitée par des
pensées étrangères, la foi vient la délivrer
d'un naufrage imminent, et la conduit <iu
port tranauille d'une adhésion certaine à la
vérité. 9 [Hom. sur ces paroles i Habentes
▲UTBlf EDIIDEII SPiaiTUM J
II. Pour obtenir un discernement vrai de
ces sortes d'esprits, le directeur doit exa-
miner si les pensées qui inquiètent son pé-
nitent ont pris leur source dans quelque
faute ; s'il ne repousse pas les doutes qui
s'élèvent dans son esnnt, mais plutôt s'y
arrête et n'y oppose qu un es{>rit chancelant
et incertain. Car dans ce cas il commettrait
un i^écbé grave d'infidélité, puisqu'il n'ajou-
terait point une ferme foi à la parole di-
vine. Le directeur doit donc le ramener à
la vérité, el lui rappeler celte sentence de
saint Augustin: « Dans les choses merveil-
leuses, la souveraine raison de croire est la
toute-puissance du Créateur » ( Lib. xxi De
civ. Dei, c. 7); et cette autre du même
Père: « Reconnaissons que Dieu peut des
choses dont nous devons avouer l'incom-
Eréhensibilité pour nous. » (/6jd). On fera
ien aussi de rappeler ce qui est arrivé à ce
grand docteur : ayant aperçu sur le rivage
de la mer un enfant, qui, un petit vase
d'argent à la main, s'efforçait de transporter
les eaux immenses de la mer en un trou
qu'il avait pratiqué dans le sable, il se prit
à en rire; mais l'enlanl lui répondit que ce
trou si petit contiendrait plus facilement
toute la mer, que l'intelligence bornée d'Au-
gustin ne comprendrait le sublime mystère
de la très-sainte Trinité. Le directeur en-
joindra donc à son pénitent de ne jamais
s'arrêter à ces pensées contre la foi, de ne
Eoint oublier que les œuvres de Dieu sont
ien au-dessus de notre portée ; et de raffer-
mir sa foi chancelante par une adhésion ferme
aux vérités révélées.
UL Mais si le directeur remarque que
son pénitent ne donne aucune occasion à
ce» tentations contre la foi, mais au contraire
qu'elles s'élèvent eu lui contre sa volonté, et
qu'il en éprouve une grande peine, unegrande
affliction dansje cœur, il n'y a là aucun sujet
751
Foa
DICTIONNAIRE
FOR
m
de crainte, puiscjue cette peine qu'il éprouve
est un signe évident que sa volonté est bien
d'y consentir, et que non-seulement il n'a-
dhère point à ces tentations, mais qu'il en
a plutôt horreur. En ce cas, les pensées de
doute qui le tourmentent sur la loi ne sont
que des tentations du démon que Dieu per-
met pour enraciner en lui cette vertu plus
profondément. Il faut lui conseiller seule-
ment de mépriser ces pièges du démon,
et de ne pas s'en inquiéter plus qu'on ne
s'inquiéterait des folies d'un aliéné, à qui
on tourne le dos sans faire la moindre atten-
tion à ce qu'il dit. On ne saurait croire
combien ce mépris déplaît à l'orgueilleux
tentateur, et combien ce procédé est puis-
sant pour le mettre aussitôt en fuite. Mais
si le pénitent se sentait pressé, serré de près
par une tentation extrêmement violente, il
pourrait lui résister en s'armant d'un acte
de foi général sur les vérités révélées de
Dieu, sans en venir au mystère particulier
sur lequel il éprouve la tentation : car il se-
rait dangereux d'approfondir, sur le moment
même, l'article de roi qui fait Tobiet de la
tentation. Mais le directeur s'attachera sur-
tout à fortifier le pénitent contre ces sortes
de combats, en lui réprésentant la nécessité
où est Tâme d'éprouver une foule de tenta-
tions et en particulier celle ckont il s'agit,
avant d'arriver à un certain degré de per-
fection : car par ces épreuves involontaires
la vertu de la loi devient plus ferme, et donne
à la vie spirituelle un plus solide fondement.
Si donc le directeur rencontre des Ames
violemment agitées par des pensées contre
la foi, il les avertira qu'un homme spirituel
ne peut pas être longtemps en cette vie sans
éprouver quelque tentation. Parce que vous
étiez agréable à Dieu^ disait l'ange à Tobie,
t7 a été nécessaire que la tentation vous éprou-
vât, ( Tob. XII, 13. ) Or, s'il est nécessaire
d'éprouver quelque tentation, il convient de
recevoir en paix celle que Dieu lui-même
nous envoie. Mais en même temps il faut
rassurer le pénitent en lui répétant qu'on
ne commet jamais de péché grave, tant que
Ton résiste ; de cette manière, il prendra
plus d'assurance, et méprisera ces tentations
avec une certaine grandeur d'Ame.
FORCE (Veriu). — La force est une vertu
cardinale qu'on peut définir ainsi : une
vertu morale perfectionnant l'homme, pour
l'affermir dans l'ordre de la raison humaine
et de la loi divine, en lui faisant repousser
tout ce qui peut détruire cet ordre.
La force chrétienne peut être prise en
double acception, largement et strictement.
Dans son acception la plus large, elle em-
brasse toutes les vertus : aussi, dit saint
Prosper, « on doit entendre par force d'Ame
non-seulement celle qui reste inébranlable,
raal^jré toutes les aiuictioos dont elle est
assaillie, mais encore celle qui jamais ne
se laisse prendre aux charmes séducteurs
des plaisirs. » (L. m, c. 20). Dans son accep-
tion plus étroite, elle constitue une vertu
cardinale particulière, et se défmit comme
nous Pavons fait ci-dessus.
La force a deux fonctions. La première
consiste à nous faire supporter les maux et
les peines. Voici comment l'explique le
Docteur angélique : « Il faut appeler force
d'Ame celle qui retient la volonté do l'homme
dans le bien de la raison malgré les plus
grands maux ; c'est de cette force que par-
lait Jésus-Christ en disant : Ne craigntz
point ceux qui tuent le corps et qui ne peuvent
iuer Vàme; mais craignez plutôt celui qui^tui
perdre dans C enfer et le corps et Vdme.(Malth,
X, 28.] La seconde fonction consiste à bra-
ver, à affronter les dangers eux-mêmes.
C'est ainsi que David, fort du nom de son
Dieu, a marcné contre le géant Goliath, i â
ce sujet saint Thomas remarque que cette
fonction de la force est sou vent accompagnée
d'une apparence de colère , qui est pluiôt
l'esclave, pour ainsi dire, aue la maîtress}
de la force. « Le fort , oit-il , dans ses
actes, prend une colère modérée, mais non
une colère immodérée. » (S -2, q. 123,
a. 10.)
La vertu de la force fait naître dans
l'homme chrétien d'autres vertus morales
très-brillantes, qui en sont en quelque
sorte les fliles, ou les parties intégranlts,
comme disent les philosophes. En voici
l'explication. La force ayant surtout pour
objet de surmonter les dillicultcs qui
nous empêchent de faire le bien, ren-
ferme en elle-même selon la diversilé
des circonstances, diverses variétés d'elh-
même que l'on appelle ses fillet. Km
rencontre-t-on quelque difficulté résullanl
do la nature même et de la gramicurde
l'action? On lui oppose la magnanimiti,
cette vertu qui incline aux actions grande;?
et héroïques. La dilBculté vient-elle d'une
grande quantité d'argent, nécessaire à Ii
perfection de l'œuvre, par exemple, pour la
construction d'une église? on lui opposa la
munificence qui incline à faire extérieure-
ment de grandes œuvres par des dépenses
Ïmbliques et considérables. Vient-elle de
a crainte et de l'anxiété intérieure, tou-
chant l'issue de l'œuvre? on lui oppose /a
paix du cœur et la sécurité de Ume^ cette
vertu qui nous conduit à faire les plus grao
des choses avec joie et plaisir, avec une
constance qui ne se dément jamais. VieDl-ell4
de la multitude et de la qualité des mauu
souffrir dans l'exécution de l'œuvre, on lui
oppose la patience^ cette vertu qui dous/jj'
supporter tous les maux avec une coura-
geuse tranquillité. Vient-elle de la longueur
du temps» on lui oppose la longnnimttf
cette vertu qui nous fortifle dans l'attente.
Vient elle de la continuation roémederœo-
vre, on lui oppose la persévérana,^^^^^
vertu qui nous invite à persister malgré les
peines et les difficultés de l'entreprise.
Vient-elle enfin de l'instabilité du cœur hu-
main , on lui oppose la constanccy ▼ffl"JÎ?|
donne de la force et de la fermeté i Is '^^^
reté de notre caractère. |
, Les degrés de la force sont :
V De vaincre r esprit, de réprimer la coiert,
et de mépriser les plaisirs. Saint Anibroise
iOÙ
FOR
DASCETISIIE.
FOR
751
dtnnil ainsi ce degré : « Il est Téritablemenl
fore, celui qui se Tainc lui-même, qui re-
tient sa colère» ne se laisse amollir par au-
cuD attrait séducteur, ne se trouble pas dans
Tadrersité» ne s*élève pas dans la prospérité,
et ne se laisse pas entratoer à tout yent. *
{/>eo/f., C.36.)
2* D'exposer $a vie au danger^ pour le bien
spirituel et corporel du prochain^ selon ces
[taroles de Jésus-Christ : La plus grande
preuve de chariié est de donner sa vie pour
ses amis. (/oati. xy.)
3* De désirer vivement le marttfre d'esprit et
de cœur^ h l'exemple de saint Ignace, martyr,
qui, condamné aux bêtes, écrivait aux
Romains : « Puissé-je jouir des bêtes qui
m'attendent!... Si elles ne veulent venir, je
leur ferai violence: je me jetterai moi-même
dans leur gueule pour être dévoré. »
4* De supporter avec courage et patience
les plus grands maux et la mort méme^ si
elle se pre'sentait tout à coup et à Vimpro--
tiste.
5* Enfin, et c'est là le degré héroïque, de
souffrir ces maux et la mort avec une joie
réelle et sincère^ à l'exemple des apôtres,
dont il est écrit : Ils sortaient du conseil
touÊ remplis de joie, parce qu'ils avaient été
jugkft dignes de souffrir des opprobres pour le
nom de Jésus. {Aet. r, 41.)
Les défauts contraires à la force sont :
1* la timidité, qui est la fuite des maux aux-
quels chacun peut et doit s'eiposer en temps
et lieu ; 2* Vintinridité {intimiaitas), qui est le
défaut d'une crainte juste et raisonnable;
3* VaudacCf qui consiste à s'exposer témé-
rairement au danger. Le premier de ces dé-
fauts est celui des hommes qui ne craignent
que ceux qui tuent le corps; le secdnd est
celai des hommes qui ne craignent pas ceux
qui peuvent précipiter l'âme dans l'enfer ;
le troisième consiste à rechercher le danger
avec une témérité présomptueuse.
La force est nécessaire a quiconque veut
progresser dans la perfection chrétienne.
1. L'Ecriture sainte nous y exhorte. Ayez
bon courage ; le temps approche auquel Dieu
doit vous guérir. [Tob. v, 13.) Je vous chérirai^
Seigneur, vous qui êtes ma force : te Seigneur
esi mon appui, mon refuge et mon libérateur.
(Ps. XTii, 1.) Quand même je marcherais au
milieu de F ombre de la mort, je ne craindrais
poini le mal, parce que vous êtes avec moi.
{Pm, xxu, 4.) Qui nous séparera de la charité
de Jésus-Christ? Sera-ce V affliction ou les
déplaisirs?... Carjesuis assure que ni la mort,
ni la vie..., ni aucune créature ne pourra ja-
nsaiM nous séparer de l'amour de Dieu, qui est
en Jésus-Christ NotrC'Seigneur. (Rom. viii,
35, 38 et 39.)
l\. Les saintsPères nous le recommandent :
m La force des justes est diSérente de celle
lies réprouvés. La force des justes, en effet,
consiste à vaincre la chair, à contredire
leurs propres volontés, à étouffer les jouis-
sauces de la vie présente, à aimer le mal-
heur en vue des etemdles récompenses, à
uiépriser les charmes de la prospérité, à
suraiooter dans soû cœur la crainte de l'ad-
versité. Au contraire, la force passagère des
méchants consiste à s'endurcir insensible-
ment contre les châtiments du Créateur, à
ne pas cesser, même dans l'adversité, d'ai-
mer les choses temporelles, à rechercher la
vaine gloire même au péril de la vie, à per^
sécuter et combattre les gens de bien , non-
seulement par leurs discours et leur con-
duite, mais encore par la violence ; à placer
en eux-mêmes leurs espérances, à commettre
l'iniquité chaque jour. » (Saint Cbégoirb,
1. vu Mor., c. 9.) Saint Ambroise, louant la
force de Job, montre, en ces termes, la né-
cessité de cette vertu : « La vertu du saint
homme Job a-t-elle succombé ? le vice s'est-
il glissé dans son cœur? Comment a-t-il
supporté la douleur du froid, de la faim, de
la maladie?... Les discours offensants des
trois rois et les outrages de ses serviteurs
ont-ils excité sà colère?... Qui donc a été
aussi fort quelesaint homme Job? » (L. i Off.,
c. 3.) En voici la raison. La voie de lap^i*'
fection est hérissée d'obstacles et de dimcul-
tés de toute nature, pénibles et souvent dou-
loureuses |K)ur la chair; car ceux qui reu-
lent vivre pieusement en Jésus-Christ souf-
friront la persécution. La force est donc
nécessaire a ceux qui progressent dans cette
voie pour triompher de tous ces obstacles.
Soyons donc intrépides à combattre Tan*
tique serpent, et nous recevrons le royaume
étemel. Affrontons les difficultés, quand
Dieu, ou l'obéissance, on la nécessité, ou la
charité envers le prochain, ou la gloire do
Dieu, ou la défense de la foi, on notre pro-
pre salut, nous appellent à des œuvres difll-
ciles de vertu, et croyons (]ue iiaiw pouvons
tout en celui qui nous fortifie. {Phit. iv, 13.)
Car Dieu est fidèle; il ne nous laissera pas
tenter au-dessus de nos forces; mais il nous
fera tirer avantage de la tentation même , afin
Su nous puissions persévérer. (/ Cor. x, 13.)
e craignons pas ceux qui tuent le corps et
ne peuvent tuer Vdme: craignons plutôt celui
qut peut perdre dans F enfer le corps et Vdme.
[Matth. X, 28.) Où sont les Domilien, les
Haximien, les DIoclétien et les autres tyrans
qui tourmentaient autrefois si cruellement
les martyrs ? Ils ont senti le poids de la jus-
tice divine, après avoir paru aux yeux du
monde satisfaits et redoutés, tandis que les
saints martyrs triomphent couronnés dans le
ciel. Conservons donc la patience en nos
âmes, et soyons-y constants jusqu'à la mort,
car celui-là sera sauvé, qui aura persévéré
jusqu'à la fin. {Matth. x, 2z.} c Et maintenant,
mes frères, écrit saint Bernard, il ne me
resie plus qu'à vous exhorter à la persévé-
rance, qui seule mérite la gloire aux hom-
mes et la couronne aux vertus. Sans la per-
sévérance, point de victoire pour le com-
battant, point de palme pour le vainqueur*
Elle entretient les forces, elle est la nour*
rice du mérite et la médiatrice de la récom-
pense ; sœur de la patience, fille de la cons-
tance et amie de la paix, elle est le nœud des
amitiés, le lien de la concorde et le rem-
part du salut. Supprimez la persévérance,
plus do récompense pour la soumission, plua
735
FOR
DICTIONNAIRE
Foa
n
de reconnaissance pour les bienfaits, plus de
louanges pour la force. » (£p. 129.)
I. Le directeur doit se garder de tomber
dans rillusiont et de prendre le faux or pour
de l'or Yéritabie, en s'imaginani que tout
esprit qui supporte avec intrépidité de grands
maax pqssdde dès lors la vertu de force.
Car, comme le dit saint Grégoire, il y a uhe
force qui est une vertu, et une force qui est
un vice. Voici ses propres paroles : « Autre
est la force des justes, autre est celle des
réprouvés. La force des justes consiste à
vaincre la chair, à résistera ses propres pas-
sions, à détruire Tamour des plaisirs cle la
vie présente, à aimer les incommodités et les
afflictions de ce monde en vue des récom-
penses éternelles, à mépriser les avantages
flatteurs de la prospérité, et à vaincre au
fond du cœur la crainte de l'adversité. Mais
la force des réprouvés est d*aimer et de re-
chercher sans cesse les choses qui passent ,
de se rendre insensibles, de s*enaurcir contre
les fléaux de Dieu; d'être sans cesse tour-
mentés par l'amour des choses temporelles
et par la crainte de l'adversité , de parvenir
à une vaine gloire au danger même de la
vie; de mettre le comble à l'iniquité, d'alta-
quer la vie des hommes vertueux, non-
seulement par leurs paroles et leurs mau-
vais .exenoples, mais encore te fer à la main;
de mettre en eux-mêmes toute leur con-
fiance, Qt, entin, d'entasser chaque jour,
sans SQ lasser, crimes sur crimes.» (Àor.,
L vu, c. 8.), U est hors de doute, en effet,
que les hommes mondains entreprennent
souvent les choses les plus difflciles; mais
parce que leurs entreprises ne sont pas
lionnes en elles-mêmes et n'ont point un
motif honnête, leur force est mauvaise et
ouvro la voie de la perdition. Le directeur
doit donc ei^n^iner quelle est la Qn que son
pénitent se propose en embrassant des cho-
ses difficiles et pénibles, et juger de là si sa
force est digne de louanse ou de blAme. Si le
pénitententreprendavecieuetsanscraintedes
efapsesépineusesetfortdifficiIes,ouparamour
f»our pieiji, ou par un motif de vertu, ou par
edésirde la béatitude éternelle, sa force est
sàinle et doit être honorée comme une haute
vertu; mais s'i^ entreprend des choses aussi
difficiles par un motif humain, dans un but
terrestre et avec des intentions perverses, sa
force est un vice. En ces sortns de cas, le
directeur doit amener ses pénitents à diriger
vers les choses célestes et divines cette
force qu'ils prostituaient auparavant à des
fins grossières et toutes terrestres. Si, avec
la grâce de Dieu, il peut réussir, il les verra
bientôt changer et devenir des saints, de
criminels qu'ils étaient. Si, par exemple, il
eu voit qui supportent avec courage et fer-
meté des adversités «lombreuses, dans un
but mondain de yaiao gloire, et qui pour ce
Til motif sont prêts à exposer leur vie , 11 doit
mettre tous ses soins à ce que ce sentiment
de force soit employé à la gloire de Dieu;
et, s*il y parvient, bientôt il obtiendra de cet
homme une vertu éminenfe. S'il en voit qui
sont tout entiers occupés à amasser trésors
•
sur trésors, et qui, pour uû gain soroide,
consument misérablement leur vio au seia
'de mille tribulations, le directeur s'efforcera
de ctianger cet amour effréné des richesses
en une charité active pour le soulagemeol
des pauvres et un %èh ardent pour la laa-
jeste du culte divin; et il verra oientôt bril-
ler en eux une piété profonde. De même,
s'il en trouve qui, se livrant à une étude
0[ânifttre, se fatiguent le cerveau pour quel-
que motif terrestre, et qu'il puisse diriger
ces travaux pénibles vers un but d'inlérôl
pour le prochain et d'utilité pour l'Eglise, il
sanctifiera cette ardeur pour l'étude et en fera
une vertu. De même encore, s'il oblientde ces
courtisans qui passent de longs jours dans
les antichambres des rois pour en solliciter
quelque faveur, qu'ils mettent désormais
leur empressement à passer leur temps dans
la maison de Dieu, au pied des autels, pour
obtenir les faveurs du Roi des rois , il fera
de leur constante patience, de leur pcrsé?i-
raute assiduité, une vertu profonde, une
fûété infatigable. De cette manière, ceiu
brce vicieuse deviendra une vertu émiucote,
et ce qui était abominable aux yeux de Dieu
SOI a désormais agréable à sa divine majtsié.
II. Le propre de la vertu de force, quani
elle s'applique à repousser les mdux graves,
est de les attaquer avec hardiesse jus(|ue
dans les causes qui les produisent; de sorlc
toutefois que cette hardiesse est modérée par
la force : car, si elle n'a plus le frein de Ii
force pour la diriger, cette hardiesse dégé-
nérera en une véritable témérité, a La force,
dit saint Thomas, modère la hardiesse qui
s'attaque audacicusement à des choses ef
frayantes dans Tespoir de quelque bien. *
(2-2, q. IM, art. 3.) Nous lisons dans
le I" livre des ifacAat^es, gue Joseph el Am-
rie, en apprenant les glorieuses victoiresJt
Judas, de Jonalhas et de Siméon, se seuH-
rent animés d'un vif désir de moissoQoer
autant de gloire, et s'élancèrent sur le champ
de bataille. Mais le peuple fut frappé f^^^
grande plaie ^ parce que ce» guerriers ném-
tirent plus la voix de Judas M de sesfrirth
dans la pensée ^'ils feraient des prodtga^
valeur,— Aussi 6ien, ajoute le texte sacré» j
ils n'étaient point de ta race de ces héro$(l^ '
furent le salut d'Israël. Leur courage ne ft»
donc qu'une véritable témérité, parce au i|<
ne le modérèrent point selon les lois Je [^
prudence. Et au lieu de cueillir des lauriers»
' ils ne moissonnèrent que la honte poureut
et pour le peuple.
Le directeur, rencontrera des pénileo»
qui, dans leurs différentes entreprises, p*-,
raîtrônt doués d'une force et d'un courase
héroïques , parce qu'ils n'aspirent qu « ^
qu'il jr a de difficile, bien que souvent us w
connaissent nullement les règles de la f^
dence et de la modération. Il rencouirew
des femmes qui, au récit des communaoi^
religieuses, que certainessainlesontfond^wiJ
et des règles rigoureuses et sévères que'i
leur ont données, conçoitent le désir artiei
de les imiter. 11 rencontrera enfin de ^
hommes qui voudraient entreprendre
787
FOQ
D'ASCETISME.
FRA
788
suivre lesexemples de cessemteurs deDîeu,
3ui, pour étendre ia vraie foi, allèreni dans
es contrées barbares, et donnèrent leur vie
pour la cause de la religion; ou bien qui
voudraient, à Teiemple des saints anacho-
rètes, s*enfoncer dans les déserts les plus
solitairest et y passer toute leur vie, bien
Ja'il leur manque la vigueur de Tftme et les
ons de la nature nécessaires pour de telles
œuvres, et bien qu*il n'j ait pas même moyen
de les entreprendre. Que le directeur se
contente de leur dire au'ils ne sont pas de la
rsce de ces hommes iilastres, et que le peu
de force qui leur a été donnée par la bonté
divine, ils doivent remployer à se vaincre
eux-mômis, à modérer leurs volontés pro-
fères, à résister aux assauts du démon, et à
faire (Usparaltre les obstacles qui, dans l'état
où Dieu les a placés, les empêchent de faire
des progrès dans la perfection. Il ajoutera
que, s'ils mettent fidèlement toutes ces choses
en pratique, ils auront beaucoup fait, sans
avoir besoin d*aspirer à des œuvres au-des*
sus de leurs forces.
m. Le directeur doit remarquer que les
femmes ont un besoin tout particulier de la
vertu de force. Car comme elles sont crain-
tives de leur nature, et qu'elles sont ordi-
nairement d'un caractère faible et porté au
décoaragement, il arrivera bientôt, si elles
ne sont soutenues de la vertu de force,
qu'elles se lasseront et s'étoigneront du
chemin de la pe feclion chrétienne. Le di-
recteur trouvera un grand nombre de per-
sonnes de ce sexe qui embrasseront d*abord
avec ferveur une vie pieuse et vraiment spi-
rituelle; mais il en rencontrera peu qui y
feront un notable progrès. La moindre per-
sécution, le moindre respect humain suffi-
ront poor leur ôter tout courage et pour faire
disparaître tout leur zèle. Cependant que le
directeur ne les abandonne point, mais qu'il
tâche de les affermir dans la vertu de force,
en leur insfrirant à la fois la crainte de Di^u
et la conQance en sa booté infinie. D'ailleurs,
qaelaue faible aue soit leur sexe, quelque
porte qu'il soit a la crainte, il est toutefois
susceptible d'aimer avec force, et cet amour
fOur Dieu, prenant dans leurs cœurs de pro-
fondes racines, non-seulement corrigera la
f liblessede leur caractère, mais les rendra
même fortes et pleines de courage pour le
sorvice de Dieu. Aussi est-il bon de remar-
quer que les femmes choisies de Dieu pour
«les œuvres difficiles et grandes, telles que
sainte Catherine de Sienne, sainte Thérèse,
et d'autres héroïnes de ce genre, ont été d'a-
I>ord inondées des faveurs célestes et em-
brasées d'un ardent amour pour Dieu; et
c*ost par le que Dieu les a préparées à ses
^mods desseins sur elles. C est par la même
voie auasi qu'un directeur zélé obtiendra,
des femmes qu'il dirige, une activité toute
de feu, une lorceà toute épreuve, et d'im-
menses progrès dans la perfection.
FODRIBR DB KIATAINCODRT (Pierre)
naquit à Mirecourt en 1S65. il entra , jeune
encore , chez les chanoines réguliers et se
distingua par son savoir et sa piété, il de-
vint ensuite curé de Mataincourt, en L.or-
raine. Il établit deux nouvelles congréga-
tions, l'une de chanoines réguliers réformés,
destinés en même temps à l'enseignement ,
et l'autre de religieuses pour l'instruction
des jeunes ûlles. Le Pape Paul Y approuva
ces deux établissements en 1615 et 1616. P.
Fourier mourut saintement en 16i0. H a
été béatifié en 1730. On a de lui plusieurs
ouvrages de piété et des exercices chrétiens
pour les ieunes gens, et «ntre autres, la
Conduite Chrétienne. Le R. P. Lacordaire a
E renoncé, en 18S3, un panégyrique du bien-
eureux Fourier.
FRAIN (Jean), seigneur du Tremblay, né
à Angers en 16U , membre de l'Acadéraie
de cette ville , mourut en 172^. On a de lui
plusieurs traités de morale solidement
écrils : 1* Traité de la vocation chrétienne
des enfanté ; — 2* Traité de la confiance «i
Diêu.
FRANÇOIS D'ASSISE f Saint j naquit à
Assise, en Ombrie, Tan 1182. On le nomma
Jean au baptême ; mais depuis on y ajouta
le surnom de François^ à cause de sa faci-
lité à parler la langue française, nécessaire
alors aux Italiens poor le commerce, auquel
son père le destinait. Jean n'avait d'attrait
que pourra piété. 11 quitta la maison pater-
nelle et fonda , en 1210, l'ordre des Frères
Mineurs , après avoir fait approuver, par le
Pape Innocent III, la règle qu*il leur donna.
Cette nouvelle famille se multiplia tellement
qu'au premier chapitre générai qu'il tint
proche d'Assise, en 1219, ilse trouva prèsde
cinq mille Frères Mineurs. Ce fut vers le
même temps que François passa en Terre-
Sainte et se rendit auprès du sultan Hélédin
pour le convertir. Revenu en Italie, il ins-
titua le Tiers-Ordre. Retiré sur une des plus
hautes montagnes de l'Apennin, il vit un
Séraphin crucifié qui lui perça les pieds» les
mains et le cdié droit ; et il en porta les stig-
mates le reste de sa vie. Il mourut deux ans
après à Assise , en 1226 , âgé de quarante-
ciuq ans. On a de lui deux Règles et quel-
Îues Opuscules de piété, 1739, in-folio. Les
rères Mineurs se divisèrent plus tard et
formèrent les différentes brancnes des Ca-
pucins, des Récollets, des Observantins et
des Picnus
FRANÇOIS DBPAULE(Sainl),fondateurde
l'ordre des Minimes, nac|uit h Paule,'enCala-
bre, en H16. Un attrait singulier pour la
solitude et pour la piété le conduisit dans un
désert au bord de la mèr, et il se creusa une
cellule dans le roc. Son exemple et la répu-
tation de sa sainteté attirèrent bientôt près
de lui une fouie de disciples qui bfltirent un
monastère auprès dé son ermitage. Il leur
donna une Règle ^ approuvée par Alexan-
dre VI et confirmée par Jules II. Le nom du
saint fondateur se répandit en France avec
le bruit de ses vertus. Louis XI, dangereu-
sement malade , le fit venir auprès de lui,
espérant obtenir sa guérison par ses priè-
res. Le saint exhorta ce prince è se ^rèoêr
rer à la mort par le repentir. François éta-
blit quelques maisons en France, et mourut
7£»9
FRÂ
DICTiONJ^ÀIRE
FRA
m
daus l'une d'elles, à Plessîs-du-Porc, en
1507. 11 fui canonisé en 1519 par Léon X.
FRANÇOIS DE SALES (Saint), né au châ-
teau de Sales 9 diocèse de Genève, en 1567,
fit ses premières études à Paris, et son droit
à Padoue. Il édifia ces deux villes par sa
piété aussi douce que tendre. D'abord avo-
cat à Chambéry , puis prévôt d'Annecy , il
devint évêque de Genève , après la mort de
Claude Garnier , son oncle, en 1602. 11 tra-
vailla avec zèle et avec un immense succès
è la conversion des calvinistes. Il institua ,
en 1610, Tordre de la Visitation, dont la ba-
ronne de Chantai (sainte Jeanne-Françoise
Frémiot) fut la première supérieure. Cette
congrégation fut érigée en titre d'ordre et
de religion par le Pape Paul Y, en 1618.
François avait refusé, sous Henri IV, un
évêché en France et la coadjutorerie de Pa-
ris. Il mourut le 28 décembre 1622, à Lyon,
où l'avait appelé le duc de Savoie, qui de-
vait voir Louis XIII. On a la Yie de saint
François, écrite par Marsoliier, en 2 vol. in-
12 ; et son Esprit par Le Camus, évoque de
Belley, son intime ami. Ses ouvrages ascé-
tiques montrent ce qu'il était, une de ces
fimes tendres et sublimes , nées pour la
vertu et pour la piété , et destinées par le
ciel à inspirer l'une et l'autre ; la candeur ,
l'onction qu'ils respirent les rend délicieux
même è ceux que les lectures de piété en-
nuient le plus. Les principaux sont : 1"* In-
iroduction à la vie dévote ; — 2* Traité de
V amour de Dieu; — 3" Lettres spirituelles.
Les œuvres de saint François ont été re-
cueillies en 2 vol. in-fol.
FRANÇOIS DE BORGIA (Saint) , vice-roi
de Catalogne , entra chez les Jésuites après
la mort de sa femme , et en fut le troisième
général. Il mourut è Rome en 1572 , flgé de
soixante-deux ans. 11 fut canonisé en 1671 ,
par Clément X. On a de lui plusieurs ouvra-
ges de piété, traduites de l'espagnol en la-
tin, Bruxelles, 1675, in-fôl.
FRANÇOIS-XAVIER ( Saint)?, surnommé
Y Apôtre des Indes f naquit au château de
Xavier , au pied des Pyrénées , en 1506. Il
enseignait la philosophie au collège de Beau-
vais, a Paris, Jorsquil connut saint Ignace
de Loyola , le célèbre fondateur des Jésui-
tes. Il s'unit à lui, et fit vœu à Montmartre,
en 153^. En 15&1 , il s'embarqua à Lisbonne
pour les Indes Orientales» en qualité de mis-
sionnaire. De Goa , où il se fixa d'abord , il
répandit la lumière de l'Evangile à Halaca,
aa Japon, etc. Après avoir oçéré une multi-
tude incroyable de conversions, il mourut
en 1SS2, à l'Age de quarante-six ans, dans
rtle de Sancian, à la vuede la Chine, où il
brûlait de porter la foi. Il fut canonisé en
1622 par Grégoire XV. On a de saint Fran-
Î ois-Xavier : 1" cinq livres (ÏEpitres ; Paris,
631, in -8* ; — 2- un Catéchisme; — 3» des
Opuscules. Ces ouvrages respirent le zèle le
plus animé, la piété la plus tendre, un juge-
ment sûr et solide. Le P. Bouhours a écrit
la Yie du saint.
FRANÇOIS (Dom Philippe), dont le vrai
.nom était Philippe Collard, naquit à Luné-
ville, en 1579, et n'avait que dix ans lors-
que l'abbé de Senones , Lignarius , son pa-
.rent, le prit dans son monastère, lai donna
l'habit religieux et le plia h la règle de Saint-
Benoit, dans l'intention d'en faire son coad-
juteur. H fit ses études, avec succès, dans
l'Université de Pont-à-Mousson. En 1603, il
se rendit à Saint- Vannes , où il s'engagea
par des vœux Tannée suivante. On l'envoya
professer la philosophie et la théologie à
Saint-Michel. Rappelé à Saint-Vannes, il 7
fut maître des novices. Nommé visitearea
1609, prieur de Saint -Airy de Verdun, en
1612, il fut élu abbé de ce monastère quel-
Sue temps après. Enfin il devint président
e la congrégation en 1622, et mourut à
Saint -Airy, le 27 mars 1625. Ses ouvrages
ascétiques sont : l"" Trésor de per/ec/tofi,etc.;
Paris, 1615, k vol. in-12; — 2* La Guida
spirituelle pour les novices, ibid., 1616, in-12;
— S'' Le noviciat des Bénédictins^ etc.; in-ii;
— k'' Renouvellement spirituel nécessaire aux
Bénédictins ; — 5*" Les Exercices desnovicti;
— 6* Enseignement tiré de la règle.
FRATICELLES (petits-frères) . — Ce nom
fut donné, sur la fin du xiii* siècle, à des
Zuôteurs vagabonds de différentes espèces.
es uns étaient des Franciscains oui se sép
rèrent de leurs confrères dans le dessein,
ou sous prétexte, de pratiquer dans toute la
rigueur la pauvreté et les austérités com-
mandées par la règle de leur fondateur; ils
étaient couverts de haillons, ils quêtaient
leur subsistance de porte en porte, ils di-
saient que Jésus-Christ et les apôtres n'a-
vaient rien possédé ni en propre, ni en
commun ; ils se donnaient pour les seals
vrais enfants de saint François; Les autres
étaient, non des religieux, mais des associés
du tiers ordre que saint François avait ins-
titué pour les laïques. Parmi ces tertiaires,
plusieurs voulurent imiter la pauvreté des
religieui et demander Taumdne comme eui;
on les nommait, en Italie, Bixochi^ omBo-
casoti, ou Besaciers; comme ils se répandirent
bientôt hors de Tltalie, on les nomma en
France Béguins^ et en Allemagne Beggords.
Il ne faut pas pourtant les confondre arec
les Béguins flamands et les Béguines, dont
Torigine et la conduite sont très-louables.
{Voir Begoards.}
Pour avoir une juste opinion des Frati-
celles, il faut savoir ({ue très-peu de temps
après la mort de saint François, un grand
nombre de Franciscains, trouvant leur règlo
trop austère, se rel&chèrent en plusieurs
points, en particulier sur le vœu de paufrelé
absolue, et ils obtinrent de Grégoire IX,
en 1231, une bulle qui les autorisait. En 12^
Innocent IV la conGrma; il permit aux
Franciscains de posséder des fonds, sous
condition qu'ils n en auraient crue Tusagei el
que la propriété en appartiendrait à rBg»se
romaine.* Plusieurs autres Papes approuvè-
rent ce règlement dans la suite.
Mais il déplut à ceux d'entre ces religieux
qui étaient le plus attachés à leur règle; 1»
voulurent continuer à l'observer dans toute
la rigueur,' on les nomma les spirituels?
7CI
FRA
D'ASCETISME.
FOL
76S
mais tons ne furent pas également modérés.
Les uns, sans blâmer les Papes, sans se ré-
Yoiter contre les bulles, demandèrent la per-
mission de pratiquer la règle» et surtout la
fauvreté dans toute la rigueur ; plusieurs
apes y consentirent, et leur laissèrent la
l.berté de former des communautés particu-
lières. D'autres, moins dociles et d*un carac-
tère fanatique , déclamèrent non-seulement
contre le relâchement de leurs confrères»
mais contre les Papes, contrel'EgJise romaine
et contre les évéqnes. Ils adoptèrent les
rêveries qu'un certain abbé Joachim avait
publiées dans un livre intitulé ] Evangile
étemel, où il prédisait gue l'Eglise allait
être incessamment réformée, que le Saint-Es-
prit allait établir un nouveau règne plus
parfait que celui du Fils ou de Jésus-Christ.
Les Franciscains révoltés s'appliquèrent
cette prédiction, et prétendirent que saint
François et ses fidèles disciples étaient les
instruments dont Dieu voulait se servir pour
opérer cette grande révolution.
Ce sont ces insensés que Ton nomme Fra-
iicelles. La plupart, très-ignorants, faisaient
consister toute la perfection chrétienne dans
la pauvreté cynique et dans la mendicité
dont ils faisaient profession. A cette erreur,
ils en ajoutèrent encore d'autres, et l'on pré-
tend que c|uelques-uns en vinrent jusqu'à
nier I utilité des sacrements. Il est cons-
tant qu'un grand nombre étaient des sujets
YÎcieux, dégoûtés de leur étal, préférant une
Tie ragaboude à la gène et à la régularité
d'une vie commune; aussi plusieurs donnè-
rent dans les plus grands uésordres, et fini-
rent par apostasier. Malheureusement, par
la mauvaise police qui régnait alors dans
l'Europe entière, cette race libertine se per-
pétua, causa du trouble dans l'Eglise, et
donna de l'inquiétude aux souverains pon-
tifes pendant plus de deux siècles. On fut
oblige de poursuivre avec rigueur les Frati-
celies à cause de leurs crimes, et d'en faire
périr un grand nombre dans les supplices.
Oo a voulu persuader qu'au xiv* siècle on
condamnait au feu les Fraticelles pour leur
opinion seule^et parce qu'ils soutenaient
que Jésus-Gbnst et les apôtres n'avaient
rien possédé en propre ; c'est une imposture.
On les punissait de leur conduite séditieuse.
L'empereur Louis de Bavière ne fut pas
plutôt brouillé avec le Pape Jean XXII, que
les chefs des Fraticelles se réfugièrent auprès
de lui, et continuèrent à outrager ce Pape
l»ar des libelles violents. L'an 1328, ils se
rangèrent du parti de Pierre de Corbière,
Franciscain, que l'empereur avait fait élire
antipape, pour l'opposer à Jean XXII. Si
donc ce Pape les poursuivit à outrance, ce
ne fut pas pour de simples opinions.
Quelques beaux esprits incrédules on(
Youitt jeter du ridicule sur le fond de la
contestation; ils ont dit qu'elle consistait à
saToir si ce que les Franciscains mangeaient
leur appartenait en propre ou nom, et quelle
devait être la forme de leur capuchon. C'est
une plaisanterie déplacée. Il s'agissait de
savoir si ces religieux pouvaient, sans violer
la règle qu'ils avaient fait vœu d'observer,
posséder quelque chose en propre ou en
commun, et s*ils étaient obligés de conser*
ver l'habit des pauvres, tel que saint Fran-
çois l'avait porté. Cette question n'aurait eu
rien de ridicule si elle avait été traitée de
])art et d'autre avec plus de décence et de
modération.
En effet, l'habit des Franciscains, qui nous
parait aujourd'hui si bizarre, était dans l'ori-
gine celui des pauvres ouvriers de la Cala-
bre, une simple tuniaue de gros drap qui
descendait jusqu'au-aessous du genou, et
qui était liée sur les reins par une corde ;
un capuchon attaché è celte tunique pour se
parer la tête du soleil et de la pluie ; il n'é-
tait pas possible d'être vêtu plus pauvre-
ment. On sait que dans les pays chauds le
peuple marche pieds nus, et il en est de
même dans nos campagnes pendant les cha-
leurs de l'été. Sur les côtes de l'Afrique,
tout le vêtement d'un jeune homme du peu-
f^le consiste dans un morceau de toile carré,
ié autour de son corps par une corde ; l'ha-
bit du peuple de Tunis ressemble exactement
Kur la forme h celui des Capucins. Dans la
dée, les jeunes gens étaient vêtus comme
les jeunes Africains, (ilfarc. xiv, 51; Joan»
xxi,7.) En Egypte, ils n'ont d'autre yêtement
avant l'âge de dix-huit ans, et les solitaires
de la Thébaïde ne couvraient que la nudité.
Il en est de même dans les Indes, et c'est
pour cela que les sages de ce pays ont été
appelés GymnosophisteSf philosophes sans
habits. Il n r avait donc rien d'affecté, rien
de bizarre dans celui de saint François. Les
Franciscains mitigés voulurent en avoir un
plus propre, plus commode, un peu plus
mondain : les spirituels ou rigides voulaient
conserver celui de leur fondateur.
FRUITS DD SAINT-ESPRIT. — Yoy. Es-
pbit-Saint.
FUITE DES OCCASIONS DU PÉCHÉ. —
Une des précautions que les auteurs ascéti-
ques et les directeurs de conscience recom-
mandent le pins aux pénitents, est de fuir
les occasions qui leur ont été funestes ; les
lieux, les personnes, les objets, les plaisirs
pour lesquels ils ont eu une affection déré-
glée. Ce n'est point là un simple conseil,
mais un devoir indispensable, sans lequel un
pécheur ne peut pas se flatter d'être con-
verti. Le cœur n'est pas détaché du péché
lorsqu'il tient encore aux causes de ses
chutes ; et s'il ne dépend pas absolument de
lui de ne plus les aimer, il est du moins le
maître de ne plus les rechercher et de s'en
éloigner. Un Chrétien qui a fait l'expérience
de sa pro[)re faiblesse, doit craindre jusqu'au
moindre danger; des choses qui peuvent
être innocentes pour d'autres ne le sont pas
pour lui. ^Ecclésiastique nous dit que celui
Ïui aime le péril y périra (m, 27). Jésus-
hrist nous ordonne d'arracher l'œil et de
couper la main qui nous scandalise, c'est-à«
dire qui nous porte au péché. (Matth. y, 29):
FULGENCE (Saint) [Fabius-Claudianus-
Gordianus Fulgentius]f né en Afrique, vers
468, de parents nobles, quitta le monde, où
76S
GIR
MCTIOtOiAIBB
GNO
764
il aarait pu briller par ses talents, pour s'en*
fermer dans un monastère. Il fut ordonné
prêtre à Rome en 500, et évéque de Raspe,
en Afrique, en 508. Sou zèle eontre Tariih
nisme déplut à Trasimond , roi des Vandales,
3ui l'exila en âardaigue. Hildéric, successeur
e Trasimond» le rappela en 538. Pendant
son exil, saint Fnigenee arait^composé plo*
sieurs ouvrages de piété, publiés en 1684,
in-4% à Paris, par le P. Sirmond. Le princi-
pal livre du saint éyèque çst son Traité (U
la prédestination de la grâce. II mounit
en533.
G
GABRIELLE DE BOURBON, fille de
Louis i*', de Bourbon ^ comte de MoQtpensier,
épousa, en 1485, Louis de la Trémouille,tué
à la bataille de Pavie, en 1525. Elle mourut
au cbftteau de Thouars, en Poitou, en décem-
bre 1516. On a d'elle plusieurs ouvrages de
piété, et, entre autres : l** LtMlrurlion des
jeune.
Espru^
conlemplali
avait autant de vertu que d*e$prit.
GÉRARD LE GRAND, célèbre par ses ver-
tus, ses écrits et ses sermons, naquit à
Deventer en 1340, et mourut en 138ft, à
quarante-quatre ans. il iusiitua les Clercs ré«.
guliers, appelés les Frères de la vie commune.
il donna pour directeur à ses disciples Flo-
rent Radewyns, de Deventer, qui a été le
maître spirituel de Thomas A'Kempis. Nous
ayons de Gérard plusieurs ouvrages de
piété, dont quelques* uns sont imprimés
parmi les œuvres de Thomas A'Kerapis.
GERSON (Jean), né dans un petit village
du diocèse de Reims, devint chevalier de
TEgl^se çle Paris. Il assista au concile de
Constance, où il se distingua par plusieurs
discours. Les aipis de la vie contemplative
trouvent on lui un maître qui leur offre de
bons el nombreux ouvrages. Ils s'adressent
surtout aux religieux el aux directeurs des
âmes. Voy. Calai.
GERSON (De), Bénédictin de Verceil, au-
Îuçl certains critiques ont attribué VTmitation
3 Jésus-Christ. "Voy, Imitation. {Bibliog.)
GILDAS (Saint), surnommé le Sage^ né k
Dumbriton, en Ecosse, Tan 520, f)rôcba eii
Angleterre et en Irlande, et y rétablit la pu-
reté de la foi et delà discipline. Il passa en-
suite en France, e^ s'établit auj)rès de Van-
nes, où ilbAtil le monastère de Rhuys. U en
fut abbé, et y mourut le 29 janvier 570 ou
581. U reste de lui Quelques canons dedisci--
plinè^ insérés dans le SpiciUgs de dom Luc
d*Achery, et ua Discours sur la ruine de la
Grande-Bretagne^ dans la Bibliothèque des
Pères,
GIRARD DE VlLLETHÉRY (Jean), prêtre
de Paris, mort en 1709, âgé de soixante-huit
ans, enrichit TEglise d'un grand nombre de
livres de piété. Ses traités recueillis pour-r
raient composer un corps de morale prati-
que pour toutes les conditions et tous les-
étals. Il appuie ce qu'il dit, non-seulement
par les principes de la raison, mais aussi
Ijar 1 Ecciture sainte, par les Pères et par les^
cojsciles. . Ses principaux ouvrages sQnt*:
1" Le véritable pénitent ; — 2" le chemin du
ciel ; — ^ La vie des vierges ; — V Celle du
gens mariés, f des veuves^ des religieux, da
religieuses j des richefi et des paimes; -
5"* ta vie des sainU; — 6° La vie des dmr,
— 7» Traité de la vocation ; — 8* Le Ckrétim
étranger sur la terre ; — 9" Traité de la flat-
terie: — lO" Traité de la médisance ; — U» La
vie deJésuS'Xhristdans V Eucharistie; —X^U
Chrétien dans la tribulation; — 13* Jroii^
des églises et des temples; — ik* Traité du w-
pect dû aux églises; — 15** La vie de iawt
Jean de Dieu ; — 16" Traité des vertus théolo-
gales; — iT La vie des justes.
GIftADDEAU (Ronaventure), Jésuite, né
k Saint- Vincent-sur-Jard, en Poitou, mourut
en 177iiii, flgé de soixante-dix-sept ans, après
avoir publié quelques ouvrages. On a de lui,
entre autres, L'Evangile médité^ Vîl^, 13 vol.
in-12. Ce livre do piété a eu du succès.
GNOSIMAQUES. — Certains hérétiques,
Îui bl&maient les connaissances recherchées
es mystiques, la contemplation, les exerci-
ces de la vie spirituelle, furent nommés
7y«>9ifA«x«c 9 ennemis de$ connaissances. Ils
voulaient que l'on se contentAt de faire de
bonnes œuvres, et aue Ton bannit la médi-
tation et toute recherche profonde sur la
doctrine et les mystères de la religion. Sous
prétexte d'éviter les excès des faux mysti-
ques ils tombaient dans l'excès contraire.
GNOSTICISME.— U n'entre pas dans notre
plan de faire l'histoire du gnosticisme, il
nous sufBt de constater le faux mysticisme
môle à toutes ses erreurs. La Divinité, selon
le système religieux de Carfticrate, ne se
manifeste pas dans le monde des sens, œuvre
des esprits déchus. L'esprit, dégagé de tou(«
intluencc terrestre, peut s'élever à la science
de Dieu. Eviter tout contact avec les choses
d^ la terre, renoncer à la religion et à la mo-
rale vulgaires, qui ne produisent quuue
simple lé^iilé, mais qui ne justifleol ni ne
purifient; telles sont les conditions pour re-
venir à l'union divine, par l'essor de la li*
berté et les elTorts d'une vertu vraiment mo*
raJe. Peu d'hommes arrivent h ce terme,
comme Pythagore, Platon et le Christ, dont
les ftmes, durant môme leur apçaritioQ ter-
restre, étaient dans un rapport intime aviK
Dieu, Une vertu divine avait réveillé en eux
la réminiscence de leur vie antérieure, et les
avait rendus capables de s'élever au-dessus
de l'horizon borné de la vie commune et
d'arriver à l'adoration du vrai Dieu. Tous les
hommes du reste ont la même destinaiioo
r(»
«OU
D'ASGETOME.
«OU
766
Carpoerate se fit de Bombreax partisans en
Egypte et k Rome. Bon fils Epiphane pro-
pagea surtout sa doetrine dans file de Gé-
phalonie, enseignant, ainsi qae Platon, la
coinnmnanté des femmes et des biens,
comme le vrai moyen d'honorer la DîTinité.
La doctrine de Basîlide consistait dans on
dépouillement de tool ce qui est physique
et corporel» afin que Tâme pût s'élef er, dans •
la contemplation immédiate, à TéTidence di-
yine, et que la Tolonté libre et dégagée fit le
bien sans contrainte de la loi extérieure.
Mais on n'arrive, à cette pureté parfaite dans
le royaume de la lumière, que par une série
de métempsycoses. La morale des basili*
dîens fut d abord un ascétisme d'une sévé-
rité extrême, qui se relâcha dans la suite. Il
est question des basilidiens jusqu'à» i?'
siècle.
Marcion iiBfM>sait aux croyants, qu'il n'ad-
mettait qu'après un long et sévère catéchu-
menât, une conduite morale très-sévère;
1 abstinence du aaariage, de tout plaisir, de
toute joie, de tout aliment non iodispensa-
hic, en se fondant sur uo évangile altéré de
saint Lac et sur de fiasses lettres de Tapôtre.
saiut Paal.
Ces idées de contemplation immédiate,
cette continence affectée, ces austérités et
ces abslineoces du gnosticisme se retrouvent
plus ou moins mêlées aux erreurs de Manès
et de Montan. (Foy. UuricaÉisMB et If onta-
HISKa.)
GIWINET (Charles), principal du collège
du Plessis, docteur de Sorbonne, naquit à
Saint-Quentin, et mourut à Paris, en 1690,
à soixante-dix*sept ans. Il instruisit la jeur
aesse confiée à ses soins, par ses exemples
et par ses ouvrages. Les principaux sont :
V/m$truciiim délajeuneêu, in-l2; —irlns^
irmcêian mur la pémùenct et $ur la $aitUe com-
munion, in-12.
GONNBUED (Jérôme db), né à Soissons,
en IBM, Jésuite en 1657, mort à Paris, en
17 i&» parcourut avec succès la carrière bril-
lante ae la chaire 9 et celle de la direction,
oioins éclatante, mais aussi diiScile. La pu-
reté de sa vie répondait à ses enseigncmenls.
Ses ouvrages, fruits de sa piété et de son
zèle, sont en grand nombre. Le plus connu
est son Imilation de Jésus-Chrisi^ avec ré--
flesions ei priereSf in-12.
GOURDAN (Simon), né à Paris, en 1646,
eotra dans Fabba/e po Saint-Victor en 1661,
et y mena une vie édifiante. Il y mourut en
1729, laissât plusieurs ouvrages de sa com-
position. On a de lui, entre autres, des ou-
Tragea ascétiques remplis d'onction. Sa Vie
a été publiée en 1756, à Paris, in-12.
GOUVERNEMENT REUGlEnK.-On pour-
rait d*abord nous demander pourquoi nous
osons traiter cette matière. Essayer non-
seulement de tracer la ligne de conduite aux
supérieurs en religion, mais encore relever
les défauts de leur administration, n'est-
ce pas embarrasser la marche des supérieurs,
scandaliser les inférieurs, leur fournir des
thèmes de critique et des motifls de s'affran-
cliir &è la sainte obéissance. Voilà Tobjection
que se propose Scbram dans sa Ihéohgie
tm^stique^ et il répond par £e9 graves pa*
rôles r Le Sauveur do monde^ en publiant
dans VApoealypee les fautes, des sept prélats
d'Asie, et en les faisant connaître à la bce
de rnoivers, a cm que le spectacle de leurs
qualités et de leurs vices serait un exemple
utile à la catholicité.
Il est bon que k» supérieurs répréheosi-
hies voient leurs défauts dépeints au natu-
rel, afin que, se connaissant bien eu^-mè-
mes, ils reviennent aux règles tracées par
les anciens; il est bon encore que les candi-
dais indignes de la préiature, qui ne rougis-
sent pas de regarder par la fenêtre de Tarn-
bition pour pénétrer dans la cour de la
religion, comprennent que leur conduite
trouve des censeurs. Ensuite le. même au-
teur, prenant Godinez pour principal guide»
entre en matière, et nous reproduisons fidè-
lement son travail.
Les communautés sont souvent gouver-
nés selon les inclinations capricieuses de
leurs supérieurs. Le prudent Godinez com-
mence par faire Tobservalion suivante : La
plupart de ceux qui sont constitués en des
fonctions éminentesse laissent aUer an pen-
chant naturel de leur condition ou de leur
inclinatioa:.celui qui est cruel se livre à ses
petites vengeances ; le cupide amasse de
l'or; le vain poursuit les louanges; celui qui
est doux, par caractère, se montre toujours
affable et facile; le sot fail des choses préci-
pilées et inconsidérées; Tigoorant» s u voit
qu*oo s'adonne aux études ecclésiastiques
et reliffleuses, s'empresse de dire qu'il faut
servir Dieu en esprit et en vérité, que la re-
ligion demande 1 humilité et non des lettres
qui enflent les hommes d'orgueil, comme si
les religieux lettrés et humbles n'étaient pas
les colonnes de la religion. Si un religieux
savant parvient h la direction, il méprise les
simples, et dit qu'un esprit sans lettres est
une épée imprudente qui frappe à tort et à
travers sans discernement ; îin supérieur
austère et ri^de croit que la communauté
est perdue si on n'^ voit pas at)onder les
austérités et les pénitences ; au contraire, un
supérieur doux et bienveillant assure qu'on
ne doit pas conduire les enfants de Dieu par
la rigueur, comme si la rigueur n'était pas
quelquefois de saison. 11 y a des supérieurs
qui aéloument le sens des constitutions
et des règles, selon les goûts de leurs pen-
chants, ils trouvent toujours quelque article
qui justifie leur manière de voir. Si le supé-
neur'estjeune,ardent et bon religienxtli sera
communément trop confiant dans son senti-
mentet sesforces ; s'il est, par nature, solitaire
et mélancolique, il voudra'que tout le monde
aime la solitude et le silence absolu; s'il a
un caractère porté à la critique, il se jouera
avec les paroles mordantes et les calomnies :
il croira facilement les fautes d'aufimi et sera
précipité dans leurs punitions ; il aimera
mieux punir que de corriger, et ne se met^
tra pas en souci de la paix. Les supérieurs
soupçonneux seront continuellement cruch?
fiés de pensées noires : ils savent plus d^
7M
60U
DIGTIOMNÀIRE
GOU
768
(orls quMIs ne peuvent en corriger, et eela
les accable. Mais ceux qui ont la sagesse se
plaisent à paratlre ignorer ce qu'ils ne
peuvent changer, et ainsi ils demeurent
en naix avec eux-mêmes et avec les autres.
Enfin, chaque prélat gouverne ordinairement
selon son humeur et son inclination, bonne
ou mauvaise.
Maintenant parcourons les différentes es-
pèces de défauts qui se glissent [dans le
gouvernement religieux.
Le premier, c'est la faiblesse d*inteIligonce
et de jugement. Ceux-ci, quoiqu'ils aient
continuellement les yeux sur les règles d'un
bon régime, à peine peuvent-ils saisir quel-
que chose de bon; ce n'est que par hasard
aue quelquefois ils comprennent le bien,
1 entreprennent et Texécutent naturellement
et résolument.
Le second défaut est la politique humaine.
Les politiques gouvernent en religion,
comme on gouverne les choses humaines
dans la région politique, par la finesse et
les calculs de la prudence séculière ils s'é-
loigent ainsi de la sincérité et de la vérité
Îue requiert le régime des enfants de Dieu.
Meu alors a coutume de leur l&cher la main,
car ne demandant conseil que de leur pro-
pre prudence et non de son esprit saint,
ils s écartent du chemin droit et deviennent
.a risée des bons.
Le troisième est le gouvernement pure-
ment spéculatif. C'est le gouvernement des
habiles, des argutieux, qui [discourent à
perte de vue ; ils font de belles spéculations
dans le gouvernement, et partent de là pour
condamner la manière de gouverner des au-
tres, quoique dans la pratique ils soient
très-ignorants et inca()ables; lorsqu'ils étaient
sujets ils savaient bien critiquer les supé-
rieurs et vanter leurs propres principes ;
depuis qu'ils gouvernent , les choses vont
encore plus mal. Critiquer c'est chose fa-
cile , mais -gouverner avec bon sens ,
raison et sagesse, c'est une chose très-
diiBcile.
Quatrième défaut : La gravité affectée.
Ceux qui ont ce penchant lont de la politi-
que avec gravité pour s'acquérir une plus
grande considération. Lorsqu'ils deviennent
supérieurs, sous prétexte de dignité, ils
ajoutent à leur personne une gravité étudiée
Sui les rend odieux à leurs subordonnés ;
s sont prompts à exiger les égards dus à
leur personne, lents à rendre aux autres les
Îolitesses qu'ils leur doivent : leur esprit et
eur jugement est étroit, et ils comptent peu
d'amis.
Cinquième défaut : Une vigilance indis-
crète. Certains supérieurs mal disposés en-
vers, leurs inférieurs, minutieux, s'enqué-
rant de tout, voulant tout savoir, même les
plus petits défauts de leurs subordonnés, ne
savent pas ignorer bien des choses aux-
quelles ils ne peuvent porter remède. Ils
sont à charge à eux-mêmes et aux autres,
leur habileté à découvrir les petits défauts
les rendent tristes et affligés : mais les su-
périeurs bons, qui ne craignent pas d'ignorer
certaines choses sont pacifigues et indul-
gents; ils produisent plus deiruils.
Le sixième défaut est un esprit de réforme
{)rématurée. C'est une espèce d'hommes ro-
brmateurs de la petite espèce, Zélés à con-
tre-temps, qui pour enlever un petit abus
ne comptent pour rien de troubler toute une
communauté. Ils sont aussi impudents que
chagrins ; ils abandonnent facilement les
affaires qu'ils ont embrouillées, et c'est en
cela que consiste toutes leurs réformes.
Septième défaut : L'avarice, ce sont des
hommes misérablement tenaces qui, en me-
surant mesquinementles vivres, remplissent
la communauté de murmures ; personne ne
peut vivre avec eux, pour leurs mœurs ab-
jectes et sordides.
Le huitième défaut est la prodigalité; ceux
là sont immodérément magniQques et prodi-
gues. S'ils font construire, ils ont en vue des
monuments plus brillants qu'utiles et néces-
saires, tis songent à se bien placer dans l'o-
pinion de la postérité. Il faut se garder de
conQer aux hommes de ce caractère, ou les
Gnances, ou le gouvernement, car ils per-
dront l'or, et ruineront le gouvernement.
Le neuvième défaut est la superbe et
l'ambition. Les supérieurs qui penchent do
ce cAté sont pleins d'impétuosité et de co-
lère, ils aiment à satisfaire leur vanité et
leur ambition, au prix de l'obéissance et
même de l'humiliation d'autrui : ils se plai-
sent dans les disputes et les litiges; objets,
tour à tour de crainte et de haine, ils finis-
sent quelquefois d'une manière tragiçiue.
Dixième défaut : La colère. Ceux quiontce
penchant sont impérieux dans le comman-
dement, irascibles dans la réprimande, fai-
sant toujours triompher leur propre manière
de voir. Ils ont plus d'aptitude a gouverner
une province qu'une communauté d'en-
fants de Dieu.
Le onzième défaut est le manque de
zèle. Hommes bons, si vous voulez, hu-
mains, simples, sous l'autorité desquels
les consciences vivent tranquilles, ils n'ont
ni la force ni la conception dé faire faire
des progrès dans le bien, et de réprimer le
mal, et enlin ils perdent tout.
Le douzième défaut est la pusillanimité.
Certains supérieurs sont faibles de cœur, et
la moindre difficulté les trouble : ils seD!«:l
vivement les défauts de leurs subordonnés,
sans avoir le courage de les combattre. Ils
peuvent avoir un assez bon gouvernement,
s'ils sont aidés par des hommes plus ca-
pables.
Treizième défaut : l'obstination. II y a
certaines personnes tellement amies de leur
{propre sentiment, qu'elles ne peuvent souf-
rir qu'on en émette un opposé devant elles;
et comme elles sont trop impérieuses, elles
rencontrent peu de monde qui leur obéisse
promptemenl : elles sont réservées à éprou-
ver bien des échecs et à avoir bien des enne-
mis.
Quatorzième défaut : La commodité do Ja
chair. C'est le défaut de quelques.homtnes
ardents, enflés, superbes, qui usent du com-
»
7f»
GOU
D*ASC£TIS1IE.
€00
770
mandement, comme de la Terge de leur
puissance; ils flattent leurs affections, re-
cherchent les délices» les amitiés, les agré-
ments de la vie et l'ambition ; ils donnent h
leurs amis des marques publiques de leurs
affections, et obséquiosités, ifs veulent en
être environnés : ceux*ci sont liés par des
vices ostensibles et par beaucoup dépêchés
secrets.
Le quinzième défaut, c'est d*6tre accusa-
teur. C'est le travers de certains supérieurs
qui exagèrent les défauts des autres, qui
Ajoutent foi trop légèrement aux propos ac-
cusateurs ; et pour qu'un remède leur plaise,
il faut qu'il ressemble i un supplice : ces
hommes-là sont cruels, vindicatifs, à l'inten-
tion sinistre ; ils n'ont ni jugement, ni en-
trailles.
Seizième défaut : L'importunité. Avec
ce défaut on a des hommes à paradoxes,
qui gouvernent selon le caprice de l'humeur
qui prévient bien ou mal. S'il leur vient à
1 esprit de faire quelque chose à leur ma-
nièrp, ils ne consulteront ni les goûts de
leurs amis, ni les inconvénients qui vont
surgir, pourvu que leur volonté se fasse.
Dix-septième défaut : L'ignorance. Cer-
tains spirituels ne tiennent aucun compte de
la science, et ils sont ignorants jusqu'à la
stupidité lorsqu'ils ne pensent qu'à être pu-
rement spirituels. Ces nommes-là sont pro-
pres à devenir saints, mais non propres au
gouvernement : il ne suffit pas d'être un bon
religieux, pour devenir un bon prélat.
Dernier défaut : La propre complaisance.
C'est celui de certains hommes présomj»-
tueux, pleins d'eux-mêmes, qui se complai-
sent dans leur jugement, leur esprit et leurs
talents. Ils vont au but quand la route est
facile et sans obstacle; mais les affaires dif-
ficiles leur sont des occasions de chutes : du
n ste, ils sont ignorants, à petites idées et
difQcultueux; et, avec leur tête étroite, ils
se croient capables de gouverner le monde.
Venons maintenant aux qualités du hou
gouvernement :
Bien gouverner est un don pratique que
nous apportons en naissant, et dont le com-
plément et la perfection s'acquièrent par une
longue expérience des affaires et de !a con-
naissance des hommes. Le fondement de ce
talent est une nature tranquille et douce,
une bonne intelligence, plus vraie que poin-
tilieuse ; enfin il faut un jugement qui ait
de la maturité.
Voici la siirie des qualités qui conviennent
aux supérieurs.
La première est la prudence. Il n'est pas
touionrs nécessaire d'avoir des qualités
brillantes et un grand génie pour gouverner;
souvent la prudence supplée les autres qua-
lités, si on a un jugement posé et bon. Alors,
en agissant lentement, en usant de conseils
à propos, on finit par bien gouA^erner.
La seconde qualité est l'humilité. Le su-
périeur humble se défie beaucoup de lui*
même et se confie beaucoup en Dieu, pre*
nant conseil d'autrui dans les choses dou-
teuses et difficiles; il préfère le conseil des
autres au sien. Ces hommes, ayant Dieu
en aide, expédient facilement les choses.
La troisième qualité est une vieillesse ex-
.périmentée. Les anciens, qui ont beaucoup
vu, qui ont assez de jugement pour compa-
rer les choses entre elles, trouvent dans les
choses passées une trxpérience qui leur fait
pressentir, et même connaître avec une es-
pèce de science conjecturale les choses à
venir. Ils parlent peu, agissent beaucoup,
corrigent les choses présentes, se préservent
des accidents à venir ; ce sont oe bons et
grands administrateurs.
La quatrième qualité est l'éminence de la
doctrine. Certains supérieurs sont en même
temps doctes etspirituels, d'un esprit étendu,
aux talents distingués, et pour enseignerez
pour gouverner : ils sont aptes à conduire
de grandes affaires; mais ils courent un
danger, celui de Tabsolutisme et de la téna-
cité : quand on a ces qualités, il est rare
qu'on ne s'attribue ce qui ne nous est
point dû.
' La cinquième qualité est la sainteté. Il y
a des hommes d'une sainteté non médiocre
et amis de Dieu : s'ils sont doués de talents
assez ordinaires, la grâce les fortifie et les
rend capables; mais si ces personnes sont
d'un esprit faible, d'un petit jugement, ils
seront saints dans l'ordre surnaturel; mais
en tant que manquant de vue et de jugement»
ils restent dans l'ordre naturel, incafiables
de gouvernement.
' La sixième qualité est le zèle. S'il se
trouve des supérieurs qui soient en même
temps et prudents et enOammés du désir
du bien commun. Dieu allume dans leur
cœur le zèle pour le progrès de la religion;
en sorte qu'il surmonte courageusement les
difficultés pour arriver à un si noble but.
Cependant ]1 n'est pas rare que les supérieurs
qui ont ces qualités aient quelques taches
dlmprudence.
La septième qualité est l'expérience. On
trouve quelques Hommes, atteignant à peine,
l'âge de trente ans, ayant un iugement caime
et bon , songeant à laisser d'eux-mêmes un
bon souvenir; mais ils agissent, tantôt avec
prudence, tantôt avec imprudence; ils se fa-
tiguent la tête aussi bien pour les petites
choses que pour les grandes : on peut les
employer utilementpourconduire les petites
communautés, et s ils profitent de l'expé-
rience des autres, ils deviennent capables
de conduire les grandes communautés.
La huitième est le bon exemple. Avec
cette qualité, de donner le bon exemple,
on fait beaucoup pour l'avancement spiri-
tuel des ftmes que l'on a à conduire, pourvu
qu*on ne soit pas d'ailleurs dépourvu des
autres qualités. Car la pratique des vertus,
l'assiduité à bien faire toutes choses dans
les exercices de religion, soutient le courage
des inférieurs, et de tels hommes font ou-
blier bien des petits défauts qu'on pourrait
du reste leur reprocher.
La neuvième qualité est la charité et l'af-
fabilité. C'est la qualité qui accompagne or-
dinairement certaines personnes uq condi-
771
GOU
DICTIONNAIRE
GOU
T»
tioD Doble, aux paroles agréables et faciles,
aux manières gracieuses el bienveillantes,
ce qui les rend .agréables à tout le monde.
Les personnes parvenues au pouvoir, s'étant
une fois aeqais Taffection de .leurs subor-
donnés, obtieonent ce qu*ils veulent, par
amour plutôt que par crainte ; ce qui arrive
sans dévier de la maiime qui dit que par la
crainte on gouverne bien une communauté,
et par l'amour Jes individus.
La dixième est la patience, il faut qu'à
la patience on réunisse Tinleiligence, deux
choses qui se rassemblent assez rarement :
ceux qui ont cette v<ertu exhortent, dans
leurs discours publics, avec chaleur, aune
grande obéissance, à une parfaite mortiGca-
tion, à Toraison affective; mais, dans la
pratique, ils savent se contenter d*une vertu
médiocre. Ils savent que dans une commu-
nauté la perfection ordinaire est que Ton
oi^tienne prompte obéissance dans les divers
offices de la maison : c'est la perfection de la
communauté; mais la perfection personnelle
s^ trouve peut-être dans deux ou trois roli-
ffieux sur cent, encore faut-il tenir compte
des misères qui ne quittent jamais Tnu-
manité.
La dernière est d'inspirer la crainte et
Tamour. C'est une qualité essentielle et un
don de Dieu, d'inspirer de la crainte aux
mauvais et de Tamour aux bons ; de la crainte
h la communauté qui ne peut marcher sans
une certaine cpaction de la ^art des supé-
rieurs, de r^mour aux individus. Un bon
supérieur doit être regardé de loin avec res-
pect et crainte, de près avec bienveillance
et amour; il doit être fprt et constant dans
le commandement, Tami des bons, le public
appréciateur de la vertu, et en même temps
xondescendre aux légères imperfections des
faibles, et tolérer les maux qui sont sans
Temèdes.
Aphorisme pour le gouvernement religieux.
— i. Imiter Jésus-Christ en toutes choses,
..c'est se disposer à bien gouverner.
% Celui-là ne gouverne pas comme un
père qui n'a pas les entrailles d'une mère.
3. Le tyran châtie pour faire souffrir, le
.père pour corriger.
k. Comoiander avec hauteur, c'est empê-
cher Tobéissance.
5. Si vous êtes un supérieur exemplaire,
vous êtes di|gne d'être obéi.
6. Le luxe dans le supérieur est une rai-
son de relâchement public.
7. Un supérieur sans oraison est un
. char sans limon.
8. Un supérieur sans prudence est inepte
dans sa lenteur.
^ 9. Un* supérieur sans expérience n'a
qu'une.prudence boiteuse.
io. Qui gouverne avec violence ne contient
. point les consciences.
11. Quand les fautes sont légères, le su-
périeur doit les excuser.
12. Un supérieur accusateur est moins
un bon père qu'un officier tiscal.
13. Celui qui aime trop son sentiment
en sera puni par ses préjugés.
1(. Celui qui ne gouverne pas en paix
ne doit gouverner jamais.
15. Introduire la politique dans la reli*
gion, c'est la conduire à la perdition.
16. Le supérieur sujet a la colère jelie
le trouble dans son monastère.
17. Un régime où abonde la blenveiU
lance sera doué d'une divine puissance.
18. Une grande rigueur est le régime
des esclaves.
19. Avec .un supérieur aux manières
affectées, on est sûrement ennuyé.
20. C'est un grand talent de savoir don-
ner à propos.
21. C'est aux frais de l'humilité d'atitrui
que le superbe étale sa propre vanité.
22. Les bonnes œuvres faites arec can-
deur sont un aimant qui attire le cœuravee
douceur.
23. Le dur commandement ne prOYO-
que pas la prompte obéissance.
24'. Une prudente dissimulation est quel-
quefois une utile correction.
25. Le scandale du pécheur demande de
la rigueur.
26. Chaque supérieur gouverne selon son
humeur.
27. La rigueur de la puissance fait it
tristesse de Tobéissance.
28. Ce n'est pas soigner le dehors, si
on néglige l'intérieur.
29. Celui qui prend les honneurs avec
des idées mondaines est troublé d'une anh
bition vaine.
30. Un bon supérieur n'est qu'un ho-
noré serviteur.
La sûreté du bon gouvernement nltjieM*
d'après Codifiez. — L Après la prudence, h
principale vertu du supérieur est la patience,
avec laquelle il supporte et ses propres mé-
lancolies et les inepties des autres : les aii-
tres vertus sont nécessaires seulement de
temps en temps, mais c'est h toute heure
qu'on a besoin de celle-ci, en toute action,
en toute occasion ; surtout si un supérieur
a besoin d'être en familiarité avec ses enne-
mis, dç traiter avec eux avec un visage
serein et avec bonne grâce.
IL Rien ne répugne à un ordre réformé
comme le vioe non réprimé, et non conrcna-
blemenl puni, et la vertu restant sans estime
et sans récompense; surtout si le viceafl-
lorîsé par l'exemple des anciens est con-
tinuellement en opposition avec Tordre.
JIL Un vice qui relâche considérablement
les liens de la religion c'est le défaut de
pauvreté, qui s'introduit par les permissions
f générales de recevoir et de donner. Cede-
àut attaque la vie reli^euse par la base et
la fait crouler tout entière.
IV. Les dignités et les honneurs ne chan-
gent pas les hommes, mais elles moD|reQt
ce qu'ils étaient intérieurement : tel qui P^'
raissait un sujet circonspect, s'il n'apasun
esprit vigoureux, paraîtra inepte; un autre
•paraissait. un sujet aujugement faible, par^
que son esprit manquant de matière à sVser-
cer, n'était point connu. Enfin, étant si»pw
religieux; on pouvait avoir les qualités or-
773
GDU^
D*ÂSCETISHE.
GRA
774
dînai rcs da religieux et manifester de grands
défauts, arrivé au pouvoir, défauts qui pa«
raissent à découvert par raclîon publique
des gouvernements; cest ordinairement les
penchants naturels mal comprimés qui pous-
sent à TexcèSy ou par défaut de capacité,
parce qu'on est débordé par sa position, ou
par déiaut de bonne volonté, parce qu on
n*est pas assez fondé dans les vertus.
V. Ceux qui ont une nature fièrè et arro-
gante, un esprit mauvais, ne se laissent ja-
mais bien gouverner par Tamour, il leur faut
la crainte. Les savants, s*ils manquent de
jugement , seront souvent un embarras
T'Our le supérieur. Ceux qui ont une intel-
ligence droite et une volonté dépravée, s'ils
obéissent par vanité avec une mauvaise
intention, ressemblent au démon qui fait
servir leur droite appréciation à exécuter
une détestable volonté. Si la méchanceté de
ces hommes ne se corrige pas, ils doivent
être traités avec sévérité, et si la sévérité
n'opère rien, il convient d'éloigner de tels
sujets de leur charge.
VI. Les vices qui ont leur origine dans la
fragilité et la violence de la tentation ad-
mettent facilement des remèdes. Mais les
Tices qui ont jeté de profondes racines dans
la nature déjouent tous les remèdes ; les
peines leur font baisser la tète, mais ne les
chassent pas; ceux qui sont vains et Gers et
en même temps insensés, ne sont pas capa-
bles d*humili(é. Ceux qui ont une intention
double et tortueuse seront perpétuellement
les détracteurs de leurs semblables et de
leurs supérieurs. Celui qui a un goût forte-
ment prononcé pour la nourriture fera diffi-
cilement pénitence. C'est 'ainsi que les
hommes vivent et meurent sons l'influence
de leurs passions et de leurs penchants.
Dieu cependant reste an-dessus de tout par
sa grâce.
VIL Un prélat remplira bien son office, ou
îl le remplira mal. d'il le remplit bien, il
sera en butte à la détraction des méchants;
•^il le remplit mal , à la détraction des
bons. Il doit donc ne pas perdre de vue qu'il
UL'St élevé qiie pour être un objet de
roDtradiction.S'il refuse cette passion, qu'il
renonce h l'élévation.
VIIL Tout dans ce monde est mêlé de
bien et de mal, iiar conséquent il faut savoir
prendre son parti des inconvénients qui
peuvent s'attacher k l'exécution des meilleurs
desseins. Ce sont des ombrer qui suivent la
lumière.
IX. Les sciences sont des actes d'intelli-
gence spéculative, raisonnant selon les règles
d'une perfection idéale. Biais la prudence
tieat compte des faits et obstacles existants
et s'applique à la pratique. Les génies habi-
les et prompts sont ordinairement plus pro*
près à l'enseignement qu'au gouvernement,
parce qu'ils manquent oe constance et sont
trop amateurs de nouveautés. C'est le cou- *
traire des hommes prudents* Ceci n'exclut
point de notables exceptions.
X. Les offices peuvent être à vie ou à temps, y
seloo l'occurrence des climats ou des temps. #
Chacune de ces manières d*élire un supérieur
a ses inconvénients et ses avantages.il faut
savoir se conformer aux circonstances et ne
demander la perfection à aucun mode.
XI. Quoiqu'un supérieur de communauté
puisse imposer des-préceptes nouveaux en
vertu de 1 obéissance, il est bon cependant
qu'il n'use de ce pouvoir que dans la der-
nière nécessité. Ce sont desremèdes extrêmes
que réclament des dangers imminents. Les
préceptes nouveaux sont sujets aux commcn-'
taires des subordonnés, et on leur trouve
toujours quelque motif de les violer : leur
nouveauté leur enlève de l'autorité, et quand
on a- commencé à discuter l'obéissance on
ne s'arrête pas dans cette voie.
XII. Un supérieur comme juge de son
sujet peut lui infliger des peines pour ses
fautes personnelles, et même pour les fautes
d'un tiers inconnu s'il refuse de le faire
connaître, car alors il est obligé de répon-,
dre.
XIII. La croix qui accable le plus lourde-
ment un sujet docte est un supérieur inepte,
lorsque surtout ce savant se conduit par sa
passion ou par son affection. La lenteur de
génie du supérieur ne pénètre point les
graves inconvénients qui résultent pour ces
sortes de sujets de son régime inintelligent.
Il leur faut une rertu robuste unie à leur
science pour supporter cette épreuve.
XIV. De même que le corps humain ne
peut être sain, vigourenx et agile, si on
n'expulse les humeurs malignes, aussi une
communauté ne peut fleurir et être forte de
vertus, si on n*élimiuc soigneusement en
commençant surtout par le noviciat, les su-
jets vicieux et incorrigibles. Une commu-
nauté est plus riche avec peu de bons sujets
qu'avec beaucoup de mauvais.
XV. Pour qu'on puisse dire que la justice
naturelle est oien observée, il n'est pas né*
cessaire que le supérieur ne se trompe ja-
mais dans l'exacte application des peines.
Quand même un innocent subirait quelque-
fois une peine légère sans la mériter, le
supérieur est eicusable s'il s'en est rapporté
à un témoignage, qui habituellement ne le
trompe pas. Cette erreur servira d'ailleurs è
l'innocent et le rendra plus parfait. Une
bonne administration ne peut exclure tous
les inconvénients. Il suffit que les choses
soient habituellement exactes et que l'admi-
nistration soit au fond paternelle.
XVi. Tous ceux qui ont un jugement dé-
pravé et obtus, les ignorants, les impra-
dentSySont incapables du gouvernement. Les*
jeunes gens sont rarement aptes. Il convient'
que, $i des jeunes gens admiAîstrent, ils
s'associent des anciens , d'abord pour avoir
une source où puiser des lumières, ensuite
pour acquérir oe bonne heure l'expérieuce;
enGn, dans le but de donner un contrepoids
à l'ardeor de la jeunesse dans la lenteur du
vieillard.
GRACE. ( Voir Vib 8miTVBLi.te. ) — La
grâce habituelle a plusieurs dénominations.
£He s'appelle habituelle^ parce qu'elle est
habituellement inhérente ^ l'Ame, ce qui le»
775
GHA
DICTIONNAIRE
GRA
771
distingue de la grftce actuelle ou surnatu-
relle, qui passe avec rillumination de l'es-
prit et .e mouvement de la volonté. Elle
s'appelle sanctifiante j parce qu'elle sanctiGe
riiomme. Elle s'appelle justifiante y parce
qu'elle le rend juste. Que la grâce habituelle
soit quelque chose d'inh'érent à l'âme d'une
manière intrinsèque et permanente, c'est
ce dont nous ne pouvons douter, malgré
les assertions de' Luther : car Dieu dit lui-
même que, par la grâce, il demeure et ha-
bite dans les justes > Nous viendrons à /ut,
et nous ferons auprès de lui noire demeure.
( Joan. XIV, 23. )
Comme l'âme est le principe des opéra-
lions rationelles, et Qu'elle exerce, par ses
f)uissances innées , I intelligence et la vo-
onté; de mAme la grâce sanciiQante, en
tant que vie spirituelle, a pour compagnes
des vertus infuses, par lesquelles, comme
par des puissances surnaturelles, Thomme
agit surnaturellement. Parmi ces vertus, les
unes sont théologiques ; ce sont celles qui
ont Dieu pour objet matériel, et pour obiet
formel quelqu'un de ses attributs. Elles
sont au nombre de trois, la foi, l'espérance
et la charité. Les autres sont morales : ce
sont celles qui ont rapport au bien créé par
un motif surnaturel , et elles se divisent
généralement en cardinales^ à savoir la pru-
dence, la justice, la force et la tempérance.
C'est h elles que se rapportent et se ré-
duisent les vertus morales. Toutes ces ver-
tus descendent en nous avec la grâce sanc-
tiGante.
Le concile de Trente n'ayant rien expres-
sément statué sur les vertus morales, les
théologiens discutent la réalité de leur pré-
sence dans lajustification. Néanmoins, l'opi-
nion affirmative de saint Thomas (t-2,
q. 63 , a. 3. } est plus commune et
plus probable. Elle est aussi suivie par le
Cathéchisme romain, qui, parmi les effets
du baptême, compte le glorieux cortège de
toutes les vertus, qui descendent dans Vâme
en mémejemps que la grâce sanctifiante.
Mais , pour que l'habitude des vertus in-
fuses se manifeste par des actes, nous avons
besoin du secours des grâces actuelles ou
du mouvement de l'Esprit-Saint, parce qne
l'homme ne peut se servir des habitudes
infuses sans une lumière et une pensée
surnaturelle et sans une pieuse affection de
la volonté.
< Ainsi nous Tenseig^ne l'Ecriture sainte :
Personne ne peut venir à mot, si mon Pire^
qui m'a envoyé ne l'attire, (/oan., yi, kk,) Car
c*est Dieu qui, par sa bonté, opère en vous le
vouloir et le pouvoir d'exécuter, (Philip, ii.
13. ) *
Si ces mouvements sont au-dessus de la
manière d'agir ordinaire et tendent â des
actes héroïques, ils prennent le nom de
dons du Saint-Esprit : ils sont au nombre
de sept, désignés en ces termes : L'Esprit
du Seigneur se reposera sur eux, l'Esprit de
sagesse et d'intelligence, l'Esprit de conseil et
de force, l'Esprit de science et de piété, lEs^
prit de crainte de Dieu, t
L'opinion la plus commune dansles écoles
est celle de saint Thomas, qui prélend que
l'homme reçoit les dons du Sainl-Espril cq
même temps que la grâce sancliflanle. Car,
dans la justiGcation, l'homme est uni à
[Rom, Yiii, 9.) Or, « ces dons, dit saint Tbo-
mas (1-2, q. 68, art. 3.), sont cer-
taines dispositions de l'homme, qui le dis-
posent à suivre fidèlement les inspiralioos
du Saint-Esprit De là les dons du Saint-
Esprit sont certaines habitudes par lesquelles
il devient propre à obéir au Saint-Esprit, i
Le Docteur Séraphique est d'accord avec le
Docteur angélique : « Ces dons, dit-il, parais-
sent être certaines habitudes gratuites, cer-
tains degrés que le Sainl-Espnt fait descun-
dre dans l'esprit de l'homme, pour le rendre
[)rêt et disposé h suivre les impulsiODs de
'Esprit-Saint. »
Mais, pour procéder avec plus de clarté^
il nous faut distinguer dans les dons du
Saint-Esprit l'habitude actuelle. Le don»
dans l'acte, consiste dans une certaine lu-
mière et dans de certaines inspirations, par
lesquelles le Saint-Esprit nous pousse inté^
rieurcment à certaines nobles opérations
qui sont au-dessus de l'humanité. Parfois
les actes de vertu que nous produisons ne
surpassent pas la manière dont elles sont
exercées ordinairement par le commun des
t' listes, et alors elles appartienoent auiha-
ûludes des vertus infuses. Parfois aussi ces
actes sont excellents , ont quelque cnose
d'héroïque et je ne sais quoi de divin, et
nous avons besoin, pour les produire, dune
im[)ulsion particulière et actuelle de l'Esprit-
Saint. C*est là ce qu'enseignent expressément
les saints docteurs que nous avons elles.
Saint Thomas (q. cit., art. 2.) dit, en parlant
de CCS dons excellents : «Ils rendent rhomoio
capable d'actes plus élevés que les actes des
vertus. » Saint Bonaventure dit à son toui .
<x La grâce se subdivise dans les habitudes
ou les degrés des sept dons du Saint-Esprit,
qui disposent les forces de rame à se sou«
mettre promptement et fidèlement aux rocu
vements du Sainl-Esprit, qui leur est donné
et qui agit en eux d'une manière en quelque
sorte surhumaine : ce qui ne peut toute-
fois se faire parfaitement, si ceis dons ne
guérissent et ne réparent les forces de re-
prit. » Ces mouvements internes, dirigés
vers les actes extraordinaires et surnaturels,
sont les dons du Saint-Esprit en aclet ou
autrement un don naturel de l'Esprit divin
L'habitude du don , ou lef don en habitude,
est une certaine qualité spirituelle, qui des-
cend en nous en même temps que la grâce,
et a cela de particulier, qu'elle incline et
dispose nos facultés à obéir plus facilement
au Saint-Esprit, toutes les fois qu'il nous
pousse à ces actes par une impulsion ei
une inspiration particulières.
D'après saint Thomas, ces dons nous sont
nécessaires pour acquérir la vie éternelle:
cela doit s'entendre des cas où quelqu uu ne
7TI
GRÂ
D'ASCbTiSME.
GRA
m
pourrait persévérer dans Tétat de grâce
sanctiOaote, sans produire quelaue action
de vertu héroïque. Par exemple, dans le cas
où quelqu'un pouvant se veoçer de quelque
grave offense» réprime son indignation et
pardonne à son ennemi ; ou bien dans le
cas où il faudrait choisir entre la perte de la
vie ou le renoncement à la foi. Alors, de
même que pour rester fidèle à Dien, on doit
exercer la vertu dans un degré héroïque,
de même, celui qui se trouve en pareille
circonstance, a besoin, pour être sauvé,
d'être puissamment aidé des dons du Saint-
Esprit.
Il 7 a des grâeeê données graiuitemeni^ qui,
par sol et tout d'abord, sont destinées au
salut des autres et sont des dons que Dieu
ne nous doit pas. On les appelle données
gratuitement, a défaut d'autre dénomination
particulière. Elles sont dites données pour
le salut des autres, en raison de leur fin im-
médiate, bien que celui qui les possède
poisse et doive s'en servir pour son propre
salut. L'Apôtre en compte neuf. Fotcî les
divisions des grâces : Uun reçoit de F Esprit
U don de parler avec sagesse; tin autre reçoit
du mime Esprit le don ae parler avec science;
un autre reçoit le don de la foi par le même
Esprit ; un autre^ la grâce de guérir les ma-
laaies; un autre^ le don des miracles ; un autre f
le don de prophétie; un autre, celui du dis-
cernement des esprits; un autre, celui de par^
Itr diverses langues ; un autre, celui de Vin-
ierprétation des langues, (i Cor. xu, fc, 8,
9, 10.) En voici la raison : Les grâces don*»
nées gratuitement sont les grâces données
à l'homme pour qu'il s'intéresse au salut des
autres ; et il ne peut y parvenir s'il ne con* -
naît parfaitement les choses divines, afin de
pouvoir instruire les autres.
1* 11 doit donc bien connaître les principes
des choses divines, ce qu'il fait par la foi ;
ensuite, tirer tes conclusions de ces sublimes
principes, et y puiser les moyens d'arriver
à ses fins, ce qu'il fait par la sagesse; enfin,
expliquer tes choses divines au moyen des
choses tiumaines, ce qu'il fait parla science.
2r 11 doit proposer d'une manière conve-
nable à ses auditeurs ce qu'il sait : il doit
donc leur parler un langage que ceux-ci
paissent comprendre ; c'estcequelui permet
de faire Vinterprétation et le don des langues.
St 11 doit pouvoir prouver ce qu'il avance,
et il le fait en guérissant miraculeusement
les maladies- par la grâce des guérisons; en
opérant des prodiges, c'est le don des mira-
des; en préclisant l'avenir , c'est le don de
prophétie ; en lisant au fbnd des cfBurs, c'est
ie d&scemcmetU des esprits.
Bellarmin et Suarez pensent que l'Apôtre
n'a lait que nommer les plus célèbres des
grâces données gratuitement. Aussi Suarez
y ajoute le «arac^e sacerdotal, X^juridiC"
iion dans le for intérieur et V assistance du
Saint-Esprit donnée à i'E^liSe et au Souve-
rain Pontife. Hais ces dernières ont moins
rapport aux grâces données gratuitement
qu'à l'administration et è l'opération, et
elles s'en distinguent en ce sens que les
DiCTioR!!. D'AscÉnsm. L
grâces données gratuitement impliquent un
acte manifestatiide la foi, tandis que l'ad*
ministration suppose l'autorité d'exercer un
acte relativement aux autres, et que l'opé-
ration est l'exécution du ministère.
Quelques-unes de ces grâces données gra-
tnitement existent dans .l'homme à l'état
d'habitude, telles que la foi, la sagesse et la
science, l'interprétation et le don des lan*
Ses : l'homme peut s'en servir à sa vo-
ité. Les autres sont en lui par une sorte
de mouvement actuel ; elles cessent d'exister
après la production de l'effet: telles sont la
grâce des guérisons, le don des mirades,
celui de la prophétie, le discernement des es*
Erits. Dans Jésus-Christ, h cause de l'union
ypostatique, elles ont toutes existé k Télat
d'habitude. La foi, prise comme grâce donnée
gratuitement, désigne une lumière spéciale
Sii rend l'homme propre è dévoiler les mys-
res de la foi. De même la sagesse et la
science, en tant qu'elles rendent l'homme
docile aux mouvements du Saint-Esprit,
sont des dons du Saint-Esprit; et en tant
qu'elles le rendent propre h instruire les
autres, elles sont des srâces données gra-
tuitement. La grâce des guérisons et le
don des miracles diffèrent en ce que,
dans la première, éclate plus particuliè-
rement la bonté de Dieu pour la misère
des hommes, puisqu'il les appelle à la foi
Kr des bienfaits ; tandis que les miracles
ot surtout éclater sa toute-puissance, qui les
invite à la foi par des prodiges.
La grâce gratifiante {gratum faciene) et la
grâce donnée gratuitement (gratis datay,
diffèrent entre elles : 1* quant à la fin, parce
que la gtkce gratifiante {gnUum faciens) se rap-
porte avant tout par soi à notre propre jus-
tification, tandis que la grâce donnée gratuit
tement se rapportée la justification d'autrui.
â* La grâce gratifiante, comme étant for-
mellement une grâce sanctifiante , n'est
propre qu'aux justes; et celle qui est donnée
gratuitement peut se trouver dans l'homme
injuste et pécheur. 3* La srâce gratifiante est
d'un ordre et d'une perfection plus élevés
que la grâce donnée gratuitement, parce que
la première nous unit à Dieu par elle-même,
tandis que l'autre ne le fait que par l'inter-
vention de la grâce gratifiante.
Puisque la grâce habituelle est la vie de
notre âme, chacun doit donc estimer son
âme au-dessus de tout. Dieu excepté, rela-
tivement à la vie de la grâce. Dieu lui-même
nous le recommande instamment. Ayez pitié
de votre âme en vous rendant agréables à
Dieu. {Eccli. xtx, 2i^.) Ces^mots nous mon-
trent qu'il nous faut non-Seulement nous
abstenir du péché mortel, qui nous fait
perdre entièrement la grâce, mais encore
chercher en toute chose le plus grand plai-
sir de Dieu, sans lequel la grâce ^t la ije
de l'homme s'attiédissent. Préférons dopifà
tout le reste la vie de la grâce ; méprwons
avec les saints martyrs les membres ne notre
corps, qui n'en sont en Quelque sorte que
les vêtements, puisque rame seule est en
quelque sorte l'iiomme tout entier, comme
S
H».
UR.V
mCT.ON.XAIRE
GRE
le remarque saint Ambroisie {De Itaac et
anima, c. 8) : ■ Nous sommes des âmes,
^it-il; nos membres sont dos rëteinents; il
fout coaserver les vêtements, do peur qu'ils
ne vieillissent ou ne se déchirent; mais
celai qui en fait usage doit se garder et se
i«QserTer lui-môme arec beaucoup plus de
soin. » \
De mftme- on doit fuir, plus que tous les
maux, la mort de l'âme par la privation de
)■ grAce. Ecoutons ces paroles chaleureuses
de saint Jean-Clirysosiome : « Ce mal est
f^tl-dessusde tout ce qu'on ou pcuNi'U.I'cltu
âme, temple de Jésus-ChrisI, organe do son
fisprit-Sflint, sanctuaire oCi tant de mystères
se sont accomplis, vous on avez fait un sé-
pulcre I vous avez transformé les membres
du CbrisL en un infâme lombeaul Qucllo
source de larmes, quels gémissemenu pour-
raient pleurer un si grand malheurî Répon-
dez, je vous prie : Si l'on voyait en celtô
Tille un homme porter de rue en rue un
cadavre înfect, qui ne prendrait la fuite?
Vous ^tes vous-m4me cet homme, et c'est
ninsi que vous portez en tout lieu une âme
morte et accablée de péchés. N'est-ce pas
plus aiTrcui encore? ■ (Hom. 74, m Matlft.)
Non-seulement notre âme, mais toutes les
Ames rachetées par le saiig de Jésus-Christ,
doivent nous enuammer d'une sainte ardeur,
et rien ne doit nous arrêter pour lus rivîQer
par la grâce. C'est là l'esprit sous rinspiralion
duquel les hommes ajiosioliqucs ont par-
couru tous les endroits de l'univers, pour
gagner k Jésus-Christ des âmes, même au
prix de leur sang. C'est par cetesprit que les
prélats et les docteurs de l'Eglise s'efforcent,
par leurs paroles et leurs écrits, de con<
duire les âmes dans la voie du salut. C'est
par cet esprit que les âmes saintes, qui font
de Dieu leur unique occupation, chercbent
avec ardeur, par leurs ferventes prières et
leurs rigides morliGcations, à procurer la
vie et le salut des âmes. Ainsi sainte Ca-
therine de Sienne disait en extase à sou
divia Époux : ■ Puissé-je, tout en conservant
l'union de votre amour, être placée i; l'en-
trée de l'enfer, pour en fermer l'ouverture,
(lu manière que personne ne puisse désor-
mais y entrer; je serais au comble de
la joie de pouvoir ainsi sauver tous mes
proches. ■
Dieu nous vivifie par sa grâce: par elle
il habite spécialemept en nous , et il nous
iustiSe par son amour et par cet ineffable
bienfait: ^MiOM donc Dieu à notre tour.
le don de la grâce divine, auquel les ipA-
tres se préparèrent pend.int dix juarsdani
le Cénacle. (Xcl. I, Ik.) Il faut:!' Prier)
S° prier tous ensemble; 3* prier avecUiriu,
mère de Jésus, et avoir confiance en son
intercession; V prier humblement et recon»
naître ses infirmités ; 6° prier dans le secret
de sa demeure , afin d'exciter sa dévoiioDt
6' prier avec persévéracce, et préparer t
Dieu l'habitation de son cœur. C'est ainsi
qu'il allumera dans nos cœurs le feu de l'a-
mour du Saint-Esprit.
Toute vie aime ft exercer les opéralons
vitales qui lui sont propres ; et comme lagrSca
e$t la vie surnaturelle de l'âme, l'opératioa
doit nécessairement répondre h la grlce.
Or celte opération consiste dans les actes et
l'exercice des venus. « La vie spirituelle,
dit Avarez dePaz(/)e vit. ipir., I, I. u,c.5),
n'est autre chose que l'exercice deshooncs
oeuvres ; exercice par lequel nous servons
Dieu pour Dieu, nous progressons dans la
vertu et la sainteté, et nous méritons celle
vie bienheureuse pour laquelle nous avons
été créés. ■ Les textes sacrés nous en four-
nissent des preuves : Le royaume de» eina
toulfre violence, et ce sont les violenligui
remportent. {IHalth. xi, 12.) Courex il ma-
ntVre à remporter le prix ( / Cor. ix, Ht. )
Le Chrétien doit donc se faire violence et
courir dans la carrière, afin de ravir le
royaume des cieux et du recevoir une cou-
ronne incorruptible : et il arrive h ce résultat
par l'exercice des vertus, ( foir le mot
Vertc.)
GRÉGOIRE LE GRAND ( Saint ), d'ane
illustre famille romaine.fut préleur (le Rome
en 573. Le mépris des grandeurs huroaioei
le porta à se retirer dans un monastère,^ il
avait fait hâtir sous l'invocation de saiet
André. En 58i, il devint secrétaire du Pipe
Pelage II, auquel il succéda en 590. Il ter-
mina saintement sa vie le 12 mars GOl. De
tous les Papes, saini Grégoire est celui doul
it nous reste le plus d'écrits. Les priocipaai
sont : 1* Son Ptutoral ; c'est un traité de)
devoirs des pasteurs , et l'on ne saurait trop
leur en recommander Ja lecture; — 2* D«s
Boméliei ; — 3° Des Commenlairei «ir /o*,
pleins de leçons propres è former les mœon:
ce oui les a fait appeler les Moralei dt «M
Grégoire; — k° Des Dialogues sur lesmirt-
cles de plusieurs saints d'Italie; — S*0om
livres de lettres.
GRÉGOIRE DB NtsSb (Saint ] , évêq» d*
cette ville, naquit en Lappadoce vers33l-
Frère de Basile le Grand , U se moalradi-
pmsqu'ii nous a aimés le premier. (I Joan. _
IT, 19. ) Préparons-lui une demeure, et ne gne de lui par ses vertus et par sel taleots.
laissons pas s'éloigner un hAta aussi su- Il s'appliqua de bonne heure aux belles-lil-
s'éloigner i
blime. Si' la présence de Dieu en nous ex-
cite plus de crainte que d'amour, rappe-
lons-nous qu'il est notre Père , et nous ne
Sourrons retenir l'expansion de notre amour
liai. Si, lorsque nous pensons qu'il est
notre P^ , je respect arrête l'amour , sou-
venons-noas qu'if est noire Époux, et nous
serons transportés d'amour. Pour acquérir
cet amour de Dieu , ou pour le conserver ,
nue fois acquis , il faut prier : car c'<;sl là
très et aciquit une profoncîe énidîtioo. 1
livra particulièrement à l'étude des satnls
livres. Elevé sup le siég'j épîscopal de Njsit
eo 372 , it signafa son zèle contre les héré-
tiques, qui vinreni à bout de le faire etiler
par l'empereur Valens, en 37b. Il fut rappel*
par Théodose en d76. Il,a*»i]ta ensnileia
concile d'Antioche et à celai deCoosianii-
nople, en 381. Cet illustre saint mourut ea
39ti,.dans un âge fort avancer >^f^^ XH*''
ni
GUI
D^ASCETISMB.
GUY
78t
nom de Mre det Pires, Ses ouvrages ont été
publiés eo S vol. in-folio. Les principaax
sonl:l* Des Oràûom funèbres; — 3* des
Sermons ; — 3* des Panégyriques des saints ;
- k" des Commentaires sur V Ecriture; —
S* Des Traités dogmatiques.
GRÉGOIRE DE TOURS fui le plus bel orne*
laeDt de TEglise de Tours après saint Mar-
tin. Gilles, archevêque de Reims, le sacra
évêque de Tours en 573. Par son zèle il. Qt
fleurir la religion et la piété. Il rebâtit sa
cathédrale fondée par saint Martin» et plu-
sieurs autres églises.
L'histoire nationale et ecclésiastique lui
est redevable de monuments gue rien ne
peut remplacer pour jeter du jour sur les
érénements duv*etvi* siècle; mais sa sain-
teté lai a donné un bien autre lustre , elle
était si éminente » qu'il fit plusieurs mira-
cles de son vivant ; et si modeste qu'il les
attribuait au mérite de saint Martin. Ses
œuvres ascétiques sont : 1* Deux livres de.
la Gloire des martyrs ; — 2" un livre de la .
Gloire des confesseurs ; — 9* quatre livres
des Mjiraeles de seUnl Martin ; — 4** un livre
des Fies des Pires. Ses livres sur la Gloire
des confesseurs et la Vie des Pires sont ceux
qui intéressent le plus ceux qui pratiquent
la rie spirituelle. * .
GRENADE ( Louis de ) , né Tan 1S0& à
Grenade , prit Tbabit de Saint-Dominique ,
et Tillustra nar ses vertus et par ses écrits.
La reine Catlierine » sœur de Charles-Quint , .
loi offrit le siège de Prague , mais il le re-
fasa , et y fit nommer à sa place le pieux
don Barthélemi des Martyrs. 11 mourut en
li8B. Ses ouvrages ascétiques sont : 1* Le
Guide des pécheurs;-^ ^ le Mémorial de la
tie chrétienne » 3 vol. ; — 8* un Catéchisme ,
ItoI.; — &*un Traité de F oraison ^ 3 vol.
Ces ouvrages ont été traduits ^en français
Kr Gaillaome Girard , archidiacre d'Angou-
m. Louis de Grenade est un des maîtres
de Pascétisme.
GRIFFET ( Henri ) , Jésuite , prédicateur
do roi , né k Moulins en 1098 , mourut en
1T71 k Bruxelles * où il 8*était retiré après
la suppression de la Société en France. Ses
OQvrages sont fort nombreux et dans tous
les genres. Parmi ses livres de piété , on
remarque son Année chrétienne ^ 18 vol.
in-ia.
GUIGNES, cinquième général des Ghar-
treox, naquit dans le xi* siècle au château
de Saiot-Romaîn en Dauphiné. U gouverna
m ordre pendant trente ans avec beau-
coup d'attention et de sagesse» et s'acquit
QDe grande réputation par sa piété, son
^uenoe et son érudition. 11 a laissé un
livre intitulé : Statutaordinis Carthusiensis^
iMbl., et des Méditations^ in-lS, dans ia
Bibiiùthiemf des Pires.
6D1LBBRT (Pierre), Simple clerc, précep-
l^ar des pages du roi, • né en 1691, mou-
rut en 1759, laissant plusieurs ouvrages
Ustoriques. Ses oBuvres de piété sont : 1* Je-
«w eu Caltairef 1781 ; — * une Tradue^
tioft d« Tamour pénitent. 8 vol. in-lS.
GOILLADUE. profès de Saint • Nicaise^
élu en 1119 abbé de Saint-Thierrj, naquit»
è Liéee, d une famille noble, vers la On du
XI* siècle. Il fut étroitement lié d*amiti6
avec saint Bernard, qui lui écrivit plusieurs
lettres et lui dédia son Traité de la grdee
ei du lUMre arbitre. Il abdiqua en 1133 et
embrassa Tinstitut de Clteaux à Tabbaye de
S^Soy» près de Mézières, où il composa ses
ouvrages. Ce fut lui qui sonna Falarme con-
tre les nouveautés d Abailard et le mît aux
prises avec le saint abbé de Clairvaux. Il
mourut è Signy vers 1150. Ses ouvrages as-
cétiques sont : 1* des Méditations insérées
dans la Bibliothèque des Pères^ L;^on, 1677;
— 2* De natura et dignitate amoris^ dans les
OËuvres de saint Bernard;— 3* des Comment
taires sur le Cantique des cantiques^ dans
la Bibliothèque de Cîteaux ;— b*" la r te de saint
Bernard^ dans les Acta sanetorum.
GUILLAUMB d'Auvergne, évoque de Pa*>
ris, gouverna sagement cette Eglise, fonda
des monastères, opéra des conversions par
ses sermons, et mourut en 12U. On a de
lui des Sermons et des Traités sur divers
points de morale et de discipline, recueillis
en 2 vol. in-fol., 167fc.
GUILLAUME de Paris, archevêque de
cette ville, depuis 1228 jusqu'en 12^5 • fit
de grands efforts pour faire fleurir les let-
tres eu France. Il avait des connaissanoes
variées, il avait approfondi Platon et Aris-
tote; mais il possédait encore liiieux la
science de Dieu; il a laissé aux émes
pieuses d'excellents ouvrages à méditer, en-
tre autres V Abrégé des vertus ; le Livre de la
pénitence ; le CloUre de Pâme ; la Profession
du novice. Ces ouvrages s'adressent surtout
aux religieux.
GUYON (Jeanne Bouvier de la Motte,
dame), née h Montargis, en iWtS, de Claude
Bouvier, seigneur de La Motte- Vergonville»
maître des requêtes. Elle voulait se con-
sacrer au cloître ; mais d'après les instances
de ses parents, elle épousa, à Tflge de seize
ans, le fils de l'entrepreneur du canal de
Briare, appelé Guyon. Devenue veuve à
vinet-cing ans, avec dé la beauté, du bien,
de Ta naissance et un esprit fait pour le
monde, elle donna dans une spiritualité
singulière, où l'on crut reconnaître les tra-
ces du quiétisme. Un voyage qu'elle fit à
Paris, la mit à même de lier connaissance
avec d'Arenthon, évoque de Genève, qui,
touché de sa piété, rappela dans son dio-
cèse. Elle sy rendit en 1681, et passa en-
suite dans le pavs de Gex. Il y avait alors
dans celte contrée un Lacombe, Farhabite
savoyard, directeur fameux, qui communi-
3ua ses idées à madame Guy on, et tous
eux se mirent à prêcher le renoncement
entier à soi-même, le silence de l'Ame, l'a-
néantissement de toutes les puissances,
une indifférence totale pour la vie ou la
mort , pour le paradis ou l'enfer. Cette vie
n'était, en suivant la nouvelle doctrine,
qu'une emiieipation de rouvre, qu^une extase
ans réveil. L'évêqne de Genève, instruit du
progrès que disaient ces deux apdtres d'une
mysticité suspecte, les chassa I^vn et rauiro!
tas
DlCTIO»NAirtE.
3* Biseoun chréliatu, 2 vol.; — b* IMncini
et le \ouvtau Tatammt, avec da ixplica'
lioru et dei réflexions, 20 vol. in-8';-
5* des Leltret tpirituellet , k roi. in-8*; —
6* des Canliguei tpiritueit et dos Ym myi-
ligues. Ses OËuvres compreonent en tuul
39 volumes. On remarque dans tous ses
écrits de rimsgiaaiion, du feu, de l'élé-
gance, et encore plus d'extraragancp, sur-
tout quand on prend les choses à la lettre.
Il est cepenaHut impoesible de jnstitier
M"' Gujon, si tout ce que ses écrits coolien-
nent est effectivement d'elle; oiais c'est de
quoi douteront probablement' ceui qui ver-
Ils passèrent de Gex à Tlionoa, puisa Turin, cipaux ouvrages da celltt femme sont'
de Turin à (IreDoble, de Grenoble fa V«rceil, 1' Les Torrents ipiritueli, lo Moyen court
et enfin, fa Paris; et partout ils se firent ef Irii-fadle de faire orai$on, eDe Cmlim
des" prosélytes. Les jeûnes, les courses, tes des cantiques expliqué :ia-B^;—î^ f:i Vit,
etuiRrins, achevèrent d'affaiblir leur cerveau, écrite par elle-roéine, en 3 vol. in-12, Co-
Uadame tiuj'On fut enfermée en 1688, par logne, 1720; do toutes les productions de
wdre du roi, dans le couvent de la Visita- madame Guyon, c'est ta moins commune;
tion de la rue Saint-Antoine, fa Paris ; ayant '** "■' -' — "•' — " — ' - *■* " *- -' -
recouvré sa liberté par le crédit de madame
da MaintenOn, elle parut fa Versailles et à
Saiut'Cyr. Les duchesses de Cbarrost, du
Chevreuse, de Beeuviliiers, de Morlemarl,
touchées de l'onction de i^on l'kxiui'iife et
de la chaleur de sa piété ^ionceL'i iLiidre,
la regardèrent comme une viiiili; tinti.' pour
amener le ciel sur la terre. LVibbé de téae-
loni alors précepteur des e:;riii's de Friince,
se fit un plaisir de form i ;ivi.'c ellu un
commerce d'amitié , de dcvDliou ri de
spiritualité, inspiré el conduit par la vertu,
el si fatal depuis à tous les deux. Madame . . . , . . . , .
Guyon , fière de son illustre disciple* se ront le testament qu'elle fil snr le point de
servit de lui pour donner de la vogue à ses mourir, et où après avoir fait sa profession
idées mystiques ; elles les répandit surtout de foi de la manière la plus entière et la plus
jusque dans la maison de Saint-Cyr. L'évé- touchante, elle ajoute : « JedoisfaiaTériiéet
que de Chartres, Godet-Desmaresl, s'éleva pour ma justification, protester ar^c ser-
contre la nouvelle doctrine. Un orage se ment qu'on a rendu de faui témoignggei
formait; Madame Guyon crut le dissiper contre moi, ajoutant fa mes écrits, me Taisent
en confiant tous ses écrits fa B)ssuet. Ce direetpensercefaquof jen'avaisjamaispensi',
prélat, l'évoque de ChAlons, depuis cardinal et dont j'étais infiniment éloignée; qu'on a
de NoailleS , l'abbé Tronsoo , supérieur contrefait mon écriture diverses fois; qu'on a
de Sainl-Sulpice, et Fénelon, assemblés fa joint la calomnie è la fausseté, me faisanldes
Issy, dressèrent trente-quatre articles. On interrogatoires captieux, ne voulant pas
voulait par ces articles proscrire les maii- écrire ce qui me justifiait, et ajoutant t
mes pernicieuses de la fausse spiritualité, mes réponses; mettant ce qae je ne disait
et mettre à couvert les saines maximes de pas, supprimant les faits vérilooles; je m
la vraie. Madame Guyon, retirée à Meaux, dis rien des autres choses, parce que je par-
les souscrivit, et promit de ne plus dogma- donne tout et de tout mon cœur, ne Tuuianl
liser. On l'accusa, mais elle n'en convint pas même en conserver le souvenir.! (Fdji»
pasi de n'avoir pas tenu parole. La cour, FÊitELoa.
fatiguée des plaintes qu'on portait contre Les principales erreurs que Bossuet re'
elle» la fit enfermer d abord fa Vincennes, marqua dans ses livres, peuvent se rappor-
Euis fa Vaugirard, el enfin k la Bastille, ter aux quatre suivantes, d'après U. ùasr
'affaire du madame Guyon produisit une selin.
dispute sur le ouiVltime entre Fénelon et L La perfection de l'homme, même ik»
Bossuet. Ce différent ayant été terminé par cette vie, cunsiste dans un acte continuel lie
la condamnation du livre des Maximes des contemplation et d'amour .qui renferme eo
lainit (Voir ce mut}, et par la soumission lui seul tous les actes de reli^on , et (fiu
(le l'illustre auteur de cet ouvrage, madame une fois produit, subsiste toujours, t moins
Guyon sortit de la fiasiille en 17(â, et qu'on ne le révoque expressément. Ce pria-
mourut à Blois en 1717, dans les transports cipe, une fois supposé ou expliqué dans les
de la piété la plus afi'ectueuse. L'abbé de écrits de U*" Guyon, est énoncé en terme)
La Btelterie a écrit trois lettres, estimées et formels dans une lettre imprimée à U sni/"
rares, dans lesquelles il la justitie dos de son ouvrage intitulé : J^ym courM"^
calomoiesqueseseonemisavaieiiliuventécs, facile àe faire oraison, t ie voudrais, dit Ig
)X)ur noircir sa vertu. Malgré des lettres P. Faluoni, auteur de cette lettre, que lou
interceptées du Barnabite Lacomlieà son vos jour«, vos mois, vos années, votre iie
élève et de l'élève fa son maître, lettres toutentiëre fût employée dans une aclecoii-
(eudres et vives, les gens sensés regardé- tinuet de contemplation, avec unefoi lapl"'
reot toujours Lacombe et madame Guyon simple, et un amour le plus pur possible-"
comme ONix personnes irréprochables aans. Eu cette disposition, quand vous vous met-
leurs mœurs ; c'étaient, selon toute appa- trez en prière, il ne sera pas toigours oe-
reiice, des Ames bien intentionnées, mais cessaire de vous donner fa Dieu de noureiu
qui cherchant fa approfondir les voies puisque vous l'avez, déjfa fait : car, eoauat
exlraordiuaii-es par lesquelles Dieu coniluit si vous donniez un diamant fa votre aiaie,
quelques cœurs à lui, ségarëreut,au moins
aans le langage, et dans la manière d'é-
noncer les choses qu'il faut abandonner
tout unimvut uu secret de Dieu. Les prin-
aprèa l'avoir mis entre ses mains, il oe fau-
drait plus lui dire et lui répéter toas les jours
que vous lui donnez cette bague, que 'o^
lui en faites présent ; il ne laudnit (lu* '<'
785
BâB
D^ASCETISME.
liAB
78(>
laisser entre %es mains sans la reprenore....
Ainsi, quand une fois ?ous Toas êtes abso-
lument mise enlre les mains de Notre-Sei-
gneur par on amourenx abandon, vons n'avez
qu'à demeurer là (170). »
II. il suit de ce principe, et a noaTelle
mystique parait en conclure qu'une Ame
arriTée à la perfection n'est plus lenue aux
actes explicites, distingués de la charité;
qu'elle doit supprimer généralement et sans
exception tous les actes de sa propre indus-
trie, comme contraires an parfait repos en
Dieu. « Il £iut, dit-elle , seconder le dessein
de Dieu, qui est de dépouiller Tâme de ses
propres opérations, pour substituer les sien*
nés eo leur place. Laissez-le donc laîre , et
ne vous liez a rien par tous même; quelque
bon qu'il paraisse, il n'est pas tel alors pour
tous, s'il tous détourne de ee qneDieu veut
de TOUS.... Il faut que tout ce qui est de
l'homme et de sa propre indostrie si noble et
relevé qu'il poisse être, il faot, dis-je, que
tout cela meure (171).
IlL Dans ce même état de perfection, l'âme
doit être indifférente à tout, pour le corps et
{lour Tàme, pour les biens temporels et éter-
nCfS. • Pour ia pratique de raoaooon, elle
doit être de pérore sans cesse toute volonté
propre dans la volonté de Dieo; renoncera
toutes les volontés particulières, qoelooe
bonnes qo'elles paraissent, dès qu'on les
sent naître* pour se mettre dans l'indiffé-
, rence; et ne vouloir qoe ce que Dieo a
voulu dès son éternité; être indifférent à
tout, soit pour le corps, soit pour l'âme,
1)0ur les biens éternels et temporels; laisser
e passé dans l'oubli, l'avenir à la providence»
. et donner le présent à Dieu, » etc. (t73|.
lY. Dans l'état de contemplation parfaite,
l'Ame doit rejeter toutes les idées distinctes,
et par conséquent la pensée même des al-
tributs de Dieu et des mystères de Jésus-
Christ. « Dès que l'Ame commence à recou*
1er à son Dieo, comme on fleore dtos son
origine, elle doit être toote perdoe et abî-
mée en loi; il faot même qo'elle perde la
Tue aperçue de Dieu, et tonte connais-
sance distincte, toote petite qo'elle soit ; alors
une Ame sans avoir pensé a aocon état de
• Jésos-Christ , depuis dix oo ringt ans, con-
serve toute la force de cette pensée impri*
mée en elle-même par état (173). »
H
HABIT RELIGIEUX. — L'habit religieux
€«t un vêtement uniforme que portent les
reHgieux et les religieuses, et qui marque
Tordre dans lequel ils ont fait profession.
Les fondateurs des ordres monastiques qui
ont d'abord habité les déserts, ont donné à
leurs religieox le vêtement gu'ils portaient
eux-mêmes, et qui était ordinairement ce-
lui des pauvres. Saint Athanase, parlant des
habits de saint Antoine, dit qu'ils consis-
taient dans on cilice de peaox de brebis, et
dans on simple manteao. Saint Jérôme écrit
qoe saint Hilarion n'avait qu'un cilice, une
ftaie de paysan et on manteau de peau ; c'é-
tait alors rhabit commun des beigèrs et dqs
montagnards, et celui de saint Jean-Baptiste
était à peu près semblable. On sait que le
eilice était ou tissu grossier de poil de chè-
vre. Aujourd'hui encore, en Egypte et sur
les cAles de l'Afrique, les jeunes gens de
l*un et de l'autre sexe se passent de tout vê-
tement jusqo'à la poberté, et le premier
babît qu'ils portent est un carré de toile
dont ils s'eveloppent le corps, et qu'ils lient
avec une corde.
Saint Benoit prit pour ses religieux l'ha-
bit ordinaire des ouvriers et des hommes
da commun. la robe longue qu'ils p)rtaient
par-dessus était l'habit de chœur. Saint Fran-
çois et la plupart des ermites se sont bornés
de même à l'habit que portaient de leur
temps les gens de la campagne les moins
(170) Lettre da P. Falcoal , à la suite du Moyen
eomri et irèt- facile de faire oreàson^ p. 157. etc.
(171) Moyen court, etc., n* 17 et 21, p. 68 et
aises, habit toujours simple et grossier.
Les religieux qui se sont établis plus ré-
cemment dans les villes, ont retenu com*
munément l'habit que portaient les ecclé-
siastiques de leur temps, et les religieuses
ont pris l'habit de deuU des veuves. Si dans
la suite il s^y est trouvé de la différence,
c'est que les religieux n'ont pas voola
suivre les modes nouvelles que la temps a
fait naître»
Ainsi saint Dominique fit porter à ses
disciples l'habit de chanoine régulier, qu'il
avait porté lui-même, les Jésuites, les Har-
uabites, les Théatins, les Oratoriens, eic, se
sont habillés à la manière des prêtres espa-
gnols, italiens ou français, selon le pays
dans lequel ils ont été établis. Dans I ori-
gine, les différents habits religieux n'avaient
donc rien de bizarre et d'extraordinaire; ils
ne paraissent tels aux beaux esprits d'aujour-
d^hoi, que parce que l'habit laïque a changé
continuellement, et quo l'habit religieux a
été transplanté d'un pays dans on autre.
On a (ait beaucoup de railleries au sujet
de la dispute qui a régné fort loi^lemps en-
tre les Cordeliers, touchant la forme de
leur capuchon; il y a peut-être du ridicule
dans la manière dont la question a été agi-
tée. Quant au fond, les religieux n'ont pas
tort de vouloir conserver l'nabit pauvre .et
simple qui leur a été donné par leurs fonda-
teurs. Quelque changement que Ton y fasse,
fl7i) Moffen courte etc. n* 6, p. 98.
173) Interprétai, inrles Centitiueê^ chi 6, n* *..
pag. 115, lU. (Manuscrit de M-"Giiyoii,iiirili»ic U*
tonctiU.)
WI
fllAB
MCnOXNAIRE
BAB
7»
il n*j a jamais rien k gagner pour la rëgota-
lilé; jamais les religieux n'ont cbercbé à se
rapprocher des modes sécalîères qu'après
avoir perdu l'esprit de leur état.
Nous ne pouvons nous abstenir de copier
à ce sujet les obserrations de i'abt>é Fleury
( Mœurs deê CkréP,, n* 5^ ) : « Si les moines,
aira*t->oilt ne prétendaient que de TÎTre en
bons Cbrétiens* pourquoi ont*ils affecté un
extérieiir si éloigné de celui des autres bom-
9fees? à quoi bon se tant distinguer pour des
cbMee indifférentes 7 Pourquoi cet habit, cette
figure, ces singularités dans la nourriture,
dans les heures du sommeil, dans le loge-
ment? En un mot, à quoi sert tout ce qui les
fait paraître des nations différentes répandues
entre les nations chrétiennes 7 Pourquoi en-
core tant de diversité entre les divers ordres
religieux, en toutes ces choses qui ne sont ni
commandées , ni défendues par la loi de
Dieu 7 Ne aembJe-t-ii pas qu'ils aient voulu
frapper les yeux du peuple pour s'attirer du
respect et des bienfaits? Voilà ce que plu-
sieurs pensent et ce que quelques-uns di-
sent, jugeant témérairement, faute de con-
naître l'antiquité. Car, si l'on veut se donner
la peine d'examiner cet extérieur des moi-
nes et des religieux, on verra que ce sont
seulement les restes des mœurs antiques
q^u'ils ont conservés fidèlement durant plu-
sieurs siècles, tandis que le reste du monde
a prodigieusement changé.
n Pour commencer par l'habit, saint Be-
noit dit que les moines doivent se conten-
ter d*une tunique avec une cuculle, et un
scapulaire pour le travail. La tunique sans
manteau a été longtemps l'habit des petites
gens, et la cuculle était un eapot que por-
taient les paysans et les pauvres. Cet habil-
lement de tète devint commun à tout le
monde dans les siècles suivants, et comme
il était commode pour le froid, il a duré
dans notre Europe, en?iron jusqu'à deux
cents ans d'ici. Non*seulement les clercs et
les gens de lettres, mais les nobles mêmes
et les courtisans portaient des capuches et
des chaperons de diverses sortes. La cuculle
marquée par la Règle de Saint-Benoit servait
de manteau, c'est la colle ou coule des
moines de Clteaux; le nom même en vient,
et le froc des Bénédictins vient de la même
origine. Le scapulaire était destiné è cou-
vrir les épaules pendant le travail et en
portant des fardeaux.... Saint Benoit n'avait
donc donné è ses religieux que des habits
communs des pauvres de son pays, et ils
n'étaient guère distingués que pàv l'unifor-
mité entière, qui était nécessaire afin que
les mêmes habits servissent indifféremment
à tous les moines du même couvent. Or, on
ne doit point s'étonner, si depuis près de
douze cents ans, il s'est introduit quelque
diversité pour la couleur et pour la forme
des habits entre les moines qui suivent la
Règle de Saint-Benott, selon les pays et les
diiférentes réformes; et quant aux ordres
religieux qui se sont établis depuis près de
cinq cents ans, ils ont conservé les habits
iu'il5 ont trouvés en usage. Ne point porter
de linge parait aujourd'hui une mode aus-
térité ; mais l'usage du linge n^st deTeou
commun que lon^mps après saint BenoH;
on n'en porte point encore en Pologne et
dans toute la Turquie, on couche sans draps,
à demi-véttt. Toutefois même, avant Ynsm
des draps de lingCt il était ordinaire de
coucher nu, comme on fait encore en Italie;
et c'est pour cela que la règle ordonne aux
moines de dormir vêtus, sans ôter mAme
leur ceinture.
c De même à l'égard de la nourriture, des
heures, des repas et du sommeil^ des absti-
nences et du jeûne, de la manière de se lo-
ger, etc. ; les saints qui ont donné la rèsie
aux moines, n'ont point cherché à introduire
de nouveaux usages ni à se distingaer par
une vie singulière^ Ce qui fait paraître au-
jourd'hui celle des moines extraordinaire,
c'est le changement qui s'est fait dans les
mœurs des autres hommes. Ainsi les Chré-
tiens doivent remarquer exactement ce qui
se pratique dans lès monastères les plus ré-
guliers pour voir des exemples Yiyants de
la morale chrétienne. Non-seulement les
ecclésiastiques et les religieux, mais les
laïçiues mêmes qui aspirent à la perfection
doivent garder une certaine modestie dans
leurs vêtements ; saint François de Sales
nous en a tracé cette règle : < Saint Paul, •
dit-il, « veut que les femmes dévotes (il eu
« faut dire autant des hommes), soient re-
« vêtues d'habits bîenséans,se parant avec pu-
« dicitéet sobriété. Or la bienséance des oa-
« bits et autres ornements dépend de la ma-
« tière, de la forme et de la netteté. Quant à
« la netteté, elle doit presque toujours être
« égale en nos habits sur lesquels, tant qu'il
« est possible, nous ne devons laisser aucune
< sorte de souillure et vilenie. La netteté ei-
« térieure représente en quelque sorte i'bon-
« nêteté intérieure. Dieu même requiert
« l'honnêteté corporelle enceuxquis'appro-
« chent de ses autels, et qui ont la charge
« principale de la dévotion.
«Quanta la matière et à la forme des
ff habits , la bienséance se considère par
« plusieurs circonstances du temps, de Tâge,
« des quadités, des compagnies et des oca-
« sions.On se pare ordinairement mieui les
«jours de fêtes, selon la grandeur du jour
« qui se célèbre; en temps de pénitence
« comme en carême, on se démet bien fart,
« aux noces, on porte des robes nuptiales;
« et aux assemblées funèbres les robes de
« deuil ; auprès des princes on rehausse ritftf»
« lequel on doit abaisser entre les dooestl-
€ ques. La femme mariée se peut et doit or-
« ner auprès deson mari, quand il ledésire:
« si elle en fait de même en étant éloignée,
« on demandera quels yeux elle veut favoriser
« avec ce soin particulier. On permet plus
« d'afliquets aux filles, parce qu'elles peuvent
« loisiblement désirer d'agréer à plusieurs,
« quoique ce ne soit qu'afin d'en gagner un
« par un saint mariage. On ne trouve pas nou
« plus mauvais que Tes veuves è marier se
« parent aucunement, pourvu qu'elles nefas-
; « sent point paraître de folâlreries, d'autant
DASCETiSltt.
IlEb
Tta
qu*a?aDl d4jk élé mères de ISunilles, et passé
par les regrets du TeuTage, on tieni leur
esprit mûr et attrempé. Mais quant aux
vraies veuves qui le sont noo-seuiement de
eorps, maia aussi de cœur, nul ornement
ne leur est convenable, sinon rhumililé, la
modestie et la dévotion ;carsi elles veulent
donner de Famour aux hommes, elles ne
sont pas de vraies veuves, et si elles n*en
veulent point donner, pourquoi en portent-
elles les outilsTQui ne veut recevoir les hô-
tes, doit Ater l'enseigne de son logis. On se
moque toujours des vieilles gens quand
elles veulent fiire les jolies, c*est une folie
qui n'est supportable qu*à la jeunesse.
«Soyez propre, Philothée» qu il n'j ail rien
sur vousdetraJoant et mal agencé; c'est un
mépris de ceux avec qui Ton converse, d'al-
ler entre enxen habit désagréable ; mais gar-
dez-vous biendesafféteries, vanités, curio-
sités et felâtreries i tenez-vous toujours
autant que possible, du cAté de la simpli-
cité et de la modestie, qui est sans doute le
plus grand ornement de la beauté et la
meilleure excuse pour la laideur. Saint
Pierre avertitsurtout les jeunes femmes de
ne point porter leurs cheveux si fort erépés,
frisés, anoèlés et serpentes. Les hommes
qui sout assez vains pour s'amuser à ces
mugueteriest sont décriés, partout comme
hermaphrodites ; et les femmes vaines sont
regardées comme imbéciles en chasteté ; et
si elles en ont, elle n'est pas visible parmi
tant de fttras et de ba^telles. Ondit qu'on
o'j pense pas mal, mats je réplique comme
je l'ai fait ailleurs, que le diable y peuse
toujours* Pour moi, je voutlrois (jue mon
dévot et ma dévote fussent toiuours les
mieux habillés de la troupe, mais les moins
pompeux et attèctés, et comme le dit le
proverbe,'qu'ils fussent parés de grftce, de
bienséance et de dignité. Saint Louis dit en
un mot qu'on doit se vêtir selon son état;
en sorte que les sages et les bons ne puis-
sent dire : Vous enlaitestrop, ni les jeunes
gens : Vous en faites trop peu. Mais dans ce
cas, comme les jeunes gens ne veulent pas
se contenter de la bienséance, il se faut ar-
rêter à l'avis des sages. » ( Inirod. à la
Vie dévoie. )
OfiSTÉNIUS (Benoit), né à Utrecht, se
fil Bénédictin et établit la réforme dans Tab-
liave d*Afflîgem, dans le Brabant; il mourut
le '31 juillet i&kS, â^é de soixante ans,
après avoir publié plusieurs pieux et savants
oolrrages^ entre autres DiêquiêUioneê ma-
na$iieœ9 très-estimés.
HAIRE.— Petit vêtement tisss de crins,
qui enveloppe le corps. Uest rude etpiquaiit.
Les religieux et quelques autres personnes
très^uslères le portent sur la chair pour
se mortifier et se livrer à une eitrême péni-
tence. (Foy. MomTIFIGATIOH. )
HAMON (Jean ), docteur en médecine de
la Faculté de Paris, né à Cherbourg, mort
à Port-Boyal des Oumps, en 1687, à l'âge
de soixante-neuf ans, était depuis trente ans
dans cette retraite, à laquelle il ae consacra
pour acquérir les vertus chrétiennes ; mais
i^ é<Aoua toujours devant celles qui font
nécessaires pour se soumettre aux décisions
de l'Eglise. Ses principaux ouvrages ascé-
tiques sont: 1* Des So/i/ofues en latin, tra-
duits en fran^is par l'abbé Goujet, sons le
titre de Géim$$emmis d^un cmur cArAtdi,
etc.; — 2* Un Reeueit de ditere iraiiée de
piéié , Paris, 1675, 3 vol. în-lS ; — 9La pra-
tique de la prière caniiauellè^ in-lS ;-^ fc^ Cn-
ireiiéae Suae âme avec Dieu, traduits j^ar
Dom Jean-Baptiste 1^arei;^Sr Explication
du Cantique aee eantiqueef k vol. in-12.
HARnUS (Henri), pieux Cordelier, né k
Hetph en Brabant, fit paraître un zèle émi-
nent dans la direction aes âmes, et moumt
à Malines en 1477. On a de lui un grand
nonlbre d'ouvrages ascétiques, écrits en flS'
mand et traduits en latin et en français,
ainsi que sa Théologie mystique,
HAuTESEBRE ( Antoine-Dadine ra ), pro-
fesseur de droit à Toulouse, naquit dans le
diocèse de Cahors et mourut en 1683, âgé
de quatre-vingts ans, regardé oomme un des
plus habiles jurisconsultes de France. Outre
Ï plusieurs écrits de jurisprudence, on a de
ni un Traité deê ascétiquee ou De Foriqtme
de PAai mouoetiquorn
HADTEy]LIE(NiCfi1as), docteur en théo-
logie de la Faculté de Paris, que l'on erott
originaire d'Auvergne, et qui écrivait au
XVII* siècle, est auteur de plusieurs ouvrages
qui font honneur à son érudition et à ses
connaissances dans les sciences ecclésias-
tiques. On a de lui : !• Explication du Traité
de saint ThomaSf des attriouts de Dieu^ pour
former Vidée d'un Chrétien savant et spirituel;
— 3* Les caractères ou les peintures de la vie
et- de la douceur du B, François de Sales;
Lyon, 1661, in-8";— 3* Actions de saint
François deSales^ ou les plus beaum traits de
sa vie; Paris, 1768 ; — hr Théologie angélique,
1658.
HÉGOUMÈNB ou Hteunèn a. — C'était un
supérieur de religieux. Dans les monastères
des Grecs, des Russes et des nestoriens,
outre la dignité d'archimandrite, qui répond
à celle des abbés réguliers, on distingue des
héguminest qui paraissent leur être subor-
donnés, et qui ont un chef nommé exarque,
dont les fonctions sont analogues h celtes
des provinciaux d'ordre 11 est parlé des
hégumènes dans le règlement qne Pierre le
Grand fit publier pour l'Eglise de Russie, en
1718, et l'on trouve dans le Pontifical de
rfi^lise grecque la formule de leur bénédic*
tion, aussi bien que celle de l'eiarque.
MELICITES, ou Eigètbs, HsiciTES, Hici-
TBS.— Les hélicites étaient des fanatiques
du VI* siècle qui menaient une vie solitaire.
Us faisaient principalement consister le ser-
vice do Dieu à chanter des cantiques et à
danser avec les religieuses, pour imiter,
disaientHis, Texemple de Moïse et de Marie.
Cette folie ressemblait t>eaucoup à celle des
niontanistes, que l'on nommait ascites ou
ascodrutes; mais leur secte avait disparu
avant le vi* siècle. Les hélieiiee paraissent
donc avoir été seulement des moines relâ-
chés, qui avaient pris un goût ridicule pour
7M
UER
D^ASGETISIIE.
UER
m
ja daose. Leur nom peut être aerive du grec
aix9y ce fut tourne^ et on le leur avait pro-
..bablemeut donné à cause de leurs danses
en rond.
. HÉLYOT (Pierre), religieux de Saint-
François, né à Pans en 1660, mourut en
.1716, à Paris, âgé de cinquaote^six ans,
après avoir oqcoçé différents emplois dans
son ordre« Il était aussi pieux que savant.
On a de lui quelques livres de dévotion,
dont le plus connu est Le Chrétien mourant,
in-12-
HENRI d*Ubimaria, théologien du xiv*
siècle, natif de Thuringe, de l'ordre des Er-
mites de Saint-Augustin, a laissé divers ou-
vrages de piété dont on ne connaît plus
même les tilres.
liERMJTES ou Hbmutbbs. ^ Les hernu-
tes ou hernuters étaient une secte d*entbou-
siasles, introduite de nos jours en Moravie,
en Hollande et en Angleterre. Les partisans
sont encore connus sous le nom de Frères
moraves ; mais il ne faut pas les confondre
. avec les Frères de Moravie ou les huttériteSf
qui étaient une branche d'anabaptistes.
Quoiaue ces deux sectes aient Quelque res-
semblance, il parait c^ue la plus récente,
celle dont on parle ici, n'est point née de
la première. Les Aerntifei sont aussi nommés
zinzéndorQens par quelques auteurs. On
.retrouve dans leur doctrine plusieurs traces
du faux mysticisme. Le ftfrndfûfne doit son
origine et ses progrès au comte Nicolas^Louis
de Zinzendorf, né en 1700, et élevé à Hall
dans les principes du quiétisme. Sorti de
cette université en 17Si , il s'appliqua k
Texécution du projet qu'il avait conçu de
former une société, dans laquelle il pût
vivre, uniquement occupé d'exercices de
dévotion dirigés à sa manière.. Il s'as-
, socia quelques personnes qui étaient dans
ses idées, et il établit sa résidence à
Bertboisfort dans la haute Lusace, terre
dont il fit l'acquisition. —Un charpentier de
Moravie, nommé Christian David, qui avait
été autrefois dans ce pays-là, engagea deux
ou trois de ses associés k se retirer avec
leurs familles à Bertholsdorf. Us y furent
accueillis avec empressement; ils y bâtirent
une maison dans une forêt, à une demi-lieue
de ce village. Plusieurs particuliers de Mn-
' ravie, attirés par la protection du comte de
Zinzendorf, vinrent augmenter cet établis-
sement, et le comte vint y demeurer lui-
. même. En 1728, ily avait déjà trente-quatre
maisons, et en 1733, le nombre des habitants
était de 600. La montagne de Hutberg leur
donna lieu d*appeler leur habitation But-
Der^Hern, et dans la suite Hernut^ nom qui
peut signifier la garde ou la protection du
Seigneur ; c'est de là que toute la secte a pris
le sieff. — Les hemutes établirent bientôt
entre eux la discipline qui y règne encore,
qui les attache étroitement les uns aux autres,
qui les partage en différentes classes, qui les
met dans une entière dépendance de leurs
supérieurs, qui les assiijettit à des pratiques
do dévotion et à des menues règles sem-
blables à celles d*un institut monastique.
La différence d'&ge, de sexe, d'état, rehtire-
ment au mariage, a formé parmi eux les
différentes classes, savoir : celle des oàaris,
des femmes mariées, des veufs, des veuves,
des filles, des garçons, des enfants. Chaque
classe a ses directeurs choisis parmi ses
membres. Les mêmes emplois ou'exercent
les hommes entre eux sont remplis entre les
femmes par des personnes de leur sete. 11
y a de fréquentes assemblées des différeo-
tes classes en particulier, et de toute la so-
ciété ensemble. On y veille à l'instruction
de la jeunesse avec une attention particu-
lière; le zèle du comte de Zinzendorf Ta
quelquefois porté à prendre chez lui jusqu'à
une vingtaine d*eniaots, dont neuf ou dix
couchaient dans sa chambre. Après les aroir
mis dans la voie do salut, telle qu'il la coq*
cevait,il les renvoyait à leurs parents.
Une grande partie du culte des bernutes
consiste dans le Chant, et ils y attachent la
plus grande importance; c'est surtout par
le chant, disent-ils, que les enfants s'içs-
truisent de la religion. Les chàotres de la
société doivent avoir reçu de Dieu un don
Erticulier; lorsqu'ils entonnent à la tète de
ssemblée, il faut que ce qu'ils chantent
soit toujours une répétition exacte et suivie
de ce qui vient d'être prêché. —A toutes les
heures du jour et de la nuit, il y a, dans lo
village d'Hernut, des personnes des deux
sexes, chargées par tour de prier pour la
société. Sans montre, sans horloge ni réTeii,
ils prétendent être avertis par un sentiment
intérieur de l'heure à laquelle ils doivent
s'acquitter de ce devoir, s^ils s'aperçoivent
que le relâchement se glisse dans leur so-
ciété, ils raniment leur zèle en célébrant des
agapes ou des repas de charité. La voie du
sort est fort en usage parmi eux ; ils s'en
servent souvent pour connaître la volonté
du Seigneur.
Ce sont les anciens qui font les mariages;
nulle promesse d'épouser n*est valide sans
leur consentement. Les filles se dévouent
au Sauveur, non pour ne jamais se marier,
mais pour n'épouser qu'un homme à lé-
gard duquel Dieu leur aura fiait connaître
avec certitude qu'il est régénéré, jtistruit
de l'importance de l'état conjugal, et amené
par la direction divine à entrer dans cet
état.
$n 1748, le comte de Zinzendorf fit rece-
voir à ses frères moraves la confession
d'Auçsbourg et la croyance des luthériens,
témoignant une inclination à peu pris égalo
pour toutes les communions chrétiennes;
il déclare même qu'on n'a pas besoin a«
changer de religionpour entrer dansiasociélé
des bernutes. Leur morale est celle de II-
vangile ; mais en fait d'opinions dogmati-
ques, ils ont le caractère distinctif du fena-
tisme, qui est de rejeter la raison et le rai-
sonnement, d'exiger que la foi soit produite
dans le cœur et par le Saint-Esprit seul.
Suivant leur opinion, la régénération nul
d'elle-même, sans qu'il soit hesoin de riw
faire pour y coopérer. Dès qu'on est rég^
néré, on devient un être Jibrei c'est ccpeo-
795
BER
p^ASCETISMC.
IIES
tK
daol le Sauveur du monde qui agit toujours
dans le régénéré^ et qui le guide dans toutes
ses aetioDS. C'est aussi en Jésus-Cbrist que
toute la divinité est concentrée» il est l'ob-
jet principal ou plutôt unique du culte des
nernutes; ils lui donnent les noms les plus
tendres» et ils révèrent très^dévotement la
f)laie qu'il reçut dans son côté sur la croix.
Jésus-Christ est censé l'époux de toutes les
sœurs» et les maris ne sont» à proprement
parler» que ses procureurs. D'un autre
côté» les sœurs bemutes sont conduites h
Jésus par le ministère de leurs maris» et
Ton peut regarder ceux-ci comme les sau-
veurs de leurs épouses en ce monde. Quand
il se lait un mariage» e*est qu'il 7 avait une
sœur qui devait être amenée au véritable
époux par le ministère d'un tel procureur.
Ce détail de la croyance des bernutes est
tiré du livre d'Isaac Lelong, écrit en hol-
lafidais» sous le titre de Merveilleê de Dieu
envers son Eglise f Amst.» 1775» in-8*. Il ne
le publia qu'après l'avoir communiqué au
comte de Zinzendorf. L'auteur de l'ouvrage
intitulé Londres f qui avait conféré avec
quelques-uns des principaux bemutes d'An-
gleterre» ajoute» tom. II, p. 196, qu'ils re-
gardent l'Ancien Testament comme une his-
toire allégorique; qu'ils croient la nécesilé
du baptême; qu'ils célèbrent la cène à la
manière des lulnériens» sans expliquer quelle
est leur foi touchant ce mystère. Après avoir
reçu l'eucharistie» ils prétendent être ravis
eo Dieu et transportés hors d'eux-mêmes.
Ils vivent en commun comme les premiers
Gdèles de Jérusalem; ils rapportent à la
masse tout ce qu'ils gagnent» et n'en tirent
que le plus strict nécessaire. Les cens ri-
ches y mettent des aumônes considérables.
Cette caisse commune qu'ils appellent la
caisse du Sauveur^ est principalement desti-
née à subvenir aux frais des missions. Le
comte de Zinzerdorf» qui les regardait comme
la principale partie de son apostolat, a en*
Yoyé de ses compagnons d'œuvre presquepar
tout le monde; lui-môme a couru toute l'Eu-
rope» et il a été deux fois en Amérique. Dès
1733» les missionnaires du hernutisme avaient
déjà passé la ligne ( our aller catéchiser les
iièçres» et ils ont pénétré jusqu'aux Indes.
Suivant les écrits du fondateur de la secte»
eu 17fc9, elle entretenait jusqu'à mille ou-
vriers évangéliques répandus par tout le
monde; ces missionnaires avaient déjà fait
plus de SOO voj^ages par mer. Vingt-qua-
tre nations avaient été réveillées de feur
assoupissement spirituel ; on prêchait le her-
nutisme en vertu d'une vocation légitime»
en quatorze langues, à 20»000 Âmes au
moins ; en6n» la Société avait déjà 98 éta-
blissements» entre lesquels se trouvaient des
châteaux les plus vastes et les plus magni-
fiques. 11 y a sans doute de l'hyperbole
dans ce détail, comme il y avait du fana-
tisme dans les prétendus miracles par les-^
quels ce môme comte soutenait que Dieu
avait prolégé les travaux de ses mission--
naires.
PERSAN (Marc-Antoine), professeur d'é-
loquence au collège royal» se ratiraà Corn-
piëgne»oi!l il fonda un collée, et mourut âgé
de soixante-douze ans» en 172^^. Outre plu-
sieurs autres. ouvrages» on a de lui desJPen-
sées édifiâmes sur la mort. Rollin a été un
de ses disciples.
HESICHASTES. — Moines grecs» qui en-
seignaient le quiétisme vers le milieu du
XI* siècle.
Siméon le Jeune, abbé de Xérocerce» avait
porté fort loin les exercices de ia vie con-
templative; il avait donné des maximes
pour s* y perfectionner» et ses moines priaient
et méditaient sans cesse.
Comme la gloire de Dieu était l'ûlget de
tous leurs vœux» elle était le sujet de toutes
leurs méditations. Ils s agitaient» tournaient
la têle» roulaient les yeux et faisaient des ef-
forts incroyables pour s'élever au-dessus
des impressions des sens» et pour se détacher
de tous les objets qui les environnaient» et
qui leur semblaient attacher l'âme à .la
terre. Tous les objets se ccmfosoaient alors
dans leur imagination; ils ne iwyaieni rien
distinctement; tous les corps disparaissaient
et les Gbresdu cerveau n'étaient plus agitées
aue (mr ces espèces de vibrations qui pro-
uisent ces couleurs vives qui naissent
comme des éclairs» lorsque le cerveau est
comprimé par le gonflement des vaisseaux
sanguins.
Les disciples de Siméon, dans la ferveur
de leurs méditations» prirent ees lueurs
pour une lumière céleste» et les jegardèrent
comme un rayon de la gloire des liieolieu-
reux. Ils croyaient que c'était enregardant
le nombril que cette lumière s'oÉraità eux.
On blâma ces visionnaires. Siméon» abbé
de Saint-Mammas» prit leur défense, et traita
comme des hommes charnels et terrestres
les ennemis des hésychastes, qui jouirent
de la liberté de se procurer» par leurs mé-
ditations» les visions qui les rendateat heoH
reux.
Au commencement duxiv* siècle» Grégoire
Palamas» moine du mont Atbos» qui avait
quitté la fortune et les boaneurs pour la rie
monastique» adopta les règles que Siméon
le Jeune avait prescrites et:l<is AccrécBlB.^. >
11 écrivit sur la nature de <celte . iusnièdo
que les contemplatifs apercevaient & leur
nombril : il prétenUit qu'elle n'était point
différente de la lumière qui avait paru sur
le Thabor; que cette lumière était jncréée et
incorruptible, quoiqu'elle ne fût point l'es.*-
sence de Dieu; c'était une opération de la
Divinité; sa grâce» sa gloire» sa sjriéndeur»,
qui sortai ent de son essence.
Un moine» nommé Bariaam, attaqua le
sentiment des hésychastes sur la nature de la
lumière qui avait paru sur le Thabor, et
prélendit que cette lumière n'était |)oint
incréée; que le sentiment de Palamas sem-
blait admettre plusieurs divinités sut^rdon-^
nées, et émanées de la divinité substan-
tielle.
On assembla un concile pour décider cette
question qui commençait à faire du bruit» et
Ton condamna Bariaam. .
ns
REU
DICTlONNàmS
HEU
m
AcyndinuSf autre moine, entreprit la dé-
fense de Bariaam ; on assembla un concile
pour juger Acyndinus; il fut conraincu
il'âtre du sentitnent de fiarisam, et de croire
la lumiàre du Thabor une lumière créée;
on condamna Acjrndinus et Bariaam; on
imposa silence sur ces contestations, et l'on
défendit, sous peine d'eicommunication,
d'accuser les moines d'hérésie.
Les hésycbastes ou palamites ne crurent
pas devoir se borner a cette victoire; ils
remplirent Gonstantinople de leurs écrits
contre Bariaam» répandirent leur doctrine,
persuadèrent; et Gonstantinople fui remplie
de quiétistes qui priaient sons cesse, et ^ui,
les yeux naisses sur le nombril, attendaient
toute la journée la lumière du Thabor. Les
maris quittèrent leurs femmes pour se li-
vrer sans distraction à ce sublime exercice,
et les hésycbastes leur donnaient ta tonsure
monacale : lès femmes se plaignirent, et les
quiétistes remplirent Gonstantinople de
trouble et de discorde.
Le patriarche ordonna aux hésycbastes de
se contenir; ils ne déférèrent ni à ses avis,
ni à ses ordres; il les chassa de la ville ; il
assembla un concile composé du patriarche
d*Antioche et de plusieurs évèques : ce con-
cile condamna Grégoire Palamas, ses opi-
. nions et ses sectateurs.
Ceci se passa sous Timpératrice Anne,
pendant l'exil de Gantacuzène; mais lorsque
Cantacuzène se fut rendu maître de Gons-
tantinople, l'impératrice Anne et Jean Pa-
léologue, voulant se servir de Palamas pour
faire leur paix, le firent absoudre dans un
synode qui condamna le patriarche Jean; ce
pairiarcne étant mort, Gantacuzène fit élire
a sa place Isidore,' sectateur zélé des opi-
nions des hésycbastes.
Les barlaamites) se séparèrent de la com-
munion d'Isidore : pour rétablir la paix entre
ces deux partis, les .deux empereurs Gan-
tacuzène et Jean Paléologuc (iront assembler
un concile composé dé vingt-cinq roéiropo-
litains, de quelques évèques, de plusieurs
prêtres et moines : on cita à ce concile les
eoneiùis de Palamas; on examina leurs ac-
cusations et les réponses de Palamas ; on
traita ensuite de lalumièredu Thabor. Quel-
ques jours après, on se rassembla pour trai-
ter à fond quelques qûestionsqui regardaient
l'essence |et l'opération divine. L'empereur
proposa lui-même toutes ces questions ; on
rapporta tous les passages des Pères pour les
expliquer : on examina avec le môme soin
toute la doctrine de Barlnam; on reçut la
profession de foi des moines du mont Athos,
el l'on condamna Bariaam, Acyndinus et
tous ceux qui croyaient que la lumière du
Thabor était créée ; ce concile fut tenu vers
l'an 13i5.
Le nombre des ouvrages composés pour
et contre les hésychastes est très-considt^ra-
ble; ils sont encore pour la plupart manus-
crits; il y en avait beaucoup dans la bibiio-
(thèciuedeCoissin.
HEURES GAN0NIALE3. — Loç heures
^canoniales sont des prières que Ton fait
dans l'Eglise catholique k certaines heures,
soit du jour, soit de la nuit, et qui ont été
réglées et prescrites par les anciens canons;
elles sont au nombre de sept, savoir: Ma-
tines et Laudes, Prime, T!erce,.Sexte, NoDe^
Vêpres et Gomplies. Cette suite de prières
se nommait autrefois le cours, ewrwa. Le
P. Mabillon a fait une dissertation sur la
manière dont on s'en acquittait dans les
églises des Gaules; il Ta intitulée : Da cum
Gallicano; elle se trouve à la suite de son
ouvraçe De IHurgia GalUcana. 11 obserre
que, dans les premiers siècles^ l'office diria
n'a pas été absolument uniforme dans les
différentes églises des Gaules, mais que peu
è peu l'on est parvenu à l'arranger de même
partout ; que cet usage de prier et de louer
Dieu plusieurs fois pendant le jour elpen*
dant la nuit, a toujours été regardé comme
un devoir essentiel des clercs et des moines.
En effet, saint Gyprien (L.de orat. Ho*
min.) observe que les anciens adorateurs
de Dieu avaient déjà coutume de nrier
h rheure de Tierce, de Sexte et deNooe;
et il est certain d'ailleurs que les Juils
distinguaient les quatre parties du jour par
la prière et par des sacrifices. Saint Cjpnea
ajoute : « Mais outre ces heures, observées
de toute antiquité, la durée et les mystères
de la prière ont augmenté chez les Chré-
tiens Il faut prier Dieu dès le matin, le
soir et pendant la nuit. » Tcrtullien avait
déjà parlé de ces différentes heures. [Dtû-
jun., c. 10, etc.; ÛRiaèNB» De orai.y il H;
saint Glément d'Alexandrie, Strom.^lyiu
ch. 7.)
Suivant l'observation de plusieurs auteurs,
le premier décret que l'on connaisse, coq*
cernant l'obligation des Heurté canonidti,
est le 2i^* article d'un capitulaire dressé au
IX* siècle par Hevton ou Riton , évêque k
Bâie, pour les ecclésiastiques de son diocèse.
Il i)orte que les prêtres ne manqueront ja-
mais aux Heures eanoniates du jour ni de la
nuit. Mais cela ne prouve pas que l'évéqiu)
deBAle faisait une nouvelle institution; il
avertissait seulement les prêtres et surtoai
les curés, que leurs autres fonclioos ne les
dispensaient pas deis Heures canonialtSi noa
plus que les autres clercs. BinghanO) quieo
a recherché l'origine, prétend que l'usage
en a commencé dans les monastères delO-
rient, et qu'il s'est introduit peu à peu dans
les autres églises. Il parait bien plu^ prO'
bablc que cet usage a commencé dans les
grandes églises, où il y avait un clergé nom-
breux, el qu'il a été imité par les roolow;
du moins 1 on ne peut pas prouver posiU-
vement le contraire. Bingham convient qco
saint Jérôme, dans ses îeWres d iff/aelû
Dimitriade, et Tauleur des CmiUf^
apostoliques, ont parlé de cet usage ; il éiait
donc établi sur la fin du iV siècle.
Mais il prétend que cela s'est fait P^
tard dans les églises des Gaules, queio"
n'y en voit aucun vestige avant le vi* sïèciei
et que, dans celles d'Espagne, l'usage en e?
encore plus récent. Cependant Gassien»<]'"
vivait dans les Gaules, au conomcnceiueu»
TfT
BEC
D'ASGETISME.
HEU
196
da ▼* siàde, a fait ira traité du chant et des
prières noctum.es; il dît que dans les mo-
nastères des Gaules on partageait Tofficedu
ioor en quatre Htwrt$^ savoir : Prime^ Tierce»
Sexte et None, et il fait mention de Toffiee
de la nuit la Teille des dimanches.
Les différentes Heures cananiaieê sont
composées de psaumes, de cantiques, d'hym-
nes, de versets, de legons, de répons , etc.
Comme tous ces offices se font en public,
personne n'ignore la méthode que Ton y
observe, ni la variété qui s'y trouve, suivant
la différence des temps , des jours et des
fêtes. Dans les églises cathédrales et collé-
giales, et dans la plupart des monastères de
rnn et de Tautre sexe , ces Heura se chan-
tent tous les jours ; dans les autres, on ne
les chante que les jours de fête, et on les
récite les jours ouvriers. Tous les ecclésias-
tiques qui sont dans les ordres sacrés, on
qui possèdent un bénéfice, tous les religieux,
excepté les Frères.lais, sont tenus de les
réciter en particulier, lorsqu'ils ne le font pas
an chœur.
Les MatineSy qui sont la première partie
de l'office canonial, se chantent ou se réci-
tent, ou la veille, ou è minuit, ou le matin;
de là on les a nommées YigiliœfOfficiumnoe-
tumum^ et ensuite Borœ matutinœ. Pendant
les premiers siècles de TEglîse, tant que
durèrent les persécutions, les Chrétiens fu-
rent obligés de tenir leurs assemblées et de
célébrer Ta liturgie pendant la nuit et dans
le plus grand secret. Cette coutume conti-
nua dans la suite, surtout la veille des
grandes fêtes, et on l'observe encore k pré-
sent partout; dans la nuit de Noël. Plusieurs
ordres religieux et quelques chapitres
d'églises catfaédirales, comme celui de Paris,
commencent tous les jours Matines à minuit.
Dans les CaiM^i7tt/tofi« apo$tolique$f I. viii,
ch. 34, il y a une exhortation générale
laite à tous les fidèles de prier le matin,
aux heures de Tierce, de Seite et de None;
le soir, au chant du coq. Un concile de Car-
thage, de Tan 398, canon 49, ordonne qu'un
clerc oui s'absente des Vigiles, hors le cas
de maladie, soit privé de ses honoraires.
Saint Jean Chrysostome, saint Basile, saint
Epiphane et plusieurs autres Pères grecs
du IV* siècle, font mention de l'office de la
nuit qui se célébrait dans TOrient ; plusieurs
ont cité l'exemple de David, qui dit dans le
psaume cxtiii : Je me /frais au milieu de la
nuit pour vous adresser mes louanges.,,. Je
vous ai loué sept fois pendant le jour^ etc.
Cassien {De cant, noct,) dit que les moines
o*Egypte récitaient douze psaumes pendant
la nuit, et y ajoutaient deux leçons tirées
du Nouveau Testament.
On prétend que cette partie de la prière
publique fut introduite en Occident par
saint Ambroise, pendant la persécution que
lui suscita fimperalrice Justine, protectrice
des ariens; maisl^ passagesque nous avons
cités deTertullien et de saint Cyprien, nous
semblent prouver que cet usage était déjà
établi en Afrique avant saint Ambroise , et
ii n'est pas probable qu'on Tait négligé dans
l'Eglise de Rome. Saint Isidore de Séville,
dans son Livre des Offices ecelésiasUquss^
ap^lle celui de la nuit vigiles et Nocturnes,
et -il appelle Jfoltnet celui que nous nom-
mons a présent Laudes.
Il résulte de ces observations que l'ordre
et la distribution de l'office de la nuit n'ont
pas toujours été absolument tels qu'ils sOnt
aujourd'hui; aussi la manière de le célébrer
n'est pas entièrement la même chez les
Grecs que chez les Latins. On commença
d'aborci par réciter ou chanter des psaumes;
ensuite on y ajouta des leçons ou lectures
tirées de l'Ancien ou du Nouveau Testament,
une hymne, un cantique, dés antiennes, des
répons, etc. On voit néanmoins dans la Règle
de Saint-Benoit, dressée au commencement
du VI* siècle, qu'il y avait déjà beaucoup de
ressemblance entre la manière dont se fai-
sait pour lors l'office de la nuit, et «elle que
l'on suit aujourd'hui.
Dans l'office des dimanches et des fêtes,
les Matines sont ordinairement divisées en
rois nocturnes, composés chacun de trois
psaumes, de trois antiennes, de trois leçons,
précédées d'une bénédiction et suivies d'un
répons. Mais pendant le temps pascal et les
jours de férié, on ne ditqu*un seul nocturne;
après le dernier répons, l'on chante ou Ton
recite l'hymne ou cantique Te Deum^ et l'on
commence les Laudes, autre partie de l'office
de la nuit, que l'on ne sépare jamais de la
précédente sans nécessité. Celle-ci est com-
posée de cinq psaumes, dont le quatrième
est un cantique tiré de l'Ecriture sainte; d'un
capitule, qui est une courte leçon; d'une
hymne, du cantique de Zacharie, et d'une
ou de plusieurs oraisons»
Lts incrédules , censeurs-nés de toutes
les pratiques religieuses, demandent è quoi
sert de se relever la nuit, de sonner les clo-
ches, de chanter et de prier, tandis que tout
le monde dort ou doit dormir. Cela sert à
faire souvenir les hommes que Dieu doit
être adoré dans tous les temps; que l'Eglise
ne perd jamais de vue les besoins de ses
enfants; que, comme une tendre mère, elle
est occupée d'eux, même pendant leur som-
meil ; qu'elle demande pardon h Dieu de^
désordres qui régnent pendant lanuit,aussi
bien que deceux qui se commettent pendant
le jour. Nos épicuriens modernes ne crai-
gnent pas de troubler le sommeil des mal-
heureux, par le tumulte des plaisirs bruyants
auxquels ils se livrent pendant une partie
de la nuit.
Vheure de Prime est la première de l'office
du jour ; on en rapporte Tinstitution aux
moines de Bethléem, et Cassien en fait men-
tion dans ses Institutions de la vie monasti"
que, liv. ni, ch. k. Il appelle cet office Matu-
tina solemnitas, parce qu*on le disait au point
du jour, ou après le lever du soleil; c'est ce
que nous apprend l'hymne attribuée à saint
Ambroise, Jam lucis orto sidère, etc. Cassien
l'appelle aussi Novella tolemnitass parce que
c'était une pratique encore récente, et il
ajoute qu'elle passa bientôt des monastères
aOrient dans ceux des Gaules.
7M
HEU
D1CT1079NA1RE
noR
Sdo
Cette partie de l'office divin «si la plus^
Tariée dans les bréviaires des divers dio-
cèses; on y dit trois psaumes après une
hymne, assez souvent le svmbole de saint
Athanase, uncapilaïe» unréponsy des prières,
une oraison; on y fait la lecture du Martyro-
loge etduNécrologe^suivied'un De profundis
et d'une oraisdn pour les morts; on y ajoute
plusieurs versets tirés de rEcrilure sainte,
et la lecture d'un canon tiré des conciles ou
des Pères de l'Eglise; mais tout cela n'est
pas observé dans tous les lieux ni tous les
jours. (BiTfGHAV, Orig. eccUs.f t. V, liv. xii,
c. 9, § 10.)
Quant aux heures de Tierce, Sexte et
None, appelées les petiUs Heures , elles pa-
raissent être d'une institution plus ancienne;
les Pères, qui en ont parlé, disent qu'elles
sont relatives aux divers mystères qui ont
été accomplis dans ces différentes parties
du jour, surtout aux circonstances de la
passion dû Sauveur. Elles sont composées
uniformément d'une hymne, de trois psau-
mes, d'un capitule, d un répons et d'une
oraison.
L'Aeure de Vépret ou du soir , est appelée
duodectma dans quelques auteurs ecciésias-
églfses, on finit par une anlietine et une
oraison à la sainte Vierge.
Les auteurs ascétiques ont été persuadés
que les sept Heures canoniales font allusion
aux sept principales circonstances de la pas-
sion et de la mort du Sauveur; el on Ta
exprimé dans les vers suivants:
MaluLina ligal Christum qni crlmina soItU,
Prînui replet spailîs, caas.lin dal tertia mortis;
Sexta cruci necUt, latus ejus nona bipenit,
Vespera depoulu lumulo Compleu raiionit.
Par tout ce détail, il est clair oue Te
divin, h la réserve des hymnes, aes leçons
tirées des écrits des Pères et des légendes
des saints, est entièrement composé de
prières et do morceaux tirés de rEcritore
sainte, qu'ainsi ce livre divin est très-fami-
lier^ un ecclésiastiq[ue Gdèle à réciter son
bréviaire avec attention et avec dévotion:
pour peu qu'il ait d'intelligence, ce ne peut
pas être un ignorant. — Pour la distribution
de roilice des religieux au V siècle, l'^'r
Cassien (Sa réglé).
HEYENDAL (Nicolas), du duché de Liin-
bourg, naquit en IG58, Gt ses études i Aix-
la-Chapelle, et se fit chanoine régulier de
tiques, parce qu'on là récitait au couclier Saint-Augustin, dans l'abbaye de Bolduc
du soleil, par conséquent à six heures du
soir, au temps des equinoxes. Dans les Cons-
titutions apostoliques^ 1. ii, c. 59, il est or-
donné de réciter à Vêpres le psaume gxl :
DomineyClamavi adte^ exaudt me,etc.; et l.viii,
c. 35, ce psaume est appelé lucemalis^ parce
que souvent on le disait è la lueur des
lampes. Cassien dit que les moines d'Egj^pte
y récitaient douze psaumes, que Ton v joi-
Snait deux leçons, l'une de TAncien,! autre
u Nouveau Testament, et i! paratt, par plu-
sieurs monuments; que l'on faisait de même
<]ans les églises de France. A présent, Ton
y dit seulement cinc[ psaumes, un capitule,
une hymne, le cantique Magnificat, des an-
tiennes et une ou plusieurs oraisons.
On ignore le temps auquel on a institué
]esComplies. Le cardinal Bona {De divina
psalmodia, c. 11) prouve, contre Bellarmin,
3 ne cette partie de l'office n'avait pas lieu
ans la primitive Eglise, et qu'il n'y en a
nul vestige dans les anciens. L'auteur des
Constitutions apostoliques parle de l'hymne
du soir, et €a$sien de l'onice du soir en
usage chez les moines d'Egypte; mais cela
peut s'entendre des Vêpres. Quant k ce que
dit saint Basile [Recul . fusius tract., 9, 37),
il nous semble indiquer assez clairement les
sept Heures canoniales; ainsi l'on n*en peut
rien conclure contre l'antiquité dos Corn-
plies. Les Grecs nomment cet office apodique,
parce qu'ilsle récitent après le repas du soir;
ils distinguent le petit apodique, qui se dit
tous les jours, et le grand apodique, qui est
pour le carême. — Dans l'Eglise latine, l'ofTice
de Complies est composé de trois psaumes,
d'une antienne, d'une hymne, d'un capitufe,
d*un répons , du cantique de Siméon
et d'une oraison; les jours ordinaires on y
ajoute des prières semblables à celles quo
Ton dit k Prime, et dans la plupart des
en 168ik, où, après s'être distingué par la
douceur et la pureté de ses mœurs, et avoir
enseigné la théolof^ie et l'Ecriture sainte Jl
fut élu abbé en 1712 et mourut le 5 mai 1733.
Outre plusieurs autres ouvrages, il a laissé
des Lettres ecclésiasiitfuessHrla vie et letéf-
voirs des ministres de l'Eglise; Liége^ 1703»
iii.t2.
HILDEBERT DB Lavardtn fut disciple de
Bérenger, et ensuite de saint Hugues, abbé
de Cluny. II fut placé sur le siège épiscopl
du Mans , en 1098, et transféré à Varchevédié
de Tours en 1125. Le P. Beaugendre. Béné-
dictin, a publié en 1708, in-fol., les OEmti
de ce prélat. Elles renferment, entre antres,
quelques Traités de religion, des lettm,^
sermons. Hildebert mourut le 18 décembre
1132, âgé de soixante-quinze ans.
HINGHÀR, archevêque de Reims, y siégea
depuis Ski jusqu'en 8SS. Parmi uo graod
nombre d'ouvrages qu'il composa, nous pou-
vons citer, comme utiles à notre but,comniA
convenables aux supérieurs etaui religieux:
V ses Avis à Charles le Chauve ;^9r son TraiU
de la fuite des vices; — 3"* plusieurs de ses
lettres*
HONORÉ DE Sainte-Marie, appelé dans le
monde Pierre Vauzelle, né à Limoges en
1651, prit rhdbît de Carme déchaussé e^i
1671, et mourut à Lille en 1729, après avoir
occupé toutes les places de son ordre. U
religieux, aussi vertueux que savant, a pu-
blié plusieurs écrits, parmi lesquels nous
remarquons la Tradition des Pères et dts au*
leurs ecclésiastiques sur la contemphiio^
avec un Traité sur les motifs et laprati^ot
famour divin, 3 vol. in-19. .
HORSTIUS (Jacques Merlon), curé à Co-
logne, naquità Horst, diocèse deRureraoode.
et mourut en 16M, laissant plusieursouvw-
ges de piété solides et pleins d'onction, ["V-
toi
tnjM
D*ASCETISMfi:
IIOM
ait li^acls on reinar<jue : 1* Enrkyridion
offieiidivini; — frParaduusanimœehrisiianœ;
— di^Sepiem tubœ orbis ehrùliani^ Cologne,
16%, in-8*. C'est un recueil de petits ouvra-
ges des saints Pères, propres h faire fleurir
la discipline ecclésiastique dans le clergé.
HCGDES OB Fosses (Le bienheureux), né è
Fosses, Tîllage de la province de Namur, de
parents nobles, à la fin du xi* sidde, fut le
premier abbé général de Prémontré. Disci-
ple de saint Norbert, il embrassa son nou*
vel institut en 1120. Il assista en 1145 à une
assemblée tenue à Chartres pour la croisade
de Louis le Jeune. Il mourut en odeur de
sainteté en 1164. I! a laissé, entre autres
ouvrages : 1* les premières ConstUuiiom de
Prémontré: -- 2" une Vie de saint Norbert ;
— 3" Die gratia conservanda.
HUGUES D£ SAINT-VICTOR, chanoine
régulier k Paris, professa la théologie avec
tant de succès, qu on l'appela un second Au-
gustin. Il mourut k Paris en 1142, Agé de
quarante-quatre ans. Il a laissé un traité
be arrha antmœ^ un traité De sapientia Chri--
tli, et d*aulres ouvrages, Cologne, 1617,
3 vol. in-fol.
HUMBERT de-Rom A5S, cinquième général
des Dominicains, mourut le 14 juillet lSâ7.
On a de lui une Lettre sur les vœux de reli-*
gion. On croit qu'il est Tauteur du Diesirœ.
HUMILITE. — L'humilité est une vertu
oui affermit la volonté, de crainte qu'elle ne
s élève d*uoe manière désordonnée, ou
qu'elle ne succombe à l'amour d'une supé-
riorité désordonnée. Elle procède de I amour
de la vérité. Dès qu'on rentre en soi-même,
on comprend de suite que Ton n'est rien, et
qu'on a reçu Igratuitement de Dieu tout ce
qu*on possède. {Voy, Co:<i?iaissancb de soi-
MÊitB.) Il y a trois degrés d'humilité. Le
premier, c'est se soumettre à un plus grand
que soi et ne pas se préférer à ses é^^ux :
c'est l'humilité suffisante; le, deuxième, se
soumettre à un ésal et ne pas se préférer à
ses inférieurs : c est l'humilité abondante ;
!e troisième, se soumettre h un inférieur:
c*est en ce degré que consiste toute perfec-
tion.
Remarquons toutefois ici que, sans aucun
préjudice de l'humilité, nous pouvons pré-
férer les dons que nous avons reçus à ceux
qui nous semblent avoir été accordés aux
autres, quand la différence est manifeste.
« Car l'humilité, dit saint Augustin, doit
être fondée sur la vérité et non sur le men-
songe, m h
In peut néanmoins, sans mensonge,
déclarer, non par un jugement absolu, mais
par un jugement en quelque sorte suspensif,
comme dit Estius, qu*on est le dernier des
hommes, sott à cause des défauts secrets •
8 s'en reconnaît en soi-même, et des dons de
iea qui sont cachés dans les autres ou qui
doivent leur être accordés; soit parce que si
les autres avaient reçu les grâces qui nous
ont été données, ils auraient mieux répondu
aox faveurs de Dieu; soit enfln en ce sens
que, voyant tous les péchés commis par les
autres hommes, nous devons regarder «
comme une faveur toule particulière de
Dieu , d'avoir veillé sur nous pour nous em-
pêcher de les commettre. « Il n'est aucun
péché commis par un homme, que tout
autre homme ne puisse aussi commettre, s'il
est abandonné par son Créateur. » (Saint
AuGusnif, hom. 10, interSO, c 9.) D'ailleurs,
comme l'humilité consiste princinalemeni
dans une affection de la volonté plutôt que
dans un jugement de l'esprit, chacun peut,
par la disposition de sou cmur, se soumettre
non-seulement à Dieu, mais aussi à toute
créature humaine, à cause de Dieu«
L'humilité est nécessaire à la contempla»
tion; plus celle-ci est élevée, plus l'humilité
doit être profonde. Ainsi l'enseignent :
1* L'Ecriture sainte \ Plus vous étesgrmsd,
plus vous devez vous humlitr en toute chostf
et vous trouverez grdee aux yeux de Dieu.
Car t/n'y a de grande puissaskoe que celle de
Dieu seul^ et il est honoré par les humbles.
(£cc/i. Hi, âO.) L'Ecriture nous en fournit
plus d'un exemple. Abraham était en con-
templation dans un entretien avec Dieu
plein de familiarité, mais aussi d'humilité*
(Gen. XVIII, 37) : Puisque fai commencé^ je-
parlerai à mon Seigneur^ bien queicnciois
que cendre et poussière. David s'humiliait-
dans sa contem|>lation et disait iTai dit dans
Vextase de mon esprit : J'ai été rejeté loin de
votre face et de vos regards. {Ps. xxx, 23.) Toi
été abreuvé d'humiliation et fai dit dans mon-
transport : Tout homme est menteur. {Ps. cxv.)
Salomon s'humiliait aussi dans ses contem-'
pistions : Je suis le plus insensé des vivants ifi
la sagesse des hommes n*esi pas avec moi.
IProv. XXX, S.) De même s'huniiliaientMoïse,
les prophètes, les apAtres, et pardessus tout
la bit^ntieureuse vierge Marie, qui disait à
l'ange, au moment de la divine lucaruition :
Yoiei la servante du Seigneur.
2* Les saints Pères. Saint CHmaqué {SeaL,-
gr. 25) : c Beaucoup ont obtenu le salut
sans prédictions et sans miracles; mais sans
l'humilité, jamais personne n'entrera dans
la céleste demeure. Elle en est la fidèle
gardienne. » Saint Dorothée (serm. 2) :
« Plus notre Ame porte de fruits, plus elle
s*humilie : car plus les saints approchent de
Dieu, plus ils ont le sentiment de leur ini-
Guité. » Saint Benoît dit que l'humilité est
1 échelle de lacob par laquelle il faut monter
et descendre, « descendre en s'élevant, mon*
ter {en s'abaissant. » {Reg. c. 7.) Saint Ber- -
nard montrant le Seigneur qui, sur le sommet
de cette échelte, crie que ceux qui souffrent
viennent à lui pour être soulages, nous indi-
que que c'est par l'humilité qu'il faut y
monter. « Tous les saints, dit saint Anselme^
qui font des progrès dans la vertu -de Dieu,
reconnaissent doutant mieux leur néant,
qu'ils pénètrent plus avant dans la connais-
sance des perfections divines. Car bien que
l'homme ait reçu le pouvoir de s'élever à
l'intelligence des choses sublimes, cepen-*
dànt la contemplation de la majesté divine
lui fait compremire la faiblesse de sac«mdi-
tion, et lui fait voir qu'il n'est que cei.dre et
poussière aui yeux de Dieu. » (Hom. 4, M
HUM
mCTIONMAIRE
HUtf
M
Mallh.) — « Souveut il arrive^ dit sainte
Thérèse (Fil. c. 38;, que le Seigneur, lorsc|u*iI
veut m'accorder quelque faveur spéciale,
commence par m'anniniler en moi-même*
sans doute afin gueje voie plus clairement
combien j'en suis indigne. »
dr La raison* La contemplation étant un
don de Dieu, nous devons lui en être recon-
naissants. « On doit donc, dit saint Grégoire,
avoir d*autant plus d'humilité et montrer
d'autant plus d'empressemenl à servir Dieu,
qu'on lui a plus d'obligation. » (Hom. 9 in
Èvang.) C'est aussi pour cette raison que
Dieu envoie des tribulations aui âmes con-
templatives, afin de les rappeler à ^des sen*
timents d'humilité.
Or voici les moyens les plus utiles pour
obtenir et bien praiiauer l'humilité.
L Le premier est i humilité iV intelligence^
c^est-à-dire, la eannai$$ance de soi^ non de
soi-même exclusivement, mais de soi-même
relativement à Dieu. Ceite humilité est
prescrite.
1* Par TEcriture sainte : St qtulqu'un se
croit quelque chose tandis qu'il n est rien^ il
s^abuse lui-même. {Gai. vi, 3.) Elle veut que
nous connaissions notre néant : Je ne suis
rien devant vous {Ps. xixvui, 6) ; notre pau-
vreté : Je suis un homme voyant ma pauvreté
(Thren. m, 1); elle veut que nous avouions
n'avoir rien de nous-mêmes : Qu'avex-vous
que vous n^ayex reçu? (/ Cor, iv, 7.)
2° Par les saints Pères. < Celui qui se con-
naît bien lui-même, ditsaintClimaque (Scal.^
gr. 25), a déjà semé en terre ; car en semant
de la sorte nous devons faire fleurir l'humi-
lité. « Saint Bernard dit aussi : « Si vous
TOUS considérez intérieurement à la lumière
de la vérité et sans la moindre dissimulation,
TOUS devrez vous humilier, et vous humilier
d'autant plus que vous vous connaîtrez
mieux. > (Serm. 42 m Cant.)
Voici comme saint Bonaventure le prouve
r la raison : « Deux choses nous rappellent
l'humilité. Nous ne tenons pas de nous ce
que nous sommes, nous n'avons donc pas
sujet de nous en enorgueillir; celui-là seul
doit être glorifié, dout la grflce nous fait ce
que nous sommes. Ce que nous ne sommes
f>as est encore pour nous un motif d'humi-
ité ; car c'est une vaine gloire que celte que
Ton tire de ce qu'on n'est pas. » C'est cette
connaissance d eux-mêmes qui faisait dire
aux saints qu'ils n'avaient rien de bon,
qu'ils étaient, des pécheurs, et même de
Rrands pécheurs, comme le disait saint Paul
Tl Tim. I, 15) : Je le suis tout le premier. ,
\Yoy. Blosids, Rodriodbz et Pinamontk)
Mais est-ce que les saints pouvaient
tenir ce langage? Ecoutons la réponse de
Joseph, abbé (Cassibn, Collât, xvii, 23) : Il
est permis, c'est même un signe de perfec-
tion, de déguiser sa sobriété dans la manière
de vivre. D'ailleurs, dit le P. Reguera {Th.
myst. 1. 1*% p. 895), il ne faut pas prendre
ces expressions à la lettre. L'&me contem-
plative, considérant d'un cêté la grandeur
des bienfaits de Dieu, de l'autre son peu de
reconnaissance, doit se voir chargée de dé-
s*!
faots et de péchés ; aussi sans faire atteiH
tion aux défauts des autres, que d'ailleors
elle excuse, elle ne s'occupe que de la dis-
tance qu'il y a entre les bontés de Dieu et
la manière dont elle y répond par sacon«
duite. Dans cette idée, les saints peavent
donc dire qu'il n'est rien de bon en eai et
qu'ils sont couverts d'iniquités, (foy. Louis
Du Pont, ALVàBsz, Rodbigobz, etc.)
II. Le second remède est Vhumilitédtlat^
lonté. La connaissance intime de la majesté
de Dieu et le respect qu'on lui doit, la vue de
notre bassesse et de notre néaut, nous font
nous mépriser nous mêmes et nous mettre au-
dessous de tous les autres.... Cette humilKé
d'affection de sentiment résulte de rhumi«
lité de connaissance, c'est-h-dire de ia
connaissance de soi-tnême. 1* Apprenez dt
moi. nous dit l'Ecriture (Matth.^ ii, 29),
que je suis doux et humble de ccmr. — As-
seyez-vous à la dernière place. {Lue, iiv, 10.)
— Humiliez-vous donc sous la puinanee de
Dieu. (/ Petr, v, 6.)— 2" Ecoutons aussi saiut
Bonaventure {De perf. vitœ, c. 2) : c Celui
S [ni veut jeter un regard sur ses propres dé*
auts, doit nécessairement s'humilier sous
la puissante main de Dieu. Humiliez-vous
donc à la vue de vos défauts,* serfiteurs du
Christ et reconnaissez votre bassesse. > Il
assigne à ce sujet trois degrés d'humilité :
1* L homme doit se mépriser d'après la con-
naissance de sa bassesse. 2" Il doit suppor-
ter avec patience, et même désirer d être
méprisé par les autres; il doit fuir les hon-
neurs; 3" au comble des dignités, des Terlas
et des faveurs, il ne doit nullement s'eo glo-
rifier, mais tout rapporter à dieu. Le saint
docteur en donne les raisons suivantes : « Il
ne doit point se mentir à lui-même, eu se
croyant plus grand qu'il n'est, de quelque
dignité qu'il soi revêtu, ni s'élever au-dessus
de lui-même. Puisqu'il aime la vérité et ne
se chérit point par ainour propre contre la
vérité, il doit désirer de paraître aux yeux
des autres tel qu'il parait k ses propres yeuit
c'est-à-dire plein de faiblesse et enclin à
toutes sortes de fautes. »3^ C'est en cela que
consiste l'humilité des parfaits qui, plusils
sont élevés en perfection,'pl us ils s'hamilieot
en toute chose, en sentiment, en aSectiou,
en parole et en action.
III. Le troisième moyen consiste i se
graver profondément dans l'esprit que sans
rhumilité d'esprit et de cœur, quelque soil
le degré de perfection auquel on soit |)ar-
venu, les autres faveurs derienneot ieulite
et sont même une cause de perdition. Q^
conque s'éUoe^ sera abaissé^ dit saint Luc
(xrv, 11), et quiconque s'abaisse^ sera éltré.
En effet. Dieu résiste aux superba et domM
sa grâce aux humbUs. (Ja€. iv, 6.) C'est ce
que montre encore la parabole du pbarisiea
et du publieain. (lue. xvm.) « Plus on ^
élevé, dit saint Isidore (1. ii Synom» c* ')«
plus lourde est la chute... Lliumilité ne
court aucun risque de chute ; janiais elle oe
peut tomber. > Saint Thomas de Villeneuve
dit encore à ce propos {Cane. dêS.-MarQi
t Enlever le fondement de rhumilité et tout
m
mu
DASCETISME.
nuH
«»
ré<lifice de» vertus aussitôt s'écroulo. » La
raison nous en est donnée par saint Tho-
mas d*Aquin (2-â, q. 181, a. 5, ad 1) :
« De même que la foi est directement un
principe de Tertus, de mâme aussi Thumi-
iiié, en ce sens qu'elle chasse l'orgueil au-
quel Dieu résiste, et qu'elle rend rhomme
soumis et docile aui impressions de la
grâce. *
IV. Le quatrième moyen consistée réunir
Iliumiiilé intérieure avec Thumilité exté-
rieure; caraucuneu'estsufTisanlesansrautro.
// e» est qui s*kumHienl fauêsemeni, et dont
rintérieur est plein de ruse. (Ecc/t. xix, 23.)
• Beaucoup, dit saint Ambroise [ep. 2, ad
Constani.)^ ont Tappareuce de rnuniilité,
sans posséder celle vertu : beaucoup en font
esténeureraent parade, qui la contredisent
îniérieurement. » Nous en trouvons la rai-
son dans saint Augustin (de $$. Virg.^ e* 43) :
« On ne doit pas feindre l'humililé, mais
«n donner des preuves; car l'affectation
d^humililé est un raffiment d*orgueil. > Au
lavement des pieds, Jéaus-Christ nous a
donné un modèle d'humilité extérieure, en
disant : Je vous ai donné Vexempie^ afin f ua
roicf agissiez à votre tour comme je viens
d'of/ir envers vous. (Joan, xiii, 15.) C*est ce
qui fait dire à saint Augustin : < ProQtons,
mes frères, de cette grande leçon d'humilité.
Faisons à notre tour ce qu'a fait humble-
ment celui qui était pourtant si élevé. » —
« L'humiliation, dit saint Bernard (ep. 87},
conduit à l'humilité, comme la patience à
la paix, comme la lecture à la science. Si
vous aspirez à la vertu d'humilité, ne fuyez
pas la voie de l'humiliation ; car si vous ne
pouvez vous humilier, vous ne pourrez
parvenir à l'humilité. »
V. Ces mêmes marques extérieures de
rbumilité doivent être accompagnées d'un
grand discernement ; il faut k la simplicité
de la colombe, joindre la prudence évangé-
lique du serpent. C'est ce que nous en-
seignent les deux textes suivants, qui sous
une contradiction apparente, ont entre eux
nn divin accord : Que votro lumière luise
deeani le$honun€s^ afin quHls voieni vosbannes
€Buvres etglorifkni votre Pire ^i est dans
ie cieL [Matth. v, 16.} Prenez garde dexer--
cer vos œuvres de justice aux yeux des,
hommes, pour en être vus. [Matth. vi, 1.} Saint
Gréi^oire concilie ainsi ces deux textes
(fiom. 10 tu Évang.) : « Je vous dis ces pa-
roles, lion pour que le prochain ne vole pas vos
bonnes couvres, ^ismi'ii est écrit, afin qu'ils
voieni^ etc. ; mais affn de ne pas rechercher
des louanges extérieures en faisant le bien.
Que nés enivres, quoique inibliques, restent
donc cachées dans notre intention, afin de
donner par là bon exemple au prochain,
font en mbercbant intentionnellement à les
cacher et à ne plaire qu'à Dieu seul. »
^ Il fiint donc un discernement et une ins»
Eiration toute spéciale, pour chercher, par
u milité, à se faire passer pour un insensé,
pour un grand pécheur. On doit fîiir les
distinctions, les louanges humaines, les
pfaces d*bonneur, mais sans affectation;
on doit mémo les accepter humblement, si
l'obéissance, le rang, l'édification du pro-
chain ou le bien des Ames en font un devoir.
« Ne les recherchez pas, dit saint Augustin
[ad Eudox.9 ep. 81), avec une orgueilleuse
avidité, ne les refusez pas avec une mollesse
indolente. » Saint Bernard (ep. 87} n'ap-
prouve pas Oger d'avoir abdiqué la prélalure,
après en avoir plutôt arraché qu'obtenu
1 autorisation, préférant ainsi son repos
personnel au bien des autres. Enfin il est
très-sage de ne parler de soi ni en bien ni
en mal, crainte de recouvrir la vaine gloire
du manteau do l'humilité; mais il faut sup-
porter avec calme les humiliations qui nous
viennent de Dieu ou des hommes, en paroles
ou en actions ; car, selon saint François de
Sales [introd.f c. 2K « L'humilité véritable
s'obsiteut de cette afféctaiion ; car non-seule-
ment elle s'efforce de cacher ses vertus,
mais elle désire surtout se cacher ell^
même. >
yi. Bien qu'il nous faille toi^'onrs aspirer
d'intention à l'humilité inférieure et exté-
rieure, afin de devenir de plus en plus par-
faits, toutefois il nous faut dans la pratique
n'y avancer que peu à peu et par degrés.
C'est ce que désigne, selon saint Benott,
l'échelle de Jacob. Aussi ce saint patriarche
de l'Occident assigne douze degrés que saint
Thomas accepte et expose. Saint Anselme
en compte sept. (De humilii.^ c. 109.) Saint
Bernard eipose douze degrés d'humilité par
lesquels on s'élève, et leur oppose douze
degrés d'orgueil par lesquels on descend.
{Tr. de grad. hunâL) Saint Bonaventure en
réduit le nombre à trois, et le P. Rodriguez
en compte huit.
VU. La véritable humilité a toujours les
yeux ouverts pour reconnaître même ses
plus petits déiauts et pour chasser toute
vaine complaisanee à propos des dons qu'on
â reçus, sans toutefois empêcher de recon-
naître et d'apprécier ces dons. Saint Paul
nous en donne l'exemple dans sa première
BpUre aux Corinthiens (ii, 12}, en disant
Îu'il a reçu avec les autres apôtres l'esprit
e 0ieu, afin que nous connaissions les dons
me nous avons reçus de Dieu. Aurait-il pu
d'ailleurs célébrer avec tant d'ardeur et de
charité ces précieux dons, s'il ne les avait
pas connus? (// Cor. xi, xn.) Ceux qui
participent aux dons de Dieu, dit saint Tho-
mas (2-2, q. 161, a. 8, ad 1), savent
au'ils les possèdent. » La raison en est bien
laire. L'homme sans cette conoaissance^ne
Kurrait pas rendre grflces à Dieu. D'ailleurs
. umilite dégénérerait en pusillanimité, si
l'homme ne savait pas, que moins il se con-
fie en 869 propres forces, plus il devient
poissant par la généreuse nonté de Dieu.
Enfin il ne chercnerait pas avec crainte et
humilité à s'en montrer digne. Quoi qu'il en
soit, il iaut agir avec prudence, et ne pas,
sous prétexte de gratitude pour les dons do
Dieu, se complaire plus en soi-même qu'en
Dieu. Il ne fout donc considéi^er les dons de
Dieu qu'avec précaution et modération, soit
qu'on veuille enflammer »o charité, ou ro-
Wf
IlUtf
DICTIONNAIRE
HUM
lerer son es|)OH*, ou témoigner sa reconnais-
sance ; on doit plutôt et avec plus de con«
fiance s'arrêter sur ses propres défauts, afin
de conserver rhuraililé et d'éviter la vaine
gloire. Téviie dédire, disait TApôlre. (// Cor.
xit, 6.) <K H afait donc à dire quelque chose,
dît à ce sujet saiut Grégoire, puisqu'il s'abs-
tient de le faire» » (1. xvih Jlfor., c. 7.)
yill. Le plus Iiaul degré de Thumilîté >
laquelle nous devons aspirer, c'est de nous
mépriser nous-mêmes, et non-seulément de
sujpporter, mais de désirer le mépris des
autres, de s*en réjouir même, enun de ne
Eas se glorifier dans la contemplation des
iéns et des avantages reçus de Dieu, II faut
donc être réellement convaincu de son,
néant, et voulotr paraître tels aux yeux des
autres. C'est de cette joie que parle Jésus-
Christ "(ilfa^^A. r, llj : Vous serez heureux
Ibtsquus vous maudiront t etc.... Réjouissez-
vous et soyez dans Vallégresse, C*est ainsi
Sue furent les apôtres qui sortaient pleins
ejoie du conseil. {Act. v, &•!.} « S'humilier,
ce n'est pas, dit Avila [Èpist.^ p. 77J, pen-
ser que Dieu seul est tout le bien, et que le
mal vient de nous ; mais Thumilité est un
sentiment supérieur, dont je. n'ai pas une
idée bien juste, et que je puis encore moins
exprimer. »
Que les personnes contemplatives s'ef-
forcent donc d'arriver h l'humilité, et qu elles
l'apprennent de Jésus-Christ. Apprenez de
moi que je .suis doux et humble de cœur,
[Matth. XI, 29.) Bn effet, t7 s'est anéanti lui-
9néme, prenant la forme d'esclave. Il s'est
humiliéMest devenu obéissant jus€m' à lamort,
et jusqu'à la mort de la croix. « Si donc lui,
qui el^r notre fioigni^ur et noire Maître, dit
saint fiouaventure (c. S Deperf. vit:) , s'est
iibaissé à cette comlition vifeet méprisable;
si l'esclav^e. n'est pas au-dessus du Seigneur,
ni le disciple au-dessus du màttre; si vous
êtes le serviteur, le disciple de Jésus-Christ,
TOUS deyez être aussi vil, méprisable, hum-
ble Rappelez -VOUS que Jésus-Christ
s'est humilié jusqu'à souffrir la mort la plus
ignominieuse, jusqu'à être repoussé de tous,
comme un lépreux, et môme jusqu'à être
regardé comme tout ce gu'il y avait, de plus
vil au monde. » Outre I exemple du Christ,
fixons nosyeux sur ceux de la sainte Vierge
et des saints. « Soyez humbles, ajoute saint
Bonaveature, puisque vous avez une Mère
qui est un modèle d'humilité. » Ecoutons
enfin ces paroles de saint Thomas de Ville-
neuve (conc. 2 De Annunt.) : « Imitez donc
l'hujBiiité de la bienheureuse Vierge Marie...
Elle, qui est si agréable aux yeux de Dieu,
plus elle se sent glorifiée paf la mission
angéljqae, plus dans son esprit elle s'abaisse
profondément... O bienheureuse servante
que tout sert ici-bas, à qui tout est soumis !
Imitez-la, ô .^rvantes du Christ ; servez-la-
ayec toute l'ardeur possible, que sa vie soit
votre modèle de cnaque jour; sans cesse
ayez-fa sous les yeux, sans cesse méditez-la,
honorez-la, chérissez-la, invoquez-la, suivez-
la. 9 C'est ainsi que vous atteindrez, par
l'échelle de lliumilité, les plus hauts degra
de la perfection.
La nécessité de l'humilité bieQ établie,
considérons quels moyens un directeur doit
prendre pour la faire naftre et l'eutretenir
dans les Ames qui lui sont confiées. Les
plus belles Ihéones ne sont rien, si Ton né-
glige d'en étudier et d'en faciliter Texcr-
cice.
1. Le premier, le principal soin do direc-
teur, dans le gouvernement des Âmes, doit
être en effet de les affermir profondément
dans cette sainte vertu d'humilité; autre-
ment, non-seulement il se fatiguerait lui-
même en Tain à diriger se^s pénitents, mais
encore il aurait la douleur de les voir faire
d'inutiles efforts pour avancer dans la pra«
tique des vertus. Car s'adonner à la viespi*
rituelle, sans se mettre en peine d'acquérir
l'humilité, c'est bâtir sur le sable. Pourpro
céder avec ordre dans une matière aussi im-
portante, le directeur doit d'abord imprfi-
gner l'âme de son pénitent de l'humble con-
naissance de soi-même, laquelle doit être la
première pierre de tout édifice spirituel, si
Ton Teul qu'il soit solide : mais, pour at-
teindre ce but, il ne suffit pas d'une con-
naissance vague, abstraite, en vertu de la-
quelle l'homme se reconnaît, d'une manière
générale, comme un néant, comme un misé-
rable pécheur, ainsi que la foi l'enseigne:
cette connaissance superficielle peut fort
bien s'allier avec un orgueil profond et dia-
bolique. Il faut ici une connaissance de soi-
même paMiculière, pratique, vive, profonde,
qui donne à l'âme de bas sentiments d'elle-
même, et lui inspire le mépris d^elle-mêoie
devant Dieu et devant les hommes. C'est en
cela, selon saint Thomas, que consiste for-
; mellement la tertu d'humilité. Or, comiue
on ne se forme à aucune vertu, ni à aucun
art, sans un long exercice, il est nécessaire
que le directeur, non-seulement porte ses
pénitents à l'exercice pratique de rbumilité,
mais aussi les y tietme constamment appli-
qués jusqu'à la mort. Il les fera donc médi-
ter, pendant un certain temps sur la con-
n^ssance de soi-même, leur prescrivant des
considérations propres à cette fin. S'il roit
en etix des progrès assez marqués, il leur
apprendra à joindre, à mêler cette bumUe
connaissance d'eux-mêmes à toutes leurs
affections, comme on môle le pain à tous
tes autres aliments.
Expliquons ceci plus clairement. Si, se
mettant en la présence de Dieu, ils consi-
dèrent sa hante majesté, ils doivent en même
temps abaisser les yeux sur leur propr*
néant, sur leurs propres péchés, surleuf
{propre misère , en sorte qu'ils joignent a
eurs actes d'adoration l'exercice d'uue hu-
milité profonde. S'ils se proposent la correc-
tion de certains défatits ou la pratique de
certaines vertus , ils doivent se rappeler
combien autrefois ils se sont laissé eolrai-
ner aiix uns, et ont négligé les autres, eu
sorte qu'ils joignent à leurs bons de-^seii^î
les actes d'une honte intérieure et dun«
profonde confusion. S'ils demandent à Diea
M
tlUII
D^ASCETlbME.
HUA
«l#
quelque Teiiu, ou un autre bien spiritueU
quMIs se considèrent comme incapables de
racqnérir, et comme indignes de l'obtenir
de Dieu, bien que, meltaut leur espérance
en sa souveraine bonté, ils lui en tassent
une fervente demande : de celte manière, la
ferveur de leur prière sera accompagnée de
rhumble connaissance de leur propre néant.
S*ils s*excitent au repentir de leurs péchés,
ils doivent considérer leur propre fragilité,
et joindre ainsi le sentiment de leur propre
bassesse à la componction intérieure. Un
bommeqoî s'exercera ainsi continuellement
aura bientôt acquis une profonde connais*
sance de soi-même et de ses misères ; mais
il faut remarquer que cette connaissance de
soi^nème, pour èlre une humilité véritable,
a besoin d'être éclairée d'un rayon de la lu-
mière divine, qui nous fasse pénétrer pro«
fbnJément Fatrfmede nos misères. An dâaut
de cette lumière, la connaissance de nous-
même aura beau s'appuyer sur la méditation
ries différentes Tentés, elle ne suffira pas
pour briser la fierté de notre esprit, ni 1 or-
gueil de notre cœur. Il arrive ici ce qui ar*
rive ordinairement dans les autres pieuses
considérations. Par exemple, hier vous mé-
ditiez sur les douleurs et la passion du Sei-
gneur ; et ses plaies cruelles, et son sang qui
coule h grands flots, n'ont pu exciter en vous
«ocun attendrissement sur votre Bédemp-
teur souffrant. Aujourd'hui vous méditez
sur les mêmes douleurs, et vous voici at-
tendri , impressionné jusqu'aux larmes.
Pourquoi cette différence? C'est au'aujour^
d'bui brille pour vous ce ra^ron de la lumière
divine, dont vous étiez hier privé, et que
cette lumière, éclairant votre âme sur les
souffrances de Jésus^hrist, imprime en
K^me temps dans votre eœnr un 'doulou-
reux attendrissement; de même, si, h la con-
naissance parlaauelle vous vous efforcez de
)>énétrer vos pécnés. Dieu ajoute un rayon
de sa lumière, vous vous regarderez bientôt
en toute vérité comme le plus grand pécheur
dn monde, et vou3 vous abîmerez dans vo*
tre néant, en présence du Très»Haut. C'est
ainsi que le ^éraphique saint François, au
témoignage de saint Bonaventure, se croyait
le plus grand de tons les pécheurs; et que
sainte Catherine de Sienne, d'après le té-
moignage du bienheureux Raymond, son
confesseur, se regardait comme la plus pro-
fonde et la plus i;riminelle de toutes les pé-
cheresses. Tel était aussi le sentiment de
Tapdtre saint Paul à son égard, lorsqu'il di-
sait ces paroles à la face du monde entier :
J/jvttf-CArtsI est venu m ce mande pour sau-
cfT les pécheurs^ dont je guis le premier
(/ Tim. I, 15). Mais si cette lumière vous
manque, vos misères disparaîtront aux yeux
de votre Âme, et, quelque effort que vous
fassiez, vous ne vous verrez point devant
Dieu tel que vous êtes véritablement. Or,
quel est le moyen d'obtenir cette lumière?
11 n'y en a |ias d'autre que de la demander
instamment par une |)rière persévérante et
confiante, à laouelle rien n'est refusé. Aussi
le directeur doit-il inspirer aux pénitents
Diction!!. dAscAtisvb. 1.
3 ni s^applfqnent à acquérir l'humilité rar>>
eur et le zèle pour demander coutioueUe-
ment è Dieu ce rayon de lumière qui, joint
aux efforts qu'ils iont de leur côté pour par-
venir è la connaissance d'eux-mêmes, pro^
duira en eux un sentiment profond d'humi-
lité, et les abîmera dans leur |>ropre néant. Du
reste, ce n'est pas seulement pour un temps,
mais jusqu'à la mort, que Ion doit s'exercer
dans la connaissance de soi-même. Quelques
Ames , qui commencent à être embrasées du
parfait a mour, peuvent bien s^absleni r de cer-
taines méditations qui inspirent la terreur^
comme la pensée de la mort^ de l'enfer, du
jugement , etc. , puisque, selon saint Jean^
la ehariti parfaiie ehasee la crainte au dehors
(//oun. IV, 18); mais personne, pas une
àme, ne peut s'abstenir de la connaissance
de soi-même; et les Ames les plus levées
en ont encore plus besoin que les autres. Si
donc votre ptoitent est parvenu à l'amour
mystique et parfait, au point qu'il énrouve
des ravissements et des extases, quand même
il serait ravi avec l'A pôtrejusgu^au troisième
ciel, c'est alors, plus que iamais, qu'il a
besoin de considérer son néant, ses (lécbés
et sa fragilité naturelle; puisque ceux que
Dieu élève plus haut sont aussi plus exposés
à la vaine gloire et, partant, au danger d'une
chute plus terrible.
II. A l'humilité de connatafonce doit se
joindre l'humilité d'affection^ laquelle con*-
tient la substance et comme le suc de cette
vertu. Mais, avant d'en venir à ce qui la
concerne, nous devons avertir le directeur
de prendre bien garde de confondre la véii-
labie affection d*humilité avec la fausse, qui
est si pernicieuse. Souvent il trouvera des
personnes spirituelles, remplies du désir
d'avancer, qui sont toutes troublées, et pri-
vées de toute paix intérieure, lorsqu'elles
retombent dans les fautes ou dans les dé-
fauts qu'elles se sont proposé nlusieurs fois
d'éviter. Cette inquiétude amène avec elle
une certaine défiance de jamais se corriger,
c Je vois bien^ disent ces sortes de pers>>n-
nés, que je ne suis point propre k la perfec-
tion ; je me recommande à Dieu, mais mes
péchés me rendent indigne d'être exaucé. »
De là natt la n^ligence des tmnues œuvres.
Tout cela leur parait être la véritable humi-
lité, parce que cela vient .d'une certaine
connaissance de leur propre fragilité; et ils
ne s*efforcent nullement d'en sortir, quoi-
quMl uV <itît en cela qu'un découragement de
l'Ame et un abattement du cœur produit par
un orgueil raffiné. Savcz-vous pourquoi ils
sont ainsi agités après leur péché? C'est
parce qu'ils s'étaient formé une idée vaine
d'eux-mêmes, et qu'ils se croyaient assez
forts, assez affermis dans la vertu pour ne
plus pécher jamais. Or, se vovant trompés
dans cette idée qu'ils avaient d'eux-mêmes,
quoi d'étonnant qu'ils se troublent et aient
le ooMir rempli d'amertume? Savez- vous
pourquoi ils tombent dans la défiance t Parce
qu'ils avaient beaucoup de confiance en eux-
mêmes, et pensaient que pmr leurs propres
efforts ils pouvaient se corriger de leurs dé-
96
t\\
Hl&l
DICTIONNAIRE
HI3M
11)
fauls ! or, comme ils apprennent par leur
propre expérience combien était faible l'ap-
pui sur lequel ils comptaient, il n*est point
étonnant oo les voir tomber dans la déhance
€t dans rabattement. Par là le directeur
saura comprendre combien de telles âmes,
trompées par une fausse apparence d*humi*
Mlé, sont éloignées du sentier droit de la
^ertu, et combien aussi elles ont besoin
d*6tre entourées de figilance et de soin.
L*homme vraiment humble, quand i) tombe
dans le péché, ni ne s*en étonne, ni ne s'en
trouble : car comme il a une connaissance
approfondie de sa faiblesse, il sait que la
mauvaise terre de son cœur ne peut d'elle-
même rien produire que de mauvais. Il s'en
repent è la vérité, mais moins pour le mat
qu*il s'est fait que pour le déplaisir qu'il a
causé à Dieu; et en mémo temps il s'exerce
à des actes d'hamilité. 11 ne donne point
lieu à la déflance ; mais, se jetant dans les
bras de la miséiicorde divine, il répète de
temps en temps du fond du cœur : « J'espère
fermement que votre grâce fera ce que ma
fniblesse n'a pu faire. > Et, par ce moyen,
il se sert même de ses chutes pour se rani-
mer à courir dans la carrière de la perfec-
tion. Le directeur apprendra donc par là à
corriger les fausses affections d'humilité,
qui viennent de Toreueil ou du démon, et
presque toujours de Pun et de l'autre en I
même temps.
111. Le sentiment de l'humilité véritable et
surnaturelle, infuse par Dieu, consiste dans
lin certain mépris de soi-même , qui natt
de la connaissance de son propre néant,
de ses fautes et do ses misères, et qui
rend l'homme soumis, en paix non-seulement
avec Dieu, mais encore avec ses semblables.
Voyons donc comment celte soumission
peut être appliquée dans la pratique, et d'a-
1}ord à l'égard de Dieu. Q^je l'âme, établie en
la présence du Seigneur, fixe avec l'œil de
la foi un profond regard sur la majesté in*
finie de ce grand Dieu, et qu'en même
temps elle abaisse son regard sur sa propre
bassesse. Qu'en comparant ses misères à
la divine majesté « elle s'humilie devant
Dieu, et s'abîme dans son néant, autant
qu'il sera possible avec le seôours de la lu-
mière que Dieu lui envoie. Saint Vincent
Ferrier exige : 1** que nous nous regardions
comme un cadavre enpourrilure, au point
(}UQ nous nous méprisions nous-mêmes du
tond du cœur, et que nous soyons profon-
dément étonnés que Dieu ait pu aimer une
chose si détestable. 2"* Que nous reconnais-
sions'intimement en nous que tout ce dont
nous jouissons n'est point notre bien, mais
le bien de Dieu, à qui seul il faut en ren*
dre gloire ; tandis que nous ne devons nous
Attribuer que le néant et la pourriture de
nos péchés, qui est pire que le néant même.
3^ Que nous nous réjouissions de n'être rien,
afin qu'il puisse être tout; de ne pouvoir
rieo> afin que seul il puisse tout; d'être
privés de tout bien, afin que lui seul puisse
être aotrebien unique et souverain, k" Que
nous nous afiligions du vol si odieux dont
nous nous sommes rendus coupables en-
vers sa majesté , lorsque nous lui aïons
ravi un bien précieux, à savoir, sa gloire
extérieure, en nous complaisant daos quel-
qu'une de nos qualités ou de nos préroga-
tives, et nous appropriant ainsi l'oconeur
qui lui est dû h lui seul ; et qu'en même
temps nous lui rendions cet honneur que
nous lui avons ravi, en nous écriant de lont
notre cœur: A vous seul gloire et honneur 1
S^'que nous lui rendions aussi toute la gloire
que les hommes vains et superbes loi ont
enlevée jusqu'à ce jour; et que nous con-
fessions que toute gloire appartient à lui
seul non-seulement comme étant le premier
principe et la source de tout bien, mais en-
core comme étant la dernière fin è qui, de
droit suprême, toutes choses doivent 6tre
rapportées. 6° Que nous soyons dans un
profond étonnement de voir que nous seuls
avons osé nous enfler d'orgueil, tandis que
les anges et les saints du ciel s'ablmenl
dans leur néant et reconnaissent leur sou-
veraine pauvreté. T Que nous craignions
de nous voir dépouiller par Dieu des biens
qu'il nous a accordés, ou de trouver notre
perle dans l'abus que nous pouvons faire
de ces biens. S*" Que nous prenions surtout
la ferme et constante résolution, non-seule-
ment de ne plus rechercher jamais notre
propre gloire, notre propre honneur, noire
propre réputation ; mais encore, autant qu*il
sera en nous, d'éviter de toutes nos forces
ce qui peut nous procurer la gloire, comme
les dignités, les charges, les emplois de
distinction et les honneurs. Car, selon le
langage de saint Bernard, il faut éviter et
détester cette orgueilleuse présomption qui
nous rend assez audacieux pour chercher
notre gloire dans des biens qui ne nous ap^
partieiinent pas, et pour ravir l'honneur qui
est dû à Dieu seul.
IV. L'humilité d'affection envers le pro-
chain a trois degrés. Le premier est de se
mépriser au point que l'on se soumet à tous
ses semblables, même à ceux dont on recon-
naît l'infériorité relative. Cette soumission
exige, du côté de i'intelliçenco , que nous
fassions plus de cas des opinions des autres
que des nôtres, et que nous les préférions
aux nôtres; que nous demandions toujours
et suivions les avis des autres, les crojant
plus sûrs que les nôtres. Du côté de la fo-
ionté, cette soumission consiste à soumettre
notre volonté, non-seulement à la volonlé
de Dieu et des supérieurs, mais encore ^
celle des autres. Et, quant à ce qui concerne
les œuvres extérieures , nous devons élit
contents de voir nos actions peu estimées,
et celles des autres préférées aux nôtres. Le
second degré de l'humilité d'affection envers
le prochain consiste à se mépriser soi-même,
au point de souffrir en paix que les antres
nous méprisent. De là, si quelqu'un nous
estime peu, nous devons nous dire au feoti
du cœur : Il a raison, il me donne oe qui
m'appartient ; il me traite selon mes méfi*
tes; il porte de moi le même jugement qua
Dieu et que tous les bienheureux du \^^
8»
mu
DASCETiSHE.
HLM
hU
dis 9 aux yeux desouels je ne sais qu'un tU
néant et un objet détestable k cause de mes
péchés. Dans ce degré, on sent ramertume
de ce mépris ; cependant on en triomphe
par un autre mépris, le mépris intérieur de
soi-même ; et, se tournant vers Dieu, on lui
rend grâces de ce qu'il s'est trouvé un homme
qui reconnaît noire indignité telle qu'elle
est, et nous traite comme nous le méritons;
en même temps, on se fait un devoir de prier
pour son calomniateur. Nous devons faire
tous nos efforts pour parvenir k ce degré :
car autrement, selon la pensée de saint Gré-
goire, ce mépris, que nous paraissions avoir
pour nous-mêmes en nous reconnaissant et
i-n nous avouant pour pécheurs, ne serait
pas une humilité véritable, ni un vrai mé-
pris. < Nous en connaissons beaucoup, dit
ce saint docteur, qui, n'étant accusés par
ftcrsonne, confessent qu'ils sont pécheurs,
et qui, si par hasard on leur reproche quel-
que faute, cherchent à se défendre, à s'ex-
cuser, à se justifier, pour ne pas paraître pé-
cheurs. Or si, lorsqu'ils se disent eux-mêmes
pécheurs, ils se reconnaissaient comme tels
par une véritable humilité, ils ne nieraient
point, quand les autres les accusent, ce qu'ils
avaient même confessé. > {Moral.f tib. xxii.)
Mais si nous nous méprisons nous-mêmes
au point de nous réjouir du mépris d'autrui,
nous avons atteint le troisième degré de
l'humilité d'affection : degré sublime et dif-
licile h obtenir! Toutefois, nous pouvons y
parvenir avec la grAce de Dieu, et nous som-
mes tenus d'y aspirer. Saint Diodoyne dis-
tingue deux sortes d'humilité : Tune des
hommes de sainteté médiocre, l'autre des
hommes parfaits : unamediocrium^alteraper-
feriorum. (De perf. ipir.^ c. 95.) Les médio-
cres, on ceiix qui sont en progrès, sentent,
au milieu des opprobres, la tristesse et la-
inertume, parce qu'ils n'ont pas encore vaincu
les mauraises inclinations de la nature; mais
1rs parfaits sont remplis de joie, parce qu'ils
ont remporté une telle victoire sur leurs pas-
sions, qu'elles n'osent plus lever la tête pour
U'ur faire la guerre. Du reste, en quelque
état que nous soyons, nous devons nous ef-
forcer d'embrasser avec joie les mépris, les
Injures et les opprobres, au moins par la vo-
lonté, si nous ne le pouvons sans éprouver
quelque sentiment de répugnance, disant in-
térieurement : O Jésus, qui avez été méprisé
par amour pour moi, je veux être semblable
a vous. Ces opprobres, ces persécutions, ces
calomnies, quelque horreur qu'ils inspirent,
sont le bonheur, la béatitude que vous B\ez
promise à vos serviteurs. Bienheureux êtes--
vouê lorsqu'on vous maudira^ et qu'on vous
persécutera f et qu'on dira faussement toute
sorte de mat contre vouSf à cause de moi
(Matth. v). Je dois donc me réjouir, me livrer
à la joie. Voilà quelques manières pratiques
d'exercer l'humilité, que le directeur doit
su^érer peu à peu à ses pénitents, selon
qu il croira convenable à leurs dispositions
et à leurs progrès plus ou moins grands dans
les voies spirituelles.
V. A ces avis pratiques sur l'humilité nous
croyons devoir ajouter quelques réflexions»
pratiques aussi, contre la vaine gloire, k la-
Ïuelle l'homme est naturellement si enclin,
butefois, il y a moins de danger pour la
vaine gloire dans les biens surnaturels et les
dons qui se rapportent à l'ordre de la grâce,
attendu qu'à I égard de ces sortes de biens
il est moins difficile de reconnaître la main
bienfaitrice qui les donne; le danger est plus
grand dans la possession des biens de Tordre
naturel, tels que les richesses, la naissance,
les talents, la science, la prudence, Télégance
des manières, la beauté du corps, etc. Le di-
recteur s'efforcera de dissiper ces fumées de
vaine gloire qui naissent de l'éclat des
choses temporelles , et il y opposera ces
belles paroles que saint Basile adressait aux
fidèles de son temps : < Vous vous complai-
sez, disait-il, dans la noblesse de vos aïeux?
Vous tressaillez de joie en vous flattant de
la célébrité de votre famille, de la beauté ûf.
votre corps, des honneurs dont chacun vous
entoure? Un peu de réflexion sur vous-
même : car vous êtes mortel... vous êtes
poussière et vous retournerez en poussière...
Où sont, dites-moi, ceux qui occupaient les
premières magistratures des cirés? où sont
ces rois invincibles? où sont ces généraux?
où sont ces potentats? Tout cela n'est-il pas
une vaine poussière? tout cela n'est-il pas
la proie du tombeau? A peine reste-t-il d'eux
quelques ossements. Jetez les yeux un in-
stant sur leurs tombeaux , espérez-vous pou-
voir distinguer entre le maître et son servi-
teur, entre le riche et le pauvre, entre le roi
triomphant et le roi qu'il avait traîné è son
char de triomphe? » (Hom. 3, m verba Moy-
sis : Attende tibi ipsi.) Et, en effet, pour
dissiper la fumée des vanités dont s'enivrent
les hommes du siècle, il n'y a pas de moyen
plus efficace que de leur faire considérer
souvent ce qu'ils seront bientôt, et ce que
sont ceux qui, Ucnguère, nageaient au sein
des félicités mondaines. C'est pourauoi, si
quelque personne de ce genre voulait s'ap-
filiquer à la piété, il faudrait lui ordonner
de faire des lectures et des méditations sur
ces sortes de vérités, et lui offrir quelque
livre qui en traite spécialement. Car la véri-
table lumière ne luira point pour son esprit,
si d'abord on n'en chasse cette vaine fumée.
VI. La vanité des femmes consiste ordi-
nairement k vouloir paraître en public écla-
tantesde beauté,ornéesde pierres précieuses,
environnées d'une' grande pompe, enri-
chies de vêtements où brillent l'or et l'ar-
gent. La source de cette faiblesse est, d'un
côté, la privation de tout exercice littéraire,
de tout emploi, détente profession libérale;
et, d'un autre côté, la passion de la vaine
gloire, qui n'est pas moins profondément en-
racinée dans leur cœur que dans l'esprit des
hommes. De là, ne pouvant nourrir leur
passion de choses plus importantes, elles la
mettent tout entière en ces vpins dehors
d'une toilette splendide. Cependant, si elles
veulent s'adonner k une véritable piété, il
faut qu'elles mettent des bornes h cette su-
perfluité d'ornements, puisque la vraie dé*
ai
IDl
DIGTM)MNAIIIE
IGf^
tl9
volion cl la piéCé solide ne pcuvont s allier
à la vanilét ni habiler dans Je mémo cœur.
Que le directeur doncs^eObrce de faire Iriom-
pher de ces obstacles leurs pénitentes, sur*
tout celles qui se livrent à la vie spirituelle
et à Teiercice des rertus. S'il peut» sans
danger et sans de graves inconvénients» les
faire renoncer à toute celte pompe d'orne-
ment, à tout ce vain faste d*habilleiuent,
qu'il le fasse sans hésiter : car, de celte ma-
nière, il tranchera la racine même du mal.
Mais, si la prudence le lui défend, que du
moins il ramène à une juste modération
Tusage d*une telle pompe dans les v6temenls«
Qu'il exige d'elles un maintien plus humble,
des habitudes plus modestes, autant que
leur position le permet; et surtout, si efles
se couvrent d'ornements, qu'elles ne le fas-
sent point par un vain désir de paraître,
car il n'y aurait pas alors moyen de les ex-
cuser de vanité et de péché; mais qu'en
cela elles n'agissent que pour se conformer
aux convenances de leur position, 'ou à
d'autres motifs raisonnables, qui les obli-
gent à une toilette enrichie d'ornements.
VU. Le directeur ne doit jamais permettre
que, par crainte de vaine gloire, ses péni-
tents omettent jamais une bonne œuvre qui
leur est convenable. Expliquons notre pen-
sée. 11 V a des hommes qui ne parlent
point à leur directeur des inspirations et
des faveurs qu'ils reçoivent de Dieu dans
la prière , et qui ne lui font pas connaître
les pénitences, les macérations et autres
œuvres de piété auxquelles ils se livrent, et
cela sous prétexte que, en faisant connaître
de telles choses, ils éprouvent un sentiment
de vanité, ou bien dans la crainte qu'ils
n'excitent dans leur cœur un sentiment
de cette nature. D^autres omettent la visite
des églises, la fréquentation des sacrements,
le service des malades dans les hôpitaux ou
>a pratique d'autres vertus, pour la raison
que des pensées de vanité surgissent dans
leur esprit au milieu de ces œuvres de piété.
Il faut ordonner à ces personnes de n'omet-
tre aucun bien, en vue d'éviter la vanité.
Autrement , .'le démon, remarquant cette
crainte, pourrait les éloigner de toute bonne
œuvre, en leur suggérant des pensées de
vanité, tantôt d'une laçon, tantôt d'une au-
tre. Que ces personnes dirigent leur inten-
tion vers Dieu, qu'elles prolestent devant
lui qu'elles agissent avec dos Rns droites, et
que, sans se mettre en peine des vaines
pensées d'amour-propre qu'elles éprouvent,
elles persévèrent constamment daos l'exer-
cice des bonnes œuvres.
VIll. Le directeur, pour mettre ses péni-
tents à l'abri de toute vaine gloire, ne leur
doit pas permettre de se conduire de ma-
nière à passer auprès des autres pour des
insensés, pour des imprudents, ou pour
des hommes de peu de jugement. Car Dieu
veut que, dans notre conduite, nous mar-
chions avec toute sagesse et en toute droi-
ture; et il suffit pour nous de supporter
avec paix et en toute humilité les blessures
faites à notre réputation, lorsque les autres
conçoivent de nous une opinion mauvaise,
sans que nous leur en fournissions l'oc-
casion. Nous savons bien que plusieurs
saints ont quelquefois agi de mamère à se
faire passer pour des insensés ; mais ils y
furent portés par une inspiration particu-
lière de r£spnt- Saint, sans laquelle il faut
s'abstenir de ces sortes de choses. Que le
directeur se garde aussi d'apnrouver la cou-
tume do ceux qui, pour éviter la vaiue
gloire* parlent mal d'eux-mêmes h tout pro-
pos, en se traitant do pécheurs, d'impanails
et de misérables. Premièrement , parce que
soûs cette affectation d'humilité se cache
ordinairement quelque vanité secrète, sous
l'influence de laquelle ces sottes de person-
nés cherchent à paraître modestes et hum-
bles dans l'opinion qu'elles ont d'elles-mê-
mes, bien que, le plus souvent, la personne
même ne le remarque pas. Secondement,
parce que de semblables accusations, quand
même elles partiraient d'un cœur sincère,
ne sont point ordinairement admises par
celui qui les entend, mais sont plutôt ac-
cueillies par des flots de louanges ; en sorte
que Ton s'expose à la vaine ^oire par les
moyens mômes qu'on emploie à l'éviter.
C'estpourquoiilvautbienmieuxquerhomme
porte dans son esprit et dans son cœur une
connaissance profonde et véritable de lui-
môme et de ses misères, en vertu de laquelle
il se méprise au fond de son Ame ; quil
renvoie sincèrement à Dieu la gloire de tout
ce qu'il y a de bien en lui, et qu'il soit tou-
jours disposé à admettre de la bouche des
autres le reproche de ses défauts et de sas
imperfections. £n un mot, que le djrecleur
apprenne à ses périilents k ne jamais porter
d eux-mêmes ni en bien ni en mal.
I
IDIOT ou le Savant idiot^^uieur que l'on
a sauvent cicé ainsi , avant que le P. Théo-
Ïihile Raynaud eût découvert que Raymond
ordan, prévôt d'Uzès en 1381, puis abbé de
Celles au diocèse de. Bourges, est le véri-
table auteur des ouvrages qui se trouvent
dans la bibliothèque des Pères^ sous le nom
d'7dto^. Raynaud les a publiés à Paris, 1654,
in-4*. Cette colleclion contient : 1** six livres
de Méditations ; — 2* Un Traite ae ia B. f.
Marie ; — 3* Un Traité de la vie religieuit;
— 4° VOEU mystique.
IGNACE DE LOYOLA (Saint), né au châ-
teau de ce nom en Biscaye , Tan 1491, dt
parents nobles, fut d'abord page de Ferdi-
nand V. Il porta ensuite les armes et se
trouva au siège de Pampeluiie* en 1521. H
y fut blessé d'un boulet de canon h !a jambe;
ii7
IGH
D^ASCKTISME.
IGN
81S
et, pendant sa convalescence» il eal occasion
de lire une Vie des saints. Cette lecture le fit
r^écbir. et lui inspira le généreux dessein
de quitter le monde pour se consacrer à
Dieu. Il se livra d'abora k toutes les rigueurs
de la Pénitence t dans une grotte solitaire
où il s était retiré , et partit ensuite pour la
TerreSainte, où il arriva en 15S3. De retour
en Europe, il étudia, quoique Agé de trente-
trois ans, dans les universités d'Espagne. 11
passa à Paris en 1S28, pour y recommencer
ses humanités au collège de Monlaigu. Ce
fut dans cette ville qu'il s'associa quelques
condisciples, et, entre autres, saint Fran*-
çois Xavier (Foy. eenom)^ pour rétablisse-
ment de Tordre des Jésuites, en 153(^. Le
saint fondateur de cet ordre si distingué
mourut le 3t juillet 1556, Agé de soîxante-
eînq ans. Il a laissé : 1* Des Exercices spi-
riiuelSf 16U, in-fol.; — 2* Des Canstituiions.
Ces deux livres, destinés par Tauteur k ses
disciples, sont également célèbres. Ils ont
été traduits dans toutes les lançues de TEu-
rope. La Vie de saint Ignace a été écrite par
le P. Maffei et le P. Boubonrs.
Ses Constitutions et ses Exercices apirî-
iWÈch. — Nous ne pouvons mieux connaître
Tesprit , le but et l'ensemble des Constitu-
tiois de saint Ignace, qu'en consultant la
bulle de Paul 111 qui nous en donne le ré-
sumé fidèle, tracé par le saint fondateur lui-
même :
« Quiconque voudra , sous Tétendard de
de la croix, porter les armes pour Dieu,
dit saint l^ace, et servir le seul Seigneur
et le Pontife romain, son vicaire sur la
terre, dans notre Société, que nous désirons
être appelée la Compagnie de Jésus , après
y avoir fait vœu solennel de chasteté, doit
se proposer de faire partie d'une Société
Kincipalement instituée pour travailler è
vancement des Ames dans la vie et la
doctrine chrétiennes, et k la propagation de
la foi , par des prédications publiques, et le
ministère de la parole de Dieu, par des
exercices spirituels et des œuvres do cha-
rité , notamment en faisant le cathécbisme
aux enfants, et i ceux qui ne sont pas ins-
Imits du christianisme, et en entendant les
confessions des fidèles pour leur consolation
3pirituelle. H doit aussi faire en sorte d'a-
Toir toujours devant les yeux : première-
ment Dieu, et ensuite la forme de cet insti-
tut qu'il a embrassé. C'est une voie qui
mène à lui , et il doit employer tous ses
efforts pour atteindre à ce but gue Dieu
même lui propose, selon toutefois la me-
snre de la ^âce qu'il a reçue de l'Esprit-
Saint, et suivant le degré propre de sa vo«
cation, de crainte que quelqu'un ne se laisse
emporter à un zèle qui ne serait pas selon
la science. C'est le général ou prélat que
nous choisirons qui décidera de ce degré
propre k chacun, ainsi que des emplois, les-
?oels seront tons dans sa main, afin que
ordre convenable, si nécessaire dans toute
communauté bien réglée, soit observé. Ce
général aura rautorite de faire des consti-
tutions conformes h la fin de l'Institut , du
consentement de ceux qui lui seront asso-
ciés, et dans un conseil où tout sera décidé
k la pluralité des suffrages. Dans les choses
importantes et qui devront subsister à l'ave-
nir* ce conseil sera la majeure partie do
la Société, que le général pourra rassem-
bler commodément ; et, pour les choses lé-
gères et momentanées, tous ceux qui se
trouveront dans le lien de la résidence du
général. Quant au droit de coromandert il
appartiendra entièrement au général. Que
tous les membres de la Compagnie sachent
donc, et qu'ils se le rappellent, non-seule-
ment dans les premiers temps de leur pro-
fession, mais tous les jonrs ue leur vie, que
toute cette Compagnie et tous ceux qui la
composent combattent pour Dieu sous les
ordres de notre très-saint seigneur le Pape
et des autres Pontifes romains, ses succes-
seurs. Et, quoique nous avons appris de
l'Evangile et de la foi orthodoxe, et que
nous lassions profession de croire ferme-
ment que tous les fidèles de Jésus-Christ
sont soumis au Pontife romain comme à
leur chef et au vicaire de Jésus -Christ,
cependant, afin que rhumilUé de notre So-
ciété soit encore plus grande, et que le dé-
tachement de chacun de nous et l'obligation
de nos volontés soient plus parfaits, nous
avons cru qu'il serait fort utile, outre ce
lien commun à tous les fidèles, de nous en-
gager encore par un vœu particulier, en
sorte que, Quelque chose que le Pontife ro-
main actuel et ses successeurs nous com-
mandent, concernant le progrès des Ames et
la propagation de la foi, nous soyons obli-
gés de l'exécuter à l'instant sans tergiverser
ni nous excuser, en quelque pavs qu'ils
puissent nous envover, soit chez les "Turcs
ou tous autres infidèles , même dans les
Indes, soit vers les hérétiques et les schis-
matiques, ou vers les fidèles quelconques.
« Ainsi donc, que ceux oui voudront se
joindre h nous examinent nien, avant de
se charger de ce fardeau, s'ils ont assez de
fonds spirituel pour pouvoir, suivant le
conseil du Seigneur, achever cette tour;
c'est-à-dire si l'Esprit-Saint qui les pousse
leur promet assez de grâces pour Qu'ils
puissent espérer de porter, avec son aide, le
poids de cette vocation; et quand, par
rinspiration du Seigneur, ils se seront en-
rôlés dans cette milice de Jésus-Christ, il
faut que, jour et nuit, les reins ceints, ils
soient toujours prêts à s'acquitter de cette
dette immense. Mais, afin gue nous ne
puissions ni briguer ces missions dans les
différents pays, ni les refuser, tous et cha-
cun de nous s'obligeront de ne jamais faire
à cet égard, ni directement, ni indirecte-
ment, aucune sollicitation auprès du Pape,
mais de s'abandonner entièrement Ih-dessus
à la volonté de Dieu, du Pape, comme son
vicaire et son général. Le général promettra
lui-même, comme les autres, de ne point
solliciter le Pape pour la destination et
mission de sa propre personne dans un
endroit olutftt oue dans un autre, à moins
(19
IGN
DICTIONNAIRE.
IGfl
m
§ue ce oe soit du coaseutement de la
ociéié.
c Tous feront vœu d'obéir au géaéral en
tout ce qui concerne l'observation de notre
rè($le, et le général prescrira les choses qu'il
saura convenir à la fin que Dieu et la So-
ciété ont eue en vue. Dans l'exercice de sa
charge, qu*Il se souvienne toujours de la
bonté, de la douceur et de la charité de
Jésus-Christ, ainsi que des paroles si
humbles de saint Pierre et de saint Paul;
et (}ue lui et son conseil ne s'écartent ja-
mais de cette règle. Sur toutes choses,
qu'ils aient à cœur l'instruction des enfants
et des ignorants dans la connaissance de la
doctrine chrétienne, des dix commande-
ments et autres semblables éléments, selon
au'il conviendra, eu égard aux circonstances
es personnes, des lieux et des temps. Car
il «st trôs-nécessaire que le général et sou
conseil veillent sur cet article avec beaucoup
d'altenttoa, soit parce qu'il n'est pas pos-
sible d'élever sans fondements l'édifice de
la foi chez le prochain autant qu'il est con-
venable,, soit parce qu'il eslè craindre qu'il
n'arrive parmi nous que, à proportion que
l'on sera plus savant, 1 on ne se refuse à
cette fonction comme étant moins belle et
moins brillante, quoiqu'il n'jr en ait pour-
tant point de plus utile, ni au prochain
pour son édification, ni .à nous-mêmes pour
nous exercer à la charité et à l'humilité. A
Fégard des inférieurs, tant h cause des
grands avantages qui reviennent de l'ordre
que pour la pratique assidue de l'humilité,
qui est une vertu que Ton ne peut assez
louer,. ils seront tenus d'obéir toujours au
f;énéral dans toutes les choses qui regardent
'institution, et dans sa personne ils croiront
voir Jésus-Christ comme s'il était présent,
et l'y révéreront autant qu'il est conve-
nable.
tt Mais comme l'expérience nous a anpris
que la vie la plus pure, la plus agréable et
la plus édifiante pour le prochain, est celle
oui^ est la plus éloignée ue la contagion de
1 avarice et la plus conforme à |a pauvreté
évangélique» et sachant aussi que Notre-
Seigneur Jésus-Christ fournira ce qui est
nécessaire pour la vie et le vêtement à ses
serviteurs qui ne chercheront que le
royaume de Bleu, nous voulons que tous
les nôtres et chacun d'eux fassent vœu de
pauvreté perpétuelle, leur déclarant qu'ils
ne peuvent acquérir ni en particulier, ni
même en commun pour l'entretien ou us<ige
de la société, -aucun droit civil à des biens
immeubles ou à des rentes et revenus quel-
conques ; mais qu'ils doivent se contenter
de l'usage de ce qu'on leur donnera pour se
procurer le nécessaire. Néanmoins ils pour-
ront avoir, dans tes universités des collèges
possédant des revenus, cens et fonds appli-
cables à l'usage et au.besoin des étudiants,
le général et la société conservant toute
administration et surintendance sur lesdits
biens et sur lesdits étudiants, à l'égard des
(174) Tra(t^€tieii de Crélioeau Jolj, t. i'\ p. 4b.
choix, refus, réception et exclusion desn-
périeurs et des étudiants, et pour les règle-
ments touchant rinstructiun, l'édification
et la correction desdits étudiants, la manière
de les nourrir et de les vêtir, et tout autre
obiet d'administration et de régime, de ma-
nière pourtant que ni les étudiaim ne
puissent abuser desdils biens, ni la Société
elle-même les convertir h son usage, tnaU
seulement les faire subvenir aux besoinsdes
étudiants. Et lesdits étudiants, lorsqu'on se
sera assuré de leurs progrès dans la piété
et dans la science, et après une épreuve
suflisante, pourront être admis dans notre
Compagnie, dont tous les membres qui se-
ront dans tous les ordres sacrés, bien qu'ils
n'aient ni bénéfices, ni revenus ecclésias-
tiques, seront tenus do dire l'ofTice divin
selon le rite de l'ËçIise, en particulier ce-
pendant, et non point en commun.
« Telle est l'image que nous avons pu
tracer de notre profession sous le bon
plaisir de notre seigneur Paul et du siège
apostolique. Ce que nous avons fait dans
la vue d instruire par cet écrit sommaire et
ceux qui s'informent à présent de noire
institut, et ceux qui nous succéderont à
l'avenir, s'il arrive que, par la volonté de
Dieu, nous ayons jamais des imitaleursdaDS
ce genre de vie, lequel ayaflt de grandes et
nombreuses difficultés, ainsi que nous le
savons par notre propre expérience, nous
avons jugé à propos d'ordonner que per-
sonne ne sera admis dans cette Compagnie
qu'après avoir été longtemps éprouvé avec
beaucoup de soin, et que ce n'est que lors-
qu'on se sera distingué dans la doctrine ou
la pureté de la vie chrétienne qne Ton
pourra être reçu dans la milice de Jésus-
Christ, à qui il plaira de favoriser nos pe-
tites entreprises pour la gloire de Dieu le
Père, auquel seul soient gloire et honneur
dans les siècles 1 Ainsi soit-il (17^). »
Tel est le plan de sa Compagnie que saint
Isnace présenta au Pape Paul III, qui dé-
clare n'y avoir rien trouvé que de pieux et
de saint.
Ramener à Dieu tout l'homme et^ tous
les hommes par l'unité de la foi, de res()é-
rance et la cnarité, sans distinction de grec
ni de barbare, tel est le but de TEglise ca-
tholique, tel est le but de la Compagnie de
Jésus, tel est le vœu de tout Chrétien fidèle.
C'est vers ce but que tendent toutes \^
constitutions de saint Ignace pour sa Com-
pagnie. Comme TËglise même, il embrasse
et la vie contemplative et la vie active,
toutes les sciences et toutes les bonnes
œuvres.
Pour que l'action de sa Compagnie sou
prompte et continue, l'autorité du supérieur
général est perpétuelle et absolue tant
qu'il fait bien, mais non sans contrôle m
remède s'il lait mal.
11 est nommé par la congrégation géné-
rale et ne peut décliner l'élection. Sa rési-
dence habituelle est à Rome, au ceulre de
Bil
1GN
DASrXTISME.
IGN
K*
la ca liolii:il<^etdc Tordre. Il a seul aulorilé
fiour faire des règles» il en dispense seul.
Sou oflice D*est pas de prêcher, mais de
gouverner. Le général communique ses
pouvoirs aux provinciaux et aux autres
supérieurs dans la mesure qui lui convient.
Il nomme à ces fonctions et à toutes les
charges des maisons professes, de collèges
et des noviciats, pour trois ans, et plus s'il
le juge opportun. Le général approuve et
désapprouve ce que les visiteurs, les com-
missaires, les provinciaux et autres supé-
rieurs ont fait en vertu de ses pouvoirs.
11 choisit les religieux qui sont nécessaires
à Tadministration de la Société, le procureur
général et le secrétaire général. Il a le droit
de soustraire un ou plusieurs membres de
l'ordre à leurs supérieurs immédiats. Un
membre de U Compagnie ne peut publier
un ouvrage qu'après l'avoir soumis à trois
«xaminaleurs au moins, délégués par le
général.
Tous les trois ans, les catalogues de
chaque province lui sont envoyés. Ces ca-
talogues indiquent l'flge de chaque sujet, la
proportion de ses forces, ses talents naturels
ou acquis, ses progrès dans la vertu et dans
les sciences. La correspondance la plus
active est recommandée entre le général et
les provinciaux, afin que le premier con-
naisse ce qui se passe loin de lui comme
s'il était sur les lieux mômes. Toutes les
semaines, les supérieurs locaux rendent
compte de l'état de leurs maisons au pro-
Tîncial; tous les trois mois au général.
Le général doit avoir force d'âme et cou-
rage pour supporter les infirmités de plu-
sieurs et entreprendre de grandes choses
pour la gloire de Dieu* Lorsque ces grandes
choses lut paraissent utiles, il faut qu'il y
persévère, quand même les puissants de
la terre voudraient y mettre obstacle. Leurs
prières et leurs menaces ne peuvent ja-
mais le détourner du but que proposent
la raison et l'obéissance divine. Le général
doit être doué d'une profonde sagacité et
d'une haute intelligence, afin dé connaître
aussi bien la théorie que la pratique des
affaires. La science lui sera nécessaire,
mais la prudence encore davantage.
Le général seul a le pouvoir, par lui ou
par ses délégués, d'admettre dans les mai-
sons ou les collèges de la Société ceux qui
paraissent aptes h son institut. 11 peut les
recevoir soit à l'épreuve, soit à la profession,
soit comme coadjuteurs spirituels, soit
comme écoliers approuvés. Il peut aussi les
renvoyer et les renvoyer à tout jamais de la
Compagnie; mais pour condamner un profùs
à cette peine, le général à besoin de l'assen-
timent du Pape. Il applique les postulants
et les profès au genre d'étude qui convient
à sa prudence. Les éludes achevées, il peut
les transporter d'un lieu à un autre, pour
un temps déterminé ou indéterminé. Le
général a pouvoir de révoquer ou de rap-
|ieler les Pères que le souverain Pontife
aurait chargés d'une mission pour un temps
indéterminé.
Le droit de créer de nouvelles provinces
lui est conféré. En lui réside le pouvoir de
stipuler, pour l'avantage des maisons et
collèges, tout contrat de vente, d'achat^
d'emprunt, deconslilutions.de rentes et au-
tres, concernant les biens meubles cl im-
meubles de ces maisons ou collèges; mais il
ne peut supprimer une maison déjà établie
sans le concours de la congrégation géné-
rale, ni appliquer les revenus d'aucun éta-
blissement de la Compagnie à la maison
professe ou h celle qu'il habite. Il a la sur-
intendance et le gouvernement de tous les
collèges.
C'est au général qu'il appartient de veiller
à l'observation des constitutions. H a aussi
la faculté d'en dispenser selon tes person-
nes, les lieux, les temps et les autres cir-
constances. H convoque la Société en con-
(;régation générale. 11 peut aussi convoquer
es congrégations proTiociales. Il a deux voix
dans les assemblées, et, en cas de partage,
son opinion prévaut. Il faut au'il connaisse,
autant que possible, le fond oe la conscience
des membres qui lui sont soumis, et prin-
cipalement des provinciaux et de tous ceui^
qui ont des emplois dans la société.
Voilà le pouvoir du général défini par le
texte même des constitutions. Voici mainte-
nant les précautions que saint Ignace a pri-
ses contre l'abus possible de cette espèce d^
dictature. Elles se réduisent à six.
La première concerne les choses extérieu-
res, le vêtement, la nourriture et les dépeur
ses du général. La Société peut augmenter
ou diminuer ces dépenses selon qu'il lui
conviendra, à elle et au général. Il faudra
3ue le général acquiesce à cette ordonnance
e la Compagnie. La seconde a soin du corps
et de la santé du général, afin que, dans les
travaux ou dans les pénitences, il n'outre-
passe pas la mesure de ses forces. La troi-
sième concerne son Âme. Elle met auprès de
lui un admoniteur élu par la congrégation
générale, et qui, avec une respectueuse
modération, est en droit de représenter au
général ce que lui ou les autres Pères au-
raient remarqué d'irrégulier en sa personne
ou en son gouvernement. La quatrième est
pour le prémunir contre l'ambition. Si, par
exemple, un roi voulait forcer le général de
la Compagnie à prendre une dignité qui le
contraindrait à renoncer à ses fonctions, et
si le Pape y consentait ou l'ordonnait, non
pas cependant sous peine de péché, le géné-
ral ne pourrait accepter sans le consente-
ment de la Société. La Société ne consentira
jamais, à moins qu'il n'y ail contrainte mo-
rale de la part du Saint-Siège. La cinquième
pourvoit aux cas dé négligence, de vieillesse,
de grave maladie, où tout espoir de guéri-
sof I serait plus que douteux ; on nomme alors
au général un coadjuteur ou vicaire qui
remplit ses fonctions. La sixième est adop-
tée pour des occasions particulières, pour
des liécbés mortels devenus publics, pour
l'application des revenus à ses propres dé^
penses ou à sa famille, pour l'aliénation des
immeubles de la Société, ou pour doctrine
ti3
IGH
DlCTIOiNNAlHE
KN
perverse. Dans ce cas» la Com|:)afl[Die, après
avoir pris et au delà toutes les înformaiions,
peut et doit le déposer, et même» si besoin
est» le rPDYOjer de Tordre.
Afin de donner à Tautorité du général un
autre contre-» poids, Ignace institue quatre
assistants qui, toujours à ses c6tés, ont
charge de veiUer à l'exécution des trois pre-
mières précautions prises contre lui. Leur
élection sera Taite par ceux-lè mêmes qui
élisent le général. En cas de mort, ou d'ab-
sence prolongée , et les provinciaux n*y
répugnant pas» le général en substitue uu
antre qui, avec Tapprohation de tous ou de
la plus çrande partie, prend la place vacante.
Les assistants, qui sont pris dans chacune
des grandes provinces de Portugal, d'Italie,
d*]^pagne, de France et d'Allemagne, sont
les ministres du général ; ils ont autorité
pour en devenir les juges. Le général peut
suspendre un assistant. Si lo général tombe
âans l'un des cas prévus pour sa destitution,
les assistants convoquent» malgré lui, une
congrégation générale qui le dépose dans les
formes^ Si le 'mal est trop urgent, ils ont
le droit de le déposer eux-mêmes, après
, avoir recueilli, par lettres, le suffrage des
provinces.
Le pouvoir du général, comme Ton voit,
B*est illimité qu'autant que sa manière de
Spuverner et sa vie sont rég^ulières. Pour
arre mieux comprendre ce point important,
Içnace a décidé que les congrégations pro-
vinciales, assemblées tous les trois ans, de-
vaient, avant toute délibération, examiner
s'il serait nécessaire de convoquer une con->
grégatîon générale. Le saint fondateur veut
que les députés des provinces, à peine arri-
érés à Rome, s'entendent sur cette affaire si
délicate en 'dehors du général. Dans l'assem-
blée tenue à cet effet, chacun vote par écrit,
afin aue la cerfilude du secret protège la li-*
t>erle des suffrages. Tels sont les droits et
les prérogatives du général.
Quant a sa Société même, Ignace y éiA-
\lMif, comme dans une compagnie d'apôtres,
un heureux tempérament de la vie active et
de la vie con'emplative. De la première, il
prend les œuvres de obarilé de toutes espè-
ces, la conversion des infidèles, la direction
des consciences, le ministère de la parole,
Véducation de la jeunesse, l'enseignement de
îa théologie, des belles-lettres, et Pinstruc*
tioB des ignorants. De la vie contemplative
Il prend, dans una mesure sagement propor-
tionnée, l\)raison mentale, les examens de
conscience, les exercices spirituels, les pieu-
ses lectures, la fré(|uentalion des sacrements,
les lotroitos 5|)irilueiles et les piatiques de
QuanlaiLx observances religieuses, Ignace
H? voulut donner à la Compaj^nie do Jésus
nucim habit particulier. Il prit le vêlement
ordinaire des prôires séculiers, la soutane
iKMre, l'ancien inanteau,i le chapeau à larges
ÛPrdS| 4ont le Pcipe et le sa.cré collège ont
gisirdé la fcviuo^ Le logement, la nourriture,^
%(^ tout ce qui a trait aux }\abitudos de la
^W VJftPîmne^ (ut réglé d^.us cette wesurç-
Les macérations de la chair, dont quelques
ordres mineurs ont fait la base de leur insti-
tut, le silence, la solitude, les oflices da
chœur, soit de jour, soitde nuit, n'entrèrent
point dans son plan. Il travaillait k compo*
ser pour l'Eglise une milice toujours actJTe,
toujours prête à se porter au plus fort du
danger, et non pas un corps ascétique <iue
les abstinences ou les insomnies auraient
bientôt énervé. 11 le fit en même temps or-
dre Mendiant et ordre de Clercs réguliers:
ordre Mendiant, pour continuer l'œuvre des
apôtres; ordre de Clercs réguliers, parce que
la fin de cet ordre, comme celle des prêtres
ordinaires, est de travailler au salut du pro-
chain par l'exercice du saint ministère.
Ignace établit ensuite les conditions qu'il
est indispensable de remplir afin d'être ad-
mis dans la Société. Quiconque a porté Tba-
bit religieux dans un autre ordre est inapte
è être regu dans la Compagnie. Celui qui
s'offrç pour entrer au noviciat doit à Tins-
tant même renoncer à sa propre volonté, à
sa famille et à tout ce que les hommes ont
de cher sur la terre. iKnace, désirant bien
faire comprendre quel était le fond de sa
pensée sur le principe de Tobéissance, a
accumulé, épuisé dans un seul tableau tou-
tes les images par lesquelles les Pères de
l'Eglise et les ordres antérieurs au siou
commandaient cette vertu.
Il créa six états dans la Compagnie: les
novices, les frères temporels, les scholasii-
ques ou écoliers, les coadjuleurs spirituels,
les profès de trois vœux, les proies de quar
tre voaux.
Les novices se partagent en trois classes:
novices destinés au sacerdoce, novices pour
les emplois temporels, et les indifférents,
c'est-à-dire ceux qui entrent dans la Com-
pagnie avec la disposition de la servir, soii
comme prêtres, soit comme coadjuleurs
temporels, selon que les supérieurs lesju-
gent capables. Les frères temporels formés
sont ceux qui sont employés au service de
la communauté en qualité do sacristain, de
portier, de cuisinier. Après dix années d*é"
preuve et lorsqu'ils sont parvenus àTâgede
trente ans, on les admet aux vœux publics.
Les scolastiques approuvés sont ceux qui,
après avoir terminé leur noviciat et fait à
Dieu les vœux simples de religion, cooii*
nuent la carrière des épreuves, soit dans les
études privées, soit dans renseisnemcut cl
dans les autres emplois, jusqu^à I époque de
leurs vœux solennels. Les coadjuleurs spiri-
tuels formés s'appellent ainsi parce que,
sans avoir encore la science ou les taleois
requis pour la profession des quatre vceux,
on les juge propres au gouvernemeiil des
collectes et résidences, à la prédicatioo, à
l'enseignement, aux missions et à Tadmi-
nistration. Ils ne |)cuvent être promusavaot
trente ans d'âge et dix années de religion.
Les profès des trois vœux se trouvent tou-
jours en aombre fort restreint; ce sont ccm
qui, n'a^'ant psis ioutes les qualités requises
f>our la profession des quatre vcauit ^
voiront a^n^is h la profession sulençellc a
ir.N
D*ASCET1S1IE.
ICN
caose de quelque autre qualilé on d*un mé-
rite dont l'ordre peut (îrer parti dans un
certain cercle didées. Leur emploi est le
même que celui des coa^juteurs spirituels.
Les proies des quatre Tœnx composent la
société dans toute Tacception du moL Seuls
ils peuvent être nommés général» assis*
tant, secrétaire général ou provincial. Seuls
ils ont droit d'entrée dans les congrégations
qui ont charge d'élire le général et les as*-
sistants.
Quant à Tobservance dos vœux et des
règles, h là manière de vivr», il nV a au-
cune différence entre ces divers degr&. Dans
les soins du corps, dans le vêtement, dans
la nourriture, dans le logement, tout est
basé sur le système de la plus parfaite éga-
lité, depuis le général jusqu'au dernier
Frère novice. La Compagnie, ne pouvant et
ne devant qu'éprouver les écoliers, ne
s'oblige envers eux que sous condition;
mais eux s'obligent envers elle. Ils promet*
lent de vivre» de mourir en observant les
▼ceux de pauvreté, de chasteté et d'ot>éis-
sanco. Ils s'obligent même h accepter le
degré nue, par la suite, les supérieursjuge-
raient être le plus en rapport avec leur ca-
ractère ou leurs talents. Les écoliers de-
Tiennent religieux par ce triple vœu, dont»
dans des occasions sagement déterminées,
le général ou la con^egation a le droit de
dispenser. La propriété de leurs biens leur
est laissée : ils ne peuvent cependant pas en
jouir ou en disposer sans l'agrément des
supérieurs. S'ils veulent, avant de faire
profession, donner à la Société tout ou une
partie de leurs biens, les constitutions leur
en laissent la faculté, mais elles ne leur en
font ni une obligation ni un devoir. Le
temps d'épreuves fixé est de quinze à dix-
huit ans. ils ne s'engagent par les vœux
qu'i TAge de trente-trois ans. Tige où mou-
rut Jésus-Christ. Malgré la diversité des cli*
mats et la différence des caractères natio-
naux» tous doivent se soumettre au genre
de vie prescrit par les constitutions.
Les protès sont obh'çés à la pauvreté la
plus entière. Leurs maisons nre doivent rien
I»osséder, et ils s'obligent même» par un
▼ceu particulier, à ne jamais consentir à une
modification de ce vœu» à moins qu'on ne
l' oge i propos d'étendre davantage sa rigueur.
1 est ordonné à tous de ne briguer ou de
ne convoiter aucune charge dans la Compa^
goie. Le proies s*oblige à n'accepter aucune
prélature» aucun honneur. 11 ne doit jamais
aspirer aux dignités ecclésiastiques, jamais
Icss poursuivre» soit directement» soit indi-
rectement, il ne |)eut mêm<^ en être revêtu
que lorsque le Pape 1'^ contraint sous peine
«je péché mortel. C'était le meilleur mojen
de fermer la porte aux ambitions, et de
conserver è Tordre des membres distingués.
Les profits remplissent toutes les intentions
IM>ur lesquelles Ignace créa la Compagnie
de JésusrChrist. Ils enseignent, ils prêchent,
ils dirigent. Pour ces fonctions, ils ne doi-
vent toucher aucun* argent sous forme de
salaire ou d<s récompense ; il ne leur est
permis de recevoir que comme aomêne.
Voilà généralement ce qu'il r a de parti-
culière la Compagnie de Jésus.* Saint Ignace
j ajoute beaucoup d'autres dispositions,
mais communes à toutes les constitutions
monastiques. La Compagnie de Jésus* ap-
prouvée d'abord par le pape Paul 111» le fut
ensuite par Jules 111, Paul IV, Pie IV, saint
Pift V, Grégoire XllI, Sixle^uint, Gré-
goire XIV, et notamment par le concile
GBCuménique de Trente, qui, commePaulIll,
déclara cet Institut saint et fûeux.
La Compagnie de Jésu^, avec ses consti-
tutions générales, a pour but de convertir à
Dieu tous les hommes ; les exercices spiri-
tuels, en particulier» ont pour but de con-
vertir à Dieu tout l'homme.
C'est pour retirer ou préserver de la voie
de perdition et d'autres semblables, et con-
duire sûrement à Dieu» c]ue saint Ignace
organise ses exercices spirituels. Ils embras-
sent quatre semaiues ; mais on peut les faire
en plus ou moins de temps. La première
semaine s'occupe de la fin de l'homme et
du péché, qui en est le seul obstacle : les
trois autres semaines s'occupent de la vie
de Jésus^hrist» le modèle de l'homme nou-
veau et le maître qu'il faut servir. Dans ces
diverses méditations, toutes les facultés de
l'homme sont employées iiour le bien pé-
nétrer de la vérité qu'il médite : la mémoire,
l'intelligence, la volonté, la parole ou prière
vocale» les sens même du corps ou'on ap-
plique intellectuellement au siyet de la mé-
ditation I on j consacre certaines heures de
la nuit et du jour; dans les intervalles sont
des examens de conscience pour bien con-
naître ses péchés» leurs causes, les remèdesi
laire une m>nne confession, recevoir digne-
ment la sainte Eucharistie : ce sont des exa-
mens particuliers sur un défaut h corner,
une vertu è acquérir, des considérations
sur le choix d'un état pour sauver son âme.
Le saint ajoute, entre autres choses, que
celui qui veut dire les exercices doit les
commencer avec un fort çrand courage, ré-c
solu de s'abandonner entièrement au Saint-
Ksprit, et tout prêt à aller où la voix du
ciel rappellera; qu'étant ainsi disposé h
l'entrée de la retraite, il doit noo^eulemenl
oublier pour un temps toutes les affaires
du monde, mais encore ne s'appliquer
qu'aux méditations de cliaque jour, sana^
penser en aucune façon à celles du lende-i
main; qu'il ne suffit pas que ses lectures
soient bonnes et saintes, mais qu'elles doi-
vent être conformes au sujet de ses médita-
tions, de peur que l'espnt, étant dissipé à
divers objets, n'ait moins de force pour pé-
nétrer les vérités dont on se propose de le
convaincre; que le vivre, la solitude, le si-
lence, les austérités doivent se rapporter k
la matière des oraisons de chaque semaine,
autant que la prudence le demande; que, s'il
sent de la dévotion sur un article, qu'il ne
passe point h un autre jusqu'à ce que sa
piété soit pleinement satisfaite; que» s'il
tombe dans la sécheresse et le dégoût, bien
loin de retrancher quelque chose du temps
817
IGN
MCTIONMAIRE
IGN
n
destiné k l'oraison, il la fasse un peu plus
loD^e pour corohaltre son ennui et pour
se vaincre lui-m6me, en attendant dans le
silence et avec humilité la visite du Saint-
Bsprit; que si, au contraire, il reçoit abon-
damment des consolations et des douceurs
spirituelles, il se donne bien de garde de
faire aucun vœu» surtout un vœu perpétuel
et qui oblige à changer d*élat ; enûn, qu*il
s'ouvre k celui qui le dirige dans les exer-
cices, et qu*il lui rende un compte exact de
tout ce qui se passe en son intérieur, afin
aue le directeur traite le pénitent selon ses
ispositions et ses besoins, et qu'il ne donne
ni trop de crainte h une âme pusillanime,
ni trop de confiance à une Ame présomp-
tueuse, de peur aussi qued*abord il ne porte
à la plus haute perfection un pécheur qui
n'est pas encore aétaché du vice.
Saint Ignace donne aussi des règles pour
le discernement des esprits. En voici les
principales : 1* C'est le propre de Dieu et
ae tout bon ange de répandre une véritable
joie spirituelle dans l'âme qu'il touche, et
d'ôter toute tristesse et toute perturbation
ingérées par le démon ; tandis que celui-ci,
au contraire, par certains arguments sophis-
tiques qui présentent une apparence du
vrai, a coutume d'attaquer cette joie qu'il
trouve dans TAme. 2* Il est de Dieu seul de
consoler une Ame, sans aucune cause pré-
cédente de consolation ; car c'est le propre
du Créateur d'entrer dans sa créature et de
la convertir, attirer et changer tout entière
en son amour. Nous disons au'aucune cause
de consolation ne précède lorsque rien ne
s'est offert à nos sens, à notre esprit, à notre
volonté, qui puisse produire par soi-même
cette consolation. 3^ Lorsqu'il y a une cause
précédente de consolation, l'auteur en peut
être tantlemauvais ange que le bon, mais ils
tendent à des fins contraires : le bon, pour
que l'Ame profite de plus en plus dans la
connaissance et la pratique ou bien ; le
mauvais, au contraire, pour qu'elle agisse
mal et se perde, k* C'est l'habitude de l'es-
prit malin, se transfigurant en ange de lu-
mières et connaissant les pieux désirs de
l'Ame, de les seconder d'abord pour l'attirer
bientôt de là à ses désirs mauvais. Car, dans
le commencement, il feint de suivre et de
favoriser les bonnes et saintes pensées de
l'homme, et ensuite il Tentralne peu à peu
et l*enlace dans les pièges cachés de ses
tromperies. 5" Il faut examiner soigneuse-
ment nos pensées sur le principe, le milieu
et la fin; si ces trois choses sont bien, c'est
une preuve que c'est le bon ange qui a sug-
géré ces pensées; mais si, dans le cours de
ces pensées de l'esprit, il s'offre ou s'ensuit
uuelque ciiose de mauvais en soi, ou qui
détourne du bien, ou qui pousse è un moin-
dre bien que l'Ame ne s était proposé, ou
qui fatigue l'Ame même, Tinquiète et la
trouble, en lui étant le repos, la paix et la
tranquillité dont elle jouissait auparavant,
c'est une marque évidente que l'auteur de
cette pensée est l'esprit malin, comme étant
toujours opposé à ce qui uous e$t utile.
Après ces règles sur le discernement des
esprits, en viennent quelques autres pour
être toujours d'accord avec TEglise ortho-
doxe. 1* Renonçant è son propre jugemenl,
être toujours prêt à obéir à la vraie épouse
du Christ et notre sainte Mère, qui est
relise orthodoxe , catholique et iiiérar-
chique. 2* Louer la confession faite au préire
et la communion au moins annuelle; car il
est plus louable de communier chaque huit
jours ou du moins chaque mois, mais avec
les dispositions requises. 3" Recommander
aux fidèles d'entendre fréquemment et dé-
votement le sacrifice de la messe, également
les chants ecclésiastiques, les psaumes et
les longues prières qu'on récite soit dans
les églises ou dehors; approuver les temps
déterminés pourlesoOicesdiviuset les prières
quelconques, comme les heures canoniales.
k' Louer beaucoup l'état religieux, et pré-
férer le célibat ou la virginité au mariage.
5* Approuver dans les religieux les vœui
de cnasteté, de pauvreté et d'obéissance,
avec les autres œuvres de perfection et de
surérogatîon. 6** Louer les reliques, la véné-
ration et l'invocation des saints ; item, les
stations, les pèlerinages, les indulgences,
les jubilés, les cierges allumés dans les
églises et les autres pratiques qui aident à
la piété et à la dévotion. 7* Relever l'usage
de Tabstinence et des jeûnes, au Carême,
Quatre-Temps, Vigiles, vendredi, samedi, et
des autres qu'on s'impose par dévotion;
tiem, les afiliciions volontaires que nous
appelons pénitences, non-seulement les in-
térieures, mais encore les extérieures.
8* Louer que l'on construise des églises,
qu'on les orne et que l'on vénère les images
à cause de ce qu'elles représentent. 9* Con-
firmer souverainement tous les préceptes de
l'Ëçlise, ne les attaquer d'aucune manière,
mais les défendre prouiptement par toutes
sortes de raisons. 10* Soutenir soigneuse-
ment les décrets, mandements, traditions,
rites et mœurs des Pères et des supérieurs.
S'il y a quelque chose à reprendre, prier eu
particulier ceux qui en ont le pouvoir d*;
porter remède. 11* Estimer beaucoup la
théologie, tant la positive que la schoias-
tique. Car, comme les anciens docteurs ont
eu pour but de porter à l'amour et au culte
de Dieu, ainsi saint Thomas, saint Bonaven-
ture, le Maître des sentences et les autres
théologiens modernes se sont spécialement
proposé d'exposer plus exactement les dog-
mes nécessaires au salut, et de les déHnir,
comme il convenait en leur temps, et depuis,
pour réfuter les erreurs des hérésies. Car
ces docteurs venus plus tard, non-seulemeot
ont rinlelligence des saintes Ecritures et
sont aidés par les écrits des anciens auteurs,
mais encore, avec l'influence de la lumière
divine, ils profitent heureusement pour oolre
salut des ciinons et des décrets des conciles,
ainsi que des diverses constitutions de la
sainte Eglise. 12* Eviter de comparer les
vivants avec les saints du ciel. 13* Se sou-
mettre promptemenl k la décision de Ifi-
glise; car il faut croire d'une manière iûJ^'
9S9
KM
D^ASGEIISME.
IGH
850
bitable que c'est Je mèsae eifirit de Ifoire-
^(P*i— "* el de TE^îse, soo épouse, qui nous
gouverne et nous dirige vers le salut» et
que ce n*est pas un autre Dieu qui donna
autrefois les dix commandements, et qui,
maintenant» instruit et dirige la hiérarchie
de I Eglise, ik* Etre très-circonspect en par-
lant de la prédestination. 15* En parler peu
souvent. 16* Louer la foi, mais sans donner
lieu à négliger les bonnes œuvres. 17* Prê-
cher la grâce, mais sans donner lieu de
croire qu*il n'j a pas de libre arbitre.
18* Encore qu'il soit souveraiuement louable
el utile de servir Dieu par dileclion pure,
il faut cependant recommander la crainte de
Dieu» non-seulement la crainte ûliale, mais
encore cette autre qu'on appelle servile; car
souvent elle nous est nécessaire pour nous
faire sortir promptement du pécué mortel
et nous disposer à la crainte Gliale» qui nous
conduit à l'amour de Dieu et nous y con-
serve (175).
Ces règles sont assurément très-sages, et
trouvent encore leur application de nos
jours. U en est de même des règles concer*
nant les sciences et les éludes, et qui se
trouvent partie dans les constitutions primi-
tives de la Société, partie dans des ordon-
nances subséquentes. En voici le fond et
l'ensemble :
La Gn de l'homme est de connaître Dieu»
de l'aimer» de le servir» et» par ce moyen»
obtenir la vie éternelle. La fin de la Com-
pagnie deiésus»commederEglise catholique,
est de faire connaître Dieu» le faire aimer et
servir. Donc la science qui s'occupe directe-
ment de connaître et faire connaître Dieu,
c'est-à-dire la théologie» lientnécessaireroent
le premier rang» et toutes les autres doivent
y aider (176). La théologie est la science de
Dieu et des choses divines; elle peut se divi-
ser en théologie naturelle» science de Dieu
et des choses divines par les lumières de la
nature, et théologie surnaturelle, science de
Dieu et des choses divines par les lumières
de la foi on de la révélation (177). Elle se
subdivise eu théologie positive ou oratoire,
explication des choses divines sans argumen-
tation en forme ; théologie scholastiaue ou
propre è l'enseignement dans les écoles,
sciences des choses divines par voie d'argu-
mentations démonstratives et formelles.
Le professeur de théologie scbolastique
saura au'il est de son devoir d'unir tellement
une solide subtilité dans la dispute avec la
foi et la piété» que celle-là serve à celle-ci.
Les professeurs de la Compagnie suivront
absolument la doctrine de saint Thomas; ils
le regarderont comme leur docteur propre,
et mettront tout en oeuvre pour que leurs
auditeurs s'y afTectionnent. Cependant ils
ne se croiront pas astreints à saint Thomas
de telle sorte qu'il ne leur soit jamais permis
de s'en écarter en rien» puisque ceux mômes
qui s'appellent thomistes ne s'y croient pas
obligés. Ainsi » sur la conception de la
sainte Vierge, on suivra l'opinion la plus
commune en ce temps et la plus reçue parmi
les théologiens. De plus, dans les questions
purement philosophiques, ou même qui
tiennent aux Ecritures et aux canons, on
pourra suivre ceux qui ont traité ces ma-
tières plus ex-professo. Lorsque le sentiment
de saint Thomas est ambigu, ou qu*il s'agit
de questions qu'il n'a peut-être pas traitées
et sur quoi les docteurs catholiaues ne sont
pas d'accord, on pourra suivre 1 un ou l'au-
tre parti. Dans l'enseignement» on aura
surtout soin d'affermir et de nourrir la piété.
C'est pourquoi, dans les questions que saint
Thomas ne traite point ex-fMrofesso , nul
n'enseignera rien qui ne s'accorde avec les
sentiments de l'Eglise et avec les traditions
reçues ou qui ébranle de quelque manière
une solide piété. Le cours de théologie s'a-
chèvera dans quatre ans (178). Quant à la
philosophie» voici les principales règles.
Comme les sciences naturelles disposent
l'esprit à la théologie, qu'elles servent à en
acquérir une parfaite connaissance et à en
faire un bon usage, et que de soi elles ai-
dent à la même tin» le professeur, cherchant
en tout la gloire de Dieu, les traitera de ma-
nière à préparer ses auditeurs à la théologie»
el surtout à les exciter à la connaissance de
leur Créateur. Dans les choses de quelque
importance» il ne s'éloignera pas d'Aristote,
à moins qu'il ne s'agisse d'un article qui
s'écarte de la doctrine approuvée par toutes
les académies; à plus forte raison s'il répugne
à la foi orthodoxe» contre laquelle» s'il se
trouve quel()ues arguments soit dans ce phi-
losophe, soit dans tout autre» le professeur
le réfutera vigoureusement , suivant que
l'ordonne le concile de Latrân. Les inter-
prètes d'Aristote qui ont mal mérité de la
religion chrétienne» comme Averrboès, on
ne les lira ni ne les citera saps beaucoup de
choix et de précaution ; ou ne se déclarera
{tour aucune de leurs sectes; on ne dissimu-
era aucune de leurs erreurs, mais on en dé-
primera d'autant plus vivement leur autorité.
Au contraire, jamais on ne parlera qu'hono-
rablement de saint Thomas; on le suivra
volontiers quand il faudra, et on ne l'aban-
donnera qiravec respect lorsque son senti-
ment ne paraîtra pasjuste. Le cours de phi-
losophie durera trois années. La première»
on s'occupera de la logique et des autres
livres d'Aristote qui s'y rapportent; la se-
conde, des physiques; la troisième» des
métaphysiques. Dans la métaphysique, on
passera les questions de Dieu et des intelli-
gences, qui dépendent entièrement ou en
S[rande partie des vérités transmises par ia
oi divine (179).
Cette règle dernière mérite attention. La
comp«igîiie de Jésus craignait» non sans rai-
(175) ImtMtui. Sociel. Jêsu^ 1. ii; Prags, p. 504. Paris. 1682.
(176) CûuuU. cum déclarât.^ pars, iv, c. 12, l. I, (178) iialio studiorum,
p. M9. (179) Ruûo êiudiorum,
(177) Voir Brtviarium iheoloqicum de Solxa5. ;
â3i
ILL
DICnONMAllIE
ILL
832
son, que la philosophie sécularisée n'usur-
pât un jour renseignement de la théologie
sous le nom de métaphysique» ou même
quelque nom plus nouveau.
IGNACE (Saint), disciple de saint Pierre
et de saint Jean , surnommé Théodorw
fut ordonné évèque d*Aniioche Tan 68 «
après saint Wade, successeur immédiat de
saint Pierre. Rien n'égala Tardeur de sa
charité, la vivacité de sa foi et la profondeur
de son humilité. Entendant les lions qui,
pressés de la faim, rugissaient affres leur
proie : Je suis, dit-il, le froment de Jésus-
Christ, {pour être moulu par les dents des
bêtes et devenir un pain pur.
On a de lui sept épttres qui sont non-
seulement un monument de la foi et de la
discipline de la primitive Eglise, mais aussi
un chaleureux appel à une vie parfaite, au
mépris des choses terrestres et au pur
amour de Dieu.
ILLUHINATIVE (Voie). — Vçy. Voibs de
14 PERFECTION. —Il jT 8, sclou Ics m^stiques,
deux raisons d'appeler cette voie illumina'
tive. La première est que, par elle, l'homme,
purifié des vices et du péché, et devenu ca-
pable de comprendre les attractions divines,
selon ces paroles : Bienheureux ceux çuî ont
te cœur. pur f parce qu'ils verront Dieu^ est
plus fréquemment éclairé de Oii u et com-
mence dès lors à marcher «u grand jour des
vurlus et des bonnes œuvres, suivant ainsi
ce conseil de l'Âpâtre : La nuit (du |)éché)
e$t déjà fort a/cancie^ et le jour (^oa le moment
de bien agir) s'approche. Quittons donc les
œuvres de ténèbres^ et marchons avec honné-
tetéf comme on doit marcher durant le jour
(Rom. xiu, 12 et 13). La seconde est que
ihomme qui est entré dans cette voie, afin
de pouvoir exercer les vertus chrétiennes
avec plus de facilité et de perfection , et
yaincre courageusement toutes les tentations
et les d iOicul tes qui se présentent, doi t surtout
se proposer d'imiter Jésus-Christ, la vraie
lumièrct oui éclaire tout homme venant en ee
monde 9 l'image la plus parfaite de toute
vertu et de toute sainteté; de sorte qu*é-
claire par Celui qui a dit de lui-même : Je
0uis la voiCf la vérité et la vie personne ne
vient à mon Père que par moi (Joan. iiv), il
^e perfectionne de plus en plus dans la per-
fection chrétienne.
De cette définition de la voieilluminative,
il résulte qu'elle embrasse :1** le soin avec
lequel on doit s'attacher à progresser de
J)ius en plus dans la perfection chrétienne;
l"" la méditation et l'imitation de la vie et de
la passion de Jésus-Christ et de la bienheu-
reuse vierge Marie; 3" l'exercice des vertus
chrétiennes; k*" la victoire des tentations et
des autres difficultés que nous avons à sur-
monter en celte voie; S*" l'usage de la sainte
Eucharistie comme le moyen le plus eflicace
pour s'avancer dans la {perfection.
Chacune de ces parties forme la matière
d'un article spécial auquel nous renvoyons.
IVoir les mots : Prqorès dans la perfection,
MITATION DE JÉSUS-ChRIST, IMITATION DE
Uarib, Vbrtu Tentation Euchaiiistie.
1. Aphorismes de la voie illuminaiive ou
de ceux qui progressent dans la voie spiri-
/«iW/e.—l. Remplir les obligations de son état,
c'estprendrelechemin direct de la perfprtioR.
2. Prier, c'est agir; car les œuvres, et
non les paroles des lèvres, sont des signes
▼éritables d'amour.
3. Donner beaucoup de temps h la prière
et négliger ses devoirs, est une illusion pla-
tôt qu'une prière.
4. C'est une prière sujette à Terreur que
celle qui aspire à la perfection sans la pra-
tique de la vertu.
5. La violence de toute pasfion est le
poison de la prière. Toute passion forte
excite beaucoup de trouble dans l'esprit.
6. Pour vaincre une passion invétérée, il
ne suffit pas d'armer sa raison.
7. L'esprit d'oraison se perd aussi bien par
une passion bonne que par une passioo
mauvaise.
8. Une passion désordonnée est un assez
lourd fardeau, sans qu'il soit besoin d'autre
croix.
9. Telle a été la mortification, telle sera
ordinairement la prière.
10. Où régnent la vanité et l'ambition, ne
peuvent résider en même temps la sainteté
et la prière.
11. Celui qui est doué d'une vive lumière
80 réjouira avec amour d'avoir Jésus pour
guide, et n*aura pas de répugnance à porter
sa croix.
12. C'est en vain que fuit la croix celui
qui veut sérieusementaroir Jésus'pourguide.
13. Les délices terrestres sont on obstacle
aux faveurs du ciel.
ik. L'Ame qui ne se purifie pas sonrent par
la pénitence n'est pas loin de perdre l'orai*
son et même sa conscience.
15. Si nous exécutons après la prière les
résolutions que nous avons prises, c'est une
preuve qu'elle a été fervente et faite avec
pureté d intention.
16. Celui qui veut, comme il y est obligé,
faire une bonne prière, doit garder le si-
lence, fuir le bruit et chercher dans un coin
le recueillement.
17. Quand on est bien pénétré de la pré-
sence de I^ieu, on reste habituellement mo-
deste, honnête et silencieux.
18. La sécheresse, supportée arec con«
stance et résignation, est' habituellement le
prélude d'une oraison féconde en délices.
19. La persévérance dans l'oraison , mal-
gré la sécheresse, est la marque d'une grande
force et d'une sainteté solide.
20. Les vêtements précieux et les meU
recherchés sont , dans un religieux, uue
marque qu'il aime les choses du siècle.
21. Une cellule remplie de curiosités et
meublée avec richesse est contraire à la
pauvreté religieuse; c'est le propre des per-
sonnes adonnées au luxe et à la mollesse.
32. Une sainteté qui fait beaucoup de
bruit est ordinairement dangereuse; et si
elle est miraculeuse sans fondement» on aora
bon droit de la tenir pour suspecte.
%3. Dis-moi qui tu hantes^ et je te dirai fui
8S3
ILL
DASCETISME.
ILL
m
iu ^s. Si VOQS TOUS occupez d*arriTer k la
perfection , vous tous occupez aussi de la
prière; mais si tous recherchez tos aises,
TOUS serez semblable au reste des enfants
de siècle.
2%. Approcbez-Tous souvent de la sainte
table, dTec la permission du directeur, et
en réunissant toutes les dispositions requi-
ses, si TOUS désirez atteindre rapidement h
une perfection sublime.
25. Une sainteté subite consiste plus sou-
Teot dans la déTOtion que dans la charité.
26. Celuiquise traite avec rigueur dans la
pénitence et dans la mortification est d'ordi-
naire traitéde Dieu aTocdélicesdans l'oraison.
27. Celui qui, dans l'oraison mentale, dé-
sire faire des progrès, doit ouTrir son Ame
à son père spirituel.
II. Areanesdelavoieittuminative.— VQuel-
ques personnes, dans l'oraison mentale,
ressentent en elles-mêmes d'exSraordinaires
modifications corporelles. Ainsi, les unes
ont le visage couTert d'une TiTe rougeur;
d'antres, la hgure pâte et décolorée ; chez
les unes, le cœur bat avec force; chez les
autres, les tempes éprouvent des pulsations
très-vives. On en voit enfin dont les mus-
cles se détendent, dont les membres sont
comme brisés de coups, et dont le corps en*
tier est en proie h une prostration générale.
En voici la raison : notre âme, dans l'état
d'union avec le corps, produit des actes
Tîtaux et spirituels, d'intelligence et d'a-
mour, avec un retour vers Tes objets de
rimagination et sous la dépendance des or-
ganes du cœur et du cerveau. Comment
s'opèrent tons ces phénomènes, c'est aux
philosophes è répondre. Quoi qu'il en soit ,
si cette action intellectuelle est vive et per-
sévérante sur le cerveau, elle modifie et
fatigue cet organe et y provoque des pulsa-
tions précipitées. Si I amour divin occupe le
cœur, il le dilate, le fait tressaillir, et fait
refluer le sang avec abondance vers les au-
tres parties du corps. De \h cette rougeur
au Tisage; et si le sang s'enflamme, le corps
est tout brûlant et éprouTe parfois une agi-
tation fébrile. S'il s'attaque aux humeurs
bilieuses, il les décom|K)se et les fait afiluer
an Tisage, qui se couTre d'une pâleur frap-
pante. De même aussi, la contraction des
nerfs arrête le cours du fluide nenreux , et
rend lesmembres comme engourdis et brisés.
!!*• Les femmes, même avec moins de
sainteté que les hommes , sont ordinaire-
ment faTOrisées de Dieu, de jouissances et
de délices célestes plus grandes, soit à cau.^e
de la tendresse, de la douceur et de Tamabi-
lité de leur caractère, qualités qui se prê-
tent mieux , au moins d*une manière occa-
sionnelle, aux délices de l'esprit; soit à
cause de leur faiblesse, qui leur rend néces*
saire ce Tébicule des saintes faTeurs , pour
acquérir la force nécessaire à supporter les
peines innombrables qui se rencontrent
dans la Tîe spirituelle; soit enfin h cause de
la grande propension de Dieu è honorer ceux
qu il aime ; or les femmes étant privées du
sacerdoce, de la prédication évangélique et
des autres faveurs du même genre. Dieu a
Tonlu, en compensation, leur accoraer cette
grâce spéciale.
111*. Quelques personnes, absorbées inté*
rieurementuans la méditation la plus nrofon-
^de, n'en donnent aucune marque extérieure.
C'est qu'une telle oraison déjiend d'un prin-
cipe infus, auquel ne participent que peu
ou point les sens extérieurs, c-t dont l'essence
tout entière consiste dans l'intelligence et
la TOlonté.
IV*. Dn grand nombre de saints TiTent au
milieu do continuelles persécutions, acca-
blés de maladies et d'infirmités, parce que
la sainteté est une sorte de droit-d'atnesse
et de majorât que notre Seigneur Jésus a
institué dans sa passion et qu'il a voulu at*
tachera sa croix; de sorte, qu'être saint et
être crucifié, c'est ordinairement la même
chose, avec cette différence qu'il a laissé la
croix des infirmités aux saints de la solitude,
pour réserver celle if es persécutions à ceux
qui suivent la vie mixte, è part quelques
exceptions d'un et d*autre cdté, et quoique
assurément la croix des tentations soit
commune à tous.
V*. Quelques-uns de ceux qui , dans leur
jeunesse, ont pratiqué la pénitence et l'abs-
tinence, deviennent, dans un âge plus avan-
cé, gourmands et impatients ; car le carac-
tère difficile est un tribut que la nature paie
è la vieillesse. La gQurmandise est en Quel-
que sorte un subside nécessaire réclamé
parla mauvaise santé, et l'impatience ré-
sulte de la tendance des vieillards à s'em-
porter facilement contre les folies de la jeu*
nesse.
VI*. Ceux qui excellent dans la mortifica-
tion et la pénitence jouissent, dans Torai-
son mentale, de plus de délices spirituelles
que les autres, parce que la mortification est
one sorte de dernière disposition è laquelle,
moralement parlant, le Seigneur a attaché
l'oraison mentale comme forme subsé-
quente ; d*oà il résulte que plus la mortifi-
cation est grande, plus a de nirce et d'elfica-
cité Toraison mentale gui la suit.
VII*. Il f a dans la vie spirituelle de nom-
breux périls provenant ue l'absence d'un
maître qui puisse nous assister de ses en-
seignements et de ses conseils ; car c'est
une science pratique hérissée de difficultés
sans nombre, de doutes , de tentations , de
combats, de mystères et de sublimités spi-
rituelles ; et comme les arts mécaniques
s apprennent difficilement sans maître, de
même la perfection de Toraison et de la Tie
spirituelle peut difficilement s'obtenir sans
maitre,etmême,d après certaines personnes,
c'est presque impossible sans un miracle.
VIU*. Ceux qui ont peu de confiance dans
leur père spirituel et qui ne lui dévoilent
pas complètement leur conscience comnid
ils le doivent , marchent par des sentiers
perdus, et ont plus de vices cachés que de
Tertus secrètes, soit par défaut d'humilité
et par excès de présomption en eux-mêmes ;
soit parce gue c'est une marque de perTer-
sité et de îualice, do ne Touloir pas décou-
835
ILL
DICTIONNAIRE
ILL
vr«r SCS infirmilés au médecin spirituel,
pour ne pas être obligé de se soumettre au
traitement qu'il prescrirait; soit encore
parce que ces personnes ont habituellement
peu de conscience et ne sinquiètent nulle-
ment de progresser dans la vie spirituelle ;
soit enfin parce que le démon s efforce de
}es détourner d*une telle confiance et qu'il
les trouve ainsi bi^n disposées à commeltre
quelque crime. En effet, toute dissimu-
lation artificieuse dans la vie spirituelle
dénote une grande perversité, d'autant plus
que la vertu rejette toute malice et toute
ruse, et aime à se revêtir d'une pure et
franche simplicité.
ILLUMINÉS. — Nom d'une secte ae faux
mystiques qui parurent en Espagne vers
l'an 1575, et que les Espagnols appelaient
Alumbrados.Leixrs chefs étaient Jean de Wil-
lalpando, originaire de Ténériffe, et une
Carmélite appelée Catherine de Jésus. Un
gran.i nombre de leurs disciples furent mis
à l'inquisition et punis de mort à Cordoue;
les autres abjurèrent leurs erreurs.
Les principales erreurs que l'on reprochée
ces Illuminés étaient que, par Je moyen de
l'oraison sublime à laquelle ils parvenaient,
ils entraient dans un élat si parfait, qu'ils
n'avaient plus besoin de l'usage des sacre*
ments ni des bonnes œuvres; qu'ils pou*
valent même se laisser aller aux actions les
plus infâmes sans pécher. Molinos et ses
disciples, quelques temps après, suivirent
les mêmes principes.
Cette secle fut renouvelée en France en
163'», et les Guérinets , disciples de Pierre
G uérin, se joignirent è eux : mais Louis XIII
les fit poursuivre si vivement, qu'ils furent
détruits entièrement en peu de temps. Ils
prétendaient que Dieu avait révélé à l'un
d'entre eux, nommé Frère Antoine Boc-
qnet, une pratique de foi et de vie surémi-
nente, inconnue jusqu'alors dans toute la
Chrétienté; qu'avec cette méthode on pou-
vait parvenir en peu de temps au même de-
Î;ré de perfection que les saints et la bien-
leureuse Vierge, qui, selon eux, n'avaient
eu qu'une verlu commune. Ils ajoutaient
que, par cette voie , l'on arrivait à une telle
union avec Dieu, que toutes les actions des
hommes étaient déifiées ; que, quand on
était parvenu h cette union, il fallait laisser
agir Dieu seul en nous sans produire aucun
acte. Ils soutenaient que tous les docteurs
de l'Higlise avaient ignoré ce que c'est que
la dévotion ; que saint Pierre , homme sim-
ple, n'avait rien entendu à la spiritualité,
non plus que saint Paul; que toute l'Église
était dans les ténèbres et dans l'ignorance
sur la vraie pratique du Credo. Ils disaient
au'il nous est permis de faire tout ce que
icte la conscience, que Dieu n'aime nert
que lui-même ; qu'il fallait que dans dix ans
leur doctrine fût reçue par tout le monde
et qu'alors on n'aurait plus besoin de prê-
tres, de religieux, de curés, d'évêqucs, ni
d'autres supérieurs ecclésiastiques.
iLLumifÂs AVI6NOIVNAIS. — Pemcty, Béné-
dictin, abbé de Burkol, bibliothécaire du roi
de Prusse ; le comte de Grabianka, staroste
polonais; Brumore, frère du chimiste Guy-
ton-Morveau; Mérinval, qui avait une place
dans la finance, et quelques autres, s'étaient
réunis à Berlin pour s occuper de sciences
occultes. Cherchant les secrets de l'avenir
dans la combinaison des nombres, ils ne
faisaient rien sans consulter la «atfi/eeaW^
car c'est ainsi qu'ils appelaient l'art illusoire
d'obtenir du ciel des réponses aui questions
qu'on lui adressait. Quelques années avant
la Révolution, ils crurent qu'une voix surna*
turelle, émanée de la puissance divine, leur
enjoignait de partir pour Avignon. Grabianka
et Pernety acquirent dans cette ville uoe
sorte de crédit, et fondèrent une secte d'itla-
minés qui eut beaucoup de |)artisans, là et
ailleurs.
Sous le nom du Père Pani, Dominicain,
commissaire du saint-ofllce, on pu'tlin, à
Rome, en 1791, unrecueilde piècis (O.icer-
nant cette société. Le P. Pani dit que, de-
puis quelques années, Avignon a vu naître
une secte qui se prétend destinée par le ciel
è réformer le monde, en établissant un nou-
veau peuple de Dieu. Les membres, sans
exception d'âge ni de sexe, sont distingués,
non par leurs noms, mais par un chiffre.
Les cneCs, résidant à Avignon, sont consa-
crés avec un rite superstitieux. Ils se disent
très-attachés à la religion catholique ; mais
ils prétendent être assistés des anges, avoir
des songes et des inspirations pour inter-
préter la Bible. Celui qui préside aux opéra-
tions cabalistiques se nomme patriarche o\ï
pontife. Il y a aus^^i un roi destiné à gou-
verner ce nouveau peuple de Dieu. Ottavio
Capelli, successivement domestique et janli-
nitT, correspondant avec ces illuminés» | ré-
tendait avoir des réponses do Tarchange
Raphaël et avoir composé un rite pour Ta
réception des membres. Llnquisition lui a
fait son procès, et l'a condamné à subir sept
ans de détention. La même sentence pour-
suit cette société, comme attribuant fausse-
ment des apparitions angéiiques, suspectes
d'hérésie ; elle défend de s'y agréger, d'en
faire Télogc, et ordonne de dénoncer ses
adhérents aux tribunaux ecclésiastiques.
Pernety, né à Roanne en 1716, mort à Va-
lence en 1801, a traduit du latin, de Swe-
denborg, les Merveilles du ciel et de Cenfer.
Les swedenborgistes s'étaient flattés d'avoir
des co-religionnaires à Avignon; mais cette
espérance s'évanouit en apprenant que les
illuminés avignonnais adoraient la sainte
Vierge^ dont il:> faisaient une quatrième per-
sonne, ajout 'e à la Trinité. Cette erreur
n'était pas nouvelle, car les collyridiens attri-
buaient la divinité à la sainte Vierge, et lui
offraient des sacrifices. Rlotzius parle d'ua
certain Borr, qui prétendait que la sainte
Vierge était Dieu, que le Saint-Ksprit s'était
incarné dans le sein de sainte Anne, que !a
sainte Vierge, contenue avec Jésas-iihrist
dans l'Eucharistie, devait, par conséquent,
être adorée comme lui : ce Borr ou Borri lût
brûlé en efligie è Rome, etses écrits le furent
en réalité, le 2 janvier 1661.
937
ILL
D^ASCETISMC
lU
Les illuminés a?içnonnaîs renourelaieiit
aussi, dit-on« les opinions des millénaires;
on les a même accusés d*admeUre la com«
munauté des femmes; mais la clandestinité
de leurs assemblées a pu faroriser une telle
imputation, sans être une preuve qu'elle fût
fondée.
Peroetj étant mort, la société, qui» en
1787, était d'une centaine d'indindus, se
trouva réduite , en 18M, à six ou sept. De
ce nombre était Beaufort, auteur d'une tra-
duction avec commentaires du psaume J^jrnir-
gai. 11 y soutient que l'arche d'alliance, la
manne, la verge u'Aaron, cachées dans un
coin de la Judée, reparaîtront un jour, lors-
que les Juifs rentreront dans le sein de
l'Eglise.
ILLUSION. {Voyez Disgbrhbmbiit des bs-
PBiTs. ) — Parmi les bons et les mauvais
esprits, on distingue un esprit très-dange-
reuf, qui est l'esprit d'illusion. L'illusion
est une erreur commise dans les choses spiri'
iuelles. Penser d'abord, et réussir ensuite à
se persuader qu'une chose mauvaise est
bonne, voilà une illusion et une déceptiou
de soi-même.
De même qu'un espnt bon (ou une inspi*
ration ) peut être mauvais en quelque point,
et uti esprit mauvais bon en quelque point,
ainsi il peut y avoir des œuvres d'illusion
sur un point, et bonnes sur d'autres; ce qui
arrive lorsque nos oeuvres, étant ainsi mê-
lées de bien et de mal, nous les jugeons
entièrement bonnes, par la suite de la séduc-
t*on que nous avons exercée sur nous-mêmes.
Ce que nous faisons de mal par fragilité ou
par malice ne peut donc porter le caractère
de l'illusion; car il laut être persuadé que
Ton fait bien lorsqu'on fait mal, et que cette
conviction existe par notre faute, par notre
volontaire séduction. 11 faut aussi distinguer
riilusion de la su^estion. Celle-ci n'est que
le commencement d'une illusion; l'illusion
n'existe que lorsque l'intelligence et la vo*
ionté ont consenti pleinement à la séduction.
Combien y a- t-il de^sortes d'illusion? Elle ;
est seulement matérielle lorsqu'elle résulte
d'une ignorance invincible, ignorance qu'on !
n'était pas tenu de combattre, ou qu'on
étAit dans l'impuissance de combattre; ou
formelle, mais légèrement coupable, soit à
raison de la légèreté de la matière, soit à
raison de l'imparfait consentement; ou bien
gravement coupable, parce qu'il y a gravité
de matière et plein consentement. On peut
supposer que quelquefois la gravité de ma-
tière peut devenir clouleuse, et à divers de-
grés; ou difficilement douteuse, de manière
à ce que les docteurs eux-mêmes aient peine
h décider; nubien c'est un doute facile h
lever, ce qui donne à l'illusion un mauvais
caractère, surtout lorsqu'elle entraîne l'agent
dans des erreurs où il est retenu avec obs-
tination et erreur crasse, et cela dans les
choses contre la foi et les mœurs. C'est de
tk que sont sorties les erreurs des illumi-
nés et des quiétistes.
Les justes mêmes sont sujets à des illu-
sions, -r Noorseulement les justes, mais en-
core les parfaits sont sujets à des illusions
en matière légère, et surtout h des illu-
sions matérielles. Jugez-en par ces textes
de la sainte Ecriture. Vous y lisez (Sop. ix) :
Quel homme peui savoir le conseil de DieuT
Les pensées des hommes soni iimides ei tncer-
laines par précisions. Noire corps^ qui se cor^
rompis aggrave noire dme, el celle demeuro
terrestre accable le sens ^uî embrasse beau-
coup de pensées. Qui connaîtra votre setiSf
{d mon Dieu!) si vous ne donnez ta sagesse et
si vous n'envoyez voire esprit d'en haul^ el si
vous ne corrigez ainsi les voix de ceux qui
sonl sur la ttirre^ el si les hommes n'appren-
nenl ce qui vous est a^gréable? — Aux Rom.
vil : Je sais le pouvoir de faire le bien^ je no
trouve pas celui de le faire. Car je ne fais pas
le bien que je veux, mais je fais le mal que je
ne veux pas. Si donc je fais ce que je ne veux
pas^ ce n est pas moi qui le fais^ mau lepéché^
qui habile en moi. — Ps. xxxvii : ifes en^
Irailles sonl rempliu d'illusions. Nous de-
vons donc conclure que les justes et les par-
faits sont sujets aux illusions, puisque les
pensées des justes sont timides, que leurs
prévoyances sont incertaines, que leur corps
aggrave TAme. déprime le sens, est une oc-
casion de péché pour le juste, et que David
lui-même gémissait de ses illusions. Ainsi
(iReg.ui) un saint prophète est sé'luit par un
autre prophète. Ainsi encore le prophète
Nathan fut dans l'illusion eu annonçant que
David édifierait le temple.
c Soyons dans la tristesse, dit saint Au-
gustin, tant que nous .demeurerons au mi-
lieu des illusions. Elles sont telles qu'on ne
peut les raconter, car quelle est l'Ame qui
n'eu est pas le jouet ? » Nous lisons dMis
Cassien que le démon avoua h l'abbé Jean
qu'il l'avait poussé à des jeûnes indiscrets.
Saint Bernard dit aussi que souvent ce dé-
mon engage quelques serviteurs de Dieu à
iaire des jeûnes singuliers, qui scandalisent
les autres, non qu'ils aiment ces jeûnes,
mais parce qu'ils courent après la nou-
veauté.
La raison nous dit les mêmes choses. Au-
cun juste, aucune parfait, excepté la sainte
Vierge , n'a élé exempt de l'excitation et 4^
J'atteinte du péché au moins véniel. L'exci-
tation au péché trouble la droite raison par
ses mouvements désordonnés et ouvre ainsi
la porte aux illusions.
IJu mot des illuminés. Les illuminés sont
une espèce d^hommes qui sont fiarticulière-
iiicnt adonnés à l'oraison, aux contempla-
tions élevées; qui se préoccupent de ravis-
sements et qui pensent en éprouver, d'il-
luminations et de miracles. Ils semblent se
revêtir de tout ce qu'il y a de plus éclatant
dans la vie spirituelle; mais, le plus souvent,
ces choses ne couvrent que de grands péchés
et quelquefois des crimes. Ils réduisent la
meilleure partie de la vie spirituelle à des
illusions fantastiques , rêves d'un esprit ma-
lade. Plusieurs n'entre eux ont commencé
pendant un temps à pratiquer les solides
vertus, mais lorsqu'ils arriyèrent à être san
turés du vin de la forte oraison, a goûter
«39
ILL
DlCT10il^AlllB
ILL
8M
avec trop d^abondauce les douceurs spiri*
luelles, ils s'éTanouirent dans leurs pensées ;
et 9 dans leur orgueil, ils sont tombés en
pensant qu'ils étaient arrivé» au sommet de
fa sainteté. Et comme Dieu abandonne sur-
le-champ les orgueilleux, le démon s*en em-
pare. Il auj$mente encore le goût qu'ils ont
pour l'oraison , la retraite et la contempla-
tion, il corrompt leur intention , leur fait
chercher leur consolation dans les bonnes
Œurres extérieures; ensuite il les sature de
fausses révélations, de fausses doctrines, eC
il les précipite ainsi peu h peu dans des pé*
chés mortels, de telle sorte qu'ils unissent
par être extérieurement hypocrites et inté-
rieurement hérétiques. Ainsi doTinrent, après
beaucoup d'ennuis, les béguins et les l>^Kai*
nés condamnés par Clément V ; ainsi Molina
et ses disciples {Voy, 1lluiiiii6s.)
Les Justes doivent singulièrement crain-*
dre et éviter les illusions; et les parfaits ou
ceux qui se croient tels , doivent redoubler
de crainte de tomber dans des illusions,
soit matérielles, soit formelles, et gravement
coupables ils doivent redouter ces paroles
du Proverbe : Il y a une voie qui paraU
droite à l'homme^ tnai4 elle aboulil à la mort»
El celteb de Job : Jecraignaiê êùr iaulee mei
muvrt$f êochatU que vous n'épargnez point
le coupable. — Pt. xviif : ^ui cannaii toutes
les ignorances f purifiez-mot de mes péehie co-
this. — Jérém. xvii : Mon cœur est dépravé^
et inscrutable; quUe eonnattraf — Ps.lwîy.
Quand mon temps sera venu, je jugerai les
wjusliceê. — Corinth. , f , iv : Je ne me sens
rien sur la conscience^ mais pour cela je ne suis
pos justifié. -^Act, des ap. : Vous passez pour
être vivant^ mais vous êtes mort. . . . Vous dites :
Je iuis riche ei dans l"<Ufondance; ei vous ne
voyez pas que vous êtes dénué et misérable et
Ïauvre et aveugle et nu. Or si un lob, on
^avid, un Paul craignent Tillusion, que ne
doivent |ms craindre parmi nous ceux mêmes
qui se croient justes?
Le directeur spirituel doit avertir ceux
qui! dirige de quelle prudence ils doivent
user dans toutes leurs œuvres, pour ne pas
tomberdan8ritiusion;or,avecquelIediligen*
ce ils doivent examiner la matière de leurs
actions pour s'assurer si elle est bonne h tous
égards, ou si elle est mauvaise dans quel-
que partie, si la An est droite ou sincère , si
elle est eutacliée de quelque passion, qui
prend la couleur de la vertu. Après l'action
il faut que le directeur engage les spirituels
k examiner comment ils l^nt accomplie.
Si quelque défaut s'est glissé dans le fond
ou dans les circonstances, atin de devenir
par là plus déliants à l'avenir, car si on
n'arrachait ces défauts dès le début, ils gros-
siraient, et, à force d'illusions, ils corrom-
praient les actions tout entières. Voici com-
ment Cornélius à Lapide commente ces
paroles du Cantique des cantiques : Capite
nobiê vulpes parvulas^ quœ demoliuniur vi-
•«III. Les renards, dil-il, sont les mauvaises
suggestions que le démon, la chair et le
mondenous présententsous la forme du bien,
pour conduire notre &mo au mal. Car Satan,
se transformant en ange de lumière,
le vice sons la forme de la vertu. C'est pour^
quoi il faut repousser ces su^estioos, elles
arracher pendant qu'elles sont encore bif
blés, penclant que Terreur n'est pas eneore
enracinée et qu elle peut être arrachée, et ne
1»as attendre qu'on ne puisse plus en veoiri
»out.
Sources des illusionê. — Noos allons expo*
ser les diverses causes d'où procèdent les
illusions.
La première est la négligence dans les
chosesdivines;uon-seulementles consciences
laides, mais celles qui sont médiocrement
timorées, négligent souvent d'apprendre les
choses qu'elles doivent connaître et faire,
et qu'elles ne peuvent omettre sans péché.
De là naissentf selon la mesure de l'ignoranc"!
des péchés plus ou moins grands, des illu«
sions plus ou moins coupables et dange*
reuses. Telles sont les ignorances dont parle
l'Apôtre (i Cor. uv) : Celui qui ignore sers
ignoré: et celle qu'entend Jésus -Christ
dans la parabole des. deux serviteurs , où il
est dit que celui qui aura connu la volonté
de son maître et ne l'aura pas accomplie sera
beaucoup puni, et celui qui aura oial bit
par ignorance sera moins puni. Sor quoi
ïhéophitacte remarque, c que beaucoup cun*
viennent de ceci, que celui qui connaît la
volonté de Dieu et ne l'accompUt pas soit
puni ; mais celui qui ne la connaît pas, di-
sent-ils, comment serait-il puni? C*est, ré-
pond-^il, parce qu'ayant pu connalU^ celle
sainte volonté, il ne l'a point voulu par
paresse, et ainsi il est lui-même la cause de
son ignorance, et il est juste que la faute
soit punie dans sa cause. Craignons, donc,
mes frères, » etc.
Pour éviter cette cause d'illusions, écou«
tons ce que nous dit Louis Du Pont : qu*jl
importe beaucoup do ne pas résister aui
inspirations de Dieu, clairement connues
pour venir de lui, et de résister vivement et
promptement aux suggestions du démon. Car
en agissant ainsi. Dieu ne permet pas qu'on
soit trompé, au moins de notre faute. Car
toute ignorance coupable doit reposer sur
quelque malice de noire part.
11 faut user de beaucoup do précautions
et craindre d'une crainte salutaire et pro-
dente, en évitant deux excès : l'un d'aioir
une crainte exagérée qui soit eniacbéede
détiance de la bonté de Dieu, oui suppi^
toujours à notre faiblesse quand nous nous
reposons en lui ; l'autre, celui d*une trop
grande sécurité ; car celui qui ne craint point
ne se prépare point, et celui qui n'est point
préparé périt dans Toocasion.
La seconde cause est le défaut d'inteatioo
pure. 11 existe des consciences médiooe*
ment vertueuses, qui toutefois k leur propre
jugement sont porfaites. Elles pensent pos-
séiier les dons excellents de Dieu, faire de
grandes choses pour lui, et toutrfois leur
intention n'est point pure : il j a de Torgueilt
des intentions charnelles, ou des retours
humains dans les plus nobles actions ;oq
cherche sa gloire et non celle de Dieu, uoa
Ml
ILL
D'ASCETISSU:.
ILL
Sii
son boD TOuloir« mais son propre penchant,
et ils encourenl la menace de ee verset de
rRraogile l Si TOtre œil est maoTais, tout
▼ôtre cœur sera ténébreux. Richard de saint
Victor dît à ce propos : c L'orgueil est caché
au fond de TOlre cœur, mais Dieu Je voit,
car il voit les choses cachées; c'est pourquoi
il retire sa grAce ou la diminue : et les chu-
tes sont imminentes. »
Concluons encore de là gue Ton peut
J router les douceurs de la dévotion et des
aveurs spirituelles, mais qu*il faut prendre
garde de 8*y reposer et se bAter de reporter
son intention \ Dieu pour qui doivent être
toutes nos actions et non pour nous. Les
faveurs spirituelles sont une tentation, et
poussent à Tillusion. Il faut faire comme
saint Vincent Ferrier qui voyait Tamour-
propre aller et Tenir dans son cœur, mais
qui ne lai permettait pas de s'y fixer.
La troisième «cause est la précipitation.
Cette précipitation et absence de conseil ne
nuisent pas seulement aux consciences relA-
ehées, en corrompant la pureté d'intention
▼ers la fin, mais encore aux consciences
imparfaitement adonnées k la vertu, en les
trompant sur le choix des moyens pour ar-
river au vrai but. Il faut avoir recours spé-
cialement à l'un des dons du Saint-Esprit, le
don de conseil, afin de prévenir toutes les
surprisçs auxquelles nous sommes sujets
dans raccomplissement de notre devoir, et
au sein même des bonnes œuvres.
La quatrième cause est de ne point con-
sulter son prochain. Souvent Dieu nous ins-
pire de faire quelque bonne œuvre ou quel-
que sainte entrepnse, mais il ne nous inspire
pas en détail les moyens h prendre pour
réussir. Alors nous devons nous adresser à
des personnes compétentes et pleines de
Tesprit de Dieu pour suppléer k ce qui man-
que à nos lumières dans les doutes que nous
avons, et pour assurer le succès. C est ainsi
que Dieu inspira h Paul de revenir à la bonne
voie, mais le renvoya à Ananie pour être
instruit de toutes les circonstances de sa
nouvelle vie.
La cinquième cause est de ramener k son
sens \ei inspirations de Dieu, et même les
choses révélées. C'est ainsi que Satan aurait
voulu tromper Jésus-Christ en lui faisant
entendre ces paroles :/'ot ordonné à mei
Qugtt de vous garder 9 etc. , dans un sens qui
allait k tenter Dieu, et k inspirer de Torgueil.
11 est important de ne point s'écarter du sens
donné |:^r l'Eglise k l'Ecriture sainte, et par
la tradition, autrement on risque de tomber
dans l'illusion ou l'hérésie.
Louis Du Pont fait sur cette matière une
belle réflexion : Il dit que, quand il s'agit
d'Ecriture sainte et de cnoses révélées, il ne
iaut pas précisément y adhérer, parce que
notre raison saisit les raisons de croire et
d'acquiescer rationnellement k ce qui est
enseigné ; mais l'admettre, parce qu'il est
révélé, parce que noire raison peut nous
tromper quelquefois, et que la parole de
Dieu , acceptée même contre notre sens , ne
nous trompera jamais ; et il ajoute qu'il ne
DicnoHS. D*AsciTisiis. l.
faut pas croire au démon même quand il a
raison. En effet , il s'empare de nous au«-
I'ourd'hui par la raison , demain ce sera par
'erreur.
La sixième cause est de désirer les choses
extraordinaires, il vaut mieui et il est beau-
coupplussûrdedésireretdesuivre les choses
ordinaires que celles qui sortent du train
commun de la vie régulière ; car l'esprit
d'illusion est un esprit excentrique , un es-
prit ami des choses singulières. Les devoirs
ordinaires du genre de vie qu'on a choisi •
les actions communes, qui, lorsqu'elles sont
bien faites, peuvent nous élever si haut
dans la perfection , lui sont fastidieuses et
dégoûtantes. Il lui faut de l'éclat , tendre
au martyr, aspirer k faire un jour des mi«
racles , a faire parler de sa haute sainteté.
Leur faiblesse même ne les empêche pas
d*aspirer aux grands effets , et ces personnes
s'appliquent k elles-mêmes ces paroles :
Vous avez caché ces choses aux sages ci aux
prudents , et vous Us avez révélées aux ne-
iits.
Ce qui. est extraordinaire dans les saints
doit être admiré et non imité. Voilk une
maxime sanctionnée par l'expérience. « 11
faut louer Dieu , dit Louis Du Pont , de ce
qu'il a tiré sa gloire de certaines actions hé-
roïques et extraordinaires accomplies par
les saints , mais il faut se donner de garde
de suivre l'esprit tentateur qui nous pousse
k être les singes des saints oans les grandes
choses, lorsque nous n'avons pas encore
appris k être irréprochables et bien dans les
plus petites. »
Voilk les causes et les racines de nos illu-
sions. Il faut y faire une attention d'autant
plus grande , qu'une ignorance coupable des
choses qu'on doit savoir n'excuse jamais de
l'illusion et de ses suites. Ils marchent comme
des aveugles , dit Isaïe , parce quHls pèchent
contre Dieu. Et saint Paul reprend ceui qui
ont du zèle , mais non selon la science.
Il y a donc des impies criminellement
ignorants et en pleine sécurité pour eux-
mêmes, mais Dieu les menace, parce que
leur aveuglement est volontaire. D'où il
suit qu'avec une intention droite , actuelle-
ment du moins , on peut avoir du zèle pou?
plaire k Dieu et n'être pas k l'abri du péché,
si ce zèle n'est pas selon les règles de la loi
et de la vraie science. Lk reviennent les
exemples de Saûl, de David, deTangeLao-
dicée, des philosophes païens dont saint
Paul a dit : leur cœur insensé s*e$t obscurci.
« Il V aura un temps, dit saint Chrysostome,
où l'ignorance n'aura pas son pardon. » —
c L'ignorance, dit saint Thomas, est excu-
sée de faute quand elle a fait commettre une
faute qui n'a pas une faute pour principe ,
mais si l'ignorance commence par une
faute, rignorance, n'excuse plus. »
Il y a quelques péchés plus subtils et ca-
chés , où tombent ceux qui s'efforcent do
servir Dieu; on peut les méconnaître par
négligence et pour cela même ils sont très-
dangereux; ce sont:l* Torgueil spirituel,
uar lequel on estime trop intérieurement
27
8i3
ILL
DICTIONNAIRE
ILL
844
SCS bonnes œuvres et soi-même; 2' une
trop grande confiance dans ses propres for-
ces ; 3* une curiosité téméraire dans les
choses divines.
Remèdes contre V ignorance. — Le premier
est do consulter les docteurs ^ ses direc-
teurs , les prélats , de lire leslivres que nous
savons contenir la vraie science , et si par
hasard ces sources nous manquent quel-
quefois, il faut consulter la droite raison.
Personne» dit saint Augustin, ne doit tenter
Dieu en agissant dans Te doute , tandis qu'il
a un conseil à prendre quelque part ; et ce
conseil, il faut le chercher avec ardeur, et se
donner du souci pour découvrir la vérité
qui nous manque.
Le second remède est de purger sa cons-
cience en évitant les péchés à venir et en
effaçant les passés , en domptant les pas-
sions , en suivant les divines inspirations.
Il faut enQn s'exercer aux yertus , particu-
lièrement à l'amour de Dieu, qui découvre
les ignorances et en fait éviter les périis.i
Le troisième remède est l'examen Quoti-
dien de sa conscience selon ces paroles (Pêal,
Lxxvi } : Je méditais chatfue nuit avec mon
cœur.... « Plus je m'examine avec soin , di-
sait saint Bernard , plus je découvre de dé-
fauts dans les plis de mou cœur.» C'est donc
une sainte et utile pratique de s'examiner
chaque jour.^
. Quatrième remède : L'oraison , tant l'orai-
son de méditation que celle de demande.
Puisque les forces de la nature abandonnée
à elle-même ne suffisent pas pour nous con-
duire , ayons recours aux forces supplémen-
taires de la grâce. Qui connaît toutes ses igno^
ronces^ dit le Prophète royal? Purifiez-moi de
mes ignorances... Ne vous souvenez point de
mes ignorances. £t saint Jacques nous dit :
5i quelqu*un de vous a besoin ae sagesse , Qu'il
la demande à DieUj qui en donne à tous abon-
damment.
Nous devons en conséquence avoir une
crainte continuelle des illusions et des igno-
rances, éviter soigneusement celles qu'il
dépend de nous de ne point encourir, et
3ui seraient coupables dès lors , et deman-
er pardon à Dieu des autres. «Commençons
par étudier avec soin les choses qui sont
nécessaires au salut, car l'ignorance , dit
saint Isidore , est la mère des erreurs , la
nourrice des vices; par Tignorance le péché
prévaut ; l'ignorant ne sent point le délit ni
ses conséquences. Le sage examine tout :
il juge entre le bien et le mal. C'est un bien
souverain de savoir ce qu'il faut éviter, une
souveraine misère de ne savoir le but au-
quel il faut tendre. Aimez donc la sagesse ,
et elle vous visitera; approchez-vous d'elle,
et elle viendra à vous ; soyez son serviteur,
et elle vous instruira. »
Illusions spéciales du spirituel. — Nous
avons quelques observations particulières à
faire h ceux qui se livrent à 1 oraison.
Si une oraison longue et recueillie, fût-
elle dévote jusqu'aux larmes, accompagnée
de faveurs et cfe grâces, si d'ailleurs elle
n'a pas les sentimenis de pénitence, les
tristesses et les douleurs de la morlificationi
elle ne persévérera pas : car elle est ou un
privilège, ou un miracle, ou une illusion.
L'oraison gui est un obstacle au devoir
est une illusion ; l'oraison qui ne sait pas
quitter Dieu pour Dieu, et subvenir à U
charité fraternelle obligatoire, qui préfère la
pénitence à l'obéissancei est une démence
ou une illusion*
L'oraison qui n'extirpe pas les vices est
une illusion.
L'oraison même, accompagnée de visions
et de ravissements, si elle n'est fondée sur
les vertus morales de l'humilité, de la pa-
tience, de l'obéissance, est une illusion.
Se persuader que la vie spirituelle, où sa
partie principale consiste en prières vocale$«
dans le mouvement des lèvres, dans des
gestes affectés, dans certaines attitudes eité<
rieures, c'est une illusion*
Celui qui prend son sens propre pour le
sens de Dieu, et croit que toutes ses inspi-
rations intérieures sont des iuspirations de
Dieu, est dans l'illusion.
L'oraison, qui éloigne quelqu'un des occa-
pations commandées par sa vocation et son
état, est une illusion, d*où.fi suit que per-
sonne n'est plus sujet aux illusions que ceux
qui se livrent à de longues méditations et
oraisons, et particulièrement ceux qui 7
goûtent de grandes consolations. On peut
voir à l'article oraison de quella importance
elle est dans la vie spirituelle, quel rôle de
premier ordre elle joue dans l'affaire de la
sanctification, mais pour cela faut-il pallier
ses dangers? Les lemmes, les personnes
d*une intelligence légère, d'une imaginalioa
vive et ardente, les jeunes gens aux idées
paradoxales, doiventse regarder comme très-
sujets aux illusions. Quelquefois la solitude
prolongée engendre là mélancolie ou l'es-
prit de singularité, et peut aussi ouvrir la
voie des illusions.
Effets des illusions. — Le premier est de
rendre les spirituels trop attachés à leur
volonté propre, sévères dans leurs juge-
ments, s'opposant aisément à l'avis de leurs
directeurs ou de leurs supérieurs , mettant
facilement de côté les décisions des Pères de
la vie spirituelle. Dieu alors leur Iftche la
main, et ils tombent dans une foule de pé-
chés secrets.
Le second est l'aveuglement spirituel qui
prend le mal pour le bien : ce qui précipite
dans le péché.
Le troisième est une fausse estime de soi-
même et une grande conQance en soi-même,
ce qui engendre l'orgueil et précipite dans
l'illuminisme.
Le quatrième est d'être friand de louanges
mondaines et par suite de se faire de tsni
amis qui puissent caresser votre vanité et
occuper les imaginations de votre mérite.
Règles pour corriger les esprits ùeiés. —
La première est que le père spirituel étudie
avec attention le caractère de son péniteot
ou Je ^on disciple, et, s'il connaît bien |6
caractère de son génie, il connaîtra paria
l'esprit qui le dirige. S'il a un génie para-
Sis
ILL
doial et faux, il sera imprudent, iroportua
et noTateur. S'il est ruse et malin, son es-
prit sera insidieux même dans le bien, il
sera tortaeux et mystérieux. S*ii est délicat
eiminatieuxy il aimera les petites commo-
dités de la sensualité, etc. Enfin l'esprit est
puéril dans les jeunes gens, paradoxal dans
les insensés, faible et sans fond dans les
femniesyleiit dans les grossiers, et quoique
l'esprit surnaturel élève et perfectionne la
nature, cependant il ne parvient (presque
jamais h corriger entièrement Tesprit de la
oalure; il reste toujours du vieil bomme.
La seconde règle est aue le mattro de la
fie spirituelle observe les manières natu-
relles de son dirigé dans les actions ordi-
udires de la vie matérielle, dans les repas,
lesconversations, la joie, la promenade, etc. ;
surtout dans les moments de récréation, où
Tâine se relAcbe et se montre à nu telle
qu'elle est, et où Ton discerne Pespril qui di-
rige chacun.
La troisième est Tinslruction. Il faut que
le père spirituel éclaire l'ignorance de ceux
quil dirige par son instruction, qu'il ré-
prime ses excès et ses imprudences. Il est
plus facile de corriger les intentions vi-
cieuses que les pencnants pervers de la na-
ture. La matière est délicate et pleine
d'épines, mais avec de l'attention, le secours
(le son expérience et de ses lumières ac-
quises, le père spirituel peut porter la
lumière dans les recoins ténébreux et re-
dresser les tortuosités de la nature comme.
UQ habile médecin avec d'ingénieux appa-
reils.
La quatrième est de s'exercer à l'humilité,
si le maître de la vie spirituelle remarque
que celui qu'il dirige aime l'action, te bruit,
les acclamations, la célébrité, qu'il soit
visité pour sa réputation de sainteté, quand
oiéme il serait favorisé des plus hautes fa-
veurs spiritaelles, il doit plaindre cet
komme, lui conseiller la solitude, le si-
lence, la mortification ; lui découvrir son
c6té faible et ses péchés, afin de corriger nar
i'bumilité ce qui est infecté par la vanité.
La cinquième règle est que le mattro
delà vie. spirituelle enseigne à son disciple
que la sainteté ne consiste pas dans les ra-
Tissements, les visions et le don des larmes,
mais dans une grande charité envers Dieu
e( envers le prochain, dans Thumilité au
milieu des mépris, dans la patience au tra-
vail, Tobéissance aux supérieurs.^ Si les fa-
veurs et douceurs de la dévotion ne reposent
sur ces vertus, il y a illusion.
La siiième est d'inculquer sans rel&cho
'^ede pensée que la sainteté peut exister sans
aucune faveur extraordinaire, et que les
douceurs peuvent exister sans la sainteté,
t't qu'il ne faut s'attacher par conséquent
qu'aux vertus solides sans désirer autre
chose.
Le démon même peut quelquefois faire
sentir certains attraits dans les bonnes
«Qvres, afin d'exciter la gourmandise spiri-
loelle et d'exploiter ensuite des intentions
D^ÂSCETISME. un 8M
peu droites, et pousser inseQsiblement au
mal.
La septième règle est que le disciple ne
soit pas loué en face par son maître ou par
son directenr.
IMITATION DE J.-€. (NécESSiTÉ de l').
— Un dés meilleurs moyens de faire de ra^
pides progrès dans la voie de la perfection
(voir Perfection) t c'est Vimitation de Jésus--
Christ^ qui, pendant sa vie, s'est offert à
nous comme un divin modèle.
1* L'Écriture sainte nous le prouve en
maint endroit. Le Seigneur, parlant à Moïse
du Tabernacle, figure de Jésus-Christ, lui
dit : Ayez soin de faire tout selon le modèle
fut votÂê en a été montré sur la montagne.
Hebr. vui, 5.) Je suis la voie^ la vérité et la
«te, f/oofi. XIV, 6.) Celui-ci est mon Fils bien-
aimt^ écoutez-'le. {Luc.^ ix. 35. ) Apprenez de
moi aue te suisdoux et humbledecœur. (McUth.
XI, ^. ; Youê m^appelez MaUre et Seigneur ^
et vous dites frten, car je le suis, [Joan.^ xiii„
13.] Cor cetix^'t/ a connue par sa prescience^
il les a aussi prédestinés pour être conformes
à Vimage de son Fils. (Rom. vni, 20.)
2° Joignons au témoignage de l'Écriture
sainte celui des SS. Pères. « Mon bien-aimé ,
toutes les actions, toutes les paroles de
notre Sauveur Jésus-Christ, doivent nous
servir de règle pour le culte de la piété et
la pratiquede la vertu. 1 1 a revêtu la nature hu-
maine afin de nous dépeindre en lui, comme
sur un tableau, la vertu et la piété véritables :
c'est un modèle qu'il nous met devant les
yeux h tous indistinctement, hommes ou
femmes, afin que nous l'imitions chacun
dans la mesure de nos forces. » (Saint Ba-
sile, Conal. Jfon., c. 2.) « Toute sa vie sur
la terre, dans la nature humaine qu'il a dai-
gnée prendre, a été pour nous une école de
mœurs. » (Saint Augustin, L*de vera relig»,
c. 16.) Le même saint dit encore : « L'homme,
pour arriver h la béatitude, devait suivre
Dieu, mais il ne pouvait le voir ; Dieu s'est
donc fait homme afin qu'il pût suivre Celui
qu'il pouvait voir et au*il devait suivre. »
(L. vu De Trînit.t c. 3.) • Attirez-moi à votre
suite^ dit l'épouse à son Seigneur : elle veut
ainsi pouvoir marcher sur ses traces afin de
s'efforcer d'imiter sa vertu et de suivre les
règles de vie et de conduite qu'il lui a don-
nées. 9 (Saint Bermaad, serm. 21, in Cant»)
Le livre de Vimitation de Jésus-Christ est
consacré tout entier à l'exposition de cette
vérité. On peut consulter encore à ce sujet,
Blosius {Margar,spir.)t Thauler et Rusbro-
chius.
3** La raison nous en fournit à son tour
une démonstration convaincante. Jésus-
Christ est venu dans le monde comme le
Roi des rois ( Apoc. xix , 16 ) , notre chef ci
notre législateur, qui devait terrasser Luci*
fer, et combattre avec les armes de la pau-
vreté et de l'humilité contre les honneurs,
les richesses et les plaisirs. Il a donc voulu
commander aux Cfhrétiens comme à ses
troupes, et leur donner lui-même l'exemple
de ce qu'ils avaient k faire ; soit parce que»
sans ce divin exemple, ils perdraient ^"'"-
8i7
IMI
DICTIONNAIRE
IMI
lus
tôl courage; soil (>arcc que, sans lui, serait
diminuée reflicacitéde la rédemption, eOica-
cilé pour laquelle notre coopération est
nécessaire ; soit enfin parce que, sans lui, les
enseignements du Christ n*auraient pas cette
force d*impulsioo qui résulte do Tattrait de
Texemple.
La foi catholique, dans le symbole dos
apdlr'es, nous enseigne à croire en Jésus*
Christ^ son Filsunique (de Dieu le Père) notre
Seigneuff gui a été conçu du Saint-Esprit ei
est né de la Vierge Marie, Nous croyons en-
core que Jésus-Christ, depuis sa conception
et sa naissance jusqu'à sa passion , a vécu
do la manière que nous le racontent les
?|uatre saints évangélistes. « Pour que le
ruil salutaire de cette vie puisse rejaillir
jusqu'à nous , dit le Catéchisme romain {De
syrnb,)f nous devons sans cesse arrêter et
fixer notre mémoire et notre esf)rit sur cette
()ensée, que c*cst Dieu qui a pris la chair de
'homme ; au'il s*cst fait homme par un pro-
dige auquel notre esprit ne peut atteindre,
bien loin que notre bouche puisse en donner
l'explication; qu'il s'est fait homme enfin
dans le but de nous régénérer comme en-
fants de Dieu. Après cette attentive consi-
dération, nous devons croire et adorer avec
foi et humilité tous les mystères que con-
tient cet article ; nous devons surtout pren-
dre garde de vouloir les scruter et les pé-
nétrer, car notre curiosité nous serait pres-
que toujours fatale Le curé doit s'appli-
quer a graver profondément dans le cœur et
l'esprit des fidèles ces mystères, qui sont
une partie essentielle de notre dogme ;
d'abord afin, par le souvenir d'un si grand
bienfait, de leur inspirer des sentiments de
reconnaissance envers Dieu, leur Créateur ;
ensuite afin de leur proposer à imiter ce
modèle d*una humilité si rare et si pré-
cieuse. » Canisius nous donne aussi cet avis
dans son Cathéchisme : « Il faut fuir avec
soin l'erreu r de ceux qui ne confessent Jésus-
Christ aue d'une manière en quelque sorte
incomplète, en ne le reconnaissant que
comme le Médiateur et le Rédempteur en
qui nous devons croire , et non comme le
modèle de toutes les vertus que nous devons
imiter. « {De symb.^ 1 10.)
Puisque Jésus-Christ, pendant sa vie, s'est
offert à nous comme noire modèle, nous de-
vons donc l'imiter, autant qu'il est possible
à notre faiblesse, aidée des secours de la
grAce. On le prouve :
l"* Par l'Ecriture sainte : levons ai donné
l^^exemple^ afin que ce que fai fait à votre
égards vous le fassiez aussi. {Joan. xiii, 15 )
Le Seigneur a dit è Pierre : Suivez-moi
{Joan. XXI, 19), et à tous les disciples : Vous
qui m'avez suivi. {Matth. xix, 28.) 5t queU
quun veut marcher à ma suite , qu'il fasse
abnégation de lui-même ^ qu'il porte sa croix
et qu'il me suive, { Matth. xvi, 2k,) Celui qui
dii quil demeure en Jésus-Christ , doit mar-
cher lui-même comme Jésus-Christ a marché,
(/ Joan, II, 6.) Revêtez-vous de Notre-Sei-
gneur Jésus-Christ. (Aom. xiii, !&-.)«( Se revê-
tir de Jésus-Christ y dit saint Thomas^ c'est
imiter Jésus-Christ : car de même que
rhoramc est enveloppé de vêtements et pa-
ralt sous sa couleur, de même dans celui
qui imite Jésus-Christ, on voit paraître les
œuvres de Jésus-Christ. » (Lect. 3.)
2* Par les saints Pères : « Jésus-Christ a
pris notre corps uniquement pour que nous
pussions l'imiter dans notre conduite au-
tant qu'il est possible. » (Saint Basile.,
Const, Mon,) « Si quelqu'un prend le nom
de Jésus-Christ sans exprimer ni reproduire,
par sa conduite, toutes les vertus que ce
nom rajppelle , il se nare d'un faux nom. »
(Saint Grégoire de Nysse, Ep, ad Harmon.)
« Aimons donc Jésus-Christ et demeurons
en lui. » (^Saint Augustin, I. vu De Tnii.,
C.3.) « Qui est sans péché? s'écrie saint Am-
broise, c'est, non celui qui marche dans
n'importe quelle voie , mais celui qui s'a-
vance h la suite de Jésus -Christ.» ( InPs,
cxviii, serra, i.) a Je vous en conjure, je
vous en supplie» mes frères, ne rendez pas
inutile ce précieux exemple qui vous a été
donné : conformez-y votre conduite, s
(Serm. 1 DeNat.)
3* Par la raison. Si c*est un glorieux mé-
rite, chez les hommes, do suivre le roi, de
régler son caractère et ses habitudes sur les
siennes, soit en gouvernant avec justice
pendant la paix, soit en combattant coura-
geusement et en mourant pour lui pendant
la guerre, que faudra-t-il faire pour Jésus-
Christ notre roi? D'ailleurs tous les Chré*
tiens ont été enrôlés dans la milice de Jésus-
Christ par le sacrement du baptême, en
renonçant à Satan , avec toutes ses pompes
et toutes ses œuvres , et dans le sacrement
de confirmation, en s'engageant à combattre
ouvertement pour Jésus-Christ contre ses
ennemis et contre les nôtres ; serment qu'ils
ne peuvent violer en cessant de marcher
sous la conduite de Jésus-Christ, sans la
plus noire perûdie. Enfin, contre l'erreur
des pélagiens , il est certain que nous avons
reçu de Jésus-Christ, non-seulement la
Î;rAce extérieure de son incarnation, par
aquelle il est devenu notre modèle, non-
seulement les grAces instrumentales, sacra-
mentelles des sacrements , mais encore les
grAces intérieures des vertus » des dons et
des secours qui raniment notre force.
(Trid., sess. yi, c. 16.) Donc, puisque Jésus-
Christ, notre chef, donne à ses soldats la
force de combattre avec lui» nous pouvons
et nous devons l'imiter et vaincre arec
lui.
Aucune excuse ne peut nous dispenser
de l'obligation d'imiter Jésus-Christ. En
effet : 1* Il nous est ordonné ou conseillé
d'imiter Jésus-Christ, non pas tous au même
degré, mais selon notre faiblesse et noire
condition, en aspirant toijyours à une pe^
fecLionplus élevée. 2''Nous combattons sous
un chef qui nousfournit non-seuleoaent les
armes, mais encore l'esprit, le courage et la
force. 3* Notre chef vient de lui-même eo
aide à l'insuflisance de notre faiblesse.
4* Il nous est ordonné de rechercher non ce
qu'il y a de grand, mais ce -qu'il j a de
s 19
D*ASCEnSlIE.
SoO
plus humble dans le monde; d*aimer non les
richesses, les honneurs et les rojanmes da
monde, ce qui serait impossible h la plu-
part, mais la pauvreté, rbumilité et Fobéis-
sance, ce gui est facile à tous les hommes.
Pour imiter dans notre conduite le divin
modèle que nous a tracé Jésus-Christ, il nous
laut absolument nous exercer souvent à ta
wtédiiaiion de sa rie. On le prouve, i* par
rficriture sainte: Considérez et faites {Exod,
XXV, 40) ; éeoutez4e {Luc. ix, &}, non-seu*
lement des oreilles, mais au fond de votre
coeur où il vous parle dans la méditation.
La vie étemelie consiste à reconnaUre q%u
vous êtes le seul Dieu véritable^ ainsi que
Jésus-Christ que vous avez envoyé. [JoUn.
XVII, 3.) Or comment reconnaître (a divinité
de Jésus-Christ, sinon par une sérieuse mé-
ditation de sa vie. Citons aussi l'exemple
de Marie, au moment de Tadoration des pas-
leurs : Or Marie conservait toutes ces paro^
ies^ tes repassant dans son cœur. {Luc. ii, 19.)
Sa mère conservait toutes ces choses dans son
cœur, {ibid., 51.) Il est dit de sainte Made-
leine : Se tenant assiic aux pieds de Jésus^
elle écoutait sa parole, {Luc. x, 39.) Je suis
la porte^ dit Jésus-Cbrist; si quelqu'un entre
par moi il sera sauvé; il entrera et il sortira.
{Joan. X» 9.) Ce que saint Thomas explique
ainsi: «Les saints entreront pour contempler
la divinité du Christ, et sortiront pour con-
sidérer son humanité. » (Lect. 2.)
2* Par les saints Pères: « Eludiez, je vous
en prie, et méditez chaque joUr les paroles
de votre Créateur. » (Saint GhécoiBE, h iv
Reg.^ ep. 40.) c Bon Jésus! s*écrie saint An-
selme, que vous êtes doux dans le cœur de
eelui qui vous médite et qui vous chérit !
Et certainement je ne sais, parce que je ne
Cois le comprendre, pourquoi vous êtes
eaucoup plus doux dans le cœur de celui
qui vous cnérit à cause de votre incaniation
que comme étant le Verbe divin; à cause de
votre humilité que de votre sublimité. >
{Med. 12.) c Que fœuvre la plus importante
et la plus précieuse, rœ'uvreae notre rédemp*
tion, ne sorte jamais du souvenir de ceux
qui ont été rachetés. Dans cette œuvre, il
est deux points dont je vous recommande
surtout la considération.... Ces deux points
sont le modeet le fruit. Le mo Je est Tanéan-
tissement de Dieu ; le fruit est la descente
en nos âmes de ce Dieu, qui les remplit.
Cette méditation est une source de sainte
espérance, un foyer ardent de souverain
amour; tous deux sont nécessaires pour
avancer dans la perfection. » [Saint Beaxabd,
serm. 11 m Cant.) Sainte Tnérèse se plaint
vivement d'être, h la suite de certaines lec-
tures, tombée dans ce préjugé, qu'elle de-
vait s'appliquer è détourner son esprit de
rhumanité Je Jésus-Christ, pour s'attacher
i la contemplation de sa divinité. Et elle
s*écrie : « O Seigneur de mon âme et mon
unique bien! 6 Jésus-Chrislcrucîfié!?îon, je
ne puis me rappeler cette dangereuse opi- ^
nîoo dans laquelle je suis tombée, sans être ^
cruellement tourmentée par la pensée d'a-
voir commis contre vous, quoique par igno-
rance, une infâme trahison. » (Tiï., c. ^.)
Et dans son livre intitulé, le Château inté-
rieur, elle conclut en ces termes : « Je crois
2u'il reste surabondamment prouvé qu'une
me, même élevée à un haut degré de'spiri-
lualité, nedoit jamais compi-endre qu'il faille
fuir les choses sensibles jusqu'à s imaginer
qu'il puisse y avoir dommage dans la mé-
ditation de la sainte humanité de Jésus-
Christ. » (Mans. 6, c. 7.) Btosius dit aussi
« qu'on ne peut se faire une idée de l'utilité
d'une pieuse et fréquente méditation ou lec-
ture de la vie de Notre-Seigneur Jésus-
Christ. » {Proœm. ad vit. spirit.) Il confirme
ses paroles par l'exemple de sainte Mech-
tilde, et cite sur ce point l'opinion de Thau-
1er et de Rusbrochius, qui appelaient la vie
de Jésus-Christ un livre et un miroir, objet
pour nous d'une méditation continuelle.
3* Par la raison. La méditation de la vie
de Jésus-Christ donne de la ferveur à notre
foi : elle nous fait croire que notre salut
dépend de lui et de ses mérites, puisque le
salut n*est en aucun autre^ et que c'est sou
exemple qui nous pousse à nous appliquer
le fruit de la rédemption. C'est par ceUe foi
que les pécheurs cessent de redouter la jus-
tice divine, c et renaissent h Tespérance, par
la considération de la miséricorde de Dieu :
ils ont confiance que Jésus-Christ leur ren-
dra Dieu propice, et ils commencent à l'ai-
mer comme la source de toute justice. >
(Trid., sess. vi, c. 6.) Il faut donc méditer
souvent la vie de Jésus-Christ pour arriver à
la foi, à l'espérance , à la charité et à son
imitation; et il le faut d*autant plus que
cette vie nous offre le modèle de toutesles
vertus.
Ce n'est pas seulment dans sa vie, c'est
surtout dans sa passion que Jésus-Christ
s'est offert à nous comme un modèle h inii-*
ter. Ainsi l'enseignent, 1* la sainte Ecriture :
O vous touSf qui passez par le chemin^ consi^
dérez et voyez s'il est une douleur compa-
rable à la mienne. {Thren. i, 12.) Lorsque
je serai élevé de terre^f attirerai tout à moi ;
il disait ces paroles pour indiquer ainsi de
quelle mort il devait mourir. {Joan. xii, 32.)
Jetant les yeux sur Jésus^ rauteur et le con--
sommateur de la foi^ qui, dans la tue de la
joie qui lui était proposée^ a souffert la croix.
{Hebr. xii, 2.) Jésus-Christ a souffert pour
nous^vous laissant un exemple^ afin que vous
marchiez sur ses traces. (/ Petr. xi, 21.)
2^ Les saints Pètes. « Quand môme nous
n'auriuns aucune récompense à espérer, son
exemple seul suffirait pour nous exciter à
tout souffrir. » (Saint Jean Chrysostome,
Hom. 28 ad Hebr.) « Aux jreux des hommes
la croix était le genre de mort le plusinfSme.
Jésus-Christ a été crucifié.... Toilà l'ensei-
gnement naturel digne de toute foi pour les
Chrétiens les moins intelligents, et purifié
de toute erreur pour les Chrétiens éclairés. »
(Saint AcûLSTi?!, L. de vera relig.f c. 16.)
c Ha philosophie intérieure la plus sublime,
c'est de connaître Jésus, et Jésus crucifié.»
(Saint Bernard, serm. 43 tu Cant.) C'est
pourquoi Blosius conclut avec raison que,
851
IMl
DICTIONNAIRS
lU
m
c quand mAme tous les livres de Tunivers
viendraient k être anéantis, la vie et ta pas-
sronde Jésus-ChristsuOiraient abondamment
aux Chrétiens pour l'étude de toule vertu et
de toute vérité. » (Conclav. antiti.^ p. r^
c. 10, 11.)
Saint Thomas en donne la raison :
« 1* C'est parce que, par la passion de Jésus^
Christ, l'homme connaît tout l'amour que
Dieu lui porte, et cette connaissance lui fait
aimer Dieu, en qui consiste la perfection du
salut de l'humanité ; 2* parce que par elle il
nous a donné l'exemple de l'obéissance^ de
riiumilitéy de la constance, de la justice,
enfin de toutes les vertus nécessaires au sa-
lut de rhomme; 3* parce qu'elle a rendu
plus obligatoire pour l'homme la nécessité
de se conserver exempt de tout péché, en
lui rappelant que c'est par le sang du Christ
qu'il a été racheté du péché ; &* parce que
la mort sur la croix de Jésus-Christ xait
homme a montré à l'homme juste qu'il ne
doit redouter aucun genre de mort.» (iiip.»
q. M, a. 3.)
L'Eglise catholique croit, avec le qua-
trième article du symbole, que Jésus-Christ,
Fils unique de Dieu, comme Dieu, et de la
bienheureuse Vierge Marie, comme Dieu
fait homme, à la tin de sa très-sainte vie,
a souffert sous Ponce Pilale^ a été cruficii^
est mort et a été enseveli. Nous croyons aussi,
avec la môme foi, que toutes les circons-
tances de cet article sont racontées par les
quatre saints évangélistes , désignées d'a-
vance par les prophètes, et défendues d'une
iotianière invincible par les conciles et les
saints Pères, contre les tentatives sacrilèges
et audacieuses des infidèles et des héréti-
ques. Le Catéchisme romain dit à propos de
cet article : « Cette seule passion nous pré-
sente les exemples les plus éclatants de lou*
tes les vert^is; car elle nous montre tant de
patience^d'humilité,decharité ineffable, etc.,
que nous pouvons dire qu'en ce seul jour
de sa passiou, notre Sauveur nous a fait dé-
couvrir en lui toutes les qualités et toutes
les vertus qu'il n'avait pu nous recomman-
der dans tout le temps de sa prédication....
Plût à Dieu que ces mystères fussent tou-
jours présents à notre esprit, et que nous
apprissions à souffrir, à mourir et à être
ensevelis avec le Seigneur! »
L'enfer a enfanté mille erreurs contre
cette vérité catholique, et il est arrivé ce que
disait l'Apôtre : Nous prêchons Jésus-Christ
crucifié, qui est un scandale aux Juifs et qui pa-
rait une folie aux gentils; mais qui est la force
de Dieu et la sagesse de Dieu pour ceux qui
sont appelés soit Juifs^ soit gentils. (/ Cor.
I» 23 et 2k.) Les principaux hérétiques sur
ce poiut sont : 1* les ariens , qui nièrent la
divinité de Jésus-Christ et privèrent ainsi
sa passion de la partie principale du mys-
tère ; 2" les nestoriens, qui, supposant en
Jésus-Christ deux personnes moralement
unies, n*attribuaient le mystère de la pas-
sion qu*à la seule personne humaine; 3° les
eutycbiens, qui ne reconnaissaient qu'une
seule nature en Jésus-Christ, transforuiaicnt
sa nature humaine en nature divine, et
concluaient ainsi avec les théopaiites et les
monophysiteSi, que Jésus-Christ avait souf-
fert dans sa divinité ; h"" les apotlinaristes,
qui niaient l'Ame du Christ, ou refusaient à
son Ame toute volonté, ne reconnaissant à
sa place çiue la seule divin ité ;5*' les roonotbé-
~ iites, qui ne reconnaissaient en Jésvs-Cbrist
qu'une seule volonté, la volonté diviae: ce
3ui détruit l'intégrité du mystère auguste
e la passion ; car la passion n'est rien sans
l'Ame et sans ses actes, par lesquels elle
puisse, en elle-même et dans le corps, sen-
tir, souffrir et mériter ; 6* les phanlasias-
tes, tels que les manichéens, qui n'adnQet-
taient dans le Christ qu'un corps fantasti-
que, ou céleste, ou élémentaire, et non un
corps humain et véritablement passible; ou
2 ne tes t>asiliens, qui prétendaient que le
hrist n'arait pas été crucifié, et que Si-
mon le Cyrénéen l'avait été à sa place.
Nous croyons devoir ici consigner auel-
2ues remarques sur la passion de lésus-
hrist : 1* Jésus-Christ , Notre - Seisnear»
d'après la volonté de son Père, a préféré la
mort sur la croix à tout autre genre de
supplice, afin que, comme le dit l%glise, le
démon, qui avait vaincu par le bois, fût
vaincu par le bois. ( Préface de la sainU
Croix.) Cayétan, entre autres raisonsde cette
préférence, donne celle-ci : « Il a choisi la
mort sur la croix, afin de pouvoir, jusqu'au
dernier moment, faire un libre usage de
ses quatre sens, et de pouvoir souffrir par
la vue, l'ouïe, l'odorat et le goût, toutes sor-
tes de maux et d'ignominies. » 2* Selon
Suarez , « dans la passion de Jésus-Christ
il ne faut rien imaginer trop légèrement»
qui n'ait été raconté par les évangélisteiS)
ou qui ne puisse, d'après leurs récils et l'in-
terprétation que les saints Pères en ont
donnée, être regardé comme très-probable;
sans cela il y aurait témérité et grand dan-
f;er d'erreur. » (T. II, in m p. d. 33, s. 1 )
I ne faut donc pas s'imaginer que Dieu, de
lui-même et indépendamment de causes
secondaires, ait par une sorte de miracle
laissé Jésus-Christ souffrir quelques pas-
sions extraordinaires. Il ne faut pas s'ima-
giner que Dieu ait permis au démon de
tourmenter Jésus-Christ de lui-même, à son
gré et indépendamment des homnies. Bien
que ces deux choses aient pu arriver, elles
n'étaient ni nécessaires ni utiles à noire
rédemption; c'est pour cela encore quo
Jésus-Christ n'a pas cru devoir donner prise
sur lui à la maladie et aux infirmités corpo-
relles, comme la lèpre, etc. Quant aui ré-
vélations particulières sur le nombre des
coups de ruuet et des blessures que Jésus-
Christ reçut dans sa passion^ si elles ont
une certaine autorité, si elles peuvent sa
concilier entre elles, si elles ne coofre-
disent pas les règles de la fbi, il ne &ot
pas les mépriser , ni les regarder comtùt
tout à fait indignes de notre croyance, sur*
tout si nous considérons les expressions
des prophètes, si nous nous rappelons que l«
bourreaux du Seigneur ont dépassé toute
D'ÂSCETISIIE.
854
mesure ; de sorte qu*il n> a rien d*étraDge
è chercher le secours d une force miracu-
leuse dans la coatemplation de quelqu'une
des parties de la passion, comme dans la
sueur de sang, dans la flagellation, dans le
couronnement d'épines, etc. Saint Thomas
prouve avec certitude (m p., q. 46, a, 5) que
Jésus-€brist a enduré tontes les souffrances,
non pas en espèce, ni eomme résultant
«l'une cause intnnsëque, mais selon le genre
et prorenant d'une cause extrinsèque, c'est-
è-direde tout le genre humain, et dans tous
les biens où l'homme peut souffrir, dans les
biens du corps, de la réputation et de la
fortune. S* Le même saint docteur enseigne
(arL 6.) que la douleur de la passion du
Christ, soit intérieure, soit extérieure, sur-
passe toutes les douleurs de la Tie présente.
11 le proufe soit nar la considération de la
douleur tant extérieure, provenant de ton*
les les souffrances que nous venons de dire
et du supplice de la croix, qu'intérieure,
par suite des péchés de tout le genre hu-
main, dont il s'était chargé, et surtout des
Juils, et à cause de la perte de la vie ; soit
par la considération ue la sensibilité du
patient ; car son corps, merveilleux et par-
lait ouvrage du SainuEsprit, était très-sen-
sible, surtout dans le sens du tact ; quant à
son âme, elle ressentait toutes causes de
tri!^tesse avec la plus grande vivacité ; soit
pir la considération de la pureté de sa tris-
tesse et de sa douleur ; car Dieu ne voulut
dans sa faiblese corporelle le secours d'au-
cune consolation sensible comme en ont eu
souvent les saints martvrs et ceux qui
souffraient pour Jésus-Christ; soit par la
considération de la fin en vue de laquelle
Jésus-Christ a voulu souffrir : Cesi powr
cda^ dit-il , qWil a enduré de$ souffrumees
proporiiomnéeM à la grandeur du réeuliai ou'il
en decaii obtenir. 4* Saint Thomas ensei(;ne
encore (ii, art. 2.^ que chacun des mentes
de Jésus-Christ, depuis le premier jusqu'au
dernier instant de sa vie, a été d'une valeur
plus que suffisante pour la rédemption du
genre humain j mais que Tapplication de
ces mérites, soit de la part du Christ qui les
offre, soit de celle de Dieu qui les accepte ,
D*a pu se iairc gue par la passion et la mort
sur la croix, ann de reconnaître toute l'é-
tendue de sa charité, de mieux sentir toute
la gravité de nos fautes, de plus dignement
apprécier la grâce et la rémission du péché,
de découvrir enfin les exemples de vertus
que nous a donnés le Seigneur.
La plus grande diifit^uUe consiste à conci-
.ier la vision béatitique avec la souffrance
dans Jésus-ChrisL On peut dire que la béa-
titude de l'âme seule subsiste en même
temps que les douleurs ; car le plaisir pro-
vient de la vision de Dieu, tandis que la
douleur naît des blessures du corps. Ou bien
Tunion de l'âme avec le Verbe produit le
(>laisir souverain, et l'union de l'âme avec
e corps produit Fa douleur souveraine,
quand le corps est lésé, en vertu des lois de
cette nnion. Ou encore, le Christ a restreint
dans la partie supérieure de Tàiue la joie
émanant de la vision béatifique, et ne l*a
pes laissée se répandre dans la partie infé-
rieure, afin de pouvoir par la douleur ao
complir l'œuvre de notre salut ; c'est ainsi
qu'il a empêché la gloire de l'âme de se ré-
pandre dans le corps. En un mot, c'est un
K stère. Or, Jésus-Christ, par sa science
itifique, a connu ce que les bienheureux
voient et peuvent voir dans le ciel. Par sa
science infuse, il a connu tous les objets na-
turels et libres, par leurs propres idées, et
les objets surnaturels par les idées infuuM.
Enfin, par sa science expérimentale il a
connu tout ce qu'il a successivement corn*
pris ou éprouve en lui-même par les di-
verses opérations de l'esprit ou des sens ex-
ternes.
Nous devons donc imiter dans notre con-
duite les exemples que Jésus-Christ nous
propose dans sa passion ; ainsi l'enseignent :
1* l'Ecriture sainte : Afnguenauê uutrckians
Mur $e$ iraeee. (/ Petr. ii, 21. ) Pensez donc
en vouê^mime à celui qui a souffert une si
grande contradiction de la part des pécheurs
contre /mî, afn que vous ne vous découragiez
poifU et que vous ne towsbiez point dans ra-
battement ; car vous n'orex point encore ré-
sisté jusqu^à répandre votre sang en combat-
tant comtre le péché. ( HAr. xii, 3, 4. )
2* Les saints Pères nous j exhortent :
« Dieu nous montre la mort de Jésus-Christ
comme un arbre sur lequel il veut que nous
soyons entés, afin que notre racine, puisant
le suc de la racine de cet arbre, produise
des rameaux de justice et porte des fruits
de vie. » ( Ougémb, I. v. tu c. vi ad Rom. )
c Imiter Jésus-Christ dans sa passion et «ians
sa mort, voilà la souveraine et parfaite re!i-
gîon, la religieuse perfection ; voilà la rè^le
et le modèle de la perfection de toute vie cl Ur»
toute vertu. Que la passion du Sauveur soit
donc la règle de notre conduite. Réjouis-
sons-nous d*autant plus que nous sommes
plus conformes à Jésus-Christ; aiDigeons-
nous d'autant plus que nons nous écartons
Elus de ce modèle et de cette règle. » ( Saint
ONAVBHTUBB, p. I, Stimul. oBior., c. 4.)
3r En voici la raison : Selon le dogme ca-
tholique, les mérites de la passion de Jésus-
Christ ne suffisent pas pour le salut, si
nous n'v joignons nos propres mérites,
semblables à ceux de la passion de Jésus-
Christ, et avant la vertu de nous les appli-
quer. En effet, selon le concile de Trente :
« Personne ne doit se glorifier de ce qu'il
n'a uniquement que la foi, dans la pensée
que par la foi seule il deviendra héritier et
obtiendra l'héritage de Dieu, sans qu'il soit
besoin de souffrir avec Jésus-Christ pour
partager sa gloire. » ( Sess. vi, c. il. ) Nous
devons donc nous efforcer de nous appro-
prier les mérites de Jésus-Christ, en les imi-
tant; autrement, de même que la négation
d'un antécédent serait une erreur spécula-
tive, de même le refhs de s'y conformer
serait une erreur pratique qui nous ferait
perdre le salut.
Suivons donc notre Chef et notre Roi,qul,
dans son enfance, nous gouverne d'une
853
IXI
DICTIONNAIRE
IMI
^
i
1
I
maniàre (endre et enfantine, remplissant ces
paroles du prophète : Le petit enfant le§ me^
naeera (Isa. xi, 6) ; dans sa jeunesse nous
dirige par l'exemple de ses labeurs, tant
dans sa vie prirée que dans sa prédication,
de tes sueurs, de la soif, de la faim, de la
pauvreté et des mille souffrances qu'il a eu
a endurer, selon ces paroles : Je mis pauvre
et je vU dam les peines depuis ma jeunesse
(ps. LiKXYii, 16); enfin, dans sa passion
et dans sa mort, nous fortifie et nous pré-
pare au combat par ses blessures, par sou
sang et par sa croix : // a porté sur son épaule
la marque de sa principauté. ( Isa. ix, 6. )
C'est ce qui fait dire k saint Jean Cbrjsos-
tome : Nous ne redoutons point ta cruauté
d^un tyran tmpt>, quand nous marcf^ons sur
les traces de notre bon roi. ( Ilom, de crue. )
Suivons notre Pasteur, qui ne se contente
Eas de chercher avec empressement la bre-
is égaréç, et après l'avoir trouvée par de
fatigantes recherches, de la charger sur ses
épaules, mais qui, pour la mettre a l'abri de
la 4eQt des loups, n'a pas hésité k donner sa
vie pour ses brebis; car i7 a été conduit à la
mort comme une brebis qu'on va égorger^ et
il n'a pas ouvert la bouche, comme Fagneau
qui est muet devant celui qui le tond. ( Isa.
LUI, 7. ) « Certes, dit saint Grégoire, il a fait
ce C|u*ii a prêché, il a accompli les ordres
qu'if a donnés. Le bon Pasteur a donné sa
vie pour ses brebis.... Il nous a montré par
le mépris de la mort la voie que nous de-
vons suivre. » ( Hom. ih in Evang. ) Suivons
Jésus-Christ s'offrant lui-même pour nous
comme une hostie sanglante sur l'autel de
la croix, et allons vers /ut, en sortant du
camp et en portant rignominie de sa croix.
( Hebr. xiii, 13. ) Offrons à Dieu nos corps^
comme une hostie vivante^ sainte et agréable
à ses yeuXf pour lui rendre un culte raison"
nable. {Rom. xii, 1.) Enfin, disons avec
saint Bernard : « J'ai aeux faibles biens, Sei-
gneur, mon corps et mon flme; puissé-je
vous les offrir dignement en sacrifice de
louange l... Le Seigneur ne veut pas ma
mort, et je ne lui offrirai pas volontiers ma
viet C'est là Thostie d'expiation, l'hostie
agréable à Dieu, Thostie vivante. » ( Serm.
8 De purif. )
Pour imiter dans notre conduite la pas-
sion de Jésus-Christ, nous devons la con-
sidérer par de fréqueutds méditations ; on
le prouve :
1" Par l'Ecriture sainte : Puis donc que
Jési^s-Christ a souffert dans sa cAatr, armez^
vous de cette pensée. ( / Petr. iv, 1. )
2* Par les saints Pères. « Considérez par
la lumière intérieure les blessures de Jésus
attaché à la croix, les cicatrices de Jésus
ressuscitant, le sang de Jésus mourant....
Rappelez-vous tous ces précieux mystères et
pesez-les dans la balance de la charité....
Que celui (}ui pour vous a été cloué sur la
croix, soit aussi cloué dans toul votre
oœur. » ( Saint AooDSTiN, L. de s. virgin.^
c. ik^ }. Saint Anselme insiste sur la néces-
sité de méditer la passion de Jésus-Christ :
Si vous voulez être sauvée dit saint Thomas,
portez vos regards sur le visage de Jêtus-
Christ. ( L. 1 m c. i Hebr. ) Saint Laurent
Jostinien considère la méditation de Jésus-
Christ comme un livre écrit au dedans et
au dehors, exposé aux yeux de tous, afin
que tous puissent le lire. ( Agon. Ckrisii,
c. 90. ) « Conservez soigneusement cachée
dans 1 écrin de votre cœur, dit Blosius, la
suave oassion du Christ, comme une perle
d'un très-çrand prix, et arrètez-j souvent
votre esprit avec reconnaissance. » ( Con-
clttv. an., p. T, c. 10, n* 7. ) c Sainte Ger-
trude dit avoir appris de Dieu que si J*on
se livre à l'oraison ou à la lecture spîH*
tuelle sur la passion du Sei^eur, c'est un
exercice infiniment plus méritoire que tous
les autres. » ( L. m Div. inspir.^ c. 42. )
Louis Du Pont en donne l'explication : c Les
autres exercices, comme jeûner, etc., qui
sont des œuvres extérieures, quand ils
sont pris séparément, n'ont pas autant d'ef-
ficacité pour purifier le cœur du vice, l'eu-
richir de vérités et de vertus, et le perfec-
tionner par les affections embrasées de Ta-
mour divin, que la méditation attentive et
profonde de la passion de Notre-Seigneur Je*
sus-Christ. » ( iv p. Médit. )
8* Par la raison. La passion et la mort do
Jésus-Christ contiennent le grand mystère
de notre rédemption, qui nous est proposé
par la foi, afin de nous exciter à l'imitatiao
du Christ, et de nous faire obtenir par elle
tous les fruits qui y sont attachés. Nous de-
vons donc, afin de pouvoir l'imiter, méditer
sérieusement et souvent cette passion ; car
sans cette méditation, point de foi vive,
point do ferme et solide imitation. D*ail-
ieurs Jésus-Christ lui-même a institué le
sacrifice non sanglant de la messe et le très-
saint sacrement de TEucharistie, surtout
dans l'intention de nous rappeler sans cesse
le souvenir de sa passion et du sacrifice
sanglant qu'il a offert sur la croix : ce qu*il
nous a recommandé par ces paroles : Faites
ceci en mémoire de moi. ( Lucm xxn, 19. )
Presque tous les auteurs ascétiques,
Ludolpne, Blosius, Louis Palma, Thomas de
Jésus, Godinez, etc., ont traité abondamment
la passion de Jésus-Christ, sous forme d*bis-
toire, de méditations ou de traités. Pour
que cette imitation soit pratiquement fruc-
tueuse, outre les vertus (]u'elle nous
propose h imiter, il faut en tirer les affec-
tions suivantes : V Une affection de compat-
sion, de douleur et de larmes, afin de ne pas
ôtre au nombre de ceux h qui le Seigneur
adresse ces paroles : J'ai attendu quequelquun
s'attristât avec mol', mais nul ne Ta fait;
que quelqu^un me consolât , mais je net
trouvé personne (p*. lxvhi, 21]; mais plutôt
parmi ceux dont il est dit : Ils jetteront let
yeux sur moi qu'ils ont percé^ et ils pleureront
avec larmes et avec soupirs^ comme on pleare
un fUs unique ; ils seront pénitrù de douleur
comme on l'est à la mort d'un fUs fl««^'
(loch, xn, 10.) < Si vous ne ressentez pas la
douleur de la tête, dît saint Bonaventure,
comment ne faites- vous qu'un avec eHei
Et comme on doit plus compfttir aux ma^s
157
m
D'ASCETISlfC.
IMl
S58
que souffre la téie qu*à ceux des autres
membres» de même, et sans comparaison,
(levons-nous plus compfltir à vos souffrances,
A Seigneur Jésus, qu*à celles d*un fils chéri,
d'uD ami, même qu'à nos propres souffran-
ces. • (P. I, S/îmtil. div. amor.f c. 3, k.) En
êles-vous détourné par la dureté de votre
cœar, écoutez Blosîus : « Celui qui possède
un cœur tendre, doit compatir aux souf-
frances que le Seigneur, son Dieu, a en-
durées pour lui. Mais s*il a le cœur dur, il
doit lui offrir sa dureté et s*en humilier.
Bien souvent Dieu préfère le désir de la
compassion à la compassion elle-même. »
[InstU. ipir.f c. 6.)
â" Une affection de dauleur de noi ptf-
ekéi: car Jétus-Chrisi est mort pour nos
vi€hé$. (/ Cor. xY, 3.) « Reconnais donc, 6
homrue, dit saint Bernard, combien sont
grandes les blessures qui ont rendu néces-
saires les blessures du Seigneur Jésus-Chist.
Si elles ne conduisaient pas à la mort, et à la
mort élemeile, est-ce que le Fils de Dieu
mourrait pour les guérir ? Rougissez, mes
frères bien-aînEiés , rougissez d*avoir tant
de nésligeoce pour votre propre passion,
qui a été, de la part de Tauguste majesté
divine l'objet d'une si grande compassion. »
(Serm. 3 m Nai. Dom,)
3* Une affection d'admiration étonnée^
comme celle dont fut frappé Isaîe, quand
il s'écrie, h la prévision des maux que Jé-
sus-Christ devait souffrir : Qut a eru à notre
peroUt et à qui te bras du Seigneur a-tM
été rMUf {Isa. lui, i.) Sortez, filles de
&oft, dit l'auteur du Cantique des cantiques,
fi tenez voir le roi Salomon, avec le diadème
d9fU$a mirera couronné le jour de sa noce,
It jeur où son cœur a été comblé de Joie.
{CvU, in, 11.) C'est aussi l'affection qui fait
dire i saint Léon : « Aucune de ces œuvres
<|e Dieu, qui excitent h un si haut point
Nmiralioii des hommes, ne réjouit et ne
surpasse la contemplation de notre esprit
comme la passion du Sauveur. Toutes les
lois que nous arrêtons notre pensée sur sa
loute-poissance, qu'il possède avec le Père,
^le et d'essence identique, nous admi-
f^os plus en Dieu l'humilité que lapuis-
^Qce, et nous comprenons pius dimcile-
inent l'anéantissement de la majesté divine
QJie réiévation et la grandeur de la forme
uesclave qu'il avait revêtue. » (Serm. 11
fc Poil,) ^
lUlTATION DE JESVS-CHRJST (Livrb
w I*)---C'esl, a dit Fontenelle, le plus beau
"^ft qui soit sorti de la main des hommes,
pojsqae TEvangile n'en vient pas. Il u'est
l^ini de livre, en effet, qui, comme celui-ci,
paisse convenir à tous tes Ages, à tous les
s^ses, à tous les états, à toutes les condi-
lions. Le religieux n'a point de règle plus
l^rbite, l'homme du monde de conseiller
iw sage ; l'heureux du siècle j trouve do
surs préservatifs contre les- écueils de la.
prosDérité t l'aiQigé de suaves maximes
qui le consolent et lui rendent la résignation
Vm facile; l'Ame pieuse y alimente sa fbr-
^ear, rame tiède y ranime ses forces, l'Ame
pécheresse y puise des motift de repentir
et d'espérance ; le savant admire ce livre
malgré la simplicité et l'incorrection du
style; l'ignorant sy instruit malgré la pro-
fondeur et l'élévation des pensées ; tous les
hommes, quels qu'ils soient, aiment à res-
pirer le parfum de piété qu'il exhale ,
el, comme Tavait éprouvé saint Ignace de
Loyola, h quelaue page que Ton ouvre ce
précieux manuel, on est sûr d'y rencon-
trer quelque maxime propre aux besoins
Erésents de l'Ame; c'est comme l'esprit de
4eu qui parle à chacun lo langage qui lui
convient. Quoiqu'un assez grand nombre
d'hommes, éminehts en pieté comme en
science, aient écrit sur des matières spi-
rituelles et nous aient laissé de nombreux
traités de perfection chrétienne, rien jus-
qu'ici n'a pu démentir le jugement de Fon-
tenelle; limitation est et sera longtemps
encore un livre à part, un livre inimitable.
Nulle part, en effet, on ne trouve une
doctrine plus sublime et plus consolante.
L'idée ou il nous donne de la justice et de
la bonté de Dieu nous inspire tour à tour
une crainte salutaire et une confiance sans
bornes. L'onction sainte qui accompagne les
leçons de morale qu'il renferme pénètre
avec elle jusqu'au fond de notre Ame et les
lui fait goûter. Sa noble simplicité étonne,
et semble révéler Quelque chose do céleste.
Approprié à tous les Ages comme à toutes
les conditions, il nous présente le tableau
Adèle du cœur humain, de ses contradictions,
de ses faiblesses; il sonde toutes nos plaies,
et en même temps nous offre le remède qui
doit leur être appliqué; il abat notre orgueil
par la considération de nos misères, relève
notre courage par l'appAtde la récompense ;
dans tous nos combats, dans toutes nos
souffrances, il nous montre pour modèle
celui qui a été brisé pour nos péchés, et qui
nous crie : // a fallu que le Christ souffrît,
et qu'il entrât ainsi dans sa gloire... Vous
tous qui ' gémissez sous le poids du travail,
venez à moi et je vous soulagerai. C'est
ainsi que, rouvrant notre Ame h l'espérance,
Y Imitation nous, ap()rend à supporter la
Seine, et à dédaigner le plaisir qui passe,
gravir sans nous plaindre l'étroit sentier de
la viedont elle nous indique tous les écueils.
On ne la lit jamais sans en retirer des fruits
abondants, sans éprouver le besoin de se
convertir ou de devenir meilleur. Un seul
passage, un seul mot de ce livre précieux
porte quelquefois dans l'Ame 'une lumière
vive qui la ranime, la fortiQe, et dissino
toutes les craintes dont elle était agitée. La
Harpe, dans aa conversion, nous en offre un
exemple frappant. Victime des calamités
qui pesèrent sur la France à l'époque do
la révolution, jeté dans une prison, seul, en
présence de la mort qu'il attendait tous les
jours, il avait lu les Psaumes, l'Evangile,
et ses yeux s'étaient ouverts aux vérités
de la foi : quarante années d'égarement
l'épouvantaient. La religion persécutée et
proscrite ne pouvait l'entourer de s^s con-
' solations, ses ministres ne montaient plus
859
IMI
dictiomnaihe:
na
KO
sur réchafaud que pour mourir. Il 6tait
constorDéy abatlu, et n'avait retrouvé Dieu
que pour le craindre. Dans sa douleur, il
prend VImUalian qu*il avait sur sa table,
il rouvre au hasard, pour chercher la ré-
ponse à ses tristes pensées, et tombe sur
ces paroles : Me votct, mon filSf je viens à
voiis^ parce que vous m'avez invoqué.
€ Je n'en lus pas davantage, dit-il ; Tim-
pression subite que j'éprouvai est au-dessus
de toute expression, et il ne m'est pas plus
possible de la rendre que de l'oublier. Je
tombai la face contre terre, baigné de larmes,
étouffé de sanglots, jelant des cris et des
paroles entrecoupées. Je sentais mon cœur
soulagé et dilaté, mais en même temps comme
prêt à se fendre. Assailli d'une foule d'idées
et de sentiments, je pleurai assez longtemps,
sans qu'il me reste d'autre souvenir de cette
situation, si ce n'est que c'est, sans aucune
comparaison, ce que mon cœur a jamais senti
do plus violent et de plus délicieux, et que
ces mots : Me votct, mon fils^ ne cessaient de
retentir dans mon flme, et d'en ébranler
puissamment toutes les facultés, »
On a bien essayé d'établir une sorte de
parallèle entre 17mtlaltén et le Combai «ptrt-
tuel du P. Scupoli. Quelque parfait que soit
10 second de ces ouvrages, tout le monde
pieux s'est prononcé avec raison pour le
premier. Voici sur ces deux livres, l'opinion
d*un judicieux écrivain : « L'un, dit-il, con-
duit à la vertu, par la théorie des guerres
et des combats, qui constituent la vie du
Chrétien sur la terre; l'autre, par la contem-
plation du plus excellent modèle et tes leçons
du'plus grand maître. L'un est plus raisonné,
plus méthodique; Tautre, par une impres-
sion lumineuse et rapide, prévient l'effet de
tous les raisonnements et de toutes les mé-
thodes. L'un tient plus du travail et de l'art;
l'autre est l'ouvrage du cœur, de l'onction
et de la lumière de Dieu, dont les mouve-
ments ne connaissent ni règles ni calculs.
L'auteur de l'un a peut-être plus réQéchi;
l'autre a plus senti. » Les personnages les
plus saints, comme les plus doctes, ont été
unanimes dans la vénération pour ce livre,
observe M. de Grégory. (jonzalès atteste que
saint Ignace était habitué à lire tous les
jours le livre de Vlmiiaiion de Jésus-Christ
de la manière suivante : le matin, il en lisait
un chapitre d'après l'ordre établi dans l'ou-
vrage, et, dans la journée, un chapitre pris
au hasard, où il trouvait toujours, disait-il,
quelque maxime, quelque sentiment propre
h consoler son Ame et h satisfaire ses désirs.
11 s'était tellement familiarisé avec cette lec-
ture, que toutes ses pensées, toutes ses ac-
tions devinrent conformes aux préceptes de
l'auteur de Vlmiiaiion de Jésus-Christ.U por-
tait toujours avec lui ce précieux livre, ù la
lecture duquel il animait tous ses disciples
et ses amis. — Ce que nous venons de dire
est pleinement confirmé par les historiens
Orlardin (tiv. y, c.5) et Ribadneira (liv. i,
c. 13) dans la Vie de saint Ignace; nous rap-
porterons ce que ce dernier dit : « Ignace
avait une grande habitude de lire Thomas
A' Kempis, sur l'imitation de Jésus-Chrisi •
il se complaisait toujours dans cette lecture!
de sorte que l'on peut avancer que la vie du
saint fondateur fut une parfaite et conslani6
imitation des inaximes et doctrines renfer-
mées dans ce précieux livre d'or. » D'après
cela, et suivant les conseils donnés par saint
Ignace, dans son livre des Exercka ipiri-
tuelSf on ne doit pas s*étonner que daos
toutes les chambres des Jésuites on trouie
le volume de Vlmitation de Jésus-Ckrist,
Enfin le Jésuite Georges Hayr, le premier
qui ait traduit Vlmitation en grec, dans une
lettre à Claude d'Aqua Viva, supérieur gé-
néral de son ordre, démontre que le traité
par lui tntduit fut toujours tres-vénéré de-
puis saint Ignace, qui le lisait tous les jours,
et ce livre précieux fut ap|K>rté par les oais-
sionnaires chez toutes les nations, traduit
dans leurs langues.— Louis de Grenade, dans
son excellente traduction de r/mtto(toii eu
langue espagnole, pense que ce livre est
au-dessus de toute célébrité et de tout
éloge« tellement que, après avoir entendu
ce qu'on peut dire à sa louange, on est
obligé de s'écrier avec la reine de Saba:
Major est sapientia et opéra tuât qwm nimor
quemaudivi!
Il dit ensuite au lecteur : « Faites-eu l'ei-
périence; touchez et goûtez; vous appré-
cierez la force dos paroles, et vous mangerez
la manne céleste, dans laquelle vous recon-
naîtrez tous les goûts les plus délicieux que
les bons Israélites goûtèrent jadis dans lo
désert. » Il démontre plus loin que ce lirro
est un remède contre toutes les maladies de
l'&me, et il n'hésite pointa nous dire qu*0Q
reconnaît dans la publication de ce traité
une très-çrande providence de Dieu; car,
avec peu de mots, mais remplis d'une sagesse
sublime, il nous indique et nous apprend
beauix>up de choses tfès-propres & émouvoir
le cœur de l'homme. Enfin il nous avertit
qu'ii a fait imprimer le livre de Vlmitation
en petit format, pour que tout le monde
puisse aisément le |K)rter, et consulter fré-
quemment ce bon et fidèle compagnon de
voyage dans notre vie passagère, ce conso-
lateur dans les adversités, ce co.iseiller dans
les doutes. «Vous y trouverez, dit-il, la ma-
nière de prier utilement, et une règle pour
vivre saintement et mourir dans la grice de
Dieu. Prenez donc avec vous ce bon ami,.
f>ortez-le toujours à cAté de vous; après
'avoir lu, lisez-le encore et le relisez; il ne
vous déplaira pas, croyez-moi, car même,
après dix lectures, il vous plaira encore, et
dans les mômes paroles vous trouverez toa-
jours quelque nouvelle chose à apprendre;
vous reconnaîtrez de plus en plus cette na-
ture de l'Esprit divin qui est inépuisable.
Recevez, 6 lecteur, avec reconnaissance, e
don que je vous fais. 11 vient de la bouté de
Dieu, servez-vous-en bien, »
Saint Charles Borromée, archevêque de
Milan, mort en 158%, disait, en parlant de ce
précieux traité de morale : « q[ue le livre de
Vlmitation était le livre des livres, le con-
solateur de rhomme dans ce monde. »-
D*ASCETISHE.
Siint Fnacois de Sales, éTéqiie de GeDiftTe«
mort à Ljoo en 1C21, ce prélat si doux, si
tolérant eoTers les autres, et si sévère pour
loi-aiéoie, au témoignage de Tévèque de
Bellej (Pierre Camos) Ut. ix, sect.21, après
avoir médité le litre de 17aiiMîofi de J&ut-
CkriêS et Touvrage de Laurent Scupoli, in-
titulé le CowUhU êpiriiud, se serait expliqué
ainsi : « Ces deux traités ont été composés
Far deux auteurs Traiment inspirés par
esprit de Dieu, et quoiqu'ils présentent un
titre diflerent, on peut dire de chacun d'eux :
JITm €$i in9€niu$iimiiumu > lEeeli.iuJY».)
Ce sont là les paroles du saint éTèque qui
a bit plusieurs autres éloges du lirre de
Vlmiimiîûn dans ses entretiens spirituels. —
Le savant cardinal Baronins, en parlant de
ce traité de morale, aflirme qu*on ne peut le
lire sans en tirer journellement quelque
avantage.— Fabius Justinien, évèque d'Èa-
dria (an liv. ii, part, i. De §aera cendaiie),
disait souvent que Topuscuie de Vlmitasiam
ne peut être lu sans un avantage spirituel
par celui qui est bien attaché à Dieu. — Le
cardinal Bellarmin, aussi distingué par sa
piété que par son savoir, dans les ouvrages
da controverse, parle de r/aNlolieii, et nous
atteste que, depuis sa jeunesse jusq[u'à un
âçe très-avancé, car il est mort à soixante-
dix-neuf ans, il a touiours lu et relu ce
traité, et qu'il n'a cessé d'y trouver quelque
chose d'utile et de nouveau.
Le bienheureux Alexandre Sauli, Bama-
kite, évèque de Pavie, nar la lecture de ce
livre soulaj^eait et récréait son esprit fatigué
par les affaires d^ Tépiscopat et de son ordre.
— Jean Vauduîlle , évèque de Tourna/ en
Flandre, était si passionné pour la lecture
de Vlmiaiiom, il avait cet ouvrage en telle
estime, que, toutes les fois qu'il voulait le
lire, il prononçait ces seuls mois : Domux-moi
le litre: on comprenait de suite qu'il voulait
Vlmiiaiiam dont il faisait sa lecture habi-
tuelle.—Thomas Morus, le glorieux athlète
de la foi en Angleterre, décapité en 1535
pour avoir refusé de reconnaître Henri VIII
comme chef de l'Eçlise anglicane, disait
souvent qu'avec le livre de Vlmiiaiion de
Jésme-Chnei on aurait très-bien pourvu à la
félicité publique de la Grande-Bretagne, si
les Anglais 1 eussent toujours lu et prati-
qué.
Nous passons sous silence les éloges que
tant d'autres personnages illustres tant en
sainteté qu'en science ont faits de notre livre.
Remarquons cependant que Pie IV, et le
saint Pontife Pie V, de la famille Ghisiéri,
d'Alexandrie en Piémont, ont conservé une
graude estime pour Vlmilatian. C'est encore
de ce livre que saint Philippe do Néri, f*n
IS74, a tiré sa règle de conduite, règle vé-
ritablement très-douce, qui servit de modèle
et de guide aux Pères de l'Oratoire, car le
lien de la charité est le seul qui les retient
unis en paruite harmonie dans leur congré-
gation. Enfin le révérend Père Henri Soma-
lius, de la Compagnie de Jésus, dans une
lc:tre à Léonard Betténius, abbé Ju monas-
tère de Saint-Tradon , s'exprime ainsi :
« Quelle vénération a méritée le livre de
r/ntloltofi, livre qui 5*est fra^ é un chemin
Brtout 1 Je rapporterai ici, ajoule-t-il, un
it qui paraîtrait incroyable s'il n'était pas
confirmé par le témoignage d'un auteur res-
pectable. Un Père jésuite ajant été à Alger
il j a dix-huit ans, pour la rédemption des
esclaves, le roi, qui jadis avait été Chrétien,
le mena voirsa bibliothèque qui était remplie
de différents ouvrages; entre autres livres
il loi montra celui de l'/ait/altoii traduit en
langue turque, et lui dit qu'il faisait plus
de cas de ce livre que de tous ceux de Ma-
homet. B
Hais le livre de l'/mt^olûm, observe M. de
Grégory, ouvrage aussi pieux que touchant,
aussi humble que consolant, traité qui ne
respire que paix, que charité, qu'abandon
et humilité, remarquable surtout par la no-
blesse et l'élévation des sentiments, n'est
pas moins célèbre parlesdispotesauxquelles
le nom de son auteur a donné lieu, depuis
les premières éditions, qui, dès Ii70« furent
publiées en Allemagne par Zainer, avec des
caractères stéréotypes, jusqu'à nos jours.
En effet, ce livre lut depuis lors la pomme
de discorde entre différentes corporations
religieuses, notamment entre les Bénédictins
et les chanoines réguliers de Saint- Augustin,
entre les Flamands, les Français, et plus
tard les Italiens. Avant même l'invention de
l'imprimerie, on avait déjà des doutes sur
le vrai nom de l'auteur de ce pieux traité,
comme le fait observer le savant bibliogra-
phe Mercier, abbé de Saint-Léger, dans sa
dissertation publiée en 1775. Les impri-
meurs du XV* siècle trouvèrent des manus-
crits avec le nom de saint Bernard, ou avec
son portrait dans la lettre initiale; alors on
lui attribua le livre dans plusieurs éditions.
— Il est certain qu'à cette première époque
de l'invention de l'imprimerie, l'empresse-
ment pour publier les manuscrits fut si
grand, qu'on n'y regarda pas de si près pour
choisir les ouvrages, ni pour critiquer ceux
déjà publiés, dont on voulait seulement
multi|.lier les éditions par la presse, comme
l'académie de Munich nous le lait observer.
Il est résulté de là, que, si une erreur écrite
a pu tromper quelques personnes, une er-
reur imprimée en a trompé des millieis.
C'est ainsi qu'un manuscrit d'Anvers qui
finit par ces mots : Terminé et accompli l oi»
da Seigneur ikk\ , par Ue maine de frère
Thomas A'Eempis dmu le couveml de Sainle--
Agnes, prié de la ville de Zwollf adonné lieu
à une série d'éditions qui parurent en Alle-
magne, depuis l'année li72, éditions dans
lesi|ueltes Thomas, né à Kempen, en 1380,
dicédé chanoine régulier de l'onlre de Saint-
Augustin, au monastère de Satnte-Agnè5,
près de Zwoll, le 25 juillet 1471, fut depuis,
grâce au zèle du Père Rosweide et de s*is
confrères, proclamé comme le véritable au-
teur de r/mtloliofi ; tandis que la sous-^
cription littérale montre clairement c^u'il
n'avait fait que le copier, comme bien d au-
tres livres, notamment en ïMï, un Missel,
8Ô5
13U
DICTIONNAIRE
IMI
861
et en 1^9, une Bible qui porte la même
souscription.
L'hounenr de la Frnnce fuC plus tard
éveillé par l'apparition des manuscrits qu'on
venait ae trouver, avec les noms de Johamr
nii Get ou de Joh. Gers. En IMO, des co-
pistes, qui ignoraient Texistence, au xiii*
siècle, du Bénédictin Jean Gersen, au mo-
nastère de Verceii, ont corrigé et écrit en
toutes lettres le nom alors célèbre de Ma*
gisiri Johannis Gerson, interprétant ainsi ces
abréviations. Dès lors on commença à im-
primer, en 1^74, à Louvain, et postérieure-
ment k Venise, à Paris, à Barcelone et
ailleurs, le livre de VlmUation sous le nom
de Jean Gerson, qualîGé chancelier de Parie.
Cette qualification de chancelier de Paris,
donnée à Jean Charlier, surnommé Jarson,
puis Gerson, d*un hameau du diocèse de
Reims, où il était né en 1363, fournit bien-
tôt, après que la cause de saint Bernard fut
abandonnée, une preuve contre Thomas
A'Kempis, et lui ôta toute la gloire d*étre
i'autcur de ce précieux traité de morale.
Plus tard, vers le milieu du xvr siècle, Tem-
I>ressement de tout imprimer sans critique
s*étant modéré, on ap^iorta une attention
plus calme et |>ius scrupuleuse aux manus-
crits qui portaient le nom inconnu de Joh.
Ges ou GerSj et même de Gersen; on com-
mença de plus en plus & douter que A'Kem-
pis ou Gerson en lussent les auteurs.
Enfin, un heureux hasard fit découvrir, en
1604, à Arone, ville située sur le lac Majeur,
un très-ancien manuscrit; on y lisait, en
tète et à la fin de chaque livre, le nom de
Abbatis Johannis Gersen^ et non pas Gerson,
encore moins celui de chancelier de Paris,
mais avec le titre d'abbé, dignité qui ne fut
jamais accordée, même par flatterie, au
chancelier de Paris; car le titre û'abbé,
jusqu'au xvii* siècle, appartenait proprement
aux supérieurs qui avaient le gouvernement
d'un monastère de Bénédictins, les seuls qui
eussent l'usage de la mitre, de Tanneau et
de la crosse, et qui pussent conférer la
tonsure et les ordres mineurs à leurs reli-
gieux.— Dans ses Considérai ions^ feu J.-B.
Gence allègue que le titre d'abbé était aussi
donné, en 1405, à Gersoi de Paris, « en sa
qualité de commeudataire de la cure de
Saint-Jean en Grève, dont l'église cloîtrée
était une dépendance du monastère de Saint-
Nicaise de Meulent. » Sans disserter ici,
d'après le droit canonique, sur Torigine abu-
sive du titre d^abbatis commendaiarii, nous
pouvons dire qu'il est prouvé en fait que ce
titre ne fut jamais accordé à Gerson dans les
actes de l'Université, ni employé par lui
dans la signature des sessions aux conciles
de Pise, en 1409, et de Constance, en 1415.
Cette qualification d'abbaUs Johannis Ger*
senoMGessem, qui se trouve en cinq endroits
divers, dans les planches des fac-similé
rapportées par Gence, et mal exécutées sur
le manuscrit d'Arono, que l'on conserve soi-
gneusement à Turin, è la bibliothèque de
TAthénée royal, réveilla les anciens doutes
sur le véritable auteur de Ylmitalion do
Jésus-Christ; on abandonna Gerson, et les
Bénédictins se déclarèrent pour leur con-
frère, l'abbé Jean Gersen, tandis que les cha-
noines réguliers persistèrent en faveur de
Thomas A'Kempis. — On {procéda d'abord à
des recherches dans les différents monas-
tères, pour connaître si un abbé avait existé
avec le nom de Jeau Gersen; et pendant ces
recherches, l'abbé bénédictin Constantin
Caiétani, secrétaire des lettres latines sous
Paul V, publia avec élégance et exactitude»
è Rome et à Paris, en 1616, le même ma-
nuscrit trouvé à Arone. Bientôt de graves
contestations s'élevèrent de part et d'autre.
Des défenses en faveur de Thomas A'Kempis
furent publiées par Rosweide, par BollaDdos
et par le chanoine Frouteau ; tandis que Ca-
jétani, le respectable garde des sceaux de
France, Michel de Marillac, le savant Bezold
et le docte Val^rave, les Bénédictins Mez-
lero, Quatremaire, Launov et antres com-
battirent pour Gersen.
On est redevable à Augustin delta Chîesa,
évoque de Saluées, qui publia, en 16(5,
l'histoire des abbés des monastères bénédic-
tins du Piémont, d'avoir placé dans la liste
chronologique des abbés du monastère de
Saint-Etienne, dit de la citadelle, à Vereeil,
Johannes Gersen, de l'année lâiO à 1240:
ce qui avait été constaté auparavant par
Modena, chanoine de la cathédrale, et par
Rossotli, biographe piémontais. Une plus
récente attestation fut donnée par le cheva-
lier Jacques Durandi, Vercellais, président
de la Chambre des comptes à Turin, décédé
en 1817, lequel déclarait au président, comte
Napione, et à ses autres collègues de l'Aca-
démie de Turin, que lorsqu'il s'occupait de
rhistoire politique de Vereeil, il avait lu un
ancien parchemin, contenant la chronologie
des abbés bénédictins de la citadelle, et que
parmi eux se trouvait, à la date de 1230,
Johannes Gersen.
Les histoires des auteurs piémontais que
nous venonsde citer ne furent pas consultées
par les étrangers, à quatre cents lieues et
plus de distance; on peut même croire cju'ils
no les connaissaient pas. On se réfutait par
des écrits injurieux, sans égard à la décision
de la sacrée congrégation de Home, en 1639;
on poussa les choses jusqu'à s'attaquer de
faussaire devant le parfement de Paris, en
1652, et la môme question, dit le chanoine
Weigl, fut aussi débattue en Allemagne.
Le sage archevêque François de Uarlaj
songea, en 1671, à convoquer dans son pa-
lais les not&bilités littéraires de Paris en
congrès seientiâque, afin de déterminer
l'époque à laquelle le traité de r/mi/olion a
été composé, et f>our décider sur Tauloiir.
A ceîte tin, douze manuscrits furent pré^i*
tés, tirés d'Allemagne, d'Italie et autres flSf*
Mais les savants en paléographie ne dMi**
nèrent leur jugement que sur deux, propres
à trancher la question, i* Ils déclarèrent le
manuscrit de IHl, apporté d'Anvers, rempli
de fautes et digne d'un copiste; 2* le manus-
crit de Padolirone loi fut reconnu antérieur
au moins de doux cents ans et plus, d'après
m
m
D^ÂSCETISME.
m\
Me
les caractères diplomatiques qu*ll présentait,
sans cependant prendre garde à la date de
Mkt qa*on troure â la dernière page de ce
précieai nianuscrit de la Bibliothèque ro^^ale,
n' 1356.— Cette décision n'ayant ni satisfait
ni apaisé les parties, alors les Bénédictins
Dblinreiit de Rome, en 1674, le Codex silu-
riattN^'inanuscrit qui porte le nom de Jean
Gerseii, et qui fut produit dans une seconde
conférence. Les paléographes, appelés au
monastère de Saint-Gerraain des Près, décla-
rèrent que récriture et les autres signes
devaient faire remonter son antiquité à plus
de deux cents ans.
Enfin, par Tacti^ité de Dom Mabillon, on
obtintd'Arone le manuscrit longtemps refusé,
ainsi que deux autres très-précieui, appor-
tés de Parme et de la ville de Bobhio, en
1687; ces trois manuscrits, portant le nom
de Jean Gersen, furent soumis à un nouveau
congrès, composé de dix-neuf savants de
Paris, et ils aécidèrent que les manuscrits
d^Arene et de Bobbio étaient les plus an-
ciens, antérieurs de trois cents ans, ainsi de
rannée 1387 au moins : ce que Mabillon
déclara aussi dans son Muséum lialicum,
publié en 1687, à Paris.
1^ cause de l'humble abbé bénédictin
Gersen devait triompher, à la suite de trois
congrès qui lui avaient été favorables ; mais
le docteur Dapin, après avoir signé le pro-
cès-verbal de 1G87, changea d*avi$, et, en
1698, publia un écrit en faveur de Jean
Gersen, chancelier de l'Université. Les dis-
putes recommencèrent entre les kempistcs
ellesgersénistes; et, pendant le xvin'siècie,
deax auteurs seulement, l'abbé Andry et
PoQsaœpieri, ont écrit pour Gcrson, et
plusiearsautres restèrent dans le doute à l'é-
gard de Tautear. — Les horreurs d'une révo-
lalion sans exemple dans l'histoire parvin-
rent à ensanglanter la noble France; les
dictions et les guerres firent abandonner les
bonnes études; les Ijcées et universités de-
vinrent déserts, et les discussions sur Tauteur
àiiV Imitation f après les notes de Godescard
e( de Mercier de Saint-Léçer, publiées en.
1788, à la veille de Thornble catastrophe,
furent abandonnées.
11 était réservé au siècle présent, après
que Tordre, la religion et les lois furent
rétablis nar la main de fer de Napoléon» de
e)uvoir s occuper de discussions historiques.
n 1806, on savant de l'Âcadémiedes scien-
ces de Turin, Galléani Napione, décoré de
la Légion d'honneur, fut le premier à jeter
legani sur la question du véritable auteur
de [Imitation. Un autre Italien, l'abbé Can-
ceJlieri, de Rome, en 1809, s'associa au pre*
loier pour démontrer que le moine Jean
Gersen» abbé de Saint-Ëtienne à Vereeil,
^n était le véritable auteur. Personne, pas
nidneeii Flandre ni en Allemagne» ne son-
geait au bon Thomas A'Keoipis ; et tandis
'ioe le noble vicomte de Chateaubriand,
dans son Génie du christianime, en 1809,
parlait du livre de 17iiittortoii comme d'une
^fpèce de phénomène du xnf siècle, Lam-
Uaet inséra, dans le Journal de$ Curée du
22 août, è Paris, ses remarques sur plusieurs
éditions latines de VJmitation^ auxquelles,
dans le même journal, Jean-Baptiste Gence
répondit de suite, en engageant une nou-
velle dispute. En 1810, le même Gence,
après avbir publié en septembre, dans le
même journal, une notice sur le caractère
des éditions ou traductions françaises les
plus remarquables d(j. VJmitalion de Jésus-
Ckristf eut connaissance d'une nouvelle dis-
sertation de Napione, lue à l'Académie de
Turin, et- publiée en 1811, sur le manuscrit
d'Arone. Alors, profitant des lumières de son
ami Alei. Barbier, bibliothécaire do l'empe-
reur, et de sa Dissertation sur soixante tra-
ductions françaises de r Imitât ion f publiée en
1812, à Paris, Gence ajouta, à la suite (page
215), des Considérations sur la question reio-
tive à rauteur de riroilation, et sur les dis-
cussions qui la reproduisent.
L'écrivain français altanua rudement Na-
pione et Cancellieri, et, s emparant des an-
ciennes allégations, des défenseurs de Kem-
pis, non-seulement il nia l'existence d'un in-
dividu portant le nom de Jean Gersen, de
ce fantôme, prétendu abbé de Yerceil, in-
venté pour le substituer à Jean Gerson»
chancelier, mais, de plus, il méprisa l'auto-
rité des anciens historiens Modéna, fiellini,
Cusano, de l'évèquo Ferrero, Corbelli, du
Bénédictin Rossotti, et de l'évêgue délia
Cbiesa, et autres autorités en laveur de
l'abbé Gersen. Enfin, il conclut par dire que
seulement trois manuscrits portent la dési-
gnation de Gersen, et. que ce n'est qu'une
corruption du nom de Gerson ; il pro-
mit alors une édition latine de VJmita^
iion avec des variantes, et Tindication tex-
tuelle des passages de l'Ecrituret pour la-
quelle il profita d'un travail que le pieux et,
savant Larnher lui avait abandonné.
M. de Grégorv raconte ensuite comment,
en 1825, il découvrit à la bibliothèque
royale le fameux Codex Cavensis (manuscril
de La Cave), ceux de Bobbio et de Parme
dont on ignorait l'existence depuis 1790,
époque de la suppression des Bénédictins.
Mais une nouvelle découverte devait fixer
irrévocablement son opinion en faveur de
Gersen : « La révolution des trois mémo-*
rables journées de juillet 1830 allait, dit*il,
nous détourner de nos études historiçiues,
lorsque fa Providence nous mit en main un
manuscrit que nous avons acheté et appelé
Codex de aavocatis sœculi xiii ; cette heu-
reuse et importante découverte fui faite le
4 août suivant, chez M. Técheoer , libraire
de Paris.
< Ce précieux manuscrit, soumis bientôt k
l'observation de savants experts en paléo-
graphie, fut jugé le plus ancien connu et le
plus correct. Ces déclarations suffirent pour
nous encourager à de nouvelles recherches
ayant pour but de constater l'époque appro-
ximative do Texistence du Codex de aéh
vocatiSf lequel,' par actes judiciaires, fui
ensuite prouvé être antérieur à l'an 1349 ;
ce qui résfulte, nar preuves légales^ du
Diarium Jbsephi ùe aavocatis.
«la
DICTIONNAIRE
IMI
«llétaitlrès-imporlantdc publier de soite
le teïie de ce précieux manuscrit, avec des
notes et avec les variantes de plus anciens
manuscrits d'AHatio^ de La Cava^ de Bobbio
et de Padolirone. Nous Tavons fait en rédi-
geant une préface historique ap|>uyée des
documents et des avis des savants experts
déjà cités. — Une première édition à cent
exemplaires* porte le titre de Codex de ad-
vocaiîs sœeuli xiii, de imiiatione Chrieti et
coniemplu mundi cmniumque ejus vaniiaium
lihri IV9 fideliter expressut cum notis et «a-
riit leciionibui^ curante équité G. de Gre^
gorf/f J. U. doctore, prœside honorario in
âuprema regia euria Aquarum-Sextiarumf
edilio princep». Lutetiœ^ mdgcgxxxhi. Excu-
debant Firmin Didot fratres ; vol. ^rand
in-S*, avec une dédicace aux illustres biblio*
philes. — Après le tirage de cent exem-
plaires sur un grand papier vélin» avec cinq
ptanches reproduisant des fac-similé et l*an-
cienne orthographe du texte, qui fut par
nous corrigé et soigné, nous avons fait un
second tirage selon Torthographe moderne»
avec ce titre : De imitatione Chrisli et eon-
temfftu mundi omniumque ejus vanitatum
Ubri IV. Codex de advocatis sœeuli xiii, edt-
iio secundo^ cum notis et variis lectionibus ;
curante équité G. de Gregory; J. If. doctore^
prœside honorario in suprema regia euria
Aquarum-Sextiarum. Pansiis^ typis fratrum
Ftrmin Didot^ régis et regii instituti typo^
grapho ; 1833, v. tn-8'.
« Nos deux éditions furent accueillies avec
intérêt par la république des lettres. Hais
quelque critique incrédule s*avisa d'attaquer
le procès-verbal dressé en la ville de Biella»
le 25 nov. 1831, et confirmée Taide de nou-
velles preuves, le 31 janvier 1832, par le
notaire royal Ignace Dionisio et par Tabbé
comte Gustave Avogrado de Valdengo, as-
sisté de plusieurs témoins qui ont signé les
actes légalisés par le préfet du tribunal et
par son greffier. Il résulte de ces actes que
« le manuscrit de Advocatis appartenait, en
1349, à Joseph de Advocatis de Valdengo,
qui le donna, le 15 février, jour de dimanche,
h son frère Vincent, domicilié è Cérione,
village près de Biella, à l'occasion d'un par-
tage de famille entre les deux frères. » Cette
attac^ue injurieuse contre des fonctionnaires
publics, qui n'avaient aucun intérêt à cacher
la vérité, nous obligea à demander par lettre
nnfac-^simile de l'article de ce précieuxjourn. 1
de famille, sous la date du 15 février 1349,
conservé dans lesarchivesdu comte Avogra-
do, seigneur de Valdengo, de Cérione, etc.
« Ce fac-similé nous fut envoyé deBiella le
17 juillet 1832, par le chanoine Morra, vi-
caire capitulaire et trésorier de la cathé-
drale. L*église de Biella ayant obtenu, le
30 septembre 1833, un nouvel évèque dans
la personne du savant théologien Losana
(Jean-Pierre), ancien délégué apostolique
d*Alep, nous lui demandâmes, par lettre du
24 mai 1835, un autre certificat. I^e respec-
table évèque daigna nous l'accorder, et
poussa la complaisance jusqu'à nous trans-
crire l'extrait au m^me journal, qui appar-
tient è la famille Avogrado el qui concorde
avec l'acte de Dionisio, notaire rojal k BielU.
« Notre intention» déjà manifestée daos les
prébces latines des éditions de 1833, était
de donner, dans les deux langues, italieune,
et française, des traductions teituelles et
littérales du Codex de advocaiis» Nonobstaot
les soufDrances que noua occasionnait une
longue et dangereuse maladie, nous avons,
en décembre 1835, fait paraître simuitaoé-
ment les traductions, en deux vol. in-i8de
400 pages chacune, imprimées avec éiégsnee
par les frères Firmin Didot. — Noos les
avons dédiées aux dames chrétiennes, char-
gées spécialement de l'éducation de leurs
enfants, après avoir montré que la lecture
de cet ouvrage rend l'homme plus paisible
dans sa famille et plus pradent en société;
que cette lecture a été recommandée par
une femme non moins illustre en saioieié
qu'en littérature, la bienheureuse Hosaone
Andreassi, religieuse dominicaine, née à
Hantoué en 1449.
« Enfin, non content d*avoir rempli notre
promesse, d'avoir propagé ainsi en trois
langues différentes la lecture du meillear
des livres ascétiques, nous avons encore
transcrit à la dernière page le certificat du
respectable évèque de Biella, certificat daté
du 1" octobre 1835, signé de sa propre
main , et contresigné par le chancelier
Uaggia. »
Après toutes ces preuves authentiques et
les documents publiés, H. Onésime Leroy,
en 1837, prétendit avoir trouvé à Valeo-
cienne un manuscrit portant le texte prim-
tif français de limitation de Jesus-Ckritt.
Cette trouvaille sans preuve fit beaucoup de
bruit; l'Académie française proposa, pour
1838, l'éloge du chancelier Jean Gersoo, et
accorda deux prix aux lauréats, MH; Dopré
et Faugères. Alors se sont élevées de nou-
velles discussions, auxquelles ont pris part
le chanoine Weigl, dans sa PolyglottSf et
H. Nolhac pour Gersen, Bénédictm, tandis
oue MM. Mootfalcon» Leroy, Michelet et
liéraud viennent de^publier leurs arguments
pour Gerson, chancelier.
Nous n'analyserons point les longs argu-
ments uueM.deGrégory tirede sa découver-
te ; qu'il noussuflSse de citer le compte-rendu
donné par VAmi de la Religion (13 novembre
1833] : «On sait, dit-il, que M. Gence refuse
également à Kempis et à Gersen la gloire
d*avoir composé Vlmitation : il donne ce
livre à Gerson. M. de Grégory, de Yerceilf
président honoraire à la Cour royale d'Aix,
avait déjà traité cette question dans son
Hiitoire de la Littérature de Yereeilt eo
h vol. in-4% imprimés à Turin de 1819 ^
182^. Depuis, il avait paru de lui UB Ji^
moire sur le véritable auteur de r/mi{ifÎ9Si
revu et publié par Lariiuinais, 1887,jjl-'ll
Aujourd hui, M. de Grésory se preseote
avec de nouvelles armes qiril regarde comme
décisives. Il a découvert un manuscrit ius-
Su'ici inconnu des savants. Le 4 aoû*t lo90i
a acheté à Paris, du libraire Téchener,un
manuscrit sur parchemin ^ contenant les
nsB
D^ASCETISIIK
quatre liTres de Vlmiiaiion, el que Téche-
ner avait acheté è Metz du libraire Lévi.
Commeut Lévi avait-il ce manuscrit ? C'est
ce qu'on D*a pa vériQer. Hais on voit, par
différentes notes, que ce manuscrit avait
appartenu à la lamille ÀTOgrado, de Ver-
ceil» et qu'il était depuis longtemps dans
cette famille. Dans une espèce de journal
de la famille ÀTogrado, il est prie» sous
Tan 1349, d'un manuscrit de VJmiiation^
qu'un A vogrado (en latin de Advocaiii) tenait
lie longue main de ses ancêtres, et dont il
faisait présent à un de ses frères. Ceci tran-
cherait la Question ; car si 17mtfaltofi exis*
tait en 1349, et qu'un manuscrit de ce livre
existât de longue nuiin dans une famille, il
est évident que l'ouvrage ne peut être de
Gerson, qui ne naquit qu'en 1363, ou
d'A' Kempis,qui ne naquit qu'en 1380. Ger-
sen était du siècle précédent et était abbé
de Saint-Etienne, de Verceil,de 1220 à 1240.
M. de Grégory a (ait examiner son manus-
crit |-ar plusieurs savants fran^is et étran*
gers, qui, au caractère de l'écriture, ont cm
reconnaître qu'il était de la fin du xiii' siècle
ou du commencement du xiv*. C'est l'opinion
de MM. Nodier, Marcel, Buchon et Artaud,
et de dix littérateurs italiens ou allemands.
M. de Grégorj a joint leurs témoignages à
sa prélace. »
H ne s'en tient pas là, et, à l'exemple de
M. Gence, il donne une description des
manuscrits de Vlmitalion. D'abord, il exa*
mine les manuscrits du xV siècle» sans nom
d'auteur. Le premier est son manuscrit Avo-
grado, qui est en petits caractères* avec
beaucoup d'abréviations. MM. Lénine, Gué-
rard, Andiffret, et autres gardes des manus-
crits de la Bibliothèque du roi, ayant com-
paré, le 9 août 1830, le manuscrit Avogrado
avec ceux de la Gava, de Bobbio, de Bres-
eia, de Mantoue et autres qui avaient été
rapportés d'Italie par Mabillon en 1686, et
avec le ISimeux manuscrit de Gerardmont,
décrit dans l'acte de 1671, et assigné à
Tan 1400, ont estimé que ce manuscrit leur
était antérieur. M. de Grégory passe en re-
vue trente nîanuscrils du xv* siècle, sans
nom d'auteur. Il cite quatre éditions du
même siècle, également sans nom d'auteur,
trois manuscrits et sept édltionsqui attribuent
l'ouvrage à saint Bernard, neuf manuscrits
et huit éditions qui l'attribuent à Thomas
A*Kempis; cinq manuscrits et douze édi-
tions qui le donnent à Gersoo, et quinze
manuscrits qui portent le nom de Ge$$emf
ou Gersen^ ou Ger$em. De cet examen, M« de
Grégory conclut que plusieurs manuscrits,
dont Tauthenticitô n'est pas douteuse, ne
Dt aucun nom d'auteur ; qu*aucun ma-
rit ne porte le nom d'A'Kempis avant
et aucun celui de Gerson avant 1460.
rant auteur ne manque pas de tirer
je de l'examen de treize manuscrits
failite 1671, h Paris, par plusieurs savants,
et de l'examen que d'autres savants firent
en 1687 des manuscrits d^Arone» de Parme
et de Bobbio.
M de Grégory donne ensuite le texte de
Vlmitation d'après le manuscrit Avogrado.
il indique soigneusement les variantes des
principaux manuscrits cl des éditions les
plus connues. Ce travail parait lait en cons-
cience et par on homme qui a bien étudié
Vlmitation^ et qui a fait de très-grsndes re-
cherches sur le texte de cet incomparable
ouvrage, il faut parcourir l'édition pour se
faire une idée de ce traTail. L'éditeur cite
les passages de l'Ecriture auxquels l'au-
teur de Vlmitation fait allusion. Enfin, il ne
néglige rien pour éclaircir le texte, et com-
pare les préceptes qu'on y trouve aTec ceux
de la règle de Saint-Benoit. Tout cela fait
le sujet d'un grand nombre de notes, qui
sont en latin comme le texte.
L'éditeur avait publié une première édi-
tion avec l'ancienne orthographe, mais à
cent exemplaires seulement, et pour satis^
laire la curiosité des bibliophiles. Celle-ci
est plus soignée et plus purgée des fautes
qui appartiennent au xjir siècle. A la fin, on
trouve une liste des locutions d'un latin fieu
correct, et qui se trouvent dans le manu-
scrit Avogrado. Ce manuscrit a été offert
par M. de Grégory au chapitre de la cathé-:
drale de Verceil, pour ôu*e conservé dans
ses archives. 11 est de forme carrée, de ca-*
ractère gothioue nouveau et rond, presque
sans ratures. Il parait avoir été écrit par une
plume de fer ou d'argent. L'éditeur lait dif*
férentes remarques sur le caractère de l'é-
criture, sur la uonctuaiion, sur l'orthosra-
phe, sur les abréviations, sur les corrections
qui se trouvent en marge. Il trouve dans
tout cela des preuves de l'antiquité du ma-
nuscrit. Six gravures offrent le portrait de
l'abbé Gersen, trois spécimen du manuscrit
Avogrado, un spécimen du manuscrit d'A-
rone, et des sp^hnen de quatre autres
célèbres manuscrits. (Ami de ta Meligion.)
Malgré toutes ces raisons , les partisans du
chancelier Gerson ne se tiennent pas pour
battus. Au XV* siècle, disent-ils, et même
au commencement du xvr, on ne connais-
sait généralement d'autre auteur de Vlmi-
tation que Jean Gerson, chancelier de TUni-
versité de Paris. Les premières éditions pa-
rurent sous son nom, et ce nom se lisait
sur presque tous les manuscrits , à moins
qu'ils ne fussent anonymes. L'ouvrage en-
tier,ou du moins quelques liTres, était pres-
que toujours en compagnie d'autres opus-
cules du même auteur. Au rapport de L.
Gonzalès et de N. Orlandini, saint Ignace
de Loyola ne désignait ce traité que sous
le nom du livre de Gerson, Libeltus uersonis.
Cependant, comme le catalogua des ouvrages
du chancelier, donné par son f: ère, le prieur
des Célestins, ne laisait aucune mention
de r/mtlnltoii de Jésus^hristf du moins sous
ce titre, on conclut de ce silence qu'il fal-
lait attribuer l'ouvrage à d'autres auteurs.
— Déjà, en 1488, avait paru à Toulouse
une édition française, avec ce titre : Cy
comance le liwre tris salutaire la Tmitation
Jkesu Christ et mesprisement de ee nu^nde^
premièrement composé en latin par sainct
Bimard, ou par aultre dévote personne^ al-
871
IMI
DICTIONNMIIE
UO
m
iribuéà maistre Jehan Genon^ chancelier de
Parié « tt aprit transtalé en français en la
cité de Thotose. Ici saint Bernard est soup-
çonné d*ôtre Fauteur d^VImitation; maiSi
outre qu'il était peu probable qu'un ouvrage
de ce Père, et surtout un ourrage de ce
genre t fût resté inconnu pendant près de
trois siècles, il suffi^it de lire quelques
pages de ses écrits pour s'assurer que r7mi'-
tation n'est pas de son style. Saint Bernard
ne fut donc pas un concurrent sérieux, et
rédition précitée fut la seule qui portAt
son nom. Un manuscrit du xv' siècle, trouvé
à Louvain, et contenant les quatre livres de
Vlmitaêion^ se terminait par cette formule :
Fin itus et completus per tnanus fratris Thomœ
A'Kempis, anno lUi. Cette découverte pa-
rut lever tous les doutes; on connaissait la
date certaine et le véritable auteur du pré-
cieux opuscule. Il avait été terminé en IHl,
et composé par Thomas A'Kempis, chanoine
régulier de Mont Sainte-Agnes, près de
Swoll. D'ailleurs, dès le xv* siècle» deut
éditions avaient paru sous son nom, l'une en
français, h Paris, en 1493, et l'autre en latin,
à Nuremberg, Tannée suivante.
Mais voici que de toutes parts surgissent des
manuscrits offrant d'autres noms ; la bibliothè-
que des Jésuiles d'Arone, entre autres, pré-
sisnto unaulogranho du xiii' siècle, où l'on
trouveentêtedecnaque livre lenomd'unabbé
Jean Gersen ou Gessen, gue l'on dit abbé
de Saint-Etienne ou do Saînt-André de Ver-
ceil. Voilà donc Thomas A'Kempis dépos-
sédé, puisque le livre qu'on lui attribue
existait deux cents ans avant lui; ce livre
n*est plus l'œuvre d'un chanoine régulier,
mais d'un religieux bénédictin ; il ne vient
plus d'Allemagne, mais d'Italie. De là une
vive polémique h laquelle prirent part, du
côté de Thomas A'Kempis, les Jésuites Ros-
weide et Hezer, le savant G. Naudé, les
chanoines réguliers Fronteau, Amort et
Frova, ce dernier de Verceil; du côté do
Jean Gersen, le docteur Jean de Launoy, lest
Bénédictins Cojétan, Valgrave. Quatremaires
etMâbillon ; de là aussi des injures, puis un
procès judiciaire, terminé par un arrêt du
12 frévrier 1652, qui défendait d'imprimer à
l'avenir Vlmitation sous un autre nom que
celui de Thomas A'Kempis. Le tomns n'a
sanctionné ni l'arrêt de la cour, ni les ar-
guments des deux partis, continuent les
Gersonistes , et le nom de Jean Gerson ,
trop longtemps écarté, est revenu enfin
revendiquer ses droits. Quoique les Alle-
mands d*une part, et les Italiens de l'au-
tre, aient cru remarquer leur idiome res-
pectif à travers le texte latin de l'ouvrage
qu'ils se disputaient, on finit par reconnaî-
tre que les nombreux gallicismes parsemés
dans ce texte indiquaient exclusivement
une origine française. On sentit de plus que
la formule qui terminé le manuscrit de
Louvain accusait moins un auteur qu'un
copiste; ce que rendait plus que problable
le genre d'occupation habituelle du bon
chanoine de Mont Sainte-Agnès, qui avait
sigualé son talent calligraphique en copiant.
pour son couvent ou pour d'autres maisons,
plusieurs ouvrages, tels que la Bible, des li-
vres de chant, des missels, des opuscules
de saint Bernard, etc., d'autres Pères, tous
revêtus de semblables formules. La formule
susdite ne prouvait donc pas plus dans uq
cas que dans un autre, et le nom de Thomas,
écrit sur le texte de lUl, ne témoignait pas
plus un auteur du livre que les nomsdeG.de
GoUingen, de Conrad Obersperg, d'Etienne
Purchkard, de Louis du Mont, etc., trouvés
sur d'autres Imitations manuscrites, ne té-
moignaient pour ceux qui les avaientcopiées.
Enfin les témoignages que Ton inioquait
en faveur du chanoine allemand étaient re-
connus apocryphes ou tout au plus fondés
sur des ouï-dire. Quant à Jean |Gersen,
avant do le faire Tauteur de l'Imitation, il
eût fallu constater son existence. Ce per-
sonnage, dit du xur siècle, contemporain et
ami de saint François d'Assise et de saint
Bonaventure, était demeuré inconnu jus-
qu'au XVII* siècle, même dans le pays ou où
lui donnait une prélature; le Catalogué des
abbés de Verceil ne contenait aucun nom
semblable, et la première fois qu'on le
voyait apparaître sur quelques listes, c'élailî
ré()oque des débats en question. D'ailleurs,
au jugement des plus habiles paléographes,
et notamment du P. Zaccaria, le manuscrit
d'Arone, loin d'avoir l'antiquité qu'on lui
supposait, ne remonte pas môme au temps
de Gersen. Tout {)orte à croire que cet au-
teur n'a jamais existé que dans Timagina-
tion de ses partisans, et que son nom n'est
autre que celui de Gerson défiguré. En vaio,
au commencement de ce siècle, MH.Napiono
et Cancellieri ont essayé de ressusciter le
prétendu abbé de Verceil; en vain, lepré^
sident de Grégory, sur la foi d'un manuS'
crit dont il aimait à reculer l'antiquité, a
publié plusieurs brochures pour soutenir les
droits de cet auteur imaginaire; tous les
efforts sont restés inutiles, et Jean Gersea
est retombé plus que jamais dans son néant.
Ces deux prétendants une fois écartés, le
chancelier de Paris devait nécessairement
reparaître. Déjà il avait pour lui le témoi-
gnage des éditions antiques, et ceux non
moins respectables de Sainte-Beuve et de
Bossuet, de C. Labbé, de £. Dupin, et
d'autres savants; d'autres preuves doTaient
encore militer pour lui. Dans le volumineux
index du Vatican, où se trouve l'indicalioD
de tous les livres contenus dans la biblio-
thèque des monastères d'Italie avant le xtu'
siècle, on voit que de ino à 1600 il n'y a
presque pas d'années où il n'ait paru uDe
ou plusieurs éditions latines ou italiennes
de limitation sous le nom de Jean Geffoo*
trouve aucune sous lé nom de Jean Gersen.
Les difficultés tirées du silence du catalogue
écrit par le prieui" des Célestins, ou de la
qualité de religieux réclamée pour l'auteur
par certains passages du troisième livret
n'existent plus depuis que Von sait que le
L:
DU
D*ASCEnSME.
IMI
674
titre primitif ;du pieui oarrage n'était pas:
De imilaiione Chrixti^ mais bien. Consola--
iione$ iniemœ^ on plalôt, en français, de
rimiemelle consolation^ et que les passages
applicables aux seuls moines sont des ad-
ditions qui ne se trouvent pas dans le texte
original. M. Gence, dans ses Considérations
Mur fauteur de F Imitation^ imprimées à la
suite de la Dissertation de Barbier sur les
traductions françaises du même ouvrage, a
clairement établi les droits de notre com-
patriote, et démontré que F Imitation est une
gloire de plus gui appartient k la France.
EoGn H. Onésime Leroy a trouvé, il y a
oaeiques années, dans la bibliothèque de
V alenciennes , un manuscrit authentique
portant le titre d'Intemelle consolation ; et
propre à dissiper tous les doutes qui pour-
raient subsister encore. Voici ce que dit de
cette découverte M. Leroy lui-même, dans
une lettre à M. de Lamartine : « Ce manus-
crit inappréciable contient : 1* le texte pri-
mitif de Vlmiiationf composé d*abord en
français par Gerson pour ses sœurs, et co-
pié par ordre du bon duc de Bourgogne; 2*
deux discours semi-politiques sur Ta pas-
sion de Jésus-Christ, prononcés à Paris par
le même Gerson ; Tannée où les confrères de
la passion représentaient le grand drame,
iSont la bibliothèque de Valencienneb nous
offre aussi !e texte manuscrit, comme pour
rapprocher ce que l'éloquence et la poésie
française ont eu de remarquable dans le
xr* siècle. » Ainsi parlent les défenseurs de
Gerson réfutés plus haut par M. Grégory. .
Quant aux partisans de Thomas A'Kempis,
les plus célèbres sont Rosweide, Jésuite
d'Utrecht, mort à Anvers en 1679, et Eusèbe
Amort, de Bavière, chanoine régulier de
Saint-Augustin, décédé en 1775. — Le pre-
mier attira tous ses confrères, qui prirent
fait et cause pour lui et soutinrent son
opinion. Le second devait avoir absolument
pour partisan tout Tordre des Chanoines ré-
guliers, qui non-seulement ont écrit des
volumes, mais encore ont intenté et sou-
tenu plusieurs procès contre les Bénédictins,
Ils ont de plus agi pour faire inscrire sur
tontes les premières éditions du livre de
Vlmitation de Jésus-Christ^ surtout en Alle-
magne, le nom de leur confrère A'Kempis,
de préférence aux autres. Les Chanoines
r^ulierss'appuient, comme on Tadéià vu, sur
le manuscrit d'Anvers, dans lequel on lit:
Fini et acheté fan du Seigneur lUl, par les
tmains du frire Thomas A'Aempû, du couvent
du Moni'^Saini' Agnès pris de ZewolL On derait
déduire de ces mots que Thomas A'Kempis
avtil été le copiste du manuscrit, et non
l'anteur du livre de Flmitation^ comme le
docte président de Harillac Ta justement
décidé, et avec lui le savant Valgrave et le
critique Mariano. Ce dernier ayant trouvé
les trois premiers livres de Flmitatian con-
fondus dans plusieurs manuscrits sans sui-
vre Tordre des chapitres , écrivit alors
dans ' le journal de Rome, en 1668, gue
Thomas A'Kempis en avait été le compila-
teur et jamais l'auteur.
DurnoNïf. D'Ascirisiix. I.
Nous n'enlrerons 'pas en lice arec le P.*
Hariano pour combattre son hypothèse «
mais nous njouierons que Gence , dans ses
Ccneidéralions de 1812, a prouvé jusqu'à
l'évidence que Thomas ne fut pas compila-
teur, mais simple copiste, et que c'est seu-
lement lors de l'invention de limpriroerie,
comme l'académie de Munich nous TafBrme,
que , d'après le manuscrit de 1441 , les édi .
lions se sont multipliées jusqu'au nombre
de soixante-dix-neuf sous le nom de Tho-
mas A'Kempis , surtout en Allemagne , où
l'opinion était fortement établie en sa faveur.
Une dernière preuve que Kempis ne fut que
le copiste d'un ancien manuscrit de Vlmita-
tion , nous la déduisons des erreurs d'ortho-
graphe , des barbarismes , même des sole-
cismes qu'on lit dans son manuscrit de lÛI,
fautes qu'on ne trouve pas dans l'extrait
qu'il a composé de la Yie de sainte Lidwvne
sur celle du frère mineur Bnigman^ Hol-
landais. On ne trouve pas même une phrase
conforme au traité de Yimitation clans le
livre De vera compunctione cordis , composé
par A'Kempis , comme Erbard Ta fait re-
marquer.
Si la simple signature du manuscrit per
manus peut être favorable à A'Kempis pour
le présumer auteur de Vlmitalion , on ne
peut s'empêcher aussi de reconnaître pour
auteurs de l'/ftiiVa^ton de Jésus-Chrisi les
copistes des manuscrits suivants : Codex
Gerardi Montis , finitus per Ludov, de Monte.
— Codex Augustanus i , finitus per GeoT"
gium de Gottingen^ etc., etc.
Ce que nous avons allégué de l'occupa-
tion journalière de Thomas A'Kempis est
confirmé par le Dictionnaire universel , où il
est dit que ce chanoine passait son temps à
copier de vieux manuscrits. En preuve, on
Îr cite le manuscrit d'un premier missel de
'an Hikf Per me fratrum Thomam Èem-
pem ; de plus , la célèbre Bible déjà meii^
tionnée , qui fut terminée en 1439 ; et Ton
y ajoute que le même Thomas atteste avoir
copié plusieurs livres de chant , caniuales :
d'où Ton tire la conséouence très-juste que
le traité de Vlmitation de Jésus^hrtst n*a pas
été composé par A'Kempis , car Tautcur de
ce traité voulait rester ignoré , et la signa-
ture du manuscrit de l&l , en supposant
qu'elle est celle de Tautographe , serait en
contradiction avec la rolonté même de l'au-
teur. , . . . ,
Charles Butler, évêqne anglais en 1736,
croit tirer un allument décisif en faveur
d' A'Kempis , de ce qui est dit au chapitre
25, lirre i de T/mtkiitoiiy « d'un homme
qui flottait souvent entre la crainte et l'es-
pérance. » Cet article n'est pas applicable à
A'Kempis , dont la ferveur pour la rigle
était exemplaire , mais bien aux novices
bénédictins, comme le maître l'explique,
en leur rappelant pourquoi ils sont venus
au monastère et ont quitté le siècle.
Toutes les inductions en faveur d'A'Kem-
pis , qiT Amort a déduites , soit delà confor-
mité du style , soit des idiotismes qu'il
porte au nombre de quatre cents, soit de I9
28
875
na
DICTIONNAIRE.
DU.
m
doctrine » soit des sentiments exprimés dans
fses différents ouvrages , toutes ces indue*
'tîons sont fort incertaines , surtout quand il
s'agit d'ouvrages ascétiques, d'ouvrases
d'inspiration tirés de i'etude de la Bible,
du Nouveau Testament et des Pères de
l'Eglise, dont les idées sont conformes; et
plus encore , lorsqu'il s'agit de déclarer au-
teur de VImUation un personnage qui , pen-
dant toute sa vie , n'a fait que copier de tels
livres, et qui , probablement a transcrit plus
d'une fois cet excellent traité qu on s'efforce
de lui attribuer , à cause de la conformité de
plusieurs passages rapportés par le chanoine
Amort.
Enfin, pourquoi le mot $oUUiosi$$imîê$ ^
qu'on lit au chapitre 21 , liv. m , pourquoi
cet idiotisme ne se trouve-t-il pas dans les
ouvrages d'A'Kempis ni dans ceux du chan-
celier Gerson? C'est parce que ce mot est
propre de la langue italienne, soUaxoxo sol*
Inzevote^ et cet idiotisme seul suffirait pour
conclure que l'auteur fut un Italien.
Pour conclure donc et sans vouloir tran»
cher une question qu'il ne nous appartient pas
de décider, nous, observerons, en finissant,
que Gersen compte en sa faveur de graves
autorités. Nous commencerons par Trithème,
né près de Trêves , en ik&2. Cet abbé béné-
dictin de Saint-Jacques , à Wnrtzbourg, qui
avait composé une bibliothèque riche de
deux mille manuscrits , refusa constamment
d'attribuer à Thomas A'Kempis le traité de
V Imitation de JéêUê-Christ; de plus , dans son
eataloguedes hommes illustres, il s'exprime
en ces termes : LibMum de Imitations Christi
ante muUoê annoê HniotM nostri shos ferwU
legiêse seni^rêi^ei il ne consentit jamais k
mettre ce précieux traité dans la liste des
ouvrages de Thomas A'Kempis , chanoine
régulier.
Le savant Bellarmin dit aussi : Communia
ter jam iUud opu$ adeiribitur Thomœ de
Kempiê viro admodum pio : sed «o/de proba-
bile est auctorem illitM opuseuli esse Joan^
nem quemdam abbatem de Gersen. Le témoi-
Snage du cardinal est confirmé par Wcigl ,
ans ses notes. Ce savapt ayant examiné la
première édition des ouvrages de Thomas
A'Kempis, publiée à Utrecht en i47b, trois
ans après la mort de ce vénérable auteur ,
n'jr a pas trouvé le traité de l'Imitation ,
qui serait, sans contredit, le meilleur de
touSt sr on eût pensé qu'il lui apparte-
nait.
Ducange , cet homme laborieux et saf;e
critique, é(Hri vit le 17 avril 1671, au conseil-
ler Dunont à Amiens , en ces termes : « Il
est vrai que j'ai été à la conférence de Tho-
mas A'Kempis; mais, après les manuscrits
que j'ai vus, je ne fais aucune difficulté d'a-
vancer que cet ouvrage est de Jean Gersen ,
afaM de VerceiL»
Ainsi ont pensé le P. Rossignoli , Jésuite
d'Arone (1605), Possevin (1606), Negrain
(1610), Gajetan (1616), Marillac (1621), Bu-
zellino,Bénéd. (1629), Bezolde (1636), Val^
grave (1638), Mezlet , Bénéd. (16^9), A. D'eila
Chieza , évêque de Saluées (1645), D. Qua-
tremaire (1649), De Lannoy (1650), Leseale,
Bénéd. (1663),Rossotî, Bénéd. (16(7], Da
Bénéd. (1724), T. Errhard, Bénéd. (1721),
D. ,Herwin (1726), J. Schelhominx (1730).
Fontanini (1736), Duplessia (1741), Zaccaria,
Jésuite (1741), A. Zeno (1744), Enriquez
(1754), Valart (1758), Remoodîn, (1758),
Marz, Bénéd. (1760), Faila (1762, Gobet
(1775), Mullatera (1T78), J. Chaii, Bénéd.
(1785), le comte Napione (1808), ChaDcel
iieri (1809), de Gregory (1818), Weilg, fr.
de Ratisbonne (1832), Monaldi (1837), G. Avo
«ado (1837), Nolbac (1841), Robrcbacher,
(18&2). Tous ces auteurs ou presaue tous
ont traité ex-frofesso la matière. [Voj, fft^
toire de Flmitation de Jisus^Cknst^ par le
chev. DE GaBGoaY ; 2 vol. in-4%
IMMACULÉE CONCEPTION. - To}i. Pu-
yiLÉGBS DE Marie.
INACTION, cessation d'agir. — Les mys-
tiques entendent par là une privation de
mouvement, une espèce d'anéanlissemeolde
toutes les facultés de l'âme, par lequel oa
ferme la porte à tous les objets extériears;
une,extase dans laquelle Dieu parle immé-
diatement au oœur de ses serviteurs. Cet
état dHnaction est, selon leurs idées, le plus
propre à recevoir les lumières du Saint-Es-
f»rit. Dans ce repos et cet assoupissemeat de
'Amey Dieu, disent-ils, lui communique des
grâces sublimes et ineffables. Queloues-uos
cependant ne font pas consister 1 inaclioo
dans une indolence slupide ou dans une
suspension générale de tout senlimeut. Us
entendent seulement que TAxae ne se lim
point à des méditations stériles« ni aux Tai-
nés spéculations de la raison ; mais qu'elle
demande en {[énéral ce gui peut plaire à
Dieu, sans lui rien prescrire, et sans former
aucun désir particulier. — Cette dernière
doctrine est celle des anciens mystiques; la
première est celle des quiétistes.
En général, l'inaction ne i)arait pas un fort
bon moyen de plaire à Dieu et d'avancer
dans la perfection ; ce sont les actes de ver-
tus, les bonnes œuvres, la fidélité à remplir
tous nos devoirs, qui nous attirent les fa-
veurs divines ; le plus grand dans le royaume
des cieux est celui qui pratiquera et ensei-
gnera les commandements de Jésus-CbrisL
{Uatlh. V, 19.) Il veut qu'avec sa grâce nous
désirions et nous fassions le bien; la prière
au'il nous a enseignée n'est pas une oraison
e fausse quiétude, mais une suite de de*
mandes qui tendent è nous faire agir. DieUi
sans doute, peut inspirer à une âme un at-
trait particulier pour la méditation; ell6 peuj
acquérir, par l'babitude, une grande facilité
de suspendre toute sensation, et oet état de
repos peut paraître fort doux; maismiisque
les extases peuvent venir du tempérament
et de la chaleur de Timagination, il fau| y
regarder de près avant de décider que c'est
un don surnaturel, et Ton doit toujours se
défier de ce qu'on appelle voies extraordx'
nains, {Voy. Contemplation, Exta^b.)
877
IMF
D'ASCETISME.
DV
878
INDES (Htsticismb ou Ascéti'svb des). —
Voy. AscItes, Moines.
INFUSION PASSIVE (Cxioîf d'). —Un des
modes d*uDion de Tâinc avec Dieu consiste
dans un degré plus parfait de contemplation,
nommé union lïinfusion contemplative pas-
site. Cette infusion {illap$us], outre Tinfu-
sioD substantielle commune à tous les jus-
tes, comprend encore une sensation expéri-
mentale de Dieu , qui se communique à
rame; elle suspend toutes les facultés de
Pâme des actes qui distraient de Dieu ces
mêmes facultés, et qui les empêchent de
l^aimer d*une manière plus parfaite et plus
intelligente. En eifet, la créature donnant
sonadnésion aux actesqueDieu lui imprime,
le comprend et l'aime avec une perception
expérimentale, et en quelque sorte palpable,
tant de l'esprit que du cœur ; l'âme d'ail-
leurs se trouve tout entière remplie de Dieu,
et, dans le sanctuaire le plus reculé d'elle-
môme, elle trouve Dieu, en qui elle disparatt
comme anéantie, aspirant avec ardeur à n'é-
treplus qu*cn Dieu.
Tous les mystiques conviennent gue
1*bomme peut s élever à une union spéciale
de Fâme avec Dieu, qu'ils appellent infuiian
(illapsus) poMsitet union n^êtiguef anéaniis-
scauntf fiançailles^ baiser et chaste embrasso^
ment de Fâme. Mais le point difficile, c'est
d'expliquer quelle est celte union spéciale;
l'explication en est d'autant plus difficile
que cette union est plus cachée : aussi est-
elle appelée par antonomase théologie mys-
tique, sommet du mysticisme, il est pen de
personnes qui l'aient éprouvée, et elles en
parlent comme d'une chose ineffable. Toute--
ibis, pour mettre, avec la grice de Dieu, un
peu d'ordre et de clarté dans une matière si
sublime, et pour éviter les erreurs qui peu-
vent se trouver sur notre route, nous re-
marquerons 1* que Vinfuêion de Dieu dans
les créatures est variée, et que Dieu s*unit
aux créatures de diverses manières. La pre-
mière est par l'existence intime de Dieu
dans toute chose créée, par son essence, sa
présence et sa puissance. Comme cette union
est commune à toute chose créée, nous n'a-
vons pas lieu d'en parler ici. La seconde io*
fusion se lait par la çrAce dans l'âme du
juste, par une communication invisible, qui
existe dans toute justitication ; nous n'avons
donc pas non plus à nous en occuper. La
troisième est l'infusion passive spéciale dans
la contemplation, infusion par laquelle, selon
Alvarez uo Paz (T. UA A» vti. jpir., 1. v,
tui, c. 5), « Les forces de l'âme s'élèvent
ules comme dans la pleiae mer de la Divi-
nité, ou, englouties en Dieu, parviennent à
un degré suprême de lumière ei d'ardeur. »
C'est d'elle que niNis parions ici. Sr Cette
infusion est appelée tiusivsy parce que» se-
lon le même Alvarez, « l'âme, dans cet état,
aigU moins qu'elle ne reçoit ; elle ne s'avance
pas, mais est emportée, et sans attendre son
oonsenteiMDt, consentement qu'elle donne
touleJbis» elle est conduite dans une couche
nuptiale d'une incroyable suavité. » La suite
expliquera ces paroles. 3* Dans cette union
d'infusion passive, toutes les puissances de
l'âme sont, dit-on, suspendues, mais non
d'une manière absolue, et seulement quant
aux actes qui peuvent les dislraire de Dieu,
i* Dans celte union, les actes d'intelligence
et d'amour sont imprimés par Dieu, de sorte
que la créature y consent à peine volontai-
rement, bien qu'elle y consente en réalité,
et que ce soit véritablement et vitalemeut
elle qui comprenne et qui aime, comme
nous le démontrerons bieut6L 5* Dans cetto
même infusion l'âme, par une perception
expérimentale et en quelque sorte palpable
de l'esprit et du cœur, se trouve tout entière
infuse en Dieu. 6* Enfin l'âme alors dispa-
raît comme anéantie en Dieu, anéantisse-
ment, mort mystique, etc., que nous déve-
lopperons bientôt.
L'homme peut s'élever au degré de con-
templation passive^ qui, bien qu'active par
l'intelligence et l'amour, toutefois compara-
tivement à Dieu, dont elle reçoit la faculté
de sentir et d'aimer, souffre plus qu*elle
n'agit.
1* La sainte Ecriture fait allusion à cette
contemplation passive dans ce texte : Toift
ceux qui sont poussés par tesprit de Dieu
sont tes enfants de Dieu. (Rom. viu, 14.)
Voici comment saint Thomas expose ce pas-
sage : « L'homme spirituel est dirigé dans
son action, moins par un mouvement de sa
rropre volonté, que par une inspiration de
Esprit-Saint. » A le prouve par ces paroles
d'Isaîe (lix, 19} : Alors qu'il sera venu ciuune
un fleuve emporté, que pousse f esprit duSei-
gneur. C'est ainsi que saint Luc dit de Jésus-
Christ, qu'i7 f%a poussé par Vesprit dans le
désert (ly, I). Enfin il ajoute qu il ne s'en-
suit pas que les personnes spirituelles n'a-
gissent pas par leur propre volonté et leur
libre arbitre. »
3* Cette contemplation passive est indiquée
par Cassius, qui dit, d'après saint Antoine
(Coll. IX, c. 30), que « la prière n'est pas
parfaite, quand le religieux se comprend
lui-même et comprend ce qu'il demande. »
Jean de Jésus-Marie (Th. myst., c. 6) ensei-
gne que, dans cette contemplation, les actes
des facultés ne sont pas complètement para*
lysés; « mais ce sont des actes tellement
tranquilles et doux, que, comparés aux autres
actes produits antérieurement par ces mêmes
facultés, ils paraissent leur ressembler,
comme une parole haute ressemble aux mots
dits à voix basse, qu'on regarde comme ne
troublant pas le silence prescrit parles règles
religieuses. Cette comparaison est très-lacUe
à saisir. Dieu , présent alors dans l'âme, et
la comblant d'amoureuses déliées, la pousse
far cette ccleste douceur à l'intelligence et
l'amour, à tel point qu'elle ne semble plus
agir elle-même , mais être délicieusement
conduite» et que l'action volontaire de MS
facultés parait moins être produite que souf-
ferte ; et c'est là cette noble pof «ton héroïque
que ressentait Hiérothée. » «11 était, dit
saint Denys, arrivé i ce degré , non-seule-
ment en enseignant, mais encore en souf-
frant les choses divines ; et, par cette sorte
81*
INF
DICTIONNAIRE
IMF
de pasrian^ il s'éisW foriné è ce((e foi et à
cette UDÎOD mystique, qui ne peut 6tre en-
seignée. » {De div. nom., c. 3.)
3* Par la raison. Bans la contemplation
passive, TAme est émue par Dieu (fune ma-
nière supérieure h la manière régulière de
l'homme» de manière h ne comprendre que
par simple intuition , et même seulement
par simple audition ; elle est encore émue
irrégulièrement, de manière à aimer non-
seulement comme quelqu'un qui veut, mais
comme quelqu'un qui court et mime qui vole,
en pénétrant plus loin par son ardeur que
ne pourrait 1 y conduire la portée de ses
connaissances, au point d'être suffoquée,
pour ainsi dire, de paraître ne plus rien
penser avec réflexion, mais se livrer unique-
ment à Tamonr divin. Or, c'est là vraiment
et spécialement être dans un état passif, à
raison de ce rôle principal de l'impulsion
divine, malgré l'action cependant bien réelle
de TAme. Donc Thomme peut arriver è la
contemplation passive.
Selon quelques mystiques, la contempla-
tion passive reauiert 1 action de Tintelli-
gence et de la vofonté de l'Ame, action qui
toutefois n*est pas le produit naturel de ces
facultés, mais celui de Dieu seul, agissant
par elle. Cette opinion sera plus loin réfu-
tée jusqu'à révidence;.et nous ne voyons
plus rien qui puisse contredire notre con-
clusion, sinon que la volonté peut avoir
plus d'intensité et de perfection quand elle
est précédée par la connaissance. Mais pres-
que tous admettent que, même dans les
choses naturelles, on peut aimer d'instinct,
d'une manière plus (parfaite qu'avec connais-
sance. Saint Thomas le prouve ainsi (1-2,
q. 37, a. 2, ad 2): « Pour gue la connaissance
soit parfaite, l'homme doit connaître séparé-
ment tout ce qui constitue la chose, comme
les parties, les vertus et les propriétés; mais
l'amour réside dans la force appétitive, qui
regarde la chose, selon ce qu'elle est en soi.
De là, pour là perfection de Famour, il suf-
fit que la chose sera aimée, selon qu'elle a
été saisie. Il arrive donc qu'une chose sera
plus aimée ({ue connue; car elle peut être
aimée parfaitement, quand même elle ne
serait pas parfaitement connue. » Il le prouve
par les sciences, qu'on aime bien souvent,
quoiqu'on ne les connaisse que d'une ma-
nière superficielle. « L'acte d'amour, dit
saint Bonaventure (xv et vu Itiner. œtem,)
surpasse et précède l'acte de connaissance
' intellectuelle en quelaue degré que ce soit.
L'amour, à tous les degrés, s'élève jusqu'à
Dieu, ce que ne pourrait faire l'acte intel-
lectuel. » Hugues de Snint-Victor fc. 7 De
cœl. Hier., col. 4) dit aussi : « On aime plus
qu'on ne comprend ; l'amour entre et trouve
accès là où la science reste dehors. » La rai-
son en est que la connaissance est requise
au préalable pour l'amour, non comme motif,
mais comme condition appliquant Vobjet-
motif, qui est le bien objectif.
Il résulte de ce que nous avons dit que,
même dans la contemplation passive, l'âme
ne produit ancnn acte d'amour sans la pré-
existence de la connaissance.
1* L'Ecriture sainte, en effet, dam les plus
sublimes contemplations des Ames, montre
toujours que l'intellect n'est pas resté oisiff
mais qu'il a reçu quelque enseignement de
Dieu. Ainsi en fut-il d Adam dans son som-
meil extatique {Gen. ii, 21, 23), de Jacob
dans le songe de l'échelle (Gen, xivni, 12),
des deux Joseph dans leurs songes, de saiat
Paul dans son ravissement extatique. [llC&r,
XII, 4.) L'Ame sainte souverainement con-
templative dont parle le Cant. v. 2, avait
aussi reçu quelque enseignement de Dieu,
qui éclairait son intelligence. Ecoutons saint
Augustin (tr. 57 in Joan.) : « Pourquoi ces
expressions de l'Ecriture : Je dors et mon
cœur veille, si ce n'est parce que je re-
repose ainsi pour apprendre? » Si donc les
contemplatifs de l'ancienne et de la nou-
velle Loi, et même les prophètes (Num. xn,
6), n'ont jamais été ravis hors d'eux-mêmes
jusqu'à Dieu sous quelque enseignement
intellectuel, comment croire que d'autres
fidèles moins célèbres aient possédé ce mode
de contemplation d'une manière purement
affective et dégagée de toute action de Tia-
tellisence? '
2* Nous le prouvons encore par les teitesdéjk
cités des saints Pères, qui même dans l'oraison
de silence n'admettent point la suspension
dans l'Ame de tout acte intellectuel. « On ne
peut, dit d'ailleurs saint Augustin [1. x De lift
arbit., c. Ij, aimer une chose que l'on ignore
complètement. » Saint Grégoire dit aussi ;
« Qui peut aimer ce qu'il ne connaît nas?»
(Hom.36 inEvang.) £t saint Anselme (c.SO):
« Rien ne peut être aimé sans quelque no-
tion venant de la mémoire ou de 1 intelli-
gence, tandis que la mémoire et l'intelli-
gence sont en possession de bien des choses
qu'on n'aime pas. » Selon saint Thomas
(i-2, q. 3, a. 4) : ff La connaissance pré-
cède l'amour dans l'objet auquel elle s*at-
tache ; car on n'aime pas ce qui est inconnu. •
Gerson lui-m^e, qu'on allègue en faveur de
l'opinion contraire, dit néanmoins (tr. S^up.
Magnif,) : ce Montrons que Dieu ne peut être
connu par l'amour, si l'amourn'est |>réalabie*
ment suidé par la connaissance. » Sainte Thé-
rèse (vit.,c. 18), dans cette sublime conteni-
plalionoùellene savaitce que faisait sonâroe,
rapporte ces paroles que lui adressa le Sei-
gneur : <K L'Ame ne peut alors comprendrece
qu'elle connatt; ene connaît en quelque
sorte sans connaître. » Et aaint Jean de la
Croix [Flam. amor. cant. m, 3, 1 10) : < Par*
fois l'intelligence se fait plus sentir que IV
mour, parfois l'amour a plus d'intensité que
rintelhgence. » — 3* Nous le prou vous enfin
par la raison. Toute contemplation est une
instruction simple de la vérité, c'est-à-dire
une élévation de l'Ame en Dieu, par une ifi*
tuition simple ardemment affectueuse, ce
qui ne peut se produire sans ia connais-
sance ; donc elle est. nécessaire à la conleoh
nialion passive. Nous dirons même que dans
la vie humaine de Jésus-Christ, danssa très-
saintQ mère et les autres saints, il n^ajitMis
D*ASCETISME.
Dff
m
existé de contemplation amoureuse sans
connaissance.
Dans la contemplation même passive«râme
connaît par riotelligence et aime par la ?o-
lonté, de manière à produire physiquement
de tels actes. En effet :
1* L'Ecriture sainte expose toujours la
contemplation par les actes propres à l'âme
d'une manière aclire et vitale. Venez et
rayes, etc. {P$. xlv, 2;. Vau$éiei morts ^ et votre
rie, etc. [Coloss. m, 3j. C'est pourquoi le con-
cile de Trente [sess. yi, c. 10) requiert la coo-
pération de l'homme dans la justification, et
oooséquemment aussi dans la contemplation
qui la provoque, coopération non-seulement
morale, mais encore physique, car sans cela
elle ne saurait être morale.
2* C'est aussi là l'enseignement des saints
Pères, c La vie contemplative ( saint Gai-
coiBE, bom. 14 m Ezetk,) consiste à retenir
de tout son esprit la charité envers Dieu et
envers le procnaio, mais aussi à se tenir en
dehors de tout acte extérieur, et de rester
aUaeh.é au seul désir du Créateur. » Cassien
(coll.ix,2fc) dit que même au degré suprême
de contemplation c l'esprit en un rapide mo-
ment conçoit des choses si élevées, qu'il
n'est pas facile de les redire, et que revenu
à lui-même il lui est impossible de conce-
voir de nouveau. »
3* Yoici la preuve de la raison. Toute con-
templation est une oraison mentale, par con-
séquent une élévation de l'âme vers Dieu ;
or c'est là le caractère de la contemplation
passive. Donc elle n'existe pas sans le con-
cours pbjsique de la connaissance et de l'a-
mour.
Nous allons maintenant exposer et déve-
lopper les degrés divers de la contemplation
passive.
Le premier est la mort mystique, il consiste
dans la >éparatioo de l'âme de la chair, sé-
paration non effective, mais affective, en ce
sens que la violence de l'amour tranche,
sépare et enlève toute affection de la chair
et de l'amour propre, de manière que l'a-
mour de Dieu puisse seul prévaloir. Cette
mort est indiquée :
1* Par nScriture sainte : Vamour est fort
comme ta mort {Cant. viii, 6). Vous êtes
morts, et votre vie est eachie avec J4sus4^harist
en. Dieu. {Coloss. m, 3.)
S* Par les saints Pères : saint Ambroise
[De bon. mortis, c. 2) parle expressément de
cette mort mystique et la décrit. Saint Gré-
goire dit à son tour (I. vin Mor., c. 88) : c Ce-
lui qui voit Dieu, meurt en ce sen^que d'in-
tention et d'action il est complètement dé-
taché de tous les plaisirs de cette vie. »
Saint Bernard s'exprime en ces termes :
« C'est de cette mort que parle l'ApOtre
gnand il dit aux fidèles encore vivants : Vous
êtes morts, etc. Cet état est un transport de
l'âme, une contemplation. » (Serm. 5S t»
Camt.) — « Vous voyez, dit Richard de Saint-
Victor, quel est l'effet de cette abstraction
de l'âme qui se sépare de toute bassesse,
pour s'élever Ters les hauteurs célestes, a
[De ext. mali, c. fin.) Enfin saint Jean de Je*
sus-Marie la désigne ainsi (Can. 13 ad Tkeol.
myst.) : c C'est une mort de l'âme, qui perd
la forme qui lui est propre : l'espnt aban-
donné de ses forces cesse d'agir, ou il n'agit
que par Dieu , sans aucune coopération tle
sa part : celte mort, qui n'est pas physique^
ment réelle, est vraie quant au moral. Le
philosophe dit avec raison que l'âme est
moins le siège de la vie que de l'amour.
C'est pourquoi Paul s'écriait que toul en vi-
vant il ne vivait plus, parce que la vie pré-
sente de Jésus-Corist en lui supprimait sa
vie propre. » [Voir encore saint Psahçois db
Salks et Boxa.)
3* Par la raison. La contemplation passive,
qui suppose la mortification de toutes les
passions, par suite de l'union toute spéciale
avec Dieu par l'amour, dédaigne de rien ai-
mer hors de Dieu, de porter sa pensée sur
rien autre chose, elle désire enfin de l'aimer
toujours de plus en plus. On a donc raison
de rappeler par antonomase mort mystique.
Le deuxième degré de la contemplation
passive est Vanéantissement mystique par le-
quel le contemplatif reconnaît qu'il n'est
rien comparativement à Dieu, qu'il est tien
moins que rien par le péché; c est pourquoi
il désire être méprisé à cause de son néant ;
il reconnaît que, n'étant rien, il ne peutiaire
rien de bien , mais que tout ce qu'il a de
bien lui vient de son Créateur. Cet anéan*
tissement est indiqué :
1* Par l'Ecriture sainte {Ps. lxxii, 2S) : Toi
été réduit à rien et je n'ot rien su; Ps. xxxvm,
63 : Ma substance n'est rien devant vous.
S" Voici comme l'expose saint Augustin :
c Devant vous. Seigneur; ma substance n'est
rien; elle n'est rien devant vous, qui voyez
ce qu'elle est. Et lorsque je le vois, je vois
devant vous, je ne vois pas devant les hom-
mes. Comment montrerai-je que ce que ie
suis n'est rien en comparaison de ce qu il
est? cela se sent intérieurement : devant
vous. Seigneur, où sont vos yeux, non où
sont les yeux des hommes. » — «Celui qui est
humble de cœur, dit saint Bernard (serm.
Adv. k\ reconnaît deux sortes d'bumifité,
l'une ae connaissance, et l'autre d'affection
ou de cœur. Par la première, nous connais-
sons que nous ne sommes rien ; quant à le
seconde, nous l'apprenons de celui qui s'est
anéanti lui-même. » — c A peine, dit Barpius
[Théol. myst., 1. u, p. 3, c.33), l'âme a-t-elle
reçu cette glorieuse image de l'étemel mi-
roir dans toute son incompréhensible clarté,
que tout aussitêt elle s'unit à ce même in-
compréhensible et glorieux, clair et dirin
miroir, elle s'y absorbe, s'y dilate et s'y
anéantit. » Sandée nous en donne la preuve
de raison (lib.n, comm. 6, exercit. 9, Th.
myst.) : « Etre changé de manière à ne rien
retenir des habitudes, imperfections ou dé-
sirs charnels d'autrefois, c'est ce qu^on
appelle s'anéantir... Or, l'amour nnitir ab-
sorbe tout, de manière à nejpas laisser mémo
la cendre de la souche qu'a a brûlée. » Or»
c'est ce qui arrive dans la contemplation
oassiYe ^^^ocelle renferme Teiiéantilsemeiit
8K
INF
DIGTIONNAIEE
INf
m
mystique. (Voir Molihosisme et Qoiétisms
pour les erreurs à ce propos.)
Quelques mystiques soût allés trop loin
dans l'expositioQ de cette matière. Le P.Re-
guera blÂme le Capucin français Pierre de
Padoue do certaines exagérations dans sa
Journée musliqiAe ; il attaque aussi certains
points de Y Elévation de Vàme vers Dieu^ de
Joseph de Sainte-Marie. Achille Gaillard
(Comp.perf. Christ.) la divise en trois états»
dont il fait autant de degrés do perfection.
Le troisième degré de la contemplation
passive est Tinfusion passif e (illapsus passi-
fms)i qui|à Tinfusion substantielle commune
à tout juste, ajoute une infusion expéri-
mentale, une sensation spirituelle de Dieu
infus dans TAme. Cette infusion nous est
insinuée par certains passages de TEcriture
sainte : itme donnera un baiser de sa bouche,
(Cant. I, 1.) Sa main gauche soutiendra ma
téie^ et de sa droite il m'embrassera» (ii, 6.) Là,
le divin baiser désiré par T&me contempla-
tive signifie une sorte de contact expéri-
mental, par lequel elle caresse Dieu présent,
devenu son époux; et ce tendre embrasse-
ment figure la coopération expérimentale de
répoux- lui-même. Mon âme vous demeure
attachée et votre droite m'a reçu, (Ps, lxii, 9.)
// m'est doux d'être attaché à mon Dieu.
(Ps. lxxii, 98.) Celui qui m'aime sera aimé
de mon Pire^ et je le chérirai et Je me mani-
festerai à lui. (Joan. xiv,21.) Celui qui est
attaché au Seigneur ne fait qu'un seul esprit
avec lui. ( / Cor. vi, 17.) Par cette adhésion,
cette manifestation et cette union, les intei>
prètesi comme saint Thomas Toletus , Cor-
neille la Pierre, Ëstius, et saint François do
6alos, entendent communément Tunion spé-
ciale de cette vie 9 et l'union expérimentale
de l'Ame avec Dieu, ou l'infusion passive.
2*" Saint Denis dit à Thimothée (ç. 1 Myst.
ih.) : « £xcitez-vous de tous vos efforts à Tu-
nion de celui qui surpasse toute essence et
toute science. » Cordier applique ces paroles
è l'infusion. Saint Augustin parle ainsi de
celte infusion, qu'il éprouva lui-même :
« Quelquefois vous me plongez intérieure-
ment dans un sentiment d'affection tout &
fait extraordinaire, dans des délices qui ne
sont nullement de cette vie. » (L. x Conf.\
c. 40.) « Il nous enseigne clairement qu'il se
manilestera aux siens, non-seulement |]ar
cette connaissance commune aux amis, mais
d'une manière plus éclatante et plus par-
faite. » (S. Cyrille, I. x in /oan., c. 3.) « Alors
enfin nous osons, avec crainte et tremble-
ment, élever la tête vers cette face rayon-
nante de gloire, non-seulement pour la
contempler, mais encore pour la baiser,
parce que Jésus-Christ, notre Seigneur, est
comme un esprit devant nous, et que nous
attiBchant à lui par ce tendre baiser, nous
devenons par sa grAce un seul et mèkne eis-
prit avec lui.» (S. BBanARD, serm. 3. m
Cfint.) « C'est, dit saint Bon^venture (1. vi,
Itin. œtem.)^ un av^jnt-goûl d'une connais-
sance expérimentale des éternelles délices.
Si nous ne devions pas ressentir cet avant-
goOt expérimental, le Psalmiste ne dirait
pas : Goûtez et voyez. Or, cette conhaissancc
expérimentale est le partage des plus atan-
cés en perfection. » (Voir saint Laur. Jcst,,
sainte Catuer. de Sien!ie, la B. kmeiiB de
FuLGiK, sainte Thérèse, saint Jbati de u
Croix, Thauler, Gerson, Blosius, etc.)
3* Voici la preuve de raison. Dieu, en
raison de Tamour souverain gu'il porte aux
âmes justes et parfaites, essaie de se com-
muniquer à elles d'une manière unitive, qui
convienne à leur disposition : car Vamour
et Tamitié tendent toujours, autant qu'il est
possible, à Tunion de celui qui aime avec
robjet aimé. Donc, par suite de cette dis-
position des âmes, Dieu doit sourent, ou du
moins ^quelquefois, se communiquer à elles
par Tunion d*infuslon passive : donc H i&ùt
admettre Texislence de cotte infusion pas*
sive de Dieu dans les ftmes.
La sensation spirituelle ex[>érimeQtaIe de
Tunion d'infusion contemplative réside, en
partie, dans la partie intellectuelle de Tâme
contemplative, comme il résulte des toiles
déjà cites, et en particulier de ceux-ci: Sa
ffidin gauche soutient ma tête^ et je me moni*
festerai à lui. 8aint Cyrille l'appelle Mat^
saint Bernard, /ace; saint Bonaventure, can«
naissance: tout cela se rapporte k la partie
intelligente. Pierre de Blois s'exprime ainsi
sur ce point : « C*est assurément une bien
grande merveille que, dès le temps de cet
exil. Dieu, dans sa divine lumière, dai^o
s'unir à Thomme par un^ mystique et intime
union (Spsc. spir., c. fc). «' Comme elle ne
peut saisir ce qu'elle conçoit, dit sainte Thé-
rèse, elle conçoit satis comprendre. » (Yil.t
0. 18.] Cette sensation spiritaeKe expériiuen<'
taie de Tinfusion réside encore en partie
dans la partie affective du contemplatif. //
me donnera un baiser , il m*embrassera:j^
chérirai celui qui demeure attaché à Dieu.
Les expressions d'union, de sentimetit afftC"
tueuxy de tendre baiser ^d'avanl-goût des Ùff'
nelles délices des textes des saints Pères que
nous avons cités plus. haut, s'y rapportenl
toutes. K L'âme, dit Bl'osius, dfans la force
amative, ressent une sorte de bouillonne-
ment d'amour paisible: c'est le contact de
TEsprit-Saint. »— « L'amour, dît sainte Thé-
rèse, captive alors tellement la volonté, qu'on
ne sait plus comment on aime. La raison,
c'est que l'âme contemplative doit s'unir îi
Dieu par infusion, autant que cela peut se
faire par sa çrflce : or, elle peut s'unir à Im
par la connaissance ou par l'amour expéri-
mental : donc l'infusion passive réside dans
ces deux parties.
L'union d'infusion passive est justemeirt
appelée fiançailles^ baiser et chaste eniT<ii'
sèment , expressions qui conviennent aux
époux; nous pouvons nous servir de ces
métaphores empruntées à ramour, puisque
les saints, les mystiques et l'Ecriture sainte
même en font usage ; car nous sommes hom-
mes, et nous devons parler le langage qnii
chez les hommes, a le plus de force, pour
exprimer l'amour de Dieu. Il fiiut toutefois,
autant que possible, dégager ces etprt^
sions de tout levain de la corruption »«•
m?
l>*ASCEnSllE.
INP
886
maioe, parce que» selon sainte Thérèse (Cm/.
an.f mans. 4), « Dans ce siècle, il n'e^t rien
de complètement spirituel, et il y a bien de
la distance des spirituelles délices permises
par le Seigneur, aux joies humaines que
goûtent les époux ; car, dans ces délices,
tout est amour sur amour, sensations d'une
sublime pureté, et si délicates et si suaves,
Su'on ne peut rien en dire, sinon que le
eigneur les connaît plutôt qu'il ne les fait
bien sentir, v
Remarquons de plus, sur Tunion contem-
platire dhnfùsion : 1* que la perfection chré-
tienne ne consiste pas essentiellement et
nécessairement en elle, car elle peut exister
sans elle, puisque, dans son essence, elle
réside tout entière dans la charité (V: ce
moi). De le suit 2* que Tunibn contemplative
d'infusion est en elle-même très-convenable
à tout juste pour devenir parfait, lorsqu'elle
est jointe à I union de charité contemplative,
rendue plus vive par l'expérience, en ce sens
Sue l'âme s'y sent intimement infuse dans'
ieu, et sent Dieu intimement infus en elle,
par ce mode sublime de connaissance et
d'amour que Dieu lui accorde ; ce qui peut
50 faire, soit par sensation spirituelle, c est-
à-dire, par union i)urement spirituelle, sans
mélange de sensation corporelle, comme au
temps de la sécheresse; soit en outre par
sensation corporelle, c'est-à-dire, par union
spirituelle et corporelle h la fois, comme au
temps de la consolation. 3* Cette union con-
templative d'infusion n'est pas toujours» la
contemplation, soit parce que celle-ci peut
avoir tout autre objet que l'union de Dieu
avecrâme,tels,parexemp]e,queles mystères
de la divinité, ue l'humilité de Jésus-Christ,
etc. ; soit parce que la contemplation même
de l'union de Dieu peut subsister gar le
mode d'intuition simple, plutôt sans être ex-
périmentale , du moins expérimentale de
cette manière spécialement sensible , qui
peut mériter d'être appelée proprement con-
templation d'union. Cette union contem|>la-
tive n*est pas non plus toujours l'infusion
elle-même (t/fap«iis), car cette infusion peut
en général être donnée à tout juste par la
foi, ainsi qu'au contemplatif, sans cette in-
fusion expérimentale et spécialement seniibUy
qui s'appelle union mvstique spéciale, i* L'u-
nion contemplative d'infusion peut être ou
ordinaire ou extraordinaire. En eiret« elle
peut devenir expérimentale par le don de
sagesse ou tout autre don« indépendamment
de la foi et de la charité, et elle peut être
spécialement sensible, mais d'une manière
qui n'a rien de supérieur aux règles de la
providence ordinaire; ou bien elle peut de-
venir expérimentale par Teffet de quelque
grftce gratuite, d'une manière supérieure à
la providence ordinaire, comme 1 extase, 1#
ravissement, la vision, etc. Cette distinction
est indiquée par le livre des Caniiauu (v,l) :
Mangez^ me» ands^ ei buvtz^ voilà runion or-
dinaire d'infusion; eftiVes-oaiM, m«f bîen-
aimiê^ voilà l'union extraordinaire. 5* Il y a,
à proprement parier, union contemplative
d'inûi^iopi quand elle est; accompagnée
d'acte ; mais quand elle réside dans l'habi-
tude, c'est improprement qu'on lui donne
cette dénomination; car, en général, la
contemplation n'existe qu'autant qu'elle est
active, et ce n'est que par extension qu'on
l'appelle contemplation habituelle ou plutôt
état de contemplation. L'union d'infusion
est en effet produite par connaissance ei
amour actuel; et comme ces actes ne s'exé-
cutent d'une manière complète que dans la
patrie, cette union mystique n'est ici-bas que
transitoirement actuelle. Toutefois, comme
le juste est habituellement uni avec Jésus-
Christ d'une union commune par l'habitude
de la grâce, de la foi et de la charité, ainsi
peut-on dire avec vérité que le contemplatif
est intimement uni avec Jésus-Christ d'une
union spéciale, par la vertu de cette habi-
tude, de ces dons et de ces sublimes faveurs.
Et même si cette Ame correspond fréquem-
ment à ces saintes inspirations, ou du moins
est toujours disposée à y correspondre, on
peut dire qu'elle est à sa manière même en
action dans une union permanente. 6* L'ime
unie à Dieu par infusion expérimentale lui
est unie comme à sa fin dernière, qu'elle
{>ossède spirituellement par la vision et par
'amour sensible. Elle est encore unie à
Dieu comme à son objet théologique, objet
qu'elle atteint d'une manière méritoire par
ces actes ; enGn elle lui est unie comme à
son premier principe, en ce sens qu'elle est
élevée par lui spécialement à Tinfusion, par
la vertu des habitudes et des avantages dont
nous avons parlé plus haut. Au contraire,
dans la patrie, les bienheureux sont unis à
Dieu comme à leur fin dernière^ parfaitement
possédée par l'amour et la vision ; ils lui
sont unis et comme à leur objet tbéologiqae,
acquis en récompense de leurs mérites an-
térieurs, et comme à leur premier principe,
lorsque Dieu les élève jusqu'à lui par lin-
fusion devenue manifeste dans le glorieux
état de la vision intuitive.
Bien que l'union contemplative dlnfusion
passive soit un don gratuit de Dieu, et qu'en
elle ne consiste pas essentiellement la per-
fection chrétienne, l'âme qui aspire à la per-
fection doit cependant, avec la grâce divine,
y tendre de tous ht$ efforts, comme au
moyen le plus propre d'y arriver. Aussi, ou-
tre les dispositions nécessaires à toute ooo-
templation, nous en indiquerons quelques-
unes qui lui sont spéciales. La première est
la présence de IMtu, par la foi à aon infusion
en nous-mêmes : c est là la meilleure dispo-
sition à la contemplation d'infusion, ou du
moins elle peut y suppléer. Elle est recom-
mandée :
1* Par l'Ecriture sainte (F. PajbsiiGB i^e
Dieu) ;
9r Par les saints Pères et les mystiques :
« Averti de rentrer en moi-même, j'ai, sous
votre conduite, pénétré dans mon intérieur,
et j'ai pu le faire, grâce'à'votre anpui. J'y
suis entré, et j'ai vu, avec l'oeil de rime, oui
€st supérieur à l'intelligence même, la lu-
mière immuable du Seigneur. » (Saint Au-
ecsTiN, I. X Comf.y c. 10.) • Bfforoez-Tous
te7
INF
DICTiOMNAlRË
INT
d'aimor voiro Dieuînlérieurementel souve-
raiuement ; à toute heure soupirez avec le
plus ardent désir après la joie de la divine
contemplation. Rentrez en vous-même, et
reposez-vous uniquement dans le désir de
la Divinité.» (Hug. de Saint-Victor, 1. m Dt
anima^ c. 48.) « Sachez bien qu'il vous im-
porte beaucoup d'être persuades que le Sei-
gneur est en vous-mêmes et que vous y ha-
Eitez avec lui. » (Sainte TnÉRèsE, Vit, perf.f
c. 38.) Elle remarque qu'on arrive facilement
ainsi à l'union parfaite. « Le feu de l'amour
divin est plus vivement excité, parce que le
plus léger souffle d'intelligence, quand le
feu est si proche, le contact de la moindre
étincelle suffit pour tout embraser. D'ailleurs,
en l'absence de tout empêchement extérieur,
Tâme reste seule avec Dieu, disposition ex-
cellente pour l'enflammer complètement. »
3* Par la raison. Celui qui croit que Dieu
est intimement présent en lui, qu'il vit, se
meut et est en Dieu comme dans le cœur de
son cœur, dans l'Ame de son âme, et qu'il
fait partie de son être, aimera beaucoup
mieux être en Dieu qu'en lui-même : il sera
donc entraîné rapicfement par un amour
infini vers le centre de son Dieu; et, son
cœur étant ainsi bien purifié, il pourra par
la contemplation voir Dieu infus et uni à
lui par l'amour d'une union sensible et ex-
périmentale.
La deuxième disposition à l'union con-
templative d'infusion est cette même pr^^ence
4e DieUf que la foi nous montre répandue
hors de nous dans toutes les créatures.
V David en a parlé dans ses Psaumes : Oà
irai^je où ne sera pas votre esprit^ et où
fuirai'je hors de votre présence? Si je m'élève
au cte/, vous y êtes; si je descends dans Ta-
Wme, vous y êtes encore : je déploierai mes
ailes dis le matin et f irai habiter par delà les
merSf là encore votre main me conduira et je se-
rai soutenu par votre droite. (Ps.cxtxyuuT.)
« 2» Je vous en prie, mon cher Séverin,
dit Hug. de Saint-Victor (c. S De grad. char.),
jetez un regard au dedans de vous-même, et
voyez ce que la plupart de ceux qui voient
ne voient pas; et remarquez comme tout ce
qui nous est favorable dans la prospérité,
tout ce qui nous contrarie dans radversité,
est en q^uelque sorte un éperon de la cha-
rité, qui nous stimule pour ainsi dire à la
course de l'amour. » Blosius, (Inst. spir.^
c. 3.) : « L'homme sera complètement
heureux, quand ni la société des autres
hommes, ni tout autre empêchement ne
viendra lui ravir la présence de Dieu. Ce
qui arrivera lorsqu'il sera intimement atta-
ché à Dieu, et renfermé, fortitié en lui; qu'il
le verra toujours présent, plutôt que tout
autre oj^'et.»
S** Enfin la raison nous montre que toutes
les choses visibles ou invisibles sont des
symboles d'amour que Dieu nous a donnés
pour se concilier notre amour, et que Dieu
se mêle à toute chose créée, pour se commu-
niquer en elles à l'âme et s'unir 5 elle, si elle
**" fait un bon usage. Donc, par la continuelle
méditation do la présence ae Dieu dans ces
choses, nous pourrons nous disposer même
à l'union parfaite d'infusion, ou tout du
moins la suppléer.
Puisque Dieu a tant de merveillcut
moyens d'attirer à cette sublime union les
Ames qui veulent s'y disposer dignement,
nous (levons nous étonner d'autant plus de
l'éprouver si rarement par notre faute. C'est
parce que nous négligeons de reconnaître h
présence cachée de Dieu en nous, et que
nous ne nous efforçons pas de l'boDorer,
comme s'il était un Dieu inconnu; c'est
enfin parce que nous ne recherchons pas le
trésor du royaume des cieux caché dans le
champ de notre cœur. Ainsi , puisque Dieu
est avec nous et que nous sommes avec lui,
suivons les avis du V. Pierre de Blois (/ml.
spir. c. 3) : « Que l'ascète revienne et habile
eu lui-même : c'est là qu'il pourra véritable-
ment trouver Dieu; Dieu, en effet, qui est
partout, se trouve surtout dans l'esprit hu-
main et dans le fond de l'âme. Heureux
celui en qui Dieu réside, non-seulement par
son essence, comme en toute créature, mais
aussi par sa grAce.... Que l'ascète croie doue
d'une manière indubitable que Dieu est
in visiblement présent au dehors et au dedans
de lui-même, et qu'il se tienne sous ses
regards avec respect et humilité comme une
chaste épouse.... Qu'il rejette toute autre
chose, pour n'avoir en vue que le Seigneur,
comme s'il voyait devant lui l'essence rnÊme
de Dieu, et qu'il n'y eût rien au monde que
Dieu et lui-même. Qu'il se renferme en Dieu
et qu'il y habite comme dans une chambre
ou comme dans le ciel. Qu'il se réjouisse et
qu'il tressaille d'all^resse, de jpouTOir
aussi facilement le trouver en lui-même,
d'avoir en lui-même un tel et un si précieui
trésor; de le trouver en lui-même toutes les
fois qu'il se le rappelle; or, il ne le trouve
jamais mieux en lui-même que quand il peut
atteindre le fond de son âme dans toute sa
nudité. » {Voy. Transformatioii mystique]
INTELLIGENCE (Mortification db l'].-
L'intelligence est la faculté de Time qui
comprend et saisit distinctement les choses,
c'est-à-dire, avec toutes leurs marques
caractéristiques, même celles qui ne tombeot
pas sous les sens.
L'intelligence, selon les philosophes mo-
dernes, est pure quand nous concevoDS les
choses si distinctement qu'il ne s'; troure
mêlée aucune image confuse des sens et de
l'imagination. Elle est impure» quaod la
chose se présente entourée de beaucoup di-
mages confuses de l'imagination et des sens,
ff L'intelligence, dit Bossuet, c'est la lumière
Jue Dieu nous donne pour nous conduire. >
»n lui donne divers noms : en tant qu'elle
pénètre et qu'elle invente, il l'appelle espnt :
en tant qu'elle juge et dirige au vrai et au
bien, il rappelle raison et jugement; en taoi
qu'el le nous d é tourn e du vrai mal de l'hooiiM f »
?ui est le péché, elle s'appelle conscieDce.
ar l'intelligence l'hommo est porté el ^
connaître la vérité et à rendre bonne raii«J
de sa conduite. C'est par là, enfin, ^ue fà^
son excellence. Quelques théologiens m/s*
«89
INT
D*ASCEtlSIIC
INT
Ml»
tiques dirisent la partie intelligente de TAme
en trois puissances. I* Veniendemtnt^ qui
est coDSfamment éclairé par le Père des lu*
mières et nullement parles images sensibles,
qui porte le sceau lumineux de la ressem-
blance dÎTine, soit qu'ensuite cette lumière
soit innée avec Tentendement, soit qu'elle
émane du flambeau même des pensées divi-
nes. Cette puissance de l'âme s'appelle dans
le langage mystique le cid supérieur, la
iumUre de rintetUaeneejle sommet de la raison.
2" La raison^ qu'ils divisent en deux espèces
différentes : la raison mp^jeure, qui tire ses
conclusions des principes que lui fournit
l'intelligence; et la raison inférieure, qui
juge d'après l'expérience des sens. On la
désigne dans le langage mjstique sous le
nom de €iel moyen. 3* Le sentiment^ par le-
quel l'Ame perçoit les sensations: le myiti-r
que l'appelle eiel inférieur.
Notre esprit exerce diversement la faculté
de connaître. Ou il contemple les choses en
elles-mêmes, sans aller plus loin que leur
simple examen; c'est ce qu*on appelle op-
^éhonsion; ou, par la comparaison d'une
idée avec une autre, il constate entre elles
des similitudes ou des différences : cet acte
se nomme jugesnent; ou de deux jugements
il en déduit un troisième, et cet acte consti-
tue le raisomnemaU. De même, quand notre
esprit contemple une chose présente a nos
seBs^ nous sommes dits avoir une connais-
sance intuitive; si nous ne percevons cette
chose que par des paroles, des noms et
d'autres signes ou symboles, nous sommes
dits avoir une connaissance sifmboUque.
Un des privilèges de notre intelligence est
de pouvoir penser à une chose exclusive-
ment, sans pouvoir penser en même temps
à une autre, ni même avoir conscience d'au-
cune autre chose. Cet acte s'appelle alteniion.
I/attention est fiivorisée par la vigilance sur
nos sens, le silence, la tranquillité et les té-
nèbres; un exercice assidu lui donne tant
de force, que nous pouvons rester très-
longtemps attentifs à la contemplation du
même objet. Si cette attention se prolonge
sur les différentes parties de l'objet et les
considère chacune en particulier, elle cons-
titue un acte de Tesprit appelé réflexion. Si
nous considérons un objet sans faire atten-
tion à tout ce qui y est joint, nous faisons
une abstraction : cet acte est le résultat de
l'attention et de la réflexion, et il est très-
utile pour s'élever aux raisons universelles
et aux profondes méditations; mais il ne
faut faire usage de l'abstraction qu'avec
beaucoup de sagesse, dans les cas qui ré-
clament de la prudence, et où les choses
doivent être considérées avec tous leurs at-
tributs. La faculté dHmagmer est différente
de cette faculté d'abstraire; par elle, en
effet, nous réunissons les idées de diffé-
rentes manières, ou nous séparons celles
3ui sont réunies d'elles-mêmes, et toujours
'une manière opposée à celle que nos sens
perçoivent.
Par le concours de l'attention et de la ré-
flexion, nous arrivons à avoir des idées dis^
tinctes des choses, idées dont le grand
nombre, la clarté et la facilité à les former,
font éclater toute la supériorité de notre in-
telligence. 11 ne faut pas toutefois la con-
fondre avec le jugement, par lequel notre
esprit perçoit la convenance et la différence
des choses, et avec la raison qui, prise sub-
jectivement, perçoit distinct ivement le lien
qui réunit les vérités universelles avec les
vérilés particulières. Si le jugement est ha-
bile à apercevoir les similitudes des choses,
ou, selon les modernes, habile à imaginer
des alliances d'idées plaisantes et prêtant à
rire, il prend le nom d'esprit. S'il a beau»
coup d'aptitude à saisir et à changer les
rapports, les similitudes, les différences et
les convenances des choses , les raisons qui
en découlent et le lien qui les enchaîne, il
prend le nom de génie. On observe surtout
celte faculté dans les poêles, les philoso-
f)b6s, etc. On l'admire principalement dans
a variété des objets qu'ils présentent, dans
cette facilité à découvrir jes mystères les
plus difficiles et les plus compliqués de la
science. Elle est souvent subordonnée aux
variétés des tempéraments, des saisons, de
Tâge, des affections, de l'éducation, des
exemples et de l'habitude. Si l'intelligence
saisit facilement les difers rapports d'un
objet, c*est la pénétration d'esprit; si elle dé-
compose facilement les notions les plus
compliquées, c'est la pro/ondettr d'esprit, si
elle sait faire usage du raisonnement, de
manière à déduire les conséquences des an-
técédeuts, et à les réunir les uns aux autres,
pour parvenir à des principes indubitables,
c'est la solidité d'esprit; si du passé et du
présent, au moyen d'une observation conti*
nuelle et attentive, elle tire la connaissance
de l'avenir, c'est la prévoyance.
Bien que notre mtelhgence soit fière à
bon droit de toutes ces précieuses facultés,
elle a aussi reçu sa blessure du péché ori-
ginel ; elle consiste dans l'ignorance et la cu-
riosité, source de nombreux péchés ; la plu-
part toutefois reconnaissent pour leur ori-
gine empoisonnée le jugement propre, par
lequel chacun, sans s'inquiéter s'il est con-»
forme au jugement de Dieu, s'obstine exclu-
sivement dans son propre jugement, qu*il
prend pour première règle de conduite, au
mépris du jugement des supérieurs et des
personnesplus instruites.
Or on doit mortifier et corriger l'intelli-
gence par l'abnégation du jtij)ffm€fU propre.
I* L Ecriture sainte nous l'ordonne : Ne
vous appuyez point sur votre prudence,
(Brov. m, 5.) Réduisant en servitude toute
intelligence^ pour la soumettre à F obéissance
de Jésus-Chrtst.iil Cor. x, 5.) « Qu'il croie,
dit à ce sujet Louis Du Pont (Duc. spir.^
tr. h, c. 7), qu'il accepte et qu'il suive ce que
ni sa raison, ni le raisonnement, ne lui peu-
vent montrer. » En effet, c'est une espèce de
péché de magie de ne vouloir pas se soumettre
au Seigneur; et ne se rendre pas à sa volonté,
c'est en quelque sorte un crime d^idolâtrie,
(/ Beg. XV, 23.)
2* Les saints Père$ nous y obligent ^e«
INT
DICTIONNAIRE
lAC
m
ment. Voici comment saint Grégoire expli-
que le texte que nous yenons de citer.
« C'est une espèce de péché de magie de ne
vouloir pas se soumettre; en effet, ils sem-
blent mépriser les autels divins pour aller à
ceux du démon, afin d'entendre ses répon-
ses, ceux qui croient aux prestigieuses et
superbes inventions de leur cœur, et qui se
montrent indociles aux conseils salutaires
des prélats. Ne pas se rendre à la volonté de
sou supérieur, c*est en quelque sorte un
crime d'idolfttrie.; car personne ne persiste-
rait dans Tobstihation de sa désobéissance,
si l'on ne portait enraciné dans &on cœur,
comme une idole, ce que Ton se proposexie
faire. En effet, en concevant dans notre oœur
ce que nous ferons, nous en faisons en quel-
sorte une idole ; et lorsque nous délibérons
sur les moyens d'agir conformément au pro-
jet conçu dans notre esprit, nous nous incli-
nons, pour ainsi dire, afin d'adorer notre
idole. » Saint Anselme (similit. ih%) expose
l'abus du jugement propre, et l'utilité du
jugement étranger, par l'exemple d'un cou«
teau. Si Quelqu'un, pour couper quelque
chose, préfère le sien, dont le tranchant est
émousséy tout excellent qu'il lui paraisse, à
un autre qui coupe beaucoup mieux, il ne
fera rien de bon : de même, si pour discer-
ner vos actions vous ne faites pas usage du
jugement des autres, vous ne ferez aucun
progrès dans la vie spirituelle.
8" La raison en e t qu'en suivant son
propre jugement, par op[iosition au juge-
ment de Dieu, des supérieurs et des per-
sonnes plus instruites, on tombe dans un
orgueil et une présomption qui donnent
naissance aux hérésies, aux illusions et %
le corruption des mœurs ; et^ les erreurs
qui en résultent, bien qu'elles paraissent à
oelui qui agit des vérités évidentes, sont
coupables et inexcusables.
il faut donc corriger l'intelligence : !• en
priant Dieu qu'il daigne l'éclairer, la diriger
et la gouverner par la lumière surnaturelle
de la foi, de la science, de la prudence, du
conseil et de la sagesse; 3m1 faut bien se
garder d'ignorer les vérités nécessaires et
utiles à connaître, d'absolue nécessité de
précepte et de moyen, c'est-à-dire, celles
que Dieu nous a révélées et que l'Eglise
nous propose à croire; 3' il faut fuir la cu-
riosité, afin de ne chercher à savoir que ce
qui est nécessaire au salut et à l'acquisition
des vertus, et ce que Dieu exige de dous
pour satisfaire aux obligations de notre
état. Bien plus, soyons humbles dans le dé-
sir de comprendre les choses célestes, et ae
souhaitons de connaître que ce que Dieu
nous demande dans notre condition ; k* pour
que l'intelligence porte un jugement Téri-
table sur la bonté ou la malice d'une action
quelconque, il faut, en mettant è part toute
affection précipitée de la volonté, considé-
rer cette action selon la volonté de Dieu,
-selon les règles de la foi et des bonnes
mœurs, de crainte que l'affection de la vo-
lonté et de l'appétit sensitif ne vienne
obscurcir et aveugler notre jugement et le
faire incliner d'un certain côté plus que la
justice ne le demande; tt* nous terminerons
par une citation d'Alvarez de Paz suree
sujet (Vit. êpir,^ 1. ii, p. m, c. 10) : < Lors-
que les opinions des docteurs sent diffé-
rentes, ce n'est pas une faute du jagement
propre de suivre l'opinion des uns de pré-
férence è celle des autres, si les premien
dans leurs raisons paraissent pVns se reppro-
eher de la vérité; car nous ne jurons par
personne, si ce n'est par la vérité. 41 est
donc permis et même convenable de la
recevoir de la bouche de celui qui l'eih
seigne, sans mépriser par là les autres doc-
teurs. »
INTENTION (PoftBTÉ d'). — Foy. Acnosi
ISIDORE DB FEtusB (Saint), ainsi nommé
parce qu'il s'enferma dans une solitude
auprès de cette ville, mourut en UO, avec
une grande réputation de science et de
vertu. Il avait été un des plus illustres dis-
ciples de saint lean-Cbrysostome. Nous
avons de lui cinq livres de Lettres en grec
et quelques opuscules de piété, de théologie
et (le morale, où l'on trouve une grande
solidité jointe à la pureté du style.
ISIDORE DB SÉviLLE (Saint), fils d'nn
gouverneur de Carttaagène, en Espagne, fat
élevé par son ftère Léandre, évoque de 8*»
ville, auquel il succéda en 601. Il mourut
en saint, comme il avait vécu, en 696. L«
concile de Tolède, tenu en 653, l'appelle te
Docteur de son siiele et le nouvel Ornement 4e
VEglise. Saint Isidore avait présidé un grand
nombre de conciles, et en avait fait faire les
règlements les plus utiles. On a de lui plu-
sieurs ouvrages savants, et entre autres on
Traité des offices ecclésiastiftwes, et une X^»
pour le monastère d'Honori.
j
/ACULATOIRE (Oraïsow) [F. pour la dé-
finition, Paièhb vocale.] — Tous les fldèles
doivent souvent produire des oraisons jacu-
latoires. C'est ainsi que les ignorants et les
imparfaits, les parfaits et les savants, pour-
ront, les premiers assez bien, les autres
d'une manière plus complète, remplir ce
jprécepte de Jésus-Christ et de l'Apôtre, de
prier toujours et «ans relâdie ; ee eaawil
des saints Pères, de prier matin et soir» a
chaque heure et avant chacune de dos
actions ; enfin cet autre précepte de Jésw-
Christ, de veiller et de prier, pour ne pas
tomber dans la tentation et parce que nous
ne savons pas l'heure où le Fils deThoiaae
doit venir. Les moines d'Egyv*« faisaient ua
JEà
D*ASCETISME.
JEA
W
très-fréqueDi usage de ces oraisons jacula-
toires. &înt Augustin* Cassien, saint Jean
Cbrjsostome et saint Laurent Justinien lea
recommandent. Ce dernier les appelle des
flèches lancées contre les ennemis du aalut,
des traits enflammés, que les soldats du
Christ dirigent Ters le ciel dans l'ardeur de
leurs désirs. Saint François de Sales dit
dans son Introdueiion à la vie dévoie (n* p.,
c. 13} : « Cet exercice est le meilleur sou-
tien de la déTOtion ; il peut suppléer k l'in-
suffisance de toutes les autres prières, tandis
que lui-même, auand il est défectueux, ne
peut-être supplée par rien... Je tous exhorte
donc à tous j adonner de tout cœur et à ne
jamais y manager. »
Alrarez de Paz (t. III De vit. epir.^ 1. ir,
p. III, c. 10), et le cardinal Bona (Via eamp.
ad Dewn^ c. Il, 18, etc.), ont fait une ample
collection de ces sortes d'aspirations et
prières jaculatoires, propres aux diOérents
étals des commençants, des progressants et
des parfaits. Cette collection peut être d'une
grande utilité, sinon pour les apprendre par
oœur, au moins pour les lire souTent et se
rendre capable a'en produire à volonté de
semblables. Cassieo (collât. 19, c. 9), dans ce
seul Terset du P$. lxix : Venez à mon aide.
6 flian Dieu I Hâiex^oue^ Seigneur ^ de me
secouriTf trouve une prière excellente pour
tous nos besoins, si nous la récitons à la fois
de coeur et de bouche. Saint Jean-Cbrjsos*
tome (hom. 79, ad pop.) en trouve une
toute semblable dans cette invocation de
la Chananéenne : Ayez pitii de moii ma fille
(ou mon ftme) est tourmentée par le démon
{Maitlu XV, S2). Saint lean-Cbrvsostome et
saint Bonaventure recommandent encore
Tusage des oraisons jaculatoires, toutes les
fois qu'on entend sonner llieure : on peut y
ajouter, pour leur donner plus de force, ces
paroles de la salutation angélique : mainte-
nani et à Pheure de notre mort.
JARD (François), prêtre doctrinaire , né
près d*Avignon, en 1675, mort en 1768, est
auteur d'un ouvrage acétique intitulé : La
religion chrétienne méditée dam le véritable
esprit dese$maxime$tQ Yo\. in-12. Cet ou-
vrage a eu du succès.
JEAN CURTSOSTOME (Saint), né à An-
tioche, en 34fc, d'une des premières familles
de la ville, j ajouta un nouveau lustre par
ses vertus et par sa sublime éloquence qui
lui mérita le beau surnom de Bouche d'or,
{Chrffiostome). Il voulut d'abord suivre la car-
rière du barreau ; mais, touché par la grâce,
il renonça au monde pour s'enfoncer dans
un désert. L'évêaue Flavien Téleva au sa-
cerdoce» en 383. Ce fut alors qu'il^fut chargé
du soin de prêcher la parole de Dieu,fonction
gu'il remplit avec d'autant plus de fruit, qu'il
joignait à une éloquence touchante et per-
suasive les mœurs les plus pures. Ses ver-
tus le firent placer en 398 sur le siège de
CoDStantinopIe. Mais son zèle pour la ré-
(180) Le
caaaede
(181) Le
surnom de CUmamu fut dooné a« saint
Kne inUtulé àimax ou Kekelk.
de Scoùmiq^f qui était alonlM
forme du ciergé et pour la conversion des
hérétiques lui attira bientôt une foule d'en»
nemis. Les ariens obtinrent même de l'im-
pératrice Eudoxie qu'il fut banni de Gona-
tantinoble. Cependant cet exil.ne fftl pas de
longue durée. II fût rappelé à la demande
d'Eudoxie elle-même, qui, du reste, le fit
encore condamner à la même peine en 40%.
Le saint évêqne mourut dans cet exil le \k
septembre Un, Agé de soixante-trois ans.
Ses ouvrages ascétiques sont : 1* Un Traité
du sacerdoce : 3* Un Traité de la Providence;
3* Des Homélies^ et quelques OpuictUee de
piété. Tillemont a écrit une excellente Fte
de saint Jean Cbrjsostome.
JEAN CLIMAQUB (Saint). — Saint Jean
Climague (180), gue Ton croît originaire de la
Palestine, ^naquit vers l'an 525. Il fut élevé
avec soin, et tes progrès qu'il fit dans les
sciences furent si rapides, qu'on lui donna
dès sa jeunesse le surnom de Scholasti-
Sue (181). Mais à peine eut-il atteint Tâge
e seize ans, qu'il sacrifia tous les avanta-
ges qu'il pouvait tirer du monde. Il se retira
sur le mont Sinal, ot plusieurs solitaires
menaient une vie angéliquc, depuis que les
disciples de saint Antoine et de saint Hila-
rion avaient peuplé les déserts. Il ne voulut
Eoint demeurer dans le grand monastère
âti sur le sommet de la montagne, de peur
d'y trouver des sujets de dissipation ^ i. alla
vivre dans un ermitage écarte, où ii se mit
sous la conduite d'un vénérable vieillard,
nommé Martyrius. Un silence rigoureux fut
le moyen qu'il employa pour se garantir
d'un vice ordinaire aux personnes habiles t
c'est-à-dire de celte démangeaison de parler
de tout, qui provient d'une vanité secrète.
Humble d'esprit et de cœur, il faisait le sa-
crifice de ses lumières sans contredire ni
disputer. II s'assurait par l'obéissance le mé-
rite de ses actions, et ii porta si loin la pra*
tique de cette vertu, qu'il semblait ne point
avoir de volonté propre. Par cette soumis-
sion h son directeur, il apprenait h éviter les
écueils contre lesquels il eût infailliblement
échoué, s'il avait voulu se servir de pilote à
lui-même (182). De cette montagne ivisiblo
qu'il habitait, il prenait saintemehl son
essor pour s'élever jusqu'au Dieu invisible
dont la volonté faisait son unique étude,
aussi observait-il avec attention tous les
mouvements de la grftce pour y correspondre
avec fidélité.
Le fervent novice employa quatre ans à
s'éprouver et h s'instruire, avant que de faire
la profession monastique. Il pensait, et il l'a
fortement inculqué dans ses ouvrages, qu'un
pareil engagement exim un <ê^e mûr et des
épreuves sérieuses. Quand il vit appro-
cner le jour de son sacrifice, il s'y prépara
par le jeûne et la prière, afin de lui donner
tout le degré possible de perfection. La con-
sécration solennelle qu'il fit à Dieu de lui-
même fut suivie des pins précieux fruits dé
iMMoraiile, ne se donnait qa'à ceux qvi avaient beau-
coup de latenls et de connaissances.
(182) Yoyes les paroles dn saint, firnd. f •
M5
lEA
DICTIONNAIRE
JËA
la grflce. Hartyrias yonii avec admiratioQ
son disciple avancer de jour en joar dans
les voies du salut.
Après la mort de Martyrius, arrivée en
560, le saint, conformément au conseil que
son directeur lui avait donné, résolut d'em-
brasser la vie des anachorètes. Il se retira
donc dans l'ermitage de Thole, situé dans
la niaino qm est au bas du mont Sinaï. Sa
cellule était environ à deux lieues de l'é-
glise (183). Il y allait les samedis et les di-
manches pour entendre l'ofiice et pour com-
munier avec les moines et les anachorètes
du désert. Il évitait toute singularité, la re-
gardant comme une production de la vaine
gloire. De là vint qu'il mangeait indifférem-
ment de tout ce qui n'était pas interdit aux
moines d'Egypte, observant seulement de
se renfermer dans les bornes d'une exacte
sobriété. La prière était sa plus douce et sa
principale occupation ; toujours animé d'une
ferveur extraordinaire, il ne perdait jamais
de vue la présence de Dieu. Ses pensées, ses
Sarcles et ses actions se rapportaient toutes
l'accomplissement de la volonté du Sei-
gneur, c'est ainsi gu'il réduisait en pratique
ce qu'il a depuis si fort recommande à tous
les Chrétiens (18^). 11 acquit par l'exercice
habituel de la contemplation une parfaite
pureté de cœur et une très-grande facilité
de voir Dieu en tout. II donnait un temps
considérable à la lecture des livres sacrés et
des ouvrages des saints Pères ; ce qui le
rendit lui-même un des plus savants doc-
teurs de l'Eglise. Mais il cachait ses rares
talents et les grâces singulières dont son
Ame était enrichie, dans la crainte de perdre
le précieux trésor ie l'humilité. Il savait
combien le poison de la vaine gloire est
subtil, et que, sans une extrême vigilance
de notre part, il s*attache è nos meilleures
actions, et nous en dérobe tout le prix.
Quoique Jean vécAt dans son ermitage
en vrai solitaire, il ne s'y croyait point en-
core assez éloigné du commerce aes hom-
mes. Il se Gt une grotte dans un rocher du
voisinage, pour s'y renfermer au moins de
temps en temps. Lorsqu'il y était, il se li-
vrait avec une ft^rveur plus qu'humaine à
tous les exercices de la contemplation. Il
était pénétré d'une charité si ardente et
d'une si vive componction, qu'un torrent de
larmes coulait presque sans cesse de ses
yeux. La vue des misères inséparables de
cette vie lui arrachait des soupirs et des
gémissements, qui frappaient l'air avec au-
tant de force que pourraient faire les cris
de ceux que Ton coupe avec le fer, ou qui
souffrent la peine du feu. Il eût bien voulu
vivre toujours seul et entièrement inconnu
aux yeux du monde; mais l'éclatde sa sain-
teté perga malgré lui. On venait le consul-
ter comme un maître dépositaire de la
science du salut, et il ne put refuser à un
(485) Il parait que c*élait Téglise de la sainte
v^iet ge, que rempereur iusiiiiieii avait fait bâtir sur
le rooni blnaî pour Tiisage des moines ( Voytz Prih
tope, l.^. De ^dif, Justin.).
solitaire, nommé Moyse, de le prendre soas
sa conduite.
Le serviteur de Dieu avait un taient ex-
traordinaire pour guérir les maladies de
l'âme. Un moine, nommé Isaac, que de vio-
lentes tentations de la chair avaient presque
jeté dans le désespoir, en fit une heureuse
épreuve. Il alla trouver le saint, auquel il
découvrit, encore plus par ses larmes qae
Ear ses paroles, toute la violence des com-
ats qu'il avait h soutenir. Mon fils, lui dit
Jean Climaque, ayez recours à Dieu par la
prière. Aussitôt ils se prosternèrent toas
deux à terre pour implorer le secours du
crel, et depuis ce temps-là Isaac ne fut plus
inquiété par l'esprit impur. Plusieurs autres
personnes s'adressèrent aussi à Jean Clima-
que dans leurs besoins spirituels, et ils do
le firent jamais inutilement.
Qui croirait que le saint dAt avoir desen-
nemis? Il en eut cependant dans la personne
de quelques solitaires. Ils Taccusèreat de
perdre son temps à de vains discours, dans
la vue de s'attirer l'estime des hommes;
l'accusation ^t^itcertainenent une calomnie,
mais le saint la regarda comme un avis cha«
ritable qu'on lui donnait : il se condamna k
un rigoureux silence, et passa près d'un an
sans parler à qui que ce fût. Ses ennemis,
désarmés par'sa modestie et son humilité,
reconnurent la fausseté de ce qu'ils avaient
avancé. Us se réunirent aux autres moines
pour le conjurer de ne pas enfouir le talent
que Dieu lui avait donné, en privant du
secours de ses lumières ceux qui venaient
le consulter. Jean rompit le silence avec
cette humilité qui le lui avait fait garder,
et continua d'instruire ceux qui s'adres-
saient à lui. On parla de toutes parts de sa
sagesse et de son expérience consommée,
on le regardait comme un autre Moïse à qui
Diou communiquait une partie de son esprit.
Peu de temps après, c'est-à-dire en 600,
notre saint fut élu d'une voix unanime abbé
du mont Sinaï, et supérieur-général de tous
les moines et de tous les anachorètes du
pays. Il avait alors soixante-quinze ans; et
il en avait passé près de soixante dans la
solitude. A peine était-il élevé à cette di-
gnité, ((u'il survint une grande sécheresse
3ue la famine suivit de près. Les habitants
e la Palestine et de l'Arabie s'adressèrent i
lui, comme à un autre Elie, pour implorer
le secours de son intercession auprès de
Dieu. Jean, touché du malheur de cespau-.
vres peuples, se mit en prières, et leur ob-
tint ciu ciel une pluie abondante qui rendit
la fertilité à leurs terres. Il reçut vers e
môme temps une lettre de saint Grégoire le
Grand, qui pour lors était assis sur la chaire
de saint Pierre. Ce saint Pape lui écrifit
pour se recommander à ses prières, et lu
apprendre qu'il lui envoyait de J'^'î^'^fJ
de quoi meubler l'hôpital fondé pour les pè-
lerins à quelque distance du mont Sioaï(i8o .
(184) Grad. 27, n. 67.
(185) Saint Grec, c. Il, ép. 1 , 1. Il, ep. 10i ^
me il, p. i09i.
lEA
D*ASCEnSIIE.
fEk
Le bienheoreax Jean» abbé de Raitbe ,
monastère situé auprès de la mer RouKe,
conçut le projet de perpétuer dans tous Tes
siècles le fruit que produisaient les institu-
tions du saint. Il le conjura donc de donner
an recueil de règles dont Tobserration pût
conduire les âmes ferTeutes à la perfection
chrétienne. Le saint représenta que rentre*
prise était au-dessus des forces d un pécheur
tel que lui, mais il se rendît enfin à ce qu'on
exigeait de sa part, sans toutefois se flatter
d*avoir réussi. « JTai fait, disait-il, ce qui a
dépendu de moi, dans la crainte de secouer
le joug de Tobéissance, que je regarde comme
la mère de toutes les Tertus. Je n'ose croire
que i*ai produit quelque chose d'utile. Sem-
blable à un peintre novice, je n*ai fait que
tracer une ébauche grossière. Il n'y a qu un
maître aussi consommé que tous ^Tabnéde
Raithe), qui puisse mettre la dernière main
à cet ouTrage. » Telle fut l'origine de l'ex»
cellent livre intitulé CKmax ou VEchelle^
parce que l'âme y est conduite de degrés
en degrés jusqu'à la plus sublime per-
fection.
Ce livre est écrit en forme d'aphorismes
ou de sentences qui offrent un prand sens
en peu de mots; le style en est simple, mais
sans bassesse; concis, mais sans obscurité.
On y trouve une onction admirable, et un
certain ton d'humilité qui gagne la confiance
du lecteur. Mais ce qm lait le pnncipal mé-
rite de cet ouvrage, c'est la noblesse et l'é-
lévation des sentiments qui sont jointes à
une description parfaite de toutes les ver-
tus. L'auteur ne se borne pas au détail des
préceptes : il les rend sensibles par des
exemples, et entre ces exemples, il choisit
Krticu'ièrement ceux oii éclate Famour de
béissance et de la pénitence (186). Nous
allons en rapporter quelques-uns.
il y avait en Egypte un monastère de
trois cent trente moines que le saint avait
Tîsiti^. Un citoyen d'Alexandrie, nommé
Isidore, vint se présenter à la porto pour^
être reçu. < Mon père, dit-il à l'abbé, je suis
dans vos mains ce qu'est le fer dans celles
du forgeron, le vous ordonne, répondit
l'abbé, de vous tenir à la porte* et de vous
jeter aux pieds de tous ceux que vous ver-
rez, en leur disant : Ayez la charité de prier
pour moi, parce que mon Ame est attaquée
d*une lèpre dangereuse. » Sept ans se pas-
sèrent de la sorte. Saint Jean Climaque,
ayant tu Isidore, lui demanda quels avaient
été ses sentiments pendant une si longue
épreuve. « La première année, lui dit-il, je
me suis regardé comme un esclave con-
damné pour ses péchés, et j'ai soutenu de
rudes combats ; la sconde, j'ai été tranquille
et plein de confiance en la bonté de Dieu. »
il ajouta que dans la troisième année il
avait souffert les humiliations avec joie. Ce
saint pénitent acquit un tel degré de vertu,
que Tabbé du monastère résolut non-seule-
ment de le recevoir, mais môme de le faire
ordonner prêtre. Isidore, qui par humilité
voulait rester dans son état» demanda quel-
que délai, et mourut sept jours après.
Saint Jean Climaque fut encore singulière-
ment frappé de la vertu du cuisinier du
même monastère. Comme il le vojait tou-
jours recueilli et baigné de larmes au milieu
de ses occupations, qui n'offraient rien que
de terrestre, il lui demanda de quel moyen
il se servait pour entretenir ainsi son âme
dans le recueillement et la componction.
« Quand je sers les moines, répondit le bon
religieux, je m'imagine servir non des hom-
mes, mais Dieu lui-même dans la personne
de ses serviteurs, et la vue de ce feu que
j'ai sans cesse devant les yeux me rappelle
ces flammes qui brûleront éternellement les
pécheurs. »
^ Le saint, après avoir donné une descrip-
tion fort touchante du monastère des péoi-
tents, appelé la Prison^ lequel était à un
mille de celui dont nous venons de parler,
raconte le trait suivant de Jean Sabaïte.
< Dn solitaire ( c'est Jean Sabaite qui parle
de lui-même en troisième personne ), un
solitaire, se voyant traité dans son monas-
tère avec une sorte de respect, jugea qu'il
courait risque de n'y pas expier ses péchés.
11 en sortit donc avec la permission de son
supérieur, et se retira dans un monastère
du Pont. Trois ans après, il vit en songe
un billet où toutesses dettes étaient écrites •
elles se montaient à cent livres d*or, et il
n'en avait payé que dii. Pauvre Antiochus,
se disait-il souvent à lui-même, lu as de
grandes dettes à acquitter. Lorsqu'il eût passé
treize années dans la pratique des humilia-
tions et de la pénitence, il eut une seconde
vision qui lui représenta toutes ses dettes
effacées. »
Un autre solitaire, qui avait vécu dans
une grande négligence de ses devoirs, fut
attaqué d'une violente maladie. Il perdit
connaissance, et on crut pendant une heure
qu'il était mort. Mais, étant revenu è lui, il
mura la porte de sa cellule, et y vécut douze
ans en reclus. Il pleurait sans cesse, et ne
s'occupait que de la méditation de la mort.
Lorsqu'il fut près d'eipirer, en entra pour
lui donner du secours; maison ne put ti-
rer de lui que ces paroles : « Celui qui a
continuellement la mort devant les yeux
ne péchera jamais. »
Outre VEekelle Mtfi/ê, nous avons encore
une lettre de saint Jean Climaque au bien-
heureux abbé de Raithe. Il y est parlé des
devoirs d'un véritable pasteur, dont les
principaux sont d'être chaste de corps et
d'esprit; de travailler sans relflche à la sanc-
tification des âmes; de corriger ceux qui
s'écartent du droit chemin, et de les porter
à remplir fidèlement les obligations de leur
élat; a être ferme et plein de vigueur, de
manière toutefois que la sévérité soit tem-
Eérée par la douceur; de compatir à la fai-
lesse humaine, en s'accommodant aux di-
vers caractères, afin de gagner tout le monda
à Jésus-Christ. « De toutes les offrandesqu*oa
(IW) GradL 4 et 5.
899
JEA
DICTIONNAIRE»
]EA
M
Eeut faire à Dieu, dit le saint» la plus agréa*
le à ses yeux est sans contredit celle des
âmes sanctiGées par la pénitence et la cha*
rite. »
Il jr avait qiiatrç ans que saint Jean Cii-
maqu'e gouvernait les moines du mont
Sinaî. II eût bien r^ùlu quitter une charge
qu'il n'avait acceptée qu'en tremblant et
qu'il regardait comme un fardeau redouta-
ble. Il méditait le projet de se démettre* et
il n'attendait plus que l'occasion de l'effec-
tuer. Enfin elle se présenta quelque temps
avant sa mort. Rendu à lui-même» il se li-
vra avec une nouvelle ferveur à la prière et
S la contenoplation. Il mourût dans son er*
mitage de Thole» le 30 mars 605, à l'âge de
quatre-vingts ans. L'abbé Georges, son suc-
cesseur, qui avait demandé à Dieu la grâce
de n'être point séparé de son père spirituel,
le suivit dans le ciel quelques jours après
(187).
I Saint Jean Glimaque est bien énergique
quand il parle de l'excellence et des enets
de la charité. « Une mère, dit-il (188), prend
moins de plaisir à tenir entre ses bras un
enfant chéri qu'elle nourrit de son lait, que
n'en prend celui qu'on peut nommer un vé-
ritable enfant de la charité, à être toujours
uni à Dieu, et comme entre les bras de ce
Père céleste.... La charité (189) en réduit
quelques-uns à être presque tout hors d'eux-
mêmes. Elle en couvre d'autres de lumière,
et les remplit d'une telle joie, qu'ils ne peu-
vent s'empêcher de s'écrier : J'ai mis mon es-
pér(mce en />t>ti, t7 nêt venu à mon secoun: ei
ma chair f auparavant toute deêséehéty a reprie
ion ancienne vigueur. [Ps, xxvii.) Cette joie
qu'ils ont dans le cœur rejaillit sur leur vi-
sage, et lorsque Dieu les a unis et pour
ainsi dire incorporés avec sa charité, il fait
paraître sur leur extérieur, comme dans un
miroir, l'éclat et la sérénité de leur âme.
Ainsi Moïse, ayant été jugé digne de voir
Dieu, fut tout environné de sa gloire. »
Saint Jean Climaque faisait la prière sui-
vante pour demander la charité : a Mon
Dieu, je ne prétends rien sur la terre, si-
non de vous être uni si fortement par la
prière, que' je ne puisse jamais être séparé
de vous ; que les autres désirent la richesse
et la gloire, moi je ne désire que de vous
être inséparablement uni, et de mettre en
vous seul toute l'espérance de mon bonheur
et de mon repos. »
I JEAN DB CiwsTRAN (Saint) , disciple de
saint Bernardin de Sienne, et Frère Mineur
comme lui, naquit en 1585, et mourut en
1656. Il signala son éloquence dans le con-
cile de Florence pour la réunion de l'Eglise
grecque à l'Eglise romaine. On a de lui un
grand nombre d'écrits, et, entre autres. Le
miroir des clercs. Alexandre VIII le canonisa
en 1690.
JEAN DR LA CROIX (Saint).— Saint Jean
d'Yepez, plus connu sous le nom de Jean
(187) Nous avons plusieurs commentaires grecs
sur l Echelle de saint Jean Climaque. Voir le P. Mo*nt-
FATCON ; BibL Coii/., pages 505, 506.
DE LA Croix, né à Fontibère, près d'Avila
bourg de la vieille Castille, prit l'habii de
Carme au couvent de Médina-del-Campo» el
lia une étroite amitié avec sainte Thérèse.
Il vint avec elle à Valladolid, où il quitta
rbabit qu'il portait pour prendre celai de
Carme-Déchaussé. Après avoir travaillé; i
la réforme de plusieurs couveuts, il fui en-
voyé à Avila, pour ô(£# confesseur des Car*
mélites, el pour le& porter à se réformer.
Les religieux de cet ordre le Kreut eolmr
et mener à Tolède, où' ils le reufermèrenl
dans un cachot. Il y demeura neuf mois, etea
fut tiré par le crédit de sainte Thérèse; mais
les supérieurs de' la réforme, .|ui voulaient
qu'on abandonnât la conduite des Carmé-
lites, lui suscitèrent de nouvelles aHaires
Il mourut dans le couvent d'UI)édaJe IMi;-
cembrè 1591, âgé de 4-9 ans. Il a laissé des
livres de spiritualité en espaguol, el tra-
duits en italien et en latin, intitulés : Li
montée du Mont-Carmel; — La nuxi ému
de rdme; — La flamme vive de l'amw;-
Le caniique du divin amour. Ces ouvrage)
sont écrits d'un style obscur et, pour aiuM
dire, mystérieux. On y trouve les principtî
de mysticité incompréhensible & beaucoup
do personnes. « L auteur, dit ua savaûl
théologien, explique les opérations du Saint*
Esprit dans les impressions sarnalurelb,
et tous les degrés de Tunion divine dausla
prière» On ne peut décrire les commuDica*
tioub secrètes d'une Ame dans cet état, et
il n*y a que ceux qui les ont éprouvées ()ui
soient capables de s*eu former une idce.
C'est pour ces personnes que le saint a
écrit les ouvrages dont nous parlons. Ils leur
seront sans doute utiles ; mais ils pourraient
devenirnuisibles àceuxquine sonlpasdans
le même cas, et qui sont iacilemeal icsduf)^
de leur imagination, ils le deviendraieDl
surtout aux enthousiastes qui abusent de
ce qu'ils n'entendent pas pour élaver leurs
illusions. »LeP. Berthier, dans ses /ie]Iexioiu
spirituelles f a consacré quinze lettres à rci-
piication des œuvres de saint Jean de la
Croix; il prétend y trouver trois choses:
« l** Une logique des plus précises; ^ un
esprit éclairé des lumières divines; 3*ud
don d'instruction qui ne se démeot nulle
part. » Nous venons de voir que tout lo
monde n'en porte pas un jugemeotsii^vo-
rable. Tout ce que l'on peut dire, c'est que
la science des voies intérieures est la plus
diûicile, la plus profonde de toutes etlaplus
admirable, comme dit le Prophète; quil e^t
diiliciie de la réduire en règle, et, quand on
y parviendrait , ôterail-on à Dieu ia puis-
sance des exceptions? Mirabilis focia f^
scientia tua ex me, confortata est, et nonpo-
tero ad eam. {Yoy. ARMKiJLE, Cathkbhk k
Sienne, Fénélon, Gutou, RcsmoUi TaI'
LAiRE, etc.) Le P. Maillard, Jésuite, a traduit
en français les œuvres de saioi Jean u^
la Croix, Paris 16%. Après y avoir ûi^
(188) Grad. 50, d. 12.
(189) Grad. 30, n. 14.
9M
BBà
D*ASGET1SME.
JES
retraDcbemenU , le P. flonorè de
Saiate-Marie et le P. Dositbée de SaîuU
AlexiSj religieux da même ordre, ont donné
la Vie de ce saint. Celle du P. Dositbée a
été imprimée à Paris en iltlf en 2 vol. in-V.
Collet a écrit aussi la Vie de ce saint, Paris,
1769, in-12« Oo trouve dans son livre, inti«
lulé'la Nuii obecure^ une description admi*
râble des angoisses que cet état £ut éprou*
ver. Elles sont connues plus ou moins des
Imes contemplatives. Cette épreuve a cou-
tume de précéder la communication des
gâces spéciales que Dieu leur accorde. Ce
t par là que sauit Jean de la Croii, au
milieu de mille tentations, des calomnies,
des scrupules et de toutes sortes de peines
intérieures, parvint k cette pureté d'esprit,
à ce renoncement k toutes les affections ter-
restres, è cette entière conformité à la volonté
de Dieu, qui est fondée sur la destruction
de le volonté propre, à la patience la plus
héroïque et k la plus courageuse persévé*
raoce. La Montée du eiél traite k peu près
le même sujet que l'ouvrage précédent.
VExposiiion des cantiques et la Vtve fiaume
d'amour expliquent tous les degrés d'union
de l'âme avec Dieu par l'oraison.
JEAN 0B Jist»--MAEiB, Carime-Décbaussé
du diocèse d'Osma en Espagne, naquit en
156b, passa par toutes les chaires de son
ordre, et mourut le 28 mai 1615, avec la
réputation d'un religieux plein de mérite et
de vertus. Saint François de Sales, Bellar-
min, Bossuet en ont parlé avec éloge. On a
de lui : Disciplina elaustralis^ Cologne, 1650,
h vol. in*fol. Us renferment des r4>mmen-
taires sur l'Ecriture sainte, et un grand
nombre d'ouvraces ascétiques. Sa Vie et s^
Lettres spiritueUes ont été publiées k Rome,
16^9, par Isidore de Saint-Josepb, Carme
de Douai, qui devint définiteur général de
son ordre en 1656.
JEANNE (FaàhçoisbFREVIIOTDECHAN-
TAL) (Sainte), naquit k Dijon en 1572. Elle
fut mariée k Cbristopbe de Rabutin, baron
de Cbantal. Ayant eu le malheur de perdre
son mari, tué k la chasse, elle fit vœu de ne
point se remarier, quoiqu'elle n'eût alors
que vingt-huit ans. Elle vécut, comme une
femme qui n'était plus dans le monde, que
pour Dieu et ses enfants. Ajant connu saint
François de Sales, en 16(Mh, elle se mit en-
tièrement sous sa conduite. Ce saint évêque
ne tarda pas de lui communi()uer son projet
pour l'établissement de la \ isitation. Elle
entra dans ses vues, et en jeta les premiers
fondements, k Annecy, en 1610. Le reste de
sa vie fut employé k fonder de nouveaux
monastères, et k les édifier par ses vertus et
par son zèle. Elle mourut k Moulins , en
16fcl, et fui canonisée par Clément XIU. On
a d'elle des Uttres spiritueUes, 1660, in-4-.
Marsollier a écrit sa r te, 2 vol. in-12.
f JÉROUE (Saint) naquit k Stridon, sur les
J confins de la Dalmatie et de la Pannonie,
vers l'an 340. il étudia les belles-lettres k
Home et y fit des progrès rapides, ainsi que
rjms l'éloquence. 11 auilta le monde pour se
rejfermer dans un désert. Étant venu k An-
tioehe, il fut élevé au sacerdoce par Paulin,
éyèque de cette ville. Le désir d'entendre
rilloslre saint Grégoire de Naziance le con*
dnisit k Conslantinople, en 381. Il se rendit
l'année suivante k Rome, oik le Pape Damase
le chargea de répondre, en son nom, aux
consultations des évoques sur l'Ecriture el
sur la morale* De Rome, il se retira k Beth-
léem, et s'y appliqua k la conduite des mo-
nastères que sainte Paule j avait ftit bâtir,
k la traduction des divines Ecritures et k la
conversion des hérétiques» Ce grand doc-
teur» aussi distingué par sa sainteté émi-
nente que par la profondeur de sa science,
mourut en 420, dans sa quatre-vingtième
année. Ses œuvres ascétiques sont : 1* L'Âis-
toire des Pires du désert, in-fol. — 9r Des
Commentaires sur piusienrs livres de l'Ancien
et du Nouveau Testament. — 3* Des Lettres,
qui contiennent les vies de quelques saints
solitaires, des instructions morales, etc. —
i* Cn Martyrologe, in-fél.
JESUS (Sairt hom db). San excellenee, sa
veriu, confréries et indulgenees. La plupart
des auteurs ascétic]nes reconnaissent le culte
et l'invocation fréquente du saint nom de
Jésus. Ils se fondent sur son excellence et
sur sa vertu. V Son excellence. Le mot Jésus
signifie Sauveur. Les Juifs, ne furent point
étonnés d'entendre appeler le divin Enfant
d*un nom qu'avaient déjà porté plusieurs
avant lui, comme Josné, fils de Hun, et Jé-
sus, fils de Siraoh, comme ce Juif appelé
Jésus, dont parie Josèpbe, qui prédit la ruina
entière de Jérusalem et de sa nation. Mais,
dans ceux<-ci, le nom de Jésus ne fut qu'une
simple dénomination, une ombre sans réa-
lité, ou tout au plus il ne désirait que Ile
libérateur d'une nation partieubère, la déli-
vrance de quelques calamités temporelles. U
n'en a pas été ainsi de notre divin Rédemp-
teur. € Mon Jésus f dit saint Bernard, ne
porte pas un nom vide et stérile; ce n'est
pas seulement l'ombre d'un grand nom,
mais la vérité. » U est vraiment, par excel-
lence, notre grand, notre unioue Sauveur,
puisqu'il nous a délivrés du péché et de ce
déluge de maux, de cet abîme de misères
dans lequel il nous avait plongés , puisqu'il
a acquis pour nous tous les biens, toutes
les richesses de la «rice, avec l'assurance
de la gloire et de la félicité étemelle.
Quel autre nom pouvait être plus glorieux
pour Jésus-Christ et plus attrayant pour
noust U nous a sauv&>; et comment? en
s'humiliant iusqu'k la mort de la croix,
prodige d anéantissement que Dieu son Père
a récompensé, en le plaçant dans le ciel au
sommet de la gloire ; en sorte qu'au nom de
Jésus, tout genou doit fléchir, au ciel, sur la
terre et dans les enfers, «t que toute langue
doit confesser que Jésus-Cnrist Notre-Sei-
gneur est dans la gloire de Dieu la Père.
Ce nom adorable nous représente le Dieu
homme, Dieu de Dieu, d'une sainteté, d'une
sagesse, d'une puissance et d'une bonté
infinies : fait homme pour nous sauver,
montrant au monde les marques de son
tendro amour pour pous, dans les sacrés
JES
D1GTI0NNÂ1UE
JES
m
vestiges de ses souffrances, el dans les ci-
catrices de ses plaies; déployant dans sa per-
sonne tous les charmes de la grâce et de la
vertu.
Toutes les autres qualités du Christ dé-
rivent de celle de Sauveur ou en font partie.
Ce nom glorieux nous rappelle donc encore
et nous remet devant les yeux son zèle, sa
charité, son admirable sollicitude pour notre
salut; sa douceur, sa commisération, avec
toutes ses autres vertus; enfin les tourments
qa*il a endurés, les ignominies qu*ii a es-
suyées pour nous racheter, les mystères et
les miracles qu'il a opérés, tout ce qu'il a
fait, tout ce qu*il nous a prodigué de faveurs
et de bienfaits; nous trouvons tout cela
dans Jésus.
2* Sa vertu, La foi, l'espérance, la charité,
la pureté et les autres vertus des saints,
avec tous les dons spirituels, toute la beau-
té, toute la gloire qui en relèvent l'éclat,
sont les fruits précieux de la venue du Sau-
veur. Il n'est. point d'autre nom donné aux
hommes sous le cielf par qui nous puissions
opérer notre salut, C^st de sa plénitude que
nous recevons tout dans Tordre de la grâce;
c'est à lui seul et à la victoire qu'il a rem-
f)ortée sur ses ennemis, que nous devons
es armes et la force qui nous font triompher
des nôtres. Ce nom sacré doit donc nous
inspirer sans cesse la vénération et l'amour,
nous servir d'hymne et de cantique pour ren-
dre sans cesse gloire à Dieu, nous remplir de
joie et de consolation. Avec le nom de
Jésus, prononcé par un pieux mouvement
du cœur, avec foi et avec amour, nous
sommes tout-puissants. Combien de jfois, au
nom de Jésus, les serviteurs de Dieu ont-ils
commandé à la nature, guéri les malades,
ressuscité les morts, opéré toutes sortes de
miracles 1 Comment saint Pierre guérit-il le
boiteux assis à la porte du Temple ? En lui
disant : Au nom de Jésus de Nazareth^ levez-
vous et marchez. C'est par la vertu du nom
de Jésus que les puissances de ténèbres ont
été désarmées et confondues dons toute
l'étendue de leur empire. C'est à la louange
du nom de Jésus qu'il faut chanter avec
David : Célébrez le nom du Seigneur, du
levant au couchant. Chez tous les peuples
et dans toutes les contrées de l'Univers, on
entend retentir le nom de Jésus. « O nom,
s'écrie saint Bernard, diçne de tous nos hom-
mages! son odeur, pleine de suavité, est
venue d'abord du haut des cieux se reposer
sur la Judée, d'où elle s'est répandue en-
suite sur toute la terre. L'Eglise, dans tous
les pays du monde, chante avec transport :
|Votre nom, Seigneur, est une huile répan-
, due, dont le parfum a rempli non-seulement
le ciel et la terre, mais les enfers même,
'quoique d'une manière bien différente.
Aussi toutes les créatures sont-elles invitées
;à célébrer sans cesse et à répéter à l'envi :
j Votre nom, Seigneur, est une huile ré-
Ipandue. »
Le nom de Jésus est la terreur des dé-
jmons : ils tremblent autant de fois qu'ils
l'ratendent prononcer dévotement; non pas
que les ^syllabes roalérérielles dont il est
composé aient eu elles-mêines aucune verlu,
aucun charme; mais ils ne peuvent soutenir
la présence et le pouvoir de colui a qui il
apparlient, lorsqu'on l'invoque avec une
sainte contiance. Les malins esprits ne Ten-
tendcnt point sans rendre les armes; c*est
pour eux un coup de tonnerre qui les force
d'adorer leur vainqueur. Aussi o'a-t-il fallu
souvent que le nom de Jésus pour les chasser
de ceux qu'ils possédaient corporeilemeDl,
ou les repousser dans leurs attaques. C'était
ainsi que les démoniaques ordinairement
étaient délivrés dans les premiers siècles du
christianisme, comme nous l'apprenons des
Pères de r£glise et des autres écrivains de
leur temps. « Quelque démon que ce soit,
dit saint Justin, qui s'est emparé du corps
d'un Chrétien, au seul nom de Jésus-Christ
est mis en fuite, et celui qu'il opprimait est
mis en liberté. » Dans une seconde apolo*
gie de la religion, qu'il présentait au sénat
de Rome : « Jésus-Christ, dit-il, est appelé
ainsi, parce qu'il est oint; nom dont la
signitication est toute mystérieuse, comme
le mot Dieu, qui n'est pas un pour nous,
mais l'expression de quelque chose incom-
Sréhensible unie en lui à la nature humaine,
ésus a tout ensemble le nom et la qualité
de Sauveur; car, il s'est fait homme selon
la volonté éternelle du Père, pour le salut
des hommes qui croient en lui, et pour
renverser la puissance des démons, comme
vous pouvez vous en convaincre par tout
ce qui se passe sous vos yeux. Ne voit-on pas
partout dfans le monde, et n'a-t-on pas tu
jusque dans Rome môme, des hommes pos-
sédés du malin esprit, guéris et délivrés
Sar la seule invocation du nom de Jésus?
['a-t-on pas vu les démons vaincus el chas-
sés à la voix des simples Chrétiens, lorsqu'ils
leur ordonnaient hardiment, au nom de
Jésus, de sortir du corps qu'ils possédaient?
Et cela, après que tous les magiciens et les
enchanteurs avaient épuisé ' leur art pour les
secourir? (Saint Just., apol. 2 ad sen.y n*
5, p. 172.) )>
Julien l'Apostat, selon le témoignage de
saint Grégoire de Nazianze, fit une loi qoi
défendait d'appeler les Chrétiens aolremeat
que Galiléens , parce qu'il regardait leur
premier nom comme un titre d'honneur,
si ce n'était peut-être, ajoute-l-il, Qû**
l'exemple des démons, il ne craignait trop
le nom de Jésus. Le même Père écrivant a
un païen nommé Némésius, lui dit : « Esl*
il étonnant que Jésus-Christ ait tant de
pouvoir, après ce qui m'est arrivé et m'ar-
rive encore souvent à moi-même qui crois
en lui. J'ai à peine prononcé son nooi
quand je suis attaqué, que le matin espnt
s échappe avec grand fracas, et poussant des
cris de ra^e, publie malgré lui le pouvoir
du Dieu ' immortel ; ce que j'ai éprouw
aussi souvent en formant la figure de I<
croix, non-seulement sur les choses ou w
personnes dont le démon s'était mis en pos*
session, mais dans Tair. Le signe de la cmj
tout seul est comme l'étendard da Tout*
JES
D'ASCETISIIE.
J£S
Pajssaoly doDt il ne peot soatenir l*aspect. »
— Tertuiiien , éeriTain du second siècle «
4îsait hardiment, dans la célèbre apologie
<|o*ii adressa aux goii?emeurs des pro-
Tîoees : ■ Si tous trouTez un Chrétien au-
quel on Tieat de présenter un démoniaque,
Îiuîv ayant invoqué sur lui le saint nom de
èsus, ne le mette pas en fuite, qu'il soit
mis à mort sur4e-champ» nous y consen-
tons. 9 Les Chrétiens donnaient alors de
tels détia aux païens avec tant d'assurance,
^ue jamais ni aucun de leurs oracles, ni les
esprits ntalinSf dans la personne de ceux
qu'Us possédaient , ne résistaient à la pa-
role toute seule du nom de Jésus, ni au
signe de la croii, tant Tun et Tautre avaient
de pouvoir et de vertu; pouvoir qui se fait
encore sentir aujourd'hui contre les atlaaues
du démon sur les ftmes. Sainte Thérèse,
entre plusieurs autres, atteste, d'après une
expérience continuelle» que dans les tenta-
tions, rhumble invocaiion du saint nom de
Jésus par les mérites du bois sacré de la
croix et de son précieux sang, est un gage
infaillible de la victoire.
Ce uom adorable est encore Taiguillon le
plus puissant pour nous faire pratiquer
toutes les vertus ; il nous en inspire l'amour
et les sentiments, soit par le modèle achevé
qu'il nous remet devant les yeux, soit par
les grâces qa'il nous obtient du î>ieu Sau-
veur que nous honorons et supplions tout
4 la fois lorsque pous le prononçons. En
effet, le rappeler pieusement à notre mé-
moire, c'est nous retracer l'imcge et l'idée
du cœur le plus humble et le plus doux,
le plus charitable et le plus tendre qui soit
jamais sorti des mains du Créateur ; c'est
nous représenter le plus pur et le plus saint,
le plus chaste et le plus compatissant de
fous les hommes , un Homme-Diéu, la sain-
teté même, la source de toutes les grâces et
de toutes les vertus. Penser à Jésus, c*est
penser tout à la fois au Dieu infiniment
grand, qui, en nous donnant la sainteté de
sa vie pour modèle, nous donne en même
temps les lumières, les grâces et les secours
nécessaires pour l'imiter et le copier, soit
dans nos pensées et nos affections, soit dans
nos paroles et nos œuvres. « Dès que j'en-
tends nommer Jésus, ajoute saint Bernard,
if n*est point de bonne pensée qui ne me
▼ienoe a l'esprit. »
La conséquence qui suit de tout ce
qu'on vient de dire, c'est aue nous ne
devons jamais prononcer le divin nom de
Jésus, sans proauire dans notre cœur quel-
que sentiment d'adoration et quelque mou-
vement d'amour; sans ressentir en même
temps un désir ardent, et sans former une
sincère résolution d'imiter celui qu'il nous
rappelle.
oi le nom adorable de Jésus est une armure
Sirituelle,ilest aussi une source intarissable
délices et de consolations pour ceux qui
aiment ardemment Jésus- Christ, il ne faut
que le son qu'il rend h leurs oreilles, pour
remplir leur cœur d'une sainte joie, et
DlGTIO!f3l. d'AscÉTISVB. I.
réveiller en eux; les sentiments de Klfc'ié
et d'amour qu'ils ont voués à l'aimable Sau-
veur de leurs âmes, fait homn:e pour les
racheter. C'est pour nous qo1l a voulu
reposer dans une crèche, qu'il a pleuré,
qu'il a été circoncis, qu'il a <^té chargé
de calomnies et rassasié d'opprobres : qu il
a reçu des soufflet^, ou'il a été battu de
verges, qu'il a été crucifié. C'est pour con-
sommer l'œuvre de notre justification qu'il
est ressuscité des morts, qu'il est monté
dans sa gloire, et qu'il est assis à la droite
de son Père. Les saints ne pouvaient jamais
satisfaire la soif qu'ils avaient de pronon-
cer et de répéter ce nom de vie, et de l'a-
dorer avec les sentiments de piété les plus
tendres, tant ils brûlaient d'amour pour lui.
Saint Augustin nous apprend que, mémo
avant sa conversion , il prenait beaucoup
de plaisir à lire un livre de Cicéron, que
nous n'avons plus, nommé Hortensius, parce
qu'il y trouvait d"eicellentes leçons surTa-
mour et la recherche de la sagesse ; mais
il ajoute qu'une seule chose lui déplaisait
dans cet ouvrage, c'était de n'y point trou-
ver le nom de Jésus : « Car ce nom, Sei-
gneur, ajoute-t-il, ce nom si doux qu'a porté
votre Fis bien-aimé, par votre grande mi .
séricorde, mon cœur, encore tendre, l'avait
sucé avec le lait que je prenais sur le sein
de ma mère ; il y est toujours resté profon-
dément imprimé, et tout livre où il n'est pas
écrit, quelque savant. Quelque élégant, ou
même Quelque instructif qu'ri soit, ne peut
me satisfaire entièrement. »
Saint Aeirède, dans la préface qu'il a mise
à la tête de son ouvrage de VAmiiié spiri»
tuelltt dit que, lorsqu'il eut goAté^ une fois
les douceurs du nom de Jésus, l'éloquence
de Cicéron, qui avait toujours fait ses déli-
ces, lui devint tout h fait insipide, parco
qu'il ne trouvait que fadeur partout oiï il ne
trouvait point ce nom incomparable, ou du
moins quelque chose qui le rappelât à son
esprit. Saint JéWVme remarque que saint
Paul répète souvent le nom de Jésus, notre
divin Rédempteur, dans ses EpUres^ non-
seulement où il est inutile pour nutclligence
et la perfection des pensées et des senti-
ments qu'il v.eut exprimer, mais où il est
même quelquefois plus propre è embarras-
ser le discours qu'à l'éclaircir. Comme il ne
pouvait assez se nourrir ni se rassasier du
nom de celui qu'il aimait uniquement, il en
était si plein qu'il le plaçait sans besoin, ou
môme hors de propos, tant on surabonde
quand on latle de ce qu'on aime C'e^l,
ajoute le saint docteur, ce que {eut recon-
naître par lui-môme tout lecteur attentif,
sans qu il soit nécessaire d'en produire ici
quelques exemples.
Saint Bonaventure raconte, dans la Vie de
saint François^ que ce séraphin de la terre,
toyt brûlant d'amour, récitait les psaumes
avec une dévotion ravissante, et que jamais
il ne rencontrait le nom de Dieu sans faire
paraître, dans l'accent de sa voix et les traits
de son visage, queUiuc chose de l'océan de
29
997
JES
UCTMNNAIRK
JCS
M
joie et d*aniour dans lequei oagdâit son
cœur. Un jour il persuada à ses frères de
Tecueillir et de meltre dans un lieu décent
tout papier écrit qu*i] trouverait par terre,
de peur que le nom de Dieu ne e v trouvât
et ne f At foulé aux pieds. Quand il pronon-
çait le saint nom de Jésus» ou qu'il Venten-
dait prononcer, il sentait son Ame tressaillir,
et il en était si affecté au dehors, qu'on eût
dit à le voir, ou qu'il entendait une douce
mélodie, ou qu'il savourait quelque mets
délicieux.
Saint François de Sales, écrivant à une
pieuse veuve, commence ainsi sa lettre :
« Je suis tellement pressé, que je n'ai le
loisir de vous écrire, sinon le grand mot do
notre salut, Jé8u$l Oui, puissions-nous au
moins une fois prononcer ce nom sacré de
notre cœur. Ohl quel baume il répandroit
dans toutes les puissances de notre esprit 1
Que nous serions heureux de n'avoir en
l'entendement que Jésus, en la mémoire que
Jésus, en la volonté *iue Jésus; que Jésus
en l'imagination 1 Jésus seroit partout en
nous, et nous partout en Jésus. Essayons-en;
prononçons-le souvent, comme nous pour-
rons; que si, pour le présent, ce n'est qu'en
bésajant, à la An néanmoins nous pourrons
le bien prononcer. Hais qu'est-ce que le bien
prononcer ce sacré nom? Hélas! je ne le
sçay pas; mais je sçay seulement que pour
le bien exprimer il faut avoir une langue
toute de feu. »
Saint Paulin, dans une de ses lettres, dit,
avec autant d'élégance une de piété : « O
Dieul 6. Christ l vous êtes tout suavité,
tout amour; vous ne pouvez nous remplir,
ni nous rassassier; vous avez beau vous
communiquer sans mesure, vous n'en Êtes
que plus altéré du désir de vous communi-
quer de nouveau, et jamais votre amour
n'est satisfait. » Saint Bernard, au ser-
mon XV', sur le Cantique des eaniiqueSf ne
parle pas avec moins de piété ni d'onction.
« Je prends mon modèle, dit-il, dans son
humanité , et le secours dont j'ai besoin dans
sa divinité. De l'un et l'autre je me fais un
remède au-dessus de tous ceux que peut
inventer l'art des hommes. Ce remède, ô
mon Ame I c'est dans le nom de Jésus gu'il
est renfermé, comme dans un précieux
vase; et il n'est point de plaie, point de con-
tagion, quelque maligne qu'elle soit, dont il
n^opère la parfaite çuérison. Porte-le donc
toujours dans le sem; qu'il soit toujours
dans ta main, en sorte qu il gouverne toutes
tes pensées, tous tes désirs, toutes tes
(Quvres.» Comparant, au m6meendroit,lenom
deJésusèl'huilequ'ontiredufruit de l'olivier,
voici la manière Ingénieuse dont il, s'exprime.
« L'huile a la propriété d'éclairer, de nour-
rir» de fortifier et d'adoucir; or est-il rien
au monde qui éclaire l'Ame et la fortifie, (]ui
calme les douleurs» qui adoucisse les plaies,
âui soulage les peines comme.le nom de Jésus?
e sentez-vous pas vos forces renaître toutes
les fois que vous le rappelez è votre esprit?
Quelle joie il répand dans 1 Ame I Quelle vigueur
il communique à tous les sen^ ! Quel courage
il donne à la vertu I Tout mets qui n'est point
détrempé dan» cette huile toutecéleste,estsee
et aride; toute nourriture qui n'est point
assaisonnée de ce sel mystérieux est insi-
pide. Un livre où je ne trouve point le non
do Jésus me dégoûte ; une conversation, un
exercice où je n'entends pas nommer le nom
de Jésus me déplaît. Jésus est un miel k ma
bouche, un concert à mes oreilles, uochanne
à mon cœur. Tous les remèdes, je les trouve
dans Jésus. Quelqu'un de nous est-il plongé
dans l'affliction, que Jésus pénètre dans son
sein, et que de là il vienne reposer dans sa
bouche; à la lumière de ce nom, tous les
nuages se dissiperont aussitôt, et à la lem«
pète succédera un calme parfait. »
La dévotion au saint nom de Jésus est an
fruit et un signe de notre amour pour lui;
on peut même la resrarder comme une m^r-
que de prédestination. Les saints nous sont
représentés le portant dans le ciel écrit m
le front, pour témoigner que tout co qu'ils
sont, tout ce qu'ils possèdentdans le rojaurao
do Dieu, ils le doivent k Jésus. La blancheur
de leur robe, l'éclat de leur couronne, les
rayons de gloire qui les environnent, leur
joie, leur immortalité sont autant de dons
de sa bonté et de son amour. Et voilà ce quo
publient solennellement les enseignes ma-
jestueuses qu'ils déploient à la face de
toute l'armée céleste; comme s'ils criaient à
haute voix que tous leurs mérites, toutes
leu rs vertus sont ses triomphes et Scs victoires.
C'est une coutume ancienne de TE^lisc,
qui-^a comme passé en loi, de témoigner
le respect dû au saint nom de Jésus, lorsque
nous l'entendons prononcer, par une incli-
nation de tète. Cette loi se trouve cooGrmée
par un décret du concile général de Lyon,
inséré dansle corps du droit canon. Do grand
nombre de protestants l'observent en Angle-
terre, soit dans le culte public, soit dans plu-
sieurs autres cir'constancns; et plusieurs des
prélats et des théologiens les plus savants
ont 'prouvé, contre les calvinistes rigides,
que c'était un acte de religion salutaire et
conforme au précepte que Dieu nous a fait
d'honorer le nom sacré de son Fils.
Au XIV* siècle, un concile d'Avignon et
un autre d® Béziers , accordèrent une in-
dulgence de dix jours è ceux qui dans un
sincère repentir de leurs péchés inclineraient
pieusement la tète en prononçant le saint
nom de Jésus. Le Pape SIxte-Quiot en ac-
corde une de vin^t jours pour tous les fidè-
les en général qui observeront la même pra*
tique. Il n'est point de fidèle adorateur de
Jésus crucifié qui ne soit saisi d'horreur
lorsqu'il entend profaner son saint noffi»
c'est-è-diie lorsqu*on le fait servir en sa
présence à des exclamations sacrilèges» à
d*horribles sermenISt à des discours impies,
à des exécrations, des imprécatiooSi des
blasphèmes. Pouvons-nous être témoins de
ces abominations sans sentir s'allumer au-
dedans de nous le zèle le plus ardent de glo-
rifier le saint nom de Jésus, en lui oflraot
dans un esprit de componction ^ tous les
JEU
D'ASCETISUE.
JEli
9M
hommages extérieurs ei imérieiirs qui sont
«n notre pouTOir?
Vour reparer les outraiœs que fait à Dieu
la eouturoe impie de jurer par le saint nom
de Dieu et de Jésus, Pie IV érigea une pieuse
confrérie ^ui a écé confirmée par saint Pie
V et Urbain Vlll, et favorisée d*um indul-
gence plénière i)Our la fêle de la Circonci-
sion avec une Je cent jours, autant de fois
qii*on empérlierait de bire un serment témé-
raire ou de prononcer un blasiihème* Chague
membre est obligé de iaîre la correction n-a-
iemelle h celui qu*ii a entendu jurer témérai*
rement, et tes confrères doivent Sf saluerlors-
3n*ilsse rencontrent paroes paroles : Louange
Diemou Lwumge à Jésus; cette pratique est
récompensée d*uiie indulgence h toute per-
sonne de la confrérie qui, en quelque temps
que ce soit^ use de cette sorte de salut, ou j
répond en disant il iii«ii. Cette indulgence s*est
étendue ensuite à tous les fidèles; car en
1587, Siite-Quint accorda trente jours à qui-
cofiQue en saluerait un autre arec ces pa*
reles en latin ou en langue vulgaire : « Jé-
sus-Christ soit loué, Ltuideiur Jesuâ Chri'*
9im$^ B ainsi qu*k ceux qui répondraient
« Ainsi sr»it-il, Amen^ » ou c Pour toujours,
semptr; » ou enfin « PenJnnt tous les siè-
cles, m sœcuia. » Il jr a une indulgence de
vingt cinq jours poar ceux qui prononceront
avec respect et dévotion le nom de Jésus on
ée Marie, avec une indulgence plénière à
l'article de la mort, en faveur de ceux qui,
a^aot en Thabitude de se saluer comme on
vient de dire, invoquent pieusement Jésus
dans leur cœur, s'ils ne sont pas en état de
le faire des lèvres. Enfin il y a une indul*
gence de trois cents jours pour avoir récité
avec dévotion les litanies du saint nom de
Jésus, et deui cents pour celles de la bien-
heureuse %'ierge Marie. Ces indulgences ont
été renouvelées i^ar Benoit XIII en 172S.
JESCS-CHRlST(lMiTÂTiofiDB) Fay. Imita*
IEXJNE. — Néee$siié. — La mortification,
non-seulement des passions , mais aussi
de< sens, est non pas un simple conseil, mais
un précepte positir de la loi évangéliqoe.
Sans cette pratique essentielle il ne peut j
«voir de salut. Jésus-Christ ne s'est pis con-
fente de nous en donner l'exemple ; il nous
en a intimé le commandement. Il a porté sa
croii, et nous a ordonné de porter la nôtre
à sa suite. II nous fait répéter par son Apô-
tre que 'si nous voulons être glorifiés avec
lui, il faut avoir souffert avec lui. Il nous
déclare, par le prince de ses aoôlres, qu*en
souffrant pour nous, il s*est fait notre mo-
dèle, afin que nous suivions ses traces. La
route qu'il a suivie sur la terre, voilà la
seule qui puisse nous conduire au terme
oi^ il nous a précédés, où il nous attend, où
il nous appelle, où il nous attire. Prétendre
être las disciples d'un Dieu né dans la crè-
che et mort sur la croix, en vivant dans la
mollesse et dans les plaisirs, est une illusion.
Vouloir obtenir ses récompenses, en violant
un de ses principaux commandements, est
une absurdité. Imaginer de devenir saint
en restant immortifié, est une conbradic»
tion.
Hais cette loi de la mortification, tout
absolue qu*elle est en elle-même, n'est pas
entièrement précise dans son application.
Les circonstances où elle oblige, les meu-
nières de Tobserver, ne sont pas toigoors
nettement fixées; et cette indétermination
fournirait à la sensualité des prétextes de
ne jamais remnlir ce devoir slnd, mais pé-
nible. Pour obvier à ce dangereux inconvé-
nient, TEglise astreint ses entants à des
jeûnes réguliers, dont elle fixe les temps,
et dont enfe règle le mode. La mortification
est un moyen général et néces.saire d'arriver
au ciel; le jeûne est un mojen nécessaire
et particulier de pratiquer la mortification.
L'Évangile ordonne de se mortifier pour 8%
sauver; FEglise enjoint dé jeûner pour se
mortifier.
Quand nous disons que l'Eglise prescrit
le jeûne, nous n^entendoos pas que ce soit
une loi nouvelle qu'elle ait portée. Le jeûne*
bien plus ancien que le christianisme, a tou«*
jours existé dans la vraie religion. Il est, dit
saint Basile, contemporain de l'humanité; et
le premier précepte positif que Dieu ait
donné à l'homme encore dans le paradis
terrestre, a été un précepte d'abstinence.
Lorsqu'il accorde à Nôé de se nourrir de
toutes les viandes, il Ini interdit l'usage du
sang. En dictant au peuple qu'il s'est choisi
les lois qui le régiront, il détermine les
animaux qu'il lui permet démanger, et ceux
dont il ordonne de s'abstenir. Snivei lliis-^
toire de cette nation qui seule eonserve le
culte du vrai Dieu, vous verrei ses jtlus
grands personnages l'honorer par le jeûne :
avid jeûner jusqu'à s'affaiblir ; Judith jeû-
ner tous les jours, excepté ceux des IBtes ;
Esther ne'pas se plaire aux festins do roi son
époux, et refuser de se souiller du vin des
libations; Néhémie joindre de longs jeûnes
h ses larmes abondantes et à ses ferventes
Krières. Vous verrez la nation entière, dans
is occasions importantes, implorer le Sei*
^ncur par ses jeûnes, et avoir même des
jeûnes fiiés pour rappeler ses anciens évé*
unmeols et en mériter d*beureux
Ainsi, le jeûne queTEglise nous prescrit,
n*est que la continuation de celui qui a été
conslafqment pratiqué par les fidèles adora-
teurs du Seigneur. En renouvelant le pré-
cepte, elle ne fait que le déterminer d*une
manière plus précise. Elle le fait consister
en deux choses : à ne prendre dans la jour-
née qu*une seule réfection, et à s'abs enir
dans cet unique re|ias de certaines nourri-
tures. Ces deux parties du précepte ne sont
fias unies entre elles essentiellement et par
eur nature. On peut pratiquer l'abstinence,
sans jeûner, et c'est ce que nous observons,
d'après un autre commandement de l'Église,
les deux derniers jours de chaque semaine;
réciproquement il est impossible de se ré-
duire k Tunique repas, en ▼ prenant iodis-
Hncteraent toutes sortes ae nourritures:
c'est ce que pratiquent ceux qui s'imposent
k eux-mêmes, ou a qui sont imposés en par-
911
iW
DICTIONNAIRE
lEU
lit
ticuher des jeûnes pour Texpiation do leurs
fléchés. Ainsi celui qui, pour des cauies
égitimeSy est dispensé de l'un de ces deux
points de la loi, n*est pas pour cela exempt
de Tautre. Mais ces deui pratiques distinctes
sont réunies par TEgliso dans les jeûnes
généraux qu'elle prescrit. Elle impose I^
double obligation, et de ne prendre par jour
qu'un seul repas réel, et de s'y abstenir de
la chair des animaux qui vivent sur la terre
ou dans l'air. Elle interdit de plus dans le
carême l'usage des œufs et du laitage, à
moins qu'il ne soit permis par l'autorité ec-
clésiastique. Telle est l'étendue de son com-
mandement.
Les païensi dans presque tous les pays du
monde, ont reconnu une vertu dans la pra*
tique du jeûne, et l'ont mise au rang des
œuvres de religion, notion qui leur est ve-
nue, comme beaucoup d'autres, des mains
de ceux qui ont connu les patriarches. Saint
Jérôme confond l'hérétique Jovinien, qui
n'attribuait nul mérite et nulle vertu au
jeûne, par l'exeraplo des anciens prêtres
égyptiens qui, pour éteindre l'amour des
plaisirs sensuels, et pour mettre leur raison
en garde contre les vapeurs de l'intempé-
rance, s'abstenaient de chair, d'œufs, de lait
et de vin. Rarement ils mangeaient du pain,
parce que, dans cette contrée, il chargeait
plus l'estomac et l'indisposait plus que le
riz et les légumes assaisonnes avec de
l'huile, et lorsqu*iis en faisaient usage, ils
prenaient en même lem|3s de l'bysope, dont
l'amertume en accélérait la digestion. (S.
HiBBè^tMus, adv, Jovin.^ I. ii, t. IV, p. 205.)
Le même Père nous apprend que, dans lâT
Pei^se, les mages étant divisés en trois cla.<;-
n^^i ceux de la première, qui surpassaient
les autres en savoir et en éloquence, ne pre-
naient jamais d'autre nourriture que de la
farine et des légumes; que dans Tlnde, les
gymnosôpkisteêf les brachmanes et les sau-
miens ou sermanes^ ne vivaient que des
fruits des arbres qui croissaient sur les bords
du Gange, avec du riz et de la farine apprê-
tée ; qu'en Crète , les prêtres de Jupiter
s'abstenaient de chair et de tout ce qui était
préparé au feu; et les prêtres d'Eleusine ou
Cérès, dans la Grèce, s'abstenaient de chair
et de certains fruits que portaient les arbres
du pays. (Ibid.) Saint Léon nous assure que
les idolâtres avaient leurs jours de jeûne,
Îu'ils gardaient religieusement. (Serm. 77
ejejuHs jPenlec.f cb. 2, tom. I, p. 331.) Les
prêtres des idoles, en quelques endroits,
n'offraient des sacriQces qu'après s'y être pré-
parés par le jeûne et la continence. (Voyez
Ales. ab Alexandro, 1. 1, c. 17.) Turtullien
rapporte Que les païens jeûnaient avant de
consulter les oracles [L, de antmà, c. 48), et
qu'ils imitaient quelquefois la lérophagie
des Chrétiens, {ibid.) Avant le sacrifice qu'on
offrait à Cérès, personne ne prenait rien jus-
qu'au coucher du soleil, et, dans ces jours,
tous s'abstenaient de vhi et gardaient la con-
tmence. (Saint Cyril. Alex., adv. Jul.f 1. vi,
c. 19, p. 250.) Ceux qui étaient initiés dans
les mystères de*la déesse Isis se préparaient
à la cérémonie par l'abstinence de chair et
de vin pendant dix jours. (Julun., in If ùo«
pog. inler Opéra S. CyriHi, t. I^ p. 250.)
Quelquefois Julien l'Apostat se honiail è
manger des légumes dans ses repas, pat un
motif de religion. (Ibid,) En oerlains jours
de fête, les femmes athéniennes et égypiion^
nés jeûnaient et coucbaienl sur la dure.
(Foyejs Joseph. Laurent^ De Prand. etCn,
vet.y c. 22, apud Gbonov. , (p. 349, Sur bi
jeûnes des anciens idolâtres; voyez aussi Sal>-
MASius, inSolanum^p, 150; Jtuus Scaliger,
Fottic, , U I, c. 32, ue cereal. ludis^ etc.) Les
mahométans turcs elperses, et les solxanie*
dix sectes qui divisent le mahométisme dans
rOrient, observent striclemcnt lejeÛDedo
neuvième mois arabe, appelé /tamadan, qui
tombe quelquefois en été , quelquefois au
printemps, et passe successivement d'une
saison à une autre, en des années ditrércii'*
tes, parce qu'ils comptent selon le cours de
la lune, sans intercalation, etque leurs mos
sont alternativement do vingt^neuf k trente
jours. Personne n'est dispensé de ce jeûne,
ni femmes, ni soldats, ni laboureurs, ni
voyageurs, ni artisans, ni pauvres, ni riches;
te sultan lui-même jeûne comme les antres.
Les malades qui ne peuvent jeûner dans ce
mois sont obligés de le faire dans un autre,
lorsqu'ils sont rétablis, ou autant de jours
qu'ils ont manqué de le faire au temps pres-
crit. Leur jeûne consiste à ne rien prendre,
c'est-à-dire qu'ils ue mangent ni ne boiventi
et ne peuvent môme se laver le visage, du-
nuis le lever du soleil jusqu'à son coucher.
Les plus parfaits commencent leur jeûne à
minuit (Chardin, Voyage de Perse, tome Vil,
p. 8^7; tome 11, p. 162 ; Busbbg, LegaL tur-
etc., ep. 3, p. 252.) Les Juifs anciens et mo-
dernes ont toujoui s regardé le jeûne comme
une pratique pieuse et une œuvre de reli-
gion (Voyez Basnage, Hist. des Juifs, I. tu,
c. 18, art. 4), sentiment imprimé si profon-
dément dans Tesprit des bommes de tous
les siècles et de toutes les nations, que la
plupart des sectes infidèles ou hérétiques ont
uns le jeûne au rang des pratiques qui font
partie essentielle de la religion, jusqu'à cor-
rompre superstitieusement ce Qu'ils ont re-
connu, par une tradition générale descen-
due des patriarches, être un moyen de sa-
tisfaire à la justice divine, ou d'expier ses
Kéchés, et un hommage rendu à la Divinilé.
eurs pratiques superstitieuses dilléraicnt
beaucoup cependant des blasphèmei^ie ceux
qui s'abstenaient de certains aliments cooiuje
mauvais en eux-mêmes, et comme rouvrttgtf
d'un mauvais principe ou du démon, toutes
les créatures étant bonnes de leur nature, et
Touvrage du vrai Dieu. La distinction des
deux principes ou des deux dieux, l'un bon
et l'autre mauvais, était l'erreur fondanacn-
taie d*une sorte de secte nombreuse de ptit-
loso{»hes établie en Orient, erreur si an-
cienne dans la Perse et dans l'Inde, qulsaac
Vossius (I. de idolotairia, 1. 1, c .1) la regarde
comme le premier pas vers ridolâtrieparou
les hommes ont apostasie et abandonné le
culte du vrai Dieu. {Voir Vossiis , *«**•
f»
JEU
H^ASCETISME.
JEU
9M
ehaiimuê anie Mauichmum^ et les anCears
qu*il«ke«p. 2DL) L'opinion la plus com-
mune'est» è la Térilé, que le genre humaia
a comraencé d'èlre idolâtre en adorant le
soleil, la lune el les étoiles, appelés Tarmée
des cieux, on d*abord les anses, comme
KDse Leclerc ;.ensuile les étoiles, puis les
mmes qui s'étaient fait un grand nom, ou
dont la mémoire leur était obère. Il est ce*
pendant eertain que la doctrine des deux
principes élait fort ancienne dans qnelques
systèmes de la pliilosophie Ofieotalet et fort
diOérente de celle que professaient les sec-
tes des pfailosoplies connues dans la Grèce,
altrifattée communément à Zorostrate, Tau-
Ceer de la philosophie cbaldaîque et per-
sane. (Voyez la Philosophie oriétUale de
Stahlet, I. u» c. 6; et Vindex philologique
sur VHiêi. phitoM. orientale^ par Jean Le-
GLBBC.) Ce fut la première origine de ces
notions impies et superstitieuses que cer-
tains aliments sont mauvais do leur nature,
quoique d*autres soient toint>és dans la
même erreur par des principes diflérents,
mais aussi superstitieux, et que plusieurs
sectes modernes d'Indiens idolâtres, à
Texemple de leurs ancêtres, s'abstiennent
de toute sorte de chair, sur le principe de la
transmigration des âmes humaines dans les
bétes; quelques-unes de la chair seulement
de certaines l>étes qu'elles regardent comme
consacrées à leurs fausses divinités. Dans
l'empire du If ogol et ailleurs, cette supersti-
tion est portéeà un tel excès d'extravagance
parmi quelques sectes d'Indiens, que si tel
ou tel animal a touché quelques-uns d'entre
eux, ou a été jeté sur lui par malicei tout le
monde le fuit comme un homme souillé,
et le livre pour être mis en esote^age, etc.
Les hérésies des trois premiers siècles
étaient souvent un mélange d'opinions nou-
velles et des superstitions de la philosophie
orientale. Les gnostiques de plusieurs clas-
ses différentes commencèrent à troubler l'Ê*
glise sous le règne d'Adrien, selon les té-
moirages de saint Clément d'Alexandrie
iSirom.^ 1. Tii, c. 17, p. 896, R99); leurs er-
reurs avaient commencé d'éclore beaucoup
plus tôt, comme il paraît dans la première
Epilre de saint Jean (xi, 18), dans la pre-
mière à Timothée (vr, 10), et celle aux Co-
loss. (il, 81 ; mais elles furent comme étouf-
fées |>ar la prédication des apôtres, tant
qu'ils vécurent. (Foy. Thomas Imoius, De
hmretiarchi» œvi apoMioUei et proximi ; Til-
LBM05T, etc.) Plusieurs de ces gnostiaues
ensoigcaient la doctrine des démons, uont
parle saint Paul, et défendaient aux hommes
de se marier, comme de s'abstenk des yian-
des et de* plusieurs autres choses qu*ils di-
saient mauvaises de leur nature. (/ Tim.
IV, 3.) ]>ans les âges fiostérieurs, ces blas-
phèmes se reproduisaient cbex les narco-
Dites, les manichéens, les paulianistes, etc.
Saint Paul condamne cette abstinence su-
perstitieuse, è cause du motif qui l'avait
inspirée; mais non l'abstinence qui se prati-
que en nie de mortifier sa chair, de faire
pénitenee et d'obéir à TEgliseï ou pai quel-
que antre motif louable et religieux; d'ail-
leurs lorsque le même Apôtre dit (/ Cor.
X, 35) : Mangez de tout ce qui $e vend an
marché^ $ans vous informer a où il vient ^ par
inquiétude de eonseieneef il parle évidem-
ment de toutes les choses qui avaient pa>
être offertes aux idoles, et gu'il était permis
de manger dès qu'on n'avait nul scrupule à
ce sujet, et qu'on ne le faisait pas dans un
esprit de superstition. Lorsçjue Jésus-Christ
a dit (Matth. xr. H), que rien de ce qui entre
dans la bouche ne souille rhomme^ il entend
que, dans les aliments que nous prenons, il
n'y a pas de souillure qui se communique à
Tâme el qui la corrompe ; mais il ne veut
pas que nous appliquions ces paroles aux
^ûnes commandes par Dieu et son Eglise ;
leûnesdont la transgression souille et blesse
Vâme, non qu'il y ait corruption dans les
aliments qui nous sont interdits, mais parce
Îue nous violons le précepte de l'obéissance,
insi, dans l'ancienne loi, un juif se serait
souillé en mangeant du sang et de la chair
de pore; ainsi nos premiers pères se souillè-
rent-ils dans le paradis terrestre, en man-
geant le fruit qui leur avait été défendu.
Fauste le manichéen en appela au jeâne
de TEglise catholique pour justifier l^bsti-
nence superstitieuse de certaines viandes
ou nourritures , comme mauvaises en elles*
mêmes, que prescrivaient les lois de sa
secte. « Vous garder le earême, disait-il, vous
vous abstenez de vin el de chair sans tom-
ber dans la superstition. » A quoi saint Au-
Sustin répondait que , s'abstenir ainsi pour
ompter la chair et pour le bien spirituel de
son âme, était un devoir imposé par l'Eglise
catholique; mais que, s'interdire tel ou tel
aliment, dans la persuasion qu'ils étaient
impurs et non l'ouvrage de Dieu, c'était !s
doctrine des esprits de mensonge. (L. xxx
Contrm Faustum^ cb. 3 et 5.)
Avantages tit fruits du jeûne. — Nous som«
mes tous pécheurs, tous par conséquent
obligés à faire pénitence, vertu essentielle
au christianisme ; or^ le jeûne est une partie
de cette dette que nous avons contractée
envers la justice divine; c'est lé doctrine de
l'Ancien et du Nouveau Testament, celle de
tous les saints, et la tradition constante de
l'Eglise; c'est encore un moyen nécessaire
pour soumettre notre chair, surmonter nos
inclinations déréglées et subjuguer nos pas- ^
sions; c*est un préservatif contre la rechute;
c*est-un sacrifice par lequel nous faisons de
nos corps une hostie vivante; c'est enfin une
voie sôre pour nous dégager des liens qut
nous attachent au monde, et acquérir k
Eût de la vie intérieure. « Jeûnez, dit saint '
sile, parce que vous avez péché ; jeûnez
encore pour ne plus, pécher. Le jeûne vous
acquittera envers Dieu pour les péchés que
' vous aurez commis, et vous rendra victo*
rieax des attaques de l'ennemi, qui vous ten-
tera pour vous en faire commettre de nou^
veaux. ]^ C'est l'intempérance qui, avec Tor-
gueil et la désobéissance, a précipité nos
^, premiers pères et toute leur postérité dans
i'ablme du péché, cau^e fatde des maux
N5
JEU
PICTIOMNAIRE
}EU
11$
sans nombre sous lesquels nous gémissons.
Il a plu à Dieu de nous préparer, dans sa
miséricorde, un excellent remède à ce vice
dans la sainte pratique du jeûne, et de nous
en faire un cbâtimeut roloniaire qui pût sa*
lisfiire» au moins en partie, à sa justice ou*
tragée. Jésus-Christ, élanl vrai Dieu et ?rai
homme, prédestiné par son Père à la ré*
demption du genre humain» a pu seul lui
faire une digne réparation pour le moindre
péché. Par ses mérites et ses souffrances,
dont la p)us petite a étéd*une valeur infiniet
il a satisfait surabondamment pour tous ceux
du monde entier. Mais, pour que le fruit de
ses satisfactions pût être appliqué à nos
âmeSy en réparatioi de nos erimes, il exige de
nous cette conditioo,que nous nous condam^
nions nous-mêmes i subir quelque peine qui
en soit la punition» et qu^en portant ses mor-
tiGcations dans nos corps, nous devenions
ses copies vivantes. 11 faut, comme le ré-
pète souvent saint Augustin, que le péché
soit punii^ ou eu ce monde par des châti-
ments de notre choii, ou par des vengean*
ees bien plus sévères que nous fera subir la
justice divine en Tautre. La contrition, si
elle est sincère, renferme essentiellement la
résolution de faire une pénitence satisfac*
toire qui ait quelque proportion avec nos
pébhésy en nous imposant nous-mêmes quel-
que pénitence volontaire. Le pardon du pé-
ché n'en est pas moins un don tout gratuit
de la miséricorde divine, parce que» ni nos
propres œuvres, ni même celles du monde
entier,, ne peuvent jamais satisfaire pour un
seul péché, quelque léger qu'on le suppose,
séparées de la grâce du Sauveur. C'est uni-
quement par la pure bonté divine, avec les
mérites infinis du sacrifice de Jésus-Christ,
notre Sauveur, que notre pénitence, avec
toutes ses conditions, peut nous conduire k
ce bonheur; conditions qui sont elles-mêmes
un don de cette bonté toute gratuite et un
fruit de la grâce de Jésus-Christ. Prétendre .
obtenir par d'autres voies la rémission de
nps péchés, ce serait vouloir l'impossible,
dit saint Augustin, parce que ce serait vou-
loir renverser les lois et les décrets immua-
bles de la justice divine.
Dn pécheur , saintement pénétré de com-:
ponction et de repentir de ses péchés, doit
donc s'armer d'inuîgnation.contre lui-même,
punir sa chair criminelle de ses propres
mains, et exécuter sur sa personne quelques-
unes des rigueurs que mérite le péché, s'il
veut désarmer le bras de Dieu ; sans cela il
ne peut échappera ses coups, soit dans cette
vie, soit au jour terrible cle sa colère. Il ne
faut qu'ouvrir les saintes Ecritures pour se
convaincre de la vérité de cette doctrine, par
les exemples frappants qu'on y trouve en
grand nombre. Les Niniviles avaient pro-
voqué le ciel contre eux , le bras de Dieu
était près de renverser leur ville et de les
écraser, lorsqu'à la prédication de Jonas ils
rentrèrent eneux-même^. CoQuneotledésar-
menl-ilst En secondamnantàunjeûnerigou-
reuxqu'ilsobserventavecla plus grande fidé-.
lité. Ifs poussent vers le ciel de grande cris do
douleur et oc regret, et Dieu, toucbé, fléchi
Iiar leurs œuvres,satisfait de les voirsoriirde
eurs voies criminelles, oublie toutes leurs
abominations, et retire son bras sans en
avoir frappé un seul. Dieu exhortait-il k la
pénitence son peuple par la bouche de ses
prophètes : Revenez à moi de iout votre eemr^
disait-il, dans lejeûne^ demi le$ gémitetmmU
et dam le$ larme». David , et après lui, les
saints pénitents de l'ancienne loi , eurent
Ions recours à Dieu par le jeûne ot la prière.
La nation juive avait*elle irrité la colère de
Dieu, pour l'apaiser, elle joignait toujours
le jeûne aux autres anivres de pénitence.
Saint Jean -Baptiste, le modèle et le grand
apôtro de la pénitence , envoyé au monde
pour le préparer à la venue du Rédempteur,
passe sa vie dans le jeûne et dans la prière.
« La pénitence sans le jeûne, dit saint
Basile, est vaine et infructueuse. Voulons-
nous satisfaire h la justice divine, offrons-lai
des jeûnes et des larmes. » Serions-nous
assez aveugles pour nous croire exempts de
péchés ou entièrement purifiés de ceux que
nous avons commis ? Toute notre vie, au
contraire, ne nous accuse-t-ellepasau tribu-
nal de notre conscience , et n avons-nous
fas des iniquités sans nombre k expier?
échés de malice , de fragilité , de commis-
sion, d'omission, de négligence, d'ignorance;
péchés do pensée , de parole , d'action , qui
ont souillé notre esprit et toutes les facultés
de notre âme, nos sens et tous les organes,
ot tous les membres de notre corps; péchés
contre tous les commandements peut-être,
et contre les obligations de notre état;
péchés contre Dieu, contre le prochain,
contre nous-mêmes ; péchés secrets, péchés
publics, péchés de scandale, péchés person«
nels et péchés d'autrui dont nous avons été
les complices ou l'occasion volontaire; pé*
chés auxquels nous ne pensons jamais,
Krce que l'habitude de les commettre et
ffection que nous y avons nous les fait
dissimuler a nous-mêmes, tant nous nous
laissons séduire à nos passions , mais que
Dieu saura bien révéler au dernier jour.
Péchés enfin que nous avons multipliés à
rinfini, depuis que nous avons commencé à
connaître Dieu, et qui surpassent le nombre
des cheveux de notre tête. Quelle pénitence
avons-nous faite toutefoisjusqu'ici,elquelle
pénitence faisons-nous encore? Hélas! si
nous comparons nos faibles efforts avec les
maximes de l'Evangile, avec la rigueur dfis
saints canons , la doctrine des Pères de 1*8-
glise , la vie et les austérités des saints pé^
nitents de tous les siècles , combien nous
nous trouverons loin de nos devoirs? Com-
bien nous aurons lieude trembler pourootre
sort étemel , si nous considérons sérieuse-
ment notre tacheté et lïoduigence arec
laquelle noua nous traitons? Avons-nous
même jamais commencé la pénitence qui
nous est si expressément commandée par
la loi de Dieu, et sans laquelle Netre-Sei-
gneur nons déclare que nous périrons tous?
Nous nnarchens sur le bord de réteraité;
chaque jour nou3 vojtonsde nos prêches» d^
ff7
OrASGKIISXS.
JEU
fis
DOS «Dis , de nos coneitojens sarpris par
la mort, el tomber, lorsqu'ils s'y alleodaieot
la moins , dans cel aMme. Notre loor Tien-
dra bîenlÂt, et, sortis aoe fois de eette terre
que nous habitons, c'est sans retour et pour
toujours. Dès lors plus de temps pour faire
péoitenee. Hâlons^nous donc de satisfaire k
la justice divine pendant que nous sommes
dans la Toîe. Ce$i «me rAese korribie^ dit
TApAlre, f «e de tomber emire lee wuiins du
Dieu vivani , mvmui d'&oobr etpaéeéMa colère et
regufméête mieirieordeM pur de di§me$ firuiiê
Quand nous n'aurions pas de péchés k
eipier par le jeûne, dont Jesus-Cbnst et son
El^ise nous ont lait un précepte, ce serait
toojjours un moyen nécessaire yiour nous
fortifier contre les tentations et les dangers
qui nous exposent continuellement k pé-
cher. L'homme a été créé dans la justice;
mais, par la d^béissance de notre premier
f »ère, la chair aTec seê concupiscences, qui
étalent parfaitement soumises k Tesprit
«Tuot sa chute, s*est tellement révoltée
contre lui , les puissances de notre âme se
eont tellement affaiblies, que, déchus des
prérogatives de la justice originelle, noua
eémmea devenus des esclaves de nos sens.
De ik cette guerre continuelle de Thomme
contre Thomme; sans cesse en butte aux
attaques de cette partie sensuelle de nous-
mêmes, que saint Paul appelle la loi de ses
nemtires, il est devenu son propre ennemi,
#t de tous les ennem-s, le plus dangereus.
De Ik celte vérité prononcée par lAfidtre
saint Jacques : Ckaeitn têt tenté par sa pro^
ptro eoneupiscence^ gui l'emporte et Venirahu
dutu le ma/ ; et eneuiie^ quand la concupi^
êeemee a eonçu^ elle enfante le péché. Celte
!3i, ou cette révolte de la cliair, se forltlio à
proportion de la facilité avec laquelle on
cède k ses mouvements , jos(|u*è rendre la
victoire de nos habitudes vicieuses, une
fois contractées, si difficile, que, selon TE-
crilure, on n*en peut venir k bout qu'en se
faisant violence k soi-même, qu'en crucifiant
cette même chair avec ses désirs et ses
penchants déréglés. Or, ce désordre étant la
suite de Tintempérance du premier homme.
Dieu nous a prescrit la vertu contraire k ce
vice, comme une partie nécessaire du re-
mède dont dépend notre guérison, et comme
on moyen auquel il a attaché les grâces
victorieuses qui nous fbnt triompher de nos
ennemis. €*est donc pour nous une oblige*
tion de pratiquer la tempérance, de mettre
un frein k nos inclinations , c*est-k-dire de
ne rien accorder k celles qui sont mauvaises
ou dangereuses ; et il est bon même de nous
r jfnser souvent k celles dont Tobjet est per-
mis et innocent, de peur de leur laisser
prendre trop d'empire sur nous. C'est pour-
quoi le précepte de la sobriété nous est si
fortement recommandé dans les livres saints,
et représenté comme faisait partie de cette
armure spirituelle sans laquaue notre perte
étemelle devient inévitable.
Saint Paul prend ici pour exemple la dis-
cîyline aévèra et rabstinence rigoureuse
Ï n'observaient autrefois les athlètes qui,
ans les jeux de la lutte ou de la course,
aspiraient aux prix. Combien plue, dit-il ,
d^ome-nouM ueer eobremeni de toutes choee»^
pour courir avec eueeêâ dans la carrière des
vertue ckrMetuus^ ei çagner la couronne in^
corrmtiblef Loin qu'il se crut dispensé, par
les pénibles et longs travaux de son aposto-
lat, de combattre et de souffrir coolÎDuelIe-
ment, il ajoutait : Pour moi, je coure^ et ce
n*e$t pae au hoêard ; je combats^ et ce n*e$t
pa$ en Voir que je combate: nuiie je traite
rudemeni mon eorpe^ ci je le réduis m ser-
vitude^ de peur qu'ayani prêché aux autres^
je no sois moi-même mm réprouvé. Quoique
favorisé des grâces les plus extraordinaires,
quoique confirmé dans toutes les vertus,
auoique épuisé de travaux et de souffrances,
désespérait de remporter la victoire sur
ses ennemis invisibles, s'il ne leur opposait
les rigueurs de l'abstinence et du jeûne.
L*ennemi du salut nous poursuit de toutes
parts, et jamais il ne nous donne ni trêve ni
repos. Si quelquefois il parait endormi, c'est
pour exciter contre nous la plus violente
tempête, au moment où nous y pensons le
osoins. Si nous traitons trop bien notre chair,
c'est un ennemi domestique que nous armons
contre nous-mêmes. Ce/tM, dit l'Esprit-Saint,
qui nourrira délicatemeni son serviteur dis
son enfance^ le verra ensuite se révolter contre
lui. hi encore, st vous conteniex votre dmo
dans ses désirs déréglés^ elle vous rendra te
jouet et la joie de vos ennemis.
Les pécheurs d'habitude se plaignent de
leurs passions et de leur extrême difficulté
k s'en rendre maîtres, mais comment ne
voienl-iis pas que ce qu'ils appellent un
inalbeor est uu crime qui fait leur condam-
nation? Qu'opposent-ils aux fureurs de leurs
ennemis? Ce genre de démon, dit Notre-$ci-
gneur, ne se repousse que par la prière et le
jeûne. Et quelle a été la conduite de ce divin
modèle? Tout invulnérable qu'il était, avant
de se mesurer, pour ainsi dire, avec le ten-
tateur, il se prépare au combat en consacrant
quarante jours au jeAue le plus rigoureux,
et k une prière continuelle; voulant nous
apprendre par Ik comment nous devious
nous-mêmes nous mettre en défense contre
les assauts de notre ennemi. 11 n'avait -pas
besoin pour sa personne d'un jeûne si aus-
tère. Tous ses sens, toutes ses facultés obéis-
saient parfaitement k la souveraine raison,
et k la sainte volonté de son Père; mais il
s'est soumis k cette grande pénitence, pour
relever notre courage, et |K>or sanctifier nos
îeûnes par le mérite des siens; c'est ainsi
que, comme notre chef, il répand la propre
vertu de sa pénitence dans tous ceux qu'il
connaît pour ses membres. Plein de com-
passion pour nos misères spirituelles , non-
seulement il nous a procuré ces puissants
secours au prix de son incarnation adora-
ble, de ses souffrances et de sa mort ; mais,
Toyant notre répugnance et notre lâcheté k
les mettre en œuvre , pour les guérir, il a
voulu boire lui-même le calice jusqu'k la lie.
Pouvait-il mieox nous engager a l'acce^ei de
fl9
JEU
UCTIONIKAIRE
JEU
$a main, comme Funique remède à nos
uiaux ? Quelles actions de grâces ne lui de-
vons-nous pas pour un lel excès de bonté ?
Va combien devons-nous nous confondre
if avoir si peu fait iusqu'ici, soit pour la répa-
ration de nos pécnés, soit pour soumettre la
chair à Tespritl Quoil notre médecin se
condamne lui-même au traitement le plus
sérèrBf parce qu'il le faut ainsi pour notre
çuéiîson ; il pleure » il s'afflige pour nous;
et nous, malades, languissants jusqu'à ne
pouvoir plus recouvrer la santé par les re-
mèdes et les secours humains, nous cher-
chons à nous réjouir, au milieu des dangers
et des misères qui nous environnent 1 Loin
de sémir et de pleurer avec notre charitable
médecin, nous ne pensons qu*à satisfaire
nos inclinations déréglées ! Conduite bien
étrange et bien insensée! L'exemple de Jé-
sus-Cnrist, notre Rédempteur, notre Roi et
notre Deu, son tendre amour, son extrême
commisération pour nous, n'auront pas assez
de pouvoir sur notre cœur, pour nous faire
accepter avec empressement la coupe amère
qu'il no se contente pas de nous présenter,
après l'avoir préparée de sa main miséricor-
dieuse, mais qu il a voulu lui-même goûter
Je premier I Pour regagner la santé du corps,
nous avons bien le courage de nous soumet-
Ire aux ordonnances les plus rigoureuses,
nous avalons tout ce qu'il y a de plus ca-*
pable de nous provoquer au vomissement,
nous endurons le fer et le feu. Ne souffri-
rons-nous donc rien pour rappeler nos Ames
à la vie de la grÂce, et les établir dans Theu-
reux état de gloire et d'immortalité pour le-
quel Dieu les a créées à son image? Ne fc-
l'ons-nous rien pour Jésus-Christ après que
Jésus-Christ a tant fait et tant souffert pour
nous ?
Avec le? armes spirituelles que nous offre
ce Dieu de bonté, Içs saints ont triomphé de
leur chair, du monde et du démon. C'est à
la pratique du jeûne qu'ils doivent les vic-
toires dont ils recueillent les fruits dans le
ciel. C'est le jeûne, joint à la prière, qui,
dans tous les temps, a donné aux justes la
force de^ marcher constamment dans les voies
de l'innocence et de la vertu; à des milliers
de nénitents, celle de se relever parfaitement
de leurs chutes, et de rompre entièrement
les liens qui en faisaient ^aulant d'esclaves
du prince du monde, pour rentrer en grâce
avec Dieu et redevenir ses enfants bien-ai-
mes. Saint Jean-Baptiste, ce modèle parfait
d'innocence, avait été sanctifié dès le sei-n
de sa mère; par un don extraordinaire du
ciel, toutes les vertus avaient jeté des raci-
nes si profondes dans son âme dès l'enfance ;
il avait acquis un empire si absolu sur ses
sens, que, selon la pensée hardie de saint Gré-
goire de Nazianze, il sentait aussi peu les ré-
voltes d9 la chair que s'il eût été un pur es-
prit. Toute sa vie cependant fut an jeûne
continuel , et le ieûne le plus austère. Sa
nourriture, dans le désert, n'était qu'un peu
de miel sauvage, avec quelques sauterelles
desséchées qu*il trouvait le long des collines
où il habitait; et; Jorsqu'il se montra pour
disposer les peuples, par la pénitence, k .'i«
vénement du Messie, Jésus^ristditdelui
qu'il était venu ne mangeant ni ne buTaol;
ear la nourriture qu'il donnait à son corps
était si peu de chose, et d'une qualité si
grossière, qu'à peioe pouvait-on l'appeler
une nourriture. Il en était ainsi de son vê-
tement fait de gros poil de chameau. Sans
logement, pour se ^rantir des injures de
l'air, il n'avait pour lit que la terre nue.
Tant qu'il vécut dans le désert, il n*eut
point d'autre occupation que la coDtem-
platiOn et la prière ; c'est-à-dire que, daos
son corps mortel, il menait sur terre une
vie toute angélique et toute céleste. Mais
pourquoi, avec tant de sainteté et dnv
nocence, fait-il donc une pénitence si dure
et si continuelle? Pour conserver le trésor
de son cœur, la grftce et lâchante; pourfor-
tifier son âme contre les dangers de faire
naufrage ; pour faire de sa vie entière uo
hommage et un sacrifice perpétuel au Dieu
de toute sainteté; pour nous apprendre eoGn
quelle doit être la nôtre, et ce que c'est que
laire pénitence. Ce qu'il prêchait avec toute
la force de sa voix animée de l'esprit de
Dieu, il le prêchait bien plus éloquemmeot
encore par ses exemples; prédicatioo su-
blime, toute muette qu elle était. Il n'en est
pas de plus propre pour nous faire rentrer
en nous-mêmes, et nous inspirer les plus
sérieuses réflexions; car si celui qui jouit
d'une sainteté parfaite , devons-nous dire
ici, avait besoin d'un traitement si sévère,
quel doit donc être celui de l'homme ma-
lade? Si un des plus grands saints que le
ciel ait donné à la terre, châtie son corps si
rigoureusement, que fera le pécheur qui,
fiar de longues habitudes du mal , vil dans
'esclavage de ses passions et de ses sens?
Tous les saints ont embrassé la pénitence
avec ardeur, et nous la redouterions, nous
qui peut-être avons vécn presque toujours
dans le péché, et nous la fuirions cooimele
plus grand des roauxl
Le jeûne est un remède nécessaire pour
recouvrer et conserver la santé de Tâme;
mais ce n'est pas le seul avantage que nous
eu retirons ; nous devons le considérer com-
me une pratique qui sanctifie nos corps et
les consacre au Seigneur. C'.est proprement
par la prière que nous lui faisons hooQQMgo
de nos âmes; c'est par la tempérance et le
jeûne que nous lui sacrifions et déîouoos
nos corps: nous lui devons non-seuleooent
nos cœurs, mais encore tout ce que nous
sommés et tout ce que nous avons. Puisque
nous tenons tout de lui, il est juste que nous
reconnaissions son domaine universeletaln
solu sur nous, ^r l'oiïrande de tout ce 9111
fait partie de nous-mêmes, qu'il n'y ait rieo
en nous qui ne soit au service de sa souve-
raine majesté. De là cette belle exbortMioo
de l'Apôtre: Je voutt conjure^ me$ frères, f^
la divine miséricorde^ a offrir vos corps à
DieUf comme une hoitievivante^ saiiUeit opt-
able à ses yeux^pour lui rendre le culte reà'
eonnable que tou$ lui devez. Il appelle ce sa-
crifice un culte raisonnable, pour nous iàm
fil
JEU
D'ASCEnsilE.
1£U
«Si
yoir eombien il surpasse les sacrîfioes char-
nels des animaux qu*on immolait à Dieu dans
le temple des Juifs ; combien, par couse-
qnent, il doit être pur et pariait. Nos corps
sont devenus. |)ar le grand mystère de Tiacar-
nalion, membres de JésusCbristet les temples
YiTantsdttSaint-Esprit. Quel soin ne de tous-
nous pas avoir de les purifier et de lesorner
de toutes les vertus? Si nous avons eu le
malheur d'en foire des instruments d'iniqui-
té, il laot nous présenter à lui comme des
victimes que nous lui avions dérobées, com«
me des morts ressuscites, destinés à le glo-
rifier sur la^ terre par une vie sainte et irré-
K[>chable, en attendant que nous ajons le
uheur de le glorifier dans son royaume
étemel ; et voilà ce que nous ne pouvons
Jaire, selon la doctrine de Jésus-Christ notre
maître , qu'en lavant nos âmes dans les lar-
mes de la pénitence, çu^en crucifiant le vieil
liomme, qu'en détruisant en nous le corps du
péché , qu'en mortifiant nos membres qui
sont sur la (erre, et en les mortifiant aussi
longtemps que nous sommes eir»osés à re-
toniber dans l'esclavage du démon et sous
Tempirede notre chair; car il n'est pas d'au-
tre voie de sanctifier nos corps et de les ren-
dre digues d'èlre* offerts à Dieu comme au-
tant de vaisseaux, qui, tout fragiles qu'ils
sont ici-bas, seront un jour transformes en
gloire.
Jusque dans l'état d'innocence, nos pre-
miers parents, tandis qu'iU consacraient
leurs Ames à Dieu par la prière, en reçurent
ordre de lui faire, par Tabsliaence, un sa-
crifice continuel de leurs corps; le seul com-
mandement positif qu'il leur imposa dans le
liaradisfut de ne point manger du fruit de
Tarbre qu'il leur dési^^ua; circonstance d'où
SL-Aiiibroise, St.-Basile, SL-Jérôine, Su-
Chrjrsostome et autres Pères de l'Eglise ont
pris sujet de relever le mérite et la vertu
du jeûne, en observant que c'était la plus an-
cienne et la première des lois positives que
Dieu eût adressée aux hommes. Mais cette
loi est devenue beaucoup plus étendue et
plus nécessaire depuis que le péché a per-
verti notre nature, puisque Dieu en a fait
un remède à nos maux; il nous promet qu*il
aura la propriété, non-seulement de guérir
les plaies du péché et de fortifier notre fai-
blesse, mais encore de nous obtenir et tous
les secours de sa grâce dans cette vie, et la
gloire éternelle. Si tous jeûnez dans le se^
crei^ dit Notre-Scigneur, voire Père^ qui voii
ieui ce qui esi caché dans les ténèbres^ vous
récoaspensera au grand jour. Samson et Sa-
rouel furent le fruit des jeûnes de leur mère;
Ssra dut A*ses jeûnes de se voir délivrée du
démon. Quels merveilleux effets du pouvoir
da ieûne, dans Daniel, dans Judith, dans
Sstberl La prière et les jeûnes étaient l'hom-
mage et le service continuel qu'offrait au
Seigneur dans le temple celte sainte veuve
dont saint-Luc lait l'éloge dans TEvangile.
C'est par le jeûne enfin que lant de saints
ermites, dans les déserts, devinrent la ter-
reur de l'enfer, et un spectacle digne des
complaisances de Dieu et de ses anges. '
Le jeûne a surtout la vertu de dégager;
nos cœurs des choses de la terre, des liens*
de nos passions, et de nos attaches auxcré-*
aturés. L'intempérance appesantit Pâme, lui
met comme des entraves oui l'empêchent
de marcher dans la voie au salut, la rend
toute terrestre, toute chamelle,, toute ani-
male; la jette dans une telle stupidité qu'el-
le devient presque incapable d'aucune fonc*
tion spirituelle; le jeûne, au contraire, dé-
barrasse ses affections, lui donne des ailes
pour prendre son essor au-dessus des cho-
ses de la terre, la dispose merveilleusement
à recevoir le don d'oraison et de contem-.
plation. Moïse et Elie se préparent aux en-
tretiens qu'ils eurent avec Dieu par un jeû-
ne de quarante jours. Ce fut après on jeûne
de trois semaines que Dieu révéla à Daniel
les plus profonds mystères. Ce fut par le
jeûne que les Macaire, les Antoine, les Pa-
cûine parvinrent è cet esprit de prière et k
cette union continuelle avec Dieu, qui en
fit des anges terrestres.
Tous les saints ont été remarquables par
leur attachement et leur assiduité au jeûne;
plusieurs l'ont pratiqué toute leur vie, et Â
un tel degré de rigueur et d'austérité, qu'elle
semblait être un miracle continuel; ils ne
mettaient d'autres bornes è leurs mortifica-
tions, que celles d'un besoin indispensable;
aujourd'hui une vie si pénitente passerait
pour indiscrétion; mais c'était prudence, et
la prudence de TEsprit-Saint. Ce n'est pas
toutefois un modèle à proposer au commun
des Chrétiens, et rien, à la vérité, ne serait
plus blâmable ni plus dangereux, que de
prétendre marcher dans les mêmes voies,
sans avoir des marques certaines d'une ins-
piration extraordinaire, sans prendre conseil
des hommes les plus éclairés, et sans avoir
fait auparavant de longues épreuves de ses
forces ; car il en est très-peu aujourd'hui
qui soient capables d'imiter les vies d^s an-
ciens solitaires; mais au moins leur ferveur
doit-elle nous couvrir de confusion et ioi-
poser silence à noire délicatesse, lorsque
dès mortifications qui en méritent k peine
le nom excitent nos plaintes et nos mur-
mures. Nous ne pouvons ignorei que, selon
les maximes de le sagesse étemelle et les
oracles de r£sprit saint, tout ce que nous
entreprenons dans l'ordre du salut ne peut
que tomber en ruine, s'il n'a pour fonde-
ment l'humilité et l'abnégation de nous-
mêmes. Comme il faut que le grain jeté en
terre meure avant que de porter son fruit,
de même il- est nécessaire que nous mou-
rions à nous-mêmes, c'est-k- dire que nous
réprimions nos sens et notre volonté, que
nous sachions régner sur nous-mêmes et
sur nos passions, avant de porter les fruits
des vériubles vertus. Ce ne seront que des
feuilles ou de mauvais fruits, tant que nos
bonnes œuvres seront flétries par le soulQe
empoisonné de l'amour-propre, de la vanité
et de la ret'herche de tious-mêmes. Aussi
tous les vr!iis serviteurs de Dieu, dans l'an-
cienne comme dans la nouvelle alliance, ont
été à la poursuite de la vertu par la pratique
9i»
JjBU
DICTiOfflUlllB
JEO
a^sidae et la sévérité de leurs jeûnes, quoi-
que toujours rétftée |Mir la s tgesse et la dis*
crétio ; de là reropire qu'ils sTsient sur
leur chair; et la facilité avec laquelle ils
s^adonnaîeot à la prière et à la cootempla-
tion. Nous avons vu plus haut que Jésus-
Christ annonça è S9s disciples qu'ils jeûne-
raient régulièrement, lorsqu'il ne serait plus
avec eux sur la terre. Les disciples de saint
Jean étaient connus |)our rigides observa-
teurs du jeûne. Lesréchabilesqui héritèrent
de leur forme de vie du vertueux Jonadab, un
de leurs patriarches, sous le règne de Jébu,
H qui, pour la sainteté de leurs moeurs,
firent admis au rang des portiers du temphs
et des chantres des divins cantiques, sous
Tinspeclion de la tribu de Lévi, s'abste-
naient constamment de l'usage du vin. On
ne peut guère douter que plusieurs autres
sociétés de Juifs consacrés parliculièreiuent
au service de Bien, et connus généralement
sous le nom d'Atêidéem^ ne fussent distin*
{^ués par leur abstinence. Les Nazaréens
aisaient vœu, les uns pour quelque temps
limité, les autres pour toute leur vie, de ne
boise jamais ni vin ni rien de ce qui eni-
Tre. Les pharisiens , sans jeûner risou-
reusement, n'auraient pu avoir Içs dehors
imposants de sainteté qu'ils affectaient. Je
jeûfiê deux foie la lematne, disait Tun d'en-
tre eux, enflé de la vertu dont il n'avait que
les apparences. Bans tous les siècles, les
serviteurs de Bieu ont fait du jeûne une de
leurs œuvres principales, surtout dans les
temps de l'année plus spécialement consa-
crés à la prière et è la pénitence, croyant
ne pouvoir offrir à Bieu de ferventes prières»
si le jeûne ne les accompagnait. Quand les
Juifs eurent été défaits par Tes Philistins, «n
punition de leurs péchés, Samuel leur im«
posa un jeûne, pour apaiser le Seigneur
irrité contre eux. Bavid jeûna, lorsque l'en-
fant qu*il avait eu de Bethsabée tomba dans
la maladie dont il mourut. Thumiliaii mon
âme par le jeûner dit-il, en parlant de sa pé-
nitence, et ailleurs, lorsqu'il était persécuté:
Je me suis couvert d*un $ac en teûnant^ et
fai pris un ciliée pour mon vêtement; et
encore: âfes genoux iont affaiblie par le
jeûne. Le saint roi Josaphat eut recours,
dans les dangers où il se trouva, au jeûne
et h la prière. Esdras, dans les jours de
pénitencct usa du même moyen d*apaiser le
seigneur. Ce fut par le jeûne et la pénitence
que rimpie Achab détourna les coups de la
colère divine. Ce fut par lo jeûne et là
prière que Nébémie obtint de Bieu le prompt
rétablissement^des Juifs après leur capUvilél
Ce fut par le jeûne c|ue Judith et les Juifs
de Béthulie se rendirent le cIhI favorable
contre Tarmée d*Holopherne« Esther, dans
les JQurs de pénitence et d'afHiction, où
elle s'occupait du salut du peuple saint, hu-
miliait son corps par le jeûne ; et afin d'atti-
rer les bénédictions du Seigneur sur les
vœux et sur les efforts qu'elle faisait en fa-
veur de ses frères, elle lui offrait avec ses
ropres jeûnes ceux de ses servantes el de
'anJochée. Tobie, par ses jeûues» ses au-
mônes et séi prières, mérita une asiislaoce
miraculeuse du ciel ; de là, la parole de raoïn
Raphaël : « La prière, le jeûne et raoniAne
valent mieux que tous les trésors. • Dieu,
par ses prophètes dans la loi ancieDDe, par
ses apôtres sous la loi nouvelle, et par la
bouche même de son Fils, non content do
nous recommander le jeûne avec instance,
nous marque les conditions nécessaires pour
le sanctifier et le rendre agréable i ses
yeux. La vie des ap6tres et des premiers
Chrétiens était comme un jeûne perpétuel.
Nous voyons dans le* EpUres de saint Paul
qu'il jeûnait souvent, et qu'il exhortait les
tidèles h rimiter dans ses travaui, ses
veilles et ses jeûnes.
L'Ejglise n'a même pas cru indigne d'elle,
en faisant cette institution, de faire eolrer
dans ses motifs le salut corporel de ses en-
fants. Comme rien n'est meilleur pour con-
senrer la santé, qu'une grande sobriété,
souvent il arrive que le jeûbe devient le re-
mède le plus efficace pour la rétablir ; c'est
par le jeûne habituel que la plupart des Pè-
res du désert, dont la vie austère nous
étonne et nous effraie , conservaient une
santé vigoureuse , et prolongeaient leur ?ie
pendant un siècle entier, jusque dans les
climats brûlants où la vie humame est ordi-
nairement plus courte que dans les pavs
plus tempérés et plus froids. Saint Paul,
premier ermite, a vécu cent treize ans; saint
Antoine, cent cinq; saint Euthymius, quatre
yinfft-quinze; les deux saints Hacaire, saint
Paphnuce, saint Sabas et saint Jean d'Egypte,
prés de cent ans; saint Arsène, cent vingt;
saint Jean le Silentiaire, cent quatre; saint
Tbéodose , abbé , cent cinq» Jacques, ermite
de la Perse, dont parle Théodoret, cent
quatre, etc. Josèphe (nous apprend que les
esséniens étaient remarauables par leur
longue vie (car un grand nombre vivaient
cent ans ); et qu'ils en étaient redevables à
la simplicité et à la sobriété de leur régime.
Du pain et une sorte de bouillie ou de gruaa
faisaient toute leur nourriture. Il en était
ainsi des anciens philosophes, Démocrile,
H ippocrate, etc.
Les maladies qui nous arrivent le plus
fréquemment sont occasionnées par une trop
grande réplétion de Testomac , qui surchar-
geant les facultés animales , empêche le li-
bre exercice de leurs fonctions ; ou par les
3ualité$*vicieuses du sang, par les sucsoal
igéréset mal cuits, effet ordinaire de qad*
ques excès ; par les propriétés malignes de
la nourriture qui , oppressant les organes^
la digestion, et engendrant de funestes ol^
tractions t ou d'autres dérangements dâos la
pariie du corps la plus délicate , minm
sourdement la constitution la plus robuste,
et la rendent incapable d'user efflcaceoeet
des remèdes; ce qu'on remarque ^oujm
dans les maladies d'épuisement • plus dim*
ciles à guérir que toutes les autres $earu
s'agit alors de rétablir ce qui est perdu o«
tout, usé » c'est k dire d'en venir qaelqoeio»
à une sorte de nouvelle création : au moi^
il
ti5
ICQ
D*ASCETUME.
lEQ
t»
est-ce une entreprise toujours plus difficile,
une œuTre bien plus longue ei plus lente
que de dé'îvrer le corps de ce qui est nui-
sible, el le purger des humeurs étrangères.
Le remède à tous ces maux est certaine*
ment rahslinonce,ru<(age des mets farineux,
préférablemenl & la chair des animaux ; car,
quoique celle ci fortifie datantage, lorsqu'elle
est prise avec modération, ses sels produis-
sent aisi^^ment les obstructions, et forioeni
des sucs grossiers doù nati dans le sang un
princi|>e et un rice scorbutique , qne ^er-
haaTe appelle avec raison une légion de
maux tous également dangereux. Quoique
les végétaux farineux trop verts, et qui n'ont
pas Bsseï de fermeté , le poisson , la chair
salée ou fumée , les eaux mauvaises è lK>ire ,
un sol humide et voisin de quelques eaux
stagnantes, une vie sédentaire enfîn, soient
des causes fréquentes de scorbut , il faut re«
marquer rependant que notre avidité pour
)a chair des animaux contribue k nous faire
contracter cette maladie, beaucoup plus que
le défaut de salubrité dans 1 air que nous
respirons. Or il est constant par Texpérience
que le meilleur moyen de la guérir et de s'en
préserver, c*est l'usage des végétaux les plus
sains, surtout les anti-scorbutiques, et
dans le printemps • lorsque les herbes sont
fraîches et d*un suc pur.(royes HALLBa,yAii-
swiETEN sur BoerhaarCf etc.) Il fautcepen*
dant en excepter les salades froides et les
végétaux pour les faibles tempéraments,
parce que ees sortes de plantes ont les fibres
trop fortes |M)ur être broyées et digérées
sans une action vigoureuse et un jeu pé*
nible de Pestomac. Le docteur Arbuthnot
observe très-judicieusement que quoique la
régularité dans Theure des repas, une grande
tempérance dans la quantité et Tusage des
aliments les plus simples , soient la prin-
cipale chose a recommander pour la santé
du corps, il vaut mieux cependant se per-
mettre une latitude et une variété raisonna-
ble , que de s'assujettir trop servifementtà
un ré^me toujours^uniforme, ce qui pour-
rait faire tellement dominer certaines hu-
meurs, ou gêner le tempérament , que la
plus petite variation lui deviendrait funeste :
Témoin Pexemple qui se trouve dans les
Expérienceg philosophiques d*un ecclésiasti-
que d'Angle!erre, qui , étant asthmatique ,
n'avait , depuis plusieurs années, rien bu
que de chaud, mais qui, dans un voyage,
ayant bu un vf^rre de bière froide, fut saisi
d*un mal violent qui l'emporta au bout de
quelques heures. Boerbaave remarque que
la meilleure nourriture est la plus farineuse,
comme le froment , le riz , le mais ou blé
de Turquie , pourvu qu'il soit d'uue bonne
espèce et bien mûr. Il met au même rang ,
les panades qui se font avec du pain bouilli,
an moins trempé dans Teau , dans du gruau ,
du lM>utllon léger etc. ; du lait , pourvu qu'il
9e se caille pas sur l'estomac» comme il ar-
rive souvent. Dans quelques cantons de Tir-
lande , on voit beaucoup d'habitants qui ne
vivent presque que de pommes de tj^rre , et
«angeot do paio très-rarement , jouir d'une
parfaite santé et avoir on tempérament ro-
buste. Dans les Indes, parmi les peuples
qui ne se nourrissent jamais de chair , ceux
S|ui ne vivent que de rix sont minces et
aibles de com^dexion , mais fort sains , ont
les organes et le sentiment plus vif que les
autres peuples, comme le rapporte M.
Grosse dans son Hiiioire. La dilierence du
tempérament nous indique souvent le choix
que nous devons faire en particulier des
aliments qui nous conviennent le mieux,
sans nous y astreindre trop scrupuleuse-
ment; mais en général, et dans toutes les
situations de la vie , la tempérance est la
meilleure de toutes les précautions. L'eau
est le premier de tous les digestifs , et on
excellent véhicule des sucs nourriciers que
nous tirons de nos aliments , parce qu'elle
est tout ensemble le fluide le plus pur et le
dissolvant de sa nature le plus actif. Cest la
boisson la plus ordinaire de la plus nom-
breuse partie du genre humain, cependant
la grande partie des petits insectes ooni elle
est remplie , en été, peut quelquefois être
dangereuse , à moins qu'ils n'aient été dé-
truits par le feu, en la faisant bouillir. Son
extrême fluidité est mortelle aux bjrdropi-
ques dont les fibres sont relâchées ; incon-
vénient auquel on remédie heureusement
en Angleterre, en la mêlant d'une médiocre
quantité de bière faible. Il v a dix-huit siè-
cles que César y trouva établi l'usage de
cette boisson. La bière forte, par sa visco-
sité , retarde la circulation du sang, etc.; le
vin , sefon l'opinion universelle , est de tous
les cordiaux naturels, le plus agréable t
quand il est devenu boisson ; mais ce n*est
proprement pas on digestif. Les héros de
Tantiquité les plus vaillants et les plus ro-
bustes ne buvaient que de l'eau. 11 serait
aisé de faire voir la vérité de totit ce qu*on
avance ici, par l'expérience de tous les siè-
cles , et par le témoi^age des philosophes
et des médecins anciens et modernes les
filus expérimentés. Le docteur Cocchi , cé-
èbre médecin de Florence, en Italie • dans
son ouvrage intitulé . Du régime de Pytha*
gore , ou manière de se nourrtr des végétaux
selon les principes de Pyihagore^ montre que
ce grand philosophe a recueilli et transmis à
la postérité les préceptes qu'il a jugés les
plus propres à nous faire jouir de la tran-
quillité de Tesprit et de la santé du corps.
Il no mangeait que deux fois le jour, selo»
la coutume générale de son temps ; au ma-^
tin, prenant seulement alors dupaiu en |ie-
tite qjantité , et à souper, qui était un re-
Gs lort modéré. Il n'accordait pas d'autre
isson que de l'eau , défendait en général
de manger de la chair; mais il mangeait et
accordait aux autres, pourvu que l'usage
n'en fût pas fréquent , certaines viandes
légères, comme poulardes , chair de che^
vreau , de veau , de jeune cochon de tait ;
il interdisait les ceuis et même les fèves »
quoique farineuses , parce que c'est un ali-
ment venteux. 11 était défendu d'en user aux
prêtres de Jupiter et de Cérès, chez les
Grecs et cheï les Romaios. Aristote les coo-
M7
jEr
DIGTIONNAIRE
JEU
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dnmne com.mo généralement très-roalsaîns»
et de nature à causer des coliques , ce qui
était plus ordinaire dans ces climats éloi-
gnés que dans les nôtres. Cocchi observe
qtie les fèves et autres graines vieilles et bien
sèjhes sont très-nuisibles , à moins qu*elles
ne soient mises en poudre infusée dans du
bouillon ou autre liquide. Le même philo-
soplie recommande beauconp les autres vé-
gétaux , ainsi que le tell et le miel. Tous les
médecins conviennent uu'un régime exact »
comme et lai-<;i» est préférable à tousjes
remèdes » et qu'en général , ceux qui savent
i^observer» préviennent beaucoup de mala-
dies. Au contraire,, un grand usage de la
chair est pernicieux k la santé comme h
démontre Plutarque (De valetudine): Ma-
crobe (xvii. Satumal. c. 47), et plusieurs au-
tres anciens. A la vérité , ceux qui passent
leur vie à des travaux du corps rudes et
pénibles , ont besoin d^une nourriture forte
et abondante » et ils la digèrent plus aisé-
ment que les hommes de^lettres qui tra-
vaillent uniquement de l'esprit. Il faut aussi,
plus d'aliments dans les pa^s froids que
dans les climats chauds. Lés jeunes person-
nes, comme celles qui ont un faible tem-
pérament , ne doivent pas jeûner trop long-
temps, mais il faut qu'elles prennent une
nourriture très- modérée, et qu'elles usent
d'aliments simples , amis de leur estomac ,
sans y mettre beaucoup de variété. Cette
méthode, loin de nuire à leur santé , leur
conservera la vigueur du corps et de l'es-
prit, préservera les maladies auxquelles on
8*expose'par le défaut de sobriété, guérira
même celles qui auront été contractées , et
qui n'auront pu céder h tout l'art des re-
modes. •
Nous en avons un exemple dans Louis
Cornaro, noble Vénitien, qui joignait à un
grand esprit des connaissances fort éten-
dues. A Tflge de trente ans, il se trouva
réduit par ses intempérances h une santé
si épuisée, c'est-à-dire è une telle compli-
cation de maux, à des douleurs d'estomac
si fréquentes , accompagnées souvent de
douleurs de côté, à une (ièvre et une alté-
ration si continuelles qu'il essaya de toutes
sortes de remèdes, et consulta tous les plus
habiles médecins pendant l'espace de cinq
ans, sans trouver le moindre soulagement.
Arrivé à sa quarantième année, et voyant les
médecins désespérer de sa vie, il prit le
Eartide tenter ce que produirait l'abstinence,
'expérience lui eut bientôt appris la faus-
seté de ce proverbe des gourmands*: (^ue tout
ce qui plaît au goût est bon et nourrissant ;
car il avait beau aimer les meilleurs vins frais,
les melons, les laitues toutescrues, le poisson,
la viande de porc, les saucisses, les gâteaux,
la croûte de p&té et d^autres choses sembla-
bles, tous ces aliments lui étaient fort nui-
sibles. Il y renonça donc , se borna unique-
ment à ceux qui convenaient le mieux à
son tempérament, et il en usa encore avec
tantde modération, qu'il demeurait toujours
au-dessous de son appétit. 11 en vint à ne
prendre que douze onces de nourriture par
jour. Avec ce régime Jl fut en peu de temps.
si parfaitement guéri de tout ce qu'il souf-
frait , que son rétablissement parut aux
médecins une sorte de miracle. A force de
continuer, il réussit à recouvrer toute la
vigueur et toute la santé qu'il avait perdues
depuis tant d'années. En butte à toutessorles
de vexations de la part de quelques ennemis
gni lui suscitèrent un procès contre toute
justice, il soutint cette épreuve jusqu'au
bout. Quelques-uns de sesaniis, au contraire,
dépositaires et compagnons de ses peines,
en ressentirent un chagirin auquel ils suc-
combèrent enGn, après avoir lutté quelque
temps contre la maladie de langueur et de
consomption. Chose étonnante, tout le far-
deau pesait sur lui principalement, etcepcn*
d«ntsa ssDté n'en rut point altérée; ce qu'il
attribuai la bonté naturelle de son tempé^
rament qui, délivré une fois des humeurs
vicieuses que son corps avait contractées,
reprit de lui-même ses premières forces, et
triompha des impressions de la mélanrolie,
q-ue ses amis ne purent vaincre. A Tâgede
soixante-dix ans, sa voiture ayant versé, il
fut blessé grièvement à la tête et dans toot
le corps», jusque là qu*il eut un bras et une
jatnbe disloqués. Les médecins» qui ne loi
donnèrent que trois ou quatre jours de fie,
opinèrent pour la saignée et la purgalioD;i!
sy opposa, déclarant que son genre de rie
sobre et modéré le dispensait de recourir *t
ces remèdes; il voulut seulement qu*un Ici
remtt le bras et la jambe, et qu'on oign::
d^uile tout son corps, ce qui le guer.:
entièrement, et vérifia le proverbe itai r :
« Mange beaucoup qui mange peu, mm i
propos ; mangere pîu, qui mancho numgu.»
et encore : « Ce qui reste sur le plat ;r i:
plusquece qui entre dans le corps;/a;-i
pro quer che si lascia sut iondo , dû fM
che si met net ventre, » Cornaro dati si
soixante-quinzième année, se laissaDln:-
ere aux instances de ses amis , ajouu icn
onces par jour à sa nourriture ordiri*-
Us.jugeaient cette addition nécessaire i * :
grand Age. Il prenait donc chaque joork:'
onces d*alimeuls pesés dans la balac:^ ;.
consistaient partie en pain et bo
patie en œufs ou un peu de chair. Ai
de quatorze onces de boisson, il eo :rE
seize. Ce prétendu soulagement loi :t' •
funeste. En dix jours de temps, qz :■
eût conservé j'usque là toute sa gaîfti i-
relle, il tomt>a dans une mélancolie :•
rendit insupportable aux autres H
niôme: le douzième jour, il fut sxis..
douleur de côté, et deux jours Mprta^ -^"
que d*une fièvre qu^il garda jusqu'il * -
cinquième; il n'er\ fut guéri encort r^'
son premier régime. Dès lors i:— '-
douze onces de nourriture et à qshi ~
boisson. C'est hii-mëme qui noa^tty'
au'à la faveur de celte règle* ^*
t ensuite une loi invariable, il vr:-
jours, depuis cette époque, d«:ï& ^r •
faite liberté d'esprit, et sans aucsri - -
dans le corps. A quatre-vingt-tn i* ^
montait aisément à cheval, sc-^ •
teo
IfASGETISME.
leo
V^
I
if '
besoin a aucoo secours pourVappojer, ni
de marchepied. On ne le voyait jainais ef-
frayé, ni de ia hauteur des étages dans les
naisons, ni de celle des collines dans les
campagnes ; il montrait toujours une humeur
é^Ie et eojouéoi se plaisait dans la ooo'^
Tersation des hommes de lettres, lisait et
écrirait beaucoup ; vivant ta.nt6t à Padone
oi^ il possédait une grande maison et de
beaux jardins ; taotAt h quelqu'une de
ses maisons de campagne. Ses heures
d'amusement étaient employées & des plans
d'architecture, à peindre, h faire des pièces
de musique, è ragriculiure, à faire dessécher
des marais» à construire des églises, et h
j rassembler les personnes pieuses |iour y
faire honorer Dieu par la prière. Dans sa
qu3tre-vinçt-cinquième année* il composa
une comédie pleine de feu et de traits d'es-
prit. Il fit aussi un Traité sur la iempértmetf
où il fait son histoire. Il avait alors onze
petits fils, tous jouissant d*une parfaite santé,
cnfanis de même frère et de même mère.
Tant qu'il vécut , il continua d'avoir un
bon sommeil, et conserva avec toutes ses
facultés spirituelles la même vigueur de
corps ; car toute sa vieillesse se passa sans
aucune maladie, jusqu'à celle qui Tenleva
à Padoue en ISSS, et qui fut de très-courte
durée, comme presque sans douleur. Sa
mort fut si paisible , et il la reçut avec
tant de calme, tant de sérénité, étant plus
cjue centenaire, que loin d*avoir rien d'ef-
frayant, elle ne parut rien autre chose qu'un
doux passage à rimmortalilé. (Foy. son ou-
wrage sur ta tempérance, traduit en latin
par Lessius, et le récit que fait de sa vie
DeTaoc; Uû/., t. XXXVlll; JiSTnuici
et Bekbi, Uiii. veniL^ etc.) Son épouse, qui
n'était pjs moins âgée que lui, lui sur-*
vécut.
Léonard Lessius, savant jésuite, avait été,
dans sa jeunesse, abandonné par les méde-
cins, tant il dépérissait de jour en jour et
donnait peu d'espoir de se rétablir; mais
ajant pris pour modèle* du moins en quel-
que degré, la sobriété de Coroaro, et sui-
vant avec exactitude le régime toujours égal
de sa communauté, il reprit tellement ses
forces, et peu à peu devint si vigouroux
iresprit et de corps, qu'il vécut soixante-
neui ans. Il mourut à Louvain en 1623; on
a de lui un ouvrage sur le moyen de con«
server sa santé et de vivre longtemps, dans
lequel il fait voir que la tempérance est la
mère de la santé, et garantit de beaucoup
d'indispositions et d'infirmités qui naissent
de la plénitude d*bumeurs ou de mauvaises
digestions; outre qu'elle rend les meurtris-
sures et autres accidents extérieurs moins
dangereux, adoucit les maladies incurables,
diminue les souffrances qui précèdent la
mort, modère les passions, maintient la
bonne disposition du corps et des sens, mais
plus encore la vigueur de l'esprit et de la
mémoire. Bile est enfin le fondement et la
base de la vertu, comme l'observe Gassien.
(Lfb. V Ik Gasirimargiaf c. ii et 17.) Aussi
tous les saints qui ont travaillé à construire
la tour spirituelle de la perCBdioo évangéli«>
que ont commencé par devenir sobres.
{Voyex Lessius De valetudine iueuda; Alb-
«AMBB, De Mcripioribus i% socieiaiig m Let-
jno.) Il en coûte d'abord pour contracter l'h^
bitude de cette vertu et pour surmonter l'ha-
bitude contraire; mais celle ci est-elle une
fois vaincue, on est bien récompensé de ses
efforts par le plaisir qu'on goûte h se trou-
ver roattre de ses sens, et par les fruits in-
comparables qu'on en relire. Non-seulement
la tempérance conserve la santé et rend le
besoin d'appeler les médecins fort rare ; mais
la plupart des indispositions, surtout celles
qui viennent rie replétion, se guérissent par
le jeûne, de tous les moyens de décharger la
nature et de les soulager, le plus facile et le
plus naturel. La nature toute seule est ca»
pablede réparer les forces qu'elle a perdues,
et de rétablir l'usage des facultés corporelles.
L'art des médecins sert uniquement à lever
des obstacles qui empêchent l'exercice de
ses fonctions, et retardent la guérison du
malade. Ordinairement jeûner un ou deux
jours équivaut h une médecine, et ^érit
d'une manière tout à la fois plus salutaire et
plus efficace. Entre t>eaucoup de personne*
d'une vie très-réglée que j'ai connues, j'en
ai vu un grand nombre, surtout dans les cou-
vents, parvenir i une grande vieillesse, sana
avoir jamais en besoin du secours des apo-
thicaires et des médecins. Elles s'étaient fait
une loi , quand elles se sentaient indispo-
sées, de s'abitenir île leur Aourrilure ordi-
naire un ou deux jours, et même plus, jus-
qu'à ce qu'elles eussent recouvré leur |ire-
mier état. Si quelquefois les austérités ont
épuisé de bous tempéraments, il faut en
cnercher la cause ou dans des jeûnes exces-
sifs, ou dans des circonstances particulières,
comme une mauvaise nourritiire , un chan-
gement trop subit de la manière de se gou-
verner, rbumidité du lieu qu*on aura habité
(chose toujours dangereuse), trop peu de
{précautions dans le passade du ch«.nd an
roid,etc. C'est dans les communautés régu-
lières ce qu'on remarque le plus souvent à
l'égard des personnes qui, nées avec une
constitution vigoureuse, parviennent à uoe
grande vieillesse, sans perdre rien ou près-
que rien de leur ardeur et de leur vivacité
naturelle.
On sait combien était austère la vie des
ermites de l'Egypte et de la Palestine. Quel-
ques-uns se coutentaient d'une petite quau-
bté de fruiU, d'herbes ou do légumes;
d'autres d'un peu de pain. L'abbé Moïse,
après 'avoir mûrement pesé les différentes
r^es' monastiques, soit en elles-mêmes,
soit dans l'expérience qu'on en avait faite,
donna la préférence h celle qui accordait à
chacun par jour deux biscuits ou deux petits
gâteaux; ce qui, pris ensemble, faisait. à
peine une livre, poids de ^oae onces, sans
aucun assaisonnement, ni autre nourri turcf
et qui plaçait le repas è none, c'est-à-diro
à trois heures; et aux jours de jeûne, au
coucher du soleil. {Voyez Cassieh, Insiitui.t
c. f 9, 21, etc.) Que la diète soit un remède
VA
JEU
mCnONNAIRK
JEU
K^
fénéml contre les maladies les plos commo-
nes, et mdme contre les plus funestes indis»
I positions, que Tabstinence et la tempérance
a plos slricle soii la mère de la saïUé et le
plus sftr moyen de prolonger ses Jours,
c^estce que dénionlre i'eipérience de tous
les Ages et de toutes les nalions; expérience
k laquelle se joint le témoignage et ropinion
Jetons les médecins. Il faut observer toute fois
que le changement dans la manière detivre
ne doit pas être subit, mais graduellement
ménagé. Ceux qui ont vécu dans l'abocH
dance» et qui devenus sobres, sont exposés à
«*écarler quelquefois de leur régime i en
vivant dans ie monde, agiront prudemment
de se borner aux végétaux, ou de se près*
crire une sorte de régime habituel. C'est la
remarque du docteur Arhuthoot contre les
préceptes rigoureux du docteur Cheyne.
Candilioni qui doivent accompagner h
jeûne. — 1* L'aumône. Le jeûne pour opérer
tout son fruit, ne doit jamais ôtre seul, nous
devons autant que possible^ y joindre Tatt**
roône, la prière, et autres bonnes œuvres
dont nous sommes capables. Rien n'a plus
de vertu pour toucher le cœur de Dieu el
iiQus obtenir ses grâces en abondance, que
d^ouvrir nos mains aux indigents, pour re*«
oonntttre, honorer et imiter sa bonté infliniey
€ft de répandre dans leur sein une partie des
iiicns temporels que nous avons reçus de sa
libéralité; c*est là comme la clef do sts tré«
sors. Voulons*nous solliciter ses miséricoN
des, commençons par exercer la miséricorde
envers nos frères, et montrons an tendre
empressement à les soulager dans leurs
besoins. Dieu veut bien régler sa propre
conduite sur la nôtre, et il est généreux k
notra égard h nroportion de notre générosité
envers le jirocnain; et en vérité, nous con*
viendrait-il d'implorer la clémence du Dieu
tout'^puissant et tout bon, si nous n'avions
que de l'insensibilité et de la dureté pour les
autres? L*ange qui ap^^rut k Corneillet
lorsqu'il jeûnait, lui annonça que Dieuavait
vu ses aumônes, et entendu ses prières avec
complaisance. Ce fut k la faveur de celles-ci
et k la générosité de celles*lk, jointes au
mérite oe ses jeûnes, qu'il dût le miracle par
où il fut conduit k la connaissance de Jésus-
Christ et k la lumière de la foi; choisi de
Dieu comme pour être les nrémices do la
{[•'Utilité incorporée k son Rglisc, et ouvrir
es portej du salut k toutes les nations
étrangères nui n'étaient pas de la race d*A«*
braham. Toiite, dans les instructions qu'il
laissa k son Gis, s'étend particoliàremeili
sur la nécessité de faire l'aumône, et sur les
grands fruits qu'on en retire. L'ange qui
conduisit ie jeune Israélite dans le pays des
Mèdes, lui recommanda, après son retour,
de ne )Miaia séparer rauroône du jeûne et
de la priévB. Son^nez'toue^ lui dit-il, fut to
prttre aeieêmpÊgnée du jeûm ei de f aumône
taul miimm qm iauêlu tréêarêf aar Vaumdn^
délivre de la «lerl, e^eet eile fut efface lee
péehéê ei aui fait trouver la nmérieorde et la
vie étemelle. C'est encore la seule espèce de
jèûuv k laquelle Isaie promet le suffrage de
Dieu et ses récompences ; aussi l'Eglise non,,
exborte-t-elle k la pratiquer fidèlement, par
les paroles de ce prophète : Rompex totrt
riin â ceuœ qui ont /oim, ouvres votre mttton
ceux oui ioni pauvres ei ne savent eu $t n
iirer; toreque voue verres un honme nuy
eouvrex-le^ ei ne méprieez pue votre profrt
chair. Hermas, qui écrivait peu rie temps
après les apôtres, dit que : t Tout ce qu'on
épargne en jeûnant doit être la part des paa-
vres. »II ajoute i « Si vous observes )ojeAn«
comme je vous le prescris, votre sacrifice
sera agréable au Seigneur, et voire jeûne
sera écrit au livre de vie. • Celte maxîœed?
donner aux pauvres ce qu^on relrauche de sa
nourriture, ou l'argent qu'on épargne aux
iours de jeûne, es»t souvent inculquée dans
les écrits des saints Pères et dans les actis
des conciles, jusqu'au ttt* siècle et plus
loin, c'est-'^-dire jusqu'k ee que la délica-
tesse et la sensualité ayant fait de nos tables
autrefois dressées pour le besoin, des tahKs
de luxe et de plaisir, ont converti des jours
de frugalité et d'économie en des jours de
prodigalité, tant on fait en s'abstenant delà
cbair, de folles dépenses pour se satisfaire
encore plus, souvent, que si on ne faisait
pas d*ai)Stinence. Les Pères de l'Eglise Toi.t
môme jusqu'à dire que lo jeûne nous est
presque inutile sans l'aumône, dès que
nous pouvons la faire, a Jeûnev-vous sans
donner l'aumône, dit saint Chrysostoroe,
dès lors ce n'est plus un jeûne.»— «Le
jeûne sans l'aumône, dit saint Césaire
d'Arles, est un jeûne sans fruit et sans
mérite, k moins que vous n'ayez rien i
donner, car alors la bonne volonté suffit d^
vant Dieu. » Lo savant et pieux Théodul-
[>he, évèque d'Orléans, tient le niémelaogBge,
orsqu'il dit. « Quels avantages peut-on tirer
du jeûne s*il n'est pas soutenu et comine
porté au trône de Dieu par les ailes de la
prière et de l'aumône? » Et dans un aotre
endroit, voici comme il décrit la noanièra
d'observer le ieûne du carême. Après sToir
dit que ce n est point remplir la loi da
jeûne de manger k l'heure de none, ou de
prendre quelque nourritlire avant le soir,
il ajoute : « Que tous assistent le matioà la
messe, et k vêpres au cDucher du soleil i
qu'ils fassent ensuite leur aumône, et qu'ils
prennent leur réfection : quelqu'un ne
peut-il aller k vêpres, qu'il fasse la prière da
soir, et prenne son repas. Ceux» dit sslni
Léon (et c'est la doctrine des autres Pères )i
ceux qui ne peuvent observer le jeûne dans
toute son étendue, sont obligés de réparer
oe défaut en doublant la mesure deleur^
aumônes. »
2* La prière, La seconde vertu qui doil
accompagner lo jeûne, et la plus essentielle
de toutes, c'est la prière, mais une prière
humble et fervente; c est, de toutes les armes
d'un saint pénitent, la (dus puissante et \^
plus efficace ; e'est^k-dire qu'on doit d'abord.
s*i1 est possible, se rendre assidûment aui
offices publics de l'Eglise, qui sont propres
k faire nattre et à nourrir en nous les dispo-
sitions nécessairospour sanctifier nosjeAnes;
SsS lEU
Sue respril de componction doit être TAme
e tous nos exercices de piété ; que nous
deTODS employer plus de temps aui saintes
lectures, è l'examen de notre conduite inté-
rieure et extérieure, k la considération des
deroirs de noire état, k la méditation, surtout
à celle des souffrances de Notre-Seiçneur,
donnant une attention toute particulière k
DOS l>esoins spiriiuels les plus çressaots, à
notre passion dominante et a nos inclinations
les plus dangereuses, enfin aux vertus que
Dieu ou notre Tocation exigent le plus de
nous. Le jeûne et la prière se soutiennent
et s*entr'aident muiuellement; la prière en-
tretient l*esprit de pénitence, et en(X>urage
k porter aTec joie leiougdujeûne; c*est une
nourriiure spirituelle, qui donne de la Ti«
gueur et de la force pour se priver de la
nourriture corporelle. D*un autre côté, le
jeûne rend l'âme propre k la prière, en la
dégageant de.loute attache aux ohoses de la
terre, de toute complaisance pour les sens,
el de la servitude du corps; il Taccoulume
a prendre son essor vers le ciel ; donne k
Tesprit une activité et une liberté merveil-
leuses,k l'entendementdes yeux clairvoyants
et capables de pénétrer les vérités les plus
impénétrables aux yeux charnels; lui soîj-
met enfin la chair, tout impérieuse qu'elle
est, et . la rend mattresse de tontes ses ré«
vol tes; car plus la chair est aBaiblie, plus
l'âme acquiert de force et décourage ; l'âme»
( nfin, se voit-elle affligée par les cliâtiments
dont la justice divine use souvent pour pu-
nir notre chair, .elle se répand alors avec
plus de ferveur en sentiments de regrets
et de repentir, en humbles gémissements*
en prières enflammées par la charité la plus
tendre ; c'est alors que, s'élançant vers Dieu,
•Ile le conjure de jeter un regard Civorable
sur ses misères; elle le fait dans ce langage
héroïque d'un cœur vraiment pénétré de
l'esprit de sacrifice, et prêt k tout souHrir
pour sa gloire.
3* Le reeueUtemmi si la soliiuie. Notre-
Seigneurs^est caché lui-même dans le désert,
pour nous montrer quelle doit être la vie do
ceux qui veulent se raogeravec ses disciples,
c'est-à-dire pour leur apprendre k s'éloigner
du monde et k se cacher, en quelque sorte,
dans la solitude, pour y vaquer k la péni-
tence et k la prière. Il n'est personne qui
ne paisse se ménager de temps en temps,
surtout le dîmanche* assez de loisir pour
s'appliquer aux œuvres spirituelles, et, dans
le cours même de son travail, prendre quel-
ques moments de silence et de repos, ne
serail-c^ que pour élever son cœur k Dieu
et former qaeiqnes saintes aspirations: la
solitode est l'asile de rinnocence; c'est k
son ombre que k vertu a cherchéy ctaos toa^
les temps, k se mettre k couvert de la conia-
gioo du siècle ; c'est Ik où on recouvre la
grâce, si on a eu le malheur de la perdre,
el où elle prend tous les jours de nouvelles
forces; c'esl le paradis terrestre où l'âme
converse librement avec Dieu et respire l'air
pur du del; c'esl le s^our après -lequel
D*ASCmsilfc
doit soupirer tout Cfarétieni dans les temps
de prière et de péuit nce. Ces saints solitaires
et ermites qui, séparés du monde* vivaient
moins comme des hommes que comme des
aoçes, s'enfonçaient bien avant dans Ij re
traite; ils s'ensevelissaient pour ainsi dire
dans les irous des rochers ou dans les forêts
les plus épaisses, pour se rendre Inacces*
sibles k toutes sortes de visites et de distrac-
tions du dehors. Témoins saint Siméop Sly«
lite, saint Euthvmius, saint Cuthbert et
autres, dont le vénérable Bède nous dépeint
la conduite; et combien d'exemples sem-
blables, soit dans l'Orient, soit dans IXH;ci*
denlT Témoins encore les règles de tous les
ordres religieux, quoique tous ne portent
pas l'esprit de retraite au même degVi^ de
perfection, et ce qui se prati<}ue encore au-
jourd'hui dans les congrégations réformées
de Cluny, du Hont-Cassin, de Saint-Vannes^
de Saint-Maure, etc.
4* La canfeaion et la cesmimiafi. Sous le
nom d'auniAnes sont comprises toutes les
œuvres de miséricorde et toutes les autres
veri'js qui ont le prochain pour olifet» selon
la doctrine universelle des saints Pères»
comme sous le nom de prières, tous led
exercices de piété et de religion, surtout la
confession et la commumoo fr^uentes^
avec de saintes dispositions.
Dîfpositiane iniérieuree pour le jeûne, —
Nos jeûnes sont saints et méritoires devant
Dieu , k proportion des dis|K>sitions du
cœur dans lesquelles nous les pratiquons.
Car ils peuvent être des vices ou des vertus,
selon Kintention qui les accompagne ou le
motif qui les inspire. Le jeûne des religieux
mahomélans est superstition; celui des
brachmanes indiens est idolâtrie ; celui d'S
pharisiens était vanité et hypocrisie; celui
des avares, nui regrettent le pain qu'ils
mangent, est bassesse; celui du (;ourmandt
qui, esclave de son corps, ne jeûne que
pour jouir plus amplement du plaisir de la
table dans un festin, est gloutonnerie dé«
gradante. C'est en jeûnant par esprit d'o-
béissance, de religion et de pénitence, qu'on
ennoblit son jeûne» et qu'on s*enrichit des
grands biens qu'apportent avec elles ces
trois vertus. Mous devons en premier lieu,
{'eûner en esprit d'obéissance k Dieu et
i son Eglise. En second lieu, pour former
nos âmes k la prière et k la contemplation,
faire de nos corps de pures victimes d'a-
mour, d'adoration et ue louanges qui ne
vivent plus que pour sa gloire. Nous devons
{'eûner enfin pour soumettre la chair k
'esprit, la réduire en sertitude, et punir
dans la chair les péchés que nous avons
commis par la chair. C'est surtout l'esprit
de pénitence qui doit caractériser nos jeûnes;
c'est de Ik que dépend tout le prix dé nos
confessions, de nos prières, de nos sacri-
Dces, de nos aomûnes, de nos privations»
en un mot, de tontes nos œuvres.
Premier degré de pénitence : renoncer sa
péché. — Le premier degré de cet esprit
9U
l£U
blCTlONNAlRK
lEU
de pénitence, et la première condition né-
cessaire pour sanctifier nos jeûnes, c*est de
renoncer entièrement au péché, et de faire
mourir famour déréglé de nous-mêmes,
source empoisonnée de toutes nos passions
et de tous les désordres dé noire esprit. Les
pharisiens jeûnaient, et ils jeûnaient très-
sévèrement; mais leursjeûnes étaient infectés
du vice de l'hypocrisie; et l'orgueil et la
corruption du cœur qui les accompagnaient
en faisaient moins des Œu?res de salut, que
des œuvres de réprobation et de mort,
comme on le voit par les menaces terribles
que leur adressa Jésus-Christ. 'Des Juifs
avaient jeûné et affligé leurs corps dans les
temps de calamité ; lorsqu'ils se plaignaient
que Dieu rejetait leurs prières , la réponse
que Dieu leur fit était un i^proche sévère,
mais juste. « Je ne vous ai pas exaucés, leur
dil-il dans Isaïe, parce que votre propre vo-
lonté se trouve aux jours de vos jeûnes,
comme en tout autre temps. Vous jeû-
nez, et aveuglés par 'l'orgueil et poussés
par votre avarice, vous violez la charité en
suscitant contre vos frères des procès pleins
d'injustice. Au lieu de les traiter avec bonté,
vous les frappez avec une violence impi-
toyable; vous opprimez ceux aue vous de-
vriez soulager; vous formez K*5 soupçons
les plus téméraires; vous calomniez, vous
déchirez en secret les innocents; vous nour-
rissez en vous-mêmes la haine, la colère,
Tesprit de vengeance; vous vous laissez
aller à toute l'impétuosité de vos désirs
corrompus; esclaves de Tinlempérance, de
l'impureté, de l'animosité, de l'ambition,
vous êtes dominés par tous les vices. Est-ce
là le jeûne que je demande? » — « Vous
jeûnez, dit saint Jérôme, quel peut donc
ôlre le mérite de votre jeûne? C'est plutôt,
dit-il ailleurs, un martyre de vanité qu'une
œuvre de pénitence ; que les philosophes
insensés du paganisme se glorifient d'un
tel martyre. Dieu l'a dit : Mon esprit ne re-
pose que sur celui qui est doux et humble
de cœur. » — « Eht que sert à l'Ame, s'écrie
saint Léon, de gouverner le corps, de ré-
gner sur les sens, tant qu'elle est esclave
dans le cœur? Tandis qu'elle retranche la
nourriture au corps, ne faut-il pas qu'elle
retranche les vices qui l'entraînent, qu'elle
méprise SCS mouvement; déréglés, qu'elle
modère ses affections, qu'elle règne sur
elle-même. » C'est là, dans le langage des
Pères, le JL'ûne spirituel, le premier jeûne,
le jeûne essentiel, le jeûne ^perpétuel et
indispensable de toute la vie, de tous les
temps et de tous les âges; jeûne qui exige
de nous un redoublement d'application et
de vigilance sur nous-mêmes dans les jours
de pénitenca. « Et en vain, dit Sainf Au-
gustin, chercherions-nous à alléguer ici des
excuses en notre faveur, puisqu'il ne s*agit,
pour satisfaire à celte obligation, que de
le vouloir. » C'est donc à dire que tous nos
membres, nos yeux, nos pieds, nos mains,
que tous nos sens, toutes nos facultés, tout
ce qui fait partie de nous-mêmes, doit
prendre part à ce jeûne spirituel et inté-.
rieur, en évitant non-seulemeol le péci:\
mais toute occasion de péché. Il sagit de
contenir cette vaine curiosité qai Dons ei-
pose sans cesse à tomt>er dans les pièces
que le démon nous tend de toutes parts, en
la renfermant dans les objets qui font partie
de nos devoirs, ou qui sont de naturel
nous perfectionner dans la coanaissaoce et
Tamour de Dieu, ou du moins eo ne s'ap-
pliquant qu'à des choses sérieuses, a.ilesk
capables de nous conduire à lui. iPs agit de
tenir notre ima^^ination et nos pensées daos
une salutaire indépendance de la raisrn;
d'en arrêter iMnterapérance par un recueil-
lement et une sobriété habituMIe de Pes-
prit, sans jamais la laisser courir et s'^rtr
ni sur les objets qui flattent la vanité, l'ain
bition, la cupidité ou les autres passions,
ni sur ceur qui entretiennent rindoleoce,
la paresse et la dissipation. II s'a^t sur-
tout de courber et de réduire la voloDlé
sous le joug de l'obéissance, pour détruire
et crucifier cette attache à nos propres in-
clinations, qui est le principe ue notre or-
gueil, et comme la racine empoisounée de
tous nos vices.
Ne croyons pas que tout cela salEse en-
core pour remplir notre devoir dans loul^
son étendue; car, outre les facultés de notre
Ame, nous avons encore nos sens à régler et
à maintenir dans Tordre; nos jreui.enne
leur permettant pas de s'égarer incoosidéré-
ment çà et là, ni de jeter des regards indis-
crets et dangereux, mais en les gouvernant
de telle sorte qu'ils demeurent toujours sous
Temnire de la volonté, dirigée elle-mênie
par la raison; le sens du toucher, eo nous
gardant bien de tout ce qui ressent la mol-
lesse et la volupté. Il en doit être de mêmd
des autres. Si nous les accoutumons à porter
le joug d*une subordination juste et raison-
nable, nous parviendrons à nous eo rendre
les maîtres, et peu à peu nous acquerrons
sur nos passions un empire qui ne fera que
croître à mesure que nous avancerons vers
le tertne de notre carrière. €*est particuliè-
rement sur notre passion dominante qua
notre vie doit se porter, et sur celles de nos
inclinations qui nous ont fait tomber le plus
souvent dans le précipice ; soit, par eietn-
f>le, que ce soit la colère, la vanité, Tindo-
euce, Tintempérance, ou quelqu'aatre vice
aussi funeste. C'est une tnaiiroe que les
Pères de TËglise ne se lassent pas de répéter
dans leurs instructions. « Jeûner, dit saint
Jérôme, c'est principalement s'abstenir du
péché, car telle est la fin de l'institution du
jeûne, et tel doit être le frait de toutes tes
mortifications corporelles. Nous retranchons
sur le boire et sur le manger, pour compri-
mer la concupiscence de la chair, et rendre
le cheval plus soumis à son cavalier. Qao
celui qui jeûne apprenne donc, avant toutes
choses, à modérer sa colère, à être doux et
affable, à briser son oœur de douleur et d<
regret de ses péchés, à rejjousser tout désif
déréglé, à se montrer charitable à ses frères
et à les édifier par de bons exemples; qu il
soit humble, soumis, plein de mépris pour
57
JEU
D*A8CETISIiE.
JEU
! gloire de ce siècle. Le jeûne, dit -il en-
cre, remet TAme dans le calme, en bannis
»nt de ^'esprit toute inquiétude sur la
ournture du corps, source de mille soins
t de mille pensées tumultueuses. Quelle
raaquiliité dans cette grande ville depuis
lue tous ses mouvements en sont bannis 1
le compare le calme et le silence qui y règne
\ celui des tombeaux, et je la compare elle-
nêaie à une mère de fhmille chaste et sobre,
}ui voit tous ses enfants aussi chastes et
lussi sobres qu'elle. Quand je considère, en
étant çà et là mes regards, combien tous au-
ourd*bui sont différents de ce qu'ils étaient
lier, j'admire la force et la vertu surnatu*
-eiie du ieûne. Cette loi sainte, en se ren-
Unt maîtresse de nos Ames, a purifié les
KBurs et transformé les esprits et les pen-
ses des magistrats et des citoyens, du riche
i du pauvre , du çrec et du barbare. Il n'y
1 pas jusqu'à celui qui porte le diadème,
|ui no baisse la tète comme tous les autres
oos le joug de l'obéissance ; et aujourd'hui,
>tus de différence entre la table du riche et
lelie du pauvre. C'est la plus grande fruga-
ii4 dans les repas, et le luxe et le faste sont
Mnnisdepartout, On vient avec plus de plaisir
asseoir a une table servie avec simplicité,
[troD ne faisait hier à une table garnie des
itets tes plus délicats et des vins les plus
e cherchés, »
Second degré de pénitence : L'examen et
3 réforme de son intérieur. — Le second
e^ré de l'esprit de pénitence, et la seconde
^^ndition qui doit sanctifler nos jeûnes, e.st
H ode et la considération de notre intérieur,
u i comprend deux choses : la revue de
^>tre conscience, la recherche de nosde-
<> i rs. La revue de notre conscience est un
lamen sérieux et approfondi, dans lequel
ous nous rendons com{)te à nous-méuies
? (ouïes nos actions et de toutes nos in*
i nations déréglées, pour découvrir en nous
i^^u'aux péchés les plus cachés. Jamais on
i' doit le commencer sans avoir imploré
V iaruières de la grftce, et formé un désir
-< ^entde découvrir, sans nous rien dissimuler
n oas-mèmes, toutes les plaies que le péché
jmis a faites, afin que, par la sincérité de
•r^ repentir, nous puissions trouver grftce
i; très du Père des misériconics. Nous de-
I is ciamitier quelles ont été les occasions
iiiicipales c^ui nous ont fait échouer, pour
> éviter à l avenir, remonter à la source de
os passions dominantes; car c'est à elles
uMt faut imputer tous nos désordres. Sans
•Me })récaution, nous courons le plus grand
i^que de laisser nos cœurs esclaves de
iusieurs vices cachés, et de n'avoir qu'un
epentir fort équivoq^ue de nos égarements.
fous ne saunons croire combien la plupart
■^ hommes s'aveuglent à Tégard de leurs
.^^ious favorites, et jusqu'où ils se font"
;'ii5ipn sur l'état de leur âme. Souvent
'Mijuur propre les joue et les séduit jusqu'à
!• T'^ber entièrement à leurs regards leurs
no^rais les plus dangereux; delà, une
^ Jul^ence mortelle où il faudrait user de la
^^us grande rigueur. Combien peu au moins
DtcTioNN. o'AsciTisiiB. L
savent porter la sonde jusqu'au fono de
leurs plaisirs I D'où il arrive qu'au lieu d'y
apporter les vrais remèdes, ils se contentent
de les couvrir d'un palliatif qui les tranquil-
lise, et que ce sont toujours les mêmes in-
clinations, tocqours les mêmes vices, même
colère, même jalousie, même vanité, même
orgueil, même facilité à médire, etc. Vices
qui, loin de s'affaiblir, ne font que croître
t^us les jours, et qui ne meurent qu'avec
celui qui lés a contractés. Saint Bernard
avait Dien raison de faire cette plainte :
« Sous les dehors de la pénitence, on est
souvent esclave de l'amour-propre, et par
l'empire qu'onlaisseprendre dans son cœur au
désir dès biens ou des honneurs du monde,
on devient idolâtre , soit de la cupidité, soit
de l'ambition et de la vaine gloire. Voulons-
nous échapper à un si grand danger, portons
la cognée à la racine de l'arbre, et ne nous
bornons pas à en couper les branches. »
Quant a la recherche et à la considération
de nos devoirs respectif^, et de la manière
SL'il nous les faut remplir, la meilleure mé-
ode pour nous y appliquer plus facile-
ment et avec plus de fruit, c'est de réduire
tous nos devoirs à certains chefs, comme :
1* la prière publique et les saints offices de
l'Eglise; â* la pnère particulière, soit de
chaque semaine, soit de chaque jour, et à la
manière dont on la fait; 3" la méditation ou
lecture spirituelle, le sermon, lé caté-
ohisme, la sanctification des dimanchas et
fêtes ; k" l'examen du soir, général et particu-
lier, le sacrement de pénitence et le jeûne ;
5* la messe et la sainte communion ; O"" l'es*
prit dans lequel nous faisons nos actions
ordinaires, le lever, les repas, la conversa-
tion, les visites, la conduite dans les affaires
3ue nous avons à traiter dans les maladies,
ans le travail, etc.; 7* les devoirs propres de
notre vocation et de notre état, surtout
dans les principaux points qu'il faut exami-
ner en détail et successivement ; 8* les obli-
gations à l'égard de notre famille, des père
et mère, des enfants, de l'épouse, des do-
mestiques et des maîtres, des compa-
gnons, etc.; nos devoirs généraux de justice ,
de charité, de bienséance, de gratitude,
d'assistance, soit corporelle, soi t spirituelle ;|à
l'égard du prochain, les personnes que nous
devons fréquenter ou éviter, le soin avec
lequel nous devons cependant rendre à cha-
cun le tribut d'honneur que nous impose la
religion, enfin tout ce que nous avons à
remplir, et comment nous devons le remplir.
Voilà la matière de l'examen dont' nous
parlons ; et le moyen d'en retirer du fruit,
c'est (le former de telles résolu tîons et de
mettre dans le corps de nos actions un tel
ordr^, que toute noire vie soil TEvangile en
pratique et une image de la (Perfection chré-
tienne dont Jésus*Ghrist nous a laissé le
modèle dans sa personne et dans sa doc-
trine. Cet ordre pris une fois et ces résolu-
tions bien établies dans notre volonté, il
faut terminer cet exercice par les recom-
mander à Dieu, et lui demander humble*
ment, mais a^ec confiance et persévérance,
30
93»
JEU
DICTIONNAIRE
JEU
MO
la grAce de les mettre fidèlement en prati^
aue. EdGii» il manquerait quelque chose
'essentiel à cet exercice» si de temps en
temps nous ne le renouvelions nour nous
entretenir dans les dispositions ou il nous a
mis^ examinant, par exemple, une fois par
semaine, si notre conduite répond au plan
que nous ayons formé, ou si nous ne nous
relâchons point de notre première ferveur.
Troisième degré de pénitence : l'esprit de
componction. — Une autre partie de la péni-
tence, ou plutôt TAme de la vraie pénitence,
c'est la componction du cœuK et la douleur
d'avoir offensé Dieu, avec la ferme résolu-
tion de ne plus l'offenser à Tavenir. Sans
cette disposition, toutes les œuvres que nous
faisons sont un corps sans Ame, une ombre,
un fantôme, une pure illusion. Les Juifs et
les païens ont toujours pratiqué le jeûne en
signe de douleur et de tristesse, soit dans les
calamités temporelles, soit dans les peines
spirituelles, comme lorsque David s'affligea
pour la maladie de son enfant. Il faut en
dire autant des autres marques d'affliction
3ui étaient ordinaires parmi eux, comme
échirer ses vêtements, tomber en terre, se
couvrir la tète de cendre. Les Grecs et les
Romains témoignaient leur douleur de la
môme manière, soit lorsqu'ils avaient perdu
un ami, par exemple; soit lorsqu'il leur était
survenu quelque çrand malheur ; mais les
Chrétiens, comme T'observe M. Fleury, n'u-
saient de ces signes que dans les choses
spirituelles , comme pour manifester au
dehors cette tristesse qui opère le salut,
c'est-à-dire la douleur qu'ils ressentaient
pour leurs péchés. Le jeâne, parmi les Juifs,
était tellement le langage de la douleur et de
l'affliction^ que ces termes étaient comme
syuony mes, et s'employaient indifféremment
pour faire entendre la même chose. De là le
grand jeûne de l'expiation est appelé dans
TEcriture le jour où toui affligent leurs âmes.
De là, dans l'Ancien comme dans le Nouveau
Testament, le jeûne est toujours accom-
pagné des marques de la douleur, c'est-à-
dire de soupirs , de gémissements et de
larmes. Le jeûne, sans un cœur contrit et
humilié, est donc une hypocrisie , et celui
qui rappelle à sa mémoire les péchés qu'il
a commis, sans être touché intérieurement
de repentir et de regret, n'a ni le sentiment
de ses plaies, ni aucune disposition réelle à
la pénitence. Comme le péché est la^ plus
grande des calamités auxquelles Thomme se
trouve ei^osé sur la terre , celui qui s'en
est rendu coupable doit en concevoir le re-
gret ie plus cuisant, et ne peut l'exprimer
autrement aue par les signes de douleur les
plus sensibles. Une vile créature qui a*bien
osé se révolter contre Dieu , peut-elle lever
les yeux vers lui sans les baigner de ses
larmes? et peut-elle demeurer en sa pré-
sence, sans y prendre la posture la plus
humble, sans reconnaître, la face couverte
de confusion, qu'elle mérite d'ôtre précipitée
dans les abtmes éternels, oii ce n'est que
Î leurs etgrincements de dents? Voilà ce que
i^Qu lyû-inôme demandci par la Couche du
prophète Joël, des pécheurs qui veulent en*
trer en grAce avec lui. Contertieiez^^aus à
moi de tout votre cœur, dans les jeûnes^ dans
les larmes et dans les gémissements. C*est le
môme langage dans la bouche de ]*apôtre
saint Jacques : A ffligex-vous vous-mêmes par
une véritable pénitence; soyez dans le demi H
dans les larmes; que vos ris se changent en
pleurst et votre joie en tristesse; humiliez^
vous en la présence du Seigneur^ et il vous
élèvera. Mais ce que Dieu regarde surtout
dans le pécheur pénitent, c'est le changement
du cœur et la sincérité de son repentir, bien
plus que ses protestations et ses signes
extérieurs, quoiqu'ils en soient une suite
naturelle et qu'ils contribuent à nerfeclion-
ner les dispositions du dedans. C'est pour-
quoi Dieu nous dit encore par Joël : Dé-
chirez vos cmurs et non vos vêtements^ et
convertissez-vous au Seigneur votreDieu. Et
par Ezéchiel : Faites^-vous un cœur nouveau
et un esT^rit nouveau. C'est à cette sincère
conversion du cœur que Dieu invite les
pécheurs en tout temps. L'Eglise, dans les
gémissements qu'elle forme pour eux, leur
adresse, tout à la fois, en son nom, ses ten-
dres invitations, ses magnifiques promesses
et ses menaces les plus terribles. Chaque
i'our elle élève la voix de plus en plus pour
es ré veiller de leur léthargie. Dans un même
esprit et un même cœur, tous ces pieux en-
fants réunissent tous leurs jeûnes, toutes
leurs bonnes œuvres , toutes leurs prières,
toutes leurs larmes, les offrant à Dieu |K>ur
toucher les entrailles de sa miséricorde, et
aux pécheurs mômes pour émouvoir leurs
cœurs endurcis, et les excitera pleurera
prier, à jeûner eux-mômes, de peur ou 'ils
ne forcent enfin le Père des miséricoraes à
leur fermer son sein. De toutes parts, le son
de la trompette mystérieuse se uiit entendre
dans Sion, pour leur annoncer leur grAce et
leur salut. Le tonnerre des vengeances di-
vines gronde sur leurs tôtes coupables, tout
prôt, s'ils persistent dans leur rébellion
contre Dieu, à éclater sur eux et à les ré-
duire en cendres. Les voilà sur les bords de
l'éternité, et la mort , avec toute la terreur
des tourments de Tenfer , est à leur porte.
C'est peut-ôtre pour la dernière fois que IKev
leur parle. « Encore quarante jours, et Mi
nive sera détruite, i» Cette menace , sortie
de. la bouche d'un prophète, convertit toa«
à la fois une grande vule enflée de sa puis
sancc, de sa force et de ses richesses , se
roulant dans la boue des plus sales Toluptés
et de la licence la plus effrénée. Nous nous
flattons d'avoir fait pénitence; mais eette
pénitence a-t-elle produit des fruits dignes
d'être offerts à Dieu? Sont-ils de nature à
nous faire espérer avec fondement qa*ib
nous feront trouver grAce auprès du trftoo
de sa miséricorde? S il nous semble aToii
rompu depuis longtemps les liens qui nous
retenaient dans lepécné, avons -nous été
fidèles à remplir les conditions' d^uoe yrtie
pénitence? Notre ferveur eût-elle égalé oeUe
de David ou de Madeleine, et eussionsHDOUS
reçu les mômes assurances d^ notfe pirdoii|
941
JUS
D*ASŒT1S1IE.
ICS
Uï
les lois de l'amoar et de la recooDaissance
que BOUS devons à Dieu» la nature même de
la pénitence nous obligerait à ne jamais ou-
blier que nous Pavons offensé, et à ne cesser
jamais de pleurer nos crimes. D'ailleurs, nos
infidélités journalières et les fautes qui nous
arrivent sans cesse dans nos actions ordi-
naires (car» malgré toutes nos résolutions
et tous nos efforts, elles sont encore pleines
d'imperfections), se représentent conti*
nuellement devant nous, et nous reprochent
que nous ne sommes pas encore parfaite*
ment convertis. Notre amour-propre, qui se
mêle jusque dans nos exercices spirituels,
ear souyent c*est pour nous-mêmes que nous
agissons, plalôt que pour Dieu ; notre atta-
che à mille objets sensibles qui nous envi-
ronnent et auxauels nous nous laissons
séduire; Tespritau monde, qui se fait assez
Toir dans toutes nos inclinations et dans
tontes nos œovres, nous font bien connatlre
qoe nous n'ayons pas encore mis assez sérieu-
sement la main an grand oovrage de notre
conyersion, et qae nous sommes encore
loin de ee sacrifice parlait et entier qui carac-
térise la vraie conversion du cœur «bien loin,
par conséquent, de la réforme intérieure et
extëriepre qui en est le fruit.
JEUX. — Voyez BcTBAPÉUB.
JOLT (Claude), né à Burj, du diocèse de
Verdun, d'abord curé de Saint-NîcoIas-des-
Champs, à Paris, puis évéque d*Agen, mou-
rut en 1678, âgé de soixante-huit ans, après
«voir occupé avec distinction les principales
chaires de la capitale* et de la province.
Outre ses Sermons , on a de lui les Devoirs
du CMiiem, in-12, 1719.
JORDAN RÉMOND. — Foy. Idiot.
JUGEMENT. Voy. Ftns dbmiéabs.
JDSTICE (Vehu ). — La justice est une
des yerius cardinales. Saint Thomas la défi-
nit : c Une yertu morale, ou une habitude
par laquelle on rend à chacun son droit
avec une volonté perpétuelle et constante. »
(2-3, q. 58, a. 1.)
La justice a une acception large et une
acception restreinte. Dans la première ac-
ception, elle désigne tout acte de vertu
accompli avec une rectitude parfaite à tous
égards; dans la seconde, cest une vertu
spéciale, dont le caractère est exprimé par
la définition que nous avons donnée.
Ses parties subjectives ou espèces sont,
selon saint Thomas (2-2, q. 61, a. 1.), la
justice commutative^ qui conserve entre les
parties Tégalité de la chose à la chose, et la
justice disiributive^ qui maintient Tégalité
de proportion, de manière à donner à chacun
selon ses mérites ou la nécessité.
l^a parties potentielles de la justice sont,
•eloa le même saint Thomas :
1* La retifion^ ou vertu qui rend à Dieu le
culte qui lui est dû, comme au principe de
toutes choses, par la dévotion, la prière,
Fadoration, le sacrifice* le serment, le vœu.
S" La piélé^ ou vertu par laquelle nous
remplissons les devoirs d*afrectioo et de
charité auxauels nous sommes tenus envers
les personnes à qui nous sommes attachés
par les liens du sang ou de la patrie.
3* Vobservameef ou la vertu qui rend
hommage aux supérieurs et aux autres per-
soimages de distinction, qui gouvernent les
hommes ou sont aptes à les gouverner.
k* Vobéiaancef qui nous fait accomplir
les œuvres prescrites par le supérieur, oaree
qu'il nous les a prescrites.
S* La araiiiude^ ou vertu par laquelle
nous rendons grftces à nos bienfaiteurs.
6* La vendicaiion {vindieaiio)^ ou yertu
f»ar laquelle on punit les pécheurs, pour
eur amélioration et pour le maintien de la
justice.
T La vérité ou yertu par laquelle on se
montre, dans sa conduite et ses discours, tel
que Ton est.
8* Vaffàbilité ou Vamiiié^ yertu qui nous
fait observer avec les autres dans la yie so-
ciale les convenances d'ordre ou de dignité.
9* La libéralité f ou vertu qui modère
l'amour des richesses et rend Thomme
firompt à les distribuer aux autres, selon
es inspirations de la droite raison.
Tout homme qui veut s'avancer dans la
perfection chrétienne doit s'eiercer à la
pratique de la justice.
V Ainsi l'ordonne l'Écriture -Sainte :
Rendes donc à chacun ce qui lui est dû : le
tribut à qui vous devez le tribut^ les impôts
à qui TOUS devez les impôts^ la crainte ù qui
vous devez la crainte^ l'honneur à qui vous
devez rhonneur. Ne demeurez redevables à
personne (Rom. xiii, 7 et 8).
2* Ainsi l'enseignent les saints Pères.
« Aux yeux de Dieu, dit saint Pierre Chry-
sologue, la piété n'est rien sans la justice,
ni la justice sans la piété ; la l)onté et l'é-
quité, séparées Tune de l'autre, ne sont rien
non plus : les yerius se perdent, quand elles
cessent d'être réunies. L'éonité sans la
bonté devient de la dureté, et fa justice sans
la piété est de la cruauté. Joseph a mérité
d'être appelé juste parce qu'il était pieux, et
d'être appelé pieux parce qu'il était juste.
Enfin, quand fa justice pense à la piété, elle
évite la cruauté ; en modérant la cause, cite
assure le jugement; en diflérant la ven-
geance, elle préserve du crime ; en refusant
d'entendre 1 accusateur, elle évite la sen-
tence. 9 ( Serm. IhS. } « II est une sorte de
justice stricte et très-étroite, qui, aussitôt
que vous avez tourné le pied, vous fait tom-
ber dans la fosse du péché. Il n'est pas per-
mis de se préférer à ses égaux, ni de s'égaler
à ses supérieurs. La définition de la justice f
est de rendre k chacun ce qui lui appar-
tient. 9 ( Saint Beehâad , Serm. m Oet
Epiph. )
2r La raison en est que la jastioe rend à
chacun ce qui lui est dû: à Dieu la religion,
aux supérieurs l'obéissance, au prochain
rhonneur, la réputation et les biens de la
ifortune ; sans 1 exacte observance de ces
prescriptions, personne ne peut arriver-à la
perfection chrétienne.
Les actes de la vertu de justice sont :
1* Par la vertu de religiou de rendre |
m
JUS
DICTIONNAIRE
JUS
9U
Sien» comme au premier principe de toutes
choses et à notre souverain âeigneur, le
louUe de iairie qui lui est dû, par le sacri-
fice de la messe, par la priôre, l'adoration »
Jes offrandes, les vœux et les serments ; de
croire et d'espérer en lui, de l'aimer et de
le craindre, de respecter les églises et les
Jieux sacrés, etc.
2^ De rendre aux esprits célestes, et sur-
tout à la très<«ainte Vierge Biarie, par le
cultQ d'hyperdulie, et aux autres saints par
celui de dulie, les hommages qui leur sont
dus, (de vénérer leurs images et leurs re-
liques.
3* Par la piété, de rendre à nos parents ^
rameur, l'honneur et lu respectueuse sou-
mission auxquels nous sommes tenus à leur
égard.
V Par l'obéissance aux supérieurs, de leur
témoigner le respect et la soumission que
nous leur devons, même contre notre pro-
pre jugement et dans les circonstances les
plus difficiles.
5° De conserver, par la justice distributive,
la proportion entre le mérite et la récom-
pense; par la justice vindicative, la propor-
tion entre la faute et la punition , et de
rendre, par la justice commutalive, è cha-
cun ce qui lui appartient, dans les biens de
la fortune, de la réputation, de l'honneur, du
corps et de l'ftme.
6* De témoigner à nos bienfaiteurs la
reconnaissance à laquelle nous soinmes
obligés.
7** D'exprimer la vérité de cœur et de
bouche.
Ô* De se montrer libéral envers le pro-
chain , selon les inspirations de la droite
raison.
9* D'être affables dans la conversation en-
vers tout le monde, d'une manière propor-
tionnée à notre état et aux circonstances.
Si tous ces actes se produisent au milieu
des plus grandes difficultés, avec empres-
sement, plaisir et facilité, ils deviennent des
actes de justice héroïque.
Donnons donc à chacun ce qui lui appar-
tient; adorons, louons, bénissons, glori-
fions le Seigneur notre Dieu, et rendons-lui
grâces pour tou3 les bienfaits dont il nous
a comblés; car il est notre roi, notre créa-
teur, notre rédempteur, notre sanctificateur
et notre bienfaiteur; il est infini dans ses
perfections, dans sa qajesté, sa sagesse, sa
sainteté et sa puissance. Il remplit le ciel
et la terre; sa grandeur n'a pas de limite.
Eternel en durée, ineffable en paroles» in-
compréhensible en pensée, infiniment bon,
il est notre unique espérartce, notre amour,
notre douceur , notre repo^ et notre joie,
notre protecteur, notre défenseur et notre
père. Après Dieu, vénérons aussi la bien-
heureuse Vierge Marie et les autres habi-''
tauts de la cité céleste. Rendons à nos su-
périeurs l'obéissance, et que toute âme se
soumette auoû puissances supérieures ; car il
ny a point de puissance qui . ne vienne de
JHeUf et c'est lui qui a établi toutes celles
qui existent. Celui donc qui résiste aux pu)5-
sances résiste à r ordre de Dieu^ et ceux qui
y résistent attirent une condamnation sur
eux-mêmes. Il est donc nécessaire de tous y
soumettre, non-seulement par la crainte du
châtiment f mais aussi par la conscience,
{Rom. xiu, 1, 2, 5.) Enfin, rendons au
prochain ce que nous lui devons, fidèles à
ce précepte de la nature : Faites à autrui
ce que vous voudriez qu'on vous flt, et ne
faites pas aux autres ce que vous ne vou-
pas qu on vous flt.
Pratiques. — 1. Votre pénitent aura la
conscience large ou délicate. S'il a la con-
science assez large pour commettre facile-
ment même des péchés graves, il sera fa-
cile de découvrir souvent en lui des injus-
tices manifestes. Dans ce cas, le directeur
doit s'anpliquer à le bien pénétrer de la
gravité ue ses fautes , et, dans ce but, il lui
exposera la beauté, la sainteté, la noblesse
qui embellissent la justice, et tout ce qu'il y
a d'odieux, de vil et de raéprisal)Ie, dans ses
injustices. Il lui fera surtout méditer cette
parole de l'Apôtre : « Ceux qui Veulent de-
venir riches tombent dans. Ja tentation et
dans le piège dû démon » (/ Tim. n, 9j,
par laquelle TApôlre nous fait comprendre
que les biens ravis à autrui sont comme des
chaînes dont le démon se sert pour garrotter
les âmes, les réduire en esclavage, et les
entraîner enfin dans le noir précipice des
enfers. Si les pénitents ont la conscience
plus délicate, on trouvera quelquefois en
eux des injustices réelles, quoique moins
évidentes et voilées sous différents prétex-
tes. On rencontrera des femmes pieuses qui
ne payent pas suffisamment les personnes
qu'elles ont à leur service, et ne leur ac-
cordent qu'un mince salaire, plus en rap-
f)ort avec l'instinct de leur avarice qu'avec
es lois de la justice et de l'équité. On trou-
vera des hommes spirituels qui ne se font
fkoint scrupule de différer le payeknent de
eurs dettes, de faire des retenues sur les
Sages des ouvriers, de ne point les payer
ans une équitable proportion avec la va-
leur du travail. Vous en verrez d*autres qui
n'observent point les engagements qu ils
ont contractés avec des fermiers ou des do-
mestiques, ou leur imposent de nouvelles
charges, ou un surcroît de travaux auxquels
ils ne sont pas obligés, et cela, sans augmen-
ter convenablement leur salaire, comme s*i)
ne fallait pas avoir pour la suenrdu pauvre
les mêmes égards, la même justice <{ue Ton
aurait pour une marchandise ordinaire. En-
fin, il n*est pas rare encore d*en trouver
qui, dans les achats, les ventes et les autres
contrats, ne cherchent uniquement que leur
propre intérêt, sans aucun égard pour Té-
quité, comme si tout ce qui leur est avanta-
geux devenait juste par là même. Or, en
ces choses et en d'autres du même genre, leur
conscience ne les tourmente aucunement; et
les raisons que leur propre intérêt leur sug-
gère^ plutôt que la justice, étouffent en eux
tout scrupule. Le directeur doit leur partcr
avec une sainte liberté, et, sans aucun égard
humain, il doit découvrir ces injustices qui
MS
JUS
D'ASCETISME.
108
M6
se GomiDettent d'ordinaire, pour les faire
connaître aux coupables et y porter un re«
mède salutaire. Il faut ouvrir les jeux à
ces sortes d'aveugles, et leur faire voir clai-
rement les injustices qu'ils .commettent à
l'éçard des mercenaires, des' ouvriers, des
artisans, des serviteurs, et des antres avec
lesquels ils ont occasion d*entrer en affaires.
Le directeur doit leur dire hardiment, comme
saint Jean-Baptiste è Hérode : < Cela ne vous
est poiot permis, puisque cela porte un
injuste dommage à autrui ; ceci ne vous est
point permis, puis<iue ceci porte préjudice
aux droits d'autrui, et viole les lois de l'é-
quité. 9
II. La restitution n'est pas seulement on
acte propre de justice qui ordonne une en-
tière satisfaction 4)0ur les droits dont chacun
jouit, à l'égard de ce qui lui appartient;
mais la restitution est commandée par la
vertu de justice avec une telle rigueur,
qu'aucun prêtre ne peut, de sa propre auto-
rité, dispenser de ses lois. Nous parions
ainsi, parce que le directeur rencontrera des
personnes tellement ignorantes, qu'elles s'i-
maginent que la restitution est une sorte de
pénitence, p'est qu'une obligation arbitraire,
imposée d'ordinaire par les confesseurs, en
punition d'un vol qu'on aurait commis, ou
d*un tort que l'on aurait causé au prochain.
De là vient que, quand on leur parle de l'o-
bligation où ils sont de satisfaire : « Je vous
en prie, mon père, répondent-elles, ne m'im-
posez pas une si grande pénitence; ordon-
nez-moi autre chose, je le ferai volontiers...»
Il faut leur faire remarquer, avec saint
Thomas, que le confesseur est bien le re-
présentant de Dieu et son fondé de pouvoir,
mais non pas de la personne à qui le péni-
tent est tenu de restituer. « De la, ajoute le
même docteur, si le pénitent s'est obligé,
par un rœu, de dépenser quelque somme
d aident pour le culte de Dieu, le confes*
seor, muni d'un pouvoir légitime, pourra,
au nom de Dieu, dont il tient la place, le
dispenser de ce vœu, on le commuer en
quelque autre moins difficile. Mais s'il con-
tracte l'obligation de restituer par une action
injuste, aucun prêtre, de quelque autorité
qu'il soit revêtu, ne peut le délier de celte
obligation, par la raison que le confesseur,
au saint tribunal, n'est pas le fondé de pou-
voir et ne tient point la place de celui è qui
la restitution doit se faire ; car lui seul peut
faire remise de ce qui lui est dû : par con-
séquent il faut se conformer aux lois rigou-
reuses de la justice, qui prescrivent une sa-
lislaction entière; sinon, c'est se perdre
pour réternité. Car, puisqu'il est de néces-
sité pour le salut de respecter ioviolable-
ment la justice, U est conséquemment aussi
de nécessité pour le salut de restituer ce
que l'on a pris ii^ustement. » (2-9f q. 62,
art. 2.)
m. Le directeur se gardera de nrêter trop
facilement l'oreille et d'ajouter foi aux ex-
cuses, aux prétextes, que l'on allègue sou-
Tenl poor se soustraire aux obligations ri-
^ureuses de la justice, et particulièrement
au prétexte d'une prétendue impossibilité
de restituer. Car ces prétextes ont souvent
leur source, moins dans un motif raisonna-
ble que dans un sentiment vil d'intérêt et
d'avarice; et souvent ledirectenr, après avoir,
comme il le doit, pesé ces motifs dans là
balance du sanctuaire, reconnaîtra que l'on
n'y a recours que dans la crainte de se des-
saisir d'un bien que l'on possède, et dont la
restitution aurait pour résultat une diminu-
tion dans la fortune, et quelquefois un état
de gêne. Or il n'y a point là une impossi-
bilité réelle, ni une raison suffisante pour
se soustraire à Tobligation de restituer; car
autrement, personne n'y serait tenu, puis-
qu'il n'est pas possible de faire une restitu-
tion sans quelque incommodité ni sans dif-
ficulté; et du reste, s'il y a grave incom-
modité pour celui qui est tenu è resti-
tution , il y a également grave incommo-
dité pour celui h qui la restitution doit se
faire, d'être privé de ce qui lui appartient.
Or il est de toute évidence que le coupable,
qui a fait tort, doit plutôt souffrir cette in-
commodité, que l'innocent qui a éprouvé uq
dommage considérable. U y en a qui disent
que la restitution leur est impossible, parce
qu'ils n'ont pas pour cela une suffisante
somme d'argent. Or le directeur remarquera
que ces sortes de personnes ne manquent
pas d'argent pour, se procurer des choses
inutiles et variées, pour satisfaire leur luxe
de table, leur amour effréné du jeu, et même
leur vie de lit>ertinage. il faudra donc s'at-
tacber è leur faire comprendre qu'ils doi-
vent non-seulement retrancher les dépenses
suiierflues, mais encore se tenir dans les
strictes limites du nécessaire et d'une sage
économie. De celte manière, ils seront bien
t6t en état de restituer tout le bien mal ac-
quis. Du reste, que le confesseur leur ré-
pèle que, s'ils peuvent le tromper par leurs
Tains prétextes, ils ne part iendront point
à tromper les yeux de Dieu, qui voit tout. Si
le pénitent était de ces personnes qui, quoi-
que se bornant au strict nécessaire dans
leurs dépenses, ne possèdent qu'une fortune
fort mouique, il faudrait lui imposer l'obli-
gation de restituer petit à petit, et à rendre
par fractions ce qu'il ne peut rendre en une
seule fois. Par là il satisfera à la justice, dé-
chargera sa conscience et mettra en sûreté
le salut de son Ame. En un mot, le directeur *
imprimera profondément dans le cœur deces
sortes de pénitents cel(e maxime antique de
l'école : Non r^minUur peccatum nisi resli^
iuaiur ablaium; le péché n'est pas remis,
si l'on ne restitue ce que l'on a dérobé. Car
on aurait beau faire pénitence, détester et
pleurer amèrement ses injustices , ces lar-
mes, ces pénitences, seraient inutiles, si l'on
ne réparait les torts que l'on a commis, se-
lon cette parole de saint Augustin : « Si l'on
ne restitue, quand en le peut, la chose qu'on
a prise injustement à autrui, on ne fait pas
pénitence, on n'a qu'une pénitence fictive. »
(Bpist. 6k ad Maeed.),
IV. Le directeur comprendra facilement,
d'après ce que nous venons d'exposer, et
941
KRO
DICTIONMAIRE
KnO
9»
encore plus d'après sa propre eipérience
dans le ministère, combien peu de restitu-
tions se font entièrement. Et encore arri-
Ye-t-il souvent que celles qui se font ne se
font pas comme il convient, et ne réparent
pars complètement le dommage causé. Ainsi,
par exemple, on en voit qui , les mains
pleines du biend'autrui, pourraient resti-
tuer intégralement, ou du moins en partie,
et gui cependant diffèrent cette restitution
de jour en jour, sans un juste motif. Malgré
cela, ils vivent tranquilles et en paix, parce
aue, nourrissant en eux la bonne volonté
e restituer, ils pensent satisfaire suffisam-
ment à la justice et à leur conscience; et
ainsi ils passent leur vie en état de péché
grave, puisqu'ils blessent continuellement
la justice et le prochain. La raison en est
que le précepte de la restitution, quoique
afDrmatif sons un rapport, en tant qu'il or-
donne positivement de réparer le tort fait à
autrui, est toutefois négatif sous un autre
rapport, entant qu'il défend de retenir in-
justement le bien d'autrui ; et par consé-
quent l'homme injuste, qui diffère la resti-
tution, viole constamment le précepte qui
défend de retenir le bien d'autrui injuste-
ment, et pèche toujours, jusqu'à ce (^u'il
restitue, le pouvant, ce qu'il possède injus-
tement. Le directeur en trouvera d'autres
qui veulent réparer le tort fait au prochain,
en faisant dire une messe, en donnant quel-
que modique aumône, bien que la personne
lésée leur soit parfaitement connue; et ce
qui est encore plus déplorable, 11 y a des
confesseurs qui, non-seulement approuvent,
mais. ordonnent même ces prétendues resti-
tutions que la saine raison réprouve si hau-
tement. De telles restitutions peuvent bien
suftire, quand les personnes lésées sont to-
talement inconnues, mais elles ne sufGsent
nullement, quand les personnes lésées dans
leurs intérêts sont connues de celui qui
doit restituer.
Enfin il en est quelques-uns qui voudraient
bien, mais sans débourser un écu, réparer
le tort qu'ils ont fait, c Mon Père, disent-ils,
j'assisterai à la messe pour l'ftme de celui
à qui je dois; je ferai une communion, je
réciterai des prières pour lui. » Que le direc-
teur leur demande s'ils seraient eux-mêmes
contents, si leurs débiteurs, au lieu de leur
payer cent écus dont ils sont redevables,
offraient pour le salut de leur âme des prières
ou des communions. Ils répondront négati-
vement sans aucun doute. Eh bien, leur
répliquera-t-on, il en est ainsi de vos créan-
ciers qui réclament de vous, non des prières,
mais Jeuir bien. Et en effet, les œuvres
isainteSi comme étant d'un ordre tout diffé-
rent, ne peuvent réparer les dommages tem-
porels faits au prochain.
V. Le directeur ne doit pas s'en rappor-
ter trop facilement aux paroles de ceui qui
promettent de restituer le bien d'autrui ou
de réparer le tort qu'ils ont causé. Mais ,
avant de les absoudre de leurs péchés, il
faut exiger qu'ils remplissent ces obligations
de justice ; et cela particulièrement dans
deux cas : l"" s'ils ont déjà fait la même
promesse à d'autres confesseurs , sans en
venir à l'exécution; car leur manque de
parole les rend suspects ; 2^ s'ils possèdent
encore en nature la chose ou l'argent qu'ils
ont volés ; car lorsqu'ils ne les posséderont
plus, la restitution en deviendra bientôt
plus difficile.
JUSTIN (Saint), martyr, philosopoe, et apo-
logiste de la religion, naquit à Naplouse,
autrefois Sichem, capitale de la Samarie. Il
fut élevé dans les erreurs et les superstitions
de l'idolâtrie; mais en même temps iieut
soin de cultiver son esprit par l'étude des
belles-lettres. Après avoir goûté de toutes les
écoles de philosophie de l'antiauitéauprèsdes
professeurs les plus renommes, il comprit la
vanité de leur enseignement et il sentit son
Ame de plus en plus vide de la vérité. Ses
incertitudes sur les destinées de l'homme ne
furent fixées que lorsqu'un certain jour il
se promenait sur les bords de la mer: il û
près de lui un vieillard à la figure vénérabK
que les uns disent avoir été un Chrétien c(
les autres un ange : la conversation s enga-
gea sur l'excellence de la philosophie : le
vieillard réfuta solidement les prétendouv
de Justin, qui soutenait encore que Plaioa
et Pythagore conduisaient à la vérité; eo-
suite il lui montra par quelle voie on arri-
vait à la vérité évangélique I qui seule rend
compte de tout et renferme toute la sâ*
gesse.
L'étude des prophètes, dont cet entretien
lui donna connaissance, commençai l'éclai-
rer, et il finit par approfondir tous les
motifs de crédibilité du christianisme. Après
avoir rendu les plus grands services à
l'Eglise par ses apologies, il eut la gloire da
martyre sous Marc-Aurèle, l'an 167.
Parmi ses œuvres ascétiques, on remarqne
sa lettre à Diognète et celle à Zenon, que
nous recommandons à la méditation de
ceux qui aspirent è la perfection. La pre-
mière contient un admirable peintnredela
vie des premiers Chrétiens; et la seconde, des
choses d'autant plus instructives sur la *'«
ascétique, qu'elles sont d'un auteur qui ar-
rivait un peu plus de cent ans seulemem
après la mort de Notre-Seigneur. (Feyl^
Valal.f fin du t. II.}
K
KROnST (Jean-Marie) entra chez les Jé-
suites, fut professeur de théologie plusieurs
années à Strasbourg , et travailla quelque
temps au Journal de Trévoux. On a de lu»
deux ouvrages de piété où on relroure ro
langage onctueux de l'Ecriture sainte et de»
LAI
D^ASCETlSliE.
LAM
Pères : 1* Insiiiuiio Clerieorum^ k toI. in-8*, de l'année. — 9* Jlelfot/« de huitjawn^ in-8*,
Ansbourg» 1767. Ce lÎTre très-eslimé ren- Friboorg, 1765, k il'ttsage-des eoclésiasti-i
ferme des méditations pour tous les joars qoes.
L
LACTANCB ( Ludtu Cœliu$ Firmianuê) ,
orateur et défenseur célèbre de l'Eglise,
dont on ne connaît ni le pays ni la famille,
s'acquit une telle réputation par son élo-
quence, que Dioclétien le fit renir, yers
S90, à Nicomédie , pour j enseigner la rbé-
toriaue latine. Plus tard, Constantin lui
conna l'éducation de son fils Crispus, en
317. Lactance n'en fut que plus modeste ;
il vécut dans la pauvreté et dans la solitude,
au milieu de l'abondance et du tumulte de
la cour. Ce grand homme mourut en Chrétien
fervent , vers Tan 328. Le style de Cicéron
avait été le modèle du sien : même pureté,
même clarté, même noblesse , même élo-
quence. Aussi le surnomma-t-on le Cicéron
ckréiiem. Ses plus célèbres ouvrages sont :
1* Les Insiiiutions divines; — 2* Un traité
De la mari des pereécuieurs , — 3* Un livre
De rOuarojje ae Dieu; — kr Un livre De la
colère de Dieu
LAFITAU (Pierre-François), naquit à
Bordeaux, en 1685, se fit Jésuite et se distin-
gua par son talentpour la chaire. Envoyé à
Bome pour les aOaires de la bulle Unige*
mUuSf il plut è Clément XI , et fut nommé
à l'évèché de Sisteron , après avoir quitté
son ordre. Après avoir édifié ^on clergé, et
passé sa vie dans l'exercice des vertus épis-
copales, il mourut au château de Lurs, en
176fc, âgé de 79 ans. Ses ouvrages ascétiques
sont : 1* Reiraiie de quelques jours , in-12 ;
— 9r Avis de direction ^ in-12; — 3* Confi-
renées pour les missions^ in-12 ; — 4* Lettres
spirituelles^ in-12; — ir La vie et les mustè'
Tes de la sainte Vierge j 2 vol. in-12, où l'au-
teur montre plus de piété gue de critique.
LAFONT (Pierre de), né a Avinion, offi-
ciai de l'église d'Uzès, était un nomme de
Dieu , plein de zèle et de charité. 11 fonda
un séminaire dans la ville épiscopale, et en
fut le premier supérieur. Il mourut vers
1710. On a de loi des Entretiens eeclésiasti^
yuef , 5 vol. in-12, et des Prônes fk vol-
in-12. Toutes les preuves que fournissent
l'Ecriture, les Pères, les conciles, sur les
devoirs des ecclésiastiques et des autres
fidèles , sont répandues dans ces deux ou-
vrages avec beaucoup d'intelligence*
LAIRVELS ( Servais ) , né à Soignies, en
Hainaut , l'an 1560 , abbé de Sainte-Marie-
aux-Bois, et réformateur de Tordre de Pré-
montré, fit approuver sa réforme par
Louis XIII et par les Papes Paul V et Gré-
goire XV. Il eut la consolation de voir
revivre en France, comme en Lorraine,
l'esprit de pauvreté, de charité, d'humilité
et de mortification , qui anima les premiers
disciples de saint Norbert. Il mourut en
1631, après avoir publié quelques ouvrages
de piété, dont les principaux sont : 1* Sto-
tuts de la réforme ae Primantré; — 9r Caté'
chisme des Novices; — 3* V optique des Bi"
guliers de Pordre des Augustins.
LALLEHANT (Louis), Jésuite, né àCbA--
lons-sur-Mame, mort recteur k Bourges en
1635, est auteur d'un Recueil des Maximes ,
Îu'on trouve à la fin de sa Vie, publiée en
6M, in-t2, par le P. Champion.
LALLEHANT (Pierre), chanoine régulier
de Sainte-Geneviève , naquit à Reîins et ne
se fit religieux qu'à lâge de trente-trois ans.
La chaire, la direction et les oauvres de piété
remplirent le cours de sa vie. Il la termina
par une mort sainte, en 1673, âgé de cin-
Îuante et un ans, après avoir été chancelier
e ITniversité. Ses ouvrages ascétiques
sont : 1* Le Testament spirituel , in*12 ; —
2* Les saints désirs de la mort, în«12 ; — 3*
La mort des justes, in-12. Ces trois ouvrages
ont été fort répandus et ont obtenu du
succès
LAMBERT (Joseph), né à Paris en 165b,
docteur de Sorbonne et prieur de Palaiseau,
près de Paris , obtint beaucoup de succès
dans la chaire. Sa charité pour les pauvres
allait jusqu'à l'héroïsme. Il mourut, fort
regretté, en 1722, Agé de soixante-huit ans.
Outre plusieurs volumes de Sermons et
d Instructions , il a publié : 1* Discours sur
la vie ecclésiastique ; — 2* EpUres et Evan»
giles de Pannée avec des réflexions , 1713,
in-12; — 3* Les Ordinations des saints,
in-12.
LAMI (Dom François), né à Montyreau,
diocèse de Chartres, en 1636, porta d'abord
les armes, et v renonça pour entier dans la
congrégation de Saint-Manr, en 1659. Il mou-
rut à Saint-Denis, en 1711, universellement
regretté, tant pour les lumières de son es-
prit que pour la bonté de son cœur, la can-
deur de son caractère et la pureté de ses
mœurs. Les ouvrages dont il a enrichi le pu-
blic portent l'empreinte de ces qualités pré-
cieuses. En fait de piété, il a laissé : 1* un
traité fort estimé Delaconnaissaneedesoi^
même, 6 vol. in-12, 1700; — "Sir De la connais-
sance et de Famour de Dieu, in-12; — 3* Les
gémissements deVàmesouslatyranmedueorps,
in-12.
LAMOTTE (Louis-François-Gabriel n'Oa-
LÉANs de), l'un des plus vertueux évèques
du xvin* siècle, naquit % Carpentras, en
1683, d'une famille noble. Successivement
chanoine théologal de cette ville, çrand vi-
caire d'Aries, administrateur du diocèse de
Senez, il fut nommé, en 1733, évèque d'A-
miens. Ce prélat joignait à l'aménité du ca-
ractère la vivacité de l'esprit le plus aima-
ble; il fut tout à la fois le^modèledes évè*
UN
DICTIONNAIRE
m
ques, rexempld de son clergé, l'apôtre de
60B diocèse, et les délices des gens de bien.
II mourut, accablé sous le poids des années
et des infirmités, à l'âge de 91 ans, le 10
juillet iTIk. On a de lui des Lettres spiri-
/tie{/e«,in-12,1771,Paris.Tout j respire la can-
deur, la droiture, le désir du bien et la plu;
noble simplicité.
LANFRANC, fils d'un conseiller du sénat
de Pairie, passa en France, et se consacra à
Dieu dans le monastère du Bec, en ipitl. Il
se fit une réputation européenne par son
zèle à combattre les erreurs de Bérenger,
au concile de Rorpe, en 1059, et dans plu-
sieursautres conciles. Il devinlabbé de Saint-
Etienne de. Caen, en 1063, ety ouj^ritune
école célèbre. Guillaume de Normandie, de-
venu roi d'Angleterre, lui donna l'archevê*
ché de Cantorbéry en 1070. Il y mourut en
1089. Ses ouvrages ont été recueillis par D.
Luc d'Acbery, 1648, in-fol. On y trouve,
entre autres choses, des sentences, oik il est
parlé en détail des exercices de la vie mo-
nastiqae; et des Lettres spirituelles.
LANGAGE DIVIN, — Nous parlons ici
du langage divin en tant qu'il est une parole
vocaleque Dieu fait entendre à un Chrétien,
parole reçue par le sens de l'audition.
Or Dieu peut, ou par sa puissance directe,
ou par le ministère des anges, parler voca^
lement è certaines âmes. Si c'est par le mi-
nistère des anges, ceux-ci peuvent apparaî-
tre sous figure humaine et parler à la façon
humaine, et si c'est Dieu directement, il peut
feindre une forme corporelle, ou seulement
frapper l'air d'une certaine manière pour
produire des sons articulés. On ne peut rai-
sonnablement être arrêté par les difficultés
physiques de ces opérations, puisque nous
ne pouvons révoquer en doute que Dieu
peut et a fait une infinité de choses plus
difficiles.
Au surplus cette thèse se prouve par le
fait. Dieu dans divers temps a daigné parler
à diverses personnes, particulièrement aux
personnes contemplatives. Ainsi, dans l'An-
cien Testament/ Dieu a plusieurs fois parlé
aux patriarches et aux prophètes et à d'au-
tres personnes , et on ne peut disconvenir
que le sens naturel de l'Ecriture sainledans
ces passages fait comprendre une parole
semblable à une parole ordinaire de I hom-
me: soit queDieuaitparlélui-inême,soitqu'il
ait envoyé ses anges, soit qu'il se soit caché
dans une nuée, dans un buisson ardent,
dans du feu, dans le propitiatoire, etc.
Ainsi il est dit d'Adam après son péché:
Lorsau'ils eurent entendulavoixdeDieu^Qiçi,
et Adam dit aussi: Tai entendu ta voix.., .
Lorsqu'un ange vint suspendre lesacriOce
d'Isaac, il est dit de lui : toilà que Vange du
Seigneur s'écria du ciel,. Samuel entendit
trois fois la voix du Seigneur, quoiqu'il ne
le vit point. Dans iC Nouveau Testament,
nous trouvons des événements semblables,
^u baptême de N. S., une voix se fit enten-
dre du ciel qui dit: Voilà mon fils bien-aimé.
Le jour de 1 annonciation de Marie un ange
ae présenta et il lui parla. A la naissance de
Jésus-Christ, ses anges chantèrent le Gloriaii
exeelHs, Saint Paul, au moment de sa couver-
sion, entendit ces paroles: Saul^Saulf pour-
quoi me persécutes-tut Au surplus, toutes les
paroles que Jésus-Christ a proféréespendanlsa
viemortellesont autant dejparoles que Dieua
^adressées aux hommes. Ou serait dooc té-
méraire de vouloir révoquer en doute les
paroles que Dieu a adressées à ses saints
depuis^ lorsque ces communications divines
sont appuyées sur des actes authentiques et
sur des actes de canonisation.
Les saints Pères nous autorisent à cette
croyance, saint Denis enseigne que Dieu se
sert de ses an^es pour illuminer les imes
par des apparitions sensibles, saint Cyprieo
nous apprend que les esprits angéiiquesqui
sont autour de Dieu, quoique d une nature
invisible, se rendent sensibles à l'ouïe et à
la vue. Saint Grégoire, saint Thomas, saint
Bonaventure, St.-fiernard,. Louis de Blois,
enseignent la même doctrine.
La raison nous fait comprendre aussique
cette doctrine est fondée sur la très^bénigiie
volonté de Dieu, sur son parfait amour de
ses créatures. Mais la raison conçoit en mê-
me temps aue toute parole qui ne serait
Ëas digne ae la grandeur et de 1$ bonté de
)ieu ne peut venir de lui* Aussi dans les
exemples autorisés tout est digne de la
haute majesté de Dieu. Dans les longues
conférences auxquelles Dieu s'est prêté avec
sainteThérèse, toutes les paroles de la Divi-
nité sont pleines de simplicité, mais en mê-
me temps de majesté et de grandeur.
Quoique les paroles divines soient compa-
rables aux paroles des autres hommes, quoi-
que ce ne soient point des imaginations et
Su'elies affectent des circonstances de temps,
e lieu, de son, etc., cependant elles admet-
tent matériellement des différences. Elles
ont des propriétés qui tiennent à leur origine.
En soi, philosophiquement parlant, cenesont
ni des paroles divines, car Dieu ne parle
pas matériellement, excepté en ce qui con-
cerne Jésus-Christ ; ni des paroles angéli-
ques pour la même raison, ni des paroles
humaines, car ce n'est point Thomme qui
parle. Toutefois nous appelons ces commu-
nications des paroles divines ou le lanmt
divin^ parce que c'est Dieu qui produit le
son de ces paroles avec l'intention de por-
ter telle pensée et tel sentiment daus Tâuio
du fidèle.
Comment peut-on connaître au'ua auge
parle au nom de Dieu?
Il faut pour cela faire attention à certaines
circonstances; ainsi s'il dit : Voici ce que dit
le Seigneur, ou d'autres paroles seinblable5,
c'est un signe que c'est un ange oui parle
comme messager. Si au contraire, il dit * ^^
suis le Seigneur, ou quelque chose de pareil
qui ne convienne qu à Dieu seul, ne douiez
pas que ce ne soit Dieu lui-même qai parie.
Si, au contraire, il n'y a aucun signe cer-
tain qui désigne que c'est Dieu qui parle, ou
Ja Très-sainte Vierge, ou un ange, ou un saint
en personne, alors il ne faut pas s*eD inquié-
ter. Seulement il faut faire attention iil«$
^sz
LAN
D*ASCETlSliE.
LAM
954
choses gui sont animncëes sont dignes de
Dieu, SI c*est une doclnne conforme à la
doclrine de TEglise ou du moins qui ne la
eontreiiit pas, el alors peu imporle que ce
soit Dieu ou un ange ou un saint qui se fasse
enteodre; on reçoit les |>aroIes avec respect,
<|uand d'ailleurs les signes surnaturels sont
bi(*n constatés.
Nous disons pourvu quo les signes sur-
naturels soient bien constatés, car uous avons
(Jéjà vUyàl'article Eitasb, que le démon peut
faire, comme autrefois cbi temps de Moïse,
des choses qui ont l'apparence de celles que
Dieu fait. Et Dieu le permet dans certaines
circonstances pour de justes raisons, que
uuus comprenons quelquefois et que d*au-
tn*s fois nous ne comprenons pas du tout.
Des mystiques sérieux admettent donc que
quelquefois Dieu permet que les démons
profèrent des paroles articulées dans un but
de séduire on pour endurcir des pécheurs
q>ji méritent ce châtiment, ou pour ensuite
faire ressortir sa gloire par un prodige plus
grand qu'il fait éclater.
Il / a en outre un autre langage divin que
nous appellerons mental (imaginarià) ^ parce
qu*il o existe que dans TimaginatioD Je ce-
lui que Dieu veut instruire, soit dans la
Tcille, soit dans le sommeil.
Comment cela arrive-t-il? Voici ce qu'eu
disent ceux qui se sont spécialement occu*
pés de cette matière.
Le langage divin mental De consiste ni
dans des paroles formelles , ni dans le son»
mais il est renfermé dans un sens, unepen*
sée qui est communiquée à l'Ame immédia-
tement. Cependant ce langage interne ne
s'cflectue çuère sans qu'il s'y mile quelque
chose du Tangage ordmaire. Tyrée observe
très-bien ici que le langage qu'on appelle
mental n'existe pas pour cela exclusivement
dans l'imagination; il existe aussi dans l'in-
telligence. Seulement il prend son nom de
mental ou imaginaire {hnaginaria) du prin-
cipal de ses caractères.
Or Dieu peut produire cette sorte de lan«
g.ige en imprimant dans Tâme certaines re-
présentations qui existent sans voix, sans
sous de paroles, et qui produisent le même
effet que si réellement il y avait parole ma-
térielle.
Nous convenons que ce genre de langage
n*^ r)eut être expliqué par les règles ordinai-
res de là psychologie. Mais on comprend que
i.otre tâche ne nous y oblige nullement et
que nous necraiguons pas le moins du monde
de faire à Dieu la part trop grande dans ses
communications aTec les saintes âmes.
On ne peut révoquer en doute l'aflirma-
tion suivante : c'est que Dieu parle quelque-
fois, non avec des paroles extérieures, mais
seulement intérieures et perceptibles par
Timagination, à certaines âmes contempla-
tives. On peut le conclure : 1* par •© hvre
di'S Nombres xii, où il est dit : Sril est parmi
voui un prophète du Seigneur^ ie lui apparat
irai en vision^ et je lui parlerai dans les
songes; ce qui ne peut s entendre que des
paroles mentales ou Imaginatives. Nous de-
Tons penser la même chose an songe que
Dieu envoya è Adam IGen. xxtiii, 13J, oi il
fut instruit des divins mystères de Dieu ; du
songe de Jacob, gui rit les anges descendre
et monter snr l'échelle. Ainsi encore Dieu
s^entretint pendant un songe avec le roi
Salomon. Un ange est apparu trois fois à
Joseph, pendant qu'il dormait, et lui intima
les ordres du Seigneur. Saint Paul fut averti
far un ange pendant le sommeil. Saint
ierre et saint Jean, étant en extase, ont
aussi entendu des paroles célestes. Tyrée
pense que la plupart des discours que Dieu
a adressés aux saints se rapportent à ce
genre de langage mental et d imagination.
Saint Cyprien avait Tette pensée, lorsqu'il
parlait de certaines paroles mystérieuses
dont on ne peut douter qu'elles ne viennent
de Dieu. Saint Augustin, saint Thomas re-
connaissent très-distinctement ce genre de
langage divin. Saint Thomas surtout (2-2,
q. ni) la dépeint très->soigneusement«
Le langage divin mental se distingue
aisément du langage réel , lorsqu'il existe
sans mélange de langage extérieur; mais ce
langage extérieur, au contraire, ne peut
avoir lieu sans qu'il soit accompagné de
langage intérieur, par cette raison que le
langage extérieur ne peut réellement avoir
lieu sans la coopération du sens intérieur;
cependant on appelle ceci un langage exté-
rieur, à cause de la principale impression,
et on appelle langage intérieur et mental
celui qui se rapporte davantage à ce sens
intérieur, surtout lorsqu'il se lait sans au-
cun concours extérieur.
Les anges peuvent concourir k cette sorte
de langage en parlant, soit en leur nom, soit
au nom de Dieu, et toujours comme ses mi«
nistres; ils y concourent même d'une ma-
nière coefficienle, en appliquant, comme on
disait autrefois, les actifs aui passifs natu-
rellement. Les mystiques pensent cependant
que ce ne sont pas les anges, mais Dieu,
par sa puissance, qui rend la vue aux aveu-
gles de naissance, qui donne la lumière pro-
phétique. Saint Thomas doute s'ils peuvent
par eux-mêmes produire des apparences
phénoménales qui ne soient pas soutenues
par la réalité.
Le langage divin mental peut arriver
même aux personnes éveillées el occupées
à la contemplation ; sainte Thérèse observe
sur ces sortes de communications : 1* que
les paroles mentales n*ont lieu ordinaire-
ment que pendant l'extase et le ravissement;
2** que rame est sujette à l'illusion, si elle
n'est pas arrivée à une grande perfection,
et qu elle n'ait pas déjà fait l'expérience de
ces choses; 3* Tes faux langages intérieurs
se discernent plus facilement, lorsqu'on en
a expérimenté de véritablement divins, sur
lesquels il n'y avait aucun doute possible
au jugement des hommes d'expérience. Les
fausses communications de ce genre sont
confuses, incertaines, engendrent l'inquié-
tude ou quelques pensées qui ne vont pas
assez droit à Dieu et à la vertu.
985
LAN
OIGTIONNÂlRb
LAN
M
Le langage divin mental peut arriver pen-
dant le sommeil, quoique le démon puisse
aussi, comme nous l'avons vu, nous féire
croire faussement que Dieu nous fait enten-
dre au fond de TAme certaines paroles; cela
n'empêche pas qu'on ne puisse découvrir
jbrsque c'est Dieu qui lui-même parle à
notre Ame. Dieu sait bien le moyen de
convaincre que c'est lui qui parle, de ma-
nière à ce que l'interlocuteur n'en puisse
douter. Nous devons nous en rapporter A
lui ; seulement le directeur ne doit l'admet-
tre qu'avec une grande réserve, et ne s'en
rapporter qu'à des marques incontestables.
Qu'est-ce que le langage intellectuel 7
Il est différent de celui que nous venons
d'examiner, qui est mental ou plutôt dans
l'imagination; mais celui-ci a lieu dans cette
partie âe l'Ame que Ton appelle la pure in-
telligence ; mais cependant avec des paroles
comprises par l'Ame, sans le secours des
sons articules et des sens extérieurs.
Outre le mode de percevoir les paroles
articulées par l'organe de l'audition, il existe
d'autres moyens de donner et de recevoir
des paroles, et en général de saisir les sen-
sibles et les insensibles. Et d'abord ceci
peut commencer à se comprendre par des
comparaisons : Ainsi dans les sens, il y a
des modes bien différents de percevoir leur
objet; l'œil ne s'en empare pas de la même
manière que l'oreille, et tous les sens ont
des différences marouées et profondes dans
leurs aperceptions. i)e même dans les sens
internes, une vision peut apparaître cQmme
si on l'entendait, une autre comme si on la
voyait; et, dans son eenre, ce mode peut-
être plus parfait que celui des sens externes,
parce qu'il s'étend à plus de choses et même
aux absentes. Enfin, par la seule force de
l'imaçination et par un acte pur de notre
intelligence, nous pouvons voir et entendre
des choses que nous fournit la mémoire ou
l'imaçination et cela d*une manière très-
parfaite, en sorte que les choses actuelle-
ment insensibles, en soi pour nous devien-
nent sensibles par la puissance de nos fa-
cultés intellectuelles.
Il peut se faire même que Dieu, par un
privilège très-spécial, parle à l'âme, indé-
pendamment des apparences .des choses
sensibles et acquises. Ce langage peut exis-
ter aux moyens de formes infuses, ce qui rap-
pelle le mode de connaître dont l'Âme jouira
lorsqu'elle deviendra un pur esprit après la
mort, jusqu'à la résurrection générale, et
même après la résurrection. Sainte Thérèse,
dans plusieurs passages de sa Vie , écrite
par elle-même, parle de cette sorte de lan-
gage qui lui fut tenu par le Seigneur appa-
raissant en personne : « Ce langage, dit-elle,
est si céleste, que l'humanité ne s'en em-
Î)are qu'avec une peine extrême, quelqu'ef-
brt qu'elle fasse, à moins que Dieu ne
supplée à son inexpérience. Dieu verse ce
S\u il désire faire connaître à l'Ame, jusqu'au
ond de l'esprit, et là, il le grave sans image
ni forme de paroles, mais comme une vision
indéânissable. Dieu;dans ces circonstanceS|
me parait vouloir donner à l'Ame qaelcpie
connaissance de la communication des peo-
sées dans le ciel. Comme dans le ciel les
pensées circulent d'Ames en Ames, sans le
secours des paroles (ceci lui a été ré?élé
dans une extase), ainsi dans le laneage
dont il est question, Dieu et l'âme parlent,
la majesté de Dieu le voulant ainsi, sans
l'artifice des paroles. Ainsi parmi les hom-
mes, quand aeux personnes s'aiment beaa-
coup et qu'elles ont l'esprit délié, elles se
comprennent déjà en beaucoup de choses
sans paroles ; leurs pensées s'échangent
d'une manière de plus en plus dégagée des
signes extérieurs et rapides. » Ainsi le lan-
{;age purement intellectuel se fait sans
image, et le langage imaginatif, que nous
avons appelé mental, se fait au moyen
d'images, mais sans paroles également.
Maintenant combien distingue-t-on de
sortes de langages intellectuelsf
Saint Jean de la Croix, dans sa Montée da
Mont-Carmel, distingue trois sortes de lan-
gages purement intellectuels : i* celle qui
se fait par des paroles successives , aux-
Îuelles l'Ame répond de la même manière ;
* il y en a une seconde qui se fait par des
paroles formelles que l'Ame seule entend,
saisit, et qui l'instruisent; 3" enfin il y a un
langage-purement intellectuel où l'on entend
des paroles substantielles, qui ne sont pas
précisément instructives, mais opérati?es,
qui font ce qu'elles disent, et celles-là ne
sont pas facilement sujettes à l'erreur. Il
dit encore que le langage, intellectuel, clair,
intelligible, peut être clair d'abord en soi,
selon la mesure de la clarté de la chose
ui est annoncée à l'Ame, ou selon te degré
e contemplation où l'on est arrivé; secon-
dément, à raison de la matière qae Pâme
peut voir à sa manière; elle est sensibje
comme l'humanité de Jésus-Christ, ou spi-
rituelle comme Dieu et ses anses.
Comment peut-on discernerle langage in-
tellectuel? Quoiqu'il ait lieu indépendammenl
de toute p&rticipation des sens, cepen-
dant il n'exclut pas toute opération de ee
genre, d'où il arrive que le discernement de
cette espèce de langage n'est pas sans diffi-
culté. Il est prudent dès lors de ne s'en
rapporter à soi*même qu'avec une extrême
réserve.
Prouvons maintenant cette proposition:
Dieu parle quelquefois aux parfaits dune
manière purement intellectuelle. Sa certi-
tude résulte de Tautorité de rEcritare
sainte. David exposant le mode de sa pro-
phétie dit (// Reg. xxiii, 2): i'^ipn].^»!
Seigneur a parlé par moi 9 et (t* *)• -*'??.
gue 6riWe la lumtire de Fauroref **.'^*|j!
commençant à se lever, longue le ri« ^
sans nuages. Ce qui veut dire selon Ljroii:
Dieu m'a éclairé d'une lumière spirituel!^
sans vision imaginaire. Nous avons aussi des
exemples de langage divin dans Moïse »
saint Paul, nous en avons parlé plus mj'
Saint Augustin (liv. xv De Trin.) m^
du langage du cœur dans lequel l'âme awee
de la grâce ne voit plus comme dans ua o^'
3
sn
LAN
D*ASCEnSllE.
LAD
TOir, mais où Diea parle de ss propre boa*
cbe à rame fidèle. « Lorsque Dieu parle par
soi-même» dit saint Grégoire, le cœur est
instruit sans syllabes et sans paroles. C'e^t
OD discours sans bruit, qiii ouvre Touîe, qui
j pénètre silencieusement. Car Fesprit de
|Dieu, sans dire de paroles, sait intimer les
choses qu'il faut faire. »
Sainte Thérèse dans sa Ft>, c. S7, et saint
Jean de la C^\\ '{ Mont. Carm. , 28 ), nous
fournissent des témoignages bien positifs de
celte vérité. Nous pouvons aussi le prouver
Kr la raison indirectement. On conçoit que
eu puisse élever Tâme ici-bas, jusqu'à la
puissance de connaître surnaturelle, en
vertu d'un privilège fondé sur la sainteté,
ou sur un autre motif : connaissance c[ui
arrive par des formes snrnaturellement in-
fuses. La raison n'e.<t pas dès lors admise à
laire des objections sur le fond de la chose.
Cependant saint Thomas fait une difficulté :
Il dîl que l'illumination du rayon divin ne
peut arriver à Tâme dans cette vie sans le
voile des objets imaginés ; car il est dans la
Datur(« de la vie présente de ne rien conce-
voir sans les images.
On répond que saint Thomas parle ici du
mode ordinaire du langage, et non de cet
état extraordinaire qui suppose un privilège
divin. II n'applique point son observation
aux visions ue saint Paul ou de Moïse, ni
d'autres cas de même nature.
Quels sont les signes pour distinguer le
langage vraiment divin de ceux qui sont
faux? Il faut, è ce propos, distinguer les cho-
ses par rapport à la matière, et par rapport
aux personnes, ou par rapport aux effets.
Quant à la matière, voyez 1* si le langage
De contient rien qui soit indigne de Dieu,
eontre la foi, les mœurs, les traditions et les
définitions de l'Eglise, contre le sentiment
des saints Pères et des théologiens; 2* qu'il
lie renferme rien d'impudique, car alors,
dit sainte Thérèse, soyez sûr que. c'est le
langage du démon.
Quant à la personne, il faut voir 1* si la
personne est dévote et catholique ; S* si elle
n'est point pécheresse, tiède, ou éloignée
des faveurs divines; 3* si elle est humble;
4* si elle demande ou désire ces communi-
cations; 5* si elle est possédée du démon;
èr si elle est mélancolique ou maladive;
7* si elle a fait des progrès dans les voies de
l'esprit; 8* si elle n'est point pauvre, ou
très-riche, ou bien jeune, ou vieille; 9" si
c'est une femme légère ou crédule.
Quant aux effets , voyez 1* si le langage,
au'on dit être divin, excite à quelque chose
'impur; 2* s'il engendre l'orgueil; 3* si on
soumet ce langage à son directeur; 4* si on
le rend public; 5* s'il provoque la mortifi-
cation de la chair; 6* si d'abord il terrifie,
et qu'ensuite il calme.
Sainte Thérèse ajoute qu'un siçne mani-
feste de la présence de Dieu parlant, c'est
lorsque ses paroles s'accomplissent sur-le-
champ. Comme lorsqu'il dit à ses Apôtres :
Cest moi, ne craignez pas * et ils se cal*
mèrent.
Ecoutons donc les choses que le Seigneur
nous dit : (Pi. lxxxiv).' Et quoique nous ne
devions pas désirer les langages divins dont
nous venons de parler, ce qui serait témé-
raire , cependant , nous ne devons pas y
avoir de répugnance ni y porter de Teppo-
sition , par un esprit dissipé, une imagina*
tion sans frein, par un esprit qui s'obsède
et s'accable d'inutilités, par le mouvement
libre ei incessant des passions peu conte-
nues, par la loquacité et la feinte du silence ;
mais nous devons pratiquer la mortification,
fuir les inutilités, la curiosité, le bruit;
marcher en la présence de Dieu, surtout
dans l'oraison, et, s'il lui plaît, nous enten-
drons sa parole. Surtout, nous accepterons
avec empressement les inspirations de Dieu
ordinaires; c Car, dit saint Bernard, nous
serions téméraires et insensés, si Dieu nous
parlant, nous détournions les oreilles. Et,
ne nous contenions pas d'écouter, mais
mettons en exécution. » Exercez-vous avec
persévérance à suivre ces inspirations jus-
qu'à ce que l'esprit vous dise de vous repo-
ser de vos travaux. A cette parole, vous
vous reposerez doucement jusqu'à.ce que
Tienne Theure où ceux qui sont dans les
tombeaux entendront la voix de Dieu, les
uns pour le jugement , les ^autres pour la
vie éternelle.
LANGCET (Jean-Joseph), né à Diion, do
procureur général au parlement de cette
ville, entra, à la sollicitation de Bossuet,
son compatriote et son ami, dans la maison
de Navarre, dont il devint supérieur, et fut
nommé évéqne de Soissons, en 1715. Il
passa, en 1731, de cetévèché h l'archevêché
de Sens, et mourut en 1753, à l'âge de
soixante-seize ans, regardé comme un pré-
lat pieux et charitable. Il s'était distingué
par son zèle contre les jansénistes. Outre
ses ouvrages polémiques, on a de lui:
1* une Traduction des psaumes , in-12 ; —
9r De Fesprit de FEglise aans ses cérémonies :
— 3* Des livres de piété pleins d'onction,
et entre autres, le Traité de la confiance en
la miséricorde de Dieu^ bien propre a la faire
naitre dans le cceur des fidèles ; — k* des
Remarques sur le Traite du jésuite Pichon,
touchant la fréquente communion;^ 5* La vie
de Marie Atacoque, 1729, in-^*.
LAUDENOT (Louise), tille d'un médecin
du roi, fit profession chez les Bénédictines
de l'abbave de Montmartre, et s'y distingua
par sa régularité et ses vertus. Elle avait
reçu une éducation soignée, avait du ta-
lent et écrivait avec facilité. Elle fit tourner
à la gloire de Dieu ces heureuses disposi-
tions, en composant divers ouvrages de
spiritualité propres à l'édification du pro-
cnain. Elle mourut saintement «dans sou
couvent, le 97 mai 1636. On a d'elle : 1* Coté-
chisme des vices et des vertus; — S* Médita^
tions sur les vies des saints^ etc. ; — 3" Mxet^
cice pour la sainte communion et pour la
messe,
LAURENT JCSTINIEN (Saint;, né à Ve-
nise en 1381 , premier général des chanoines
de Saint-Georges in Alga, donna è celte
«59
LEC
DICTIONNAIRE
LEN
congrégation d'excellents règlements. Le
Pape Eugène IV le nomma évëque et pre-
mier patriarche de Venise en 1^51. 11 mou-
ruty en 1455, à soixante-uuatorze ans, après
AToir gouverné son diocèse arec sagesse.
On a de lui plusieurs Ouvragée de piitif in-
foL, Venise, 1755.
LÉANDRE (Saint), Qls d'un gouverneur
de Cartbagène, embrassa d'abord la vie mo
naslique, et devint ensuite évoque de Se-
ville, où il célébra un concile en 590. Il
travailla avec beaucoup de zèle à la conver-
sion des ariens de son diocèse, se distingua
au concile de Tolède en 589, et mourut en
601. Saint Grégoire le Grand lui dédia ses
Morales sur Jobf qu'il avait entreprises à
sa persuasion. On a de saint Léandre une
Lettre h Florentine, sa sœur, qui renferme
des avis fort utiles pour les religieuses, et
qui a été insérée (fans la Bibliothèque des
Pires.
LÉANDRE (Le P.)» Capucin, mort à Dijon,'
sa ville natale, en 1667, composa plusieurs
ouvrages qui lui Tirent un nom. Les plus^
estimes sont : l*" Les vérités de lEvangile^
1662, Paris, 2 vol. in-fol.; —2« Un Commen-
taire sur les Epitres de saint Paul, 1663,
2 vol. in-fol.
LECLERC (Antoine), seigneur de La
Forest, maître des requêtes de la reine
Marguerite de Valois, combattit d'abord
pour les calvinistes, et embrassa ensuite la
religion catholique, à laquelle il consacra
ses talents. Saint François de Sales, saint
Vincent de Paul, les personnes les plus ver-
tueuses et les plus éclairées de son siècle,
furent liés avec lui. Il mourut à Paris, en
odeur de sainteté, en 1628, Agé de soiiante-
cinq ans. On a écrit sa Vie sous le titre du
Séculier parfait. On a d'Antoine Leclerc
quelques ouvrages de piété.
LECLERC (Paul), Jésuite, né à Orléans en
1657, enseigna les belles-leltres avec succès.
Appelé à Paris, il eut divers emplois, et
mourut en 1710. Ses ouvrages ascétiques
sont ses Réflexions sur les quatre fins der^
niires^ et plusieurs auires livres de piété.
LECTURE SPIftlTOELLE. — Un des
moyens les plus propres de rendre YOraison
mentale {Voir ce mot) utile à la perfection
chrétienne, c*est la lecture spirituelle^ faite
chac^ue jour, d'un livre utile à la perfection
de 1 esprit.
V L Ecriture sainte nous exhorte a cette
lecture : Dévorez ce volume, {Ezech. m, 1.)
Soyez attentif à la lecture. (/ Tim. iv, 13.)
2* Les saints Pères nous y exhortent.
« L*homme, dit saint Augustin, peut se
considérer lui-même dans les saiutes Ecri-
tures comme dans un miroir, et y voir ce
qu'il est et où il va. Leur lecture assidue
puriQe tout, inspire la crainte de l'enfer et
invite le cœur de celui qui lit à s'ouvrir aux
joies éternelles. Celui qui veut toujours être
avec Dieu doit souvent lire et prier; car
en priant, nous nous entretenons nous-
mêmes avec Dieu, tandis que quand nous
lisons, c'est Dieu qui nous parle. La lecture
est une excellente occupation, et très-sou-
venl mile au salut des Ames. Comme la
chair se nourrit d'aliments eharaels, ainsi
l'homme se nourrit des entretiens divins. •
(Serm. il2 De tempore.)
L'auteur de VEekelle claustrale (c. 10) dit
aussi : « La lecture est en quelque sorte le
fondement, et elle nous fournit la matière
de la méditation. » Saint Bonaventure (L u
De profect. relig.j 58) : « Livrons^nous sou-
vent à des lectures pieuses, que nous puis-
sions nous rappeler utilement dans rorai-
son. » EnGn Thomas A*Kempis (Serm. 13
ad Novit,) : « C'est dans la lecture des livres
saints qu on puise les meilleures médita-
tions sur Dieu, j»
3* La raison en est que la lecture
de chaque jour remplit la mémoire d'ima*
f;es et , pour ainsi dire, d'aliments si-
utaires , clont TAme se nourrit dans la
méditation. Souvent même la lecture peut
suppléer à la méditation, si ehe transporte
rame en de pieuses affections, et lui sug-
gère de fermes résolutions.
Pour que la lecture spirituelle soit fruc-
tueuse, elle doit remplir les conditions sui-
vantes.
1* Il faut la faire en temps voulu, certain
et désigné; une lecture vaçue et peu cons-
tante n*est pas d'une bien grande uti-
lité.
2" Il faut la faire dans un bon livre et
dans un livre conforme à l'état particulier
de chacun ; on doit le lire tout du long, et
le recommencer plusieurs fois. Il faut éviter
avec soin les livres défendus par l'Eglise,
qui distillent l'erreur sous une piété appa-
rente, ainsi que ceux qui nourrissent plulôl
la curiosité une la piété.
3° On doit la faire en invoquant le Saint-
Esprit, avec tout le respect [)ossible et avec
la sincère intention de faire et de coDQsi'f?
la volonté de Dieu, de déraciner les vices et
de cultiver les vertus.
k"" Elle doit se faire chaque jour, avec
calme, lenteur et attention; il ne faut pas
la prolonger trop longtemps : on doit beau-
coup lire; mais non lire beaucoup de choses,
5° Si dnns la lecture se rencontre un
passage dont Tftme soit impressionnée, ii
îaut s'y arrêter et y réfléchir quelque
temps.
6" U faut mettre en pratique et en action
les choses que nous avons lues, et prendre
note de telle ou telle pensée, avec les ré-
flexions qu'elle inspire, pour nous en servir
dans telle ou telle circonstance et dans cer-
taines tentations.
LEGER (Antoine), né dans le diocèse de
Fréjus, fut supérieur du séminaire d Au
sous le cardinal de Grimaldi, et mourut en
1728, à l'âge de soixante-onze ans, direc-
teur de Sainte -Pélagie. Ses ouvrages ascé-
tiques sont : 1* Une retraite de dixjour^^
in-12 ; — 2» Les véritables maximes des sm^^
sur l'amour de Dieu. ...
LENÂIN (dom Pierre), né à Paris en IWO»
à Saint-Victor de Paris, puis à la Trappe» où
il fut un exemple de pénitence, d'humilut'»
et enfin de toutes les vertus chrélienue^
961
UG
D*ÂSC£ÎISME.
LUR
el mooastiqaes. Il mourut en 1713, après
HToir publié de nombreux ouTra^es bis-
toriques et biographiques. Il a laissé, en
ou Ire : 1* des homélies sur Jérémie» in-Â*, 9
vol.; — ^BUtalion à Dieu pour se préparer à
il mort ; — 3* Zhi scandale qui peut arrirer
même dans les monastères les mieux réglés ;
— 4* De Vétal du monde après le jugement
dernier.
LEON (saint)t monta sur le trôae ponlifi-
cal en UO. Par son autorité de Pontife et
de docteur, iJ sut arrêter les progrès des
hérétiques. II arrêta le féroce Attila qui se
précipitait sur Rome. Ce grand et saint doc-
teur a laissé parmi ses œurres plusieurs
sermons sur le jeûne et sur les rerlus
chrétiennes. (Fotr le Catalogue.)
LEON DB Samt-Jbah, Carme, oéà Ren-
nes en 1600, dont le vrai nom était Jean
Macé, fut élevé soccèssiYement à presque
toutes les charges de son ordre. If prêcha
deTaut Louis XllI et Louis Xi V arec applau-
dissement. Ami intime du cardinal de
Richelieu, îlrecueillil lesderniers soupirs de
ce grand homme. Il mourut à Paris le 30
décembre 1671, après avoir publié un grand
nombre d'ouvrages, parmi lesquels nous
remarquons : i^tudiumsapientxafuniversalis^
3 Tol. m fol.; — 3* La Vie de sainte Magde^
lène de Paxzi, 1636, in-8*; — 3* plusieurs
ouvrages ascétiques^ etc.
LEROY (GuiHaume), né àCaen, Tan 1610,
fit ses études h Pans, embrassa Télat ec-.
clésiastique , devint chanoine de Notre-
Dame de Paris, puis abbé de Haute-Fon-
laîne, où il mourut en 1684. Il était ami
d'Amauld et de Nicole. On a de lui : 1* Ins-
tructions recueillies des sermons de saint Au-
gustin mr tes Psaumes ^ 7 vol. in-12;— 2* La
solitude chrétienne, 3 vol. in-12.
LESSIUS (Léonard), Qorissait à la fin du
xTi* siècle; ses ouvrages théologiuues, vio-
lemment et injustement attaques par la
Faculté de théologie de Louvain, furent
détendus par la cour de Rome, et méritèrent
Tapprobation de saint François de Sales.
Sa Voie du ciel est un excellent ouvrage
pour les personnes méditatives.
LEZANA (Jean-Baptiste bb). Carme, na-
quit à Madrid, le 23 novembre 1586. Il
enseigna avec réputation à Tolède, à Alcala
et è Rome. Il mourut dans cette dernière
Tille, le ^ mars 1659. On a de lui : VSumma
quœstionum regularium, Lyon, 1655, ^ vol.
m-fol. C*est une théologie qui a pour objet
principal les devoirs des religieux. — 2" />e
negularium reformaiione, Rome, 16&6, in-
h* etc.
LIGÛORI (saint Alphonse -Marie db),
évèque de Sainte «-Agathe des Goths,au
royaume de Naples, et fondateur de la con-
grégation des Missionnaires du Saint-Ré-
dempteur, naquit à Naples d'une famille
noble et ancienne, le 26 septembre 1696.
Apr^ le cours de siss études, il embrassa
la profession d'^avocal, qu'il exerça quel-
3ue temps à Naples avec succès; maison
722, dégoûté de cette carrière, il pensa à
se faire ecclésiastique, s'appliqua à la
théologie, et lot les saintes Beritores et les
Pères. Dès qu'il fut parvenu au sacerdoce,
il s'attacha a la congrégation de la Prope-
gwide et se livra à Ta prédication avec un
zèle vraiment apostolique. En 1769, il fut
nommé évCque de Sainte-Agathe par le
Pape Clément XIIL Dès lors, il ne cessa
d'édifier son diocèse |>ar ses prédications ,
par des instructions familières, pat des
lettres pastorales, par ses écrits, et surtout
par l'exemple de ses vertus. Après treize
années d'épiscopat et une iongne Tîe passée
tout entière dans les travanx du ministère
et les austérités de la pénitence, derenu
sourd et presque aveugle, tourmenté d'une
maladie cruelle, il obtint du Pape Pie VI
d'être déchargé du gouvernement de son
Eglise ; il avait près de quatre-vingts ans.
11 se retira à Nocera de Pagani^ dans une
maison de sa conérégation , où il vécut
encore onze ans« II mourut saintement le
1«' août 1787, âgé de près de quatre-vingt-
onze ans. Il a été canonisé par le Pape
Pie IX. Ses œuvres ascétiques sont : 1* Homo
apostolicuSf etc., 3 vol.; — 2* Directorium
ordinandorum ; 3" — La vera sposa di Christo^
2 vol. in-J2; — 4* Le glorie di Maria*, etc.,
2 vol. in-8* ; — 5* Operete spiritucJi, ossia
r amor delF anime et la visita al santissimo
sacramento, 2 vol. in-12 ; — 6* Discorsi sa-
cro-morali per tulte le domeniche delV anno.
Plusieurs de ces ouvrages ont été traduits
en français.
LINGëNDES (Claude de], né è Moulins
en 1591, Jésuite en 1607, fut provincial et
supérieur de là maison professe à Paris,
où il mourut en 1660. Il se distingua parti-
culièrement par son talent pour la chaire.
Outre des sermons, 3 vol. in4% il a laissé
un ouvrage intitulé : Conseils pour la eoU"
duite de la vie.
LOARTE (Gaspard), Jésuite espaçnoL na-
quit à Medina-Cœli vers ik9S. II prit l'habit
en 1552, d'après l'avis du pieux Jeaud'Avila,
son directeur. Il fut successivement recteur
des collèges de Gènes et de Messine. De re-
tour en Espagne, il fixa son séjour à Valence,
où il s'occupa avec beaucoup de zèle de la
conversion des Maures. Il mourut, aussi
plein de mérites que d'années, en 1578. 11
avait fait, sous Avila, de grands progrès
dans la vie spirituelle; on en voit la preuve
dans les ouvrages qu'il a composés, lesquels
ont presque tous rapport à la vie intérieure.
On a de lui : 1* De afflictorum consolations
libri très, ouvrage traduit en fran^^ts, Pa-
ris, 178i ;—^ De continua Passionts mémo-
ria ; — 3* Meditationes de passione Christi ;
— 4* Meditationes de Rosario ; 5* Remédia
contra septem peccata mortalia ; — 6* Anli--
dotum spirituals contra pestem ; — 7* Instru-
ctio sacerdotum et confessariorum ; — 8* Tro"
ctatus de peregrinationibus , stationibus et
indulgentiis.
LORDELOT ^enigne), avocat au grand
conseil, non moins distingué par sa piété et
ses vertus que par sa capacité dans l'exercice
de sa profession, naquit à Dijon le 12 oc-
tobre 1639. Il était avocat au parlement de
MAF
DICTIONNAIRE
MAL
961
eeite Tille. Il alla ensuite se fixer à Paris»
où il moarot le 1" mai 1720. Il est auteur
d*un grand nombre d'ouvrages (|ui prouvent
sa piété et ses sentiments religieux : 1* De*
vovn de la vie domestique^ \par un pire de
famille^ Paris, 1706, in-12; — 2* Noëlepour
Ventreiien des âmes dévotes^ Dijon, 1660,
in-12; — 3* Pensées chrétiennes tirées des
{}saumeSf Paris, 1706, in«12 ; — 4* Lettres sur
es devoirs d^un véritable religieux^ écrites
par un nère à son fils nouvellement religieux
profès dans la congrégation de Saint-AuguS"
tin, Paris, 1708, in-12; --5* Entretien du
juste et du pécheur sur cette proposition^ que
l'homme souffre beaucoup plus de maux el
de peines pour se damner que pour se sau-
ver, Paris, 1709, in-12, etc.
LUDOLPHE DE Saxe, d'abord Dominicain,
puis Chartreux, était prieur de Strasbouq;
en 1330. C'est tout ce que Ton sait de lui.
Outre une traduction de llmitaiion , qu'on
lui attribue, on lui doit une Vie de JésuS"
Christ in-foi, en latin, imprimée en iklk.
Elle a été traduite en français.
M
MAGAIRE (Saint) l'Ancien, célèbre soli-
taire du IV* siècle, passa soixante ans dans
un monastère de la montagne de Scété, par-
tageant son temps entre la prière, l'éludfe et
le travail des mains. Il mourut vers 391, âgé
de quatre-vingt-dix ans. On a de lui cin-
quante homélies en grec, 2 vol. in-8*, Leip-
sick, 1699. Les mystiques en font un cas
tout particulier. On y trouve toute la sub-
stance de la théologie ascétique.
MACAIRE (Saint) le Jeune, d'Alexandrie,
autre célèbre solitaire, ami de saint Macaire
l'Ancien, eut près de cinq mille moines sous
sa direction. La sainteté de sa vie et la pu-
reté de sa foi l'exposèrent à la persécution
des ariens. II fut exilé dans une lie où il n'y
avait pas un seul Chrétien ; mais il en con-
vertit presque tous les habitants par ses ver-
tus et par ses miracles. Il mourut en 394.
On lui doit, ou du moins on lui attribue les
Règles des moines, recueillies en trente cha-
pitres dans le Codex regularum de saint Be-
noit, publié par Holstein (Luc), en 1661» k
Rome. Saint Macaire a aussi laissé un Dis-*
cours sur la mort des justes, publié par Jac-
ques Tollius.
HaCÉ (François), né à Paris, y devint
curé de Sainte-Opportune et se fit estimer
par son savoir et par ses vertus. II mourut
en 1721, après avoir prêché et écrit avec
succès. On a de lui un grand nombre d'ou-
vrages, et entre autres, la traduction de quel-
ques livres de piété du P.Busée, etdel/mi-
tation de Jésus-Christ \ en outre, V Esprit de
saint Augustin^ et Mélanie ou la* Feutre chari-
table, histoire morale qui eut beaucoup de
▼ogue.
MkCÈ.— Voyez Léon de Saint-Jban«
MAFFEI (Yegio), chanoine de Saint-Jean-
de-Latran, né à Lodi dans le Milanais, mort
en 1US8, était dataire du Page Eugène lY.
Il illustra sa plume par plusieurs ouvrages
écrits avec élégance. On lui doit : 1** De edw
catione liberorum, Paris, 1511,in-4*;— 2"sii
livres De la persévérance dans la religion ; —
3* Discours des quatre fins de Vhomme.
MAFFEI (Jean-Pierre), célèbre Jésuite, né
k Bergame vers 1536, s'acquit l'estime de
Philippe II, roi d'Espagne, et du Pape Gré-
pire 4UI, \\ mourut à Tivoli en 1603. On
a de lui , outre quelques autres ouvrages
élégamment écrits. De vita et moribus saacti
Ignatii, Venise, 1685, in-8*.
MAISIERES (Philippe de), né au ehftleau
ne Maisières, du diocèse d'Amiens, vers
1327, porta successivement les armes en
Sicile et en Arragon, revint en France où il
obtint un canonicat, fit ensuite le voyage de
Terre-Sainte, où il devint chancelier de
Pierre de Lusignan, roi de Chjrpre et de Jé-
rusalem, revint une seconde fois en Fraoce,
en 1372, fut chargé de l'éducation du dau-
phin, depuis Charles VI, et enfin se retira
chez les Célestins de Paris, en 1380. 11 v
mourut en 1405. C'est lui qui obtint de
Charles VI, en 1395, l'abrogation de la cou-
tume que Ton avait alors de refuser aux
criminels condamnés à mort le sacrement de
pénitence. On a de lui : 1° le Pèlerinage du
{}auvre pèlerin; — 2* le Sonae du pie%êx pi^
erin. Dans l'un» il expose les rè^es de la
vertu, et dans l'autre il donne les mojens
de quitter le vice.
MALBOSC (David de}, prêtre et docteur eu
tnéologie de 1 Université de Toulouse* aé à
Quersac dans le Gévaudan, vivait dans le
siècle dernier. Il est mort à Paris, recteur de
l'hôpital générai, le 23 septembre 1784. On
a de lui un livre de piété intitulé : La Tie du
Chrétien, 1766, in-i2.
MALEBRANCHE (Niiiolas), né à Paris en
1638, entra dans la congrégation de l'Ora-
toire en 1660. lise livra tout entier, d'abord
a i*étude de l'Ecriture sainte et de la théo-
logie, puis aux méditations philosophiques.
Tout le monde connaît son rameux livre De
la recherche de la vérité. Le P. Malebranche
' mourut le 15 octobre 1715. Ses ouvrages
ascétiques sont : 1* Traité de la nature tt da
la grâce, iSSk, in-12; — 2^ Méditations chré-
tiennes et métaphysiques, 1683, in-12 ; c'est
un dialogue entre le Verbe et lui;— 3* Traité
ie Vamour de Dieu, 1697, in-12; — l* Traita
de la confession et de la communion, Amster-
dam, 1769. Tous ces ouvrages sont remplis
de métaphysique.
MALLËVILLE (Guillaume), prôtre, né à
Domme, petite ville du haut Périgord, en
1699, s'est fait connaître par divers ouvra-
ces pieux ou utiles à la religion, 3es œ^^
UAN
DASCETISIIE.
UAK
rre$ ascétiques sont : 1* Detwn du Chri^
tien^ 1750, 4 roL iD-12; — 3* friire$ et bon$
propos pour le$^ prêtres^ 1752, in-16; —
3* teitru sur Fadminisiraiion du sueremeni
de pénienee,
HANICHÉISIIB. — Oo retrouve les traces
du faux mysticisme jusque dans les prati-
ques de «Dès; comme plusieurs gùosti-
ques, il distingue les initiés ou parfaits,
perftetif des catéchumènes, audiiores^ qu'un
enseignement à la fois religieux et philoso-
phique, mystique et allégorique , préparait
longtemps d'arance. Les manichéens avaient
aussi une hiérarchie marquée et complète :
c'étaient douze maîtres avec un chef,
soixante-douze évèques, prêtres et diacres.
Le culte exotérique, selon leur langage,
était tout à fait spirituel et devait faire
contraste avec celui des catholiques (semi-
chrétiens). Ils jeûnaient le dimanche et
célébraient le jour anniversaire de la
mort «de Manès comme une grande f&te
ecclésiastique {^fm). Le culte exotérique
était entièrement secret et mystérieux. Il
fallut des recherches judiciaires très-rigou-
reuses pour découvrir que, dans le parti des
cathares, ils pratiquaient une Eucharistie
criminelle. La morale des par&its consistait
i éviter toute es|)èce d'injure, à s'abstenir
de viande, de boissons enivrantes, du ma-
riage, ou du moins de la procréation des
enlants , à respecter toute vie, même ani-
male ou végétale, au point de ne pas briser
même un brin d'herbe. Tout cela était com-
pris dans le Signaeutum sinus, manuum ei
aris. Les catéchumènes veillaient à l'entre-
tien des parfaits, qui se nourrissaient en
Eande partie d'olives et d'autres végétaux.
» catéchumènes n'étaient pas tenus à
toutes ces privations : ils pouvaient cultiver
la terre et professer des métiers. Ils obser-
vaient facilement la rémission des fautes
commises dans ces occupations, et qui ne
Eouvaient atteindre l'âme, susceptible de
onte et de remords, mais incapable du mal
lui-même. Et c'est pourquoi, comme s'en
plaignit Ephraïm le âyrien, ils ne voulaient
eis même qu'on songeât à se repentir ou à
ire pénitence du mal, parce qu'on ne
faisait, disaient - ils, que l'entretenir
par-là (190).
Effrayés par les malheurs de leur chef,
les manichwns s'étaient répandus en Judée,
dans la Chine, dans l'Asie Mineure, en
l^pte, au nord de TAfrique et dans d'au-
tres contrées de l'empire romain. Dioctétien
les condamna au feu, à la décapitation, à
/exil, comme des sectaires dangereux (S96).
Les brillantes promesses qu'ils faisaient de
résoudre tous les mjrstères de la nature, et
Jeurs pratiques ascétiques, attirèrent à leur
doctrine et fascinèrent même de grands es-
prits, tels qu'Augustin; seulement, les pen-
(190) WscoBED, Mumck. indmôiniim (F)» e. bres.
mamekensad Êdmmkna. ; Upsl«, 1827. Yâiet louant
k rit— rinrif eomplèle oa aux aaires molife qui ont
fall coaÂmdre, par cel aalear, la doctrine catholique
des indidgeaeeseï delà rémission iksnéclm avec (os
seurs, moins soHdes que le fils de Monique,
restaient plus longtemps que lui captifs de
ces séduisantes erreurs.
MARC, surnommé V Ascétique, célèbre
solitaire, du iv* siècle, a laissé neuf Traités
Îui se trouvent dans la Bibliothèque des
ires.
MARCHAND (Pierre), né \ Couvin, en
1585, se Gt Récoilet, se distingua par sa
science et par sa régularité, et fut élevé aux
I)remières charges de son ordre. Il réforma
es Franciscaines de Flandre, avec la Yéné-
rable sœur Jeanne de Jésus. Cet homme,
plein de zèle pour la discipline religieuse,
mourut à Gand le 11 novembre 1661. On a
de lui : 1* Expositio litteralis in regutam
sancti Franciscî; Anvers, 1631, in-^; —
3* Les Constitutions de la congrégation des
religieuses qu'il a établie.
Son frère, Jacques Marchand , doyen et
curé de Couvin , s'est distingué aussi par
sa science et sa piété. On estime encore son
Hortus pastorum et plusieurs autres ouvra-
ges recueillis en 1 vol. in-fol. ; Cologne, 1635.
MARIAGE SPIRITUEL. — Yoy. Irfcsior
PASSIVE.
MARIE ALACOQUB. — Voy. Cobuk m
Jésus
MARIE DE LINCARNATION , célèbre
religieuse ursuline, nommée iforte Guyert,
naquit à Tours en 1599. Après la mort de
son mari , elle entra , âgée de trente-deux
ans, chez les Ursulines de Tours , où elle
composa, pour l'instruction des novices, un
très-bon livre intitulé : VEcole chrétienne.
Appelée par la grAce à la conversion des
filles du Canada, elle passa à Québec en
1639, et y établit un couvent de son ordre,
qu'elle gouverna avec beaucoup deprudence
et de sagesse. Elle y mourut en 1672. Outre
son Ecole chrétienne, elle a laissé un vo-
lume in -4* de Retraites et de Lettres spirù
tuelles. Dom Claude-Martin , son fils, a pu-
blié sa Vie. Tous les écrits de cette religieuse
respirent celte onction sublime que l'on ne
trouve que dans les saints.
MARIN (MicheUAnge), religieux minime,
naquit à Marseille en 1697, d'une famille
noble, originaire de Gènes, et fut quatre
fois provincial de son ordre. Fixé dès sa
jeunesse è Avignon, il s'y lif ra avec succès
a la chaire et à la direction. C'est aussi dans
cette ville qu'il fit imprimer diflérents ou-
vrages, qui lui firent une réputation distin-
guée parmi les écrivains ascétiques. Il mou-
rut le 3 avril 1767. On a de lui : 1* Conduite
de la Sœur Violet, déeédée en odeur de sainteté
à Avignon, in-12; — 9r Adélaïde de Vitx-^
buri, ou la pieuse Pensionnaire, in-12 ; -^
8* La Parfaite religieuse , in-12 ; — 4* Fir-
otnt>, ou la Vierge chrétienne', 2 vol. in*12 ;
— 5* la VU des solitaires d'Orient, 9 vol.
in-12 ; — 6* Théodule ou YEnfant de béné-
opinions des maaidiéens» ZiogbelA, Desîndul§enees
des msiâeh. ei de UuT cwmpareutm asee FEgliie cû-
ihoiime. {Beme ikéolof. de TMmfU, ann. 1841 , p.
.*-.-™"«« ■^. ■•*
-*-
W7
MAR
DIGTiONNAIRE
MAS
diction: — T Far fallu oa la Camédienne
conveniez in*lS;— ^ Agnès de Sainte' Amour f
ou laFervenle novice^ 2 vol. in-12; — 9' An-
géliqm ou la Religieuse selon le cœur de Dieu^
2 vol. iD-12; — lO"* la Marquise de los
VattenteSf ou la Dame chrétienne f 2 vol. iD-i2 ;
— 11"* Retraite pour un jour de chaque mois f
2 V0i. iD-12; — Lettres spirituelleSf 2 vol.
in-12, 1769.
MARIN ( Jean ), né à Ocana, en Espagne^
Tan 165^, se fit Jésuite en 1671 , passa une
grande partie de sa vie k expliquer l'Ecri-
ture sainte et à enseigner la théologie, et
mourut à Madrid le 20 juin 1725. Il est
auteur d'un grand nombre d'ouvrages ascé-
tiques et théologiques, peu connus en
France.
MARINIS ( Léonard de ), célèbre Domi-
nicain, d*une noble famille de Gènes, na^
quit :dans Tile de Chio, en 1509. Le Pape
Juitts m l'envoya nonce en Espagne, cù il
devint archevêque de Lanciano. il parut
avec éclat au concile de Trente, et ce fut lui
qui dressa les articles qui concernent le
sacrifice de la messe, dans la xxii* session.
Ses vertus et ses mérites lui valurent l'ami-»
tié de saint Charles Bûrromée. Il mourut
évéque d'Albe en 1S73. Les Barnabites lui
doivent leurs Constitutions. Il tfavailla, par
ordre du concile de Trente , avec d'autres
évéques, à dresser le Catechismus ad paro^
choSf Rome, 1666, in "fol., et à rédiger le
Bréviaire et le Miisel romain.
MARNE ( Jean-Baptiste de ), né à Douai
le 26 novembre 1699, se fit Jésuite en 1716,
et mourut à Liège en 1756. Où a de lui : La
Yie de saint Jean Népomucèney Paris, 17^1,
in-12
MARTEL (Gabriel), Jésuite, né au Puy,
le 14 avr>l 1680, remplit avec succès les
différents emplois de sa Compagnie jusqu'à
sa mort, arnvée le 14* février 1756. Il est
connu par deux ouvrages ascétiques : 1"* Le
Chrétien dirigé dans les exercices d*une re*
traite spiritt^llCf 2 vol. in-12;-- 2^ Exercice
de la préparation à la mort^ 1725, in-12.
MARTIN (Dom Claude), Bénédictin de la
congrégation de Saint-Maur, naquit à Tours,*
en 1619, d'une mère pieuse, qui se fit Ursu-
line sous le nom de Marie de V Incarnation.
{Voir ce mot,) Héritier des vertus de sa pieuse
mère, il j$e consacra à Dieu de bonne heure
et devint supérieur du monastère des
Blancs-Manteaux à Paris, où, il demeura
soixante ans. U mourut en odeur de sain-
teté, en 1696, dans Tabbaye de Marmoutîer,
dont >l était prieur* On a de lui, outre la
Yie de sa mère, plusieurs ouvrages de piété :
V Méditations chrétiennes^ 1669, Paris, 2 vol.
iD-4' ; — 2» Xo pratique de la règle de Saint-
Benoit, 1677, in-4*. Sa Vie a été écrite par
dom Martène; Tours, 1697, in-8*.
MARTIN JDB DuifE, originaire de Panno--
nie se rendit si habile dans les sciences,
qu'au jugement de saint Grégoire de Tours,
il surpassait tous ceux de son siècle. Au re-
tour d'un pèlerinage en Palestine, il vint en
Espagne travailler à la conversion des Suè-
ves ariens. U fonda plusieurs monastères et
continua la direction de celui de Dume,
près de Brague. Il mourut saintement le ^
mars 580.
il a toujours été regardé comme une des
plus brillantes lumières d'Espagne et comme
un des plus beaux modèles de la vie mo-
nastique
Les écrits de saint Martin de Dôme sont:
V une collection de quatre-vingt-quatre
canons. Elle est adressée à Nitigini, évéque
de Lugo et divisée en deux parties dont la
f première regarde les évéques et les clercs;
a seconde, les laïques (V. Bibl. cao. de
Justel Paris, 1661 ). — 2* Formule d'une rie
bonnéte, ou traité des quatre- vertus car-
dinales. ( Voy. Spicilége du Père d'Acbery.)
— S" Un livre intutilé Les Mœurs, tissu de
maximes morales propres à former à la vertu.
— ' &" Un recueil cfe sentences des solitaires
de l'Ëgjpte. (Voy. Appendice de Rosweide.)
Sur tous ces écrits de saint Martin de Dumc,
consulter les Œuvres du cardinal d'i-
guerre..
MARTINEAD ( Isaiac ), Jésuite d'Angers,
né en 16<»0, mort en 1720, professa dans son
ordre, et y occupa les premières places. Il
fut appelé à la cour, et choisi pour être le
confesseur du duc de Bourgogne, qu'il as-
sista de ses conseils pendant sa vie et à la
mort. On a de lui t V Les j^saumes delà pi-
nitence avec des réflexions, \n''i2;'—2' Médi-
tations pour une retraite, in*12 ; — 3" L»
vertus du duc de Bourgogne, in-V*, 1712.
MARULLE (Marc), né à Spalatro,en Dal-
matie, Qorissait dans le xn* siècle. On a do
lui un traité De religiose viv^i instUu-
tioneper exempla,
MASSALIENS, nom d'anciens fani mys-
tiques, tiré d'un mot hébreu qui signifie
pn^re, parce qu'ils croyaient que Ton doit
prier continuellement et que la prière peut
tenir liea de tout autre moyen de salut.
Plusieurs ordres ennemis du travail embras-
sèrent celte erreur au iv* siècle, et j^(\
ajoutèrent plusieurs autres. Ils prétendaient
que la prière seule, même à l'exclusion du
baptême, avait la vertu de chasser pour tou-
jours le malin esprit; qu'alors le Saint-Es-
prit descendait dans l'âme et y donnait des
marques sensibles de sa présence, par des
illuminations, par le don de prophétie, etc.,
qu'il n'y avait plus besoin de travail et lio
bonnes œuvres. Ils furent condamnés i
Epbèse en 435, et les empereurs porlèreut
des édits contre eux.
AIASSON ( Inaooent lb ), Chartreux, né i)
Noyon, en 1628, fut élu général en 1675»^
lit rebâtir la grande CUartreuserqui aYdit
été presque entièrement réduite en ceiidrn:».
il se fit un nom par sa vertu et par ses li-
vres de piété. Son meilleur ouvrage est ^
nouvelle collection des Statuts des Charirm^
avec des. notes savantes. Il avait donné, en
1683, ['Explication de quelques endroiti un
statuts de l'ordre des Chartreux, M'-^®
religieux mourut en 1703, & soixanleseize
aqs, lipvès avoir été pendant toute sa vie
ennemi zélé des disciples de Jansénius, qui
ne l'ont pas épargné dans leurs écrits, et
9G9
VAO
D'ASCETISK
HAÏ
97a
Toni traité de mAUTais Ihéologîen. de fnux
mrstiqae, etc. Ces altaques sont une gloire
]ioor lui.
MASSON (Antoine), religieux minime,
mort à Yincennes, en 1700, dans on Age
avancé, s*aeqait un nom dans son ordre
par sa piété, par son savoir et par ses ou -
vrages. Il est auteur d*un Traité de$ mar^
qurs de la prédeMiinaiion^ et de qoelçiues
autres lirres de piété, nourris de I ccritore
sainte et des Pères,
if ASSOUUÉ (Antonio), né & Toulouse,
en 1632, se fit Dominicain en 1GI7, et passa
Îi.ir presque Soutes les charges de son ordre.
I rooumt à Rome, en 1706, honoré des re-
grets et de Testime dessarants. Son princi-
l*al ouvrage est Dirus Thomas iuiinternru.
il réfuta aussi les quiétistes dans des écrits
publiés in-12. 1699 et 1703.
MATEHNITÉ DIVINE. — Toy. Phivilégb
DE MâRIB.
MACDEN (David db ), théologien, né à
Anvers, en 1575, fut curé de Sainte-Marie à
Bruxelles. Il mourut dans cette ville en 16V1.
Il est auteur d*une Vie deTobie, intitulée :
Le miroir de la rie morale; Anvers, 1631,
in*fol.
MADDDIT (Michel), prêtre de TOratoire. né
à Vire, en Normandie, mort h Paris en 1709,
âgé de soixante-quinze ans, se consacra k
la chaire et aux missions. Il est auteur de Mé-
ditationspour une retraite ecclésiastique dedix
t'ourst în-12, et de plusieurs autres ouvra-
ges sur la religion et TEcriture saiute. Le
Père Mauduit avait la candeur d*un savant
attaché k son cabinet, el les mœurs d*ua
saint prêtre.
MACGRAS (Jean -François), Parisien,
prêtre de la doctrine chrétienne, enseigna
avec succès les humanités dans les collèges
de sa congrégation. Les chaires de Paris re-
tentirent ensuite de son éloquence. Il mourut
en 1726, k quarante^uatre ans. On a de lui :
1* Institutions chrétiennes^ pour faire un saint
usage des afflictions^ deux volumes in-12.
— z* Instruction chrétienne sur les dangers
du luxe. — 3* Les Vies des deux Tobie^ de
sainte Monique et de sainte Genetiite^ avec
des réflexions à Fusage des familles et des
écoles thrétiennes. Les ouvrages du Père
Maugras respirent partout une piété tendre
et éclairée, et un ton admirable de douceur
et de simplicité.
MADPERTCT ( Jean-Baptiste Drocet de ),
né k Paris en 1656, d'une famille noble du
Berrj, fit ses études au collège de Louis le
Grand, il s*appliaua d*abord k la poésie et
à l'éloquence; il suivit ensuite la carrière
du barreau, qu*il quitta bientôt : les fleurs
d'une littérature légère el frivole lui avaient
fait perdre le goût des fruits de la jurispru-
dence. A rkge d*envtron quarante ans, il
renonça sutiilement au monde, et après une
retraite de deux ans, il prit l'habit ecclésias*
tique en 1692, passa cinq ans dans un sémt»
ntire« se retira ensuite dans Tabliaye de
Sept-Fonts, et cinq ans après dans on^ soli-
tude du Berrj. Enfin il se retira k Saint-Ger-
niain-en-Laye, et y mourut en 1730. On a
Dicnos^. p*Asc6TfS]iB. L
de lui un très-grand nombre de fradoclions
françaises : 1* du l*' livre des Institutions
de Lactance, in-12 ; — 2- du Traité de la
Providence et du Timothéede Salvien, deux
volumes in-12; — 3* des Actes des Martfrs
de Dom Ruinart; — 4* de la Pratique des
exercices spirituels de saint Ignace^ in-12.
— Oo a en outre plusieurs livres ascétiques
de sa composition : 1* Les sentiments d'un
Chrétien touché d^un rentable amour de Dieu:
— 2* Prières pour le temps de Caffliction et
des calamités publiques^ in-12; — 3^ De la
rénération rendue aux reliques des saints^
in-12; — t* Le commerce dangereux entre
les deux sexes, in-12: — 5* La femme faible^
ou les dangers d'un commerce fréquent et
assidu avec les hoaimes, in-12; etc., etc.
MAXIME (Saint), abbé et confesseur
dans le vu' siècle, était de Constantinople,
d'une famille noble et ancienne. Il s*éleva
avec zèle contre les monotbélites, qui le
persécutèrent avec une violence inouïe, li
mourut dans les fers, en 662, des tourments
qu'on lui 61 endurer. Il nous reste de lut
f plusieurs ouvrages recueillis en deux To-
urnes in-folio, Paris, 1673, où Ton trouve
des Commentaires alléçoriques sur plusieurs
livres de l'Ecriture sainte; et des Traitéf de
thôotojçic, de morale et de piété.
MAXIMES DES SAINTS (Le lîvbe des).
— Le livre des Maximes des saints occupe
une trop large place dans Tfaistoire du mjs*
ticisme moderne, pour que nous nVn par-
lions point dans un ouvrage destiné surtout
k bien préciser toute la doctrine catholique
sur ces abstraites matières. La condamna-
tion, par rEgh'se, de cet écrit fameux , dont
Fauteur ne faillit que par excès d'amour de
Dîftt, selon la belle expression du Pape, fera
mieux connaître que toutes les dissertations
possibles, les limites sévères dans lesquelles
se circonscrit le mjslicisme orthodoxe.
Aussi ranaljserons-nous, moins pour fairo
une étude bibliographique d*un livre con-
damné, que pour mieux assigner ces bornes
dn mjsticisme catholique toujours si voisi-
nes de celles de Terreur. — Fénelon , avec
ce génie si perçant qui effrayait son infati-
gable adversaire, Fénelon, avec son cœur si
pur, s*est égnré dans les sentiers de Tamour
divin ; combien n*est-il donc point facile de
tomber comme lui 1 Heureuse bute quand
elle se rachète, comme la sienne, par une
héroïque réparation.
On sait comment, et k quelle époque, fut
publié le livre des Maximes des saints, Bos-
suet s*était occupé avec ardeur d'étudier à
fond tous les auteurs mystiques qui avaient
parlé ou traité de rétat d'oraison , et cela ,
afin d'arrêter les abus qui commençaient à
s'introduire k la faveur des doctrines ravi-
vées de Molinos. ( Voy. Gcto5. ) Fénelon ,
prié d'approuver ce livre, s'y refusa, ou du
moins, ne donna que des ré(|onses vagues
et dilatoires. (Lettre du 2% mai 1696.) Mais,
tout en refusant, il sentit qujil allait s'enga-
ger dans une controverse délicate, et qu'it
devait , en présence d'un si redoutable
antagoniste , mettre k l'abri les intérêts de
31
S71
MAX
HICTlWiNAIRE
MAX
m
sa tranquillité et ceux de sa propre répu-
tation. Co fut h la suite de ces préoccupa-
tions qu*il publia son livre des Maximes des
saints. [Yoy. Fénblon.) On coonatl les ora-
ges suscités 9 la condamnation qui en fut le
tonne ; voici maintenant l'analyse succincte
lies erreurs qu'il renfermait :
« Toutes les erreurs, dit M. l'abbé Gosso-
iîn , que renferme le livre des Maximes ,
pouventy au jugement de Bossuet (191), se
réduire à quatre principales. 1** 11 y a dans
cette vie un état habituel do pur amour «
dans lequel le désir du salut éternel n'a
plus lieu. ^ Dans les dernières épreuves de
la vie intérieure» une Ame peut être per-
suadée d'une persuasion invincible et ré-
fléchie qu'elle est justement réprouvée de
Dieu, et, dans cette persuasion, raire h Dieu
le sacriGce absolu de son bonheur éternel.
'S** Dans l'état du pur amour, l'âme est in-
différente pour sa propre perfection et pour
^s pratiques do vertu, i* Les Ames contem-
{)Ulives perdent, en certains états, la vue dis-
tincte, sensible et réOéchio de Jésus -Christ.»
La première de ces erreurs que l'on peut
déjà remarq^uer parmi les notions prélimi-
naires du livre des Maximes^ est encore
énoncée dans le second article od Fénelon
enseigne que « dans l'état de la vie contem-
plative ou unitive , on perd tout moUf
intéressé de crainte et d^espérance. » Ces
propositions, prises dans leur sens naturel
'et rigoureux, font entendre qu'il y a en
CBtte vie un état habituel de pur amour,
dans lequel le désir de la récompense et la
crainte dos chAliments n'ont plus de part;
ce qui exclut de l'état de la perfection les
actes d^espérance et le désir au salut. Il est
cerlain, au contraire, et Fénelon lui-même
avait reconnu comme un point de foi ca-
tholique, dans le cinquième article d'Issy ,
que « tout Chrétien , en tout état , quoique
non h tout moment, est obligé de vouloir,
désirer et demander explicitement son salut
éternel. » A la vérité, dans l'état de la plus
haute perfection, le désir de la béatitude est
ordinairement commandé par la charité,
c'est-à-diro par le pur zèle de la gloire de
Dieu ; et Ton sait, par les explications de
Fénelon , qu'il n'a jamais prétendu ensei-
gner autre chose : mais il est toujours vrai
que, dans cet état, on ne cesse pas de dé-
sirer la récompense étornelle ; d où il suit
que la proposition du livre d<'S Maximes e$i
fausse, dans le sens naturel qu'elle présente.
Pour jusiifier celte proposition, si souvent
répétée dans son livre (192), et qu'on peut
regarder comme l'abrégé de sa doctrine,
l'auteur observa depuis, que par l'intérêt
propre dont les parfaits sont exempts , il
n'entendait pas rattachement surnaturel
aux dons de Dieu, mais un attachement
(191) Anerliuement sur les écrits contre le iiwe des
Maximes, n« 3, Œuvrer toine XXVIII, p. 315.
. (19^) Voir les propos. 1, 2, 4, 5, 6, 7, 18, 19,
.20 cl 25, condanifiées par Innocenl XII.
(I9r>) Inuructioupasioraleilu^sepl. 1697, n"* 5.
21. etc. On peul voir aussi les éctaircisseincnls en
forme de questions, adressés à Bossuci vers le mois
mercenaire fondé sur l*amour naturel de soi-
même , et qui fait qu'on ne désire pas le
salut par le pur zèle de la gloire de Dieu,
mais aussi par un amour naturel de notre
propre excellence et de notre bien particu-
lier. « Plus vous lirez ce livre, disait-il,
dans une de ses apologies, plus vous verrez
que tout son système dépend du terme
d'intérêt propre. Si ce terme n'est point ex-
pliquédansle livre, c'est cjuenous avons sup
posé que tout le monde le prendrait comme
nous pour signifier un attachement merce-
naire aux dons de Dieu, par un amour na-
turel de soi-même. Nous avons supposé ce
sens comme établi par tous les meilleurs
auteurs de la vie spirituelle, qui ont écrit
en français , ou dont les écrits ont été Irr.-
duits en notre langue Si tous prenez le
texte du livre dans le sens que nous venons
d'expliquer, tous en trouverez toute la suite
simple et naturelle ; si , au contraire, vous
vouliez lui donner des sens plus étendus, Il
faudrait faire une violence continuelle l la
suite du texte, et nous imputer, presque
dans toutes les pages , les plus extravagan-
tes contradictions (193). » Cette explication
prouve incontestablement la pureté des
intentions de l'auteur ; mais rien ne saumit
justifier le texte de son livre , qui sous le
nom dMntérêt propre, donne quelquefois à
entendre l'attachement même surnaturel
aux dons de Dieu et à la récompense éter-
nelle. Tel est en particulier le sens naturel
du mol d'intérêt propre, dans le passage ciié
plus haut , è Toccasion du cinouième élat
d'amour (194), et qui contient la première
proposition condamnée par Innocent XII.
Après avoir dit dans ce passage qu'il y a en
cette vie un état habituel de pur amour sais
aucun mélange du motif de I intérêt propre,
Fénelon ajoute aussitôt : Ni la crainte des
châtiments, ni le désir des récompenses
n'ont plus de part à cet amour, c'est-à-dire
à cet état d'amour, comme on Ta déjà ob-
servé d'après l'auteur lui-même. Il ne s«
borne donc pas à exclure de cet état le désir
mercenaire des récompenses,mais en géné-
ral et sans distinction , le désir des récom-
penses, et, par conséquent , rattachement
même surnaturel aux récompenses éleniei-
Ics.
La seconde erreur est enseignée drios le
neuvième article , qui traite de la résigna-
tion d'une Ame parfaite parmi les grandes
épreuves de la vie intérieure. Il est cons-
tant, dit l'auteur, que tous lessacriOt'es<}u<^
les âmes désintéressées font d'ordinaire sur
leur béatitude éternelle sont conditionnels:
On dit ; Mon Dieu, si, par impossiWe, vous
vouliez me condamner aux peines éternel-
les de l'enfer, sans perdre votre amour, je
ne vous en aimerais pas moins. Mais ce sa
de Juin ie97. — Réponse à ta déetar,, n** «1.1^
15, H^ i5, IG, tome lY des Œuvres de FénriM.
— Première teUre à M. dé Parié; Tnm Y *•« «••
vres de Fénelon» — Première lettre à Bawiei w"'"
lesdiven écrits ou Mémoires^ etc.; lom. VL
(194} Explication des Maximes, p. 10.
575
MAI
D^ASCETISIIE.
MAI
97i
crifice ne peni être absoiu dans Tétai ordi-
naire. Il n'y a que dans le cas de dernières
ëpreofes où ce sacrifice derienl » en quel-
que manière , absolu. Alors une Ame peut
élre înf inciblemenl persuadée d*uoe per-
suasion réfléchie f el qui n*est pas le fond
intime de la conscience , qu'elle est juste-
ment réprouvée de Dieu. C*esi ainsi que
saint François de Saies se trouva dans
réglise de Saint-Etienne-des-Grès... Alors
Fâioe, divisée d*avec elle-même, eipire sur
la croix avec Jésus-Christ » en disant : lion
Dieu, pourquoi m*avei-vous abandonnée?
Dans cette impression involontaire de dé-
sespoir, elle fiut le sacriGce absolu de son
intérêt propre pour Tétemité , parce que le
cas impossible lui paraît possible et actueU
Jement réel dans le trouble et Tobscurcisse-
ment où elle se trouve (195)-
Onvoitquerauteurdistmgueicideuxsortes
de sacrifices, Tun absolu^ Va^ire condiiian$uL
Dans son intention , le sacrifice eondUiamul
seul a pour objet la béatitude étemelle; et il
esl certain (196), que Bossuet admettait cet e
première espèce de sacrifice, formellement
autorisée par le 33* article dlssj. Quant
an sacrifice absolu, qui a lieu dans le cas
des dernières épreuves, Féndon ne croyait
p^s quM eût précisément pour objet la béa-
litude éternelle, mais seulement 1 amour in-
téressé ou mercenaire de la béatitude. Selon
cette explication, la béatitude élemelle n*est
|ias Tobjet direct et immédiat do sacrifice
absolu; elle n*en est que Tobjet indirect, en
ce sens que i*Ame persuadée dans la partie
inférieure, c*est-è-dire dans Timazinalion,
SjuVIle est justement réprouvée de Dieu,
ait le sacrifice absolu de son intérêt pronre,
c'est-à-dire de tout attachement naturel et
mercenaire à la béatitude, de toutes les
douceurs et consolations sensibles que Ta-
mour naturel de nous-mêmes nous porte à
j chercher. « Si Ton entendait par intérêt,
dit Fénelon, le souverain bien, le sacrifice
absolu de Tintérét serait un acte de vrai
désesiioir et le comble de l'impiété. Mais
quand on n*entend par intérêt propre que
1 affection mercenaire qui vient aun amour
naturel de nous-mêmes , il s'ensuit claire>
ment que c6 sacrifice alisolu, ou asquiesce-
inent simple, ne peut jamais tomber aue sur
le conteolement de cet amour naturel, dans
lequel consiste la propriété des Ames qui
sont encore mercenaires. Pour cet attache-
ment mercenaire, ou cette propriété, que
tous les saints, anciens et nouveaux, nous
(195) Propos, 8. 9, 10, 11. \% U,
par Inaoeenl XII.
(lltt) Art. f,ii, R*3I.
(197) ImUfuci.pëêt. du 15 $ept. 1697, n» 10. —
Bépomu à le éécimrmiwM o"^ 21 ei soîv. 47 et saiv.
— Œmwrti de Féndom^ lom. IV, p. 198, SGi, il3,
cA s«iv. — Preauère lettre à M. de Parie, tv partie,
iDoie ¥• — Seeemde tetire à Boeeuet sur le ré^muà
4 lef f m, i'« partie, etc. lone Tl. — Lettre à rebké
ée Ckamterac, do 4 lévrier 1698.
{%»)Expli€4ai0H d€$ MlUttmee, tn. a. p. lil el
li5; Imst, pa$t. dm 15 sept. 1697, n» 15. p. 211. U
c»( â reaiarqner que dans les principes inéuiej» Je S.
dépeignent comme une imperCsction qu'il
iaut diminuer en nous tous les jours, le sa-
crifice en peut être absolu, quoique celui du
salut ne doive jamais l'être. On peut sacri-
fier à Dieu, sans réserve, une imperfection,
et conse&tir à la perte d'une consolation*
toute naturelle, quoiqu'on ne poisse jamais
consentir à la perte des biens promis. A1or$
une Ame ne fait que vouloir persévérer dans*
raroour divin, malgré la pnvatioo de tous
les appuis sensibles dont I amour naturel et
mercenaire voudrait se soutenir (197). m
Voilà ce aue Fénelon croyait avoir suffisam-
ment expliqué dans son livre, mais expliqué
d'une manière équivoque, et trop éloignée
de la précision théologique, plus nécessaire
que jamais è l'époque où il écrivait. Com-
ment, en effet, peut-on dire que l'espérance
demeure véritablement dans une Ame, avec
la persuasion invincible et réfléchie de sa
juste réprolMtion, surtout si l'on fait atten-
tion que les réflexions appartiennent à la
partie supérieure de l'Ame, comme l'auteur
iè suppose avec le plus grand nombre des
théologiens et des auteurs mystiqnes (.198) 7
La troisième erreur est exprimée dans
plusieurs endroits, où Pauteur emploie des
eipressions propres h foire entendre qu*une
Ame parfaite est indifférente pour son avan-
cement spirituel. « Dans l'état passif, dit-il,
on' exerce toutes les vertus distinctes sans
penser qu'elles sont vertus, on ne pense en
chaque moment qu'à faire ce que Dieu veut,
et l'amour jaloux lait tout ensemble qu'on
ne veut plus être vertueux que pour soi, et
qu*im ne Veeijwmaie Umi que anofid on nesi
ptuM aiittekéà féire. On peut dire en ce sens
que l'Ame passive ne veut plus même de Ta-
niour, en tant qu'il e$i $a perfection et etm
btmkeur^ mais seulement en tant qu'il e»t ce
que Dieu veut de nous (199J.» La même er-
reur pst enseignée dans ces paroles du 45*
article : « Les saints mystiques ont exclu de
l'état des Ames transformées les pratiques de
vertu (200). » Fénelon, à la venté, ea s'ex-
[»rimant ainsi, voulait dire seulement quu
es parfoits ne cherchent point dans la pra-
tique de la vertu leur pronre consolation,
mais uniquement la gloire de Dieu. 11 pré-
tendait encore exclure, de l'état des parfaits,
Itk gêne et la eontraiiite qui porte quelque-
fois ane Ame à suivre pénibleneot certaines
formules pour produire les actes de diffé-
rentes vertus. Toutefois les propositions
Su'on Tient de citer ont été justement con-
amnées, comme attribuant aux saints mys-
François de Sales, qal atlribiie certaloes téfleiioiis
h b partie laiérieaie de Tàsie, on ae peai pas dire
que le désespoir réflédil toit ■■ ade de celle partie
ialérîeere, peisqae les réflexlont en portant ane
àaie an deîespoir ne toot pas Ibadées sar Pespé-
rieoee des seos, BMûssardes Idées puesMat ialel-
leeioetles.
(1991 Propos. 18, 19 et M, coodaanéespar bao-
ceiit XIL
(900) Mesimee, Prop. SI.Féneloo expGqae les pro-
posilioiis qu*oD vient de citer, daos sa r^oase a la
déclarâiioa, a* 23, eie.
îrn>
MAX
DICTIONNAIRE
MAX
m
tiques une doctrine propre *Jï auloriser la
paresse et la nonchalance dans la pratique
du bien.
EnGn la quatrième erreur est énoncée
dans le 28* arlicle^ où fauteur enseigne
Sue ce les Ames contemplatives sont privées
e la vue distincte, sensible et réfléchie de
Jésus-Christ, en deux temps dilTérents...
1* dans la ferveur naissante de leur con-
templation...« 2r dans les dernières épreu-
ves (Mi). » En parlant ainsi, Fénelon ne
prétendait nullement enseigner qu'une âme
peut être privée par étal de la vue distincte
ue Jésus-Christ, mais seulement qu'elle peut
en être privée en certains moments, mv un
altrait particulier qui la porte vers d autres
objets (202). Cette doctrine est celle de
Bossuet lui-même dans son Instruction sur
les itàts d'oraison^ où il enseigne expressé-
Toent <x c}a'uno Ame, attirée par un instinct
particulier à contempler Dieu comme Dieu,
peut bien, durant ces moments, ne penser ni
à la sainte humanité de Jésus-Christ, ni aux
personnes divines, ni à certains attributs
particuliers, parce qu'elle sortirait de Tattrait
présent, et mettrait obstacle à la grâce (203). »
Mais les expressions du livre dos maximes
étaient répréhensibles en ce qu'elles insi-
nuaient Texclusion permanente de ces objets
divins, non-seulement pendant certains mo-
ments de l'oraison, mais encore pendant
toute la durée de certains états de la vie in-
térieure. '^
i^onr comprendre dans cette analyse toutes
les propositions du livre des Maximes con-
iJamnées par Innocent Xli , il faut ajouter
•deux autres erreurs à celles qui'sonl déjà
exposées.
1" Tous les fidèles ne sont pas également
appelés h la perfection, et n'ont pas la grâce
qui pourrait les y conduire. « Quoique la
doctrine du pur amour, dit Fénelon, fût la
pure et simple perfection de TEvançile mar-
quée dans toute la tradition, les anciens pas-
teurs ne proposaient d'ordinaire, au commun
dos justes, que les pratiques de l'amour in-
téressé, proportionnées à leur grâce (20&). »
•Par ces paroles, Fénelon ne voulait qu an-
*noncer la doctrine contenue dans le oH' ar-
ticle d*lssy, « que les commençants et les
parfaits doivent être conduits, cnacun selon
sa voie, par des règles différentes» et que les
derniers entendent plus hautement et plus à
"fond les vérités chrétiennes (205). » Mais
les expressions du livre des Ma^rtmes, prises
h la rigueur, insinuaient que tous n'ont (las
«
(201) Propos. 17, condamnée par le brcr d*Inno-
ccni XII.
(202) In$t. past. du 15 sept. 1G97 n» 18. — Ré-
ponse à la déclaration, n*" 30 et suiv. — Œuvret de
fénelon, lome 1^, p. 216. 591, eic. ^ Troisième
lettre à M, de Paris, n» 8, lome V. — Troisième
lettre à Bosnuet contre ses divers éciits ou Mémoires,
n* pariie, n« 17i, lome VI.
(203) Instructions sur les états d*Oraison,TiY, n,
•n'>2-i;iomeXXVfI, p. 113.
(204) 3* et 22« proposiliods condamnées par Inno-
ceniXU.
la grâce qui pourrait les conduire k la oer-
feciion.
2* L'oraison ordinaire n*est que poar les
imparfaits, et l'extraordinaire est essentielle
h la perfection. « La méditation, dit Tau*
teur, consiste dans ces cas discursifs qui
sont faciles h distinguer les ucs des autres.
Cette composition d actes discorsife estnro*
pre h Vexercice de Vamour intéressé,,» Il y a
un état de contemplation si haute et si par-
faite, qu'il devient habituel; en sorte que,
toutes les fois qu'une âme se met en orai-
son, son oraison est cohiemptative et non
discursive : alors elle n'a plus besoin de re-
venir à la méditation, ni à ses actes métho-
diques (206). » Ces propositions, prises à la
lettre, sont difficiles a concilier avec les
22* et 23* articles d'Issj, qui enseignent qoe
la perfection ne consiste pas dans les orai-
sons extraordinaires. Mais il est certain que
Fénelon n'attachait pas à ses expressions le
sens rigoureux qui tes a fait condamner.
cr La contemplation, dit-il dans son Inslrut-
iion pasêorale, est un exercice dn pur amour,
mais non pas le seul exercice. L'amour nor
s'exerce aussi dans les actes des vertus dis-
tinctes. De plus, j'ai dit qu'une Ame pleme
du plus pur amour, pour obéir h son direc-
teur qui voudrait l'éprouver, devait être
aussi contente de méditer comme les com-
mençants, que de contempler comme les
chérubins (207). » La méditation même pent
être quelquefois un vrai exercice de l'amour
le plus désintéressé. Tous les fidèles sont
appelés h la perfection, mais ils ne sont pas
tous appelés aux mêmes exercices et aui
mêmes pratiques particulières du plus par-
fait amour (206).
Nous avons fait entrer à dessein, d?ns
cette analyse du livre des Maximes, toutes
les propositions condamnées, par le bref
d'Innocent XII, aQn de mettre plus à portée
de connattre les principaux motifs tierce
décret. Le Pape y déclare « qu'après atoir
pris l'avis de plusieurs cardinaux et docteurs
en théologie, dans plusieurs congrégatioas
tenues à cet effet en sa présence, désirani»
autant quil lui est donné d'en haut, préve-
nir les périls qui pourraient menacer le trou-
peau du Seigneur, dont le soin lui a éié
confié par le Pasteur éternel, de son propre
Kiouvement et de sa science certaine, aprçs
une mûre délibération et par la pléniw
de Taulorité aposiolique, il condamna ^'
réprouve le livre susdit, en auelque liw et
quelque langue qu'il ait été imprimé, ou
qu'il puisse I être par la suite, d'autant qu^
(205) Instruction pastor. du Î5 sept. iCSTin* I.
— Rep, à la déclar., n*40. Œuvres de Fénelon, lofw
IV, p. «SI, 430. eic. ^ Seconde lettre cotre la en-
aure des docteurs, !2» propos., lome IX.— ^.f"*'
c pâtes propositions justifiées, prop. 5, lonic ^w,
(206) 15* et 16» propos, condamnées par ]»^
cent XII.
(207) Maximes' des Saints, p. 177. ^.
(208) Inst. past: du A^ sept, I697,nn6.-Kf[
à la déclar., n- 38. — Œuvres de Fénelon, l«in- 1^-
p. 215 et A'ii.'^Les principales proftos. jnt^^^
propos. 50 Cl 31 y lome VllL
»77
VAX
•g ■■ ^
UAOiétUii^MUtM
MAX
n»»
parla lecture et Tusagc Je ce livre» les Q-
déles pourraient ôtrc insensibicmeul induits
dans (les erreurs déjà condamnées par Tli!-
gtlse catholique; et en outre, comme conte-
nant des propositions gui, soii dans le sens
iïes paroles, tel qu*il se présente d*abord ,
soit eu égard à la liaison des principes, sont
respectivement scandaleuses et téméraires,
lualsonnanios, otTensives des oreilles pieu-
ses, pernicieuses dans la pratique, et même
erronées (209). » Le bref rapporte ensuite
23 propositions extraites du livre des Maxi-
mes, et que le Pape juge à propos du con-
damner expresiémeut.
La plupart do ces propositions se rappor-
tent ouvertement aux aeux premières ef-
rcurs dont on a parlé. Les autres, quelque
réprébeusibles qu'elles soient, no paraissent
.avoir aucune liaison avec les premières, ni
avec le système général du livre con-
damné (210); ce sont des inexactitudes dont
les meilleures intentions ne préservent pas
toujours les auteurs , même les plus ins-
truits. « Ou peut dire de ces dernières pro-
positions, 5elon la remarque du P. d*Avri-
gny (211), yu*eiles servent h démontrer
(ju*on ne voulait faire nulle grAce à iput co
uui pouvait 6(re tant soit peu ambigu, ou
équivoque, ou susceptible d'un mauvais
sens (212).
A cet enseignement public et à cette
doctrine constante de l'£glise, qui condamne
toutes les formes du quiétisme, dit encore
M. Tabbé Gosselin, opposera-t-on la préfé-
rence que Jésus-Christ lui-même donne h
la contemplation sur Taction, en prenant
ouvertement la défense do Mario contre
Uarthe, sa sœur, qui lui reprochait de quit-
ter les occupations extérieures pour écouter
la parole de Dieu? Marie, dit Jésus-Cbri.st,
a ciioisi la meilleure part, qui ne lui sera
|K)iDt 6tée (213j. Rien de plus faible que
celte dijliculté. Il est vrai que, dans cette
occasion, Jésus-Christ représente la contem-
plation comme étant par elle-même plus
excellente que l'action; et i! est certain, en
^iTel, que la contemplation est plus excel-
loQle, soit à raison de son objet, puisqu'elle
mcupe de Dieu et des choses divines,
&oità raison de s^s effets, puisqu'elle tend
^upirde plus en nlus l'homme avec Dieu.
liais, de ce (|uo la contemplation est, par
elle-même, plus excellente que l'action, s'en-
suit-il que tous les hommes, sans distinc-
lioo, doivent donner plus de lempi à la cou-
(209) Bref d'Innocent Xff contre le livre des Ma-
ximes, (Euvres de Fénelon^ luiiie IX, p, ICI. Oii
(roavera quelques iliffcrences eitlre la traduction
(iMinée iei do lexie talhi, et celle que le cardinni de
Bansiet a suivie dans VUUtoire def'éneion^ tome II,
t'2t8et30i. Ces diflcreuces reganleut priucipa-
-Mait qiiekiues expressions que S. Gosseliii croit
esprîuier |»lus exactemeul le seus du texte latin.
(«iO) Cette observation regarde eu parUiulier \c%
'fopo». 3, 15, 15, IC et 2i.
(ill) U'Amany, Mémoires Chronol. tome IV, 12
lurs I6U9.
(ili) GosscLt!!, Histoire Hlléraire de Féiieton;
Analyse de la ouiUroverse du quictîsinu ; quiéiisiiio
tu.|i|{ê du li\r« des Maximes» — Cet cstpu&c est bicu
templation qu'A Taclion , ou que Je genre do
vie k plus parfait soit celui od la contem-
plation aplus de part que l'action? Jamais
ces conséquences n'ont été tirées par Jésus-
Christ ni par son Eglise. Bien plus, c'est
une doctrine constante dans le christianisme
que la vie contemplative n'est point celle du
commun des Qdèles; que ce genre de vie
suppose, dans ceux qui l'embrassent, une
vocation spéciale, et que loin d'être le plus
ftarfait des états, il est bien au-dessous do
a vie apostolique et du ministère ecclésias-
tique destinés aux exercices du zèle (214-)*
C'est ce que l'Ecriture suppose cl$iirement
en plusieurs endroits où elle autorise ex-
pressément Texen ice de divers états con-
sacrés à la vio active (215), et représente
môme la vio des apôtres et des ministres
de l'Eglise, comme le genre de vie le plus
excellent et le plus glorieusement couronné
dans le ciel (216).
C'est d'après ces principes que, dans lou?
les tem{>s, on a souvent tiré des religieux
de leur monastère pour les appliquer aux
fonctions du ministère ecclésiastique, ëi
même pour les élever è ré[)iscopat (217) ,
tandis qu'on a permis diflicilement aux prê-
tres et aux évéqucs de quitter les fonctions du
saint ministère nour rentrer dans la solitude.
Conformément a ces principes, le Pape Iq-
nocent 111 s*oppo5a fortement au désir d'un
saint évèque qui,arrivé à un âge très-avancé,
demandait avoc instance la permission do
quitter son siège pour consacrer le reste de
ses jours à la solitude, La réponse du Papo
à cet évêque est d'autant t^lus digne d'à t<
tention qu'elle a été depuis insérée dans
le corps du droit, j^ur servir de règle en
cette matière. « il est vrai, lui dit le Pape,
que vous avez beaucoup travaillé et vaillam-
ment combattu jusqu'ici^ mais pour obtenir
la couronne de justice qui vous est prépa-
rée, il faut achever couiageusemeat votre
course. Et no croyez pas que Marthe, en se
livrant aux occupations extérieures , ait
choisi une mauvaise nnrt, le Sauveur ayant
félicité Marie d'avoir choisi la meilleure part,
qui ne lui sera point ôtée; car, bien qiie
celle-ci soit plus sûre* celle-là est plus avan-
tageuse, c'est pourquoi on permet plus fa-
cilement h un moine de monter à la prélu-
ture qu'à un prélat de devenir moine (218).»
Oi)posera-t-on entin à la doctrine constante
. de 1 Eglise celle de plusieurs auteurs mysti-
ques, qui, bOus le nom de contemplation
supérieur, pour l^exactilade et b prorondeur tbéolo-
1;ique» à celui qu*a donné M. Uaiilietëuiy-Saiut-lU-
aire.
(213) Luc. X, Il , Pour Texplicatien de cepai^sagp,
l'iMJ RoDRiGou, Perf. chrét., tome III. Traité
ie la (in de la compagnie de Jé$u$. Cbap. 11. —
Summa S; Tuo««» i-i, quasi, laâi.
(215) Inf. III, 10, 13^ — i Cor. VU, 17, SO, et
alibi puiêim.
mQ) Damel, in. i. — KcWi. xxui, 5. — MaUk.
V, 19.
(217) TnoxAssiN, Ancienne et noutelle disciplina,
tome l*% liv. III, cliap. 13, çtc. — Dk JIébicourt,
Ahréfié du même ônfrane^ t" partie, chap* 2I«
(1218) Décret, Uv. i, Tit. 9.
f79
MED
DICTIONNAIRE
MED
980
passive et d'élal passif, font consister dans
une ftorte de passiveté la perfection de To-
raison et de la vie chrétienne? Mais quand
M serait rrai que plusieurs auteurs mysti-
ques ne se sont pas exprimés sur cette ma-
tière avec assez d'exactitude, qu'en pour-
rait-on conclure contre le christianisme eu
général, ou contre la doctrine de l*Eglise en
' particulier? Qui ne sait que la doctrine
chrétienne se connaît par renseignement
1>ublic et solennel de TEglise, et non par le
angage de quelques particuliers? Ce prin-
cipe, reconnu de tous les théologiens en
matière de dogme» doit s'appliquer surtout
à la théologie mystique, dans laquelle le
langage du sentiment est souvent substitué
h la précision rigoureuse du langage de
l'école.
Au reste, en nous exprimant ainsi, nous
sommes bien éloignés de condamner, comme
inexact, le langage ordinaire des auteurs
mystiques sur Ta contemplation passive et
sur l'état passif. II est vrai que ces pieux
auteurs font consister dans une sorte de
passiveté la perfection de l'oraison et de la
vie chrétienne; mais il ne faut que lire at-
tentivement leurs écrits, pour voir la diffé-
rence essentielle qui existe entre la passi-
veté des bous auteurs spirituels et celle
des faux mystiques. Celle-ci exclut de cer-
tains états d'oraison et de perfection plu-
sieurs actes commandés de Dieu, et essen-
tiels à la véritable piété. Celle-là n'est que
l'état d'une flme parfaitement abandonnée
aux mouvements de la srâce, et habituelle-
ment exempte de l'activité inquiète et dé-
sordonnée, par laquelle une Amo imparfaite
contrarie souvent 1 opération divine. Ainsi,
la passiveté des bons auteurs mystiques
n'exclut pas toute espèce d'action, mais
seulement certains actes imparfaits. Ce n'est
qu'une pleine et entière coopération aux
mouvements de la grâce. En ce sens, plus
une Ame est passive, plus elle est active et
agissante pour tout ce que Dieu lui demande.
C est ce que Fénelon explique avec beau-
coup de précision et d'exactitude dans plu-
sieurs de ses ouvrages (219).
MEDITATION ou Oraison mentalv, sa
naluref son utitiiéy sa nécessité pour la per-
' fection.— La seconde espèce de prière {voir
ce moi) est Toraison mentale ou la méditation:
c'est-à-dire Y exercice des trois puissances de
FâmCf de la mémoire^ de Fintelligenee et de la
volonté. Dans cet exercice, l'homme 1** se
Î propose à lui-môme, par l'intermédiaire do
a mémoire^ quelque mystère, quelque his-
toire ou quelque vérité surnaturelle; 2" par
V intelligence f il consi^dère sérieusement et
intimement ce qui lui est présenté par la
mémoire; il en pèse et en discutoj les cir-
constances, l'objet et la fin; 3* par lava/oui/,
il en tire des sentiments affectueux él d'utiles
Sésolutions pour l'amélioration de sa con-
iiite; entin, il conclut par des entretiens
avec Dieui avec la sainte Vierge ou les
saints, leur demandant le pardon de ses pé-
chés et la grAce d'exécuter ses bonnes réso-
lutions; les louant et leur rendant gtftce des
bienfaits qu'il en a reçus, et terminant par
une prière vocale, comme le Pater^ YAxiy
etc. Cette manière de prier par la médita-
tion, quant à la substance, sauf la variélé
des méthodes, est certainement en usage
depuis les temps les plus reculés. L*Eg]isea
constamment recommandé, outre la nrière
vocale, l'oraison mentale, comme meilleure
et conduisant plus sûrement à la perfection.
Aussi retrouvons-nous l'oraison mentale
dans l'Ecriture et la tradition. Et en effet,
l*" L'Ecriture sainte l'indique par ces }^-
roles : // a disposé des élévations dant ion
cœur. Or cet homme heureux, qui tire ton
secours du Seigneur {Ps. lxxxui, 6), nonpar
la prière vocale j mais en disposant dans ton
cœur des élévationSf ne s'élève point ainsi à
Dieu sur les ailes du raisonnement, mais
bien sur celles de la méditation.
2' Les saints Pères parlent aussi de Torai-
son mentale et la comprennent comme nous.
Saint Augustin ou un autre Père, postérieur
à Bnêce (De sp. et an.^ c. 32), a dit : « L'âmo
qui se considère par l'esprit et la raison
s élève vers Dieu par la méditation et la
contemplation. Car la méditation est une
rechercne studieuse de la vérité cachée. •
Saint Bernard, ou un autre pieui person-
nage {De scaL claustr,)^ dit également: c La
méditation est une studieuse action de Tes-
prit, qui recherche, sous la conduite de sa
Sropre raison Ja notion d'une vérité cachée. *
aint Thomas (2-2, q. 83, a. 2) sex-
f)rime aussi en ces termes: « L'homme, par
a méditation, conçoit qu'il se livre à une
occupation divine, a laquelle le conduit une
double considération, » à savoir, celle de la
bonté divine et de notre propre faiblesse,
et cela par des opérations intellectuelles
qui affectent diversement la volonté. Ce
n'est donc pas seulement un acte de la to-
lonté, c'est encore un acte et une opération
de rintelli^ence, qui constituent essentielle-
ment l'oraison mentale et la méditation.
Voraison mentale est iris-utile et d^f»
puissant secours pour vivre chrétiemuinest.
On le prouve 1"* par l'Ecriture sainte. Dieo
donne des préceptes à son peuple, et après
avoir recommandé principalement leprécepte
de l'amour de Dieu, il ajoute: Et vous If^
méditerez. {Deut. vi, 7.) Ayez soin de le «^
diter jour et nuit^ afin que vous obsenies ti
que vous fassiez tout ce qui y est écrit. (M
1, 8 } Il est dit encore, en parlant du juste:
// met toute son affection dans la loi du Sei-
Îneur et il la médite iour et nuit. ( Pi, h 2 )
^avid fut très-assidu a cette pratique, cuaime
le montrent plusieurs versets du Ps. ciuui
et particulièrement le verset 92*: Si j^
n'avais fait ma méditation de votre 'oi»
f aurais^ il y a longtemps^ succombé dm
mon humiliation. — Heureux Phonme fvi
demeure appliqué à la sagesse, qui inexercé
(219) GossKLUf. Biêtoire littiridre de Fénelon; ii* partie, an. 3, § 2 ei3, an. 482, n^"* 160» )%
179.
9S«
MED
D*AScensii£.
UEO
nt
è pratiquer la juMiice^ et ^i pense et repense
è cet ail de Dieu qui voit tout. ( Eccli. iit«
2â.) Sourenex-vouâ^ dans toutes vos actions,
de vos fns dernières, et vous ne pécherez ja*
mais. (Eccli. ru, VO. ) Je méditerai comme la
colombe, (tsa. xxxTiif, H.) Noas voyons
«Je même, dansie Nouveau Testament: Jforîe
conservait toutes ces paroles, les comparant,
e*csl à-dire les contemplant dans soncceur.
( Luc. II. 19. ) Or, une seule chose est néces^
Maire: Marie a choisi la wmlleure part. (Luc.
Y, k2.) Médiiex ces choses, soyez-en toujours
occupe, afn que votre avancement soit connu
de tous. (I Tim. iv, 15.) Pensez donc en
rous-mémt à celui quiajouffert une si grande
contradiction des pécheurs qui se sont élevés
contre lui. (Hebr. xii, 3.) Ajoutons à cela
Icxeuiple des apôtres et ae la sainte Vierge
|iersévérant uuaoimement dans Toraison
( Act. \, \\)\ reiemple de Jésus-Christ lui-
même, livré à cette même oraison mentale.
< Luc. Vf, 12; IX, 28. Matth. xxvi, 36.)
2* Far les saints Pères. Saint Ambroise dit
( m Ps. Gxviii, 39 ) : m Exergons-nous donc
sans relâche à la méditation, exerçons-nous
avant le combat, afin d*èlre toujours prêts k
combattre. » « H importe è Téme, dit saint
Léon (scrm. 8 De jejun.), de s'affranchir
des passions corporelles, afin de pouvoir va*
quer à la divine s:>gesse dans le sanctuaire
de Fesprit, alors qu*ayant étouffé le bruit
des soucis terrestres, elle se réjouit dans les
saintes méditalionset les éternelles délices. »
Saint Augustin dit, dans VExpositiondu Ps.
cxLviu : « La méditation de notre vie pré-
sente doit consister dans la louange de
Dieu... Celui qui n*a que de lionnes pensées
ne peut faire de mauvaises actions. • Saint
Prosper s'exprime ainsi (serm.218lle medU.y.
« Que le fidèle, quand il en a le loisir, roé*
dite sur les grandeurs de Dieu, et qu'il
cherche ainsi une matière et un encourage*
inent pour les bonnes œuvres. • Saint Ber-
nard dit k son tour (I. i De eonsee., c. 7):
m La méditation d'abord purifie sa source
même, c'est-à-dire l'esprit dont elle émane ;
ensuite elle règle les affections, dirige les
actes, corrige les excès, réforme les mœurs,
lionore et gouverne la vie , enfin elle procure
la science* des choses divines et humaines. •
m La méditation, dit sainte Tliérfese(Fîaper/'.,
c. 16), est I origine de toutes les vertus et
la chose essentielle à la vie de tout Chrétien.*
3* Par 1rs théologiens. Saint Thomas
(2-2., q. 83, a. 2; ad. 2} dit: « La cha-
rité se nourrit parla dévotion, de même que
l'amitié s'entretient et s'augmente par Texer-
cice et la méditation des œuvres d'amitié. »
Saint Bouaventure {Spee. discipl., c 12 ) :
« La méditation provoque et forme au goût
de la prière. » Hugues de Saint-Victor ( De
modo orandi, c. 1): c La sainte méditation
est tellement nécessaire à la prière, que
eelle-ci ne peut être tout à fait parfaite, si
die n'est accompagnée on précédée de la
méditation. » Saint Antonin (p. iv Summ.^
t. X, c. 5): « Aucun de nous, quelles que
soient ses occupations, ne doit négliger de
consacrer quelque temps à la méditation,
c'est-à-dire h la coosidéraliou des choses
divines.» Gerson (TA. myst., cons. If):
c A défaut de la voix et en rabseme de tout
livre, que la méditation soit pour vous un
livre secret, une prédication silencieuse:
autrement, prenez garde qu'à force de tou-^
jours apprendre, vous ne parveniez jamais
a la sagesse. » — > Tous les ascètes tiennent
le même langage.
4* La raison de tout cela, c'est que jamnis
la prière vocale ne peut être attentive ou dé*
vote , si la méditation ne la précède ou ne
raccomf«agne. D*un autre côté, sans la médi-
tation , on parvient difficilement h la prati-
que des vertus de foi, d'espérance , de cha*
rite , de religion , etc., et è la fuite du vice ,
comme l'expérience le prouve. En effet,
puisque tous les Chrétiens ont la même foi,
pourquoi ne vivent-ils pas tons conform^^*
mentacette foi même? Pourquoi s'en trouve-
t-il un si grand nombre qui sont paîersjiarlrs
mœurs , et si peu qui prouvent leur foi par
leurs œuvres TC'est parce qu'ils ne méiiiteot
jamais attentivement les vérités de la foi.
Pourquoi,même parmi ceux qui prient beau-
coup, en voit-on un si grand nombre nian-
ouer à l'accomplissement de la loi, et quand
1 occasion s'en présente , tomber dans lo
gouffre des passions 7 C'est parce q*rils né-
gligent de faire de sérieuses méditations.
Nous voyons des pécheurs invétérés deve-
nir d'autres hommes par le seul usage des
Exercices spirituels de saiiît Ignace; et pour
peu qu'ils continuent chaque jour celte mé-
ditation des choses divines, on les voit
persévérer heureusement dans le bien. C'est
là le fruit excellent de la méditation.
L'oraison mentale nous est-elle prescrite?
C'est un point sur lequel les théologiens ne
s'accordent pas. Il est certain toutefois qun
la méditation n'est pas a6so{uiii€nl néces*
saireau salut. Jésus-Christ, interrogi^ sur co
qu'il fallait faire pour posséder la vie éter-
nelle, répondit : Observez les commande^
déments. C'est là l'opinion de Suarez , do
Théophile tteynaudet de Hurtado. Ce der-
nier traite de téméraire une proposition |>ar
laquelle personne ne saurait être sauvé, à
moins de consacrer chaque jour quelque
temps à l'oraison .mentale. C*est aussi une
erreur que cette opinion des illuminés , que
roroison mentale nous est prescrite de pré*
ceptedivin,à tel point quelle suffit atout.
On ne trouve nulle part de précepte uni-
versel de l'oraison mentale, et quant au
précepte naturel et divin de prier Dieu , on
y satisfait également par la prière vocale et
parla prière mentale, à moins que par un
vœu ou quelque obligation spéciale , on no
soit tenu à l'oraison mentale. Néanmoins la
méditation peut être nécessaire secondaire-
wunt , comme disent les théologiens , qoen^l
il s'agit d'arriver à la perfection , surtout
pour les religieux , ainsi gue l'affirme Hur-
tado. Saint Thomas, au témoignage de Cas-
tillo ( Bist. ord. Prœd., I. lu, c. 37 ), avait
tant de zèle pour cet exercice, qu'il regar-
dait comme impossible de vivre et de pro-
gresser, dans une communauté, sans la
993
MED
DICTIONNAIRE
M£D
m
méditation, et il disait qu'un religieux,
«ans Toraison , est un soldat qui va sans ar-
mes au combat. Saint Bonaventure dit
aussi : « Assurément un religieux qui ne
pratique pas assidûment Toraison, non-
^seulement est malheureux et inutile » mais
encore aux yeux de Dieu porte une Ame
morte dans un corps vivant. » ( De perf.
vU.f c. 5. ) II faut en dire autant du prêtre.
Comment , sans la méditation , pogrra-t-il
mener une vie chaste et Angélique ? Com-
ment récitera-t-il avec dévotion Toilice divin?
Comment ()ourra-t-il offrir , avec le respect
Hu'\\ lui doit, le redoutable sacrifice de Tau-
tel?Sll n*est remplide Tespritde Jésus^Christ
})ar la méditation» comment gouvernera-t-il
avec tendresse le troupeau de Jésus-Christ?
C(/mmeut le prélat répondra-t-il h sa posi-
tion, qui Toblige non-seulement de tondre
h la pnrfection, mais d*être parfait? « Les
deux fonctions du pontife , dit un concile ,
sont d'étudier, h Técole du Seigneur, par
la ]i*ctute de l'Ecriture sainte et par de iré-
quentes méditations, aGn d'instruire le peu«
pie qui lui est confié. » Aussi Gerson fait
entendre de justes plaintes : « Pourquoi »
hélas I si peu qui s'adonnent à la contem-
plation, même parmi les savants ecclésias-
tiques et les religieux, bien plus, parmi
les théologiens? On peut à peine rester
seul avec soi-même et méditer quelque temps
ou soi-même. » ( Th. myst.^ cons. 2. )
Nous pouvons conclure de ces considéra-
tions : 1° Que la prière mentale est un se-
cours puissant et universel pour vivre chré-
tiennement , et sans lequel il est rare et dif-
ficile de persévérer sûrement. Cela suffit
pour en faire un moyen de salut secondaire-
meni ou moralement nécessaire. 2° Bien que
cette nécessité de l'oraison mentale n'oblige
pas ceux qui n'y sont pas spécialement ap-
pelés, surtout les laïques séculiers qui as-
pirent à ta commune perfection chrétienne,
qui ne peuvent guère prier que de vive voix
et à qui d'ailleurs la prière vocale étant suf-
fisante, la fréquente, oraison mentale ne
doit être proposée qu'avec la plus sage dis-
crétion; cependant cette exception en leur
faveur n'est pas absolue ; ils doivent au
moins, sur les ailes do la prière vocale,
élever leur esprit à Dieu , ce qui est en
quelque sorte une prière à la fois vocale et
mentale ; d'ailleurs ils ne peuvent guère se
disposer à la contrition et è la sainte coin*
munion, sans quelques réflexions menta-
les et une certaine méditation. Assurément,
c'est souvent une excuse frivole de dire
que ToraisoU mentale doit être exclusive»
ment réservée aux savants et aux religieux,
et que les ignorants, les ouvriers et les fem-
mes en sont tout è fait dispensés. Car tous
ceux qui jouissent de leur raison sont ca-
pables d'oraison mentale. Si un Chrétien
croit devoir s'occuper avant tout du salut de
son flme , s'il s'efforce de remplir exacte-
ment tous les préceptes divins, et si dans
ce but il implore humblement la grdce de
Dieu , il fera une bonne oraison mentale.
Les gens du siècle montrent souvent tant
d^intelligcnce dans tes choses de la terre,
afin d'obtenir un gain temporel : pourquoi
n'en agissent-ils pas de même dans ce qui
concerne le salut de leur âme ? Donnez-moi
une &uie simple , qui ait plus de souci des
choses spirituelles que des choses tempo-
relles, et elle sera bientôt en étatdeprati*
quer Toraison mentale. Certes il faut re->
gretter que les prédicateurs , les curés et
les confesseurs n'exercent pas plus fré-
auemment sur cette matière le peuple des
dèles, même dès leur jeunesse : ils gagne-
raient à la perfection chrétienne uu bien
plus grand nombre d'Ames.
Lorsqu'un prndeut confesseur voit quel*
qu'un détester le péché mortel et dis()0$é
à faire des progrès dans l'amour divin, ou
bien rencontre un de ces pécheurs, qai
ayant sa volonté pl)Dgée dans un bourbier,
dont il ne çeulse dé!ivrer qn'en réflécbissaul
sur lui-même, paraît maintenant agité par
le souvenir de ses iniquités passées, il m\
le disposer è bien faire l'oraison menlale.
Et pour y arriver, il doit reconnaître d'a-
bord si le pénitent est instruit ou ignorant;
dans ce dernier cas, il doit lui imposer seu-
lement, le matin et le soir, quand toutesl
calme dans sa demeure , ou même dans le
cours de ses travaux, q^uand on ne peot
trouver d'autre temps, il doit lui imposer
d'élever de temps en lemps son esprit vers
Dieu, et de mé<liter les vérités de la foi,
telles que nos fins dernières ou la passion
de Notre-Seigneur Jésus-Christ. Il ne doit
pas se prêter facilement aux excuses de
ceux qui voudraient se dispenser de ce de-
voir; car tout fidèle peut pratiquer lui«inèine
cet exercice en tout temps et en tout lieu.
Mais si le pénitent no manque pasd'ius^
truction, il doit lui apprendre à se servirde
quelque livre , propre h lui donner facile*
ment l'habitude de la méditation , ce que fil
sainte Thérèse pendant quelques années,
comme elle le raconte elle-même. 11 doit
l'avertir de choisir la matière qui inspire à
son flme le plus de dévotion); et une fuis
3u*il se sentira vivement ému et touché,
e rester longtemps sur ce sujet ; après la
lecture, que l'âme s'exerce soit à produiTt
des actes de volonté ^ cumme dliumililé,
d'actions do grftces , de contrition , de foi ,
d'espérance , de charité , etc.; soit à faire à
Dieu des demandes^ surtout celle de son
amour et de la nersévérance finale; soit
enlin à exécuter de bonnes résolutions, ^^^
pour que la méditation soit fructueuse, il est
nécessaire que l'âme se propose de mettre i
exécution tes projets que la méditation lui
a suggérés. Personne^ dit saint François de
Sales , ne doit finir V oraison sans avoir prit
quelifue résolution partieuliire ^ comme it
corriger certains défauts ^ et do pratiq^tr ttrr
taines vertus où l*on se reconnaît plus faiblir
. C'est ainsi que l'oraison mentale ou la
méditation doit être insinuée par le confes*
seur, non-seulement aux Ames timorées,
mais encore aux pécheurs ; car c'est souvent
h défaut de cette méditation qu'ils retournent
à leur vomitsement. 11 doit^ encore leur de-
MED
irAscensME.
mander compte de la manière dont ils font
cette méditation, et leur imposer Tobliga-
tion de s*accuser arant tout d'jr aroir man-
qué, quand cela leur arrive. En agissant
ainsi, le confesseur rendra d*éminenls ser-
Tîces aux âmes, et remplira ses fonctions en
bon et fidèle dispenraieur des m^siires de
JKeu, C*est surtout après les missions qu'il
est utile d'inspirer ce salutaire exercice aux
fidèles; car c'est alors qu'ils y sont le mieux
disposés.
La médication est d'un puissant secours
pour obtenir la perfection chrétienne. On le
proore: «
1* Par l'Ecriture sainte: Jtfan ecmr s*e$t
éekauffé au dedans de moi : et tandis que je
wiéditaiSf unfeus*yest embraséJPs, xxxtiii,%.)
Il s'apit ici de ce feu dont Jésus-Cliiisl di-
sait : Je suis venu apporter te feu sur la terres
et que désiré-jet sinon guit s^allumef {Lue.
xit, 49.) C'est encore le feu dont il est écrit :
Le feu ne dit jamais : Cest auez. {Prov.
XXX, 16.) Que celui donc, qui, dans la voie
de Dieu, désire brûler du feu de la charité,
eo laquelle et arec laquelle se trouTe toute
perfection, s'attache de plus en plus à la
méditation.
2* Par les saints Pères, c Comme le matin,
dit saint Grégoire (). xxt jVot., c. 7), est la
première partie du jour, chaque fidèle doit
a ce moment laisser de côté toutes les pen-
sées de la Tie présente, pour réfléchir aux
morens de rallumer en lui le feu de la cha-
rité, qui depuis longtemps est près de s'é-
teindre. »
c Tous donc, prêtre de Dieo, dit saint
BonaTentore [De prof, relig., c. 09), lorsque
TOUS apercoTez que la noit, par négligence,
TOUS avez lajssé le feu se ralentir sur l'autel
de . Totre cœur, empressez-TOus le matin,
c'est-k-dire aussitôt que la lumière tous
éclaire, de le ranimer par le bois de forai-
son, B
3* En Toici les raisons. 1* Notre âme rit
de toute parole qui proctde de la bouche de
Dieu {Matth. ir, 4), c'est-à-dire qni est ré-
Télée de Dieu. Hais celte parole ne peut
nourrir Tâme, si la méditation, comme une
sorte de mastication, ne lui foit subir aupa-
ravant plusieurs préparations. En effet, dit
saint Grégoire, « quiconque ne repasse pas
dans sa mémoire le bien qu'il a lu ou en^
tendu dire, et ne se litre pas à de saintes
réflexions, doit nécessairement aroir de
mauvaises peusées. » 2" 11 faut croire aux
mystères de Dieu tant en spéculation qu'en
(>ratique, bien qu'ils soient roilés par une
umière obscure de la foi. Cependant, pour
faire de plus en plus des procès vers la
perfection, nous devons scruter humbltr-
ment ces mjstères, et les contempler dans
une attentive méditation. C'est là ce qui
distingue le commun des fidèles de ceux
qui aspirent à la perfection ou qui sont déjà
parfaits. C'est à ces derniers qu'il est dit:
Scrutez les Ecritures. [Joan. v, 39.) El c'e^t
ainsi qu'agissaient ceux qui reçurent la pa*
rôle avec beaucoup étardeur^ examinant tous
lef jours les Ecritures. {Act.wu, 11.,^ La
témoignages de votre loi sont admirables^ dit
David ; c*est pourquoi mon âme en a recherché
la connaissance avec soin. [Ps. cxvtit, ISKU.)
Aussi dit saint Grégoire : « H en est qui
aiment Dieu, an point de se mépriser eux-
mêmes, et de se ravir intérieurement pour
Îr trouver Dieu. Et comme Dieu n'est \^as à
a surlace, ils s'appliquent à la méditation,
ils examinent à fond leurs propres pensées,
ils font des lectures, et enfin ne cessent de
chercher Dieu par tous les moyens possî*
blés... Arrivé à cet état, l'homme brûle de
désirs, et, comptant pour rien ce qu'il f k>s- '
sède, porte toujours plus haut ses i égards. »
ICantu.f c. f.) Saint Bernard résume ainsi
les avantages de la méditation (Cl De mr-
dit.) : c (Test elle qui limite ce qui est
confus, qui rassemble ce qui est épars, qui.
scrute les choses secrètes, qui recberche la
vérité, qui examine les objets vraisembla-
bles, qui explore les choses feintes ou far-
dées. C'est elle qui arrête à l'avance ce qu'il
faut faire, qui rappelle ce qui a été fait, de'
manière à ne rien laisser dans l'esprit qui
ait besoin de réforme on d'amélioration.
C'est elle qni dans la prospérité prévoit le
malheur, et qni fait oublier celui-ci. » 3* En-
fin dans la méditation l'homme est parfaite-
ment disposé à recevoir les grAces actuel les,
qni consistent dans une lumière surnatu-
relle de rintelligence et dans une sainte
impulsion surnaturelle de la volonté; car il
correspond aux connaissances infuses par
les connaissances acquises, et aux affections
par les sentiments afl^ectueux; il entend Dieu
qui lui parle, et s'entretient délicieusement
avec lui. Donc c'est par la méditation qu'il
faut tendre à la |>erfection.
Tous ceux qui aspirent à la perfection
doivent donc s'appliquer à la méditation,
surtout les religieux et les ecclésiastiques,
qui sont tenus de tendre à une perfection
Ï»ldS grande que les séculiers. Qu'ils ne se
aisseut pas détourner d'un exercice aussi
utile par les devoirs de leur étal. S'ils le
veulent, le temps ne lenr manquera jamais.
Quelqu'un poovail-il être plus occupé que
le Souveiain Pontife Eugène 111? et cepen-
dant saint Bernard loi prouve, dans ses qua-
tre livres sur la méditation, qu'il doit avant
tout, à certaines heures, se livrer à l'oraison,
et il dit, entre autres choses : « Souvenez-
vous, je ne dis pas toujours, je ne dis pas
souvent, mais de temps en temps, de vous
recueillir en vous-même : après avoir été à
tant d'autres, soyez un peu anssi à vous^
même. » (L. i, c. (.) Parmi les princes même,
tels que David, Salomon , etc., qui fut ja-
mais plus écrasé d'affaires que I empereur
Charies-Quint? Et cependant, outre les heu-
res canonif|ue5 qu'il récitait tous les jours,
il passait trois quarts d'heure chaque matin
à prier à genoux, comme l'atteste Sario.
{Chron. ad aon. 1558.) P^rmi les personna-
ges adonnés à l'étude, le docteur angéliqucf
saint Thomas, et le docteur sérafibique saint
Bonaventure,et tant d autres jusqu'à ce jour,
ont toujours trouvé un temps suffisant |»our
la méditation. « Je tous conjure, lecteur.
987
MED
DICIONNAIRE
B1ED
m
conclut Corneille de la Pierre (C. 8 Deut.^
q. %), je.vous conjure, par votre salut et par
le salut des autres, d'en faire vous-môuie
rexpérience et la pratique, surtout si vous
êtes ecclésiastique ou théologien. Habiluez-
vous et apprenez h méditer chaque jour/
soit sur la courte durée de la vie, soit sur
votre mort, soit sur le jugement bu Téler-
nité, sur la passion de Jésus*Christ ou des
saints; et à retirer de cette méditiilion des
résolutions efJoaces, comme de morlilîer ei
ce jour votre orgueil, votre colère, voire
gourmandise, etc. ; de vous exercer à Thu-
militera la charité, à la patience.» — Fo{^. les
mots: Lecture spirituelle, Héditatiom des
FINS DERNlàaRSy pRÉSENCE DE DiEU.
Mais il ne sufQt point d*établir la na/ure,
les avantages et la nécessité de Voraison^ au
moins, pour niarcker dans les voies de la per*
fection chrétienne, II est important, pour
rendre Toraisou plus pratique et plus facile,
d*indiquer la méthode si souvent recom*
mandée par les maîtres de la vies|)irituelle.
Cette méthode, généralement suivie, n*ost
point sans doute iniiiipensable, mais exces-
sivement utile, pour retirer tous les fruits
possibles d*iia si saint eiercicc. — Yog. le
mo/ Métuode d*oraison.
Pratique* — I. Le directeur qui veut con»
duire une Ame à la perfection clirétii nne
doit nécessairement l'amener à consacrer,
chaque jour, queluue temps h la considéra-
tion de.quçlque vérité de. la foi. Il pourra
bien, par ses saintes exhortations, arracher
du cœur de son pénitent Quelque défaut ou
quelque mauvaise habitude; mais ses paro-
le5 ne sufliront point pour lui ins()irer In
fréquent et presque continuel exercice des
vertus et de la mortification, ce oui cepeu'*
dant est d*une si grande nécessité pour ac^
quérir la perfection. Car cet exercice conti-
nuel ne peut être soutenu que par une
grande crainte et un vif amour de Dieu; or
cette crainte et cet amour prendront diffici-
lement de profondes racines dans le cœur,
sans le secours de la méditation des choses
saintes. Nous ne disons pas qu'il faille con-
seiller Tusage de la méditation aux ouvriers,
aux gens de la campagne, qui du matin au
soir se livrent & un travail manuel, et qui
ii*ont ni le mojren ni le temps de s'appli-
quer à cette louable pratique. Nous disons
seulement qu*if faut y amener ceux qui,
pourvu qu'ils le veuillent, peuvent, sans
trop de uifliculté, consacrer quelque partie
du jour è de saintes considérations: et, en
particulier les personnes de mœurs pures,
chez lesquelles la grâce divine lesjrouvaiit
bien préparées, a coutume de produire
d*heureux effets et d'immenses progrès dans
vertu; comme encore certaines autres
personnes à qui Dieu inspire^ à l'occasion
d'une mission, ou d'un sermon, ou d'une
confession générale, une douleur plus vive
de leurs péchés et une résolution ^rme de
changer de vie. Car la grflce de Dieu , entra*
tenue, nourrie par la méditation, achèvera
l'œuvre déjà commencée en ces Ames : mais
bn doit la conseiller sut tout aux religieux et
aux ecclésiastiques, puisque, déjà consacrés
spécialement au service de Dieu, ils sont
tenus, plus que les autres, de s'appliquera
la perfection , et, dans ce but, s*e&ercei à
la méditation fréquente, qui, selon l'expres-
sion de saint Jean Chrjsostoroe, est la bm
et la racine de toute vertu {De orando Deum,
lib. I.)
II. Le directeur doit veiller à ce qac ses
pénitents qui ont une fois commencé À pra-
tiquer la méditation, ne viennent à remet-
tre sous quelque léger prétexte» et oioins
encore à raison des distractions, des en-
nuis, des aridités et des tentations qu'ils
éprouvent pendant ce temps d'entretien arec
Dieu ; car si sur ce point ils se laissent vain-
cre une ou deux fois par le démon, ils
s'exposent au grand danger d'en venir jus-
qu'à renoncer pour toujours à ce jneui
exercice.
III. Il fiiut, quant à l'objet des méditations,
que le directeur ait soin de l'approprier, de
le proportionnera l'état de chacun. Pourccai
qui commencent et soiit encore dans la voie
purgative, les sujets oui leur convienneol
sont ceux qui sont plus propres à in^^pi-
rer une sainte crainte de Dieu et une vivt'
douleur de leurs péchés, par exemple, la
liiédilation de la mort, du jugement, de
l'enfer, de Téternilé,' de la honte du péché,
et autres semblables ; pour ceux qui soiil.
en progrès, qui sont déjà dans la voie
illuminalive , il convient de leur donner
des sujets de méditation qui traitent de
la vie et de la mort du divin Rédcui-
teur, pour les exciter de plus en plus à IV
mour de la vertu ; eniin aux parfaits, qui
sont parvenus à la voie uuitive, il faut sur-
tout des sujets de méditation qui traitent
des perfections et des attributs de Dieu,
comme étant plus propres à exciter en eut
les flammes Uu saint amour qui les unilà
Dieu. Cet ordre que nous indiquons n*etD-
pèche pas cependant que l'on ne puisse,
bien plus,que l'on ne doive quelquefois $'a{«
pliquer à des méditations propres à un aulru
état que le sien , et particulièrement aui
considérations sur la vie et sur la mort de
Jésus-Christ , dont personne ne doit jamais
s'abstenir entièrement, en quelque é(4t que
l'on soi t.
IV. Pour ce qui est do régler le temps
3ue les pénitents doivent consacrer ) la wé-
itation, le directeur a surtout, à cet éganli
besoin de faire attention à deux choses : pre-
mièrement aux occupations qui retiennent
le pénitent; secondement à la nature de
son esprit. Si nous jetons les yeux sur
les exemples que les saints nous ont don*
nés à cet égard, nous verrons qu'ils ne se
sont point lassés dans leur ardeur pourTo
raison intérieure! Saint Bernard, toujours
debout, passait les jours et les nuits dans la
méditation et la contemplation des choses
célestes, au point qu'à force de rester dans
la même position, ses jambes s'enOaieuli
et qu'il ne pouvait plus se tenir sur st*$
pieds. Saint Jérôme rapporte, daus la Vih
de saiul Pdul, premier anachorète, qVil ila»
989
MED
D*ASC£T1S1IE.
HEO
9M
Ititeroent appliqné è Toraison intérieure,
que môme après sa mort son corps parais-
sait encore plongé dans la contemplation
des choses célestes; car saint Antoine» le
trouvant les mains et les yeui levés au ciel,
cnit d*8bord qu'il n*était pas mort» mais
seulement qu une profonde contemplation
dans laquelle il était absorbé le privait de
l'usage de ses sens. Ces exemples, et mille
autres dont Tbistoire ecclésiastique est
remplie, prouvent évidemment que la me-
sure dont les saints se servaient dans Torai-
son intérieure était sans aucune mesure; et
en cela il n'y avait de leur part que sagesse,
puisque d*un cdté ils ne manquaient à au-
cun des devoirs de leur état, et que de l'au-
tre ils entretenaient ainsi constamment
dans leur cœur une piété, une ferveur tou-
jours ardente. Cependant s'il s'agit de tout
ie monde en général, il est nécessaire d'é-
tablir et de suivre une rè^le pour le temps
à consacrer à la méditation, aOu d'éviter
ég<ilement le trop et le trop peu. Or celte
règle doit surtout être en rapport avec les
deroirs de chacun ; c'est-à-dire, que la mé*
dilation de chaque jour doit être, eu égard
au temps, telle, qu elle n'emfiéche point de
sacquitter de ses devoirs, ni de ses occu-
pations; qu'elle ne fatigue point trop la
tète, et n'affaiblisse point trop les forces du
corps, en un mot, quelle ne nuise point à
la santé. Secondement l'oraison doit être
proportionnée aux forces de Tesf^rit : c*est-
yire qu'il faut la prolonger, tant que l'es*
prit conserve sa vigueur et sa ferveur; et
la terminer, lorsque l'esprit ne peut plus
la continuer sans ennui. Telle est la doc-
trine de saint Thomas. (2-3, q. 83, art.
U.) Mais comme il peut arriver facilement
que quelques-uns, trompés par la froideur
de leur esprit, s'imaginent ne point avoir
Ic^dispositionsnécessairespourcontinuerla
méditation, cpioiqu'ils pussent la* prolonger
avec beaucoup de fruit; et que d'autres, ani-
més par un excès d^ardeur, la prolongent
plus que ne le permettent les forces de leur
corps et les devoirs propres de leur état^
ajoutons à la règle générale que nous ve-
nons de donner, une règle plus particulière,
i saroir, que chacun consacre chaque jour
aa moins une demi-heure h la méditation,
sans qu'aucune aridité puisse en faire rien
retrancher; bien que Ion puisse la conti-
puer, ou même la réitérer (supposé ton-
jours que la santé on le devoir n*en souffre
B$)f lorsqu'on sent un souffle plus favora-
B de la grâce, comme le faisaient saint Ber-
nardin de Sienne et plusieurs autres, qui
^'étaient proposé de faire chaque jour une
heure de méditation, sans qne rien pAt li*s
^n détourner. Cependant, à l'égard des per-
^nnes libres de toute affaire et qui s'appti-
<|uenlàlavie purement contemplative, le
<lirccteur pourra agir plus largement et leur
aecorder plus de temps pour l'oraison inté-
rieure, comme étant Texercice le plus con-
venable à l'état de leur «me.
. ^- Le temps le plus propre k la considéra-
tion des vérités éternelles, c'est le
tuaiiu, le
soir et le milieu de la nuit. David dc'sigiie
pour la prière ces trois moments du jour :
Je me levais^ dit-il, au milieu de la nuit pour
chanter vos louanges {Ps. xviii]; le matin je
méditais sur vous {Ps. t.xïi): je levais fers
vous les mains pour le sacrifice du soir. {Ps,
oxL.) Mais si Ton ne veut vaquer à la médi-
tation qu'une fois par jour, le temps le plus
eropre sera, sans aucun doute, le malin : d'a-
ord, parce que, après le repos du sommeil,
nous sommes plus libres et plus propres aux
opérations de Vàme; ensuite, parce qu'alors
Tesprit est moins distrait par les choses ter-
restres; enGn, parce que, en commençant le
jour par la considération des vérités éter-
nelles, nous nous armons et nous fortifions
contre les pièges et les combats de tout le
jour. D'ailleurs saint Jean Cliroaque di2^ail :
« Donnez au Seigneur les prémices d.e votre
journée, car elle sera tout entière pour celui
Îui l'aura le premier, a {Scala^ grad. 26.)
t il ajoute qu'une personne d'un esprit re-
marquable avait coutume de dire : « Par ie
matin, je connais quel sera pour moi le reste
du jour. » Si l'on désirait se livrer deux
fois chaque jour au saint exercice de la mé-
ditation, le temps le plus favorable pour la
seconde fois sera le soir, è moins cependant
qu'on eût le courage d'interrompre son som-
meil et de se lever la nuit.
VI. Si le pénitent commence à éprouver,
au temps de Ja méditation, des consolations
spirituelles, que le confesseur sache le di-
riger avec prudence, dans la crainte que ces
sentiments de piété, au lieu d'être utiles à
l'esprit, ne lui deviennent au contraire nui-
sibles. Dieu donne aux âmes, surtout au
commencement, ces consolations sensibles,
pour les animer par là à la pratique des ver-
tus solides. Mais beaucoup en abusent et
changent le remède en poison : ils s'atta-
chent h ces douceurs et ils se livrent è l'o-
raison, non plus dans le désir de plaire à
Dieu, mais dans l'espoir de ces consolations
spirituelles qu'ils ont coutume d'éprouver»
Aussi, dès que ces consolations cessent, ou
les voit tomber dans l'inquiétude, dans la
tristesse, dans la déCance et dans un déplo-
rable abattement. Ou en rencontre d*aulres
qui font consister dans ces sentiments, dans
ces douceurs, toute la vie spirituelle, au point
que, s'ils se sentent remplis de ces tendres
consolations, ils croient qu'ils ont fait beau-
coup de progrès 9 et que s'ils s'en voient pri-
vés, ils s*imaginent avoir tout perdu. C est
pourquoi, que le directeur s'attache è préve-
nir ces fAcheux résultats, si nuisibles h l'a-
vancement dans la perfection ; et s*il s'aper-
çoit que son discif^le éprouve des douceurs,
des consolations et des sentiments de piété
fervente, qu'il aitsoiu de bien lui inculquer
cette vérité : à savoir, que la perfection no
consiste pas dans celle douceur de senti-
ments, mais plutôt dans la mortiGcation in-
térieure etextéri(3ure et dans l'exercice pra-
tiuue des vertus solides; et que s'il les né-
Îlige, il sora d'autant |ilus coupable devant
lieu, qu*il eu avait reçu une plus ^nnde
abondance du faveurs. Qu'il lui dise que ces
991
IlEb
MCTlONIUlftE
MED
î»î.
mouvements» ces allrails de sensibilité sont
des signes de la faiblesse d'une âme» puis-
qu'ils sont ordinairement le partage des corn*
mençants, de ceux qui ne sont encore que^
des enfants dans les voies spirituelles. Qu'il
lui rappelle que ces consolations ne dure-
ront pas toujours, et que bientôt elles se
changeront en ténèbres et en aridités, et
cela dans le dessein de les lui faire prévoir,
afin qu'il s'y prépare, et ne tombe pas dans
la tristesse ou dans l'abattement , lorsque
viendra le tem))s d'os sécberessos. En outre
Sue le directeur s'applique à obtenir de ces
mes, que, dans ces temps de prospérités et
de faveurs, elles paraissent en présence de
Dieu avec une extrême modestie et un pro-
fond respect. Car souvent celte prospérité de
l'esprit est la mère d'une confiance impru-
dente qui inspire trop d'empressement et
comme de la hardiesse dans les rapports
avec Dieu, il faut prendre garde encore que
le pénitent emporté par un excès de ferveur
ne se livré sans modération aucune aux orai-
sons, aux veilles, aux jeûnes et aux œuvres
de pénitence: sinon, la l6te se fatiguera, la
poitrine souffrira, la fiante et les forces du
corps s'altéreront profondement, comme il
arrive souvent, et non sans un grave incon-
vénient pour la vie spirituelle, puisque l'on
ne peut plus, faute de force, continuer sa
course. Que l'on exige donc des pénitents
qu'ils s'uuvront entièrement et se laissent
conduire en toutes choses.
' yil. Si au contraire le pénitent se voit
()lein d'aridités et dépourvu de toute conso-
ation, le directeur doit rechercher la source
d'où viennent de telles sécheresses. Or, se-
lon Cassien , elles peuvent venir de trois
sources : ou de notre négligence , ou de la
malveillance du démou , ou bien de la
part de Dieu, pour nous éprouver. Et d'à-
nord, à l'égard de la première de ces trois
sources d*où proviennent nos aridités, que
le directeur examine si cette obscurité de
i'flme et cette sécheresse de sentiments sont
le résultat de fautes et de défauts considé-
rables dans lesquels une trop grande négli^
complaisance et d'orgueil : car, selon saint
Bernard, ce dernier point est le plus sou-
vent la cause pour laquelle Dieu nous ôte
la grflce sensible. « L'orgueil , dit-il, a été
trouvé en moi, et le Seigneur, dans sa co-
lère, s'est éloigné do son serviteur; de là
cette stérilité de mon flme et ce manque de
dévotion que j'éprouve.... Je suis incapable
de componction et de larmes, tant est grande
la dureté de mon cœuri Je suis sans goAt
pour la psalmodie, sans désir de la lecture;
je n'aime point à prier;, je ne trouve plus
mes méditations accoutumées. Qu'esl deve-
nue cette ivresse de l'esprit? Qu*est devenue
cette sérénité de i'Âme, et cette joie, et celte
paix dans le Saint-Esprit?» rSerm. M tu
Cani.) Si donc le directeur découvre dans
son pénitent ces sortes de défauts pour les-
quels Dieu se eactie, qu'il yflpi»liquc eilica*
cernent à les corriger. Et s*il trouve que la
vaine complaisance et Torgueil sont la cause
de cet éloignement de Dieu, au'il donne à
son pénitent, pour sujers de méditation, les
vérités propres h lui procurer la coDnai&-
sance claire de lui-même; et qu'il le fasse
méditer sur le même sujet, jusqu'à ce qu'il
conçoive intérieurement une idée basse de
lui-même, et un véritable sentiment de sou
néant. Pour ce qui est de la seconde sour»}
de nos sécheresses spirituelles, on doit tes
attribuer au démon, lorsque l'esprit du pé^
nilent qui les éprouve est abattu par de
vaines craintes,'est tourmenté par des scru-
pules, est accablé de sentiments de déOance,
est a>;ité par des appréhensions mal fondées
est attaoué par des tentations impures, ou
est troublé par d'autres agitations intérieu-
res : car 1 ennemi environne l'esprit de
ténèbres et trouble le cœur par ses sugges-
tions malignes, pour empêcher celui uui
médite de recevoir les tranauilles, paisibles
et suaves impressions de la grftce divine.
C'est pourquoi, en ces sortes de cas,il sulQl
d'appliquer les moyens ordinaires pour
repousser les tentations du démon. Eoûn,
si le directeur ne remarque dans. son péni-
tent ni fautes graves, m vaines complai-
sances, ni agitations diaboliques, il faudra
voir en Dieu la source des aridités spiri-
tuelles. Car le Seigneur, pour puriQer uuc
Ame, lui envoie souvent cette sécheresse
accablante. Et en cela rien qui doive élou-
ner, puisque l'&me, au milieu de ces obscu-
rités de 1 esprit et de cette dureté du cœur,
est privée ae toute consolation spirituelle,
et par là s'accoutume à servir Dieu, non pas
pour trouver en lui. des douceurs, maispour
son seul et pur amour; en un mot, elle ap-
prend à servir Dieu pour Dieu seul, et c'esl
en cela , si nous réfléchissons bien, que con-
siste Tamour pur et désintéressé. Eu oulit,
dans ces temps de sécheresse, Tâme acquiert
des vertus réelles Bt solides, si elle se uiou*
tre Ûdèle. Car alors, l'âme produit des actes
de patience, de mortification, d*bumiiiié,
d'obéissance, etc., sans y être excitée par
les mouvements d'un certain sentiment de
douceur et de sensibilité que la grâce fait
naître dans le cœur, mais uniquement par
l'impulsion et sous l'influence de b vertu
même: et de là naissent ces bonnes habi-
tudes qui s'enracinent profondéoient dans
'ftme, et par le secours desquelles Yèm
pratique la vertu dans tous les états, àn^
toutes les conjonctures , aussi bien daiis
l'adversité que dans la prospérité. C'est pour*
quoi le directeur ne doit pas laisser tomber
son pénitent dans rioquiétude ou dans ra-
battement, au temps des sécheresses. 11 '^
portera à s'humilier sous la main puissant^;
(le Dieu, et à reconnaître au fond du cceur
et sans trouble sa propre impuissance et sa
misère, afin que, fortifié parla foi et par'i
ferme persuasion que Dieu règle toutes cbo-
ses pour le bien de son Ame, il se eoufonu^
entièrement à sa volonté sainte, et s'offrea
persévérer toute sa vie dans ces angoisses
spirituelles, si la gloire de Dieu et It'bie)
993
HEM
VASCETISIB.
MEM
. de son âme le oemandenL Qii*il melie une
. confiance (profonde et inaltérable en la bonté
^difine, qui ne Tabandonnera jamais, s'il ne
Tabandonne le premier; et que pour ci?tte
fin, il se persuade intimement que J>ieu, bien
'q%'il le prire du sentiment de sà présence
qui lui avait été accordé d'atiord, lesoutieut
cependant en secret, le protège, le secoure,
et le regarde d*un œil vraiment paternel*
Du reste , le directeur doit remarquer ici
que TAme qui se trouve en état d'aridité par
suite des deux autres sources dont nous
Bvoos parié, doit également produire les
mêmes actes d*bumiijté, de conformité et de
confiance en Dieu : car , lorsque cette stéri*
lité spirituelle a sa source dans nos propres
défauts ou dans les attaques du démon. Dieu
permet cette aridité pour punir l'âme, ou
fiour la purifier; et alors elle a besoin de
js'exercer à rhumilité et à la soumission en*
vers Dieu. Que le directeur soit encore bien
convaincu que les actes de vertu produites
^ians Télat de sécheresse sont bien plus
agréables à Dieu et d*un bien plus grand
|)rix à sts yeux, qu'ils ne le sont dans les
temps de ferveur et de douceur spirituelles;
puisque, dans ce dernier cas, la grâce sen*
5ible les rend plus faciles et y fait trouver
de Tattrait; et que, dans l'autre, ils naissent
avec effort et sont le résultat du seul amour
pur et désintéressé.
MÉLANCOLIE. — (Foy. Mêthodb n'omAi^
sox.) Vay. Tehp^bameiit.
UEMOIRE. — (MumTiFiCATicïr de la) —
La mémoire est une faculté de l'âme j^ar la-
€|uelle nous pouvons rappeler à l'esprit les
idées des choses qu'il a autrefois perçues,
La mémoire, dans ce rappel des idées autre-
fois perçues, est puissamment aidée par
rtmo^tnaltafi, qui est nue Ciculté de l'âme,
reproduisant les images des choses perçues
antérieurement par les sens, leur donnant
une Tie nouvelle pour les percevoir de nou-
Tean, malgré leur absence; ces perceptions
reproduites s'appellent images^ apparences
eu visiant. Les idées de l'imagination, non
plus gue celles de la mémoire, ne se re*
produisent pas toujours avec la même éner-
gie. Si les anciennes images des choses re-
riennent h l'esprit de manière que nous
reconnaissions les avoir antérieurement
obsenrées, nous disons alors que nous nous
les rappelanê : c'est pourquoi, bien que
rimagination, la mémoire et la réminiscence,
soient des facultés réellement distinctes,
elles ont entre elles une certaine relation,
une connexion telle, que presque toujours
elles produisent leurs effets en même temps
et avec une égale spontanéité. Aussi les
fihilosophes modernes placent le principal
effet do l'imagination dans la mémoire et la
réminiscence, et pensent que la loi de l'ima-
gination s'étend aussi à I une et à l'autre;
car pendant que se reproduisent dans l'es-
prit les idées présentes, les idées des choses
absentes autrefois perçues en mémo temps
-reviennent également a l'esprit; et ces der-
nières sont les parties des choses présentes
que nous rojons, ou nous sout Tenues au-
trefois en même temps: c*esl ee qu'on
appelle l'affocialtoa de$ idées. Et remar-
quons que de ces idées ainsi associéea,
cèdes qui se reproduisent le mieux sout
celles qui ont entre elles la plus grande
similitude, ou qui ont le plus souvent
coexisté en même temps dans l'esprit, ou
qui sont plus en rapport avec la situation
:actuelle de l'esprit, ou qui ont été pensées
arec plus de clarté. En outre, la plupart
des philosophes distinguent une double
mémoire: ils appellent la première seimVtoe^
parce qu'elle tient son ongine des sens, ou
animale parce qu'elle est commune aux
Jiommes et aux animaux ; elle consiste dans
la reconnaissance confuse des idées repro-
duites, ou dans la perception de la même
idée comme contenue dans diverses séries
de perception, alors que la même idée est
produite deux fois par l'effort simultané
des sens et de l'imagi:.ation, ou une fois
seulement, si elle ne provient que de l'ima-
gination seule, mais avec les idées associées:
Ainsi l'idée d'un arbre dans un jardin, pro-
duite par le sens de l'œil à l'idée d'un arbre
autrefois vu dans une forêt, est. produite
par la force de l'imagination. L'autre est
appelée mémoire iniellectuellef ou propre-
ment réminiscence : elle ne convient qu'à
la créature raisonnable, et consiste dans la
reconnaissance distincte des idées repro--
dnites, ou dans le jugement que nous avons
déjà eu antérieurement cette même idée*
Ainsi en vojant un arbre élevé dans un
jardin, nous jugeons que nous atons vu
autrefois un arbre élevé dans une forêt«
Il faut donc morii/kr et corrifjer la mé»
moire, qui, à l'aide de l'imagination, multi«->
plie tes mauTaises pensées. Il existe, d'après
saint Bernard (Serm. 31. De iripl. gen. eog. ),
trois sortes de pensées, dont ceux qui
cherchent à préparer en eux-mêmes une
demeure digne de Dieu doivent se garder
avec le plus gianJ soin. Les premières sout
les pensées oiseuses, que nous devons écar-
ter comme étant simplement de la boue.
Les autres sont violentes et plus tenaces:
eesont celles qui se rapportent aux nécessi-
tés corporelles, tel tes que !e boire, le manger,
etc. ; il faut les réprimer fortement, comme
un limon visqueux, si toutefois on ne peut
les détruire complètement. Les dernières
sont les pensées impures, telles que celles
d'envie, de luxure, de vaine gloire, etc.; il
faut les repousser bien loin, spr^ avoir
imploré le secours divin, tout aussitôt qu'on
en sent l'odeur fétide, comme un immonde
bonrbier. Kt pour j parvenir, Toici le re-
mède que prescrit ce saint docteur : « Afin
que la multitude de ces pensées, qui se
précipite comme une vile |H)pulace dans le
sanctuaire de votre cœur, ne ctiasse pas Dieu
de TOtre mémoire, placez à l'entrée un por-
tier, qui sera le souvenir de Totre profes-
sion particulière. Lorsqu'il sentira que des
pensées honteuses se font jour dans Totrn
âme, il s'adressera à lui-même ces répri-
mandes : Dois-tu penser à cela, toi qui es
prêtie, qui es clerc, qui es moine? De même
.995
MET
DICTIONNAIRE
MET
990
h la porte de la volonté, en laquelle résident
liabUuelIemeDt les désirs charnels ; placez
encore an portier qui s'appelle le souvenîr
de la céleste patrie. Il poarra chasser les
ma a vais désirs comme un coin chasse un
autre coin. Quant au seuil de la raison, pla-
cez un gardien inexorable, qui n*épargne
personne, et repousse au loin tout ennemi
qui voudrait entrer par ruse ou de vive force;
que ce gardien soit le souvenir de Tenfer. »
(Serm. 32.) D ailleurs, enfin par les pen-
sées inutiles que Ton ne corrige pas dans
la mémoire, on perd inutilement le temps,
on néglige beaucoup de grâces, beaucoup
de bonnes œuvres et d*actlons méritoires,
et on se rend coupable de bien des fautes.
Il faut toujours entretenir quelque bonne
pensée, comme de repasser !a méditation
qu'on a faite, produire des oraisons jacula-
toires, soupirer vers Dieu et la céleste pa-
trie, s'entretenir des choses divines , ou
utiles au salut éternel. En pensant ainsi
toujours à Dieu, on nous rappelant toujours
sa sainte présence, nous ne pourrons jamais
occuper notre esprit d'un objet plus dtgne^
plus parfait, plus beau et plus aimable.
MESSE ( CÊLÉBaATioif db la). ^ foy.
EuCHARISTIR
MÊTEZEAU (Paul ), né ï Paris, s'engagea
dans l'état ecclésiastique, et fut avec Bé-
jTulle l'un des premiers fondateurs de l'Ora-
toire. Il se livra avec beaucoup de succès à
la prédication, et mourut ë Calais dans le
cours d'un carême, en 1632, à l'âge de cin-
quante ans, après avoir opéré des conver-
sions éclatantes. Il est auteur d'un ouvrage
intitulé : De sancto $acerdoiiOf ejus dignitate
ei functionibus sacriSf in-4*.
METHODE D'ORAISON.— Sa n«/ure. Dé-
fauls à éviter f remèdes; difficultéM à vaincre.
— La méthode que nous allons donner est
la même que saint François de Sales nous a
enseignée dans son Introduction à la vie
dévote^ où il fait consister cet exere>ice en
jrois choses dont on va* donner l'explication :
Il faut 1* s'y préparer ; 2° entrer dans son
sujet et s'y entretenir; 3* rendre grâces à
Dieu du bon succès de la méditation. Voilà
les trois principales parties, dout la première
se nomme la préparation; la seconde, le
corps de Voraison; la troisième, /aconc/uiioi».
I. La préparation consiste à se présenter
b Toraison; non d'une manière irréfléchie
et inconsidérée, mais avec certaines dispo-
sitions nécessaires pour y réussir. Il y a
deux sortes de préparations, lune éloignée
et Vuiiire prochaine. La préparation éloignée
consiste dans la pureté du cœur, la pureté
d*esprit, et la pureté d'iniention. On entend
par la pureté du cœur le soin qu'on doit
avoir de se puriQer promptcmeut de tout pé-
ché, au moins mortel ; car il ne convie^ drail
pas à unennemideDi<'ude vouloir converser
avec lui. Ceux qui ne veulent point quitter
le péché ne peuvent faire oraison, quand
même ils le voudraient ; mais ceux qui sont
dans la disposition de l'abandonner peuvent
s'y appliquer, et pour cela, il faut qu'ils la
commencent par un acte de contrition, ou
du moins qu'ils témoignent A Dlea le désir
de se convertir et l'espérance d'en troorer
le moyen dans l'oraison. — Par la pureté de
l'esprit, on entend que Tesprit, pour bien
faire la méditation, doit étre.libre et dégagé,
autant que possible, de pensées superflues;
autrement ces pensées Taccableraient et
l'empêcheraient de s'appliquer à son sujet.
— Par la pureté d'intention on entend ga'il
ne faut méditer que pour de bonnes uns;
savoir : de glorifier Dieu, de le louer, de le
remercier ; de se corriger de ses défauts,
de s'animer et de s'encourager aa ser*
vice de Dieu; de suriponter les ennuis,
les dégoûts et les autres tentations qui s'op-
posent à notre avancement dans la piété;
de faire des progrès dans l'amour divin;
d'acquérir les vertus de son état et autres
choses semblables ; les mauvaises fins qu'on
y pourrait avoir seraient d'y chercher des
goûts et des consolations, d'y avoir des
pensées curieuses, de la faire par routine et
par imitation, ou pour v acquérir une ce^
taine réputation de piété.
La préparation jirocAatfie consiste en trois
choses : à se recueillir plus qu'en un autre
temps, à invoquer le secours de Dieu yk bien
présenter le sujet qu'on a choisi et sur lequel
on désire méditer.
On se recueille en rappelant son imagi-
nation, son esprit, sa mémoire et sa volonté
au dehors au dedans, et en les rassemblant
dans un çrand silence au fond de son inté-
rieur. L'imagination, par exemple, est-elle
vagabonde? Si l'on veut se recuellir, on la
rappelle de tous les objets sur lesquels elle
s'était répandue, pour la faire venir au de-
dans de soi ; la mémoire se souvient-elle à
contre temps de bien des choses passées?
Suand on veut se recueillir, on la rappelle
ans :<on intérieur, pourqu elle soit en étal de
no se souvenir que de son objet. L'entende-
ment s'applique-t-il à raisonner et à réfléchir
sur diverses choses? si l'on veut se recueil-
lir, on le retire de tous les raisonnements,
on lui l'ait cesser toutes les réflciLions dé-
E lacées pour se servir de lui dans l'oraison,
a volonté court-elle après une foule d'ob-
iets qu'elle désire, qu'elle aime, et dans
lesquels elle se plaît? quand on veut se
recueillir, on s'eiïorce de la séparer de tous
ces objets, afin qu'elle soit en état de pro-
duire les affections, et de prendre les réso-
lutions conformes au sujet qu'on a choisi.
C'est ainsi qu'on ressemble au dedans do
soi toutes ses puissances, pour être en état
de parler à Dieu avec attention, et de l'é-
couter en silence. —On invoque ensuite le
secours de Dieu, en s'humiliant profondé-
ment à la vue de ses péchés, se reconnais-
sant très-indigne de Thonneur auquel on
assure, qui est de s'entretenir avec Dieu, et
en faisant ensuite quelque courte prière,
comme le Veni Sanete; ou en se contentant
de demander à Dieu intérieurement son aide
et son assistance pour bien faire sa médita-
tion. — Il serait très-bon aussi *d'implorpr
Tassislance de la sainte Vierge et des
saints; car on a besoin de leur intercession
m
MET
D'ASCETISIIE.
• t
MEl
pour bien réussir dans son oraison, pour en
surmonter les difricullés, et surtout pour
iraincro Topposition du démon. — Quant h
la représentation du sujet qu'on a choisU
on se le proposera en gros cl en général» et
on préToira les fruits qu*on désire en re-
tirer. Usera bon que le principal objet de
notre méditation soit Notre-Seigneur Jésus-
Christ, que nous regarderons attentiTeroent«
et que nous tâcherons d'étudier a6n d*en
imiter les vertus. Nous pourrons choisir la
forme qui nous touchera davantage. Nous le
considérerons, le plus nossible, an fond de
notre cœur, dansTélat ou il était sur la croix.
Jésus crucifié sera donc le sujet de nos
méditations, nous en saurons assez quand
nous serons une fois bien pénétrés de ce
divin sujet L*ap6tre saint f*aul ne se glori-
fiait point d*en savoir davantage. Quant aux
fruits que nous devons retirer de la médita-
tion , ils varient suivant nos besoins et
selon les mouvements de la Rrâce; par exem-
ple, nous pourrons désirer fe regret de nos
fanles, la crainte de la justice de Dieu, la
confiance en sa miséricorde, Thorreur de
quelque vice, ou l'amour et la pratique de
quelque vertu.
11. Lt corp^âe raraison consiste en trois
choses: dans les considérations, les affections
et les résolutions»
Les considérations sont des raisonnements
et des réflexions que fait notre esprit sur
quelque sujet pour s'élever à Dieu, ou se
convaincre de quelque vérité du salut, ou
fie persuader de quelque obligation, et pour
porter ensuite la volonté à s'y aOectionner.
Voici quelques exemples qui serviront de
modèle pour beaucoup d'autres qu*on i>ourra
faire de soi-même.
1* Si l'on veut se convaincre (lue la jus-
tice de Dieu est sévère, on considérera son
sujet qui est Jésus crucifié, et on raisonnera
ainsi : si le Père éternel n'a pas épargné son
propre Fils, et s'il l'a traité avec tant de
rigueur pour avoir été la camion des pé-
cheurs, quelle doit être la sévérité de sa
justice envers les véritables pécheurs I
2* Si on désire se persuader qu'on est
obligé de faire pénitence, on envisagera
Jésus crucifié, et on se dira ensuite à soi*
même : Celui que je vois attaché à la croix
est le plus innocent qui fût jamais, et moi
je suis vériiableinent coupanle, je le sais
bien, je n'en doute pas; cependant, tout
juste qu'il était, il a souffert ]ilus que je ne
puis m'imagiuer, et moi je ne saurai pas
souffrir 1 II est mort pour mes péchés, et
moi je n'en ferai pas pénitence! II a sué le
sang pour payer mes dettes, et je ne ferai
l^ar des efforts pour en payer le reste I
3* Si Ton veut se convaincre de la vanité
des biens périssables de ce monde, on consi-
dérera Jésus tout nu sur la croix, et on se
dira: Quel est celui-là , mon âme, que tu
▼ois dans une pauvreté si extrême? G est le
maître et le Seigneur de l'univers. Le crois-tu
ainsi? Il faut bien le croire, la foi me ren-
seigne. Pourquoi a-t-il choisi plutôt cet état
pauvre et misérable, qu'un état riche et
puissant? 11 était libre de prendre celui des
deux(]u'il voulait, il était le mattre; or il
a choisi la pauvreté etméprisé les richesses,
fourquoi ne pas me conformer à ce choix?
e ne puis me tromper en suivant l'exemple
de celui qui est la sagesse même.
h* Pour s'exciter k mépriser les voluptés
de la vie, on jettera les yeux sur ce Seigneur
souffrant en croix, appelé à juste titre
Vhomme de douleurs, et non pas I homme de
plaisir; et on se dira : Assurément, si Jésus •
christ eût cru qu'il était plus expédient
d'aller au ciel par la voie' des plaisirs, il eût
pris cette roule ; mais puisqu'il en a pris une
contra re, c*est une maraue infaillible que
les délices ne sont pas le chemin du ciel,
et que, pour se sauver, il est plus avanta-
geux de choisir les souffrances aue les plai-
sirs
5* S .1 est question de s^exciter à l'amour
de Notre-Seigneur, il faudra, en regardant
Jésus crucifié, se dire à soi-même : Pour-
quoi Jésus a-t-il répandu ainsi tout son
sang jusqu'à la dernière ^ntte? C'est par
amour pour nous ; ne serais-je donc pas le
plus ingrat du monde, si je n'aimais pas
celui gui m'a aimé è un tel degré?
6* S il s'agit de se porter" è la confiance en
la bonté de Dieu, on se dira en regardant
Jésus souffrant sur la croix : Assurément,
celui-là ne veut pas nous damner, qui donne
ainsi sa vie pour nous.
V Veut-on s'exciter à Thumililé, la vue
de Jésus crucifié suffira; car comment re-
garder le^Dieu de l'univers entre deux vo-
leurs, siit un infSme gibet, exposé aux
moqueries des grands €i des petits, l'op-
probre des hommes et Vabjection du peuple,
sans avoir envie de s'humilier avec lui?
8* Veut-on s'encourager è la vertu de
'douceur, on se mettra aux pieds de Jésus
crucifié ; on l'entendra prier pour ses per-
sécuteurs et pour ses propres bourreaux;
on admirera son silence au milieu des o|)-
probres, cette douceur immense et cette
patience infinie qui lui ferment la bouche,
quand il s'agit de repousser les injures qu'on
vomit contre lui, et qui la lui font ouvrir
seulement pour en demander pardon à son
Père.
9* Pour s'animer \ obéir, et surmonter la
répugnance qu'on éprouve quelquefois à se
soumettre à ses supérieurs, on regardera
Jésus en croix, et on se fera ce reproche :
Quoil le souverain Seigneur de I univers
s'est abaissé jusqu'à se soumettre aux plus
méchantes de toutes ses créatures, et j'aurais
de la peine à obéir à ceux que Dieu a mis
au dessus de moi 1
iit Avons-nous de la peine k nous mor-
tifier dans le boire et le manger, nousconsi-
déferons Jésus en croix, à qui l'on donne
è boire du fiel et du vinaigre, et nous nous
dirons : Quelle indtguité de voir un pé-
cheur délicat, tandis que Jésus, l'innocence
même, est rassasié d'amertume I
11* Se sent-on de la peine a supporter quel-
qu'un avec qui on est obligé oe demeurer
et de vivre, on considérera Jcsus crucifié
999
MET
NCnONNAIflE
MET
loeo
3
ui Teul bien passer les derniers moments
e sa vie au milieu des pécheurs.
iS" A-t-on quelque appréhension de la
mort, on regardera Jésus expirant sur la
croix, et on se dira : La mort doit paratlre
douce depuis que mon Sauveur en mou-
rant en a ôté la plus grande amertume.
Voilà quelques exemples des considéra-
tions que Ton peut faire dans la méditation;
il y en a une infinité d*autres qu*on fera
de soi-même sans quMI soit besoin de les
indiquer. Il ne faut faire dans la méditation
de considérations qu*autant qu*il est né-
cessaire pour se persuader de la vérité que
l'on cherche, ou pour s'affectionner à la
vertu à laquelle on prétend. Il y en a
aui ont besoin pour cela de beaucoup
e réflexions, d*autres à qiii il en faut
moins; il s*en trouve même a qui il n'en
faut pas du tout et qui ne sauraient en
faire, comme on le verra plus loin.
Cependant on peut faire- oraison, même
on manquant dans un point aussi essentiel;
les considérations en effet servent de moyen
pour s'élever h Dieu, pour se convaincre
de quelque vérité, pour s'affectionner à la
pratique de quelque vertu, ou pour conce-
voir ae Thorreur de quelque vice; or, si
tout d'un coup, avaât que d'avoir fait des
considérations, on se trouve uni à Dieu,
convaincu de la vérité que l'on voulait
chercher, affectionné à la vertu qu'on dé-
sirait, et plein d'horreur du vice qu'on avait
en vue, il ne faut pas alors s'efforcer de
faire des considérations, puisqu'on a obtenu
sans elles la fin qu'on se pro|K)sait. Il est
vrai que c'est quelquefois par paresse qu'on
ne fait pas de considérations sur le sujet do
l'oraison ; il faudra donc éviter avec grand
soin deux extrémités également préjudi-
ciables à Tâmo: d'abord de se trop violenter
pour faire des considérations, e\ ensuite de
ne pas v apporter la diligence nécessaire.
Ceux qui ne peuvent faire des considérations
pourront y suppléer en faisant agir le cœur,
et en se laissant, doucement emporter aux
affections plus faciles à produire que les con-
sidérations, et qui sont d'une plus grande
utilité.
Quant aux affections , qui est la se-
conde chose qui compose le corps de l'o-
raison, ce sont do bons mouvements de
notre cœur, qui nous portent vers Dieu, et
nous excitent h embrasser tout ce qui lui
plaît, ou à fuir tout ce qui luîdéplatl. Voici
quelques exemples que nous devons pro-
duire.
1" Affection d'amour. Quand une âme est
bien établie dans la présence de Jésus cru-
cifié, et qu'elle voit que c'est pour elle
qu'il a souffert l'excès de ses horribles dou-
leurs, elle se laisse emporter à l'amour
d'un si bon mattré. O .mon Jésus, dit-elle,
que mon cœur est insensible, s'il n'est point
louché de votre grand amour I que mon
cœur est froid, s'il n'est pas échauffé en la
présence d'un si ^rand reu d'amour! Oh!
je vous aimerai, mon Sauveur, je vous ai-
merai au péril de ma vie, et rien au monde
ne pourra éteindre ie brasier d'amour qa'il
vous plaît aujourd'hui d'allumer dans mon
cœur.
2* Affection d'oc/ ton de gréeee. Qaaod je
verrai mon Sauveur sur la croix, et que ta
foi m'aura persuadé c^ue c'est pour moi qu'il
y a été attaché, je lui dirai ae coeur : Que
{Kmrrai-je vous rendre, ô mon divin bien-
aiteur, pour un si grand bienfait? Hélasl
je n'ai rien qui soit digne de vous; donn^
rai-jedes souffrances pour les vôtres? Ré-
pandraî-je mon sang pour celui que tous
avez répandu pour moi?Offrirai-je ma îio
pour celle que vous avez donnée pour moi?
Quel rapport y a-l-il entre le prix du don
que vous m'avez fait et celui que je sou-
haite vous faire? Anges du ciel, saints du
paradis, venez m'aider à remercier moo
Sauveur; mais vous, mon Jésus, rcmerciex-
vous vous-même; car personne ne peut le
faire plus dignement que vous.
3* Affection A^ admiration. Quand une âme
dans l'oraison se trouve toute pénétrée de
la vue de Jésus-Christ souffrant sur la croit,
qu'elle considère %bs excessives douleurs
et son amour extrême, elle s écrie dans
l'admiration oii elle est : Y eût-il jamais
rien de pareil à ce que Je vois? L'esprit
humain eût-il jamais pu s imaginer que le
Seigneur de l'univers se fût réduit au pi-
toyable état où il me parait sur cette croit?
Cieux, étonnez-vous; esprits angéliques,
n'êtes-vous pas surpris d'un tel spectacle?
kr Affection de compassion. A la vue des
douleurs extrêmes qu'endure Jésus sur la
croix, qui ne dirait au fond de son cœur :
O mon Jésus! qu'il faudrait être dur pour
n'être pas attendri de vos peines! HelasI les
pierres se fendirent au moment do votre
mort, et mon cœur oo sera pas pénétré de
douleurl
5" Affection du disir des souffrances. Uoe
Ame qui est convaincue que c est son Diea
qui a souffert pour elle, conçoit le désir de
partager ses peines, et dit : Ne pourrai-je
pas espérer, mon aimable Sauveur, d'avoir
part à votre sacrée passion? Ne me serat-il
pas permis de boire à votre calice, et ne
vous aiderai-je jamais à porter votre croii?
^^enez, persécutions, cnagrins, dégoûts,
ennuis, afilictions, pertes de biens, délais-
sements d'amis; chères croix, chères souf-
francesy vous serez désormais toutes mes
délices, aorès avoir été tant aimées de
Jésus
G" Affection de renoneemeni aux Mena ei
aux honneurs. Désirer d'être riche, après
avoir vu le Dieu que j'adore si pauvre, ce
serait une folie; quoi! j'aimerai a être com-
modément et que rien ne me manque, en
voyant le Dieu de l'univers dénué et dé-
pouillé de tout 1 J*estimerai heureux ceai
qui sont dans l'abondance, qui jouissent de
grands biens, en voyant la sagesse infinie
mépriser tout cela I Je désirerai de Tboa-
neur, j'aimerai qu'on me saluOf j'aurai du
ressentiment quand on me manquera en
quelque chose, après tous les affronts (^u'on
a faits è mon Dieu ! Quelle folio à uothre-
f6M
•meI
D^ASCETISME.
MbT
30M
tien qai croit ea Jésos^hrist moqué et ba-
foué! Adieu dooc, désirs de fortune; adieu»
Taioes fumées d*boDneur : je crois, sans en
douler, que les Traies richesses sont dans la
pauvreté» el les vrais honneurs dans les
mépris, depuis qu'un Dieu les j a recher-
chés.
7* Affection de renaneemmi au fiaUir.
Comment oserai-je maintenant chercher la
satisfaction de mes sens I Comment pour-
rai-je désormais m*étudier è contenter mes
jeux, mes oreilles, mon |(oût, aprèe avoir
▼u Jésus sur la croix, fermant les yeux à
tout, n'entendant que des blasphèmes, ne
recevant que des injures atroces, et étant
abreuvé de fiel et de vinaigre pour l'amour
de moil 11 faut donc, A mon âme, renoncer
ponr^on amour à tous les vains plaisirs des
sens, et me souvenir sans cesse qu*avant
mon IKeu pour modèle, il serait bien
honteux pour moi de rechercher les dé-
lices.
8" Affection A^amour du frocham* Gom*
ment n'aimerai-je pas mon prochain, sa-
chant combien il a été aimé de mon Jésus I
Je le considérerai désormais comme teint
du sang que Jésus a répandu pour lui ; je
ne le regarderai plus comme si^et \ la
bizarrerie, à la mauvaise humeur; je ne
dirai filus qu'il est insupportable; mais je
le supporterai parce qu'il est l'enfant de
Jésus, et que Jésus Ta engendré sur ia croix,
parmi tant de tourments.
9* Affection de dévotion à la iaùUe Vietis
O ma trèfr-sainte Mèrel puisque mon cher
Jésus m*a recommandé, en la personne de
saint Jean, de vous considérer comme ma
mère, ce sera en cette qualité que je vous
rendrai honneur, amour et obéissance;
mais souvenez-vous aussi qu'il vous recom-
manda dès lors de me considérer comme
votre pauvre enfant.
10* Affection d^korreur dunichi. O péché I
que j'ai d'horreur pour toil Quand je pense
que tu as causé la mort de Jésus, je t'ab-
horre, je te déteste du plus profond de mon
cœur, comme étant le plus grand mal du
monde.
11* Affection de eontrition. Qui donnera
de reau à ma iéie^ ei à mes yeux une source
de larwus pour pleurer nuit ei jour fJérim.)
meêpiekis qui ont attaché si cruellement
Jésus à la croix? Plutôt mourir que d'en
commettre encore I
13* Affeotion de confusion, Jésus a tant
souffert pour moi, et je ne souffre rien pour
lui 1 II est nu sur la croix, et je veux être
bien vêtu 1 11 est at>andonné de tous, et ie
cherche avec empressement à être chéri de
tottsi 11 meurt pour moi, et je ne sens point
le désir de mourir pour lui 1 11 est pourtant
mon roi, et je suis son esclave; quel sujet
de confusion pour moi de ressembler si peu
à celui qui m'a été donné pour modèle de
tontes mes actions I Quelle honte de corres-
pondre si peu à son amour immense et pro-
digieux I
Ces exemples d'affection que Ton peut
Ibnnar dans l'oraison suffiront oour appren?
Diciioiih: p'AscÉnsiu. 1.
dre è en former d'autres de soi-même. Celles
qui partiront du cœur vaudront mieux que
celles qui sont inscrites dans les livres; les
affections écrites dans les livres ou gravées
dans la mémoire ne touchent pas autant,
pour Tordinaire, que celles qu on produit
de soi-même ; celles-ci, n'étant point étud iées,
sortent du cœur naturellement et sans arti-
fice, parce qu'elles sont le plus souvent pro
duitespar un mouvement du Saint-Esprit qui
porte le cœur è les former; celles qu'on lit
dans les livres sont, au contraire, froides et
récitées souvent sans aucun mouvement
de la grâce. Ainsi, quand, par exemple, on
se dispose à faire un acte de contrition
avan*' la confession, on peut s*y prendre de
deux manières; la première en le lisant
dans un livre, ou bien en récitant un acte
que l'on sait pour lavoir appris autrefois;
ia seconde en s'excitnnt à la douleur de ses
péchés par de bonnes considérations etdans
un vif souvenir de la bonté de Dieu. Il est
certain que cette dernière manière est la
plus utile, et l'acte de contrition produit de
cette sorte est meilleur et plus sûr que le
premier.
U n'est pas nécessaire de produire des
affections aussi longues que celles qu*on
vient de proposer pour exemple; souvent
un simple mot prononcé intérieurement
fera plus d'effet dans l'âme que de longues
affections qui pourraient dégénérer en vai-
nes paroles, ce qu'il faut éviter.
Ordinairement, on ne doit pas prononcer
de iKiuoheto affections de-son cœur dans
l'oraison, quoiqu'il soit difficile quelquefois
de ne les faire paraître à l'extérieur ou par
quelques soupirs, ou par quelques paroles
Îui ressentent le feu dont on est embrasé.
Jors il est très-utile de prononcer, è l'ex-
emple d'un grand nombre de saints, quel-
ques petits mots enflammés pour toucher
notre cœur. Par exemple, ceux-ci : O mon
Jésus I 6 Dieu de bonté 1 Dieu de miséricor-
de I Dieu de toute consolation ! ô amf)ur f
6 douleurs de Jésus ! A dureté du cœur hu-
main 1 ô aveuglement des hommes I A quoi
pense-t'On? ô mou Dieu, que vous êtes peu
connu! Quand serai-je tout à vousl Qu'est-
ce qui me retient ici bas? O ma vie, A mon
unique bien, A mon tout I Je veux vous ai-
mer et n'aimer que vousl O néant, A folie,
A vanité du monde, je veux vous mépriser
et ne jamais m'arrêter à vous, etc.
il ne faut pas trop multiplier et diversi-
fier ses affections; quand on en produit
quelçju'une, il faut s'j arrêter quelque temps,
la faire entrer dans son cœur, l'y imprimer
bien avant, la goAter, la savourer, et éviter
avec soin dépasser légèrement d'une affec-
tion à une autre.
Pour goAter et savourer les affections
dans l'oraison, remarquez que lorsqu'on
[>roduit quelque affection, elle laisse dans
'âme une certaine impression ou une cer-
taine onction, qui demeure quelques temps
après que cet acte d'affection a été produit;
c est cette impression qu'il faut conserver,
c'est de cette onction que l'âme doitss
I0OS
MET
MCTIONNAIRÉ
MEë
m
|)o\irnr eo silence et en faisant de petites
rause^r l^OuAnd on (ait un dc(0 de conflance
en pion et qu'on liJii a dit: Mon Pieu^ vous
4te3 toute mon espérance; sans vous je
crains tout, avea vous je ne crains rien:
ie sens que cet acte de conflance a laisse
après lui dans mon Ame uqe loipression
qui me fait pencher et tendrq yers Dieu.
GQmnoie vers qfion unique soutien. 2' Quand
on fait uu acte de crainte des jugements de
Ôieu, cet acte laisse en notre ame une im-
pression de frayeur et de tremblement, 3*
Sp'onfait un acte d*bun)ilité, en disant:
Je suis un grand pêcheur, je ne vaux rien,
I'e suis pire qu'un démon, cet acte d'humi-
ité laisse dans Tâme coium.e un poids et un
penchant vers le n^épris, etc. En l)ien ! ce
sont ces impxés^ions, ces penchants et ces
onctions danis lesquels \*ème doit s'entrcte-
liir te plus loi>g(emps possible. 11 en est de
ceci comçae d|uçi feu qui esl allumé; pour-
quoi Iq soumer e( chercher à Texciler,
puisqu'il l'est d^à? il n'j a qu*A l'entrete-
uir et à ie copsQrycr ; et nous ne connat-
trons qu*il faudra recommencer à produire
nue nouvelle affecliou que quand rimpres-
sion de la précédente sera passée. Quand
on s'aperçoit qqe le fèu sacré se ralentit et
va $*éteindre lout à fait, il thut le ranimer
par quelques petits élans, afln de lui faire
fepreodre sa première vigueur;, comme on
ranime le leu matériel en y jetfjnt de temps
en temps ce qu*iil faut pour ralimentec et
^'entretenir.
Pour que ces affectiops SQfent bonaeS| tl
n*est pas eu notre pouvoir qu'elles soient
toujours très-ferventes etsensibles ;les plus
ferventes ne sont pas toujours les meilleures,
et quand on ne peut en produire de telles,
il (aut y suppléer par des froides e^ des sa-
ches, ayant'soin de lés entremêler de quel-
ques pauses qui doivent durer autant de temps
Su'il eu faut pour ^coûter Noire-Seigneur.
Jeu nous parle dans l'oraison par de bx)nnes
pensées qu'if met dans notre esprit, sans
que nous v ayons d'iautre part que de les
recevoir; ri nous parle aussi par de bons
«4ésirs^ qu'il met dans notre cœur, sans que
nous nous soyojis ei^cités à les former; il
nous parle par de. bohç sentiments qui
nous font pariois répandre beaucoup de lar-
mes, jusqu'à nous faire sangloter et soupi-
rer ; il nous parle en beaucoup d*autres ma-
nièjçes. que Texpérience qous apprendra.
Mais si, malgré ces pauses indiquées, il ne
platl pas h pieu de nons parler, il faut les
ôontiouer, car c'est à nous de nous mettre
en devoir d'écouter Dieu, et à lui de nous
faire ou de nous refuser la grâce de nous
parler, scion quMl le juge à propos. Dieii
î^arle d'ailleurs souvent un tangage si subtil
qu'on ne s*en aperçoit pas do suite, mais
seulement dans certaines occasions où Ton
est rempli de bonnes maximes, sans savoir
â'où elles viennent; où Ton se sent pénétré
e. haine pour ses péchés, d'amour pour
Weu et pou.r la vertu, sans savoir à quoi
attribuer ces bons sentiments. C'est dans
Toraison qu'on acquiert tout cela; c'est là
a ne Dieu nous parle h notre insu. Gela est
, I vrai, que souvent, après une oraison où
nous avons fait notre devoir, et où pour-
tant nous n^âvons eu aucun goAt $ensibic,
on se sent plus fort Qu'après une salre où
Ton aura été comblé de coDsolations.
En^n, on entend par résolution^ qui e$tla
troisième chose qni compose le corps d'orai-
son, un ferme propos de faire quelqne chose
que nous connaissons que Dieu demande de
nous, ou d*en fuir et en éviter une autre,
comme contraire à la gloire de Dieu et à
notre salut. Il y a trois sortes de résolutions:
les gén&aleSf les partieuHire^ et les trit^'
tiewières qui sont les meilleures. Volei
quelques exemples de ces trois sortes de
résolutions.
!• Anrès avoir ru combien le péché esl
détestajble, et en avoir conçu de rhorreor,
on forme la résolution de réviter, on pro-
teste qu'on le fuira de toutes se» forces.
Voilà une résolution générckle. Si, er^tretous
les péchés, on prétend éviter celui de la ta-
pité, voin nne résolution plus parHct^ièrt
que la précédente. Mais, comme elle ne Tesl
pas assez, si on ajoute que, pour éviter la
vanité, on se servira des moyens suivanis:
de ne phis parier à son avantage; dô cacber
ce qui pourrait attirer des louanges, quand
la cnarité ne demandera pas qu'on le décoa-
vre ; d'étouffer, dès leur naissance, les pen-
sées de vanité qui pourront nattre dans l'es-
prit , ^ elles y prennent radne avant qu'on
s'en aperçoive ; de réfléchir sur tes péchés
de la vie passée, pour s'bnmtlier devant Dieu
et extirper la ranité : voilà de» résolutions
tris-pariicnliires.
2r Si l'on prend la résolution d**tre pfss
réglé dans ses paroles, voilà une résolution
générale: si, en descendant dans Je détail, on
se propose de ne plus fhire de médisance,
voilà une résolution plus parHcnnêre; mais
si, en allant plus, avant, on veut s'abstenir
â*nller dans Wle compagnie où Pon parle
mal du prochain ; sî, obligé d'y aller, on de-
mande auparavant à Qieu la grâce de ne pas
médire pendant la conversation; si Ton ren-
tre en soi-même olusieurç fois par heure,
Sour demander à I/ien la môme grftce ; si,
tant tombé dans la tnédisance, en répare
de suite sa fauter ou, du moins, si, aussilAt
que Toceasion s'en présente. Ton ne «saque
pas en son particulier de s*en punir : Toili
des résolutions très-mrtiêuHirts.
8* Si on se sent pôrW à pratiqbef h mor-
tification extérieure, et qu on eta prerme h
résolution, elle sera y^wife. 8?^ éescendan»
S lus avant, on se propose rfe se morlifief
ans le goât, voilà une résolution parOru-
Hère; mais si, non eonténf d^avoîf sp****
le sens qu'on veut mortiQer, on défermlne
h manière de se mortifier rfans legoûf, tfert
une résolution très-parêk^Ufe. Far eWfl**
pfe, si on dit : Je ne mangeraf pa» de teile
(^hose pour laquelle je me sens phis d'appé-
tit; je retranenerai une partie à^té V^^l
aura de plus agréable à mon goût dans H
repas; je jeûnerai tel jour; 09 l^en : Je ne
Boirai ni ne mangerai jamais entre lés rep^^i
lOW
MET
D*ASCCTISM£.
MET
lOOG
sans une grande nécessité ; ce sont 1& des
résolutions triê-pariicuUèrn. I) faut bien se
garder de ne plas prendre des résolutions
iris-p&rÈk^ièrts^ sous prétexte qu*on ne les
eiécule pas; à force d*ea prendre, on finit
I>ar les mettre à eiécntion. Si Ton ne prati-
qoe pas encore les résolutions qu'on aura
r^rîses» per exemple, d'être plus charitable,
plus patient, pins sobre, plus solitaire, plus
recneiDÎ, après Taroir bien promis à BieUt
on Tiendra du moins k s^on bonté de ne pas
tenir k la parole qu'on loi a tant de fois don-
née. M on n*aceompKl pas sts résolutions,
€*est qu*on ne s*en souvient pas dans Toe-
easîoi», OQ bien que, ta ferreur étant passée,
on change aussi de résolution.
voici quelques mojens trto-utilos à em-
ployer pour se sûUYeoic de ses résolutions.
1* Ba prendre peu ^v^s chaque oraison, une
ou deuK suffirool pour i*orduiaire; ne point
en changer seureni; oa pourra prendre les
iiiâmes jusqu'à ce qu'on en soil parfaite-
meut f eutt k bout* ST Se prescrire quelque
signe de cooTentioa pour se les rappeler
dans roccasioQ. 3" Prier son ange gardiea de
nous ep faire souvenir, k" Se recueillir de
temps ea tempe dans la journée pour se les
rappeler, c'est le meilleur mojea de tout.
En Toici d*autres qui rendront pius ferme
k exécuter les résolutions. 1' Ne pas pren-
dre des résolutions è la légère, et sans avoir
préru aupararant si elles sont praticables, et
s\ Ton a effecliveiiient cnric de les accom-
plir, îr Ne pas fonder ses résolutions sur de
petites ferveurs passagères , mais sur de
bonnes raisons dont nous soyons fortement
persuadés. Par exemple, si Ton prend la ré-
solution de &ire chaque jour une heure d'o-
raison, on ne doit pas prendre cette résolu-
tion pour quelque goAt sensible qu'on
aurait éprouvé dans sç^s exercices de pi^*lé ;
mais bien & cause du besoin qu'on a de faire
oraison pencbnt cet espace de temps , et
parce qu ua a tout sujet de croire que Dieu
le reut ainsi, puîsqu on s'en est bien trouvé,
et que les directeurs Tapprouvent. 3* Se faire
honte à soi-même quand on est assez lâche
pour ne pas exécuter ses bonnes résolutions,
ci se dire par forme de reproche : Que tu es
misérable de no pas accomplir tes résolu-
lions ? O vaillant cœur, quand il est loin de
Pennemi, mais faible quand il est en sapré-
sencet^* Se punir ouand on n'a pas eu la
force de les accomplir. 5* Ne jamais surtout
s\ippu3'er sur elles, mais uniquement sur la
grâce de Weu. Quand saint Pierre promet-
tait d'être fkJêle à Notro-Seigneur, il s'ap-
puyait sur sa résolution, er ne songeait pas
r.ssuz au besoin qu*îï arait du secours de
Dieu, et ce fut ta la cause de sa chute. Pour
proflter d'an tel exemple, voilà ce qu'il nous
faut dire en prenant quelque résolution : Mon
Dieu, je* me propose de donner telle somme
d'argent' en aumône; de faire telle bonne
œuvre aujourd'hui; d'aller demander pardon
d'un oîot qui m'est échappé par mégarde, et
j'espère, moyennant votre çrâce, de l'accom-
plir; ce n*esC m ,'^^ ^ mémoire, ni sur ma
Tolonté oue je compte, mais sur le secours
que fespere que tous ne me refbserez pas.
ni. La eonclîtsion^ qui est la troisième
i>artie de l'oraison , consiste simplement à
bire, en la terminant, des actes de remer-
ciement, d offrande et de demande. On re-
mercie Dieu de ce que, malgré notre indi-
gnité, il a bien roulu nous souffrir en sa
sainte présence, nous donner de bonnes
pensées, nous suggérer de bonnes affections
et nous faire prendre de bonnes résolutions,
qui nous seront utiles , s'il nous donne la
grâce de les exécuter, comme il nous a fait
celle de les prendre. On offre à Dieu ses
bonnes pensées, ses saintes affections . ses
bons désirs et les résoletions reçues de sa
bonté I et cela par reconnaissance, comme des
fruits qui lui appartiennent. On demande
très-humblemeni a Dieu de bénir notre orai-
son, et surtout les résolutions que nous y
STons prises, afin d'j être entièrement Mer-
les. On conseille encore de faire un bouquet
ipiriiuel que l'on conserre pendant le joor,
pour nous faire sonrenir de nos bons senti-
ments dans l'oraison. Ce bouquet spirituel
sera Jésus-Christ^ 9^'^^ ^^ manquera pas
d'adorer plusieurs fois le jour dans Je fond
de son cœur. Il sera pour fâme comme un
bouquet de myrrhe qui la garantira de toute
corruption, et, par les fréquents retours vers
hif, il nous embaumera d'une odeur très-
suave. Il faut, autant que possible, suivre
le plan !et Tordre de cette méthode ; mais
si rEsprit-Saint demandait quelque autre
chose de nous, il faut nous en écarter sans
lui opposer la moindre résistanoe; car nous
devons nous souvenir que l'oraison est un
entretien avec Dieu, et oCk préside l'Esprrt-
Saint, c'est pour cela que nous rinvorjuons
en la commençant; si donc il plaît i Dieu de
tourner fa conrersation d'une manière dif-
férente de celTe que nous nous étions pro-
posée, il en est le maître, et c'est h nous de
nous soumettre à son adorable voloncé.
On connaîtra qu'on peut s'écarter de cet le
méthode quand on n'jr trouvera point d'entrée,
et qu'on se sentira fortement attiré d^an
autre c6ié ; ce sera un signe que le daint-
Esprîl ne reut pas qu'on suive la route ordi-
naire. Par exemple, si au moment de la
préparation on a de la peine à en faire les
actes, et que Ton se sente tout l'un cotiï>
touché ou de compassion pour Jésus soui-
frant, ou d'amour pour cet aimable Sauveur,
ou de douleur pour ses péchés, on suivra
soa attrait sans s'attacher à la méthode; ou
bien si dans le temps où la méthode pres-
crit des considérations ou des affections on
se sent tout d'un eoup porté à prendre des
résolutions très-utifes pour bien régler se
vie, qu'on îe» prenne sans craindre Se rei>-
rerser l'onlre prescrit. Quant au sujet de
méditation, si on a en rue Jésus crucifié, il
ne faut pas le changer facilement, à moins
qu'on ne connaisse évidemment que Dîea
le demande de nous, ce qui n'est pas pro-
bable; et si par le sujet de méditation on
entend le fruit qu'on reut tirer de la Tue de
Jésus crucifié, qui consiste dans* Kacqursi^-
.1
1007
MET
DICTIONNAIRE
MEf
tion de quelque vertu ou dans Textirpation de
quelque vice» on peut eo changer aussi faci-
lement que de méthode ; si l'on avait des-
sein de considérer la patience de Jésus souf-
franU afin de s'animer à l'imiter, el qu'on se
sente atliré à méditer sur son humilité»
Su'on suive ce dernier attrait, et qu'on aban-
onne le dessein qu'on avait de méditer sur
sapatiepce.
si nous ne trouvons aucune entrée dans
le sujet choisi, et que l'Esprit-Saint ne nous
en présente pas un autre, il ne faut ni
perdre courage pour cela, ni faire comme
ceux qui, se trouvant en cette grande peine,
quittent l'oraison, parce qu'ils voient que ni
la méthode, ni le sujet qulls s'étaient propo-
sés ne leur sont d'aucune utilité. Quand on
se trouve en cet état, il faut se tenir patiem-
ment aux pieds de Jésus crucifié et le re-
garder bien attentivement, lui parler, lui
dire ce qui vient à l'esprit, quoique sans
ordre, sans oublier dé faire quelaues petites
f>auses;4il faut surtout s*humilier devant
ui, c'est le grand secret de l'apaiser, s'il
était irrité contre nous; il faut se mettre en
sa sainte présence, en lui disant, comme
Tenfant prodigue : Mon Père^f ai péché contre
le ciel el contre voue^ etc., ou, comme le
publicain, les yeux baissés et pleins de
confusion à la vue de ses fautes et de ses
misères : Mon DieUf ayez pitié de mot, qui
suis un pécheur: ou, comme le lépreux de
i'Ëvaugile, montrer à Dieu les plaies de son
Ame en disant : Seigneur^ si vous voulez^
votf^pouvejc me j)ru^rtr,oubienavecsaintPaul:
Seigneur y que voulez-vous que je fasse? et
avec les autres apôtres : Seigneur ^ enseignez»
moi à faire oraison. Enfin, il faut quelque-
fois se tenir, comme Madeleine, aux pieds
de Jésus, les baisant et désirant les arro-
ser de ses larmes, et d'autres fois s'écrier,
comme l'aveugle de l'Evangile : Jésus^ Fils
de Davidt ayez pitié de moi.... Seigneur ,
faites que je voie. C'est par ces petits moyens
que Notre-Seigneur jettera un regard favo-
rable sur vous, car il n'y a rien qui attire
tant ses regardsqu'uncœur contrit ethumilié.
Si, après tout cela, on ne trouve pas d'en-
trée à l'oraison, on pourrait quelquefois
faire à Jésus crucifié quelques prières voca-
les, pourvu qu'elles soient très-courtes, afin
Sue vous ne le perdiez pas de vue; surtout
faudrait avoir soin, autant que possible,
de les entremêler de [)etites rétlexions et de
ces pauses tant de fois recommandées. Par
exemple, si dans son oraison on veut réciter
]e Pater: après avoir dit ces mots Notre
Père^ ou s'arrête et on fait cette réflexion :
Qui êtes-vous, mon Seigneur, et que suis-je
pour vous appeler mon Père? Vous l'êtes
pourtant, et c'est avec justice que vous m'or-
donnez de vous donner
je serai en ce monde Que votTt%m t(t\i
sanctifié. Oui, que le sacré nom de Jésus
soit révéré de toute la terre ; qu'il soit si
profondément gravé dans mon cœur, que
jamais il n'en soit effacé Que votre rku
arrive. Régnez, Seigneur, sur tout le monde,
mais principalement dans mon cœur; sojei-
on le maître absolu, chassez-en, baDnisse^
en les tyrans qui voudraient vous disputer
ce pauvre empire Que^votre voletUi $9it
faite en la terre comme au ciel. Je De veai
rien, ô mon Sauveur I que ce que vous toq-
lez, et pour le temps de mon oraisoD, e(
pour tout le temps de ma vie, et pour Té-
ternilé. Ohl si la très-sainte volonté de mon
Dieu était accomplie aussi exactement daos
mon cœur qu'elle l'a été par Jésus pendant
qu'il était sur la terre, que je serais heu-
reux I Donnez-^ous aujouriPkui. A qui
avoir recours, sinon à vous, Seigneur? Vous
êtes infiniment riche, et nous sommes infi-
niment pauvres. Autant de fois que nous
respirons, plus souvent encore nousaToos
besoin de votre secours Notre pain (ie
chaque jour. Ce pain que je vous demande,
c'est celui de l'oraison, sans lequel mon âme
ne manquera pas de mourir de faim, mais
avec lequel aussi elle se nourrira et se ren-
dra de plus en plus agréable à vos yeai
Pardonnez'^ous nos offenses. Oubliez» Sel*
gneur, ces infidélitésqui font tarir lasource de
vos grâces, et me ferment l'entrée à l'oraisoo;
n'est-ce pas vous. Seigneur, qui avez sur la
croix, non-seulement pardonné k vos bour«
reaux, mais qui avez même demandé grice
pour eux, en offrant vos douleurs et votre
sang pour tous?...... Comme nous pardop
nons à ceux qui nousiont offensés. Si, pour
m'accorder ie pardon que j ose demander,
vous attendez, ô mon Jésus, que j'aie par-
donné à ceux de qui j'ai regu quelque of-
fense, vous n'avez. Seigneur, qu à me rac-
corder; car j'oublie de bon cœur tous les
torts qu'on m'a faits. Qu'on juge mal de moi,
qu'on s'en moque, qu'on parle contre inoa
honneur, qu'on déchire ma réputation, je
ne laisse pas de prier pour ceux oui me fout
le plus de mal Et ne nous laines wi
succomber à la tentation. Je ne m'ioquiéte-
rai pas des tentations et des dégoûts que je
sens, tandis que je serai soutenu de toq5,
ô mon Dieu I Que les tentations m'assaillent,
qu'elles m'accablent, pourvu que vous m
souteniez et que je ne tombe pas Mail
délivrez-nous au mal. Ne permettez pas, moa
divin Maître, que je ne tombe jamais dans
aucun péché mortel ; c'est là ce grand mal
dont je demande incessamment la grâce
d'être délivré. Faites même, ô mon Dieu!
queje puisse éviter aujourd'hui les moindres
fautes, et aue je vous offense plus de
propos délibéré en quoi que ce soit; car les
moindres péchés sont toijyours de très-grands
ce nom, puisque
vous m'avez enffendré sur la croixau milieu ^ ^
des plus cruelles douleurs.... {Pause) maux.... Ainsi-soit-il. Daignez, Seigneur,
Qui êtes aiÂX deux ; c'est par votre croix que accorder ma demande ; je vous en conjure
vous êtes entré dans le ciel, et que vous en ' . .-i . ».^^a.^
avez ouvert la porte; si ie veux y avoir place
et y régner avec vous, il me faut embrasser
votre croix et la porter avec amour timt que
par cesangprécieuxquidecouleenabondanco
de tant d'endroits de votre corps sacré; je sup-
plie la sainte Vierge et tous lessaiutadociw
et Je la terre de sejoindreà moipourobtemrdi
lOM
MET
D'ASCERSIIB.
TOUS reffet de ma prière. CeBt ainsi oa à
peu près qu oq pourra faire ses prières vo-
cales dans l*oraisoo.
Pour faire la méditation, c'est un avan^
lage, sans doute, d*aroir un bon esprit et
d'être doué d'un l)on naturel ; cependant
Jl est certain que cet eiercice peut être
pratiqué par toutes sortes de personnes.
Les gens les plus simples sarent réfléchir
è leurs affaires temporelles, s'occuper des
obstacles à éviter, des mourons à prendre, et,
s II en est besoin, demander aide et secours.
On paysan, par exemple, sans avoir beau-
coup d esprit, se souvient du temps où il
doit ensemencer son cbamp, considère si
la semence est bonne ou mauvaise, si la
terre est bien préparée, désire faire une
lx>nne récolte, et emploie pour cela les
moyens qui sont en son pouvoir. Eh bien ,
ou II change d'objet, qu'il réfléchisse à l'o-
bli^tipn et aux moyens de conformer sa
conduite à la loi divine, qu'il ait recours à
pieu, et il aura fcit une Irès-bonne médita-
tion. La chose n est donc pas aussi difficile
qu*on se 1 imagine.
^^«r pouvoir bien méditer, la lecture est
Irès-utile, sans doute; cependant on peut
bien sans cela penser à la mort, au jugc-
ment, au paradis et à lenfer; réfléchir sur
les commandements de Dieu et de TEfflise.
»ar les devoirs de son état, sur le seijs des
pnèresqu on sait par cœur, sur les sermons
et les instructions que l'on entend, sur ce
au on connaît de la vie et de la passion de
iotre-Seiçneur. Du esprit médiocre, qui n'a
d autre science que la connaissance néces^
Mire de Dieu et de ses œuvres, peut méditer
avec fruit et utilité, comme paraissent ras-
surer les saintes Ecritures qui nous disent
que Dieu aime à s'entretenir avec les sim«
P)^- I-a,^}ence sans humilité est plus nui-
sible qn utile, oarce qu'elle 6te la docilité
et la simplicité, si nécessaires pour cela.
Chacun devrait donc donner tous les jours
quelque temps à la méditation; car la nour-
nture de 1 âme n'est pas moins utile ni
moins nécessaire que celle du corps; il
nous est nécessaire de méditer la loi de
Pieu, d en occuper son esprit et d'y faire
répexion. Or, sans la méditation, il est mo-
nlement impossible, du moins très-difficile,
de vivre chrétiennement et de faire son
salut.
-. F° *^?®.'» ** P^"** ^*^f® chrétiennement,
il faut éviter le mal, pratiquer le bien, ai-
mer Dieu et lui être uni : comment donc opé-
rer ces choses, sans Caire de sérieuses ré-
flexions? 2* L'Evangile nous dea are en mille
endroits que le salut est une affaire difficile,
et qui demande les plus grands efforts ; or,
pour réussir dans une affaire difficile, il faut
y penser et s'en occuper sérieusement, et
<i,^utantplus sérieusement que l'affaire est
plus difficile et plus importante. 3* Celui
qui ne se recueille point pendant la médita-
tion, pour demander à Dieu son secours et
la persévérance, ne le fera pas en un autre
temps. Sans la méditation, on ne pensera
pes m6me au besoin que Ton a de demao-
MST
1010
der des grâces, tandis qu'en méditant, on
verra ses besoins, ses dangers, Ja néces-
sité de la prière , on priera et l'on obtien-
dra les grâces et le salut. ( Fotr le moi Mi-
DITATIOII.}
Il n'est pas impossible de méditer lors
môme quon est surchargé d'affaires et
d occupations, si l'on est persuadé que le
salut est 1 affaire la plus essentielle et la
plus imporUnie; que tout dans ce monde
n est qu accessoire au salut , qui seul est
nécessaire; que l'intérêt le plus cher est ce-
lui de notre âme ; que si nous la perdons,
tout le reste ne nous servira de rien ; que
plus on a d'affaires, plus on est obligé de
pner et de méditer, pour ne pas s'écarter
de ses devoirs, pour agir selon Dieu et
avoir un heureux succès dans ses entre-
prises.
Pour méditer, on peut s'aider d'un livre;
car une lecture de piété peut être une
très-bonne méditation, si on la fait avec
attention et recueillement, et si l'on a soin
de faire quelques pauses, afin de s'appli-
quer ce qu'on lit, dans le dessein d'en
profiter et d'en devenir meilleur.
On abuse souvent de ce qu'il y a de
plus saint; on ne le voit que trop dans
les sacrements, dont plusieurs font un mau-
vais usage. Il en peut être de même dans
la méditation; quoique sainte en elle-même,
SI Ion n'y prend garde, on en abuse; et
1 on tombe dans plusieurs défauts qu'il im-
porte beaucoup d'éviter. Voici ces défauts
et leurs remèdes.
1* Il faut éviter la contention d'esprit,
une application trop forte, la violence des
élans et l'impétuosité des soupirs ; tout cela
n est bon qu'à faire mal à la tête, è affai-
blir le cerveau et è épuiser les forces phy-
siques. Le moyen de s'en préserver est de
s en ouvrir è uu sage directeur et de sui-
vre ses avis.
S* 11 faut éviter de penser et de croire
que c'est assez do goûter quelques douceurs
et de jouir de quelques consolations, sans
se mettre en peine de pratiquer les vertus
solides. La méditation n'nst qu'un moyen
de devenir vertueux; on n'en profite queu-
tant qu'on y apprend à renoncer à soi-même,
h se priver de ses petites satisfactions, k
s'humilier et à se mortifier dans les occa
sioos.
3* Eviter l'entêtement, l'opiniâtreté, le
manie de tenir k ses sentiments et à ses
manières de voir, sous prétexte qu'on a
raison ou qu'il y va de la gloire de Dieu.
L'entêtement, toujours mauvais et odieux,
l'est surtout dans ceux qui font profession
de piété, parce ciue le monde en prend su-
jet de se scandaliser, de blâmer la vertu et
de dire qu'il suffit d'être dévot pour avoir
un caractère acariâtre et diffirilo. il se
trompe, sans doute, ne voyant pas que
ceux qui ont ces défauts ne sont pieux qiron
apparence; car comment ces |H*rsounes, si
elles faisaient bien leur oraison, seraiem-
elles entêtées et opiniâtres? On ne peut
manquer de douceur et de patience à la vue
4îll
Met
IHCnonABE
MET
m\
<lft JéiQS sûumîf 6l ob^isëani h wt% propres
Lourre;)ox, et en «oTigeant qu'on a pour
dacleur ei pour mattre eelui qui a dll : A^
fTtmez dt Mût qu€ J€ êuis d&ux ti kumibU 4ê
€€tur.
kr Ne pas se préfiér^ aux personnes qui
oe font pas de méditaiion, m se livrer, par
com(.arai.soo9 i des pensées d*orgueU el dV
mour-propre; et si Notre-Seigneur noosac*
corde ^quelques douceurs et quelques con*
solatioîiSy il faut se garder d'en tirer vanité
et de se complaire en soi-même. Ce serait
là un poison subti , capable de vider ou de
corrompre non-seulement tous les fruits de
la méditation, mais encore notre vie tout
entière. Nous sommes si misérables, qno
tout peut nous être une occasion de tenta-
tion el de chute I Veillons donc, et détiens*
nous toujours de nous-mêmes, et la médi-
ation, lQin.d*étre pour nous un sujet d'or-
gueil, nous servira d'excellent moyen pour
acquérir l'humilité ; car c'est dans ce saint
exercice qu'on réfléchit sur Jésus humilié
et traité comme un malfaiteur; qu'on voit
Dieu si grand, si saint et tà magniûqne, et
qu'on se voit soi-même si petit, si pauvre,
si coupable et si digne de mépris. Ainsi ,
{»our une Ame è laquelle l'oraison inspire de
'orgueil» combien d'autres qui en devien-
nent plus humbles.
5* Il faut éviter de négliger sei devoirs et
ses obligations, sous prétexte de prendre
du temps pour l'oraison. Si un élève qnit*
tait sa classe; un confesseur, son confession-
nal ; un prédicateur, sa chaire; une femme«
son ménage ; ce serait un abus. Dieu veut
2u'on remplisse toujours les devoirs de son
tat ; et si l'on médite, c'est yiout apprendre
à les bien remplir. Ce serait encore un bien
grand abus d'abandonner l'état où la Provi-
dence nous aurait engagés, sous prétexte
qu'on se sent attifé è la solitude et au re*
cueillement. Ceux qui agiraient ainsi ne se*
raient pas bien conduits; on parce qu'ils se
conduiraient eux-mêmes, ou parce qu'ils ne
s'ouvriraient pas bien à leur directeur.
6* Il faut enlin éviter d'entrer de soi-même
dans des oraisons élevées, et de quitter la
voie ordinaire avant qu'il en soit temps;
agissant ainsi non par un véritable zèle de
s'avancer dans la vertu et d'aimer Dieu da-
vantage, mais par simple curiosité et par
envie de se distinguer dans la dévotion. Ce
procédé est plein de suffisance et de pré-
somption, et ne peut avoir que dos suites
pernicieuses. 11 est important sans doute de
ne pas toujours s'arrêter au même état d'o-
raison, mais il faut avancer doucement, tA
cher d'avoir auparavant une bonne provi-
sion de force et de vertu, et attendre, pour
passer d'un degré dans un autre, ou que
Dieu se déclare, ou qu'un directeur expéri-
menté dise qu'il est temps de changer de
voie. — * Tels sont, aveo les moyens de les
éviter, quelques-uns des abus qui peuvent
se glisser parmi ceux qui s'adonnent à l'o-
raison.
Les difficultés qui se rencontrent dans rb»
raison sont \ le^ distractions, les sécheres-
ses, Ilmporeté Je FAme, ks pertéetitions
da monde, les tentatîoiis do oémon. Bies
paraissent d'.it><:rd considérables; mais snrts
tont eiies n'effraient que les âmes Ikhes.
On B*aequiert rien sans peine, et les mi
lèvres ehoscs sont les plus dilBeilas è ac-
quérir. La méditation étant aassi eicel-
Jente qn elle l*est, il ne faut pas s'étonoer
st elle a des difficultés.
L jûf éitiraeiimmi. Ce sont des lm%n oq
représentations qne l'imagination sa forme
d^objets ridicules; las pensées od les ré-
flexions dont lesprit s'occupe inQlilemeftt
et sans rapport è Tactioii qu'on fait, qui est
la méditation ; les choses passées dont on se
souvient à oontre4eraps, les désirs friToies
que ia volonté produit hors de saison. En
cela consistent les distractions qui font ii
grande peine des personnes d'oraison. ( f«f.
U mot DiSTBAcnos. )
IL Lti seconde difficulté qu'on rencoolre
dans l'oraison, et qui est aossi lîeheuseqae
la première, œ sont les sécheresses et les
aridités» qui consistent en des pnrationsde
toutes lumières, de toutes bonnes pensées,
de tout goût, de toutes eonsolalioDS et de
toutes bonnes affections dans Toraison. Cette
peine est difficile à supporter, surtout m.
âmes qui sont encore peu affermies dans le
bien et dans la vertu % car elles sont d»ns le
voie de l'oraison comme de petits enfants
3ui ont l)esoin de soutien pour marcher, et
e lait pour sa nourrir. Pour celles qoi
sont plus avaneéeSi elles en ont aussi; quoi-
qu'elles en soient moins ébranlées que lo«
premières. Voici quelle est leur peine:
l>ans être attachées ara consolations, elif^
les regardent comme des gages et des f^
moignages sensibles de ramltlé de Dieoi
en sorte qu'en étant privées» elles eraign^'oi
de n'ôtre pas bien avec Dieu, et d'avoir coo-
mis quelque infidélité qui les ait éloignéei
de lui. Pour connaître si elles ont quel'inc
raison de se faire une peine iMessus c>ii
si elles n'en ont point» il itiadrail sa^oif
pourquoi Dieu envoie des consolalions et
des goûts sensibles dans l'oraisoDi poarquoi
il en prive.
Dieu donne des goûts et des coDsolali(Kts
dans l'oraison pour y attirer les âmes et le)
j soutenir, quand elles y sont une fois en-
trées. Nons sommes si misérables, qo^^ '>
nous ne trouvions pas plus de plaisir »Q
service de Dieu que dans rattÀcheroeot aux
créatures, jamais on ne les quitterait poor
se donner k lui i Que fitit ce Dieu de bonie
Il nous attire h lui, non*seulement p^ir Oes
promesses qui regardent Tatenir, et qui «j^
vraient suffire pour engager à le serTir»
mais par les douceurs présentes qu'il dorw
pour lier plus fortement k lui. Telles «taieni
ces onctions dont il avait coutume d'adouen
les supplicesdes martyrs» el qui leur fai«««1*
retrouver de la Joie eu milieu des tourmen;^»
les plus cruels. Dieu en remplit soufoni i^
cœur des personnes d'oreison, eA soHe q^^
le temps qu'elles mettent à ce saint eîerti«
leur paraît toujours fort court; ^^^^[^
qui ie leur rend ûlor^ si aimable^ si »«•
IMS
HKT
D^ÂSCETISIIE.
MET
IM4
fait préf)Srer aux divertissements auxquels
elles élaieut autrefois adonnées.
Il n*est pAS eipédient de demeurer tou«
{'ours dans ces consolations ; aussi Toit-on
^otre-Selgnenr en prirer parfois ses meil-
leurs amiSy comme il pma autrefois les
âpAtres de sa présence sensible, qui leur
causait tant de consolations, en leur disant t
// est avantageux pour vous ^uëje m*en aille ;
nous devons donc croire qu*il est aussi très-
i propos qu'il nous prive quelquefois de
ses grâces sensibles.
9 Dieu nous prive de ses grâces sensibles
pour cinq raisons principales, 1* pour nous
éprouver. Il veut voir si nous Taimons vé-
ritablement, ou si ce ne sont pas ses dons
T)ui sont plutôt Tobjet de notre amour; si
c*ost pour lui que nous méditons ou pour
notre satisfaction. Il veut voir si nous au-
rons le courage de le servir k nos dépens ;
il n'j a rien d'étonnant à faire oraison, tant
qu'on éprouve des consolations, mais il y
a du mérite à la faire quand il en coûte, et
qu'on n'jr trouve que des difDcuUés. Si nous
la continuons dans la privation , tout en
faisant ce que nous devons faire , nous
sommes, à la vérité, des serviteurs inutiles;
mais si nous )a discontinuons, nous uous
déclarons des mercenaires et des serviteurs
intéressés
Sh Dieu nous prive de ses grâces sensibles
pour flou9 enilammer davantage dans son
amour. Cela peut se comprendre par l'exem-
ple des amitiés mondaines, qui se ralentissent
par la trop grande fréquentation, mais se
rallument par de petites absences et par
des rebuts apparents* Aussi, sainte Catherine
de Sienne appelait les privations et les
retours de la présence sensible de Notre-
SeJKoeur des jeux d'amour, voulant dire que
tout cela sa Taisait pour euûammer notre
amour.
d*Dleu nous prive de sas grâces sensibles,
|)ournous donner lieude nous appliquer àuue
Joule de bonnes oeuvres, qu'on serait tenté
d abandoonar si l'on était toujours attiré
dans l'oraisoQ. Ainsi, deux qui sont appli-
qués au salut des âmes en quitteraient le
soin ; ceux qui ont coutume de faire beaii-
coup de bien dans la vUite des malades,
n'iraient plusles visiter; chacun aurait envie
de sa conserver dans la solitude, et les boc-
ues OBuvres ne se feraient pas.
4* Dieu nous priva de ses grâces sensibles,
|)Our nous en faire comprendre tout le prix,
et nous eo donner plus d'estime. If est
certain que les meilleures choses dégoûtent
uuand elles sont trop fréquentes ; les vian-
des les plus délicates lassent par une trop
Krqnde abondance, et| comme on dit, fa
famUiarUé engendré le mépris. On estime .
i>ien plus las choses rares aue les commu-
nes, quoique souvent ces aernières soient
las meilleures. 11 est donc à propos que nous
aojroos de temps en temps privés des grâces
sensibles, de peuri à la lodgue, de ne pas :
en avoir a^sex ^d'estime, et de ne pas en ,,
faire assez de cas. f
. £Soânj Diftn nous prive de ses grâces
sensibles en punition de nos infidélités ; on
n'a pas fait un bon usage des grâces que
Dieu nous a données, il nous en punit en
nous en privant. On ne peut pan toujours
connaître si cette soustraction des grâces
est une punition ou non ; mais qu'elle nous
en paraisse une ou qu'elle n*en soit pas, il
sera toujours bon de demander pardon des
infldélites que nous avons commises, et
de celles çue nous ne connaissons pas ;
après quoi nous attendrons patiemment le
retour de Dieu. Du reste, il né serait pas
avantageux de rejeter toutes les conso-
lations, aûn de n'aimer que Dieu seul^ au
lieu de les rechercher avec empressement ;
car c'est à Dieu de connaître ce qui nous
convient; c*est è lui de nous conduire, et h
nous de nous laisser gouverner^ recevant
également de sa main les consolations et les
privations. Tel qui a besoin de soutien^
s*il rejetait et supprimait les grâces sen«
sibles, se ferait un tort notable, quand bien
même il aurait dans Pesprit ce spécieux -
prétexte d'adhérer à Dieu seul; et tel autre,
au contraire, en est privé si à propos, que,
S*il s'inquiétait et se chsgrioait de celte
privation, et agissait avec trop d'empresse-
ment pour les retenir ou les recouvrer, il
se nuirait considérablement. Legrand secret,
c'est de se laisser conduire ; Dieu sait par-
faitement ce qui nous convient le mieux,
laissons-le donc faire, et tenons-nous for-
tement attachés à ss volonté, en tout et pour
tout.
III. La troisième dilDeulté qu'on ren-
contre dans l'oraison est une certaine
Mine h la vue de Timoureté de Tâme,
lorsqu'on se présente a Notre-Seigneur
pour ce saint exercice. Cette impureté
consiste dans une infinité de fautes jour-
nalières , et dans une souillure et une
certaine difformité que Tâme a contractées
par s%s chutes et ses infidélités.
Les fautes journalières sont un sujet de
peine pour Pâme, parce qu'elles lui sau-
tent aux yeux ; du moment qu'elle est en
oraison, ce ne sont que remords et que
reproches { il n'y a pas une de ses fautes
qui ne lui soit représentée ou qui ne la
tourmente. Le remède è einplojer serait
de se repentir de ses fautes et de s'en humi-
lier, et la peine cesserait. Mais ce qui fait
l'excès du tourmeut de l'âme, c'est qu'elle
n'a ni repentir, ni envie de se corriger.
Elle en est pourtant pressée par Dieu, qui
lui crie sans cesse : Quille cette compagnie,
abandonne ce jeu;, mais étant comme liée
et garrottée par ses fautes, elle n'a pas le cou-
rage de faire un dernier effort pour s'en
délivrer. Elle est donc d'un cOté comme
tirée par la grâce de Dieu, qui demande
d'elle des choses qu'elle ne veut pas lui
donner, et de l'autre par ses liens qui là
retienueht^ et qu'elle n'a pas ertcore le cou-
rage de vaincre*
. Les souillures qui restent en nous après
les fautes commises sont k l'âme un sujet de
peine, en ce que le but de l'âme dans l'o-
raisoa est de s'unir à Dieu ; mais ello en
1016
MET
DICnONNAIAE
MET
lOM
est souvent rebutée, parce qu*il est difficile
qu'une âme encore teinte de ses souillures
puisse s'unir avec un Dion si pur ; or, ce
sont les rebuts de Dieu qui causent sa peine
et son tourment. Le remède à ce mal est
de se purifier dans les eaui de la pénitence,
il n*est rien qui apaise Dieu comme un
cœur contrit et humilié. C'est aussi dans
cette disposition qu'on doit se présenter à
lui, autrement on n'aura jamais d'entrée
dans Toraison, et tdt ou lard on la quit-
tera, comme l'expérience le fait voir trop
souvent.
IV. La quatri^e difficulté qu'on ren-
contre dans l'oraison, c'est la persécution
dl^^onde, (jui a une baine mortelle pour la
pi^é et fait profession ouverte de la per-
sécuter; or la méditation étant un moyen
sûr d'acquérir la piété, il la hait également.
En effet , il n'y a rien de plus capable que
la méditation pour détruire les fausses maxi-
mes du monde; elles n'ont point de plus
grands ennemis que ceux qui s'appliquent
a l'oraison; c'est là qu'elles sont examinées
et pesées devant Dieu; et c'est là qu'on en
connaît la vanité et qu'on en conçoit le
dernier mépris. Si les amateurs du monde
voulaient se donner, tous les jours, la peine
de réfléchir quelques instants sous les
yeux de Dieu sur ce qu'ils estiment et
aiment, et sur leurs attachements, bientôt
ils changeraient de sentiments ; mais ils ne
le veulent point et dçmeurent toujours dans
leur erreur. Ne pouvant donc aimer ceux
qui condamnent cette erreur, ils les rail-
lent et se moquent d'eux en mille 0(xasion9 ;
et s'il arrive qu'une personne de piété
tombe en quelque faute, ils en triomphent ;
mais contre leur attente , au lieu de leur
nuire, ils leur rendent service, en les
obligeant à la vigilance. « Nous avons, dit
sainte Thérèse, une grande obligation aux
gens du monde, qui ne laissent échapper
aucune de nos fautes sans la critiquer : leur
isalice nous sert i nous tenir sur nos gar-
des. 9 Cette dilficuité n*est pas très-pénible
pour les flmes un peu généreuses, mais
f)0ur celles qui sont encore chancelantes dans
e bien , elle les ébranle et trop souvent
les renverse. Le remède à ce mal est de se^
préparer à tout ce qu'on pourra dire contre
nous et Tornison; de1acherde.se mettre
dans la disposition où étaient les a()ôtres
qui disaient aux princes du peuple juif qui
leur' défendnienl de ne plus prêcher I £-
vanille : « Jug^z vous-même «'il est plus
juste devant Di<'U de vous écouter plutôt
ÎU(> Dieu. » Vous nous défendez ce que
•ieu nous ordonne de faire , notre parti
est bientôt pris ; nous écouterons Dieu
et non vous-mêmes. Si les persécutions
continuent, il faut entrer dans la dispo-
sition de CQ^ mêmes npôtres : 11$ êortaient^
dit le texte sacré, tout remplis de joie d'a-
voir été jugés dignes de souffrir pour le nom
de Jésus-christ, y o'Hh quels doivent être nos
modèles dans les petites persécutions du
monde.
Si ce sont de^ personnes de poids par
leur science et leur autorité, qui nous dé-
tournent de la méditation, il vaut mieux
leur répondre par un humble silence et par
une sensible compassion de leur aveugle-
ment que par des raisons. Coulentons^rous
de savoir que Notre-Seigneur a recom-
mandé l'oraison mentale , en nous prescri-
vant d'adorer Dieu en esprit et en vérité ;
Su'il a prédit que ce devait être l'exercice
e tous les bons Chrétiens ; qu'il l'a prati-
qué le premier, que les apôtres l'ont aussi
pratiqué après lui, et qu ils l'ont cru si
nécessaire , qu'ils se déchargèrent sur les
diacres du soin des aumônes , pour^donuer
plus de temps à la prière et a l'oraison;
enfin que cet exercice a été pratiqué par
tous les Chrétiens. Renouvelons alors en
nous-mêmes la résolution de ne jamais
l'abandonner, quoi au'en puissent dire des
personnes respectables.
y. La cinquième difficulté dans l'oraison
sont les tentations du démon qui s'efforce
d'eippêcher qu'on s'y applique, et oui
n'oublie rien pour en détourner. Outre les
distractions où il a sa bonne part, Til
donne de l'orâison tant de dégoût qu'il n*j
a rien qu'on ne choisisse plutôt que de fa
faire avec cette répugnance. Sainte Thérèse
l'éprouva pendant plusieurs années. H faut
qu'il y ait bien du démon dans ces ennuis
si étranges; car comment l'entretien qu'on
a avec Dieu serait-il de lui-même si ficbeux,
puisque l'Esprit-Saint nous assure çu*il n'y
a rien d'amer ni de pénible dans sa eonvena-
lion. 2*11 inspire une très -grande crainte
qu'on ne perde son temps, au'on ne passe
les heures qu'on y donne , dans une puro
oisiveté ; cette pensée vient surtout dans
les moments de distractions et de sécheres-
ses , et elle est quelquefois si forte, qu'un
directeur, avec toute son autorité, a bieu de
la peine à nous en débarrasser. 3* Le malin
esprit fait ce qu'il peut pour nous jeter
dans le découragement, nous mettant devant
les yeux notre peu de progrès et le nombre
de nos fautes qui , maintenant aue nous
sommes en oraison , nous semblent plus
grandes que lorsque nous ne la faisions
pas ; non qu'elles soient aussi nombreuses
et aussi grandes qu'autrefois , mais c'est
que nous en avons une connaissance plus
claire que quand nous ne nous y appli-
quions pas. «* Il remplit notre Ame de scru-
feules, nous faisant croire qu'il y a eu faute
à où il n'y en avait pas eu , que jamais ou
n'a eu regret do ses péchés, qu'on ne les a
pas tous déclarés en confession, que jamais
on n'a eu un véritable propos de s amender,
qu'on a toutes les marques d'un réprouvéi
qu'il n'y a point de salut pour nous, et
autres pensées semblables qui ne peuvent
se guérir que par une aveugle soumission
aux avis du directeur.
Il y a bien d'autres tentations qu'il est
inutile de rapporter, et le meilleur moyen
de les vaincre toutes, c'est, après s'être nu-
milié devant Dieu, de les mépriser et d'aller
• toujours en avant, sans p^erdre une seule
minute de ce saint exercioe. Si l'on étail
IM7
«OD
D^ASCETISNE.
i018
aMei !âcbe pour TabandoDoer, k cause des
tetflalions, ce serait doûoer gain de caose
au démoD, et lui céder le champ de bataille.
Ce qui est dit des tentations s'applique aux
antres difficultés ; il faut les mépriser, n'en
faire aucun cas , et se souvenir de ces pa-
roles de l'Apocalypse': /e donnerai auxvic'
torieux une mmme cachée. On peut bien as-
surer qu*elles s'afljpomplissent parfaitement
en ce sujet, et que celui qui aura assez de
cenrage |K>ur sumfonter toutes les difficul-
tés, qui, après tout, ne sont pas aussi
grandes qu'eHes paraissent d'abora» goûtera
une Tiande délicieuse qu'il ne trouvera
jamais ailleurs. Cette manne, gue les vain-
queurs et les courageux reçoivent dans la
méditation , on peut la goûter, mais il est
«difficile de la faire concevoir k ceux qui ne
l'ont pas éprouvée ; car c'est ici que con-
viennent bien ces paroles du Psalmiste :
Goûies ei voyez combien le Seigneur e$i doux.
Il dit d'abora : goûtez , et puis toyez^ pour
faire entendre au'il faut pratiquer l'oraison
afin d'en connaître les avantagea.
Si uons sommes bien fidèles à observer
font ce qui vient d'être dit, nous jouirons
bientôt de cette heureuse expérience , et
DOua trouverons de si grands biens dans- la
méditation, que nous ne désirerons rien tant
Ïue de nous v avancer de plus en plus,
ojons bien fidèles k converser avec Jésus
crucifié, k étudier ses vertus et k les imiter
le plus possible. Ayons ce divin modèle de-
vant les yeux, rentrons fréquemment dans
notre intérieur, même hors du temps de
i*oraison , et Ik, consultons Notre-Seigneur
dans tontes nos afiTaires, dans nos doutes»
DOS embarras et nos peines ; prenons con-
seil de lui , disons-lui : Mon Dieul que me
faut-il faire en cette occasion ? que me faut-
il dire? Comment dois-je me conduire en
cette rencontre fftcbeuse ? Si nous sommes
fidèles k ces saintes pratiques, le Seigneur
ne manquera pas de nous dire : Montez plus
haut, vous vous en êtes rendu digne par
▼otre fidélité k ce premier degré d'oraison ,
entrez dans un état plus relevé, pour vous
instruire des autres degrés de cette sainte
pratique et des roules qui y conduisent.
{ Fatr le$ mois Affbgtio!! , RscuEiLuaiBirr,
lIxiOH, Tbahsfoematioic.}
MILHARD (Pierre) , né k Simorre , reli-
gieux Bénédictin, prieur de Sainte-Dode au
diocèse d'Auch , est. auteur d'un ouvrage
intitulé : Le vrai guide des curés ^ etc., qu il
fit imprimer k Toulouse, en 1610.
MODESTIE (Vbbtu). — La modestie est
une vertu qui modère les aeiions extérieures
de rkomme ei son habillement ^ de manière à
n*offenser les regards de personne. Le fonde-
ment de la modestie est dans rbumilité, et
dans ce sentiment que l'ApAtre a ainsi ex-
primé : Qu^aveZ'Vous gue vous ne Tayez reçu ?
si vous Tavez reçUf pourquoi vou9 en glori^
/kr, comme si vous ne Paviez pas reçut
(/ Cor. nr, 7.) On la définit encore l'humilité
mise en pratique. C'est en ce sens que saint
Grégoire le Grand disait de la modestie :
Cest la gardienne qui veille ei préside inié^
rieuremeni à Tat rangement extérieur des
corps. Et certes s: quelqu'un composait
d'une manière décente ses actes eiténeurs,
sans aucun motif intérieur de vertu, ou di-
rait avec raison qu'il n'agit pas par modes-
tie, mais par une vaine, menteuse et su*
perbe ostentation de modestie, en un mot
gr hypocrisie: c'est ce gui a fait dire au
fe : LaÊn de la modestie est la crainte du
Seigneur. IProv. xxii, k.)
La modestie a quelque chose de remar-
quable et de glorieux, surtout chez les jeu-
nes ^ens, k oui elle attire une estime toute
particulière de la part de leurs supérieurs,
une autorité et une faveur durables auprèsde
leurs condisciples, et beaucoup d'affection
Crmi les hommes. En effet, l'ordre et la
auté de l'âme se font voir par la bonne
tenue du corps et la noblesse des mouve
ments extérieurs ; ainsi l'Apôtre disait, en
recommandant vivement cette vertu: Que
votre modestie \soit connue de tous les Aom-
flief. {Phil. rr.)
La modestie consiste surtout dans Quatre
choses : dans les regards, les paroles, le rire
et la démarche. Dans les regards^ selon ce
passage dé saint Grégoire : « Il faut répri-
mer les regards qui nous entraînent au mal, >
[L. Moral.) Dans les paroles^ comme l'expose
ainsi saint Ambroise ; « Observez dans vos
paroles nne juste mesure; que jamais rien
d'inconvenant ne soit dans votre langage.
La modestie doit modérer même le son de
la voix, pour que ses éclats ne blessent ja*
mais l'oreille de personne. » [De off.) Dans
lerirCf selon cet avis de saint Basile : « Ceux
qui veulent pratiquer la piété doivent se
se garder avec beaucoup de soin des éclats
de rire immodérés. » {De reg.) Enfin, dans
la démarche^ ce que le même aocteur expli-
que en ces termes : c Que votre démarche
ne soit ni trop lente, pour ne pas indiquer
un esprit dissolu , ni trop précipitée, pour
ne pas laisser voir le trouble des passions
qui agitent votre cœur. » Cette vertu est
surtout nécessaire aux ecclésiastiques, que
l'ApOlre veut voir omis et modestes. {1 Txm.
lu.j 11 ne faut donc ps s'étonner si saint
Ambroise a repoussé deux clercs d'un ex-
térieur peu soigné et plein de pétulance :
l'événement prouva qu'il avait oien jugé.
(L. I De o/r., c. 18.)
MOlNtô, ViB MOïiA^QCB, MoHisriaBs;
leur origine, leurs constitutions^ leurs vœux,
leur développement. — Ces trois articles se
tiennent de trop près pour pouvoir être sé-
parés. Le nom de moine, tiré du grec !«•«•(,
seul, solitaire, a désigné, dans son origine,
des hommes qui se confinaient dans les dé-
serts et qui vivaient éloignés de tout com-
merce avec le monde, pour s'occuper uni-
quement de leur salut. Dans l'Eglise catho-
lique, on appelle moine bu religieux celui
qui s'est engagé par vœu k vivre suivant une
certaine règle, et k pratiquer la perfection
de l'Evangile.
« S'il est vrai, comme on pourrait le
croire, dit Chateaubriand, qu'une chose soit
poétiquement beltei eu raison de rantiquité
1019
DfCnONXJOBE
de son origine, il faut conirenir que la rie
iDonastirPie a quelqueji (iroiu i notre admi-
ration. Elle remonte aux premiers â.^^es da
TnoT.de. Le prophète EHe, fuyant la cûrru|>-
tfon d'brar L se relira îe long du Jourdain,
fifH ff Técnl dTierbçs et de racines, aTecquel-
qttei disdpf^s. San.i avoir besoin de fouiller
pifis arant drins Thisloire, cette source de$
ordres religifMJi nous st-mble assez mcrveil»
leusp. Que n'eussent point dît les poètes de
Kl Grèce, s'ils arnient trouvé j>our foodatenr
des coll^'ges sacrés un homme ravi au ciel
dnns Tin char de feu, et qui doit reparaître
sur la terre au jour de la consommation des
sfèflcs? De là, la fie monastique, parua
h^ritaîre admirable, descjjnd à travers les
prophètes eC saint Jean -Baptiste jusqa*i
Jésus-Christ, qui se dérobait souvent aa
monde pour aller sur les montagnes. Bien-
tôt les thérapeutes, embrassait les perfec*
lions de la retraite, offrirent près du lacMce-
fis, en Egypte, les premiers modèles des
monastères chrétiens. Enfin, sous Paul, An-
toine et Pacdme, paraissent ces saints de la
Tlfébaidc, qui remplirent le Carmel et le
Liban àcs cbefs^'œuvre de la pénitence.
Une voix de gloire et de merveille s'éleva
du fond des plus affreuses solitudes. Des
musiques divines se mêlaient au Droit des
eascaties et des sources ; les séraphins visî-
taieiit Tanachorète du rocher, ou enlevaient
son Ame brillante sur les nues ; les lions
serraient de messagers au Solitaire, et le)
corbeaux lui apportaient la manne céleste.
Les cités jalouses virent tomber leur répu-
tation antique : ce fut le temps de la Msnom*
mée du désert (220).
« Marchant ainsi d'enchantement en en-
chantement dans rétablissement de la rit
religieuse, nous trouvons une seconde sorte
d*orlgine, que notis nommons locale, c*esl-
è^dlfe cerlaines fondations particulières
d'oftlres et de courents; ces origines ne
sont ni moins curieuses, ni moins agréa-
bles que les premières. Aux portes mêmes
de Jérusalem, on toit un monastère bâti sur
remplacement do la maison de Pllate; au
mont Sinaljo couvent delà Transfiguration
marque le Heu où Jehovah dicta sa loi aux
Hébreux, et plus loin s'élève un autre coû-
tent sur la montagne où Jésus-Christ dispa-
rut de la terre.
«Etquc de choses admirables TOccident ne
nous morttrc-t'«il pas • à son lotir dans les
fondations des communautés, monuments
de nos antiquités gauloises , lieux consacrés
par dintércssantes aventures , ou par des
actes d'humanité I L'histoire, les passions
du cœur , la bienfaisance , se disputent l'o-
rigine de nos monastères. Dans cette gorge
dos Pjrénéea, voilh l'hôpital de ftonce-
vaux, que Charicmagnc bfitil à Tendroit
même où la fleur dos chf^valiers , Roland ,
termina ses hauts faits; tin asile de paix et
de secours marque dignement le tombeau
du preux i qui défendit Torphelin et mou-
(^0) On flous pardonnera celte cîialion un peu
f rofaue pour un Dtclionnalrc d'anéiime; nous n'a-
roi pour sa pairie* Aux iJuineg dm loviaes ,
devant ce petit teomle uia Seigneur , j*ap-
prends & mépriser les arcs de triompha dei
jlarius et des César ; je coolemle avec or-
gueil ce couvent qui vit un roi fru^is pro-
poser la couronne au ptas digiHu Mais ai-
meZ'Vous les souvenirs d'une antre sorte T
Une femme d'Albion, aorprise par oa sooh
meîl mystérieux, croit voir en sod^ la lone
se pencher vers elle; bienlût il lui dalluoe
fille chaste et triste comme le Qambeaades
nuits, et qui, fondant un monastère , ds*
Tient l'astre charmant de la solitude.
« On nous accuserait de chercber i sur-
prendre Toreifle par de dooxaoos • si noos
rappelions ces couvents à^Àqurn freUe, de
Bel monte, de Fo/omirfiac, ou celai de la
Colombe , ainsi nommé i cause de son feo-
dateur, colombe céleste qui vivait dans les
bois. La Trappe et le Paraclet gardaient le
nom et le souvenir de Commingea et d*Hé-
loîsc. Demandez a ce pejsan ne rantique
Neustrie quel est ce monastère qa*on aper-
çoit au sommet de la colline , il vous répon-
drait : « C'est le prieuré des Deux-ÀmamU. Ca
« jeune gentilhomme étantdevena amoureux
« d'une ieunedamoiselle, fille du châtelain
« de Malmain, ce seigneur consentit à accor-
« der sa fille à ce pauvre gentilhomme , sil
« pouvait la porter jusau'au haut du mont. Il
« accepta le marche, et chargé de sa dame f
« il monta tout au sommet delà collinef mais
« il mourut de&tiçue en y arrivant. Sa pré-
« tendue trépassa bientôt par grand déplaisir;
c les parents les enterrèrent ensemble dans
< ce lieu • et y firent le prieuré que vous
t royei. »
€ Enfin, les cœursj tendres auront; dans To-
rlgiue des couvents de quoi se satisfaire,
comme l'antiquaire et ie poêle. Voyez ces
retraites de la Charité^ des Pilerms^ du
Bien-Mourir , des Entcrreurs de morh , des
Imenséi , des Orphilins ; tinbez , si vous le
Souvez, de trouver, dans le long Galaloguo
es misères humaines, une souIq infirmité
de TAmo ou du corps pour qui la religion
n ait pas fondé son lieu de soulagemeut ou
son hospice.
« Au reste les persécutions dés ftomains
'empire et ayant .
de la société, il ne testa aui hommes que
Dieu pour espérance , et les déserts pour
refuge. Des congrégations d'infortunés se
formèrent dans les forêts et dans les licui
les plus inaccessibles. Les plaines^ ferlDes
étaient co proie à des sauvages qiil ne sa-
Taient pas es cultiver, tandis ^ue, sur les
crôtcs arides des monts, habitait un autre
monde, qui, dans ces roches escarpées,
avait sauvé comme d'un déluge les ii.Jcs
des arts et do la civilisation. Mais de^mime
que les fontaines descendent des lioux éle-
vés pour fertiliser les vallées , ainsi les pre-
miers anachorètes descendirent peu à peu
Vons pu résister au plaisir de la donner loat en-
tière*
de Jears baoteurs « pour porter aux barba-
res h parole de Dieu et les douceurs de la
Tie.
« On dira peut-être que, tes causes qui
donnèrent naissance î la tie monastique
nVxistaol plus parmi nous, les couvents
étaient devenus des retraites inutiles. Et
quand donc ces causes onl-ellcs cessé? ITj
a-t-il plus d*orphelins , dluQrmes , de roya-
geurs , de pauvres» dMnfortunés ? Ah ! lors-
Sue les maux des siècles barbdres se sont
vanouis, la société, si habile à tourmen*
ter les Ames et si ingénieuse en douleur,
a bien su faire naître mille autres raisons
d'adversité qui nous Jeltent dans la solitude I
Que de passions t^ompées.que de senti-
ments trahis, que de dégoûts amers nous
entraînent chaque jour hors du monde I
€ C'était une chose fort belle que ces ntai-
fons religieuses où l'on trouvait une retraite
assuré contre les coups de la fortune et les
orages de soo propre coeur. Une orpheline
abandoDaée de U société.} à cet Age où de
cruelles séductions isourient à la beauté et
à l'innocence » savait du moins qu'il 3 avait
oa asile où l'on ne se ferait pas un jeu de
la tromper. Comme il était doux pour ceUe
pauvre étrangère sans parents d*entendfe
retentir le nom de sceur hse» oreilles 1
Quolle nombreuse et paisible famille la reJi-f
gion ne venait-elle pas de lui rendre! Un
Père céleste lui ouvrait sa maison et la re-
cevait dans ses bras.
< C'est une philosophie bien barbare et
une politique bien cruelle que celles-là qui
Ttuleot obliger l'infortuné à Tîvre au miliea
du monde. Ses hommes ont été assez peti
délicats pour mettre en commun leurs vo-»
luptés; mais l'adversité a un plus noble
égoîsme I elle se cache toujours pour jouir
de ses plaisirs , qui sont ses larmes. Sll est
des lieux pour la santé du corps , ah 1 per^
metiez A la religion d'en avoir aussi pour la
santé de l'âme; elle qui est bien plus su*
jette aux maladies » et dont les inBrmités
sont bien plus douloureuses , bien plus ion*
gucset bien plus difficiles à guérir.
e Des gens se sont avisés de vouloir qu*on
élevât des retraites narfoita/f»à ceox quivltu-
rent. Certes , ces philosophes sont profonds
dans la connaissance de la nature» hu-
maine I C'est-à-dire qu*ils veulent conSer le
malheur à la pitié dkts hommes , et mettre
les chagrins sous la protection de ceux qui
les causent. Il faut une charité plus magni-
fique que la nôtre pour soulager Tindigence
d'une âme infortunée : Dieu seul est assez
riche pour loi faire )*auQiône.
' < On a prétendu rendre un grand service
aux religieux et aux religieuses en les for-
çant de quitter leurs retraites : qu'en est-il
advenu ? Les femmes ({ui ont pu trouver un
asile dans des monastères étrangers s'j sont
réfugiées; d'autres se sont réunies pour
former entre elles des monastères au milieu
du mondei plusieurs enQn sont mortes de
chagrin ; et ces TrappisUs si à plaindre , au
lieu de profiter des charmes de la liberté et
D'ASCETISME.
PIOI 101^
de la vie, ont été continuer leurs macéra-
rations dans les brnjères dé TAnglelerre et
les déserts de la Russie.
k II ne faut pas croire que nous soyons
tous nés pour manier le novau » le mous^
3uct , et qu'il n'j ait pas d homme d'une
élicatesse particulière qui Soit formé pour
Te labeur de la pensée , comme un autre pour
le travail des mains.
« N'en doutons point , nous arons an Ibnd
du cœur mille raisons de soKtuder quelques-
uns y sont entrabiés par une pensée tour-
née a la contemplation ; d'autres par une
certaine pudeur craititive qui fait qu'ils ai-
ment à habiter en eux-mêmes; ènnn, il est
des âmes trop excellentes qiii cherchent en
vain dans la nature les autres âmes aux*
quelles elles sont faites pour s'unir , et qui
semblent condamnées h une sorte de virgi-^
nité morale ou de veuvage étemel. C'était
surtout pour ces âmes solitaires que la re-
ligion avait élevé ses retraites.
< On doit sentir que ce n*est pas de l'his-
toîro particulière ws ordres religieux qu'il
s^agit ici, mais seulement de leur histoire
inorale. Cependant nous ne pouvons nous
empêcher do fhire une observation. 11 y n
des personnes qui méprisent , soit për igno-
rance, soit par préjugés, ces constitutions
sous lesquelles un grand nombre de céno-
bites ont vécu depuis plusieurs siècles. Ce
mépris n'est rien moins que philosophi(iu^
et surtout dans un temps OÙ l'on se pique
de connaître et d'étudier les hommes. Tout
rdli^eux qui, au moven d'une haire ou
d'un sac , est parrenu a rassembler sous ses
lois plusieurs milliers de disciples , n'est
point un homme ordinaire , et les ressorts
Ïu'il a rois en usage» l'esprit qui domine
ans ses institutions , valent bien la peine
d'être examinés.
tllestdigne de remarque, sans doute, que
de toutes ces règles monastiques, les mui
rigides ont été le mieux observées; les Char*
treux ont donné au monde l'unique esemple
d'une congré^tion qui S e&isié sept cents
ans, sans avoir besoin de réforme. Ce qui
proure que, plus le législateur combat les
penchants naturels, plus il assure la duréo
de son ouvrage. Ceux, au contraire, qui pré*
tendent' élever des sociétés, en employant
les passions comme maténaux de l'édifice|
ressemblent à ces architectes qui bâtissent
des palais avec cette sorte de pierre qui se
fond & l'impression de l'air.
c Les ordres religieux n'ont été. Sons
beaucoup de rapports, que des sectes phi-
losophiques assez semblables à celle dcS
Grecs. Les moines étaient appelés philoio-
phes dans les premiers temps; ils en por^
talent la robe et en imitaient les mœurs.
Quelques-uns même avaient choisi pour
seule rè^le le Uanuet d'Epictète. Sain! Ba-
sile établit le premier les vœux de pautreié,
de chasteti et d^obéissanee. Cette loi est pro-
fonde, et si Ton y réfléchit, en verra que le
génie de Lycurgue est renfermé dans ces
trois préceptes. — Dans la règle de Sainte
Beuott, tout ist proscrit; jusqu'aux looindros
1
tm
MOI
DICnONNAlRq
MOI
iM
détails de la vie : lit» nourriture^ promenade,
conversation» prière. On donnait aux faibles
des travaux plus délicats» aux robustes de
f)Ius pénibles ; en un mot» la plupart de ces
ois religieuses décèlent une connaissance
incroyable dans Tart de gouverner les hom-
mes. Platon n'a fait que rêver des républi-
ques» sans pouvoir rien exécuter; Ss. Au-
Î[U5tin» Basile» Benoit ont été de vrais légis-
dteurs et les patriarches de plusieurs grands
peuples.
« On a bien déclamé » dans ces derniers
temps» contre les vœux perpétuels» mais il
n*est peut-être pas impossible de trouver en
leurfaveurdes raisons puisées dans la nature
des choses et les besoins mêmes de notre
âme. -- L*homme est surtout malheureux
par son inconstance et l'usage de ce libre
arbitre qui fait à la fois sa gloire et ses
maux» et qui fera sa condamnation. 11 flotte
de sentiment en sentiment» de pensée en
pensée; ses amours sont mobiles comme ses
opinions» et ses opinions comme ses amours.
Cette inquiétude le plonge dans une misère
dont il ne sort que quand une force supé-
rieure rattache à un seul objet. On le voit
alors porter avec joie sa chaîne ; car Thomme
inBdèle hait pourtant rinfldélité. Ainsi» l'ar-
tisan est plus heureux que le riche oisif»
parce qu'il est soumis à un travail impé-
rieux qui ferme autour de lui toutes les
voies du désir ou de l'inconstance. La même
soumission à la puissance fait le bien-être
des pnfants, et la loi qui défend le divorce a
moins d'inconvénients pour la paix des fa-
milles Que la loi qui le permet. — Les an-
ciens législateurs avaient reconnu cette né-
cessité d'imposer un joug à Thomme. Les
républiques de Lycurgue et de Minos n'é<
taient en effet que des espèces de commu-
nautés où l'on était engagé» en naissant» par
des vœux perpétuels. Le citoyen y était en-
rSéà une existence uniforme ou monotone.
^ était assujetti à des règles fatigantes qui
s^étendaient jus(]^ue sur ses repas et ses loi-
sirs; il ne pouvait disposer des heures de sa
journée» ni des âges de sa vie : on lui de-
mandait un sacriGce rigoureux de ses goûts»
il lui fallait aimer» penser» agir d'après la
loi » on lui avait retiré sa volonté pour le
rendre heureux. — Le vœu perpétuel» c'est-
à-dire la soumission à une rèçie inviolable»
loin de nous plonger dans l'infortune, est
donc au contraire uue disposition favorable
au bonheur» surtout quand ce vœu n'a d'au-
tre but que de nous défendre conire les il-
lusions du monde» comme dans les ordres
monastiques. Les passions ne se soulèvent
fuère en nous avant notre quatrième lustre;
quarante ans, elles sont déjà éteintes ou
détrompées : ainsi le serment indissoluble
nous prive tout au plus de quelques années
de désirs» pour faire ensuite la paix de notre
vie, nous arracher aux regrets ou aux re-
mords» le reste de nos jours. Or» si vous
mettez enbalancejes maux qui naissent des
passions avec le peu de moments de joie
qu'elles vous donnent» vous verrez que le
Yœu perpétuel est encore un plus grand
bien» même dans les plus beaux instants de
la jeunesse. — Supposons qu'une religieuse
pût sortir de son cloître à volonté, nous de-
mandons si elle serait heureuse. Quelques
années de retraite auraient renouvelé pour
elle la face de la société. Au spectacle ii
monde, si nous détournons un moment la
tête, les décorations changent» les plaisin
s'évanouissent; et lorsque nous reportooi
les yeux sur la scène » nous ne voyons plu! i
que des déserts et des acteurs inconnus. I
c On verrait incessamment la folie dt
notre siècle entrer par caprice dans les cou*
vents et en sortir de même. Les cœurs agi*
tés ne seraient plus assez longtemps aupr^
des cœurs paisibles pour prendre un peu d«
leur repos» et les âmes sereines auraient
bientôt perdu ]e calme dans le commerce
des âmes troublées. Au lieu de promener
en silence leurs chagrins passés dans les abris
du cloître»' les malheureux iraient se racon-
tant leurs naufrages et s'exdtant peut-Aire
encore à braver les écueils. Femme du
monde , femme de la solitude » l'infid^e
épouse de Jésus-Christ ne serait propre ni à
la solitude» ni au monde; ce flux et reflux
des passions, ces vœux tour à tour formés
et rompus» banniraient des monastères la.
paix» la subordination, la décence ; ces retrai-
tes sacrées, loin d'offrir un port assuré à nos
inquiétudes» ne seraient plus que des lieux
où nous viendrions pleurer un moment Tin-
constance des autres» et méditer nous-mi-
mes des inconstances nouvelles.
c Mais ce qui rend le vœu perpétuel de la
religion bien supérieur à l'espèce de, vœu
politique du Spartiate et du Cretois, c*est
qu'il vient de nous-mêmes, ne nous est im-
posé par personne» et présente au cœur une
compensation pour ces amours terrestres
9ue l'on sacriQe. 11 n'y a rien que de grand
ans cette alliance d une âme immortelle
avec le principe éternel ; ce sont deui natu-
res qui se conviennent et qui s'unissent. Il
est sublime de voir l'homme» né libre, che^
cher en vain son bonheur dans sa volonté;
puis» fatigué de ne rien trouver ici-bas qui
soit digne de lui» se jurer d'aimer à jamais
l'Etre suprême» et se créer comme Dieu,
dans son propre serment» un» nécessité. >
Mais ce n'est point ainsi que nos rationa-
listes contemporains comprennent la ?ie mo-
nastique. Peu contents d'en flétrir les prati-
ques et les maximes les plus saintes, ils veu*
lent saper l'édifice par la base, l'allaqaer
dans son origine en montrant la vie monas-
tique, non plus comme une inspiration du
Verbe divin, mais comme une importation
étrangère, et une production naturelle du
mysticisme oriental. C'est à repousser cette
erreur que M. l'abbé Cbassay» dans ses es-
sais sur le mysticisme, a particulièrement
consacré son talent. Voici comme il s*ex«
prime :
« Un grand nombre de savants avouent
volontiers que l'Eglise primitive fit de cou-
rageux eSbrts pour repousser l'invasion du
quiétisme oriental qui s'efforçait sans cesse
de pervertir l'enseignement du Sauveari
- -■.»►■•
losi
loi
b'ASCETlSMEl
MOI
«M
mais ils aTaneent ensoite que celte résis-
tauce ne fut que momentaoee, que les cir-
coDStances deTinrent auiu* siècle tellement
faTorables qu*il fut impossible d'empêcher
le mjslicisme le plus eitniTagant d'entraî-
ner dans de tristes aberrations les défenseurs
las plus émînents du christianisme (221).
En effet , quand la doctrine de Jésus-Chrisl
eut jeté en Egypte de profondes racines, la
quiélîsme orientai fit, dès les premiers temps»
de perpétuelles tentatives pour la transfor-
mer. Sans doute les Chrétiens résistèrent
jusqu'à un certain point à ces audacieuses
innovations ; mais ils cédèrent peu à peu à
l'esprit du siècle et s'approprièrent insensi-
blement les principes ascétiques de leurs
adversaires. On recommanda le célitiat
comme un état de plus haute perfection,
on admira les pénitences et les mortifica-
tions Tolontaires, on parla de science intui*
tive surnaturelle obtenue par ceux qui au-
raient purifié l'Ame en domptant les sens et
en exténuant le corps.
« L'admiration générale que les saints
■ anachorètes et cénobites excitèrent parmi
■ le peuple fit répandre leur genre ae vie
« dans le monde cnrétien, et c^t ainsi que
« des principes tout à fait étrangers au
« christianisme de l'Evangile, comme ils le
« furent plus tard à l'islamisme du Koran,
« pénétrèrent dans ces deux religions et y
« répandirent la Tie ascétique et monasti-
« que. » ( BocHiHGEm, La vie eoniemplaiivtp
ateéiique et monasiique chez Uê Indous. Con-
rlusion. ) ^
« Mais il s'en faut bien que le gnosti-
cisme, qui altéra si profondément l'essence
du christianisme, fût un accident isolé dans
rhistoire de l'esprit humain ; depuis long-
temps les doctrines hindoues s'étaient re-
pauflues en Egypte, quand l'Evangile s'y
élablit. Elles avaient envahi non*seuiement
les écoles païennes ; mais un grand nombre
de Juib, surtout les Esséniens, les avaient
réalisées en adoptant la Tie contemplative,
avant la prédication do christianisme. Il ne
faut donc pas s'étonner si, dès l'origine, les
docteurs chrétiens de l'école d'Alexandrie
subirent si profondément l'ioDuence du
auiélisme oriental. Clément et Origène, le
eroier surtout, mêlèrent à renseignement
éTangélîque une multitude d'éléments étran-
gers. 11 se fit d'ailleurs, au sein des masses,
un mou vemeot spontané qui contribua puis-
ai) C*esl Ué ropinîoo présentée sovs des foi
très-variées |»ar une maltîiade de rationalistes coo-
lenporains. — Cf. Cocsi!i, Hiêiaire de la pkUwopkie
9M xvm* nèeU^ sartoot ix« leçon, et Fragments pai-
laMwAi9«ef,n,3e6.<— PAOTUtm, Tao-ie^Kmg^ chip. n.
— MiCKLKT, aietûire ée Framee, t. 1 . f 12,113. ^
Pîene Lsaoux et Jeaa Rsthau», Emcfciapédie moii-
fteUe^ articles Bankemr^ CUi^ Saha Auputm, — Les
protestaats aacteiis et modernes partagent eeue ma-
nière de voir. — Cf. Mosanii , BtUoire eccUnoMii'
9«f, n« siècle. — BaocEUt Hitunre ée U pkilot4H
pkie^ III. — JocjFFBOT, Comn ée éroit maurH, iv* et v«
leçons, n*a fait ijoe Im exacérer. — M. Bochinger,
écrivain proietlanl, a svivi Mosbeim et Bmeker dans
•on livre, trèa-iavant d^aîOeurs, sar la vie oontem-
plalha CI mystique ches les Indous.
samment k jeter la religion nouvelle dans
des voies inconnues qu'elle avait essayé
d'éviter jusqu'alors avec une prudence soup-
çonneuse.
« La société romaine, fortement ébranlée,
croulait dans sa base; le christianisme, qui
avait tenté de ressusciter ce monde condamné
en y introduisant le mouvement et lâchante,
commençait à désespérer de son œuvre. Ce
fut alors que du soin des tombeaux et des
ruines qui couvrent la terre d'Egypte, du
milieu des déserts de sable, s*éleva une non-
Telle génération de Chrétiens, ardente et
Tisionnaire, qui, è force d'enthousiasme et
d'énergie, parvint à discréditer la doctrine
des bonnes œuvres et à endormir pour des
siècles la société au sein des élans d un mys-
ticisme frénétique. Les Antoine, les Hila-
rion, les Pacdme, les Théodore, les M acaire»
furent les organisateurs du liouvel Evangile
qui renversait dans ses bases sacrées la ooc-
trine profondément sociale, Téritablement
civilisatrice, que le Christ et les apAtres
aTaient annoncée à la terre. C'est alors que
commencèrent, au sein du christianisme,
des jeûnes extravagants, ûes mortifications
effrénées, un enthousiasme sans règle pour
la solitude, le célibat, la vie contemplative^
en un mot pour toutes les pratiques inventées,
dans les monastères de l'Inde, par le quié*
tisme des brahmanes. On trouve toutes ces
assertions même dans les livres élémentai*
res destinés à la jeunesse catholique de nos
écoles.
« C'est dans l'Orient et avant le cbristia-
cynisme, dit M. Desmichel, qu'il laut cher-
« cher les causes de la vie erémitique. La
« même exaltation qui avait enfanté les
« i^ves des gnostiques donna naissance au
« monachisme. Les Juifs avaient au leurs
« esséniens et leurs thérapeutes, qui vivaient
c à l'écart des autres hommes et aspiraient,
c par les pratiques les plus rigoureuseSi à
« une penection surhumaine.... Le mjsti-
c cisme des premiers siècles, né de l'allianoe
c du py thagorisme avec la philosophie orien-
c taie, et mis en honneur par Origène, fit
« revivre la discipline des thérapeutes; les
« persécutions de Dèce et de Dioclétien lui
« donnèrent de nombreux adeptes. Dès lors,
« la Tie contemplative, décorée du nom de
« philosophie divine, fut embrassée stoc
a ardeur par une foule de Chrétiens exaltés
« ou Dusillanimes (222). >
(222) DKsncBCLS, kiamre jêmirale eu mogem
dfc, 405, 404. Cependant M. iKesmicbeb noos per-
meura de ne pas partager son indignai on singulière.
En cflel, si nous svions quelque envie de paruger
son antipathie pour 1» institutions monastiq^uea»
nous serions arrêtés par cei aveu dont nous rélirtiona
sa loyauté : c Comme c*esl do sein des inoasstérci
c que sortirent les plus ardcnla promoteurs de la
f loi , les Pfocrés de Tordre monastique suivirent
c ceoxdo Cbfistianlsme. > (DEsnoBLS , 409.) —
Nous recommandons ae fait à ceui qui veuieni noua
débarrasser des moines pour rendre service à b caaae
de rEglise! Lni petisée de M. Desmidiels à éié déve-
loppée par le R. P. LacorJaire avec son éloquence
oniîiiaire : c Les ordres religieux devinrent les
I iMnibiresordîBairesderaposiolaieldelaacieaoe
Avii
m
DICTIONNAIRE
«01
m
« Nou9 pensons arolr présenté dans todte
sa force la suite des objections dé nos ad-
versaires. Nous croyons même leur avoir
donné plus de vigi^eur, parce que nous aVoris
Téuni toutes les difficultés quon a mises en
atant sur cette matière» depuis Mqsheim
jusqu'à JoufiRroy. Mais ce brillant échafau-
dage, construit ]^ar Timagination de nos
edrersaires, peut-il tenir devant le sérieux
eiamen d'une science Impartiale et com-
plète?....
« Nous concéderons Tolontiers h nos ad-
versaires que la vie monastique est plus
ancienne que le Christianisme; mais la
conclusion qu'ils en tirent, qu'elle a pris
son oripine Sans le brahmanisme ou oans
le bouddhisme, nous parait complètement
Insoutenable. Si Ton avait porté dans ces
graves questions toute Taltention qu'elles
méritent» on aurait dû s'apercevoir que, bien
des siècles avant la prédication chrétienne,
la vie monastique s'était constituée au sein
même du mosaïsme| non pas par l'influence
de la philosophie hindoue, mais ^ous fins-
Ei ration des nommes les plus recommandâ-
tes nar leur zèle pour I unité de Dieu, et
dont la mémoire est restée à jamais célèbre^
h cause des luttes courageuses qu'i]s ont
'Soutenues contre le paganisme et l'imraora-
lilé. G*est aiifsi que furent fondées lés écoles
des prophètes : ce fut celte grande institu-*
lion qui, en se développante! en s'harmQ-
nisant avec les principes du Christianisme,
fut le véritable point de départ de la vie
monastique.....
< Quelles sont ]es bases essentielles de la
vie monastique? Sans doute, depuis Torigine
du Christianisme, ce genre d'existence s'est
révélé ^ous des formes singulièrement va-
dfvînê SMS la JovidiDlloii de l^pIsoaMt. Aox firérés
préciieart m joignirent bîMtdl les rréres mineurs
de fiftîQWFraiiçoiSi que seiWrehl plus lard d'au-
tres congrégations , selon les (einps ei les besoins.
L*hisloîre à racolé leurs travaux, pes bérc^ies
formidables s'élevèrent, des inondes nouveaux
se (iécouvrirenl ; mais dans les régions de la pen-
sée comme survies flois de la mer, nul navigateur
?hé pot aller aussi loin que le dévouement on la
dèoirtne des ordres rellgleoic. Tous les rivages
ont gardé te traoe de leur sang, et tous les écbos
le son de leur voix. L'indien , poursuivi comme
vae bile feuve , a irouyé qn asile sous leur froc;
le nègre a encore s«r son oou la marque de leurs
embrassements ; le Japonais et le Cbinois , séparés
du reste de la terre par la coutume et Torgueil
encore plus que par le cbemin, se sont assis
pour entendre ces merveilleux étrangers; le
Gange le^ a vus oommiiniquer aux parlas la sa-
gesse divine ; Içs ruines de Babylone leur ont pré-
té ufie pierre pour se reposer, et songer uu
moment . en s^essuyabt le front , aux jours anciens,
quels sablés et quelles (prél9 les ont ignorés?
Quelle langue est-ce qu^lls n'ont pas parlée? Quelle
maie d|3 l àme et du corps n'a senti leur main?
Et pendant quUIs faisaient et refaisaient le touf
dû monde sous tous lés pavillons, leurs frères
portaient la parole dans les conseils et sur loç
«laces publiques de l'Europe ; ils écrivaient de
•ieu en mêlant le génie des Pères de FEglise à
celui d'Aristole et de Platon , le pinceau à la
j4|iq^e, le ciseau du seulpteur au compas de Tar-
cbitécte , élevant sous toutes formes ces fameuses
riées. appropriées au besoin des temps et
au geni^ des* neuples (223.) Mais, au milieu
de ces modiflcatfons pleines d'intelligence
et d'avenir, le fond môme de rinsliiulion
n*a pas changé : elle a toujours reposé sur
^obéissance, la mortification et le célibat.
Or, i\ est surprenant que les écrivains pro-
testants, en condamnant ces trois règles
fondamentales de la vie parfaite (224}, n'aient
pas vu qu'il faut faire retomber celte con-
damnation sur le Fils de pieu, sur celui-là
même qui est la voie, la vérité et la vie 1
Quant aux rationalistes décidés, Taolipathie
qu'ils ont toujours professée pour l'obéis-
sance, la pénitence et la chasteté, devait
mener tOt ou tard à la réhabilitation de ta
chair, è la religion du plaisir, à toutes les
folles rêveries dont les sectes communistes
donnent aujourd'hui à l'Europe justement
effrayée le triste et dégoûtant spectacle (525).
Le rationalisme a cru en vain pouvoir de ses
mains téméraires partager en oeui la doctrine
évangélique, sans s'apercevoir qu'enlever
une pierre de cet édifice divin, c'est le faire
crouler à l'instant et écraser sous ses ruines
la morale et la société. (Cf. Tadmirable tra-
vail de M. l'abbé Gerbet, Rapports du ra-
iionalisme avec le communisme^ dans VUni-
versité catholique, xxix.] ta société, en effet,
Tie vil que par le cfévouemeul : et la jiau-
treté, l'obéissance, le célibat, la pénitence
volontaire, n'est-ce pas lo dévoueraenl dans
son expression la plus élevée et la plus su-
l)lime? n'est-ce pas Timmolatlon conslanle
de soi-même, sous toutes les formes et à tous
les instants? n'est-ce pivs le. sacrifice de ce
3ue la personnaUté a de plus profond et
e plus intime 7 Je. ne suis donc pas surpris
si les société^ qui ont méconnu ces crin-
c sommée tbéologlqrtee, dfversee par leors maté*
I Haui , tmiques |»er h pensée, que notre sièckt se
I reprend à Ùre ei à aioMr, Vt quelque cM qu*oi
« leganle» les ordree religieux Ont rempli de lesn
< aciiona lea eix première aîèclee de rËgliM,ei
f sauvé s;\ puig$auce en bulle à dea événeaieiiK
< que répiscopal toui seul n^aurait paa coi\ittrés. >
(Le P. LACORt)AiR£. , Mémoire pour le rélabliuc-
ment ée$ Frères Prêcheurs,)
(235) I De là fient, dit très«bîen M. Maniii
I Doixy , la puissance do son action et de sa graa«
c denr. ^ (Martin Uotet , Ofimn$9 el fonàewunftdt
i« iibêTlé, c/e PépalUé ei. dé la fruurtûié parmi lt$
fkomm^ê , U(re 111, § i , foriBe$ divecaca de la no-
pa&UGi(é.\
(224) De lels excès ne surprendront pas quand on
voudra bien se rappeler les origraot du proicfitaii-
Usmes. Quel a éié en effei son premier apétre? Lai^
sous répondre un démagogue célèbre qui féfaie ea
Quelques mois les Mémmss d^ ijuker éà IK Mioll^
lei : I Lulber , perseuuiUcaliuu de U iUi^rlél au
c pourceau d'Islpicure, un grossie Silène» Ha saijM
.c immonde : flagorneur rampant de tous les f riscesi
c ennemi acharné des franeUea conséquences di
f son propre principe, iLaumaiurge aMrdel »
{L. Auguste BLàMQDi , iMir^ cHfe. dan^ PAmidêt»
reliaiouj du 6 décembre iS4d.^
(il^) i Ces asseriiens auraient be««nt ^ ^'^
de leur gravité» d'Eure appuyées ^r les preu?es \^
plus fortes ; mais |iqu# ne eroyenjs paa deieir y n*
venir ici, parce que noua Taveaa déj4 faitjeiiigli^
ment dans la Pureté df ùpwk I
vàcgnsiOL
«oi
itSG
tiipei admirables te aoni affâisaéei rapide*
ment an sein de l'égolsme et de la co^rup-
lion. En proscrivant le sacriGcCt elles ont
proscrit l*B?angile lui-même. Biles ont arrèlé
dans les veines da coms social la sève gé*
nëreuse qai faisait sa forme et sa Yie. Sans
doute» il est fiiciie, dans d'éloquentes déela-
mations, de protester an nom de la raison
et de la nature contre fe mysticisme é? ange-
lioue; mais ce qui est t>ediicoup moins fa-
cile, c'est de faire vivre les sociétés sans que
personne consente è s'immoler pour la justice
et pour la vérité. Les moines, qui n'étaient
pas profonds philosophes, mais qui étaient
inspirés par un génèrent instinct, ont bien
mérité de Thumanité et de l'avenir en fou-
lant sous leurs pieds victorieux les résis-
tances de l'égolsme, afin de combattre par
d*héroique8 exemples les séductions du' sen-
sualisme et les illusions de Torgueil. ils se
sont considérés ôomme des soldats réservés
à des combats sublimes, et qui devaient ter-
rasser tout à la fois les passions de l'esprit
et de la chair. Qu'on ne se figure pas que ce
9oit II un idéal créé par notre imagination.
Dès les premiers développements de la vie
monastique, un illustre €locteur qui a exercé
sur les solitaires d'Orient une immense in-
fluence (226), leur adressait des paroles qui
ressemblent très-peu aux doctrines des quié-
tistes de l'Inde :
c Athlètes ouvriers de lésus-Christ, leur
« disait-il, vous vous êtes engagés h lut
« pour combattre tout le jour, pour en sup-
m porter toute la chaleur. Ne cherchez pas
^ de repos avant la fin du jour. Attendez le
« soir, c'est-à-dire la fin de la vie, l'heure à
c laquelle le père de famille viendra comii-
« fer avec vous/ et vous paiera vctre sa-
« taire. » (Saint Basile, cite et traduit dans
Ifartin Doist, Origines et Bistairt de la
Charité.)
c M. Martin Coisy commente ainsi ce
beau passage : « Un soldat ne bâtit pas de
€ maisons et ne s'embarrasse pas d'acheter
t des terres ; il ne s^ingère pas de commerce
c et de traQc. Il .ne s'embarrasse pas dans
« les emplois de la vie civile, afin de ne
c s'occuper qu'à satisfaire celui qui l'a
c enrôlé. Un soldat est nourri da pain du
c roi ; il n*a pas à s'occuper de sa nourri-
c ture. Les ordres du roi lui font ouvrir
c toutes le^ portes des maisons de ses su-
« jets, dan$ toute l'étendue de $es Etats. Il
€ n'a donô pas è s'occuper de son loge-
« ment. Il plante sa teulc aur milieu des
€ places publiques. II règte sa nourriture
« sur ta seule nécessité. 11 oê boit que de
c Peau et ne dûrt qu'autant que la nature
« l'exige. II fait dé fréquents voyages et
€ veiUe dei ituiu ealiàfe«« U ^^'end^rett au
c «baud e4 m froid« U combat les eanemis
m de l'Jilal, el piaae sa vie dans lea
c
€
(2M) 8ar salut BasHe al ter II tég la 411IT a
àmmèe an moiflea dtMaat, €f. saine fîmÉSouB i»a
FUnAxzt, éiseoora Se. — > Sant Ifenaas» Ê^ee Ecri'-
rofifs eedUwluti^imee^ chap. lie, — Romi, Hittmre
eedMmi^fÊie, Bvra «, ebap. ^^SwomÈM, Histcire
« il arrive qu'il nèurt à la goerre 1 maîa
a cette mort loi est glorieuse. » (Martin
DoiST, Origines «I famdsmenis de la liber ki^
de VigaliiiH de la /taUmUépanni fes Aam-
inef ; tit m, { 3.)
« Proposez-vous , continue saint Basile ,
« comme le soldat de l'empereur, une vie
€ sans maison, sana villet sans possession ,
€ sans richesses, sojez libres. Dégagez-vous
« de toutes les préoccupations de ce monde.
€ N'embarrassez point vos pas dans l'amour
m d'une femme, ni dans lea soins de l'édu-
cation des enfants ; tar ces assujettisse-
ments sont inconciliables avec la milice
< divine dans laquelle vous êtes entrés.
€ Elle demande de vous qu'au lieu de lais-
< ser des enfants sur la terre, vous en l'as*
< siez monter an ciel. Elle voua engage |»ar
€ une union toute pure et toute sainte à
c être les condtîcteurs des âmes, et à mettre
c au monde des enfants spirituels. La terre
• ne vous aura paa au nombre de stis ci-
€ tojena ; mais le ciel vous mettra au rang
« de sas habitants, et les anges vous porte*
c ront jusqu'au ciel entre iea bras de Jésu»^
€ Christ même, qui vous appellera son ami,
« son bon et fiddie serviteur. Bt ce que je
c dis ne s'adresse pas seulement aux nom*
< mes, car les femmes sont aussi comprises
c dans la milice de léaus-Christ. > ( Saint
BasiLs. traduction de Martin Bout, Origines
ei fandemenis de la liberté.)
r c Que devait ftire cette milice de Jésus*
Christ, sinon prendre pour la règle de sa
vie lea inspirations héroïques de l'Evan*
gileT
« Or, qu'on ne s'y trompe pas, les eonseils
de Jésu»-Christ tendent tous à la réhabili-
tation de la pauvreté. Avant le Ghriat. toulea
les religions qui dominaient dans 1 empire
romain avaient inspiré l'horreur de la soufr
franco et de la misère. L'indigence était re-
gardée comme un signe Ineonlestable de la
vengeance des dieux ; elle entraînait après
elle autant d'ignominie que de douleurs.
Les pauvres joignaient done aux épreuves
inséparables de leur eondition toutes lea
trfslessesd'undésespoirinévilable«ll8 étalent
les ennemis nécessaires et oatvrels d'une
société qui n'avait pour eux que de l'anti-
pathie et du méprls« Mais quelle révolution
se fit dans Tunivers moral, quand le Verbe
divin, quittant les splendeurs éternelles,
vint évsngéliser les pauvres, revêtu de la
forme de l'esclave I Mon-seulement il pro-
clama la pauvreté bienheureuse, et lui pro-
mit le royaume du fère céleste, mais il en
supporta lui-même 9 pendant sa vie mor-
telle, toutes les privations et tons les mépris.
Pour que son enseignement portât ses fruits
dans la société nouvelle, créée par sa pa-
role, il fallait qu*U se trouvât des hommes
assez grands et assez (bris pour continuer
c^afMafitfaa, livas m,
LisTK, ÊUiéhe
livre iiii, Asf . 39. —
cxa.
13. -— aiiCMMas G&v-
, livse iz, chap. it, e
FonoBS, BikHeUtèqse^ Ime
lOSl
lîOl
DICTIONNAIKE
MOI
cette t)rodigiettSie révolution , en acceptant
librement la pauvreté la plus rigoureuse, et
en sacrifiant au service des pauvres leur in-
telligence» leur sensibilité et leur volonté.
Ils iravaient, pour cela, qu'à suivre la route
tracée par le Maître divin. Pourquoi, en ef-
fet, avaient-ils recommandé Tobéissance?
C'est qu'elle est une conséquence nécessaire
de la pauvreté, et que, pour établir la société
chrétienne sur des bases inébranlables, il
fallait montrer l'esprit de subordination
porté jusqu'à l'oubli de sa propre personna-
lité. La dépendance faix horreur à la nature
humaine; tout joug nous pèse et nous
écrase, et cenendant rien n'est possible dans
l'ordre social, sans que la hiérarchie des
classes et des fonctions soit profondément
respectée, comme Teipression même de la
volonté divine. Cette vérité, d'une si haute
m
vent exposée à des adversités. (F. Bergier
Dictionnaire de théologie ^ article MotOL
cation,)
« Je faii pénitence sur la cendre et ht jpotii-
siiref disait le bonhomme Job, à Iiodo*
cence duquel Dieu lui-même avait daigné
rendre témoignage. (Cf. Job^ xlu,6.)
« Un prophète nous .apprend que l'aboo-
dance de tous les biens, rorgueil, Toisiveté,
et ce que le monde appelle une vie heureuseï
furent la cause des crimes et de la ruine de
Sodome. (Cf. Ezéchiel, xvu W.)
« L'ange du Seigneur parle ainsi au vieui
Tobie et à son fils : La prière ^ aeeomjHifnit
du jeûne et de l'aumône^ vaut mieux qtu tm
les trésors et tout Vor qu'on peut aimer, (Cf.
Tobie, xu. S.) "
« Le livre de Judith nous raconte, en ces
termes, la vie qu'elle menait après la mort
portée, n'eût pas été comprise par le monde"* de son mari, au milieu des grandes richesses
païen, corrompu par l'orgueil et par le seu- qu'il lui avait laissées. // y avait déjà tm
sualisme, si elle fût restée à l'état de théo- ans et demi que Judith était demeurée vente.
ne; mais comme elle devint frappante,
quand on vit tant d'hommes illustres subir
avec une si admirable docilité les lois sévè*
res I Si l'univers n'avait pas éprouvé cette
forte discipline! gui aurait pu prétendre
gouverner et civiliser les masses indompta*
blés qui, du lond des steppes de la Tarta*
rie, des plaines habitées par les Slaves et
des forêts de la Germanie, allaient bientôt,
comme un torrent dévastateur, .se précipiter
sur l'empire et déchirer en lambeaux san-
glants la pourpre avilie des Césars? C'est au
u)nd des solitudes de l'Orient que se pré-
parèrent, dans l'obéissance et l'humilité, les
plus belles conquêtes de la civilisation
chrétienne sur l'indépendance effrénée des
barbares. Le manteau de Pac6me, comme
celui d'£lie, fut ramassé par un nouvel Eli-
sée; et Benoit de Nursie, en perfectionnant-
la forte discipline des monastères orientaux,
a contribué plus qu'aucun homme de génie
à la fondation de la société nouvelle....
« Longtemps avant la naissance des uto-
pies du gnosticisme et du manichéisme,
Dieu avait fait connaître aux patriarches
la nécessité des mortifications. Ils ne pou-
vaient pas ignorer la chute de leur pre-
mier père; et ils durent en conclure que
l'aiBuence de tous les biens est peu propre à'
rendre l'homme fidèle à Dieu. Ils savaient
2u'en punition de cette faute, l'homme
tait condamné à arroser de ses sueurs une
terre couverte de ronces et d^épines (227),
et que la pénitence d'Adam avait duré neuf
cents ans : terrible exemple 1 On voyait les
personnages les plus agréables à Dieu, tels
que Abraham, Jacob, Joseph, Moïse,Job,etc.,
mener une vie souffrante, mortifiée, et sou-
(2i7) c M. Franck avoue que rascéiisme dérive
nécessairement du dogme de la chule. c II faut,
c dit-il, distinguer deux sortes d*asێtisme : Tun,
c fondé sur le dogme de Texpiation, n*a pas d'autre
c but que d*apaiser la colère divine par des souffran-
c ces volontaires; c^est rascétisme religieux, dont
c nous n*avon$ pas à nous occuper, car H ne saurait
c être séparé de la théologie positive. > (ÙiciiQn ■
mUre du êàeneeê phitoêophiqueSf article Ascétisme,)
— Elle s'était fait^ au haut de sa maitonf m
chambre secrète, où elle demeurait ei^enià
avec les filles qui la servaient.^ Et, ayaiU m
cilice sur les reins, elle jeûnait tous les jom
de sa vie, hors les Jours de sabbat, lespremm
jours du moisy et tes fêtes de la maison iU-
raèi. — Elle était parfaitement belle, et iw
mari lui avait laissé de grandes richesses, tm
grand nombre de serviteurs^ et des héritaga,
où elle avait de nombreux troupeaux de bauft
et démoulons.— ' Elle était très-estimée de tout
le monde, parce qu'elle avait une grande cr atiUe
du Seigneur, et il n'y avait personne oui iii
la moindre parole à son désavantage, (Juditk
VIII, 4-8.)
« Le Roi-Prophète, dans ses adversités,
s'efforçait aussi de fléchir la colère de DieQ
par le jeûne et la pénitence. Mais pour mit
lorsqu ils m'acceptaient de cette sorte, je m
revêtais d'un cilice.— J'humiliais mon ém
par le jeûne et je répandais ma prière dm /<
secret de mon sein, (Ps. xxxiv, 13J Ik.)
« Anne la prophétesse suivait les eiem
pies de David et de Judith. Elle était veure,
âgée de quatre^-vingt -quatre ans; et elle demtU'
rait sans cesse dans le temple, servant Dits
jour et nuit, dans les jeûnes et dans lesprièrtt.
(Luc, II, 37 .j
« Les sainls personnages dont nous le-
nous de raconter la vie pénitente nefaisaieoi
que prêter une oreille docile à la voix des
prophètes envoyés de l'Eternel : Cont«f/w-
sez-vous à moi de tout votre ccgur^ ditleSei'
aneur, dans les jeûnes, dans les larmes et dssi
les gémissements. (Joël, ii, 12. }
« Mais faut-il penser, comme les écrivaios
protestants et rationalistes le disent ei rio-
sinuent sans cesse (S^}> que la prédicatiofl
(228) I Nous ne comprenons pas, disait naîf«»eat
un théologien du dernier siècle, conument les pro-
tants osent blâmer les moniflcations, lonroeref
ridicule les austérités des anciens soliuires.ile^
vierges chrétiennes, des ermites et des moioes de
tous les siècles. Ils disenique Jésus-Christ n apoùt
commandé toutes ces prauque^, qu*il a méine wf»
riiypocrisie de ceux qui affecuieol an air pépi*
tcut, que les austérités ne sont pas une pretiTe ia-
«
c
c
c
c
c
f
t
de TETancile a complètement anéanti cette
doctrine ae la mortification (9S9) qui tenait
une si grande place dans la sainteté des an-
ciens temps, le sais qn'on Ta répété bien des
fois, mais c*est ce que font ordiuairement
les écrîTains que nous comtiatlODS quand ils
sont réfutés par Fé? idencedes faits. Ouvrons
TETangile et prenons-le pour juge.
€ Afin de savoir si la mortification est une
▼erto nécessaire, il suffit de consulter les le»
SOS de Jésus^hrist et de ses apôtres; le
UTeur a dit : Heureux ceux qui pleurent^
parce quiU seront consolés. {Maiik, y, k.)
« Il a loué la vie austère , péoilentç et
mortifiée de saint Jean-Baptiste* (Cf. notre
Histoire de la rédemption.)
M Quétes^rout allés voir dans le désert f un
roseau agité par le vent ?— Qu^étes-vous, dis-jCf
allés voir? un homme vêtu avec mollesse? vous
savez que ceux ^i s*habillent de cette sorte
sont dans les maisons des rois. — Quétes-vous
donc allés voir? un prophète f Out^ je vous le
dis. et plus quun prophète. — Car c'est de lui
qu'il a été écrit : Tenvoie devant vous mon
ange qui voue préparera la voie où roiu devez
marcier. — Je vous dis^ en vérité^ qu entre
tous ceux qui sont nés de femmes^ il ny en a
point eu de plus grand que Jean-Baptiste ;
wuiis celui qui est le plus petit dans teroyaàme
des deux est plus grand que lui. — Or. depuis
k temps de Jean-iaptiste jusqu'à présent, le
royaume des deux se prend par violence, et ce
sont les violents qui remportent IMatth. xi,
« Le Christ a dit dts lui-même qu*il n*avait
pas ot reposer sa tète. {Matth. vui, 20.)
«11 a prédit que ses disdples jeûneront
lorsqu'il leur sera enlevé. {Matth» ix, 15.)
cil dit à ses disciples : Si melqu^un veut venir
Xis moi, qu'il renonce a soi-même, qu'il se
rge de sa croix et mesuive.{Matth,x}fi, 2V.)
« la doctrine de saint Paul o*est pas moins
propre à confondre les cbimériquej inven-
tions des docteurs protestants : Que ri vous
vivez selon la chair, vous mourrez; mais si
vous faites uwurir par F esprit lesesuvresde
la chair, vous dvrez. {Rom. viii, 13.) -- Je
traite rudement mon corps et je le réduis en
servitude, de peur qu'ayant prêché aux au-
tres je ne sois moi-mime réprouvé. (/ Cor. ix,
27.) — Nous portons toujours en notre corps
la mort de Jésus, afin que la vie de Jésus pa-
raisse aussi dans notre corps. {Il Cor. iv, 10.)
— Agissant en toutes choses comme des mi-
nistres de Dieu, nous nou^ rendons recommaur
dables par une grande patience dans les maux,
dtms les nécessités prétentes et dans les extrê-
mes afflictions. — ùans les plaies, dans les
prisons, dans les séditions, dans les travaux,
dasu les veilles, dans les jeûnes. {Il Cor. vi,
4, 5.) — Ceux qui sont à Jésus-Christ ont
crucifié leur chair avec ses pasrions et ses dé*
iim
fO^
< faillible de vetta, que soos an exienear
c «M peai Doorrir encore des passions très-vives, ei
c qn'il n*esl pas dâlBdIe d*en ciier des exemples. >
(Bcicica, Ùieiiommmre de fAéo/ogte, article Mot ifca-
tiom.) — f Les incrédoles, ajoate-t il. n*ont pas in^ui-
c que d'eticliérir snr les satires des protesunis. i
Dicno'ifi. o'AscÉnsvB. L
sirs déréglés. {Gai. v» 2%.) — Faites mourit
leswumbres de Vhomme terrestre qui est en
vous, la fornication, Vimpureté, les abomina--
lions, les mauvais dérirs, et Vavarice qui est
une idolâtrie, )insisque ce sont ces excès qui
font tomber la colère de Dieu sur les hommes
rebelles à la vérité. {Coloss. m, 5, 6.)
c Après de telles paroles, nous n*avons
pas besoin de justifier les mortifications de
la vie monastique. Sans doute quelques in-
dividus, cédant aux transports d un zèle trop
ardent, ont pu pousser trop loin les princi-
pes de la |)énitence ; mais toutes les intellî**
i pences vraiment chrétiennesont reconnu que
'Evangile nous impose l'obligation rigou-
reuse d'assurer la domination de l'esprit en
mortifiant les sens. Saint Augustin, cette âme
si délicdte,ce cœur si noble, ne rougissaitpas
d*avouerqn*ii étaitobligédeluttei sans cesse
contre les entraînements de la viema/érielle.
c Je comtiats, disait*il, contre le plaisir
c que je trouve k me rassasier, afin qu*il no
c m'emporte pas. Souvent nous sommes in*
c certains si c est le besoin de soutenir notre
« vie qui nous porte h continuerde manger,
c ou SI c'est reochanteroent trompeur de la
c volupté qui nous emporte. Notre âme in-
c fortunée se platt dans cette incertitude, el
c se réjouit de ce qu'il est difficile de déter-
c min^r ce qui suffit aux besoins du corps,
c afin que le prétexte de la santé lui serve
« de Voile pour satisfaire sans scrupule k la
t passion de la volupté. Je m'eflorce conti-
« iiuellemenl. Seigneur, de résister à celte
c tentation, mais quelqnefois la gourman-
c dise, c'est-à-dire le plaisir de manger, me
c surprend... Vous aurez, s'il vous plaît, pi«
« tiède moi, afin que cela n'arrive pas. »
(Saint AcGusTUf, Confessions, chap. 31.)
c Chose remarquanlel M.B. Saint- Hilaire
lui-même, tout liore penseur qu*il est, tout
ardent adversaire qu'il se montre du mjsti*
cisme de tous les temps et de toutes les re«
ligions, M. B. Saint-Hilaire est obligé d'à-
vouer que la mortification des sens est in-
dispensable à tout homme qai ne veut pas
s'asservir aux entraînements aveugles de
l'instincU 11 confesse naïvement que les su-
perbes contempteurs des lois de TEvaogile,
pour éviter les dangers de l'ascétisme, ont
lait du corps, sinon leur idole, du moins
leur maître, et qu'il vaudrait mieux, quos
3u'il en dût coAter, subir les inconvénients
'un spiritualisme exalté que d'accepter les
menteuses servitudes qui flétrissent les
Ames et qui les avilissent !
c II serait donc temps de renoncer k ces
déclamations cent fois réfutées sur le sui-
cide imposé par la vie monastique. Que de
victimes précipitées avant le temps dans le
tombeau par les débauches de l'esprit et do
la chair I C'est contre ces véritables suicides
(il9) i D*»lres ont dit, comme MM. Salvador ce
Mank, qne le priactpe de la mortification ëuit étran
^ â la religion mosaîqae.* Les lecteurs peuvent en
juger d'après les faits que nous aTOns cites. >
[Diêceun préUmimaire.)
33
1035
MOI
DICIlOMNAmB
MOI
l((5l
guil ieur est bon dt demeurer vu ett A<
<omme fy demeure moi-même^ — Que tik
sont trop faibles pour garder ta eontinencf^
quils se marient^ car il vaut mieux se maritr
que de brûler, (I Cor. tu, 8, 9 )
« Il dit plus haut : Pour ce qui regarde let
choses dont vous m'avez écrit, je vont dirai
quil est avantageux à Vhomme de ne touùur
aucune femme, [l Cor. vu, i.)
« Entin il est un point de vue capital, qua
la p(>tulance de nos adversaires et leurs
préventions aveujgles les empêchent seules
d'apercevoir. La roise en pratique des con-
seils évangéliques peut-elle être opposée à
TEvangile, comme on voudrait le faire croire?
Quelle que soit la forme des institutions
religieuses, elles ont toujours pour objet,
comme Ta fait remarquer un des plus illus-
tres penseurs de notre temps (231), quelque
chose de plus élevé que la pure observaDce
des commandements divins. L*idée de per*
feclion s'y trouve toiyours comprise. Ob-
server les préceptes de Dieu est la condilioQ
indispensable du salul éternel ; mais les ins-
titutions monastiques se proposent un but
plus noble encore. C*est là qu*on écoute et
qu'on goûte véritablement ces paroles mys-
térieuses du Verbe de Dieii: a Si vous fou-
lez être parfait, allez, vendez tous vos biens,
et donnez-les aux pauvres
« Si Ton nie la vérité de la religion chré-
tienne, si Ton tourne en ridicule les con-
seils de TEvangile, je comprendrai qu'on en
vienne à mettre au néant ce quuyade
céleste et de divin dans l'esprit des cooqidU"
nautés religieuses. Mais la. véiilé de la reli-
gion une fois établie, je ne puis concevoir
comment des hommes, qui se glorifient de
suivre ses lois, peuvent se déclarer les en-
nemis des institutions religieuses, considé-
rées en elles-mêmes; comment celui qui ad-
met le |Trincipe peut-il en repousser lacon-
séçiucnce? Pourquoi celui qui aime la causa
rejetle-t-il Teffet? De deux choses Tmie.'
Qui peut comprendre ceci le^comprenne! ces hommes affectent la religion avec hypo
que nous voudrions voir .e rationalisme
exercer son zele. Mais a-t-il jusqu'ici trouvé
d'autres moyens quo de déclamer contre les
austérités dfe la pauvreté volontaire? Or
voici quelle était la vie de l'immense majo-
rité des moines :
c Le jeûne que pratiquaient les solitaires
« avait pour fin de dompter l'intempérance,
« de pré.venir les tentations, de rendre l'es-
« prit plus dégagé des sens et plus appliqué
« aux choses célestes; mais ils conservaient
« assez de force pour travailler .sans relâche;
« ils dormaient peu, mais assez pour ne point
« ruiner leur santé. En réalité ils étaient
« exQmpt^ de maladies et parvenaient à un
« âge très-avancé. Les solitaires d*Ëgjpte
« réglèrent le jeûne à un repas par jour. Ce
« repas était composé de deux petits pains
« formant six onces, et ils no buvaient que
« de l'eau. » (Martin Doisy, Origines et fon^
déments de la liberté^ de régatité et de la fra--
ternité parmi les hommes,, titre m. Régimes
pénitentiaires de l'Eglise.)
« Quant au vœu d^ chasteté, il a, peut-être
plus que toutes les autres habitudes de la
vie monastique, fourni aux grossières facé-
ties du rationalisme, du radicalisme et du
protestantisme. Les uns ont débité grave-
ment que c'était un abus int^^oduit par les
•manichéens dans TEglise catholique, les aq-
Ires Tonl considéré comme un legs fait par
le gnosticisme mourant à ses vainqueurs;
âl s est enfin trouvé des savants qui l'ont
considéré comme un emprunt aux prati-
'Ques des ascètes brahmaniques! (230)
« 11 va sans dire au'on n*a pas manqué de
'Science , à défaut d esprit, pour étayer tou-
tes ces hypothèses chimériques, que l'exa-
men le plus superficiel des doctrines du
Sauveur suffit pour renverser. Bienheureux^
disait le Sauveur, ceux yui ont le cœur pur^
parce quils verront Dieu! [Matth. y, 8.) Il
ajoute : Il y en a qui se sont rendus eunuques
eux-mêmes pour gagner le royaume des deux.
— Quiconque abandonnera, pour mon nom,
"sa maison, ou ses frères^ ou ses sœurs, ou son
•père, ou sa mère, ou sa femme, ou ses enfants,
ou ses terres^ en recevra le centuple, et aura
pour héritags la vie éternelle, lAîatth. xix,
12, 29.)
« Sainte Paul ne parle pas un autre lan-
gage : Quant aux personnes qui ne sont point
mariées, ou gui sont veuves, je leur déclare
9
(250) 4 II n<Ai.s suffira de citer les niaises déclamai-
lions du docle proleslaiit Beausobre ; selon lui, les
Pères avaieiii puisé leur estime pour le célibat dans
les erreurs des docéies, des encratiies, des marcio-
niles et des manichicns! Quelle t>i:niie! (Cf. Beau-
sobre, Histoire du manichéisme.), Ci*pcnd:iiil il avoue
4taiveiiient que plusieurs chréiieiis doniièreut dans
■va faiiaiisiiie dès le coinincncemcul. {ttisloiredu mu'^
4ûdtéisme, livre n, chap. 6» §§ â ei 7.) U va même
jusqu'à dire qu'il venatl d'une interprétation bornée
4le la P* aux Corinthiens, cbap. vu. (Histoire du ma'
Htifiéisme^ litre vu, ch:»p. 4, § 12. ) — Mosheini,
bien moins irritalde sur ce point, fait le même aveu.»
Cf. MosHEiu, Hist. Christ., sx'c. ii, § 35.)
(Î5I1) < Balmô . — Cf. A de Blanche' Raffin ,
JitCQites Bulmès, sa vie et ses ouvrages, ei les iuléres-
crisie, ou bien ils professent une religion
qu'ils ne comprennent pas. •
Rien de plus facile quo de constater parla
tradition la véritable origine de la vie mo-
ua.stique.
Gassien qui avait étudié avec tant de soin
les origines de la vie religieuse, la fait re-
raonier aux premiers fidèles de TEijIise de
Jérusalem (232). La vie cénobiliquc, djlil, a
sants articles de H. Pabbc H. de Varioger, to
VAmi de la retigion. — Nous sommes bien aise de
nous appuyer, dans uue si grave question, sor l>
lorilé (l'un philosoptic dont touie TEurope eiviiiM
admirail les laicnls, la uiodéralion el les vertus. >
(232) Il ne s'agil ici que du développeffleni <le la
Tie nionasliquc depuis la fonnalion de Tliiglisecailio-
liqne. Le cjrdinal Oellarmin fuit remarijucr judtdeo-
"semenl que dans la foi de nature, il y àvail eiii»^
certaine cbamhe de la vie monastique, qii*il J /°
avait eu une plus grande expression sous la ^^'^
Moïse , el qu on n'avait compris qu'au temps ^
apôtres sa véritable perfection. (Cf. JiELuaiii:*. ^
Honnchis^ c. 5.) Saint J rômc nomme saint Jcao-
Baptisie le prince des ainacliorèlcs, saint Jeuti i^Y
so^iomc le nomme le pr!n.e dc^ uiuiucs«
fvl37
yoi
D'aSOETISMR.
MOI
ms
roiuufbocé dès ac temps des apAlres, et
c'était réUt où étaient autrefois les pre-
miers fidèles, comme saint Loc le dit daDS
les ActtM, Toute l'Eglise était donc alors
composée de personnes qui viraient en corn-»
mon, arec une perfection que Ton trouve
aujourd'hui chez très-peu de ceux qui vivent
dans les nionaslères. Mais après la mort des
apôtres, la ferveur des fidèles venant à s'at-
tiédir, surtout k cause du grand nombre et
de la faiblesse de ceux qui se convertissaient
du pigauisme, on vit bientôt, non-seule-
ment les simnles fidèles» mais les chefs
mêmes de TE^Iise, se relÂcber de leur pre-
mière perfection. Alors, ceux qui étaient
encore dans la première ferveur que les
apôtres avaient allumée, et qui se souve-
naient de ce qu'ils avaient vu pratiquer de
leur vivant, se sé|iarant des villes et de la
compagnie de ceux qui croyaient que tous
les Chrétiens pouvaient vivre dans une vie
plus reUchée, se retirèrent dans des lieux
écartés auprès des villes. Ainsi, comme peu
è peu ils se retiraient de plus en plus du com-
mun des fidèles, qu'ils s'abstenaient da
mariage, et s'éloignaient de leurs parents et
de la conversatiou du monde, ils eurent le
nom de maints et de solitaires, è cause de
leur vie si retirée et si rude et celui de
ێnobiie$ parce qu'ils vivaient et demeu-
raieLt en commun. Voilà, continue Cassien,
la plus ancienne secte des religieux^ ei qui
tient le premier rang dans r ordre du temps et
dans celui de la grâce; et elle a subsisté
seule sans changement jusqu'au temps de
Paul et d'Antoine, les anachorètes dont ces
deux saints ont été les chefs et les fonda-
teurs étant sortis de cette ti^e féconde.
^CissiEN, Conférences^ ch. 5, 6.)
Nous trouvons eu etfet, dans les Actes des
apôtres^ les premiers rudiments de la vie
commune, telle qu'elle fut plus tard organi-
sée au sein des monastères, avec les modi-
fications qu'exigea le développement de
celte grande institution (233;.
Toute la multitude de ceux qui croyaient
n avaient quun cœur et qu'une dme; et nul
ne considérait ce quil possédait comme étant
à lui en particulier^ mais toutes choses étaient
communes entre eux, ~ Il n'y awiil aucun
paurre parmi eux, parce que tous ceux qui
possédaient des fonds de terre ou des maisons^
les vendaient et en apportaient le prix qu'Us
mettaient aux pieds des apôtres^ et on le dis^
tribuait ensuite A chacun selon quil en avait
besoin. [Act. iv^ 32, 34, 35, trad. Sacj.)
Cassien ajoute que les monastères d'E-
7\pte furent fondés par saint Marc, disciole
(233) Ileslindiiliiuble, dît imcrhiipicirèsHiiflkile,
I qiie les Tériukles nrligieui se sonl proposé poiir
■KMléle la première église ileiérusaleio. » (Tille«o?iv»
ftémoires four servir à TAiiC. ecelés.^, saint Anloiiie.)
Irrite opinion est celle de saint AogasUii.
(i54) Cf. Cassigi, Ijmilvlîoiu aMiMsiif vm, Ik. ti,
r!i3p. 5.
<ir>5) Cf. EcsfcK, Bht. ecelés.f Iit. ii, ebap. 17.
<i5(>tCr. BiiuxT, Vudeutim Mare.
157) Cf. FLEuav, Hitt. eeclés,, i, t7.«- Noas ne
ii«i .» anêleroiis pa:» ici à renverser les ohjeciiODS.
de saint Pierre (83^* ; qu'on v pratiqua dès
l'origine une perfection supérieure à celle
d<*s Chrétiens de Jérusalem, bien avant
ceux qu'on accuse d'avo!r introduit au sein
du christianisme les principes du quiétisme
oriental. Il s'appuie non-seulement sur l'au-
torité d'Eusèhe, qui est si grave dans une
pareille question (235), mais sur le rapport
niante Jes gens du pavs. Plusieurs critiques
font n^monter les monastères d*Egypie au
temps de saint Marc. Baiilet dit qu'il est
certain qu'à l'époque où vivait saint Marc,
plusieurs chrétiens animés du désir de
mener la vie parfaite recommandée par
TEvan^ile, se retirèrent à la campagne, non
loin d'Alexandrie où ils se tenaient renfer-
més dans des maisons, priant Dieu, médi-
tant l'Ecriture sainte, travaillant de leurs
mains, et no mangeant qu*après le soleil
couché (236). Fleurjr adi»pte la mémo ma-
nière de voir (:i37;.
Eusèbe, Cassien, Sozomène et autres his*
toriens céièhres regardent les thérapeutes
d'Egypte comme appartenant à ceUe classe
de Chrétiens, que les exhortations de saint
Marc décidèrent h embrasser la vie parfaite.
Quand Tévangéliste, disciple de saint Pierre,
eut fondé l'égiise d'Alexandrie, ses prédica*
tiens ayant attiré à la foi de Jésus-Cbrist
un grand nombre de personnes, beaucoup
embrassèrent les règles de la perfect.oa
évangélique. D'après ces auteurs, ceux qui
consacrèrent ainsi toute leur existence a
Dieu, quittèrent leurs parents et leurs amis,
et se retirèrent dans la solitude pour s'y
livrer aux pratiques de la vie ascétique, co
qui leur Qt donner le nom de thérapeutes»
c'est-àMJire médecins pu serviteurs, parce
qu'ils avaient soin de leurs âmes et servaient
Dieu. Leurs premiers établissements se
firent sur les bords du lac Mœris. Pour'so
conformer aux conseils de l'Evangile , ils
abandonnaient leurs biens et quittaient pour
toujours leurs femmes, leurs enfants, leurs
parents et leurs amis. Ifs avaient pour ba
bitation une cellule séparée appelée semnéé
ou monastère. Le matin et le soir ils fai*
saient des prières. Le matin ils priaient Dieu
de leur accorder une paisible journée el
d'éclairer leur intelligence de sa lumière
divine. Le soir, ils le suppliaient de les dé-
livrer de Taffection des choses terrestres.
Leur vie était austère, ils ne mangeaient
qu'après le coucher du soleil. Tous les sept
jours ils se rasserot>laient dans une granoe
sernnée^ afin de s'entretenir ensemble des
saintes pensées qui faisaient l'objet conti-
nuel de leurs méditations (238).
Oi> en inmvera ta réfuution dans I1£ltov, Biu. des
ordres monastiques^ discours préliminaire, i7-lè.
(!258) Las lliérapeuies élaienl iU une secie d*cs«
sénieiis? Baronîus el Godeau ont consuië les diCIé-
n:i:ces profomies ipii ks sépanHeol.(Cr. BAaoxius,
Annules^ année &I ; Goocau, Wiji. ecdét,^ IW. i,
année 04.) D^aulres savanis oui cru que les Uiéra-
petiies n*éuient ni moines ni chrétiens. On irouveni
les rations contre celle ilcniiére lijpoihése dans Itt-
LTOT, Histoire des ordres monastfques, Dtssef talion
1059
MOI
DICTIONNAIRE
HOI
m
Mais quand luônie, à Texeraple de Bergier
el d'uû grand nombre d*auteurs graves/
on se refuserait à considérer les thérapeutes
comme les ancêtres des moines d'Egypte»
on ne saurait contester que la vie monas-
tique ne remonte, chez les Egyptiens, aux
premiers temps du christianisme; du reste,
il est fort essentiel de remarquer que ce fait
n'était pas particulier aux églises d*£gypte;
mais que, aans d'autres contrées, la vie mo-
nastique se développa pendant les deux pre-
miers siècles, autant que le permirent les
^circonstances.
Le savant Tillemont fait remarquer que
l'existence des ascètes remonte au berceau
mèmedu christianisme. Celaient des hommes
qui faisaient profession d'une verXu plus
sublime que colle du commun des Chrétiens,
qui menaient même au milieu des villes, et
plus souvent dans les villages ou aux envi»
rons, une vie très-pieuse et très-retirée (239).
L'opinion de cet historien célèbre s'appuie
sur un grand nombre de faits. -- Eusèbe
suppose que les ascètes existaient en Egvpte,
même sous l'épiscopat de saint Marc (240).
II raconte aussi de saint Pierre d'Alexandrie,
qu'il traitait son corps avec austérité, à la
manière des ascètes (24^1). 11 nomme ascètes
du culte de Bieu, ceux qui s'occupaient
particulièrement des œuvres de piété et de
charité (SU^S). Il raconte du martyr saint
Pierre Apselame, qu'il menait la vie ascéti-
que (243). 11 dit que saint Pamphile, qui
souffrit le martjrre uu peu auparavant, sous
Maximin 11, était ascète (2U}.
' Origène, dans son livre contre Celse,
écTii sous le règne de Philippe, vers 249,
parle des ascètes comme d'une institution
«onnue de tout le monde; il fait remarquer
qu'ils ne mangeaient pas de viande, et il
compare leurs abstinences à celles des dis-
ciples de Pythagore (245). —Saint Epiphane
raconte que, près de cent cinquante ans au-
Faravant, Marcion, qui depuis tomba dans
hérésie, avait embrassé la vie solitaire dans
le Pont, et qu'il pratiquait la chasteté par-
faite (246). ~ Saint Jérôme, parlant de Pie-
rius, prêtre d'Alexandrie, qui avait un
amour particulier pour la pauvreté, dit qu'il
pratiquait admirablement la vie des ascètes
(247). — Saint Alhanase, racontant la retraite
•
' (239) Cf. Tillemont, Mémoires pour $emr à CUiu.
tcclis, vn, i03.
(240) Cf. EusÊas, ni$U ecclés., liv. ii, chap. 17.
(24n Cf. Enstoe, Hhi. eccléê., liv. vu, cb. 52.
(242) Cf. EusfcBE, Le$ martyre de la l'aleniney
isfa. li«
. (243) Cf. EusfeBE. Les martyrs de la Palestine.
lli.lO.
{244) Cf. EusÈBB, Les martyrs de la Palestine.
:245) Cf. OaiGfeNE, Contra C>/f.,liv. v.
^246) Cr. Saint Epiprane, Antidote contre les héré"
iies, 42« hérésie.
(247) Saint Jérôme, Des hommes illnstres, du 76.
(248) *Bff;^oXo[OTiQ ^ÎTxnffic
(249) Saint Atdamase, Vie de saint Antoine.
(250) Cf. AioNTFAU(X?N, Observations sur ta lettre de
Philon, De la vie contemplât., n« pari., § 3.
(25t) Pour rap|)rcciaiioii de ce bel ouvrage. Cf.
MoEDLBR, Athanase IcHrand , Iraduclion Cohen.
de saint Antoine, vers l'an 270, dit qu'il
Î)ratiqua les exercices usités chez les ascètes,
248) et il ajoute que ceux qui alors a?aient
0 zèle de leur sa\ it, se retiraient à la (^m.
pasne pour s'y appliquer aux œuvres c>
piété (249) (Voy. l'art. Ascètes.).
Les Frères du canton d'Arsinoé, avec les-
quels saint Denis d'Alexandrie eut, en %0,
une conférence célèbre sur la quesliondo
millénarisme, étaient (selon les Acla m-
ctorum , 17 Janvier) des solitaires. — Saint
Palémon , auprès cluquel saint PorAme $o
retira, vers l'an 314, était, è cetto époque,
fort Agé. 11 avait lui-même été instruit par
d*autres anachorètes dans les pratiques de
la vie monastique. Il parait même qtic les
moines avaient un habit particulier, el qui)
le fit prendre à saint Pacôme. (ilr(a soncio-
rum , 14 Mai.) — Les monastères de Cbé-
nobosque et de Moncose , antérieurs à la
fondation de la congrégation de Inbenoe,
étaient, selon Bulteau, de véri tables abbajes.
(BuLTEAU, Hist. monasi. de rOrient\ 83.) Le
vénérable Eponychus était abbé de Cbéno-
bosque, et cette maison était habitée pardes
religieux très-anciens et très-parfaits. (Cis-
siEN, conférence 18, ch. 5.)
Les monastères de Nitrie étaient aussi
antérieurs aux fondations de saint Pacdme,
et le P. de Montfaucon va jusqu'à dire qu'il
{r avait des couvents sur cette roon(a|:ne,
orsque saint Araon s'y établit (250j.-0n
ne peut donc pas dire que saint Antoioeail
été l'instituteur de la vie monastique; mais
sa vraie gloire a été de donner à ce genre
d'existence une organisation plus solide et
une (popularité beaucoup plus grande. Saint
Hilarion et saint Pacôme le secondèttnt
puissamment dans une œuvre qui devait
exercer une si salutaire influence fiurles
destinées de TËglise de Jésus-Christ.
Parmi les solitaires d'Orient , il n*en cf:
guère de plus illustre que saint Antoinetet
dont la mission ait été moins comprise. Si
nous étudions avec un peu de soin la vie
de cet homme illustre , qui a été écrite
avec un si rare talent par saint Atha-
nase (251), il sera facile de convaincre n^fs
lecteurs, que ce serait en vain qu'on vou-
drait le présenter comme un imitateur de5
quiétistes de fliide. Si nous remontODS aui
c Personne n'ignore, dit Tiliemonl, qne saint Aiid*
nase a cru employer utilement un temps aussi prt-
cicux que le sien à écrire l;i vie de siiiiit Aotoip^
et pour ravaiiiage qn*il trouvait lui-même dans 1^
seul souvenir de ce saint, et pour celui <prilespépit
procurer à tous ceux qui embrassaient Tctat nious^
li(|uc, dont la vie de saint Antoine est, dil-ilt p
parrait modèle, i (Tillemoxt, Mémoires, \iu^^^
Antoine, art. xv.) — Nous avons surtout insisté dans
rel article, sur saint Antoine, saint Macaire.ssw^
Hilarion • saint Pacôme et saint Basile, parce qv^
selon M, Guizot, ce sont eux qui ont goiivenié ^r
leur esprit tous les solitaires de l'Orient. Noasavo»
été obligé de parler irès-briè veinent de saint Ma*
caire, à propos de saint Antoine; mais le traii qn^
nous avons cité ne laisse aucun doute sur ses hat''-
ludes et sur ses doctrines par rapport à la sainie loi
du lravan..(Vofr les an. saint AsTOJiŒ^saijiiriCùit
saint Bavile.)
«ou
MOI
mcnoNMiius
net
fM9
circciDStancesauidéterminèreDi sa focalion,
nous Terrons au premier coup d*œîi qu'eîle
fut le résultai de la médiCalioD des principes
éYangéliçoes. « Son père et sa mère étant
rnorls, dit saint Albanase, et Tayant laissé,
à rage de dix-huit ou vingt ans, arec une
scBur encore fort jeune, saint Antoine prit
soin d'elle et de la maison. Mais, à peine
si I mois furent-ils passés, qu'allant, selon
sa coutume, arec grande dévotion à Tégiise,
et pensant en lui-môme, durant le chemin,
«Je quelle manière les apdtres, en abandon-
nant tout, avaient suivi Jésus-Christ; com-
ment plusieurs autres, ainsi qu*on le voit
dans les Acies^ vendaient leurs biens et en
naettaient le prix aux pieds des apôtres, pour
être distribué à ceux qui en avaient besoin;
combien était grande la récompense qui les
attendait dans le ciel ; Tesprit plein oe ces
pensées, il entra dans Téglise au moment
où on lisait Tévangile où Notre-Seigneur a
dit à ce jeune homme qui était riche : Si iu
wtux être parfditf vends tout ce que iu a«,
donme^e aux pauvres 9 suis moi^ et tu auras
«m trésor dans le ciel, Ajant regardé eetla
pensée qu'il avait eue de Texemnle des pre-
inier8Cbrétieos,commeIui>jant été envoyée
de Dieu, et ce qa*il avait entendu de révac-
gile, comme si ces paroles n'eussent été lues
que nour lui , Antoine retourna de suite
chez lui, et distribua h ses voisins, aOn qu'ils
o'eussant rien è démêler avec lui ni avec sa
lœar, tous les héritages qu'ilavait eus de son
patrimoine, c'est-à-dire, trois cents mesures
de terre très-fertile ; quant k ses meubles,
il les vendit tons, et en ayant tiré une somme
considérable, il donna cet argent aux pau-
vres, à la r&ierve de quelque chose qu'il
retint pour sà sœur.
c Etant une autre fois entré dans l'église •
et entendant lire l'évangile où Jésus-Christ
dit : i^e sayex poini en souci du lendemain^
il ne put se résoudre à demeurer davantage
dans le munde, et ayant encore donné aux
plus pauvres ce qui lui restait, et mis sa
sœur entre les mains de quelques filles fort
vertueuses de sa connaissance, afin de l'éle-
ver dans la crainte de Dieu et l'amour de la
virginité, il quitta sa maison pour embras-
ser une vie solitaire, veillant sur lui-même,
et vivant dans une grande tempérance. Il
D'y avait pas alors en Egypte beaucoup de
maisons de solitaires, et nul d'entre eux ne
s*élait encore retiré dans le désert; mais
chacun de ceux qui voulaient sérieusement
penser à son salut, demeurait seul en quel-
que lieu près de son village (252). »
Ces quelques lignes, d'une si noble sim-
(252) Saint Ath^^a», Vie de ioiiH AMoiae^ ira*
4a€i. dWniaud d*An*Jilly, cb. i et 2.
(253) Ail chap. 4 , on voit que saiut Aoloine es-
sayait d*iniiier les vertus d*Elie. Il aperoevaii donc
Sres-liien les rapports qui eiîslaieiil ailre l\ vie mo-
nusiîf|oe et la feitu propliéiique, rapports déjà ûgoa-
Jés. — Sur les ressembbnees des pni|»hétes d des
a:idciisinoiDes,Cr. As.^acd d'A^illi, Vies des Scints
Pères, Disc, préliin., { 5.
(1->I) Saint Antoine (lié en25l,niort en 356 ï Tàge
de cent cioq ans), dit ticlyot, a bien, à la vérité.
plicilé, suffiraient au besoin pour démontrer
la véritable orijône de la vie monastique. Il
n'est pas, en effet, difficile de remarquer que
ce furent les éloges donnés par le Christ h
la pauvreté, et Texemple des Chrétiens de la«
primitive Eglise (253) qui engagèrent le
jeune Egyptien i se dépouiller de tous ses
biens, pour suivre avec courage Jésus-Christ
crucifié. Il est impossible de supposer qu'il
ait été entraîné par Tinfluence des doctnnes-
païennes et par les maximes des philoso-
phes. Il n'avait jamais fréquenté leurs écolc;s;
il montra, au contraire, dans toutes les cir*
constances, une souveraine antipathie pour
leurs prétentions orgueilleuses. Si mainte-
nant nous venions à étudier ses débuts dans
la vie monastique , tels qu'ils ont été r9
contés par son illustre historien , nons ver-^
rions avec quelle fidélité saintAntoine s'effor-
çait de mettre toute son existence à la hau-
teur de la perfection prescrite par l'EvaiK
gile. {Voir l'art, saint AirroiiiB.)
La vie monastique, comme toutes les
institutions, n'atteignit point sa perfection,
dis les premiers essais. Sans dente, les géné-
reuses tentatives de saint Antoine produi-
sirent d'immenses résultats, parce qu'elles-
firent natire dans tous les cœurs dévoués ua
désir sincère et profond de se consacrer au
service du prochain, en imitant la perfeclioa
du Christ. L'année 202 vit naître, en Pales-
tine et en Egypte, deux hommes émipents,^
qui continuèrent avec un courage invincible
1 œuvre immense commencée par saint An-
toine; je veux parler de saint Hilarion et de
saint Pacôme (254). Ce dernier, complétanl.
la pensée d'Antoine et d'Hilarion, devait^
transformer rapidement la vie monastiquo
en une institution sociale qui devait, plua
tard, recevoir de saint Benoit sa dernière -
Krfection. Mais, avant de fiarler de saint
cdme, disons quelques mots de la vocation-
et des doctrines d'Hilariou.
Saint Hilarion naquit à Gaza., en Palestine,
d*une famille puenne (2S5). « Son (»ère et sa
mère, dit saint Jérôme, l'envoyèrent appren-
dre les lettres humaines à Alexandrie, où il
donna des preuves d'un grand esprit et
d'une grande pureté de mœurs, autant que
son âge pouvait le permettre, ce qui le ren-
dit en peu de temps aimé de tons et savant
en rhétorique. Mais ce qui est incomparable--
ment plus estimable, étant entré dans la foi
de iésus-Christ, il ne prenait plaisir ni aux
foreurs du cirque, ni au sans des gladia-
teurs, ni aux dissolutions du théâtre ; mais
toute sa joie était de se trouver à l'église»,
en l'assemblée des fidèles. — Ayant entendu
donné qnelque perfectioo à k via cénotiitiqoe ; mai^
on doit â S:iini Pacéme la gloire «le TaToir atEemie
parTiinion de plusieurs inoiiastéres»*c'esl ce qui a
fiirnié U première congrégation religieuse. (Ucltov»
0ff/. des ord.momasi.^ i'« pari., rà. 14.) Saint Pa«
ce ne est iiH«rt eu 318 et Saint Hilarion en 372.
(255) S:i'ii: Jcrômet en parLiiil de la naissance de-
saint Hibrioii dans une famille païenne, dît a%'cc uno^
gr5ce remarquable: Ceite rose fturii au mUiem àes
éf*inei. {Saiut Jcbôve, Vie de sain: UUarian.]
1043
MOI
DICTIONNAIRE
MOI
iOil
parlor do saint Antoine, dont le nom était
$i célèbre dans toute TEgypte, Teitrôme
désir de le voir le fit aller dais le désert; et,
aussitôt qu'il eut reçu cette consolation, il
changea d'habit et demeura près de deux
mois auprès de lui, observant avec grand soin
3uclle était sa manière d'agir et la gravité
e ses mœurs, son assiduité à Toraison, son
humilité à recevoir ses frères, sa sévérité à
Uts reprendre, sa gaieté h les exhorter, et
comme nulle intirmité n'était capable d'in*
lorrompre son abstinence en toutes choses
et Taustérite de ses jeûnes.
Mais ne pouvant soulfrir d'abord et la
multitude de ceux qui venaient de tous
cAlés chercher saint Antoine, il donna une
partie de ses biens à ses frères et l'autre aux
pauvres, sans se rien réserver; le supplice
(KAnanias et de Saphira, que nous voyons
dans les Actes des apôtres^ lui faisait peur,
rt il avait gravé dans son esprit cette
parole de Notro-Seigneur : Celui qui ne re-
nonce pas à tout ce quHl possède ne saurait
être mon disciple (256;.
Quant à la doctrine de saint Hilarion sur
e travail, elle n'était pas différente de celle
de son maître. Saint Jérôme nous apprend
au'il joignait au travail du jeûne le travail
es mains; que ses fréquentes prières ne
l'empêchaient pas de se tresser des nattes et
de bêcher la terre avec ardeur (257).
. Avant saint Pacôme, la vie monastique
n'avait qu'une organisation encore impar-»
(lite. Mais par l'activité infatigable de cet
iiomme illustre, ce genre d'existence devint
une grande et admirable institution qui
contribua merveilleusement au développe^
ment de la vie spirituelle dans la sainte
EglisedeDieu, et a la propagation duchrisa
tianisme jusqu'aux extrémités de l'univers
(258). —Saint Pacôme naquit en 292, dans
la baute-Thébaïde , de parents païens. Il
arriva jusqu'à vingt ans sans aucune con-
naissance du christianisme. C'était une flme
naturellement forte et généreuse, et, malgré
les erreurs du paganisme, il montra dès sa
jeunesse un grand penchant pour la vertu,
pour la chasteté. Son goût pour les lettres
était très-vif; il avait étudié a>ec succès les
sciences des Egyptiens. En l'an 312, ayant été
enrôlé sous les drapeaux de l'empereur Maxi-
min, nendant la guerre civile qui agitait
alors rempire, il fut fait prisonnier et con-
duit à Thèbes. Les Chrétiens de cette ville
accueillirent avec une charité touchante ces
victimes du sort des combats.
(256) Sailli Jérômf, l'tV detaini Uiiarion, cl», « , iradV
Arnaud crAiidilly. — On remarquera que la voca-
lion dosaihlllilarion, comme celle de Saint Anluiric,
«81 déierniiuée, non par le désir d'imiter les ascètes
ifuiétisles de POrieni , mais par Tenvie d'arriver à la
perfection évangéliqne et à la pauvreté des premiers
iiréiiens.
(457) Citons Irt texte môme desaîntjijrémcsnrun
point si gravé : c Orans freqiienler (Hilarion) el
Ms.illens et rastro htimnm fodiens , m jejimiorum
liliorem laboroperis duphraret ; simulque riscellas
unico texens, aeninlal)atiir iEgvpliornm monacho-
nini disciplinam. > — Suzomènè connrnie ces dé-
\1il5en nouçapprenaiil quetiiiu Hilarion s'accoiUu^
<r Pacôme, considérant et admirant Ini.r
charité, demanda quels étaient ces gens
qui lémoignaient tant de bonté et taDtdhn-
milité. On lui réponditque c'étaient deschiV-
tiens qui rendaient à chacun, avec gramic
joie toutes sortes de bons offices, et prii-
culièremenl aux étrangers. S'étant iDionni;'
de ce que voulait dire ce nom de chrétirm,
ilappnt que c'étaient des personnes fiut
pieuses qui faisaient profession de la reli-
gion véritable, qui croyaient en Jésus-Chmi
lils unique de Dieu, et qui s'etTorçaicnt de
tout leur pouvoir de faire du bien à tout le
moude, avec espérance d'en être récompen-
sés en l'autre vie. Pacôme fut eitrèmenicnt
touché de ce discours, et une divine lumière
éclairant son âme, il admira la foi des clirû-
tiens; puis la crainte de Dieu pénétrant son
cœur, il commença peu à peu à retirer sa
pensée des choses présentes, et dit en éle-
vant les mains au ciel : « O Dieu toul-puis*
sant, qu!i avez créé le ciel et la terre, si vous
daigne? écouter ma prière, si vous me fai-
tes la grÂce de me faire connaître la vraieel
parfaite manière selon laquelle vous voulez
être adoré, et me tirer de la peine où jo
stiis, ie ¥Ous servirai tout le reste de ma vie,
et' méprisant tout ce qui est du siècle, J8
m'attacherai inséparablement à vous. ■
Ayant achevé cette prière, il alla retrou-
ver ses compagnons, et Je jour suivant ils
firent voile. Ils passèrent ensuite par plu-
sieurs lieux durant le cours de leurnavi*
galion, et lorsque des voluptés corporelles
et d*aulres attraits humains flattaient ses
sens, il les repoussait généreusement fjar
le souvenir de la promesse qu'il avait faile
au Seigneur de se consacrer entièrement à
son service; par ie secours de sa grâce, il
avait dès ses plus tendres années toujours
aimé la chasteté (259). On croit que ce fui i
Pâques de l'an 31ii^ que saint Pacôme reçut le
baptême. Une irrésistible inspiration du
ciel, tournant toutes ses pensées vers la
solitude, il embrassa la vie monastique
sous la direction d'un saint vieillard nommé
Palémon. Tout le temps qu'il nassa avec ce
pieux solitaire fut employé a la prière el
au travail des mains. « Ils travaillaient de
leurs mains, dit le plus ancien historien de
saint Pacôme, selon le précopie de l'Apôtre,
non-seulement pour gagner leur vie, mais
aussi pour avoir quelque moyen d'assisier
les pauvres. » (Dei«ts lb Petit, Vie de Mi«'
Pacôme^ ch. 3.) Souvent Palémon répétait ^
son disciple ces graves et belles paroKs:
mait en tout à snpporler le travail et a siiriDonut
rinclinalion que les hommes ont à l*oisiveié et à U
mollesse. (Cf. SozoMfeits» Hisl, eeclés., li«. ni.di. il)
Malgré les déclamations contre les suicides mon»*
tiques. Saint Hilarion vécu iqualre-vingU ans, et saiM
Antoine ceni cinq ans.
(258) Saint Anioine allaii jusqu*àdire desaitt(P|
céme qqll avait complété Kœnvre des Apôtres. U
Martin Doist, Hhioire de la charité, p. 282.)
(259) Dents le Petit, Vie de saint Pacàme^^y}
Irnducl. d*Arnaud d^Andilly. Cet oiurage a été pn
iniliveincnt composé par un auteur grec incoiind,ct
traduit en latin par Denys le Petit, anbé roniaio.
iOi5
MOI
DASCETISMK.
MOI
I04(r
s
• Travaillez et veillez, PacAme, aGn, ce que
Dieu ne veuille , que le tentateur des
Itoinmes ne vous détourne point de votre
entreprise « et ne rende pas ainsi tout votre
travail inutile.» Pacôme recevait ces ins-
tructions avec une si grande sounaission et
les pratiquait avec tant de soin, que s*avan«
ant de jour en jour en cette sainte manier»
e vivre, il donnait tant de joie h ce véné-
rable vieillard, qu'il en rendait à lésus-Christ
de continuelles actions de grAces (260).
Quand Tesprit de Dieu eût renijili samt
PacOme de ia grâce du ciel, il lui révéla les
deslinées auicfuelles il était réservé. Dn
iour quil priait au milieu du désert do Ta-
benne, un ange lui apparut, dit un histo*
rien, et Iu4 ordonna de bâtir un moaastère
au sein de cette soHlude de sauvage; et
dans une autre révélation le messager cé-
leste lui enseigna la règle à imposer à ses
moines (261). Des auteurs d'une grande au-
torité ont écrit que, lorsque Tange apparut
i saint Pacônne pour lui ordonnerdebâtirun
monastère à Tabenne, il lui donna en môme
temps une table d*ai^ain, sur laquelle était
écrile la règle qu'il devait faire pratiquer à
ses religieux (262).
«Quoiqu'il en soit, dit tillemont, celte
règle était digne de venirdu ciel, étant toute
fondée sur J*esprit des écritures. » — Cha-
que monastère avait son supérieur pour le
gouverner en l'absence de saint Pacôme (263),
on donnait è ce supérieur le nom de père
ou de chef (princeps), ou plus souvent celui
d'économe; il avait sous ses ordres un vi-
caire Licta sanctorum, H Mai). Les monas-
tères formaient plusieurs maisons ou fii-
niilles, et trois familles composaient une
tribu (26^). Chaque famille avait son chef
(260) DexYS le Petit, Vie de saint Pacôme, ch. 3. —
Nous ferons renoarqtter que dans la Iraduclioii Arnaud-
ri'Andilly, que nous clions, les chapitres ne sonlpas
divi«»és comme (fans le icxle de Dcnys. — Il uni
lire loul le chapitre 5, que nous regret Ions de ne
pouvoir citer, et qui raconte avec une si noble sîni-
pliciié les rapides progrès de Pacôme dans les vertus
é\anKélir|ucs.
(201) Dexys le Petit, Vie de saiiU Pacôme^ ch. G* —
PiLLADE, Hisl* lausiaque, cli. 58-
(262) De.nts le Fetit, ibid. — Slrius, \A Mai. —
Roswcide, Viiœ Palrum, ch. 12. — Pai.lade, //«/.
louiiaque , cli. 38. — Gkenade, Ihs écrivains eclés*,
di. 7. ^ SozoMÈNE, Hist, etclés.y liv. m, ch. i i. —
Il y a cependant des doutes fondes sur cette révéla-
ti<>ii de la règle. En effet le texte grec du plus ancien
bisiorien de saint Pacôme tren parle point, et le silence
de saint Orsisecst uncdifUcutle très-grave. Le succes-
seur de saint Pacôme dit seulement : «Si mandata Dei
ikuiii quae per palrem iioslrum tradidil nobis, i etc.
*- Et plus loin : — < Non relinquamus legein Dei
quam pater noster ab co accipiens nobis tradidit. »
( Cf. lloLSTENius, Codex reguiarum, S. Omesii alh^
à<iti$ Tabenn, Docirma de insUlulione monachorum,
tà' 28 et 46 , pag. 78 et 83, de la i* pari, de Uol-
hiitnhifi,)
(2G3) Les deux lettres citées par Holsienius le
piooveni : Codex regularunif Episl. S. Pachoniii,
I». 61 . 62.
(26&) Saint Jérôme, parlant des moines dcTabenne,
dit : I Qui hi lient pcr singuin monasleria patres, et
'*'^i»«îibuloics et h'.bdomarios ac ministrus, cl bifi
ou prévôt (prœpositus), avec un second pour
Taider (Cf. Acta sanctorum^ ikldai). Ilsgar*
daient les habits et les livres de leur famille,
pour les distribuer aux frétées qu*ils ins-
truisaient avec le plus grand zèle. Chaque
famyie avait sa maison et son logement à
part. On réunissait da-ns la même famil'e
tous ceurx qui pouvaient exercer le mômu
métier (265) . Les familles se succédaient
les unes aux autres, par semaine, pour rem-
plir les services communs.
La première famille était composée de
ceux qur avaient soin de la table et de la
cuisine; la seconde des infirmfers; la troi-
sième des portiers: on mettait dans celle
famille des hommes graves, d*une charité
éprouvée, d'un zèle que rien ne rebutait,
f^arce qu'ils avaient la charge de recevoir
es étrangers, et de les traiter avec la [dus
grande cordialité {Aeta êanctorum^ 14 Mai)»
D'autres familles faisaient des nattes, des
corbeilles, labouraient la terre, cultivaient
les jardins, exerçaient le métier de serru-
rier, de charpentier, de tisserand, de tanneur,
de cordonnier, etc. (266). Quelques-uns,
commedans les monastèresdes Bénédictins,,
étaient occupés à écrire (Cassien, /n^hlul.
monast.9 liv. iv, ch. 12). Chacune do ce^
familles avait son heure réglée pour le5 re-
pas (PjkLLADB, Hisi. lausiaque, en. 39). Cha-
oue cellule était occupée par trois religieux
(Palladb, Hist. lausiaque^ ch. 38). Mais ils
mangeaient ordinairement dans le môme
réfectoire (267). Ils suivaient en tout le rang
de leur profession religieuse (268).
Telle était Tadmirable organisation de ces
laborieux ouvriers de la Providence, au'onl
représentés sous de si sombres couleurs,
tant d'écrivains passionnés ou plutôt igno^
gnianim domorum praeposiios, ila m unn domus iO
plus miniisve f'ratres haheal, qui oi»cdlant prseno-
sko, sintque pro numéro fralmnitrlginta vel quadra*
feinta doninsînuno-monaslerio, et ternas vel quntcr-^
nst dnmus in uimmlribum sederonlur,utvel al opéra
simnl yadant, vel in hebdomadarum ministerio sibi.
.snccedant pcr ordinem. i (Holstemus. Codex regu"
latum^ incipit praefatio S. Hicroiiymi in regnbni
S. P;ichomii, § 2.)
* (2G5) c Fraircs ejusdeni artis lit nnam domnm
SHh nno prœposito cougreganlur : Verhi griiti.i, ui
qni Icxunl liiia siiit pariler; qui mattas, In nnanv
rc|)tite:ilnr f.tmlliani; sarcinatores, carpenlarii, fiiN
Innés, gallicarii, seorsnm a suis pru'posi lis gutier-
»:intiir;ac |»er singnias hehdomadas ratiorinta npi*-
rimi siipritm ad Patrcm nionasteril référant, i (lloLr
STtNit'S, Codex ngutarum, Pra^fatio S. Ilieronyini iii.
rcpnlani S. Piichomii, | 0.)
(266) Ces curieux et imtrartanis détails sont lirét.
de Pall.'.de (flis oirt lausiuqué, ch. ^9) et de Holsic-
nins. (Codex regularum^ Fra'futio S. Hier, in regu-
lani S. Pachomii, $ 6.)
(â67) HoLSTENiLStCW^a; re§tthrum,Pfw(. S. Hirr»
tti rcgnl. S. Pacliomii, § 5.) — Denys i.e Petit, V»<
ée saint Pacôme, ch. tZ (10* de la traduc. Ariiamt
d'Andtl!y,S3.)
(268) HoLSTEXft'S, ibid. < Quicnnque anteni mo-
nasterinm prhnus ingrediiur, primus sedei, ptimut
anibulal, primiis psalmum dicit, priimis in nsenst-
manum extendlt, prior in ecriesia cnmttiunicatv
iiec xlas inter e«)s «[tineritur, seti prorc&bio. »
1047
MOI
DICTlOiNiNAIRE
MOI
m
rants. Au lieu de lire patiemment les mo-
numents contemporains» dit M. Chassay»
on a préféré répéter les assertions des pam-
phlétaires de la Kéforroe, comme s*il fallait
traiter si sérieusement des satires inspirées
p.-ir Tesprit de parti. Quand cesserait-on
d'écrire l'histoire h la manière d'Ulric de
Hutteo?Les moines d'Occident, si maltraités
par le xviu* siècle, n'ont plus maintenant
d'adversaires dignes d'attention, et l'on
sait quels applaudissements unanimes ont
accueilli le dernier ouvrage de feu Ozanam
* (CiviHsaiion chrétienne chez le» Francs\ le-
auel la plupart du temps n'est qu'une apologie
6 ces héroïques ouvriers de la civilisation.
Nous avons parlé d'une manière bien
abrégée de l'organisation du travail dans les
monastères de la célèbre congrégation de
Tabenne. Si l'illustre fondateur avait pris
tant de précautions pour maintenir avec vi-
gueur la sainte loi ciu travail (269)» il D'en
avait pas pris de moins grandes pour con-
server chez les frères Tesprit de charité et
d'activité sympathiques. Il donnait lui-
môme l'exemple d'une vigilance InfSstiga-
ble , quand il s'agissait de servir le pro-
chain : « Saint Pacôme aimait de telle sorte
tous les serviteurs de Jésus-Christ» qu'il
compatissait à leurs peines avec une affec-
tion toute paternelle. Il exerçait de ses pro-
pres mains les œuvres de miséricorde en-
vers les vieillards» les malades et les en-
fants; et personne autant que lui ne fortifiait
leur esprit , par des considérations spiri-
(909] On admire cependant avec qaelle donceur
relie loi éiaii appliquée. I/auteur de la Vie de
Saint Pacàme rapporie que Tange qui lui donna la
règle lui dit : c Permeiloz à clincun, selon ses forces,
de iioire et de manger, ei obllgei«les à travailler i
proporiion de ce iprils mangeront, sans les empé-
clier de luaiiger modéréuieni. > (Demys le Petit,
Vie de S. Parduie, Iraducl. Arnauidd'Andilly,ch. 10,
el Pallams, Hiit» lauiiaque^ ch. i8.) — « Un jour, le
saint disait aux frères : Lorsqu'on commence ^ se
servir d'un cheval , on ne le fait pus travailler et on
ne le charge pas de telle sorie qu'il soit forcé de snc-
eoniber; mais on Taccouinme peu à peu, en lui don-
nant d'ahord de légères charges, jusqu'à ce qu'il
soit assez fort et assez adroit pour en porter déplus
pesantes. » (Demys |.e Petit, Vie de S. Pacôme^
iraduct. d'Arn. d'Andilly, ch. 11. — Yoiraussiles
t)eaux détails du ch. 15.)
(270) « ()nando ad oslium nionasterii aliquî ve-
iierinl, si clerici fuerintaui nionachi, majore honore
Sitscipiantur, kiva|]|iintquc pedes eonnn, juxta Evan*
gelii pRjDceptura , et deduceut ad lucum xcnodocbii,
praehebuntqtje omnia quie apta sunt usni inona-
choruni. Quod si voluerint oratioiiis tenipore alque
CQllectai venire ad conventum fralruni; etejusd<ni
fldei fiierinl, janilor vet niinister xcnodochii nun-
liahît pairi nionasterii, et sic deducetitur ad oran-
dum,si homines s;cculares siut deltiles, aul vasa in-
ftrmiora, id est miiKerculje, venerint ad oslium ad
oranduiii, suscipienl singulos in divcrsis iocis, juxia
ordiaem propQsiti et sexns siii, praecipueque femi-
nas majore honore et diligeutia curabunt, cum
omni timoré Uei, ut iocum separalum ah ûmni vi-
roruni viciiiia eis triliuenl, ui nulhi sit occasio bla-
spbeinandi. Quod si ad ve&peram venerint, abigcre
e.is nefjs est, se4 accipient, ut dixinms, separatuni
Iocum et claiisiiiH cum onmi disciplina atipio cau-
lelj, ut grex ftatruui libac suo ilUcio sirviati cl
•
tuelles, pourleur faire supporter patiemment
les roauxdont ils étaient affligés. » (Dirtsii
Petit, Vie de saini Pacôme^ cb. 13, traduc^
d'Arnauldd*AndilIy.)SaintPacômefai8aitreQ«
dre aux étrangers toutes sortes de devoirs,
surtout aux ecclésiastiques et aux moines,
ce qui ne rempôchait pas de traiter les geos
du monde avec une déférence polie et ooe'
admirable charité. Il recommande même
avec le plus grand soin tous les égards dos
h la faiblesse et au sexe , avec une délica-
tesse do sentiments et d'expressions coin-
filétement étrangère à Tesprit oriental (Ï70)
I existait dans les monastères plusieun
logements destinés aux personnes de quB«
lité différente. Dn corps de logis séparédet
bon^mes était réservé aux femmes; il parait
môme qu'on leur permettait de venir k
réalise pour prier, probablement quandies
religieux n'y étaient pas.
Par une condescendance pleine de dou-
ceur, saint PacAme n'interdisait même pas
toute espèce de rapport entre les religieux
et leurs parents. Les moines pouvaient ny
eevoir leurs visites à la porte du monasièro,
accepter de petits présents qu*on destinait
au soulagement des malades. On faisait par
là pratiquer aux visiteurs un acte de cha-
rité et de bienveillance pour les membroi
souffrants de Jésus-Christ (271).
La règle poussait la condescendance jus-
qu'à permettre aux religieux d'aller voir
leurs parents malades (^2). On leur doih
naity dans ce cas, un des frères pour les
nnlli detur oflTendicnlnm detrahendi. i (Hoi.8TEaiin,
Codex regularum^ Régula S. Pachomii, r. li.)
(i7l) « Si qnîs, I dit la Rèffle, c aute ostiom ste
lerit monasterii, dieens sa vellevidere fratriim suum
vel propinquum, janitor nuntiabit pairi nionasterii,
et ilJe accitum interrogabit pnepositum domus,
ntrnmnarn apud cum sit; et permittente eoaccipiel
eomitem egressionis snop, ciijus lides probata est, et
sic mitteturadfk-atrem videndum, vel ad pmxiroum.
Si forte ei aliquid attulerit dliorum, qnibusiii wù^
nasterio vesci licitum est,snsciperc ipsenonpoterit,
sed vocabil janilorem, et ille illata accipiet : «(ns si
taiia fueriot, ut cnni pane vescenda sint, nihil co-
|iim 18 cui alla la sunt accipiet, sed cuncia ad loci
aegrotantiumdcferciitur. Si vero sint trasemata, tcI
ponia, dabit ei janitor ex liis comedere qu» jMli'Hi,
et estera ad cellam languentium deportaLil. i|«e
auiem nibilex iisquasallata sunt giistare poleritr^
reddere ei qui altulit, sive lapsania, quod geiins
hcrbarum est viliorum, sive panes, sive o\tn |ir»-
Biordica. Eos auicm cibos, qoos allaios a parenlib»
vel propinquis diximus taies esse qui cuniedi cuia
pane debeant, Is cui allall sinit deditcctur a pnppo-
sito domns ad cellam xgrotantiuni, et ilii seiiteluv-
tnm ex his conicdct : cetera antem eniut in iiiaiifl
ministri aegrotamînm. Ipse quoque ndnisleriie bis
eomedere non potcril. i (IIolstexius, Codes rtgni^
rum, Régula S.Pachomii, r. i.i|.)
(272) % Si fucrit nunliatum quod de propiiu|nis
eonim atque cognaiis qui in nionasterto coinmO'
rantnr, aliquis a'grotet, janitor pritnuni anuiial^i^
patri monasterii, et ille arccitum interrogabit pr«-
posilum domus. Videbunlque viruin, cujns fidesel
disciplina probata sit et miltent cum eo, ut vi»iiet
aegrotantem, untuni()ue accipiet viatici, quantiiM
praepositus domus cyus decreverit. » (Uoutbfios,
Codex reguîarum, Rt^gula S. Pachomil, r. un.)
1049
MOI
D'ASCETISME.
MM
1050
Accompagner. ( Cf. Hoi stehics , Codex regu
larum « régula S. Pachomii , r. lti. )
SainI PacAme s*occapa aussi de cuUîTer
rintelligence de ses moines. Ou obligeait le
noufeau religieux à apprendre à lire; ils
tievaieni apprendre par cœur une partie de
'*£criture sainte, an moins le Nouveau Tes-
jimeiit et le Psautier. Le religieux, qui était
chsrffé d'enseigner la lecture aux autres, de*
▼ait le faire c afec le plus grand soin, dit la
règle, et afec toutes sortes d'actions de grâ-
ces. » On Toulait faire comprendre par là
font ce qu'il y avait de grare et d*impor-
tant dans cette sainte fonction (273).
Rn même temps qu'on développait l'in-
telligence des novices, on les occupait aux
travaux extérieurs les plus pénibles (Cf. PiL-
LADB, Hisioire lauiiaque^ chapitre 38), afin
de les façonner aux lia blindes laborieuses
de la maison. Cassien dit qu'ils demeuraient
pendant trois ans sous la conduite des por*
tiers , pour s'exercer k Thumilité et h la cha-
rîlé en servant les étran^f^rs. (Cassiez , /ii#-
tiiuiions monafiiques , l.vre vr , chapitre 7.)
Le saint abbé veillait à ce que ses reli-
gieux conservassent Tesprit d'activité intel-
li^ctuelle et charilable qu'on s'était efforcé
de leur inspirer pendant leur noviciat.Quoi*
que les moines de Tabenne fussent très-sur-
chargés de travaux manuels , comme le re-
marque Tillemont (Tillbmotf, Mémoire» ^
▼If , saint PacAme , act. x ), on leur distri-
buait des livres qu'ils devaient rendre h la
fin de chaque semaine (27^). Saint Pacôme
leur recomniandait encore deméJiler cons-
tamment les psaumes et particulièrement
TEvansile. (Cf. Acia êmutorum^ li Mai ).
La règle les obligeait de méditer quelques
passages des livres saints , en allant a'un
lien à un autre (275); et on leur recomman-
dait de joindre la méditation au travail des
mains (276.)
Ces réflexions constantes sur l'Evangile
inspiraient aux moines de Tabenne un grand
zèle pour la charité. Aussi faisaient-ils d'à-
l>on Inntes aumônes, et ce zèle était poussé
si loin, nue, quoiqu'ils gagnassent beaucoup
l»'us qu il ne fallait pour leur entretien
'S73) < Qiii mdîs monasterinm fiieril în^efsos, >
«!fl la règle, < doc^ilnr prias qtuedebcatobaenrare :
PI enm doclns ad oniversa consenseril, dalniiil ei
Tiginli psalmos et duas epislolas Aposioli, aot alie-
riiis scriplanr pariem. El si Hueras IgnoraTeril,
liora prima, et lertia, elsexla. vadel ad enm qui do-
cerepolesl : eiqni ei fuerit delecalns, slabit anie
ill«m« etdiscet stndiosissiroe, cam omni gnUaram
actione. » {BegtUm S. PmtkomU^ r. cxxiix.)
« Pôslea ven» seribeniur ei elemenia, syllake,
verlMi acnomioa, eleliam nolens Ictère compdleior
rt imuiiM» iiollas erit in moiiaslerio, qni non discal
lilieras, ei de scriploris aliqnid leneai : qm miiii«
mam nsqne ad Novum TeslaroentamctPsalieriom. »
HoLSTnim, Coéex reçulmrmm^ Regub S. Pacbomii,
r. CIL.)
(i74) c Post oralioiifs roaUitinas, » dit la r^,
miolsler bebdomadis cui boeopiisfoerit injnndam,
interrogaliit principem monasterii desingnlîs rdN»,
qoas necessarias f^Ut, el qoanii exire debeant njie-
nrii in agram. El jnita illias jossionem etrcnmibll
Mngiibs domos, el disrct qoid onosqaisiiiie babeal
uecc&sarîain. Codiccoi si ad l(*gendom pelicrini, ac-
CissiEK, Jnstiiuiions monasii^mes, livre iv,
chapitre H); ils manquaient quelquefois de
pain, tant ils mettaient d'empressement à
nourrir les puvres et les étrangers {Acla
êonciorum^ ik Mai).
Saint Pac6meneselK)mait pasè recomman-
der à ses moines le travail de l'esprit el dji
corps, il en donnait lui-même l'exemple nar
une activité infatigable, une ardeur inepnisa-
ble à remplir tous les devoirs d'une exis-
tence tout k la fois charitable et lalK>rieuse.
Non content d'avoir élabli tant de saintes
maisons et d'avoir mis à leur tète des hom-
mes remplis de l'esprit de Dieu» il allait,
jour et nuit, visiter les monastères « comme
un serviteur Gdèle du grand Pasteur, > disent
admirablement les historiens. Il donnait ,
dans ses visites, tons les ordres nécessaires
au salut des âmes; il expliquait les Ecritu-
res, consolait et animait ceux qui étaient
tentés, et encourageait tout le monde à
résister au mal par le souvenir de la présence
de Dieu. Il allait ordinairement en bateau
sur le Nil pour faire ces visites, il mangeait
dans le tiatean, et il ramait pendant que ses
moines dormaient ; il agissait ainsi, même
quand il était âsé ei d^a épuisé [Aeia aan*
ctorum, ik liai;.
Dans une visite qu*il fit b Tabenne, i! entra
dans l'atelier etse mit b lairedes nattes. Dnu«-
ftntdn monastère (on élevaitdesenfants dans
les| monastères de l'ordre), trouvant qu'il sy
prenait mal, lui dit qu'il ne travaillait pas
selon les instructions du Père (saint Théo-
dore, alors supérieur de Tabenne)» Pacôme
aussitôt se leva , alla consuller Fenfant, et
puis vint se rasseoir en travaillant d'après
ses indications, en montrant par Ib tout son
respect pour l'obéissance et la loi du travail
{Ae$a sanetorum^ Ib Mai, — Scftics, 1b Mai.
— RoswBiDB, Viim Paimm^ chapitre 37). Un
autre jour, nous le voyons dans le même
monastère, travaillant -avec les maçons el
relevant les murs de clôture. Comme si ces
travaux n'eussent pas été assez rudes , il
descendait lui-même souvent dans les puits
pour les curer (377). 11 ne faut oas s'étonner
çipianl ; el finiia bebdomade, propler eos qui socre»
duiii in niinisieriam, sno resiiloani loco. * (IIolstb*
sios. Codex ngulMrmm. Rei[ub S. Pacbooiii, r«
XSY.)
(i75) c Camqoe aadierit, > dit la règle, c vocem
tnliae ad collecUm Tocaniis, suiim enredialiir ceU
lulam soam» de scrîptaris aliqnid milans niqne ad
otlinm conventimn. > (Cf. Uolstcmics, Codex reph-
Imrmm, Regnh S. Pacbomii, r. lu.)
(i76) Cassics. ImUiîolnmt mbwoUiqoei^ chapitre
12. Ce irsYail éiail si penévéranl, qa*ils iravail-
bienl même b réalise en alie.ndanl le eonin.eiicc-
menl de IViflleé. — c Nec diosus in collccla scite-
bil, sed runtcnlos in naiumm siramina niano céleri
pneperabii; abtqoe infirroitaie donUxal rorpiisculi,
mi ccssandi Irîboiliir venia. > (IIOLSTcmcs Codex
regmlmrum^ Régula S. Pacbemil, r. v.{
(277) Un bomme du monde ayanl vtremenlUbmé
on inrail si rade, qn il accnsailde enianté, on dit
qu^nne vision céleste TaTertil qn*H avail pè ' '
ne comprenant pas Tbamililé el la foi '
(Cr. Acia Miirfomm, 14 liai.)
i(l5l
MOI
DlGTIONiNAIRE
MOI
iu52
ff\ le labourage lui paraissait ensuite une ré*
création véritable. Quand cela- était utile,
non conienl d'employer les frères, il labou-
rait lui -môme pendant des journées entières,
et ir traita très-sévèrement un prévôt reli-
gieux, fort exemplaire, nommé Marc, qui
rbginiait comme indigne de lui d*aller cou-
per des joncs. Doux autres religieux , ayant
miVité une sévère correction, il leur fit com-
[irendrè qu'ils n'obtiendraient leur pardon
de Pieu qu'enjoignant le travail aux armes
de la pénitence [Acta sanctorum, ik- Mai).
Les grands exemples de saint Pacôme pro-
duisirent les fruits qu'on en devait attendre.
Les moines d(j Tabcnne, animés par son
exemple et par ses exhortations, donnèrent
à leur siècle le spectacle des plus admirables
vertus.
Ils né travaillent gu*à se décharger du
poids des choses du siècle, pour porter avec
plus de facilité le joug léger de Jésus-Christ.
Ils servaient Dieu de tout leur cœur, ayant
devant les yeux l'exemple du saint qui les
conduisait comme une lumière éclatante. Ils
vivaient dans la joie, dans la paix et dans
une union entière les uns avec les autres.
Ils n'avaient que la parole de Dieu dans le
cœur et dans la bouche, ils ne se sentaient
presque pas vivre sur la terre, mais jouis-
saient déjà de la joie et de la fête du ciel,
f^arce qu'autant ils cherchaient Dieu de tout
eur cœur, autant la charité de Dieu se plai-
sait à remplir leur âme de la douceur do ses
consolations. G*est pourquoi, encore que la
plupart ne fussent que des paysans ramassés
des villages d*alentour, on les regardait néan-
moins comme des personnes pleines de
lumière et de sagesse: et onenprilquelques-
uns pour les élever à Tépiscopal. (Tille-
mont, Mémoires^ etc., vu, samt PacômOi
art. xi.j
Les uisciples de saint Pacôme ne montré-*
renl pas une moindre ardeur pour l'accom-
Ïdissement de la sainte loi du travail, et, en
isant ces curieux détails, on croirait avoir
sous les yeux quelques chroniques de ces
ardents Bénédictins qui ont défriché TEu-
rope inculte et ravagée par les Barbares (278).
Quand le monastère de Moncose embrassa
)a règle de saint Pacôme, il se trouvait dans
celle maison un religieux célèbre par sa
vertu et appelé Jean ou Jonas. Ce saint
homme fut emplo)[é pendant de longues an-
nées à cultiver le jardin; elles détails naïfs
(278) M.Guizol est curieux, sur ce point, à cause
du bizarre mélange de bernes el de yériiés qu*on
remarque dans le passage que nous sjllons citer.
€ Quelques-uns des nioines d'Oricni avaient bien es-
sayé d'introduire le travail dans leur vie {sic). Mais
la tentative n'avait point élé générale ni suivie. (Voir
saint Epiphane, qui affirme le contraire.) Ce fut la
grande révolution que fit saint Benotl. daRS Tinslitul
monastique; il y introduisit surtout le travail ma-
nuel, Pagricullure. Les' uioines Bénédictins ont été
les dérriclieurs de TEurope; iln Tout défrichée en
grand, en associant Tagriculture à la prédication,
rhe colonie, un essaim de moineis, peu nombreux
d'abord, se transportaient dans les lieux incultes, ou
à peu près; souvent au milieu d'une population en-
core païenne, en Germanie, par exemple, en Brcia-
transmis par tes historiens nous prouvent
qu*il avait tout*'S les qualités et môme le
touchant attachement qtfun bon jardinlir
doit avoir pour les arbres qu'il a si long-
temps cultivés (279).
Ce bon religieux que soutint la congréga-
tion deTabenneparsa piété après la mort de
saint Pacôme, manqua un jour à robéissancc,
parce qu'il ne put se résoudre à couper un
figuier que le saint abbé lui avait ordonné d\>
battre.Cen*estpasleseultraitdecegenrcquon
puisse citer. Pallade rapportequesaint Amon,
dont le nom est célèbre parmi les solitaires
d^Orienlj s'occupait continuellement dans son
jardin h cultiver du baume, qui se cultive
comme la vigne et a besoin d*un grand tra-
vail (Cf. Pallade, Histoire lausiaque, cha-
pitre 8). Puisque nous citons ce saint soli-
taire, nous croyons devoir reproduire lo
touchant tableau que RuGn nous a laissa de
Tesprit cordialement sympathique et de la
bienveillance charitable des moines de Saint-
Amon. Aussitôt, dit-il, que nous approchâ-
mes de Nitrie, et que ces saints surent que
c'étaientdesfrè.resétranger$,soudain,coDin]e
si c'eût été un essaim d abeilles, ils sortirent
tous de leurs cellules, et, avec une extrême
gaieté, vinrent en courant au-devant de nous,
et la plupart d'eux nous apportèrent des pains
et des peaux de bouc pleines d'eau. Ils nous
menèrenl ensuite à l'église, en chantant des
psaumes, et puis nous lavèrent les pieds,
et les essuyèrent avec des linges, comme
pour nous soulager de la lassitude que le
chemin nous avait causée; mais en effet,
pour attirer dans nos Ames une force et une
vigueur spirituelles par cet oQîce de charité
au'ils exerçaient envers nous. Que dirai-je
avantage de leur civilité, de leur cbarilé
et du plaisir qu'ils prenaient à nous témoi-
gner leur affection par toutes sortes de de-
voirs etdeservices?Chacun s'efforçait,comme
à J'envi, de nous mener dans sa cellule; et
ne se contenlant pas de satisfaire à (eus les
devoirs de Thospitalité, ils nous donnaient
fiar leur exemple des instructions de Thumi-
ité qu'ils pratiquaient si parfaitement, delà
douceur d'esprit, et de ces autres biens de
Tàme, qui s'apprennent parmi eux comme
parmi les personnes qui ne se sont retirées
du monde que pour cela, avec des grâces
différentes, il est vrai, mais avec une doc-
trine toujours la même et toujours sembla-
ble. Nous n'avons jamais vu en nul autre
gne, et de là, missionnaires et laboureurs à h fuis,
ils accomplissaient leur double làcbe, soutciii stk
autant de péril que de fntigue. Voici comment saint
Benoit règle remploi de la journée dans ses monas-
tères ; vous verrez que le travail j tient une graniie
place. I GoizoT, Hiitvire de la ckiiiMtioR in hrnm-tn
u, n.)
(279) Cf. Acla $nnclorum, H Mai. — Ozanam a
élé frappé d<; rinlelligente admiration des soliUiiret
pmir h nalurQ. Il a remarqué avec quel soin on (twi*
servait dans les monastères les beaux arbres qui f>i'
saient rorueniciit du paysage. Cet illustre bisloricoa
compris bien mieux que MM. Guizol, Mirlielel. eic.f
le véritable caractère el rimportance ci?ili^itn<^
de l:i vie monastiqiio. (Cf. Oza.nàm, La cwiMfvtn
chrétienne chvz le» /'i«wi:*.)
I05S
MOI
D'ASCKTISUC
yof
1054
liea iiDe si ardente eliarilé, nous n^avoDS
jamais tu la miséricorde de Dieu s'exercer
avec taol de ferveur et de zèle, nous D*avons
jamais tu une si parfaite et si admirable
hospitalité» une si forte méditation, une si
grande intelligence des divines Ecritures» ni
de si continuelles occupations dans la science
des saints, cela allant jusqu'à tel point qu^îl
]i*j en a pas un dVux qu'on ne prtt pour un
docteur oe la divine sagesse. (Rufiïi, Vies
des Peres^ livre ii, chapitre 21.)
Revenons aux disciples de saint Pacôme.
Parmi eux peut-on en citer un plus grand
exemple que celui de saint Théodore?
Il a été la gloire de saint Pacônie et Kor-
nement de la congrégation de Tabenne (Til-
LEII05T, Mémoires pour servir à rUisioire
tcclésiiisiique: Saint-Théodore, ahbé de Ta-
benne). Les Grecs lui donnent dans leur of-
fice le titre de SAnclili6.(l>«inofio/o^f, 16 Mai),
comme son titre ordinaire. Il était né d'une
famille riche et illustre de la haute Thébnido,
et il quitta toutes les jouissances de la vie
pour embrasser la pauvreté de noire Sau*
▼eur bien-aimé. La splendeur même de sa
maison contribua à lui faire mépriser toutes
les grandeurs du monde, parce qu'il crai*
gnaii qu'elle ne l'entraînât è oublier ses des-
tinées éternelles. Dès l'âge de onze h douze
ans, il avait un esprit si profondément chré-
tien, qu'il prenait Dieu à témoin avec la can-
dide naïveté d'une belle âme, qu'il n'avait
jamais rien préféré è son amour. Quand il
entra au monastèrede Tabenne, saint Pacôme
décfara que cet enfant de treize à quatorze
ans était ■ un vase d'élection rempli de l'Es-
prit divin. » Aussi l'aima-t-il comme son
fils et son plus cher disciple (280j.
Malgré ces dons éminents, nous voyons
saint PacAmc employer Théodore aux soins
les plus vulgaires et au travail le plus péni*
ble du mouastère. Lorsqu'il eut environ
trente ans, saint Pacôme, qui demeurait
ordinairement à Pabau, le fit économe et
supérieur de Talienne, sans le dispenser d'al-
ler visiter les autres maisons , jugeant qu'il
avait, pour un si grand nombre de fonctions
si différentes, une aptitude incontestable.
Toute son occupation était d'aimer Dieu,
d'améliorer son esprit et son cœur, et de
faire faire à ses inférieurs des progrès sensi-
bles dans la vertu. Au milieu de ses occu»
(2S0) Acta umctorum , I i Mai. Il fanl lire aossi,
dans la \ te de êoimi Paeàme^ les deuils pleins d*îii-
férél des dëliaU de saint Théodore dans la vie mo-
nastîqae. (Cf. Dehis le Petit, Vie de MMf Pacômu^
cliap. 16.)
(181) Ce seul trait prouve qne les coovenis de TO-
rîent n*étaient pas une rconioD de yogis. — Sons le
gmi reniement «le Tliéo<lore , il est question de Syl-
vain, rbcf des toiliers, TwvlmvfMv (Cf. Acta samctO'
mil* 14 Mai.)
(iSi) Si M. Guizol avait éindic, même superficiel-
Mnient, la lê^le de saint Paréme, il aurait pu se ron-
vaincre qu*il existait dans les monastères quelque
rcxulâriiev même avant saint Basile. Nous rroyons
l'avoir prouvé suratmodammeot.
(283) Elle contient d^ni cent trois questions et an-
tMit (te réponses. (Cf. IIolstcmi's, Codex Tegularum^
saiicti Basilii, Caesarx C^p|iadoci;e episcopi, Régula
pations sublimes, il professait une si grande
vénération pour la loi du travail, qu'il cp>-
frenait lui-même aux enfants du monastère
faire des nattes (Acia saneiorum ^ ik Mai).
Après la mort de saint Pacôme. Orsise,'
3 ni lui succéda, donna è Théodore Tinlen-
ancedcsonvriersdePabau(â8l).T£>Tffzr«Mt9.
De là il fut envoyé a Pacnum. Macaire, su-
périeur de ce monastère, Tavait dr mandé
pour diriger les travaux de fa boulangerie.
Orsise, dont nous venons de parler, ne se
montra pas moins zélé |K>ur la loi du travail
que son illustre prédécesseur. Nous le
vovons pendant son administration remplir
infatigablement les devoirs de sa charge. 11
attendait le soir et \o fin des travaux pour
adresser ses instructions aux frères. Il
donna la charge de grand économe è Psar*
{diin, ancien religieux, qu'aucun travail ne
alignait, et qui s'acquittait de son emploi
avec la gaieté que saint Paul conseille à
ceux qui pratiquent les œuvres de miséri*
corde. ( Acia sanetorum^ \k Mai. }
^ Après saint Antoine et saint PacAme,
l'homme qui exerça la plus grande influence
sur les monastères d'Orient, c*est saint Ba-
sile, qne M. Desmichels appelle € l'éloqnenl
apôtre de la charité. >
« Dans la dernière moitié du iv* siècle, dit
M. Guizot, la règle de saint Basile viHt ap-
porter dans le nouvel institut, quelque r^
rilaritê (282). Rédigée en forme de réponse
des questions de tout genre (283), elle
derinl bientôt la discipline générale des
monastères d'Orient, de tous ceux du moins
qui prirent un peu d'ensemble et de fixité
(284). Tel devait être le résultat de Pin-
liuencc du clergé séculier sur la vie monas-
tique, dont les plus illustres évoques, saint
Athanase, saint Basile, saint Grégoire de
Nazianze et une foule d'autres se déclarè-
rent alors (285j les patrons. Ce patronage
ne pouvait manquer d'y iotroiluire plits
d'ordre et de succès. >
« L'institut de saint Basile, dit Hélyol, se
répandit bientôt dans tout l'Orient, et quoi-
Ju'il j eôt d'autres règles, né;tnmoins celle
e saint Basile y a tellement prévalu sur
les autres, qu'elle les a toute^ obscurcies,
n'y ayant que celle de ce saint qui soit re-
connue parmi les moines d'Orient. • ( Hi-
ad monaclios.)
(284) Nous avouons trés-Tolonliers que la règle de
saint Basile iniroduisil dans la vie monastique des
améliorations importantes; mais nous ne croymis
pas nécessaire à la gloire de ce grand esprit de lui
attribuer ce qui n*est dû qu*anx efiorts et à la sagesse
de ses prédécesseurs
(285) Il ne faut pas perdre de vue que saint Antoine
et saint Ailianase étaient conlemporains, que saint
Antoine est né en 251 et saint Basile en 529; que ta
discipline ascétique s'établit sous les jeux même des
Apôtres, qu'elle fut fondée en Egypte, par saint Mare,
évéque d'Alexandrie : c Jusqu'à saint Benoit, dit
H. IKssmicbf ls« les associations religieuses s'étaient
placées sous l'antoriié et h protection de l'cvéq^e
diocésain. » ( Husiicocts, Hmohe du moyeu é$€,
400.)
. (
1055
MOf
lllCnO>CNAIR£
1056
LTOT, Hiêioire des ordres manasiiquetf pre-
mière |>artie9 chapitre 18. )
Ce ne fut pas seulement en Orient que la
règle de saint Basile fut reçue; mais elle
passa en Occi«tent aussitôt que Ru6n l'eut
traduite en latin^ et avant que saint Benoit
eut publié la sienne* il y avait d^k des
monastères de Tordre de saint Basile en
Italie : quelques-uns ont même cru que
saint Benoit s'y était soumis, puisque» par le
dernier chapitre de sa règle, où il exhorte
Bes religieux k Tobserver, il leur recom-
mande celle de saint Basile, qu*il appelle
son père, et dont il parait au'il a tiré la
sienne, suivant le sentiment du cardinal de
Turrecremata, lorsqu'il dit : Edueta est ré-
gula B. Benedieti tanquam fluvius quidam es
fonte religionist ex régula illa toti seee^o
elarissima^ omnium virtulum splendore omor
tissima B. Basilii.
Or, si celle règle est identique avec celle
de saint Benoit, ce qui n*est pas contesta-
ble (286), comment justiGer les accuisations
des rationalistes contre les monastères d'O-
rient? En effet, la règle de saint Beriott
n*est-elle pas un modèle d'intelli|;ence, de
modération et de piété? Les historiens con-
temporains les moins favorables à la vie
monastique ne sont-ils pas forcés d'en con-
venir?
« La règle, dit M. Desmichels, à laquelle
les Bénédictins furent astreints par leur
fondateur, était simple et édifiante. Elle
n'ordonna ni macérations ni abstinences
trop rigoureuses. Au lieu d'exposer l'ima-
gination de ses adeptes aux écarts du mysti-
cisme contemplatif, saint Benoit leur pres-
crivit la prière, le travail des mains,
l'étude et l'instruction de la jeunesse,
sources de vertus, de charité et de bon-
heur.
(286) f En effel,cV»t parnne illusion inconcevable
que M. Guizot faii honneur à saint Benoit de llinni^
tntion des vœux et du noviciat. Si saint Antoine,
dit un homme dont Tautorité est dans ces sortes de
questions bien supérieure à celle de M. Guizot, a été
le retlauraieur de la vie cénobillque, et si saint Pa-
côme lui a donné une meilleure forme, c*e8i saint
B:<Hile quiJui a donné son entière perfection, en
<A)ligeant par des vœux formels ceux oui se sont
engagés à ce g^nre de vie. > (Héltot, HUtoire de$
ordret monaniquei^ première partie, chapitre 13;
Vie de taint Baille le Grande docteur de r Eglise et
patriarche des moines d^Orient,) — Quant au novi-
ciat, on le trouve dails les congrégations de saint
Pucôme et de saint Bnsiie. (Cf. 1 illemomt, Mémoires
pour servir à Phistoire ecclésiastique , vn ; saint Pa-
céme, aniele vi. Des novices; — et Guizot, Histoire
de la civilisation en France^ 11, édition de 1829.)
(287) DESMicnsi.s, Utstoire générale du moyen àge^
410.— Le Miéme historien, quoique très-peu favorable
aux moines d*Onent, ne parait pas trop irrité contre
la régie de saint Busile : i C ei^t dans la Thébaide
que vitil s*cd1lier «aiiit Basile, Tinstiluieur de la
discipline monastique dans TEglise grecque. Des
riantes solitudes du Pont où sVtail retiré cet élo«
quent apôtre de la charité, ses disciples se répan*
dirent dans PAsie mineure, et dans toutes les con-
ti'ccs soumises à la juridiction du primai de Cens-
laniinoplc. De nos jours encore, les monastères de
I Orient, de la Grèce et de la Russie reconnaissen
« Il assujettit aussi ses adeptes aux trois
vœui de pauvreté, de chastHé et d obéis-
sance. L'administration de chaque conmiu-
nauté et le soin de la discipline furent
confiés è un abbé ou Père, élu dans le sein
de la société par le libre suffrage des
moines (287). »
Après avoir considéré la vie monastique
en Orient dans les grandes institutions, si
nous parcourons la vie des Pères du désert,
nous y trouvons une infinité de détails eu*
rieux qui prouvent l'estime qu'ils faisaient
du travail et Timportance qu'ils y alta-
cliaient.
Sjlvain travaillait des mains et occupait
ses disciples de la même manière. Un soli^
taire étranger, blâmant ces occupations et
citant l'exemple de Marie assise aux pieds
du maître, le laborieux abbé Tobligea dV
vouer que Marie a besoin de Marthe et que
Marthe contribue aux louanges qu'on donne
à Marie (288).
Philorome, que Pallade appelle un nomme
insi^e, et que saint Basile honorait de soq
amitié (289), è cause de son activité au tra-
vail, tenait encore la plume à l'Age de qtnh
tre-vingts ans (290).
Au rapport de Théodoret, on ne vit ja-
mais Publins en repos, on ne le vit jamais
perdre un seul instant, Toraison et la (psal-
modie ne lui paraissaient pas une raison
suffisante pour le dispenser de la lecture et
du travail des mains (291).
Apbtone, auquel le même Théodore!
donne le nom de divin» devint évèque après
avoir été longtemps abbé d'un monastère.
Il avait une telle estime pour le travail des
mains, que, même après son élévation
sur le siège épiscopal, il conserva toutes les
presque tons le patronage et la r^le de saint Basile.
Getie règle, telle qu*elie fut donnée aux moines pri-
mitifs, reposait sur quatre articles fondamentanx,
savoir : la solitude, le travail manuel, lejeùne et l>
prière, i (Desmicbels, Histoire généfoU du mom
âge. 405.)
(288) ( Plane et Mari» necessaria est Hartba. Ei
Martha enim etiam Maria prxdicauir. i Coteuo,
Monumenta Ecelesiœ Crœcœ [grec-btln] 1. 680.)
(289) H lie faut pas oublier que saint Basile, ce
Î patriarche des moines d^Orient, était le modèle de
a plus grande activité intellectuelle.
. (290) c Uujus viri insi^nis (Pliilororoi) magnam
curam gerebat beatns Basilius episoopus, qui dfie-
etabatur ejus auateritate, constantta et in opère dili-
gentia, qui adbuc in hodiemum diem a calaroo et
cbarta non recessit cum sit natus annum ocioge»*
nium. I (Pallade, Bisioire lausiaque. cliapitre 65.)
irest une histoire des solitaires qui doit son wm
au préfet Lausus auquel elle est oé^liée ; elle a éie
composée par un témoin oculaire, Pallade, é^èqM
d*Hélénopolîs. qui alla vivre dans la solitude de M*
trie en Egypte.
()9I) c Neroo Publium unqnam vidit quiesren-
tem vel minima parte dict, sed psalmodian qniAcm
oratio, oralionem vero psalmodia, uirumque anieoi
excipicbat divinoriun eloquiorum Icctîo; deinde fi(^
bat aliquid ex operibns neressariis. > Thcodoket,
Philothéet traduction latine, chapitre 5.)
1057
MOI
D'ASCETISUE.;
ycM
10»
habitudes laborieuses de It vie monasti-
que (292).
Ssint Basile remarque que Tabbé Eusta-
Ihe et ses disciples donnaieDl à TEgypte,
leur patrie, l*eiemple de la TÎe labo-
rieuse (293).
Gélase et 9es moines, pour s'obliger à
IraTsiller sans cesse, ne se réservaient rien
pour les besoins du lendemain. (Cf. Cote-
UKB, ManMmaUa Eceksim finrcir, 1, 417.)
Saint SatMS s'était tait le serfiteur de
tous, il transportait Teau et le bois, il s'em-
plojait à toute espèce de trataux et ses
nistoriens remarquent que c'est ainsi qu'il
sut se préserver de l'apparence même d'une
iaute (294).
Saint Cjriaque passait son temps h couper
le bois» à transporter l'eau, à préparer les
aliments des irères. Il joignait à la plus
révère pénitence le soin d'une multitude
d*affaires(295).
Jean Moschus rapporte que Marc travail-
lait le jour et la nuit , qu'il ne recevait
d'aumône de personne , qu'au contraire, il
distribuait aut pauvres tout ce qu'il gagnait
lui-même (296).
Dans le monastère de Tbéognîus, on ajou-
tait au chant des nsaumes, le travail des
mains (297).
m Le bruit de la vertu de saint Théodore
s'étaot répandu fort loin, dit Tbéodoret,
plusieurs , touchés du désir de demeurer
avec lui et d'être sous sa conduite , vinrent
de divers endroits le trouver, et les ayant
reçus, il les instruisit dans cette sainte ma-
nière de vivre. Ainsi on voyait les uns qui
faisaient des voiles, d'autres des vans à van-
ner,* d'autres des corbeilles, et d'autres cul-
tivaient la terre. Et parce qu'il était proche
de la mer, il Gt aussi un petit bateau dont
il se servait pour faire porter les ouvrages
de ses disciples , et rapporter ce qui leur
était nécessaire. Car il se souvenait de ces
paroles aux Tbessaloniciens : m J'ai travaillé
jour et nuit afln ^de ne vous être iH)int à
(295) fl Diviims AphUmii», cun» plotqvam qmf
dnigiiiu annis choro pnefnisM, iedem accepil
poniificalem.... faciebat aooni quodque iioniin, vel
coaiobernalium ialeriro paanos coosoeos* vel leo-
lefli eipuraens* vel framentnn ablacos, elc. >
(TaCotoasT, PkilctkU^ chapitra 5.)
(195) fl Videos eo6 volopuriae vite laboriosan
pneferre. > (Saiai Basoe, lettre S25,ii* 3, daas tes
€Emme$^ gree-btin, lone IH.)
(i9i) i Modo aqoam fereos ei llgiia porlans, cna-
eits iaserviens, nanoqiie lemiioie factns bontoiiariiis
seo molio, variiM|ae aUis mialsleriîs soscepUs, cttra
reprebcnsionein et bpsam permansiL > (CoTCU£a,
Mûmmemm Ecdtnm Grmem, lU, 230.)
(2SI5)i SiclocœnobiodcfdHitOairiacas ligna sdn-
deosv aqaanii et alimeottin parans fiatrious» et cori
fangeas olBdo.... vitan anacboreticam m cœnobio,
ettam iDoItls negotiis per aoinb oslendebat, ut
qaid pane et aqua solom, idque tccnndo quoqoe die
alereuir. » (Scaics , Fus en Smmiê , 29 Sep-
icmbre.)
(296) fl Operabatar Marcos die ae nocte, et diatri-
badtat paoperibo» omnla, neqne, ab arH|iio qvid-
qiiam ac cipieliaL > (Jeaa Moecai», Le pré wpmîmel^
chapitre 13.) Rosweide et Cotelier ont traduit cet'
ourrage da grec cnjatin, le premier dans les Yitê
charge. > Et de ces autres rapportées dans
les Actes : « J ai gagné, par le travail de mes
mains, de quoi satisfaire à mes besoins et
aux besoins de ceux qui sont avec moi. »
Il exhortait ses disciples à joindre les tra-
vaux du corps à ceux de Fesprit, c car, di-
fait-il , ce serait une chose ridicule , si ,
quand ceux qui sont dans le monde , tra-
vaillent, avec tant de peine, non-seulement
pour se nourrir avec leurs femmes et leurs
enfants, mais aussi pour satisfaire aux im-
positions et aux tributs , pour payer les dî-
mes et pour assister les pauvres selon leur
pouvoir, nous ne gagnions pas , nous , par
noire travail , ce qui nous est néce^^saire ;
surtout qu'il nous faut si peu pour vivre et
pour nous vêtir ; comment oserions- nous ,
les bras croisés, jouir du travail des autres I»
Par ces paroles et d'autres semblables , il
les excitait à travailler et travaillait lui-
môme durant tout le temps qui lui restait,
après avoir dit le saint office (THÉODoner,
Fie dt tahU Théodore , abbé^ traduction Ar-
nauld d*Andilly, ch. ii.) Il est évident que
les moines d'Orient se conformèrent aux re-
commandations de saint Antoine et de saint
PacAme sur le travail. Nons les vovona
pratiquer ces saintes règles de la vie bbo-
rieuse dans les déserts de Scéié, de Nitrie,
de Calame , de Porphjron , d'Hermopolis ;
elles sont acceptées par les monastères si-
tués le long du Nil; et ceux qui sont établis
dans les deux Théiialdes s'y conforment
comme les autres. En effet, ces monastères
de l'Egypte, si décriés par les écrivains ra-
tionalistes , ne reçoivent personne qui ne
soit capable de travailler (296). Les abbés ne
permettent à leurs moines aucun genre
d'oisiveté. Ils prennent c^tte précaution
surtout pour les jeunes gens, et ils jugent
du caractère des jeunes solitaires et de
leurs prop:rès dans la vertu par leur affec-
tion pour le travail (299). Les moines s'exer-
cent è tontes sortes de métiers, même aux
pitis pénibles. {Exerceni omnem ariem, (ftos-
ée$ Père»^ le secnnd dans les Mounmemtê 4e VEglise
mrecqmê. Anianid d*Andilly en a donné nn abrégé eo
français; OMis il a supprimé rimporiant cbapiire
que ihnis citons ici.
(297) c Narravlt nobis sbbas Panlns, Au\ ctenobii
ablntis Tbeognosti,qota «lixerii seaiex qnidani : Cnoi
die goadam sedereni in ee!lab mea operarerque
manibos meb, texebam antcni cantstmni» psaluMH
repetebam. etc.. > (lean Uosicuts^ Le pré «^«Viim/.
chapitre 159. Amauld d*AndiUy a encore supprinié
ce ebaipitre dans sa traduction.
(298) fl ^vplionim niooasleria banc teneni
moreni , ut nul iim alisqiie 0|ieris labore suscipianL»
(Saint jÉaôvE , LeUret à RumUcus.)
(t99) f Pet JEayptnm Patres nnllo modo otiosaa
esse monacboa, at pnecipiie juTenes sinnnt, actum
eordis ac profnlura patieiitiae et boaiilitatis seibili-
tati operis melientcs. > (Cassiisi, InarîiaiMs mo"
mauiqmee^ livre x, chapitre tir) Cet onvrage a été
induit en français par Nicolas Foeuine. 11 est île
b pfais grande iiiiporunce dans b question ; car son
auteur est nn des introducteurs de b vie monauiqon
en Occident, et il prouve mieux qtt*ancun antre qne
les babitudes bborieuses nVinl pas été introduites
dans b vie monastique par laclivité occidentale ,
comme on Fa dit tant de fois.
I0S9
MOI
DICTIONNAmE
IIOI
iOOO
WEiDB, Vie des Pires ^ liv. viii, ch. 39.]) On
les voit non-seulement refuser tonte es-
pèce d'auniùne, mais travailler avec ardeur
afin de nourrir les pauvres et les étrangers
qiii viennent s'édifier chez eux (300).
Aussi Ipui s aufliôies deviennent tellement
considérables qu'ils peuvent envoyer des
sommes immenses chez les nations étran-
gères. Ils font partie des vaisseaux chargés
de vivres pour secourir les pays désolés par
là disette et la stérilité, et nourrir, dans les
régions éloignées, les prisonniers et les in-
firnics (301).
<^'est en agissant ainsi, en conservant en
eui Tesprit de charité et d'activité, que les
moines de l'Kgypte se préservaient des as-
sauts des anges de ténèbres, car ils savaient
que Toisiveté expose à une infinité de ten^
tntions (302).
II en était de môme dans tout l'Orient.
Avant son élévation à l'épiscopat, saint
Grégoire de Nazianze s'était livré aux pieux
exercices.de la vin solitaire, et ce grand
homme avait accepté avec courage tous les
devoirs de cette existence laborieuse : « Ne
reverrai-je jamais, écrivait-il à son illustre
ami saint Basile (303), ne reverrai-je jamais
ce temps si doux que nous passions à por-
ter du bois, à tailler des pierres, à nianter
des arbres, h conduire de l'eau par aes ca-
naux, à remuer la terre? » (30S^}
Avant de devenir évoque et docteur, saint
Epiphane avait, en pratiquant les devoirs de
la vie monastique, surpassé tous ses fières
. (500) I Non solum a niiUo quisqiiam ad usum
V1CUIS sui accîpere patiuiUur; sed eûuin de labori-
biis suis , superveuieiiies ac peregrinos reficiiuii Pa-
ires. > (Cassien, Insliiutious monastiques y Vivre x ^
chapitre 2i.) — i Nihil prorsus habeules , iiisi cor-
pus lautum et inaiius, coiiaiiliir cl conleiiduni ut
vicluni parent egeutibus. > ( Sainl Jean Chrysos-
TOME, Homélie 8 sur sainl Mailhieu^ ii« 0, de
rédition grecque-laline.)
(301) « Per loca Libyœ quac sterilitate ac famé
laboraul , uec non etiam per ci vi la les bis qui sqiia-
lore carcenim contabescuiit, iinmnnem oonferunt
abnioniœ victusque substaniiaui de rniclu nianuum
guaruin rationabile ac vcruni sacriliciuin Domino
tali oblaiione se offeirc iradenies. i (Cassien , Insii-
tîiuiions monasiiqnes f livre x, cuapilre 31.) —
f Quidqnid necessario viciai redundat,Qan) redundat
pluriniuni ex operibus manuuui, et emdaruni reslri-
ctione, lanla cura egeniibus dislribuilur, quanta
non ab ipsis,qui distribuunt ,comparatuni est. Nullo
modo namque salagunt , ui bîec sibi abundeni ; sed
oinni modo agunt, ut non apud se remaneai, quod
abundaveril usqae adeo oneratas etiam naves in ea
loca milianl, quse inopes incolunl. > (Sainl Auciis*
TIN, Des mœurs de l^tyiise , chapitre 31.)
iiOfi) I Uaec est apud ^gypium ab aniiquis Pa-
tribus sancila senleniia : operantem niouachum
daenione uno pulsari ; otiosum vero innumeris spiri*
tîbus devastari. i (Cassien , Institutions monastiques ,
livre X , chapitre z3.)
(303) Le grand évoque de Césarée écrivait lut-
inènie : c Scire vos volo nos laudi ducere quod vi-
rorum (roonachorum) cœluro habearous,... opérantes
manibus suis ul babeant unde imperltanl indigent!-
bus. > (Sainl Basile , lettre 370, grec-ialin.)
(30 i) c Quis dabii dinrnas operum vices el labo-
ret>? a^m liguorum couiportaltoiics et lapidicinas ?
par son activité (Le Ménologe des Grecs^ 12
Mai).
Saint Jean Chrysostonie et saint Eplirem
ont été moines (305), et qui s'avisera d'ac-
cuser de quiétisine ces hommes illustres, ces
orateurs puissants, ces esprits si actifs et si
intelligents? d'ailleurs nous n'en sommes
pas réduits à de pures conjectures sur ce
point. £n effet, saint Jean Cnrysostome re-
commandait le travail afin d'acquérir l'hu*-
milité par des occupations qui paraissaient
viles et méprisables (306J, et saint £phreni
conseillait aux religieux de travailler pen-
dant l'hiver do l'existence afin d'entrer un
jour dans le port de Ja vie véritable (307).
Dorothée fait aussi valoir les avantages du
travail, «il humilie le corps, et l'humiliation
du corps produit celle de l'esprit ; parce
qu'il est constant que nos cœurs prennent
des dispositions différentes selon les états et
les diverses situations dans lesquelles noas
nous trouvons. Par des actions viles et des
occupations humiliantes, tout désir et toute
idée de la gloire et de la grandeur se per-
dent et s'évanouissent. Ceux qui auraient pu
être distingués dans le monde par leurs qua-
lités ou par leurs richesses, se trouvent ra-
baissés, en se voyant égalés àdes personnes
de basse condition, et perdent là méinoiro
de ce qu'ils ont été. £t ceux qui étaient
d'une naissance obscure et peu favorisés des
biens de la fortune se remettent sans cessu
devant les jeux leur premier état et eu con-
servent l'humiliant souvenir (308).» Saint
Isidore de Péluse affirme qu un religieux,
QuIs arooruin consiiioiies el Irrigaiiones? » (Saint
Grécoibe i>e Nazunze , ieure 43 , grec-laiin.)
(305) « lu ardore juveiitutis.... aU victoos montes
adii Clirysostoinus. Hic , cum in Syrum queiiiUam
incidisset, severissimx coniinenli» sciiem, duriora
vilae ejus iustituia iinilalur annis qoaiuor. > (Pal-
LADE , Dialogue sur la vie de saint Jean Chrysosiome,
chapitre 5.) f Ephraim Syrus, Nisibt iiaïus in ali-
quo ejus.terrilorii loco, io monasiica phitosophu,
ab îiieunie aetale, se exercuii i (Sozosiène, Hi9UHr>ê
ecclésiastique y livre m, chapitrelG, grcc-laiiu.)
(oOii) « li^a opéra inodestlam exliiber« doceiit
nec à luiil luniere.* Itteo focilis esi buiniUus. •
Saint Jeasi Chrtsostome, Homélie 62 sur saimt
ùtihieu , grec-latin.)
(307) f Laboribus te exerce, moiiachev io hieme
ac teinpestate ui in vito! purium ingressus exhita-
cens. I (Saint Ephrem , de la Crainte de Dieu , grec-
laliu.)
. (3U8) « <}uoniain compati lur simulqae dispouiiur
anima infelix ab eSs quK palrantur in. corpore : iUeo
dixit senior corporeum laborem aniaiain iii bumiln
lalem inducere. Aliter disposita eslenim aninu
bene babentis, allier segrotanlis, aliler fanie-
sceniis , aliter saturati , aliler item itispouiiur aiiii-
nia.... sedentis in Ibrono, aliler sedeutis in terra,
aliter optimis vestibus induti , aliter commis ei luar-
cidis : labor igilur humiliai corpus, buniilîjloquâ
corpore, humilialur pariier el anima. > (Dorothée,
Doclr. Il, De humititate.) Dorothée surnouimé Is
Prophète j vivait en Paleiitine , . vers Tan 560. Ou a
de lui des instructions pour les moines, traduilesen
français par Tabbé de Rancé et des teiires en grec
et en latin. D'autres ailribueui ces ouvrages k Do-
rotliée le Jeune , qui vivait en lOiO et dotil Jean
l^iuiopus a écrit la vie.
10G«
«01
DASCETISME.
MOI
1
aiîi ne teul pas travailler, « liésoWil à la
octrine de Jésas-Christ el rerasc (Te suirre
les exemples de Paul (309). »
Saint Euthvme. surnommé le Grand, en-
seigne que cesl manquer h un de ses prin-
rtp.iui devoirs que de no pas travailler dans
la vie monastique (310).
Quoique saint Auguslin et saint Jérôme
soient au nombre des Pères latins , nous
\ ouvons les citer en discutant la ques-
tion qui nc»us occupe, parce qu'ils ont élé
l'un et 1 aulre, comme on le sait, d'ardents
défenseurs des moines de l'Orient. D'ail-
leurs saint Augustin n*appartenait'il pas h
TEglise d'Afrique, et saint Jérôme nVt-il
ms passé une grande partie de sa vie dans
a solitude de Bethléem?
L'illustre évoque d'Hippone dît aux moi-
nes que le meilleur moyen de voir exaucer
leurs prières, c'est d'accomplir la sainte loi
du travail (311). 11 n'exempte pas m^me de
cette loi les moines d'uner santé délicate, et
il veut qu'on leur donne des occupations
proportionnées à leur force (312). Quant à
ceux que leur état de maladie di;spense de
toute espèce d'occupation, ils doivent envier
et estimer la condition de ceux qui sont plus
heureux qu'eux (313]. Saint Augustin, lui-
oème regrettait que les devoirs de Tépisco-
{)at l'empêchassent d'imiter Jésus-Cbrîst et
es apôtres qui ont si longtemps travaillé de
leurs mains (31^).
Le solitaire de Bethléem s'appuie aussi
sur l'exemple des hommes apostoliques «
afin de recommander aux moines un travail
continuel.
«r Travaillez, écrivait-il au moine Rusti-
eus, occupez- vous à quelque ouvrage; Tes
apôtres, qui pouvaient vixre de i'Evan-
(309) « Née Chrislo obedifenles se pntbeni (qui
înerlesac desides manosbabent), nec Pauli vesiigia
se«|aoRlor. » (Sainllsu>ORE dePélcse, Letiret^ livre i",
lellre 49, grec-latin.) — Disciple de Sainl Chr^so»-
loiiie, Saint Isidore vécut dans la ttolitude près de
Péluse, et mourut en 440, avec une grande répu-
tation de science et de vertn.
(310) (Cf. Viia êancti Euîhffmu.) — Cet illustre
religieux joignit Texeniple a la doctrine, il pî^ba
TEvangileaux Sarrasins, combattit les eotycbéeiia
et les nestoriens, convertit beaucoup de manichéens
et devint i*oracle de FEgli^e d*Orient. Malgré Taus-
lérité de sa vie, il vécut jusqu*à F&ge de quatre-
vingt-seize ans.
(511) i Citius exaudilur una obeilientis oralio
qiiam decem niillia contetnpioris. Canlica vero
<!ivina cantare, etiam nianibusofierantcs facili pos-
snnl, et tpsum laborem tanquam -divine celeuniate
consolari.i (Saint Augcst», De opère monaehorum^
cap. 17, n* 20.)
(312) c Opéra a corporali Tunctione Jiberiora. >
(ÂOGUSTUf , De opère monathorum^ cap. 25, n'* 35.) —
Cette sage règle a élé répétée dnns plusieurs cons-
titutions. (Cf. Règle de iaim Benoit^ ch. 35, 37.
— RèaU de Mini Fructueux ^ cb. 7. — Règle de
ênini Ferréol^ch. 28.)
<3I3) c Qui non operantor, sallem illos qui ope-
rantur, sibi anteponendos esse non dobitent. » (Saint
AcGiSTUi, De opère monackorum^ cap. ?0, n* 38.)
(3t i) c Doroinuni Jesum... testent invoco super aiii-
mam ineam quautum atlinet ad menni commodum,
iiiulio ma'lcin per singutos dies certis boris, quan-
tum iti beiic inoderatis moiiasteriis coustitutum est,
giîe, travaillaient de leurs roaîns, cl les
vôtres seraient oisives ! > (315; Dans la
même lettre il loue les moines dTgypte (316)
de leur assiduité au travail (317J.
liais pour bien juger la mission provi«
deutielle des moines d*Orient, il ne faut pas
perdre de vue les immenses services qu'ils
ont rendus à la cause du cliristiauisme et
de la civilisation en général. Ce |H>int de
vue, bien sufiérieur à celui de nos adver-
saires, n'a pas échappé à un écrivain di<:tin-
gué, qui a répandu sur cette Question toutes
les lumières de son esprit pénétrant.
# J*en(ends parfois (c'est sans cesse qu'il
faudrait dire) demander h quoi servaient
ces pieux solitaires, les rigueurs de leur
pénitence et les rudes combats qu'ils soute-
naient contre le démon. Quel profit, dit-on,
le monde a-t-il tiré de la Thébaide? pour-
quoi s'aller enfermer dans le désert et pri*-
ver le siècle de Tédiftcation de leurs vertus?
Je conçois et j'approuve les docteurs qui
combattent les hérétiques, les évêques qui
administrent les diocèses el qui instruisent
le peuple; mais les anachorètes, que font-
ils? h quoi servent ils? comment ont-ils tra-
vaillé à l'établissement du christianisme?
Ces moines, austères et durs, véritables
stoïciens du Christianisme, ont été, comme
les stoïciens, aussi inutiles au monde, et
leurs vertus se sont stérilisées dans le dé-
sert, au lieu de fleurir dans le siècle et de
donner une moisson utile aux hommes.
c Tels sont les reproches qu'on fait à la
Thébaïde. Essayons de les réfuter, essayons
de justitier cette portion du christianisme et
de montrer son efficacité. Selon moi, le
christianisme |>our s'établir n'a pas eu m''ins
besoin des moines de la Thébaide que des
al'quid manibus operari , et caeleras boms babere
ad legenditm etoraiidum, aut aliqiiid de dtviiiis lil-
leris agiMidum li lieras, quam lumuliuosissimas per-
plexilates causa ru m alienarum pâli de negotiis
bxcularibiis. » (Saint AuGcsTi!!, De opère monaehormm^
cap. ^, II* 37.) L*enlhousiasnie putnr la loi du tra-
vail entraînait quelquefois beaucoup plus loin les
Pères du^ désert eux-méuics , pui:^ue Tun d^ux
appelait tout paresseux un voleur, — «Quidam Patruni
atebat nionacbum, si non lulioretpro frauda tore ba-
bendum esse. > (Socaate , Hitimre ecctéitaUique ,
livre tv, chapitre 25.)
^ (315) < Facile aliquid operis ut le seroper diabo-
los inveniat occupa tum. » (Saint J^Jiôac, Lenres à
iiuttkus.)
(316) Il est curieux de voir un homme qui connais-
sait si bien les nionasiércs de l'Urieiit, citer coinitie
modèle de Tactiviié ces solitaires de TEjiypie (|ii'uii
présente tous les jours comme les types d'une exis-
tence inut'ie cl d'mi quiéltsme extravagant. Quand
donc cessera t-on d*éciife sur des questic.n-i qu un n*a
pas étudiées, et de diffamer d*une manière si auda-
cieuse les institutions les plus grandes et les pbis res
pcctables!
(317) « iEgyptomm monasteria bunc roorem te-
nent, ut nulium absque operis labore siiscipiani, nec
tant propter victus necessitatem, quam propier ani-
mae saluteu. > (Saint Jebômc, Lettres à Rusiicus. —
Ailleurs il dit : « Âma scicnliam Scripiuranim et
camis vitia non amabis. » C*est la peiibéc tie saint
Thomas : « Valet studium ad Titandani caniis lasci-
vtani. >
1063
MOI
DlCTIONiNAllŒ
MOI
m
éféques et des docteurs qui siégeaient
dans les conciles. En effet, 1 intelligence et
Taction* la parole et rœuvre, voilé» dès son
origine, les deux forces du christianisme;
Toilà à quels signes le monde put compren-
dre que c était quelque chose d'entier et de
coniulet, quelque chose où il n'y avait point
de lacune. Prenez Thistoire du christia-
nisme : toujours il parle et il'agit; toujours
les deux forces se font équilibre et se ba-
lancent; toujours h côté de l'intelligence qui
persuade par la parole, il y a l'action qui
persuade par l'exemple.
«C'est ici que vient se montrer Tutilitédc
la Thébaide et de ses pieuses austérités.
Après les martyrs, après la victoire que
leur sang a donné à l'ËgKse, ce sont ies
solitaires de la haute-Egypte, ce sont les
disciples de saint Antoine qui perpétuent
l'action dans l'Eglise; ce sont eux qui im-
molent leurs biens et leur vie è la foi chré-
tienne, et qui entretiennent la tradition du
dévouement et du sacrifice. Saint Athanase
discute contre les ariens; mais, dans toutes
les discusions, il y a la part du doute et du
scepticisme. Une religion, qui n'aurait contre
lesnérésies que la force de la discussion, se-
rait bientôt ruinée. Il lui faut, de plus, des
exemples et des actions; il faut qu'elle
puisse dire : Voyez ce que je fais faire, voyez
ces solitaires qui bravent les rigueurs du
désert et de la pénitence, qui couchent sur
le sable enflammé, qui vivent d'eau et de
pain grossier. Ce sont lÀ sans doute, pour le
philosophe, de fort mauvais arguments.
Pour le peuple, ils sont excellents, et le
peuple a raison, il sent qu'il y a, dans la
religion qui inspire ces dévouements, quel- .
que chose de supérieur à la raison et qui
vaut mieux qu'elle; il sent qu'il y a dans
Tuction quelque chose de plus fort que dans
la parole. 11 n'est pas de raisonnement, si
bon qu'il soit, auquel on ne puisse répondre
far un raisonnement également bon (c'est-
-dire qui sehiblera également bon) ; mais
que répondre aux austérités de saint An-
toine? — Qu'elles sont inutiles? — Jamais
le peuple ne juge les choses sur leur utilité,
et c'est pour cela qu'il est bon juge de la
grandeur et de la dignité; il juge toujours lo
motif. Dans les austérités de saint Antoine, il
voit la foi ardente qui les lui inspire, et il
cède à l'ascendant de cette foi ; il eût langui
aux raisonnements.
« La foi et sa supériorité sur rintelligencc,
parce qu'elle agit, voilà ce qui fait le mérite
des solitaires de laThébaïde, voilà le service
qu'ils rendent à l'Eglise. Ils sont par leurs
œuvres les témoins de la foi chrétienne;
les docteurs et les évèaues» par leurs paro-
les, en sont les interprètes. Saint Antoine,
dans le discours que j'ai déjà cité (318), dé-
montre admirablement cette supériorité do
la foi sur lo raisonnement. Il s'adresse aux
gentils, aux hommes du vieux inonde ro-
main, et il leur dit ; « Vous n'avez plus
c aucunefoi, puisque vousavcz recours aui
c arguments. Nous, cen'est point des paroles
« persuasives de la sagesse des Grecs dont
« nous nous servons ; c'est par la foi que noas
« persuadons, la foi qui précède et qui sur-
« passe toutes les paroles.» Et ailleurs *
« Nous ne sommes que des ignorants qui
c croyonsen Dieu, dont lesœuvres nousréfè-
« lent la providence. Eh bienl noire foi
« grossière est ellicace et puissante, car noire
« culte se répand* tandis que« malgré tous vos
c raisonnements sophistiques, vos idoles
c tombentdetoutesparts. Avectousvosargu^
« ments, toutes vos discussions, vous n'avez
« pas converti un chrétien au f laganisme, tao-
« uis qu'avec notre foi, nous diminuons sans
« cesse le nombre de vos croyants. »
« Représentants de la foi chrétienne et du
dévouement qu'elle inspire, c'étaient ces
moines du désert que saint Athanase invo-
quait danis les jours de périls, quand la reli-
gion était menacée par l'arianisme. La foi
qui raisonne et qui discute avouait, pour
ainsi dire, son impuissance et faisait una()-
pel à la foi agissante. Alors quelques-uns
des solitaires, saint Antoine à leur tète,
quittant leurs grottes, leurs ruines, leurs
austérités, venaient à Alexandrie exhorlerle
peuple à l'orthodoxie; et tout ce peuple,
repu de paroles et de discussions, sans qu au*
cune peut-être l'eût décidé, accourait voir et
entendre ces hommes d'action, ces pénitents
vieillis dans le désert, ces nouveaux ma^
tyrs du christianisme. Voulez-vous connaî-
tre Tascendant de ces moines? Il fallait
quand les juges ariens envoyés à Alexandrie
voulaient laire le procès à quelque catholi-
que rebelle aux ordres de l'empereur, il
fallait qu'ils défendissent aux moines d'en-
trer dans la salie du tribunal, et souvent ils
leur ordonnaient de quitter la ville. Cétail
surtout saint Antoine que le peuple écou-
tait avec un respect mystérieux, comme on
homme que Dieu inspirait. « Tout le monde
voulait le voir; les gentils eux-mêmes et
leurs prêtres venaient à la maison où il
habitait, disant : Laisse-nous voir l'homme de
Dieu. Plusieurs, parmi les gentils, voulaient
toucher ses vêtement8,tcroyant que cela leur
-porterait bonheur. » Et ne croyez pas que
cet empressement et cette foule troublassent
le pieux solitaire, il avait le calme et cette
assurance qu'ont les hommes d'action. Tran*
quille et toujours égal à lui-même, le visage
serein, sans mouvement de joie ou de tris-
tesse, il regardait la multitude et lui parlait.
Venu à Alexandrie pour aider saint Alba-
nase, il avait bâte, aussitôt sa tAche accouh
Elie, de retourner au désert avec ses frères,
es poissons meurent, disait il, quand on
les tire à terre, et les moines s'énerienl
quand ils restent trop longtemps dans les
villes, retournons à nos montagnes. Et il J
retournait pour reprendre ses austérités.
Mais le monde ne lâche point ainsi sa proie.
Le bruit des affaires et du siècle venait ja»-
(318) Ce discours est celui que j*ai cité prëcë- spirituel professeur fait alloslon est conleatt daH
Ueuiuient, du moins en partie. Le passage auquel le la seconde moitié du discours.
1065
ilOI
D'ÂSCETISIIE.
MOI
1Ub6
qa*à lui; les empereurs* qui saTaieot la
puissauce de cet anachorète» lui écrÎTaient
de leur maio. Alors, malgré leur renooce-
ment ao monde » les moines du désert se
troublaient et s'enorgueillissaient; c'était un
4^*réaementl Vous vous étonnez qu'une
lelire de Fempereur nous arriTe* ce n*est
qu'un homme! Etonnez-Tous plutôt de Dieu
qui a écrit la loi que nous devons suivre, et
4|ui nous l'a envoyée par son Fils unique.
« Cet ascendant de I action dans un siècle
livré à la dispute est tout naturel. Voyez
aujourd'hui, quand un homme a, non pas
dit, mais fait quelque chose de grand, gagné
une bataille, exécuté un voyage périlleux,
alTrooté quelques dangers extraordinaires,
voyez comme l'admiration et la vogue po-
pulaire s'attachent à lui, comme on veut le
voir, comme on faitfoule à sa demeurel tant
est grand le pouvoir de l'action I tant elle
subjugue les esprits 1 Le siècle, en cela, se
Tait justice : siècle de paroles et de théories,
l'aciion est pour lui quelque chose d'étrange
et de nouveau qui Tétonne, qui le saisit,
qui le fait courir pour voir l'homme mer*
veilleux qui agit, et qui fait suivre sa volonté
d*ane effet.
« Si donc nous voulons comprendre le mé-
rite et l'utilité de la Thébaide,.... tenons*
nous en h cette idée : dans nu siècle de
doute et d'examen, les solitaires de la Thé-
Laide ont, par leurs œuvres, témoigné de la
lorce inébranlable de la foi chrétienne. De
cette manière ils ont aidé à sauver r£glise
et ont mérité d'en être aussi appelés les
Pères (319). »
Un autre professeurde la Sorbonne ajoute
h ces considérations vraiment dignes d'un
savant et d'un penseur, quelques paroles
éloquentes que nous allons citer comme la
meilleure conclusion possible de cette lon-
gue discussion.
c Dès le III* siècle, et quand le premier
effort des grandes invasions menaçait les
f provinces septentrionales, on avait vu à
'autre extrémité de l'empire, dans les soli-
tudes de l'Egypte et de la Palestine, le
christianisme rassembler ces armées de
cénobites destinées à former la réserve de
la civilisation.
« Les âmes généreuses s'échappaient des
ruines de ce monde romain, qui périssait
par l'égoisme; elles se réfugiaient au désert
et il ne faut pas les accuser d'avoir aban-
donné la société en péril, elles emportaient
avec elles la société même ; ou du moins
Tesprit de sacrifice qui la fonde et la soutient.
Les milices monastiques, successivement
ralliées par les règles de saint Pac6me, de
saint Antoine et de saint Basile, se trouvè-
rent en mesure de passer en Occident au
moment où l'invasion en forçait les fron-
tières, de reprendre pied à pied le terrain
conquis par la t>arbarie, et de pousser peu à
(319) Saikt-Maic GwAaBni, e$$ai$ de lUiéraiure
et de morale^ II, La Thébaide. — Le jugement du
célèbre professeur de la Sorbonne forme uu éclatant
contraste avec les .':ppréciaiions supcrficicUes et
DlCT10!«!1. D*AsctTI«»liE 1
peu leurs lignes victorieuses jusqu'aux der-
niers rivages du Nord. > (Ozaxam, La civi^
liêotian chrétienne^ chap. 3, Les Francs.) (330).
Mais c'est assez parler de l'origine de Ja
vie monastique, c*est assez la justifier des
plus injustes attaques, suivons son rapide
développpemenC :
Vers le milieu du iv* siècle, on comptait
dans les déserts de l'Egypte 76,000 religieux,
et 20,000 religieuses. Les lieux qu'ils avaint
choisis pour leur demeure furent bientôt
changés eu des champs fertiles, en de vastes
ateliers. En Syrie, sur les bords de l'Eu*-
phrate, saint Alexandre réunit des Grecs,
des Latins, des Syriens, des Egyptiens.
Divisés par chœur, {l chantaient nuit et jour
les louanges de Dieu. Saint Athanase* ayant
lait connaître à Rome, l'esprit et le régime
de la vie monastique, l'Occident eut bientôt
de nombreux monastères. Eusèbe de Verceil
forma une communauté où les religieux
alliaient les austérités de leur état avec les
travaux du sacerdoce. C'est au zèle de saint
Blartin de Tours que la célèbre abbaye de
Marmoutier doit sa naissance. Maxime, son
disciple, les deux frères Romain et Lupi-
cien se retirèrent sur les montagnes da
Lyonnais et du Dauphiné. La Provence de-
vint rémule de l'Egypte. Lérins fut l'école
des savants et la pépinière des évéques. Dès
le IV' siècle, nous trouvons aussi à Toulouse
des traces de la vie religieuse. On remar*
3uait àcelte époque dans cette ville, Alexan-
re qni avait renoncé aux honneurs et aux
plaisirs pour se livrer entièrement à l'étude
des livres saints et à la pratique des vertus
chrétiennes. Minervius, son frère, ou du
moins son parent, le suivit dans sa retraite.
Exupère, évéque de la même ville, chargea,
vers l'an 403, Sistinnius, moine de son dio-
cèse, de porter à saint Jérôme les écrits de
vigilance, ainsi que des lettres de charité,
pour les solitaires de la Palestine et de
l'Egypte. Nous apprenons par le concile de
Saragosse, tenu en 380, qu'il y avait des
religieux en Espagne; il y en avait aussi à
Milan, aussi bien que des religieuses, sous
l'épiscopat de saint Ambroise, (jui vivait
dans le même temps. Saint Augustin, évèauo
d'Hippone, engagea le clergé de son diocèse
à mener la vie commune. Deux siècles s'é-
taient à peine écoulés depuis Tapparition
des premiers solitaires, que déjà la vie mo-
nastique, cette vie obscure, laborieuse et péni-
tente s'était répandue dans l'empire romain,
et même au delà. Les princes convertis au
christianisme protégeaient les religieux dont
ils admiraient et louaient la piété et la cha-
rité. Ils fondaient eux-mêmes des monastè-
res, les rapprochaient des villes et permet-
taient aux évjiques de les y appeler. Cous-
tautin honora saint Antoine; il lui écrivii
{plusieurs fois en le traitant de Père, et ep
ui demandant comme une faveur quelque.*
partiales qae M. Guizot faisait des mènes faits eo
18i9, <l.iiis une des chaires de la même facolië.
(OéO) Cbassai, E$$ai sur le Myêtkisme catholique
3k
4067
MOI
MCrmiNAlRE
MOI
IMS
mots de réponse à sa tendresse filiale. Théo-
dose un moment trompé > porta d'abord
contre eux une ordonnance sévère, mais il
ne tarda pas à la révoquer. Si d'autres em-
pereurs les persécutèrent, c'est qu'au lieu
de veiller à la défense de l'empire attaqué de
toutes parts par les Barbares, ces princes
passaient leur vie dans des discussions
théologic[ues et s'efforçaient de propager par
des châtiments et des récompenses les héré-
sies dont ils étaient les auteurs ou les fau-
teurs. Ils faisaient subir des supplices rigou-
reux aux moines qu'ils n'avaient pu égarer
et dont ils n'avaient pu changer la science et
les vertus en instruments de leurs folies. Le
fondateur de la monarchie française, Clovis,
exempta de toute contribution plusieurs
monastères, pour ne pas diminuer les res-
sources que les pauvres trouvaient dans le
travail des religieux. Ses successeurs proté-
gèrent aussi ces asiles de la piété et de la
charité, ils enj dotèrent et fondèrent plu-
sieurs.
Dans le vi' siècle parurent saint Benoit et
saint Colomban, deux célèbres législateurs
de la vie religieuse. Jusqu'à ces grands hom-
mes, les religieux s'attachaient indistincte-
ment aux règles de saint PacAme, de saint
Basile, de saint Macaire, de saint Augustin ;
les maisons religieuses à l'exception d'un
très-petit nombre, fondées par le même abbé»
n'ayaient aucune relation entre elles. Les
règles de saint Benoit fixèrent les devoirs
des supérieurs et des inférieurs, elles déter«
minèrent l'emploi de chaaue moment de la
journée etc., pourvurent a tout ce qui cons-
titue un gouvememefit sage. Cette règle fut
établie dans tous les nouveaux monastères
et adoptée, en général, par les anciens. Au
Yii' siècle, saint Augustin l'apporta en An-
gleterre. Les princes qui gouvernaient alors
te pays, convertis successivement à la foi
chrétienne par Içs missionnaires apostoli-
ques, furent de zélés protecteurs de la vie
monastique, qui s'établit aussi chez les Fri-
sons, par les soins des missionnaires anglais,
qui pour la plupart étaient moines. £lle
prenaitégalement un nouvel essor en France,
Srftce au zèle et aux soins de saint Eloi,
e saint Ouen et de sainte Bathilde. En Es-
pagne, saint Isidore et saint Fructueux don-
naient aux monastères des règlements pleins
de sagesse. Cependant, les irruptions des
Lombards et des Sarrasins, ainsi que la vio-
lence des seigneurs qui usurpaient les biens
des monastères et s en rendaient abbés, af-
faiblirent la vie religieuse; mais elle reprit
une nouvelle ferveur sous les règnes d'Al-
fred et de Louis le Débonnaire. Le premier
de ces princes rechercha de tous côtés les
religieux qui se faisaient remarquer par leur
science et leurs vertus : il gardait les uns
auprès de lui et plaçait les autres à la tète
d'anciens ou de nouveaux couvents. A la
persuasion d'un de ces religieux appelé Néat,
li fonda l'Université d'Oxford : c'est ainsi
qu'il releva les études dans son royaume.
En France, sous Louis le Débonnaire, saint
Benoit d'Aniane, vivement pénétré de l'es*
f^rit de l'Evangile, et revêtu de Tautorité que
ui avait donnée le concile d'Aix-la-Chapelle
en 817, remit en vigueur la règle de saint
Benott. Mais les guerres civiles et les rava-
ges des Normands firent reparaftre les abus
que saint Benoit d'Aniane avait voulu dé-
truire pour jamais. En 910, Guillaume, comte
de Toulouse et duc d'Aquitaine, fonda le
monastère do Gluny et le soumit au Pape,
{)Our empêcher les usurpations des seigneurs
aïques. Les premiers anbés, non moins dis-
tingués par leurs vertus que par leur science,
y firent fleurir l'exacte observance de la rè-
gle de Saint Benoit, l'étude de la religion et
la charité envers les pauvres. Les évèques
comblèrent de biens les religieux de Cluny,
leur affilièrent de nouveaux monaatères, les
proposèrent pour modèles à ceux qui eiis-
taieni déjà, pour y renouveler l'esprit pri-
mitif . Dans plusieurs Eglises, on substitua
les religieux de Gluny aux chanoines.
La réforme de Gluny s'étendit dans toute
la France, en Italie, en Allemagne. Dans le
même temps, saint Dunstan régénérait les
maisons religieuses en Angleterre. Saiut
Romuald et saint Nil de Calabre retraçaient
par leurs austérités la vie des premiers
moines d'Egypte. En Orient, la première
ferveur s'était longtemps maintenue, malgré
les guerres des Perses et la lureur des héré-
tiques. Les )3ersécutions des empereurs hé-
rétiques avaient fini pourtant par y étouifer
l'esprit de l'état religieux. On y remarquait
néanmoins encore, au temps dont nous par-
lons en ce moment, saint rlicon, surnommé
le Métamoïte, saint Paul do Latre et saint
Luc le Jeune. La réforme de Glunv se sou-
tenait encore avec splendeur à la. fin du xi'
siècle; Ulric, qui écrivait alors les eoutumes
de cette congrégation , en est garant. Dans
cet intervalle, de nouveaux ordres s'établi-
rent pour le bien de l'humanité et la res-
tauration des mœurs. Saint Jean Gualberl
forma la congrégation de Vallombreuse; il
fut le premier des fondateurs qui admit des
laïques parmi ses disciples; is les chargea
des travaux du dehors. L'épidémie appelée
Feu-sacré onSaint-Ântoine, donna naissance
aux Antonins. Etienne de Muret établit l'or-
dre de Grammont, saint Bruno, celui des
Chartreux. Ce dernier présente un exemple
unique dans l'histoire. Depuis près de huit
cents ans les Chartreux conservent l'esprit
de leur Père et observent le genre de r/e
qu'il leur a tracée; la solitude, ie trava/i,ie
silence perpétuel, la prière. La sainteté est
héréditaire parmi eux. En li^l8, Eudes l"
jeta les fondements de Cîteaux. Son premier
abbé, Robert de Holenne y établit la règle
de Saint Benott. On sait que saint Bernard
fut l'ornement de cette maison. La vertu
des Cisterciens était si généralement esti-
mée qu'en moins de cent ans il y eut deui
mille monastères de leur ordre. Guilianine
le Conquérant établit un grand nombre de
monastères en Angleterre, et, sur sou lit de
mort, il se consolait par le souvenir de la
f)roleclion qu'il leur avait accordée et par
'espérance qu'ils continueraient ^près lui
4<K;y
0A8CKT1S1IE.
MOI
mo
le bien qu'ils faisaient de son Tivanl. Robert
d'Arbrisselles déYOua son institut au ser?ice
des pauvres, des estropiés et des lépreux.
La maison de Fontevranlt réunit jusqu'à
trois mille religieux. Bernard de Tiron et
Vital de Sayjgny établirent aussi deux con-
grégations, dont la première s'étendit en
Eec»se, en Angleterre. La seconde se con-
fondit avec les Cisterciens. Alors s'établi-
rent aussi les congrégations des chanoines
réguliers qui unirent les rigueurs de la vie
monastique aux fonctions sacerdotales. On
remarqua surtout celle de Struf, formée par
quatre prêtres de TEglise d'Avignon, et celle
des Prémontrés, instituée par saint Norbert,
arclieTéque de Magdebourg. Las ordres
religieux et militaires prirent naissance à
celte époque : les Templiers, les chevaliers
de Saint-Jean de Jérusalem se vouèrent à la
défense de la Palestine et des Chrétiens d'O-
rient ; ils protégeaient le commerce contre
les pirates et les infidèles. Les chevaliers
de l'Ordre teutonique , d'at>ord emplojrés au
nervice ûts ^uvres malades de la nation al-
lemantie, suivirent ensuite l'exemple de ces
deux premiers ordres. Au nombre désordres
religieux et militaires figurent encore ceuxde
Saint-Lazare, de Calatrava et de Saint-Jac-
ques d'Alcantara. Ces deux derniers sub-
sistent encore en Espagne. Saint Jean de
Malha et saint Pierre de Nolasque fondèrent
au xiu' siècle, le premier, l'ordre des Tri-
nitaires, et le second, celui de la Merd,
consacrés tous deux à échanger ou à rache-
ter des mains des infidèles les captifs chré-
tiens, dont lé nombre s'était beaucoup au-
gmenté depuis les croisades. Saint Louis
ramena de la Palestine, des ermites qui me-
naient, sur le mont Carmel, une vie très-
pénitente et dont la règle que leur avait
donnée Albert, patriarche de Jérusalem, fut
confirmée en lSâ6, par le Pape Honorius.
C'est au règne de saint Louis et à l'année
1%9 que remonte l'existence des ermites de
Saint-Augustin, du moins à Paris. Le Pape
A lexandre IV réunit en une seule obser-
vance diverses congrégations qui suivaient
la règle de Saint Augustin. Telle est i'ori-
Ïine des Augustins, religieux mendiants.
Is embrassaient la pauvreté, ils s'appli-
quaient avec zèle aux études; ils avaient à
Toulouse une maison renommée par la sain-
teté et la science des religieux. Les hérésies
des Albigeois donnèrent naissance à deax
ordres religieux destinés à combattre les er-
reurs et les vices de ces novateurs. Saint
François d'Assise et saint Dominique dé-
fendirent à leurs disciples toute propriété,
même en commun. Us devaient vivre d'au-
mènes, si le produit de leurs travaux ne
suffisait pas pour leur subsistance. La pa-*
tience, rhumilité de ces religieux, leur amour
pour l'élude, leur zèle infotigable pour la
propagation de la foi, rendirent les Frères
prêcheurs et les Enfants de saint François
également chers à l'Eglise et à l'Etat. Saint
Louis aurait voulu se donner à eux par
égale portion, lis obtinrent des chaires dans
les universités de Paris et de Boulogne. La
charge de maître du sacré palais fut confiée
aux Dominicains, les princes les employaient
dans les négociations importantes On vit
plusieurs Frères mineurs et Dominicains
élevés aux premières dignités de l'Eglise et
même à lii papauté. A 1 exemple de ces re-
ligieux, les ancieiis ordres, reprirent leur
zèle pour l'étude. La fmidation du collège
des Bernardins date de cette époque. Cajé-
lan eC ses compagnons firent revivre l'esprit
des apôtres en se consacrant au minîstère
avec le même désintéressemrat et la même
fenrenr. ▲ ces otriigations les Bamabites
ajoutèrent d'établir des collèges, des sémi-
maires pour élever la jeunesse eA la rendre
propre aux missions. Au xvi* siècle^ à la
naissance même du prolestautismet saint
Ignaee de Loyola fonda la grande institution
des Jésuites, dont le nom seul, ce oui prouve
Texcellence de cet institut et le bien qu'il
fait, soulève la colère de tous les ennemis
de la religion. L'instruction du peuple et
l'éducalion de la jeunesse sont les objets
utiles que se proposèrent saint Philippe de
Néry, eu fondant l'Oratoire de Rome, et le
cardinal de Bérulle celui de France. En ce
même temps, les anciens corps religieux
reçurent une nouvelle rie. En France, en
Espagne, en Italie s'opérèrent les plus gran-
des réformes des Frères mineurs, des Capu-
cins, des Récollets, des Pénitents du tiers-
ordre de Saint-François, nommés Picpus,
S|ui, ressuscitant l'esprit de saint François,
urent approuvés par le Pape. Aux mitiga-
tiens que les Carmélites avaient obtenues,
sainte Thérèse fit succéder la première aus-
térité de la r^le. Par ses conseils, saint Jean
de la Croix fit la réforme dans les couvents
des Carmes. Jean de la Barrière, rappela les
Feuillants à l'observance sévère de Clair-
vaux. Jean Michaélis, dominicain, surmonta
aussi tous les obstacles que le relâchement
opposait à son zèle, à sa piété. Saint Jean
de Dieu établit cette pieuse congrégation
qui se livre spécialement aux soins des ma-
lades indigents et des aliénés.
Le concile de Trente raflermit la discipline
des divers ordres, et, restreignant les exem-
tions, prévint le renouvellement des abus.
Dans rfaisloire des ordres religieux, saint
Vincent de Paul remplit celle du xyu* siècle,
soit par ses propres établissements, soit par
la part qu'il prit à tous ceux qui furent for-
mes de son temps. Les Bénédictins, qui em-
brassèrent la réforme de saint Vannes et de
saint llaur, surent allier la piété à la cul-
ture des lettres, ils ont produit des ouvra-
ges qui ne sont pas la moindre gloire du
siècle de Louis XIV. Le cardinal de Laro-.
ehefoucauld, évéqae de Senlis, et abbé de
Sainte-Oeneviève, réunit les chanoines en
une seule congrégation que leur régularité
multiplia bientêt en France. Le célèbre
abbé de Rancé, après avoir fait les délices
du monde, se retira à la Trappe où il lit
observer la première règle de Ctleaux. Plu-
sieurs autres abbayes embrassèrent la ré-
forme de Rancé; mais la Révolution survint,
qui détruisit toutes les communautés reii-
1071
MOL
DIGTIOMNÂIRE
MOL
m
giouses. Lorsqqe la tempête fut appaisée,
quelques ordres anciens et nouveaux paru-
rent. A&jourd*hui il existe en France treize
maisons de Trappistes et de Trapistines sou-
mises aux mômes règles sévères que les
religieux; plusieurs congrégations d'bom*
mes ayant pour objet la propagation de la
foi et réducation de la jeunesse, d'autres ne
s*occapant que des missions étrangères ou
de l'éducation de la jeunesse; il existe trois
maisons de Bénédictins, trois de Dominicains,
trois de Capucins, deux de Chartreux. Les
Carmélites, les Claristes, les Dominicaines,
les Bénédictines du Saint-Sacrement, les da-
mes du Refuge, du Bon-Pasteur, de la Visi-
tation Sainte-Marie, et beaucoup d'autres
ordres religieux de femmes, anciens et nou-
veaux ont aussi divers établissements en
France. Les uns ne s occupent que de la vie
contemplative, les autres allient la vie ac-
ctive à la vie contemplative. ( Voy. Ascètes,
Ordhes relioiecx, et notre Discocrs préli-
minaire. )
MOLiNA (Antoine), chartreux de Miraflo-
tes, près Burgos, en Castille, mourut vers
1612, après s'être acquis une grande réputa-
tion de piété, il a laissé : V un traité de
Vlnslruction des Prêtres f ouvrage très-propre
h honorer !e sacerdoce, et à sanctifier ceux
qui en sont revêtus; il a été traduit en fran-
çais ; Paris, 1677, in-S" ; — 2* Exercices spi-
rituels de Vexcellence^ profit et nécessité de
i' oraison mentale, traduit par R. Gaultier,
Paris, 1631.
MOLINOS (Michel), prêtre espagnol, naquit
• dans le diocèse de Saragosse en 1627, d'une
famille considérable par ses biens et par son
rang. Né avec une. imagination ardente, il
s'établit à Rome, et y acquit la réputation
d'un grand directeur. Il avait un extérieur
frappant de piété, et il refusa tous les béné-
fices qu'on lui oûVit, Le feu de son génie lui
fit imaginer des folies nouvelles sur la mys-
ticité. Il débita, en 1675, ses idées dans son
ouvrage intitulé : Guide spirituel, livre im-
primé d'abord en espagnol, puis en italien et
en latin, gui le fit enfermer dans les prisons
* de rinquisilion,fen 1685. Cet ouvrage parut
d'abord admirable : « La théologie mysti-
que, disait l'auteur dans sa préface, n'est pas
une science d'imagination, mais de senti-
ment... On ne l'apprend pas par l'étude, mais
on la reçoit du ciel. » Cela était vrai à bien
des égards, mais l'auteur en porta trop loin
les conséquences, et en fit do fausses appli-
cations. Ce ne fut qu'en creusant dans une
espèce d'abîme» où Molinos s'enfonce et son
lecteur avec lui, qu'on aperçut tout le dan-
ger de son système. Le père Segneri ayant
entrepris d'en découvrir le venin dans un
livre qu'il publia. sous le titre de l*Accord
l de Vaction et du repos dans roraison, peu
«'on fallut qu'il ne lui coûtât la vie. On le
regarda comme un homme jaloux, aveuglé
par une basse envie, qui calomniait un saint.
Son livre fut censure, et on ne lui rendit
justice que lorsque Thypocrisie fut démas-
|(|uée. « On vit, dit le Père d'Avrigny, que
Il homme orétendu oarfuit de Molinos est un
homme qui ne raisonne pas; qui ne réfléchit
ni sur Dieu, ni sur lui-même, qui ne désire
rien, pas même son salut; qui ne craioi
rien, pas même l'enfer; à qui lès pensées les
plus impures, comme les bonnes œuvres,
deviennent absolument étrangères et indii^
férentes. » La souveraine perfection, suivant
le rêveur espagnol, consiste à s'aDéaDtir
pour s'unir à Dieu : de façon que toutes les
facultés de l'âme étant absorbées par cette
union, l'Ame ne doit plus se troubler de ce
qui peut se passer dans le corps. Peu im-
porte que la partie inférieure se livre aax
plus honteux excès, pourvu que la supé*
rieure reste concentrée dans la Divinité par
l'oraison de quiétude. Cette hérésie se ré-
pandit en France, et.y prit mille formes dif-
férentes. Malaval, M"" Guyon, Fénelon en
adoptèrent quelques idées, mais non pas les
plus révoltantes. Celles de Molinos fureot
condamnées en 1687, au nombre de 68. On
en trouve une réfutation dans le tome IV des
Œuvres de Fénelon, publiées à Versailles,
chez Lebel. Le même volume contient uoe
analyse judicieuse de la doctrine de Holi*
nos, et la différence de cette doctrine avec le
quiélisme mitigé de M"^* Guyon. Molinos fut
obligé de faire une abjuration publique de
ses erreurs, et il fut enfermé dans une pri-
son où il mourut en 1696 , âgé de près de
soixante-dix ans. Quelques-uns ont avancé
que Molinos en était venu jusqu'à ouvrir la
porte aux abominations des Gnostiques ;màs
d'autres le justifient sur ce point, et soutien-
nent qu'il n'a pas admis cette horrible cod-
séquence. Les sentiments, dans lesquels on
dit qu'il est mort, viennent à l'appui de celte
assertion. Des lecteurs superficiels ont quel-
quefois confondu , avec le quiétisme ou la
quiétude de Molinos, cette paix de l'âme qoa
nous devons garder, même dans la détesta-
tion et la fuite du péché. Le quiétisme co-
seigne qu'il n'y a pas de pécnés pour les
âmes unies avec Dieu, et que dès lorsL il ne
faut pas s'en inquiéter. La vraie théologie
dit qu'il faut pleurer ses péchés sans agil^
tiens, sans se tracasser et sans s'abattre. • 11
est difficile de comprendre , dit uu ascéti-
que, qu'on puisse confondre do telles dispa-
rates, et cela à la faveur du misérable équi-
voque qui porte sur le mot quies ; la dou-
ceur, la componction, le regret le plus vif
d'avoir offensé Dieu sont calmes et paisibles.
Le Peccavi Domino de David, le Flevit amart
de saint Pierre, étaient sans agitation ctsans
trouble. La situation contraire vient de la
grande idée qu'on a de soi-même, de ses ver-
tus, d'un désir deperfectionrapportéàsoict
non pas à Dieu. » {Voy. Quiétisme).
MOLINOSISME, doctrine de ifolioos,
sur la vie mystique , condamnée à Ro-
me, en 1687, par Innocent XI. —Ce Pon-
tife , dans sa bulle , censure 68 [proposi-
tions tirées des écrits de Molinos qui ensei-
gne le quiétisme le plus outré, et poussé
jusqu'aux dernières conséquences. — ^^'
principe fondamental de cette doctrine ej'l
que la perfection chrétienne consiste dans la
Irauquilliié de l'âme, d^ns le renoncemenli
407S
MOL
D^ASCCTISIIE
MOL
lOM
toutes les choses extérieures et temporelles,
dans an amour pur de Dieu, exempt de toute
▼ue d'intérêt et de récompense. Ainsi, une
Ame/ qui aspire au souverain bien, doit re-
noncer non«sealement à tons les plaisirs des
sens, mais encore à tous les objets corporels
et sensibles, imposer silence à tous les mou-
Tcments de son esprit et de sa volonté, pour
se concentrer et s absorber en Dieu.
Ces maximes, sublimes en apparence , et
capables de séduire les imaginations vives,
peuvent conduire à des conséquences af-
freuses. Molinos et quelques-uns de ses dis-
ciples ont été accusés d'enseigner, tant dans
la théorie que dans la pratique, que l'on
peut s'abandonner sans péché à des dérè-
glements infâmes, pourvu que la partie su-
périeure de l'Ame aemeure unie à Dieu. Les
propositions 2S, ki et suivantes, de Molinos,
renferment éridemment cette erreur abomi-
nable. Toutes les autres tendent à décrédi-
ter les pratiques les plus saintes de la reli-
gion, sous prétexte qu'une Ame n'en a plus
besoin lorsqu'elle est parfaitement unie à
Diea. — Certains auteurs assurent que, dans
le dessein de perdre ce prêtre, on lui attribua
des conséquences auxquelles il n'avait jamais
pensé. Il est certain que Molinos avait à Rome
desamis puissants, et respectables trèsà portée
de le déiendre, s'il avait été possible. Sans les
laits odieux dont il fut convaincu , lorsqu'il
eut donné une rétractation formelle, il n'est
pas probable qu'on l'aurait laissé en prison
jusqu'à sa mort qui n'arriva qu'en 1696. —
Un auteur protestant suppose que les adver-
saires de Molinos furent surtout indignés, de
ce qu'il soutenait, comme les protestants,
l'inutilité des pratiques extérieures . et des
cérémonies de religion. Voilà comme les
hommes à système trouvent partout de quoi
nourrir leur prévention. Selon l'avis des
protestants, tout hérétique qui a favorisé en
quelque chose leur opinion, quelque erreur
qu'il ait enseignée d'ailleurs, mentait d'être
absous. La bulle de condamnation de Moli-
nos censure non-seulement les propositions
qui sentaient le protestantisme, mais celles
qui renfermaient le fond du quiétisme • et
toutes les conséquences qui s'ensuivaient.
Mosheim lui-même n'a pas osé les justifier.
{Hi$i. eecUsioii. du xvii* fi%/e, sect. ii,
1'* partie, chapitre 1, { 49).— II faut se sou-
venir que les quiétistes, qui firent du bruit
en France peu de temps après, ne donnaient
point dans les erreurs grossières de Molinos,
ils faisaient au contraire profession de les
détester. {Voyez QuiinsiiR). Comme la doc-
trine de Molinos résume parfaitement toutes
les notions du faux mysticisme, comme
d'ailleurs la vérité, et surtout le sens des vé-
rités abstraites et délicates , ressort mieux
du contraste de l'erreur, nous donnons ici,
avec la bulle d'Innocent XI, les propositions
condamnées du célèbre quiétiste ; on verra
mieux par ce simple exposé que par tous
les raisonnements, comment il laut entendre
sur ces matières la doctrine catholique.
BULLB D'IimOCElIT XI, CONTAB MÎCHEL DB
MouHos. — Innocent, évC^que, serviteur
des serviteurs de Dieu : à la mémoire per-
pétuelle de la chose. Le céleste pasteur,
Notre-Seiçneur Jésus-Christ, voulant par sa
miséricorae infinie tirer le monde des té-
nèbres et des erreurs où il était enseveli aa
milieu de la gentilité et de la puissance du
démon, sous laquelle il gémissait depuis la
chute de notre premier père, s'est abaissé
jusqu'à prendre notre chair en témoignage
de sa charité envers nous, et s'est offert à
Dieu une hostie vivante pour nos péchés,
ayant attaché à la croix la eédule de notre
rédemption. Aussitôt prêt à retourner au
ciel, laissant sur la terre l'Eglise catholique,
son épouse, comme cette sainte cité, la nou-
velle Jérusalem, descendant du ciel, n'ayant
ni tache, ni ride, étant une et sainte, en-
tourée des armes de sa toute-puissance contre
les portes de l'enfer, il l'a donnée à gou-
verner au prince des apôtres et à ses suc-
cesseurs, afin qu'ils gardassent saine et en-
tière la doctrine qu'ils avaient apprise de
la bouche de leur maître, et que les ouailles
rachetées au prix de son sang, ne retom-
bassent point dans les anciennes erreurs
parl'appAt des opinions dépravées; comme
nous apprenons, dans les saintes Ecritures,
?u'il a recommandé principalement à saint
ierre. Car à quel autre d'entre les apôtres,
a-t-il dit : Pais mes brebis ; et encore : j'ai
prié pour toi, afin que ta foi ne te manque
point; et lorsque tu seras converti, fortifie
tes frères? Aussi, nous qui sommes dans
la chair de saint Pierre, et revêtu de sa
puissance» non par nos mérites, mais par le
conseil impénétrable du Dieu tout-puissant ;
avons-nous toujours eu cette sollicitude
dans l'esprit, que le peuple chrétien gardât
la foi prêchée par Jésus-Christ et par ses
apôtres, qui nous est venu& par une tra-
dition constante . et non interrompue, et
doit durer jusqu'à la fin du monde selon sa
promesse.
Comme donc il a été rapporté h notre
apostolat que le nommé Micnel de Molinos
a enseigné de vive voix et par écrit des
maximes impies, qu'il a même mises en
pratique, sous prétexte d'une oraison de
quiétude, contraire à la doctrine et à la
pratique des saints Pères, depuis la naissance
de l'Eglise, il a précipité Tes fidèles de la
vraie religion et de la pureté, de la piété
chrétienne, dans des erreurs très^randes et
dans des infamies honteuses : nous, qui
avons tant à cœur que les Ames confiées à
nos soins puissent neureusement*arri ver au
port du salut, bannissons toute erreur et
toute opinion mauvaise, avons ordonné sur
des indices très-certains, que le susdit Mi-
chel de Molinos fut mis en prison. Ensuite,
après avoir ouï en notre présence et en
la présence de nos vénérables frères les
cardinaux de la sainte Eglise romaine, in-
quisiteurs généraux dans toute la répu-
blique chrétienne, députés spécialement par
autorité apostolique, plusieurs docteurs en
théologie, ayant aussi pris leurs suffrages
de vive voix et par écrit, et les avant mûre-
ment examinés, l'assistance du âaint-Espril
iOTS
MOL
ucTioraoïRE
MOL
1076
implorée, noas avons ordonné, de Favis
coinmoft de nos susdits frères, que nous
procéderions comme s'ensuit à la coudant
nation des propositions ici apportées, dont
Michel de Molinos est auteur, qu'il a re-
eonnnes être les siennes, qu'il a été con-
raincu et qu'il a confessé respectivement
avoir dictées, écrites, communiquées et
crues, ainsi qu'il est porté plus au long dans
son procès, ef dans le décret qui a été fait
par noire ordre, le 28 août de la présente
années 1687.
Propositions. — 1. II faut que l'homme
anéantisse ses puissances : c'est la voie in-
térieure.
2. Vouloir faire une action, c'est offenser
Dieu, qui veut être seul agent; c'est pour-
3Q0i il faut s'abandonner totalement à fui, et
emeurer ensuite comme im corps sans âme.
3. Le vœu de faire quelque bonne œuvre
est un empêchement à la perfection.
k. L'activité naturelle est ennemie de la
gr&ce, c'est un obstacle aux opérations de
Dieu et à la vraie perfection; parce que
Dieu veut açîr en nous sans nous.
5. L'âme s anéantit par l'inaction, retourne
à son principe et à son origine, qui est
l'essence divine dans laquelle eDe demeure
transformée et déifiée : alors aussi Dieu de^
itieure en lui-même; i)uisque ce n^est plus
deux choses unies, mais une seule chose :
et c'est ainsi que Dieu vit et rème en nous,
et que l'Ame s'anéantit même dans sa puis-
sance d'agir
6. La voie inférieure est celle oii Ton ne
connatt ni lumière, ni amour, ni résigna-
tion : il ne faut pas môme connattre Dieu ;
et c'est ainsi que l'on s'avance à la perfection •
7. L'âme ne doit penser ni à la récom««
pense, ni à la punition, ni au paradis, ni à
l'enfer, ni à l'éternité
8. Elle ne doit point désirer de savoir si
elle marche dans la volonté de Dieu, ni ai
elle V est assez résignée ou non; et il n'est
pas oeaein qu'elle veuille connattre son état
ni son propre néant, mais elle doit demeu-
rer comme un corpa sans vie.
9. L'âme ne se doit souvenir, ni d'elle-
même, ni de Dieu, ni d'aucune chose; car
dans la vie intérieure toute réOexion est
nuisible, même celle qu'on fait sur ses
Sropres actions humaines et sur ses propres
éfauts.
10. Si par ses propres défauts elle scan-
dalise les autres, il n est pas encore néces«
saire qu'elle fasse aucune réflexion, pourvu
Su'elie ne soit point dans la volonté actuelle
e les scandaliaer : et c'est une grande grâce
de Dieu de ne pouvoir plus réfléchir sur
ses propres manquements
11. Dans le doute, si l'on est dans la
bonne ou dans la mauvaise voie, il ne faut
pas réfléchir.
12. Celui qui a donné son libre arbitre à
Dieu ne doit plus être en souci d'aucune
chose, ni de l'enfer, ni du paradis : il ne
doit avoir aneun désir de sa propre perfec-
tion, ni des vertus, ni ae sa sanctiheation,
ni de son salut dont il doit perdre l'espé-
rance.
13. Après aroir remis & Dieu nocre libre
arbitre, il faut aussi abandonner toute pensée
et tout soin de tout ce qui nous regarde;
même le soin de faire en nous sa dirioe
volonté.
1&. Il ne convient point à celui qd s'est
résigné % la volonté de Dieu, de lui fm,
aucune demande : parce que la dernsode
est une imperfection, étant un acte de
propre volonté et de propre choix, c'est
vouloir que la volonté divine soit confonoe
à ta nOtrej aussi cette parole de l'Evangile:
Demandez, et vous reeevrez, n'a-t-elle pas
été dite par Jésus-Christ pour les âmes in-
térieures, qui n'ont point de rofonté, pois-
ou'enfin ces âmes parviennent aa point
ae ne«ouvoir faire aucune demande à Dieu.
15. De même que l'âme ne doit fnrei
Dieu aucune demande, elle ne doit aussi
lui rendre grâce d'aucnne chose, l'un et
l'autre étant un acte de propre volonté.
16. Il n'est pas k propos de chercher des
indulgences pour diminuer les peines dues
& nos péchés, parce qu'il vaut mieux sati^
faire è la justice de Dieu que d'a?oir re-
cours à sa miséricorde ; l'un venant de IV
mour pur de Dieu, et l'autre de Tanioar
intéressé de nous-mêmes : aussi est-ce chose
qui n'est point açréable à Dieu, ni d'aucun
mérite devant lui puisque c*est vouloir fuir
la croix.
17. Le libre arbitre étant remis à Dieu
avec le soin et la connaissance de notre
âme, il ne faut plus avoir aucune peine des
tentations, ni se soucier d'y faire aucune
résistance, si ce n'est négativement et sans
aucune autre application : que si la nature
s'émeut, laissez-M s'émouvoir, ce n'est que
la nature.
18. Celui qui dans Toraison se sert d'i-
mages, de fiçures, d'idées, ou de ses pro-
pres conceptions, n'adore pas Dieu en esprit
et en vérité.
19. Celui qui aime Dieu à la manière que
la raison prouve qu'il le faut aimer, e( que
Tentendement le conçoit, n*aime point le
vrai Dieu.
20. C'est une ignorance de dire qae dans
l'oraison, il faut s'aider de raisonoemeot et
de pensées, lorsque L*^ea ne parle point \
fâme; Dieu ne parte jamais, sa parole est
son action, et il agit dans l'âme toutes \^
fois qu'elle n'y met point d'obstacle par ses
pensées ou par ses opérations.
21. Il faut, dans l'oraison, demeurer diBs
la foi obscure et universelle en quiétude et
en oubli de toute pensée particulière, vAm
de la distinction des attributs de Dieo et de
la Trinité; il faut demeurer ainsi en la pre-
sence de Dieu, pour Tadorer, l'aimer et te
servir, mais sans produire aucun acte, parce
que Dieu n'y prend paa plaisir.
22. Cette connaissance par la foi n est |)as
un acte produit par la créature; mais cest
une conneissance donnée de Dieu à ta
créature, ^ue la créature ne connaît poim
être nulle, et qu'ensuite elle ne connan
point y avoir été ; j'en dis autant de l'attOW'
Y
1077
MOL
D*ASCEnSllE.
MOL
4078
23. Les mystiques avec saint Bernard,
dads réclielie des solitaires, distinguent
quatre deorés, ]a lecture, ia méditation, l'o-
raison et Ta contemplation infuse. Celui qui
s'arrête toujours au premier échelon ne
peut monter aa second : celai qui demeure
continuellement au second ne peut arriver
au troisième qui est notre contemplation
acquise, dans laquelle il faut persister pen-
dant toute la rie, si Dieu n'attire i'àme, sans
toutefois qu'elle le désire, à la contempla-
tion infuse, laquelle Tenant à cesser, Fàme
doit descendre au second degré et sy
Exer tellement qu'elle ne retourne plus ni
au premier ni au troisième.
2&. Quelles que soient les pensées qui
Tiennent dans l'oraison, fussent -elles
même impures, ou contre Dieu et con-
tre les saints, la foi et les sacrements;
«^curvu qu'on ne s'jr entretienne pas to-
jentairement, mais qu'on les souffre seule-
ment avec indifférence et résignation , elles
n'empêchent point l'oraison de foi ; au con-
traire, elles la perfectionnent davantage,
firce ou'alors l'Ame demeure plus résignée
la TOlonté divine.
S5. Quoiqu'on soit accablé de sommeil et
tout à lait endormi, on ne cesse pas d'être
dans l'oraison et dans la contemplation ac-
tuelle ; parce que l'oraison et la résignation,
la résignation et l'oraison ne sont qa*une
même chose et que l'oraison dure autant
que la résignation.
26. La distinction de trois Toies, purga-
tive, illuminative et unitive, est la chose la
plus absurde qui ait été dite dans la mysti-
cité; car il n'j a qu'une seule voie, qui est
la Toie intérieure/
97. Celui qui désire et s'arrête a la dé-
votion sensible, ne désire, ni ne cherche pas
Dieu, mais soi-même, et celui qui marche
dans la voie intérieure, fait mal de la désirer,
et de s'f exciter tant dans les lieux saints
qu'aux fêtes solennelles
SB. Le dégoût de biens spirituels est un
bien, parce qu'il purifie l'amour-propre.
29. Quand une Ame intérieure a du dé-
goût des entreliens de Dieu ou de la vertu;
et quand elle est froide et sans ferveur,
c'est un bon signe.
30. Toute sensibilité dans la vie spiri-
tuelle est une abomination, saleté et ordure.
31. Aucun contemplatif ne pratique de
vraies vertus intérieures, parce qu'elles ne
se dcHvent pas connaître par les sens, il fout
donc bannir les vertus.
3^. Avant ou après la communion, il ne
faut aux Ames intérieures d'antre prépara-
tion ni actions de grAces, que de demeurer
dans la résignation passive et ordinaire,
parce qu'elle supplée d'une manière plus
parfaite à tous les actes de vertus qoi se
font ou qui se |>euvent foire dans la voie in-
térieure ; q^ue si, à l'occasion de la commu-
nioni il s'élève dans l'Ame des sentiments
d*humiliatioo, de demande ou d'action de
grâces, il fout les réprimer toutes les fois
qu'on verra qu'ils ne viennent point d'une
inspiration particulière de Dieu ; autrement
ce sont des émotions de la nature, qui n'est
pas encore morte.
33. L*Ame qui marche dans cette voie
intérieure, fait mal d'exciter en elle par
quelque effort, aux fêtes solennelles des
sentiments de dévotion ; parce que tons les
ioun de l'Ame intérieure sont éj^ux, et tous
lui sont jours de fêtes ; j'en dis autant des
lieux sacî*és, car tous les lieux lui sont
aussi égaux.
9k. Il n'appartient pas aux Ames inté-
rieures de faire à Dieu des actions de
grAces en paroles et de la langue , parce
qu'elles doivent demeurer en silence, sans
opposer aucun obstacle h l'opération de Dieu
en elles : aussi éprouvent-elles, h mesure
qu'elles sont plus résignées à Dieu, qu'elles
peuvent moins réciter l'oraison dominicale
on Notre Père.
35. 11 ne convient pas aux Ame^ infé-
rieure de faire des actions de vertu par inur
propre choix et leurs propres forces, autre-
ment elles ne seraient point mortes, ni de
faire des actes d'amour envers la sainte
Vierge, les saints et Thumanité de Jésus-
Christ, parce qu'étant des objets sensibles,
l'amour en est de même nature.
36. Aucune créature, ni la bienheureuse
Vierge, ni les saints ne doivent avoir place
dans notre cœur, parce que Dieu veut seul
le remplir et le posséder. *
37. Dans les tentations, même d'emporte-
ment, l'Ame ne doit point faire de actes expli-
cites, des vertus contraires, mais demeurer
dans l'amour et dans la résignation qu'on a dit.
3S. La croix volontaire des mortifications
est un poids insupportable et sans ft*uit;
c'est pourquoi il faut s'en décharger.
99. Les plus saintes actions, et les péni-
tences que les saints ont faites, ne sont
point sufGsantes pour effacer de l'Ame la
moindre attache
ko.
cune
a été la plus sainte de tous les saints : on
peut donc parvenir à la sainteté sans action
extérieure.
41. Dieu permet et veut pour nous humi-
lier et pour nous conduire à la ^rfaite
transformation, que le démon tasse violence
dans le corps è certaines Ames parfaites qui
ne sont point possédées, jusqu'à leur faire
commettre des actions animales, même danf
la veille et sans aucun trouble de :*esprit. en
leur remuant réellement les mains et d au-
tres parties du corps contre leur volonté;
ce qu'il faut entendre d'autres actions mau-
vaises par elles-mêmes, qui ne sont point
péché en cette rencontre, parce qu'il n'v a
point de consentement.
42. Ces violences à des actions terrestres
peuvent arriver en même temps entre deux
personnes de différent sexe et les pousser
jttsqu'k l'acoomplissement d'une action mau-
vaise.
43. Aux siècles passés, Meu foisait les
saints par le ministère des tyrans; mainte-
nant il les fait par le ministère des démonSf
en eycitaot en eux ces violences, afin qulis
Dure aiiacue
K La sainte Vierge n'a jamais fait au-
î action extérieure, et néanmoins, elle
1079
MOL
DICTIONNAIRE
MOL
tm
se méprisent et s'anéantissent d'autant plus,
et s'abandonnent totalement à Dieu.
hk. Job a blasphémé, et cependant il n'a
point péché par ses lèvres, parce que c'était
une violence du démon.
45. Saint Paul a ressenti dans son corps
ces violences du démon, d'où vient qu'il a
écrit : Je ne fais point le bien que je veux,
mais je fais le mal que je hais.
46. Ces violences sont plus propres k anéan-
tir l'&me, et à la conduire à la parfaite union
et transformation; il n'y a pas même d'autre
voie pour y parvenir, et celle*ci est la plus
courte et la plus sûre.
47. Quand ces violences arrivent, il faut
laisser agir Satan, sans y opposer ni effort
ni adresse; mais demeurer dans son néant;
et quoiqu'il s'ensuive l'illusion des sens, ou
d'autres actions brutales, et encore pis, il
ne faut pas s'inquiéter, mais rejeter loin les
scrupules, les doutes et les craintes, parce
que l'Ame en est plus éclairée, plus forti-
fiée et plus pure et acquiert la sainte liberté :
surtout il laut bien se carder de s'en con-
^ fesser, c'est très-bien fait de ne s'en point
' accuser, parce que c'est le moyen de vaincre
le démon et de s'amasser un trésor de
paix.
48. Satan, auteur de ces violences, tâche
ensuite de persuader à l'Âme que ce sont de
grands péchés, afin qu'elle s'en inquiète, et
^u*elle n'avance pas davantage dans la voie
intérieure; c'est pourquoi, pour rendre ses
efforts inutiles, il raut bien mieux ne s'en
point accuser, puisqu'aussi bien ce ne sont
point des péchés, pas même véniels.
49. Par la violence du démon. Job était
emporté à des excès étranges, en même
temps qu'il levait ses mainspures au ciel dans
la prière : ainsi que s'explique ce qu'il dit au
chap. XVI de son livre
50. David, Jérémie, et plusieurs saints
prophètes souffraient ces sortes de violences
au dehors, dans de semblables actions hon-
teuses.
51. Il y a dans la sainte Ecriture, plusieurs
exemples de ces violences à des actions exté-
rieures, mauvaises d'elles-mêmes : comme
certainement péchés; quand Judith mentit
à Holopherne, quand Elisée maudit les en-
fants, quand Eiie fit brûler les fils du roi
Achab avec leurs troupes, on laisse seu-
lement à douter si cette violence venait
immédiatement de Dieu ou du ministère
des démons , comme il arrive aux autres
âmes.
52. Quand ces sortes de violences, même
honteuses, arrivent.sans trouble de l'esprit,
alors l'âme fpeut s'unir à Dieu, comme en
effet elle s'y unit toujours.
53. Pour connaître dans .a pra'ique si
quelque action dans les autres personnes
vient de cette violence, la règle que j'en ai
n est pas seulement tirée de ce qu il est im-
possible qu'elles jurent faussement de .n'y
avoir pas consenti; ou de ce que ce sont des
ftmos avancées dans la voie intérieure, mais
je. la prends bien plutôt d'une certaine lu-
mière actuelle, supérieure à toute connais*
sance humaine et théologique, qui me fait
connaître certainement, avec une conviction
intérieure, que telle action vient de la vio-
lence ; or je suis certain que cette lumière
vient de Dieu, parce qu'elle me vient jointe
à la conviction que j'ai qu'elle est de Dieu;
de sorte qu'elle ne me laisse point d'ombre;
de même qu'il arrive quelqueiois que Dieu,
révélant quelque chose à une Ame, il la cod*
vainc en même temps aue la révélation vient
de lui, de sorte qu'elle n'en peut avoir au-
cun doute.
54. Les spirituels, qui marchent dans la
voie commune, seront bien trompés et bien
confus à la mort, avec toutes les passions
qu'ils auront à purifier en l'autre monde.
55. Par cette voie intérieure on parvient,
quoique avec beaucoup de peine, a purifier
et à éteindre toutes les passions, de serte
3u'on ne sent plus rien, pas même le moin*
re aiguillon : on ne sent pas plus Je ré-
volte, que si le corps était mort, et l'âme
n'est plus sujette à aucune émotion.
56 T^es deux loisetles deux convoitises,
l'une de l'&me et l'autre de l'amour-propre :
c'est pourquoi , quand une fois il est épuré
et mort, comme il arrive dans la voie inté-
rieure , alors aussi meurent les deux lois et
les deux convoitises, on ne fait plus aucune
chute; on ne sent aucune révolte, et il n*j
a plus même de péché véniel.
57. Par la contemiplation acquise, on par-
vient à l'état de ne plus faire aucun péché,
ni mortel, ni véniel.
58. On acquiert cet état en ne faisant plos
aucune réflexion sur ses actions, parce que
les défauts viennent de la réflexion.
59. La voie intérieure n*a a ueunf rapport
à la confession, aux confesseurs, aux'eas
de conscience, à la théologie, ni à la philo»
Sophie.
60. Dieu rend la confession impossible
aux Ames avancées, quand une fois elles
commencent à mourir aux r^[exions ou
qu'elles y sont tout à fait mot^ ; aussi y
supplée*t-il par une gr&ce qui les préserve
autant que celle qu'elles recevaient dans le
sacrement ; c'est pourquoi, en cet état, il
n'est pas bon que ces Ames fréquentent la
confession, parce qu'elle leur est impos»
sible.
61. Une Ame arrivée à la mort myslifoe
ne peut plus vouloir autre chose que ce que
Dieu veut, parce qu'elle n'a plus de Toloo(é»
et que Dieu la lui a ôtée.
62. La voie intérieure conduit aussi à h
mort des sens : bien plus une marque qu\}v
est dans l'anéantissement, qui est la mert
mystique, c'est que les sens extérieurs n»
nous représentent pas plus les choses sensi-
bles que si elles n'étaient point du tuul,
parce qu'alors elles ne peuvent plus faire
que Tenlendement s'y applique.
63. Par la voie intérieure, on parvient à
un état toujours fixe d'une paix impertur-
bable.
e- -
ion
MCL
i/ÂScrnsifE.
MOL
G^. Un théologien a moins de disposition
ju'un idiot à la contemplation : 1* parce
lii'il n'a pas une foi si pare; fr qu'il n'est
i>as si humble; 3* qu'il n'a pas tant de soin
Je son salut ; 4* parce qu'il a la tête pleine
Je rêveries , d'espèces, d'opinions et de
spéculations : de sorte que la rraie lumière
n*j trouve point d'entrée.
65. 11 faut obéir aux supérieurs dans les
clioses extérieures; le rœu d'obéissance
des religieux ne s'étend qu'aux choses de
cette nature : mais, pour l'intérieur, il on
est tout autrement ; il n'j a que Dieu seul
et le directeur qui en connaissent
66. C'est une doctrine nouvelle dans
TEglise, et digne de risée,] que les âmes,
dans leur intérieur, doivent être gouvernées
par les évèques ; et que Tévéque en étant
incapable, elles doivent se présentera lui
avec leurs directeurs : c'est, dis-je, une
doctrine nouvelle, puisqu'elle n'est ensei-
gnée ni dans l'Ecriture, ni dans les conciles,
TA dans les canons, ni dans les bulles, ui
par aucun saint, ou par aucun auteur, ou
qu'elle ne le peut être; l'Eglise ne jugeant
point des choses cachées, et toute Ame ayant
droit de se choisir qui bon lui semble.
67. C'est une tromperie manifeste de dire
qu'on est obligé de découvrir son intérieur
au for extérieur des supérieurs; que c'est
péché de ne le point faire : parce que l'Eglise
ne juge point des choses cachées, et que
Ton fait un très-grand tort aux Ames par
ces illusions et ces déguisements.
68. 11 n'y a dans le monde ni autorité, ni
I'aridiction qui ait droit d'ordonner que les
ettres des directeurs sur l'intérieur des
Ames soient communiquées : c'est pourquoi
il est bon qu'on soit averti que c'est une
entreprise du démon.
Lesquelles propositions, de l'avis de
nos susdits frères les cardinaux de la
sainte Eglise romaine, et inquisiteurs gé-
néraux, nous avons condamnées, notées
et effacées , comme hérétiques , suspectes ,
erroonées, scandaleuses, blasphématoires,
offensives des pieuses oreilles, témérai-
res, énervant et détruisant la discipline
chrétienne, et séditieuses respectivement,
et pareillement tout ce qui a été publié
sur ce sujet de vive Toix, ou par écrit,
ou imprimé : avons défendu à tous et à un
chacun de parler en aucune manière, d'écrire
ou disputer de ces propositions et de toutes
les autres semblables , ni de les croire, re-
tenir, enseigner, ni de les mettre en pra*
tique : avons privé les contrevenants , dès à
S résent et pour toujours, de toutes dignités^
egrés, honneurs, bénéfices et offices, et les
avons déclarés inhabiles à en posséder ja-
mais ; et , en même temps , nous les avons
frappés de i'anathème, dont ils ne pourront
être absous que par nous ou nos successeurs
les pontifes romains.
En outre, nous avons défendu et con-
damné, par notre présent décret, tous les
livres et tous les ouvrages du même Michel
de Molinos, en quelque lieu et en quelaue
langue qu'ils soieiU imprimés, même les
manuscrits ; avec défense à tonte personne,
de quelque degré, état et condition qu'elle
puisse être, et quoique par sa dignité elle
dût être nommée, d'oser, sons quelque pré-
texte que ce soit, les imprimer en toute
langue, dans les mêmes termes on de sem-
blables, ou équivalents, ou sans nom, on
sous un nom feint et emprunté, ni les faire
imprimer, ni même les lire ou retenir chez
soi imprimés ou manuscrits, mais de les
porter aussitôt, et de les mettre entre les
mains des ordinaires des lieux ou des inqui-
siteurs contre le venin de l'hérésie, sous
les peines portées ci-dessus, avec ordre de
les brûler a la diligence desdits onUnaires
ou inquisiteurs. Enfin, pour punir le susdit
Michel de Molinos de ses hérésies, erreurs
et faits honteux, par des chAtiments propor-
tionnés, qui servissent d'exemple aux au-
tres, et à lui de correction ; la lecture faite de
tout son procès dans notre congrégation
susdite , ouï nos Irès-chers fils les consul-
teurs du Saint-Office, docteurs en théologie
et eu droit canonique, de l'avis commun
de nos vénérables frères, susdits les cardi*
naux de la sainte Eglise romaine, nous avons
condamné, dans toutes les formes de la jus^
tice, ledit Michel de Molinos, comme cou-
pable, convaincu, et après avoir avoué res«-
pectivement,.et comme hérétique déclaré ,
quoique repentant, à la peine d'une étroite
et perpétuelle prison, et à des pénitencessalu-
taires qu'il sera tenu d'accomplir, après
toutefois qu'il aura fait abjuration suivant
le formulaire qui lui sera prescrit : ordon-
nant qu'au jour et à l'heure marqués» dans
l'église de Sainte-Marie de la Minerve de
cette, ville, en présence de tous nos véné-
rables frères les cardinaux de la sainte
.Eglise romaine, prélats de notre cour» même
de tout le peuple oui j sera invité par la
concession des indulgences , sera lue d'un
lieu élevé la teneur du procès, le même
Michel de Molinos étant debout sur un
échafaud, ensemble la sentence gui s'en est
ensuivie ; et après que ledit Molinos, revêtu
de l'habit de pénitent , aura abjuré publi-
quement les erreurs et hérésies susdites,
nous avons donné pouvoir à notre cher fils
le commissaire de notre Saint-Office de l'ab-
soudre, en la forme ordinaire de l'Eglise,
des censures qu'il avait encourues : ce qui
aurait été accompli en tout point, en exé-
cution de notre ordonnance du 3 septembre
de la présente année.
Et quoique le susdit décret, fait par notre
ordre, ait été imprimé publié et affiché en
lieu public, pour l'instruction plus ample
des fidèles , néanmoins, de peur que la mé-
moire de celte condamnation apostolique ne
s'efface dans le temps à venir, et afin que
le peuple chrétien, instruit de la vérité ca-
tholique, marche plus sûrement dans la
voie du salut : en suivant les traces des
souverains pontifes nos prédécesseurs : par
notre préseule constitution , qui sera à ja-
mais en vigueur, nous approuvons de non-
veau et confirmons le décret susdit, et or*
donnons qu'il soit mis à exécution comoMi
DICTIONNAIRE
MON
m
il doit être; condamnaDt en outre défi-
nitivement , et réprouyanl les pi*opositions
susdites» les livres et manuscrits au même
Michel de Molinos, dont nous interdisons
et défendons la lecture, sous les mêmes
peines et censures portées et infligées contre
les contrevenants.
Ordonnant au surplus que les présentes
lettres auront force, sont et seront en vi-
gueur perpétuellement et à toujours , sorti-
ront et auront leur plein et entier effet :
que tons juges ordinaires et délégués, et de
quelque autorité qu'ils soient ou puissent
être revêtus, seront tenus déjuger et déter-
miner, conformément à icelles, tout pou-
voir et autorité de juger ou interpréter au-
trement, leur étant ôtés à tous et à chacun
d'eux; déclarant nul tout jugement, et
comme non avenu, sur ces matières h ce
contraire de quelque personne et de quelque
autorité qu'il trienne, sciemment ou par
ignorance; roulons que foi soit aj^outée aux
copies des présentes, même Imprimées sous-
signées de la main d'un notaire public, et
scellées du sceau d'une personne constituée
ecclésiastique, comme on l'aurait à ces
mêmes lettres représentées en original.
Qu'il ne soit donc permis à aucun homme,
par UTM entreprise téméraire, do violer ou
de contrevenir au contenu de notre présente
approbatiiDn, confirmation, condamnation,
réprobation, punition, décret et volonté.
Que celui qui osera l'entreprendre, sache
qu'il s'attirera l'indignation du Dieu tout-
Euissant et des bienheureux apôtres saint
ierre et saint Paul.
Donné à Rome, à Sainte-Marie-Majeure,
le vingtième noyembre , l'an mil six cent
quatre-vingt-sept de l'Incarnation de Notre-
Seigneur, et le deuxième de notre pontificat.
Signé: F. Dataire, et p/u5 6c», J. F. ÂLBAHf.
Registre au secrétariat des Brefs, etc.
L'an de Notre-Seigneur Jésus-Christ mil
six cent quatre-vingt-huit, indietion onzième,
le 19 février et du pontificat de notre saint
père le Pape, par la'Providence divine. Inno-
cent XI, Vsiû aouzième, les présentes lettres
apostoliques ont été publiées et aflichées aux
portes de l'église de Saint-Jean-de-Latran,
de la basilique de Saint-Pierre, et de la chan-
cellerie apostolique, et à la tête du Champ-
de-Flore, et autres lieux accoutumés de la
Tille, par moi François Périno, courrier de
noire safnt père le Pape et de la très-sainte
Inquisition.
MONTANfSME.— Tandisqaelegnosticisme
menaçait de transformer le christianisme en
unethéosophie mystique; lemontanisme en
faisait un monachisrae outré. Montan , son
fondateur, né à Pépuse, en Phrjgie (vers 170),
d'abord vraisemblablement prêtre deCybèle,
fut à peine reçu dans le sein du christianisme,
fiu'il se fit passer comme particulièrement
inspiré par le Saint-Esprit, comme l'organe
(5il) TfiRTULLiEN, DeVirgimbu$ velaud., c. S : Una
Dobis ei illis fides, unus dominus, idem Cliristus ,
eadein spes, ead«m lavacri sacramenta. Semel di-
xenm una eccUsia sumus. lia noslrum esl quod-
CBmquc nostrorum esc ;. cœieram dividîs corpus. •
le plus puissant du Paractet qui tt\ fimm
paru, et menaça des iugemedts les p]a$ ^
Tères et les plus prochains, ceux qui sé\b
vèrent contre lui et le persécutèrent. Llos-
piration dont il se prétendait dooé néuit
que momentanée ; c'étaient des ravissemeou
passagers qui lui enlevaient toute réOeiioo
' ev toute conscience de lui-même, disaitil.
« Voici le Dieu , Toici le Saint-Esprit qui
parle,» s'écriait Montan : (Neetut e$t titiéoi
$entu). Mais la conduite du préteoda pro-
phète était loin de ressembler à la vie pore
et céleste de ceux qui, dans les temps apos-
toliques, recevaient les dons de vision eide
tirophétie. Ses révélations avaient priocipa-
ement pour objet des préceptes monoi
très-rigoureux, et dont la réalisation deuit
amener l'Ëglise à sa maturité , i l'âge nril.
11 fallait renoncer à toute activité scleoti-
fique, fuir toutes les joies terrestres, recher-
cher le martyre. Limpureté, le meurtre,
tes secondes noces, excluaient è jamais de
l'Eglise. L'esprit de çrmhétie devait être
permaneirt dans la vraie Eglise da Noure^o
Testament, comme il l'avait été dans I'Ad-
cien Testament; et les disciples deMoDtm
en étaient, en effet , les dépositaires elles
organes. Des apêtres, ce dqn avait passé à
Agabus, Judas, Silas ; aux filles do rapotre
Philippe a Hiérapolis ; à Ânanie de Phila-
delphie; à Quadratus, Montan, et aux den
saintes femmes, Priscille et Maximille. Tool
en prétendant conserver la doctrine de l'E-
glise catholique (321) , Montan disait : La
morale doit se perfectionner; elle doit de-
venir plus rigoureuse; Dieu mémeaprouTé
et montré d'avance cette gradation, en pas-
sant de l'Ancien au Nouveau Testament, i
travers les institutions et les moyens de
salut progressifs de Tun et rautrelestaments.
Les évèques catholiques, réunis en dirers
synodes, s'opposèrent à cet esprit d'illusion
et de mensonge, à ce rigorisme moral. Alors
Montan et ses adhérents se séparèrent de
l'Eglise, et les montanistes , pépusiens oa
cataphrygiens («c ««r« fp^r/ttç) , constituèreot
une Eglise propre en Asie, et delà Plirygie,
leur siège principal , se répandfrent dans
l'Occident. On vit en Afrique le sévère Ter-
tullien (vers 205] se laisser séduire par Taus-
térilé de ces principes moraux, exposer plus
nettement ce que Montan entrevoyait dans
son imagination fantastique, et faire posiii-
Teraent connaître l'erreur dogmatique à
montanisme, qui méeonnaiiêoii la to^^
iion du Saini'Èsprit danê CtBuvre de //fl»-
Christ (322). Le Christ , dîsait-il , consol&nl
les apôtres par la promesse de la des^^ï)^*
du Saint-Esprit, ne roulait certes poiot/aîffi
entendre par là que la révélation p'élaJt
point complète en lui et par lui, puisqui
dit positivement : « Il recevra de ce qui wi
à moi, et vous l'annoncera (323); il rendra
témoignage de moi, et vous fera rma^^
(P. 193 )
(3ââ)'GF. BiERHVER, Sm. des fmti Mm, tU
206; TiLLEMONT, T. III, p. 211-220. ^ ,
(323) CF, Joan , xvi, 15, 14 ; xv, M; xTi, «1 ^^
21.
1C85
MON
D^ASCETISIIE.
MOR
iM8
de tout ce qae je tous ai dit ; » c'est-à-dire,
qae I^Esprit-Saint derait expliquer, déTe-
lopprr, approprier aa inonde ce qoe déjà le
Christ avait enseigné. Mais Tertollien, mé-
connaissant ce rapport , et interprétant mal
les paroles da Christ: «Tai encore beaoronp
« de choses à tous dire, mais vous ne pou-
vez les porter maintenant, (321) » prétendait
que le temps où le Christ prenait en consi-
dération la faiblesse humaine était passé,
que le Saiot-Ssprit s*était pleinement com-
muniqué par Montan et les deux prophètes,
qu*ila?aitaccomp/ila révélation pour élever
la vie chrétienne à sa perfection; qu'ainsi,
c'était un devoir impérieux pour les Ëdèles,
d'observer consciencieusement les nouveaux
commandements du Saint-Esprit. Lescatho-^
liques se montrèrent peu disposés à embras^
ser cette erreur: aussi les montanistes les
nommèrent-ils les chameh {^x^toi) , tandis
qu'ils s'appelaient ]es.$piriiueb {irnv^aôi\
poussant leur polémique exagérée jusqu à
pai^itre souvent rejeter entièrement la doc-
trine de l'Eglise catholique (325).
Le gnostique égyptien, Hiéracas (^6) , dé-
Telonpades principes d*un rigorisme et d*uoe
sévérité encore plus outrés que ceux des
montanistes, avec lesquels il avait beaucoup
d'affinité
MONTE (]Barthelemi-Maria bel), célèbre
missionnaire, naquit à Bologne , le 12 no-
Tembre 1T28 , et reçut la prêtrise le 21
décembre 1719. S'étanC associé quelques
ecclésiastiques, il parcourut pendant vingt-
cinq ans les États de l'Église , de Lucques,
de Venise et de Modène, prêchant et évan-
gélisant les riches et les pauvres. Une vie
pleine de mérites et de bonnes œuvres fut
couronnée par une sainte mort, le 2( dé-
cembre ITfB. Il est auteur de divers ouvra-
ges de spiritualité, dont les principaux sont:
1* Getu at cuare det uLceraote seeokare e re-
golare^ etc. ; — 2" Raggionamenio del rispeito
dotuio aile persane ecclesiastici ; — 3* Àtxer"
timenii Offlt ordinandi; — (* Risiretio dtile
prinapati cérémonie délia eamcta metsa pri-
rata; — y Opuscolij etc.; Rome et Bolo-
gne , 1T7S.
MONTIS (Pierre i^u)^ est auteur d'un livre
espagnol que G. Avoraone a traduit en latin:
De aignoêcendiê hominibus; Milan , lfc92,
in-folio. Ce livre est rare.
MONTBEUIL (Bernardin de), Jésuite, se
distingua dans son corps par ses talents
pour la chaire et pour la direction. Nous
avons de lui une excellente Vie de Jésue-
Utf revue et retouchée par le P. Brignon.
(324) /on XVI, 12.
Le miDcipe moaUDÎste dans l'ertnll., Ik firghûh.
tdani.f c 1 : c Regala qniden Sdei vm onnlno
est, sola fanmobifis et irrêfonnabilis. Bac lege fidei
maMote , cden jaai ^tdf^Mm m «MMMfiom ad-
fnîitnt Boviutea correcticiiis, apenuiie ae el pra-
ficienie «flMK « foen gralîa Dei. Proplerea Para-
deiim HHil DoaiiMS, ot , qoeBian hamana me-
diocriias oMoia senel capere noo *poterai {Joqm.
XVI, ii-13), paoblân dingerelor et ordig^relar et
ad perfectam perduceretor dudplina ab illo vicario
Uomiiii Spirita saoclo. Qoab est ergo Paraded admi-
Cette Vie peut tenir lieu d*une bonne con-
cordance des Evangiles. L'auteur y a con-
servé, autant qu'il a pu, cette onction divine
qui est au-dessus ne tous les vains orne-
ments de l'esprit.
MORELfDom Robert), bénédictin de Sainl-
Manr, né a La-Chaise-INeu, en Auvergne,
en 1653, devint bibliothécaire de Saint-Ger-
main-des-Prés, en 1680. Il fut ensuite su-
périeur de plusieurs maisons de son ordre',
et se retira, en 1699, à Saint-Denis, où il
s'occupa h composer des ouvrages aseéti-
Sues ; il excella surtout dans les matières
e piété, dans la connaissance des moeurs et
des règles de conduite pour la vie spirituelle.
II mourut en 1731, âgé de soixante-dix-
neuf ans. On a de lui: 1* Effusion du ettur
sur chaque rersei des psaumes et des coiilt-
Îues de r Eglise; Pans, 1716, in-12; — 2"
téditations sur la règle de Sainl-BenoU ,
1717, in-8*; — 8* Entretiens spirituels sur
les évangiles des dimanches et des mystères de
toute Tannée, etc., 1720, *vol. in-12; — If*
Entretiens spirituels pour servir de prépara-
tion à la mort, l'rai, in-12: — 5* Entretiens
spirituels pour la fête de toctave du Saint'
Sacrement, 1722, in-12; — 6* Imitation de
Jésus^hrist, traduction nouvelle, avec urne
prière affective ou effusion de cœur à la fin
de chaque chapitre, 1723, in-12 ; — 7* Médi-
tations ^retiennes sur les évangiles de toute
Fannée, 1726, 2 vol. in-12; — 8* Duhonheur
d'un simple religieux et d'une simple reti-
gieuse, qui aiment leur état et leurs devoirs,
17S7, in-12; — 9* Retraite de dix jours sur
les devoirs de la vie religieuse, 1728, in-12,
— Mr De V espérance chrétienne et de la con-
fiance en la miséricorde de Dieu, 1728, in-12.
MORTIFICATION. — La mortification est
une œuvre de pénitence, que nous accom-
plissons librement, afin de mourir en quel-
que aorte à notre vie d'iniquité, pour com-
mencer une vie nouvelle.
On appelle mortification 1* une œuvre
ou un exercice actuel, plutôt qu'une habi-
tude, parce que l'espèce de mort qu'elle
constitue, d'où lui vient son nom de mortifi-
cation, consiste dans l'actedebien vivre, avec
exclusion de toute action mauvaise. 2* Une
cravre de pénitence, quelle qu'elle soit,
pourvu qu'elle soit faite ou acceptée libre-
ment. Car mourir, ou supprimer une vie
mauvaise, est toujours accompagné de quel-
que peine, ou cette œuvre n'a de mérite,
au'autant qu'elle se fiât librement, c'est-à-
ire, qu'autant qu'on choisit ou qu'on ac-
cepte volontairement les souffrances au prix
nistratio nisi Ium, qaod diêdplhm ffirigitor , qoed
scriptOTX revehuitor, qiiod inteHeetos refemiatur ,
qvod ad nèlîera praidtor? intcitîc prino Mt in
radimenlis ; noue par Pandotoa ceapaaifr in
■ataritateai. >
(325) TttTmx, Aepwfîacia, c 21 1 Et ideaee-
deiia qaiden dilecta denabii , sed ecelesia spiriliia
per spiritaaleai bominem (Ifootanishniin), non ee^
cksia Domeras epîsooponu^^catbolîc.). Dooiîbî eoim^
non fimali.est jus et arbitnum ; Dei ipsios, non u-
cerdotis. » (P. 744.)
(326) Enra., hier; 67 {0pp. U 1, p. TWaf.)
1087
MOB
DlCTKNmAlRB
MOR
desquelles od meurt h une ?ie mauvaise
gour entrer dans la Toie de la perfection,
ar c'est là la fin de la mortification ; souf-
frir dans une autre intention n'est nulle-
lement méritoire, et souvent même c'est un
péché.
La mortification est une vertu qui se rap-
porte à la tempérance prise dans son accep-
tion générale» en tant qu'elle réprime toutes
nos passions; et en eff<it elle nous arrache
aux appétits désordonnés. C'est une veriu^
et parce qu'elle participe aussi à la nature
de la force, en ce qu'elle combat contre les
craintes désordonnées» et parce que cette
force s'exerce autant par l'acceptation pas-
sive que par l'énergie active» c'est-à-uire,
autant par le choix volontaire des peines et
de tout ce qui peut contrarier nos appétits,
que par leur acceptation volontaire» dans le
but de délivrer notre Ame de ses souillures
et de lui rendre toute sa pureté. C'est pour-
quoi les ascètes distinguent deux voies de
purification: la voie active qui concerne
plus spécialement les commençants» et la
voie passive qui concerne ceux qui se rap-
prochent le plus de l'union parfaite. Cha-
cune de ces voies se subdivise en intérieure
qui réprime les sens et les puissances in-
ternes» et en exiérieurey qui réprime les
sens externes» selon cette parole de TA pôtre:
Bien que dam nous Vhomme extérieur se dé-
truise^ néanmoins Vhomme intérieur se renou-
velle de jour en jour. {II Cor. iv» 16.) D'après
cette notion l'homme se divise en intérieur
et extérieur» et la mortification combat sans
cesse contre l'homme intérieur au profit de
l'homme extérieur : La chair a des désirs
contraires à ceux de F esprit. {Gai. v» 17.^ Je
me plais dans la loi de Dieu^ selon Vhomme
intérieur; mais je sens dans les membres de
mon corps une autre loi^ qui combat contre
la loi de mon esprit. {Rom. vu» 22» 23.)
La mortification» a un certain degré» est
utile et même nécessaire à la vie non-seule-
ment parfaite» mais môme chrétienne. On
le prouve :
1" Par l'Ecriture sainte, où Jésus-Christ
adresse ces paroles» non à ses disciples»
mais à tous les hommes» comme le montre
saint Luc (ix, 23) : Si quelqu'un veut marcher
à ma suite, qu'il fasse abnégation de lui-même.
(Matth. XVI, 24), El, puisqu'on ne pcutobtenir
le saiut sans marcher a la suite de Jésus-
Christ, l'abnégation, c'est-à-dire la mortifi-
cation eist donc nécessaire.
2" Par les saints Pères. Citons, entre au-
tres, saint Jean-Cbrysostome: « Jésus-Christ
ue nous a pas dit seulement: Ne vous épar-
gnez pas; li a dit d'une manière plus claire
et plus significative: faites abnégation de
vous-mêmes. ... Il n'a pas dit: aflrontez les
combats» souffrez» comme si c'était un au-
tre qui endurAt les souffrances: faites néga-
^t*ofi de vous-mêmes : il s'est exprimé avec
plus do force: faites abnégation de vous-
mêmèt: car abnégation a plus d'énergie que
négation. » (Hom. 56.) saint Basile prétend
que tous les hommes sont obligés par un
précepte» de renoncer à tous leurs biens et
à eux-mêmes, à toutes les affections oe \k
chair et du monde» et à la vie eile-œènie,
en tant qu'ils font obstacle à la perfection
de l'Evangile, du salut et au zèle de la piété.»
{Reg. fusior. » interr. 8.)
SF Le saint Concile de Trente reconnaii
et déclare (sbss. v» can. 5) « nue les baptisés
renferment encore en eux-mêmes un fojer
de concupiscence» contre laquelle ils doi-
vent lutter saq^ cesse, oui est pour eui
une source de laveurs» s'ils résistent coura-
geusement par la gr&ce de Jésus-Cbrisl;car
on ne sera couronné qu*aprês avoir généra
sèment combattu. » Si nous voulons donc être
un jour couronnés, en vertu de la grâce qui
nous a été conférée par le baptême, il nous
faut toute notre vie combattre courageuse-
ment ce foyer de concupiscence, lutter con-
tre notre ennemi intérieur, ne jamais lui
céder, ne pas déposer les armes en sa pré-
sence, mais le repousser avec courage: voi-
là l'abnégation et la mortification prescrite
par Jésus-Christ, et que saint Paul propose
sous le nom de circoncision. {Col. n, 11.)
fc* La nécessité de la mortification se dé-
montre encore par l'obligation oili nous
sommes de satisfaire à Dieu pour nos pé-
chés personnels. Cette satisfaction, selon le
même concile de Trente (sess. vi, c. 8j i a
non-seulement pour objet de nous soutenir
dans notre vie nouvelle et de guérir notre
infirmité, mais encore de nous faire eioier
nos péchés passés. » Sans elle nous ne pour-
rons vaincre cet homme intérieur ou ex-
térieur, toujours en lutte avec rhomme
supérieur ou intérieur.
5" Cette nécessité se prouve encore pr
les vices» les passions, les inclinations déri-
glées» les tentations intérieures et extérieures,
contre ^lesquels nous avons sans cesse ï
combattre tant dans le corps que dans
l!âme» et que nous ne pouvons vaincre sans
la mortification. Elle est encore nécessaire
!>our la pratique des bonnes œuvres et
'acauisition des vertus. « C'est un glaive.
dit Pabbé'Pynuphe, dansCassien (Collat.Ui
e. 8), qui verse utilement ce sang coupable,
par lequel est aninuée la matière du pécbé,
qui tranche et coupe tout ce qu'il y a de
charnel dans nos membres» qui nous mor-
tifie à nos vices» et nous fait vivre pour
Dieu et nous enrichit de vertus spiri-
tuelles»
Nous avons dit que la mortification est
nécessaire à tous d un certain degré : bien
que ce degré ne puisse se déterminer en F*
ticulier d une manière absolue» eepeadant
il consiste en général dans la disposition
à observer par-dessus tout le grand principe
de l'amour de Dieu, ainsi que les autres
commandements, soit par des actes k 1 oc-
casion donnés, soit par une préparation habi-
tuelle de l'esprit. Et, comme rien n'est plus
contraire à Tobservation de ces précejites,
que la concupiscence, les vices» les passious
et les tentations , la mortification ()ui '^
réprime et les empêche de nuire i l ol>ser
vation due à la loi de Dieu, est par cofr
séquent nécessaire à tous les bommes
1089
MOR
D*ASCBnSllE.
MOR
lOM
Il faul s'appliquer d^autant plasà une pra-
Ui|ue assidue» diligente et exacte de la mor-
iifrcaiian,9Aide\hdes bornes de Fobligation^
que nous voulons être plus certains de
vivre en Chrétien, de faire sans cesse de
nouveaux progrès et de tendre à la perfec-
tion. Outre les preuves que nous en avons
données précédemment* nous le démon-
trons encore : 1* par l'Ecriture sainte : Si
quelqu' un veut maréktr à ma suite, qu'il
fusse abnégation de lui-même, quil porte sa
croix chaque jour et quHl me suive. (Lue. ix,
23.) Portant toujours en notre corps la mort
de Jésus. ( // Cor. iv, 10.) Remarquons ces
expressions : chaque jour, toujours, qui
nous montrent que Ja mortification doit être
assidue.
2" Par les saints Pères. « Ne pensons pas
qu'il suffise de porter sa croix une fois seu-
lement; il faut la porter toujours, comme
il nous faut toujours aimer Jésus-Christ. •
(Saint JÉRÔHSy m c. x Matlh.) « De toutes
les luttes que les Chrétiens ont à soutenir,
les seules pénibles sont celles de la chas-
teté; car le combat y est continuel et la
victoire bien rare, s {pàvài AueusTin, Serm.
20 De Temp., c. 2.)
3* Il faut fuir la tiédeur, et tous les hom-
mes sont tenus d'aspirer à la perfection
chrétienne : or, on ne peut sans la morti-
fication obtenir aucun de ces résultats. Vous
n'avaneerexiii F Imitation, qu'autant que vous
vous ferez violence à vous-mêmes. Donc la
mortification est nécessaire.
k* La prière, soit vocale soit mentale, est
un moyen nécessaire à la perfection, et par
conséquent aussi la mortification conti-
nuelle. Sans elle, en eBet, la prière ne peut
C*tre attentive, dévote et fructueuse, puis-
que ces qualités de la prière ne s'obtiennent
que par la mortification. L'Ecriture sainte
recommande à la fois la prière et le jeûne.
{Tob. xn, 8; Matth. xvu, 20.) « Le jeûne,
dit saint Bernard (Serm. 4 Quadrag.), donne
fie la dévotion et de la confiance à la prière.
La prière obtient la vertu du jeûne, et le
jeûne procure l'efficacité de la prière. > Le
iiième saint divise la mortification plus par-
faite (Serm. 1 Quadrag.) en mortification
ilu voyageur, selon ces paroles de saint
Pierre : le vous exhorte à vous abstenir.
monde, et s'attache à tout ce qui parait être
une croix pour le monde, j» Il appelle aussi
cette mortification une sorte de martyre
c inspirant moins d*borreur que celui qui
tranctie nos membres avec le fer^ mais que
la durée rend moins supportable. » (Serm. 30,
in Cani)
11 nous faut pratiquer la mortification de
bien des manières, si nous voulons tendre
sérieusement à la perfection. Nous devons,
en eflet, nous mortifier avec soin, 1* pour
éviter le péché mortel : Si vous vivez welon
la chair, vous mourrez ; mais si vous morti-
fiez par r esprit les amvres de la chair, vous
vivrez ( Rom. vin , i3); 2* pour éviter les
péchés véniels, afin de prévenir plus sûre-
ment les péchés mortels. C*est ainsi que
Tancienne loi interdisait aux Nazaréens
tout ce qui pouvait enivrer, jusqu^à un pépin
de raisin. (Mcm. vi, h.) — 3* Pour nous abs-
tenir même des choses premières, par Ta-
mour de Dieu, comme fit David (// Reg. xxin,
16), quand, maleré une soif ardente, il
refusa de boire 1 eau gu'on lui apportait ,
mais en fit une libation au Seigneur. —
4* Enfin , nous devons nous mortifier, tan-
tôt nous livrant spontanément à des macé-
rations volontaires, aux jeûnes, aux cili-
ces, etc., tantôt en acceptant de bon cœur
les adversités, de quelque part qu'elles nous
arrivent, comme les chagrins, les tenta-
tions, etc., pour la raison que Jésus-Christ
dit à saint Pierre : Quamd vous étiez jeune,
vous vous ceigniez vous-même et vous mar-
chiez où vous vouliez; lorsaue vous serez
devenu vieux, vous étendrez tes mains, et un
autre vous ceindra et vous conduira oii vous
ne voulez pas. (Joan. xxi, 18.)
On ne peut donc, dans aucune condition,
acquérir la perfection chrétienne, sans une
mortification assidue. L'Apôtre la recom-
mande aux gens du siècle et aux personnes
mariées : Que ceux qui ont des femmes soient
comme t'ils n*en avaient pas; que ceux qui
pleurent soient comme s'ils ne pleuraient pas,
et ceux qui se réjouissent, comme s'ils ne se
réjouissaient pas; et que ceux qui font usage
de ce monde soient comme s'ils n'en usaient
pas. (I Cor. vu, 29.) C*est en cela que con-
sistent et le renoncement que tous ont pro-
mis dans le baptême, et 1 abnégation ou la
comme étrangers et voyageurs, des désirs har- - morlification,qui retranche tonte superfluité.
nels qui combaitent contre Fâme (/ Petr. ii,
11); mortification du mort, selon ces paroles:
Vous êtes morts et votre vie est cachée en Dieu
avec Jésus * Christ ( Col. m, 3); et morti-
fication du crucifie. Mais pour moi, à Dieu
ne plaise que je me glorifie en autre chose
qu'en la croix de Notre-SeigneurJésus-Christ,
par qui le monde est crueifépour moi, comme
je suis crucifié pour le monde. (Gai, vi, ik.)
« Le voyageur, ajoute le même saint , s*il
est prudent et n oublie pas son chemin,
passe, quoique avec bien de la peine, et ne
se laisse pas arrêter par les choses du siè-
cle. Le mort méprise également les dou-
ceurs et les adversités de ce moude. Mais
celui qui a été ravi jusqu'au troisième
cieH a pour croix tout ce qui se rattache au . mortification, soit pour se purifier de leurs
et qui fait supporter les adversités avec cou-
rage. La mortification est encore beaucoup
plus nécessaire chez les religieux; ils se
se sont retirés du monde , mais non d'une
manière suffisante , s'ils n'ont pas fait une
complète abnégation d'eux-mêmes, selon ces
paroles : Celui qui ne renonce pas à tout ce
qu'il posêide, ne peut être mon disciple. {Luc.
XIV, §3.) C'est de l'oubli de cette considéra-
tion que provient l'erreur de ces religieux,
3ui, après avoir abandonné dans le monde
es richesses immenses, se passionnent dans
le cloître pour des objets de rien. De même
aussi dans tous les degrés de la vie chré-
tienne, c'est-à-dirp les commençants, les
progressants et les' parfaits, ont besoin de la
f09i
MOR
DKTIOMMÂIRE
MOR
HH
péchés et de leurs vices, soit pour acquérir
les vertus illuminatives et pour s'unir h
Dieu. Car toute la perfection, à tous ses de-
Srés, consiste dans un degré correspondant
e charité , qui s'accroît en proportion de
Taffaiblissement des passions par la morti-
fication. En effet, selon saint Augustin, la
diminution de la passion est Faliment de la
charité. {Lib.LXXXIIIQuœst., 8,6.) Le pré-
texte de la perfection acquise no dispense
piersonne du soin d'affaiblir ses passions et
de êe purifier d'une manière active et pas-
sive; car le Seigneur, après avoir dit qu'il
est la vigne, le Père, le laboureur, et que
les justes sont les branches, ajoute : /( tait^
lera toutes celles qui portent du fruits afin
qu'elles en portent davantage, {Joan^ xv, 2.)
Daint Thomas dit aussi : <c Thomme doit se
mortifier quand même il serait pur, parce
qu'il n'est personne d'assez pur en cette vie,
pour n'avoir pas besoin de se purifier en-
core. » (Lect. 1.) — «Croyez-moi, dit saint
Bernard, les branches coupées repoussent,
le feu que l'on croit éteint se rallume, ce qui
n'est qu'assoupi se réveille. C'est peu d*avoir
coupé une fois, il faut couper sans cesse;
car vous trouverez toujours, si vous le vou-
lez bien, quelque chose à couper. Quelques
[)rogrès que vous ayez faits, vous êtes dans
'erreur, si vous croyez le vice tout à fait
déraciné de votre cœur. » (Serm. 58, in Cant,)
I. Après avoir parlé de la mortification en
général, nous allons traiter des différentes
espèces de mortification, et tout d'abord do
la mortification intérieure ^ qui réprime les
sens et les puissances internes, c'est-à-dire,
les mauvaises habitudes, les passions, la mé-
moire, l'intelligence et la volonté.
Les actes répétés du péché engendrent en
nous les mauvaises habitudes^ qui nous dis-
posent et nous inclinent au péché et devien-
nent en quelque sorte une seconde nature :
il faut donc travailler à mortifier et à extir-
per radicalement ces habitudes mauvaises et
vicieuses. Nous le prouvons par tous les mo-
tifs déjà cités pour démontrer la nécessité
de fuir le péché mortel et véniel ou la tié-
deur. (V. VOIE Purgative et Tiédeur.) Nous
ajouterons ici qu'il est impossible de faire
germer les vertus dans le jardin de notre
ûme, si nous n'avons préalablement arraché
l'ivraie du vice. C'est pour cela que Dieu
conseille à Jérémie d'arrachery de détruire^
de perdre et de dissiper^ pour édifier et pour
planter. {Jer. i, 10.)
Comme les sept péchés capitaux sont en
quelque sorte les racines de tous les autres
péchés, c'est surtout contre eux qu'il faut,
au commencement de notre conversion, ti-
rer au nom du Seigneur le glaive de la mor-
tification : une fois ces racines coupées, les
rameaux des autres vices qu'elles produi-
saient, seront en même temps détruits.
Pour déraciner les mauvaises habitudes,
il est nécessaire de mortifier les passions.
(Voir le mot Passions.) Mais comme même
dans la partie supérieure de l'homme, c'est-
à-dire dans la mémoire , l'intelligence et la
volonté, il peut y avoir en quelque sorte des
passions toutes intellectuelles désordonnées
ou au moins de graves excès, par exeœple|
dans la mémoire^ les pensées vaines et m^
tiles ; dans Vintelligence^ les jagemenCs erro*
nés sur une vérité apparente; dans la t^
lontéf les complaisances déplacées et les dé-
sirs touchant le bien agréable, ao préjudice
du bien honnête et raisonnable; if faut re-
médier à tous ces abus par la mortiôcatioo.
{Voyez M6 VOIRE, IifTEtuoENCi, YoLOXTij
C'est la mortification purement iiuiriewu
11. Quant à la mortification extérieme^^lk
consiste dans la répression de notre cor{$
et de nos sens externes. Les sens eileroes
du corps sont au nombre de cinq, selon \n
différents modes dont les choses eitérieo-
res affectent le corps et peuvent prodoire
dans l'ftme cette modification |)articQlièfe,
qui s'appelle sensation. Le premier seoseï*
terne est la rue, dont l'organe on l'iDslnh
ment est l'œil. Le second est route, dont
l'organe est l'oreille; le troisièmo estrod»*
rat, dont l'organe est le nez; le quatrièn»
organe est le goût^ dont le principal orgaoe
est la langue, le cinquième est le toit^m
l'organe est en général la peau et en parti-
culier les mains. Outre ces sens, les philo-
sophes distinguent aussi dans le corps la fa-
culté locutive, la faculté locomotive, la fa*
culte nutritive, la faculté augmenlative, e(
la faculté générative. Toutes ces facultés,
pour ne pas dépasser leurs limites et ne pas
devenir une source de péchés, doitent être
assujetties à la mortification extérieure. (F.
Appétit.)
Il nous faut mortifier notre corps en lui-
même quant à ses sens externes et à ses
autres facultés. On le démontre :
1" Par l'Écriture sainte : Ceux friiwii
Jésus-Christ j ont mortifié leur chair sxh m
vices et ses convoitises. (ffa(, v, Si.jSiiot
Paul ne manquait pas de le faire: Je (^'f
mon corps et je le réduis en captif ité, {ICer.
IX, 27.) Portant toujours en notre corpih
mort de Dieu. (Il Cor. iv, 10.) Morlifesr^t
membres. {Col. m, S.) Montrons^ntmlas^
nistres de Dieu par nos jeûnes, nos tel-
les y etc. {// Cor. VI, 4, 5.) Quant à !»
mortification des sens et de la langue, l'E-
criture nous la recommande en beaucoup
d'endroits , comme nous le verrons pluj
tard, et, entre autres dans ces passages:
Tai conclu un pacte avec mes yenXt afn «
ne pas même penser à une jeune fiUc (M
XXXI, 1. ) Entourez vos oreilles (fwu *««
d'épines. ( Eecli. xxviii , 28. ) la prière «-
compagnie du jeûne est excellenlt (W
XII, 8.) La Genèse (xxxvii, ») fail menif
du ciiice, quand elle nous montre Jaeobser
revêtant lui-même parce qu'il s'imagine q«f
son fils Joseph a été dévoré par les Wf
sauvages. David fit un fréqueot usage du
ciiice. Je me couvrais d*un cuice. {Ps> «i[!'
13.) Saint Jean-Baptiste était vêtu (k pùu*
de chameau f et une ceinture dewm t«i^
rait ses reins. [Matth. m, *. ) teftfi T^^'
met pas un frein à sa langue, n'a ?«**
vaine religion. (Jac. i, 26.)
2^ Par les saints Pères. « Châtiez totrt
v.oz
MOR
D'ASCETISME.
MOR
corps et TOUS triompherez da démon : c*est
ûin^i que, selon saïul Paul, nous pouvons
liitler contre lui.B (Saiul Acclstix, in I Cor.
IX., « Afin de conserrer la purelé de notre
cœur, il faut faire observer à nos sens ex-
ternes une sévère discipline. » (Saint Gee-
Goi^Ey Ht. XXI Mor.^ eh. 2. ) C'est pour cela
que tous les saints mortifiaient leur corps
avec le plus grand soin, et le traitaient du-
rement, comme leurs actions le font voir.
« Conformez-Tous, dit le cardinal Bona, à
cille utile et salutaire méthode de conduite,
d^ n*dccorder au corps que ce qu*eiigc la
5a':té. 11 faut le'traiter durement, afin do
Tempéchér de se montrer rebelle à Tes-
f rit. * (Afoniuf. ad cctl., ch. 10, n. 1.)
3* Saint Thomas en donne la raison. « La
ciiair est la source des vices : donc, si nous
voulons éviter les Tices, il faut dompter la
cliiir. » (Lect. in Ep. ad Galatas.)
Les pseudo-mjsliques de notre temps »
] nr une fausse interprétation de ce passage :
Les extrciets itmpords icrveni à peu de
chose JTim, jt,8;, nient que la mortification
d j corps soit utile à Tesprit. Mais ils sont
l*^::i de donner le sens légitime du texte
cJt.s qui, selon saint Jean Chrjsostome, dé-
si^-ne les exerci^s du stade, ou, selon saint
T.iomas , indiquent que la mortification du
c jrps est de peu d'utilité, si elle est faite
S3iis piété et sans la mortification de Tes-
).iit, qui est préférable. Quand elle réunit
toutes les conditions requises, la mortifica-
tion est très-utile pour comprimer la con*
cupiscence, si toutefois elle est recherchée,
comme dit saint Bonaventure ( 1. 1 De prof,
relig.^ c. 4), non pour elleHmôme, mais à
cause delà piété.
Les mortifications corporelles consistent
•ians Tabstineace, le jeûne, le cilice et les
veilles; de même c'est se mortifier corpo-
rdicment que de coucher sur la dure , se
fr.ipper Tolantairement , se donner la disci-
} iiue. Les anciens.Pères et les plus antiques
u^ :.uuments de TÉglise ne funl, il est vrai,
aucune mention deverbéralions volontaires;
oussi certains auteurs doutent qu'on doive
]e> compter au nombre des moyens de mor-
ti.ler la chair, approuvés par ri:.glise.Morin
aJiuet l'usage de la flagellation par une
f.ersonne tierce. Selon Jacques Boileau,
ijuus devons l'usage de s'infliger soi-même
ia uiscipline,au bienheureux Dominique,
Tcncuirassé » et au bienheureux Pierre Da-
uiien. Avant eux on se servait de fouets,
r^ais il fallait alors réclamer l'assistance
d'une autre personne. 11 prétend aussi que
les flagellations volontaires ne doivent pas
être toujours approuvées, parce qu'elles
S'jut contraires à la modestie, et qu'infligées
sur les parties inférieures du corps, elles
1 rovoquent quelquefois des sensations vo-
iviptueuses; c'est l'opinion de Meimbo-
L. ras et de BarthoUnus. — Mais, selon le
rarJinal Baronius, \â bienheureux Pierre
Damien n'aurait que propagé l'usage de
la discipline. 11 a , en" effet , refuté plu-
sieurs moines opposés à cette pratique
dM mortification, 11 est certain, du reste» que
Guido Pomposejanus et saint Poppe, abbé,
en ont fait usage ; ce qui suffit pour mon-
trer que ni. Dominique, ni Damion, n'eu
sont les auteurs, comme le font remarquer
Mabillon et Gravcson. Quoi qu*il en soit sur
l'institution de cette pratique, les plus an-
ciennes règles monastiques ont prescrit la
fustigation pour les moines pécheurs , et ,
selon les livres pénitentiels, les pénitents
se jetaient quelquefois aux pieds de leur
confesseur, qui les frappait de verges. Nous
voyons un trait semblable dans la vie de
saint Louis, roi de France. {BoUand.f 25
Aug.) C'est pourquoi nous devons, avec
Mabillon (Prœi. 1 ads£c. vi Bened.], regar-
der les flagellations spontanées, comme un
usage pieux et louable, d'autant plus qu'elles
ont été pratiquées par le bienheureux Pierre
Damien et d'autres saints remarquables;
Sigonius rapporte aussi qu'elles furent, d'a-
près les conseils de l'ermite Régnier, prati-
quées par les habitants de Pérouse, d'imola
et de Bologne. On doit mépriser les objeo-
tions fondées sur ce qu'elles blesseraient la
moJestie ou exciteraient à la volupté. Elles
ne sont pas défendues par la constitution
de Clément VI : cette constitution était, en
effet, dirigée contre les Flaaellans^ héréti-
ques dont Spondanus et Bingbam rapportent
la doctrine et les mœurs corrompues. ( F.
Flagellakts.) On n'en peut donc rien con-
clure contre cette pieuse habitude des saints,
de se flageller pour dompter la concupis-
cence : c'est l'opinion de Gretser , qui re-
proche à Gerson d'avoir condamné cet usa-
ge. Mais Théophile Rajnaud le justifie ; sans
proscrire complètement la flagellation , il
craignait seulement que sous prétexte de
faire pénitence en se flagellant, à l'exemple
de saint Vincent Ferrier , on ne fit revivre
l'hérésie de fiagellants. Au reste, ces flagel-
lations spontanées des saints sont rapportées
avec éloges au nombre des motifs de leur ca-
nonisation, t T. BexoitXIV, DeCanon.f 1. m.)
La mortification de la chair, à l'exception
du jeûne et des autres prescriptions de l'É-
glise, n'est pas, selon Bellarmin [De sept,
terb, Dom.. 1. ii, c. 10}, nécessaire au salut,
mais seulement à la perfection cbrélieuue.
On peut être doué de la tempérance chré-
tienne, dit Rossignoli , sans s'abstenir pour
cela de tous les plaisirs permis; mais pour
atteindre le sommet de la perfection chré-
tienne, la mortification du corps est néces-
saire. C'est ce que prouvent les exemples
des saints, par exemple celui de saint Paul,
ermite , rapporté par saint Jérôme, et celui
de saint Antoine rapporté |>ar saint Atha-
nase. Quand, dans un procès de canonisa-
tion, on s'aperçoit que le personnage dont
il s'agit s'est abstenu de la mortification, a
eu trop d'amour pour son corps et l'a en-
touré de plus de soins qu'il n'était néces-
saire, Taffaire de la canonisation s'arrête,
quel que soit l'éclat de sa vertu ou de ses
actions. Saint GrégoiredeNazianze s'exprime
formellement sur ce sujet. (Or. ii.) Ceux
mêmes qui, sans avoir montré trop de com-
plaisance p^ur leur corps, ont négligé les
1095
MOR
DICTIONNAIRE
MOR
m
macérations nécessaires poar atteindre le
sommet de la perfection chrétienne, ne sont
pas inscrits sur la liste des saints dans l'É-
glise militante. Car» selon GersoYi, sans cette,
mortinoation^il est bien difficile de se frayer
un chemin vers la contemplation, qui est
si utile è la sainteté. (F. Benoit XIV, De
Canon. I. m.)
Il faut donc mortifier la chair , 1** par la
tempérance dans le boire et le manger : nous
ne aevons rien accorder au corps au-delà' de
ce qui est absolument nécessaire à la vie et
aux besoins de notre état. 2* Par la tempé-
rance dans le sommeil^ ne lui refusant pas le
nécessaire, mais supprimant le superflu ,
pour éviter l'indolence, la mollesse, fa perte
du temps. 3** Par la tempérance dans le vile^
menif le choisissant simple et conforme à
notre position, n'en faisant jamais un objet
de mollesse et de vaine gloire, k* Par un
usage discret du jeûne^ du ct7jce, de la /la-
gellationf etc., afin de vaincre les passions
de la chair et les tentations, et d'imiter
Jésus-Christ qui a souffert pour nous. 5" Il
faut mortifier (a vue^ afin que nos regards no
voient rien de honteux ou d'indécent , de
curieux et d'inutile, mais ne se dirigent que
sur les objets qui peuvent les porter à l'a-
mour de Dieu et à ta dévotion. 6** Il faut mor-
tifier l'ouïe, pour que nos oreilles n'enten-
dent ni scandale, ni calomnie, ni conversa-
tion honteuse, vaine et inutile. 7** Il faut
mortifier le goût^ pour qu'il ne fasse aucun
excès dans le boire ou le manger, pour qu'il
ne désire pas avec trop d'ardeur la recher-
che, la délicatesse, etc. 8° il faut mortifiur To-
dorat^ en le privant de tout parfum suave et
délicat. 9** Il iaut mortifier letac^ et ne jamais
toucher indécemment ni notre corps, ni ce-
lui des autres sans nécessité. 10^ Il faut
mortifier la langue et lui interdire toute
f)arol6 méchante, oiseuse, deshonnête, ca-
omnieuse, scandaleuse, etc. 11* Il faut mor-
tifier la faculté locomotive, afin d'observer
dans notre démarche une gravité pleine de
modestie. En un mot, il faut diriger tous les
sens et toutes les facultés de notre corps en
vue de notre salut éternel et de celui du
prochain.
Pour que. la mortification nous soit salu-
taire, il faut la pratiquer avec discrétion ,
et par conséquent observer les règles sui-
vantes.
1. Naus devons éviter tout excès dans la
mortification extérieure. L'Apôtre demande
qu'on la pratique d'une manière raisonnable
(Rom, xn, 1), c'est-à-dire, selon saint Tho-
mas (lec. 1)» qu'on offre à Dieu avec discré'
tion son corps en sacrifice. En effet, ajoute-
t-il, « les actes intérieurs sont comme la
fin que l'homme se propose et qu'il recher-
che pour elle-même, tandis que les actes
extérieurs produits par le corps, sont tou-
jours comme les moyens destinés à tendre
à une fin. Or, la fin qu'on se propose, ne
nous engage à aucune mesure. Au contraire,
moins on y met de mesure, mieux on arrive
au but. Mais il n'en est pas ainsi des moyens
que l'on prend pour arriver à une fin. Il
faut en agissant y mettre toujours des
tes proportionnelles à la fin qu'on se pro-
£ose. » C'est aussi l'avis de saint Basile (l.i
e t?trgf.), de saint Grégoire (1. m Mor.,
c. U), de saint Bernard (serm. M,inCann
de saint Pierre d'Alcantara ( p. ii bt orat,
c. 7). Gerson remarque, & ce sujet, qoe lô
jeûne indiscret, selon l'avis des méde-
cins et des théologiens, serait plus nui-
sible qu'un repas intempérant : on peut gué-
rir Tun i l'autre est souvent sans remède.
Et cependant il faut bien peu de chose à la
nature, à moins que la gourmandise ne
s'en mêle. » (Jr. de myst. TheoLt cons. 10.)
Souvent il arrive en elfet que, sous prétexte
de soigner une santé ruinée par les excès,
Taustérité fait place à la mollesse. Il n'y a
d'exception que pour le cas où un esprit
extraodinaire, bien éprouvé, nous donnerait
des forces pour soutenir les excès; ce que
le directeur reconnaîtra si la santé ne souf-
fre aucunement des [pénitences eilraordi-
naires.
• II. II ne faut pas admettre les afflictloosda
corps qui mettent obstacle à notre deroir
ou a la pratique des autres vertus. C est udq
règle admise partons les saints Pères. Ssmt
Jérôme (Ep. 125, ad AiM^tc.)» saint Grégoire
n. XXX Aîor.f c. 18, n. 63) et saintThoiDas
(5, a. 18), sont unanimes sur ce point. C'est
un péché, dit ce dernier, que de se rendre,
par les jeûnes, les veilles et autres sembla-
bles mortifications, incapable de vdaueraai
obligations de son état. Guigo anbé, et
saint François de Sales, expriment la même
idée.
m. Dans les mortifications extMtuns, îi
faut éviter le défaut de la singularité, auquel
prêtent surtout les pratiques extérieures et
publiques. « Fuyez, dit saint Bernard, i'ob-
stination et le vice très-funeste de In sinp-
larilé.» (vi PosL Pentec.^ serm. 1.) Saint Ba-
sile [Reg.y p. 138) et Cassien (1. v,c. 23)iien-
nent le même langage. Le moineDaniel M
à propos de saint Jean Climaaue : < A table
il ne refusait rien de ce qui n était pas con-
traire aux prescriptions de la vie reli-
gieuse. » Au reste cette règle n'est bonne à
observer que dans les comuiunautésqui oot
conservé dans leur intégrité toutes les pres-
criptions de leur règle; dans une corniDa-
nauté relâchée, la singularité en ce genre
serait digne d*éloges.
IV. La discrétion évançélique, par rap-
port à la mortification, doit nous venir sor-
tout de la sagesse et de la discrétion du
directeur. C'est pourquoi saint Basile i*^^-
brev., p. 138), et saint Benoit (%., f- *^/'
ont prescrit aux moines de ne jànais pra-
tiquer aucune abstinence ou morliM^^^
volontaire, sans le conseil et l'assentioien
de leur père spirituel. L'abbé Platon ois»»
(Apud Pallad.) : « Les afflictions corporelles,
les nuits passées sur la dure, les veilles, etc.;
sont en elles-mêmes dignes de louang^;
cependant elles causent souvent la ruine oe
ceux qui les pratiquent d'après leur propre
volonté, sans consulter leur directeur et »
soumettre à ses avis, j»
un
DràSGETISIfE.
¥. La Téritable discrétioD» dans la aiortî-
fication iolérieure^ oonsUte à ne pas se eoDlao»-
ter de peu de choses, mais à avaDoer tosgoor»
de plus eo plôs. Bo eBel la perfection ne oon-
siste pês formelleoieal dans la morlificafion
extérieare ; elle n'est qu*ua instrument pour
y arrif er, el souvent elle est imniiissanle à
y atteindre. La mortilication intérieure, qui
consiste dans Tabn^ation de soi-même, est
elle-même la perfection, et elle est praticable
pour tous les nommes,* LesTcrlusquisontdu
ressort de Tesprit, dit saini Basile, comme
la douceur, etc., obligent également tous
les hommes; ce sont les vertus particulières
de rame; le corps ne concourt avec rame
à leur acquisition et à leur pratique, qu'en
étant en quelque sorte le théâtre de leurs
délibérations. • {Conêi. man., c* 6.)
Vl. Pour s*élever, avec la grâce de Dieu,
à une mortitication intérieure plus grande,
i! raut de ta dùerétian dam ta «ontâre, c'esl^
à-dire, procéder peu à peu et par parties;
uiortiKer d'abord la passion dominante, ne
pas s'attendre à arriver de suite è la per-
fection, ni à pouvoir, en cette vie, parvenir
à cet état où l'homme est impassible et in-
accessible à toute passion.
Il faut de la discrétion dans la mortifica-
tion extérieure, avons-neus dit; mais cette
discrétion doit être déterminée, non par
Tamour-propre de la cliair, mais selon l'es-
l>rit de TEv&ngile; car ta ngeuê de ta ckaîr
tu tmmemie de Dieu. {Bom. vui, 7.) « Vous
m'avez enseigné, dit saint Augustin, à pren-
dre des aliments avec la même mesure que
des médicaments. » (L. x Cm/I, c. 13^ Il
montre ainsi que ce qu'on regarde comme
une nécessité se transforme imperceptiUe-
inent en plaisir, c Rappelez^vous, dit saint
Bernard a ses religieux, que vous êtes
moines et non médecins, et que vous ne de-
vjcz juger que de votre profession et non
de votre complexion. » (Serm. 90 tu Cam.)
Il n'est pas nécessaire, même pour la
canonisation, que tous les serviteurs de
Dieu pratiquent, au même degré, la mortifi-
cation du corps. Personne ne prétendra
qu'on ne doive canoniser et regarder oomme
saints aux jeux de Dieu ceux qui n'ont ni
jeûné pendant quarante jours sans boire et
•ans manger, comme Moïse et Blie, ni ae*
oompli d autres austérités du même genre,
que d'autres saints ont cependant pratiquées
fiar une faveur toute spéciale de Dieu, et
que la tradition nous rapporte, non pour
que nous les imitions, mais pour que nous
reconnaissions et que nous glorifiions en
eux la puissance et la sagesse infinie de
Dieu ? Il est des saints qui se sont toujours
abstenus de vin, d'autres de l'usage de la
Tiande ; faut-il, pour cela, Aire un crime
au serviteur de Dieu qui ferait un usage
raisonnable et modéré de vin et de viande?
L'Apôtre ne permet-il pas l'usage modéré
du vin, à cause de la fiiblesse de l'estomae?
(/ Tim. V, 33.) Saint Antoine lui-même fit
usage de viande aussi à cause de la faiblesse
de son estomac* (Bollasd., t. I,2llaii.) Peut*
on exiger les flagellations volontaires d'un
DiCTiœi!!. D'AscinsuB. 1.
sarvilaur de Bleu, qui, comme saint Gré»
geice le témoigne de lui-même n. x, ep. 95),
ne pourrait se lever de son lit? Boarrait«on,
ennn, faire une obligation des mortifica-
tions corporelles k ees vieillards, en qui,
selon saint JérAme, UmUe les faeuUéê du
earjfi $*alfaibli$$eaff ei fut, à wuemre quHIe
eroêêseni su sages^e^ dmem^ifU de piui m
plut incapables de j^ine^ de veitus^ etc.
(Bp. 8S ad Nepoi.) Toutefois les reli^eux
doivent toujours observer les austérités pres-
crites par la règle, tant que les forces le leur
permettent.
Que fiiut'-il penser de ceux qui aiDigent
tellement leur corps, que, non-seulement
ils se rendent incapables de vaquer aux oc-
eunatioBS ou'ils sont tenus de remplir, mais
même accélèrent le moment de leur mort ,
comme un certain abbé Myrosène, dont il
est parlé dans le Pré spkUuel de Sophro-
nius (KoawcTDLs), et comme saint Ber-
nard s'excuse de n'avoir pas agi? (T. Il,
1. 1, c. 8.) Notre vie a des limites diOéren-
les. Les unes swrmaiwrdlee ont été établies
par la divine Providence, et ne pêupeai
être firamekiee{jQè uv, 5); les autres maiu--
relies sont en rapport avec la com|ilexion
de chacun de nous. L'art peut les reculer
jusqu'à un certain point, d'autres résultent .
de cas imprévus; aucun intervalle ne lea
peut restreinda* : Avieenne lea appelle oftrtf-
0te, et Codroncbius enseigne que rien ne«
peut les prolonger. Ceci posé, les tbéolo-r
giens nops montrent , 1* que c'est un grave
pécbé de se livrer à d'excessives austérités,
de manière k causer sa mort, ou k avan-
cer les limites naturelles de la vie. ir 11
est seulement probable, et nullement cer-
taio, que ces austérités abrègent la vie,
comme le montre Hip|)ocrate, et comme le
prouve l'exemple de saint Paul, premier er-
mite, et de beaucoup de pénitents très-aus-
tères, oui sont parvenus à une extrême vieil-
lesse. (Vojfex Part. Jbuib.) 3* U est permis
et même méritoire d'embrasser, dans une
fin surnaturelle, un genre de vie très-sé-
vère, tout en prévoyant devoir ainsi avancer
sa mort, pourvu qu'on ne le dierebe pas.
C'est là I opinion d'Azorius, de LuflO, etc.*
qui citent l'exemple des saints et des oom«
munautés régulières approuvées par l'Bglise.
C'est pourquoi, on ne doit pas se montrer
facile à porter un jugement sur l'excès des
mortifications ; car, somme le dit Alvarez de
Paz : « Certaines personnes sont appelées k
un genre de vie extraonlinaire et a de gran-
des mortifications corporelles; la «âce lea
rend capables d'eflbrts au-dessus de la na-
ture et du commun des hommes : il faut
donc les distinguer avec soin^ afin de ne
las les enchaîner par les règles communes. »
T. 111, fol. \Wl.)
U nous reste k prescriie des remèdes gé-
néraux pour la mortification des vices, des
passions, de la mémoire, de l'intelligence,
de la volonté, du corps et des sens exter-
nes, etc. Le premier est la prUre^ soit sous
forme de demande , soit sous forme de
méditation. La mortification, étant unemavre
35
îî
MWWW.
MOR
DICTIONNAIRE
MOR
IlOO
difficile et au-dessas des forces de la aatare
d6cbue, réclame le secours de la grAce; et
00 secours n'est promis qu*à ceui qui le de-
mandent 9 selon ces paroles du concile de
Trente : Demandez ce que voue ne pouvez pas.
'Sess. VI, c. 11.) Cette demande n'est faite
i'Hne manière couTenable» et n*a d'efficacité
|K>ur la grAce, qu'autant que s'y joint la mé-
ditation.
Lo second remède eist la préêenee de DieUf
selon ces paroles : Le voici qui ee tieni der^
riire notre mnr^ qui regarde par les fenétreSf
qui jette sa vue au travers des barreaux.
\Cant. II, 9.) Louis Du Pont dit à ce siiyet :
(L. Y Exhort., xu i 3.) « Le Prophète sem-
ble leur dire : Remarquez, ô mes yeux I ce
que TOUS regardez; oreilles, ce que vous en-
tendez; esprit, ce que vous pensez; appétit,
ce que vous désirez; car c'est Dieu lui-même,
c'est notre époux, qui se tient derrière noti-e
mur, afin de voir ce que vous faites, et,
quand le temps viendra, de rendre à chacun
selon ses œuvres. Si vous répétiez ces cro-
ies à chacune de vos actions, vous ne pèche*
riez jamais. »
Le troisième remède est Vexamen de cha-
que jour, soit général, soit particulier, selon
ces paroles : Je mettais à mort^ dés le maOn^
tous les pécheurs de la terre. (Ps. c. 8.) Je me
suis épuisé à force de gémir. Toutes les nuits
f arroserai ma couche de mes pleurs. {Pt. vi,
7.) Car c'est par les bonnes résolutions qu'on
prend le matin, et par la. douleur qu'on té-
moigne le soir, qu on triomphe des passions
et des vices. Remarquons toutefois ce que
dit Cassien au sujet de Tabbé Sérapioo :
« Nous nous préparons une victoire sûre et
complète, en attaquant tout d'abord les vices
les plus redoutables, et ensuite ceui qui
ont moins de gravité, il ne faut pas toutefois
s'imaginer que celui» qui ne lutte que contre
un défaut principal, sans se mettre en garde
contre les autres, puisse être plus facilement
blessé d'un coup imprévu : cela ne peut pas
arriver. Il est impossible en effet que celui
qui, rempli de sollicitude pour la reforme de
son cœur, s'arme surtout contre les attaques
d un certain vice, ne soit pns en même temps
animé d'une horreur générale pour tous les
attires vices^ et pareillement eh garde contre
leurs efforts. » (Coll. xv,c. ik.)
Le quatrième remède est . le soin de se
mortifier dans les petites choses. Car, celui qui
fsi fidèle dans les petites choses ^ Vest aussi
dans les grandes. (Luc xvi, 10.) Nigrooius
[OpuÈc. de Cura Minim.) traite à fond cette
matière. « Lorsque, même dans les petites
choses, dit aussi P. de Blois, on résiste
pour Dieu à la sensualité et à sa volonté per-
sonnelle, et qu'on se mortifie, on se rend
plus agréable à Dieu, que si l'on rappelait
plusieurs morts à la yie.v (instr. spîr., c. 2.)
• Lo cinquième remède est Vamour de Ifieu
et des choses spirituelles. Car cette maxime
de ié^us-Christ est bien vraie: Venezàmoi^
voue tous qui êtes fatigués et qui êtes chargés^
et je voue soulagerai. Prenez mon joug sur
vous.., et vous trouverez le repos de vos âmes.
Car mon joug est dousc et mon fardeau est
léger. (Maith. ii, 28-30.) Quelle peine ra-
meur ne fait-il j)as trouver douce et iégèr^
à un amant profane ? Que ne fait pas affron-
ter au marchand l'amour des richesses, au
soldat celui de la gloire? Qu'y a-t-ii donc
d'étonnantt dit saint AuQusiiu, si celui qaj
aime Jésus^-Christ, et qui veut w. suiYre,es(
conduit par son amour à faire aboéj^atiôQ de
lui-même ? (Serm. 47, De div.)
Le sixième remède consiste h pratiquer la
mortification par des œuvres, et non point
seulement par des désirs ; en effet, et non
point seulement par affection. Carctnttm
point ceux qui écoutent la loi qui sontjusu»
devant Dieu; mais ceux qui gardent la loist-
ront justifiis. (Rom. u, 13.) « Si quelqu'un,
dit saint Basile, prétendait aue, pour régler
toutes les affections de son âme, et pour se
conduire avec justice et sainteté, il suffirait
de connaître les divines Ecritures, il serait
semblable à celui qui apprendrait à cons-
truire, sans jamais élever aucun bâtimeDl,
sans jamais mettre en pratique ce quilau*
rait appris. i» (Reg. fus^. int. 7.)
Pour que tous ces remèdes derieDoenl
pratiquement efticaces, H faut éviter, pr
Tordre de la volonté, toute action manyaisci
et en produire fréquemment de bonnes. Ce»i
ainsi que nous arriverons à effacer nos fautes
légères , à triompher des vices et des pas-
sions, à acquérir des vertus , à tourner dos
pensées vers Dieu, h maintenir dans le de-
voir nos facultés et nos sens internes et ci-
ternes, à étouffer la concupiscence et à faire
dominer l'amour de Dieu dans nos cœurs.
Que celui donc, qui veut marcher dans la
voie de la perfection, se livre à la prière et
à la mortiUcalion. Qu*il aille à la monitigm
de la myrrhe, c'est-à-dire de la mortiOcalion,
et à tautel de Veneens^ c'est-à-dire de la
prière. (Cant. iv, 6.) « C'est en pratiquant m
vertus, dit saint Grégoire, que TE^ise des
tidèles, que toute Ame, devieut pure. Par ia
mortification des plaisirs, elle résiste aux
vices, et par de fréquentes prières, arrosées
de larmes, elle efface ses souillures, aCode
plaire à son époux, et de paraître belles ses
jeoi. B Alors, en effet, elle montera jmU
désert^ comme une petite vapeur d*aromatt$^
de myrrhe et .d'encens. [Cant. m, 6.) Car, se-
lon saint Bernard (serm. 59, Ex parvJjf la
confession doit toujours être accompagnée
de myrrhe et d'encens, c*ost-à-dire oe la
mortification de la chair et de la prière du
cœur : Tupe sans l'autre n'est que peu oa
point utile^ Si quelqu'un mortifie sa chair h
s'abstient de prier, c'est un orgueilleux, *[
le Seiçneur lui dira : Est-ce que je mang(f<^i
la chatr des taureaux? ou boirai-je le iaa$
des boues? IPs. xux, 13.) De même s'il prie
et néglige de mortifier sa chair, il entendra
ces paroles : Pourquoi mecriez-vousStifltta,
Seigneur f et ne faites-vous pas ce que jt f om
dis? {Luc. VI, 46.) Et comme nous avous
tous eu part au péciié d'Adam, nous derons
tous prendre part à sa pénitence et i ses
mortifications. Il n'est pas d'exception pos-
sible. Si nous avons bien pu trouver la force,
la manière et le secret de pécher, pouvim
1101
MOR
D ASCETISME.
IKW
ilfi
ne le$ ferians-nout pas êertir mainietMmt à la
fuÈliee pour ta jiaiifittdion de noire tie ?
{Rom, Ti, 19). On Yoil au milieu du monde
des personnes chercher à Irourer des retrai-
tes pour châtier leur corps. Qui les em|>èche
de détourner leurs sens de roule chose
Taine? de supprimer tout raffinement dans
le tioire et le manger, le lit. le sommeil et
t*babi1lemekit7 et surtout de supporter pa^
tiemment les adversités, sorte de cilices et
de disciplines dont le monde fourmille?
Ceux-là ne sont pas même excusables qui,
au dehors comme au dedans du cloître, se
croient dispensés de tonte mortification sous
prétexte de santé. En effet, un régime aus-
tère est plus favorable à la santé qu'une vie
de délices, comme le prouve Lessius((^uic.
de Valeiud. conserv.); d'ailleurs, citons à ce
sujet une remarque de Hugues de Sainl-Vi«>
tor : « C'est le démon nui devient notre mé*
dedn; il alloue la faiblesse de notre tempé^
rament, il énumère toutes les infirmités oui
résulteront pour nous de l'observation des
préceptes de la religion. Mais dans quel but?
ce n'est pas pour nous guérir, mais afin de
pouvoir nous tuer ; ce n'est pas pour porter
remdde è nos souffrances, mais afin de nous
frapper plus sûrement d'un coup mortel.»
(L. I, De elaue. an., c. 2.} Assurément le vé^
ritable repos s'obtient , non en satisfaisant
ses passions, mais en les surmontant et en
faisant abn^tion de soi-même, selon la
promesse de Jésos-Christ : // recevra le cenr
tupleet poêeédera la vie éiemelle. {Maiih.
XIX, 29.)
Prâtiqcb.— I. A l'égard des pénitences et
des macérations corporelles, le directeur ne
doit les permettre qu'avec prudence. Cepen-
dant il nefautpasqiril les refuse entièrement,
moins encore qu'il s'j montre systématique^
ment opposé, ainsi nue plusieurs directeurs
le font. On voit quelquefois des pères spiri-
tuels de religieuses qui ne leur permettent
jamais aucune macération corporelle, bien
que leur règle ne soit pas d'une telle austé-
rité qu'on n'^ puisse ajouter quelque œuvre
de mortification. D'où il arrive que, malgré
leurs désirs de chAtier leur corps, elles n o-
sent plus en demander la permission, sa-
ehant <jne toute demande de leur part en
serait inutile. Pour nous, nous ne compre-
nons pas de quel droit un directeur peut
ainsi priver les Ames qui lui sont confiées
d'un moyen de perfection si profitable et si
familier aux saints, d'où elles pourraient
tirer tant de fruit. Nous le comprenons
moins encore s'il s'agit de personnes à la
fleur de la jeunesse ; car alors, à raison de
la vivacité des esprits et de la chaleur du
sang, les macérations corporelles sont sou-
vent d'un besoin extrême. On veut, dit-on,
ménager la santé : ce soin est louable, mais
il faut en conclure seulement que ces sortes
de pénitences doivent être refusées aux per-
sonnes de mauvaise santé ou de tempéra-
ment bible, et non pas k celles qui jouissent
d'une santé florissante et vigoureuse. On dit
encore que l'on a plus à cœur les vertu
intérieures et l'exacte observance des règles.
en quoi consiste l'essence ue la perrection
religieuse , et que l'on lait peu de cas de
ces sortes de choses extérieures, sans les-
Sueltes une religieuse neut être saiate.
ous ne nions pas que la perfection, soit
religieuse, soit chrétienne, consiste princi-
palement dans les vertus intérieures. Hais
qu'on prenne garde de tomber ici dans Ter-
reur. Pour arriver à cette perfection, la
mortification delà chair et des sens extérieurs
est nécessaire, parce que, si le corps n'e^C
réduit en servitude, l'esprit ne sera plus le
maître et ne pourra exercer en paix les
vertus dont le airecteur a raison de faire un
tel cas, d'autant plus que, laute de ces ma-
cérations, l'Ame se pnve des secours plus
efficnces et de la grAce plus abondante
qu'elle aurait obtenus de Dieu, par la mor*
tification, pour la pratique des vertus inté-
rieures.
En un mot, que le directeur se rappelle
. ce que dit à ce sujet saint Croire de Na-
zianze, à savoir, que traiter mollement sou
corps, c'est jeter de rhuile sur le feu, c'est
nourrir avec soin une bète féroce et cruelle.
(Orat. kk.) C'est pourquoi s'il veut voir
dans ses pénitents un esprit vigoureux,
qu'il sache briser la force exubérante du
corps par l'exercice d'une macération mo-
dérée.
U. Or, pour que le directeur, à l'égard de
ces œuvres de |>énilenee, se tienne ddns les
l)omes d'une sage modération, il doit iaire
attention h deux choses: 1* à la qualité des
personnes, et 2* à la qualité et au nombre
des macérations qu'il prescrit. Quant A Té^at
des personnes, il est certain que les jeunes
gens d'nn Age encore tendre, ainsi que les
vieillards d'un Age fort avancé , sont bien
peu capables de ces sortes de pénitences,
puisque leurs forces ont plus besoin d'être
augmentées que d'être affaiblies. Cependant
on doit les permettre aux jeunes gens et aux
jeunes personnes comme un moyen avanta-
geux contre la trop grande vivacité des es-
prits et contre la cnaleur excessive du sang,
et il faut leur en permettre un pFus fré-
auent usage qu'aux personnes mariées,
fuant aux religieuses, le directeur doit
leur en permettre davantage encore; car
comme elles sont plus strictement obligées
de tendre A la perfection, elles sont plus
tenues aussi de se servir de ce moyen
si propre A les y faire parvenir. Cependant
il est nécessaire d'avoir toujours égird A la
santé et A la force du corps, afin de se mon-
trer plus ou moins facile, selon le plus ou
le moins de force. Pour ce qui concerne la
qualité des œuvres de pénitence, nous pen-
sons que la discipline (ou flagellation) prise
avec modération, ne peut nuire A la santé,
p^rce que la douleur qu'elle procure n'affecte
que l'extérieur du système cutané et dispa-
raît presc^ue aussitAt que les coups, surtout
si la discipline se fait, non pas sur le dos,
mais sur les autres parties moins rappro-
chées de l'estomac ; car, de cette manière, il
y a moindre dissipation des esprits animaux
nécessaires A la digestion des aliments.
liUt
MOR
DICTIONNAIRE
MOR
m
D*ai Meurs, co çonre de péDîtence est très-
propre à mortifier la chair par le senti mt^nl
de douleur qui est diamétralement opposé
aux brûlants désirs do la concupiscence, et
en même temps il contribue puissamment à
exciter la dévotion. C'est pourquoi le direc-
teur peut permettre pluâ facilement ce genre
de mortification, non pas cependant au point
que la discipline aille jusqu'au sang, et cela
pour deux raisons : premièrement , parce
que le corps j^eut très-bien être ch&tiésans
aucune effusion de sang (ce qui, du reste,
est fort souvent nuisible a la santé); secon-
dement, parce que c*est un moyen démettre
obstacle a un sentiment de vanité, qui s'é-
lève si facilement dans l'esprit de quelques-
uns par suite de CCS disciplines sanglantes,
au point que quelquefois ils sMmaginent
avoir fait une chose héroïque, et se croient
élevés jusque dans les nues* — Le cilice de
fer est ordinairement moins nuisible que
celui de crins, qui, privant le corps decna-
leur, affaiblit l'estomac. Le directeur doit
donc conseiller Tusage du premier plutôt
que du second. Hais il no doit pas permet-
tre aux nersonnes de faible poitrine ou de
santé délicate, de l'appliquer sur les reins,
mais seulement sur les bras ou ailleurs.
Du reste, pour savoir combien de temps ou
combien de fois il faut faire.usage de ces
instruments de pénitence, il est nécessaire
de consulter avec soin les forces du corps
et la ferveur du cœur de chaque pénitent.
Cependant, il est bon de remarquer qu'il ne
faut pas en permettre l'usage la nuit, de peur
3ue le sommeil n'en soit troublé ; ûi immé-
iatement après les repas, dans la crainte
d'empêcher la digestion. Le temps le plus
favorable, c'est le matin, pendant un temps
proportionné à l'état du pénitent.— On peut
[)ermcttre aux personnes d'une santé ro*
)usle de dormir sur des planches nues, ou
sur de simples paillasses, si elles sont d'une
santé moins forte; et cela plus ou moins
selon les forces de chacun, selon que le
sommeil' est plus ou moins profond, selon
qu'il est plus ou moins facile de s'endormir
et de continuer son sommeil, au milieu de
ces œuvres de macération. Il est bon cepen-
dant de remarquer qu'il ne faut point mor*
tifier ainsi son sommeil sans être muni de
bonnes cquverlurus, de peur quele corps ne
soit privé de la transpiration nécessaire.
Mais on rie doit permettre à personne de
dormir sur la icrre nue, parce que le froid
1 1 les exhalaisons humides de la terre peu-
vent être excessivement nuisibles à la santé
du corps. Il faut aussi ne permettre qu'avec
une extrême prudence de passer Içs nuits en
veilles, puisqu'il est d'expérience que ceux
qui veillent toute la nuit sont peu disposés
aux travaux du jour. Il est bien vrai que
quelques saints passaient les nuits sans dor-
mir, ou n'accordaient à leurs yeux qu'un
très-court instant de repos. Mais cela n avait
point lieu sans 'une grAce particulière et
spéciale, de la divine Providence, qui, ea
exigeant d'eux de telles austérités, les con-
servait sans qu'ils eus^nt besoin de se dé-
lasser par le sommeil. En outre, il faut
observer que pour ces saintes Ames le som-
meil qu'elles perdaient ainsi en veitlaut,
était compensé par Dieu même, qui les tenait
abso(bées toute la nuit, le plus souvent,
dans de sublimes contemplations, et qai par
là, remplissant leur esprit de douceurs inef-
fables, soutenait aussi leur corps et Tempe-
chait de succomber à de si accablautes
fatigues. Quant à ceux à qui Dieu n'accorde
pas de telles faveurs, et qui ne peuTeni sq
promettre des secours aussi puissants, ils
doivent se contenter de conserver, par on
repos convenable, leur corps en état do rem-
plir l^urs devoirs pendant le jour; et il leur
suffira de se mortifier, en retranchant î leurs
yeux une certaine partie de leur sommeil,
parce que la prolongation du sommeil n e&l
pas nécessaire pour la vie, ni pour l'aptitude
au travail, mais n*A d'autre résultat que la
satisfaction des sens extérieurs. Il faut enCn
rappeler aux pénitents qu'ils doivent accor-
der à leur corps ce repos modéré et eonTe-
nable, non pas pour le goût, pour Je plaisir
qu'ils Y trouvent, mais uaiquemeot par M)u*
mission à la volonté divine, qui en a disposé
ainsi, et dans la pensée de se rendre plas
propres au service de Dieu.
111. Les règles que nous venons de tracer
servent à la direction ordinaire des Ames;
mais pour les cas extraordinaires qui peu-
vent se présenter, ces règles souffrent ei-
ception. Dans tous les siècles, Dieu a orné
son Eglise de certaines âmes qu'il a voulu
faire briUer par des œuvres de pénitence
d'une rigueur toute particulière; cW-è-dire
qu'il a voulu sanctiher, par une pénitence
au-dessus des lorces humaines, ainsi que
nous pouvons le voir avec admiration à
chaque page des annales ecclésiastiques. Et
il ne parait pas vraisemblable que maintenant
il ne se rencontre plus de ces Ames que
Dieu veut élever à la perfection par ces voies
extraordinaires. C'est pourquoi, si quelque
personne de cette sorte se présentait aui
pieds du directeur, il ne serait point libre
de la détourner de cette voie, par laquelle
Dieu rappelle à la perfectioB. Car nous ne
sommes pas proprement les maîtres des
Ames ; Dieu seul en est le maître; et nous
ne sommes, nous, que les ministres de ce
grand Maître, sous la conduite duquel nous
devons chercher constamment à faire mar-
cher nos pénitents avec fidélité sur ses (raies
divines. Mais voilà, dira-t-on, où est le tra-
vail, où est la difficulté : de connaître là
volonté de Dieu sur un point qui se^^
en dehors de Tordre accoutumé, et qaii ^n
même temps, si nous nous trompoofl, peut
être une source de graves préiudices^t
pQUr la santé du corps et pour les nmgrès
de TAme. Quoi qu'il en sou, il ne faut («s
perdre courage: car celui qui agira con^o^
mément aux règles de la prudence et ^^
un sage discernement, qu'il faut dofnBOdef
constamment à Dieu, parviendra à obw^
sur la volonté de Dieu une conoaissanee de
certitude morale. Or il y a deux règles >
suivre ici. Premièrement, le directeur uoit
If«
D'AMJ^riblIK.
IIOK
It05
considérer si 600 péoileo* est poussé par de
fortes inspirations k des austérités graves.
Mais cela ne suffit pas encore, parce que le
démon pent très-bien se transformer en ange
de lumière et inspirer de Tîolents désirs de
pératenee, <^ans le but non-seulement de
latiguer et d*aflaiblir le corps, mais aussi
de rendre l'esprit incapable de se livrer aui
œuvres de la perfection. Il est donc néces-
saire, en second lieu, de sonder peu à peu
la terrain, en sorte qtt*en permettant an pé-
oiteBt plusieurs mortifications considérables,
on fasse en même temps attention k la ma-
nière dont il supporte le poids de ces macé-
rations. Si le directeur s*aperçoit que ces
pénitences, au lieu de détériorer la santé,
ta fortifient, comme il arriva aux trois en-
fants hébreux è Babjlone, qui, ne se nour-
rissant que de légumes et ne buvant que de
Tean, parurent cependant d'une sanle plus
robuste et plus fleurie que les jeunes gens
qui étaient nourris des mets de la table du
roi ; si surtout, ainsi que cela a lieu quel-
quefois, il remarque que telle personne, en
renonçant aux austérités, en éprouve un
aOaiblissement, une détérioration dans sa
santé, c*est là une marque que Dieu veut la
co duira par la voie épineuse de la mortifi-
eaiioi, puisque, d'un c6té, il fait connaître
sa volonté à cet égard par des inspirations
intérieures, et que, de 1 autre, il la lui ma-
nifeste davantage encore par ce secours spé-
cial, qui la soutient et Tempèche de succom-
ber sous le poids des austérités. Si Dieu taii
connaIt"e sa volonté par des signes mani-
festes, le directeur pourra agir arec plus de
sécurité encore, et se montrer plus facile
pour accorder Tusage de ces sortes de péni-
tences, auxquelles l'âme se sent poussée par
l'Esprit-Saint. Cependant, même dans ce
cas, il ne faut pas permettre au pénitent de
se livrer h aucun acte de mortification, de
son propre mouvement et sans y être spé-
cialf*ment autorisé: car, de cette manière,
l'esprit sera maintenu dans la soumission, en
même temps que le corps. Mais si, par la
suite, on s'apercevait que les forces s'altèrent
considérablement ou nue la santé se déié-
riore, il faudrait sur-le-champ retirer les
permissions que l'on a accordées, dans la
crainte que le mal ne prenne de l'aocroisse-
ment el ne rende, k la fin, le pénitent inca-
pable des exercices de la rie spirituelle.
IV. Le directeur remarquera surtout que
ces sortes de macérati<Mis doivent être ac-
compagnées de l'esprit intérieur , autrement
elles seraient fbrt nuisibles au corps et peu
Dttles à rame ; bien plus, si une vaine com-
iriaisance, une bonne estime de soi-même
les acoompagoe, elles seront plutôt nuisibles
qn utiles. (Tesi pourquoi le directeur fera
enfendre à %es pénitents qu'ils doivent se
livrer aux macérations corporelles avec une
intention droite, et dans un esprit de dou-
leur intérieure el d'humilité vénlable. Quant
à ce qui regarde la pureté d'intention, on ne
doit se proposer, dans les œuvres de péni-
tence, d autre but que de soumettre la chair
k Vesprilf de satiaaice pour ses propres
péchés, de plaire k Dieu et d'obtenir de lu!
dos secours abondants pour corriger sçs
défauts et acquérir les vertus solides. Pour
exciter la douJenr intérieure, il faut, avant
de mettre la main aux œuvres de mortifica-
tion, se remettre sous les yeux ses péchés
présents et nasses, en concevoir une vive
douleur au fond de l'âme, et s'animer k un
saint zèle pour satisfaire k Dieu , autant
qu'il est en nous, par nos macérations. Pour
obtenir l'bomiiité du cœur, nous devons
unir nos pénitences aux douleurs et au sang
précieux du Sauveur, et nous bien con-
vaincre que, d'elles-mêmes, nos mortifica-
tions n'ont aucune valeur, et qu il faut en
rapporter, non-seulement tout le prix,
mais encore l'honneur qui en découle, aux
mérites infinis de Jésus* Christ. De cette
manière nous offrirons k Dieu, sur l'autel
de la pénitencCf le sacrifice parfait de nos
corps.
V. Le directeur ne doit pas facilement
permettre aux jeunes gens ni aux jeunes
filles de jeûner souvent, et beaucoup moins
encore au pain et k Teau , puisqu'une nour-
riture modérée est le fondement de la vie
humaine, forme les esprits vitaux, fortifie le
corps et entretient la santé. Ce qu'il faut
exiger avec soin des pénitents, c'est que. pre-
nant une nourriture suffisante, ils se morti-
fient dans mille choses agréables au pnlais
sans être nécessaires k la conservation de la
santé; c'est qu'ils se contentent de peu;
qu'ils prennent leur nourriture avec une fin
droite, ne s'altachant point dans cet acte au
plaisir naturel qui l'accompagne, et surtout
se gardant de se plaindre si les mets sont
sans saveur, désaçréables au goût et mal
préparés; comme do les louer, d'j prendre
visiblement plaisir, s'ils sont exquis et bion
préparés; en un mot, mangeant ce qui leur
est présenté, sans en faire l'éloge ni s'en
plaindre : car rien ne montre mieux le dé-
tachement de l'flme pour le plaisir naturel
du manger, que l'inuifférence avec laquelle
on prend les aliments, bons ou mauvais. Le
directeur s'efforcera donc d'inspirer k ses
pénitents l'amour et la pratique cfe la sobrié-
té. S'il y parvient, qu'il soit convaincu
qu'elle suffit pour contenir dans la modéra-
tion le sens du goût et la passion de la gour-
mandise; mais pour y parvenir, il lui fau-
dra des efforts et des soins, parce ^u'il peut
obtenir plus facilement de ses pénitents des
jeûnes Iréqnents qu*une tempérance régu-
lière et parfaite*
VI. Le directeurdoit encore accorder plus
difficilement de jeûner k ceux qui ont une
table commune avec d'autres, comme sout
les religieux et les religieuses, tant parce
que des jeûnes particuliers, dans cette cir-
constance, exposent au danger de la vaine
complaisance, que parce qu'ils peuvent être
pour les autres qui en sont témoins la
source de vains propos et de censures. Voici
comme s'exprime saint Bernard au sujet do
celui qui jeûne dans ces circonstances : « Il
se c-omplait plus dans un jeûne qu'il fai*
lorsque les autres mangent, que de se|>t
1197
HÛR
MCnOiNNAmE
MOR
tlOI
jours de jeûne avec les autres. » {De grad.
nwn,^ 5 ) L'homme qui veut se priver de
nourriture par pénitence, s'H y est porté par
Tesprit de Dieu, trouvera bien les mojens de
mortifier la gourmandise sans qae ses com-
fmgnons de table s*ea aperçoivent, puisque
'esprit de Dieu sait inspirer à Time une
pieuse précaution et une sainte adresse pour
cacher s%% bonnes œuvres. Aussi saint Jean
Climaqne» parlant d'un moine nommé Da-
niel, (lisait à son éloge : c A table» il ne re-
jetait rien de ce qui n'était pas contre les
règles et Tinstitut de la vie religieuse; mais
il mangeait si peu et avec une telle sobriété,
qu'il paraissait plutôt goûter les mets que
les manger. Et ainsi , brisant la tète de l'or-
gueil, il sut, en même temps par sa sobriété
et en se contentant de peu dans ses deux re-
pas, dompter la tyranniquo volupté, souvent
si pernicieuse pour un grand nombre. » (fft-
bli^th. vit. Pair.) Par la le directeur corn-
pr ndra que l'homme qui vit en commu*
nadté doit suivre h la vérité les règles d'une
exacte et sévère tempérance, et même faire
dans ses repas quelque morlifleation , de
manière cependant h ne pas le laisser aper-
cevoir parles autres. Toutefois nous ne vou-
lons pas dire qu'il soit défendu de permettre
h quelqu'un un jeûne plus rigoureux, sur-
tout dans les temps consacrés au jeûne et à
l'occasion de la vigile d'un saint patron.
Mais avant d'accorder cette permission, le
directeur fera bien d'examiner si cette per-
sonne s'expose par cette mortification cor-
porelle au danger de la vaine complaisance :
car dans ce cis, il en résulterait plus de
dommage que de profit.
VU. Le directeur ne doit pas non plus ou-
blier que certaines femmes, et même quel-
ques hommes simples, font consister toute
leur perfection dans les jeûnes et dans la
nxortificalion do lappélit, et s'imaginent
ainsi avoir tout fait, bien que d'ailleurs ils
soient pleins de colère, d'impatience, d'or-
gueil, et sans charité: Il faut leur dire fran-
chement qu'ils se trompent énormément, et
qu'ils sont dans une profonde illusion sur
la véritable vie spirituelle. 11 peut même ar-
river que le démon les excite lui-même h
jeûner, afin de les tenir ainsi dans l'illusion
et l'erreur. « A quoi sert, dit saint Jérôme,
de fatiguer son corps par le Ijeûne, si l'es-
prit est enflé d'orgueir?Quel mérite aurons-
nous de pâlir dans les jeûnes, si nous por-
tons aussi sur notre visage la pAleur de l'en-
vie? Quelle vertu y a-t-il de ne pas boire de
vin, si tu t'enivres de haine et de vengeance?
Oui, il est beau de jeûner, il est louable de
mortifier son corps, lorsqu'en même temps
l'âme jeûne en s'abstenant de pécher. »
{Epist. ad Celant.)
VIIL L'odorat, il est vrai, est fe sens le
moins nuisible et le moins contraire à la
perfection , parce qu'étant le plus faible de
tous les sens, il a moins de force pour nous
nuire. Cepem\int ce sens peut être aussi
nuisible à l'esprit, si une personne pieuse
recherche les odeurs agréables, et s'en pro-
cure la jouissance par les fleurs, les parfums,
les pastilles odoriférantes, etc.; si elle en
porte sur elle, en fait parfumer ses »ppart^
menis, et aime à en savourer les flatteuses
émanations, puisqu'il est manifeste que
toute délectation sensible, cherchée pour le
Slaisir seul des sens, est illicite et coopaUe.
fne telle mollesse ne sied même pas aoi
personnes du monde; et celui qui s y laisse
entraîner avec une recherche démesurée,
déplaît tellement à Dieu, que plus d*uDe
fois il a montré par des châtiments terribles
combien ses yeux en sont offensés. L'homme
vraiment pieux ne doit pas se conteoterde
refuser k l^odorat le plaisir de ses parfums;
mais s'il aime la morlifleation des sens, qui
sied si bien aux vrais serviteurs de Dieu, il
convient encore qu'il s'attache kse morliCer
même par des odeurs désagréables, au meins
k supporter de bon cœur celles qui se pré*
sentent, k l'occasion du lieu qu'il habile, oa
des personnes avec lesquelles il vit; et cela
surtout, lorsque la chanté chrétienne Teiige
de lui et lui fait un devoir de porter des se-
cours aux malades dans les hôpitaux ou dans
leurs maisons. En ces sortes de cas, il faut
imiter les saints, qui, animés de eet esprk
de charité et de morlifleation, se phisaienl
au sein des odeurs fétides exhalées par les
malades, comme s'ils s'étaient trouvés dans
un jardin tout parfumé de suaves odeurs.
IX. Quant à ce qui eoneerne la langue et
la démangeaison de parler, le directeur doit
veiller d'une manière papticalière sur les
femmes, attendu que, par suite de leurpro-
pension naturelle a s'y laisser entraîner, el*
les mettent un grand obstacle à leur propre
perfection. Car comme en elles la raisoB
est plus faible, et l'imagination plus Tiire,
leurs entretiens, où l'imagination domine
plus que la raison, sont d'ordinaire impar-
faits et coupables. Ohl que de* femmes il y
a dans l'univers chrétien, qui seraient des
saintes si elles n'avaient pas de langue! Mais
parce que du matin au soir elles abuseoide
cette faculté, elles apportent h leur perfec-
tion un grand obstacle, et souvent même
perdent leur salut éternel. Si donc le direc-
teur a des femmes à conduire dans les voies
spirituelles, il doit les faire veiller pariico;
lièrement k la carde de leur langue, leur
montrer la gravité des fautes commises par
la langue, tes en. reprendre souvent et leur
suggérer des moyens propres k les en cor-
riger. Le directeur aura uonc soin d'exami-
ner dans quel défaut de la langue son p^m-
tenl tombe plus souvent. Si celui-ci est «;
coutume k 1 exercice de la méditation, il m^
enjoindra de' consacrer une partie de same-
di tntion à la considération de ce défaol,aun
qu'il prenne une généreuse résolution de
s'en corriger, et devienne un gardien soi-
gneux et vigilant de lui-môme. Mais si k
pénitent n'est point exercé. k la roédilalion,
il lui prescrira de prendre chaaue jeur dans
sa prière vocale la ferme résolutioade se
détaire de ce défaut. Il faut auss^i lui recom-
mander avec soin de demander sans cesse <i
Dieu la correction de ce défiiut dans ses pne-
reç et dans ses communions. $i ie féniit-»
llCf
MOR
D'ASCBIUME.
nos
flM
retombe soaTentyil fiiadra lui imposer auel-
qaeœuTre de roortiflcalion , pour Taioer k
se corriger plus efficacement, comme le fai-
saient les saints désireux de leurayancemenl
spirituel. Un disciple de saint Aotoioet
nommé Paal , i pnr se punir d*un défaut de
hngue, quoique non coupable, s'interdit par
pénitence l'usage de la parole pendant trois
ans. Et saint Grégoire ne Nazianze, pour se
corriger du même défaut, passa plusieurs
fois quarante jours dans le jeûne çt le si-
lence. Nous ssTons bien que Te directeur ne
peut ni ne doit infliger de telles pénitences
Kur de tels défauts; cependant rien ne
mpAche d*imposer d*autres mortifications
en rapport a?ec les forces , les dispositions
et la Tertu des pénitents. Par exemple , de
leur prescrire de se retirer dans leur cham-
bre pendant une certaine heure du jour,
pour s*7 tenir dans le silence en punition de
leur amour excessif de parler; oy encore de
s'abstenir de Tîn pendant un jour et de le
remplacer par quelcpie boisson amère; ou
enfin de demander nardon aux personnes
blessées par ses paroles, s*il a manqué à la
charité, etc.
Quant au silence, le directeur doit exi-
Ser rigoureusement des religieux de l'un et
e l'autre sçxct de le garder aussi stricte-
ment quie la règle le lear prescrit. Il doit
même les exhorter k demeurer solitaires
dans leurs cellules» autant que le leur per-
mettent leurs devoirs et leurs fonctions, k
s*jr liTrer au travail des mains, k des études
utiles, k la prière ou k la lecture de livres de
fiiété. Car il est incroyable combien le si-
r'uce est avantageux k l'esprit, combien il
le noarrit et le fait croître. Le défaut de
parler continuellement, au contraire^ rem-
plit l'âme de mille images de choses vaines,
dissipe Tesprit , met obstacle au recueille-
ment, rend Thomme incapable de médjter,
lui bit perdre le goût des vertus, et le pré-
cipite dans une multitude de fautes;, de
sorte que pçu k peu il se voit dépouillé de
tout le bien spintuel gu'il avait acquis, et
devient incapable de le recouvrer. Aussi
est-ce pour cette raison que les saints non-
senlement eurent une haute estime pour le
silence, mais encore le pratiquèrent avec
une telle sévérité, que qudques-uns d'entre
eux paraissent être, tombes dans l'excès
opMsé. Saint RomqaM, vivant dans la soli-
tude de la vie la plus austère, passa sept ans
sans jamais parler k personne, au témoi-
gnage de saint Pierre Damien. Saint Jean,
que son silence a fait surnommer le Silem^
cieuxj passa quarante-sept ans dans un
silence continuel et rigoureux, et ainsi de
aueloues autres. Nous ne rapportons point
a tels exemples, dans 1^ pensée de les pro«
poser k l'imitation ; nous savons que les re-
ligieux des deux sexes ont l>esoip de parler,
lorsque leurs fonctions le demandent, ou
lors^iue la charité k l'égard du prochain
Texige, ou bien lorsque la règle le permet
ou l'ordonne pour an honnête délassement.
Ce que nous voulons dire, c'est que* s"i\s
aspirent k la perfection qui sied si bien k
leur état, ils doiveni aimer la retraite, la
cellule, le silence et la solitude. Que le di*
recteur surtout prenne garde de lavoriser
le penchant des religieuses k parler, sous
le prétexte de les conserver dans la paix et
le contentement, comme le font plusieurs
en leur disant qu'elles peuvent parler entre
elles, tant qu'elles voudront, qu'en cela il
n'y a pas de mal. Il est bien vrai que dans
ces entretiens non interrompus du matin an
soir entre les religieuses ne se trouve pas
le mal déplorable qui résulterait, si ces en-
tretiens avaient lieu k la grille avec les gens
du monde ; mais cependant c'est encore Ik
un grand mal, puisqu'il en provient une
Bande dissipation pour l'esprit, une gracde
>erié pour les petites passions et un grand
amas de déiSoiuts. Prétendre contenter ainsi
iwr cette permission de toujours parler» une
emme renfermée dans des murs resserrés,
c'est évidemment se tromper. II n'j a que
Dieu qui puisse rassasier et contenter leurs
coeurs par l'infusion de la paix, de la tran-
quillité intérieure que produit la grice : or
on ne trouve point Dieu au milieu des amu-
sements et ues entretiens frivoles, mais
bien dans le silence et dans la solitude.
Pour ce qui concerne les personnes du
monde, leur silence doit être en rapport
avec leur état et avec leurs devoirs , autre-
ment une imprudente tacitumité pourrait
avoir de graves inconvénients. Et cela d'au-
tant plus que Dieu demande de chacun
une vertu gui soit en rapport avec son état
Krticulier. Cependant il est ceiiaîn que les
oames, étant plus ordinairement renfer-
mées chez elles, peuvent se tenir dans la
solitude plus commodément que les
hommes, qui sont souvent appelés au dehors
par leurs aOTaires, ou sont cbez eux chargés
d*occupations. C*est pourquoi le directeur
pourra prescrire aux premières de se priver
de visiter leurs voisines, de ne point intro-
duire chez elles des réunions de femmes»
et, sauf les occasions de politesse ou de
bienséance, de vivre contentes au sein de
leur famille. Ce genre de silence sera excel-
lent pour elles et les empêchera de tomber
dans une foule de péchés par paroles. De
plus, si leurs occupations et les soins qu'elles
doivent k leur famille leur permettent de se
retirer quelques heures de la journée dans
leur chambre pour s'v livrer k leurs tra-
vaux, on fera bien ne leur conseiller ce
genre de solitude, comme un moyen très«
propre k les tenir dans le recueillement au
milieu même de leurs occupations. De cette
manière elles pourront se conformer k cette
parole du Sauveur: Cherches f abord te
royaume de Dieu et $a justice. [MoUh. vt, 33.)
MOSCHUS (Jean), pieux solitaire et prêtre
du monastère de saint Tbéodose k Jérusa-
lem, visita les monastères d'Orient et
d'^Sypte, et alla k Rome avec Sophrooe, son
disciple. Il mourut vers 619. 11 dédia k So-
f^hrone un ouvrage célèbre, auquel il donna
c titre de Pré epiriluet^ où l'on trouve les
sentences et les miracles des moines de
différents pays. Cet ouvrage, écrit en grec
Ilit
MIS
MCTHHOUIBB
MTS
iia
a été traduit en français par Arnauld d'An-
MURAfoftt (touîis-Ànloine), prévôt de
Bâinte-Marie dé Pômposa» édrivain célèbre^
faaquit h Vijgnola dans lé duché de Modàne^
'en i6tâ. Sôû isavoir lui acquit une réputa-
tion européenne. Ses <^onnaissatices étaient
Îmmenses : Jurisprudence, philosophie, théo-
ogie, poésie» études de ranliaûilé, hiisfoire»
il avait tout embrassé» et i) réussit en tout.
Quàrante-six Volumes in-fotio sont lé ré-
sultat de ^a Vie Savante 6t laborieuse. Il
mourut le 21 janvier 17ti0> aVéd le titre dé
bibliothécaire-archiviste du dUô dé Modène.
lia laissé deux ouvrages dô piété: 1* Dé
Paradisô réjfnigue cœlesds gtoria^ etc.; —
â^ Della rigàïata divoziane de' Chrtêtiani, Il
y a dan^ ces deux livres plus de âcience que
dé piété.
MU2ZARÉLLI (Alphonse], théologien de
}à P^nîtéhceriè» naquit à Ferrdre, en 17W.
En iSOd, il Suivit eh France le Pané Pie V1I|
et eut sa part de la persécution. Il mourut &
f âris té 25 in&i 1813. C'était un eéclésiàsli-
^ùé savant et vertueux» h qui ^a piété» son
zôle. et un heureux caractère dvàieAt valu
Teistinle générale. Ses oûvi^agesde piété sont i
1* Lé bon Usage du vacances pout là jeunesse
àtudieuse ; — â* Le carnaval sancti'^i; —
3* L année de Marie; — k"" La dévotion au
sacré céur.
' MYSTlCISMfi. — Nous montrons h Tartî-
cte Théologie MvstiQCB» la nature» Tobjet»
la fin et les avantages du mysticisme; aux
articles Moines et Ascâtes» son origine et
ses pratiaues diverses : nous avons fait son
histoire dans notre discours prélilninaire;
qu'il nous suffise d'établir ici la distinction
Erécise entre le vrai et le faux mysticisme,
es vrais mystiques, dit M. Gossefin» ensei-
fnent que l'acte de la contemplation» c'cst-
-dire l'attention simple el amoureuse à la
préseûcede Dieu peut durer quelque temps»
plus ou moins» scion la disposition habi-
fuelle de l'Ame contemplative» et surtout se-
lon la force de la grâce qui l'attire à la con-
templation. Les faux mystiques» non con-
tents de cet acte passager» ont prétendu
qu'ait pouvait durer des années entières» et
même toute la vie, sans nul besoin de réité-
ration, perfection chimérique et incompati-
ble avec la fragilité de notre nature eu cette
vie» où il y a tantde sujets de distraction et
de dissipation (327).
Les vrais mystiques enseignent qlie la
contemplation, le regard amoureux de Dieu»
étant un acte de la pure charité» qui croit
tout, qui espère tout, qui supporte tout» qui
demande tout» il contient éminemment tous
les actes de fa religion» sans pourtant nous
décharger de l'obTigafion de les produire
d*une manière plus expresse au temps con-
venable. Les faux mystiques» au contraire»
prétendent» et il suit évidemment de leur
principe sur ja contemplatîoD perpétadle et
noii interrompue des parfaits » que ceui-ci
iont dispenses de tous les actes explicites
distingues de Ja charité» de toute réfleiioa
âur eux-mêmes et sur les vérités de la reli-
^on; que» par conséquent, ces actes et ces
réflexions ne sont que pour les commencaDts
et les imparfaits (328).
^ Les vrais mystiques enseignent (nie i»
nlus parfaite contemplation est celle qui
regarde la nature divine selon les notions
les plù^ ffénérales et les plus abstraites,
comme celles d'être» de vérité» de pe^^e^
(ion ; perce que ces idées» étant plus iotei-
leétilelles 'et ipoins resserrées» représenleot
ùiiéux lâ perfection de l'Etre divin» et exci-
tent davantage Tadmiration de Time con-
templÀtivex mais ils reconnaissent en même
tembs que tout objet de la foi peut être l'ob-
jet ae la contemplation» et que» dans la plos
parfaite oraison, quoiqu'on ne peasepas
directement a Jésus-Christ» ni aux attribiaU
diviùs» cel ù' lieu que dans le seul temps
de cette liàaàtère d'oraison» et môme sans
exclure jamais positivement et è dessein (es
idées particùlièi'és de la foi. Les fauxmys-
tioues» au contraire» semblent ne recoo-
nailre de vraie contemplation que celle qui
S'attache à Dieu seul. Bien plus» ils préten-
dent que cette Connaissance générale et in-
distincte de Dien est la seule et perpétuelle
èctiotl du parfait contemplatif. « Que ces
faux contemplatifs apprennent enfin, dit
Bossuet» que d*établir des oraisons» oii» par
état et comme de profession» on cesse de
Îenser & Jésus-Christ» à ses mystères, àU
rtnité» sous prétexte de se mieux perdre
dans l'essence divine» c'est une fausse piélé
et une illusion du malin esprit (329). >
Dans le langage des vrais mystiques, la
sainte indifférence des parfaits et leureolier
abandon au bon plaisir de Dieu» au roitieu
in&me des plus grandes épreuves» consislent
uniquement à ne rien désirer que pour ia
f;loire de Dieu» ôt par conformité è sa vo-
onté sainte. Les faux mystiques, aa con-
traire, à force de raffiner et de renchérir sar
les expressions souvent exagérées de quel-
ques pieux auteurs, en viennent à exclure
absolument tout désir du salut et toute coo-
pération de l'Ame aux inspirations de la
grâce (330). Il est bien Vrai que Tamourde
Dieu peut embraser une Ame, au poiol de
rempecher» pour l'ordinaire» de penser àses
propres intérêts; mais exclure positiTemest
de rétat des parfaits le désir et la demiiNle
du salut éternel» et généralement tous les
actes explicites distingués de la cbarité;foire
profession de ne s'y exciter jamais; les re-
pousser même lorsqu'on s'y sent iutérfenre
ment porté ; voilà un excès inconnu à tous
les vrais mystiques» contraire è tous les
principes de la saine théologie, et oarticu-
lîèrement au précepte qui oblige les plo^
(527) Cr, bossuET, EiaU d'oraison, lîv. i , n<» 14, (3i9) Bossuet, Ètàt éTotaiion. Iîv« if, n«^ 1 1^*
ao, n. 17, 26. -
(528) Cr. Bôséimr, Etats d'oraisùn, Viv. ii, n«' i (530) Cî, Bos$uet, Etat d^ordson, fif n, v^»
•; Uv. m, fi« f , tfic. ; liv. v, n»" U 5,. 8, 11. îit. x, rt<»* 17, 18.
ftll^
MYS
DTAscmnE.
MTS
IfU
parCiiU aussi bien que les oommeoçants, k
espérer, k désirer el i demander leur salul
étemel.
Les Trais mystiques enseiçient qne, parmi
les épreuf es de la Tic intérienre* la partie
ioféneore de Tâme est séparée de ta sopé-
rieoret en ee sens que riroagination et les
sens peuTent être troublés par les tenfalions^
sans qoe Tentendement et la Tolonté y pren*
Dent aoenne part. Ils ajoutent cependant
qu*en cette vie la séparation ne peut être
entière» el qo*il reste totgours assez de liai-
son entre les deux parties» pour que la su-
périeure soit obligée de régler llnférieure
et d*en réprimer les mouyements désordon-
nés. Les faux mystiques, au contraire» ou du
moins plusieurs «d'entre eut» k la suite des
aoeîens gnostî^es, ont prétendu qoe, dans
les flmes partîtes» la séparation ucs deux
parties est entière et absoroe, en sorte qoe
ee qui se passe d*irrégu!ier dans Tinférieure
Be peut plus être imputé à la supérieure. On
Terra les affreuses conséquences que plu-
sieurs hérétiques ont tirées de ce Aux prin-
cipe (331).
« Dès le II* siècle de Tère chrétienne» dit
M. Tabbé Gosselin « les Talenliniens» et quei-
aues autres sectes» connues sous le nom
e gnostiqueSy enseignaient une espèce de
quiélisme tout k fait semblable k celui des
philosophes néoplatoniciens (332), et présenté
peut«£tre sous des formes encore plus obs«
cures (333). Un des points les plus constants»
et en même temps les plus répréhensibles de
leur doctrine, était la conséquence qu'ils
tiraient de leurs principes, pour autoriser»
dans ceux qu'ils appelaient spirituels ou
parfaits» les plus grossiers excès. Ils distin-
guaient tous les hommes en trois classes» les
maiérieUf les ptyckiqueM ou animaux^ et les
fpuwÊiatiquei ou spirituds. Les premiers ne
«Joiyent point espérer de salut; les seconds
pouYaîent se sauver par la foi et les bonnes
œoTres ; les spirituels seuls» du nombre des-
quels se mettaient tous les gnosliques» de^
▼aient infBilliblement être sauyés» quelques
crimes qu*ils pussent commettre, la gnose
ou contemplation de l*Elre dirin leur tenant
lieu de toules les bonnes œurres. Ces prin-
cipes n'étaient point une pure spéculation»
et la plupart des gnostiques y conformaient
leur conduite. Voici comme un de leurs
chefs prétendait justifier les principes et la
conduite de sa secie : c J'imite» disait-il» ces
(S3I) GossxLiii, Biêi^fÉ tiitérmre de Pitulon^
Analyse de la cootrorene de qoiétisiae.
(SSH) Sar le qoîétisme des néoplatonkiéiis, cl*
B. SMiiLAïas, Dm mf^iekme «I de féeoU ^Alexan-
dm; GoiSELUi, ttiumrt lUUrmre.
(533) SaîDl laÉHÉB, Adwen lum$; iibr i, r. 6;CLi^
■£5T D*AixxA5i>aiE,SiroaMfei, Iît.ii, p. 407; elc; Si-
CpiraA9ie,li»res,i6, o* i,etc.; Flecst, Bi$t. eedès.^
urni I, lin m, !!•• 20, Î6; D. Ccillies. Biu. de* «»-
CCTirsfrW.UniieiLp.t3S, etc;i.VHI,p.tf38,etc.; Pit*
QiST, DiahnMt kéréne§^nnkitBGtioiiqtiéi^Bûtiiit'
tf^ F4ifMrff««eie.Ifoasf«aMr^iieffons,e»pafi«iit,<nié
le non de fiMSTiçiict, dëslgaait, dans rorigine, des
boiMWi vrahoeal apiritaels et parfaite ; il iresi de-
▼eaa odiesx a? ec le lenipi tfie -par sëiie de ralM
ta'oiieaalait.liiie faut donc pas confondre les
s iMnsftmea qol pestent dansfe camp ennemi
« sons prétexte de lui rendre senrice, mais en
a eSét pourle perdre. Un mi snostîque doit
«tout connaître; car» quelmeriley a-t-il à
a s*abstenir d^une cboscqn'oo ne connaît pas?
'• Le mérite ne consiste nas i s*abstenir des
ir plaisirs» mais k tenir la Tolupté sous son
« empire» lors même qu'elle nous tient en-
« ire ses bras. Pour moi, c*est ainsi que j'en
m use» et je ne Fembrasse que pour rétouf-
« fer (3M). s
On ne doit pas s'étonner, après cela» que
saint Irénée» Clément d'Alexandrie» saint
Epiphane et les antres saints docteurs » qui
ont parlé de ces anciens hérétiques, les rer
présentent comme des hommes aussi décriés
par la corruption de leurs mcrars qoe par
l'infamie de leur doctrine, et d'autant plus
condamnables» qu'ils cachaient ordinaire*
ment leurs erreurs sous une apparence de
piété et de perfection. Ces excès sont d'au-
tant moins étonnants» qoe les guosticjues,
aussi bien que plusieurs autres hérétiques
des premiers siedes» étaient puisé, en grande
partie» leurs erreurs dans la philosophie
paîenney dont ils prétendaient ailier la doc-
trine avec les dogmes du christianisme.
Mais quelle qu'ait été l'origine de ces excès»
il est certain qu'ils ont été depuis renouTC-
lés par différentes set^es hérétiques» dont
les principales sont les két^ekasteê chez les
tirées» au xi* siècle, et les bésuards chez les
Latins» au xir* (9351. Ces oemiers furent
solennellement condamnés par le concile
général devienne» qui réduisit leurs er-
reurs h un certain nombre de propositions»
dont plusieurs ont un rapport manifeste arec
la doctrine des anciens gnostiques et stcc
celle des quiétistes modernes. Voici quel-
ques-unes de ces propositions : « 1* L'homme
peut acjiiuérir» dès cette fie, on tel degré de
perfection» qu'il doTieime impeccable» et ne
puisse plus profiter en grâce. 2* Dans l'état
de perfection, on ne doit plus jeûner ni prier.
3* Dans ce même état» on est aflRranchi des
lois ecclésiastiques, des toî$ humaines, et
mêmedesoommandements de Dieu, k* L'exer-
eice des rertus n'est que ponr l'homme im-
pariait« l'âme paiiiûte en est
mrSTIOUB ( TMOLOOIB ). — DÉFlHlTtOH ,.
nnnsioii» objit» fui bt atatitâges. — Dé^
piitian. — La théologie mrstîque est une
science qui procède de la reyélalion» et qui
fcérétiqves connus sons le nom comnian de gnot-
hmuê arec les ^aotct^n^i on përfaks CkrHiem, dont
Oémeni d^Alexandrie fait on si heav portrait* dans
ses lîTTes des Sirammeê. (Voit FLcoat, llûi ecdU.^
ton l'sliT. nr, n*â9, etc.; 0. Ccillibb^ llifi. dit mh^
Umn eevf.» ioni II, p. 866, 270, eie. ; BoMCCTt Ina-
trucL tmr U$ éidu d'oTMOit^ Iîy. x, n« 5.
(334) ChtME%j s'Alcx., SirammUi, Ky. n, p. 411^
(355) Pldqobt. Dictionmmre dm hére^iê, articles^
BêtfCkûMia et Béguards; Bob^cet , imuma. sar tet.
était i'wahem^ Ihr. x. n** I, 4.
(S56) CLÉmiRTia, livre n titre 5, eh. S Ad ao-
irmai ; tAiA.au, acrm. i In domm. pnÊ^ qmadM^^
Hossvst, mbi fsirrs; idmirciuemmiê déê pkrMtê n|»»
lériemiu de Saini-Jeëu de la C>ofl>, i-« parlae, cli«6».
à h snile de ses CEinraEs; in4% Paris» 1G64
1115
MYS
MCTHHtNAlIŒ
MYS
tH6
ensei^e les moyens d'arriver à la vertu
parfaite.
La théologie en général est la science de
Dieu. Les spéculations qui ont Dieu pour
objet s*appûilent ihéoloffie nakirelh^ qmnd
elles ne sont éclairées que par les seules
lumières de la raison ; et théologie révélée ^
quand elles sont éclairées par la lumière de
la révélation divine. Cette science prend le
nom de théologie dogmatique quand elle
consiste dans la simple exposition desprin*
cipes révélés; de théologie polémique ou
eontrovermte ^ quand elle s*atlache à défen-
dre ces mêmes principes contre les ennemis
do la foi ; de théologie morale f quand elle
règle les mœurs conformément aux préceptes
et aux défenses de Tétemelle loi de Dieu;
de théologie ecolastique^ quand, par le rai-
sonnementielle déduit des mystères révélés
toutes les vérités moyennes; de théologie
symbolique^ quand elle explique les symbo-
les sacrés, et qu'elle dévoile les mystères
contenus sous ces figures apparentes; de
théologie mystique enfln, quand elle ne pro-*
cède plus par spéculation, mais qu'elle nous
dirige et nous conduit, conformément aux
vérités pratiques révélées, et par toute sorte
de perfcolion morale, k connaître et à aimer
pieu de plus en plus. Elle diffère de la théo-
logie scolastique, parce qu'elle ne s'occupe
que de la pratique» de la théologie morale,
parce qu'elle enseigne les moyens d'arriver
a la perfection, et que sans s'arrêter à la
fuite du péché, elle va beaucoup plus loin,
elle cherche à perfectionner les mœurs jus^
qu'à l'union de la volonté des créatures
avec la volonté de Dieu, même dans les
plus hautes régions de la perfectibilité hu-
maine. C'est du v sièole que date celte di-
vision de la théologie en symbolique et
mysiique, h l'époque où parurent les livres
attribués h saint Denys l'Aréopagite. Parmi
ces livres, nous avons encore celui qui traite
de la théologie mystique. ( V. Denis l'AbAo-
PAoïTB. ) Saint Maxime, Pach vmère et quel-
ques autres l'ont enrichi de leurs commen*
taires; saint Thomas et d'autres théologiens
font le plus grand cas de cet ouvrage. Les
autres divisions furent successivement éta-
blies au XII* siècle, principalement par Té-
vAque de Paris, Pierre Lombard, dit le
Maître des sentences.
La théologie mystlqne est réellement une
science; car elle se déduit d'une série de rai-
sonnements avec autant d'évidence que les
autres sciences humaines, surtout à raison de
son objet, puisqu'elle repose sur des vérités
de foi divine, bien qu'elles ne soient pas d'é-
vidence rationnelle. Elle est en même temps
une science pratique 9 car elle tend tout en-
tière à faire arriver de plus en plus h Ihinjon
intime avec Dieu, et ceux qui commencent,
et ceux qui ont fait quelques progrès, et
ceux qui sont arrivés à la perfection; d'ail-
leurs tous ses principes révélés sont pra-
tiques t comme. Vous aimerei le Se gneur
voire DieUf etc. ; enQn ses tnoyens le sont
également, tels que la prière, la mortitica-
tion, etc., etc.
Division. — La théologie mystique se di-
vise en doctrinale ou subjectwe; c'est celle
que nous avons définie; et en expirimtntdt
ou objective : celle-ci, certains auteurs la
définissent une élévation de l'âme en Dieu
par I amour pur
et fervent; «rantres une connaissance eipé-
rimentale de Dieu, qui nous est procurée
par l'amour unitif. Gerson (Tract. 7 mp.
Magn. , i. m ) , la définit en ces termes: C'est
la connaissance trèsnlivine de Dieu, con-
naissance aue l'ignorance acquiert, par une
union supérieure à l'esprit, alors que l'es-
prit, se détachant de toute chose, s'a*
bandonnant lui-même ensuite, s'unit aui
rayons de la splendeur divine, et re(oil la
lumière de cette sagesse, dont on ne peal
sonder les profondeurs. » Cette théologie
n'est pas enseignée par les hommes ou par
la parole, comme les autres théologies; elle
s'apprend par l'expérience et par les seos^
tiens internes, elle n'est enseignée que par
Dieu seul, selon les paroles de saint Deufs,
au début de sa théologie mystique.
Il résulte de ces définitions que la théolo-
g*e mystique doctrinale ou subjeeliu a pour
notion: 1* déconsidérer parmi les actes
expérimentaux de la théologie roystii^oe
ceux qui sont parfaitement ou imparfau^
ment unitifs, et d'examiner les propriétés et
les effets de ces différents actes, d*après iau*
torité de la sainte Ecriture, et les écrits des
saints Pères et des mystiques. 2* De donner
aux contemplatifs des règles certaines poor
s'avancer sûrement et utilement dans leurs
élévations vers Dieu, et assigner d'autres
règles à ceux qui, n'ét«int pas encore par-
venus à l'état de la contemplaiion, se dis()n-
sent eux-mêmes à acquérir uu don si pré-
cieux.
Objet et lin. — L'ot^et et la fiu de la théo-
logie mystique consiste à conduire Tâmet
par la voie de la perfection, jusqu'à TuDioa
de la charité parfaite avec Dieu.
Il ne faut pas restreindre uniquement
l'objet de la théologie mystique au degré Je
la parfaite union contemplative: elle s'étenJ
encore soi l à ceux qui commencent, àcoui
qui progressent et à ceux qui sont parfails
c'est-è-*dire à la voie purgiUive^ illuminatitt
et unitive^ dont nous parlerons plus tari.
Ainsi saint Denys, au premier cnapitre de
sa théologie mystique» s'efforce de prourer
2ue la pratique de ces préceptes conduii l^$
mes bien purifiées et illuminées jusquà
l'union de la charité parfaite; et il conriuta
la fin par l'exemple de Moïse {Exod, v}l •
c Ce n'est pas sans raison, dit-il, quelediTin
Moïse reçoit de Dieu Tordre de faire d'abord
des expiations (c'est là la voie purgative), ei
ensuite de se séparer de ceux qui n'ont pa|
été purifiés; ces expiations terminées, n
entend des trompettes retentissantes^elses
yeux sont frappés de mille rayons d'une éiio-
celante lumière (c'est la voieillumioatiTe;;
enfin il est séparé de la multltudct et avec
les prêtres d'élite, il parvient au faîte de n
lin
MTS
O^ASGETISIIE.
HTS
flIlS
montagne di? ine (e*esl la Toie aoiti?e). Ger*
son de même, «o énnoiérant les disciples de
la Ibéologie mysliqoe, dit : « Noos comp-
tons d*abord ceux qui commencent, ensuite
ceux qui progressent, en6n ceux, qui sont
parfaits. » On peut reconnaître toutes ces
divisions dans les autres théologiens mvsti*
ques. Il ne ftut pas en conclure que la tbéo-
Ic^ie mystique ne soit pas dîBérente de la
morale» laquelle consiste k présenrer les
hommes de tout péebé. La théologie mysti-
que supplée et perfectionne la morale. Elle
s'occupe non-seulement de ceux qui sont
p'irfoits, mais encore de ceux qui tendent et
aspirent à la perfection. L'œuvre de la théo-
logie mystique est donc de perfectionner;
ce qui suppose nécessairement les trois do-
grés de commencement, de progrès et de
perfectionnement : et tous reçoivent de la
théologie mystique leurs lumières et leurs
forces.
Les sources qui fournissent k la théologie
mystique ses regles et ses vérités sont les
mêmes que celles de la théologie dogmati-
que, polémique, morale et scholastique : à
savoir, VEenêure samie^ la iradUiomt c'est-
à-dire, Tunanimiié des Pères k reconnaître
toujours le mèrae dogme ; V Eglise^ soit auand
elle est mssemlHée sous la pi&idence de son
chef, ôêus les conciles œcuméniques, soit
quand elle adhère, tout en restant dispersée,
au dogme dé6ni par son chef; enfin les
DéerHê des Souverains Paniifès.
L*Ecriture sainte, la tradition, TEglIse,
les décrets des Souverains Pontifes, sont
appelés Us liemx îkéologiqfues internes néees^
satres; quant aux lieux tniemes non néces^
smires^ source de principes d*où sont dédui-
tes des propositions plus ou moins proliabies,
ce sont Vamtariié des eaneiles frovineiaux ei
maiianauXy des saints Pêres^ en tant que con-
sidérés isolément, et des ikéotogiens dogata'
tiques^ polémique»^ mwraux et mystiques. Le
iitu externe^ destiné k éclaircir les vérités de
la théologie mystique, est ou la raison^ ou
Vautariti des philosophes et des hisioriens^
ou Vexpérienee .déns les choses mystiques.
Vexpirienee et la pratique sont trèsHitiles
•f nécessaires pour acquérir la perfection
de la théologie mystique. En effet : f * Le but
de la tliéologie mystique est la pratique. Or
c*est le proj»re de tout art, ou de toute
scii nce pratique, de perfectionner les ensei-
gnements par les actes, jusqu'k ce qu*oo ait
appris par sa propre expérience k faire une
juste application des règles et k éviter toute
erreur. C'est en forgeant qu'on devient for-
geron : Fii fabrieando faber. 2" Nous con-
naissons mieux les opé^lions intérieures et
les affections do cœur par notre • propre
expérience, que par nos recherches ou par
le témoignage d'autrui. Et comme c'est leur
perfectionnement que se propose surtout la
théologie mystique, il est clair que nous
avons besoin de notre propre expérience
pour l'étudier ou pour renseigner, c Autre-
ment ce serait comme si quelqu'un, dit
Cassien, voulait raconter par des paroles la
douceur du miel k quelqu'un qui n'aurait
jamais rien goûté de doux; on ne peut
assurément uire éprouver k l'oreille les
suaves impressions que ressent la bouche,
et la parole ne peut rendre la douce jouis-
sance du goût. » (Cass., Collât, xn, c 13.1
3* Les mystiques les plus parfaits ont anssi
toujours été les plus saints par leur propm
ex|M§rience, selon les ensei^ements qu'ils
avaient reçus de Dieu ; lémoins saint Jean dn
la Croix, sainte Thérèse, etc. Aussi c'est k
juste titre que Gerson refuse d'admettre au
mysticisme» surtout parmi les directeurs
« ceux qui s'enorgueillissent d'une vaine
philosophie qui les aveugle, qui foulent
honteusement aux pieds ce qu'ils ne peu-
vent goûter, et qui déchirent d'une dent
vorace ce Qu'ils ne |ienvent comprendre {Tr.
do mjfst. tkéoL^ cons. 31), » selon ces paroles
de saint Paul (item, viii, 5) : Ceux qui sont
ehamels gaulent les choees de la dkâtr, mots
ceux ^ êont spirituels goûtent Us choses do
Fespnt.
En disant que la pratique et l'expérience
sont indisfiensablesk Tétude et k l'enseigne-
ment parfait de la Ibéologie mystique, H ne
faut pas comprendre que les maîtres ou les
disciples doivent nécessairement être par*
faits et avoir reçu de Dieu le don d'une ex-
traordinaire contemplation; il leur suffit
d'entrer et de s'avancer avec ferveur dans la
voie du Seigneur, et de diercber k expliquer
ou k comprendre de mieux en mieux les
vérités mystiques propres k la vie spiri-
tuelle.
La pratique et l'expérience ne sont pas
tant dans le mysticisme : elles doivent s'jr
subordonner k la mystique doctrinale, qui
par les règles de la foi et des docteurs ex-
périmenté, dont l'Eglise regarde le témoin
ne comme certain, préserve les hommes
»uie erreur. D'après Gerson, il ne faut
ni mépriser, ni rejeter sur-le-champ les
personnes que l'espnt conduit par des voies
extraordinaires, il ne faut pas non plus
les croire k la légère, mais les examiner
avec soin, suivant Tes règles de la tradition
de relise, afin de séparer l'or du plomb.
Nous en tirons pour première conclusion
que, outre la théol<^e mystique expérimen-
tale, nous devons admettre comme néces-
saire la théologU mgsUquedoctrinaUf en tant
que science acquise et procédant k la ma-
nière scientifique. En effet, 1* quoique la
théologie mystique doctrinale soit en partie
révélée de Dieu dans la sainte Ecriture, en
partie transmise par les Pères, en partie révé-
lée particulièrement k TAme contemplative,
sans aucun autre maître qu'une lumière inté-
rieure; elle tire cependant de ces principes
différents des rèdes sûres, pour conduire
les Ames au faite de la perfection chrétienne.
Or la nécessité de ces règles entraîne la
nécessité de la théologie mystique doctri-
nale. 2" Privée de la doctrinale, la théologie
nsysêique expérimentale tombe facilement dans
les erreurs de l'esprit privé, source de toutes
les hérésies spéctualives et de toutes les ci-
reurs mystiques. C'est |iourquoi rE^lise,soit
dans les jugements de l'inquisitiou , soit
11!»
MYS
DICTIONNAIRE
MYS
lltt
dans tos procès âtt oanotiîsalion « examiiM
avec Id piuâ grand soin les esprits les plus
extraordinaires selon les règles de la mys-
tique doctNoAle. Sainte Thérèse reoonb-
roande instaqiment aux Ames spirituelles
de ne point mettre en elles-ménies leur
confiance» mais de rechercher un confesseur
éclairé, qui, bien que moins habile dans la
mystique eipérimentale, soit néanmoins
plein de zèle pour la perfection. « Les con«-
naissances littéraires, dit^lie, sont un grand
avantage : elles instruisent et enseignent
notre ignorance : leur lumière nous fait trou-
ver le sens véritable de TEcriture, et nous
apprend à faire ce que nous devons. » Et le
Père Ségneri indique comme le caractère le
plus défavorable du quiétiste leurs préten*
tiODs à ne vouloir pour juges de leurs doc-
trines que ceux qui les avaient éprouvées.
«L'expérience, dit-il, est très-utile, mais
elle est souvent trompeuse, surtout dans ces
matières qui, par cela mémo qu'elles ne sont
pas physiques, mais morales, sont sujettes à
toute sorte d^erreurs. » La théologie mystique
doctrinale est donc nécessaire pour éviter les
erreurs dans la voie de la perfection, et pour
diriger les Ames et discerner les esprits.
Il n'est pas diflScile de comprendre le motif
de cette nécessité. On trouve souvent dans
ÏEfhse des Ames que Dieu seul conduit in-
léneurement et qu il éclaire par des lueurs,
par des paroles^ par des visions et par des
extases plus profondes et plus sublimes.
Toutes ces Ames cependant sont exposées
au danger de tomber uanâleiserretirs les plus
graves, soit par les illusions de leur propre
imagination, soit par les ruses du démon.
Avantagea. — Nous en tirons cette seconde
eODclusion : La théologie mystique est une
Mcienee de la plue grande utilité. En effet :
1" € La véritable sagesse, dit Alvarez de Paz,
consiste, non dans de stériles spéculationa,
mais dans des œuvres utiles; non dans les
disputes, mais dans la fuite de tout mal,
dans la recherche persévérante du bien, dans
la parfaite observance des commandements
et dans la pureté de l'Ame. « (Prœf. de vit^
epir.)^ La théologie mystique abonde en
principes révélés par la foi à tous et à cha-
cun; elle présente les garanties les plus
certaines de crédibilité, quant au discer-
nement des inspirations, m& révélations et
des esprits ; elle fait usage d'exercices aussi
solides qu'utiles, edtre autres, de l'oraison
mentale, dont eMerecommanderasagecororae
très-avantageux. Elle enseigne b reconnaître
les dons surnaturels, non-*seuleroent de la
foi et de la science, mais même du discerne*
ment des esprits, des ravissements et des
«xtases, et k distinguer le vrai du faux.
Dne troisième conséquence, c'est Veneel*-
ienee de la théologie mystique: Aussi les
flscètesdonnent h cette science les plus grands
éloges. Gersondit {ihinont. contempL^ c. k)t
« Je 6rois que c'est li la sagesse que le bien-
neureuK Denys a principalement enseignée
dans son ouvrage de la théologie mystique;
et cette sagesse, la ptus parfaite et la plus
frofoûdo que nous fnjissions avoir ici^MS)
est celle que lui a révélée le bienheureux
apôtre Paul, dont il avait été le disciple. »
Louis Du Pont dit à ce sujet (Introd. ai
ducemipir.): « Elle est sans aucun doute
incomparablement supérieure à toules les
autres sciences et à tous les arts de Tunivers ;
car elle est plus que toutes, profonde, no-
ble, sainte, utile, agréable et de longue du-
rée. Elle est la fin dernière, en qui réside
la béatitude de la vie présente, à laquelle se
rattachent toutes les autres sciences. •
La principale prérogative de la théologie
mystiane est donc de se rapporter par saGn
spéciale à l'amonr de Dieu et de tendre ï
l'exercice de la perfection chrétienne. SI ce
gentiment ne règne dans l'esprit du maître
ou de l'écolier, cette science sera digne à
peine de son nom ; ce n'est plus qu'une
science tronquée et monstrueuse. Luin
seulementt dit saint Bernard (Serm, innat,
S. Joan.) c*est une vanité; brûler nuit-
•nen/, c'est peu de chose; la perfection eontiiii
à luire et à briUer. —- Que vou$ sert, dil
V Imitation^ de parler sur la Trinili en Itr-
mes sublimes^ si vous déplaisez à la Trinité
par voire peu d'humilité? J'aime mieux w-
sentir la componction que d'en connaître ladé-
finition. Quelle honte pour le mystique, qui
conduit et exhorte à la perfection, s'il se
contente de savoir, sans mettre la main â
Tœuvre? « Il est semblable, dit Gerson,
{Théol. myst.f consid. 31) à un fils qui cher-
- che seulement h connaître les secrètes vo-
lontés de son père, sans sinquiéter d'exé-
cuter ses ordres. Aussi ne pourra-t-il éviter
ni sa vengeance, ni sa colère. »
La fin de la théologie mystique, avons-
nous dit, est de conduire l'âme, par la voie
de la perfection, jusqu'à l'union do la rba-
rite parfaite avec Dieu. Le théologien qui
veut mettre de l'ordre dans cette maiiènN
1" doit expliquer en quoi consiste la vies|>i*
rituelle et la perfection, et quelle obliga-
tion il ^ a pour Thomme de tendre i cette
perfection. Et comme la théologie mystioue,
qui a pour but de rendre l*homme parfait,
ne peut atteindre ce but que gradaeltemeot
et par parties, en commençant, en eooli-
nuant et en atteignant, elle doit donc indi-
quer, S* de quelle manière ceui qui com-
menoent doivent tendre à la periktion par
la voie purgative^ c'est-à-dire par l( fuiie
du péché mortel et véniel, et de la liédear»
résultat qui nécessite I oraison et la morti-
ûcatioa. 3* Comme TAme purifiée de toute
souillure, et faisant des progrès dans la vie
spirituelle, est plus souvent éclairée de P|(^u
dans la voie illuminative^ et suit Jésus-Ciin^i*
qui est la vraie lumière, la voie, la vérité
et la vie; et comme dans cette voie il faut ai*
Suérir des vertus, pour parer l'âme, épouse
e Jésus-Christ, et pour la disposer à ai-
mer ferooement Dieu, son souverain bien,
le théologien doit alors traiter de rimitatioo
de Jéstts4Christ, des yertes que nous devons
en recueillir, des tentations et des obslacie^
que nous rencontrerons dans cette voie. *
L'btmme, ainsi éclairé, parvient enfi» *•
sommet de la perfectioni autant qu*il loi^^.
«Itt
MfS
D^ASGEIISMB.
MTS
11^9
possible en celle rie, dans la voie wUiive^
en $*unissanl avec Dieu ; il s*élë?e jusquli
la conteroplaliou à laquelle Dieu le cooauit
par diverses voies, el s*unil enfin de diffé-
renles manières avec Tâme parfaite. On doit
donc eiplic|uer quelles sont ces manières.
Celui qui recherche la perfection» pour ne
pas s*écarler de la voiedirecle qui j conduit,
a besoin d'un directeur sniriluel. Quel doit
être ce directeur spirituel |K>ur les âmesqui
aspirent k la perfection ; comment ce direc-
teur doit-il s'accommoder au degré d'avan-
cement des uns et des autres; comment
doit-il aider les commençants, eeui qui pro-
gressent et ceux qui sont parfaits et corriger
If urs débuts; comment peut-il, parle discer-
nement des esprits, distinguer les bons de
ceux qui sont méchants ou égarés, elpurifier
les esprits corrompus ;comment peut-il recon-
naître et apprécier avec certitude les révéla-
lions, les prophéties, les apparitions, les vi-
sions, lesravissements et les extases,queDiea
aeeorde parfois k l*Ame parfaite; comment en-
fin le supérieur d'une communauté peut-il
saintement et habilement diriger les religieux
qui lui sont soumis, et quelles sont les qua-
lités que doit surtout réunir un bon supé-
rieur, telles sont toutes les questions dont
s*occu|)e encore la théologie mystique.
Maintenant il est aisé de comprendre que
cette théologie ne peut pas plaire aux pro-
testants. Comme ils ont intérêt de persua-
der que la doctrine de Jésus-^brist ou le
▼rai christianisme a commencé h dégénérer
dés le 11' siècle, et que le mal est allé tou-
jours en empirant , jusqu'à la naissance de
la réformation qu'ils j ont faite, ils ont cru
trouver une des causes de cette corruption
dans les rêves de la théologie mpstique, et ils
se sont donné carrière pour la couvrir de
ridicule. Mosbeim, en particulier , dans son
Histoire chrétienne et dans son Histoire ee*
etésiastiquef n'a rien négligé pour y réussir.
Il n'est presque pas un seul siècle sous le*
quel il n'ait lancé des invectives contre la
vie des contemplatifs. Il l'appelle mélas^eo^
lie, démence , fanatisme^ extravagance^ délire
de rifnaginattont etc. On est presque tenté
de douter s'il n'a pas été lui-même atteijit
de la maladie dont il a voulu guérir les au-
tres.
Avant d'examiner riiistoire satirique qu'il
en a bite, voyons si les principes et les
motifs qui ont dirigé la conduite des con-
templatifs, sont aussi chimériques et aussi
mal fondés qu'il le prétend. Nous croyons
les trouver dans l'Ecriture sainte, el puis-
que les pi oiestants ne veulent point d'autres
preuTes, nous avons de quoi les satis-
faire.
1* lésus-Christditqu'iV faut toujours prier
et ne jamais se lasser. ( Luc» xviii, 1.) Il a
confirmé cette leçon par son exemple ; nous
lisons qu'il passai/ lesnuiis entières à prier.
{Lue.,, VI, 12. ) Lorsqu'il demeura quarante
jours et quarante nuits dans le désert, nous
présumons qu'il employa principalement
ce temps à la prière et a la contemi)lation.
Pendant la nuit qui précéda sa passion , il
se retira, suiwmt sa c oulym^, dans le jardin
et sur la montagne des Oliviers ; il y rccom
menca sa prière jusqu'à trois fois : il rej»rit
ses apôtres de ce qujis ne pouvaient veiller
et prier une heure avec lui. ( Matlh. xxvi ,
hh ; Luc. XXII, 39. ) Saint Paul répèle aux
fidèles les leçons de notre divin liaitre; il
les exhorte à prier en tout temps, i multi-
plier leurs oraisons el leurs aemandes, k
veiller et à prier surtout en esprit [Ephes.
VI, 18) ; à prier sans relâche (i Thess. v, 17 ;
Eom. xn, 11);- è joindre les veilles et les
actions de grâces a leurs prières [Coloss. iv,
2 ) ; k prier jour et nuit (i Tim. v, 5). Il fai-
sait lui-même ce qu'il prescrivait aux au-
tres (I Thess. lu, 10) ; saint Pierre tient le
même langage. (Epist. 1, rv, 7.)
2" Quant à la manière de prier , Jésus-
Christ nous enseigne k rechercher la soli-
tude ; pour le faire, t7 se retirait dans les lieux
déserts {Luc. v, 16) ; il allait sur les monti^
gnes (£tic., vi, 12; ix, 28) ; il priait dans le
silence de la nuit. Lorsque vous voulex
prier , dit-il, entrez dans votre chambre, fer^
mez la porte et priez votre Père en secret.
{Matth. Ti, 6.)
3* Il nous fait entendre que la prière in-
térieure, la prière mentale, est la meilleure,
puisqu'il dit : Lorsque vous priez , ne parlez
pas beaucoup. {Matth. vi, 7. ) Saint Paul , de
son cêté, nous donne la même instruction :
Priez en tout temps et en esprit. (/ Cor. xiv,
»* L'Ecriture nous apprend encore que la
prière doit être accompagnée du jeûne;
c'est l'avis du saint homme Tobie. ( xii, 8. )
L^vangile bit l'éloge d'Anne la prophé-
tesse, qui ne sortait pas du temple, qui
s'exerçait k la prière et au jeûne le jour et
la nuit. ( Lue. ii, 37.) Nous ne répétons pas
la foule des passages cités k l'article lioari-
viCATion, dans lesquels Jésus-Christ et les
9p6lres font l'éloge de la vie retirée, austère,
pénitente el mortifiée.
5* S'il étail besoin de consulter encore
l'Ancien Testament • nous y verrions que
les psaumes de Havid sont remplis d'exhor-
tations k la prière, non-seulement k la
prière vocale, mais k la prière mentale, k la
prière de l'esprit et du ccBur, k la médita-
tion et k la contemplation ; que ces leçons
divines sont confirmées par les exemples de
Pavid lui^'inême, de Tobie, de Judith, de Da-
niel et des autres prophètes , ainsi que par
ceux de saint Jean-Baptiste, d'Anne la pro-
pbélesse , des apôtres dans le Cénacle, du
centurion Corneille, etc.
Nous ne demandons pas si les protestants
trouveront des explications et des subter-
fuges pour tordre le sens de tous ces pas-
sages et pour en esquiver les eosséquences,
ils n'eu manquent jamais ; mais nous de-
mandons si les Chrétiens du ii* et du m'
g-ande partie k la prière, est agréable k
ieu ; 2* que la meilleure prière est l'oraisoo
mentale ; 3* que, comme il est k peu près
1125
MYS
DICTIONNAIRE
Mtrs
ilil
loapossiblo d'y être dans je monde, il vaut
Odieux se reltrer dans la solitude pour y va-
quer a?ec plus de liberté ; k' qu'il . âiut
lOiudre h la prière une vie austère et morti-
Oée. S*i]s se sont trompés» c'est Jésus-Christ,
ce sont les apôtres et les autres écrivains
sacrés qui les ont induits en erreur, comme
lè soutiennent les incrédules. SMis ont eu
raison, il y a de Timpiété k déclamer sans
aucune retenue contre les ascètes, les ana*
cborètes, les moines, et contre tous les con-
templatifs.
Leibnitz, plus sensé que le commun 'des
protestants , ne blâme point la théologie
iiiysliqno. « Cette théologie^ dit-il, est h la
lirénlogie ordinaire à peu près ce qu'est la
poésie à l'éloquence, c*est-a*dire elle émeut
davantage, mais il fnut des formes et de la
modération en tout. » (E$prit de LeibnitXf
t. II, p. 51.) Pour les autres qui ont eu peirr
sans doute d'être trop émus par le langage
de la piété et de l'amour de Dieu, ils n'ont
pas poussé les réflexions si loiu, ils ont
trouvé plus aisé d'avoir recours au ridicule,
iDUx raillerie?, aux sarcasmes, et d'objecter
de prétendus inconvénients. « Si tout le
monde embrassait la vie solitaire et contem*
plaiive, que deviendrait la société?» Nous
avons déjà répondu plus d'une fois que la
Providence y a pourvu ; Dieu a tellement
diversifié les talents , les goûts» les inclina*
tions, les vocations des hommes, qu'il n'est
jamais à craindre qu'un trop grand nombre
« nihrassenl un genre de vie extraordinaire.
M.'iis la question est toujours de savoir si
Dieu n'a pas pu donner a un certain nom-
bre de personnes, du goût et de l'attrait pour
la vie contemplative , et s'il n'a pas pu ré-
compenser par des grAces particulières celles
qui ont été fidèles a suivre cette vocation de
Dieu, qui se sont occupées constamment à
méditer ses perfections , à exciter en elles
le feu de son amour, à étouffer toutes les
atreelions gui auraient pu affaiblir ce senti-
ment sublime, tant exalté par saint Paul.
Nous défions dos adversaires de le prouver
jamais.
Après ces préliminaires, nous pouvons
examiner en sûreté les imaginations de
Mosbeim.
Il rapporte Toriginede la théologie mytrt-
que au ii* siècle et aux principes de la pby-
losophie d'Àmmonius , qui sont les mêmes
que ceux de Pythsgore et de Platon. Comme
ceux-ci ont vécu longtemps avant Jésus-
ehri>l, il en résulte déjà que cette théologie
est plus ancienne que Je Christianisme.
Aussi Mosheim suppose que les essénicns
et les thérapeutes en étaient déjà imbus ,
et que Phîlon le Juif a contribué beaucoup
à la répandre. Elle était, d'ailleurs, dit-il,
analogue au climat de l'E^pte, où la cha-
leur et la sécheresse de l'air inspirent natu-
rellement la mélancolie, le goût pour la so-
litude, pour l'inaction, le repos et la con-
templation. II déplore les conséquences
pernicieuses quecette disposition desesprits
a produites dans la religion chrétienne.
(Hi8i. christ,, sect. ii, § 25; Hist. eccles,,
sect. Il, part. ii,cb. 1, 1 19.) On a rétulé
toutes ces Visio ns aux mots AscftiBs, AHi.
CHORÈTES, Moins, MoRTiFicAtioN, etc. Il é$t
bien ridicule de supposer que le commun
des Chrétiens dutii* et du tv siècle étaient
des savants et des philosophes ioous des
principes de Platon, d'Ammonius et de Phi-
Ion, et qu'ils les ont suivis plutèt que !'£-
criture sainte : il ne restait plus à Mosheini
Îu'à dire, comme quelques incrédules, qm»
ésus-Christ lui-même et son précurseur
étaient prévenus des mêmes errears, qu'ils
n'ont fait qu'imiter les esséoiens et le^ iltê^
rapeutes.
A l^époqnc du ni' siècle, il prétend qa*Ori-
gène adopta le sentiment de ces phila^ophes,
qu'il le regarda comme la clef de louiez les
vérités révélées, qu'il j chercha les raisons
de chaque doctrine ; ri imagina , cooime
Platon", que les Ames avaient été produite;,
et avaient péché avant d*ôtre unies à dis
corps, que cette union était un cMlimeot
pur elles, gue pour les faire relourneret
les unir à Dieu, il fallait les détacher de la
chair et de ses inclinations, les purifier [lar
des austérités, par le silence, par la prièrei
par la contemplation. Sur celte liasse h)[>o-
thèse, Hoshcim prèle h Origène un plan de
théologie qu'il a forgé lui-même , et doui
l'absurdité est révoltante. (Hist. ckrùt,,
sec. III, i 29 ; Hist. eeeteê., m' sec, ii'|)ârU
ch. S. i 1.) Si Origène en était vraimenl
fauteur, il faudrait le regarder, non-seule-
ment comme un visionnaire insem^é, luaii
comme un apostat du christianisme
Heureusement il n*en est non. 1" li est
faux que ce Père ait regardé le système de
Platon comme la clef de toutes les Tentés
révélées. Après avoir proposé l'opinioD de
ce philosophe touchant la préexistence des
Ames (De prtftctp., 1. ir, eh. 8), il dit,D'4:
€ Ce que nous venons de dire, qu'uik etpril
est devenu une 4me, el tout ce qui peut tenir
i cette opinion, doit être soigneusement éli-
miné et discuté par le lecteur : qae l'en
n'imagine pas que nous ravançoos comioe
un dogme, mais comme une question ) trai-
ter, et comme une recherche à faire. > Il le
répète, n* S. 3" Origène a admis formelle-
ment le péché origmcl (Homil. 8 ta LniL
n*4; homil. 12, n' 4; (Contra Ce/i.,1. iti
n*" M ; homil. 14 in Lucam ; Comnani. ta
Epiit. ad Rom., liv. v, pag. 546, Siljlla
pensé que ce péché avec sa peine a passé
dans tous les hommes, parce que toutes les
Ames étaient renfermées dans celles d*Adan:,
opinion incompatible avec celle de flitun.
3" Il fonde la nécessité de mortiGer la cbair,
non sur la raison qu'en donnaient les plato-
niciens, mais su-r celle cju'en apporte saint
Paul, savoir que les inclinations de lach.iir
nous portent au péché, et il cite à ce sujet
plusieurs passages de cet apêtre. {Cominni
m Epist. ad Rom., liv. vi, n' 1.) 4' Origè.w
a eu, pendant sa vie et après sa mort, des
partisans et des ennemis, des accusateurs et
des apologistes : ni les uns ni lés autres oe
l'ont regardé comme l'auteur ou le prop-
gateur de la théologie mystique; Mosbeiœ le
1125
MYS
D^ASCETISHB
MTS
IISS
sait-il mieux qu^eox? 5* D*aulres cntiaues
oDi atlribaé celle inyeDtion è Clémenl a*A-
fexandrte, sans lui préférer i^our cela loulcs
les réTeries r|ue Mosbeira yeul mellre sur le
eoniple d'Ortgèoe. Son prélemin plan de la
ibéologie de ce Père esl donc faux à tous
égards. (FotrOaieftaB.) €* EnOn il se réfute
lui-même» en disant que les csséniens elles
thérapeutes sTaient puisé leurs principes
dans la philosophie orienlale , que les soli-
taires et les moines n*ont fait que les imiter.
{Bi$i. tkriit.^ Proleg., ch. 2, f 18.)
Au xnr* siècle, suiftat son opinion » les
philosophes éclectiques , ou les noufeaux
platoniciens de Técole d'Alexandrie « culti-
vèrent la ikéologie mysiique sous le nom de
êcience secritt. Un fanatique imposteur, qui
prît le nom de saint Denys FAréopagite, la
t^luisit en système et en prescri?it les rè-
gles. Notre critique déplore de nouYeau les
erreurs, les superstitions^ les abus que cette
prétendue science introduisit dans le chris-
tianisme. (Hiêt. de r Eglise 9 ir* siècle, it*
|iart.)
Nous répondons qu*il n*y avait rien de
tommun entre la science secrète des éclec-
tiques, fondée sur un paganisme grossier,
et la ikéotogie wtytiiaue des docteurs chré-
tiens, si ce n'est quelques termes ou quel-
ques expressions que les premiers empruntè-
ri'Dt du christianisme pour tromper les
ignorants. A cette époque , la religion
chrétienne étail établie , non - seulement
chez les Arabes , chez les Syriens , les
Arméniens et les Perses , mats en Italie,
en Espagne, sur les côtes d'Afrique, dans les
Gaules et en Angleterre. Nous fera-t-on
<:roire que les platoniciens d'Alexandrie ont
envoyé des émissaires dans ces différentes
régions, dont les langues leur élaieut étran-
gères, pour y répandre leurs principes et
leur science secrète , pour y introduire les
superstitions et les abus dont Mosheim pré-
tend qu'elles été la cause? Nous persuadera-
t-oQque*Lactance {Juliuâ Pirmieus Mater-'
nus)^ Eusèbe et Amobe , qui dans ce siècle
ont écrit contre les philosophes païens, qui
en ont combattu les principes et les consé-
quences, qui ont démontré les absurdités,
les superstitions, les abus auxauels la doc-
trine de ces rêveurs avait donné lieu, et qui
n'ont pas mieui traité Platon que les autres,
ont cependant vu de sang-froid introduire
dans le christianisme ces mêmes abus sans
en témoigner aucun regret , ni aucun éton-
nemeni? Voilà le phénomène absurde que
les protestants ont entrepris de prouver.
Plusieurs écrivains ont contesté rauihen-
iicité des œuvres de saint Denys; nous ren^
▼ojoos sur ee point le lecteur h rarlicle
Dsim L AsÉoPAGrrB.
Mosheim renouvelle, au vsièclc, n'part.,
cb. 3, i 11, ses plaintes et ses invectives
contre la multitude des moines contempla-
tifs qui fuyaient la société des hommes, et
qui s'exténuaient le corps par des macéra-
tions excessives ; cette f»este, dit-il, se ré-
pandit de toutes paris. Ce n'était donc plus
la chaleur de l'atmosphère de TBgypIe qui
produisait celte conla^on. jSlie avait déjh
pénétré chez les Latins , puisque Julien
romère, abbé et professeur de rhétorique k
Arles, écrivit un traité ùe Yita eoniemptaiiva:
et bientôt elle gagna les pays du Nord.
(Vayex Mostificatioii, Sttlitbs, etc.)
Notre sé¥ère senseur STOit oublié ces faits,
lorsqu'il a dit qu'au ix* siècle les Latins
n'avaient pas encore été séduits parles char-
mes illusoires de la dévotion mystique, mais
qu'ils le furent, lorsqli'en 82b, l'empereur
grec, Uichel le Bègue, envoya à Louis le
Débonnaire une cofâe des ouvrages de
Denys l'Aréopagîte. (ic* siècle, 9r part.,
ch. 3, i 18.) Il est cependant certain qu'au
tri* et au vil* siècle, les moines des Gaules
et de r Angleterre étaient pour le moins
aussi appliqués A la vie contemplative que
ceux du 11* et du x*
Un des abus que ce critique fait remar^
quer dans les théologiens du xti' siècle , est
leur affectation de rechercher dans l'Ecri-
ture sainte des sens mystiques, et d'altérer
ainsi la simplicité de la parole de Dieu,
(impart., ch. 3, S 5.) Hais les lellres de saint
Barnabe r.i de saint Clément, disciples des
apôtres, sont toutes remplies d'exmications
mystiques et allégoriques de FEcrituro
sainte; Mosheim lui-même le leur a repro-
ché comme un défaut; ils exhortent les
fidèles à la méditation et h la mortification :
étaient-ils platoniciens 7 il reconnaît (f IS)
que les mjfeiiquee de ee même siècle ensei-
gnaient mieux la morale que les scolastl<(ues;
que leur discours était tendre , persuasif et
touchant; que leurs sentiments sont sou-
Tent beaux et sublimes , mais qu'ils écri*
valent sans méthode , et qu'ils mêlaienl
souvent la lie du platonisme avec les vérités
célestes. Fausse. accusation. S'il y eut au
xii* siècle un excellent maître de théologie
myetique^ c'est incontestablement saint Ber*
nard ; mais il puisait ses leçons dans l'Ecri*
ture sainte, et non dans Platon ; ce philo-
sophe étail profondément oublié pour lors»
les scolasttques mêmes ne connaissaient
qu'Aristote.
Au xni* siècle (ii* part. , c. 3, f 9), notre
historien s'adoucit un peu k l'égard des
mystiques ; comme il avait dit beaucoup de
mal des soolasliques, il a su t>on gré aux
premiers de leur avoir déclaré la guerre,
d'avoir travaillé h inspirer au peuple une
dévotion tendre et sensible, de s'être fait
goûter au point d'engager les scolastiquc?
k se réconcilier avec eux. Mais saint Thoma5
d'Aquin ne fut jamais dans ce cas; pendant
toute sa vie, il sut allier è une étude assidue
la piété la plus rare et la plus tendre, et il
eut au fiius haut degré le talent de l'injuirer
aux autres. Mosheim parle k peu près de
même des mystiques au xiv' siècle , il sem-
ble leur accorder la victoire au xv* et au
commencement du xvi* , parce qu'alors la
barbarie et le philosophisme des scolasliques
avaient beaucoup diminué, comme nous l'a-
vons remarqué en pailant d'eux; mais ce
censeur malicieux n'oublie jamais de lancer
4«»
NA(r
DKTIOliKAlRB'
NAR
m
coQire les (>reD[)iers quelque tr^it 4e ii&md
fit dâ juénris
EaBn» ToD vit éclore ke^U^ époque !«
brillante Inmiàre de la réform^iion , et Ton
saitJes effets qu'elle produisit; elle étouffa
la piété jusque dans sa raciue « en discrédi-^
tant toutes les pratiques qui peuvent là
nourrir, en occupant tous les esprits de con*
troverses Ihéologiques , en allumant dans
tous les cœurs le feu de la haine et de la
dispute. Tout le monde voulut lire l'Ecri-
ture sainte, non pour y recevoir des leçons
de morale et de vertu, mais pour y trouver
des armes offensives, contre l'Eglise catho-
lique, et le moyen do soutenir toutes sortes
d'erreurs. Vainement, après tous ces orages^
quelques protestants, honteux de ranéan-
tissemenlde la piété parmi eui, ont voulu
la ranimer; ils ont été forcés de faire bande
k part ; comme ils agissaient sans règle et
3u'ils marchaient sans boussole, tous ont
onnédans le fanatisme; tels ont été les
quakers, les piétistes, les méthodistes, les
hernutes, etc., et tous sont regardés par les
autres protestants comme des insensés.
Ilsauectent de supposer, contre toute vé-*
rite, que les solitaires, les moines, les reli*
gieuses se sont uniquement voués h la con-
templationi qu'ils ont me^é nue vie abso-
lument oisive et inutile. Il est coQstanlque
Içs anciens solitaires, à I9 réserve d'ualrès-
petit nombre, ont joint à la prière et à la
méditation le travail des mains, ils ont cqI-
tivé d^s déserts, et ils sont sortis de leur
retraite toutes les fois que les besoins elle
salut du prochain l'ont eiigé. Ils opt con-
verti les nations barbares, et c'est aiasi
Su'ils ont humanisé et policé les peuples du
ord. Dans Içs siècles d'ignorance, ils ont
cultivé les lettres et les sciences , et ce sont
eux qui lés ont conservées en Europe. Tous
les Instituts qui se sont formés depuis cinq
cents ans, ont eu pçur principal objet Tuti-
lité du prochain ; mais les fondateurs ont
compris qu'il était impossible de conserTer
la constance,le courage, les vertus nécessaires
Eour remplir constamment des devoirs péni-
Içs et souvent rebutants, à moins que Ton
ne ^'occupât beaucoup de Dieu , et que l'on
a*en obttot des grftces dans la prière, daash
méditation, dans de fréquentés réQeiions
sur soi-même, etq. Ils ;se sont donc proposé
de réunir la vie contemplative à uoe Tie
très-active et très^iaborieu^e. Encore une
fois, il y a de la frénésie à les blâmer, i les
calomnier, ïi les tourner en ridicule. (Voir
MOIHK, AscàTPStORDllBS EBueuui, DlSGÛUaS
1^
NABDNAL (BUe), théotpçfeii de l'ordre
des Franciscains, orkinaffedfa Périgord, de-
vint archevêque de Nicosiç et patriarche de
Jérusalem, et fut nommé cardinal en 13<^2
par Clément VI. Il mourut à Àyignon en
1367. On a de lui en latin : 1* Des Commen-
taiffi sur le$ quaire Livres des Sentences et
sur V Apocalypse ; — 3" Un traité de la vie
contemplative ; — 3* Des Serthons sur les
Evangiles.
NADASI (Jean), né h t'irnau, en 16U, en-
tra chez les Jésuites, h Gratz, en 1633. Après
avoir enseigné la théologie et la controverse^
ii devint assistant des généraux Nickel et
Oliva, Il vivait encore en 1676, On a de lui
un très^grand nombre d'ouvrages, la plupart
ascétiques. Il est auteur de ; Annus Mio-.
tnadarum cfelestium^ Prague, 1663, in*<^° ; -—
Viia saneU Emeriifis Presoourg, 1644', in-foKf
et de plusieurs ouvrages qui concernent les
religieux de sa société , célèbres par leur
piété et leur zèle pour la religion*
NAGOT (Charles-François), de la Congré-
gation 4e Saint-Sulpice, supérieur et fonda-
teur du séminaire de Baltimore^ naquit à
Tours, le 19 avril 1734, et y fit ses études
chez les Jésuites, Il vint à Paris pour son
cours de théologie « et sollicita son entrée
dans Ja Congrégation de Saiat-Sulpice. Au.
moment de la révolution, en 1791, il passa
en Amérique» et se fiia h Baltiinore » où
Pie VI venait de créer un siège éiHSOopalf et
où le zélé Sulpioien fonda un séminaire dont
il eut ia direction. Il mourut» le 9 avril 1816,
dans de grian4s sentiments de piéié. (km
une Vie de M. Olier (Voir ce nQtn)^ il a k\ià
la traduction dV Dévot chrétien^ du docleur
Hay; celle du Catholique chrétien^ de Cba*
lonnerf celle du Quide chrétien »i de qad-
ques autres ouiirrages pieux en anglais.
NAIN (DoQi Pijârre JLe), né i Parisien
1640.— Il regut une sainte édyoatioi) sous
les yeux de madame d<) Braguelouei si
gcand'mère, dau^e vertueuse, dirigée ancien*
nement par saint FrAnçoijs de Salos. Le désir
de faire 3on salut loin du monde le lit eolrer
à Saint-Victor, à Paris, et ensuiteàla Trappe*
Qù il fut un exemple de pénitence etd'buifli*
lité, comme de toutes \e» vQrtus chrétiennes
et monastiques» Quoique l'abbé de Rancéful
Qnnemî des études dQs moines, il permit i
tenain d'étudier et de jfaire part au publia
de ses travaux. Son histoire ae Tordre de Ci-
teaux, qui manque de critique» ne laisse
pas d'être utile aux personnes qui y tber*
cheront l'édification plutOt que la scieoce.
On a de lui aussi : une relation de la vie ei
de la mort de plusieur^s religieui de b
Trappe; un Traité de Vétat du monde aprf* <
jugement dernier; — un autre sur h tettsm
qui peut arriver même dans tes monoftirtê If*
meuçe réglés; -^ Elévation à Dieu pçur i(f^
parer à la mort.
NAm (Corneille), prêtre catholique irlao-
landais, naquit, en 1660, dans le corati da
Kildare». reçut la prêtrise dans la ville de
Kijkennvt et vint è Paris, où il acheia se»
études dans le mUécre irlandais« dont ii d^
M»
NAT
D^ASCSnSIIE.
NAZ
I1j9
Tint ensuite proviseor. De retour en Ir-
lande» il obtint une cure à Dublin. Il avait
de la piété» du zèle, du talent et toutes les
vertus ecclésiastiques. Ses ouvrages ascéti-
ques sont : 1* Des prières et des médiiaUons^
1703» în-12 ; — 2^ Règles ei pieuses instructions
composées pour ^avancement spirituel d'une
decoteveuve, Dublin,17l6, in-16. Nari mourut
le 3 mars 1738. H était excellent coutrover-
ttste, et il a publié plusieurs écrits de con-
troverse pleins de science et de dialectique,
adressés aux anglicans.
NATALIS (Jérôme), jésuite flamand, mort
en 1381, est connu seulement par un ouvr.i^e
intitulé : Meditatianes in Etangelia totius
anni; in-fol., Anvers, 1591.
NATIVITE (Jeanne Le Roteb, Sœur delà),
née le 2% Janvier 173i , au village de
Beaulot, à deux lieues de Fougères, d'une
famille de laboureurs, entra comme domes-
tique, i l'âge de dix-huit ans, chez des re-
ligieuses de l'ordre de Sainte-Claire, appe-
lées Urbanistes^ établies à Fougères. Quoi-
qu'elle n'apportât rien en dot, elle obtint
dans la suite d'être reçue sœur converse, et
fit de ffrauds progrès dans la vertu. La sœur
de la Nativité crut avoir des apparitions et
di:s révélations dont elle fit part à ses con-
fesseurs successifs, qni cherchèrent à Téclai-
rer sur des points aussi délicats. Cependant
un nouveau directeur du couvent, M. l'abbé
Genêt» s'eloignant de la route de ses prédé-
cesseurs, confirma la sœur dans sa pieuse
croj^ance; elle lui dictait ce qu'elle croyait
avoir vu on entendu; mais la révolution les
sépara. La sœur, forcée de quitter son cou-
vent, se réfuçia chez son frère, puis auprès
d'un charitable habitant de Fougères, où elle
mourut le 15 août 1798, âgée de soixante-
six ans. Pendant son séjour en Angleterre,
Tabbé Genêt avait communiqué ses manus-
crits h plusieurs personnes, qui varient d'o-
pinion sur le de^é de confiance que méri-
taient les prédictions qu'ils contenaient-
Plusieurs copies en furent même distri-
buées. A la mort de cet ecclésiastique, sur-
venue en 1817, les manuscrits furent ven-
dus à un libraire qui les publia dans la
même année sous le titre de Vie et Révélor'
tians de la Sœur de la Nativité; 3 vol. in-12.
Cet ouvrage est composé d*un Discours pré-
litninaire de If. l'abbé Genêt, qui tâche de
prouver que la sœur était inspirée; d*un
Abrégé de la vie de la Sœur^ par le même ;
d'une Vie intérieure de la Sœur, écrite ou,
pour mieux dire, dictée pair elle; de ses
nombreuses et extraordinaires Révélations^
par lesquelles elle prédit beaucoupgde cho-
ses sur l*l^ise et la fin du monde. Ces ré-
vélations contiennent des détails pleins de
piété et d'élévation, et d'autres qui pcrur*
raient être soumis à une sévère critique. On
trouve, dans le troisième volume, un ileeuei/
d autorités en faveur de ces mêmes révéla-
tions; des Observations de V abbé Genêt sur
cette même matière, et une Relation faite
I>ar lui des huit dentier es années de ta Sœur,
On fit une nouvelle édition de cet ouvrage
en 1819, en k vol. in-8* et in-12. Le qua-
PiCTiOHTiAiftB d'Ascétisme. I
trième volume supplémentaire a été dicté
par la Sœur h des religieuses qui avaient
mérité sa confiance. VAmi de la Religion a
donné une analyse et un extrait de cet ou-
vrage dans le tome XXIIU p, 321, 385, et
dans le tome XXIV, p. 193. Un anonvme
lui répondît pa.r une brochure intitulée :
Réponse de mon oncle sur la censure de* Ré-
relations de la Sœur de la Nativité.
Une autre Jeanne de la Nativité^ religieuse
ursulirie est auteur du Triomphe de Vamour
ditin dans la rie de la bonne Armelle; Paris,
16-3. in li.
NAVOEUS (Joseph), prêtre et chanoine de
Saint-Paul de Liège, naquit à Viesme en
1651. Il professa la poésie, rt ensuite la
philosophie, à Louvain et è Liège. Il eut
des démêlés assez vifs avec les Jésuites au
sujet du séminaire de cette ville, dont ces
Pères cherchaient à avoir la direction. Il
mourut à Liège le 10 avril 1705, après avoir
publié plusieurs ouvrages, et, entre autres.
Le fondement de la conduite à la rie et à la
piété chrétienne f selon les principes que la
foi nous en donne dans l'Ecriture sainte et la
doctrine de VEglise^ livre pieux et estimé,
que Navœus composa dans la retraite k
laquelle ses inlirmités le condamnèrent
quelques années avant sa mort. On croit
Su'il partageait les sentiments d'Arnauld et
e Quesnel.
NAZARÉEN, NAZARÉAT (Ascète Juif).
— Ces deux mots sont dérivés de Pliébreu
Nazar distinguer , séparer, imposer des
abstinences; les nazaréens étaient des hom*
mes qui s'abstenaient par vœu de plusieurs
choses permises : le nazaréat était le temps
de leur abstinence, c*élait une espèce de pu-
rification ou de consécration ; il en est parlé
dans le livre des Nombres ch. vi. On j voit
que le nazaréat consistait en trois choses
principales : 1* à s'abstenir de vin et de
toute iM)isson capable d'enivrer ; 3* à ne pas
se raser la tète et à laisser croître les che-
veux ; 3* à éviter de toucher les morts et de
s'en approcher. — Il y avait chez les Jnift
deux espèces de nazaréat : Tun perpétuel*
qui durait toute la vie; l'autre ^lassager, qui
ne durait que pendant un certain temps. Il
avait été prédit de Samson [Judie. xni, 5
et 7} qu'il serait nazaréen de Dieu depuis
son enfance ; Anne, mère de Samuel, promit
(/ Reg. 1, 11) de le consacrer au jSeigneur
toute sa vie, et de ne point Ini dire raser la
tête. L'ange qui annonça i Zacharie la nais-
sance de saint Jean-Baptiste, lui dit que cet
enfant ne ferait usage d'aucune boisson
capable d'enivrer; et qu'il serait rempli du
Saint-Esprit dès le ventre de sa mère. (Lue, i,
15.) Ce sont là autant d'exemples de naza-
réat perpétuel. Les rabbins pensent que le
nazaréat passager ne durait que trente
jours ; mais ils l'ont ainsi décidé sur des
idées cabalistiques qui ne prouvent rien ; i)
est probiibie que cette durée dépendait de
Ja volonté de celui qui s'y était engagé pai
un vœu, et que ce vœu pouvait être plusoa
moins long. Le chapitre vi du livre des
Nombres prescrit ce que le nazaréen devait
36
1131
NEL
DICTIONNAIRE
NEC
Wlî
faire b la Gn de son vœu. Il devail se pré-
senter au prêtre, offrir à Dieu des Tictimes
pour trois sacrifices, du pain, des gâteaui
et du Tîn pour les libations; ensuite on lui
rasait la tète, et on brûlait ses cbereux an
feu de Tautel ; dès ce moment, son vœu
était censé accompli; il était dispensé des
abstinences auxquelles il s'était obligé.
Ceux qui faisaient le vœu du nazaréat
hors de la Palestine, et qui ne pouraient se
()résenter au temple à la fin de leur vœu, se
iaisaient raser la tête où ils se trouvaient,
et remettaient à un autre temps l'accomplis-
sèment des autres cérémonies; ainsi en usa
saint Paul h Cencbrée, h la fin de son vœu,
{Ad. XVI, 18.) Les rabbins ont imaginé
qu'une personne pouvait avoir part au mé-
rite du nazaréat, en contribuant aux frais
du sacrifice du nazaréen lorsqu'elle ne pou-
vait faire davantage; cette opinion n*est
fondée sur aucune preuve. — spencer, dans
son Traité de$ lois cérémonielle$ des Hébreux^
11* partie, 1'* dissert., ch. 6, observe que la
coutume de nourrir la chevelure des jeunes
f;ens h l'honneur de (juelque divinité et de
a lui consacrer ensuite» était commune aux
Egyptiens» aux Syriens, aux Grecs, etc. : et
il suppose très-mal à propos que Moïse ne
fit que purifier cette cérémonie, en Timitant
et la destinant à honorer le vrai Dieu. Il dit
qu'il n'est pas probable que ces nations
raient empruntée des Juiis; mais il est
encore moins probable que Moïse l'ait em*
pruntée d'eux, et il est fort incertain si cet
usaçe était déjà pratiqué de son temps par
les idolâtres. Si Spencer et d'autres y avaient
mieux réfléchi, ils auraient vu qu'il n'y
avait point ici d'emprunt ; que la coutume
des païens n'a rien de commun avec le
nazaréat des Hébreux. Les jeunes Grecs
nourrissaient leur chevelure jusqu'à l'Age
de puberté; alors les cheveux les auraient
embarrassés dans la lutte, dans l'action de
nager et dans d'autres exercices ; ils les con-
sacraient donc à Hercule qui présidait à la
lutte, ou aux nymphes des eaux, protectrices
des nageurs ; ils les suspendaient dans les
temples et les conservaient dans des bottes;
il$ ne les brûlaient pas. Leur motif était
dûn(f tout différent de celui des Juifs. Sous
un climat aussi chaud que celui de lu Pales-
tine, la chevelure était incommode, c'était
une mortification de la garder, aussi bien
que de s'abslenir du vin, etc.
On voit parce que nous venons de dire,
qne les œuvres de la vie ascétique sont
antérieures au catholicisme qui n'a fait que
les étendre et les perfectionner.
Le nazaréat dans la Synagogue était comme
l'ombre et la figure de la vie religieuse ou
itionastique. — Voir Thérâpbutbs, et notre
Discours prêliminairb.
NELSON (Robert), gentilhomme anglais
qui vivait pendant la révolution d'Angle-
terre de la fin du xvir siècle. — Il fut de
toutes les sociétés de bienfaisance établies
en Angleterre, et, à sa mort, il .fit une
grande quantité do legs pour des bonnes
œuvres. On a de lui une Pratique de la trait
dévotion.
NEPy EU (François), né à Saint-HAlo, en
1639, se fit jésuite en 1654. Il professa les
humanités et la philosophie, et devint rec*
teur du colléçe de Rennes, où il moanil. Il
a publié plusieurs ouvrages, qui ont tons la
piété et la morale pour objet : V Dt h
connaissance et de Pamour de rtotre-Seigncur
Jésus-Christ. Nantes, 1681, tn-13 ; — t Mi^
thoded^ Oraison^ in-lS, Paris, 1691 ;— 3*£xfr-
eiees intérieurs pour honorer les myttèret de
Notre-Seigneur Jésus-Christ^ Paris, 1691.
in-12; — W* Retraite selon Vesprit et la mé-
thode de saint Ignace^ Paris, 1687, in*12; ~
5* La manière de se préparer à la mort, Paris,
1693, in-12 ; — 6* Pensées et Réflexions chré-
tiennes pour tous les jours de t année, k roi.
in-12, Paris, 1699; — 7« VEsprit du chriy
Itanûme, ou la conformité du chrétien attc
Jésus-Christ, Paris, 1700, io-12. Tous ces
ouvrages sont bien écrits; l'auteur a sq
joindre les agréments du langage à rooclion
de la morale chrétienne.
NÉRI (saint Philippe de), fondateur de la
congrégation des Prêtres de TOratoire, en Ita-
liei naauit à Florence, en 1515. Elevé dans
la piété et dans les lettres, il se distingua
par sa science et par sa vertu. Après avoir
reçu le sacerdoce à l'Age de trente-six ans.
il fonda une célèbre confrérie dans Téglise
de Saint-Sauveur del Campo, pour le soula-
gement des pauvres étrangers, des pèlerins,
des convalescents, ((ui n'avaient point de re*
traite. Cette confrérie fut comme le berceau
de la congrégation de rOratoiro. Le saint in-
stituleur ajrant gagné à Dieu Salviati, Tara-
giOy le célèbre Baronius et plusieurs autres
excellents sujets, ils commencèrent à former
un corps, en lS6fc. Le Pape Grégoire XIII
approuva la congrégation en 1575. Le père
de cette nouvelle milice détacha quelques-
uns de ses enfants qui répandirent cet ordre
dans toute l'Italie. Le saint fondateur mon*
rut h Rome, à l'Age de quatre-vingts ans. Il
s'était démis du généralat trois ans aupara-
vant en faveur de Baronius. Ce fut par ses
conseils que ce célèbre historien se aécidaà
travailler à ses immortelles annales. Nous
avons de lui ses Constitutions^ imprimées en
1612. Saint Philippe de Néri fut canonisé par
Grégoire XY. Peu d'hommes ont eu uoe
piété plus ardente et plus tendre. Son orai-
son était une espèce de ravissement.
""NEUMAYER (François), né à Munich, en
1697. — Entré chez lés Jésuites, il j cnseï-
gna les belles lettres et la théologie, travailla
avec de grands succès au salut des Ames, eu
dirigeant la congrégation latine de Notre-
Dame de Munich. Ildevint ensuite prédic^
cateur de la cathédrale d'Augsboui^, fonc-
tions dont il s'acquitta pendant dii ansafec
une réputation extraordinaire. Ses discours
avaient particulièrement pour objet la réfu^
tation des erreurs du temps. 11 écriîit8us5i
sur toutes sortes de sujets avec uoe force w
une éloquence de raison qui entraînait sou-
vent ses adversaires. On a de lui» en paru-
1155
NEU
D*ASCCTIS1IE.
NIG
I15i
eulier, en lalin : ]e Théâtre ascétique^ la Cor-
rection firatemelle^ le Remède de ta Métanco-
/le, les Yertui tkéologigue$.
Il moorat k Augsboarg, en 1765.
NEUVAINES. — Prières continuées pen-
dant neuf jours en Fiionneur de quelque
saint, pour obtenir de Dieu quelque grâce
par son intercession. Comme les incrédules,
instruits par les protestants, se font une étude
de tourner en ridicule toutes les pratiques
de piété usitées dans TEglise romaine , un
bel esprit ne peut pas manquer de r^arder
une neuTaîne comme une superstition, de la
mettre au rang des pratiques que Ton nomme
vaines obêervanees et eulU superflu. Pour*
q«oi des prières répétées pendant neuf jours
ni plus m moins? Seraient-elles moins effi-
caces, si elles étaient faites seulement pen-
dant huit jours, ou prolongées jusau'à
dix, etc. ? — Ea quelque nombre que l'on
puisse faire des prières, la même question
reviendra, et ue prouvera jamais rien. L'ai-
iuskin k un nombre quelconque n'est super-
stitieuse que quand elle a quelque chose de
ridicule, et n*a aucun rapport au culte de
Dieu ni aux Térités que nous devons pro*
fesser; elle est louable, au contraire, lors-
qu'elle sert k inculquer un fait, ou un dogme
qu'il est essentiel de ne pas oublier. Ainsi,
chez les patriarches et chez les Juils, le nom-
bre septénaire était sacré, parce qu'il faisait
allusion aux six jours de la création, et au
septième, qui était le jour du repos ; c'était,
ftar conséquent, une profession continuelle
du dogme de la création, dogme fondamen-
tal et de la plus grande importance. Le cin-
Îuième jour de la fête des expiations, les
uifs devaient offrir en sacrifice, des veaux,
au nombre de neuf, nous ne croyons pas
que ce nombre eût rien de superstitieux,
quoique nous n'en sachions pas la raison.
[Num. XXIX, 26.)
Dans l'Eglise chrétienne, le nombre trois
est devenu sacré, parce qu'il est relatif aux
personnes de la sainte Trinité. Comme ce
iDjstère fut attaquépar plusieurs sectes d'hé-
réliques, l'Eglise affecta d'en multiplier l'ex-
pression dans son culte extérieur ; de là la
triple immersion dans le Liaptème; le Tmo-
gion ou trois fois saint chanté dans la litur-
Î;ie; les signes de crfiix répétés trois fois par
e prêtre pendant la messe, etc. Par la même
raison, le nombre de neuf, ou trois fois trois,
est devenu significatif : ainsi, l'on dit neuf
fois Ejfrie eteison; trois fois à l'honneur de
chaque personne divine, pour marquer leur
égalité parfaite. Nous pensons qu'une neu^
raine a le même sens et fait la même allu-
sion; que non-seulement elle est très-4nno«
cente, mais très-utile, — Si, par ignorance,
une personne pieuse s'imaginait qu'à cause
de cette allusion, ce nombre de nnuf a une
Tertu particulière , qu'une iifiiraïae a plus
d'efficacité qu'une dixaine, il faudrait par-
donnera sa simplicité, et l'instruire de la
véritable raison de la dévotion qu'elle pra-
tique.
NEUVILLE (Arine-Josepli-Claude Fret de)
jésuite né en 1693, à Coutances, d'ue famillo
noble, fit retentir les chaires de la eoar et
de la capitale .pendant plus de trente ans. —
Après la destruction de son ordre en France,
il se retira à Sainl-Germain-en-Lajre, où il
eut la permission de demeurer, quoiqu'il
n'eût pas rempli la condition que le Park-
ment de Paris exigeait des jésuites qui von*
laien t rester dans son ressort. C'était d'abj u rer
leur institut. La supériorité de ses talents,
ses grandes vertus lui avaient mérité à la
cour d'illustres protecteurs qui obtinrent do
Louis XV qu'il pût vivre tranquille dans sa
solitude. La leltre qu'il écrivit à un de se<
confrères, après le. coup dont Clément XIV
avait frappé son ordre, est un beau monu-
ment de résignation , de sagesse et d'obéis-
sance. Sa résignation avait d*autant plus de
mérite que la douleur que lui causa cet évé-
nement abrégea ses jours. On peut lui ap-
pliquer à lui-même ce qu'il écrivait à son
confrère : If oui avons désiré de servir la reli-
gion par notre zile et par nos talents^ tâchons
de la servir par notre chute mime et par nos
malheurs. Ses sermons, eu huit volumes, se
distinguent de la foule des écrits de ce genre
par la neauté des plans, la vivacité des pen-
sées, la singulière abondance des idées. Sa
Morale du Nouveau Testamentesi nn ouvrage
écrit avec netteté et solidité; il donne une
idée juste de ce que doit être le Chrétien
dans le monde , et même de la vie de ceux
qui aspirent à une plus grande perfection.
NIEMEYER (Alexandre-Hermès) naquit
à Halle en 1754, et parcourut avec la plus
grande distinction la carrière de l'enseigne-
ment. On a de lui plusieurs ouvrages, la
plupart sur l'éducation. U en a aussi sur la
morale chrétienne. En particulier : Moyens
de consolation pour ceux qui souffrent : Jî-
mothée^ ouvra^ destiné à exciter ci à aug-
menter la dévotion des Chrétiens.
NIEREUBERG (Jean Eugène De), jésuite.
Allemand d'origine, naouit à Madrid en
1590, et y mourut en 1^, à soixante-huit
ans. C'était un homme pénitent, austère et
très-laborieux. Il a beaucoup écrit, et la
plupart de ses ouvrages dé piété, com()Osés,
soit en espagnol, soit en latin, ont été tra-
duits en diverses langues et quelques-uns
en français. Le traité du Discernement du
temps et de Vétcmité^ ou de la Différence du
temps et de V éternité^ n'a pas été seulement
mis en français par le P. Brignon, il l'a été
au«si en arabe par le P. Fromage de la même
Société.
MGRONI (Jules), Jésuite, né Tan 1553, à
Gênei, professa la rhétorique, la phîloso*
phie et la théologie, fut constamment préfet
des études au collège de Milan, recteur des
collèges de Vérone, de Crémone et de Gê«
Des, supérieur des maisons professes de
Gênes et de Milan; il mourut le 17 janvier
1625 dans cette dernière ville. On a du
P. Niffroni les œuvres ascétiques suivantes :
Regutœ communes Societatis Jesu^ comment
tariis asceticis illustrat^r; Milan, 1613, et
1616: Cologne, 1617, in-k' ; -- Dissertatio
moralis de liOrorum amatoriorum Icctioneju-
115!
NOU
DICTIONNAIRE
NOV
m
nioribus maxime vitanda, Milan 1C22» Co-
logne 1630, in-12; — Tractatun ascetici (au
nombre de 17); Cologne, 1U2^, in-V; —
Historica dissertatio de tancto Ignatto, So-
cittatiê Jesu fundatore, et beato Cajetano
Thiœneo, inslUutore ordinis clericorum regu-
iarium, ouvrage poslhuine, Cologne, 1630,
in-^'. Le P. Nigroni avait encore composé
un ouvrage, De mendicilaie domorum profes-
sarim Societatis Jesu, qui est resté manus-
crit.
NIL (SainO, disciple de saint Jean-Chry-
soslonie, avait une grande réputation de
j)iélé dès le commencement du y* siècle,—
On croit qu'il était de Conslantinople et
d'une des premières familles de cette ville.
L'empereur Arcadius l'y éleva h la dignité
de préfet. Mais voulant s'éloigner des vices
de la cour et renoncer au monde, il se retira
dans le désert de Sinaï avec son fils Théo-
dule. Sa femme consentit à sa retraite, et se
retira elle-même dans un monastère de re-
ligieuses, en Kgvpte. Saint Nil mourut vers
itoO , laissant pfusieurs ouvrages célèbres ,
parmi lesquels on estinje particulièrement
ses EpUres, le Traité de la vie monastique,
et celui de la Prière.
NOBILIBUS (Robert Nobili ou de). —
missionnaire jésuite né à Monlepulciana en
Toscane en 15T7. 11 fut attaché aux missions
des Indes orientales. Sa méthode de se con-
former à toutes les habitudes des Brahma-
nes qui n'étaient pas contraires au culte ca-
tholique fut le sujet d'une dispute qui lui
valut des remontrances de Bellarmm son
oncle. Mais la querelle fut étouffée par un
bref de Grégoire XV oui déclara qu'il est
licite aux brahmanes devenus chrétiens de
continuer à porter certaines marques qui
sont leur signe distinctif et à se conformer
h des usages singuliers de la vie civile. Ce
Père a composé un grand nombre de livres
de piété, entr'autres ; Regulœ perfectionis.
NOCTURNES. (Foy. Hkurbs gàtioniàles.}
NOM DE JESDS. {Yoy. Jésus.) -
NONNES. {Yoy. Rblioieuses.)
NOIKER. (Saint) surnommé Balbulu» ou
le Bègue moine de Saint-Gall né à llétigaie
mort en 912. — On a de lui les Viet de
saint Gall et de saint Fridolin et d'autres œu-
Tres consacrées dans le Novus thésaurus mo^
numentorum dç dom Pez ; Augsbourg, 1721.
NOUET (Jacques). — Jésuite, né l'an 1605,
au Mans ; il fut d'abord professeur d'huma-^
nités, et se consacra ensuite à la prédication.
Selon Dupin, auteur de VHistotre ecclésias-
tique du xvii* siècle, le P. Nouet attaqua
dans ses sermons le livre de la Fréquente
communion du fameux A^nauld ; mais comme
ce livre avait été approuvé par des évéaues,
ceux-ci conjointement avec d'autres prélats,
firent comparaître le P. Nouet dans une as-
semblée qu'ils tinrent à Paris, et où il fut
contraint de désavouer ce qu'il avait avancé
contre l'ouvrage d'Arnauld. Après cette dis-
grâce, il devint recteur des collèges d'Alen-
çoa et d'Arras, place qu il exerça pendant
vingt-cinq ans. D'après Dupin, déii^ cité, et
d*oS nous tirons ces faits, le P. Nouet fut
un des plus ardents adversaires de Levoir,
contre lequel il publia cet ouvrage : Rmer-
déments au consistoire de N. aux théologm
d'Alençon, disciples de saint Augustin, Il di-
rigea aussi contre Pascal cet écrit : Réponst
aux Provinciales. On a encore do lui plu-
sieurs livres ascétiques, qui parurent en
167fc et 1678, et qu'on lit encore avec fruit,
savoir : Méditations sur la vie cachée^ $ouf-
frante et glorieuse de Jésun-Chrisi 7 vol in-12;
— Vie deJésus-Christ dans les saints, 2 vol.
VHomme d'Oraison; K vol., réim| rimes en
1767; — La dévotion envers Jésus-ChriU
1666, 3 vol. in-fc" : — Méditations et en-
tretiens pour tous les jours de Fannie^
sur la vie, la doctrine, et la personne sacrée
de Notre-Seigneur : Paris, 1675, 6 tom. en8
vol. in-12. On y trouve la Vie de Jésus-Ckritt
dans les saints, qui forme 2 vol. ; Vhoime
d'Oraison, sa conduite dans les voies du salut:
Paris 1695, 5 vol. iri-12. C'est le plus esliiné
de ses ouvrages ; il a été réimprimé en 1767.
On fait entrer, dans un ouvrage intitulé:
Bibliothèque des familles chrétiennes, îk vol.
in-18, un choix des méditations du P. Nouet,
sous le titre de Méditations pour tous Us
jours de l'année ; Paris 1828, 2 vol. On a an-
noncé à Lyon une nouvelle édition des prin-
cipanx écrits de ce jésuite, sous le titre
à'OEuvres spirituelles du il. P. Jacquti
Nouet, de la Compagnie de Jésus, ou YBommt
d'oraison, 15 vol. in-12, comprenant : les
Méditations, 8 vol. in-12, des Retraites os-
nuelles en k vol., et pour se préparer à là
mort, 1 vol. ; Conduite dans les voies deDitUy
2 vol. Comme le style du P. Nouet n'a que
très-peu d'expressions surannées, l'éditeur
annonçait qu il conserverait le texte de ce
pieux et savant religieux dans toute sou in-
tégrité. Ses ouvrages étaient devenus si
rares, qu'à peine on en trouvait des exem-
plaires complets. Le P. Nouet mourut à Pa-
ris, en 1680, âgé de soixante-quinze ans.
NOVICE, NOVICIAT. — On appelle »^
vice une personne qui aspire à faire
profession de l'état religieux , qui en a
pris l'habit, qui s'exerce à en remplir
les devoirs. Dans tous les temps TEglisc a
pris des précautions pour empêcher que
personne n'entrât dans l'état religieux sans
une vocation libre et solide, sans bien con-
nattre les obligations de cet état, et sans j
être exercé snflOisamment. Le concile dt
Trente (Sess. xxv. ch. 16 et suiv.) a renou
vêlé sur ce sujet les anciens canons, ft a
chargé les évoques de veiller de près «
leur observation ; mais cette matière appar-
tient au droit canonique. Les bérélifiçs»
les incrédules, les gens du monde, qui si-
maginent que presque toutes les vocations
sont forcées, ignorent les épreuves quon
fait subir aux novices, les soins qoe P*^""
nent les supérieurs ecclésiastiques pour em-
pêcher que l'erreur, la séduction, I* ^^^
lence n'aient aucune part à la professioii
religieuse. On peut assurer ingenéraUF
s'il y a dans ce genre quelques victimes ii<^
1157
NOV
D*ASCEnSME.
KOV
1138
Famiiilion, de la cruauté et de l'irréligion
de leurs ftareais, les novices y ont con-
senti, qu*ils ont surpris la Tîgilance et Pat-
tention scmruleuse des éfèques et de leurs
préposés. Mais, il est inutile de.répoudre à
ce» objections.
Le P. Rodriçuez, dans son admirable lîTre
de la Perfection ehrétiemUf a parCulement
démontré l'importance do noviciat dans la
▼ie religieuse. Deux raisons prouTent, dît*
il, cette importance, la première, c'est qu*à
parler selon le cours ordinaire, tous les
progrès d'un religieux h l'aTenif dépendent
de 1 éducation quM a eue pendant son noTi*
ciaty et de la manière dont il s'y est com-
porté ; la seconde est que c'est sur cela que
toute l'espérance de la religion est fondée,
et de là que dépend absolument tout son
bonheur. Et en premier lieu il est cerfôin
que le profit ou le peu d'avancement d'un
religieux dépend tellement de cette éduca*
tien et de la manière dont il aura vécu
durant son noTiciat, que. moralement par-
lant, il est constant aue, si alors il a de la
néglireoce et de la licdeur pour les choses
spirituelles, il en aura également toute s.i
vie. Car pourquoi s'imaginer qu'il devien-
dra ensuite plus soigneux et plus fervent,
puisqu'il n'y a aucune apparence de croire
ce cbangement, et qu'au contraire, il y
a plusieurs raisons qui doivent nous per-
suader qu'il demeurera toujours dans le
même état ?
Pour faire voir encore plus clairement
cette vérité, adressons la parole au novice
en particulier, déduisons lui nos raisons,
et convainquons le de cette manière. Main-
tenant que vous êtes dans votre noviciat,
TOUS avez beaucoup de temps pour vous
appliquer è votre avancement spirilucl, et
beaucoup de moyens qui peuvent y contri-
buer, parce que vos supérieurs songent à
cela uniquement, et en font leur fonction
principale, Vousavezdevant les yeux l'exem-
ple de vos frères qui ne varjueni è rien
jotre chose, et l'exemple fait d*ordinaire
tant d'impression sur nous, que quand on
est continuellement parmi des gens qui ne
s adonnent qu'a la vertu, et qui y font des
progrès considérables, il est dinTicile que
quelque lâche, quelque pesant qu'on soit, .
on ne se sente excité à sortir de sa lâcheté.
Vous avez de p!us un cœur qui n'est plus
embarrassé de rien, qui est dégagé de toutes
les pensées du siècle, et qui parait même
|¥)rlé à la vertu; vous n'avez nulle occa-
sion qui vous en détourne, et vous en avez
niille qui vous y portent. Si maintenant que
vous n'êtes ici que pour cela et que vous
n'avez pas d'autre affaire, vous ne faites
c<*pendant aucun progrès , et n'amassez
aucun fonds de vertu pour l'avenir, que
s<*ra-ce lorsque vous aurez le cœur rempli
lie mille choses qui vous le |»artdgeront ?
Si maintenant, avec tant de loisir, tant de
commodités ei tant de secours, vous ne
faites pas bien votre oraison, votre ciamen ;
si vous ne vous attachez pas à n'y man-
quer en rien, et à bien luus acqnitt* r de
vos autres exercices spirituels, que sera-re
quand le soin de vos études vous occupera
I esprit, que vous serez dans les charges et
dans le ministère de la confession et de la
prédication 7 Si avec tant de conférences ,
tant d'exhortations, tant d'exemples et tant
de sollicitations, vous ne laites aucun profit,
que sera-ee lorsqu'il vous surviendra des
empêchements et des obstacles de toutes
parts ? Si dans le commencement de votre
conversion, lorsque la nouveauté devrait
vous donner pins de chaleur et de zèle,
vous êtes néanmoins tiède et languissant,
que sera-ee, lorsque vous aurez les oreilles
accoutumées et le cœur endurci h tout ce
qui pouvait vous toucher et vous servir?
Knfin, si maintenant que les passions ne
font que de naître en vous, et que \f^s mau-
vaises, inclinations sont encore tendres et
faibles, vous n'avez pas le courage de vous
y opposer, comment pourrez-vous y résis-
ter et les vaincre quand elles seront telle-
ment fortifiées par l'usage et enracinées, que
vous ne pourrez les arracher sans vous faire
une violence plus cruelle que la mort ?
Saint Dorothée exp.ique très-bien cette
vérité par un exemple qu'il rap|)orte d'un
des Pères du désert, qui, étant un jour avec
ses disciples dans un lieu plein de cyprès de
toutes grandeurs, commanda à l'un d'eux
d'en arracher un petit qu'il lui montra, et
que le disciple arracha aussitôt sans peine.
II lui en montra ensuite un autre qui était
un \te\x pl'js grand, et qu'il arracha pareille-
ment, mais avec plus d'efforts et en y met
tant les deux mams. Pour en déraciner un
autre qui était plus fort, il eut besoin qu'un
de ses compagnons lui aidât; et enfin tout
ce qu'ils étaient de solitaires s'efforcèrent
inutilen;ent d'en arracher un autre qui était
beaucoup plus gros que les premiers. Voilé,
leur dit alors le vieillard, ce qu'il en est des
passions. Au commencement, quand elles
ne sont pas encore bien enracinées, il est
facile de les arracher, pour peu qu'on veuiiln
se donner de la peine ; mais lorsque, par
une longue habitude, elles ont jeté de pro-
fondes racines dans le cœur, il est très-dif-
ficile de les en tirer; il faut faire des efforts
extraordinaires, et quelquefois même avec
tout cela on ne peut en venir h bout.
On peut voir par Ik que c'est un très-
grand abus et une tentation très-dangereuse
de différer sa conversion de jour en jour,
dans la pensée de |)ouvoir mieux ne vaincre
dans un autre temps, sur les choses où en
n'a pas eu le courage de s'opf^oser h vauseï
de la difliculié qu'on y trouve. Si vous n'osez
entreprendre de surmonter cette difficulté
quand elle est légère, comment le ferez-
vous quand elle sera plus grande? Si, k
présent que votre passion n'est encore qu'un
petit lionceau, vous n'avez pas la hardiesse
de l'attaquer, comment le ferez-vous quand
elle sera devenue une bête furieuse? Soyez
donc persuadé que si maintenant vous êtes
lâche et tiède, vous le serez dans la suitf";
si maintenant vous n'êtes pas bon novitc.
Itl9
NOV
DICTIONMiUE
NOV
IIM
TOUS ne serez pas dans la suite bon reli-
gieux. Si maintenant vous yous négHgcz
dans les choses de robéissance et qui re-
gardent Tobservalion des règles, vous le
ferez bien plus dans la suite; si maintenant
vous êtes peu attentif h bien faire vos ex-
ercices spirituels, et vous ne les faites qu*à
demi, vous les ferez de même pendant toute
votre vie. Le tout est de bien commencer;
et saint Bonaventure nous rapprend quand
il dit : On ne quitte guère les impressions
qu'on a reçues la première fois, et celui
qui, dans les commencements d*un nouveau
genre de vie, méprise la discipline, s'y
apjilique difficilement dans un autre temps.
(Tesi un proverbe^ dit Salomon, que celui qui
m pris un chemin dans sa jeunesse^ le suivra
toujours sans le quiUeTf même dans sa vieil-
lesse. {Prov. XXII.) C'est ce qui a fait dire
è saint Jean Glimaque que les commence-
ments lAches et faibles sont très-dangereux,
parce que c'est un signe manifeste d'une
chute à venir. Il est donc très-important de
s'accoutumer d'abord à la vertu et à bien
faire ses exercices spirituels. Le Saint-
Esprit nous apprend qu'il est tris-avanta"
qettx à rhomme de porter le joug dis sa
jeunesse (Thren. m), parce que la nratique
de la vertu lui sera aisée; mais s il n'y a
pas été formé de bonne heure , comment
pourra-t'Xl trouver dans sa vieillesse ce que
dans sa jeunesse il n'a pas eu le soin d'amas--
ser. {Eceli. xxv.)
De cette première raison, on tire une in-
duction nécessaire pour la seconde, puisque,
SI tout le profit d'un religieux pour l'avenir
dépend de la première éducation qu'il re-
çoit, tout l'avancement de la religion en
général en dépend par conséquent de fa
même sorte. Car c'est l'assemblée des reli-
gieux et non les murailles des maisons et
aes églises qui font la religion ; et ceux qui
sont dans \e noviciat sont ceux qui doivent
composer tout le corps. C'est pour cela que
par une salutaire institution, on a établi
des maisons de probalion, pour ne s'y appli-
quer qu'à Tabnégation de soi-même, h la
mortification de ses sens^t h la pratique de
toutes les véritables vertus. Saint François
de Borgia disait que ces maisons étaient
pour ses novices une Bethléem^ c'est-à-
dlro une maison de pain^ parce que c'est là
où l'on fait des provisions pour celte navi-
gation de Ijgng cours que l'on doit entre-
prendre M sortir de ces maisons. Le temps
que vous y demeurez est le temps de la
moisson, le temps de ral>ondance et de la
fertilité dans lequel vous devez, comme
Joseph, vous munir contre les années de
stérilité et de famine. Si les Egyptiens
eussent bien compris ce qui devait arriver,
et eussent eu de la prévoyance, ils ne se
seraient pas tant pressés de se défaire de
leurs blés, qu'ils amassaient avec tant de
soin. Si vous pouviez concevoir de quelle
importance il vous est de ne point sortir du
noviciat sans avoir fait une bonne provi-
sion, vous ne souhaiteriez pas d'en être
Dieutôt dehors • et vous n*en* sortiriez au
contraire qu'avec douleur quana voasvien
driez à considérer que vous êtes peut-être
fort mal pourvu de toutes les vertus néces-
saires h un bon religieux. Ceux qui sool
impatients d'être bientôt hors du ooficiat,
montrent bien , dit le même saint, qu'ils
manquent de connaissance: puisqu'allant
faire un voyage si long et si pénible, iU
ne craignent pas de 1 entreprendre sans
avoir fait toutes les provisions dont ils ont
besoin.
Saint Ignace s^est tellement persuadé quef
pendant le noviciaton ferait un grand amas
de vertus, que dans ses Constitutions il re-
farde cela comme une chose certaine. Il
tablit deux années de probation, aûn qae
durant ce temps on ne son^e qa'à son araih
cément spirituel, sans faire aucune autre
étude que celle dont on peut tirer quelque
profit pour parvenir à une plus grande
abnégation de soi-même et à un plus haut
degré de perfection. Ensuite, se persuadant
3u un religieux sort de là avec un tel esprit
e ferveur, de mortification et de retraite,
et avec tant d'ardeur pour l'oraison et les
choses spirituelles, qu il est nécessaire de
le retenir, il avertit ceux qui continuent
après cela leurs études, de modérer alors
leur ferveur, de vaquer à f oraison 'moins
que de coutume, et de faire moins d*âusté-
rites qu'à Tordinaire. Tâchez donc de sortir
du noviciat tel que ce grand saint comptait
que vous deviez en sortir; ménagez bien
un temps si précieux; songez que peut-être
de votre vie vous n'en aurez point d'autre
qui soit [si propre, pour travailler à voire
avancement et pour amasser des trésors
spirituels. Enfin, pour me servir des paroles
de l'Ecriture : Ne souffrez pas qu^un si bon
jour se passe sans que vous en proGtiez, et
tâchez cle ne rien perdre d'un temps si ex-
cellent.
Ceux que Dieu appelle à la religion dès
leurs plus tendres années, ont un grand su-
jet de lui en rendre grâces , parcequ'alors il
est très-facile de s'appliquer a la vertu et de
se soumettre au ioug de la discipline reli-
gieuse. Il est aisé dans les commencemeGts
de plier un jeune arbrisseau , et de le reodro
droit; mais s'il est courbé et que vous le
laissiez croître en cet état , il y demeurera
toujours et vous le romprez plutôt aue de le
redresser. Il en est do même de rbommo
dans un âge tendre; il 'est facile de lui faire
prendre un lM>n pli et de le tourner au bien;
de sorte qu'y étant ainsi accoutumé de bonne
heure, il y trouve ensuite une très-grandn
facilité et y persévère toujours. Dne élonc
teinte en laine ne perd jamais sa couleur,
et qui pourra,, dit saint Jérôme, rendre b
première blancheur à la laine qui aura été
teinte en écarlate? Un vase neuf retient long:
temps l*odeur de la première liqueur q^ui y
a été versée. L"£criture loue Josias de s être
adonné, dès son bas âge, au service de Dieu.
Lorsqu'il était encore enfant ; il commefiça^
chercher le Dieu de son père David. (// /'«^'•
XXXIV.}
lUl
OBE
D^ASCETISMB.
OBE
fllt
Humli^rt, personnage illustre, et général
de l'ordre des Dominicains , rapporte qu*an
reiiffieux étant mort , apparat è un autre tout
brillant de gloire, et que le tirant de sa cellule»
il lui mon Ta un grand nombre d*bommes
fétus de blanc et enrironnés de clarté» qui
portant de très belles croix sur leurs épaules,
8*en allaient en procession au ciel. Il lui en
fit Yoir d'autres ensuite qui marchaient dans
le même ordre» mais qui étaient beaucoup
plus éclatants de lumière c^ue les premiers »
et tenaient chacun è la main une croix beau-
coup plus belle et beaucoup plus riche.
Api^èscela» il passa une troisième proces-
sion, mais incomparablement plus lumi-
neus? et plus admirable que les deux autres;
toutes les croix j étaient aussi d*une beauté
bien surprenante « et au lieu que les hommes
des deux autres troupes |K>rtaicnt chacun la
leur» ou è la main» oo sur leurs épaules»
ceux-ci araient chacun ange qui p«)rtait leur
croix devant eux» a6n qulfs marchassent
plus facilement et suit issont avec plus de
joie. Le religieux étonné de celte Tîsion » en
demanda l'explication k celui qui la lui aTait
montrée; celui*ci lui répondit que les pre-
miers qu'il a?ait tus porter leurs croix sur
leurs épaules» étaient ceux qui étaient entrés
en religion dans un âge avancé; que les se-
conds qui la tenaientà la main, étaientceux qui
s*7 étaient mis lorsqu'ils étaient encore jeunes :
et que les derniers, qui marchaient si libre-
ment, étaient ceux qui • dès leur plus tendre
jeunesse, avaient embrassé la vie religieuse
et renoncé k toutes les vanîtés du monde.
NDDITE CONTEMPLATIVE. (Foy. Co«-
TEMPLAXIO^r.]
O
OBEISSANCE , sox excellence , ses de-
<sBÉs, etc. — L'excellence de cette vertu, si
io iispensable dans la vie ascétique , se fonde
sur 1rs divines Ecritures , sur l'autorité et
l'exemple de tous les saints.
Est-ce que le SeigneurJ veut qu'on lui
offre des holocaustes et des victimes, et
lion pas plutAt qu'où obéisse k sa voix ?
L'obéissance vaut mieux que les victimes ;
ci il vaut mieux faire ce que Dieu veut,
que de lui offrir la graisse des béliers. Saint
Augustin demande en plusieurs endroits,
paurqnoi Dieu défendit a l'homnie de man-
ger du fruit de Tarbre de la science du bien
et du mal ; et une des raisons qu'il en donne,
c'est eue Oieu voulait montrer aux hommes
qae 1 obéissance est d'elle-même un grand
bien, et que la désobéissance est d'elle-même
un grand mal. En effet, ce ne fut pas le fruit
de larbre qui fut cause de tous les malheurs
qui suivirent le péché d'Adam ; car» outre
que cet arbre n'avait rien en lui de mauvais,
puisque Dieu lui-même reconnut que tout
ce qu'il avait fait était excellent, il n*est pas
à présumer que Dieu eût voulu mettre quel-
que chose de mauvais dans le jardin des dé-
lices. Ce fut donc la désobéissance seule et
la transgression de la défense qui furent
cause de tout le mal : c'est pourquoi saint
Augustin dit que rien ne pouvait mieux faire
voir combien la désobéissance est mauvaise
d'elle-même, que la punition du premier
homme , pour avoir contre la défense de
Dieu» mangé du fruit qui n'avait rien de
mauvais sans cette défense , et qui n'aurait
pu faire aucnn mal. Que ceux qui se dis-
pensent d'obéir quand il s'agit de choses
légères , apprennent de Ik à connaître quelle
est leur erreur et leur faute : car ce n'est
pas la nature de la chose qui fait le péché ,
c*est la désobéissance qui est toujours mau-
vaise d'elle-même , soit que les choses soient
im{>ortanlo5, soit qu'elles ne le soient pas.
Une autre raison que saint Augustin donne
de la défense que Dieu fit h l'homme, c'est
(|ue l'homme ayant étécréé pour servir Dieu»
il était h pro|K)s de lui défendre quelque
chose pour lui faire connaître sa dépendance»
que sans cela il n'aurait pas si bien recon-
nue; et Dieu voulut, dit ce Père» que l'o-^
béissance qui étaitun acte par lequel l'nomme
reconnaissait celui qui l'avait créé» fût eu
même temps un moyen par lec{uel il pût
mériter d'être uni quelque jour 5 lui. Il s'é-
tend ensuite sur les louanges de cette vertu,
et il ajoute qu'une des raisons pour les-
quelles le Fils de Dieu se fit homme , fut
pour nous apprendre l'obéissance par son
propre exemple. L'homme, dit-il, avait été
désobéissant jusqu'à la mort, c'est-à-dire
jusqu'à mériter la mort en punition de sa
désobéissance, et Jésus-Christ se fit homme
pour être obéissant iusqu'a la mort. La porte
du ciel nous avait été fermée par la désobéis-
sance d'Adam ; elle nous fut ouverte par
Tobéissance de Jésus- Christ : car, comme
par la désobéissance d'un seul homme,
|)Iusieurs hommes sont devenus pécheurs,
ainsi, par l'obéissance d'un seul, plusieurs
sont devenus justes. Dieu a même voulu ,
dit cnft)re ce Père » nous faire voir le mérite
et l'excellence de lobéissance, dans la ré-
compense et dans la gloire dont il a couron-
né l'humanité sacrée de Jésus-Christ, qui
avait été obéissant jusqu'à la mort et même
jusqu'à la mort de la croix. Car c'est pour
cela , dit l'Apôtre, que Dieu l'a élevé, et lui
a donné un nom au-dessus de tout autre
nom » afin qu'au nom de Jésus tout ee qui
est dans le ciel , sur la terre et dans tes
enfers, fléchisse les genoux. {Perfection
ChréLf de Rode.)
Les saints relèvent le mérite de l'obéia-
sance par une infinité d'autres louanges;
mais il nous suffira maintenant de nous
arrêter à un des avantages qu'ils lui attrî«
1143
ODE
DICIIONNÂIRE
QBE
DU
DueiU, el qui est que Tobéissance est une
des principales verlus d*un religieuK Saint
Thomas, qui prend ordinairement les cho-
ses dans toute la rigueur des principes de
l'école, demande si Te vœu de l'obéissance
estlepriDcipaldesYœuxquefontlesroliçîeuXv
et après avoir r^i>ondu par Taflirmative, il
en rend trois raisons très-solides el très-
utiles. La première est que, par le vœu d'o-
béissance» on offre plus à Dieu que par tous
les autres vœux ; car, par le vœu de pau-
vreté» on ne lui offre que ses richesses, et
par.celtti de chasteté, on ne lui offre que
son corps; mais par celui d^obéissance , on
lui offre sa volonté et son jugement, et on
se sacriGe enfin soi-même tout entier à Dieu,
ee qui, sans doute, est bien au-<iessu8 du
sacrifice au'on lui fait par les autres vœux.
Saint Jérôme dit quelque chose de sembla-
ble, en parlant du sacrifice de soi-même
et de celui des richesses. L'abandonnement
des richesses n'est pas, dit-il, une action qui
suppose une vertu parfaite. Ceux qui ne
font que commencer en sont capables. An-
tislhène et tant d*aulres philosophes les ont
l:ien abandonnées; mais s'offrir soi-même h
Dieu, c'est le propre des Chrétiens et des
apôtres. Aussi, le même saint Thomas re-
marque sur ce sujet que Jésus-Christ, par-
lant a ses apôtres de la récompense qui leur
était préparée, ne leur dit pas : vous qui
nvez^tout quitté, mais, vous qui m'avez
suivi, parce qu'en effet, la perfection con-
siste à suivre Jésus-Christ. En vérité, je
vous dis que vous qui m'avez suivi, vous
serez assis sur douze trônes. Or, le conseil
de l'obéissance, ajoute ce saint docteur, est
renfermé dans ces paroles; car obéir n'est
autre chose que suivre les sentiments et la
volonté d'autrui.
La seconde raison pour laquelle le vœu
d'obéissance est le principal de tous, c'est
qu'il comprend tous les autres, et qu'il n'est
compris dans aucun autre; car, quoiqu'un
religieux s'oblige, par des vœux particuliers,
a garder la pauvreté et la chasteté, ces deux
obligations cependant ne laissent pas d'être
comprises sous le vœu d'obéissance, par le-
quel il s'oblige généralement à observer
tout ce qu lui sera commandé; etceto est si
vrai, que mêmedans quelques ordres, comme
dans celui de Saint-fiénoît et dans celui des
Churtreux, on ne fait point d'autre vœu que
celui d'obéissance : je promets l'obéissance
selon la règle, dit le religieux qui fait pro-
fessioli ; et sous ces paroles, les vœux de
chasteté et de pauvreté sont compris, sui-
vant les règles et la pratique de l'Ordre.
La troisième raison est que plus une
chose nous approche de la fin pour laquelle
elle a été instituée, et plus elle nous unit à
cette fin, plus aussi elle est parfaite. Or,
l'obéissance est ce qui unit davantage les
religieux avec la fin de leur institution.
Car, de même que pour nous faire parvenir,
nous autres, à la fin pour laquelle nous avons
été institués, elle nous prescrit de travailler
à notre avancement spirituel et à celui de
notre procnain; de nous appliquer è lorai*
son et à la mortfication; de nous occupera
entendre les confessions et à prêcher la pa*
rôle de Dieu, et de nous exercer à tous les
autres ministères qui peuvent contribuer
au secours et au serviceaes flmes : de même,
elle prescrit h tous les autres religieux tt
qu'ils doivent faire pour parvenir à la Gu
particulière de leur institution , el, pnr con-
séquent, le vœu qu'on en fait est quelque
chose de plus excellent et de plus parfait
que les autres vœux.
Saint Thomas tire encore de là une con-
clusion très-importante ; c'est que le vœa
d'obéissance est le plus essentiel de tons à
la religion, et celui proprement qui consii-
tue un religieux dans l'état de là vie reli-
gieuse; car, qtuand on vivrait dans la pau-
vreté et dans la chasteté volontaires, ou
quand même on aurait fait vœu de pau-
vreté et de chasteté, on ne serait pas pour
cela religieux, ni dans l'état parfait de la
vie religieuse, si on n'avait fait vœud^obéis-
sance. Il faut avoir fait vœu d'obéissanco
pour être véritablement religieux, et c'est
{principalement l'obéissance oui fait les re-
igieux et qui les constitue dans l'état où
ils sont. Saint fionaventure est du même
sentiment, et dit que toute la perfection d'un
religieux consiste à renoncer entièrement à
sa volonté, pour suivre celle d'autrui,etque
les vœux de pauvreté et de chasteté, pr
lesquels nous renonçons aux richesses cl
aux voluptés, sont proprement des moyens
Su'on a établis, pour faire qu'étant dégagés
es soins de la vie et des attachements de
la chair, nous fussions plus en état de sa-
tisfaire h notre principale obligation, qui
est celle de l'obéissance. C'est pouraooiil
ne vous servira de rien, ajoule-t-il, u aToir
renoncé h toutes les choses de la terre, si
vous ne renoncez à votre volonté propre,
pour vous soumettre entièrement à coque
l'obéissance demande de vous.
Entre plusieurs paroles remarquables que
Surius rapporte de saint Fulgence, qui avait
été abbé et qui fut ensuite évêque, il dit que
ce saint avait coutume de dire, au sujet do
l'obéissance, que ceux-là étaient de véri-
tables religieux, qui. mortifiant leur,volonlé,
étaient toujours en état de n'en avoir aucune
sur rien, et de s'attacher uniqueraentàsuivre
les conseils et les commandements de leur
supérieurs. Remarquez qu'il ne fait pas
consister la perfection de la vie religieuse à
afniger son corps par toutes sortes d'austé-
rités, à travailler sans relâche el à exceller
dans les sciences et dans la prédication; mais
seulement à être soumis à la volonté desoo
supérieur, et à n'en avoir aucune de soi-
même.
L'obéissance donc, suivant ce que noes
venons de dire, est la vertu la plus essen-
tielle de la religion, et celle oui lait propre
mem qu'on est religieux, Elleplait piu^«
Dieu que tous les sacrilices qu'on peuMyi
faire, et elle renferme en elle lacbastcléja
pauvreté et toutes les autres vertus cflseffi-
1145
OBE
D^ASCETISME.
OBE
1146
ble. Cir, pourra que tous soyez obcissaot,
Yoas serez pauvre, tous serez chastep fOus
serez humble; tous aurez Tespril de mo-
destie, de patience et de mortiflcation ; en
un mot • Yous acquerrez toutes les vertus.
Ceci n'est point, au reste, une exagération,
e*esi une vérité très-constante. L^ vertus
s*acquièrent par Texercice de leurs actes, et
ce n est gue de cette sorte que Dieu veut
nous les donner ; or, Tobéissance nous met
dans cet exercice et tout ce que nos règles
nous prescrivent, tout ce que nos supérieurs
DOuscommandent,est un exercice de quelque
▼ertu. Laissez-vous seulement conduire par
rol>éîssance et embrassez de tout votre
cœur toutes les occasions qu'elle tous don-
nera, et cela suffit. Car on ne manquera pas
de vous exercer, tantôt sur la patience, tantôt
surThumilité, tantôt sur la pauvreté, tantôt
sur la mortification, tantôt sur la tempérance,
tantôt sur la charité; et, de cettesorte, è me-
sure que TOUS augmenterez en obéissance,
vous augmenterez aussi en toutes les autres
Tertus. C'est le sentiment de saint Ignace :
Tant que Tobéissance, dit-il, fleurira parmi
TOUS,' toutes les autres vertus y fleuriront
aussi, et produiront dans les âmes tout le
fruit que je souhaite. Tous les saints en gé-
néral soutdecc môme scotiment,etc*est pour
ci'tte raison qu*ils appellent l'obéissance la
mèreet la source des vertus. L*obéissaoce, dît
saint Augustin, est une des plus grandes
Tertus; et elle est, pour ainsi dire, la source
et la mère des vertus. C'est la seule vertu,
dit saint Grégoire , qui imprime toutes les
autres vertus dans l'esprit, et oui les y con-
serve, quand elles y sont une ibis bien im-
primées. Et le même saint Grégoire et saint
Bernard, expliquant ce passage des prover-
bes : L*bomme obéissant ne parlera que do
Tîctoire , disent , que l'homuie obéissant
n'obtiendra pas une victoire seulement;
mais qu'il en obtiendra plusieurs, et qu'il
acquerra toutes les vertus.
Si vous voulez donc un moyen court et
facile pour faire de grands progrès en peu
de temps, et pour acquérir la perfeclio'i,
soyez extr(^mement obéissant : c'est là le
chemin; vous n'avezqu'àle suivre sans vous
détourner è droite m à gauche, et vous ar-
riverez bientôt où vous souhaitez d'aller.
Ouc c'est une grAce heureuse et abondante,
dit saint Jérôme, que celle de l'obéissance 1
toutes les vertus y sont comprises en abrégé,
et elle conduit droit à Jésus-Christ; il n'y a
qu*à marcher parla route qu'elle vous mon-
tre, et en peu de temps on se trouvera
parfait.
Saint Jean Climaque dit, qu*arrivant un
jour dans un monastère il y vit des religieux
tout blancs de vieillesse et d'un aspect vé-
nérable, toujours prêts à faire les moindres
clioscsqu'onpouvait leur commander; et ily
en avait quelques uns d'entr'eux, dit-il, qui
s'étaient enrôlés sous rét«*ndard de l'obéis-
sance, il y avait déjà plus de cinquante ans.
11 leurdemandaquelfruitetquelavantageils
avaieut retires d'une si grande soumission :
et les uns lui répondirent que par ce moyen
ils avaient acquis une profonde humilité,
qui les avait mis è couvert des plus dange-
reuses attaques du démon ; les autres, qu'ils
étaient parvenus à n'avoir aucun sentiment
des injures ou des mépris. Ainsi nous
voyons que l'obéissance est nn moyen pour
acquérir toutes sortes de vertus; et c'est ce
qui faisait que les anciens Pères da désert
tenaient c|ue l'obéissance et la soumission
d'un solitaire à la volonté de son Père spi-
rituel, était comme un gase assuré du progrès
qu'il ferait un jour dans Ta perfection.
Saint Dorothée, rapporte que son disciple
Dosithée, qui était un jeune homme de
bonne maison et d'une constitution fort dé-
licate, lorsqu'il était encore dans le siècle,
fut touché d une vive appréhension du juge-
ment et du compte qu'il aurait un jour à
rendre; Dieu accomplissant eu lui cette de-
mande du Prophète royal : Seigneur pénétrez
ma chair de votre crainte, car j'appréhende
vos jugements. Pour se mettre dooe en état
de pouvoir rendre quelque jour un bon
compte, il se fit religieux ; et vovant que l«i
délicatesse de sa complexion ne lui permet-
tait pas d'aller la nuit à matines, de manger
des mêmes viandes que les autres, ni de
suivre l'usage ordinaire de la communauté,
il résolut de se dévouer entièrement k l'o-
béissance, en s'exerçant continuellement
dans rinOrmerie du monastère aux services
les plus vils, et à tout ce qu'on pourrait lui
commander de plus humiliant. Au bout de
cinq ans il mourut pulmonique, et Dieu ré-
véla è l'abbé du monastère, qu'il avait ob-
tenu la récompense de Paul et d'Antoine ; ce
que les autres religieux ayant entendu, ils
commencèrent à murmnrer entr'eui et à s'en
plaindre : « Eh quoi ! disaient-ils, où est la
justice de Dieu? Un homme qui n'a jamais
jeûné et qui a toujours été nourri délicate-
ment, est égal à nous autres qui portons
toute ta charge de la vigilia^ et tout le poids
du jour et de la chaleur; que gngnons-nous
donc par les austérités et par les travaux
auxquels nous nous exerçons sans cesse? »
Comme ih» faisaient ces plaintes. Dieu leur
fit entendre qu*ils ne connaissaient pas le
prix et rexcellence de l'obéissance, et que'!.*
était d'un si grand mérite devant lui que
Dosithée avait plus mérité par là en peu de
temps, que beaucoup d'autres par de longues
et rigoureuses austérités.
Saint Ignace, parlant de Tobéissance, dit,
dans la troisième partie des Constitutions^
qu'il est très à propos et très-nécessaire pour
notre avancement spirituel que nous nous
proposions tous d'avoir une obéissance en-
tière. Venant ensuite à expliquer ce que
c'est que cette sorte d'obéissance* il dit que
non -seulement il faut obéir extérieurement,
en exécutant ce qu'on nous commande, ce
qui est le premier degré de l'obéissance:
mais qu'il laut aussi obéir intérieurement,
en conformant notre volonté à celle de notre
supérieur, et en réglant la nôtre sur la
sienne, ce qui est le second degré. Mais ce
IU7
ODE
DICTlONNAIIie
QBE
m
nVst pas encore assez, ajoule-t-il, i) faut
alltir plus loîfit et confonner aussi uolre ju-
gement h celui de notre supérieur, en sorte
que nous soyons toujours du même senti-
ment que lui, et oue nous croyions que tout
ce qu'il commanoe est bien ; et c'est en quoi
consiste le troisième degré de l'obéissance.
Quand nos actions, notre volonté et notre
jugement seront tout à fait conformes k ce
qu'on nous aura prescrit, alors notre obéis-
sance sera parfaite et entière; mais s'il y
manque quelqu'une de ces conditions, elle
ne saurait l'être.
Pour commencer maintenant par le premier
degré, je dis qu'il faut une grande diligence
et une grande ponctualité dans l'eiécution
des choses que l'obéissance prescrit. Saint
Basile demande de quelle sorte il faut s'y
norter, et il répond qu'il faut s'y porter de
la même manière qu'un homme extrême-
ment affamé se porte à rassasier sa faim, ou
qu'un homme qui aime extrêmement sa vie
se porte aux choses qui peuvent la conser-
f er. Encore devrait-on, ajoute-t-il, s'y porter
avec un empressement et avec une ardeur
tout autres, puisque la vie éternelle qu'on
mérite par l'obéissance est inHniroent plus
noble et plus excellente que la temporelle,
qu'on peut se conserver par ses soins, c Ce-
lui qui est véritablement obéissant, dit saint
Bernard, ne sait pas ce que c'est que de diffé-
rer et deremettreau lendemain ; il est ennemi
de la lenteur, il va au devant des comman-
dements qu'on veut lui faire, et il a plus tôt
obéi qu'on ne lui a commandé; il est tou-
jours prêt h entendre, h voir, à dire et à faire
tout ce qu'on veut, et à aller partout où Ton
veut; enfln il se tient toujours en état de
recevoir et d'exécuter tous les commande-
ments qu'on veut lui faire. »
Le second degré de l'obéissance est de
conformer entièrement sa volonté à celle de
ses supérieurs, en sorte qu*on n'en ait point
d'autre que la leur. L'obéissance, dit saint
Jean Climaqun, est le tombeau où notre pro-
pre volonté est ensevelie, et d'où rhnmiiité
ressuscite. En effet, du moment que nous
voulons pratiquera perfection, nous devons
faire état que nous mettons notre volonté
dans le tombeau, et que dès lors nous ne
devons point en suivre d'autre que celle de
nos supérieurs. Saint Ignace ajoute qu'il faut
que nous soyons toujours disposés à l'exé-
cuter, quelque difficiles que puissent être
les choses qu'ils nous commandent, et quel-
que répugnance naturelle que nous puis-
sions y avoir. « C'est même particulière-
ment en celles-là, dit>il, qu'il faut témoigner
davantage notre promptitude è obéir, parce
que c'est en celles-là principalement, comme
remarquent les saints, que la véritable obéis-
sance se fait mieux voir. Lorsqu'on nous
commande des choses qui nous plaisent et
qui sont conformes à notre inclination, on
ne peut pas bien connaître avec quel esprit
nous obéissons, parce que nous sommes
peut-être plus portés par le mouvement de
notre propre intilnalion 'pic par une vérita-
ble soumission à la volonté de Dieu. Mais
lorsqu'on nous commande des choses diffi-
ciles et auxquelles nous avons de la répu-
gnance, et que cependant nous ne laissons
pas de les embrasser avec chaleur, itn^ja
plus à douter du motif qui nous fait agir,
parce qu'alors nous sommes bien assurés
que ce n'est point nous-mêmes que nous
cherchons el notre propre satisfaction, mais
que c'est Dieu seul et l'accomplissemeut de
sa volonté sur nous. »
Le troisième degré d'obéissance consiste
à conformer notre entendement à celui de
notre supérieur, en sorte que uous n*ajons
qu*un même sentiment que lui, non plus
qu*une même volonté ; que nous estimions
que tout ce qu*il commande est raisonnablei
et que, soumettant tout k fait notre jugement
nu sien, nous fassions du sien la règle du
nôtre. Pour comprendre la nécessité de ce
tioisième degré, il suffit de ce Que nous
avons djt d*abora, que sans cela TooéissaDce
ne saurait être parfaite et entière; et celle
doctrine est conforme à celle des saints, qui
disent que l'obéissance est un holocausle
très-partait, dans lequel l'homme, par le
moyen des ministres de Dieu, s^ofTre tout
entier à Dieu dans le feu de la charité. Il y
avait dans l'ancienne Loi cette différence
entre Tbolocauste et les autres sacrifices,
que dans les sacrifices ou brûlait une parlie
de la victime en l'honneur de Dieu, et l*on
en gardait une autre partie pour les prêtres
et pour les ministres du temple; mais dans
l'holocauste, on brûlait la victime tout en-
tière, sans en réserver aucune chose. Or, si
en obéissant vous ne soumettez votre juge-
ment aussi bien que votre volonté, voire
obéissance n'est point un holocauste ; el elle
n'es( point parfaite, puisque vous manquez
à offrir à Dieu la principale partie de vous-
même et la plus noble, qui est votre propre
entendement. C'est pourquoi saint Igueta
disait que ceux qui, soumettant leur Yolonlé
aux ordres de leur supérieur, n*y sounjel-
tent point leur jugement, n'out encore qu'un
pied dans la religion.
Saint Bernard, dans le'premier sermon de
la Conversion de saint Paul, explique au long
qu'elle doit être l'obéissance d'entendemeni;
et, pour cet effet, venant à parcourir lesdil^
rentes circonstances de son sujet, il les ap-
plique a'ix différentes qualités qu'elle doit
avoir. Lorsque saint Paul, frappé de la lu-
mière du ciel, el saisi de cranite, se fut
écrié . Seigneur^ que voulez • vous que />
fasse? le Seigneur lui répondit : Atles dam
la ville, el là on vous dira ce quU faut î««
vous fassiez. < Voilà, dit à ce sujet saiot
Bernard, pourquoi vous êtes entré en reli-
gion, afin d'y apprendre ce qu'il faut q««
vous fassiez : c'est pour cela que Dieu, j^r
un ordre admirable de sa Providence, vousa
frappé de la crainte de ses jugements, et
que, vous donnant un désir ardent de léser-
vir, il vous a donné le dessein d'entrer tlans
cette ville sainte el dans cette école de vtrta
et de piété. C'est là que vous appreuilre^ce
I
1149
OBE
D*ASCETIS1IE
OOE
1150
qa*il veut de vous, et ce qu'il faut que vous
lassiez pour lui plaire. L*Ecrilure ajoute,
continue ce Père, que lorsque saint Paul
entrardans la ville, il ne voyait rien, quoi-
2a*il eût les veux ouverts, et que ceux qui
taient avec lui le meuaient par le main. Et
c'est là, mes frères, ajoute-t-il, la figure
d'une parfaite conversion ; c'est là le modèle
de parfaite obéissance qu'un religieux doit
avoir; c'est là précisément en quoi elle con-
siste : de ne voir rien quoiqu'on ait les yeux
ouverts, et de ne juger de rien par soi-
même, mais de se laisser* conduire par ses
supérieurs, et de se remettre absolument
entre leurs mains. Prenez garde que, mal-
heureusement pour vous, vous ne veniez à
Toir clair comme Adam et Eve, de qui TB-
criture dit qu'après leur pécbé leurs yeux
furent ouverts, en sorte qu'ils connurent
qu'ils étaient nus, et qu'ils eurent bonté
d'eux-mêmes. Mais comment I dira-t-on, est-
ce qu'avant leur pécbé, ils n*étaient pas nus
et qu'ils ne voyaient pas clair? Oui , sans
cloute, mais ils ne prenaient pas garde alors
h leur nudité, parce qu'ils vivaient dans la
pureté et la simplicité de la justice origi-
oelle. Or, cette pureté et cette simpliiilé
au'ils perdirent par leur désobéissance, nous
evons essayer, nous autres, de l'imiter et de
la conserver par notre soumission, en sorte
que nous n'ayons jamais les yeux ouverts
Iiour voir les fautes d'antrui, non pas même
es plus apparentes, et que nous les fermions
surtout lorêqu'il s'agit de choses qui regar-
dent l'obéissance. »
Saint Jean Climaque, parlant de l'extrême
retenue qu'il faut avoir là-dessus , dit que
dans les peusées et dans les sentiments qui
nous viennent contre l'obéissance, il faut
nous comporter comme dans les pensées qui
nous viennent contre la pureté ou contre la
foi ; c'est-à-dire, ne nous y arrêter en aucune
sorte, mais prendre de là occasion de nous
ai>aisser et de nous humilier davantage.
Saint Jérôme, écrivant à un religieux, et lui
donnant des régies pour sa conduite dans la
religion, lui recommande particulièrement
eette soumission d'esprit. Ne vous mêlez
point, lui dit-il, de juger les ordres de vos
supérieurs, et d'examiner s'ils ont raison ou
non dans les commandements qu'ils vous
font ; c'est à vous d'obéir et d'exécuter ce
3u'ils vous commandent, suivant ces paroles
e Hoise : Ecoutez^ liraël, et faita silence.
Saint Basile propose aux religieux pour mo-
dèle de leur obéissance, celle d'un apprenti
qui se met sous un maître pour apprendre
quelque métier. 11 a, dit-il, les yeux conti-
nuellement attachés sur son maître, il lui
obéit en tout sans le contredire en rien, sans
interposer son jugement en quoique ce soit,
et sans lui demander raison de ce qu'il lui
commande; et, de cette sorte, il se rend ha-
bile avec le temps. La soumission des disci-
ples de Py thagore était si grande à cet égard
que sa seule autorité leur tenait lieu de rai-
son; et ils y déféraient de telle sorte que
iiès qu'on leur disait : Lui-même l'a dit, il
ue leur en fallait pas davantage pour se ren-
dre. Quelle déférence ne faudrait-il donc
point que des religieux eussent pour leur
supérieur, qui est sans doute bien au*dessutf
de Pytbagore, puisqu'il tient la place de Jé-
sus-Christ même? Ne faudrait-il |ias qup, dès
qu'il est question d'obéissance, cela leur
suOIt pour les obliger à soumettre aussitôt
leur jugement, et à croire que ce qu'on leur
commande est toujours ce qui est le plus
convenable.
Saint Ignacedit que, comme il y a dans TE-
glisedeux sortes de voies |K>ur le salut. Tune
qui regarde tous les chrétiens en général, qui
estcellederobservatîon des commandements;
et lautre qui regarde particulièrement les
religieux, qui est celle de la pratique des
conseils ajoutés aux commandements , aussi
il jT a dans la religion même deux sortes d'o-
béissances : l'une générale, commune et im-
parfaite ; I autre très-parfaite qui fait voir la
force et la vertu de 1 obéissance, et qui mon*
tre jusqu'où fieut aller la perfection du vé-
ritable religieux. L'obéissance imparfaite,
dit-il, a deux yeux» mais pour son malheur;
l'obéissance parfaite est aveugle, mais c'est
dans son aveuglement que S5 sagesse et sa
perfection consistent. L'une raisonne suir
tout, et l'autre obéit sans raisonner; Tune a
toujours plus d'inclination pour une chose
que pour une autre, et n'est jamais indiffé-
rente sur rien ; l'autre se tient comme la
languette de la balance sans pencher de c6té
ni d'autre, et est toujours également dispo-
sée à toutes les différentes choses que I on
peut lui commander, La première obéit vé-
ritablement au dehors, en exécutant ce qu'on
lui commande: mais elle désobéit intérieu-
rement f»ar la résistance de son esprit; ainsi
elle ne mérite pas le nom d'obéissance. La
seconde ne se contente pas de faire ce qu'en
lui prescrit, elle soumet encore sonjugement
et sa volonté à la volonté et au jugement du
supérieur, supposant toujours qu'il a raison
de commander ce qu'il commande ; et elle ne
cherche point de raison tiour obéir, ni ne se
laissepointconduireà'celleaqui lui viennentà
resprit;maiselieobéit par la seule considéra-
tion ducoromandement qu'on luiDsit, et parce
que c'estot)éir aveuglément que d*obéir de la
sorte. Voilà quelle est l'obéissance aveugle
que les saints et les maîtres de la vie spiri-
tuelle nous recommandent si instamment
et dont ils nous ont donné eux-mêmes de si
grands exemples. Au reste, lorsqu'on l'af»-
pe!!e aveugle, ce n'est pas qu'on prétende
qu'elle doive être soumise indistinctement
à toutes les choses qu'on peut lui comman-
der, quand même elles seraient criminelles;
car ce serait une dangereuse erreur, et saint
Ignace nous le marque expressément; mais
c^t parce que dans toutes celles où nous ne
voyons point de péché» nous devons obéir
simplement sans raisonner, supposant tou-
jours que ce que Ton nous commande est
conforme à la volonté de Dieu, et ne cher-
chant uoint d'autre raison d'obéir que celle
de l'ooéissance même et du commandement
qu'on nous fait. Au>si Cassien appelle-t-îl
cette sorte d^obéissaicCi une>obéi5sance sans
IlSl
OBE
tKCTiONNAlRE
oœ
11»
discussion ^et sans examen, (uircc qu'en ef-
fet il ne faut qu'obéir simplement à ce qu*on
nous commande 9 sans nous ingérer d'en
rechercher et d'en examiner les raisons. Saint
Jean Climaque dit de même que l'obéissance
est un mottfement de la volonté sans aucune
discussion et sans aucun examen, une mort
Totontaire, une yie exempte de toutes sortes
de curiosités, et un dépouillement entier de
son propre discernement. Et saint Basile,
sur ces paroles de Jésus4;ihrist adressées à
saint Pierre et à tous les supérieurs ecclé-
siastiques en sa personne: Paissez^ mes bre^
bief dit que de même que les brebis se lais-
sent conduire par leur pasteur et le suivent
partout où il veut les mener, de même un
religieux doit se laisser conduire par son
supérieur, et s'attacher simplement a obéir,
sans raisonner sur ce qu'on lui commande.
Saint Bernard, parlant de cette sorte d'o*
béissance, dit que la parfaite obéissance,
surtout dans ceux qui commencent encore,
doit être sans discernement, c'est-à-dire,
ajoute* t-il, qu'il ne faut pas examiner ce
qu'on TOUS commande, ni pourquoi on vous
le commande, mais vous attacher seulement
à exécuter avec fidélité et avec soumission
ce qu'on vous commande. « La vraie obéis-
sance, dit saint Grégoire, n'examine point
les commandements des supérieurs, ni Tin*
tention qu'ils ont eue en les faisant; parce
que celui qui a une fois abandonné toute la
conduite de sa vie entre les mains d'un su-
périeur, n'a point de plus grande joie que
de faire ce qu'on lui commande. » On ne
sait ce que c'est que d'interposer son juge-
ment, quand on sait parfaitement obéir,
torce qu'alors on ne connaît point d'autre
ien que celui de Tobéissance. Il en coûta
cher a nos premiers pères d'avoir voulu
raisonner sur la défense que Dieu leur avait
faite: ce fut le commencement de leur nerte
et de la nôtre, et ce fut par le que le démon
les Qt tember da^is le précipice. Pourquoi,
leur dit-il. Dieu ne vous a-(-il pas permis
de manger de tous les fruits du jardin ? C'est,
répond Eve, de peur que peut-ôtre nous ne
mourrions. Dieu leur avait dit formelle-
ment, en parlant de Tarbre de la science du
bien et du mal : Au même jour que vous en
mangerez, vous mourrez; cependant Eve
commeoce par douter de l'effet de celte me-
nace ; elle s*iraagine que Dieu ne Ta peut-
6tre faite que pour les intimider, et voilà
une grande disposition pour se laisser trom-
per. Aussi le démon ne manque-t-il pas d'en
profiter. Vous ne mourrez nullement , leur
dit-il, mais vous serez comme des dieux
sachant le bien et le mal. Il veut leur per-
suader par là que Dieu ne leur a défendu
d*en manger que de peur qu'ils devinssent
aussi savants que lui; et Eve se laissantem-
porter à l'envie de s'élever au-dessus de sa
condition, crut aux paroles du serpent,
mangea du fruit défendu et en fit manger
à Adam. Ainsi le raisonnement d'Adam et
Eve les ayant portés à désobéir, les fit mou-
rir au même moment de la mort de l'âme,
les assujettit à celle du corps, et les chassa
pour jamais du paradis de délices; et comme
cet artiGce réussit si bien alors au aernou
contre nos premiers pères, il s'en est tou-
jours servi depuis contre nous. C'est (leur-
quoi l'Apôtre, qui connaissait ses rases,
nous avertit de nous en donner de prde. Je
crains, dit-il, que comme le serpent séduisit
Eve par son artifice, vos espnts ne soient
aussi corrompus, et ne viennent à déclieoif
de la simplicité de Jésus-Christ. Gardez-
vous des ruses de l'ancien serpent; attachez-
vous à ce que l'on vous cominande,cnreié-
cutant ponctuellement, sans en examiner
les raisons et motifs; et de cette sorte IV
béissance sera pour vous une règle sûre et
infaillible de tout ce que vous aarezà faire.
Il est surtout d'une très-grande importance
dans les commencements, dit saint Bemanl,
de s'accoutumer à obéir aveuglément et sans
raisonner : car il est moralement impossible
au'un nouveau religieux demeure longtetops
ans une cellule, et persévère dans sa pro-
fession, quand il se conduit par les règles
de la prudence et de la sagesse ordinaire et
qu'il veut savoir la raison de chaque chose.
Que faut-il donc au'il fasse et quelle doit
être sa conduite? Il faut qu'il renoDceàla
sagesse pour devenir saçe, que tout son dis-
cernement soit de n'avoir nul disceinement
dans les choses de l'obéissance, et que toute
sa sagesse soit de n'avoir en cela aucane
sagesse. Car c'est au supérieur à bien con-
sidérer les choses et à les examiner avec
soin avant que de les commander, mais c'est
ensuite aux inférieurs à exécuter avec hu-
milité, avec simplicité et avec confiance tout
ce qu'il commande; enfin, c*est à lui à rai-
sonner, mais c'est aux autres à obéir.
Saint Ignace, suivant les traces des saints
et leur doctrine, et voulant nous instruire
des devoirs do l'obéissance par des choses
sensibles, se sert de deux comparaisons
très-propres et très-utiles pour cet effet. Que
tous ceux, dit-il, qui vivent dans IWis-
sance, soient persuadés (\ii*\\s doivent se
laisser conduire par la divine proTideuce,
par le moyen d'un supérieur, de mèmeqtrun
corps mort qui se laisse manier commu Ton
veut et que Ton emporte où Ton uuL
Cette comparaison est aussi de saint Fran-
çois , qui la proposait souvent à ses w-
ligieux,avec ces paroles de l'Apôlre : ^'ow
éles mortSy et voire vie est cachée en Dieunrtc
JésuS'Christ. En effet, un véritable reiii^icui
doit être tellement mort au monde, ^
même rentrée dans la religion s'appelle unâ
mort civile. Soyons donc comme si nous
étions tout à fait morts. Un corps mort ne
voit point, ne répond point, ne se pîai"^
point et n'a aucun sentiment. N'ayons point
d'yeux pour observer curieusement lesl^
tions de notre supérieur; n'ayons point |ie
parole pour répliquer à celle quefobéis-
sance nous prescrit; ne faisons jamais <i<
plaintes, et quand on nous commande quel-
que chose qui n'est pas à notre gré,soyoiu
comme si nous n'avions aucun senlim^n''
On choisit d'ordinaire pour ensevelira?
mort, le linceul le plus vieuxi le plus ust
1155
on¥
DASCETISME.
OBE
11^
Un religieiii (loit soiiliaîler d'ôlrc (railé de
uièiiio» pour son Tôteincnt el pour loulos
t'Iioses, d*ëlre toujours babill6 des habits
les plus grossiers et les plus mauvais: et
d*aToir toujours en parta-ge pour son loge-
ment et pour sa nourriture, tout ce qu*ii y
a de pire dans la maison. Que s*il n*est pas
dans celte disposition de volonté, et (]u*au
contraire il soit fâché quand on le traite de
cette sorte, il o*est pas véritablement mort
au monde, comme un religieux doit Tétre,
il n'a nullement l'esprit de mortification.
Saint Ignace dit encore, et c*est là Tautre
comparaison dout il se sert, qu*il faut que
nous nous laissions conduire h la divine
Providence par le moyen de nos supérieurs,
de même qu'un bâton dont on se sert pour
marcher. Un hàton suit partout celui qui le
|)Orte, il demeure où on le met et il n'a au-
cun autre mouvement i;ue celui que lui
comronniçiue ia main qui le tient. Il faut
qu*uD religieux soit de même, il faut qu'il
se laisse entièrement conduire par son su-
Iiérieur, qu'il n'ait aucun mouvement de
ui-m6me et qu'il suive toujours ceux de
son supérieur; el soit qu'on le mette dans
un lieu, soit qu'où le mette dans un autre,
qu'on lui donne un emploi élevé ou qu*on
1 occupe k quelque chose de bas, il fiut
qu'il demeure sans répugnance dans le Heu
ou dans l'emploi où on l'a placé. Si le bât m
qui vous sert d'appui en marchant venait è
TOUS faire quelque résistance, en sorte que
lorsque vous voudriez le poser en un en-
droit il se portât de lui-même rers un autre,
il vous incommoderait au lieu de vous ser-
Tir, et vous ne manqueriez pas de le quitter.
Ainsi lorsifue vous résistez à la main du
supérieur qui vous gouverne, lorsque vous
témoignez de la répugnance pour les lieux,
pour les emplois ou pour les fonctions où
il veut vous placer, et que dans vos actions,
dans votre volonté, dans votre jugement, il
y a de l'opposition aux mouvements qu'il
▼eut impnmer en vou^, il est constant que
TOUS vous rendez incommode an lien d'être
utile. De sorte que si vous persistez dans
cet esprit d'indocilité, vous deviendrez
bientôt à charge à tous les supérieurs avec
qui vous aurez k rivre, et tous ferez quo
personne ne pouvant s'accommoder de
▼ons, ni vous mettre à aucun usage, chacun
ne songera qu'k se défaire de vons, el
qn'ainsi on vous ballottera eonlinuellnnenl
d'une maison h une autre. On porte un bâ-
ton, el il ne fait point de peine k la main,
parce qu'on en fait ce qu'on veut; il faut de
même qu'un religieux ne fasse point de
peine au supérieur entre les mains duquel
on l'a mis; mais qu'au contraire, il tâche
de se rendre agréable par son obéissance el
de lui donner lieu de dire avec le centurion:
J'ai des soldats sous moi et je dis à celui-ci :
allez, el il va; el k l'autre: venez, el il
vient; et je dis k mon serviteur: faites ceci,
el il le lait.
Saint Basile traitant le même sujet, se
sert d'une autre comparaison très-propre.
Te même, dit-il, que celui qui travaille
•
a un bâtiment, se sert comme il veut des
instruments de son art, el qu'il n'y a jamais
eu d'instruments qui n'aient aisément oi>éi â
la mnin do l'artisan et n'en aient suivi tous
les mouvements, de mAme un religieux
doit être un instrument utile, dont le su-
périeur peut se servir k son gré pour ll'édi-
ficc spirituel ; el il no doit jamais faire de
résistance h ce qu'un veut faire de lui. De
plus, comme l'instrument ne choisit pas
l'usage auquel on veut remployer, ainsi un
religieux ne doit point avoir de choix pour
aucun emploi, mais il doit en laisser tout
le soin au supérieur et s'eu rapporter en-
tièrement k lui. Enfin, continue ce Père,
comme l'instrument n'agit point en l'ab-
sence do l'artisan, parce qu'il n'a aucun
mouvement de lui-même, et qu'il n'en a
point d'autre que celui que l'artisan peut
lui donner quand il s'en sert ; de même, il
ne faut pas qu'un religieux fasse jamais rien
sans l'ordre de sou supérieur, ni que dans
les moindres choses, il dispose de l.ui-même
pour un moment; mais il faut que toujours
et en toutes choses il suive les mouve*
ments el les expressions de son supé-
rieur. »
Ce n'est pas seulement dans es choses
qui semblent avoir quelque rapport avec la
ctiair et le sang qu'il faut soumettre notre
'ugement k celui de nos supérieurs: il faut
e soumettre dans celles (jui sont les plus
détachées de tout ce qui regarde le corps
el qui sont purement spirituelles. Que per-
sonne ne croie que dans celles-ci il lui soil
plus permis de s'éloigner de la volonté el
du sentiment de son supérieur que dans les
aulres ; au contraire, la soumission cl l'o^
bcissance de l'enlendemenl y est encore
plus nécessaire, parce que les choses spiri*
luelles étant d'elles-mêmes si élevées, le
danger serait plus grand el la rJiute plus fâ-
cheuse, si nous n avions point de guide*
Cette vérité est si reconnue, que Cassien
dit, qu'il n'y a rien dont le démon se serve
tant pour faire tomber les solitaires dans le
précipice, que de leur persuader de mépri-
ser les conseils el les avis que leurs anciens
peuvent leur doimer louchant leur conduite
spirituelle, el de suivre seulement leurs
Ïrapres lumières. Le même Cassien et saiiil
ean Cltmaque rapportent des exemi^Ies do
plusieurs solitaires Irès-adoonés k la spiri*
luatité et k la raison, el d^k avancés en âge,
a ni se sont laissés tromper par les illusions
u démon, pour s'être trop confiés k leurs
propres lumières, el pour avoir voulu se
gouverner par eux-mêmes. Il en porta un
a sacrifier son propre fils qui était dans le
même monastère que lui; et cet homme,
s'imaginani |iar Ik qu'il deviendrait un autre
Abraham, en serait venu effeclivemeul k
l'exécution, si son fils, le voyant préparer
des cordes el aiguiser un couteau, n'eût
conçu quelque soupçon de son des.sein et
ne se fût enfui. 11 suggéra k un antre de se
précipiter, lui faisant accroire qu'il gagne^
rail de cette sorte la couronne du martyre
et qu'il serait aussitôt reçu dans le ciel.
If 55
QBE
DICTIONNÂIIIE
OBË
i(S6
Cassieii rdpporte encore à ce sujet Tliis*
toiro du solitaire Héron, qui vivait dans
une si grande retraite et dans une si grande
abstinence, que même le jour de PAques, où
tous les solitaires avaient coutume de pren-
dre leur réfection ensemble et de se traiter
mieux que les autres jours , il demeurait
dans sa cellule et gardait une rigoureuse
abstinence , sans vouloir rien ajouter à sa
nourriture ordinaire qui n'était qu'un peu
de pain et d*eau. < Cette auslériie de vie,
dit Cassien , lui inspira tant d'orgueil et lui
donna tant d'attachement pour ses propres
lumières , qu'il vint h se persuader qu'il
était parvenu au comble de la sainteté ,
3u'il n'y avait plus aucun danger pour lui
ans la vie, et que, quand il se jetterait
dans un puits la tête la première , les anges
le soutiendraient de leurs mains pour empê-
cher qu'il ne se fit mal. L'esprit donc rem-
pli de cette imaginatiofi , et ne redoutant
point que Dieu ne dût faire un miracle pour
faire éclater sa vertu et son mérite , il se
jeta une nuit dans un puits très-profond,
d'où les frères qui étaient accourus au bruit
de la chute , le retirèrent avec peine à demi
mort. Cependant Timpression que les illu-
sions du démon avaient faite en lui était si
forte, que pendant trois jours qu'il vécut
encore , ni l'expérience malheureuse qu*il
venait de faire , ni tout ce qu'on put lui dire
pour le désabuser et pour l'obliger à se re-
pentir , ne fut jamais capable de l'effacer.
Cela fait bien voir que , quelque avancé
qu'on soit et dans la spiritualité et dans
I Age , il est extrêmement dangereux de trop
se fier à son propre jugement , et de ne
vouloir pas se soumettre à ceux que Dieu
nous a donnés pour nous conduire. C'est
pourquoi un saint homme disait avec raison
que celui qui se croit trop lui-même n^a pas
besoin de démon qui le tente, parce qu'il
est lui-même son propre démon. »
Saint Cbrysostome dit que celui qui s'ap-
puie sur son propre jugement est en plus
grand danser Je faillir, quelque éclairé qu'il
s'^lt dans Tes choses de la spiritualité , que
celui qui , ne faisant encore que de com-
mencer à s'y instruire , se laisse conduire
Ear autrui. Il compare le premier à un très-
on pilote qui , se confiant h son habileté et
& son adresse, se mettrait en mer stir un
vaisseau sans voiles et sans rames; et le
second h un passager qui , n'ayant aucune
connaissance de la marine , s'embarquerait
dans un vaisseau bien appareillé, sous la
conduite d'un très-excellent patron. Que
personne donc ne s'abuse, en s'imaginant
que dans les choses spirituelles, par exem-
)le, dans les exercices spirituels et dans
a pratique de la pénitence et de la mortiQ-
cation , on peut se dispenser de l'obéissance
et se conduire par ses propres lumières.
Car, comme dit très-bien Cassien, trans-
gresser les commandements de son supé-
rieur par envie de travailler, n'est pas moins
<iésobéir*que de les transgresser par envie
de ne rien faire. Tenez pour maxime con-
stance, dit saint Basile , de ne rien jamais
I
faire contre l'avis et sans la participation
do votre supérieur ; car tout ce que tous
faites h son insu est une espèce de vol et
de sacrilège , c'est une chose qui ne saurait
vous être que très-préjudiciable et qui ne
peut jamais vous apporter nulle utilité. Je
veux bien que vous l'estimiez bonne; mais,
si elle l'est , pourquoi vous en cachez-vous?
pourquoi ne demandez'-vous pas permis*
sion ? Votre supérieur ne souhaite pas
moins votre bien et votre avantage que
vous-même,, adressez-vous à lui, il tous la
donnera ; et alors Dieu versera sa bénédic-
tion sur ce que vous ferez. Ne vous exposez
pas, faute de soumission, à faire une chose
non-seulement inutile , mais qui voas soit
même préjudiciable ; et prenez garde que
Dieu ne vous dise comme à son peuple,
dans Isaïe : ne m'offrez plus ioulilemeat
des sacriflces.
Il ne faut jamais rien commander de mal,
disent saint Grégoire et saint Bernard, et il
ne faut jamais obéir, quand il s'agit de com-
mettre un péché ; mais quand il ne s'axitque
de manquer à faire un bien, et que i obéis-
sance défend de le faire, on est obligé de se
soumettre à l'obéissanc. L'arbre dont Dieu
défendit à nos premiers pères de manger»
n'avait rien de mauvais de lui-même; au
contraire, il était tçès-bon ; mais Dieu, pour
leur donner une occasion de mériter daTan-
tage par leur soumission et par leur obéis-
sance envers leur créateur, voulut leur dé-
fendra l'usage d'une chose qui n'aTail rien
de mauvais que la défense, et dont, sans
cela, ils eussent pu manger très-inoocem-
roent. Or, un supérieur en use quelquefois
de même envers les religieux qui sont sous
sa conduite; il leur défend des choses qui
sont bonnes d'elles-mêmes, et cela, ou parce
qu'elles ne leur sont pas alors convenables,
ou pour éprouver leur obéissance et leur
soumission.
Saint Basile ajoute que la perfection de
l'obéissance dans les inférieurs éclate moins
à s'abstenir de faire le mal, qu'à s'abstenir
de faire une chose qui est bonne et sainle
d'elle-même, mais qu'on leur a coiumaniJé
de ne pas faire. La raison qu'il en donne e^t
que, de ce qui est mal, ils doivent toujours
s'en abstenir, quand même il n'j aurait au*
cune défense; mais que, do ce qui est boi
de soi-même, ils ne s'en abstiennent qu'eu
vertu de la défense qu'on leur a faite. De
sorte qu'il est vrai de dire que leur oitéis*
sance paraît en cela davantage, puisquecVst
l'obéissance seule qui les retient. Au con-
traire, quand on ii*a nas de soumission dans
ce qui regarde les cnoses purement spiri-
tuelles, c est alors qu'.on fait voir plus d'in-
docilité d'esprit et plus d'attacbeinentèsa
propre volonté; car dans les autres, par
exemple, dans ce oui regarde le silence, la
modestie, la tempérance, et ainsi du reste,
le plaisir et la sensualité peuvent avoir part
h la désobéissance; mais dans les spirituel'
les, qui sont directement contraires à la chair
et au sang, on ne peut être porté è désobéir
que par la seule envie de faire à sa toIoqI^
1157
ORE
D*ASCETISXE.
OBE
Ut*
et par un esprit d*indocilité et d'orgueil.
Ainsi, tout ce qui arrive de là, c*est que par
les choses même qu'oc fait pour son a?an*
cernent spirituel et pour se rendre plus
agréable a Dieu, on parvient à s'éloisoer
davantage de la perfection, et à déplaire
davantage à Dieu et è ses supérieurs. C'est
une chose dangereuse d'avoir affaire h un
cheval fort en bouche ; car comme il n'obéit
point au mors, on ne saurait en être mattre,
et il est capable d'emporter son homme à
90ut moment et de le jeter dans un préci-
{»ice. Il&ut qu'un cheval, pour être bon, ait
a bouche bonne, qu'il porte bien son mors,
et qu'il obéisse bien à la main. 11 en est de
même d'un religieux; il faut qu'il ait l'es-
prit souple et aisé à gouverner, qu'il ne ré-
siste point au frein de l'obéissance, et qu'il
se laisse conduire comme on veut.
Nous lisons dans YHistoire eceUsiastiqm ,
quesainlSiméon Stjlilcayantchoi$i sa retraite
sur une colonne haute de quarante coud(!^es , y
pratîaua longtemps une pénitence qui, jus-
qoe-là, n'avait point eu d'exemple. Il de-
meurait continuellement exposé a toutes les
injures et h toutes les rigueurs du temps; il
passait tous les carêmes satis boire et sans
manger, et il ajoutait tant d'autres austérités
è ceiles*lè, que Quelques -uns ne pouvant
s'imaginer qu'un nomme fût capable de ré-
sister è une pénitenoe si prodigieuse, dou-
taient que ce fût véritablement un homme.
Plusieurs saints Pères du désert, entendant
parler d'un genre de vie si nouveau et si
étrange, s'assemblèrent pour consulter ce
qu'ils avaient h faire sur ce suiet, et le ré-
sultat de leur assemblée fut qu on lui enver-
rait quelqu'un de leur part, avec ordre d»
lui dire ces paroles : Quel nouveau genre
de vie est-ce que vous menez? Pourquoi ,
quittant la voie que les Saints nous ont mar«
quée, avez-vous pris un chemin si étrange,
et qui n a encore été frayé de personne? Les
Pères du désert se sont assemblés et vous
commandent de descendre sur-le-champ du
lieu où vous êtes , et de suivre la route de
tous les autres solitaires, sans vous distin-
guer davantage par des singularités. Ils
avaient, atf reste, donné ordre que s'il refu-
sait de descendre et d'obéir, on l'j contrai-
gnit par force, mais que s'il témoignait vou-
loir obéir, et qu'il se mtt en devoir de des-
cendre de sa colonne, on lui déclarât en leur
nom qu'ils lui permettaient d'v demeurer, et
de continuer dans ce genre de vie si nou-
veau et si austère, parce que son obéissance
marquait assez que c'était Dieu qui le con-
duisait dans la voie qu'il avait prise. Celui
qu'ils avaient chargé de ces ordres va trou-
ver le saint, lui expose sa commission, et à
peine eut-il achevé de lui dire aue les Pères
du désert lui ordonnaient de descendre de
sa colonne, que le saint s'était déj^ mis en
état d'obéir et de descendre. Alors cet homme
voyant une si granJe soumission, exécute le
second ordre qui lui avait été donné, et dit
au serviteur de Dieu : Prenez courage, mon
père, et continuez généralement dans le
gvure de vie que vous avez embrassé : c*esl
Dieu qui vous y a appelé , votre ol>éissance
le montre, et c'est le sentiment de tous les
Pères du désert. Remarquons ici, d'un cAtét
la grande ol>éîssance du saint , et son ex-
trême détachement h l'égard d*une chose si
sainte et qu'il croyait procéder de Dieu; et,
de Tautre , quelle estime les anciens Pères
faisaient de I obéissance et de la soumission,
puisqu'ils crurent qu'il ne fallait point d'au-
tre marque pour connaître si l'esprit de Dieu
le conduisait, et qu'au contraire , ils jugè-
rent que 5*il n'obéissait pas , il n'en fallait
pas davantage pour conclure que sa vocation
n'était pas de Dieu.
Un des principaux moyens pour acquérir
la perfection de rot^éissance, ou, pour mieux
dire, le principal et le plus propre, est d'en-
visager Dieu même dans la personne de sou
supérieur, et de s'imaginer que c'est Dieu
qui nous commande , et que c'est à lui et
non pas aux hommes que nous obéis-
sons. Ce moyen nous est extrêmement
recommandé par l'Apôtre , qui nous le
pmpese en plusieurs endroits de ses Epi-
iresj et principalement dans celle aux Épné-
siens, où, s'aoressant aux serviteurs de Dieu,
il leur dit : Serviteurs^ obéiseez à vos matires
ielan la chair ^ avec cramie , arec re$pee$ , ei
dans la sinmliciié de votre fUngar^ comme vous
obéiriez à Jésus-Christ. Si l'Apôtre ordonne,
dite ce sujet saint Basile, qu'on* ot)éisse aux
puissances de la terre comme à Jésus-Christ
même, et, qui plus est, h des hommes qui
étaient encore dans l'infidélité et dans la
corruption du péché : selon que l'ordonne
aussi saint Pierre, qui veut qu'on obéisse
non-seulement aux maîtres qui sont bons et
doux, mais encore k ceux qui sont fAcbeux
et qui vivent dans l'infidélité, à combien
plus forte raison les religieux doivent-ils
obéir de la même sorte h leurs supérieurs
spirituels, qui ne souhai'ent autre chose
deux que I accomplissement de la rolonté
de Dieu? C'est pourquoi le même saint Paul
ajoute aussitôt : Que ce ne soit pas seulemeiU
en les servant^ lorsqu^Hs vous votent^ et comme
pour plaire aujc hommes , mais que ce soit en
en fauant la volonté de Dieu de tout votre
eœur^ comme serviteurs de Jésus^hrist^ et en
servant volontiers^ comme si c'était le Sei^
gneur^ et non pas les hommes que vous sertis^
siez. Nous ne devons plus regarder Vhomme
dans la personne du supérieur qui nous com--
marnée^ nous ne devons regarder que Dieu ;
en effets nous ne sommes point entrés dans la
religion pour servir les hommes f mais pour
servir Dieu, et ce nest plus avec des hommes
que nous g vivons^ mais avec Dieu mêmt«
puisque notre vie y est crucifiée avec Jésus-
Christ. Tout ce que vous ferez , dit rA|»ô:re
en un autre endroit, faites4e de bon cœur^
commue le faisant pour le Seigneur et non pour
les hommes^ et comme étant assurés que vous
en recevrez la récompense du Seigneur.
Saint Ignace, appuyé sur cette doctrine
insiste fort sur ce moyen dans ses Consti^
tutions^ et nous le recommande souvent. « Il
est très à propos et très-nécessaire , dit-il
en un endroif , de s'abandonner à une obéis*
tl59
OBE
DICTIONNAIRE
QBE
1160
sanoQ entière, reconnaissant que le supé-
rieur, quel gu'il puisse ôlre, tient la place
de Jésus-Christ même. U est très-nécessaire,
dit-il ailleurs, d'obéir non-seulement au su-
périeur général de la Compagnie, ou au
supérieur particulier de chaque maison,
mais aussi à tous ceux qui ont autorité de
lui, et de s'accoutumer à regarder dans To-
béissance, non pas la personne du supérieur
è qui on obéit, mais la personne de Jésus-
Christ, pour Tamour de qui on obéit, et h
qui tout le monde doit obéir. » U établit la
inéme chose pour fondement, dans la sixième
partie des Constitutions^ où il traite plus
expressément de Tobéissance; et il dit que
si Ton veut acquérir la perfection de cette
vertu, il faut avoir continuellement devant
les yeux colui pour Tamour duquel on obéit,
qui est Dieu lui-même, notre Créateur et
notre Sauveur. L'efficacité de ce moyen
pourra très-bien se connaître par la suppo-
sition suivante. Si Jésus-Christ lui-même
vous apparaissait et vous commandait de
faire telle ou telle chose, avec quelle promp-
titude, avec quelle joie, aveequelle soumis-
sion d'esprit et d'entendement î\e vous por-
teriez-vous point h obéir? il ne vous vien-
drait pas la moindre pensée de juger tle ce
3u'il vous commanderait ; pas le moindre
oute si ce serait une chose juste ou non ;
mais vous vous porteriez aveuglément h
l'exécuter, par cette seiile raison qui est
au-dessus de toute autre raison : c'est Dieu
qui me le commande, c'est Dieu qui le veut,
c*est ce qu'il y a par conséquent de meil-
leur. Vous vous estimeriez même heureux
que Dieu voulût se servir de vous ; et plus
ce qu'il vous conmianderaii serait pénible,
plus vous le tiendriez à grâce, Or, voilà
|ir('*cisément le moyen que nous vous pro-
posons. Saint Basile le pro)>ose de môme
dans ses constitutions ; et afin de nous en
donner (oute l'estime qu'il mérite : ce n'est
pas, dit-il , de moi-même que je m'avance
de faire cette comparaison ; c'est sur la foi
et sur l'autorité ^e Jésus-Christ, qui dit :
celui qui vous écoule m'écoule ; c'est-à-dire
celui qui vous obéit, c'est à moi-même qu il
obéit. Tous les saints interprètent ainsi ces
paroles, et ils diseat qu'elles ne doivent pas
seulement s'entendre des apôtres, mais de
tous les supérieurs spirituels ; et cette doc-
trine était tellement reçue parmi les anciens
Pères du désert, qu'ils regardaient les corn-
mandements de leurs supérieurs comme des
commandements de Dieu même. Ils ne s'at-
tachaient point à regarder l'homme dans la
personne de leur supérieur; mais ils regar-
daient Dieu dont il occupait la place; et
c'est ce que Jésus*Christ nous recommande
expressément, quand il dit : Les scribes et
les pharisiens sont assis sur la chaire de
Moïse. Observez donc tout ce qu'ils vous
diront et faites-le; mais gardez-vous bieo
de faire ce qu'ils font. (Konaio., Perf. ch. )
Avis PRATlt2DBS TOUCHANT LA VB&TU D*0-
BÉiHSANCB. — J. Le directeur doit s'appli-
quer avec le plus grand soin à implanter
profondément dans le cœur de ses disciples
la vertu d'obéissance, sans laquelle il perdra
son temps et sa peine, et emploiera en ?ain
toutes sortes d'industries pour les conduire
à la perfection. Il aura beau conseiller, or«
donner, exhorter, instruire ; si le péniteot
n'obéit pas, il ne fera aucun progrès, même
avec la meilleure direction. Or, il y a deux
moyens d'obtenir l'obéissance : première-
ment, il faut s'attacher fortement a inspirer
au pénitent une grande estime et un ardent
amour pour cetle vertu : car il est impossi-
ble d'oDtcnir la possession d'aucune vertu,
si la volonté ne se résout efficacement i
chercher à y parvenir. Dans ce but, le di-
recteur fera sentir tous les avantages de
cette, vertu, et la proposera pour sujet de
méditation : car, les réSexions apportent
cette lumière qui inspire à la volonté l'a-
mour de ta vertu et le désir de l'acquérir.
Secondement, il faut que le disciple s'exerce
constamment dans l'obéissance, puisqu'il
n'y a pas d'autre moyen d'acquérir l'habi-
tude uned' vertu quelconque que par le
fréquent exercice des actes qui lui sont
propres ; et quaùt à la vertu dont il est ici
question, il est évident que celui qui s'ac-
coutume à suivre sa volonté propre n'ob-
tiendra point la facilité de se soumettre à la
volonté d*autrui. C'est pourquoi qu'en toutes
choses, autant que possible, il l'assujétisse
à ses conseils, et non-seulement pour l'u-
sage des sacrements, mais aussi pour les
exercices de pénitence, les mortifications ,
les méditations et pour les autres Œu?res
extérieures, même indifférentes. Il faut donc
briser la volonté du pénitent, en lui refu-
sant certaines choses quoique permises,
comme les communions, les pénitences, ou
d'autres exercices de piété pour lesquelles
il a plus d'inclination : et cela uniquement
pour guo sa volonté s'assouplisse etse re-
connaisse sous la dépendance d'une autre
volonté. Sainte Thérèse, parlant d'elle-
même, rapporte quelle avait eu aulrefois
un directeur qui travaillait particulièrement
à briser sa volonté, et qu'elle en avait ex-
cessivement souffert; puis, eile ajoute que
ce directeur lui avait plus servi qua tous
les autres. Le démon qui connaissait roieui
qu'elle combien ce directeur lui était utile,
la poussait souvent à le quitter. Mais lors-
qu elle s'attachait à ces suggestions du dé-
mon, elle sentait intérieurement la grâce
divine lui faire d amers reproches et lui re-
présenter l'avantage d'avoir un tel directeur.
IL II ne faut pas oublier, cependant, qu'eo
mortiGant et en brisant ainsi la volonté oa
ne doit agir qu'avec prudence et modéralioa;
autrement il en résulterait plus de mal que
de bien. C'est pourquoi le directeur se gar-
dera de prescrire des choses impossibles. Ils6
gardera même d'imposer des choses tnrp au-
dessus des forces corporelles ou spirituelles
du pénitent : autrement ce ne serait pas bri-
ser, assouplir sa volonté, mais le jeter daos
de profondes angoisses. Il faut examiner,
f^eser arec soin les progrès qu'il fera daos
es voies spirituelles, et, en proportion de
ces progrès, s'opposer à ses inclinations, lui
ti61
OBB
D* ASCETISME.
OBL
IIGl
imposer .e joug de la mortiCcation. En un
DJOl, pour que la direction d'un pénitent
puisse oblenir un heureux résultat, il faut
commencer par examiner quelles sont ses
forces, ce que ses épaules refusent ou sont
capables de porter.*
111. Outre Ja modération, le directeur a
besoin d'un sage discernement pour le ctioix
des mortifications qu'il doit imposer au pé-
nitent dont il veut mortifier la volonté. C est
pourquoi , s'il lui prescrit quelque chose de
contraire à ses inclinations, il-doit agir de
manière à ne lui pas faire connaître son in-
tention. Nous parions ainsi, parce qu'il n'est
pas rare de rencontrer certames personnes,
et surtout des femmes, qui, si elles s'aper-
çoivent que le directeur s'appli(|ue à les
exercer h la mortification, ne retirent de là
qu'une vaine complaisance en elles-mêmes,
au lieu de devenir plus humbles , parce
qu'elles voient en cela une preuve que le
directeur a une haute idée de leur avance-
ment spirituel ; de sorte que la mortification
dégénère enfin en vanité; ce qui n'arrive
pas, si pour leur imposer une mortification
on attend quelque occasion où elles ont fait
une faute, car alors elles s'imaginent qu'elles
ont mérité celte mortification. 11 faut, en
outre, s'abstenir de paroles dures, vives et
humiliantes, à moins qu'on n'ait à traiter
avec une personne de telle vertu qu'elle
peut supporter toute sorte d'épreuves; car
de telles paroles ne produisent point ordi-
nairement la tranquillité de l'flme, même
dans les personnes spirituelles. C'est pour-
guoi, si elles doivent se vaincre elles-mêmes,
il vaut certainement mieux qu'elles le
fassent avec la paix de l'âme et sans inquié-
tude.
IV. Que le directeur ait recours à la sainte
obéissance pour discerner les qualités des
esprits, surtout à il'éçard des personnes qui
se livrent à des mortifications extraordinai-
res, ou qui reçoivent de Dieu des faveurs
f»articuliëres, comme visions, extases, révé-
ations. L'obéissance, plus que toute autre
vertu, fera facilement connaître si l'esprit
du pénitent est droit et sincère, ou s'il est
faux et déguisé. Et la raison en est évidente :
toute la perfection ou l'imperfection de la
vie spirituelle a sa source dans la volonté»
puisque toutes nos actions intérieures et
extérieures, si elles sont bonnes, tirent leur
éclat et leur beauté de la volonté qui leur
donne le lustre de la vertu, et, si elles sont
mauvaises, reçoivent de la volonté encore
le voile qui couvre l'ignominie du vice. Car
comment une volonté indocile, intraitable,
inflexible, et que l'obéissance n'a point en-
core soumise à Dieu et aux supérieurs,
pourrait-elle devenir le temple du Saint-
Esprit, le sanctuaire où Dieu vienne habiter
I)Our y fixer sa demeure et y faire ses dé-
ices.
OBLIGATIONS DES CLERS. - Schram a
retracé dans un tableau synoptique les obli-
gations générales et communes à tous les
clercs ; il est divisé en quatre avertissements.
REHIER AVERTISSEMENT.
11$ se conserveront saints pour leur Dieu et ils ne souilleront point son nom\ carilspri^
senient l'encens du Seigneur , et ils offrent le pain de leur Dieu : c'est pourquoi ils seront
saints, [Levit. ixi, 6.)
Prenes vos habitudes
noBdaB'
mais dans
1
la légèreté,
Tavarice,
rambition,
la vocation de Dîea,
rattrait.de la perfection de votre état,
le zélé pour votre salot et celui du prochain
Maichez avec on extérienr
grave,
modeste,
pur,
canoniqiie
diéîssantf
Soyez avec votre évèque
Fuyez
. vous terez retitns
de tétements saints.
{Exod. XL.)
dans ses ordres,
dans ses décrets
dans ses avis,
de cœur,
de parole,
d'action.
les maisons suspectes, — la sodété des femmes, — les jeux ,
dansés, — les théâtres, — les chasses broyantes -
le mépris contre Févéque,
rinsubordination contre le supérieur,
les querelles avec tout le monde,
les fonctions viles par ime honteuse économiCi
en recevant des présents ,
Tavarice ( en commettant d*odieuses exactions,
en administrant le bien d'aotroi.
1
{
— es
^:
DlCTION?(. D ASCETISME. L
37
fl6S OBL D1€TK»(NAIRE OH. lia
DËCXIÈMB AVERTISSEMENT.
Voui serex parfaits et sans tache {Deut. xTiii.)
i divine,
ecclésiâsUqiie,
civile.
Comme voue aveu rejeté la uietue, ie «om rejetm^d, pour fue iOM iCmh
ciêz poUU les fonction» du eacerdoce {Oee iv, 6.)
tdiiiis leB conseils,
dans les jagements,
dans les eonunandânents.
Le chef sane ftrudence fera périr betmcotip de mmée. (Praik ixvm.|
D^- !« ^^^éi^ l dans les vêtements,
Par la modestie I a i^ j:.^..^
»^- !« ^^^éi^ l dans les vêtements
^ u ^f?h^ l dans les discours,
et la gravité \ ^^ ^ ^^^^s.
Vhabillement d*un homme^ ton eontire et en éêmmre^ le font eounltn,
{Eccli, XII.)
Serve» d'etoemple amx j j envers les étrangers,
Par la libéralité I envers les pauvres,
I
fUèlee. (/ timotk. nr.) ^ \ envers les églises.
Sotfe% mieéricordieux autant que vous ie pourrez. (Tob. tv .)
(dans les richesses,
dans les festins,
dans les consolations.
Ne laisMx pas appesantir votre coeur par la débaucke et Vivrognerie^ m fer
\les soucis de cette vte. (Luc. xxi.)
ien présence de Dieu,
en présence des hommes,
en présence de vous-même.
Gardez-vous vous-mêmes^ ainsi que votre àme^ avec solHcUude {Deut, it.)
Par Tobéissance ( envers TEslise,
Par la soumission | envers le Souverain Pondfe>
Par Tamour ( envers ses décrets.
Celui qui me suit, ne marche pas dans les ténèbres. {Joan,, viii.)
Celui qui vous écoute^ m'écoute - celui oui vous mévrise^ me méprise. (Luc.^ x.)
TROISIÈME AVERTISSEMENT.
Èoyex purSf vous qui portez les vases du Seigneur. {îsa. lu./
QiH vos prêtres soient revêtus de justice. {Ps. cxzxi.)
redoutable aux anges ;
une dignité { plus élevée que la dignité royale;
vénérable pour tous*
Rappelez-vous quni y a <h«.s unead^^W* } fj t^g^^^^pgS «^^
VOS fonctions \ puissance ( sur les esprits célestes et infernaux.
de vous appliquer à | ^^^ ^^^^^ ^^ ^ ^»^^^
rinterpréte et ranbassadeur de Dieu, celui qui promulgue ses décrets
éternels;
I le prêtre éternel , immolant et ofElrant en sacrifice le Fils da Péra
Par elles, vous êtes devenu (éternel:
' le médiateur entre Dieu et les hommes» par Toffirande du sacrifice do
pain et des prières des fidèles ;
le dispensateur des célestes mystère •
contempteur des choses sacrées ;
peu soumis à Fautorité du Souverain PonUfii,
Prenez donc sarde de d*» venir / "secta^cur d*nne doctrine périlleuse ou douteuse;
rrenear aonc garae ae devenir ( ^^^^^^ ^^ désagréable, ou trop large ei trop fàîMe pour les pénitesls;
avare^ — immonde^ — impudique, — enclin au vin. — avide d^un gmn konUsî-
(I Tim. m; Tit. i.)
! pieux, —.innocent,— sobre,— sans souillure» — séparé dfli pé-
cheurs;
Plus élevé que les cieux. {Hebr. vu.)
FoM serez mon peuple sainte parce que je suis saint, moi qui suis le Seigneur, et que je wms si Uptuf^
de tous les autres peuples, afin que vous fussiez à moi, (Levit. xx, 26.)
1165 OBL D'ASCETISME. OBL IIM
QUATRIÈME AVERTISSEMENT.
Je voui conjure de vous conduire d'une manière qui soit digne de Féiai auquel voue Mês
appelée. {Eph. it, !•)
de Dieu.
Les moyens sont
la crainte
l'amoar
la garde
la sainte occu-
pation.
la oootume
assidue
la dévotion
envers
la prudence et
la modération
la fidélité à
1
t
du cœur,
des sens.
delà
de rîBlelligenôe.
de la volonté,
d'entretien avec le confesseur,
de lecture spirituelle.
d'examen de conscience
des sacrements.
iDicu,
la bienheureuse vierge Marie
les saiAts.
idans les affaires,
dans les conversations,
dans les consolations.
i faire un bon emploi do temps.;
sanctifier les Jours de fête ;
remplir chaque Joor des exercices de piété.
Faitee cela ei tous «larMb^ (Ljm* x.)
OBLIGATIONS DES PRÊTRES.— Fov.PnÊ-
TRES
OBLIGATIONS D'UN RELIGIEUX. —Nul
peut-être n*a mieux que Louis de Blois
retracé les obligations du religieux. Nous
laisserons parler le pieux auteur en oonser-
vant son langage d'une admirable simplicité.
Son opuscule intitulé : Le directeur dee âmes
religieuses^ est dédié à Odon, Tun de ses amis.
f I. Vous me demandez, mon cher Odon,
an ouvrage de piété qui» comme un miroir
fidèle , vous représente vous-même à vos
yeux, avec tout ce que vous pouvez avoir
de bon ou de mauvais. le vous avoue que
voire prière me surprend. Sans doute vous
ne me connaissez pas, quand vous exigez
une chose toute spirituelle d'un homme
terrestre et charnel. Je no veut pourtant pas
qu'on puisse m'accuser d'avoir regardé avec
indifférence ou avec trop peu d'égard une
liemande aussi édifiante que la vôtre. Je me
rends donc è vos instances, et je vous en-
Toie un petit recueil de maximes spirituel-
les. Ma pauvreté ne me permet pas de vous
faire un plus riche présent. Recevez celui-ci
tel qu'il est. 11 vous servira au moins comme
d'une ébauche pour entrevoir ce que vous
êtes, ce que vous n'êtes pas encore et ce que
TOUS devez être.
« II. Je vous exhorte d'abord à vous rap-
peler souvent et sérieusement le motif qui
vous a fait entrer en religion. C'est afin do
mourir au monde et à vous-même, c'est
afin de ne vivre que pour Dieu seul. Voilà
tout ce que vous vous êtes proposé en renon-
çant au siècle ; il faut donc en venir h bout.
mez-vous k rompre votre volonté par de
généreux efforts, avons renoncer vous-même
peir on saint abandon de tout ce que vou3
avez de plut cher, à détruire vos passions et
vos mauvaises inclinations par la mortifica-
tion chrétienne. Travaillez à fixer les pen-
sées vagues qui dissipent l'esprit, et affer-
missez-vous contre les dégoûts et les ennuis
qui abattent le cœur. Telle doit être votre
occupation tous les jours et tous les moments
de votre vie. J'avoue que c'est une guerre
difficile à soutenir, mais elle sera suivie
d'une couronne de gloire ; c'est un état de
souffrances et de peines, mais il est accompa-
gné des plus précieux avantages. Evitez
surtout l'indolence et le relAebement, et
soyez exact, vigilant, attentif, ferme, intré-
fdde dans les combats qu'il vous faudra
ivrer k vous-même. Allez- jr, pour ainsi dire,
à corps perdu, et ne vous épargnez point
par une délicatesse mal entendue. Dieu le
demande, et la sainteté de votre état l'exige.
Vous portez le nom de religieux, Il s'agit
de l'être en effet, et d'en remplir les obliga-
tions, d'en combattre le vice et de le chasser
de votre âme, d'être enfin toujours en garde
contre le dérèglement de la nature, les sail-
lies de l'humeur, les plaisirs des sens et les
attraits de la volupté.
« m. Comprenez bien ce aue je vous dis.
Si vous permettez à rorgueil, à la vanité, &
utie secrète complaisance de vous-même
de prendre l'ascendant sur votre raison ; si
vous suivez votre propre sens dans votre
conduite, si vous regardez avec mépris ce
qui est bas^ petit aux yeux des homikies,
vous n'êtes pas vraiment religieux.
« Si vous ne réprimez Tenvie, la haine,
les amertumes du coMir, les mouvements
d'ittdimatiOQ ; si vous n'avez soin d*écarter
les dénances, les soupçons injustes, les ja-
gements téméraires, les plaintes puériles, et
à plus forte raison les murmures qui Sion-
tent la révolte, vous n'êtes pas religieux. —
Si, dans un différend qui s'élève entre un de
im
OBL
DICTIONNAIRE
OBL
ilC8
VOS frères et vous, vous ne travaillez pas à
îrous réconcilier sur-le-champ; si vous ne par-
donnez pas à Tinslanl, quelque injure qu'on
Yous ait faite; si vous roulez dans votre es-
prit des desseins de vengeance; si vous y
conservez de l'aigreur; si vous faites paraî-
tre du ressentiment au dehors, et si vous
ne donnez pas au contraire toutes les mar-
({ues d'une affection sincère; si vous hési-
tez même à secourir dans l'occasion celui
qui vous a maltraité, vous n'êtes pas reli-
gieux ; que dis-je, vous n'êtes pas chrétien,
vous êtes abominable aux yeux de Dieu.
«Si, après être tombé dans qu*elque faute,
vous avez honte de vous en accuser, comme
la règle y oblige; si vous ne recevez pas
avec beaucoup d'humilité, de docilité et de
patience les reproches et les corrections;
qu'on vous fait, vous n'êtes pas religieux.-^.
Si vous ne rendez pas à votre supérieur une'
obéissance prompte, entière et générale, en
tout ce qui n'est pas mauvais; si vous n'a-
vez pas pour lui le respect et la tendresse
qui est due è celui qui tient sur nous la
place de Dieu, vous n'êtes pas religieux. —
Si vous cherchez à vous dispenser du chœur
ou de quelque autre exercice commun; si
vous assistez à l'office divin sans l'attention
et la dévotion requises, vous n'êtes pas reli-
fieux. — Si vous bornez tous vos soins à
ien régler votre extérieur, et que votre
intérieur n'en soit pas le principal objet ; bi
vous, vous contentez d'être présent de corps
aux exercices, sans que l'esprit et le cœur^
aient part ; si vous n'y allez que par habi-
tude, vous en perdez tout le mérite, vous
n'en retirez aucun fruit, vous n'êtes point
religieux. — Si vous ne vous appliquez avec
ferveur à la prière, aux lectures de piété et
aux autres pratiques de dévotion ; si votre
âme, tout occupée des choses du monde,
demeure courbée vers la terre et ne prend
que rarement son essor vers le ciel, vous
n*êtes pas religieux. — Si vous cherchez à
satisfaire votre sensualité dans les repas, si
vous prenez de la nourriture au delà du
nécessaire; si, en ce qui regarde le vin,
vous ne vous contentez pas d une très-pe-
tite mesure, surtout quand vous vous portez
bien , et que d'ailleurs vous avez de la bière
ou quelque autre boisson convenable, vous
û'êtes point religieux.
« Si vous voulez être bien habillé , molle-
ment couché, jouir de mille petites commo-
dités qui ne conviennent pas à l'état que
vous avez embrassé; si vous accordez à
votre corps le repos qu'il souhaite , et refu -
soz à Dieu le travail qu'il demande, vous
n'êtes pas religieux. — Si vous fuyez la
solitude et le silence, aimant iTvous dissiper
en des entretiens inutiles et par des ris im-
modérés, vous n'êtes pas religieux. — Si
vous prenez plaisir à vous trouver dans la
compagnie des séculiers, à sortir du monas-
tère et à vous montrer dans les villes et les
châteaux, vous n'êtes pas religieux. — Si
vous êtes assez hardi pour disposer de la
moindre chose, donner ou recevoir, envoyer
ou retenir quoi que ce soit, sans la perpiis-
sion de votre supérieur , vous n'êtes pas
religieux.— Si vous estimez peu les règles du
monastère , et que vous en violiez quel-
qu'une de propos délibéré, quelque petite
qu'elle soit, vous n'êtes pas religieux. ~Ea
un mot, si dans le monastère vous cher-
chez autre chose que Dieu, et que vous ne
tendiez de toutes vos forces à la perfeelion
de votre état, vous n'êtes pas religieux.
« IV. Ainsi pour revenir à ce que je vous
disais tout à l'heure , si vous voulez remplir
le nom que l'on vous donne et être un ?éri-
table religieux, vivez en véritable religieux;
armez-vous, combattez contre vous-même,
n'omettez rien de ce qui est en vous pour
vaincre et dompter votre amour-propre.
Mais si vous ne trouvez pas d'abord la paix
que vous cherchez ; si Dieu diffère à vous
accorder la tranquillité de votre âme; si les
mouvements delà concupiscence vous atta-
quent ; si les passions s'élèvent, n'en soyez
pas étonné. Quand Dieu même pour votre
avantage permettrait à ces ennemis domesti-
ques de^vous faire la guerre pendant toute
votre vie, ne vous laissez point abattre;
mais vous humiliant devant Dieu à la rue
de vos faiblesses, attendez tout de la force
de sa grâce.
« Saint Paul, ce vaisseau d'élection, n'eut*
il pas à souffrir toute sa vie une teolatiou
humiliante, un aiguillon de la chair, dont
l'ange de Satan se servait pour lui donner
des coups et pour l'insulter? Et quoiqu'il
eût souvent prié le Seigneur de 1 en déli-
vrer, il ne fut point exaucé, parce qu'il ne
lui était pas avantageux. de l'être, m grâce
V01M suffU^ lui dit le Seigneur, car maiùm-
êance ne parait jamais avec le plus aécht
que dans la faiblesse. Il n'en fallut pas davan-
tage à ce serviteur de Dieu pour supporter
dans la suite avec courage, et même arec
gaieté, la rigueur des épreuves imposées à sa
vertu. Fortitiés par l'exemple de ce géoéreux
athlète de Jésus-Christ, ne nous laissons
point abattre par la tentation ; soutenoos-ea
les attaques avec courage, sans que rien
puisse nous faire chanceler dans les bous
desseins que nous avons pris.
^ Ce qui nous parait un travail pénible et
chagrinant, I)ieu prêt à le récompenser s'en
fait un spectacle agréable. A la vue de la
récompense qui nous attend, volons avec
une ardeur invincible à cette espèce de mar-
tyre spirituel où l'on demande le sacrifice do
notre âme. Oui, n'en doutons point ; eussions-
nous reçu mille blessures dans le combat,
eussions-nous été renversés par terre mille
fois, mille fois foulés aux pieds île n"s
ennemis, nous sommes encore assurés ii>'
la victoire, pourvu qu'au lieu de metlrc
lâchement les armes bas, nous résistions
jusqu'au bout. Faisons seulement ce quie>t
en notre pouvoir, abandonnons le reste aux
dispositions de la Providence, et disons:
« Que ce qui est arrêté par les dispositions
« du ciel s'accomplisse. » C'est cette sou-
mission aux ordres de Dieu qui doit faire
toute notre consolation et toute notre res-
source^ dan$ les souffrances. Après tout» b
«163 OM- ^'ASCETISME.
peine esl le partage de 1 âomme. De quelque
côlé qu'il se tourne, et quelque part qu'il
aille, les tribulations, les croix, les tenta-
lions l'accompagnent partout et dureront
autant que sa vie. Il doit) par conséquent
être touioors prêt à les soutenir. Heureux,
SI la grâce l'élève à ce haut degré de per-
fection et de bonheur, oii l'on ressent une
Térilable joie à tout souffrir pour le Sei-
gneur.
#« V. Eh bien, mon cher frère, tous ai-je
assez développé les devoirs d'un vrai reli-
^eux7 Ne voudriez-vous pas encore des
instructions plus étendues? Voudriez-Yous
Suc je vous détaille la manière dont tous
evez régler votre intérieur et YOtre exté-
rieur, le train de vie que vous devez mener
et à quelles occupations vous devez princi-
palement consacrer chaque moment de la
{onmée, pour tenir une conduite raisonna-
ne et digne de Dieu T Je yeux bien ; conti-
nuez à m'écouter.
€ A votre réveil, et sur le point de vous
lever pour l'office de la nuit, faites dévote-
ment le signe de la croix, et demandez à
Dieu, par une courte prière, le pardon de vos
péchés et le secours de sa grâce. Ensuite
rgetez les idées grossières et confuses dont
Je sommeil laisse assez souvent des traces
dans l'esprit ; occupez Yotre âme de quelque
pensée spirituelle; puri6ez-la de plus en
plus par de saints désirs ; excitez-vous à de
secrets transports de joie, de yous voir
appelé à chanter les louanges du Seigneur
et à lui rendre vos hommages. — Que si la
pesanteur du sommeil, la fragilité de la
chair, la légèreté naturelle à l'esprit, mettent
obstacle à ces élévations vers le ciel, bien
loin de yous rebuter, prenez courage, faites-
TOtts violence, et tnomphez de toutes ces
difficultés par un effort de la Yolonté et de
la raison ; car le royaume de Dieu se prend
par la^ violence^ et %l n'y a que ceux qui se
font violence qui Vemportent. La mesure du
travail que vous entreprendrez pour votre
Dieu sera la mesure de la récompense que
▼ous recevrez de lui. — Après vous être
promptement leYé , offrez en sacrifice an
Créateur votre Ime et votre corps, et mettez
l'un et l'autre sous sa protection. Courez
aossitêt au chœur, comme dans un asile
assuré contre les poursuites de yos ennemis,
comme dans un jardin de délices spirituelles.
En attendant que l'office commence , faites
CD sorte que votre esprit, dégagé de toutes
pensées tumultueuses, «se trouve dans une
sitcation libre el tranquille; et au milieu de
ce profond recueillement, tâchez de vous
exciter à de tendres sentiments d'amour
pour Dieu.
« VI. Durant l'office, ayez soin d'en pro-
noncer et d'en écouter toutes les paroles
avec respect, avec attention, avec une sainte
joie. C'est le temps de goûter combien le
Seigneur est doux, le temps de ressentir les
charmes ineffables et la force incompréhen-
sible de la parole de Dieu, re temps d'ac-
quérir l'intelligence des Ecritures et de
comprendre ces oracles de I Esprit-Saint ,
on
fr/^
qui furent toujours .a nourriture et -4^ ^> ^
ces des âmes chastes, huml>les et ix»oft.U>^
Souvenez-vous donc de TattentioD <vi 1. fa.4
y apporter. — Evitez cependant un<f if/^
grande contention d'esprit, surtout %\ v^^us
ne vous sentez pas la tète à Ténreuve d'uM
trop forte application : sans cela vous prnjf *
riez vous causer un grand préjudice è vout-
même, et tomber dans un accablement, une
confusion d'idées, une gêne et une con-
trainte qui, vous rendant impraticable Tu.'
sage de la méditation, vous fermerait Tcn»
trée à la connaissance des divins mystères.
€ Vil. Que les distractions ne vous caul
sent point une inquiétude scrupuleuse , qui
pourrait vous jeter dans le trouble et le aé-
couragement ; mais chantez les louanges du
Seigneur avec une attention assez tran-
JuiTle d'un côté pour bannir la perplexité
e ce saint exercice, et de l'autre assez vive
pour faire naître la joie. Si votre cœur vous
échappe malgré yous, ne yous alarmez
gnnt; rappelez-le par un doux effort, et
ites sans trouble et sans embarras ce qui
dépendra de vous, abandonnant le reste à la
volonté divine. — Vous n'avez qu*à aimer
Dieu constamment, et les défauts dont il
vous est impossible de vous défaire vous
deviendront un sujet d'humiliation, un motif
de Yertu, une occasion de mérite, une source
de consolation. Le terroir bien disposé trouve
toujours dans le fumier un surcroît de fer-
tilité, et l'homme , rempli de bonne volonté
jusque dans le sein de la misère, retire en son
temps le fruit de ses impeifections et de ses
faiblesses. Cela arrive lorsque le Seigneur»
qui semble quelquefois se cacher, daigne
reparaître. Mais en attendant le temps de sa
visite, il faut souffrir avec patience l'aban-
don où il nous laisse; car que servirait-ii
de s'impatienter 7 Ce serait ajouter peine
sur peine et faire voir, d'une manière bien
sensible, qu'au lieu d'une humilité bien
parfaite, on n'a qu'un amour-propre perni-
cieux pour le salut.
« Êtes-vous à la prière avec respect, et
dans un vrai désir d'y apporter de l'atten-
tion, il n'en faut pas davantage. Dieu est
content de vous malgré les distractions qui
vous empêchent d'être aussi attentif que
YOUS le voudriez. II ne vous fera jamais uu
crime de ces écarts d'une nature faible et
▼olage, pourvu que vous ne vous j arrêtiez
pas volontairemenl quand ils arrivent, et
qu'auparavant vous n'y avez pas donné
occasion, faute de veiller à la garde de vos
sens. No pouvant alors rendre au Seigneur
un hommage parfait, offrez-lui du moins
avec une humilité profonde votre bonne
Yolonté et la droiture de vos intentions.
Le démon après cela n'aura plus aucun su-
'et de vous chicaner.
« Quand vous n'auriez autre chose à pré-
senter à Dieu que la résolution sincère de
sacriGer votre corps et votre âme à son ser-
vice, avec les sentiments d'une humble
crainte à la vue de son auguste majesté, il
n'en faut pas davantage pour vous donner
la juste coQr*!iQce que yous ne perdrez pas
il7ft
OBL
DIGTfONNAIRB
ON.
4 «72
la récompefnse que Dieu promel k ceux qui
lui sont Qdèles. Mais malheur à yous, si
pendant l'oraison vous êtes lâche, indolent,
inappliqué I car il est écrit : Maudit est celui
qui fait Vmuwe de Dieu négligemment l Em-
ployez donc toutes vos forces pour lui donner
tout ce qui dépend de vous, et vous serez
(fuitte de tout, quand m6mo vous ne pour-
riez pas tout ce que vous voulez. — Persua*
dé de la vérité de cette maxime, ne vous
troublez point lorsque vous rencontrez des
obstacles qui ne vous permettent pas d*aller
aussi loin que vos bons désirs. Si vous avez
Tesprit abattu, le cœur sec ou languissant,
mal à la tète, les sens dissipés ; si vous
ressentez quelque tentation ou quelqu'autre
peine, garaez*vous bien de dire : Me voilà
sans ressource, le Seigneur m'abandonne»
mon service lui déplaît : langage ordinaire
des enfants de la défiance. Au lieu que, si
vous portez cet état avec soumission et sans
murmure pour l'amour de celui oui vous a
appelé et vous a élu, croyant fermement
qu'il est toujours à côtédeceux qui souffrent,
pour les soulager dans leurs travaux et les
récompenser, vous ne sauriez croire quel
poids immense de eloire ce Dieu de bonté
vous prépare. Alors vous pourrez dire avec
le Prophète : Seigneur^ fêtais devant vous
eonune une béte^ et néanmoins fêtais toujours
avec voMf , et vous avec moi.
« Mais écoutez ce que je vais vous dire*
Quand vous seriez rempli des délices de la
plus douce contemplation; quand, élevé au*
dessus de vOus*m6me, vous seriez trans-
porté jusqu'au troisième ciel et favorisé de
l'entretien des anges, tout cela serait moins
Îîand et moins estimable que de soutenir
e bon (xmr pour Tamour de Dieu les pei-
nes de la vie spirituelle, les aridités, les sé-
cheresses, les désolations intérieures. Pour-
quoi? Parce que ce dernier état vous rend
glus semblable à Jésus souffrant. Ce divin
Sauveur» accablé de tristesse, d'ennui, de
frayeur et réduit à une agonie mortelle,
eut recours à son père, en lui disant: « Mon
Père, que votre volonté soit faite et non pas
la mienne. » Et lorsqu'il se vit attaché à la
croix, les pieds et les mains percés de clous,
ii se contenta de dire: « Mon Dieu, mon
Dieu, pourquoi m'avez-vous délaissé? » Et
c'est pour tous, mon frère, qu'il a souffert
avec un très-grand amour les douleurs et
les angoisses d'une passion si remplie d'a-
mertumes. Souffk*ez donc avec une simple
et invincible patience, et attendez en si-
lence le temps où il plaira au Tout-Puis-
sant de vous délivrer. Soyez persuadé
que quand il paraîtra au jour de ses ven-
geance^, il n'examinera pas si vous avez eu
beaucoup de consolations intérieures, mais
si vous avez été fidèle à le servir et à l'ai-
mer.
ffVIII. Parmi ceux qui servent Dieu, la
plupart ne sont que des serviteurs merce-
naires et infidèles. Tandis qu'ils jouissent
des douceurs d'une dévotion sensible, et
qu'ils ont actuellement le don des larmes,
on leur voit une ferveur, un attrait pour
l'oraison, une ardeur pour toutes sortMde
bonnes œuvres, une tranquillité d'âme qoi
porterait à croire qu'ils sont au-dessus des
faiblesses ordinaires à tous les hommes;
mais dès qu'ils sont privés de ces faveurs»
leur vertu s'évanouit; ils entrent daos le
trouble, dans l'indignation, dans l'amertame,
dans l'impatience; ils négligjent la prière,
ils abandonnent leurs exercices, et ijaree
qu'ils ne ressentent pas à leur gré les joies
spirituelles, ils se tournent vers les plaisirs
des, sens par un changement funeste et dé-
plorable.
« Quand on est capable d'en venir U, il
est visible qu'on n'aime pas Dieu d'un amour
pur et chaste; que l'on ne désire ses dans
que par un amour déréglé, et qu'on ne cher-
che que sa propre satisfaction; car si on ai-
mait Dieu purement et sans avoir de ratta-
che pour ses seules douceurs, le chagrin de
s'en voir privé n'ôterait point la paix ioté-
rieure et ne porterait point ceux dont je
parle à quitter Dieu pour se livrer aui
Blaisirs des sens. Ils ne servent donc pas
^ieu fidèlement, puisqu'une petite épreuve
suflit pour les rendre infidèles à leurs en-
Sagements; et on doit les mettre au rang
e ceux dont parle l'Evangile : ou'tl< ae
croient que pour un temps^ et quHls oian-
donnent leur devoir au moment de la tenta-
tion. La prospérité les retient, l'adversité
les écarte. Tant que Dieu remplit leur km
de délices, ils sont k lui ; dès qu*ll les en
prive, ils quittent son service: cequidoone
droit de dire que c*est plus pour eux qce
pour lui qu'ils le servent, puisqu'ils cher-
chent leur propre satisfaction à faire leur
propre volonté plutôt que celle de Dieu.
« Quel est leur aveuglement 1 1^ sainteté,
qui consiste proprement dans la destruc-
tion des vices, ils la mettent dans les coo-
solations spirituelles; ne sachant pasqu*elles
rendent toujours équivoque l'amour qu'oo
a pour Dieu, et que la preuve la plus cer-
taine du véritable amour est de soutenir
avec courage la privation de ces douceurs.
Ne vous y trompez pas; la dévotion sensible
vient plus souvent de l'homme que de Dieu,
de la nature que de la grAce, de l'humeur
et du tempérament que d'un principe sur-
naturel et divin. Mais enfin, de quelque
part qu'elle procède, si on n'est continuelle*
ment sur ses gardes, elle produit un secret
orgueil, une criminelle complaisance en soi-
même et une pernicieuse sécurité: témuios
les personnes dont je parle. Dans les accès
de leur ferveur, elles forment aisémeol dos
soupçons et des jugements au désaraotage
du prochain, et le méprisent comme ioJi-
gne de participer aux privilèges dont elles
jouissent. Elles se croient déjà des modèles
de sainteté et les dépositaires des secreb
de Dieu. Elles souhaitent ies révélatioos
célestes, et s'imaginent bientôt qu'elles en
ont. Elles vont même jusqu'à désirer qu*iis«
fasse en leur faveur ou par elles des mira-
cles éclatants, pour convaincre les autres
hommes qu'ils sont très-éloiçnés du baiil
degré de sainteté où elles croient être arri*
1173
OBL
0*ASCETISlfE.
OBL
im
Tées. Cesl ainsi que se perdent dans leurs
G osées ceux qui soupirent plus après les
nédictions du ciel qu*apris celui qui en
est le dispensateur.
tf IX. Les fidèles serriteurs en usent an*
trement. Ils s'oublient eux-mêmes pour ne
songer gu*k Dieu ; ils ne cherchent qu*à
accomplir sa Tolonté, gu'i procurer sa gloire,
qu*k lui faire un sacnfice continuel de leur
amour-propre. Qu'il répande dans leur
cœur les joies spirituelles, ou qu'il en sus-
pende le cours pour laisser leur âme dans
raridité, ils sont toujours les mêmes, tou-
jours dans une égalité d'esprit que riea ne
trouble, toujours constants h aimer, k louer,
à bénir le Sei^eur. Ni les ouag^es qui s'é-
lèTent dans l'intérieur, ni la Tiolenee des
impressions des sens, ni la froideur de leur
âme, ni l'engourdissement de l'esprit, ni la
sécheresse du cœur, ni la Tiolenee des ten-
tations, rien au monde» les peines non plus
que les douceurs, ne les tirent de la Iran-
quillité, ni ne font sortir lAjr âme de son
assiette. Ce n'est pas qu'ils soient insensi-
bles aux impressions de ces mouvements:
les uns les flattent et les autres les affli*
gent, mais la supériorité de la raison les
met au-dessus des sentiments de la partie
inférieure de l'âme. Le fond de la folonté
se cooserTe dans le calme, au milieu du tu-
multe qui s'élève autour d'elle. Elle est
tranquille, parce que toujours conforme à
ce qu'il platt à Dieu d'ordonner ou de per-
mettre, elle se contente de désavouer tous
les mourements qui s'élèvent contre l'ordre
de la raison.
c Heureux état I où l'homme, appuyé sur
la terre fermfe, c'est-è*dire sur la charité, se
trouve inébranlable dans l'amour qu^il a
pour son Dieu, et incapable de goûter au-
cune consolation que dans une parfaite sou-
mission à ses ordres. Beoreux étatl où Ton
fuit avec ardeur tout ce qui déplaît à Dieu,
où l'on regarde avec horreur tout ce qui
pourrait souiller le moins du monde la pu-
reté de l'âme, et où l'on se remet de tous
les événements de la vie à la Providence.
Comme on a , par ce moyen» le cœur pur,
libre et tranquille, on est véritablement dé-
▼ot, car c'est dans cette pureté, dans cette
liberté, dans cette tranquillité, que consiste
la vraie dévotion et la plus agréable aux
jeux de Dieu.
c Pour celle qu'on nomme dévotion sen-
sible, elle n'est ni d'une aussi longue du-
rée, ni si capable de nous rassurer. Aussi
▼oyons-nous que Dieu la donne plus com-
munément k ceux qui sont depuis peu con-
vertis ou qui commencent à entrer dans la
Tie spirituelle, qu'à ceux qui y ont déjà
faft des progrès considérables. Elle ne laisse
f pourtant nas d'être d'une très-srande nti-
ilé quand on sait en laire un bon usage ;
c'est pourquoi elle est aussi l'objet des dé-
sirs des âmes les plus avancées, de ceux
que Jésus-Christ dit qu'il n'appellera plus
serviteurs, parce qu'il les regarde comme
ses amis. Oui» ceux-ci recherchent les oon-
soiati(ns intérieures dont les charmes sont
si délicieux et dont la force, pour soutenir
dans la vertu» est si merveilleuse. A peine
en sont-fls privés, qu'ils s'en plaignent à
leur divin maître, et le conjurent avec le
prophète de leur rendre cette joie sainte qui
est le gage précieux de sa protection, lis
ont une ardeur inconcevable pour ces com-
munications où Dieu se laisse voira décou-
vert, et où Ton jouit de ces chastes et déli-
cieux embrassements ; mais le désir qui les
anime est pur, spirituel, plein de modéra-
tion et de retenue, et par là bien diflérent
de celui des faux dévots, qui n'est gu'une
avidité indiscrète, une vraie sensualité, un
effet de légèreté et de faiblesse, un empres-
sement inquiet et plein de trouble. Les vrais
dévots soupirent après les douceurs de la
grâce; mais loin d*avoir en vue leur sattsfacr
tion particulière , ils n'y cherchent qu'un
nouveau moyen de croître en ferveur, de se
purifier sans cesse de leurs imperfections
et de plaire de plus en plus à leur divin
époux. Ils aiment les consolations, et quand
Dieu les leur fait coûter , ils ne manquent
pas de l'en remercier ; mais ils les aiment
comme des moyens et non comme leur fin.
En sorte que, ne les prenant jamais pour
motif ni pour règle de leur conduite et des
mouvements de leur omor, ils sont à cet
égard dans une lil)erté et une indépendance
parfaite, prêts à faire également leur devoir
2uand même ce secours leur serait Até.
'est que ces faveurs ne sent pas la fin où
ils tendent, mais le canal par ou ils remon-
tent jusqu'à Dieu,jusqu'au souverain bien,
a qui ron est obligé de tout rapporter, et
en qui seul il est permis de s'arrêter. Enfin,
pour comble de bonheur, moins ils sont at-
tachés à cette sorte de grâces , plus elles
leur sont données avec profusion.
« Quelque riches qu'ils soient des dons
célestes, on ne remarque point en eux d*é-
lèvement de leur cœur ; ils ne s'en estiment
pas davantage et n'en conçoivent pas le
moindre mépris pour les autres; s'estimant
peu eux-mêmes, les faveurs dont ils sont
comblés, loin de leur inspirer de l'orgueil,
leur font sentir de plus en plus qu'étant in-
dignes de toute grâce spirituelle, -e peu
3u'ils en ont vient de la pure miséricorde
tt Seiçneur, et que ceux a qui on a fait de
plus nches présents et confié des dépôts
considérables,en rendront à Dieu un compte
plus sévère. Dans cette idée, ils se regar-
dent comme les derniers serviteurs de Dieu,
marchent toiqours avec um sainte frayeur,
et font d'autant plus de progrès dans l'hu-
milité , que les bénédictions que le ciel
Terse sur eux sont plus abondantes.
« Quelle joie, quels transports, quelle
gloire pour eux , si , k l'exemple de Jésus-
Christ, ils se voient diflamés, noircis de ca-
lomnies, accablés d'outrages, d'injures,
d'humiliations, sans y avoir donné aucun
sujet 1 C'est alors qu'ils se ré^jouissent dans
le fond de leur coBur, eî qu'ils sont plus
contents que s'ils avaient des réTétations et
des risions, ou qu'ils opérassent les plus
grands prodiges. Ces roules extraordinai*
H75
OBL
DIGTIONNAIUË
OBL
ii:6
res leur paraissent à craindre plulAt qu'à
souhaiter, et lis sont toujours en garde con-
tre ce qui pourrait les porter à la yaine
gloire et à une secrète complaisance en
eux-mêmes. Le démon a beau se transfigu-
rer en ange de lumière, ils ne donnent pas
dans ses pièges, et avec le signe de la croix
ils savent rendre inutiles les artifices qu'em-
Floie le serpent infernal pour les séduire.
1$ n'ont pas la présomption ni Torgueil de
fonder '.'espérance de leur salut sur lo nom-
bre ou sur les mérites de leurs bonnes
œuvres ; mais ils mettent toute leur con-
fiance dans les mérites de Jésus-Christ, qui
leur a acauis, par son sang, la liberté des
enfants ae Dieu. — Pour vous , mon cher
frère, après avoir reconnu la différence qui
se trouve entre les faux dévots et ceux qui
Je sont véritablement, faites vos efforts pour
être du nombre de ces derniers. Si par
malheur vous étiez encore de ceux dont
vous ne voudriez pas être, gémissez, humi-
liez-vous : Dieu donne sa grâce aux hum-
bles, et c'est avoir déjà un pied dans la
compagnie des véritables serviteurs de
Dieu, que de reconnaître avec humilité et de
confesser avec douleur qu'on est encore au
rang des serviteurs lâches, inutiles et infi-
dèles ; mais travaillez cependant jusqu'à la
mort et ne craignez rien. A ce prix vous ne
serez point rejeté avec les mauvais servi-
teurs, mais vous entrerez avec les bons
dans la joie et dans la gloire de votre maî-
tre.
oc X. Il y a une troisième espèce de gens
engagés au service de Dieu, qu'on ne sau-
rait regarder en aucun sens comme ses ser-
viteurs et qui sont plutôt de vils esclaves
du démon. Je parle ae ces misérables et in-
fortunés religieux oui ne font aucun cas
de la dévotion et de la grâce, qui négligent
tout à fait le soin de leur salut, qui hono-
rent Dieu des lèvres, tandis que leur cœur
est loin de lui. Plongés dans un déluge de
maux, à peine jettent-ils les yeux sur le
danger qui les environne et sur le moyen
d'en échapper. Ils sont aujourd'hui tels
qu'ils étaient hier : ils sortent du chœur tels
Ju'ils y étaient entrés, pleins de vices et de
éfauls, tièdes, lâches, dissipés, immodestes
et même effrontés. Que sert à ces malheu-
reux de mêler leur voix à celles de leurs frè-
res pour chanter les divins cantiques?
Leurs lèvres souillées irritent le Seigneur,
loin de l'apaiser.
«Plût au ciel que le monde eût retenu ces
gens-là 1 Pourquoi sont-ils venus dans le
monastère? Faut-il que leurs pieds impurs
souillent une terre aussi sainte? Faut-il
que la piété de ceux qui ont fait des libé-
ralités aux maisons religieuses serve contre
leur intention à nourrir de tels sujets?
Faut-il que les pécheurs dévorent ce qui
n'a été donné que pour la subsistance des
justes? Faut-il enfin qu'ils profanent, par
des plaisirs çrossiers et charnels, la maison
de Dieu, le heu saint, l'école respectable où
l'on doit apprendre à mener sur la terre la
vie des anges et à fnire leurs fonctions?
Puisqu'ils vou. aient croupir dans le vice, que
ne se tenaient-ils dans le siècle, qui esiie
lieu de la corruption ; et pourquoi soDt-ils
entrés dans la religion, qui est le lieu de la
pureté? La vie criminelle qu'ils auraient
menée dans le monde ne leur eût attiré
qu'un enfer, au lieu que la vie molle et
sensuelle qu'ils mènent dans la maisou do
Dieu leur prépare un double supplice;
mais mon dessein n'est pas de vous entrete-
nir au long sur leur sujet. Revenons donc
à vous.
a XI. Ayez soin de régler d'avance et de
vous prescrire heure par heure tout ce que
vous devez faire dans la journée ; mais
souvenez*vous que cette exactitude à dé^
terminer toutes vos occupations doit èire
accompagnée d'une grande fidélité à suivre
l'ordre que vous aurez une fois choisi. Que
si pourtant l'obéissance ou toute autre bonoe
raison, ou enfin quelque contre-temps im-
prévu, vous oblige d'interrompre et même
de retrancher en tout ouen partie quelques-
uns de vos exercices ordinaires, gardez-Toas
bien de vous en. inquiéter. C'est la liberté
d'esprit, l'égalité d'âme, la pureté ducœar,
que vous devez rechercheravant toutes cho-
ses, et tous vos efforts doivent principale-
ment aboutir à vous procurer une paixiBal-
térable que nul retour d'amour-propre ne
puisse troubler. Tâchez de vous maintenir
dans cet état sans perdre Dieu de vue; par
là vous vous rendrez plus agréable à ses
yeux qu'en faisant les bonnes œuvres les
Elus pénibles et les actes de vertu les plus
éroïques. Laissez donc sans crainte tout ce
qui pourrait donner atteinte à cette heu-
reuse tranquillité ; et de quelque utilité
qu'une chose vous paraisse, quelque rapport
qu'elle puisse avoir à la pieté, faites-en le
sacrifice et abandonnez-la pour un temps,
podrvu que l'obéissance n'y soit pas inté-
ressée. Le scrupule est un obstacle à la vé-
ritable paix, à la parfaite confiance en Dieu
et au progrès spirituel. C'est pourquoi l'on
ne saurait assez prendre de mesures poor
en prévenir les suites.
« Evitez avec soin roisiveté; c'es^ uo
poison qui gagne peu à peu et qui doooe
enfin la mort à l'Ame. Fuyez avec la même
attention les occupations gui ne sont d'au-
cune utilité pour le salut. Quand je parle de
l'oisiveté, j'entends celle qui est vièieose;
car il y a une espèce d'inaction qui n*a rien
que de louable; c'est lorsque l'Ame repose
dans le sein de la Divinité, et que, délivrée
du bruit et de l'impression des objets seu-
sibles, elle se tient dans un silence iot^
rieur, où elle semble ne pas dgir» mais
seulement recevoir les faveurs de sonbien-
aimé. Si la main de Dieu vous y conduit
quelque jour, ô que vous serez utilement
et heureusement oisif! Partout ailleurs, no
soyez pas un seul moment sans vous appli-
quer ou à la lecture, ou à la méditation, ou
à la prière , ou à quelqu'aufre oecupation
sérieuse
« XII.' Si vous êtes assidu à la !ectar«
des livres spirituels, si vous vous y pofl«^
1177
OBL
D'ASCÉTtSME.
OBL
IITS
avec empressement, toos eprouyerez bien-
tôt qu*il n^j a rien de plus propre à remplir
Tâme de joie, à lui adoucir les exercices de
la piété, à l'accoutamer insensiblement aux
pures délices de l'esprit, à la dégoûter des
plaisirs des sens, à l'affermir parfaitement
dans ses. bons desseins. Mais pour en retirer
de si grands fruits, il faut s'appliquer non-
seulement avec ardeur, mais encore avec
sagesse; c'ést*à-dire y rechercher des ins-
tructions salutaires, des motifs d'aimer Dieu
de plus en plus, et non de quoi flatter la cu-
riosité, comme serait un vain étalage d'éru-
dition, ou l'ornement du discours et la
politesse des termes.' Le rojaume de Dieu
ne consiste pas dans la beauté du langage,
mais dans la sainteté de la vie. Cependant,
comme on ne doit pas se faire une peine de
ne pas rencontrer dans un livre de dévotion
J'élégance du style, il ne faut point aussi,
quand elle s'y trouve, la rejeter avec mé-
pris, mais en profiter avec reconnaissance,
car c'est un don de Dieu. Recevez tout avec
actions de grâces, et tout contribuera à
votre avancement dans la vertu.
« Ne vous chagrinez pas de voir que ce
que vous lisez ou ce que vous entendez
dire de bon s'efface aussitôt de votre sou-
venir. Ce défaut de mémoire, qui, malgré
le soin que vous prenez d'éviter dans vos
lectures la précipitatioB et l'excès, parait
TOUS enlever la divine semence, ne jom en
dérobe pas tout le fruit. Les maximes spi-
rituelles dont on se nourrit souvent, et qui
semblent d'abord s'effacer de l'esprit, ne
laissent pas de maintenir l'Ame toujours
pure aux yeux de Dieu , semblables a ces
eaux vives qui purifient les canaux par odi
elles ne font que couler sans s'y arrêter.
Après tout, le grand avantage que vous
devez retirer de la doctrine céleste répandue
dans les livres, ne consiste pas à en retenir
les paroles, mais à en conservée* les effets,
qui sont la pureté de Fftme et une forte
résolution de faire toujours et en tout la
Tolonté du Seigneur.
« Appliquez- vous tout ce que les livres
disent contre les défauts et les vices, et
n*en faites jamais l'application aux autres
par un travers où il y 'aurait peu de sûreté
pour vous et beaucoup de prévention contre
le prochain. Cette conduite peu charitable
pourrait facilement altérer la paix de votre
conscience et même la souiller. — Si vous
tombez, par hasard sur certains endroits
capables d'alarmer la chasteté, et que vous
ne puissiez vous dispenser de lire, passez-
Îr rapidement. Il faut espérer alors que, vos
ectures se faisant dans l'ordre de Dieu, ces
matières délicates ne feront pas d'impres-
sion snr votre cceur. Mais, si malgré vos
soins et tos précautions, elles trouvent en-
trée dans votre esprit, qu'elles ne fassent
qu'en effleurer la pointe, et qu'elles soient
aussitôt rejetées avec fidélité ; c'est un ex-
cellent moyen d'arrêter les suites que pour-
raient avoir les images indécentes qui se
présentent à l'esprit, et de prévemr les
mouvements impurs. Que si cela ne suffit
j>as, et que des tentations importunes con-
tinuent à vous fatiguer et à vous troubler,
désavouez-les promptement. Opposez la
raison à la chair, refusez de consentir au
crime, munissez-vous du signe de la croix,
invoauez le Seigneur, tournez vers lui vos
pensées, car ce n'est point ici qu'il faut
combattre de front pour vaincre l'ennemi.
C'est en fuyant, c'est en pensant à toute
autre chose, que vous échapperez au danger.
c Ne suivez pas Texemple de ceux qui ne
gardent aucun ordre dans leurs lectures, et
se jettent indifféremment sur tout ce qui se
présente à leurs yeux. Imitez encore moins
ceux qui ne veulent que du merveilleux, à
qui rien ne saurait plaire sans la grâce de
la nouveauté, et pour qui les choses les
plus utiles sont fadeset insipidesdèsqu'elles
sont communes, à la portée de tout le
monde et autorisées par un lonç usage. Loin
de vous des sentiments si bizarres, plus
propres à vous égarer dans les voies spiri-
tuelles qu'à vous faire avancer. Loin de
vous une maladie si dangereuse et ,si ca-
pable de vous exposer aux plus grands
risques.
t Bornez-vous donc à une lecture utile,
dont vous aurez fait un choix prudent. De-
meurez-y attaché malgré les dégoûts que
vous y pourriez sentir. Relisez même plu-
sieurs fois les endroits qui vous paraîtront
importants et propres à vos maladies spiri-
tuelles. En un mot, faites vos lectures avec
méthode et non avec condsion, ni en pas-
sant tant6t d'un côté, tantôt de l'antre. Ce
n'est pas que dans le temps de la tentation,
des peines intérieures et de la disette spiri-
tuelle, on ne puisse quitter pour un temps
le livre qu'on aurait commencé, et chercher
ailleurs la force, la consolation et la nour-
riture dont on a besoin. C'est à la pru-
dence à choisir alors ce que la nécessité
semble exiger.
« Rien de plus vrai que cette maxime
des maîtres de la vie spirituelle, qu'il est
très-utile de passer de la lecture à l'oraison,
et de l'oraison à la lecture. C'est une prati-
que très-louable de lesfaire succéder 1 une à
1 autre pour en i>annir le dégoût et l'ennui.
L'esprit, plein de vigueur au sortir de l'un
de ces exercices, se trouve en état de re-
prendre l'autre avec des forces toujours
nouvelles. Enfin, ces deux sources étant
jointes ensemble, les biens qui en décou-
lent n'en sont que plus abondants. Et qui
vous empêche même de mêler de telle sorte
l'oraison avec la lecture que vous n'en
fassiez qu'une seule et unique occupatioaT
Vous n'avez qu'à interrompre de moment à
autre ce que vous lisez pour faire de courtes
aspirations vers le ciel, pour soupirer après
Dieu par de tendres élancements d'amour.
Et combien y a-t-il de traités , combien de
livres d'oJI vous pourrez tirer tout à la fois
des sujets de lecture, de prière et de médi-
tation? Tels sont eu particulier les livres de
l'Ecriture sainte dont on peut dire que la
lecture n'est autre chose qu'un entretien
continuel de l'âme avec son Dieu.
4ltô
OBL
DICTIONNAIRE
OBL
m
«*teur plein de bonté, maître plein de dou-
« ceur, roi de la gloire éternelle, quand
« pourrai-je paraître devant vous sans au-
« cune tache, sans avoir rien qui puisse vous
« déplaire, et avec rhumililé qui seule peut
«gagner rotrecœur? Quand mépriserai-je
« entièrement les choses sensibles pour Ta-
« mour de vous? Mais surtout quand aurai-
< je cette (Darfaite abnégation de moi-même,
« qui consiste dans un sacrifice entier de
« ncoT amour-propre? Oh 1 si je pouvais
« une bonne fois me voir parfaitement guéri
« de cet amour-propre et de ma propre vo-
<r lonlé I Je serais à couvert des passions et
a de toute affection déréglée, je ne me ctier-
« cherais en rien. L'amour-propre est la
« seule chose qui puisse mettre entre vous
« et moi un mur de séparation ; lui seul
« arrête mes pas vers vous. Quand en serai -
« je donc délivré ? Quand m'abandonnerai-
« je à vous par une entière résignation à
« vos volontés ? Quand vous servirai-je avec
« un cœur pur et tranquille, un cœur dont
« la sincérité ne connaisse pas les rafGne-
« ments de l'amour-propre, et dont le calme
« ne puisse être troublé par les images des
«passions? Quand vous aimerai-je sans
« partage? Quand aurai-je la consolation de
« me jeter dans votre sein adorable et de
« m'attacher entièrement à vous ? Quand
« ressentirai-je les saints transports de votre
« amour? Quand ce même amour, ce feu
« divin que vous êtes venu apporter sur la
« terre , détruira-t-il pour jamais le fond
« de tiédeur et d'imperfection qui est en
« moi ?,
tf O mon Dieu, la douceur de mon âme,
« ma consolation, ma vie, mon amour, mon
« désir, mon trésor, mon unique bien, mon
« principe et ma fin I Que ne suis«je déjà
« dans la jouissance des douceurs ineffables
« que Ton goûte entre vos bras et pendant
« qu'on vous possède! Que ne puis-je m'at-
« tacher à vous par les liens indissolubles
« du plus tendre amour 1 Que ne puis-je
a vous être uni de la manière la plu^ intime
« et la plus parfaite I Car, hélas 1 qu'ai-je à
« désirer dans le ciel, et que puis-je aimer
« sur la terre, si ce n'est vous, ô mon Dieu?
« Mon cœur et ma chair ne peuvent pas
« soutenir la violence des désirs qui me
« portent vers vous, ô Dieu de mon cœur, A
« Dieu qui êtes mon partage pour jamais I
« Ah I quand le monde ne me sera-t-il plus
« rien, et que les embarras, les inquiétudes,
« les vicissitudes du siècle seront unies pour
« moi? Quand serai-je au terme de mon pè-
« lerinage, à la fin de mon triste et doulou-
«reuiexil? Quand verrai-je les ténèbres
« de cette vie mortelle sur leur déclin et le
«jour de l'éternité prêt à luire et h se lever
« pour moi ! QuancI, délivré du poids de ce
«corps mortel, pourrai-je m'élever jusqu'à
« vous ? Quand est-ce enfin que, sans délai
« et sans aucun empêchement, je serai assez
« heureux pour vous voir face à face, et
« vous bénir de concert avec tous vos saints
« pendant l'éternité? Hâtez ce moment qui
« doit faire mon bonheur, ô mon Dieu, ô
« mon Dieu, mon amour, mon désir, mon
« unique bien 1 »
« Il faisait un fréquent usage de ces aspi-
rations, sachant qu'elles sont un eicellenl
moyen de parvenir bientôt à l'union de
l'âme avec Dieu et à une parfaite abnégation
de soi-même. Il tenait tonjours prêtes celles
qu'on vient de rapporter, pour pouvoir en
faire usage en tout temps et en tous lieui.
Quand il avait quelques moroenls de pins
qu'à l'ordinaire, il s'abandonnait plus long-
temps et plus librement à ces saints trans*
ports. Assis aux pieds de son divin maître,
à l'exemple de Marie, il goûtait les pins
pures joies qu'il recherchait non pour lui-
même, mais uniquement pour la gloire de
Dieu. Il ne manquait pas, au milieu de tout
cela, de produire les autres actes de religion,
comme ne le louer, de l'adorer, de le re-
mercier, de le prier ardemment, selon les
circonstances, et le tout, avec une tendresse,
une vivacité, une effusion 'de cœur admi-
rables.
u II s'adressait encore à la sainte Vierge,
comme à une reine pleine de miséricorde,
et à une mère remplie débouté, età cellei
qui il est donné de dépenser les trésors cé-
lestes et qui les. répand libéralement. En
Erésence de cette auguste mère, il redoo*
lait ses pieux gémissements, implorant
sans relâche ses faveurs par de saintes im-
portunilés. — Un autre jour il cousidérait
son Sauveur livré à ses ennemis car le
traître Judas, et il appliquait à cet objet les
exercices de dévotion dont on vient de parler.
Il parcourait ainsi par ordre les mystères de
la Passion, consacrant un jour à CDacun;et
après le dernier, il les reprenait de nouveau.
Pour l'endroit de la Passion qui représente
Jésus-Christ en croix, il n'attendait pas pour
y penser. quMl vint dans son rang, mais
quand il le jugeait à propos, il y donoait
quelques moments les autres jours, et il oe
s'en passait guère ou'ii ne fit des réOexions
particulières aux plaies du Sauveur crucifié,
qui ont été aussi douloureuses pour lui que
salutaires au genre humain ; et lorsqu'il ea
voyait couler le sang à grands flots, il tâchait
d'exciter en son âme tous les sentiments
de passion et de reconnaissance qu'un tel
spectacle exige de nous.
« Aux jours des fêtes du Sauveur et del^
sainte Vierge, il s'occupait des mystères que
l'Ëglise y célèbre, en suivant son espnt
plutôt que son propre goût. Il interrompait
sans peine les points de la Passion qui arri-
vaient ces jours-là, tournant ses exercices
et ses aspirations à la solennité et aui cir-
constances des mystères ou de la fêle; mais
ce qui transportait surtout ces jours-là ce
fidèle serviteur de Dieu, c'était le cbanl des
psaumes et des autres cantiques de r^H^*
—L'usage continuel et réitéré de ces dévotes
aspirations fut pour lui une source abondante
de consolations spirituelles, et son iraTui
fut abondamment récompensé. Je vous [pro-
pose un exemple, c'est à vous de le suitre,
si vous voulez. Si vous le faites, quels arao-
tages n'en retirerez-vous pas! Tant «
ffM
OH.
ifAsasHÊmL
OBL
litt
une parfaite sûreté, loot y brille d'ane clarté
luoiiDeuse. Mon âme, que ce soit donc pour
TOUS one demeure de choix et d'inclination.
Fous y troQTerei toute l'assurance, toute la
liberté, toute la joie, tous les agréments
qne tous pouYez désirer. C'est là que les
Tertas réunies répandent au loin un parfum
céleste, mille fois plus doux que les fleurs
les plus odoriférantes. C*est de là, comme
d*un feu sacré, que partent les plus claires
lumières et les ardeurs les plus épurées.
Enfln, c'est là que tous trouyerez la vérita-
ble consolation, la Téritable paix, le yérita-
bie repos, le comble de tons les biens. »
« Telles étaient les réflexions courtes et
pieuses dont se nourrissait ce religieux pour
s'animer à la piété, pour rentrer dans son
intérieur et pour élerer son esprit vers Dieu.
11 en choisissait une, deux, trois, tant6t
plus, tantôt moins, suirant le mourement
de sa dévotion et l'impression de la ^rAce.
Il réitérait au.4si et répétait souvent les mè«
mes ins()irations. Il gravait profondément
dans son âme ce que iésos-Christ fil et
souffrit au jardin des Olives. Et à quels sen*
liments de dévotion ne s'eicitait-il pas à la
▼ue de ce divin Sauveur 7 Tantôt ii pesait
avec attention l'excès prodigieux de son hu-
milité, de sa douceur, de sa patience, et
I ardeur inconcevable de sa charité; tantôt
il s'attendrissait sur les souffrances et sur
les humiliations de ce Dieu de majesté.
D'autres fois il s'animait ou à le remercier
de tant de bienfaits, ou à lui rendre amour
pour amour, ou à demander le pardon de
ses péchés, ou à solliciter quelque grâce.
II se disait souvent à lui-même avec ferveur :
« O mon âme I quand serez-vous prête à mar-
cher sur les traces de votre Dieu, à imiter
son humilité, sa doqceur et sa patience 7
Quand ferez-vous reluire dans votre con-
duite un exemple aussi touchant 7 Quand,
guérie de vos infirmités spirituelles et déli-
Trée de vos passions et de vos inclinations
Tîcieuses, verrez-vous disparaître tout ce
qui se trouve en vous de mauvais et de dé-
i^gl^T Quand supporterez-vous avec tran-
quillité et avec piaisir les peines et les ten-
tations qui vous arrivent? Quand aimerez*
vous parfaitement votre Dieu ? Quand, unie
intimement à lui, aurez-vous le bonheur de
le tenir entre vos bras 7 Quand serez-vous
tout abtmée dans son amour 7 Quand parat-
trez-vous, devant lui avec la pureté, la sim-
plicité, le dénûment qu'il exige? Quand
pourrez-vous sans obstacle, jouir de ses
cliastes emi>rassements ? O si vous aimiez
▼otre Dieu avec ardeur I ô si vous étiez in-
séparablement et pourjamais attachée à vo-
tre souverain bien ! m
< 11 fixait parfois ses regards vers le ciel,
et s'écriait : « O mon Ame I où est votre
c amour? où est votre trésor et l'ol^et de vos
« désirs? où est votre souverain bien et votre
« Dieu? Quand aurez-vous le tionheur de le
c voir, de le posséder et de jouir de lui ?
€ Quand pourrez-vous mêler votre voix à
c cellesdes citoyens du ciel, pour chanter à
«jamais ses louanges?» C'est ainsi qu'il
s'entretenait d'esprit et de cœur, ou qu'il
suivant le de bouche tout bas ces paroles,
prononçait mouvement de l'Esprit-Saint.
« D'autres fois il s'accablait de reproches»
blâmait son âme de sa pesanteur, de sa
mollesse, de sa tiédeur, de sou ingralitudet
de son endurcissement, de son inconstance,
de sà misère et de ses malheurs. Quelque-
fois pour se fortifier contre la pusillanimité,
et dissiper ses vaines frayeurs, il lui disait :
Ne vous découragez pas, ô mon âme, ne
vous désespérez pas, consolez -vous et
ayez confiance. Vous avez péché, il est
vrai, vous êtes couverte de plaies ; mais
voici votre Dieu, votre médeciu céleste
prêt à vous guérir. Il est assez t>on et as-
sez miséricordieux pour vous pardonner,
et jissez puissant pour effacer vos fautes
en un instant. Peut-être sa qualité déjuge
vous lait trembler ? Hais rassurez- vous,
celui qui est votre juge est aussi votre
avocat. Quand il vous voit pénitente, il se
charge de votre cause pour solliciter l'abo-
lition de vos péchés, et quand il vous voit
humiliée en sa présence, il est votre juge,
non pour vous condamner, mais pour por-
ter en votre faveur un arrêt de vie et de
salut. Sa bonté est infiniment plus grande
Sue votre malice, et ses miséricordes plus
tendues que vos iautes. Je vous le dis,
non pour que, persévérant dans le mal,
vous vous rendiez indigne de sa clémence,
mais afin qu'en détestant sincèrement vos
crimes, vous n'en désespériez pas le par-
don. Que votre Dieu est plein de douceur
et de bonté, qu'il mérite qu'on Taime et
au*on le désire plus que tout le reste I
Quelle est sa tendresse pour les ou t rages
de ses mains I Ah I quand on pense à lui,
peut-on se figurer quelque chose de sé--
vère et d'effrayant? S'A est terrible, ce
n*est que pour ceux qui, abusant de sa
patience, diffèrent de se convertir. Ne
liaut-il pas qu'à la fin il punisse des crimes
dont rénormité fait injure à sa bonté, et
dont l'infamie déshonore sa sainteté? Pour
les fautes légères qu'il n'est pas possible
d'éviter en ce monde, elles ne doivent pas,
ô mon âme, vous jeter dans la constero<i-
tion. Ne pensez pas que Dieu vous re-
garde de mauvais œil, parce que vous
aurez des imperfections et des faiblesses.
Vous ne lui en deviendrez oue plus chère ,
si 'vous désirez un plus oaut degré de
perfection et que vous travailliez à y par-
venir. Bien plus, ce sera lui-même qui
vous soutienora dans ces généreux efforts,
2 ni vous rendra de jour en jour plus par-
dte, et ce que vous n'oseriez pas espérer
peut-être, qui vous embellira jusqu'à vous
rendre un objet digne de ses re^rdset de
^ toute sa tendresse. » Telles étaient à peu
près les entretiens de ce religieux avec lui-
même, et les moyens qu'il employait pour
s'animer à chérir son bien-aimé de Famour
le plus pur et le plus ardent. Il prenaitaussi
la liberté de lui parlera lui-même, et en
soupirant après lui par de saints désir. .
< O Jésus, disait-il, mon doux Jésus I Paa-<
Ii«7
ÔBL
mCTlONMAlRE
OBL
lia
TopproDre du inonde et le Jouet d'une
vile populace, pour vous qu il a été fla-
gellé et couronné d'épines, pour vous
Su'il a été frappé d'un roseau et chargé
a poids de sa croix, pour tous qu'il a
été cloué à cette croix et abreuré de fiel
et de vinaigref pour vous qu'il a répandu
son sang adorâole, qu*il est mort et a été
enseveli. Enfin c'est lui qui, ayant acquis
par un si grand prix le royaume des cieux,
vous a choisie préférablement à tant d^au-
très pour vous transmettre l'héritage qui
vous promel ce que l'œil n'a point vu, ce
que l'oreille n'a point entendu, ce que le
cœur de l'homme ne saurait comprendre.
« Maisvousy mon Ame» que lui avez-vous
rendu pour tant de grâces? Vous avez
quitté et méprisé celui qui vous en a ia-
vorisée» vous vous êtes dépouillée de tout
sentiment de respect et de crainte pour
celui qui vous a aimée, vous avez secoué
le joug plein de douceur de celui qui vous
a choisie I vous êtes devenue semblable
aux eu&nts de Bélial ; comme une pros-
tituée f vous* vous êtes abandonnée au
erime sans remords et sans honte; vous
avez fait alliance avec la mort, vous avez
contracté avec le démon. D'abord vous
vous êtes portée dès votre enfance à toute
sorte de mal, tous n'avez cessé depuis
d'entasser crime sur crime, et d'ajouter
aux désordres communs aux autres hom-
mes des excès qui ne pouvaient peut-être
aller plus loin. Malheureuse, vous avez
crucÎM derechef par vos péchés Jésus-
Christ qui vousavait prise pour son épouse,
et vous avez rouvert les plaies d'une pas-
sion si douloureuse, par la multitude et
l'éuormité de vos péchés.
« Ah I qui vous donnera des soupirs et des
gémissements proportionnés à de si grands
maux? Qui fera de vos yeux une fontaine
de larmes pour pleurer, nuit et jour, un»
aussi noire ingratitude? horrible étal que
celui où vous êtes réduite 1 De quel côté
vous tournerez-vous? 0 si vous étiez de-
meurée pure et sans tache 1 si vous ne
vous étiez pas couverte d'une telle infar
miel si vous n'aviez pas quitté le Sei-
gneur 1 Mais hélas 1 vous avez perdu l'iu-
ooceuce, vous avez contracté des taches
hideuses, vous vous êtes honteusement
déshonorée, vous avez lâchement aban
donné votre Dieu. A qui recourir? quel
secours implorer ? Le secours de celui-là
même que vous avez offensé. Il est bon et
miséricordieux, au delà de ce qu'on peut
dire; humiliez-vous, jetez- vous à ses pieds,
anéantissez-vous en sa présence, et vous
en obtiendrez miséricorde. »
« 11 est quelquefois à propos que ce pé-
cheur adresse direciameut au Seigneur ses
plaintes et ses gémissements à peu près en
ces termes : « Hélas, Seigneur 1 mon doux
€ Jésus, hélas I qu'ai-je fait? Comment ai-je
« pu trahir votre parti , avoir pour vous une
« si coupable inciifférence, oublier ce doux
« titre de Sauveur, qui vous a coûté si cher ?
« Comment ai-je perdu la crainte de vos ju-
€ gementst Comment ai-je pa feuler au
« pieds votre loi ? Je suis donc un prévari*
« cateur, ô mon Dieu ! je suis ub ingrai, i
« mon créateur I je suis le plus malbeureui
ft des hommes, 6 mon Sauveur 1 ma vie, mno
« unique bien ! Malheur à moi, misénble
« que je suis, parce que f ai péehél mslbeor
« à moi dé m'être ravalé au rang des bètes,
« ou plutôt d'être tombé dans un étateneore
« plus honteux I Doux Jésus ! pasteur cb»-
« rilable et le meilleur des maîtres, aidei-
ff moi I Me voilà abattu sous le poids de mes
« péchés, relevez-moi ; je suis prêt à tomber
a dans le précipice, tendez-moi laiDaiD;ie
« suis souillé de mille crimes,parifiezWi$
« guérissez mes plaies, fortifiez-moi daes
« ma langueur et ma faiblesse; je suis perda,
« sauvez-moi. Je mérite, il est vrai m la
«.terre s'entr'ouvre sous mes pas et messe-
« velisse dans ses abtmes. Je suis indigne
R de la vie que vous m'avez donoée el des
« grâces que je tous demande, car mon io-
a gratitude est horrible^ réoormilé de mes
« péchés est infinie ; mais votre misérieorde
« l'est bien davantage. Vous donc, Seigneur,
« qui aimez tendrement les hommes, fons
c qui êtes mon espérance, nyti pitié de moi,
« selon l'étendue de vos miséricordes, el
« effacez mon péché suivant la multitade de
« vos bontés. »
« D'autres fois se laissant aller i de son*
dains mouvements de dévotion, il se pros-
ternera devant Dieu, s^écriant areoferfeor:
« Seigneur, si vous Youlez, vous pourezise
a guérir. » Ou l>ien : « 0 mon Dieu! serez
« nropice à ce grand pécheur ; Jésus, fils de
ce David, ayez pitié de moi, Seigneur, seeoo-
« rez-moi. » Il déchargera également soq
cœur en présence de la sainte Vierge et des
saints, et emploiera de pareils gémissemeots
pour implorer leur intercession auprès de
Dieu.
« XVII. Un commençant doit, ebaque
jour, ou du moins très-souvent, rentrer sé-
rieusement en lui-même, se rappeler (rèr
humblement les péchés de sa ?ie passée,
avec une ferme résolution de ne les f\^
commettre, il doit ensuite s'en accuser de
vant Dieu, s'arrêtant parliculièremeot sor
ceux dont la grièveté et l'énormilé oi\l Is
plus offensé la majesté divine. Pour les po-
chés d'impureté, il les considérera en ps^
aans trop s'y arrêter, de peur que daiïs une
matière si délicate les fautes passées ne
fournissent des idées capables de donner
occasion à des fautes nouvelles. Dans c^tie
confession il s'excitera à une contrition/^
rilable, à des larmes sincères, à une pi^^^
tendre et sensible, et fera en sorte qu^^ ^'•
motif de sa componction se prenne des ou-
trages faits à son Dieu, à son créateur, f
meilleur des pères, et de l'ingralitade qu il
a opposée à ses bienfaits, nlatôt que do
peines éternelles dont ses péchés Tout mm
digne.
a II ne s'attachera pas tellement l ^
formules d'aspirations et de plaintes anioo-
reuses» qu'il se croie obligé aemployer «''
les énoncées ci-dessus; il n'est pas nécei-
Il»
OBL
ITASCEtlSlIE
OBL
nw
saire o en prendre ud grand Domore et de
suirre Torore qu'on a prescrit. Qu*il s'ar-
rête à celles qu'il Toudra, en choisisse le
nombre qu'il jugera à propos, et les place
de la manière qui lui sera la plus con?ena-
ble. S*0 en prend une ou deux» qu'il s'en
sonrienne et s*en nourrisse pendant la
ioumée, et se borne là. S'il en vent pren-
clre dayantage, il le* peut encore. Tout ce
qui est à désirer, c'est que sa dérotion soit
entièrement libre» et toujours exemçfie de
ce qui pourrait 7 répandre la confusion et
la perplexité.
« l'ai connu une personne qui dans ses
occupations extfrîeures bornait tous ses
entretiens sur la passion à ce peu de mots :
« O mon aimable lésns, A pasteur plein de
« bonté» 6 maître plein de douceur I aima-
« ble Jésus, ayez pitié de moi ; pasteur j)lein
« de bonté» guidez-moi; maître plein de
« douceur, instruisez-moi; mon Seigneur et
m mon INeu, secourez-moi. » J'en ai connu
tm antre qui choisissait plusieurs pensées
plus ou moins courtes» et qui aimait sur-
tout h exprimer le même sentiment de mille
manières différentes.
« Tout cela doit être laissé au goût et à
la discrétion du disciple. Il peut encore
fnire usage de la considération de la mort»
<1u purgatoire» du jugement» du paradis et
<Jo I enfer, pour s'animer à la componction
ei se fortifier dans sa résolution de marcher
A grands pas dans les voies spirituelles.
Plus an tel exercice approchera de la crainte
Oiiale et de l'amour dirin» plus il sera agréa-
ble à Dieu et propre à purifier l'âme; au
eofitraire» plus il donnera dans la crainte
serTîie» moins il en retirera de fruits. La
crainte filiale nous fait craindre le péché de
peur d'outrager un Dieu infiniment bon»
et de perdre sa grâce et son amitié ; la
crainte serrile nous fait craindre ce même
péché» de peur de tomber dans l'enfer. Il
rst pourtant tN>n d'avoir cette crainte ser-
vîlc qui est un frein pour le mal. Mais il
faut se souvenir de ne pas en demeurer là»
et de passer de la crainte des esclaves à
celle des enfiints.
« XVIII. S'il veut méditer sur la gloire
du ciel» il pourra faire les réflexions sui-
Tantes : « Oh I que la céleste Jérusalem est
« un doux séjour 1 Ses murs sont bâtis de
« pierres précieuses» ses portes^brillent de
m réclat ues perles les plus fines; ses rues
« et ses places sont pavées de l'or le plus
« pur» ses jardins émaillés de fleurs pré-
« sentent le speetacle le plus riant. C'est là
« c|<ie retentissent continuellement des pa-
m rôles d'allégresse» que se chantent sans
« relâche des cantiques de joie» que se re-
« Douvelient sans cesse des cris de réjouis-
se sance» que se font toujours entendre les
a concerts des esprits «bienheureux. C'est
m \h que le baume et les parfums répandent
m lek plus douces odeurs. C'est là que règne
« une paix» un repos qui passe tout seuti-
« ment, un calme au-dessus de toute ima-
« gination, un jour éternel» une union for-. '.
« mée par un seul et même esprit qui anime ^
tout» une ferme sécurité» une éternité
assurée» une tranquillité perpétuelle, une
agréable félicité» une douceur ineffable»
un charme délicieux. C'est là que les jus-
tes brilleront comme le soleil dans le
royaume de leur père. O quel avantage
d'assister aux chœurs des anges» et d'être
pour jamais en société avec les patriar-
cbes et les prophètes» les apôtres et les
martyrs» les confesseurs et les vierges»
et surtout avec la glorieuse Vierge Marie
Mère de Dieu IQuel bonheur de se voir pour
toujours exempt de crainte» de tristesse»
de chagrin» de peine» d'ennui» de travail»
d'embarras» de dégoût» en un mot de
tout besoin 1 Mais quelle abondance de
consolations 1 quelle multitude de délices !
quel excès de joie I quelle vaste étendue et
quel abtme de plaisir» de voir la gloire
ineffable de la Trinité» cet être immense
ou'on ne saurait comprendre» cette lumière
aouce et ravissante qu'on ne saurait assez
aimer; de voir dans Sion le Dieu des
dieux» le Seigneur des seigneurs; de le
voir non dans un miroir et en énigme»
mais face à face ; de voir enfin l'humanité
sainte de Jésus-Christ dans son état de
f gloire 1 Si l'on trouve tant d'agrément sur
a terre à considérer la grandeur» la di-
versité, les révolutions» la clarté brillante
des astres» l'éclat et les rayons du soleil,
la blancheur resplendissante de la lune»
la lumière répandue dans les airs ; à re-
garder la variété des oiseaux» des fleurs»
des paysages» des couleurs ; à écouter le
son harmonieux des belles voix et les
doux accords des instruments» à sentir
l'odeur des parfums et des fleurs» et à se
nourrir de mets délicieux; si tout cela
saisit l'âme et la pénètre de joie» quel
sera le torrent de volupté dont cette ame
sera enivrée» quand elle pourra voir, sen-
tir» goûter» posséder pleinement celui qui
est la beauté et la bonté même» le principe
d*où émane tout ce qu'il y a de beau et de
bon dans l'univers » la source féconde de
toutes les perfections» dont tout le reste
n'est qu'un faible écoulement. Ahl je
comprends ce que c'est que l'état de
l'homme ressuscité quand il entre dans
son éternité bienheureuse. C'est comme
lorsque le printemps» succédant aux ri*
gueurs de 1 hiver» vient renouveler la na-
ture» embellir le ciel et la terre» réjouir
tous les cœurs. Mais que dis-je T il y a
plus de différence entre ces deux choses
qu'entre les ténèbres de la nuit la plus
obscure et l'éclat du soleil dans son midi.
Qu'il est donc charmant ce séjour de la
Jérusalem céleste» puisque tout ce qui
peut plaire s'f trouve en abondance» et
que tout ce qui pourrait chagriner en est
banni I Qu'il est charmant» puisqu'on y
loue le Tout-Puissant durant les siècles
des siècles. II faut cependant autant que
possible rendre ces désirs du ciel purs et
désintéressés» et ne soupirer après le ciel
que pour la gloire et les louanges qui
en reviendront à Dieu. Quoique ces médita-
1191
OBL
« lions sur le ciel* conviennent mieux à
« ceux qui sont avancés dans la spiritualité,
« ces aspirations ont plus de vérité et de
« pureté dans leur bouche, que dans ceux
« qui, n'étant pas encore exercés à la morti-
« ucation des sens, sont sujets à se chercher
« eux-mêmes plutôt que les intérêts de
c Dieu. »
« XIX. Revenons donc aux pieux gémis-
sements qui leur conviennent. Ils doivent
s'y appliquer avec ferveur et persévérance,
sans pouvoir dire combien de temps il faut
s'y adonner. En général Us doivent durer
jusqu'à ce que le mépris du monde et de
soi-même ait pris quelque empire sur leur
cœur, et que leur peu de progrès dans la
vie spirituelle ait allumé en eux une
sainte ardeur d'en faire de nouveaux. Cela
vient après un ou plusieurs mois; il y en
a même qui ne se trouvent dans cet état
qu'après des années entières. La parfaite
conversion du cœur est pour quelques-uns
un ouvrage de longue naleine. Ordinaire-
ment elle ne se fait que par degrés, mais il
y en a que Dieu prévient tellement par sa
grâce, qu'un instant suffit pour opérer en
eux un changement entier et parfait. — Au
reste on peut, parmi ses exercices ordinai-
res de pénitence, en pratiquer de plus doux
et de plus consolants, en y joignaiît les
louanges de Dieu, des actions de grâces et
des adorations. Cependant le pénitent doit
faire son occupation principale de s'occuper
de ses péchés et d'en eémir jour et nuit.
S'il ne peut verser des larmes comme il le
désirerait, il ne doit pas trop s'en alarmer.
La détestatioa du péché et l'horreur des
moindres fautes, sont comme les larmes du
cœur que Dieu exige principalement.
« Après que l'amertume salutaire d'une
véritable contrition aura rendu quelque lus-
tre à l'image de Dieu, que le péché avait
tellement déflguré, alors animé d'une nou-
velle confiance, on pourra se servir plus
utilement des aspirations ci-dessus. C'est
ainsi qu'on avancera peu à peu dans la per-
fection. Mais on ne s élève de la sorte qu'à
roesurequ'on s'affermit dans l'humilité chré-
tienne; et on n'entre en familiarité avec le
céleste époux qu'à proportion de la ferveur
.qu'on a pour se disposer à ces communica-
tions étroites.
«r Quand on se sentira froid et languissant,
on tâchera de s'enflammer de l'amour divin
en faisant de sérieuses réflexions sur l'In-
carnation et la Passion du Fils de Dieu, et
en s' entretenant avec soi-même de ces deux
mystères. Par là, le cœur embrasé d'une
sainte ardeur se portera bien vite à la prière
et aux aspirations, et l'âme apprendra à
être unie avec son unique et souverain bien.
En s]accoutumant à cette sainte pratique, on
parvient en peu de temps à se passer de
considérations et de réflexions pour se por-
ter à Dieu ; d'une simple vue on se sépare
des créatures, on les oublie et on s'enivre
saintement et heureusement dans les tor-
rents de délices de l'amour divin.
« La qualité de pécheur et le devoir do
DICTIONNAIRE OBL im
pénitent n'obligent pas de repasser en soi-
même tous les péchés de sa vie passée, ni à
avoir toujours devant ses yeux l'image fâ-
cheuse de ses anciens désordres. Ce serait
un obstacle à la liberté de l'âme et aux pro-
grès de la charité; il suffit d'élever souvent
son cœur à Dieu par l'amour le plus tendre
et le plus vif. Ce qui n'empêche pas qu'on
ne déleste de temps en temps tout ce qui a
pu nous ôter sa grâce, et ce qui pourrait
encore retarder la course qui nous porte
amoureusement à lui; car je ne prétends pas
que par négligence on laisse effacer de sa
mémoire le mal qu'on a fait; il fautaucoo*
traire y penser toujours, mais de manière
que ce souvenir n'empêche pas un plus
grand bien. C'est pourquoi je voudrais qu'on
se contentât alors de faire chaque jour à
Dieu l'aveu de ses fautes en général, sans
trop descendre dans le particulier.
« XX. Pour les petites fautes dont les plus
justes ne sont pas exempts, on peut les
effacer plus promptement et plus efficace-
ment qu'en s'attachant scrupuleusement à
les examiner en détail et à.sen punir par
des pénitences austères. Ce moyen est de
les jeter dans la fournaise d'un amour plein
de vivacité, de force et de tendresse, et de
les plonger avec conGaace dans les abîmes
de la divine miséricorde , là ils s'évanoui-
ront comme une élincello oui tDiPbo ao M
de la mor. N'oi;bUoûs rien pour relraucùer
de bonne houre les peines de consciencd
qui pourraient nous inquiéter mal à propos,
les scrupules qui se repaissent de vains
fantômes, la pusillanimiié qui méconoait
les règles de la sagesse et de la raison» ^^
défiances que l'embarras et le trouble causent
toujours. De quelque bon principe que ces
inquiéluQes semblent sortir, elles n'ont
guère que des suites funestes. Ce sont des
épines dont il faut couper la racine dès
qu'elle paraît ; sans cela elles ôtent la liberié
de l'âme, empêchent son activité, et la font
marcher plus lentement dans le chemin de
la vertu.
« Nous ne devons rien tenter au delà de
nos forces. Contentons-nous de notre sort,
c'est-à-dire du degré de perfection que Dieu
nous accorde. Si nous ne pouvons arriver à
celui que nous désirons, travaillons du JQoios
à acquérir celui qui est proportionné à dos
forces. Quand on ne se flatte pas et quoooe
se laisse pas aveugler par un excès fmo^f
propre , on voit aisément à quel degré de
vertu on peut arriver. Cependant la bonté
divine est infiniment libérale; aiffiaotise
communiquer avec profusion, elle 00
manque jamais de le faire quand elle
. trouve une âme bien disposée. C'est f^oor-
; quoi si un homme appliqué à la Tie Mé-
rieure ne se trouve pas élevé tout à coup à
la contemplation ni à la charité par/aite)
qu'il se dise qu'il n'est pas encore capablo
dé cet heureux état; car a quoi lui servirait
d'être favorisé d'une grâce dont il Défera'^
pas un bon usage? Qu'il se hâte donc de dé-
raciner tous ses vices; pùnr se rendre moins
indigne d'un si grand bien , qu'il nes'obiii^s
fis»
OBL
D*ÂSCETISME.
OBL
1194
pas ft vouloir aller au-delà de ses forces.
I Cest à la grAce h le prérenir avec bon-
té » et à lui de la suivre avec bumililé. Qu'il
se garde donc bien de vouloir pousser son
esprit avec violence vers un ternie où il ne
peut encore parvenir. Le désir présomptueux
de monter trop haut ne ferait que le pré-
cipiter plus bas, et une cbute meurtrière
serait la peine de sa témérité. Ce n'est pas
qu'il ne soit obligé de faire de continuels
efforts pour devenir de jour en jour plus
parfait, mais ces efforts ne doivent point te-
nir d'un emportement fougueux, d'un soin
chagrinant, d'une entreprise violente et tu-
multueuse. — Qu'il fasse attention h la me-
sure de la grftce qu'il a reçue , et qu'il n'ou-
blie jamais qu'on n'arrive plus facilement,
plus sûrement, plus promptement et plus
agréablement même , au degré le plus élevé
de la contemplation, quand c'est la grâce
de Dieu qui nous y porte, que quand nous
nous tourmentons nous-mêmes pour y par-
venir. Ce n'est pas ainsi qu'on acquiert
l'intelligence de la théologie mystique, il
faut aller sagement et avec beaucoup de re-
tenue , de peur qu'une trop grande envie
d'obtenir ce qu'on n'a pas ne fasse perdre
tout d'un coup ce que I on a.
f Le pain des larmes est une nourriture
excellente et délicieuse, mais il y en a qui
en prennent trop, et cet excès abat leurs
forces loin de les réparer. On les voit pleu-
rer si longtemps et avec tant de véhémence,
que leur corps et leur esprit également épui-
sés , succombent enQn a cet exercice trop
violent par lui-même et par sa durée. Il y a
noorlant des âmes privilégiées, dont les
larmes, quoique continuelles, no pour-
raient être taxées d'indiscrétion , parce que
le Saint-Esprit les fait répandre. — On voit
encore des gens qui, dans le moment que
Dieu les comble de délices, font de nouveaux
efforts pour porter leur ferveur au-delà de
l'impression de la grâce; mais ils sont bien-
tôt punis de leur indiscrétion ; Dieu, les
abandonnante leur propre faiblesse, leur fait
sentir tout le poids de leur misère; et aus-
sitôt ils se trouvent incapables de goûter les
grâces qu'il leur faisait. Il faut donc modérer
de telle sorte cet esprit de ferveur dont on
est Quelquefois animé , qu'au lieu d'y ruiner
les forces de notre âme, on y trouve au
contraire un surcroît de vigueur.
c Quand on a la tête forte , on peut se lais-
ser aller plus librement à des aspirations
animées et pleines d'ardeur. Quand on a la
tête faible, on doit se ménager, surtout si
ces efforts indiscrets ont déjà contribué au-
trefois à la situation fâcheuse où Ion se
trouve. On se voit quelquefois réduit à un
si triste état, qu'on ne saurait presque
s'occuper d'un motif de componction , d'une
méditation courte et légère, d'une simple
lecture. La moindre ap(Hication incommode
lors même que, pour se la faciliter, on se
met dans une posture commode, qu'on s'ap-
puie la tête ou au'on se tient assis. Telles
sont les Suites déplorables que l'indiscrétion
tratiie après soi. Ceux qui les éprouvent ne
JDicno2«5. d'Ascétisme, h
doivent pas pour cela se désespérer. Qu'ils
travaillent au contraire pour écarter adroite-
ment tout ce qui pourrait aigrir leur mal , et
qu'ils prient iiumblement le Seigneur de
leur rendre , par un effet de sa bonté, le bien
Qu'ils se sont ravi par leur faute. Si Dieu
écoute leurs vœux , qu'ils ne manquent pas
de l'en remercier ; s'il ne les exauce point ,
qu'ils ne laissent pas de le bénir , et qu'ils
apprennent à supporter avec patience , pour
l'amour de lui , un malheur qu'ils se sont
attiré par leur imprudence.
« Je veux que l'homme véritablement spi-
rituel se tienne en garde aussi contre Im-
constance et la légèreté , et qu'après un choix
iudicieux des pratiques oui lui paraîtront
les meilleures , il y persévère constamment,
malgré les dégoûts et les amertumes qui
pourraient survenir^ Il y a pourtant ici une
précaution à prendre , c'est d'obéir avant
tout à l'Esprit^Saint, et de sacriûer sans
peine toutes les méthodes particulières à
celle qu'il nous inspire, pourvu qu'on ne
prenne pas ses propres pensées pour des ins-
pirations du Saint-Esprit. H nous attire en
diverses manières , et il a un nombre infini
de voies pour nous conduire dans ses cel-
liers mystérieux où l'on est abreuvé d'un
vin céleste, et dans ses couches spirituelles
où l'on s'unit à lui par l'amour le plus pur.
Suivons-le donc partout où nous avons un
juste sujet de croire que sa voix nous ap-
pelle , et n'écoutons jamais celle de notre
propre volonté.
« Nous devons toujours être entre les
mains de ce divin Esprit comme des ins-
truments dans la main de l'ouvrier, toujours
prêts à plier du côté qu'il voudra , toujours
disposés à suivre les pratiques qu'il lui plai-
ra de nous inspirer. L'âme qui se voit élevée
à une sublime contemplation et à la jouis-
sance anticipée du bonheur des saints , no
s'y doit pas tellement absorber qu'elle ii*y
conserve la liberté de s'offrir coutinuellu-
ment à Dieu pour faire en tout sa volonté.
C'est alors que cette âme, comblée des fa-
veurs de sou Dieu, passe légèrement sur les
mystères deNotre-Seigneurpobr courir avec
ardeur et voler même partout où l'esprit de
Dieu la veut transporter.
« Mais comme il peut s'élever des doutes
et des incertitudes dans cette voie, il est
bon de consulter et de suivre les avis qu'on
vous donnera. Ceux que l'on consulte doivent
avoir trois qualités : la prudence , l'expé-
rience et l'humilité. Vous avancerez beau-
coup plus par ce moven que de vous en
rapporter à vos lumières et de suivre vos
propres vues. Avec toutes ces précautions
il ne faut pas encore tellement s'appuyer
sur ses bonues intentions et sur les conseils
des autres , qu'on ne recoure à la prière
avec un saint tremblement. On ne saurait
trop s'humilier devant Dieu , ni trop lui de-
mander la grâce d'être sûrement conduit
dans ses voies , d'être éclairé de ses lumières
et d'être mis à l'abri de cet esprit de séduc-
tion qui nous fait suivre si souvent l'erreur
sous l'apparence do la vérité. Enfin gravez
3P
il98
08L
DiCTIOMNAiRE
OBi
119e
iirofrmdéraent dans votre Âme celte maxime
niiporlaiite , que yous ne pourrez jamais vous
unir parfaitement à Dieu que vous ne soyez
entièrement libre et dégagé de tout ce qui
n*est pas Dieu.
a XXI. Je «vous ai fourni jusqu'ici des
instructions salutaires pour une ftme qui ,
ne bornant pas ses désirs à une vertu com-
mune, porte ses vues au plus haut degré de
perfection. Je vous ai marqué quels doivent
être ses commencements et ses progrès dans
les exercices de la vie intérieure. C'est à
vous de lire et de pratiquer ce qjue je vous
ai enseigné. Si vous le faites et que, favorisé
du secours d'en haut, vous sentiez votreftme
éclairée d*une lumière céleste et attendrie par
le chant dos psaumes et des cantiques, n'ayez
pas pour cela des sentiments élevés de vous-
même , mais craignez. Si votre cœur étant
dilaté par la joie, vous courez avec ardeur
dans la voie des commandements, cela ne
vient pas de vous, c'est un don de Dieu ; et
comme il peut seul dilater le cœur, il peut
aussi , en retirant sa grftce , le faire retom-
ber dans le resserrement et la tristesse. Au-
jourd'hui le Soleil de justice répand ses
rayons dans votre Ame, il en dissipe les té-
nèbres, il en calme les tempêtes, il vous
rend l'heureuse tranquillité ; mais si cet astre
brillant veut vous cacher sa lumière , qui le
forcera de la répandre ? Or, n'en doutez pas,
il se cache quelquefois : attendez-vous à des
temps d'obscurité , oii ces divines clartés ne
paraissant plus, vous retomberez dans les
ténèbres , le trouble et l'agitation.
« Que vous dirai-je des assauts que vous
livrera l'esprit malin? Semblable aux flots
réitérés d'une mer furieuse, il donnera sans
cesse à votre cœur de violentes secousses,
et vous vous croirez à tout moment près do
faire un triste naufrage. La tentation sera
])eut-être si affreuse, que les pensées qu'elle
vous suggérera vous paraîtront ne pouvoir
entrer que dans l'esprit d'un homme ré-
prouvé. Il vous semblera que tout l'enfer
est conjuré contre vous, et que Dieu, dans
sa colère, vous a livré à Satan. Souvent
même vous ne pourrez ouvrir la bouche ni
pour prier, ni pour chanter les louanges du
Seigneur. Des atta4}ues si aiUigeantes en
elles-mêmes le deviendront encore plus
par leur durée et leurs fréquents retours.
Le démon ne se contentera pas d'un assaut
ni de plusieurs ; plongé et replongé dans
cette fournaise, vous passerez de tristes
jours, environné de pemes plus ou moins
affreuses, mais toujours très-cruelles.
« Que rien de tout cela ne vous abatte et
no vous fasse défier de votre bien-aimé« Son-
gez que toutes ces peines, dans les desseins
de sa miséricorde, sont des épreuves pour
faire paraître dans tout son éclat votre amour
pour lui ; des leçons pour vous apprendre à
compatir à ceux qui, comme vous, seront
en butte aux traits du tentateur ; des moyens
d'expier vos péchés et de prévenir de nou-
velles fautes ; des dispositions à des gr&ces
F Mis abondantes; enfin despréservalifscontre
orgM^il, qui vous font sentir que sans sa
grAce vous ne pouvez rien. C'est donc Nir
un effet de l'amour qu'il a pour tous qu'il
permet que vous soyez tenté ; c*estparbonlé
qu'il semble en quelque sorte s'éloigner de
vous pour an temps, quoiqu'il n'en soitja-
mais plus près qu'alors : c est dans sa mi-
séricorde qu'il vous frap{)e» qu'il parait en
colère et prêt à vous réduire en pouare.
< Conduite admirable de l'Epoux céleste
envers une &me qui est à lui 1 Au commen-
cement, et lorsque les nœuds de rengage-
ment sont'à peine formés, il la visite, la for
tifie, l'éclairé ; il gagne son cœur, en ne lui
faisant trouver que de la joie daiissonser-
vice; il Ty engage par la douceur de ses
attraits; il se montre continueilemeol à
elle, pour la retenir par les charmes de sa
présence; en un mot, il ne lui fait goûlei
que délices, que douceurs, pour ménager
sa faiblesse : mais dans la suite, il lui Ole le
lait et lui donne la nourriture solide des
afiliclions; il lui ouvre les yeux et lui dé-
couvre combien elle aura à souffrir à sa
suite. Il parle, et voilà le ciel, la terre ei
l'enfer conjurés contre elle. Ennemis au
dehors, tentations au dedans; au dehors,
les tribulations et les ténèbres , et au de-
dans, les sécheresses et les désolatious:loul
eontribue à son martyre. Ici l'Epoux se dé-
robe à ses yeux ; ti reparaît quelque temps
après pour la quitter encore. Tantôt il la
laisse dans les ombres et les borreors de la
mort, tantôt il la rappelle à la lumière et è
la vie, pour lui faire éprouver la vérité de
cet oracie : Cest lui quiprécipUe damU (om-
beau et qui en retire, d'est ainsi que Dieu
éprouye les âmes, qu'il les purifie, les hu-
milie, les instruit, les rend souples à sa to-
lonté; qu'il retranche tout ce qu'elles avaient
de rude, de difforme et de rebutant, el les
pare de tous les ornements qui peuvent les
rendre agréables à ses yeux.
« Mais aussi, quand il les trouve fidèles,
pleines de patience et de bonne volonté;
quand un long usage de IribulalioDslesa
portées, par le secours de sa grâce, jusqu'à
ce haut degré de perfection, qui consiste
à souffrir tranquillement et avec joie toutes
sortes de tentations et de peines, alors il
les unit intimement à lui, leur confie ses
secrets et ses mvstères ; il se communique
pleinement à elles, n'usant plus d'aue^ne
réserve, comme au commencement de leur
conversion.
a Après cela, les plus fortes tentations se
ront-elles capables de vous déconcerter?
Vous les regarderez plutôt comme un gage
précieux de l'amour que Dieu vous porUt
comme un combat où il cherche noo à ex-
poser votre salut, mais à faire paraître
votre courage et votre fidélité, pourlesré-
compenser ensuite d'une couronne de gloire
Ainsi tenez ferme, et ne cessez de >ott5
écrier avec le saint homme Job : « QuaQ^
« Dieu me tuerait, je ne cesserais pasd'estié
« rer en lui.» Il est vrai que, tant queducefa
la tempête, vous n'assisterez àtrofSce divin
qu'avec peine, parce que votre esprit sera tout
oiTScurci de nuages et hors d'état de s'3(4'^
1197
OBL
D^ASCETISMC
OBL
llfiS
quer; mais ayez patience et faites tranquil*
lement ce qui dépendra de tous : la nuit
passera, les ténèbres se dissiperont, et lot
ou tard le jour refiendra.
c XXII. Prenez garde surtout que le
temps de ces ténèbres ne soit pour tous un
temps de négligence et de paresse. Si tous
ne pou? ez prier, ni réciter les psaumes, ni
méditer, appliquez*?ons h la lecture. Si un
dégoût affreux ? ous rend encore cet eier-
cice impraticable, écrivez ou travaillez à
4]uelque ouvrage des mains, rejetant tou-
jours avec soin le tumulte des pensées
▼agnes et inutiles. — 11 oourrait vous venir
alors quelque envie de aormir hors le temps
destiné au sommeil, et une envie assez forte
pour vous importuner considérablement et
▼ous jeter dans un abattement extraordi-
naire, fin ce cas-là, peut-être ferez-vous
mieui, en vue de Dieu et pour sa gloire, de
prendre un moment de repos que de vous
roidir contre ce petit besoin de la nature;
car si vous n avez qu^une occupation exté-
rieure h opposer à cet assoupissement, vous
serez libre, il est vrai, tant qu'elle durera ;
mais à peine sera-t-elle finie, à peine vou-
drez-TOUs reprendre vos exercices spirituels,
que la pesanteur du sommeil vous accafilera
de nouveau. Le repos que vous prendrez
dans une telle circonstance doit être court
et l^er ; ne le prolongez pas au delà du
temps qui suffit pour réciter deux ou trois
psaumes; Tâme alors se trouvera tout autre,
libre, agissante et pleine de gaieté. Ce qui
Tient d*étre dit n'est que |*our les personnes
lempé^antes dans le boire et dans le man-
ger. Pour peu qu'on fût sujet à sa boucbe.
Je remède serait plus propre à aigrir le mal
qu'à le soulager. On s'ensevelirait peut-être
dans un sommeil long et profond, et !a
perte du temps serait la suite funeste de
cette misérable mollesse.
« XXIU. Mais quelle vigilance et quels
soins ne Caut-ii pas prini;i|>alement employer
contre le démon de l'impureté, quand il veut
ou nous arrêter à de sales imaginations, ou
Dous porter à des actions criminelles ? Le
g^ud point est de rejeter d'abord ces tenta-
tions ue l'esprit, avant qu'elles aient eu le
temps d'/ pénétrer. Si vous ne repoussez pas
Fennemi dès la première attaque , quelles
brèches ne fera-t-il pas d'abord dans votre
intérieur? Après quoi il y entrera comme
dans une place de conquête, et aussitôt il
mettra votre Ame dans les fers. C'est alors
que, privé de votre première liberté et de
vos anciennes forces, vous aurez bien plus
de peine à le renverser.
c Cependant, quand vous auriez commis
d'abord quelgue négligence, et que vous
TOUS trouveriez déjà embarrassé des liens
lie votre ennemi, ue vous rendez pas pour
cela. Criez au secours, et si, dans cette es-
pèce d'abattement et de commencement de
déCute, vous ne sauriez faire autre chose
«que de vous remuer, pour ainsi dire, et de
ramper à terre, donnez encore cette marque
de la résolution où vous êtes de résister
jusqu'à la mort. Conjurez le Seigneur, avec
les instances ics plus Tîves, de rompre vos
chaînes et de vous rendre la liberté, ou
d'empêcher au moins que tous ne consen-
tiez à la tentation, s*il ne Teut pas qu'elle
finisse encore. — Quelque redoutable que
paraisse Totre ennemi, et quelque obscénité,
quelque impureté, quelque extraTagance
qu'il vous propose, il vous sera souvent fa-
cile de le repousser, en méprisant ses ma-
lignes suggestions. Poursuivez votre chemin,
sans faire attention à un chien qui ne peut
qu'aboyer, mais qui ne saurait mordre. C'est
une comparaison familière des maîtres de
la vie spirituelle, qui ne veulent point qu'on
s'amuse à disputer avec le démon, comme
s'il était possible de lui fermer la bouche et
d'arrêter jamais sa langue, dévouée à l'ini-
quité. S'il est cependant trop importun, et
quei repoussé une ou deux fois, il revienne
toujours à la charge, il faut en venir géné-
reusement aux mains avec lui, se rappeler
les jugements redoutables du Seigneur, com-
parer l'instant du f>laisir avec Téternité du
supplice ; employer les jeûnes, les macéra-
lions et les autres remèdes violents qui
fieuvent réprimer les révoltes de la cliair
d'une manière prompte et cflicace. Ces'
ainsi (ju'il faut obliger Tenoemi de se retirer
chargé de honte et de confusion.
c Le démon nous attaque de différentes
manières. Tantôt il vient secrètement et sans
faire semblant de rien, ou même sous les
dehors spécieux de la piété, pour nous en-
gager plus sûrement dans ses pièges, et tan-
tôt à force ouverte i! se jette sur nous, pour
nous faire succomber à la violence et à la
multitude des coups qu'il nous porte. En
Certain temps, il se glisse d'une manière
insensible comme un serpent, tâchant de
nous conduire à de grandes fautes par la
mépris des plus petites, ou de nous faire
passer au-dessus de certains remords et de
certains doutes, pour nous former ensuite
une conscience ou fausse ou endurcie ; et
dans d*autres rencontres, sans garder ces
ménagements, il se présente avec toutes les
horreurs et propose tout d'un coup les plus
grands crimes. Quelquefois il emploie les
consolations spirituelles ou les peines inté-
rieures, pour nous enOer ou pour non$
abattre ; et d'autres fois il se sert de la pros-
périté ou de l'adversité temporelle, pour
nous porter à la mollesse, ou pour nous pré-
cipiter dans le désespoir. C'est pourquoi il
faut toujours être sur ses gardes, toujours
recourir à la passion du Sauveur comme à
notre grande ressource, toujours implorer
avec larmes le secours de Dieu.
« XXIV. Souvenez-vous surtout de ne
BIS vous enorgueillir des dons célestes que
ieu pourrait tous aToîr accordés. « Qu'a-
Tez-Tous, dit saint Paul, que vous n'ayez
reçu ? et si vous l'avez reçu, pourquoi vous
en glorifier, comme si tous ne l'aTiez pas
reçu? »Iie serait-ce pas une injustice criante?
N'ouvrez donc jamais TOtre cœur aux ins-
pirations séduisantes de la Taine gloire et
de je ne sais quelle secrète complaisance en
vous-même. A plus forte raison devez-^ens
1199
ODL
DICTIONNAIRE
OBL
éviter de faire jamais parauc, aux yeux da
inonde, de ce qui pourrait se passer en tous
d'extraordinaire. 11 faudrait pousser l'indis-
crélioD bien loin, pour se faire de ees sortes
de faveurs un sujet d'ostentation. Gardez
votre secret pour vous seul, è moins qu'un
motif de zèle pour l'avancement spirituel du
prochain, ou un besoin pressant qu'il aurait
de consolation, ou l'obéissance, ou la con-
sidération de quelque grand bien que vous
pourriez procurer par cette voie, ou enfin
une indispensable nécessité, ne vous obi i*
ge&t de faire connaître l'état de votre Ame
et les faveurs singulières que Dieu y répand ;
et dans ces cas-là même, ne vous aécou*
vrez qu'à des personnes sages et discrètes,
et que ce soit toujours avec la pudeur, la
mo'lestie et l'humilité qui conviennent aux
amis lie Dieu.
a Au reste, ne regardez pas les dons de Dieu
comme la récompense de vos mérites et le
fruit de votre travail ; mais soyez persuadé
que vous en êtes indigne, comme vous Têtes
en effet, et que tout ce que vous méritez,
c'est qu'il vous rejette et qu'il vous aban-
donne à vos misères. Ne vous comparez pas
avec ceux qui sont encore imparfaits, et
peut-être moins avancés que vous dans la
vertu. Jetez plutôt les veux sur ceux qui
sont les plus fervents et les plus saints, atin
que vos défauts étant placés auprès des
perfections de ces grandes Ames, ce point
de vue vous frappe davantage.
« Humiliez-vous, abaissez-vous, regardez-
vous comme le dernier des hommes, dans
toute la sincérité de votre cœur. Mais com-
ment y parvenir, direz-vous? La plupart des
cbrâlieus, dépourvus de tout sentiment de
crainte et de pudeur, mènent une vie crimi-
nelle; et gr&ces à Dieu, je suiséloisné de
leurs désordres. Quoi 1 me faut-il donner
dans mon esprit la préférence à de telles
personnes, et puis-je bien me mettre au-
dessous d'elles? Oui, vous le pouvez, et
vous le devez. Considérez que ceux qui sont
aujourd'hui les plus méchants peuvent se
donner demain dans un degré do vertu plus
éminent que le vôtre; considérez que s'ils
avaient reçu les mêmes grâces que vous, ils
vous surpasseraient de beaucoup en sain-
teté, et que si ces gr&ces abondantes ne vous
soutenaient pas, vous tomberiez dans des
excès plus criants que les leurs. Considérez
tout cela, et vous reconnaîtrez que les plus
grands pécheurs peuvent vous être préférés.
8i vous étiez instruits des secrets de Dieu,
quelles seraient vos idées et tos maximes?
On vous verrait céder volontiers aux autres
les premières places, et vous faire un devoir
de n'occuper jamais que les dernières; on
vous verrait avec joie prosterné aux pieds
de vos frères, rendre avec empressement les
services les plus bas aux derniers de tous
les hommes, respecter l'image de Dieu en
eu^, et par ce motif de piété, n'avoir pour
tout le monde qu'une sincère déférence;
honorer le Sei^^neur dans la personne ae vos
supérieurs, et vous porter à l'obéissance
avec une ardeur qpi ne vous geroiellrait
jamais ni le plus petit murmure, ni le plus
léger retard. .
« Mais il y a encore quelque chose do
plus excellent à vous proposer, et un degré
d'humilité plus parfait a exiger de tous.
C'est de vous abaisser d'esprit et de cœur
pour l'amour de Dieu, non-seulement au*
dessous du reste des hommes, mais encore
au-dessous des autres créatures de l'uniTcrs.
Ainsi ne vous regardez plus que comme de
la poussière que chacun a droit de fouler
aux pieds, et en vous voyant, croyez qoe
vous voyez un poids inutile à la terre, un
monstre indigne du jour. Pénétrez le fond
de votre ingratitude et de votre infidélité,
de votre lâcheté et de votre inconstance, de
votre misère et de TOtre néant, et peut-être
parviendrez-vous enfin jusqu'à ces senti*
ments de vous-même, et jusqu'à vous mé-
priser souverainement.
« Quand le serpent infernal Tiendra frap-
per insolemment 'à la porte de votre cœur,
et qu'il vous inspirera de vous croire quelque
chose, de vous laisser aller à la vaine gloire,
do vous préférer aux autres, repoussez vive-
ment ce séducteur; fermez-lui toutes les
avenues, et quand il trouverait le secret de
répandre son venin en vous, jusqu'à faire
que votre flme en ressente la malignité, qu'il
n'ait pas du moins la force de la faire con-
sentir à son souffle empoisonné. Car si vous
cédez un moment aux sollicitations de ce
père du mensonge, si vous lui accordez ce
qu'il demande, si vous vous laissez prendre
à ses appas, c'en est fait, vous avez violé
les sacrés engagements que vous aviez pris
avec l'Epoux de votre Ame, vous avez souillé
cette robe nuptiale qui était auparavant cou-
verte de lis tet de roses, et vous ne rentrerex
pas en grâce que vous n'ayez rompu un si
détestable commerce, et que vous ne vous
soyez humilié profondémeni en présence de
votre bien-aimé. Peut-être même qu'avant
de rentrer en grâce et en laveur, il faudra
subir la peine de votre intidélité, et demeu-
rer longtemps en proie à la douleur et aux
afflictions, jusqu'à ce que votre Dieu, qui est
un Dieu jaloux et vengeur, ait purifié votre
Ame et lui ait rendu sa beauté indignement
ternie par un infâme rival.
« XXV. Nous avons parlé jusqu'ici de la
manière d'assister à l'ollice divin, de la na-
ture des exercices spirituels c|u'il faut choi-
sir, de la méthode qu'on doit garder, de ce
qu'on y doit faire ou éviter, passons maio-
tenant à d'autres points.
« Pour ce qui regarde la nourriture du
corps, fuyez tout excès. Plus l'estomac est
rempli, moins l'esprit est en état de s'appî^-
quer aux exercices spirituels , parce qu'ii
n'est pas possible que le corps surchargé
des humeurs qu'engendre l'excès des vian-
des, ne fasse ressentir sa pesanteur à l'âme,
et ne la rende moins propre à s'élever vers
Dieu. Le vin surtout produit ce fâcheux eifet
quand on en prend, non jusqu'à s'enivrer
mais jusqu'à passer les bornes de la plus ri*
gide tempérance. Il embrase le corps, boule-
verse rinlérieur, étouffe l'activité de râaie,el
IMI
OBL
0-ASCETISME.
OBL
fttS
la met daos une espèce d'engourdissemenl et
dd stupidité qui la reod presque semblable
&UI bêtes. C'est donc eo Taiiiqu*un homme,
qui est eocoresujet è sa bouche, prétendrait h
la ?ie intérieure.
c Commencez par retrancher sur cette
matière tout désir immodéré. Ne yous em-
barrassez pas si ce qu'on tous donne pour
nourriture est exquis et délicat; pourTu
que cela soit raisonnable, et qu'on le juisse
manger, que touIcz-tous da?antage? Fai-
sant profession a'une vie parfaite et morti-
fiée, TOUS de?ez tous mettre à table, |H)ur ?
prefidre dans les dons de Dieu de quoi re-
I arer yos forces, et non de quoi nourrir la
volupté; et vous n*éles pas religieux si les
mets les plus ordinaires et les plus conve-
nables è la pauvreté vous causent du chagrin
ou vous excitent au murmure. — Si vous
goûtiez l>ien Jésus, la plus pauvre nourriture
vous paraîtrait délicieuse. Il n*y a ni fru-
KaKté ni même indigence, où Tamour de
Jisus ne fasse trouver du goût : aimez Jésus,
et vous préférerez les repas les plus vils aux
festins les plus somptueux. Jésus, pressé parla
faim, s*est souvent contenté de pain sec pour
Famour de vous. Jésus, pressé par la soif, a
été abreuvé pour l'amour de vous de fiel et
de vioai^.
c L'avidité ne convient qu'aux animaux
dépourvus de raison ; mais I homme ne doit
manger et boire que modérément et avec
réserve. Soyez même en garde contre cette
Kiute de plaisir qui est inséparable de
saçe des aliments, et ne voos j arrêtez
jamais. Si vous cherchez à satisfaire la sen«
sualité, elle fera dans votre âme d'étranges
ravages : c'est un feu secret, gui mine à
mesure qu'on le nourrit. —Mais comme il
faut souvent refuser h la chair ce qu'elle
demande mal è propos, il faut aussi quelque
fois la forcer à prendre ce qu'elle voudrait
refuser; car il est des temps où elle rejette
avec dégoût ce qui est absolument nécessaire
pour soutenir la vie du corps. — Mais dans
le temps que celui-ci prend sa réfection, il
faut aussi donner à l'éme sa nourriture. Il
f.ittt se rendre fort attentif aux lectures qui
se font de la parole de Dieu, des maximes
de la vertu ou des exemples des saints. Si
ces leclures ne se font pas à la table où
▼ous mangez, ne vous privez pas pour cela
de cei aliment spirituel; mais entretenez-
vous avec Dieu dans le silence, autant que
la bienséance le permet. Tout au moins
conservez toujours dans votre esprit quelque
sainte pensée qui l'empêche de s'évafiorer.
« XX VL Modéré et retenu dans la nour-
riture, soyez-le de même dans vos babils.
Rejetez, méprisez, avez en horreur tout ce
qui pourrait blesser fa simplicité religieuse,
et u*imitez point ces misérables moines
qu'une sotte vanité fait rougir de leur état,
au lieu de rougir de leurs désordres.
Quand ils doivent sortir du monastère et
p.irattre dans le monde, on les voit s'ae-
conunoder avec une affectation ridicule,
preuore certains habits préférablement h
d'autres, s'étudJ^r à les ajuster de telle et
telle façon, se faire une honte de porter ta
rot)e et le manteau de la manière que la
règle le prescrit; enfin paraître en public
avec la mollesse et la propreté des mondains,
et non avec l'humilité convenable à des
religieux : spectacle monstrueux et bizarre,
dont le démon triomphe, dont les libertins
plaisantent, et dont les sages gémissent de
compassion ou sont indignés de colère.
Peut-on jamais mieux que par une telle
eitravagnnce faire éclater au dehors l'or-
gueil, la délicatesse, la mondanité qui est
cachée dans le fond de l'âme T
c Quels religieux, qui sont si prodigieu-
sement éloignés du véritable esprit de la
religion! Quels religieux, qui ne sont rien
moins que ce que leur nom signifie 1 Quels
religieux, qui sont filutôt esclaves du dé-
mon, que serviteurs de Jésus-Christ ! Bst-ce
là ce qu'ils lui ont promis lorsque, par le
vœu de pauvreté, ils ont dit un adieu solen*
nel au monde, h ses pompes et à ses vani-
tés ? Est-ce Ik ce que le Roi des rois leur a
enseigné dans son Evangile ? Est-ce Ih ce
qu'il leur a appris par ses exemples, quand
ayant une crèche pour berceau, il n'était
couvert que de quelques pauvres langes, ou
Suand on le produisait par dérision revêtu
*une robe blanche et d*un manteau cou-
leur de pourpre? Est-ce le suivre Jésus?
Est-ce là marcher sur ces traces ? Quel hor-
rible désordre 1 Quelle étrange folie! Ne
réglez pas votre conduite sur celle de ces
hommes vains et ridicules. Mais soit que
vous sortiez du monastère, ou que vous y
demeuriez enfermé, contentez-vous d'un
habit modeste et décent. C'est un point dont
la profession que vous avez embrassée vous
fait un devoir indispensable.
« XXVII. Ayez les yeux baissés en tout
temps, mais surtout durant roflice divin. Por-
ter la vue de tons cêtés sans besoin et par es-
prit de légèreté, c'est se mettre en danger de
voir des objets capables de faire tort kl'âme
et de corrompre la pureté du cœur. Quand
même il n'y aurait aucun péril è craindre,
l'ordre de la régularité demande que vous
accoutumiez vos yeux èêtre retenus et bais-
sés. Mais surtout n'ayez jamais la curiosité
de tourner les yeux, encore moins de fixer
vos regards sur le visage de quelque femme
3ue ce soit. — Ne marchez ni trop vite , ni
'un air trop empressé, à moins que la né-
cessité ne vous oblige de redoubler le pas.
Evitez princi|ialemenff la trop grande préci«
pitation dans l'église ou dans les autres en-
droits consacrés à la prière. Que T0lre dé-
marche, même partout ailleurs, soit accom-
pagnée de bienséance et de modestie ;
évitant néanmoins une certaine lenteur qui
tient de la mollesse et de la nonchalance.
Que tout votre extérieur soit enfin si réglé
qu il ne respire qn'honnêtelé et modestie. —
Faites paraître sur votre visage un air tou'
jours content, un air do joie, qui soit tem-
péré par une gravité convenable, un air
Î>révenant, qui vous rende affable avec lout
e monde; un air de douceur, qui se sou-
tienne au ùiilieu des chagrins les plus amers.
1205
OBL
DICTrONNAIRE
OBL
im
Pour cela, dissimulez si bien les peines
qui pourraient malgré vous s'emparer de
voire âme, que les aolres n*aient rien à souf-
frir de votre mauvaise humeur , et qu'ils
ne puissent pas même s'en apercevoir. Si
TOUS riez, faites-le avec la retenue conve-
nable à un religieux. Contentez vous d^un
simple sourire, sans aller jusqu'à un rire véri-
table. Pour les éclats de rire, évitez-les
coffline un des grands obstacles k la perfec-
tion, et comme un écueii qui ferait tom-
ber votre âme dans le précipice. Un rire
immodéré force les barrières qui défendent
la pudeur, il jette l'intérieur dans une dis-»
sipation funeste, il attriste le Saint-Esprit
et souvent le bannit du cœur.
« XXVIll. Faites ros délices de la soli-
tude et du silence, toujours plus disposé h
écouter qu'à parler. Dans vos paroles point
de précipitation, de vivacité eicessive , de
clameurs, de contestations; mais n'ouvrant
votre bouche qu'à des discours pleins de
droiture et de vérité, prononcez-les toujours
arec douceur, modestie, retenue et candeur.
— Evitez également Tindécence de parler
trop haut, et la mauvaise grflce de parler si
bas qu'on eût de la peine a se faire enten-
dre. Les circonstances du lieu, du temps, du
sujet que Ton Iraite et de la personne avec
qui Ton s'entredent, veulent quelouefois
au'on élève la voix un peu plus ou à l'or-
inaire. Il est donc vrai de dire qu un reli-
gieux obligé de |)ar]er doit toujours le faire
modestement suivant son état, ordinaire-
ment à voix basse, conformément aux règles
saintement établies dans la religion, et quel-
quefois d'un ton plus élevé, suivant les
circonstances particulières.
« N'assurez jamais une chose trop aflir-
matrvemenl, si ce n'est quand elle intéresse
la foi et le salut. Hors de là, si l'on vous
conteste ce que vous avancez, prenez le
parti de céder ou de vous taire. S*il est
expédient de ne faire ni l'un nil'autre, parlez
d'une manière positive de ce qui vous est
clairement connu; mais exposez vos raisons
avechumiliié et modestie. Vousn'avez pas de
meilleur moyeu que celui-là pour prévenir
toute dispute qui pourrait blesser votre
religion. Que les traits piquants delà raille-
rie soient à jamais bannis do vos discours.
Ne vous faites pas un plaisir de rapporter
ce qui pourrait ou vous attirer des éloges,
ou devenir pour les autres un sujet de blâme.
Si vous y êtes forcé par la nécessité ou en-
gagé par la considération de quelque grand
avantage, faites-le avec honnêteté, retenue
et pureté d'intention. Regardez avec horreur
tout récit de fable ou d'histoire où l'on passe
les tiornes de riionnôlolé et de la pudeur.
Loin de les rapporter, interdisez- vous la
liberté même de les entendre. C'est un poi-
son présenté à l'âme, dont la malignité no
tarderait guère à lui devenir fatal. Pour les
badineries et les bagatelles qu'on pourrait
raconter en votre présence, si vous êtes con-
traint de les entendre, soyez assez sage pour
no pas les redire. N'af^prouvoz jamais ces
langues indiscrètes i\\n tiennent des discours
impertinents, indécents, pernicieux. En pa-
reille occasion, il faut observer le précepte
de la correction fraternelle, et tâcher avec
douceur de ramener à la raison ceax qui
s'échappent de la sorte. S'il n*est pas à pro-
pos de leur faire ces charitables remontran-
ces, rompez le discours autant que possible,
et détournez la conversation sur des ma-
tières plus innocentes. Ne prêtez même pas
l'oreille, si cela se peut, à la détraction nié
la médisance.
€ XXIX. Prenez garde que les récréa-
tions et les promenades que l'on vous per-
met ne dégénèrent en anus, et profitez-en
de manière à les faire servir plutôt à votre
avanc^ement spirituel. Vous pouvez vousj
prêter pour la gloire de Dieu, et non vous j
livrer tout à fait; vous pouvez en faire un
délassement honnête, et non un divertisse-
ment excessif. Votre esprit hors de son
assiette, venant à se répandre au dehors,
s'égarerait bientôt, et toutes ces fausses joies
lui étant contraires, il n'y trouverait que de
l'amertume. Son égarement donnerait prise
aux objets sensibles, l'impression des ODJcls
exciterait quelque passion, et la passion
jetterait dans l'âme le trouble, la dissipation
et le chagrin. Apprenez donc à vous ren-
fermer dans vous-même par une simplicité
d'âme qui ne vous permette pas devons
partager en une fouie de sentiments divers,
mais qui vous fasse voir Dieu seul et aimer
Dieu seul en tout ce qui se présente à vous.
Cette simplicité n'exclut pomt la multitude
des pensées ou des occupatious; mais elle
les réunit sous un mêmepoiut de vue,parce
qu'elle les rapporte toutes a Dieu, et répri-
mant parce moyen le tumulte confus ûqs
vaines idées et dT;s désirs déréglés, elle éta-
blit dans un cœut le calme et la liberté. Que
serait-ce si vos récréations et vos délasse-
ments vous enlevaient tant de précieui
avantages? Mais non : vous vous y souvien-
drez de Dieu, il y sera le principal et même
l'unique objet de votre pensée ; car ce ne
serait point assez de dresser alors votre in-
tention vers lui d'une manière vague el
générale.
« 11 faut en user de même dans toutes les
autres occupations extérieures, et vous de-
vez y réunir ensemble les exercices de Mario
et de Marthe. A l'exemple de celle-ci, faites
votre travail pour la gloire du Seigneara?ec
ardeur et avec sagesse , et à l'exemple de
colle-là, apportez-y un esprit vide des objets
sensibles et plein de Dieu et des choses di-
vines, surtout si cequi vous occupe d'ailleurs
n'est pas de nature à mériter toute Totre
attention. Marthe a quelque chose de bon;
mais enfin elle n'est pas assez parfaite, pui^
que malgré son intention pure et droite,
elle se laisse distraire dans son emploi par
la multitude et la diversité de ses pensées,
et que mille choses sont capables de lui eau*
ser de l'embarras et du trouble. Marie a pri^
la meilleure part, parce qu'elle a su fixer la
légèreté do sou esprit et se procurer la Iran,
quillité du cœur, en ne s'atucFiant qu*i l'u-
nique nécessaire, qui est de s'unir à Dku
I«5
ML
D'ASCETISMEé
ML
fiOS
Il bot doDC qu*au eomroeneemeni de vos
aciioDS YOlre intentioD soit droite el pure,
comme celle de Marthe, et que dans la suite
de oes mêmes actions elle soit simple, sans
trouble et sans partage, comme celle de Ma*
rie : Marte a ehoi$i la wuUleure part qui ne
imi êera point ôtée. Vous avez fiiit le même
choix. Si TOUS ne tous y tenez autant qu'il
est en tous, stérile en bonnes œuvres, vous
oe porterez pas les fruits de TOtre sainteté,
que votre profession eiige. Conservez donc
chèrement une simplicité d'âme que ni les
lieux et|iosés au bruit, ni les temps d'orage
ne peuvent altérer. Si vous êtes encore trop
faible, et trop peu avancé dans la vertu pour
suivre Marie dans son toI rapide vers le ciel
et dans la sublimité de la contemplation,
suivez-la du moins dans les exercices de
sainteté moins relevés et plus à votre por-
tée, dans son affection è laver de ses larmes
les pieds du Sauveur, dans sa docilité k
écouter les leçons de son divin maître, dans
son empressement à chercher dans le sépul-
cre le corps du Seigneur; car dans toutes
ces occasions elle ne se départit jamais de
son heureuse simfilicité : elle n'aima que
Jésus, ne songea qu'à lui, et ne chercha que
lui.
« Imitez-la dans toutes ces saintes prati-
ques, non pas tant pour y trouver des con-
solations que pour y plaire an Seigneur.
Si par un malheureux retourd'amour-propre,
▼oire but principal était alors de tous pro-
curer les douceurs d'une dévotion sensible,
TOtre âme ne serait plus une chaste épouse
de Jésus-Christ, mais une vile esclave du
péché, pour ne pas dire une infâme prosti-
tuée du démon. De ces exercices moins su-
blimes, TOUS passerez peut-être h d'autres
qui le seront davantage. Vous monterez en
haut après avoir demeuré quelque temps en
bas; si pourtant on peut appeler bas et
petit, un éla( dont l'élévation est toujours
Irès-grande.
« XXX. C'est un grand défaut que la sin-
gularité. Suivez le train de la communauté
généralement dans tout ce que le relâche-
ment et Tabus n'auront pas introduit de
contraire à l'état des vrais religieux. Vous
éieSf grâces au ciel, avec des personnes dont
les austérités, quoique modérées selon la
règle, ne laissent pas de rendre la conduite
irréprochable, et de la mettre hors de tout
soupçon de relâchement. Tenez donc fiour
suspectes les abstinences et les veilles qui
TOUS distingueraient de ceux aTec qui vous
sTez le bonheur de TiTre. Si vous en faites
plus qu'eux sur ce point, du moins n'allez
pas considérablement au delà , hors le cas
où l'inspiratiou du Saint-Esprit vous mar-
querait clairement qu'il demande de vous
cette sorte de saints excès. — Ce serait un
attentat que de rien entreprendre en cela
saus le consentement du supérieur. Les mor-
tifications excessives qu'on ferait de son chef
ne seraient propres qu'à en Ater tout le mé-
rite, et à ruiner tellement le corps qu'on ne
Knrrait plus l'employer aux bonnes œuvres,
eu veut la pureté de votre cœur et non la
destruction de TOtre corps. Il Teut que vous
le soumettiez à l'esprit , et non gue vous en
fassiez la Tictime d un zèle indiscret. ~ La
prudence doit par conséquent modérer Tar-
deur non-seulement dans l'oraison, mais
encore dans la mortification. Et comme il
faut réveiller, animer, eiciter la volonté,
quand elle parait s'endormir ou marcher
avec lenteur dans la carrière de la Tertu, il
ftat aussi l'arrêter et lui mettre un frein
quand elle se laisse trop emporter aux mou-
vements de sa dévotion.
c XXXi. Tenez-vous continuellement en
la présence de Dieu avec un saint respect, et
souvenez-vous toujours de cette parole de
saint Paul : Soyez attentif but vous-m^e.Ne
cherchez pas à savoir ce que font les autres,
si vous n êtes pas chaîné de Teiller sur eux,
n'examinez pas leur conduite et leurs ac-
tions. Tournez sur vous tous vos soins et
toutes vos recherches. Je ne dis pas que
vous regardiez indifféremment les |>échés de
TOtre prochain, et que tous ne fassiez Totre
possible pour le corriger par vous-même ou
pour procurer son amendement; c'est la cu-
riosité que je blâme et non le zèle et la
charité. Je ne prétends condamner que ca
qui ressentirait Tesprit léger et tropcurieuz,
ou ce qui blesserait l'amour sincère que
vous devez au prochain.
« Pour les défauts que vous voyez dans les
autres, ou dont tous entendez parler, per-
suadez-vous sans autre examen que les
choses ne sont pas tout à fait telles qu'elles
paraissent; donnez leur au moins, s'il se
peut, un tour avantageux. Mais si le mal est
si évident, que de quelque cAté qu'on le
considère, on ne saurait l'excuser favora-
blement, détournez-en la vue et la pensée,
et rentrez en vousHODéme pour ne penser
3u'à vos propres pécLés ; prosternez-vous
evant Dieu si les circonstances vous le
ficrmettentt et priez avec ferveur pour vous
et pour les autres. Vous vous épargnerez
par là des soupçons inquiets et turbulents,
et les jugements téméraires. — Prenez bien
garde encore de ne pas consentir volontai-
rement, avec réOexion, à vous faire un su-
I'et de joie d'un péché que commettrait votre
rère, quelque léger qu'il fût, ni de tout ce
qui pourraititti arriverde fâcheux. Gémissez-
en pour lui devant Dieu, vous souvenant des
devoirs de la charité chrétienne. Jésus, notre
chef, nous a tous réunis pour être membres
d'un même corps. Jésus, notre Sauveur, nous
a tous rachetés au prix de son sang. Que
les faiblesses d'autrui, loiod'exciter en vous
une indignation amère, vous portent à une
tendre compassion. Supportez dans vos frè-
rtss, avec une patience ^s^le, les défauts du
corps et les imperfections de l'esprit. Il est
écnt : Portez tes fardeaux les uns des au*
tres^ et tous accomplirez ainsi la loi de Jésus-
Christ.
c Ce serait une jalousie de démon que de
voir avec peine les grâces dont les autres
sont favorisés. Cette vue doit toujours vous
inspirer une sainte émulation et une pieuse
complaisance. Quoique vous vous trouviez
ï
tm
OBL
DiCTlONNAmB
(»L
iM
dépourvu des biens spiriliiets dont vous
voyez un autre enrichi, réjouissez-vous-on,
puisque le Seigneur y trouve sa gloire. Reo-
dez-lui-en des actions de grAces, comme si
ce bien vous était propre. En eOfet, il serait
à vous par ce moyen. Vous en profiterez ;
on couronnera en votre personne le mérite
d*aulrui, et ce qui vous était auparavant
étranger commencera dès lors è vous appar-
tenir en propre et d*ëlre regardé comme à
vous.
<x Prenez pour maxime qu'il ne faut ni af-
fecter de plaire au monde, nicraindrede lui
déplaire. Dans les personnes mêmes qui vous
sont unies par les liens du sang» n'aimez
que Dieu et sa grAce et sou ouvrage ; et dans
ceux qui vous paraissent le plus dignes de
haine, ne haïssez que les vices, les péchés
et les imperfections. Qu'il n'y ail point de
motif de parenté, d'amitié ou de reconnais-
sauce, capable de vous faire offenser Dieu
tant soit peu, ou de vous porter è seconder,
flatter, approuver qui que ce soit dans son
péché. -— On est quelquefois inquiet de l'ab-
sence d'un ami, et fâché de ne point jouir
de la compagnie et de l'entretien de certai-
nes personnes. Loin de vous ces regrets fri-
voles. On ne peut les justifier que quand ils
ont pour fondement le proQt spirituel que
ces 4)ersonnes pourraient nous procurer par
leur présence; encore faut-il borner son
chagru). Aimez Dieu dans tous les hommes
et tous les hommes en Dieu; n'aimez per-
sonne par des motifs humains, par humeur,
par des vues d'intérêt ou de plaisir. Il arri-
vera de là que ni Tabsencedes gens de bien
et de vos amis, ni la présence des mé-
chants et de vos ennemis, ne vous causeront
de chagrin excessif. Que dis-je, vos enne-
mis? Vous n'aurez point d'ennemis alors,
puisque vos persécuteurs mêmes vous seront
chers, parce qu'ils contribuent le plus &
votre mérite et à votre salut.
« Ne vous attachez pas aux choses de ce
monde, queiaue agréables et quelque mer-
veilleuses qu elles soient dans leur nature,
à quelque perfection que Part et Tindustrie
le^s aient portées, et quelque bien que vous
puissiez y trouver ou que vous en entendiez
dire. Les créatures ne sont faites que pour
être rapportées à la gloire de leur auteur,
les biens périssables ne vous sont accordés
que pour réveiller en vous l'idée des biens
éternels, et la joie ne vous est permise
qu'autant (]u'elle est en Dieu et selon Dieu.
Tout plaisir sensible, de quelque part qu'il
vienne, doit donner de la crainte. Quels
mauvais effets ue produit pas une vaine sa-
tisfaction recherchée ou goûtée mal à pro-
pos I L'âme s'y engage souvent à ne pou-
voir s'en retirer, et cette malheureuse sa-
tisfaction lui fera contracter une infinité de
taches qui la souilleront.
« XXXII. Ayez en horreur toute affection
aux péchés même les- plus légers : cepen-
daut quand vous en commettez quelqu'un
par surprise ou faiblesse, n'en concevez pas
un chagrin capable de vous jeter d^uis la
pusillanimité. Accusez-vous-en humblement
devant Dieu, renouvelez vos bons désirs,
ranimez votre eonûance et votre ferveur,
en jetant tous vos péchés dans l'abîme de
ses miséricordes ou dans les pUies «eréei
de Jésus. Tant que vous habiterez ce cor\n
de boue, l'âme se ressentira toujours de la
fragilité de la chair. Vous pourrez, y est
vrai, étouffer dans votre cœur toute attache
volontaire aux plus petites fautes, mais non
vous garantir entièrement du péché.
« Les plus justes, les religieux et lesploji
dévots ne sont pas impeccables. Ils man-
quent quelquefois et peut-être souvent,
mais avant leur chute ils tâchent de Téviter,
et après être tombés ils se relèvent. Pour
les mauvais religieux, ils pèchent, mais sans
s'inquiéter de leurs péchés, sans songer à
les prévenir par la fuite des occasions, ni à
les réparer par la pénitence. Ils ne soupi-
rent qu'après le relâchement de la discipline
régulière, après un train de vie dont la li-
berté touche au libertinage. L'office divin et
les autres exercices de la règle sont pour eux
un joug onéreux, et ils n'ont jamais nlusde
plaisir que quand ils peuvent s'en dispen-
ser. Ils veulent dans le boire et le manger
de la superfluité et de la délicatesse, cher-
chent avec empressement les occasions de se
dissiper et de s'amuser. La vie religieuse
n'a aue des dégoûts pour eux, et c'est pour
en coarmer les ennuis au*ils se livrent ai-
sément à de folles joies, a entendre les nou-
velles du monde, a chercher tout ce qui
flatte leur curiosité, à s'accorder l'usage de
ce qui est le plus selon le monde, et par cela,
moins convenable à la simplicité religieuse.
C*estune chose monstrueuse que leur amour
propre, le ridicule de leurs amusements, la
perte de leur temps, leurs entretiens inuli-^
les, leurs discours dissolus, leur airévaporé
et leurs manières toutes séculières. Ce qu'il
y a de plus pernicieux, c'est qu'ils croient ne
pas faire mal, ou si peu qu'il ne faut pas s'en
tourmenter. Déplorable insensibilité! qui,
les rassurant quand ils ont tout à craindre,
et leur persuadant qu'ilsse portent bien lors-
qu'ils sont tout couverts de plaies, les em-
pêche de gémir sur leur malheureux état et
de travailler à Tamendement de leur vie et
à la guérison de leurs blessures.
«Religieux infortunés 1 religieux inseo;
ses! religieux dont la conduite dément si
visiblement la profession qu'ils ont embras-
sée! Leurs blessures leur paraissent peu de
chose, ils les négligent et n'en sont nulle
ment effrayés. Mais qu'ils sachent que, n'u-
sant d'aucune précaution pour les éviler, m
d'aucun remède pour s'en guérir, elles se
multiplieront sans nombre, s'aigriront de
plus en plus et ne tarderont pas à leur don-
ner la mort; sans compter que cette coupa-
ble négligence, cet endurcissement si mar-
qué, nu manquera pas de les ppécipiter» tôt
ou lard dans l'orgueil, la révolte, la dfco-
béissance, les murmures, la médisance, la
haine, l'envie, la fierté, rintempérance, en
un mot dans tous le.s vices et daus tous les
crimes même les plus énormes. — N'imite»
pas ces religieux, ils ne sont pointdu nombre
lx«r
OBL
D*ASCellSME.
OBL
UIO
des Trais discipies de Jésus-Christ cniciiiét
ni da nombre des frais amis de Diea« el ne
sauraient jamais en être qu'en cessant d'être
ce qu'ils sont. Sojez plus zélé pour ?os Yé-
ri tables intérêts; abandonnez, éloignez, re*
jetez, sacrifiez tout ce qui pourrait arrêter
dans Totre cœur le progrès de Tamour divin ;
bâtez-TOus d'arriver à la perfection de fotro
état par une entière abné^tion de fous-
méme, comme par le cbemin le plus court,
le plus assuré et même le seul capable do
TOUS y conduire.
« XXXIU. Voulez-fous savoir en quoi
consiste la Téritable abnégation, la parfaite
mortification de soi-même , cette Toie admi-
rable qui conduit bientôt k la perfection la
plus sublime, c'est de renoncer à toute pro*
l>riété, de se dépouiller de toute volonté pro*
l>re, pour ne vouloir que ce que Dieu veut ;
de se dépouiller de toute recherche de soi-
même, pour n'envisager que les intérêts de
Dieu; de se dépouiller du vieil homme,decet
homme de péché, « pour se revêtir du non-
c Teau, qui est créé selon Dieu dans nue
jusiee et une sainleté véritables. » Hais dé*
veloppons cette maxime importante. Vous
vous êtes engagé solennellement à (rf)server
la pauvreté, u vous faut par conséquent être
pauvre. Mais comment Tétre véritablement,
sinon par une pauvreté qui vous interdise
l'usage des biens et des commodités de
celt^ vie ; par une pauvreté qui en retran-
che même le désir et l'affection; par une
pauvreté d'esprit qui vous fasse dire a Jésus-
Christ avec saint Pierre : Voilà que nous
avons ioui quitU pour vou$ suivre. Si, sus-
ceptible encore oe quelque amour sensuel,
▼ous désirez pour votre propre satisfaction
ce que vous n'avez point, ou que vous vous
recherchiez le moins du monde dans ce que
ifous pourriez avoir, vous ne possédez pas
la pauvreté volontaire Téritable et essen-
tielle, et vous ne pouvez tenir k Jésus-Christ
le langage des apôtres. A son eiemple, dé*
barrassez-vous ae tout ce qui pourrait vous
empêcher d'aller sur les traces de ce divin
Maître; quittez tout, biens, désirs, espé-
rances; renoncez è tout, au monde et à
Tous-mêroe. Que tout ce qui n'est pas Dieu
soit incapable, je ne dis pas de former un
attachement dans Totre cœur, mais encore
de lui servir d'amusement; que ce cœur, dé-
TOué à Dieu seul et indépendant de tout le
reste, se maintienne toujours dans cette
précieuse liberté, qu'il soit tel au milieu
des plus grands revers qu'il est dans la pros-
périté la plus florissante; que celle-ci ne
lui inspire pasune folle joie, ni ceui-là des
chagrins amers. Soit qu*on vous refuse ce
qui TOUS manque, soit qu'on vous ravisse
ce que vous possédez, soyez toujours le
même. Possédez toujours la paix du cœur
et la tranquillité de l'esprit, et tous serez
toujours riche et heureux, quand même tous
perdriez tout le reste. Je le répète, renon-
cez entièrement, pour TamourueDieu, non-
seulement au monde, mais aussi à tous-
méme. Or, tous dire de renoncer ainsi à
vous-même, c'est tous dire d'étouffer les
roouTements de la concupiscence, o'anioriir
tout sentiment naturel de plaisir, de colère
et d'indignation, d'être insensible k tout ce
qui peut tous arriTer de Ocheux ou d'a-
gréable, et de TOUS soumettre en tout cela,
sans la moindre contradiction, aux Tolonlés
de la ProTÎdence.
c Voilà la route abrégée de la perfection,
cette mortification parfaite de nos désirs, ce
sacrifice entier de notre amour-propre, cet
anéantissement total de nous-mêmes. Telle
est la carrière qui s'ouvre maintenant k ^os
yeux, et que vous devez fournir avec cou-
rage. Elle aboutira, elle vous conduira droit
au comble de la perfection, k ce lieu de re-
tos, de sûreté et de sainteté, k ce terme
eureux, qui n'est autre chose que la par-
faite pureté de l'âme et la divine charité.
c XXXIV. Mais comment saurez-vous si
TOUS êtes parvenu a un étal si sublime et
si saint ? Vous t êtes déjà parTenu si tous
TOUS tenez renfermé dans TOtre cœur, après
TsToir rendu inaccessible au bruit et an
tumulte, si ce cœur, dégagé de tout soin trop
Tif et empressé , de tout attachement
Ticieux , de toute impression trop forte des
objets sensibles, de toute inquiétude et de
tout embarras, se porte tendrement Tcrs
Dieu et se repose amoureusement en lui ;
enfin si Totre mémoire, Totre entendement,
TOtre volonté, c'est-à-dire toute votre ême,
se trouve heureusement uin'e à cet unique
et souverain bien. C'est en cela que consiste
le fioiul essentiel de la perfection.
m II est vrai que tandis que nous sommes
revêtus de cette chair corruptible nous ne
pou vons pas nous attacher tel lemen t à contem-
pler Dieu que nous ne le perdions quelque-
fois de vue; mais nous devons au moins
fixer sur lui toute l'attention possible, et
rappeler dans notre esprit sa divine pré-
sence toutes les fois que des pensées Tai-
nes et déréglées* Temitortent ailleurs. Au
reste, pour ne jias peni^er à Dieu dans tous
les instants du jour, il ne s'ensuit pas qu'on
perde sa présence et qu'on s'éloigne de lui.
On lui demeure toujours nni au milieu
même des occupations les plus étrangères
à la piété, pourTU qu on s'jr porte stcc pu*
reté d'intention, par un motif de nécessité
ou d'utilité, dans les circonstances qu'il
faut et de la manière qui convient. C'est dans
cesdispositions que vous devez lire, méditer,
écrire, écouter, vous entretenir et travail-
ler; el quand vous vous appliquerez de la
sorte ou a des matières de spéculation ou à
des choses sensibles, assnrez-TOus qu'elles
ne seront |ias capables de tous éloigner de
Dieu. Au contraire, on pourra dire alors
que le corps de tos actions est une oraison
continuelle.
« Que TOUS êtes heureux, mon cher frère.
Sue TOUS êtes un digne élèTc de la science
es saints, de la philosophie chrétienne,
de la théologie mystique, si ces choses que
je Tiens de dire, après aToir frappé tos oreil-
les, ont pénétré jusque dans TOtre coBur 1
Plus heureux encore, si Téritablement animé
de cet esprit d'abnégation de T^us-mème,
i^ll
OBL
MCTIONNAIRE
OBL
Ht!
TOUS aTOz dëjb mis la cognée h la racine de
Tarbre» cet araour-propre, la volenlé jpro-
pre <J|onl nous avons déjà tant parlé. (Jette
cognée» c'est la ferveur dans les exercices
de la vie intérieure ; suriout c^tle ferveur
3ui s'allume par une méditation continuelle
e la passion du Sauveur, qui se nourrit
par de fréquentes aspirations vers Dien, et
qui est toujours accompagnée d'une obéis-*
sance exacte et d'une très-grande sobriété.
Arbre mauiJit; mais cognée heureuse 1 0
ciel ! quelle différence entre les deux ! Celui-
là est chargé de fruits amers, et celle-ci est
remplie dagréments et de douceurs; celui-
là fait naître et croître toutes sortes de
malheurs et de désordres, et celle-ci procure
les biens les plus précieux et la charité la
plus parfaite ;.celui-là, indignede la lumière,
est obligé de cacher sa honte dans le sein
de l'obscurité, et celle-ci, plus brillante
que l'or et p'us éclatante que les pierreries,
mérite d'avoir le ciel et la terre pour spec-
tateurs. Cet arbre ténébreux est en vous,
mon cher frère, comme dans le reste des
hommes. Oui , il est dans vous-même ; et
tandis qu'il y sera, vous ne jouirez jamais
d'une parfaite clarté. Si vous voulez donc
3ue le soleil de justice répande sa lumière
ans votre flme, coupez cet arbre et le jetez
loin de vous. Il est dur, il est épais, et
peut-ôtreque les premières années ne suffi-
ront pas pour l'aoattre. Apportez donc ici
une persévérance et une patience à toute
épreuve. Une Ame délivrée de tout amour-
propre ne cherche que ce qui plaît à Dieu.
£lle n'a point de peine a s élever et à
s'unir au divin auteur de son origine ; sem-
blable à la flamme qui monte naturelle-
ment en haut quand elle n'y trouve pas
d'obstacle. Mais comrqe la grossièreté des
autres corps les précipite toujours en bas,
de môme l'amour - propre appesantit les
Ames. Tandis qu'elles n'en sont f)as entière-
ment déchargées, elles peuvent tout au plus
tendre imparfaitement vers le ciel, et voir
de temps en temps quelques faibles lueurs
de la lumière éternelle. Mais enfin elles ont
toujours un poids fatal qui, les entraînant
vers la terre» les empêche de se perdre heu-
reusement dans le sein de Dieu. Elles ont
toujours un reste de mauvais levain qui*, fo-
mentant encore en elles la corruption de la
nature, les empêche de s'unir parfaitement
à Dieu qui est leur bien souverain et peut
seul les rendre heureuses.
« Le Seigneur, plein de miséricorde et de
bonté, épargne a quelques-unes de ces
Ames choisies la trop grande violence ou la
trop longue durée des tentations, et les
conduit a son saint amour par des rou-
tes moins pénibles. Mais on ne doit pas
aisément se persuader qu'on est favorisé
d'un si çrand privilège., quelque enrichi
qu'on soit des dons célestes. Que personne
ne se flatte donc d'être arrivé à la parfaite
abnégation de soi-même, qu'il n'ait passé
par un grand nombre d'épreuves rigoureu-
ses et ne les ait souffertes avec une entière
soumission. Que de gens paraissent dévots ,
patients , humbles , quand ils n ont ni coq-
tradictions ni mauvais traitements , ni ten-
tations ni chagrins à essuver , mais qui, i
l'approche des croix les plus légères , écla-
tent en murmures , s'inttignenl et se livreDl
aux transports de la plus vive impatience 1
Preuve évidente qu'ils sont encore remplis
d'eux-mêmes, délicats, immortifiés. Le sceau
des tribulations souffertes avec courage jus-
qu'au bout est donc la seule marque qui
caractérise ceux qui ont le véritable esprit
de l'abnégation chrétienne. Si quelquefois
le Seigneur n'éprouve pas d'abord aue âme
par les afSictions , qu elle sache que c'est
pour la ménager, et que sa vertu est encore
trop faible pour soutenir des épreuves anssi
fortes. Ceux qui ont une piété véritable ne
manquent d'occasions de souffrir que quand
ils manquent de force et de courage pour
obtenir la grAce et le mérite de la souffrance.
Dieu prend plaisir à purifier par mille peines
différentes I Ame avec qui il veut s'unir de l'u-
nion la plus intime. II la charge de croii
four la parer des ornements les plus propres
la rendre agréable à ses yeux et à lui don-
ner les traits de la plus parfaite ressem-
blance avec Jésus-Christ.
« On n'arrive donc au pins haut point de
la perfection que quand , dépouillé de tout
amour-propre , on n'a d'autre volonté que
celle de Dieu ; quand on est prêt k recevoir
f^our son amour les adversités , les hnmi-
iations et les désolations intérieures avec
la même égalité d'Ame que la prospérité,
les honneurs et les consolations ; enfin ,
quand on est parvenu jusqu'à souffrir avec
un véritable goût et une sainte joie toutes
sortes de peines et de tentations. Quiconc^uc
en est là a trouvé la perle précieuse de ) E-
vangile , préférable à tous tes trésors de la
terre. Il est uni à Dieu en tout lieu , eu
tout temps et en toutes sortes d'occupations.
Rien ne l'empêche de s'élancer à tout mo*
ment dans le sein de la Divinité. Comme il
ne s'éloigne jamais de la présence de Dieu,
une lumière céleste guide ses pas; la pureté,
la tranquillité, la simplicité, la joie, la dou-
ceur l'accompagnent partout ; il entre dans
la contemplation la plus sublime avec autant
de facilite que nous en avons à vivre et à
respirer. Mais il ne nous appartient pas de
vouloir expliquer, par nos faibles expref-
sions, les faveurs que Dieu fait en celle
vie, même à ces Ames choisies , ni de parler
des communications intimes, des grâces
singulières et de la sainte familiarité où el!e$
entrent avec leur divin époux. O vous 1 qui
goûtez -les avantages de cet heureux étal,
rendez-en çrAces au Seigneur et confessez
que c'est Dieu seul qui , transformant ainsi
en ange et rendant en quelque manière
semblableà soi-même un homme encore sujet
aux faiblesses de la nature humaine, sailttrer
l'indigent de la poussière et le pauvre de
dessus le fumier, pour le mettre au raiç
des plus grands princes.
« XXXV. Peut-être serez-veus tenté de
me dire que cet état est trop relevé pour
vous, que vous ne sauriez y parvenir, çtq««
lill
OBL
D^ASCETISHE.
CM».
m*
Toas n*y aspirez pas pour ne pas yous don-
ner une peine inutile , creuse , Taine et fri-
vole. Si ? ous êtes dans ces sentiments ,
TOUS n'êtes pas relîçeux. Votre profession
ne TOUS olilige pas , il est vrai , è être par-
fait , mais elle tous oblige à faire tous ?os
efforts pour tendre et panrenir h la per-
fection f c*est*à-dire à ne rien négliger pour
r arriver. Flattez-Tous tant qu'il yous plaira,
suivez à votre gré les maximes les plus re-
lâchées , employez tous les faux*fujants et
tous les vains prétextes que l'amour-proprc
a coutume de vous fournir , il ne sera {«as
moins vrai de dire que vous êtes tenu en
conscience d'aspirer à' la perfection de votre
état et d'employer toutes vos forces pour
Facquénr. La chose est ainsi, vos idées
particulières n'en changeront pas la sature
et, loin de vous dispenser de vos obligations,
elles a^raveront votre faute. Si vous l'avez
ignoré jusqu'ici ', apprenez-le du moins en
ce moment. Ainsi plus'd'eicuse, plus de
prétexte. Vous vous êtes lié , vous vous
êtes engagé , vous demeurerez toujours
dans vos liens et dans vos engagements. Et
véritablement , que prétend-on en disant :
« Je ne suis pas capable d'une si grande
perfection T » D'où peut venir une telle dé-
ûance ? Ignorez-vous que Dieu peut faire
infiniment plus que la faiblesse humaine
n'est capable de penser ? Vous ne pouvez
parvenir h la perfection par vos propres
forces , j'en conviens , mais Dieu peut vous
y conduire. Ayez de la foi , espérez en
Dieu, non en vous-même; mettez votre
confiance dans sa grâce et non dans votre
industrie , non plus que dans vos efforts ,
et dès là vous êtes dans la voie de la per-
fection. Ce qui suppose au'en comptant
sur la grâce , vous y coopériez fidèlement
en traf aillant de votre côté selon l'étendue
de vos forces. Ne manquez pas h Dieu de
fidélité , et son assistance ne vous manquera
l>as. Faites tout ce qui est en votre pou-
voir; disposez-vous au combat , préparez
vos armes , aniniez-vous h détruire vos
vices et k les exterminer; infailliblement
vous en viendrez à bout , si vous ne cessez
pas de les combattre par un véritable renon-
c.ment à vous-même, uar un profond re-
cueillement, par l'usage rré(|uent des saintes
aspirations , par des élévations continuelles
de votre cœur vers le ciel, par une heureuse
linbitudede marcher toujours eu la présence
de Dieu. Une des choses les plus capalilesde
vous faciliter ces saintes pratiques , c'est
de vous proposer un point de la |iassion de
Jésus-Christ et d'y avoir l'esprit attaché
toute la journée, et de vous en occuper
tendrement avec lui ou avec vous-même.
Je ne cesserai de vous dire qu'il faut vous
nourrir ainsi de saintes pensées pendant
tout le jour autant que vos forces vous le
jM^rmettront ; que ce soit là votre but , votre
étude , votre application. Tenez h cet heu-
reux état avec une sollicitude qui ne saurait
être trop vive , pourvu qu'elle soit toujours
accompagnée de paix et de tranquillité.
« Quand à cha^jne instant , pour ainsi
dire, des distractions impoHunes voudraient
vous arracher k ce digne objet de votre at-
tention , point de découragement ni de pu-
sillanimité. Soyez ferme et constant , et
faites que vos recours è Dieu soient aussi
fréquents que vos égarements. Un travail
assidu surmontera tous ces obstacles, et ce
travail même , perdant peu è peu ce qu'il
avait d'abord de pénible , deviendra bientôt
une occupation douce et agréable. Envi-
ronné d'une lumière nouvelle dont l'éclat
n'avait pas encore frappé vos yeux , vous
commencerez è voir les merveilles que Dieu
cache aux prudents du siècle et è goûter les
délices qu il réserve aux âmes justes. Une
heureuse rég<*nération vous fera cesser
d*être ce que vous étiez, et , vous changeant
en un autre homme , elle vous rendra sem-
blable aux anges, et vous fera partagiT
avec eux le bonheur de n'être jamais un
moment sans aimer et sans bénir le Seigneur.
Alors vous ferez un ^and cas de ce que
vous regardiez autrefois avec indifférence ,
et vous mépriserez souverainement ce qui
faisait auparavant l'objet de votre estime.
Alors ce qui plaisait è l'amour-propre com-
mencera a vous déplaire , et ce qu'il avait
en horreur n'aura pour vous que des char-
mes. Alors tout ce qu'il y a de fiénible dans
la vertu s'évanouissant devant vous, vous
porterez avec joie ce qui vous [laraissait
insupportable. Alors euOn vous ne trou-
verez plus de difficulté ni d'obstacle dans
votre chemin , parce que l'habitude de la
vertu vous en fera comme une seconde
nature , et que l'amuur de Dieu remplira
toute voire âme et vous contentera pariaile-
ment. Or , comme il est impossible que
l'esprit ne soit continuellement occupé de ce
que le cœur aime avec ardeur , vous aurez
autant de facilité pour penser à Dieu et aux
choses du ciel que vous en aviez autrefois
à concevoir des pensées vaines, extrava-
flantes et semblables aux songes de la nuit.
O transformation heureuse I A changement
de la droite du Très-Haut I que vous mé-
ritez bien de faire l'unique objet de tous
nos désirs f
c Ceci n'est pas pour vous, religieux
lâches, tièdcs, indévots, religieux de nom et
d'habit, qui n'êtes rien moins que religieux
par votre conduite. Malheur k vous, parce
que, méprisant la sainteté de votre état, et
violant les vœux que vous avez faits è Dieu,
vous croupissez sans pudeur et sans re-
mords dans la boue de vos vices, dans la
vanité, la paresse et toutes vos passions.
Heureux, au contraire, les religieux qui,
quoique peu avancés dans la vertu et char-
gés encore de plusieurs défauts, tendent de
toutes leurs forces à la perfection. Ils sont du
nombre des enfants que Dieu a adoptés et
que Jésus-Christ console par ces tendres
paroles :iVe craignez pa$^ petit troupeau^ car
il a plu â votre Père de voue donner sou
royaume. Quoiqu'ils ne soient peul-être
qu'au commencement de leur carrière, ils
peuvent sûrement attendre le jour de leur
mort: elle sera précieuse aux yeux du Sei-
HtS
OBL
DICTIONNAIRE
OBL
liie
gneur. QuMIs rattendeoi donc tranquille-
ment, cette heureuse mort 1 Mais que dis-
je? ce ne sera pas pour eux une mort, mais
un jour de paix et ue repos en Dieu, et un
simple passage de la mort à la vie.
« D*après cela, ètes-vous encore flottant
dans l'incertitude du parti qu'il vous faul
prendre? Balancerez-vous encore? Allons,
courage : que ces puissants motifs vous
fassent entrer dans la voie qui conduit
au salut. Préparez généreusement votre
âme à la tentation, ue vous rebutez pas
des légères difGcultés qui se présentent au
milieu des croii du dehors et du dedans;
dites avec soumission : « Que la volonté
du Soigneur s'accomplisse I » Faut»il suer
longtemps et beaucoup, faut-il livrer de
rudes combats avant de surmonter et de dé-
truire tout k fait le vieil homme? que cela
ne vous étonne point 1— Fermez les yeux
sur ce qu'il pourra vous en coûter pour rem-
porter la victoire, et ne faites attention
qu'à l'avantage inestimable dont elle sera
un jour suivie. D'ailleurs, vous ne pouvez
douter que Dieu ne vous aide dans vos tra-
vaux, ne vous secoure dans vos besoins, ue
vous rassure dqns vos craintes, n'affermisse
vos pas chancelants, ne vous soutienne dans
vos dangtrs, ne vous soulage daus vos
maux, ne vous relève daus vos chutes et ne
vous console dans vos peines. Il répandra
de temps en temps dans votre Ame l'onc*
lion précieuse de sa grAce. Vous n'avez
qu'à persévérer, et il faudra nécessairement
que la violence des tentations cède à la
force de l'amour divin. Les tentations per-
dront peu k peu leur force, et la ferveur de
la dévotion eu dtera à la fin toute Tamer*
tume. Le poids des tribulations diminuera
insensiblement, et l'espérance vous les fera
trouver légères. Ainsi, le mal se dissipant
chaque jour, vous n'aurez plus que des su-
jets de ioie et d'actions de grâces. Les dis-
8 races, les aOlictionsde celte vie, changeant
e nature en votre faveur, la terre même
deviendra pour vous un paradis. Ces choses
arriveront infailliblement, si vous persé-
vérez avec courage, sans jamais vous re-
buter, et que si vous n'êtes pas du nom-
bre de ceux qui commenceut bien, mais
qui, séduits par le démon ou rebutés par
les tentations et les peines , abandonnent
légèrement leurs entreprises, rejettent le
joug des tribulations, se scandalisent du
Soigneur même, quand il les appelle aux
souffrances, le quittent, et disent avec les
Juifs : « Ce ioug est trop dur, qui peut le
porter? » Architectes ignorants et inhabiles,
au Heu de bâtir sur le roc, ils édiflent sur
un sable glissant. Quelle merveille, si «leur
bâtiment est bientôt renversé .par les vents
ou le torrent des grandes eaux! Plaise au
Seigneur au'un si grand mai ne leurôte pas
au moins le dessein ni le courage de le ré-
parer! Qu'ils ramassent incessamment les
débris de leur maison, et C|ue ce ne soit plus
sur le sable mais sur la pierre qu'ils en jet-
tent do nouveau les fondements.
« Si, par malheur^ il vous arrivait que
votre édiUce spirituel vint à manquer et
tombât en ruines, ne différez pas un mo-
ment de le rétablir, et travaillez de ioulec
vos forces à faire un nouvel ouvrage plus
beau que le premier. S'il tombe de nou-
veau et plusieurs autres fois, relevez-le tou-
jours, aussi souvent qu'il sera tombé, et ne
désespérez jamais de la miséricorde ni de
la clémence de votre Dieu. Le seul péc)ié
de désespoir rend le Seigneur plus irr^n-
ciliable que les péchés Tes plus affreux par
leur énormité et leur multitude. Déses*
pérer du pardon de ses fautes, c*est nier la
fiuissance et la bonté de Dieu, et blasphé-
mer contre le Saint*Esprit. Qu*il est conso-
lant pour nous de penser que nous ne sau-
rions être si enclins à pécher, que Dieu oe
le soit encore plus à pardonner, si néan-
moins on ne s obstine pas à abuser de sa
longue patience, c'est-à-dire si l'on ne se
convertit à lui de tout son cœur avant la
mort. Tels doivent être les vrais seolimeuts
d'un chrétien sur ce sujet.
« XXX VL Avant de terminer mes ioslruc-
tions, je crois utile de toucher légèrement
la manière dont vous devez terminer lesac*
tions de la journée. — Le soir, avant de vous
coucher, repassez sérieusement en tous-
mème ce que vous avez fait de mal durant
le jour, sans entrer pourtant dans un dé-
tail trop embarrassant. Demandez ensuite
pardon de vos fautes au Père des miséri-
cordes; promettez - lui de mieux vivre i
l'avenir et d'éviter» avec sa grâce, jusqu'aux
plus petits péchés. Priez-le de vous préser-
ver durant la nuit de tout ce qui pourrait
souiller votre âme ou votre corps. Mettez
l'un et l'autre sous la protection du Sau-
veur, de sa sainte Mère et de votre an^^e
gardien. En vous couchant, faites dévote-
ment le signe de la croix, et vous tenant
dans une situatiouhonnète et décente, élevez
votre cœur vers Dieu pour vous occuper de
quelque sainte pensée jusqu'à ce qae vos
sens tombent peu à oeu dans le sommeil.
« Si par malheur le sommeil devenait
trop profond, et qu'au lieu de vous procurer
un repos salutaire il vous jetât dans l'abat-
tement; s'il excitait dans Timaginatioades
fantômes impurs, ou qu'il fit sur le coq's
des impressions fâcheuses , ces accidents,
sans trop vous effrayer, vous doivent por-
ter è gémir devant Dieu sur la fragililé
de votre chair. Demandez-lui pour lors avec
instance la tempérance dans le boire et le
manger, et la retenue de vos sens, deui
vertus qui préviennent presque toujours les
illusions nocturnes, et qui sont d*ordinaire
suivies du don de la continence.
« XXXVII. Voilà, mon cher frère, ce qu«
j'ai préparé pour satisfaire à vos désirs.
Vous m'avez demandé un miroir, en voici
un; c'est à vous de vous y reconnaître et
d'y découvrir tous vos défauts. PourpeoQUf
vous soyez content de mon travail, j'enbé
nis le Seigneur. S'il n'a pas permis qoej<
réussisse, je l'en bénis également. C'est df
ses dons seuls que j'ai prétendu vousfairf
parti et je n'ai rien pu vous donner que c*
1217
OBS
d'asceusme.
OBS
«fS
quej*avais au|^ravaiil reça moi-même de
sa bonté. Au resie, de quelque nature que
soit mon petit écrit, je tous prie d*y jeter
quelquefois les yeui. Je vous souhaite, de
la. part de Dieu, hiîlle et mille bénédictions,
et je vous conjure instamment de le prier
|)oar moi. »
OBSERVANCE. — Obserranee se dit des
statuts et des usages particuliers de quel-
ques communauté ou congrégations reli-
gieuses. Chez les Cannes, on distingue ceui
de Tancienne observance d'avec ceux qui
ont embrassé la réforme laite par sainte
Thérèse, et que Ton nomme Carme$ déehaus^
9é$. Parmi les Bernardins, les religieux de
Vitroitt obêertance sont ceux qui ont repris
toute la rigueur de la r^te de Sâint-Ber«>
nard ; tels sont ceux de la Trappe et de
S^pt-Fonts. Les Cordeliers sont divisés en
ob$erTaniin$ et en conveniueU. Peu de temps
après la mort de saint François, plusieurs
de ces religieux avaient mitigé leur règle,
avaient obtenu . de leurs généraux et des
Pafies la permission de posséder des renies
et des fonds, d'être chaussés, etc. ; d'autres ,
plus fervents, persévérèrent dans l'observa-
tion de l'institut de leur fondateur, et pri-
rent le nom d'obffrtHiiiltiif , pour se distin-
Ker des premiers qu'on af ipela eonventueh.
os la suite, il y eut encore des relâche-
ments et des réformes parmi les ob$ervantin$
mêmes; on y distingua la (lelitcet la grande
ou rélroite àbserrance. Saint Pierre d'AI-
cantara fonda cette dernière, Tan 1S55, en
Espagne : ce sont les Franciscains déchaus-
sés. La même raison avait déjà donné lieu
aux réformes des Capucins, des Récoilets et
des Tiercelins ou Picpus. H est bon d'ot>-
server que la coutume d'aller pieds nus est
plus supportable en Espagne et en Italie qne
dans les pays septentrionaux. Les ordres
religieux, en se répandant au loin, ont é.é
forcés d'accorder quelque chose à la tem-
jiérature du climat.
OBSESSION. -> Voy. PossBSSioei et Dévoti .
— VObseifion est un des moyens de purga-
t ion passive de la partie sensible. Le démon
ij'babite plus dans l'homme comme dans la
l»ossession; mais il le tourmente extérieu-
i ement et sensiblement d'une manière ex-
traordinaire.
Cette obsession diabolique peut avoir lieu
de différentes manières :
1* Quant aux yeux, par des visions ef-
frayantes, des images obscènes, etc.
z* Quant à l'ouie, par d'horribles cris, des
blasphèmes honteux et sacrilèges, etc.
3* Quant h tout le corps, par de cruels
tourments, des coups, etc.
k* En éprouvant l'imagination et par con-
séquent I âme par diverses tentaticms
Souvent il arrive, par une permission de
la divine Providence, que les âmes les plus
saintes sontdis|>oséesè la contemplation par
l'épreuve purifiante de l'obsession iiaboli-
que. Nous voyons, dans l'Bcritue sainte, le
^eigneur accorder à Satan le pouvoir d'ob-
5éJer et de tourmenter le saint homme Job.
Voici quil e$t en ia main. {Job xi, 6. ) —
L*ennemi, dit saint Grégoire (m Prœf. ad
Jfare., C.4), cherche à triompher de cei
homme que protège le solide rempart de la
justice: il dresse contre lui ses tentations,
comme autant de machines de guerre. Il lui
enlève sa fortune , fait périr ses enfants,
frappe son corps, suscite contre lui jusqu'à
sa lemme, et change en reproches pleins
d'amertume les consolation > de sesamis »
Saint Ephrem (£.. devaiieni.) et saint Jean
Chrysostome {Hom, ae^B. Job) comparent et
assimilent les tourments que les démons ont
fait souffrir aux confesseurs, à ces cruelles
tortures où les tyrans ont fait eipirer iei
martyrs. Niéremberg (m Fi7. illusi. 5oc.« t.
1") rapporte, entre autre autres faits reiiiar«-
quables, que le P. Joan de Castille fut obsédé
Sar le démon, qui le forçait à blasphémer
^ieu de sa propre bouche, sans qu'il ti
toutefois entendu de personne, ou bien
l'obligeait è brûler lui-même une image de
la sainte Vierge. Tantôt il le contraignait à
se soûfDetter lui-même, tantôt il le firivait
de l'usage de ses mains et de ses pieds; et
enfin il le tourmentait cruellement de mille
manières. Sainte Thérèse (c. 31 Yiiœ) racon-
te que souvent ses sens ou son intelligence
furent en bulle k l'obsession du démon, qui
la tourmentait horriblement, à l'ex érieur
par des souffrances f)hysiques, intérieure-
ment par des inquiétudes dévorantes , au
point de la contraindre k se meurtrir elle-
même la tête, les bras et tout le corps. Nous
donnons ailleurs l'explication de cette puis-
sance du démon, Quoi qu'il en soit. Dieu sou -
vent permet au démon d'éprouver et do
gravement tenter les âmes les plus saintes ;
il doit donc permetttre l'obsession, d'autant
[>lus que l'obsession proprement dite n'en-
ève pas la lilierté, ei n'est pas comme U
possession, un obstacle au progrès spirituel.
Au contraire, elle éprouve la liberté , et si
Ton résiste courageusement aux obsessions
de l'ennemi, elle acquiert une victoire etbD9
couronne glorieuses.
On attribue avec raison h l'obsession dia-
bolique toutes ces opérations que le démon
peut accomplir extérieurement ; comme
d'effrayer la personne qu'il obsède par des
visions, des bruits terribles, de l'accabler de
coups. L'obsession peut encore altérer les
organes de la vue et de l'ouïe, mettre en
mouvement les humeurs et lesesprits vitaui,
exciter des chimères et des passions, en pé-
nétrant d'une manière régulière et naturelle
dans le corps de l'obsédé. Mais quand mal-
gré l'homme, il use despotiquement de ses
membres pour lui faire faire des actions, ou
souffrir des tourments extraordinaires, qui
ne peuvent être raisonnablement aitribués
k l'homme, ni k aucune cause naturelle, il
n'y a plus là obsession, mais une sorte de
possession transitoire. Car il ne semble pas
possible que le démon puisse du dehors
exercer sur l'homme une action aus&i
grande.
Comme nous ua pouvons comprendre la
manière dont le démon agit sur le corps de
rhomme, qu^il nous suffise de croire qu'il
m$
OBS
DICTIONNAIRE
OBS
im
en est ainsi. Hais corotncnt les démons« qui
Krtoot emportent avec eux les peines de
nfer, peavent-ils tourmenter les hommes?
quel avanlaget quelle satisfaclion y trou-
Teot-ilsf C*est ce nue Gerson nous explique
en ces termes (t. III9 in Serm. de S. Mich.) :
« La perversité de leurvolooté leur fait tour-
ner loule leur science rets le mal. C*est
ainsi que Tavare emploie toutes ses facul-
tés à amasser, Tenvicux à nuire et à calom-
nier, le luxurieux à se procurer les Jouis-
sances charnelles. Plus leur intelligence est
élevée, plus leur dépravation est grande. »
Saint Thomas' (in iv, d. 50, q. 2, quiest. 4,
ad. 3) enseigne que les démons, par un effet
de leur malice» ressentent une sorte de sa-
tisfaction à se venger de Dieu et des hommes,
quoique en réalité Taccroissement du nom-
bre des damnés soit accidentellement pour
eux une occasion de souffrances nouvelles.
Afin de dégager la doctrine de Tobses*
sion diabolique de toute équivogue nuisible
et de Tappuyer sur de solides londemenls,
nous distinguerons avec soin et ce que les
démons peuvent faire aux personnes obsé-
dées et que Dieu leur permet de faire, et ce
qui provient d'une maladie naturelle ou de
notre propre imagination. A cet effet, nous
recominandoûs l'observation des règles sui-
vantes.
I. Très-souvent ce qu*on regarde comme
une obsession diabolique n'est autre chose
qu'une maladie naturelle, ou une chimère
de rimagination, ou un commencement de
folie, quelquefois môme une folie complète.
Il faut donc agir avec beaucoup de circons-
pection, jusqu'à ce que l'obsession ait été
sûrement constatée par des signes spéciaux.
Kn effet, il est des maladies, telle que l'é-
pilepsie, Tb^rpochondrie, l'hystérie chez les
femmes, qui peuvent donner lieu à des phé-
nomènes tout particuliers ; souvent aussi,
il suflit d'une vive imagination pour croire
qu'on voit, qu'on entend, (ju'on touche et
qu'on souffre ce qui n'existe pas, surtout
si quelque altération du cerveau a déjh af-
faibli ou troublé l'usage de la raison. Dans
ce cas le médecin spirituel doit s'adjoindre
le secours d'un habile médecin corporel et
conclure, en général, qu'il n'y a pas obses-
sion démoniaque, tant qu'il y aura quelque
sa^e croyance et môme quelque présomption
raisonnable d'une cause naturelle. Quoi qu'il
en soit, que cette épreuve soit une maladie
naturelle ou l'œuvre spéciale du démon, elle
peut être très-utile au progrès spirituel de
notre âme.
II. Les tortures corportlles^ comme les
coups, etc., et généralement tout ce qui
affecte les organes du loucher, ne doivent
pas être facilement attribuées à l'obsession
démoniaque; elles n'ont souvent d'existence
que dans les chimères d'une imagination
malade. Mais comme il peut, néanmoins,
arriver que par une spéciale permission de
Dieu, soit pour punir les méchants, soit
pour prouver le mérite des justes, le démon
puisse faire subir à Thomme cette sorte de
tourments* il faut recourir à des signes par-
ticuliers afin de discerner la férité. Tels
sont : i* Quand de Tavis d'un médecin ei-
|)érimenté, il est impossible d'assiper \ ses
effets une cawse purement naturelle. 2* ij
faut tenir compte de .la conscience du p».
tient lui-même, afin de voir si cette épreoie
est un chAtiment de ses fautes ou on mojeo
de l'exciter k la pratique des vertus. 3*
Quand les blessures causées par le démoa
sont tout k coup et miraculeusemeol gué-
ries de Dieu» on peut sagement regarder,
pour les Ames justes, cette sorte de tour-
ment comme en dehors des lois ordinaires
de la nature.
Le P. Régnera remarque à ce sujet (A-oz.
iheol. m/si.f t. I, p. 753), que parfois les
instruments, les tourments et les blessures
par lesquels le démon tourmente les oîied^i,
sont physiques et réels; quelquefois les
tourments et les blessures seuls sont réels,
mais non les instruments, qui n'ont qu'une
existence imaginaire; quelquefois encore
les tourments et les blessures sont imagi-
naires, mais la douleur est physiquement
ressentie et laisse des traces physiques,
comme si les tourments avaient été réels.
Ainsi le vénérable Horina d'Escobar (11 p.
Yiiœ^ 1. 1, c. kSf — auctore Pinto Raiiirez),
dit qu'il lui parut un jour être torluré {w
la roue do sainte Catherine; il ajoute : 1 bien
que la douleur ne se ressente que dans
1 esprit, elle produit autant d'effets sur nô-
tre misérable corps que si elle a?ait élé
réellement soufferte. Le corps tout entier
s'affaisse : les bras et le dos ëprouveol sur-
tout une violente douleur. »
III. De même aussi, les attaques du dé-
mon contre la vue et l'otite, et quelquefois
contre Yodorat et le goût^ ne sont que des
fictions imaginaires; elles peuvent, néan-
moins, être en réalité produites exi'érieure-
ment par l'obsession aiabolique quand on
entend des bruits étranges, des cris, des
hurlements, quand on voit des apparilionsi
tantôt sous la forme d'un homme, tantôt
sous celle d'une béte féroce, tantôt sous
une forme monstrueuse et horrible.
ïhyréo (Ùe dcnnoniac^ cil) rapporte,dV
près le Sacerdotal romain, différentes agres-
sions diaboliques, qu'il regarde comme au-
tant de signes précurseurs d*une imminente
possession. Il faut entendre par là que
le démon procède graduellenaent, selon qae
l'homme ne lui résiste pas et que Dieu lui
permet de pousser ses tentatives. Aussi
quand de prime abord l'homme lui résiste
courageusement et avec foi, il est rare que
l'obsession dégénère en possession; ordi-
nairement l'obsession cesse, ou du moins
s'adoucit; ou, si elle continue, elle est très-
utile à l'avancement spirituel.
IV. Dans l'obsession, les démons font de
leur côté tous leurs efforts pour exciter les
Ames au péché par leurs attaques, d'une
manière prochaine ou éloignée. Toutefois,
il ne peuvent jamais y parvenir par fio-
fluence seule de l'obsession, s'il ne s'y.jpint
un consentement de la volonté humaine,
suffisamment libre pour qu'on puisse lui
î%lî
OBS
D*ASCETlSMe.
OBS
12»
imputer la faute. Aiosi les démons s^efTor*
cA^nt d'ÎDsi^irer aux personnes qu'ils obsè-
dent des sentiments de pusillanimité, de
désespoir et de haine, des amours illicites;
et ils leur présentent des images effrajantes,
on honteuses et lascives, et d'autres objets
capables de les exciter à Tamour, à la haine
et aux antres passions: si Tobsédé y ré-
siste généreusement par les armes de la
prière, de la mortîficationt etc., il ne con*
tracte aucune laute; mais s'il j consent, la
faute lui est imputée, car ie démon ne peut
contraindre sa Tolonté.
Remarquons ici, 1* que quand le démon
enlève médiatement 1 usage de la raison,
comme il peut le faire, on n'est pas coupa-
ble des péchés gui peuvent alors être com-
mis. 2* Cela arrive surtout pour les actes de
la partie sensitive, qui n'est pas immédia-
tement libre, et gui, par suite de la rébel-
lion de la concupiscence, que provoque da-
vantage la séduction excitante de ces sortes
de tentations, peut annihiler la délibéra-
tion de la raison. 3* Dans l'obsession pro-
prement dite, le démon ne supprime pas
J'usage de la raison, il se borne à la ten-
tation ; si l'usage de la raison était sus-
pendu, la liberté, par là même, nécessaire
pour qu'il y ai t péché, serait aussi suspendue;
d*où il résulte que, i* si quelqu'un s'excuse
du pécbé sous prétexte de n'avoir pu faire
usage de sa raison, il doit prouver ou qu'il
a été possédé du démon, oa qu'une autre
cause a altéré son esprit, au point de sus-
l>endre en lui l'usage de la raison.
V. Quoique k part le consentement de la
volonté, les démons puissent physiquement
contraindre les personnes obsédées à faire
ou souffrir quelque mal extérieur; et quoi-
qu'il n'y ait point de péchés dans lesquels
Dieu ne permette quelquefois aux pécheurs
el surtout aux grands pécheurs de tomber,
cependant il est certaines actions mauvaises
auxquelles les justes et surtout les parfaits,
ne peuvent jamais être physiquement con-
traints, à moins que Dieu ne le permette.
En effet, 1* le démon a plus de force pour
agir que l'homme pour résister; il n'est
donc aucun mal extérieur auquel le dé-
mon ne puisse le contraindre. D'ailleurs le
démon pourrait bien se servir, pour l'ac-
complissement de cette sorte de mal exté-
rieur, du corps même, soit d'un animal, soit
d'un homme mort. Il se sert même quel-
quefois, à cet effet, du corps d'un homme
vivant» d'un possédé par exemple. Pour-
quoi n'aurai t-il donc pas le même pouvoir
sur le corps d'un obsédé, au moins quant à
la production d'actes vitaux? Que la coopé-
ration de l'homme soit libre ou non, cela
n'ajoute ou ne retranche rien au pouvoir
du démon, mais seulement dégage I homme
de toute responsabilité. 3: Cette permission
que Dieu accorde au démon d'abuser ainsi
'du corps de l'homme, est par fois une sorte
de punition que celui-ci s'est attirée jpar ses
cViiues, ce qui d'ailleurs le rend indigne
d une protection spéciale de la part de Dieu.
Eu outre, ie pécheur consent facilement
h la tentation, il sollicite même le tentateur
à abuser ainsi de son corps ; il n'est donc
pas étonnant que Dieu en accorde Tautori-
sation au démon. 3* Le démon peut con-
traindre les personnes parfaites à quelques
actions extérieures qui ne sont pas mau-
vaises absolument ni scandaleuses, comme
on le voit par l'exemple de sainte Thérèse,
forcée par le démon a se meurtrir tout le
corps. Néanmoins, il ne peut les contraindre
à des actions scandaleuses pour elles-mêmes
ou pour les autres. Ce dernier point a
besoin d'une démonstration spéciale.
Dieu ne permet jamais au démon qui ob-
sède d'abuser du corps de la personne ob-
sédée, surtout si elle est sainte et parfaite,
pour la contraindre à coopérer elle-même,
rir ses mains ou par quelque autre membre,
des péchés extérieurs, surtout en matière
de chasteté , quand le cœur refuse d'y con-
sentir. Bien que cela soit possible d'après
la nature de la chose et les efforts de la puis-
sance et de la malice du démon, cela est
toujours impossible d'après la loi de Dieu ,
aui ne permettrait jamais rien de semblable.
In le prouve, 1* par TEcriture sainte, qui
atteste (|ue la puissance du démon , surtout
depuis I avènement du Christ, est considéra-
blement restreinte, particulièrement par ra|>-
port aux âmes saintes. Si auparavant il n'a
lié le fort. (Matth. xn, 29.) Saint Thomas
explique ainsi ce passage: « Que signiGent
ces liens ? C'est que Dieu réprime le pouvoir
de nuire, que le démon a de lui-même. »
C'est aussi ce qui a lieu , surtout dans ce
cas particulier, car le pouvoir du démon
n*est pas proprement enchaîné ; quant à con-
traindre ou a forcer le consentement de la
volonté humaine, il ne le peut de lui-même
en aucune manière ; d'un autre cêté, si le
pouvoir du démon doit être enchaîné relati-
vement à quelque action extérteure , c'est
surtout en matière de chasteté, terrain fort
glissant, qui sollicite le consentement par
tant de séouctions diverses; et cela princi-
palement dans le cas où l'acte impur se con-
sommerait par le concours des mains. Dieu
veut que nons évitions avec soin tout ce oui
peut être pour nous-mêmes ou pour les
autres, une occasion de scandale. Si votre
«loîn vous Mcandalieef coupex-la et ietez4a
loin de vous. {Mailh. v.) malheur à fkomme
{mr qui le scandale arrive. ( Malth. xviii, 7 )
I ne permet donc pas au démon, d'une
manière illimitée , de teuter J'homme au
int de le rendre pour lui-même et pour
es autres, un objet de scandale : C'est cepen-
dant ce qui arriverait dans le cas dont il
s'agit. Enfin, quand Jésus-Christ nous a
appris k dire k Dieu dans nos prières : Ne
nous induisez point en tentation , mais déli-
vrez nous du mal {Malth. vi, 13), c'est afin
que nous demandions, non-seulement de ne
pas consentir k la tentation, mais aussi de
n'être pas tentés, à moins que la tentation
ne soit utile à notre salut. Aussi Dieu exauce-
t-il, dans ce cas, nos prières, en ne permet-
tant pas cette tentation. 2*. On donne de
cette doctrine différentes raisons* f«a prè-
les
liS5
OBS
MCTIOiNNAllŒ
OBS
im
niière est do sniiit Tlioinns , qui enseigne
(1-2, q. 80, a. 3) que le démon ne peut
nous induire nécessairement à commettre
quelque action coupable en elle-même,
conmie serait dans le cas présent la po/Zu-
Iton, â moins toutefois qu'il ne puisse suspen-
dre entièrement l'usage de la raison , comme
on le voit dans les possédés. Or, dans le cas
présent, Tusage de la raison n*cst pas totale-
ment suspendu , Thomme n*est pas possédé
du démon, mais seulement dans Tétat d'oty-
session, état où Tusagede la raison n'est
pas supprimé. Donc le démon ne peut
nécessairement amener l'homme h la poilu-
lion. Une antre raison, c'est qu'il est incroya-
lile que Dieu veuille éprouver les âmes de
prédilection en permettant au démon de les
contraindre à commettre les actes les plus
obscènes, par le concours de leurs propres
membres, et tout en jouissant de l'usage
do leur raison , quoiqu'elle refuse de
consentir. Dieu, en effet, ne permet que
bien rarement au démon de posséder ses
serviteurs. Et ne dites pas que Dieu le per-
met afin de les humilier; car il peut les iiu^
milier par les tourments et par les tentations
qui n'ont simplement que la passion pour
objet. D'ailleurs l'Ame ne serait pas humi-
liée par le, sachant que tout le mal que
pourrait commettre son corps, est le fait du
démon, qui en est seul responsable. Enfin il
est inconcevable que la nécessité de subir
de semblables obscénités puisse allumer
l'amour de Dieu dans le cœur de l'homme.
Nous ne parlons pas ici des tentations
ordinaires contre la chasteté, auxquelles
tous les hommes sont sujets, qu'ils soient
plus ou moins livrés à la pratique des
exercices spirituels. Il est très-rare en effet
de trouver des Louis de Gonzague , doués
d*une pureté, et en quelque sorte d'une
nature angélique, qui, durant toute leur vie,
n'ont jamais ressenti l'aiguillon de la chair.
Nous voulons seulement parler de ces tenta-
tions déshonnétes, toutes particulières, que
tes démons proposent halMluellement aux
hommes que Dieu purifie par l'épreuve de
l'obsession. Ces tentations sont si violentes
et si extraordinaires, que la fragilité humaine
ne saurait les soutenir, si elle n'étaii fortifiée
|)ar le secours de la grâce divine: On peut
es comprendre généraiemenX sous le nom
de luœure. Telles furent les tentations de
saint Paul, qui sans cesse agité par le vif
aiguillon de ta chair, était forcé de s'écrier :
Dieu a permis que je ressentisse dans ma chair
un aiguillon qui est l'ange de Satan^ pour mn
donner des soufflets. (Il Cor, xii, 7.j Telles
furent aussi les tentations de saint Benoît,
de saint François, de sainte Madeleine de
Pazzi, qui pour éteindre les brûlants aiguil-
lons de la chair, se roulaient sur des épines,
et ensanglantaient ainsi les buissons et la
terre. Telles furent les tentations de la
bienheureuse Angèle de Fulginée , qui
opposait le feu matériel au feu impur que le
démon allumait en elle. In locis verendis^
dit-elle, tantui est ionis ^ quod consuevi
apponere ignem materiahm ad exstinguendum
alium ignem concupiseentiœ, donec eonfettof
mihi prohibuit. Telles furent enfin les tenta-
tions de saint Hilarion, à qui souvent appa*
rurent sur sa couche des femmes toutes
nues pour le provoquer aux plaisirs sensuels,
celles de saint Antoine, abbé^ k qui le démoQ
apparaissait la nuit sous la forme d'une belle
femme parée^d'une figure et do gestes lascifs.
Le maître spirituel ne doit pas toutefois
s'imaginer que ces rudes combats soient
seulement réservés aux personnes d'une
sainteté exemplaire, comme celles que nous
venons de citer ; bien d'autres justes, qui ne
sont pas encore inscrits au catalogue des
saints, ont été , par l'obsession diabolique,
soumis à ces violentes -sollicitations delà
chair, Dieu le |>ermettant ainsi iH>ar les
exercer à la vertu et les faire parvenir à la
contemplation divine. Car si les autres bom*
mes sont tourmentés par le démon, qui leur
inspire de honteuses pensées et qui les excite
par l'attrait des voluptés sensuelles, ceni
dont nous parlons sont souvent contraints,
malgré leurs efforts, à les éloigner de leur
imagination , d'arrêter leur esprit sur les
images les plus obcènes. Bien plus, les dé-
mons animant des corps fantastiques, offrent
à leijrs regards le spectacle d'accouplements
sacrilèges et de honteux embrassemenls ; ils
font retentir à leurs oreilles mille paroles
* impures; ils leur présentent enfin les pins
épouvantables obcénités. C'est ainsi que
Dieu sait faire sortir de cet immonde et
honteux bourbier les &mes des justes parées
d^une blancheur plus éclatante que la neige.
On peut ici demander si le demoo, è qui
Dieu a permis d'obséder une Ame sainte,
pour la perfectionner et la faire arriver à la
contemplation, peut abuser, par de honteux
embrassements, du corps des personnes de
l'un ou l'autre sexe. Il y a, quoi qu'en disent
les incrédules, réellement des démons ineM-
Ae^et succubes. Il y aurait témérité à le nier,
après ce passage de saint Augustin (l.iv
De civitate Dei, cap. 23) : « Il est certain, et un
grand nombre de personnes l'ont éprouvé
par elles-mêmes y ou appris de personnes
diçnes de foi qui l'avaient éprouvé, qu'il
existe des sylvains , des fanes et des fau-
nes, appelés vulgairement incubes, gui ont
désiré et obtenu la société charnelle de fem*
mes perverties. C'est là un fait incontestable,
et dont on ne saurait révoquer en doute la
certitude. » Saint Thomas 1 affirme ainsi que
presque tous les théologiens. Les personnes
qui souffrectl ces monstrueux accouplébenls,
sont des pécheurs qui y invitent le démon.
ou qui se rendent volontiers aux tentatires
qu'il fait pour l'accomplissement de ses
honteux desseins. Il n'est pas douteux que
ces personnes souillées d'iniquités, ne puis-
sent être violemment opprimées par le
démon. Nous lisons dans la Yie de nûnt
Bernard, qu'il déUvra du démon incube une
fenune qui n'avait pu s'en défendre en
aucune manière ; et bien des personnes,
malgré le repentir qu'elles avaient de leurs
fautes 9 malgré l'horreur qu'elles avaient
pour ce commerce diaboliquci ont été mai*
OBS
gré leors efforts, obligées de le souffrir. On
ne doit pas sVtonner si Dieu permet que les
pécheurs, en punition de leurs crimes, soient
soumis à cette épreure: il est juste, en effet,
que celui qui , par ses péchés , s*est volon-
tairement soumis au pouvoir du démon «
surtout si ces péchés ont été commis de
concert avec le dr^mon lui-même , soit en-
suite obligé malgré lui de souffrir les effets
de ce pouvoir; il est juste que celui qui tant
de fois, en abusant de son corps, a été pour
les autres un objet de scandale, soitrorcé
de se prêter aux violences qu'exerce sur lui
le démon.
Quant aux âmes pures et d'une chasteté
exemplaire, qui souffrent cette obsession
passive, nous dirons que Dieu les laisse
quelquefois subir ce commerce dial>olique
|iour les élever à Théroïsme de la vertu.
Cesi là roiHnion des plus savants docteurs.
En effet, les personnes vraiment pures,
hommes ou femmes, s'efforcent par tous les
les moyens possibles, de repousser loin
d'eux le démon incube ou succube ; et ti
elles ne peuvent y réussir, du moins elles
sont bien éloignées de consentir à cette
union sacrilège. Elles s'appliquent courageu-
sement à rejeter et à comprimer toute jouis-
sance charnelle ; et souvent, dans ces vio-
lentes et extraordinaires agressions, elles
eiercent des actes de chasteté extraordinai*
res et vraiment héroïques. Remarquons ce*
pendant que le démon peut aussi présenter
à rimagination de ces obsédés Timage de
divers accouplements d'hommes ou de
liéinons, avec des couleurs si vives, qu*ii
parvient h enflammer assez violemment
leur concupiscence, pour les amener à des
actifs coupables. Ces sortes d'accouplements
sont, ordinairement plutôt imaginaires que
léels. Nous disons ordinairemenl^ parce qu'il
est des personnes honnêtes, d'uu esprit sain
et qui jamais , dans leurs autres actions ,
n'ont été trompées par leur Imagination,
lesquelles affirment avec force avoir vu,
non en esprit, mais de leurs propres yeux,
quelqu'un s'approcher d'elles dans des in-
tentions honteuses qui étaient mises à exé-
cution. Il serait diflicile dans ce cas de trai-
ter le fait d'imaginaire et d'en nier la réalité :
ce serait aussi jeter mal à propos les âmes
aaiourouses de la perfection dans les plus
cruelles angoisses; car, d'un côté, elles vou*
draient avoir la foi fa plus grande aux pa-
roles de leur directeur ; et, d'un autre côté,
elles ne le peuvent h cause de la résistance
que leur oppose leur propre expérience
physique et l'évidence même. Il vautniieux
dans ce cas dire aux pénitents qu'il y aurait
un aussi grand péché à consentir à un com-
nieree charnel imaginaire qu'à une uni(»n
physiquement réelle avec le démon. Sans
ApproHHidir le plus ou moins de r^lilé de
ce commerce diabolique, que |les personnes
obsédées s'appliquent uniquement et de
tout leur pouvoir, à résister au commerce
que l'esprit du mal offre à leurs sens, fan-
tastique ou réel. Qu'elles le repoussent par
J'eau bénite, par le signe de la croix et par
Diction?!. d'Ascétisub. 1.
ORS
1226
les reliques des saints : qu'elles implorent
avec ferveur, dans ce péril extrême, l'assis-
tance de Dieu et de la sainte Vierge; qu'elles
se gardent bien de consentir à la sensation
voluptueuse qui en r^nlte ; qu'elles pro-
testent de vouloir mourir mille fois, être
brûlées vivantes ou coupées par morceaux ,
plutôt que d'y donner un consentement
coupable. Si telle est leur conduite, elles
seront victorieuses dans ce combat terrible,
et leur âme sortira de cette épreuve honteuse
plus pure et plus innocente.
Il nous reste à exposer ici un doute assez
grave, qui, dans ces sortes de cas, a cou-
tume de vivement tourmenter les directeurs ;
il s'agit de savoir si les Ames justes pèchent
dans ce commerce forcé, quelle que soit la
manière dont il s'accomplisse, et si elles
commettent un péché mortel ou véniel.
Pour la solution de celte difficulté, le direc-
teur doit se guider par la doctrine de saint
Thomas, comme par un fil d'Ariane pour
se tirer heureusement de ee labyrinthe de
perfflexités. Le saint docteur demande si le
démon. peut contraindre nécessairement à
pécher, et il répond (t. 1, quaest. 80, art. 3) :
« Le démon, par sa propre force, et à moins
d*étre enchaîné par Dieu, peut conduire né*
cessairement quelqu'un à commettre quelque
acte qui est un fieché de sa nature ; mais
il ne peut jamais contraindre h la nécessité
de pécher; car l'homme ne résiste au péché
que par sa raison : or, le démon peut en
suspendre totalement l'usage, en excitant
notre imagination et notre anpélit sensitîf,
ce qui arrive pour les possédés ; mais la
raison ainsi enchaînée, l'homme n'est plus
responsable d'aucune de ses actions, si cou*
pable qu'elle soit. Si la raison n'est pas
complètement enchaînée, il peut, comme
nous l'avons dit plus haut, résister au péché
avec la partie qui lui en reste libre. Donc,
il est évident qu« le démon ne peut en au-
cune manière induire l'homme à la néces-
sité de pécher. » Il suit de U, 1* nue, selon
la doctrine du saint docteur, le démon peut
violemment avoir avec l'homme un com-
merce charnel, ce qui est un péché de sa
nature; 2* que ce commerce charnel peut
avoir son accomplissement, sans aucun péché
pour rhomme, si le démon, en même temps
qu'il agit exlérieuremeiit, suspend inté-
rieurement en lui l'usage de la raison, et lui
enlève toute possibilité de résistance t ce
qui peut se faire, selon saint Thomas, par
la vive excitation de la concupiscence et de
l'appétit sensitif, excitation qui trouble et
éteint toute la lumière de la raison. Si tou-
tefois quelque rayon de cette lumière peut
encore briller, l'homme doit en faire usage
pour résister et éviter ainsi le péché. Quant
il la pratique, le directeur doit examiner les
,iénitents qui souffrent ainsi la violence du
démon en matière d'impureté, comme en
toute autre matière, selon la doctrine du
docteur Angélique, afin de voir, ou s'ils re-
marquent en eui-mèmes quelque pei versilé
(car il y aurait alors péché« offense è Dieu,
ou du moins action mauvaise) ou Vils oal4
39
iti7
OBS
MCTIONMAIftE
OBS
m
conscience d*avoir résisté 6 cet acte crimi*
nel. S*ils disent que, pendant cette violente
tentation* lenr esprit a été tellement obs-
curci qu'ils ne pouvaient discerner le bien
du mal, qu'ils n'avaient aucune idée du
1>éché qu'ils pouvaient commettre, ni même
a pensée d'y résister, on doit les assimiler
aux insensés, qui agissent sans aucune
lueur de raison, et les ranger dans le nom-
bre de ceux que saint Thomas indique, en
qui la raison est alors enchaînée; il n'y
aura surtout aucun doute si quelque rayon
de la raison venant à briller, ils s'empres-
sent de résister au démon et de repousser
loin d'eux ses suggestions [>erverses. Le
directeur doit donc avoir toujours sous les
yeux cette règle de saint Thomas, s*il veut
se préserver, ainsi que ses pénitents, de
bien des incertitudes, et ne pas jeter dans
le désespoir les Ames affligées. Quoi qu'il en
aoit, le maître spirituel doit veiller avec
soin k ce que toutes les personnes ainsi
tourmentées par le démon , viennent sou-
mettre au tribunal de la jiénitence toutes les
violences dont elles sont victimes, parce
que nous pouvons difficilement les croire
exemptes ne fautes vénielles, soit par défaut
de précautions suffisantes, soit par suite
d'une résistance trop faible, soit par d'autres
mplifs de même genre ; d'ailleurs, la con-
fession sacramentelle les rendra plus fortes
et plus capables de lutter contre les ennemis
spirituels.
Bien que la personne obsédée par le
démon doive, avec la grAce du Seigneur,
supporter patiemment cette épreuve, tant
qu elle peut durer, néanmoins c*est une pra-
tique sainte et en même temps très^-utile à
la perfection, surtout dans les obsessions en
matière d'impureté, de chercher à s'en déli-
vrer, avec une humble confiance en Dieu
par les remèdes soit naturels, soit surnatu-
rels. Il n'appartient qu*à un petit nombre
d'Ames très-parfaites, et seulement par suite
d'une'impulsion divine, de provoquer contre
soi-même cette épreuve, comme autrefois
la charité porta sainte Jhérèse k le faire
( VU. , c. 31 ). Les remèdes salutaires pour
l'obsession, sont les mêmes que nous avons
prescrits pour la possession. (F. ce mot.)
Toutefois les docteurs ne sont pas d'accord
sur l'utilité, dans ce cas, de remploi des
oxorcismes.
On demande d'abord si les exorcismes
s'appliquent d'une manière tellement spé-
ciale contre les énergumènes ou possédés,
qu'on ne puisse les employer parfois utile-
ment contre les attaques et les obsessions
du démon. Ce point' est contesté par les
théologiens. Voici l'opinion du P. Godinez
{Prax. thtol. myêt.^ 1. m, c. 11} : « L'ËgUse
a institué pour les poêêidéê des exorcismes
qui n'ont aucun pouvoir sur les démons
obêeneurs; bien plus ils ne font qu'irriter et
tourmenter cruellemeht les personnes obsé-
dées. J*ai reçu pendant plusieurs années la
confession d une personne qui avait à souffrir
les attaques de trois démons, qui la tour-
mentèrent dix-neuf ans : huit fois elle fut vai-
nement adjurée par des exorcismes. Or c'était
une personne éminemment sainte, et qoi fat
plus tard honorée du don des miracles. »
Cette opinion est appuyée sur plusieurs rai-
sons. 1* Les textes évangéliques, qui seN
vent k prouver une le pouvoir d^exorciser
a été donné k l'Eglise, parlent expressément
de l'expulsion des démons du corps des
énergumènes. 2* Dans l'ordination des exor-
cistes, il est dit seulement : L'exoreUttioii
ehaêser les démons des énerguminet. 3* Le
Rituel romain ne renferme d'exorcismesqae
contre les énergumènes ou possédés,
Thyrée au contraire {De loe. infeil.)msh
ble pencher pour Fopinion affirmaliTe, eo
faveur de laquelle on peut donner les rai-
sons suivantes. 1* Quelques textes de l'Ecri-
ture parlent du pouvoir sur les démoDS
d'une manière générale, sans aucune res-
triction pour le cas seul de la possessioD :
// leur donna puisionee et autorité iur tm
le$ démone. ( Lue. ix , 1.) 2* 11 est dit aussi
dans Tordination des exorcistes : Yow cm-
manderez aux autres démons. Et dans la
{irière : Qu'Us aient le pouvoir de réprimer
es esprits immondes : qu'ils soient le$ méde-
cins de votre Eglise^ confirmés par la grkî
des Quérisons et par les vertus céleiUi,
3* Même dans le Rituel romain, outre les
exorcismes contre les énei^mènes, on
trouve des formules de bénédiction pour les
maisons et pour l'eau sainte, dans le bul
d'exorciser les démons qui peuvent s*/
trouver présents.
Le P. Régnera {Th. my#/., t. I, p. 769,
n. 711) s'efforce de concilier ces deux opi-
nions , en disant que dans Tintenlion primi-
tive les exorcismes ont été institués, il est
vrai, contre les énergumènes, et que leur
action, inutile quant à l'obsession exté-
rieure, sert du moins à la faire distingoer
de la possession ; que toutefois par exten-
sion on peut se servir pour repousser les
démons et en délivrer les personnes simple-
ment obsédées, d'autres exorcismes, tels
2 ne ceux qui servent à la bénédiction des
ditices, à la consécration de l'eau sainte ou
h la conjuration des tempêtes : ces exoreis*
mes se trouvent dans le Rituel. Au reste ils
n'obtiennent pas toujours tout l'effet qu'oo
en attend, comme dans le cas de la postes*
sion, parce que l'épreuve de l'obsession est
souvent utile à la perfection des Iffl^
saintes.
Thyrée remarque encore (/oc. çt/0 4^
ces sortes d'attaques extraordinaires p«u*
vent provenir non-seulement des mauvais
anges, mais quelquefois aussi des âiocs
damnées ou des Ames du purgatoire : ee<|ui
donne lieu aux considérations suivantes-
1** Les &mes du purgatoire ne tourm^t^
que d'une manière indirecte, pour aturer
sur elles la commisération des mants;
S** les Ames damnées ne tourmentent qoc
rarement d^une manière directe : eUes oa
font qu'instruire les vivants, par ordre «<
Dieu, des tourments qu'elles soufl^j'*
3* le propre des démons e^t d'attaquer ^-
rectement, pour tourmenter et tenter «^
OBS
D'ASCETISME.
OBS
fiSO
tiommes; (* od peut re^nnatlre h ces diffé-
reols caractères, d'une manière certaine oa
conjecturale, de quelle sorte d*esprit Tob-
sessioQ procède, bien que souvent il y ail
lieu de douter sur ce point.
R^istons donc au démon , non avec
crainte et pusillanimité, mais avec foi, et
méprisons ses attaques, quelles que soient
les tentatives qu'il dirige contre nous* Le
Seigneur est mon appui et je mépriserai mes
ennemis. Alors, comme le dit saint Bernard :
« Le tentateur ne s'apnrochera pas de nous,
le calomniateur nes'élèyera pas contre nous ;
cet accusateur acharné contre ses frères ne
saura nous atteindre. Fuyons soa?eot , mes
frères, dans ce lieu de refuge; il est fortifié
et on n^ redoute aucun ennemi. » Surmon-
tons cette tristesse et cette mélancolie qui ,
selon saint Bonaventore (m spee. duc, p. 1,
c. i) c est un serpent tortueux qui se cache
habituellement dans Teau trouble pour jr (>é-
cher les âmes. » tTabandonnejt aone point
votre âme à la tristesse et ne vous afnigex
point vous-mêmes dans vos pensées {Èeeli.
XXX, 22). Saint Jean Chrjrsostome nous en
aTert't également arec raison ( L. ii De
Proctd.j : « Ce n*est pas le démon qui etcite
celte tristesse, c'est plutôt elle qui donne
dvs forces au démon et suscite les mauvaises
Sensées. » C'est ce que prouve l'ApAtre
Ji Cor. II, 7}, qui ordonne d'absoudre Fin-
cestueux de l'excommunication portée con-
tre lui, et selon les interprètes de le délivrer
de Satan qui le possède, de peur qu il ne soit
accablé par un excès de tristesse.
OBSTACLES A LA GRACE.— 11 y a neuf
firincipaux obstacles \ la grâce ; nous allons
es rapporter avec les moyens qu'on doit
prendre pour les vaincre.
Le premier est Tamour déréglé de soi-
même, qui étant incompatible avec la pu-
reté d'intention fait qu on se cherche eu
toutes ciioses et qu'on préfère ses intérêts
et sa gloire i ceux de Dieu. Cet amour-iiro-
iire ne se fait p.is seulement remarquer mns
les actions ordinaires et naturelles, il se
glisse encore dans la voie de la perfection.
On (Italique les vertus par des motifs inté-
ri^sés ; ou s'attache aux dons de Dieu plus
qu'à Dieu même, ce qui devient ensuite la
source de mille erreurs et de plusieurs pé«
chés où l'on tomt>e. Pour surmonter un tel
obstacle, il faut, après avoir employé le
secours du ciel, sans lequel tous uos efforts
sont vains» observer toutes nos paroles,
toutes nos actions et tous les mouvements
de notre cœur, et veiller sur nos intentions ,
afin qu'elles n'envisagent que Dieu , sans
que les créatures ni nous-mêmes y ayons
jamais nulle part, de sorte que nous en
▼enions au point de ne rien dire et de ne
rien faire que ce qui peut être aRréable à
Dieu. •
Le deuxième obstacle est l'amour désor-
Qonné des créatures. Cet amour embarrasse
le cœur, le rend inquiet sur tout ce qui peut
arriver, il y met le trouble et la confusion,
et le livre successivement en proie aui pas-
sions d'amour et de haine, de joie et de
tristesse, de désirs et de craintes ; si bien
Su'on n'est pas en état d'apercevoir ce qu'en
oit à Dieu, ni ce qu'on doit au proctiain,
ni ce qu'on doit i soi-même. Ce mal est
très-grand, et on ne peut y remédier que
par une vigilance assidue à conserver la
paix du cœur, et i en défendre la liberté
contre l'amour des créatures, à quoi ne con-
tribuera pas peu de se résigner è la conduite
de la Providence, de l'adorer dans tout ce
qui arrive, de se décharger sur Dieu de tous
ses soins, mais surtout de se tenir cons-
tamment It la porte de son cœur, pour em-
pêcher que rien n'y entre et que rien ne
l'occupe que Dieu seul, fl sera aussi très-
utile de se bien pénétrer de ces grandes
vérités, qu'il est avantageux de donner la
terre pour avoir le Ciel, et de renoncer au
monde pour posséder le royaume de Dieu ;
S[u'on ne saurait servir deux maîtres i la
ois, ni plaire i Jésus-Christ qu'on doit
aimer, en même temps qu'on aonne son
affection au monde que Jésus-Cliri^t a eu
en horreur. Au reste cette manière de
veiller sur nous-mêmes nous apprendra à
nous connaître; il est aisé de juger de nos
inclinations par nos pensées, ce qui se pré-
sente souvent à notre esprit est toujours ce
3ue nous aimons ; car où est notre trésor,
it Jésus-Christ, là est aussi notre cœur.
Le troisième obstacle est le penchant que
nous avons i satisfaire nos sens et k cher-
cher nos aises au delà des bornes de la né-
cessité et d'une juste discrétion , surtout
dans les choses qui regardent le mander, le
boire, les eonversations, les occupations et
les amusements inutiles. On ne saurait
croire quel grand obstacle le défaut de mor-
tification en ce genre apporte i la paix inté-
rieure, aux délices de I esprit et aux progrès
de la grâce. Quand on sème dans la emir^
dit l'apôtre saint Paul, on recueille de la
ckair ta corruption et la mort. {Gai. vi, 8.)
On ne peut surmonter cet obstacle qu*à
force de veiller sur ses sens, de résister
avec courage aux penchants naturels, de
s'éloigner des occasions et de tout ce qui
peut porter an plaisir, et de se faire violence
pour acquérir les vertus contraires h ses
mauvaises inclinations, jusqu'à ce que la
sensualité soit domptée et que la chair soit
parfaitement soumise à l'esprit.
Le quatrième obstacle, c'est dans plo-
si«îurs, l'orgueil et la vaine gloire qui \?s
enivrent, et dans d'autres une eoffl|)iai-
sance secrète, un désir inquiet ou une joie
vaine de se voir considérés, loués et estimés
des autres. Comme ce ne sont pas là des
vices grossiers qui attaquent les mœurs , la
plupart des hommes les comptent pour rien
et ne prennent aucune mesure pour les
combattre; ce qui oblige Dieu, qui ne veut
habiter qu'avec des âmes humbles , à se re-
tirer d'eux. On se garantit de ce malheur en
s'étudiant à l'humilité qui est la voie la
Elus sûre et l'unique pour aller à Dieu,
on vainquons- nous bien du besoin que
nous avons de cette vertu, et ne cessons
jamais de la demander au Seigneur. Ne par-
ii5i
OBS
DICTIONNAIRE
OBS
mi
dons jamais de vue la grandeur de Dieu et
l'abtme de notre néant. Jugeons-nous nous*
mêmes dans la vérité^ et croyons-nous les
plus grands pécheurs du monde» indignes
de toutes faveurs et dignes de toutes sortes
de peines à cause de notre malice et de
notre ingratitude. Mettons*nous au-dessous
de tous les hommes; souhaitons d'ôtre mé-
prisés et foulés aux pieds; disons souvent
comme le publicain : Mon DieUf soyez pro-
pice à un pécheur comme- moi, {Luc, xviiiy
13.) Ces sentiments d'humilité gagnent le
cœur de Dieu et nous disposent à recevoir
ses grAces* Ils qous deviendraient bientôt
familiers, si nous faisions réflexion que
nous ne pouvons pas faire grand fonds sûr
notre vertu, que nous avons une peine ex-
trême à surmonter le penchant au plaisir et
h soumettre la propre volonté , et que nous
nous trompons souvent nous-mêmes en pre-
nant des mouvements de la nature pour des
marques de sainteté.
Le cinquième obstacle est une certaine a-
mertume de cœur qui produit les impatien-
ces, les haines , les désirs de vengeance , le
mépris des autres. Ceux qui sont sujets à
ce vice, murmurent volontiers contre les
supérieurs , s*érigent en jitges de leur pro-
chain et en font peu de cas. Comme le venin
qu'ils ont dans l'Ame se communique à leur
yeux, ils en infectent tout ce qu'ils voient,
ils interprètent en mal toutes choses, et se
rendent haïssables à Dieu et aux hommes.
On guérit ce mal en s'accoutumant à consi-
dérer et à aimer Jésus-Christ dans tous les
hommes, h honorer en eux l'image de Dieu,
è ne souffrir dans son cœur aucun chagrin
contre personne, à se présenter à tout le
monde avec un visage affable et des paroles
de douceur et de charité. Mais le point es-
sentiel, pour se corriger de ce vice, est de se
faire violence et d'être toujours sur ses gar-
des pour ne juger ni afUiger personne, pour
supporter les défauts et les faiblesses des
autres, pour les soulager dans leurs besoins,
Dour leur pardonner les injures qu'on en a
reçues, pour interpréter favorablement leurs
actions et pour secourir indifféremment tous
ceux à qui on peut être utile, c'est-à-dire
qu'il faut être prêt h user envers tous et en
toute occasion, d'une conduite pleine de
charité et dé compassion.
Le sixième obstacle consiste dans l'attache
à son propre sens, à ses volontés et à ses
lumières. Cette attache va si loin eu quel-
ques personnes , qu'elles ne veulent se fier
ni à Dieu ni aux hommes : elles se tiennent
avec opiniâtreté à leur sentiment et ne font
que ce qui leur plaît, c'est là le principe et
le fondement de leur conduite. Les hommes
de ce caractère ont beau faire des œuvres
qui paraissent grandes et saintes, elles sont
viles et impures aux ycux de Dieu, parce
Qu'elles sont gâtées par la propre volonté.
Qui détruirait cette attache, verrait dispa-
raître en même temps la plupart de ses im-
perfections. On en vient a bout par un en-
tier renoncement à soi-même et par un
dessaisissement général de tout ce qu'on a
en propre pour l'abandonner à Dieu saut
réserve. Cet abandonnement , pour être
parfait, doit renfermer trois choses: une
4 résignation entière aux ordres de Dieu,jus-
qu'à prendre plaisir à voir sa volonté ac-
complie, même à nos dépens ; une obéi^
sance fidèle aux hommes qui commandent
de la part de Dieu, obéissance qui doit s'é-
tendre à tout ce qui n'est pas péché; une
généreuse confiance en la bonté du Seigneur
qui ne manque pas de venir à notre secours
lorsque nous lui remettons tous nos inté-
rêts, qui dispose des biens et des maux à
notre avantage, qui entre dans le détail de
notre conduite et qui nous fait trouver dans
notre soumission à sa Providence des dou<
cours auxquelles nous ne nous attendious
pas. C'est donc une pratique excellente pour
ceux qui veulent se défaire de l'attache à
leur jugement et à leur propre volonté, que
de s'accoutumer à recevoir avec un esprit
tranquille et résigné tout ce qui vient de la
part des créatures, comme s'il partait immé-
diatement de la main de Dieu, s'élevant
ainsi au-dessus de tous les changements et
de toutes les vicissitudes des choses humai*
nés pour se reposer en Dieu et ne compter
que sur lui, jusqu'à ce qu'ils soient parve-
nus à cette heureuse indifférence qui rend
tout égal et qui fait regarder d'un même
œil l'adversité et la prospérité
Le septième obstacle est une ardeur im-
modérée pour cette sorte d'étude qui s'ar-
rête à la spéculation, sans rien contribuera
la dévotion et à la ferveur. On s'attache i
la lecture, parce qu'on s'y platt ou qu'on j
puise la science, sans se proposer de On
plus relevée. On devient plus savant ï la
vérité, mais d'une science vaine qui enfle
l'esprit , qui produit la présomption et qui
dessèche le cœur. Ces sortes de gens sareat
parler de choses spirituelles, mais ils ne
sauraient les goûter. Le remède à ce mal
.est de ne point étudier précisément pour
augmenter ses lumières, mais* pour aug-
menter sa ferveur; d'être bien convainca
que l'on ne sait rien quand on ne sait pas
Jésus-Christ crucifié ; et qu'avec cette scieu-
ce on peut se passer de toutes les autres.
Heureux celui qui fait consister son élude
à penser continuellement à la vie et à \i
passion du Fils de Dieu ; à considérer ce
Su'il souffre pour lui compatir ; la manière
ont il soulire pour l'imiter; et le motif
pour lequel il soufi're, afin dé lui rendre
amour pour amour. C'çst le moyen de faire
croître de plus eu plus en son âme le désir
. de ressembler à ce divin modèle, de souf-
frir avec courage toutes les adversités qui
se présentent. Pour ceux qui sont tenoi
d'étudier par em()!oi et afin de se rendre
utiles au prochain, il faut qu'ils le fassent
en vue de Jésus-Christ et uuiqueaieot pour
. l'amour de lui.
Le huitième obstacle est l'inconslaoce e|
la légèreté de cœur dans les personucs.qu»
.négligent leur intérieur, ou, ce qui est '*
- môme chose, c'est Ja liberté qu'on se donne
de courir après divers objets et de s'eu oc-
OBS
D^ASCETISSIC.
OBS
124
cuper ; ce qui produit une coofu^ioD de
pensées et une maltipiicîté d'images qui
empêchent Tâme de faire attention aux ins-
pirations dîTînes. Pour arrêter un tel dé-
à^ordrOy il faut, après s*être éloigné de tou-
tes les occasions de dissipation, 5*appiiquer
sérieusement k chasser toutes les idées et
Soutes les images que les objets créés
a?aient laissées dans notre intérieur, i en
effacer jusqu*aux moindres traces et à per-
dre le soutenir de tout ce qui n*a point
de rapport à la sainteté. Alors notre âme
n*étant phis distraite et jouissKantd*!» doux
repos dans an silence intérieur, notre es*
IHit, notre cœur, notre mémoire étant dé-
gagés de tout ce qui est terrestre et passa-
ger, rien ne nous empêchera de réunir ton-
tes nos forces pour nous élever h Dieu, au-
quel nous ne devons jamais cesser de ten-
dre par un monvement d'amour. Et pourquoi
nous embarrasser de tant de choses qui
troublent notre repos, tandis qu'il ne tient
qu'à nous de nous borner à une seule qui
suffit pour nous rendre heureux? Ainsi
donc, quoique nous disions, quoiçiue nous
fassions, en tout temps, en tout lieu, ima-
ginons-nous que ces paroles frappent conti-
nuellement nos oreilles : « Mon fils, rentrez
en vous-mêmes, ne vous laissez piiint dé-
iiaucher par les créatures ; tenez voire es-
prit dégagé ; rendez-le simple en le rédaisai:t
à l'unité, afin que vous puissiez vous fixer
en Dieu, ne penser qu'à Dieu et ne désirer
qoe DieUf^comme s'il n'j^ avait que lui et
vous en ce monde. » Aspirons à ce bienheu-
reux état, si nous voulons que la vérité de
relie parole s'accomplisse en nous : Celui
oui $^ attache à ùieu eeî un même eeprit avec
lui. (/ Car., vi, 17.)
Le neuf ième obstacle est ane mauvaise
habitude qu'on prend de faire ses actions
avec tiédeur, et d'avoir plus d'égard au
nombre des bonnes œuvres que l'on lait
qu'à la ferveur de la charité et à la pureté
d'intention avec laquelle on doit les fiiire.
D]où il arrive que, ne suivant pas l'attrait de
Dieu qui porte au parfait renoncement^ on
fait peu de progrès dans la vertu et dans les
▼oies de la grftce. Pour revenir de celte
mauvaise habitude, il faut prendre pour rè-
gle de conduite, une pratique qui renferme
en abrégé toute la perfection. Elle consiste
à élever en tout temps notre cœur à Dieu, à
nous tourner amoureusement vers lui , à
renouveler intérieurement le désir de lui
l'Iaire et de l'aimer parfaitement; à soupirer
et à crier sans cesse après lui par des priè-
res courtes et ardentes et par de ferventes
aspirations, telles que pourraient être celles*
d : O mon Dieu I 6 la vie de mon âme 1 6
le centre de mes désirs et Tunique sujet de
ma joie 1 quand pourrai-je vous aimer très-
ardemment, me mépriser moi-même et re-
noncer à tout pour n'avoir que vous? Qoe
ne puis-je me consumer devant vous à force
de vous aimer 1 Qoe ne puis-je me détruire
uioi-mêoie et m'abimer pour me transformer
en vous ! O mon Seigneur 1 faites que je
vous aime de tout mon cœur, de toute mon
âme, etc. Par ces inspirations et autres
semblables qoe vous suggérera le Saint-Es*
prit, entretenez-vous avec le Dieo de votre
âme ; cbercliez-le par vos désirs, glorifiez-le
par vos louanges et fos actions de grâces, et
offrez-vous à lui pour contribuera Sà gloire.
Cet exercice est très-noble et très utile ; il
peut nous procurer des biens infinis, et les
désirs que la charité enflamme, ne peuvent
avoir de bornes , parce que celui à qui ils
s'adressent n*en met point à sa libéralité.
Dieu nous ajant commandé de le prier et
nous avant promis de noua accorder nos
demandes , noua devons être persuadés
qu'il ne permettra pas que le moindre gé-
missement poussé vers lui soit inutile ; oa
il vous donnera de nouvell/3S grâces , ou il
ajoutera de nouveaux attraits a celles qu*il
vous a déjà données , il vous attirera à lui
p'tts fortement, il vous consolera plus
doucement, il vous éclairera plus parfaite-
ment, il vous soutiendra plus puissamment.
Gardons-nous donc de négliger de si grands
avantages que nous pouvons recevoir à tout
moment , n'interrompons jamais un com-
merce si utile, cherchons continuellement
le visage du Seigneur, à l'exemple du saint
roi David (Ps. xxvi, 8), courons après le
Dieu de notre âme à travers les eaux et les
feux de la tribulation ; et lorsque les distrac-
tions nous importunent, que les tentations
nous pressent , que la tristesse nous abat»
recourons à Dieu en e>prit de pénitence.
Recommençons chaque jour a? ec un dé-
sir plus ardent d'employer nos forces à
l'aimer et à le louer. Par là nous lui rendrons
l'honneur qu'il mérite , nous obéirons à
l'esprit intérieur qui nous fait connaître les
dons de Dieu, et nous nous défendrons de
l'inçratitude qui tarit la source des miséri-
cordes.
OBSTACLES A LA PERFECTION.— Parmi
les nombreux obstacles à la perfection, il
but en distinguer quatre principaux :
Le premier vient des desseins particu-
liers que chacun forme selon ses inclina-
tions, et dont il s'occupe tellement qu'il n'a
ni assez de liberté d'esprit ni assez de force
intérieure pour vaquera l'étude de la vertu.
L'un veut amasser du bien, Tantre veut se
rendre habile dans les sciences : il n'y a
presque pas d'hommes qui n'aient quelque
dessein après lequel il court avec ardeur et
jusqu'à épuiser toutes les forces de son
âme, si bien c|u'il ne reste plus de vigueur
pour le service de Dieu, qui demande seul
toute notre application et toutes nos forces.
L'unique moyen de vaincre cet oi»stacle est
de ne prétendre à rien ici-bas, de renoncera
toute autre entreprise età toute autre vue que
celle de la perfection el de se mettre par là
en état de ne penser qu'à Dieu et à soi*
même. Pour en venir là, il n'est pas tou-
jours nécessaire de quitter son emploi, d*a*
bandonner ses affaires, de renoncer à son
étude, aux soins de sa finoaille et aux autres
occupations dont on est chargé ; il suffit de
les regarder comme des devoirs que Dieu
nous impose , de n'y pas mettre soo affeo*
OBS
DICTIO!f!IAIRB
lion, de ne nous y appliqoer que par amoor
pour Dieu qui Feiige de nous comme une
lireove de notre fidélité et un serrice qui lui
est agréable. De celle manière, les affaires
du dehors ne seront pas on obstacle à notre
Krfeclion, parce que ce qui est extérieur à
omme ne saurait lui nuire que par sa
faute, lorsqu'il %^y attache ou qu'il s en oc-
cupe trop.
Le deuiième obstacle est la paresse qui
retient Thomme et Tempéche de se roidir
contre les difficultés. Et comme l'étude de la
perfection est une de ces entreprises diffici-
les qui demandent beaucoup de courage et
deviKilance, qu*il s'agit de se vaincre à
chaque pas, il n'y a pas de plus grand obs-
tacle aux eflbrls conlinuels qu'il faut faire ,
que celte inclination naturelle qui nous fait
ebertber le repos. Elle nous rend lâches et
pesants dans la pratique du bien, et comme
elle est née avec nous et fortifiée par l'ha-
bitude, il faut l>eaut'>oiip de vigueur d'esprit,
d'activité et de diligence pour la surmonter,
en mellant en usage les facultés de l'Ame
que celte paresse tient dans Tinaction. Le
meilleur moyen d'en venir è bout est de se
prescrire quelques pratiques particulières
de dévotion, de mortiQcation et de charité
envers le prochain, points importants qni
décident de la pjerfeclion du chrétien. Celui
qui s'adonne à la vertu, doit, dès le com-
mencement, destiner quelque temps à To-
raison, k l'examen de conscience, à la visite
du saint sacrement et des lieux où In sainte
Vierge est le plus honorée. Il doit joindre k
ces exercices quelques pratiques de péni-
tence, quelques aumônes, etc., s'acquitter
de ce qui est prescrit avec une fidélité in-
violable. Comme la liberté qu'on se donne
d'écarter ce qui' gène, de n'agir que par hu-
meur et de faire tout au hasard, entretient
Ja paresse, le moyen de la vaincre, est de se
fixer et de se contraindre par l'observation
de certains devoirs. Les entants aecontumés
h faire ce qu'ils veulent ont peine au com-
mencement à s'assujettir; mais dans la suite
ils éprouvent combien celle gène leur est
utile, et que tout leur profit en dépend. De
même pour ceux qui veulent être parfaits,
il faut que, malgré la résistance naturelle de
ce fonds de paresse, ils s'obligent à vivre
aelon certaines règles pour vaincre cette
mauvaise inclination qui les porte à suivre
Ivur fantaisie et à ne s'assujettir en rien.
Outre les pratiques particulières , il faut
aussi durant quelques mois, apporter une
grande attention à veiller sur soi et à se
roidir contre la paresse , s'avertissent et se
corrigeant soi-même en tout temps et en
tout lieu, comme on fait à l'égard des en-
fants, lorsqu'on veut leur faire prendre
quelque bonne habitude. La chose est diffi-
cile au commencement, mais dans la suite
on s'y accoutume, et elle devient la source
d'un solide contentement.
Le troisième obstacle est la passion domi-
nante, car il y en a toujours une qui prend
Tascendant. Dans les uns, c'est l'orgueil ;
dans les autres^ la colère, la démangeaison
oe perler, la cortosité, ele. Cetui qui veut
être parfait, après avoir reconnu ce vice, doit
s'appliquer à le combattre de toutes ses (or-
ces, comme son plus grand ennemi et le plu
grand obstacle à son avancement spiritael,
et il verra bienl6t par expérience que ee viee
une fois vaincu, il viendra bientôta bout des
autres. '
Outre ces obstacles, il y en a an qoatrièmo
qui est aussi très-grand, c'est une bosse
prudence qui nous fait croire que noiis de-
vons tout taire pour conserver notre répnti-
lion, gagner l'estime et l'amitié de toat le
monde. Trompé par celle illusion, on se
donne mille mouvements pour se faire bien
venir des autres, on a pour eux des égerds
pt de très-grands ménagements, on se coq-
duit si adroitement qu'on ne déplaît è per-
sonne. Si c'était par un motif de charité et
pour édifier le prochain qu'on se comportât
ainsi, il n'y aurait pas de mal ; mais quand
on le fait par amour-propre, c'est un obstacle
d*aatant plus grand à la perfection, qu*il est
directement opposé è la confiance en Dieu,
et k l'abandonnement que nous devons laire
de nous-mêmes entre S(às mains. C'est pour
cela que saint Ignace recommande à scS re-
ligieux, comme un excellent d^é de per-
fection, d'avoir un parfait mépris pour ce
que les mondains estiment le plus, savoir
la réputation, jusqu'à désirer de tout leur
cœur d'être déshonorés, regardés comoie
insensés sans pourtant y donner motif. Le
but de ce grand saint a été d'enlever aiD«i
un des plus grands obstacles i la perfection,
qui est cette sagesse charnelle et trompeuse,
laquelle justifie dans les hommes TaisODr
désordonné pour la réputation, et leurs soins
incroyables pour la conserver. El, comme il
coipprenait bien que l'obstacle était difficile
à vaincre, il élève Tesprit de ses disciples,
fortifie leur courage, en leur proposaol IV
mour du mépris comme le point le plus
excellent et le plus haut degré de perfection.
On voit, en etfet, que ces faux sa]^ qui
aiment tant leur réputation, sont timides et
chancelants dans leurs projets et s'arrèient
pour un rien dans le chemin de la vertu t
tandis que les hommes généreux qui fou-
lent aux pieds leur propre honneur, mar-
chent avec assurance et liberté, ne troufent
rien de difficile et font des progrès surpre-
nants, tels qu'on doit en attendre non
homme qui choisit pour son partage la folie
de la croix et ne craint point de |)araUre
sous les livrées de son divin maître.
A ces obstacles, il faut en joinJre trois Au-
tres qui regardent en particulier les g* ns du
monde.
Le premier est la multitude des occupa-
tions, le soin d'une famille, les événemenU
divers qui partagent leur vie, les procès vi
les affaires où leur vanité, leur avarice et
leur ambition les engagent; les emplois, les
charges remplissent leur esprit, épuiscnl
«oute leur attention et les rendent incap^
blés des exercices de piéié, qui demandent
un esprit libre. C'est pour cela que les fem-
mes, qui sont ordinairement moins occa^
OBS
D'ASCKTISHK.
OOC
i23^
pées, iont filos propres à la déTOlion que les
hommes oui sont cnargés de Is conduite des
allaires. Il faut donc qu'on homme du siècle
qui Teut tendre k la perfection, trouve d'a-
bord un temps pour penser à soi et se dé-
robe à ses nombreuses occupations pour
faire une retraite de quelques jours. U» à
force de s*emplojer aui exercices spirituels,
il formera une sainte habitude de rentrer en
soi-même, et prendre de justes mesures pour
accorder, au sortir de sa retraite, ses occu-
pations sTec le serrice de Dieu. Il faut encore
que dans un plan de fie dressé h loisir, il
règle Tordre de ses actions et se réserre
surtout certains jours de l'année et quelques
heures de chaque jour pour les consacrer à
Dieu dans un saint repos. Ces précautions
sont absolument nécessaires aux gens du
monde qui aspirent k la perfection. * *^
Le second obstacle est l'attachement aux
personnes qui nous touchent de près. Le
firopre de cet attachement est de captiver le
oœur» jusqu'à le mettre hors d'état de s'in-
téresser k l'aibire du salut et de la perfec-
tion. Ce ne sont pas seulement les hommes
diamels et vicieux qui sont arrêtés par cet
obstacle, ceux qui pratiquent la vertu et ten-
dent à la perfection l'éprouvent ésalement.
Il est vrai qu'ils ne portent pas T'attache-
ment j'nsqu a oBénser Dieu ; mais ils don-
nent trop a l'affection naturelle, et les satis-
factions qu'ils se procurent sont autant de
liens qui gênent leur liberté. Il s'agit de
dégager son cœur de cette affection natu-
relle, en la réduisant à de justes bornes.
Pour cela, il iaut avoir toujours devant les
jeux ces paroles de saint Paul : Que ceux
fui ami de$ femmes eoieni eawmie Pile n'ai
enaieiU pot : ceux ^ ueemi de$ ckoeee de
€e w^ùnde^ comme s'ib n'ai ueedemi pot. (/
Car. vu, S9, 31). 11 faut s'appliquer à re-
connaître :les excès où cette affection lait
tomber et se mettre k l'épreuve en se pri-
vant des satisfactions qu on avait coutume
de prendre. Les personnes auxquelles on
peut s'attacher ne sont pas toutes également
chères ; il faudrait se contraindre pour té-
moigner moins d'amitié k celles qu on aime
beaucoup, et en témoigner davantage à celles
qu'on aime moins. Une femme qui aime son
mari ne peut supporter son absence, elle
est toujours dans l'impatience d'avoir de
ses nquvelles ; et si elle n'en reçoit pas,
comme elle le désire, elle s'afflige, elle se
désole, elle fait mille réflexions sur les
malheurs qui peuvent lui être arrivés. Ne
ferait-elle pas mieux d'éloigner de son
esprit toutes ces pensées cjui ne servent
au'à l'inauiéter, de faire k Dieu le sacriCce
e son désir et de son impatience, et de se
remettre k la Providence pour ce qui peut
arriver k son mari T Par ce moyen, elle ac-
coutumerait son ccBur k se détacher des
aifeclions humaines, et le disposerait k une
aainie liberté.
Le troisième obstacle est une trop grande
liberté dont les gçns du monde abusent pour
faire tout ce qu'ils veulent et agir k leur
fantaisie. Comme ils n'ont rien qui les con-
traigne, ils vont et viennent, ils se lèvent ,
ils se couchent, ils prennent leur repos
quand bon leur semble et ne ^rdeot aucun
ordre dans leurs actions. Cet inconvénient
est très-grand, parce que pour pratiquer la
vertu, surtout dans les commencements, on a
besoin d'un ordre et d'une règle k laquelle
on se soumette : et c'est Ik le grand avan-
tage des personnes qui vivent en commu*
naulé, où tout est réglé par l'obéissance.
Pour remédier k cet inconvénient les
gens du monde que Dieu appelle k une vie
parfaite, dès qu*ib en ont formé le dessein,
doivent se soumettre k la conduite d'un saçe
directeur et régler sur ses avis le temps du
le? er, de la prière et de leurs autres occu-
pations. Us n'ont que ce moyen pour se
tirer de la confusion et du dérangement où
les jette le mauvais usage qu'ils font de leur
liberté. La règle est établie pour vaincre la
négligence naturelle k l'homme et pour
dompter la propre volonté qui aime k sui-
vre son caprice ; la différence qu'il y a en-
tre les personnes vertueuses et celles qui ne
le sont pas, c'est que les premières, qui
n'ont pas besoin d'un ordre extérieur, parce
qu'elles savent se contraindre, s'y soumet*
tent volontiers; et nue les autres, qui en ont
besoin, parce qu'elles ne savent se gêner,
ne peuvent pas souffrir la rèsle, soit qu'elle
leur soit imposée par une volonté étrangère,
soit qu'elles l'aient choisie elles-mêmes.
OCCUPATIONS DES REUGIEDX.— U
loi do travail est une loi générale du genre
humain, aucune classe d'hommes ira le
droit de s'y soustraire. Mais on peut dire
que plus on aspire k une haute perfection
f>lus on doit se soumettre rigoureusement k
a loi du travail. De Ik les religieux doivent
être les premiers travailleurs du genre hu-
main. Il suffit de parcourir leur histoire
pour se convaincre que tous, selon le but
plus ou moins spécial qu'ils poursuivaient, ils
se sont montrés de dignes et nobles modèles
du travail dans tous Tes çenres de travaux
utiles k l'humanité. (Foîr Tes articles OaoaES
mBLlGUUX, MOIHBS.)
Mais, commençant par établir la thèse gé*-
nérale du travail des religieux sur une base
solide, rappelons d'abord le mot de VEccU"
élastique , xxxm : Voieiveti eei urne grande
école de malice; et celui de saint Paul, aux
Teeealonieienef m : Si quelfuuu refuse de Ira*
vailler^ qu*il refuse auss$ de manger; et à
Tile : Que toue ceux qui soni des noires s'ap^
prémuni à éire utiles ffor un travail opportun^
e4tn de n*étre pas stirila. Voici la pensée de
saint Augustin (serm. xii, ad Patres m
erem.) : c Que celui qui est fatigué de prier
ou de chanter les saints cantiques, se hâte
de se mettre au travail des mains. Il doit se
rappeler que tant que David se livra aux fa-
tigues de la guerre, la luxure ne l'insulta
point. Mais dès le moment où il demeura
oisif dans son palais, il fut poursuivi par des
désirs d'adultère, et finit par commettre
un homicide. Cassien doit être entendu
dans cette matière c Voici , dit-il ( lib. x
/lul., c. 8), une maxime tranvuise dt
!2?Ç
OCC
DlCTIONMAlRfi
OCC
m
toute antiquité par les Pères d*Égjpte :
Le démon ne tente pas un moine occupé,
mais celui qui est inoccupé devient la vic-
time d'innombrables mauvaises pensées. »
C'est aussi ce que commande le grand saint
Jlenolt [Reg.fe. VS) : c L'oisiveté est reoneraie
de l'Atne; c'est pourquoi, dans certaines heu-
res de la journée, les frères seront occupés
au travail des mains, '.et dans d*autres heures
à la sainte lecture, » — « Que jamais, dit
saint Bernard, {Ep. ad Fair. de Monie)^ un
dés frères ne reste oisif, alors même qu'il
aurait fait tons ses exercices spirituels. »
Dans son chapitre de la Diêcipline des moi--
ne$^ Thomas A*Kempis aflirme t que trois
choses sont nécessaires à un religieux, sans
ces trois choseSt il ne restera pas longtemps
dans la bonne voie; ce sont l'oraison, la lec-
ture et le travail. Il doit s'y exercer tous les
jours, et élre en tout temps à l'une de ces
occufmtions. » Voici ce que la raison et
rêxpérience ajoutent à ces considérations
e( à ces preuves. Les religieux oisifs cher-
rhant çè et là les fréquentations mondaines
des séculiers pour se distraire de l'ennui
do la soHtude , perdent peu à peu toute
là communauté , quelque bien réformée
qu'elle soit. Qu'il y ait beaucoup de tra*
vail, il y aura peu de perdilion.il vaut mieux
aue les personnes manquent au travail que
e voir le travail manquer aux personnes.
Un religieux oisif est un religieux vicieux.
Quel est le genre de travail qui convient
h drs religieux? Quel est celui qui est au-
torisé par une longue expérience? Les pre-
miers fondateurs d'ordres ont posé le tra-
vail des moines comme la base de leurs ins-
titutions. Il n'est aucun religieux, dit Cas-
sien (lib. IV /n#/tV.), qui puisse supporter
ià monotonie de la solitude, s'il ne se livre
pas au travail des mains, et s'il ne gagne lui-
même le pain et le nécessaire de la vie. Le
même ajoute que le travail des mains, la
sueur , une vie laborieuse était la vie
habituelle des moines. Ils se livraient à ces
occupations corporelles avec une si grande
ardeur, dit Çassien, qu'ils ne voulaient pas
même les interrompre avec le jour; ils
cherchaient des occupations auxquelles on
pouvait se livrer sans le secours de la lu-
mière. Tels étaient les principes de la vie
monastique autorisés par les premiers Pères,
et saint fienott en a fait une scrupuleuse
application dans sa règle , ne croyant pas
qu il y ait rien* de olus salutaire que de faire
succéder le travail a Toraison et de consolider
l'oraison par le travail ; on soutenait ainsi la
solitude et le travail par la prière et la psal-
modie. En montant ces degrés, ces hommes
de Dieu sont arrivés à une telle éminencede
sainteté qu'on ne peut assez l'admirer. Si, "
dans des temps postérieurs, les religieux se
sont beaucoup éloignés de cette perfection,
c*est parce que le silence, la solitude et le
Il avait des mains ont été négligés ; et à leur
placo sont venues les futiUtés, Ta dissipation
et l'oisiveté. Dos mpines oisifs et désœuvrés,
vie
du
dit dom Calmet, prennent en dégoût la vi(
i-etiiée; et, pendant qu'ils cherchent hors d\
monastère un soulagement à leur ennui, j||
convoitent d'almrd les rapports séculiers, en-
suite ils prennent leur esprit et leurs mœurs,
ils prennent même leur laste, leurs délical^
ses et les vices qui en déc mient. Le même au-
tour {Com. tu reg. S. B. ) fait ensuite une
peinture très-énergique des graves dangers
qui menacent et les moines et les comuiu-
nautés, par ces concessions qu'on M à la
chaiir, et qui proviennent de ce point unique,
l'abandon du travail «ia«ue/. « Il ne con-
vient pas, dit saint Augustin [De op. mon.),
que là où les sénateurs deviennent labn-
rieux, les artisans y restent oisifs, i — iJe
travaillais de mes mains, dit saint François
(tfi Testam.)^ et je veux travailler, elje^eui
absolument que tous les trères travailicul
d'un travail honnête, que ceux qui ne savent
pas apprennent, non dans l'espoir de rece-
voir le prix de leur travail, mais pour le bon
exemple et pour chasser l'oisiveté. » Le
concife d'Aix-la-Chapelle, de 817» statue, que
« tes moines travaillent de leurs propres
mains dans les cuisines et dans les boulan-
geries, et dans les autres lieux où il y a du
travail , et qu'ils lavent eux-mêoies leurs
habits en temps opportun. » Le concile de
Cologne de 13S6, c. 16, ordonne « quelearé-
Fuliers vaquent à la prière, à la lecture de
Ecriture sainte,.au culte divin, et qu'ensuite
ils fassent quel(]ue ouvrage manuel. » Voici
les travaux [qui sont assignés aux moines
dans le Cérémonial de Hordre de Saint-Be-
noU : « Imprimer des livres, tes corriger, les
cataloguer et leur donner l'ordre convena-
ble; cultiver le jardin, planter, arracher la
zizanie, faire des petits fouets de chanvre,
distiller des herbes pour l'usage de la oiéde-
ciae, tracer et colorer des images pour orner
les livres, » etc.
Cependant on peut suppléer le travail ma-
nuel par l'étude, la prédication, la composi-
tion d'ouvraçes utiles, ou par un autre ira-
vail d'une utilité incontestable pour la reli-
gion et utile au prochain.
Au premier rang des occupations des reli-
gieux nous devons placer l'élude de TÊcri-
tare sainte. Notre-Seigneur nous dit lui*
même dans SaitU Jean^ x : Semiez lu Ecri-
tures: car tous pouvez y trouver la vie éter-
nelle^ ei elles rendent témoignage de moi] et
saint Paul, aux Romains:, v, dit aussi : Tout
ce qui a été écrite a été écrit pour notre t«i*
truction^.afin qu'en recueillant çvee paiitnct
les consolations des Ecritures, nous oMonslts-
péranoe. £t dans son Epîlre à Tite, u ajoute :
Toute écriture divinement inspirée est utiU
peur instruire^ pour répondre et pour eorri*
ger^ pour éclairer dans la justice^ afn (jut
Vkomme de Dieu^ devenu parfait ^ soit préparé
à toute bonne muvre* C'est pourquoi le con-
cile de Trente, dans sa session v'. De rtf.t
c. 1, a ordonné : « Qoe dans les monastères
de religieux, où cela pourra se faire com-
modément, on fasse la lecture de r£criture
sainte; si les abbés se montraient iiéglig^^^^
sur ce point, les évêques du lieu, comme
délégués du Saint-Siège en cela, les amène*
ront à le faire par des laoyeus 0Quv^ual)ltfS«
ftil
OGC
D^ASCfiTISME,
OCG
m%
Bans les couvents des autres religieui, où
les études peuvent être en vigueur« il y aura
la ieeture de TEeriture sainte : cette lecture
sera assignée dans les chapitres généraux ou
provincraux. » Si nous demandons Tavis des
saints Pères, saint Epbrem ( paran. i ) nous
ri^pondra : « Que la lecture de VEcriture
sainte soit l'exercice d*un moine : un moine
oui n'y est point versé sera désœuvré, p
Saint Jérûme, de son côté (Ep. ad Flor.)^ dit
aux moines : « Aimea les sciences des sain*
tes Ecritures, et vous n*aimerez pas les vices
de la chair. » Il ajoute {Ep. ad. Rusf.) : « Vi-
▼ez de telle manière dans un monastère qua
TOUS méritiez de devenir un disciple ; mettez*
beaucoup de temps pour apprendre ce que
vous devez enseigner un jour. Après les
saintes Ecritures lisez les traités des hom*
mes doctes, de ceux-là seulement dont la foi
e^^l éprouvée, dont la piété n'est point va-
cillante. Que peut être la vie sans la science
des saintes Ecritures par lesquelles nous con-
nnissons Jésus-Christ ? Quel'e est la nourri-
ritore, quel est le miel plus doux que de
Gonnaître la prudence de Dieu? Suuit Isi-
dore (De lib. gent.) dit aussi : Que sert-il
d'avancer dans les sciences mondaines et de
dessécher dans la privation des sciences di-
vines? de poursuivre des choses caduques et
àes images sur les mystères divins. (ïardez-
vo'js des livres qui brillent par l'éloquence
des mots» et qui intérieurement sont vides
de sagesse ; évitez-les pour l'amour des
saintes Ecritures. »
Afin que Tétude des saintes Ecritures
profite aux religieux et tourne au proGt de
la religion, il faut noter les points suivants
qui sont tirés des saints Pères et des mysti-
ques : « Pour arriver à la vérité et à la
sainte sagesse, dit saint A^ugustin, ne vous
préparez pas une autre voie que celle que
vous montre celui qui raffermit vos pascban-'
celants ; et, pour cela, il vous faut en pre-
mier lieu rtiumilité, en second lieu l'humi-
lité, et en troisième lieu l'humilité: et clia-
ffue fois que vous m'interrogerez je vous
ferai la même réponse. p{Ep. 36 ad l>ïo«c.) Hu-
gues de Saint-Viclor (lib. Ht Dean.) observe
que «pour arrivera une parfaite intelligence
des saintes Ecritures on a plus besoin de com-
ponction quede profondes investigations; on
a plus besoin de soupirs que d'arguments, de
fiéquents gémissements, que de longues
discussions: que les larmes sont plus utiles
que les sentences, Toraison que la lecture*
le don des larmes que la science des lettres :
la contemplation céleste vaut mieux que la
préoccupation terrestre. » Voici ce qu'ob-
serve ieande saint Sam$on:{l>eftudto «n'en/.)
. L'étude qui n'est pas ordonnée pour la 1*
plus grande gloire de Dieu est un chemin
très-court pour aller en enfer: ce n'est pas
l'étude qui conduit là, mais l'orgueil qu'en-
fanle l'étude. » 11 dit ailleurs :«Je ne reviens
pas de mon étonnement de voir certains
prêtres tant séculiers que réguliers qui
pensent' que tout genre d'étude leur est
permis, quelque léger, frivoie et profane
qu*il soit, donnant pour prétexte qu'ils doi
vent tout connattre et tout voir pour mieux
dénouer les didicultés qui naissent de la
direction des gens di| monde. » Ce n'est là
que la recherche de soi-même et la niar-
3U6 d'un sens pervers. C'est ravaler son état
ans la corruption. Le même auteur ajoute :
ft Celuiqui veut s'adonner aux études sacrées
doit constamment se dépouiller de vues
personnelles et tendre à Dieu seul . Ce
n*estpas que ce sentiment doive exister
sans interruption ; mais il faut au moins
que de temps en temps Tême dirige son
intention vers Dieu, el ne se laisse point
entraîner par le goût de la nature. %
S*il est vrai que Télude des saintes lettres
ett des choses utiles à la religion alimentent
la régularité et. la piété dans les monastères;
il n'est pas moins certain, que la curiosité,
ou un désir immodéré de savoir, une étude
qui se porte vers les choses inutiles en*
traînent vers lo relâchement. Ces sortes
d'études engendrent l'orgueil, et l'orgueil
ouvre la porte à bien d'autres vices. C*est
Kurquoi les moines doivent protiter de
vertissemontduSage (fccK., m) : Nevoui
efforcez pas de scruter ae-milU manières les
ckosts superflues : H n'essf pûini nécessaire
pêe tfyus vouiez de nas yeux charnels bien des
choses cachées. Ne voue dispuiez pas avec ar"-
deur sur des objeUqwi ne vous blessent pas;
et réprimez votre curiosité sur beaucoup de
choses. EtJ'apôtre saint Paul leur dit (//Cor.
Il) : Je n'ai pas prétendu que je savais autre
chose au milieu de vous, que Jésus-Christ et
Jésuf-Chrisê crucifié. Le même dit à Tiino-
thée : d'exhorter les fidèles ; à combien plus
forte raisofi les moines^ de ne point se f»aj«
siosmer pour les fables et les génialoaies tn-
termimables , qui jdimentent plutét lee dis--
putsa quo VMifkcation en Dieu qu'on trouve
dofi» /a /bt. Saint Augustin dans sa lettre à
Dioscar, écrit: c 11 y a une certaine science
qni est bien opposée à la salutaire humilité
que iésuS'Christ nous a enseignée, c'est
celle par laquelle nous nous glorifions de
savoir ce au'Anaximèoes , Aaaxagore ,
Pythagore, Democrile l't autres, ont pensé
sûr certaines questions, afin de [>arallre
doctes parcetteérudition : et cependant cette
vaine science estbiealoinde la science véri-
table, h^s vers des poètes, la science séculière,
la |K)œpe de parole derétheurs est la nourri-
ture du démon. Ce n'est point là que vous,
trouverez raiiuient de la vérité, la règle de
la justice; vous sentirez là, au contraire, la
faim du vrai et la pénurie des vertus. Du
reste, tous les hommes éclairés et respecta-
bles qui ont parlé de cette matière ont in-
sisté sur le danger qu'il y a pour un menas*
tère, lorsque ses membres courent après
les frivolités et les choses curieuses dans
leurs études. »
' On peut demander ici par quels degréa
insensibles on passe de la solide étude
au désir des choses curieuses. Saint Tbo«
mas (2-S, q. 1(6) nous repeindra que
cela arrive ainsi lorsque Fon abaBdoone
un objet d'étude nécessaire pour un autre
moins utile : c'est ainsi que saint Jér^iua
na
ODO
DICTIONNAIRE
OCI
\m
reproche aux prêtres de lire les corné* ^
dies des anciens, les vers des bucoliques.
Ensuite « lorsque Ton quitte un travail
recommandé et licite pour courir après des
connaissances fournies par des hérétiques.
Enfin» lorsqu*on désire connattredes vérités
qui ont pour objet des créatures sans rap-
Eorter la fin de son travail à Dieu* Il j en a
eaucoup, dit dom Calmet, qui, incapa-
bles de se livrer à des études élevées, n'ont
cependant du goût que pour celles-là, et pen-
dant qu'ils se passionnent pour elles, ils pe^
dent ia piété qa'ilsavaient acquise pendant le
temps d'épreuve... Il y a des esprits légers
et superficiels qui s'embarrassent dans des
difficultés invincibles pour leur faiblesse, et
se croient rependant seuls capables de ré«
soudre les objections qu*ils se créent, pre-
nant alors leur ignorance pour le dernier
terme de la science, ils tombent misérable-
inent dans le doute. Il leur semble qu'il n'y
a pas une vérité contre laquelle on ne puisse
soulever des objections insolubles. En sorte
que toutes les vérités leur paraissent des
problèmes, et le chemin droit de la vé-
rité leur échappe. Les conséquences de
cet état de l'esprit sont faciles à tirer: on
conserve dans la pratique un faible respect
pour les vérités religieuses, lorsque dans la
spéculation on ne les voit que dans un nuage:
mi conserve peu de respect pour les supé-
rieurs, lorsqu'on sent la plus grande des au<-
torités qui commence à s'ébranler dans son
esprit. C'est de là que découlent cette liberté
effrénée, cette licence sans bornes, ce mé-
pris des directeurs, des règlements et des
oonstitutions.qui n'apparaissent plus comme
la volonté de Dieu, mais comme des inven-
tions arbitraires des hommes: de là la faci-
lité avec laquelle on viole toutes les lois.
Dans cet état, on n'a plus de goût pour
les éludes sérieuses, pourl'Ecriture sainte,
les saints Pères, les auteurs ascétiques les
rlus accrédités • La solide nourriture de
Ame qu'on trouve toujours à ces sources
précieuses devient nauséabonde ; on n'a
plus d'ardeur que pour les lectures stériles,
pour les historiettes, les relations de voyages,
de guerres et de batailles, pour les curiosi-
tés et les nouvelles. Mais, pendantqu'on se
livre ainsi aux futilités, pendant que les
vérités capitales ne sont plus que aes su-
jets de disputes subtiles, f'espnt de piété, et
le vrai amour de Dieu sontd^à éteints dans
le ccmir. L'esprit religieux s'en est allé avec
le respect des règles ; et tout cela est étouffé
sous le poids de l'orgueil engendré par des
études mal dirigées. Pour éviter ces dan-
gers,ilconvientde régler les études dans les
monastères, selon le plan d'étude qui a été
tracé par dom Mabillon (Traci. desiud. mon.) ;
et d'exclure impiloyablemenl de ces saintes
maisons tous les livres dangereux ou sus-
Sects dont le monde est maintenant encom-
ré.
ODON (Saint), né en 679, fut chanoine de
Saint-Martin dfe Tours en 899 . Moine à
Baume, en Franche-Comté en 909^ et second
abb6 de Chiny en 937. Sa sainteté et ses lu-
mières répandirent beaucoup d'éclat sur cet
ordre. Le saint abbé était l'arbitre des pris-
ces séculiers et des princes de TEglise. Il
fut le réformateur d'un grand nombre de
monastères. Il a laissé un abrégé des J(o-
rates de eaint Grégoire; — la FtedesatfUC^
rand^ et divers sermons.
ODILON (Saint). — Cinquième ahbé de
Cluny; il naquit en Auvergne en 961 Le
désir de mener une Tîe plus parfaite loi
inspira la résolution de se retirer à Clanj.
Saint Mayeul ieta les .yeux sur lui pour lui
succéder : Odilon fut le seul qui désapprou-
va ce choix. La réputation que lui 6rent ses
vertus vint jusqu'à l'empereur saint Heorj
qui le pria de l'accompagner dans le vojase
qu'il fit à Rome pour s'y faire couronner : le
monarque jouit plusieurs fois depuis de ses
I)ieux entretiens. L'humilité de saint OdiloD
ui fit refuser Farchevèché de Lyon et le
Pallium dont Jean XIX voulut rbooorer.
Il mourut à Souvigny en 10&9, après avoir
répandu son ordre en Italie, en Espagne et
en Angleterre. Son nom est immortel dans
l'Eglise par l'institution de la comméaion*
tion générale des trépassés. Cette pratique
passa des^monastères de Cluny dans d'autres
églises, et fut enfin adoj[>tée par l'Eglise
universelle. On a de lui la Vie de eami
Mayeul et celle de eainie Adélaïde^ impé-
ratrice, et plusieurs eermons qui marquent
une connaissance approfondie de l'Ecriture
sainte.
OFFRANDE DE SES ACTIONS. - Yoyn
Aciiont,
OGIER (Joseph-Marie), prêtre du diocèse
de Vienne , né à Cremieu , mort en fé-
vrier 1821 dans sa soixante et onzième
année, après une vie toute consacrée aui
fonctions du minisUère. On lui doit : Jfoyeni
de perfection pour une vierge ehrilienntt
3* édition , augmentée de plusieurs chapi-
tres , de TofEce de la pénitence, des vêpres
et compiles, Lyon 1820; — Moyens de wW
pour les chrétiens des deux sexes^ de tow la
états et de tous les àges^ elc, Lyon, 1817,
in-12. C'est une traduction libre du Safienm
tia christiana d'Arvisenet. La 2* éditieu a
pour titre Sagesse chrétienne , etc. — Bré-
viaire du pénitent ^ Lyon, 1819, in-18;-
Préparalions et actions de grâces à Cusage
des personnes pieuses qui font leurs di^
de la fréquente communion; Paris, i^*
in-18, extrait du Sapientia christiana. ^^
recueil renferme une préparation pour les
troisiours qui précèdent la communient et
ensuite huit] préparations et actions de
grâces différentes entre lesquelles les ûdèles
pourront choisir , ou dont ils pourront se
servir successivement. — Conférence ^ «""
cours sur divers points de morale à Fmgj
des ecclésiastiques: Lyon, 1821, 2 vol.m-it
Ce livre, écrit d'une manière simple, est
très-utile aux fidèles qui ne peuvent assister
aux instructions de leurs pasteurs. Orj J
trouve dix conférences qui traitent à^^?}^
positions pour les sacrements et les (lifl^
rents points de morale, et six discours en
forme d'ewmen sua la confession, lescoo-
ItlS
OPE
DASCETiSHE.
OPE
Wê
mandements de Diea et de l'Eglise et les
péchés capitaux; des instruciions iMiur la
première commuaion des enfants; des dis-
cours poar le reDOUTellemeol des vœux de
baptême, etc.
OLIER (Jean-Jacques), instituteur, fonda-
teur et premiersupérieurdela congrégation
de Saint-Sulpice, naquit à Paris en 1608.
Après avoir fait quelques missions en Au*
Tergne, et refusé révèché de ChAlons-sur-
Marne, qui lui était offert par Richelieu, il
devint curé de Saint-Sulpice en 16fc2. C'est
alors qu'il jeta les fondements d'une non-
Telle congrégation, qui, aujourd'hui encore
dirige une grande partie des séminaires de
France. Olier mourut, avec la réputation
d*un saint prêtre, en 1657, n'ayant que
cpiaranle-nenf ans. C'était un homme d'une
charité ardente et d'une piété exemplaire.
Nous avons de lui quelques ouvrages de
spiritualité, entre autres, le Catéchisme de
la vie intérieure et des Lettres; Paris, in-12,
1674, remplies d'onction et de simplicité.
OLIVE (Pierre-Jean), Cordelier de Seri-
gnan dans le diocèse de Béziers, était un
partisan zélé de la pauvreté et de la désap-
propriatioo des biens. Les religieux de son
ordre , ennemis du joug qu'il voulait leur
imposer, cherchèrent des erreurs dans son
Traité de la pauvreté et dans son Commen-
iaire sur F Apocalypse. Ils crurent en avoir
trouvé plusieurs, qui furent censurées sur
ïeur dénonciation. Olive expliqua sa doc*
trine dans le chapitre général tenu à Paris,
en 1292, et ses accusateurs furent confon-
dus. Il mourut à Narbonne en i2u7, en
odeur de sainteté.
OMPBALOPHYSIQUES. --Quelques écri-
vains ont dit que ce nom avait été donné
aux bogomilles ou pauliciens de la Bulgarie;
mais il est plus probable que Ton a voulu
désigner par \h les Hésichastes, faux mysli-
qaes du xi* et du xiv' siècles. C'étaient des
moines fanatiques qui croyaient voir la
lumière du Thabor à leur nombril. — - Yoyex
HiSICHASTBS.
OONSELL (Guillaume vm), religieux Do»
ininicaini né en 157i k Anvers. — Il gnu-
verna successivement les couvents de Gand
et de Bruges, se distingua comme prédica*
leur, et mourut subitement en 1603. Il a
composé divers ouvrages de piété parmi
lesquels on remarque : Comolatorium nnt-
ma migrantii..» Brevis methodus visitandi ae
vonsolandi œgrotos,
IPÉRATIONS SURNATURELLES. — Ces
opérations ne sont pas seulement celles de
la grâce ordinaire qui nous aide è produire
des actes de foi, d'espérance, de charité, etc.,
mais encore les opérations extraordinaires
que le Saint-Esprit fait dans les Ames où il
veut faire paraître le^*richesses et les trésors
de sa miséricorde. On distingue deux sortes
de ces opérations extraordinaires; les unes
Tiennent de Jésus -Christ, les autres procè*
dent de Dieu par Jésus-Christ, qui s en dit
lui-même 1^ moyen et la voie.
Celles qui viennent de Jésus-Christ sont
des impressions qu'il fait lui-même sur les
Ames, lorsqu'il les associe, pour ainsi dire,
à ses états et è ses mystères dont il leur
donne non-seulement la connaissance et le
sentiment, mais encore la conformité et la
ressemblance, ce qu'il fait quel(]uefois subi<*
tement et par une agitation violente dans
l'esprit et dans le corps, et quelquefois peu
à (>eu et d'une manière imperceptible. En
Toici quelques exemples.
Notre-Seigneur met certaines Ames dans
un état semolable A celui de sa divine en«
fance; et on voit alors des personnes d'un
Age avancé réduites à une simplicité enfan-
tine. Il fait part à d'autres de sa passion, par
une forte impression de ses souffrances : or
en a vu qui étaient inlérieurement crucifiées
et qui souffraient les tourments de la croix
et les douleurs de l'agonie. Jésus-Christ fait
ces opérations dans les Ames, pour se les.
rendre conformes. On le voit dans sainte
Madeleine de Pazzi qui, un vendredi saint,
demeura pendant trois heures, en présence
de plusieurs personnes, les membres aussi
roides que s'ils eussent été cloués sur une
croix; ensuite elle fut élevée, pencha la lé'e,
comme quelqu'un qui va rendre l'esprit-.
Durant tout ce temps-là, elle ressentit les
mêmes douleurs que si elle eût été cruci*
fiée. Il y en a qui demeurent en cet état des
mois entiers, sons iKmvoir prendre aucun
repos, comme s'ils étaient crucifiés, un pied
sur Taulre, les bras étendus et attachés à.
une croix ; ils ne sentent alors en eux-mê-
mes que Jésus crucifié ; comme on l'a vu ea
sainte Catherine de Sienne, lorsque Notre*
Seigneur lui imprima ses sacrés stigmatet
qu'elle portait non-seulement dans son in«
térieur, mais encore sensiblement sur aoQ
corps, quoique d'une manière invisible.
Hais la plus signalée de toutes ces opéra*
lions, c'est celle qui a paru en saint Fran*
Îfois, lorsque Jésus-Christ grava lui*même
es marques de ses plaies sur le corps de Ci
saint, ce qui produisit une impression con
tinuelle de compassion et d'amour pour ce
Dieu*homme.
L'effet et la fin de ces opérations sont
d'unir l'homme à Jésus-Christ et de le trans*
former en lui de telle sorte qu'il ne se sente
plus soi-même, mais seulement Jésus-Christ,
qu'il ne voie plus en soi çue Jésus-Cbristj
et que voulant penser à soi, il ne pense plus
qu'a Jésus-Christ. L'amour est si grand et
runion si intime, que Thomme ne se dis-
tingue point de son aimable Sauveur. Ce
n'est pas à dire que ceux qui reçoivent ces
sortes de grAces ne puissent en certains
temps' se considérer eux-mêmes , se haïr
saintement et se regarder comme ce qu'il y
a de plus vil et de plus insupportable dans
le monde. Mais c'est ce qu'irs ne sauraient
faire durant le temps de ces opéfatinns dont
le propre est de leur mettre sur les yeux
comme un bandeau qui les empêche de se
voir eux-mêmes. Sainte Gertrude dit que,
recevant ces faveurs durant le temps de ses
infirmités, elle avait soin de se nourrir dans
la vue que c'éuit Jésus-Christ même qu'elle
nourrissait. L'abbé Ru{)ert nous fournit uo
fSkY
OPE
DICTIONNAIRE
OPE
me
exemple de ces impressions divines ; car il
dît, parlafit de liu-méroe, au Hvre xn tur
Maint MaithieUf qu*une nuit il vit en songe
un homiBe descendre en lui et s'unira lui,
et gu'à son réveil il se trouva dans des joies
et des délices enexplicables. Cette union ad-
mirable ne se berne pas à rintérieor, elle
passe jusqu'à Teitérieur de Thomme qui
peut dire avec vérité non-seulement qu'il
•st plein de Jésus-Christ, mais qu'il en est
revêtu. Ce dernier effet est si sensible, que
eeui qui l'éprouvent auraient beau être dé-
pouilles et conduits en cet état par les rues,
comme autrefois les martyrs, ils se senti-
raient toujours revêtus et couverts de Jésus-
Christ, et sans les règles de la modestie, que
les saints n'oublient jamais , jls auraient
Îeine de s'apercevoir qu'ils sont dépouillés,
ésus-Christ leur tenant lieu de vêtement.
Elles ne sentent ni le chaud ni le froid, au
moins jusqu'à y étrç tpès»sensibles , comme
le sont les autres hommes. II est dit de
sainte Catherine de Sienne qu'ayant donné
sa robe à un pauvre, Notre-Seigneur lui dit:
Je t'en donnerai une autre^ et que depuis ce
temps->à elle ne seuffrit plus du froid jus-
qu'à en être incommodée. Nous lisons aussi
que saint François voyageant en hiver, se
retira dans une caverne^ pour y passer la
nuit avec son compagnon, et que celui-ci
ne pouvant se reposer parce qu'il élaît transi
de froid, le saint ne fit que le toucher de sa
main et lui communiqua une chaleur qui
s'iiisinua dan» ses niembres et le flt dormir
à 5en aise. Il no faut pas croire que ces
effets soient communs parmi ceux qui pra-
tiquent la vertu; c'est une grâce spéciale
accordée è peu de personnes. Ceux qui en
sont favorisés la sentent au dedans d'eux-
mêmes, comme un esprit qui les anioae.
C'est le même es|)rit qui fut communiqué
aux apôtres, et qui s'est fait remarquer en
plusieurs sainlspar des eflfetsextraordinaires
qui ont éclaté au dehors. Quelques-uns,
comme saint Vincent Ferrier, ont été vus le
visage enflammé et semblable è un charbon
ardent. D*atttre$ ont été élevés de terre et
suspendus en ^'air dans leur oraison ; tel
parut saint Ignace à Barcelonne pendant
plusieurs nuits, devant une image de la
sainte Vierge. Plusieurs ont été extasiés
jusqu'à perdre le sentiment, comme saint
Fraiiçois Xavier que des matelots, après
avoir bien cherché, trouvèrent au coin d'un
boie, en contemplation , aussi immobile
qu'une pierre j et comme le saint prêtre
Bernard, qui tous les jours après sa messe
était ravi en extase el sans mouvement pen-
dant une heure, ce qui a fait l'admiration de
tout Paris. C'est l'esprit de Ji^sus-Christ ré-
sidant dans l'homme qui fait toutes ces
Opérations.
Les opérations qui procèdent de la divi-
nité par Jésus-Christ, sont des faveurs di-
vines qu'on ne peut attribuera Jésus-Christ
en particulier, mais cfui viennent toujours
par lui; car il est la porte par laquelle oa
entre, et personne ne vient au Père que par
te Fils. C'est la grûce du Uédempteur qui
prévient et conduit les âmes, ce sont s^s
mérites qui les enrichissent, c'est sa vertu
qui les soutient, c'est à saconsidératioaqu*
Dieu les aime et leur fait part de ses dons
et de ses miséricordes infinies.— La divinilé
opère dans les Ames par deux sortes de con-
naissances dont l'une est distincte et Taatro
indistincte et confuse. Le fonds de ces deui
sortes d'opérations est toujours le ravisse-
ment ou l'extase, ou la perte de l'âme ea
l>ieu, avec cette différence que dans la pre-
mière manière d'opérer. Dieu donne des
connaissances distinctes de quelques-unes
de ses perfections, de ses grandeurs, ou de
ses productions, au lieu que dans la seconde
sorte d'opération , Dieu après avoir tiré
l'homme hors de lui-même, l'absorbe dans
nne lumière indistincte et dans sa dotfbeur
divine, sans lui donner ni goût, ni notion
particulière. £n cet état, on ne voit ni on
ne veut rien surquoi on puisse s'expliquer;
tout ce qu'on peut dire, g est qu'on est perdu
dans deux abîmes sans fond, qui sont son
propre néant et la grandeur de Dieu de qui
on reçoit tant do faveurs et tant de lumiè*
res, qu*au sortir do cette opération on cro t
avoir beaucoup plus vu et plus reçu que 4
on avait acquis toutes sortes de connais-
sances particulières.
Mais d'où vient qu'une Ame qui ne con«
naît rien de particulier reçoit de si grandes
lumières? C est nue la lumière surnaturelle,
aussi bien que la lumière naturelle, lors-
qu'elle n'est terminée par aucun objet par-
ticulier, est beaucoup plus pure el plus
déliée, et ne saurait être aperçue distiniii>-
inent par la faculté qui la reçoit. Cela est si
vrai que dans ces sortes d opérations ou
croit n'avoir aucune pensée. Sainte Thérèse
le disait ainsi d'elle-même, en expliquant la
manière de son oraison ; et comme ceux à
qui elle parlait ne connaissaient pas ces
comraunifsatiOHS divines, qui sont au-dessus
de toute notion, ils lui repondaient qu eile
était trompée par le démon, et que son orai-
son était une illusion véritable. Voilà pour-
quoi saint Denis parlant de cette lumière
mystique, dit qu'elle n'a pas de nom, qu'elle
est au-dessus de tout être, et qu'on ne|»eut
la connaître que comme on connaît DicUi
en disant ce qu*elle n'est r^as; aussi donne--
t-il h l'objet de cette lumière les noms de
céleste et de suressentiel , pour faire cou;
naître qu'il n'est rien de particulier et qu'il
est confusément tout bien. Le même saint
Denis exhorte son Timothée à se meitre
au-dessus de loutes sortes de connaissances
pour aller droit au rayon divin. Ne pourrait*
on pus dire aussi de cette divine lumière
et de son ol)jet, qui est le plus parfait de
tous les êtres, ce qu'Âristotc a dît de la ma-
tière, le plus imparfait de tous, que i^our
en comprendre la nature il faut éloigner de
son esprit l'idée de tout être particulier, de
toute dimension elde toute propriété ?-
Yoy, CoXTBMPLATIOFr,
Pour faciliter l'intelligence de celle doc-
trine, on peut comparer cette connaissaoc^
indistincte à la lumière qui occupe I airi
1319
OPE
D^ASCETISME.
ORA
flM
laquelle rend «les objets visibles saos se lais-
ser apercevoir elle-même» ou bien au rajon
du soleil qui entre dans une chambre bieo
fermée : s*il trouve un corps qui Tarrôte^on
verra ce corps el ce rajon ; mais si ce rayon
niest pas terminé et trouve quelque ouver-
ture qui lui.doDDe passage» on ne le verra
pas.dans la chambre, quoiqu'il y soit véri-
tablement. De même pour la lumière divine
quand elle entre dans une âme et se termine
à des objets particuliers, on distingue ces
olriets et la lumière qui les découvre; mais
si la lumière est toute pure, c*est-è-dire si
elle, ne se fixe sur aucun objet distinct, elle
ne se iâit pas remarquer. Tout ce qu'on peut
dire dans cette opération, c*est qu*on est
abtmé en Dieu et comme englouti dans une
lumière qu'on pourrait aussi appeler ténè-
bres, parce qu'elle ne découvre rien à IVn-
tendement dont on puisse dire qu'il ait
acquis la connaissance. C'est pour cela que
saint Denis parlant de ceux que Dieu favo-
rise de cette sorte d'oraison, dit qu'ils en-
trent dans les ténèbres divines, ce qui est
ordinaire è plusieurs saints. Klais il y a bien
de la différence entre ces ténèbres mysté-
rieuses et les ténèbres naturelles. C'est le
défaut de lumière qui lait celles-ci, et l'abon-
dance qui fait les autres; Dieu ne se com-
muniquant à Pâme qu'à la faveur d'une
lumière indistincte et illimitée , demeure
f^lus caché que découvert parcelle opération
umineuse ; et l'Ame qui reçoit cette abon-
dance de lumière, dont elle est pénétrée et
éblouie, n'en découvrant le terme que comme
un océan sans fond et sans rives, ne peut
que s*j plonger pour ainsi dire, et s'y perdre
heureusement sans y pouvoir rien distin-
guer ni comprendre. Elle peut dire qu'elle
a goûté l'Etre infini, mais elle ne peut ex-
pliquer ce qu'elle a goAté, ni lui donner
aucun nom , ni le renfermer dans aucune
idée ; toutes les expressions qu'on |>eut lui
suggérer et celles qu'elle peut inrenter de-
meurant fort au-dessous de ce qu'elle a
senti et de ce qu'elle n'a vu que confusé-
ment. Ce n'est pas que celte 0|>ération n'a-
bonde en lumière, mais c'est que la lumière
y est communiquée d'une manière indis-
uincte, et que l'Etre infini qui estl'ot^etde
celte opération n'est connu que coniusé-
nient. Une Ame qui l'a éprouvé peut dire
qu'elle a goAté Dieu, sans pouvoir exprimer
ce qu'elle a coûté, les expressions les plus
fortes qu'on lui suggère étaotfort au-dessous
de ses sentiments. Celle impuissance de
s'expliquer sur ce qu'on a vu et senti ne
regarde pas seulement (es ravissemeals, les
extases et autres faveurs extraordinaires,
mais. encore les moindres degrés de con-
templation oi^ la lumière que Dieu donne
est si déliée et si indistincte qu'on ne sau-
rait l'apercevoir. De Ik vient que ceux qui
sont dans cet état d'oraison, s'imaginent être
oisifs, parce qu'ils n'ont aucune pensée dont
ils puissent désigner l'objet, et souvent ils
trouvent des directeurs qui les confirment
dans ce sentiment, qui, faute de connaître
lexcellence de cette lumière confuse, trou-
blent .e repos où Dieu les met, en les fai-
sant recourir aux actes distinctifs el à la
méditation ordinaire. Ckisl là un véritable
excès; mais comme pour l'éviter on pour-
rait tomber dans un autre, il faut savoirque
la contemplation étant une opération de Dieu
très-délicate, il est très-diuicile de la bien
r4)nnattre autrement que par des effets
Dieu accorde ordinairement ces faveurs
aux Ames simples qui ont le cœur pur, plu-
tôt qu'aux savants et à ceux qui ont beau-
coup de lumière naturelle sans avoir beau-
coup d^humilité , comme Noire-Seigneur le
dit dans l'Evangile . Je vous béniif mon Pire^
Seigneur du cM el de la ierre^ de ce que vou$
avez caché ces choses aux savanis et aux sa*
gest ei que vous les avez révélées aux plus
pelils. iMaith. xi, 23.)
L*bomnie ne doit pas désirer de son pro-
pre mouvement. ces opérations sublimes; il
ne doit s'y porter et y penser qu'autant que
Diru ly invite, lorsqu'il veut lui en faire
part. On ne peut s'y disposer que d'une
manière indirecte et éloignée, nar la pratique
d'une entière et continuelle abnégation, par
un soin particulier de conserver la fiaix in-
térieure, de se maintenir dans un profond
recueillement, de s'instruire à fond des
maximes, des actions et dès vertus de Jésus-
Christ, pour y conformer sa conduite.
Car il ne faut pas oublier que Notre-Sei-
gneur est la clef de tous les trésors célestes,
et que tout ce que nous avons à faire de
notre côté est de l'imiter, surtout dans son
humilité et son amour pour la croix, faisant
état que c'est là le service le plus parfait
que nous puissions rendre à Dieu, et que
le chemin pour aller à lui est Jésus-Christ
humilié, abandonné, méprisé, et non ces
belles connaissances que nous fournissent
la philosophie et les sciences homaines. On
ne prétend pas dire que les savants ne puis-
sent jamais avoir part à ces insignes faveurs;
mais il faut auparavant qu'ils soumeltent
leur savoir et leur doctrine à la sainte en-
fance el aux humiliations du Fils de Dieu ;
qu'ils comptent pour rien leurs talents natu-
rels, et qu'ils ne s'en servent que pour la
gloire de Jesus-Chris(, qui doit leur tenir
lieu de tout. C'est ainsi que Tbomme peut
se disposer à recevoir celte lumière qui
surpasse toute science, et cette paix divine
oui surpasse toule intelligence.
ORAISON DOMINICALE. — f/oraison
dominicale est une prière que Jésus^Ihrist
a enseignée ^ses disciples. (JUaith* vi , 9.)
Sainte Thérèse conseillait d*eu méditer sou-
vent les paroles.
« Comme l'amour de Dieu , dit-elle, est
le feu divin que nous prétendons entretenir
dans nos âmes, il a besoin de beaucoup de
bois, et il faut tous les jours y en mettre
de nouveau, parce que la chaleur de notre
volonté est si agissante qu'elle le consume
entièrement, et que quelque quantité qu'il
y en ait, ellç trouve toujours que c'est pttu.
jusqu'à ce qu'entrant dans la parfaite \iO%
session de ce bien infini, qui est seul capa
ble de la satisfaire pleinement, ce mime fev
Ifill
ORA
DICnONMAlRK
ORA
ita
d'amonr qu'elle aura entretenu dans elle ici-
bas devienne dans le ciel sa divine et son
éternelle nourriture.
c Or, puisqu'on peut dire que Foraison du
Seigneur est le bois le plus prof)re pour en-
tretenir le feu du divin amour, il m'a sera-
blé gue^ potti empocher que l'âme ue s'at-
tiédisse par la répétition si fréquente de
cette sainte prière, il serait à Propos de
chercher quelques moyens pour faire qu'en
la redisant chaque jour, nous concevions
de nouvelles pensées pour entretenir notre
esprit et notre volonté dans une vigueur
toujours nouvelle. On le pourra sans peine
eu partageant les sept demandes qui y sont
contenues selon les sept jours de la semaine,
aQn que chaçiue jour ait la sienne , et en
donnant à Dieu, en chacun de ces jours, un
nom particulier qui comprenne tout ce que
nous désirons et espérons obtenir de lui
par cette demande.
« On sait assez quelles sont ces deman-
des. Bt quant aux noms qu'on peut donner
k Dieu, nous prendrons ceux cle père, roi,
époux , pasteur, rédempteur, médecin et
juge. Ainsi, chacun réveillera son attention
et s'excitera de plus en plus à l'aimer, en
disant le lundi : Notre Père^ qui éte$ dans les
eieuXj que voire nomêoit êonetifii; le mardi :
noire roi^ que voire régne arrite ; lo mer-
credi : époux de mon âme^ que votre volonté
êoit faite ; le Jeudi ; notre paeteur^ donnez-
flotfs aujourdhui le pain aoni nouê avon$
besoin chaque jour; le vendredi ; notre Ré-
dempteurtparaonneX''nou$not offenses comme
nous pardonnons à ceux qui nous ont offen-
ses : le samedi : noire médecin ne nous tais-
sex pas succomber à la teniaiion ; et le di-
manche : noire juge^ délivrez-nous du mal. »
{Œuvres de sainte Tkérise^ lYoy. Prière.)
ORAISON MENTALE. -^ L'oraison men-
tale est une prière qui se fait intérieurement
sans proférer des paroles. On l'appelle aussi
méditation et parfois contemplation^ ou sim-
plement oraison: faire Voraison s'entend de
loraison mentale. Elle consiste à se frapper
d'abord l'esprit de la présence de Dieu, it
méditer une vérité du christianisme, à nous
en faire h nous-mêmes l'application, à en
tirer les conséquences et les résolutions
propres à corriger nos défauts, et à nous
rendre plus fidèles à nos devoirs, soîl emrert
Dieu, soit envers le procbara. — Sur ce
simple exposé, il est cfair que cet exercice
eal l'Ame du christianisme, c'est l'adoration
*eu esprit et en vérité que Jésus -Christ a
"«Meigoée h ses disciples ; il est dit que lui-
méoie passait les nuits h prier Dieu (£uc,
titi, 12 )> ce n'était sûrement pas à réciter
des. prières vocales. Je prierai en esprit^ dit
saiut Paul, et dans l'intérieur de mon âme
(/ Cor. XIV, 15.) Le prophète Isaïe disait
déjà (xxvi, 9) r Mon âme élève ses désirs vers
vous pendant ta nuit, e/, dés le maiin^ mon
esprit et mon cœur s'iléveni vers vous. C'est
ainsi que les suints ont passé une partie de
leur vie. — Koy. Mâditatio».
Comme le plus grand nombre de nos
fiiutes vient de la dissipation et do l'oubli
dos grandes vérités de la foi, nous serions
sûrement plus vertueux si nous en étions plus
occupés. Nous avons péchéf ditiérémie, nom
avons abandonné le Seigneur^ la justice tl k
vertu se sont enfuies du milieu de nous , parce
que la vérité a été mise en oubli (ux, 12). La
science du salut est si importante et si éleo-
due, est-ce trop d'y donner chaque jour
quelques moments T Nous ne devons donc
f>as être étonnés de ce que les Pères de
'Kglise ont fait des traités de la prière, Pont
recommandée comme un exercice essentiel
au christianisme , de*ce que les auteurs as-
cétiques de tous les siècles ont fait tant
d'éloge de la méditation, de ce que les fier-
sonnages les plus éminents en vertu Font
regardée comme la plus douce et la plus
consolante de leurs. occupations; uneâioe
sincèrement pénétrée de l'amour de Dieu
peut-elle trouver de l'ennui à s'entretenir
avec lui?
Voraison est spécialement recommandée
aux ecclésiastiques , et , sans ce secours, il
est fort à craindre que toutes leurs fonctions
ne soient mal remplies ; elle est rigoureuse-
ment ordonnée à tous les religieux et aux re-
ligieuses par leur règle, et dans toutes les com-
munautés régulières de l'un et de l'autre sexe,
elleestfaite en commun, au moins unefcis
par jour. On a multiplié les méthodes et les
recueils de méditation, jpour en rendre la
pratique aisée et agréable. (Voy, Méthode
n'oRAisoN.) — Mais les ennemis de la piété ne
pouvaient manquerde tourner cet exercice en
ridicule, de vouloir même persuader qu*il
est dangereux. Ce n'est, dit-on que, depuis
cinq cents ans que l'en a fait consister la
dévotion à demeurer à genoux pendant des
heures entières, et les bras croisés, cette
piété oisive a plu surtout aux femmes, natu-
rellement paresseuses et d'une imagination
Tive; de là vient que tant de saintes des
derniers siècles ont passé la meilleure partie
de leur vie en contemplation, sans fioiire aa*
cune bonne œuvre.
Si cela est, ce n'est donc que depuis en*
yiron cinq cents ans que les femmes s^ot
devenues paresseuses et d'une imagination
vive ; ce phénomène serait singulier. Mal-
heureusement on a aussi accusé de ces dé-
fettU les soliUir« de lai TMbmte» de \i
Palestine et de l'Asie-Mineiire, parée qu'ils
méditaient aussi bien que les remmes; il
faut ddnc que l'habitude de la contempla-
tion soit plus ancienne qu'on ne le prétend.
On peut s'en convaincre en lisant les Cou-
férences de Cassien, qui a vécu au commen-
cement du y* siècle, et surtout la neuvième.
Saint Benoit, qui recommandait à ses reli-
gieux la lecture de ces conférences, foroia
sa règle sur ce modèle. Si l'on veut lire les
traités sur la prière, d'Origène, de Tertuf-
lien, de saint Cyprien, qui sont du m' siè-
cle, on verra qu ils tendent à inspirer le
Î;oût de l'orataoti meniahf encore plus aQ«
a prière vocale. Les auteurs ascétiques des
bas siècles n'ont rien dit de plus fort qiM
ces anciens Pères.
Il est faux que les saintes religieusesioBt
OIID
D*ASCETISME.
ORD
iK$
OD bUme la contemplation, aient passé leur
Tie sans faire de lionnes œn?re8 ; elles ont
rempli exactement tous les devoirs de leur
état, et ont été des modèles de toutes les
Tertus, de la charité, de la douceur, de la
patience, de l'indulgence pour les défauts
d'autrui, de la mortification, de la pauyreté
éf angélii^ue, de la chasteté, de l'obéissance,
de 1 iiumilité, cela se peut-il faire sans bon-
nes œuvres ? — On dit que la vie contem-
plative conduit è l'erreur et au fanatisme ;
témoin les faux gnostiques anciens et mo-
dernes, les beggards, les béguins ; et dans
le dernier siècle, les sectateurs de Molinos
et les quiétistes. A cela, nous répondrons
que s'il ja eu des fanatiques parmi les
contemplatifs, cela est venu de la mauvaise
organisation de leur cerveau, et non de
l'habitude de F&raison nunialt; il jr en a
eu un plus grand nombre parmi ceux qui
ne l'ont jamais laite* Ce n'est pas cet exer-
cice qui a inspiré aux incrédules leur fana-
tisme chrétien et la haine qu'ils ont jurée à
toute religion. On a reproché un grain de
folie à plusieurs philosophes anciens et
modernes ; Ciut*il en conclure que les mé-
ditations philosophiques sont dangereuses
par elles-mêmes, et (|u'il faut s*en abstenir?
— Nous sommes obligés de répéter, pour la
centième fois, qu'il n'est rien de si saint ni
de si utile dont on ne puisse abuser ; qu'il
faut blâmer l'abus et respecter la chose. —
Vojitz MéorrATio^, Paiftas, CoNTsiiPLATiosr,
TaÉoLOttiE MTSTiQUB ai» mol Htstiqub.
ORAISON ( Etats d' ). — Yoy. MioiTA-
Tio:i, Affbctioiis, Recdeillbiibnt actif,
Rbcueillement passif, Umoa, TaAXSFoa-
MATIOE.
ORAISON ( MÉTHODE d' ). — Toy. Mé-
thode.
ORDRE DE LA VIE SPIRITUELLE. —
Le commencement de la rie spirituelle con-
siste dans la bonne volonté, c'est-è-dire le
désir sincère de servir Dieu. Ce désir se
forme par l'eBèt d'une grâce spéciale que
Dieu donne dans certaines conjonctures mé-
nagées par sa providence, par exemple à
l'occasion d'une sainte lecture , d'un entre-
tien arec quelaue personne spirituelle , d'un
sermon entenuu en certaines circonstances»
Cependant, quoique ce désir soit en don de
Dieu, nous pouvons contribuer, et nous
contribuons en effet par notre Gdélité à cor-
respondre \ la grflce qui en est le principe.
On met ce désir en pratique en commen»
çant par s'éloigner du monde , de ^s coo-
Tersaiions inutiles, de ses divertissements
et de ses occupations frivoles , pour s'ador>-
ner à la pratique du recueillement intérieur,
seul capable de soutenir Thomme dans la pra-
tique du bien. Car, comme notre âme perd
s^ forces eu se dissipant dans ie commerce
du moude , elle les augmente en les réunis-
sant par le soin qu'elle a de se recueillir au
dedans d'elle-même. Le recueillement sert à
nous rendre attentifs à Dieu et è nous-
mêmes. On connaît que cette bonne volonté
est dans un homme, lorsque de l'attention
sur soi-même , il passe à une application
à mortifier ses passions , è réprimer les mou-
vements de la nature corrompue , è corn*
battre les inclinations <iui portent au mal ,
et k s'éloigner de ce qui flatte les sens. Cette
étude est dilBcile et demande beaucoup de
générosité , suivant le cours ordinaire de la
grâce, elle doit être continuée au moins un
an. C'est è un sage directeur è en régler la
durée sur le soin qu'on prend de se vaincrt*,
et sur les succès dont Dieu récompense les
efforts que Ton fait.
Un autre soin à joindre i celui ne la mor-
tillcation , est celui d'embraser notre cœur
de l'amour de Dieu , par l'assiduité aux exer-
cices extérieurs qui excitent la dévotion , et
surtout à ceux qui regardent le mystère de
la passion , et qui nous rendent sensibles
aux souffrances de notre Sauveur, parce que
ce sont les plus utiles. Après qu'on a travaillé
à se vaincre avec le secours ordinaire de la
grâce, k former l'habitude du recueillement
et k s'enflammer de l'amour de Dieu, il ar-
rive que le Saint-Esprit se rend maître de
l'âme en faisant cesser son activité. Il se
communiquée elle d'une manière trèsndouce,
et il la remplit de saints désirs , en sorte
qu'elle ne peut agir que fort peu par elle-
même , et qu'elle n'a qu'à suivre le Saint-
Esprit qui la meut et qui la guide presque
en toutes choses d'une manière occulte. La
devoir de l'âme est alors de se laisser con-
duire aux mouvements de ce guide inté-
rieur, de conserver avec soin la paix et la
tranquillité qu'il lui donne, et de marcher
fidèlement dans cette nouvelle voie beaucoup
plus avantageuse , plus douce et plus relevée
que la première.
Dieu y conduit ordinairement ceux qui ont
bonne volonté , mais c'est par un effet de sa
miséricorde. Après avoir longtemps joui de
la paix du SainuEsprit, et de ses communi-
cations intérieures, on tombe dans l'aridité
qui sert à épurer notre foi et k nous bire
marcher en esprit. Cet état de sécheresse dure
ordinairement six mois ou un an, et quei-
Suefois davantage, selon qu'il platt à Dien
'en ordonner, afin de nous apprendre k nous
passer des ^ûts sensibles et a nous conten-
ter d'une vie qui se soutienne par la pure
foi.
Quelquefois l'âme recouvre son ancienne
paix d'une manière avantageuse, avec un
goCit purement spirituel, et beaucoup plus
excellent que le premier. Elle est attachée k
Dieu plus solidement et elle le sert avee tran-
quillité jusqu'k la mort, sans éprouver de
changement notable. Quelquefois aussi Dieu
la fait passer par les peines et les tentations
extraordinaires après lesquelles elle est ei|-
fin élevée k la plus noble et k la plus excel-
lente de toutes les vies , ce qui s'accomplit
de deux manières. En quelques-uns c est
une vicissitude de grands biens ei de grands
maux qui se succèdent les uns aux autres.
Ils sont dans des peines étranges pendant
Quelques mois, et ensuite ils reçoivent de
)ieu de grandes faveurs pendant un temi s
considéralile. En d'autres , les peines sont
contiuuilles et sans relâche durant plusieurs
ISSS
OKD
D1CTI0I«<NAIRE
o:\D
m
années, après quoi it sont établis clans un
état permanent de félicité. Cesl la conduite
ordinaire que Dieu garde envers les âmes
qui aspirent à la perfection , ce qui n'empêche
pas qu'il y en ait plusieurs qui ne passent
point par ces épreuves, soit à cause de leur
grande innocence 9 soit par ce qu'il plaît à
Dieu, qui est le mattré de les en dispenser.
Ce que nous avons dit jusqu'à présent re-
garde les Ames généreuses qui se donnent h
Dieu sans réserve. Car pour le grand nombre
des hommes, en qui la bonne volonté n'est
pas entière et qui no servent Dieu qu'à de-
mi, qui conservent toujours les mêmes at-
taches, qui secbercheniloujourseux-môrùes,.
on ne voit quel ordre on pourrait prescrire
pour leur conduite, parce qu'ils n'en gardent
pas eux-mêmes, leur vie étant un mélange
confus de vertus et d'imperfections, de fer-
veur et de relâchement qui .^e sutcètlent
sans cesse. L'ordre suppose des progrès el
des changements notables, et on n'en voit
presque point dans ces personnes. An bout
de vingt ans leur état est à peu près le même;
elles en sont au môme degré d*oraison; elles
ont les mêmes défauts à combattre , parcA
qu'elles ne font que des efforts médiocres ,
que leur résolution n'est pas asser gêné*
reuse et qu*elies n'ontpas pris au commen-
cement une assHz haute idée de la perfection.
Cependant elles ne laissent pas de faire
quelque profit à cause des bonnes œuvres
qu'elles pratiuûenl constamment et de quel-
que soin qu'elles prennent de se corriger de
certains défauts; et on doit les mettre au
rang des enfants de Dieu, non-seulement
parce que sa grAce habite en elles , mais en-
core parce qu'elles s'emploient utilement à
son service. On peut comparer ce$ personnes
à CCS marchands qui ne font due de petits
profils, parce i]u'ils n'osent étendre leur
commerce. Au lieu que celles de bonne vo-
lonté ressemblent à ceui qui d'un petit né-
goce passent à un plus grand, et vont tou-
jours en augmentant, iusqu'à ce que leur
opulence les mette en état de monter à une
coudition plus relevée. Tout dépend du com-
mencement , c'est-à-dire de la première idée
qu*on se forme de la perfection , et du pre-
mier désir qui est plus sincère et plus efli-
cace dans les unes que dans les autres. Ce
qu'on doit souhaitera ces spirituels lâches et
timides, c'est que DieU leur ménage quelque
heureuse rencontre qui leur donne d'autres
idées et d'autres désirs, et qui leur fasse
prendre la résolution de tendre à la perfec-
tion de toutes leurs forces. Alors ils entre-
ront dans cet ordre admirable qui fait passer
successivement les serviteurs de Dieu des
consolations aux épreuves et des épreuvos
aux consolations, jusqu'à ce que la lumière
se découvrant à eux, les fasse entrer dans
les voies de la parfaite sainteté.
ORDRES MILITAIRES. Il n'y a pas un
beau Souvenir, pas une belle institution
dans les siècles modernes, que le christia-
nisme ne réclame. Les seuls temps poéti-
ques do notre histoire, les temps chcvale-
resques lui appartiennenl encore.
Quelques auteurs semblent vouloir sépa-
riT la chevalerie militaire de la chevalirie
religieuse, et tout invite, au contrdre, à
les confondre. C'est précisément l'époque
des croisades qui donna naissance aux Hos-
pitaliers, aux Templiers el à l'ordre Teu-
tonique. La loi formelle par laquelle la
2hevalerie militaire s'engageait à défendre
la foi , la ressemblance de ses cérémonies
avec celle des sacrements de l'Eglise, ses
jeûnes, ses ablutions , ses confessions, se$
prières, ses engagements monastiques,
montrent suflisamment que tous les cheva-
liers avaient la même origine religieuse.
Enlin, le vœu de célibat qui parait
établir une différence essentielle entre
des héros chastes et des guerriers qui ne
parlent que d'amour profane , n'est pas une
chose qui doive arrêter; car ce vœun'éiail
pas général dans les ordres militaires chré-
tiens; les chevaliers de Saint-Jacque5-(J^
l'Epée , en Espagne , pouvaient se marier , el
dans l'ordre de Malte , on n'est obligé de
renoncer au lien conjugal, qu'en passant
aux dignités de l'ordre, ou en enlranten
jouissance de ses bénéûces.
D'après Tabbé Giusliniani, ou sar le té-
moignage plus certain d'Hélyot, on troure
trente ordres religieux militaires, neuf sous
la règle de saint Basile, quatorze sous celle
de saint Augustin, et sept attachés à Tinsti-
tut de saint Benoit. Nous ne parlerons (|ue
des principaux, à savoir : les Hospilalie.s
ou chevaliers de Malte, en Orient; les Teu-
toniques, à l'Occident et au Nord, it les
chevaliers de Calatrava (en y conaprenanl
ceux d'Alcantara et de Saiut-Jacqucsde-
l'Epée) au mid4 de l'Europe.
bi les historiens sont exacts , on peut
compter encore plus de vingt -huit autres
ordres militaires, qui, n*élant point soumis
h des règles particulières , ne sont coosi-
déiés que comme d*illustres confrériis
religieuses : tels sont ces chevaliers du
Lion, du Croissant , du Dragon, de i'AiJ^
Blanche, du Lys-, du Fer-d Or,et ces che-
valiers de la Hache, dont les nomsrapptil'nl
les Roland , les Uoger , les Renaud, les Oo-
rinde, les Bradamante, et les prodiges de
la Table ronde.
!• Les Hospitaliers. — Quelques mar-
chands d'Amalti, dans le royaume deNapi^s,
obtiennent de Romensor, calife .d'Egypte, lï
permission de bâtir une église latine à Jéru-
salem ; ils y ajoutent un hôpital pourjrce-
voirles étrangers et les pèlerins : Gérard de
Provence les gouverne. Les croisades cou -
mencent. Godefroy de Bouillon arrifCjil
donne aueiques terres aux nouveaux Hospi'
taliers, Boyanl Roger succède à Gérard, Ra.;-
mond-Dupuy àRoger, J)upuy pi end le tiireûe
grand maître, divise les Hospitaliers en CA^
valitrsj pou rassurer les chemins aux pèlerins
et pour combattre les inGdèles, en chapekins
consacrés au service des autels, el enfrtrw
servants qui devaenlaussi prendre lesaraeSi
L'Italie, l'Espagne, la France, l'Ai»glelem\
rAllomagne el la Grèce, qui, tour à tour ou
toutes ensemble, vieniK'Ut aborder aui Ȕ'
1357
ORD
D*ASCET1SME*
ORD
Tages de la Syrie, sont soutenues par les
braves Hospitaliers. Mais la fortune change
sans changer *la valeur : Saladin reprend
Jérusalem. Acre, ou Ptolémaîde, est bientôt
le seul fort qui reste aux croisés en Pales*
tine. On y voit réunis le roi de Jérusalem
et de Chypre, le roi de Naples et de Sicile,
le roi d'Arménie, le prince d'Aotioche, le
comte de Jaffa, le {«triarche de Jérusalem,
les chevaliers du Saint-Sépulcre, le légat du
Pape, le comte de Tripoli, le prince de Galilée,
les Templiers, les Hospitaliers, les chevaliers
teutoniques, ceux de Saint-Lazare, les Vé-
nitiens, les Génois, les Pisans, les Floren-
tins, le prince de Tarenle et le duc d'A-
thènes. Tons ces princes, tous ces peuples,
tous ces ordres ont leur quartier sépare, où
ils vivent indépendants les uns des antres :
« Ensorte, dit I abt>é Fleury, qu'il y avait cin-
quante-huit tribunaux qui jngeaientà mort. »
Le trouble ne tarda pas à se mettre parmi
tant d'hommes de mœurs et d'intérêts di-
Ters. On en vient aux mains dans la ville.
Charles d'Aqou, et Hugues 111, roi de Chy*
pre, prétendant tous deux au royaume de
Jérusalem, augmentent encore la confusion.
Le Soudan Mélec-Messor profite de ces que-
relles intestines, et s'avance avec une puis-
sante armée, dans le dessein d'arracher aux
croisés leur dernier refuge. Il est em|H>i-
sonné par un de ses émirs en sortant d'E-
gypte ; mais avant d'expirer, il fait jurer à
son fils de ne point donner de sépulture aux
cendres paternelles qu'il n'ait fait tomber
Ptoléraaïde.
Mélec-Seraph exécute la dernière volonté
de son |)ère : Acre est assiégée et emportée
d'assaut, le 18 mai 1291. Des religieuses
donnèrent alors un exemple effrajrant de la
ehasteté chrétienne : elles se mutilèrent le
▼isa^e, et furent trouvées dans cet état par
les infidèles, qui en eurent horreur, et les
massacrèrent.
Après la réduction de Ptolémaîde, les
Hospitaliers se retirèrent dans l'Ile de Chy-
pre, où ils demeurèrent dix-huit ans. Rhodes,
révoltée contre Andronic, empereurd'Orient,
appelle les Sarrasins dans ses murs. Villaret,
grand maître des Hospitaliers, obtient d'An-
dronic l'investiture de nie, en cas qu'il
poisse la soustraire au joug des mahomé-
laus. Ses chevaliers se couvrent de peaux de
brebis, -et, se traînant sur les mains au mi-
lieu d un troupeau, ils se glissent dans la
ville pendant un épais brouillard, se saisis-
sent d'une des portes, égorgent la garde, et
introduisent dans les murs le reste de l'ar-
mée chrétienne*
^ Quatre fois les Turs essaient de reprendre
nie de Rhodes sur les chevaliers, et quatre
fois ils sont repoussés. Au troisième effort,
le siège de la ville dura cinq ans, et au qua-
trième, Mahomet battit les murs avec seize
canons, d*un calibre tel qu'on en avait point
enoore vu en Europe.
Ces mêmes chevaliers, à peine échappés
h la puissance ottomane, en devinrent les
Brotecteurs. Un prince, Zizime, fils de ce
lahomet 11 qui naguère f;iudroyait les rem<-
DicrriO!i!f. d* Ascétisme. I.
1^58
parts de Rhodes, implore le secours des
chevaliers contre Bajazet, son frère, qui
l'avait dépouillé de son héritage. «Bajazet,
Si craignait nne guerre civile, se hâte de
re la paix avec Tordre, et jDonsent à lui
payer une certaine somme tous les ans,
pour la pension de Zisime. On Tit alors par
on de ces jeux si communs de la fortune,
un puissant empereur des Turcs tributaire
de quelques Hospitaliers chrétiens.
- Enfin, sous le grand maître ViUiers de
1 Isie Adam, Soliman s'empare de Rhodes,
après avoir perdu cent mille hommes devant
ses murs. Les chevaliers se retirent h Malte,
que leur abandonne Charies^uint. Ils y sont
attaqués de nouveau par les Turcs ; mais
leur courage les délivre, et ils restent paisi-
bles possesseurs de l'Ile sous le nom de
'«^elle ils sont encore connus aujourd'hui,
y L'oBOBB TKOTOHiQUB. — A l^utrc ex-
trémité de l'Europe, la chevalerie religieuse
jetait les fondements de ces Etats qui sont
devenus de puissants royaumes.
L'ordre teutonique avait pris naissance
pendant le premier siège d'Acre par les
Chrétiens, vers l'an 1190. Dans la suite, le
duc de Massovie et de Pologne l'appela à la
défense de ses Etais contre les incursions
des Prussiens. Ceux-ci étaient des peuples
barbares, qui sortaient de temps en temps
de leurs foréU pour ravager les contrées
voisines. Ils avaient réduit la province de
Culm en une affreuse solitude, et n'avaient
laissé debout sur la Vistule que le seul châ-
teau de Plotzko. Les chevaliers teutopîques,
pénétrant [peu à peu dans les bois de la
Prusse, y bâtirent des forteresses. Les War-
miens, les Rarthes, les Natangues subirent
lour à tour le joug, et la navigation des
mers du nord fut assurée.
Les chevaliers de Porte-Glaive, qui de
leur côté avaient travaillé à la conquête des
pays septentrionaux, en se réunissant aux
chevaliers teutoniques , leur donnèrent une
puissance vraiment royale. Les progrès do
1 ordre furent cependant retardés par la di-
vision qui régna longtemps entre les che-
valiers et les évéques de Livonie, mais enfin,
tout le nord de l'Europe s'éUnt soumis,
Albert, marquis de Rrandebourg, embrassa
la doctrine de Luther, chassa les chevaliers
de leurs gouvernements, et se rendit seul
maître de la Prusse, qui prit alors le niim
de Prusse ducale. Ce nouveau dudié fut
érigé en royaume en 1701, sous l'aïeul du
grand Frédéric
Les restes de Tordre teutonique subsistent
encore en Allemagne.
3* L'oBDBB DE Calatbava. — La chevale-
rie faisait au centre de l'Europe les mêmes
progrès qu'aux deux extrémités de cette
partie du monde.
Vers l'an llW, Alphonse le BaUilleur, roi
de Castille, enlève aux Maures la place de
Calatrava en Andalousie. Huit ans après, les
Maures se préparent à la reprendre sur Don
Sanche, successeur d'Alphonse. Don Sabche,
effrayé de ce dessein, fait publier qu'il
donne la place à qui roudra la défendre.
ko
135»
ORD
DICTIONNAIRE
ORD
m
Personne d*086 se présenter, hors un Béné-
dictin de Tordre de Ctteaux, don Didace
Velasquès, et Raymond , son abbé. Ils se
Iettent dans Calatrava ayec les paysans et
es familles qui dépendaient de leur mo-
nastère de Fitero : ils font {>rendre les armes
aux frères con?ers, et fortifient la ?ille me*
nacée. Les Maures étant informés de ces
préparatifs, renoncent à leur entreprise : la
place demeure à Tabbé Raymond, et les
frères convers se changent en chevaliers du
nom de Calatrava.
Ces nouveaux chevaliers firent dans la
suite plusieurs conquêtes sur les Maures de
Valence et de Jaën : Favera) Muella, Maca-
Ion, Valdetormo, la Fresuede, Valderobbes,
Aqua^Viva, Orpipa, tombèrent tour à tour
entre leurs mains. Mais l'ordre regut un
échec irréparable à la bataille d'Alarcos, que
les Maures d'Afrique gagnèrent en 1195 sur
le roi de Castille. Les chevaliers de Cala-
trava y périrent presque tous, avec ceux
d'Alcantara et de Saint-Jacques de l'Epée.
Nous n'entrerons dans aucun détail tou-
chant ces derniers, qui eurent aussi pour but
de combattre les Maures et de protéger les
voyageurs contre les incursions Jes inndèles.
Il suffit de jeter les yeux sur l'histoire, à
l'époque de l'institution de la chevalerie re-
ligieuse, pour reconnaître les importants
services qu'elle a rendus à la société. L'or-
dre de Malte, en Orient, a protégé le com-
merce et la navigation renaissante, et a été,
pendant plus d'un siècle, le seul boulevard
ùui empéchflt les Turcs de se précipiter sur
1 Italie; dans lo nord, l'ordre teutonique, en
subjuguant les peuples errants sur les bords
de la Baltic^ue, a éteint le foyer de ces terri-
bles irruptions qui ont tant de fois désolé
l'Europe; il a donné le temps à la civilisa-
tion de faire des progrès, et de perfectionner
ces nouvelles armes qui nous mettent pour
jamais à l'abri des Alaric et des Attila.
Ceci ne paraîtra pas une vaine conjecture,
,si l'on observe que les courses des Normands
n*ont cessé que vers le x* siècle, et que
les chevaliers teutoniques, à leur arrivée
dans le nord , trouvèrent une population ré-
parée et d'innombrables barbares qui s'é-
taient déjà débordés autour d'eux. Les Turcs
descendant de l'orient , les Livouiens, les
Prussiens, les Poméraniens, arrivant de
l'occident et du septentrion, auraient re-
nouvelé dans l'Europe, à peine reposée, les
scènes des Huns et des Goths.
Los chevaliers teutoniques rendirent même
un double service à l'humanité, car en domp-
tant des sauvages, ils los contraignirent de
s'attacher à la culture et d'embrasser la vie
sociale. Chrisbourg, Bartentein, Wissem-
bourg, Wesel , Brumberg, Thorn, la plupart
Uèb villes de la Prusso, de la Courlande et
de la Sémigalie, furent fondées par cet ordre
religieux militaire , et tandis qu'il peut se
vanter d'avoir assuré l'existence des peuples
de la France et de l'Angleterre, il peut aussi
se glorifier d'avoir civilisé le nord de la
Germanie.
Un autre ennemi était encore peut-être
plus dangereux que les Turcs et les Prus-
siens, parce quil se trouvait au ceotre
même de l'Europe : les Maures ont été plu^
sieurs fois sur le point d'asservir la cbré*
tienté. Et, quoique ce peuple paraisse
aVoir eu dans ses mœurs plus d'élégance
3ue les autres barbares, il avait toutefois
ans sa religion, qui admettait la polygamie
et l'esclavage, dans son tempérament des*
potique et ]aloux, il avait, disons-nous, un
obstacle invincible aux lumières et au bon-
heur de l'humanité.
Les ordres religieux de l'Espagne, en cooh
battant les infidèles, ont donc, ainsi que
l'ordre teutonique et celui de Saint-Jean de
Jérusalem, prévenu de ti ès-grands malheurs*
Les chevaliers chrétiens remplacèrent en
Europe les troupes soldées, et furent une
espèce de milice régulière, qui se transpo^
iait où le danger était le plus fressant. Les
rois et les barons, obligés de licencier leurs
vassaux au bout de quelques mois de ser-
vice, avaient été souvent surpris par les
barbares. Ce que l'expérience et le génie
des temps n^avaient pu faire, la reii^on
l'exécuta : elle associa des hommes qui ju«
rèrent, au nom de Dieu, de verser leur saog
f>our la patrie ; les chemins devinrent libres,
es provinces furent purgées des brigands
qui les infestaient, et les ennemis du dehors
trouvèrent une dime à leurs ravages.
On ablAmé les chevaliers d'avoir été cher^
cher les infidèles jusque dans leurs (ojers.
Mais on n'observe pas que ce n'étaient»
après tout, que de justes représailles contre
des peuples oui avaient attaqué les premiers
des peuples chrétiens; les Maures que Cha^
les Martel extermina, justifient les croisades.
Les disciples du Coran sont-ils demeurés
tranquilles dans les déserts de rArabie,et
n'ont-ils pas porté leur loi el leurs rarages
jusqu'aux murailles de Debly et jusqu*aui
remparts de Vienne? Il fallait peut-être at-
tendre que le repaire de ces bêles féroces se
fût rempli de nouveau , et parce qu^oo a
marché contre elles sous la oannière de la
religion, l'entreprise n'était ni juste ni né-
cessaire! Tout était bon. Tentâtes, Odin,
Allah, pourvu qu'on n'eût pas Jésus-Cbrist
ORDRES RELIGIEUX. — Nous avons dé-
crit à l'article Moines l'origine et les consti-
tutions de la vie monastique; nous aroDi
esquissé d'une manière rapide les différeats
ordres religieux dans notre DUcenin frë-
ifitnatre; il ne nous reste plus qu'à oqod*
trer les services immenses qu'ils ont rendoi
à la religion, à la société, aux lettres et aui '
arts.
En lisant attentivement l'histoire des siè>
des passés, il est facile de remarquer qje
les grandes vertus qui dès l'origine brifli'
rent dans les ordres monastiques, atdrèreot
dans l'Eglise une infinité de païens, et rani-
mèrent les Chrétiens dont le nombre te
s'était augmenté qu*au détriment de leur
piété. Les moines justifiaient par leurs
exemples la religion qiu'ils professaient, et
trouvaient que les préceptes les plus péo^
les. à la nature pouvaient être prattquéi.
1261
ORD
D*ASCET1SIIE.
ORD
liit
De là trient que tes Pdres opposaient sans
cesse leurs vertus aux vertus simulées ou
incomplètes des païens, et leurs pénitences
aux pénitences hypocrites des hérétiques.
En transportant la vie monastique dans rOt*
cident, sUnt Benott y ralluma la ferveur des
premiers temps. Les grands hommes qui,
dans la suite des siècles» reformèrent son
ordre, ou en instituèrent de nouveaux» ou-
Trirent des asiles à la vertu. De nos jours,
au milieu de Tincrédulité et du libertinage
aui désolent la société^ TEklise reçoit de
ouces consolations des ordres religieux.
Voyez comme les Trappistes, les Chartreux,
les Trappistines, les Carmélites, les Bénédic-
tines du Saint«Sacrement sont si fidèles à
leurs règles, malgré leur rigueur. Par la
pratique des conseils évaneéiiquea ils s'é-
lèvent à 'la plus haute perfection. Dans un
siècle d'orgueil et de volupté, ils passent
quarante ans, soixante ans ignorés des hom-
mes, portant un joug austère, sans se lasser
un instant de leur sacrifice» — I>ès les pre-
miers moments de leur établissement, les
corps religieux s'appliquèrent à l'étude des
saintes Ecritures et des sciences ecdésiasli-
ques. Saint Basile, saint Grégoire de Na*
zianze, saint Epiphane, saint Bphrem vécu*
rent longtemps parmi les moines orientaux.
Saint Jérôme, saiut Isidore de Peluze, saint
Grégoire le Grand, et beaucoup d^autres Pè-
res qui par leurs savants ouvrages ont fixé
le véritable sens des Ecritures, refuté les
hérésies et conservé le dépôt de la tradi*-
tion, vécurent longtemps parmi les moines
occidentaux. Pendant les conquêtes des peu*
pies du nord, les monastères contribuèrent
puissamment à la conservation de la reli-
gion. Cest dans leurs écoles et celles des
églises cathédrales, presque toutes desser*
Ties par des moines» que, sans exclure les
sciences humaines, on expliquait et étudiait
l'Ecriture sainte, la théologie, les ouvrages
des Pères, le droit canon, rbistoire ecclé-
siastique. Ils composaient aussi de savants,
de pieux ouvrages pour la défense de la foi,
pour l'instruction des pasteurs et des fidè-
les. Saint Jean Damascène vengea le culte
des images contre les iconoclastes, et ex-
posa la foi orthodoxe d'après la tradition,
kotrou de Cort>ie établit contre les Grecs la
procession du Saint-Esprit par l'autorité de
saint Grégoire de Nazianze et des Pères la-
tins. Loup de Ferrières défendit la doctrine
de l'Eglise sur la prédestination et la grâce,
par les écrits de saint Augustin. Qui ne
connaît les immenses travaux des écoles
monastiques de saint Victor et de Lérius?
Plus tard Lanfranc fit connaître ce que pen-
saient sur l'Eucharistie les anciens Pères
dont Bérenger altérait la doctrine. Hincmar,
transféré du cloître sur le siège de Reims,
Réginou, abbé de Prons, Abbon de Fleurs,
Botlhir abt>é de Lobes,^ ensuite évoque de
Véfonne, Bauchard, moine de Li^ et évo-
que de Worms , Tves, abbé de Saint-Quen-
tio, do Beauvais et évèque de Chartres,
Hugues, abbé de Saint-Victor, ont laissé de
nombreux travaux sur la discipline, This-
toire et la l^islation ecclésiastiques. Saint
Bernard, saint Thomas, et plusieurs autres
moines leurs contemporains, ont éclairé
leur siècle par de nomt>reux écrits. Depuis
saint Thomas, les religieux |de tous les or-
dres, les Bénédictins, les Augustins, les
Dominicains, les Bamabites, les Jésuites,
les Franciscains, les Génovéfains se sont
livrés aux études les plus approfondies» aux
investigations les plus minutieuses, les plus
pénibles sur l'Écriture, sur les Pères, sur la
tradition, sur le droit canon, sur les histoires
particulières de chaque l^lise, et sur l'his-
toire génénde. Toutes les sources ont été
découvertes et éclairées par le flambeau de
la critique. Nous devons à ces religieux,
aussi distingués par leur génie que par leur
Taste érudition, des ouvrages qui n'hono*
rent pas moins l'esprit humain que l'Eglise.
Les religieux ont aussi rendu d'importants
services à l'Eglise par la publication des
ouvrages ascétiques. Versés dans la connais-
sance :du ccBur humain, les Baudrand, les
Grasset, lesCroiset, les Berthier, les Saint-
Jude, les Touron, les Avrillon, les Rodri-
guez, ont traité une multitude de sujets de
piété et de morale, où les fidèles puisent do
vives lumières pour leur conduite et pour
arriver à la fieriectîon.
La liturgie a fixé aussi Tattenlion des re«
ligieuz : Dom Martène a réuni dans un
savant ouvrage sur cette matière les anciens
rites, a exposé les cérémonies de l'Eglise
dans l'administration des sacrements, dans
les oflices, dans les punitions canoniques;
on y voit quel a- été en tout et toujours
l'esprit de I Eglise. Par leur fidèle observa-
tion des cérémonies de ^Eglise, les religieux
constataient Tétat antique et universel de
lacrovance de l'Eglise. Cescérémonies étaient
un témoignage perpétuel de la foi; en les
pratiquant, en les transmettant à leurs suc-
cesseurs comme il les avaient reçues de leurs
prédécesseurs, ils attestaient qu ils croyaient
Ce que ceux-ci avaient cru, et léguaient à
ceux-là des preuves invincibles contre les
novateurs. Lorsque la philosophie du dernier
* siècle attaqua le christianisme, les religieux
ne reculèrent pas devant ces nouveaux ad-
versaires. Us prouvèrent, dans de savants
ouvrages, que la raison est loogours d*accord
avec la foi ; ils exposèrent les titres primi-
tifs de la révélation. Dom Lamy établit la
vérité de la religion chrétienne, dom Tous-
saint la divinité de J6ius-Christ, le P. Hager
la spiritualité, Timmortalité de l'âme; la
P. Griffèt démontra l'insuffisance de la re*
iigion naturelle. Parmi les religieux qui sa
firent remarquer par leur science et leur
esprit, nommons encore le P. Barruel dans
les Helriennes, Jean Mauduits, Oratorien,
dans le Traité de la rdigiwHf et dom Jamia
dans ses Peoiées ihéoloftqaes. Les religieux
ont aussi rempli les diverses fonctions da
ministère ecclésiastique. Saint Pacôme céda
deux de ses religieux pour être évèques ;
saint Athanase cite au moine Draconca
l'exemple de sept reiigianx qui avaient été
élevés à l'épiscopat. Pendant plasîeurs siè«
i^GS
ORD
DICTIONiNÂIRE
ORD
m
dei^, on ne prenail guère les évoques dans
les églises d*Orienl: et d'Occident, que parmi
les religieux^ Cet usage est devenu une loi
do TEglise d'Orient, où Ton tire Cous les
évêques des couvents. Depuis le premier
concile de Nicîée jusgu'à celui de Trente, ces
vénérables assemblées ont trouvé dans les
moines de -sarants docteurs et des Pères
zélés. Le siège de Rome a été souvent oc-
cupé par des religieux, et sans cesse ils se
sont fait remarquer par leur science et la
sniiilelé de leur vie. L'illustre Grégoire XVI
était Camaldule. Avant la révolution , les
Carmes et les Dominicains remplissaient les
fondions de curés dans les Des du Vent.
Les chanoines réguliers de Saint-Norbert, de
Sainte-Geneviève et de Saint-Victor ont
toujours exercé les fonctions curiales. Les
Prémonlrés de Télroite obseivance avaient
Srès de cent cures dans la seule province de
ormaniiie. Les Génovéfains en avaient près
de neuf cents dans les diverses contrées dé
la France. On comptait aussi parmi les curés
beaucoup de chanoines qui suivaient la règle
de Salnt-Aui^ustin, et plusieurs religieux de
l'ordre de Funtevraull et de la Rédemption
des captifs. Dès les premiers temps de leur
établissemi^nt, les religieux sortaient de
leur désert pour rendre lémoi^^nage à la foi,
pour la prêcher aux idolâtres; saint Antoine
encouragea les martyrs pendant la persécu-
tion de Maximin, et confondit ensuite l'au-
dace des ariens, qui osaient lui attribuer
leurs erreurs. Les disciples de saint Basile
se rendirent très-utiles à l'Eglise contre
foutes les hérésies d'£unomius et d*Apnolli-
naire. Saint Pacôme, saint Benoit et leurs
disciples s*a{>pliquèrent h la conversion dos
peuples voisins de Tabennes et du mont
Cassin. Saint Jérôme ne suspendait ses tra-
vaux scientifiques que pour préparer les
catéchumènes au baptême. Sanit Ëuthj^me
convertit un très-grand nombre de Sarrasins.
Des moines choisis par saint Chrvsostomç
pendirent la Phéuicîe chrétienne. L Autriche
dut sa conversion aux prédications de saint
Séverin, l'Angleterre à celles do saint Au-
gustin et de ses compagnons, la Frise à
celles de saint Villebrod ; l'Allemagne à
celles de saint Boniface; la Suède, le Da-
nemark , la Norvège, à celles de saint
Auxiaire et de ses coopérateurs; la Livonie
et la Sibérie, il celles des Dominicains et
d'autres religieux de différents ordres. Les
Frères prêcheurs pénétrèrent en Chine pour
conserver la foi dans les nouvelles chrétien-
tés, les refligieux y fondaient des monastères
où ils élevaient les enfants du pays, les ins-
truisaient sur la religion, les formaient à la
vertu, et les rendaient capables des fonc-
tions ecclésiastiques. Aussi ces Eglises étaient
en état, en peu de temps, de se soutenir
elles-mêmes, sans^avolr besoin de secours
étranger. Du sein des monastères sont sortis
les apôtres des deux Indes, et leurs succps-
ccurs ont montré le même zèle pour la foi,
soit en la conservant parmi les catholiques
qui vivaient ^ous la domination des infidèles,
des hérétiques- et des païens, soit en Téten*
dant finrmî ces derniers. Onineconnnîl lesad*
mirables travaux de saint François -Xavier et
de ses collaborateurs? Qui n'admirerait les
succès miraculeux des Jésuites dans le Pa-
raguay? Ces religieux et les DomiDÎcairw
ont arrosé de leur sang l'Empire céleste.
Avant h révolution, les religieux des dif-
férents ordres, et surtout les Bénédictins et
les Capucins français, évangélisaient les lies
britanniques, le Danemark, la Suède el la
Russie. 11 y avait des Capucins fran^^ais en
Hollande; ceux de la Basse-Allemagne fai-
saient des missions dans les cercles voisins';
iceux de l'Italie dans les différents canloDs
de la Suisse. La partie de la Hongrie sou-
mise aux Turcs était confiée aux Pères de
Saint-Paul ermite. La Valachie, la Moldavie
étaient évan^élisées par les Capucins, qui
prenaient soin des catholiques do la Grèce
avec les Gonrentuels de Corfou. Ces reli-
gieux avaient douze maisons dans les fies
de TArchipel, deux à Constantinople. Ils
partageaient dans cette grande ville les fonc-
tions du ministère avec les Dominicains et
des frères mineurs Observantins. Ces der-
tiiers, avec les Capucins, dirigeaient les ca-
tholiques de l'Ile de Chypre. Les Carcus
âvaientet pntconscrvéun couventsurlemoul
Carmel. Pendant près de cinq siècles, les
Bécollcts et les Franciscains entretinreuDis
lieux saints, y eurent vingt-quatre maisom,
et fournirent des curés et des mi^siooDaires
h beaucoup d'églises de ces contrées. Les
Augustins évangélisaient la Perse ; les Car-
mes et les Capucins français, la Syrie. Des
Carmes et des Capucins prêchaient ausâi
dans la Georçie, TArménie et l'Arabie avec
les Dominicains. La Mingrélie était desser?ie
pnr les Théatins et les Capucins; ces der-
niers avaient aussi la direction du Hog^^let
du petit Tibet. Les Ora.loriens de Saint-
Philippe de Néri prêchaient dans Ilndou»-
tan, les Carmes dans le Malabar, les Augus-
tins dans te Bengale. Les Franciscains à^s
diverses observances, les Augustins, les
Pères de la Rédemption des captifs élaiei.l
chargés des missions de l'Afrique; il y avait
des Capucins français au Caire, des Récdi-
lets à AlexandriCi des Observantins avec des
RécoHets et des Capucins eu Egypte, h Fez,
è lilarse, où se trouvaient aussi les Pères de
la Hédeniption. Les Capucins évangé.isaieot
les royaumes d'Ovério, de Bénin et la Gui-
née ; ils avaient des maisons è Tunis, à
Mélisle. lis évangélisaient aussi, avec les
Dominicains, Congo, Angola, et Monomo-
tapa. Les Récollets étaient établis à Alger et
dans toute la Barbarie; les Augustins dans
l'Ile de Tabarca, et les Pères de la Rédefflf^
tfon à Trémisan. Les religieux furent les
premiers apôtres de l'Amérique. Malgré ps
• crimes do toutes sortes qu'y commirent les
Espagnols, ils opérèrent une immense et sa-
lutaire révolution au Pérou, au Mexique, au
Chili, aux Antilles, dans le nouveau royauuie
cte Grenade, dont ils convertirent les indi-
gènes à la foi. Quelque vif et profond que
fût le ressentiment* de ceux-ci coiJlre les
conquérants^ ils donnèrent toute leur coo
n:»
ORD
DASCETISME.
ORD
lica
fiance aux reliî^ieui, ils rcganSaienl ces
hommes apostoliques comme leurs pères et
I«';ir8.amî5. La reconnaissance a gravé dans
le«$ annales de rAmérique les noms de Las
Cnsasy de Julien Garces, d'Antoine Valdi-
viesco, de Jean Ramirez, de François de
S<)int-Michel« d'Alphonse de la Cerda, et
de beaucoup d'autres» qui protégèrent cons-
tamment les Indiens. Au Brésil, les Capucins
et les religieux de Saint-Philippe de Néri soi-
gnaient d'une manière toute spéciale les
malheureux esclaves nègres. Les Carmes,
les Bénédictins, les religieux de Saint-Fran-
çois avaient des maisons à Saint-Sébastien,
dnns la capitale du Brésil. Les religieux de
tous les ordres, et notamment les Frères
prêcheurs, les Angustins, les Frères mi-
neurs, les Pères de la Merci, les Observan-
tins avaient des maisons dans les diverses
parties de l'Amériçiue. Dans toute l'Europe
catholique, les religieux étaient en général,
chargés de prêcher Tes stations du carême et
de l'A vent, et des missions dans les villes et
les campagnes. On tirait aussi des cloîtres
les aumôniers des régiments et ceux des
Taisseaux. On ne sera donc çlus surpris de
la rage de nos révolutionnaires contre les
ordres religieux. Ces ordres rendaient d*im-
portants services à la religion ; ils devaient
donc tomber sous les coups des hommes
qui voulaient détruire le christianisme. Les
ordres religieux établis en France depuis la
révolution marchent sur les traces de leurs
devanciers; ils se montrent aussi pleins de
zèle pour la propagation de la foi. rlos reli-
gieux actuels occupent les principales chai-
res de nos églises et de nos cathédrales. Les
Pères de Ravignan, Jésuite, et Lacordaire,
DomioicaiD, sont les deux plus grands ora-
teurs de nos temps modernes. Dom Guéran-
ger. Bénédictin, se fait remarquer par ses
Tastes connaissances dans la liturgie et dans
toutes les autres parties de l'histoire ecclé-
siastique. Le P. de Brayne, de la Trappe de
Mortagne, a publié divers ouvrages sur la
théologie, la morale et la médecine. Le
P. Péquîgni,de la même maison, est auteur
d*un ouvrage très-intéressant, la Trappe
mieux connue. Nous devons aussi au P. Gé-
rawb. Trappiste, d'utiles et pieux ouvrages.
Les Jésuites publient aussi de nombreux
écrits, touspropresè nourrir la piété des fidè-
les, et è leur donner une instruction solide.
Mais les ordres religieux n'ont nas rendu
Je rfioins importants services è la société
rivile qu'à I Fglise : ils ont desséché les
marais, défriché les forêts dont la majeure
partie de l'Europe était couverte; ils ont
transi^orté de la terre sur de nombreux ro-
chers pour les fertiliser; ils ont fécondé par
lcu*s sueurs, par d'immenses travaux, dus
terres stériles ; ils ont transformé en de riches
et agréables campagnes des déserts arides,
des lieux affreux. Par la douceur des coutu-
mes qu*iis établissaient dans leurs domaines,
parla tranquillité dont on jouissait soiis leur
protection, ils attiraient des populations
nombreuses. Aux pauvres, ils distribuaient
des terres pour les mcltrc en cuMuiv valeur
fournissant de nombreuses avances ; aux '' ^
familles riches, ils garantissaient le repos el j^
la sécurité qu'elles ne pouvaient trouver sur
les terres des seigneurs livrées è toutes les
brutalités de l'anarchie féodale. Les reli-
gieux étendaient aussi de toutes parts leurs
secours sur les malheureux. D'après saint
Augustin, les moines d'Egypte, vivant dans
des solitudes affreuses , occupés à faire des
corbeilles ou à d'autres travaux aussi sim-
ples , chargeaient néanmoins des vaisseaux
de leurs aumônes. Les monastères de l'Occi-
dent versaient aussi d'abondantes aumônes
dans le sein des pauvres. H sufîit de dire
que Cluny a nourri parfois jusqu'à dix-sept
mille pauvres par jour. Les ordres religieux
existants de nos jours conservent le même
esprit Ue eharite; interrogez les habitants
des lieux où nos couvents sont établis, ils
vous diront de quelles ressources ils sont
pour les pauvres. Dans les villes , les con-
grégations religieuses de femmes sont les
consolatrices de toutes les misères. Récem-
ment le conseil municipal de Paris, le pré-
fet de la Seine et le ministre de la justice
ont rendu un témoignage bien solennel à là
grande chariié des dames Bénédictines du
Saint-8acrement, qui sont à Paris la provi-
dence des pauvres de leur quartier. Dès l'o-
rigine de la profession religieuse, les moines
s'adonnèrent aux soins des malades et des-
servirent les hôpitaux. Saint Basile fit cons-
truire pour les pauvres, à Césarée, un mo-
nastère et un vaste loj^ement adossés l'un à
l'autre, aûn que le service fût plus facile. Le
testament de Vaudemir, de 691, nous ap-
6 rend que dès lors les malades, à l'HôtoN
^ieu de Paris, étaient assistés par des reli-
gieuses.
Suivant le concile d'Aix-la-Chapelle, il^
devait y avoir dans chaque monastère des
chanoines et des chanoinesses pour lès
pauvres malades valides et invalides. Vin-
rent ensuite les ordres hospitaliers. Gom-
ment louer, suivant leur mérite, les congré-
gations des deux sexes c|ui se dévouent do
nos jours avec un zèle si admirable au sou«
lagement des diverses maladies ? Nus phU
lanthropes ont reconnu leur impuissance ; ils
ont été obligés de rendre les services des
hôpitaux aux hommes et aux femmes qui tui
cherchent leurs inspirations que dans l'Eu-
charistie et la charité catholique. Pendant
près de sept cents ans les Pères de la Ré-
demption des captifs et de Notre-Dame de
la Merci ont employé leurs revenus et les
aumônes qu'ils recueillaient à racheter les
malheureux que les infidèles retenaient dans
les fers. Afin de prévenir ou d'arrêter les
funestes effets de I incontinence, des femmes
remplies de piété et de charité se sont vouées
à la pénible mission de ramener h la vertu
des êtres que l'erreur et le vice font tomber
dans une si profonde dégradation. De là
nous sont venus les ordres de la Providence,
de Sainte-Pélagie, du Refuge, du Bon Pas-
teur, et autres semblables, répandus dans
toute la France et è rétrangcr. Les prison-
niers ont trouvé des ordres consacrés h leur
1167
ORD
DICTIONNAIRE
ORD
m
procurer tous les soulagements spirituels et
temporels. Les Récollets et les Capucins se
vouaient surtout à leur instruction. Les
sœurs de la Charité étaient chargées du soia
de plusieurs prisons; Les filles de Saint-
Vincent de Paul s'appliquaient en divers
endroits au service des forçats, pour lesquels
saint Vincent de Paul avait fait bAtir ua
hôpital à Marseille. A Paris, les docteurs de
la maison de Sorbonne conduisaient au sup^
plice les condamnés è mort. Les Capucins
se rendirent très-souvent utiles dans les
incendies; bien souvent ils furent victimes
de leur zèle« Les. ordres religieux des deux
sexes ont pris aussi bien souvent sous leur
f protection les enfants trouvés et les orphe-
ins , ainsi que les vieillards pauvres et
infirmes. Les couvents servirent encore
d*asile contre Toppression et la tyrannie des
grands ; sous nos gouvernements réguliers,
où la justice est rendue avec exactitude, on
ne comprend pas les bienfaits du droit
d*asile. Mais en remontant quelques siècles
pins haut, è cette époque où le droit du
plus fort était la loi régnante de la société,
où le succès des combats et le résultat des
luties faisaient qu'un homme était coupable
ou innocent; le.droit d'asile était très -pré-
cieux et vivement réclamé par la justice et
l'humanité. Par suite de la considération que
les religieux s'attirèrent par leurs vertus »
ils devinrent les protecteurs du peuple, ils
arrêtèrent les exactions et les vengeances
des grands. Les religieux de nos jours ne
se rendent pas moins utiles à l'humanité
Sue ceux des siècles précédents; les firères
e Saiat-]oseph , ceux de Saint Jean de
Dieu, les sœurs de divers ordres s'emploient
avec zèle au service des hôpitaux. Les Frères
de la doctrine chrétienne, ceux encore de
Saint-Joseph , montrent un dévouement
admirable dans le service d'un très*grand
nombre de prisons.
I Les religieux se dévouèrent avec un très«
grand zèle h l'éducation des enfants. Il y
avait dans chaaue monastère une école
extérieure pour les séculiers, et une école
intérieure pour les moines. On rapporte
l'origine de cette double école à Pacôme,
qui, outre les oathécumènes, recevait des
enfants. Au Hont-Cassin furent élevés par
saint Benoit, saint Haur, saint Plaoide, les
enfants des premières familles de Rome, Les
religieux envoyés par saint Grégoire en An-r
gleterre, y bAtirent des monastères qui fu-»
rent des écoles célèbres de science et de
vertu. Au siècle suivant, Malmeshury et
Glattembury avaient une très-grande renom-
mée; en même temps Gleurissaient en Alle-
magne Fulde,Fritslas, Saint-Gall,Ricbenau,
et Prous. Beaucoup d*abbayes avaient été
ruinées par les Sarrasins sous les derniers
règnes des Mérovingiens; les études langui*
rent , mais elles se réveillèreat sous Cbarler
magne par les soins de ce prince, qui adressa
une lettre à ce sujet aux évoques et aux
abbés. Dès ce moment les éludes se renou-
velèrent dans les écoles des monastères. Les
plus célèbres en France étaient Fonlenelle,
Fleury, Cluny. Le moindre des jeanis gens
était élevé dans ces écoles avec le même
soin que les fils des rois dans leurs palais.
Un grand nombre de princes furent aussi
élevés dans les cloîtres. Lothaire fut confié
dès son enfance à saint Germain d'Auierre,
Robert II et Louis le Gros furent élevés ï
Saint-Denis. Lorsque le flambeau des lettres
s'éteignait dans une maison,, il se rellamaii
dans une autre. Comme on reprochait aux
moines de Cluny de s'adonner aux lettres
profanes, ils s'en justifièrent par Texemple
des plus célèbres monastères. Pendant plu-
sieurs siècles les religieux enseigoèreot la
(grammaire, la rhétorique , la dialectique»
a musique , l'astronomie , la médecine, et
même le droit. C'est à un religieui que
l'Angleterre doit la connaissance da droit
romain. Thibaud, abbé du Bec, archevêque
de Cautorbéry, en 1138, y porta le code
Justinien, découvert depuis peu en Italie.
Jusqu'au moment de la révolutionnes or«
dres relisieux n'ont pas cessé de montrer le
même zèle pour l'éducation. Les Bénédictins
de la congrégation de Saint-Jtfaur dirigeaient
presque toutes les écoles militaires. Ceux
de Cluny et de Saint-Maur avaient différeo-
tes maisons d'éducation, ainsi que les Bar-
nabites et les Oratoriens« Dans la seule
province de Toulouse, les Dominicains
avaient trente-deux chaires. Avant leur des-
truction, les Jésuites avaient des collèges
très-florissants. Dans celui de Toulouse, lis
avaient eu jusqu à 1,700 élèves. Presque tous
les monastères de femmes étaient consacra
à l'éducation. Depuis la révolution, beau-
coup de congrégations de femmes, ancien-
nes ou nouvelles, sont vouées à l'éducation.
Nous citerons les Ursulines, les Visitandines,
les Dames du Sacré-Cœur, les sœurs de
Nevers, de la Sagesse, de la Providence, etc.
Les Frères des écoles chrétienne diri-
Sent dans la plupart des villes rédncatioa
es enfants du peuple , et impriment dans
leur cœur des sentiments chrétiens que les
Eassions peuvent affaiblir mais non détraire,
.es enfants des classes riches, moins favori-
sés que ceux du peuple, sont obligés do
subir l'éducation des maîtres de IDnirer-
sité. Cependant, la religion étant le fon-
dement de toute bonne éducation, et les
connaissances que l'on doit donner anx
enfants devant s'harmoniser avec ellei n
n'est pas douteux que les meilleurs ptobsr
seurs sont ceux qui, sous l'empire d'ooe
vocation céleste, se sont voués à la vertu
et à l'étude. Sans les moines nous n^anrions
pas les ouvrages de l'antiquité chrétienne et
païenne : les bibliothèques avaient été dé-
truites lors de l'invasion des ^barbares. Les
moines s'occupèrent de recueillir et de
copier les livres qui avaient échappé a la
destruction. Ceux du monastère de Tours
préféraient celle occupation à toute autre;
ceux dltalie y consacraient leurs im^-
« J'avoue, écrivait Cassiodore aux religieux
de Viviers, que de tous les travaux docorpa
celui de copier les livres est le plus de œoB
goût. Par cet exercice, l'esprit s'instruit, e»
tas»
OftD
D'ASCETISME.
ORD
if70
c^est une sorte de prédicaiioo pour ceux
à oui ces iif res se communiquent » Pierre
le Vénérable, et Guignes, général des Char-
treux« s'expriment dans le même sens. La
réforme de Clteaux rétablit le travail, Nico-
las, secrétaire de saini Bernard, appelait sa
eellule êcripioriolum.
D'après la règle de Ramote el de sa'nt Be-
noit , chaque cou? ent devait avoir une bi-
bliothèque. On en conflait la garde h un
religieux élevé dans la maison. C'est ainsi
que se conservaient de riches et précieuses
collections de livres dans les monastères.
On renouvelait avec soin les exemplaires de
chaque ouvrage en les copiant de nouveau.
C'est de ces bibliothèques que sont sortis tous
les excellents ouvrages de l'antiquité , don*
Dés au public depuis Tinvention de Timpri- ^
merie. Les reKgienxoni aussi bien mérité de
Tantiquité en recueillant soigneusement tous
les événements contemporains. Il était d*nsage
de choisir dans chaque maison un religieux
exact et habile qui rassemblait toutes les ac-
tions du souverain et les événements les plus
marquants de son règne. A sa mort, on rappor-
tait dans le chapitre général ce qu'il avait mar-
qué. Après un mûr examen , on le rédigeait
en forme de chronique. Sans ce travail im-
mense des moines , Ihistoire de l'Eglise et '
celle des nations modernes nous seraient in-
connues ; sans les chroniques des moines »
une foule dhommes éminents par leurs
▼ertus et par l'éclat de leurs actions seraient
QDorts dans Tobscurité^ C'est aux moines
que les royaumes chrétiens et les bmilles
qui s'j sont distinguées doivent leur illus-
tration. En parlant des religieux comme .
historiens, nous ne pouvons nous dispenser >
de dire un mot des grands travaux histo-^ :
riques des Bénédictins ; ils nous ont laissé '
des recherches de la plus haute importance ^
sur l'origine des Gaulois , sur leurs con- i
Îuètes jusqu'à la formation de la monarchie
ançaise , sur l'établissement des Francs
dans les Gaules. Nous leur devons rBitioir^
tiiiéraire de la France^ celle de diverses
provinces de la France , de la Bretagne ,. de
la Bourgogne , de la Champagne, de la Nor-
mandie 9 de la Franche^omte , du duché de
Luxembourg et de la Touraine ; celle enfin
du I^nguedoc, si heureusement revue par
le* sa?ant M. Dumège. Nous leur devons en-
core le trésor généalogique de nomlMreux
nobiliaires ^ VÉuioire de la ville de Paris ,
des ouvrages très-appréciérs sur les niouu-
meiits de notre droit public , la Diplomor-
tique de dom MabiJIon ,. augmentée par dom
Ruinart, est une œuvre de génie. Dom Tas-
sin a aussi publié sur cette matière , un
ouvrage très-apprécié. Nous devons au P.
Borre YHistoire dee laie el des tribunaux^
VUistoire d^ Allemagne , si étroitement liée à
la nôtre; aux Pères Anselme et Coquet»
Auguslins, Y Histoire généalogipu el ehrâ^
nalogique de la maison de France ,. une Mi-
serUUion remarquable sur Us asuiennes silles
des Séquanais; au P. Joly, Capucin, des
travaux considérables sur rétablissement
des Francs dans les Gaules; au P. Biet,
une Histoire de Franee. très-remarquable et
la meilleure que nous eussions avant celle
de M. Laurentie ou P. Daniel. Indépendam-
ment des religieux qui se sont consacrés à
l'étude des sciences modernes, beaucoup se
sont occupés de l'antiquité. Dans ce nombre,
on reman]ue surtout Montfaucon , l'un des
hommes les plus érudits qui aient jamais
existé et dont les écrits prouvent qu'il cul-
tivait avec une ^^ale ardeur la philosophie,
l'histoire sacrée et profane , la littérature
ancienne et moderne ainsi. que les langues
vivantes et mortes.. Les religieux de tous
les ordres ont cultivé aussi avec soin la
littérature. Les Pères Jouvency , Porée ,
Bapin, Vanière, Ducerceaux, Lejaj, Jé-
suites, et beaucoup d'autres, se sont distin-
(;ués par leurs talents dans Téloauence et
a poésie. Les religieux ont montre aussi de
vastes connaissances en bibliographie, ils
ont beaucoup écrit sur les belles-lettres et
les beaux-arts; ils ont composé un grand
nombre d'ouvrages s^ la peinture , la sculn-
ture et la gravure. Nous leur devons une foule
de livres classiques et sur l'éducation ,
ainsi que de fidèles traductions des meil-
leurs ouvrages latins et italiens. Les corps
religieux ont aussi prodoit des hommes ha-
biles dans les sciences exactes, dans les
mathématiques , la physique ; ils ont (oublié
de nombreux ouvrages sur la statique,
l'hydraulique , l^coustique , sur la manière
de propager les sons^et la voix aune grande
distance , la gnomouique ; ils ont aussi
beaucoup écrit sur Tagricullure , la bota-
nique « le jardinage , la médecine , la chi-
rui^ia et la pharmacie. Gerberi, moine
d'Aurillac, introduisit le premier les chif-
fres arabes ou indiens et la première hor-
loge à balancier. Albert Lc^nd, Domini-
cain, est l'auteur de plusieurs inventions
ingénieuses ; Roger Bacon , Cerdelier , en-
trevit presque toutes les dteouvertes des
siècles postérieurs ; il trouva les miroirs
ardents et toutes les lunettes (iropres à
grossir et à diminuer les objets. Aiexandre
Spina, Dominicain, faisant une heureuse
application de la propriété des verres con*
vexes , inventa les lunettes appelées be-
sicles. Avant la découverte de I Amérique
par Christophe Colomb, un religieux do-
minicain qui avait passé la ligne adressa ses
découvertes à Philippe de Valois; il dît
dans son ouvrage. De mirabilibus mmidi,
que l'existence des antipodes n'est pas une
fable. On a de dom Gauthier , Bernardin ,
un ouvrage précieux , intitulé : Expérience
sur la propagation du son el de la voix dans
des tuyaux prolongés à une graniie distance.
Dom Bédos a publié le Facteur d'orgues et
l'Arl de faire des cadrans solaires avec la
plus grande précision. Le P. Chrysologue ,
Capucin, est auteur de planisphères , grands
et petits, et d'une mappemonde sur le
plan de l'horizon de Paris. On doit au P.
FeuilLée » Minime , un Journal iTeèseroo-
lions scieniiflques sur les côtes de rAmétique
méridionale el la NauveHe-Espagne , el d'an-
tres ouvrages très-importants. Les moines
1271
ORD
DIGTIONTUIRE
ORD
im
se montràreBt toujours les amis des arts;
hi construction des abbayes prouve leurs
vastes conna.issances en architecture. Les
clottres étaient souvent des ateliers ; les
religieux appelaient pour la construction
des églises de. leurs monastères , les artistes
les plus habiles en tous genres. Au xit*
siècle , les Prémontrés de Vigogne firent
une châsse qui excita l'admiration de tous
leurs contemporains. Beaucoup de monu-
ments d*utilité publique sont l'œuvre des
moines; Jean Joconde, Gordelier, a con-
struit, à Paris, le Petit-Pont et celui de
Notre-Dame; un frère dominicain a dirigé
la construction de celui de Notre-Dame , si
estimé des artistes. Les Bénédictins ont
couvert la France de magnifiques églises et
de riches monuments. Plusieurs de nos
belles cathédrales ont eu des moines pour
architectes. Que ne doit pas la musique
à Guy d'Arrezzo ? Cet habile religieux fit
chanter le premier ensemble plusieurs
voix différentes et en forma une harmo-
nie de nature à charmer l'esprit et les
oreiilos; il imagina la gamme et les lignes,
et prit les six syllabes de la première strophe
de saint Jean^-Baptiste : ut queantf etc. Par
ce moyen, un enfant sut au bout de quel-
ques mois ce qu'un homme n*ai>prenait au-
paravant, avec de grandes difficultés, qu'après
de longues années d'étude. Des corps reli-
gieux sont aussi sortis des hommes d'Ëtat
distingués; la France n'oubliera jamais que,
par une administration habile et sage, Suger
mérita qu'elle lui sôcordÂt le surnom de
Père de la pa^m. . L'Espagne se ressouvien-
dra toujours avec orgueil que le cardinal
Ximénès est un des hommes politiques les
plus remarquables de l'Europe,
Les propriétés des couvents ont été le
sujet de bien de déclamations; cependant
les religieux possédaient leurs propriétés
aux mêmes titres que les particuliers, par
les voies tracées en vertu des lois civiles,
par donation, par testament, par achat'; leurs
propriétés étaient donc aussi inviolables que*
oelles des simples particuliers; elles avaient
même des caractères qui les rendaient plus
solennelles, elles reposaient sur une posses-
sion de plusieurs siècles. Les conciles
avaient frappé d'anathème ceux qui y porte-
raient atteinte. Ceux qui laissaient leurs
biens aux couvents, ne le faisaient d'ailleurs
3ue pour sauver leur ftme, qu'afin d'obtenir
e plus abondantes prières, et mettre les re-
ligieux è même d'exercer la charité envers
les pauvres, les pèlerins et les étrangers,
et ils défendaient toujours, dans leurs actes
dé libéralité, à qui que ce fût de s'emparer
des propriétés données aux couvents. Or le
bien public a toujours voulu que chacun
jouisse en paix de ce que la loi civile lui
accorde. Faire le bien public aux dépens du
{)articulier, c'est un paralogisme. Suivant
Gicéron, les lois agraires sont funestes ,
parce que la cité est établie pour que chacun
conserve ses biens; on ne peut d'ailleurs
attaquer une propriété sans troubler les
aM.tres. Lorsqu on a franchi les limites du
droit naturel, il n*y a plus de bornes pour
s'arrêter, on Ta yu pendant la révolutioa de
89; on attaqua la propriété du clergé, celle
des simples particuliers fut aussi YioIée.Les
prétentions extravagantes et destructives da
socialisme contemporain n'ont été si auda-
cieuses et si près ae leur funeste exécation
que parce que notre siècle a donné de mau-
yais exemples et laissé se répandre de faux
principes contre le droit sacré de propriété.
Nous ne pouvons, après cette esquisse
rapide des immenses services rendus parles
ordres religieux i nous empêcher de citer,
comme développement de celte matière, tes
belles pages de l'auteur du Génie du christia-
nisme sur le même sujet.
ff Partout, dit-il, où se trouve beaueoup de
mystère, de solitude, de contemplalioo, de
silence, beaucoup de pensées de Dieu, beau-
coup de choses vénérables dans les costu-
mes, les usages et les mœurs , là, se doit
trouver une abondance de toutes les sortes
de beautés. Si cette observation est juste, on
va voir qu'elle s'applique merveilleusement
au sujet que nous traitons.
« Remontons aux solitaires de la Thé*
baïde. Ils habitaient des cellules appelées
laureê , et portaient, comme leur fondateur
Paul, des robes de feuilles de palmiers;
d'autres étaient vêtus de cilices tissus de
poil de gazelle; quelques-uns, comme le so<
litaire Zenon, jetaient seulement sur leurs
épaules la dépouille des bêtes sauvages; et
l'anachorète Sérapion marchait enveloppé
d'un linceul qui uevait le couvrir dans la
tombe. Les religieux maronites, daos les
solitudes du Lib.in; les Ermites nestorioDs»
répandus le long du Tisre; ceux d'Abjssi-
nie, aux cataractes du Nil et sur les rivages
de la mer Rouge ; tous enfin menèrent uoo
vie aussi extraordinaire que les déserts où
ils l'ont cachée. Le moine cophte,eo entraut
dans son monastère, renonce aux plai>irs,
consume son temps en travail, en jeûnes,
en prières et à la pratique de rbospitalité.
Il couche sur la dure, dort & peine quel-
ques instants, se relève, et, sous le beau Or-
mament d'Egypte, fait entendre sa voix parmi
les débris de Thèbes et de Memphis. Tantôt
l'écho des pyramides redît aux ombres des
Pharaons les cantiques de cet enfanlde la fa-
mille dé Joseph ; tantôt ce pieux solitaire
chante au matin les louanges du vrai soleili aa
même lieu ou des statues harmonieuses sou-
piraient le réveil de l'aurore. C'est là qu»
cherche l'Européen égaré à la poursuite de
ces ruines fameuses ; c'est là que, le sauvant
de l'Arabe, il l'enlève dans sa tour, et prodi-
f;ue à cet inconnu la nourriture qu'il se re-
lise à lui-même. Les savants vont bien visi-
ter les débris de TE^ypte; mois d'où vient
que, comme les moines chrétiens, objet do
leur mépris, ils ne vont pas s'établir dans
ces mers de sable,^au milieu de toutes les pn*
valions, pour donner un verre d'eau au voya-
geur, et l'arracher au cimeterre du Bédouin.
« Dieu des chrétiens, quelles choses u ai-
tu point faites ? Partout où l'on tourne les
yeux, on ne voit que les monuments de tes
1273
ORD
D^ASCETISME.
ORD
1271
bienfaits. Dans les quatre parties du monde,
la reiif^ion a distribué ses milices et placé
ses vedettes pour Thumanité. Le moine ma*
ronite appelle , par le claquement de deui
planches suspendues à la cime d'un arbre*
rétranger ciue la nuit a surpris dans les pré-
cipices du Liban ; ce pauvre et ignorant ar-
tiste u'a pas de plus riche moyen de se faire
entendre ; le moine abyssinien vous attend
dans ce bois, au milieu dos tigres ; le mis-
sionnaire américain veille à votre conserva-
tion dans ses immenses forêts. Jeté par un
caufrage sur des côtes inconnues , tout à
coup vous apercevez une croix sur un ro-
ch<T. Malheur à vous, si ce signe de salut ne
fait pas couler vos larmes 1 Vous êtes en pays
d*amis ; ici sont des chrétiens. Vous êtes
Français, il est vrai, et ils sont Espagnols,
Allemands, Anglais peut-être ! et qu'importe T
n*6te$-vous pas de la grande famille de Jé-
sus-Christ? Ces étrangers vous reconattrout
pour frères, c'est vous qu'ils invitent par
cette croix, ils ne vous ont jamais vu, et
cependant ils pleurent de joie en vous voyant
sauvé du désert.
« Hais Je voyageur des Alpes n'est qu'au
milieu de sa course. La nuit approche, les
neiges tombent; seul, tremblant, égaré, il
fait quelques nas, et se perd sans retour.
C'en est fait, la nuit est venue; arrêté au
bord d'un précipice, il n'ose ni avancer, ni
retourner en arrière. Bientôt le froid le pé
nètre, ses membres s'engourdissent, un fu
neste sommeil cherche ses yeux, ses derniè
tes pensées sont pour ses enfants et son
épouse 1 Mais n'est-ce pas le son d'une clo-
che qui frappe son oreile à travers le mur-
mure de la tempête, ou bien est*ce le glas
de la mort, que son imagination effrayée
croit ouïr au milieu des vents ? Non, ce sont
des sons réels, mais inutiles ! car les pieds
de ce voyageur refusent maintenant de le
porter*.. Un autre bruit se fait entendre, un
chien janne sur les neiges, il approche, il
arrive, il nurle de joie : un solitaire le suit.
« Ce n'était donc pas assez d'avoir mille
fois exposé sa vie pour sauver des hommes,
et de s être établi pour jamais au fond des
plus affreuses solitudes; il fallait encore gue
les animaux mêmes apprissent àdevenir l'ins-
trument de ces œuvres sublimes ; qu'ilss'em-
bras assent, pour ainsi dire, de l'ardente cha-
rité de leurs maltrcfs, et que leurs cris sur
le sommet des Alpes proclamassent aux échos
les miracles de notre religion.
< Qu'on ne dise pas que l'humanité seule
puisse conduire h de tels actes ; car d'où
vient qu'on ne trouve rien de pareil dans
cette belle antiquité, pourtant si sensible ?
Ou parle de la philanthropie? c'est la reli-
gion chrétienne qui est seule philanthrope
par excellence. Immense et sublime idée qui
fait du chrétien de la Chine un ami du chré*
tien de la France, du sauvage néophyte un
frère du moine égyptien 1 Nous ne sommes
plus étrangers sur la terre, nous ne pouvons
plus nous y égarer. Jésus- Christ nous a
rendu l'héritage que le péché d'Adam nous
avait ravi. Chrétien I if n'est plus d'océan
ou de déserts inconnus pour toil tu trouve-
ras partout la langue de tes aïeux et la ca-
bane de ton pèl*é l
« Telles sont les mœurs et les coutumes
de quelques-uns des ordres religieux de la
irie contemplative; mais ces choses néan-
moins ne sont si belles que parce qu'elles
sout unies aux méditations et aux prières :
ôtez le nom et la présence de Dieu de tout
cela, et le charme est presque di'^truit
' « Voulez*vous maintenant vous transpor-
ter à la Trappe, et contempler ces moines
vêtus d'un sac, qui bêchent la terre? Vou-
lez-vous les voir errer comme des om-
i)res dans cette grande tôrèi de Mortagne et
au bord de cet étang solitaire? Le silence
marche à leurs cOtés, ou s'ils se parlent
quand ils se rencontrent, c'est pour se dire
seulement : Frères^ il faut mourir. Ces or-«
dres rigoureux du christianisme étaient des
écoles de morale en action, instituées au mi-
lieu des plaisirs du siècle; ils offraient sans
cesse des modèles de pénitence et de grands
exemples de la misère humaine , aux yeux
du vice et de la prospérité.
« Quel spectacle que celui du .Trappiste
mourant 1 quelle sorte de haute philosophie I *
quel avertissement pour les hommes 1 Etendu
sur un peu de paille et de cendre, dans le
sanctuaire de l'église, ses frèrbs rangés en
silence autour de lui , il les appelle h la
Tertu, tandis que la cloche funèbre sonne ses
dernières agonies. Ce sont ordinairement
les vivants qui engaf^ent l'infirme à quitter
courageusement la vie ; mais ici, c'est une
chose plus sublime, c'est le mourant qui
parle de le mort. Aux portes de l'éternité, il
la doit mieux connaître qu'un autre ; et,
d'une voix qui résonne déjà entre des osse-
ments, il appelle avec autorité ses compa-
Sions, ses supérieurs mêmes à la pénitence,
ui ne frémirait en voyant ce religieux, qui
vécut d'une manière si sainte, douter encore
de son salut è l'approche du nassage terrible?
Le christianisme a tiré du fond du sépulcre
toutes les moralités qu'il renferme. C'est par
la mort que la morarité est entrée dans la
vie. Si 1 homme, tel qu'il est aujourd'hui
après sa chute, fdt demeuré immortel, peut-
être n*eût-il jamais connu la vertu.
« Ainsi s'offrent de toutes parts dans la
religion les scènes les plus instructives ou
les plus attachantes : là, de saints muets,
comme un peuple enchanté par un filtre,
accomplissent sans paroles les travaux des
moissons et des vendantes ; ici, les filles de
Claire foulent de leurs pieds nus les tombes
Îdacées de leur clottre. Ne croyez pas toute-
ois qu'elles soient malheureuses au milieu
de leurs austérités ; leurs cœurs sont purs,
et leurs yeux tournés vers le ciel en siçne
de désir et d'espérance. Due robe de laine
grise est préférable à des habits somptueux
achetés au prix des vertus; le pain de la
charité est plus sain que celui de la prostitn-
.tion. Eh I de combien de chagrins ce simple
Toile baissé entre ces filles et le monde no*
les sépare-t-il pas ?
c En vérité, nous sentons qu'il nous ftu*
ivn
cmo
MCTIOIHNAmE
onD
\m
N
drait un tout autre talent que te nôtre pour
traiter dignement des objets qui se pré-
sentent à nos yeui. Le plus bel éloge que
nous pourrions faire de la vie monastique
serait de présenter le catalogue des travaux
auxquels elle s*est consacrée. La reKgion*
laissant à notre oceur le soin de dos joies, ne
s'est occupée, comme une tendre mère, que
du soulagement de nos douleurs; mais,
<ians cette œuvre immense et difficile^ elle
a appelé tous ses fils et toutes ses filles à
son secours. Aux uns, elle a confié le soin
de nos maladies, comme à cette multitude
de religieux et de religieuses dévoués au
service des hôpitaux; aux autres, elle a dé-
légué les pauvres, comme aux sœurs de la
Charité. Le Père de la Rédemption s'embar-
que à Marseille : où va^^t-ilseul ainsi avec son
bréviaire et son bâton ? Ce conquérant mar-
che à la délivrance de V humanité, et les ar-
mées qui l'accompagnent sont invisibles. La
bourse de la chanté à la main, il court af-
fronter la peste, le martvre et l'esclavage. Il
aborde le dey d'Alger, il lui parle au nom
de ce Roi céleste dont il est 1 ambassadeur.
Le barbare s'étonne à la vue de cet Euro^
péen qui ose, seul, à travers les mers et les
orages , venir lui redemander des captifs :
dompté par une force inconnue , il accepte
Tor qu'on lui présente, et l'héroïque libéra-»
teur, satisfait d'avoir rendu des malheureux
à leur patrie , obscur et ignoré , reprend
humblement le chemin de son monastère.
c Partout c'est le même spectacle : le mis-
sionnaire qui piart pour la Chine rencontre
au port le missionnaire qui revient, glorieux
et mutilé, du Canada ; la sœur Grise court
administrer l'indigent dans sa chaumière; le
père Capucin vole à l'incendie; le frère hos-
pitalier lave les pieds du voyageur ; le frère
du Bien-Mourir console l'agonisant sur sa
couche; le frère Enterreur porte le corps du
pauvre décédé; la sœur de la Charité monte
au septième étage pour prodiguer l'or, le
vêtement et l'espérance ; ces filles, si juste-
ment appelées Filles-Dieu, portent et repor-
tent çà et là les bouillons, la charpie, les
remèdes; la fille du Bon-Pasteur tend les
bras à la fille prostituée, et lui crie : Je ne
suis point venue pour appeler les justes ,
mais les pécheurs! L'orpnelin trouve un
père, l'insensé un médecin, l'ignorant un
instructeur. Tous ces ouvriers en œuvres
lestes se précipitent, s'animent les uns
les autres. Cependant la religion, attentive
et tenant une couronne immortelle, leur
crie : Courage, mes enfants! courage 1 hft-
tez-vous, soyez plus prompts cpxe les maux
dans la carrière de la vie 1 méritez cette cou-
ronne que je vous i>répare, elle vous mettra
Tous-mèmes à l'abri de tous les maux et de
tous les besoins. "
« Au milieu de tant de tableaux qui mé-
riteraient chacun des volumes de détails et
de louanges, sur quelle scène particulière
arrêterons-nous nos regards? Nous^ avons
déjà parlé de ces hôtelleries que la religion
a placées dans les solitudes des quatre par-
ties du monde; fixons donc à présent les
7eu.x sur des objets d'une autre sorte
fli Etait-il quelque nouvelle qui pût briser
l'Ame, quelque commission dont les hom-
mes ennemis des larmes n'osassent se char-
ger de peur de compromettre leurs plaisirs,
c'était aux enfants du cluttre qu'elle était
aussi dévolue, et surtout aux Pères de Tordre
de Saint-François ; on supposait que des
hommes qui s'hâtaient voués k la misère,
devaient être naturellement les hérauts du
malheur. L'un était obKgé d^alier porter k
une famille la nouvelle de la perte de sa
fortune ; l'autre, de lui apprendre le trépas
d*un Qls unique. Le grand Bourdaloue rem-
plit lui-même ce triste devoir : il se présen-
tait en silence h la porte du père , croisait
les mains sur sa poitrine, s'inclinait pro-
fondément, et se retirait muet corome U
mort dont il était interprète.
ff Croit-on qu'il y eût beaucoup de plaisir
(nous entendons dfe ces pfaisirs à la façoa
du monde),, croit-on qu'il lût fort doux pour
un Cordelier , un Carme , un Franciscain ,
d'aller au milieu des prisons annoncer la
sentence au criminel, l'écouter, le consoler,.
et avoir, pendant des journées entières,
l'ftme transpercée des scènes les plus déchi-
rantes ? On a vu, dans ces actes de dévoue-
ment, la sueur tomt>er à grosses gouttes du
front de ces compatissants religieux, et
mouiller ce froe qu'elle a pour toiqours
rendu sacré en dépit des sarcasmes de la
philosophie. Et pourtant quel honneur, quel
profit revenait-il à ces moines de tant de
sacrifices, sinon la dérision du monde
et les injures môme des prisonniers qu'ils
consolaient? Mais du moins les hommes,
tout ingrats Qu'ils sont , avaient confessé
leur nullité dans ces grandes rencontres
de la vie , puisqu'ils les avaient abandon-
nées è la religion, seul Téritable secours
au dernier degré du malheur. 0 apôtres de
Jésus-Christ, de quelles catastrophes n'étiez*
vous pas témoins, vous qui, près du bour^
reau, ne craigniez point de vous couvrir da
sang des misérables, et qui étiez leur der-
nier ami ? Voici un des plus beaux spectacles
de la terre : aux ceux coins de cet échafaud
les deux Justices sont en présence, la Jus-
tice humaine et la Justice divine rVone.
implacable et appuyée sur un glaive, est ac-
compagnée du désespoir; l'autre, tenant oo
voile trempé de pleurs, se montre entre la
Pitié et rÉspérance ; l'une a pour ministre
un homme de sang, Tautre un homme de
paix ; l'une condamne, l'autre absout ; in-
nocente ou coupable , la première dit à w
victime : Meurs !... la secande lui cric •
Fils de i*innooenee ou du repentir, momi
au ciet.
« Voici encore une de ces grandes et non-
Telles idées qui n'appartiennent qu'à la re*
. ligion chrétienne. Les cultes idolâtres oni
ignoré l'enthousiasme divin qui anime i a-
pôtre de l'Evangile. Les anciens ohilosopnes
eux-mêmes n'ont jamais quitté les avenues
d'académies et les délices d'Athènes, mj
aller, au gré d'une impulsion sublime, nu-
joaniser le saurage, instruire TignoraDJ^
ifT7
ORD
D'ASCETISIIE.
ORD
1271
giiérir le malade , vMir le pauvre» et semer
la concorde et la paix parmi des nations
ennemies ; c'est ce que les religieux chré-
tiens ont fait et font encore tons les jours.
Les merSy les orages, les glaces du p6le, les
feux du tropique, rien ne les arrête : ils vi-
Tent arec TEsquimau dans son outre de
peau de Yache marine ; ils se nourrissent
a*bulle de baleine a? ec le Groënlandais ; avec
le Tartare ou Tlroquois, ils parcourent la
solitude ; ils montmt sur le dromadaire de
l*Arabe, ou suivent le Cafre errant dans ses
déserts embrasés; le Chinois, le Japonais,
rindien, sont devenus leurs néophytes ; il
n'est point d*lle on d'écueil dans VOcéan
qui ait pu échapper h leur zdie ; et comme
autrefois les royaumes manquaient h Tam-
bition d*iilexanare, la terre manque h leur
charité.
« Lorsque l'Europe régénérée n'offrit plus
aux prédicateurs de la foi qu'une famille de
frères, ils tournèrent les yeux vers les ré-
E'ons où les âmes languissaient encore dans
s ténèbres de l'idolâtrie. Ils furent touchés
de compassion en Toyant cette dégradation
de l'homme, ils se sentirent pressés du
désir de verser leur sang pour le salut de
ces étrangers. Il fallait percer des forêts
Erofondes, franchir des marais impratica-
les, traverser des fleuves dangereux, gravir
des rochers inaccessibles; illallait affronter
des nations cruelles, superstitieuses et ja-
louses; il fallait surmonter dans les unes
l'ignorance de la barbarie, dans les antres,
les préjugés de la civilisation : tant d'obsta-
cles ne purent les arrêter. Ceux qui ne
croient pius à la religion de leurs pères,
conviendront du moins que si les mission-
naires sont fermement persuadés qu'il .n'y a
de salut que dans la religion chrétienne,
Tacte car lequel ils se condamnent h des
maux inouïs pour sauver un idolâtre, est
au-dessus des plus grands dévouements.
« Qu'un homme, à la vue de tout un peu-
ple, sous les yeux de ses parents et de ses
amis, s'expose k la mort pour sa patrie : il
échançe quelques jours de vie pour des siè-
cles de gloire, il illustre sa famille et
l'élève aux richesses et aux honneurs. Mais
le missionnaire dont la vie se consume au
fond des bois, qui meurt d'une mort affreuse,
sans spectateurs , sans applaudissements,
sans avantages pour les siens, obscur, mé-
prisé, traité de lou, d'at>surde, de fanatique,
et tout cela pov donner un bonheur étemel
k un sauvage inconnu... de <iuel nom iaut^
il appeler cette mort, ce sacrifice ?
« Diverses congré^^ons religieuses se
consacraient aux missions : les Dominicains,
l'ordre de Saint-François , les Jésuites et
les prêtres des missions étrangères.
« Il y avait quatre sortes de missions :
c Les mUHons du Letani^ qui compre-
naient l'Archipel, Constantinopie, la Syrie,
l'Arménie, la Grimée, l'Ethiopie, la Perse et
l'Egypte ; ^
« Les mi$$ion$ de FAaUrique^ commençant
è la baie d'Hudson et remontant par le Ca-
nada, la Louisiane, la Californie, les An<
tilles et la Guyane, jusqu'aux fameuses rét
ductions ou jieuplades du Paraguay ;
« Les miuionB de F Inde ^ qui renferment,
rindoustan, la presqu'île en aeçà et au delà
du Gange, et qui s'étendaient jusqu'à Ma-
nille et aux Nouvelles-Philippines;
« Enfin les misrions de la thine, auxquel-
les se joignent celles du Ton-King, de la
Cochinchine et du Japon.
« On comptait de plus queloues églises en
Islande et chez les nègres de r Afrique, mais
elles n'étaient pas régulièrement suivies.
Les ministres presbytériens ont tenté der-
nièrement de prêcher l'Evangile à O-Taiti.
« Lorsque les Jésuites firent paraître la
correspondance connue sous le nom de £el-
tre$ éaifanies , elle fut citée et recherchée
par tous les auteurs. On s'appuyait de son
autorité, et les faits qu'elle contenait pas-
saient pour indubitables. Mais bientêt la
mode vint de décrier ce qu'on avait admiré.
Ces lettres étaient écrites par des prêtres
chrétiens : pouvaient-elles valoir quelque
chose ? On ne rougit pas de préférer, ou
plutôt de feindre de préférer aux voyages
des Dntertre et des Cbarieroix, ceux d'un
baron de La Hoolan, itérant et menteur...
Des savants, qui avaient passé trente et
quarante années à la cour même des empe-
reurs, qui avaient été k la tête des premiers
tribunaux de la Chine, qui parlaient et écri-
Taient la langue du pays, qui fréquentaient
les petits, qui vivaient familièrement avec
les grands,, qui avaient parcouru, tu et étu-
dié en détail les prorinces , les mœurs, la
religion et les lois de ce vaste empire ; ces
savants, dont les travaux nombreux ont
enrichi les Mémoires de F Académie des eeien*
ces, se Tirent traités d'imposteurs par un
homme qui n'était pas sorti du quartier
des Européens à Canton, qui ne savait pas
un mot de chinois, et dont tout le mérite
consistait è contredire grossièrement les
récits des missionnaires. On le sait aujour»
d'hui, et l'on rend une tardive justice aux
Jésuites. Des ambassades faites à grands
frais par des nations puissantes, nous ont-
elles appris quelque cnose que les Duhalde
et les Lecomte nous eussent laissé ignorer,
ou nous ont-elles révélé quelques menson-
ges de ces Pères ?
« En effet, un missionnaire doit être un
excellent Toyagenr, obligé de parler la lan-
gue des peuples auxquels il prêche l'Evan-
gile, de se confiormer k leurs usages, de vi-
Tre long^mps aTec toutes les classes de la
société, de cnercher à pénétrer dans les pa*
lais et dans les chaumières, n'eût-il reçu de
la nature aucun génie, il parviendrait encore
è recueillir une multitude de faits précieux.
Au contraire, l'homme qui passe rapide*
ment avec un interprète, qui n'a ni le temps
ni la volonté de s'exposer à mille pérfls
Eour apprendre le secret des mœurs, cet
omme eût-il tout ce qu'il faut pour bien
Toir et pour bien observer, ne peut cepen-
dant acquérir que des connaissances très-
Tagues, sur des peuples qui ne font que
rouler et disparaître à ses yeux.
1270
ORD
DlCTIO:«iNAm£
ORD
im
c Le Jésuite avait encore sur lo voyageur
ordio/iire l'ovantage d*uneéducatien savante.
Les supérieurs exigeaient plusieurs qualités
des élèves qui se destinaient aux missions.
Pour le Levant, il fallait savoir le grec, le
copte, le turc, et posséder quelques con-
nai<(sances en médecine; pour l'Inde et la
Chine* on voulait des astronomes, des ma-
thématiciens , des géographes, des méca-
niciens ; TAmérique était réservée aux
naturalistes. Et à combien de saints dégui-
sements, de pieuses ruses, de changements
de vie et de mœurs, u'élait-on pas obligé
d'avoir recours pour annoncer la vérité aux
hommes I A Maduré, le missionnaire pre-
nait l'habit du pénitent indien, s'assujettis-
S'iit à ses usages, se soumettait h ses austé-
rités, si rebutantes et si puériles qu'elles
fussent ; à la Chine, il devenait mandarin et
lettré; chez l'iroquois, il se faisait chasseur
el sauvage.
«( Presque toutes les missions françaises
furent établies par Colbert et Louvois, qui
comprirent de quelle ressource elles seraient
Iiour les arts , les sciences et le commerce,
-es PP. Fontenay, ïachard, Gerbillon, Le-
conite. Bouvet et Visdelou, furent envoyés
aux Indes par Louis XIV. Ils étaient maihé-
maticieùs, et le roi les fit recevoir de
l'Académie des sciences avant leur départ.
• « Le P. Brédeyent, connu par sa disser-
tation physico-mathématique, mourut maU
heureusement en partant pour l'Ethiopie ;
mais on a joui d'une partie de ses travaux ;
le P. Sicard risita l'Egypte avec des dessi-.
nateurs que lui avait fournis M de Maurepas.
Il acheva un grand ouvrage sous le titre de
Description de l'Egypte ancienne et moderne.
Ce manuscrit précieux, déposé à la muisoii
professe des Jésuites, fut dérobé sans qu'où
en ait jamais pu découvrir aucune trace.
« Personne sans doute ue pouvait mieux
nous faire connaître la Perse et le fameux
Thamas Kouli-Khan, que le moine Bazin,
qui fut le premier médecin de ce conqué-
rant* et le suivit dans sqs expéditions. Le
P. Cœur-Doux nous donna des renseigne-
ments sur les toiles et les teintures indien-
nés. La Chine nous fut connue comme la
France, nous eûmes lés manuscrits originaux
et les traductions de son histoire ; nous
eûmes des herbiers chinois, des géographes,
des mathématiques chinoises, et pour qu'il
ne manquât rien à la singularité de celte
mission, le P* Rica écrivit des livres de
morale dans la langue de Confucius, et
Passe encore pour un auteur élégant à
ékin.
ff Si la Chine nous est aujourd'hui fermée,
si nous ne disputons pas aux Anglais l'em-
pire des Indes, ce n'est pas la faute des Jé-
suites, qui ont été sur le point de nous ou-
Trir ces oelles régions. Us avaient réussi en
Amérique, dit Voltaire, en enseignant à des
sauvages les arts nécessaires; ils réussissent
à la Chine, en enseignant les arts les plus
relevés à une nation s()irituelle.
« L'utilité dont ils étaient à leur patrie,
dans les échelles du Levant, n'est pasmoijs
avérée. En veut-on une preuve authentique?
Voici un certificat dont les signatures sont
assez belles.
niCBET DU ROI.
« Aujourd'hui, septième de juin mil sii
« soixante-dix*neuf,le roi étantàSaint-Ger-
c main-en-La^e, voulant gratifier et favora-
c blement traiter les Pères Jésuites français,
« missionnaires au Levant, en considération
« de leur zèle pour la religion, et des avan-
c tages que ses sujets qui résident et qui iraf*
« auent dans toutes tes échelles^ reçoivent de
« leurs instructions^ Sa Majesté lésa retenus
c et retient pour ses chapelains dans tV*.
« glise et chapelle consulaire de la villed*Â-
« lep, en Syrio, etc.
Signée Louis.
« Et plus baSf Colbert. t
4 C'est è ces mêmes missionnaires que
nous devons l'amour que les sauvages por«
tent encore au nom français dans les forêts
de l'Amérique. Un mouchoir blanc suflil
pour passer en sûreté à travers les hordes
ennemies et pour recevoir partout l'hospita-
lité. C'étaient les Jésuites du Canada et de
la Louisiane qui avaient dirigé Tindustriedes
colons vers la culture, et découvert de nou-
veaux objets de commerce pour les teintu-
res et les remèdes. Eu naturalisant sur noire
sol des insectes, des oiseaux et des arbres
étrangers, ils ont ajouté des richesses è nos
manufactures, des délicatesses à nos tables,
et des ombrages à nos bois.
« Ce sont eux qui ont écrit les annales
élégantes et naïves de nos colonies. Quelle
excellente histoire que celle des Antilles par
le P. Dutertre, ou celle de la Nouvelle-France
par Charlevoix? Les ouvrages de cesboia-
mcs pieux sont pleins de toutes sortes de
sciences : dissertations savantes, peintures
do mœurs, plans d'amélioration pour nos
établissements, objets utiles, réfiexionsmo-
rales,aYenturcsio(éressantes,|touts'v;trouve;
l'histoire d'un acacia ou td'uD saule de la
Chine s'y mêle à l'histoire d'un grand em-
[)ereur réduit à se poignarder; et le récit de
a conversion d'un paria, k un traité sur les
mathématiques des brahmes. Le style de ces
relations, quelquefois sublime, est soureni
admirable par sa simplicité. Enfin les mis-
sions fournissaient chaque année à l'astro-
nomie et surtout à lagéographie de nouvelles
lumières. Un Jésuite rencontra cnTarlaric
une fcmmo huronne qu'il avait connue au
Canada: il conclut de celte étrange aveniuns
que le continent de l'Amérique, se rap|)ro-
che du nord-ouest du continent de l'Asie;
et il devina ainsi l'existence du d<5troitquî»
lonetemps après, a fait la gloire de Bérmg
et ae Cook. Une grande partie du Canada et
toute la Louisiane avaient é.té décoiiveries
par nos missionnaires. En appelant au chris-
tianisme les sauvages de I Acadie, ils nous
ivaienl livré ces côtes où s'enrichissait no-
ire commerce el se formaient nos marins:
telle est une faible partie dos services «v^^
!98l
€RD
DASCETISMK.
onD
Itfl
ces IjoranicSy aujourd*ut si Diéprbés, sa«
vaient rendre h leur pays.
« Chaque mission arait un caracière qui
lui était propre, et un genre de souffrance
particulier. Celles du Levant présentaient un
^pectacle bien philosophique. Combien elle
était puissante cette roix chrétienne qui s'é-
levait des tombeaux d'Argos et des ruines de
Sparte et d*Aihènest Dans les lies de Naxos
ri de Salamine d*où partaient ces brillantes
théories qui charmaient, enirraient la Grèce,
un pauTre prêtre catholique, déguisé eo
Turc, se jette dans un esguif, aborde è
quelque méchant réduit pratiqué sous des
tronçons de colonnes, console sur la paille
le descendant des Xerxès, distribue des au*
mônes au nom de Jésus-Christ, et, faisant le
bien comme on fait le mal, en se cachant
dans lombre, retourne secrètement au dé-
sert.
« Le sayant qui Ta mesufer les restes do
l'antiquité dans les solitudes de l'Afrique et
de TAsic, a sans doute des droits ènotreaJ-
miration; mais nous TOjons une chose en-
core dIus admirable et plus belle: c'est quel-
a ne Bossuet inconnu, expliguant la parole
es prophètes sur les débns de Tyr et de
Babylone.
< Dieu permettait que les moissons fus-
sent abonaantes dans un sol si riche ; une
Rareille poussière ne pouvait être stérile-
Fous sortîmes de Serpbo, dit le P. Xavier,
plus consolés que je ne puis vous l'exprimer
ici, le peuple nous comblantde bénédictions,
et remerciant Dieu mille fois de nous avoir
inspiré le dessein de Tenir les chercher au
milieu de leurs rochers.
« Les montagnes du Liban, comme les sa-
bles de la Thébaïde, étaient témoins du dé-
Touement des missionnaires. Ils ont une
grâce infinie à rehausser les plus petites cir-
constances. S'ils décrivent les cèdres du Li-
baa, ils vous parlent de quatre autels de
I»ierre qui se voient au pïéd de ces arbres,
et où les moines maronites célèbrent une
messe solennelle le iour de la Transfigura-
tion ; on croit entendre les accents religieux
qui se mêlent au murmure de ces bois chan-
tés par Salomon et Jérémie, et au fracas
des torrents qui tombent des montagnes.
« Parlent-ils de la vallée où coule le fleuve
saint, ils disent : « Ces rochers renferment
« de profondes grottes qui étaient autrefois
m autant de cellules d'un grand nombre de so-
m litairesqui avaient choisi ces retraites, pour
m être les seuls témoins sur terre de la rigueur
« de leur pénitence. Ce sont les larmes de ces
« saints pénitents qui ont donné au fleu vedont
m nous venons déparier le nomdeUeuve saint.
m Sa source est dans les montagnes du Liban.
« La vuede ces grottes et de cefleuTe, dans cet
« affreux désert, inspire de la componction,
m de rameur pour la pénitence, et de la com-'
m passion pour ces âmes sensuelles et mon-
m daines, qui préfèrent quelques jours dé
« Joie et de plaisir à une éternité bienheu-
« rense. »
« Cela nous semble parlait, et comme
sljle eC comme sentiment.
m Ces missionnaires avaient un instinct
merveilleux (lour suivre l'infortune à la
trace, et la forcer, pour ainsi dire, jusque
dans son dernier gtte. Les bagnes et les ga-
lères pestiférés n'avaient pn échapper h leur
chante; écoutons parler le P. Tarellon dans
sa lettre h M. de Pontchartrain :
« Les services que nous rendons h ces pau-
vres gens (les esclaves chrétiens au ba^nc
de Constantinople) consistent è les entre-
tenir dans la crainte de Dieu et dans la
foi, à leur procurer des soulagements de
la charité des fidèles, è les assister dans
leurs maladies, et enfin k leur aider â bi< n
mourir. Si tout cela demande beaucoup
de sujétion et de peine, je puis assunr
aue Dieu v attache en récompense de gra^-
des consolations.
« Dans les temps de peste, comme il faut
« être à portée de secourir ceux qui en sont
« frappé>, et que nous n*avons que quatre ou
« cinq missionnaires, notre usageest qu'il n'y
« ait qu'un seul Père qui entre au bagne, et
« qui y demeure tout le temps que la maladie
« dure. Celui qui en obtient la permission du
« supérieur s y dispose penaant quelques
• jours de retraite, et prend congé de ses
« frères, comme s'il devait bientôt mourir.
« Quelquefois il y consomme son sacf iOce,et
M quelquefois il échappe au danger. »
« Le P. Jacques Cachod écrit au P. Ta-
rillon :
« Maintenant je me suis mis an-dessus de
« toutes les craintes que donnent les maladies
« contagieuses ; et,s'il plattà Dieu, jene mour*
c rai pas de ce mal, après les hasards que
« je viens de courir. Je sors du bagne , où
• j'ai donné les derniers sacrements è qua^
« tre-vin^-six personnes.... Durant le jour,
« |e n'étais, ce me semble, étonné de rien ;
« il n'y aTait que la nuit, pendant le peu do
m sommeil ({uon me laissatl prendre, que je
c nie sentais Tespril tout rempli d*idées t-f^
c frayantes. Le plus grand péril que j'aie
« couru et que je courrai peut-être de ma
« Tie, a été à fond de cale d*une stdtane de
« quatre-Tingtdenx canons. Les esclaves, de
« concert avec les gardiens, m'y avaient fait
« entrer sur le soir pour les confesser toute
ç la nuit, et leur dire la messe de grand ma-
« tin. Nous fûmes enfermés à double cade-
« nas, comme c*est la coutume. De cin-
« quante-deux esclaves que je confessai,
« douze étaient malades, et trois mourun ni
ff avant que je fusse sorti. Jugez quel air je
« pouvais resjiirer dans ce lieu renfermé, et
« sans la moindre ouTerture? Dieu qui, pr
« sa bonté, m'a sauvé de ce pas là, me sau-
« Tera de bien d'autres, b
• « Un homme qui s'enferme volontaire-
ment dans un bagne en temps de peste; qui
avoue ingénument ses terreurs, et cpipour-
tant les surmonte par charité; qui s'intro-
duit ensuite à prix d'argent, comme pour
goûter des plaisirs illicites, à fond de cale
d*un vaisseau de guerre, afin d'assister dis
esclaves pestiférés, un tel homme ne suit
pas une impulsion naturelle : il y a quelque
^^■.
lâS5
ont)
lUCtlONNAIBE*
ORB
m
chose ici de plus que rhumanite ; les mis-
sionnaires en contiennent, et ils ne pren-
nent pas sur eux le mérite de ces œuvres
sublimes : « C'est Dieu qui nous donne celte
« force, répètent-ils souvent, nous n'y avons
« aucune part, b
« Un Jeune missionnaire, non encore
aguerri contre les dangers comme ces vieux
chefs tout chargés de fatiffues et de palmes
évangéliques, est étonné d.'avoir échappé au
premier péril; il craint qu'il n'y ait de sa faute,
il en paraît humilié.Après avoirfaitàson su-
périeur lerécil d'une peste.où souvent il avait
été obligé de coller ion oreille $ur la bouche
des malades^pour entendre leurs paroles mou-
rantes^ il ajoute : « Je n'ai pas mérité, mon
« révérend Père, que Dieu ait bien voulu
« recevoir le sacrifice de ma vie, que je lui
m avais offert. Je vous demande donc vos
« prières pour obtenir de Dieu quMl oublié
« mes péchés et me fasse la grâce de mourir
« pour lui. »
« C'est ainsi que le P. Bouchet écrit des
Indes : « Notre mission est plus florissante
€ que jamais; nous avons eu quatre grandes
a persécutions cette année. »
« C'est ce même P. Bouchet qui a en-
voyé en Europe les tables des brahmes,dont
M. Bailly s'est servi dans son Histoire de
Vastronomie. La société anglaise de Calcutta
n'a jusqu'à présent fait paraître aucun mo-
nument des sciences indiennes , que nos
missionnaires n'eussent découvert ou indi-
qué ; et cependant les savants anglais, sou-
verains de plusieurs grands royaumes, favo-
risés par tous les secours de l'art et de la
puissance , devraient avoir bien d'autres
moyen de succès qu'un pauvre Jésuite, seul,
errant et persécuté. «Pour peu que nous pa-
« russions librement en public, écrit le P.
« Rover, il serait aisé de nous reconnaître è
« l'ak et à la couleur du visaçe. Ainsi, pour
« ne pointsusciterde persécution niusgrande
« À la religion, il faut se résoudre a demeurer
« caché le plus qu'on peut. Je passe les jours
« entiers, ou enfermé dans un bateau, d'où
ft ie ne sors que la nuil, pour visiter les vil-
« Tages qui sont proche des rivières, ou retiré
« dans quelque maison éloignée. »
ff Le bateau de ce religieux était tout son
observatoire ; mais on est bien riche et bien
habile quand on a la charité.
« Deux religieux de l'ordre de Saint-Fran-
çois, l'un Polonais et l'autre Français de na-
tion, furent les premiers Européens qui pé-
nétrèrent dans la Chine, vers le milieu du
xir siècle. Marc Paoie , Vénitien , et Ni-
colas Mathieu Paoie, de la môme famille,
y firent ensuite deux voyages. Les Portu-
gais, ayant découvert la route des Indes,
s'(:tablirent à Hacao, et le P. Ricci, de la
compagnie de Jésus, résolut de s'ouvrir cet
empire du Cathai, dont on racontait tant] de
m* rveilles. Il s'appliqua d^abord à l'étude de
la langue chinoise, fune des plus difficiles du
monde. Son ardeur surmonta tous les obsta-
cles, et après bien des dangers et plusieurs
refus, il obtint des magistrats chinois, en
1682, la permission de s'établir àChoua-»
chen.
«Ricci, élève de Cluvius, et lui-même très-
habile en mathématiques, se fil, à l'aide de
cette science, des protecteurs parmi les man-
darins. Il quitta rhabit des bonzes, et prit
celui des lettrés. Il donnait des leçotis de
géométrie, où il mêlait avec art les le-
Îons plus précieuses de la morale chrétienne.
1 passa successivement à Chouacheoi Nem-
chem» Pékin, Nankin; tantôt mallraitéi tan-
tôt reçu avec joie; opposant aux revers nno
patience invincible, et ne perdant jamais
respérance de faire fructifier la parole de
Jésus-^hrist. Enfin, l'empereur lui-même,
charmé des vertus et des connaissances da
missionnaire, lui permit de résider dans la
capitale, et lui accorda, ainsi qu'aux compa-
gnons de ses travaux, plusieurs privilé^
Las Jésuites mirent une grande discrétion
dans leur conduite, et montrèrent une con*
naissance profonde du cœur humain. Ils res*
Î)ectèrent les usages des Chinois, et s'y con-
ormèrent en tout ce qui ne blessait pas les
lois évangéliques. Us furent traversés de
tous côtés. Bientôt la jalousie, dit Yoitairc,
corrompit les fruits de leur sagesse, et cet
esprit d'inquiétude et de contention, atta-
ché en Europe aux connaissances et aux
talents, renversa les plus grands desseins.
' ff Ricci sufiisait à tout. 11 répondait aux
accusations de ses ennemis en Earope, il
veillait aux églises naissantes de la Cmue.
Il donnait des leçons de mathématiques, il
écrivait en chinois des livres de conlrorerse
contre les lettrés qui Tattaquaient, il cultivait
Tamitié de l'empereur, et se ménageait des
intelligences à la cour, où sa politesse le&i-
sait aimerdes grands. Tant de fatigues abrégè-
rent ses jours. 11 termina à Pékin une vie de
cinquante-sept années, dont la moitié aTait
été consumée dans les travaux de Tapostolat.
c Après la mort du P. Ricci, sa mission
fut interrompue par les révolutions qui ar-
rivèrent à lal^hine. Mais lorsque l'empereur
tartare Cun-chi monta sur le trône, il nomma
le P. Adam Schall président du tribunal des
mathématiques. Cun-chi mourut, et pendant
la minorité de son fils Gang-hi , la religion
chrétienne fut exposée à de nouvelles per^
séculions.
« A la majorité de Tempereur, le calen-
drier se trouvant dans une grande confusioOf
il fallut rappeler les missionnaires. Le jeooe
prince s'attacha au P. Verbîest, successeur
du P. Schall. Il fit examiner le christianisme
par le tribunal des étals de l'empire, et mi-
nuta de sa propre main le mémoire des Jé-
suites. Les juges, anrès un mûr eiamen,
déclarèrent que la religion chrétienne était
bonne, qu'elle ne contenait rien decontrure
h la pureté des mœurs et à la prosoérité des
empires.
« il était digne des disciples de Coniucius
de prononcer une pareille sentence en faveur
de la loi de Jésus-Christ. Peu de temps après
ce décret, le P. Verbiest appela de Paris ces
.savants Jésuites qui ont porté rhouneur au
nom français jusqu'au centre de l'Asie.
)tt5
ORD
D^ASCEtlSME.
OtiD
ISM
• Le JisuUe qui parlait poar la Chine
alarmait du léleseope el du compas. Il pa-
raissait A la cour de Pékio atec rurbanite de
la cour de Louis XIV» et environué du cor-
tège des sciences et des arts. Déroulant des
cartes, tournant 'des globes, traçant des
sphèreSt il anprenail aul mandarins éton-
nés, et le Téritable cours des astres, et le
Téritable nom de celui gui les dirige dans
leurs orbites. Il ne dissipait les erreurs de
la physique que pour attaquer celles de la
morale; il replaçait dans le cœur, comme
dans son véritable siéj^, la simplicité qu'il
bannissait de Pesprit; inspirante la fois, par
ses mœurs el son savoir, une profonde vé-
nération pour son Dieu, et une haute estime
pour sa patrie.
« Il était beau pour la France de voir ses
religieux régler à la Chine les fastes d'un
grand empire. On se proposait des questions
de Pékin à Paris : la cnronoloçe, l'astro-
nomie, l'histoire naturelle, loumissaîent des
sujets de diseussions curieuses et savantes.
Les livres chinois étaient traduits en fran-
çais, les français en chinois. Le P. Parennia,
dans sa lettre à Fontenelle, écrivait à TAca-
démie des sciences :
« Messieurs,
« Tous serez peut-être surpris que je vous
« envoie de si loin un traité danatomie,
« un cours de médecine, et des questions de
« physique écrites en une langue qui, sans
« doute, vous est inconnue; mais voire
« surprise cessera, quand vous verrez que
M ce sont des ouvrages habillés à la lar-
M tare, w
« Il faut lire d un bout à l'autre cette
lettre, où respirent ce ton, ce style de poli-
tesse et ce style des honnêtes gens, près-
Îue oubliés de nos jours. Le Jésuite nommé
^aremiia, dit Voltaire, homme célèbre par
ses connaissances et par la sagesse de son
caractère, parlait très-bien le chinois et le
tartare... C'est lui qui est principalement
connu parmi nous, par les réponses sages
et instructives sur les sciences de la Chine,
aux difficultés savantes d'un de nos meil-
leurs philosophes.
c En 1711, I empereur de la Chine donna
aux Jésuites trois inscriptions qu'il avait
€om|)osées lui-même pour une église qu'ils
faisaient élever à Pékin. Celle du frontispice
portait:
AV VEAI Pmi^CIPB DB TOUTBs' CHOSES.
c Sur Tune des deux colonnes du péristyle
on lisait:
Il est IHFIlilUBNT BOTI ET I5FI!llMB!fT JUSTE ;
IL ÉCLAIBE, IL SOLTIEHT, IL BÈGLE TOUT
AVEC UNE SUPRÊME AUTOBITÉ ET AVBC UNE
SOITVEEAIlfE JUSTICE.
« La dernière colonne était couverte de ces
mots:
Il n'a point eu de commencement, il n'auea
POINT DE fin: il A PRODUIT TOUTES CHOSES
Bia LE commencement, c'est lui qui les
cou VEBNB ET QUI EN EST LE VÉRITABLE SEI-
GNEUR.
« Quiconque s'intéresse à la gloire de son
pays ne peut sWpêciier d'être vivement
ému en voyant de pauvres missionnaires
français donner de pareilles idées de Dieu
au chef de plusieurs millions d'hommes ;
quel noble usage de la religion I
« Le peuple, les mandarins, les lettrés em-
brassaient en foule la nouvelle doctrine : les
cérémonies du culte avaient surtout un
succès prodigieux . c . Avant la commu-
c nion, dit le P. Premare cité par le P. Fou-*
« quet, je prononçai tout haut les actes
« qu'on fait faire en approchant de ce dkin
« sacrjBment. Quoique la langue chinoise
« ne soîl pas féconde en affections du cœur,
« cela eut beaucoup de succès...» Je remar-
« quai sur les visages de ces bons chrétiens
« une dévotion que je n'avais pas encore
« vue. B
« I.oukang, ajoute le même missionnaire,
« m'avait donné du goût pour les missions
« de la campaçne. Je sortis de la bourgade
« et je trouvai tous ces pauvres gens qui
« travaillaient de cêté et d'autre; j en abor-
c dai un d'entre eux, qui me parut avoir la
« physionomie heureuse, et je lui parlai do
M Dieu. Il me parut content de ce que je di-*
« sais, et m'invita par honneur à aller dans
c la salle des ancêtres. C'est la plus belle
« maison de la bourgade ; elle est commune
« à tous les habitants, parce que, s'étant
c fait depuis longtemps une coutume de ne
c point s'allier hors ue leur pays, ils sont
« tous parents aujourd'hui, et ont les mêmes
« aïeux. Ce fut donc Ik que plusieurs, quit-
c tant leur travail, accoururent pour enten*
« dre la sainte doctrine. •
c N'est-ce pas là une scène do VOdygsie,
ou plutôt de la BibUi
« Dn empire, dont les mœurs inaltérables
usaient depuis deux mille ans le temps, les
révolutions et les conquêtes, cet empire
change à la voix d'un moiue chrétien, parti
seul du fond de l'Europe. Les préjugés les
plus enracinés, les usages les plus antiques,
une croyance religieuse consacrée par les
siècles, tout cela tombe et s'évanouit au
seul nom du Dieu de l'Evangile. Au mo*
ment même où nous écrivons, au moment
où le christianisme est perséculé en Europe,
il se propage à la Chine. Ce feu qu'on avait
cru eieint s'est ranimé, comme il arrive
toujours après les persécutions. Lorsqu'on
massacrait le cierge en France, et qu'on le
dépouillait de ses biens et de ses honneurs,
lesordinations secrètes étaient sans nombre ;
les évêques proscrits furent souvent obligés
de refuser la prêtrise k des jeunes gens qui
voulaient voler au martyre. Cela prouve
pour la millième fuis, combien ceux qui
ont cru anéantir le christianisme en allu-
mant les bûchers, ont méconnu son esprit.
Au contraire des choses humaines, dont la
nature est de périr dais les tourments, la
véritable religion s'accroît dans l'adversité.
€ Tandis que le christianisme brillait au
milieu des adorateurs de Fo-hi, que d'au»
très missionnairf s l'annonçaient aux nobles
Japonnais , on le portait à la cour des
sultanSyOnle vUseglisser, pouroinsidire jusr
fîS)
ORD
DICTIONNAIRE
ORD
(|rje dans les nids des forôls du Paraguay,
ntln d'apprivoiser ces nations indiennes qui
vivaient, comme des oiseaux, sur les bran-
ches d'arbres. C'est pourtant un culte que
colui-là qui réunit, quand il lui platt, les
forces politiques aux forces morales, et qui
crée, par une surabondance de moyens, des
gouvernements aussi sages que ceux de Mi-
nos et de Lycurgue. L%urope ne possédait
encore que desconstitutions barbares, for-
mées par le temps et le hasard, et la religion
chrétienne faisait revivre au nouveau-monde
les miracles des législations antiques. Les
hordes errantes des sauvages du Paraguay se
fixaient, et unerépubliqueevanséliquesortait
àlaparoledeDieu,desplus profonds déserts,
« Et quels étaient les grands génies qui
reproduisaient ces merveilles ? De simples
Jésuites, souvent traversés dans leurs des-
seins par Tavarice de leurs compatriotes.
« C'est une coutume généralement adop-
tée dans l'Amérique espagnole, de réduire
les Indiens en commande, et de les sacri-
fier aux travaux des mines. En vain le cler-
gé séculier et régulier avait récramé contre
cet usage aussi politique que barbare. Les
tribunaux du Mexique et au Pérou, la cour
de Madrid, retentissaient des plaintes des
missionnaires. Nous ne prétendons pas, di«
saienl-ils aux colons, nous opposer au pro-
fit que vous pouvez faire des Indiens par
des voies légitimes; mais TOUS savez que
l'intention du roi n'a jamais été que vous
les regardiez comme des esclaves, et que la
loi de Dieu vous le défend... Nous ne
croyons pas qu'il soit permis d'attenter à
leur liberté, à laquelle ils ont un droit na-
turel, que rien n'autorise à leur contester.
«Il restait au pied des Cordillères, vers
la côte qui regarde l'Atlantique, entre l'O-
rénoque et le Rio de la Plata, un pavs rem-
pli de sauvages, où les Espagnols n avaient
{>oint porté la dévastation. Ce fut dans ces
bréts qu'ils entreprirent de fbrmer une
république chrétienne, et de donner, du
moins a un petit nombre dlndiens , le
bonheur qu'ils n'avaient pu procurer à tous.
« Ils commencèrent par obtenir de la cour
d'Espagne la liberté des sauvages qu'ils par-
viendraient à réunir. A cettenouvelle, les co-
lons se soulevèrent, et ce ne fut qu*à force
d'esprit et d'adresse que les Jésuites surpri-
rent, pour ainsi dire, la permission de ver-
ser leur sang dans les déserts du nouveau
monde. Enfin, ayant triomphé de la cupidité
et de la malice humaines, méditant un des
plus nobles desseins qu*ail jamais conçus
un cœur d*homme, ils s'embarquèrent pour
le Rio de la Plata. >
« C'est dans ce fleure que vient se per-
dre l'autre fleuve qui a donné son nom au
pays et aux missions dont nous retraçons
rbistoire. Paraguay, dans la langue des
sauvages, signifie le fleuve couronné, parce
qu*il prend sa source dans le lac Xarayès,
qui lui sert comme de couronne . Avant
d'aller grossir le Rio delà Plata, il reçoit
les eaux du Parana et de l'Draguay. Des
forêts qui renferment dans leur sein d'au-
tres forèls tombéos de vioîlIosse,dcs marais
et des plaines entièrement inondés dans la
saison des pluies, des montagnes uni é!è-
vent des déserts sur des déserts, formenl
une partie des régions que le ParaguAv
hrrosB. Le gibier de toute espèce y abonde,
ainsi que les tigres et les ours. Les bois
sont remplis d'abeilles^ qui font une cire
blanche, et un miel très-parfumé. On^voit
des oiseaux d^un plumage éclatant, et qui
ressemblent à de grandes fleurs rouges et
bleues, sur la verdure des arbres. Dn mis-
sionnaire français, qui s'était égaré dans ces
solitudes, en fait la peinture suivanlc:
«Je continuai ma route, sans savoirà
«r quel terme elle devait aboutir, et sans
« qu'rl y eût personne qui pût me l'ensei-
« gner. Je trouvai quelquefois, au milieu
« de ces bois, des endroits enchantés. Tout
« ce que l'industrie des hommes a pu ima*
« giner pour rendre un lieu agréable, n'ap-
« proche point de ce que la simple nature
« y avait rassemblé de beautés.
« Ces lieux charmant réalisant lesidéesc^ue
« j avais eues autrefois en lisant les vies
« des anciens solitaires de la Thébaïde,ilmc
« vint en pensée de passer le reste de mes
« jours dans ces forêts où la ProTidence
« m'avait conduit, pour y vaquer unique-
c ment à l'affaire de mon salut, loin de tout
« commerce avec les hommes ; mais, comme
« je n'étais pas le mattre de ma destinée, et
« que les ordres du Seigneur m'étaient ctr-
« lainement marqués par ceux de mes so-
« périeurs, je rejetai celle pensée comme
« uneillu>ion. »
« Les Indiens que Ton renconlrail dans
ces retraites, ne leur ressemblaieiil que par
h côté affreux. Race indolente, stupide et
féroce, elle montrait dans toute sa laideur
rhomme primitif dégradé par sa chute. Rien
ne prouve davantage la dégénération de la
nature humaine, que la petitesse du sau-
vage dans la grandeur du désert
« Arrivés à Buenos-Ayres, les mission-
naires remontèrent le Rio de la Plata, et en-
trant dans les eaux du Paraguay, se disper-
sèrent dans les bois. Les anciennes rela-
tions nous les représentent un bréviaire au
bras gauche, une grande croix à la main
droite, et sans autre provision que lenrcon-
fiance en Dieu. Ils nous les peignent se fai-
sant jour à travers les forêts, marchant dans
les terres marécageuses où il)s avaient de
l'eau jusqu*à la ceinture, gravissant des ro-
chers escarpés et furetant dans les antres
et les précipices, au risque d'y trouver des
serpents et des bêtes féroces, au lieu des
hommes qu'ils cherchaient.
« Plusieurs d'entre eux y moururent de
faim et de fatigue; d'autres furent massa-
crés et dévorés par les sauvages. Le P. U-
zardi fut trouvé percé de flèches sur un ro-
cher; son corps était à demi mangé par les
oiseaux de proie, et son bréviaire étbil ou-
vert auprès dé lui àl'oflice des morts. Quand
un missionnaire rencontrait ainsi les restes
d'un de ses compagnons, il s'empressait de
lui rendre les honneurs funèbres; et pleio
liM
OiD
D^ASCETISME.
ORD
iij8
d*aiie grande ioio* il chanlail un Te Beum
solitaire sur lelombeau du martyr.
« De pareilles scènes, renouvelées à cha-
que instant, étonnaitfiit les hordes barbares.
Ouelquefois eiies s'arrêtaient autour du prê-
tre inconnu qui leur parlaildeDieu, et elles
regardaieni le ciel, que l'apôtre leur mon-
trait; quelquefois elles le fuyaient comme
un eocnanteur, et se sentaient saisies d'une
frayeur étrangç: le religieux les suivait en
leur tendant les mains au nom de Jésus-
Chrisl. S'il ne pouvait les arrêter, il plantait
sa croix dans un lieu découvert, et s'allait
cacher dans les bois. Les sauvages s'appro-
chaient peu à peu pour examiner retendant
de paix élevé dans la solitude, un aimant
secret semblable les attirait à ce signe de
leur salut. Alors le missionnaire sortant
tout à coup de son embuscade, et profitant
de la suiprise des barbares, les invitait à
quitter une vie misérable, pour jouir des
douceurs de la société*
c Quand les Jésuites se furent attaché
quelques Indiens, ils eurent recours à un
autre moyen pour gagner des Ames. Ils
avaient remarqué que les sauvages de ces
bords étaient fort sensibles à la musique;
on dit que les eaux du Paraguay rendent la
voix plus belle. Les missionnaires y'embar-
quèrrâl donc sur des pirogues avec les non-
veaux catéchumènes, ils remontèrent les
Oeuves en chantant des cantiques. Les néo*
phytes répétaient Tair, comme des oiseaux
privés chantant pour attirer dans les rets
de roiselcor les oiseaux sauvages. Les In-
diens ne manquèrent point de se venir
K rendre au doux pi^. Ils descendaient de
^urs montagnes» et accouraient au bord des
fleuves pour mieux entendre les accents:
plusieurs d'entre eux se jetaient dans les
ondes, et suivaient à la nage la nacelle en*
chantée. L'arc et la flèche échappaient à la
main du sauvage : Tavant-goùt des vertus
sociales et les premières douceurs de Thu-
manîté entraient dans son Ame confuse; il
vo/ait sa femme et son enfant pleurer d'une
joie inconnue; bienlêt, subjugué par un
attrait irrésistible, il lomtMit au pied de la
croix, et mêlait des torrents de larmes aux
eaux régénératrices qui coulaient sur sa
tête.
« Ainsi la religion chrétienne réalisait,
dans les forêts de l'Amérique, ce que la
lable raoonte des Amphion et des Orphée :
réflexion si naturelle, qu'elle s'est présentée
même aux missionnaires, tant il est certain
qu'on ne dit ici que la vérité, ayant l'air do
raconter une fiction.
« Si ces missions étonnent par leurs
grandeurs, il en est d'autres qui, pour être
plus ignorées, n*en sont pas moins touchan-
tes. C est souvent dans la cabane obscure
el sur la tombe du pauvre que le Roi des
rois aime à déployer les nchesses de sa
srâee par ses miraâes. Bn remontant vers
m Nord, depuis le Paraguay jusqu'au fond
du Canada , on rencontrait une foule de pe-
tites niissioas, où le nêophvte ne s'était pas
civilisé pour s'attacher a 1 apêtre, mais où
DicnoxH. d'Asgétismb. L
l'apôtre s'était fait sauvage pour suivre le
néophyte. Les religieux français étaient à
la tête de ces églises errantes» dont les pé-
rils et la mobilité semblaient être ù'its pour
notre courage et notre génie.
c Le P.Creuilli, Jésuite, fonda les missions
pour Cayenne. Ce qu'il fit 'pour le soulage-
ment des nègres et des sauvages paraît au-
dessus de rhumanité. Les Pères Lombard
et Remette, marchant sur les traces de ce
saint homme , s'enfoncèrent dans les ma-
rais de la Guyane. Us se rendirent aimables
aux Indiens Galibis , k force de se dévouer
à leurs douleurs, et parvinrent à obtenir
d^eux quelques enfants qulls élevèrent dans
la religion chrétienne. De retour dans leurs
forêts, ces jeunes enfants civilisés prêchè-
rent l'Evangile k leurs vieux parents sau-
vages, qui se laissèrent aisément toucher
par l'éloquence de ces nouveaux mission-
uaires. Les catéchumènes se rassemUèreut
dans un lieu an|ielé Hourou, où le Père
Lombard avait bâti une case avec deux nè-
gres. La bourgade augmentant tous les jours,
on résolut d avoir une ^iise. Hais com-
ment payer l'architecte - charpentier de
Cayenne, qui demandait quinze cents francs
pour les frais de Tentreprise 7 Le mission-
naire 'A ses néophytes, riches en vertus,
étaient, d'ailleurs, les plus pauvres des
hommes. La foi et la charité sont ingénieu-
ses. Les Galibis s'engagèrent à creuser sept
pirogues aue le charpentier accepta sur le
pied de deux cents livres chacune. Pour
compléter le reste de la somme, les femmps
filèrent autant de coton qu*îl en fallait pour
faire huit hamacs. Vingt autres sauvages se
firent esclaves volontaires d'un colon , pen-
dant que ses deux nteres, qu'il consentit à
prêter, furent occuper à scier les planches
du toit de l'édifice. Ainsi tout fut arrange, et
Dieu eut un temple au désert.
c Celui qui, de toute éternité, a préparé
les voies des choses, vient de découvrir sur
ces bords un de ces desseins qui échappent,
dans leur principe, à la sagacité des nom-
mes, et dont on ne pénètre la profondeur
În*à l'instant même où ils s'accomplissent,
fuand le Père Lombard jetait, il y a plus
d'un siècle, les fondements de sa mission
chez les Galibis, il ne savait pas qu'il ne
faisait que disposer des sauvages à recevoir
un jour des martyrs de la foi, et qu'il pré-
parait les déserts d'une nouvelle Thétiude
à la religion persécutée. Quel sujet de ré-
flexion! Rillaud de Varenne et Pichegru» lu
tvran et la victime, dans la même case à
Sy nnamary ; l'extrémité de la misère n'ayant
pas même uni les cœurs; des bain*» im*
mortelles vivant parmi les compagnons des
mêmes fers, et les cris de quelques infor-
tunés prêts à se déchirer se mêlant aux ru-
gissements des tigres dans les forêts du
nouveau monde 1
« Voyez, au milieu de ce trouble des pas-
sionsi le calme et la sérénité évangéliquea
des confesseurs de Jésus-Christ jetés chez
lesnéophytesde la Guyane, et trouvant parmi
des barbares chrétiens la pitié que leur re*
41
If9l
OR0
DldtlONNÂlRE
mo
tm
fusaient des Français; de pauvres religieuses
liospilalièros, qui semblent ne s*ëtre exilées
(tans un climat destructeur que pour attendre
un Collot-d'Herbois sur son ht de mort, et
lui prodiguer les soins de la charité chré-
tienne. Ces saintes femmes, confondant
l'innocent et le coupable dans leur amou^
de Thumanité, versant des pleurs sur tous»
priant Dieu de secourir el les persécuteurs
de son nom et les martyrs de son culte :
quelle leçon I quel tableau! que les hommes
sont malheureux, et que la religion est
bellel
c L'établissement de nos colonies aux
Antilles ou Ant-Iles, ainsi nommées, parce
qu'on les rencontre les premières è l'entrée
du golfe Mexicain, ne remonte qu'à l'an 1627,
époque à laquelle M. d^Enamouc bâtiti un
fort, el laissa quelques familles srur rlle
Saint-Christophe.
a C'était alors Tusage de donner des mis-
sionnaires pour curés aux établissements
lointains, mn que la religion f)mtégeàt en
quelque sorte cet esprit d'intrépidité et d'à-
verntt^re qui distinguait les premiers cher-
cheurs de fortune au Nouveau-Monde. Les
Frèrex Prêcheurs 9 de la congrégation de
Saint-Louis , les Pires Carmes^ les Capucins
et les féêuiteSf se consacrèrent à Tinstmc-
iion des Caraïbes et des nègres, cl h tous
les travaux gu'exigeaienl nos colonies nais-
santes de Sainl-CHristopho et de la Guade-
loupe, de la Marlàiiquo et de sainl-Dc-
idinguo.
« Nous no nous arrêtons point aux mis-
sions de la CGiifornie, parce qu'elles n'of-
frent aucun caractère particulier; ni à celles
de la Louisiaiic, qui se confondent avec ces
terribles missions du Canada, où l'intrépi-^
dite des apôtres de Jésus-Christ a paru dans
toute sa glo;re.
. c Lorsque les Frangais, sou^ la conduite
do Cliamplain, remohtèrcnl le flnjvo Saint-
Laurent, ils trouvèrent des sauvages bien
dilTérents de ceux qu'on avait découvert*
jusqu'alors au nouveau monde. C'étaient
dus hommes robustes, fiers d^ leur indé-
pendance, capables de raisonnemont et de
calcul, n*él)Biut «étonnés ni dos mœurs des
Européens, ni de leurs armtss (337}, et qui ,
loin de nous admirer, comme les innocents
Caraïbes, n'avaient pour nos usages que du
dégoût et du mépris.
« Trois nations se partagèrent l'empire
du désert : l'Algonquine, la plus ancienne
et la première de toutes, mais qui s'étant
attiré la haine par sa puissance, était prête
à succomber sous les armes des deux au-
tres ; la Huronne, qui fut notre alliée, et
riroauoise, notre ennemie.
« Ces peuples n'étaient point vagabonds ;
ils avaient des établissements fixes, des gou-
vernements réguliers. Nous avons eu nous-
mêmes occasion d'observer chez les In-
diens du nouveau monde toutes les formes
de constitutions des peuples civilisés. Ainsi,
les Natchez, à la Louisiane, offraient le des-
potisme dans l'état de nature ; les Creecks
de la Floride, la monarchie ; et les Iroquois
du Canada, le gouvernement républicain
Ces derniers et les Hurons représentaienl
encore les Spartiates et les Athéniens dan)
la condition sauvagiô; tes Hurons, spiritoels,
gais, légers, dissimulés, toutefois braves,
éloquents, gouvernés par des femmes, abu-
sant de la fortune et soutenant mal les re-
vers, a^ant plus d'honneur que d'amour do
la patnè. Les Iroquois, séparés en cantons,
que dirigeaient des vieillards ambitieux»
politiques, taciturnes, sévères, dévorés du
désir de dominer, capables des plus grands
vices et des plus grandes vertus, sacrifiant
tout à la patrie, les plus féfoees et ies plus
intrépides des hommes.
«( Aussitôt que les -Français et les Anglais
parurent sur ces rivages, par un instinct na-
turel, les Hui'ons s'attachèrent aox premiers ;
les Iroquois se dévouèrent aux seconds, mais
sans les aimer ; il5 ne s'en servaient que
pour se procurer des armes. Quand leurs
nouveaux alliés devenaient trop puissants,
ils les abandonnaient, et se donnaient à eux
de nouveau, quand les Français obtenaient
la viôtoire. On vit ainsi un petit troupeau
de sauvages se ménager entre deux nations
civilisées) chercher & détraire l'une par
Tautre, toucher souvent au moment d'ac-
complir ce dessein, et d'être à la fois û
mattre et le libérateur de cotte partie du
nouveau monde.
« Tels furent les peuples que nos mis-
sioanaires entreprirent de nous concilier par
la religion. Si la France vit son empire s'é-
tendre, en Amérique, par delà les cives du
Meschascébé ; si elle conserva si lonRtemps
le Canada contre les Iroquois et les Anglais
uniS; elle dut presque tous ses succès aux
Jésuites. Ce furent eux qui sauvèrent la cch
lonie au berceau, en plaçant pour boulevart
devant elle un village de Hurons et dlro-
quois chrétiens; en prévenant des coalitions
générales dlndiens ; en négociant des trai-
tés de paix; en allant seuls s'exposera is
fureur des Iroquois pour traverser les des*
seins des Anglais. Les gouverneurs de la
Nouvelle-Angleterre ne cessent, dans leurs
dépêches, de peindre nos missionnaires
comme les plus dangereux ennemis. « ils
déconcertent, disent-ils, les projets delà
puissance britannique; iis décoavrent ses
secrets, et lui enlèvent le cœur et les armes
des sauvages.'
«Ainsi, nous avons indiqué les voies
3ue suivaient les différentes missions : voies
e simplicité, voies de science» voies de
législation, voies d'héroïsme. Il nous sem^
ble que c'était un juste sujet d'orgueil
pour l'Europe, et surtout pour la France,
qui fournissait le plus grand nombre do
missionnaires, de voir tous les ans sortir
de son sein les hommes qui allaient faire
éclater les miracles des arts» des lois» de
(557) dans le premier coipbat de Champlaio cou- çais sans donner d'abord le bokidre ^iis de
ire les Iroquois, ceux-ci soutinrent le feu des Fran- frayeur ou d'élonnement.
ORD
D^âSCETISME.
ORD
l»l
riMHMnm el du eoarage, dans les quatre
parties de h ierre. De là proTeoail la haute
idée que les étrangers se formaienl de notre
uatioâ et du Dieu qu*on y adorait. Les
peuples les plus éloignés Toulaienl entrer
en liaison arec nous; TaraLfassadenr du
sauvage de l'Occident rencontrait à notre
cour l^mbassadeur des nations de l*aarore.
Nous ne nous piquons pas du don de pro-
phétie ; mais on se peut tenir assuré, el
l'expérience le prourera, que jamais des
sarants, dépéchés aux pays lointains, avec
les instruments et tes plans d'une académie,
ne feront ce qu'un pauvre moine, parti à
pied de son couvent, exécutait seul avec son
chapelet et son bréviaire.
< C'est encore en grande partie aux ordres
religieux que Ton doit l'ongine de presque
toutes les grandes institutions de charité.
« La charité, vertu absolument chrétienne
et inconnue des anciens, a pris naissance
dans Jésus4!hrist ; c'est la vertu qui le dis-
tingua principalement du reste des mortels,
et qui fut en lui le sceau de la rénovation
de h nature humaine. Ce fut par la charité,
à l'exemple de leur divin matire, que les
apôtres {^g^rent si rapidement les cœurs
tH séduisirent saintement les hommes.
« Les premiers fidèles, instruits dans cette
grande vertu, mettaient en commun quel-
ques deniers pour secourir les nécessiteux,
les malades et les voyageurs : ainsi com-
mencèrent les hôpitaux. Devenue plus opu-
lente, l'Eglise fonda pour nos maux des
établissements dignes a'elle. Dès ce moment
les œuvres de miséricorde n'eurent plus de
retenue : il y eut un débordement de la cha-
rité sur les misérables, jusqu'alors aban-
donnés par les heureux du monde. On de-
mandera peut-être comment faisaient les
anciens, qui n'avaient point d'hôpitaux. Ils
STaient, nour se défaire des pauvres et des
infortunés, deux moyens que les chrétiens
n'ont pas : rinfanUciéa et l'esclavage.
c Les molodnef ou léproieries de Saint-
Lazare, semblent avoir été en Orient les
premières maisons de refuge. On y recevait
ces lépreux qui, renonces parleurs proches,
languissaient aux carrefours des cités, en
horreur à tous les hommes. Ces hôpitaux
étaient desservis par des religieux de 1 ordre
de Saint-Bazile.
« Nous avons dit un mot des rriuilutref ,
ou des Pères de la Rédemption des capiift.
Saint Pierre de Noiasque en Espagne imita
saint Jean de Hatha en France. On ne peut
lire sans attendrissement les règles austères
de ces ordres. Par leur première constitu-
tion, les Trinitaîres ne pouvaient manger
que des lé^mcs et du laitage. Et pourquoi
cette vie rigoureuse? Parce que plus ces
Pères se privaient des nécessites de la vie.
Elus il restait de trésors à prodiguer aux
arbares ; parce que, s'il fallait, des victimes
à la colère céleste, on espérait que le Tout-
Puissant recevrait les expiations de ces re-
ligieux, en échange des maux dont ils déli-
vraient les prisonniers.
«•L*ordre de la Merci donna plusieurs
saints au monde. Saint Pierre Pascal, évoque
de Jaën, après avoir employé ses revenus
au rachat des captifs et au soulagement des
pauvres, passa chez les Turcs, où il fut
chargé de fers. Le clergé et le peuple de son
Eglise lui envoyèrent une somme d'argent
pour sa rançon. « Le saint, » dit Hélyot, < la
c reçut avec beaucoup de reconnaissance ;
« mais, au lieu de l'employer k se procurer
« la liberté, il en racheta quantité de femmes
ir et'd'cnfaiits, dont la faiblesse lui faisait
« craindre qu'il s n'abandonnassent la religion
c chrétienne, et il demeura toujours entre les
< makis de ces barbares, qui lui*procurèrent
« la couronne du martyre en 1900. »
« H se forma aussi dans cet onire une
congréeation de femmes, qui se dévouaient
au soulagement des pauvres étrangères. Une
des fondatrices de ce tiers-ordre était une
grande dame de Barcelone, qui distribua
son bien aux malheureux : son nom de fa-
mifle s'est perdu ; elle n'est plus connue
aujourd'hui que par le nom de Marie du
Sc^urs, que les pauvres lui avaient donné.
«L'ordre des Religieuies péniietUeif en
Allemagne et en France, retirait du vice
de malheureuses filles exposées k périr dans
la misère, après avoir vécu dans le désor-
dre. C'était une chose tout à fait divine do
voir la religion, surmontant ses dégoûts par
un excès de charité, exiger jusqu'aux preu-
ves du vice, de peur qu^n ne tromp.1t ses
institutions et que l'innocence sous la forme
du repentir n'usurpât une retraite qui n'était
pas établie pour elle.
< Vous savez, dit Jehan Simon, évoque do
Paris, dans les constitutions de cet ordre,
qu'aucunes sont venues à nous qui étaient
vierges..., h la suggestion de leurs mères
et parents, qui ne demandaient qu'à s'en
défaire ; ordonnons que si aucune voulait
entrer en votre congrégation, elle soit in-
terrogée, etc. Les noms les plus doux et
les plus miséricordieux servaient à cou-
vrir les erreurs passées de ces pécheresses.
On les appelait les filles du Bon-Pasteur,
ou les filles de la Madeleine, pour désigner
leur retour au bercail et le parJon qui
les attendait. Elles ne prononçaient que
des vœux simples ; on Iflchait mime de les
marier quand elles le désiraient, et on
leur assurait une petite dot. Afin qu'elles
n'eussent que des idées de pureté, autour
d'elles, elles étaient vêtues de blanc, d'où
on les nommait aussi Filles blanches.
Dans quelques villes, on leur mettait une
couronne sur la tète, et l'on chantait : Ffnt,
spansa Chrieti; Venez ,épouse du Christ. »
I Ces contrastes étaient touchants, et cette
délicatesse bien digne d'une religion qui
sait secourir sans offenser, et ménager tes
faiblesses du cœur humain, tout enT-arra-
chant à ses vices. A riïôpital du Saint-Es-
prit, à Rome, il est défeudu de suivre les
personnes qui déposent les orphelins à la
porte du Père-Universel.
« Il y a dans la société des malhenreux
3 u'on, n'aperçoit pas, parce que, descendus
e parents honnêtes mais indigents, ils sont
12»5
OUD
BlCTlONNAmE
ORD
im
obligés de gardor les dehors de Taisanoe
dans les privations de la pauvreté ; il n'y a
Suère de situation plus cruelle ; le cœur est
lessé de toutes parts, et pour peu qu'on
ait l'Ame élevée, la vie n'est qu'une longue
souffrance. Que deviendront les malheureu-
ses demoiselles nées dans de telles familles?
Iront-elles cliez des parents riches et hau-
tains se soumettre è toutes sortes de mépris»
ou embrasseront-elles des métiers que les
préjugés sociaux et leur délicatesse natu-
relle leur défendent ? La religion a trouvé le
remède ? Notre-Dame de Miséricorde ouvre
à ces femmes sensibles s^a pieuses et res-
pectables solitudes. 11 y a quelques années
que nous n'aurions osé parler de Saint-Cyr,
car il était alors convenu que de pauvres
filles nobles ne méritaient ni asile m pitié,
a Dieu a différentes voies pour appeler à
lui ses serviteurs. Le capitaine Caraffa sol-
licitait, àNapleSyla récompense des services
militaires qu'il avait rendus à la couronne
d*Espa^ne. Un jour, comme il se rendait au
palais, il entre par hasard dans l'église d'un
monastère. Une jeune religieuse chantait;
il fut touché jusqu'aux larmes de la douceur
de sa Toix : il jugea que le service de Dieu
doit être plein de délices, puisqu'il donne
de tels accents à ceux qui lui ont consacré
leurs jours. 11 retourne à l'instant chez lui,
jette au feu ses certificats de service, se
coupe les cheveux, embrasse la vie monas-
tique, et fonde Tordre des Ouvriers pieux,
qui s'occune en général du soulagement des
infirmités numaines. Cet ordre fit d'abord
peu de i^rogrès, parce que, dans une peste
qui survint à Naples, les relif^ieux mouru-
rent tous en assistant les pestiférés, à l'ex-
ception de deux prêtres et de trois clercs.
« Pierre de Bétancourt, Frère de l'ordre
de Saint-François, étant à Guatimala, ville
et province de l'Amérique espagnole, fui
louché du sort des esclaves qui n'avaient
aucun lieu de refuge pendant leurs mala-
dies. Ayant obtenu par aumône le don d'une
chétive maison où il tenait auparavant une
école pour les nauvres, il bAtit lui-môme
une espèce d'inurmcrie, qu'il recouvrit de
paille» dans le dessein d'y retirer les escla-
ves qui manquaient d'abri. 11 ne tarda pas à
rencontrer une femme nègre, estropiée»
abandonnée par son maître. Aussitôt le saint
religieux cnarge l'esclave sur ses épaules,
ot, tout glorieux de son fardeau, il le porte
h cette méchante cabane qu'il appelait son
hôpital. 11 allait courant toute la ville, afin
d'obtenir quelques secours pour sa négresse.
Elle ne survécut pas longtemps à tant de
charité ; mais, en répandant ses dernières
larmes, elle promit à son gardien des ré-
compenses célestes qu'il a sans doute ob-
tenues.
« Plusieurs riches, attendris par ses ver-
tus, donnèrent des fonds à Bétancourt, qui
vit la chaumière de la femme nègre se
changer eu un hôpital magnifique. Ce reli-
gieux mourut jeune ; Famour de l'humanité
avait consumé «son cœur. Aussitôt que le
bruit de son trépas fut répandu, les pauvres
et les esclaves se précipitèri^nt à Thôpiui,
r^our voir encore une fois leur bienfaiteur.
Is baisaient ses pieds, ils coupaient des
morceaux de ses habits, ils l'eussent déchiré
)>our en emporter quelques reliques, si Ton
n'eût mis des gardes à son cercueil : on eût
cru que c'était le corps d'un tyran qu'on dé-
fendait contre la haine des peuples, et c'é-
tait un pauvre moine qu'on dérobait ï leur
amour.
9 L*ordre du Frère Bétancourt se répandit
après lui ; l'Amérique entière se couvrit de
ses hôpitaux, desservis par des religieux qui
Iirirent le nom de Beinliémiles. Telle était
a formule de leurs vœux : c Moi, frère
ff je fais vœu de pauvreté, do chasteté et
« d'hospitalité , et m'oblige de seriir les
« pauvres convalescents, encore bienju^iU
« soieni infidèles ei aiiaqués de maladiei e<m-
« tagieuses. »
« Si la religion nous a attendus sur le
sommet des montagnes, elle est aussi des-
cendue dans les entrailles de la terre, loin
de la lumière du jour, afin d'y chercher des
infortunés. Les frères Bethléémites ont des
es[ èces d'hôpitaux jusqu'au fond des mines
du Pérou et du Mexique. Le christianisme
s'est efforcé de réparer au Nouveau-Monde
les maux que les hommes y ont faits, et
dont on l'a si iiyustement accusé d'être Tau-
teur. Le docteur Robertson, Anglais, pro-
testant et même ministre presuytérieu, a
pleinement justifié sur ce poml TËglise ro-
maine : « C est avec plus d injustice encore,
« dit-il, que beaucoup d'écrivains oot attri-
« bué à resprit d*intolérance de la religion
«c romaine la destruction des Américains,
« et ont accusé les ecclésiastiques espagnols
< d'avoir excité leurs compatriotes à massa*
^ crer ces peuples innocents, comme des
« idolâtres et des ennemis de Dieu. L^ pre-
« miers missionnaires, quoique simples et
c sans lettres, étaient des hommes pieoi ;
< ils épousèrent de bonne heure la cause
« des Indiens, et défendirent ce peuple con*
« tre les calomnies dont s'efforcèreot de le
« noircir les conquérants, qui le représeo-
« talent comme incapable de se former ia-
« mais à la vie sociale el de comprendre m
< principes de la religion, et comme une
« espèce imparfaite d'nommes que la natore
< avait marquée du sceau de la servitude.
< Ce que j'ai dit du zèle constant des mis-
« sionnaires espagnols pour la défense el
« la protection du troupeau commis à leurs
« soins, les montre sous un point de îoc
< di^ne de leurs fonctions ; ils forent des
« ministres de paix pour les Indiens, et
« s'efforcèrent toujours d'arracher la verge
« de fer des mains de leurs oppresseurs,
c C*esl à leur puissante médiatioD que les
« Américains durent tous les règlements qui
« tendaientà adoucir la rigueur de leur sorl
« Les Indiens regardent enr.ore les eccié-
c siastiques, tant séculiers que réguliers,
c dans les établissements espagnols, comme
a leurs défenseurs naturels, et c'est à eui
« qu'ils ont «recours pour repousser les
ÎVI
ORD
0*ASCETIbllE.
ORD
I2M
m eucUODs et les yioleiices auxquelles ils
« sont encoee exposés, m
• Ce passage esl formel, et d'autant plus
décisif, qu*aTaBt d*eD Tenir ï cette eonclu-
sioB, le ministre protestaat fournit les preu-
ves qfoi ont déterminé son opinion. Il cite
les plaidoyers des Dominicains pour les
Caraïbes, car ce n'était pas Las-Casas seul
qui prenait leur défense ; c'était son ordre
entier et le reste des ecclésiastiques espa-
gnols. Le docteur anglais joint à cela les
bulles des papes, les ordonnances des rois
accordées, à la sollicitation du dergé, pour
adoucir le sort des Américains et mettre un
lirein à la cruauté des colons.
« Au reste, le silence que la philosophie a
gardé sur ce passage de Robertson es't bien
remarquable. On cite tout de cet auteur,
hors le fait qui présente sous on nouveau
jour la conquête de l'Amérique, et que dé-
truit une des plus atroces calomnies dont
rhistoire se soit rendue coupable. Les so-
phistes ont voulu rejeter sur la religion
un crime que non-seulement la religion n*a
P^ commis, mais dont elle a eu liorreur ;
c'est ainsi que les tjrrans ont souvent ac-
cusé leur victime.
c Nous venons k ce monument où la reli-
gion a Toulu, comme d'un seul coup, et
sous un seul point* de vue, montrer qu'il
n*j a point de souffrances humaines qu elle
n'ose envisager, ni de misère au-dessus de
son amour.
« La fondation de THAtel-Dieu remonte à
saint Landry, huitikne évéque de Paris. Les
bâtiments en furent snocessiTement aug-
mentes par le chapitre de Notre-Dame, pro*
|>riétaire de ThApital , par saint Louis, par
e chancelier Duprat et par Henri IV ; en
sorte qu*on peut dise que cette retraite de
tous les maux s'élargissait à mesure que
les maux se multipliaient et que là charité
eroissait à l'égal des douleurs.
« L'hApital était desservi dan^ le principe
par desrelîgieux et des religieuses, sous la
règle de saint Augpislin ; mais depuis long-
temps les reliçieuses seules y sont restées.
m Le cardinalde Vitry, »ditUélyot, «avoulu
sans doute parler des religieuses de l'HÔ-
tel-Dieu, lorsqu'il dit qu'ilj en avait gui,
se faisant violence, souffraient avec joie et
sans répugnance l'asp^ hideux de toutes
les misères humaines^ et qu'il lui semblait
qu'aucun genre de pénitence ne pouvait
être comparé à celle espèce de martyre.
< 11 n'y a personne, vconiinne l'auteur « que
nous citons, qui, en voyant les religieuses
de l'HAtel-Dieu non-seulement panser,
nettoyer les malades, faire leur ht, mais
encore au plus fort de l'hiver casser la
glace de la rivière qui passe au milieu de
cet hôpital, et y entrer jusqu'à la moitié
du corps, pour laver leurs linges pleins
d'ordures et de vilenies , ne les regarde
comme autant de saintes victimes qui, par
un excès d'amour et de chaiité pour se-
oonrir leur prodiain, courent volontiers
€ à la mort qu'elles affrontent, pour ainsi
• dire, au milieu de tant de puanteur et
c d'infection causées par le grand nombre
« des malades. »
c Nous ne doutons point des vertus qu'ins-
pire la philosophie, mais elles seront en-
core bien plus frappantes pour le vulgaire,
ces vertus, quand la philosophie nous aura
montré de pareils dévoûmenls. VA cepen-
dant la naïveté de la neinture dTHélyot est
loin de donner une idée complète des sacri-
fices de ces femmes chrétiennes : cet histo-
rien ne parle ni de l'abandon des plaisira
de la vie, ni de la perte de la jeunesse et de
la beauté, ni du renoncement à une famille,
à un époux, à l'espoir d'une postérité ; il ne
parie point de tous les sacrifices du cœur,
des plus doux sentiments de l'Ame étouffés,
bore la pitié qui, au milieu de tant de dou-
leura, devient un tourment de plus.
c Eh bienl nous avons vu les malades,
les mourants près de passer, se soulever
sur leure couches, et , faisant un dernier ef-
fort, accabler d'injures les femmes angéli-
ques qui les servaient. El pourquoi 7 parce
qu'elles étaient chrétiennes. D'autres filles
semblables è celles-ci, et qui méritaient des
auttds, ont été publiquement foueiiée$t nous
ne d^uisons point le mot. Après un pareil
retour pour tant de bienfaits, qui eût voulu
encore retourner auprès des misérables?
qui 7 Elles 1 ces femmes 1 elles-mêmes I Elles
oiit volé au premier signal, ou pluidt elles
n'ont jamais quitté leur poste. Voyez ici
réunies la nature humaine religieuse et la
nature humaine impie, et jugez-les.
« La sœur grise ne renfermait pas fou-
jours ses vertus, ainsi gue les filles de TUô-
tel-Dieu, dans l'intérieur d'un lieu pesti-
féré , elle les répandait au dehore, comme
un parfum dans les campagnes; elle allait
voir le cultivateur infirme dans sa chau-
mière. Qu'il était touchant de voir une
femme jeune, belle et compatissante, exer-
cer an nom de Dieu, près de l'homme rus-
tique, la profession ou médecin I On nous
montrait oemièrement près d'un moulin,
sous des saules, dans une prairie, une pe-
tite maison qu'aTaient occupée trois sceun
grises. C'était de cet asile champêtre qu'el-
les partaient k toutes les heures de la nuit
et du jour, pour secourir les laboureura.
On remarquait en elles, comme dans toutes
leurs smure, cet air de propreté et de con-
tentement qui annonce que le corps et l'âme
sont également exempts de souillures; elles
étaient pleines de douceur, mais toutefois
sans manquer de fermeté pour soutenir la
vue des maux et pour se faire obéir des
malades. Elles excellaient à rétablir les
membres brisés par des chutes ou par ces
accidents si communs chez les paysans.
Hais ce qui était d'un prix inestimable,
c'est qne la somir grise ne manquait pas de
dire un- mot de Dieu à l'oreille du nourri-
cier de la patrie, et que jamais la morale
ne trouva de formes plus divines pour se
glisser dans le cœur humain.
c Tandis que ces Filles hospitalières
étonnaient par lenr charité cenx mêmes qui
étaient accoutumés à ces actes sublimes, il
vm
ORD
DICTIONNAIRE
ORD
m
86 passait darfs Paris d*aulrcs merTeiUes :
de grandes dames s'exilaient de la ville eC
do la cour» et partaient pour le Canada.
El^s allaient sans doute acquérir des liabi-
talions, réparer une fortune délabrée, et
jeter les fondements d*une vaste propriété ?
ce û*était pas là leur but : elles allaient au
milieu des forêts et des guerres sanglantes
fonder des hôpitaux pour les sauvages en-
nemis.
« En Europe, nous tirons le canon en
signe d'allégresse pour annoncer la des*
truction de plusieurs milliers d*bommes ;
mais dans les établissements nouveaux et
lointains, où Ton est plus près du malheur
ot de la nature, on ne se réjouit que de ce
qui mérite en effet des bénédictions, c'est-
à-dire des actes de bienfaisance et d'hu-
manité. Trois pauvres hospitalières, con-
duites par madame de la Pellrie, descendent
sur les rives canadiennes» et voilà toute la
colonie troublée de joie. < Le jour de l'ar-
rivée de personnes si ardemment désirées»
dit Charlevoix, fut pour toute la ville un
jour do fête ; tous les travaux cessèrent et
les boutiques furent fermées. Le gouver-
neur reçut les héroïnes sur le rivage à la
tête de bes troupes qui étaient sous Tes ar^
mes et au bruit du canon ; après les pre-
miers compliments, il les mena, au milieu
des acclamations du peuple, à Téglise, où
le Te Deum fut chanté... Ces saintes filles,
do leur cdté, et leur généreuse conductrice
voulurent, dans le premier transport de leur
joie» baiser une terre après laquelle elles
avaient si longtemps soupiré, qu'elles se
promettaient bien d arroser de leurs sueurs
et qu'elles ne désespéraient pas même de
teindre de leur sang. Les Français, mêlés
avec les sauvages, les infidèles mêmes con-
fondus avec les chrétiens, ne se lassaient
1' )oint et continuèrent plusieurs jours à
aire tout retentir de leurs cris d'allégresse,
et donnèrent mille bénédictions h coiui qui
seul, peut inspirer tant de force et de cou-
rage aux personnes les plus faibles. Â la
vue des cabanes sauvages où l'on mena les
religieuses, le lendemain de leur arrivée,
elles se trouvèrent saisies d'un mouvement
de joie : là pauvreté et la malpropreté qui
y régnaient ne les rebutèrent point, et des
objets si capables de ralentir leur zèle ne le
rendirent que plus vif; elles témoignèrent
une grande impatience d'entrer dans l'exer-
cice de leurs fonctions,
« Madame de la Pellrie, qui n'avait jamais
désiré d*être riche et qui s'était faite pau-
vre d'un si bon cœur pour Jésus-Christ, ne
s'épargnait en rien pour le salut des âmes.
Son zèle la porta même à cultiver la terre
de ses propres mains pour avoir de quoi
soulager les pauvres néophytes. Elle se dé-
pouilla en peu de jours de ce qu'i^lle avait
réservé pour son usage, jusqu'à se réduire
à manquer dii nécessaire, pour vêtir les en-
fants qu'on lui présentait presque nus, et
toute sa vie, qui fut assez longue, ne fut
qu'un tissu d'actions les plus héroïques de
la charité.
ff Trouve-t-on dans l'histetre ancienne
rien qui soit aussi touchant, rien qui fasse
couler des larmes d'attendrissement aussi
douces, aussi pures?
« Il faut maintenant écouter un ntoment
saint Justin le Philosophe. Dans sa première
apologie, adressée à rempereur,ilparleftmst:
« On expose les enfants sous votre em-
« pire. Des personnes élèvent ensuite ces en-
« fants pour les prostituer. On ne rencontre
< par toutes les nations que des enfants
^ destinés aux plus exécrables osageS) et
< qu'on nourrit comme des troupeaux de
« l)êtes ; vous levez un tribut sur ces en-
« fants... Toutefois ceux qui abusent de
« ces petits innocents, outre le crime qu'ils
« commettent envers Dieu , peuvent par
« hasard abuser de leurs propres enfenb...
« Pour nous autres , chrétiens , détestant
« ces horreurs, nous ne nous marions que
4 pour élever notre famillo, ou noos no re-
ft nonçons au mariage que pour vivre dans
« la chasteté... »
c Voilà donc les hôpitaux qi|e le poly-
théisme élevait aux orphelins. 0 vénérable
Vincent de Paal, où étais-tu? où étais-tu
pour dire aux dames de Rome, comme i
ces pieuses Françaises qui t'assistaient dans
tes œuvres : « Or sus. Mesdames, voyez si
« vous voulez délaisser à votre teor ees pe-
c tits innocents, dont tous êtes devenues
k les mères selon la grâce, après qu'ils ont
K été abandonnés par leturs mères selon la
« nature ? » Mais c est en vain que nous de-
mandons l'Aomme des miséricordes à des cul-
tes idolâtres.
c Le siècle a pardonné le christianisme à
saint Vincent de Paul ; on a vu la philoso*
phie pleurer à son histoire. On sait que,
gardien de troupeaux, puis esclave à Tunis,
il devint un prêtre illustre par sa science e(
par ses œuvres; on sait qu'il- est le fonda-^
teur de l'hôpital des Enfants-Trouvés, de
fcelui des pauvres-vieillards, de rhôpitaldes
galériens à Marseille, du collège des Prê-
tres de la Mission, des confréries de charité
dans les paroisses, des compagnies de Da-
mes pour le service de l'Hôtel-Dieu, des
Filles de la Charité, servantes des malades,
et enfin des retraites pour ceux (jui dési-
rent choisir un état de vie et qui ne sont
pas encore déterminés. Où la charité va-l-
el!e prendre toutes ses institutions, toute
sa prévoyance ?
« Saint Vincent de Paul fut puissamment
secondé par mademoiselle Legras, <ï»*^ "®
concert avec lui, établit les Sœurs de la Cba-
rite. Elle eut aussi la direction de Thôpilai
du Nom de Jésus, qui, d'abord fondé pour
quarante pauvres, a été l'origine de Thopi-
tal-général deParis. Pour emblème et pour
récompense d^une vie consuK^ée dans les
travaux les plus pénibles, mademoiselle
Legras demanda qu'on mtt sur son tomt)eatt
une petite croix avec ces mots : Spn mta.
Sa volonté fut faite. ^.
«(Ainsi de pieuses familles se dispu-
taient, au nom du Christ, le plaisir de ft»re
du bien aux hommes. La femme du cftai-
«Mi
OU)
D*ASCm8IIE.
0Kb
1303
oelier de Franee et madame Fooquet étaient
Je la oonçrégation des Dames de la C&arité.
Elles sYaioit diacone leur iour pour aller
instruire et exhorter les maïades, leur par-
ler des choses oécessaire^ au salut d une
manière touchante et familière. D*antres
Dames recevaient les aurodnes; d'autres
avaient soin du linge, des meubles, des pau-
vres, etc. Dn auteur dit que plus de sept
c^its cdvinistes rentrèrent dans le sein de
l\Eglise romaine» |>arce qu'ils reconnurent
la vérité de sa doctrine dans Jes producliaiia
dHuÊU ekariii $i ardaUe ei $i étendue. Saintes
Dames de Miramion, de Chantai, de la Fel-
trie, de Lamoignon, vos œuvres ont été pa-
cifiques? Les pauvres ont accompagné vos
cercueils,, ils les ont arrachés à ceux qui les
portaient pour les porter eux-mêmes ; vos
Ciinérailles retentissaient de leurs gémisse-
ments, et l'on e&t cm que tous les cœurs
bienlaisants étaient passes sur la terre parce
que vous veniez de mourir.
< Terminons par une remarque essentiellr
cet article des institutions du christianisme
en Civeur de l'humanité souffrante. On dit
que« sur le mont Saint-Bernard, un air trop
\\l use les ressorts de la respiration, et
qu'on y vit rarement dix ans : ainsi, le moine
qui s'enferme dansThospice peut calculer à
peu près le nombre de jours qu*il restera
sur la terre : tout ce qu il gagne au service
ingrat des hommes, c'est de connaître le
moment de la mort, qui est caché au reste
des hommes. On assure que presque toutes
Ijes filles de l'HAtel-Dieu ont nabituellement
une petite fièvre qui les consume, et qui
provient de l'atmosphère corrompue où elles
vivent Les religieux qui habitent les mines
du noi|veau. iponde» au fond desquelles ils
ont établi des hospices, dans une nuit éter-
nelle, pour les infortunés Indiens,, ces reli-
gieux abrègent aussi leur existence ; ils sont
empoisonnés, par la vapeur métallique : en«
fin, les Pères oui s'enferment dans les bagnes
pestiférés de ConsCantinople se dévouent au
martvre le plus prompL
c Le lecteur nous le pardonnera si nous
supprimons ici les réOexions : nous avouons
notre incapacité à trouver dQ9 louanges di
Kes de telles ceuvres : des pleurs et d'
. dmiration sont tout ce qui nous reste.
Qu'ils sont à plaindre ceux qui veulent dé-
truire la religion, et qui ne Roûtent pas la
douceur de» fruits de 1 Evangile 1 « Le stoî-
c cisme ne nous a donné qu jm Epictète, dit
« Voltaire, et la philosophie chrétienne
< forme des. milliersu d*Epictète, qui ne sa-
« vent pas qu'ils le sont^ et dont la vertu est
i^ poussée jusqu'à igqorer leur vertu même. »
c Consacrer sa vie à soulager nos doul(;urs
^t le premier des bienfaits; le second, est
de nous éclairer. Ce sont encore des prêtres
supertiitieux qui nous OQt guéris de notre
ignorance, et qiii» depuis dix siècles,, se sont
ensevelis dans la poussière des écoles poui
nous tirer de la barbarie. Ils ne craignaient
pas la lumière, puisqa'ils.nous en ouvraient
les sources; ils ne songeaient qu'à nous
laire partager ces clartés qu'ils avaient re-
cueillies, au péril de leurs jours, dans les
débris de Rome et de la Grèce.
< Le Bénédictin, qui savait tout, le Jésuite,
qui connaissait la science et le monde, IHî-
ratorien, le docteur de l'Université, m<-.
ritent peut-être moins notre reconnaissance
]ue ces humbles Frères qui s'étaient consa-
irés à l'enseignement gratuit des pauvres,
c Les Clerci réguliers des écolee pieusee
s'obligeaient à montrer, par charité, à lire^
à écrire au petit peuple^ en commençani-
par Ta, a, c ; d compter^ à calculer^ et même
à tenir tes livres des marchands et dans les
bureaux. Hs enseignent encore, non-seu-
lement la rhétorique et les langues latine
et grecque, mais, dans les villes, ils tien-
nent aussi des écoles de philosophie et de
théologie scolastique et morale, de mathé-
matiques, de fortifications et de géomé-
trie... Lorsque les. écoliers sortent de
c classe, ils vont par bandes chez leurs pa-t
rents, où ils sont conduits par un reli-
gieux, de peur qu'ils ne s'amusent par les
rues à jouer et a perdre leur temps. »
c La naïveté du style fait toujours grand
plaisir; mais quand elle s'unit, pour ainsi
dire, à la naïveté des bienfaits, elle devient
aussi admirable qu'attendrissante.
« Après ces premières écoles fondées par
la charité chrétienne, nous trouvons les con4
ffr^alions savantes, vouées aux lettres et à
Pédmation de la jeunesse par des articles
exprès de leur institut. Tels sont les reli-
gieux de Saint -Basile, en Espagne, qui
n'ont pas moins de quatre collèges par pro4
vince. Ils en possédaient un à Soissèns, ei^
France, et un autre à Paris : c'était le col-
lège de Beauvais, fondé par le cardinal )ean
de Dormans. Dès le ix* siècle, Tours, Cer-
beil, Fontenelle, Fulde, Saint-Galj, Saint-
Denis, Saint-Germain d'Auxerre, Ferrières,
Aniane, et en Italie le mont Cassin, étaient
des écoles fameuses. Les Clercs de la rie
commune^ aux Pays-Bas, s'occupaient de la
collection des originaux dans les bibliothè-
ques, et du rélabussement du texte des ma-
nuscrits.
«.Toutes les universités de l'Europe ont
été établies, ou par des princes religieur, ou
par. des évèques, ou par des prêtres, et tou-
tes ont été dirigées par des orares chrétiens.
Cette fameuse Université de Paris, d'où la
lumière s'est répandue sur l'Europe mo-
derne, était composée de craatre fecultés.
Son origine remontait jusque Charlemagne,
jusqu'à ces temps od, luttant'seul contre la
barbarie, le moine Alcuin voulait faire de la
France upe Atkèies chrétienne. C^est li
Su'avi|ient eoseifgné Builé, CaÂiitfion, Gre*
au, R.ollin, Goffiq, Lebeâu; c*estlà que s*6
talent forn^.Abailard, Amjot, de Jhou,
Boileau. En Angleterre Csmbridsé a' vu
Newton sortir de son sein,*et Oxforrl pré-
sente, avec Içs noms de Ba<;on et de Thomas
Moru^i sa bibliothèque persape, ses manus-
crits 'a*Homère. ses .marbres d'Arnndel et
SQS éditions (les classiques ^ Glasgow et
Edimbourg, en Ecosse; Leipsick, léna. Tu-
bingue, eu Allemapme; L^jde, Utrecbt et
<303
ORD
DICTIONNAIRE
ORD
OH
LouvarDi aui Pays-Bas; Gaodie» Alcala et
SJamaQque^ en Espagne: tous ces foyers
des lumières attestenUes immenses travaux
<Iu christianisme. Mais deux ordres ont par^
ticulièrement cultivé les lettres : les Béné-
dictins et les Jésuites.
« L'ao 540 de notre ère, saint Benoit jeta,
au mont Cassin, en Italie, les fondements
de l'ordre célèbre qui devait, |)ar une triple
gloire, convertir TEfurope, défricher ses dé*>
serts, et rallumer dans son seiu le Qamheau
des sciences.
« Les Bénédictins, et surtout ceui de la
congrégation de Saint -Maur, établie vers
l'an 543, nous ont donné ces hommes dont
lie savoir est devenu proverbial, et qui ont
retrouvé avec des peines infinies les manus-
crits antiques ensevelis dans la poudre
des monastères. Leur entreprise littéraire la
plus effrayante (car Ton peut parler ainsi),
c'est rédition des Pères de TEglise. S'il est
diflicile de faire imprimer un seul volume
correctement dans sa propre langue, qu'on
t'uge ce que c'est qu'une révision entière des
^ères grecs et latins, qui forment plus de
cent cinquante volumes in-folio. L'imagina-
tion peut à peine embrasser ces travaux
énormes. Rappeler Ruinai t, Lobineau, Cal-
met, Tassin, Lami, d'Achery, Martène, Ma-
billon, MonlfaucoB, c'est rappeler des pro-
diges de science.
« On ne peut s'empêcher de regretter ces
corps enseignants, uniquement occupés de
recherches littéraires et de l'éducation de la
I'.eanesse. Après une révolution qui a reiflché
es liens de la morale et interrompu le cours
des études, une Société h la fois religieuse
et savante porterait un remède assuré h la
source de nos maux. Dans les autres formes
d*instittit, il ne peut y avoir ce travail régu-
lier, cette laborieuse application au même
aujetjqui régnent parmi tes solitaires, et qui,
continuéssoLnsinterruption pendant plusieurs
sièclesjt finisseut jpar enfanter des miracles.
« Les Bénédictins étaient des savants,
et les Jésuites des gens de lettres : les uns
et les autres furent a la société religieuse ce
âu'étaient ^u m.onde àfiux illustres aca-
émies.
«( L'ordre des Jésuites était divisé en trois
dûgrés,. ieolim'9 approuvée^ coadjuteurs /br-
méâf et profèê. Le postulant était d'abord
i5prouvé par dix ans de noviciat, pendant
lesquels on exerçai! sa mémoire, sans lui
permettre de s'attacher k aucune étude
particulière : c'était pour connaître où le
portait son génie. Au bout de ce temps, il
servait les malades pendant un mois dans
ua hApital, et faisait un pèlerinage }i pied,
en demandaxit l'aumône: par 1^ on préten-
dait l'accoutumer aîi apectaçle des douleurs
humaines, et le préparer aux fatigues des
missions, tl achevait alors de fortes ou bril-
laQtes études^ N^avaitril que les grAces de
la soiciété , e( cette vie élégante qui plaît
au monde, on le ^)iett(vt en vue dans la
capitale, on le poussait à la cour et chez les
grands Possédait-il le génie de la solitude,
on le rçlcnail dans lesbibliothàriucs et dans
l'intérieur de la compagnie. S'il s'annootait
comme orateur, la chaire s^ouvrait è son
éloquence; s'il avait Tesprit clair, kste et
f>atienl, il devenait professeur dans les col-
éçes ; s'il était ardent, intrépide, plein de
2èTe et de foi, il allait mourir sous le fer da
mahométan et du sauvage ; enfin, s'il mon-
trait des talents propres k souvemer lès
hommes, le Paraguay rappelait dans ses
forêts, ou l'ordre a la tête des maisons. Le
général de la com|)agnie résidait à Rome.
Les Pères provinciaux, en Europe, étaient
obligés de correspondre avec lui une fois
I)ar mois. Les chefs des missions étrangères
tti écrivaient toutes les fois q»e les lais-
seaux ou les caravanes traversaient les soli-
tudes du monde. Il y avait, en outre, |)Our
les cas pressants, des missioimaires qui se
rendaient de Pékin à Rome, de Rome en
Perse, en Turquie, en Ethiopie, au Paraguay,
ou dans quelque autre partie de la terre.
L'Europe savante a fait une perte irrépara*
ble dans les Jésuites. L'éducation ne s*est
Jamais bien relevée depuis leur chute. Ils
étaient singulièrement agréables k la jeu-
nesse; leurs manières polies étaient è leurs
leçons ce ton pédantesque qui rebute Teo-
fance. Comme la plupart de leurs professeurs
étaient des hommes de lettres recherchés
dans le monde, les jeunes gens ne se croyaient
avec eux que dans une illustre académie.
Ils avaient su établir entre les écoliers do
différentes fortunes une sorte de patronage
aui tonrnait au profit des sciences. Ces
ens, formés dans l'Age où le cœur s*ou?re
aux sentiments généreux, ne se brisaient
plus dans la suite, etétabliss'aienl, entre le
prince et l'homme de lettres, ces antiques et
nobles amitiés qui vivaient entre les Scipion
et les Lélius.
« Ils ménageaient encore ces vénérables
relations de disciples et de maîtres, si chères
aux écoliers de Platon et de Py thagore. lis
s'énoi^eillissaient du grand homme don^
ils avaient préparé le génie, et réclamaient
yne partie de sa gloire. Voltaire, dédiant
sa tSérope au P. Porée, et rappelant son
cher mattre^ est une de ces choses aimables
que l'éducation moderne ne [jréseRte plus.
Naturalistes, chimistes, botanistes, mathé-
maticiens, mécaniciens, astronomes, poètes,
historiens, traducteurs, antiquafres, journa-
listes, il n'y a pas une branche des sciences
Îue les Jésuites n'aient culilivée avec éclaL
ourdaloue rappelait l'éloquence romaine;
Brumoj introduisait la France au théâtre
des Grecs; Gresset marchait sur les traces,
de Molière ; Lecomte, Parennin, CharIjeToiz,
Pucerceau, Sanadon, Duhalde, Noël^ Bou-
hours, Daniel, Tourneroine, Mainbourg,
Larue, Jouveney, Rapin, Vanière, Com-
mire, Sirmond,^ Bougeant, Pelau, ont laissé
des noms qui, ne sont pas^ sans honneur.
S lue peut-on reprocher aux Jésuites T un peu
'ambition, si nâturelJe au 'génie. « Il sera
Cl toujours beau, d;it Montesquieu en parlant
« de ces Pères, de gouverner les hommes
« en les rendant heureux. » Pesez la masse
du bien que les Jésuites on! fait j souvenei-
1305
ORD
D^ASCETISliE.
OftD
n06
TOUS des écriTains célèbres que leur corps a
donnés h la France, ou de cens qui se sont
formés dans leurs écoles; rappelez-Tous les
rojaumes entiers qu'ils ont conquis k notre
commerce par leur liabileté, leurs sueurs et
leur sang ; repassez dans rotre mémoire les
miracles de leurs missions au Canada, au
Paraguay, k la Chine, et tous Terrez que le
peu de mal dont on les accuse ne balance
ris un moment les serTices qu'ils ont rendus
la société.
c C'est au clergé séculier que nous deTons
encore le renouTellemeot de Tagriculture en
Europe, comme nous lui defons la fonda-
tion des collèges et des bApitaux. Défriche-
meots des terres, ouTertures des chemins,
agrandissements des hameaux et des Tilles,
établissements des messageries et des au-
berges, arts et métiers, manufactures,
commerce intérieur et extérieur, lois ciTiles
et politiques , tout enfin nous Tient originai-
rement de Tfilglise. Nos pères étaient des
bariNires k qui le christianisme était obligé
d'enseigner jusqu'k l'art de se nourrir.
« La plupart des concessions faites aux
monastères dans les premiers siècles de
l'Eçlise étaient des terres Tagues, que les
moines cultÎTaient de leurs propres mains.
Des forées sauTages, des marais impratica-
bles, de Tastes landes, furent la source de
ces richesses que nous aTons tant reprochées
au clergé.
« Tandis que les chanoines prémontrés
labouraient les solitudes de la Pologne et
une portion de la forêt de Concy, en France*
les Bénédictins fertilisaient nos bruyères.
Molème, Colan et CIteaux, qui se couTrent
aujourd'hui de Tignes et de moissons,
étaient des lieux semés de ronces et d'épi-
nes, où les premiers religieux habitaient
sous des huttes de feuillage, comme les
Américains au milieu de leurs défriche-
ments.
c Saint Bernard et ses disciples fécondè-
rent les Tallées stériles que leur abandonna
Thibaut, comte de Champagne. FontOTranlt
fut une Téritable colonie, établie par Robert
d'Ârbrissel, dans un pays désert, sur les con-
fins de l'Âiyou et de la Bretagne. Des familles
entières cherchèrent un asile sous la direction
de ces Bénédictins : il s'y forma des mo-
nastères de TeuTes, de filles, de laïques,,
d'infirmes et de Tîeux soldats. Tous dcTin-
rent cultiTateurs, k l'exemple des Pères, qui
abattaient eux-mêmes les arbres, guidaient
la charrue, semaient les grains et couron-
naient cette partie de la France de ces
belles moissons qu'elle n'aTait point encore
portées.
c La colonie fut bientôt obligée de Terser
au dehors une partie de ses haoitants, et de
céder k d'autres solitudes le superflu de ses
mains laborieuses. Raoul de la Fùtaye,
compagnon de Robert, s'établit dans la forél
du Nid-du-Merie, et VituI, autre Bénédictin,
dans les bois de Sarigny. La forêt de TOr-
ges,dans le diocèse d'Angers; Cbaufournois,
aujourd'hui Chantenois, en Touraine; Bel-
Lay dans la mêa:.e proriiice ; la Puie en Pot-
ton, l'Enclollre dans la forêt de Gironde;
Gaisne k quelques lieues de Loudun; Luçon
dans les bois du même nom ; la Lande dans
les landes de Gamacbe; la MadeleîBe sur la
Loire; Bourbon en Limousin, Cadouin en
Périgord ; enfin Haute-Bruyère près de Paris,
ftarent autant de colonies de FonteTrault^ et
?|ui, pour la plupart, d'incultes qu'elles
talent, se changèrent en opulentes campa-
gnes.
c Nous fatiguerions le lecteur, si nous
entreprenions de nommer tous les sillons que
la charrue des Bénédictins a tracés dans tes
Gaules sauTages. Maurecoort, Longpré, Fon-
taine, le Charme, Coliname, Foicy,Bellonier,
Cousanie, SauTement, les Epines, Bube,
Vanassel, Pons, Charles, Vainrille, et cent
autres lieux dans la Bretagne, l'Anjou, le
Berry, l'AuTergne, la Gascosne, le Langue-
doc, la Guj^ènne, attestent leurs immenses
trsTaux. Saint Colomtian fit fleurir le désert
de Vauge ; des filles bénédictines même, k
l'exemple des Pères de leur ordre, se consa-
crèrent k la culture; celles de HontreuiMes-
Damesc s'occupaient, ditHermann, k coudre,
c k filer et k défricher les épines de la forêt, k
c l'imitation de Léon et de tous les religieux
c de Clainraus. •
< Eu Espagne, les Bénédictins déployèrent
la même activité. Ils achetèrent des terres
en friche au bord du Tage, près de Tolède,
et ils y fondèrent le couTont de Venhalia,
après aToir planté en Tignes et en orangers
tout le pays d'alentour.
c Le mont Cassin, en Italie, n'était qu'une
profonde solitude : lorsque saint Benoit s'y
relira, le pays changea de face en f>eu de
temps, et Tabbaye nouTelle derint si opu-
lente par ses travaux, qu'elle fut en état de
se défendre, en 1057, contre les Normands,
qui lui firent la guerre.
< Saint Boniface, aTec les religieux de son
ordre, commença toutes les cultures dans
les quatre évêchés de Bavière. Les Bénédic-
tins de Fnide défrichèrent, entre la Hesse,
la Franconie et la Thuringe, un terrain du
diamètre de huit mille pas géométriques,
ce qui donnait Tingt-qnatro mille pas, ou
seize lieues de circonférence; ils comptèrent
bientêt jusqu'k dix-huit mille métairies, tant
en Bavière qu'en Souabe. Les moines de
Saint-Benolt-Polironne , près de Hantoue,
employaient au labourage plus de trois mille
paires de bœufs.
c Remarquons, en outre, que la règle
f>resqne générale qui interdisait l'usage de
a viande aux ordres monastiques vint sans
doute, en second lieu, d'nn principe d'éco-
nomie rurale. Les sociétés religieuses étant
alors fort multipliées, tant d'hommes qui ne
vivaient que de poissons, d'ceufs, de lait et
de légumes, durent favoriser singulière*
ment la propagation des races de b^tiaux.
Ainsi nos campagnes, aujourd'hui si floris-
santes, sont en partie redevables de leurs
moissons et de feors troupeaux au travail
des moines et k leur frugalité.
c De plus, l'exemple qui est souvent peu
de chose en morale, parcp que Tes passions
îM
ORD
DICTlONiXAlRE
ORD
tM
en délrulsent les bons effets, exerce une
grande puissance sur le côté matériel de la
vie. Le spectacle de plusieurs milHers de
religieux cultivant la terre mina peu à peu
ces pré>ugés barbares qui attachaient le mé-
pris à fart (|ui nourrit les hommes. Le
piysan apprit dans les monastères à re-
tourner la globe et i^ fertiliser le sillon. Le
baron commença à chercher daps son champ
des trésors plus certains que ceux qu'il se
procurait par les armes. Les moines furent
douQ réellement les pères de Tagriculture,
et comme laboureurs eux-mêmes, et comme
les premiers maîtres de nos laboureurs.
c Ils n'avaient point perdu de nos jours
ce génie utile. Les plus belles cultures* les
paysans les plus ricnes, les mieux nourris
et les moins vexés, les. équipages champ6-i
très les plus parfaits, les troupeaux les plus
gras, les fermes les mieux eutretènues se
trouvent dins les abbayes. Ce n'était pas là»
ce me semble, un sujet de reproches a faire
au clergé.
« Mais si le clergé a défriché l'Europe
sauvage, il a aussi multiplié nos hameaux,
accru et embelli noa villes. Divers quartiers
de Paris, tels, que ceux de Sainte-Genevièvç
et de Saint-Germain rÂu,xerrois, se sonjl
élevés en partie aux frais des abbaves du
même nom. Kn général, partout ou il se
trouvait un monastère, là se formait un vil-
lage. La Chaise^DieUf AbbeviUe^ et plusieurs
autre lieux, portent encore dans leurs noms
la marque de leur origine. La^ ville de Saint-
Sauveur, au pied du mont Cassin, en Ita^e,
et les bourgs environnants , sont Touvrage
des religieux de Saint-BenotL A fulde, à
May ence, dans tous les cercles ecclésiastiques
de rAllemagne, en Prusse, en Pologne, en
Suisse, en Espagne, en Angleterre, une
foule de cités ont eu pour fondateurs de^
ordres monastiques ou militaires. Les villes
qui sont sorties le plus tôt de la barbarie
sont celles mêmes qui ont été soumises à
des princes ecclésiastiques. L'Europe doit
la moitié de sts monuments et de ses fon-
dations utiles à la munificence des cardi-
naux, des abbés et des évêques.
« Mais on dira peut-être que ces travaux
D*attestent que la richesse immense de TE-
glise.
« Nous savons qu'on cherche toujours à
atténuer les services : Thomme hait la re-
connaissance. Le clergé a trouvé des terres
incultes, il y a fait croître des moissons.
Devenu opulent par son propre travail, il
a applique ses revends ^ des monuments
publics. Quand vous lui reprochez des biens
si nobles, et dans leur emploi et dans leur
source, vous l'accusez à la fois du crime de
deux bienfaits.
« L'Europe entière n'avait ni chemins ni
auberges; ses forêts étaient rempiles de vo-
leurs et d'assassins; ses lois|étaient impuis-
santes, ou plutôt il n*y avai( point de lois;
la religion seule, comme une grande co-
lonne élevée au milieu des ruines gothi-
ques, offrait des abris et un point de com-
munication aux hommes.
« Sous la seconde race de nos rois» 1&
France étant tombée dans l'anacchie la plu$
profonde, les voyageuçs étaient sqrlout ar-
rêtés, dépouillés et massacrés aux passages
des rivières. Des moines habiles et coure-
Reux entreprirent de remédier à ces mui.
Ils formèrent entre eux une compagnie,
sous le nom d'Qospitaliers pontifes oq faU
seucs de ponts. Ils s'obljge^jent, par leur
institut, à prêter rôain-forle aux voyageurs,
à réparer les chemins publics, à construire
des (>onts el à loger les étrangers dans des
hpspices qu'ils élevèrent aux oords. des ri-
vières* Ils se fixèrent d abord sur la Du-
rance, dans un endroit d^ngerecix aopelé
Siupas ou, Mauvais-pas. et qui, grAce a ces
néreux moines,, pot oientôt le nom de
Bonpas, qu'il poirte encore aujourd'hui.
G*est aussi cet ordre qui a bâti le' pont du
Rhône à Avignon. On sajt que les messa-
feries et les postps,. perfectionnées par
.ouis XI, furent d'al)oird, établies. par. rUui-
tersité de Paijs..
c Sur une rud^ et haute œootasne di)
Bouergue, couverte de neiges et do brouil-
lards pendant huit mois de l'année, 09
aperçoU un monastère, bftti vers l'an 1190
par Alard, vicomte de Flandre. Ce seienevr,
revenant d'un pèlerljiage,^ fut attaqué dans
ce lieu par des voleurs;, il fit vœu, ;*il se
sauvait de leurs mains, de fonder ei) ce dé-
sert un hôpital pour les voyageurs et de
chasser les brigands de la montagne. Etaat
échappé au péni, il fut fidèle à ses engap
ments, et l'hôpital d'Albrac ou d'Aubrac s é-
leva tn loca horroris et vastœ iolituiinii,
comme le porte CactjD dfi fondation^ A'ard
j établit dés prêti;es pour le service de Té-
glise, des chevaliers pour escorter les voja-
{;eùrs, Qt des dames de qualité pour laveç
es pieds des pèlerins, faire leurs lils et
prendre soin de leurs vêtements.
c Dans les siècles de barbarie, les pèleri-
nages étaient fort utiles; ce pripcipe reii-
J^ieux, qui attirai^ les hommes hors de leurs
ojers,^ servait puissamment aux progrès de
la civilisation et des lumières. Dansianaée
du graiid jubilé, on ne reçut pas moins de
Ïuatre cent quarante mille cinq cents
trangers à l'hôpital de Saint*Philippe de
Méri, à Rome; chacun d'eux fut nourri,
logé et défrayé entièrement pendant trois
jours.
« (1 n'y avait point de pèlerin qui ne re-
vint daixs son village avec quelque préjugé
de moins et quelque idée de plus. Tout se
balance dans les siècles ; certaines classes
riches de la société voyagent peut-être ^
présent plus qu'autrefois; mais, d'une autre
part, le paysan est plus sédentaire. Li
guerre l'appelait sous la bannière de sou
seigneur, et la religion dans les pays loin-
tains. Si nous pouvions revoir un de ces
anciens vassaux que nous représentons
comme une espèce d'esclave stupFde, peut-
être serions-nous surpris de trouver plus
de bon sens et d'instruction qu'au paysan
libre aujourd'hui.
« Avant de partir pour les royaumes
ISM
ORD
DÂ9CBTI9IIE.
ORI
tSiO
étrangers, le Toyageur s*«dressail à son
évéque, qui lui donnait une lettre eposto*
ligne, arec b^lie il passait en sAreté dans
toute la cbrétienté. La forme de ces lettres
variait selon le rang et la profession du por-
teur, d*où on les appelait forwuUœ Ainsi,
la reiigjion n'était oecupée ({u'à renouer les
Hls sociaux, que la barbarie rompait sans
cesse.
« En général, les monastères étaient des
hôtelleries où les étrangers trouvaient en
passant le vivre et le couvert* Cette bospi»
talité, qu*on admire chez les anciens, et
dont on voit encore les restes en Orient,
était en honneur chez nos religieui : plu*
sieurs d*entre eux, sous le nom d*Aojpilii-
lierSf se consacrèrent particulièrement k
cette vertu touchante. Elle se manifestait
comme aux jours d*Abraham, dans toute sa
beauté antique, par le lavement des pieds,
la flamme du foyer et les douceurs du re-
pas et de la couche. Si le voyageur était
pauvre, on lui donnait des habits, des vivres
et quelque argent pour se rendre à un autre
monastère, ou il recevait les mômes se-
cours. Les dames, montées sur leur pale-
froi, lés preux cherchant aventures, les rois
égarés à la chasse, frappaient au milieu de
la nuit à la porte des vieilles abbayes, et
venaient partager Thospitalité qu'on don-
nait à l'obscur pèlerin. Quelquefois deux
chevaliers ennemis sW rencontraient en-
semble et se taisaient joyeuse réception
jusqu'au lever du soleil, où, le fer h la lùain,
ils maintenaient l'un contre l'autre la, su-
périorité de leurs dames et de leurs patries.
Boucicault, au retour de la croisade de
Prusse, logeant dans un monastère .avec
plusieurs chevaliers anglais, soutint seul
contre tous qu'un chevalier écossais, attaqué
par eux dans les bois, avait été traîtreuse-
ment mis à mort.
« Dans ces hôtelleries de la religion, on
croyait faire beaucoup d'honneur à un prince
quand on lui proposait de rendre quelques
soins aux pauvres qui s'y trouvaient par ha-*
sard avec lui. Le cardinal de Bourbon, reve-
nant de conduire l'infortunée Elisabeth en
^pagne, s'arrôta à l'hôpital de Roncevaux,
dans Tes Pyrénées ; il servit à table trois cents
pèlerins, et donna h chacun d'eux trois réaux
pour continuer leur voyage. Le Poussin est
un des derniers voyageurs qui aient profité
de cette coutume chrétienne : il allait à
Rome, de monastère en monastère, peignant
des tableaux d'autel pour prix de l'hospi-
talité gu'il recevait* et renouvelant ainsi chez
les peintres l'aventure d'Homère.
« Rien n'est plus contraire à la vérité his-
torique que de se représenter les premiers
moines comme des nommes oisifs , qui vi-
vaient dans l'abondance, aux dépens des
superstitions humaines. D'abord cette abon-
dance n'était rien moins que réelle. L'ordre,
par $es travaux, pouvait être devenu riche,
mais il est certain que le religieux vivait
très-rlurement. Toutes ces délicatesses du
clotlre, si exagérées , se réduisaient , même
de nos jours, a uiie étroite cellule, des pra*
tiques désagréables, et une table ;fbr( sim-
ple, pour ne rien dire de plus. Ensuite', il
est très-faux que les moines ne fussent que
de pieux fainéants : quand leurs nombreux
hospices, leurs collèges, leurs bibliothèques,
leurs cultures et tous les autres services
dont nous avons parlé, n'auraient 'pas suffi
pour occuper leurs loisirs , ils avaient en-
core trouvé bien d'autres manières d*ëtre
utiles ; ils se consacraient aux arts mééani-
ques, et étendaient le commerce au dehors
et au dedans de l'Europe. — Voy. Moines.
« La congrégation du tiers-ordre de Saint-
François, appelée des Boni-FieuXf faisait
des draps et des galons , en même temps
qu'elle montrait à lire aux enfants des pau-
vres, et qu'elle prenait soin des malades. La
compagnie des pauvres Frères cordonniers et
tailleurs était instituée dans le môme esprit.
Le couvent des Hiéronyniites , en Espagne,
avait dans son sein plusieurs manulactures.'
La plupart -des premiers religieux étaient
maçons, aussi bien que laboureurs. Les Bé-
néaictins bâtissaient leurs maisons de leurs
propres mains, comme on le voit'par l'his-
toire des couvents du mont Càssin, de ceux
de Fontevrauit, et de plusieurs autres. Quant
au commerce intérieur, beaucoup de foires
et de marchés appartenaient aux abbayes ,
et avaient été établis par elles. La célèbre
foire du Landit, à Saint-Denis, devait sa
naissance à l'Université do Paris. Les reli-
Sieiises filaient une grande partie des toiles
e TEurope. Les bières de Flandre , et ta
plupart des vins fins de rArchipol, de fa
Hongrie, de l'Italie, de la France et de l'Es-
pagne, étaient faits par les congrégations
religieuses; l'exportation et Timportation
des grains, soit pour l'étranger soit pour
les armées, dépendaient encore en partie des
grands propriétaires ecclésiastiques. Les
églises faisaient valoir le parchemin, la cire,
le lin, la soie, les marbres, l'orfèvrerie, les
manufactures en laine, les tapisseries et les
matières premières d'or et d'argent; elles
seules, dans les temps barbares, procuraient
quelque travail aux artistes, qu'elfes faisaient
venir exprès de lltalie et jusque du fond de
la Grèce. Les religieux eux-mêmes culti-
vaient les beaux-arts, et étaient les pein-
tres, les sculpteurs et les architectes de TAge
gotbigue. Si leurs ouvrases nous paraissent
{grossiers aujourd'hui , nV>ublions pas qu'ils
orment l'anneau où les siècles antiques
viennent se rattacher aux siècles modernes ;
que, sans eux, la chaîne de la tradition des
lettres et dos arts eût été totalement inter-
rompue ; il ne faut pas que la délicatesse do
notre goât nous mène à l'ingratitude. »
ORIGNY (Jean d'), Jésuite, né i Reims,
vivait sur la fin du xvii* siècle , et au com-
mencement du XVIII*. Il s'appliqua tour à
tour à renseignement et k la direction des
âmes, et composa plusieurs ouvrages, entre
autres : Vie du P. Coftiitus; Paris, 1707, in-H»
traduite en latin par P. Python ; Munich,
17i0, in.8'5 — Vie du P. Ani. Posserin: Mu-
nich, 171à, in-iS, curieuse et recherchée;^
Vie de saint Remy; CliAlons (Paris), 1714,
i»ft
rjouL
Fiiiil— ■ r«%i»rttei>. TVS Jetime de Cbaa
^ lérAme (Saint).
Jé90s(SaiotNomde).
6abrlén« de BonriMNi.
Cértrd le Grand.
Geneo (de).
Gersoo (Jeao).
Gildai.
Gtard de Villelbé^j (Jeao)
Giraodeaa (Bpiufenture).
Giiosiinaqaes.
Gnostielaroe.
Gobioet (Chariet).
GonDelieo (Jêrdme de).
Goaidao (Siinoo).
GoaTenenient rcligfeax.
Gfflee.
Grégoire le G raïKl.
Grégohre de Nyase.
Grégoire de Tours.
Grenade jLoiib de).
Griffet (Henri).
Guignes.
Gttitt>ert (Piprre).
GuilUauM {A\M).
GolllaoïDe d'AoTorgoe.
GBillaame de Paris.
Giiyoa.
H
HaMt rellgieoi.
Hxaéiiitt5( Benoit).
Uaire.
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INIl
901
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941
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941
941
948
947
i6S 4é8os.Cbriat (Iniutioo de).
763 JeOne.
76.^ len.
705 iolj (Oande).
763 Jordan Rémond.
763 Jugpment.
764 Ja^ice.
761 Joailn (Saint).
764 1^
7^§ Kroust.
765 L
7B?5
771 Lactanee (Lodas OKiioa PîraiaBas).
7K0 049
7g I Lallian (Pierre François). 949
78f ^^U^^^rre Fnnvois). Btô
Lairvelf. gig
Ulemant (Unis). qxo
LaHemant (Pirrre). 930
Lsrobert (Jaaef*h). omi
Lami (Dom Frauçois).
Umotte(Loiiis-Prançois.Gabriel d'Or-
781
781
781
781
781
781
782
782
Maiima ($ainlj«
MedlialioD oa OraiaoB Maiale.
Héianoolle.
MéaMiire («orUScaUon de hl
Méase (Célébration de la). ^
JlétezaaajPaui).
Hétbode d*oraiioo.
îfilban (Pierre).
VodesUe.
Moines» vie ummi^mt,
Motina (Antoine).
Ho^inoB (Mielid):
Motinostane
Moolia (Pierre deL
Hotttreail (BemarJin deL
Morel (Dom Robert).
Uoriifleaiion.
Moacbos (Jean).
Mnralorj (Looif-Amoine).
HjsUqoe (Théologie).
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léjwde).
«M LaaTrane.
"" Ungagediflo.
Langnet ( Jean-Joeeph).
785 î^^ndenot (F/Milse).
tS îi«'«^Jtt«iBieo(Saîlrt).
7S Léandre (Saint).
N.
709 i-eanore ( saint).
Hamon (Jean). 789 {-éapdre (le P,).
Harploa (Henri). 790 L«clere (Antoine).
Hauteserre (Antoine Oadinede). 790 rîSSîil .ii' ..
Hante? Ule (Sioolas. 790 î-«*nrei spirfinelles.
Hégonmèiie. 790 W«T (Antoine),
Hélicitea. -^ L«iaio/iv».i
HelyotjPierfe).
Henri d*Ureaiarla.
Hemutes.
Herian (Marie-Antoine).
Hésieaates.
Henrea Canoniales.
HeTendat (Nicolas).
HlÛebertdeLafaniln.
Hincmar.
Honoré de Sainte Marie. «w m
Horsins (Jacqnea). 800 •« ./-,*..
Hugues de Fosses (lebienhenr«ni. 80! 2!?!'* î|"!"9 "Ancien.
Hogues de Saint-Victor. 801 S^^fS (^"0 le Jennc.
Hnmbert de Romans. 801
Humilité. 801
1
fdiot.
Ignace de Lojrolt.
7S1 Lenaio (Dom).
4^ Léon (Saint).
701 i-éon (de Saint Jean).
iaï f'eroT(GHillailine).
7^ Leasius (Léooaril).
794 {-«M i '«lû-Baiitisle De).
4^ Lugendes (Claude de).
^ Lndolpbe de Saie.
800 M
Maee (François).
Maoé.
MalTel (Végio).
of K S*^^ (Jean-Pierre).
816 Malb05e(Dafiddc).
etE.erdo«splrilu!2! "^^T? SSSSUf'ï^ài
limace, disciple de Saint Pierre. 851 îiîSidSSmê ^ ''
Imiuilon de Jésns^rist (Wéceasjté mS^aSS^^^^^
JuUondeJésns43.rlst(Li.redeg ^{V^Ti!::^^:^'
Tmmaeiilée Conception. 876 MÏSii'iiSJiard de).
todS"? Mjsticl^ne 00 ascétisme dS)' ÏÏS ffieT'^ '•''
Infusion pmsiTO. I?? ^^i i^S-nL"**"^' ^
nteltoe£ce (M(^ficsUoa de f). 880 mSuiSS &,
Intention r Pureté d'i. noi SI^SiZXmI.^^'*
Intention (Pureté d').
Isidore de Peluse.
Isidore de Séville.
J
Jnenlatoire (Oraison).
iard (François).
Jean Cbrysostome (Saint).
insn Qymaqdé (Saint).
insn Cspislran (Saint).
insttdnisGroiitSsim).
m Mamiie (Msre).
992 Massallens.
992 Masson ( Innocent Le).
Masson (Antoine).
^, MassouUé(Anloaln).
991 Maternité di?iae.
893- Mandon (David de).
£3 Mauduit (Micbel).
894 Maugras (Jean-François). ye»
2»9 Maupertny (Jean-Baptiste) Dronet de
^'^ 969
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960
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961
961
961
961
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964
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969
969
HabnnaliMlie^
HadasffJean).
fiigoi (CF.).
SliiilLc).
Bri (Corneille).
*aljs (Jérénie).
iTité (Sœur de la).
^iis (Joseph).
féen, Hasard
Json (Roben).
IJepveo (FrauçnfH).
Héri(Pi,ilû-pediî).
NeniMMrJFraii{ois).
Henrilte atné.
llenffllle(A.^.^.).
gjtoeyer (Alei.- H eruiè
Nil (Saint)
llobitibos (Robert De).
Nocturnes.
Rom de Jésus.
Nonnes.
Nodier (Saint).
Nouel (Jacques).
Novice, Noviciat.
Nndliô contemplative.
O
Obéisssnee.
Obligations des prêtres.
Obligation d'un religieux.
Observance.
Obsession.
Obstsdes i ta grice.
ObsudesàlaperrectioD.
OocupaUons des reJtgieoz,
Odilon(Saiai). *
Odon (Saint).
Olfrande de si>8 actions..
Ogier ( Joseph-Marle).
Olier (iean-Jacqoes).
OlivejPierreSi):
Omphalopbjsi^ues.
Oonsell (Guillsome van).
Opérations surnatarelles.
Oraison dominicite.
Oraison meuule.
OraisuniËUtsd*).
Oraison (Méthode d').
Ordre de la vie spirituelle.
Ordres miliuires.
Onlres religieux.
Orteoy (Jean d* ).
Oodfsu (Joseph).
Otfen (Saint).
Onltremao (Philippe d*).
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